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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Théorêt): La commission de
l'économie et du travail se réunit pour procéder à
des consultations particulières sur le projet de loi 31, Loi modifiant
la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion
de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et la Loi sur la
formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun
remplacement pour cette séance.
Le Président (M. Théorêt): Je vais vous lire
l'ordre du jour qui a été amendé. Je vous demanderai de
l'adopter après coup. Donc, pour aujourd'hui, mardi 24 mai, nous aurons
les remarques préliminaires du ministre, M. Paradis, et du critique
officiel de l'Opposition, M. Gen-dron. Après quoi, nous entendrons les
membres de la Commission de la construction du Québec, les membres du
Conseil provincial du Québec des métiers de la construction
(International), la Corporation des maîtres électriciens du
Québec, les membres de la Confédération des syndicats
nationaux (CSN-Construction), la Fédération de la construction du
Québec, l'Association de la construction de Montréal et du
Québec et, à 21 heures ce soir, le Syndicat de la construction de
la Côte-Nord et de Sept-Îles inc. Est-ce que l'ordre du jour est
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Théorêt): Je vous rappelle
que le temps prévu pour la déclaration d'ouverture du ministre et
celle du critique de l'Opposition est de quinze minutes chacun. Le temps
prévu pour la présentation des mémoires pour chaque
organisme est d'une heure, c'est-à-dire vingt minutes pour la
présentation, vingt minutes pour discussion avec le côté
ministériel et vingt minutes avec les représentants de
l'Opposition.
Ceci dit, je cède immédiatement la parole au ministre.
Remarques préliminaires M. Pierre
Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci, M. le Président.
Nous sommes réunis ici aujourd'hui, comme vous l'avez indiqué,
afin de tenir des auditions publiques sur le projet de loi 31, Loi modifiant la
Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de
la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et la Loi sur la formation
et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre.
Je débuterai d'abord mon intervention en vous rappelant les
objectifs visés par cette commission parlementaire. Premièrement,
il nous apparaît important de donner l'occasion aux différents
intervenants de contribuer activement aux discussions sur le projet de loi 31.
Au cours de ces trois journées, nous écouterons attentivement et
nous accorderons une attention spéciale aux suggestions qui seront
proposées et qui contribueront à la réalisation des grands
principes de ce projet de loi. Ensuite, comme second objectif, nous voulons
permettre un échange d'informations, de connaissances et d'expertise
afin que le projet de loi puisse, le plus possible, répondre aux
attentes des parties impliquées directement et de la population du
Québec.
Avant d'aborder les différents objectifs visés par ce
projet de loi, permettez-moi, M. le Président, de vous tracer un bref
historique qui permettra, je l'espère, d'expliquer les motifs qui nous
incitent à présenter le projet de loi 31 à
l'Assemblée nationale du Québec. On se rappellera qu'en 1968 le
gouvernement d'alors adoptait le projet de loi 290, intitulé Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction. Cette loi, bien
qu'elle ait été justifiée, entraînait de
sérieux problèmes d'application dans les secteurs des
rénovations et des réparations résidentielles. En 1979, le
gouvernement du Parti québécois adoptait le projet de loi 110 qui
introduisait la notion d'artisan afin, disait-il, de permettre aux
consommateurs de pouvoir faire effectuer des travaux à des coûts
abordables, de reconnaître une pratique courante dans le domaine de la
rénovation résidentielle et de permettre à une
main-d'oeuvre compétente de pouvoir continuer d'oeuvrer dans cette
industrie, surtout en régions éloignées. Or, encore
là, la réglementation de l'industrie de la construction dans le
secteur résidentiel a eu des conséquences négatives sur
les consommateurs et sur l'ensemble de l'industrie de la construction.
D'abord, cette réglementation appliquée au consommateur,
propriétaire ou locataire d'une résidence, qui veut quelques
rénovations, y compris l'entretien, les réparations et les
modifications lui causent un certain nombre de problèmes tels que des
coûts souvent inabordables. Est-il nécessaire de préciser
que, pour le consommateur qui veut faire peindre sa maison, le coût
horaire moyen que l'employeur doit verser au salarié peintre se situait
à 37,27 $ l'heure en 1987, alors que le taux horaire moyen pour
l'ensemble des travailleurs, indépendamment du secteur où ils
oeuvrent, était de 11,03 $ pour la même période?
D'autre part, la réglementation et la législation ont
rendu difficiles et, dans certains cas, pratiquement impossibles la gestion et
la
planification des travaux par le consommateur lui-même. Comment
peut-on obliger un consommateur, tout en demeurant logique et réaliste,
à avoir recours à sept travailleurs différents qui
exercent sept métiers différents pour l'installation d'une hotte
dans sa cuisine? Il est évident que cet exemple - et bien d'autres que
je ne peux citer ici présentement faute de temps - montre à quel
point le système est aberrant et ne favorise en rien le respect
intégral des lois, des règlements et du décret
régissant le secteur de la construction.
Par ailleurs, pour le consommateur qui est conscient qu'il existe autour
de lui un bassin de main-d'oeuvre qu'il estime compétente pour
exécuter ses travaux de rénovation, il lui apparaît
inconcevable que la présente réglementation ne lui permette pas
d'embaucher le travailleur en qui il a confiance.
Enfin, il est parfois regrettable que le consommateur pense qu'il n'a
droit à aucun recours. Cette situation d'illégalité a pour
effet de le décourager à intenter d'éventuelles
poursuites. Donc, face à cette situation qui peut se résumer
à des coûts inabordables, à une complexité des
règles relatives à la gestion et à la planification des
travaux ainsi qu'à l'impossibilité d'embaucher la personne de son
choix pour l'exécution de travaux de réparation ou de
rénovation, le consommateur se réfugie dans la
clandestinité. De là, la prolifération du travail au
noir.
D'ailleurs, tous les intervenants de l'industrie, sans exception,
déplorent le phénomène du travail au noir qui n'a
cessé de croître ces dernières années. Bien qu'il
soit difficile d'évaluer l'étendue réelle de ce
fléau, le travail au noir n'étant pas rapporté par
définition, des études révèlent que près de
25 % des heures travaillées dans l'ensemble de l'industrie de la
construction n'ont pas été rapportées à la
Commission de la construction du Québec.
En se référant à la dernière année
complète, soit 1987, 104 900 000 heures travaillées ont
été rapportées à la CCQ, ce qui signifie, selon les
estimations, que 26 225 000 heures supplémentaires auraient
été travaillées au noir dans l'industrie, dans son
ensemble. Pour le secteur résidentiel, construction neuve et
rénovation, les mêmes études indiquent que ces mêmes
heures non déclarées atteindraient 40 % des heures
travaillées et rapportées.
Sensibilisés sur ces données qui traduisent selon nous un
véritable malaise dans l'industrie de la construction, nous nous devons
d'agir. Pour ce faire, deux possibilités s'offrent à nous pour
diminuer et, idéalement, mettre fin au travail au noir: renforcer les
contrôles en vue de faire respecter la réglementation, ce qui
impliquerait autant d'inspecteurs qu'il y a de résidences susceptibles
d'être rénovées, ou alléger la réglementation
en vue de permettre un ajustement conforme aux besoins ressentis par les
consommateurs et l'industrie de la construction.
Considérant le fait que le travail au noir est le propre de la
réglementation et que, plus celle-ci ne correspond pas aux
réalités économiques, plus les tendances à la
contourner sont fortes, et ce, très souvent dans la
clandestinité, le gouvernement choisit donc de s'attaquer à la
source du travail au noir dans le secteur de la rénovation
résidentielle, en proposant l'adoption du projet de loi 31. Ainsi, ce
projet de loi vise à normaliser la réglementation dans ce secteur
de l'industrie de la construction, dans le but de l'adapter aux
réalités du marché. En excluant du champ d'application du
décret les travaux d'entretien, de réparation, de
rénovation ou de modification effectués dans le secteur
résidentiel pour le compte d'une personne physique à des fins
personnelles, nous permettrons à des milliers de propriétaires et
d'ouvriers d'effectuer au grand jour ce qu'ils étaient contraints de
faire dans l'illégalité.
Signalons cependant que le projet de loi 31 prévoit que le
certificat de compétence sera toujours exigé pour les
travailleurs qui exécuteront des travaux qui mettent en cause la
sécurité du public, notamment les travaux
d'électricité, de plomberie et de charpente.
Par ailleurs, de nouveaux programmes volontaires de formation
professionnelle seront également instaurés à
l'égard des métiers et des professions dont l'exercice ne sera
plus réglementé.
Parallèlement aux mesures d'exclusion du champ d'application, les
modifications viseront à resserrer les contrôles sur les travaux
de construction effectués dans les autres secteurs. En effet, afin de
contrôler l'ensemble des travaux de construction qui demeurent assujettis
à la loi, la Commission de la construction du Québec verra ses
pouvoirs d'inspection accrus. De plus, les pénalités
imposées aux contrevenants seront substantiellement
augmentées.
Nous sommes d'avis que le projet de loi 31 aura des répercussions
positives pour le consommateur, pour le travailleur et pour l'industrie dans
son ensemble. Pour le consommateur, le projet de loi 31 lui permettra d'obtenir
des services à meilleurs coûts, qui correspondent davantage
à sa capacité de payer, d'avoir la possibilité de confier
ses travaux de rénovation à la personne ou à l'entreprise
de son choix, de sortir de la clandestinité et de
l'illégalité, d'obtenir une meilleure garantie de travaux de
qualité, parce que faits au grand jour, et de faciliter une meilleure
protection en cas de mauvaise exécution, parce que les recours seront
désormais possibles, les travaux étant
légalisés.
Quant au travailleur, nous croyons que ce projet de loi lui sera
bénéfique. Pensons, notamment, que ces travailleurs qui
oeuvraient clans l'illégalité pourront dorénavant avoir la
possibilité, comme la plupart des travailleurs, d'avoir accès
à des régimes de protection comme la CSST, la Régie des
rentes du Québec ou l'as-surance-chômage. D'autre part, le
travailleur aura
la possibilité d'affirmer son expérience dans le domaine
de la rénovation résidentielle et d'avoir accès, au
même titre que les autres travailleurs de la construction, à de la
formation.
Enfin, pour l'industrie dans son ensemble, le projet de loi permettra de
fournir une meilleure réponse aux demandes du marché, de
développer dans la légalité, face à l'industrie, un
secteur d'activité économique et d'encourager une main-d'oeuvre
polyvalente. Nous sommes conscients que le texte législatif peut
comporter quelques imperfections. Comme nous l'avons toujours fait dans le
passé, nous abordons cette commission parlementaire avec une ouverture
certaine aux ajustements qui bonifieront le projet de loi 31. Cependant, nous
croyons que nous devons poursuivre dans la voie qui nous conduira à
légaliser une situation de fart.
Comme le résumait M. Jean Francoeur, du quotidien Le Devoir,
le 11 mai dernier, et je cite: "En adoptant ce projet de loi,
l'Assemblée nationale mettra fin à une immense hypocrisie
sociale. Il est de commune renommée que le secteur des travaux à
domicile est le terrain de prédilection du travail au noir. Dans son
état actuel, la loi est absolument inapplicable. Il faudrait
lâcher sur tout le territoire des divisions entières d'inspecteurs
qui iraient frapper à toutes les portes. En outre, pourquoi
appréhender de braves travailleurs pour les traduire devant des juges
qui, la veille, ont fait repeindre leur appartement à un coût bien
inférieur à celui du décret, 31,27 $."
En terminant, je tiens à remercier les députés, qui
sauront, j'en suis sûr, participer de façon positive aux
discussions qui s'amorceront dans quelques minutes. Je profite également
de l'occasion pour remercier les intervenants qui viendront nous expliquer
leurs opinions sur le projet de loi. Je suis confiant que nous travaillerons
à l'amélioration des règles régissant l'industrie
de la construction, afin qu'elles répondent plus que jamais à la
réalité et aux attentes de la population et de nos constructeurs
du Québec. Comme l'écrivait M. Claude Bruneau, dans un
éditorial paru le 12 mai 1988 dans le quotidien Le Nouvelliste:
"II est temps que clouer un planche redevienne un geste à la
portée du monde ordinaire." Merci beaucoup.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le député d'Abitibi-Ouest et critique officiel de
l'Opposition.
M. François Gendron
M. Gendron: M. le Président, je voudrais très
rapidement m'excuser pour les quelques minutes de retard. Ce n'est pas mon
habitude, mais j'avais une contrainte ce matin.
Je viens d'entendre le ministre du Travail. Je suis très heureux
de l'avoir entendu. Je pense qu'il n'y a pas de problème dans ses
premiers commentaires, soit qu'on doit avoir comme objectif visé par
cette commission que les discussions contribuent le plus possible, d'une part,
à éclairer les parlementaires, y compris le ministre, sur ce qui
se passe véritablement dans le domaine de la construction et, d'autre
part, permettent qu'on ait l'occasion d'échanger des propos avec des
experts, entre guillemets, sans "péjorativer" votre expertise, mais des
gens qui ont développé au fil des ans une expertise dans le
secteur de la construction. Je pense que ce sont des objectifs que je
partage.
Dans l'exposé du ministre, il y a également un bref
historique sur toute l'histoire de la construction, où, parce que je
vais être très court là-dessus, il en arrive à
conclure que, oui, il y a un problème dans le secteur de la construction
eu égard au travail dit noir que j'expliciterai un peu plus, et qu'en
conséquence il y a lieu de revoir les règles qui nous
régissent si on veut baliser davantage. Je pense qu'il n'y a pas de
problème à vivre avec cela. Quant aux effets
bénéfiques du projet de loi 31, on va en parler plus longuement
parce que je n'en suis pas convaincu à ce moment-ci, surtout pour ce qui
est des travailleurs. Les consommateurs, c'est une autre chose; c'est
uniquement sous l'angle du moindre coût, mais il y a d'autres aspects
à considérer dans le secteur de la construction.
Mes remarques plus personnelles, c'est que, bien sûr, la
commission de l'économie et du travail est convoquée aujourd'hui
pour procéder à ce qu'on appelle communément dans le
jargon des consultations particulières. À l'ouverture des
travaux, mon premier commentaire sur cet aspect-là sera pour souligner
encore une fois que le ministre du Travail a la mauvaise habitude de nous
arriver avec des projets de loi dans le domaine du travail toujours à la
dernière minute, un petit peu à la sauvette, à la vapeur.
On dirait qu'il aime avoir le sentiment de bousculer les intervenants parce que
c'est compliqué et que, si on donnait plus de temps, cela pourrait
être dangereux. Je pense qu'il faut être conscients de cela et je
comprends que c'est plus à moi qu'à lui de faire une remarque
comme celle-là.
Deuxièmement, le projet de loi a été
déposé assez récemment, à la surprise
générale, le 10 mai dernier, deux jours avant la date limite du
dépôt des projets de loi pour adoption avant la fin de la session.
Selon les vérifications qu'on a faites - bien sûr, on n'a pas tous
les moyens du ministère et du ministre - il n'y a pas beaucoup de gens
qui nous confirment qu'ils ont été vraiment consultés sur
ce projet de loi, et on est dans un domaine fragile. À tout le moins, on
peut en convenir. (10 h 30)
Troisièmement, on fait aujourd'hui des audiences et on demande
aux parlementaires d'être très participants. À la fin, le
ministre souhaitait que les parlementaires collaborent étroitement
à la bonification du projet de loi et ainsi de suite, et on a
été placé dans une espèce de carcan administratif.
On n'a pas d'outils. J'ai
eu l'occasion de voir un mémoire quelques minutes avant la
commission. Il me semble que, si on veut que les parlementaires passent moins
de temps dans d'autres occupations que dans ce qui nous concerne, cela aurait
été intéressant de pouvoir avoir les mémoires au
préalable. Là, je ne peux pas blâmer les
intéressés. Les consultations particulières ont lieu
aujourd'hui, le 24 mai, soit deux semaines après le dépôt
du projet de loi.
Manifestement, n'importe qui va prétendre qu'il s'agit d'un
délai bien trop court. Comment voulez-vous... Là,
j'élimine les délais d'envoi et tout cela. Mais deux semaines, le
temps que cela arrive et le temps qu'on s'y mette, il ne reste que quelque
jours pour préparer le mémoire, et il arrive ce qui arrive: on va
en prendre connaissance au moment où vous allez nous le lire. Est-ce que
cela nous permet de faire un travail efficace, vraiment de pointe, un bon
questionnement et de nous assurer qu'on ait les bons éléments de
critique pour profiter de votre expertise? Au moins, encore là, pour la
frime, on va peut-être donner l'impression qu'on est bien connaissants et
qu'on a tous eu ces informations. Mais ce n'est pas le cas. En ce qui concerne
les consultations particulières, normalement, on a l'occasion de prendre
connaissance des mémoires au préalable.
Qu'est-ce qu'on constate? On constate là une habitude classique
du ministre du Travail. On l'a vu, dans le projet de loi 30 concernant la
Commission des relations du travail, procéder à la
dernière minute. Il s'est essayé au printemps 1987 et cela n'a
pas marché à cause d'une levée de boucliers. On dirait
que, parfois, il souhaite cela pour être capable de bonifier son projet
de loi, comme si cela prenait une levée de boucliers pour bonifier un
projet de loi.
En juin 1987, il a reculé et on n'était plus censé
entendre parler de cela. Imaginez, on en a entendu parler quelques jours avant
la fin de la session. En décembre 1987, le ministre revenait à la
charge, pas trois semaines, pas un mois, pas deux mois avant, même si on
s'est ennuyé sur le plan de la session parlementaire, parce que ce n'est
pas un gouvernement qui légifère trop dans des lois utiles,
même s'il a pris des engagements pour le faire. La loi concernant la
Régie des rentes et les femmes au foyer, on n'a pas eu cela comme
dépôt, on ne connaît pas cela, on n'a pas vu cela encore. En
décembre, deux jours avant, il s'essaie encore et, à la fin de la
session, il force l'adoption de son projet de loi. Je pense que ce sont des
remarques que je dois faire. L'examen du projet de loi 31 commence un peu mal
quand on souhaite une collaboration très étroite. Nous allons
tout mettre en oeuvre pour regarder cela sérieusement, parce que c'est
sérieux, ce projet de loi. C'est sérieux, et le ministre a raison
là-dessus, il touche au moins une question qui est problématique
depuis plusieurs années. Je ne dis pas qu'on n'aura pas à
discuter la façon dont il le fait. Mais est-ce qu'il s'attaque à
une problématique qui est réelle? Je pense que oui; je pense que
c'est réel. Mais pas à la vapeur, comme il le fait.
Quels sont les véritables buts du ministre? Il est
peut-être important de vous dire ce que je perçois. Le projet de
loi 31, d'abord, c'est un projet de loi court. Ce n'est pas un projet de loi
volumineux. Ce n'est pas un projet de loi de quelque 600 articles; il y en a
19. Il est assez facile d'en comprendre la mécanique. Pour quelqu'un qui
sait lire un projet de loi, c'est assez facile à comprendre. Mais il est
beaucoup plus difficile de comprendre ce que veut véritablement le
ministre du Travail et, encore là, de faire la relation entre l'objectif
contenu dans les notes explicatives et le libellé de certains articles
qui sont flous, mal définis. On ne sait pas jusqu'où cela va
aller, et j'en parlerai plus longuement au moment approprié.
Le véritable objectif du ministre, dans tous ses propos, depuis
le dépôt du projet de loi, l'élément qui est
constamment revenu dans la bouche du ministre et du gouvernement, c'est le
travail au noir. On n'a entendu, globalement, que cette affaire-là. Je
ne peux pas prétendre tout de suite - j'essaierai de le démontrer
- que c'est carrément trompeur. Mais, à tout le moins, cela
traduit une perception très tronquée de la réalité
du secteur résidentiel de la construction, très tronquée
parce qu'en fait on a dit; Ce projet de loi va régler le travail au
noir. Il va légaliser le travail au noir. Ce n'est pas parce qu'on
légalise quelque chose qu'on a réglé le fond de l'affaire.
Dans la dimension du travail au noir, pour bien du monde, ce n'est pas juste
travailler au noir, c'est travailler sans absence de revenus pour
l'État. Est-ce qu'on va corriger cela? Je dis non, pas du tout; on ne
corrigera pas du tout. C'est une des dimensions, en tout cas, dans l'opinion
des gens quand on parle du travail au noir. On demande aux gens: Cela veut dire
quoi, travailler au noir? Des gens qui vont dire: Cela veut dire travailler
sans être obligé de payer de l'impôt sur les gains que l'on
fait par son travail, sa production de travail. C'est cela, une des notions du
travail au noir.
Il y a deux aspects du travail au noir. Le premier concerne les
individus qui travaillent dans la construction sans carte de qualification ou,
encore, qui travaillent en dessous des règles salariales prévues
au décret de la construction. C'est une dimension qu'on connaît.
L'autre aspect du travail au noir concerne les individus qui ne
déclarent pas de revenus au ministère du Revenu. Il y a un
ministre qui s'ennuierait si personne ne déclarait ses revenus. Entre
autres, "la job" du ministre du Revenu est de percevoir. Cette dimension n'est
pas abordée du tout. Donc, c'est une partie des citoyens qui ne paient
pas et qui ne paieront pas, avec ce projet de loi, leur juste part
d'impôt.
Sur le deuxième point que je viens d'indiquer, il est clair, quoi
qu'en dise le ministre, que son projet de loi ne règle rien. Encore
là, il
y a toujours deux projets de loi. Il y a celui qu'il dépose et
celui qu'il nous présentera après le tollé de
protestations de tout le monde. Je ne le sais pas. Je ne connais pas le contenu
de ses valises. Je ne sais pas à quel moment il va nous arriver avec le
bon projet de loi. Mais celui qu'on a sur l'aspect du travail au noir pour le
second volet ne corrige absolument rien.
Ce qui semble certain, c'est que son projet de loi amènera des
baisses extraordinaires de salaires. J'ai de la difficulté à
concevoir comment les baisses de salaires vont amener les travailleurs à
déclarer le peu de revenus qu'il leur restera. Le type va travailler
à moins cher et il va le déclarer parce qu'on aura sorti un pan
complet du champ de la construction! Là-dessus, encore là, il va
falloir y revenir parce que c'est quoi de la "rénove"? De la
rénovation, j'entends. Quand on peut améliorer, changer,
transformer, modifier, grossir, etc.? À un moment donné, ce sera
la construction résidentielle... Si c'est votre objectif, pourquoi ne
pas le dire franchement? Là-dessus, on pourrait discuter. Votre objectif
est-il: La construction domiciliaire ne fait plus partie du secteur de la
construction? Si c'est ce que vous voulez, il faudrait le dire franchement. Il
ne faudrait pas patiner et dire qu'on sort la "rénove", et, à un
moment donné, c'est plus large que la rénovation et ainsi de
suite, mais on aura l'occasion de le définir.
Je disais donc que j'ai de la difficulté à concevoir
comment des baisses de salaires vont amener des travailleurs à
déclarer le peu de revenus qu'il leur restera. Au contraire. Ma plus
grande crainte est le fait que de faire sauter le décret et le
certificat de qualification va ramener dans la construction des individus qu'on
n'avait pas vus depuis longtemps, des profs en vacances - je n'ai rien contre
cela - mais on avait quand même réglé cela, des pompiers,
des policiers, etc. Mais les pompiers et les policiers, ce n'est pas moi qui ai
inventé cela. Je connais le domaine seulement un peu. Je vais faire un
aparté. J'ai un de mes frères qui gagne sa vie dans la
construction depuis 22 ans. On a déjà prétendu, sur toute
la question des cartes, etc., que c'est un régime de fou; pas pour lui
en tout cas. Quand on lui parle de cela, il dit: Depuis qu'on avait cela,
j'avais "ma job". Je ne voyais pas, lors de la construction du stade, un paquet
de gens que je ne connaissais pas. Cela fait 22 ans qu'il est dans la
construction et c'est drôle que, par hasard, durant les vacances
d'été, avant notre législation au Québec, il y
avait toujours un paquet de monde qu'il voyait dans la construction et qu'il ne
voyait pas en d'autres temps. Qui étaient ces gens-là?
C'étaient des pompiers de la ville de Montréal qui avaient
accumulé des congés de maladie. Dieu sait s'ils en ont
d'accumulé parfois. Ils en profitaient pour aller vider leur banque de
congés de maladie sur les chantiers de construction. Ce n'est pas
certain que ce soit la meilleure garantie pour sécuriser les
véritables travailleurs de la construction. Il va falloir regarder cela.
Les policiers également, enfin, bref, toute espèce de
travailleurs occasionnels qui viendront enlever le peu qui restera aux
travailleurs qui ont choisi d'oeuvrer à temps plein dans la
construction.
On peut se faire aller un peu les affaires parce que l'économie,
ce n'est pas moi qui l'ai inventée non plus, et surtout pas ce
gouvernement, mais les paramètres économiques sont bons. La
conjoncture est bonne, favorable. Quand la conjoncture est favorable, que se
passe-t-il? Il se passe de l'activité économique. Quand il y a de
l'activité économique, c'est moins fatigant d'avoir d'autres
fatigants dans le même secteur que soi, mais ce ne sera pas toujours cela
et c'est important.
Quant au premier aspect du travail au noir, le projet de loi 31 va le
régler, c'est clair. Là-dessus, je pense que c'est clair. Le
premier aspect du travail au noir sera réglé parce que le
ministre dit: On le sort de là. Cela va le régler en faisant
sauter toute règle obligatoire. Belle mentalité! Genre "les
illégaux" dans le domaine scolaire, les dissidents, etc. On a dit: Vous
êtes illégaux. On vous absout collectivement. On va
véhiculer une nouvelle notion qui dira: Quand quelqu'un est contre les
règles du régime, il fait un bout dedans et, à un moment
donné, on l'amnistie. C'est l'amnistie générale. C'est ce
qu'on dit. On va légaliser par loi la pratique, établie depuis
des années, de travailler au noir. On dit que c'est correct. Que
voulez-vous? Cela fonctionnait de même et on n'a pas le choix. On ne peut
pas contrer cela. Il n'y a pas assez d'inspecteurs. Il n'y a pas assez de
suivi. Le ministère du Revenu ne fait pas véritablement "sa job"
pour contrer le travail au noir. Je reconnais que ce n'est pas facile, en
passant. Là, on dit: On va régler cela. C'est fini. Cela me fait
penser au député de Trois-Rivières qui, pour régler
le problème du non-respect des limites de vitesse, proposait d'abolir
les limites de vitesse. Il disait: De toute façon, les gens ne le font
pas. Il serait bien plus simple de dire qu'il n'y a plus de limites de vitesse.
C'est fini. Vous pouvez rouler comme vous voulez. Cela fait sourire certains
mais c'est exactement ce que fait le ministre du Travail. Trop de gens ne
respectent pas le décret de la construction et la Loi sur les relations
du travail dans l'industrie de la construction. Pas de problème,
j'abolis les deux. C'est réglé. On n'a pas besoin de jaser
longtemps avec des solutions semblables.
Il est donc difficile de croire que ce que veut faire le ministre du
Travail, c'est vraiment éliminer le travail au noir. La vraie
réponse réside plutôt dans les notes explicatives du projet
de loi. Ce projet de loi a pour objet de déréglementer certains
travaux dans l'industrie de la construction. Cela est exact et je pense que
là il faudrait féliciter le ministre pour sa constance. Ils ont
publié trois rapports de fou au début de leur mandat et on a dit:
Non, non, on n'applique pas cela, on retire cela du marché,
cela n'a pas de bon sens. Tout le monde prétendait que le rapport
Scowen, le rapport Gobeil et le rapport Fortier, je pense... Non, non, le
premier ministre donnait la sécurité à tous les citoyens
du Québec et il n'était pas question... Je vous garantis,
disait-il, qu'on n'ira pas plus loin, on a vérifié des choses et
on ne va pas plus loin dans ces trois rapports-là. Mais la philosophie
et l'orientation de ces trois rapports reviennent constamment dans tous les
champs d'activité du Québec et, dans le fond, ce qui arrive
actuellement, c'est carrément une volonté de reprendre la
déréglementation. De toute évidence, il s'agit de faire
sauter le décret de la construction qui constitue la convention
collective des travailleurs de la construction.
Sur les impacts de la déréglementation, très
rapidement, parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps et j'aurai l'occasion
d'y revenir, je pense que l'abolition du décret aura pour effet de
renvoyer les travailleurs concernés sous la seule protection des normes
minimales du travail. Le décret constitue la convention collective. La
Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction constitue
le cadre juridique particulier d'organisation des travailleurs et des
employeurs. Sans faire l'histoire, soulignons que cette loi est issue
directement de graves conflits que la construction connaissait dans les
années soixante-dix et de la commission Cliché qui a
examiné les causes. Si le législateur a prévu un
régime particulier pour la construction, c'est que le Code du travail
s'est avéré incapable d'assurer l'exercice du juste droit
à la syndicalisation et à la négociation d'ententes
collectives. Je ne veux pas aller plus loin parce que je ne veux pas abuser du
temps. Tout ce que je dis, c'est que pour nous, en conclusion, le projet de loi
31 va plus loin dans certaines recommandations que le rapport Scowen, le
rapport Scowen qui a été tant décrié.
Je n'ai pas dit qu'on avait actuellement une position formellement
opposée au projet de loi. Je dis qu'il y a beaucoup de questions qu'on
devra se poser; il y a une série de garanties que nous n'avons pas et
qu'on devra avoir. Encore là, sur la méthodologie, je pense que,
quand on veut agir dans un domaine où la fragilité est grande, on
procède autrement, on procède en se donnant plus de temps, on
procède en nous permettant d'avoir les mémoires pour qu'on puisse
les regarder et faire un échange pertinent. C'est ce que je souhaite
faire avec les différents intervenants parce que, dans le fond, on est
ici aujourd'hui moins pour discuter du projet de loi 31 que pour vous entendre
sur le projet de loi 31. C'est pour cela que je m'arrête tout de suite en
souhaitant que vous soyez les plus éclairants possible.
Auditions
Le Président (M. Théorêt): Messieurs, les
membres de la commission de l'économie et du travail vous souhaitent la
bienvenue. M. Four-nier, si vous voulez bien nous présenter les gens qui
vous accompagnent.
Commission de la construction du Québec
M. Fournier (Alcide): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs les députés, j'aimerais d'abord vous
présenter Me Hugues Ferron, à ma gauche, qui est
secrétaire et conseiller juridique à la commission, M. Jean-Luc
Pilon, qui est directeur de la recherche à la commission, et, à
ma droite, M. Jean Ménard, qui est directeur du contentieux.
Étant donné le rôle central qu'occupe la Commission
de la construction du Québec dans l'application de la Loi sur les
relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la
main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, permettez-moi, en guise de
préambule, de vous présenter cet organisme.
Créée le 1er janvier 1987 afin de favoriser une meilleure
représentation des gens du milieu de la construction, la Commission de
la construction du Québec remplace l'Office de la construction du
Québec. Par son conseil d'administration qui compte 13 membres, la CCQ
regroupe les représentants des différentes associations de
salariés et d'employeurs, facilitant ainsi l'établissement d'un
climat de travail favorable dans l'industrie. La présence de
représentants du gouvernement du Québec au sein du conseil
d'administration fait de la CCQ un lieu de' rencontre privilégié
où les gens du milieu peuvent contribuer à définir des
politiques favorables au développement de leur industrie. Soulignons que
le financement de la commission est totalement assuré par les
salariés et les employeurs de l'industrie de la construction. (10 h
45)
J'aimerais également vous rappeler les principaux mandats que le
législateur a confiés à la CCQ. Premièrement, la
commission doit veiller à l'application de la convention collective ou
du décret régissant les conditions de travail dans la
construction. Ce mandat, dont l'origine remonte aux années trente,
constitue la principale activité de la commission. Il implique le
maintien de treize bureaux régionaux pour servir adéquatement
l'ensemble du territoire québécois, le maintien d'un service de
vérification de livres, d'inspection de chantiers et d'un service
à la clientèle, l'exercice de tous les recours qui naissent du
décret en faveur des salariés, la perception des cotisations
patronales versées à l'association des employeurs et des
cotisations syndicales versées aux associations représentatives,
la perception et la remise semestrielle d'indemnités de payes de
vacances, l'administration d'un fonds spécial d'indemnisation
protégeant les salariés contre toute perte de revenu
résultant d'une faillite de leur employeur.
Deuxièmement, la commission doit administrer les régimes
complémentaires d'avantages
sociaux. Ce mandat implique l'administration des régimes
d'assurance-vie, d'assurance-salaire, d'assurance-maladie pour 80 000
salariés de la construction, l'administration d'un régime de
retraite qui compte 28 500 retraités et dont l'actif, géré
conjointement avec la Caisse de dépôt et placement du
Québec, s'élève à plus 2 000 000 000 $, et la
signature d'ententes de réciprocité avec d'autres régimes
canadiens ou américains.
Troisièmement, la commission doit veiller à l'application
de la loi et des règlements se rapportant à la gestion de la
main-d'oeuvre, dont le contrôle de la compétence des travailleurs
oeuvrant sur les chantiers de construction. Ce mandat implique la
délivrance et le renouvellement des certificats de compétence
à près de 110 000 travailleurs, la surveillance du respect des
critères de priorité d'embauché régionale,
l'émission de licences aux agences syndicales de placement ainsi que le
contrôle de leur respect du code d'éthique et le maintien d'un
service de référence des salariés disponibles aux
employeurs.
Quatrièmement, la commission doit veiller à l'application
des mesures et des programmes relatifs à la formation professionnelle de
la main-d'oeuvre de l'industrie de la construction. Ce nouveau mandat
confié, à la commission en janvier 1987, implique
l'élaboration et la mise en oeuvre d'un système
intégré de formation et de qualifications professionnelles en
collaboration avec les représentants des parties syndicales et
patronales et l'évaluation annuelle des besoins quantitatifs et
qualitatifs de main-d'oeuvre de l'industrie de la construction.
Cinquièmement, la commission doit organiser périodiquement
le vote d'allégeance syndicale. Ce vote détermine le degré
de représentativité des associations syndicales. Il est une des
caractéristiques fondamentales du pluralisme syndical qui prévaut
dans le régime de relations du travail de l'industrie
québécoise de la construction.
Finalement, la commission doit effectuer, en vertu d'une entente
administrative avec la Régie des entreprises en construction du
Québec, l'inspection concernant la vérification des licences
d'entrepreneurs. L'industrie de la construction: Pour saisir les implications
du projet de loi 31, il est nécessaire de tracer un portrait de
l'industrie de la construction et de ses composantes. L'industrie de la
construction constitue un secteur d'activité économique de
première importance au Québec. En 1987, le secteur de la
construction a connu une croissance supérieure à celle des autres
secteurs économiques. C'est donc dire qu'il a contribué de
façon significative à la croissance de l'économie
québécoise. La valeur des travaux de construction a
dépassé 18 000 000 000 $ au Québec en 1987, ce qui
représente près de 16 % des dépenses totales du
Québec. Il s'est dépensé 9 400 000 000 $ dans la
construction résidentielle, 4 500 000 000 $ dans la construction de
bâtiments non résidentiels et 4 200 000 000 $ dans les travaux de
génie. On parie donc d'un secteur clé de l'économie dont
les effets d'entraînement sur d'autres secteurs sont bien connus.
Les travaux de construction sont effectués en majeure partie par
des salariés assujettis au décret de l'industrie de la
construction. En 1987, plus de 105 000 salariés assujettis ont
travaillé pour 16 500 employeurs. Un tel nombre de salariés et
d'employeurs n'avait pas été enregistré depuis la fin des
années soixante-dix. Cette situation est due en grande partie à
la vigueur du secteur résidentiel neuf qui a connu, en 1987, une
année exceptionnelle. Quant aux montants des dépenses faites dans
la rénovation et la réparation résidentielles,
l'évaluation est plus délicate étant donné le
nombre de donneurs d'ouvrages impliqués. En fait, il s'agit
potentiellement de tous les ménages québécois. Statistique
Canada estime néanmoins que ces dépenses représentaient 3
800 000 000 $ en 1987, que ce soit pour des travaux réalisés
à propre compte, c'est-à-dire par les propriétaires
eux-mêmes, ou encore à forfait, c'est-à-dire donnés
à contrat. Toujours, selon Statistique Canada, les travaux à
propre compte représentent 43 % des dépenses de rénovation
résidentielle, tandis que le forfait accapare une part de 57 %. Ainsi,
la valeur des travaux de rénovation et de réparation
résidentielles exécutés à forfait est
estimée à 2 150 000 000 $ en 1987.
De ces 2 150 000 000 $ de travaux à forfait, nous évaluons
que 73 % du volume des travaux de rénovation et de réparation
résidentielles sont exécutés à des fins
personnelles autres que commerciales ou industrielles d'une personne physique.
Ce pourcentage provient du fait que 55 % des logements au Québec
appartiennent à des propriétaires occupants qui, selon une
enquête sur les dépenses des ménages, consacrent le double
en dépenses de rénovation et réparation comparativement
aux propriétaires locatifs. Ainsi, la valeur des travaux de
rénovation et de réparation donnés à contrat par
des propriétaires pour leur propre logement s'élèverait
à 1 600 000 000 $.
Quant à la CCQ, elle ne peut, à l'aide des rapports
mensuels transmis par les employeurs de la construction, identifier sur quel
type de chantier les heures rapportées ont été
travaillées, si bien qu'elle ne peut évaluer le volume de travail
assujetti dans le secteur de la rénovation et de la réparation
résidentielles.
Accroissement des pouvoirs d'enquête de la commission. Outre le
champ d'application, le projet de loi 31 aborde les pouvoirs d'enquête de
la commission. Ainsi, la loi actuelle fournit à la commission certains
outils pour l'aider à accomplir ses mandats. Toutefois, ceux-ci ne se
sont pas avérés aussi efficaces qu'on aurait pu le souhaiter. On
songe, en particulier, aux difficultés rencontrées par nos
inspecteurs pour l'identification des personnes présentes sur certains
chantiers.
Le projet de loi 31 améliore les pouvoirs de la commission
d'enquêter sur les matières qui relèvent de son champ
d'action, lui permettant d'exercer avec plus d'efficacité les recours
prévus par la loi. En premier lieu, le projet de loi oblige toute
personne concernée par les travaux de construction à prendre les
moyens nécessaires pour que la commission puisse obtenir les
renseignements et les documents requis pour mener à bien son mandat de
mettre la loi en application. Actuellement, seuls les employeurs et les
salariés visés par la loi ont l'obligation de fournir aux
inspecteurs de la commission les renseignements jugés pertinents.
L'ajout de l'article 7.2 étendra cette obligation à toute
personne concernée par les travaux, par exemple, le donneur d'ouvrage,
le propriétaire, l'entrepreneur de construction qui n'est pas un
employeur au sens de la loi, l'artisan, de même que toute personne
agissant pour eux comme représentant.
Ce nouvel article permettra à la commission de s'adresser aux
tribunaux, soit par voie d'injonction, soit au moyen de poursuites
pénales pour faire sanctionner le refus des personnes concernées
de collaborer aux enquêtes de la commission. En deuxième lieu, le
projet de loi précise de quelle façon la commission peut exiger
ces renseignements ainsi que de quelle façon et dans quel délai
une personne est tenue de les lui faire parvenir. Il indique aussi qu'à
défaut de ce faire la personne s'expose à des poursuites
pénales. C'est ce qui ressort de la nouvelle rédaction du
paragraphe f du premier alinéa de l'article 81 et des dispositions
apportées par le nouvel article 81.0.1. Ainsi, quiconque tenu de fournir
des renseignements omet de le faire dans les dix jours suivant une demande
écrite à cet effet commettra une infraction. Cette disposition
permet de mieux assurer le respect de l'obligation de fournir des
renseignements par les personnes désormais soumises à cette
obligation.
Quatrième point, harmonisation du montant des amendes pour les
infractions à la loi. Le projet de loi 31 a également comme
objectif d'harmoniser le montant des amendes pour les infractions à la
loi. Il faut préciser que la loi actuelle contient plusieurs articles
disparates qui prévoient des amendes variables pour différents
types d'infraction. Le montant minimal qu'un juge peut imposer pour ces
infractions varie considérablement et n'est pas toujours cohérent
avec la gravité objective de chacune des infractions. Par exemple,
travailler durant les vacances obligatoires est actuellement passible d'une
amende minimale de 60 $, soit la même que prévue pour refus de
fournir des renseignements à un inspecteur de la commission. On peut
également citer qu'un employeur peut recevoir une plus forte amende pour
avoir embauché un salarié non quai if é que pour avoir
falsifié ses livres de comptabilité.
Le projet de loi harmonise ces dispositions, d'une part, en
établissant comme règle générale pour la plupart
des infractions commises par un individu une amende minimale de 125 $ alors que
pour celles commises par une association ou une corporation elle serait de 575
$. Cependant, l'amende minimale pour un individu qui entrave un inspecteur de
la commission dans l'exercice de ses fonctions passe de 350 $ à 575 $.
De plus, l'amende prévue pour quiconque falsifie ses registres ou
transmet de faux renseignements à la commission passe de 250 $ à
1000 $ pour un individu, et de 250 $ à 2000 $ pour toute autre
association ou corporation. Signalons enfin que les pénalités
prévues pour les personnes qui travaillent sans certificat de
compétence, de même que celles prévues pour l'employeur qui
embauche une main-d'oeuvre non compétente demeurent inchangées.
En plus d'améliorer la cohérence interne de la loi, cette
harmonisation aura aussi l'avantage de pénaliser plus
sévèrement ceux qui font obstacle à la commission dans
l'exercice de son pouvoir d'inspection.
Amélioration des dispositions relatives aux recours
intentés par la CCQ. En ce qui concerne les recours intentés par
la commission, le projet de loi prévoit la possibilité de
réclamer de l'employeur et du salarié une pénalité
civile supplémentaire de 20 % lorsque le salarié visé
n'est pas titulaire d'un certificat de compétence requis pour les
travaux qu'il exécute. Les sommes ainsi perçues sont
versées dans un fonds d'indemnisation ayant pour but d'assurer à
chaque travailleur le paiement du salaire et des avantages sociaux.
Cette disposition aidera à décourager le travail au noir,
notamment en rendant les employeurs qui s'y adonnent passibles d'une sanction
civile en plus des amendes qui peuvent leur être imposées lorsque
l'on constate une infraction sur un chantier. Cette disposition aura
également l'avantage d'éviter que le salarié qui ne
détient pas le certificat de compétence requis visé par
une réclamation de salaire soit avantagé par rapport à
l'apprenti de première année qui est en règle avec la loi
et les règlements. À titre d'exemple, l'apprenti
charpentier-menuisier de première année a droit à 60 % du
taux horaire du compagnon. Le salarié non qualifié ne retirerait
pas plus, puisqu'en plus de la pénalité de 20 % qui peut
déjà lui être appliquée s'ajoute une
pénalité supplémentaire de 20 % qui porte sa
rémunération brute à 60 % du taux du compagnon.
Enfin, le projet de loi permet à la commission d'exercer les
recours des salariés, non seulement contre l'employeur de ces derniers,
mais aussi contre toute personne légalement tenue de payer le salaire
dû. Cette disposition autorisera la commission à exercer
directeiment contre les cautions des entrepreneurs en difficulté les
recours que seul le salarié est actuellement autorisé à
exercer pour recouvrer son salaire.
