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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Tuesday, May 24, 1988 - Vol. 30 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le projet de loi 31 - Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre


Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Théorêt): La commission de l'économie et du travail se réunit pour procéder à des consultations particulières sur le projet de loi 31, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement pour cette séance.

Le Président (M. Théorêt): Je vais vous lire l'ordre du jour qui a été amendé. Je vous demanderai de l'adopter après coup. Donc, pour aujourd'hui, mardi 24 mai, nous aurons les remarques préliminaires du ministre, M. Paradis, et du critique officiel de l'Opposition, M. Gen-dron. Après quoi, nous entendrons les membres de la Commission de la construction du Québec, les membres du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International), la Corporation des maîtres électriciens du Québec, les membres de la Confédération des syndicats nationaux (CSN-Construction), la Fédération de la construction du Québec, l'Association de la construction de Montréal et du Québec et, à 21 heures ce soir, le Syndicat de la construction de la Côte-Nord et de Sept-Îles inc. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Théorêt): Je vous rappelle que le temps prévu pour la déclaration d'ouverture du ministre et celle du critique de l'Opposition est de quinze minutes chacun. Le temps prévu pour la présentation des mémoires pour chaque organisme est d'une heure, c'est-à-dire vingt minutes pour la présentation, vingt minutes pour discussion avec le côté ministériel et vingt minutes avec les représentants de l'Opposition.

Ceci dit, je cède immédiatement la parole au ministre.

Remarques préliminaires M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci, M. le Président. Nous sommes réunis ici aujourd'hui, comme vous l'avez indiqué, afin de tenir des auditions publiques sur le projet de loi 31, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre.

Je débuterai d'abord mon intervention en vous rappelant les objectifs visés par cette commission parlementaire. Premièrement, il nous apparaît important de donner l'occasion aux différents intervenants de contribuer activement aux discussions sur le projet de loi 31. Au cours de ces trois journées, nous écouterons attentivement et nous accorderons une attention spéciale aux suggestions qui seront proposées et qui contribueront à la réalisation des grands principes de ce projet de loi. Ensuite, comme second objectif, nous voulons permettre un échange d'informations, de connaissances et d'expertise afin que le projet de loi puisse, le plus possible, répondre aux attentes des parties impliquées directement et de la population du Québec.

Avant d'aborder les différents objectifs visés par ce projet de loi, permettez-moi, M. le Président, de vous tracer un bref historique qui permettra, je l'espère, d'expliquer les motifs qui nous incitent à présenter le projet de loi 31 à l'Assemblée nationale du Québec. On se rappellera qu'en 1968 le gouvernement d'alors adoptait le projet de loi 290, intitulé Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. Cette loi, bien qu'elle ait été justifiée, entraînait de sérieux problèmes d'application dans les secteurs des rénovations et des réparations résidentielles. En 1979, le gouvernement du Parti québécois adoptait le projet de loi 110 qui introduisait la notion d'artisan afin, disait-il, de permettre aux consommateurs de pouvoir faire effectuer des travaux à des coûts abordables, de reconnaître une pratique courante dans le domaine de la rénovation résidentielle et de permettre à une main-d'oeuvre compétente de pouvoir continuer d'oeuvrer dans cette industrie, surtout en régions éloignées. Or, encore là, la réglementation de l'industrie de la construction dans le secteur résidentiel a eu des conséquences négatives sur les consommateurs et sur l'ensemble de l'industrie de la construction.

D'abord, cette réglementation appliquée au consommateur, propriétaire ou locataire d'une résidence, qui veut quelques rénovations, y compris l'entretien, les réparations et les modifications lui causent un certain nombre de problèmes tels que des coûts souvent inabordables. Est-il nécessaire de préciser que, pour le consommateur qui veut faire peindre sa maison, le coût horaire moyen que l'employeur doit verser au salarié peintre se situait à 37,27 $ l'heure en 1987, alors que le taux horaire moyen pour l'ensemble des travailleurs, indépendamment du secteur où ils oeuvrent, était de 11,03 $ pour la même période?

D'autre part, la réglementation et la législation ont rendu difficiles et, dans certains cas, pratiquement impossibles la gestion et la

planification des travaux par le consommateur lui-même. Comment peut-on obliger un consommateur, tout en demeurant logique et réaliste, à avoir recours à sept travailleurs différents qui exercent sept métiers différents pour l'installation d'une hotte dans sa cuisine? Il est évident que cet exemple - et bien d'autres que je ne peux citer ici présentement faute de temps - montre à quel point le système est aberrant et ne favorise en rien le respect intégral des lois, des règlements et du décret régissant le secteur de la construction.

Par ailleurs, pour le consommateur qui est conscient qu'il existe autour de lui un bassin de main-d'oeuvre qu'il estime compétente pour exécuter ses travaux de rénovation, il lui apparaît inconcevable que la présente réglementation ne lui permette pas d'embaucher le travailleur en qui il a confiance.

Enfin, il est parfois regrettable que le consommateur pense qu'il n'a droit à aucun recours. Cette situation d'illégalité a pour effet de le décourager à intenter d'éventuelles poursuites. Donc, face à cette situation qui peut se résumer à des coûts inabordables, à une complexité des règles relatives à la gestion et à la planification des travaux ainsi qu'à l'impossibilité d'embaucher la personne de son choix pour l'exécution de travaux de réparation ou de rénovation, le consommateur se réfugie dans la clandestinité. De là, la prolifération du travail au noir.

D'ailleurs, tous les intervenants de l'industrie, sans exception, déplorent le phénomène du travail au noir qui n'a cessé de croître ces dernières années. Bien qu'il soit difficile d'évaluer l'étendue réelle de ce fléau, le travail au noir n'étant pas rapporté par définition, des études révèlent que près de 25 % des heures travaillées dans l'ensemble de l'industrie de la construction n'ont pas été rapportées à la Commission de la construction du Québec.

