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(Dix heures dix-sept minutes)
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): À l'ordre, mesdames, messieursl
La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux sur
le projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles. Nous en sommes au chapitre XI, Compétence de la
commission et droit d'appel. Je demanderais au secrétaire s'il y a des
remplacements ou des changements concernant les membres de la commission.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a deux
remplacements pour cette séance. M. Bourbeau (Laporte) est
remplacé par M. Maltais (Saguenay) et M. Maciocia (Viger) est
remplacé par Mme Saint-Amand (Jonquière).
Compétence de la commission et droit d'appel
(suite)
Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata):
Merci. Je disais qu'on était au chapitre XI. Avant d'entreprendre
l'article 331, M. le ministre, avez-vous des commentaires sur le chapitre au
complet?
Commentaires généraux M. Raynald
Fréchette
M. Fréchette: Oui, M. le Président, et c'est
conforme à la politique que nous avons adoptée depuis le
début de nos travaux, à l'intérieur de notre commission,
de procéder à une discussion d'ordre général quand
on aborde un chapitre qui est d'une importance capitale. L'on va convenir avec
moi que ce chapitre XI, qui réfère aux mécanismes d'appel
qu'on pourrait retrouver dans la loi est, effectivement, l'un des chapitres les
plus importants de la loi, parce que ces mécanismes vont reproduire les
processus par lesquels les parties - quand je réfère aux parties,
évidemment, je pense autant aux employeurs qu'aux accidentés -
auront l'assurance que non seulement justice sera rendue, mais qu'il y aura
apparence, également, que justice aura été rendue.
Vous permettez, à ce stade-ci, M. le Président, une petite
incidente, pour rappeler aux membres de la commission que les mécanismes
que nous allons retrouver dans la loi, si le cheminement se fait jusqu'à
l'adoption de mécanismes d'appel externes, seront des mécanismes
exclusifs dans tout le Canada?
Il n'y a pas une seule commission de la santé et de la
sécurité au Canada qui, actuellement, peut faire réviser
par un tribunal externe les décisions qu'elle a déjà
rendues, sauf l'Ontario depuis le mois de décembre dernier qui a
adopté une loi en vertu de laquelle l'appel est possible pour les seuls
problèmes ou phénomènes d'indemnisation. Tout le reste,
toute décision autrement rendue par les commissions partout au Canada ne
sont pas appelables à l'extérieur.
Convenons également, M. le Président, que, comme
c'était un chapitre de l'importance qu'on sait, il nous fallait, de part
et d'autre, prendre le temps de pousser la réflexion jusqu'à la
limite. Il nous fallait également procéder à une
évaluation des différentes argumentations qui nous
été soumises depuis que la loi est à l'étude et,
finalement, arriver à mettre des propositions concrètes sur la
table.
En le faisant, je suis bien conscient que nous allons nous retrouver
devant cette espèce de fatale impossiblité de répondre aux
revendications, aux exigences, aux représentations qui nous
été faites par les parties. Je pense ne pas avoir besoin
d'insister sur le fait que nous sommes en matière contradictoire, nous
sommes en matière qui peut très difficilement, surtout à
cet égard, déboucher sur des consensus, de sorte que nous allons
devoir, après l'analyse dont je viens de parler, procéder
à certains arbitrages pour retenir des mécanismes d'appel dont
les seuls objectifs, peu importent les formules qui seront retenues, seront de
donner un meilleur service à l'ensemble de la clientèle qui,
quotidiennement, doit transiger avec la Commission de la santé et de la
sécurité du travail.
Des voix: Oh! Oh!
M. Fréchette: Est-ce une alarme? Je ne sais pas, M. le
Président, comment vous interprétez le signal qui nous est
lancé.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre, pour moi aussi, c'est un
signal qui est étranger, alors on va continuer et si ça se
reproduit...
M. Fréchette: Tant qu'il ne sera pas permanent.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Oui.
M. Fréchette: Alors, ces considérations d'ordre
général étant faites de façon très rapide,
je n'en disconviens pas, venons-en maintenant aux propositions concrètes
quant aux différents modes d'appel que je propose pour adoption à
la commission parlementaire dans laquelle nous sommes.
D'abord, M. le Président, il est devenu évident, à
la suite des audiences des mois de mars et d'avril 1984, que toutes les parties
-et, quand je parle de toutes les parties, je fais référence
autant aux parties patronales que syndicales ou aux représentants
d'associations d'accidentés - n'étaient pas satisfaites de
l'état actuel de la situation quant aux mécanismes d'appel. Je
fais référence de façon plus particulière au bureau
de révision suivant la forme, la formule, qu'on lui connaît
actuellement. Je ne reviendrai pas sur son mécanisme de fonctionnement,
tout le monde le connaît. On en a entendu parler depuis un an et demi que
nous sommes à l'étude de la loi, donc cela ne m'apparaît
pas utile pour les besoins de notre discussion de revenir sur ce
mécanisme-là.
Faut-il y trouver un substitut? Je suis l'un de ceux qui croient que
oui, M. le Président. Quelle serait, par ailleurs, la nouvelle formule
qu'il faudrait retenir? Il nous faudrait garder un mécanisme qui
permettrait que la décision rendue en toute première instance par
l'agent ou le fonctionnaire chargé du dossier, que cette décision
puisse être réévaluée par un autre organisme qu'on
pourrait continuer d'appeler un bureau de révision ou d'un tout autre
nom, si des suggestions peuvent être faites à cet égard,
mais qui feraient en sorte que la révision de la décision du
fonctionnaire serait réévaluée par un organisme qui aurait
le caractère de la parité. Retenons que toute la philosophie de
la santé et de la sécurité, à partir de l'adoption
de la loi 17, a été axée sur ce mécanisme dont je
viens de parler, c'est-à-dire la nécessité de faire en
sorte que l'ensemble des parties soit représenté aux
différents paliers décisionnels. À partir de cette
première considération, il me semble que l'on devrait respecter
aussi dans cet éventuel bureau de révision le même principe
ou le même phénomène de parité. Quelle pourrait
être la composition de cet organisme dont je viens de parler? Il me
semble, M. le Président, que l'on devrait retrouver à la
présidence de cet organisme un fonctionnaire de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Je sais que plusieurs
ont manifesté des objections à cet égard, mais je vais
essayer de vous expliquer pourquoi j'en arrive à cette conclusion.
D'abord, le président dont on parle serait, évidemment,
une personne qui aurait été, en quelque sorte, avalisée
par le conseil d'administration. Il est évident que nous ne
retrouverions pas à la présidence de ces bureaux de
révision un fonctionnaire, un agent ou une personne dont le "ballottage"
-entre guillemets - n'aurait pas été fait au conseil
d'administration de la commission. Deuxièmement, la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, en vertu du mandat que
la loi lui confère est l'organisme qui est habilité à
exercer - je ne dirai pas un contrôle - à évaluer la
façon dont les deniers qui lui sont confiés aux fins
d'administration sont utilisés. Et cela m'apparaît un autre
phénomène important qui devrait nous amener, il me semble,
à la conclusion que ce président d'organisme devrait être
un fonctionnaire de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail.
Comment les membres qui représenteraient les parties dans ce
bureau de révision seraient-ils nommés? Je vous signale tout de
suite, M. le Président, qu'à cet égard, je suis tout
à fait disposé à discuter des modalités de
nomination, si encore la proposition que je m'apprête à faire
n'était pas agréée ou retenue par les membres de la
commission. Il me semble que la partie syndicale qui siège au conseil
d'administration de la CSST devrait pouvoir procéder à identifier
des personnes qu'elle souhaiterait voir siéger au bureau de
révision pour "représenter" - entre guillemets - les
intérêts des accidentés devant ce bureau de
révision. D'autres m'ont signalé, à l'occasion de
discussions et de conversations, que l'on ne devrait pas retenir
l'étiquette d'assesseur syndical ou d'assesseur patronal. Ce ne devrait
être dans l'évaluation de certains que des assesseurs, point, sans
l'étiquette dont je viens de parler. Et des assesseurs qui, eux aussi,
devraient être nommés par le conseil d'administration. Je vous
dirai à cet égard, encore une fois, que je suis tout à
fait ouvert à la discussion. Le même phénomène,
évidemment, existerait pour la partie patronale qui aurait la
possibilité d'identifier les personnes qu'elle voudrait voir
siéger aux bureaux de révision dans les différentes
régions du Québec. Encore une fois, cela nous permettrait, comme
je le disais il y a un instant, de respecter ce principe de laparité.
Il y a un autre élément essentiel à
côté duquel on ne peut pas passer. Ce bureau de révision,
s'il était constitué de la façon dont je viens de parler,
devra avoir une constante préoccupation d'assurer le suivi de la
jurisprudence qui sera établie à l'intérieur de ces
bureaux de révision. Il me paraît évident que, s'il fallait
retenir la
formule que l'on devrait avoir un bureau de révision externe
à l'intérieur duquel on ne retrouverait personne de la Commission
de la santé et de la sécurité, l'assurance de ce suivi et
du respect de la jusrisprudence ne sont absolument pas garantis. (10 h 30)
En d'autres mots, si vous aviez des organismes externes
indépendants, rien ne nous garantit contre la possibilité que,
dans un dossier dans lequel les discussions procèdent exactement des
mêmes principes ou des mêmes phénomènes, nous
n'allons pas nous retrouver avec une décision tout à fait
contradictoire selon qu'elle vient d'une région plutôt que d'une
autre. C'est un des motifs principaux pour lesquels je suis d'avis qu'il
faudrait que cet organisme soit présidé par un fonctionnaire de
la commission.
Il y a un deuxième motif qui est, celui-là, d'ordre
beaucoup plus technique, beaucoup plus pratique. C'est la préoccupation
que l'on doit avoir quant à la mise sur pied d'un semblable organisme.
Si l'on doit retenir une formule qui ferait en sorte qu'il s'agirait d'un
organisme externe, soyons conscients des conséquences, en termes
pratiques, que cela peut avoir. Cela voudrait dire l'implantation d'un greffe,
sinon d'un greffe régional, très certainement d'un greffe pour
tout le Québec; cela voudrait dire l'embauche de nouveaux
employés; cela voudrait dire également ce danger quant è
la jurisprudence dont je parlais tout à l'heure; cela voudrait dire,
à toutes fins utiles, un autre tribunal externe par rapport à la
situation que l'on connaît actuellement. Et cela remettrait très
sérieusement en question l'opportunité ou la
nécessité d'avoir un deuxième palier externe d'appel, si
déjà on en avait un premier duquel serait complètement
absente la Commission de la santé et de la sécurité du
travail.
Retenons également que la proposition qui est sur la table et qui
est contenue dans la loi actuellement. C'est que toutes les décisions
rendues par les fonctionnaires ou les agents affectés aux dossiers vont
devenir des décisions dont on pourra maintenant faire appel. Dans ces
circonstances, il me paraît évident, à cause d'un certain
nombre de phénomènes sur lesquels on pourrait s'étendre,
si c'était nécessaire, que l'on doive retenir une formule qui
permettrait que la commission puisse être partie prenante à la
décision de première instance. Voilà, M. le
Président, pour cet aspect de l'appel qui touche la révision.
Et cela nous amène à dire un mot maintenant de l'autre
palier d'appel qui serait une commission d'appel externe, complètement
indépendante de la Commission de la santé et de la
sécurité. L'on sait là-dessus qu'il y a un débat de
fond, un débat fort important qui a été alimenté
par les réflexions que nous a soumises, la semaine dernière, M.
le juge Poirier de la Commission des affaires sociales. Les uns sont des
partisans avoués et convaincus de la nécessité de garder
à la Commission des affaires sociales son actuelle juridiction. La
première question qui me vient à l'esprit, c'est: Si, de fait,
c'est vers cette décision-là qu'il fallait aller, est-ce que ceux
qui ont cette conviction sont également convaincus que cette même
Commission des affaires sociales peut également absorber, au-delà
de la juridiction qu'elle a déjà en matière
d'indemnisation, toutes les autres matières qui deviendraient
appelables? C'est la première question qui nous confronte et à
laquelle nous devons essayer de répondre.
M. le Président, je suis un de ceux qui croient, quand l'on
considère qu'au seul chapitre de la réparation, du droit à
l'indemnité, du quantum de l'indemnité, de l'indemnisation
consécutive à l'exercice du droit au retrait préventif, il
y a actuellement quelque 4300 dossiers qui sont en suspens et, dans quelques
mois, nous a dit le juge Poirier, il faudra en ajouter un nombre d'un peu plus
de 5000 qui constituent l'accumulation des dossiers des deux dernières
années. C'est probablement un des motifs pour lesquels le juge Poirier,
dans la description qu'il nous a faite de la situation qui prévaut, nous
dit qu'il y a certaines matières, en tout cas - c'est une de ses
conclusions; je n'ai pas précisément à l'esprit laquelle,
si c'est la première, la deuxième ou la quatrième ou la
cinquième - mais il y a une des conclusions sur laquelle le juge Poirier
est ferme. Il nous dit, expressément, qu'il ne croit pas son organisme
actuellement habilité à entendre, par exemple, des
matières de classification, des matières d'évaluation de
décisions de fermeture d'usine pour des motifs de santé ou de
sécurité. Il me semble que le juge Poirier nous a dit cela et on
retrouve cela d'ailleurs dans le document qu'il nous a remis.
L'autre renseignement que nous a communiqué le juge Poirier et
qui a retenu mon attention, c'est que, nous dit-il, avec la juridiction qui est
la sienne actuellement, la Commission des affaires sociales aurait atteint une
espèce de seuil en termes d'augmentation de ressources humaines et de
toute évidence aussi je pense que, par présomption, on peut
arriver à cette conclusion, en termes également de matière
qu'elle est appelée à traiter.
Je vais seulement suggérer aux collègues de
réfléchir sur ce que pourrait devenir le "caseload" des
matières dont on appellerait au chapitre de la réadaptation par
exemple, qui est une matière qui devient appelable et qui ne
l'était pas; au chapitre de l'exercice du droit de retour au travail, ce
n'était pas appelable, ça le deviendrait; au chapitre de la
cotisation d'un employeur, de sa classification. On en a fait l'identifi-
cation; il y a un peu plus de 25 matières qui pourraient, si la
loi était adoptée telle que les textes le suggèrent,
devenir appelables par rapport à une matière qui existe
actuellement.
M. le Président, je partage l'opinion du député de
Sainte-Marie quand il nous dit, dans sa conclusion générale de
l'autre jour: C'est une situation ou, alors, c'est l'autre. En d'autres mots,
l'on conserve les mécanismes que l'on connaît actuellement, ou on
y va avec une commission d'appel externe et on lui donne toutes les
matières d'appel.
Je serais difficilement enclin à accepter une argumentation en
vertu de laquelle il faudrait commencer à départager parmi les 25
matières dont je parle celles qui pourraient être appelables
à la Commission des affaires sociales et celles qui ne le seraient pas.
Je répugne à commencer à faire le tri de ces
matières et à dire que la réadaptation pourrait être
appelable, mais la classification ou la cotisation, comme c'est technique,
comme c'est administratif, ce ne serait pas appelable. C'est le genre de
phénomène auquel j'aurais beaucoup de difficulté à
me rallier.
C'est l'un ou c'est l'autre. Ou l'on conserve les mécanismes
actuels avec les inconvénients et les avantages qui existent, bien
sûr, parce qu'il y en a, ou on retient la proposition de créer
cette commission d'appel externe qui intégrerait toutes les
matières de santé et de sécurité.
J'ai été impressionné, au tout début de nos
travaux, par des réflexions que nous a soumises le député
de Brome-Missisquoi sur la nécessité qu'un organisme comme
celui-là ait tous les caractères de l'objectivité, de la
neutralité et d'un complet pouvoir d'autonomie. L'argumentation du
député de Brome-Missisquoi à cet égard a retenu mon
attention. Le député de Brome-Missisquoi, effectivement, a fait
une analyse de ce principe que tout le monde connaît et qui veut que non
seulement justice doit être rendue mais qu'il y ait apparence que justice
a été rendue. C'est pour cela, à partir de cette
réflexion, que l'organisme dont la création est proposée,
ne dépendrait pas du ministre responsable de l'application de la Loi sur
la santé et la sécurité du travail. Je conviens
parfaitement bien que ce ministre responsable de l'application de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail et de la Loi sur les
accidents du travail pourrait, à un moment donné, se retrouver
dans des situations pour le moins inconfortables, s'il était
également celui à qui le ou les responsables de la commission
d'appel en matière de santé et de sécurité devaient
rendre compte de leur mandat. Je ne disconviens pas, bien au contraire, je
souscris totalement à - cette thèse qu'il faut faire en sorte que
ce ne soit pas le ministre responsable de l'application de ces deux lois qui
soit en même temps responsable de l'application ou, enfin, de la mise en
marche et du fonctionnement de la commission d'appel en matière de
santé et de sécurité. Pour ce motif, M. le
Président, je serais disposé à retenir que l'organisme
devrait répondre de son administration au ministre de la Justice et non
pas au ministre du Travail.
L'autre aspect important, M. le Président, et c'était
là aussi une préoccupation de fond, une préoccupation de
principe - on l'a souvent entendu d'ailleurs, tout au cours des discussions
depuis que la loi est sous étude - c'est cette préoccupation, en
vertu de laquelle on nous dit: Oui, que cela dépende du ministère
de la Justice, cela va; que le ministre responsable de l'application des deux
autres lois n'ait rien à y voir, cela va aussi; mais il y a un
phénomène de fond devant lequel on se retrouve et qui,
celui-là, est très difficilement "contournable", si l'expression
existe. C'est celui qui veut qu'une commission d'appel comme celle-là,
toute chose étant normale, verrait ces coûts assumés par
les cotisations des employeurs. Cette argumentation, quand on la pousse
à la limite, c'est de dire: Voici les employeurs qui vont maintenant se
payer des juges en quelque sorte. C'est la réflexion qu'on a entendue
jusqu'à maintenant et qui, quant à moi, n'est pas du tout
dénuée de sens. Elle est, sur le plan des principes, fort
préoccupante. C'est la raison pour laquelle on a essayé, depuis
le temps que la réflexion se fait sur ce chapitre, de trouver une
formule qui ferait disparaître cette difficulté bien que, M. le
Président, il faille nous sensibiliser à plusieurs argumentations
qu'on a entendues depuis le début de nos travaux et qui vont dans le
sens de dire: Tout ce qui touche à la santé et à la
sécurité doit être assumé par les employeurs. C'est
une argumentation de fond qui est revenue constamment pendant tous nos travaux.
On nous dit ici, quand on parle d'un organisme d'appel de l'externe, il y a
peut-être lieu de réévaluer le principe quant au fait que
l'employeur doit assumer le paiement du fonctionnement de cette commission
d'appel. (10 h 45)
Quoi qu'il en soit, M. le Président, et pour être bien
sûr que cette difficulté ne fasse plus d'obstacle à qui que
ce soit sur le plan des principes, je serais disposé à proposer
la formule suivante. D'abord la loi, telle qu'elle est écrite
actuellement, contient déjà des garanties importantes comme, par
exemple, le fait que la Commission de la santé et de la
sécurité n'a rien à voir dans l'élaboration et la
préparation du budget de la commission d'appel, par exemple, le fait
qu'après une année d'exercice, la facture est payée par le
gouvernement qui la réclame à la Commission de la santé et
de la sécurité
du travail. Tout cela est déjà dans la loi. Mais je pense
qu'il y a une formule, qui pourrait être retenue, qui ferait en sorte que
les difficultés de principes dont on parle depuis un bon moment
disparaîtraient complètement, et ce serait la suivante: Le
gouvernement, chaque année, accorde ou paie à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail un certain montant pour
faire progresser le phénomène de l'inspection. Il y a, chaque
année, une subvention qui tourne autour d'une vingtaine de millions de
dollars, qui est prise à même les fonds gouvernementaux, qui est
remise à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail aux fins dont je viens de vous parler.
M. le Président, ce que l'on pourrait faire, ce serait de dire
que le gouvernement va assumer le paiement du fonctionnement de la commission
d'appel, mais qu'il va déduire d'autant le montant qu'annuellement il
transmet à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail aux fins d'inspection dont on vient de
parler. Si la subvention dont on parle est de 20 000 000 $ et que le
fonctionnement de la commission, pour une année, s'établit
à 3 000 000 $ ou 4 000 000 $, la Commission de la santé et de la
sécurité du travail recevra une subvention de 16 000 000 $ ou 17
000 000 $ au lieu de recevoir une subvention de 20 000 000 $. Enfin,
après avoir évalué l'ensemble de la situation sous tous
ses angles, les objections de principe dont on a parlé depuis le
début pourraient se retrouver ainsi complètement
contournées et ne plus être, à cet égard,
préoccupantes.
Ce sont les grands paramètres, M. le Président, qui
constituent les propositions gouvernementales. C'est bien sûr que
lorsqu'on amorcera l'étude article par article du chapitre XI, on va
devoir entamer et poursuivre des discussions de techniques, des discussions de
modalités, mais je pense qu'au niveau des paramètres
généraux, des principes généraux, j'ai
essayé de soumettre à la commission les propositions sur
lesquelles le gouvernement s'est arrêté et qu'il voudrait
soumettre à la discussion de notre commission.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Viau, si vous
voulez prendre la parole.
M. William Cusano
M. Cusano: M. le Président, j'aurais pensé
qu'après l'ajournement d'hier matin, la réflexion du ministre,
ses consultations, ce matin, on aurait entendu un discours un peu
différent de ce qu'on a déjà entendu depuis le
début de nos travaux. Le ministre nous suggère quelques petits
changements un peu cosmétiques, et j'y reviendrai tout à
l'heure.
Premièrement, je voudrais faire un petit résumé,
à ce moment-ci, des critiques - avant que le ministre ne se lève
de sa chaise, je dois lui dire que ce n'est pas de la CSST dont je ferai des
critiques à ce moment - mais des critiques que nous avons entendues sur
la question du mécanisme d'appel existant et celui qui sera
adopté d'ici à la fin de nos travaux.
En ce qui concerne les bureaux de révision, je crois que le
ministre devrait être d'accord avec le fait que les gens qui sont venus
témoigner, ici, en commission parlementaire avaient une perception de
ces bureaux de révision comme étant une extension de la CSST
où ces bureaux de révision étaient juge et partie,
où ces bureaux de révision ne faisaient que regarder à
nouveau des directives administratives de la CSST et, dans les faits, rien ne
changeait de la décision qui était rendue en première
instance par les agents de la commission. Même si dans certains cas
justice était rendue, parce que je ne mets pas en doute les personnes
qui forment ces bureaux de révision, dans son fonctionnement et dans ses
jugements, définitivement, on peut dire que même s'il y avait
justice, il y manquait certainement ce que le ministre et plusieurs avocats
citent comme le manque d'apparence de justice. De cette situation et de cette
évaluation, le ministre a procédé à nous
suggérer une révision administrative. En regardant une telle
révision, il nous suggérait une structure où la CSST
aurait été considérée encore plus comme juge et
partie et, encore plus, il y aurait un manque d'apparence de justice.
Les plaintes de l'autre part, du côté patronal, en ce qui
regarde les bureaux de révision actuels, c'est le fait qu'il y avait
'des sujets qui n'étaient pas appelables devant une autre instance. En
ce qui nous concerne, M. le Président, oui, nous sommes en faveur d'un
tribunal, d'un palier où il y aurait un triage des causes et où
on essaierait le plus facilement ou le plus rapidement possible d'en arriver
à des décisions justement pour ne pas qu'il y a d'engorgements
à un autre niveau, que ce soit à la Commission des affaires
sociales ou que ce soit au nouvel organisme que le ministre nous propose.
