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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Wednesday, February 13, 1985 - Vol. 28 N° 21

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 42 - Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles


Journal des débats

 

(Dix heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): À l'ordre, mesdames, messieursl

La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux sur le projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Nous en sommes au chapitre XI, Compétence de la commission et droit d'appel. Je demanderais au secrétaire s'il y a des remplacements ou des changements concernant les membres de la commission.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a deux remplacements pour cette séance. M. Bourbeau (Laporte) est remplacé par M. Maltais (Saguenay) et M. Maciocia (Viger) est remplacé par Mme Saint-Amand (Jonquière).

Compétence de la commission et droit d'appel (suite)

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Merci. Je disais qu'on était au chapitre XI. Avant d'entreprendre l'article 331, M. le ministre, avez-vous des commentaires sur le chapitre au complet?

Commentaires généraux M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: Oui, M. le Président, et c'est conforme à la politique que nous avons adoptée depuis le début de nos travaux, à l'intérieur de notre commission, de procéder à une discussion d'ordre général quand on aborde un chapitre qui est d'une importance capitale. L'on va convenir avec moi que ce chapitre XI, qui réfère aux mécanismes d'appel qu'on pourrait retrouver dans la loi est, effectivement, l'un des chapitres les plus importants de la loi, parce que ces mécanismes vont reproduire les processus par lesquels les parties - quand je réfère aux parties, évidemment, je pense autant aux employeurs qu'aux accidentés - auront l'assurance que non seulement justice sera rendue, mais qu'il y aura apparence, également, que justice aura été rendue.

Vous permettez, à ce stade-ci, M. le Président, une petite incidente, pour rappeler aux membres de la commission que les mécanismes que nous allons retrouver dans la loi, si le cheminement se fait jusqu'à l'adoption de mécanismes d'appel externes, seront des mécanismes exclusifs dans tout le Canada?

Il n'y a pas une seule commission de la santé et de la sécurité au Canada qui, actuellement, peut faire réviser par un tribunal externe les décisions qu'elle a déjà rendues, sauf l'Ontario depuis le mois de décembre dernier qui a adopté une loi en vertu de laquelle l'appel est possible pour les seuls problèmes ou phénomènes d'indemnisation. Tout le reste, toute décision autrement rendue par les commissions partout au Canada ne sont pas appelables à l'extérieur.

Convenons également, M. le Président, que, comme c'était un chapitre de l'importance qu'on sait, il nous fallait, de part et d'autre, prendre le temps de pousser la réflexion jusqu'à la limite. Il nous fallait également procéder à une évaluation des différentes argumentations qui nous été soumises depuis que la loi est à l'étude et, finalement, arriver à mettre des propositions concrètes sur la table.

En le faisant, je suis bien conscient que nous allons nous retrouver devant cette espèce de fatale impossiblité de répondre aux revendications, aux exigences, aux représentations qui nous été faites par les parties. Je pense ne pas avoir besoin d'insister sur le fait que nous sommes en matière contradictoire, nous sommes en matière qui peut très difficilement, surtout à cet égard, déboucher sur des consensus, de sorte que nous allons devoir, après l'analyse dont je viens de parler, procéder à certains arbitrages pour retenir des mécanismes d'appel dont les seuls objectifs, peu importent les formules qui seront retenues, seront de donner un meilleur service à l'ensemble de la clientèle qui, quotidiennement, doit transiger avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Des voix: Oh! Oh!

M. Fréchette: Est-ce une alarme? Je ne sais pas, M. le Président, comment vous interprétez le signal qui nous est lancé.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre, pour moi aussi, c'est un signal qui est étranger, alors on va continuer et si ça se reproduit...

M. Fréchette: Tant qu'il ne sera pas permanent.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Oui.

M. Fréchette: Alors, ces considérations d'ordre général étant faites de façon très rapide, je n'en disconviens pas, venons-en maintenant aux propositions concrètes quant aux différents modes d'appel que je propose pour adoption à la commission parlementaire dans laquelle nous sommes.

D'abord, M. le Président, il est devenu évident, à la suite des audiences des mois de mars et d'avril 1984, que toutes les parties -et, quand je parle de toutes les parties, je fais référence autant aux parties patronales que syndicales ou aux représentants d'associations d'accidentés - n'étaient pas satisfaites de l'état actuel de la situation quant aux mécanismes d'appel. Je fais référence de façon plus particulière au bureau de révision suivant la forme, la formule, qu'on lui connaît actuellement. Je ne reviendrai pas sur son mécanisme de fonctionnement, tout le monde le connaît. On en a entendu parler depuis un an et demi que nous sommes à l'étude de la loi, donc cela ne m'apparaît pas utile pour les besoins de notre discussion de revenir sur ce mécanisme-là.

Faut-il y trouver un substitut? Je suis l'un de ceux qui croient que oui, M. le Président. Quelle serait, par ailleurs, la nouvelle formule qu'il faudrait retenir? Il nous faudrait garder un mécanisme qui permettrait que la décision rendue en toute première instance par l'agent ou le fonctionnaire chargé du dossier, que cette décision puisse être réévaluée par un autre organisme qu'on pourrait continuer d'appeler un bureau de révision ou d'un tout autre nom, si des suggestions peuvent être faites à cet égard, mais qui feraient en sorte que la révision de la décision du fonctionnaire serait réévaluée par un organisme qui aurait le caractère de la parité. Retenons que toute la philosophie de la santé et de la sécurité, à partir de l'adoption de la loi 17, a été axée sur ce mécanisme dont je viens de parler, c'est-à-dire la nécessité de faire en sorte que l'ensemble des parties soit représenté aux différents paliers décisionnels. À partir de cette première considération, il me semble que l'on devrait respecter aussi dans cet éventuel bureau de révision le même principe ou le même phénomène de parité. Quelle pourrait être la composition de cet organisme dont je viens de parler? Il me semble, M. le Président, que l'on devrait retrouver à la présidence de cet organisme un fonctionnaire de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Je sais que plusieurs ont manifesté des objections à cet égard, mais je vais essayer de vous expliquer pourquoi j'en arrive à cette conclusion.

D'abord, le président dont on parle serait, évidemment, une personne qui aurait été, en quelque sorte, avalisée par le conseil d'administration. Il est évident que nous ne retrouverions pas à la présidence de ces bureaux de révision un fonctionnaire, un agent ou une personne dont le "ballottage" -entre guillemets - n'aurait pas été fait au conseil d'administration de la commission. Deuxièmement, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, en vertu du mandat que la loi lui confère est l'organisme qui est habilité à exercer - je ne dirai pas un contrôle - à évaluer la façon dont les deniers qui lui sont confiés aux fins d'administration sont utilisés. Et cela m'apparaît un autre phénomène important qui devrait nous amener, il me semble, à la conclusion que ce président d'organisme devrait être un fonctionnaire de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Comment les membres qui représenteraient les parties dans ce bureau de révision seraient-ils nommés? Je vous signale tout de suite, M. le Président, qu'à cet égard, je suis tout à fait disposé à discuter des modalités de nomination, si encore la proposition que je m'apprête à faire n'était pas agréée ou retenue par les membres de la commission. Il me semble que la partie syndicale qui siège au conseil d'administration de la CSST devrait pouvoir procéder à identifier des personnes qu'elle souhaiterait voir siéger au bureau de révision pour "représenter" - entre guillemets - les intérêts des accidentés devant ce bureau de révision. D'autres m'ont signalé, à l'occasion de discussions et de conversations, que l'on ne devrait pas retenir l'étiquette d'assesseur syndical ou d'assesseur patronal. Ce ne devrait être dans l'évaluation de certains que des assesseurs, point, sans l'étiquette dont je viens de parler. Et des assesseurs qui, eux aussi, devraient être nommés par le conseil d'administration. Je vous dirai à cet égard, encore une fois, que je suis tout à fait ouvert à la discussion. Le même phénomène, évidemment, existerait pour la partie patronale qui aurait la possibilité d'identifier les personnes qu'elle voudrait voir siéger aux bureaux de révision dans les différentes régions du Québec. Encore une fois, cela nous permettrait, comme je le disais il y a un instant, de respecter ce principe de laparité.

Il y a un autre élément essentiel à côté duquel on ne peut pas passer. Ce bureau de révision, s'il était constitué de la façon dont je viens de parler, devra avoir une constante préoccupation d'assurer le suivi de la jurisprudence qui sera établie à l'intérieur de ces bureaux de révision. Il me paraît évident que, s'il fallait retenir la

formule que l'on devrait avoir un bureau de révision externe à l'intérieur duquel on ne retrouverait personne de la Commission de la santé et de la sécurité, l'assurance de ce suivi et du respect de la jusrisprudence ne sont absolument pas garantis. (10 h 30)

En d'autres mots, si vous aviez des organismes externes indépendants, rien ne nous garantit contre la possibilité que, dans un dossier dans lequel les discussions procèdent exactement des mêmes principes ou des mêmes phénomènes, nous n'allons pas nous retrouver avec une décision tout à fait contradictoire selon qu'elle vient d'une région plutôt que d'une autre. C'est un des motifs principaux pour lesquels je suis d'avis qu'il faudrait que cet organisme soit présidé par un fonctionnaire de la commission.

Il y a un deuxième motif qui est, celui-là, d'ordre beaucoup plus technique, beaucoup plus pratique. C'est la préoccupation que l'on doit avoir quant à la mise sur pied d'un semblable organisme. Si l'on doit retenir une formule qui ferait en sorte qu'il s'agirait d'un organisme externe, soyons conscients des conséquences, en termes pratiques, que cela peut avoir. Cela voudrait dire l'implantation d'un greffe, sinon d'un greffe régional, très certainement d'un greffe pour tout le Québec; cela voudrait dire l'embauche de nouveaux employés; cela voudrait dire également ce danger quant è la jurisprudence dont je parlais tout à l'heure; cela voudrait dire, à toutes fins utiles, un autre tribunal externe par rapport à la situation que l'on connaît actuellement. Et cela remettrait très sérieusement en question l'opportunité ou la nécessité d'avoir un deuxième palier externe d'appel, si déjà on en avait un premier duquel serait complètement absente la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Retenons également que la proposition qui est sur la table et qui est contenue dans la loi actuellement. C'est que toutes les décisions rendues par les fonctionnaires ou les agents affectés aux dossiers vont devenir des décisions dont on pourra maintenant faire appel. Dans ces circonstances, il me paraît évident, à cause d'un certain nombre de phénomènes sur lesquels on pourrait s'étendre, si c'était nécessaire, que l'on doive retenir une formule qui permettrait que la commission puisse être partie prenante à la décision de première instance. Voilà, M. le Président, pour cet aspect de l'appel qui touche la révision.

Et cela nous amène à dire un mot maintenant de l'autre palier d'appel qui serait une commission d'appel externe, complètement indépendante de la Commission de la santé et de la sécurité. L'on sait là-dessus qu'il y a un débat de fond, un débat fort important qui a été alimenté par les réflexions que nous a soumises, la semaine dernière, M. le juge Poirier de la Commission des affaires sociales. Les uns sont des partisans avoués et convaincus de la nécessité de garder à la Commission des affaires sociales son actuelle juridiction. La première question qui me vient à l'esprit, c'est: Si, de fait, c'est vers cette décision-là qu'il fallait aller, est-ce que ceux qui ont cette conviction sont également convaincus que cette même Commission des affaires sociales peut également absorber, au-delà de la juridiction qu'elle a déjà en matière d'indemnisation, toutes les autres matières qui deviendraient appelables? C'est la première question qui nous confronte et à laquelle nous devons essayer de répondre.

M. le Président, je suis un de ceux qui croient, quand l'on considère qu'au seul chapitre de la réparation, du droit à l'indemnité, du quantum de l'indemnité, de l'indemnisation consécutive à l'exercice du droit au retrait préventif, il y a actuellement quelque 4300 dossiers qui sont en suspens et, dans quelques mois, nous a dit le juge Poirier, il faudra en ajouter un nombre d'un peu plus de 5000 qui constituent l'accumulation des dossiers des deux dernières années. C'est probablement un des motifs pour lesquels le juge Poirier, dans la description qu'il nous a faite de la situation qui prévaut, nous dit qu'il y a certaines matières, en tout cas - c'est une de ses conclusions; je n'ai pas précisément à l'esprit laquelle, si c'est la première, la deuxième ou la quatrième ou la cinquième - mais il y a une des conclusions sur laquelle le juge Poirier est ferme. Il nous dit, expressément, qu'il ne croit pas son organisme actuellement habilité à entendre, par exemple, des matières de classification, des matières d'évaluation de décisions de fermeture d'usine pour des motifs de santé ou de sécurité. Il me semble que le juge Poirier nous a dit cela et on retrouve cela d'ailleurs dans le document qu'il nous a remis.

L'autre renseignement que nous a communiqué le juge Poirier et qui a retenu mon attention, c'est que, nous dit-il, avec la juridiction qui est la sienne actuellement, la Commission des affaires sociales aurait atteint une espèce de seuil en termes d'augmentation de ressources humaines et de toute évidence aussi je pense que, par présomption, on peut arriver à cette conclusion, en termes également de matière qu'elle est appelée à traiter.

Je vais seulement suggérer aux collègues de réfléchir sur ce que pourrait devenir le "caseload" des matières dont on appellerait au chapitre de la réadaptation par exemple, qui est une matière qui devient appelable et qui ne l'était pas; au chapitre de l'exercice du droit de retour au travail, ce n'était pas appelable, ça le deviendrait; au chapitre de la cotisation d'un employeur, de sa classification. On en a fait l'identifi-

cation; il y a un peu plus de 25 matières qui pourraient, si la loi était adoptée telle que les textes le suggèrent, devenir appelables par rapport à une matière qui existe actuellement.

M. le Président, je partage l'opinion du député de Sainte-Marie quand il nous dit, dans sa conclusion générale de l'autre jour: C'est une situation ou, alors, c'est l'autre. En d'autres mots, l'on conserve les mécanismes que l'on connaît actuellement, ou on y va avec une commission d'appel externe et on lui donne toutes les matières d'appel.

Je serais difficilement enclin à accepter une argumentation en vertu de laquelle il faudrait commencer à départager parmi les 25 matières dont je parle celles qui pourraient être appelables à la Commission des affaires sociales et celles qui ne le seraient pas. Je répugne à commencer à faire le tri de ces matières et à dire que la réadaptation pourrait être appelable, mais la classification ou la cotisation, comme c'est technique, comme c'est administratif, ce ne serait pas appelable. C'est le genre de phénomène auquel j'aurais beaucoup de difficulté à me rallier.

C'est l'un ou c'est l'autre. Ou l'on conserve les mécanismes actuels avec les inconvénients et les avantages qui existent, bien sûr, parce qu'il y en a, ou on retient la proposition de créer cette commission d'appel externe qui intégrerait toutes les matières de santé et de sécurité.

J'ai été impressionné, au tout début de nos travaux, par des réflexions que nous a soumises le député de Brome-Missisquoi sur la nécessité qu'un organisme comme celui-là ait tous les caractères de l'objectivité, de la neutralité et d'un complet pouvoir d'autonomie. L'argumentation du député de Brome-Missisquoi à cet égard a retenu mon attention. Le député de Brome-Missisquoi, effectivement, a fait une analyse de ce principe que tout le monde connaît et qui veut que non seulement justice doit être rendue mais qu'il y ait apparence que justice a été rendue. C'est pour cela, à partir de cette réflexion, que l'organisme dont la création est proposée, ne dépendrait pas du ministre responsable de l'application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Je conviens parfaitement bien que ce ministre responsable de l'application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et de la Loi sur les accidents du travail pourrait, à un moment donné, se retrouver dans des situations pour le moins inconfortables, s'il était également celui à qui le ou les responsables de la commission d'appel en matière de santé et de sécurité devaient rendre compte de leur mandat. Je ne disconviens pas, bien au contraire, je souscris totalement à - cette thèse qu'il faut faire en sorte que ce ne soit pas le ministre responsable de l'application de ces deux lois qui soit en même temps responsable de l'application ou, enfin, de la mise en marche et du fonctionnement de la commission d'appel en matière de santé et de sécurité. Pour ce motif, M. le Président, je serais disposé à retenir que l'organisme devrait répondre de son administration au ministre de la Justice et non pas au ministre du Travail.

L'autre aspect important, M. le Président, et c'était là aussi une préoccupation de fond, une préoccupation de principe - on l'a souvent entendu d'ailleurs, tout au cours des discussions depuis que la loi est sous étude - c'est cette préoccupation, en vertu de laquelle on nous dit: Oui, que cela dépende du ministère de la Justice, cela va; que le ministre responsable de l'application des deux autres lois n'ait rien à y voir, cela va aussi; mais il y a un phénomène de fond devant lequel on se retrouve et qui, celui-là, est très difficilement "contournable", si l'expression existe. C'est celui qui veut qu'une commission d'appel comme celle-là, toute chose étant normale, verrait ces coûts assumés par les cotisations des employeurs. Cette argumentation, quand on la pousse à la limite, c'est de dire: Voici les employeurs qui vont maintenant se payer des juges en quelque sorte. C'est la réflexion qu'on a entendue jusqu'à maintenant et qui, quant à moi, n'est pas du tout dénuée de sens. Elle est, sur le plan des principes, fort préoccupante. C'est la raison pour laquelle on a essayé, depuis le temps que la réflexion se fait sur ce chapitre, de trouver une formule qui ferait disparaître cette difficulté bien que, M. le Président, il faille nous sensibiliser à plusieurs argumentations qu'on a entendues depuis le début de nos travaux et qui vont dans le sens de dire: Tout ce qui touche à la santé et à la sécurité doit être assumé par les employeurs. C'est une argumentation de fond qui est revenue constamment pendant tous nos travaux. On nous dit ici, quand on parle d'un organisme d'appel de l'externe, il y a peut-être lieu de réévaluer le principe quant au fait que l'employeur doit assumer le paiement du fonctionnement de cette commission d'appel. (10 h 45)

Quoi qu'il en soit, M. le Président, et pour être bien sûr que cette difficulté ne fasse plus d'obstacle à qui que ce soit sur le plan des principes, je serais disposé à proposer la formule suivante. D'abord la loi, telle qu'elle est écrite actuellement, contient déjà des garanties importantes comme, par exemple, le fait que la Commission de la santé et de la sécurité n'a rien à voir dans l'élaboration et la préparation du budget de la commission d'appel, par exemple, le fait qu'après une année d'exercice, la facture est payée par le gouvernement qui la réclame à la Commission de la santé et de la sécurité

du travail. Tout cela est déjà dans la loi. Mais je pense qu'il y a une formule, qui pourrait être retenue, qui ferait en sorte que les difficultés de principes dont on parle depuis un bon moment disparaîtraient complètement, et ce serait la suivante: Le gouvernement, chaque année, accorde ou paie à la Commission de la santé et de la sécurité du travail un certain montant pour faire progresser le phénomène de l'inspection. Il y a, chaque année, une subvention qui tourne autour d'une vingtaine de millions de dollars, qui est prise à même les fonds gouvernementaux, qui est remise à la Commission de la santé et de la sécurité du travail aux fins dont je viens de vous parler.

M. le Président, ce que l'on pourrait faire, ce serait de dire que le gouvernement va assumer le paiement du fonctionnement de la commission d'appel, mais qu'il va déduire d'autant le montant qu'annuellement il transmet à la Commission de la santé et de la sécurité du travail aux fins d'inspection dont on vient de parler. Si la subvention dont on parle est de 20 000 000 $ et que le fonctionnement de la commission, pour une année, s'établit à 3 000 000 $ ou 4 000 000 $, la Commission de la santé et de la sécurité du travail recevra une subvention de 16 000 000 $ ou 17 000 000 $ au lieu de recevoir une subvention de 20 000 000 $. Enfin, après avoir évalué l'ensemble de la situation sous tous ses angles, les objections de principe dont on a parlé depuis le début pourraient se retrouver ainsi complètement contournées et ne plus être, à cet égard, préoccupantes.

Ce sont les grands paramètres, M. le Président, qui constituent les propositions gouvernementales. C'est bien sûr que lorsqu'on amorcera l'étude article par article du chapitre XI, on va devoir entamer et poursuivre des discussions de techniques, des discussions de modalités, mais je pense qu'au niveau des paramètres généraux, des principes généraux, j'ai essayé de soumettre à la commission les propositions sur lesquelles le gouvernement s'est arrêté et qu'il voudrait soumettre à la discussion de notre commission.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Viau, si vous voulez prendre la parole.

M. William Cusano

M. Cusano: M. le Président, j'aurais pensé qu'après l'ajournement d'hier matin, la réflexion du ministre, ses consultations, ce matin, on aurait entendu un discours un peu différent de ce qu'on a déjà entendu depuis le début de nos travaux. Le ministre nous suggère quelques petits changements un peu cosmétiques, et j'y reviendrai tout à l'heure.

Premièrement, je voudrais faire un petit résumé, à ce moment-ci, des critiques - avant que le ministre ne se lève de sa chaise, je dois lui dire que ce n'est pas de la CSST dont je ferai des critiques à ce moment - mais des critiques que nous avons entendues sur la question du mécanisme d'appel existant et celui qui sera adopté d'ici à la fin de nos travaux.

En ce qui concerne les bureaux de révision, je crois que le ministre devrait être d'accord avec le fait que les gens qui sont venus témoigner, ici, en commission parlementaire avaient une perception de ces bureaux de révision comme étant une extension de la CSST où ces bureaux de révision étaient juge et partie, où ces bureaux de révision ne faisaient que regarder à nouveau des directives administratives de la CSST et, dans les faits, rien ne changeait de la décision qui était rendue en première instance par les agents de la commission. Même si dans certains cas justice était rendue, parce que je ne mets pas en doute les personnes qui forment ces bureaux de révision, dans son fonctionnement et dans ses jugements, définitivement, on peut dire que même s'il y avait justice, il y manquait certainement ce que le ministre et plusieurs avocats citent comme le manque d'apparence de justice. De cette situation et de cette évaluation, le ministre a procédé à nous suggérer une révision administrative. En regardant une telle révision, il nous suggérait une structure où la CSST aurait été considérée encore plus comme juge et partie et, encore plus, il y aurait un manque d'apparence de justice.

Les plaintes de l'autre part, du côté patronal, en ce qui regarde les bureaux de révision actuels, c'est le fait qu'il y avait 'des sujets qui n'étaient pas appelables devant une autre instance. En ce qui nous concerne, M. le Président, oui, nous sommes en faveur d'un tribunal, d'un palier où il y aurait un triage des causes et où on essaierait le plus facilement ou le plus rapidement possible d'en arriver à des décisions justement pour ne pas qu'il y a d'engorgements à un autre niveau, que ce soit à la Commission des affaires sociales ou que ce soit au nouvel organisme que le ministre nous propose.