L'article 12 du projet de loi 31 apporte quelques modifications
concernant l'administration des régimes d'avantages sociaux. La
commission
est favorable à l'ajout du paragraphe 3.1 de l'article 92 de la
loi qui vient préciser les modalités pour conclure des ententes
de réciprocité en termes d'avantages sociaux. Celles-ci
permettent à des travailleurs québécois qui ont
travaillé à l'étranger, de récupérer les
sommes d'argent qu'ils ont versées dans les régimes des
associations syndicales canadiennes et américaines. Quant à la
participation de l'artisan aux régimes d'avantages sociaux de
l'industrie, ce sujet fait l'objet de discussions depuis plusieurs
années à la commission. Les études que nous avons
effectuées confirment que l'artisan, actuellement, retire des
régimes complémentaires d'avantages sociaux des
bénéfices nettement supérieurs à ses contributions
et ce, de l'ordre de deux à trois fois. Ce comportement a pour effet de
faire supporter aux salariés, en large mesure, les avantages sociaux des
artisans. Cette situation inéquitable vient du fait que ces personnes
peuvent contribuer sur une base volontaire au régime d'assurance, ce qui
les amène à contribuer lorsqu'elles croient en retirer le maximum
d'avantages. C'est ce que les actuaires appellent de l'antisélection qui
va contre les principes mêmes de l'assurance. (11 heures)
Quoique la modification proposée par le projet de loi puisse
atténuer cette inéquité, les membres du conseil
d'administration de la commission maintiennent la position déjà
adoptée. Ils recommandent une modification à la loi en vue
d'exclure l'artisan du régime de base de l'industrie de la construction.
Si, toutefois, la loi ne peut permettre cette exclusion, le conseil souhaite
que les artisans soient couverts par un régime particulier.
En terminant, l'accroissement des pouvoirs d'enquête de la
commission, l'harmonisation du montant des amendes et l'amélioration des
dispositions relatives aux recours permettront à la Commission de la
construction du Québec de mieux exercer les mandats que lui a
confiés le législateur. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M.
Fournier. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, très
brièvement, M. le Président. Dans un premier temps, vous me
permettrez de remercier la commission pour sa comparution devant la commission
ainsi que pour la qualité du mémoire.
Je vais insister en commençant, M. le Président, sur le
préambule de votre mémoire où vous indiquez très
clairement aux membres de la commission que votre organisme occupe un
rôle central, que votre organisme est composé en majorité
de représentants de la partie patronale et de la partie syndicale,
autrement dit des partenaires de l'industrie de la construction, ce qui
commande de votre part un sens de l'équilibre dans la
présentation d'un tel mémoire, compte tenu du fait que la
quasi-totalité des gens qui siègent à votre conseil
d'administration viendront, à titre individuel ou comme
représentants d'autres organismes, nous faire part également de
leur éclairage et de leur lumière. Sur cette question, la
commission peut-elle tenir pour acquis que la position que vous nous
présentez ici, ce matin, est cette espèce de position de
compromis à laquelle en arrive la commission dans l'ensemble des
dossiers où elle a à se prononcer?
M. Fournier: D'abord, vous avez remarqué qu'on n'a pas
touché au champ d'application et au statut de l'artisan. À la
suite d'une demande de l'un des membres du conseil d'administration, nous avons
eu une assemblée spéciale du conseil d'administration jeudi de la
semaine dernière, à laquelle le conseil d'administration nous a
indiqué que nous discuterions, comme commission, des aspects
administratifs du projet de loi et non pas des aspects concernant l'industrie
de la construction, étant donné que chacun de nos partenaires
avait une présentation à faire. Vous remarquez qu'on insiste sur
les aspects qui, à notre avis, sur le plan administratif,
améliorent les recours, les amendes, etc., mais on laisse
évidemment les parties, dans l'industrie de la construction, s'exprimer
sur le reste.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Votre organisme est
peut-être quand même celui qui est le mieux placé pour
tenter de chiffrer, autant que faire se peut, ce qu'on appelle
communément le travail au noir. Avant de s'aventurer dans des chiffres,
tant sur le plan des heures que des individus impliqués et des sommes
d'argent qui sont concernées, pourriez-vous, pour le
bénéfice de la commission, nous définir ce que constitue,
pour la Commission de la construction du Québec, le travail au noir dans
l'industrie de la construction?
M. Fournier: Comme vous avez pu le constater dans notre
mémoire, lorsqu'on a parlé de la distinction entre les travaux de
rénovation et les travaux de construction neuve, on vous a dit que la
commission n'était pas actuellement en mesure de faire la distinction
entre les deux. Cela vient du fait que les rapports mensuels qui nous sont
transmis par les employeurs ne contiennent pas ce renseignement. Nous avons
tenté, à partir de 1983, de compléter les rapports
mensuels mais, comme vous le savez, ce document est adopté par
règlement et il doit être soumis au comité mixte de la
construction. À deux reprises, nous avons soumis les modifications au
rapport mensuel pour nous permettre d'identifier le secteur de la construction
résidentielle neuve et résidentielle rénovation et,
à deux reprises, la partie partronale au comité mixte n'a pas
accepté cette proposition. Cela a été accepté
finalement par le conseil d'administration de la commission en 1987, et
publié dans un règlement le 28 janvier 1988, ce qui ne nous
permet pas
malheureusement de fournir ici, à la commission, la distinction
entre ces deux secteurs.
Pour ce qui est de la question plus précise de
l'évaluation du travail au noir dans le secteur de la rénovation,
je pense que toutes les hypothèses sont à peu près
permises. D'un côté, nous, on ne peut pas distinguer entre une
construction neuve et une rénovation dans le secteur résidentiel
et le travail au noir, par définition, n'est pas un travail
rapporté. Alors, si on tentait de fournir des chiffres dans ce domaine,
ce seraient purement des hypothèses et toute autre hypothèse
pourrait être aussi valable que la nôtre dans ce domaine.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que la réponse que
vous venez de donner à la commission s'appliquerait également
dans le cas des infractions que vous avez observées au cours des
dernières années? Les poursuites que vous avez intentées,
est-ce qu'il y a des indices qui pourraient nous permettre de déterminer
dans quelle proportion ces poursuites ont été intentées
dans le domaine de la réparation ou de la rénovation plutôt
que dans le domaine de la construction?
M. Fournier: En ce qui concerne les poursuites, encore là
on divise les poursuites en chantiers résidentiels et chantiers non
résidentiels. Alors, dans la section résidentielle on n'a pas la
division entre rénovation et construction neuve. Je peux vous citer,
dans les chantiers résidentiels, les infractions à la
qualification. Par exemple, en 1987, 20 429; dans les chantiers non
résidentiels, 18 388. Comme je vous le disais au départ, on n'a
pas la distinction dans les chantiers résidentiels entre la
rénovation et la construction neuve. C'est la même chose en ce qui
a trait aux poursuites civiles. On ne fait pas la distinction entre les
deux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour retourner à votre
mémoire, aux pages 10 et suivantes, vous parlez encore une fois, dans le
cadre du mandat que vous ont donné vos administrateurs, de
l'administration de la loi et de l'harmonisation, des bonifications sur le plan
administratif que peuvent apporter certaines des mesures qui sont mises de
l'avant par le projet de loi 31. Vous dites que ces mesures vont aider à
décourager le travail au noir, etc. Mais vous concluez sur la
participation de l'artisan aux régimes d'avantages sociaux de
l'industrie en mentionnant que ce sujet fait l'objet de plusieurs discussions
à la commission et ce, depuis plusieurs années. Nous retrouvons,
à l'annexe 2, un extrait du procès-verbal d'une séance du
conseil d'administration de la Commission de la construction tenue le 23
septembre 1987. M. Maurice Pouliot a proposé, appuyé par Claude
Daoust, que la commission recommande une modification à la loi en vue
d'exclure l'artisan du régime de base de l'industrie de la construction.
Par contre, si la loi doit le couvrir, que le tout s'effectue au moyen d'un
régime particulier. Et on note: proposition adoptée à
l'unanimité. Donc, les représentants patronaux, syndicaux et
gouvernementaux, si je peux utiliser l'expression, sont tous allés dans
le même sens. Est-ce que l'amendement qui est apporté par le
projet de loi 31 et qui vise finalement à éliminer ce que les
actuaires appellent l'antisélection répond, d'après vous,
aux attentes du conseil d'administration de la CCQ?
M. Fournier: Je ne croirais pas. Lorsque le conseil
d'administration... À notre réunion, on a discuté de ces
sujets; on a tout de même eu le mandat de souligner que cela
améliorerait jusqu'à un certain point la pratique actuelle, que
ce soit au sujet des amendes ou au sujet des recours, etc. Par rapport à
l'artisan, je pense que les parties vont pouvoir se prononcer sur cela. Je
crois qu'elles n'ont pas la même vue que le projet de loi sur le statut
de l'artisan. Quant à la résolution qu'on a annexée au
mémoire, elle avait été adoptée alors qu'il n'y
avait pas de projet de loi modifiant le statut de l'artisan qui était en
vue. C'est pour cela que la résolution est en deux volets. Le premier
désir, c'était de l'exclure tout simplement mais, si la loi,
selon les avis juridiques, ne le permettait pas, à ce moment
c'était de lui créer un régime particulier, ce que la loi,
selon les avis juridiques, ne permettait pas encore à ce moment. Mais
maintenant, comme il y a un projet de loi modifiant ou qui peut modifier le
statut de l'artisan, je pense que les parties dans l'industrie de la
construction reviennent à leur premier choix de l'exclure purement et
simplement des régimes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux peut-être aller un
peu plus loin dans cette réponse que vous nous donnez. Les parties "en
voulaient" aux artisans parce qu'ils profitaient des régimes dans une
proportion supérieure à leurs contributions.
M. Fournier: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À partir du moment
où ils ne peuvent plus profiter dans une proportion supérieure
à leurs contributions, l'objection tient-elle toujours?
M. Fournier: Oui. Les parties pourront vous en dire davantage. Je
pense que oui, parce que le but n'est pas de les maintenir absolument à
l'intérieur des régimes. L'intention des parties - encore
là, j'interprète - est plutôt de les exclure purement et
simplement de tout régime de l'industrie de la construction que de les y
maintenir avec des contrôles obligatoires, des choses comme cela. La
difficulté de contrôle de ces gens-là est assez importante.
Le premier choix des gens est de les exclure. Il est sûr que, s'ils
n'étaient pas exclus, cela améliorerait la
présente situation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va pour le moment.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le critique de l'Opposition.
M. Gendron: Je veux vous remercier aussi en quelques mots. Vous
aviez les mêmes délais que n'importe quel autre groupe. Donc,
merci d'avoir eu la capacité de produire un mémoire sur ces
questions-là. La Commission de la construction du Québec est
sûrement un organisme habilité à nous éclairer. Vous
avez d'ailleurs rappelé vos mandats. Il était peut-être
important de le faire. Je veux seulement rapidement revenir sur la partie 2,
intitulée industrie de la construction, qui m'a permis d'avoir un
éclairage commun sur l'ampleur des chiffres dans ce secteur. Pour le
bénéfice de ceux qui suivraient éventuellement - je parle
surtout de l'autre côté - il est important de rappeler qu'il
s'agit de 9 400 000 000 $ dans le secteur résidentiel. On constate que
c'est le double du secteur qu'on appelle la construction de bâtiments,
qui est 4 500 000 000 $; et c'est 4 200 000 000 pour les travaux de
génie. Quand on a apprécié ce qui peut se faire, par
exemple, à propre compte versus à forfait, c'est une proportion
de 40-60 - c'est 43-57, mais en gros 40-60 - pour 4 000 000 000 $. Tout cela
pour dire que votre évaluation, c'est à peu près 2 150 000
000 $ qui restent dans le champ de la rénovation, réparation,
modification.
Je veux seulement faire le tour de votre mémoire avant de
questionner. Après ces chiffres, vous arrivez avec une section 3
où vous dites que le projet de loi 31 vous donne des pouvoirs accrus.
Parfait, c'est exact, sauf que cela ne nous donne aucune indication pertinente
quant aux dicussions que nous devons avoir sur ce que j'appellerais le coeur
même du projet de loi 31. Vous avez bien fait de le faire remarquer,
parce que cela prouve un peu ma thèse. De dire que vous allez être
plus bardés pour faire votre travail, pour ceux qui vont rester, cela ne
règle pas le problème de ceux qui vont être exclus. Cela ne
donne pas d'information élaborée sur ceux qui vont être
exclus du champ de la construction. C'est quand même important de noter
cela.
Même chose pour ce qui est de la partie 4, l'harmonisation du
montant des amendes. C'est une maudite bonne affaire, mais je ne vois pas
pourquoi on n'a pas fait cela avant, et cela n'a pas grand-chose à voir
avec le projet de loi 31. On applaudit. On a dit: Oui, ce gouvernement est
tellement harmonisateur avec le fédéral qu'il faudrait au moins
qu'il le soit avec lui-même en ce qui concerne les différents
montants des amendes prévues, les différentes lois de la
construction. Bonne nouvelle ce matin, on est bien content, cela sera
harmonisé. Là où on peut être un peu plus
questionneur, si vous me permettez l'expression, c'est pour ceux qui
dorénavant ne seront plus couverts ou vont être exclus du
décret de la construction; il y a des dispositions qui prévoient
que vous allez pouvoir quand même leur faire quelque chose. Je vais
arriver à des questions précises. C'est à la partie 6:
Modifications aux régimes d'avantages sociaux, de même qu'à
la partie 5: Amélioration des dispositions relatives au recours
intentés par la CCQ.
Avant de questionner sur cet aspect, le ministre en avait un qui
m'intéressait tantôt, quand il a essayé de savoir votre
capacité de contrôler ce qui se passe pour ceux qui ont le statut
d'artisan. Je ne veux pas interpréter, je veux seulement vous demander
comme première question: Est-ce que je serais dans les patates d'avoir
compris que, dans le fond, vous n'êtes pas en mesure de savoir ce qui se
passe pour les gens qui ont le statut d'artisan?
C'est pourquoi, logiquement, vous prévoyez... Dans ce projet de
loi, ce serait bien plus simple, comme vous l'avez mentionné, de les
exclure complètement du fonds de retraite puisqu'on n'est pas en mesure
d'avoir les informations qu'il faut pour être capable d'exercer
convenablement un contrôle quelconque sur les chiffres, les montants en
cause et la participation. Est-ce bien cela que vous avez mentionné? (11
h 15)
M. Foumier: II faut regarder les dispositions actuelles de la
loi. D'abord, il y a deux sortes d'artisans qui existent en vertu de la loi. Il
y a ce qu'on appelle la catégorie un qui est celui qui fait affaire avec
une personne physique à des fins non commerciales et qui n'est pas
assujetti actuellement au décret ou a la Loi sur les relations du
travail. Il y a celui qui va travailler pour des fins commerciales, dans un
centre commercial ou des choses comme cela et qui, lui, est assujetti. Alors,
c'est bien évident que dans le domaine résidentiel, si la
personne fait affaire directement avec le propriétaire - je parle de
l'artisan qui fait affaire directement avec le propriétaire - que ce
soit de la rénovation ou de la construction neuve, cette personne n'est
pas assujettie au décret de la construction. Mais le décret ou la
loi lui permet de contribuer sur une base volontaire aux régimes
d'avantages sociaux. Alors, c'est lui qui décide s'il contribue ou s'il
ne contribue pas. C'est bien évident qu'avant de payer une assurance,
habituellement, les gens se disent: Est-ce que je vais en avoir besoin?
Généralement, ceux qui sont jeunes se disent: Je n'en ai pas
besoin et celui qui pense en avoir besoin parce que son épouse est
déjà malade, là, il va s'assurer. Alors, c'est ce qui fait
en sorte que ces gens retirent plus de bénéfices qu'ils en paient
comparativement aux travailleurs réguliers dans l'industrie de la
construction. Même si on dit qu'on ne peut pas contrôler ces
gens-là... Je ne pense pas qu'on ait dit cela. C'est parce que la loi
actuelle fait en
sorte qu'il peut jouer sur le double statut d'artisan,
c'est-à-dire que, s'il fait affaire avec une personne physique, il n'est
pas assujetti et, s'il fait affaire avec un entrepreneur dans le domaine
commercial, il devient assujetti. Or, c'est très difficile de dire:
Cette personne est assujettie, peut l'être, peut ne pas l'être
ou...
M. Gendron: D'accord. Si le régime était
obligatoire, on ne réglerait pas plus le problème.
M. Fournier: C'est-à-dire que, si on dit que dans la
construction neuve tout le monde est assujetti, chaque fois qu'on va rencontrer
un artisan, il va être assujetti, alors qu'actuellement je dois
vérifier son contrat, à savoir: Est-ce qu'il a passé un
contrat avec l'entrepreneur? À ce moment-là, il serait assujetti
ou, s'il a passé un contrat avec le propriétaire directement,
à ce moment-là, il ne le serait pas, d'où la
difficulté. Les gens qui connaissent un peu le système savent
quelle réponse donner. Évidemment, on les considère comme
non assujettis, alors que, si le champ d'application nous dit que dans la
construction neuve, que ce soit un artisan, un salarié, un entrepreneur,
tout le monde est assujetti, je pense que cela éclaircit un peu la
situation. Chaque fois que je vais rencontrer un artisan, je vais dire: Toi, tu
es assujetti. Tu dois afficher ton contrat. Tu dois te payer un salaire, tu
dois verser les avantages sociaux, etc. C'est un peu ce que vise le projet de
loi.
M. Gendron: Actuellement, est-ce à dire que la pratique
est de déclarer uniquement les heures minimums pour être couvert
par le fonds de retraite et cela s'arrête là?
M. Fournier: C'est cela. C'est qu'il y en a très peu qui
contribuent volontairement aux régimes. C'est ceux qui veulent en
bénéficier, évidemment. Ceux qui font du commercial
déclarent des heures à la commission et tous les autres ne
déclarent pas d'heure, évidemment.
M. Gendron: Même s'il y a des dispositions dans le projet
de loi qui sont prévues pour resserrer un peu ou atténuer cette
espèce d'échappatoire, vous dites que cela n'est pas suffisant.
Selon votre pratique et votre conviction des choses, vous dites: Ce n'est pas
suffisant. On ne sera pas plus équipé pour être en mesure
de suivre véritablement ce qui se passe là.
M. Fournier: Je ne pense pas que ce soit tout à fait ce
que j'ai dit.
M. Gendron: Non?
M. Fournier: Ce que j'ai dit, c'est que le projet de loi fait en
sorte que dans le secteur de la construction neuve tout le monde va être
assujetti. Je n'aurai plus besoin de me poser la question: Est-ce qu'il a fait
un contrat avec un individu ou avec une compagnie? Il est assujetti. Il est
obligé de rapporter ses heures. Il est obligé de participer aux
régimes, etc. Alors, dans le secteur de la construction neuve, cela
éclaircit tandis qu'actuellement, que ce soit la construction neuve ou
la rénovation, il peut ne pas être assujetti parce que c'est un
assujettissement professionnel et non pas de travaux de construction.
M. Gendron: M. Fournier, ma question ne portait pas
là-dessus. À la dernière page de votre mémoire, que
ce soit une construction neuve ou une autre, vous dites: "Quoique la
modification proposée par le projet de loi puisse atténuer cette
inéquité - et là vous avez bien campé
l'inéquité, compte tenu que c'était sur une base
volontaire - les membres du conseil d'administration de la commission
maintiennent la position déjà adoptée", à savoir
que ce n'est pas parce qu'on a des modifications dans le projet de loi qu'on
aura ce qu'il nous faut pour être en mesure de contrôler
véritablement ce qui se passe dans le secteur des artisans.
M. Fournier: Dans le fond, ce que les gens de l'industrie veulent
en ce qui concerne les régimes, je pense, c'est que ce soit les
employeurs et les salariés de l'industrie de la construction qui soient
impliqués dans ce régime. Il n'y a pas de place, selon eux, pour
l'artisan.
M. Gendron: Et c'est pour cela que vous voulez l'exclure.
M. Fournier: C'est cela.
M. Gendron: L'autre point que je voudrais couvrir:
Êtes-vous en mesure de nous indiquer combien... Faisons
l'hypothèse que, demain matin, la loi est adoptée et est en
vigueur telle qu'on la connaît ou qu'on la comprend. Combien de
travailleurs seront sortis du champ? À combien le nombre de travailleurs
est-il évalué? Je sais qu'il en a été question.
Vous avez dit: On n'est pas capables de l'évaluer. Alors, cela signifie
que vous n'êtes pas capables de l'évaluer et vous n'avez pas...
Là, je ne parle pas en vertu des mécanismes de la commission,
mais étant donné que vous oeuvrez dans le secteur, que vous avez
des contacts avec ce monde-là, êtes-vous au courant qu'il y a des
évaluations qui ont été lancées comme cela? Si oui,
combien?
M. Fournier: Oui, il y a des évaluations. Je pense que M.
le ministre, dans son préambule, a cité une des
évaluations du travail au noir qui avait été faite par
l'AECQ. C'est une évaluation du travail au noir. C'est très
difficile. Si vous regardez le secteur de la rénovation, il peut y avoir
du travail au noir, puis il peut y avoir du travail légal non assujetti
au décret. Il y a les artisans qui font des travaux pour une
personne
physique qui ne sont pas assujettis au décret. Il y a l'employeur
- parce que dans le secteur de la rénovation ce sont de petites
entreprises - qui travaille lui-même sur son chantier qui, lui non plus,
n'est pas assujetti. Il y a un certain nombre d'heures qui est rapporté
à la commission et il y a, évidemment, la portion qui est faite
au noir. Il y a quatre éléments à considérer
là-dedans et vous pouvez faire les proportions qui vous semblent les
plus justes. Mais pour lancer une hypothèse comme cela, je pense que ce
serait peut-être vous induire en erreur de dire: Bon, écoutez, il
y a tel pourcentage de travail au noir ou il y a tel pourcentage de travail
fait par des artisans non assujettis, etc. C'est très difficile.
M. Gendron: Mais même parmi ceux qui déclarent,
parce que dans le fond, regardez, je vais être un peu plus
précis... Nous autres, ce qui nous inquiète c'est que les
travailleurs de la rénovation qui, actuellement, participent au fonds de
retraite vont cesser de participer, ils ne seront plus assujettis. Est-ce qu'on
est d'accord là-dessus?
M. Fournier: Oui.
M. Gendron: En cessant de participer, il faudrait être
capables de savoir, nous autres - il me semble que c'est important pour des
parlementaires qui se penchent sur un projet de loi comme cela - combien,
à peu près, en gros, il va avoir d'avantages perdus. Par exemple,
parce que je veux juste faire cela globablement, toujours sur le même
article, est-ce que vous vous êtes prononcés sur la
possibilité de maintenir par règlement le fonds de retraite?
Parce que vous avez des dispositions qui disent que cela peut être
temporaire. On dit, au 5e paragraphe: "La commission peut établir par
règlement les modalités nécessaires pour maintenir, durant
la période de temps qu'elle détermine..." Moi, cela ne me fait
rien que vous ayez ce pouvoir-là, mais j'aimerais avoir les
évaluations que vous avez faites. Dans votre esprit, cela va être
pour combien de temps et sous quelles conditions? Et là vous ajoutez,
parce que je lis toujours: "...les régimes complémentaires
d'avantages sociaux en faveur des salariés et des artisans qui
participent à ces régimes et dont les travaux qu'ils effectuent
cessent d'être assujettis à la présente loi." Alors, dans
quelles conditions pouvez-vous faire cela ou avez-vous l'intention de faire
cela? Est-ce que vous avez analysé la possibilité que le
temporaire, parce que, selon l'article, c'est vous autres qui allez
décider... On dit: "durant la période de temps qu'elle
détermine." Alors si c'est comme cela, cela va être quoi vos
principes, vos règles, vous allez vous baser sur quoi pour dire c'est
trois mois, six mois, deux ans, cinq ans? Est-ce que vous allez vous baser
également sur des statistiques qui vous seraient données par le
vécu du régime? J'aimerais que vous nous parliez un peu de
cela.
M. Fournier: Oui. Tout d'abord, lorsqu'on parle du pouvoir de la
commission en matière d'avantages sociaux, on se réfère
évidemment, au comité mixte de l'industrie de la construction
où les centrales syndicales et l'association d'employeurs sont
représentées. Lorsqu'on tente de faire l'impact de cela, comme on
n'a pas pu mesurer jusqu'à maintenant l'ampleur du secteur assujetti de
la rénovation, il est difficile de prévoir le nombre de
salariés. Mais je pense que, si ces travaux-là sont exclus, les
gens concernés vont se manifester à la Commission de la
construction et cela nous permettra, à ce moment-là, de voir
l'ampleur du phénomène. Comme je le disais tantôt, dans ce
secteur il y a beaucoup de petites entreprises qui sont concernées et
des gens, assujettis ou non, qui ne contribuent pas nécessairement
actuellement au régime. Donc, le nombre de personnes affectées
par le régime peut être relativement peu élevé.
Actuellement, je peux vous dire qu'avec les dispositions du régime
actuel, si je prends un salarié qui cesserait de contribuer au
régime d'assurance au 30 juin, du 1er juillet au 31 décembre
1988, il serait assuré par ses heures; du 1er janvier 1989 au 30 juin
1989, il serait assuré par ses heures, encore; du 1er juillet 1989 au 31
décembre 1989, il serait assuré s'il paye la première
cotisation supplémentaire et, du 1er janvier 1990 au 30 juin 1990, il
serait assuré s'il paye la deuxième cotisation
supplémentaire. C'est déjà dans le régime
d'assurance actuel. Ce qui veut dire que pour les travailleurs qui seraient non
assujettis, j'imagine, en tout cas, que le comité mixte, qui a
fixé déjà des règles pour les gens qui quittent
actuellement le secteur - ce n'est pas la première fois qu'il y a des
gens qui quittent le secteur de la construction - a déjà
établi ces règles-là pour les salariés.
C'est la même chose en ce qui concerne le fonds de retraite. Il y
a un certain nombre de conditions: Si le salarié a moins de 30 ans ou
moins de 7000 heures, il peut obtenir le remboursement de ses cotisations au
fonds de retraite; s'il a plus de 30 ans et plus de 7000 heures, il peut
obtenir le remboursement de ses cotisations et il conserve son droit à
une rente différée qui lui sera payée à l'âge
de la retraite. Dans ce cas-là, un choix sera fait par la personne
elle-même.
M. Gendron: Donc, je vais arrêter de questionner
là-dessus, je ne comprends pas le mien.
M. Fournier: Je ne sais pas si cela répond à votre
question, mais c'est...
M. Gendron: Non, mais cela ne me fait rien de vous faire la
remarque que je suis en train de faire. C'est quasiment aussi compliqué
que les nôtres; comme je ne comprends pas le mien, je
vais arrêter de questionner là-dessus; c'est trop
compliqué. Là, je parle de notre régime de retraite
à nous.
Non, plus sérieusement que cela, j'ai une dernière
question, étant donné l'heure. L'article 12.3.1 permet-il, selon
vous, de transférer à des régimes supplémentaires
mis sur pied par des employeurs les avantages accumulés dans le fonds de
retraite de l'OCQ?
M. Fournier: Non, il faut que ce soit réciproque.
C'est-à-dire que le but visé, ce sont les travailleurs du
Québec qui vont travailler à l'extérieur du Québec,
dans d'autres provinces canadiennes ou même aux États-Unis...
M. Gendron: D'accord. Donc, pas interne. Cela va.
M. Fournier: ...et qui contribuent là-bas. C'est pour nous
permettre de récupérer ces fonds-là pour les compter dans
leur régime d'assurance. Alors, c'est pour préciser cette
mécanique-là que cet article-là a été
ajouté. Ce n'est pas la réciprocité d'une entreprise
à l'autre, ce n'est pas ce principe-là, c'est le principe de
récupérer, pour un travailleur qui va de façon temporaire
à l'extérieur, ce qu'il a versé, pour que cela continue de
s'ajouter dans son régime, ici. Il y a eu des travailleurs, par exemple,
qui sont allés travailler en Afrique du Nord, dans l'Ouest, etc. Alors,
on récupère les fonds qu'ils ont versés là-bas avec
des ententes de réciprocité, c'est-à-dire qu'on s'engage
aussi, si un travailleur de cet endroit-là vient travailler ici,
à percevoir les cotisations en vertu du décret et à les
verser à ce régime-là.
M. Gendron: Pourquoi ajouter cela? Vous ne l'aviez pas avant, ce
pouvoir-là?
M. Fournier: C'est-à-dire qu'on l'avait partiellement. Les
ententes de réciprocité, on pouvait percevoir des fonds, on ne
pouvait pas, nécessairement, en... C'est-à-dire que ce
n'était pas tout à fait clair. On l'a fait par
règlement.
Mais je pense que ce pouvoir vient préciser cette
situation-là.
M. Gendron: D'accord. Est-ce que vous auriez objection à
nous donner les différents régimes? Il doit sûrement y
avoir une note. La Commission de la construction du Québec doit
sûrement avoir un petit "ramassé" - un condensé, pardon -
de ce qui existe actuellement comme régimes de retraite offerts aux
salariés de la construction. Nous, on aimerait regarder cela.
M. Fournier: Oui.
M. Gendron: Assurance-maladie, assurance-salaire, régimes
de retraite, fonds d'indemnisation.
M. Fournier: Parfait.
M. Gendron: Si on pouvait avoir cela, si c'était
déposé aux membres de la commission. Je pense que l'occasion est
propice à ce qu'on alimente notre réflexion par rapport à
une recherche qu'on pourrait faire quant aux avantages qui pourraient
être perdus.
Dernière question. L'exclusion d'une bonne partie des gens qui
faisaient de la rénovation, est-ce que cela peut contribuer,
d'après vous - toujours parce que vous connaissez le secteur - à
ce qu'il n'y ait à peu près plus personne des gens qui seront
exclus qui se retrouve sous le couvert d'une syndicalisation quelconque? En
termes très clairs, je ne pense pas qu'il y ait un nouvel entrepreneur
qui fasse exclusivement de la rénovation et que ces gens-là qui
éventuellement en feraient et qui seraient exclus essaient de se
syndicaliser avec, éventuellement, cet entrepreneur-là. Autrement
dit, en termes clairs, ne trouvez-vous pas que c'est une façon
d'éliminer les possibilités de syndicaliation? (11 h 30)
M. Fournier: Comme je vous disais au tout début, nous
sommes un organisme administratif. Je préférerais que vous posiez
la question aux centrales syndicales qui vont nous suivre.
M. Gendron: C'est parce que vous êtes neutre que je vous
pose cette question.
M. Fournier: Nos évaluations hors construction sont
toujours très mauvaises. On a assez de misère avec ce qui est
construction; ce qui est hors construction, cela ne nous...
M. Gendron: Je tiens à vous remercier.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, strictement une question
technique. Vous avez soulevé la question du délai de 10 jours
pour l'avis aux salariés et aux employeurs qui risquerait d'allonger la
procédure d'inspection de chantier. J'aimerais que vous élaboriez
là-dessus.
M. Fournier: Cela n'apparaît pas à notre
mémoire. On a vérifié...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas dit que ça
apparaissait. J'ai dit: vous avez suggéré...
M. Fournier: On a vérifié l'application pratique de
cela. La nouvelle disposition va s'appliquer surtout aux donneurs d'ouvrage,
aux gens, entre guillemets, concernés par l'industrie de la
construction, par les travaux de construction, et on n'a pas trouvé
d'application pratique à ce qu'on faisait déjà. Cela
n'allonge pas le délai. Si je suis sur un chantier de construction
et que je demande à un salarié sa carte, ce délai
ne s'applique pas. H va s'appliquer uniquement dans le cas du donneur d'ouvrage
ou d'un propriétaire qui ne me remet pas immédiatement les
documents parce qu'il n'a peut-être pas les copies de contrat, etc.
Là, c'est un avis de 10 jours que je dois lui donner. On n'a pas
trouvé d'application pratique autre que celle-là. On peut
comprendre qu'un donneur d'ouvrage ou un propriétaire, cela peut lui
prendre un certain temps avant nous fournir des copies de contrat. Cela
n'allongera pas la durée d'inspection sur chantier, car les gens y sont
tenus de nous fournir les renseignements immédiatement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur place, d'accord.
M. Fournier: Cela ne change rien quant à cela.
Le Président (M. Théorêt): S'il n'y a pas
d'autre intervenant, ceci dit, messieurs, nous vous remercions de votre
présence. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.
M. Fournier: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): J'invite
maintenant les représentants du Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction à bien vouloir prendre place à
l'avant.
Messieurs, les membres de la commission vous souhaitent la bienvenue. M.
Pouliot, je vois que votre mémoire est très volumineux, donc, je
vous rappelle que vous avez vingt minutes pour la présentation. Si vous
voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent.
Conseil provincial du Québec des métiers
de la construction
M. Pouliot (Maurice): M. le Président, pour débuter
je vais vous présenter le confrère Yvan Bertrand,
secrétaire archiviste du conseil provincial et gérant d'affaires
du local 1929 des tireurs de joints, le procureur du conseil provincial, Me
Robert Toupin, de même que l'adjoint au président-directeur
général, le confrère Jean-Jacques Savage.
J'aimerais procéder de la façon suivante, si vous me le
permettez. On va lire certains commentaires à l'intérieur du
mémoire du conseil provincial et la conclusion. Par la suite, Me Toupin
va lire les recommandations qui sont à la fin du mémoire et on va
donner quelques commentaires à la suite de l'exposé qu'on va vous
faire. On sera prêts par la suite à répondre à vos
questions.
J'aimerais vous mentionner qu'on a tenté de déposer le
mémoire du conseil provincial hier. On est venu à
l'Assemblée nationale, mais il s'est adonné que toutes les portes
étaient barrées.
C'est la raison pour laquelle on vous l'a soumis ce matin seulement. Je
voudrais aussi mentionner que le mémoire du conseil provincial a
été adopté à l'unanimité par les
gérants d'affaires, lors d'une assemblée spécialement
convoquée à cette fin. Ce n'est donc pas le mémoire d'une
personne, c'est le mémoire de l'assemblée des gérants
d'affaires du conseil provincial.
M. le Président, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et du Travail, mesdames et messieurs les
membres de la commission parlementaire, le Conseil provincial du Québec
des métiers de la construction (international) représente 31,3 %
de l'ensemble des travailleurs de l'industrie de la construction. Au sein de
notre structure, ils se répartissent auprès de nos 31 locaux
affiliés, représentant l'ensemble des métiers,
spécialités ou occupations de l'industrie de la construction et
dans toutes les régions du Québec.
Lors du dépôt du projet de loi 31, plusieurs de nos
syndiqués ne croyaient pas être affectés par le changement
législatif qui nous est proposé. C'était notamment le cas
des électriciens, des plombiers et des menuisiers affectés
à des travaux de structure. D'après la discussion que nous avions
déjà eue avec le ministre du Travail, nous pensions qu'il avait
bien saisi le sens de nos préoccupations au sujet de la réduction
constante du champ d'application de la Loi sur les relations du travail, de la
formation professionnelle et de la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie
de la construction.
Nous avions également cru lui avoir démontré une
certaine souplesse, un certain bon sens en reconnaissant la difficulté
de contrer le travail au noir dans le secteur résidentiel et en lui
présentant des solutions acceptables et réalistes. Quelle ne fut
pas notre surprise de constater son incompréhension lorsque nous avons
commencé à étudier le projet de loi 31. La
déception eut pour nous un goût amer. La seule mesure qu'il
édicté est le non-assujettissement de tout un secteur de
l'industrie de la construction. Veuillez croire que ce n'était
absolument pas le sens de nos interventions. Le gouvernement, étant
incapable de contrôler ce secteur, ne trouve rien de mieux que de
l'exclure du décret de la construction. À quand le tour de la
construction neuve proprement dite dans le secteur résidentiel? Il n'y a
pas plus qu'un seul pas à franchir pour y arriver.
Pendant ce temps, les autres problèmes demeurent entiers. Le
projet de loi 31 reste muet sur de nombreuses questions fondamentales pour
notre industrie. Pour votre bénéfice, mentionnons rapidement
celles ayant trait aux faibles responsabilités confiées aux
représentants syndicaux afin d'enrayer le travail au noir, à la
nécessité toujours pressante d'instituer un tribunal de la
construction, au manque de rigueur de la réglementation applicable aux
entrepreneurs en construction, aux atteintes constantes portées au champ
d'application de la loi en vue de le
restreindre de plus en plus ou, enfin, à la prolifération
des artisans et des "chaudrons" sur les chantiers de contruction.
Le projet de loi 31 s'inscrit dans la ligne des réformes
législatives à la pièce, présentées à
toute vitesse en fin de session, comme c'est malheureusement trop souvent le
cas pour l'industrie de la construction. Ainsi, il n'est guère
surprenant de constater que ce projet de loi a au moins réussi à
faire l'unanimité auprès des associations syndicales et de
l'association des employeurs, reconnues dans l'industrie de la construction.
Personne n'en veut.
L'opposition du conseil provincial (international) à l'adoption
du projet de loi 31 n'est pas le résultat d'un simple caprice. Pour
arriver à cette évaluation, nous nous sommes astreints à
une étude exhaustive de ce projet de loi. À la suite de cette
démarche, il nous a été impossible d'arriver à une
conclusion contraire. Nous ne sommes pas contre pour le plaisir d'être
contre. Notre refus est motivé par des raisons sérieuses.
Le court laps de temps qui nous a été octroyé pour
vous faire part de nos commentaires est tout à fait insuffisant, compte
tenu de l'ampleur des changements proposés par le ministre du Travail.
Du jour au lendemain, on ampute l'industrie de la construction d'une part
importante de son activité et on nous accorde 20 minutes pour tenter de
vous convaincre de surseoir à l'adoption d'une loi qui serait fortement
préjudiciable aux 35 000 travailleurs de la construction que nous
représentons. C'est injuste et nous combattrons son adoption.
Lors de l'analyse du projet de loi 31, nous nous sommes efforcés
de garder notre esprit libre de toute idée préconçue. Nous
l'avons abordé en évitant de le juger avant de l'avoir lu et
compris. Si nous y avions décelé des moyens efficaces pour
régler l'ensemble des problèmes relatifs au champ d'application
du décret, nous aurions été les premiers à donner
notre appui. Malheureusement, c'est loin d'être le cas.
Je vous rappellerai que les positions adoptées par le conseil
provincial (international) n'ont pas l'habitude d'être
systématiquement en opposition avec les projets législatifs des
divers gouvernements. Si un projet présente des aspects positifs pour le
mieux-être de nos membres, nous y souscrivons. C'est d'ailleurs ce qui
s'est produit lors de l'adoption de la loi 119. Nous avions alors la conviction
profonde que les changements proposés allaient être
bénéfiques pour l'ensemble des travailleurs et des employeurs de
la construction ainsi que pour la population en général. Le
projet de loi 31 n'a pas cette préoccupation fondamentale de
préserver à la fois les intérêts de l'industrie et
ceux du public.
Au cours des prochaines pages, nous nous emploierons à chercher
à vous convaincre que ce projet ne met pas en place les moyens pour
atteindre véritablement les objectifs qu'il se fixe. Par ailleurs, nous
chercherons à mettre en évidence les dispositions qui porteront
un sérieux préjudice aux travailleurs de la construction. Pour le
bénéfice des membres de la commission, nous résumerons nos
objections et nos recommandations article par article. Cette façon de
procéder nous permettra de mieux nuancer notre point de vue. Je saute
à la page 31 pour la conclusion avant de céder la parole à
Me Toupin.
Conclusion. En guise de résumé et de conclusion, au nom du
conseil provincial (international), nous demandons que l'étude du projet
de loi soit reportée à l'automne. D'ici ce temps, je pense qu'il
y aura lieu de convier l'association des employeurs et les associations
syndicales à examiner avec votre ministère l'ensemble des
problèmes qui affectent notre industrie. Je fais
référence, bien entendu, au travail au noir, mais aussi à
la diminution constante du champ d'application de la loi, aux
définitions du salarié permanent, de l'employeur professionnel,
de la machinerie de production, aux pouvoirs octroyés aux inspecteurs de
la Commission de la construction du Québec, à
l'élimination des artisans des chantiers de construction.
Vous comprendrez aisément, compte tenu des commentaires que nous
avons faits, qu'il nous est tout à fait impossible de cautionner un
projet de loi qui ne réglera rien. En plus, nous jugeons que ce projet
de loi serait très difficile d'application. Nous sommes disposés
à discuter d'une manière constructive des problèmes qu'il
soulève. Cependant, sous le prétexte d'aider les familles du
Québec, on chambarde toute une industrie. C'est carrément
inacceptable.
J'ajouterai que nous nous sommes toujours montrés favorables et
ouverts à certains assouplissements des règles régissant
les conditions de travail prévues pour les travaux de réparation
et d'entretien commandés par des particuliers pour leur résidence
personnelle. Il ne faudrait donc surtout pas se servir de cet argument pour
justifier l'adoption du projet de loi 31.
Enfin, nous reprochons à ce projet de loi de s'éloigner du
programme électoral du Parti libéral du Québec. C'est sur
cette base que le gouvernement libéral s'est fait élire et,
aujourd'hui, on lui préfère le rapport du groupe
présidé par M. Reed Scowen. Je ne vous cacherai pas que nous
sommes fort déçus de ce choix. J'espère que la
démarche que nous menons aujourd'hui ne sera pas vaine. Nous le faisons
honnêtement en croyant que vous tiendrez compte de l'intérêt
des travailleurs de la construction.
Le tout respectueusement soumis.
Je cède maintenant la parole à Me Toupin. (11 h 45)
M. Toupin (Robert): II y a effectivement des recommandations dont
on peut prendre connaissance aux pages 34 et suivantes. Évidemment, dans
les pages sautées par le président-directeur
général, il y a des commentaires et des études sur chacun
de ces articles. Or, vous comprendrez que les recommandations qui
apparaissent à la fin du mémoire sont un
résumé. La première, sur l'article 7.2 du projet de loi
31. Mentionnons tout d'abord qu'après avoir entendu tantôt la
Commission de la construction du Québec le Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction (international) tient
à vous dire qu'il ne croit pas, en droit tout au moins - dans les faits
ça se suit - que des pouvoirs ou des injonctions pourront être
pris sur la base de cet article. Les règles d'injonction, M. le ministre
en particulier, vous le savez, vos conseillers et tout procureur qui a
pratiqué dans le domaine, exigent un droit clair pour permettre une
injonction. Vous comprendrez que des termes comme "personne concernée"
et "moyens nécessaires" sont des termes ambigus. Au surplus, vous savez
que l'injonction c'est souvent un ordre de ne pas faire quelque chose, beaucoup
plus que de faire quelque chose. Les juges sont très hésitants
à ordonner à quelqu'un de faire un acte donné; ils sont
plus enclins à dire de ne pas faire telle chose. Ce sont ces
règles de base qui font que l'article 7.2 ouvrira des portes à
des pénalités qui y sont toujours soumises, bien sûr, hors
de tout doute raisonnable, en matière pénale.
Quant à nous, on vous propose un texte qui a les mêmes
faiblesses, mais que nous croyons plus clair d'application, c'est-à-dire
que, dans le texte soumis, il n'y a pas plus d'injonctions qui vont être
prises pour des règles de droit commun tout simplement. Nous croyons,
comme on le voit à la recommandation, 1, que: Sur demande, toute
personne doit collaborer et aider la commission et toute personne qu'elle
désigne à exercer les pouvoirs prévus à l'article
7,1. Alors, sur demande d'un officier ou d'une personne dûment
habilitée, toute personne devrait aider et collaborer avec la commission
pour ne pas permettre à des gens d'adopter de faux-fuyants.
Sur l'article de fond du projet de loi, soit l'article 19, les
modifications ont pour but, dans un premier temps, d'exclure les travaux
d'entretien, de rénovation, de réparation et de modification. La
position du Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction (international) est claire. Si vous deviez, malgré nos
objections, adopter cette loi, nous voulons limiter les modifications à
l'entretien et à la réparation. Les définitions
données et reconnues en particulier par la Commission de la construction
du Québec dans sa directive 1.01 et d'autres définitions
données par le commissaire de la construction pour les termes
"rénovation" et "modification" sont très larges. Or, ce qui
bénéficiait d'une largesse d'interprétation pour
l'industrie de la construction, diminuera d'autant le champ d'application
lorsque vous exclurez lesdits travaux. À titre d'exemple, c'est assez
intéressant, dans la décision 365 le commissaire de la
construction, a appliqué le terme "modification" à la
transformation d'un vieil entrepôt en espaces à bureaux
administratifs. Il en est de même dans la décision 358 où
refaire l'isolation et changer le système de chauffage, c'est
considéré comme une modification. Or, ce sont des travaux
d'importance, alors, vous comprendrez qu'on s'oppose à cela.