Avec la structure proposée, je pense qu'avant même de
pouvoir l'aborder encore plus, il faudrait voir un peu certains
scénarios, c'est-à-dire que si l'on parle maintenant d'un
tribunal, d'un conseil arbitral - on n'a pas encore tout à fait
défini les termes - j'ai l'impression que les retards seraient
même considérables. Présentement -et je suis prêt
à être corrigé par les gens de la CSST - au bureau de
révision, il semble y avoir des retards d'environ six mois
présentement puisqu'on s'attend - encore selon les chiffres du rapport
annuel - qu'il y aurait environ 10 000 cas par année devant les bureaux
de révision. Si l'on regarde la
situation actuelle, les délais, si l'on regarde la structure qui
y est proposée, qui me semble encore plus lourde, il faudrait, à
un certain moment, voir à ce qu'on nous présente un tableau
justement pour regarder si on va vraiment diminuer les délais à
ce niveau.
En ce qui concerne l'appel devant la Commission des affaires sociales -
je l'ai dit à maintes reprises, je le dis ce matin encore - la seule
critique qu'on puisse leur faire c'est la critique précisément de
l'engorgement qui n'est pas la faute de la Commission des affaires
sociales.
Maintenant, le ministre parlait tout à l'heure de la question de
"caseload". Il n'y a rien qui va indiquer que les "caseload" seraient
différents devant le nouvel organisme qui va être
créé, même il va y en avoir beaucoup d'autres, il l'a dit
lui-même. Il ne nous a présenté aucun espoir, justement,
selon lequel les délais seraient diminués. Encore-là, on
est inquiet devant les mesures transitoires où vous allez avoir un
tribunal qui aura à se pencher sur certains aspects des cas qui sont
déjà inscrits et un autre tribunal qui aura à se pencher
sur des cas semblables, à l'exception de la cotisation et de la
classification. On n'a aucune assurance de la part du ministre, justement, que
les retards seront moins longs. On n'a pas besoin... on a mentionné une
possibilité, et messieurs les députés autour de cette
table, préparez-vous parce qu'on va entendre ces gens-là venir
dans nos bureaux. On sait qu'il va y avoir une décision de la Commission
des affaires sociales qui sera contradictoire à une décision d'un
cas semblable d'un nouvel organisme. Pour ceux qui auront des solutions
à suggérer à ce moment-là, je leur souhaite bonne
chance.
Un autre aspect qui me semble très important en ce qui concerne
la Commission des affaires sociales c'est que même le ministre ne lui
trouve vraiment rien de mauvais puisque l'organisme qu'il suggère, c'est
quasiment le même, c'est la structure en duplicata, si l'on veut, "it is
a carbon copy" de la Commission des affaires sociales. En ce qui me concerne,
cela veut dire que le vrai problème, dans ce cas-ci, c'est la question
d'engorgement et non la question de fonctionnement de la Commission des
affaires sociales. On est d'accord avec lui qu'on ne peut pas commencer
à faire une distinction, justement, entre ce qui relève d'un
tribunal ou de l'autre. On est d'accord avec le fait qu'il faut absolument
qu'un organisme ait à traiter de l'un ou l'autre, de la
totalité.
M. le Président, les arguments du ministre en faveur d'un nouveau
mécanisme de bureau de révision soulèvent certaines
craintes: des craintes de délais, de bureaucratie, de coûts.
Lorsqu'on parle de l'autre commission d'appel, justement, avec toute la
bureaucratie que cela engendre, on parle des coûts. Le ministre a dit: Si
c'est une inquiétude de l'Opposition, on va diminuer la subvention
gouvernementale à la CSST pour l'inspection; on va la diminuer de 5 000
000 $ ou 6 000 000 $ par année. Là, je n'y comprends plus rien
parce que l'inspection, d'après moi, a quelque chose à voir avec
la prévention de ces accidents. On sait déjà fort bien que
l'inspection laisse beaucoup à désirer. Là, on arrive avec
une formule qui ne change rien, c'est-à-dire qui ne change rien à
la façon de payer le tribunal, mais on va enlever de l'argent à
l'inspection. Cela, c'est vraiment "cohérent", c'est comme cela qu'on va
éliminer des accidents du travail, en diminuant le budget de
l'inspection. Franchement, ce matin, je dois vous dire que j'ai beaucoup de
difficulté à comprendre l'argumentation du ministre.
Le ministre a fait son choix concernant les bureaux de révision.
On aurait même souhaité... Si on fait l'analyse bien claire de ce
qui nous a été dit, c'est que les gens voulaient que ce soit un
tribunal, un palier d'appel où ils pouvaient se faire entendre. La
critique a été contre la révision administrative. Les gens
voulaient se faire entendre et, du côté patronal, la critique
envers les bureaux de révision, je le répète, a
été une critique où ils souhaitaient avoir un autre palier
d'appel. (11 heures)
C'est ça que le ministre a pondu. Nous, nous n'en sommes pas trop
heureux et pour le ministre, comme il le dit très souvent, c'est un
choix. C'est peut-être politique, le choix qu'il a fait et qui demeure.
On va essayer, autant que possible, d'améliorer sa proposition. Mais il
reste qu'il me semble incohérent de prendre un organisme qui fonctionne
très bien, un organisme à la Commission des affaires sociales qui
fonctionne, qui est très efficace, et d'en bâtir un autre
où on ne connaît pas les coûts et cette façon de nous
arriver avec une solution pour l'apparence de justice, l'imputation des
coûts, je la trouve déraisonnable.
Si le ministre est vraiment préoccupé par les coûts,
il serait peut-être favorable à ce qu'on puisse maintenir une
espèce de statu quo en ce qui concerne les bureaux de révision,
en tant que paliers d'appel et de permettre que ce qu'on peut considérer
comme aspect technique de l'application de la loi, que même cela soit
appelable.
C'est avec ça, M. le Président, que je termine mon
intervention ce matin. Peut-être, pour essayer de nous convaincre - je
répète la demande que j'ai faite tout à l'heure - il
pourrait faire une espèce de scénario pour voir comment les 10
000 cas et plus devant cette nouvelle structure de bureau de révision,
combien de cas seront traités par semaine, combien de cas par
année, et ainsi de suite, et les délais auxquels on
pourrait s'attendre.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Je pense que le ministre avait quelques
éléments de réponse à apporter.
M. Fréchette: Oui, très rapidement, M. le
Président, sur un ou deux aspects...
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre, vous préférez
répondre tout de suite?
M. Fréchette: Oui, j'aime autant le faire tout de suite,
M. le Président.
M. Bisaillon: ...M. le Président, on n'est pas pour
l'empêcher de parler!
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): D'accord.
M. Fréchette: Je pense qu'au tout début de nos
travaux, le député de Sainte-Marie était sans doute
occupé à d'autres choses fort importantes. On a convenu qu'on
n'allait pas s'enferrer dans la procédure.
M. le Président, il y a une première observation que je
voudrais vous soumettre, à la suite de l'argumentation que vient de nous
communiquer le député de Viau. Il a de la difficulté
à comprendre certains de mes raisonnements; je vous signale que j'ai un
petit peu de difficulté aussi à le suivre intégralement
dans l'une ou l'autre des argumentations qu'il a développées.
Par exemple, il dit: Les bureaux de révision actuels sont
perçus comme une créature de la CSST et sont perçus comme
des instances à l'intérieur desquelles il n'y a même pas
apparence que justice est rendue. Assez curieusement, en conclusion de son
argumentation, il dit: II faudrait garder ces organimes-là. Je vous
signale, M. le Président, que j'essaie de voir comment on peut aligner
ces deux réflexions ou ces deux argumentations et arriver à une
conclusion qui respecte les principes élémentaires et
fondamentaux de la logique. D'une part, encore une fois, un organisme qui n'a
pas de crédibilité, qui est perçu comme une
créature de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, qui rend sans doute justice, mais qui, en
apparence, donne l'impression de ne pas rendre justice et, malgré ces
lacunes, ces défauts ou ces difficultés, il faudrait quand
même conserver le mécanisme lui-même.
Deuxièmement, M. le Président, toujours dans cette veine
de nous dire que le bureau de révision actuel n'a pas ses lettres de
créance auprès de la clientèle qui va devant lui, je
voudrais simplement lui signaler que 55% des décisions du fonctionnaire
qui a ouvert le dossier et qui sont transmises au bureau de révision
sont modifiées. Quand on fait l'évaluation des causes dont les
jugements sont modifiés en instance d'appel, je signale que c'est une
proportion de modification de la décision du fonctionnaire qui est
impressionnante.
Le député de Viau nous dit maintenant: Avec l'organisme
dont vous suggérez la mise sur pied, il y a un danger qui nous guette,
et c'est celui d'accumuler un retard considérable, le retard moyen, dans
l'état actuel des choses, au bureau de révision, étant
d'à peu près six mois. Je voudrais simplement attirer l'attention
du député de Viau sur le fait qu'actuellement, aucune disposition
de la loi n'impose au bureau de révision quelque délai que ce
soit pour rendre une décision. Dans les dispositions que contient la
loi, il est indiqué que le nouveau bureau de révision
procéderait - ce n'est pas falcultatif - obligatoirement à
l'audition de la cause dans les trente jours de son inscription au bureau de
révision et procéderait également à rendre
jugement, è rendre décision ou à rendre sentence dans les
vingt jours de la fin de l'audition. Il me semble qu'en mettant des contraintes
de cette nature, ça fait complètement disparaître le danger
dont parle le député de Viau.
Une dernière observation, M. le Président. Là, j'ai
vraiment de la difficulté à souscrire à l'argumentation du
député de Viau quand il nous fait un reproche amer de retrancher
de la subvention annuelle en matière d'inspection pour que le
gouvernement puisse assumer le coût du fonctionnement d'une commission
d'appel. Mais c'est fort simple, le mécanisme qu'il y a derrière
ça. On dit que pour respecter les principes d'apparence de droit,
l'employeur ne doit pas payer les mécanismes de fonctionnement de cette
commission d'appel. Très bien. Cependant, il aurait été
prêt à le faire. Or, le gouvernement payant les mécanismes
d'appel et retranchant le montant dont il est question de cette subvention, ce
que l'employeur ne paiera pas pour assurer le fonctionnement de la commission
d'appel, il va le payer pour combler la différence entre le montant de
la subvention que le gouvernement accordera à la commission aux fins
d'inspection et le montant qui sera retenu de cette même subvention pour
payer les frais de fonctionnement de la commission d'appel. Il n'y a absolument
personne qui est perdant, à cet égard, les montants
affectés à l'inspection vont demeurer exactement les mêmes,
sauf que les cotisations des employeurs ne seront pas affectées de la
même façon qu'autrement elles auraient pu
l'être. Ce sont les trois observations que je voulais soumettre,
M. le Président.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Viau.
M. Cusano: Seulement quelques commentaires, M. le
Président. Lorsque j'ai parlé de maintenir le statu quo, j'ai
aussi dit, en même temps, qu'il faudrait tenter de corriger ce manque
d'apparence de justice. Sur l'aspect des délais, il semble dire que, du
fait qu'on inscrive dans la loi un délai d'environ 50 jours, parce qu'il
faut que le bureau rende une décision en dedans de 20 jours, c'est comme
si, à un certain moment donné, on disait: II ne doit pas neiger
demain matin. Je me demande, à ce moment-ci, s'il pourrait nous dire ce
qui se passera si la décision n'est pas rendu en dedans de 30 jours.
J'aimerais bien que le ministre précise cet aspect.
M. Fréchette: Ce pourrait être une formule, mais il
faudrait l'élaborer beaucoup plus avant de la retenir. Le
député de Viau va peut-être m'en vouloir un peu, mais je
vais me servir de ma déformation professionnelle pour répondre
à sa question.
Dans le Code de procédure civile, il y a des dispositions en
vertu desquelles un juge d'un tribunal de droit commun doit rendre jugement
dans les six mois de la fin de l'audition. Qu'arrive-il s'il ne rend pas
jugement? Il est purement et simplement dessaisi de la cause; elle est soumise
à un autre juge qui, à l'intérieur du même
délai, doit rendre jugement.
M. Cusano: C'est ça, et cela va avancer les causes?
M. Fréchette: Ce pourrait être exactement le
même mécanisme dans ce cas-ci. D'ailleurs, c'est ce que l'on
retrouve dans plusieurs conventions collectives. Quand un arbitre de griefs n'a
pas rendu sa décision dans les délais qui lui sont impartis, il y
a des dispositions conventionnelles qui prévoient qu'il perd sa
juridiction, le dossier lui est enlevé et il est soumis è
l'évaluation et à la décision d'une autre...
M. Cusano: Une autre...
M. Fréchette: ...instance arbitrale.
Le Président (M. Lévesque
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: M. le Président, commençons d'abord
par cette question des délais pour la clarifier une fois pour toutes.
Selon mon expérience dans le mouvement syndical, où la plupart
des conventions collectives ont des clauses renfermant des délais du
type dont le ministre nous a parlé, c'est-à-dire que l'arbitre
doit rendre son jugement dans les 30 ou 60 jours du moment où il a
entendu la cause, cela s'applique rarement. À toutes fins utiles, quelle
est la possibilité pour les parties d'imposer à l'arbitre de
rendre son jugement dans les délais prévus? Regardons cela
pratiquement: ou bien tu le dessaisis, tu prends les procédures dont le
ministre parlait pour le dessaisir de sa cause, auquel cas, on recommence. Je
veux dire que c'est un autre délai qui s'ajoute. Je peux bien dessaisir
le juge ou l'arbitre, mais je suis obligé de me faire réentendre
devant un autre qui a les mêmes délais, lui, pour rendre son
jugement. Donc, cela fait deux; ce n'est plus 20 jours, ce sera 40. Si cela
recommence avec le deuxième, ce sera 60.
L'autre empêchement pour prendre des procédures, c'est:
Quelle sera la partie assez audacieuse pour dire à l'arbitre avant qu'il
ne rende son jugement: Aiel Petit garçon, il faut que tu respectes ton
délai! Il pense toujours au type de jugement qui sera rendu. Si je
harcèle l'arbitre, il y a de grandes chances pour que ma cause soit
moins bien reçue qu'elle pourrait l'être. On peut bien l'inclure
dans des textes, mais, en pratique, ce genre de délais sont des voeux
pieux exprimés à ceux qui sont habilités à trancher
les problèmes, mais cela ne nous amène pas de façon
certaine à des jugements qui sont rendus dans des délais que la
loi ou que les conventions collectives prévoient. Je comprends que cela
manifeste une intention du législateur ou que cela manifeste une
intention des gens qui signent ou qui conviennent d'une convention collective,
mais c'est un tiers qui intervient. Ce tiers, avant de le contrôler
totalement, les parties y pensent à deux fois avant de prendre des
procédures. Voilà pour la question des délais.
Pour ce qui est du mécanisme proposé par le ministre,
séparons les choses. Parlons d'abord de la première instance, si
on veut, que cela s'appelle n'importe comment, de ce qui va se passer au niveau
d'une première instance et, deuxièmement, de l'appel final. Pour
ce qui est de la première instance, le ministre avait, à un
moment donné, semblé accepter l'idée que cet endroit
où on entendrait les causes en première instance pouvait
être indépendant de la CSST. Dans un deuxième temps, il est
revenu en disant: Ce doit être un fonctionnaire de la CSST qui va
présider cette première instance. II a évidemment
ajouté des balises à cela, dans le type de fonctionnement, qui
peut nous donner des garanties additionnelles. Mais il reste quand même
que, fondamentalement, il est revenu sur la démarche qu'il avait faite
de rendre la première instance la plus indépendante possible. On
se rapproche donc,
avec un fonctionnaire de la CSST président du bureau de
révision ou de l'appel de première instance, de la
révision administrative qui a été tant de fois
critiquée. Qu'on se rappelle aussi que, dans le témoignage du
juge Poirier devant les membres de la commission, on a pu constater qu'un bon
nombre d'appels pourraient être évités si au niveau de
cette audition de première instance il y avait un fonctionnement qui ne
limite pas les gens qui ont à se prononcer, qui ne les limite pas aux
directives administratives de la CSST. (11 h 15)
C'est toute la question qu'on a à se poser. Est-ce qu'on rend
cette partie de première instance complètement
indépendante de la CSST ou si on accepte que cela soit dirigé par
des fonctionnaires de la CSST? Je serais prêt à admettre, M. le
Président, que l'argumentation voulant que ce soit des fonctionnaires de
la CSST peut avoir du poids pour autant, cependant, qu'on va ajouter à
cela suffisamment de balises pour nous assurer que ce premier palier peut
régler des choses et nous empêcher d'avoir constamment à
aller en appel. Autrement dit, que ce soit un endroit où on règle
vraiment des choses; et il me semble qu'un certain nombre de balises devraient
être ajoutées à tout ce qu'a dit le ministre.
Je ne sais pas si le ministre en aurait nommé quelques-unes. Si
oui, tant mieux, mais j'en vois en partant un certain nombre, d'abord, dans le
choix de ce fonctionnaire. Si on tenait pour acquis que le tribunal ou
l'audition de première instance était dirigée par un
président fonctionnaire de la CSST, je pense que son processus de
nomination devrait être discuté et que ce processus devrait
comprendre une possibilité que ces gens-là soient nommés
par le conseil d'administration de la CSST et que l'une des deux parties
siégeant au conseil d'administration de la CSST puisse avoir un droit de
veto. Je dis cela comme ça. Probablement que ce n'est pas sous cette
forme-là qu'il faudrait le dire, mais on comprend ce que je veux dire,
que le fonctionnaire soit nommé par le conseil d'administration de la
CSST et que l'une ou l'autre partie, à l'usage et avec le fonctionnement
des tribunaux de première instance, puisse, à un moment
donné, mettre un veto sur la nomination suggérée au
conseil d'administration.
Une deuxième balise, ce serait dans ceux qui vont accompagner ce
président pour décider des objets d'appel. Le ministre a
déjà mentionné la possibilité que ce tribunal soit
un tribunal de trois personnes avec des gens nommés ou
représentant le côté syndical et d'autres
représentant le côté patronal. Je ne pense pas, quant
à moi, que ce soit une bonne orientation et il me semble plutôt
qu'il faudrait identifier un certain nombre de personnes - 20, 40, 50, 60 ou 80
- qui pourraient être choisies ou sélectionnées selon le
même principe qu'on utilise, par exemple, pour établir la liste
des arbitres au ministère du Travail, c'est-à-dire une liste de
personnes sur lesquelles doivent s'entendre les parties syndicales et
patronales siégeant au conseil d'administration de la CSST. On voit tout
de suite là qu'on aurait une série de spécialistes, de
personnes de bon jugement qui devraient forcément être retenues
à la fois par les représentants du monde syndical qui
siègent au conseil d'administration et les représentants du monde
patronal qui siègent au conseil d'administration de la CSST et que, par
la suite, on affecterait aux différentes auditions.
Il n'y aurait donc pas un caractère de représentation
syndicale ou patronale, mais on saurait qu'ils ont été retenus
à partir de l'analyse qu'on faisait à la fois du
côté syndical et du côté patronal sur leur ouverture
d'esprit, leur compétence, etc. Cette procédure de nomination
permettrait, en même temps, de régler toute la question de
l'arbitrage médical puisque, à ce moment-là, dans le
nombre de personnes qui pourraient être retenues, il pourrait y avoir des
médecins, par exemple, et lorsqu'il y aurait un aspect médical
qui devrait être traité à la première instance, on
n'aurait tout simplement qu'à adjoindre au président au moins un
médecin apparaissant sur la liste qui a fait l'objet d'entente. Cela
réglerait la question de l'arbitrage médical qui a posé
des problèmes et qui continue à en poser.
Le processus de nomination me semble important. Le fonctionnement aussi
de ce tribunal de première instance est tout aussi important. Il
faudrait, par exemple, pour éviter qu'on remonte constamment en appel,
que ce niveau de première instance tienne compte de la jurisprudence qui
s'établit et n'essaie pas constamment d'aller à l'encontre de la
jurisprudence pour respecter davantage les directives administratives que les
jugements déjà établis par les tribunaux d'appel sous
quelque forme qu'ils se présentent par la suite. Cela me semble des
choses dont il faudrait parler, dont il faudrait discuter et qui pourraient
permettre qu'on puisse s'entendre sur une formule comme celle
suggérée par le ministre qui permettrait d'avoir un lien entre
cette audition de première instance et la CSST mais, en même
temps, qui accorderait aux parties de même qu'à
l'efficacité de la loi suffisamment de garanties pour nous
empêcher constamment d'aller en appel.
Un dernier commentaire sur ce niveau de première instance. Je
pense qu'on devrait le rendre facultatif. C'est-à-dire que les parties
impliquées décident elles-mêmes si elles feront appel au
niveau de première instance ou si elles feront appel directement.
Lorsqu'une question, par exemple, a été
réglée et qu'il y a une jurisprudence abondante, il ne sert
à rien de perdre du temps à s'adresser à un niveau quand
on sait que le jugement a déjà été rendu sur des
cas similaires. On peut se tromper. Le tribunal peut penser, lorsqu'on se
présente devant lui, que ce n'est pas un cas similaire et que le
jugement doit être différent mais il me semble que la partie
devrait avoir la possibilité de choisir la procédure qu'elle va
suivre. Tout ce que cela peut servir à faire, c'est de restreindre des
délais, économiser du temps, de l'argent et des frais
d'administration.
S'il y avait toutes ces balises au niveau de la première
instance, il me semble qu'on aurait quelque chose qui pourrait être -
vous me pardonnerez le terme anglais "manageable". Non seulement cela, mais en
plus qui nous assurerait, qui nous donnerait des garanties à la fois que
les causes amenées au niveau de première instance soient
regardées à leur mérite et empêche ou tente
d'éviter le plus possible que les points qui ont été
discutés au niveau de première instance reviennent de
façon quasi automatique au tribunal d'appel.
Ce qui nous amène à parler du Tribunal d'appel. Que doit
être l'instance d'appel? La CAS, que l'on connaît actuellement,
avec sa section spécialisée dans les causes d'accidents du
travail, ou un nouveau tribunal complètement différent avec un
mandat spécifique pour traiter de toutes les questions relatives aux
accidents du travail?
D'abord, un premier commentaire. Il y a déjà des objets
concernant la santé et la sécurité du travail qui sont
traités par le Tribunal du travail. Il me semble que ces objets
devraient pouvoir rester au niveau du Tribunal du travail, parce qu'on parle de
choses particulières. Il me semble possible de conserver la juridiction
du Tribunal du travail sur ces objets-là. Je pense qu'il y en a deux ou
trois.
Tout le débat qui s'est fait pour déterminer s'il y aurait
un nouveau tribunal d'appel ou non ou si on conserve la CAS, s'est fait autour
de quoi? Il s'est fait sur des discussions de principe et sur la perception,
à tort ou à raison, que les intéressés avaient de
l'organisme qui traite actuellement des causes d'appel, c'est-à-dire la
Commission des affaires sociales.
Le ministre, dans ses commentaires, nous enlève des arguments qui
étaient contre le fait d'un nouveau tribunal d'appel. Qu'est-ce qu'on
reprochait au tribunal d'appel, comme il se présentait dans le projet de
loi? On lui reprochait de ne pas être indépendant. On craignait
l'intervention indue de l'employeur ou des employeurs. On craignait, du fait
que les employeurs se paient eux-mêmes des juges, selon le vieux principe
"Dis-moi qui te paie et je vais te dire à qui tu es redevable", qu'il y
ait trop d'emprise et pas assez d'indépendance de ce tribunal
d'appel.
Un bon nombre des éléments apportés aujourd'hui par
le ministre enlèvent ces craintes. Il faut reconnaître, par
exemple, que ce soit un nouveau tribunal d'appel et que ce tribunal
dépende du ministère de la Justice et soit entièrement aux
frais du gouvernement - l'on pourrait discuter de la façon plutôt
ambiguë avec laquelle le ministre procède pour aller chercher les
fonds, c'est une autre paire de manches -mais le fait que cela soit payé
par l'État, cela donne, en tout cas, une indépendance identique
à un nouveau tribunal d'appel que l'indépendance de la Commission
des affaires sociales. En ce sens, cela devrait normalement nous inciter
à convenir que c'est acceptable avec ce genre de balise. La question qui
reste cependant est: Pourquoi et comment? Comment on va procéder et
pourquoi on le fait? Le juge Poirier nous a indiqué qu'il y a environ
4000 dossiers qui sont en retard, qui souffrent de délais. Là, on
va appliquer une nouvelle loi et cette nouvelle loi va entraîner des
appels nouveaux, va entraîner aussi, je suppose, une réduction
d'un certain nombre d'appels qu'on avait dans le passé et qu'on n'aura
plus maintenant parce que les conditions seront changées ou que cela
fonctionnera mieux au niveau de la première instance. Il va aussi y
avoir une diminution.