Avec la structure proposée, je pense qu'avant même de pouvoir l'aborder encore plus, il faudrait voir un peu certains scénarios, c'est-à-dire que si l'on parle maintenant d'un tribunal, d'un conseil arbitral - on n'a pas encore tout à fait défini les termes - j'ai l'impression que les retards seraient même considérables. Présentement -et je suis prêt à être corrigé par les gens de la CSST - au bureau de révision, il semble y avoir des retards d'environ six mois présentement puisqu'on s'attend - encore selon les chiffres du rapport annuel - qu'il y aurait environ 10 000 cas par année devant les bureaux de révision. Si l'on regarde la

situation actuelle, les délais, si l'on regarde la structure qui y est proposée, qui me semble encore plus lourde, il faudrait, à un certain moment, voir à ce qu'on nous présente un tableau justement pour regarder si on va vraiment diminuer les délais à ce niveau.

En ce qui concerne l'appel devant la Commission des affaires sociales - je l'ai dit à maintes reprises, je le dis ce matin encore - la seule critique qu'on puisse leur faire c'est la critique précisément de l'engorgement qui n'est pas la faute de la Commission des affaires sociales.

Maintenant, le ministre parlait tout à l'heure de la question de "caseload". Il n'y a rien qui va indiquer que les "caseload" seraient différents devant le nouvel organisme qui va être créé, même il va y en avoir beaucoup d'autres, il l'a dit lui-même. Il ne nous a présenté aucun espoir, justement, selon lequel les délais seraient diminués. Encore-là, on est inquiet devant les mesures transitoires où vous allez avoir un tribunal qui aura à se pencher sur certains aspects des cas qui sont déjà inscrits et un autre tribunal qui aura à se pencher sur des cas semblables, à l'exception de la cotisation et de la classification. On n'a aucune assurance de la part du ministre, justement, que les retards seront moins longs. On n'a pas besoin... on a mentionné une possibilité, et messieurs les députés autour de cette table, préparez-vous parce qu'on va entendre ces gens-là venir dans nos bureaux. On sait qu'il va y avoir une décision de la Commission des affaires sociales qui sera contradictoire à une décision d'un cas semblable d'un nouvel organisme. Pour ceux qui auront des solutions à suggérer à ce moment-là, je leur souhaite bonne chance.

Un autre aspect qui me semble très important en ce qui concerne la Commission des affaires sociales c'est que même le ministre ne lui trouve vraiment rien de mauvais puisque l'organisme qu'il suggère, c'est quasiment le même, c'est la structure en duplicata, si l'on veut, "it is a carbon copy" de la Commission des affaires sociales. En ce qui me concerne, cela veut dire que le vrai problème, dans ce cas-ci, c'est la question d'engorgement et non la question de fonctionnement de la Commission des affaires sociales. On est d'accord avec lui qu'on ne peut pas commencer à faire une distinction, justement, entre ce qui relève d'un tribunal ou de l'autre. On est d'accord avec le fait qu'il faut absolument qu'un organisme ait à traiter de l'un ou l'autre, de la totalité.

M. le Président, les arguments du ministre en faveur d'un nouveau mécanisme de bureau de révision soulèvent certaines craintes: des craintes de délais, de bureaucratie, de coûts. Lorsqu'on parle de l'autre commission d'appel, justement, avec toute la bureaucratie que cela engendre, on parle des coûts. Le ministre a dit: Si c'est une inquiétude de l'Opposition, on va diminuer la subvention gouvernementale à la CSST pour l'inspection; on va la diminuer de 5 000 000 $ ou 6 000 000 $ par année. Là, je n'y comprends plus rien parce que l'inspection, d'après moi, a quelque chose à voir avec la prévention de ces accidents. On sait déjà fort bien que l'inspection laisse beaucoup à désirer. Là, on arrive avec une formule qui ne change rien, c'est-à-dire qui ne change rien à la façon de payer le tribunal, mais on va enlever de l'argent à l'inspection. Cela, c'est vraiment "cohérent", c'est comme cela qu'on va éliminer des accidents du travail, en diminuant le budget de l'inspection. Franchement, ce matin, je dois vous dire que j'ai beaucoup de difficulté à comprendre l'argumentation du ministre.

Le ministre a fait son choix concernant les bureaux de révision. On aurait même souhaité... Si on fait l'analyse bien claire de ce qui nous a été dit, c'est que les gens voulaient que ce soit un tribunal, un palier d'appel où ils pouvaient se faire entendre. La critique a été contre la révision administrative. Les gens voulaient se faire entendre et, du côté patronal, la critique envers les bureaux de révision, je le répète, a été une critique où ils souhaitaient avoir un autre palier d'appel. (11 heures)

C'est ça que le ministre a pondu. Nous, nous n'en sommes pas trop heureux et pour le ministre, comme il le dit très souvent, c'est un choix. C'est peut-être politique, le choix qu'il a fait et qui demeure. On va essayer, autant que possible, d'améliorer sa proposition. Mais il reste qu'il me semble incohérent de prendre un organisme qui fonctionne très bien, un organisme à la Commission des affaires sociales qui fonctionne, qui est très efficace, et d'en bâtir un autre où on ne connaît pas les coûts et cette façon de nous arriver avec une solution pour l'apparence de justice, l'imputation des coûts, je la trouve déraisonnable.

Si le ministre est vraiment préoccupé par les coûts, il serait peut-être favorable à ce qu'on puisse maintenir une espèce de statu quo en ce qui concerne les bureaux de révision, en tant que paliers d'appel et de permettre que ce qu'on peut considérer comme aspect technique de l'application de la loi, que même cela soit appelable.

C'est avec ça, M. le Président, que je termine mon intervention ce matin. Peut-être, pour essayer de nous convaincre - je répète la demande que j'ai faite tout à l'heure - il pourrait faire une espèce de scénario pour voir comment les 10 000 cas et plus devant cette nouvelle structure de bureau de révision, combien de cas seront traités par semaine, combien de cas par

année, et ainsi de suite, et les délais auxquels on pourrait s'attendre.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je pense que le ministre avait quelques éléments de réponse à apporter.

M. Fréchette: Oui, très rapidement, M. le Président, sur un ou deux aspects...

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre, vous préférez répondre tout de suite?

M. Fréchette: Oui, j'aime autant le faire tout de suite, M. le Président.

M. Bisaillon: ...M. le Président, on n'est pas pour l'empêcher de parler!

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): D'accord.

M. Fréchette: Je pense qu'au tout début de nos travaux, le député de Sainte-Marie était sans doute occupé à d'autres choses fort importantes. On a convenu qu'on n'allait pas s'enferrer dans la procédure.

M. le Président, il y a une première observation que je voudrais vous soumettre, à la suite de l'argumentation que vient de nous communiquer le député de Viau. Il a de la difficulté à comprendre certains de mes raisonnements; je vous signale que j'ai un petit peu de difficulté aussi à le suivre intégralement dans l'une ou l'autre des argumentations qu'il a développées.

Par exemple, il dit: Les bureaux de révision actuels sont perçus comme une créature de la CSST et sont perçus comme des instances à l'intérieur desquelles il n'y a même pas apparence que justice est rendue. Assez curieusement, en conclusion de son argumentation, il dit: II faudrait garder ces organimes-là. Je vous signale, M. le Président, que j'essaie de voir comment on peut aligner ces deux réflexions ou ces deux argumentations et arriver à une conclusion qui respecte les principes élémentaires et fondamentaux de la logique. D'une part, encore une fois, un organisme qui n'a pas de crédibilité, qui est perçu comme une créature de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, qui rend sans doute justice, mais qui, en apparence, donne l'impression de ne pas rendre justice et, malgré ces lacunes, ces défauts ou ces difficultés, il faudrait quand même conserver le mécanisme lui-même.

Deuxièmement, M. le Président, toujours dans cette veine de nous dire que le bureau de révision actuel n'a pas ses lettres de créance auprès de la clientèle qui va devant lui, je voudrais simplement lui signaler que 55% des décisions du fonctionnaire qui a ouvert le dossier et qui sont transmises au bureau de révision sont modifiées. Quand on fait l'évaluation des causes dont les jugements sont modifiés en instance d'appel, je signale que c'est une proportion de modification de la décision du fonctionnaire qui est impressionnante.

Le député de Viau nous dit maintenant: Avec l'organisme dont vous suggérez la mise sur pied, il y a un danger qui nous guette, et c'est celui d'accumuler un retard considérable, le retard moyen, dans l'état actuel des choses, au bureau de révision, étant d'à peu près six mois. Je voudrais simplement attirer l'attention du député de Viau sur le fait qu'actuellement, aucune disposition de la loi n'impose au bureau de révision quelque délai que ce soit pour rendre une décision. Dans les dispositions que contient la loi, il est indiqué que le nouveau bureau de révision procéderait - ce n'est pas falcultatif - obligatoirement à l'audition de la cause dans les trente jours de son inscription au bureau de révision et procéderait également à rendre jugement, è rendre décision ou à rendre sentence dans les vingt jours de la fin de l'audition. Il me semble qu'en mettant des contraintes de cette nature, ça fait complètement disparaître le danger dont parle le député de Viau.

Une dernière observation, M. le Président. Là, j'ai vraiment de la difficulté à souscrire à l'argumentation du député de Viau quand il nous fait un reproche amer de retrancher de la subvention annuelle en matière d'inspection pour que le gouvernement puisse assumer le coût du fonctionnement d'une commission d'appel. Mais c'est fort simple, le mécanisme qu'il y a derrière ça. On dit que pour respecter les principes d'apparence de droit, l'employeur ne doit pas payer les mécanismes de fonctionnement de cette commission d'appel. Très bien. Cependant, il aurait été prêt à le faire. Or, le gouvernement payant les mécanismes d'appel et retranchant le montant dont il est question de cette subvention, ce que l'employeur ne paiera pas pour assurer le fonctionnement de la commission d'appel, il va le payer pour combler la différence entre le montant de la subvention que le gouvernement accordera à la commission aux fins d'inspection et le montant qui sera retenu de cette même subvention pour payer les frais de fonctionnement de la commission d'appel. Il n'y a absolument personne qui est perdant, à cet égard, les montants affectés à l'inspection vont demeurer exactement les mêmes, sauf que les cotisations des employeurs ne seront pas affectées de la même façon qu'autrement elles auraient pu

l'être. Ce sont les trois observations que je voulais soumettre, M. le Président.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Viau.

M. Cusano: Seulement quelques commentaires, M. le Président. Lorsque j'ai parlé de maintenir le statu quo, j'ai aussi dit, en même temps, qu'il faudrait tenter de corriger ce manque d'apparence de justice. Sur l'aspect des délais, il semble dire que, du fait qu'on inscrive dans la loi un délai d'environ 50 jours, parce qu'il faut que le bureau rende une décision en dedans de 20 jours, c'est comme si, à un certain moment donné, on disait: II ne doit pas neiger demain matin. Je me demande, à ce moment-ci, s'il pourrait nous dire ce qui se passera si la décision n'est pas rendu en dedans de 30 jours. J'aimerais bien que le ministre précise cet aspect.

M. Fréchette: Ce pourrait être une formule, mais il faudrait l'élaborer beaucoup plus avant de la retenir. Le député de Viau va peut-être m'en vouloir un peu, mais je vais me servir de ma déformation professionnelle pour répondre à sa question.

Dans le Code de procédure civile, il y a des dispositions en vertu desquelles un juge d'un tribunal de droit commun doit rendre jugement dans les six mois de la fin de l'audition. Qu'arrive-il s'il ne rend pas jugement? Il est purement et simplement dessaisi de la cause; elle est soumise à un autre juge qui, à l'intérieur du même délai, doit rendre jugement.

M. Cusano: C'est ça, et cela va avancer les causes?

M. Fréchette: Ce pourrait être exactement le même mécanisme dans ce cas-ci. D'ailleurs, c'est ce que l'on retrouve dans plusieurs conventions collectives. Quand un arbitre de griefs n'a pas rendu sa décision dans les délais qui lui sont impartis, il y a des dispositions conventionnelles qui prévoient qu'il perd sa juridiction, le dossier lui est enlevé et il est soumis è l'évaluation et à la décision d'une autre...

M. Cusano: Une autre...

M. Fréchette: ...instance arbitrale.

Le Président (M. Lévesque Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, commençons d'abord par cette question des délais pour la clarifier une fois pour toutes. Selon mon expérience dans le mouvement syndical, où la plupart des conventions collectives ont des clauses renfermant des délais du type dont le ministre nous a parlé, c'est-à-dire que l'arbitre doit rendre son jugement dans les 30 ou 60 jours du moment où il a entendu la cause, cela s'applique rarement. À toutes fins utiles, quelle est la possibilité pour les parties d'imposer à l'arbitre de rendre son jugement dans les délais prévus? Regardons cela pratiquement: ou bien tu le dessaisis, tu prends les procédures dont le ministre parlait pour le dessaisir de sa cause, auquel cas, on recommence. Je veux dire que c'est un autre délai qui s'ajoute. Je peux bien dessaisir le juge ou l'arbitre, mais je suis obligé de me faire réentendre devant un autre qui a les mêmes délais, lui, pour rendre son jugement. Donc, cela fait deux; ce n'est plus 20 jours, ce sera 40. Si cela recommence avec le deuxième, ce sera 60.

L'autre empêchement pour prendre des procédures, c'est: Quelle sera la partie assez audacieuse pour dire à l'arbitre avant qu'il ne rende son jugement: Aiel Petit garçon, il faut que tu respectes ton délai! Il pense toujours au type de jugement qui sera rendu. Si je harcèle l'arbitre, il y a de grandes chances pour que ma cause soit moins bien reçue qu'elle pourrait l'être. On peut bien l'inclure dans des textes, mais, en pratique, ce genre de délais sont des voeux pieux exprimés à ceux qui sont habilités à trancher les problèmes, mais cela ne nous amène pas de façon certaine à des jugements qui sont rendus dans des délais que la loi ou que les conventions collectives prévoient. Je comprends que cela manifeste une intention du législateur ou que cela manifeste une intention des gens qui signent ou qui conviennent d'une convention collective, mais c'est un tiers qui intervient. Ce tiers, avant de le contrôler totalement, les parties y pensent à deux fois avant de prendre des procédures. Voilà pour la question des délais.

Pour ce qui est du mécanisme proposé par le ministre, séparons les choses. Parlons d'abord de la première instance, si on veut, que cela s'appelle n'importe comment, de ce qui va se passer au niveau d'une première instance et, deuxièmement, de l'appel final. Pour ce qui est de la première instance, le ministre avait, à un moment donné, semblé accepter l'idée que cet endroit où on entendrait les causes en première instance pouvait être indépendant de la CSST. Dans un deuxième temps, il est revenu en disant: Ce doit être un fonctionnaire de la CSST qui va présider cette première instance. II a évidemment ajouté des balises à cela, dans le type de fonctionnement, qui peut nous donner des garanties additionnelles. Mais il reste quand même que, fondamentalement, il est revenu sur la démarche qu'il avait faite de rendre la première instance la plus indépendante possible. On se rapproche donc,

avec un fonctionnaire de la CSST président du bureau de révision ou de l'appel de première instance, de la révision administrative qui a été tant de fois critiquée. Qu'on se rappelle aussi que, dans le témoignage du juge Poirier devant les membres de la commission, on a pu constater qu'un bon nombre d'appels pourraient être évités si au niveau de cette audition de première instance il y avait un fonctionnement qui ne limite pas les gens qui ont à se prononcer, qui ne les limite pas aux directives administratives de la CSST. (11 h 15)

C'est toute la question qu'on a à se poser. Est-ce qu'on rend cette partie de première instance complètement indépendante de la CSST ou si on accepte que cela soit dirigé par des fonctionnaires de la CSST? Je serais prêt à admettre, M. le Président, que l'argumentation voulant que ce soit des fonctionnaires de la CSST peut avoir du poids pour autant, cependant, qu'on va ajouter à cela suffisamment de balises pour nous assurer que ce premier palier peut régler des choses et nous empêcher d'avoir constamment à aller en appel. Autrement dit, que ce soit un endroit où on règle vraiment des choses; et il me semble qu'un certain nombre de balises devraient être ajoutées à tout ce qu'a dit le ministre.

Je ne sais pas si le ministre en aurait nommé quelques-unes. Si oui, tant mieux, mais j'en vois en partant un certain nombre, d'abord, dans le choix de ce fonctionnaire. Si on tenait pour acquis que le tribunal ou l'audition de première instance était dirigée par un président fonctionnaire de la CSST, je pense que son processus de nomination devrait être discuté et que ce processus devrait comprendre une possibilité que ces gens-là soient nommés par le conseil d'administration de la CSST et que l'une des deux parties siégeant au conseil d'administration de la CSST puisse avoir un droit de veto. Je dis cela comme ça. Probablement que ce n'est pas sous cette forme-là qu'il faudrait le dire, mais on comprend ce que je veux dire, que le fonctionnaire soit nommé par le conseil d'administration de la CSST et que l'une ou l'autre partie, à l'usage et avec le fonctionnement des tribunaux de première instance, puisse, à un moment donné, mettre un veto sur la nomination suggérée au conseil d'administration.

Une deuxième balise, ce serait dans ceux qui vont accompagner ce président pour décider des objets d'appel. Le ministre a déjà mentionné la possibilité que ce tribunal soit un tribunal de trois personnes avec des gens nommés ou représentant le côté syndical et d'autres représentant le côté patronal. Je ne pense pas, quant à moi, que ce soit une bonne orientation et il me semble plutôt qu'il faudrait identifier un certain nombre de personnes - 20, 40, 50, 60 ou 80 - qui pourraient être choisies ou sélectionnées selon le même principe qu'on utilise, par exemple, pour établir la liste des arbitres au ministère du Travail, c'est-à-dire une liste de personnes sur lesquelles doivent s'entendre les parties syndicales et patronales siégeant au conseil d'administration de la CSST. On voit tout de suite là qu'on aurait une série de spécialistes, de personnes de bon jugement qui devraient forcément être retenues à la fois par les représentants du monde syndical qui siègent au conseil d'administration et les représentants du monde patronal qui siègent au conseil d'administration de la CSST et que, par la suite, on affecterait aux différentes auditions.

Il n'y aurait donc pas un caractère de représentation syndicale ou patronale, mais on saurait qu'ils ont été retenus à partir de l'analyse qu'on faisait à la fois du côté syndical et du côté patronal sur leur ouverture d'esprit, leur compétence, etc. Cette procédure de nomination permettrait, en même temps, de régler toute la question de l'arbitrage médical puisque, à ce moment-là, dans le nombre de personnes qui pourraient être retenues, il pourrait y avoir des médecins, par exemple, et lorsqu'il y aurait un aspect médical qui devrait être traité à la première instance, on n'aurait tout simplement qu'à adjoindre au président au moins un médecin apparaissant sur la liste qui a fait l'objet d'entente. Cela réglerait la question de l'arbitrage médical qui a posé des problèmes et qui continue à en poser.

Le processus de nomination me semble important. Le fonctionnement aussi de ce tribunal de première instance est tout aussi important. Il faudrait, par exemple, pour éviter qu'on remonte constamment en appel, que ce niveau de première instance tienne compte de la jurisprudence qui s'établit et n'essaie pas constamment d'aller à l'encontre de la jurisprudence pour respecter davantage les directives administratives que les jugements déjà établis par les tribunaux d'appel sous quelque forme qu'ils se présentent par la suite. Cela me semble des choses dont il faudrait parler, dont il faudrait discuter et qui pourraient permettre qu'on puisse s'entendre sur une formule comme celle suggérée par le ministre qui permettrait d'avoir un lien entre cette audition de première instance et la CSST mais, en même temps, qui accorderait aux parties de même qu'à l'efficacité de la loi suffisamment de garanties pour nous empêcher constamment d'aller en appel.

Un dernier commentaire sur ce niveau de première instance. Je pense qu'on devrait le rendre facultatif. C'est-à-dire que les parties impliquées décident elles-mêmes si elles feront appel au niveau de première instance ou si elles feront appel directement.

Lorsqu'une question, par exemple, a été réglée et qu'il y a une jurisprudence abondante, il ne sert à rien de perdre du temps à s'adresser à un niveau quand on sait que le jugement a déjà été rendu sur des cas similaires. On peut se tromper. Le tribunal peut penser, lorsqu'on se présente devant lui, que ce n'est pas un cas similaire et que le jugement doit être différent mais il me semble que la partie devrait avoir la possibilité de choisir la procédure qu'elle va suivre. Tout ce que cela peut servir à faire, c'est de restreindre des délais, économiser du temps, de l'argent et des frais d'administration.

S'il y avait toutes ces balises au niveau de la première instance, il me semble qu'on aurait quelque chose qui pourrait être - vous me pardonnerez le terme anglais "manageable". Non seulement cela, mais en plus qui nous assurerait, qui nous donnerait des garanties à la fois que les causes amenées au niveau de première instance soient regardées à leur mérite et empêche ou tente d'éviter le plus possible que les points qui ont été discutés au niveau de première instance reviennent de façon quasi automatique au tribunal d'appel.

Ce qui nous amène à parler du Tribunal d'appel. Que doit être l'instance d'appel? La CAS, que l'on connaît actuellement, avec sa section spécialisée dans les causes d'accidents du travail, ou un nouveau tribunal complètement différent avec un mandat spécifique pour traiter de toutes les questions relatives aux accidents du travail?

D'abord, un premier commentaire. Il y a déjà des objets concernant la santé et la sécurité du travail qui sont traités par le Tribunal du travail. Il me semble que ces objets devraient pouvoir rester au niveau du Tribunal du travail, parce qu'on parle de choses particulières. Il me semble possible de conserver la juridiction du Tribunal du travail sur ces objets-là. Je pense qu'il y en a deux ou trois.

Tout le débat qui s'est fait pour déterminer s'il y aurait un nouveau tribunal d'appel ou non ou si on conserve la CAS, s'est fait autour de quoi? Il s'est fait sur des discussions de principe et sur la perception, à tort ou à raison, que les intéressés avaient de l'organisme qui traite actuellement des causes d'appel, c'est-à-dire la Commission des affaires sociales.

Le ministre, dans ses commentaires, nous enlève des arguments qui étaient contre le fait d'un nouveau tribunal d'appel. Qu'est-ce qu'on reprochait au tribunal d'appel, comme il se présentait dans le projet de loi? On lui reprochait de ne pas être indépendant. On craignait l'intervention indue de l'employeur ou des employeurs. On craignait, du fait que les employeurs se paient eux-mêmes des juges, selon le vieux principe "Dis-moi qui te paie et je vais te dire à qui tu es redevable", qu'il y ait trop d'emprise et pas assez d'indépendance de ce tribunal d'appel.

Un bon nombre des éléments apportés aujourd'hui par le ministre enlèvent ces craintes. Il faut reconnaître, par exemple, que ce soit un nouveau tribunal d'appel et que ce tribunal dépende du ministère de la Justice et soit entièrement aux frais du gouvernement - l'on pourrait discuter de la façon plutôt ambiguë avec laquelle le ministre procède pour aller chercher les fonds, c'est une autre paire de manches -mais le fait que cela soit payé par l'État, cela donne, en tout cas, une indépendance identique à un nouveau tribunal d'appel que l'indépendance de la Commission des affaires sociales. En ce sens, cela devrait normalement nous inciter à convenir que c'est acceptable avec ce genre de balise. La question qui reste cependant est: Pourquoi et comment? Comment on va procéder et pourquoi on le fait? Le juge Poirier nous a indiqué qu'il y a environ 4000 dossiers qui sont en retard, qui souffrent de délais. Là, on va appliquer une nouvelle loi et cette nouvelle loi va entraîner des appels nouveaux, va entraîner aussi, je suppose, une réduction d'un certain nombre d'appels qu'on avait dans le passé et qu'on n'aura plus maintenant parce que les conditions seront changées ou que cela fonctionnera mieux au niveau de la première instance. Il va aussi y avoir une diminution.