D'autre part, sur cet article de base, après avoir fait
différentes vérifications et discuté avec
différents conseillers juridiques, il est essentiel que, si vous adoptez
ce projet de loi malgré notre position, le terme "résidence
principale" apparaisse dans l'exclusion de votre projet de loi. Il est faux de
prétendre - en tout cas, on le soumet humblement, on en a fait
l'exercice - cela a toujours été faux, de toute façon, de
prétendre que les termes "aux fins personnelles" visent une
résidence. L'exercice s'avère impossible à rationaliser.
Lorsqu'on regarde l'expression "aux fins personnelles", est-ce que cela couvre
un immeuble de quatre logements à propriétaire unique? Est-ce que
cela couvre un immeuble de 20 condominiums? Est-ce que cela couvre un individu
qui est propriétaire de six, douze ou quinze maisons dans un
pâté de maisons? Alors, il est impossible d'arriver à une
conclusion à cet effet. C'est la raison pour laquelle, lorsqu'on regarde
les intentions du ministère, pour limiter cela aux résidences, il
faut l'indiquer clairement dans votre projet de loi. Par conséquent, le
conseil provincial vous propose d'indiquer strictement et simplement: "aux
travaux de réparation et d'entretien exécutés à la
résidence principale". Cela comprend la résidence où
habite le propriétaire et celle où habite le locataire.
Dans les autres recommandations, il y a la recommandation numéro
3, qui peut se résumer à ceci: le conseil provincial demande
qu'à l'occasion de ce projet de loi, s'il est adopté et non
reporté, l'artisan soit complètement, définitivement et
totalement exclu des mécanismes d'application de la loi et en
particulier des avantages sociaux. Or, c'est une position claire,
fonctionnelle, et le conseil se demande toujours pourquoi il y a des
demi-mesures là-dedans. Il s'agit de l'exclure, carrément.
Dans la recommandation numéro 4, comme c'est expliqué plus
avant, on vous demande de conserver l'actuel texte de l'article 81 f.
La recommandation numéro 5, maintenant, page 36, concerne la
création d'un fonds où sont puisés les 20 %
supplémentaires pour les gens qui travaillent sans carte de
compétence. Le conseil provincial vous demande de verser cela dans un
fonds qui aurait pour bénéfice de "constituer un fonds de
réserve afin d'abaisser graduellement l'âge normal de la retraite
de 60 ans à 55 ans, chez les travailleurs ayant accumulé au moins
14 000 heures de travail sur les chantiers de construction." Autrement dit,
à partir d'un mal qui est commis sur les chantiers, on veut en faire un
bien.
La recommandation numéro 6 concerne les déclarations des
entrepreneurs qui embauchent des artisans. Alors, comme on demande l'exclusion
totale des artisans, on vous demande
de biffer également cet article.
La recommandation numéro 7 concerne les pouvoirs octroyés
aux inspecteurs de la Commission de la construction du Québec. Le
Conseil provincial du Québec des métiers de la construction vous
demande d'accorder des pouvoirs supplémentaires aux inspecteurs de la
Commission de la construction du Québec, allant même
jusqu'à tout simplement adopter dans la Loi sur la santé et la
sécurité du travail des pouvoirs de fermeture de chantiers
réfractaires et de ceux où il y a des travailleurs au noir.
Mentionnons-en un présentement à Hull où toute la
construction d'une résidence pour vieillards se fait en grande partie au
noir. Les inspecteurs de la CCQ sont carrément mis à la porte du
chantier par des illégaux. Le conseil provincial a demande
l'intervention de la Sûreté du Québec, des policiers
municipaux, cela nous est refusé. Alors, y aurait-il moyen
qu'effectivement des pouvoirs supplémentaires puissent être
adoptés pour mettre fin à cette situation-là? On pense
également aux pouvoirs d'un agent de la paix qui pourraient être
exercés, dans certains cas, par les inspecteurs de la Commission de la
construction du Québec.
Ce qu'on vous dit aussi c'est que, si lesdits pouvoirs des inspecteurs
ne sont pas augmentés, il faudra vous attendre qu'il se fasse une
justice de justicier vis-à-vis des illégaux et du travail au
noir. Ce n'est pas souhaitable, vous l'aurez compris.
On vous demande également, dans la recommandation numéro
8, de ne pas avoir peur, de ne pas craindre de permettre aux
représentants syndicaux, qui vont fréquemment sur les chantiers
de construction, et sans aucuns frais pour le contribuable
québécois, de demander aux gens qui travaillent sur les
chantiers: Est-ce que tu peux nous montrer ta carte de compétence?
Pourquoi n'auraient-ils pas ce pouvoir-là? Ils n'en abuseront pas, ils
sont là souvent; ils vont souvent sur les chantiers. Cela ne coûte
rien au gouvernement d'avoir ces inspecteurs à un endroit pour demander
à un salarié de s'identifier.
La recommandation numéro 9, c'est pour vous demander
d'accélérer, comme il y a une annexe à cet
effet-là, le mode d'adoption des règlements de la CCQ
relativement aux avantages sociaux. Cela prend trop de temps.
En ce qui concerne la recommandation numéro 10, M. Pouliot va
vous en parler dans un instant. Je redonne donc la parole au
président-directeur général.
M. Pouliot: Bon, M. le Président, concernant la formation
et la qualification professionnelles, selon ce que le ministre nous a un peu
expliqué au début sur ce qui semblait être son orientation,
on pense que cela va à rencontre du projet de loi 119, qui veut octroyer
une certaine polyvalence à l'intérieur des métiers qui
vont être reconnus comme étant hors construction, dans le cas des
tuyauteurs, des électriciens, et aussi d'un nouveau métier qui,
semble-t-il, va être créé, celui des menuisiers de
charpente. Donc, cela, et on dit aussi, que le ministre peut établir des
programmes, mais que, quant à nous, c'est une entrée massive pour
les nouveaux travailleurs qui peuvent éventuellement entrer dans
l'industrie de la construction, et nous croyons que les principes de la loi 119
ne sont pas respectés dans les propositions du projet de loi 31 sur la
formation professionnelle.
J'aimerais aussi mentionner, M. le Président, que c'est un projet
de loi qui est totalement inacceptable et inapplicable pour nous. Imaginez-vous
l'employeur qui embauche des travailleurs qui sont assujettis, pour une
certaine partie des travaux et non assujettis pour d'autres parties. Donc, ce
qui va arriver, c'est que les employeurs vont avoir deux ou trois sets de
livres pour enregistrer les travailleurs. Et on vient nous dire, concernant les
avantages sociaux, que ces travailleurs-là, qui sont actuellement
assujettis à ces travaux-là, à un moment donné vont
pouvoir continuer de bénéficier du régime d'avantages
sociaux, tant d'assurance-maladie, d'assurance-salaire que du régime de
retraite. Donc, on va amplifier le problème qui existe actuellement avec
les artisans, car cela ne sera plus seulement avec les artisans, cela sera plus
que cela. Évidemment, j'écoutais le président-directeur
général de la CCQ expliquer son point de vue. Je peux vous dire
que, comme un des administrateurs de la CCQ, même si je ne peux pas
parler comme porte-parole de la CCQ, quant à nous, le problème
est loin d'être réglé. Vous êtes en train de
multiplier le problème par dix avec l'article que vous êtes en
train d'introduire à l'intérieur du projet de loi 31 sur les
avantages sociaux. Nous voulons tout simplement éliminer les artisans de
l'industrie de la construction. Cela, c'est une promesse que nous a faite le
gouvernement actuel. Mais là, au lieu de nous la donner, on fait une
place au soleit...
Le Président (M. Théorêt): M. Pouliot, je
m'excuse de vous interrompre. Je veux juste vous rappeler que vous avez
déjà dépassé de quelques minutes le temps que je
vous avais alloué. Si vous voulez conclure, s'il vous plaît.
M. Pouliot: Oui. Bien, je peux conclure en demandant encore qu'on
reporte l'adoption du projet de loi. Il y a eu des tables de travail, des
comités qui ont été formés, présidés,
entre autres, par M. Réal Miraut et M. Jean Sexton. Ils ont fait des
recommandations qui visent, effectivement, à solutionner les
problèmes car, à toutes fins utiles, ce que fait le projet de loi
31, c'est qu'il rend légal ce qui est actuellement illégal et
cela va être incontrôlable puisqu'il n'y a pas assez d'inspecteurs
pour surveiller tout cela.
Donc, je pourrais répondre aux questions.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Pouliot.
M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, je
remercie le conseil provincial de sa comparution et également de la
qualité d'un mémoire étoffé.
Vous avez commencé en situant le contexte dans lequel le projet
de loi a été déposé, reprenant en cela quelques
propos qui ont été tenus par l'Opposition. Mais vous avez
terminé en mentionnant qu'il y avait eu, dans le passé, des
tables de travail. Vous avez mentionné des noms de gens qui ont
présidé des tables de travail, qu'il s'agisse de M. Mirault, de
M. Sexton, et vous faites bien de vous y référer parce que ce
n'est pas du travail qui a été accompli pour rien, loin de
là. Je pourrais vous référer, également, à
des déclarations du conseil provincial et de son président,
à partir de la fin des années soixante-dix, du début des
années quatre-vingt, en ce qui concerne tout le secteur de la
rénovation résidentielle. Et vous avez annexé - j'en
profite pour le dire et je ne peux pas vous en tenir rigueur - à votre
mémoire le programme électoral du Parti libéral du
Québec, 1985: L'industrie de la construction au Québec...
Une voix: C'est pour ça qu'il était si
épais, ce mémoire-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ha, ha, ha! ...en disant que le
projet de loi ne répondait pas, en tout cas, dans sa totalité, au
programme du Parti libéral.
On pourrait discuter dans le détail de chacune des propositions
que vous nous avez amenées; je préférerais attaquer avec
vous des grands blocs de discussion. Je vous les donne tout de suite. Premier
bloc de discussion: le travail au noir, son importance dans ce que l'on vise
à déréglementer, son importance dans la construction
domiciliaire et son importance dans les grands chantiers de construction. Je
voudrais également parler avec vous de la définition que l'on
apporte dans la loi. On inclut les travaux d'entretien, de réparation,
de rénovation et de modification. Vous semblez dire qu'on en exclut
trop, si je me fie à votre mémoire; vous nous soupçonnez
même de vouloir exclure les con-dominiums. Il y a une phrase où
vous mentionnez que ce qui va se construire au Québec, ce sont
strictement des planchers, des plafonds et des murs, et que le reste va tomber
dans la rénovation. Ce n'est pas ce qu'on vise. Donc, moi, j'aimerais
qu'on ouvre la discussion là-dessus. J'aimerais également qu'on
touche à deux autres sujets: un qui vous tient particulièrement
à coeur, les artisans; et le dernier, la question de la formation que
vous avez soulevée.
Sur le travail au noir: présentement, dans les secteurs de la
rénovation, de la réparation, de l'entretien et des modifications
résidentielles, est-ce que vous croyez que ce trava/Mà qui est
actuellement soumis au décret de la construction est
contrôlé par la Commission de la construction du Québec et
que le taux de travail au noir est sous contrôle? (12 heures)
M. Pouiiot: M. le Président, à votre
première question, je vais simplement vous mentionner que le conseil
d'administration de la CCQ a adopté ce qui s'appelle un budget pour
l'année 1988, un budget de 40 000 000 $ et a aussi accepté
d'augmenter les effectifs des inspecteurs de la Commission de la construction
du Québec. Je vais aussi vous mentionner que, présentement, au
mois de mai, le Conseil du trésor n'a pas encore donné suite
à la volonté des parties dans l'industrie de la construction, ce
qui m'apparaît totalement inacceptable, pour ne pas dire
dégueulasse. C'est nous autres qui payons, qui décidons, mais
cela prend un avis du CT, puis on attend, peut-être l'année
prochaine. Donc, s'il y avait une cinquantaine d'inspecteurs de plus qu'on est
prêt à payer, on ne va pas mendier là, on a augmenté
le prélèvement, les parties dans la construction, pour financer
la CCQ, et c'est un vote qui a été adopté majoritairement
au conseil d'administration... Donc, partant de là, on vous demande
notre CT.
Deuxièmement, on pense qu'il devrait y avoir des pouvoirs accrus
pour les inspecteurs de la CCQ. Mais on ne pense pas qu'en augmentant les
amendes... Cela ne nuit pas, c'est clair. C'est une amélioration du
système qui existe aujourd'hui. Mais qu'on donne les pouvoirs aux
inspecteurs de la CCQ, un peu comme les pouvoirs qu'ont les inspecteurs de la
CSST. Ils peuvent fermer des chantiers, eux, pas pour rien, mais pour autant
qu'il y a un danger. La même chose pourrait survenir. Et, d'ailleurs,
cela a déjà été discuté dans
différentes commissions parlementaires que les inspecteurs de la CCQ
aient un pouvoir d'agent de la paix comme on le recommande et cela pourrait,
à toutes fins utiles, éliminer une grosse partie du travail au
noir. Il ne faut pas se le cacher, il va toujours y en avoir, mais entre 25 %
et 5 %, il y a une marge. Donc, quant à nous, il faut que les
inspecteurs de la CCQ aient des pouvoirs accrus. Mais, encore une fois, M. le
Président, le consommateur qui veut changer sa marche de galerie ou son
bras de galerie, il les fera changer et s'il veut payer 5 $ l'heure, il paiera
5 $, on ne s'oppose pas à cela. Mais de prendre une grosse
bâtisse, de la modifier pour en faire des logements, là, on n'est
plus avec notre petit consommateur, on sait d'où cela part, mais on ne
sait plus où cela arrête.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous maintenez donc, je vous pose
la question, la déclaration que vous aviez faite en 1984-1985 dans le
magazine ou la revue Québec construction, et je cite...
"L'entretien et la réparation à des fins personnelles pourraient
se faire en dehors des conditions du décret, soumet-il cependant."
M.
Pouliot, c'est-à-dire vous, vous maintenez toujours cette
déclaration-là?
M. Pouliot: Oui, et je dois vous dire, M. le Président,
que c'est un consensus syndical. Cela a fait partie d'une commission
parlementaire en 1984 et a découlé de cela ce qui s'appelle un
"green paper" quelque part qui venait, je pense, de l'ex-ministre du Travail,
mais c'est encore notre position.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Maintenant, sur le plan de
l'application de ce qui est exclu. Dans votre mémoire, on perçoit
des craintes que l'utilisation ou la rédaction de l'exclusion, tel que
le gouvernement le propose, pourrait quand même permettre à des
gens de faire ce qu'on appelle de la véritable construction sans
être soumis au décret. Vous avez donné l'exemple, et je
vous réfère à votre mémoire, de la question de la
construction de condos où on ne ferait que le plancher, le plafond, les
murs et le reste du condominium serait fait par chacun des individus. Est-ce
que cette interprétation-là que vous donnez est basée sur
le texte de loi tel que présenté?
M. Pouliot: Elle est basée sur le texte de loi, elle est
basée, aussi, sur les interprétations des mots rénovation,
réparation et modification. Vous savez, c'est très large,
effectivement, ces définitions-là. Donc, c'est pour cela, quant
à nous, qu'on limitait notre revendication à entretien et
réparation et la balance... Parce qu'on peut faire des modifications, on
peut modifier toute l'Assemblée nationale, on peut acheter une vieille
bâtisse, un moment donné, et en faire des logements et cela, comme
je vous l'ai dit, on ne sait pas comment cela finit. Et plusieurs travaux qui
devraient être assujettis à l'industrie de la construction... On
parle de fer ornemental, par exemple; lorsque le consommateur va acheter une
maison unifamiliale, il peut faire faire ces travaux-là par la suite,
deux mois, trois mois, quatre mois après, non assujettis au
décret de la construction et la même chose arrive dans le cas de
la construction d'un garage. Si cela se fait après que la maison ait
été construite, cela devient non assujetti. Donc, on ne veut pas
s'avancer pour dire si c'est 2 000 000, 5 000 000 ou 25 000 000 d'heures dont
on parle, mais on sait que c'est très volumineux en chiffres d'affaires,
ce que vous êtes en train d'exclure. Quant à nous, il y a
déjà trop d'exclusions à l'article 19 de la loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction. On veut limiter les
exclusions et, au lieu de les limiter, vous êtes en train de les
élargir encore plus.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En ce qui concerne l'artisan, il
ne semble pas que les modifications que l'on apporte en l'obligeant à
exiger le même taux horaire dans la construction domiciliaire, etc., vous
satisfassent. Est-ce que vous maintenez votre position de demander l'abolition
de la notion d'artisan?
M. Pouliot: Absolument, on veut exclure l'artisan de l'industrie
de la construction. On lui donne, à l'intérieur du mémoire
du conseil provincial, trois mois pour faire un choix. Il va être un
salarié ou il va être un employeur. C'est la notion qui est
là. C'est copié dans le programme du Parti libéral,
à toutes fins utiles.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On va bien. La question de la
formation. Vous mentionnez que la possibilité d'offrir au travailleur
polyvalent, qui oeuvrerait hors décret, de la formation polyvalente va
à rencontre de l'esprit ou de l'objectif de la loi 119. Une des bases de
la loi 119 est de s'assurer que les travailleurs de la construction soient de
mieux en mieux formés. En offrant à ceux et à celles qui
oeuvrent hors du décret de la construction une possibilité
d'améliorer leur formation, de la polyvalence, en quel sens cela va-t-il
à rencontre de cet objectif gouvernemental d'assurer au donneur
d'ouvrage des travailleurs les mieux formés possible?
M. Pouliot: Bien, écoutez, ce qu'on craint, par rapport
aux travailleurs qui vont avoir la polyvalence des métiers - d'ailleurs,
c'est visé depuis de nombreuses années, cela fait partie des
recommandations de la commission Cliché, entre autres, c'est repris
à plusieurs occasions - on se dit effectivement que: dans le secteur
hors construction qui relève du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, on va former des gens et on va les rendre
polyvalents. Le gars va être un peu un "Jack of ail trades". Il va avoir
dix métiers, dix métiers qu'il va peut-être faire tout
croche: plâtrier, tireur de joints, charpentier-menuisier, etc. On va
essayer de le rendre polyvalent. Quant à nous, c'est l'ouverture d'une
porte pour le rentrer tout à l'heure dans l'industrie de la
construction. Vous savez que les problèmes qui existent actuellement
concernant l'évaluation de l'estimation des besoins dans l'industrie de
la construction ne sont pas aussi clairs avec le ministre de l'Éducation
qu'ils pouvaient l'être avec les parties dans la construction, qui
décident de ce qu'on appelle le contingentement de la main-d'oeuvre dans
l'industrie de la construction. C'est là qu'est notre crainte lorsque
vous parlez de formation et de qualification facultatives. On s'interroge
à savoir quelles sont les idées du gouvernement derrière
cela. Je dois vous dire que ce n'est pas aussi clair qu'on le pense. Je vais
laisser un complément de réponse à Me Toupin.
M. Toupin: Permettez. Un aspect supplémentaire est que la
loi 119 a donné la formation aux parties. C'était un leitmotiv
très clair à l'époque.
Alors, il appartient maintenant aux partenaires qui siègent
à la CCQ de définir ou de tenter de définir ce que seront
les métiers. D'un autre côté, il y aura des travailleurs de
réparation et d'entretien, si vous adoptez rénovation et
modification, qui iront se chercher une formation en dehors de ce
cadre-là, comme votre titre le prévoit. Or, ce travailleur, qui
va aller se chercher cette formation en dehors du circuit, va revenir dans la
construction. Il ne s'empêchera pas de travailler. Il va peut-être
faire de la réparation résidentielle, mais il va également
venir faire des travaux de construction à un moment donné dans
l'industrie régie et couverte et il va se trouver tout simplement des
travaux de modification autres que résidentiels, si on prend les termes
utilisés chez vous. Il va avoir dans ses poches deux espèces de
qualifications où ailleurs on va être plus permissif que dans
l'industrie. Alors, c'est un peu cela, notre crainte. La personne qui va faire
les travaux exclus, ne tenez pas pour acquis qu'elle n'oeuvrera pas
également dans l'industrie de la construction.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et vice versa.
M. Toupin: Et vice versa.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va pour le moment.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
critique.
M. Gendron: Merci, M. le Président. J'ai un premier
problème. Si c'est un mémoire qui reprend toutes les orientations
du programme du Parti libéral en ce qui regarde l'industrie de la
construction du Québec, vous avez un jugement pour le moins
sévère sur ce projet de loi et à tout le moins le Parti
libéral et son ministre n'ont pas bien fait leur travail pour donner
suite à des revendications du secteur de l'industrie de la construction.
Si je le reprends rapidement, très vite, vous avez dit que le ministre
n'avait pas semblé comprendre ce que vous vouliez qu'il fasse dans le
domaine de la construction et que le projet de loi 31 ne correspondait pas
à vos attentes pour ce qui est des éléments que vous avez
expliqués. C'est un commentaire général que je veux faire
avant de poser deux questions.
En page 4, vous dites que le projet de loi 31 reste muet sur de
nombreuses questions fondamentales. Tout comme moi, vous avez partagé
l'opinion que c'était un projet de loi présenté à
la pièce en toute fin de session et que malheureusement c'était
une mauvaise façon de fonctionner dans un domaine aussi fragile que
celui des relations du travail. Vous ne concluez pas, mais vous dites en page 5
que personne ne veut du projet de loi 31. C'est ce que les audiences vont
peut-être démontrer, mais on verra quand on aura fini d'entendre
tout le groupe. Vous allez combattre son adoption et vous nous dites à
la fin que le projet de loi 31 n'a pas cette préoccupation fondamentale
de préserver à la fois les intérêts de l'industrie
et ceux du public. C'est surtout sur ce commentaire-là que je voudrais
interroger un peu M. Pouliot, parce que c'est une question d'ordre très
général, mais c'est cela notre responsabilité aujourd'hui.
Vous dites: Le projet de loi n'a pas comme préoccupation fondamentale de
préserver à la fois les intérêts de l'industrie et
bien sûr ceux du public. Si c'était dit autrement: D'après
vous, les intérêts des travailleurs dans ce projet de loi, parce
que vous êtes une association syndicale qui représentez les
travailleurs, comment très concrètement y en a-t-il, s'il y en a?
Parce que le ministre affirmait dans ses notes explicatives au début:
Quant au travailleur, on croit que ce projet de loi lui sera très
bénéfique. Pensons notamment que ces travailleurs qui oeuvraient
dans l'illégalité ne seront plus illégaux. C'est une
question de principe.
Je ne prétends pas que c'est un avantage de bénir
l'illégalité et de la consacrer, mais c'est ce qui suivait qui
était plus grave. C'est le ministre qui parle d'avoir accès
à des régimes de protection, la CSST, la Régie des rentes,
l'assurance-chômage et ainsi de suite. La question précise que je
vous pose comme représentant des travailleurs, c'est: Est-ce que vous
croyez effectivement que ces avantages d'avoir une couverture sur 5 $ ou 6 $
l'heure pour ces bénéfices, parce qu'ils seront exclus de la
construction, représenteront éventuellement un plus par rapport
aux travailleurs que vous connaissez qui accepteraient peut-être, comme
vous l'avez dit... Êtes-vous d'accord pour ce qui est des travaux -
là, je veux être certain de ce que je dis - d'entretien et de
réparation? Le reste n'aurait pas de bon sens. Autrement dit,
croyez-vous qu'il y a là des bénéfices additionnels pour
les travailleurs?
M. Pouliot: La façon dont cela fonctionne, c'est que vous
appelez un travailleur de l'industrie de la construction, vous avez des travaux
à exécuter à votre résidence, vous voulez faire
peinturer votre maison, vous le payez 7 $ ou 8 $ l'heure et effectivement c'est
du "cash" et il n'y a pas les avantages sociaux qui s'appliquent. Donc, s'il
arrive un accident, je ne sais pas comment on peut expliquer cela, on parle de
la CSST, de la Régie des rentes, de l'assurance-chômage, tout cela
est exclu du régime comme tel. Donc, on vient d'exclure cela. D'un autre
côté, lorsqu'on va donner ce genre de travail à des
entrepreneurs, parce qu'il y a tout de même encore des entrepreneurs qui
vont avoir à exécuter ce genre' de travaux même s'ils ne
sont pas assujettis au décret de la construction, pour des raisons, le
consommateur est peut-être mieux de payer un peu plus cher et d'avoir une
qualité de main-d'oeuvre et un travail bien fait. Souvent,
on a vu cela et on voit cela à la ville de Montréal, entre
autres. Combien de travail au noir s'y est-il fait et par la suite le travail
n'était pas terminé, on essayait d'intenter des poursuites contre
les entrepreneurs qui avaient fait cela dans l'illégalité? C'est
un problème qui existe présentement, ce n'est pas une invention.
(12 h 15)
Quant à nous, il n'y a pas de protection pour le consommateur et
encore moins pour le travailleur. De plus, cela deviendra inapplicable par les
inspecteurs de la CCQ. Les entrepreneurs n'auront plus deux sets de livres, ils
vont en avoir trois. Pour les travaux, ils vont dire: Tu fais dix heures qui
sont assujetties au décret de la construction neuve et 30 heures qui
sont non assujetties au décret de la construction. Là, il est
payé "cash", sous la table, et l'impôt vient de sauter. Cela va
fonctionner de cette façon. Mais ce qui va encore plus loin à
notre avis, c'est qu'on dit, à l'article 12, que ces gens-là
peuvent continuer de bénéficier du régime des avantages
sociaux des travailleurs de l'industrie de la construction. Ceux qui sont
toujours assujettis au décret de la construction paient un montant fixe
qui va dans leur fonds de retraite et aussi dans le régime d'assurance.
Je pense que le président de la CCQ vous a fait la démonstration
de tout le critère des 600 heures, des 900 heures et des cotisations
volontaires dont on retrouve, à toutes fins utiles, les chiffres en
annexe dans le mémoire du conseil provincial.
Quant à nous, on pense que ce n'est bénéfique pour
personne, mais si le consommateur pense qu'il va avoir une meilleure "job" et
qu'il va économiser un peu d'argent, on serait d'accord que les travaux
d'entretien et de réparations soient exclus de l'industrie de la
construction à la condition que des réels projets d'envergure
comme Domtar, Pechiney, Kruger ou d'autres gros chantiers... Et c'est là
que l'on change toute la notion d'employeurs professionnels, de salariés
permanents, etc., qui est à l'intérieur du mémoire du
conseil provincial.
M. Gendron: D'accord. Je pense que je ne ferais pas erreur de
dire que, selon vous, l'article majeur - je ne dis pas qu'il n'y en a pas
d'autres importants - de ce projet de loi est l'article 4 qui modifie l'article
19 de la loi. Vous êtes d'accord là-dessus?
M. Pouliot: Sûrement.
M. Gendron: Bon. J'ai lu assez attentivement les pages 10, 11 et
12 de votre mémoire où vous dites: Dans notre esprit, il n'est
absolument pas question de voir dans le projet de loi les travaux de
rénovation et de modification soustraits de l'application de
l'assujettissement des employeurs au décret. Je pense que vous
êtes assez clairs dans ces pages-là. La question que je pose,
parce que vous ne semblez dire d'aucune façon qu'entretien et
réparations font problème...
Entretien et réparations ne font pas problème. On serait
d'accord. Là, vous donnez une série d'exemples de la
difficulté de convenir de ce que sont la rénovation et la
modification. Donc, parce que c'est difficile, on dit: On va sortir cela de
là. C'est trop interprétable et les conséquences sont trop
dramatiques sur le nombre éventuel de travailleurs couverts. Suis-je
correct jusque-là?
M. Pouliot: Oui.
M. Gendron: La question que je pose est celle-ci: Même si
je reconnais qu'il peut être difficile de baliser rénovation, si
on l'exclut complètement, est-ce qu'il n'y a pas certains types de
travaux de rénovation qui, dans certains cas, ont une notion de travaux
d'entretien? Comment vais-je faire, si entretien ne vous fait pas
problème, pour exclure complètement rénovation?
M. Pouliot: Vous avez en annexe du mémoire - on l'a
donné à la dernière minute - les interprétations
qu'a données la CCQ relativement à ce que veulent dire les mots
"construction", "fondation", "érection", "réparation",
"rénovation", "modification" et "démolition". Quant à
nous, on dit que d'exclure les travaux de réparation et d'entretien,
c'est déjà beaucoup et très large. On impute encore une
fois des millions d'heures qui sont assujetties au décret de la
construction, mais qui, il faut le reconnaître sont très
difficilement applicables présentement avec la loi telle que
rédigée. C'est pour cette raison que l'on dit: Au lieu de tout
exclure, essayons de donner des pouvoirs et d'avoir une police un peu plus
sévère, comme celle qu'on voit un peu sur le bord de la route,
avec des petites cerises, qui nous colle et qui nous donne des contraventions.
On pourrait arriver à la même chose dans le cas des inspecteurs de
la CCQ et c'est ce qu'on demande.
Si vous me posez la question, je pense que les définitions
d'entretien et de réparation sont assez larges. Elles pourraient
éventuellement être exclues. Je ne suis pas certain que ce serait
bien pour le consommateur mais si le consommateur voulait
bénéficier d'une exclusion, il appellera Joe Blow pour faire
faire certains travaux de rénovation. On est d'accord avec cela.
M. Gendron: D'accord. Il y a une autre crainte que j'ai cru
sentir dans votre mémoire et, je vous le dis très franchement, je
n'ai pas une connaissance très exhaustive de votre mémoire et ce
n'est pas votre faute, mais on en a pris connaissance pour la première
fois ce matin. Il me semble que l'autre crainte qui apparaît au fil de
votre mémoire, et je veux avoir une précision, c'est que vous
dites que le projet de loi 31 aura comme conséquence de "phaser" la
construction. Je m'explique: "phaser" la construction, cela veut dire que je
décide, par
exemple, de construire une maison et, normalement, je suis assujetti aux
règles du décret de la construction, mais j'arrête la
façade et je décide de ne pas la briqueter tout de suite et de ne
pas faire le garage tout de suite. C'est cela que je veux expliquer par
"phaser" la construction. Donc, vous dites que c'est encore là un moyen
quasi indirect d'arriver graduellement à sortir presque
complètement la construction résidentielle du décret de la
construction parce que le projet de loi va permettre à n'importe qui le
veut de "phaser" ses étapes. Il commence par un carré et,
à un moment donné, trois mois plus tard, il pose la brique et,
quatre mois plus tard, il se fait une annexe qui est son garage, comme par
hasard. Vous pensez vraiment cela? J'ai un peu le même avis que vous
là-dessus, à savoir que c'est loin d'être
sécurisant. La question que je pose: Est-ce à dire qu'en
procédant comme cela il pourrait arriver rapidement qu'un très
grand nombre de vos travailleurs soient exclus de la construction
traditionnelle et qu'il y ait un problème dans le sens de savoir comment
on va faire pour ranger cela, ceux qui vont rester dans la vraie construction
et ceux qui seront uniquement dans la rénovation non assujettie au
décret? Est-ce que mes perceptions sont exactes?
M. Pouliot: C'est exactement ce qui va se produire. Donc, cela
devient un charivari total et les gars vont se promener d'un côté
à l'autre. La construction neuve comme telle peut être faite
disons à 70 % par des travailleurs et des employeurs de la construction
et le reste se fera par la suite. Ce ne sont pas tous des travaux d'urgence
qu'il y a à faire pour entrer dans une maison, disons, les travaux de
peinture, les travaux de fer forgé, les travaux de garage, plusieurs
travaux pourraient se faire après et, effectivement, ce ne serait plus
effectivement sur une construction neiNe.
Il y a aussi l'exemple que je vous ai donné. On va acheter une
nouvelle bâtisse. On est quatre personnes et on va se construire à
l'intérieur, on va modifier, ce sera notre résidence principale
et cela ne sera pas assujetti au décret de la construction. On parle
encore là de millions d'heures. C'est de plus en plus fréquent
d'acheter des vieilles bâtisses et de se construire des logements
là-dedans, en modifiant la façade, etc. C'est là-dedans
qu'on va tomber à un moment donné. C'est la raison pour laquelle
on dit: On ne sait pas où cette chose va s'arrêter.
Évidemment, on pourrait nous dire que, pour tous ces travaux, vous
pouvez syndiquer les gens en vertu du Code du travail, mais je tiens à
vous dire que ce sera très difficile d'aller chercher les
accréditations. Les gars sont quelquefois assujettis au décret
et, d'autres fois, ils ne le sont pas. Comment faire le contrôle des
heures, etc.? On pense que c'est une loi qui est totalement inapplicable.
M. Gendron: D'accord. Rapidement, toujours pour des raisons de
temps, deux autres questions. Le ministre a essayé de vous faire
préciser et indiquer également toute l'importance qu'il y a pour
un gouvernement de contrer le travail au noir. En tout cas, je ne change pas
d'avis et votre mémoire le confirme, à part légaliser ceux
qui en faisaient, on n'a rien réglé pour toute la partie des
revenus qui n'entrent pas plus dans l'État. La question que je vous
pose: Croyez-vous que les solutions pour contrer le travail au noir ont
été véritablement fouillées et, à titre
d'exemple - j'en lance un, mais vous êtes dans le domaine, vous
connaissez cela mieux que moi - j'aimerais savoir ce que cela vous dirait
d'exiger que toutes les municipalités du Québec envoient à
la Commission de la construction copie des permis de rénovation et de
construction? Que je sache, je vis dans un petit bled tout petit et, même
là, si je fais une rénovation, il faut un permis de la
municipalité pour indiquer que je rénove. Je l'ai su en
rénovant un petit "shed" au chalet. On m'a dit qu'il m'aurait fallu un
permis. J'étais tellement convaincu qu'il n'était pas question de
cela. L'inspecteur arrive et il me dit: Tu n'as pas demandé de permis de
rénovation? J'ai dit: Non, est-ce qu'il faut un permis pour
rénover? Ma rénovation consistait à poser un petit
revêtement sur mon Ten Test", si vous me permettez. Je ne pensais pas
qu'il y avait un drame là. Et, même dans mon petit bled, cela me
prenait un permis de rénovation.
Que pensez-vous d'une mesure comme cela - ce serait dans la loi -
l'obligation pour toutes les municipalités du Québec de vous
envoyer une copie - c'est une expression - ou un registre des permis de
rénovation et de construction et, possiblement, dans un deuxième
temps, d'envoyer même cela au ministère du Revenu?
M. Pouliot: Effectivement, c'est une des mesures qui serait
drôlement acceptable et qui éliminerait une partie du travail au
noir. Cela est une des formules parmi tant d'autres; et sûrement qu'on la
retient. Mais il y a aussi le fait que la CCQ et la Régie des
entreprises en construction devraient échanger plus fréquemment
ou même être branchées sur les mêmes ordinateurs pour
avoir les informations des entrepreneurs, le numéro de licence, etc. Il
y a tout un mécanisme après cela qui pourrait s'appliquer et un
suivi. Ce n'est pas tout de savoir qu'il y a des travaux de réparation,
de modification ou de rénovation qui sont exécutés. C'est
de s'assurer que le décret est respecté et que les inspecteurs de
la CCQ ont le pouvoir de faire quelque chose. Aujourd'hui, un inspecteur va sur
un chantier de construction et demande aux travailleurs de la construction de
s'identifier. Si le travailleur refuse de s'identifier, la CCQ ne peut rien
faire si ce n'est que des fois demander l'aide de la Sûreté du
Québec pour exiger que le travailleur s'identifie. Donc, il y a une
foule de solutions qui pourraient être amenées pour le
bien-être de l'industrie de la construction et
celle du consommateur. C'est l'une des raisons pour lesquelles on est
prêt à travailler avec le ministère du Travail, les autres
associations syndicales et l'association des employeurs afin d'avoir une loi
qui va être à un moment donné potable pour l'industrie en
général.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais peut-être reprendre
brièvement là où avait débuté le
député d'Abitibi-Ouest en citant le haut de la page 7 de votre
mémoire. "Le projet de loi 31 n'a pas cette préoccupation
fondamentale de préserver à la fois les intérêts de
l'industrie et ceux du public." La discussion a été rapide comme
elle se doit, à bâtons rompus, en commission parlementaire. Ce que
je pense qu'on peut honnêtement dégager de vos propos, c'est que
ce qui concerne l'exclusion des travaux d'entretien et de réparation ne
semble pas vous causer de difficultés, mais sur le plan des travaux de
rénovation et de modification cela pose des difficultés pour
autant que vous êtes concernés. L'étalement des travaux,
toute la question de la possibilité de ne pas finir une maison, ou de la
finir par étapes, si on peut utiliser l'expression, cela vous pose
également des difficultés. Si on réussit à
dégager des terrains d'entente en ce qui concerne l'entretien et la
réparation et à baliser la rénovation et les
modifications, je constate qu'à partir des pages 17 et 18 de votre
mémoire vous nous soulignez qu'en ce qui concerne les mesures de
resserrement sur le plan des pénalités et des contrôles
pour la construction domiciliaire, la construction industrielle et commerciale
vous semblez être d'accord. Vous dites, page après page: Nous
sommes d'accord, nous sommes d'accord, nous sommes d'accord. Mais dans certains
cas vous suggérez des ajustements techniques sur le plan
législatif où on poursuit les mêmes objectifs, mais vous
désirez des bonifications, que j'appelle, sur le plan législatif.
Il reste comme grosse pierre d'achoppement la question de l'artisan. Est-ce que
le fait que le projet de loi vise à l'obliger à contribuer pour
retirer dans une proportion juste et équitable, et l'oblige à
facturer le même taux sur la construction domiciliaire, entre autres,
n'est pas satisfaisant pour votre syndicat?
M. Pouliot: M. le Président, écoutez, on est
d'accord pour exclure les travaux d'entretien et de réparation, mais
à la condition qu'on redéfinisse le champ d'application de la
loi. Je pense que c'est clair. Aussi, je voudrais vous mentionner
qu'actuellement, à l'intérieur du décret de la
construction, même s'il y a un taux de salaire qui est uniforme il y a
des conditions particulières qui s'appliquent dans le cas des
travailleurs de l'industrie lourde. C'est par la voie de la négociation
qu'on peut effectivement discuter des conditions qui devraient s'appliquer dans
un secteur donné qui est celui du secteur résidentiel. Vous savez
que cela existe, les heures de travail ne sont pas nécessairement les
mêmes dans le résidentiel que dans les routes, etc. Il y a la
question des frais de transport qui s'appliquent dans l'industrie lourde et qui
ne s'appliquent pas dans la construction résidentielle. Cela appartient
aux parties lors d'une négociation, à mon avis, de décider
cela. On ne cautionne pas le ratio un pour un radicalement, de cette
façon, même si cela ne fait pas partie de notre mémoire.
Encore là, cela peut se discuter par les parties reconnues dans
l'industrie de la construction, le ratio.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous revenez, je cherchais la page
dans le mémoire, mais je suis certain de l'avoir lu, sur la question de
la constitution d'un tribunal de la construction. Je pense qu'on a
déjà discuté, je ne sais pas si c'est publiquement ou
semi-publiquement, de la création d'une vice-présidence à
la Commission des relations du travail, qui découle de l'application du
projet de loi 30, une vice-présidence destinée à la
construction. Est-ce que cela ne répond pas à la demande que vous
nous adressez, là, au gouvernement depuis des années?
M. Toupin: Non, du tout. Pour la raison suivante, et on le
répète, il y a un mauvais entendement entre les
représentants syndicaux, particulièrement: le
vice-président de la Commission des relations du travail, poste
créé en vertu de la loi 30, va faire ni plus ni moins ce qui est
présentement "la job" du commissaire de la construction, sur le champ
d'application et, au surplus, contrairement aux services essentiels, qui sont
autonomes au sein de la Commission des relations du travail, le
vice-président qui va faire de la construction ne fera pas que cela. Il
va aussi s'occuper du Code du travail, comme on dit. Mais c'est tout. Le reste,
les arbitrages de discrimination syndicale, l'arbitrage pur et simple, le
conseil des conflits de compétence, cela a besoin d'être
modernisé, cela presse. Donc c'est non, la réponse.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Une voix: C'est
clair. M. Toupin: Merci.
Le Président (M. Théorêt): Ceci dit, il est
déjà midi et trente. M. Pouliot, ainsi que vos collègues,
nous vous remercions de votre présence ici, et nous suspendons les
travaux jusqu'à 15 h 30 cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 30) (Reprise à 15 h
34)
Le Président (M. Tremblay, Iberville): À
l'ordre, s'il vous plaît!
La commission de l'économie et du travail est réunie pour
continuer les consultations particulières sur le projet de loi 31.
Alors, avant de continuer, je voudrais un consentement parce qu'il y a un
remplacement. M. le secrétaire.
Le Secrétaire: Oui. M. Brassard (Lac-Saint-Jean) est
remplacé par M. Chevrette (Joliette).
Le Président (M. Tremblay, Iberville): Est-ce qu'il y a
consentement?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, étant donné que
c'est une amélioration.
Le Président (M. Tremblay, Iberville): Est-ce que je dois
le répéter?
M. Gendron: De ma part, sans commentaire, il y a
consentement.
Le Président (M. Tremblay, Iberville): Ha, ha, ha! Alors,
il y a consentement.
Nous étions rendus à la Corporation des maîtres
électriciens du Québec. Je demande aux personnes de s'identifier,
s'il vous plaît.
Corporation des maîtres électriciens du
Québec
M. Nolet (Richard): Oui, monsieur. En commençant par ma
gauche, M. Roger Gosselin, secrétaire à la Corporation des
maîtres électriciens du Québec; à côté,
M. Richard Lavergne, ex-président de la Corporation des maîtres
électriciens du Québec; à ma gauche, M. Yvon Guilbault,
directeur général de la Corporation des maîtres
électriciens, et Me Jacques Côté, conseiller juridique de
la corporation, et moi-même, Richard Nolet, président de la
corporation.
Le Président (M. Tremblay, Iberville):
Messieurs, bienvenue.
M. Nolet: Merci.
Le Président (M. Tremblay, Iberville): Je vous cède
la parole. Et je veux vous rappeler que, selon les normes, vous avez 20 minutes
pour présenter votre mémoire.
M. Nolet: C'est parfait. M. Yvon Guilbault fera la lecture du
mémoire.
Le Président (M. Tremblay, Iberville): Très
bien.
M. Guilbault (Yvon): M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission, la Corporation des maîtres
électriciens du Québec désire remercier les membres de la
commission de l'entendre sur ce projet de loi 31 dont le texte est court, mais
le contenu, majeur.
Le sujet traité n'est pas nouveau. Des études
évaluent que 25 % des heures normalement assujetties à la Loi sur
les relations du travail dans l'industrie de la construction ne sont pas
rapportées à la Commission de la construction et
échappent, en plus, à tout contrôle fiscal.
Généralement, la cause du phénomène est
attribuée à l'incapacité du consommateur de payer, entre
autres, le prix élevé généré par le
décret de la construction.
Il ne faut pas oublier que le prix du matériel constitue aussi un
coût important pour le consommateur. En fait, selon une étude
réalisée pour le compte de la CMEQ par le ministère
fédéral de l'Expansion régionale, le matériel
représente 44 % du coût total des ventes et la main-d'oeuvre
directe, 32 %. Pourtant, la main-d'oeuvre attire toute l'attention.
Peu importe le métier, semble-t-il, le consommateur réagit
en se tournant vers un travailleur qui est prêt à effectuer le
travail pour un taux moindre, en dehors du cadre réglementaire et
fiscal.
