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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Wednesday, February 11, 1987 - Vol. 29 N° 40

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière sur le projet de loi 102 - Loi sur les terres du domaine public


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je vous rappelle que les membres de la commission de l'économie et du travail sont réunis pour procéder à une consultation particulière sur le projet de loi 102, Loi sur les terres du domaine public. Est-ce qu'il y a des changements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Chevrette (Joliette) est remplacé par M. Perron (Duplessis); M. Fortin (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata) et M. Paré (Shefford) est remplacé par M. Dufour (Jonquière).

Le Président (M. Théorêt): Merci. Je vous rappelle l'ordre du jour. À 11 heures, ce matin, nous entendrons les représentants de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec; à 15 heures, cet après-midi, le Barreau du Québec, à 16 heures, la Fédération des producteurs de bois du Québec et, à 17 heures, l'Association des industries forestières du Québec.

Avant de demander au premier intervenant de s'approcher... Est-ce que les gens de l'Union des municipalités sont arrivés Pas encore? Est-ce que l'on va procéder quand même aux remarques préliminaires? Je vais donner la parole...

M. Ciaccia: Est-ce que vous voulez attendre quelques instants ou continuer?

Le Président (M. Théorêt): La procédure serait la suivante. M. le ministre, vous passeriez aux remarques préliminaires, et, ensuite, ce serait au tour du critique officiel.

M. Gauthier (Roberval): De toute façon, je pense que nous avons une vingtaine de minutes.

Le Président (M. Théorêt): Une vingtaine de minutes chacun.

M. Gauthier (Roberval): On n'a pas d'indication comme quoi les gens de l'UMRCQ ne se présenteront pas ce matin?

Le Président (M. Théorêt): Non, absolument pas. Ils nous ont assurés qu'ils seront ici ce matin, sauf que ce sera seulement à 11 heures. Ils ont été convoqués pour 11 heures. C'est le groupe de 10 heures, je pense, qui a annulé... Avec la permission des membres des deux côtés, je cède la parole au ministre pour ses remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux organismes qui viendront, au cours des travaux de cette commission, nous faire part de leurs commentaires et recommandations sur le projet de loi 102. Je les remercie à l'avance de la contribution qu'ils apporteront au processus de l'adoption de la Loi sur les terres du domaine public.

Je suis particulièrement fier de présenter le premier texte de loi entièrement et exclusivement consacré aux terres du domaine public. Nous avons la ferme intention de rationaliser et de moderniser la gestion de ce patrimoine collectif et l'adoption d'un cadre légal bien adapté à cette fonction est une composante essentielle de notre démarche. Nous voulons aussi reconnaître le principe d'accessibilité aux terres publiques.

Le nouveau texte vient remplacer les articles de l'actuelle Loi sur les terres et forêts relatifs à l'administration des terres. Cette loi date de plusieurs décennies et ne peut plus supporter les exiqences d'une gestion moderne et efficace.

Avant d'aborder l'économie générale du projet de loi qui vous est soumis, je crois opportun d'attirer l'attention sur l'importance des terres publiques dans l'essor de l'économie du Québec. Je voudrais aussi évoquer les principaux éléments du contexte actuel qui rend nécessaire le renouveau de l'approche gouvernementale dans ce domaine et vous faire connaître nos orientations.

Le domaine public, il faut bien le dire, est assez méconnu. Trop peu de Québécois savent qu'il représente 90 % de notre territoire. On apprécie mal également son immensité: 1 400 000 kilomètres carrés, soit environ les superficies réunies de la France, de l'Espagne, du Portuqal, de la Belgique et des deux Allemagnes ou, si vous le préférez, quatre fois la superficie totale de l'Italie.

Enfin, c'est sur ce territoire qu'on retrouve la majorité des ressources qui ont tant contribué au développement de notre économie et qui continuent à appuyer des secteurs d'activités dynamiques.

D'une part, les richesses de son sous-sol ont permis l'établissement d'une industrie minière très importante, et de nouvelles découvertes s'y font encore régulièrement. D'autre part, près de 15 % de la superficie du Québec est recouverte d'eau. Il s'agit d'un immense réservoir d'eau douce unique au monde, en grande partie localisé sur les terres publiques. Le potentiel hydroélectrique colossal des différents bassins versants est bien connu et il a fait l'objet d'aménagements non moins colossaux. Les possibilités de développement, comme vous le savez, sont très considérables. La présence de nombreux lacs et cours d'eau contribue aussi à la forte croissance de l'industrie récréotouristique dont l'importance économique et sociale n'est plus à démontrer.

Les terres émergées, quant à elles, comportent une faune diversifiée, exploitée pour la chasse ou la simple observation. Environ la moitié de ces terres est recouverte de forêts commerciales dont l'apport contribue grandement, comme on le sait, au développement économique de plusieurs de nos régions.

En somme, il est bien évident que sans l'apport inestimable des terres du domaine public, la prospérité du Québec ne serait pas ce qu'elle est présentement.

La gestion de cet immense territoire par l'État s'est longtemps limitée à favoriser l'exploitation de ses principales ressources et à céder des droits en conséquence, parfois de façon anarchique. Le contexte étant maintenant différent, nous croyons nécessaire d'adopter une approche planifiée et plus polyvalente.

Tout d'abord, la compétition pour l'occupation ou l'utilisation des terres publiques se fait plus vive. La mise en valeur des ressources minières, forestières et hydrauliques, dans l'ensemble, ne cesse de croître et de s'étendre à de nouvelles zones. Parallèlement, le réseau de voies d'accès se ramifie et de plus en plus de citoyens souhaitent profiter de cette accessibilité pour pratiquer des activités de plein air ou tout simplement jouir des avantages d'un milieu à l'état naturel. De plus, nombre de municipalités en voie d'expansion ou désireuses d'implanter de nouveaux services ont des besoins en espace qu'elles ne peuvent satisfaire qu'à même le domaine public. Les populations autochtones font valoir qu'elles ont aussi des droits sur de vastes territoires et que ces droits devraient être respectés par les autres utilisateurs.

Cette compétition pour l'espace se double d'une sensibilité accrue du public et des gestionnaires pour la protection du milieu. Il y a effectivement une prise de conscience de sa fragilité et de ses limites que l'immensité du territoire nous a empêchés de percevoir jusqu'à une époque récente.

Nous avons eu l'occasion de discuter de ces limites en ce qui a trait à la matière ligneuse au moment de l'adoption de la nouvelle Loi sur les forêts et les mêmes conclusions s'imposent dans d'autres secteurs.

Le gouvernement ne saurait donc négliger les aspects de protection, de conservation et de restauration du milieu. Voudrait-il en faire abstraction que le public lui rappellerait, par la voie de différents groupes, ses devoirs à cet égard.

La diversification des intérêts vis-à-vis des terres publiques a entraîné des changements dans l'appareil gouvernemental. Plusieurs ministères et organismes, véhiculant les préoccupations de leurs clientèles, interviennent maintenant dans la gestion des terres publiques. Chacun agit en fonction des lois, règlements et politiques spécifiques.

Aujourd'hui, bon nombre de lois importantes s'appliquent dont, entre autres, celles sur l'aménagement et l'urbanisme, la qualité de l'environnement, la conservation et la mise en valeur de la faune, les parcs, les réserves écoloqiques, les mines, les forêts et la protection du territoire agricole.

C'est donc dans un contexte éminemment plus complexe que s'exerce maintenant la gestion des terres publiques. Pour que ces terres contribuent encore davantage aux progrès de notre société, il nous faut dorénavant systématiser notre approche et nous donner de meilleurs outils de gestion.

M. le Président, le projet de loi qui est présenté s'inscrit dans un plan d'action précis. Notre gouvernement entreprend un travail de fond qui, à maints égards, sera difficile et qui, en raison de sa nature même, n'aura probablement pas une grande visibilité.

L'Etat, en tant que propriétaire et gardien des terres publiques, a une double responsabilité de protection et de mise en valeur. Nous nous sommes donc donné comme but d'optimiser l'apport de la ressource territoire dans le développement du Québec, tout en conservant intact, pour les générations futures, cet actif important.

Un ensemble de conditions doivent être réunies à cette fin et je crois utile, M. le Président, d'évoquer brièvement ce que nous entendons faire.

La protection efficace du domaine public passe d'abord par une amélioration de la connaissance que nous en avons, connaissance en priorité du stock foncier soit: son étendue, sa composition et sa valeur; connaissance aussi des populations, des activités, des potentiels et des ressources

que supporte le territoire.

L'amélioration de la protection nécessite également une action planifiée de la part des intervenants gouvernementaux afin d'assurer que chaque utilisateur trouve sa place sur les terres publiques dans le respect des besoins des autres. L'exploitant forestier, par exemple, sera soumis à un guide d'utilisation qui balisera ses actions pour assurer une utilisation polyvalente des territoires où il exerce une activité. Les autres intervenants auront éventuellement leur guide d'intervention. Depuis un an maintenant, mon ministère a produit un plan d'affectation qui a été transmis à chacune des MRC pour inclusion dans leur schéma d'aménagement.

Enfin, sans un contrôle efficace, les meilleures lois, les normes les mieux définies et les règlements les plus sévères demeurent sans effet. Nous ferons en sorte que l'octroi des droits se fasse conformément au plan d'affectation en vigueur. Nous préparerons des normes et des critères d'utilisation simple, cohérents entre eux et nous les ferons connaître le plus adéquatement possible. En contrepartie, nous sommes déterminés à agir avec détermination pour en assurer le repect et éviter des situations inacceptables comme la prolifération des occupations non autorisées. Dans ce cas, nous sommes obligés d'entreprendre des procédures coûteuses pour récupérer, au bénéfice de l'ensemble de la population, des terrains occupés illégalement et trop souvent, hélas! par des gens peu soucieux de respecter les lois et règlements sur la protection de la faune et sur l'environnement.

En ce qui a trait à la mise en valeur des terres publiques, il est indispensable que des mesures soient prises pour tirer de cette ressource les biens et services qu'elle peut fournir. Il est donc normal que l'on procède â des travaux d'aménagement et de mise en valeur. Le développement de la villégiature, par exemple, est un domaine où le gouvernement entend lui-même intervenir ou susciter des interventions privées.

La situation actuelle commande également que nous adoptions une philosophie de gestion des terres publiques plus conforme aux réalités économiques et aux pratiques fiscales et budgétaires d'aujourd'hui.

En premier lieu, nous entendons adopter une approche de gestion afin de générer des revenus raisonnables susceptibles d'alléger le fardeau des contribuables. La valeur réelle du sol doit être récupérée lorsqu'il y a une vente. Également, les diverses rentes exigées pour la location ou en retour des droits cédés doivent être établies en fonction du marché. Rien ne s'oppo3e non plus à la promotion de l'utilisation des terres publiques quand les bénéfices pour la collectivité et la compatibilité avec le milieu sont démontrés.

En outre, le financement des services par les bénéficiaires eux-mêmes sera de plus en plus favorisé et cela, dans la poursuite d'objectifs précis et dont l'atteinte sera dûment contrôlée.

Enfin, le contexte budgétaire étant ce qu'il est, tous les efforts seront faits afin de conjuguer les ressources humaines et financières de tous les ministères oeuvrant sur les terres publiques. Je pense en particulier à renforcer la collaboration entre mes officiers en région et les aqents de conservation de la faune pour contrôler les occupations illégales, en même temps que les infractions à la loi sur la conservation de la faune.

La loi actuelle, je l'ai mentionné, ne correspond plus au contexte que je vous ai décrit. Elle ne peut non plus supporter adéquatement la réforme que nous entreprenons. Tout d'abord, la cohérence du texte est fort discutable, puisque les dispositions ont été disséminées parmi celles relatives à la ressource forestière. Nombre d'articles sont désuets, alors que des aspects essentiels, tels l'affectation ou la constitution d'outils de base, sont ignorés. Enfin, l'autonomie administrative laissée au ministre ne correspond pas aux pratiques actuelles et alourdit le processus par de fréquents recours à la formule du décret.

En conséquence, le besoin d'un cadre légal et réglementaire pour que soit remplie la mission gouvernementale de gestion des terres publiques ne fait pas de doute.

M. le Président, certains se sont étonnés de notre décision de présenter le nouveau texte dans une loi distincte de celle des forêts. 11 faut bien se rendre à l'évidence que les objets de ces deux lois sont aujourd'hui très différents.

Alors que la loi 150 traite essentiellement d'une ressource: la forêt, qu'elle soit d'ailleurs située sur les terres privées ou publiques, la loi 102 traite d'une mission gouvernementale: la gestion des terres publiques, qui implique la prise en compte intégrée d'un éventail très large de ressources, d'intérêts et de milieux.

J'aimerais maintenant, M. le Président, m'attarder sur l'économie générale du projet de loi et en faire ressortir les divers objectifs.

Essentiellement, il s'agit d'établir un cadre de référence clair pour la connaissance, l'aménagement et l'utilisation optimale des terres publiques. Ce cadre de référence créera les conditions favorables à l'élaboration d'objectifs communs à l'ensemble des intervenants gouvernementaux, au partage des connaissances, à l'établissement des mécanismes de solution des conflits d'usage, à la constitution des grands outils de gestion. Il permettra également la transmission aux utilisateurs d'une information précise et simple sur les usages autorisés, les normes à respecter et les modalités

d'acquisition de droits.

Je tiens à souligner les aspects particulièrement Importants ou nouveaux de ce cadre que nous désirons mettre en place.

Il convient tout d'abord de préciser le partage des responsabilités à l'égard des terres publiques afin de lever de nombreuses ambiguïtés. Dans le projet de loi 102, l'autorité générale du ministre de l'Énergie et des Ressources est affirmée et définie par rapport à celle des ministres ayant des compétences en vertu d'autres lois ou à qui il confie l'administration de terres. Les modalités de transfert de compétence et d'administration sont aussi précisées.

Gérer le domaine public, je l'ai déjà mentionné, implique de le connaître précisément. Un répertoire des terres sera donc constitué avec la collaboration de tous les ministères et organismes concernés. Il identifiera, localisera et décrira chaque parcelle afin d'en protéger l'intégrité.

Le registre des droits fonciers et le registre des droits d'exploitation seront complétés de la même façon afin que les ministères concernés puissent émettre les droits en toute sécurité et que les citoyens puissent obtenir l'information au besoin.

J'ai indiqué au début de cet exposé la diversité d'intérêts et de valeurs à laquelle est confronté le gestionnaire des terres publiques dans l'exercice de sa fonction. Le problème se pose évidemment dans les mêmes termes aux autres ministères intervenants. Le gouvernement doit donc se donner le moyen de gérer cette complexité. Le projet de loi officialise donc le processus d'affectation des terres qui est déjà coordonné par le ministre de l'Énergie et des Ressources. Les vocations ainsi définies en concertation seront des balises précieuses dans l'octroi des droits de tous ordres et une garantie de la meilleure utilisation du territoire.

L'affectation ne peut, par ailleurs, revêtir un caractère de permanence absolue. La connaissance des potentiels évolue, se précise, des modes de cohabitation d'activités se développent, de telle sorte que les plans devront être ajustés. Un mécanisme de modification a donc été prévu. Toujours au chapitre de l'affectation, le projet de loi harmonise le processus d'affectation des terres publiques incluses dans le territoire des municipalités régionales de comté et les activités d'aménagement de ces dernières définies par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

Il est important de souligner à cet égard notre volonté de respecter l'esprit sinon la lettre des processus de consultation établis entre le gouvernement, les municipalités régionales de comté et la population pour l'aménagement du territoire. Le souci de concertation avec les ministères intervenants est également manifeste.

Les autres chapitres du projet de loi 102 reprennent essentiellement les dispositions de la loi actuelle en les simplifiant, en les harmonisant et en les adaptant à la réalité actuelle. Ainsi, l'octroi des droits fonciers, que ce soit la vente, la location ou le permis d'occupation, s'en trouvera accéléré.

En ce qui a trait au contrôle, les conditions d'accès aux terres publiques seront mieux balisées. Le pouvoir du ministre responsable relatif au séjour et à l'érection de bâtiments ou d'ouvrages sera aussi précisé et étendu aux ministres ayant autorité sur un territoire.

Finalement, l'ensemble des dispositions relatives à la révocation des droits, aux infractions et sanctions, aux pouvoirs réglementaires sont reprises dans un langage plus clair et avec une préoccupation plus grande d'efficacité et d'équité.

M. le Président, je me permets, en terminant, de réitérer ma satisfaction de présenter la première loi sur les terres du domaine public. Il était temps, en effet, de reconnaître l'importance de cette ressource que plusieurs à travers le monde nous envient.

Le gouvernement passe donc à l'action et entreprend de renouveler la gestion des terres publiques afin d'en tirer les meilleurs bénéfices sans spolier cette richesse collective. Notre approche est cependant sobre et priviléqie l'efficacité. Nous voulons d'abord nous doter des outils de base et, pour ce faire, nous optons pour la consultation, la concertation et l'intégration des moyens.

Le projet de loi que je vous propose aujourd'hui soutiendra donc notre plan d'action dans le domaine, tout autant qu'il traduit notre vision du rôle de l'État à l'égard des terres publiques. Merci, M. le Président. (10 h 30)

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole au critique officiel et député de Roberval pour ses remarques préliminaires. Je vous rappelle, M. le député de Roberval, que tout comme le ministre, vous disposez de vingt minutes pour le faire.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier (Roberval): Je reconnais bien là, M. le Président, votre souci d'équité. Je vous remercie.

La vaste réforme du système de gestion de nos forêts enclenchée en 1984 et terminée en décembre dernier par l'adoption de la loi 150 a conduit tout naturellement le gouvernement à moderniser la section "Terres" de la Loi sur les terres et forêts. Le projet de loi 102 marque la séparation légale d'une juridiction ministérielle unique

entre le secteur "Terres" , et le secteur "Forêts", séparation enclenchée en décembre 1984 lorsque le premier ministre de l'époque, René Lévesque, nomma mon collègue de Laviolette ministre délégué aux Forêts. Le partage des responsabilités entre le secteur "Terres" et le secteur "Forêts" devenait de plus en plus nécessaire depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et, plus particulièrement, depuis l'amorce de la préparation des schémas d'aménagement des MRC.

Bien que les forêts occupent la très grande partie, pour ne pas dire la quasi-totalité, des terres publiques au sud du 52e parallèle et que 90 % des forêts soient réservées prioritairement à la production forestière, le gouvernement, face aux MRC, ne devait pas laisser le ministre responsable des forêts préparer au nom de tous ses collègues le plan d'affectation des terres publiques parce que celui-ci, évidemment, se retrouverait dans une espèce de conflit d'intérêts. Il faut se réjouir du fait que le ministre profite du dépoussiérage de la Loi sur les terres du domaine public pour ajouter une section sur le plan d'affectation des terres publiques qui donne ainsi une assise légale aux objectifs et aux orientations que le gouvernement et ses ministres poursuivent ou entendent poursuivre en matière de conservation et de mise en valeur des ressources et d'utilisation du territoire.

De nombreuses lois sectorielles ayant trait à la qualité de l'environnement, à la conservation de la faune, aux réserves écologiques, aux parcs, aux forêts, aux mines, au régime des eaux, etc., permettent l'établissement d'orientations et d'objectifs différents et parfois contradictoires. Afin de diminuer les conflits de juridictions interministérielles et d'uniformiser les modes de gestion des ressources, il y aurait peut-être lieu d'ajouter un mécanisme de consultation des intervenants préalable à celui prévu pour la révision des schémas d'aménagement des MRC ou de regrouper toutes ces lois sectorielles dans une espèce de code du domaine public.

Nous voulons bien croire que le Comité ministériel permanent d'aménagement et de développement régional, mieux connu sous le sigle de COMPADR, puisse servir à prévenir les conflits entre ministères, mais l'affectation des terres publiques est un exercice trop important et trop périlleux pour qu'il puisse être laissé aux bons soins d'ententes à l'amiable ou de bon voisinage entre ministres. C'est pourquoi nous suggérons fortement au gouvernement de lier, par le projet de loi 102, tous ses ministères aux diverses vocations et appellations des unités territoriales résultant de l'affectation des terres du domaine public, tel que défini dans le guide des modalités d'intervention en milieu forestier.

En conséquence, l'article 17 de la loi devrait être bonifié afin de préciser les types d'unités territoriales où la production forestière sera exclue, celles où elle sera permise et celles où elle sera prioritaire. De telles dispositions placées sous la responsabilité du ministre de l'Énergie et des Ressources mettront les règles claires et publiques pour tout le monde et empêcheront que, par des lois sectorielles ou des délégations d'autorité à tel ou tel ministre, une affectation territoriale puisse être tranformée en mode de gestion d'un territoire ou d'une ressource, ou vice versa.

Le ministre de l'Énergie et des Ressources, en quelque sorte, doit être la personne responsable, indépendant et protégé des pressions de ses collègues ministres. C'est un domaine où le lobby interministériel se fait extrêmement pressant à certaines occasions.

Le projet de loi 102 ne va pas assez loin et aurait dû, en toute logique, conduire à la création d'un ministère de l'aménagement et du développement régional. Nous aurions souhaité, M. le Président, que cela aille jusque-là. Pour assurer une harmonisation des politiques gouvernementales en matière d'aménagement du territoire, il y aurait lieu de regrouper sous une même autorité ministérielle les fonctions de préparation du plan d'affectation des terres publiques qui sont présentement au ministère de l'Energie et des Ressources, les fonctions d'arrimage du plan d'affectation, avec les schémas d'aménagement des MRC, présentement sous la responsabilité du Secrétariat à l'aménagement et à la centralisation, et les fonctions de coordination des interventions gouvernementales en régions, présentement sous la responsabilité du ministre des Transports et du Développement régional.

Les articles 20 et 71, M. le Président, présentent un bel exemple d'incohérence du gouvernement face aux MRC. Est-ce l'effet de l'indifférence que le gouvernement manifeste face aux MRC? Je ne le sais pas. Mais, de toute manière, nous aurons l'occasion d'entendre l'Union des municipalités régionales de comté et je pense que les remarques qu'elle a consignées dans son mémoire sont fort à propos, non seulement quant à l'ambiguïté mais, je dirais, quant à certaines anomalies qui nous apparaissent évidentes à la lecture de la loi.

Alors qu'en juin dernier, le ministre des Affaires municipales a fait adopter, avec le projet de loi 38, Loi modifiant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, des assouplissements excessifs à la procédure d'adoption du schéma d'aménagement des MRC, entre autres une prolongation du délai imparti à une MRC pour modifier son schéma avec une possibilité pour le ministre, au cours de cette prolongation, de modifier son avis - une sorte de partie de ping-ponq,

en quelque sorte, entre le ministre et les MRC - le ministre de l'Énergie et des Ressources, pour sa part, propose aux articles 20 et 71 un durcissement qui nous apparaît inadmissible. Le gouvernement pourrait alors modifier, par exemple, unilatéralement et sans aucune consultation, le schéma d'une MRC, sans obtenir son accord, alors que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme prévoit déjà un pouvoir de désaveu par le Conseil des ministres.

À notre avis, le gouvernement n'a pas de vision globale face au développement des MRC et il est au moins souhaitable qu'il profite des nouveaux pouvoirs dont il se dotera avec le projet de loi 102 pour informer les municipalités et les municipalités régionales de comté sur toutes les inscriptions au terrier, sur toutes les terres pour lesquelles il a transféré son autorité à un autre ministère via le registre des ressources et sur toutes les transactions: achat, vente, lettres patentes, bail, permis d'occupation et autres droits d'occupation concédés.

Outre ce volet sur l'affectation des terres, M. le Président, l'essence de ce projet de loi rajeunit et épure la partie "Terres" de la Loi sur les terres et forêts. Mais, à vouloir trop évacuer et ne garder que des principes généraux, le législateur ouvre la porte, croyons-nous, à beaucoup d'interprétations.

Ainsi, il y aurait peut-être lieu de délimiter les domaines soumis à la juridiction du ministre à l'article 5, de définir les types de permis d'occupation à l'article 22 et de déterminer, aux articles 6 à 10, les transferts d'autorité sur une terre à un autre ministre, par un décret et non par arrêté afin d'établir des règles précises et d'éviter que chaque arrêté ministériel permette au ministre d'exercer un pouvoir discrétionnaire; l'uniformité, dans le fond, des conditions d'accès au territoire, entretien des chemins, responsabilité par rapport aux autres ressources, etc.

À notre avis, il faudrait gratter ce point au fur et à mesure que nous avancerons dans l'étude de ce projet de loi. Je pense que le ministre se rendra compte qu'il a avantage à modifier en quelque sorte son projet de loi. Il faut espérer que le ministre se servira des pouvoirs que lui conférera l'article 6 du projet de loi 102 pour accélérer le processus de rétrocession des terres publiques enclavées ou avoisinant la forêt privée, que ce soient des terres appartenant au ministère de l'énergie et des Ressources, au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ou autre, et qu'il permette le retour des terres en friche de catégorie NI, entre autres, à la production forestière là où le bon sens le commande.

Mais la lecture de l'article 32 du projet de loi 102, M. le Président, ne nous permet pas de déceler une telle volonté politique, puisque l'on y indique que, si l'usaqe qui est fait d'une terre cédée n'est pas celui précisé dans les lettres patentes, c'est le titulaire qui doit en informer le ministre et lui rétrocéder cette terre. Si le ministre de l'Énergie et des Ressources veut devenir un véritable arbitre des batailles interministérielles et non continuer à n'être qu'une espèce de cour de triage, il doit se donner le pouvoir d'entreprendre la rétrocession d'une terre publique dès qu'il s'aperçoit que son usage n'est pas conforme aux lettres patentes.

La villégiature privée sur les terres publiques, en 1978, avec l'abolition des clubs privés de chasse et de pêche, est une bonne politique en soi, mais elle peut conduire à des abus. J'ai déjà souligné au ministre, lors de l'étude des crédits du secteur "Terres", certains aspects de ce problème. Les entrepreneurs forestiers, par exemple, utilisent des chemins privés ou encore des chemins publics entretenus par des villégiateurs ou des ZEC pour aller récolter et transporter du bois.

Je pense, M. le Président, qu'établir un mécanisme de consultation préalable et un moyen de faire payer une partie de l'entretien de ces chemins serait une excellente chose. Je soupçonne le ministre d'avoir, à ce sujet, certains projets.

Le projet de loi 102 constitue un terrier dans lequel seront enregistrés les divers titres concernant les terres cadastrées ou non et un registre des droits d'exploitation des ressources où seront inscrits tous les droits d'exploitation des ressources consentis sur une terre à l'exception des droits consentis en vertu de la Loi sur les mines.

La nouvelle Loi sur les forêts prévoit qu'un registre public sera constitué pour les contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestiers. Il y aurait donc lieu d'exempter aussi les droits consentis en vertu de la Loi sur les forêts afin de ne pas faire de duplication.

Il nous semble - on aura l'occasion de le démontrer - qu'il y a là une certaine anomalie par rapport au traitement des deux lois.

Tout comme pour la Loi sur les forêts, il y aurait lieu que le registre des droits d'exploitation des ressources comporte l'obligation, pour le ministre, de publier un avis à la Gazette officielle indiquant le numéro d'enregistrement, le nom. du bénéficiaire et les principales données d'identification de la ressource visée. Tous les intéressés seront ainsi avisés.

En terminant, je vais aborder brièvement un dossier déjà discuté lors de l'étude du projet de loi 150 sur les forêts. L'article 58 permet au ministre d'indemniser tout détenteur de titres d'occupation pour le

préjudice qu'il subit advenant que l'intérêt public exige la révocation de son permis d'occupation. Autrement dit, si le ministre décide de créer un parc ou une réserve écologique ou encore un corridor hydroélectrique - je sais que cela tient particulièrement à coeur au ministre - sur un territoire public - la plupart du temps, c'est évidemment un territoire forestier - il devra indemniser les détenteurs du titre d'occupation qui, pour la plupart, sont des détenteurs de contrats d'approvisionnement forestier, ou encore des réserves amérindiennes. Lors de l'étude du projet de Loi sur les Forêts, le ministre délégué aux Forêts a tenu une position analoque, et ce, à rencontre du livre blanc, Bâtir une forêt pour l'avenir, du gouvernement précédent qui, en tant que gestionnaire soucieux de la protection des terres publiques avait proposé une certaine flexibilité, soit de se garder le pouvoir, en quelque sorte, de retrancher sans compensation territoriale ou financière, une proportion de territoire accordé inférieure à 5 %, à moins que le bénéficiaire n'y ait effectué des travaux d'aménagement. Il y aurait alors compensation. Inflexible, malgré que l'industrie forestière proposait elle-même de céder jusqu'à 1 % du territoire, le ministre délégué aux Forêts, harcelé par mon collègue de Duplessis sur l'impact d'une telle proposition gouvernementale sur les futurs couloirs hydroélectriques, par exemple, a déclaré, le 12 décembre dernier: On devrait prévoir les corridors, les futurs lignes électriques de transmission. On devrait se garder, si possible, des aires forestières équivalentes pour compenser.