Là, on dit: Le nouveau tribunal s'occuperait des nouveaux appels et la CAS garderait sa juridiction pour les cas en suspens; cela s'éteindrait tranquillement jusqu'à ce que les 4000 dossiers aient été traités. Cela ne règle pas le problème. Quand on essaie d'envisager cela de façon mathématique, il y a 4000 dossiers en retard et supposons qu'il y en ait 2000 nouveaux durant les deux prochaines années, cela fait 6000 cas à traiter de toute façon en deux ans. Qu'on le fasse à deux instances ou à une, il va falloir traiter 6000 dossiers de toute façon.

La CAS a déjà une organisation, son greffe fonctionne, il y a une pratique. Là, on va recommencer cela à côté. Une balise qu'on va devoir demander au ministre d'ajouter, s'il conserve son idée d'aller vers un tribunal d'appel nouveau, c'est au moins de profiter de l'expertise qu'il y a déjà à la CAS. Les personnes qui sont là actuellement pour décider, il va falloir que vous les transfériez. Il va falloir qu'on les prenne comme elles sont à la CAS et qu'on les transfère au nouveau tribunal d'appel. On va faire quoi, si on fait cela? Je vois difficilement qu'on ne puisse pas faire cela. Habituellement, quand on procède à des réformes administratives, la chose que l'on fait régulièrement, c'est que le personnel qui faisait d'abord le travail à un niveau, on le

transfère au nouvel organisme qui le fait maintenant ou qui est habilité pour le faire maintenant.

Alors, ce sera le même monde, plus d'autres qu'on va rajouter. Tout ce que l'on va faire, finalement, c'est changer de nom. Au lieu de s'appeler la CAS, cela va s'appeler un nouveau tribunal. Il va y avoir comme point de départ les personnes qui étaient à la CAS qui vont se retrouver au nouveau tribunal, plus ceux qu'on va ajouter. Mais on sera obligé de dépenser de l'argent sur le plan administratif pour monter tout l'appareillage qui entoure la prise de décision: greffe, communications, etc., alors que cela existe déjà à la CAS.

La question qui reste, c'est: Pourquoi? Qu'est-ce qui peut nous justifier de faire cela? Supposons que ce soit par un souci d'ordre, de meilleure compréhension, je dis au ministre qu'il y a un autre élément dont il faudrait tenir compte. Tout en reconnaissant qu'on n'a plus le même type d'arguments qu'on pouvait avoir avant que le ministre nous dise que le nouveau tribunal d'appel sera indépendant parce que c'est l'État qui va payer, qu'il va être plus indépendant parce qu'il va dépendre du ministère de la Justice, tout en reconnaissant que cela ajoute des choses, tout en reconnaissant que ce n'est pas fermé, non plus, et qu'on peut rajouter d'autres balises s'il y avait un nouveau tribunal d'appel, je dis quand même qu'il faut tenir compte de l'autre aspect et l'autre aspect est, entre guillemets, "politique".

Les gens qui ont affaire actuellement à la CAS, ils veulent garder cette instance, ils ont confiance en elle. Et ce n'est pas parce qu'ils gagnent 90% du temps. Les chiffres nous démontrent que cela se partage à peu près 50-50. Alors, ils ont confiance, actuellement. Des gens sont venus à mon bureau de comté et je leur ai dit: Écoutez, c'est deux ans. Cela prend deux ans avant d'avoir... Oui, mais on a confiance. Ils veulent la CAS même en sachant qu'actuellement cela va jusqu'à deux ans d'attente. (11 h 30)

C'est un élément important parce que, quand on fait une loi, on la fait pour le monde; on ne la fait pas pour nous, on ne la fait pas pour faire plaisir ni aux fonctionnaires qui la préparent ni aux députés qui la votent. On la fait pour le monde à qui cela va s'appliquer. Or, à tort ou à raison, ce monde continue à dire: On veut garder la CAS. Je pense qu'à un moment donné c'est le seul argument qu'il va nous rester et c'est peut-être l'argument qui est le plus important en bout de course, parce que tout le reste, on peut le régler. Au plan technique, tous les arguments qui étaient invoqués et toutes les craintes qui étaient invoquées par rapport au nouveau tribunal d'appel, on peut régler tout cela, et le ministre a déjà commencé à le régler en nous donnant des assurances de l'indépendance de ce tribunal. Cela nous oblige à dire: Un nouveau tribunal qui fonctionnerait de même, c'est bon; ce n'est pas mauvais. Je suis obligé de dire cela et je trouve, si on veut être honnête intellectuellement, qu'il faut qu'on le dise aussi. On ne peut pas continuer à dire: Je veux juste un nom. Intellectuellement, on est obligé de reconnaître qu'un tribunal d'appel qui, en y ajoutant des choses, fonctionnerait comme le ministre l'a dit, cela nous donne des garanties suffisantes pour avoir moins de craintes, en tout cas, qu'on n'en avait au début. Le seul argument qu'il va nous rester, ce sera celui-là et c'est un argument de poids que les parlementaires doivent étudier sérieusement de la même façon que les fonctionnaires de la CSST doivent en tenir compte. Pas plus les fonctionnaires de la CSST que les membres de la commission ne sont là pour eux-mêmes et ne font ce travail pour eux-mêmes. On est tous convaincus de cela. Ils font le travail pour donner la loi la plus satisfaisante à ceux qui vont en profiter par la suite. Alors, tenons compte de cet argument.

Si jamais cet argument n'avait pas suffisamment de poids auprès du ministre ou des députés ministériels, si les électeurs et les électrices de leur comté continuent à dire qu'ils veulent avoir la CAS comme tribunal d'appel et si on se rendait compte qu'au niveau administratif, c'est plus facile de mettre un nouveau tribunal d'appel, à ce moment-là je vais dire au ministre: En plus des balises que vous avez mises, que vous avez placées, il faudrait en placer deux ou trois autres, dont la première serait de s'entendre, dès le départ, pour dire: S'il y a un nouveau tribunal d'appel, toutes les causes vont être au tribunal d'appel, y compris celles qui sont en suspens. Le juge Poirier nous a alertés - il n'était pas le premier -sur le fait que des causes nouvelles peuvent être en relation avec des causes déjà en cours et qu'on a besoin du dossier complet d'un individu pour se prononcer. Une nouvelle cause, ce peut être une aggravation et cette aggravation va se juger en fonction du dossier qui est déjà en cours. Je prétends que, s'il doit y avoir un nouveau tribunal d'appel ou si on y arrive, au-delà de toutes les balises que le ministre nous a annoncées, il faut qu'on prévoie le transfert des effectifs et des causes qui sont actuellement devant la CAS à ce nouveau tribunal d'appel.

Deuxièmement, il faudrait aussi qu'il soit très clair que ce personnel du tribunal soit indépendant de la CSST, cette fois-là. On n'est plus au niveau de la première instance. Il faut vraiment que ce soit en dehors de la CSST; donc, qu'il soit clair qu'il n'y aura pas de lien.

Troisièmement, il faudrait que l'article qui est apparu à un moment donné - je ne sais pas si c'est dans le projet ou dans des amendements qui sont venus par la suite; probablement que c'est dans une série d'amendements qui avaient été déposés - où on disait que le président du tribunal d'appel prévu au projet de loi aurait une période de X mois - je pense que c'était six mois -pour choisir le personnel du tribunal d'appel disparaisse. S'il doit y avoir un nouveau tribunal d'appel, il faut qu'il y ait transfert de ceux qui se préoccupent de ces questions-là actuellement à la CAS et, après, qu'on complète les effectifs du tribunal d'appel selon les formes prescrites par la Loi sur la fonction publique et par le fonctionnement du ministère de la Justice pour de telles nominations. Mais il faut qu'on nous donne ce genre d'assurance, en partant, quant a ce tribunal d'appel qui pourrait exister, puisque je pense que la discussion n'est pas terminée. Le ministre nous a annoncé des intentions, mais on n'a pas fini de discuter et on n'a pas fini d'analyser non plus, en termes de tribunal d'appel, ce qui va plaire le plus au monde en fin de compte. Je pense qu'en termes techniques on peut donner le même type de fonctionnement, et à la CAS et à un nouveau tribunal d'appel. Il s'agit de savoir maintenant ce qu'on va garder en fonction du monde. Si on s'en va vers un tribunal d'appel, je trouve qu'en plus des balises que le ministre a données il faudrait qu'on ait au moins ces balises additionnelles.

M. le Président, je voudrais terminer en ajoutant que toute cette discussion autour de la CAS ou d'un nouveau tribunal d'appel laisse un arrière-goût amer parce qu'il me semble que cela ne se discute pas; il me semble que tous les arguments ne sont pas donnés ou que toutes les craintes ne sont pas exprimées. Nous posons la question: Pourquoi un tribunal d'appel nouveau? On se fait répondre: Pourquoi la CAS? Pourquoi maintenir la CAS?

Il y a déjà un type de fonctionnement, cela a déjà été éprouvé, cela a déjà fait ses preuves. C'est là. Les gens aiment cela. Les gens ont confiance dans cette instance. Nous disons qu'il faudrait l'améliorer dans son fonctionnement. On pourrait dire: Les ressources que l'État est prêt à assumer, donnons-les à la CAS pour améliorer son fonctionnement. Ce n'est pas ce qu'on dit. II y a un arrière-goût amer. On se demande pourquoi. Puis, le véritable pourquoi n'est jamais mentionné.

Je suis sûr que cela n'est pas pour nommer du monde identifié et identifiable. On ne créé pas un organisme seulement pour cela. Il doit y avoir des raisons et des motifs plus nobles que cela. Je pense qu'il va falloir aller au fond de cela. En dernier ressort, si le ministre s'en va vers un tribunal d'appel, maintient un nouveau tribunal d'appel, un nouveau type de fonctionnement, je vais dire: Peut-être, parce qu'au plan technique, j'aurai eu les garanties de l'indépendance d'un tribunal d'appel. Je vais continuer à me poser des questions, au plan administratif, sur le coût administratif d'un tel changement mais, au plan technique, je vais être obligé de reconnaître que, si on y met les balises dont je viens de parler, plus celles que le ministre nous a annoncées, on a moins de craintes qu'on ne pouvait en avoir. II restera la question fondamentale à trancher, qui est celle de savoir pour qui on fait cela et ce que veulent ceux pour qui on fait cela.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre.

M. Fréchette: Oui, je peux bien, si vous me le permettiez, faire quelques brèves observations.

M. Dussault: Est-ce que je pourrais poser deux questions au député de Sainte-Marie avant que le ministre réagisse? Des questions de clarification.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): J'étais pour vous donner le droit de parole pour respecter un peu l'alternance. Si vous voulez poser vos questions tout de suite, le ministre répondra ensuite.

M. Dussault: Si M. le ministre me le permet.

M. Fréchette: Bien sûr.

M. Dussault: D'abord, puisqu'il a surtout été question de cela dans les derniers propos du député, je voudrais lui demander, concernant cette confiance qui règne à l'égard de la Commission des affaires sociales, s'il a bien à l'esprit que les personnes qui nous disent présentement qu'elles ont confiance dans la CAS ce sont, à toutes fins utiles, des gens qui sont aux prises avec des problèmes, qui auront à faire régler leurs problèmes dans les prochaines semaines, les prochains mois, bien sûr, mais en vertu de la loi qui est en vigueur présentement et non pas en vertu de la prochaine loi qui sera en vigueur et qui est celle dont nous discutons présentement. Cette confiance est donc relative à une vision des choses basée sur des règles établies présentement et qui ne changeraient pas; deuxièmement, basée sur des principes qui avaient été identifiés pour la loi qui vient, mais qui n'étaient pas encore devenus absolus parce que pas complètement définitifs. La preuve, c'est qu'on en a introduit d'autres qui sont considérés actuellement comme étant des principes qui vont bonifier la loi que nous

avons présentement.

En réalité, ne faudrait-il pas regarder cette question de la confiance d'une façon un peu plus relative? Oui, bien sûr, il y a des gens qui ont confiance. Les gens ont confiance, mais en ayant à l'esprit certains éléments qui ne seront plus les mêmes quand la loi 42 aura été adoptée. Dans le fond, est-ce que le député de Sainte-Marie se sentirait lié complètement par une vision des choses à un moment donné, si les choses ont changé et que, quelques mois après, on en a une nouvelle vision? Quand on parle des électeurs, qu'on en fait une question politique, je veux bien considérer cet élément politique, mais je ne veux pas, non plus, m'enfarger dedans. J'aimerais que le député de Sainte-Marie réagisse là-dessus.

Ma deuxième question est relative aux premiers éléments de son intervention tout à l'heure, c'est la liste dont il a parlé. La confection de la liste, d'une espèce de pool qui serait créé dans lequel on irait puiser les arbitres, qui seraient l'arbitre syndical et l'arbitre patronal, sans nécessairement qu'on tienne à tout prix à employer ces expressions. Ce que je voudrais savoir, c'est ceci: à partir du moment où cette liste a été confectionnée, qui choisit les deux arbitres supplémentaires en plus du président de ce tribunal? Qui choisit ces deux arbitres? Est-ce que c'est le président qui choisit ces arbitres supplémentaires ou si on fait à nouveau appel "aux parties", entre guillemets, pour déterminer qui seront ces personnes qui agiront?

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: À la deuxième question du député, la réponse est que les X personnes qui ont été retenues l'ont été par les deux parties. On peut supposer le mécanisme que cela implique; cela veut dire qu'il va y avoir des discussions entre les deux parties qui vont s'entendre sur une liste de 60, 70, 80 personnes qui vont être appelées à siéger avec le président à chaque tribunal.

Une fois cette liste choisie, c'est, d'après moi, le président du tribunal, le président de la commission, le président de l'audience qui choisit - puisque tout le monde est acceptable par les parties - en fonction du type de causes qu'il entend. Si c'est un aspect médical, il va choisir un médecin. Il va choisir à l'intérieur des spécialistes qui sont là, selon le type de cause qu'il a à faire, mais il n'y a pas de deuxième mécanisme puisque cela s'est fait au départ.

M. Dussault: M. le Président, si on me le permet, je connais bien le député de Sainte-Marie et ses antécédents. C'est un syndicaliste qui a été actif, qui a développé des réflexes. Pour moi, un syndicaliste - j'en ai fait du syndicalisme, je pense pouvoir en parler aussi - c'est quelqu'un qui a la méfiance relativement facile à l'égard de certaines affaires. Je suis un peu surpris de voir que le député de Sainte-Marie a l'air de perdre cette méfiance qui est, généralement, le lot des personnes qui sont actives syndicalement. Est-ce qu'on ne peut pas penser, M. le député de Sainte-Marie, que, parmi toutes ces personnes qui ont été retenues, il y a quand même des gens qui ont une propension à voir plus facilement le point de vue patronal et d'autres qui auront une propension à voir plus facilement le point de vue syndical? Est-ce qu'on ne peut pas penser que, dans toute cette liste, le président de ce mécanisme auquel on songe pourrait très bien choisir deux personnes qui ont une propension à regarder plutôt le point de vue patronal et qu'à ce moment la personne que vous cherchez à défendre pourra en devenir victime? C'est pour cela que je vous pose la question: Y a-t-il un second mécanisme dans votre affaire?

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: C'est vrai, M. le Président, qu'on développe des réflexes de méfiance. Dans ce cas, je ne le suis pas parce que l'expérience nous démontre que les mécanismes de choix que j'ai proposés sont doubles. Les présidents qui sont des fonctionnaires de la CSST, je disais qu'ils étaient choisis par le conseil d'administration de la CSST, mais avec un droit de veto d'une des deux parties. Une fois qu'ils sont en place, cela veut dire qu'ils ont été acceptés par les deux parties au conseil d'administration de la CSST et que, normalement, s'ils veulent revenir un jour, il va falloir qu'ils fonctionnent avec équité. Il va falloir qu'ils s'organisent lors des audiences qu'ils vont mener pour équilibrer les choses.

Cela ne me fait pas peur parce que le temps règle cela et les parties entre elles règlent cela. Ce que je ne voudrais pas, c'est qu'il y ait quelqu'un d'identifié comme syndical et quelqu'un d'identifié comme patronal parce qu'on traite de choses qui sont au-delà de cela et qui font appel davantage à des spécialistes ou à des gens "de bon jugement", entre guillemets, plutôt qu'à des orientations qui sont syndicales ou qui sont patronales. De toute façon, il y a un droit d'appel. (11 h 45)

J'ajoute un troisième élément. Dans mes balises, il y avait un autre élément, c'est que ce niveau est facultatif. Y va qui veut bien y aller. Si j'ai été maltraité trois

fois de suite au niveau de la première instance, peut-être que mon réflexe sera d'aller tout de suite en appel. Le niveau de première instance va avoir son efficacité pour autant que les parties, les membres de ce niveau de première instance, vont avoir à coeur de régler les choses et de les empêcher de remonter au niveau de l'appel. Dans ce sens, cela ne me fait pas peur du tout.

Pour ce qui est de la première question du député de Châteauguay, il rationalise, ce que les gens, actuellement, ne font pas. Il essaie de voir comment va être la nouvelle loi dans son application. Forcément, il se dit: C'est beau, beau, beau. Il ne voit pas, lui non plus, les problèmes éventuels qui vont peut-être surgir dans trois ou quatre ans et qui n'apparaissent pas, maintenant, au moment où on étudie le projet de loi. Les gens sont placés devant des faits. Ils sont déjà allés à la CAS ou encore ils sont actuellement devant la CAS et ils ont confiance en elle. Ce n'est pas rationnel en ce sens qu'ils ne font pas tout le raisonnement que le député voudrait les voir faire cinq ans à l'avance.

Mais je ne m'accroche pas uniquement à cela. Je conviens que, si on mettait des balises à un nouveau tribunal d'appel et qu'on le rendait indépendant, peut-être dans six, sept ou huit ans, l'attitude des accidentés du travail ou des employeurs vis-à-vis de ce nouveau tribunal d'appel va peut-être être une attitude de confiance. Mais, je dis: Là, on l'a. Pourquoi risquer? On l'a, la confiance et l'apparence de justice, et tout cela. C'est là. Pourquoi prendrait-on le risque de...? C'est juste cela, ma question. Au plan technique, si on mettait toutes les balises dont le ministre a parlé et que j'ai ajoutées au nouveau tribunal d'appel, j'aurais beaucoup moins de craintes, je dois vous dire, et j'aurais de la difficulté à voter contre en plus. Sauf que je dis seulement: Pensez à l'autre type d'arguments qui nous reste. C'est là. Ce qu'on va faire de plus, ce n'est rien de plus. On va faire quelque chose de nouveau à côté. Cela ne s'appellera plus la CAS, cela va s'appeler autrement et c'est tout. Si ce n'est pas cela, on peut craindre. Autrement dit, si le nouveau tribunal qu'on va créer a moins d'indépendance que la CAS a, craignons! Si, dans le nouveau tribunal qu'on va créer, ce n'est pas le même processus de nomination qu'à la CAS, craignons! Mais, si on n'a plus ces craintes à avoir, disons-nous qu'au plan technique c'est à peu près la même chose, c'est blanc bonnet et bonnet blanc. La seule chose qui reste, c'est qu'actuellement les gens ont confiance.

Le député de Châteauguay me dit: Oui, mais dans cinq ou six ans, lorsqu'ils vont constater l'application de la nouvelle loi et les décisions du tribunal d'appel, ils vont peut-être avoir confiance au nouveau tribunal d'appel. Je n'en disconviens pas. Je dis: Peut-être, possiblement que cela va être ainsi. Mais pourquoi courir le risque alors que, maintenant, on a quelque chose auquel les gens ont confiance? C'est seulement cela, mon argumentation.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre.

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: M. le Président, vous comprenez que je ne vais pas relever toutes les argumentations du député de Sainte-Marie, mais j'en ai noté quelques-unes sur lesquelles je voudrais réagir tout de suite. La première de ces observations, c'est celle qui concerne les délais dont on parlait au tout début, sujet d'ailleurs sur lequel le député de Viau s'est interrogé. C'est bien sûr que le fait d'indiquer dans une loi certains paramètres à l'intérieur desquels des décisions doivent être rendues ou à l'intérieur desquels des procédures doivent être exécutées par exemple, l'audition de la cause dans les 30 jours de l'inscription, l'obligation de rendre une décision dans les 20 jours de la fin de l'audition, cela ne donne pas la garantie absolue qu'effectivement ces délais seront respectés, pour toutes sortes de bonnes raisons que le député de Sainte-Marie, par l'expérience qu'il a de l'arbitrage de griefs et du phénomène général des relations du travail, a très bien expliquées. Mais, de deux choses l'une: ou bien on n'en met pas du tout et on continue de laisser au libre arbitre de ceux qui évaluent les dossiers qui leur sont soumis la juridiction de rendre des décisions ou, alors, on essaie, ne serait-ce que pour indiquer très précisément le désir de voir les dossiers se traiter rapidement, d'accélérer le processus décisionnel, et on indique ces délais. Mais je suis tout à fait d'accord que cela ne donne pas cette garantie absolue, dont je viens de parler, qu'effectivement ils seraient toujours et tout le temps respectés.

Pour revenir à une autre discussion que le député de Châteauguay a entamée avec le député de Sainte-Marie, je dois également faire part au député de Sainte-Marie de mon étonnement quant à la formule qu'il suggère pour le choix des deux arbitres dont on parle, les deux assesseurs - oublions les termes ou l'appellation que cela pourrait avoir - pour exactement la même préoccupation qu'a soulevée le député de Châteauguay. Qu'est-ce qui arriverait si le président doit se référer à une liste de 75, 80, 90 ou 100 noms qui ont été évalués par les deux parties au conseil d'administration pour procéder à l'audition d'une cause? Il n'y a aucune garantie qui existerait que l'on ne se retrouverait pas sur un même tribunal

avec deux arbitres ou deux assesseurs qui ont - comme le disait le député de Châteauguay et pour utiliser son expression - une propension vers les thèses patronales ou une propension vers les thèses syndicales. Cela pourrait nous amener aussi loin qu'à la situation suivante: vous auriez à décider d'un problème de cotisation, d'un problème de classification et vous vous retrouveriez théoriquement - cela pourrait être une possibilité - sur un tribunal à trois dont les deux arbitres - accrédités par le conseil d'administration de la CSST, bien sûr -auraient cette propension vers des thèses syndicales, comme on vient de le dire, l'inverse étant également vrai. Retrouvez-vous devant cette même instance dans un dossier d'indemnisation ou de réparation ou de droit de retour au travail ou de réadaptation, et vous avez deux arbitres qui, à cause de leur façon de voir les choses, à cause des activités qu'ils ont faites, qu'ils ont exercées, ont une propension vers les thèses patronales, généralement parlant. Si j'étais appelant dans de semblables circonstances, je me sentirais fort mal à l'aise.

