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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Théorêt): À l'ordre,
s'il vous plaît!
Je vous rappelle que les membres de la commission de l'économie
et du travail sont réunis pour procéder à une consultation
particulière sur le projet de loi 102, Loi sur les terres du domaine
public. Est-ce qu'il y a des changements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Chevrette
(Joliette) est remplacé par M. Perron (Duplessis); M. Fortin
(Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata) et M. Paré (Shefford) est
remplacé par M. Dufour (Jonquière).
Le Président (M. Théorêt): Merci. Je vous
rappelle l'ordre du jour. À 11 heures, ce matin, nous entendrons les
représentants de l'Union des municipalités régionales de
comté et des municipalités locales du Québec; à 15
heures, cet après-midi, le Barreau du Québec, à 16 heures,
la Fédération des producteurs de bois du Québec et,
à 17 heures, l'Association des industries forestières du
Québec.
Avant de demander au premier intervenant de s'approcher... Est-ce que
les gens de l'Union des municipalités sont arrivés Pas encore?
Est-ce que l'on va procéder quand même aux remarques
préliminaires? Je vais donner la parole...
M. Ciaccia: Est-ce que vous voulez attendre quelques instants ou
continuer?
Le Président (M. Théorêt): La
procédure serait la suivante. M. le ministre, vous passeriez aux
remarques préliminaires, et, ensuite, ce serait au tour du critique
officiel.
M. Gauthier (Roberval): De toute façon, je pense que nous
avons une vingtaine de minutes.
Le Président (M. Théorêt): Une vingtaine de
minutes chacun.
M. Gauthier (Roberval): On n'a pas d'indication comme quoi les
gens de l'UMRCQ ne se présenteront pas ce matin?
Le Président (M. Théorêt): Non, absolument
pas. Ils nous ont assurés qu'ils seront ici ce matin, sauf que ce sera
seulement à 11 heures. Ils ont été convoqués pour
11 heures. C'est le groupe de 10 heures, je pense, qui a annulé... Avec
la permission des membres des deux côtés, je cède la parole
au ministre pour ses remarques préliminaires.
Remarques préliminaires M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
souhaiter la bienvenue aux organismes qui viendront, au cours des travaux de
cette commission, nous faire part de leurs commentaires et recommandations sur
le projet de loi 102. Je les remercie à l'avance de la contribution
qu'ils apporteront au processus de l'adoption de la Loi sur les terres du
domaine public.
Je suis particulièrement fier de présenter le premier
texte de loi entièrement et exclusivement consacré aux terres du
domaine public. Nous avons la ferme intention de rationaliser et de moderniser
la gestion de ce patrimoine collectif et l'adoption d'un cadre légal
bien adapté à cette fonction est une composante essentielle de
notre démarche. Nous voulons aussi reconnaître le principe
d'accessibilité aux terres publiques.
Le nouveau texte vient remplacer les articles de l'actuelle Loi sur les
terres et forêts relatifs à l'administration des terres. Cette loi
date de plusieurs décennies et ne peut plus supporter les exiqences
d'une gestion moderne et efficace.
Avant d'aborder l'économie générale du projet de
loi qui vous est soumis, je crois opportun d'attirer l'attention sur
l'importance des terres publiques dans l'essor de l'économie du
Québec. Je voudrais aussi évoquer les principaux
éléments du contexte actuel qui rend nécessaire le
renouveau de l'approche gouvernementale dans ce domaine et vous faire
connaître nos orientations.
Le domaine public, il faut bien le dire, est assez méconnu. Trop
peu de Québécois savent qu'il représente 90 % de notre
territoire. On apprécie mal également son immensité: 1 400
000 kilomètres carrés, soit environ les superficies
réunies de la France, de l'Espagne, du Portuqal, de la Belgique et des
deux Allemagnes ou, si vous le préférez, quatre fois la
superficie totale de l'Italie.
Enfin, c'est sur ce territoire qu'on retrouve la majorité des
ressources qui ont tant contribué au développement de notre
économie et qui continuent à appuyer des secteurs
d'activités dynamiques.
D'une part, les richesses de son sous-sol ont permis
l'établissement d'une industrie minière très importante,
et de nouvelles découvertes s'y font encore régulièrement.
D'autre part, près de 15 % de la superficie du Québec est
recouverte d'eau. Il s'agit d'un immense réservoir d'eau douce unique au
monde, en grande partie localisé sur les terres publiques. Le potentiel
hydroélectrique colossal des différents bassins versants est bien
connu et il a fait l'objet d'aménagements non moins colossaux. Les
possibilités de développement, comme vous le savez, sont
très considérables. La présence de nombreux lacs et cours
d'eau contribue aussi à la forte croissance de l'industrie
récréotouristique dont l'importance économique et sociale
n'est plus à démontrer.
Les terres émergées, quant à elles, comportent une
faune diversifiée, exploitée pour la chasse ou la simple
observation. Environ la moitié de ces terres est recouverte de
forêts commerciales dont l'apport contribue grandement, comme on le sait,
au développement économique de plusieurs de nos
régions.
En somme, il est bien évident que sans l'apport inestimable des
terres du domaine public, la prospérité du Québec ne
serait pas ce qu'elle est présentement.
La gestion de cet immense territoire par l'État s'est longtemps
limitée à favoriser l'exploitation de ses principales ressources
et à céder des droits en conséquence, parfois de
façon anarchique. Le contexte étant maintenant différent,
nous croyons nécessaire d'adopter une approche planifiée et plus
polyvalente.
Tout d'abord, la compétition pour l'occupation ou l'utilisation
des terres publiques se fait plus vive. La mise en valeur des ressources
minières, forestières et hydrauliques, dans l'ensemble, ne cesse
de croître et de s'étendre à de nouvelles zones.
Parallèlement, le réseau de voies d'accès se ramifie et de
plus en plus de citoyens souhaitent profiter de cette accessibilité pour
pratiquer des activités de plein air ou tout simplement jouir des
avantages d'un milieu à l'état naturel. De plus, nombre de
municipalités en voie d'expansion ou désireuses d'implanter de
nouveaux services ont des besoins en espace qu'elles ne peuvent satisfaire
qu'à même le domaine public. Les populations autochtones font
valoir qu'elles ont aussi des droits sur de vastes territoires et que ces
droits devraient être respectés par les autres utilisateurs.
Cette compétition pour l'espace se double d'une
sensibilité accrue du public et des gestionnaires pour la protection du
milieu. Il y a effectivement une prise de conscience de sa fragilité et
de ses limites que l'immensité du territoire nous a
empêchés de percevoir jusqu'à une époque
récente.
Nous avons eu l'occasion de discuter de ces limites en ce qui a trait
à la matière ligneuse au moment de l'adoption de la nouvelle Loi
sur les forêts et les mêmes conclusions s'imposent dans d'autres
secteurs.
Le gouvernement ne saurait donc négliger les aspects de
protection, de conservation et de restauration du milieu. Voudrait-il en faire
abstraction que le public lui rappellerait, par la voie de différents
groupes, ses devoirs à cet égard.
La diversification des intérêts vis-à-vis des terres
publiques a entraîné des changements dans l'appareil
gouvernemental. Plusieurs ministères et organismes, véhiculant
les préoccupations de leurs clientèles, interviennent maintenant
dans la gestion des terres publiques. Chacun agit en fonction des lois,
règlements et politiques spécifiques.
Aujourd'hui, bon nombre de lois importantes s'appliquent dont, entre
autres, celles sur l'aménagement et l'urbanisme, la qualité de
l'environnement, la conservation et la mise en valeur de la faune, les parcs,
les réserves écoloqiques, les mines, les forêts et la
protection du territoire agricole.
C'est donc dans un contexte éminemment plus complexe que s'exerce
maintenant la gestion des terres publiques. Pour que ces terres contribuent
encore davantage aux progrès de notre société, il nous
faut dorénavant systématiser notre approche et nous donner de
meilleurs outils de gestion.
M. le Président, le projet de loi qui est présenté
s'inscrit dans un plan d'action précis. Notre gouvernement entreprend un
travail de fond qui, à maints égards, sera difficile et qui, en
raison de sa nature même, n'aura probablement pas une grande
visibilité.
L'Etat, en tant que propriétaire et gardien des terres publiques,
a une double responsabilité de protection et de mise en valeur. Nous
nous sommes donc donné comme but d'optimiser l'apport de la ressource
territoire dans le développement du Québec, tout en conservant
intact, pour les générations futures, cet actif important.
Un ensemble de conditions doivent être réunies à
cette fin et je crois utile, M. le Président, d'évoquer
brièvement ce que nous entendons faire.
La protection efficace du domaine public passe d'abord par une
amélioration de la connaissance que nous en avons, connaissance en
priorité du stock foncier soit: son étendue, sa composition et sa
valeur; connaissance aussi des populations, des activités, des
potentiels et des ressources
que supporte le territoire.
L'amélioration de la protection nécessite également
une action planifiée de la part des intervenants gouvernementaux afin
d'assurer que chaque utilisateur trouve sa place sur les terres publiques dans
le respect des besoins des autres. L'exploitant forestier, par exemple, sera
soumis à un guide d'utilisation qui balisera ses actions pour assurer
une utilisation polyvalente des territoires où il exerce une
activité. Les autres intervenants auront éventuellement leur
guide d'intervention. Depuis un an maintenant, mon ministère a produit
un plan d'affectation qui a été transmis à chacune des MRC
pour inclusion dans leur schéma d'aménagement.
Enfin, sans un contrôle efficace, les meilleures lois, les normes
les mieux définies et les règlements les plus
sévères demeurent sans effet. Nous ferons en sorte que l'octroi
des droits se fasse conformément au plan d'affectation en vigueur. Nous
préparerons des normes et des critères d'utilisation simple,
cohérents entre eux et nous les ferons connaître le plus
adéquatement possible. En contrepartie, nous sommes
déterminés à agir avec détermination pour en
assurer le repect et éviter des situations inacceptables comme la
prolifération des occupations non autorisées. Dans ce cas, nous
sommes obligés d'entreprendre des procédures coûteuses pour
récupérer, au bénéfice de l'ensemble de la
population, des terrains occupés illégalement et trop souvent,
hélas! par des gens peu soucieux de respecter les lois et
règlements sur la protection de la faune et sur l'environnement.
En ce qui a trait à la mise en valeur des terres publiques, il
est indispensable que des mesures soient prises pour tirer de cette ressource
les biens et services qu'elle peut fournir. Il est donc normal que l'on
procède â des travaux d'aménagement et de mise en valeur.
Le développement de la villégiature, par exemple, est un domaine
où le gouvernement entend lui-même intervenir ou susciter des
interventions privées.
La situation actuelle commande également que nous adoptions une
philosophie de gestion des terres publiques plus conforme aux
réalités économiques et aux pratiques fiscales et
budgétaires d'aujourd'hui.
En premier lieu, nous entendons adopter une approche de gestion afin de
générer des revenus raisonnables susceptibles d'alléger le
fardeau des contribuables. La valeur réelle du sol doit être
récupérée lorsqu'il y a une vente. Également, les
diverses rentes exigées pour la location ou en retour des droits
cédés doivent être établies en fonction du
marché. Rien ne s'oppo3e non plus à la promotion de l'utilisation
des terres publiques quand les bénéfices pour la
collectivité et la compatibilité avec le milieu sont
démontrés.
En outre, le financement des services par les
bénéficiaires eux-mêmes sera de plus en plus
favorisé et cela, dans la poursuite d'objectifs précis et dont
l'atteinte sera dûment contrôlée.
Enfin, le contexte budgétaire étant ce qu'il est, tous les
efforts seront faits afin de conjuguer les ressources humaines et
financières de tous les ministères oeuvrant sur les terres
publiques. Je pense en particulier à renforcer la collaboration entre
mes officiers en région et les aqents de conservation de la faune pour
contrôler les occupations illégales, en même temps que les
infractions à la loi sur la conservation de la faune.
La loi actuelle, je l'ai mentionné, ne correspond plus au
contexte que je vous ai décrit. Elle ne peut non plus supporter
adéquatement la réforme que nous entreprenons. Tout d'abord, la
cohérence du texte est fort discutable, puisque les dispositions ont
été disséminées parmi celles relatives à la
ressource forestière. Nombre d'articles sont désuets, alors que
des aspects essentiels, tels l'affectation ou la constitution d'outils de base,
sont ignorés. Enfin, l'autonomie administrative laissée au
ministre ne correspond pas aux pratiques actuelles et alourdit le processus par
de fréquents recours à la formule du décret.
En conséquence, le besoin d'un cadre légal et
réglementaire pour que soit remplie la mission gouvernementale de
gestion des terres publiques ne fait pas de doute.
M. le Président, certains se sont étonnés de notre
décision de présenter le nouveau texte dans une loi distincte de
celle des forêts. 11 faut bien se rendre à l'évidence que
les objets de ces deux lois sont aujourd'hui très différents.
Alors que la loi 150 traite essentiellement d'une ressource: la
forêt, qu'elle soit d'ailleurs située sur les terres
privées ou publiques, la loi 102 traite d'une mission gouvernementale:
la gestion des terres publiques, qui implique la prise en compte
intégrée d'un éventail très large de ressources,
d'intérêts et de milieux.
J'aimerais maintenant, M. le Président, m'attarder sur
l'économie générale du projet de loi et en faire ressortir
les divers objectifs.
Essentiellement, il s'agit d'établir un cadre de
référence clair pour la connaissance, l'aménagement et
l'utilisation optimale des terres publiques. Ce cadre de
référence créera les conditions favorables à
l'élaboration d'objectifs communs à l'ensemble des intervenants
gouvernementaux, au partage des connaissances, à l'établissement
des mécanismes de solution des conflits d'usage, à la
constitution des grands outils de gestion. Il permettra également la
transmission aux utilisateurs d'une information précise et simple sur
les usages autorisés, les normes à respecter et les
modalités
d'acquisition de droits.
Je tiens à souligner les aspects particulièrement
Importants ou nouveaux de ce cadre que nous désirons mettre en
place.
Il convient tout d'abord de préciser le partage des
responsabilités à l'égard des terres publiques afin de
lever de nombreuses ambiguïtés. Dans le projet de loi 102,
l'autorité générale du ministre de l'Énergie et des
Ressources est affirmée et définie par rapport à celle des
ministres ayant des compétences en vertu d'autres lois ou à qui
il confie l'administration de terres. Les modalités de transfert de
compétence et d'administration sont aussi précisées.
Gérer le domaine public, je l'ai déjà
mentionné, implique de le connaître précisément. Un
répertoire des terres sera donc constitué avec la collaboration
de tous les ministères et organismes concernés. Il identifiera,
localisera et décrira chaque parcelle afin d'en protéger
l'intégrité.
Le registre des droits fonciers et le registre des droits d'exploitation
seront complétés de la même façon afin que les
ministères concernés puissent émettre les droits en toute
sécurité et que les citoyens puissent obtenir l'information au
besoin.
J'ai indiqué au début de cet exposé la
diversité d'intérêts et de valeurs à laquelle est
confronté le gestionnaire des terres publiques dans l'exercice de sa
fonction. Le problème se pose évidemment dans les mêmes
termes aux autres ministères intervenants. Le gouvernement doit donc se
donner le moyen de gérer cette complexité. Le projet de loi
officialise donc le processus d'affectation des terres qui est
déjà coordonné par le ministre de l'Énergie et des
Ressources. Les vocations ainsi définies en concertation seront des
balises précieuses dans l'octroi des droits de tous ordres et une
garantie de la meilleure utilisation du territoire.
L'affectation ne peut, par ailleurs, revêtir un caractère
de permanence absolue. La connaissance des potentiels évolue, se
précise, des modes de cohabitation d'activités se
développent, de telle sorte que les plans devront être
ajustés. Un mécanisme de modification a donc été
prévu. Toujours au chapitre de l'affectation, le projet de loi harmonise
le processus d'affectation des terres publiques incluses dans le territoire des
municipalités régionales de comté et les activités
d'aménagement de ces dernières définies par la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme.
Il est important de souligner à cet égard notre
volonté de respecter l'esprit sinon la lettre des processus de
consultation établis entre le gouvernement, les municipalités
régionales de comté et la population pour l'aménagement du
territoire. Le souci de concertation avec les ministères intervenants
est également manifeste.
Les autres chapitres du projet de loi 102 reprennent essentiellement les
dispositions de la loi actuelle en les simplifiant, en les harmonisant et en
les adaptant à la réalité actuelle. Ainsi, l'octroi des
droits fonciers, que ce soit la vente, la location ou le permis d'occupation,
s'en trouvera accéléré.
En ce qui a trait au contrôle, les conditions d'accès aux
terres publiques seront mieux balisées. Le pouvoir du ministre
responsable relatif au séjour et à l'érection de
bâtiments ou d'ouvrages sera aussi précisé et étendu
aux ministres ayant autorité sur un territoire.
Finalement, l'ensemble des dispositions relatives à la
révocation des droits, aux infractions et sanctions, aux pouvoirs
réglementaires sont reprises dans un langage plus clair et avec une
préoccupation plus grande d'efficacité et
d'équité.
M. le Président, je me permets, en terminant, de
réitérer ma satisfaction de présenter la première
loi sur les terres du domaine public. Il était temps, en effet, de
reconnaître l'importance de cette ressource que plusieurs à
travers le monde nous envient.
Le gouvernement passe donc à l'action et entreprend de renouveler
la gestion des terres publiques afin d'en tirer les meilleurs
bénéfices sans spolier cette richesse collective. Notre approche
est cependant sobre et priviléqie l'efficacité. Nous voulons
d'abord nous doter des outils de base et, pour ce faire, nous optons pour la
consultation, la concertation et l'intégration des moyens.
Le projet de loi que je vous propose aujourd'hui soutiendra donc notre
plan d'action dans le domaine, tout autant qu'il traduit notre vision du
rôle de l'État à l'égard des terres publiques.
Merci, M. le Président. (10 h 30)
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. Je vais maintenant céder la parole au critique officiel et
député de Roberval pour ses remarques préliminaires. Je
vous rappelle, M. le député de Roberval, que tout comme le
ministre, vous disposez de vingt minutes pour le faire.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier (Roberval): Je reconnais bien là, M. le
Président, votre souci d'équité. Je vous remercie.
La vaste réforme du système de gestion de nos forêts
enclenchée en 1984 et terminée en décembre dernier par
l'adoption de la loi 150 a conduit tout naturellement le gouvernement à
moderniser la section "Terres" de la Loi sur les terres et forêts. Le
projet de loi 102 marque la séparation légale d'une juridiction
ministérielle unique
entre le secteur "Terres" , et le secteur "Forêts",
séparation enclenchée en décembre 1984 lorsque le premier
ministre de l'époque, René Lévesque, nomma mon
collègue de Laviolette ministre délégué aux
Forêts. Le partage des responsabilités entre le secteur "Terres"
et le secteur "Forêts" devenait de plus en plus nécessaire depuis
l'entrée en vigueur de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme
et, plus particulièrement, depuis l'amorce de la préparation des
schémas d'aménagement des MRC.
Bien que les forêts occupent la très grande partie, pour ne
pas dire la quasi-totalité, des terres publiques au sud du 52e
parallèle et que 90 % des forêts soient réservées
prioritairement à la production forestière, le gouvernement, face
aux MRC, ne devait pas laisser le ministre responsable des forêts
préparer au nom de tous ses collègues le plan d'affectation des
terres publiques parce que celui-ci, évidemment, se retrouverait dans
une espèce de conflit d'intérêts. Il faut se réjouir
du fait que le ministre profite du dépoussiérage de la Loi sur
les terres du domaine public pour ajouter une section sur le plan d'affectation
des terres publiques qui donne ainsi une assise légale aux objectifs et
aux orientations que le gouvernement et ses ministres poursuivent ou entendent
poursuivre en matière de conservation et de mise en valeur des
ressources et d'utilisation du territoire.
De nombreuses lois sectorielles ayant trait à la qualité
de l'environnement, à la conservation de la faune, aux réserves
écologiques, aux parcs, aux forêts, aux mines, au régime
des eaux, etc., permettent l'établissement d'orientations et d'objectifs
différents et parfois contradictoires. Afin de diminuer les conflits de
juridictions interministérielles et d'uniformiser les modes de gestion
des ressources, il y aurait peut-être lieu d'ajouter un mécanisme
de consultation des intervenants préalable à celui prévu
pour la révision des schémas d'aménagement des MRC ou de
regrouper toutes ces lois sectorielles dans une espèce de code du
domaine public.
Nous voulons bien croire que le Comité ministériel
permanent d'aménagement et de développement régional,
mieux connu sous le sigle de COMPADR, puisse servir à prévenir
les conflits entre ministères, mais l'affectation des terres publiques
est un exercice trop important et trop périlleux pour qu'il puisse
être laissé aux bons soins d'ententes à l'amiable ou de bon
voisinage entre ministres. C'est pourquoi nous suggérons fortement au
gouvernement de lier, par le projet de loi 102, tous ses ministères aux
diverses vocations et appellations des unités territoriales
résultant de l'affectation des terres du domaine public, tel que
défini dans le guide des modalités d'intervention en milieu
forestier.
En conséquence, l'article 17 de la loi devrait être
bonifié afin de préciser les types d'unités territoriales
où la production forestière sera exclue, celles où elle
sera permise et celles où elle sera prioritaire. De telles dispositions
placées sous la responsabilité du ministre de l'Énergie et
des Ressources mettront les règles claires et publiques pour tout le
monde et empêcheront que, par des lois sectorielles ou des
délégations d'autorité à tel ou tel ministre, une
affectation territoriale puisse être tranformée en mode de gestion
d'un territoire ou d'une ressource, ou vice versa.
Le ministre de l'Énergie et des Ressources, en quelque sorte,
doit être la personne responsable, indépendant et
protégé des pressions de ses collègues ministres. C'est un
domaine où le lobby interministériel se fait extrêmement
pressant à certaines occasions.
Le projet de loi 102 ne va pas assez loin et aurait dû, en toute
logique, conduire à la création d'un ministère de
l'aménagement et du développement régional. Nous aurions
souhaité, M. le Président, que cela aille jusque-là. Pour
assurer une harmonisation des politiques gouvernementales en matière
d'aménagement du territoire, il y aurait lieu de regrouper sous une
même autorité ministérielle les fonctions de
préparation du plan d'affectation des terres publiques qui sont
présentement au ministère de l'Energie et des Ressources, les
fonctions d'arrimage du plan d'affectation, avec les schémas
d'aménagement des MRC, présentement sous la responsabilité
du Secrétariat à l'aménagement et à la
centralisation, et les fonctions de coordination des interventions
gouvernementales en régions, présentement sous la
responsabilité du ministre des Transports et du Développement
régional.
Les articles 20 et 71, M. le Président, présentent un bel
exemple d'incohérence du gouvernement face aux MRC. Est-ce l'effet de
l'indifférence que le gouvernement manifeste face aux MRC? Je ne le sais
pas. Mais, de toute manière, nous aurons l'occasion d'entendre l'Union
des municipalités régionales de comté et je pense que les
remarques qu'elle a consignées dans son mémoire sont fort
à propos, non seulement quant à l'ambiguïté mais, je
dirais, quant à certaines anomalies qui nous apparaissent
évidentes à la lecture de la loi.
Alors qu'en juin dernier, le ministre des Affaires municipales a fait
adopter, avec le projet de loi 38, Loi modifiant la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme, des assouplissements excessifs à la
procédure d'adoption du schéma d'aménagement des MRC,
entre autres une prolongation du délai imparti à une MRC pour
modifier son schéma avec une possibilité pour le ministre, au
cours de cette prolongation, de modifier son avis - une sorte de partie de
ping-ponq,
en quelque sorte, entre le ministre et les MRC - le ministre de
l'Énergie et des Ressources, pour sa part, propose aux articles 20 et 71
un durcissement qui nous apparaît inadmissible. Le gouvernement pourrait
alors modifier, par exemple, unilatéralement et sans aucune
consultation, le schéma d'une MRC, sans obtenir son accord, alors que la
Loi sur l'aménagement et l'urbanisme prévoit déjà
un pouvoir de désaveu par le Conseil des ministres.
À notre avis, le gouvernement n'a pas de vision globale face au
développement des MRC et il est au moins souhaitable qu'il profite des
nouveaux pouvoirs dont il se dotera avec le projet de loi 102 pour informer les
municipalités et les municipalités régionales de
comté sur toutes les inscriptions au terrier, sur toutes les terres pour
lesquelles il a transféré son autorité à un autre
ministère via le registre des ressources et sur toutes les transactions:
achat, vente, lettres patentes, bail, permis d'occupation et autres droits
d'occupation concédés.
Outre ce volet sur l'affectation des terres, M. le Président,
l'essence de ce projet de loi rajeunit et épure la partie "Terres" de la
Loi sur les terres et forêts. Mais, à vouloir trop évacuer
et ne garder que des principes généraux, le législateur
ouvre la porte, croyons-nous, à beaucoup d'interprétations.
Ainsi, il y aurait peut-être lieu de délimiter les domaines
soumis à la juridiction du ministre à l'article 5, de
définir les types de permis d'occupation à l'article 22 et de
déterminer, aux articles 6 à 10, les transferts d'autorité
sur une terre à un autre ministre, par un décret et non par
arrêté afin d'établir des règles précises et
d'éviter que chaque arrêté ministériel permette au
ministre d'exercer un pouvoir discrétionnaire; l'uniformité, dans
le fond, des conditions d'accès au territoire, entretien des chemins,
responsabilité par rapport aux autres ressources, etc.
À notre avis, il faudrait gratter ce point au fur et à
mesure que nous avancerons dans l'étude de ce projet de loi. Je pense
que le ministre se rendra compte qu'il a avantage à modifier en quelque
sorte son projet de loi. Il faut espérer que le ministre se servira des
pouvoirs que lui conférera l'article 6 du projet de loi 102 pour
accélérer le processus de rétrocession des terres
publiques enclavées ou avoisinant la forêt privée, que ce
soient des terres appartenant au ministère de l'énergie et des
Ressources, au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation ou autre, et qu'il permette le retour des terres en friche de
catégorie NI, entre autres, à la production forestière
là où le bon sens le commande.
Mais la lecture de l'article 32 du projet de loi 102, M. le
Président, ne nous permet pas de déceler une telle volonté
politique, puisque l'on y indique que, si l'usaqe qui est fait d'une terre
cédée n'est pas celui précisé dans les lettres
patentes, c'est le titulaire qui doit en informer le ministre et lui
rétrocéder cette terre. Si le ministre de l'Énergie et des
Ressources veut devenir un véritable arbitre des batailles
interministérielles et non continuer à n'être qu'une
espèce de cour de triage, il doit se donner le pouvoir d'entreprendre la
rétrocession d'une terre publique dès qu'il s'aperçoit que
son usage n'est pas conforme aux lettres patentes.
La villégiature privée sur les terres publiques, en 1978,
avec l'abolition des clubs privés de chasse et de pêche, est une
bonne politique en soi, mais elle peut conduire à des abus. J'ai
déjà souligné au ministre, lors de l'étude des
crédits du secteur "Terres", certains aspects de ce problème. Les
entrepreneurs forestiers, par exemple, utilisent des chemins privés ou
encore des chemins publics entretenus par des villégiateurs ou des ZEC
pour aller récolter et transporter du bois.
Je pense, M. le Président, qu'établir un mécanisme
de consultation préalable et un moyen de faire payer une partie de
l'entretien de ces chemins serait une excellente chose. Je soupçonne le
ministre d'avoir, à ce sujet, certains projets.
Le projet de loi 102 constitue un terrier dans lequel seront
enregistrés les divers titres concernant les terres cadastrées ou
non et un registre des droits d'exploitation des ressources où seront
inscrits tous les droits d'exploitation des ressources consentis sur une terre
à l'exception des droits consentis en vertu de la Loi sur les mines.
La nouvelle Loi sur les forêts prévoit qu'un registre
public sera constitué pour les contrats d'approvisionnement et
d'aménagement forestiers. Il y aurait donc lieu d'exempter aussi les
droits consentis en vertu de la Loi sur les forêts afin de ne pas faire
de duplication.
Il nous semble - on aura l'occasion de le démontrer - qu'il y a
là une certaine anomalie par rapport au traitement des deux lois.
Tout comme pour la Loi sur les forêts, il y aurait lieu que le
registre des droits d'exploitation des ressources comporte l'obligation, pour
le ministre, de publier un avis à la Gazette officielle indiquant le
numéro d'enregistrement, le nom. du bénéficiaire et les
principales données d'identification de la ressource visée. Tous
les intéressés seront ainsi avisés.
En terminant, je vais aborder brièvement un dossier
déjà discuté lors de l'étude du projet de loi 150
sur les forêts. L'article 58 permet au ministre d'indemniser tout
détenteur de titres d'occupation pour le
préjudice qu'il subit advenant que l'intérêt public
exige la révocation de son permis d'occupation. Autrement dit, si le
ministre décide de créer un parc ou une réserve
écologique ou encore un corridor hydroélectrique - je sais que
cela tient particulièrement à coeur au ministre - sur un
territoire public - la plupart du temps, c'est évidemment un territoire
forestier - il devra indemniser les détenteurs du titre d'occupation
qui, pour la plupart, sont des détenteurs de contrats
d'approvisionnement forestier, ou encore des réserves
amérindiennes. Lors de l'étude du projet de Loi sur les
Forêts, le ministre délégué aux Forêts a tenu
une position analoque, et ce, à rencontre du livre blanc, Bâtir
une forêt pour l'avenir, du gouvernement précédent qui,
en tant que gestionnaire soucieux de la protection des terres publiques avait
proposé une certaine flexibilité, soit de se garder le pouvoir,
en quelque sorte, de retrancher sans compensation territoriale ou
financière, une proportion de territoire accordé
inférieure à 5 %, à moins que le
bénéficiaire n'y ait effectué des travaux
d'aménagement. Il y aurait alors compensation. Inflexible, malgré
que l'industrie forestière proposait elle-même de céder
jusqu'à 1 % du territoire, le ministre délégué aux
Forêts, harcelé par mon collègue de Duplessis sur l'impact
d'une telle proposition gouvernementale sur les futurs couloirs
hydroélectriques, par exemple, a déclaré, le 12
décembre dernier: On devrait prévoir les corridors, les futurs
lignes électriques de transmission. On devrait se garder, si possible,
des aires forestières équivalentes pour compenser.