Pour les entrepreneurs de construction qui paient leurs salariés
au taux décrété, ainsi que les avantages sociaux
inhérents, en plus de tous les frais générés par
l'administration d'une entreprise, il s'agit d'un élément
significatif de frustration.
Le problème est généralement localisé dans
le domaine résidentiel; de fait, l'entrepreneur électricien doit
verser à un compagnon électricien un taux de base horaire de
19,82 $ l'heure auquel viennent s'ajouter les avantages sociaux du
décret qui totalisent 3,24 $ l'heure et, finalement, les avantages
sociaux des programmes gouvernementaux tels que la santé et la
sécurité, l'assurance-maladie, l'assurance-chômage et le
régime de rentes du Québec dont le coût total horaire est
de 2,66 $. Les coûts directs d'un compagnon électricien à
l'emploi d'un entrepreneur électricien représentent pour ce
dernier un montant de 25,72 $ l'heure.
À ce montant, il faut ajouter les frais d'entrepreneur tels
l'inspection, les cotisations à diverses associations, les frais de
licence, le prélèvement à la Commission de la construction
du Québec, les frais administratifs et le profit. Il faut comprendre que
les frais administratifs et le profit sont des éléments
variables, mais il n'en demeure pas moins que le taux demandé au
consommateur demeure appréciable.
L'impact est, cependant, amenuisé par le fait que de nombreux
entrepreneurs qui travaillent avec leurs outils exigent une facturation
moindre, surtout dans les travaux de réparation et d'entretien.
Malgré ce fait, des travailleurs illégaux entrent en scène
et offrent leurs services à un taux encore moindre (de 12 $ à 18
$ l'heure), à un point où l'offre rencontre la demande.
Détail important: il est reconnu que ce travail est effectué,
selon l'expression consacrée, "sous la table", au comptant, sans aucune
rede-
vance réglementaire ou fiscale.
La question qui se pose est la suivante: le projet de loi 31 vient-il
corriger la situation? Son objectif est précis; il s'agit de soustraire
à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction certains travaux pour laisser jouer brutalement la loi de l'offre
et de la demande, tout en prenant des mesures pour que les travaux qui
demeurent assujettis à la loi fassent l'objet d'une surveillance plus
étroite de façon que les entrepreneurs de construction puissent
profiter d'une compétition plus loyale. Ainsi, tous les intervenants
devraient y trouver leur dû; le consommateur pourrait faire effectuer
tout à fait légalement ses travaux par les travailleurs de son
choix à un taux dont le plancher serait fixé au taux du salaire
minimum. De son côté, l'entrepreneur de construction ne serait
plus forcé de compétitionner à des taux moindres que celui
du décret, puisque la Commission de la construction du Québec
aurait les pouvoirs d'assurer une vigilance accrue. De toute façon, les
contrevenants seraient découragés par des amendes
substantiellement majorées. C'est ce que le communiqué de presse
émis par le ministère du Travail laisse entrevoir.
Le court délai qui nous a été accordé pour
l'étude du projet de loi a semé une certaine confusion. Certaines
questions ne sont pas clarifiées. Il nous a été difficile
de mener auprès de nos instances une consultation
éclairée. L'article 4 du projet de loi 31 ajoute à
l'article 19 de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction une exemption d'application.
Voici certaines questions qui nous ont laissés dans le doute:
Quelle est la définition des expressions "aux fins personnelles", "de
rénovation", "de modification" et "un bâtiment d'habitation"?
S'agit-il de la résidence principale d'une personne physique ou encore
est-ce qu'un immeuble à multilogements possédé par une
personne physique entre dans la définition "aux fins personnelles"? Les
travaux de rénovation d'un complexe immobilier de 100 logements
entreraient-ils dans cette catégorie?
Déjà, ces imprécisions nous laissent confus sur
l'étendue des travaux couverts par le projet de loi 31. Il nous faut des
précisions à ce sujet pour une consultation adéquate.
Il est évident que, par l'adoption du projet de loi 31, les
règles du jeu seraient changées. Nous avons essayé
d'imaginer un scénario conforme au contenu du projet de loi en prenant
l'exemple d'une personne physique qui désire faire effectuer la
conversion électrique du système de chauffage de sa
résidence principale. Il s'agit d'une modification à des fins
personnelles; donc, ce genre de travail ne serait plus assujetti à la
loi. Les conditions de travail déterminées par le décret,
y compris le taux de salaire, ne seraient plus applicables. Toutefois, en vertu
de la Loi sur les installations électriques et de la Loi sur les
maîtres électriciens, ce consommateur devrait faire appel à
un maître électricien qui pourrait faire effectuer le travail par
un de ses salariés détenteur d'un certificat de qualification en
vertu de la loi sur la formation professionnelle. Dans un tel cas, le
certificat de compétence exigé par la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction ne serait plus exigé.
Cela signifie qu'un électricien qui a toujours travaillé
dans une usine sans expérience aucune de l'industrie de la construction
serait admissible aux travaux exemptés par le paragraphe 9 de l'article
19 de la loi.
De même, l'entrepreneur électricien pourrait verser
à ce salarié un taux de salaire égal ou supérieur
au taux du salaire minimum. Le code de l'électricité continuerait
de s'appliquer; les travaux seraient assujettis à l'inspection de la
Direction générale de l'inspection du ministère du Travail
et les frais d'inspection, égaux à 3,75 % de la masse salariale
de l'entrepreneur électricien continueraient d'être exigibles.
Donc, tout comme maintenant, l'entrepreneur électricien devrait
détenir une licence de la Régie des entreprises de construction
du Québec en vertu de la Loi sur la qualification professionnelle des
entrepreneurs de construction.
Le gouvernement peut-il préciser si ce scénario est exact
et correspond aux fins du projet de loi 31? La question se pose puisque les
communiqués de presse laissent sous-entendre que le consommateur
pourrait faire appel directement à des travailleurs plutôt qu'aux
entrepreneurs eux-mêmes et ce, même si le taux du décret ne
serait plus applicable.
Dans nos consultations, une autre question a été
soulevée: généralement, lors de travaux de
réparation et d'entretien, le client de l'entrepreneur
électricien est la personne physique elle-même. Il s'agit
généralement d'un appel de service pour réparer ou
prévenir un bris. Toutefois, dans le cas d'une modification ou d'une
rénovation, les montants impliqués sont supérieurs et le
client de l'entrepreneur électricien (celui qui paie la facture) devient
un entrepreneur général qui coordonne les travaux pour le compte
d'une personne physique. Dans un tel cas, comment l'entrepreneur
électricien peut-il savoir si les travaux concernés sont
assujettis à la loi sur les relations du travail ou non? L'entrepreneur
général serait le seul à effectuer des travaux pour le
compte d'une personne physique. Nous soulevons ici tout le problème de
la sous-traitance et des montants impliqués nettement supérieurs
dans le cas de modification et de rénovation. Ces travaux font souvent
l'objet d'un emprunt bancaire sous forme d'hypothèque et augmentent la
valeur marchande du bâtiment. Doit-on y voir une considération
commerciale?
Bon nombre d'entrepreneurs électriciens admettent que le
marché de la réparation et de l'entretien leur a
échappé et que ces travaux sont souvent effectués au noir.
En effet, comment est-il possible de compétitionner avec un
travailleur clandestin qui facture 15 $ ou 18 $ l'heure, quand ce n'est
pas moins, alors que les coûts directs pour un compagnon
électricien sont de 25 $, 72 $ l'heure? L'administration et les profits
ne sont pas inclus. Le travailleur clandestin n'est soumis à aucune
charge sociale, ni à un impôt direct ou indirect. La lutte est
inégale pour celui qui respecte les lois.
La constatation est moins évidente pour les travaux de
modification et de rénovation. Souvent, ces travaux sont importants et
exigent les services d'un entrepreneur professionnel à cause des
connaissances requises et des besoins d'équipement. (15 h 45)
La plupart des entrepreneurs électriciens oeuvrent dans tous les
secteurs: résidentiel, commercial ou industriel. Bien peu oeuvrent
seulement dans le secteur résidentiel et, parmi ceux-là, encore
moins se confinent à des travaux de réparation, d'entretien, de
modification et de rénovation. Les salariés embauchés par
les entrepreneurs électriciens oeuvrent donc dans tous les secteurs et
reçoivent le même taux horaire, peu importe la nature des travaux
effectués dans la journée. Un taux différent, s'il s'agit
de travaux exclus par le projet de loi 31, est difficilement envisageable ou
administrable. Une telle politique engendrerait de fortes réactions
humaines prévisibles. L'embauche d'un salarié à temps
plein pour effectuer un tel travail ne serait justifiée que par une
quantité de travail suffisante ou par une spécialisation
extrême. L'expérience nous prouve que rares sont les entrepreneurs
qui, avec leurs salariés, sont confinés au seul marché
résidentiel.
On leur a posé la question: "Pouvez-vous imaginer deux taux de
salaire différents versés à un même employé
selon la nature des travaux effectués? La réponse est non; cet
employé chercherait immédiatement du travail ailleurs, au taux du
décret, ce qui déstabiliserait sur-le-champ nos entreprises.
Est-il possible pour vous d'embaucher un salarié pour des travaux
non assujettis à la loi et au décret? La réponse est la
suivante: Pour prendre une telle décision, il faut une quantité
suffisante de travail, ce qui est loin d'être assuré.
En bref, la CMEQ reconnaît qu'il existe un problème tant
pour le consommateur que pour l'entrepreneur; pour le consommateur, parce qu'il
recherche le meilleur prix et pour l'entrepreneur, parce qu'il doit faire face
à une compétition déloyale.
Économiquement, l'un représente la demande et l'autre,
l'offre. Ils doivent se rencontrer dans un cadre fixé par la
réglementation actuelle. Le projet de loi a pour objet de modifier
sensiblement ces règles du jeu. Pour nous, certaines questions exigent
une réponse claire et précise sur la volonté du
gouvernement. Ces réponses nous permettront d'entreprendre une vaste
consultation auprès des entrepreneurs électri- ciens, afin de
tirer une évaluation des dispositions du projet de loi 31.
Pour la CMEQ, ce projet de loi est majeur et nous ne pouvons accepter
qu'il soit adopté sans que les entrepreneurs aient pu
véritablement en prendre connaissance et en évaluer les impacts
sur la survie ou la croissance de leur entreprise. Nous demandons donc au
gouvernement de nous apporter les précisions demandées et de
surseoir au processus d'adoption de la loi afin de nous permettre une
consultation appropriée.
Nous savons que le problème n'est pas nouveau; dans le
passé, beaucoup de solutions ont été proposées: de
l'exclusion pure et simple des travaux à l'encouragement fiscal pour un
citoyen qui doit faire effectuer ce genre de travaux.
Le gouvernement a retenu une solution qu'il a définie dans le
projet de loi 31. Il est tout à fait normal, après avoir
reçu réponse à nos questions, qu'on nous donne un
délai pour en étudier les conséquences, les expliquer aux
entrepreneurs électriciens, les rendre conscients des changements
proposés et recueillir leurs commentaires et réactions.
Pour le moment, il nous a été impossible de convoquer des
réunions d'entrepreneurs par région ou encore de communiquer avec
eux par la voie de nos propres médias d'information. Selon les
réactions, il nous faudrait peut-être envisager une étude
à caractère économique pour évaluer l'impact du
projet de loi 31 sur les entreprises d'électricité.
Nous vous remercions de votre attention.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Dans
un premier temps, je tiens à remercier la Corporation des maîtres
électriciens du Québec pour sa comparution, ainsi que pour le
mémoire qu'elle nous a présenté. Étant donné
que nous sommes limités dans le temps, j'attaquerai,
immédiatement dans le vif du sujet, cette partie de travail au noir.
À la page 1 de votre mémoire, vous nous indiquez que
"généralement, la cause du phénomène est
attribuée à l'incapacité du consommateur de payer, entre
autres, le taux élevé généré par le
décret de la construction." Vous poursuivez en indiquant que "les
coûts directs d'un compagnon électricien à l'emploi d'un
entrepreneur électricien représentent pour ce dernier un montant
de 25,72 $." Ceci n'inclut pas, comme vous l'indiquez plus loin, les frais
d'administration, d'appartenance à des associations, etc. Vous ajoutez,
à la page 3, quant à ce travail au noir: "L'impact est,
cependant, amenuisé par le fait que de nombreux entrepreneurs qui
travaillent avec leurs outils exigent une facturation horaire moindre, surtout
dans les travaux de réparation et d'entretien." Vous indiquez:
"Malgré ce fait, des travailleurs illégaux
entrent en scène et offrent leurs services à un taux
encore moindre (de 12 $ à 18 $ l'heure), à un point où
l'offre rencontre la demande." Vous continuez en traitant du travail au noir
jusqu'au haut de la page 9, où vous nous dites: "Bon nombre
d'entrepreneurs électriciens admettent que le marché de la
réparation et de l'entretien leur a échappé et que ces
travaux sont souvent effectués au noir."
Un peu dans ce cadre, si vous en avez une évaluation - je ne vous
demande pas qu'elle soit précise, lorsque nous parions de travail au
noir, par définition, les données précises sont
inexistantes, il s'agit d'estimations ou d'approximations - vos membres
travaillent dans le secteur de la rénovation et de la réparation
résidentielle dans quelle proportion ou dans quel pourcentage, dans le
secteur de la construction résidentielle, dans quelle proportion ou
pourcentage et dans le secteur des chantiers, soit commerciaux ou industriels,
dans quelle proportion ou pourcentage?
M. GuilbauK: II y a déjà une étude qui a
été faite, en 1984, à la Régie des entreprises de
construction du Québec, spécifiquement sur les entrepreneurs
électriciens. Malheureusement, je ne l'ai pas apportée pour citer
des chiffres devant la commission. Mais, si ma mémoire est
fidèle, il y a au moins 80 % des entrepreneurs qui touchent au domaine
résidentiel.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Qui y touchent, mais dans une
proportion de leur chiffre d'affaires qui peut être importante?
M. Guilbault: Dans la plupart des cas c'est important, mais c'est
difficile de faire une évaluation. Je ne pense pas qu'il ait beaucoup de
gens qui peuvent faire une évaluation précise. Ce sont des
données qu'on possède à force de travailler dans le
milieu. Mais, pour vous donner une idée, il y environ 3000
électriciens qui sont membres de la Corporation des maîtres
électriciens. Sur les 3000 entrepreneurs électriciens qui sont
membres de la corporation, il y en au moins 1300 qui travaillent seuls avec
leurs outils. Ces gens-là travaillent, pour la plupart du temps, dans
leur village, dans leur municipalité et ne sont pas
nécessairement les entrepreneurs les mieux équipés au
monde pour faire à peu près tous les genres de travaux. Ces
gens-là travaillent carrément dans le domaine résidentiel:
la réparation, l'entretien et ainsi de suite. Ils sont rares ceux qui ne
travaillent pas dans le domaine résidentiel comme entrepreneurs
électriciens.
Pour donner une explication sur la page 9, tout à l'heure, je
vous disais qu'il y a beaucoup de travail. Beaucoup d'entrepreneurs admettent
que ce marché-là leur a échappé. Il faut bien
comprendre qu'on parie des entrepreneurs qui embauchent des salariés
à des coûts directs de 25,72 $ l'heure. Celui qui travaille seul
avec ses outils touche ce marché et l'entrepreneur élec- tricien
qui embauche des salariés à des coûts directs de 25,72 $
l'heure a de la difficulté à concurrencer son confrère qui
travaille avec ses outils. Malgré cela, l'entrepreneur qui travaille
seul avec ses outils se plaint qu'il y a du travail au noir qui se fait.
Autrement dit, c'est un problème qui existe et une des discussions que
nous avons eues en prenant connaissance du projet de loi 31, c'est que
même un entrepreneur électricien qui travaille avec ses outils,
qui respecte les lois, qui a une licence de la Régie des entreprises de
construction, qui, souvent, pour rencontrer la demande, travaille
lui-même à 18 $ l'heure, a de la misère à
répondre à la demande parce qu'il y a encore du travail au noir.
Où cela s'arrête-t-il? Est-ce que la demande va s'arrêter
à 4,55 $, au salaire minimum? Est-ce qu'elle va s'arrêter à
10 $? Est-ce qu'elle va s'arrêter à 11 $? Même en descendant
à 18 $, il y a encore du travail au noir.
Évidemment, ce n'est pas un problème facile et c'est ce
qu'on explique dans le mémoire. Ceux qui ont des salariés vivent
un problème de compétition déloyale, même avec des
confrères et ceux qui n'ont pas de salariés vivent un
problème de compétition avec le marché au noir, parce
qu'ils disent: J'ai une licence, je me conforme aux lois, j'ai pignon sur rue
et je paie mes impôts. Il y a encore des gens qui travaillent au
noir.
Pourtant, ces mêmes entrepreneurs qui travaillent avec leurs
outils sont souvent confinés dans des travaux - appelons-les plus
simples - de réparation et d'entretien, parce que c'est là que
ça prend le moins d'outillage, peut-être moins de
disponibilités, les travaux sont moins longs et, encore là, il y
a des problèmes. Si cela peut expliquer un peu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si on met de côté le
secteur résidentiel, il y a plusieurs associations syndicales - je pense
que cela a été clair de la part d'un groupement syndical qui a
témoigné ici ce matin - qui revendiquent l'abolition de l'artisan
dans le secteur commercial et industriel. À votre connaissance quel
serait, chez vos membres, l'impact d'une telle mesure?
M. Guilbault: Évidemment, c'est un vieux problème.
Ce n'est pas un problème neuf. J'avais tous mes cheveux à
l'époque et on en parlait. Dépendamment des personnes à
qui on parie, il y a une définition différente de l'artisan. Un
artisan, souvent, selon une définition légale, c'est celui qui
travaille sous son nom personnel, c'est-à-dire une personne physique.
Souvent, on dit: C'est l'artisan. Pour un autre, cela peut être quelqu'un
qui s'est incorporé, qui travaille sous forme d'incorporation et qui
travaille avec ses outils, mais qui, par contre, a sa licence d'entrepreneur
électricien ou d'entrepreneur de construction. Mais, il est souvent
défini comme un artisan, étant donné qu'il travaille
lui-même avec ses outils.
II y a des entrepreneurs de construction qui ont des salariés,
mais qui travaillent eux-mêmes avec leurs outils, même s'ils ont
deux ou trois salariés. À ce moment-là, souvent,
même si ce n'est pas tout à fait dans la définition de
l'artisan, on les confine un peu parce que cela représente le même
problème d'espèce de non-respect du taux du décret.
Notre position là-dessus a toujours été claire.
À partir du moment où quelqu'un décide, dans le
système économique dans lequel on vit, de quitter la position de
salarié et de devenir entrepreneur en respectant les lois en vigueur, il
faut que ce type puisse travailler, étant donné qu'il respecte
les lois qu'il va chercher ses licences d'entrepreneur, qu'il passe les examens
en conséquence, qu'il fait inspecter ses travaux, dans notre cas, par le
Bureau des examinateurs électriciens. Fort possiblement, dans bien des
cas, c'est cet entrepreneur qui, dans un mois, deux mois, trois mois, va
engager un paquet de salariés, à partir du moment où il
s'organise.
Voyons cela un peu comme une ligne de promotion, quand même elle
serait strictement psychologique. On se rend compte que, dans bien des cas, des
entrepreneurs vont travailler à 18 $ l'heure à leur compte quand
ils peuvent gagner 19,82 $ chez un entrepreneur comme salariés. Il faut
que ce soit un peu psychologique. Mais à partir du moment où,
dans notre système, un salarié décide de devenir
entrepreneur, pour nous, il doit avoir sa place au soleil comme n'importe quel
entrepreneur qui a des salariés.
Je vous explique qu'il y a le problème de celui qui travaille
avec ses outils et de l'entrepreneur qui embauche des salariés. C'est ce
problème-là qui est difficile à solutionner.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Du côté syndical, on
mentionne souvent que l'entrepreneur spécialisé
compétitionne avec le salarié sur un chantier commercial et lui
retire, par le fait même, de l'emploi, en demandant des taux souvent
moins élevés. Quelle est la position de votre corporation sur
cette question?
M. Guilbauît: C'est un problème dans le sens
suivant: mettez-vous à la place d'un entrepreneur qui a des
salariés qui sont assujettis au décret, qui donne le taux du
décret, 10 % de vacances, enfin qui respecte toutes les conditions de
travail fixées par le décret. Les entrepreneurs soumissionnent
sur un tel contrat. Évidemment, celui qui respecte les règles du
décret va sûrement soumissionner à un montant beaucoup plus
élevé que celui qui a une marge de manoeuvre plus grande. Les
entrepreneurs, entre eux, vont se plaindre que la compétition est
déloyale. C'est cette partie à laquelle on faisait allusion dans
notre mémoire. Si l'entrepreneur doit soumissionner avec des
entrepreneurs qui travaillent avec leurs outils, mais qui ne respectent pas Jes
conditions du décret, à ce moment, les entrepreneurs qui, eux,
respectent le décret perdent ces contrats. Cela fait des confrontations
entre les deux groupes.
Théoriquement, l'entrepreneur qui travaille seul avec ses outils
ne devrait pas travailler sur des chantiers où un homme seul ne peut pas
faire des travaux. Théoriquement, sur les chantiers d'importance, c'est
très rare qu'un homme peut faire des travaux seul. Mais ce qui arrive,
c'est qu'il y a souvent dérogation à certaines règles.
Souvent, un entrepreneur - et cela se passe dans tous les métiers - va
aller chercher un de ses amis, un confrère, un beau-frère de
façon à travailler à deux la partie du chantier qu'il ne
peut pas faire seul. Cela devient de la compétition déloyale et,
comme organisation, évidemment, c'est un problème auquel on fait
face tous les jours. On n'a pas trouvé de solution, en passant,
là-dessus.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quel est le...
M. Guilbauît: Cela prendrait trop de police. Je
m'excuse.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quelle est votre évaluation
de la proportion du travail au noir qui se fait dans le secteur
résidentiel: réparation, entretien, rénovation, le secteur
résidentiel construction et les gros chantiers de construction? La
question est: Est-ce qu'il y a du travail au noir à chaque endroit?
Est-ce plus important dans un de ces secteurs? Dans quelle proportion
l'identifiez-vous?
M. Guilbauît: On n'est pas capables de
l'évaluer.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans les travaux
d'électricité, pour être plus précis.
M. Guilbauît: On n'est pas capables de l'évaluer.
Tout ce qu'on peut faire, ce sont des suppositions. Ce qu'on sait, par les gens
qui oeuvrent sur les chantiers, c'est que c'est clair qu'il y a beaucoup plus
de travail au noir dans le domaine résidentiel. Les travaux durent moins
longtemps. C'est moins défini. Comme on le disait dans le
mémoire, en termes de réparation et d'entretien, ce sont des
appels de service, des choses qui ne durent pas longtemps. C'est souvent pour
réparer ou prévenir un bris. Cela se fait vite, pas de
problème. (16 heures)
Dans le domaine de la modification et de la rénovation, souvent,
il va y avoir des appels d'offres. Souvent, quelqu'un va demander des prix.
Dans ce domaine, il y en déjà un petit peu moins, même s'il
y en a encore. Dans le domaine commercial ou industriel, la coupure est, quand
même, plus grande. Mais on n'est pas capables d'évaluer cela de
façon appréciable.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M.
le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. le président, ainsi que l'équipe qui
vous accompagne, je veux vous remercier pour votre mémoire, pour avoir
pris le temps, même si la période était très courte,
de nous faire part de vos réflexions qui ont, en tout cas, le
mérite d'être clairement exprimées, qu'on soit pour ou
contre. Merci d'être là et de nous permettre de poser des
questions sur certains points.
Je voudrais revenir, moi aussi, sur le fameux travail au noir qui
était censé être l'objet premier à être
contré par le projet de loi 31. Il me semble que vous dites: De toute
façon, il y en aura toujours puisque "la cause du
phénomène est attribuée à l'incapacité du
consommateur de payer, entre autres, le taux élevé
généré par le décret de la construction." Vous avez
indiqué qu'il y a des électriciens qui, même s'ils
demandent un taux inférieur au décret de la construction,
réussissent toujours à trouver le tour d'avoir un taux
inférieur à ceux qui, chez vous, exigent déjà un
taux inférieur et ce - vous l'indiquez à la page 3 - "surtout
dans les travaux de réparation et d'entretien".
Si on se comprend bien, cela veut dire que vous reconnaissez que, pour
des travaux de réparation et d'entretien, il y a déjà,
dans les faits, un tarif inférieur à celui du décret,
d'une part, et que, d'autre part, il y a également des gens qui,
même à ce taux inférieur à celui du décret,
demandent encore moins cher et ce, comme je le mentionnais tantôt, vous
le dites à la page 3, "surtout dans les travaux de réparation et
d'entretien".
Donc, je voudrais dissiper une première confusion - en tout cas,
dans ma tête, elle n'est peut-être pas dans votre mémoire -
car à la page 10 de votre mémoire, vous avez clairement
établi que c'était inimaginable d'envisager deux types de
tarification. Vous avez dit: On leur a posé la question et il n'y a pas
d'entrepreneurs qui seraient d'accord pour payer différemment leurs
salariés, parce qu'ils ne sont pas confinés au seul marché
résidentiel. Autrement dit, en termes clairs, à la page 10, il me
semble que vous me dites: Ce n'est pas possible de payer différemment.
À la page 3, vous dites: II y a déjà une tarification
moindre, surtout dans les travaux de réparation et d'entretien, quand
c'est un entrepreneur unique qui les effectue. Cela signifie donc que
l'entrepreneur unique se paie moins que ce qui est prévu au
décret, et encore un peu moins lorsqu'il s'agit de travaux de
réparation et d'entretien. Est-ce exact?
M. Guilbault: Pas tout à fait. Dans le domaine de la
réparation, l'entretien... Prenons cela autrement. L'entrepreneur qui
travaille seul avec ses outils, normalement, qu'il travaille dans le domaine de
la réparation, de l'entretien ou de la rénovation, il est seul.
Il va exiger le même taux, la plupart du temps, qu'il aille faire une
réparation ou qu'il aille faire une modification. Il va demander le
même taux. La différence se situe chez l'entrepreneur qui embauche
des salariés. Avec le taux du décret, à l'heure actuelle,
ce que j'ai mentionné, c'est que cet entrepreneur n'est plus capable de
concurrencer l'entrepreneur qui travaille seul avec ses outils, puisqu'il doit
payer le taux du décret. Il n'est plus capable de concurrencer celui qui
travaille avec ses outils. Voilà la différence.
Et quand on pose la question à l'entrepreneur qui a des
salariés: Est-ce que, dans votre entreprise, vous pouvez travailler avec
deux taux différents, c'est-à-dire le taux du décret,
comme la loi 31 le suppose, pour les travaux de réparation, d'entretien,
de rénovation, de modification et, pour le reste, avec un autre taux,
selon l'offre et la demande? Réponse: C'est difficilement envisageable,
parce que, dans bien des cas, je n'aurais pas assez de travail pour engager un
gars séparément. Les gens craignent, à juste titre, les
réactions humaines de la part des salariés. Ce ne sont pas des
fous, les salariés; ils s'aperçoivent qu'il y en a un qui fait la
même "job" que l'autre, mais qu'il y en a un qui reçoit 10 $, et
l'autre 20 $. Ce sont des choses prévisibles et il faut que ces
gens-là vivent en harmonie. Et ils disent que c'est difficilement
envisageable ou même administrable. C'est leur réaction au moment
où la question leur a été posée. Surtout que, quand
vous parlez de rénovation, de modification, c'est très,
très vaste. C'est le système de chauffage des maisons, c'est une
maison en entier, ce n'est pas compliqué. À ce moment-là,
vous touchez un très grand marché, d'autant plus qu'il y a des
parties dans la loi qui ne sont pas définies. La rénovation, la
modification, ce n'est pas clair encore. Et comment voulez-vous qu'on consulte
les gens? Évidemment, ce sont des réactions
préliminaires.
M. Gendron: Oui, oui. D'accord. Je pense que vous avez raison. Je
l'ai dit au tout début, on ne peut pas avoir autre chose que des
réactions préliminaires. Qu'est-ce que vous voulez? On prend
connaissance des mémoires qui nous arrivent aujourd'hui et, pour vous,
c'est un peu la même chose. Cela ne fait quand même pas des
semaines que c'est déposé, et vous n'avez sûrement pas eu
le temps de faire le tour du Québec pour consulter vos membres.
Est-ce que je ferais une erreur d'interprétation? Il me semble
que, sans que cela soit dit comme cela, dans l'ensemble de votre
mémoire, on sent en filigrane que - en tout cas, je sens en filigrane -
s'il n'y avait pas les travaux de modification et de rénovation, s'ils
étaient exclus du décret... Vous dites: Écoutez, c'est
vivable. Il n'y a pas grand-chose là, pour autant qu'on retire
"modification" et "rénovation" parce que "réparation et
entretien", il n'y a pas là de grosses masses salariales dans ces
travaux qui peuvent être effectués au noir et, dans le fond,
compte tenu des imprécisions des éléments, de ce
qu'on entend par "rénove" et "modifications". Et cela, cela peut
comprendre toutes sortes de choses, c'est de là que vient la
difficulté. La question claire que je pose: Si on ne parlait pas, dans
le projet de loi 31, d'inclure un article qui fait qu'on exclut du champ de
juridiction du décret de la construction les gens qui font de la
rénovation et des modifications, et qu'il ne restait d'exclus que les
gens qui font de la réparation et de l'entretien, est-ce que vous seriez
probablement d'accord?
M. Guilbault: Je peux vous dire que cela aurait été
beaucoup moins difficile. Les gens reconnaissent, comme je l'ai dit, que, pour
la rénovation et l'entretien, les entrepreneurs électriciens qui
embauchent des salariés ne sont pas capables de concurrencer ceux qui
travaillent avec leurs outils. Ce qui fait que, quand on parle de
réparation et d'entretien, jusqu'à un certain point, ceux qui ont
des salariés sont certainement moins touchés, selon leur
raisonnement.
Mais, étant donné que le marché de la modification
et de la rénovation est un marché qu'ils ont encore et où
il y a concurrence, même si, de temps en temps, il y en a deux ou trois
qui viennent y faire un tour. Ils voient alors très très mal
comment ils pourraient laisser aller ce marché qui existe encore,
d'autant plus que les coûts sont plus importants, d'autant plus que
souvent cela fait l'objet, comme ils le mentionnent, d'un emprunt bancaire, que
c'est souvent hypothéqué, que cela augmente la valeur marchande
du bâtiment et que c'est strictement à des fins commerciales...
Alors, les gens disent: Moi, j'ai des salariés; il faut vivre avec cela,
parce qu'on vit dans un système économique. Pourquoi
laisserait-on aller cette partie sans l'avoir évaluée? Pourquoi
laisserait-on aller cette partie quand, dans le fond, nos salariés
travaillent dans ce domaine?
M. Gendron: D'accord. À la page 7...
M. Guilbault: Vous voyez un peu leurs réactions?
M. Gendron: Oui.
M. Guilbault: C'est comme cela qu'ils analysent.
M. Gendron: Moi, en tout cas, cela m'éclaire et confirme
mon hypothèse selon laquelle, si on enlevait "modification et
rénovation", vous trouveriez que le problème est moins grave.
M. Guilbault: Disons que les réactions sont moins
spontanées.
M. Gendron: En page 7 de votre mémoire, vous dites, ce que
je considère, encore là, être une analyse exacte...
À la page 6, nous dites: "Les conditions de travail
déterminées par le décret, y compris le taux de salaire,
ne seraient pas applicables. Toutefois, en vertu de la loi, cela va prendre
quand même quelqu'un qui est qualifié..." Au bas de la page 7,
vous dites: "Cela signifie qu'un électricien qui a toujours
travaillé dans une usine, sans expérience aucune de l'industrie
de ia construction, serait admissible aux travaux exemptés par le
paragraphe 9...". C'est ce que je comprends aussi. Question: Est-ce que vous
avez évalué le nombre de personnes qui, éventuellement,
pourraient être visées par les dispositions du paragraphe 9?
M. Guilbault: On n'a pas les chiffres. Le ministère les a
sûrement. Ce que je peux vous dire, c'est que les détenteurs de
permis A-2 qui sont responsables de l'électricité dans les
usines, il y en a 1011. Je ne sais pas combien il y a de certificats de
qualification émis dans le domaine de l'entretien et de la
réparation des usines et des édifices publics. On ne le sait
pas.
Par le scénario de la page 7, on a voulu s'assurer que c'est ce
que le gouvernement désire, parce que ce n'est pas clair dans le projet
de loi et ce n'est pas clair non plus dans les communiqués de presse.
C'est ce qu'on veut savoir. Si c'est cela, on va virer de bord, on va aller
voir nos gens qui ont aussi le droit de savoir et on va leur dire:
Écoutez, le projet de loi 31 propose ceci. Cela veut dire quoi, pour
vous, dans votre entreprise? Ce sont des choses qui sont faisables. Mais un
entrepreneur qui va embaucher un détenteur d'un certificat de
qualification dans une usine, qui n'a jamais travaillé dans la
construction, et qui l'envoie travailler chez Mme Unetelle ou dans votre
résidence... Peut-être que tu ne peux pas faire cela aussi vite
que tu le voudrais. Même si cela a l'air simple en apparence, ce n'est
pas toujours aussi simple.
M. Gendron: Oui, mais, à moins que je ne me trompe, il
devrait quand même passer un examen pour obtenir son permis et cet
examen, il doit le faire à la Régie des entreprises en
construction. Il doit y avoir au moins quelques questions concernant la
construction, jamais je ne croirai?
M. Guilbault: II y a une chose. Quand on parle du certificat de
qualification, si on comprend la teneur du projet de loi, l'entrepreneur
électricien pourrait embaucher un détenteur de certificat de
qualification qui travaille actuellement dans une usine ou dans un
édifice public et travailler dans le domaine de la rénovation, de
la modification, de la réparation et de l'entretien, enfin, dans tout
domaine qui serait exclu dans la Loi sur les relations du travail, sans avoir
un certificat de compétence déterminé par la Loi sur les
relations du travail.
M. Gendron: D'accord. Toujours à la page 7, vous dites que
les frais d'inspection sont à peu
près de 3,75 % de la masse salariale.
M. GuilbauK: Ils sont de 3,75 %, oui.
M. Gendron: À partir du moment où les travailleurs
électriciens ne sont plus couverts par le champ du décret, cela a
un effet sur la masse salariale qui vient s'amenuiser. On se comprend?
M. Guilbault: Absolument.
M. Gendron: Est-ce que vous portez un jugement important sur
l'impact négatif que cela pourrait avoir sur la qualité de
l'inspection?
M. Guilbault: L'inspection, c'est évidemment
différent de la masse salariale. C'est bien clair que 3,75 % de 19,82 $,
plus 10 % de vacances, cela fait à peu près un peu plus de 0,80 $
l'heure qu'un entrepreneur électricien doit payer au ministère
pour les frais d'inspection. Il est évident que si, d'après le
scénario qu'on a imaginé à partir de la loi 31, tu tombes
à 10 $ l'heure, 3,75 % de 10 $ l'heure, c'est différent de celui
d'à peu près 20 $ l'heure. Pour autant qu'on est concerné,
le ministère aurait la même tâche, soit d'inspecter les
travaux en regard du Code de l'électricité. C'est difficile
d'imaginer l'impact. Ce sont ces choses, par exemple, qu'on voudrait
envisager.
M. Gendron: Cela va.
Le Président (M. Théorêt): M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Ces échanges
m'amènent à vous poser une question bien pratique, qui a
été soulevée par tous les intervenants jusqu'à
présent et qui va sans doute être soulevée de nouveau par
l'ensemble des intervenants. Dans les faits, dans la pratique quotidienne,
quelle est la différence entre l'artisan électricien et
l'entrepreneur spécialisé en électricité qui
opère seul?
M. Guilbault: Dans la pratique, il n'y en a pas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II n'y en a pas?
M. Guilbault: Non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord, cela va.
Le Président (M. Théorêt): Merci.
M. Gendron: Seulement une vérification. Est-ce que
quelqu'un qui détient actuellement la qualification professionnelle
d'électricien peut avoir un statut d'artisan électricien dans le
secteur de la construction?
M. Guilbault: Oui.
M. Gendron: Combien y en a-t-il?
M. Guilbault: il n'y en a pas beaucoup. Je ne peux pas vous dire
combien il y a d'artisans, mais c'est minime. C'est de l'ordre des dizaines. Ce
n'est pas de l'ordre des centaines. Même quinze artisans, cela aurait du
bon sens.
M. Gendron: Prenons l'hypothèse qu'on adopte le projet de
loi tel quel - ce qui n'a pas de bon sens, mais ce ne serait pas la
première chose qui pourrait arriver qui n'aurait pas de bon sens;
écoutez, vous avez dit vous-même que vous venez ici pour
écouter, donc, je suis convaincu que vous allez apporter une
série d'amendements, si vous écoutez comme il le faut -
très sérieusement, est-ce que le nombre d'artisans pourrait
augmenter de beaucoup, dans la perspective où les chiffres du ministre
et les vôtres semblent concorder, soit qu'il y en aurait seulement une
quinzaine ou une vingtaine? Est-ce que les dispositions du projet de loi 31
pourraient avoir comme conséquence d'augmenter le nombre d'entrepreneurs
qui décideraient de faire le choix de devenir artisans
électriciens?
M. Guilbault: Je ne suis pas capable d'évaluer cela. Je
suis absolument incapable d'évaluer l'impact que cela peut avoir chez
un...
M. Gendron: Souhaiteriez-vous être en mesure de faire une
telle évaluation? (16 h 15)
M. Guilbault: Bien, c'est comme on le disait en page 12, il nous
faut absolument en faire l'évaluation. Cela a un impact beaucoup trop
considérable pour un tas d'entreprises. Il y a 3000 entrepreneurs. Vu le
système économique dans lequel on vit, ces gens ont le droit de
vivre et de savoir ce qui leur pend au bout de nez. Et c'est ce qu'on demande,
en fait.
M. Gendron: D'accord. Ma dernière question. Quelle
réaction avez-vous eue quand vous avez très sommairement
consulté quelques-uns de vos commettants à propos du projet de
loi?
M. Guilbault: Beaucoup trop rapide, beaucoup trop tôt.
Impossible d'imaginer l'impact que cela peut avoir, surtout dans le domaine de
la rénovation et de la modification. C'est cela, la réaction. Un
manque de précision, beaucoup de confusion entre les communiqués
de presse publiés dans les journaux et la teneur du projet de loi, ce
qui fait qu'on a beaucoup de difficulté à informer nos gens de
façon appropriée. Mais, de façon générale,
pour les gens qu'on a consultés, il existe une crainte en ce sens qu'ils
ne comprennent pas ce qui leur pend au bout: du nez. Il y a assurément
une crainte. Qu'est-ce qui va arriver dans mon entreprise? Qu'est-ce que je
vais faire si j'ai deux taux de salaire? Est-ce
que je devrai embaucher quelqu'un d'autre? Comment évaluer cela?
Est-ce qu'à un moment donné il faudra que le public passe par un
entrepreneur électricien? Est-ce que le public va pouvoir embaucher un
salarié directement? Ce n'est pas clair dans la loi. La loi est plus
claire, mais les communiqués de presse ne sont pas clairs.
M. Gendron: Oui, sauf qu'il est certain - même si je n'aime
pas la loi - que celle-ci prévaut normalement sur les communiqués
de presse.
M. Guilbault: Non, mais mettez-vous à la place....
M. Gendron: Ah non! vous avez raison.
M. Guilbault: ...des gens qui sont dans le champ.
M. Gendron: Vous avez raison. De toute façon, cela fait
plusieurs fois que je le dis. On le dit dans les notes explicatives, et
d'autres vont venir le dire. Il y a toujours, avec ce gouvernement, une
différence terrible entre les notes explicatives et la teneur du projet
de loi tel quel dans la politique, quand on vient à bout de le vivre,
après trois ou quatre exercices.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela... Je m'excuse.
M. Gendron: Ah bien! J'étais à l'éducation,
il n'y a pas plus de deux jours.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cinq minutes de "charriage".
M. Gendron: Dans quatre mémoires, des gens disaient:
Écoutez, les modifications du projet de loi sur l'instruction publique,
mosus! que c'est beau dans les notes explicatives, mais, quand on lit les
articles un par un, il y a des écarts.
Une dernière question reliée à ce que je vous ai
posé. Vous dites qu'un électricien qui a toujours
travaillé dans une usine, sans aucune expérience de l'industrie
de la construction, serait admissible. Est-ce que demain matin, comme dans le
cas que vous venez de soulever - des gens qui ont une qualification
professionnelle comme électricien, mais en usine - il y en a qui
pourraient, sans autres examens et tout cela, se qualifier comme artisan
électricien dans la construction?
M. Guilbault: Enfin, la loi le permettrait. Si la loi le permet,
il y en a qui vont le faire. C'est clair.
M. Gendron: Donc, 1100 gars pourraient éventuellement
décider de faire ce qu'ils ne font pas aujourd'hui. Même si le
chiffre a l'air de rien aujourd'hui, cela pourrait devenir sérieux dans
quelques mois, dans la perspective où l'on aurait à vivre avec le
projet de loi 31 tel quel.
M. Guilbault: En tout cas, à tout le moins, cela jetterait
beaucoup de confusion, je peux vous dire cela.
Le Président (M. Théorêt): M. le
ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Seulement pour indiquer que, pour
la situation que vous avez mentionnée, la loi qui est devant nous ne
change rien. La question de la compétence entre R-3 et R-4 est
réglée par la loi 119. La loi 31 ne touche pas à cela.
Peut-être que c'est plus simple qu'on peut sembler le faire comprendre.
Je pense que le député d'Abitibi-Ouest, ce matin, a clairement
établi que la loi ne comptait qu'une vingtaine d'articles, 19 pour
être exact, que ces articles ne sont pas tellement complexes ni
compliqués, que votre corporation bénéficie des sages
conseils d'un expert juridique en la matière, que vous pouvez facilement
obtenir son opinion sur les clarifications que vous souhaitez. Si des
éclaircissements sont nécessaires, cela nous fera plaisir de
répondre à vos questions additionnelles.
Il y a un aspect qu'on a passé sous silence, dans
l'échange qu'on a eu. De quelle façon réagissez-vous comme
corporation au resserrement des contrôles, quant à la construction
domiciliaire et aux chantiers industriels et commerciaux? De quelle
façon voyez-vous cette augmentation des contrôles, des amendes, ce
resserrement, de façon à éliminer, autant que faire se
peut, le travail au noir dans les gros chantiers de construction, dans les
établissements commerciaux ainsi que dans la construction
résidentielle?
M. Guilbault: Si on consulte nos gens, ils vont toujours dire
n'importe quoi pour susciter une concurrence plus loyale. Si un montant
d'amende peut améliorer la situation, ils vont dire: Pas de
problème. Sauf que les gens sont conscients qu'il y a des limites aux
amendes. Il y a des limites en termes d'efficacité. À de
nombreuses reprises, on l'a essayé. Il y a des limites aux amendes mais
les gens n'ont rien contre cela, sur ce plan, si telle est votre question.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand vous dites que les amendes
ont des limites, grosso modo, ce que la loi fait, c'est qu'elle transforme les
maximums actuels en minimums. Dans la présente loi, il y a une nouvelle
approche qui vise à joindre à l'approche pénale une
approche de recours civil, 20 % des salaires qui auraient dû être
payés, etc. Certains intervenants nous ont déjà dit qu'il
s'agissait là d'une amélioration plus que sensible à ces
amendes. Dans la pratique
courante, je me suis laissé dire, pas en commission
parlementaire, mais dans des discussions de corridor, que certains
entrepreneurs incluaient actuellement le coût des amendes à leur
soumission. Est-ce une situation fréquente?
M. Guilbault: Tous les entrepreneurs qui ont essayé cela
n'ont pas eu le contrat.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À votre connaissance, cela
n'existe pas?