C'est pour cela que j'ai un peu de difficulté, encore une fois, è retenir cette suggestion du député de Sainte-Marie. Je ne disconviens pas avec lui, par exemple, qu'il ne faudrait pas à ce point peinturer -passez-moi l'expression - les arbitres ou les assesseurs que l'on doive les désigner dans la loi ou autrement par l'automatique épithète d'arbitre syndical ou d'arbitre patronal. Il y a probablement des considérations dont il faut tenir compte à cet égard. Mais l'autre suggestion du député de Sainte-Marie, en tout cas, me fait avoir beaucoup de réserves dans le sens dont je viens d'en parler.

Par ailleurs, la question fondamentale qui est revenue dans l'argumentation du député de Sainte-Marie, c'est à supposer que toutes les craintes dont on a parlé depuis le début quant à la création d'une éventuelle instance de cette nature devaient disparaître, pourquoi faudrait-il quand même - c'est la question qu'il pose en termes de préoccupation des gens qui s'y retrouvent -procéder à la mise sur pied d'une commission d'appel externe? Je voudrais que l'on se rappelle ensemble qu'à travers son argumentation le juge Poirier- nous a indiqué qu'il existait à l'intérieur de la Commission des affaires sociales un dénominateur commun qui est celui à partir duquel ces gens élaborent des décisions qui sont en constante relation avec le phénomène global de la sécurité du revenu. Que ce soit en matière d'accident d'automobile, en matière de rentes, en matière de prestations de l'aide sociale, c'est toujours et de toute manière relié avec le processus de la sécurité du revenu. Cela est l'argumentation du juge Poirier. Je pense que l'on va facilement convenir entre nous que, s'il faut élargir les juridictions d'appel et les étendre aux matières dont on parle depuis le début de la discussion - retenons comme seuls exemples le financement, la cotisation, la réadaptation, le droit de retour au travail, les produits toxiques, les fermetures d'usines la, on est en train sur le plan des principes de déstabiliser totalement ce dénominateur commun qui a l'air d'être essentiel dans le processus de la Commission des affaires sociales et sur lequel le juge Poirier a fondamentalement basé son argumentation. Quelle espèce de relation pouvons-nous faire entre le phénomène de la sécurité du revenu et celui de la cotisation d'un employeur? Comment ajuster cela avec, encore une fois, l'argumentation de base du juge Poirier qui dit: Je ne peux pas perdre de vue que mon principe de fond est celui d'élaborer des décisions en matière de sécurité du revenu? Quant à moi, j'ai l'impression, en tout cas, que c'est une situation qui doit sérieusement nous préoccuper, à partir d'une argumentation que le juge Poirier a lui-même développée.

Le phénomène devant lequel on est, M. le Président, ne m'étonne pas du tout. Cette réaction tout à fait légitime et qui est manifestée par beaucoup d'intervenants, est en fait la conséquence normale ou la réaction normale devant ce que l'on pourrait convenir d'appeler l'inconnu, ou à peu près, à ce stade-ci. Assez curieusement, M. le Président - je dois le dire pour l'information des membres de la commission - cette inquiétude dont on est en train de parler a été soulevée en 1978-1979 quand, précisément, il a été question de transférer à la Commission des affaires sociales les appels en matière d'indemnisation. Le même genre de préoccupation dont on nous saisit depuis le début, le même genre de crainte que l'on avait, a existé à ce moment-là. On se demandait: Est-ce effectivement la bonne instance? Est-ce vraiment là que ce genre de litige devrait aller? La même préoccupation apparaît, donc, parce que l'on est devant un mécanisme qui est tout à fait nouveau.

C'est vrai non seulement pour la Commission des affaires sociales par rapport à un éventuel palier d'appel. Rappelons-nous simplement les inquiétudes qui ont été manifestées quand des mécanismes nouveaux ont été mis en place. Faut-il parler, par exemple, de la Loi sur l'assurance automobile? Faut-il parler de la Loi sur la protection du territoire agricole qui avait ce genre de mécanismes devant lesquels la "clientèle" - entre guillemets - avait beaucoup de réserves? Voyons ce qui s'est produit après un laps de temps d'application de ces principes-là. Mais la préoccupation dont je viens de faire part quant au dénominateur commun, si on peut se reconnaître par cette expression, quant au fond en tout cas, elle est pour moi très

préoccupante.

Pourquoi faudrait-il penser à une nouvelle instance? Évidemment, il ne faut pas laisser de côté ce dont je viens de parler, mais ce dont je viens de parler, c'est-à-dire le dénominateur commun en fonction de décisions en matière de sécurité du revenu doit faire en sorte que l'on retrouve au même endroit les matières qui ont la même source législative, soit, dans notre cas, la santé et la sécurité, les accidents du travail et les lésions professionnelles. Cela se vérifie dans toutes les instances qui sont habilitées à entendre des matières en droit administratif, qui découlent de l'adoption de certaines lois d'ordre général: le Code du travail, par exemple. Un Tribunal du travail est habilité à entendre la majorité des litiges qui procèdent de l'application, de l'interprétation que l'on fait des dispositions du Code du travail. Le Tribunal de l'expropriation est habilité, lui, à entendre toutes les matières concernant le phénomène global de l'expropriation. Allons-y! Faisons l'énu-mération de toutes les instances qui existent et l'on va, de toute évidence, arriver à la conclusion que ces instances sont ainsi bâties, sont ainsi faites qu'elles ont la juridiction d'entendre toutes les matières qui découlent de l'application des lois qui concernent ce secteur. Je pense que c'est une préoccupation que l'on doit avoir en matière de santé et de sécurité et en matière d'accidents du travail. (12 heures)

II y a donc, M. le Président, cette préoccupation d'intégration de toutes les matières vers une même instance. Et je pense que l'on va convenir, à partir autant de l'argumentation du juge Poirier que des autres argumentations qui ont été entendues autour de la table, pas pour des motifs de compétence, mais pour des motifs de principes de base - dénominateur commun, encore une fois - que ce n'est pas à l'organisme qui a la vocation de rendre les décisions en matière de sécurité du revenu qu'il va falloir consacrer ou donner la juridiction d'avoir le pouvoir décisionnel en matière, à tout hasard, de financement, par exemple. Donc, nécessité tout à fait évidente, quant à moi, de procéder à l'intégration de tous ces phénomènes. Je suis bien conscient que là aussi, il va s'accumuler des dossiers et cela va être particulièrement vrai dans les premières années, tant et aussi longtemps qu'une jurisprudence n'aura pas été établie quant à des litiges bien précis. C'est sûr que dans les premières années, il peut y avoir un rôle substantiel, un rôle important. Au fur et à mesure que la jurisprudence va s'établir, toutes les prévisions sont que cela devrait faire en sorte qu'il n'y aurait pas d'engorgement au point que la commission ne pourrait pas fonctionner correctement.

Deuxièmement - et là-dessus, le juge Poirier m'a l'air - enfin, c'est aussi une interprétation que je fais de son témoignage - ne semble pas être un partisan de la régionalisation, de l'implantation en région de bureaux régionaux d'audition des litiges. Ce qu'il nous a dit - et on me corrigera si j'interprète mal et si je me souviens mal de son évaluation c'est ceci: Nous, nous allons dans chacune des régions tous les trois mois et nous procédons pendant une journée, deux jours, trois jours, aux auditions des dossiers qui nous sont soumis; nous revenons ensuite pour la période de délibéré; puis, trois mois plus tard, nous retournons dans la même région. Mais il n'est pas partisan de la régionalisation.

Moi, je dois vous dire que c'est une préoccupation fondamentale que l'organisme aille au devant de celui qui en a besoin, plutôt que de demander à celui qui en a besoin de se conditionner aux exigences de l'organisme lui-même: l'obliger, par exemple, lorsqu'arrive le temps de l'audition, à venir à Québec ou à aller à Montréal ou à attendre que les personnes qui siègent à ces organismes aillent dans la région tous les trois mois ou tous les six mois. Il me semble que si on régionalise de la façon dont le suggère le projet de loi et que, par exemple - je vous donne cela au seul titre, au chapitre de l'exemple - un commissaire d'une région prend, quant à lui, la décision dans la région - cela pourrait même être une politique qui s'appliquerait partout - vous allez procéder à auditionner des causes pendant trois semaines d'un même mois et vous prendrez une semaine de ce même mois pour les fins de votre délibéré. Est-ce qu'il n'y a pas au moins un espoir qu'on pourrait, en termes de délai, considérablement améliorer la situation qui existe actuellement?

Et le troisième phénomène dont il faut tenir compte quand on évalue globalement la discussion qu'on est en train de faire, c'est très précisément le phénomène de la nécessité d'avoir une jurisprudence dont le suivi est assuré. Je ne vois pas comment cela serait autrement que par la mise sur pied d'un organisme intégré dirigé par un président qui aura, qui devrait avoir suffisamment de préoccupations pour s'assurer qu'à l'intérieur de cet organisme, la jurisprudence qui a été rendue par l'un ou l'autre des commissaires et qui porte sur des problèmes de fond soit celle que suivra l'organisme. Vous conviendrez avec moi que cela va devenir davantage important quand on va déborder les seules questions de l'indemnisation comme dans le cas actuel.

J'essaie de répondre à la question du député de Sainte-Marie. Pourquoi faudrait-il aller vers le processus qui est suggéré? Il a attiré notre attention sur le fait qu'il y a actuellement des juridictions qui sont

exercées par le Tribunal du travail en matières de santé et de sécurité. C'est exact. Je lui dirai simplement à cet égard qu'il s'agit de juridictions qui concernent strictement des matières pénales. Il n'y a rien dans le projet de loi 42 qui enlèverait au Tribunal du travail la juridiction, encore une fois, en matière pénale. Il n'y a rien à cet égard qui est changé.

Ce sont des réactions spontanées que j'avais à la suite de l'argumentation du député de Sainte-Marie. Je suis bien conscient que je n'ai pas couvert toutes les préoccuptions qu'il nous a soumises. On aura sans doute...

M. Bisaillon: II n'y a pas beaucoup de oui là-dedans.

M. Fréchette: Nous avions convenu qu'on devait attendre au moment où on amorcerait l'étude des articles un par un pour voir quand il faudrait dire oui et quand il faudrait malheureusement dire non. Mais on pourra y revenir, bien sûr.

M. Bisaillon: Vous n'avez pas l'intention de dire non à tout ce que je vous ai demandé.

M. Fréchette: Cela va dépendre comment vous me demanderez cela.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Frontenac.

M. Gilles Grégoire

M. Grégoire: Sur la discussion générale, je voudrais revenir également sur les questions de délais, de soucis d'impartialité, d'accumulation des dossiers, d'interprétation de la loi et de la compétence des fonctionnaires qui décident au premier niveau.

Pour cela, à titre d'exemple, je voudrais me servir de la section II, chapitre VI de la nouvelle loi, qui traite des dispositions particulières aux maladies professionnelles pulmonaires. Je crois que je vais me servir de ce chapitre parce que je voudrais dire au ministre que je suis particulièrement satisfait de cette section II, chapitre VI: elle constitue une amélioration sensible et même exceptionnelle de l'ancienne loi qui traitait des maladies pulmonaires. Je veux en féliciter le ministre.

Pour ce qui est des délais et de l'impartialité, je trouve que la section II du chapitre VI est parfaite. Elle améliore considérablement la loi. D'abord, qu'est-ce qui se produit? Au premier article, 213, on dit: "Lorsqu'un travailleur produit une réclamation à la commission alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la commission le réfère dans les dix jours à un comité des maladies professionnelles pulmonaires".

Premièrement, le gars ne s'en va pas voir des fonctionnaires. Il va voir des spécialistes dès le départ. C'est le souci d'impartialité. Deuxièmement, dans un délai de combien de temps? Dans un délai de dix jours. Troisièmement, le travailleur produit une réclamation disant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle. Qu'est-ce qu'il fait pour dire qu'il est atteint d'une maladie professionnelle? Il va voir un spécialiste, un pneumologue.

Dans le cas d'un type de la région de l'amiante atteint d'amiantose, il va aller à la clinique de l'hôpital de Thetford, soit à la clinique de pneumologie qui a été créée il y a quatre ou cinq ans sous le gouvernement actuel. Celle-ci a besoin d'amélioration mais elle fonctionne très bien. Là, un pneumologue de la clinique va lui dire: Toi, mon gars, tu n'as pas l'amiantose. Le gars va se dire: Bien, je ne l'ai pas! Ou il va lui dire: Toi, tu es amiantosé. Le travailleur va aller, avec ce rapport médical, non pas un rapport d'un fonctionnaire mais un rapport d'un spécialiste, à la Commission de la santé et de la sécurité du travail et dira: Voici, je suis de bonne foi; j'ai un rapport d'un spécialiste, non pas d'un médecin traitant les yeux ou les oreilles, mais traitant les poumons; on me dit que je suis atteint d'amiantose. Le gars, aussitôt, peut sortir de l'usine et la commission devra lui payer une indemnité équivalant à 90% de son revenu net. Ce qui n'était pas le cas avant.

Avant, le gars était obligé d'attendre la décision ultime et finale; cela pouvait prendre deux ans ou deux ans et demi. J'ai vu des cas où le gars était mort de l'amiantose quand la décision finale, ultime est arrivée. Là, dès qu'il est déclaré amiantosé par un spécialiste, un pneumologue, il peut sortir et recevoir 90% de son revenu net comme indemnisation. S'il est de bonne foi, il n'est pas obligé de rembourser lorsque le verdict final et ultime est rendu. Avec un rapport d'un pneumologue, il est de bonne foi, sans aucun doute; il a un rapport d'un spécialiste. Évidemment, il peut être de mauvaise foi s'il arrive avec un rapport de quelqu'un qui n'est pas spécialiste. Et cela, c'est dans un délai de dix jours.

Remarquons bien les différences entre l'application de la loi pour les autres secteurs et pour les maladies pulmonaires. Premièrement, s'il arrive avec un rapport d'un spécialiste: souci d'impartialité. Deuxièmement, le délai. Dans les dix jours, la commission doit remettre le dossier à un comité des maladies professionnelles pulmonaires. Là, on est rendu à dix jours. Vous allez voir l'addition des délais et vous allez voir comment cela est traité.

Qu'est-ce que ce comité? C'est un

comité impartial. Là, notre travailleur a passé l'étape du spécialiste traitant qu'il est allé consulter et il arrive devant un comité. Il y a quatre comités qui seront formés, quatre comités de trois spécialistes des maladies professionnelles pulmonaires, dont un président qui est professeur agrégé ou titulaire dans une université québécoise. Dans la première version de la loi, on disait: un directeur des services pulmonaires d'un hôpital affilié à une université québécoise. Je me demande pourquoi on élimine ceux-là de la présidence d'un comité. Le directeur, on pourrait l'ajouter, le directeur d'un service pulmonaire dans un hôpital affilié à une université québécoise. Il aurait pu demeurer admissible à la présidence de ce comité, je le soumets au ministre. À ce moment-là, on pourrait dire: un professeur titulaire ou agrégé. Agrégé, peut-être un peu moins parce qu'il est moins permanent dans son rôle de professeur que le titulaire. On pourrait ajouter: s'il s'en trouve, la possibilité d'aller en chercher chez les directeurs de services de pneumologie dans les hôpitaux affiliés aux universités québécoises.

Cela s'en va donc chez l'un de ces quatre comités. Comment sont formés ces comités? C'est dit ici, à l'article 215: Ces pneumologues sont nommés pour quatre ans par le ministre. Ils sont nommés par le ministre à partir d'une liste fournie par l'Ordre des médecins du Québec. C'est le ministre qui les nomme; ce n'est plus une partie syndicale et une partie patronale, c'est le ministre. Ce n'est plus un fonctionnaire de la CSST qui décide en première instance, c'est le ministre qui nomme les spécialistes après consultation avec l'Ordre des médecins. Je trouve cela parfait: dès le premier niveau. Car c'est souvent à partir du premier niveau que la chicane s'instaure; et là, on n'en sort plus de ces discussions entre spécialistes. Mais ici, dès le premier niveau, ce sont des spécialistes nommés par le ministre.

Il y a une phrase ajoutée... Si le ministre est prêt à enlever le bout de phrase qui suit, je serais satisfait. "À partir d'une liste fournie par l'Ordre des médecins du Québec et - c'est cela que j'enlèverais -après consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre". Là, il y a des patrons, il y a des membres du patronat et du syndicat et cela peut commencer de vouloir embarquer des représentants de l'un ou de l'autre à ces quatre comités de pneumoconiose. Si c'est le ministre, sur l'avis de l'Ordre des médecins, il ne sera plus question, dans ces quatre comités de trois personnes, qu'il y ait du patronat... Il n'y aura plus de tergiversation entre les patrons et les syndicats pour essayer de nommer les leurs à ces comités; il n'y aura plus de partisanerie au départ. Moi, j'enlèverais cette phrase. (12 h 15)

Je ne vois pas pourquoi consulter le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui est formé du patronat et du syndicat. Déjà vont commencer à s'installer les brèches à l'impartialité qu'on cherche. Je préfère que les membres soient nommés par le ministre sur avis et après consultation auprès de l'Ordre des médecins. Point. Je pense que les changements que je propose au ministre peuvent se faire, je crois que cela bonifierait. Dès le départ, on enlèverait les possibilités de tergiversation et de compromis entre le patronat et le syndicat pour savoir qui va être là. Ce seraient des spécialistes nommés par le ministre sur avis du Conseil des médecins, quatre comités des pneumoconioses, de pneumologie, formés de trois membres chacun, dont un professeur titulaire ou agrégé de l'université et aussi, si possible, un directeur des services de pneumologie d'un hôpital. Là, on est rendu à dix jours.

Ces pneumologues, pour montrer encore leur impartialité - on est au premier niveau de décision; c'est là ' que c'est important et c'est de cela que vous devriez vous inspirer dans le reste de la loi pour les autres cas -sont nommés pour quatre ans par le ministre, à partir d'une liste fournie par l'Ordre des médecins, et on ajoute "après consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre". C'est cela que j'aimerais voir barrer. Ils demeurent en fonction... Dans les dix jours de la demande de la commission, le chef du département de santé communautaire du centre hospitalier transmet au comité des maladies professionnelles pulmonaires que la commission lui indique les radiographies des poumons du travailleur que la commission réfère à ce comité.

Dans les dix jours. Cela fait à peine 20 jours que le travailleur s'est plaint; le premier comité a en main les radiographies et tout. Si on suit les deux demandes que j'ai faites - ma demande la plus importante, c'est d'enlever la consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre - cela ne fait que 20 jours et, déjà, il y a un organisme impartial nommé par le ministre, suggéré par l'Ordre des médecins, où il n'y a aucune brèche à cette impartialité. Les délais ont été très courts et, déjà, le travailleur qui a eu son premier rapport d'un pneumologue est indemnisé à 90%. Il est sorti du milieu qui l'aurait rendu malade. Ce ne sera pas long, je continue.

Le comité des maladies professionnelles pulmonaires à qui la commission réfère un travailleur examine celui-ci dans les 20 jours de la demande de la commission. Là, on est rendu à 40 jours et, après 40 jours, l'examen du comité de pneumologie, des pneumoconioses, est fait. Il y a un paragraphe de trop à mon avis, qui est

inutile, qui ne spécifie pas de délai, qui peut, par le fait même, entraîner d'autres délais. Il est dit que le premier comité des maladies professionnelles, le comité des pneumoconioses, à l'article 216, fait rapport par écrit à la commission de son diagnostic dans les 20 jours de l'examen. Il s'ajoute un autre 20 jours. Le premier comité envoie son rapport à la commission dans les 20 jours de l'examen.

On voit qu'il s'ajoute un 20 jours qui va être inutile, et j'aimerais que le ministre regarde le deuxième paragraphe de l'article 216. Quand le premier comité de pneumologie fait son rapport à la Commission de la santé et de la sécurité du travail... je ne vois pas pourquoi il le ferait à la Commission de la santé et de sécurité du travail parce qu'il fait son diagnostic à la commission dans les 20 jours de l'examen et, si son diagnostic est positif, il fait en outre état dans son rapport de toutes ses constatations. Et sur réception de ce rapport, la commission soumet le dossier du travailleur à un comité spécial composé de trois personnes qu'elle désigne parmi les présidents des comités des maladies professionnelles pulmonaires, à l'exception du président du comité qui a fait le rapport faisant l'objet de l'examen par le comité spécial. En d'autres termes, comme il y a quatre comités de pneumologie, il y a donc quatre présidents. Il y a le premier comité de trois, celui qui a été chargé d'un tel dossier. Qu'est-ce qu'il fait? Il fait rapport à la commission, la commission prend 20 jours et, après, il n'y a pas de délai pour le transmettre aux trois présidents des trois autres comités. Je crois que cela devrait aller directement, par le président du premier comité de spécialistes, au deuxième comité formé des trois présidents des trois autres comités de pneumologie. On éviterait ce détour inutile et on éviterait 20 jours plus le fait qu'il n'y ait pas de délai indiqué à la commission pour transmettre le dossier au comité des trois présidents des trois autres comités. Il me semble que c'est inutile que cela fasse le tour par la commission. C'est un délai inutile. Cela ne donne rien. Au contraire, cela nuit au processus. Cela pourrait partir directement du premier comité de pneumologie et s'en aller au comité des trois présidents.

En arrivant au comité des trois présidents, le comité spécial infirme ou confirme le diagnostic et les autres constatations du comité des maladies professionnelles pulmonaires faites en vertu du deuxième alinéa de l'article 216 et substitue les siens, s'il y a lieu. Il motive son avis et le transmet à la commission dans les 20 jours de la date où la commission lui a soumis le dossier.

On est rendu à 60 jours en tout et partout puis c'est fini, la commission a le rapport et du premier comité de pneumologie et du comité des trois présidents des trois autres comités de pneumologie. Il est ajouté au dernier article: La commission est liée par le diagnostic et les autres constatations établies par le comité spécial en vertu du troisième alinéa de l'article 217. C'est là le processus complet pour les maladies professionnelles pulmonaires.

Avec les quelques amendements mineurs que je propose cela prend un total de 60 jours. Tout a été étudié par des spécialistes complètement impartiaux, nommés par le ministre, sur l'avis de l'Ordre des médecins. Il n'y a pas eu d'intrusion de la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans le dossier. Il n'y a pas eu d'intrusion de la partie patronale ou syndicale. Cela a été impartial tout au long et il y a six pneumologues, dont des professeurs d'université, qui sont venus confirmer, six spécialistes qui se sont penchés sur le dossier. Imaginez-vous que si le travailleur a eu gain de cause, je ne vois pas le côté patronal venir dire: On va aller se battre contre six spécialistes qui sont unanimes à déclarer un gars amiantosé. Je ne vois pas non plus le travailleur venir se battre contre six pneumologues qui ont déclaré à l'unanimité qu'il n'était pas amiantosé. Cela n'a pris que 60 jours en tout et partout et la commission est liée au bout de 60 jours. On a évité les délais, on a respecté intégralement le souci d'impartialité, on n'a pas fait d'accumulation de dossiers et on a fait juger tout cela par des hommes compétents dont c'est la spécialité, dont c'est la fonction.