Là, on dit: Le nouveau tribunal s'occuperait des nouveaux appels
et la CAS garderait sa juridiction pour les cas en suspens; cela
s'éteindrait tranquillement jusqu'à ce que les 4000 dossiers
aient été traités. Cela ne règle pas le
problème. Quand on essaie d'envisager cela de façon
mathématique, il y a 4000 dossiers en retard et supposons qu'il y en ait
2000 nouveaux durant les deux prochaines années, cela fait 6000 cas
à traiter de toute façon en deux ans. Qu'on le fasse à
deux instances ou à une, il va falloir traiter 6000 dossiers de toute
façon.
La CAS a déjà une organisation, son greffe fonctionne, il
y a une pratique. Là, on va recommencer cela à côté.
Une balise qu'on va devoir demander au ministre d'ajouter, s'il conserve son
idée d'aller vers un tribunal d'appel nouveau, c'est au moins de
profiter de l'expertise qu'il y a déjà à la CAS. Les
personnes qui sont là actuellement pour décider, il va falloir
que vous les transfériez. Il va falloir qu'on les prenne comme elles
sont à la CAS et qu'on les transfère au nouveau tribunal d'appel.
On va faire quoi, si on fait cela? Je vois difficilement qu'on ne puisse pas
faire cela. Habituellement, quand on procède à des
réformes administratives, la chose que l'on fait
régulièrement, c'est que le personnel qui faisait d'abord le
travail à un niveau, on le
transfère au nouvel organisme qui le fait maintenant ou qui est
habilité pour le faire maintenant.
Alors, ce sera le même monde, plus d'autres qu'on va rajouter.
Tout ce que l'on va faire, finalement, c'est changer de nom. Au lieu de
s'appeler la CAS, cela va s'appeler un nouveau tribunal. Il va y avoir comme
point de départ les personnes qui étaient à la CAS qui
vont se retrouver au nouveau tribunal, plus ceux qu'on va ajouter. Mais on sera
obligé de dépenser de l'argent sur le plan administratif pour
monter tout l'appareillage qui entoure la prise de décision: greffe,
communications, etc., alors que cela existe déjà à la
CAS.
La question qui reste, c'est: Pourquoi? Qu'est-ce qui peut nous
justifier de faire cela? Supposons que ce soit par un souci d'ordre, de
meilleure compréhension, je dis au ministre qu'il y a un autre
élément dont il faudrait tenir compte. Tout en reconnaissant
qu'on n'a plus le même type d'arguments qu'on pouvait avoir avant que le
ministre nous dise que le nouveau tribunal d'appel sera indépendant
parce que c'est l'État qui va payer, qu'il va être plus
indépendant parce qu'il va dépendre du ministère de la
Justice, tout en reconnaissant que cela ajoute des choses, tout en
reconnaissant que ce n'est pas fermé, non plus, et qu'on peut rajouter
d'autres balises s'il y avait un nouveau tribunal d'appel, je dis quand
même qu'il faut tenir compte de l'autre aspect et l'autre aspect est,
entre guillemets, "politique".
Les gens qui ont affaire actuellement à la CAS, ils veulent
garder cette instance, ils ont confiance en elle. Et ce n'est pas parce qu'ils
gagnent 90% du temps. Les chiffres nous démontrent que cela se partage
à peu près 50-50. Alors, ils ont confiance, actuellement. Des
gens sont venus à mon bureau de comté et je leur ai dit:
Écoutez, c'est deux ans. Cela prend deux ans avant d'avoir... Oui, mais
on a confiance. Ils veulent la CAS même en sachant qu'actuellement cela
va jusqu'à deux ans d'attente. (11 h 30)
C'est un élément important parce que, quand on fait une
loi, on la fait pour le monde; on ne la fait pas pour nous, on ne la fait pas
pour faire plaisir ni aux fonctionnaires qui la préparent ni aux
députés qui la votent. On la fait pour le monde à qui cela
va s'appliquer. Or, à tort ou à raison, ce monde continue
à dire: On veut garder la CAS. Je pense qu'à un moment
donné c'est le seul argument qu'il va nous rester et c'est
peut-être l'argument qui est le plus important en bout de course, parce
que tout le reste, on peut le régler. Au plan technique, tous les
arguments qui étaient invoqués et toutes les craintes qui
étaient invoquées par rapport au nouveau tribunal d'appel, on
peut régler tout cela, et le ministre a déjà
commencé à le régler en nous donnant des assurances de
l'indépendance de ce tribunal. Cela nous oblige à dire: Un
nouveau tribunal qui fonctionnerait de même, c'est bon; ce n'est pas
mauvais. Je suis obligé de dire cela et je trouve, si on veut être
honnête intellectuellement, qu'il faut qu'on le dise aussi. On ne peut
pas continuer à dire: Je veux juste un nom. Intellectuellement, on est
obligé de reconnaître qu'un tribunal d'appel qui, en y ajoutant
des choses, fonctionnerait comme le ministre l'a dit, cela nous donne des
garanties suffisantes pour avoir moins de craintes, en tout cas, qu'on n'en
avait au début. Le seul argument qu'il va nous rester, ce sera
celui-là et c'est un argument de poids que les parlementaires doivent
étudier sérieusement de la même façon que les
fonctionnaires de la CSST doivent en tenir compte. Pas plus les fonctionnaires
de la CSST que les membres de la commission ne sont là pour
eux-mêmes et ne font ce travail pour eux-mêmes. On est tous
convaincus de cela. Ils font le travail pour donner la loi la plus
satisfaisante à ceux qui vont en profiter par la suite. Alors, tenons
compte de cet argument.
Si jamais cet argument n'avait pas suffisamment de poids auprès
du ministre ou des députés ministériels, si les
électeurs et les électrices de leur comté continuent
à dire qu'ils veulent avoir la CAS comme tribunal d'appel et si on se
rendait compte qu'au niveau administratif, c'est plus facile de mettre un
nouveau tribunal d'appel, à ce moment-là je vais dire au
ministre: En plus des balises que vous avez mises, que vous avez
placées, il faudrait en placer deux ou trois autres, dont la
première serait de s'entendre, dès le départ, pour dire:
S'il y a un nouveau tribunal d'appel, toutes les causes vont être au
tribunal d'appel, y compris celles qui sont en suspens. Le juge Poirier nous a
alertés - il n'était pas le premier -sur le fait que des causes
nouvelles peuvent être en relation avec des causes déjà en
cours et qu'on a besoin du dossier complet d'un individu pour se prononcer. Une
nouvelle cause, ce peut être une aggravation et cette aggravation va se
juger en fonction du dossier qui est déjà en cours. Je
prétends que, s'il doit y avoir un nouveau tribunal d'appel ou si on y
arrive, au-delà de toutes les balises que le ministre nous a
annoncées, il faut qu'on prévoie le transfert des effectifs et
des causes qui sont actuellement devant la CAS à ce nouveau tribunal
d'appel.
Deuxièmement, il faudrait aussi qu'il soit très clair que
ce personnel du tribunal soit indépendant de la CSST, cette
fois-là. On n'est plus au niveau de la première instance. Il faut
vraiment que ce soit en dehors de la CSST; donc, qu'il soit clair qu'il n'y
aura pas de lien.
Troisièmement, il faudrait que l'article qui est apparu à
un moment donné - je ne sais pas si c'est dans le projet ou dans des
amendements qui sont venus par la suite; probablement que c'est dans une
série d'amendements qui avaient été déposés
- où on disait que le président du tribunal d'appel prévu
au projet de loi aurait une période de X mois - je pense que
c'était six mois -pour choisir le personnel du tribunal d'appel
disparaisse. S'il doit y avoir un nouveau tribunal d'appel, il faut qu'il y ait
transfert de ceux qui se préoccupent de ces questions-là
actuellement à la CAS et, après, qu'on complète les
effectifs du tribunal d'appel selon les formes prescrites par la Loi sur la
fonction publique et par le fonctionnement du ministère de la Justice
pour de telles nominations. Mais il faut qu'on nous donne ce genre d'assurance,
en partant, quant a ce tribunal d'appel qui pourrait exister, puisque je pense
que la discussion n'est pas terminée. Le ministre nous a annoncé
des intentions, mais on n'a pas fini de discuter et on n'a pas fini d'analyser
non plus, en termes de tribunal d'appel, ce qui va plaire le plus au monde en
fin de compte. Je pense qu'en termes techniques on peut donner le même
type de fonctionnement, et à la CAS et à un nouveau tribunal
d'appel. Il s'agit de savoir maintenant ce qu'on va garder en fonction du
monde. Si on s'en va vers un tribunal d'appel, je trouve qu'en plus des balises
que le ministre a données il faudrait qu'on ait au moins ces balises
additionnelles.
M. le Président, je voudrais terminer en ajoutant que toute cette
discussion autour de la CAS ou d'un nouveau tribunal d'appel laisse un
arrière-goût amer parce qu'il me semble que cela ne se discute
pas; il me semble que tous les arguments ne sont pas donnés ou que
toutes les craintes ne sont pas exprimées. Nous posons la question:
Pourquoi un tribunal d'appel nouveau? On se fait répondre: Pourquoi la
CAS? Pourquoi maintenir la CAS?
Il y a déjà un type de fonctionnement, cela a
déjà été éprouvé, cela a
déjà fait ses preuves. C'est là. Les gens aiment cela. Les
gens ont confiance dans cette instance. Nous disons qu'il faudrait
l'améliorer dans son fonctionnement. On pourrait dire: Les ressources
que l'État est prêt à assumer, donnons-les à la CAS
pour améliorer son fonctionnement. Ce n'est pas ce qu'on dit. II y a un
arrière-goût amer. On se demande pourquoi. Puis, le
véritable pourquoi n'est jamais mentionné.
Je suis sûr que cela n'est pas pour nommer du monde
identifié et identifiable. On ne créé pas un organisme
seulement pour cela. Il doit y avoir des raisons et des motifs plus nobles que
cela. Je pense qu'il va falloir aller au fond de cela. En dernier ressort, si
le ministre s'en va vers un tribunal d'appel, maintient un nouveau tribunal
d'appel, un nouveau type de fonctionnement, je vais dire: Peut-être,
parce qu'au plan technique, j'aurai eu les garanties de l'indépendance
d'un tribunal d'appel. Je vais continuer à me poser des questions, au
plan administratif, sur le coût administratif d'un tel changement mais,
au plan technique, je vais être obligé de reconnaître que,
si on y met les balises dont je viens de parler, plus celles que le ministre
nous a annoncées, on a moins de craintes qu'on ne pouvait en avoir. II
restera la question fondamentale à trancher, qui est celle de savoir
pour qui on fait cela et ce que veulent ceux pour qui on fait cela.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre.
M. Fréchette: Oui, je peux bien, si vous me le permettiez,
faire quelques brèves observations.
M. Dussault: Est-ce que je pourrais poser deux questions au
député de Sainte-Marie avant que le ministre réagisse? Des
questions de clarification.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): J'étais pour vous donner le droit de
parole pour respecter un peu l'alternance. Si vous voulez poser vos questions
tout de suite, le ministre répondra ensuite.
M. Dussault: Si M. le ministre me le permet.
M. Fréchette: Bien sûr.
M. Dussault: D'abord, puisqu'il a surtout été
question de cela dans les derniers propos du député, je voudrais
lui demander, concernant cette confiance qui règne à
l'égard de la Commission des affaires sociales, s'il a bien à
l'esprit que les personnes qui nous disent présentement qu'elles ont
confiance dans la CAS ce sont, à toutes fins utiles, des gens qui sont
aux prises avec des problèmes, qui auront à faire régler
leurs problèmes dans les prochaines semaines, les prochains mois, bien
sûr, mais en vertu de la loi qui est en vigueur présentement et
non pas en vertu de la prochaine loi qui sera en vigueur et qui est celle dont
nous discutons présentement. Cette confiance est donc relative à
une vision des choses basée sur des règles établies
présentement et qui ne changeraient pas; deuxièmement,
basée sur des principes qui avaient été identifiés
pour la loi qui vient, mais qui n'étaient pas encore devenus absolus
parce que pas complètement définitifs. La preuve, c'est qu'on en
a introduit d'autres qui sont considérés actuellement comme
étant des principes qui vont bonifier la loi que nous
avons présentement.
En réalité, ne faudrait-il pas regarder cette question de
la confiance d'une façon un peu plus relative? Oui, bien sûr, il y
a des gens qui ont confiance. Les gens ont confiance, mais en ayant à
l'esprit certains éléments qui ne seront plus les mêmes
quand la loi 42 aura été adoptée. Dans le fond, est-ce que
le député de Sainte-Marie se sentirait lié
complètement par une vision des choses à un moment donné,
si les choses ont changé et que, quelques mois après, on en a une
nouvelle vision? Quand on parle des électeurs, qu'on en fait une
question politique, je veux bien considérer cet élément
politique, mais je ne veux pas, non plus, m'enfarger dedans. J'aimerais que le
député de Sainte-Marie réagisse là-dessus.
Ma deuxième question est relative aux premiers
éléments de son intervention tout à l'heure, c'est la
liste dont il a parlé. La confection de la liste, d'une espèce de
pool qui serait créé dans lequel on irait puiser les arbitres,
qui seraient l'arbitre syndical et l'arbitre patronal, sans
nécessairement qu'on tienne à tout prix à employer ces
expressions. Ce que je voudrais savoir, c'est ceci: à partir du moment
où cette liste a été confectionnée, qui choisit les
deux arbitres supplémentaires en plus du président de ce
tribunal? Qui choisit ces deux arbitres? Est-ce que c'est le président
qui choisit ces arbitres supplémentaires ou si on fait à nouveau
appel "aux parties", entre guillemets, pour déterminer qui seront ces
personnes qui agiront?
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: À la deuxième question du
député, la réponse est que les X personnes qui ont
été retenues l'ont été par les deux parties. On
peut supposer le mécanisme que cela implique; cela veut dire qu'il va y
avoir des discussions entre les deux parties qui vont s'entendre sur une liste
de 60, 70, 80 personnes qui vont être appelées à
siéger avec le président à chaque tribunal.
Une fois cette liste choisie, c'est, d'après moi, le
président du tribunal, le président de la commission, le
président de l'audience qui choisit - puisque tout le monde est
acceptable par les parties - en fonction du type de causes qu'il entend. Si
c'est un aspect médical, il va choisir un médecin. Il va choisir
à l'intérieur des spécialistes qui sont là, selon
le type de cause qu'il a à faire, mais il n'y a pas de deuxième
mécanisme puisque cela s'est fait au départ.
M. Dussault: M. le Président, si on me le permet, je
connais bien le député de Sainte-Marie et ses
antécédents. C'est un syndicaliste qui a été actif,
qui a développé des réflexes. Pour moi, un syndicaliste -
j'en ai fait du syndicalisme, je pense pouvoir en parler aussi - c'est
quelqu'un qui a la méfiance relativement facile à l'égard
de certaines affaires. Je suis un peu surpris de voir que le
député de Sainte-Marie a l'air de perdre cette méfiance
qui est, généralement, le lot des personnes qui sont actives
syndicalement. Est-ce qu'on ne peut pas penser, M. le député de
Sainte-Marie, que, parmi toutes ces personnes qui ont été
retenues, il y a quand même des gens qui ont une propension à voir
plus facilement le point de vue patronal et d'autres qui auront une propension
à voir plus facilement le point de vue syndical? Est-ce qu'on ne peut
pas penser que, dans toute cette liste, le président de ce
mécanisme auquel on songe pourrait très bien choisir deux
personnes qui ont une propension à regarder plutôt le point de vue
patronal et qu'à ce moment la personne que vous cherchez à
défendre pourra en devenir victime? C'est pour cela que je vous pose la
question: Y a-t-il un second mécanisme dans votre affaire?
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: C'est vrai, M. le Président, qu'on
développe des réflexes de méfiance. Dans ce cas, je ne le
suis pas parce que l'expérience nous démontre que les
mécanismes de choix que j'ai proposés sont doubles. Les
présidents qui sont des fonctionnaires de la CSST, je disais qu'ils
étaient choisis par le conseil d'administration de la CSST, mais avec un
droit de veto d'une des deux parties. Une fois qu'ils sont en place, cela veut
dire qu'ils ont été acceptés par les deux parties au
conseil d'administration de la CSST et que, normalement, s'ils veulent revenir
un jour, il va falloir qu'ils fonctionnent avec équité. Il va
falloir qu'ils s'organisent lors des audiences qu'ils vont mener pour
équilibrer les choses.
Cela ne me fait pas peur parce que le temps règle cela et les
parties entre elles règlent cela. Ce que je ne voudrais pas, c'est qu'il
y ait quelqu'un d'identifié comme syndical et quelqu'un
d'identifié comme patronal parce qu'on traite de choses qui sont
au-delà de cela et qui font appel davantage à des
spécialistes ou à des gens "de bon jugement", entre guillemets,
plutôt qu'à des orientations qui sont syndicales ou qui sont
patronales. De toute façon, il y a un droit d'appel. (11 h 45)
J'ajoute un troisième élément. Dans mes balises, il
y avait un autre élément, c'est que ce niveau est facultatif. Y
va qui veut bien y aller. Si j'ai été maltraité trois
fois de suite au niveau de la première instance, peut-être
que mon réflexe sera d'aller tout de suite en appel. Le niveau de
première instance va avoir son efficacité pour autant que les
parties, les membres de ce niveau de première instance, vont avoir
à coeur de régler les choses et de les empêcher de remonter
au niveau de l'appel. Dans ce sens, cela ne me fait pas peur du tout.
Pour ce qui est de la première question du député
de Châteauguay, il rationalise, ce que les gens, actuellement, ne font
pas. Il essaie de voir comment va être la nouvelle loi dans son
application. Forcément, il se dit: C'est beau, beau, beau. Il ne voit
pas, lui non plus, les problèmes éventuels qui vont
peut-être surgir dans trois ou quatre ans et qui n'apparaissent pas,
maintenant, au moment où on étudie le projet de loi. Les gens
sont placés devant des faits. Ils sont déjà allés
à la CAS ou encore ils sont actuellement devant la CAS et ils ont
confiance en elle. Ce n'est pas rationnel en ce sens qu'ils ne font pas tout le
raisonnement que le député voudrait les voir faire cinq ans
à l'avance.
Mais je ne m'accroche pas uniquement à cela. Je conviens que, si
on mettait des balises à un nouveau tribunal d'appel et qu'on le rendait
indépendant, peut-être dans six, sept ou huit ans, l'attitude des
accidentés du travail ou des employeurs vis-à-vis de ce nouveau
tribunal d'appel va peut-être être une attitude de confiance. Mais,
je dis: Là, on l'a. Pourquoi risquer? On l'a, la confiance et
l'apparence de justice, et tout cela. C'est là. Pourquoi prendrait-on le
risque de...? C'est juste cela, ma question. Au plan technique, si on mettait
toutes les balises dont le ministre a parlé et que j'ai ajoutées
au nouveau tribunal d'appel, j'aurais beaucoup moins de craintes, je dois vous
dire, et j'aurais de la difficulté à voter contre en plus. Sauf
que je dis seulement: Pensez à l'autre type d'arguments qui nous reste.
C'est là. Ce qu'on va faire de plus, ce n'est rien de plus. On va faire
quelque chose de nouveau à côté. Cela ne s'appellera plus
la CAS, cela va s'appeler autrement et c'est tout. Si ce n'est pas cela, on
peut craindre. Autrement dit, si le nouveau tribunal qu'on va créer a
moins d'indépendance que la CAS a, craignons! Si, dans le nouveau
tribunal qu'on va créer, ce n'est pas le même processus de
nomination qu'à la CAS, craignons! Mais, si on n'a plus ces craintes
à avoir, disons-nous qu'au plan technique c'est à peu près
la même chose, c'est blanc bonnet et bonnet blanc. La seule chose qui
reste, c'est qu'actuellement les gens ont confiance.
Le député de Châteauguay me dit: Oui, mais dans cinq
ou six ans, lorsqu'ils vont constater l'application de la nouvelle loi et les
décisions du tribunal d'appel, ils vont peut-être avoir confiance
au nouveau tribunal d'appel. Je n'en disconviens pas. Je dis: Peut-être,
possiblement que cela va être ainsi. Mais pourquoi courir le risque alors
que, maintenant, on a quelque chose auquel les gens ont confiance? C'est
seulement cela, mon argumentation.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre.
M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: M. le Président, vous comprenez que
je ne vais pas relever toutes les argumentations du député de
Sainte-Marie, mais j'en ai noté quelques-unes sur lesquelles je voudrais
réagir tout de suite. La première de ces observations, c'est
celle qui concerne les délais dont on parlait au tout début,
sujet d'ailleurs sur lequel le député de Viau s'est
interrogé. C'est bien sûr que le fait d'indiquer dans une loi
certains paramètres à l'intérieur desquels des
décisions doivent être rendues ou à l'intérieur
desquels des procédures doivent être exécutées par
exemple, l'audition de la cause dans les 30 jours de l'inscription,
l'obligation de rendre une décision dans les 20 jours de la fin de
l'audition, cela ne donne pas la garantie absolue qu'effectivement ces
délais seront respectés, pour toutes sortes de bonnes raisons que
le député de Sainte-Marie, par l'expérience qu'il a de
l'arbitrage de griefs et du phénomène général des
relations du travail, a très bien expliquées. Mais, de deux
choses l'une: ou bien on n'en met pas du tout et on continue de laisser au
libre arbitre de ceux qui évaluent les dossiers qui leur sont soumis la
juridiction de rendre des décisions ou, alors, on essaie, ne serait-ce
que pour indiquer très précisément le désir de voir
les dossiers se traiter rapidement, d'accélérer le processus
décisionnel, et on indique ces délais. Mais je suis tout à
fait d'accord que cela ne donne pas cette garantie absolue, dont je viens de
parler, qu'effectivement ils seraient toujours et tout le temps
respectés.
Pour revenir à une autre discussion que le député
de Châteauguay a entamée avec le député de
Sainte-Marie, je dois également faire part au député de
Sainte-Marie de mon étonnement quant à la formule qu'il
suggère pour le choix des deux arbitres dont on parle, les deux
assesseurs - oublions les termes ou l'appellation que cela pourrait avoir -
pour exactement la même préoccupation qu'a soulevée le
député de Châteauguay. Qu'est-ce qui arriverait si le
président doit se référer à une liste de 75, 80, 90
ou 100 noms qui ont été évalués par les deux
parties au conseil d'administration pour procéder à l'audition
d'une cause? Il n'y a aucune garantie qui existerait que l'on ne se
retrouverait pas sur un même tribunal
avec deux arbitres ou deux assesseurs qui ont - comme le disait le
député de Châteauguay et pour utiliser son expression - une
propension vers les thèses patronales ou une propension vers les
thèses syndicales. Cela pourrait nous amener aussi loin qu'à la
situation suivante: vous auriez à décider d'un problème de
cotisation, d'un problème de classification et vous vous retrouveriez
théoriquement - cela pourrait être une possibilité - sur un
tribunal à trois dont les deux arbitres - accrédités par
le conseil d'administration de la CSST, bien sûr -auraient cette
propension vers des thèses syndicales, comme on vient de le dire,
l'inverse étant également vrai. Retrouvez-vous devant cette
même instance dans un dossier d'indemnisation ou de réparation ou
de droit de retour au travail ou de réadaptation, et vous avez deux
arbitres qui, à cause de leur façon de voir les choses, à
cause des activités qu'ils ont faites, qu'ils ont exercées, ont
une propension vers les thèses patronales, généralement
parlant. Si j'étais appelant dans de semblables circonstances, je me
sentirais fort mal à l'aise.