Le ministre de l'Énergie et des Ressources devrait profiter de
l'étude du projet de loi 102 sur les terres du domaine public pour
réfléchir à la question. Le gouvernement doit-il se lier
de façon telle que ces terres du domaine public soient tellement
privatisées qu'il doive un jour compenser une entreprise privée
avec des fonds publics pour un service public? En quelque sorte, nous pensons
que le ministre devrait réfléchir à cette question. Il
nous apparaît que cette flexibilité qui a été
réclamée au moment où on a fait la Loi sur les
forêts, la loi 150, devrait être prise en compte par le ministre de
l'Énergie et des Ressources qui, on le sait, est le ministre de tutelle
de tout ce secteur. Nous espérons, d'ici à la fin de la
commission parlementaire, non pas seulement au moment des auditions, mais au
moment où nous aurons à travailler sur le projet de loi, que le
ministre tiendra compte de ces quelques remarques. Je vous remercie, M. le
Président. (10 h 45)
Le Président (M. Thêorêt): Merci, M. le
député de Roberval. Étant donné que l'on dispose
encore d'environ quinze minutes avant l'audition des premiers intervenants,
est-ce qu'il y aurait d'autres députés qui voudraient intervenir
ou faire des remarques préliminaires? Est-ce que, M. le ministre, vous
avez des commentaires à faire? Oh pardon! M. le député de
Jonquière.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Je vous remercie, M. le Président. Je veux
profiter un peu du temps imparti qu'il nous reste pour attaquer un sujet qui me
semble d'une importance capitale, concernant les MRC. J'ai lu avec
intérêt la prise de position de l'UMRCQ, l'Union des
municipalités régionales de comté, concernant le projet de
loi 102. À mon sens, l'UMRCQ fait preuve de lucidité
considérant l'importance de ce projet de loi et aussi les accrocs que ce
projet de loi est susceptible de créer aux plans d'aménagement
des territoires des MRC.
Il faut se rappeler que, lorsque les municipalités
régionales de comté ont été mises sur pied, il y
avait à ce moment une volonté politique très forte
d'aménager le territoire parce qu'on se rendait compte que les
territoires étaient spoliés, détruits ou
aménagés d'une façon telle qu'on faisait des torts
irréparables à l'ensemble du territoire du Québec.
Avec l'aménagement du territoire, on a réussi à se
donner un certain nombre de balises pour le contrôler, des balises qui
ont coûté particulièrement cher parce que les plans
d'aménagement ont coûté très cher au gouvernement.
Ces plans ont été faits aussi avec l'apport des
municipalités régionales de comté. Beaucoup d'efforts ont
été faits pour se trouver des vocations et aussi trouver de
quelle façon on devrait mieux aménager le territoire.
Par ce projet de loi qui est devant nous, le ministre semble, à
l'article 120, s'approprier un certain pouvoir. Lorsque la loi 125 a
été mise sur pied, les ministères n'avaient pas vu tous
les dangers ou les obligations que cela pouvait créer à l'avenir.
C'est évident que ces obligations, c'est embarrassant pour
différents ministères. Qu'on parle de développement de
forêts, qu'on parle de développement de ressources ou de
recherche, cela liait tous les ministères et leurs mandataires par
rapport à la MRC, parce que la MRC est obligée de se plier
à un certain nombre de conditions pour adopter son schéma
d'aménagement. Elle est obligée de le soumettre. Les
ministères sont obligés de donner des indications sur le
développement, sur ce qui se fera dans l'avenir, et c'est soumis
à la consultation publique.
Donc, il y a un certain nombre d'éléments qui font que ces
plans d'aménagement de territoires ne viennent pas seulement de la
volonté des élus, mais viennent aussi de la volonté de la
population, et en même temps
d'une volonté gouvernementale qui fait que tout le monde est
plié ou est obligé d'aller dans le schéma
d'aménagement de territoire.
Si, à l'avenir, et on le souligne, mon collègue de
Roberval le souligne dans son mémoire... Lorsque la loi 38 a
été étudiée article par article, j'ai eu l'occasion
de signaler au ministre des Affaires municipales un certain laxisme qui se
créait puisqu'on permettait de prolonger des périodes de
consultation. Cela commençait à nous montrer, c'est ce que
j'avais dit à ce moment, une volonté politique moins grande de
faire accepter...
Dès qu'on commence à se donner des élastiques pour
étirer des choses, cela veut dire qu'on leur attache une importance
très grande ou pas du tout. C'est une façon de détruire ou
d'enlever tout ce qui était bénéfique dans ces projets de
loi d'aménagement du territoire.
Donc, par ce projet de loi, on vient dire que le ministre de
l'Énergie et des Ressources pourrait créer d'autres obligations
aux MRC même sans leur accord. J'inviterais le ministre à
réfléchir très fortement au même titre que l'Union
des municipalités régionales de comté pour connaître
tout le travail que les MRC ont accompli, tout le sérieux qu'elles ont
mis pour étudier ou pour examiner les schémas
d'aménagement. II ne faudrait pas que, après toutes ces
démarches qui ont été faites, on puisse remettre en cause,
seulement par la volonté d'un ministère, ce qui a
été accompli et ce qui a été mis en marche avec
l'aide, non seulement des élus, comme je le disais tout à
l'heure, mais aussi avec l'aide de professionnels.
Donc, le ministre devrait se plier de bonne grâce, à mon
sens, à cette demande qui ne me semble pas exagérée de la
part de l'Union des municipalités régionales de comté.
Lorsqu'on veut créer ou changer ces mécanismes, il y a d'autres
possibilités, d'autres hypothèses. Il n'y a pas seulement ce qui
est prévu dans le projet de loi 102. Il y a une demande - et cela est
prévu dans la loi 125 - les ministères concernés peuvent
faire une demande directement à la MRC et si la MRC ne veut pas s'y
plier, il y a moyen aussi d'avoir des arrêtés en conseil. Le
meilleur exemple, c'est ce qui s'est passé à Mirabel. Donc, dans
une situation où cela pourrait empêcher le développement,
où ce serait un caprice ou seulement une prise de position d'une MRC par
rapport au ministère pour faire une épreuve de force, à ce
moment, quel que soit le ministère, les ministères pourraient
intervenir pour faire changer ces schémas d'aménagement. Donc,
s'il y a des mécanismes qui sont déjà en place, des
mécanismes qui ont été acceptés lors de l'adoption
de la loi 125... On vient d'accepter les schémas d'aménagement.
C'est très fragile puisqu'ils viennent d'être acceptés par
l'ensemble et ils ont été mis en place dans la plupart des
municipalités régionales de comté. À mon point de
vue, on devrait d'abord traiter l'aménagement du territoire avec
beaucoup de parcimonie, dans le sens qu'on devrait hésiter à
remettre en cause ces schémas d'aménaqement parce que cela
pourrait démotiver les gens qui ont donné tant d'efforts pour
préparer ces schémas d'aménagement. Je me fais
l'interprète de ma formation et je veux renchérir ce que le
député de Roberval, le porte-parole officiel de l'Opposition, a
dit concernant la mise en place ou le respect des schémas
d'aménagement du territoire. Je veux également renforcer la
position des municipalités régionales de comté qui, tout
à l'heure, mieux que moi sûrement, défendront leur dossier.
Pour avoir été l'un de ceux qui, au début, a cru et
continue à croire que les MRC ont une fonction importante à faire
sur l'ensemble du territoire du Québec, une fonction que l'ensemble des
ministères ont intérêt à privilégier et aussi
à protéger, à mon avis, il faudrait que la loi 102 qui
traite du domaine des terres publiques soit aussi parcimonieuse de l'autonomie
des municipalités tout en reconnaissant que, lorsqu'il y va du
développement du Québec comme tel au point de vue des ressources,
il y a d'autres mécanismes qui font que les ministères ou le
ministre pourront intervenir sur le territoire dans certaines occasions. Cela
me semble important. Cela renforce l'autonomie municipale, cela permet à
des intervenants qui se sont fortement impliqués dans ce
développement de territoire d'être reconnus et, en même
temps, c'est faire preuve d'un réalisme puisque, aujourd'hui, de plus en
plus, il faut reconnaître que le développement du territoire et
l'aménagement du territoire ne dépendent pas d'une seule
autorité mais de plus en plus dépendront de l'ensemble des
citoyens du Québec. Je vous remercie.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Jonquière. M. le ministre de l'Énergie et
des Ressources.
M. John Ciaccia (réplique)
M- Ciaccia: M. le Président, premièrement, en ce
qui concerne les remarques du député de Roberval et les
suggestions qu'il a faites, nous allons prendre en considération
certaines de ses recommandations et nous allons les étudier. Si c'est
possible de bonifier le projet de loi, nous serons certainement heureux de le
faire. Je crois que ce sera à l'occasion de l'étude article par
article du projet de loi que nous pourrons étudier cela et apporter ces
changements. Je peux assurer le député de Roberval que nous
sommes réceptifs aux suggestions s'il y a certains problèmes qui
ne
sont pas résolus, et que nous sommes disposer à
améliorer le projet de loi.
En ce qui concerne le point précis sur les MRC que le
député de Roberval et le député de Jonquière
ont mentionné, je pense qu'il ne faudrait pas exagérer la
portée de la loi 102. Il ne faudrait pas partir en peur. Le projet de
loi 125 prévoit déjà une modification au schéma
d'aménagement par décret du gouvernement. Mais le projet de loi
125 ne prévoyait pas un mécanisme pour une modification; c'est
cela que la loi 102... On doit admettre que, si le gouvernement est
propriétaire de 90 % du territoire du Québec, il est normal qu'il
ait certains objectifs sur ce territoire et qu'il fasse savoir si ces
objectifs...
Il l'a déjà fait; il y a déjà eu des
consultations auprès des MRC, au sujet de grandes orientations. Si je
comprends bien, le schéma d'aménagement est pour une durée
de cinq ans. Mais le projet de loi 125 ne prévoyait peut-être pas
cet aspect d'une modification au plan d'affectation que pourrait avoir le
gouvernement ou le ministère en ce qui concerne les terres publiques.
Nous n'allons pas imposer aux MRC... On ne leur dit pas: Écoutez, le
ministère a décidé que, à la suite du plan
d'affectation, il y a une modification à votre schéma
d'aménagement, unilatéralement et sans consultation. Ce n'est pas
ce que fait le projet de loi 102. Le projet de loi 102 prévoit - et je
pense que c'est tout à fait normal - que, le gouvernement - et
même si c'est admis, je vais attendre de préciser un peu plus
quand le premier mémoire sera présenté - peut gérer
ces terres et peut procéder à certaines orientations ou certains
changements.
Alors, on prévoit une modification et on doit aviser les MRC. La
consultation qu'il y a dans la loi 125 continue aussi dans la loi 102; les
délais seront peut-être raccourcis, c'est vrai; peut-être
qu'on donne aux MRC les mêmes délais que nous avons - il y a 90
jours dans la loi 125 - mais cela n'empêche pas la MRC de consulter. Cela
ne sera pas imposé. S'il y a un changement ou une différence
d'opinions entre le plan d'affectation et le schéma
d'aménagement, ce n'est pas le ministre de l'Énergie et des
Ressources qui va dire: C'est mon plan qui prévaut, et votre
schéma d'aménagement doit être modifié en
conséquence. C'est le gouvernement qui va décider. Alors, le
même principe de la décision gouvernementale contenu dans la loi
sur l'aménagement, aux articles 29 et suivants - il peut y avoir une
modification par décret - va s'appliquer dans le projet de loi 102.
C'est une décision qui doit être entérinée par le
gouvernement. Je ne pense pas que les grands principes sont vraiment
modifiés de façon à causer une perturbation ou tellement
d'inquiétude. Je peux vous assurer que ce n'est pas l'intention du
ministère de l'Énergie et des Ressources d'aller voir,
systématiquement, chaque MRC et de leur diret Écoutez, sur les
terres publiques, on va changer votre schéma d'aménagement sans
aucune raison, seulement pour le plaisir de le faire parce qu'on a d'autres
idées en vue. Cela se fera parce qu'il y aura une raison valable, si le
plan d'affectation doit comporter certaines modifications.
Je dois faire remarquer au député de Jonquière que
l'article 149 est très limitatif, parce que je sais qu'on fait
référence à l'article 149 qui concerne l'intervention
gouvernementale. Mais l'intervention gouvernementale dans l'article 149 est
limitée; c'est l'implantation d'un équipement ou d'une
infrastructure, la réalisation de travaux, l'utilisation d'un immeuble.
Le ministre doit d'abord adresser un avis. Alors, c'est limité. (11
heures)
Ce n'est pas du tout le fait que le plan d'affectation et les
modifications régionales peuvent aller au-delà de cela. Alors, le
ministre des Affaires municipales va soumettre cela aux MRC. Les MRC vont avoir
90 jours pour faire la consultation. Il va y avoir des discussions. Ces gens
vont se parler: le ministre de l'Énergie et des Ressources, les
fonctionnaires de ce ministère et les MRC. On est conscient du fait que
c'est un organisme d'élus et qu'on ne peut pas juste, aller à
gros sabots et ne pas s'occuper du tout du voeu ou de la volonté des
MRC.
Si on ne peut pas s'entendre, là, c'est le gouvernement qui va
prendre la décision finale et il va falloir que ce soit pour des raisons
valables. Ce n'est pas la décision... Je sais qu'il y avait une version
du projet de loi à la suite de représentations que nous avions
eues dans certains milieux, que ce soit le ministre de l'Énergie et des
Ressources qui prenne la décision qui pouvait imposer le plan
d'affectation qui modifiait le schéma.
Mais ce n'est pas cela qu'on dit dans le projet de loi qui a
été déposé à l'Assemblée nationale;
c'est le gouvernement. Alors, je pense que c'est vrai qu'on apporte quelque
chose qui n'était pas dans la loi 125. Mais, comme pour toute loi, avec
la loi 125, c'était la première fois qu'on
légiférait dans ce domaine. Ce n'est pas la première fois
qu'on oublie certaines choses, parce qu'on ne peut pas toujours penser à
tout pour l'avenir, dans un projet de loi, et à toutes les situations.
On n'a pas prévu une modification qui pourrait être
apportée sur les terres publiques. C'est cela qu'on fait dans le projet
de loi 102. On prévoit une modification.
En tout cas, on pourra en discuter plus longuement. Mais je voulais
juste donner la raison de ces changements que nous apportons par le projet de
loi 102,
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. J'invite maintenant les représentants de l'Union des
municipalités régionales de comté et des
municipalités locales du Québec à s'avancer, s'il vous
plaît. Veuillez prendre place.
M. Roger Nicolet est le président. Monsieur, j'aimerais vous
rappeler, avant que vous présentiez vos collègues qui vous
accompagnent... H n'est pas là?
Une voix: Allez-y et je vais répondre à
votre...
Le Président (M. Théorêt): Avant que vous
fassiez les présentations, je vous rappelle que vous avez vingt minutes
pour présenter votre mémoire et que chaque formation a vingt
minutes après pour dialoguer avec vous sur ce mémoire. Si vous
voulez bien vous identifier, s'il vous plaît.
Auditions
M. Fernet (Michel): Je vous présente, à mon
extrême gauche, Richard Darveau qui est de l'UMRCO et Me Paul
Bégin qui est notre représentant de l'entreprise privée,
du bureau Pothier et Bégin. Moi-même, je suis Michel Fernet de
l'UMRCQ. Je voudrais simplement, M. le Président, vous souligner que
Roger Nicolet a eu quelques délais avant de se rendre ici et que nous
allons probablement inverser la procédure et donner d'abord la parole
à Me Bégin qui va vous présenter l'argumentation de base
que nous voulons vous faire connaître. Dans les minutes qui vont suivre -
on l'espère - M. Nicolet arrivera pour conclure après cette
présentation, si cela vous va.
Le Président (M. Théorêt): Parfait, monsieur.
Je cède la parole à Me Bégin.
Union des municipalités
régionales
de comté et des municipalités locales du
Québec Inc. (UMRCQ)
M. Bégin (Paul): Bonjour messieurs, madame. Le
mémoire que nous avons préparé concerne seulement les
articles qui ont trait à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme,
dont les articles 17 à 20, de même que les articles 68 et 71 de la
loi qui sont des dispositions transitoires ou qui adaptent la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme comme telle.
Le projet de loi, dans son ensemble, concerne beaucoup plus le
ministère de l'Énergie et des Ressources lui-même comme
également les relations entre les différents ministères
gouvernementaux relativement aux terres publiques. C'est pourquoi on ne
touchera pas à cela. C'est une dimension qui ne concerne pas l'union.
C'est le gouvernement qui se donne des moyens de fonctionnement. Je pense qu'il
lui revient de le faire de la manière qui lui convient.
Cependant, en ce qui concerne les relations entre les MRC et les
municipalités locales, le projet de loi a quand même des effets
très importants pour les terres du domaine public. Comme vous le savez,
une grande partie du territoire des MRC est composée de terres
publiques, qui appartiennent au gouvernement. Dans la loi 125 qui a
été adoptée il y a plusieurs années, on a voulu
faire en sorte que le gouvernement et les MRC s'associent dans un processus
d'élaboration de l'aménagement de l'ensemble du territoire
québécois. Les MRC se sont vu confier la responsabilité
première et, en association avec le gouvernement, elles devaient faire
un schéma pour l'ensemble du Québec, avec un assemblage d'environ
95 petits plans locaux, dans chaque MRC, la somme de tout cela faisant
l'ensemble des schémas.
La Loi sur les terres du domaine public vise, d'après nous,
à introduire une mécanique additionnelle à celle qui
était prévue dans la loi 125. Alors que la loi 125
prévoyait que les modifications au schéma étaient
amorcées par les MRC, le gouvernement n'avait pas la possibilité
légale d'amorcer une telle modification, si les besoins s'en faisaient
sentir. Dans les documents préparés par le gouvernement en vue de
l'adoption de la Loi sur les terres du domaine public ainsi que de la Loi sur
les forêts, on décrit qu'effectivement le gouvernement voudrait
avoir la possibilité d'ouvrir un schéma et de le modifier compte
tenu de ce qui se passe dans le temps. Une politique ne doit pas être
statique, mais elle doit évoluer pour tenir compte des circonstances. On
constate que le but de cette loi est justement de permettre au gouvernement
d'intervenir.
Cependant, si l'on regarde la loi comme telle et l'idée qu'il y a
derrière, je pense qu'il y a peut-être, à certains
endroits, des inexactitudes ou encore un manque. Il faudrait faire une
correction de tir.
Actuellement, le schéma est adopté et en voie
d'élaboration, dans la plupart des cas. On est dans la période
entre l'adoption par les MRC et les 90 jours qui suivent pour que le
gouvernement fasse ses représentations et, éventuellement,
l'adoption. Dans le cadre de l'élaboration des schémas,
même si dans la loi rien n'était prévu à cet effet,
le ministère de l'Énergie et des Ressources, au nom du
gouvernement a transmis aux municipalités ce que l'on retrouve dans la
Loi sur les terres du domaine public, c'est-à-dire des plans
d'affectation. Ils ne portaient pas ce titre, mais, dans les faits,
c'étaient les plans d'affectation. Donc, pour une grande partie, ils ont
été introduits à l'intérieur même des
schémas actuels, sans qu'ils portent le titre
de plans d'affectation. C'est d'ailleurs ce que l'on retrouve dans le
document Table Québec-municipalités où l'on dit que
l'on a transmis aux MRC ces plans d'affectation dans la mesure du possible,
mais que pour ceux dont cela n'était pas fait, on le ferait un peu plus
tard.
Ces plans d'affectation visent à permettre au gouvernement de
modifier, en quelque sorte, le schéma d'aménagement une fois
qu'il est là. Je dis bien "en quelque sorte", parce que le mot à
mot n'est pas en ce sens. Ce que l'on vise, c'est de l'introduire dans le
schéma d'aménagement. Le gouvernement se donne, par les articles
19 et 20, le pouvoir modifier une affectation qu'il a déjà
déterminée et transmise à la MRC, qui l'a introduite dans
son schéma d'aménagement. Donc, le plan d'affectation est une
possibilité de changement d'orientation, pour reprendre des mots qui
sont déjà dans le schéma.
La mécanique qui est décrite aux articles 19 et 20, et
dans les textes suivants permet justement au gouvernement, s'il veut changer
les affectations - prenons un cas simple - d'une terre, de transmettre à
la MRC, en vertu de l'article 20, une demande de modification. Au bout du
délai de 90 jours, quelle que soit la réponse ou même
l'absence de réponse d'une MRC, le gouvernement peut adopter ce nouveau
plan d'affectation et, par le fait même, le plan est modifié.
Ensuite, par le biais de l'article 72, qui introduit l'article 48.1 dans la Loi
sur l'aménagement et l'urbanisme, s'il y a une discordance entre les
nouvelles affectations que le gouvernement a données à cette
terre publique, le ministre peut exiger de la MRC qu'elle modifie son
schéma d'aménagement en conformité avec les nouvelles
affectations, ce qui revient à dire que par un changement d'affectation,
le gouvernement obligera la MRC à modifier son schéma
d'aménagement et, en quelque sorte, à arriver au résultat
que je mentionnais au départ, c'est-à-dire susciter, mais par le
biais d'un plan d'affectation, une modification du schéma, ce qui
entraîne donc, pour les MRC, l'obligation de modifier leur schéma.
Mais également, comme le schéma est le grand guide pour chacune
des municipalités qui se trouvent à l'intérieur de la MRC,
cela obligera la modification du plan d'urbanisme pour les municipalités
qui en ont un, c'est-à-dire le pendant du schéma
d'aménagement et, pour les municipalités qui n'en ont pas, la
modification du règlement de zonage, construction et lotissement, selon
le cas.
Donc, on introduit cette mécanique. L'union souligne que, si le
gouvernement veut, en cours de route, modifier ses affectations ou ses
orientations, je pense, que personne ne peut être contre cela. Ce n'est
pas un bloc de béton qui a été adopté en 1987 et ce
n'est pas une statue qu'on ne peut toucher. Je pense que la vie nous a appris,
à tous et à toutes, qu'il y a des modifications dans le temps et
qu'il faut être en mesure d'harmoniser les objectifs qu'un gouvernement
peut avoir avec un plan qui est là. Mais, l'union mentionne que,
lorsqu'on a introduit et lorsqu'on veut introduire un plan d'affectation ou
l'équivalent actuel dans le schéma d'aménagement, on doit,
en vertu de l'article 16 et des articles qui suivent, le transmettre à
la MRC, laquelle l'incorpore ou non dans son processus de schéma. La
municipalité doit consulter les municipalités locales à
l'intérieur du territoire de la MRC qui doit également consulter
la population locale. De telle sorte que, quand arrive l'adoption du
schéma, les orientations ou les affectations que le gouvernement veut
introduire sont soumises à un bon brassage dans le milieu directement en
cause, puisque ces terres sont situées chez lui.
Il y a une consultation de la MRC, une consultation des
municipalités locales et une consultation de la population locale. En
fin de compte, on peut envisager deux hypothèses. La MRC ne retient pas,
par exemple, ce que le gouvernement lui a recommandé, et, à ce
moment, intervient le processus des articles 26, 27, 28 et 29 de la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme, et le gouvernement peut, par
décret, dire: Vous n'avez pas voulu introduire ce que je juge être
une grande orientation ou une affectation importante. Nous considérons
que, pour le Québec, c'est nécessaire, alors, un décret de
telle sorte que le schéma est modifié en conséquence.
Par le biais du plan d'affectation, on n'a plus la même chose. On
envoie à la MRC un avis de 90 jours. À la limite - et je ne pense
pas que c'était l'intention, mais les textes sont formulés comme
cela et on doit les prendre tels qu'ils sont - le gouvernement n'a même
pas à s'occuper de ce que la MRC va dire ou penser, car, au bout des 90
jours, il peut automatiquement adopter son plan, et il n'y a plus, à ce
moment-là, de consultation des MRC, comme prévu dans la loi, ni
de consultation de la population non plus.
C'est en somme, je crois, ce que l'on voulait faire avec la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme, c'est-à-dire que le gouvernement et
les MRC vont mettre ensemble leurs idées, ils vont les brasser et,
finalement, il y aura quand même un maître, si vous me permettez
cette expression, soit le gouvernement. Alors, il y a négociations,
discussions ou mélange dans le milieu et, en fin de compte, si,
malgré tout cela, on n'a pas donné la marchandise que le
gouvernement voulait avoir, le gouvernement peut toujours l'imposer. C'est dans
le cadre de l'élaboration du schéma.
Vous savez que, dans le domaine du droit municipal, on dit qu'une
corporation municipale, qu'elle soit de ville, de village ou une
communauté urbaine, qui a dû, pour adopter une procédure,
recevoir l'approbation de ses électeurs propriétaires,
l'approbation du ministre des Affaires municipales et, dans !e temps, de la
Commission municipale, ne peut modifier cette procédure légale
autrement qu'en suivant de nouveau le même processus de consultation de
sa population, son approbation, l'approbation du ministre, etc. Si on fait un
parallèle avec ce que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme
prévoit actuellement pour l'introduction, dans le schéma
d'aménagement, des volontés gouvernementales et ce qui
existerait, si le projet de loi que vous avez devant vous était
adopté tel quel, c'est que, dans un premier temps, pour introduire la
volonté gouvernementale, il y aurait consultation de la MRC,
consultation des municipalités locales et consultation de la population,
alors que, maintenant, on aurait transmission d'une demande à la MRC, 90
jours, et voilà. (11 h 15)
On peut me rétorquer, évidemment, que rien n'empêche
la MRC de convoquer les municipalités et la population. Mais c'est
différent de pouvoir le faire et d'avoir une mécanique qui nous
oblige à le faire qui permet de dire: On a consulté, on a une
représentativité, c'est une mécanique prévue par la
loi.
Par exemple, si on faisait une modification dans un shéma
d'aménagement particulier concernant certaines terres publiques et que
la mécanique était prévue d'avoir les municipalités
et la population, on peut envisager que les représentants du
ministère concerné seraient appelés à aller
à cette assemblée publique pour, en quelque sorte, justifier,
expliquer la raison pour laquelle, alors qu'on avait prévu d'aller
à gauche, on s'en va maintenant au centre ou à droite. En ce
faisant, la population locale, les municipalités et la MRC auraient
l'avantage de comprendre pourquoi on veut le faire et, fort probablement, si
les arguments sont convaincants, d'adhérer à ce que le
gouvernement propose à ce moment.
Alors que si on ne fait pas cette consultation, si la MRC donne un avis
comme cela, on pourra dire: Vous avez été consultés, mais
il restera toujours dans le milieu une confrontation entre la nouvelle
volonté gouvernementale et la population locale qui n'aura
peut-être pas compris. Je pense que même pour le gouvernement, il
serait avantageux que cette mécanique soit prévue. C'est ce sur
quoi, fondamentalement, l'UMRCQ en a, parce que la loi est tronquée par
rapport à ce qu'elle était initialement.
Une deuxième point que nous faisons ressortir, c'est qu'à
compter du moment où le gouvernement peut changer en cours de route un
plan d'affectation, par la mécanique que j'ai décrite, sans
consultation, on peut... Si vous me permettez, je vais revenir. On a dans la
loi actuelle l'article 149 qui prévoit que lorsqu'un ministère ou
le gouvernement veut faire une intervention sur le territoire, il doit donner
un avis à la municipalité régionale pour savoir si
l'intervention projetée est en conformité avec le schéma
d'aménagement: ses grandes orientations, ses affectations, etc. Une
affectation, c'est une idée, mais cela a toujours une
conséquence, c'est-à-dire qu'il va y avoir une intervention qui
va être en rapport avec cette affectation ou cette orientation.
Avec la loi actuelle, imaginons une hypothèse qu'on a une
affectation qui serait à gauche. Le gouvernement dit: Non, vraiment,
cela n'est plus du tout ce qu'il faut faire à cet endroit sur ces
terres, il faut le mettre à droite. Qu'est-ce qu'il peut faire?
L'affectation n'a pas de sens si c'est simplement pour être mis sur un
plan. C'est parce qu'on veut faire des interventions sur le milieu. Il va se
dire: Une intervention, si je la fais, je demande un avis de conformité,
cela ne passera pas, on sait, nous, que le plan va à gauche et, nous, ce
qu'on veut faire, c'est à droite.
Donc, au lieu de faire la mécanique de l'avis d'intervention, qui
est une mécanique, j'en conviens, relativement lonque et
élaborée, on va faire ceci. Je pense qu'il est possible, en vertu
du texte de loi - je n'attribue pas d'intention, je dis que c'est possible -
dans une interprétation normale des textes, sans forcer le sens, de dire
tout simplement: Notre intervention va être non conforme, on n'a
qu'à changer notre affectation du plan; le shéma pourra, s'il y a
discordance entre cette nouvelle affectation et les anciennes, être
modifié en vertu de l'article 48.1 et, au bout de 90 jours, le
gouvernement va pouvoir faire sa nouvelle intervention - qui est en
conformité avec la nouvelle affectation puisqu'il sait par
hypothèse, parce qu'il vient de chanqer l'affectation pour être
conforme à son intervention projetée - en donnant l'avis à
la municipalité régionale de comté; mais on sait d'avance
que la municipalité régionale n'aura plus un mot à dire
parce qu'on sait que c'est déjà conforme.
Donc, l'avis d'intervention va perdre sa signification. Ce qui veut dire
que ce qui était prévu, c'est-à-dire la
vérification continuelle entre ce qu'on fait sur le terrain,
l'intervention et la grande orientation ou les affectations qui étaient
dans le schéma, cette mécanique ne fonctionne plus. On la
court-circuite par le biais de l'article 20 et, par la suite, de l'article
48.1. Je ne pense pas que ce soit l'intention du gouvernement, mais les textes
permettent de le faire. Il y a un principe qui dît: Si vous pensez que
quelque chose va aller mal, soyez assuré que
c'est la première chose qui va arriver et cela va mal
arriver.
Donc, si on soupçonne ou on pense qu'une interprétation va
dans ce sens, imaginez-vous que chez les 6000, 7000 ou 8000 avocats du
Québec, il y a de fortes chances qu'au moins la moyenne pense ce que je
vous dis ce matin.
La troisième conséquence, brièvement -étant
donné qu'on me signale que notre temps est écoulé - c'est
le risque qu'il y ait deux plans: le schéma d'aménagement, d'un
côté, et les plans d'affectation du gouvernement, en
parallèle, et là tout à coup, dans le temps, on se
retrouve avec deux schémas. Un schéma pour les terres
privées, qui sera le schéma des MRC, et un schéma qui va
s'appeler "Plan d'affectation du gouvernement pour les terres publiques". Je
pense qu'on revient à l'époque qui a précédé
l'adoption de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, où on
n'avait pas de concertation et où on intervenait chacun de son
côté; on retrouve donc la loi qu'on avait antérieurement.