Pendant ce temps, pendant qu'a duré ce délai d'examen, le travailleur, contrairement à ce qui se produit aujourd'hui, a pu se sortir du travail qui lui avait donné cette maladie professionnelle ou, du moins, pour laquelle il avait toutes raisons de croire qu'il était atteint de cette maladie professionnelle. Il est indemnisé pendant que tout le monde étudie son cas. S'il est déclaré amiantosé, il continue à être indemnisé. S'il est déclaré non amiantosé, tant mieux pour lui, il n'est pas malade, il peut réintégrer son emploi et n'est pas obligé de rembourser le montant qu'il a reçu. Son cas est réglé. Cela a pris 60 jours et cela a été fait avec souci d'impartialité et dans des délais brefs.

M. le Président, je vous suggère que cet exemple est un exemple à suivre, que dès le départ, ce soit entre des mains de spécialistes, que le tribunal de révision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail ne soit pas un tribunal où, devant un arbitre, il y aura discussion entre représentants, entre assesseurs l'un étant représentant du patronat et l'autre étant représentant des syndicats. Ce seront des professionnels de la santé aussi. Cela évitera cette chicane de principes et cela mettra plutôt la cause entre les mains de

spécialistes.

Pour ce qui est du droit d'appel, je crois que, dans le cas des maladies pulmonaires, le droit d'appel sera réduit sensiblement, parce que, justement, toutes les précautions seront prises aux deux premiers niveaux et il serait assez difficile pour un individu ou pour un patron d'en appeler d'une décision unanime de six spécialistes. Peut-être que chacun voudra essayer d'établir les méthodes pour procéder au début, mais dès que les méthodes pour procéder et évaluer seront établies, cela simplifiera à tous les niveaux la manière d'agir, la manière de se brancher, la manière de décider.

Il me reste à vous donner mon opinion concernant la Commission des affaires sociales. Je dois vous dire que je serais, à prime abord, d'accord avec ceux qui veulent maintenir l'appel à la Commission des affaires sociales. Je me dis par contre, que cela pourrait tout aussi bien fonctionner à la longue à une autre commission, qui essaierait de désengorger et de dégager le nombre de cas qu'il y a devant la Commission des affaires sociales.

La seule chose qui me fait peur, c'est la suggestion du ministre de mettre cette Commission d'appel sous l'autorité du ministère de la justice. Je dois vous dire que cela me fait peur, parce qu'à partir du moment où cette Commission d'appel tombera sous l'autorité du ministère de la Justice, ce sont les avocats qui s'en empareront et les complications, la "procédurite", les amendements, les sous-amendements et tout cela vont s'emmêler et cela pourra compliquer la chose. C'est ce qui me ferait pencher vers le maintien de la Commission des affaires sociales, parce que je ne vois pas une telle Commission d'appel sous l'autorité du ministère de la Justice.

M. le Président, ce sont les remarques que je voulais faire au ministre. J'aimerais avoir ses impressions. Mais je me suis servi d'une section d'un chapitre qui, je crois, va fonctionner dès le départ, parce qu'on met la chose entre les mains de spécialistes, on garde un souci d'impartialité, on réduit les délais, on va réduire le nombre d'appels ainsi que les frais. Je demande trois changements. Disons que le premier, le plus important pour moi, ce serait un changement à l'article - je vieux bien croire que l'article a été adopté, mais il y a eu tellement d'amendements qu'on a dû étudier cela à maintes reprises -215 du projet de loi où on dit: "...après consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre" Je ne crois pas que cela soit utile si le ministre les nomme à partir d'une liste fournie par l'Ordre des médecins du Québec.

Le deuxième amendement que je demanderais serait de faire dispaître le deuxième paragraphe de l'article 216 afin que le rapport du premier comité de pneumologues aille directement au comité de révision formé, lui aussi, de pneumologues. On épargnerait des délais, de l'argent, de l'administration, de la bureaucratie et de la paperasserie. Ce deuxième paragraphe de l'article 216, à mon avis, est complètement inutile.

Le troisième amendement - je pense que le ministre ne verra pas d'objection à celui-là - serait à la liste de ceux qui pourraient être admissibles comme président; les directeurs des services de pneumologie des hôpitaux rattachés à une université pourraient être sur cette liste.

J'espère que le ministre tiendra compte de mes recommandations et qu'il essaiera d'adapter le reste du projet de loi à ce chapitre, ce qui, je n'hésite pas à le lui dire, améliore sensiblement l'ancienne loi, donne l'impartialité voulue, coupe les délais d'une façon radicale. Je crois que cela pourra satisfaire complètement ceux qui sont victimes d'amiantose ou de silicose.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre, quelques minutes.

M. Fréchette: M. le Président, je ne sais pas si j'ai suffisamment de temps pour répondre à toutes les questions du député de Frontenac. Je vais essayer de synthétiser rapidement, en lui faisant part, par ailleurs, de l'une de mes préoccupations. Toute son intervention a été basée à partir des mécanismes que l'on retrouve aux articles 215 et 216. J'avais, quant à moi, l'impression qu'on avait déjà adopté ce chapitre-là et qu'au moment où on l'a adopté, M. le Président, le député de Frontenac était là, car il a été d'une assiduité remarquable. J'ai essayé, au moment où on a étudié ce chapitre, de lui expliquer pourquoi on procédait de la façon dont on l'a fait. Sa préoccupation fondamentale m'a l'air d'être axée sur la nécessité de sortir les bureaux de révision du phénomène médical. C'est très précisément ce que l'on fait. Vous l'avez d'ailleurs vous-même soulevé dans votre argumentation. La Commission de la santé et de la sécurité du travail n'a plus d'autorité ou de juridiction en matière médicale aussi bien au niveau des maladies professionnelles pulmonaires que dans les cas d'accidents du travail.

Deuxièmement, le député de Frontenac nous dit: Vous devriez enlever une étape qui est prévue dans la loi et qui fait que le dossier doit passer par la Commission de la santé et de la sécurité du travail avant d'être remis au deuxième comité de pneumologues formé des trois présidents que l'on sait. Ce sont les pneumologues eux-mêmes qui nous ont demandé de procéder de cette façon-là, M. le Président, pour la seule

raison qu'ils ont besoin du support technique de la commission pour traiter les dossiers en termes strictement administratifs. Ils nous disent: N'allez pas nous demander de mettre sur pied une espèce de secrétariat ou une espèce de greffe à l'intérieur duquel on retrouverait nos dossiers et où on aurait besoin de personnel et bon... C'est à la demande de ces pneumologues-là que la décision a été prise de procéder comme cela. Sauf qu'il faut retenir ceci, et le député de Frontenac a beaucoup insisté là-dessus: supposons qu'il y ait cet inconvénient quant au délai, c'est quand même, par rapport à l'état actuel des choses, une amélioration appréciable et considérable. Pour ces deux motifs dont je viens de parler, M. le Président, il me semblait que notre rationnel était logique, était correct. Je pense qu'il doit continuer d'être ce qu'il était même après la savante argumentation du député de Frontenac. Je ne vois pas comment on pourrait réajuster dans le sens que vous le suggérez sans créer des problèmes peut-être plus lourds que ceux auxquels vous avez fait référence dans l'état actuel de la loi.

M. Grégoire: M. le Président, seulement... Si l'étape de la Commission de la santé et de la sécurité du travail entre les deux...

Le Président (M. Lévesque Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Frontenac, il y a entente avec les membres de la commission pour suspendre nos travaux à 12 h 30...

M. Grégoire: Je reviendrai cet après-midi.

Le Président (M. Lévesque Kamouraska-Témiscouata): ...pour reprendre à 14 h 30.

M. Grégoire: C'est correct.

Le Président (M. Lévesque Kamouraska-Témiscouata): Si on prend du temps, cela va écourter la séance et...

M. Grégoire: Je vais demander la suspension pour poursuivre...

Le Président (M. Lévesque Kamouraska-Témiscouata): On va suspendre jusqu'à 14 h 30 et vous aurez la parole à la reprise. La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

(Reprise à 14 h 39)

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): À l'ordre, mesdames et messieurs. La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux sur le projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. La parole était au député de Frontenac.

Discussion générale

M. Grégoire: M. le Président, à la suite des remarques que le ministre a faites à la fin de la dernière séance, je voudrais juste lui poser quelques questions et faire quelques réflexions. J'ai bien compris les raisons pour lesquelles il voulait garder le deuxième paragraphe de l'article 216, pour permettre à la commission de faire l'ouvrage technique des pneumologues, et j'admets son point de vue. Seulement, il n'y a rien de mentionné là-dedans, je ne sais pas si c'est nécessaire de le mentionner, mais je voudrais savoir au moins du ministre si la commission, en recevant le rapport du premier comité des trois pneumologues et en l'envoyant au comité des trois présidents des trois autres comités, peut modifier le rapport du premier comité, y ajouter des observations, y ajouter des remarques, y retrancher des choses ou des choses du genre. Il n'y a rien d'inscrit sur les pouvoirs de la commission pendant qu'elle fait le travail. J'aimerais au moins être rassuré là-dessus.

M. Fréchette: M. le Président, s'il n'y a rien d'inscrit dans la loi en termes de pouvoirs de la commission à cet égard, c'est qu'effectivement elle n'en a pas. Je ne vois pas comment, autrement que par une grossière erreur, il arriverait qu'à la commission, l'on procède à modifier d'une façon ou d'une autre le contenu d'une expertise médicale, pas d'une expertise mais d'une décision d'ordre médical, rendue par le premier comité de pneumoconiose. C'est à proprement parler de la fabrication de documents. C'est de la fraude, à toutes fins utiles, et rien d'autre que cela. Je réitère au député de Frontenac que dans l'état actuel de la loi, la garantie dont il a besoin, je pense, existe; et ce n'est, encore une fois, qu'en stricts termes de soutien, en termes de procédure, en termes d'administration d'ordre technique, que les pneumologues eux-mêmes ne veulent pas faire, que le processus est prévu.

M. Grégoire: M. le Président, je prends la parole du ministre. Je suis satisfait de sa réponse. La commission n'a rien à ajouter ou à retrancher dans ce rapport. Ce n'est qu'un soutien technique.

Le deuxième point. Je crois aussi que le ministre m'a donné la raison pour laquelle les directeurs des services de pneumologie des hôpitaux avaient été retirés de la liste:

Ils avaient des mandats de deux ans, et ceux qui était nommés aux comités de trois l'étaient pour des mandats de quatre ans. Je retire également cette demande.

Il y a la troisième qui reste: "...après consultation avec le Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre." Je vais expliquer pourquoi au ministre. C'est dans le cadre de toutes les commissions d'appel et de tout le travail qu'on fait à l'heure actuelle. Ce qu'on a trop vu dans le passé, c'est précisément cette histoire d'un arbitre avec deux assesseurs qui étaient au conseil de décision, l'un nommé par la partie patronale et l'autre nommé par la partie syndicale. J'ai toujours trouvé que c'est ce qui provoquait le plus de chicanes et que cela suscitait de nombreux appels: cela enlevait le souci d'impartialité parce qu'il y avait des parties au conseil de décision. C'est ce que je voudrais éviter dans la nouvelle loi.

D'abord, c'est le ministre qui les nommerait d'après l'avis de l'Ordre des médecins. Comme ce sont des experts médicaux, je trouve que, d'après l'avis de l'Ordre des médecins, c'est parfait. Mais je ne vois pas pourquoi ajouter... Parce que s'il va demander l'avis du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, comme il y a des patrons et des syndicats là-dedans, chacun va vouloir pousser de son côté. J'aimerais que ces comités de pneumologues conservent entièrement et complètement leur impartialité et que leurs membres ne se disent pas: J'ai été suggéré par telle partie ou telle autre partie; un compromis a été fait et un tel a été nommé par les patrons et un autre a été nommé par les syndicats. C'est ce que je voudrais éviter dans ces comités.

M. Fréchette: Trois brèves observations à cet égard. Le sujet qu'on est en train de discuter va sans doute, dans les jours qui viennent, faire l'objet d'une considération de la part de la commission puisque, au chapitre de l'arbitrage médical - je ne sais pas comment en termes de texte cela va finir par se retrouver sur la table - ce mécanisme est prévu également. La discussion pourrait d'une part se refaire à ce moment-là.

Deuxièmement, je voudrais simplement signaler au député de Frontenac que le motif pour lequel cette consultation est inscrite dans la loi est strictement en fonction d'impliquer les parties syndicale et patronale dans le choix de personnes qui seront par la suite habilitées à rendre des décisions. Je vous dirai essentiellement que c'est exactement le même processus que celui qui est retenu pour procéder à la formation de la liste annotée des arbitres de griefs. Je ne suis pas, par ailleurs, assez naïf pour croire que tout cela se fait sans que, de part et d'autre, on fasse un petit peu de négociation, que l'on fasse - pardonnez-moi l'expression - du "give and take" un peu. Je ne suis pas assez naïf pour croire qu'il n'y a pas, à la table du conseil consultatif, des discussions serrées qui se font. Cependant, quand les deux parties se sont entendues sur la liste des candidatures qui leur sont soumises, voici un candidat qui a été agréé par les deux parties. Je n'ai pas à me préoccuper, il me semble, des discussions qui ont été tenues à la table du conseil consultatif pour refuser ou retenir une candidature. Dès que le conseil consultatif l'a avalisée, la conclusion à laquelle je suis obligé d'arriver, c'est que voici une candidature qui retient l'assentiment des parties syndicale et patronale. C'est le seul motif pour lequel c'est là. Que ce ne soit pas là, qu'on l'enlève, je vous dirai essentiellement que je n'aurais pas d'objection de principe, sauf que je le retrouvais dans la loi et je souhaitais que ce soit là uniquement pour en arriver à la conclusion dont je parlais tout à l'heure: Voici une personne qui est accréditée par les deux parties, rien que cela. On va en rediscuter un peu plus loin.

M. Grégoire: Justement, M. le ministre. Voilà une liste qui sera acceptée par les deux parties, mais après que les deux parties auront fait des compromis ou se seront entendues. Le syndicat dit: Si tu acceptes Untel, dis-moi lequel tu voudrais que j'accepte. Cela va se savoir parmi les pneumologues, que c'est devenu un compromis, que le syndicat suggère Untel et que le patronat suggère Untel. Cela enlève cette apparence, cela enlève cette impartialité. Alors que si c'est l'Ordre des médecins qui suggère une liste et que le ministre les nomme, il n'y a pas eu de compromis, les pneumologues ont les mains libres car ils savent davance qu'il n'y a pas eu de suggestion ni du patronat ni du syndicat derrière eux. Ils vont se sentir les mains dégagées et vont faire un travail de spécialistes exclusivement. C'est ce principe que j'aimerais retrouver.

Si le ministre me dit qu'il n'a pas d'objection de principe... L'expérience passée... Il y a neuf ans que je vois des cas de gens qui passent devant un comité de trois personnes dont une est nommée par le patronat et l'autre par le syndicat sur consultation. C'est toujours ce qui a entraîné... J'ai rarement vu des jugements qui n'étaient pas dissidents. Il y avait toujours un jugement dissident. Dans le verdict, il y avait toujours le pneumologue du côté du patronat et le pneumologue du côté du syndicat et c'est ce que je voudrais éviter.

N'oubliez pas que vous avez un chapitre qui, pour moi... Je vous l'ai donné en exemple pour les droits d'appel dans les autres cas. Dans le cas de maladies professionnelles, vous avez quelque chose qui

n'entraîne pas de délai, qui n'est pas décidé par des fonctionnaires, où il y a une impartialité, où ce sont des spécialistes, beaucoup mieux que pour l'ensemble des autres cas. J'aimerais mieux que, pour les autres cas, vous vous adaptiez au principe qui est établi à la section II du chapitre VI parce que je le trouve...

Il y aurait ce point-là. Vous me dites que vous n'y avez pas d'objection de principe et que vous êtes prêt à en rediscuter plus tard. Je suis prêt à en rediscuter plus tard. Je dis que si on enlevait cela... Vous l'admettez, on l'admet et tout le monde le sait, si cela va au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, inévitablement ils vont s'entendre: on va accepter Untel si vous acceptez Untel. Cela se sait et ce n'est plus la même impartialité de la part des pneumologues. Voici un exemple. Les médecins ne sont pas à l'abri de cela. On a vu dernièrement, à un procès où, d'un côté on a fait venir trois psychiatres qui ont dit blanc, et de l'autre côté on a fait venir trois psychiatres qui ont dit noir. Six médecins très compétents qui ont fait des études - parce que la psychiatrie, c'est plusieurs années de spécialisation après les études médicales - et malgré tout il s'en est trouvé trois pour dire noir et trois pour dire complètement le contraire. S'ils sont nommés à partir d'une liste proposée par l'Ordre des médecins, et nommés par le ministre, sans que n'interviennent les parties patronale et syndicale, ils ne seront plus choisis par un côté ou par l'autre. Ils vont être choisis par le ministre sur avis de l'Ordre des médecins et ce sera un avis franchement impartial qu'ils vont donner. Sans cela, quand c'est suggéré par l'un et suggéré par l'autre, c'est su et c'est connu, il y a eu des compromis, on se le dit et ils se sentent obligés d'aller... Autant les psychiatres peuvent dire blanc et peuvent dire noir, et tout le monde s'est mis à rire de voir que des gars... Je pense que la psychiatrie, c'est quatre ans de plus que la médecine générale; je pense que c'est quatre ans de spécialisation. Ils sont certainement spécialisés, puisque trois disent noir et trois disent blanc après avoir interrogé le même gars. Je voudrais éviter cela dans le cas des pneumologues. C'est un peu la raison pour laquelle je demande au ministre de les nommer après avoir reçu une liste de l'Ordre des médecins et on va garder l'impartialité, l'impartialité intégrale.

M. Fréchette: M. le Président, j'ai un seul autre commentaire très bref. Je suis bien disposé à ce qu'on réserve notre discussion là-dessus quand on arrivera à l'autre chapitre qui est en relation directe avec ce que vous êtes train de plaider. On en reparlera à ce moment-là.

M. Grégoire: Très bien, M. le Président.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Beauharnois.

M. Grégoire: Maintenant, il me reste une seule chose. Pour ce qui est de la Commission des affaires sociales ou une autre, j'en ai parlé ce matin, je crois, je favorisais nettement et je favorise encore la Commission des affaires sociales comme tribunal d'appel.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député deBeauharnois.

M. Lavigne: Très brièvement, M. le Président. C'est pour ajouter aux propos qu'a tenus ce matin le député de Châteauguay et le ministre face à l'impartialité des 75 ou 80 personnes qui pourraient se retrouver au bureau de révision ou en première instance.

J'aimerais bien évidemment penser, comme mon collègue le député de Sainte-Marie, que ces personnes vont être impartiales, ne seront pas identifiées à l'un ou l'autre des deux groupes. J'aimerais évidemment qu'ils puissent porter le jugement le plus objectif possible et avoir la conscience professionnelle la plus délicate possible quand il s'agira pour eux de prendre des décisions. Il n'en reste pas moins que j'ai peine à croire que ces personnes ne seront pas identifiées comme faisant partie d'un groupe plutôt que d'un autre, et qu'on se retrouverait avec la possibilité de voir deux propatrons ou deux prosyndicats avec un président pour prendre une décision. À ce moment, dans certains cas c'est le patron qui en subirait les conséquences et dans d'autres cela risquerait d'être des employés.

Je préconiserais donc davantage, en dépeinturant le plus possible - pour utiliser l'expression du ministre - la couleur syndicale ou patronale, que chacune de ces personnes puisse avoir une conscience professionnelle des plus affinées et utiliser le plus d'objectivité possible dans leur décision. Il n'en demeure pas moins que c'est un grand risque qu'on courrait si on devait procéder de cette façon.

Je voudrais donner mon avis, mon appréciation quand, encore là, le député de Sainte-Marie nous parlait de maintenir autant que possible la CAS, parce que la CAS est un organisme éprouvé, un organisme qui est aimé de la population. Même si on arrivait à apporter toute l'argumentation qui pourrait justifier la mise sur pied d'un nouveau tribunal d'appel, il n'en reste pas moins que quand on aime, on aime et il semblerait que les gens l'aiment.

Il y aurait peut-être un compromis à faire, M. le Président. J'abonderais dans ce

sens... on pourrait toujours en discuter. Il pourrait y avoir formation d'un nouveau tribunal d'appel, tout en intégrant à ce nouveau tribunal les gens de la CAS qui ont à travailler sur ce genre de décision. Donc, si on pouvait intégrer à ce nouveau tribunal une partie du "staff" ou des employés de la CAS qui ont à se pencher sur ce genre de problème, je pense qu'on pourrait régler une partie du problème. Il m'apparaîtrait, à première vue, que cela pourrait être une solution de compromis. Évidemment, on laisserait à la CAS toutes ses autres charges et juridictions, qui sont l'assurance automobile, l'IVAC, les rentes, etc. car il ne faut pas oublier que le nouveau tribunal d'appel va avoir 25 à 26 champs d'application au niveau de l'appel. Aller grossir la CAS en lui confiant ces nouveaux champs, je pense que cela irait à l'encontre des recommandations que nous a faites le juge Poirier la semaine dernière.

C'étaient les quelques remarques que je voulais faire, M. le Président. Je pense que cela vaudrait la peine qu'on discute assez sérieusement de la proposition que je fais d'intégrer à ce nouveau tribunal d'appel une partie des effectifs actuels de la CAS.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Concernant le nouveau tribunal que le ministre veut créer, il a commenté ce matin, dans ses remarques, certaines des observations qui avaient été faites là-dessus par le député de Sainte-Marie, mais comme il l'a dit lui-même, il ne les a pas toutes commentées. Je crois qu'en particulier, M. le ministre n'a pas relevé ce qui avait été dit au sujet de la crédibilité de la Commission des affaires sociales, qui est un atout extrêmement important.

On se demande pourquoi le ministre tient à créer un nouveau tribunal qui, lui, aurait à bâtir sa crédibilité. Dans un domaine aussi délicat que celui-là, on peut imaginer que cela prendrait une période de temps assez considérable, une période de quelques années avant qu'un nouvel organisme puisse vraiment prétendre avoir bâti sa crédibilité, une crédibilité comparable à celle dont jouit actuellement la Commission des affaires sociales.

Je ne me souviens pas non plus que le ministre ait répondu aux observations qui nous avaient été faites il y a quelques jours par le juge Poirier, président de la Commission des affaires sociales, au sujet du dédoublement qu'il y aurait, étant donné que la Commission des affaires sociales continuerait de s'occuper des dossiers qui sont, à l'heure actuelle, entre ses mains, des problèmes qui seraient posés quant à la double jurisprudence qui s'établirait. Je ne me souviens pas que le ministre ait commenté ces observations qui venaient, en particulier, du juge Poirier.

Il y a aussi un autre aspect de la création d'un nouveau tribunal qui est étonnant dans le contexte actuel. C'est qu'il y a une sentiment extrêmement répandu dans tout le monde occidental que l'État contemporain a eu tendance à trop grossir, que le temps est venu de mettre les freins et d'arrêter cette croissance exagérée des appareils gouvernementaux. Dans ce contexte, il est étonnant que le ministre songe à créer encore une autre structure gouvernementale sans en abolir aucune. Cela tend à compliquer encore plus le fonctionnement de l'État, à grossir encore l'appareil gouvernemental.