Le ministre de l'Énergie et des Ressources devrait profiter de l'étude du projet de loi 102 sur les terres du domaine public pour réfléchir à la question. Le gouvernement doit-il se lier de façon telle que ces terres du domaine public soient tellement privatisées qu'il doive un jour compenser une entreprise privée avec des fonds publics pour un service public? En quelque sorte, nous pensons que le ministre devrait réfléchir à cette question. Il nous apparaît que cette flexibilité qui a été réclamée au moment où on a fait la Loi sur les forêts, la loi 150, devrait être prise en compte par le ministre de l'Énergie et des Ressources qui, on le sait, est le ministre de tutelle de tout ce secteur. Nous espérons, d'ici à la fin de la commission parlementaire, non pas seulement au moment des auditions, mais au moment où nous aurons à travailler sur le projet de loi, que le ministre tiendra compte de ces quelques remarques. Je vous remercie, M. le Président. (10 h 45)

Le Président (M. Thêorêt): Merci, M. le député de Roberval. Étant donné que l'on dispose encore d'environ quinze minutes avant l'audition des premiers intervenants, est-ce qu'il y aurait d'autres députés qui voudraient intervenir ou faire des remarques préliminaires? Est-ce que, M. le ministre, vous avez des commentaires à faire? Oh pardon! M. le député de Jonquière.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Je vous remercie, M. le Président. Je veux profiter un peu du temps imparti qu'il nous reste pour attaquer un sujet qui me semble d'une importance capitale, concernant les MRC. J'ai lu avec intérêt la prise de position de l'UMRCQ, l'Union des municipalités régionales de comté, concernant le projet de loi 102. À mon sens, l'UMRCQ fait preuve de lucidité considérant l'importance de ce projet de loi et aussi les accrocs que ce projet de loi est susceptible de créer aux plans d'aménagement des territoires des MRC.

Il faut se rappeler que, lorsque les municipalités régionales de comté ont été mises sur pied, il y avait à ce moment une volonté politique très forte d'aménager le territoire parce qu'on se rendait compte que les territoires étaient spoliés, détruits ou aménagés d'une façon telle qu'on faisait des torts irréparables à l'ensemble du territoire du Québec.

Avec l'aménagement du territoire, on a réussi à se donner un certain nombre de balises pour le contrôler, des balises qui ont coûté particulièrement cher parce que les plans d'aménagement ont coûté très cher au gouvernement. Ces plans ont été faits aussi avec l'apport des municipalités régionales de comté. Beaucoup d'efforts ont été faits pour se trouver des vocations et aussi trouver de quelle façon on devrait mieux aménager le territoire.

Par ce projet de loi qui est devant nous, le ministre semble, à l'article 120, s'approprier un certain pouvoir. Lorsque la loi 125 a été mise sur pied, les ministères n'avaient pas vu tous les dangers ou les obligations que cela pouvait créer à l'avenir. C'est évident que ces obligations, c'est embarrassant pour différents ministères. Qu'on parle de développement de forêts, qu'on parle de développement de ressources ou de recherche, cela liait tous les ministères et leurs mandataires par rapport à la MRC, parce que la MRC est obligée de se plier à un certain nombre de conditions pour adopter son schéma d'aménagement. Elle est obligée de le soumettre. Les ministères sont obligés de donner des indications sur le développement, sur ce qui se fera dans l'avenir, et c'est soumis à la consultation publique.

Donc, il y a un certain nombre d'éléments qui font que ces plans d'aménagement de territoires ne viennent pas seulement de la volonté des élus, mais viennent aussi de la volonté de la population, et en même temps

d'une volonté gouvernementale qui fait que tout le monde est plié ou est obligé d'aller dans le schéma d'aménagement de territoire.

Si, à l'avenir, et on le souligne, mon collègue de Roberval le souligne dans son mémoire... Lorsque la loi 38 a été étudiée article par article, j'ai eu l'occasion de signaler au ministre des Affaires municipales un certain laxisme qui se créait puisqu'on permettait de prolonger des périodes de consultation. Cela commençait à nous montrer, c'est ce que j'avais dit à ce moment, une volonté politique moins grande de faire accepter...

Dès qu'on commence à se donner des élastiques pour étirer des choses, cela veut dire qu'on leur attache une importance très grande ou pas du tout. C'est une façon de détruire ou d'enlever tout ce qui était bénéfique dans ces projets de loi d'aménagement du territoire.

Donc, par ce projet de loi, on vient dire que le ministre de l'Énergie et des Ressources pourrait créer d'autres obligations aux MRC même sans leur accord. J'inviterais le ministre à réfléchir très fortement au même titre que l'Union des municipalités régionales de comté pour connaître tout le travail que les MRC ont accompli, tout le sérieux qu'elles ont mis pour étudier ou pour examiner les schémas d'aménagement. II ne faudrait pas que, après toutes ces démarches qui ont été faites, on puisse remettre en cause, seulement par la volonté d'un ministère, ce qui a été accompli et ce qui a été mis en marche avec l'aide, non seulement des élus, comme je le disais tout à l'heure, mais aussi avec l'aide de professionnels.

Donc, le ministre devrait se plier de bonne grâce, à mon sens, à cette demande qui ne me semble pas exagérée de la part de l'Union des municipalités régionales de comté. Lorsqu'on veut créer ou changer ces mécanismes, il y a d'autres possibilités, d'autres hypothèses. Il n'y a pas seulement ce qui est prévu dans le projet de loi 102. Il y a une demande - et cela est prévu dans la loi 125 - les ministères concernés peuvent faire une demande directement à la MRC et si la MRC ne veut pas s'y plier, il y a moyen aussi d'avoir des arrêtés en conseil. Le meilleur exemple, c'est ce qui s'est passé à Mirabel. Donc, dans une situation où cela pourrait empêcher le développement, où ce serait un caprice ou seulement une prise de position d'une MRC par rapport au ministère pour faire une épreuve de force, à ce moment, quel que soit le ministère, les ministères pourraient intervenir pour faire changer ces schémas d'aménagement. Donc, s'il y a des mécanismes qui sont déjà en place, des mécanismes qui ont été acceptés lors de l'adoption de la loi 125... On vient d'accepter les schémas d'aménagement. C'est très fragile puisqu'ils viennent d'être acceptés par l'ensemble et ils ont été mis en place dans la plupart des municipalités régionales de comté. À mon point de vue, on devrait d'abord traiter l'aménagement du territoire avec beaucoup de parcimonie, dans le sens qu'on devrait hésiter à remettre en cause ces schémas d'aménaqement parce que cela pourrait démotiver les gens qui ont donné tant d'efforts pour préparer ces schémas d'aménagement. Je me fais l'interprète de ma formation et je veux renchérir ce que le député de Roberval, le porte-parole officiel de l'Opposition, a dit concernant la mise en place ou le respect des schémas d'aménagement du territoire. Je veux également renforcer la position des municipalités régionales de comté qui, tout à l'heure, mieux que moi sûrement, défendront leur dossier. Pour avoir été l'un de ceux qui, au début, a cru et continue à croire que les MRC ont une fonction importante à faire sur l'ensemble du territoire du Québec, une fonction que l'ensemble des ministères ont intérêt à privilégier et aussi à protéger, à mon avis, il faudrait que la loi 102 qui traite du domaine des terres publiques soit aussi parcimonieuse de l'autonomie des municipalités tout en reconnaissant que, lorsqu'il y va du développement du Québec comme tel au point de vue des ressources, il y a d'autres mécanismes qui font que les ministères ou le ministre pourront intervenir sur le territoire dans certaines occasions. Cela me semble important. Cela renforce l'autonomie municipale, cela permet à des intervenants qui se sont fortement impliqués dans ce développement de territoire d'être reconnus et, en même temps, c'est faire preuve d'un réalisme puisque, aujourd'hui, de plus en plus, il faut reconnaître que le développement du territoire et l'aménagement du territoire ne dépendent pas d'une seule autorité mais de plus en plus dépendront de l'ensemble des citoyens du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Jonquière. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. John Ciaccia (réplique)

M- Ciaccia: M. le Président, premièrement, en ce qui concerne les remarques du député de Roberval et les suggestions qu'il a faites, nous allons prendre en considération certaines de ses recommandations et nous allons les étudier. Si c'est possible de bonifier le projet de loi, nous serons certainement heureux de le faire. Je crois que ce sera à l'occasion de l'étude article par article du projet de loi que nous pourrons étudier cela et apporter ces changements. Je peux assurer le député de Roberval que nous sommes réceptifs aux suggestions s'il y a certains problèmes qui ne

sont pas résolus, et que nous sommes disposer à améliorer le projet de loi.

En ce qui concerne le point précis sur les MRC que le député de Roberval et le député de Jonquière ont mentionné, je pense qu'il ne faudrait pas exagérer la portée de la loi 102. Il ne faudrait pas partir en peur. Le projet de loi 125 prévoit déjà une modification au schéma d'aménagement par décret du gouvernement. Mais le projet de loi 125 ne prévoyait pas un mécanisme pour une modification; c'est cela que la loi 102... On doit admettre que, si le gouvernement est propriétaire de 90 % du territoire du Québec, il est normal qu'il ait certains objectifs sur ce territoire et qu'il fasse savoir si ces objectifs...

Il l'a déjà fait; il y a déjà eu des consultations auprès des MRC, au sujet de grandes orientations. Si je comprends bien, le schéma d'aménagement est pour une durée de cinq ans. Mais le projet de loi 125 ne prévoyait peut-être pas cet aspect d'une modification au plan d'affectation que pourrait avoir le gouvernement ou le ministère en ce qui concerne les terres publiques. Nous n'allons pas imposer aux MRC... On ne leur dit pas: Écoutez, le ministère a décidé que, à la suite du plan d'affectation, il y a une modification à votre schéma d'aménagement, unilatéralement et sans consultation. Ce n'est pas ce que fait le projet de loi 102. Le projet de loi 102 prévoit - et je pense que c'est tout à fait normal - que, le gouvernement - et même si c'est admis, je vais attendre de préciser un peu plus quand le premier mémoire sera présenté - peut gérer ces terres et peut procéder à certaines orientations ou certains changements.

Alors, on prévoit une modification et on doit aviser les MRC. La consultation qu'il y a dans la loi 125 continue aussi dans la loi 102; les délais seront peut-être raccourcis, c'est vrai; peut-être qu'on donne aux MRC les mêmes délais que nous avons - il y a 90 jours dans la loi 125 - mais cela n'empêche pas la MRC de consulter. Cela ne sera pas imposé. S'il y a un changement ou une différence d'opinions entre le plan d'affectation et le schéma d'aménagement, ce n'est pas le ministre de l'Énergie et des Ressources qui va dire: C'est mon plan qui prévaut, et votre schéma d'aménagement doit être modifié en conséquence. C'est le gouvernement qui va décider. Alors, le même principe de la décision gouvernementale contenu dans la loi sur l'aménagement, aux articles 29 et suivants - il peut y avoir une modification par décret - va s'appliquer dans le projet de loi 102. C'est une décision qui doit être entérinée par le gouvernement. Je ne pense pas que les grands principes sont vraiment modifiés de façon à causer une perturbation ou tellement d'inquiétude. Je peux vous assurer que ce n'est pas l'intention du ministère de l'Énergie et des Ressources d'aller voir, systématiquement, chaque MRC et de leur diret Écoutez, sur les terres publiques, on va changer votre schéma d'aménagement sans aucune raison, seulement pour le plaisir de le faire parce qu'on a d'autres idées en vue. Cela se fera parce qu'il y aura une raison valable, si le plan d'affectation doit comporter certaines modifications.

Je dois faire remarquer au député de Jonquière que l'article 149 est très limitatif, parce que je sais qu'on fait référence à l'article 149 qui concerne l'intervention gouvernementale. Mais l'intervention gouvernementale dans l'article 149 est limitée; c'est l'implantation d'un équipement ou d'une infrastructure, la réalisation de travaux, l'utilisation d'un immeuble. Le ministre doit d'abord adresser un avis. Alors, c'est limité. (11 heures)

Ce n'est pas du tout le fait que le plan d'affectation et les modifications régionales peuvent aller au-delà de cela. Alors, le ministre des Affaires municipales va soumettre cela aux MRC. Les MRC vont avoir 90 jours pour faire la consultation. Il va y avoir des discussions. Ces gens vont se parler: le ministre de l'Énergie et des Ressources, les fonctionnaires de ce ministère et les MRC. On est conscient du fait que c'est un organisme d'élus et qu'on ne peut pas juste, aller à gros sabots et ne pas s'occuper du tout du voeu ou de la volonté des MRC.

Si on ne peut pas s'entendre, là, c'est le gouvernement qui va prendre la décision finale et il va falloir que ce soit pour des raisons valables. Ce n'est pas la décision... Je sais qu'il y avait une version du projet de loi à la suite de représentations que nous avions eues dans certains milieux, que ce soit le ministre de l'Énergie et des Ressources qui prenne la décision qui pouvait imposer le plan d'affectation qui modifiait le schéma.

Mais ce n'est pas cela qu'on dit dans le projet de loi qui a été déposé à l'Assemblée nationale; c'est le gouvernement. Alors, je pense que c'est vrai qu'on apporte quelque chose qui n'était pas dans la loi 125. Mais, comme pour toute loi, avec la loi 125, c'était la première fois qu'on légiférait dans ce domaine. Ce n'est pas la première fois qu'on oublie certaines choses, parce qu'on ne peut pas toujours penser à tout pour l'avenir, dans un projet de loi, et à toutes les situations. On n'a pas prévu une modification qui pourrait être apportée sur les terres publiques. C'est cela qu'on fait dans le projet de loi 102. On prévoit une modification.

En tout cas, on pourra en discuter plus longuement. Mais je voulais juste donner la raison de ces changements que nous apportons par le projet de loi 102,

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. J'invite maintenant les représentants de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec à s'avancer, s'il vous plaît. Veuillez prendre place.

M. Roger Nicolet est le président. Monsieur, j'aimerais vous rappeler, avant que vous présentiez vos collègues qui vous accompagnent... H n'est pas là?

Une voix: Allez-y et je vais répondre à votre...

Le Président (M. Théorêt): Avant que vous fassiez les présentations, je vous rappelle que vous avez vingt minutes pour présenter votre mémoire et que chaque formation a vingt minutes après pour dialoguer avec vous sur ce mémoire. Si vous voulez bien vous identifier, s'il vous plaît.

Auditions

M. Fernet (Michel): Je vous présente, à mon extrême gauche, Richard Darveau qui est de l'UMRCO et Me Paul Bégin qui est notre représentant de l'entreprise privée, du bureau Pothier et Bégin. Moi-même, je suis Michel Fernet de l'UMRCQ. Je voudrais simplement, M. le Président, vous souligner que Roger Nicolet a eu quelques délais avant de se rendre ici et que nous allons probablement inverser la procédure et donner d'abord la parole à Me Bégin qui va vous présenter l'argumentation de base que nous voulons vous faire connaître. Dans les minutes qui vont suivre - on l'espère - M. Nicolet arrivera pour conclure après cette présentation, si cela vous va.

Le Président (M. Théorêt): Parfait, monsieur. Je cède la parole à Me Bégin.

Union des municipalités régionales

de comté et des municipalités locales du Québec Inc. (UMRCQ)

M. Bégin (Paul): Bonjour messieurs, madame. Le mémoire que nous avons préparé concerne seulement les articles qui ont trait à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, dont les articles 17 à 20, de même que les articles 68 et 71 de la loi qui sont des dispositions transitoires ou qui adaptent la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme comme telle.

Le projet de loi, dans son ensemble, concerne beaucoup plus le ministère de l'Énergie et des Ressources lui-même comme également les relations entre les différents ministères gouvernementaux relativement aux terres publiques. C'est pourquoi on ne touchera pas à cela. C'est une dimension qui ne concerne pas l'union. C'est le gouvernement qui se donne des moyens de fonctionnement. Je pense qu'il lui revient de le faire de la manière qui lui convient.

Cependant, en ce qui concerne les relations entre les MRC et les municipalités locales, le projet de loi a quand même des effets très importants pour les terres du domaine public. Comme vous le savez, une grande partie du territoire des MRC est composée de terres publiques, qui appartiennent au gouvernement. Dans la loi 125 qui a été adoptée il y a plusieurs années, on a voulu faire en sorte que le gouvernement et les MRC s'associent dans un processus d'élaboration de l'aménagement de l'ensemble du territoire québécois. Les MRC se sont vu confier la responsabilité première et, en association avec le gouvernement, elles devaient faire un schéma pour l'ensemble du Québec, avec un assemblage d'environ 95 petits plans locaux, dans chaque MRC, la somme de tout cela faisant l'ensemble des schémas.

La Loi sur les terres du domaine public vise, d'après nous, à introduire une mécanique additionnelle à celle qui était prévue dans la loi 125. Alors que la loi 125 prévoyait que les modifications au schéma étaient amorcées par les MRC, le gouvernement n'avait pas la possibilité légale d'amorcer une telle modification, si les besoins s'en faisaient sentir. Dans les documents préparés par le gouvernement en vue de l'adoption de la Loi sur les terres du domaine public ainsi que de la Loi sur les forêts, on décrit qu'effectivement le gouvernement voudrait avoir la possibilité d'ouvrir un schéma et de le modifier compte tenu de ce qui se passe dans le temps. Une politique ne doit pas être statique, mais elle doit évoluer pour tenir compte des circonstances. On constate que le but de cette loi est justement de permettre au gouvernement d'intervenir.

Cependant, si l'on regarde la loi comme telle et l'idée qu'il y a derrière, je pense qu'il y a peut-être, à certains endroits, des inexactitudes ou encore un manque. Il faudrait faire une correction de tir.

Actuellement, le schéma est adopté et en voie d'élaboration, dans la plupart des cas. On est dans la période entre l'adoption par les MRC et les 90 jours qui suivent pour que le gouvernement fasse ses représentations et, éventuellement, l'adoption. Dans le cadre de l'élaboration des schémas, même si dans la loi rien n'était prévu à cet effet, le ministère de l'Énergie et des Ressources, au nom du gouvernement a transmis aux municipalités ce que l'on retrouve dans la Loi sur les terres du domaine public, c'est-à-dire des plans d'affectation. Ils ne portaient pas ce titre, mais, dans les faits, c'étaient les plans d'affectation. Donc, pour une grande partie, ils ont été introduits à l'intérieur même des schémas actuels, sans qu'ils portent le titre

de plans d'affectation. C'est d'ailleurs ce que l'on retrouve dans le document Table Québec-municipalités où l'on dit que l'on a transmis aux MRC ces plans d'affectation dans la mesure du possible, mais que pour ceux dont cela n'était pas fait, on le ferait un peu plus tard.

Ces plans d'affectation visent à permettre au gouvernement de modifier, en quelque sorte, le schéma d'aménagement une fois qu'il est là. Je dis bien "en quelque sorte", parce que le mot à mot n'est pas en ce sens. Ce que l'on vise, c'est de l'introduire dans le schéma d'aménagement. Le gouvernement se donne, par les articles 19 et 20, le pouvoir modifier une affectation qu'il a déjà déterminée et transmise à la MRC, qui l'a introduite dans son schéma d'aménagement. Donc, le plan d'affectation est une possibilité de changement d'orientation, pour reprendre des mots qui sont déjà dans le schéma.

La mécanique qui est décrite aux articles 19 et 20, et dans les textes suivants permet justement au gouvernement, s'il veut changer les affectations - prenons un cas simple - d'une terre, de transmettre à la MRC, en vertu de l'article 20, une demande de modification. Au bout du délai de 90 jours, quelle que soit la réponse ou même l'absence de réponse d'une MRC, le gouvernement peut adopter ce nouveau plan d'affectation et, par le fait même, le plan est modifié. Ensuite, par le biais de l'article 72, qui introduit l'article 48.1 dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, s'il y a une discordance entre les nouvelles affectations que le gouvernement a données à cette terre publique, le ministre peut exiger de la MRC qu'elle modifie son schéma d'aménagement en conformité avec les nouvelles affectations, ce qui revient à dire que par un changement d'affectation, le gouvernement obligera la MRC à modifier son schéma d'aménagement et, en quelque sorte, à arriver au résultat que je mentionnais au départ, c'est-à-dire susciter, mais par le biais d'un plan d'affectation, une modification du schéma, ce qui entraîne donc, pour les MRC, l'obligation de modifier leur schéma. Mais également, comme le schéma est le grand guide pour chacune des municipalités qui se trouvent à l'intérieur de la MRC, cela obligera la modification du plan d'urbanisme pour les municipalités qui en ont un, c'est-à-dire le pendant du schéma d'aménagement et, pour les municipalités qui n'en ont pas, la modification du règlement de zonage, construction et lotissement, selon le cas.

Donc, on introduit cette mécanique. L'union souligne que, si le gouvernement veut, en cours de route, modifier ses affectations ou ses orientations, je pense, que personne ne peut être contre cela. Ce n'est pas un bloc de béton qui a été adopté en 1987 et ce n'est pas une statue qu'on ne peut toucher. Je pense que la vie nous a appris, à tous et à toutes, qu'il y a des modifications dans le temps et qu'il faut être en mesure d'harmoniser les objectifs qu'un gouvernement peut avoir avec un plan qui est là. Mais, l'union mentionne que, lorsqu'on a introduit et lorsqu'on veut introduire un plan d'affectation ou l'équivalent actuel dans le schéma d'aménagement, on doit, en vertu de l'article 16 et des articles qui suivent, le transmettre à la MRC, laquelle l'incorpore ou non dans son processus de schéma. La municipalité doit consulter les municipalités locales à l'intérieur du territoire de la MRC qui doit également consulter la population locale. De telle sorte que, quand arrive l'adoption du schéma, les orientations ou les affectations que le gouvernement veut introduire sont soumises à un bon brassage dans le milieu directement en cause, puisque ces terres sont situées chez lui.

Il y a une consultation de la MRC, une consultation des municipalités locales et une consultation de la population locale. En fin de compte, on peut envisager deux hypothèses. La MRC ne retient pas, par exemple, ce que le gouvernement lui a recommandé, et, à ce moment, intervient le processus des articles 26, 27, 28 et 29 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, et le gouvernement peut, par décret, dire: Vous n'avez pas voulu introduire ce que je juge être une grande orientation ou une affectation importante. Nous considérons que, pour le Québec, c'est nécessaire, alors, un décret de telle sorte que le schéma est modifié en conséquence.

Par le biais du plan d'affectation, on n'a plus la même chose. On envoie à la MRC un avis de 90 jours. À la limite - et je ne pense pas que c'était l'intention, mais les textes sont formulés comme cela et on doit les prendre tels qu'ils sont - le gouvernement n'a même pas à s'occuper de ce que la MRC va dire ou penser, car, au bout des 90 jours, il peut automatiquement adopter son plan, et il n'y a plus, à ce moment-là, de consultation des MRC, comme prévu dans la loi, ni de consultation de la population non plus.

C'est en somme, je crois, ce que l'on voulait faire avec la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, c'est-à-dire que le gouvernement et les MRC vont mettre ensemble leurs idées, ils vont les brasser et, finalement, il y aura quand même un maître, si vous me permettez cette expression, soit le gouvernement. Alors, il y a négociations, discussions ou mélange dans le milieu et, en fin de compte, si, malgré tout cela, on n'a pas donné la marchandise que le gouvernement voulait avoir, le gouvernement peut toujours l'imposer. C'est dans le cadre de l'élaboration du schéma.

Vous savez que, dans le domaine du droit municipal, on dit qu'une corporation municipale, qu'elle soit de ville, de village ou une communauté urbaine, qui a dû, pour adopter une procédure, recevoir l'approbation de ses électeurs propriétaires, l'approbation du ministre des Affaires municipales et, dans !e temps, de la Commission municipale, ne peut modifier cette procédure légale autrement qu'en suivant de nouveau le même processus de consultation de sa population, son approbation, l'approbation du ministre, etc. Si on fait un parallèle avec ce que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme prévoit actuellement pour l'introduction, dans le schéma d'aménagement, des volontés gouvernementales et ce qui existerait, si le projet de loi que vous avez devant vous était adopté tel quel, c'est que, dans un premier temps, pour introduire la volonté gouvernementale, il y aurait consultation de la MRC, consultation des municipalités locales et consultation de la population, alors que, maintenant, on aurait transmission d'une demande à la MRC, 90 jours, et voilà. (11 h 15)

On peut me rétorquer, évidemment, que rien n'empêche la MRC de convoquer les municipalités et la population. Mais c'est différent de pouvoir le faire et d'avoir une mécanique qui nous oblige à le faire qui permet de dire: On a consulté, on a une représentativité, c'est une mécanique prévue par la loi.

Par exemple, si on faisait une modification dans un shéma d'aménagement particulier concernant certaines terres publiques et que la mécanique était prévue d'avoir les municipalités et la population, on peut envisager que les représentants du ministère concerné seraient appelés à aller à cette assemblée publique pour, en quelque sorte, justifier, expliquer la raison pour laquelle, alors qu'on avait prévu d'aller à gauche, on s'en va maintenant au centre ou à droite. En ce faisant, la population locale, les municipalités et la MRC auraient l'avantage de comprendre pourquoi on veut le faire et, fort probablement, si les arguments sont convaincants, d'adhérer à ce que le gouvernement propose à ce moment.

Alors que si on ne fait pas cette consultation, si la MRC donne un avis comme cela, on pourra dire: Vous avez été consultés, mais il restera toujours dans le milieu une confrontation entre la nouvelle volonté gouvernementale et la population locale qui n'aura peut-être pas compris. Je pense que même pour le gouvernement, il serait avantageux que cette mécanique soit prévue. C'est ce sur quoi, fondamentalement, l'UMRCQ en a, parce que la loi est tronquée par rapport à ce qu'elle était initialement.

Une deuxième point que nous faisons ressortir, c'est qu'à compter du moment où le gouvernement peut changer en cours de route un plan d'affectation, par la mécanique que j'ai décrite, sans consultation, on peut... Si vous me permettez, je vais revenir. On a dans la loi actuelle l'article 149 qui prévoit que lorsqu'un ministère ou le gouvernement veut faire une intervention sur le territoire, il doit donner un avis à la municipalité régionale pour savoir si l'intervention projetée est en conformité avec le schéma d'aménagement: ses grandes orientations, ses affectations, etc. Une affectation, c'est une idée, mais cela a toujours une conséquence, c'est-à-dire qu'il va y avoir une intervention qui va être en rapport avec cette affectation ou cette orientation.

Avec la loi actuelle, imaginons une hypothèse qu'on a une affectation qui serait à gauche. Le gouvernement dit: Non, vraiment, cela n'est plus du tout ce qu'il faut faire à cet endroit sur ces terres, il faut le mettre à droite. Qu'est-ce qu'il peut faire? L'affectation n'a pas de sens si c'est simplement pour être mis sur un plan. C'est parce qu'on veut faire des interventions sur le milieu. Il va se dire: Une intervention, si je la fais, je demande un avis de conformité, cela ne passera pas, on sait, nous, que le plan va à gauche et, nous, ce qu'on veut faire, c'est à droite.

Donc, au lieu de faire la mécanique de l'avis d'intervention, qui est une mécanique, j'en conviens, relativement lonque et élaborée, on va faire ceci. Je pense qu'il est possible, en vertu du texte de loi - je n'attribue pas d'intention, je dis que c'est possible - dans une interprétation normale des textes, sans forcer le sens, de dire tout simplement: Notre intervention va être non conforme, on n'a qu'à changer notre affectation du plan; le shéma pourra, s'il y a discordance entre cette nouvelle affectation et les anciennes, être modifié en vertu de l'article 48.1 et, au bout de 90 jours, le gouvernement va pouvoir faire sa nouvelle intervention - qui est en conformité avec la nouvelle affectation puisqu'il sait par hypothèse, parce qu'il vient de chanqer l'affectation pour être conforme à son intervention projetée - en donnant l'avis à la municipalité régionale de comté; mais on sait d'avance que la municipalité régionale n'aura plus un mot à dire parce qu'on sait que c'est déjà conforme.

Donc, l'avis d'intervention va perdre sa signification. Ce qui veut dire que ce qui était prévu, c'est-à-dire la vérification continuelle entre ce qu'on fait sur le terrain, l'intervention et la grande orientation ou les affectations qui étaient dans le schéma, cette mécanique ne fonctionne plus. On la court-circuite par le biais de l'article 20 et, par la suite, de l'article 48.1. Je ne pense pas que ce soit l'intention du gouvernement, mais les textes permettent de le faire. Il y a un principe qui dît: Si vous pensez que quelque chose va aller mal, soyez assuré que

c'est la première chose qui va arriver et cela va mal arriver.

Donc, si on soupçonne ou on pense qu'une interprétation va dans ce sens, imaginez-vous que chez les 6000, 7000 ou 8000 avocats du Québec, il y a de fortes chances qu'au moins la moyenne pense ce que je vous dis ce matin.

La troisième conséquence, brièvement -étant donné qu'on me signale que notre temps est écoulé - c'est le risque qu'il y ait deux plans: le schéma d'aménagement, d'un côté, et les plans d'affectation du gouvernement, en parallèle, et là tout à coup, dans le temps, on se retrouve avec deux schémas. Un schéma pour les terres privées, qui sera le schéma des MRC, et un schéma qui va s'appeler "Plan d'affectation du gouvernement pour les terres publiques". Je pense qu'on revient à l'époque qui a précédé l'adoption de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, où on n'avait pas de concertation et où on intervenait chacun de son côté; on retrouve donc la loi qu'on avait antérieurement. Je pense que la loi visait à éviter cela et on le recrée. Ce n'est pas une intention, mais, dans les faits, on le recrée. Je vous remercie.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Bégin. Je voudrais profiter de l'arrivée du président, M. Nicolet, pour souhaiter au nom des membres de la commission de l'économie et du travail, la plus cordiale bienvenue à vous et à tous vos collègues présents devant nous, aujourd'hui. M. le président, je vous cède la parole en vous rappelant qu'il vous reste, je pense, environ cinq minutes pour la fin de la présentation de votre mémoire.