Je pense que la loi visait à éviter cela et on le recrée.
Ce n'est pas une intention, mais, dans les faits, on le recrée. Je vous
remercie.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M.
Bégin. Je voudrais profiter de l'arrivée du président, M.
Nicolet, pour souhaiter au nom des membres de la commission de
l'économie et du travail, la plus cordiale bienvenue à vous et
à tous vos collègues présents devant nous, aujourd'hui. M.
le président, je vous cède la parole en vous rappelant qu'il vous
reste, je pense, environ cinq minutes pour la fin de la présentation de
votre mémoire.
M. Nicolet (Roger): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs, membres de la commission, j'aimerais d'abord m'excuser
de mon retard. Sans vouloir animer un débat que j'espère
terminé, Nordair Metro n'a pas contribué à me permettre de
respecter l'horaire que vous aviez tracé.
L'UMRCQ vous remercie très sincèrement de lui permettre de
vous présenter, aujourd'hui, ses commentaires relativement au projet de
loi 102, qui porte sur les terres du domaine public.
Nous nous rallions, bien sûr, facilement aux objectifs premiers du
gouvernement, à savoir de déterminer les règles qui
régiront l'administration de ces terres et, à l'instar du
propriétaire privé, d'en planifier l'usage et le
développement. Une difficulté se présente toutefois
dès que l'on tâche d'assimiler le gouvernement à l'ensemble
des propriétaires d'immeubles. En effet, est-il vraiment possible
d'assujettir le ministère de l'Énergie et des Ressources aux
dispositions législatives qui régissent déjà
l'aménagement du territoire, c'est-à-dire plus
spécifiquement la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme? Pour
l'UMRCQ, la réponse est un oui sans équivoque. C'est donc avec
regret que l'UMRCQ a dû conclure, à la lecture du projet à
l'étude aujourd'hui, que les rédacteurs ne partagent pas cette
opinion et ont jugé opportun de modifier substantiellement la loi 125.
En ce faisant, ils l'ont malheureusement tronquée de dispositions
importantes, du moins en ce qui concerne les terres publiques. Me Bégin,
du reste, a eu l'occasion de préciser cet aspect de la question et les
raisons qui nous amènent à cette conclusion.
Dans un premier temps, permettez-moi de vous rappeler quelques
éléments importants de cette fameuse loi 125, des
caractéristiques qui lui confèrent son originalité et des
particularités qui en font un des textes législatifs les plus
significatifs de ces dernières années. C'est d'abord sur la
délégation de responsabilités qu'il faut insister. En
notre qualité de représentants du monde municipal, nous ne
pouvons manquer d'y être sensibles. Par la loi 125, le gouvernement a
confié aux municipalités du Québec une
responsabilité directe en matière d'aménagement, fonction
qui déborde largement les compétences en matière de
réglementation de zonage et de construction et qui était
traditionnellement du ressort des municipalités. Dans le contexte que
nous abordons, aujourd'hui, nous aimerions attirer votre attention sur la
signification sous-jacente de cette délégation. En effet, en
remettant la responsabilité de l'aménagement aux
municipalités du Québec, !e gouvernement reconnaissait qu'on ne
pouvait bien aménager qu'en étroite collaboration, pour ne pas
dire en symbiose, avec la population. L'expression de la volonté
populaire dans tout ce processus devenait le critère en vertu duquel
devaient être arrêtés les arbitrages. Le choix du consensus
régional comme critère de référence dicte une autre
constatation toute aussi importante lorsqu'il s'agît d'évaluer le
projet de loi 102. Toute évaluation d'option d'aménagement ne
peut être que globale. Il est en effet impossible d'établir une
division du territoire pour des fins de planification dont la seule
justification serait la tenure foncière: les terres publiques, d'une
part, et les terres privées, de l'autre, et qui ne correspondrait
à aucune réalité physique du territoire. D'ailleurs, le
gouvernement a déjà reconnu par la loi 125 qu'il est essentiel
que l'instance municipale jouisse de toute la latitude et puisse se
prévaloir de mécanismes appropriés pour établir la
continuité des usages et des dispositions qui les régissent en
fonction des contraintes physiques qui constituent le milieu. Par
conséquent, le gouvernement du Québec peut-il soustraire à
ses orientations fondamentales un de ses ministères sectoriels en raison
d'expédiants
administratifs aussi louables soient-il intrinsèquement, sans
nécessairement rendre caduque une politique qu'il a pourtant voulue
globale?
Pour le gouvernement, la question fondamentale à trancher avant
d'entériner la Loi sur les terres du domaine public est à savoir
si, en sa qualité de propriétaire foncier, il est prêt
à se comporter en citoyen à part entière. Pour nous, la
réponse ne devrait faire aucun doute. Alors pourquoi modifier les
dispositions de la loi 125 qui fournissent déjà au
ministère concerné tous les mécanismes souhaitables pour
assurer le gouvernement que le palier municipal ne viendra pas nuire à
l'implantation d'une politique de l'État?
Un dernier mot, en conclusion, à l'intention de l'industrie
forestière qui, à quelques reprises, a exprimé des
appréhensions face à la présence accrue des
municipalités dans le dossier de l'aménagement des terres
publiques. Il est évident que notre société a
évolué rapidement depuis quelques années. La loi 125
n'est, en fin de compte, qu'une consécration de la polyvalence des
intérêts qui doivent être respectés en matière
d'aménagement du territoire. Les municipalités ne
prétendent que refléter les aspirations du milieu. Quels que
puissent avoir été les malentendus du passé, nous vous
assurons que les instances municipales ne prétendent pas
s'ingérer dans les relations normales entre le ministère de
l'Énergie et des Ressources et ses concessionnaires.
Tout ce que nous défendons, c'est le respect des aspirations
d'une collectivité qui s'exprime par les diverses affectations du sol
que reflète le schéma d'aménagement. Une étape, un
interlocuteur de plus pour l'exploitant, nous vous le concédons. La
collaboration des responsables de l'industrie forestière est toutefois
essentielle pour assurer que nous bâtirons un Québec dans lequel
l'ensemble de notre société se retrouvera plus à l'aise.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Nicolet.
M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je vous remercie M.
Nicolet ainsi que l'Union des MRC, l'Union des municipalités
régionales de comté, pour votre mémoire ainsi que pour la
présentation de Me Bégin. On comprend votre retard M. Nicolet,
Nordair Metro étant en retard. Considérez-vous chanceux, quand
j'étais dans l'Opposition, Quebecair annulait complètement ses
vols, alors je manquais complètement ma réunion de la
journée.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député de Duplessis.
M. Ciaccia: On est heureux que vous ayez pu arriver; mieux vaut
tard que jamais.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Théorêt): M. le
député de Duplessis aurait un commentaire à faire
là-dessus.
M. Perron: M. le Président, si le ministre de
l'Énergie et des Ressources veut faire un débat là-dessus:
n'importe quel temps.
Le Président (M. Théorêt): C'est de bonne
guerre, M. le député.
M. Perrons N'importe quel temps.
Le Président (M. Théorêt): Vous aurez votre
droit de parole tout à l'heure, M. le député.
M. Ciaccia: Vous pourrez faire des commentaires
là-dessus.
Le Président (M. Théorêt): Vous pourrez
revenir là-dessus tout à l'heure, M. le député.
M. Perron: Oui, pour contredire exactement ce qu'il vient de
dire.
Le Président (M. Théorêt): On vous entendra
tout à l'heure là-dessus, M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Encore une fois, il parle à travers son
chapeau.
M. Ciaccia: Vous êtes bien chatouilleux. M. Perron:
Oh oui!
M. Ciaccia: Je vous dis seulement ce qui m'est arrivé
à plusieurs...
Une voix: Le député de Duplessis est un amant de la
vérité.
M. Ciaccia: II est un amant d'autre chose aussi.
M. Gauthier (Roberval): Cela le choque quand vous prenez la
parole comme cela.
Le Président (M. Théorêt): M. le ministre,
s'il vous plaît!, si vous voulez continuer.
M. Ciaccia: Cela dit, nous allons continuer avec les
représentations que vous avez faites au sujet de la loi 102. Vous
reconnaissez vous-mêmes que les mécanismes
actuels de modification des schémas prévus par la loi 125
aux articles 47 et 49 peuvent mener, la plupart du temps, à un
cul-de-sac pour les changements qui doivent être apportés au plan
d'affectation des terres publiques. Quand vous faites référence
à l'article 149, c'est pour des interventions très
précises. Vous nous faites part dans votre mémoire
d'inquiétudes concernant les modifications qui seraient apportées
par le gouvernement au plan d'affectation. Avant d'aller dans les
détails de notre procédure dans la loi 102, pourriez-vous nous
expliquer plus en détail les appréhensions que vous avez quant au
changement du plan d'affectation en ce qui concerne les terres publiques?
Tenant compte du fait que les consultations ont déjà eu lieu
entre les MRC et les différents ministères et que les objectifs
et le projet d'intervention par le biais de l'avis, en réponse aux
articles 11, 16, 27 etc., de la loi 125, ont déjà
été connus, pourriez-vous nous donner des exemples concrets des
craintes que vous avez, des modifications qui pourraient être
apportées et de vos inquiétudes? (11 h 30)
M. Nicolet: Oui, bien sûr, M. le ministre. Je pense
qu'effectivement, le processus intrinsèque du zonage, de la
planification et de l'aménagement du territoire est évolutif.
Cela veut dire que, effectivement, en fonction de l'évolution d'une
société et d'un milieu, on est appelé à
réviser des choix et des arbitrages qu'on a pu tirer à un moment
donné dans le temps.
Ce qui nous inquiète, c'est que, effectivement, ce que la loi 125
avait fait c'était de baliser toute cette dynamique de modification pour
permettre un échange réel entre trois instances: le peuple qui
est souverain, d'une part, l'élu municipal qui le représente,
dans un deuxième temps, et le gouvernement, dans un troisième
temps. Tout ce mécanisme, aussi lourd qu'il puisse être, quant
à nous, constituait un pas important dans toute notre façon de
gérer notre territoire.
Ce que, malheureusement, nous appréhendons, c'est que, dans un
cas particulier, en fonction d'un impératif de gestion qui vous est
propre, vous court-circuitiez, finalement, ce processus. On peut penser
à une multitude d'exemples. Prenons l'affectation "tourisme" dans un
domaine particulier où, en fonction d'un choix de région, on a
décidé de donner priorité à une certaine
affectation, à un certain programme d'investissement public, dans le
domaine du tourisme, par exemple, pour reprendre le cas particulier auquel je
fais référence. En fonction d'un impératif qui vous est
propre, vous seriez en mesure, finalement, de soustraire une partie du
territoire, dans la mesure où il est considéré comme une
terre publique, de cette vocation qui a fait l'objet d'un consensus
régional.
M. Ciaccia: M. Nicolet, je voudrais qu'il soit très clair
- parce que les remarques que vous avez faites et celles de M. Bégin
porteraient à faire croire que la responsabilité de
l'aménagement n'est plus confiée aux MRC - que le projet de loi
ne change pas la responsabilité de l'aménagement du territoire
qui est confiée aux MRC par la loi 125, responsabilité que nous
respectons et que la loi 102 respecte.
Il ne faut pas dénaturer l'objectif des modifications au plan
d'affectation. Il s'agit ici de recours d'exception sur des points
spécifiques. Il s'agit de combler une lacune, un vacuum dans la loi 125.
Vous admettez, dans la présentation que M. Bégin a faite, que le
plan d'affectation était préparé par la MRC et que, s'il y
avait une modification, il pouvait y avoir un décret, si le gouvernement
n'acceptait pas la décision finale sur votre plan d'aménagement.
Selon la loi 125, c'est un décret du gouvernement qui dira non. Cela ne
change pas avec la loi 102. Même dans votre mémoire, vous
admettez, et je cite à la page 3: "L'UMRC croit également que le
droit de propriété du gouvernement sur certaines terres comporte,
à l'instar du droit de propriété du citoyen
propriétaire d'un terrain, celui de les aménager".
Dans la loi 125, on ne prévoyait pas -avant votre arrivée,
je faisais remarquer que la loi 125, peut-être, n'avait pas tout
prévu, c'était la première fois qu'il y avait une loi sur
l'aménagement de cette nature - des modifications qui pouvaient
être apportées par le plan d'affectation aux terres publiques.
Alors, ce que nous faisons, ce n'est pas de permettre au ministère, au
ministre de l'Énergie et des Ressources, unilatéralement, de vous
dire: Faites ce changement. Si vous n'acceptez pas le changement, on ne
s'occupe pas de votre plan d'aménagement. Le changement devient effectif
automatiquement par la volonté du ministre de l'Énerqie et des
Ressources. Ce n'est pas ce que la loi dit. La loi dit que nous devons vous
aviser du plan d'affectation sur les terres publiques et vous avez 90 jours.
Pouvez-vous me dire, durant ces 90 jours, ce qui vous empêcherait de
faire de la consultation? Est-ce que le projet de loi vous empêche de
faire de la consultation? Vous pourriez aller consulter, durant les 90 jours,
et nous espérons que vous allez le faire, parce que je ne crois pas que
les changements du plan d'affectation seront faits unilatéralement sans
discussions.
Nous nous rendons compte que vous répondez à des
élus. Le ministre répond à des élus aussi. Alors,
il faut faire attention à ce que nous faisons. Nous ne voulons pas
imposer unilatéralement. Mais après les 90 jours et après
votre consultation, ce n'est
pas moi qui peux prendre la décision. Ce n'est pas le ministre
qui peut prendre la décision.
Le même principe qui s'applique à la loi 125 s'applique au
projet de loi 102. C'est le gouvernement. Cela veut dire que, si vous dites au
ministre des Affaires municipales, qui va vous soumettre le plan d'affectation,
que la MRC n'est pas d'accord après vos consultations, cela veut dire
que le ministre de l'Énergie va être obligé de convaincre
ses 26 autres collègues d'adopter un décret contre votre plan
d'aménagement pour faire une modification au plan
d'aménagement.
Il me semble qu'il y a assez de précautions, assez de balises qui
sont dans cette procédure. Premièrement, vous pouvez faire votre
consultation. C'est vrai que c'est 90 jours. C'est peut-être moins que la
période de consultation dans la loi actuelle, mais ce sont les
mêmes 90 jours que vous nous donnez dans la loi 125.
Vous pouvez faire votre consultation. Si vous n'êtes pas d'accord,
je dois aller convaincre tous mes autres collègues ministres, y compris
le ministre des Affaires municipales qui, parfois, n'est pas trop facile
à convaincre, il vous défend très bien. C'est seulement
à ce moment-là que le gouvernement - non pas le ministre de
l'Energie -peut adopter un décret.
Alors, ne croyez-vous pas que cette procédure, si elle est mise
en application de la façon dont je vous le dis - je pense que c'est
ainsi que le projet le prévoit -reconnaît les devoirs, les
responsabilités d'aménagement du ministère et les
ministères sur 90 % du territoire des terres publiques? Cela
reconnaît la consultation que vous pouvez faire et cela reconnaît
le même principe contenu dans la loi 125, selon lequel c'est seulement le
gouvernement qui peut prendre la décision finale.
Le Président (M. Théorêt): M.
Bégin.
M. Bégin: Je voudrais souligner, tout d'abord, M. le
ministre, que, dans le texte actuel - il y a peut-être eu des demandes de
modifications - de l'article 20, ce n'est pas un avis qui est donné
à la municipalité, c'est une demande de modification du plan
d'affectation. Donc, avec le texte, à la troisième
avant-dernière ligne du paragraphe, c'est "d'une demande de modification
transmise par le ministre des Affaires municipales". Donc, c'est le ministre
qui envoie à la MRC une demande de modification.
Ce n'est pas un avis ou une consultation. C'est une demande de
modification. Ce n'est pas de la consultation. On demande à la MRC:
Changez votre affectation. Si je prends le texte qui est là, c'est une
demande de modification.
M. Ciaccia: M. Béqin, si vous vous sentez plus à
l'aise avec le mot "avis" plutôt que "demande", je pense que nous serions
prêts à le changer. Parce que, même si l'avis est une
demande, cela ne devient pas automatiquement en vigueur après 90 jours.
Cela n'a pas un effet automatique. Si vous ne faites rien durant les 90 jours
ou que vous indiquiez que vous n'êtes pas d'accord avec l'avis, je dois
encore retourner devant mes collègues et agir contre une MRC quelconque
ou plusieurs MRC et les convaincre que le plan d'affectation doit être
mis en vigueur.
Mais si vous sentez que ce serait plus dans l'esprit des lois qu'on
puisse changer le mot "demande" par "avis", je pense qu'on est prêt
à le faire.
M. Bégin: C'était un premier point, parce que nous
devions prendre le texte qui est là et je pense que cela le change
beaucoup, parce que la demande, c'est: Vous modifiez, et bonjour la visite!
Alors, si elle dit non, c'est le même résultat et, si elle dit
oui, c'est la même chose, et il y a modification automatique.
Mais le deuxième point, c'est que nous soutenons que, si le
gouvernement a jugé à propos, au moment de l'élaboration
des grandes orientations et des grandes affectations du territoire, d'associer,
par une mécanique très précise de consultation, la MRC, la
municipalité locale et les citoyens, ce qui comprend l'individu dans son
bungalow, mais également les compagnies forestières, les
compagnies de transformation de bois et tous les intervenants
économiques du milieu, pour qu'ils puissent se faire valoir, cela donne
un cadre légal à cette chose-là et, donc, un poids
différent.
Cela permet justement de demander aux gens de venir s'expliquer. En fin
de compte, on aura cela.
Pour répondre à la première partie de votre
question, voici un exemple. Vous avez une réserve écologique qui
a été déterminée par le gouvernement au moment de
l'adoption du schéma d'aménagement, réserve
écologique qui impliquerait - c'est vraiment une hypothèse - de
laisser la forêt telle qu'elle est. En cours de route, trois ans
après l'adoption du schéma, le gouvernement dit: On voudrait
faire de l'exploitation forestière à cet endroit. On pourrait
même imaginer l'implantation d'une industrie de transformation, d'une
scierie ou de n'importe quoi. Actuellement, le gouvernemement serait dans
l'impossibilité de le faire, sauf en adressant une demande à la
MRC en disant: On veut faire cela, voulez-vous le faire? Je comprends que le
gouvernement est un peu placé dans une situation impossible et qu'il
veuille la modifier. Je pense que c'est légitime, mais au lieu de le
faire en disant: On va suivre la même mécanique, là, le
scénario est différent. Il consiste à dire: Je
modifie l'affectation réserve écologique et je la fais
exploitation forestière - si l'on peut utiliser ces mots - ce qui
implique, dans son idée, des interventions différentes. Cela va
me permettre de regrouper deux points.
À ce moment-là, on envoie la demande à la MRC et il
n'y a pas de consultations publiques au sens que l'on a mentionné pour
l'élaboration du schéma. La MRC est consultée, c'est vrai,
mais non pas les autres. Les affectations étant changées, il y
aura discordance entre le schéma d'aménagement et le plan
d'affectation. Le ministre, en vertu de l'article 48.1 introduit par votre
projet de loi, va demander à la MRC de modifier son schéma pour
le rendre conforme et à ce moment-là la boucle sera
bouclée, mais on n'aura pas fait ce que l'on avait fait
initialement.
Si je reprends mon exemple de tantôt, dans la Loi sur les
cités et villes et le Code municipal, lorsque, pour faire quelque chose,
on doit recevoir des approbations, on doit, pour le modifier, faire la
même chose. Nous soutenons que cela devrait être fait de
manière à faire vraiment participer la population et - je pense
que le président le mentionnait tantôt - à faire en quelque
sorte un arbitrage, ce qui obligerait le ministre à revenir - comme vous
le disiez, M. le ministre - devant le Conseil des ministres pour convaincre ses
collègues. Si le résultat de la consultation formelle, c'est
qu'il y a une opposition à tout crin, mais qu'il croit encore,
malgré cela, que c'est bon, il va tenter de convaincre ses
collègues et d'obtenir le décret. Si après analyse, ce
n'est pas le cas, il n'ira probablement pas devant ses collègues, au
Conseil des ministres, pour les convaincre. C'est là le point
fondamental.
Deuxièmement, je disais l'avis d'intervention. Actuellement, vous
pourriez obtenir le même résultat que vous soulevez par votre
projet de loi en donnant un avis d'intervention à une MRC, disant: On
veut faire telle chose. Oublions votre projet de loi une seconde. Vous donnez
un avis d'intervention parce que vous voulez faire telle intervention sur le
territoire. La MRC vous dit: C'est non conforme. Il y a toute une série
de mécaniques: commissions, consultations, etc. En fin de compte, si
l'on maintient cette position, le gouvernement peut, après consultation
avec la MRC, adopter un décret. Vous avez exactement la même
mécanique, mais décrite déjà dans la loi par le
biais de l'avis d'intervention. C'est décrit dans les articles 150, 152
et 153. Cependant, M. le ministre, je conviens avec vous que les délais
sont plus longs mais, par contre, la consultation a lieu. Une fois que l'avis
d'intervention est négatif, la MRC est obligée d'agir.
M. Ciaccia: Même dans la loi, actuelle- ment, on dit:
demande de modification. Cette demande se fait par avis. Si vous voulez
utiliser le mot "avis" dans l'article 27, c'est une demande au schéma.
Selon la loi 125, avec la procédure actuelle, pour en arriver à
ce que vous venez de dire, pour un changement, il se pourrait que nous devions
attendre jusqu'à deux ans pour faire une modification. C'est l'opinion
que mes conseillers me donnent. Si tel est le cas, je pense que vous allez
trouver que ce n'est pas raisonnable.
M. Bégin: Deux ans, c'est certainement trop long.
M. Ciaccia: Oui, c'est trop long. Ne trouvez-vous pas que dans
les 90 jours vous pouvez faire votre consultation?
M. Bégin: Actuellement, M. le ministre... (11 h 45)
M. Ciaccia: Si vous faites votre consultation et que vous
retournez au ministère des Affaires municipales ou à notre
ministère et que vous dites: Écoutez, en ce qui concerne le
changement que vous voulez faire dans notre plan d'affectation, on a
consulté les municipalités, on a consulté nos gens et ils
nous disent: Non. C'est la même chose, excepté que les
délais sont restreints. C'est le même principe. On parle seulement
de la question du délai.
M. Nicolet: M. le ministre, peut-être que, si deux ans,
c'est long, 90 jours, c'est court.
M. Ciaccia: Originalement, j'avais suggéré 30
jours, mais mes conseillers m'ont dit que ce n'était pas assez lonq et
qu'il fallait être plus raisonnable.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Ciaccia: En tout cas, je ne veux pas me répéter,
mais vous avez le droit de faire la consultation et nous espérons que
vous la ferez si on vous avise. Cela sera fait en consultation et je pense que
l'esprit n'est pas changé. On parle seulement d'une question de
délai. Je ne pense pas qu'on parle de principe.
M. le Président, je voudrais que d'autres personnes aient
l'occasion de poser des questions. Alors, pour le moment, je vais céder
mon droit de parole.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le critique officiel et député de Roberval.
M. Gauthier (Roberval): M. le Président, mes remarques ne
seront pas très longues. Je vais simplement poser une question. Le
ministre a dit tout à l'heure, dans une réponse qu'il a
donnée ou dans une remarque qu'il a faite - je ne sais trop - avoir
consulté certains organismes. Il a dit, pour reprendre ses paroles: Les
organismes à qui j'ai parlé m'ont même dit que je ne
prenais pas suffisamment de place, ou je ne sais trop. Je voudrais savoir, de
la part de l'Union des municipalités régionales de comté,
étant donné que cet organisme est, à mon avis, le plus
touché par ce projet de loi à ce stade-ci - on le voit d'ailleurs
par l'importance de votre mémoire qui est plus substantiel que d'autres
- si cet organisme a été consulté de façon
informelle par le ministre dans la préparation de tous les travaux qui
ont précédé cette commission parlementaire ou si c'est la
première fois qu'il a l'occasion d'être consulté
officiellement.
M. Nicolet: J'ai eu l'occasion de rencontrer M. le ministre
à deux reprises, une fois en novembre, je crois, et tout
récemment, il y a une semaine environ.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais seulement ajouter
que le seul organisme que j'ai consulté...
Une voix: ...(?)
M. Ciaccia: ... - non, je veux juste clarifier - le seul
organisme que j'ai consulté est celui dont M. Nicolet est le
président. Les autres m'ont adressé des représentations et
je ne les pas consultés officieusement.
M. Gauthier (Roberval): M. le Président, je ne vois pas
pourquoi le ministre me répond ce que M. Nicolet vient de me
répondre.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député de...
M. Ciaccia: Je voulais souligner que je n'ai pas consulté
d'autres organismes.
M. Gauthier (Roberval): Je ne sais pas si c'est parce qu'il a
peur qu'on n'ait pas compris.
M. Ciaccia: Non, mais je veux ajouter que je n'ai consulté
aucun autre organisme.
M. Gauthier (Roberval): D'accord, il n'y a pas de problème
là-dessus. Je voudrais savoir, finalement - j'essaie de simplifier
l'essentiel de votre mémoire, de dire votre principale
préoccupation, après avoir lu tout cela et après avoir
analysé les impacts que cette loi pourrait avoir - si votre principale
réticence, c'est la possibilité qu'a le ministre ou le
gouvernement, en quelque sorte, de faire des modifications sans
consultation.
J'ai l'impression de ressentir, à travers l'ensemble des
conséquences et des remarques que vous indiquez ici et vos
exposés de façon très globale, que vous êtes, dans
le fond, contre le fait que le gouvernement puisse entreprendre ou amorcer des
modifications sans aucune consultation auprès de la population, alors
que le processus auquel vous vous êtes astreints, depuis un certain
temps, en est un de consultation et de conciliation entre les différents
intervenants et les différentes municipalités pour arriver
à faire vos schémas d'aménagement.
Est-ce que je vous interprète mal quand je fais cette remarque?
Je voudrais savoir ce qui vous préoccupe le plus là-dedans.
Est-ce l'aspect unilatéral des modifications qui peuvent être
apportées sans consultation?
M. Nicolet: Effectivement, vous avez bien résumé
l'une de nos principales préoccupations. Je crois que la loi 125 a
été une école de pensée, non seulement pour le
monde municipal, mais également pour le gouvernement, d'une part, et
pour la population, d'autre part. Ce que la loi 125 a permis de faire, c'est de
cristalliser, autour d'une même table, certaines pensées et
certaines façons d'analyser la problématique de
l'aménagement de notre territoire. Quant à nous, c'est l'acquis
principal qu'il s'agit de défendre. Pourquoi, par le biais d'une loi,
vouloir escamoter... Là-dessus, avec tout le respect que j'ai pour M. le
ministre, j'aimerais qu'on m'explique davantage le fameux deux ans, parce que
nous n'avons jamais réussi à trouver plus de 180 jours dans les
délais. Je crois qu'il serait malencontreux, pour des fins purement de
meilleure gestion - c'est une préoccupation interne du ministère
de l'Énergie et des Ressources - de mettre de côté ce qui
est un acquis social, quant à nous.
M. Gauthier (Roberval): II y a une chose dans votre
mémoire que j'aimerais que vous m'expliquiez davantage. À un
certain moment, vous dites: On a l'impression, parce que le processus sera plus
simple, par la nouvelle loi 102, que, quand les ministères auront des
modifications à faire apporter à des schémas
d'aménagement, ils n'auront même plus le goût de passer par
la structure existante. Ils passeront directement par le ministère de
l'Énergie et des Ressources. J'aimerais que vous nous expliquiez, pour
que l'on ait une bonne compréhension - parce que je ne suis pas
sûr de saisir vraiment toute la dimension de cela - comment, en vertu de
la loi 125, un ministère devrait procéder pour apporter des
modifications à un schéma et comment vous pensez que ça va
procéder. Quel est ce lien que vous faites entre les deux choses, ce que
je comprends mal?
M. Nicolet: Je crois que vous faites allusion
spécifiquement aux avis d'intervention. Les avis d'intervention, c'est
un mécanisme que la loi 125 a institué et par lequel le
gouvernement ou un ministère sectoriel, quel qu'il soit, qui se
proposait d'intervenir de façon dite structurante dans le milieu, se
devait d'en aviser les municipalités qui, finalement, sont les
gardiennes de ce schéma d'aménagement et du respect des
dispositions qui y sont contenues.
Ce que nous appréhendons, c'est que cet avis d'intervention, qui
est une discipline à laquelle les ministères sectoriels devaient
s'astreindre, ce mécanisme pourrait être court-circuité
dans la mesure où une intervention ministérielle qui... Je ne
veux pas revenir sur toute une série de cas d'espèce.
L'apprentissage, si vous me permettez une parenthèse, a
été difficile au cours des cinq dernières années,
puisque, de part et d'autre, le monde municipal a appris à vivre avec
ces mécanismes et plusieurs ministères ont dû, parfois
à corps défendant, s'assujettir à cette obligation de
notifier le milieu d'une intervention, que ce soit la construction d'une route
sur une terre publique, que ce soit un pont, que ce soit un aménagement
touristique, ou un aménagement de villégiature. Les
ministères concernés ont dû apprendre à penser
à aviser le milieu.
C'est sûr que, parfois, c'est lourd. Parfois, cela demande des
délais considérables. Parfois, cela crée même un
élément de discussion dans le milieu. Parfois, le gouvernement se
fait malheureusement dire que le milieu n'est pas d'accord.
Quant à nous, nous croyons que c'est sain. Malheureusement, la
tentation, par le biais des mécanismes que la loi 102 propose, va
permettre au gouvernement, selon nous, s'il craint une réponse
négative du milieu, de dicter la réponse en faisant la
modification au schéma qui va précéder l'avis
d'intervention. C'est la façon dont M. Bégin l'a expliqué
tout à l'heure. Donc, finalement, on pourrait enlever toute
signification au mécanisme des avis d'intervention, puisqu'on aurait
déjà préconditionné la réponse.
M. Gauthier (Roberval): C'est ma dernière question. S'il y
avait des modifications - et j'imagine qu'il y en aura -à apporter au
projet de loi, et si vous aviez, à ce stade-ci... Vous êtes en
commission parlementaire justement pour nous donner votre avis. Vous avez
soulevé, dans votre mémoire, un ensemble de problèmes.