C'est pour cela que j'ai un peu de difficulté, encore une fois,
è retenir cette suggestion du député de Sainte-Marie. Je
ne disconviens pas avec lui, par exemple, qu'il ne faudrait pas à ce
point peinturer -passez-moi l'expression - les arbitres ou les assesseurs que
l'on doive les désigner dans la loi ou autrement par l'automatique
épithète d'arbitre syndical ou d'arbitre patronal. Il y a
probablement des considérations dont il faut tenir compte à cet
égard. Mais l'autre suggestion du député de Sainte-Marie,
en tout cas, me fait avoir beaucoup de réserves dans le sens dont je
viens d'en parler.
Par ailleurs, la question fondamentale qui est revenue dans
l'argumentation du député de Sainte-Marie, c'est à
supposer que toutes les craintes dont on a parlé depuis le début
quant à la création d'une éventuelle instance de cette
nature devaient disparaître, pourquoi faudrait-il quand même -
c'est la question qu'il pose en termes de préoccupation des gens qui s'y
retrouvent -procéder à la mise sur pied d'une commission d'appel
externe? Je voudrais que l'on se rappelle ensemble qu'à travers son
argumentation le juge Poirier- nous a indiqué qu'il existait à
l'intérieur de la Commission des affaires sociales un
dénominateur commun qui est celui à partir duquel ces gens
élaborent des décisions qui sont en constante relation avec le
phénomène global de la sécurité du revenu. Que ce
soit en matière d'accident d'automobile, en matière de rentes, en
matière de prestations de l'aide sociale, c'est toujours et de toute
manière relié avec le processus de la sécurité du
revenu. Cela est l'argumentation du juge Poirier. Je pense que l'on va
facilement convenir entre nous que, s'il faut élargir les juridictions
d'appel et les étendre aux matières dont on parle depuis le
début de la discussion - retenons comme seuls exemples le financement,
la cotisation, la réadaptation, le droit de retour au travail, les
produits toxiques, les fermetures d'usines la, on est en train sur le plan des
principes de déstabiliser totalement ce dénominateur commun qui a
l'air d'être essentiel dans le processus de la Commission des affaires
sociales et sur lequel le juge Poirier a fondamentalement basé son
argumentation. Quelle espèce de relation pouvons-nous faire entre le
phénomène de la sécurité du revenu et celui de la
cotisation d'un employeur? Comment ajuster cela avec, encore une fois,
l'argumentation de base du juge Poirier qui dit: Je ne peux pas perdre de vue
que mon principe de fond est celui d'élaborer des décisions en
matière de sécurité du revenu? Quant à moi, j'ai
l'impression, en tout cas, que c'est une situation qui doit sérieusement
nous préoccuper, à partir d'une argumentation que le juge Poirier
a lui-même développée.
Le phénomène devant lequel on est, M. le Président,
ne m'étonne pas du tout. Cette réaction tout à fait
légitime et qui est manifestée par beaucoup d'intervenants, est
en fait la conséquence normale ou la réaction normale devant ce
que l'on pourrait convenir d'appeler l'inconnu, ou à peu près,
à ce stade-ci. Assez curieusement, M. le Président - je dois le
dire pour l'information des membres de la commission - cette inquiétude
dont on est en train de parler a été soulevée en 1978-1979
quand, précisément, il a été question de
transférer à la Commission des affaires sociales les appels en
matière d'indemnisation. Le même genre de préoccupation
dont on nous saisit depuis le début, le même genre de crainte que
l'on avait, a existé à ce moment-là. On se demandait:
Est-ce effectivement la bonne instance? Est-ce vraiment là que ce genre
de litige devrait aller? La même préoccupation apparaît,
donc, parce que l'on est devant un mécanisme qui est tout à fait
nouveau.
C'est vrai non seulement pour la Commission des affaires sociales par
rapport à un éventuel palier d'appel. Rappelons-nous simplement
les inquiétudes qui ont été manifestées quand des
mécanismes nouveaux ont été mis en place. Faut-il parler,
par exemple, de la Loi sur l'assurance automobile? Faut-il parler de la Loi sur
la protection du territoire agricole qui avait ce genre de mécanismes
devant lesquels la "clientèle" - entre guillemets - avait beaucoup de
réserves? Voyons ce qui s'est produit après un laps de temps
d'application de ces principes-là. Mais la préoccupation dont je
viens de faire part quant au dénominateur commun, si on peut se
reconnaître par cette expression, quant au fond en tout cas, elle est
pour moi très
préoccupante.
Pourquoi faudrait-il penser à une nouvelle instance?
Évidemment, il ne faut pas laisser de côté ce dont je viens
de parler, mais ce dont je viens de parler, c'est-à-dire le
dénominateur commun en fonction de décisions en matière de
sécurité du revenu doit faire en sorte que l'on retrouve au
même endroit les matières qui ont la même source
législative, soit, dans notre cas, la santé et la
sécurité, les accidents du travail et les lésions
professionnelles. Cela se vérifie dans toutes les instances qui sont
habilitées à entendre des matières en droit administratif,
qui découlent de l'adoption de certaines lois d'ordre
général: le Code du travail, par exemple. Un Tribunal du travail
est habilité à entendre la majorité des litiges qui
procèdent de l'application, de l'interprétation que l'on fait des
dispositions du Code du travail. Le Tribunal de l'expropriation est
habilité, lui, à entendre toutes les matières concernant
le phénomène global de l'expropriation. Allons-y! Faisons
l'énu-mération de toutes les instances qui existent et l'on va,
de toute évidence, arriver à la conclusion que ces instances sont
ainsi bâties, sont ainsi faites qu'elles ont la juridiction d'entendre
toutes les matières qui découlent de l'application des lois qui
concernent ce secteur. Je pense que c'est une préoccupation que l'on
doit avoir en matière de santé et de sécurité et en
matière d'accidents du travail. (12 heures)
II y a donc, M. le Président, cette préoccupation
d'intégration de toutes les matières vers une même
instance. Et je pense que l'on va convenir, à partir autant de
l'argumentation du juge Poirier que des autres argumentations qui ont
été entendues autour de la table, pas pour des motifs de
compétence, mais pour des motifs de principes de base -
dénominateur commun, encore une fois - que ce n'est pas à
l'organisme qui a la vocation de rendre les décisions en matière
de sécurité du revenu qu'il va falloir consacrer ou donner la
juridiction d'avoir le pouvoir décisionnel en matière, à
tout hasard, de financement, par exemple. Donc, nécessité tout
à fait évidente, quant à moi, de procéder à
l'intégration de tous ces phénomènes. Je suis bien
conscient que là aussi, il va s'accumuler des dossiers et cela va
être particulièrement vrai dans les premières
années, tant et aussi longtemps qu'une jurisprudence n'aura pas
été établie quant à des litiges bien précis.
C'est sûr que dans les premières années, il peut y avoir un
rôle substantiel, un rôle important. Au fur et à mesure que
la jurisprudence va s'établir, toutes les prévisions sont que
cela devrait faire en sorte qu'il n'y aurait pas d'engorgement au point que la
commission ne pourrait pas fonctionner correctement.
Deuxièmement - et là-dessus, le juge Poirier m'a l'air -
enfin, c'est aussi une interprétation que je fais de son
témoignage - ne semble pas être un partisan de la
régionalisation, de l'implantation en région de bureaux
régionaux d'audition des litiges. Ce qu'il nous a dit - et on me
corrigera si j'interprète mal et si je me souviens mal de son
évaluation c'est ceci: Nous, nous allons dans chacune des régions
tous les trois mois et nous procédons pendant une journée, deux
jours, trois jours, aux auditions des dossiers qui nous sont soumis; nous
revenons ensuite pour la période de délibéré; puis,
trois mois plus tard, nous retournons dans la même région. Mais il
n'est pas partisan de la régionalisation.
Moi, je dois vous dire que c'est une préoccupation fondamentale
que l'organisme aille au devant de celui qui en a besoin, plutôt que de
demander à celui qui en a besoin de se conditionner aux exigences de
l'organisme lui-même: l'obliger, par exemple, lorsqu'arrive le temps de
l'audition, à venir à Québec ou à aller à
Montréal ou à attendre que les personnes qui siègent
à ces organismes aillent dans la région tous les trois mois ou
tous les six mois. Il me semble que si on régionalise de la façon
dont le suggère le projet de loi et que, par exemple - je vous donne
cela au seul titre, au chapitre de l'exemple - un commissaire d'une
région prend, quant à lui, la décision dans la
région - cela pourrait même être une politique qui
s'appliquerait partout - vous allez procéder à auditionner des
causes pendant trois semaines d'un même mois et vous prendrez une semaine
de ce même mois pour les fins de votre délibéré.
Est-ce qu'il n'y a pas au moins un espoir qu'on pourrait, en termes de
délai, considérablement améliorer la situation qui existe
actuellement?
Et le troisième phénomène dont il faut tenir compte
quand on évalue globalement la discussion qu'on est en train de faire,
c'est très précisément le phénomène de la
nécessité d'avoir une jurisprudence dont le suivi est
assuré. Je ne vois pas comment cela serait autrement que par la mise sur
pied d'un organisme intégré dirigé par un président
qui aura, qui devrait avoir suffisamment de préoccupations pour
s'assurer qu'à l'intérieur de cet organisme, la jurisprudence qui
a été rendue par l'un ou l'autre des commissaires et qui porte
sur des problèmes de fond soit celle que suivra l'organisme. Vous
conviendrez avec moi que cela va devenir davantage important quand on va
déborder les seules questions de l'indemnisation comme dans le cas
actuel.
J'essaie de répondre à la question du député
de Sainte-Marie. Pourquoi faudrait-il aller vers le processus qui est
suggéré? Il a attiré notre attention sur le fait qu'il y a
actuellement des juridictions qui sont
exercées par le Tribunal du travail en matières de
santé et de sécurité. C'est exact. Je lui dirai simplement
à cet égard qu'il s'agit de juridictions qui concernent
strictement des matières pénales. Il n'y a rien dans le projet de
loi 42 qui enlèverait au Tribunal du travail la juridiction, encore une
fois, en matière pénale. Il n'y a rien à cet égard
qui est changé.
Ce sont des réactions spontanées que j'avais à la
suite de l'argumentation du député de Sainte-Marie. Je suis bien
conscient que je n'ai pas couvert toutes les préoccuptions qu'il nous a
soumises. On aura sans doute...
M. Bisaillon: II n'y a pas beaucoup de oui là-dedans.
M. Fréchette: Nous avions convenu qu'on devait attendre au
moment où on amorcerait l'étude des articles un par un pour voir
quand il faudrait dire oui et quand il faudrait malheureusement dire non. Mais
on pourra y revenir, bien sûr.
M. Bisaillon: Vous n'avez pas l'intention de dire non à
tout ce que je vous ai demandé.
M. Fréchette: Cela va dépendre comment vous me
demanderez cela.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de
Frontenac.
M. Gilles Grégoire
M. Grégoire: Sur la discussion générale, je
voudrais revenir également sur les questions de délais, de soucis
d'impartialité, d'accumulation des dossiers, d'interprétation de
la loi et de la compétence des fonctionnaires qui décident au
premier niveau.
Pour cela, à titre d'exemple, je voudrais me servir de la section
II, chapitre VI de la nouvelle loi, qui traite des dispositions
particulières aux maladies professionnelles pulmonaires. Je crois que je
vais me servir de ce chapitre parce que je voudrais dire au ministre que je
suis particulièrement satisfait de cette section II, chapitre VI: elle
constitue une amélioration sensible et même exceptionnelle de
l'ancienne loi qui traitait des maladies pulmonaires. Je veux en
féliciter le ministre.
Pour ce qui est des délais et de l'impartialité, je trouve
que la section II du chapitre VI est parfaite. Elle améliore
considérablement la loi. D'abord, qu'est-ce qui se produit? Au premier
article, 213, on dit: "Lorsqu'un travailleur produit une réclamation
à la commission alléguant qu'il est atteint d'une maladie
professionnelle pulmonaire, la commission le réfère dans les dix
jours à un comité des maladies professionnelles pulmonaires".
Premièrement, le gars ne s'en va pas voir des fonctionnaires. Il
va voir des spécialistes dès le départ. C'est le souci
d'impartialité. Deuxièmement, dans un délai de combien de
temps? Dans un délai de dix jours. Troisièmement, le travailleur
produit une réclamation disant qu'il est atteint d'une maladie
professionnelle. Qu'est-ce qu'il fait pour dire qu'il est atteint d'une maladie
professionnelle? Il va voir un spécialiste, un pneumologue.
Dans le cas d'un type de la région de l'amiante atteint
d'amiantose, il va aller à la clinique de l'hôpital de Thetford,
soit à la clinique de pneumologie qui a été
créée il y a quatre ou cinq ans sous le gouvernement actuel.
Celle-ci a besoin d'amélioration mais elle fonctionne très bien.
Là, un pneumologue de la clinique va lui dire: Toi, mon gars, tu n'as
pas l'amiantose. Le gars va se dire: Bien, je ne l'ai pas! Ou il va lui dire:
Toi, tu es amiantosé. Le travailleur va aller, avec ce rapport
médical, non pas un rapport d'un fonctionnaire mais un rapport d'un
spécialiste, à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail et dira: Voici, je suis de bonne foi; j'ai un
rapport d'un spécialiste, non pas d'un médecin traitant les yeux
ou les oreilles, mais traitant les poumons; on me dit que je suis atteint
d'amiantose. Le gars, aussitôt, peut sortir de l'usine et la commission
devra lui payer une indemnité équivalant à 90% de son
revenu net. Ce qui n'était pas le cas avant.
Avant, le gars était obligé d'attendre la décision
ultime et finale; cela pouvait prendre deux ans ou deux ans et demi. J'ai vu
des cas où le gars était mort de l'amiantose quand la
décision finale, ultime est arrivée. Là, dès qu'il
est déclaré amiantosé par un spécialiste, un
pneumologue, il peut sortir et recevoir 90% de son revenu net comme
indemnisation. S'il est de bonne foi, il n'est pas obligé de rembourser
lorsque le verdict final et ultime est rendu. Avec un rapport d'un pneumologue,
il est de bonne foi, sans aucun doute; il a un rapport d'un spécialiste.
Évidemment, il peut être de mauvaise foi s'il arrive avec un
rapport de quelqu'un qui n'est pas spécialiste. Et cela, c'est dans un
délai de dix jours.
Remarquons bien les différences entre l'application de la loi
pour les autres secteurs et pour les maladies pulmonaires. Premièrement,
s'il arrive avec un rapport d'un spécialiste: souci
d'impartialité. Deuxièmement, le délai. Dans les dix
jours, la commission doit remettre le dossier à un comité des
maladies professionnelles pulmonaires. Là, on est rendu à dix
jours. Vous allez voir l'addition des délais et vous allez voir comment
cela est traité.
Qu'est-ce que ce comité? C'est un
comité impartial. Là, notre travailleur a passé
l'étape du spécialiste traitant qu'il est allé consulter
et il arrive devant un comité. Il y a quatre comités qui seront
formés, quatre comités de trois spécialistes des maladies
professionnelles pulmonaires, dont un président qui est professeur
agrégé ou titulaire dans une université
québécoise. Dans la première version de la loi, on disait:
un directeur des services pulmonaires d'un hôpital affilié
à une université québécoise. Je me demande pourquoi
on élimine ceux-là de la présidence d'un comité. Le
directeur, on pourrait l'ajouter, le directeur d'un service pulmonaire dans un
hôpital affilié à une université
québécoise. Il aurait pu demeurer admissible à la
présidence de ce comité, je le soumets au ministre. À ce
moment-là, on pourrait dire: un professeur titulaire ou
agrégé. Agrégé, peut-être un peu moins parce
qu'il est moins permanent dans son rôle de professeur que le titulaire.
On pourrait ajouter: s'il s'en trouve, la possibilité d'aller en
chercher chez les directeurs de services de pneumologie dans les hôpitaux
affiliés aux universités québécoises.
Cela s'en va donc chez l'un de ces quatre comités. Comment sont
formés ces comités? C'est dit ici, à l'article 215: Ces
pneumologues sont nommés pour quatre ans par le ministre. Ils sont
nommés par le ministre à partir d'une liste fournie par l'Ordre
des médecins du Québec. C'est le ministre qui les nomme; ce n'est
plus une partie syndicale et une partie patronale, c'est le ministre. Ce n'est
plus un fonctionnaire de la CSST qui décide en première instance,
c'est le ministre qui nomme les spécialistes après consultation
avec l'Ordre des médecins. Je trouve cela parfait: dès le premier
niveau. Car c'est souvent à partir du premier niveau que la chicane
s'instaure; et là, on n'en sort plus de ces discussions entre
spécialistes. Mais ici, dès le premier niveau, ce sont des
spécialistes nommés par le ministre.
Il y a une phrase ajoutée... Si le ministre est prêt
à enlever le bout de phrase qui suit, je serais satisfait. "À
partir d'une liste fournie par l'Ordre des médecins du Québec et
- c'est cela que j'enlèverais -après consultation du Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre". Là, il y a des patrons,
il y a des membres du patronat et du syndicat et cela peut commencer de vouloir
embarquer des représentants de l'un ou de l'autre à ces quatre
comités de pneumoconiose. Si c'est le ministre, sur l'avis de l'Ordre
des médecins, il ne sera plus question, dans ces quatre comités
de trois personnes, qu'il y ait du patronat... Il n'y aura plus de
tergiversation entre les patrons et les syndicats pour essayer de nommer les
leurs à ces comités; il n'y aura plus de partisanerie au
départ. Moi, j'enlèverais cette phrase. (12 h 15)
Je ne vois pas pourquoi consulter le Conseil consultatif du travail et
de la main-d'oeuvre qui est formé du patronat et du syndicat.
Déjà vont commencer à s'installer les brèches
à l'impartialité qu'on cherche. Je préfère que les
membres soient nommés par le ministre sur avis et après
consultation auprès de l'Ordre des médecins. Point. Je pense que
les changements que je propose au ministre peuvent se faire, je crois que cela
bonifierait. Dès le départ, on enlèverait les
possibilités de tergiversation et de compromis entre le patronat et le
syndicat pour savoir qui va être là. Ce seraient des
spécialistes nommés par le ministre sur avis du Conseil des
médecins, quatre comités des pneumoconioses, de pneumologie,
formés de trois membres chacun, dont un professeur titulaire ou
agrégé de l'université et aussi, si possible, un directeur
des services de pneumologie d'un hôpital. Là, on est rendu
à dix jours.
Ces pneumologues, pour montrer encore leur impartialité - on est
au premier niveau de décision; c'est là ' que c'est important et
c'est de cela que vous devriez vous inspirer dans le reste de la loi pour les
autres cas -sont nommés pour quatre ans par le ministre, à partir
d'une liste fournie par l'Ordre des médecins, et on ajoute "après
consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre". C'est
cela que j'aimerais voir barrer. Ils demeurent en fonction... Dans les dix
jours de la demande de la commission, le chef du département de
santé communautaire du centre hospitalier transmet au comité des
maladies professionnelles pulmonaires que la commission lui indique les
radiographies des poumons du travailleur que la commission réfère
à ce comité.
Dans les dix jours. Cela fait à peine 20 jours que le travailleur
s'est plaint; le premier comité a en main les radiographies et tout. Si
on suit les deux demandes que j'ai faites - ma demande la plus importante,
c'est d'enlever la consultation du Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre - cela ne fait que 20 jours et, déjà, il y a un
organisme impartial nommé par le ministre, suggéré par
l'Ordre des médecins, où il n'y a aucune brèche à
cette impartialité. Les délais ont été très
courts et, déjà, le travailleur qui a eu son premier rapport d'un
pneumologue est indemnisé à 90%. Il est sorti du milieu qui
l'aurait rendu malade. Ce ne sera pas long, je continue.
Le comité des maladies professionnelles pulmonaires à qui
la commission réfère un travailleur examine celui-ci dans les 20
jours de la demande de la commission. Là, on est rendu à 40 jours
et, après 40 jours, l'examen du comité de pneumologie, des
pneumoconioses, est fait. Il y a un paragraphe de trop à mon avis, qui
est
inutile, qui ne spécifie pas de délai, qui peut, par le
fait même, entraîner d'autres délais. Il est dit que le
premier comité des maladies professionnelles, le comité des
pneumoconioses, à l'article 216, fait rapport par écrit à
la commission de son diagnostic dans les 20 jours de l'examen. Il s'ajoute un
autre 20 jours. Le premier comité envoie son rapport à la
commission dans les 20 jours de l'examen.
On voit qu'il s'ajoute un 20 jours qui va être inutile, et
j'aimerais que le ministre regarde le deuxième paragraphe de l'article
216. Quand le premier comité de pneumologie fait son rapport à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail... je
ne vois pas pourquoi il le ferait à la Commission de la santé et
de sécurité du travail parce qu'il fait son diagnostic à
la commission dans les 20 jours de l'examen et, si son diagnostic est positif,
il fait en outre état dans son rapport de toutes ses constatations. Et
sur réception de ce rapport, la commission soumet le dossier du
travailleur à un comité spécial composé de trois
personnes qu'elle désigne parmi les présidents des comités
des maladies professionnelles pulmonaires, à l'exception du
président du comité qui a fait le rapport faisant l'objet de
l'examen par le comité spécial. En d'autres termes, comme il y a
quatre comités de pneumologie, il y a donc quatre présidents. Il
y a le premier comité de trois, celui qui a été
chargé d'un tel dossier. Qu'est-ce qu'il fait? Il fait rapport à
la commission, la commission prend 20 jours et, après, il n'y a pas de
délai pour le transmettre aux trois présidents des trois autres
comités. Je crois que cela devrait aller directement, par le
président du premier comité de spécialistes, au
deuxième comité formé des trois présidents des
trois autres comités de pneumologie. On éviterait ce
détour inutile et on éviterait 20 jours plus le fait qu'il n'y
ait pas de délai indiqué à la commission pour transmettre
le dossier au comité des trois présidents des trois autres
comités. Il me semble que c'est inutile que cela fasse le tour par la
commission. C'est un délai inutile. Cela ne donne rien. Au contraire,
cela nuit au processus. Cela pourrait partir directement du premier
comité de pneumologie et s'en aller au comité des trois
présidents.
En arrivant au comité des trois présidents, le
comité spécial infirme ou confirme le diagnostic et les autres
constatations du comité des maladies professionnelles pulmonaires faites
en vertu du deuxième alinéa de l'article 216 et substitue les
siens, s'il y a lieu. Il motive son avis et le transmet à la commission
dans les 20 jours de la date où la commission lui a soumis le
dossier.
On est rendu à 60 jours en tout et partout puis c'est fini, la
commission a le rapport et du premier comité de pneumologie et du
comité des trois présidents des trois autres comités de
pneumologie. Il est ajouté au dernier article: La commission est
liée par le diagnostic et les autres constatations établies par
le comité spécial en vertu du troisième alinéa de
l'article 217. C'est là le processus complet pour les maladies
professionnelles pulmonaires.
Avec les quelques amendements mineurs que je propose cela prend un total
de 60 jours. Tout a été étudié par des
spécialistes complètement impartiaux, nommés par le
ministre, sur l'avis de l'Ordre des médecins. Il n'y a pas eu
d'intrusion de la Commission de la santé et de la sécurité
du travail dans le dossier. Il n'y a pas eu d'intrusion de la partie patronale
ou syndicale. Cela a été impartial tout au long et il y a six
pneumologues, dont des professeurs d'université, qui sont venus
confirmer, six spécialistes qui se sont penchés sur le dossier.
Imaginez-vous que si le travailleur a eu gain de cause, je ne vois pas le
côté patronal venir dire: On va aller se battre contre six
spécialistes qui sont unanimes à déclarer un gars
amiantosé. Je ne vois pas non plus le travailleur venir se battre contre
six pneumologues qui ont déclaré à l'unanimité
qu'il n'était pas amiantosé. Cela n'a pris que 60 jours en tout
et partout et la commission est liée au bout de 60 jours. On a
évité les délais, on a respecté
intégralement le souci d'impartialité, on n'a pas fait
d'accumulation de dossiers et on a fait juger tout cela par des hommes
compétents dont c'est la spécialité, dont c'est la
fonction.