M. Nicolet (Roger): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission, j'aimerais d'abord m'excuser de mon retard. Sans vouloir animer un débat que j'espère terminé, Nordair Metro n'a pas contribué à me permettre de respecter l'horaire que vous aviez tracé.

L'UMRCQ vous remercie très sincèrement de lui permettre de vous présenter, aujourd'hui, ses commentaires relativement au projet de loi 102, qui porte sur les terres du domaine public.

Nous nous rallions, bien sûr, facilement aux objectifs premiers du gouvernement, à savoir de déterminer les règles qui régiront l'administration de ces terres et, à l'instar du propriétaire privé, d'en planifier l'usage et le développement. Une difficulté se présente toutefois dès que l'on tâche d'assimiler le gouvernement à l'ensemble des propriétaires d'immeubles. En effet, est-il vraiment possible d'assujettir le ministère de l'Énergie et des Ressources aux dispositions législatives qui régissent déjà l'aménagement du territoire, c'est-à-dire plus spécifiquement la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme? Pour l'UMRCQ, la réponse est un oui sans équivoque. C'est donc avec regret que l'UMRCQ a dû conclure, à la lecture du projet à l'étude aujourd'hui, que les rédacteurs ne partagent pas cette opinion et ont jugé opportun de modifier substantiellement la loi 125. En ce faisant, ils l'ont malheureusement tronquée de dispositions importantes, du moins en ce qui concerne les terres publiques. Me Bégin, du reste, a eu l'occasion de préciser cet aspect de la question et les raisons qui nous amènent à cette conclusion.

Dans un premier temps, permettez-moi de vous rappeler quelques éléments importants de cette fameuse loi 125, des caractéristiques qui lui confèrent son originalité et des particularités qui en font un des textes législatifs les plus significatifs de ces dernières années. C'est d'abord sur la délégation de responsabilités qu'il faut insister. En notre qualité de représentants du monde municipal, nous ne pouvons manquer d'y être sensibles. Par la loi 125, le gouvernement a confié aux municipalités du Québec une responsabilité directe en matière d'aménagement, fonction qui déborde largement les compétences en matière de réglementation de zonage et de construction et qui était traditionnellement du ressort des municipalités. Dans le contexte que nous abordons, aujourd'hui, nous aimerions attirer votre attention sur la signification sous-jacente de cette délégation. En effet, en remettant la responsabilité de l'aménagement aux municipalités du Québec, !e gouvernement reconnaissait qu'on ne pouvait bien aménager qu'en étroite collaboration, pour ne pas dire en symbiose, avec la population. L'expression de la volonté populaire dans tout ce processus devenait le critère en vertu duquel devaient être arrêtés les arbitrages. Le choix du consensus régional comme critère de référence dicte une autre constatation toute aussi importante lorsqu'il s'agît d'évaluer le projet de loi 102. Toute évaluation d'option d'aménagement ne peut être que globale. Il est en effet impossible d'établir une division du territoire pour des fins de planification dont la seule justification serait la tenure foncière: les terres publiques, d'une part, et les terres privées, de l'autre, et qui ne correspondrait à aucune réalité physique du territoire. D'ailleurs, le gouvernement a déjà reconnu par la loi 125 qu'il est essentiel que l'instance municipale jouisse de toute la latitude et puisse se prévaloir de mécanismes appropriés pour établir la continuité des usages et des dispositions qui les régissent en fonction des contraintes physiques qui constituent le milieu. Par conséquent, le gouvernement du Québec peut-il soustraire à ses orientations fondamentales un de ses ministères sectoriels en raison d'expédiants

administratifs aussi louables soient-il intrinsèquement, sans nécessairement rendre caduque une politique qu'il a pourtant voulue globale?

Pour le gouvernement, la question fondamentale à trancher avant d'entériner la Loi sur les terres du domaine public est à savoir si, en sa qualité de propriétaire foncier, il est prêt à se comporter en citoyen à part entière. Pour nous, la réponse ne devrait faire aucun doute. Alors pourquoi modifier les dispositions de la loi 125 qui fournissent déjà au ministère concerné tous les mécanismes souhaitables pour assurer le gouvernement que le palier municipal ne viendra pas nuire à l'implantation d'une politique de l'État?

Un dernier mot, en conclusion, à l'intention de l'industrie forestière qui, à quelques reprises, a exprimé des appréhensions face à la présence accrue des municipalités dans le dossier de l'aménagement des terres publiques. Il est évident que notre société a évolué rapidement depuis quelques années. La loi 125 n'est, en fin de compte, qu'une consécration de la polyvalence des intérêts qui doivent être respectés en matière d'aménagement du territoire. Les municipalités ne prétendent que refléter les aspirations du milieu. Quels que puissent avoir été les malentendus du passé, nous vous assurons que les instances municipales ne prétendent pas s'ingérer dans les relations normales entre le ministère de l'Énergie et des Ressources et ses concessionnaires.

Tout ce que nous défendons, c'est le respect des aspirations d'une collectivité qui s'exprime par les diverses affectations du sol que reflète le schéma d'aménagement. Une étape, un interlocuteur de plus pour l'exploitant, nous vous le concédons. La collaboration des responsables de l'industrie forestière est toutefois essentielle pour assurer que nous bâtirons un Québec dans lequel l'ensemble de notre société se retrouvera plus à l'aise. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Nicolet. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je vous remercie M. Nicolet ainsi que l'Union des MRC, l'Union des municipalités régionales de comté, pour votre mémoire ainsi que pour la présentation de Me Bégin. On comprend votre retard M. Nicolet, Nordair Metro étant en retard. Considérez-vous chanceux, quand j'étais dans l'Opposition, Quebecair annulait complètement ses vols, alors je manquais complètement ma réunion de la journée.

Le Président (M. Théorêt): M. le député de Duplessis.

M. Ciaccia: On est heureux que vous ayez pu arriver; mieux vaut tard que jamais.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Théorêt): M. le député de Duplessis aurait un commentaire à faire là-dessus.

M. Perron: M. le Président, si le ministre de l'Énergie et des Ressources veut faire un débat là-dessus: n'importe quel temps.

Le Président (M. Théorêt): C'est de bonne guerre, M. le député.

M. Perrons N'importe quel temps.

Le Président (M. Théorêt): Vous aurez votre droit de parole tout à l'heure, M. le député.

M. Ciaccia: Vous pourrez faire des commentaires là-dessus.

Le Président (M. Théorêt): Vous pourrez revenir là-dessus tout à l'heure, M. le député.

M. Perron: Oui, pour contredire exactement ce qu'il vient de dire.

Le Président (M. Théorêt): On vous entendra tout à l'heure là-dessus, M. le député de Duplessis.

M. Perron: Encore une fois, il parle à travers son chapeau.

M. Ciaccia: Vous êtes bien chatouilleux. M. Perron: Oh oui!

M. Ciaccia: Je vous dis seulement ce qui m'est arrivé à plusieurs...

Une voix: Le député de Duplessis est un amant de la vérité.

M. Ciaccia: II est un amant d'autre chose aussi.

M. Gauthier (Roberval): Cela le choque quand vous prenez la parole comme cela.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre, s'il vous plaît!, si vous voulez continuer.

M. Ciaccia: Cela dit, nous allons continuer avec les représentations que vous avez faites au sujet de la loi 102. Vous reconnaissez vous-mêmes que les mécanismes

actuels de modification des schémas prévus par la loi 125 aux articles 47 et 49 peuvent mener, la plupart du temps, à un cul-de-sac pour les changements qui doivent être apportés au plan d'affectation des terres publiques. Quand vous faites référence à l'article 149, c'est pour des interventions très précises. Vous nous faites part dans votre mémoire d'inquiétudes concernant les modifications qui seraient apportées par le gouvernement au plan d'affectation. Avant d'aller dans les détails de notre procédure dans la loi 102, pourriez-vous nous expliquer plus en détail les appréhensions que vous avez quant au changement du plan d'affectation en ce qui concerne les terres publiques? Tenant compte du fait que les consultations ont déjà eu lieu entre les MRC et les différents ministères et que les objectifs et le projet d'intervention par le biais de l'avis, en réponse aux articles 11, 16, 27 etc., de la loi 125, ont déjà été connus, pourriez-vous nous donner des exemples concrets des craintes que vous avez, des modifications qui pourraient être apportées et de vos inquiétudes? (11 h 30)

M. Nicolet: Oui, bien sûr, M. le ministre. Je pense qu'effectivement, le processus intrinsèque du zonage, de la planification et de l'aménagement du territoire est évolutif. Cela veut dire que, effectivement, en fonction de l'évolution d'une société et d'un milieu, on est appelé à réviser des choix et des arbitrages qu'on a pu tirer à un moment donné dans le temps.

Ce qui nous inquiète, c'est que, effectivement, ce que la loi 125 avait fait c'était de baliser toute cette dynamique de modification pour permettre un échange réel entre trois instances: le peuple qui est souverain, d'une part, l'élu municipal qui le représente, dans un deuxième temps, et le gouvernement, dans un troisième temps. Tout ce mécanisme, aussi lourd qu'il puisse être, quant à nous, constituait un pas important dans toute notre façon de gérer notre territoire.

Ce que, malheureusement, nous appréhendons, c'est que, dans un cas particulier, en fonction d'un impératif de gestion qui vous est propre, vous court-circuitiez, finalement, ce processus. On peut penser à une multitude d'exemples. Prenons l'affectation "tourisme" dans un domaine particulier où, en fonction d'un choix de région, on a décidé de donner priorité à une certaine affectation, à un certain programme d'investissement public, dans le domaine du tourisme, par exemple, pour reprendre le cas particulier auquel je fais référence. En fonction d'un impératif qui vous est propre, vous seriez en mesure, finalement, de soustraire une partie du territoire, dans la mesure où il est considéré comme une terre publique, de cette vocation qui a fait l'objet d'un consensus régional.

M. Ciaccia: M. Nicolet, je voudrais qu'il soit très clair - parce que les remarques que vous avez faites et celles de M. Bégin porteraient à faire croire que la responsabilité de l'aménagement n'est plus confiée aux MRC - que le projet de loi ne change pas la responsabilité de l'aménagement du territoire qui est confiée aux MRC par la loi 125, responsabilité que nous respectons et que la loi 102 respecte.

Il ne faut pas dénaturer l'objectif des modifications au plan d'affectation. Il s'agit ici de recours d'exception sur des points spécifiques. Il s'agit de combler une lacune, un vacuum dans la loi 125. Vous admettez, dans la présentation que M. Bégin a faite, que le plan d'affectation était préparé par la MRC et que, s'il y avait une modification, il pouvait y avoir un décret, si le gouvernement n'acceptait pas la décision finale sur votre plan d'aménagement. Selon la loi 125, c'est un décret du gouvernement qui dira non. Cela ne change pas avec la loi 102. Même dans votre mémoire, vous admettez, et je cite à la page 3: "L'UMRC croit également que le droit de propriété du gouvernement sur certaines terres comporte, à l'instar du droit de propriété du citoyen propriétaire d'un terrain, celui de les aménager".

Dans la loi 125, on ne prévoyait pas -avant votre arrivée, je faisais remarquer que la loi 125, peut-être, n'avait pas tout prévu, c'était la première fois qu'il y avait une loi sur l'aménagement de cette nature - des modifications qui pouvaient être apportées par le plan d'affectation aux terres publiques. Alors, ce que nous faisons, ce n'est pas de permettre au ministère, au ministre de l'Énergie et des Ressources, unilatéralement, de vous dire: Faites ce changement. Si vous n'acceptez pas le changement, on ne s'occupe pas de votre plan d'aménagement. Le changement devient effectif automatiquement par la volonté du ministre de l'Énerqie et des Ressources. Ce n'est pas ce que la loi dit. La loi dit que nous devons vous aviser du plan d'affectation sur les terres publiques et vous avez 90 jours. Pouvez-vous me dire, durant ces 90 jours, ce qui vous empêcherait de faire de la consultation? Est-ce que le projet de loi vous empêche de faire de la consultation? Vous pourriez aller consulter, durant les 90 jours, et nous espérons que vous allez le faire, parce que je ne crois pas que les changements du plan d'affectation seront faits unilatéralement sans discussions.

Nous nous rendons compte que vous répondez à des élus. Le ministre répond à des élus aussi. Alors, il faut faire attention à ce que nous faisons. Nous ne voulons pas imposer unilatéralement. Mais après les 90 jours et après votre consultation, ce n'est

pas moi qui peux prendre la décision. Ce n'est pas le ministre qui peut prendre la décision.

Le même principe qui s'applique à la loi 125 s'applique au projet de loi 102. C'est le gouvernement. Cela veut dire que, si vous dites au ministre des Affaires municipales, qui va vous soumettre le plan d'affectation, que la MRC n'est pas d'accord après vos consultations, cela veut dire que le ministre de l'Énergie va être obligé de convaincre ses 26 autres collègues d'adopter un décret contre votre plan d'aménagement pour faire une modification au plan d'aménagement.

Il me semble qu'il y a assez de précautions, assez de balises qui sont dans cette procédure. Premièrement, vous pouvez faire votre consultation. C'est vrai que c'est 90 jours. C'est peut-être moins que la période de consultation dans la loi actuelle, mais ce sont les mêmes 90 jours que vous nous donnez dans la loi 125.

Vous pouvez faire votre consultation. Si vous n'êtes pas d'accord, je dois aller convaincre tous mes autres collègues ministres, y compris le ministre des Affaires municipales qui, parfois, n'est pas trop facile à convaincre, il vous défend très bien. C'est seulement à ce moment-là que le gouvernement - non pas le ministre de l'Energie -peut adopter un décret.

Alors, ne croyez-vous pas que cette procédure, si elle est mise en application de la façon dont je vous le dis - je pense que c'est ainsi que le projet le prévoit -reconnaît les devoirs, les responsabilités d'aménagement du ministère et les ministères sur 90 % du territoire des terres publiques? Cela reconnaît la consultation que vous pouvez faire et cela reconnaît le même principe contenu dans la loi 125, selon lequel c'est seulement le gouvernement qui peut prendre la décision finale.

Le Président (M. Théorêt): M. Bégin.

M. Bégin: Je voudrais souligner, tout d'abord, M. le ministre, que, dans le texte actuel - il y a peut-être eu des demandes de modifications - de l'article 20, ce n'est pas un avis qui est donné à la municipalité, c'est une demande de modification du plan d'affectation. Donc, avec le texte, à la troisième avant-dernière ligne du paragraphe, c'est "d'une demande de modification transmise par le ministre des Affaires municipales". Donc, c'est le ministre qui envoie à la MRC une demande de modification.

Ce n'est pas un avis ou une consultation. C'est une demande de modification. Ce n'est pas de la consultation. On demande à la MRC: Changez votre affectation. Si je prends le texte qui est là, c'est une demande de modification.

M. Ciaccia: M. Béqin, si vous vous sentez plus à l'aise avec le mot "avis" plutôt que "demande", je pense que nous serions prêts à le changer. Parce que, même si l'avis est une demande, cela ne devient pas automatiquement en vigueur après 90 jours. Cela n'a pas un effet automatique. Si vous ne faites rien durant les 90 jours ou que vous indiquiez que vous n'êtes pas d'accord avec l'avis, je dois encore retourner devant mes collègues et agir contre une MRC quelconque ou plusieurs MRC et les convaincre que le plan d'affectation doit être mis en vigueur.

Mais si vous sentez que ce serait plus dans l'esprit des lois qu'on puisse changer le mot "demande" par "avis", je pense qu'on est prêt à le faire.

M. Bégin: C'était un premier point, parce que nous devions prendre le texte qui est là et je pense que cela le change beaucoup, parce que la demande, c'est: Vous modifiez, et bonjour la visite! Alors, si elle dit non, c'est le même résultat et, si elle dit oui, c'est la même chose, et il y a modification automatique.

Mais le deuxième point, c'est que nous soutenons que, si le gouvernement a jugé à propos, au moment de l'élaboration des grandes orientations et des grandes affectations du territoire, d'associer, par une mécanique très précise de consultation, la MRC, la municipalité locale et les citoyens, ce qui comprend l'individu dans son bungalow, mais également les compagnies forestières, les compagnies de transformation de bois et tous les intervenants économiques du milieu, pour qu'ils puissent se faire valoir, cela donne un cadre légal à cette chose-là et, donc, un poids différent.

Cela permet justement de demander aux gens de venir s'expliquer. En fin de compte, on aura cela.

Pour répondre à la première partie de votre question, voici un exemple. Vous avez une réserve écologique qui a été déterminée par le gouvernement au moment de l'adoption du schéma d'aménagement, réserve écologique qui impliquerait - c'est vraiment une hypothèse - de laisser la forêt telle qu'elle est. En cours de route, trois ans après l'adoption du schéma, le gouvernement dit: On voudrait faire de l'exploitation forestière à cet endroit. On pourrait même imaginer l'implantation d'une industrie de transformation, d'une scierie ou de n'importe quoi. Actuellement, le gouvernemement serait dans l'impossibilité de le faire, sauf en adressant une demande à la MRC en disant: On veut faire cela, voulez-vous le faire? Je comprends que le gouvernement est un peu placé dans une situation impossible et qu'il veuille la modifier. Je pense que c'est légitime, mais au lieu de le faire en disant: On va suivre la même mécanique, là, le

scénario est différent. Il consiste à dire: Je modifie l'affectation réserve écologique et je la fais exploitation forestière - si l'on peut utiliser ces mots - ce qui implique, dans son idée, des interventions différentes. Cela va me permettre de regrouper deux points.

À ce moment-là, on envoie la demande à la MRC et il n'y a pas de consultations publiques au sens que l'on a mentionné pour l'élaboration du schéma. La MRC est consultée, c'est vrai, mais non pas les autres. Les affectations étant changées, il y aura discordance entre le schéma d'aménagement et le plan d'affectation. Le ministre, en vertu de l'article 48.1 introduit par votre projet de loi, va demander à la MRC de modifier son schéma pour le rendre conforme et à ce moment-là la boucle sera bouclée, mais on n'aura pas fait ce que l'on avait fait initialement.

Si je reprends mon exemple de tantôt, dans la Loi sur les cités et villes et le Code municipal, lorsque, pour faire quelque chose, on doit recevoir des approbations, on doit, pour le modifier, faire la même chose. Nous soutenons que cela devrait être fait de manière à faire vraiment participer la population et - je pense que le président le mentionnait tantôt - à faire en quelque sorte un arbitrage, ce qui obligerait le ministre à revenir - comme vous le disiez, M. le ministre - devant le Conseil des ministres pour convaincre ses collègues. Si le résultat de la consultation formelle, c'est qu'il y a une opposition à tout crin, mais qu'il croit encore, malgré cela, que c'est bon, il va tenter de convaincre ses collègues et d'obtenir le décret. Si après analyse, ce n'est pas le cas, il n'ira probablement pas devant ses collègues, au Conseil des ministres, pour les convaincre. C'est là le point fondamental.

Deuxièmement, je disais l'avis d'intervention. Actuellement, vous pourriez obtenir le même résultat que vous soulevez par votre projet de loi en donnant un avis d'intervention à une MRC, disant: On veut faire telle chose. Oublions votre projet de loi une seconde. Vous donnez un avis d'intervention parce que vous voulez faire telle intervention sur le territoire. La MRC vous dit: C'est non conforme. Il y a toute une série de mécaniques: commissions, consultations, etc. En fin de compte, si l'on maintient cette position, le gouvernement peut, après consultation avec la MRC, adopter un décret. Vous avez exactement la même mécanique, mais décrite déjà dans la loi par le biais de l'avis d'intervention. C'est décrit dans les articles 150, 152 et 153. Cependant, M. le ministre, je conviens avec vous que les délais sont plus longs mais, par contre, la consultation a lieu. Une fois que l'avis d'intervention est négatif, la MRC est obligée d'agir.

M. Ciaccia: Même dans la loi, actuelle- ment, on dit: demande de modification. Cette demande se fait par avis. Si vous voulez utiliser le mot "avis" dans l'article 27, c'est une demande au schéma. Selon la loi 125, avec la procédure actuelle, pour en arriver à ce que vous venez de dire, pour un changement, il se pourrait que nous devions attendre jusqu'à deux ans pour faire une modification. C'est l'opinion que mes conseillers me donnent. Si tel est le cas, je pense que vous allez trouver que ce n'est pas raisonnable.

M. Bégin: Deux ans, c'est certainement trop long.

M. Ciaccia: Oui, c'est trop long. Ne trouvez-vous pas que dans les 90 jours vous pouvez faire votre consultation?

M. Bégin: Actuellement, M. le ministre... (11 h 45)

M. Ciaccia: Si vous faites votre consultation et que vous retournez au ministère des Affaires municipales ou à notre ministère et que vous dites: Écoutez, en ce qui concerne le changement que vous voulez faire dans notre plan d'affectation, on a consulté les municipalités, on a consulté nos gens et ils nous disent: Non. C'est la même chose, excepté que les délais sont restreints. C'est le même principe. On parle seulement de la question du délai.

M. Nicolet: M. le ministre, peut-être que, si deux ans, c'est long, 90 jours, c'est court.

M. Ciaccia: Originalement, j'avais suggéré 30 jours, mais mes conseillers m'ont dit que ce n'était pas assez lonq et qu'il fallait être plus raisonnable.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Ciaccia: En tout cas, je ne veux pas me répéter, mais vous avez le droit de faire la consultation et nous espérons que vous la ferez si on vous avise. Cela sera fait en consultation et je pense que l'esprit n'est pas changé. On parle seulement d'une question de délai. Je ne pense pas qu'on parle de principe.

M. le Président, je voudrais que d'autres personnes aient l'occasion de poser des questions. Alors, pour le moment, je vais céder mon droit de parole.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le critique officiel et député de Roberval.

M. Gauthier (Roberval): M. le Président, mes remarques ne seront pas très longues. Je vais simplement poser une question. Le

ministre a dit tout à l'heure, dans une réponse qu'il a donnée ou dans une remarque qu'il a faite - je ne sais trop - avoir consulté certains organismes. Il a dit, pour reprendre ses paroles: Les organismes à qui j'ai parlé m'ont même dit que je ne prenais pas suffisamment de place, ou je ne sais trop. Je voudrais savoir, de la part de l'Union des municipalités régionales de comté, étant donné que cet organisme est, à mon avis, le plus touché par ce projet de loi à ce stade-ci - on le voit d'ailleurs par l'importance de votre mémoire qui est plus substantiel que d'autres - si cet organisme a été consulté de façon informelle par le ministre dans la préparation de tous les travaux qui ont précédé cette commission parlementaire ou si c'est la première fois qu'il a l'occasion d'être consulté officiellement.

M. Nicolet: J'ai eu l'occasion de rencontrer M. le ministre à deux reprises, une fois en novembre, je crois, et tout récemment, il y a une semaine environ.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais seulement ajouter que le seul organisme que j'ai consulté...

Une voix: ...(?)

M. Ciaccia: ... - non, je veux juste clarifier - le seul organisme que j'ai consulté est celui dont M. Nicolet est le président. Les autres m'ont adressé des représentations et je ne les pas consultés officieusement.

M. Gauthier (Roberval): M. le Président, je ne vois pas pourquoi le ministre me répond ce que M. Nicolet vient de me répondre.

Le Président (M. Théorêt): M. le député de...

M. Ciaccia: Je voulais souligner que je n'ai pas consulté d'autres organismes.

M. Gauthier (Roberval): Je ne sais pas si c'est parce qu'il a peur qu'on n'ait pas compris.

M. Ciaccia: Non, mais je veux ajouter que je n'ai consulté aucun autre organisme.

M. Gauthier (Roberval): D'accord, il n'y a pas de problème là-dessus. Je voudrais savoir, finalement - j'essaie de simplifier l'essentiel de votre mémoire, de dire votre principale préoccupation, après avoir lu tout cela et après avoir analysé les impacts que cette loi pourrait avoir - si votre principale réticence, c'est la possibilité qu'a le ministre ou le gouvernement, en quelque sorte, de faire des modifications sans consultation.

J'ai l'impression de ressentir, à travers l'ensemble des conséquences et des remarques que vous indiquez ici et vos exposés de façon très globale, que vous êtes, dans le fond, contre le fait que le gouvernement puisse entreprendre ou amorcer des modifications sans aucune consultation auprès de la population, alors que le processus auquel vous vous êtes astreints, depuis un certain temps, en est un de consultation et de conciliation entre les différents intervenants et les différentes municipalités pour arriver à faire vos schémas d'aménagement.

Est-ce que je vous interprète mal quand je fais cette remarque? Je voudrais savoir ce qui vous préoccupe le plus là-dedans. Est-ce l'aspect unilatéral des modifications qui peuvent être apportées sans consultation?

M. Nicolet: Effectivement, vous avez bien résumé l'une de nos principales préoccupations. Je crois que la loi 125 a été une école de pensée, non seulement pour le monde municipal, mais également pour le gouvernement, d'une part, et pour la population, d'autre part. Ce que la loi 125 a permis de faire, c'est de cristalliser, autour d'une même table, certaines pensées et certaines façons d'analyser la problématique de l'aménagement de notre territoire. Quant à nous, c'est l'acquis principal qu'il s'agit de défendre. Pourquoi, par le biais d'une loi, vouloir escamoter... Là-dessus, avec tout le respect que j'ai pour M. le ministre, j'aimerais qu'on m'explique davantage le fameux deux ans, parce que nous n'avons jamais réussi à trouver plus de 180 jours dans les délais. Je crois qu'il serait malencontreux, pour des fins purement de meilleure gestion - c'est une préoccupation interne du ministère de l'Énergie et des Ressources - de mettre de côté ce qui est un acquis social, quant à nous.

M. Gauthier (Roberval): II y a une chose dans votre mémoire que j'aimerais que vous m'expliquiez davantage. À un certain moment, vous dites: On a l'impression, parce que le processus sera plus simple, par la nouvelle loi 102, que, quand les ministères auront des modifications à faire apporter à des schémas d'aménagement, ils n'auront même plus le goût de passer par la structure existante. Ils passeront directement par le ministère de l'Énergie et des Ressources. J'aimerais que vous nous expliquiez, pour que l'on ait une bonne compréhension - parce que je ne suis pas sûr de saisir vraiment toute la dimension de cela - comment, en vertu de la loi 125, un ministère devrait procéder pour apporter des modifications à un schéma et comment vous pensez que ça va procéder. Quel est ce lien que vous faites entre les deux choses, ce que je comprends mal?

M. Nicolet: Je crois que vous faites allusion spécifiquement aux avis d'intervention. Les avis d'intervention, c'est un mécanisme que la loi 125 a institué et par lequel le gouvernement ou un ministère sectoriel, quel qu'il soit, qui se proposait d'intervenir de façon dite structurante dans le milieu, se devait d'en aviser les municipalités qui, finalement, sont les gardiennes de ce schéma d'aménagement et du respect des dispositions qui y sont contenues.

Ce que nous appréhendons, c'est que cet avis d'intervention, qui est une discipline à laquelle les ministères sectoriels devaient s'astreindre, ce mécanisme pourrait être court-circuité dans la mesure où une intervention ministérielle qui... Je ne veux pas revenir sur toute une série de cas d'espèce. L'apprentissage, si vous me permettez une parenthèse, a été difficile au cours des cinq dernières années, puisque, de part et d'autre, le monde municipal a appris à vivre avec ces mécanismes et plusieurs ministères ont dû, parfois à corps défendant, s'assujettir à cette obligation de notifier le milieu d'une intervention, que ce soit la construction d'une route sur une terre publique, que ce soit un pont, que ce soit un aménagement touristique, ou un aménagement de villégiature. Les ministères concernés ont dû apprendre à penser à aviser le milieu.

C'est sûr que, parfois, c'est lourd. Parfois, cela demande des délais considérables. Parfois, cela crée même un élément de discussion dans le milieu. Parfois, le gouvernement se fait malheureusement dire que le milieu n'est pas d'accord.

Quant à nous, nous croyons que c'est sain. Malheureusement, la tentation, par le biais des mécanismes que la loi 102 propose, va permettre au gouvernement, selon nous, s'il craint une réponse négative du milieu, de dicter la réponse en faisant la modification au schéma qui va précéder l'avis d'intervention. C'est la façon dont M. Bégin l'a expliqué tout à l'heure. Donc, finalement, on pourrait enlever toute signification au mécanisme des avis d'intervention, puisqu'on aurait déjà préconditionné la réponse.