Vous nous indiquez quelles seront les conséquences de ces
problèmes. S'il y avait des modifications à apporter au projet de
loi, quelles seraient-elles prioritairement? Si on n'en avait qu'une seule
à apporter au projet de loi, quelle serait pour vous la priorité?
Je veux être bien sûr de cerner votre préoccupation. Dans
quel sens aimeriez-vous que cette commission parlementaire travaille avec le
ministre pour modifier le projet de loi? Quelle est, selon vous, la
modification la plus importante et la plus fondamentale?
M. Nicolet: De façon très simple, pourquoi modifier
la loi 125?
M. Gauthier (Roberval): Oui. Votre réponse est une
question et cette question nous amène à dire que tout ce qui,
dans le projet de loi 102 en quelque sorte, affecte ce qui est
déjà décrit dans la loi 125, vous semble inopportun, et il
semblerait qu'on doive faire porter nos efforts à éliminer ces
chevauchements entre la loi 102 et la loi 125. Est-ce exact?
M. Nicolet: Nous croyons que la loi 125 permet déjà
au gouvernement d'effectuer et de s'assurer du respect de ses politiques sans
devoir y ajouter ces deux articles qui nous semblent malencontreux.
M. Gauthier (Roberval): Merci beaucoup. Pour ma part, cela va. Je
pense que mon collègue de...
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Roberval. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Baril: M. le Président, j'aimerais prendre quelques
minutes pour vous demander quel est le processus, lorsque vous recevez une
demande d'un citoyen, au nom de sa municipalité, qui doit
automatiquement se rendre chez vous à la MRC, qu'il doit suivre
lorsqu'il fait une demande, peu importe qu'elle soit pour un terrain de
villégiature, un futur terrain de camping ou un futur, excusez
l'expression, terrain de gravier. Quel est le processus que cette personne doit
suivre pour qu'elle puisse faire sa demande chez vous?
M. Nicolet: M. le député, ce qui, je crois, est
important de souligner, c'est que la loi 125 n'a pas créé de
relation entre le citoyen et l'instance régionale, en l'occurrence la
MRC ou son schéma d'aménagement. Essentiellement, tout ce que la
loi 125 a fait, c'est de créer un cadre dans lequel devait s'orienter la
réglementation locale. Essentiellement, la relation entre le citoyen et
ses instances municipales demeure inchangée. Le citoyen qui, pour un
projet quel qu'il soit, a fait une demande de permis de construction, adresse
cette demande, comme par le passé, à son inspecteur municipal ou
au département d'émission de permis, selon qu'il s'agit d'une
cité et ville ou d'une petite municipalité rurale, et il traite
avec cette municipalité locale.
Si votre question touche à un cas plus complexe, à savoir
la situation où la demande nécessiterait un changement au
règlement de zonage, la question qui se pose immédiatement est
à savoir si cette demande de zonage est d'abord recevable par l'instance
politique locale qu'est le conseil et, si oui, s'il est de ses
compétences de le faire ou, si par hasard, cette modification au
règlement de zonage local précipiterait une contradiction avec
une orientation générale que le schéma a tracée.
Évidemment, si tel était le cas, cela impliquerait que la
municipalité, pour peu qu'elle soit d'accord avec la demande des
citoyens, s'adresse au conseil régional pour que ce dernier amorce une
révision au schéma.
Le Président (M. Théorêt): Une
dernière question, M. le député de Rouyn-Noranda
Témiscamingue. (12 heures)
M. Baril: Je vais faire vite. J'ai été élu
il y a environ quatorze mois. Je reçois à mon bureau de
comté des demandes de citoyens qui viennent se plaindre de ce que le
ministre disait tout à l'heure - les deux ans, restons-en à
quatorze mois - de toutes sortes de cas qui sont soumis à la MRC, car,
finalement, vous allez à la municipalité et celle-ci peut
approuver une demande d'un citoyen et, comme vous le dites, si cela touche un
peu le schéma d'aménagement, c'est automatiquement refusé
à la MRC. Je peux vous dire qu'en quatorze mois, on n'a pas
réglé un cas pour une terre, on n'a pas réglé un
cas pour une terre publique ou un boisé privé, on n'en a pas
réglé un seul. Dans les MRC, c'est sûr qu'il y a des
élus, mais il y a aussi des employés qui représentent
toutes les couches de la société, que ce soient des
écologistes ou des sportifs. Ils s'agit qu'il y ait une objection
à la MRC locale pour que le projet d'un citoyen soit bloqué. Il
me semble que c'est un deuxième pallier de gouvernement lorsque l'on ne
met pas une consultation dans les 90 jours, que l'on étend ces questions
réglementaires et que, finalement, un citoyen est
pénalisé. Je ne vous parle pas d'un cas précis; on n'en a
pas réglé un dans mon comté. Les 90 jours, en ce qui me
concerne...
Le Président (M. Théoret): M. le
député de Rouyn-Noranda, si vous voulez conclure, s'il vous
plaît. M. Nicolet.
M. Nicolet: Je regrette que, dans le cas de votre comté,
les choses se déroulent de façon aussi peu favorable pour les
requérants. Je puis vous offrir nos bons offices pour tâcher
d'éclaircir la situation. Il ne faut pas oublier, et je pense que c'est
là-dessus qu'il faut insister, que, depuis que la loi 125 existe,
là où il n'y avait pas de réglementation, on a dû en
adopter.
Beaucoup de milieux éloignés dont l'approbation d'un
projet ne dépendait que du bon vouloir du pouvoir politique en place ont
dû réapprendre à fonctionner dans un cadre
réglementaire. C'est une décision de société que
nous avons prise en tant que Québécois. Cela n'a pas
été accepté facilement partout, je vous le
concède.
M. Baril: II reste encore que, quatorze mois, c'est trop
long.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Une brève
question et un court commentaire. Personnellement, je partage
énormément les préoccupations du monde municipal en ce qui
concerne le projet de loi, d'autant plus qu'à la limite, un délai
de 90 jours, c'est quand même très court, pour une MRC où
l'on peut avoir à consulter 15, 20 ou 30 municipalités
différentes touchées par une modification de l'affectation du
territoire, 90 jours, c'est très bref. Les chances de se réunir,
de travailler et tout cela, dans certains cas, sont quand même assez
difficiles à coordonner.
On parle de consultation. Selon l'expression utilisée par le
ministre, cela me semble assez vague. Cela me semble très peu
défini. Des consultations, cela peut se faire de différentes
façons. Qu'est-ce qu'on entend par consultation? De quel genre de
consultation parle-t-on, dans la mesure où, comme l'expliquait si bien
le représentant de l'UMRCQ, une modification dans le plan d'affectation
peut entraîner une modification au règlement de zonage, lequel
devra nécessairement, pour être adopté, passer par le
processus du référendum dans la muncipalité? Je demande
aux représentants de l'UMRCQ s'ils ont étudié
l'hypothèse selon laquelle toute demande venant du ministère ou
du gouvernement pour une modification devrait faire, elle aussi, l'objet d'une
consultation par voie référendaire qui trancherait la question et
à laquelle le gouvernement devrait se soumettre. Il ne faut pas oublier
que, quand on demande une modidification...
On a donné des exemples dans le domaine forestier. On a dit: Une
scierie, etc., c'est une terre publique. Oui, mais on peut aussi parler d'usine
de traitement de BPC. On peut aussi parler de sites d'enfouissement des
déchets nucléaires. On peut parler d'un certain nombre de choses
qui ne sont peut-être pas bien vues dans la municipalité et que le
qouvernement pourrait imposer aux citoyens de cette MRC par le biais de son
projet de loi. Est-ce que le mécanisme de consultation
référendaire pourrait être un mécanisme
intéressant?
M. Nicolet: J'aimerais vous entendre préciser davantage ce
que vous entendez par mécanisme référendaire. À
première vue, nous croyons que la loi 125, telle que
rédigée, offrait déjà d'amples possibilités
de consulter le milieu tout en respectant l'arbitrage ultime qui doit demeurer
entre les mains du gouvernement. À première vue, il y a
peut-être moyen d'améliorer ces mécanismes pour en
raccourcir les échéances. Je ne sais pas s'il y a lieu
d'établir de nouvelles mesures et c'est pour cela que j'aimerais en
savoir davantage sur ce que vous entendez par "mécanisme
référendaire". Actuellement, je crois que la consultation est
obligatoire et, tant qu'elle l'est, je pense que c'est une garantie suffisante
pour nous.
M. Claveau: Tout ce que je voudrais dire, c'est que quand on
parle de consultation dans un délai de 90 jours au bout duquel on
retourne une réponse au gouvernement, à ce sujet, le ministre
nous dit que ce n'est pas lui qui prend la décision, mais il doit la
ramener à son gouvernement et convaincre ses collègues. À
la limite, même si le rapport de consultation que vous déposez au
gouvernement est négatif, il reste qu'il peut toujours prendre une
position positive. Comme on l'a dit tout à l'heure: on peut partir de
gauche et s'en aller à droite; à la limite, il n'y a plus un mot
à dire pour autant que les 90 jours de délais soient
respectés. Étant donné que le mécanisme
référendaire est déjà obligatoire au plan des
modifications de zonage, dans le cas des jumelages de municipalités, des
trucs semblables, je me demande si le gouvernement ne devrait pas se soumettre
à un mécanisme qui ferait en sorte que, si tout l'ensemble des
municipalités d'une MRC, par voie référendaire, se
prononce contre un projet gouvernemental d'implantation d'une usine de BPC sur
des terres de domaine public dans sa MRC, le gouvernement devra se soumettre
à ce jugement populaire. À mon sens, c'est la véritable
consultation sur laquelle il devrait s'appuyer.
M. Nicolet: C'est une proposition intéressante qui
mérite certainement d'être étudiée.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président. M. le député de Jonquière.
M. Dufour: Je dois d'abord saluer d'une façon
spéciale le président de l'UMRCQ, un ex-collègue, et lui
dire que je pense qu'il a compris les enjeux contenus dans le projet de loi 102
concernant l'importance de la consultation et aussi ce qui est caché, ce
qui n'est pas dit dans cette loi. Le ministre, aussi, a compris, parce qu'il
dit, dans son introduction, qu'il faut respecter sinon l'esprit, au moins la
lettre du processus de consultation établi. Donc, le ministre se rend
compte qu'il change la manière de faire la consultation.
Quatre-vingt-dix jours, ce n'est pas tellement long, non plus, pour consulter,
quand il s'agit des municipalités. C'est très court.
Ce que vous ne dites pas et que j'aurais aimé voir dans votre
mémoire -c'était prévisible au début, parce que,
pour avoir participé de façon très spéciale
à l'élaboration de la loi 125, ce qu'on voit, aujourd'hui, c'est
ce qu'on prévoyait dans le temps lorsqu'on a mis en application la loi
125 ou lorsqu'on l'a adoptée - c'est le grignotage qui, à la
longue, ferait que les ministères ne voudraient pas accepter les
mécanismes mis en marche pour la consultation.
Aujourd'hui on parle du ministère de l'Énergie et des
Ressources; demain matin, ce sera le ministère des Transports et,
tantôt, pourquoi pas le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, ou du Développement régional. Ce qui fait que c'est
vraiment... Je pense que vous avez compris les enjeux; il faut faire les
batailles quand elles se présentent, il ne faut pas les susciter.
M. le Président, j'aimerais entendre des explications
là-dessus. Est-ce que vous ne voyez pas, par cette mesure dans la loi
102, la démarche annonciatrice de ce qui pourrait arriver avec les
autres ministères?
Le Président (M. Théorêt): M. le
Président.
M. Nicolet: Oui, je pense, bien sûr, que nous
appréhendons toujours de voir d'autres ministères suivre un
chemin qui a été ouvert dans ce cas particulier. Si je pouvais
résumer notre pensée de cette manière: la loi 125, par le
mécanisme qu'elle a instauré, a permis d'établir un
certain équilibre entre la volonté politique du milieu et les
exigences d'une saine gestion du territoire, en l'occurrence les terres
publiques. Si je peux même le dire plus directement, c'est une certaine
forme d'équilibre entre le contrôle politique et le technique.
Tout ce qui remet en question cet équilibre nous apparaît comme
danqereux. Je crois que, fondamentalement, et dans une foule d'autres domaines,
on a toujours craint ce dérapage, la perte de contrôle du
politique sur le technique. Pourquoi faire le jeu et encourager un tel
dérapage dans le cas qui est devant nous?
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le
député de Roberval.
M. Gauthier (Roberval): En terminant, je veux remercier...
Le Président (M. Théorêt): Je vais revenir
pour le mot de la fin du critique officiel et du ministre. Est-ce qu'il y a
d'autres interventions concernant !e mémoire présenté par
l'union? M. le député de
Roberval, à vous la parole pour vos remarques de la fin.
M. Gauthier (Roberval): Quelques mots pour remercier l'Union des
municipalités régionales de comté d'avoir fait ce travail
imposant, de nous avoir présenté un mémoire passablement
substantiel. Nous désirons lui faire savoir que nous partageons sa
préoccupation qui est d'éviter une répétition de la
loi 102 et de la loi 125 quant à certains mécanismes. Nous
partageons également son point de vue concernant la consultation de la
population. Nous pensons sincèrement que le travail s'est fait
sérieusement dans les différentes MRC du Québec. Il ne
nous apparaît pas opportun de permettre au gouvernement de faire des
changements sans qu'il y ait un délai suffisant pour qu'une
véritable consultation du milieu se fasse. Nous allons gouverner en
conséquence et faire en sorte, au cours des travaux qui,
inévitablement, auront lieu à la suite de cette commission
parlementaire et où nous aurons à fabriquer en quelque sorte la
loi, de tenir compte de ces remarques. Nous inviterons le ministre, à
toutes les occasions où nous pourrons le faire, à se rapprocher
des recommandations contenues dans le mémoire que vous nous avez
présenté. Je vous remercie infiniment et soyez assurés de
notre collaboration tout au long du processus d'adoption du projet de loi
102.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Roberval. M. le ministre.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je veux remercier les
représentants de l'Union des municipalités régionales de
comté et M. Nicolet, le président. Nous croyons que la loi 125
n'est pas complète. Il y a certaines lacunes. Ce n'est pas une critique
que je fais de la loi 125, parce que des modifications à plusieurs
autres lois sont apportées de temps à autre. L'article 149 ne
répond pas vraiment au point spécifique de la loi 102. Il y a la
question des délais. Quant aux délais, on m'a informé que
cela peut être de un à deux ans. Si on examine tous les
délais des articles 149 et 150, c'est 90 jours, 90 jours, plus un autre
avis. En tout cas, on arrive à un an. Le délai de 90 jours, c'est
le délai que nous avons, comme gouvernement, quand vous nous avisez. Il
n'est pas de notre intention, ni dans notre esprit ni dans le texte de la loi,
de permettre aux ministères d'escamoter la loi 125. Même le
libellé de l'article 20 stipule que le plan d'affectation peut
être modifié de la même manière qu'il est
préparé. Alors, il faut suivre toutes les étapes: le
COMPADR et tout le reste. On parle du ministre des Affaires municipales,
à la suite de la réception d'une résolution du conseil de
la municipalité transmise dans les 90 jours... Alors, ni dans notre
esprit ni dans le texte de la loi, il n'est de notre intention d'escamoter les
étapes de la loi 125, sauf que, pour le plan d'affectation, une
modification très précise qui n'est pas prévue à
l'article 149, nous avons modifié la loi 125.
Maintenant, nous prenons bonne note de vos préoccupations. Sur la
question de la consultation, je pense que si vous voulez qu'on vous oblige ou
qu'on mette une obligation aux MRC de consulter après que nous ayons
donné un avis, nous sommes prêts à changer le mot "demande"
pour "avis". Si vous juqez à propos que nous vous imposions l'obligation
de consulter... Nous tenions pour acquis que la question de la consultation
était une décision que la MRC devait prendre, selon les
discussions qu'elle avait avec le ministère des Affaires municipales et
les discussions qu'elle avait avec les officiers du ministère de
l'Énergie et des Ressources. Mais si vous voulez une obligation
spécifique, je pense bien qu'on peut regarder cela. Nous sommes
prêts à regarder le délai de 90 jours et à examiner
cela avec vous pour ne pas vraiment causer de problèmes réels. Si
vous avez des problèmes réels en termes de délais et de
consultations, nous sommes prêts à examiner cela. Nous croyons que
nous ne changeons pas l'esprit de la loi 125, mais nous ajoutons un
élément qui n'avait pas été prévu. On vous
remercie pour votre mémoire. Cela se voit qu'il y a eu un apport des
avocats dans le mémoire. C'est très spécifique,
très précis et bien fait. On vous remercie. Nous sommes
prêts à continuer nos discussions, M. Nicolet. Espérons
qu'on va pouvoir vous satisfaire. Ce n'est pas notre intention de permettre
à quelqu'un d'escamoter la loi ou de vous imposer unilatéralement
certaines décisions du ministère. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Messieurs, au nom
des membres de la commission, nous vous remercions de votre présence
ici. Je vous cède la parole, M. le Président, pour un dernier
commentaire, si vous le voulez.
M. Nicolet: J'aimerais vous exprimer toute notre reconnaissance
pour l'attention que vous avez portée à notre
présentation. Je suis encouraqé par les propos de M. le ministre,
bien sûr, et par l'appui de l'Opposition. Merci, mesdames, messieurs.
Le Président (M. Théorêt): Merci. Je suspends
les travaux de la commission de l'économie et du travail jusqu'à
15 heures
alors que nous entendrons le Barreau du Québec.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
(Reprise à 15 h A)
Le Président (M. Théorêt): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux sur la consultation
particulière du projet de loi 102, Loi sur les terres du domaine public.
J'invite maintenant M. Gauthier, je pense qu'il a déjà pris
place. Nous entendrons M. Gauthier, directeur général, qui vient
présenter le mémoire pour le Barreau du Québec.
M. Gauthier, je porte à votre attention que vous avez 20 minutes
pour la présentation de votre mémoire et que chaque formation
politique a 20 minutes pour discuter avec vous de ce mémoire. Je vous
cède la parole, M. Gauthier.
Barreau du Québec
M. Gauthier (Pierre): Merci, M. le Président. M. le
Président, M. le ministre, MM. les membres de l'Assemblée
nationale, je voudrais profiter de l'occasion qui m'est offerte pour vous
remercier de l'honneur que vous faites au Barreau du Québec en lui
offrant ainsi la possiblité de se faire entendre devant cette commission
parlementaire. C'est donc avec plaisir que nous nous impliquons dans la seconde
étape du processus de réorganisation du système de gestion
des terres publiques du Québec et vous faisons part ainsi de nos
commentaires sur le projet de loi 102.
À l'instar de notre intervention sur le projet de loi sur les
forêts, la présente démarche s'inscrit dans une optique de
bonne délimitation des pouvoirs, devoirs et obligations établis
dans ce projet de loi et de protection de certains principes essentiels qui
doivent être respectés dans l'établissement de ce nouveau
système d'administration des terres du domaine public. Donc, pour des
raisons de bonne compréhension, nos commentaires se liront en fonction
de l'ordre de présentation des articles de l'avant-projet de loi.
Dans un premier temps, M. le ministre, M. le Président,
j'aimerais féliciter les juristes et les légistes du
ministère de l'Énergie et des Ressources pour l'excellent travail
qu'ils ont accompli dans le cadre de cette réforme de l'ancienne loi.
Ainsi, le style est plus clair et plus précis, et la facture plus nette,
de telle sorte que le tout a comme effet de rendre beaucoup plus abordable ce
texte législatif.
Nous attirons votre attention sur les articles 5, 10, 25, 37 et 57.
Quant à l'article 23 dont nous parlons dans notre mémoire, je
pense que le problème a été régté; donc,
nous n'y reviendrons pas. Quant aux autres articles dont nous avons
parlé, nous les laissons pour votre appréciation.
J'attirerais donc, M. le Président, M. le ministre, votre
attention sur l'article 5 qui concerne le droit d'expropriation au
bénéfice du domaine public. Le premier paragraphe de l'article 5
de la loi prévoit que "le ministre peut acquérir tout droit
immobilier au bénéfice du domaine public".
Le second paragraphe de cet article prévoit aussi le pouvoir du
ministre d'exproprier un bien immobilier au bénéfice du domaine
public "lorsqu'il juge cette acquisition dans l'intérêt
public".
Tout d'abord, le Barreau s'interroqe sur la pertinence de l'application
du critère d'intérêt public alors que, déjà,
le champ d'application de la loi, qui sous-tend le pouvoir du ministre, est
clairement exprimé par les termes "au bénéfice du domaine
public".
Compte tenu que, normalement, une expropriation ne doit avoir lieu que
pour la réalisation des objets qui sont définis dans la loi et
que déjà cet article prévoit l'autorisation
préalable du gouvernement, nous croyons que le ministre ne devrait pas
se voir attribuer la discrétion d'apprécier la notion de
l'intérêt public dans les cas d'expropriation.
Un tel octroi de discrétion apparaît, premièrement,
non pertinent à l'égard du critère même de
l'intérêt public et, deuxièmement, non recommandable si
cette discrétion n'est pas conjuguée avec les autres
critères d'appréciation de la loi.
Ainsi si vous vous référez à l'ancienne loi ou
à la loi actuelle sur les terres et forêts, aux articles 16 et 20,
on indique que ce sont l'agriculture et les usages d'utilité publique
qui sont les domaines qui peuvent être soumis à la juridiction du
ministère dans l'application de ses pouvoirs d'acquisition ou de
disposition des terres sous son autorité.
De telles dispositions viennent donc préciser les termes "au
bénéfice du domaine public" et ne peuvent, selon nous, que servir
à éviter une contestation possible des titres ou de l'exercice
des droits du ministère à l'égard de certaines terres.
D'autre part, M. le Président, je voudrais vous souligner et vous
rappeler que, lors de la création de la Société
immobilière du Québec, en 1983, le législateur avait
transféré au ministère des Transports le pouvoir
résiduel d'exproprier qui appartenait au gouvernement et qui
était exercé par le ministère des Travaux publics.
L'article se lit maintenant comme suit dans la Loi sur le ministère des
Transports, au chapitre M-28, l'article 11.1: "Le ministre -
c'est-à-dire celui des Transports - peut acquérir, à
l'amiable ou par expropriation, pour le compte du gouvernement, ses
ministères ou
organismes, tout bien qu'il juge nécessaire pour la construction,
l'amélioration, l'agrandissement, l'entretien et l'usage d'ouvrages ou
d'édifices publics, ou pour rendre l'accès plus facile."
Si je reviens à l'article 5 du projet de loi, M. le ministre, M.
le Président, il y est fait mention que l'on peut exproprier tout droit
immobilier au bénéfice du domaine public. C'est donc dire que ces
deux articles peuvent, à l'occasion, en venir à certaines
contradictions, parce que, évidemment, l'article 5 est très
vaste. Dans ce cas, cela peut avoir comme effet soit de rendre caduc l'article
11.1, que l'on retrouve dans la Loi sur le ministère des Transports,
soit même de rendre inopérant le nouvel article 5 de votre
nouvelle loi. Dans la mesure où il est tellement vaste et ne correspond
pas aux objets de la loi, vous pouvez vous retrouver avec des contestations
possibles, si bien que, tout en ayant rédigé l'article pour avoir
peut-être une meilleure administration, vous pourriez vous retrouvez avec
des problèmes juridiques importants qui feraient que cette bonne
administration pourrait être mise en péril par l'article 5 tel
qu'il est présentement rédigé.
Maintenant, je vous réfère à l'article 10 sur
l'administration des terres. L'article 10 nous indique que le gouvernement peut
confier à un organisme public l'administration d'une terre aux
conditions qu'il détermine. Au regard des articles qui
précèdent cette disposition et qui traitent des transferts de
pouvoirs entre ministres, il y aurait lieu, à notre avis, pour plus
d'uniformité et afin de bien délimiter les pouvoirs et
obligations des organismes qui se voient confier une telle administration, de
prévoir que l'organisme exerce alors les mêmes fonctions et les
mêmes pouvoirs dont est chargé le ministre en vertu de la loi, que
ce soit exactement les mêmes pouvoirs, plutôt que de se
référer à des conditions qui ne sont pas connues et que le
gouvernement pourrait établir d'une façon qui pourrait être
jugée plus discrétionnaire.
Je vous réfère, d'autre part, à l'article 25.
L'article 25, tel qu'il est rédigé ici, devant vous, nous indique
que, "malgré l'article 2082 du Code civil, tout droit réel
affectant une terre non cadastrée a effet à compter de son
enregistrement à l'encontre de celui qui ne l'a pas été ou
qui l'a été subséquemment."
M. le ministre, je pense que cet article devrait être
réécrit pour bien expliquer que l'effet de l'enregistrement est
le même que dans les terres qui sont cadastrées. Tel qu'on le lit
actuellement, on se demande ce que viennent faire au juste les mots
"malgré l'article 2082". À première vue,
évidemment, on a de la difficulté à comprendre, sauf que
si on poursuit notre recherche on se rend compte que ce qu'on veut dire ici,
c'est que l'enregistrement de terres non cadastrées, tel qu'il est
prescrit dans la loi, a le même effet que l'article 2082, mais ce ne sont
pas les mêmes prescriptions qu'on retrouve à l'article 2082. Je
vous suggérerais peut-être, pour une meilleure
compréhension, de rédiqer autrement cet article.
Je voudrais maintenant vous entretenir de l'article 37. Si vous faites
la lecture de l'article 37 à voix haute, on a de la difficulté
à comprendre quel est exactement le problème qu'on veut
résoudre ici. Il faut lire l'ancien article 38 qui, à mon avis,
est beaucoup plus clair. En fait, on a repris l'article 38, l'ancien que l'on
retrouvait dans la Loi sur les terres et forêts, et on l'a replacé
ici. Quand on le lit attentivement, on ne comprend pas exactement ce qu'on veut
dire. J'ai l'impression, pour en avoir discuté avec plusieurs personnes,
que ce qu'on veut, c'est qu'advenant le cas où, par exemple, un
requérant n'a pas de titres clairs et qu'il veut absolument obtenir des
lettres patentes, à ce moment-là, au lieu de faire une recherche
de titres, qui pourrait être fort coûteuse évidemment, on va
émettre des lettres patentes, mais au nom des représentants
léqaux. Je présume que c'est ce qu'on veut dire dans l'article.
Or, quand on le lit, on comprend difficilement ce que le ministère veut
corriger. Il serait donc bon d'expliquer le cas comme tel et, par la suite, de
faire la rédaction pour corriger le problème que l'on veut. Le
problème qui vous est soulevé ici est un problème
réel, et vous devez le corriger parce que cela n'a peut-être pas
de sens de faire une étude de titres dans tous les cas, surtout quand il
s'est écoulé une très longue période de temps. II
serait peut-être bon, plutôt que "les représentants
légaux" - c'est l'ancien terme qu'on retrouvait dans la loi - de parler
"d'ayants droit" ou d'autres termes qui correspondraient beaucoup plus à
la situation que l'Assemblée nationale veut corriger par cet
article.
D'autre part, je vous renverrais, M. le ministre et M. le
Président, à l'article 57. L'article 57 nous indique que le
ministre peut verser - l'article 57 se trouve dans le chapitre V, sur la
révocation des droits - une indemnité ou rembourser les impenses
faites sur une terre confisquée dans la mesure où
l'équité le requiert. Le Barreau croit que la notion
d'équité devrait être laissée, évidemment,
à l'appréciation des tribunaux et non pas à la
discrétion du ministère. Oui plus est, au sujet de
l'administration", la notion d'équité telle que
rédigée ici, et qui correspond à un ancien article
où on a repris un peu la même rédaction, présente
des difficultés d'administration pour le ministre.
D'abord, la notion d'équité est quand même
très vague et les critères pour l'appliquer pourraient
peut-être être considérés, là aussi, comme
discriminatoires
en ce sens qu'ils ne sont pas connus du public. Les critères
pourraient aussi varier d'un cas à l'autre pour le remboursement d'un
fonctionnaire à l'autre qui applique la loi, car votre ministère
est très diversifié et il pourrait arriver que, dans ce cadre, ce
soit appliqué par un fonctionnaire. Évidemment, cette
interprétation peut varier d'une administration à l'autre.
Nous vous suggérons donc, en plus, de le laisser à
l'appréciation des tribunaux, si cela vous convient. Si cela ne vous
convient pas, nous vous proposons d'adopter une rédaction semblable
à celle de l'article 417 du Code civil, où l'on parle des droits
d'accession relatifs aux choses immobilières et où on fait
état de la notion de bonne foi.
J'ai compris, pour avoir pratiqué dans ce domaine durant
plusieurs années, entre autres en Gaspésie et sur la
Côte-Nord, qu'il pouvait arriver, à l'occasion, que quelqu'un
empiète sur une terre publique parce que le bornage n'était pas
fait à la satisfaction de tout le monde et qu'on doive, je pense, lui
rembourser les dépenses. S'il a construit sa maison là, il faudra
quand même lui permettre d'y vivre et je ne pense pas que ce soit la
faute du citoyen. En ce sens, il est de bonne foi.
J'ai vu en Gaspésie des gens construire sur le mauvais rang. Ils
pensaient que c'était sur le rang numéro un et ils se sont tous
construits sur le rang numéro 2; leurs titres ne sont pas clairs.
C'était sur des terres publiques, d'où, évidemment, la
nécessité, dans ces dossiers, que le ministre ait un article 57
pour lui permettre de rembourser pour les améliorations qui auraient
été apportées à ces terres. Je comprends, d'autre
part, que celui qui va s'installer en plein milieu de la Gaspésie,
où toutes les terres sont publiques... Évidemment, je ne suis pas
certain que la notion de bonne foi pourrait être retenue par le ministre
à ce moment-là, car il est convenu qu'en plein milieu de ces
terres publiques les gens savaient que c'étaient des terres publiques et
non pas des terres privées.
Dans ce contexte, pour l'administration du ministre et pour une plus
grande crédibilité de l'administration publique, on devrait
rédiger cet article de façon plus serrée, de façon
à vous permettre d'avoir des critères connus et d'être en
mesure de les faire appliquer par tous vos fonctionnaires. Je pense que la
rédaction peut en être faite avec suffisamment de clarté
pour vous aider, d'autant plus que cette notion de bonne foi, que l'on retrouve
à l'article 417 du Code civil, est évidemment très bien
comprise et a aussi été très bien administrée par
les tribunaux. La jurisprudence est claire là-dessus. Donc, dans ce
contexte, il serait peut-être beaucoup plus facile pour l'administration
du ministère que la rédaction soit plus serrée.