M. Guilbault: Cela fait partie de la concurrence. Les contrats
arrivent tellement serrés, que si quelqu'un prévoit l'amende
d'avance, je peux vous dire qu'il faut pour cela qu'il triche ailleurs.
Probablement qu'il aurait en plus une amende pour autre chose, si on
savait.
Le Président (M. Théorêt): M. Guilbault,
ainsi que vous, messieurs, qui l'accompagnez, au nom des membres de la
commission de l'économie et du travail, je vous remercie de votre
présence et vous souhaite un bon voyage de retour.
CSN-Construction
J'invite maintenant les représentants de la
Confédération des syndicaux nationaux, secteur construction,
à bien vouloir s'avancer.
À l'ordre, s'il vous plaît! M. Gauthier, les membres de la
commission de l'économie et du travail vous souhaitent la bienvenue et
vous demandent de bien vouloir présenter les gens qui vous accompagnent,
en vous rappelant, bien que vous soyez un habitué, que vous avez, bien
sûr, 20 minutes.
M. Gauthier (Michel): Roger Trépanier, responsable de la
formation professionnelle à la CSN, et Jean-Noël Bilodeau,
coordonnâtes de la CSN-Construction. Vous allez m'excuser de ne pas
être capable de résumer mon texte. On n'a pas eu beaucoup de temps
pour le préparer. Ce sera peut-être un peu plus long que 20
minutes, mais on va essayer de ne pas aller au delà de 25 minutes.
M. le ministre, M. le Président, MM. les membres de la
commission, quelques commentaires avant de présenter le texte. Je
voudrais juste vous dire que cela commence à être un peu
compliqué d'être un travailleur dans l'industrie de la
construction et d'être syndiqué en plus. Cela commence à
être un peu compliqué de passer son temps, comme organisation
syndicale, comme travailleurs de la construction, à venir nous
défendre devant le gouvernement, devant les différentes
commissions parlementaires. C'est aussi un peu compliqué de venir
s'excuser continuellement d'être syndiqués dans l'industrie de la
construction. C'est un peu compliqué de venir s'excuser de gagner en
moyenne 18 500 $ par année. C'est un peu compliqué de
continuellement s'excuser d'avoir une convention collec- tive, d'être
membres d'une organisation syndicale qui défend et qui protège
les droits, qui négocie des conventions, qui négocie des fonds de
pension, qui négocie des régimes d'assurance, qui négocie
des améliorations aux conditions de travail. C'est un peu
compliqué aussi de passer son temps à dire que dans la
construction les travailleurs n'ont pas d'ancienneté. C'est aussi
compliqué de vous dire qu'on est vulnérables, comme travailleurs
de la construction, à tous les climats, autant en ce qui concerne la
température que le climat politique. C'est aussi compliqué de
venir vous dire continuellement que nos emplois dans l'industrie, on y
tient.
Cela nous fait plaisir cependant de venir vous dire que les travailleurs
de la construction sont compétents et qu'ils sont fiers de l'être.
La liste est longue de ce qu'on pourrait vous dire en commission parlementaire
et devant tous les gouvernements devant lesquels on a eu à intervenir
ces dernières années. Mais encore cette fois-ci, on va le faire.
Au nom des travailleuses et travailleurs de la construction, on espère
que les différents gouvernements vont arrêter d'utiliser le
secteur de la construction, les travailleuses et les travailleurs de la
construction, pour se faire du capital politique. Il nous semble que les
travailleuses et les travailleurs de la construction sont rendus à
l'étape où il faut les laisser travailler tranquilles dans cette
industrie et il faut arrêter de les harceler en essayant continuellement
de leur enlever des droits qu'ils ont acquis depuis de nombreuses
années.
Cela me fait plaisir de vous présenter le mémoire au nom
de la CSN-Construction. Le projet de loi 31 déposé le 10 mai
à l'Assemblée nationale par le ministre du Travail du
Québec, Pierre Paradis, indique la volonté du gouvernement
libéral de retirer le vaste secteur de la rénovation de la loi
qui régit les relations du travail, la formation professionnelle et la
gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.
Dans le communiqué remis ce même jour aux
représentants des médias, le cabinet du ministre reconnaissait
à ce projet de loi le pouvoir de légaliser le travail au noir en
affirmant qu'il "permettra à des milliers de propriétaires et
d'ouvriers d'effectuer au grand jour ce qu'ils étaient incapables ou
contraints de faire dans l'illégalité". Le ministre du Travail ne
manque pas de candeur quand il illustre ainsi son impuissance et celle de son
gouvernement à contrer le braconnage éhonté des emplois
des travailleurs compétents de notre industrie et qu'il encourage des
aventuriers à continuer de soustraire des millions de dollars à
l'impôt, comme ils l'ont fait au cours des dernières
années, en dépit des avertissements répétés
des organisations tant syndicales que patronales.
Tout en laissant croire que ce projet de loi libère la
consommatrice et le consommateur des contraintes de la réglementation,
le ministre du
Travail, dans les faits, veut pousser littéralement cette
même consommatrice ou ce même consommateur dans les bras de tels
aventuriers qui polluent l'industrie en offrant des services de moindre
qualité, en rognant sur les prix des matériaux, en passant outre
aux règles de sécurité et en payant le salaire minimum
pour octroyer des bénéfices qu'on ne déclare jamais, de
toute façon, au ministère du Revenu. Pour ces raisons et d'autres
que nous soulevons dans ce mémoire, la CSN-Construction estime que ce
projet de loi de déréglementation sauvage, tel que le
préconisait le rapport Scowen, ne vise en réalité
qu'à attaquer le droit à la syndicalisation des milliers de
travailleuses et travailleurs compétents de l'industrie et n'apporte
aucune garantie aux consommatrices et aux consommateurs à de l'ouvrage
de qualité.
La CSN-Construction, dans un dossier publié en 1983, a
dénoncé l'ampleur du travail clandestin et le braconnage des
emplois dans l'industrie de la construction. Cette étude, la plus
importante à avoir été publiée sur le
phénomène, explique comment, dans l'indifférence des
gouvernements, le travail au noir a été érigé en
système par les entrepreneurs plus préoccupés d'augmenter
leur profit en cachant leur revenu à l'impôt et en embauchant des
travailleuses et des travailleurs en dessous des conditions du décret.
"À la lumière des témoignages recueillis parmi les membres
de la CSN-Construction, on peut lire, le travail "au noir" ou clandestin,
effectué par des entrepreneurs isolés et des travailleuses et
travailleurs sans permis de travail, aurait toutes les apparences d'un
véritable phénomème. C'est désormais sur une large
échelle qu'on rencontre aujourd'hui les "bénévoles", les
"artisans", les "jobineux" dans tous les secteurs de cette industrie au bord de
la déréglementation."
Cette assertion se vérifie aisément par les données
de la CCQ relativement à la valeur des travaux de l'industrie de la
construction résultant d'une compilation des travaux
exécutés par l'ensemble des secteurs économiques entre
1973 et 1982, dont ceux réalisés par la main-d'oeuvre de la
construction. Ainsi, au cours de cette période, la valeur des travaux de
l'industrie de la construction a constamment augmenté, passant de 4 000
000 000 $ à plus de 10 000 000 000 $, pendant que le nombre de
travailleuses et de travailleurs diminuait de moitié, passant de 147 000
en 1973 à 77 000 dix ans plus tard. En outre, toujours selon la CCQ, la
valeur des travaux est demeurée constante, entre 1981 et 1982, à
10 349 000 000 $, alors que le nombre de travailleuses et de travailleurs a
chuté de 22 553.
Pour la CSN-Construction et comme l'indique notre dossier,
l'arrivée de nouvelles technologies, le coût inflationniste des
matériaux, le type de travaux exécutés ne pouvaient
expliquer à eux seuls les nouvelles règles qui s'appliquent
maintenant au marché du travail de l'industrie de la construction
où les chances d'emploi sont devenues inversement proportionnelles
à la croissance en valeur des travaux, où les possibilités
de revenus pour les travailleuses et les travailleurs décroissent sur la
même pente douce alors que la masse salariale s'est affaissée de
plus de 40 %. (16 h 30)
L'écart grandissant qui existe entre la valeur des travaux de
construction et le niveau de l'emploi démontre qu'il existe
effectivement une différence de plusieurs centaines de millions de
dollars, voire des milliards, entre les travaux légaux et
déclarés à la CCQ et les travaux illégaux non
déclarés. D'ailleurs, l'AECQ, dans un de ses bulletins en 1982,
reconnaît qu'un montant de près de 491 000 000 $ a
été versé à des entrepreneurs au noir cette
année-là. En outre, une étude du ministère de
l'Habitation sur la situation de l'industrie de la rénovation
résidentielle au Québec, réalisée en 1983,
établit que plus de 50 % du travail est effectué par des
entrepreneurs au noir et que, pour les rénovations partielles ou de
petite envergure, cette proportion atteint 75 %. En rétablissant les
chiffres pour 1987, ce serait un montant de 2 000 000 000 $ qui aurait
échappé au contrôle du ministère du Revenu et qui
aurait donc été supporté par l'ensemble des contribuables
du Québec. La CSN-Construction ne croit pas que la légalisation
du travail au noir incitera les entrepreneurs au noir et les travailleuses et
travailleurs clandestins à dévoiler leurs revenus. L'adoption du
projet de loi 31 par le gouvernement aurait pour effet de renforcer le
système qui existe en parallèle avec l'industrie de la
construction.
Les méthodes utilisées par les entrepreneurs pour
dissimuler leurs travaux et se soustraire ainsi à la CCQ, au
ministère du Revenu ainsi qu'aux lois de protection du consommateur sont
nombreuses: ils ne donnent jamais de reçus, ils se font payer en argent,
jamais en chèque, ils ne déclarent pas leurs employés
à la CCQ, ils ne respectent pas le décret; ils font appel
à des travailleuses et travailleurs non compétents et utilisent
souvent du matériel de qualité douteuse. Comme l'indique notre
dossier sur le travail au noir, de telles pratiques ont même vu le jour
dans des corps de métiers réputés invulnérables au
travail au noir, comme les plombiers et les électriciens. "Les
entrepreneurs ont effectué la sous-traitance à taux fixe sans
tenir compte des heures travaillées, souligne le document, ce qui,
inévitablement, les oblige à couper court à toutes les
règles de sécurité pour accélérer les
travaux afin de compenser, par cette hausse forcée de
productivité, la baisse du taux horaire accepté pour obtenir le
contrat."
Comment peut-on penser sérieusement qu'avec le projet de loi 31
ces entrepreneurs agiront autrement? Rien ne nous l'indique. Depuis 1983, la
CSN-Construction offre des solutions concrètes pour enrayer le travail
au noir et le braconnage des emplois. L'ensemble des reven-
dications pourrait se résumer par le renforcement des services
d'inspection et d'enquête de la CCQ et l'attribution du pouvoir aux
représentants syndicaux et aux inspecteurs de la CCQ de vérifier
les permis de travail et les licences d'entrepreneur et d'arrêter les
travaux de tout chantier au noir susceptible d'abriter une main-d'oeuvre
clandestine ou la présence d'entrepreneurs sans permis et ce, sans perte
de salaire pour les travailleuses et les travailleurs compétents
oeuvrant alors sur ces chantiers.
Aujourd'hui, 23,7 % de l'ensemble des travaux de l'industrie de la
construction du Québec sont des travaux de réparation,
d'entretien, de modification et de rénovation résidentielle.
Certains économistes estiment que ce pourcentage devrait augmenter dans
les années à venir, alors que le marché résidentiel
neuf risque de tomber de façon dramatique et ce, dès l'an
prochain.
Dans un mémoire qu'elle présentait à cette
commission lors de l'étude du projet de loi 119, l'APCHQ estime le champ
d'activité économique de la rénovation à la demie
de ce que représente le secteur résidentiel dans l'industrie de
la construction et, précisait ce mémoire, "à la fin de la
décennie, le secteur de la rénovation aura toutefois pris la
majeure partie du marché".
Pour une Industrie qui génère des revenus de 18 129 000
000 $ dont le tiers provient du secteur résidentiel, la part
réservée à la rénovation est de 4 293 000 000 $. Il
n'y a pas que les 2563 artisans enregistrés à la CCQ qui oeuvrent
dans ce secteur. Des milliers d'entreprises illégales de tout genre s'y
partagent le gros des travaux. Ce sont ces entreprises que l'on qualifie de
braconniers, de "jobineux", d'aventuriers, de chaudrons. Ils y exercent une
concurrence tout à fait déloyale à l'endroit des 8534
entreprises légales qui y font travailler leur main-d'oeuvre
qualifiée.
Si le projet de loi 31 est adopté, les salariés perdront
tous leurs droits syndicaux, leurs fonds de retraite, leurs assurances et
l'ensemble des conditions de travail négociées par les
associations syndicales représentatives de l'industrie. Quelle que soit
la règle mathématique que l'on utilisera, 20 % en moins des
travaux exécutés par 100 000 travailleuses et travailleurs
représenteront quelque 20 000 pertes d'emploi, à moins que les
travailleuses et travailleurs lésés ne se résignent
à perdre leur salaire actuel pour accepter les conditions
supposément concurrentielles des braconniers. Ces 20 000 travailleuses
et travailleurs du secteur de la rénovation ne seront plus
protégés par le décret qui régit les relations du
travail de l'industrie. Elles et ils ne pourront pas exiger les salaires
négociés pour l'ensemble des travailleuses et travailleurs de la
construction. Elles et ils n'auront plus droit de grief, et l'absence d'un lieu
collectif de solidarité leur fera perdre, à courte
échéance, tout droit à des conditions
élémentaires de santé et de sécurité. Elles
et ils ne pourront plus revendi- quer de congés ou faire respecter des
horaires décents de travail. Elles et ils seront, à toutes fins
utiles, soumis à l'exploitation honteuse des braconniers et chaudrons
légalisés.
Le projet de loi du ministre Paradis attaque de front les droits des
travailleuses et des travailleurs qui se sont battus pour obtenir une
équité de salaire, des conditions de santé et de
sécurité, des conditions de travail dans l'ensemble de
l'industrie. Mais pire encore, il condamne l'industrie de la construction
à la médiocrité et à l'incompétence en
s'avouant vaincu devant une logique d'aventuriers et de braconniers sans
scrupule.
Contrairement à ce qui a pu être affirmé, des
programmes de formation et de qualification existent partout au Canada. Dans le
but d'uniformiser les régimes d'apprentissage dans les métiers de
la construction, les provinces ont en effet établi des règlements
sur la formation professionnelle. Ce fut le cas au Québec où,
depuis le 20 octobre 1971, le Conseil des ministres y a
décrété deux secteurs. Dans la construction, les
métiers avec carte de qualification obligatoire sont passés de 14
à 24 et hors construction on en a identifié 4. Le projet de loi
31 introduit par le ministre Paradis vise, à l'encontre des principes
établis, à définir d'autres activités comprises
dans un métier hors construction. Les travailleuses et travailleurs qui
exécutent diverses tâches n'auront plus à être
compétents dans un métier en particulier ni à
démontrer, au moyen de pièces justificatives, qu'elles ou qu'ils
ont exercé un métier et acquis une expérience pour se
qualifier dans un seul métier.
Depuis la loi 119, qui confirmait la nécessité d'avoir
dans l'industrie une main-d'oeuvre de qualité, compétente et
productive, tous les intervenants de l'industrie se sont ralliés pour
que la compétence soit le critère primordial d'accès
à l'industrie de la construction. Les discours du ministre allaient dans
ce sens lorsqu'il s'adressait à la population du Québec pour la
convaincre du bien-fondé de sa loi. Il trompait alors la population s'il
savait que, quelques mois plus tard, il exclurait de la loi sur la construction
tous les travaux nécessaires requis par les consommatrices et les
consommateurs du Québec en soutenant cette fois qu'il n'est plus
nécessaire d'exiger des travailleuses et des travailleurs
qualifiés pour exécuter des tâches complexes de
rénovation et de modification: faire un escalier, couvrir un toit,
installer des cloisons, refaire de fond en comble un édifice pour en
faire des condominiums.
Le projet de loi du ministre Paradis légalise
l'incompétence et supprime des droits fondamentaux à un travail
dans des conditions décentes à plus de 20 000 personnes de la
construction oeuvrant au sein de quelque 8534 entreprises, les droits à
des salaires négociés, à des fonds de pension et à
des avantages sociaux pour lesquels ils ont lutté.
Pour permettre à la consommatrice et au consommateur de faire
effectuer des travaux à coût abordable, pour reconnaître une
pratique courante et pour permettre à une main-d'oeuvre
compétente de pouvoir continuer à oeuvrer dans cette industrie,
surtout en régions éloignées, on a créé
officiellement en 1979 la notion d'artisan. L'artisan effectuant des travaux
pour une personne physique, à des fins autres que commerciales ou
industrielles, n'était pas assujetti au décret mais devait
détenir un certificat de qualification et une licence de la Régie
des entreprises en construction du Québec. Dans les secteurs commercial
et industriel, il devait afficher son contrat et être
rémunéré selon le taux du décret pour éviter
de livrer une concurrence déloyale aux salariés. Les obligations
faites aux artisans et aux entrepreneurs dans les secteurs commercial et
industriel n'ont pas permis d'empêcher l'artisan d'exécuter des
travaux à des taux inférieurs à ceux prescrits par le
décret et, donc, d'empêcher une concurrence déloyale.
Selon la loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction, 2563 entrepreneurs artisans et entrepreneurs qui exécutent
des travaux sans l'aide de salariés ont produit des rapports en 1987
à la Commission de la construction du Québec. Or, le suivi des
artisans dans la construction neuve est très coûteux. Les
inspecteurs de la CCQ éprouvent de nombreuses difficultés dans la
cueillette de leurs renseignements. C'est pourquoi la CSN-Construction est
d'accord pour exclure du champ d'application de la loi sur la construction des
travaux dits de réparation et d'entretien du secteur résidentiel
exécutés pour un propriétaire occupant. Une table de
travail mise sur pied par le ministre pour étudier le champ
d'application de la loi dégageait, en mars 1987, un consensus syndical
demandant que l'artisan, s'il ne pouvait être éliminé de
l'industrie, devait être limité aux seuls travaux de
réparation et d'entretien sur des ouvrages déjà existants.
Le projet de loi 31 va dans le sens contraire et reconnaît la
présence de cet artisan dans tous les secteurs. Cette reconnaissance
nous laisse croire à des lendemains inquiétants. Le
libellé du projet de loi 31 confirme que le ministre Paradis veut
légaliser le travail au noir, non seulement dans le secteur de la
rénovation, mais à courte échéance, dans les
secteurs plus vastes du résidentiel neuf et du commercial, et même
de l'industriel. L'article 5 du projet de loi prévoit également
des amendes pour toute travailleuse ou tout travailleur sans carte de
compétence qui exécute des travaux dans tous les chantiers de
construction. Par cet ajout, le ministre crée un dangereux
précédent puisqu'il permet à des travailleuses et à
des travailleurs non qualifiés de travailler dans la construction en
échange d'une amende.
À l'heure actuelle, la présence des illégaux n'est
tout simplement pas permise et, aujourd'hui, le ministre change les
règles du jeu et reconnaît leur travail. Les membres de la
CSN-Construction ne croient pas qu'une amende soit suffisante pour diminuer le
travail au noir et se demande plutôt si le projet de loi n'est pas avant
tout le début d'une éventuelle déréglementation de
l'ensembSe de l'industrie de la construction. En permettant aux chaudrons et
aux "jobineux" de travailler légalement dans l'industrie de la
construction, le ministre Paradis sent la nécessité d'invoquer
les besoins des consommateurs et des consommatrices. Selon lui, la
consommatrice et le consommateur québécois ne seront plus soumis
aux nombreuses règles qui s'appliquent à l'industrie de la
construction lorsqu'ils voudront faire rénover leur résidence.
Venant du ministre du Travail, qui est censé connaître le sens de
la loi, ce langage surprend, car il n'existe aucune règle dans le
décret qui contraint d'une façon ou d'une autre la consommatrice
et le consommateur à faire des affaires avec des chaudrons ou des
entrepreneurs qui embauchent des vraies travailleuses et des vrais
travailleurs. Au contraire, le gouvernement a voulu, par le décret,
protéger les consommatrices et les consommateurs contre des
entrepreneurs peu scrupuleux, qui embauchent des travailleuses et des
travailleurs non qualifiés et qui utilisent des matériaux de
mauvaise qualité. Dans les faits, le législateur a plutôt
cherché à contraindre les entrepreneurs, les travailleuses et les
travailleurs à offrir un travail de qualité et à
protéger les consommatrices et les consommateurs contre la loi de la
jungle qui existait avant le décret.
Les propos du ministre surprennent d'autant plus que, malgré ses
affirmations, son projet de loi ne tient aucunement compte des
véritables problèmes des consommatrices et des consommateurs, et
qu'en définitive la déréglementation du secteur de la
rénovation aura exactement l'effet contraire de celui souhaité.
Des données recueillies auprès de l'Office de la protection du
consommateur, entre avril 1987 et mars 1988, confirment nos craintes. Au cours
de cette période, l'Office de la protection du consommateur a
enregistré 20 872 plaintes dans le domaine de l'habitation, soit le
deuxième secteur en importance après celui de l'automobile. Vous
avez les plaintes réparties en deux temps, soit celles soumises
directement à la Régie du logement et celles qui ont
été soumises à l'Office de la protection du consommateur.
Cela ne tient pas compte, évidemment, de toutes les plaintes qui n'ont
pas été rapportées. Selon l'Office de la protection du
consommateur, les plaintes relèvent, par ordre décroissant:
1° de l'asphaltage résidentiel; 2° des toitures; 3° de la
pose de portes et fenêtres; 4° du revêtement extérieur.
En outre, les principales caractéristiques de ces plaintes sont, par
ordre décroissant toujours: les contrats non exécutés, les
vices cachés, la non-détention d'un permis de vendeur
itinérant, la non-conformité des garanties prévues au
contrat. À partir de ces données, il ne nous est pas permis de
croire que le projet de loi 31 réduira
l'ampleur du travail au noir car, comme vous êtes en mesure de le
constater, les plaintes des consommatrices et des consommateurs dans le domaine
de l'habitation relèvent principalement de la rénovation. Le
projet de loi 31 permettra aux entrepreneurs illégaux d'agir en toute
quiétude pendant que les consommatrices et les consommateurs auront
l'illusion d'être protégés et d'avoir droit à un
travail de qualité.
La consommatrice et le consommateur seront les premiers touchés
par le projet de loi 31. Si le gouvernement va de l'avant en adoptant cette
loi, la consommatrice et le consommateur seront alors confrontés aux
lois sauvages d'un marché déréglementé où
n'importe qui pourra leur offrir des services à rabais dont ils n'auront
plus la capacité de vérifier la compétence. Le ministre
Paradis s'est-il demandé, avant de présenter son projet de loi,
s'il sera encore possible de vérifier la licence des entrepreneurs
oeuvrant dans la rénovation pour protéger la consommatrice et le
consommateur? La situation deviendra rapidement intolérable, autant pour
les travailleuses et les travailleurs que pour les consommatrices et les
consommateurs.
Contrairement à l'esprit du projet de loi 31, la CSN-Construction
estime que des mesures telles que. des subventions à la
rénovation devraient plutôt être proposées par le
gouvernement pour favoriser l'emploi des travailleuses et travailleurs
compétents de l'industrie. Cet incitatif pourrait prendre la forme de
subventions qui pourraient s'ajouter aux programmes déjà en
vigueur. Une première condition de subvention à la consommatrice
et au consommateur devrait être que celle-ci et celui-ci fassent appel
à des salariés d'un entrepreneur possédant une licence et
étant dûment enregistré à la CCQ. Ainsi, non
seulement ce sont de vraies travailleuses et de vrais travailleurs de la
construction qui travailleront, mais la non-admissibilité des
entreprises au noir permettra aux divers niveaux de gouvernement de
récupérer des entrées fiscales autrement perdues.
Les garanties de qualité dont une consommatrice et un
consommateur sont assurés en confiant des travaux de construction
à un entrepreneur reconnu devraient alors promouvoir la
rénovation si le gouvernement finançait la différence
entre le coût de la main-d'uvre rémunérée
selon le décret de l'industrie de la construction et le coût de la
main-d'oeuvre au noir. (16 h 45)
Si, en 1986, le coût horaire moyen était d'environ 21 $
selon le décret, et je rappelle que le salaire annuel moyen est toujours
de 18 500 $, et si le taux payé au noir était d'environ 10 $,
c'est 52 % du coût de la main-d'oeuvre qui devrait être
subventionné. Des études ayant fixé le coût de la
main-d'oeuvre à 24,6 % du coût d'une maison neuve, on peut
facilement doubler ce pourcentage dans le cas de rénovations, puisque
certains facteurs comme l'utilisation de la machinerie lourde sont
minimisés. De telles mesures, auxquelles la CSN-Construction se
rallierait, sont en nette contradiction avec l'approche prtviligiée par
le gouvernement libéral et son ministre du Travail pour réduire
l'ampleur du travail au noir. Le projet de loi camoufle l'impuissance du
gouvernement à contrer ce phénomène, légalise le
braconnage des emplois, favorise l'incompétence dans le vaste secteur de
la rénovation et, selon nous, n'indique d'aucune manière la
capacité du gouvernement à inciter les entreprises
illégales et les travailleuses et travailleurs clandestins à
opérer au grand jour.
Pour toutes les raisons invoquées dans le mémoire, la
CSN-Construction demande au ministre du Travail de retirer son projet de loi,
qui hypothèque trop lourdement l'industrie de la construction, ses
travailleuses et travailleurs, aussi bien que les consommatrices et
consommateurs qui en bénéficient. Si le gouvernement avait une
réelle volonté politique de combattre le travail au noir, son
approche aurait dû être totalement différente, et
véhiculer les propositions avancées, entre autres, par la
CSN-Construction. Le pouvoir donné aux inspecteurs de la CCQ et aux
représentants syndicaux d'arrêter les chantiers au noir, ainsi que
des programmes de subvention pour inciter les consommatrices et les
consommateurs à utiliser la main-d'oeuvre qualifiée de
l'industrie, sont des conditions essentielles à tout effort collectif
pour enrayer un tel phénomène. Quant aux travaux dits de
réparation et d'entretien du secteur résidentiel
exécutés par un propriétaire occupant, la CSN-Construction
croit et a toujours cru que ces travaux pouvaient être exclus du champ
d'application et cela, sans causer de préjudice aux droits des
travailleuses et travailleurs de la construction.
Le Président (M. Charbonneau): Alors, merci, M. Gauthier.
M. le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je
remercie la CSN-Construction et ses porte-parole, spécialement M.
Gauthier, pour le temps et le talent qu'ils ont consacrés à la
rédaction du mémoire.
Dans un premier temps et avant qu'on en parle plus à fond,
j'aimerais qu'on s'entende sur la définition de travail au noir et je
demande à M. Gauthier si la définition que je sors du consensus
patronal-syndical du rapport Mirault est une définition qui, pour notre
discussion, lui sied. Je vais la lui rappeler. Il y a eu un consensus
patronal-syndical où vous étiez représentés, la
CSN, qui définissait le travail au noir comme suit: Tout travail qui
échappe aux norme:s et règles qui gouvernent l'industrie de la
construction. Est-ce que c'est encore une définition acceptable pour la
CSN-Construction?
M. Gauthier: On s'entend.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On s'entend sur la
définition.
Vous mentionnez, à la page 1 de votre mémoire, une
déclaration que vous attribuez à un communiqué du cabinet
du ministre, et vous citez: le projet de loi "permettra à des milliers
de propriétaires et d'ouvriers d'effectuer au grand jour ce qu'ils
étaient contraints de faire dans l'illégalité". Au
paragraphe suivant, vous dites: Le ministre du Travail ne manque pas de candeur
quand il illustre ainsi son impuissance et celle de son gouvernement à
contrer le braconnage éhonté des emplois des travailleurs
compétents de notre industrie, etc.
Comme centrale, ou comme CSN-Construc-tion, vous aviez publié en
1983 un livre auquel vous avez fait référence dans votre
mémoire et qui s'intitule "Les Chantiers noirs, le travail clandestin et
le braconnage des emplois dans l'industrie de la construction". À la
page 32 de votre document, et je cite à partir du deuxième
paragraphe: "Quand c'est le voisin, quand c'est un ami bricoleur, quand c'est
l'homme à tout faire qui vient poser une céramique dans la salle
de bain, réparer un tuyau qui coule, personne ne se préoccupe
à savoir s'il s'agit d'un travailleur qualifié selon la loi ou
classifié selon le décret. De telles transactions sont devenues
monnaie courante. À la faveur de la crise, nos habitudes
spéciales les ont légitimées. Il n'y aura pas d'inspecteur
de l'impôt pour tenter, comme c'est le cas chez les travailleurs et
travailleuses à pourboire des restaurants et des hôtels, ou pour
les chauffeurs de taxi de poursuivre l'homme à tout faire, puisque les
vérifications sont à toutes fins utiles imposibles."
À la page 5 de votre mémoire que vous nous avez
présenté aujourd'hui, vous citez des chiffres, à partir
d'une étude du ministère de l'habitation en 1983, qui parlait
d'une proportion de 75 % de travail au noir dans la rénovation
résidentielle. À partir d'un tel constat - et là, je ne
parle pas de construction résidentielle, je ne parle pas de chantiers
commerciaux ni industriels, je parle de rénovation résidentielle
- à partir d'un tel constat, le ministre a le choix: le ministre peut
conserver le statu quo, augmenter les contrôles ou légaliser la
situation. Je vous dirai qu'on a choisi de ne pas conserver le statu quo, qu'on
a choisi - et cela, on peut en discuter, on n'en parle pas beaucoup dans votre
mémoire - d'augmenter sensiblement les contrôles de ce qui nous
semble être contrôlable, soit la construction domiciliaire et les
chantiers commerciaux et industriels, et on a choisi de légaliser la
situation dans le secteur de la rénovation résidentielle. Est-ce
qu'on ne rejoint pas un peu ce libellé que l'on retrouve dans les
chantiers au noir de la CSN, quand on dit: C'est impossible à
contrôler, la rénovation? Donc, légalisons-la, permettons
aux gens de faire légalement ce qu'ils font dans une proportion
très très importante, très très majoritaire
aujourd'hui et faisons en sorte que le consom- mateur et le travailleur se
retrouvent dans une situation légale?
M. Gauthier: On n'a pas arrêté de parler, quant
à nous, de la réparation et de l'entretien.
Notre proposition sur le statut et la place de l'artisan dans
l'industrie reflète cette préoccupation-là. Oui, mais
c'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Finalement, vous ajoutez
l'élément artisan et vous nous dites: Tant que vous conservez
l'artisan dans la construction domiciliaire et dans les chantiers commerciaux
et industriels, vous faites fausse route?
M. Gauthier: Nous autres, ce qu'on dit dans notre texte, c'est
qu'on exclut du champ d'application - et cela, c'est une définition qui
a été soumise depuis au moins les quatre dernières
années par la CSN-Construction et les autres associations syndicales
dans un mémoire qu'on a présenté, entre autres, lors d'une
des commissions parlementaires - on avait prévu que l'artisan devait
être sorti du champ d'application de la construction et on devait le
confiner à deux travaux qui lui reviendraient: la réparation et
l'entretien. À cela, il n'y a pas d'objection sur le terrain, mais pour
ce qui est du reste, c'est clair que l'artisan ne doit pas être dans la
construction neuve, c'est clair que l'artisan ne doit pas être dans la
rénovation. Là-dessus, il n'y a pas de problème pour nous
à ce niveau-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, M. Gauthier ainsi que ceux qui vous
accompagnent, je tiens à vous remercier d'avoir produit, encore une
fois, une opinion dans un domaine que vous connaissez et pour lequel vous avez
déjà produit d'autres réflexions. Je pense qu'on pourra
dire ce qu'on voudra, vous avez quand même eu le mérite de publier
pour la première fois un document où l'on ramassait certains
éléments majeurs, importants, contenant le travail au noir et
cela, en 1983. Donc, cela signifie, à tout le moins, qu'on peut
être en désaccord sur vos propositions, mais il demeure une chose,
c'est que vous êtes conscients du problème depuis longtemps.
Puisque le ministre avait indiqué que son projet de loi 31,
c'était surtout pour contrer le travail au noir, je pense que votre
apport à cette commission peut être intéressant, compte
tenu de l'expérience que vous avez développée, autant dans
le secteur de la construction que dans l'illégalité de la
construction par rapport au travail au noir.
Je pense que votre mémoire est on ne peut plus clair, pas
nécessairement au niveau du langage, mais de la position de la CSN. La
CSN
dit: Écoutez, nous, on ne veut pas, parce qu'on ne croit pas que
le ministre va réduire véritablement le travail au noir et
surtout pas... Et là-dessus, sur le second volet du travail au noir,
vous avez sûrement notre appui dans le sens que je ne pense pas, moi,
parce que cela va devenir légal, que tous ceux qui en faisaient vont le
déclarer au Revenu parce que, même s'il y a eu entente entre vous
et le ministre tantôt sur la définition du travail au noir, je
pense qu'il y a toujours deux volets, comme je l'ai dit ce matin - mais vous
n'étiez peut-être pas là - il y a deux volets: il y a tous
ceux qui le font hors décret, hors taux - cela est un volet du travail
au noir - mais il y a tout l'autre volet de ceux qui ne déclarent jamais
rien. Par rapport à l'équité fiscale, je ne pense pas
qu'on ait un projet de loi qui nous rassure sur l'équité
fiscale.
Je ne veux pas faire une série d'autres commentaires. J'ai lu le
mémoire. On l'a eu trop tard pour être capables de faire ce que
j'appellerais, et ce n'est pas votre faute - je parle comme membre de cette
commission - on n'a pas pu l'analyser en profondeur.
J'ai trois ou quatre questions à vous poser. Une première,
parce que vous l'avez affirmé comme cela: Dans le fond, au delà
de tout ce qui est dit sur le projet de loi 31, on sent qu'une des plus grandes
craintes de la CSN-Construction c'est que c'est vraiment un premier pas pour
éventuellement exclure totalement tout le secteur résidentiel de
la construction, indépendamment des appellations, que ce soit
rénovation, entretien, modification ou autres. Est-ce que c'est bien
cela qu'il faut lire dans votre mémoire?
M. Gauthier: Si on tient compte de l'expérience qu'on
connaît actuellement, surtout depuis la production du rapport Scowen,
c'était assez clair dans ces propositions-là que s'il y avait un
secteur de l'industrie qui devait disparaître du champ d'application du
décret de l'industrie de la construction, c'était tout ce qui
touchait, entre autres, au résidentiel et aux structures
légères.
M. Gendron: Combien avez-vous de travailleurs qui - et quand je
dis cela, je veux le savoir pour la CSN, mais si vous le savez pour l'ensemble
des travailleurs de la construction au Québec... peut-être bien
que vous allez me dire ce que je présume, mais, avant de
présumer, je vous pose la question - combien y a-t-il de travailleurs,
d'après vous, de la construction qui sont facilement identifiables comme
étant davantage confinés au secteur résidentiel par
rapport au secteur commercial?
M. Gauthier: Non. On travaille, au niveau de la
rénovation, sur le chiffre de 20 000, mais c'est un peu difficile
actuellement de vous dire combien de travailleurs oeuvrent dans la construction
et la rénovation, la construction neuve. Entre autres, comme II est
mentionné dans le texte, il y a au delà de 8000 entreprises, 8000
entrepreneurs dans ce secteur de la construction. Alors, on peut sûrement
prétendre qu'il y a au delà de 20 000 travailleurs et
travailleuses qui sont visés par ce secteur.
M. Gendron: D'accord. Puisque vous êtes dans le secteur
depuis nombre d'années, j'aimerais avoir une opinion, étant
donné que) le ministre a dit dans ses remarques préliminaires -
et cette phrase-là, je la partageais - que c'était important
d'avoir des gens qui ont une expertise longuement développée pour
être capable d'élargir notre compréhension des choses sur
les conséquences que peuvent avoir le projet de loi 31. Moi, je ne ferai
pas un long plaidoyer, mais j'ai peur que, pour ceux qui vont être
soustraits en particulier du champ de la rénovation et des modifications
importantes - je ne parle pas d'entretien ni de réparation... Oui, il y
a un grand nombre de travailleurs qui sont concernés par cela et,
concrètement, pour eux - parce que je parle d'eux, je ne parle pas du
consommateur - cela va se traduire véritablement par une perte
d'avantages au sens large du terme. Avant de nuancer, ils n'auront pas le
même salaire qu'ils avaient avant, c'est évident, et ils n'auront
pas les mêmes avantages sociaux, c'est évident, ni la même
protection que pouvait leur offrir le fait de travailler ouvertement pour un
entrepreneur.
Question précise: Vous êtes dans le domaine de la
construction, mais, comme syndicaliste, c'est quoi, d'après vous, en une
couple de phrases, les chances réelles des gens qui seraient exclus du
décret de la construction de retrouver éventuellement un minimum
de protection syndicale?
M. Gauthier: Si on tient compte du fait que la majorité
des entreprises dans le domaine de la rénovation, ce sont de petites
entreprises, si votre question, c'est de savoir si ces gens-là vont
être capables de se syndiquer à nouveau, entreprise par
entreprise, à une, deux ou trois personnes par entreprise, à mon
avis, cela va être très difficile, sinon impossible. Plus souvent
qu'autrement, ce sont des entreprises qui arrivent et qui repartent. Je ne vois
pas de quelle façon on pourrait réussir à négocier
des conventions collectives pour ces personnes-là. Ce n'est pas parce
que le travail au noir s'est développé qu'on doit continuer
à accepter que des travailleuses et des travailleurs ne gagnent pas les
salaires qui sont prévus dans les conventions collectives, ce qui serait
inacceptable. Alors, à ce niveau-là, ce qu'on vient de proposer -
et cela fait partie du préambule de notre texte - c'est la
désyndicalisation d'une partie importante du secteur de la construction
et cela, on trouve cela inacceptable.
M. Gendron: Sur le fait qu'un travailleur est exclu du
décret et qu'il va travailler à un
taux officiel - il ne se sentira plus mal à l'aise d'être
en dessous de la table ou, entre guillemets, illégal - c'est quoi votre
opinion par rapport aux différents avantages sociaux qu'il pourrait
vouloir se donner: CSST, protection d'assurance-salaire, etc.?
M. Gauthier: On a déjà de la difficulté
à faire appliquer le code de la sécurité pour les
travailleuses et les travailleurs syndiqués de cette
industrie-là. On imagine donc que, pour ceux qui vont travailler dans
des conditions non syndiquées, pour de petites entreprises, et plus
souvent qu'autrement cela continuera à être du monde qui
travaillera au noir mais avec une appellation différente,
négocier des régimes de retraite, négocier des avantages
sociaux, à notre avis, cela va devenir très difficile sinon
impossible pour ces personnes. (17 heures)
M. Gendron: Pourriez-vous nous faire - parce que c'est un peu
ça qu'on vient de toucher - une évaluation rapide des avantages
encourus par le travailleur qui est protégé actuellement par le
décret de la construction? Je sais qu'on a demandé aux gens de
nous donner cela tantôt.
M. Gauthier: Vous avez les congés fériés,
vous avez la paie de vacances et la paie des congés
fériés, vous avez les régimes de retraite, vous avez les
régimes d'assurance avec les avantages sociaux, les horaires de travail,
la convention collective dans son ensemble, finalement, avec les
différentes primes, la possibilité de griefs, la
possibilité de recours en cas de congédiement injustifié.
Tout cela disparaît, évidemment. On comprend difficilement comment
on peut, par un projet de loi, décider qu'une partie des travailleuses
et des travailleurs syndiqués deviennent non syndiqués du jour au
lendemain. C'est un peu compliqué dans la conjoncture actuelle. Ce qu'on
comprend, c'est que cela va à l'inverse du bon sens. Ce qu'on fait
actuellement comme opération, c'est vraiment de tenter de ramener cette
industrie dans une situation où on l'a peut-être
déjà connue avant 1971, avec double taux et avec une
iniquité salariale qui n'aura pas de bon sens: Pour quelle raison le
menuisier qui fait de la rénovation gagnerait-il 5 $, 6 $ ou 7 $
l'heure, pendant que le menuisier qui fait de la construction gagnerait 18 $
l'heure?
M. Gendron: Vous avez porté un jugement assez
sévère dans votre mémoire, à la page 13, concernant
les obligations qui avaient été faites à l'artisan et aux
entrepreneurs dans le secteur commercial et industriel. Vous ajoutez que cela
n'a pas empêché l'artisan d'exécuter constamment des
travaux à des taux inférieurs à ceux prescrits par le
décret et donc d'empêcher une concurrence déloyale. Je
lisais votre texte, à la page 13. Je partage pas mai cette
évaluation.
La question que j'aimerais vous poser est la suivante: Pourquoi
pensez-vous que les obligations qui avaient été faites dans la
loi à l'artisan - parce qu'il y en avait des obligations qui lui
étaient faites - selon le jugement que vous portez, n'ont-elîes
quasiment jamais été honorées? Est-ce pour des raisons de
manque d'inspecteurs, de manque de surveillance, de manque de suivi? C'est
quoi?
M. Gauthier: Moi, je serais prêt à dire que c'est un
laisser-aller général de l'industrie. Je pense qu'avec le dossier
qu'on a soumis en 1983, c'était déjà une alerte. Quand les
heures sont tombées à 67 000 000 en 1982-1983 déjà
là, on avait pu constater l'élargissement du
phénomène du travail au noir et l'élargissement de la
place parce que l'artisan n'était pas fait à l'époque pour
aller dans la construction neuve de façon générale.
À l'époque, en 1979, on avait appelé cela la place au
soleil de l'artisan et c'était vraiment pour compenser ou pour prendre
une certaine place dans l'industrie, mais la place qu'il a occupée est
beaucoup plus grande.
Maintenant, ce qu'on dit, c'est que la place de l'artisan devrait
être limitée pour le bénéfice des consommateurs. Je
pense que le document qu'on a présenté en fait la
démonstration. Actuellement, ceux qui sont les plus
pénalisés par les difficultés au niveau des travaux de
rénovation, ce sont les consommateurs et les consommatrices plus souvent
qu'autrement. Vous avez pu le constater, les garanties ne sont pas
respectées et les entreprises disparaissent du jour au lendemain. Il me
semble qu'un meilleur contrôle à ce niveau, le renforcement des
différentes lois et le maintien de ce qui existe actuellement dans
l'industrie de la construction quant à la compétence... On se
rappellera que la CSN-Construction s'était opposée, entre autres,
au projet de loi 119 que le ministre avait soumis. Sauf que l'aspect qui a
été développé, puisque ce projet de loi a
été adopté par la suite, on a eu à travailler avec.
On a travaillé fort comme organisation syndicale concernant
l'élaboration de la compétence dans cette industrie. Une fois que
cela a été adopté, on a travaillé avec cela et,
maintenant, ce qu'on constate c'est que c'est l'inverse qui va se passer dans
le secteur de la rénovation. On ne comprend pas pourquoi, aujourd'hui,
des gens compétents qui sont qualifiés dans cette industrie
doivent sortir de cette industrie ou être remplacés par des gens
qui n'auront pas nécessairement de métier.
M. Gendron: À moins que je ne me trompe, à une
couple de places vous avez évoqué l'utilisation par des
entrepreneurs - moi, je ne les qualifierai pas même si je partage
parfois, à certains égards, vos qualificatifs,
c'est-à-dire les qualificatifs que vous leur donnez quand ils ont un
comportement illégal - de matériaux inadéquats et de
mauvaise qualité. Au moins à trois places, entre autres, à
la page 16, vous dites
que cela n'a pas de bon sens d'utiliser des matériaux de mauvaise
qualité. La question que je pose est celle-ci: Moi, je prétends
que, si je suis dans la construction et que je veux utiliser comme entrepreneur
des matériaux de mauvaise qualité, il faut que je sois capable de
mettre la main sur l'achat de matériaux de mauvaise qualité
simplement. Là, je ne veux pas me tromper. Vous êtes
là-dedans, vous connaissez cela mieux que moi. Est-ce à dire
qu'il y aurait en circulation ou en vente libre autant de matériaux de
mauvaise qualité qui pourraient être utilisés par des
entrepreneurs non qualifiés ou illégaux?