Pendant ce temps, pendant qu'a duré ce délai d'examen, le
travailleur, contrairement à ce qui se produit aujourd'hui, a pu se
sortir du travail qui lui avait donné cette maladie professionnelle ou,
du moins, pour laquelle il avait toutes raisons de croire qu'il était
atteint de cette maladie professionnelle. Il est indemnisé pendant que
tout le monde étudie son cas. S'il est déclaré
amiantosé, il continue à être indemnisé. S'il est
déclaré non amiantosé, tant mieux pour lui, il n'est pas
malade, il peut réintégrer son emploi et n'est pas obligé
de rembourser le montant qu'il a reçu. Son cas est réglé.
Cela a pris 60 jours et cela a été fait avec souci
d'impartialité et dans des délais brefs.
M. le Président, je vous suggère que cet exemple est un
exemple à suivre, que dès le départ, ce soit entre des
mains de spécialistes, que le tribunal de révision de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail ne
soit pas un tribunal où, devant un arbitre, il y aura discussion entre
représentants, entre assesseurs l'un étant représentant du
patronat et l'autre étant représentant des syndicats. Ce seront
des professionnels de la santé aussi. Cela évitera cette chicane
de principes et cela mettra plutôt la cause entre les mains de
spécialistes.
Pour ce qui est du droit d'appel, je crois que, dans le cas des maladies
pulmonaires, le droit d'appel sera réduit sensiblement, parce que,
justement, toutes les précautions seront prises aux deux premiers
niveaux et il serait assez difficile pour un individu ou pour un patron d'en
appeler d'une décision unanime de six spécialistes.
Peut-être que chacun voudra essayer d'établir les méthodes
pour procéder au début, mais dès que les méthodes
pour procéder et évaluer seront établies, cela simplifiera
à tous les niveaux la manière d'agir, la manière de se
brancher, la manière de décider.
Il me reste à vous donner mon opinion concernant la Commission
des affaires sociales. Je dois vous dire que je serais, à prime abord,
d'accord avec ceux qui veulent maintenir l'appel à la Commission des
affaires sociales. Je me dis par contre, que cela pourrait tout aussi bien
fonctionner à la longue à une autre commission, qui essaierait de
désengorger et de dégager le nombre de cas qu'il y a devant la
Commission des affaires sociales.
La seule chose qui me fait peur, c'est la suggestion du ministre de
mettre cette Commission d'appel sous l'autorité du ministère de
la justice. Je dois vous dire que cela me fait peur, parce qu'à partir
du moment où cette Commission d'appel tombera sous l'autorité du
ministère de la Justice, ce sont les avocats qui s'en empareront et les
complications, la "procédurite", les amendements, les sous-amendements
et tout cela vont s'emmêler et cela pourra compliquer la chose. C'est ce
qui me ferait pencher vers le maintien de la Commission des affaires sociales,
parce que je ne vois pas une telle Commission d'appel sous l'autorité du
ministère de la Justice.
M. le Président, ce sont les remarques que je voulais faire au
ministre. J'aimerais avoir ses impressions. Mais je me suis servi d'une section
d'un chapitre qui, je crois, va fonctionner dès le départ, parce
qu'on met la chose entre les mains de spécialistes, on garde un souci
d'impartialité, on réduit les délais, on va réduire
le nombre d'appels ainsi que les frais. Je demande trois changements. Disons
que le premier, le plus important pour moi, ce serait un changement à
l'article - je vieux bien croire que l'article a été
adopté, mais il y a eu tellement d'amendements qu'on a dû
étudier cela à maintes reprises -215 du projet de loi où
on dit: "...après consultation du Conseil consultatif du travail et de
la main-d'oeuvre" Je ne crois pas que cela soit utile si le ministre les nomme
à partir d'une liste fournie par l'Ordre des médecins du
Québec.
Le deuxième amendement que je demanderais serait de faire
dispaître le deuxième paragraphe de l'article 216 afin que le
rapport du premier comité de pneumologues aille directement au
comité de révision formé, lui aussi, de pneumologues. On
épargnerait des délais, de l'argent, de l'administration, de la
bureaucratie et de la paperasserie. Ce deuxième paragraphe de l'article
216, à mon avis, est complètement inutile.
Le troisième amendement - je pense que le ministre ne verra pas
d'objection à celui-là - serait à la liste de ceux qui
pourraient être admissibles comme président; les directeurs des
services de pneumologie des hôpitaux rattachés à une
université pourraient être sur cette liste.
J'espère que le ministre tiendra compte de mes recommandations et
qu'il essaiera d'adapter le reste du projet de loi à ce chapitre, ce
qui, je n'hésite pas à le lui dire, améliore sensiblement
l'ancienne loi, donne l'impartialité voulue, coupe les délais
d'une façon radicale. Je crois que cela pourra satisfaire
complètement ceux qui sont victimes d'amiantose ou de silicose.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre, quelques minutes.
M. Fréchette: M. le Président, je ne sais pas si
j'ai suffisamment de temps pour répondre à toutes les questions
du député de Frontenac. Je vais essayer de synthétiser
rapidement, en lui faisant part, par ailleurs, de l'une de mes
préoccupations. Toute son intervention a été basée
à partir des mécanismes que l'on retrouve aux articles 215 et
216. J'avais, quant à moi, l'impression qu'on avait déjà
adopté ce chapitre-là et qu'au moment où on l'a
adopté, M. le Président, le député de Frontenac
était là, car il a été d'une assiduité
remarquable. J'ai essayé, au moment où on a étudié
ce chapitre, de lui expliquer pourquoi on procédait de la façon
dont on l'a fait. Sa préoccupation fondamentale m'a l'air d'être
axée sur la nécessité de sortir les bureaux de
révision du phénomène médical. C'est très
précisément ce que l'on fait. Vous l'avez d'ailleurs
vous-même soulevé dans votre argumentation. La Commission de la
santé et de la sécurité du travail n'a plus
d'autorité ou de juridiction en matière médicale aussi
bien au niveau des maladies professionnelles pulmonaires que dans les cas
d'accidents du travail.
Deuxièmement, le député de Frontenac nous dit: Vous
devriez enlever une étape qui est prévue dans la loi et qui fait
que le dossier doit passer par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail avant d'être remis au deuxième
comité de pneumologues formé des trois présidents que l'on
sait. Ce sont les pneumologues eux-mêmes qui nous ont
demandé de procéder de cette façon-là, M. le
Président, pour la seule
raison qu'ils ont besoin du support technique de la commission pour
traiter les dossiers en termes strictement administratifs. Ils nous disent:
N'allez pas nous demander de mettre sur pied une espèce de
secrétariat ou une espèce de greffe à l'intérieur
duquel on retrouverait nos dossiers et où on aurait besoin de personnel
et bon... C'est à la demande de ces pneumologues-là que la
décision a été prise de procéder comme cela. Sauf
qu'il faut retenir ceci, et le député de Frontenac a beaucoup
insisté là-dessus: supposons qu'il y ait cet inconvénient
quant au délai, c'est quand même, par rapport à
l'état actuel des choses, une amélioration appréciable et
considérable. Pour ces deux motifs dont je viens de parler, M. le
Président, il me semblait que notre rationnel était logique,
était correct. Je pense qu'il doit continuer d'être ce qu'il
était même après la savante argumentation du
député de Frontenac. Je ne vois pas comment on pourrait
réajuster dans le sens que vous le suggérez sans créer des
problèmes peut-être plus lourds que ceux auxquels vous avez fait
référence dans l'état actuel de la loi.
M. Grégoire: M. le Président, seulement... Si
l'étape de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail entre les deux...
Le Président (M. Lévesque
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Frontenac, il
y a entente avec les membres de la commission pour suspendre nos travaux
à 12 h 30...
M. Grégoire: Je reviendrai cet après-midi.
Le Président (M. Lévesque
Kamouraska-Témiscouata): ...pour reprendre à 14 h 30.
M. Grégoire: C'est correct.
Le Président (M. Lévesque
Kamouraska-Témiscouata): Si on prend du temps, cela va
écourter la séance et...
M. Grégoire: Je vais demander la suspension pour
poursuivre...
Le Président (M. Lévesque
Kamouraska-Témiscouata): On va suspendre jusqu'à 14 h 30 et
vous aurez la parole à la reprise. La commission suspend ses travaux
jusqu'à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
(Reprise à 14 h 39)
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): À l'ordre, mesdames et messieurs. La
commission de l'économie et du travail reprend ses travaux sur le projet
de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
La parole était au député de Frontenac.
Discussion générale
M. Grégoire: M. le Président, à la suite des
remarques que le ministre a faites à la fin de la dernière
séance, je voudrais juste lui poser quelques questions et faire quelques
réflexions. J'ai bien compris les raisons pour lesquelles il voulait
garder le deuxième paragraphe de l'article 216, pour permettre à
la commission de faire l'ouvrage technique des pneumologues, et j'admets son
point de vue. Seulement, il n'y a rien de mentionné là-dedans, je
ne sais pas si c'est nécessaire de le mentionner, mais je voudrais
savoir au moins du ministre si la commission, en recevant le rapport du premier
comité des trois pneumologues et en l'envoyant au comité des
trois présidents des trois autres comités, peut modifier le
rapport du premier comité, y ajouter des observations, y ajouter des
remarques, y retrancher des choses ou des choses du genre. Il n'y a rien
d'inscrit sur les pouvoirs de la commission pendant qu'elle fait le travail.
J'aimerais au moins être rassuré là-dessus.
M. Fréchette: M. le Président, s'il n'y a rien
d'inscrit dans la loi en termes de pouvoirs de la commission à cet
égard, c'est qu'effectivement elle n'en a pas. Je ne vois pas comment,
autrement que par une grossière erreur, il arriverait qu'à la
commission, l'on procède à modifier d'une façon ou d'une
autre le contenu d'une expertise médicale, pas d'une expertise mais
d'une décision d'ordre médical, rendue par le premier
comité de pneumoconiose. C'est à proprement parler de la
fabrication de documents. C'est de la fraude, à toutes fins utiles, et
rien d'autre que cela. Je réitère au député de
Frontenac que dans l'état actuel de la loi, la garantie dont il a
besoin, je pense, existe; et ce n'est, encore une fois, qu'en stricts termes de
soutien, en termes de procédure, en termes d'administration d'ordre
technique, que les pneumologues eux-mêmes ne veulent pas faire, que le
processus est prévu.
M. Grégoire: M. le Président, je prends la parole
du ministre. Je suis satisfait de sa réponse. La commission n'a rien
à ajouter ou à retrancher dans ce rapport. Ce n'est qu'un soutien
technique.
Le deuxième point. Je crois aussi que le ministre m'a
donné la raison pour laquelle les directeurs des services de pneumologie
des hôpitaux avaient été retirés de la liste:
Ils avaient des mandats de deux ans, et ceux qui était
nommés aux comités de trois l'étaient pour des mandats de
quatre ans. Je retire également cette demande.
Il y a la troisième qui reste: "...après consultation avec
le Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre." Je vais
expliquer pourquoi au ministre. C'est dans le cadre de toutes les commissions
d'appel et de tout le travail qu'on fait à l'heure actuelle. Ce qu'on a
trop vu dans le passé, c'est précisément cette histoire
d'un arbitre avec deux assesseurs qui étaient au conseil de
décision, l'un nommé par la partie patronale et l'autre
nommé par la partie syndicale. J'ai toujours trouvé que c'est ce
qui provoquait le plus de chicanes et que cela suscitait de nombreux appels:
cela enlevait le souci d'impartialité parce qu'il y avait des parties au
conseil de décision. C'est ce que je voudrais éviter dans la
nouvelle loi.
D'abord, c'est le ministre qui les nommerait d'après l'avis de
l'Ordre des médecins. Comme ce sont des experts médicaux, je
trouve que, d'après l'avis de l'Ordre des médecins, c'est
parfait. Mais je ne vois pas pourquoi ajouter... Parce que s'il va demander
l'avis du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, comme il y a
des patrons et des syndicats là-dedans, chacun va vouloir pousser de son
côté. J'aimerais que ces comités de pneumologues conservent
entièrement et complètement leur impartialité et que leurs
membres ne se disent pas: J'ai été suggéré par
telle partie ou telle autre partie; un compromis a été fait et un
tel a été nommé par les patrons et un autre a
été nommé par les syndicats. C'est ce que je voudrais
éviter dans ces comités.
M. Fréchette: Trois brèves observations à
cet égard. Le sujet qu'on est en train de discuter va sans doute, dans
les jours qui viennent, faire l'objet d'une considération de la part de
la commission puisque, au chapitre de l'arbitrage médical - je ne sais
pas comment en termes de texte cela va finir par se retrouver sur la table - ce
mécanisme est prévu également. La discussion pourrait
d'une part se refaire à ce moment-là.
Deuxièmement, je voudrais simplement signaler au
député de Frontenac que le motif pour lequel cette consultation
est inscrite dans la loi est strictement en fonction d'impliquer les parties
syndicale et patronale dans le choix de personnes qui seront par la suite
habilitées à rendre des décisions. Je vous dirai
essentiellement que c'est exactement le même processus que celui qui est
retenu pour procéder à la formation de la liste annotée
des arbitres de griefs. Je ne suis pas, par ailleurs, assez naïf pour
croire que tout cela se fait sans que, de part et d'autre, on fasse un petit
peu de négociation, que l'on fasse - pardonnez-moi l'expression - du
"give and take" un peu. Je ne suis pas assez naïf pour croire qu'il n'y a
pas, à la table du conseil consultatif, des discussions serrées
qui se font. Cependant, quand les deux parties se sont entendues sur la liste
des candidatures qui leur sont soumises, voici un candidat qui a
été agréé par les deux parties. Je n'ai pas
à me préoccuper, il me semble, des discussions qui ont
été tenues à la table du conseil consultatif pour refuser
ou retenir une candidature. Dès que le conseil consultatif l'a
avalisée, la conclusion à laquelle je suis obligé
d'arriver, c'est que voici une candidature qui retient l'assentiment des
parties syndicale et patronale. C'est le seul motif pour lequel c'est
là. Que ce ne soit pas là, qu'on l'enlève, je vous dirai
essentiellement que je n'aurais pas d'objection de principe, sauf que je le
retrouvais dans la loi et je souhaitais que ce soit là uniquement pour
en arriver à la conclusion dont je parlais tout à l'heure: Voici
une personne qui est accréditée par les deux parties, rien que
cela. On va en rediscuter un peu plus loin.
M. Grégoire: Justement, M. le ministre. Voilà une
liste qui sera acceptée par les deux parties, mais après que les
deux parties auront fait des compromis ou se seront entendues. Le syndicat dit:
Si tu acceptes Untel, dis-moi lequel tu voudrais que j'accepte. Cela va se
savoir parmi les pneumologues, que c'est devenu un compromis, que le syndicat
suggère Untel et que le patronat suggère Untel. Cela
enlève cette apparence, cela enlève cette impartialité.
Alors que si c'est l'Ordre des médecins qui suggère une liste et
que le ministre les nomme, il n'y a pas eu de compromis, les pneumologues ont
les mains libres car ils savent davance qu'il n'y a pas eu de suggestion ni du
patronat ni du syndicat derrière eux. Ils vont se sentir les mains
dégagées et vont faire un travail de spécialistes
exclusivement. C'est ce principe que j'aimerais retrouver.
Si le ministre me dit qu'il n'a pas d'objection de principe...
L'expérience passée... Il y a neuf ans que je vois des cas de
gens qui passent devant un comité de trois personnes dont une est
nommée par le patronat et l'autre par le syndicat sur consultation.
C'est toujours ce qui a entraîné... J'ai rarement vu des jugements
qui n'étaient pas dissidents. Il y avait toujours un jugement dissident.
Dans le verdict, il y avait toujours le pneumologue du côté du
patronat et le pneumologue du côté du syndicat et c'est ce que je
voudrais éviter.
N'oubliez pas que vous avez un chapitre qui, pour moi... Je vous l'ai
donné en exemple pour les droits d'appel dans les autres cas. Dans le
cas de maladies professionnelles, vous avez quelque chose qui
n'entraîne pas de délai, qui n'est pas décidé
par des fonctionnaires, où il y a une impartialité, où ce
sont des spécialistes, beaucoup mieux que pour l'ensemble des autres
cas. J'aimerais mieux que, pour les autres cas, vous vous adaptiez au principe
qui est établi à la section II du chapitre VI parce que je le
trouve...
Il y aurait ce point-là. Vous me dites que vous n'y avez pas
d'objection de principe et que vous êtes prêt à en
rediscuter plus tard. Je suis prêt à en rediscuter plus tard. Je
dis que si on enlevait cela... Vous l'admettez, on l'admet et tout le monde le
sait, si cela va au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre,
inévitablement ils vont s'entendre: on va accepter Untel si vous
acceptez Untel. Cela se sait et ce n'est plus la même impartialité
de la part des pneumologues. Voici un exemple. Les médecins ne sont pas
à l'abri de cela. On a vu dernièrement, à un procès
où, d'un côté on a fait venir trois psychiatres qui ont dit
blanc, et de l'autre côté on a fait venir trois psychiatres qui
ont dit noir. Six médecins très compétents qui ont fait
des études - parce que la psychiatrie, c'est plusieurs années de
spécialisation après les études médicales - et
malgré tout il s'en est trouvé trois pour dire noir et trois pour
dire complètement le contraire. S'ils sont nommés à partir
d'une liste proposée par l'Ordre des médecins, et nommés
par le ministre, sans que n'interviennent les parties patronale et syndicale,
ils ne seront plus choisis par un côté ou par l'autre. Ils vont
être choisis par le ministre sur avis de l'Ordre des médecins et
ce sera un avis franchement impartial qu'ils vont donner. Sans cela, quand
c'est suggéré par l'un et suggéré par l'autre,
c'est su et c'est connu, il y a eu des compromis, on se le dit et ils se
sentent obligés d'aller... Autant les psychiatres peuvent dire blanc et
peuvent dire noir, et tout le monde s'est mis à rire de voir que des
gars... Je pense que la psychiatrie, c'est quatre ans de plus que la
médecine générale; je pense que c'est quatre ans de
spécialisation. Ils sont certainement spécialisés, puisque
trois disent noir et trois disent blanc après avoir interrogé le
même gars. Je voudrais éviter cela dans le cas des pneumologues.
C'est un peu la raison pour laquelle je demande au ministre de les nommer
après avoir reçu une liste de l'Ordre des médecins et on
va garder l'impartialité, l'impartialité intégrale.
M. Fréchette: M. le Président, j'ai un seul autre
commentaire très bref. Je suis bien disposé à ce qu'on
réserve notre discussion là-dessus quand on arrivera à
l'autre chapitre qui est en relation directe avec ce que vous êtes train
de plaider. On en reparlera à ce moment-là.
M. Grégoire: Très bien, M. le Président.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de
Beauharnois.
M. Grégoire: Maintenant, il me reste une seule chose. Pour
ce qui est de la Commission des affaires sociales ou une autre, j'en ai
parlé ce matin, je crois, je favorisais nettement et je favorise encore
la Commission des affaires sociales comme tribunal d'appel.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député deBeauharnois.
M. Lavigne: Très brièvement, M. le
Président. C'est pour ajouter aux propos qu'a tenus ce matin le
député de Châteauguay et le ministre face à
l'impartialité des 75 ou 80 personnes qui pourraient se retrouver au
bureau de révision ou en première instance.
J'aimerais bien évidemment penser, comme mon collègue le
député de Sainte-Marie, que ces personnes vont être
impartiales, ne seront pas identifiées à l'un ou l'autre des deux
groupes. J'aimerais évidemment qu'ils puissent porter le jugement le
plus objectif possible et avoir la conscience professionnelle la plus
délicate possible quand il s'agira pour eux de prendre des
décisions. Il n'en reste pas moins que j'ai peine à croire que
ces personnes ne seront pas identifiées comme faisant partie d'un groupe
plutôt que d'un autre, et qu'on se retrouverait avec la
possibilité de voir deux propatrons ou deux prosyndicats avec un
président pour prendre une décision. À ce moment, dans
certains cas c'est le patron qui en subirait les conséquences et dans
d'autres cela risquerait d'être des employés.
Je préconiserais donc davantage, en dépeinturant le plus
possible - pour utiliser l'expression du ministre - la couleur syndicale ou
patronale, que chacune de ces personnes puisse avoir une conscience
professionnelle des plus affinées et utiliser le plus
d'objectivité possible dans leur décision. Il n'en demeure pas
moins que c'est un grand risque qu'on courrait si on devait procéder de
cette façon.
Je voudrais donner mon avis, mon appréciation quand, encore
là, le député de Sainte-Marie nous parlait de maintenir
autant que possible la CAS, parce que la CAS est un organisme
éprouvé, un organisme qui est aimé de la population.
Même si on arrivait à apporter toute l'argumentation qui pourrait
justifier la mise sur pied d'un nouveau tribunal d'appel, il n'en reste pas
moins que quand on aime, on aime et il semblerait que les gens l'aiment.
Il y aurait peut-être un compromis à faire, M. le
Président. J'abonderais dans ce
sens... on pourrait toujours en discuter. Il pourrait y avoir formation
d'un nouveau tribunal d'appel, tout en intégrant à ce nouveau
tribunal les gens de la CAS qui ont à travailler sur ce genre de
décision. Donc, si on pouvait intégrer à ce nouveau
tribunal une partie du "staff" ou des employés de la CAS qui ont
à se pencher sur ce genre de problème, je pense qu'on pourrait
régler une partie du problème. Il m'apparaîtrait, à
première vue, que cela pourrait être une solution de compromis.
Évidemment, on laisserait à la CAS toutes ses autres charges et
juridictions, qui sont l'assurance automobile, l'IVAC, les rentes, etc. car il
ne faut pas oublier que le nouveau tribunal d'appel va avoir 25 à 26
champs d'application au niveau de l'appel. Aller grossir la CAS en lui confiant
ces nouveaux champs, je pense que cela irait à l'encontre des
recommandations que nous a faites le juge Poirier la semaine
dernière.
C'étaient les quelques remarques que je voulais faire, M. le
Président. Je pense que cela vaudrait la peine qu'on discute assez
sérieusement de la proposition que je fais d'intégrer à ce
nouveau tribunal d'appel une partie des effectifs actuels de la CAS.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Concernant le nouveau tribunal que le
ministre veut créer, il a commenté ce matin, dans ses remarques,
certaines des observations qui avaient été faites
là-dessus par le député de Sainte-Marie, mais comme il l'a
dit lui-même, il ne les a pas toutes commentées. Je crois qu'en
particulier, M. le ministre n'a pas relevé ce qui avait
été dit au sujet de la crédibilité de la Commission
des affaires sociales, qui est un atout extrêmement important.
On se demande pourquoi le ministre tient à créer un
nouveau tribunal qui, lui, aurait à bâtir sa
crédibilité. Dans un domaine aussi délicat que
celui-là, on peut imaginer que cela prendrait une période de
temps assez considérable, une période de quelques années
avant qu'un nouvel organisme puisse vraiment prétendre avoir bâti
sa crédibilité, une crédibilité comparable à
celle dont jouit actuellement la Commission des affaires sociales.
Je ne me souviens pas non plus que le ministre ait répondu aux
observations qui nous avaient été faites il y a quelques jours
par le juge Poirier, président de la Commission des affaires sociales,
au sujet du dédoublement qu'il y aurait, étant donné que
la Commission des affaires sociales continuerait de s'occuper des dossiers qui
sont, à l'heure actuelle, entre ses mains, des problèmes qui
seraient posés quant à la double jurisprudence qui
s'établirait. Je ne me souviens pas que le ministre ait commenté
ces observations qui venaient, en particulier, du juge Poirier.
Il y a aussi un autre aspect de la création d'un nouveau tribunal
qui est étonnant dans le contexte actuel. C'est qu'il y a une sentiment
extrêmement répandu dans tout le monde occidental que
l'État contemporain a eu tendance à trop grossir, que le temps
est venu de mettre les freins et d'arrêter cette croissance
exagérée des appareils gouvernementaux. Dans ce contexte, il est
étonnant que le ministre songe à créer encore une autre
structure gouvernementale sans en abolir aucune. Cela tend à compliquer
encore plus le fonctionnement de l'État, à grossir encore
l'appareil gouvernemental.