D'autre part - je termine ici, M. le ministre et M. le Président
- nous remarquons, dans cette refonte de la loi qui est très bien faite
à notre avis, que certains articles ne se retrouvent plus dans la
nouvelle loi, entre autres l'article 11 qui concerne l'interdiction à un
employé du ministère d'acheter les terres publiques. Pourquoi ne
le retrouve-t-on pas dans le nouveau projet de loi? Est-ce parce qu'on le
retrouve, entre autres, dans les prescriptions reliées à la Loi
sur la fonction publique? Je pense que cet article était important pour
la crédibilité de l'administration du ministère de
l'Énergie et des Ressources. Dans ce contexte, si on ne le retrouve pas
dans une autre loi du gouvernement ou dans d'autres règlements, le
Barreau apprécierait voir une telle disposition revenir dans la loi.
M. le ministre, encore une fois, c'est tout pour les commentaires que
nous avions. Nous vous avons fait parvenir ces commentaires sous forme
écrite. Si vous avez quelques questions, je suis à votre
disposition pour y répondre.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M.
Gauthier. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: M. Gauthier, je voudrais vous remercier pour votre
mémoire, sa présentation, l'étude que vous avez faite du
projet de loi ainsi que les suggestions et les recommandations que vous nous
apportez. Dans vos commentaires sur l'article 5, où l'on prévoit
un pouvoir d'expropriation, vous parlez d'un pouvoir discrétionnaire en
ce qui a trait à la définition "d'intérêt public".
Vous faites valoir, entre autres, deux arguments: 1° le fait qu'il y ait
une autorisation nécessaire du gouvernement; 2° que le champ
d'application de la loi est clairement exprimé par les termes "au
bénéfice du domaine public". Si on enlève la notion
d'intérêt public, ne croyez-vous pas qu'il y a plus de
discrétion et moins de restriction en ce qui concerne le pouvoir
d'exproprier? Premièrement, le pouvoir d'exproprier, c'est avec
l'autorisation du gouvernement; c'est une restriction pour le ministre.
Deuxièmement, non seulement on peut exproprier tout bien immobilier au
bénéfice du domaine public, mais on ne doit le faire que lorsque
l'on juge que cette acquisition est dans l'intérêt public.
Autrement dit, si on enlève la notion d'intérêt public,
cela ouvre la porte à l'expropriation au bénéfice du
domaine public, sans la justifier. On veut exproprier au bénéfice
du domaine public, mais il faut que ce soit dans l'intérêt public.
Ne croyez-vous pas que, premièrement, l'autorisation du gouvernement,
c'est une balise imposée au ministre et, deuxièmement, que le
critère d'intérêt public est une autre restriction au
pouvoir d'expropriation plutôt
qu'un terme qui laisse la porte ouverte a tout?
M. Gauthier (Pierre): Vous me permettez de répondre, M. le
Président?
Le Président (M. Théorêt): Allez-y.
M. Gauthier (Pierre): Je conviens avec vous que le fait
d'enlever, dans le corps de la rédaction, la notion
d'intérêt public pourrait apporter encore plus de confusion, sauf
que le but de notre présentation sur l'article 5, c'est qu'il faudrait
limiter le pouvoir d'expropriation au champ d'application de la loi. D'abord,
vous pouvez venir en contradiction avec - comme je vous le disais tout à
l'heure - l'article 11.1 de la Loi sur le ministère des Transports, qui
a hérité du pouvoir résiduel d'exproprier pour le compte
du gouvernement, d'une part.
Deuxièmement, si vous vous référez à
l'ancienne loi, vous remarquerez que les limites de ce pouvoir étaient
beaucoup plus restreintes, soit aux articles 16 et 20 - si je ne me trompe pas
- où on le faisait, évidemment, en explicitant comme il le faut
ce que l'on entendait par le pouvoir d'acquisition et quel était son
champ d'application. Dans ce contexte, on ne retrouve pas le même
exercice avec la nouvelle loi. Par exemple, à l'ancien article 20, on
disait: "Le gouvernement est autorisé à acquérir des
terrains privés, par échange ou autrement, aux prix et conditions
qu'il détermine, lorsque l'intérêt de l'agriculture, dans
une localité, l'exige. Ces terres, dès qu'elles sont acquises par
la couronne..."
Ce que je veux mentionner là-dedans, M. le ministre, c'est qu'il
est évident qu'aujourd'hui la loi ne correspond peut-être plus aux
besoins du ministère, sauf que vos pouvoirs sont tellement vastes qu'il
n'est pas certain qu'il ne puisse y avoir de contestation quant à la
rédaction de l'article 5. Vous pourriez, en ne faisant que quelques
amendements, la restreindre au champ d'application de la loi et éviter
tout problème; c'est ce que l'on souligne. On vous met en garde
là-dessus.
M. Ciaccia: Je vous remercie. Je crois que l'on va demander
à nos légistes et a notre service juridique d'examiner cet aspect
et la référence que vous avez faite à la Loi sur les
transports. Je voudrais seulement vous souligner qu'à l'article 17 de la
présente loi le pouvoir est encore plus vaste. Cela donne l'autorisation
au ministre d'acquérir, par échange, par expropriation, tout
terrain, territoire ou droit immobilier, lorsqu'il juge cette acquisition utile
pour l'administration de la présente loi. Je pense que l'intention
était de restreindre. C'est encore plus large, plus vaste. On va
examiner à nouveau l'article 5 à la lumière des
commentaires que vous avez faits.
M. Gauthier (Pierre): Merci, M. le ministre.
M. Ciaccia: À l'article 25, vous portez à notre
attention que les mots "malgré l'article 2082 du Code civil" n'ont
peut-être pas leur place. Je pense que vous avez raison. On va
écrire à nouveau l'article 25 pour prendre en
considération les commentaires que vous avez faits.
À l'article 10 qui régit les transferts d'administration
à des organismes publics, ne croyez-vous pas qu'il soit justifié
de la part du gouvernement de vouloir garder un droit de regard sur ces terres?
Autrement dit, on va les transférer à d'autres ministères,
mais on va garder un droit de regard. Ne croyez-vous pas aussi que la
rédaction de l'article nous permet de dire que l'organisme
connaîtra les conditions au moment du transfert? Il peut y avoir
tellement de conditions que l'on ne peut pas toutes les prévoir
aujourd'hui. On rédige une loi sur les terres qui va avoir des effets.
D'autres ministères peuvent avoir d'autres droits. Il y a le
régime forestier. Il y a une série de possibilités de
transfert au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation. Je pense qu'il serait difficile d'inclure les conditions dans
ce projet de loi, mais on voudrait maintenir un droit de regard sur ces terres.
Ne croyez-vous pas qu'en l'incluant de cette façon dans l'article 10,
cela nous permet de garder une certaine cohésion et un droit de regard
sur toutes les terres publiques?
M. Gauthier (Pierre): II est évident que notre position
quant à la rédaction de l'article 10 en est une de principe. Dans
ce contexte, le transfert, à notre avis, devrait être sensiblement
le même type de transfert que celui que l'on retrouve à l'article
6, je pense. Autrement dit, le ministre transfère tous les pouvoirs de
gestion qu'il a à un autre ministre, par exemple, sur le terrain ou les
terres en question. C'est la même objection de principe que nous avons,
et que vous avez remarquée dans notre rapport, quant à la
réglementation que l'on retrouve dans chacune des lois. Dans la mesure
où ces conditions ne sont pas connues, on peut facilement se donner
suffisamment de pouvoirs, dans le corps de la rédaction de l'article 10,
pour, évidemment, être en mesure de bien gérer ce
transfert. (15 h 30)
M. Ciaccia: Est-ce que vous voyez une différence entre
l'article 6, où il y a un transfert d'autorité, et l'article 10,
où il y a un transfert administratif? Pour maintenir un peu les
contrôles du point de vue administratif, nous avons rédigé
l'article 10. Mais, à l'article 6, on dit: "...transférer
l'autorité sur une terre à un autre ministre du
gouvernement afin que ce dernier exerce à l'égard de cette terre
les fonctions et pouvoirs dont il est chargé en vertu de la loi." Alors,
c'est clair en ce qui concerne le transfert d'autorité. La loi va le
prévoir. Mais il se peut qu'il y ait seulement un transfert
d'administration. Alors, dans ce cas, on ne peut pas prévoir ici toutes
les conditions. On ne transfère pas l'autorité, strictement
l'administration pour un temps limité ou pour des raisons
particulières.
M. Gauthier (Pierre): Sur le plan juridique, vous avez raison.
Sur le plan pratique, pour avoir déjà oeuvré en milieu
gouvernemental, ce transfert d'autorité s'apparente souvent à un
transfert purement et simplement administratif. Dans ce contexte, cela peut
peut-être amener une confusion. Sur le plan juridique, vous auriez raison
à cet effet.
M. Ciaccia: En ce qui concerne l'article 37, on va regarder
l'ancien article 38. On va examiner cela et les commentaires que vous avez
faits pour voir les améliorations qui pourraient y être
apportées ou s'il y a d'autres explications que l'on pourra donner.
À l'article 57, vous dites que la notion d'équité
devrait être laissée à l'appréciation des tribunaux
et que les critères de fixation de l'indemnité devraient
être inscrits dans la loi.
En ce qui concerne la notion d'équité, si un citoyen se
sent lésé, il peut toujours aller devant les tribunaux. Il n'y a
rien dans la loi qui empêche un citoyen, si on applique l'article 57 et
qu'il trouve que ce n'est pas équitable, d'aller devant les tribunaux.
Ne trouvez-vous pas que cela peut répondre à cet aspect?
M. Gauthier (Pierre): Oui, cela peut répondre à cet
aspect, M. le ministre. Sauf qu'il serait quand même bon que les
critères sur lesquels vous voudriez orienter les actions du
ministère soient connus dans la loi. Je pense qu'on est capable, au
sujet de l'équité ou de la bonne foi, peu importe la notion, de
mettre certains critères de base qui feraient qu'on ne serait
peut-être pas obligé, à chaque fois, si on ne s'entend pas
avec le ministre, d'aller devant les tribunaux. Si ces critères sont
connus, d'une part, ils sont beaucoup plus facilement administrables. Je pense
que l'organisation administrative du ministère pourrait fonctionner avec
beaucoup plus d'harmonie.
Les citoyens pourraient, d'ores et déjà, être au
courant des différentes situations possibles où, justement, le
ministère pourrait indemniser ou rembourser les travaux et les
améliorations qui ont été faits sur l'immeuble. Je ne
pense pas qu'au niveau rédactionnel, comme le domaine du droit
immobilier est semblable un peu partout au Québec, l'on puisse passer
à côté de beaucoup de situations.
M. Ciaccia: Parce que l'article 417 du Code civil auquel vous
vous référez est un peu lourd.
M. Gauthier (Pierre): Écoutez, vous avez raison dans la
mesure où il ne s'applique pas directement ici. C'est bien certain.
C'est à titre d'exemple qu'on le faisait. Mais j'ai l'impression qu'on
est capable d'établir des critères où, par exemple, il y
aurait d'abord la notion... Parce que, voyez-vous, ici, "où
l'équité le requiert", c'est le ministre qui décide ce qui
est équitable ou ce qui ne l'est pas. Dans la bonne foi, c'est
l'individu qui aura à démontrer au ministre, à ses
fonctionnaires ou à la cour sa bonne foi. Si vous n'avez pas de
critères ici, le juge peut décider à l'encontre du
ministre et peut-être avec un raisonnement qui fasse que cela paralysera
votre administration. Si vous avez des critères, la cour se penchera sur
les critères que le ministre aurait dû appliquer ou non dans la
décision qu'il a rendue. Cela facilitera de beaucoup votre
administration. À moins que vous ne vouliez absolument que ces
critères soient fixés par la cour. Quelquefois, on n'a pas
toujours le choix de la cause, M. le ministre. C'est dans ce contexte que je
vous le mentionnais.
M. Ciaccia: Croyez-vous qu'il soit possible de dresser dans la
loi une liste des critères applicables à tous les cas possibles,
car c'est pas mal vaste, non seulement dans l'étendue
géographique et dans l'étendue des terrains, mais les buts, les
cas, les différentes situations, toutes les possibilités prises
en considération, toutes les activités possibles? Pensez-vous
qu'il soit possible de dresser une liste de critères applicables
à tous les cas?
M. Gauthier (Pierre): Les critères n'ont peut-être
pas l'obligation de s'identifier à des cas bien particuliers
nécessairement, sauf que vous avez, comme je vous le dis, sûrement
une notion de bonne foi, et la personne devra la démontrer. Les
situations où l'on se trouve à avoir placé des
constructions sur le domaine public ou les terres de la couronne,
évidemment, sont des situations relativement limitées. Ou bien on
pensait que c'était sur notre terrain - d'accord? - ou on pensait qu'on
était au bon endroit et, malheureusement, la situation
géographique des lieux...
Je comprends facilement qu'en Gaspésie, sur la Côte-Nord ou
en Abitibi, cela n'est pas tout à fait comme à Québec ou
à Montréal, où vous avez le nom des rues et c'est assez
facile à se situer. Dire que c'est le premier rang ou le deuxième
rang
quand ce n'est pas indiqué, c'est évident qu'il peut y
avoir des erreurs qui font en sorte que les gens ont mis des
améliorations là-dessus. Je pense que les situations où
les gens de bonne foi vont se construire à la mauvaise place doivent
être relativement restreintes. Dans la majorité des cas, ce qu'on
a vu, c'est que des gens ont pris possession de terres publiques et, dans ce
cas-là, ils ne devraient pas être remboursés pour les
constructions qu'ils ont faites. Ils savaient pertinemment, à cause de
la situation géographique, qu'ils étaient en plein bois ou - je
ne sais pas - à plusieurs dizaines de milles de tout lieu habité.
C'était sur des terres de la couronne et ils s'y sont implantés.
Je pense que les situations sont relativement restreintes, M. le ministre.
Évidemment, je n'ai pas la compétence de vos fonctionnaires qui
ont quand même une grande expérience dans le domaine. Ils seraient
capables d'identifier des cas.
M. Ciaccia: Mais si on regarde l'article 56, parce que l'article
57 s'applique dans ces cas-là... Il y a des cas très
spécifiques: "Si un acquéreur, un cessionnaire, un occupant ou un
locataire d'une terre ou son ayant droit a enfreint ou négligé
d'accomplir une des conditions d'une vente, d'une cession, d'un bail ou d'un
permis d'occupation le ministre peut exiger que les correctifs soient
apportés..."
M. Gauthier (Pierre): Oui.
M. Ciaccia: II n'est pas question de bonne foi. Ce sont des
choses claires et précises. L'article 57 s'appliquerait à ce
moment-là.
M. Gauthier (Pierre): Oui, l'article 57 pourrait s'appliquer dans
ces cas, mais il n'est pas dit qu'il ne pourrait pas s'appliquer dans d'autres
cas parce que, comme je vous le dis, la notion d'équité est quand
même très vaste là-dessus.
M. Ciaccia: Votre interprétation est que l'article 57
s'appliquerait à toutes sortes d'autres cas et pas seulement dans les
situations décrites à l'article 56. On peut révoquer pour
toute raison?
M. Gauthier (Pierre): Quand vous vous référez
à l'article 57, on se réfère aussi à la notion de
révocation, d'accord?
M. Ciaccia: On va examiner cela. À la lecture, j'avais
l'impression que les raisons pour la révocation sont assez
spécifiques aux articles 56 et 58, mais si cela ouvre la porte à,
vous savez...
M. Gauthier (Pierre): Mais, à ce moment-là, M. le
ministre - excusez-moi de vous interrompre - on pourrait peut-être
mentionner qu'on se réfère à l'article 57 dans le cas des
articles 56 et 58 et les critères seraient connus si tel est le cas.
M. Ciaccia: On va examiner cela, M. Gauthier. En ce qui concerne
- excusez si je dépasse un peu mon temps - l'article 11 de l'ancienne
loi, l'article 9 de la Loi sur la fonction publique prévoit que le
fonctionnaire ne peut directement ou indirectement accorder, solliciter ou
accepter, en sa qualité de fonctionnaire, une faveur ou un avantage indu
pour lui-même ou pour une autre personne et utiliser à son profit
un bien de l'État ou une information qu'il obtient en sa qualité
de fonctionnaire. Je crois que c'est assez vaste pour prévoir la
situation que vous avez mentionnée.
M. Gauthier (Pierre): Oui, cela répond à ma
question, M. le ministre. Je vous remercie.
M. Ciaccia: Je vous remercie.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Dans un premier temps,
je voudrais excuser mon collèque de Roberval qui a dû s'absenter
pour quelques minutes, étant retenu par d'autres obligations. Il devrait
être ici avant 16 h 30.
À l'article 1, vous dites que, finalement, la définition
des terres du domaine public n'est pas connue et vous semblez dire qu'il
faudrait préciser d'une façon beaucoup plus complète ce
que l'on entend par terres du domaine public.
À partir de votre expertise, de l'expérience que vous avez
en tant que corporation et des membres de votre corporation qui travaillent
continuellement dans ces questions, est-ce vous aviez une définition un
peu plus tangible de ce qu'est une terre du domaine public?
M. Gauthier (Pierre): Voici. Au sujet de l'article 1, dans notre
mémoire, à la page 2, nous parlons effectivement de la notion de
définition qui, à notre avis, manquait dans ce projet de loi. Je
dois vous avouer que pour avoir parlé au directeur du contentieux du
ministère de l'Énergie et des Ressources, Me Brîsset De
Nos, nous en sommes venus à la conclusion qu'il est beaucoup plus clair,
dans la mesure où on sait que la notion de terre publique, tel qu'on en
parle au domaine public, s'applique à l'article 109 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique. Déjà là, au niveau
des terres publiques, on connaît un peu le champ d'application de cette
définition.
Ce qui nous surprenait aussi quant à la définition, c'est
qu'on retrouvait à l'article 67 une espèce de définition
où on disait, par exemple: À moins que le contexte ne s'y oppose,
les expressions "terres de la couronne", "terres publiques", "terres
domaniales" devraient être remplacées par "terres du domaine
publie". D'autre part, certains auteurs en droit ont déjà
disséqué la notion de domaine public pour parler de domaine
privé de l'État et domaine public de l'État; en parlant,
entre autres, d'une route, quand elle est utilisée comme route, elle
fait partie du domaine public et, quand elle n'est plus utilisée comme
route, elle fait partie du domaine privé de l'État. C'est toute
une foule de distinctions qui, dans certains cas, ont été
reconnues par la jurisprudence et, dans d'autres cas, non. Ce qui fait que,
quand vous travaillez à ce qu'on appelle ici la définition, quand
on parle du domaine public de l'État, cela devient extrêmement
difficile d'avoir une définition précise.
À notre avis, il aurait été intéressant que
les légistes du ministère de la Justice se penchent sur la
question pour préciser encore ce qu'on entend par domaine public de
l'État québécois. Évidemment, nous n'y avons pas
réfléchi, compte tenu du temps qui a été mis
à notre disposition pour trouver une définition comme telle, mais
je vous avoue qu'on se posait des questions là-dessus. Cela peut laisser
place à l'interprétation. Vous avez eu un dossier qui est
passé dernièrement dans les journaux au sujet des battures de
Beauport. Est-ce que cela fait partie comme tel du domaine public de
l'État ou non? Vous savez qu'encore une fois les tribunaux n'ont pas
complètement tranché dans ce domaine.
M. Claveau: Merci. Vous avez vous-même abordé ma
deuxième question en parlant des battures de Beauport, ce qui nous
amène à parler du lit du fleuve Saint-Laurent et du golfe du
Saint-Laurent. Quand on parle de terres du domaine public et qu'on identifie le
"lit du fleuve Saint-Laurent et du golfe du Saint-Laurent appartenant au
Québec par droit de souveraineté", est-ce que, dans votre esprit,
cela veut dire qu'on délimite déjà, d'emblée, un
territoire sous-marin, si vous voulez, sur lequel le Québec a une
juridiction?
M. Gauthier (Pierre): Je dois vous avouer, M. le
député, que c'est un domaine très complexe. D'abord, on
tombe dans le domaine constitutionnel. Vous avez aussi, au niveau de la
juridiction du fleuve, ou d'une partie du fleuve, les ports nationaux qui
relèvent du gouvernement canadien, qui ont une certaine autorité.
Évidemment, je serais bien mal placé aujourd'hui pour vous faire
une conférence sur tout ce domaine constitutionnel, mais je pense que le
Québec, dans la mesure où il a autorité, l'exprime dans
cette loi. Évidemment, ce n'est pas tranché au couteau, et ce
sont des débats qui vont continuer encore fort longtemps
là-dessus.
C'est très difficile de vous dire: Est-ce que c'est tout le
fleuve sur lequel, par exemple, le ministère de l'Énergie et des
Ressources ou le gouvernement du Québec aura autorité? À
certains endroits, non, une partie du fleuve ou des battures sont encore la
propriété d'intérêts privés qui ne se sont
peut-être pas manifestés devant les tribunaux, mais qui,
théoriquement, le seraient. D'autre part, cela peut être le
gouvernement canadien comme, on l'espère aussi, le gouvernement du
Québec sur une bonne partie de ces territoires. Je ne peux pas vous
répondre directement à cette question, M. le
député. Vous m'en excuserez. (15 h 45)
M. Claveau: D'accord. Mais vous me permettrez sûrement de
poser la question au ministre pour voir s'il pourrait, dans trois mots, essayer
de me dire ce qu'il entend effectivement par "parties du lit du fleuve
Saint-Laurent et du golfe du Saint-Laurent sur lesquelles le Québec
aurait une juridiction par droit de souveraineté".
M. Ciaccia: Pardon?
M. Claveau: J'aimerais avoir un peu la...
Une voix: II n'est pas capable.
M. Claveau: ...définition de "parties du lit du fleuve
Saint-Laurent et du golfe du Saint-Laurent appartenant au Québec par
droit de souveraineté". Si vous l'avez mis dans la loi, je suppose que
vous deviez savoir de quoi il s'agissait. J'aimerais avoir deux, trois mots
d'éclaircissement là-dessus.
M. Ciaccia: Je pense qu'on va laisser les... On est ici pour
écouter les...
Une voix: Intervenants.
M. Ciaccia: ...intervenants et le représentant du Barreau.
On va attendre qu'ils aient fini. Entre-temps, je vais penser à votre
question.
Une voix: M. le député...
M. Claveau: Merci, M. te ministre. De toute façon, le
représentant du Barreau avait déjà donné une
réponse très satisfaisante. J'aurais aimé voir si vous
opiniez du bonnet pour confirmer la réponse du représentant du
Barreau.
J'irai maintenant très brièvement à l'article 5.
Vous semblez dire finalement que parce que, dans le premier paragraphe de
l'article 5, on utilise "terres du domaine
public", on n'a pas à utiliser, à ce moment-là, la
notion d'intérêt public dans le deuxième paragraphe parce
que - en tout cas, à moins que je ne m'abuse, c'est comme cela que
j'interprète votre point de vue - du fait qu'on identifie dans le
premier paragraphe que ce sont les terres du domaine public on suppose que
l'intérêt public est sauvegardé, est pris en
considération et qu'on n'a pas à le préciser dans le
deuxième paragraphe. Est-ce que j'extrapole ou si c'est vraiment ce que
vous dites?
M. Gauthier (Pierre): M. le député, à tort
ou à raison, on se disait que, par exemple, "acquérir tout droit
immobilier au bénéfice du domaine public", c'était
peut-être moins vaste que lorsqu'on y va sur "toute acquisition
d'intérêt public". Quand on le lit en profondeur, peut-être,
il faut faire de l'interprétation parce que l'article n'est pas
très clair. M. le ministre nous disait tout à l'heure que
l'intérêt public pourrait peut-être limiter la notion de
domaine public. Mais, d'une façon ou d'une autre, l'article tel que
rédigé ici est très vaste car, acquérir un droit
immobilier au bénéfice du domaine public, théoriquement
parlant, cela veut dire qu'on peut acquérir des droits pour la
construction de routes, qu'on peut acquérir des droits pour construire
un pont, qu'on peut acquérir des droits pour des fins de construction
d'un immeuble...
M. Claveau: Ligne de transport hydroélectrique.
M. Gauthier (Pierre): ...d'un hôpital, n'importe quoi.
Alors, à notre avis, c'est beaucoup trop vaste. On devrait se limiter
à l'objet même de la loi. Je vous avoue que je n'ai pas fait
l'exercice pour vous dire en quoi cela devrait être nécessairement
limité, mais je pense qu'en ce qui concerne le champ d'application de la
loi on devrait se limiter à cela, limiter les pouvoirs d'expropriation
uniquement à cela. Alors, est-ce que cela veut dire acheter certains
terrains pour des fins bien particulières? Il y aurait lieu là de
les énumérer parce que le citoyen, avec des pouvoirs si vastes
que cela, n'est pas en mesure de contester ou non. Le ministre de
l'Énergie et des Ressources ne peut pas exproprier pour n'importe quelle
fin du gouvernement, à notre avis. Si c'était cela, cela irait
à l'encontre de l'article 11.1 du ministère des Transports qui a
hérité, lorsque la SIQ a été créée,
de ce pouvoir résiduel d'exproprier pour l'ensemble du gouvernement.
À tort ou à raison, le législateur lui a donné ce
pouvoir.
Remarquez que, dans notre mémoire, ce sur quoi nous voulons
intervenir, c'est surtout le fait qu'actuellement, tel que
rédigé, l'article donne des pouvoirs beaucoup trop vastes et
pourrait, à la longue, limiter l'efficacité de l'action du
ministre de l'Énergie et des Ressources, qui est responsable de la
loi.
M. Claveau: Merci. Dans le même ordre de pensées, ne
croyez-vous pas, par exemple, que l'application de l'article 5, tel qu'on l'a
dans l'avant-projet de loi, pourrait servir, entre autres,
d'échappatoire pour décréter que les lignes de transport
hydroélectriques sont du domaine public, de l'intérêt
public et qu'à ce moment-là on peut passer des corridors en
échappant à la contestation de ceux qui seraient contre le fait
que des corridors passent dans leur cour? C'est une hypothèse que je
vous pose. Vous pouvez me dire si j'ai raison ou tort.
M. Gauthier (Pierre): Je dois vous avouer que je n'ai pas eu le
temps de réfléchir comme il le faut à la question que vous
me posez. Je pense que ça demande une étude approfondie.
Théoriquement parlant, c'est peut-être vrai, mais je ne suis pas
en mesure de vous donner une opinion juridique là-dessus aujourd'hui.
C'est peut-être une possibilité, je ne le sais pas.
Une voix: Tu te casses la tête...
M. Claveau: Cela vous fatigue d'entendre parler
d'électricité? Je pensais que vous aimiez cela, le domaine de
l'hydroélectricité!
Le Président (M. Théorêt): Article 20.
M. Claveau: L'article 10, sur lequel vous avez parlé, nous
amène à faire une considération ou une constatation. Il
serait peut-être bon, au moment où on se parle, que le ministre de
l'Énergie et des Ressources dépose quelque chose d'un peu
consistant, un genre de synopsis, une approche sur l'ensemble des pouvoirs
réglementaires qu'il se garde dans la loi, un peu comme l'a fait le
ministre déléqué aux Forêts alors qu'il
déposait un synopsis sur la réglementation qu'il entendait faire
dans le domaine forestier. Je crois que l'article 10 ouvre la porte à
une approche réglementaire dont il serait peut-être bon de pouvoir
disposer avant d'en arriver à l'étude article par article du
projet de loi.
M. Ciaccia: Est-ce qu'on lit le même article 10?
M. Claveau: Oui, l'article 10, c'est probablement la même
chose: "Le gouvernement peut, aux conditions qu'il détermine" -donc, on
parle de déterminer les conditions de certains règlements qui
devraient être mis en vigueur afin de permettre de déterminer ces
conditions - "confier à un organisme l'administration d'une terre." Cela
fait
partie, à notre avis, d'une approche réglementaire.
M. Ciaccia: On parle, dans l'article 10, d'un organisme public,
pas de n'importe qui.
M. Claveau: Oui, mais même pour un organisme public, il va
falloir que cela se fasse par le biais d'une approche cohérente,
concertée, non? Cela ne se fera pas comme cela, en l'air, je suppose. Il
y a une base de réglementation qui va gérer cela entre organismes
publics.
M. Ciaccia: C'est possible. Ce ne sont pas des règlements,
ce sera un décret; et les conditions sont inscrites au
décret.
M. Claveau: D'accord.
M. Ciaccia: Ce n'est pas un règlement qui va dire: Voici
le règlement qu'on va publier dans la Gazette officielle pour
dire que les terres publiques confiées à tel organisme ou
à tous les organismes doivent respecter te! règlement. C'est un
transfert d'administration, par décret, avec les conditions qui vont
s'appliquer dans des situations spécifiques de ce transfert. On n'a pas
en vue un règlement général pour le transfert des terres
aux organismes publics.
M. Claveau: Mais afin que ce soit vraiment clair comme approche,
je reviens avec ma question ou ma suggestion de déposer un synopsis de
l'ensemble de la réglementation que vous prévoyez à
l'article 63, afin qu'on puisse savoir exactement quand ça peut
être réglementé ou pas et comment ce sera
réglementé dans les grandes lignes, quand ça doit
l'être.
M. Ciaccia: Je vais examiner votre demande et voir si c'est
possible de donner une indication sur certains aspects de l'article 63.
M. Claveau: Je vous remercie de votre collaboration.
M. Ciaccia: On va examiner cela attentivement.
M. Claveau: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député de Jonquière.
M. Dufour: J'aurais peut-être deux petites questions, dont
une au Barreau. Quand on parle de biens ou de droits immobiliers, est-ce que
cela comprend les droits mobiliers aussi? Serait-il possible que le ministre ou
le ministère ait à dédommager certains pour des terres et
d'autres pour des immobilisations qui auraient pu être faites?
M. Gauthier (Pierre): Excusez-moi, M. le député,
parlez-vous de l'article 5?
M. Dufour: Oui.
M. Gauthier (Pierre): "Le ministre peut acquérir tout
droit immobilier...
M. Dufour: Oui.
M. Gauthier (Pierre): ...au bénéfice du domaine
public."
M. Dufour: Oui.
M. Gauthier (Pierre): J'ai l'impression que, tel que
rédigé actuellement, il ne pourrait sûrement pas exproprier
des droits mobiliers parce que l'expropriation ou l'acquisition confère
uniquement des droits immobiliers.