M. Gauthier: Prenons d'abord le premier exemple qu'on a
cité dans notre texte: l'asphaltage résidentiel. Plus souvent
qu'autrement, les plaintes concernent la mauvaise qualité de l'asphalte,
donc ce sont vraiment des produits de mauvaise qualité. Souvent, selon
les plaintes, l'entrepreneur en asphalte passe, prend un contrat et
disparaît avec le cash qui a été déposé ou,
lorsque les travaux sont effectués, ils sont de moindre qualité.
C'est très marqué et, dans l'ensemble des plaintes qu'on a
étudiées, cela passe par ce phénomène.
M. Gendron: D'ailleurs, là-dessus, je suis content d'avoir
sous la main les chiffres que vous avez sortis et qui existaient sûrement
quelque part à l'Office de la protection du consommateur puisque vous
les avez colligés. C'est quand même...
M. Gauthier: On les a pris à l'Office de la protection du
consommateur.
M. Gendron: Oui, c'est ce que je dis. Je suis content quand
même de les avoir dans un document comme celui-là, ce qui alimente
notre réflexion car il y a quand même là quelque chose
à vérifier puisque, effectivement, le gros des plaintes, par
ordre décroissant porte sur des sujets qu'on est habitués
à ranger dans le domaine dit de la rénovation. Si la
rénovation est complètement exclue du décret, cela fait
plusieurs éléments sur lesquels, à tout le moins, il y a
des plaintes. Je n'ai pas les jugements ou le résultat final, à
savoir comment le consommateur a retrouvé son compte, mais je pense,
quant à moi, que vous avez bien fait de soulever cela. C'est un
élément pertinent quant aux décisions qu'on devra
prendre.
Je sens que vous revenez également, comme d'autres l'ont fait,
sur le fait que, si le projet de loi ne touchait qu'à l'entretien et a
la réparation, cela ne vous dérangerait pas du tout. C'est moi
qui dis cela, mais je pense qu'on sent dans le mémoire que cela ne vous
fatiguerait pas tellement. La question que je vous pose, puisque cela a
été dit par d'autres, et même s'il n'y a pas eu beaucoup de
temps, c'est: Est-ce que vous avez eu quelques consultations entre vous,
c'est-à-dire avec les gens concernés par le domaine de la
construction, que ce soit la FTQ, la CSD ou le Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction qu'on a entendu ce matin?
Est-ce que vous avez eu des échanges entre vous parce qu'on semblait
dire la même chose, à savoir que pour l'entretien il n'y aurait
pas de problème, mais, quant à la rénovation et aux
modifications, sans savoir ce que cela signifie, c'est trop gros à
embrasser et c'est trop rapide, il faut regarder cela. Est-ce qu'il y a eu des
consultations?
M. Gauthier: Je n'ai pas eu l'occasion de lire les
mémoires des autres organisations syndicales, mais je peux vous dire
que, s'il y a un sujet de préoccupation pour l'ensemble des
organisations syndicales et des travailleurs et travailleuses qu'on
représente, cela a toujours été, et depuis de nombreuses
années, le travail au noir. On a déjà eu l'occasion de
travailler différents documents, pas nécessairement ceux qu'on
dépose aujourd'hui, mais différents documents qui ont
traité de ces sujets-là et, de façon
générale, une ligne de pensée s'en dégage sur
laquelle on s'entend.
M. Gendron: Dans le projet de loi, dans la perspective où
dans le projet de loi on exclurait entretien et réparation du champ de
juridiction du décret, cela toucherait combien de travailleurs et de
travailleuses - peut-être pas beaucoup de travailleuses puiqu'elles
veulent nous voir à ce sujet justement parce qu'elles ne sont pas
nombreuses dans le secteur de la construction, et je pense qu'elles ont raison
de vouloir venir discuter de l'accessibilité à des types d'emploi
qui correspondent à leurs souhaits - combien d'emplois cela
toucherait-il?
M. Gauthier: Si les artisans étaient confinés
à ce domaine - il y a un peu plus de 2500 artisans dans l'industrie de
la construction qui sont actuellement inscrits comme artisans - ces personnes
pourraient oeuvrer dans ce secteur et faire en toute quiétude les
réparations nécessaires de sorte que les consommateurs ne soient
pas tenus de défrayer des sommes importantes pour ces réparations
ou cet entretien.
On pourrait faire un parallèle. C'est drôle qu'on s'acharne
continuellement sur les salaires gagnés par les travailleurs de la
construction et la CCQ vous l'a peut-être dit ce matin, le salaire annuel
moyen est d'environ 18 500 $. Mais, lorsqu'on va porter son véhicule au
garage et le taux varie entre 35 $ et 45 $ l'heure, lorsqu'on fait venir le
réparateur Maytag à la maison et que dès son
arrivée cela coûte 40 $ ou 50 $ l'heure ou lorsqu'on fait venir le
réparateur de télévision, c'est drôle que personne
ne touche à ces domaines parce qu'on ne peut pas y toucher, mais, la
construction, cela ressemble à un dossier sur lequel on peut
régulièrement faire du millage, et les travailleurs de la
construction commencent
à en avoir assez. Il me semble que les salaires actuels sont ceux
qui ont été négociés au fil des ans, qu'ils
tiennent compte de conditions de travail dans lesquelles oeuvrent les
travailleurs et qu'ils tiennent compte d'un salaire annuel très
modeste.
M. Gendron: Oui. C'est sûr que vous avez raison de
reprocher certaines choses au ministre, plus particulièrement dans son
discours lorsqu'il a modifié la loi.
Une voix:...
M. Gendron: Non, très sérieusement, l'an
passé, dans la même salle, il disait: Dorénavant, il n'y
aura qu'un seul critère pour oeuvrer dans la construction, c'est la
compétence. J'ai l'impression que, si on met cela en parallèle,
vous avez raison, il y a tout un écart entre le discours par rapport
à la carte de l'OCQ et tout cela. Je ne veux pas revenir
là-dessus; on l'a déjà fait.
Une dernière question en ce qui me concerne et je voudrais que
vous soyez en mesure, si vous n'êtes pas capable de le faire tout de
suite, de nous donner des indications là-dessus un peu plus tard. Je
comprends votre dernière réflexion, à savoir que c'est
fatigant de se demander pourquoi on veut toujours soustraire des personnes et
des corps de métiers du décret de la construction. La raison est
un peu simpliste ou simple, peu importe: on prétend que, dans certains
cas, justement parce qu'il y a trop de gens qui prétendent que les
coûts sont abusifs - je ne dis pas abusifs uniquement du
côté du travailleur, je n'ai jamais dit cela - vous ne l'auriez
pas de toute façon. Alors, la question que je veux poser, c'est que vos
travailleurs ne le feront pas de toute façon. Je parle surtout d'une
réparation mineure et de rénovation, mais il faudrait que ce soit
très défini dans certains cas où des propriétaires
de résidence diraient: Écoutez, si je ne suis pas capable de le
faire sur la gueule - excusez l'expression - les soirs et les fins de semaine,
je ne le ferai pas. Donc, vous ne l'auriez pas pareil.
La question que je pose, c'est ceci: Pour être certain que cela se
fasse pareil, pensez-vous que c'est uniquement en maintenant - la question est
très claire - sous la juridiction du décret les quatre ou cinq
éléments dont on discute: réparation, entretien,
rénovation, qu'on peut y arriver ou s'il y a d'autres méthodes
que le gouvernement ou que les gouvernements n'ont pas voulu prendre pour
s'assurer que ces travaux-là se fassent de toute façon, qu'il n'y
ait pas d'échappatoire pour vous permettre d'avoir le gain que
représente l'exécution des travaux?
M. Gauthier: II y a sûrement eu... Je pense qu'on pourrait
appeler cela du laxisme. Prenons un exemple et la CCQ pourrait en
témoigner, de nombreuses plaintes ont été
déposées contre des entrepreneurs ou contre des individus qui
oeuvraient au noir dans l'industrie de la construction et il y avait trois,
quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix plaintes contre la même
personne. Lorsque ces personnes-là étaient traduites devant les
tribunaux, le juge ne retenait toujours qu'une des plaintes comme étant
le règlement pour l'ensemble.
Il n'y a pas eu, depuis de nombreuses années, de
véritables moyens dissuasifs pour empêcher le travail au noir. Il
faut s'attaquer véritablement au problème du travail au noir,
c'est-à-dire à ceux qui embauchent des travailleurs à des
conditions inférieures, à ceux qui utilisent des travailleurs ou
des travailleuses à des conditions différentes de celles qui sont
prévues par le décret. Je répète que, pour ce qui
est de l'aspect de la réparation et de l'entretien, il me semble que les
possibilités sont là. Le consommateur ne sera pas tenu
d'être mal pris ou dans l'incapacité de faire faire ses travaux si
on confine le champ d'action de l'artisan à l'entretien et à la
réparation. Il me semble qu'on devrait être capable de faire ce
bout de chemin et laisser les travaux qui sont faits par des professionnels,
par des personnes compétentes, les travaux de rénovation, les
travaux de modification de bâtiment, de maison, de résidence. On
ne voit pas pourquoi ce champ-là disparaîtrait de l'industrie de
la construction.
M. Gendron: Merci, M. Gauthier. Mon temps est
écoulé.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Vimont.
M. Théorêt: Merci, M. le Président. M.
Gauthier, j'aimerais bien que vous m'expliquiez une chose qui me semble, pour
le moment en tout cas, difficilement conciliable ou à tout le moins
difficilement compréhensible. D'une part, tout le monde reconnaît
- vous avez été l'un des premiers à le reconnaître -
l'importance du travail au noir qui se fait dans le domaine de la construction.
L'étude de 1983 démontrait que 75 % des travaux effectués
dans le secteur résidentiel l'étaient au noir. D'autre part, vous
venez présenter un mémoire et, à la page 9, vous dites
ceci: "Si le projet de loi 31 est adopté, les salariés y perdront
tous leurs droits syndicaux, leurs fonds de pension, leurs assurances et
l'ensemble des conditions de travail négociées..." "Quelle que
soit la règle mathématique que l'on utilisera, 20 % en moins des
travaux exécutés par 100 000 travailleuses et travailleurs
représenteront quelque 20 000 pertes d'emploi..." (17 h 15)
J'aimerais bien que vous m'expliquiez comment on peut perdre 20 000
emplois, alors qu'actuellement il y a un marché au noir, qu'il y ait un
projet de loi 31 ou non. Il est là, il existe. Qu'est-ce qui fait que le
projet de loi 31 va faire perdre 20 000 emplois? Comment ceux
qui travaillent au noir présentement peuvent-ils perdre des
droits qu'ils n'ont pas? D'ailleurs, vous admettrez avec moi que ce n'est pas
la première préoccupation, les fonds de pension. Comment
pouvez-vous concilier ces deux contradictions et comment pouvez-vous dire
qu'avec le projet de loi il va y avoir 20 000 pertes d'emploi, alors que le
marché au noir existe déjà, on ne vient pas de l'inventer
avec le projet de loi?
M. Gauthier: On peut prétendre que le travail au noir a
changé de visage ces cinq dernières années. En 1982-1983,
quand on a fait la tournée de l'ensemble de nos syndicats
régionaux, on a découvert à cette époque-là
qu'il y avait un très grand nombre de personnes qui oeuvraient dans
l'industrie sans détenir de carte de classification et cela faisait en
sorte qu'il y avait un certain nombre de personnes qui oeuvraient de
façon illégale dans l'industrie. En plus, ces personnes-là
recevaient des taux différents de ceux prévus au décret.
Maintenant, on peut dire qu'il y a une certaine partie de cette
opération qui s'est tassée. Il y a beaucoup moins de
travailleurs, parce que la carte de classification n'existe plus, maintenant
c'est la carte de compétence qui existe. Beaucoup de travailleurs ont
récupéré leur droit de travailler dans l'industrie en
rendant leur carte de compétence active. Le nouveau
phénomène qui est plus répandu maintenant, ce sont des
conditions inférieures. On peut payer le travailleur pendant 20 heures
à un taux prévu au décret et, pour les 20 autres heures,
on va le payer 5 $, 6 $, 7 $, 8 $ ou 10 $ sous la table. Or, cela fait partie
du travail au noir aussi. Ce ne sont pas seulement des travailleurs qui
oeuvrent. L'autre groupe aussi, ce sont des travailleurs qui ne
détiennent pas nécessairement de carte et on peut retrouver cela
un peu plus dans le domaine de la rénovation.
Si le champ d'application, si le décret et la loi étaient
respectés correctement... Actuellement, il y a 110 000 personnes
inscrites dans la construction. On peut supposer que l'ensemble de ces
personnes-là oeuvreraient et, si le champ de la rénovation, les
modifications et les différentes réparations disparaissent, c'est
clair qu'il y a des travailleurs et des travailleuses qui vont carrément
perdre leur emploi et c'est clair qu'une partie de ce monde-là ne pourra
plus travailler parce qu'il n'y aura plus suffisamment de travail pour eux. Et,
au lieu de faire juste 15 ou 20 heures dans l'industrie, peut-être qu'ils
n'en feront plus du tout ou, s'ils veulent continuer à travailler dans
la construction, ils vont travailler à des taux qui vont être ceux
du marché à ce moment-là, soit 4,55 $ en montant.
M. Théorêt: Je comprends ce que vous dites, M.
Gauthier, mais comment pouvez-vous en arriver à un chiffre de 20 000 si,
d'autre part, ces 20 000 personnes ne travaillent pas dans le moment? Elles ne
travaillent pas au noir, si je comprends bien?
M. Gauthier: II y en a qui travaillent, il y en a beaucoup qui
travaillent dans cela. Comme je vous le dis, il y a beaucoup d'entrepreneurs
qui embauchent du monde et qui font en sorte de ne pas respecter les conditions
prévues au décret. Si on utilise le terme du ministre et qu'on
légalise le travail au noir, c'est évident que l'ensemble de
cette opération-là fera en sorte que les personnes ne
travailleront plus dans l'industrie. Elles vont travailler dans une industrie
parallèle qui va être le marché de la rénovation, de
la modification, de la réparation et de l'entretien.
M. Théôrêt: Mais, est-ce que vous admettez
avec moi que le projet de loi 31... Quand vous donnez comme exemple que des
entrepreneurs engagent des employés et qu'ils les font travailler 20
heures selon les taux du décret et 20 heures au noir en dessous de la
table, ce n'est pas le projet de loi 31 qui vient changer cela. Ces
entrepreneurs-là vont continuer à le faire pareil.
M. Gauthier: Non, mais il faut régler le problème
du travail au noir à la source. Cela fait cinq ans qu'on en parle. On a
continué à en parler. On en a parlé avec le ministre
à plusieurs reprises et pas seulement en commission parlementaire. Une
fois qu'on aura réglé ce problème-là,
l'industrie... Il y en aura peut-être toujours un peu, mais pas dans un
état de prolifération comme actuellement.
M. Théorêt: Je comprends, mais ce que je veux dire
par là, M. Gauthier, c'est que ce n'est pas le projet de loi 31 qui va
faire changer d'idée les entrepreneurs qui, actuellement, paient des
travailleurs au noir, vous admettrez cela.
M. Gauthier: Excusez-moi, je n'ai pas compris.
M. Théorêt: Les entrepreneurs qui engagent...
M. Gauthier: Oui.
M. Théorêt: ...actuellement des employés et
qui les paient au noir...
M. Gauthier: Oui.
M. Théorêt: ...ce n'est pas le projet de loi 31 qui
va les faire changer d'idée.
M. Gauthier: À mon avis, le projet de loi 31 ne changera
pas cette situation-là. On a déjà dit cela et notre
prétention, c'est que, même si on blanchissait tous ceux qui
travaillent actuellement au noir, cela ne réglerait pas le
problème
pour autant. Ces gens-là ne déclareront pas plus à
l'impôt, ne rendront pas plus publics les salaires ou les sommes
payées et cela ne va pas plus régler le problème de
l'industrie.
M. Théorêt: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Oui, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans un premier temps, un petit
aparté. Vous avez fait référence à la loi 119, au
travail que vous accomplissez sur le plan de la formation, de la qualification
de la main-d'oeuvre et de la compétence des travailleurs de la
construction. Je tiens à vous le dire publiquement, car je n'ai pas eu
l'occasion de vous le dire: bien que vous vous soyez opposés au projet
de loi 119 sur le plan de ce qu'on peut appeler la compétence des
travailleurs de la construction, vous avez participé et au nom du
gouvernement je vous dis merci.
Sur ce, reprenons ce projet de loi auquel vous vous opposez aujourd'hui:
deux éléments.
M. Gauthier: Je suis votre représentant au CA.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais il n'y a pas grand monde
qui sait cela... Je vous laisse...
M. Gauthier: Je trouve que vous ne me consultez pas souvent, par
exemple.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous aviez peur que je vous donne
des directives. Vous ne pouvez pas vous plaindre des deux à la fois.
M. Gauthier: Non, mais je pourrais peut-être vous
influencer un peu, si vous m'appeliez.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais prendre un sujet dont vous
avez discuté.
Le Président (M. Charbonneau): La période de
messages publicitaires étant terminée...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je souhaiterais reprendre un sujet
dont vous avez discuté avec l'Opposition: toute la question des plaintes
des consommateurs. Certaines personnes prétendent que le fait que le
consommateur se retrouve dans une situation où il est complice d'un
marché au noir, cela ne l'incite pas à prendre des poursuites
contre la personne qui a effectué les travaux ou l'entrepreneur qui a
effectué les travaux, d'autant plus que, s'il a l'audace de pousser
jusque devant (e système judiciaire, on pourrait facilement lui
reprocher de ne pas avoir insisté sur des critères de
compétence, sur des critères de salaire, etc. Est-ce que vous ne
croyez pas que le fait de légaliser le travail au noir, en ce qui
concerne cette partie des travaux, va donner plus d'assurance au consommateur
dans les poursuites qu'il pourra intenter, ne se sentant pas complice d'une
action illégale?
M. Gauthier: Vous partez toujours des prémisses selon
lesquelles, demain matin, si le projet de loi était adopté, tous
ceux qui exécutent des travaux de façon illégale ou au
noir seraient blanchis. Nous n'avons pas la même prétention que
vous. Nous prétendons que le projet de loi ne réglera pas ce
problème. Pourquoi est-ce que les entreprises décideraient du
jour au lendemain de déclarer leurs revenus, de déclarer leurs
employés à la CSST? Pourquoi ces entrepreneurs, demain matin,
rendraient-ils légale une situation, ce qu'ils n'ont pas fait
jusqu'à maintenant?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Gauthier...
M. Gauthier: Le projet de loi ne règle pas ce
problème.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'avais eu la prudence de faire en
sorte que l'on s'entende. La toute première question que je vous ai
posée portait sur la définition du travail au noir. On
s'était entendus sur la définition suivante: tout travail qui
échappe aux normes et règles qui gouvernent l'industrie de la
construction. Une fois qu'une personne se retrouve dans une situation
légale face à l'industrie de la construction, qui est la carte de
compétence, etc., ce n'est pas une garantie - vous avez raison de le
souligner - qu'elle va déclarer tous ses revenus au ministère du
Revenu, pas plus que le ministère du Revenu n'a ces garanties de
l'ensemble des contribuables. On parle du travail dit au noir, fiscal. On parle
d'une autre dimension. Si vous voulez entrer dans le débat, je suis
prêt, mais cela sort du travail au noir dit de la construction sous cet
aspect.
Il y a un élément sur lequel vous avez insisté
à plusieurs reprises, vous avez dit: Confiner l'artisan à
l'entretien et à la réparation. Je pense que je vous cite bien.
Vous avez répété cette phrase à deux ou trois
reprises devant cette commission parlementaire. Est-ce que vous voulez
atteindre deux objectifs: sortir l'artisan des autres travaux de la
construction, soit la construction domiciliaire et les chantiers commerciaux ou
industriels, et lui donner une exclusivité dans le domaine de
l'entretien et de la réparation? Si c'est le cas, j'aimerais vous
entendre sur la polyvalence de l'artisan et des contraintes que cela impose au
consommateur.
M. Gauthier: Je n'ai pas, à ce moment-ci,
de position sur l'artisan, sur sa polyvalence ou pas. Ce que je vous
dis, c'est que, si le champ de la réparation et de l'entretien est exclu
du champ de l'application de la loi sur l'industrie de la construction,
l'artisan pourra oeuvrer là. Non, nous ne voulons pas que l'artisan
travaille dans le neuf. Oui, l'artisan doit être ou bien un
salarié au sens de la loi de l'industrie, ou bien un entrepreneur au
sens de la loi de l'industrie de la construction. Il ne peut pas être les
deux. Il ne peut pas être un artisan et, en même temps, un
salarié. Ce qu'on dit, c'est que, s'il veut être artisan, qu'il
oeuvre dans un champ; s'il vient travailler, s'il est compétent - il
sera reconnu, s'il a tout ce qu'il faut - à ce moment-là, ou bien
il sera entrepreneur, ou bien salarié dans l'industrie de la
construction.
Juste une remarque. Il me semble que, quand on n'a pas fait les efforts
pour régler le problème du travail au noir... Il me semble que
l'effort de légaliser le travail au noir n'est pas la meilleure
façon de solutionner un problème. C'est comme si on disait que,
sur la 20, fa limite de vitesse est de 120 km l'heure, mais parce que tout le
monde la dépasse on va élever la limite de vitesse. C'est
à peu près cela. Et on pourrait ajouter beaucoup d'exemples comme
ceux-là. On pourrait aller plus loin que cela. Vous savez, même
aux États-Unis, on parle de réglementer et de légaliser la
consommation de la drogue parce qu'on n'est plus capables de la
contrôler. Alors, où est-ce qu'on s'en va avec cela quand on n'est
plus capables de régler nos affaires? Il y a des moyens, il y a des
contraintes. Ce qu'on a dit depuis cinq ans et ce qu'on dit encore aujourd'hui
c'est: Utilisons les armes qu'on a et mettez un peu plus de dents autour d'un
certain nombre d'outils qu'on a pour travailler et peut-être qu'on
trouvera la façon de régler ce problème-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Justement, étant
donné que vous parlez de limite de vitesse sur les autoroutes, il y a
quelqu'un qui a utilisé cette image ce matin dans ses notes
préliminaires: peut-être que les autoroutes, dans le domaine de la
construction, ce sont les gros chantiers, ce sont les chantiers commerciaux,
c'est la construction domiciliaire.
M. Gauthier: On peut faire la même chose en ville, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On n'a pas retrouvé, dans
votre mémoire, de commentaires sur le renforcement de l'inspection des
mesures, des amendes et des contraintes de façon à diminuer,
sinon à éliminer le travail au noir dans la construction
domiciliaire, dans les gros chantiers de construction. Est-ce que vous
êtes d'accord avec l'approche gouvernementale dans cette partie du projet
de loi?
M. Gauthier: II me semble qu'on en a parlé au chapitre de
l'augmentation des pouvoirs. Précisément, dans notre texte, on
pense qu'on devrait doubler le nombre d'inspecteurs en y ajoutant les
représentants syndicaux et on aurait peut-être une meilleure
façon de faire respecter les lois et les différents
règlements sur les chantiers de construction.
Pour ce qui est des amendes, je pourrais vous référer
à différents mémoires qu'on a déjà
déposés dans lesquels on a insisté abondamment pour que
les amendes soient augmentées. On a déjà aussi
insisté - on ne les a pas tous repris - pour que les entrepreneurs qui
se faisaient prendre une deuxième fois, leur licence soit suspendue et
que, s'il y avait récidive, ils perdent leur licence pour un certain
nombre d'années. Alors, on a déjà tout dit cela et on
pourrait vous les soumettre à nouveau. Je vous ai déjà
remis l'ensemble de ces propositions lorsque vous avez été
élu ministre du Travail. Choisi ministre du Travail, pas élu;
élu député.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Le message est
passé.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gauthier: Non, mais parce que cela fait au moins deux ans de
cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, mais je comprends que vous
parliez d'élection ces temps-ci.
M. Gauthier: Oui, je serai en élection moi aussi
bientôt.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais plus
précisément par rapport à cette approche de resserrement
en ce qui concerne la construction domiciliaire, les chantiers commerciaux et
industriels, je suis conscient que nous n'allons pas aussi loin que de
répondre à l'ensemble des demandes de la CSN-Construction et ce
n'est pas là la présentation du ministre nommé qui vous
parle. Mais est-ce que, pour vous, il s'agit quand même d'une orientation
qui est souhaitable et qui est valable pour contrôler le travail au noir
ou est-ce que nous faisons fausse route complètement dans ce que nous
préconisons pour la construction résidentielle et pour les
chantiers industriels et commerciaux?
M. Gauthier: M. le ministre, si votre question est pour que
j'acquiesce au projet de loi 31, ma réponse va être non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne rêve pas en couleurs.
Je n'ai quand même pas la prétention de demander un assentiment,
au moment où l'on se parle en commission parlementaire, avant même
l'adoption du principe par l'Assemblée nationale, à la
CSN-Construction qui m'a déjà indiqué qu'elle avait des
réserves,
réserves que vous nous avez communiquées dans votre
mémoire. Je vous demande si l'orientation que nous prenons pour
resserrer les contrôles en matière de construction domiciliaire,
en matière de chantiers commerciaux et résidentiels vous semble,
non pas tout le cheminement, mais un pas dans la bonne direction? On a besoin
de votre éclairage là-dessus.
M. Gauthier: M. le ministre, on aurait peut-être
intérêt, mais je n'en suis pas sûr, à revoir
l'ensemble de ces lois qui gouvernent actuellement l'industrie de la
construction pour placer les morceaux à la bonne place et non pas y
aller à la pièce. Mais, à mon avis, ce que vous
présentez actuellement, la question que vous me posez est pour que je
vous réponde oui au fait que vous avez décidé d'augmenter
un certain nombre d'amendes et que vous avez décidé de
réglementer un peu le travail de l'artisan quant à la
construction neuve. Mon propos à moi, c'est de vous dire que l'artisan
dans l'industrie... Votre problème par rapport au consommateur est
réglable et vous êtes capable de le régler. Après
cela, attaquons-nous à toute la situation du travail au noir et on sera
capable de le faire en ajustant et en augmentant les pouvoirs des
représentants syndicaux ou des inspecteurs de la CCQ. Peut-être
qu'on pourra, par la suite, avec un peu plus de dents, s'attaquer aux
entrepreneurs les moins sérieux.
Je suis convaincu que tout ce que les autres entrepreneurs de
l'industrie qui soumissionnent actuellement dans cette industrie souhaitent,
c'est d'avoir une base connue pour que tout le monde parte dans les mêmes
affaires. À compter du moment où on fait cela de façon
disparate et n'importe comment, cela va être le bordel dans cette
industrie-là dans deux ou trois ans. On va être obligés de
revenir en commission parlementaire pour recommencer la réglementation.
(17 h 30)
J'ai entendu Jean Cournoyer dire: C'est quoi qui se passe actuellement
dans cette industrie-là? Il y a une industrie où, de façon
générale, cela va assez bien. Il y a un certain nombre de
problèmes à régler; réglons-les, mais ne
déréglementons pas l'industrie pour revenir à ce qu'on a
déjà connu. Lui il a connu les périodes troubles un
peu.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Charbonneau): Sur ces rappels
historiques...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce qu'on peut souhaiter des
élections sans trouble à M. Gauthier?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Charbonneau): M. Gauthier, messieurs, je
vous remercie de votre participation aux travaux de la commission.
Nous allons maintenant entendre les représentants de la
Fédération de la construction du Québec.
À l'ordre s'il vous plaît!
M. Linteau, bonjour. Si vous voulez bien présenter les personnes
qui vous accompagnent. Je pense qu'on vous a donné les règles du
jeu. Vous avez 20 minutes pour présenter...
Des voix: On ne comprend rien.
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Merci tout le monde.
Je vous rappelle les règles du jeu. Vous avez 20 minutes pour
présenter le mémoire et le reste du temps sera réparti
entre les deux formations politiques pour la discussion de vos points de vue.
Sans plus attendre, je vous demanderais de présenter votre
mémoire, mais auparavant d'identifier les personnes qui vous
accompagnent.
Fédération de la construction du
Québec
M. Linteau (Robert): À ma droite, M. François
Gagnon, entrepreneur en construction résidentielle et commerciale et
président de l'Association de la construction du Québec; M.
Michel Paré, secrétaire exécutif de la
fédération; à mon extrême gauche, M. Jocelyn
Vézina, entrepreneur spécialisé en construction; M.
René Lafontaine, entrepreneur de Trois-Rivières et
président de l'Association de la construction de la Mauricie; M. Jean
Ratté, conseiller juridique de la fédération. Je suis
Robert Linteau, président de la Fédération de la
construction du Québec et entrepreneur en construction.
J'aimerais tout d'abord remercier les membres de cette commission de
nous donner l'occasion de nous faire entendre. Je ne vous lirai pas le
mémoire de la Fédération de la construction du
Québec étant donné que chacun des membres de cette
commission a probablement eu amplement le temps de l'étudier,
proportionnellement à celui que nous avons eu pour vous le
présenter. Je ne m'attarderai pas non plus à remercier M. le
ministre pour le délai de consultation. Pour nous, cela a
été huit jours ouvrables et, selon les voies normales, nous
n'avons pas encore reçu le projet de loi 31 alors que, vous autres, vous
avez déjà en main - vous êtes des chanceux - notre
mémoire. En ce sens, nous avons eu quelque peu l'impression d'être
perçus un peu comme les dindons de la farce en raison de la vitesse avec
laquelle nous avons dû nous exécuter.
J'aimerais dire que la Fédération de la construction du
Québec est d'accord avec les objectifs politiques. Nous aussi, nous
sommes pour la vertu. Non seulement nous sommes pour la vertu, mais encore
là on veut la pratiquer. Nous sommes donc d'accord avec la plupart
de
vos objectifs: réduire l'ampleur du travail au noir, permettre au
consommateur d'exercer plus facilement des recours en cas de malfaçon ou
de non-respect d'un contrat, diminuer les coûts de construction pour le
consommateur qui veut faire rénover sa résidence, et nous irons
même jusqu'aux travaux résidentiels complets et enfin, resserrer
les contrôles sur les véritables travaux de construction.
En ce qui concerne le projet lui-même, pour la
fédération, aucun des objectifs politiques avoués ne sera
atteint. Au contraire, au lieu de diminuer le travail au noir, cette
mini-réforme pourrait y inciter davantage car la première
assurance qu'auront les acteurs continuant d'oeuvrer sous la table sera de ne
plus avoir l'inquiétude d'être visités par un inspecteur de
la Commission de la construction du Québec. Par ailleurs, rien dans le
projet de loi ne permet d'affirmer, comme le fait M. le ministre, que le projet
de loi facilitera les possibilités de recours pour le consommateur en
cas de malfaçon ou de non-respect d'un contrat. Au contraire, pour le
consommateur, la situation sera pire qu'auparavant, puisque le projet de loi
ouvre la porte aux incompétents.
Quant à la diminution des coûts de construction, le projet
de loi 31 est d'une totale inutilité parce qu'on abolit ce qui
justifiait les bas prix du travail au noir, soit l'illégalité
elle-même. En fait, ce projet ne réussira qu'à
réduire davantage les prix du travail au noir, le rendant plus
intéressant pour le consommateur. Vous savez, le problème, c'est
que l'étude comparative du discours politique et du texte juridique nous
donne un résultat tellement discordant que l'on a plutôt tendance
à croire qu'il y a eu erreur d'ajustement entre la pensée
politique et la rédaction juridique. Une véritable consultation
aurait certes permis un meilleur arrimage de ces deux composantes. Encore
faut-il consulter, mais on considère que c'est même une
consultation au noir. En fait, les moyens utilisés ou les
méthodes suggérées par le projet de loi 31 ne sont qu'une
illusion législative d'une politique faussement courtoise à
l'égard des consommateurs, des travailleurs, des entrepreneurs et de la
fiscalité québécoise. On légalise la prostitution.
On fait payer plus cher les compétents et ceux qui respectent la loi. Je
dirais même plus, on va encore diviser le bassin de main-d'oeuvre actuel
qui accuse déjà une grave pénurie dans bien des corps de
métiers.
L'objectif premier est la réduction du travail au noir. Pour
nous, la seule façon de réduire le travail au noir, c'est par la
fiscalité. Or, le ministre du Travail et le ministre du Revenu
reconnaissent que, du point de vue fiscal, le projet n'aura guère
d'impact. Que peut-on dire de plus? Rien dans le projet de loi 31 n'incite
celui qui paie 10 $ sous la table à payer désormais ces
mêmes 10 $ au-dessus de la table. Il est ahurissant de constater que
cette façon de procéder répond à la logique voulant
que l'on consacre en droit ce qui existe déjà en fait. Une
logique d'anarchiste. Il y a trop de fraudes? Légalisons la fraude. Il y
a trop de vols? Légalisons le vol. M. le ministre, nous aurions peur que
vous deveniez ministre de la Justice. Le travail au noir n'existera plus. Il
sera remplacé par du travail légal à revenu non
déclaré. L'expression aura été abolie, mais, dans
la réalité économique et fiscale du Québec, prendra
naissance le travail légal à revenu non déclaré
dans le domaine de la construction et particulièrement dans la
rénovation résidentielle qui demeurera et qui connaîtra
même une effervescence jusqu'ici inconnue. Une nouvelle appellation, une
même réalité.
Le deuxième objectif est de permettre au consommateur d'exercer
plus facilement des recours en cas de malfaçon ou de non-respect d'un
contrat. Citez-nous donc l'article de loi qui permet d'atteindre cet objectif,
ailleurs que dans la Loi sur la faillite. Le troisième objectif, qui est
de diminuer les coûts de construction, est un objectif qui est atteint
aujourd'hui sans l'existence du projet de loi 31. L'entrepreneur artisan peut
depuis 1979 effectuer des travaux à des taux hors décret. Mais
encore là faudrait-il le limiter à la rénovation
résidentielle. Le quatrième objectif est de resserrer les
contrôles sur les véritables travaux de construction. Nous sommes
d'accord à 150 % pour toute augmentation des contrôles sans pour
cela fermer les chantiers de construction. Pour employer une phrase courante
dans l'industrie, moins il y aura de cowboys, mieux ce sera.
Nos recommandations de la Fédération de la construction du
Québec sont, premièrement, de maintenir les travaux d'entretien,
de rénovation et de réparation ou de modification dans le champ
d'application du décret. Deuxièmement, obliger la polyvalence des
métiers de manière à permettre, lorsque la présence
d'un salarié d'un métier n'est requise que pour une courte
période et pour une tâche relativement simple, d'y affecter un
salarié d'un autre métier apte à effectuer la tâche
en question. Troisièmement, établir le ratio compagnon/apprenti
à un pour un. Quatrièmement, maintenir la formation
professionnelle dans l'industrie de la construction par le biais de la
Commission de la construction du Québec, tel qu'établi par le
projet de loi 119. Notre recommandation principale est de motiver le
consommateur par des incitatifs fiscaux tels un crédit d'impôt ou
l'amortissement comme cela existe dans le domaine commercial.
Enfin, en conclusion, sortir les travaux visés par le projet de
loi 31 ou encore l'habitation de leur contexte actuel donnera naissance
à une autre réglementation pour assurer les mêmes
contrôles que l'industrie connaît actuellement, ce qui ira a
rencontre d'une simplification du cadre juridique de l'industrie de la
construction. Ce retrait impliquerait sûrement l'instauration de normes
spéciales délimitant ce sous-secteur des autres, un carcan
administratif dont les entrepre-
neurs de l'industrie de la construction n'ont aucunement besoin
actuellement. S'il fallait que la compilation et la duplication des
contrôles existants dans le présent décret et celui du
verre plat, par exemple, soient élargis à l'ensemble du
sous-secteur de l'habitation, l'objectif de déréglementation,
d'uniformisation et de simplification n'aura été qu'un faux
espoir. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Alors, M. Linteau, cela va?
Oui.
M. Maltais: Étant donné que M. Linteau nous a remis
un mémoire de la fédération et qu'il a lu un
résumé, pourrait-on avoir ce résumé?
Le Président (M. Charbonneau): M. Linteau, je ne sais pas
si vous avez un résumé qui était...
M. Linteau: Ce sont des notes personnelles...
Le Président (M. Charbonneau): Écoutez...
M. Linteau: ... qui sont un résumé du
mémoire. Vous retrouvez tout cela dans le mémoire.
M. Maltais: Parfait. C'était juste pour savoir si on avait
la même chose.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Alors, il sera
toujours possible de consulter le Journal des débats. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je voudrais remercier la
Fédération de la construction du Québec et ses
porte-parole pour la présentation verbale ainsi que pour la
qualité du mémoire qu'ils nous ont soumis. M. Linteau s'est
plaint d'un court délai, mais je pense que le conseiller juridique qui a
sans doute collaboré à la rédaction a dû travailler
en fin de semaine ou tard le soir parce que les analyses sont précises.
Les questions posées sont pertinentes, découlent non pas des
communiqués de presse, mais du projet de loi comme tel et d'une lecture
attentive de chacun de ses articles. Je comprends que le président n'a
peut-être pas eu l'occasion d'en faire une lecture personnelle, mais son
procureur a certainement, à la suite des questions que l'on retrouve
à la page 4, fait une lecture très attentive qui m'amène
justement à une première question.
Page 4, deuxième paragraphe. "On doit en premier lieu noter que
l'utilisation des termes "fins personnelles" et "personne physique" permettent
une interprétation si facilement manipu-lable que les termes peuvent
être compris et la loi appliquée de façon tout à
fait contraire au désir exprimé par le législateur voulant
que soient visés les travaux de rénovation d'une résidence
seulement." Et, deux paragraphes plus loin, on tire cette interprétation
de la Loi d'interprétation du Québec où le singulier
amène le pluriel et où les termes employés lors d'une
énumération ne sont limités que par ladite
énumération.
Est-ce que vous avez une recommandation, sur le plan du libellé
législatif, qui pourrait faire en sorte que les objectifs que nous
visons mutuellement soient atteints tout en ne permettant pas cette
interprétation libérale, non pas dans son sens politique du
terme, mais dans son sens large? (17 h 45)
M. Linteau: Jean?
M. Ratté (Jean): C'est que, après la
première lecture, même deux ou trois, je devrais dire, on a
étudié "fins personnelles" et "personne physique", puis on s'est
rendu compte que, dans d'autres textes de loi, on parlait de résidence
avec spécification. Exemple: le projet de loi sur le Code civil. Autre
exemple: la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la
main-d'oeuvre, la loi F-5, à l'article 55 où l'on définit
réellement ce qu'on désire. Tandis que, présentement, on
lit le libellé puis on ne sait pas quelle personne, si on doit discuter
de trois étages, de quatre étages, de vingt étages. Est-ce
qu'on fait fi de la loi 20-80 dans les municipalités? Ce sont toutes ces
choses-là... Alors, je considère que définir, dans le
libellé, ce qu'on entend par résidence, par exemple, qu'elle soit
familiale et comprenne un immeuble à trois logements ou moins, cela
enlèverait déjà un gros problème pour
l'étude des autres paragraphes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur le plan philosophique, je n'ai
pas l'intention, parce que je suis également limité par le temps,
de reprendre toute l'argumentation ou l'échange que j'ai eu avec les
gens de la CSN-Construction qui vous ont précédés, prenant
pour acquis que vous avez assisté à au moins une partie de ces
échanges. Tout comme la CSN-Construction, vous nous citez des
pourcentages de travail au noir, entre autres, dans la rénovation
résidentielle. À la page 8 de votre mémoire, le
pourcentage que l'on retrouve est de 75% dans des travaux de rénovation
de faible envergure, premier paragraphe en haut de la page. Le gouvernement -
et je vais peut-être le poser comme je l'ai posé à la CSN -
a un peu le choix. Il peut maintenir le statu quo et il continuera d'y avoir
une proportion très élevée de travail au noir dans
l'industrie de la construction, spécialement dans la rénovation.
Le gouvernement a le choix d'engager une multitude d'inspecteurs pour tenter de
contrôler le travail au noir dans la rénovation
résidentielle, et là tous les experts s'entendent pour nous dire
que c'est absolument impossible à contrôler, que cela prendrait un
inspecteur par logement dans la province de Québec pour s'assurer qu'il
n'y a pas
de travail au noir qui est fait, ou de légaliser une situation
qui est incontrôlable, tout en resserrant les contrôles là
où c'est contrôlable, c'est-à-dire la construction
domiciliaire et les grands chantiers de construction.
Si je comprends bien votre mémoire, vous êtes d'avis que le
gouvernement ne devrait pas légaliser le travail au noir dans la
rénovation résidentielle parce que, selon vous, c'est
contrôlable, le travail au noir dans la rénovation
résidentielle?
M. Linteau: Je pense qu'on parle de rénovations de faible
envergure. Si vous voulez parler, avec votre projet de loi, du
propriétaire de la maison qui veut faire refaire sa galerie, qui veut
faire des menus travaux de réparation, je pense qu'il y a moyen de
trouver une solution, un peu comme...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En le légalisant?
M. Linteau: Oui. Mais, peut-être, dans une envergure
différente. Là, on ne sait pas du tout. Cela peut aussi bien
être des rénovations de 200 000 $ sur une résidence qui en
vaut 400 000 $, c'est complètement flou, "at large". Alors, ce qu'on
dit, c'est: Si le but visé des travaux d'entretien et de
réparation... Un peu comme il a été dit ici cet
après-midi, je pense qu'on ne peut pas se mettre la tête dans le
sable, il y a des choses qui doivent être accomplies pour l'entretien et
la réparation. Tout propriétaire a de petits travaux de 100 $,
500 $, et j'irais même jusqu'à 1000 $. Peut-être que c'est
la solution. C'est cela qui est, d'après nous, la majeure partie du
travail au noir qui s'effectue tous les jours. Mais il y a peut-être une
façon de légaliser une partie des réparations ou de
l'entretien.
M. Paré (Michel): Pour compléter, M. le
Président, si vous me le permettez, la moyenne des travaux de
construction, dans le domaine de la rénovation, semblerait être de
28 000 $. Si le législateur a, comme objectif, la réparation des
résidences, lorsqu'on parle de galeries, de menus travaux: pas trop de
difficultés. C'est lorsqu'on touche à la rénovation "at
large", telle que proposée par le projet de loi - ce qui est contraire
au discours politique - qu'on s'interroge. C'est pour cela qu'on propose un
incitatif fiscal, mais pas par des personnes qui reçoivent de l'argent,
car on peut travailler dans le cadre légal et être payé
sous la table. Le projet de loi ne corrige pas cet aspect. On peut avoir des
travailleurs très compétents qui vont faire... Lorsqu'on a dit
tout à l'heure qu'il y avait seulement les entrepreneurs qui allaient
faire du travail au noir, on se leurrait un peu. Il y a peut-être des
entrepreneurs, mais II y a aussi des travailleurs qui travaillent avec des
entrepreneurs qui font du travail au noir le soir ou la fin de semaine avec les
outils des entrepreneurs. Sauf que pour la personne qui reçoit l'argent,
c'est un revenu d'appoint. Des fois, c'est simplement pour un luxe, pour
combler des manques de revenus quant au chômage, pour occuper les
loisirs, la vie sociale. Ces sommes d'argent sont reçues sous la table
et tout le monde les perd. S'il y avait un incitatif ou une procédure
dans les lois fiscales sur l'amortissement, comme cela peut se faire dans
d'autres domaines, le domaine commercial, par exemple, pour des travaux d'une
certaine envergure, on ne parle pas du travail de 500 $, mais pour un travail
d'une certaine envergure...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse de vous interrompre.