Le député de Beauharnois vient d'appuyer ce que le
député de Sainte-Marie disait ce matin au sujet de
l'opportunité de transférer des effectifs de la Commission des
affaires sociale vers cet éventuel nouveau tribunal. On comprend que,
dans l'hypothèse où un nouveau tribunal serait
créé, il est tout à fait raisonnable d'envisager qu'onmeublerait ses effectifs à même des gens qui travaillent
déjà sur ces questions, qui ont la compétence voulue, qui
ont fait leurs preuves. On irait donc chercher des gens en nombre assez
considérable à la Commission des affaires sociales. Dans
l'hypothèse où on créerait un nouveau tribunal, bien,
sûr, il faudrait envisager cela.
Mais ce à quoi il faudrait faire face, c'est à
l'énorme aggravation que cela entraînerait quant aux
problèmes de la Commission des affaires sociales. La Commission des
affaires sociales, on lui reproche essentiellement une chose: ce sont les
retards dus au fait qu'elle est débordée et qu'elle manque
d'effectifs. Si on lui retire une partie de ses effectifs les plus
compétents pour constituer le nouveau tribunal, on aggrave
énormément les problèmes de la Commission des affaires
sociales. Je trouve qu'il y a, dans l'attitude du gouvernement, un certain
fatalisme à propos de la Commission des affaires sociales. Je n'ai pas
entendu le ministre nous dire de façon claire et nette que le
gouvernement dont il fait partie allait, dans de très brefs
délais, prendre les moyens administratifs voulus pour régler les
problèmes de la Commission des affaires sociales. Si le gouvernement
prenait de telles dispositions, s'il fournissait à la Commission des
affaires sociales les effectifs dont elle a besoin pour rattraper les
nombreuses causes accumulées, à ce moment-là, le
problème essentiel qui se pose à propos de la Commission des
affaires sociales serait réglé, l'obstable serait levé, et
il n'y aurait plus de raison de ne pas, conformément à ce que la
Commission des affaires sociales elle-même recommande, maintenir sa
compétence, sa
juridiction en ces matières. (15 heures)
À propos du témoignage du juge Poirier, d'ailleurs, je me
demande si le ministre n'est pas un peu sélectif dans son approche,
c'est-à-dire qu'il retient des propos du juge Poirier ceux qui lui
conviennent - ce qui est tout à fait normal - et je me demande si, tout
en faisant des emprunts dans les remarques du juge Poirier, en louangeant la
sagesse du juge, il ne se trouve pas en réalité à
écarter l'essentiel de ce que le juge nous a recommandé. (15
heures)
Je rappelle au ministre que les conclusions des remarques du juge
Poirier étaient les suivantes: "que toutes les matières
concernant l'indemnisation des travailleurs victimes d'accidents du travail ou
de maladies professionnelles, l'indemnisation des retraits préventifs
demeurent de la juridiction de la Commission des affaires sociales; "que, si
jugé opportun, les recours en matière de réadaptation,
d'assistance médicale, de prévention, de cotisation,
classification, imputation des coûts soient aussi confiés à
la Commission des affaires sociales, car il s'agit de mesures
complémentaires au nouveau régime envisagé de remplacement
du revenu des travailleurs accidentés; "que l'on envisage de confier
plutôt les recours en matière d'inspection, de droit de refus de
travailler en cas de danger, d'ouverture ou de fermeture d'un
établissement à d'autres instances actuellement existantes - il
n'est pas question de créer un nouveau tribunal, ce sont d'autres
instances actuellement existantes -commissaires du travail, Tribunal du
travail, Commission des normes du travail, etc., en attendant la réforme
envisagée des tribunaux administratifs; "que, subsidiairement -
c'est-à-dire comme autre solution si le gouvernement
préfère - ces derniers recours soient confiés à la
Commission des affaires sociales dont la fonction serait élargie
à des mesures de sécurité du travail, plutôt
qu'à un nouvel organisme d'appel; "que les ressources et outils
nécessaires soient accordés à la Commission des affaires
sociales pour lui permettre de disposer adéquatement et dans des
délais enfin raisonnables de ces nouvelles juridictions."
Ce sont les conclusions de la Commission des affaires sociales. Ce sont
les recommandations qu'il y a devant nous. Je veux bien que le ministre cite
les remarques du juge Poirier, mais il ne faudrait pas qu'il oublie de tenir
compte du sens fondamental des remarques du juge. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Lévesque,
Kamou-
raska-Témiscouata): M. le ministre.
M. Fréchette: Oui, M. le Président.
Évidemment, l'intervention du député de Deux-Montagnes me
suggère quelques réactions que je voudrais prendre le temps de
vous transmettre.
Je pense qu'il y a une chose sur laquelle on s'entend tous, c'est
qu'aucun d'entre nous n'a encore entrepris - et je ne pense pas qu'aucun non
plus n'ait le goût de le faire - de se questionner sur la
crédibilité de la CAS, la Commission des affaires sociales, comme
elle existe actuellement. Tout le monde a convenu que, compte tenu des
circonstances dans lesquelles elle devait évoluer, elle accomplit tout
le boulot qu'il est humainement possible d'accomplir dans des circonstances
comme celles-là.
La question de fond que me soumet le député de
Deux-Montagnes, qui est d'ailleurs revenue à quelques reprises dans la
conversation est celle-ci: À partir de ce que l'on développe
comme motifs et comme argumentation, pourquoi faudrait-il changer d'instance
d'appel en matière d'accidents du travail?
M. le Président, je suis malheureusement obligé de vous
dire que je me répéterai sans doute quant à certaines
observations qui ont déjà été faites jusqu'à
maintenant. Pourquoi faut-il le faire? C'est parce que les parties que nous
avons entendues en commission parlementaire ont été unanimes sur
la nécessité d'élargir la juridiction d'appel quant aux
matières dont dispose actuellement la Commission de la santé et
de la sécurité du travail et pour lesquelles il n'y a pas
d'appel. Les travailleurs, par exemple, nous ont dit: Vous incorporez dans la
loi un mécanisme qui prévoit un droit à la
réadaptation. Vous incorporez dans la loi un mécanisme qui ne
fait peut-être pas notre affaire, en termes de conditions ou de balises
dans lesquelles il est incorporé, mais avec lequel on peut essayer de
vivre. C'est celui du droit de retour au travail. Vous incorporez cela dans la
loi. Nous, on souhaiterait que ce ne soit pas seulement la Commission de la
santé et de la sécurité du travail qui soit
habilitée à rendre des décisions à cet égard
quand une contestation s'engage à la suite de la décision du
premier palier.
Du côté patronal, les mêmes observations nous ont
été faites. On nous a dit, par exemple: Est-ce qu'il est possible
de prévoir que lorsque la Commission de la santé et de la
sécurité du travail prend une décision quant à la
cotisation que nous serons obligés de payer - ce n'est pas absolu - on
puisse avoir l'occasion d'aller devant une autre instance pour faire valoir les
droits et moyens pour lesquels on prétend que la cotisation qui nous a
été faite ne devrait pas être celle qui nous a
été faite?
II y a plusieurs autres matières de même nature.
On dit: Comme tout le monde souhaite que ces juridictions soient
ouvertes à la considération d'autres instances que celle de la
commission, est-ce que les mécanismes qui existent actuellement sont
suffisamment structurés pour recevoir un nombre d'appels additionnels
par rapport aux matières dont elle dispose déjà
actuellement? Il me semble qu'à cette question il n'y a pas d'autre
réponse qu'une réponse négative. D'une part, à
partir du rôle qui existe déjà à la Commission des
affaires sociales et qui est encombré - convenons-en - cela peut
être un motif de carence de ressources humaines, bien sûr... Je
n'ai pas souvenance que le juge Poirier nous ait dit de combien de personnnes
additionnelles il aurait besoin pour uniquement libérer les dossiers
d'indemnisation qui sont devant la commission actuellement.
M. Bisaillon: Deux bancs.
M. Fréchette: Deux bancs additionnels pour seulement
libérer ces cas d'appel. Est-ce qu'on peut imaginer ce que cela
nécessiterait, en termes de ressources additionnelles, pour disposer des
appels qui proviendraient de toute autre matière que la
réparation, comme cela existe actuellement?
Le principe qui déborde les motifs d'ordre pratique dont je viens
de parler -c'est celui sur lequel le juge a aussi attiré notre attention
- le dénominateur commun à la Commission des affaires sociales
est la préoccupation de rendre des décisions qui ont toutes une
relation avec le phénomène de la sécurité du
revenu. Que ce soit des décisions qui nous sont soumises pour
reconsidération, à la suite d'une première décision
rendue, par exemple, à l'arrivée de l'assurance automobile, cela
concerne la sécurité du revenu. Que ce soit une
reconsidération d'une rente de la régie, c'est de la
sécurité du revenu. Que ce soit une prestation d'aide sociale,
c'est aussi de la sécurité du revenu. La vocation de notre
organisme, nous dit le juge Poirier, c'est d'être constamment
préoccupé par l'harmonisation qui doit exister dans nos
décisions, toujours en fonction de cette préoccupation quant
à la sécurité du revenu.
Or, M. le Président, je me dis: Si l'on retient les demandes qui
nous ont été faites par toutes les parties et que l'on ouvre
l'appel à toutes les autres matières, on va se retrouver en face
de deux obstacles majeurs quant à transférer le tout à la
Commission des affaires sociales, le premier en étant un de principe,
parce que ça va devenir complètement hybride, dans le sens que la
Commission des affaires sociales va devoir se prononcer sur un nombre
considérable de matières qui débordent les principes
généraux qu'on doit retenir lorsqu'on se prononce sur des
phénomènes de sécurité du revenu. C'est une
objection de principe qui m'apparaît importante.
Deuxièmement, je rejoins à cet égard une autre
préoccupation du député de Deux-Montagnes qui dit: La
tendance occidentale, par les temps qui courent, c'est d'essayer de faire en
sorte qu'on limite l'ampleur des appareils gouvernementaux. Si, dans le seul
état actuel des choses, l'appareil de la Commission des affaires
sociales a besoin d'être amplifié uniquement pour répondre
aux seules exigences qui sont les siennes actuellement - qu'on me comprenne
bien quand je dis ça, je ne veux pas dire qu'il n'y en a pas
suffisamment - si l'appareil a besoin d'être amplifié, dans quelle
proportion faudra-t-il alors l'amplifier si toutes les matières dont on
parle doivent devenir sujettes à appel? Je pense que c'est le genre de
question qui doit aussi nous préoccuper.
À partir de ces considérations, et toujours en ayant
à l'esprit le phénomène de l'ampleur des appareils
gouvernementaux, comme le dit le député de Deux-Montagnes, est-ce
qu'il vaut mieux prendre la direction de décider d'amplifier
conformément aux besoins un organisme qui existe déjà,
sans au préalable avoir d'indications très précises quant,
encore une fois, à la proportion de l'ampleur, ou bien intégrer
à l'intérieur d'un même organisme toutes les
matières qui procèdent des dispositions d'une même loi? Par
exemple, le Tribunal du travail - je le signalais ce matin - est
habilité à entendre les litiges qui procèdent du Code du
travail, le Tribunal de l'expropriation, l'Office des professions. Enfin, il y
a plein d'organismes qui sont créés par l'adoption de
différentes lois pour les fins spécifiques de l'application de
ces lois. C'est ce genre de préoccupation qui a fait que la proposition,
encore une fois, qui est avancée est celle d'aller à
l'extérieur de la Commission des affaires sociales.
Le député de Deux-Montagnes soulève une autre
question importante et intéressante dans la discussion. Il attire notre
attention sur les matières qui sont identifiées par le juge dans
ses conclusions et qu'il suggère de transférer à des
instances déjà existantes comme, par exemple, le commissaire du
travail, le Tribunal du travail, et je ne vais parler que de ces deux seules
instances. Est-ce que je peux dire aux membres de la commission que
déjà, dans l'état actuel des choses, le commissaire du
travail, le Tribunal du travail est à ce point chargé en
matière de rôle que l'on doit attendre - il y a ici des praticiens
des relations du travail qui, quotidiennement, doivent évoluer à
l'intérieur de ces mécanismes - le commissaire du travail, le
Tribunal du travail est déjà à ce point engorgé que
l'on doit attendre six
mois, huit mois, un an avant d'avoir une décision sur une
requête en accréditation. Vous savez ce que ça fait,
l'obligation d'attendre aussi longtemps pour avoir une décision sur une
requête en accréditation? Ça fait que souvent les
salariés qui ont pris la décision de s'accréditer et qui
se retrouvent devant des délais de cette nature se découragent en
cours de route et souvent abandonnent purement et simplement la
procédure d'accréditation qu'ils ont engagée.
Il faut savoir également aussi, puisqu'on parle du Tribunal du
travail, qu'actuellement il dispose de cas provenant de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail, de la Loi sur les
jurés, de la Loi sur la fête nationale, d'une Loi sur les affaires
municipales. Le Tribunal du travail, le commissaire du travail a
déjà des juridictions qui viennent d'au moins sept ou huit
origines différentes, avec le résultat dont je viens de parler,
c'est-à-dire l'encombrement du rôle là aussi.
C'est ce genre de préoccupation que j'ai en tête quand je
dis que, dans l'intérêt de ceux qui ont besoin de ces services, il
m'apparaît que l'on doive explorer jusqu'à la limite la
possibilité de leur donner un organisme qui soit exclusif et qui ne soit
investi d'aucune autre juridiction de quelque nature qu'elle soit. (15 h
15)
Une dernière observation quant à moi, quant à
l'inquiétude soulevée par le député de
Deux-Montagnes, qui a été d'ailleurs également
soulevée ce matin par le député de Viau, c'est la
préoccupation que l'on a d'éventuellement se retrouver, du moins
pendant une certaine période, avec ce phénomène de
dédoublement qui pourrait déboucher sur des décisions
contradictoires. D'ailleurs, le juge Poirier a aussi attiré notre
attention là-dessus. Ce n'est pas impossible que nous nous retrouvions
dans des dossiers qui contiennent les mêmes éléments et qui
doivent être évalués à partir des mêmes
préoccupations factuelles, que l'on se retrouve avec des
décisions qui n'arriveront pas à la même conclusion, pour
un premier motif. C'est que les deux organismes... Pendant le temps
nécessaire, la Commission des affaires sociales, pour libérer les
4000 cas qui sont déjà là et les 5000 autres qui sont en
train de s'y accumuler, va continuer de juger et d'apprécier ces
cas-là en vertu des dispositions de l'actuelle loi qui contient un
régime d'indemnités qui n'est pas de la même nature que
celui que l'on retrouve dans la loi 42. Bien sûr qu'à partir des
mêmes faits, dans deux dossiers différents, on peut arriver
à des conclusions différentes parce qu'on ne procède pas
des mêmes principes d'ordre juridique.
L'autre préoccupation qu'on nous soumet, c'est de dire: Est-ce
qu'il n'y a pas un risque que la nouvelle commission d'appel en santé et
sécurité, si jamais il y a une qui est mise sur pied,
procède à modifier des décisions déjà
rendues par la Commission des affaires sociales en matière de
réparation? Je vous dirai, M. le Président, que, s'il y avait
formation de cette nouvelle commission d'appel, elle n'aurait aucune
juridiction sur les cas qui remontent à l'actuelle loi; la Commission
d'appel en matière de santé et de sécurité, si elle
devait exister, ne peut pas être saisie de cas qui sont assujettis
à l'actuelle Loi sur les accidents du travail. Le danger que cette
nouvelle instance procède à modifier des décisions
déjà rendues n'existe pas à mon sens, très
précisément pour le motif dont je viens de parler.
M. le Président, retenez, comme je le disais ce matin, que le
choix est contradictoire et qu'il y a des arguments favorables aux deux
thèses qui sont développées, sauf qu'à un moment
donné il faut arbitrer quelque part et essayer de faire en sorte que le
mécanisme qu'on va remettre aux parties soit celui qui sera le mieux
préparé à rendre les services auxquels elles ont
droit.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Sainte-Marie
ou si vous voulez terminer...
M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne soutiendrais
pas que la position du ministre est dépourvue de cohérence. Il a
fait un choix et il y a à l'intérieur de ce choix une certaine
cohérence. J'ai l'impression que le ministre est comme Pygmalion, qu'il
est amoureux de sa loi.
M. Fréchette: Comme qui, vous dites?
M. de Bellefeuille: Comme Pygmalion. Il la considère si
belle et si parfaite qu'il dit: Un tribunal qui aurait pour seule tâche
d'entendre tous les appels portés en vertu de cette magnifique loi va
agir dans la cohérence et dans l'économie de telle sorte que
l'appareil de l'État s'en trouvera moins augmenté que si on
confiait ces responsabilités-là à d'autres. Je pense que
la nature humaine va prendre le dessus. Un nouveau tribunal, cela va vouloir
dire de nouveaux bureaux, d'autant plus que, dans l'esprit du ministre, tout
cela est régionalisé, cela voudra dire un grand nombre de
fonctionnaires partout dans le Québec. Le résultat fatal, cela va
être un grossissement de l'appareil de l'État. On crée un
nouvel organisme d'État. Fatalement, on grossit l'appareil de
l'État plus que si on attribue ces fonctions à un organisme
existant. Cela continue de me paraître évident. D'autre part, le
ministre s'abstient prudemment de prendre des engagements à propos de la
Commission des affaires sociales. Je suppose que cela s'explique par le fait
qu'il n'en est pas le tuteur. Ce n'est pas lui qui répond de
cette commission, je suppose.
M. Fréchette: J'ai assez de pupilles.
M. de Bellefeuille: Pardon?
M. Fréchette: J'ai assez de pupilles.
M. de Bellefeuille: Mais c'est...
M. Bisaillon: Là, vous vous organisez pour en avoir
d'autres en plus.
M. Fréchette: Mais non, celle-là, je la
transfère à un autre.
M. de Bellefeuille: C'est le ministre des Affaires sociales qui
répond de la Commission des affaires sociales?
M. Fréchette: Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. de Bellefeuille: Ah bon! C'est la ministre de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu qui répond de cette
commission. Est-ce que le ministre a parlé à sa collègue?
Est-ce que le ministre a fait part à sa collègue des
inquiétudes de cette commission-ci, à savoir si le gouvernement
entend régler les problèmes de la Commission des affaires
sociales? Ce sont des problèmes graves et on ne peut pas s'en laver les
mains. On ne peut pas être fataliste et se dire: Cela appartient à
d'autres de régler cela. Ce sont des problèmes qui sont là
devant nous. Nous avons entendu le président de la commission qui nous
en a parlé de façon très directe et qui n'a pas du tout
cherché à maquiller les choses. Nous savons que ce sont des
problèmes que le gouvernement peut régler par des moyens
administratifs. Il n'y a pas de loi à faire adopter pour régler
cela, c'est par des moyens administratifs. J'aimerais que le ministre nous dise
ce qu'il pense des observations du député de Sainte-Marie et du
député de Beauharnois, à savoir que, si on crée ce
nouveau tribunal, la meilleure façon de le doter d'effectifs
compétents va être de piger à la Commission des affaires
sociales. Boni C'est bien beau, mais quel effet désastreux sur la
Commission des affaires sociales, qui a déjà de graves
problèmes de manque d'effectifs. On va écrémer cette
commission, prendre ce qu'il y a de meilleur là pour constituer le
nouveau tribunal. Là, vraiment, la Commission des affaires sociales, non
seulement ses problèmes n'auront pas été
réglés, mais ils vont être considérablement
aggravés. Bon! J'aimerais, puisque ces problèmes sont devant
nous, que le ministre nous en parle. J'aimerais que le ministre, au besoin,
aille consulter sa collègue et ses autres collègues et que le
gouvernement, par la bouche du ministre, dise à cette commission qu'il a
l'intention de régler ces problèmes dont on a fait état
devant nous.
M. Fréchette: M. le Président...
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre.
M. Fréchette: ...je pense que c'est le juge Poirier
lui-même qui, en réponse à mon collègue de Viau, a
indiqué qu'il y avait eu, il y a quelques mois, au moment où la
loi était en discussion, des rencontres entre lui et moi pour
très précisément discuter de l'ensemble de la
problématique qui était devant nous. Pas besoin d'insister pour
vous dire que la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu était également partie prenante de toutes ces
discussions. Je pense que c'est sans aucune espèce d'hésitation
également que l'on va convenir que même si les choses devaient
demeurer ce qu'elles sont actuellement, c'est-à-dire même si on ne
référait pas à la Commission des affaires sociales - si
cela devait être ainsi - de nouvelles juridictions, il y a
évidence de la nécessité de procéder - et
rapidement - par la voie administrative, comme le souligne le
député de Deux-Montagnes, à donner à cette
commission les outils dont elle a besoin, autant en ressources humaines qu'en
toute autre espèce de matières, ne serait-ce que pour se mettre
à jour dans les cas qui lui sont actuellement soumis. D'ailleurs, je
pense que le juge a indiqué qu'au cours de la dernière
année un certain nombre d'effectifs ont été
ajoutés, mais il semble bien que, malgré l'ajout d'effectifs dont
on a parlé, ce ne soit pas encore suffisant pour rejoindre l'objectif de
se tenir à jour, ou à peu près, dans le nombre de dossiers
dont on doit disposer. Il est tout à fait certain, M. le
Président, que cela a déjà fait l'objet de discussions
entre les principaux intéressés et il est également
certain, quant à moi, qu'indépendamment de la décision qui
sera prise ici il faudra effectivement fournir à la Commission des
affaires sociales des nouveaux effectifs. Cela me semble très clair.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Quatre commentaires. Dans le premier, on aparlé beaucoup de l'engorgement des rôles. Je voudrais
souligner au ministre qu'il en va de l'engorgement des rôles comme de la
question des délais dont on a parlé ce matin. Ce n'est pas la
création d'un nouvel organisme qui va empêcher à un moment
donné qu'il y ait engorgement des rôles. Il y a seulement trois ou
quatre façons de régler la question de
l'engorgement des rôles. C'est de diminuer les possibilités
d'appel. Cela règle beaucoup le cas de l'engorgement des rôles. On
pourrait diminuer le Code criminel par exemple. Si on enlevait beaucoup de
choses dans le Code criminel, on aurait moins de monde dans les prisons. Il est
certain que c'est un moyen.
Le deuxième moyen serait une procédure différente
entre le niveau de première instance et l'appel. Le juge Poirier nous a
quand même fait une démonstration dont on parle peu. Par rapport
à d'autres lois, il y a plus d'appels au niveau des accidents du travail
qu'il y en a ailleurs. Il y a plus que simplement le nombre d'appelants. Il y a
aussi un fonctionnement entre la première instance et... Cela m'a paru
clair dans le témoignage du juge Poirier. La troisième
façon de régler l'engorgement est d'ajouter aux ressources et de
régler ainsi le problème.
Qu'on parle d'un organisme ou d'un autre, la question de l'engorgement
va toujours se poser si on ne prend pas les moyens pour éviter cet
engorgement. Il va toujours se produire, comme dans tous les tribunaux; qu'ils
soient administratifs ou autres, il y a toujours à un moment
donné un certain engorgement. À chaque fois qu'on étudie
les crédits du ministère de la Justice on regarde toujours les
délais pour en arriver à une sentence devant les tribunaux
civils, et on se rend compte que les délais sont encore aussi longs
qu'ils l'étaient auparavant. Pourtant, on a ajouté des juges.
Une voix: Pas partout.
M. Bisaillon: Mais on n'en a pas ajouté partout.
M, Fréchette: Non, mais les délais ne sont pas
aussi longs partout. Il y a des endroits qui ont pris le dessus.
M. Bisaillon: Les délais ne sont pas aussi longs partout
mais il y a toujours des délais qui, pour le justiciable, sont longs. Le
ministre nous parlait de délais de 20 ou 30 jours; on sait bien que
même si on l'inscrit dans une loi, comme le ministre l'a dit ce matin
aussi, ce n'est pas automatique que cela va se faire de cette
façon-là. Avec le temps, on se rend compte que cela ne se
règle pas nécessairement.