M. Dufour: Mais est-ce possible, à votre avis, qu'il y ait
des endroits où cela pourrait dépasser les droits
immobiliers?
M. Gauthier (Pierre): À première vue, je ne
croirais pas. Évidemment, le ministre, en expropriant par exemple un
immeuble quelconque ou une entreprise, devra peut-être aussi acheter.
Dans la mesure où il achète cette entreprise pour les fins
prescrites par la loi, il devra peut-être acquérir les meubles,
parce que, d'une façon ou d'une autre, l'entreprise sera obligée
de fermer ses portes. Il devra peut-être acquérir l'inventaire, ou
des choses comme cela. Il devra peut-être acquérir des biens, mais
de façon accessoire et non pas acquérir un bien mobilier propre.
S'il acquiert des biens mobiliers, ce ne sera qu'accessoire à
l'expropriation ou à l'acquisition d'un droit immobilier.
M. Ciaccia: Justement, j'allais vous demander ou souligner que si
le droit mobilier est accessoire au droit immobilier, c'est compris, le droit
accessoire doit être compris dans le droit principal, le droit
immobilier, mais pas en soi un droit mobilier.
M. Dufour: Peut-être une autre question que j'adresserais
à M. le ministre. L'article 1 m'intrigue. En 1884, il y a beaucoup de
cours d'eau qui ont été cédés aux entreprises
privées au Québec. Je ne sais pas comment s'appelle cette loi,
c'est peut-être la loi des terres et forêts ou autrement, mais il y
a beaucoup de lits de cours d'eau qui appartiennent à des entreprises
privées. Je cite ce que j'ai lu. Ma mémoire est exacte, puisque
je lis, ce n'est pas ce que j'ai vécu.
Une voix: C'est lui qui l'a défendu en commission.
M. Dufour: Est-ce que ce projet de loi a pour effet que le
ministère reprenne ces possessions?
M. Ciaccia: Je pense que vous vous référez à
l'ancien article 38. C'est la réserve des trois chaînes. C'est
présentement devant la Cour suprême, et on attend une
décision. Selon le jugement, on prendra une décision.
M. Dufour: Actuellement vous vous interrogez sur le droit de
propriété de ces cours d'eau-là.
M. Ciaccia: C'est devant la cour. La réserve des trois
chaînes fait l'objet d'un litige qui est rendu à la Cour
suprême, et on attend une décision.
M. Dufour: D'accord, merci.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me reste une
minute, j'ai une petite question. J'aimerais vous entendre vous exprimer un peu
plus clairement ou d'une façon un peu plus précise que vous ne le
faites dans votre mémoire sur l'article 52, en ce qui a trait au recours
en dommages et intérêts qui "peut être exercé par un
usager en raison d'un défaut de construction, d'amélioration et
d'entretien d'un chemin" qui se trouve dans le domaine public.
M. Gauthier (Pierre): À ce sujet, malgré le fait
qu'on l'inscrive directement dans la loi, si, par exemple, un accident est
effectivement causé par un défaut de construction qui est
apparent, qui était connu par le ministère ou par des gens qui
devaient en faire l'entretien, le ministère va encourir
nécessairement une responsabilité, en ce sens que cet article,
à notre avis, n'aurait peut-être pas besoin d'être là
parce que, dans la mesure où une faute a été commise et
dans la mesure où cette faute est commise, soit volontairement, soit par
une négligence grave, l'article va sauter. Les tribunaux ne retiendront
pas l'exercice qu'on a voulu faire à l'article 52; ils vont
reconnaître la responsabilité du ministère. Cela
n'enlève nullement la question de la faute lourde ou de la
négligence grave. Malgré la rédaction de l'article, les
gens seront quand même protégés à ce niveau.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M.
Gauthier. M. le député d'Ungava, pour les remarques finales.
M. Claveau: Je tiens à vous remercier de la belle
présentation que vous nous avez faite, qui est effectivement technique,
mais qui nous donne une vue assez systématique des différents
problèmes qui peuvent découler de l'application de ce projet de
loi. Je tiens, au nom de mon collègue de Roberval, à vous
remercier de votre participation et à souhaiter que le ministre ait une
oreille attentive à vos recommandations.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député d'Ungava. M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources. (16 heures)
M. Ciaccia: Merci. Je veux remercier M. Gauthier, du Barreau du
Québec, pour son mémoire. On a apprécié vos
commentaires et on va apporter une attention particulière aux
suggestions d'ordre légal que vous avez faites en ce qui concerne
l'interprétation de certains articles. Il nous fait toujours plaisir
d'utiliser vos connaissances pour aider à améliorer notre projet
de loi, et je vous en remercie. Je crois bien que, pour plusieurs de vos
commentaires, on pourra faire les changements nécessaires,
améliorer ou bonifier la loi pour éviter certains
problèmes que vous avez portés à notre attention.
M. Gauthier (Pierre): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés, je vous remercie de nous avoir offert l'occasion de
remplir notre mission.
Le Président (M. Théorêt): M. Gauthier,
merci, et les membres de la commission vous souhaitent un bon retour.
M. Gauthier (Pierre): Merci.
Fédération des producteurs de bois du
Québec
Le Président (M. Théorêt): J'appelle
maintenant à l'avant les membres de la Fédération des
producteurs de bois du Québec.
Messieurs, au nom des membres de la commission de l'économie et
du travail, nous vous souhaitons la plus cordiale bienvenue à cette
commission. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour la
présentation de votre mémoire et que chaque formation politique a
20 minutes pour en discuter avec vous.
J'inviterais le président, M. Dallaire, à présenter
les deux collègues qui l'accompagnent.
M. Dallaire (Antonio): Merci, M. le Président. Je vous
présente le directeur général, à ma droite, M.
Jean-Claude Dumas, et également M. Jean Gobeil, ingénieur
forestier de profession et directeur de notre service d'aménagement.
Le Président (M. Théorêt): Je vous
cède la parole, M. le président.
M. Dallaire: À titre de président et de
porte-parole officiel de la Fédération des producteurs de bois du
Québec, je voudrais d'abord remercier la commission de l'économie
et du travail de nous avoir invités à donner notre opinion sur le
projet de loi 102, Loi sur les terres du domaine public. Soulignons que ce
projet de loi touche très peu les propriétaires privés
à l'exception, cependant, du territoire public pouvant être acquis
par cession, location ou achat. À cet égard, nous profitons de
l'occasion qui nous est offerte pour vous faire certains commentaires.
Permettez-moi, à ce stade-ci, de vous présenter
brièvement notre organisation. Dans la Fédération des
producteurs de bois du Québec, nous sommes quelque 120 000
propriétaires occupant près de 15 % du territoire forestier et
alimentant l'industrie à plus de 20 % de ses besoins de production.
Regroupés dans une fédération provinciale qui est
affiliée à l'Union des producteurs agricoles, l'UPA, il est
à souligner que plus de 35 % de nos membres sont également des
producteurs agricoles.
La mise en marché des bois produits par nos membres constitue
notre principale préoccupation. Bon an mal an, près de 6 000 000
de mètres cubes apparents de bois résineux et feuillus
utilisés par l'industrie passent par nos structures. De plus, notre
groupe participe depuis plusieurs années à l'aménagement
forestier sous toutes ses formes. À cette fin, nous avons
contribué à la création, au développement et au
soutien de 45 organismes de gestion en commun et présentement nous
produisons, conjointement avec quelques syndicats, 40 000 000 de plants
annuellement par contrat avec le ministère de l'Énergie et des
Ressources.
Nous allons également nous engager dans la recherche par le
projet du Méandre de la rivière du Nord, à Mirabel. En
somme, nous contribuons à créer et maintenir plus de 50 000
emplois au Québec, qui sont au coeur de l'économie de plusieurs
régions. Pour ne citer qu'un exemple, mentionnons que la vente de nos
bois rapporte près de 100 000 000 $ par année.
Nous souscrivons volontiers au travail entrepris par le gouvernement du
Québec dans la refonte complète des dispositions de la Loi sur
les terres et forêts. Il nous apparaît très pertinent
d'apporter une distinction entre la gestion des terres et la gestion des
forêts par l'adoption des projets de loi 102 et 150, portant
respectivement sur les terres du domaine public et sur les forêts. Nous
croyons qu'elles auront pour effet de préciser davantage
l'autorité des ministres concernés et de leur faciliter
l'application de la loi.
En ce qui a trait au projet de loi 102, tous les aspects permettant une
bonne gestion des terres publiques nous semblent réunis. En effet, ce
projet de loi donne autorité pleine et entière au ministre
responsable de son application. Il permet le transfert d'autorité et de
l'administration d'une terre à un autre ministère ou à un
organisme public et vice versa. Il prévoit la confection d'un plan
d'affectation, en collaboration avec tous les ministères
concernés, et la tenue d'un registre. Il autorise la vente, la location
ou la cession d'une terre dans l'intérêt du public. Il assure le
contrôle de l'utilisation des terres et prévoit les dispositions
pénales et réglementaires nécessaires.
Cependant, nous aimerions émettre quelques réserves. Au
chapitre II, section III, portant sur le plan d'affectation des terres, il est
fait mention d'une collaboration des ministères concernés
(article 17) et des terres comprises dans le territoire d'une
municipalité régionale de comté (articles 19 et 20). En
référence à ces articles, nous recommandons que le
ministre responsable de l'application de la loi prenne les moyens
nécessaires pour s'assurer que la vocation forestière des terres
publiques relevant d'un ministère quelconque ou de celles comprises dans
le territoire d'une MRC soit respectée et qu'il soit permis d'y faire de
l'aménagement forestier tel que défini à l'article 3,
section I du chapitre II du projet de loi 150 sur les forêts.
Dans les dispositions réglementaires prévues au chapitre
VII, il est stipulé que le gouvernement du Québec peut, par voie
réglementaire, fixer un certain nombre de modalités. Nous
recommandons que pour certains cas particuliers une réglementation soit
adoptée et qu'elle tienne compte des modalités d'intervention en
milieu forestier apparaissant dans le guide préparé par le
ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec,
conjointement avec les ministères de l'Environnement, du Tourisme, du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Il s'agit, entre autres, d'une
réglementation dans le cas de la vente, la cession ou la location en
totalité ou en partie de la réserve en bordure des lacs et
rivières, à l'article 38 - il y a une correction à
apporter; je pense que dans le premier document qu'on vous avait fait parvenir
il était mentionné l'article 39 mais, après
révision, c'est l'article 38 dont il est question - et de celle se
rapportant à la circulation sur un chemin forestier, à l'article
48.
Politique de rétrocession. Nous profitons également de
l'occasion qui nous est donnée pour rappeler au gouvernement du
Québec l'importance de rétrocéder une partie du territoire
public. On retrouve enclavé ou avoisinant la forêt privée
des lots et des blocs de lots publics appartenant soit au ministère de
l'Énergie et des Ressources, soit au ministère de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation, soit à un ministère
quelconque. Plus souvent qu'autrement, ces lots ou blocs de lots sont
laissés pour compte. Le mode de gestion actuel ou futur de la
forêt publique ne permet que très difficilement une mise en valeur
adéquate de ces lots. Nous croyons qu'une politique de
rétrocession de ces boisés à des producteurs forestiers,
tel que défini à la partie II du chapitre II du projet de loi 150
- cela se retrouve à l'article 120, à la page 26, sur les
forêts - permettra une véritable mise en valeur de ces terres et
assurera également un apport socio-économique important pour
plusieurs producteurs forestiers. Préalablement à une telle
politique, nous recommandons que le territoire forestier soit clairement
défini en collaboration avec tous les intervenants du milieu et que les
terres à vocation forestière soient identifiées par
rapport aux superficies destinées à d'autres vocations.
Avant de conclure, M. le Président, M. le ministre, il y a un
élément qui n'est pas contenu dans notre rapport, mais je
pourrais le présenter verbalement. Il s'agit de l'article 38, concernant
la fameuse réserve des trois chaînes. En faisant
référence à l'article 44, qui concerne l'usufruit comme
pour les réserves indiennes, nous aimerions voir apporter un amendement,
prévu par règlement ou autrement, pour prévoir la
possibilité que les propriétaires des terrains boisés qui
sont soumis à cette norme des trois chaînes, puissent faire de
l'aménagement forestier sur ces territoires. Je pense que cela serait
une façon de s'assurer que ce territoire ait quand même une
vocation quelconque. On va pouvoir y récolter du bois qui pourrait
servir, à toutes fins utiles, à celui qui en est
propriétaire. Je pense que cela n'enlèverait rien à la loi
comme telle et cela permettrait une meilleure utilisation de ces
territoires.
En conclusion, en définitive, nous donnons notre approbation au
projet de loi 102 et nous espérons que ces quelques commentaires
permettront à la commission de bien évaluer l'importance du volet
forestier dans l'affectation des terres du domaine public et ce, pour le plus
grand bien de tous les citoyens du Québec. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président. M. le ministre.
M. Ciaccia: Oui. Merci, M. Dallaire, pour votre mémoire.
Nous sommes heureux de voir que, dans l'ensemble, vous appuyez la direction et
les objectifs du projet de loi, certaines mesures que nous préconisons.
Cependant, vous faites certaines suggestions et vous soulevez certains
problèmes qui sont fort pertinents. Vous nous faites part de certaines
préoccupations ou réserves sur les effets possibles des articles
portant sur le plan d'affectation, sur le schéma d'aménagement,
sur la vocation forestière de certaines terres publiques. Je ne sais pas
si vous étiez ici ce matin, possiblement pas...
M. Dallaire: Malheureusement, je n'étais pas ici ce
matin.
M. Ciaccia: Nous avons eu une présentation par l'Union des
MRC. Eux avaient une certaine inquiétude en ce qui concerne les articles
19 et 20, mais contraire à celles de votre présentation. Ils
étaient plutôt inquiets qu'on amende la loi 125, loi sur
l'aménagement, pensant que cela pouvait avoir un effet un peu
négatif en ce qui concernait les MRC. Vous nous demandez de nous assurer
que la vocation forestière sera respectée tant en ce qui concerne
les autres ministères que les MRC. Nous sommes fort conscients de vos
revendications. Nous sommes fort conscients de l'importance de la vocation
forestière dans certains territoires. Nous avons indiqué cette
importance par le projet de loi 150.
Pourriez-vous nous expliquer un peu plus en détail votre
pensée? Pourriez-vous nous donner des illustrations concrètes? Ce
matin, on a porté à notre attention qu'on changeait la loi 125 et
qu'on voulait s'inqérer et changer les schémas
d'aménagement. Peut-être pourriez-vous nous donner un peu plus de
détails sur ce qui préoccupe spécifiquement votre
association.
M. Dallaire: Je vais vous donner quelques bribes de
réponse, et mes collègues pourront ajouter autre chose
peut-être de complémentaire. Nous, ce qu'on veut, en fin de
compte, notre préoccupation, c'est de nous assurer que tout le
territoire forestier puisse être exploité de façon
convenable et qu'en même temps toutes les vocations soient
respectées. Je pense que la forêt privée ou la forêt
publique du Québec n'a pas seulement pour but de produire de la
matière ligneuse. Je pense qu'il faut respecter les autres intervenants
du milieu. Ce dont on voudrait s'assurer, c'est qu'il y ait une coordination
là-dedans pour être en mesure un peu de répondre à
tous ceux qui ont à intervenir dans le domaine forestier.
Ce qu'on craint, cependant, c'est qu'à un moment donné,
avec ce qu'on pourrait appeler l'appétit de certaines MRC, on se rende
compte qu'il y a des orientations qui sont prises et qu'il pourrait y avoir, en
bordure de certaines routes, des espaces sur lesquels il n'y aurait aucune
possibilité de faire le moindre aménagement, même pas
récolter le bois qui tombe. On trouve que c'est de l'exagération.
Je pense qu'on est en faveur de la conservation des espaces verts, surtout le
long des autoroutes dans des territoires à fort potentiel touristique.
Je pense qu'on ne s'oppose pas à cela. On ne voudrait pas non
plus qu'il y ait trop d'empiétement pour éviter, à
un moment donné, de pénaliser des propriétaires de
boisés qui seraient situés en bordure de ces routes. Je ne sais
pas si Jean-Claude Dumas a quelque chose à ajouter. (16 h 15)
M. Dumas (Jean-Claude): Je pense que M. Dallaire a quand
même expliqué clairement la situation. Ce qu'on veut, c'est
éviter que par les schémas d'aménagement, dans certaines
MRC... On peut, je ne sais pas, citer le cas du schéma
d'aménagement de la MRC de L'Or-Blanc, où il y a le mont Ham.
C'est un cas connu où il était devenu interdit de faire de la
récolte de bois pour approvisionner l'industrie sur les terres publiques
entourant le mont Ham à cause du schéma d'aménagement. On
construit une usine de $ 1 200 000 000 à Windsor. On a les usines de
Kruger, les usines de Cascades à East-Angus, sur ce territoire. 5i on
ampute une partie importante du territoire forestier productif et qu'on dit:
C'est bien de valeur, mais on ne récolte plus de jardin pour garder la
vue... On est d'accord, comme le disait M. Dallaire, mais le guide des
modalités a prévu de quelle façon doivent se faire les
interventions. Cela a été accepté par le ministère
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et par l'ensemble des
ministères, forêts et autres. On dit, en fonction du guide
d'intervention, que le shéma d'aménagement de la MRC ne devrait
pas, à notre sens, arrêter ou interdire la récolte de la
forêt. Qu'on la récolte selon des façons civilisées,
d'accord, mais qu'on récolte la matière pour que l'industrie qui
fait vivre les gens de la région ou un fort pourcentage des gens de la
région et qui rapporte des revenus intéressants au Québec
puisse continuer à récolter l'ensemble du jardin et le
récolter de façon plus intense que dans le passé, en le
jardinant, si on veut.
M. Ciaccia: Est-ce que vous croyez que les... Excusez-moi,
voulez-vous continuer?
M. Dumas: Pardon? Oui.
M. Ciaccia: Est-ce que vous croyez que les modalités de la
loi 102, les articles 19, 20 et 71, je crois, peuvent répondre aux
inquiétudes que vous avez en ce qui concerne le plan d'affectation que
le ministère peut préparer et peut soumettre aux MRC, au
ministère des Affaires municipales pour discuter avec eux de sorte que,
finalement, une décision du gouvernement puisse être prise? Est-ce
que cela peut répondre aux inquiétudes que vous avez?
M. Dumas: De la façon dont je comprends la loi, cela
semble y répondre. Il y aura consultation et l'article 20 prévoit
que cela pourra être modifié pour répondre aux exigences ou
aux besoins prioritaires de la région.
M. Ciaccia: À la page 3 de votre mémoire, vous
recommandez qu'une réglementation soit prévue dans des cas
particuliers. Vous citez la réserve en bordure des rivières et la
circulation sur les chemins forestiers. Vous demandez aussi que cette
réglementation soit conforme au guide d'intervention en milieu
forestier. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu plus en
détails ce que vous souhaitez? Les deux cas que vous avez cités
sont-ils les seuls ou y en a-t-il d'autres où vous voudriez qu'il y ait
une réglementation?
M. Gobeil (Jean): Ce qu'on veut dire dans notre mémoire,
M. le ministre, concernant la réglementation qui devra être faite
en rapport avec les articles 38 et 48, c'est qu'on veut simplement donner notre
approbation au guide Modalités d'intervention en milieu forestier
qui a été fait par les trois ministères que nous
mentionions. En fait, à notre avis, c'est une première. On a
déjà, d'ailleurs, spécifié notre approbation
à ce guide et on veut tout simplement ici spécifier que le
contenu du guide prévoit une foule de modalités d'intervention,
bien sûr, comme le dit le titre, en milieu forestier.
M. Ciaccia: Vous avez porté à notre attention
l'article 44. Vous suggérez que l'usufruit qu'on peut accorder en faveur
de diverses bandes indiennes pourrait être appliqué à la
réserve des trois chaînes. Vous savez que c'est devant les
tribunaux, devant la Cour suprême. Mais est-ce que vous ne l'avez pas
déjà, cet usufruit sur la réserve des trois chaînes?
Ce que certains contestent, c'est la propriété.
M. Dallaire: Comme la loi le stipule, je pense qu'on ne l'a pas,
parce que cela a fait l'objet d'un long débat. Il y a eu des jugements
qui ont été rendus et ils ont été contestés.
Présentement, je pense que c'est à la Cour supérieure, si
mes informations sont bonnes, à la Cour suprême. Ce que cette
instance décidera, on ne le sait pas encore. Mais entre-temps, je pense
qu'on devrait permettre par un règlement quelconque l'usufruit des
propriétaires touchés par ce projet de loi et qu'ils puissent, en
fin de compte, exploiter de façon civilisée, avoir la
possibilité de récolter ce bois.
M. Ciaccia: Je pense qu'en ce qui concerne l'usufruit, pour le
moment, on ne peut pas prendre de décision. On attend le jugement de la
Cour suprême. Mais je pense qu'il n'y aurait pas de difficulté en
termes d'une reconnaissance de l'usufruit, sujette à la décision
de la cour. Je pense que les difficultés se trouvent plutôt en ce
qui a
trait à la propriété de cette lisière de
terrain. Je pense qu'en ce qui concerne l'usufruit il n'y aurait pas de
difficulté de notre côté. Cela serait un usufruit
conditionnel, de la façon dont c'est appliqué maintenant.
M. Dallaire: Ce serait peut-être temporaire, en attendant
que le jugement soit prononcé par la Cour suprême.
M. Ciaccia: Oui.
M. Dallaire: Mais, entre-temps, si je comprends bien, le
ministère ne s'opposerait pas à ce que les propriétaires
forestiers puissent utiliser, autrement dit, par exemple, récolter une
partie de ce bois en faisant une coupe, ce qu'on appelle, nous, des coupes
sélectives, ramasser le bois qui se perd ou le bois qui est rendu
à maturité.
M. Ciaccia: On m'informe que vous le faites déjà
cela, que vous l'utilisez.
M. Dallaire: C'est exact. C'est pour reconfirmer, je veux dire,
de façon plus officielle. On se souvient des problèmes qui sont
arrivés dans certaines régions où certains fonctionnaires
avaient fait du zèle un peu et saisi du bois qui avait été
coupé dans la lisière des trois chaînes. Cela avait
créé une situation problématique pour le
propriétaire pris avec cela: le bois est saisi et cela prend du temps
à faire clarifier. On sait que c'est déjà prévu
à l'article 38 que le ministre peut céder gratuitement, mais s'il
faut que le propriétaire fasse toute une série de
démarches pour faire lever la saisie et obtenir que le bois lui soit
cédé gratuitement... On dit: Bon, peut-être que cela
pourrait être clarifié en disant l'usufruit. C'est ce qui se fait,
en pratique.
M. Ciaccia: À ma connaissance, vous avez l'usufruit, mais
cela prend toutefois un permis.
M. Dumas: Ce n'est même pas clair.
M. Ciacccia: Ce n'est pas clair. On va demander qu'on clarifie
cela et que les fonctionnaires montrent moins de zèle.
M. Dumas: C'est bien, merci.
M. Dallaire: C'est pour cela que s'il y avait possibilité
que ce soit...
M. Ciaccia: Bien, le permis, par exemple, je crois que...
M. Dallaire: ...un peu plus clarifié, quelque part.
M. Ciaccia: Vous comprenez la nécessité d'un
permis pour contrôler les coupes de bois mais, l'usufruit, je pense qu'on
peut vous assurer qu'on n'a pas de difficulté avec cette notion.
Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le député de Roberval ou M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. En fait, vous donnez
beaucoup d'importance dans votre mémoire à la question de la
rétrocession d'anciennes terres...
Une voix: En friche.
M. Claveau: ...ce qu'on appelle souvent des terres de
colonisation qui ont été abandonnées. Nous savons qu'il
existe déjà des programmes de rétrocession des terres qui
s'appliquent dans certaines régions. Est-ce que vous pourriez nous
parler brièvement de la situation par rapport à ces programmes?
Si vous voyez, par exemple, que la nouvelle loi continue l'application,
accélère l'application de ces programmes, comme cela se fait
actuellement, quelles sont les modifications que vous pourriez nous
suggérer?
M. Dallaire: Je vais demander à Jean-Claude de
répondre.
M. Dumas: Dans plusieurs cas - et Jean peut le clarifier - on
pense qu'il y aurait lieu d'accélérer le processus actuel. Il y a
plusieurs lots qui sont laissés pour compte, comme on le mentionne, des
lots épars ou des lots de colonisation qui sont revenus à
l'agriculture, qui n'ont pas été dans le temps
transférés au ministère de l'Énerqie et des
Ressources et qui sont toujours à l'Agriculture. Ce n'est
clarifié nulle part. Le lot est-il toujours à vocation agricole,
même si les arbres sont rendus à 30 pieds? Est-ce un lot qui
devrait être à vocation forestière et être
rétrocédé pour être cultivé par un forestier
- tel que défini dans la Loi sur les forêts - qui, lui, en
bénéficierait et en ferait bénéficier l'ensemble de
la société en le cultivant?
M. Claveau: Le sens de ma question a pour but de savoir si le
programme tel que conçu actuellement, qui a comme raison d'Être
d'évaluer et de retourner, dans la mesure du possible, ces lots à
l'entreprise privée, sous forme de boisés privés, entre
autres, est satisfaisant. Est-ce que les critères, les normes,
l'évaluation qu'on en fait sont satisfaisants? Est-ce que tout ce qu'on
aurait à faire serait d'accélérer ce processus ou si, au
contraire, vous aimeriez qu'on voit d'un autre oeil l'approche actuelle?
M. Gobeil (Jean): Là-dessus, ma réponse vous
satisfera en partie parce que je n'ai pas de détail concernant les
programmes de rétrocession des lots publics intramunicipaux.
Cependant, nous savons qu'il existe, dans le Bas-Saint-Laurent, la
région 01, un programme de rétrocession des lots. Ce programme
fonctionne assez bien. Il répond à la satisfaction de nos
producteurs forestiers de la région du Bas-Saint-Laurent. On a
également tenté d'établir un programme de
rétrocession des lots dans la région du
SaguenayLac-Saint-Jean, en utilisant le même modèle, ou
à peu près, que dans le Bas-Saint-Laurent. Selon les informations
que j'ai pour le SaguenayLac-Saint-Jean - peut-être que M. Dallaire
pourra en parler plus longuement - le programme ne fonctionne pas aussi bien et
ne donne pas autant de satisfaction que celui du Bas-Saint-Laurent. Cela
pourrait s'expliquer par les disparités régionales car, dans la
région du Bas-Saint-Laurent, les gens du milieu ont une habitude
forestière différente des gens du Saguenay--Lac-Saint-Jean.
M. Claveau: Oui, M. Dallaire.
M. Dallaire: Je pense que M. Gobeil a assez bien cerné le
problème. Cela ne se passe pas tout à fait de la même
façon chez nous que dans le Bas-Saint-Laurent. Dans le
Bas-Saint-Laurent, c'était une première, il semblerait que
ça répondait passablement aux besoins des gens du milieu. Chez
nous, ce n'est pas tout à fait la même chose. On se rend compte,
à un moment donné, qu'il y a des blocs de lots qui pourraient
être acquis par des personnes... Je ne me souviens plus exactement des
critères, mais si, à un moment donné, cela dépasse
telle superficie, le ministère les conserve. Dans certains cas, je pense
qu'il pourrait les rétrocéder à des groupes qui pourraient
assurer leur mise en valeur et les exploiter convenablement.
Si le ministère en conserve trop, il y a de fortes chances que
des lots continuent d'être pillés. Ce n'est une cachette pour
personne: il y a des lots qui sont pillés. Quand on parle des lots de la
colonisation, on dit que c'est à tout le monde et à personne et
il y a bien des gens qui vont piller et cela ne rapporte rien à
personne. C'est mal exploité, ils vont prendre le meilleur bois et, par
la suite, il n'y a aucun engagement à remettre ces lots en production
par un organisme sérieux du milieu. On voudrait que ce soit
appliqué de façon plus rigoureuse pour permettre à ceux
qui auraient la possibilité de les posséder et de les exploiter
convenablement d'avoir plus de chances de le faire. En gros, c'est à peu
près notre préoccupation.
M. Claveau: Vous voudriez, par la même occasion, faire en
sorte que ce que vous revendiquez soit clairement inscrit dans la loi 102.
M. Dallaire: On voudrait que ce soit plus clair.
Le Président (M. Théorêt): M. le
ministre.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Dallaire, en ce qui
concerne votre demande pour une politique de rétrocession, je peux vous
assurer que le ministère reconnaît l'inutilité de conserver
des lots épars enclavés; il a l'intention de s'en départir
par voie d'échange ou de vente. Cette politique permettra au
ministère de procéder au remembrement et à la
consolidation du domaine public.
De plus, je pense que le ministère rie l'Énergie et des
Ressources entend mettre à la disposition d'organismes de gestion en
commun des blocs de lots pour fins d'exploitation forestière. Je pense
que le programme se poursuit intensivement et spécialement pour les
organismes de gestion en commun.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le député de Jonquière. (16 h 30)
M. Dufour: Dans votre mémoire, vous parlez de politique de
reboisement. Vous avez des ententes avec le ministère et vous produisiez
40 000 000 de plants par année; en fait, vous transplantez. Vous abordez
le projet de loi 102 avec une politique de régénération
forestière ou d'aménagement forestier. C'est cela qu'il faut
retenir dans tout cela.
Vous nous parlez en même temps de l'article 20. Le ministre est
content de vous entendre parler du schéma d'aménagement du
territoire parce que je pense que les MRC ont fait une démonstration
particulière assez importante ce matin. Dans ma lecture, je ne pense pas
que l'opposition manifestée par l'UMRCO vise à empêcher
tout reboisement ou aménagement forestier, au contraire. Ce que j'ai
compris, c'est qu'elles exiqent que des droits qui leur ont été
donnés soient conservés au moins pour qu'on donne la chance au
coureur. Je comprends que vous avez critiqué en disant: Les MRC nous
causent certains problèmes. Mais pour être franc, cela ne fait pas
des années que les MRC sont mises sur pied. Donc, c'est vrai que cela
peut causer quelques problèmes. Mais est-ce que les problèmes que
cela a soulevé, que la venue des MRC ou la mise place des schémas
d'aménagement ont créés sont de nature à contester
tout cela immédiatement en disant que le travail qu'elles font est
à rejeter ou qu'il faut les tasser, qu'il faut faire rapidement la
démonstration qu'elles n'ont pas un travail à
faire?