M. Gauthier (Roberval): C'est ma dernière question. S'il y avait des modifications - et j'imagine qu'il y en aura -à apporter au projet de loi, et si vous aviez, à ce stade-ci... Vous êtes en commission parlementaire justement pour nous donner votre avis. Vous avez soulevé, dans votre mémoire, un ensemble de problèmes. Vous nous indiquez quelles seront les conséquences de ces problèmes. S'il y avait des modifications à apporter au projet de loi, quelles seraient-elles prioritairement? Si on n'en avait qu'une seule à apporter au projet de loi, quelle serait pour vous la priorité? Je veux être bien sûr de cerner votre préoccupation. Dans quel sens aimeriez-vous que cette commission parlementaire travaille avec le ministre pour modifier le projet de loi? Quelle est, selon vous, la modification la plus importante et la plus fondamentale?

M. Nicolet: De façon très simple, pourquoi modifier la loi 125?

M. Gauthier (Roberval): Oui. Votre réponse est une question et cette question nous amène à dire que tout ce qui, dans le projet de loi 102 en quelque sorte, affecte ce qui est déjà décrit dans la loi 125, vous semble inopportun, et il semblerait qu'on doive faire porter nos efforts à éliminer ces chevauchements entre la loi 102 et la loi 125. Est-ce exact?

M. Nicolet: Nous croyons que la loi 125 permet déjà au gouvernement d'effectuer et de s'assurer du respect de ses politiques sans devoir y ajouter ces deux articles qui nous semblent malencontreux.

M. Gauthier (Roberval): Merci beaucoup. Pour ma part, cela va. Je pense que mon collègue de...

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Baril: M. le Président, j'aimerais prendre quelques minutes pour vous demander quel est le processus, lorsque vous recevez une demande d'un citoyen, au nom de sa municipalité, qui doit automatiquement se rendre chez vous à la MRC, qu'il doit suivre lorsqu'il fait une demande, peu importe qu'elle soit pour un terrain de villégiature, un futur terrain de camping ou un futur, excusez l'expression, terrain de gravier. Quel est le processus que cette personne doit suivre pour qu'elle puisse faire sa demande chez vous?

M. Nicolet: M. le député, ce qui, je crois, est important de souligner, c'est que la loi 125 n'a pas créé de relation entre le citoyen et l'instance régionale, en l'occurrence la MRC ou son schéma d'aménagement. Essentiellement, tout ce que la loi 125 a fait, c'est de créer un cadre dans lequel devait s'orienter la réglementation locale. Essentiellement, la relation entre le citoyen et ses instances municipales demeure inchangée. Le citoyen qui, pour un projet quel qu'il soit, a fait une demande de permis de construction, adresse cette demande, comme par le passé, à son inspecteur municipal ou au département d'émission de permis, selon qu'il s'agit d'une cité et ville ou d'une petite municipalité rurale, et il traite avec cette municipalité locale.

Si votre question touche à un cas plus complexe, à savoir la situation où la demande nécessiterait un changement au règlement de zonage, la question qui se pose immédiatement est à savoir si cette demande de zonage est d'abord recevable par l'instance politique locale qu'est le conseil et, si oui, s'il est de ses compétences de le faire ou, si par hasard, cette modification au règlement de zonage local précipiterait une contradiction avec une orientation générale que le schéma a tracée. Évidemment, si tel était le cas, cela impliquerait que la municipalité, pour peu qu'elle soit d'accord avec la demande des citoyens, s'adresse au conseil régional pour que ce dernier amorce une révision au schéma.

Le Président (M. Théorêt): Une dernière question, M. le député de Rouyn-Noranda— Témiscamingue. (12 heures)

M. Baril: Je vais faire vite. J'ai été élu il y a environ quatorze mois. Je reçois à mon bureau de comté des demandes de citoyens qui viennent se plaindre de ce que le ministre disait tout à l'heure - les deux ans, restons-en à quatorze mois - de toutes sortes de cas qui sont soumis à la MRC, car, finalement, vous allez à la municipalité et celle-ci peut approuver une demande d'un citoyen et, comme vous le dites, si cela touche un peu le schéma d'aménagement, c'est automatiquement refusé à la MRC. Je peux vous dire qu'en quatorze mois, on n'a pas réglé un cas pour une terre, on n'a pas réglé un cas pour une terre publique ou un boisé privé, on n'en a pas réglé un seul. Dans les MRC, c'est sûr qu'il y a des élus, mais il y a aussi des employés qui représentent toutes les couches de la société, que ce soient des écologistes ou des sportifs. Ils s'agit qu'il y ait une objection à la MRC locale pour que le projet d'un citoyen soit bloqué. Il me semble que c'est un deuxième pallier de gouvernement lorsque l'on ne met pas une consultation dans les 90 jours, que l'on étend ces questions réglementaires et que, finalement, un citoyen est pénalisé. Je ne vous parle pas d'un cas précis; on n'en a pas réglé un dans mon comté. Les 90 jours, en ce qui me concerne...

Le Président (M. Théoret): M. le député de Rouyn-Noranda, si vous voulez conclure, s'il vous plaît. M. Nicolet.

M. Nicolet: Je regrette que, dans le cas de votre comté, les choses se déroulent de façon aussi peu favorable pour les requérants. Je puis vous offrir nos bons offices pour tâcher d'éclaircir la situation. Il ne faut pas oublier, et je pense que c'est là-dessus qu'il faut insister, que, depuis que la loi 125 existe, là où il n'y avait pas de réglementation, on a dû en adopter.

Beaucoup de milieux éloignés dont l'approbation d'un projet ne dépendait que du bon vouloir du pouvoir politique en place ont dû réapprendre à fonctionner dans un cadre réglementaire. C'est une décision de société que nous avons prise en tant que Québécois. Cela n'a pas été accepté facilement partout, je vous le concède.

M. Baril: II reste encore que, quatorze mois, c'est trop long.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Une brève question et un court commentaire. Personnellement, je partage énormément les préoccupations du monde municipal en ce qui concerne le projet de loi, d'autant plus qu'à la limite, un délai de 90 jours, c'est quand même très court, pour une MRC où l'on peut avoir à consulter 15, 20 ou 30 municipalités différentes touchées par une modification de l'affectation du territoire, 90 jours, c'est très bref. Les chances de se réunir, de travailler et tout cela, dans certains cas, sont quand même assez difficiles à coordonner.

On parle de consultation. Selon l'expression utilisée par le ministre, cela me semble assez vague. Cela me semble très peu défini. Des consultations, cela peut se faire de différentes façons. Qu'est-ce qu'on entend par consultation? De quel genre de consultation parle-t-on, dans la mesure où, comme l'expliquait si bien le représentant de l'UMRCQ, une modification dans le plan d'affectation peut entraîner une modification au règlement de zonage, lequel devra nécessairement, pour être adopté, passer par le processus du référendum dans la muncipalité? Je demande aux représentants de l'UMRCQ s'ils ont étudié l'hypothèse selon laquelle toute demande venant du ministère ou du gouvernement pour une modification devrait faire, elle aussi, l'objet d'une consultation par voie référendaire qui trancherait la question et à laquelle le gouvernement devrait se soumettre. Il ne faut pas oublier que, quand on demande une modidification...

On a donné des exemples dans le domaine forestier. On a dit: Une scierie, etc., c'est une terre publique. Oui, mais on peut aussi parler d'usine de traitement de BPC. On peut aussi parler de sites d'enfouissement des déchets nucléaires. On peut parler d'un certain nombre de choses qui ne sont peut-être pas bien vues dans la municipalité et que le qouvernement pourrait imposer aux citoyens de cette MRC par le biais de son projet de loi. Est-ce que le mécanisme de consultation référendaire pourrait être un mécanisme intéressant?

M. Nicolet: J'aimerais vous entendre préciser davantage ce que vous entendez par mécanisme référendaire. À première vue, nous croyons que la loi 125, telle que rédigée, offrait déjà d'amples possibilités de consulter le milieu tout en respectant l'arbitrage ultime qui doit demeurer entre les mains du gouvernement. À première vue, il y a peut-être moyen d'améliorer ces mécanismes pour en raccourcir les échéances. Je ne sais pas s'il y a lieu d'établir de nouvelles mesures et c'est pour cela que j'aimerais en savoir davantage sur ce que vous entendez par "mécanisme référendaire". Actuellement, je crois que la consultation est obligatoire et, tant qu'elle l'est, je pense que c'est une garantie suffisante pour nous.

M. Claveau: Tout ce que je voudrais dire, c'est que quand on parle de consultation dans un délai de 90 jours au bout duquel on retourne une réponse au gouvernement, à ce sujet, le ministre nous dit que ce n'est pas lui qui prend la décision, mais il doit la ramener à son gouvernement et convaincre ses collègues. À la limite, même si le rapport de consultation que vous déposez au gouvernement est négatif, il reste qu'il peut toujours prendre une position positive. Comme on l'a dit tout à l'heure: on peut partir de gauche et s'en aller à droite; à la limite, il n'y a plus un mot à dire pour autant que les 90 jours de délais soient respectés. Étant donné que le mécanisme référendaire est déjà obligatoire au plan des modifications de zonage, dans le cas des jumelages de municipalités, des trucs semblables, je me demande si le gouvernement ne devrait pas se soumettre à un mécanisme qui ferait en sorte que, si tout l'ensemble des municipalités d'une MRC, par voie référendaire, se prononce contre un projet gouvernemental d'implantation d'une usine de BPC sur des terres de domaine public dans sa MRC, le gouvernement devra se soumettre à ce jugement populaire. À mon sens, c'est la véritable consultation sur laquelle il devrait s'appuyer.

M. Nicolet: C'est une proposition intéressante qui mérite certainement d'être étudiée.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le président. M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Je dois d'abord saluer d'une façon spéciale le président de l'UMRCQ, un ex-collègue, et lui dire que je pense qu'il a compris les enjeux contenus dans le projet de loi 102 concernant l'importance de la consultation et aussi ce qui est caché, ce qui n'est pas dit dans cette loi. Le ministre, aussi, a compris, parce qu'il dit, dans son introduction, qu'il faut respecter sinon l'esprit, au moins la lettre du processus de consultation établi. Donc, le ministre se rend compte qu'il change la manière de faire la consultation. Quatre-vingt-dix jours, ce n'est pas tellement long, non plus, pour consulter, quand il s'agit des municipalités. C'est très court.

Ce que vous ne dites pas et que j'aurais aimé voir dans votre mémoire -c'était prévisible au début, parce que, pour avoir participé de façon très spéciale à l'élaboration de la loi 125, ce qu'on voit, aujourd'hui, c'est ce qu'on prévoyait dans le temps lorsqu'on a mis en application la loi 125 ou lorsqu'on l'a adoptée - c'est le grignotage qui, à la longue, ferait que les ministères ne voudraient pas accepter les mécanismes mis en marche pour la consultation.

Aujourd'hui on parle du ministère de l'Énergie et des Ressources; demain matin, ce sera le ministère des Transports et, tantôt, pourquoi pas le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, ou du Développement régional. Ce qui fait que c'est vraiment... Je pense que vous avez compris les enjeux; il faut faire les batailles quand elles se présentent, il ne faut pas les susciter.

M. le Président, j'aimerais entendre des explications là-dessus. Est-ce que vous ne voyez pas, par cette mesure dans la loi 102, la démarche annonciatrice de ce qui pourrait arriver avec les autres ministères?

Le Président (M. Théorêt): M. le Président.

M. Nicolet: Oui, je pense, bien sûr, que nous appréhendons toujours de voir d'autres ministères suivre un chemin qui a été ouvert dans ce cas particulier. Si je pouvais résumer notre pensée de cette manière: la loi 125, par le mécanisme qu'elle a instauré, a permis d'établir un certain équilibre entre la volonté politique du milieu et les exigences d'une saine gestion du territoire, en l'occurrence les terres publiques. Si je peux même le dire plus directement, c'est une certaine forme d'équilibre entre le contrôle politique et le technique. Tout ce qui remet en question cet équilibre nous apparaît comme danqereux. Je crois que, fondamentalement, et dans une foule d'autres domaines, on a toujours craint ce dérapage, la perte de contrôle du politique sur le technique. Pourquoi faire le jeu et encourager un tel dérapage dans le cas qui est devant nous?

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le président. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Roberval.

M. Gauthier (Roberval): En terminant, je veux remercier...

Le Président (M. Théorêt): Je vais revenir pour le mot de la fin du critique officiel et du ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions concernant !e mémoire présenté par l'union? M. le député de

Roberval, à vous la parole pour vos remarques de la fin.

M. Gauthier (Roberval): Quelques mots pour remercier l'Union des municipalités régionales de comté d'avoir fait ce travail imposant, de nous avoir présenté un mémoire passablement substantiel. Nous désirons lui faire savoir que nous partageons sa préoccupation qui est d'éviter une répétition de la loi 102 et de la loi 125 quant à certains mécanismes. Nous partageons également son point de vue concernant la consultation de la population. Nous pensons sincèrement que le travail s'est fait sérieusement dans les différentes MRC du Québec. Il ne nous apparaît pas opportun de permettre au gouvernement de faire des changements sans qu'il y ait un délai suffisant pour qu'une véritable consultation du milieu se fasse. Nous allons gouverner en conséquence et faire en sorte, au cours des travaux qui, inévitablement, auront lieu à la suite de cette commission parlementaire et où nous aurons à fabriquer en quelque sorte la loi, de tenir compte de ces remarques. Nous inviterons le ministre, à toutes les occasions où nous pourrons le faire, à se rapprocher des recommandations contenues dans le mémoire que vous nous avez présenté. Je vous remercie infiniment et soyez assurés de notre collaboration tout au long du processus d'adoption du projet de loi 102.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants de l'Union des municipalités régionales de comté et M. Nicolet, le président. Nous croyons que la loi 125 n'est pas complète. Il y a certaines lacunes. Ce n'est pas une critique que je fais de la loi 125, parce que des modifications à plusieurs autres lois sont apportées de temps à autre. L'article 149 ne répond pas vraiment au point spécifique de la loi 102. Il y a la question des délais. Quant aux délais, on m'a informé que cela peut être de un à deux ans. Si on examine tous les délais des articles 149 et 150, c'est 90 jours, 90 jours, plus un autre avis. En tout cas, on arrive à un an. Le délai de 90 jours, c'est le délai que nous avons, comme gouvernement, quand vous nous avisez. Il n'est pas de notre intention, ni dans notre esprit ni dans le texte de la loi, de permettre aux ministères d'escamoter la loi 125. Même le libellé de l'article 20 stipule que le plan d'affectation peut être modifié de la même manière qu'il est préparé. Alors, il faut suivre toutes les étapes: le COMPADR et tout le reste. On parle du ministre des Affaires municipales, à la suite de la réception d'une résolution du conseil de la municipalité transmise dans les 90 jours... Alors, ni dans notre esprit ni dans le texte de la loi, il n'est de notre intention d'escamoter les étapes de la loi 125, sauf que, pour le plan d'affectation, une modification très précise qui n'est pas prévue à l'article 149, nous avons modifié la loi 125.

Maintenant, nous prenons bonne note de vos préoccupations. Sur la question de la consultation, je pense que si vous voulez qu'on vous oblige ou qu'on mette une obligation aux MRC de consulter après que nous ayons donné un avis, nous sommes prêts à changer le mot "demande" pour "avis". Si vous juqez à propos que nous vous imposions l'obligation de consulter... Nous tenions pour acquis que la question de la consultation était une décision que la MRC devait prendre, selon les discussions qu'elle avait avec le ministère des Affaires municipales et les discussions qu'elle avait avec les officiers du ministère de l'Énergie et des Ressources. Mais si vous voulez une obligation spécifique, je pense bien qu'on peut regarder cela. Nous sommes prêts à regarder le délai de 90 jours et à examiner cela avec vous pour ne pas vraiment causer de problèmes réels. Si vous avez des problèmes réels en termes de délais et de consultations, nous sommes prêts à examiner cela. Nous croyons que nous ne changeons pas l'esprit de la loi 125, mais nous ajoutons un élément qui n'avait pas été prévu. On vous remercie pour votre mémoire. Cela se voit qu'il y a eu un apport des avocats dans le mémoire. C'est très spécifique, très précis et bien fait. On vous remercie. Nous sommes prêts à continuer nos discussions, M. Nicolet. Espérons qu'on va pouvoir vous satisfaire. Ce n'est pas notre intention de permettre à quelqu'un d'escamoter la loi ou de vous imposer unilatéralement certaines décisions du ministère. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Messieurs, au nom des membres de la commission, nous vous remercions de votre présence ici. Je vous cède la parole, M. le Président, pour un dernier commentaire, si vous le voulez.

M. Nicolet: J'aimerais vous exprimer toute notre reconnaissance pour l'attention que vous avez portée à notre présentation. Je suis encouraqé par les propos de M. le ministre, bien sûr, et par l'appui de l'Opposition. Merci, mesdames, messieurs.

Le Président (M. Théorêt): Merci. Je suspends les travaux de la commission de l'économie et du travail jusqu'à 15 heures

alors que nous entendrons le Barreau du Québec.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

(Reprise à 15 h A)

Le Président (M. Théorêt): La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux sur la consultation particulière du projet de loi 102, Loi sur les terres du domaine public. J'invite maintenant M. Gauthier, je pense qu'il a déjà pris place. Nous entendrons M. Gauthier, directeur général, qui vient présenter le mémoire pour le Barreau du Québec.

M. Gauthier, je porte à votre attention que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et que chaque formation politique a 20 minutes pour discuter avec vous de ce mémoire. Je vous cède la parole, M. Gauthier.

Barreau du Québec

M. Gauthier (Pierre): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de l'Assemblée nationale, je voudrais profiter de l'occasion qui m'est offerte pour vous remercier de l'honneur que vous faites au Barreau du Québec en lui offrant ainsi la possiblité de se faire entendre devant cette commission parlementaire. C'est donc avec plaisir que nous nous impliquons dans la seconde étape du processus de réorganisation du système de gestion des terres publiques du Québec et vous faisons part ainsi de nos commentaires sur le projet de loi 102.

À l'instar de notre intervention sur le projet de loi sur les forêts, la présente démarche s'inscrit dans une optique de bonne délimitation des pouvoirs, devoirs et obligations établis dans ce projet de loi et de protection de certains principes essentiels qui doivent être respectés dans l'établissement de ce nouveau système d'administration des terres du domaine public. Donc, pour des raisons de bonne compréhension, nos commentaires se liront en fonction de l'ordre de présentation des articles de l'avant-projet de loi.

Dans un premier temps, M. le ministre, M. le Président, j'aimerais féliciter les juristes et les légistes du ministère de l'Énergie et des Ressources pour l'excellent travail qu'ils ont accompli dans le cadre de cette réforme de l'ancienne loi. Ainsi, le style est plus clair et plus précis, et la facture plus nette, de telle sorte que le tout a comme effet de rendre beaucoup plus abordable ce texte législatif.

Nous attirons votre attention sur les articles 5, 10, 25, 37 et 57. Quant à l'article 23 dont nous parlons dans notre mémoire, je pense que le problème a été régté; donc, nous n'y reviendrons pas. Quant aux autres articles dont nous avons parlé, nous les laissons pour votre appréciation.

J'attirerais donc, M. le Président, M. le ministre, votre attention sur l'article 5 qui concerne le droit d'expropriation au bénéfice du domaine public. Le premier paragraphe de l'article 5 de la loi prévoit que "le ministre peut acquérir tout droit immobilier au bénéfice du domaine public".

Le second paragraphe de cet article prévoit aussi le pouvoir du ministre d'exproprier un bien immobilier au bénéfice du domaine public "lorsqu'il juge cette acquisition dans l'intérêt public".

Tout d'abord, le Barreau s'interroqe sur la pertinence de l'application du critère d'intérêt public alors que, déjà, le champ d'application de la loi, qui sous-tend le pouvoir du ministre, est clairement exprimé par les termes "au bénéfice du domaine public".

Compte tenu que, normalement, une expropriation ne doit avoir lieu que pour la réalisation des objets qui sont définis dans la loi et que déjà cet article prévoit l'autorisation préalable du gouvernement, nous croyons que le ministre ne devrait pas se voir attribuer la discrétion d'apprécier la notion de l'intérêt public dans les cas d'expropriation.

Un tel octroi de discrétion apparaît, premièrement, non pertinent à l'égard du critère même de l'intérêt public et, deuxièmement, non recommandable si cette discrétion n'est pas conjuguée avec les autres critères d'appréciation de la loi.

Ainsi si vous vous référez à l'ancienne loi ou à la loi actuelle sur les terres et forêts, aux articles 16 et 20, on indique que ce sont l'agriculture et les usages d'utilité publique qui sont les domaines qui peuvent être soumis à la juridiction du ministère dans l'application de ses pouvoirs d'acquisition ou de disposition des terres sous son autorité.

De telles dispositions viennent donc préciser les termes "au bénéfice du domaine public" et ne peuvent, selon nous, que servir à éviter une contestation possible des titres ou de l'exercice des droits du ministère à l'égard de certaines terres.

D'autre part, M. le Président, je voudrais vous souligner et vous rappeler que, lors de la création de la Société immobilière du Québec, en 1983, le législateur avait transféré au ministère des Transports le pouvoir résiduel d'exproprier qui appartenait au gouvernement et qui était exercé par le ministère des Travaux publics. L'article se lit maintenant comme suit dans la Loi sur le ministère des Transports, au chapitre M-28, l'article 11.1: "Le ministre - c'est-à-dire celui des Transports - peut acquérir, à l'amiable ou par expropriation, pour le compte du gouvernement, ses ministères ou

organismes, tout bien qu'il juge nécessaire pour la construction, l'amélioration, l'agrandissement, l'entretien et l'usage d'ouvrages ou d'édifices publics, ou pour rendre l'accès plus facile."

Si je reviens à l'article 5 du projet de loi, M. le ministre, M. le Président, il y est fait mention que l'on peut exproprier tout droit immobilier au bénéfice du domaine public. C'est donc dire que ces deux articles peuvent, à l'occasion, en venir à certaines contradictions, parce que, évidemment, l'article 5 est très vaste. Dans ce cas, cela peut avoir comme effet soit de rendre caduc l'article 11.1, que l'on retrouve dans la Loi sur le ministère des Transports, soit même de rendre inopérant le nouvel article 5 de votre nouvelle loi. Dans la mesure où il est tellement vaste et ne correspond pas aux objets de la loi, vous pouvez vous retrouver avec des contestations possibles, si bien que, tout en ayant rédigé l'article pour avoir peut-être une meilleure administration, vous pourriez vous retrouvez avec des problèmes juridiques importants qui feraient que cette bonne administration pourrait être mise en péril par l'article 5 tel qu'il est présentement rédigé.

Maintenant, je vous réfère à l'article 10 sur l'administration des terres. L'article 10 nous indique que le gouvernement peut confier à un organisme public l'administration d'une terre aux conditions qu'il détermine. Au regard des articles qui précèdent cette disposition et qui traitent des transferts de pouvoirs entre ministres, il y aurait lieu, à notre avis, pour plus d'uniformité et afin de bien délimiter les pouvoirs et obligations des organismes qui se voient confier une telle administration, de prévoir que l'organisme exerce alors les mêmes fonctions et les mêmes pouvoirs dont est chargé le ministre en vertu de la loi, que ce soit exactement les mêmes pouvoirs, plutôt que de se référer à des conditions qui ne sont pas connues et que le gouvernement pourrait établir d'une façon qui pourrait être jugée plus discrétionnaire.

Je vous réfère, d'autre part, à l'article 25. L'article 25, tel qu'il est rédigé ici, devant vous, nous indique que, "malgré l'article 2082 du Code civil, tout droit réel affectant une terre non cadastrée a effet à compter de son enregistrement à l'encontre de celui qui ne l'a pas été ou qui l'a été subséquemment."

M. le ministre, je pense que cet article devrait être réécrit pour bien expliquer que l'effet de l'enregistrement est le même que dans les terres qui sont cadastrées. Tel qu'on le lit actuellement, on se demande ce que viennent faire au juste les mots "malgré l'article 2082". À première vue, évidemment, on a de la difficulté à comprendre, sauf que si on poursuit notre recherche on se rend compte que ce qu'on veut dire ici, c'est que l'enregistrement de terres non cadastrées, tel qu'il est prescrit dans la loi, a le même effet que l'article 2082, mais ce ne sont pas les mêmes prescriptions qu'on retrouve à l'article 2082. Je vous suggérerais peut-être, pour une meilleure compréhension, de rédiqer autrement cet article.

Je voudrais maintenant vous entretenir de l'article 37. Si vous faites la lecture de l'article 37 à voix haute, on a de la difficulté à comprendre quel est exactement le problème qu'on veut résoudre ici. Il faut lire l'ancien article 38 qui, à mon avis, est beaucoup plus clair. En fait, on a repris l'article 38, l'ancien que l'on retrouvait dans la Loi sur les terres et forêts, et on l'a replacé ici. Quand on le lit attentivement, on ne comprend pas exactement ce qu'on veut dire. J'ai l'impression, pour en avoir discuté avec plusieurs personnes, que ce qu'on veut, c'est qu'advenant le cas où, par exemple, un requérant n'a pas de titres clairs et qu'il veut absolument obtenir des lettres patentes, à ce moment-là, au lieu de faire une recherche de titres, qui pourrait être fort coûteuse évidemment, on va émettre des lettres patentes, mais au nom des représentants léqaux. Je présume que c'est ce qu'on veut dire dans l'article. Or, quand on le lit, on comprend difficilement ce que le ministère veut corriger. Il serait donc bon d'expliquer le cas comme tel et, par la suite, de faire la rédaction pour corriger le problème que l'on veut. Le problème qui vous est soulevé ici est un problème réel, et vous devez le corriger parce que cela n'a peut-être pas de sens de faire une étude de titres dans tous les cas, surtout quand il s'est écoulé une très longue période de temps. II serait peut-être bon, plutôt que "les représentants légaux" - c'est l'ancien terme qu'on retrouvait dans la loi - de parler "d'ayants droit" ou d'autres termes qui correspondraient beaucoup plus à la situation que l'Assemblée nationale veut corriger par cet article.

D'autre part, je vous renverrais, M. le ministre et M. le Président, à l'article 57. L'article 57 nous indique que le ministre peut verser - l'article 57 se trouve dans le chapitre V, sur la révocation des droits - une indemnité ou rembourser les impenses faites sur une terre confisquée dans la mesure où l'équité le requiert. Le Barreau croit que la notion d'équité devrait être laissée, évidemment, à l'appréciation des tribunaux et non pas à la discrétion du ministère. Oui plus est, au sujet de l'administration", la notion d'équité telle que rédigée ici, et qui correspond à un ancien article où on a repris un peu la même rédaction, présente des difficultés d'administration pour le ministre.

D'abord, la notion d'équité est quand même très vague et les critères pour l'appliquer pourraient peut-être être considérés, là aussi, comme discriminatoires

en ce sens qu'ils ne sont pas connus du public. Les critères pourraient aussi varier d'un cas à l'autre pour le remboursement d'un fonctionnaire à l'autre qui applique la loi, car votre ministère est très diversifié et il pourrait arriver que, dans ce cadre, ce soit appliqué par un fonctionnaire. Évidemment, cette interprétation peut varier d'une administration à l'autre.

Nous vous suggérons donc, en plus, de le laisser à l'appréciation des tribunaux, si cela vous convient. Si cela ne vous convient pas, nous vous proposons d'adopter une rédaction semblable à celle de l'article 417 du Code civil, où l'on parle des droits d'accession relatifs aux choses immobilières et où on fait état de la notion de bonne foi.

J'ai compris, pour avoir pratiqué dans ce domaine durant plusieurs années, entre autres en Gaspésie et sur la Côte-Nord, qu'il pouvait arriver, à l'occasion, que quelqu'un empiète sur une terre publique parce que le bornage n'était pas fait à la satisfaction de tout le monde et qu'on doive, je pense, lui rembourser les dépenses. S'il a construit sa maison là, il faudra quand même lui permettre d'y vivre et je ne pense pas que ce soit la faute du citoyen. En ce sens, il est de bonne foi.

J'ai vu en Gaspésie des gens construire sur le mauvais rang. Ils pensaient que c'était sur le rang numéro un et ils se sont tous construits sur le rang numéro 2; leurs titres ne sont pas clairs. C'était sur des terres publiques, d'où, évidemment, la nécessité, dans ces dossiers, que le ministre ait un article 57 pour lui permettre de rembourser pour les améliorations qui auraient été apportées à ces terres. Je comprends, d'autre part, que celui qui va s'installer en plein milieu de la Gaspésie, où toutes les terres sont publiques... Évidemment, je ne suis pas certain que la notion de bonne foi pourrait être retenue par le ministre à ce moment-là, car il est convenu qu'en plein milieu de ces terres publiques les gens savaient que c'étaient des terres publiques et non pas des terres privées.

Dans ce contexte, pour l'administration du ministre et pour une plus grande crédibilité de l'administration publique, on devrait rédiger cet article de façon plus serrée, de façon à vous permettre d'avoir des critères connus et d'être en mesure de les faire appliquer par tous vos fonctionnaires. Je pense que la rédaction peut en être faite avec suffisamment de clarté pour vous aider, d'autant plus que cette notion de bonne foi, que l'on retrouve à l'article 417 du Code civil, est évidemment très bien comprise et a aussi été très bien administrée par les tribunaux. La jurisprudence est claire là-dessus. Donc, dans ce contexte, il serait peut-être beaucoup plus facile pour l'administration du ministère que la rédaction soit plus serrée.