Le député de Beauharnois vient d'appuyer ce que le député de Sainte-Marie disait ce matin au sujet de l'opportunité de transférer des effectifs de la Commission des affaires sociale vers cet éventuel nouveau tribunal. On comprend que, dans l'hypothèse où un nouveau tribunal serait créé, il est tout à fait raisonnable d'envisager qu'onmeublerait ses effectifs à même des gens qui travaillent déjà sur ces questions, qui ont la compétence voulue, qui ont fait leurs preuves. On irait donc chercher des gens en nombre assez considérable à la Commission des affaires sociales. Dans l'hypothèse où on créerait un nouveau tribunal, bien, sûr, il faudrait envisager cela.

Mais ce à quoi il faudrait faire face, c'est à l'énorme aggravation que cela entraînerait quant aux problèmes de la Commission des affaires sociales. La Commission des affaires sociales, on lui reproche essentiellement une chose: ce sont les retards dus au fait qu'elle est débordée et qu'elle manque d'effectifs. Si on lui retire une partie de ses effectifs les plus compétents pour constituer le nouveau tribunal, on aggrave énormément les problèmes de la Commission des affaires sociales. Je trouve qu'il y a, dans l'attitude du gouvernement, un certain fatalisme à propos de la Commission des affaires sociales. Je n'ai pas entendu le ministre nous dire de façon claire et nette que le gouvernement dont il fait partie allait, dans de très brefs délais, prendre les moyens administratifs voulus pour régler les problèmes de la Commission des affaires sociales. Si le gouvernement prenait de telles dispositions, s'il fournissait à la Commission des affaires sociales les effectifs dont elle a besoin pour rattraper les nombreuses causes accumulées, à ce moment-là, le problème essentiel qui se pose à propos de la Commission des affaires sociales serait réglé, l'obstable serait levé, et il n'y aurait plus de raison de ne pas, conformément à ce que la Commission des affaires sociales elle-même recommande, maintenir sa compétence, sa

juridiction en ces matières. (15 heures)

À propos du témoignage du juge Poirier, d'ailleurs, je me demande si le ministre n'est pas un peu sélectif dans son approche, c'est-à-dire qu'il retient des propos du juge Poirier ceux qui lui conviennent - ce qui est tout à fait normal - et je me demande si, tout en faisant des emprunts dans les remarques du juge Poirier, en louangeant la sagesse du juge, il ne se trouve pas en réalité à écarter l'essentiel de ce que le juge nous a recommandé. (15 heures)

Je rappelle au ministre que les conclusions des remarques du juge Poirier étaient les suivantes: "que toutes les matières concernant l'indemnisation des travailleurs victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, l'indemnisation des retraits préventifs demeurent de la juridiction de la Commission des affaires sociales; "que, si jugé opportun, les recours en matière de réadaptation, d'assistance médicale, de prévention, de cotisation, classification, imputation des coûts soient aussi confiés à la Commission des affaires sociales, car il s'agit de mesures complémentaires au nouveau régime envisagé de remplacement du revenu des travailleurs accidentés; "que l'on envisage de confier plutôt les recours en matière d'inspection, de droit de refus de travailler en cas de danger, d'ouverture ou de fermeture d'un établissement à d'autres instances actuellement existantes - il n'est pas question de créer un nouveau tribunal, ce sont d'autres instances actuellement existantes -commissaires du travail, Tribunal du travail, Commission des normes du travail, etc., en attendant la réforme envisagée des tribunaux administratifs; "que, subsidiairement - c'est-à-dire comme autre solution si le gouvernement préfère - ces derniers recours soient confiés à la Commission des affaires sociales dont la fonction serait élargie à des mesures de sécurité du travail, plutôt qu'à un nouvel organisme d'appel; "que les ressources et outils nécessaires soient accordés à la Commission des affaires sociales pour lui permettre de disposer adéquatement et dans des délais enfin raisonnables de ces nouvelles juridictions."

Ce sont les conclusions de la Commission des affaires sociales. Ce sont les recommandations qu'il y a devant nous. Je veux bien que le ministre cite les remarques du juge Poirier, mais il ne faudrait pas qu'il oublie de tenir compte du sens fondamental des remarques du juge. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lévesque, Kamou-

raska-Témiscouata): M. le ministre.

M. Fréchette: Oui, M. le Président. Évidemment, l'intervention du député de Deux-Montagnes me suggère quelques réactions que je voudrais prendre le temps de vous transmettre.

Je pense qu'il y a une chose sur laquelle on s'entend tous, c'est qu'aucun d'entre nous n'a encore entrepris - et je ne pense pas qu'aucun non plus n'ait le goût de le faire - de se questionner sur la crédibilité de la CAS, la Commission des affaires sociales, comme elle existe actuellement. Tout le monde a convenu que, compte tenu des circonstances dans lesquelles elle devait évoluer, elle accomplit tout le boulot qu'il est humainement possible d'accomplir dans des circonstances comme celles-là.

La question de fond que me soumet le député de Deux-Montagnes, qui est d'ailleurs revenue à quelques reprises dans la conversation est celle-ci: À partir de ce que l'on développe comme motifs et comme argumentation, pourquoi faudrait-il changer d'instance d'appel en matière d'accidents du travail?

M. le Président, je suis malheureusement obligé de vous dire que je me répéterai sans doute quant à certaines observations qui ont déjà été faites jusqu'à maintenant. Pourquoi faut-il le faire? C'est parce que les parties que nous avons entendues en commission parlementaire ont été unanimes sur la nécessité d'élargir la juridiction d'appel quant aux matières dont dispose actuellement la Commission de la santé et de la sécurité du travail et pour lesquelles il n'y a pas d'appel. Les travailleurs, par exemple, nous ont dit: Vous incorporez dans la loi un mécanisme qui prévoit un droit à la réadaptation. Vous incorporez dans la loi un mécanisme qui ne fait peut-être pas notre affaire, en termes de conditions ou de balises dans lesquelles il est incorporé, mais avec lequel on peut essayer de vivre. C'est celui du droit de retour au travail. Vous incorporez cela dans la loi. Nous, on souhaiterait que ce ne soit pas seulement la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui soit habilitée à rendre des décisions à cet égard quand une contestation s'engage à la suite de la décision du premier palier.

Du côté patronal, les mêmes observations nous ont été faites. On nous a dit, par exemple: Est-ce qu'il est possible de prévoir que lorsque la Commission de la santé et de la sécurité du travail prend une décision quant à la cotisation que nous serons obligés de payer - ce n'est pas absolu - on puisse avoir l'occasion d'aller devant une autre instance pour faire valoir les droits et moyens pour lesquels on prétend que la cotisation qui nous a été faite ne devrait pas être celle qui nous a été faite?

II y a plusieurs autres matières de même nature.

On dit: Comme tout le monde souhaite que ces juridictions soient ouvertes à la considération d'autres instances que celle de la commission, est-ce que les mécanismes qui existent actuellement sont suffisamment structurés pour recevoir un nombre d'appels additionnels par rapport aux matières dont elle dispose déjà actuellement? Il me semble qu'à cette question il n'y a pas d'autre réponse qu'une réponse négative. D'une part, à partir du rôle qui existe déjà à la Commission des affaires sociales et qui est encombré - convenons-en - cela peut être un motif de carence de ressources humaines, bien sûr... Je n'ai pas souvenance que le juge Poirier nous ait dit de combien de personnnes additionnelles il aurait besoin pour uniquement libérer les dossiers d'indemnisation qui sont devant la commission actuellement.

M. Bisaillon: Deux bancs.

M. Fréchette: Deux bancs additionnels pour seulement libérer ces cas d'appel. Est-ce qu'on peut imaginer ce que cela nécessiterait, en termes de ressources additionnelles, pour disposer des appels qui proviendraient de toute autre matière que la réparation, comme cela existe actuellement?

Le principe qui déborde les motifs d'ordre pratique dont je viens de parler -c'est celui sur lequel le juge a aussi attiré notre attention - le dénominateur commun à la Commission des affaires sociales est la préoccupation de rendre des décisions qui ont toutes une relation avec le phénomène de la sécurité du revenu. Que ce soit des décisions qui nous sont soumises pour reconsidération, à la suite d'une première décision rendue, par exemple, à l'arrivée de l'assurance automobile, cela concerne la sécurité du revenu. Que ce soit une reconsidération d'une rente de la régie, c'est de la sécurité du revenu. Que ce soit une prestation d'aide sociale, c'est aussi de la sécurité du revenu. La vocation de notre organisme, nous dit le juge Poirier, c'est d'être constamment préoccupé par l'harmonisation qui doit exister dans nos décisions, toujours en fonction de cette préoccupation quant à la sécurité du revenu.

Or, M. le Président, je me dis: Si l'on retient les demandes qui nous ont été faites par toutes les parties et que l'on ouvre l'appel à toutes les autres matières, on va se retrouver en face de deux obstacles majeurs quant à transférer le tout à la Commission des affaires sociales, le premier en étant un de principe, parce que ça va devenir complètement hybride, dans le sens que la Commission des affaires sociales va devoir se prononcer sur un nombre considérable de matières qui débordent les principes généraux qu'on doit retenir lorsqu'on se prononce sur des phénomènes de sécurité du revenu. C'est une objection de principe qui m'apparaît importante.

Deuxièmement, je rejoins à cet égard une autre préoccupation du député de Deux-Montagnes qui dit: La tendance occidentale, par les temps qui courent, c'est d'essayer de faire en sorte qu'on limite l'ampleur des appareils gouvernementaux. Si, dans le seul état actuel des choses, l'appareil de la Commission des affaires sociales a besoin d'être amplifié uniquement pour répondre aux seules exigences qui sont les siennes actuellement - qu'on me comprenne bien quand je dis ça, je ne veux pas dire qu'il n'y en a pas suffisamment - si l'appareil a besoin d'être amplifié, dans quelle proportion faudra-t-il alors l'amplifier si toutes les matières dont on parle doivent devenir sujettes à appel? Je pense que c'est le genre de question qui doit aussi nous préoccuper.

À partir de ces considérations, et toujours en ayant à l'esprit le phénomène de l'ampleur des appareils gouvernementaux, comme le dit le député de Deux-Montagnes, est-ce qu'il vaut mieux prendre la direction de décider d'amplifier conformément aux besoins un organisme qui existe déjà, sans au préalable avoir d'indications très précises quant, encore une fois, à la proportion de l'ampleur, ou bien intégrer à l'intérieur d'un même organisme toutes les matières qui procèdent des dispositions d'une même loi? Par exemple, le Tribunal du travail - je le signalais ce matin - est habilité à entendre les litiges qui procèdent du Code du travail, le Tribunal de l'expropriation, l'Office des professions. Enfin, il y a plein d'organismes qui sont créés par l'adoption de différentes lois pour les fins spécifiques de l'application de ces lois. C'est ce genre de préoccupation qui a fait que la proposition, encore une fois, qui est avancée est celle d'aller à l'extérieur de la Commission des affaires sociales.

Le député de Deux-Montagnes soulève une autre question importante et intéressante dans la discussion. Il attire notre attention sur les matières qui sont identifiées par le juge dans ses conclusions et qu'il suggère de transférer à des instances déjà existantes comme, par exemple, le commissaire du travail, le Tribunal du travail, et je ne vais parler que de ces deux seules instances. Est-ce que je peux dire aux membres de la commission que déjà, dans l'état actuel des choses, le commissaire du travail, le Tribunal du travail est à ce point chargé en matière de rôle que l'on doit attendre - il y a ici des praticiens des relations du travail qui, quotidiennement, doivent évoluer à l'intérieur de ces mécanismes - le commissaire du travail, le Tribunal du travail est déjà à ce point engorgé que l'on doit attendre six

mois, huit mois, un an avant d'avoir une décision sur une requête en accréditation. Vous savez ce que ça fait, l'obligation d'attendre aussi longtemps pour avoir une décision sur une requête en accréditation? Ça fait que souvent les salariés qui ont pris la décision de s'accréditer et qui se retrouvent devant des délais de cette nature se découragent en cours de route et souvent abandonnent purement et simplement la procédure d'accréditation qu'ils ont engagée.

Il faut savoir également aussi, puisqu'on parle du Tribunal du travail, qu'actuellement il dispose de cas provenant de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, de la Loi sur les jurés, de la Loi sur la fête nationale, d'une Loi sur les affaires municipales. Le Tribunal du travail, le commissaire du travail a déjà des juridictions qui viennent d'au moins sept ou huit origines différentes, avec le résultat dont je viens de parler, c'est-à-dire l'encombrement du rôle là aussi.

C'est ce genre de préoccupation que j'ai en tête quand je dis que, dans l'intérêt de ceux qui ont besoin de ces services, il m'apparaît que l'on doive explorer jusqu'à la limite la possibilité de leur donner un organisme qui soit exclusif et qui ne soit investi d'aucune autre juridiction de quelque nature qu'elle soit. (15 h 15)

Une dernière observation quant à moi, quant à l'inquiétude soulevée par le député de Deux-Montagnes, qui a été d'ailleurs également soulevée ce matin par le député de Viau, c'est la préoccupation que l'on a d'éventuellement se retrouver, du moins pendant une certaine période, avec ce phénomène de dédoublement qui pourrait déboucher sur des décisions contradictoires. D'ailleurs, le juge Poirier a aussi attiré notre attention là-dessus. Ce n'est pas impossible que nous nous retrouvions dans des dossiers qui contiennent les mêmes éléments et qui doivent être évalués à partir des mêmes préoccupations factuelles, que l'on se retrouve avec des décisions qui n'arriveront pas à la même conclusion, pour un premier motif. C'est que les deux organismes... Pendant le temps nécessaire, la Commission des affaires sociales, pour libérer les 4000 cas qui sont déjà là et les 5000 autres qui sont en train de s'y accumuler, va continuer de juger et d'apprécier ces cas-là en vertu des dispositions de l'actuelle loi qui contient un régime d'indemnités qui n'est pas de la même nature que celui que l'on retrouve dans la loi 42. Bien sûr qu'à partir des mêmes faits, dans deux dossiers différents, on peut arriver à des conclusions différentes parce qu'on ne procède pas des mêmes principes d'ordre juridique.

L'autre préoccupation qu'on nous soumet, c'est de dire: Est-ce qu'il n'y a pas un risque que la nouvelle commission d'appel en santé et sécurité, si jamais il y a une qui est mise sur pied, procède à modifier des décisions déjà rendues par la Commission des affaires sociales en matière de réparation? Je vous dirai, M. le Président, que, s'il y avait formation de cette nouvelle commission d'appel, elle n'aurait aucune juridiction sur les cas qui remontent à l'actuelle loi; la Commission d'appel en matière de santé et de sécurité, si elle devait exister, ne peut pas être saisie de cas qui sont assujettis à l'actuelle Loi sur les accidents du travail. Le danger que cette nouvelle instance procède à modifier des décisions déjà rendues n'existe pas à mon sens, très précisément pour le motif dont je viens de parler.

M. le Président, retenez, comme je le disais ce matin, que le choix est contradictoire et qu'il y a des arguments favorables aux deux thèses qui sont développées, sauf qu'à un moment donné il faut arbitrer quelque part et essayer de faire en sorte que le mécanisme qu'on va remettre aux parties soit celui qui sera le mieux préparé à rendre les services auxquels elles ont droit.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Sainte-Marie ou si vous voulez terminer...

M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne soutiendrais pas que la position du ministre est dépourvue de cohérence. Il a fait un choix et il y a à l'intérieur de ce choix une certaine cohérence. J'ai l'impression que le ministre est comme Pygmalion, qu'il est amoureux de sa loi.

M. Fréchette: Comme qui, vous dites?

M. de Bellefeuille: Comme Pygmalion. Il la considère si belle et si parfaite qu'il dit: Un tribunal qui aurait pour seule tâche d'entendre tous les appels portés en vertu de cette magnifique loi va agir dans la cohérence et dans l'économie de telle sorte que l'appareil de l'État s'en trouvera moins augmenté que si on confiait ces responsabilités-là à d'autres. Je pense que la nature humaine va prendre le dessus. Un nouveau tribunal, cela va vouloir dire de nouveaux bureaux, d'autant plus que, dans l'esprit du ministre, tout cela est régionalisé, cela voudra dire un grand nombre de fonctionnaires partout dans le Québec. Le résultat fatal, cela va être un grossissement de l'appareil de l'État. On crée un nouvel organisme d'État. Fatalement, on grossit l'appareil de l'État plus que si on attribue ces fonctions à un organisme existant. Cela continue de me paraître évident. D'autre part, le ministre s'abstient prudemment de prendre des engagements à propos de la Commission des affaires sociales. Je suppose que cela s'explique par le fait qu'il n'en est pas le tuteur. Ce n'est pas lui qui répond de

cette commission, je suppose.

M. Fréchette: J'ai assez de pupilles.

M. de Bellefeuille: Pardon?

M. Fréchette: J'ai assez de pupilles.

M. de Bellefeuille: Mais c'est...

M. Bisaillon: Là, vous vous organisez pour en avoir d'autres en plus.

M. Fréchette: Mais non, celle-là, je la transfère à un autre.

M. de Bellefeuille: C'est le ministre des Affaires sociales qui répond de la Commission des affaires sociales?

M. Fréchette: Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. de Bellefeuille: Ah bon! C'est la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui répond de cette commission. Est-ce que le ministre a parlé à sa collègue? Est-ce que le ministre a fait part à sa collègue des inquiétudes de cette commission-ci, à savoir si le gouvernement entend régler les problèmes de la Commission des affaires sociales? Ce sont des problèmes graves et on ne peut pas s'en laver les mains. On ne peut pas être fataliste et se dire: Cela appartient à d'autres de régler cela. Ce sont des problèmes qui sont là devant nous. Nous avons entendu le président de la commission qui nous en a parlé de façon très directe et qui n'a pas du tout cherché à maquiller les choses. Nous savons que ce sont des problèmes que le gouvernement peut régler par des moyens administratifs. Il n'y a pas de loi à faire adopter pour régler cela, c'est par des moyens administratifs. J'aimerais que le ministre nous dise ce qu'il pense des observations du député de Sainte-Marie et du député de Beauharnois, à savoir que, si on crée ce nouveau tribunal, la meilleure façon de le doter d'effectifs compétents va être de piger à la Commission des affaires sociales. Boni C'est bien beau, mais quel effet désastreux sur la Commission des affaires sociales, qui a déjà de graves problèmes de manque d'effectifs. On va écrémer cette commission, prendre ce qu'il y a de meilleur là pour constituer le nouveau tribunal. Là, vraiment, la Commission des affaires sociales, non seulement ses problèmes n'auront pas été réglés, mais ils vont être considérablement aggravés. Bon! J'aimerais, puisque ces problèmes sont devant nous, que le ministre nous en parle. J'aimerais que le ministre, au besoin, aille consulter sa collègue et ses autres collègues et que le gouvernement, par la bouche du ministre, dise à cette commission qu'il a l'intention de régler ces problèmes dont on a fait état devant nous.

M. Fréchette: M. le Président...

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre.

M. Fréchette: ...je pense que c'est le juge Poirier lui-même qui, en réponse à mon collègue de Viau, a indiqué qu'il y avait eu, il y a quelques mois, au moment où la loi était en discussion, des rencontres entre lui et moi pour très précisément discuter de l'ensemble de la problématique qui était devant nous. Pas besoin d'insister pour vous dire que la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu était également partie prenante de toutes ces discussions. Je pense que c'est sans aucune espèce d'hésitation également que l'on va convenir que même si les choses devaient demeurer ce qu'elles sont actuellement, c'est-à-dire même si on ne référait pas à la Commission des affaires sociales - si cela devait être ainsi - de nouvelles juridictions, il y a évidence de la nécessité de procéder - et rapidement - par la voie administrative, comme le souligne le député de Deux-Montagnes, à donner à cette commission les outils dont elle a besoin, autant en ressources humaines qu'en toute autre espèce de matières, ne serait-ce que pour se mettre à jour dans les cas qui lui sont actuellement soumis. D'ailleurs, je pense que le juge a indiqué qu'au cours de la dernière année un certain nombre d'effectifs ont été ajoutés, mais il semble bien que, malgré l'ajout d'effectifs dont on a parlé, ce ne soit pas encore suffisant pour rejoindre l'objectif de se tenir à jour, ou à peu près, dans le nombre de dossiers dont on doit disposer. Il est tout à fait certain, M. le Président, que cela a déjà fait l'objet de discussions entre les principaux intéressés et il est également certain, quant à moi, qu'indépendamment de la décision qui sera prise ici il faudra effectivement fournir à la Commission des affaires sociales des nouveaux effectifs. Cela me semble très clair.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Quatre commentaires. Dans le premier, on aparlé beaucoup de l'engorgement des rôles. Je voudrais souligner au ministre qu'il en va de l'engorgement des rôles comme de la question des délais dont on a parlé ce matin. Ce n'est pas la création d'un nouvel organisme qui va empêcher à un moment donné qu'il y ait engorgement des rôles. Il y a seulement trois ou quatre façons de régler la question de

l'engorgement des rôles. C'est de diminuer les possibilités d'appel. Cela règle beaucoup le cas de l'engorgement des rôles. On pourrait diminuer le Code criminel par exemple. Si on enlevait beaucoup de choses dans le Code criminel, on aurait moins de monde dans les prisons. Il est certain que c'est un moyen.

Le deuxième moyen serait une procédure différente entre le niveau de première instance et l'appel. Le juge Poirier nous a quand même fait une démonstration dont on parle peu. Par rapport à d'autres lois, il y a plus d'appels au niveau des accidents du travail qu'il y en a ailleurs. Il y a plus que simplement le nombre d'appelants. Il y a aussi un fonctionnement entre la première instance et... Cela m'a paru clair dans le témoignage du juge Poirier. La troisième façon de régler l'engorgement est d'ajouter aux ressources et de régler ainsi le problème.

Qu'on parle d'un organisme ou d'un autre, la question de l'engorgement va toujours se poser si on ne prend pas les moyens pour éviter cet engorgement. Il va toujours se produire, comme dans tous les tribunaux; qu'ils soient administratifs ou autres, il y a toujours à un moment donné un certain engorgement. À chaque fois qu'on étudie les crédits du ministère de la Justice on regarde toujours les délais pour en arriver à une sentence devant les tribunaux civils, et on se rend compte que les délais sont encore aussi longs qu'ils l'étaient auparavant. Pourtant, on a ajouté des juges.

Une voix: Pas partout.

M. Bisaillon: Mais on n'en a pas ajouté partout.

M, Fréchette: Non, mais les délais ne sont pas aussi longs partout. Il y a des endroits qui ont pris le dessus.

M. Bisaillon: Les délais ne sont pas aussi longs partout mais il y a toujours des délais qui, pour le justiciable, sont longs. Le ministre nous parlait de délais de 20 ou 30 jours; on sait bien que même si on l'inscrit dans une loi, comme le ministre l'a dit ce matin aussi, ce n'est pas automatique que cela va se faire de cette façon-là. Avec le temps, on se rend compte que cela ne se règle pas nécessairement.