J'admets que votre collègue de droite a parlé du mont Ham
où la MRC s'oppose. Mais cela arrive, des fois, et cela peut arriver
qu'on doive conserver le couvert forestier pour des vocations autres que de
faire la coupe à blanc des forêts purement et simplement, Je pense
que c'est une question d'arbitrage. J'ai l'impression que le ministère a
tout en main pour faire cet arbitrage, s'il y a vraiment des cas précis.
J'ai l'impression que, même sous le couvert de la loi et même si
celle-ci lui donnait tous les pouvoirs, ou s'il se les appropriait, j'ai
l'impression que le public lui dirait: Non, vous ne pouvez pas agir comme cela.
On accepterait cela difficilement aujourd'hui. En tout cas, les
écologistes et tous les gens qui sont familiers avec l'environnement et,
surtout, soucieux de l'environnement pourraient faire opposition.
C'était la mise au point que je voulais faire en disant: L'Union
des municipalités régionales de comté n'a pas
été aussi dure que cela, par rapport au projet de loi. Elle est
consciente des problèmes qui se posent. Même chez les élus,
il y a toutes sortes de problème. Ce n'est pas aussi facile que cela de
gérer cette loi. On ne peut pas penser leur enlever tous les pouvoirs
pour créer d'autres problèmes. Je ne pense pas. Mordu par un
chien ou mordu par une chienne, c'est la même mordée dans le fond.
J'ai peur de cela. Je pense que les MRC sont plus près de vous autres
que le ministère, quel qu'il soit. Elles sont très près de
vous autres.
Ma question est... Vous dites qu'on pourrait se permettre de faire de la
coupe de bois ou de la coupe à blanc d'une façon
civilisée. Si je regarde ce qui se passe, je ne dis pas que cela
dépend de vous autres, mais je regarde ce qui se passe dans le paysage
québécois et je regarde les coupes à blanc un peu partout.
Je ne peux pas vous cacher que cela me dérange comme propriétaire
ou comme copropriétaire du sol. Quand vous parlez de coupe
civilisée, qu'est-ce que vous entendez par cela"? Vous avez fait
allusion à cela, tout à l'heure, dans votre exposé.
M. Dallaire: Pour bien se comprendre, on n'a pas parlé de
coupes à blanc. On a parlé de coupes civilisées. Ce n'est
pas notre intention non plus de vouloir arrêter toutes les actions des
MRC. Je pense que, si elles sont en place, c'est probablement qu'elles ont un
rôle à jouer. Ce qu'on dit, c'est qu'on ne voudrait pas qu'elles
empiètent trop dans des domaines qui sont réservés
plutôt à d'autres groupes, comme la sylviculture et
l'aménagement. L'exemple qu'on a donné, ce sont les territoires
où les MRC demandaient, par exemple, que, sur une distance qui pouvait
aller jusqu'à un demi-mille chaque côté d'une route
à fort potentiel touristique, on n'ait plus le droit d'exploiter un
arbre d'un côté comme de l'autre de la route. On trouve que cela
est exagéré. On dit qu'il y a du bois, qu'il y a des genres de
coupes de bois qui peuvent se faire, qui doivent se faire, sans altérer
du tout la vue. On ne veut absolument pas qu'il se fasse des coupes à
blanc non plus là-dedans. On dit que si, à un moment
donné, un arbre est rendu à maturité, ce sont quand
même des territoires qui appartiennent à des individus qui,
normalement, ont le droit de faire une récolte normale dans ces
territoires qui leur appartiennent et sur lesquels ils paient les taxes. Si on
le leur enlève, par un règlement quelconque, en donnant raison
à une municipalité ou à une MRC de le faire, on trouve que
ce n'est pas correct et c'est ce qu'on défend. On ne veut pas qu'il y
ait là n'importe quelle coupe, mais il y a des normes de sylviculture
à respecter, qui sont acceptées et qui sont reconnues, et qui
permettent de faire les récoltes sur ces territoires sans
dévaster et sans que ce soit laid, comme vous le dites, quand on passe
sur la route. Bien sûr, quand on voit des terrains coupés à
blanc, des diques de "tops" de bois qui jaunissent, ce n'est pas beau,
ça n'offre pas un beau coup d'oeil. Ce n'est pas ce qu'on veut non plus,
on parle d'une coupe civilisée. Si un arbre est rendu à
maturité ou s'il est mort, on peut avoir le droit de le récolter
et de faire des éclaircies un peu aussi, quitte à devoir faire du
reboisement pour toujours garder un beau couvert forestier. C'est tout
simplement ce qu'on demande. Je pense qu'on peut s'entendre sans enlever toute
possibilité aux municipalités et aux MRC de s'impliquer quelque
part.
M. Dufour: Pensez-vous que la loi 102 vous permettra de faire,
sans contrainte, ce que vous m'expliquez? Par exemple, nous sommes actuellement
conscients que les MRC ont procédé à un certain nombre
d'aménagements et qu'elles ont établi un certain nombre de
contraintes par rapport à des critères précis. Il faut
savoir aussi que ces plans d'aménagement sont soumis au ministère
des Affaires municipales et aussi à un ensemble de ministères
gouvernementaux qui ont à se prononcer sur ces plans. Je ne pense pas
que l'article 20, tel que libellé ou te! qu'il pourrait être
corriqé, empêcherait vos représentations. C'est certain
qu'il faudra toujours arbitrer les uns et les autres, dans n'importe quelle
loi, parce qu'il y a des vocations différentes et des
intérêts différents. Donc, il y a un besoin d'arbitrage et
je pense que la loi 125 offre la possibilité d'utiliser cet arbitrage.
Je vais plus loin, la loi 125 non seulement permet, mais exige que le
ministère aussi s'implique dans les cas de conflit que vous
soulignez.
Ma conclusion serait que, même avec ce qui se passait auparavant,
le ministère de
l'Énergie et des Ressources avait un certain pouvoir
d'intervention sur le terrain, mais cette intervention doit être
justifiée. Il doit expliquer pourquoi il le fait, contrairement,
à mon avis, à ce que l'article 120 de la loi 102 dit. Il y a un
avis de donné, mais pas beaucoup de consultation. Il y a 90 jours, mais
on met en doute les 90 jours, tout en comprenant aussi que vous avez des
critères ou des exigences qui sont certainement raisonnables par rapport
à votre groupe.
M. Gobeil (Jean): Je voudrais simplement bien expliquer ce qu'on
a voulu démontrer dans notre mémoire. Tout ce qu'on dit concerne
le projet de loi 102; il n'est pas question pour nous, à ce moment-ci,
de parler de la loi 125. Ce n'est pas le cas, nous parlons du projet de loi 102
sur les terres publiques.
M. Dufour: Mais cela se touche.
M. Gobeil (Jean): Tout ce qu'on veut dire concerne les lots
publics intramunicipaux qui pourraient être
rétrocédés à n'importe qui. Ce qu'on demande, c'est
que le ministère, lorsqu'il y aura rétrocession, tienne compte de
la vocation forestière. Je m'explique. Un bloc de lots intramunicipaux
ou un lot intramunicipal pourra être demandé à juste titre
à la fois par une MRC et par un producteur forestier. Une MRC pourrait
demander ce bloc ou ce lot, par exemple, pour agrandir un sentier ou des pistes
de ski de fond. Le producteur forestier pourrait demander ce lot qui, attenant
à sa propriété, lui permettrait d'augmenter son revenu et
d'aménager ce lot.
Tout ce qu'on demande, c'est qu'on tienne compte de la vocation
forestière lorsqu'on prendra la décision de la
rétrocession du lot. C'est ce qu'on a voulu spécifier dans notre
commentaire.
M. Dufour: Autrement dit, vous ne demandez pas de
prépondérance à la vocation forestière, vous dites:
On doit en tenir compte par rapport à d'autres critères qui sont
sur place. Cela va.
M. Gobeil (Jean): Cela n'empêche pas de faire autre chose,
mais qu'on tienne compte de la vocation forestière d'un territoire
public qui pourrait être rétrocédé.
M. Dufour: Cela va.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Jonquière. M. le député de
Frontenac.
M. Lefebvre: M. le Président, je veux rappeler aux
intervenants que la Commission de protection du territoire agricole - et je
voudrais peut-être entendre également vos commentaires
là-dessus - continue à jouer son rôle de surveillance et de
contrôle sur l'utilisation des territoires agricoles. En ce qui concerne
vos craintes quant à des cessions de lots ou de transactions
quelconques, je pense qu'il y a une protection au niveau de la Commission de
protection du territoire agricole. Est-ce que vous considérez que c'est
un instrument suffisant pour nous protéger versus les cessions de lots
auxquelles vous faisiez allusion tout à l'heure?
M. Dallaire: Je pense qu'en ce qui concerne les territoires
forestiers qui sont à l'intérieur de la zone verte il n'y a pas
de problème. Je pense que la Commission de protection du territoire
agricole joue très bien son rôle et on souhaite qu'elle continue
de le jouer de la même façon dans l'avenir. Sauf qu'on sait qu'il
y a des territoires forestiers qui sont en dehors de cette zone, ils sont dans
la zone blanche. Présentement, ce sont ceux-là qu'on veut
protéqer et je pense que c'est à juste titre aussi parce qu'ils
sont possédés par des qens qu'on a le devoir de
représenter. Comme vous le mentionnez, on sait que pour ceux qui sont
à l'intérieur de la zone il n'y a pas de problème. Mais on
parle surtout pour ceux qui sont en dehors de la zone verte.
M. Lefebvre: Merci, cela va.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Frontenac. Est-ce qu'il y a d'autres questions, MM. les
représentants? Si vous voulez faire vos remarques de conclusion, M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Je voulais juste, au nom du député de
Roberval qui vient d'arriver mais qui n'a malheureusement pas pu participer
à l'ensemble du débat, remercier l'association de s'être
présentée et de nous avoir fait valoir ses points de vue. En tout
cas, en ce qui nous concerne, quant à la question de la
rétrocession des terres qui sont d'anciennes terres agricoles et que
l'on veut remettre à l'industrie forestière par le biais des
producteurs de boisés privés, c'est là une revendication
avec laquelle nous sommes tout à fait d'accord. Nous l'avons d'ailleurs
débattue au moment de parler de la nouvelle politique forestière.
Enfin, nous allons faire en sorte de nous assurer que le ministère de
l'Énergie et des Ressources accélère le processus en
question.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député d'Ungava. M. le ministre.
M. Ciaccia: M. Dallaire, je voudrais vous remercier pour votre
mémoire. Nous sommes particulièrement heureux de voir que
vous avez présenté ce mémoire et que vous avez
donné votre point de vue sur le projet de loi 102. Nous sommes
conscients du rôle important que votre association joue dans
l'économie du Québec et nous sommes conscients de la
responsabilité que cela nous impose pour nous assurer que vous puissiez
continuer à jouer ce rôle dans notre économie, ce
rôle important.
Nous sommes conscients aussi de l'importance que vous attachez au projet
de loi 102, au plan d'affectation et aussi à la gestion des terres.
C'est pour cette raison que nous essayons d'inclure dans le projet de loi des
conditions qui, sans enlever des droits aux MRC, vont permettre une bonne
gestion des terres et vont permettre à une association comme la
vôtre et à vos membres de jouer un rôle et d'exploiter la
forêt, surtout avec le nouveau régime forestier. Nous vous
remercions pour votre présentation. C'est dans le but de faire un peu
l'équilibre, de pouvoir permettre aux MRC d'accomplir leurs tâches
et leurs responsabilités, mais aussi de pouvoir permettre au plan
d'affectation d'apporter certains changements, en consultation avec les MRC et
avec la décision finale du gouvernement. On traite ici d'une
matière qui est vraiment dans l'intérêt de toute la
collectivité et des décisions doivent être prises en
conséquence. Soyez assurés que nous allons examiner vos
recommandations et vos commentaires sérieusement et que nous pouvons
mettre en pratique certains des commentaires que vous faites pour satisfaire
vos préoccupations. Merci! (16 h 45)
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le président.
M. Dallaire: Oui. M. le ministre, M. le Président, MM. les
commissaires, au nom de mes collègues, je pense qu'on doit, encore une
fois, vous remercier de nous avoir donné la possibilité de vous
présenter ce court mémoire. On a aussi été heureux
de répondre à vos questions. On espère que nos
commentaires seront pris en considération. Merci!
AIFQ
Le Président (M. Théorêt): Merci, au nom des
membres de la commission. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.
J'appelle maintenant les représentants de l'Association des
industries forestières du Québec, s'il vous plaît.
Messieurs, avant de vous présenter, je vous rappelle que vous avez 20
minutes pour présenter votre mémoire et que chaque formation
politique a 20 minutes pour en discuter avec vous. Je ne sais pas si M.
Duchesne est ici. Le président, c'est vous? Veuillez présenter
votre collègue, s'il vous plaît.
M. Duchesne (André): Merci. Comme vous pouvez le
constater, il y a quelques changements aux gens qui m'accompaqnent. Il se passe
toutes sortes de choses dans le secteur forestier de ce temps-là. M.
Ciaccia est au courant.
M. Ciaccia: Cela n'a rien à voir avec Rendez-Vous 1987 ce
qui se passe dans les...
M. Duchesne: Je n'oserais pas dire cela dans l'enreqistrement, M.
le ministre. Quoi qu'il en soit, j'ai avec moi, cet après-midi, M.
Pierre Bourdages, qui est directeur général pour le Québec
des produits forestiers Domtar. Quant à moi, je me sens presque un
habitué de cette commission pour y avoir passé presque 50 heures
avant les fêtes. Mon nom est André Duchesne. Je suis
président et directeur général de l'Association des
industries forestières du Québec.
Parce que nous avons été ici in extenso lors de
l'étude du projet de loi 150, je ne crois pas essentiel de rappeler
à cette commission le détail de ce qu'est l'Association des
industries forestières et l'importance économique de l'industrie.
Je me bornerai à souligner que les membres de l'AIFQ transforment,
à un moment donné ou l'autre, au-delà des trois quarts de
la matière ligneuse récoltée au Québec. Ces
mêmes compagnies paient, un peu partout au Québec, environ 1 000
000 000 $ de taxes municipales et permettent bien souvent l'existence de
plusieurs municipalités.
C'est cependant à titre de propriétaires forestiers,
principalement, que" les membres de l'AIFQ s'intéressent à la loi
portant sur les terres publiques parce qu'elle aura inévitablement une
influence sur ce qui se passe sur les terres privées. Il y a un lien
naturel étroit - vous le savez - entre les terres, objet du projet de
loi 102, et la matière ligneuse qui approvisionne nos usines qui, elle,
est maintenant l'objet du projet de loi 150. Cela faisait auparavant une seule
loi. Nous nous retrouverons maintenant avec deux lois distinctes. Le droit de
propriété des terres et des forêts du domaine public est
détenu par le ministre de l'Énergie et des Ressources qui a donc
des droits exclusifs de gestion et de contrôle sur les ressources dont il
représente le propriétaire.
Il délègue, dans certains cas, son autorité et ce
n'est pas nécessairement très simple. Notamment, quant à
l'affectation du territoire, présentement, il existe une certaine
confusion qu'heureusement le projet de loi 102 contribue à
éliminer. L'AIFQ a toujours préconisé que le
ministère de l'Énergie et des Ressources soit l'autorité
gouvernementale unique avec laquelle l'industrie traite dans ses transactions
avec le gouvernement. À ce moment-là, le ministère est la
jonction entre l'industrie et les autres responsabilités
gouvernementales.
Malheureusement, ce que l'on a vu clans le domaine de
l'aménagement forestier et de l'aménagement du territoire, dans
le passé, c'est plutôt une multiplication des intervenants:
Loisir, Chasse et Pêche, Environnement, MRC, municipalités, tout
le monde veut s'en mêler et, probablement, dans plusieurs cas, à
juste titre. Je pense qu'il faut mettre un peu d'ordre dans le processus.
À cet effet, dès la consultation préalable à
l'adoption de la loi 125, l'AIFQ a émis des réserves
sérieuses sur le mandat, les droits et les pouvoirs des MRC, en ce qui a
trait à l'impact sur l'industrie forestière et
l'aménagement forestier. On avait plusieurs inquiétudes dont on
va vous reparler parce qu'elles sont toujours d'actualité. D'ailleurs,
ces inquiétudes se sont confirmées à mesure que les
schémas d'aménagement se sont dessinés et ont
été présentés un peu partout au Québec.
L'article 2 du projet de loi, en particulier, confirme que l'exercice du
droit de propriété sur les terres du domaine public appartient au
ministre de l'Énergie et des Ressources. Voilà qui nous rassure
jusqu'à un certain point puisque, dans l'affectation de ces ressources,
dans le cadre du projet de loi 102, il revient clairement au ministre de
l'Énergie et des Ressources d'avoir le dernier mot et donc d'être
capable de regarder l'ensemble du Québec quand il prend des
décisions sur l'affectation. C'est sûr que cela ne fait pas
plaisir à tout le monde, mais cela nous apparaît comme quelque
chose de nécessaire.
Par contre, le projet de loi 102, pour ce qui est des droits
d'exploitation des ressources qui pourraient être consentis par d'autres
ministères, notamment, est loin d'être aussi clair. Ces droits
sont susceptibles de porter sur des terres pour lesquelles des contrats
d'approvisionnement et d'aménagement forestiers seront aussi consentis
en vertu de la loi 150. Logiquement, on pourrait s'imaginer que tous ces droits
seront accordés selon la vocation des unités territoriales qui
résultent de l'affectation. Par contre, dans les cas d'utilisations
multiples, jusqu'à quel point sait-on quel ministre sera chargé
de les coordonner et par quel mécanisme allons-nous corriger les
problèmes qui pourraient résulter de droits différents
portant sur un même territoire quand les bénéficiaires sont
en conflit?
Je pense que je dois vous souligner un cas très précis qui
a été porté à mon attention il y a quelques heures
seulement par nos conseillers juridiques relativement à l'enregistrement
des droits réels de ces différents utilisateurs d'un même
territoire. M. le Président, nous avons transmis au secrétariat
de la commission un addendum à cet effet. J'espère que vous avez
eu la chance d'en prendre connaissance.
Le Président (M. Theorêt): En effet, M. le
président.
M. Duchesne: Dans la loi 150 sur les forêts, on
prévoit des mécanismes d'enregistrement des droits réels
des bénéficiaires de contrats d'approvisionnement et
d'aménagement forestiers. Il y en a aussi dans le projet de loi 102. On
n'est pas trop sûr de savoir sur quel pied danser. La loi 150
prévoit que le ministre constitue et tient à jour un registre
public où, par dépôt, il enregistre ces droits réels
reliés aux contrats d'approvisionnement et d'aménagement
forestiers. C'est-à-dire, d'abord, le contrat lui-même et,
ensuite, la concrétisation du contrat, si vous voulez, les permis
d'intervention, de même que tous les privilèges,
hypothèques et autres droits réels que les créanciers
peuvent avoir sur ce contrat ou sur ces droits.
Le processus, quant à nous, apparaissait complet et suffisant par
lui-même. Or, le projet de loi 102, à l'article 26, prévoit
lui aussi que le ministre constitue et tient à jour un registre public
où sont inscrits sommairement tous les droits d'exploitation des
ressources consentis sur une terre, à l'exception des droits miniers,
etc. On ne parle plus strictement des droits d'aménaqement forestier et
d'approvisionnement des usines, mais de tous les droits. Est-ce que c'est le
même registre? Si c'est le même registre, comment se fait-il que le
projet de loi 102 prévoie de notarier l'enregistrement des droits, alors
que la loi 150 dit qu'on va les enregistrer sur simple dépôt?
Est-ce qu'il faudra que l'industrie, chaque année, au moment de la
réception de son permis d'intervention annuel, fasse notarier le permis
pour assurer ses droits? Cela nous apparaît un peu complexe et un peu
délicat comme procédure, vu que ce sont les permis annuels
d'intervention qui constituent les droits réels que l'on peut offrir en
garantie à nos prêteurs, par exemple. Donc, il y a quelque chose
à corriger, croyons-nous, dans ce secteur.
Un autre exemple concret de problème, c'est la question du guide
Modalités d'intervention en milieu forestier. C'est le fruit d'un
consensus entre les ministères concernés et noua croyons que cela
devrait être une référence exclusive sur la façon
dont on doit procéder en forêt quand on l'exploite ou qu'on
l'aménage. Le projet de loi 102, évidemment, ne le confirme pas
et laisse la porte ouverte à des interventions différentes et
à des variantes de la part des autres intervenants en aménagement
du territoire. Cela nous paraît un peu dangereux au point de vue de la
complexité.
L'AIFQ s'est évidemment toujours opposée à des
excès de réglementation. Elle
préfère se voir définir des objectifs à
atteindre dans un contrat. Vous vous souviendrez que je l'ai mentionné
à la commission parlementaire sur la loi 150 et que le gouvernement se
borne à exercer des contrôles sur l'atteinte de ses objectifs.
Qu'est-ce qui arrive si on regarde, dans ce contexte du cahier des
modalités, l'intervention des MRC tant en forêt publique qu'en
forêt privée?
En forêt publique, rien ne limite dans le projet de loi 102 la
possibilité que les différentes municipalités surimposent
aux modalités d'intervention en milieu forestier une
réglementation supplémentaire avec tout le fouillis administratif
que cela peut causer quand une entreprise forestière exploite sur le
territoire de plusieurs municipalités. Cela nous semble permettre une
prolifération que l'on qualifie d'anarchique, parce qu'il n'y aura pas
de coordination des règlements, rendant une gestion intelligente
à peu près impossible. Les limites territoriales ne sont que
rarement des limites faciles à retrouver sur le terrain. Ce sont des
limites cartographiques plus qu'autre chose.
Le projet de loi actuel ne s'adresse pas directement à la
forêt privée, mais il y a un corollaire important pour nous. C'est
la possibilité d'affectation et de réglementation sur les
propriétaires de forêt privée qui visent la production de
matière ligneuse et il pourrait arriver une affectation et une
réglementation qui ne considèrent pas la volonté du
propriétaire et les objectifs que poursuit le propriétaire ayant
acheté ce territoire privé. (17 heures)
Dans certains cas, des règlements de zonage qu'on pourrait
imposer ou qu'on a déjà tenté d'imposer équivalent
à des expropriations pures et simples puisqu'ils rendent impossible
l'utilisation d'une terre forestière aux fins pour laquelle cette
terre-là a été acquise. Nous croyons que ce processus est
pire qu'une expropriation. C'est un processus sournois et sans indemnisation
qui constitue une brèche tout à fait inacceptable au droit de
propriété.
Quant au droit de propriété en question,
évidemment, vous vous rendez compte - je l'espère - que les
membres de l'AIFQ appliquent tant sur les terres publiques dont ils sont
responsables que sur leurs propriétés privées une
politique de libre accès à ces propriétés. Un
zonage inconsidéré qui limiterait ou interdirait l'exploitation
forestière ou réduirait la capacité de la forêt
à produire de la matière ligneuse pourrait avoir des
conséquences économiques et sociales négatives:
économiques parce qu'en réduisant la coupe la valeur des
propriétés est d'autant réduite; sociales parce qu'on
entre dans un imbroglio assez sérieux où on entrave la
liberté d'un individu de disposer librement de ses biens.
Certains voudront apporter un argument de bien commun là-dedans,
mais le processus qu'on a adopté au Canada et au Québec dans des
cas où le bien commun doit être sauvegardé, c'est bien un
processus de compensation pour le propriétaire qui doit se sacrifier
pour le bien commun. Nous ne voyons cela nulle part dans la situation actuelle,
ni dans l'influence que pourrait exercer le projet de loi 102. Alors, nous
avons peur que cette atteinte à la liberté du propriétaire
puisse inciter les propriétaires à ne pas investir en
aménagement forestier, notamment, puisque c'est le point qui nous
intéresse, alors que l'expérience nous démontre que c'est
en confiant un sens de propriété, même en forêt
publique, que l'on obtient une intensification de l'implication industrielle ou
individuelle en aménagement forestier.
Essentiellement, M. le Président... Mme la Présidente - je
n'ai pas levé les yeux assez vite - nous croyons que la loi 102 poursuit
assurément un objectif louable qui est de favoriser l'utilisation
polyvalente et rationnelle des terres, mais que des mécanismes
d'arbitraqe doivent être prévus dans certains cas, que les
pouvoirs réglementaires en matière de gestion et
d'aménagement forestier et, a priori, d'affectation, doivent appartenir
à une seule autorité qui devra consulter, c'est évident,
mais qui est celle prévue dans le projet de loi 102. Que le
ministère de l'Énergie et des Ressources soit le ministère
concerné, cela nous apparaît fort acceptable, mais nous aimerions
énormément, pour ce qui est des forêts privées, que
des dispositions soient prises pour préserver les objectifs et les
volontés des propriétaires et qu'en cas de menace à
l'intérêt collectif ou de bien collectif supérieur des
compensations appropriées soient prévues en contrepartie de cette
perte du libre exercice de son droit de propriété.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Duchesne.
M. le ministre.
M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente, M. Duchesne, je vous
remercie pour votre mémoire et pour les commentaires que vous avez
faits. Vous soulevez beaucoup de problèmes non seulement dans votre
mémoire, mais dans la façon dont vous l'avez
présenté. Ces problèmes pourraient faire l'objet de
discussions assez longues et ardues, qui vont peut-être parfois
au-delà du présent projet de toi.
Commençons par celui sur lequel on pourrait faire un commentaire
bref, l'addendum en ce qui concerne les registres. Le mécanisme
d'enregistrement qui est prévu dans le projet de loi 150 est celui qui
est prévu dans le projet de loi 102.
Premièrement, en réponse à la question
à savoir si c'est le même registre, la réponse est
non. Ce n'est pas le même registre. Maintenant, nous sommes conscients de
l'importance du registre pour identifier les droits réels que vous avez
pour que vous puissiez transiger, les porter en garantie. Si vous vous
souvenez, on a apporté des changements à la loi 150
spécifiquement pour vous assurer que vous seriez protégés
en ce qui concerne l'enregistrement et le transfert de ces droits, parce que,
avec l'avant-projet de loi, ce n'était pas tout à fait clair.
Je pense que les modifications apportées ont répondu aux
représentations que vous avez faites. Un des buts visés lorsqu'on
entend les mémoires, c'est de connaître exactement les
difficultés que vous pouvez voir dans le projet de loi sur les
problèmes qui peuvent vous concerner.
On va examiner si, effectivement, il peut y avoir un conflit entre les
deux registres. Nous ne croyons pas qu'il y en ait un. Mais, même s'il y
a un risque de conflit, je peux vous assurer que nous allons apporter les
modifications nécessaires - je ne sais pas à quel projet de loi -
afin qu'on puisse satisfaire vos préoccupations et qu'il n'y ait pas de
possibilité de conflit. S'il y a un conflit, cela va amoindrir vos
droits de transférer et cela peut affecter vos pouvoirs d'emprunt et
tout le reste. À cet égard, je peux assurer que nous allons
regarder cela de très près et nous allons faire le
nécessaire pour éviter tout risque de conflit.
Au sujet de l'affectation des terres publiques, vous nous faites part,
dans votre mémoire, de votre satisfaction de voir inscrits Particle 2
sur le droit de propriété et les articles 17 à 20 sur les
plans d'affectation. Toujours sur cette question, vous demandez au gouvernement
de demeurer vigilant et ferme envers les MRC. Je parle des terres publiques.
Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous entendez exactement par cela?
Croyez-vous que le mécanisme inscrit dans la loi nous permettra
d'atteindre les objectifs que vous identifiez? Je parle, premièrement,
des terres publiques.
M. Duchesne: Oui, M. le ministre, en ce qui concerne les terres
publiques, nous estimons que la loi est assez claire pour permettre l'exercice
d'un arbitrage éventuel par le ministre responsable sur un
problème d'affectation. Remarquez bien qu'il ne s'agit pas, ici,
d'essayer de vous dire que, dans tous les cas, il y aura conflit; au contraire!
Je pense qu'il s'agit, sinon de cas tout à fait isolés, au moins
d'une minorité de cas où l'affectation pose des problèmes.
Mais dans le cadre du dépôt des schémas
d'aménagement, nous avons pu constater un certain nombre de
problèmes dont certains ont été corrigés par les
processus de consultation prévus à la loi I25, mais d'autres sont
encore là. Je pense qu'il est important que quelqu'un qui a une vue
d'ensemble de l'affectation du territoire prenne la décision finale, ce
que semble nous dire le projet de loi 102. Donc, là-dessus, on est
d'accord avec cet...
M. Ciaccia: Effectivement, c'est le gouvernement qui prendra la
décision finale après consultation et tenant compte des
représentations et des problèmes soulevés par les parties
concernées.
M. Duchesne: Nous avons aussi noté, M. le ministre, qu'un
nouvel aspect est maintenant inscrit dans le projet de loi. Cet aspect est pas
mal différent de l'ancienne situation qui prévalait dans la loi
125 au moment de modifications éventuelles au schéma
d'aménagement. Encore une fois, là-dessus, je pense qu'on est
d'accord avec le fait que, en cas de modification, l'autorité s'exerce
de la même façon et, en dernier ressort, après toutes les
consultations nécessaires, revient au ministre responsable. C'est
positif aussi.
M. Ciaccia: Vous parlez abondamment aussi des pouvoirs de zonage
et de réglementation qui sont exercés par les MRC et que vous
semblez trouver parfois peut-être exagérés, compte tenu des
conséquences qu'ils peuvent avoir sur les propriétés
privées. Vous invoquez le principe - je ne sais pas si vous l'avez
invoqué - que si, dans un zonage, c'est possible de vraiment avoir les
mêmes conséquences qu'une expropriation, dans un certain sens...
Si on ne permet pas l'utilisation d'un territoire, d'une terre, d'une
propriété, je pense qu'il y a eu déjà des causes
devant les tribunaux qui ont dit que c'est comme une expropriation. Est-ce que
vous comparez cela à une expropriation sans indemnisation? Autrement
dit, on gèle l'utilisation, mais on ne vous indemnise pas.
Je peux comprendre un peu votre problème, mais je voudrais savoir
de quelle façon la présente loi peut vous aider, dans ces cas, si
elle peut vous aider et si vous avez des suggestions précises à
nous faire.