D'autre part - je termine ici, M. le ministre et M. le Président - nous remarquons, dans cette refonte de la loi qui est très bien faite à notre avis, que certains articles ne se retrouvent plus dans la nouvelle loi, entre autres l'article 11 qui concerne l'interdiction à un employé du ministère d'acheter les terres publiques. Pourquoi ne le retrouve-t-on pas dans le nouveau projet de loi? Est-ce parce qu'on le retrouve, entre autres, dans les prescriptions reliées à la Loi sur la fonction publique? Je pense que cet article était important pour la crédibilité de l'administration du ministère de l'Énergie et des Ressources. Dans ce contexte, si on ne le retrouve pas dans une autre loi du gouvernement ou dans d'autres règlements, le Barreau apprécierait voir une telle disposition revenir dans la loi.

M. le ministre, encore une fois, c'est tout pour les commentaires que nous avions. Nous vous avons fait parvenir ces commentaires sous forme écrite. Si vous avez quelques questions, je suis à votre disposition pour y répondre.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Gauthier. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: M. Gauthier, je voudrais vous remercier pour votre mémoire, sa présentation, l'étude que vous avez faite du projet de loi ainsi que les suggestions et les recommandations que vous nous apportez. Dans vos commentaires sur l'article 5, où l'on prévoit un pouvoir d'expropriation, vous parlez d'un pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait à la définition "d'intérêt public". Vous faites valoir, entre autres, deux arguments: 1° le fait qu'il y ait une autorisation nécessaire du gouvernement; 2° que le champ d'application de la loi est clairement exprimé par les termes "au bénéfice du domaine public". Si on enlève la notion d'intérêt public, ne croyez-vous pas qu'il y a plus de discrétion et moins de restriction en ce qui concerne le pouvoir d'exproprier? Premièrement, le pouvoir d'exproprier, c'est avec l'autorisation du gouvernement; c'est une restriction pour le ministre. Deuxièmement, non seulement on peut exproprier tout bien immobilier au bénéfice du domaine public, mais on ne doit le faire que lorsque l'on juge que cette acquisition est dans l'intérêt public. Autrement dit, si on enlève la notion d'intérêt public, cela ouvre la porte à l'expropriation au bénéfice du domaine public, sans la justifier. On veut exproprier au bénéfice du domaine public, mais il faut que ce soit dans l'intérêt public. Ne croyez-vous pas que, premièrement, l'autorisation du gouvernement, c'est une balise imposée au ministre et, deuxièmement, que le critère d'intérêt public est une autre restriction au pouvoir d'expropriation plutôt

qu'un terme qui laisse la porte ouverte a tout?

M. Gauthier (Pierre): Vous me permettez de répondre, M. le Président?

Le Président (M. Théorêt): Allez-y.

M. Gauthier (Pierre): Je conviens avec vous que le fait d'enlever, dans le corps de la rédaction, la notion d'intérêt public pourrait apporter encore plus de confusion, sauf que le but de notre présentation sur l'article 5, c'est qu'il faudrait limiter le pouvoir d'expropriation au champ d'application de la loi. D'abord, vous pouvez venir en contradiction avec - comme je vous le disais tout à l'heure - l'article 11.1 de la Loi sur le ministère des Transports, qui a hérité du pouvoir résiduel d'exproprier pour le compte du gouvernement, d'une part.

Deuxièmement, si vous vous référez à l'ancienne loi, vous remarquerez que les limites de ce pouvoir étaient beaucoup plus restreintes, soit aux articles 16 et 20 - si je ne me trompe pas - où on le faisait, évidemment, en explicitant comme il le faut ce que l'on entendait par le pouvoir d'acquisition et quel était son champ d'application. Dans ce contexte, on ne retrouve pas le même exercice avec la nouvelle loi. Par exemple, à l'ancien article 20, on disait: "Le gouvernement est autorisé à acquérir des terrains privés, par échange ou autrement, aux prix et conditions qu'il détermine, lorsque l'intérêt de l'agriculture, dans une localité, l'exige. Ces terres, dès qu'elles sont acquises par la couronne..."

Ce que je veux mentionner là-dedans, M. le ministre, c'est qu'il est évident qu'aujourd'hui la loi ne correspond peut-être plus aux besoins du ministère, sauf que vos pouvoirs sont tellement vastes qu'il n'est pas certain qu'il ne puisse y avoir de contestation quant à la rédaction de l'article 5. Vous pourriez, en ne faisant que quelques amendements, la restreindre au champ d'application de la loi et éviter tout problème; c'est ce que l'on souligne. On vous met en garde là-dessus.

M. Ciaccia: Je vous remercie. Je crois que l'on va demander à nos légistes et a notre service juridique d'examiner cet aspect et la référence que vous avez faite à la Loi sur les transports. Je voudrais seulement vous souligner qu'à l'article 17 de la présente loi le pouvoir est encore plus vaste. Cela donne l'autorisation au ministre d'acquérir, par échange, par expropriation, tout terrain, territoire ou droit immobilier, lorsqu'il juge cette acquisition utile pour l'administration de la présente loi. Je pense que l'intention était de restreindre. C'est encore plus large, plus vaste. On va examiner à nouveau l'article 5 à la lumière des commentaires que vous avez faits.

M. Gauthier (Pierre): Merci, M. le ministre.

M. Ciaccia: À l'article 25, vous portez à notre attention que les mots "malgré l'article 2082 du Code civil" n'ont peut-être pas leur place. Je pense que vous avez raison. On va écrire à nouveau l'article 25 pour prendre en considération les commentaires que vous avez faits.

À l'article 10 qui régit les transferts d'administration à des organismes publics, ne croyez-vous pas qu'il soit justifié de la part du gouvernement de vouloir garder un droit de regard sur ces terres? Autrement dit, on va les transférer à d'autres ministères, mais on va garder un droit de regard. Ne croyez-vous pas aussi que la rédaction de l'article nous permet de dire que l'organisme connaîtra les conditions au moment du transfert? Il peut y avoir tellement de conditions que l'on ne peut pas toutes les prévoir aujourd'hui. On rédige une loi sur les terres qui va avoir des effets. D'autres ministères peuvent avoir d'autres droits. Il y a le régime forestier. Il y a une série de possibilités de transfert au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Je pense qu'il serait difficile d'inclure les conditions dans ce projet de loi, mais on voudrait maintenir un droit de regard sur ces terres. Ne croyez-vous pas qu'en l'incluant de cette façon dans l'article 10, cela nous permet de garder une certaine cohésion et un droit de regard sur toutes les terres publiques?

M. Gauthier (Pierre): II est évident que notre position quant à la rédaction de l'article 10 en est une de principe. Dans ce contexte, le transfert, à notre avis, devrait être sensiblement le même type de transfert que celui que l'on retrouve à l'article 6, je pense. Autrement dit, le ministre transfère tous les pouvoirs de gestion qu'il a à un autre ministre, par exemple, sur le terrain ou les terres en question. C'est la même objection de principe que nous avons, et que vous avez remarquée dans notre rapport, quant à la réglementation que l'on retrouve dans chacune des lois. Dans la mesure où ces conditions ne sont pas connues, on peut facilement se donner suffisamment de pouvoirs, dans le corps de la rédaction de l'article 10, pour, évidemment, être en mesure de bien gérer ce transfert. (15 h 30)

M. Ciaccia: Est-ce que vous voyez une différence entre l'article 6, où il y a un transfert d'autorité, et l'article 10, où il y a un transfert administratif? Pour maintenir un peu les contrôles du point de vue administratif, nous avons rédigé l'article 10. Mais, à l'article 6, on dit: "...transférer

l'autorité sur une terre à un autre ministre du gouvernement afin que ce dernier exerce à l'égard de cette terre les fonctions et pouvoirs dont il est chargé en vertu de la loi." Alors, c'est clair en ce qui concerne le transfert d'autorité. La loi va le prévoir. Mais il se peut qu'il y ait seulement un transfert d'administration. Alors, dans ce cas, on ne peut pas prévoir ici toutes les conditions. On ne transfère pas l'autorité, strictement l'administration pour un temps limité ou pour des raisons particulières.

M. Gauthier (Pierre): Sur le plan juridique, vous avez raison. Sur le plan pratique, pour avoir déjà oeuvré en milieu gouvernemental, ce transfert d'autorité s'apparente souvent à un transfert purement et simplement administratif. Dans ce contexte, cela peut peut-être amener une confusion. Sur le plan juridique, vous auriez raison à cet effet.

M. Ciaccia: En ce qui concerne l'article 37, on va regarder l'ancien article 38. On va examiner cela et les commentaires que vous avez faits pour voir les améliorations qui pourraient y être apportées ou s'il y a d'autres explications que l'on pourra donner.

À l'article 57, vous dites que la notion d'équité devrait être laissée à l'appréciation des tribunaux et que les critères de fixation de l'indemnité devraient être inscrits dans la loi.

En ce qui concerne la notion d'équité, si un citoyen se sent lésé, il peut toujours aller devant les tribunaux. Il n'y a rien dans la loi qui empêche un citoyen, si on applique l'article 57 et qu'il trouve que ce n'est pas équitable, d'aller devant les tribunaux. Ne trouvez-vous pas que cela peut répondre à cet aspect?

M. Gauthier (Pierre): Oui, cela peut répondre à cet aspect, M. le ministre. Sauf qu'il serait quand même bon que les critères sur lesquels vous voudriez orienter les actions du ministère soient connus dans la loi. Je pense qu'on est capable, au sujet de l'équité ou de la bonne foi, peu importe la notion, de mettre certains critères de base qui feraient qu'on ne serait peut-être pas obligé, à chaque fois, si on ne s'entend pas avec le ministre, d'aller devant les tribunaux. Si ces critères sont connus, d'une part, ils sont beaucoup plus facilement administrables. Je pense que l'organisation administrative du ministère pourrait fonctionner avec beaucoup plus d'harmonie.

Les citoyens pourraient, d'ores et déjà, être au courant des différentes situations possibles où, justement, le ministère pourrait indemniser ou rembourser les travaux et les améliorations qui ont été faits sur l'immeuble. Je ne pense pas qu'au niveau rédactionnel, comme le domaine du droit immobilier est semblable un peu partout au Québec, l'on puisse passer à côté de beaucoup de situations.

M. Ciaccia: Parce que l'article 417 du Code civil auquel vous vous référez est un peu lourd.

M. Gauthier (Pierre): Écoutez, vous avez raison dans la mesure où il ne s'applique pas directement ici. C'est bien certain. C'est à titre d'exemple qu'on le faisait. Mais j'ai l'impression qu'on est capable d'établir des critères où, par exemple, il y aurait d'abord la notion... Parce que, voyez-vous, ici, "où l'équité le requiert", c'est le ministre qui décide ce qui est équitable ou ce qui ne l'est pas. Dans la bonne foi, c'est l'individu qui aura à démontrer au ministre, à ses fonctionnaires ou à la cour sa bonne foi. Si vous n'avez pas de critères ici, le juge peut décider à l'encontre du ministre et peut-être avec un raisonnement qui fasse que cela paralysera votre administration. Si vous avez des critères, la cour se penchera sur les critères que le ministre aurait dû appliquer ou non dans la décision qu'il a rendue. Cela facilitera de beaucoup votre administration. À moins que vous ne vouliez absolument que ces critères soient fixés par la cour. Quelquefois, on n'a pas toujours le choix de la cause, M. le ministre. C'est dans ce contexte que je vous le mentionnais.

M. Ciaccia: Croyez-vous qu'il soit possible de dresser dans la loi une liste des critères applicables à tous les cas possibles, car c'est pas mal vaste, non seulement dans l'étendue géographique et dans l'étendue des terrains, mais les buts, les cas, les différentes situations, toutes les possibilités prises en considération, toutes les activités possibles? Pensez-vous qu'il soit possible de dresser une liste de critères applicables à tous les cas?

M. Gauthier (Pierre): Les critères n'ont peut-être pas l'obligation de s'identifier à des cas bien particuliers nécessairement, sauf que vous avez, comme je vous le dis, sûrement une notion de bonne foi, et la personne devra la démontrer. Les situations où l'on se trouve à avoir placé des constructions sur le domaine public ou les terres de la couronne, évidemment, sont des situations relativement limitées. Ou bien on pensait que c'était sur notre terrain - d'accord? - ou on pensait qu'on était au bon endroit et, malheureusement, la situation géographique des lieux...

Je comprends facilement qu'en Gaspésie, sur la Côte-Nord ou en Abitibi, cela n'est pas tout à fait comme à Québec ou à Montréal, où vous avez le nom des rues et c'est assez facile à se situer. Dire que c'est le premier rang ou le deuxième rang

quand ce n'est pas indiqué, c'est évident qu'il peut y avoir des erreurs qui font en sorte que les gens ont mis des améliorations là-dessus. Je pense que les situations où les gens de bonne foi vont se construire à la mauvaise place doivent être relativement restreintes. Dans la majorité des cas, ce qu'on a vu, c'est que des gens ont pris possession de terres publiques et, dans ce cas-là, ils ne devraient pas être remboursés pour les constructions qu'ils ont faites. Ils savaient pertinemment, à cause de la situation géographique, qu'ils étaient en plein bois ou - je ne sais pas - à plusieurs dizaines de milles de tout lieu habité. C'était sur des terres de la couronne et ils s'y sont implantés. Je pense que les situations sont relativement restreintes, M. le ministre. Évidemment, je n'ai pas la compétence de vos fonctionnaires qui ont quand même une grande expérience dans le domaine. Ils seraient capables d'identifier des cas.

M. Ciaccia: Mais si on regarde l'article 56, parce que l'article 57 s'applique dans ces cas-là... Il y a des cas très spécifiques: "Si un acquéreur, un cessionnaire, un occupant ou un locataire d'une terre ou son ayant droit a enfreint ou négligé d'accomplir une des conditions d'une vente, d'une cession, d'un bail ou d'un permis d'occupation le ministre peut exiger que les correctifs soient apportés..."

M. Gauthier (Pierre): Oui.

M. Ciaccia: II n'est pas question de bonne foi. Ce sont des choses claires et précises. L'article 57 s'appliquerait à ce moment-là.

M. Gauthier (Pierre): Oui, l'article 57 pourrait s'appliquer dans ces cas, mais il n'est pas dit qu'il ne pourrait pas s'appliquer dans d'autres cas parce que, comme je vous le dis, la notion d'équité est quand même très vaste là-dessus.

M. Ciaccia: Votre interprétation est que l'article 57 s'appliquerait à toutes sortes d'autres cas et pas seulement dans les situations décrites à l'article 56. On peut révoquer pour toute raison?

M. Gauthier (Pierre): Quand vous vous référez à l'article 57, on se réfère aussi à la notion de révocation, d'accord?

M. Ciaccia: On va examiner cela. À la lecture, j'avais l'impression que les raisons pour la révocation sont assez spécifiques aux articles 56 et 58, mais si cela ouvre la porte à, vous savez...

M. Gauthier (Pierre): Mais, à ce moment-là, M. le ministre - excusez-moi de vous interrompre - on pourrait peut-être mentionner qu'on se réfère à l'article 57 dans le cas des articles 56 et 58 et les critères seraient connus si tel est le cas.

M. Ciaccia: On va examiner cela, M. Gauthier. En ce qui concerne - excusez si je dépasse un peu mon temps - l'article 11 de l'ancienne loi, l'article 9 de la Loi sur la fonction publique prévoit que le fonctionnaire ne peut directement ou indirectement accorder, solliciter ou accepter, en sa qualité de fonctionnaire, une faveur ou un avantage indu pour lui-même ou pour une autre personne et utiliser à son profit un bien de l'État ou une information qu'il obtient en sa qualité de fonctionnaire. Je crois que c'est assez vaste pour prévoir la situation que vous avez mentionnée.

M. Gauthier (Pierre): Oui, cela répond à ma question, M. le ministre. Je vous remercie.

M. Ciaccia: Je vous remercie.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, je voudrais excuser mon collèque de Roberval qui a dû s'absenter pour quelques minutes, étant retenu par d'autres obligations. Il devrait être ici avant 16 h 30.

À l'article 1, vous dites que, finalement, la définition des terres du domaine public n'est pas connue et vous semblez dire qu'il faudrait préciser d'une façon beaucoup plus complète ce que l'on entend par terres du domaine public.

À partir de votre expertise, de l'expérience que vous avez en tant que corporation et des membres de votre corporation qui travaillent continuellement dans ces questions, est-ce vous aviez une définition un peu plus tangible de ce qu'est une terre du domaine public?

M. Gauthier (Pierre): Voici. Au sujet de l'article 1, dans notre mémoire, à la page 2, nous parlons effectivement de la notion de définition qui, à notre avis, manquait dans ce projet de loi. Je dois vous avouer que pour avoir parlé au directeur du contentieux du ministère de l'Énergie et des Ressources, Me Brîsset De Nos, nous en sommes venus à la conclusion qu'il est beaucoup plus clair, dans la mesure où on sait que la notion de terre publique, tel qu'on en parle au domaine public, s'applique à l'article 109 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Déjà là, au niveau des terres publiques, on connaît un peu le champ d'application de cette définition.

Ce qui nous surprenait aussi quant à la définition, c'est qu'on retrouvait à l'article 67 une espèce de définition où on disait, par exemple: À moins que le contexte ne s'y oppose, les expressions "terres de la couronne", "terres publiques", "terres domaniales" devraient être remplacées par "terres du domaine publie". D'autre part, certains auteurs en droit ont déjà disséqué la notion de domaine public pour parler de domaine privé de l'État et domaine public de l'État; en parlant, entre autres, d'une route, quand elle est utilisée comme route, elle fait partie du domaine public et, quand elle n'est plus utilisée comme route, elle fait partie du domaine privé de l'État. C'est toute une foule de distinctions qui, dans certains cas, ont été reconnues par la jurisprudence et, dans d'autres cas, non. Ce qui fait que, quand vous travaillez à ce qu'on appelle ici la définition, quand on parle du domaine public de l'État, cela devient extrêmement difficile d'avoir une définition précise.

À notre avis, il aurait été intéressant que les légistes du ministère de la Justice se penchent sur la question pour préciser encore ce qu'on entend par domaine public de l'État québécois. Évidemment, nous n'y avons pas réfléchi, compte tenu du temps qui a été mis à notre disposition pour trouver une définition comme telle, mais je vous avoue qu'on se posait des questions là-dessus. Cela peut laisser place à l'interprétation. Vous avez eu un dossier qui est passé dernièrement dans les journaux au sujet des battures de Beauport. Est-ce que cela fait partie comme tel du domaine public de l'État ou non? Vous savez qu'encore une fois les tribunaux n'ont pas complètement tranché dans ce domaine.

M. Claveau: Merci. Vous avez vous-même abordé ma deuxième question en parlant des battures de Beauport, ce qui nous amène à parler du lit du fleuve Saint-Laurent et du golfe du Saint-Laurent. Quand on parle de terres du domaine public et qu'on identifie le "lit du fleuve Saint-Laurent et du golfe du Saint-Laurent appartenant au Québec par droit de souveraineté", est-ce que, dans votre esprit, cela veut dire qu'on délimite déjà, d'emblée, un territoire sous-marin, si vous voulez, sur lequel le Québec a une juridiction?

M. Gauthier (Pierre): Je dois vous avouer, M. le député, que c'est un domaine très complexe. D'abord, on tombe dans le domaine constitutionnel. Vous avez aussi, au niveau de la juridiction du fleuve, ou d'une partie du fleuve, les ports nationaux qui relèvent du gouvernement canadien, qui ont une certaine autorité. Évidemment, je serais bien mal placé aujourd'hui pour vous faire une conférence sur tout ce domaine constitutionnel, mais je pense que le Québec, dans la mesure où il a autorité, l'exprime dans cette loi. Évidemment, ce n'est pas tranché au couteau, et ce sont des débats qui vont continuer encore fort longtemps là-dessus.

C'est très difficile de vous dire: Est-ce que c'est tout le fleuve sur lequel, par exemple, le ministère de l'Énergie et des Ressources ou le gouvernement du Québec aura autorité? À certains endroits, non, une partie du fleuve ou des battures sont encore la propriété d'intérêts privés qui ne se sont peut-être pas manifestés devant les tribunaux, mais qui, théoriquement, le seraient. D'autre part, cela peut être le gouvernement canadien comme, on l'espère aussi, le gouvernement du Québec sur une bonne partie de ces territoires. Je ne peux pas vous répondre directement à cette question, M. le député. Vous m'en excuserez. (15 h 45)

M. Claveau: D'accord. Mais vous me permettrez sûrement de poser la question au ministre pour voir s'il pourrait, dans trois mots, essayer de me dire ce qu'il entend effectivement par "parties du lit du fleuve Saint-Laurent et du golfe du Saint-Laurent sur lesquelles le Québec aurait une juridiction par droit de souveraineté".

M. Ciaccia: Pardon?

M. Claveau: J'aimerais avoir un peu la...

Une voix: II n'est pas capable.

M. Claveau: ...définition de "parties du lit du fleuve Saint-Laurent et du golfe du Saint-Laurent appartenant au Québec par droit de souveraineté". Si vous l'avez mis dans la loi, je suppose que vous deviez savoir de quoi il s'agissait. J'aimerais avoir deux, trois mots d'éclaircissement là-dessus.

M. Ciaccia: Je pense qu'on va laisser les... On est ici pour écouter les...

Une voix: Intervenants.

M. Ciaccia: ...intervenants et le représentant du Barreau. On va attendre qu'ils aient fini. Entre-temps, je vais penser à votre question.

Une voix: M. le député...

M. Claveau: Merci, M. te ministre. De toute façon, le représentant du Barreau avait déjà donné une réponse très satisfaisante. J'aurais aimé voir si vous opiniez du bonnet pour confirmer la réponse du représentant du Barreau.

J'irai maintenant très brièvement à l'article 5. Vous semblez dire finalement que parce que, dans le premier paragraphe de l'article 5, on utilise "terres du domaine

public", on n'a pas à utiliser, à ce moment-là, la notion d'intérêt public dans le deuxième paragraphe parce que - en tout cas, à moins que je ne m'abuse, c'est comme cela que j'interprète votre point de vue - du fait qu'on identifie dans le premier paragraphe que ce sont les terres du domaine public on suppose que l'intérêt public est sauvegardé, est pris en considération et qu'on n'a pas à le préciser dans le deuxième paragraphe. Est-ce que j'extrapole ou si c'est vraiment ce que vous dites?

M. Gauthier (Pierre): M. le député, à tort ou à raison, on se disait que, par exemple, "acquérir tout droit immobilier au bénéfice du domaine public", c'était peut-être moins vaste que lorsqu'on y va sur "toute acquisition d'intérêt public". Quand on le lit en profondeur, peut-être, il faut faire de l'interprétation parce que l'article n'est pas très clair. M. le ministre nous disait tout à l'heure que l'intérêt public pourrait peut-être limiter la notion de domaine public. Mais, d'une façon ou d'une autre, l'article tel que rédigé ici est très vaste car, acquérir un droit immobilier au bénéfice du domaine public, théoriquement parlant, cela veut dire qu'on peut acquérir des droits pour la construction de routes, qu'on peut acquérir des droits pour construire un pont, qu'on peut acquérir des droits pour des fins de construction d'un immeuble...

M. Claveau: Ligne de transport hydroélectrique.

M. Gauthier (Pierre): ...d'un hôpital, n'importe quoi. Alors, à notre avis, c'est beaucoup trop vaste. On devrait se limiter à l'objet même de la loi. Je vous avoue que je n'ai pas fait l'exercice pour vous dire en quoi cela devrait être nécessairement limité, mais je pense qu'en ce qui concerne le champ d'application de la loi on devrait se limiter à cela, limiter les pouvoirs d'expropriation uniquement à cela. Alors, est-ce que cela veut dire acheter certains terrains pour des fins bien particulières? Il y aurait lieu là de les énumérer parce que le citoyen, avec des pouvoirs si vastes que cela, n'est pas en mesure de contester ou non. Le ministre de l'Énergie et des Ressources ne peut pas exproprier pour n'importe quelle fin du gouvernement, à notre avis. Si c'était cela, cela irait à l'encontre de l'article 11.1 du ministère des Transports qui a hérité, lorsque la SIQ a été créée, de ce pouvoir résiduel d'exproprier pour l'ensemble du gouvernement. À tort ou à raison, le législateur lui a donné ce pouvoir.

Remarquez que, dans notre mémoire, ce sur quoi nous voulons intervenir, c'est surtout le fait qu'actuellement, tel que rédigé, l'article donne des pouvoirs beaucoup trop vastes et pourrait, à la longue, limiter l'efficacité de l'action du ministre de l'Énergie et des Ressources, qui est responsable de la loi.

M. Claveau: Merci. Dans le même ordre de pensées, ne croyez-vous pas, par exemple, que l'application de l'article 5, tel qu'on l'a dans l'avant-projet de loi, pourrait servir, entre autres, d'échappatoire pour décréter que les lignes de transport hydroélectriques sont du domaine public, de l'intérêt public et qu'à ce moment-là on peut passer des corridors en échappant à la contestation de ceux qui seraient contre le fait que des corridors passent dans leur cour? C'est une hypothèse que je vous pose. Vous pouvez me dire si j'ai raison ou tort.

M. Gauthier (Pierre): Je dois vous avouer que je n'ai pas eu le temps de réfléchir comme il le faut à la question que vous me posez. Je pense que ça demande une étude approfondie. Théoriquement parlant, c'est peut-être vrai, mais je ne suis pas en mesure de vous donner une opinion juridique là-dessus aujourd'hui. C'est peut-être une possibilité, je ne le sais pas.

Une voix: Tu te casses la tête...

M. Claveau: Cela vous fatigue d'entendre parler d'électricité? Je pensais que vous aimiez cela, le domaine de l'hydroélectricité!

Le Président (M. Théorêt): Article 20.

M. Claveau: L'article 10, sur lequel vous avez parlé, nous amène à faire une considération ou une constatation. Il serait peut-être bon, au moment où on se parle, que le ministre de l'Énergie et des Ressources dépose quelque chose d'un peu consistant, un genre de synopsis, une approche sur l'ensemble des pouvoirs réglementaires qu'il se garde dans la loi, un peu comme l'a fait le ministre déléqué aux Forêts alors qu'il déposait un synopsis sur la réglementation qu'il entendait faire dans le domaine forestier. Je crois que l'article 10 ouvre la porte à une approche réglementaire dont il serait peut-être bon de pouvoir disposer avant d'en arriver à l'étude article par article du projet de loi.

M. Ciaccia: Est-ce qu'on lit le même article 10?

M. Claveau: Oui, l'article 10, c'est probablement la même chose: "Le gouvernement peut, aux conditions qu'il détermine" -donc, on parle de déterminer les conditions de certains règlements qui devraient être mis en vigueur afin de permettre de déterminer ces conditions - "confier à un organisme l'administration d'une terre." Cela fait

partie, à notre avis, d'une approche réglementaire.

M. Ciaccia: On parle, dans l'article 10, d'un organisme public, pas de n'importe qui.

M. Claveau: Oui, mais même pour un organisme public, il va falloir que cela se fasse par le biais d'une approche cohérente, concertée, non? Cela ne se fera pas comme cela, en l'air, je suppose. Il y a une base de réglementation qui va gérer cela entre organismes publics.

M. Ciaccia: C'est possible. Ce ne sont pas des règlements, ce sera un décret; et les conditions sont inscrites au décret.

M. Claveau: D'accord.

M. Ciaccia: Ce n'est pas un règlement qui va dire: Voici le règlement qu'on va publier dans la Gazette officielle pour dire que les terres publiques confiées à tel organisme ou à tous les organismes doivent respecter te! règlement. C'est un transfert d'administration, par décret, avec les conditions qui vont s'appliquer dans des situations spécifiques de ce transfert. On n'a pas en vue un règlement général pour le transfert des terres aux organismes publics.

M. Claveau: Mais afin que ce soit vraiment clair comme approche, je reviens avec ma question ou ma suggestion de déposer un synopsis de l'ensemble de la réglementation que vous prévoyez à l'article 63, afin qu'on puisse savoir exactement quand ça peut être réglementé ou pas et comment ce sera réglementé dans les grandes lignes, quand ça doit l'être.

M. Ciaccia: Je vais examiner votre demande et voir si c'est possible de donner une indication sur certains aspects de l'article 63.

M. Claveau: Je vous remercie de votre collaboration.

M. Ciaccia: On va examiner cela attentivement.

M. Claveau: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Théorêt): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: J'aurais peut-être deux petites questions, dont une au Barreau. Quand on parle de biens ou de droits immobiliers, est-ce que cela comprend les droits mobiliers aussi? Serait-il possible que le ministre ou le ministère ait à dédommager certains pour des terres et d'autres pour des immobilisations qui auraient pu être faites?

M. Gauthier (Pierre): Excusez-moi, M. le député, parlez-vous de l'article 5?

M. Dufour: Oui.

M. Gauthier (Pierre): "Le ministre peut acquérir tout droit immobilier...

M. Dufour: Oui.

M. Gauthier (Pierre): ...au bénéfice du domaine public."

M. Dufour: Oui.

M. Gauthier (Pierre): J'ai l'impression que, tel que rédigé actuellement, il ne pourrait sûrement pas exproprier des droits mobiliers parce que l'expropriation ou l'acquisition confère uniquement des droits immobiliers.