Est-ce que vous conviendrez - je n'écarte pas votre proposition, cela a
déjà été amené et même discuté
sur le plan des politiques fiscales qui découlent de la
responsabilité du ministre des Finances et du ministre du Revenu - que
ce serait gênant pour un ministre des Finances ou un ministre du Revenu
de donner un incitatif fiscal à une activité qui est
illégale?
M. Paré (Michel): Non, non, pas une activité
illégale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
M. Paré (Michel): On maintient les travaux de
rénovation. On parle d'un entrepreneur dûment licencié. Il
n'y a pas seulement l'entrepreneur...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais si on s'entend sur le fait
que 75 % des travaux sont effectués au noir, en légalisant sur
l'aspect construction les travaux, on peut procéder à d'autres
étapes. Mais, tant que les travaux de construction dans le domaine de la
rénovation, de l'entretien, etc., demeurent illégaux, est-ce
qu'il n'est pas illusoire de demander au ministre des Finances de donner des
incitatifs fiscaux à du travail au noir? Il ne faut pas mélanger
les deux concepts. Travail au noir, définition du domaine de la
construction, et travail au noir, définition fiscale; vous en avez
peut-être dans plusieurs domaines, y inclus la construction.
M. Paré (Michel): Je peux très bien être
qualifié dans le domaine de la construction, avoir toutes mes cartes de
compétence et travailler le soir en dessous de la table. On ne
règle pas la récupération d'impôt. Il y a eu des
propositions dans une autre étude faite par une personne qui est
maintenant devenue ministre du Revenu. On parlait d'un REER Rénovation.
Vous le faites. Le gouvernement le fait pour amener les entreprises, le
système de crédit d'Impôt, de dégrèvement
fiscal. En matière commerciale, c'est possible. Quelle différence
faites-vous entre la construction d'une petite épicerie et celle d'une
maison?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le projet de loi 31 fait une
distinction très importante.
M. Paré (Michel): Sauf que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y en a un, de la façon
dont le projet de loi 31 est libellé, qui est soumis au décret de
la construction et l'autre, s'il s'agit d'une rénovation, ne le serait
pas. S'il s'agissait d'une construction d'une résidence, il le
serait.
M. Paré (Michel): Sauf que, dans le rapport Scowen,
lorsqu'on parle de retrait du décret de la construction, d'un certain
secteur du décret de la construction, on dit qu'il faut en même
temps prévoir plusieurs ajustements dans différentes lois,
notamment le Code du travail, les normes du travail, etc. Alors, on a un
problème d'arrimage. Présentement, on est convaincu qu'on est en
train de procéder à la pièce. À la
résolution 66 du rapport Scowen, page 173 et suivantes, on explique tous
les problèmes, toutes les difficultés reliées à une
déréglementation d'une partie du secteur de la construction.
M. Gagnon (François): M. le ministre, je pense que
l'incitatif fiscal pourrait être intéressant pour un consommateur
qui prouvera qu'il a fait réaliser ses travaux par un entrepreneur
dûment licencié, avec contrat, preuves à l'appui. On n'a
qu'à penser à l'incitatif qu'a eu le programme Biénergie
avec Hydro-Québec. Quand on a sorti le programme Biénergie,
pourquoi a-t-il marché? Parce que l'incitatif fiscal était
très fort. Ce sont des entrepreneurs électriciens qui ont fait
les travaux. C'est un exemple.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On s'entend sur le fait qu'il y a
un pourcentage plus faible de travail au noir dans le résidentiel et le
commercial, un peu plus prononcé dans la construction domiciliaire et
très prononcé - on l'établit à 75 % et on sait
qu'on ne peut jamais établir précisément le travail au
noir par définition - dans la réparation, la rénovation,
l'entretien, etc. Ce que je vous dis, ma réponse est que vous plaidez
une bonne cause lorsque vous plaidez l'approche de la fiscalité. Mais
est-ce qu'on peut raisonnablement la plaider ou est-ce que c'est l'endroit pour
la plaider là où vous retrouvez le plus de travail au noir,
où les travaux d'entretien sont faits, et on le sait, par des gens qui
actuellement n'ont pas le droit de la faire? C'était ma seule
question.
M. Gagnon: Bien, M. le ministre, on dit quelque part dans le
rapport qu'il y a eu pour 3 500 000 000 $ de travaux de rénovation de
faits au Québec l'an passé. Si ces 3 500 000 000 $ de travaux ont
été déclarés, cela veut dire que ce sont des
employés de la construction, des ouvriers qui ont payé leurs
impôts. J'imagine que vous avez pu avoir un impact fiscal de,
peut-être, 340 000 000 $ ou quelque chose de semblable, dans les coffres
du gouvernement. Cette même somme...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non, vous partez de fausses
prémisses. Lorsqu'on parle d'environ 3 000 000 000 $ de travaux de
rénovation, etc., on parle des statistiques de Statistique Canada qui
sont établies à partir de la vente de matériaux de
construction et non pas à partir des heures déclarées
à la Commission de la construction du Québec. Possiblement, elles
auraient pu être toutes travaillées au noir ou elles auraient pu
être toutes déclarées, cela n'aurait pas changé le
chiffre.
M. Gagnon: Mais on demande que les travaux visés par le
projet de loi 31 demeurent dans le décret. Cela va.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je veux remercier M. Linteau et toute son
équipe d'avoir accepté de se présenter, dans une
période aussi brève, pour faire une analyse profonde du projet de
loi. J'ai senti votre première partie un petit peu caricaturale, mais
dans le bon sens en ce qui me concerne, parce que vous avez raison. C'est
sûr qu'un projet de loi qui chamboule et qui bouscule passablement la
façon de faire mérite une analyse plus longue, plus exhaustive,
et il mérite de faire quelques vérifications entre ce qui est
prétendu qui s'appliquerait et la réalité des choses.
Ce qui m'étonne cependant, vous êtes - et ce n'est pas
péjoratif, l'étonnement - un groupe, la Fédération
de la construction du Québec, qui représente des employeurs dans
le secteur de la construction, et, dans notre jargon, on dit toujours patronal,
syndical. Vous êtes plutôt du côté patronal.
Rapidement, trois ou quatres petites questions. Vous regroupez combien
d'entreprises au Québec?
M. Linteau: 3000 et quelques centaines. M. Gendron: Et de
quelle taille? En gros?
M. Linteau: Les statistiques: 85 % des entreprises de
construction au Québec ont moins de cinq employés. Ce sont les
statistiques de l'AECQ.
M. Gendron: Donc, c'est vous autres.
M. Linteau: C'est nous autres et c'est tout le secteur de la
construction; que se soit sous-entrepreneurs, entrepreneurs
généraux, résidentiel, commercial, nous regroupons toutes
les catégories.
M. Gendron: Cela me satisfait en ce qui concerne les
statistiques.
Sur le mémoire comme tel, vous dites: Nous autres, dans le fond,
c'est clair notre position, on voudrait maintenir les travaux d'entretien, de
rénovation, de réparations et de modifications dans le champ de
l'application de la loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction. Est-ce que vous êtes sérieux là-dessus,
compte tenu de ce que vous avez observé dans le projet de loi 31, ou si
vous le voulez véritablement? Les quatres secteurs prévus comme
étant exclus du décret de la construction dans le projet de loi
31 resteraient-ils à l'intérieur du projet de loi 31? Surtout que
vous avez fait, à plusieurs reprises, un commmentaire à la suite
des questions du ministre, vous avez dit: Écoutez, pour les menus
travaux... Les menus travaux, il me semble qu'il faudrait bien s'entendre
qu'entretien et réparations, règle générale, c'est
cela les menus travaux. Quant à la rénovation, vous dites:
Écoutez, la moyenne de la rénovation au Québec est aux
alentours de 20 000 $ à 25 000 $, par rénovation - j'ai entendu
cela tantôt - on n'est plus dans les menus travaux.
M. Linteau: Non, non. Mais, quand on a huit jours pour
répondre au projet de loi que nous avons là, on vous
répond tout de suite: Ne touchez pas à cela. Le projet de loi 31,
on n'en veut pas.
M. Gendron: Cela, je l'ai compris.
M. Linteau: Par contre, si on a dix jours, deux jours de plus, on
peut peut-être vous dire que l'entretien, la réparation,
jusqu'à 2000 $, cela pourrait être enlevé. Je pense que
cela se discute, il y a des problèmes comme cela qui peuvent être
solutionnés.
M. Gendron: Bien sûr que cela se discute. D'ailleurs, vous
me confirmez ce que j'avais compris, c'est un peu caricaturalement que vous
dites: Écoutez, laissez donc tout cela de même, tant qu'à
ne pas avoir eu le temps de l'analyser et de nous consulter. Ce n'est pas
mûr et ce n'est pas prêt. Donc, laissez cela comme c'est. On va se
parler, on va regarder cela, on va discuter et peut-être qu'on arrivera
à dire: Bon, bien, écoute, si tu veux sortir entretien et
réparation du champ d'application du décret de la construction,
il n'y a pas de problème. Est-ce que j'interpréterais
correctement?
M. Linteau: Pas mal. M. Gendron: Pas mal.
M. Paré (Michel): Mais déjà l'artisan, M. le
Président, peut effectuer des travaux à des taux hors
décret, et on peut concentrer l'artisan, comme entrepreneur, dans le
secteur de la rénovation. (18 heures)
M. Gendron: Puisque vous en parlez et que vous représentez
85 % des petites entreprises du secteur de la construction du Québec...
Cela fait du monde vous connaissez le secteur. Parlons de ce qui est majeur
dans le projet de loi. Dans la rénovation et ce que le ministre veut
appeler les modifications à des immeubles, des propriétés,
peu importe, quel est le pourcentage de la rénovation et des
modifications dans la construction au Québec qui serait fait par des
artisans, au moment où on se parle?
M. Paré (Michel): D'abord une rectification, on ne
représente pas 85 % des petits entrepreneurs au Québec.
M. Linteau: C'est de toutes les catégories
d'entrepreneurs.
M. Paré (Michel): Dans l'industrie de la construction, 85
% des entreprises du secteur de la construction ont moins de cinq
employés. On représente des entrepreneurs de chacun des secteurs:
du plus petit entrepreneur au plus gros entrepreneur qui fait les barrages
à HydroQuébec.
Concernant les statistiques, présentement on ne les a pas devant
nous, mais il y a eu beaucoup d'études qui ont été faites
dans le passé, notamment par le ministère de l'Habitation et de
la Protection du consommateur. Dans le cadre du livre vert "Se loger au
Québec", on disait... D'ailleurs, dans le décret de la
construction, certaines clauses sont particulières aux petites
constructions résidentielles. Un aménagement de ces conditions
permettrait sans doute d'atténuer le phénomène du travail
au noir dans le domaine de la rénovation. C'est pour cela que notre
premier réflexe est de demander le ratio compagnon-apprenti un contre
un. On donne souvent l'exemple de la fameuse hotte de cuisine. Cet exemple est
véritable et il n'a pas de bon sens, mais permettons la polyvalence des
métiers dans ce secteur. Il n'est pas besoin de sortir du décret
un secteur de la construction. Permettons à une personne d'effectuer
tous les travaux, si elle est compétente, évidemment.
M. Gendron: Vous admettrez que pour une association patronale,
indépendamment des chiffres qu'elle représente - puisqu'on
comprend la même chose - il s'agit d'un projet de loi qui
déréglemente un secteur de la construction. Je suis convaincu
qu'il y a des intentions d'aller plus loin, mais pour l'instant regardons ce
qui est sur la table. Règle générale, à moins que
je ne me trompe, jusqu'à maintenant la plupart des associations
patronales, quelles qu'elles soient, ont été assez favorables
à de la déréglementation. Là je voudrais savoir
très concrètement... Vous m'avez indiqué tantôt que
c'est plus pour des raisons de temps que vous avez l'attitude de
dire: Maintenir les travaux d'entretien, de rénovation, de
réparation et de modification... Ou est-ce véritablement une
position de fond et que vous croyez qu'actuellement, pour des raisons de
stabilité et de fonctionnement auxquels vous êtes habitués
comme entrepreneurs indépendamment que vous ayez trois, quatre, cinq,
six employés qui sont assujettis au décret... Vous
préférez cette formule plutôt que - si vous me permettez
l'expression - penser hypocritement qu'en sortant tous ces secteurs de la
construction on va contrer le travail au noir?
M. Linteau: II y a toutes sortes de façons de faire de la
réglementation. D'ailleurs, on a déjà étudié
un bon projet de déréglementation il n'y a pas tellement
longtemps avec la loi 53, où il y avait un paquet de
déréglementations proposées et nous sommes d'accord sur la
déréglementation. L'industrie de la construction est le domaine
le plus réglementé. Il y a des choses qui sont aberrantes, mais
je ne pense pas qu'en faisant ce que le projet de loi 31 propose on va
régler les problèmes, loin de là. Cela va les compliquer
davantage. On a déjà des problèmes de pénurie de
main-d'oeuvre dans l'industrie. Ils ne sont pas encore réglés. Il
y a des commissions de formation de formées, mais il n'y a pas encore de
main-d'oeuvre qualifiée de sortie de ces cours. Cela va commencer
l'automne prochain, et on espère que cela va commencer, parce que cela
prend du temps. Mais on ne règle pas le problème du tout. Demain
matin, ce n'est pas le problème des contrats de construction, ce sera de
les exécuter. On ne sera pas capable, parce qu'on va manquer de
main-d'oeuvre. Alors, il y a un paquet de mesures là-dedans qui sont
loin de régler les problèmes.
M. Gendron: À ce sujet-là, parce que vous venez de
le toucher, la main-d'oeuvre - ce ne sera pas long - dans une de vos
recommandations vous dites: On voudrait maintenir la formation professionnelle
dans l'industrie de la construction par le biais de la Commission de la
construction du Québec, telle qu'établie par le projet de loi
119. Si vous avez écrit cela, est-ce parce que vous avez des
informations attestant qu'actuellement cela ne fonctionne pas ou est-ce qu'il y
aurait un problème particulier concernant la formation professionnelle
actuellement, il y aurait vraiment une incompréhension, suivant les
dispositions prévues à la loi 119? À ce que je sache, les
trois parties syndicales se sont retirées.
M. Linteau: Cela ne règle pas le problème.
M. Gendron: Non, je le sais, mais est-ce que c'est ce
problème-là que vous souleviez?
M. Linteau: Un peu. Je vais laisser répondre M. Jean
Ratté.
M. Ratté: C'est qu'avec la loi 119 qui a été
votée et qui a amendé la loi R-20, on a demandé qu'il ait
une formation de qualité. Aujourd'hui, à quinze jours d'avis, il
y a un autre cours parallèle qui va débuter. On va demander la
qualité sur la formation, et i! n'y a pas de cours! Alors, cela ne
marche pas. Nous, ce qu'on se dit, c'est que l'an passé vous avez
décidé de chercher la compétence dans le domaine de la
construction, alors, continuez votre idée. Ne commencez pas à
enlever certains champs d'activité de la construction ou enlevez-les
tous, pas en partie.
On trouve surtout que le projet va trop en partie. Là, on a un
exemple flagrant. Il n'est pas question d'enlever la formation, même s'il
y a des petits problèmes à ce niveau, aucunement! C'est
simplement de dire: Quelle sorte de formation voulez-vous qu'on ait et quelle
sorte voulez-vous qu'on donne? Décidez-vous! Présentement, il y a
la loi R-20, il y a la loi Q-1, il y a la loi F-5. Il y a le ministère
de l'Éducation qui joue directement et indirectement dans
l'éducation, dans la formation, appelez cela comme vous voulez. Par
secousses, vous appelez cela qualification, par secousses vous appelez cela
formation, compétence. Le consommateur, que vous lui montriez trois
cartes de compétence ou trois cartes de qualification, facultatives ou
pas, il n'en connaîtra pas plus. Alors, si vous décidez que
ça vaut la peine d'avoir un cours de formation dans l'industrie de la
construction, bien, gardez-le et ne revenez pas en arrière à tous
les six mois. C'est cela qu'on veut dire.
M. Gendron: J'aurais une question. Est-ce que ce serait exact que
les entrepreneurs en construction... Vous avez mentionné que vous seriez
d'accord - et cela fait des années que vous le dites - de resserrer les
contrôles sur les véritables travaux de construction. Cela fait
des années qu'on dit cela, cela n'a pas de bon sens tout le laxisme
qu'il y a là. Est-ce qu'il serait exact que vous, les entrepreneurs,
pour contrer cela, pour les quelques fois qu'il y a des contrôles qui,
éventuellement, débouchent sur des amendes, certaines formes
d'amendes vous vous soyez constitué un fonds de réserve collectif
pour payer les diverses amendes qui vous sont imposées par la Commission
de la construction? Est-ce que vous êtes au courant de cela?
M. Linteau: Non. Je vous dis que, comme entrepreneur en
construction, on respecte les lois ou on ne les respecte pas. C'est une
catégorie qui ne respecte pas les lois et qui travaille en dehors des
cadres établis. Moi, je suis dans la construction depuis 18 ans et je
n'ai jamais payé d'amendes à nulle part. Mais je pense que, si on
veut continuer à qualifier les entrepreneurs en construction de la
façon dont ils doivent être qualifiés, il faut avoir des
mesures qui sont plus sévères puis il faut y aller au niveau de
la qualification des entrepreneurs et non pas par de
simples formalités: une formule à remplir, répondre
oui ou non, envoyer 5000 $, puis partir demain matin, comme entrepreneur, sur
des projets de 20 000 000 $. C'est ce qui se passe. Nommez-moi des entreprises
de construction qui existent depuis 20 ans au Québec? Vous allez voir
que la feuille ne sera pas longue. Mais nommez-moi des gars qui existent depuis
6 mois puis qui peuvent faire ce qu'ils veulent? Alors, je pense qu'il y a des
problèmes pas seulement au niveau de la formation mais au niveau de la
qualification aussi. On va y revenir dans un autre temps parce que ce sont des
problèmes qui nous préoccupent.
M. Gendron: Oui, mais je pense que vous touchez un bon point.
Vous touchez un point fondamental. Effectivement, il y a une espèce de
recrudescence d'entrepreneurs qui naissent, disparaissent, qui n'ont pas
beaucoup de longévité. Donc, vous dites dans votre mémoire
- et je pense vous l'avez bien exprimé - resserrer les contrôles
sur les véritables travaux de construction. Vous êtes pour cela,
vous pratiquez cela et vous voulez que cela reste comme cela.
M. Linteau: Oui.
M. Gendron: Mais qu'on se comprenne bien. Je pense que
tantôt il y avait une confusion dans les questions du ministre. À
ce que je sache, vous avez répété à deux ou trois
reprises que les véritables travaux de construction, pour vous autres,
dans le domiciliaire et le résidentiel, cela inclut les travaux de
rénovation et de transformation.
M. Linteau: Je comprends. Bientôt, cela va être la
partie des travaux la plus importante, qui va se faire à un niveau
peut-être un peu plus bas que celui des gros contrats de construction,
mais c'est cela la construction.
M. Gendron: Oui, je comprends la même chose. Le ministre
disait: Écoutez, je pense - puis là je ne veux pas faire
d'erreur, vous me reprendrez, M. le ministre - j'ai cru comprendre qu'il a dit:
Écoutez, quand on sait qu'aujourd'hui il y a à-peu-près 75
% des travaux dans le secteur de la rénovation qui se font au noir...
Moi, je dis que vous êtes dans l'erreur, M. le ministre, quand vous dites
cela. Ce n'est pas le même concept dans votre esprit et dans l'esprit du
ministre sur les travaux de rénovation. Quand il dit que 75 % des
travaux de rénovation, d'entretien, de réparation et de
modification, se font au noir, ce sont des menus travaux. À ce
moment-là, on doit exclure ce que lui veut ne plus assujettir au
décret de la construction c'est-à-dire la rénovation,
comme vous m'avez dit, qui est en moyenne de 20 000 $ à 25 000 $. En
moyenne, vous avez dit cela tantôt. Là on n'est plus dans les
petits travaux.
M. Linteau: Non, non.
M. Gendron: La question que je voudrais vous poser, compte tenu
de votre expérience: Est-ce que cela aurait du bon sens d'envisager
plutôt la piste de travail qui dirait: Tout travail ou toute
exécution de travaux pour une somme inférieure à 2500 $ ou
3000 $ - c'est un exemple, cela pourrait être creusé, je veux
savoir si cet angle vous plairait - est exclu du décret de la
construction? Pensez-vous qu'on ne réglerait pas le problème une
fois pour toutes? Je pense que oui, mais je voudrais avoir votre avis.
M. Linteau: On pense que cela serait une formule qui pourrait
être acceptable et qui pourrait régler une bonne partie des
travaux qui se font au noir.
M. Gendron: Fixer un montant...
M. Linteau: Je me retourne en consommateur et, demain matin, j'ai
ma galerie à faire réparer. Si je peux la faire réparer
par mon voisin pour 50 $, je suis mauditement fou de ne pas le faire surtout si
cela me coûte 125 $ en respectant le décret de la construction. Je
pense qu'il faut vivre au jour le jour avec les problèmes du jour et des
consommateurs. Comme vous dites, il y a une limite à trouver. C'est
peut-être 2000 $. Je pense que cela serait une avenue
intéressante.
M. Gendron: M. le ministre, si vous fartes une piste, pensez-vous
que ce serait une piste intéressante si on s'entendait sur un montant?
À peu près dans toutes les municipalités du Québec
cela prend un permis de rénovation ou de construction pour être en
règle. Si on prenait la voie de fixer un montant, quand la
municipalité émettrait le permis, puisqu'il y aurait un montant
délimité, elle serait en mesure de faire une évaluation
sur la valeur de la rénovation, de l'amélioration ou de
l'entretien, et ainsi de suite. Elle pourrait dire: Compte tenu que tu es
au-dessus du montant, ce genre de travail est assujetti au décret. Tous
les autres travaux ne sont pas assujettis au décret étant
donné que le montant est inférieur.
M. Linteau: Cela pourrait peut-être être une avenue
acceptable.
M. Gendron: Avec, bien sûr, l'information à la
Commission de la construction du Québec pour suivre l'affaire.
M. Linteau: Exact. Actuellement, il y a toujours une valeur qui
est ajoutée au permis dans les municipalités.
M. Gendron: Qui figure au permis, oui.
M. Linteau: La personne qui demande un
permis de réparation doit évaluer ses travaux. Alors, elle
déclare une évaluation des travaux qu'elle veut faire.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va?
M. Gendron: Cela va. Je vous remercie de votre contribution.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Saguenay avait patiemment manifesté son intérêt.
M. Maltais: Oui. J'aimerais savoir, M. Linteau: Pour faire du
travail au noir, cela prend des conditions. Cela prend d'abord quelqu'un qui
"call la shot" en bon français. Cela prend soit un artisan, un ouvrier
ou un entrepreneur.
Le Président (M. Charbonneau): Ou un
beau-frère.
M. Maltais: C'est à peu près de même que cela
se fait dans l'ordinaire du monde.
M. Linteau: Cela peut prendre un voisin aussi.
M. Maltais: Oui, mais on parle de 3 000 000 000 $ de travail au
noir. Admettons que le voisin en fait pour 1 000 000 000 $, admettons que des
personnes en font pour 1 000 000 000 $, admettons que vous en fassiez pour 1
000 000 000 $ aussi. En fait, tout ce beau monde, que ce soit le menuisier qui
travaille pour vous dans le jour et qui travaille le soir chez le voisin, ou
vous qui, pendant une période morte prenez vos gens sur le chômage
- je ne parle pas de vous en particulier, mais je parle de certaines
entreprises - et vous allez convenir avec moi que cela se fait au Québec
de temps en temps, au moins quelquefois par année. Tout ce beau monde
est qualifié. Vous êtes légalement qualifié, votre
employé sur l'assurance-chômage est légalement qualifie.
Vous faites cela à un taux un peu moins cher, parce que la saison est
morte. Quel est le danger pour le consommateur là-dedans? C'est quand
même du travail au noir qui s'effectue. Le consommateur est bien
protégé.
M. Linteau: René... (18 h 15)
M. Lafontaine (René): Je pense, M. le Président,
que votre optique, votre éventail est un peu étroit. Vous avez
parié de l'employé, de l'entrepreneur, vous avez parlé de
l'artisan, mais vous oubliez le pompier, le gars qui travaille dans un magasin,
le gars qui est bénéficiaire d'aide sociale, le gars qui retire
de l'assurance-chômage.
M. Maltais: Non, non, je les mets tous là-dedans
aussi.
M. Lafontaine: Vous dites 1 000 000 000 $, 1 000 000 000 $,
M. Maltais: Je les mets tous là-dedans. Dans mon voisin,
j'en mets pour 1 000 000 000 $. Il y a 3 000 000 000 $, cela en fait pas
mal.
M. Lafontaine: Si vous êtes dans la partie de
l'entrepreneur, vous avez probablement de la compétence mais, si vous
tombez dans le restant de l'éventail, cela ne veut pas dire que vous
avez de la compétence.
M. Maltais: On parle des artisans qui font des travaux qui sont
hors du décret. Je vais vous citer la région de la
Côte-Nord où, en électricité, il n'y a aucun
artisan, il y a juste des entrepreneurs. Pourtant, il y a du travail au noir
aussi. Il est fait par qui?
M. Linteau: Écoutez, je pense que...
M. Maltais: C'est une question. Tout à l'heure, dans vos
remarques d'entrée, vous avez parlé de légaliser la
prostitution. Si vous avez votre carte d'entrepreneur, si l'électricien
a sa carte d'électricien et qu'il travaille au noir, à ce
moment-là la prostitution a sa carte, tout le monde a sa carte.
M. Linteau: C'est pour cela qu'on parle soit d'une incitation
fiscale ou d'un amortissement. Dans le programme Corvée-habitation qui
s'est réalisé au Québec, chaque propriétaire avait
l'obligation de prendre un plan de garantie de maisons neuves.
M. Maltais: Non, mais on parle de...
M. Linteau: Mais c'est une incitation importante, parce qu'en
prenant le plan de garantie le propriétaire était obligé
de respecter des normes et l'entrepreneur aussi était obligé de
respecter des normes. Le consommateur était protégé, parce
qu'il avait une garantie de 20 000 $et30 000 $.
M. Maltais: Dans les petits travaux de moins de 500 $, comme vous
le disiez tout à l'heure, qui sont faits par vos gars...
M. Linteau: C'est pour cela qu'on vous dit qu'on ne s'occupe pas
des moins de 500 $. Demain matin, le gars qui veut vous rémunérer
et qui vous donne 100 $, est-ce qu'à la fin de l'année vous allez
déclarer cela sur votre revenu d'impôt? Je ne pense pas. Il y a
une réalité et il faut y faire face: il y a du travail au noir
qui se fait, il va s'en faire et on va tous passer et il y en aura encore, mais
il s'agit de le diminuer. En y allant avec cette formule-là, il y a des
grosses chances qu'on va le diminuer. D'ailleurs, tous les intervenants ou la
plupart semblent avoir étudié ce
phénomène-là et semblent d'accord avec cela.
M. Maltais: On n'a malheureusement plus le temps, mais j'aurais
aimé en parler plus longuement.
Le Président (M. Charbonneau): Vous avez encore quelques
minutes.
M. Linteau: Mais la fédération a toujours offert
son concours pour discuter sur tous les sujets.
M. Maltais: C'est un phénomène quand même. Il
y a du travail au noir, tout le monde le dénonce, mais il n'est pas fait
par des extraterrestres, quand même, ce travail au noir. Je n'ai jamais
vu un Martien avec des antennes faire une galerie.
M. Linteau: Ils sont assez rares.
M. Maltais: C'est fait par quelqu'un. Ce n'est pas tout le monde
qui a une boîte de menuiserie, une boîte de ceci et une boîte
de cela. Mon voisin qui est policier a bien plus un "gun" qu'autre chose. Il
peut bien avoir une petite boîte pour jouer dans sa cour, mais ce n'est
pas lui qui...
M. Lafontaine: Allez voir sur l'établi dans sa cave, il a
sa panoplie d'instruments.
M. Maltais: Oui, je vous le donne celui-là ainsi que le
pompier à François, mais il reste quand même qu'il y a une
grosse majorité de travail au noir qui est fait par des gens
légalement qualifiés, que ce soit vous ou vos employés. Ce
sont des gens qualifiés, ils ont leur carte dans leurs poches. Ils
travaillent au noir.
M. Linteau: Mais ce n'est probablement pas la majeure partie des
travaux. C'est ce qu'il faut essayer de définir, plus que de
légaliser tout cela.
M. Paré (Michel): C'est la raison pour laquelle, M. le
Président, on vous demande de passer, non pas par celui qui
reçoit le chèque de paye sous la table, mais par le donneur
d'ordres, le donneur d'ouvrage, par un système d'incitation fiscale.
M. Maltais: Mais, dans bien des cas, le donneur d'ordres c'est
vous.
M. Paré (Michel): Non, non, c'est le propriétaire,
c'est le consommateur, c'est l'acheteur des travaux de rénovation.
M. Maltais: Parce que le consommateur, vous avez beau tous le
défendre, il va toujours aller vers le moins cher. C'est pour cela qu'il
y a des People's, des Woolworth, toutes ces bebelles. Des La Baie et des Eaton,
ce n'est pas tout le monde qui va chez Eaton. Alors, vous avez beau dire: On
veut ta protection, le consommateur va dire: Si ma galerie est faite à
mon goût, j'aime autant payer 10 $ l'heure qu'en payer 32 $. Amanchez
cela comme vous voudrez, le consommateur va dire cela.
M. Paré (Michel): Depuis le début, M. le
Président, on parle de galerie, mais le projet de loi ne parle pas de
galerie.
M. Maltais: Non, mais admettons une cloison non portante.
M. Paré (Michel): Dans les communiqués de presse
qu'il nous a été donné de lire, on parle d'exclusion de
charpente, mais dans le projet de loi on ne parle pas de charpente.
M. Maltais: Si on exclut la charpente, on parle de la galerie
à ce moment-là.
M. Linteau: Mais c'est quoi une charpente?
M. Paré (Michel): Cela manque de définition.
M. Linteau: Votre galerie n'a pas une charpente pour la soutenir?
Quand vous faites un "party" sur la galerie et qu'il y a 30 personnes qui
sautent, si la charpente n'est pas bonne en dessous... Non, mais c'est tout
cela. Il faut que ce soit défini pour en discuter, pour sortir ce qu'il
y a de bon et de pas bon.
M. Maltais: La Régie des alcools ne permet pas qu'on fasse
un "party" de 30 personnes, ils nous envoient à l'hôtel.
Une voix: Cela va.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? M. le ministre, vous êtes désireux de poser une
question?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, il me reste une minute.
Il y a un élément qui me fait sursauter, à la page
10 de votre mémoire, lorsque vous parlez du consommateur. Vous dites:
"Le projet de loi 31 est d'une totale inutilité puisque le consommateur
peut, depuis 1979, faire effectuer des travaux a des taux hors décret.
Il faut rappeler qu'en réalité, pour le consommateur,
l'illégalité du travail au noir justifiait les bas salaires",
etc. Est-ce que vous nous dites, devant cette commission-ci,
sérieusement que le projet de loi 31, pour le consommateur, est inutile,
parce que, depuis 1979, dans la pratique, dans la réalité
quotidienne, dans son vécu quotidien, il peut faire effectuer ses
travaux à des taux hors décret par...
M. Paré (Michel): Par un entrepreneur
artisan.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...l'artisan, puis qu'il n'y a pas
de problème?
M. Paré (Michel): Par un entrepreneur artisan, il peut
effectuer les travaux...
Une voix: Exact.
M. Paré (Michel): ...de construction hors décret et
cela est légal.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah! d'accord. Mais est-ce qu'il y
en a?
M. Paré (Michel): Des entrepreneurs artisans? Il y en a
pas mal.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y en a pas mal? Puis il n'y a
pas de difficulté à en trouver et ils peuvent faire de la
polyvalence et tout cela? Il n'y a pas de problème! Le projet de loi 31,
suivant la fédération, ne répond pas à un
problème qui est vécu par le consommateur dans son quotidien.
C'est l'opinion de la Fédération de la construction du
Québec.
M. Paré (Michel): II ne corrige pas le
problème.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II ne répond pas à
un problème parce que le projet de loi 31 est d'une totale
inutilité, puisque le consommateur peut, depuis 1979, faire effectuer
des travaux à des taux hors décret? Le but du projet de loi c'est
de permettre au consommateur d'avoir recours à des gens sans avoir
à payer pour ses travaux d'entretien, de réparation, de
rénovation, etc., le tarif du décret.
M. Vézina (Jocelyn): Non seulement on pense qu'il ne
règle pas les problèmes, mais on pense qu'il va les amplifier. En
permettant de faire de la rénovation hors décret, on pense que le
consommateur va avoir moins de protection et c'est certain qu'il y aura plus de
plaintes, qu'il y aura plus de problèmes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que, étant
donné que mon temps est expiré, je n'entrerai pas dans une
argumentation avec vous. Je vais vous faire remettre un tableau qu'on m'a
remis, tableau qui dénombre les artisans ayant des licences en vigueur,
par régions du Québec, etc. Je vais en déposer une copie
pour la commission et, si vous maintenez cette affirmation de la page 10 de
votre mémoire, vous la maintiendrez; si vous souhaitez la corriger, vous
pourrez nous l'indiquer, soit verbalement, soit par écrit.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Vimont, une dernière.
M. Théorêt: Oui, une dernière. M. le
Président, le syndicat qui vous a précédé
déclarait que certains entrepreneurs payent des employés, disons,
20 heures au taux du décret et le reste au noir. Selon votre
expérience, à quel pourcentage évaluez-vous ces
entrepreneurs qui font ces pratiques-là? C'est chose courante?
M. Linteau: Non. Malheureusement, je ne peux absolument pas vous
répondre parce que c'est illusoire. Cela se fait sûrement dans
certains endroits, certains milieux, dans certaines spécialités.
Je pourrais vous en nommer une parce qu'on le vit et on le pense, mais je ne
peux pas vous certifier que cela arrive. Exemple: Les démolisseurs. J'ai
des doutes sur la compétence de certains travailleurs qui travaillent
dans la démolition parce que le travail se fait bien plus souvent le
soir. Mais je ne peux pas vous dire que c'est un fait que le gars ne paie
pas... Ce n'est pas à moi de le vérifier. Coudon. Mais...
M. Théorêt: Non, non, mais je vous demandais,
strictement à votre connaissance, étant donné votre grande
expérience du milieu...
M. Linteau: Non, je... Pour ce qui est des entrepreneurs en
construction, moi je ne pense pas que cela soit important.
Le Président (M. Charbonneau): Alors, sur cette
réponse, messieurs, je vous remercie d'avoir participé aux
travaux de la commission et nous allons ajourner les...
Une voix: Suspendre.
Le Président (M. Charbonneau): ...suspendre simplement
jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 24)
(Reprise à 20 h 8)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'économie et du travail reprend sa consultation
sur le projet de loi 31, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la
formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de
la construction et la Loi sur la formation et la qualification professionnelles
de la main-d'oeuvre.
Nous recevons ce soir l'Association de la construction de
Montréal et du Québec. Je crois que le président en est M.
André Morin. Alors, M. Morin, bienvenue. Si vous voulez
présenter...
M. Gendron: Pas d'influence indue avant le début des
travaux.
Une voix: Quand c'est de l'influence à avoir, mon cher
collègue, elle n'est jamais indue.
Une voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Charbonneau): Pas de perturbation indue,
pour qu'on finisse. On commence donc. M. Morin, si vous voulez présenter
les personnes qui vous accompagnent. Par la suite, vous avez 20 minutes pour la
présentation de votre mémoire et le reste du temps, une vingtaine
de minutes de chaque côté, pour les discussions avec les membres
de la commission.
Association de la construction de Montréal et
du Québec
M. Morin (André O.): Très bien. M. le
Président, mesdames et messieurs les membres de la commission,
l'Association de la construction de Montréal et du Québec est
heureuse de l'occasion qui lui est donnée de vous rencontrer
aujourd'hui. Permettez-moi d'abord de vous présenter notre
délégation: à ma droite, Pierre Mallette, directeur
général de l'ACMQ; à mon extrême gauche, Me Claude
Bonenfant, directeur des affaires juridiques de l'association; et à ma
gauche, Me Jacques Théorêt, président-directeur
général du Centre d'études et de recherches pour
l'avancement de la construction au Québec que l'ACMQ vient de
créer. Je suis André Morin, président de
l'association.
L'Association de la construction de Montréal et du Québec,
l'ACMQ, est un organisme sans but lucratif, à appartenance volontaire,
qui a été fondé à Montréal en 1897. Elle
représente actuellement 3000 entrepreneurs généraux ou
spécialisés, des fabricants fournisseurs de la construction dont
l'activité s'étend à tout le territoire du Québec
et, il faut le souligner, à tous les domaines de la construction, qu'il
s'agisse d'ouvrage de génie civil, de bâtiments commerciaux et
industriels, de construction institutionnelle ou de bâtiments
résidentiels.
Comme nous le disons en introduction de notre mémoire, les
membres de l'ACMQ touchent plus de 50 % des travaux de construction qui
s'exécutent annuellement au Québec et qui ont, pour
l'année 1987, représenté au total des investissements de
18 000 000 000 $, et plus de 100 000 000 d'heures rapportées à la
Commission de la construction. Il est peut-être important de souligner
ici encore plus l'importance économique de cette industrie. C'est plus
de 6 % de tous les travailleurs québécois qui oeuvrent dans le
seul secteur de la construction. Un investissement de 10 000 000 $ dans la
construction d'une usine donne du travail à 109 travailleurs directement
et, indirectement, à 70 autres. Quant à la construction
résidentielle, le même investissement de 10 000 000 $
représente 98 emplois directs et 163, si on y ajoute les emplois
indirects qui s'y rattachent.
Selon le Conseil national de recherches du Canada, chacun des 18 000 000
000 $ investis dans le secteur de la construction en 1987 a accru la production
économique de 0,83 $ additionnels. Ainsi, l'impact total des
investissements au titre de la construction est de 25 % du produit
intérieur brut du Québec. L'industrie de la construction ne doit
donc pas être prise à la légère. C'est tout ce que
je voulais indiquer pour le moment.
Avant de passer la parole à Me Bonenfant, je tiens à
souligner ici que notre mémoire, outre celui des 2000 membres directs de
l'ACMQ, a reçu l'appui de six associations régionales de la
construction qui sont: l'Association de la construction de l'Ouest du
Québec inc, l'Association de la construction de l'Outaouais,
l'Association de la construction de Saint-Hyacinthe, Bagot, Rouville,
l'Association de la construction des Laurentides, l'Association de la
construction du Centre du Québec inc. et l'Association de la
construction de Richelieu, Verchères, Bertrand. Demandons maintenant
à Me Claude Bonenfant, directeur des affaires juridiques de l'ACMQ, de
vous présenter les vues de notre association sur le projet de loi 31,
dont nous ne citerons pas le titre pour ne pas prolonger le débat.
M. Bonenfant (Claude): M. le Président, mesdames et
messieurs les membres de la commission, c'est à l'article 4 du projet de
loi 31 que l'on trouve l'essentiel de la réforme proposée. Les
travaux que l'on peut, de façon générale, appeler de
rénovation résidentielle s'ajouteraient à la liste de ceux
auxquels, en vertu de l'article 19, la Loi sur les relations du travail, le
décret et les autres règlements qui découlent de cette loi
ne s'appliqueraient plus. Par ailleurs, le projet consacrerait l'existence
d'artisans de l'industrie de la construction qui deviendraient, à toutes
fins utiles, des travailleurs autonomes, soumis à la loi et au
décret comme tout autre salarié, sauf quant au paiement des
cotisations syndicales. Enfin, le projet de loi propose plus de contrôle
pour la Commission de la construction, et l'imposition possible de
pénalités plus sévères à ceux qui
resteraient assujettis à la loi, qu'ils soient salariés, artisans
ou employeurs. C'est d'ailleurs un des seuls mérites que l'ACMQ
reconnaît au projet de loi, celui de proposer un resserrement des
contrôles de la CCQ.
Mais il nous semble un peu court de dire, comme on l'a fait dans le
communiqué officiel émis à l'occasion de la
présentation du projet de loi 31, que, et je cite: "Pour faire
rénover sa maison, le consommateur ne sera plus soumis au
décret."
Lorsqu'il engage un artisan pour lui faire exécuter des travaux
de construction à ses fins personnelles, le consommateur n'a
déjà pas à se préoccuper du décret. Ce n'est
que s'il fait appel à un entrepreneur de rénovation qui
détient la licence requise que la rémunération des
salariés
ou des artisans, qui travailleraient pour cet entrepreneur, serait
égale au salaire du décret. Ce que, d'après nous, le
projet de loi 31 propose aussi, c'est que les artisans, qui travailleront
à des travaux de rénovation pour un particulier, n'auront plus
à détenir de certificat de compétence, et que les
salariés ou artisans qui feraient de tels travaux à la solde d'un
entrepreneur n'auraient plus à en détenir non plus, ni à
être payés selon les taux du décret.
Nous faisons exception pour les travaux d'électricité ou
de plomberie, qui sont régis par des lois qui tendent à
protéger le public, mais nous ne voyons pas clairement comment, comme
l'annonce le communiqué de presse officiel, l'on étendra
l'obligation de détenir un certificat de compétence aux
travailleurs qui exécuteront des travaux de charpente.
Ce que nous craignons, c'est que le consommateur ait plutôt, si le
projet de loi était adopté tel quel, moins de protection
qu'avant, et en particulier, des recours au cas de mauvaise
exécution...
Le Président (M. Charbonneau): Oui, c'est cela. On va
faire le nécessaire pour que...
M. Gendron: Pardon, M. le président, pendant qu'on a un
arrêt, je veux savoir si ce que vous lisez, nous l'avons ou si c'est un
résumé que vous faites...
Une voix: C'est un résumé. (20 h 15)
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. Alors, si vous le
pouvez, essayez de parler plus directement dans le micro, comme si vous faisiez
une plaidoirie en cour.
M. Bonenfant: Ce que nous craignons, c'est que le consommateur
n'ait plutôt, si le projet de loi était adopté tel que,
moins de protection qu'avant et en particulier des recours, au cas de mauvaise
exécution, qui pourront être problématiques s'il continue
de faire directement affaire avec des artisans qui n'auront même plus
à détenir de certificat de compétence.
Ce que nous craignons aussi, ce sont les effets secondaires importants
que pourrait avoir le projet de loi: en premier lieu, une
déstabilisation grave du marché pour plusieurs vraies entreprises
qui se retrouveraient du jour au lendemain partiellement exclues de
l'autorité de ia loi et du décret; deuxièmement, une
réduction obligatoire de leurs standards par les entreprises
établies de rénovation, sinon une disparition à court
terme; troisièmement, une baisse de la construction résidentielle
neuve découlant de la décision naturelle d'un propriétaire
de faire rénover ou modifier sa maison plutôt que de chercher
à acheter une nouvelle résidence et, possiblement, une baisse de
la valeur marchande des unités résidentielles neuves dont
déjà plusieurs sont prêtes ou en chantier, mais invendues;
quatrièmement, une perte pour l'industrie de la construction de la
main-d'oeuvre qualifiée qui y oeuvre et qui pourrait voir le
marché de la rénovation comme une mine d'or pour elle, alors que
cette main-d'oeuvre a été formée ou ie sera à des
coûts importants pour l'industrie assujettie; cinquièmement, le
dédoublement du système de formation de la main-d'oeuvre puisque
le ministre se réserve la possibilité de créer un
programme de formation parallèle et, en dernier lieu, un manque à
gagner pour la CCQ qui devra être compensé par les entreprises et
les salariés qui resteront assujettis à la loi, au décret
et aux autres règlements qui en découlent.