M. Duchesne: Oui, M. le ministre. C'est la déception qu'on
exprime, finalement, que le projet de loi, tel qu'il est
présenté, ne règle pas ce problème pour autant que
nous le percevons. En forêt publique, d'abord, rien ici n'empêche
une municipalité ou une MRC agissant à titre de
municipalité dans les territoires non organisés de surimposer au
cahier des modalités d'intervention une réglementation
supplémentaire. Nous croyons que si le cahier des modalités
d'intervention est bon pour le ministère de l'Énergie et des
Ressources, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et
le ministère de l'Environnement, il devrait être bon pour
l'ensemble du Québec. A fortiori, quand on va en territoire
privé, on a vécu, au moment de la présentation des
schémas, des situations tout à fait aberrantes où
certaines municipalités ont zone de grands territoires privés
achetés et aménagés depuis plusieurs années
à des fins de production de matières ligneuses en priorité
et de récréation de façon secondaire, ont zone dis-je, ces
territoires sans consulter les propriétaires comme les territoires
récréotouristiques, voire des réserves écologiques
municipales.
M. Ciaccia: Excusez-moi de vous interrompre. Dans ce cas, est-ce
que ce ne serait pas la même règle qui s'appliquerait, supposons,
dans une ville ou dans un centre urbain? Si une municipalité zone une
propriété pour un parc, je pense que les tribunaux ont
interprété cela comme étant une expropriation. S'ils font
ce genre de zonage, s'ils veulent maintenir leur zonage, ils doivent payer
l'indemnisation ou bien ils doivent enlever le zonage? N'avez-vous pas les
mêmes recours? La raison pour laquelle je soulève cela, c'est
parce que, en ce qui concerne la réglementation des MRC, qui, selon
nous, porte atteinte aux droits des propriétaires de boisés, les
avis que nous donnons aux MRC, nous leur donnons des mises en garde qui
apportent des modifications pour que le droit de propriété soit
respecté. Là, si on parle des boisés privés, je ne
pense pas qu'on ait la juridiction, certainement pas dans ce projet de loi-ci.
Je me pose la question. Je ne pense pas que, comme ministère, nous
pouvons avoir cette juridiction. Mais est-ce que vous n'avez pas des recours
devant les tribunaux si une telle situation se présente? (17 h 15)
M. Duchesne: En partie, M. le ministre. Je pense qu'il faut
distinguer entre un zonage proprement dit et un schéma
d'aménagement où on parle d'affectation de territoire. Selon ce
que nos conseillers juridiques nous disent, au moment du schéma
d'aménagement et de l'affectation, nos recours sont beaucoup moins
clairs qu'au moment d'un zonage proprement dit. II n'en demeure pas moins que
même si l'affectation n'est pas encore concrétisée par le
zonage municipal, l'utilisation est quand même affectée. Cela pose
des difficultés sérieuses que nous aimerions voir résolues
par la loi 102 ou par un autre mécanisme. Je pense qu'on a saisi
l'occasion de débattre le sujet à l'occasion de la loi 102. Je
vous disais tantôt que ce n'est pas dans la loi qu'on voudrait voir
quelque chose là-dessus.
Peut-être que M. Bourdages pourrait compléter cette
information parce qu'il a vécu la situation à quelques
reprises.
M. Bourdages (Pierre): Malheureusement, M. le ministre, les
schémas d'aménagement des MRC sont très difficilement
contestables sur le plan juridique. Toujours d'après nos conseillers
juridiques, on ne peut pas aller en cour pour contester le schéma
d'aménagement d'une MRC et les affectations du territoire. On doit
attendre les règlements de zonage des diverses municipalités
à l'intérieur de ces MRC qui, elles, doivent approuver des
règlements de zonage conformes au schéma d'aménagement. On
est dans le processus un peu de la poule et de l'oeuf. Le schéma
d'aménagement de la MRC retire certaines superficies à vocation
forestière, et on ne peut pas vraiment les contester tant que les
règlements de zonage n'ont pas été entérinés
par les divers conseils municipaux. On se retrouve dans une espèce
d'imbroglio qui est difficile.
M. Ciaccia: C'est un problème juridique
intéressant, parce que vous vous voyez empêchés de les
utiliser, mais vous dites que cela ne prend pas effet tant que le zonage n'est
pas promulgué. Il y a le temps entre le schéma et le zonage qui
semble être une zone grise.
M. Duchesne: Par-dessus cela, M. le ministre, ce qu'on vous
disait il y a un instant s'applique encore en forêt publique,
c'est-à-dire que même si on a une zone qui est affectée
suivant tout le processus prioritaire à la production de matière
ligneuse en forêt privée, rien n'empêche une
municipalité de surimposer un certain nombre de contraintes de gestion
forestière qui vont varier, par conséquent, d'un lot à
l'autre sur le territoire d'un propriétaire. Si je prends vos
territoires, qui couvrent, par exemple, plusieurs municipalités, on
pourrait facilement se retrouver - d'ailleurs, des municipalités ont
déjà tenté de le faire -avec une réglementation
affectant l'utilisation et la production de la matière ligneuse, qui est
différente d'une municipalité à l'autre pour le même
propriétaire. C'est cette complexité qui nous apparaît
inutile et qu'on voudrait voir éviter par un mécanisme
quelconque, peut-être par la loi 102.
M. Ciaccia: Vous dites que la loi 150 a créé un
régime forestier et que peut-être avec 94 MRC on pourrait avoir 94
régimes forestiers.
M. Duchesne: Malheureusement, oui.
M. Bourdages: C'est effectivement le cas, M. le ministre. Les
normes d'intervention varient, les procédures varient avec chaque MRC;
elles sont différentes dans chaque cas, et on doit vivre avec 94
procédures différentes.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Roberval.
M. Gauthier (Roberval): Merci, Mme la Présidente. Je
voudrais d'abord remercier les gens qui sont venus nous présenter leur
mémoire, et qui ont fait surtout un travail extrêmement important
autour du projet de loi 102. Il y a un certain nombre de réflexions que
m'inspire la lecture de ce mémoire, qui ont fait l'objet, ce matin, au
cours de nos remarques préliminaires, de certaines revendications
auprès du ministre. Je vous dirai, par exemple que j'ai l'impression -
vous me corrigerez si ce n'est pas exact - que vous souhaitez que le ministre
de l'Énergie et des Ressources se donne du muscle par rapport a
l'ensemble des intervenants, par rapport à l'ensemble des ministres qui
sont susceptibles de voir à l'administration de certaines parties de
territoire. J'ai cru déceler dans votre mémoire que vous
souhaitez vivement que le ministre de l'Énergie et des Ressources soit
en quelque sorte le grand coordonnateur de tout cela et que son autorité
ne fasse point de doute. Est-ce que je me trompe quand je vous
interprète ainsi?
M. Duchesne: Peut-être, M. Gauthier, simplifiez-vous un peu
notre point de vue. Je viens d'avoir justement l'occasion d'en discuter
à une autre commission parlementaire juste à l'autre étage
sur l'utilisation des pesticides et l'implication du ministre de
l'Environnement en gestion des forêts. Le mot qui me dit que vous
exagérez peut-être un peu notre point de vue, c'est le mot
"muscle".
Ce que nous réclamons depuis longtemps, c'est un guichet unique
d'intervention auprès du gouvernement pour l'industrie
forestière. Cela n'enlève en rien l'autorité des autres
ministères, des autres ministres sur les sujets qui touchent de
près ou de loin à la gestion de la forêt.
Ce que nous voulons, c'est que les différents ministres
s'entendent ensemble plutôt que de demander à l'industrie de
demander à l'un et à l'autre simultanément une
série de permissions et de procédures suivant des processus
parfois même, malheureusement, qui vont jusqu'à être
contradictoires. On veut de la coordination interne. On veut un guichet unique,
une simplification de la paperasse, comme je le disais à M. Biais
tantôt qui jouait votre rôle à l'autre commission. Ce n'est
pas du muscle, c'est de la coordination. Pour cela, il faut qu'à un
moment donné il soit capable d'exercer l'autorité
ministérielle collective d'une façon ou d'une autre,
effectivement.
M. Gauthier (Roberval): Vous avez bien compris mon expression,
vous l'avez bien interprétée. Effectivement, c'est à peu
près le sens que je voulais lui donner.
J'aimerais avoir votre point de vue. Nous avons recommandé au
ministre également... Dans ce qu'on avait, cela ne nous semblait pas
évident, ce que je vais dire. Pour le ministre qui cède du
territoire à l'autorité d'un autre ministre, par exemple, au
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ou au ministre de
l'Agriculture, peu importe, il y a une espèce de mécanique qui
est prévue ou qui n'est pas précise encore peut-être, qui
est à perfectionner, qui voudrait que le ministre qui n'utilise plus ce
territoire... prenons un exemple, le ministre de l'Agriculture n'utilise plus
des terres qui lui sont "concédées" - entre guillemets -constate
lui-même qu'il n'utilise plus ces terres à des fins agricoles et
il entreprend une démarche auprès de son collègue pour lui
retourner ces lots.
Quant à nous, il semble que le ministre de l'Énergie et
des Ressources devrait se donner le pouvoir d'entreprendre lui-même des
rétrocessions, c'est-à-dire de porter... Parce qu'on
considère que comme arbitre, par ses collègues, c'est à
peu près le rôle qu'il va se donner. Cela le démunit
passablement si on ne lui permet pas ou s'il ne se donne pas, par la loi, la
possibilité d'identifier des cas où des terres ne sont pas
utilisées aux fins pour lesquelles elles devraient l'être et
d'amorcer lui-même le processus de la rétrocession, de dire
à son collègue de l'Agriculture, pour continuer dans le
même exemple: Ces terres ne sont plus utilisées de façon
évidente donc, j'entreprends la rétrocession.
Est-ce qu'une recommandation comme celle-là, que nous faisons au
ministre, vous semble acceptable ou si vous avez des réticences?
M. Duchesne: M. Gauthier, ce n'est pas un sujet que j'ai
discuté avec les représentants de l'industrie qui ont
travaillé à la préparation du mémoire. Donc, ce que
je vais vous dire est nécessairement sous toute réserve. Par
contre, j'ai vécu, dans le passé, des problèmes de cette
nature avec différentes compagnies en ce qui a trait, notamment, aux
terres aqricoles ou forestières et la possibilité de reboisement.
Je pense que vous abordez ce point. Notre sentiment là-dessus, est que,
effectivement, on doit utiliser le territoire de la façon la plus
profitable possible pour le Québec. Si le ministre de l'Énergie
et des Ressources exerce le droit de propriété au nom de
l'ensemble des Québécois et décide ultimement de
l'affectation du territoire au nom de l'ensemble des Québécois,
il m'apparaît logique qu'il ait aussi le pouvoir de rapatrier, à
un moment donné, pour rationaliser des terres. Comme je vous le dis, on
n'a pas étudié ce problème. Si on devait vous fournir un
avis plus détaillé, il faudrait y repenser avec les membres.
M. Gauthier (Roberval): D'accord. Je voudrais qu'on revienne un
peu sur la question des MRC que vous avez abordée avec le ministre tout
à l'heure. À la page 7 de votre texte, vous êtes clair
là-dessus. Les nombreuses réglementations - vous en avez
parlé abondamment dans les MRC - vous créent des ennuis
importants, semble-t-il. Aux deux dernières lignes du premier
paragraphe, vous dites: "II faut rechercher l'uniformité de la
réglementation entre les différents paliers administratifs."
Comme il faut quand même composer avec les élus locaux qui
ont une responsabilité sur la gestion du territoire, avez-vous
pensé à une mécanique quelconque? Avez-vous pensé
à une façon dont cela pourrait se faire? Avez-vous des
suggestions susceptibles d'orienter la réflexion de la commission et du
ministre?
M. Bourdages: Dans le cadre de la loi 150 et de la
réglementation, le gouvernement a publié un cahier des
modalités d'intervention en milieu forestier. L'industrie et les
industriels qui traitent en forêt sont, en règle
générale, d'accord avec le contenu et les principes
énoncés dans ces cahiers. Cependant, les MRC vont beaucoup plus
loin, dans certains cas, que le cahier d'intervention en milieu forestier pour
les terres du domaine public. Il y aurait probablement lieu que toutes les
terres du domaine public soient régies par les mêmes
modalités d'intervention en milieu forestier.
Pour ce qui est des terres privées, je comprends qu'il est assez
difficile d'imposer à un palier de gouvernement municipal des normes,
sauf qu'il y a peut-être moyen de suggérer, d'inciter les diverses
municipalités, les diverses MRC, les encourager à utiliser le
même cahier de modalités d'intervention en milieu forestier. Plus
il y en a qui vont accepter, plus les difficultés d'application de
l'industrie seraient d'autant réduites.
M. Gauthier (Roberval): Concernant le guide des
Modalités d'intervention en milieu forestier, vous dites,
à la page 6 de votre mémoires "Le guide des modalités
d'intervention en milieu forestier, fruit du consensus des ministères
concernés, doit être désigné comme la
référence exclusive à utiliser par tous les intervenants
auxquels le ministre aura délégué son autorité en
vertu des articles 6 à 10. Cela préviendra l'élaboration
anarchique de règles différentes par d'autres autorités."
En quelque sorte, c'est ce que vous venez de m'expliquer.
Quand vous parlez d'une référence exclusive, je vous avoue
que cela me fatigue un peu parce que j'ai l'impression qu'il y a des ressources
qui ne sont pas véritablement considérées dans le guide,
sauf erreur et vous me corrigerez si c'est le cas. Par exemple, concernant
l'agriculture, l'exploitation minière, etc., ce sont tous des aspects
qui ne sont pas évidemment considérés dans ce guide ou qui
le sont de façon bien indirecte. Est-ce que votre
référence exclusive, finalement, ne s'adresse pas uniquement aux
territoires à exploitation forestière? Est-ce que c'est ce que
vous voulez dire par là? (17 h 30)
M. Duchesne: Non, le guide des modalités, M. le
député de Roberval, couvre l'utilisation polyvalente du
territoire et impose certaines restrictions à l'exploitation
forestière traditionnelle dans le but de préserver la
capacité de production du milieu forestier pour les autres ressources
que nous fournit la forêt. Donc, il n'est pas strictement question de la
matière ligneuse. D'une certaine façon, il régit les
relations entre l'utilisation de la matière ligneuse et les autres
utilisations de la forêt. Il ne traite par spécifiquement de
choses comme des mines parce qu'il ne s'agit pas vraiment d'une intervention en
milieu forestier. Une fois qu'on a affecté un morceau de territoire
à l'utilisation minière, si cela se fait à ciel ouvert, en
tout cas, ce n'est plus du milieu forestier. Donc, ce que l'on veut dire par
référence exclusive c'est que, si en terres publiques, à
tout le moins, où la responsabilité du ministre de
l'Énergie et des Ressources est claire, ce guide devenait à la
fois le minimum et le maximum de ce qui se peut se faire, était la norme
autrement dit, il y aurait une simplification par rapport à la situation
qui se dessine où on va plutôt vers une prolifération de
variantes dans l'application du guide. D'un autre côté,
l'industrie n'a jamais compté par ailleurs que ce guide soit
coulé dans le ciment de façon immuable. S'il apparaissait que
certaines des dispositions actuelles étaient insuffisantes ou inutiles
pour obtenir les fins visées, il est bien évident que ce serait
la responsabilité du gouvernement d'apporter au guide les modifications
qui s'imposent. Cela peut se faire en consultation avec les gens des
municipalités, avec les gens de l'industrie et avec tous ceux qui sont
intéressés au problème. Les processus traditionnels
s'appliquent encore.
M. Gauthier (Roberval): D'accord. Il y a un dernier point sur
lequel j'aimerais vous entendre, je me doute un peu dans quel sens va
être votre réponse cependant, mais, en tout cas, cela permettra,
j'imagine, de clarifier certaines choses. Lorsqu'on parle de compensations pour
des services publics, j'ai toujours une espèce de problème moral
qui est le suivant. Quand il s'agit de terres publiques qui sont
concédées - un ensemble relativement grand - à une
entreprise et que, pour une raison ou pour une autre, il n'y a pas eu de
dépenses ou d'investissements de
faits par l'entreprise pour faire de l'exploitation forestière,
une zone qui est encore vierge, par exemple, quand on veut passer une
utilité publique, je pense au corridor de lignes électriques,
établir une compensation à même les deniers publics, je
vous avoue que j'ai de la misère, je ne sais pas sur quoi elle peut
être basée et comment on va la déterminer. Mais vous ne
trouvez pas que cela fait un peu curieux quand il n'y a pas eu
d'investissements de faits et qu'il y a eu un morceau de territoire assez grand
de concédé. Lors du projet de loi 150 sur les forêts, nous
avions souhaité qu'il y ait une certaine flexibilité. Vous en
aviez même, je pense, accepté... Vous étiez conscients de
la nécessité d'un certain jeu pour le ministre afin de pouvoir en
quelque sorte bouger dans le territoire même s'il y a eu des concessions.
Et cela n'a pas été retenu comme modalité. Je vous avoue
que le problème demeure entier. Quand un territoire public a
été concédé à une entreprise et qu'elle n'y
a pas dépensé d'argent en infrastructure pour l'exploiter
-là le problème serait différent - qu'on utilise des
deniers publics, par exemple, pour compenser l'entreprise de la perte d'un
territoire public parce qu'on passe des utilités publiques, il faut bien
le dire, je vous avoue que, sur cela, nous avons des réticences assez
grandes. Je ne demande pas mieux que de me faire faire la démonstration
qu'on ne devrait pas avoir ces problèmes de conscience.
M. Duchesne: Je suis obligé d'admettre que votre
problème de conscience en est un que nous partageons dans l'industrie,
mais nous ne le regardons pas sous le même angle et nous ne parlons pas
de compensations, je pense, avec la même définition que vous venez
de nous servir. Nous n'avons pas parlé de compensations
financières, M. Gauthier, sur cela. Notamment, au moment de la
discussion sur le projet de loi 150, ce qui nous embêtait et qui nous
embête encore, parce que la loi nous met dans cette situation maintenant
qu'elle est pratiquement en application, c'est que nous n'avons pas la
possibilité de nous assurer du volume de l'approvisionnement qui
proviendrait d'un territoire ainsi enlevé du territoire du contrat. Ce
que la loi 150 nous dit maintenant, c'est que, si c'est possible, le ministre
va nous donner un territoire équivalent qui va permettre de faire
pousser la même quantité de bois. Cela ne sera pas
nécessairement possible, étant donné que la demande est
plus forte que l'offre actuellement avant même de commencer à
entrer dans le régime. La compensation, à ce moment-là,
peut peut-être devenir nécessaire si, à cause de la
réduction d'approvisionnement, une usine, par exemple, se retrouve en
difficulté financière, parce que ce sont les ouvriers et les
actionnaires de cette usine qui se sacrifient pour le bien public. Sous cet
aspect, nous sommes d'avis qu'une compensation est justifiable. Mais on n'a
jamais visé a priori une compensation financière, ce qu'on vise
dans le cas particulier de la loi 150 et des changements éventuels de
territoires, c'est d'assurer l'approvisionnement tel que signé dans le
contrat initialement. Si le territoire est réduit et qu'il n'y a pas de
place ailleurs, la seule solution qu'il reste à l'industrie, c'est de
faire pousser plus de bois sur le territoire qui reste pour avoir le volume
comme auparavant. Mais ce bois marginal coûte plus cher que le bois qui
poussait auparavant; la quantité supplémentaire est plus
coûteuse à faire pousser. Il y a un équilibre à
obtenir là-dedans. C'est cette nuance, je pense, qui a peut-être
été mal exprimée au moment où on a parlé de
la loi 150, mais c'est vraiment ce qu'on avait derrière la
tête.
M. Gauthier (Roberval): Je vous remercie beaucoup. Je vous avoue
que vos explications ont réussi à...
M. Duchesne: ...calmer votre conscience.
M. Gauthier (Roberval): ...me soulager un peu sous cet aspect.
Cela va aller pour ces remarques; d'ailleurs on m'indique que mon temps
achève. Je vous indique simplement que, avec toutes ces questions qu'on
pose et avec cette audition qu'on fait, nous voulons travailler avec le
ministre pour produire une loi qui soit intéressante, applicable et qui
crée le moins d'ennuis possible à l'ensemble des intervenants,
non pas seulement les exploitants forestiers, mais les autres également.
Soyez assurés que nous allons faire le nécessaire pour tenir
compte des remarques que vous avez bien voulu nous soumettre dans ce
mémoire et par votre présence ici. Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.
M. Ciaccia: J'ai deux petites remarques sur les points qui ont
été soulevés. En ce qui concerne l'uniformité, vous
vous plaignez qu'il n'y en a pas entre les différentes MRC. C'est
justement pour cela que notre plan d'affectation apporte l'uniformité
demandée sur les terres publiques; on parle des terres et on fait
référence au même cahier de modalités
d'interventions. C'est l'un des buts de ce plan d'affectation, d'apporter cette
uniformité.
Quant à l'autre question soulevée par le
député de Roberval, à savoir de récupérer ce
qui n'était pas utilisé par les ministres à qui cela avait
déjà été transféré, alors il faudrait
trouver un moyen de chanqer
l'article 7, parce que cet article prévoit qu'un ministre peut
rétrocéder au ministère les terres qu'il n'utilise pas,
mais il n'y pas de mécanisme pour que le ministre de l'Énergie et
des Ressources doive rechercher ces terres. Il faut être polis entre
nous, il ne faut pas s'imposer des choses. Il faut travailler ensemble. On peut
avoir la persuasion morale.
Une dernière question. À la page 10 de votre
mémoire, vous dites qu'il est louable de favoriser l'utilisation
polyvalente et rationnelle des terres. Vous ajoutez que les droits de l'un
doivent être définis avec précision et acceptés des
autres. Vous concluez en disant qu'un mécanisme d'arbitrage des
différends doit être prévu, mais surtout l'affectation ne
doit faire l'objet d'aucune contestation.
Est-ce que vous pourriez développer chacune de ces conclusions,
soit le mécanisme d'arbitrage et que l'affectation ne doit faire l'objet
d'aucune contestation?
M. Duchesne: Je pense que, là-dessus, M. le ministre, la
question que l'on a soulevée quant à l'enregistrement est une des
difficultés qu'on pourrait avoir à arbitrer si différentes
délégations d'autorité confèrent différents
droits d'utilisation sur le territoire qui sont conflictuels, que ce soit
à des fins sylvicoles, récréatives, pourvoiries ou quoi
que ce soit.
Alors, c'est sûr que, dans le cadre de la loi 150 et du projet de
loi 102, quelqu'un va devoir faire les liens entre ces différentes
utilisations, ce qu'en principe fait le plan d'affectation.
M. Ciaccia: Mais ce processus des différends que vous
venez de mentionner, n'est-il pas dans le projet de loi, dans le plan
d'affectation? Nous devons consulter les autres ministères mais,
effectivement, il y a le régime forestier, la loi 150. Est-ce que ce
n'est pas vraiment réglé entre ces deux-là?
M. Duchesne: Nous croyons que le mécanisme d'arbitrage,
à l'heure actuelle, est essentiellement un mécanisme politique et
qu'il y aurait peut-être lieu de l'encadrer un peu pour faciliter
l'exercice de l'affectation. Mais ce qui est important, c'est que l'affectation
se définisse clairement. Sur ce point-là, je me dois de vous
rappeler qu'en ce qui a trait à l'utilisation de la faune sur le
territoire des pourvoiries, en particulier, et des autres utilisations
semblables, le cahier des modalités, le guide des modalités
d'intervention laisse une porte ouverte à une réglementation
supplémentaire sur les territoires qui sont affectés en
priorité à la production de matière ligneuse.
Alors, c'est dans ce cadre que nous croyons voir poindre des
difficultés et il va falloir s'entendre quelque part. Il faudrait
peut-être le faire dans le cadre du projet de loi 102.
M. Ciaccia: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Le temps
accordé à l'Opposition est terminé, mais, s'il y a
consentement des membres, le député de Jonquière aimerait
poser une question à M. Duchesne.
M. Ciaccia: Consentement.
La Présidente (Mme Bélanger): Consentement. M. le
député de Jonquière.
M. Dufour: En fait, j'avais peut-être quelques remarques
à faire avant de poser la question comme telle. D'abord, j'ai
été surpris du ton de votre mémoire concernant la charge
que vous portez vis-à-vis des MRC. Vous avez sûrement de la
cohérence et de la cohésion dans vos idées, parce que,
même lors de l'implantation de la loi 125, vous les avez
contestées. (17 h 45)
J'ai bien remarqué que vous ne leur avez pas donné trop de
chance de faire leurs preuves. Vous les avez déjà
condamnées sans les avoir tellement entendues. Cela me surprend un peu,
parce que pour avoir vécu avec des compaqnies forestières et en
même temps avec des compagnies papetières, je suis convaincu que
s'il n'y avait pas eu de loi pour réglementer un certain nombre
d'actions, j'ai l'impression que le Québec ne serait pas ce qu'il est
maintenant. Il ne faut pas se le cacher, dans d'autres dossiers, s'il n'y avait
pas eu des balises, j'ai l'impression qu'on aurait causé des dommages un
peu plus grands.
Je comprends difficilement la charge à fond de train que vous
portez contre les MRC parce que vous ne leur avez pas donné tellement de
chances. Vous parlez de droit de propriété, mais ce droit n'est
jamais exclusif. Vous parlez de droit de propriété en
forêt; moi, je vais vous parler des droits de propriété
d'individu où la municipalité impose des règles, des
normes et les gens sont obliqés de s'y plier. Je ne vois pas pourquoi
les forestières en feraient un qrand scandale. Je n'ai pas vu encore de
forestières mises en faillite ou en très grande difficulté
parce que les MRC ont adopté des mesures ou des schémas
d'aménagement. Je pense qu'il y a un certain nombre de mécanismes
- vous le dites carrément - que vous n'avez- pas acceptés au
départ, que vous avez toujours contestés et que vous contestez
encore.
Je ne suis pas rassuré par votre attitude. Ce qui a
présidé la venue des MRC, c'est un document du ministère
qui dit: L'aménagement est une fonction partagée entre trois
paliers de décision: municipalités, municipalités
régionales de
comté et le gouvernement. L'aménagement fait appel
à la coordination et à la conciliation des choix et des actions
de trois instances décisionnelles.
Il est toujours plus facile d'avoir affaire à un individu ou
à un groupe par rapport à un ensemble d'individus ou à un
ensemble de groupes; on n'a pas besoin de faire de grandes
démonstrations. Il n'y a pas beaucoup de forêts dans les grands
ensembles comme Québec et Montréal.
Donc, où sont...
La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. le
député de Jonquière.
M. Dufour: ...les forestières et où vont
s'appliquer les règlements? Dans les régions. Qu'est-ce qu'il
reste aux régionaux si ce n'est d'avoir un peu d'implication dans
l'aménagement du territoire? Les questions que je me pose sont: Est-ce
aussi dramatique que vous l'avez démontré dans votre
exposé? N'y a-t-il pas un peu d'exagération? N'y a-t-il pas moyen
de vivre avec les MRC comme elles sont maintenant? Ce qui est proposé
dans la loi, ce n'est pas le bonheur et ce n'est pas le ciel sur la terre. Vous
allez avoir encore des contraintes. Les représentations de l'Union des
municipalités régionales de comté ne sont pas une charge
contre les papetières ni contre qui que ce soit. L'union des
municipalités est préoccupée par l'environnement et
l'aménagement du territoire.
Ma question: Est-ce aussi dramatique que vous le dites ou si vous avez
pris certains exemples pour dramatiser la situation?
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Jonquièrè. M. Duchesne.
M. Duchesne: Je suppose, M. le député de
Jonquière, que je peux facilement admettre avec vous que ce ne sont pas
94 cas insurmontables que l'industrie doit affronter à l'endroit des
MRC. Par contre, il y en a, malheureusement, plusieurs qui d'ores et
déjà ont tenté - dans certains cas, ils ont réussi
- d'imposer des réglementations et des coûts
supplémentaires à l'industrie qui, ne généreront
pas nécessairement des bénéfices supplémentaires ni
pour leur collectivité ni pour l'ensemble du Québec.
Ce que l'on souhaite, c'est de ne pas permettre une prolifération
de ce genre d'attitude, même si, a l'heure actuelle, c'est vrai que c'est
une minorité des MRC qui se comportent comme cela. On n'a jamais rien
dit qui puisse aller à la charge à fond de train, comme vous
l'avez mentionné, sinon que la législation actuelle permet aux
MRC de faire ces choses et nous disons: Ce n'est pas acceptable de permettre
cela. C'est cela notre charge. Il faut limiter cette latitude.
Cela se limite à cela. Les autres charges qu'on a, on les a eues
directement contre certaines MRC qui ont même, dans certains cas, voulu
imposer leur propre droit de coupe sur la récolte de matière
ligneuse. Si vous me dites que c'est normal, là on est loin de pouvoir
s'entendre.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Duchesne.
M. le député de Roberval pour les remerciements à
l'organisme.
M. Gauthier (Roberval): Mme la Présidente, j'ai
déjà fait mes remerciements. Je les réitère
à l'endroit de l'association. Étant donné que ce sont des
habitués des commissions parlementaires, je pense que cela paraît.
Ils témoignent de façon efficace et savent se faire comprendre.
Je réitère tous les bons mots que j'ai eus à leur
intention tout à l'heure...
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.
M. Ciaccia: M. Duchesne, je veux vous remercier pour votre
présentation, pour les commentaires que vous nous avez faits et les
problèmes que vous avez soulevés. Certains de ces
problèmes, je pense que nous allons les étudier avec le
ministère pour voir ce que nous pouvons faire, particulièrement
celui qui concerne les registres. Les autres sur les bois privés, cela
va au-delà, je crois, du projet de loi 102. Ce sont des problèmes
intéressants. Je ne sais pas si cela peut vous réconforter, mais
on sympathise avec quelques-uns de vos problèmes. On espère que
vous allez pouvoir les résoudre. Ce que nous pouvons faire en
collaboration avec vous et en collaboration avec les autres intervenants, soyez
assurés que nous le ferons. Merci encore une fois.
La Présidente (Mme Bélanger): M.
Duchesne.
M. Duchesne: Merci, M. le ministre. Merci, M. Gauthier.
La Présidente (Mme Bélanger): La commission
ajourne ses travaux à demain matin. Pour l'information des membres de la
commission, nous recevrons, à 10 heures demain matin, la Chambre des
notaires du Québec; à 11 heures, l'Association des pourvoyeurs du
Québec; à 12 heures, la Fédération
québécoise des gestionnaires de ZEC; à 14 heures, le Grand
Conseil des Cris; à 15 heures, le Conseil Attikamek-Montagnais et,
à 16 heures, le Conseil des Algonquins.
La commission ajourne donc ses travaux à 10 heures, demain
matin.
(Fin de la séance à 17 h 52)