M. Dufour: Mais est-ce possible, à votre avis, qu'il y ait des endroits où cela pourrait dépasser les droits immobiliers?

M. Gauthier (Pierre): À première vue, je ne croirais pas. Évidemment, le ministre, en expropriant par exemple un immeuble quelconque ou une entreprise, devra peut-être aussi acheter. Dans la mesure où il achète cette entreprise pour les fins prescrites par la loi, il devra peut-être acquérir les meubles, parce que, d'une façon ou d'une autre, l'entreprise sera obligée de fermer ses portes. Il devra peut-être acquérir l'inventaire, ou des choses comme cela. Il devra peut-être acquérir des biens, mais de façon accessoire et non pas acquérir un bien mobilier propre. S'il acquiert des biens mobiliers, ce ne sera qu'accessoire à l'expropriation ou à l'acquisition d'un droit immobilier.

M. Ciaccia: Justement, j'allais vous demander ou souligner que si le droit mobilier est accessoire au droit immobilier, c'est compris, le droit accessoire doit être compris dans le droit principal, le droit immobilier, mais pas en soi un droit mobilier.

M. Dufour: Peut-être une autre question que j'adresserais à M. le ministre. L'article 1 m'intrigue. En 1884, il y a beaucoup de cours d'eau qui ont été cédés aux entreprises privées au Québec. Je ne sais pas comment s'appelle cette loi, c'est peut-être la loi des terres et forêts ou autrement, mais il y a beaucoup de lits de cours d'eau qui appartiennent à des entreprises privées. Je cite ce que j'ai lu. Ma mémoire est exacte, puisque je lis, ce n'est pas ce que j'ai vécu.

Une voix: C'est lui qui l'a défendu en commission.

M. Dufour: Est-ce que ce projet de loi a pour effet que le ministère reprenne ces possessions?

M. Ciaccia: Je pense que vous vous référez à l'ancien article 38. C'est la réserve des trois chaînes. C'est présentement devant la Cour suprême, et on attend une décision. Selon le jugement, on prendra une décision.

M. Dufour: Actuellement vous vous interrogez sur le droit de propriété de ces cours d'eau-là.

M. Ciaccia: C'est devant la cour. La réserve des trois chaînes fait l'objet d'un litige qui est rendu à la Cour suprême, et on attend une décision.

M. Dufour: D'accord, merci.

Le Président (M. Théorêt): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me reste une minute, j'ai une petite question. J'aimerais vous entendre vous exprimer un peu plus clairement ou d'une façon un peu plus précise que vous ne le faites dans votre mémoire sur l'article 52, en ce qui a trait au recours en dommages et intérêts qui "peut être exercé par un usager en raison d'un défaut de construction, d'amélioration et d'entretien d'un chemin" qui se trouve dans le domaine public.

M. Gauthier (Pierre): À ce sujet, malgré le fait qu'on l'inscrive directement dans la loi, si, par exemple, un accident est effectivement causé par un défaut de construction qui est apparent, qui était connu par le ministère ou par des gens qui devaient en faire l'entretien, le ministère va encourir nécessairement une responsabilité, en ce sens que cet article, à notre avis, n'aurait peut-être pas besoin d'être là parce que, dans la mesure où une faute a été commise et dans la mesure où cette faute est commise, soit volontairement, soit par une négligence grave, l'article va sauter. Les tribunaux ne retiendront pas l'exercice qu'on a voulu faire à l'article 52; ils vont reconnaître la responsabilité du ministère. Cela n'enlève nullement la question de la faute lourde ou de la négligence grave. Malgré la rédaction de l'article, les gens seront quand même protégés à ce niveau.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Gauthier. M. le député d'Ungava, pour les remarques finales.

M. Claveau: Je tiens à vous remercier de la belle présentation que vous nous avez faite, qui est effectivement technique, mais qui nous donne une vue assez systématique des différents problèmes qui peuvent découler de l'application de ce projet de loi. Je tiens, au nom de mon collègue de Roberval, à vous remercier de votre participation et à souhaiter que le ministre ait une oreille attentive à vos recommandations.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député d'Ungava. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources. (16 heures)

M. Ciaccia: Merci. Je veux remercier M. Gauthier, du Barreau du Québec, pour son mémoire. On a apprécié vos commentaires et on va apporter une attention particulière aux suggestions d'ordre légal que vous avez faites en ce qui concerne l'interprétation de certains articles. Il nous fait toujours plaisir d'utiliser vos connaissances pour aider à améliorer notre projet de loi, et je vous en remercie. Je crois bien que, pour plusieurs de vos commentaires, on pourra faire les changements nécessaires, améliorer ou bonifier la loi pour éviter certains problèmes que vous avez portés à notre attention.

M. Gauthier (Pierre): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je vous remercie de nous avoir offert l'occasion de remplir notre mission.

Le Président (M. Théorêt): M. Gauthier, merci, et les membres de la commission vous souhaitent un bon retour.

M. Gauthier (Pierre): Merci.

Fédération des producteurs de bois du Québec

Le Président (M. Théorêt): J'appelle maintenant à l'avant les membres de la Fédération des producteurs de bois du Québec.

Messieurs, au nom des membres de la commission de l'économie et du travail, nous vous souhaitons la plus cordiale bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et que chaque formation politique a 20 minutes pour en discuter avec vous.

J'inviterais le président, M. Dallaire, à présenter les deux collègues qui l'accompagnent.

M. Dallaire (Antonio): Merci, M. le Président. Je vous présente le directeur général, à ma droite, M. Jean-Claude Dumas, et également M. Jean Gobeil, ingénieur forestier de profession et directeur de notre service d'aménagement.

Le Président (M. Théorêt): Je vous cède la parole, M. le président.

M. Dallaire: À titre de président et de porte-parole officiel de la Fédération des producteurs de bois du Québec, je voudrais d'abord remercier la commission de l'économie et du travail de nous avoir invités à donner notre opinion sur le projet de loi 102, Loi sur les terres du domaine public. Soulignons que ce projet de loi touche très peu les propriétaires privés à l'exception, cependant, du territoire public pouvant être acquis par cession, location ou achat. À cet égard, nous profitons de l'occasion qui nous est offerte pour vous faire certains commentaires.

Permettez-moi, à ce stade-ci, de vous présenter brièvement notre organisation. Dans la Fédération des producteurs de bois du Québec, nous sommes quelque 120 000 propriétaires occupant près de 15 % du territoire forestier et alimentant l'industrie à plus de 20 % de ses besoins de production. Regroupés dans une fédération provinciale qui est affiliée à l'Union des producteurs agricoles, l'UPA, il est à souligner que plus de 35 % de nos membres sont également des producteurs agricoles.

La mise en marché des bois produits par nos membres constitue notre principale préoccupation. Bon an mal an, près de 6 000 000 de mètres cubes apparents de bois résineux et feuillus utilisés par l'industrie passent par nos structures. De plus, notre groupe participe depuis plusieurs années à l'aménagement forestier sous toutes ses formes. À cette fin, nous avons contribué à la création, au développement et au soutien de 45 organismes de gestion en commun et présentement nous produisons, conjointement avec quelques syndicats, 40 000 000 de plants annuellement par contrat avec le ministère de l'Énergie et des Ressources.

Nous allons également nous engager dans la recherche par le projet du Méandre de la rivière du Nord, à Mirabel. En somme, nous contribuons à créer et maintenir plus de 50 000 emplois au Québec, qui sont au coeur de l'économie de plusieurs régions. Pour ne citer qu'un exemple, mentionnons que la vente de nos bois rapporte près de 100 000 000 $ par année.

Nous souscrivons volontiers au travail entrepris par le gouvernement du Québec dans la refonte complète des dispositions de la Loi sur les terres et forêts. Il nous apparaît très pertinent d'apporter une distinction entre la gestion des terres et la gestion des forêts par l'adoption des projets de loi 102 et 150, portant respectivement sur les terres du domaine public et sur les forêts. Nous croyons qu'elles auront pour effet de préciser davantage l'autorité des ministres concernés et de leur faciliter l'application de la loi.

En ce qui a trait au projet de loi 102, tous les aspects permettant une bonne gestion des terres publiques nous semblent réunis. En effet, ce projet de loi donne autorité pleine et entière au ministre responsable de son application. Il permet le transfert d'autorité et de l'administration d'une terre à un autre ministère ou à un organisme public et vice versa. Il prévoit la confection d'un plan d'affectation, en collaboration avec tous les ministères concernés, et la tenue d'un registre. Il autorise la vente, la location ou la cession d'une terre dans l'intérêt du public. Il assure le contrôle de l'utilisation des terres et prévoit les dispositions pénales et réglementaires nécessaires.

Cependant, nous aimerions émettre quelques réserves. Au chapitre II, section III, portant sur le plan d'affectation des terres, il est fait mention d'une collaboration des ministères concernés (article 17) et des terres comprises dans le territoire d'une municipalité régionale de comté (articles 19 et 20). En référence à ces articles, nous recommandons que le ministre responsable de l'application de la loi prenne les moyens nécessaires pour s'assurer que la vocation forestière des terres publiques relevant d'un ministère quelconque ou de celles comprises dans le territoire d'une MRC soit respectée et qu'il soit permis d'y faire de l'aménagement forestier tel que défini à l'article 3, section I du chapitre II du projet de loi 150 sur les forêts.

Dans les dispositions réglementaires prévues au chapitre VII, il est stipulé que le gouvernement du Québec peut, par voie réglementaire, fixer un certain nombre de modalités. Nous recommandons que pour certains cas particuliers une réglementation soit adoptée et qu'elle tienne compte des modalités d'intervention en milieu forestier apparaissant dans le guide préparé par le ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec, conjointement avec les ministères de l'Environnement, du Tourisme, du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Il s'agit, entre autres, d'une réglementation dans le cas de la vente, la cession ou la location en totalité ou en partie de la réserve en bordure des lacs et rivières, à l'article 38 - il y a une correction à apporter; je pense que dans le premier document qu'on vous avait fait parvenir il était mentionné l'article 39 mais, après révision, c'est l'article 38 dont il est question - et de celle se rapportant à la circulation sur un chemin forestier, à l'article 48.

Politique de rétrocession. Nous profitons également de l'occasion qui nous est donnée pour rappeler au gouvernement du Québec l'importance de rétrocéder une partie du territoire public. On retrouve enclavé ou avoisinant la forêt privée des lots et des blocs de lots publics appartenant soit au ministère de l'Énergie et des Ressources, soit au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, soit à un ministère

quelconque. Plus souvent qu'autrement, ces lots ou blocs de lots sont laissés pour compte. Le mode de gestion actuel ou futur de la forêt publique ne permet que très difficilement une mise en valeur adéquate de ces lots. Nous croyons qu'une politique de rétrocession de ces boisés à des producteurs forestiers, tel que défini à la partie II du chapitre II du projet de loi 150 - cela se retrouve à l'article 120, à la page 26, sur les forêts - permettra une véritable mise en valeur de ces terres et assurera également un apport socio-économique important pour plusieurs producteurs forestiers. Préalablement à une telle politique, nous recommandons que le territoire forestier soit clairement défini en collaboration avec tous les intervenants du milieu et que les terres à vocation forestière soient identifiées par rapport aux superficies destinées à d'autres vocations.

Avant de conclure, M. le Président, M. le ministre, il y a un élément qui n'est pas contenu dans notre rapport, mais je pourrais le présenter verbalement. Il s'agit de l'article 38, concernant la fameuse réserve des trois chaînes. En faisant référence à l'article 44, qui concerne l'usufruit comme pour les réserves indiennes, nous aimerions voir apporter un amendement, prévu par règlement ou autrement, pour prévoir la possibilité que les propriétaires des terrains boisés qui sont soumis à cette norme des trois chaînes, puissent faire de l'aménagement forestier sur ces territoires. Je pense que cela serait une façon de s'assurer que ce territoire ait quand même une vocation quelconque. On va pouvoir y récolter du bois qui pourrait servir, à toutes fins utiles, à celui qui en est propriétaire. Je pense que cela n'enlèverait rien à la loi comme telle et cela permettrait une meilleure utilisation de ces territoires.

En conclusion, en définitive, nous donnons notre approbation au projet de loi 102 et nous espérons que ces quelques commentaires permettront à la commission de bien évaluer l'importance du volet forestier dans l'affectation des terres du domaine public et ce, pour le plus grand bien de tous les citoyens du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le président. M. le ministre.

M. Ciaccia: Oui. Merci, M. Dallaire, pour votre mémoire. Nous sommes heureux de voir que, dans l'ensemble, vous appuyez la direction et les objectifs du projet de loi, certaines mesures que nous préconisons. Cependant, vous faites certaines suggestions et vous soulevez certains problèmes qui sont fort pertinents. Vous nous faites part de certaines préoccupations ou réserves sur les effets possibles des articles portant sur le plan d'affectation, sur le schéma d'aménagement, sur la vocation forestière de certaines terres publiques. Je ne sais pas si vous étiez ici ce matin, possiblement pas...

M. Dallaire: Malheureusement, je n'étais pas ici ce matin.

M. Ciaccia: Nous avons eu une présentation par l'Union des MRC. Eux avaient une certaine inquiétude en ce qui concerne les articles 19 et 20, mais contraire à celles de votre présentation. Ils étaient plutôt inquiets qu'on amende la loi 125, loi sur l'aménagement, pensant que cela pouvait avoir un effet un peu négatif en ce qui concernait les MRC. Vous nous demandez de nous assurer que la vocation forestière sera respectée tant en ce qui concerne les autres ministères que les MRC. Nous sommes fort conscients de vos revendications. Nous sommes fort conscients de l'importance de la vocation forestière dans certains territoires. Nous avons indiqué cette importance par le projet de loi 150.

Pourriez-vous nous expliquer un peu plus en détail votre pensée? Pourriez-vous nous donner des illustrations concrètes? Ce matin, on a porté à notre attention qu'on changeait la loi 125 et qu'on voulait s'inqérer et changer les schémas d'aménagement. Peut-être pourriez-vous nous donner un peu plus de détails sur ce qui préoccupe spécifiquement votre association.

M. Dallaire: Je vais vous donner quelques bribes de réponse, et mes collègues pourront ajouter autre chose peut-être de complémentaire. Nous, ce qu'on veut, en fin de compte, notre préoccupation, c'est de nous assurer que tout le territoire forestier puisse être exploité de façon convenable et qu'en même temps toutes les vocations soient respectées. Je pense que la forêt privée ou la forêt publique du Québec n'a pas seulement pour but de produire de la matière ligneuse. Je pense qu'il faut respecter les autres intervenants du milieu. Ce dont on voudrait s'assurer, c'est qu'il y ait une coordination là-dedans pour être en mesure un peu de répondre à tous ceux qui ont à intervenir dans le domaine forestier.

Ce qu'on craint, cependant, c'est qu'à un moment donné, avec ce qu'on pourrait appeler l'appétit de certaines MRC, on se rende compte qu'il y a des orientations qui sont prises et qu'il pourrait y avoir, en bordure de certaines routes, des espaces sur lesquels il n'y aurait aucune possibilité de faire le moindre aménagement, même pas récolter le bois qui tombe. On trouve que c'est de l'exagération. Je pense qu'on est en faveur de la conservation des espaces verts, surtout le long des autoroutes dans des territoires à fort potentiel touristique. Je pense qu'on ne s'oppose pas à cela. On ne voudrait pas non

plus qu'il y ait trop d'empiétement pour éviter, à un moment donné, de pénaliser des propriétaires de boisés qui seraient situés en bordure de ces routes. Je ne sais pas si Jean-Claude Dumas a quelque chose à ajouter. (16 h 15)

M. Dumas (Jean-Claude): Je pense que M. Dallaire a quand même expliqué clairement la situation. Ce qu'on veut, c'est éviter que par les schémas d'aménagement, dans certaines MRC... On peut, je ne sais pas, citer le cas du schéma d'aménagement de la MRC de L'Or-Blanc, où il y a le mont Ham. C'est un cas connu où il était devenu interdit de faire de la récolte de bois pour approvisionner l'industrie sur les terres publiques entourant le mont Ham à cause du schéma d'aménagement. On construit une usine de $ 1 200 000 000 à Windsor. On a les usines de Kruger, les usines de Cascades à East-Angus, sur ce territoire. 5i on ampute une partie importante du territoire forestier productif et qu'on dit: C'est bien de valeur, mais on ne récolte plus de jardin pour garder la vue... On est d'accord, comme le disait M. Dallaire, mais le guide des modalités a prévu de quelle façon doivent se faire les interventions. Cela a été accepté par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et par l'ensemble des ministères, forêts et autres. On dit, en fonction du guide d'intervention, que le shéma d'aménagement de la MRC ne devrait pas, à notre sens, arrêter ou interdire la récolte de la forêt. Qu'on la récolte selon des façons civilisées, d'accord, mais qu'on récolte la matière pour que l'industrie qui fait vivre les gens de la région ou un fort pourcentage des gens de la région et qui rapporte des revenus intéressants au Québec puisse continuer à récolter l'ensemble du jardin et le récolter de façon plus intense que dans le passé, en le jardinant, si on veut.

M. Ciaccia: Est-ce que vous croyez que les... Excusez-moi, voulez-vous continuer?

M. Dumas: Pardon? Oui.

M. Ciaccia: Est-ce que vous croyez que les modalités de la loi 102, les articles 19, 20 et 71, je crois, peuvent répondre aux inquiétudes que vous avez en ce qui concerne le plan d'affectation que le ministère peut préparer et peut soumettre aux MRC, au ministère des Affaires municipales pour discuter avec eux de sorte que, finalement, une décision du gouvernement puisse être prise? Est-ce que cela peut répondre aux inquiétudes que vous avez?

M. Dumas: De la façon dont je comprends la loi, cela semble y répondre. Il y aura consultation et l'article 20 prévoit que cela pourra être modifié pour répondre aux exigences ou aux besoins prioritaires de la région.

M. Ciaccia: À la page 3 de votre mémoire, vous recommandez qu'une réglementation soit prévue dans des cas particuliers. Vous citez la réserve en bordure des rivières et la circulation sur les chemins forestiers. Vous demandez aussi que cette réglementation soit conforme au guide d'intervention en milieu forestier. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu plus en détails ce que vous souhaitez? Les deux cas que vous avez cités sont-ils les seuls ou y en a-t-il d'autres où vous voudriez qu'il y ait une réglementation?

M. Gobeil (Jean): Ce qu'on veut dire dans notre mémoire, M. le ministre, concernant la réglementation qui devra être faite en rapport avec les articles 38 et 48, c'est qu'on veut simplement donner notre approbation au guide Modalités d'intervention en milieu forestier qui a été fait par les trois ministères que nous mentionions. En fait, à notre avis, c'est une première. On a déjà, d'ailleurs, spécifié notre approbation à ce guide et on veut tout simplement ici spécifier que le contenu du guide prévoit une foule de modalités d'intervention, bien sûr, comme le dit le titre, en milieu forestier.

M. Ciaccia: Vous avez porté à notre attention l'article 44. Vous suggérez que l'usufruit qu'on peut accorder en faveur de diverses bandes indiennes pourrait être appliqué à la réserve des trois chaînes. Vous savez que c'est devant les tribunaux, devant la Cour suprême. Mais est-ce que vous ne l'avez pas déjà, cet usufruit sur la réserve des trois chaînes? Ce que certains contestent, c'est la propriété.

M. Dallaire: Comme la loi le stipule, je pense qu'on ne l'a pas, parce que cela a fait l'objet d'un long débat. Il y a eu des jugements qui ont été rendus et ils ont été contestés. Présentement, je pense que c'est à la Cour supérieure, si mes informations sont bonnes, à la Cour suprême. Ce que cette instance décidera, on ne le sait pas encore. Mais entre-temps, je pense qu'on devrait permettre par un règlement quelconque l'usufruit des propriétaires touchés par ce projet de loi et qu'ils puissent, en fin de compte, exploiter de façon civilisée, avoir la possibilité de récolter ce bois.

M. Ciaccia: Je pense qu'en ce qui concerne l'usufruit, pour le moment, on ne peut pas prendre de décision. On attend le jugement de la Cour suprême. Mais je pense qu'il n'y aurait pas de difficulté en termes d'une reconnaissance de l'usufruit, sujette à la décision de la cour. Je pense que les difficultés se trouvent plutôt en ce qui a

trait à la propriété de cette lisière de terrain. Je pense qu'en ce qui concerne l'usufruit il n'y aurait pas de difficulté de notre côté. Cela serait un usufruit conditionnel, de la façon dont c'est appliqué maintenant.

M. Dallaire: Ce serait peut-être temporaire, en attendant que le jugement soit prononcé par la Cour suprême.

M. Ciaccia: Oui.

M. Dallaire: Mais, entre-temps, si je comprends bien, le ministère ne s'opposerait pas à ce que les propriétaires forestiers puissent utiliser, autrement dit, par exemple, récolter une partie de ce bois en faisant une coupe, ce qu'on appelle, nous, des coupes sélectives, ramasser le bois qui se perd ou le bois qui est rendu à maturité.

M. Ciaccia: On m'informe que vous le faites déjà cela, que vous l'utilisez.

M. Dallaire: C'est exact. C'est pour reconfirmer, je veux dire, de façon plus officielle. On se souvient des problèmes qui sont arrivés dans certaines régions où certains fonctionnaires avaient fait du zèle un peu et saisi du bois qui avait été coupé dans la lisière des trois chaînes. Cela avait créé une situation problématique pour le propriétaire pris avec cela: le bois est saisi et cela prend du temps à faire clarifier. On sait que c'est déjà prévu à l'article 38 que le ministre peut céder gratuitement, mais s'il faut que le propriétaire fasse toute une série de démarches pour faire lever la saisie et obtenir que le bois lui soit cédé gratuitement... On dit: Bon, peut-être que cela pourrait être clarifié en disant l'usufruit. C'est ce qui se fait, en pratique.

M. Ciaccia: À ma connaissance, vous avez l'usufruit, mais cela prend toutefois un permis.

M. Dumas: Ce n'est même pas clair.

M. Ciacccia: Ce n'est pas clair. On va demander qu'on clarifie cela et que les fonctionnaires montrent moins de zèle.

M. Dumas: C'est bien, merci.

M. Dallaire: C'est pour cela que s'il y avait possibilité que ce soit...

M. Ciaccia: Bien, le permis, par exemple, je crois que...

M. Dallaire: ...un peu plus clarifié, quelque part.

M. Ciaccia: Vous comprenez la nécessité d'un permis pour contrôler les coupes de bois mais, l'usufruit, je pense qu'on peut vous assurer qu'on n'a pas de difficulté avec cette notion. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Roberval ou M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. En fait, vous donnez beaucoup d'importance dans votre mémoire à la question de la rétrocession d'anciennes terres...

Une voix: En friche.

M. Claveau: ...ce qu'on appelle souvent des terres de colonisation qui ont été abandonnées. Nous savons qu'il existe déjà des programmes de rétrocession des terres qui s'appliquent dans certaines régions. Est-ce que vous pourriez nous parler brièvement de la situation par rapport à ces programmes? Si vous voyez, par exemple, que la nouvelle loi continue l'application, accélère l'application de ces programmes, comme cela se fait actuellement, quelles sont les modifications que vous pourriez nous suggérer?

M. Dallaire: Je vais demander à Jean-Claude de répondre.

M. Dumas: Dans plusieurs cas - et Jean peut le clarifier - on pense qu'il y aurait lieu d'accélérer le processus actuel. Il y a plusieurs lots qui sont laissés pour compte, comme on le mentionne, des lots épars ou des lots de colonisation qui sont revenus à l'agriculture, qui n'ont pas été dans le temps transférés au ministère de l'Énerqie et des Ressources et qui sont toujours à l'Agriculture. Ce n'est clarifié nulle part. Le lot est-il toujours à vocation agricole, même si les arbres sont rendus à 30 pieds? Est-ce un lot qui devrait être à vocation forestière et être rétrocédé pour être cultivé par un forestier - tel que défini dans la Loi sur les forêts - qui, lui, en bénéficierait et en ferait bénéficier l'ensemble de la société en le cultivant?

M. Claveau: Le sens de ma question a pour but de savoir si le programme tel que conçu actuellement, qui a comme raison d'Être d'évaluer et de retourner, dans la mesure du possible, ces lots à l'entreprise privée, sous forme de boisés privés, entre autres, est satisfaisant. Est-ce que les critères, les normes, l'évaluation qu'on en fait sont satisfaisants? Est-ce que tout ce qu'on aurait à faire serait d'accélérer ce processus ou si, au contraire, vous aimeriez qu'on voit d'un autre oeil l'approche actuelle?

M. Gobeil (Jean): Là-dessus, ma réponse vous satisfera en partie parce que je n'ai pas de détail concernant les programmes de rétrocession des lots publics intramunicipaux.

Cependant, nous savons qu'il existe, dans le Bas-Saint-Laurent, la région 01, un programme de rétrocession des lots. Ce programme fonctionne assez bien. Il répond à la satisfaction de nos producteurs forestiers de la région du Bas-Saint-Laurent. On a également tenté d'établir un programme de rétrocession des lots dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, en utilisant le même modèle, ou à peu près, que dans le Bas-Saint-Laurent. Selon les informations que j'ai pour le Saguenay—Lac-Saint-Jean - peut-être que M. Dallaire pourra en parler plus longuement - le programme ne fonctionne pas aussi bien et ne donne pas autant de satisfaction que celui du Bas-Saint-Laurent. Cela pourrait s'expliquer par les disparités régionales car, dans la région du Bas-Saint-Laurent, les gens du milieu ont une habitude forestière différente des gens du Saguenay--Lac-Saint-Jean.

M. Claveau: Oui, M. Dallaire.

M. Dallaire: Je pense que M. Gobeil a assez bien cerné le problème. Cela ne se passe pas tout à fait de la même façon chez nous que dans le Bas-Saint-Laurent. Dans le Bas-Saint-Laurent, c'était une première, il semblerait que ça répondait passablement aux besoins des gens du milieu. Chez nous, ce n'est pas tout à fait la même chose. On se rend compte, à un moment donné, qu'il y a des blocs de lots qui pourraient être acquis par des personnes... Je ne me souviens plus exactement des critères, mais si, à un moment donné, cela dépasse telle superficie, le ministère les conserve. Dans certains cas, je pense qu'il pourrait les rétrocéder à des groupes qui pourraient assurer leur mise en valeur et les exploiter convenablement.

Si le ministère en conserve trop, il y a de fortes chances que des lots continuent d'être pillés. Ce n'est une cachette pour personne: il y a des lots qui sont pillés. Quand on parle des lots de la colonisation, on dit que c'est à tout le monde et à personne et il y a bien des gens qui vont piller et cela ne rapporte rien à personne. C'est mal exploité, ils vont prendre le meilleur bois et, par la suite, il n'y a aucun engagement à remettre ces lots en production par un organisme sérieux du milieu. On voudrait que ce soit appliqué de façon plus rigoureuse pour permettre à ceux qui auraient la possibilité de les posséder et de les exploiter convenablement d'avoir plus de chances de le faire. En gros, c'est à peu près notre préoccupation.

M. Claveau: Vous voudriez, par la même occasion, faire en sorte que ce que vous revendiquez soit clairement inscrit dans la loi 102.

M. Dallaire: On voudrait que ce soit plus clair.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Dallaire, en ce qui concerne votre demande pour une politique de rétrocession, je peux vous assurer que le ministère reconnaît l'inutilité de conserver des lots épars enclavés; il a l'intention de s'en départir par voie d'échange ou de vente. Cette politique permettra au ministère de procéder au remembrement et à la consolidation du domaine public.

De plus, je pense que le ministère rie l'Énergie et des Ressources entend mettre à la disposition d'organismes de gestion en commun des blocs de lots pour fins d'exploitation forestière. Je pense que le programme se poursuit intensivement et spécialement pour les organismes de gestion en commun.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Jonquière. (16 h 30)

M. Dufour: Dans votre mémoire, vous parlez de politique de reboisement. Vous avez des ententes avec le ministère et vous produisiez 40 000 000 de plants par année; en fait, vous transplantez. Vous abordez le projet de loi 102 avec une politique de régénération forestière ou d'aménagement forestier. C'est cela qu'il faut retenir dans tout cela.

Vous nous parlez en même temps de l'article 20. Le ministre est content de vous entendre parler du schéma d'aménagement du territoire parce que je pense que les MRC ont fait une démonstration particulière assez importante ce matin. Dans ma lecture, je ne pense pas que l'opposition manifestée par l'UMRCO vise à empêcher tout reboisement ou aménagement forestier, au contraire. Ce que j'ai compris, c'est qu'elles exiqent que des droits qui leur ont été donnés soient conservés au moins pour qu'on donne la chance au coureur. Je comprends que vous avez critiqué en disant: Les MRC nous causent certains problèmes. Mais pour être franc, cela ne fait pas des années que les MRC sont mises sur pied. Donc, c'est vrai que cela peut causer quelques problèmes. Mais est-ce que les problèmes que cela a soulevé, que la venue des MRC ou la mise place des schémas d'aménagement ont créés sont de nature à contester tout cela immédiatement en disant que le travail qu'elles font est à rejeter ou qu'il faut les tasser, qu'il faut faire rapidement la démonstration qu'elles n'ont pas un travail à

faire?