L'engorgement ne doit pas nous faire décider d'une instance ou
d'une autre. Il me semble que le problème va se poser. Quand on parle
des objectifs de la CAS, il faut bien comprendre - en tout cas, si j'ai compris
le document du juge Poirier de la même façon que les autres -
qu'il y a une section spéciale qui se préoccupe des accidents du
travail à la CAS. Les gens qui siègent sur les bancs des
accidents du travail ne font pas d'autres cas. Ils ne traitent que des cas
d'accidents du travail. Cela réduit un peu l'argumentation de mon
collègue de Deux-Montagnes parce que, si on transfère le
personnel qui est à la CAS, on transfère uniquement le personnel
qui, actuellement, travaille sur des cas d'accidents du travail et se prononce
là-dessus.
M. de Bellefeuille: Et le rôle actuel de la commission?
M. Bisaillon: Elle continuerait à le faire. Sauf qu'on
arriverait avec un personnel qui a l'expertise pour la loi actuelle comme il
peut l'avoir pour la prochaine loi.
Quant au niveau de première instance, je voudrais avoir les
réactions du ministre sur une suggestion que j'avais faite ce matin
quant à l'aspect facultatif de la première instance. Pour moi,
c'est un aspect important parce que, si on juge la première instance
comme devant forcément ouvrir à l'appel, dans plusieurs cas on
ajoute des délais qui sont des délais indus et qui amènent
l'engorgement finalement. Il me semble que cela devrait être une instance
facultative pour la partie qui est en demande. C'est à elle de
décider. (15 h 30)
Deuxièmement, quant au type de fonctionnement à ce niveau
de première instance, ce matin, j'avais émis une suggestion dans
le sens qu'il y ait des arbitres, plutôt que de parler d'arbitres
syndicaux et patronaux, qui soient choisis à même une liste. Il y
a quand même une discussion qui pourrait se faire là-dessus. Je
serais prêt à envisager, par exemple, qu'on fonctionne avec un
président d'instance, choisi comme je l'ai mentionné, un
fonctionnaire de la CSST choisi de la façon dont je parlais ce matin,
mais que, pour certains cas, il s'adjoigne un assesseur à même une
liste qui serait choisie, elle, de la façon dont je parlais ce matin. Ce
ne serait pas nécessairement toutes les causes qui pourraient être
entendues, qui devraient être entendues en la présence
d'assesseurs, mais certaines causes. Je pense, entre autres, à tout ce
qu'il y a de médical. Il pourrait y avoir une liste de médecins
choisis de la façon dont j'ai parlé ce matin et le
président du bureau, au moment de l'audition, s'adjoint un assesseur
médical ou un assesseur qui ne concourt pas à la décision,
mais qui est là pour l'aider à prendre la décision. Cela
ferait disparaître l'arbitrage médical qui ne serait plus
nécessaire et cela répondrait aussi à un certain nombre
d'arguments, d'objections qui ont été soulevées ce
matin.
Je ne sais pas si on me comprend bien, mais pour ce qui est du niveau de
première instance, je faisais comme le ministre fait depuis quelques
jours, je réfléchissais tout
haut en disant ce qui ne me convenait pas mais en espérant qu'on
puisse trouver quelque chose qui pourrait être ce dont je parle.
Plutôt qu'un tribunal à trois, ce pourrait être le
président qui décide mais qui s'adjoint, dans certains dossiers,
un assesseur, les assesseurs étant choisis selon le processus que je
suggérais, c'est-à-dire une liste faite d'avance et qui a obtenu
l'accord des deux parties siégeant au conseil d'administration de la
CSST.
Pour ce qui est du tribunal d'appel, voici mes derniers commentaires
avant que le ministre ne fasse un choix définitif, même s'il me
semble déjà avoir fait son choix. Pourquoi défendre le
mécanisme qu'on a déjà? Un, parce qu'il fonctionne. Deux,
parce que les gens y ont confiance. Trois, parce qu'il est indépendant.
Quatre, parce qu'on a l'assurance maintenant qu'on peut y ajouter les
ressources nécessaires pour fonctionner. Cela me fait des raisons
suffisantes pour dire: On a là quelque chose de sûr, gardons-le.
Moi, mon choix serait de garder cela. Maintenant, comme il semble que, du
côté ministériel, l'époque soit au choix qui
mène aux beaux risques, qu'on veuille s'embarquer dans un autre beau
risque et s'en aller vers un tribunal complètement nouveau, je dis que,
si vous faites ce choix, assurez-nous au moins que les conditions existantes
à la CAS se retrouveront dans ce tribunal: que ce sera
indépendant, que cela va fonctionner et que la confiance va y
être.
Le député de Châteauguay me disait ce matin: Oui,
mais dans cinq ou six ans, la confiance va s'être bâtie et
établie. Je retiens, des propos de plusieurs parlementaires à
cette commission et du ministre, que ce n'est pas tout qu'il y ait tout ce
qu'il faut pour que la justice se fasse, il faut qu'il y ait aussi apparence.
Et c'est là que le bât blesse. On va se parler franchement parce
qu'on est rendu à cette étape; on est rendu à
l'étape de regarder ce qui fait défaut actuellement et ce qui
entretient cette méfiance qu'on peut avoir vis-à-vis d'un nouveau
tribunal.
La garantie qu'on veut obtenir, c'est qu'il n'y aura pas de lien entre
la CSST et le niveau d'appel. Le ministre nous donne un certain nombre de
garanties, il nous dit: cela va dépendre du ministère de la
Justice, que c'est le gouvernement qui va payer. Encore que là, cela m'a
semblé un peu un transfert de fonds, mais cela regarde le gouvernement,
cela ne me regarde pas. Mais il dit: C'est l'État qui va payer, ce ne
sera pas la CSST. Il faut plus que cela. Il faut aussi qu'on soit convaincu
qu'il n'y a pas de lien entre la CSST et le tribunal d'appel; il faut qu'on
soit convaincu qu'un tribunal d'appel n'est pas mis là pour amener une
interprétation particulière des droits contenus dans la loi. La
CAS a la réputation d'avoir une ouverture particulière et une
attitude plus ouverte vis- à-vis des personnes démunies; cela a
d'ailleurs fait l'objet de commentaires du Conseil du patronat, je les ai lus
en commission parlementaire l'autre jour.
Ce que nous voulons comme assurance, c'est que le nouveau tribunal ne
soit pas là... On a mis la réadaptation dans le projet de loi. On
veut avoir la certitude que la réadaptation va s'appliquer, qu'elle ne
sera pas soumise ou limitée par autre chose que ce qu'il y a dans la loi
et que ce n'est pas un moyen, que le tribunal n'est pas un moyen de limiter
l'application de la loi. Dans ce sens, le nom du vice-président actuel
de la CSST a été mentionné dans les journaux. Le nom de M.
Bernier a été mentionné dans les journaux comme
étant celui qui est envisagé comme président du nouveau
tribunal d'appel. Je veux que vous ayez l'assurance, et je veux aussi que M.
Bernier me comprenne bien. Je n'ai rien contre M. Bernier, sinon que c'est
l'actuel vice-président de la CSST. Mais quand les journaux parlent de
M. Bernier comme étant possiblement le président du tribunal
d'appel, cela ne peut pas faire en sorte que le tribunal d'appel parte sur un
bon pied, parce que cela indique qu'il peut y avoir un semblant de lien entre
la CSST et le tribunal d'appel qu'on va mettre sur pied.
Je ne peux pas m'enlever de la tête, M. le ministre - il faut en
tenir compte; je vous parle comme parlementaire, mais dans le milieu, c'est
cela qui circule - qu'il y a aussi un certain nombre d'actuels employés
de la CSST qui voient comme possibilité le fait de travailler à
ce tribunal d'appel. On n'est pas pour se mettre, dans des lois, à
interdire que des gens qui ont été à la CSST aient la
possibilité d'aller dans une autre instance. On ne peut pas faire cela.
À supposer que la Loi sur la fonction publique s'applique pour le
recrutement, je comprends que tous ceux qui sont fonctionnaires vont avoir la
possibilité de se présenter à un concours de
sélection et pourraient être retenus. Ils peuvent venir de la
Régie de l'assurance automobile et ils peuvent venir de la CSST. Si ce
sont les meilleurs, si ce sont ceux qui passent à travers le processus
de sélection, ce sont ceux qui doivent être retenus. Mais
comprenez que, de cette façon, on ne dégage pas les liens entre
l'organisme parrain de la loi et un tribunal d'appel qui va juger cette loi par
la suite. On ne dégage pas les promoteurs de la loi de ceux qui vont
avoir à la juger et à l'appliquer par la suite.
Cela réside là-dedans dans le fond. L'espèce de
méfiance qui court encore est là et je ne pense pas qu'il y ait
des articles de loi qu'on puisse mettre pour empêcher cela. En tout cas,
je m'opposerais à ce qu'on mette un article pour dire: Aucun
employé actuel de la CSST ne pourra être membre du tribunal
d'appel. Cela irait à l'encontre des
droits des individus de pouvoir postuler des fonctions. Mais l'image va
rester là quand même. On ne pourra pas mettre cela dans une loi.
Ce n'est pas un concours. Ce n'est pas Loto-Québec où les
employés de Loto-Québec ne peuvent pas gagner. Ce n'est pas cela.
On ne peut pas faire cela. En même temps, la situation est là et
c'est factuel. Les gens ont encore cela en tête. Ça, c'est un
problème et c'est un problème dont on doit tenir compte,
d'après moi, quand on a à décider si on va faire faire le
job par ce qui existe déjà, qui donne des rendements et qui est
indépendant, et quelque chose de neuf qui partirait sur le mauvais pied,
pas à cause des gens qui vont être à l'intérieur et
de leur mauvaise volonté, mais à cause de l'attitude qu'on va
avoir vis-à-vis de cet organisme. Je pense que c'est un
élément important dont le ministre doit tenir compte, dont les
députés doivent tenir compte et dont les fonctionnaires de la
CSST doivent tenir compte aussi, parce que cela existe. Qu'on le veuille ou
non, c'est là.
Cela dit, M. le ministre, si vous faites vos choix et que ces
choix-là vont dans le sens du beau risque, comme c'est la mode, on va
discuter le choix que vous allez faire. Assurez-nous, cependant, que, si vous
allez dans ce sens-là, vous allez mettre suffisamment de balises pour
donner au moins le maximum de garanties, pour que les gens qui vont être
là par la suite puissent au moins travailler convenablement sans
être mis en doute constamment. Je prétends qu'on a
déjà quelque chose qu'il s'agirait de perfectionner, qui n'a pas
ce handicap-là en partant et que le choix politique devrait être
de conserver cela. Si vous faites un choix politique différent,
organisez-vous pour nous mettre des balises qui vont nous donner au moins le
maximum d'assurance.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Merci, M. le Président. Comme le beau risque
suppose deux parties, j'avais proposé tout à l'heure dans mon
intervention que, précisément, on puisse adjoindre le "staff" ou
l'expertise ou les gens qui s'y connaissent et qui sont aimés à
la CAS, les adjoindre au nouveau tribunal.
Dans ce nouveau tribunal, qu'on aille chercher aussi les connaissances
ou l'expertise que la CSST possède, je n'y vois pas, en tout cas a
priori, tant de mal que cela. Le même problème pourrait se
présenter si on faisait l'inverse. Si on maintenait la CAS en place, on
devrait probablement y adjoindre les gens qui connaissent le monde du travail,
qui connaissent ces dossiers et qui sont probablement à la CSST. Que ce
soient des gens de la CSST qui traversent à la CAS ou que ce soient des
gens de la CAS qui se joignent aux gens de la CSST pour former ce nouveau
tribunal, je comprends toute l'argumentation du député de
Sainte-Marie. C'est vrai qu'actuellement, dans le monde du travail, tous ceux
qui ont eu affaire à l'organisme qu'est la CAS sont en grande partie
satisfaits des résultats qui sortent de là. On ne pourrait
peut-être pas toujours dire dans nos bureaux de comté et sans
vouloir discréditer... On ne discrédite pas nécessairement
des individus à ce moment; on parle de l'organisme, du nom ou du renom
qu'il s'est fait en bien ou en moins bien. Je suis très conscient du
problème qu'il soulève.
Pour essayer d'y trouver une solution, je pensais que le nouveau
tribunal qui ramasserait les 25 ou 26 champs qui vont être mis en
application, que ce soit fermeture d'usines et tout le "kit", qu'on forme un
nouveau tribunal avec un nouveau personnel qui serait pigé ou
recruté dans les deux organismes, et on arriverait à n'en faire
qu'un.
Quand vous parlez de donner certaines balises, de se sécuriser de
façon que cet organisme ne soit pas le prolongement du bras de la CSST,
je suis d'accord avec le député de Sainte-Marie à ce
niveau. Je suis sûr qu'il y a des moyens à prendre pour avoir un
minimum de sécurité, au niveau de l'image aussi, et que les gens
ne soient pas portés à dire que c'est le prolongement ou que
c'est quasiment le corridor ou l'antichambre de la CSST.
Je pense qu'il y a moyen d'y arriver. J'irais même plus loin que
cela. Je pense que les gens qui partiraient de la CAS et qui s'en iraient dans
ce nouveau tribunal devraient amener avec eux les 4000 ou 5000 dossiers qui
sont déjà sous l'ancienne loi. Qu'ils continuent à les
traiter sous l'ancienne loi mais à partir du nouvel organisme qui aura
été constitué. Qu'est-ce que cela changerait qu'ils les
traitent à partir du nouvel organisme ou qu'ils continuent à les
traiter à la CAS? Qu'est-ce que cela change au fond? Mais l'organisme
aurait été créé et, jusqu'à
épuisement des vieux dossiers, il les traiterait sous l'ancienne loi, et
tous les nouveaux dossiers qui arriveraient, il y aurait un espèce de
"phasing out" des vieux dossiers et on enclencherait dans l'analyse des
nouveaux dossiers.
Je dis qu'il y a quelque chose là. On n'est pas pour lâcher
le morceau si vite que cela. Si on examinait cela à fond, je pense qu'il
y a peut-être moyen de trouver une espèce de compromis qui
satisferait à peu près tout le monde. À mon avis, on n'est
pas loin de ce compromis ou de cette bonne entente.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre.
M. Bisaillon: M. le Président, s'il vous plaît,
parce que je n'ai pas complété. Je disais qu'il ne fallait pas
qu'il y ait apparence de lien entre la CSST et le nouveau tribunal. Il faudrait
que je complète aussi. Cela ne me rassurerait pas plus qu'il y ait des
liens entre le mouvement syndical et le nouveau tribunal. Cela s'applique pour
tout le monde. Quand je parle d'un organisme que je veux indépendant, je
le veux aussi indépendant de la CSST, du président Sauvé
que de Louis Laberge. Je veux que ce soit "all the way", indépendant
complètement. Pas lié avec personne.
M. Fréchette: M. le Président, le
député de Sainte-Marie me permettra ici une boutade. Il a l'air
d'avoir beaucoup de réserves quant à la possibilité de
certaines gens de se défaire d'un certain nombre de liens, de se
dégager d'un certain nombre de situations dans lesquelles on a
été intensément impliqués et aux activités
desquelles on a consacré le meilleur de soi. Le député de
Sainte-Marie est le meilleur exemple qui illustre à la face de tout le
monde que ce genre de chose, ce genre de processus est possible... (15 h
45)
M. Bisaillon: ...traité de péquiste. Les individus
peuvent le faire, ce n'est pas sûr que c'est perçu comme cela.
M. Fréchette: Le député de Sainte-Marie est
l'illustration la plus éloquente de la possibilité que des
phénomènes comme ceux-là puissent se concrétiser.
C'était une boutade, M. le Président, j'ai pris la
précaution de vous le dire, et je sais que le député de
Sainte-Marie est en mesure de vivre avec ce genre de chose.
C'est bien sûr que ce à quoi il se réfère,
c'est à ce qu'on pourrait convenir d'appeler, dans les circonstances -
et celui qui vous parle est assez bien placé pour le savoir, depuis deux
ans et demi maintenant ou à peu près que j'ai affaire assez
régulièrement avec la Commission de la santé et de la
sécurité - très précisément "la
réputation", entre guillemets, de la CSST.
II faut avoir été ici, vous savez, pendant onze jours et
au préalable cinq jours dans une autre commission parlementaire sur
l'administration et le fonctionnement de la CSST pour se rendre à
l'évidence qu'effectivement voilà un organisme qui, à
cause de la discrétion dont il était investi, à cause de
la nécessité légale, juridique dans laquelle il
était, a été amené à prendre des
décisions qui ont semé, à certains endroits, du
mécontentement.
Bien sûr qu'il n'y en a pas un d'entre nous qui a
déjà entrepris de dire quelque part qu'il y a au-delà de
75% sinon 80% de la clientèle à la CSST qui est satisfaite du
traitement qui lui est fait. Même si les statistiques
révèlent des chiffres de ce genre, ni moi ni personne d'entre
nous n'a jamais pris le temps de convoquer une conférence de presse pour
dire: Des 3 000 000 de cas d'accidents que cet organisme traite par
année, il y en a quelque 240 000 ou 250 000 qui considèrent avoir
été correctement traités. Je ne pense pas que ni l'un ni
l'autre d'entre nous ne prenne sa crosse d'évêque ou son
bâton de pèlerin pour aller sur la place publique et faire ce
genre de chose. Puiqu'on débouche sur cette situation dont je parle, il
m'apparaissait indiqué au moins d'attirer notre attention à tous
sur ce phénomène.
Assez curieusement, M. le Président, il y a une autre situation
qui est fort cocasse dans le cadre de la discussion qu'on est en train de
faire. Il y a moins d'un an, la Commission des affaires sociales est venue
à la Commission de la santé et de la sécurité pour
retenir les services de la directrice ajointe du contentieux de la CSST. Mais
alors, est-ce qu'il faudra conclure que les gens qui évoluent à
la CSST sont ainsi faits qu'ils ne sont pas capables d'aller évoluer
dans un autre organisme à vocation tout à fait sociale comme
celui de la Commission des affaires sociales? Il y a moins d'un an
également, la Commission des affaires sociales est venue à la
Commission de la santé et de la sécurité pour retenir les
services d'un médecin qui faisait de l'évaluation médicale
à la CSST et qui a pris la décision de se joindre, après
avoir oeuvré un certain moment à la Commission de la santé
et de la sécurité, à l'équipe de la Commission des
affaires sociales. Tout cela pour vous dire simplement qu'ils ne sont pas tous
si malins ni si dangereux que cela ni des "bibites" si graves ni si...
Ce qui m'embarrasse, enfin pas ce qui m'embarrasse, M. le
Président, mais ce que je trouve un peu difficile dans le genre de
discussion qu'on est en train d'avoir, c'est que là on met sur la table
une évaluation qui a l'air d'une présomption irréfragable
-aimez-vous mieux que je vous le dise en latin? Juris et de jure. Comment
est-ce que cela s'écrit? - qui a l'air d'une présomption - je
vais enlever mes deux épithètes, M. le Président - qui
devrait, de toute évidence, d'après les argumentations qu'on
entend, nous amener à la conclusion que cet organisme ne peut pas faire
un travail de la nature de celui que la Commission des affaires sociales fait
actuellement. Il y a une présomption qu'on nous met sur la table, et on
est d'avance convaincu que, quelle que soit sa composition, quel que soit le
mécanisme qui sera retenu, quels que soient les membres qu'on y
retrouvera, de toute façon, par présomption, l'on conclut qu'il
va faire un travail qui sera inacceptable pour tout le monde. J'ai un peu de
difficulté à passer au
jugement sans que le procès n'ait été fait; j'ai un
peu de difficulté à vivre avec ce genre d'évaluation.
Pour revenir à d'autres aspects soulevés par mes
collègues qui m'ont précédé, le
député de Sainte-Marie disait: II existe, à la Commission
des affaires sociales, des divisions spécifiques auxquelles sont
affectés des commissaires, et ils y sont affectés de façon
exclusive. Ce n'est pas tout à fait ce que le juge nous a dit. Les
membres avocats - j'ai compris que c'étaient les membres avocats qui
étaient l'équivalent du président sont polyvalents et
peuvent siéger indifféremment dans toutes les divisions. Les
assesseurs, par ailleurs, sont effectivement affectés exclusivement
à la division des matières de santé et de
sécurité.
M. le Président, on est, encore une fois, devant des choix
particulièrement difficiles à faire, mais je reviens à la
dernière observation du député de Sainte-Marie, je pense,
à la fin de nos travaux la semaine dernière. Vous savez, on ne
peut pas espérer avoir le mieux de ce qui existe, d'en rejeter le pire
et de prendre le mieux de ce qui est sur la table. Je ne sais pas si l'on me
comprend bien: retenir de la loi actuelle toutes les dispositions qui font
notre affaire, en rejeter les choses qui ne nous conviennent pas, prendre le
projet de loi 42 et en retenir les choses qui font notre affaire, faire
l'amalgamation entre les deux et, ce qu'on considère comme étant
le pire dans l'une et l'autre des deux lois, en disposer par le rejet pur et
simple, je voudrais bien qu'on puisse vivre de cette façon sauf, que,
comme je le disais il y a un instant, il y a un moment qui arrive où le
choix doit être fait, et ce n'est pas le genre de choix que je suis
disposé à faire.
La conclusion à laquelle en arrivait le député de
Sainte-Marie la semaine dernière, c'était: c'est tout ou rien
finalement, c'est tout ou rien. Ou bien on continue dans le statu quo,
c'est-à-dire la Commission des affaires sociales continue à
disposer des matières dont elle est habilitée à disposer
actuellement, les autres matières ne sont pas appelables, on vit ainsi
et on garde le mécanisme actuel des bureaux de révision. C'est la
position du député de Sainte-Marie avec laquelle je suis tout
à fait d'accord. C'est cela plutôt que l'autre, et moi aussi je
suis d'accord avec cela. Jusqu'à maintenant, je continue d'être
convaincu - peut-être que j'ai l'air d'être têtu - que, dans
l'intérêt de ceux qui doivent, quotidiennement ou
occasionnellement, avoir affaire à l'organisme, c'est mieux, encore une
fois, de procéder à l'intégration de l'ensemble des
décisions qui pourraient être susceptibles d'appel.
Le député de Deux-Montagnes - je reviens à des
observations que j'ai déjà faites, et j'en suis conscient, mais
je voulais y ajouter un détail - a suggéré de disperser un
peu les juridictions. Est-on conscient du phénomène que celui qui
a des droits à exercer en fonction d'une loi, en l'occurrence la loi 42,
souhaite sans doute frapper à un guichet unique, savoir et être au
fait que c'est toujours à la même porte qu'il doit frapper aux
fins du règlement des litiges provenant de la Loi sur la santé et
la sécurité du travail ou de la Loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles? Si l'on est en train de me dire qu'il
faudrait envoyer des blocs au Tribunal du travail, d'autres blocs à la
Commission des affaires sociales, d'autres blocs à un autre organisme,
est-on conscient que l'on rend un très mauvais service au
bénéficiaire lui-même qui, justement, se perd dans la
multiplicité des recours qui peuvent exister et des portes où on
peut frapper. Je vous dirai, à titre d'exemple seulement, qu'en
matière de construction, par exemple, il existe environ dix recours
à dix endroits différents. Il y a dix sociétés ou
organismes ou ministères qui sont habilités à rendre des
décisions en matière de construction. Il arrive ce dont je viens
de vous parler: ceux qui ont des droits à faire valoir ne savent plus
où frapper, à toutes fins utiles, à moins d'être des
spécialistes ou à moins d'avoir constamment près d'eux des
conseillers spécialisés dans cette matière. Si l'on
commence donc à faire cette espèce d'éparpillement des
juridictions, c'est au bénéficiaire lui-même ou à
l'utilisateur du service qu'on ne rend pas service effectivement.