Il faut même craindre, quant aux exclusions nouvelles que propose
l'article 4 du projet, que le vocabulaire qui est employé donne lieu
à des problèmes d'interprétation sérieux et ouvre
la porte à de nouveaux abus au point que l'on ne saura plus qui la
Commission de la construction doit contrôler ou ne pas contrôler.
De plus, une interprétation de l'article 3 du projet pourrait faire
qu'un consommateur qui fait exécuter des travaux soit la cible de
vérifications par ia commission. Le travail de la CCQ s'en trouvera
augmenté et le consommateur n'appréciera plus du tout le cadeau
que prétend lui faire le législateur.
Mais il y a plus. Le projet de loi ne touche que très
partiellement les vrais problèmes que pose la loi actuelle. C'est,
à notre avis, sa plus grande lacune. Au printemps 1987, deux groupes
paritaires avaient, à la demande du ministre du Travail,
étudié deux éléments importants de la Loi sur les
relations du travail: son champ d'application, d'une part, et le régime
de négociation particulier à l'industrie, d'autre part. Or, des
consensus importants en avaient résulté, qui montraient tout au
moins la voie que devrait prendre le législateur pour améliorer,
sans le bouleverser cependant, le régime général
applicable à l'industrie. Ainsi, selon le rapport sur le régime
de négociation, on avait affirmé qu'il fallait maintenir un
régime particulier quant aux relations du travail dans l'industrie, vu
son caractère distinct et celui de son organisation par rapport aux
autres industries, même si l'on pouvait penser à singulariser le
secteur de l'habitation en particulier. Mais c'est à l'intérieur
du régime général que cela devrait se faire. Quant au
champ d'application de la loi, la table de travail paritaire chargée de
considérer son étendue souhaitait que la loi ie définisse
de façon plus claire et complète en incluant, sauf pour des cas
bien précis, la machinerie de bâtiment et de production.
Conséquemment, cette table de travail proposait que soient
éliminées les exemptions de l'actuel article 19 de la loi.
Enfin, bien qu'à des degrés différents, on
signalait des deux côtés de la table qu'un décloisonnement
des tâches dans l'industrie de la construction, plus
particulièrement dans le domaine du résidentiel, n'était
pas chose impossible et devra faire l'objet d'études plus
poussées.
Mais trop vite présenté, le projet de loi 31 remet en
question certains des principes fondamentaux de la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction, dont celui de l'unicité de
l'industrie et celui de la négociation sectorielle provinciale globale.
Mais il le fait de façon très, et trop, partielle, ce qui
entraînera inévitablement des inéquités graves entre
ceux qui oeuvrent dans cette industrie, travailleurs comme entreprises, en
même temps qu'une déstabilisation importante du point de vue
économique dans la construction, ce dont personne n'a besoin.
Il faut donc, de l'avis de l'Association de la construction de
Montréal et du Québec, craindre le fléau du bien qui
accompagnerait, en vertu du projet de loi, les bienfaits mineurs de la
déréglementation proposée, si timide, d'ailleurs, qu'elle
ne mérite même pas ce nom.
Que l'on aille moins vite, mais plus loin dans l'étude des
améliorations à apporter globalement à notre Loi sur les
relations du travail, c'est ce que l'ACMQ propose à partir d'une revue
des consensus du printemps 1987 et qu'il en résulte une bonification
ordonnée et logique du régime général existant.
Quant à nous de l'Association de la construction de Montréal et
du Québec, c'est ce que nous espérons que le législateur
voudra faire et nous sommes prêts à participer à
l'exercice.
Merci de votre attention.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je
voudrais remercier l'Association de la construction de Montréal et du
Québec, ses porte-parole, spécialement son président et
les gens qui l'accompagnent.
Vous me permettrez d'aller directement au but en soulignant que nous
sommes conscients que vous représentez des gens qui oeuvrent dans
l'ensemble des secteurs de la construction. Et, à cet effet, vous
êtes une des seules associations qui couvrez jusqu'au génie civil,
si on peut utiliser l'expression.
Dans votre mémoire, vous nous indiquez dans l'introduction,
à la page II - en chiffres romains - que "l'entreprise de construction
est très souvent mobile" pour nous amener tantôt sur les
chevauchements qui sont possibles d'une activité à l'autre et
vous nous indiquez, aux pages 3 et 4, que vous avez procédé
à des consultations avec vos membres.
À la page 2 du mémoire comme tel, avant-dernier
paragraphe, vous posez la question et je cite: "Comment alors le projet de loi
31 pourra-t-il réduire l'ampleur du travail au noir?" Vous
répondez: "Le travail de l'artisan pour le propriétaire et aux
fins personnelles de ce dernier n'était déjà pas du
travail au noir." Est-ce que vous partagez des opinions qui ont
été émises devant cette commission parlementaire disant
qu'il existe du travail au noir dans la construction, qu'il est présent
dans ce qu'on peut appeler la grosse construction, à un niveau
important, qu'il est encore plus présent dans ce qu'on appelle la
construction domiciliaire et qu'il est encore plus présent - si c'est
possible - dans ce qu'on appelle le secteur de la rénovation
domiciliaire?
M. Morin: M. le ministre, je suis d'accord avec tout ce que vous
avez avancé. Le problème qui existe à l'heure actuelle est
un problème de définir le mot "ampleur". Tout le monde lance des
chiffres. Nous n'avons pas de chiffres. On ne peut pas définir une chose
sur laquelle il n'y a pas de statistique. Si on parle de travail au noir, c'est
un travail qui n'est pas déclaré. Donc, si ce n'est pas
déclaré on va s'amuser longtemps à essayer de
définir des chiffres. Mais ce qu'on a dit dans ce même paragraphe,
c'est que le travail de l'artisan pour le propriétaire et aux fins
personnelles de ce dernier n'était déjà pas du travail au
noir. C'est que vous avez dans l'industrie deux sortes de travaux au noir. Il y
a le noir qui n'est pas rapporté à la CCQ, il y a le noir noir
qui n'est pas rapporté à la CCQ et ni au ministère du
Revenu. Alors, il faut voir jusqu'où on veut aller dans la
définition du travail au noir.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La responsabilité de la
commission parlementaire du travail ici et du ministre du Travail est une
responsabilité dans l'immédiat, pour autant que je suis
concerné, quant au travail au noir dans l'industrie de la construction.
Si vous vous adressiez au député que je suis également, je
pourrais vous parler du travail au noir dans d'autres définitions que
vous avez mentionnées face, entre autres, au ministère du Revenu
et à d'autres composantes sur le plan gouvernemental dans la
société. Mais, quant au travail au noir dans la construction, il
s'agit... Et cela m'amène peut-être à une définition
que nous avons eu l'occasion de discuter aujourd'hui avec d'autres groupes. Le
travail au noir dans la construction est du travail fait suivant un consensus
patronal-syndical, je ne sais pas si vous y en êtes, qui est fait en
contravention des lois et règlements qui s'appliquent au secteur de la
construction.
M. Morin: C'est exact.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous apprécions votre
prudence sur le plan des chiffres. C'est très osé de s'aventurer
à chiffrer quelque chose qui, par définition, n'est pas
légal, s'effectue au noir, etc. Les indications que nous avons
proviennent de rapports de l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec, des centrales syndicales, d'une étude du ministère
de l'Habitation du Québec en 1983. Toutes ces études chiffrent
des appréciations et tout le monde est bien prudent quant à leur
utilisation.
Est-ce que vous êtes d'accord, sans donner de pourcentage ou de
chiffre - je ne veux pas vous amener sur ce terrain-là - selon
l'expérience que vous avez ou que vos membres ont, que le travail au
noir est plus important de façon graduelle dans la rénovation
résidentielle, dans la construction domiciliaire et dans le chantier
commercial et industriel? Est-ce qu'on se trompe?
M. Morin: On ne se trompe pas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On ne se trompe pas.
M. Morin: Disons que la gradation est là, dans cet
ordre-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que, de façon
pratique, ce travail au noir est, avec la réglementation actuelle telle
qu'on la connaît, sans le projet de loi 31, mais dans le contexte que
nous connaissons avec la possibilité pour l'artisan d'effectuer pour le
propriétaire et à ses fins personnelles des travaux en bas du
tarif du décret... Est-ce que nous possédons les moyens? Est-ce
que la Commission de la construction du Québec, à votre avis,
possède les moyens de contrôler le travail au noir dans une
proportion qui serait acceptable pour les partenaires de l'industrie de la
construction?
M. Morin: Elle doit se donner le moyen de contrôler ce
fléau. Il reste que vous devez vous donner des moyens. On a parlé
à un moment donné... Je le sais, chaque fois qu'on en parle, on
semble dire: Ce n'est pas du ressort de votre ministère, mais on parle
d'incitatif, de dégrèvement d'impôt. Je pense que plusieurs
associations sont arrivées avec cette suggestion. On ne l'a pas
indiqué dans notre mémoire, mais cela nous trotte dans l'esprit,
nous aussi. Il doit y avoir quelque chose. Il y avait eu une interrogation de
la part de quelqu'un de la commission que c'était peut-être une
façon de donner la légalité à ceux qui
étaient illégaux en donnant des dégrèvements
d'impôt. Mais, réellement, si vous donnez un
dégrèvement d'impôt au consommateur qui fait faire des
travaux, qui doit se rapporter à qui il a fait un chèque pour
payer ces travaux, a ce moment-là vous mettez tout le monde dans le
bain. Vous allez vous faire des inspecteurs de la construction, du
consommateur.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sauf, M. Morin, que vous
conviendrez qu'à ce moment-là j'ai encore besoin de sept
individus pour installer ma hotte dans ma cuisine et de six pour installer ma
chambre de bains, et tout cela.
M. Morin: Oui. M. le ministre, jamais...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais j'ai le drort de remplir un
dégrèvement d'impôt.
M. Morin: Je ne voudrais pas revenir aux tables que vous avez
commandées et auxquelles j'ai participé en 1987. Je faisais
partie de ces comités. Cela me fait un peu de peine au coeur de voir que
les consensus qui ont été émis à cette
époque-là par les parties patronales et syndicales n'ont pas
été écoutés. Si vous regardez le mémoire,
vous allez vous apercevoir que le consensus no 4 ou no 5 - vous me passerez le
numéro - c'est un décloisonnement dans l'industrie de la
construction. Les représentants de l'Association des constructeurs
d'habitations étaient assis à notre table et ils ont fait des
consensus. Il faut être forts aujourd'hui pour faire dire la même
chose à toutes les associations patronales, mais on a réussi
à cette occasion et, fort de ce consensus, vous avez passé
à côté parce que le décloisonnement était
indiqué. On voit aussi que dans l'industrie de la construction, et
même que ce soit le commercial... Vous faites un balcon à la fin
des travaux. Les travaux à l'extérieur sont toujours faits
à la fin. Cela vous prend cinq métiers pour faire un balcon. On
pense qu'un homme à tout faire pourrait faire la même chose. Le
décloisonnement a été prévu dans le temps et on
n'est pas contre cet objectif, mais c'est un objectif louable d'avoir un
décloisonnement dans l'industrie de la construction, surtout du
côté résidentiel, mais cela peut aller plus loin. (20 h
30)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais qu'on se comprenne
bien. Je tente de bien comprendre l'essence de votre mémoire sans tomber
dans les détails qui méritent d'y être. Entre autres,
l'argumentation sur le plan juridique en est une que nous retenons et qui nous
intéresse. Sur le plan de la philosophie et des principes, votre
association n'est pas d'accord pour retirer du décret de la construction
même le travail d'entretien.
M. Morin: M. le ministre, je vais encore être obligé
de vous rappeler les consensus de vos tables que vous avez commandées.
Les consensus étaient que toutes les exclusions devaient
disparaître. On élargissait le champ d'application du
décret. Si on élargit le champ d'application, c'est sûr
qu'on ne veut pas, aujourd'hui, voir quelque chose en sortir. On demandait
l'élargissement du champ et vous venez de faire une autre exclusion.
Cela ne nous donne pas tous les travaux qui étaient déjà
exclus, en plus.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On en soumet moins au
décret de la construction, alors que des gens veulent en soumettre
davantage, c'est-à-dire qu'on prend l'ensemble des exclusions contenues
et on demande qu'elles soient remises dans le décret pour que le
décret s'y applique. Le gouvernement fait face à un travail au
noir qui a pris de l'ampleur dans l'industrie de la construction et qui est
présent à tous les
niveaux. On pense, en accordant davantage de pouvoirs, en haussant les
amendes et en intervenant de façon beaucoup plus directe, être
raisonnablement en mesure de le contrôler sur les gros chantiers de
construction commerciaux et industriels. On pense que, avec des efforts
soutenus, on peut également le contrôler davantage dans la
construction résidentielle, mais de là à contrôler
le travail au noir dans l'industrie de l'entretien, de la réparation, de
la rénovation ou de la modification domiciliaire, on pense qu'il s'agit
là d'une mission impossible et, sur certains aspects mais non sur
l'ensemble, il y a des intervenants de l'industrie de la construction qui nous
rejoignent.
M. Morin: Oui, mais tout le monde vous rejoint dans le fait que
le contrôle est dur à faire. On est obligés de se rendre
à cette évidence. Mais, quand quelque chose est compliqué
à faire, cela ne veut pas dire que c'est le temps de le légaliser
parce que, à un moment donné, la moitié de la population
travaille dans l'illégalité. Vous mettez des contrôles.
Pour les gens qui continuent d'utiliser le volet de gauche qui est un volet
illégal, on ne peut rien faire, mais vous allez au moins contrôler
la majorité des intervenants dans l'industrie de la construction.
Le comité de la formation est à essayer de nous donner des
ouvriers compétents en faisant le cheminement contraire, M. le ministre.
Ce sont probablement des gens déjà à l'intérieur,
avec des cartes de compétence, qui verront quelque chose poindre
à l'horizon. Être menuisier de finition aujourd'hui et voir votre
projet de loi arriver, je me taperais dans les mains parce que, demain, je
partirais avec rien, sans assurances, rien à faire, et je travaillerais
à temps partiel. Cela va donner des gens compétents de moins dans
l'industrie de la construction et on en manque déjà. Ces
gens-là seront capables de sortir du régime actuel parce qu'ils
n'ont besoin de rien. Il n'ont pas besoin d'être entrepreneurs
qualifiés par la régie. C'est un sérieux
problème.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Des gens nous disent que ceux et
celles qui effectuent présentement du travail au noir, on ne leur offre
pas de cours de qualification. Je pense que cela va de soi, ils travaillent au
noir, ils sont moins bien formés. Un aspect du projet de loi
prévoit, non pas de façon obligatoire, mais pour les gens qui
vont oeuvrer dans cette partie qui ne sera plus soumise au décret de la
construction des cours de formation.
Je reviens au coeur et à l'essentiel de ce qu'on appelle le
travail au noir dans les travaux d'entretien, de réparation, de
rénovation et de modification. Je vous cite un passage d'un
éditorial de Jean Francoeur, du quotidien Le Devoir. Je ne sais
pas si vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance. M. Francoeur
s'exprimait comme suit: "En adoptant ce projet de loi, l'Assemblée
nationale mettra fin à une immense hypocrisie sociale. Il est de commune
renommée que le secteur des travaux à domicile est le terrain de
prédilection du travail au noir. Dans son état actuel, la loi est
absolument inapplicable. Il faudrait lâcher sur tout le territoire des
divisions entières d'inspecteurs qui iraient frapper à toutes les
portes. En outre, pourquoi appréhender de braves travailleurs pour les
traduire devant des juges qui, la veille, ont fait repeindre leur appartement
à un coût bien inférieur à celui du décret,
soit 31,27 $?"
Est-ce que vous partagez cet avis que le système actuel constitue
une vaste hypocrisie sociale?
M. Morin: Écoutez, c'est facile à dire. Tout
constitue une hypocrisie parce que tout le monde essaie de passer à
côté du système. Cela ne veut pas dire qu'on abolit le
système à ce moment et qu'on laisse libre cours à tout le
monde de le faire. Nous prêchons à l'association le respect des
lois. On n'est pas capables de dire: On va passer à côté
parce que c'est devenu la solution la plus facile. La solution qui est la plus
dure mais la plus vraie, c'est de continuer les contrôles que nous avons
à l'heure actuelle et, si des gens passent à côté,
c'est la nature humaine. Quand je dis la nature humaine, c'est que vous avez
des gens qui vont chercher le meilleur prix. Comme quelqu'un l'a dit plus
tôt cet après-midi, c'est le voisin qui va faire le balcon
à moitié prix de n'importe qui parce que le type n'a rien
à faire et qu'il a décidé que cela va lui donner un peu
d'argent. On ne peut pas se battre contre cela, M. le ministre. Mais en
déréglementant, que va-t-il arriver aux gens qui font de la
rénovation, à un particulier qui veut avoir la compétence
et qui va demander des prix d'entrepreneur inscrit a la régie avec
licence? Ce type-là ne sera plus dans les prix, parce qu'il va y avoir
des gens à 4,55 $ ou à 6 $ qui vont lui faire concurrence.
À un moment donné, il va être obligé d'engager de la
main-d'oeuvre non compétente pour pouvoir concurrencer. Le consommateur
plus à l'aise qui veut avoir une qualité de son produit et une
assurance, il va avoir une dégénération de son
produit.
Alors, on n'est pas sûr que l'autre verset n'arrivera pas non
plus, que le type qui fait faire du travail au noir, vu que c'est
légalisé, décidera de commencer à déclarer
ses revenus, à payer de l'impôt, des taxes, une taxe d'affaires.
Son prix va monter. Finalement, le prix de l'entrepreneur va être
obligé de baisser. Le prix du marché au noir va monter. Le
consommateur ne sera pas servi parce que personne ne va avoir d'assurance, cela
va être, en anglais, un "free for ail". On n'est pas dans cela pour faire
un "free for ail", pas dans l'industrie de la construction. C'est assez
compliqué comme c'est là. Vous allez avoir des entrepreneurs qui
vont avoir deux systèmes de paie, M. le ministre. Ils vont avoir un
système de paie pour les gens qui font
de la rénovation et un système de paie pour les gens...
Mais qui va empêcher le type de mettre tous ses employés du
côté de la rénovation et ne plus faire de remise à
la CCQ et à l'ACEQ? Quand bien même vous auriez tous les
inspecteurs que vous voudriez, vous ne seriez pas capable de le contrôler
parce que vous venez de donner le véhicule parfait. Aujourd'hui, deux
systèmes de paie dans une compagnie de construction, c'est
compliqué. Cela ne peut pas se faire et les gens qui le font sont en
marge de la loi. Si vous donnez le véhicule légal de le faire,
vous allez ouvrir la porte à l'exagération.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. le Président, j'ai un problème.
J'aurais presque envie de demander au ministre... Vu que depuis le matin - ce
n'est pas contre vous pour tout de suite, ne soyez pas nerveux, M. le ministre
- ce qu'on entend, c'est ce qu'on pensait, que c'est un projet de loi qui n'a
pas grande allure, qui est plein de trous. C'est cela qu'on a entendu ce matin.
Là, j'aurais bien plus envie, M. le Président, d'interroger le
ministre que les intervenants.
M. Paradis (Brome-Missiquoi):...
M. Gendron: Oui, mais à la période des questions,
c'est difficile de questionner sur dix, douze interprétations qui
reviennent constamment. Très sérieusement, d'abord, merci
d'être venus. Votre mémoire illustre quoi? Votre mémoire
illustre que, dans le fond, très gentiment et très poliment, vous
dites au ministre: Écoutez, vous nous avez fait travailler pendant des
semaines, des mois sur différentes tables de travail pour
améliorer certains consensus qui s'étaient dégagés.
D'aucune façon on ne retrouve ces consensus-là. Bon. Je ne veux
pas y revenir. Ce n'est pas l'objet de la consultation, les consensus des
comités de travail. En tout cas, en ce qui me concerne, ce n'est pas
l'objet du projet de loi 31, mais vous avez bien fait de le faire remarquer.
Dans le fond, on ne peut pas questionner longtemps parce que vos
premières prémisses ou votre premier principe... Et cela ne veut
pas dire que vous n'avez pas raison de le marteler. Vous dites: Nous autres,
dans le fond, c'est une déréglementation qui a comme
conséquence de soustraire à la longue liste, dites-vous, de
certains secteurs qui ne sont pas couverts d'autres activités pour
lesquelles on trouve que cela peut avoir des conséquences importantes.
Au delà des mots, au delà de la définition de
rénovation, charpente et tout cela, vous l'avez dit d'ailleurs
très clairement dans votre première phrase - pas
nécessairement la première mais pas loin, juste une seconde -
vous dites: On ajoute les travaux de rénovation résidentielle
à la liste déjà longue des travaux auxquels la Loi sur les
relations du travail ne s'applique pas. Donc, si vous êtes des gens qui
pensez que la liste est déjà trop longue, c'est sûr que
quand bien même on discuterait des heures, est-ce qu'un peu, beaucoup,
passionnément, à la folie, en termes d'ajout... C'est normal. On
ne pourra pas s'étendre longtemps là-dessus. Vous dites qu'il y
en a déjà trop. Et on en ajoute. En particulier, contrairement
à la prétention du ministre... Quand il nous a cité
l'article de M. Francoeur, que j'ai lu, il parlait de peinture, finalement.
Fondamentalement ce que le ministre devrait retenir, c'est que cela finissait
par de la peinture.
Une voix:...
M. Gendron: Oui, oui, il parlait de peinture, à la fin.
Lisez l'article comme il faut. Tout cela pour repeindre quelque chose. Or, en
ce qui nous concerne, cela ne ferait pas de problèmes chez bien du monde
si, effectivement, on disait: Tu peux peinturer et avoir la paix, sans
nécessairement appeler un peintre pour une construction
résidentielle, à des fins personnelles. Et tout ceux qui sont
venus ici aujourd'hui nous ont dit la même chose: Quant à l'aspect
entretien et réparation, tous les intervenants d'aujourd'hui ont dit que
pour cela il n'y aurait pas de problème.
La première question que je vous pose puisque qu'il semblait y
avoir un très grand consensus... On ne veut rien savoir du projet de loi
dans sa forme actuelle et avec les faux principes qui ont été
véhiculés. C'est évident depuis le matin, mais, au moins,
pour ce qui est de l'entretien et des réparations... Parce que, par
définition, c'est mineur, ce n'est pas imposant, cela n'a pas
d'envergure. Alors, la question que je vous pose, même si je reconnais
que cela va à rencontre de votre premier principe parce que je demande
d'en retirer deux, soustraits, retires du décret de la construction: Si
on arrivait à s'entendre sur une compréhension uniforme du milieu
de ce que signifient les réparations et l'entretien régulier, ce
qu'on appelle dans le jargon la maintenance, pensez-vous qu'il y aurait le
même drame que vous laissez voir et avec raison, en ce qui me
concerne?
M. Morin: On est contre toute forme d'exclusion. C'est clair?
M. Gendron: Oui.
M. Morin: On l'a dit, on ne veut pas recommencer. Disons qu'on
accepte le projet de loi, contrairement peut-être... On ne dit pas que le
projet de loi devrait être mis aux poubelles. On accepte le projet de loi
parce qu'il parle de mettre des dents dans les lois actuelles. On n'est pas
contre cela. Cela fait longtemps qu'on se bat pour mettre... Mais on ne veut
pas que le projet
de loi s'inscrive dans une amorce morcelée du problème qui
existe dans l'industrie de la construction. Pour une fois, on voudrait qu'il y
ait quelque chose de global. Il y a eu des consensus et ces consensus-là
allaient très loin dans l'industrie de la construction. Alors, si le
ministre veut relire les consensus et revenir avec une proposition dans ce
sens-là, on sera heureux, premièrement, de participer et,
deuxièmement, de l'appuyer. Mais je ne peux pas dire qu'on est contre le
projet de loi. On ne peut pas être contre quelque chose qui va bonifier
et améliorer notre industrie.
M. Gendron: Mais écoutez, M. Morin, quand bien même
vous me diriez, je ne sais pas, il y avait un bel adjectif à la page
22...
M. Morin:...
M. Gendron: Non, mais c'est cela que vous êtes en train de
me dire. J'ai pris des notes. J'écoutais religieusement quand vous avez
présenté, et bien, en passant. Vous avez dit: La plus grande
lacune de ce projet de loi-là est qu'il ne touche pas du tout aux vrais
problèmes. Et je vous cite au texte, vous avez dit cela. Maintenant,
vous dites: Écoutez, je ne suis pas contre ce projet de loi, cela ne me
dérange pas... Une minute! Je ne peux concilier le fait que, aussi
clairement que cela vous disiez: Écoutez, cela ne répond pas aux
problèmes de la construction, d'une part. On pose très clairement
comme principe que, pour nous, toute autre exclusion va encore à
rencontre de certains échanges qu'on a eus, pour finir en disant: Parce
que sa plus grande... Vous avez ajouté, à un moment donné:
Son seul mérite - et encore là je suis sûr de vous citer au
texte - dans le fond, son seul mérite, c'est de suggérer un
renforcement des contrôles pour les vrais travailleurs de la
construction. De grâce, n'atténuez pas votre opposition
systématique à ce projet de loi! C'est ce que cela veut dire. (20
h 45)
M. Morin: On n'atténue pas l'objection. On ne peut pas
accepter le projet de loi dans sa forme actuelle. Il y a deux volets: le volet
déréglementation de la rénovation et de l'entretien et le
volet du renforcement des pénalités...
Une voix: Les contrôles.
M. Morin: Les contrôles. On est d'accord pour un volet,
mais on n'est pas d'accord pour l'autre. À ce moment-là, on ne
peut pas être d'accord avec le projet de loi, mais on est d'accord avec
les principes qui y sont véhiculés. On se dit:
Déréglementer, ce n'est pas enlever toute forme de
contrôle. Trop souvent, on a entendu les gens se référer au
rapport Scowen, mais, nous, on a toujours interprété le rapport
Scowen comme une déréglementation. Ce n'était pas de tout
sortir de l'industrie, c'était d'enlever des règlements pour
qu'à un moment donné un entrepreneur ait moins de
problèmes à effectuer des travaux dans notre industrie. Quand on
parle de déréglementer, il y a des parties. Ce qu'on fait, c'est
qu'on parle de déréglementation, mais, en fin de compte, on
ajoute des règlements ou on renforce certains règlements pour
qu'il y ait un meilleur contrôle.
M. Gendron: Vous convenez, M. Morin, que l'article majeur de ce
projet de loi, c'est le fameux article 4 qui dit que, dorénavant, a, b,
c et d, c'est assez, c'est exclu du décret de la construction. C'est
autour de cet os qu'on a prétendu éliminer le travail au noir,
à moins que je n'aie mal compris. Vous dites: On n'a aucune
espèce d'élément de preuve dans ce projet de loi qu'on va
éliminer quoi que ce soit de noir.
M. Morin: C'est vrai.
M. Gendron: Vous avez dit cela.
M. Morin: C'est vrai.
M. Gendron: Deuxièmement, vous avez dit: Non seulement on
n'atteint pas l'objectif premier qui était de réduire le travail
au noir, mais on va compliquer les affaires et on risque qu'il se fasse plus de
travail au noir.
M. Morin: C'est vrai.
M. Gendron: Est-ce que ce n'est pas écrit également
dans votre projet de loi?
M. Morin: C'est vrai.
M. Gendron: Troisièmement, vous dites, à la page 8,
et c'est là qu'était ma première... Cela ne me fait rien,
M. le président Morin, de vous laisser le reste de mon temps de parole
pour interroger le ministre à ma place sur les éléments de
la page 8. Depuis le matin, le ministre ne nous a donné aucune
indication. Je ne dis pas que cela presse; je ne dis pas que c'est urgent
d'avoir des indications là-dessus, mais je trouve que vous avez
posé les bonnes questions à la page 8 parce que c'est un peu
l'interprétation que tout le monde a faite du libellé même
du coeur ou de l'os de ce projet de loi 31. Quand vous dites: Où
s'arrêtent les fins personnelles d'une personne physique et où
deviennent-elles commerciales ou industrielles? La personne physique
propriétaire unique d'un douze logements l'est-elle à des fins
personnelles ou à des fins commerciales? Le ministre nous dit non, mais
ce n'est pas cela. C'est le projet de loi qu'il faut regarder. J'ai un
problème parce que tout le monde à qui j'en ai parlé a
posé les nnêmes questions jusqu'à présent. De deux
choses l'une: on sait tous pas lire, ou on est craintifs pour rien. Je pense
que c'est ni l'un ni l'autre. C'est toujours le même écart, je
l'ai toujours souligné,
entre de bons principes, de belles intentions, et un contenu de projet
de loi. La manière dont on le lit, cela veut dire... On avait même
fait la "joke" qu'on pourrait acheter le bunker, vous et moi, de l'autre bord,
le bunker de l'autre bord, et le transformer en logements. D'après ce
que j'ai lu, si je suis propriétaire unique, je peux faire faire des
transformations au bunker et rendre cela un peu plus utile par de l'habitation
à prix modique plutôt que...
M. Morin: Oui.
M. Gendron: ...quelque chose de spécial pour le premier
ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Morin: Je suis d'accord.
M. Gendron: Vous êtes d'accord.
M. Morin: Comme je vous le dis, on est complètement contre
l'exclusion de la réparation et de l'entretien du décret.
M. Gendron: M. Bonenfant, vous êtes directeur des affaires
juridiques?
M. Bonenfant: Oui.
M. Gendron: Donc, vous êtes avocat, probablement.
M. Bonenfant: Oui, c'est exact.
M. Gendron: Est-ce que vous partagez les prétentions de
votre président de l'Association de la construction de Montréal
et du Québec, à la page 8, concernant les...
M. Bonenfant: De a à z.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que vous voulez
perdre votre emploi?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bonenfant: Je les partage de a à z.
Le Président (M. Charbonneau): Vous venez de sauver votre
job.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bonenfant: En fait, la position fondamentale, c'est qu'il faut
préserver l'intégrité du système. Il ne faut pas
enlever un morceau du puzzle sans savoir ce qu'on va retrouver en enlevant ce
morceau ou quelles seront les conséquences dans d'autres secteurs du
fait qu'on enlève quelque chose qui paraît très simple
actuellement, mais qui a des conséquences beaucoup plus vastes, que l'on
voit, mais que des gens qui ne sont pas nécessairement familiers avec
l'industrie peuvent ne pas voir. Ce sont les craintes qu'on émet.
M. Gendron: D'après vous, au delà, encore
là, des mots et tout, si quelqu'un achète un édifice et
décide de !e rénover, comme cela a déjà
été le cas... Je suis très sérieux. Comme ministre
de l'OPDQ, j'ai eu à visiter, à un moment donné, tout
l'apport de la ville de Montréal concernant l'aménagement du
Vieux-Montréal, comme on l'appelle, dans un programme de
rénovation urbaine accéléré. Je peux vous dire
sincèrement que j'ai vu là des constructions qui, en termes de
valeur foncière, sont passées de quelque 50 000 $ ou 60 000 $
à 300 000 $ et 350 000 $. Mais partout sur le permis, ce n'était
pas écrit construction, c'était écrit rénovation.
Rénovation de tel immeuble rue Outremont, par exemple.
Une voix: Juste résidentiel.
M. Gendron: Mais oui, je suis dans le résidentiel, Mme la
députée. C'est ce que le projet de loi permet en disant:
Dorénavant, on sort la rénovation résidentielle du
décret. À des fins personnelles, je le sais. Mon chef de cabinet,
dans le temps que j'en avais un, avait une maison à Outremont...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Ses "chums" restaient dans le coin.
Une voix: Est-ce qu'il est encore là?
M. Gendron: Sérieusement, il avait une maison là et
il l'a fait rénover. Alors, selon ce que je lis dans le projet de loi,
et c'est ce que tous les gens sont venus nous dire depuis ce matin, on veut
soustraire ce champ à l'application du décret. Là, on
n'est plus dans la peinture de M. Francoeur et on n'est plus dans le fameux
deux-par-six ou deux-par-huit du perron défoncé qu'il faut
remplacer. On est vraiment dans des coûts et les intervenants sont venus
nous dire que le coût moyen de la rénovation était
passablement dispendieux.
Là-dessus, et c'est une autre question que je veux vous poser.
Est-ce que vous avez quelques chiffres sur le coût moyen d'une
rénovation, par contrat - juste pour bien me faire comprendre - avec un
entrepreneur plutôt que par unité de logement et tout ça?
Vous n'avez pas de chiffres là-dessus?
M. Morin: On ne peut pas avoir de chiffres. On se plaît
à dire que des pourcentages effrayants de travaux se font au noir.
Comment peut-on faire une moyenne de la valeur des contrats quand on ne sait
même pas où les contrats se font?
M. Gendron: Je comprends, mais vous conviendrez - et ce n'est pas
contre vous que je dis ça - que cela devient quand même un peu
trop facile, parce que, que je sache, tout n'est pas au noir. Donc, on doit
sûrement avoir quelques données à partir desquelles on
pourrait faire des projections.
M. Morin: Mais nous...
M. Gendron: Juste une seconde! Il y a sûrement des
entrepreneurs au Québec, puisque vous êtes dans le domaine, qui
ont quelques données statistiques et qui pourraient dire: En moyenne,
durant les trois dernières années, la rénovation d'un
bungalow ou d'un duplex coûtait, je ne sais pas, 32 000 $ ou 18 000 $. Ce
sont des exemples. C'est sûrement cela un peu, même si je reconnais
qu'il y en a beaucoup trop qui se fait au noir.
Je termine sur ce premier volet de questions. Dans la même
foulée, parce que je trouve que c'est connexe, je ne voudrais pas faire
erreur, mais, à ma connaissance, le ministre a dit: Le noir est de plus
en plus noir selon la gradation suivante: construction mais en ce qui regarde
la rénovation domaines domiciliaire et commercial. On se comprend bien
et il me semble que vous avez confirmé que, là où il y
avait plus de travail au noir, c'était dans le domaine commercial...
M. Morin: Non. Non, non. C'est le contraire.
M. Gendron: Oui, mais une gradation ne peut pas être
à l'envers.
M. Morin: II est parti par l'autre côté.
M. Gendron: D'accord. Donc, la prétention du ministre...
Juste une minute. La prétention du ministre, confirmée par vous
qui êtes dans le domaine, c'est que là où il y aurait le
plus de travail au noir, c'est dans le secteur de la rénovation.
M. Morin: Disons que, quand on parle de gradation, si elle est
noir foncé ou noir pâle, c'est noir quand même. Vous pouvez
parler de la rénovation et du résidentiel à peu
près dans le même souffle. Il y en a moins quand on arrive dans le
commercial ou dans l'industriel parce que, là, la plupart du temps, ce
sont des contrats de plus grande envergure et il y a souvent des soumissions
publiques ou des offres sur invitation. Il y a plusieurs entrepreneurs, alors
les contrats sont connus. Ce n'est pas la même chose.
M. Mallette (Pierre): Maintenant, M. le député,
vous avez soulevé plusieurs questions intéressantes que nous
partageons avec vous et plusieurs autres aussi. La question la plus
fondamentale que l'on se pose est la suivante: Si l'on exclut le domaine de la
rénovation du décret - M. le ministre mentionnait lui-même
tantôt qu'à un certain moment il devrait aller vers la
qualification professionnelle et vers d'autres structures de contrôle de
cette industrie - à l'intérieur même des structures
actuelles, n'y a-t-il pas moyen de poursuivre les conversations qui se sont
déjà engagées depuis un an et qui sont
intéressantes quant aux avenues déjà envisagées et
de modifier ces structures de manière qu'elles deviennent souples dans
des secteurs particuliers où la rigidité actuelle n'en permet pas
l'application? C'est la question fondamentale sur laquelle nous nous
interrogeons.
M. Gendron: J'aurais une dernière question en ce qui me
concerne pour compléter mon temps de parole. Dans la perspective
où le ministre décide de procéder, et il ne faudra pas
s'en surprendre, tel quel et qu'il maintienne, dans son projet de loi
l'ouverture, à savoir que... Et il l'a dit encore tantôt, il a
dit: Dans le fond, on est quand même gentils parce qu'on va permettre
que, d'une façon volontaire, ceux qui vont être exclus du
décret de la construction, mais qui voudront obtenir une formation
additionnelle, complémentaire, une formation professionnelle
adéquate pour rester compétents en dehors du champ de la
construction, aient la possibilité d'obtenir une formation
professionnelle.
La question que je vous pose, parce que vous connaissez le secteur, vous
êtes dans le domaine, c'est: Pensez-vous véritablement que des
gens qui obtiendraient cette espèce de bénédiction papale
de se retirer du champ de la construction parce qu'ils font du travail au noir
et qu'on veut les consacrer ad infinitum, pensez-vous que ces gens seraient
preneurs concernant l'offre de formation professionnelle que leur fait le
ministre dans le projet de loi?
M. Morin: M. le député, on a assez de
problèmes à l'heure actuelle. Seulement pour mettre en vigueur
notre programme de formation dans l'industrie de la construction, ça
prend le bon vouloir de la partie patronale et syndicale du ministère de
l'Éducation, et j'en passe. Alors, si tous ces gens ont de la
misère aujourd'hui, vous pouvez vous imaginer des gens qui n'ont aucune
règle, rien à perdre n'ont rien à en foutre d'avoir un
complément à leur éducation. Moi, le système de
formation parallèle, je n'y crois pas du tout. Qu'on mette en vigueur
notre système qui est le système des vrais bâtisseurs dans
l'industrie. Quand on sera fort, il y aura assez de main-d'oeuvre pour que tout
le monde puisse travailler adéquatement.
M. Gendron: Une dernière question parce qu'on m'a dit que
j'avais le temps. On m'a envoyé un papier, il me reste deux minutes.
À la page 8 de votre mémoire, vous indiquez que vous
avez peur qu'à un moment donné les annexes, les connexes
et le garage deviennent plus importants que la bâtisse principale.
À partir de quoi faites-vous une déduction comme celle-là?
Qu'est-ce qui vous permet de déduire cela du projet de loi?
M. Morin: C'est une question qu'on se pose comme vous quand vous
parliez de votre bunker. Que ce soit une annexe ou la rénovation du
bunker, on se pose la question, à savoir qu'est-ce que le type va
greffer. Le type a-t-il un bâtiment d'un étage auquel il va
ajouter deux étages? À un moment donné, cela devient
presque une construction neuve. Le projet de rénovation va
dépasser de deux et trois fois la valeur, comme vous l'avez
mentionné pour le Vieux-Montréal. Des édifices de 50 000 $
en valent 350 000 $ ou 400 000 $ après rénovation. Ce sont des
contrats de construction. Ce n'est plus de la rénovation, mais c'est
appelé rénovation.
M. Gendron: Je vous remercie et vous me confirmez qu'à la
page 8 il y a une série de questions davantage pour le ministre que pour
moi et pour vous. En conséquence, ce serait intéressant que le
ministre y réponde par son projet de loi plutôt que par
communiqué.
M. Morin: En ce qui vous concerne, M. le député, on
espère que vous vous servirez de cela pour le questionner en
Chambre.
Le Président (M. Charbonneau): Très bien.
M. Gendron: S'il était moins préoccupé par
la Main-d'oeuvre et la Sécurité du revenu, il ferait un peu de
Travail, mais il est pris.
Le Président (M. Charbonneau): Entretemps, il y a un
député qui va avoir une discussion de famille avec son cousin.
(21 heures)
M. Théorêt: M. Morin, vous avez mentionné
que, pour votre association, le projet de loi avait deux volets: un sur le
resserrement des contrôles et des amendes et un, également sur la
déréglementation. Vous avez mentionné également que
pour vous le décloisonnement dans le secteur de la construction
était en soi un objectif louable et souhaitable. À la page 5 de
votre mémoire, vous dites - et c'est là que votre plus grande
inquiétude semble se manifester - au troisième paragraphe: "II
faut craindre, cependant, que le projet de loi, s'il était adopté
tel quel, ait aussi des effets secondaires importants il pourrait, en effet, en
résulter une déstabilisation grave du marché pour les
vraies entreprises, dont une partie ou même la totalité du volume
serait du jour au lendemain exclue de l'autorité de la Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction."
Je pense bien que tout le monde s'accorde pour dire que le marché
au noir, M. Morin, se passe dans le secteur résidentiel. Ce n'est pas
beaucoup dans le secteur commercial ou industriel. Ce marché-là,
vos représentants ne l'ont pas en ce moment. Ils ne travaillent pas dans
ce marché qui se fait actuellement au noir. S'ils y travaillent, en tout
cas, ils ne devraient pas. En quoi, d'après vous - c'est cela qui est
important pour nous informer et nous éclairer - le projet de loi 31
ferait-il perdre à certaines entreprises leur volume total, s'il
était adopté tel quel? Si vous voulez seulement prendre notre de
la question, je vais vous poser immédiatement la deuxième parce
que mon président va me couper la parole, mon temps étant
écoulé.
Votre autre grande inquiétude, et je suis d'accord avec le
critique de l'Opposition sur le fait que vous nous posez des questions.
À la page 8, vous dites: Où s'arrêtent les fins
personnelles d'une personne physique et où deviennent-elles commerciales
ou industrielles? Or, dans le projet de loi, quand on dit, M. Morin: "9°
aux travaux suivants exécutés aux fins personnelles autres que
commerciales ou industrielles d'une personne physique", est-ce qu'il n'est pas
clair dans votre esprit qu'un propriétaire unique d'une
résidence, par exemple, ne pourrait pas convertir cela en un commerce ou
une manufacture? Est-ce que c'est ce texte qui n'est pas clair à ce
sujet? Est-ce que vous auriez des recommandations quant au libellé qui
pourrait sécuriser encore plus ce qu'on veut dire par "fins
personnelles"?
M. Morin: Je vais répondre à vos deux questions. La
première, c'est que le volume de rénovation dont vous parlez est
peut-être dur à quantifier, mais, on l'a dit au début, vous
ouvrez la porte à deux systèmes: un système de
rénovation, payé à un salaire de construction moins x, et
le salaire de la rénovation commerciale et industrielle, et même
de la construction neuve, payé au taux du décret. Alors, avec
cela, vous causez déjà un problème.
Deuxième chose, c'est qu'il y a un paquet de rénovations.
Quand on parle de chiffres, c'est compliqué. Quand on parle des
rénovations et qu'on prend un bâtiment de 50 000 $, que l'on vide
complètement et dont on refait tout l'intérieur, la valeur du
bâtiment dépasse alors les 300 000 $ ou 400 000 $; ce n'est donc
plus une rénovation artisanale dont on a besoin. On a réellement
besoin d'entrepreneurs de l'industrie pour faire des travaux comme cela. Il y
en a une foule de contrats comme cela.
Quand on parle de personne physique, je ne voudrais pas me substituer au
département juridique du gouvernement ni à nos procureurs au sein
de notre association, mais on a peur d'une définition qui ne soit pas
contrôlée. Premièrement, un propriétaire
privé d'un immeuble de 16 logements va-t-il devenir, à un moment
donné, propriétaire à des fins commerciales ou à
des fins uniques? Deuxièmement, pourquoi vous aiderais-je à
trouver une définition quand on
veut absolument l'enlever de là? Je pense que vous avez
joué le tour à tout le monde depuis le début. Vous
demandez toujours la définition. Nous, on s'oppose. Alors, pourquoi vous
aiderait-on à trouver une définition de quelque chose auquel on
s'oppose? Quand vous trouverez quelque chose avec lequel on sera d'accord, on
vous aidera avec plaisir.
Le Président (M. Charbonneau): Sur cette réponse
claire, nous allons mettre fin à votre comparution devant nous. Nous
vous remercions d'avoir participé aux travaux de notre commission et
vous souhaitons un bon retour.
J'avise les membres de la commission que le Syndicat de la construction
de la Côte-Nord et de Sept-îles qui devait comparaître ce
soir s'est désisté. Nous allons donc maintenant ajourner les
travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 6)