J'admets que votre collègue de droite a parlé du mont Ham où la MRC s'oppose. Mais cela arrive, des fois, et cela peut arriver qu'on doive conserver le couvert forestier pour des vocations autres que de faire la coupe à blanc des forêts purement et simplement, Je pense que c'est une question d'arbitrage. J'ai l'impression que le ministère a tout en main pour faire cet arbitrage, s'il y a vraiment des cas précis. J'ai l'impression que, même sous le couvert de la loi et même si celle-ci lui donnait tous les pouvoirs, ou s'il se les appropriait, j'ai l'impression que le public lui dirait: Non, vous ne pouvez pas agir comme cela. On accepterait cela difficilement aujourd'hui. En tout cas, les écologistes et tous les gens qui sont familiers avec l'environnement et, surtout, soucieux de l'environnement pourraient faire opposition.

C'était la mise au point que je voulais faire en disant: L'Union des municipalités régionales de comté n'a pas été aussi dure que cela, par rapport au projet de loi. Elle est consciente des problèmes qui se posent. Même chez les élus, il y a toutes sortes de problème. Ce n'est pas aussi facile que cela de gérer cette loi. On ne peut pas penser leur enlever tous les pouvoirs pour créer d'autres problèmes. Je ne pense pas. Mordu par un chien ou mordu par une chienne, c'est la même mordée dans le fond. J'ai peur de cela. Je pense que les MRC sont plus près de vous autres que le ministère, quel qu'il soit. Elles sont très près de vous autres.

Ma question est... Vous dites qu'on pourrait se permettre de faire de la coupe de bois ou de la coupe à blanc d'une façon civilisée. Si je regarde ce qui se passe, je ne dis pas que cela dépend de vous autres, mais je regarde ce qui se passe dans le paysage québécois et je regarde les coupes à blanc un peu partout. Je ne peux pas vous cacher que cela me dérange comme propriétaire ou comme copropriétaire du sol. Quand vous parlez de coupe civilisée, qu'est-ce que vous entendez par cela"? Vous avez fait allusion à cela, tout à l'heure, dans votre exposé.

M. Dallaire: Pour bien se comprendre, on n'a pas parlé de coupes à blanc. On a parlé de coupes civilisées. Ce n'est pas notre intention non plus de vouloir arrêter toutes les actions des MRC. Je pense que, si elles sont en place, c'est probablement qu'elles ont un rôle à jouer. Ce qu'on dit, c'est qu'on ne voudrait pas qu'elles empiètent trop dans des domaines qui sont réservés plutôt à d'autres groupes, comme la sylviculture et l'aménagement. L'exemple qu'on a donné, ce sont les territoires où les MRC demandaient, par exemple, que, sur une distance qui pouvait aller jusqu'à un demi-mille chaque côté d'une route à fort potentiel touristique, on n'ait plus le droit d'exploiter un arbre d'un côté comme de l'autre de la route. On trouve que cela est exagéré. On dit qu'il y a du bois, qu'il y a des genres de coupes de bois qui peuvent se faire, qui doivent se faire, sans altérer du tout la vue. On ne veut absolument pas qu'il se fasse des coupes à blanc non plus là-dedans. On dit que si, à un moment donné, un arbre est rendu à maturité, ce sont quand même des territoires qui appartiennent à des individus qui, normalement, ont le droit de faire une récolte normale dans ces territoires qui leur appartiennent et sur lesquels ils paient les taxes. Si on le leur enlève, par un règlement quelconque, en donnant raison à une municipalité ou à une MRC de le faire, on trouve que ce n'est pas correct et c'est ce qu'on défend. On ne veut pas qu'il y ait là n'importe quelle coupe, mais il y a des normes de sylviculture à respecter, qui sont acceptées et qui sont reconnues, et qui permettent de faire les récoltes sur ces territoires sans dévaster et sans que ce soit laid, comme vous le dites, quand on passe sur la route. Bien sûr, quand on voit des terrains coupés à blanc, des diques de "tops" de bois qui jaunissent, ce n'est pas beau, ça n'offre pas un beau coup d'oeil. Ce n'est pas ce qu'on veut non plus, on parle d'une coupe civilisée. Si un arbre est rendu à maturité ou s'il est mort, on peut avoir le droit de le récolter et de faire des éclaircies un peu aussi, quitte à devoir faire du reboisement pour toujours garder un beau couvert forestier. C'est tout simplement ce qu'on demande. Je pense qu'on peut s'entendre sans enlever toute possibilité aux municipalités et aux MRC de s'impliquer quelque part.

M. Dufour: Pensez-vous que la loi 102 vous permettra de faire, sans contrainte, ce que vous m'expliquez? Par exemple, nous sommes actuellement conscients que les MRC ont procédé à un certain nombre d'aménagements et qu'elles ont établi un certain nombre de contraintes par rapport à des critères précis. Il faut savoir aussi que ces plans d'aménagement sont soumis au ministère des Affaires municipales et aussi à un ensemble de ministères gouvernementaux qui ont à se prononcer sur ces plans. Je ne pense pas que l'article 20, tel que libellé ou te! qu'il pourrait être corriqé, empêcherait vos représentations. C'est certain qu'il faudra toujours arbitrer les uns et les autres, dans n'importe quelle loi, parce qu'il y a des vocations différentes et des intérêts différents. Donc, il y a un besoin d'arbitrage et je pense que la loi 125 offre la possibilité d'utiliser cet arbitrage. Je vais plus loin, la loi 125 non seulement permet, mais exige que le ministère aussi s'implique dans les cas de conflit que vous soulignez.

Ma conclusion serait que, même avec ce qui se passait auparavant, le ministère de

l'Énergie et des Ressources avait un certain pouvoir d'intervention sur le terrain, mais cette intervention doit être justifiée. Il doit expliquer pourquoi il le fait, contrairement, à mon avis, à ce que l'article 120 de la loi 102 dit. Il y a un avis de donné, mais pas beaucoup de consultation. Il y a 90 jours, mais on met en doute les 90 jours, tout en comprenant aussi que vous avez des critères ou des exigences qui sont certainement raisonnables par rapport à votre groupe.

M. Gobeil (Jean): Je voudrais simplement bien expliquer ce qu'on a voulu démontrer dans notre mémoire. Tout ce qu'on dit concerne le projet de loi 102; il n'est pas question pour nous, à ce moment-ci, de parler de la loi 125. Ce n'est pas le cas, nous parlons du projet de loi 102 sur les terres publiques.

M. Dufour: Mais cela se touche.

M. Gobeil (Jean): Tout ce qu'on veut dire concerne les lots publics intramunicipaux qui pourraient être rétrocédés à n'importe qui. Ce qu'on demande, c'est que le ministère, lorsqu'il y aura rétrocession, tienne compte de la vocation forestière. Je m'explique. Un bloc de lots intramunicipaux ou un lot intramunicipal pourra être demandé à juste titre à la fois par une MRC et par un producteur forestier. Une MRC pourrait demander ce bloc ou ce lot, par exemple, pour agrandir un sentier ou des pistes de ski de fond. Le producteur forestier pourrait demander ce lot qui, attenant à sa propriété, lui permettrait d'augmenter son revenu et d'aménager ce lot.

Tout ce qu'on demande, c'est qu'on tienne compte de la vocation forestière lorsqu'on prendra la décision de la rétrocession du lot. C'est ce qu'on a voulu spécifier dans notre commentaire.

M. Dufour: Autrement dit, vous ne demandez pas de prépondérance à la vocation forestière, vous dites: On doit en tenir compte par rapport à d'autres critères qui sont sur place. Cela va.

M. Gobeil (Jean): Cela n'empêche pas de faire autre chose, mais qu'on tienne compte de la vocation forestière d'un territoire public qui pourrait être rétrocédé.

M. Dufour: Cela va.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Jonquière. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, je veux rappeler aux intervenants que la Commission de protection du territoire agricole - et je voudrais peut-être entendre également vos commentaires là-dessus - continue à jouer son rôle de surveillance et de contrôle sur l'utilisation des territoires agricoles. En ce qui concerne vos craintes quant à des cessions de lots ou de transactions quelconques, je pense qu'il y a une protection au niveau de la Commission de protection du territoire agricole. Est-ce que vous considérez que c'est un instrument suffisant pour nous protéger versus les cessions de lots auxquelles vous faisiez allusion tout à l'heure?

M. Dallaire: Je pense qu'en ce qui concerne les territoires forestiers qui sont à l'intérieur de la zone verte il n'y a pas de problème. Je pense que la Commission de protection du territoire agricole joue très bien son rôle et on souhaite qu'elle continue de le jouer de la même façon dans l'avenir. Sauf qu'on sait qu'il y a des territoires forestiers qui sont en dehors de cette zone, ils sont dans la zone blanche. Présentement, ce sont ceux-là qu'on veut protéqer et je pense que c'est à juste titre aussi parce qu'ils sont possédés par des qens qu'on a le devoir de représenter. Comme vous le mentionnez, on sait que pour ceux qui sont à l'intérieur de la zone il n'y a pas de problème. Mais on parle surtout pour ceux qui sont en dehors de la zone verte.

M. Lefebvre: Merci, cela va.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Frontenac. Est-ce qu'il y a d'autres questions, MM. les représentants? Si vous voulez faire vos remarques de conclusion, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Je voulais juste, au nom du député de Roberval qui vient d'arriver mais qui n'a malheureusement pas pu participer à l'ensemble du débat, remercier l'association de s'être présentée et de nous avoir fait valoir ses points de vue. En tout cas, en ce qui nous concerne, quant à la question de la rétrocession des terres qui sont d'anciennes terres agricoles et que l'on veut remettre à l'industrie forestière par le biais des producteurs de boisés privés, c'est là une revendication avec laquelle nous sommes tout à fait d'accord. Nous l'avons d'ailleurs débattue au moment de parler de la nouvelle politique forestière. Enfin, nous allons faire en sorte de nous assurer que le ministère de l'Énergie et des Ressources accélère le processus en question.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député d'Ungava. M. le ministre.

M. Ciaccia: M. Dallaire, je voudrais vous remercier pour votre mémoire. Nous sommes particulièrement heureux de voir que

vous avez présenté ce mémoire et que vous avez donné votre point de vue sur le projet de loi 102. Nous sommes conscients du rôle important que votre association joue dans l'économie du Québec et nous sommes conscients de la responsabilité que cela nous impose pour nous assurer que vous puissiez continuer à jouer ce rôle dans notre économie, ce rôle important.

Nous sommes conscients aussi de l'importance que vous attachez au projet de loi 102, au plan d'affectation et aussi à la gestion des terres. C'est pour cette raison que nous essayons d'inclure dans le projet de loi des conditions qui, sans enlever des droits aux MRC, vont permettre une bonne gestion des terres et vont permettre à une association comme la vôtre et à vos membres de jouer un rôle et d'exploiter la forêt, surtout avec le nouveau régime forestier. Nous vous remercions pour votre présentation. C'est dans le but de faire un peu l'équilibre, de pouvoir permettre aux MRC d'accomplir leurs tâches et leurs responsabilités, mais aussi de pouvoir permettre au plan d'affectation d'apporter certains changements, en consultation avec les MRC et avec la décision finale du gouvernement. On traite ici d'une matière qui est vraiment dans l'intérêt de toute la collectivité et des décisions doivent être prises en conséquence. Soyez assurés que nous allons examiner vos recommandations et vos commentaires sérieusement et que nous pouvons mettre en pratique certains des commentaires que vous faites pour satisfaire vos préoccupations. Merci! (16 h 45)

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le président.

M. Dallaire: Oui. M. le ministre, M. le Président, MM. les commissaires, au nom de mes collègues, je pense qu'on doit, encore une fois, vous remercier de nous avoir donné la possibilité de vous présenter ce court mémoire. On a aussi été heureux de répondre à vos questions. On espère que nos commentaires seront pris en considération. Merci!

AIFQ

Le Président (M. Théorêt): Merci, au nom des membres de la commission. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

J'appelle maintenant les représentants de l'Association des industries forestières du Québec, s'il vous plaît. Messieurs, avant de vous présenter, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et que chaque formation politique a 20 minutes pour en discuter avec vous. Je ne sais pas si M. Duchesne est ici. Le président, c'est vous? Veuillez présenter votre collègue, s'il vous plaît.

M. Duchesne (André): Merci. Comme vous pouvez le constater, il y a quelques changements aux gens qui m'accompaqnent. Il se passe toutes sortes de choses dans le secteur forestier de ce temps-là. M. Ciaccia est au courant.

M. Ciaccia: Cela n'a rien à voir avec Rendez-Vous 1987 ce qui se passe dans les...

M. Duchesne: Je n'oserais pas dire cela dans l'enreqistrement, M. le ministre. Quoi qu'il en soit, j'ai avec moi, cet après-midi, M. Pierre Bourdages, qui est directeur général pour le Québec des produits forestiers Domtar. Quant à moi, je me sens presque un habitué de cette commission pour y avoir passé presque 50 heures avant les fêtes. Mon nom est André Duchesne. Je suis président et directeur général de l'Association des industries forestières du Québec.

Parce que nous avons été ici in extenso lors de l'étude du projet de loi 150, je ne crois pas essentiel de rappeler à cette commission le détail de ce qu'est l'Association des industries forestières et l'importance économique de l'industrie. Je me bornerai à souligner que les membres de l'AIFQ transforment, à un moment donné ou l'autre, au-delà des trois quarts de la matière ligneuse récoltée au Québec. Ces mêmes compagnies paient, un peu partout au Québec, environ 1 000 000 000 $ de taxes municipales et permettent bien souvent l'existence de plusieurs municipalités.

C'est cependant à titre de propriétaires forestiers, principalement, que" les membres de l'AIFQ s'intéressent à la loi portant sur les terres publiques parce qu'elle aura inévitablement une influence sur ce qui se passe sur les terres privées. Il y a un lien naturel étroit - vous le savez - entre les terres, objet du projet de loi 102, et la matière ligneuse qui approvisionne nos usines qui, elle, est maintenant l'objet du projet de loi 150. Cela faisait auparavant une seule loi. Nous nous retrouverons maintenant avec deux lois distinctes. Le droit de propriété des terres et des forêts du domaine public est détenu par le ministre de l'Énergie et des Ressources qui a donc des droits exclusifs de gestion et de contrôle sur les ressources dont il représente le propriétaire.

Il délègue, dans certains cas, son autorité et ce n'est pas nécessairement très simple. Notamment, quant à l'affectation du territoire, présentement, il existe une certaine confusion qu'heureusement le projet de loi 102 contribue à éliminer. L'AIFQ a toujours préconisé que le ministère de l'Énergie et des Ressources soit l'autorité gouvernementale unique avec laquelle l'industrie traite dans ses transactions avec le gouvernement. À ce moment-là, le ministère est la jonction entre l'industrie et les autres responsabilités gouvernementales.

Malheureusement, ce que l'on a vu clans le domaine de l'aménagement forestier et de l'aménagement du territoire, dans le passé, c'est plutôt une multiplication des intervenants: Loisir, Chasse et Pêche, Environnement, MRC, municipalités, tout le monde veut s'en mêler et, probablement, dans plusieurs cas, à juste titre. Je pense qu'il faut mettre un peu d'ordre dans le processus.

À cet effet, dès la consultation préalable à l'adoption de la loi 125, l'AIFQ a émis des réserves sérieuses sur le mandat, les droits et les pouvoirs des MRC, en ce qui a trait à l'impact sur l'industrie forestière et l'aménagement forestier. On avait plusieurs inquiétudes dont on va vous reparler parce qu'elles sont toujours d'actualité. D'ailleurs, ces inquiétudes se sont confirmées à mesure que les schémas d'aménagement se sont dessinés et ont été présentés un peu partout au Québec.

L'article 2 du projet de loi, en particulier, confirme que l'exercice du droit de propriété sur les terres du domaine public appartient au ministre de l'Énergie et des Ressources. Voilà qui nous rassure jusqu'à un certain point puisque, dans l'affectation de ces ressources, dans le cadre du projet de loi 102, il revient clairement au ministre de l'Énergie et des Ressources d'avoir le dernier mot et donc d'être capable de regarder l'ensemble du Québec quand il prend des décisions sur l'affectation. C'est sûr que cela ne fait pas plaisir à tout le monde, mais cela nous apparaît comme quelque chose de nécessaire.

Par contre, le projet de loi 102, pour ce qui est des droits d'exploitation des ressources qui pourraient être consentis par d'autres ministères, notamment, est loin d'être aussi clair. Ces droits sont susceptibles de porter sur des terres pour lesquelles des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestiers seront aussi consentis en vertu de la loi 150. Logiquement, on pourrait s'imaginer que tous ces droits seront accordés selon la vocation des unités territoriales qui résultent de l'affectation. Par contre, dans les cas d'utilisations multiples, jusqu'à quel point sait-on quel ministre sera chargé de les coordonner et par quel mécanisme allons-nous corriger les problèmes qui pourraient résulter de droits différents portant sur un même territoire quand les bénéficiaires sont en conflit?

Je pense que je dois vous souligner un cas très précis qui a été porté à mon attention il y a quelques heures seulement par nos conseillers juridiques relativement à l'enregistrement des droits réels de ces différents utilisateurs d'un même territoire. M. le Président, nous avons transmis au secrétariat de la commission un addendum à cet effet. J'espère que vous avez eu la chance d'en prendre connaissance.

Le Président (M. Theorêt): En effet, M. le président.

M. Duchesne: Dans la loi 150 sur les forêts, on prévoit des mécanismes d'enregistrement des droits réels des bénéficiaires de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestiers. Il y en a aussi dans le projet de loi 102. On n'est pas trop sûr de savoir sur quel pied danser. La loi 150 prévoit que le ministre constitue et tient à jour un registre public où, par dépôt, il enregistre ces droits réels reliés aux contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestiers. C'est-à-dire, d'abord, le contrat lui-même et, ensuite, la concrétisation du contrat, si vous voulez, les permis d'intervention, de même que tous les privilèges, hypothèques et autres droits réels que les créanciers peuvent avoir sur ce contrat ou sur ces droits.

Le processus, quant à nous, apparaissait complet et suffisant par lui-même. Or, le projet de loi 102, à l'article 26, prévoit lui aussi que le ministre constitue et tient à jour un registre public où sont inscrits sommairement tous les droits d'exploitation des ressources consentis sur une terre, à l'exception des droits miniers, etc. On ne parle plus strictement des droits d'aménaqement forestier et d'approvisionnement des usines, mais de tous les droits. Est-ce que c'est le même registre? Si c'est le même registre, comment se fait-il que le projet de loi 102 prévoie de notarier l'enregistrement des droits, alors que la loi 150 dit qu'on va les enregistrer sur simple dépôt? Est-ce qu'il faudra que l'industrie, chaque année, au moment de la réception de son permis d'intervention annuel, fasse notarier le permis pour assurer ses droits? Cela nous apparaît un peu complexe et un peu délicat comme procédure, vu que ce sont les permis annuels d'intervention qui constituent les droits réels que l'on peut offrir en garantie à nos prêteurs, par exemple. Donc, il y a quelque chose à corriger, croyons-nous, dans ce secteur.

Un autre exemple concret de problème, c'est la question du guide Modalités d'intervention en milieu forestier. C'est le fruit d'un consensus entre les ministères concernés et noua croyons que cela devrait être une référence exclusive sur la façon dont on doit procéder en forêt quand on l'exploite ou qu'on l'aménage. Le projet de loi 102, évidemment, ne le confirme pas et laisse la porte ouverte à des interventions différentes et à des variantes de la part des autres intervenants en aménagement du territoire. Cela nous paraît un peu dangereux au point de vue de la complexité.

L'AIFQ s'est évidemment toujours opposée à des excès de réglementation. Elle

préfère se voir définir des objectifs à atteindre dans un contrat. Vous vous souviendrez que je l'ai mentionné à la commission parlementaire sur la loi 150 et que le gouvernement se borne à exercer des contrôles sur l'atteinte de ses objectifs. Qu'est-ce qui arrive si on regarde, dans ce contexte du cahier des modalités, l'intervention des MRC tant en forêt publique qu'en forêt privée?

En forêt publique, rien ne limite dans le projet de loi 102 la possibilité que les différentes municipalités surimposent aux modalités d'intervention en milieu forestier une réglementation supplémentaire avec tout le fouillis administratif que cela peut causer quand une entreprise forestière exploite sur le territoire de plusieurs municipalités. Cela nous semble permettre une prolifération que l'on qualifie d'anarchique, parce qu'il n'y aura pas de coordination des règlements, rendant une gestion intelligente à peu près impossible. Les limites territoriales ne sont que rarement des limites faciles à retrouver sur le terrain. Ce sont des limites cartographiques plus qu'autre chose.

Le projet de loi actuel ne s'adresse pas directement à la forêt privée, mais il y a un corollaire important pour nous. C'est la possibilité d'affectation et de réglementation sur les propriétaires de forêt privée qui visent la production de matière ligneuse et il pourrait arriver une affectation et une réglementation qui ne considèrent pas la volonté du propriétaire et les objectifs que poursuit le propriétaire ayant acheté ce territoire privé. (17 heures)

Dans certains cas, des règlements de zonage qu'on pourrait imposer ou qu'on a déjà tenté d'imposer équivalent à des expropriations pures et simples puisqu'ils rendent impossible l'utilisation d'une terre forestière aux fins pour laquelle cette terre-là a été acquise. Nous croyons que ce processus est pire qu'une expropriation. C'est un processus sournois et sans indemnisation qui constitue une brèche tout à fait inacceptable au droit de propriété.

Quant au droit de propriété en question, évidemment, vous vous rendez compte - je l'espère - que les membres de l'AIFQ appliquent tant sur les terres publiques dont ils sont responsables que sur leurs propriétés privées une politique de libre accès à ces propriétés. Un zonage inconsidéré qui limiterait ou interdirait l'exploitation forestière ou réduirait la capacité de la forêt à produire de la matière ligneuse pourrait avoir des conséquences économiques et sociales négatives: économiques parce qu'en réduisant la coupe la valeur des propriétés est d'autant réduite; sociales parce qu'on entre dans un imbroglio assez sérieux où on entrave la liberté d'un individu de disposer librement de ses biens.

Certains voudront apporter un argument de bien commun là-dedans, mais le processus qu'on a adopté au Canada et au Québec dans des cas où le bien commun doit être sauvegardé, c'est bien un processus de compensation pour le propriétaire qui doit se sacrifier pour le bien commun. Nous ne voyons cela nulle part dans la situation actuelle, ni dans l'influence que pourrait exercer le projet de loi 102. Alors, nous avons peur que cette atteinte à la liberté du propriétaire puisse inciter les propriétaires à ne pas investir en aménagement forestier, notamment, puisque c'est le point qui nous intéresse, alors que l'expérience nous démontre que c'est en confiant un sens de propriété, même en forêt publique, que l'on obtient une intensification de l'implication industrielle ou individuelle en aménagement forestier.

Essentiellement, M. le Président... Mme la Présidente - je n'ai pas levé les yeux assez vite - nous croyons que la loi 102 poursuit assurément un objectif louable qui est de favoriser l'utilisation polyvalente et rationnelle des terres, mais que des mécanismes d'arbitraqe doivent être prévus dans certains cas, que les pouvoirs réglementaires en matière de gestion et d'aménagement forestier et, a priori, d'affectation, doivent appartenir à une seule autorité qui devra consulter, c'est évident, mais qui est celle prévue dans le projet de loi 102. Que le ministère de l'Énergie et des Ressources soit le ministère concerné, cela nous apparaît fort acceptable, mais nous aimerions énormément, pour ce qui est des forêts privées, que des dispositions soient prises pour préserver les objectifs et les volontés des propriétaires et qu'en cas de menace à l'intérêt collectif ou de bien collectif supérieur des compensations appropriées soient prévues en contrepartie de cette perte du libre exercice de son droit de propriété.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Duchesne. M. le ministre.

M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente, M. Duchesne, je vous remercie pour votre mémoire et pour les commentaires que vous avez faits. Vous soulevez beaucoup de problèmes non seulement dans votre mémoire, mais dans la façon dont vous l'avez présenté. Ces problèmes pourraient faire l'objet de discussions assez longues et ardues, qui vont peut-être parfois au-delà du présent projet de toi.

Commençons par celui sur lequel on pourrait faire un commentaire bref, l'addendum en ce qui concerne les registres. Le mécanisme d'enregistrement qui est prévu dans le projet de loi 150 est celui qui est prévu dans le projet de loi 102.

Premièrement, en réponse à la question

à savoir si c'est le même registre, la réponse est non. Ce n'est pas le même registre. Maintenant, nous sommes conscients de l'importance du registre pour identifier les droits réels que vous avez pour que vous puissiez transiger, les porter en garantie. Si vous vous souvenez, on a apporté des changements à la loi 150 spécifiquement pour vous assurer que vous seriez protégés en ce qui concerne l'enregistrement et le transfert de ces droits, parce que, avec l'avant-projet de loi, ce n'était pas tout à fait clair.

Je pense que les modifications apportées ont répondu aux représentations que vous avez faites. Un des buts visés lorsqu'on entend les mémoires, c'est de connaître exactement les difficultés que vous pouvez voir dans le projet de loi sur les problèmes qui peuvent vous concerner.

On va examiner si, effectivement, il peut y avoir un conflit entre les deux registres. Nous ne croyons pas qu'il y en ait un. Mais, même s'il y a un risque de conflit, je peux vous assurer que nous allons apporter les modifications nécessaires - je ne sais pas à quel projet de loi - afin qu'on puisse satisfaire vos préoccupations et qu'il n'y ait pas de possibilité de conflit. S'il y a un conflit, cela va amoindrir vos droits de transférer et cela peut affecter vos pouvoirs d'emprunt et tout le reste. À cet égard, je peux assurer que nous allons regarder cela de très près et nous allons faire le nécessaire pour éviter tout risque de conflit.

Au sujet de l'affectation des terres publiques, vous nous faites part, dans votre mémoire, de votre satisfaction de voir inscrits Particle 2 sur le droit de propriété et les articles 17 à 20 sur les plans d'affectation. Toujours sur cette question, vous demandez au gouvernement de demeurer vigilant et ferme envers les MRC. Je parle des terres publiques. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous entendez exactement par cela? Croyez-vous que le mécanisme inscrit dans la loi nous permettra d'atteindre les objectifs que vous identifiez? Je parle, premièrement, des terres publiques.

M. Duchesne: Oui, M. le ministre, en ce qui concerne les terres publiques, nous estimons que la loi est assez claire pour permettre l'exercice d'un arbitrage éventuel par le ministre responsable sur un problème d'affectation. Remarquez bien qu'il ne s'agit pas, ici, d'essayer de vous dire que, dans tous les cas, il y aura conflit; au contraire! Je pense qu'il s'agit, sinon de cas tout à fait isolés, au moins d'une minorité de cas où l'affectation pose des problèmes. Mais dans le cadre du dépôt des schémas d'aménagement, nous avons pu constater un certain nombre de problèmes dont certains ont été corrigés par les processus de consultation prévus à la loi I25, mais d'autres sont encore là. Je pense qu'il est important que quelqu'un qui a une vue d'ensemble de l'affectation du territoire prenne la décision finale, ce que semble nous dire le projet de loi 102. Donc, là-dessus, on est d'accord avec cet...

M. Ciaccia: Effectivement, c'est le gouvernement qui prendra la décision finale après consultation et tenant compte des représentations et des problèmes soulevés par les parties concernées.

M. Duchesne: Nous avons aussi noté, M. le ministre, qu'un nouvel aspect est maintenant inscrit dans le projet de loi. Cet aspect est pas mal différent de l'ancienne situation qui prévalait dans la loi 125 au moment de modifications éventuelles au schéma d'aménagement. Encore une fois, là-dessus, je pense qu'on est d'accord avec le fait que, en cas de modification, l'autorité s'exerce de la même façon et, en dernier ressort, après toutes les consultations nécessaires, revient au ministre responsable. C'est positif aussi.

M. Ciaccia: Vous parlez abondamment aussi des pouvoirs de zonage et de réglementation qui sont exercés par les MRC et que vous semblez trouver parfois peut-être exagérés, compte tenu des conséquences qu'ils peuvent avoir sur les propriétés privées. Vous invoquez le principe - je ne sais pas si vous l'avez invoqué - que si, dans un zonage, c'est possible de vraiment avoir les mêmes conséquences qu'une expropriation, dans un certain sens... Si on ne permet pas l'utilisation d'un territoire, d'une terre, d'une propriété, je pense qu'il y a eu déjà des causes devant les tribunaux qui ont dit que c'est comme une expropriation. Est-ce que vous comparez cela à une expropriation sans indemnisation? Autrement dit, on gèle l'utilisation, mais on ne vous indemnise pas.

Je peux comprendre un peu votre problème, mais je voudrais savoir de quelle façon la présente loi peut vous aider, dans ces cas, si elle peut vous aider et si vous avez des suggestions précises à nous faire.