Je suis conscient que je fais un peu de coq-à-l'âne, mais
je ramasse les observations de l'un et l'autre pour essayer de les couvrir
autant que c'est possible de le faire. Ce matin, le député de
Sainte-Marie - il y est revenu d'ailleurs cet après-midi - a
attiré notre attention avec beaucoup d'insistance sur le
phénomène de l'arbitrage médical et il nous indique que ce
qui est suggéré dans la loi actuellement, quant à lui, ne
devrait pas être retenu et devrait être évalué ou
bien par une commission d'appel, le premier recours étant facultatif, ou
bien au premier recours par un bureau composé de la façon dont il
en parle.
M. le Président, je veux bien essayer de souscrire à
l'argumentation du député de Sainte-Marie, mais je vais
être obligé de lui rappeler qu'on a passé ici une dizaine
de jours en mars et avril 1983 et que le phénomène sur lequel on
est le plus souvent revenu et qu'on a contesté avec le plus de
conviction et de véhémence, autant du côté syndical
que patronal, a été celui en vertu duquel, actuellement, la
Commission de la santé et de la sécurité du travail, par
un moyen ou par un autre, ne serait-ce que par alliance des noms, se retrouve
impliquée dans le phénomène de l'évaluation
médicale. Combien nous ont dit ici que, pour aucune
espèce de considération et pour aucun motif, on ne devrait
voir la CSST ou l'un de ses membres impliqués dans le processus de
l'évaluation médicale? C'est à partir de l'insistance de
tous les témoins qu'on a entendus ici - et ceux qui y étaient
s'en souviennent très bien - qu'on est arrivé à la
conclusion qu'effectivement il fallait sortir de l'appréciation de la
commission, par quelque moyen que ce soit, toute appréciation d'ordre
médical. On nous a dit aussi: vos médecins, qu'on a convenu
d'appeler "médecins de papier", est-ce que cela peut être assez?
Jusqu'à maintenant, on commence à en avoir suffisamment è
cet égard-là. C'est aussi à partir de cette
préoccupation et d'observations qui ont été faites par des
gens de la science de la médecine qui nous ont dit: 1° vous devriez
sortir l'arbitrage médical de toute considération de la CSST,
d'une part; 2° que vous soyez en arbitrage médical ou en
évaluation médicale par le médecin de la CSST ou le
médecin de l'employeur, vous devez introduire dans la loi des
dispositions qui vont permettre à l'accidenté d'exiger l'examen
physique, ce qui n'est pas actuellement le cas. De là, cette expression
dont je viens de parler: les "médecins de papier". (16 heures)
M. le Président, il me semble qu'en retenant les suggestions qui
nous ont été faites ici en commission parlementaire, on ne fait
que répondre au voeu unanime formé par tous ceux qui sont venus.
Et tous ceux qui sont venus, c'est autant, M. le Président, les
représentants des parties syndicales que des parties patronales.
L'on nous dit maintenant qu'il ne devrait pas y avoir d'arbitrage
médical comme vous le souhaitez ou le suggérez, mais cela devrait
être déféré au bureau de première instance,
le bureau de révision dont on parle, où pourrait siéger un
président, fonctionnaire de la CSST. Si c'est cela, M. le
Président, la CSST... Je le comprends très bien. Je vais revenir
là-dessus dans une seconde, d'ailleurs. Si c'est cela, que ce soit
facultatif ou pas, quand on va se retrouver devant ce bureau de révision
pour l'évaluation d'un phénomène d'ordre médical,
on va retrouver quelqu'un de la CSST à l'intérieur de l'organisme
et je vois d'ici la réaction des utilisateurs qui sont venus nous dire:
Sortez-nous la CSST de toute évaluation médicale. Là, on
répond oui. On est convaincu de la justesse de la représentation
que vous nous faites. On sort tout le mécanisme de la CSST
elle-même et on corrige la situation qui nous amène encore une
fois vers ces "médecins de papier". Et là, il faudrait
maintenant...
Je ne suis pas en train de dire que l'argumentation du
député de Sainte-Marie n'a pas sa valeur, mais je suis en train
de lui dire que si on la retient, malgré le caractère facultatif
ou pas du bureau de révision, les premiers reproches vont nous venir des
associations d'accidentés, des associations syndicales et des
associations patronales. C'est de là que les premiers reproches vont
venir parce que, encore une fois, la CSST sera impliquée dans le
processus.
M. le Président, prenons la commission d'appel, et je comprends -
comment pourrais-je appeler cela? - la circonspection, les réserves
sérieuses du député de Sainte-Marie. Je comprends
également les motifs qui sont à la base de ces
préoccupations, mais je lui dirai qu'avant même d'avoir
touché à aucune des dispositions de la loi qui concernent la
commission d'appel, on retrouve déjà dans la loi les
caractères suivants de cet organisme. Il s'agit, en vertu des
dispositions actuelles, sans qu'encore une fois aucune modification n'y ait
été faite, d'un organisme autonome qui est créé
dans la loi. Deuxièmement, l'organisme relève du ministre de la
Justice qui doit s'assurer de son impartialité. Troisièmement,
ses membres sont nommés par le gouvernement sur recommandation du
ministre de la Justice qui - le gouvernement doit s'assurer de leur
compétence. Quatrièmement, c'est un organisme autonome et
indépendant, sans lien fonctionnel avec la Commission de la santé
et de la sécurité du travail, qui ne rend compte de ses
activités qu'au gouvernement et dont le budget provient du gouvernement.
Son rapport annuel est déposé à l'Assemblée
nationale et celle-ci peut toujours interroger le ministre responsable sur son
fonctionnement et son administration. La commission publie
régulièrement sa jurisprudence. Ses livres, ses comptes sont
vérifiés chaque année par le Vérificateur
général. Cet organisme adopte par règlement ses propres
règles de fonctionnement et ces règles sont soumises à la
consultation publique avant d'être adoptées. C'est le gouvernement
qui approuve le budget qu'il lui soumet et qui lui verse l'argent requis pour
son exercice financier.
M. le Président, je pense que les critères dont je viens
de parler, que l'on retrouve déjà dans la loi quand on en fait
une interprétation exhaustive, peuvent être un commencement, en
tout cas, de garantie du caractère d'impartialité dont parlait le
député de Sainte-Marie, du caractère nécessaire de
l'objectivité d'une institution de cette nature. Si, par ailleurs, pour
davantage consacrer ce principe de la nécessité de
l'impartialité, de l'objectivité, de la neutralité totale,
il y a des accommodements qui peuvent être faits, je vous
réitère toute ma disponibilité à cet égard.
Toute ma collaboration est acquise à la commission, si l'exercice est
dans le but d'améliorer les mécanismes pour, effectivement,
permettre que soient
respectés les critères importants et fondamentaux dont
parle le député de Sainte-Marie.
Je ne sais pas s'il y a des questions qui sont restées en plan
mais je pense qu'en regardant les notes que j'ai devant moi...
Le Président (M. Dussault): Donc, vous avez
terminé, M. le ministre. M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Au début de ses dernières
remarques, le ministre a insisté sur l'importance d'éviter la
dispersion dans l'attribution des fonctions d'appel. Je lui rappellerais - je
suis sûr qu'il s'en souvient -que c'était la deuxième
hypothèse présentée par le juge Poirier où tout
serait confié à la Commission des affaires sociales. Pour
éviter la dispersion, le seul moyen n'est pas celui que le ministre
propose. Il y en a un qui est la deuxième hypothèse qui nous a
été présentée par le juge Poirier, à savoir
que l'on confierait tout à la Commission des affaires sociales.
D'autre part, le ministre a dit, en commentant les remarques du
député de Sainte-Marie: C'est tout ou rien. Alors, si c'est tout
ou rien, est-ce que le ministre a changé d'idée et a maintenant
l'intention de transférer au nouveau tribunal le rôle d'appels
accumulés devant la Commission des affaires sociales? Je pensais que le
projet était de laisser à la Commission des affaires sociales le
soin d'entendre tous les appels qui sont déjà inscrits à
son rôle, ce qui va prendre une certaine période de temps, et de
créer le nouveau tribunal qui, lui, entendrait les nouveaux appels. Mais
si c'est tout ou rien, pourquoi ne transfère-t-on pas le rôle
existant?
M. Fréchette: Je me suis mal exprimé. J'aurais
dû dire: C'est tout l'un ou tout l'autre. Je veux dire, pour l'un, que
c'est tout ce qui existe actuellement avec les juridictions existantes
également, l'autre étant l'organisme dont on parle. Mais ce
à quoi j'aurais beaucoup de difficultés à me rallier, ce
serait une décision qui ferait en sorte que l'on ferait cet
éparpillement des juridictions.
M. Bisaillon: Sauf que, comme le ministre s'est
référé à mon intervention de "tout ou rien", de
"tout l'un ou tout l'autre", en se disant d'accord avec moi, quand je disais
"tout l'un ou tout l'autre", je disais ce que le député de
Deux-Montagnes dit. Je disais: Si vous voulez donner cela à un autre,
passez-lui le tout, le personnel et les dossiers.
M. de Bellefeuille: Parce que si vous transférez le
personnel sans transférer les dossiers, la Commission des affaires
sociales va être paralysée pendant je ne sais combien
d'années.
M. Fréchette: J'espère qu'on est conscient de la
réalité des choses aussi. À supposer que c'est ce genre de
commission dont la création est retenue, on ne va pas procéder le
lendemain au transfert de tous les effectifs et de tous les dossiers. Il est
évident que, si l'on transfère l'un, il faut transférer
l'autre aussi. C'est clair. Mais, la Commission des affaires sociales devra,
comme première préoccupation - je pense qu'on va assez facilement
s'entendre là-dessus, parce que ce seront bientôt 10 000 cas, nous
a dit le juge Poirier, sur la nécessité de procéder - de
libérer le rôle qui est déjà là et qui est de
la juridiction exclusive de la Commission des affaires sociales avec les
mécanismes qui existent actuellement. C'est évident.
Que la Commission des affaires sociales libère ce rôle
avant ou après le transfert, il me paraît évident que, peu
importe l'endroit où se retrouveraient ces effectifs, ce sera la
première tâche à laquelle lesdits effectifs devront se
consacrer, me semble-t-il. Après que cette accumulation de dossiers aura
été libérée, c'est autre chose. Mais il est clair
que si le transfert se faisait, pour les besoins de la discussion, au moment
où la loi doit entrer en vigueur, en tenant pour acquis que cela doit se
faire, les deux devraient aller ensemble.
M. de Bellefeuille: Est-ce que cela veut dire, quels que soient
les structures et les partages de fonctions, que les nouveaux appels vont
s'inscrire au bas du même rôle.
M. Fréchette: Les nouveaux appels, en vertu de la loi
actuelle, tant et aussi longtemps que la loi 42 ne sera pas en application,
vont de toute évidence devoir... l'expression des palais c'est - tomber
au bas du rôle. C'est évident que tant que l'actuelle loi n'est
pas en vigueur, les droits à être exercés en cette
matière le sont à partir des dispositions de la Loi sur les
accidents du travail. Et comme la loi 42 n'a aucune prévision de
rétroactivité à quelque égard que ce soit, tant et
aussi longtemps qu'elle n'est pas en vigueur, tous les appels sont logés
en vertu des dispositions de l'actuelle loi.
M. de Bellefeuille: Mais quel est le personnel, quels sont les
effectifs qui vont entendre les appels logés en vertu de la nouvelle
loi?
M. Fréchette: II y a des dispositions qui, dans la loi
actuelle, enfin, dans le projet de loi qui est là, me semblent, en tout
cas, répondre à la question du député de
Deux-Montagnes. Ce qui est proposé
essentiellement est la formule suivante: une commission ou un organisme
d'appel à la tête de laquelle on retrouverait un président,
trois vice-présidents, je pense - c'est la proposition qui est là
dont je vous fais part - et un commissaire siégeant dans chacune des
treize régions du Québec et responsable du fonctionnement de son
bureau régional.
La loi prévoit également, le projet qui est là,
prévoit également que le commissaire en région, qui lui
sera un fonctionnaire permanent, ne devra pas s'entourer d'un nombre
considérable de fonctionnaires. Ce qui lui est permis de faire - je vous
parle toujours à partir de ce qu'on retrouve là-dedans - c'est
d'aller chercher de l'expertise extérieure pour procéder à
l'audition d'un dossier qui va demander quelqu'un qui a, par exemple, une
discipline spéciale en matière de génie industriel pour
évaluer la pertinence d'une décision prise par un inspecteur de
la CSST de procéder à la fermeture d'une entreprise pour des
motifs de santé et de sécurité.
Si l'employeur de la région de Valleyfield, dont l'entreprise a
été fermée par un inspecteur de la CSST pour des motifs de
santé et de sécurité, décide de porter en appel la
décision de l'inspecteur, il va se retrouver en première instance
au bureau de révision, bien sûr, et en deuxième instance
devant ce commissaire dont je vous parle et qui, lui, en vertu de la loi,
pourrait - et il me semble qu'il le ferait dans un cas comme celui dont je vous
parle - aller chercher une expertise extérieure de quelqu'un qui a les
connaissances suffisantes en matière de problèmes en
discussion.
Si le commissaire doit évaluer un phénomène de
réadaptation, il serait autorisé, en vertu des dispositions de la
loi, à faire appel au service d'un agronome, par exemple, d'un
médecin orthopédiste, d'un physiatre qui viendrait avec lui
à l'audition de la cause et qui ferait profiter le commissaire de
l'expertise qu'il a acquise autant par la profession qu'il pratique que
l'expertise qu'il a pour tous les autres motifs qu'on peut imaginer.
C'est cela que le mécanisme de la loi actuelle prévoit.
Cela voudrait dire un président, trois vice-présidents et une
"treizaine" de commissaires. Ce serait cela, la commission. Les assesseurs dont
on parle ne sont pas et ne seraient pas des fonctionnaires permanents; ils
seraient requis cas par cas pour venir effectivement assister le commissaire
qui, lui, aurait à disposer du litige qu'on lui soumet. C'est comme cela
que le mécanisme est prévu.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Frontenac.
(16 h 15)
M. Grégoire: Je voudrais juste poser une question au
ministre. Est-ce que le fait que le nouvel organisme d'appel soit la Commission
des affaires sociales ou un nouveau tribunal d'appel, est-ce que le
gouvernement a une position nette d'établie? Que ce soit l'un ou
l'autre, je ne vois pas qu'il y ait là un enjeu politique qui puisse
influencer quoi que ce soit, que ce soit l'un ou l'autre. Je ne vois pas qu'il
y ait là une importance politique, au sens large du mot. Est-ce qu'il y
a là une décision ferme prise par le ministère, par le
ministre, ou s'il est prêt à choisir l'une ou l'autre? Est-ce
qu'il est prêt à laisser un vote libre sur cette question, ce
qu'on peut appeler une décision, si c'est une décision bien ferme
ou si cela peut être un vote libre parmi les membres de son propre
parti?
M. Fréchette: M. le Président...
M. Grégoire: Est-ce que les jeux sont faits à
l'heure actuelle?
M. Fréchette: Écoutez! Les jeux ne sont pas faits
à l'heure actuelle. Je ne vous dirai pas cependant que, pour autant que
cela me concerne, je pense que c'est un peu la façon de mes
collègues ministériels de voir le dossier. Pour autant que cela
me concerne, la proposition, je l'ai faite et c'est la proposition que je
continue de privilégier, la formation d'une commission spéciale
et spécifiquement affectée aux phénomènes de la
santé et de la sécurité. Je comprends que j'ai beaucoup de
difficultés à convaincre mes collègues, mais je continue
de prétendre, à tort ou à raison, que le seul motif pour
lequel ce doit être ça, c'est l'intérêt des
utilisateurs, autant en termes de décisions plus rapides qu'en termes de
s'assurer du suivi d'une jurisprudence de même nature et qu'en termes
d'accessibilité de l'organisme. Vous savez, le gars de la Bell Asbestos,
à Thetford-Mines, qui a un accident et qui se retrouve, à un
moment donné, devant le tribunal d'appel, il doit attendre que la
commission vienne siéger en région lorsqu'il est rendu au stade
de l'audition.
Le juge Poirier nous a dit que, quant à lui, le principe de la
régionalisation en était un qu'il ne privilégiait pas. En
tout cas, il me semble que c'est ce que j'ai compris dans son argumentation. Le
motif pour lequel il ne privilégie pas le phénomène de la
régionalisation, c'est que vous allez vous retrouver, nous dit-il, avec
le phénomène suivant: vous allez toujours avoir le même
commissaire et vous allez toujours avoir devant ce commissaire à peu
près les mêmes gens qui plaident. La nature humaine étant
ce qu'elle est, quand il y a de l'homme, il y a un peu d'hommerie, il peut se
développer des mécanismes de fonctionnement, mais ce n'est pas
parce qu'un organisme est régionalisé qu'on ne peut pas
contourner
cette difficulté-là. Qu'est-ce qui empêcherait que,
pendant les trois semaines d'un mois -si on tient pour acquis, par exemple,
pour les besoins de la discussion, que la commission dans son bureau
régional peut siéger tous les jours pendant trois semaines d'un
mois et consacrer la quatrième semaine à la période de
délibéré - qu'est-ce qui empêcherait que, pendant un
mois, le commissaire de la région de Québec vienne siéger
dans la région de Trois-Rivières, que celui de
Trois-Rivières aille siéger à Rimouski et que celui de
Rimouski aille siéger au Saguenay-Lac-Saint-Jean? Qu'est-ce qui
empêcherait que ce soit ces commissaires qui soient disponibles à
la clientèle plutôt que d'exiger de la clientèle qu'elle se
soumette aux exigences et aux règles de l'organisme qui n'y va qu'une
fois par trois mois?
Une voix: C'est un remaniement ministériel.
M. Fréchette: Je vous dis, parce que le
député de Frontenac a soulevé cet aspect, que ce n'est pas
une considération d'ordre politique au sens qu'il l'entend. Est-ce que
le gouvernement est préoccupé par des retombées
bénéfiques ou maléfiques en termes strictement politiques
dans le sens dont on en parle? Je vous dis qu'à cet égard, c'est
le genre de considération que je n'ai même pas faite - j'aurais
peut-être dû la faire - ayant toujours été convaincu
que c'est, encore une fois, à la clientèle que le service est
rendu et à personne d'autre.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Étant donné qu'il n'y a
plus d'intervenant, nous allons procéder à l'étude du
chapitre XI, article par article, et j'appellerais l'article...
Proposition d'ajournement
M. Bisaillon: M. le Président, est-ce que je pourrais
faire quelques commentaires au ministre, de même qu'une demande, je pense
bien, pour faciliter l'étude article par article? On a eu une longue
discussion. D'abord, on a eu l'audition du juge Poirier. A la suite de
l'audition du juge Poirier, il y a eu échange de propos entre les
membres de la commission parlementaire, des annonces faites par le ministre.
Aujourd'hui, on a passé la journée à ressasser le tout,
à prendre acte d'un certain nombre de positions que le ministre mettait
de l'avant, à lui passer un certain nombre de commentaires
là-dessus.
Il me semble que dans l'étude article par article, il y aurait
avantage à voir les textes représentant les choix
définitifs du ministre pour amorcer la discussion et que ces textes
tiennent compte à la fois de ses annonces de ce matin mais aussi des
commentaires qu'il a pu entendre dans la journée. Tout à coup
qu'on l'aurait touché par quelques commentaires qu'on a passés.
Tout à coup qu'il y aurait quelques suggestions qu'on a mises de l'avant
qui pouvaient être retenues. Pourquoi le faire par amendement alors que
cela pourrait déjà se retrouver dans le texte du ministre? Il me
semble qu'il y aurait avantage à ce qu'on ait le portrait nouveau des
textes que le ministre entend discuter en commission parlementaire, autrement
dit qu'on ait des textes amendés qui nous permettent d'amorcer
l'étude article par article sans s'empêtrer dans les amendements,
les sous-amendements et les corrections et qu'on ait le portrait complet.
Je pense que cela faciliterait notre fonctionnement. Sinon on va
discuter de cela à la miette. On va amorcer l'étude dans le
chapitre actuel en se disant: Oui mais on a déjà dit cela; donc,
peut-être que cela va se retrouver plus loin sans savoir si,
effectivement, cela va se retrouver plus loin. Je pense qu'on aurait un
intérêt certain dans le sens d'accélérer aussi les
travaux. Une fois que le ministre aura fait ses choix il nous restera à
refaire une discussion mais en sachant que c'est son choix. Peut-être
qu'on ['ébranlera au moment de la discussion mais on saura que c'est
cela la discussion et qu'elle est cernée par cela. Elle est plus
générale; elle sera particulière aux textes qui seront
devant nous.
Je me demande s'il n'y aurait pas avantage à tout simplement
ajourner nos travaux - de toute façon, il nous en resterait pour une
demi-heure à peine - jusqu'au moment où le ministre peut nous
dire qu'il pourrait nous revenir avec des textes représentant ses choix
puis on les discutera article par article, au mérite de chacun.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre.
M. Fréchette: Je n'ai pas du tout de réserve ou
d'objection à souscrire à la suggestion que fait le
député de Sainte-Marie. Comme lui, je crois de toute
évidence que le travail que l'on pourrait faire dans le sens qu'il
suggère pourrait sans doute nous faire reprendre le temps qu'autrement
on consacrerait à la rédaction d'un certain nombre de textes qui
pourraient être réajustés par rapport à ce qu'on a
déjà dans la loi et par rapport à ce que l'on a
déjà distribué quant au bureau de révision.
À cause de ce phénomène, je vous
réitère que je n'ai aucune objection à souscrire à
la suggestion du député de Sainte-Marie. Non seulement je vais
souscrire à sa suggestion mais s'il arrivait, par exemple, qu'à
l'heure normalement prévue pour la reprise de nos travaux demain,
cet
exercice auquel je vais m'astreindre avec les juristes et les autres
conseillers n'était pas complété, je requerrais à
ce moment de la commission la possibilité de reporter peut-être
d'une heure ou deux la reprise de nos travaux demain matin, toujours dans le
même esprit, toujours dans l'objectif d'arriver à bonifier cette
loi pour que, encore une fois, elle soit le meilleur instrument possible pour
ceux qui l'utiliseront. Alors je vous réitère que c'est une
suggestion avec laquelle je suis tout à fait capable de vivre.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Si c'est le voeu de la commission, M...
M. Cusano: Ma seule préoccupation, connaissant un peu le
contenu de certains de ces articles qui ont été
déposés, est-ce que le ministre pourrait peut-être
être un peu plus ferme, à savoir...
M. Fréchette: Oui, oui, moi, M. le Président...
M. Cusano: Est-ce que cela va être prêt demain matin
à 10 heures, 11 heures, midi?
M. Bisaillon: Demain après-midi. Cela vous donne le
temps.
M. Fréchette: Demain après-midi et demain soir.
M. Bisaillon: Oui, oui. Mais je veux dire à compter de
demain.
M. Fréchette: À compter de 14 heures, demain
après-midi, jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22
heures.
Une voix: Oui.
M. Fréchette: Je suis tout à fait d'accord avec le
député de Sainte-Marie. On vient de passer un journée de
discussions d'ordre général. J'ai, quant à moi,
avancé un certain nombre de choses qu'actuellement on ne retrouve pas
dans le projet de loi et qu'on ne retrouve pas non plus dans les textes que
j'ai déjà distribués. Les députés de
Sainte-Marie, de Deux-Montagnes, de Châteauguay, de Beauharnois sont
également intervenus avec des appréciations qu'il faut, de toute
évidence, évaluer, afin de savoir si on retient ou non les
suggestions qui sont faites par l'un ou l'autre des collègues de la
commission. C'est clair qu'il faut prendre le temps de faire cette
évaluation. S'il y avait d'autres chapitres du projet de loi qui
pouvaient être adoptés, on pourrait peut-être faire des
bouts de chemin, mais il me semble, rendu où on est là, qu'il
faut d'abord disposer de ce chapitre.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Si c'est le consentement de la commission,
les travaux sont ajournés à demain, 14 heures.
Des voix: Consentement.
(Fin de la séance à 16 h 26)