L'engorgement ne doit pas nous faire décider d'une instance ou d'une autre. Il me semble que le problème va se poser. Quand on parle des objectifs de la CAS, il faut bien comprendre - en tout cas, si j'ai compris le document du juge Poirier de la même façon que les autres - qu'il y a une section spéciale qui se préoccupe des accidents du travail à la CAS. Les gens qui siègent sur les bancs des accidents du travail ne font pas d'autres cas. Ils ne traitent que des cas d'accidents du travail. Cela réduit un peu l'argumentation de mon collègue de Deux-Montagnes parce que, si on transfère le personnel qui est à la CAS, on transfère uniquement le personnel qui, actuellement, travaille sur des cas d'accidents du travail et se prononce là-dessus.

M. de Bellefeuille: Et le rôle actuel de la commission?

M. Bisaillon: Elle continuerait à le faire. Sauf qu'on arriverait avec un personnel qui a l'expertise pour la loi actuelle comme il peut l'avoir pour la prochaine loi.

Quant au niveau de première instance, je voudrais avoir les réactions du ministre sur une suggestion que j'avais faite ce matin quant à l'aspect facultatif de la première instance. Pour moi, c'est un aspect important parce que, si on juge la première instance comme devant forcément ouvrir à l'appel, dans plusieurs cas on ajoute des délais qui sont des délais indus et qui amènent l'engorgement finalement. Il me semble que cela devrait être une instance facultative pour la partie qui est en demande. C'est à elle de décider. (15 h 30)

Deuxièmement, quant au type de fonctionnement à ce niveau de première instance, ce matin, j'avais émis une suggestion dans le sens qu'il y ait des arbitres, plutôt que de parler d'arbitres syndicaux et patronaux, qui soient choisis à même une liste. Il y a quand même une discussion qui pourrait se faire là-dessus. Je serais prêt à envisager, par exemple, qu'on fonctionne avec un président d'instance, choisi comme je l'ai mentionné, un fonctionnaire de la CSST choisi de la façon dont je parlais ce matin, mais que, pour certains cas, il s'adjoigne un assesseur à même une liste qui serait choisie, elle, de la façon dont je parlais ce matin. Ce ne serait pas nécessairement toutes les causes qui pourraient être entendues, qui devraient être entendues en la présence d'assesseurs, mais certaines causes. Je pense, entre autres, à tout ce qu'il y a de médical. Il pourrait y avoir une liste de médecins choisis de la façon dont j'ai parlé ce matin et le président du bureau, au moment de l'audition, s'adjoint un assesseur médical ou un assesseur qui ne concourt pas à la décision, mais qui est là pour l'aider à prendre la décision. Cela ferait disparaître l'arbitrage médical qui ne serait plus nécessaire et cela répondrait aussi à un certain nombre d'arguments, d'objections qui ont été soulevées ce matin.

Je ne sais pas si on me comprend bien, mais pour ce qui est du niveau de première instance, je faisais comme le ministre fait depuis quelques jours, je réfléchissais tout

haut en disant ce qui ne me convenait pas mais en espérant qu'on puisse trouver quelque chose qui pourrait être ce dont je parle. Plutôt qu'un tribunal à trois, ce pourrait être le président qui décide mais qui s'adjoint, dans certains dossiers, un assesseur, les assesseurs étant choisis selon le processus que je suggérais, c'est-à-dire une liste faite d'avance et qui a obtenu l'accord des deux parties siégeant au conseil d'administration de la CSST.

Pour ce qui est du tribunal d'appel, voici mes derniers commentaires avant que le ministre ne fasse un choix définitif, même s'il me semble déjà avoir fait son choix. Pourquoi défendre le mécanisme qu'on a déjà? Un, parce qu'il fonctionne. Deux, parce que les gens y ont confiance. Trois, parce qu'il est indépendant. Quatre, parce qu'on a l'assurance maintenant qu'on peut y ajouter les ressources nécessaires pour fonctionner. Cela me fait des raisons suffisantes pour dire: On a là quelque chose de sûr, gardons-le. Moi, mon choix serait de garder cela. Maintenant, comme il semble que, du côté ministériel, l'époque soit au choix qui mène aux beaux risques, qu'on veuille s'embarquer dans un autre beau risque et s'en aller vers un tribunal complètement nouveau, je dis que, si vous faites ce choix, assurez-nous au moins que les conditions existantes à la CAS se retrouveront dans ce tribunal: que ce sera indépendant, que cela va fonctionner et que la confiance va y être.

Le député de Châteauguay me disait ce matin: Oui, mais dans cinq ou six ans, la confiance va s'être bâtie et établie. Je retiens, des propos de plusieurs parlementaires à cette commission et du ministre, que ce n'est pas tout qu'il y ait tout ce qu'il faut pour que la justice se fasse, il faut qu'il y ait aussi apparence. Et c'est là que le bât blesse. On va se parler franchement parce qu'on est rendu à cette étape; on est rendu à l'étape de regarder ce qui fait défaut actuellement et ce qui entretient cette méfiance qu'on peut avoir vis-à-vis d'un nouveau tribunal.

La garantie qu'on veut obtenir, c'est qu'il n'y aura pas de lien entre la CSST et le niveau d'appel. Le ministre nous donne un certain nombre de garanties, il nous dit: cela va dépendre du ministère de la Justice, que c'est le gouvernement qui va payer. Encore que là, cela m'a semblé un peu un transfert de fonds, mais cela regarde le gouvernement, cela ne me regarde pas. Mais il dit: C'est l'État qui va payer, ce ne sera pas la CSST. Il faut plus que cela. Il faut aussi qu'on soit convaincu qu'il n'y a pas de lien entre la CSST et le tribunal d'appel; il faut qu'on soit convaincu qu'un tribunal d'appel n'est pas mis là pour amener une interprétation particulière des droits contenus dans la loi. La CAS a la réputation d'avoir une ouverture particulière et une attitude plus ouverte vis- à-vis des personnes démunies; cela a d'ailleurs fait l'objet de commentaires du Conseil du patronat, je les ai lus en commission parlementaire l'autre jour.

Ce que nous voulons comme assurance, c'est que le nouveau tribunal ne soit pas là... On a mis la réadaptation dans le projet de loi. On veut avoir la certitude que la réadaptation va s'appliquer, qu'elle ne sera pas soumise ou limitée par autre chose que ce qu'il y a dans la loi et que ce n'est pas un moyen, que le tribunal n'est pas un moyen de limiter l'application de la loi. Dans ce sens, le nom du vice-président actuel de la CSST a été mentionné dans les journaux. Le nom de M. Bernier a été mentionné dans les journaux comme étant celui qui est envisagé comme président du nouveau tribunal d'appel. Je veux que vous ayez l'assurance, et je veux aussi que M. Bernier me comprenne bien. Je n'ai rien contre M. Bernier, sinon que c'est l'actuel vice-président de la CSST. Mais quand les journaux parlent de M. Bernier comme étant possiblement le président du tribunal d'appel, cela ne peut pas faire en sorte que le tribunal d'appel parte sur un bon pied, parce que cela indique qu'il peut y avoir un semblant de lien entre la CSST et le tribunal d'appel qu'on va mettre sur pied.

Je ne peux pas m'enlever de la tête, M. le ministre - il faut en tenir compte; je vous parle comme parlementaire, mais dans le milieu, c'est cela qui circule - qu'il y a aussi un certain nombre d'actuels employés de la CSST qui voient comme possibilité le fait de travailler à ce tribunal d'appel. On n'est pas pour se mettre, dans des lois, à interdire que des gens qui ont été à la CSST aient la possibilité d'aller dans une autre instance. On ne peut pas faire cela. À supposer que la Loi sur la fonction publique s'applique pour le recrutement, je comprends que tous ceux qui sont fonctionnaires vont avoir la possibilité de se présenter à un concours de sélection et pourraient être retenus. Ils peuvent venir de la Régie de l'assurance automobile et ils peuvent venir de la CSST. Si ce sont les meilleurs, si ce sont ceux qui passent à travers le processus de sélection, ce sont ceux qui doivent être retenus. Mais comprenez que, de cette façon, on ne dégage pas les liens entre l'organisme parrain de la loi et un tribunal d'appel qui va juger cette loi par la suite. On ne dégage pas les promoteurs de la loi de ceux qui vont avoir à la juger et à l'appliquer par la suite.

Cela réside là-dedans dans le fond. L'espèce de méfiance qui court encore est là et je ne pense pas qu'il y ait des articles de loi qu'on puisse mettre pour empêcher cela. En tout cas, je m'opposerais à ce qu'on mette un article pour dire: Aucun employé actuel de la CSST ne pourra être membre du tribunal d'appel. Cela irait à l'encontre des

droits des individus de pouvoir postuler des fonctions. Mais l'image va rester là quand même. On ne pourra pas mettre cela dans une loi. Ce n'est pas un concours. Ce n'est pas Loto-Québec où les employés de Loto-Québec ne peuvent pas gagner. Ce n'est pas cela. On ne peut pas faire cela. En même temps, la situation est là et c'est factuel. Les gens ont encore cela en tête. Ça, c'est un problème et c'est un problème dont on doit tenir compte, d'après moi, quand on a à décider si on va faire faire le job par ce qui existe déjà, qui donne des rendements et qui est indépendant, et quelque chose de neuf qui partirait sur le mauvais pied, pas à cause des gens qui vont être à l'intérieur et de leur mauvaise volonté, mais à cause de l'attitude qu'on va avoir vis-à-vis de cet organisme. Je pense que c'est un élément important dont le ministre doit tenir compte, dont les députés doivent tenir compte et dont les fonctionnaires de la CSST doivent tenir compte aussi, parce que cela existe. Qu'on le veuille ou non, c'est là.

Cela dit, M. le ministre, si vous faites vos choix et que ces choix-là vont dans le sens du beau risque, comme c'est la mode, on va discuter le choix que vous allez faire. Assurez-nous, cependant, que, si vous allez dans ce sens-là, vous allez mettre suffisamment de balises pour donner au moins le maximum de garanties, pour que les gens qui vont être là par la suite puissent au moins travailler convenablement sans être mis en doute constamment. Je prétends qu'on a déjà quelque chose qu'il s'agirait de perfectionner, qui n'a pas ce handicap-là en partant et que le choix politique devrait être de conserver cela. Si vous faites un choix politique différent, organisez-vous pour nous mettre des balises qui vont nous donner au moins le maximum d'assurance.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, M. le Président. Comme le beau risque suppose deux parties, j'avais proposé tout à l'heure dans mon intervention que, précisément, on puisse adjoindre le "staff" ou l'expertise ou les gens qui s'y connaissent et qui sont aimés à la CAS, les adjoindre au nouveau tribunal.

Dans ce nouveau tribunal, qu'on aille chercher aussi les connaissances ou l'expertise que la CSST possède, je n'y vois pas, en tout cas a priori, tant de mal que cela. Le même problème pourrait se présenter si on faisait l'inverse. Si on maintenait la CAS en place, on devrait probablement y adjoindre les gens qui connaissent le monde du travail, qui connaissent ces dossiers et qui sont probablement à la CSST. Que ce soient des gens de la CSST qui traversent à la CAS ou que ce soient des gens de la CAS qui se joignent aux gens de la CSST pour former ce nouveau tribunal, je comprends toute l'argumentation du député de Sainte-Marie. C'est vrai qu'actuellement, dans le monde du travail, tous ceux qui ont eu affaire à l'organisme qu'est la CAS sont en grande partie satisfaits des résultats qui sortent de là. On ne pourrait peut-être pas toujours dire dans nos bureaux de comté et sans vouloir discréditer... On ne discrédite pas nécessairement des individus à ce moment; on parle de l'organisme, du nom ou du renom qu'il s'est fait en bien ou en moins bien. Je suis très conscient du problème qu'il soulève.

Pour essayer d'y trouver une solution, je pensais que le nouveau tribunal qui ramasserait les 25 ou 26 champs qui vont être mis en application, que ce soit fermeture d'usines et tout le "kit", qu'on forme un nouveau tribunal avec un nouveau personnel qui serait pigé ou recruté dans les deux organismes, et on arriverait à n'en faire qu'un.

Quand vous parlez de donner certaines balises, de se sécuriser de façon que cet organisme ne soit pas le prolongement du bras de la CSST, je suis d'accord avec le député de Sainte-Marie à ce niveau. Je suis sûr qu'il y a des moyens à prendre pour avoir un minimum de sécurité, au niveau de l'image aussi, et que les gens ne soient pas portés à dire que c'est le prolongement ou que c'est quasiment le corridor ou l'antichambre de la CSST.

Je pense qu'il y a moyen d'y arriver. J'irais même plus loin que cela. Je pense que les gens qui partiraient de la CAS et qui s'en iraient dans ce nouveau tribunal devraient amener avec eux les 4000 ou 5000 dossiers qui sont déjà sous l'ancienne loi. Qu'ils continuent à les traiter sous l'ancienne loi mais à partir du nouvel organisme qui aura été constitué. Qu'est-ce que cela changerait qu'ils les traitent à partir du nouvel organisme ou qu'ils continuent à les traiter à la CAS? Qu'est-ce que cela change au fond? Mais l'organisme aurait été créé et, jusqu'à épuisement des vieux dossiers, il les traiterait sous l'ancienne loi, et tous les nouveaux dossiers qui arriveraient, il y aurait un espèce de "phasing out" des vieux dossiers et on enclencherait dans l'analyse des nouveaux dossiers.

Je dis qu'il y a quelque chose là. On n'est pas pour lâcher le morceau si vite que cela. Si on examinait cela à fond, je pense qu'il y a peut-être moyen de trouver une espèce de compromis qui satisferait à peu près tout le monde. À mon avis, on n'est pas loin de ce compromis ou de cette bonne entente.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre.

M. Bisaillon: M. le Président, s'il vous plaît, parce que je n'ai pas complété. Je disais qu'il ne fallait pas qu'il y ait apparence de lien entre la CSST et le nouveau tribunal. Il faudrait que je complète aussi. Cela ne me rassurerait pas plus qu'il y ait des liens entre le mouvement syndical et le nouveau tribunal. Cela s'applique pour tout le monde. Quand je parle d'un organisme que je veux indépendant, je le veux aussi indépendant de la CSST, du président Sauvé que de Louis Laberge. Je veux que ce soit "all the way", indépendant complètement. Pas lié avec personne.

M. Fréchette: M. le Président, le député de Sainte-Marie me permettra ici une boutade. Il a l'air d'avoir beaucoup de réserves quant à la possibilité de certaines gens de se défaire d'un certain nombre de liens, de se dégager d'un certain nombre de situations dans lesquelles on a été intensément impliqués et aux activités desquelles on a consacré le meilleur de soi. Le député de Sainte-Marie est le meilleur exemple qui illustre à la face de tout le monde que ce genre de chose, ce genre de processus est possible... (15 h 45)

M. Bisaillon: ...traité de péquiste. Les individus peuvent le faire, ce n'est pas sûr que c'est perçu comme cela.

M. Fréchette: Le député de Sainte-Marie est l'illustration la plus éloquente de la possibilité que des phénomènes comme ceux-là puissent se concrétiser. C'était une boutade, M. le Président, j'ai pris la précaution de vous le dire, et je sais que le député de Sainte-Marie est en mesure de vivre avec ce genre de chose.

C'est bien sûr que ce à quoi il se réfère, c'est à ce qu'on pourrait convenir d'appeler, dans les circonstances - et celui qui vous parle est assez bien placé pour le savoir, depuis deux ans et demi maintenant ou à peu près que j'ai affaire assez régulièrement avec la Commission de la santé et de la sécurité - très précisément "la réputation", entre guillemets, de la CSST.

II faut avoir été ici, vous savez, pendant onze jours et au préalable cinq jours dans une autre commission parlementaire sur l'administration et le fonctionnement de la CSST pour se rendre à l'évidence qu'effectivement voilà un organisme qui, à cause de la discrétion dont il était investi, à cause de la nécessité légale, juridique dans laquelle il était, a été amené à prendre des décisions qui ont semé, à certains endroits, du mécontentement.

Bien sûr qu'il n'y en a pas un d'entre nous qui a déjà entrepris de dire quelque part qu'il y a au-delà de 75% sinon 80% de la clientèle à la CSST qui est satisfaite du traitement qui lui est fait. Même si les statistiques révèlent des chiffres de ce genre, ni moi ni personne d'entre nous n'a jamais pris le temps de convoquer une conférence de presse pour dire: Des 3 000 000 de cas d'accidents que cet organisme traite par année, il y en a quelque 240 000 ou 250 000 qui considèrent avoir été correctement traités. Je ne pense pas que ni l'un ni l'autre d'entre nous ne prenne sa crosse d'évêque ou son bâton de pèlerin pour aller sur la place publique et faire ce genre de chose. Puiqu'on débouche sur cette situation dont je parle, il m'apparaissait indiqué au moins d'attirer notre attention à tous sur ce phénomène.

Assez curieusement, M. le Président, il y a une autre situation qui est fort cocasse dans le cadre de la discussion qu'on est en train de faire. Il y a moins d'un an, la Commission des affaires sociales est venue à la Commission de la santé et de la sécurité pour retenir les services de la directrice ajointe du contentieux de la CSST. Mais alors, est-ce qu'il faudra conclure que les gens qui évoluent à la CSST sont ainsi faits qu'ils ne sont pas capables d'aller évoluer dans un autre organisme à vocation tout à fait sociale comme celui de la Commission des affaires sociales? Il y a moins d'un an également, la Commission des affaires sociales est venue à la Commission de la santé et de la sécurité pour retenir les services d'un médecin qui faisait de l'évaluation médicale à la CSST et qui a pris la décision de se joindre, après avoir oeuvré un certain moment à la Commission de la santé et de la sécurité, à l'équipe de la Commission des affaires sociales. Tout cela pour vous dire simplement qu'ils ne sont pas tous si malins ni si dangereux que cela ni des "bibites" si graves ni si...

Ce qui m'embarrasse, enfin pas ce qui m'embarrasse, M. le Président, mais ce que je trouve un peu difficile dans le genre de discussion qu'on est en train d'avoir, c'est que là on met sur la table une évaluation qui a l'air d'une présomption irréfragable -aimez-vous mieux que je vous le dise en latin? Juris et de jure. Comment est-ce que cela s'écrit? - qui a l'air d'une présomption - je vais enlever mes deux épithètes, M. le Président - qui devrait, de toute évidence, d'après les argumentations qu'on entend, nous amener à la conclusion que cet organisme ne peut pas faire un travail de la nature de celui que la Commission des affaires sociales fait actuellement. Il y a une présomption qu'on nous met sur la table, et on est d'avance convaincu que, quelle que soit sa composition, quel que soit le mécanisme qui sera retenu, quels que soient les membres qu'on y retrouvera, de toute façon, par présomption, l'on conclut qu'il va faire un travail qui sera inacceptable pour tout le monde. J'ai un peu de difficulté à passer au

jugement sans que le procès n'ait été fait; j'ai un peu de difficulté à vivre avec ce genre d'évaluation.

Pour revenir à d'autres aspects soulevés par mes collègues qui m'ont précédé, le député de Sainte-Marie disait: II existe, à la Commission des affaires sociales, des divisions spécifiques auxquelles sont affectés des commissaires, et ils y sont affectés de façon exclusive. Ce n'est pas tout à fait ce que le juge nous a dit. Les membres avocats - j'ai compris que c'étaient les membres avocats qui étaient l'équivalent du président sont polyvalents et peuvent siéger indifféremment dans toutes les divisions. Les assesseurs, par ailleurs, sont effectivement affectés exclusivement à la division des matières de santé et de sécurité.

M. le Président, on est, encore une fois, devant des choix particulièrement difficiles à faire, mais je reviens à la dernière observation du député de Sainte-Marie, je pense, à la fin de nos travaux la semaine dernière. Vous savez, on ne peut pas espérer avoir le mieux de ce qui existe, d'en rejeter le pire et de prendre le mieux de ce qui est sur la table. Je ne sais pas si l'on me comprend bien: retenir de la loi actuelle toutes les dispositions qui font notre affaire, en rejeter les choses qui ne nous conviennent pas, prendre le projet de loi 42 et en retenir les choses qui font notre affaire, faire l'amalgamation entre les deux et, ce qu'on considère comme étant le pire dans l'une et l'autre des deux lois, en disposer par le rejet pur et simple, je voudrais bien qu'on puisse vivre de cette façon sauf, que, comme je le disais il y a un instant, il y a un moment qui arrive où le choix doit être fait, et ce n'est pas le genre de choix que je suis disposé à faire.

La conclusion à laquelle en arrivait le député de Sainte-Marie la semaine dernière, c'était: c'est tout ou rien finalement, c'est tout ou rien. Ou bien on continue dans le statu quo, c'est-à-dire la Commission des affaires sociales continue à disposer des matières dont elle est habilitée à disposer actuellement, les autres matières ne sont pas appelables, on vit ainsi et on garde le mécanisme actuel des bureaux de révision. C'est la position du député de Sainte-Marie avec laquelle je suis tout à fait d'accord. C'est cela plutôt que l'autre, et moi aussi je suis d'accord avec cela. Jusqu'à maintenant, je continue d'être convaincu - peut-être que j'ai l'air d'être têtu - que, dans l'intérêt de ceux qui doivent, quotidiennement ou occasionnellement, avoir affaire à l'organisme, c'est mieux, encore une fois, de procéder à l'intégration de l'ensemble des décisions qui pourraient être susceptibles d'appel.

Le député de Deux-Montagnes - je reviens à des observations que j'ai déjà faites, et j'en suis conscient, mais je voulais y ajouter un détail - a suggéré de disperser un peu les juridictions. Est-on conscient du phénomène que celui qui a des droits à exercer en fonction d'une loi, en l'occurrence la loi 42, souhaite sans doute frapper à un guichet unique, savoir et être au fait que c'est toujours à la même porte qu'il doit frapper aux fins du règlement des litiges provenant de la Loi sur la santé et la sécurité du travail ou de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles? Si l'on est en train de me dire qu'il faudrait envoyer des blocs au Tribunal du travail, d'autres blocs à la Commission des affaires sociales, d'autres blocs à un autre organisme, est-on conscient que l'on rend un très mauvais service au bénéficiaire lui-même qui, justement, se perd dans la multiplicité des recours qui peuvent exister et des portes où on peut frapper. Je vous dirai, à titre d'exemple seulement, qu'en matière de construction, par exemple, il existe environ dix recours à dix endroits différents. Il y a dix sociétés ou organismes ou ministères qui sont habilités à rendre des décisions en matière de construction. Il arrive ce dont je viens de vous parler: ceux qui ont des droits à faire valoir ne savent plus où frapper, à toutes fins utiles, à moins d'être des spécialistes ou à moins d'avoir constamment près d'eux des conseillers spécialisés dans cette matière. Si l'on commence donc à faire cette espèce d'éparpillement des juridictions, c'est au bénéficiaire lui-même ou à l'utilisateur du service qu'on ne rend pas service effectivement.