M. Duchesne: Oui, M. le ministre. C'est la déception qu'on exprime, finalement, que le projet de loi, tel qu'il est présenté, ne règle pas ce problème pour autant que nous le percevons. En forêt publique, d'abord, rien ici n'empêche une municipalité ou une MRC agissant à titre de municipalité dans les territoires non organisés de surimposer au cahier des modalités d'intervention une réglementation supplémentaire. Nous croyons que si le cahier des modalités d'intervention est bon pour le ministère de l'Énergie et des Ressources, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le ministère de l'Environnement, il devrait être bon pour

l'ensemble du Québec. A fortiori, quand on va en territoire privé, on a vécu, au moment de la présentation des schémas, des situations tout à fait aberrantes où certaines municipalités ont zone de grands territoires privés achetés et aménagés depuis plusieurs années à des fins de production de matières ligneuses en priorité et de récréation de façon secondaire, ont zone dis-je, ces territoires sans consulter les propriétaires comme les territoires récréotouristiques, voire des réserves écologiques municipales.

M. Ciaccia: Excusez-moi de vous interrompre. Dans ce cas, est-ce que ce ne serait pas la même règle qui s'appliquerait, supposons, dans une ville ou dans un centre urbain? Si une municipalité zone une propriété pour un parc, je pense que les tribunaux ont interprété cela comme étant une expropriation. S'ils font ce genre de zonage, s'ils veulent maintenir leur zonage, ils doivent payer l'indemnisation ou bien ils doivent enlever le zonage? N'avez-vous pas les mêmes recours? La raison pour laquelle je soulève cela, c'est parce que, en ce qui concerne la réglementation des MRC, qui, selon nous, porte atteinte aux droits des propriétaires de boisés, les avis que nous donnons aux MRC, nous leur donnons des mises en garde qui apportent des modifications pour que le droit de propriété soit respecté. Là, si on parle des boisés privés, je ne pense pas qu'on ait la juridiction, certainement pas dans ce projet de loi-ci. Je me pose la question. Je ne pense pas que, comme ministère, nous pouvons avoir cette juridiction. Mais est-ce que vous n'avez pas des recours devant les tribunaux si une telle situation se présente? (17 h 15)

M. Duchesne: En partie, M. le ministre. Je pense qu'il faut distinguer entre un zonage proprement dit et un schéma d'aménagement où on parle d'affectation de territoire. Selon ce que nos conseillers juridiques nous disent, au moment du schéma d'aménagement et de l'affectation, nos recours sont beaucoup moins clairs qu'au moment d'un zonage proprement dit. II n'en demeure pas moins que même si l'affectation n'est pas encore concrétisée par le zonage municipal, l'utilisation est quand même affectée. Cela pose des difficultés sérieuses que nous aimerions voir résolues par la loi 102 ou par un autre mécanisme. Je pense qu'on a saisi l'occasion de débattre le sujet à l'occasion de la loi 102. Je vous disais tantôt que ce n'est pas dans la loi qu'on voudrait voir quelque chose là-dessus.

Peut-être que M. Bourdages pourrait compléter cette information parce qu'il a vécu la situation à quelques reprises.

M. Bourdages (Pierre): Malheureusement, M. le ministre, les schémas d'aménagement des MRC sont très difficilement contestables sur le plan juridique. Toujours d'après nos conseillers juridiques, on ne peut pas aller en cour pour contester le schéma d'aménagement d'une MRC et les affectations du territoire. On doit attendre les règlements de zonage des diverses municipalités à l'intérieur de ces MRC qui, elles, doivent approuver des règlements de zonage conformes au schéma d'aménagement. On est dans le processus un peu de la poule et de l'oeuf. Le schéma d'aménagement de la MRC retire certaines superficies à vocation forestière, et on ne peut pas vraiment les contester tant que les règlements de zonage n'ont pas été entérinés par les divers conseils municipaux. On se retrouve dans une espèce d'imbroglio qui est difficile.

M. Ciaccia: C'est un problème juridique intéressant, parce que vous vous voyez empêchés de les utiliser, mais vous dites que cela ne prend pas effet tant que le zonage n'est pas promulgué. Il y a le temps entre le schéma et le zonage qui semble être une zone grise.

M. Duchesne: Par-dessus cela, M. le ministre, ce qu'on vous disait il y a un instant s'applique encore en forêt publique, c'est-à-dire que même si on a une zone qui est affectée suivant tout le processus prioritaire à la production de matière ligneuse en forêt privée, rien n'empêche une municipalité de surimposer un certain nombre de contraintes de gestion forestière qui vont varier, par conséquent, d'un lot à l'autre sur le territoire d'un propriétaire. Si je prends vos territoires, qui couvrent, par exemple, plusieurs municipalités, on pourrait facilement se retrouver - d'ailleurs, des municipalités ont déjà tenté de le faire -avec une réglementation affectant l'utilisation et la production de la matière ligneuse, qui est différente d'une municipalité à l'autre pour le même propriétaire. C'est cette complexité qui nous apparaît inutile et qu'on voudrait voir éviter par un mécanisme quelconque, peut-être par la loi 102.

M. Ciaccia: Vous dites que la loi 150 a créé un régime forestier et que peut-être avec 94 MRC on pourrait avoir 94 régimes forestiers.

M. Duchesne: Malheureusement, oui.

M. Bourdages: C'est effectivement le cas, M. le ministre. Les normes d'intervention varient, les procédures varient avec chaque MRC; elles sont différentes dans chaque cas, et on doit vivre avec 94 procédures différentes.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le

député de Roberval.

M. Gauthier (Roberval): Merci, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord remercier les gens qui sont venus nous présenter leur mémoire, et qui ont fait surtout un travail extrêmement important autour du projet de loi 102. Il y a un certain nombre de réflexions que m'inspire la lecture de ce mémoire, qui ont fait l'objet, ce matin, au cours de nos remarques préliminaires, de certaines revendications auprès du ministre. Je vous dirai, par exemple que j'ai l'impression - vous me corrigerez si ce n'est pas exact - que vous souhaitez que le ministre de l'Énergie et des Ressources se donne du muscle par rapport a l'ensemble des intervenants, par rapport à l'ensemble des ministres qui sont susceptibles de voir à l'administration de certaines parties de territoire. J'ai cru déceler dans votre mémoire que vous souhaitez vivement que le ministre de l'Énergie et des Ressources soit en quelque sorte le grand coordonnateur de tout cela et que son autorité ne fasse point de doute. Est-ce que je me trompe quand je vous interprète ainsi?

M. Duchesne: Peut-être, M. Gauthier, simplifiez-vous un peu notre point de vue. Je viens d'avoir justement l'occasion d'en discuter à une autre commission parlementaire juste à l'autre étage sur l'utilisation des pesticides et l'implication du ministre de l'Environnement en gestion des forêts. Le mot qui me dit que vous exagérez peut-être un peu notre point de vue, c'est le mot "muscle".

Ce que nous réclamons depuis longtemps, c'est un guichet unique d'intervention auprès du gouvernement pour l'industrie forestière. Cela n'enlève en rien l'autorité des autres ministères, des autres ministres sur les sujets qui touchent de près ou de loin à la gestion de la forêt.

Ce que nous voulons, c'est que les différents ministres s'entendent ensemble plutôt que de demander à l'industrie de demander à l'un et à l'autre simultanément une série de permissions et de procédures suivant des processus parfois même, malheureusement, qui vont jusqu'à être contradictoires. On veut de la coordination interne. On veut un guichet unique, une simplification de la paperasse, comme je le disais à M. Biais tantôt qui jouait votre rôle à l'autre commission. Ce n'est pas du muscle, c'est de la coordination. Pour cela, il faut qu'à un moment donné il soit capable d'exercer l'autorité ministérielle collective d'une façon ou d'une autre, effectivement.

M. Gauthier (Roberval): Vous avez bien compris mon expression, vous l'avez bien interprétée. Effectivement, c'est à peu près le sens que je voulais lui donner.

J'aimerais avoir votre point de vue. Nous avons recommandé au ministre également... Dans ce qu'on avait, cela ne nous semblait pas évident, ce que je vais dire. Pour le ministre qui cède du territoire à l'autorité d'un autre ministre, par exemple, au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ou au ministre de l'Agriculture, peu importe, il y a une espèce de mécanique qui est prévue ou qui n'est pas précise encore peut-être, qui est à perfectionner, qui voudrait que le ministre qui n'utilise plus ce territoire... prenons un exemple, le ministre de l'Agriculture n'utilise plus des terres qui lui sont "concédées" - entre guillemets -constate lui-même qu'il n'utilise plus ces terres à des fins agricoles et il entreprend une démarche auprès de son collègue pour lui retourner ces lots.

Quant à nous, il semble que le ministre de l'Énergie et des Ressources devrait se donner le pouvoir d'entreprendre lui-même des rétrocessions, c'est-à-dire de porter... Parce qu'on considère que comme arbitre, par ses collègues, c'est à peu près le rôle qu'il va se donner. Cela le démunit passablement si on ne lui permet pas ou s'il ne se donne pas, par la loi, la possibilité d'identifier des cas où des terres ne sont pas utilisées aux fins pour lesquelles elles devraient l'être et d'amorcer lui-même le processus de la rétrocession, de dire à son collègue de l'Agriculture, pour continuer dans le même exemple: Ces terres ne sont plus utilisées de façon évidente donc, j'entreprends la rétrocession.

Est-ce qu'une recommandation comme celle-là, que nous faisons au ministre, vous semble acceptable ou si vous avez des réticences?

M. Duchesne: M. Gauthier, ce n'est pas un sujet que j'ai discuté avec les représentants de l'industrie qui ont travaillé à la préparation du mémoire. Donc, ce que je vais vous dire est nécessairement sous toute réserve. Par contre, j'ai vécu, dans le passé, des problèmes de cette nature avec différentes compagnies en ce qui a trait, notamment, aux terres aqricoles ou forestières et la possibilité de reboisement. Je pense que vous abordez ce point. Notre sentiment là-dessus, est que, effectivement, on doit utiliser le territoire de la façon la plus profitable possible pour le Québec. Si le ministre de l'Énergie et des Ressources exerce le droit de propriété au nom de l'ensemble des Québécois et décide ultimement de l'affectation du territoire au nom de l'ensemble des Québécois, il m'apparaît logique qu'il ait aussi le pouvoir de rapatrier, à un moment donné, pour rationaliser des terres. Comme je vous le dis, on n'a pas étudié ce problème. Si on devait vous fournir un avis plus détaillé, il faudrait y repenser avec les membres.

M. Gauthier (Roberval): D'accord. Je voudrais qu'on revienne un peu sur la question des MRC que vous avez abordée avec le ministre tout à l'heure. À la page 7 de votre texte, vous êtes clair là-dessus. Les nombreuses réglementations - vous en avez parlé abondamment dans les MRC - vous créent des ennuis importants, semble-t-il. Aux deux dernières lignes du premier paragraphe, vous dites: "II faut rechercher l'uniformité de la réglementation entre les différents paliers administratifs."

Comme il faut quand même composer avec les élus locaux qui ont une responsabilité sur la gestion du territoire, avez-vous pensé à une mécanique quelconque? Avez-vous pensé à une façon dont cela pourrait se faire? Avez-vous des suggestions susceptibles d'orienter la réflexion de la commission et du ministre?

M. Bourdages: Dans le cadre de la loi 150 et de la réglementation, le gouvernement a publié un cahier des modalités d'intervention en milieu forestier. L'industrie et les industriels qui traitent en forêt sont, en règle générale, d'accord avec le contenu et les principes énoncés dans ces cahiers. Cependant, les MRC vont beaucoup plus loin, dans certains cas, que le cahier d'intervention en milieu forestier pour les terres du domaine public. Il y aurait probablement lieu que toutes les terres du domaine public soient régies par les mêmes modalités d'intervention en milieu forestier.

Pour ce qui est des terres privées, je comprends qu'il est assez difficile d'imposer à un palier de gouvernement municipal des normes, sauf qu'il y a peut-être moyen de suggérer, d'inciter les diverses municipalités, les diverses MRC, les encourager à utiliser le même cahier de modalités d'intervention en milieu forestier. Plus il y en a qui vont accepter, plus les difficultés d'application de l'industrie seraient d'autant réduites.

M. Gauthier (Roberval): Concernant le guide des Modalités d'intervention en milieu forestier, vous dites, à la page 6 de votre mémoires "Le guide des modalités d'intervention en milieu forestier, fruit du consensus des ministères concernés, doit être désigné comme la référence exclusive à utiliser par tous les intervenants auxquels le ministre aura délégué son autorité en vertu des articles 6 à 10. Cela préviendra l'élaboration anarchique de règles différentes par d'autres autorités." En quelque sorte, c'est ce que vous venez de m'expliquer.

Quand vous parlez d'une référence exclusive, je vous avoue que cela me fatigue un peu parce que j'ai l'impression qu'il y a des ressources qui ne sont pas véritablement considérées dans le guide, sauf erreur et vous me corrigerez si c'est le cas. Par exemple, concernant l'agriculture, l'exploitation minière, etc., ce sont tous des aspects qui ne sont pas évidemment considérés dans ce guide ou qui le sont de façon bien indirecte. Est-ce que votre référence exclusive, finalement, ne s'adresse pas uniquement aux territoires à exploitation forestière? Est-ce que c'est ce que vous voulez dire par là? (17 h 30)

M. Duchesne: Non, le guide des modalités, M. le député de Roberval, couvre l'utilisation polyvalente du territoire et impose certaines restrictions à l'exploitation forestière traditionnelle dans le but de préserver la capacité de production du milieu forestier pour les autres ressources que nous fournit la forêt. Donc, il n'est pas strictement question de la matière ligneuse. D'une certaine façon, il régit les relations entre l'utilisation de la matière ligneuse et les autres utilisations de la forêt. Il ne traite par spécifiquement de choses comme des mines parce qu'il ne s'agit pas vraiment d'une intervention en milieu forestier. Une fois qu'on a affecté un morceau de territoire à l'utilisation minière, si cela se fait à ciel ouvert, en tout cas, ce n'est plus du milieu forestier. Donc, ce que l'on veut dire par référence exclusive c'est que, si en terres publiques, à tout le moins, où la responsabilité du ministre de l'Énergie et des Ressources est claire, ce guide devenait à la fois le minimum et le maximum de ce qui se peut se faire, était la norme autrement dit, il y aurait une simplification par rapport à la situation qui se dessine où on va plutôt vers une prolifération de variantes dans l'application du guide. D'un autre côté, l'industrie n'a jamais compté par ailleurs que ce guide soit coulé dans le ciment de façon immuable. S'il apparaissait que certaines des dispositions actuelles étaient insuffisantes ou inutiles pour obtenir les fins visées, il est bien évident que ce serait la responsabilité du gouvernement d'apporter au guide les modifications qui s'imposent. Cela peut se faire en consultation avec les gens des municipalités, avec les gens de l'industrie et avec tous ceux qui sont intéressés au problème. Les processus traditionnels s'appliquent encore.

M. Gauthier (Roberval): D'accord. Il y a un dernier point sur lequel j'aimerais vous entendre, je me doute un peu dans quel sens va être votre réponse cependant, mais, en tout cas, cela permettra, j'imagine, de clarifier certaines choses. Lorsqu'on parle de compensations pour des services publics, j'ai toujours une espèce de problème moral qui est le suivant. Quand il s'agit de terres publiques qui sont concédées - un ensemble relativement grand - à une entreprise et que, pour une raison ou pour une autre, il n'y a pas eu de dépenses ou d'investissements de

faits par l'entreprise pour faire de l'exploitation forestière, une zone qui est encore vierge, par exemple, quand on veut passer une utilité publique, je pense au corridor de lignes électriques, établir une compensation à même les deniers publics, je vous avoue que j'ai de la misère, je ne sais pas sur quoi elle peut être basée et comment on va la déterminer. Mais vous ne trouvez pas que cela fait un peu curieux quand il n'y a pas eu d'investissements de faits et qu'il y a eu un morceau de territoire assez grand de concédé. Lors du projet de loi 150 sur les forêts, nous avions souhaité qu'il y ait une certaine flexibilité. Vous en aviez même, je pense, accepté... Vous étiez conscients de la nécessité d'un certain jeu pour le ministre afin de pouvoir en quelque sorte bouger dans le territoire même s'il y a eu des concessions. Et cela n'a pas été retenu comme modalité. Je vous avoue que le problème demeure entier. Quand un territoire public a été concédé à une entreprise et qu'elle n'y a pas dépensé d'argent en infrastructure pour l'exploiter -là le problème serait différent - qu'on utilise des deniers publics, par exemple, pour compenser l'entreprise de la perte d'un territoire public parce qu'on passe des utilités publiques, il faut bien le dire, je vous avoue que, sur cela, nous avons des réticences assez grandes. Je ne demande pas mieux que de me faire faire la démonstration qu'on ne devrait pas avoir ces problèmes de conscience.

M. Duchesne: Je suis obligé d'admettre que votre problème de conscience en est un que nous partageons dans l'industrie, mais nous ne le regardons pas sous le même angle et nous ne parlons pas de compensations, je pense, avec la même définition que vous venez de nous servir. Nous n'avons pas parlé de compensations financières, M. Gauthier, sur cela. Notamment, au moment de la discussion sur le projet de loi 150, ce qui nous embêtait et qui nous embête encore, parce que la loi nous met dans cette situation maintenant qu'elle est pratiquement en application, c'est que nous n'avons pas la possibilité de nous assurer du volume de l'approvisionnement qui proviendrait d'un territoire ainsi enlevé du territoire du contrat. Ce que la loi 150 nous dit maintenant, c'est que, si c'est possible, le ministre va nous donner un territoire équivalent qui va permettre de faire pousser la même quantité de bois. Cela ne sera pas nécessairement possible, étant donné que la demande est plus forte que l'offre actuellement avant même de commencer à entrer dans le régime. La compensation, à ce moment-là, peut peut-être devenir nécessaire si, à cause de la réduction d'approvisionnement, une usine, par exemple, se retrouve en difficulté financière, parce que ce sont les ouvriers et les actionnaires de cette usine qui se sacrifient pour le bien public. Sous cet aspect, nous sommes d'avis qu'une compensation est justifiable. Mais on n'a jamais visé a priori une compensation financière, ce qu'on vise dans le cas particulier de la loi 150 et des changements éventuels de territoires, c'est d'assurer l'approvisionnement tel que signé dans le contrat initialement. Si le territoire est réduit et qu'il n'y a pas de place ailleurs, la seule solution qu'il reste à l'industrie, c'est de faire pousser plus de bois sur le territoire qui reste pour avoir le volume comme auparavant. Mais ce bois marginal coûte plus cher que le bois qui poussait auparavant; la quantité supplémentaire est plus coûteuse à faire pousser. Il y a un équilibre à obtenir là-dedans. C'est cette nuance, je pense, qui a peut-être été mal exprimée au moment où on a parlé de la loi 150, mais c'est vraiment ce qu'on avait derrière la tête.

M. Gauthier (Roberval): Je vous remercie beaucoup. Je vous avoue que vos explications ont réussi à...

M. Duchesne: ...calmer votre conscience.

M. Gauthier (Roberval): ...me soulager un peu sous cet aspect. Cela va aller pour ces remarques; d'ailleurs on m'indique que mon temps achève. Je vous indique simplement que, avec toutes ces questions qu'on pose et avec cette audition qu'on fait, nous voulons travailler avec le ministre pour produire une loi qui soit intéressante, applicable et qui crée le moins d'ennuis possible à l'ensemble des intervenants, non pas seulement les exploitants forestiers, mais les autres également. Soyez assurés que nous allons faire le nécessaire pour tenir compte des remarques que vous avez bien voulu nous soumettre dans ce mémoire et par votre présence ici. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Ciaccia: J'ai deux petites remarques sur les points qui ont été soulevés. En ce qui concerne l'uniformité, vous vous plaignez qu'il n'y en a pas entre les différentes MRC. C'est justement pour cela que notre plan d'affectation apporte l'uniformité demandée sur les terres publiques; on parle des terres et on fait référence au même cahier de modalités d'interventions. C'est l'un des buts de ce plan d'affectation, d'apporter cette uniformité.

Quant à l'autre question soulevée par le député de Roberval, à savoir de récupérer ce qui n'était pas utilisé par les ministres à qui cela avait déjà été transféré, alors il faudrait trouver un moyen de chanqer

l'article 7, parce que cet article prévoit qu'un ministre peut rétrocéder au ministère les terres qu'il n'utilise pas, mais il n'y pas de mécanisme pour que le ministre de l'Énergie et des Ressources doive rechercher ces terres. Il faut être polis entre nous, il ne faut pas s'imposer des choses. Il faut travailler ensemble. On peut avoir la persuasion morale.

Une dernière question. À la page 10 de votre mémoire, vous dites qu'il est louable de favoriser l'utilisation polyvalente et rationnelle des terres. Vous ajoutez que les droits de l'un doivent être définis avec précision et acceptés des autres. Vous concluez en disant qu'un mécanisme d'arbitrage des différends doit être prévu, mais surtout l'affectation ne doit faire l'objet d'aucune contestation.

Est-ce que vous pourriez développer chacune de ces conclusions, soit le mécanisme d'arbitrage et que l'affectation ne doit faire l'objet d'aucune contestation?

M. Duchesne: Je pense que, là-dessus, M. le ministre, la question que l'on a soulevée quant à l'enregistrement est une des difficultés qu'on pourrait avoir à arbitrer si différentes délégations d'autorité confèrent différents droits d'utilisation sur le territoire qui sont conflictuels, que ce soit à des fins sylvicoles, récréatives, pourvoiries ou quoi que ce soit.

Alors, c'est sûr que, dans le cadre de la loi 150 et du projet de loi 102, quelqu'un va devoir faire les liens entre ces différentes utilisations, ce qu'en principe fait le plan d'affectation.

M. Ciaccia: Mais ce processus des différends que vous venez de mentionner, n'est-il pas dans le projet de loi, dans le plan d'affectation? Nous devons consulter les autres ministères mais, effectivement, il y a le régime forestier, la loi 150. Est-ce que ce n'est pas vraiment réglé entre ces deux-là?

M. Duchesne: Nous croyons que le mécanisme d'arbitrage, à l'heure actuelle, est essentiellement un mécanisme politique et qu'il y aurait peut-être lieu de l'encadrer un peu pour faciliter l'exercice de l'affectation. Mais ce qui est important, c'est que l'affectation se définisse clairement. Sur ce point-là, je me dois de vous rappeler qu'en ce qui a trait à l'utilisation de la faune sur le territoire des pourvoiries, en particulier, et des autres utilisations semblables, le cahier des modalités, le guide des modalités d'intervention laisse une porte ouverte à une réglementation supplémentaire sur les territoires qui sont affectés en priorité à la production de matière ligneuse.

Alors, c'est dans ce cadre que nous croyons voir poindre des difficultés et il va falloir s'entendre quelque part. Il faudrait peut-être le faire dans le cadre du projet de loi 102.

M. Ciaccia: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Le temps accordé à l'Opposition est terminé, mais, s'il y a consentement des membres, le député de Jonquière aimerait poser une question à M. Duchesne.

M. Ciaccia: Consentement.

La Présidente (Mme Bélanger): Consentement. M. le député de Jonquière.

M. Dufour: En fait, j'avais peut-être quelques remarques à faire avant de poser la question comme telle. D'abord, j'ai été surpris du ton de votre mémoire concernant la charge que vous portez vis-à-vis des MRC. Vous avez sûrement de la cohérence et de la cohésion dans vos idées, parce que, même lors de l'implantation de la loi 125, vous les avez contestées. (17 h 45)

J'ai bien remarqué que vous ne leur avez pas donné trop de chance de faire leurs preuves. Vous les avez déjà condamnées sans les avoir tellement entendues. Cela me surprend un peu, parce que pour avoir vécu avec des compaqnies forestières et en même temps avec des compagnies papetières, je suis convaincu que s'il n'y avait pas eu de loi pour réglementer un certain nombre d'actions, j'ai l'impression que le Québec ne serait pas ce qu'il est maintenant. Il ne faut pas se le cacher, dans d'autres dossiers, s'il n'y avait pas eu des balises, j'ai l'impression qu'on aurait causé des dommages un peu plus grands.

Je comprends difficilement la charge à fond de train que vous portez contre les MRC parce que vous ne leur avez pas donné tellement de chances. Vous parlez de droit de propriété, mais ce droit n'est jamais exclusif. Vous parlez de droit de propriété en forêt; moi, je vais vous parler des droits de propriété d'individu où la municipalité impose des règles, des normes et les gens sont obliqés de s'y plier. Je ne vois pas pourquoi les forestières en feraient un qrand scandale. Je n'ai pas vu encore de forestières mises en faillite ou en très grande difficulté parce que les MRC ont adopté des mesures ou des schémas d'aménagement. Je pense qu'il y a un certain nombre de mécanismes - vous le dites carrément - que vous n'avez- pas acceptés au départ, que vous avez toujours contestés et que vous contestez encore.

Je ne suis pas rassuré par votre attitude. Ce qui a présidé la venue des MRC, c'est un document du ministère qui dit: L'aménagement est une fonction partagée entre trois paliers de décision: municipalités, municipalités régionales de

comté et le gouvernement. L'aménagement fait appel à la coordination et à la conciliation des choix et des actions de trois instances décisionnelles.

Il est toujours plus facile d'avoir affaire à un individu ou à un groupe par rapport à un ensemble d'individus ou à un ensemble de groupes; on n'a pas besoin de faire de grandes démonstrations. Il n'y a pas beaucoup de forêts dans les grands ensembles comme Québec et Montréal.

Donc, où sont...

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. le député de Jonquière.

M. Dufour: ...les forestières et où vont s'appliquer les règlements? Dans les régions. Qu'est-ce qu'il reste aux régionaux si ce n'est d'avoir un peu d'implication dans l'aménagement du territoire? Les questions que je me pose sont: Est-ce aussi dramatique que vous l'avez démontré dans votre exposé? N'y a-t-il pas un peu d'exagération? N'y a-t-il pas moyen de vivre avec les MRC comme elles sont maintenant? Ce qui est proposé dans la loi, ce n'est pas le bonheur et ce n'est pas le ciel sur la terre. Vous allez avoir encore des contraintes. Les représentations de l'Union des municipalités régionales de comté ne sont pas une charge contre les papetières ni contre qui que ce soit. L'union des municipalités est préoccupée par l'environnement et l'aménagement du territoire.

Ma question: Est-ce aussi dramatique que vous le dites ou si vous avez pris certains exemples pour dramatiser la situation?

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Jonquièrè. M. Duchesne.

M. Duchesne: Je suppose, M. le député de Jonquière, que je peux facilement admettre avec vous que ce ne sont pas 94 cas insurmontables que l'industrie doit affronter à l'endroit des MRC. Par contre, il y en a, malheureusement, plusieurs qui d'ores et déjà ont tenté - dans certains cas, ils ont réussi - d'imposer des réglementations et des coûts supplémentaires à l'industrie qui, ne généreront pas nécessairement des bénéfices supplémentaires ni pour leur collectivité ni pour l'ensemble du Québec.

Ce que l'on souhaite, c'est de ne pas permettre une prolifération de ce genre d'attitude, même si, a l'heure actuelle, c'est vrai que c'est une minorité des MRC qui se comportent comme cela. On n'a jamais rien dit qui puisse aller à la charge à fond de train, comme vous l'avez mentionné, sinon que la législation actuelle permet aux MRC de faire ces choses et nous disons: Ce n'est pas acceptable de permettre cela. C'est cela notre charge. Il faut limiter cette latitude.

Cela se limite à cela. Les autres charges qu'on a, on les a eues directement contre certaines MRC qui ont même, dans certains cas, voulu imposer leur propre droit de coupe sur la récolte de matière ligneuse. Si vous me dites que c'est normal, là on est loin de pouvoir s'entendre.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Duchesne. M. le député de Roberval pour les remerciements à l'organisme.

M. Gauthier (Roberval): Mme la Présidente, j'ai déjà fait mes remerciements. Je les réitère à l'endroit de l'association. Étant donné que ce sont des habitués des commissions parlementaires, je pense que cela paraît. Ils témoignent de façon efficace et savent se faire comprendre. Je réitère tous les bons mots que j'ai eus à leur intention tout à l'heure...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Ciaccia: M. Duchesne, je veux vous remercier pour votre présentation, pour les commentaires que vous nous avez faits et les problèmes que vous avez soulevés. Certains de ces problèmes, je pense que nous allons les étudier avec le ministère pour voir ce que nous pouvons faire, particulièrement celui qui concerne les registres. Les autres sur les bois privés, cela va au-delà, je crois, du projet de loi 102. Ce sont des problèmes intéressants. Je ne sais pas si cela peut vous réconforter, mais on sympathise avec quelques-uns de vos problèmes. On espère que vous allez pouvoir les résoudre. Ce que nous pouvons faire en collaboration avec vous et en collaboration avec les autres intervenants, soyez assurés que nous le ferons. Merci encore une fois.

La Présidente (Mme Bélanger): M.

Duchesne.

M. Duchesne: Merci, M. le ministre. Merci, M. Gauthier.

La Présidente (Mme Bélanger): La commission ajourne ses travaux à demain matin. Pour l'information des membres de la commission, nous recevrons, à 10 heures demain matin, la Chambre des notaires du Québec; à 11 heures, l'Association des pourvoyeurs du Québec; à 12 heures, la Fédération québécoise des gestionnaires de ZEC; à 14 heures, le Grand Conseil des Cris; à 15 heures, le Conseil Attikamek-Montagnais et, à 16 heures, le Conseil des Algonquins.

La commission ajourne donc ses travaux à 10 heures, demain matin.

(Fin de la séance à 17 h 52)

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