Je suis conscient que je fais un peu de coq-à-l'âne, mais je ramasse les observations de l'un et l'autre pour essayer de les couvrir autant que c'est possible de le faire. Ce matin, le député de Sainte-Marie - il y est revenu d'ailleurs cet après-midi - a attiré notre attention avec beaucoup d'insistance sur le phénomène de l'arbitrage médical et il nous indique que ce qui est suggéré dans la loi actuellement, quant à lui, ne devrait pas être retenu et devrait être évalué ou bien par une commission d'appel, le premier recours étant facultatif, ou bien au premier recours par un bureau composé de la façon dont il en parle.

M. le Président, je veux bien essayer de souscrire à l'argumentation du député de Sainte-Marie, mais je vais être obligé de lui rappeler qu'on a passé ici une dizaine de jours en mars et avril 1983 et que le phénomène sur lequel on est le plus souvent revenu et qu'on a contesté avec le plus de conviction et de véhémence, autant du côté syndical que patronal, a été celui en vertu duquel, actuellement, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, par un moyen ou par un autre, ne serait-ce que par alliance des noms, se retrouve impliquée dans le phénomène de l'évaluation médicale. Combien nous ont dit ici que, pour aucune

espèce de considération et pour aucun motif, on ne devrait voir la CSST ou l'un de ses membres impliqués dans le processus de l'évaluation médicale? C'est à partir de l'insistance de tous les témoins qu'on a entendus ici - et ceux qui y étaient s'en souviennent très bien - qu'on est arrivé à la conclusion qu'effectivement il fallait sortir de l'appréciation de la commission, par quelque moyen que ce soit, toute appréciation d'ordre médical. On nous a dit aussi: vos médecins, qu'on a convenu d'appeler "médecins de papier", est-ce que cela peut être assez? Jusqu'à maintenant, on commence à en avoir suffisamment è cet égard-là. C'est aussi à partir de cette préoccupation et d'observations qui ont été faites par des gens de la science de la médecine qui nous ont dit: 1° vous devriez sortir l'arbitrage médical de toute considération de la CSST, d'une part; 2° que vous soyez en arbitrage médical ou en évaluation médicale par le médecin de la CSST ou le médecin de l'employeur, vous devez introduire dans la loi des dispositions qui vont permettre à l'accidenté d'exiger l'examen physique, ce qui n'est pas actuellement le cas. De là, cette expression dont je viens de parler: les "médecins de papier". (16 heures)

M. le Président, il me semble qu'en retenant les suggestions qui nous ont été faites ici en commission parlementaire, on ne fait que répondre au voeu unanime formé par tous ceux qui sont venus. Et tous ceux qui sont venus, c'est autant, M. le Président, les représentants des parties syndicales que des parties patronales.

L'on nous dit maintenant qu'il ne devrait pas y avoir d'arbitrage médical comme vous le souhaitez ou le suggérez, mais cela devrait être déféré au bureau de première instance, le bureau de révision dont on parle, où pourrait siéger un président, fonctionnaire de la CSST. Si c'est cela, M. le Président, la CSST... Je le comprends très bien. Je vais revenir là-dessus dans une seconde, d'ailleurs. Si c'est cela, que ce soit facultatif ou pas, quand on va se retrouver devant ce bureau de révision pour l'évaluation d'un phénomène d'ordre médical, on va retrouver quelqu'un de la CSST à l'intérieur de l'organisme et je vois d'ici la réaction des utilisateurs qui sont venus nous dire: Sortez-nous la CSST de toute évaluation médicale. Là, on répond oui. On est convaincu de la justesse de la représentation que vous nous faites. On sort tout le mécanisme de la CSST elle-même et on corrige la situation qui nous amène encore une fois vers ces "médecins de papier". Et là, il faudrait maintenant...

Je ne suis pas en train de dire que l'argumentation du député de Sainte-Marie n'a pas sa valeur, mais je suis en train de lui dire que si on la retient, malgré le caractère facultatif ou pas du bureau de révision, les premiers reproches vont nous venir des associations d'accidentés, des associations syndicales et des associations patronales. C'est de là que les premiers reproches vont venir parce que, encore une fois, la CSST sera impliquée dans le processus.

M. le Président, prenons la commission d'appel, et je comprends - comment pourrais-je appeler cela? - la circonspection, les réserves sérieuses du député de Sainte-Marie. Je comprends également les motifs qui sont à la base de ces préoccupations, mais je lui dirai qu'avant même d'avoir touché à aucune des dispositions de la loi qui concernent la commission d'appel, on retrouve déjà dans la loi les caractères suivants de cet organisme. Il s'agit, en vertu des dispositions actuelles, sans qu'encore une fois aucune modification n'y ait été faite, d'un organisme autonome qui est créé dans la loi. Deuxièmement, l'organisme relève du ministre de la Justice qui doit s'assurer de son impartialité. Troisièmement, ses membres sont nommés par le gouvernement sur recommandation du ministre de la Justice qui - le gouvernement doit s'assurer de leur compétence. Quatrièmement, c'est un organisme autonome et indépendant, sans lien fonctionnel avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail, qui ne rend compte de ses activités qu'au gouvernement et dont le budget provient du gouvernement. Son rapport annuel est déposé à l'Assemblée nationale et celle-ci peut toujours interroger le ministre responsable sur son fonctionnement et son administration. La commission publie régulièrement sa jurisprudence. Ses livres, ses comptes sont vérifiés chaque année par le Vérificateur général. Cet organisme adopte par règlement ses propres règles de fonctionnement et ces règles sont soumises à la consultation publique avant d'être adoptées. C'est le gouvernement qui approuve le budget qu'il lui soumet et qui lui verse l'argent requis pour son exercice financier.

M. le Président, je pense que les critères dont je viens de parler, que l'on retrouve déjà dans la loi quand on en fait une interprétation exhaustive, peuvent être un commencement, en tout cas, de garantie du caractère d'impartialité dont parlait le député de Sainte-Marie, du caractère nécessaire de l'objectivité d'une institution de cette nature. Si, par ailleurs, pour davantage consacrer ce principe de la nécessité de l'impartialité, de l'objectivité, de la neutralité totale, il y a des accommodements qui peuvent être faits, je vous réitère toute ma disponibilité à cet égard. Toute ma collaboration est acquise à la commission, si l'exercice est dans le but d'améliorer les mécanismes pour, effectivement, permettre que soient

respectés les critères importants et fondamentaux dont parle le député de Sainte-Marie.

Je ne sais pas s'il y a des questions qui sont restées en plan mais je pense qu'en regardant les notes que j'ai devant moi...

Le Président (M. Dussault): Donc, vous avez terminé, M. le ministre. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Au début de ses dernières remarques, le ministre a insisté sur l'importance d'éviter la dispersion dans l'attribution des fonctions d'appel. Je lui rappellerais - je suis sûr qu'il s'en souvient -que c'était la deuxième hypothèse présentée par le juge Poirier où tout serait confié à la Commission des affaires sociales. Pour éviter la dispersion, le seul moyen n'est pas celui que le ministre propose. Il y en a un qui est la deuxième hypothèse qui nous a été présentée par le juge Poirier, à savoir que l'on confierait tout à la Commission des affaires sociales.

D'autre part, le ministre a dit, en commentant les remarques du député de Sainte-Marie: C'est tout ou rien. Alors, si c'est tout ou rien, est-ce que le ministre a changé d'idée et a maintenant l'intention de transférer au nouveau tribunal le rôle d'appels accumulés devant la Commission des affaires sociales? Je pensais que le projet était de laisser à la Commission des affaires sociales le soin d'entendre tous les appels qui sont déjà inscrits à son rôle, ce qui va prendre une certaine période de temps, et de créer le nouveau tribunal qui, lui, entendrait les nouveaux appels. Mais si c'est tout ou rien, pourquoi ne transfère-t-on pas le rôle existant?

M. Fréchette: Je me suis mal exprimé. J'aurais dû dire: C'est tout l'un ou tout l'autre. Je veux dire, pour l'un, que c'est tout ce qui existe actuellement avec les juridictions existantes également, l'autre étant l'organisme dont on parle. Mais ce à quoi j'aurais beaucoup de difficultés à me rallier, ce serait une décision qui ferait en sorte que l'on ferait cet éparpillement des juridictions.

M. Bisaillon: Sauf que, comme le ministre s'est référé à mon intervention de "tout ou rien", de "tout l'un ou tout l'autre", en se disant d'accord avec moi, quand je disais "tout l'un ou tout l'autre", je disais ce que le député de Deux-Montagnes dit. Je disais: Si vous voulez donner cela à un autre, passez-lui le tout, le personnel et les dossiers.

M. de Bellefeuille: Parce que si vous transférez le personnel sans transférer les dossiers, la Commission des affaires sociales va être paralysée pendant je ne sais combien d'années.

M. Fréchette: J'espère qu'on est conscient de la réalité des choses aussi. À supposer que c'est ce genre de commission dont la création est retenue, on ne va pas procéder le lendemain au transfert de tous les effectifs et de tous les dossiers. Il est évident que, si l'on transfère l'un, il faut transférer l'autre aussi. C'est clair. Mais, la Commission des affaires sociales devra, comme première préoccupation - je pense qu'on va assez facilement s'entendre là-dessus, parce que ce seront bientôt 10 000 cas, nous a dit le juge Poirier, sur la nécessité de procéder - de libérer le rôle qui est déjà là et qui est de la juridiction exclusive de la Commission des affaires sociales avec les mécanismes qui existent actuellement. C'est évident.

Que la Commission des affaires sociales libère ce rôle avant ou après le transfert, il me paraît évident que, peu importe l'endroit où se retrouveraient ces effectifs, ce sera la première tâche à laquelle lesdits effectifs devront se consacrer, me semble-t-il. Après que cette accumulation de dossiers aura été libérée, c'est autre chose. Mais il est clair que si le transfert se faisait, pour les besoins de la discussion, au moment où la loi doit entrer en vigueur, en tenant pour acquis que cela doit se faire, les deux devraient aller ensemble.

M. de Bellefeuille: Est-ce que cela veut dire, quels que soient les structures et les partages de fonctions, que les nouveaux appels vont s'inscrire au bas du même rôle.

M. Fréchette: Les nouveaux appels, en vertu de la loi actuelle, tant et aussi longtemps que la loi 42 ne sera pas en application, vont de toute évidence devoir... l'expression des palais c'est - tomber au bas du rôle. C'est évident que tant que l'actuelle loi n'est pas en vigueur, les droits à être exercés en cette matière le sont à partir des dispositions de la Loi sur les accidents du travail. Et comme la loi 42 n'a aucune prévision de rétroactivité à quelque égard que ce soit, tant et aussi longtemps qu'elle n'est pas en vigueur, tous les appels sont logés en vertu des dispositions de l'actuelle loi.

M. de Bellefeuille: Mais quel est le personnel, quels sont les effectifs qui vont entendre les appels logés en vertu de la nouvelle loi?

M. Fréchette: II y a des dispositions qui, dans la loi actuelle, enfin, dans le projet de loi qui est là, me semblent, en tout cas, répondre à la question du député de Deux-Montagnes. Ce qui est proposé

essentiellement est la formule suivante: une commission ou un organisme d'appel à la tête de laquelle on retrouverait un président, trois vice-présidents, je pense - c'est la proposition qui est là dont je vous fais part - et un commissaire siégeant dans chacune des treize régions du Québec et responsable du fonctionnement de son bureau régional.

La loi prévoit également, le projet qui est là, prévoit également que le commissaire en région, qui lui sera un fonctionnaire permanent, ne devra pas s'entourer d'un nombre considérable de fonctionnaires. Ce qui lui est permis de faire - je vous parle toujours à partir de ce qu'on retrouve là-dedans - c'est d'aller chercher de l'expertise extérieure pour procéder à l'audition d'un dossier qui va demander quelqu'un qui a, par exemple, une discipline spéciale en matière de génie industriel pour évaluer la pertinence d'une décision prise par un inspecteur de la CSST de procéder à la fermeture d'une entreprise pour des motifs de santé et de sécurité.

Si l'employeur de la région de Valleyfield, dont l'entreprise a été fermée par un inspecteur de la CSST pour des motifs de santé et de sécurité, décide de porter en appel la décision de l'inspecteur, il va se retrouver en première instance au bureau de révision, bien sûr, et en deuxième instance devant ce commissaire dont je vous parle et qui, lui, en vertu de la loi, pourrait - et il me semble qu'il le ferait dans un cas comme celui dont je vous parle - aller chercher une expertise extérieure de quelqu'un qui a les connaissances suffisantes en matière de problèmes en discussion.

Si le commissaire doit évaluer un phénomène de réadaptation, il serait autorisé, en vertu des dispositions de la loi, à faire appel au service d'un agronome, par exemple, d'un médecin orthopédiste, d'un physiatre qui viendrait avec lui à l'audition de la cause et qui ferait profiter le commissaire de l'expertise qu'il a acquise autant par la profession qu'il pratique que l'expertise qu'il a pour tous les autres motifs qu'on peut imaginer.

C'est cela que le mécanisme de la loi actuelle prévoit. Cela voudrait dire un président, trois vice-présidents et une "treizaine" de commissaires. Ce serait cela, la commission. Les assesseurs dont on parle ne sont pas et ne seraient pas des fonctionnaires permanents; ils seraient requis cas par cas pour venir effectivement assister le commissaire qui, lui, aurait à disposer du litige qu'on lui soumet. C'est comme cela que le mécanisme est prévu.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Frontenac. (16 h 15)

M. Grégoire: Je voudrais juste poser une question au ministre. Est-ce que le fait que le nouvel organisme d'appel soit la Commission des affaires sociales ou un nouveau tribunal d'appel, est-ce que le gouvernement a une position nette d'établie? Que ce soit l'un ou l'autre, je ne vois pas qu'il y ait là un enjeu politique qui puisse influencer quoi que ce soit, que ce soit l'un ou l'autre. Je ne vois pas qu'il y ait là une importance politique, au sens large du mot. Est-ce qu'il y a là une décision ferme prise par le ministère, par le ministre, ou s'il est prêt à choisir l'une ou l'autre? Est-ce qu'il est prêt à laisser un vote libre sur cette question, ce qu'on peut appeler une décision, si c'est une décision bien ferme ou si cela peut être un vote libre parmi les membres de son propre parti?

M. Fréchette: M. le Président...

M. Grégoire: Est-ce que les jeux sont faits à l'heure actuelle?

M. Fréchette: Écoutez! Les jeux ne sont pas faits à l'heure actuelle. Je ne vous dirai pas cependant que, pour autant que cela me concerne, je pense que c'est un peu la façon de mes collègues ministériels de voir le dossier. Pour autant que cela me concerne, la proposition, je l'ai faite et c'est la proposition que je continue de privilégier, la formation d'une commission spéciale et spécifiquement affectée aux phénomènes de la santé et de la sécurité. Je comprends que j'ai beaucoup de difficultés à convaincre mes collègues, mais je continue de prétendre, à tort ou à raison, que le seul motif pour lequel ce doit être ça, c'est l'intérêt des utilisateurs, autant en termes de décisions plus rapides qu'en termes de s'assurer du suivi d'une jurisprudence de même nature et qu'en termes d'accessibilité de l'organisme. Vous savez, le gars de la Bell Asbestos, à Thetford-Mines, qui a un accident et qui se retrouve, à un moment donné, devant le tribunal d'appel, il doit attendre que la commission vienne siéger en région lorsqu'il est rendu au stade de l'audition.

Le juge Poirier nous a dit que, quant à lui, le principe de la régionalisation en était un qu'il ne privilégiait pas. En tout cas, il me semble que c'est ce que j'ai compris dans son argumentation. Le motif pour lequel il ne privilégie pas le phénomène de la régionalisation, c'est que vous allez vous retrouver, nous dit-il, avec le phénomène suivant: vous allez toujours avoir le même commissaire et vous allez toujours avoir devant ce commissaire à peu près les mêmes gens qui plaident. La nature humaine étant ce qu'elle est, quand il y a de l'homme, il y a un peu d'hommerie, il peut se développer des mécanismes de fonctionnement, mais ce n'est pas parce qu'un organisme est régionalisé qu'on ne peut pas contourner

cette difficulté-là. Qu'est-ce qui empêcherait que, pendant les trois semaines d'un mois -si on tient pour acquis, par exemple, pour les besoins de la discussion, que la commission dans son bureau régional peut siéger tous les jours pendant trois semaines d'un mois et consacrer la quatrième semaine à la période de délibéré - qu'est-ce qui empêcherait que, pendant un mois, le commissaire de la région de Québec vienne siéger dans la région de Trois-Rivières, que celui de Trois-Rivières aille siéger à Rimouski et que celui de Rimouski aille siéger au Saguenay-Lac-Saint-Jean? Qu'est-ce qui empêcherait que ce soit ces commissaires qui soient disponibles à la clientèle plutôt que d'exiger de la clientèle qu'elle se soumette aux exigences et aux règles de l'organisme qui n'y va qu'une fois par trois mois?

Une voix: C'est un remaniement ministériel.

M. Fréchette: Je vous dis, parce que le député de Frontenac a soulevé cet aspect, que ce n'est pas une considération d'ordre politique au sens qu'il l'entend. Est-ce que le gouvernement est préoccupé par des retombées bénéfiques ou maléfiques en termes strictement politiques dans le sens dont on en parle? Je vous dis qu'à cet égard, c'est le genre de considération que je n'ai même pas faite - j'aurais peut-être dû la faire - ayant toujours été convaincu que c'est, encore une fois, à la clientèle que le service est rendu et à personne d'autre.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Étant donné qu'il n'y a plus d'intervenant, nous allons procéder à l'étude du chapitre XI, article par article, et j'appellerais l'article...

Proposition d'ajournement

M. Bisaillon: M. le Président, est-ce que je pourrais faire quelques commentaires au ministre, de même qu'une demande, je pense bien, pour faciliter l'étude article par article? On a eu une longue discussion. D'abord, on a eu l'audition du juge Poirier. A la suite de l'audition du juge Poirier, il y a eu échange de propos entre les membres de la commission parlementaire, des annonces faites par le ministre. Aujourd'hui, on a passé la journée à ressasser le tout, à prendre acte d'un certain nombre de positions que le ministre mettait de l'avant, à lui passer un certain nombre de commentaires là-dessus.

Il me semble que dans l'étude article par article, il y aurait avantage à voir les textes représentant les choix définitifs du ministre pour amorcer la discussion et que ces textes tiennent compte à la fois de ses annonces de ce matin mais aussi des commentaires qu'il a pu entendre dans la journée. Tout à coup qu'on l'aurait touché par quelques commentaires qu'on a passés. Tout à coup qu'il y aurait quelques suggestions qu'on a mises de l'avant qui pouvaient être retenues. Pourquoi le faire par amendement alors que cela pourrait déjà se retrouver dans le texte du ministre? Il me semble qu'il y aurait avantage à ce qu'on ait le portrait nouveau des textes que le ministre entend discuter en commission parlementaire, autrement dit qu'on ait des textes amendés qui nous permettent d'amorcer l'étude article par article sans s'empêtrer dans les amendements, les sous-amendements et les corrections et qu'on ait le portrait complet.

Je pense que cela faciliterait notre fonctionnement. Sinon on va discuter de cela à la miette. On va amorcer l'étude dans le chapitre actuel en se disant: Oui mais on a déjà dit cela; donc, peut-être que cela va se retrouver plus loin sans savoir si, effectivement, cela va se retrouver plus loin. Je pense qu'on aurait un intérêt certain dans le sens d'accélérer aussi les travaux. Une fois que le ministre aura fait ses choix il nous restera à refaire une discussion mais en sachant que c'est son choix. Peut-être qu'on ['ébranlera au moment de la discussion mais on saura que c'est cela la discussion et qu'elle est cernée par cela. Elle est plus générale; elle sera particulière aux textes qui seront devant nous.

Je me demande s'il n'y aurait pas avantage à tout simplement ajourner nos travaux - de toute façon, il nous en resterait pour une demi-heure à peine - jusqu'au moment où le ministre peut nous dire qu'il pourrait nous revenir avec des textes représentant ses choix puis on les discutera article par article, au mérite de chacun.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre.

M. Fréchette: Je n'ai pas du tout de réserve ou d'objection à souscrire à la suggestion que fait le député de Sainte-Marie. Comme lui, je crois de toute évidence que le travail que l'on pourrait faire dans le sens qu'il suggère pourrait sans doute nous faire reprendre le temps qu'autrement on consacrerait à la rédaction d'un certain nombre de textes qui pourraient être réajustés par rapport à ce qu'on a déjà dans la loi et par rapport à ce que l'on a déjà distribué quant au bureau de révision.

À cause de ce phénomène, je vous réitère que je n'ai aucune objection à souscrire à la suggestion du député de Sainte-Marie. Non seulement je vais souscrire à sa suggestion mais s'il arrivait, par exemple, qu'à l'heure normalement prévue pour la reprise de nos travaux demain, cet

exercice auquel je vais m'astreindre avec les juristes et les autres conseillers n'était pas complété, je requerrais à ce moment de la commission la possibilité de reporter peut-être d'une heure ou deux la reprise de nos travaux demain matin, toujours dans le même esprit, toujours dans l'objectif d'arriver à bonifier cette loi pour que, encore une fois, elle soit le meilleur instrument possible pour ceux qui l'utiliseront. Alors je vous réitère que c'est une suggestion avec laquelle je suis tout à fait capable de vivre.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Si c'est le voeu de la commission, M...

M. Cusano: Ma seule préoccupation, connaissant un peu le contenu de certains de ces articles qui ont été déposés, est-ce que le ministre pourrait peut-être être un peu plus ferme, à savoir...

M. Fréchette: Oui, oui, moi, M. le Président...

M. Cusano: Est-ce que cela va être prêt demain matin à 10 heures, 11 heures, midi?

M. Bisaillon: Demain après-midi. Cela vous donne le temps.

M. Fréchette: Demain après-midi et demain soir.

M. Bisaillon: Oui, oui. Mais je veux dire à compter de demain.

M. Fréchette: À compter de 14 heures, demain après-midi, jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures.

Une voix: Oui.

M. Fréchette: Je suis tout à fait d'accord avec le député de Sainte-Marie. On vient de passer un journée de discussions d'ordre général. J'ai, quant à moi, avancé un certain nombre de choses qu'actuellement on ne retrouve pas dans le projet de loi et qu'on ne retrouve pas non plus dans les textes que j'ai déjà distribués. Les députés de Sainte-Marie, de Deux-Montagnes, de Châteauguay, de Beauharnois sont également intervenus avec des appréciations qu'il faut, de toute évidence, évaluer, afin de savoir si on retient ou non les suggestions qui sont faites par l'un ou l'autre des collègues de la commission. C'est clair qu'il faut prendre le temps de faire cette évaluation. S'il y avait d'autres chapitres du projet de loi qui pouvaient être adoptés, on pourrait peut-être faire des bouts de chemin, mais il me semble, rendu où on est là, qu'il faut d'abord disposer de ce chapitre.

Le Président (M. Lévesque, Kamouraska-Témiscouata): Si c'est le consentement de la commission, les travaux sont ajournés à demain, 14 heures.

Des voix: Consentement.

(Fin de la séance à 16 h 26)

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