En se référant à la dernière année complète, soit 1987, 104 900 000 heures travaillées ont été rapportées à la CCQ, ce qui signifie, selon les estimations, que 26 225 000 heures supplémentaires auraient été travaillées au noir dans l'industrie, dans son ensemble. Pour le secteur résidentiel, construction neuve et rénovation, les mêmes études indiquent que ces mêmes heures non déclarées atteindraient 40 % des heures travaillées et rapportées.

Sensibilisés sur ces données qui traduisent selon nous un véritable malaise dans l'industrie de la construction, nous nous devons d'agir. Pour ce faire, deux possibilités s'offrent à nous pour diminuer et, idéalement, mettre fin au travail au noir: renforcer les contrôles en vue de faire respecter la réglementation, ce qui impliquerait autant d'inspecteurs qu'il y a de résidences susceptibles d'être rénovées, ou alléger la réglementation en vue de permettre un ajustement conforme aux besoins ressentis par les consommateurs et l'industrie de la construction.

Considérant le fait que le travail au noir est le propre de la réglementation et que, plus celle-ci ne correspond pas aux réalités économiques, plus les tendances à la contourner sont fortes, et ce, très souvent dans la clandestinité, le gouvernement choisit donc de s'attaquer à la source du travail au noir dans le secteur de la rénovation résidentielle, en proposant l'adoption du projet de loi 31. Ainsi, ce projet de loi vise à normaliser la réglementation dans ce secteur de l'industrie de la construction, dans le but de l'adapter aux réalités du marché. En excluant du champ d'application du décret les travaux d'entretien, de réparation, de rénovation ou de modification effectués dans le secteur résidentiel pour le compte d'une personne physique à des fins personnelles, nous permettrons à des milliers de propriétaires et d'ouvriers d'effectuer au grand jour ce qu'ils étaient contraints de faire dans l'illégalité.

Signalons cependant que le projet de loi 31 prévoit que le certificat de compétence sera toujours exigé pour les travailleurs qui exécuteront des travaux qui mettent en cause la sécurité du public, notamment les travaux d'électricité, de plomberie et de charpente.

Par ailleurs, de nouveaux programmes volontaires de formation professionnelle seront également instaurés à l'égard des métiers et des professions dont l'exercice ne sera plus réglementé.

Parallèlement aux mesures d'exclusion du champ d'application, les modifications viseront à resserrer les contrôles sur les travaux de construction effectués dans les autres secteurs. En effet, afin de contrôler l'ensemble des travaux de construction qui demeurent assujettis à la loi, la Commission de la construction du Québec verra ses pouvoirs d'inspection accrus. De plus, les pénalités imposées aux contrevenants seront substantiellement augmentées.

Nous sommes d'avis que le projet de loi 31 aura des répercussions positives pour le consommateur, pour le travailleur et pour l'industrie dans son ensemble. Pour le consommateur, le projet de loi 31 lui permettra d'obtenir des services à meilleurs coûts, qui correspondent davantage à sa capacité de payer, d'avoir la possibilité de confier ses travaux de rénovation à la personne ou à l'entreprise de son choix, de sortir de la clandestinité et de l'illégalité, d'obtenir une meilleure garantie de travaux de qualité, parce que faits au grand jour, et de faciliter une meilleure protection en cas de mauvaise exécution, parce que les recours seront désormais possibles, les travaux étant légalisés.

Quant au travailleur, nous croyons que ce projet de loi lui sera bénéfique. Pensons, notamment, que ces travailleurs qui oeuvraient clans l'illégalité pourront dorénavant avoir la possibilité, comme la plupart des travailleurs, d'avoir accès à des régimes de protection comme la CSST, la Régie des rentes du Québec ou l'as-surance-chômage. D'autre part, le travailleur aura

la possibilité d'affirmer son expérience dans le domaine de la rénovation résidentielle et d'avoir accès, au même titre que les autres travailleurs de la construction, à de la formation.

Enfin, pour l'industrie dans son ensemble, le projet de loi permettra de fournir une meilleure réponse aux demandes du marché, de développer dans la légalité, face à l'industrie, un secteur d'activité économique et d'encourager une main-d'oeuvre polyvalente. Nous sommes conscients que le texte législatif peut comporter quelques imperfections. Comme nous l'avons toujours fait dans le passé, nous abordons cette commission parlementaire avec une ouverture certaine aux ajustements qui bonifieront le projet de loi 31. Cependant, nous croyons que nous devons poursuivre dans la voie qui nous conduira à légaliser une situation de fart.

Comme le résumait M. Jean Francoeur, du quotidien Le Devoir, le 11 mai dernier, et je cite: "En adoptant ce projet de loi, l'Assemblée nationale mettra fin à une immense hypocrisie sociale. Il est de commune renommée que le secteur des travaux à domicile est le terrain de prédilection du travail au noir. Dans son état actuel, la loi est absolument inapplicable. Il faudrait lâcher sur tout le territoire des divisions entières d'inspecteurs qui iraient frapper à toutes les portes. En outre, pourquoi appréhender de braves travailleurs pour les traduire devant des juges qui, la veille, ont fait repeindre leur appartement à un coût bien inférieur à celui du décret, 31,27 $."

En terminant, je tiens à remercier les députés, qui sauront, j'en suis sûr, participer de façon positive aux discussions qui s'amorceront dans quelques minutes. Je profite également de l'occasion pour remercier les intervenants qui viendront nous expliquer leurs opinions sur le projet de loi. Je suis confiant que nous travaillerons à l'amélioration des règles régissant l'industrie de la construction, afin qu'elles répondent plus que jamais à la réalité et aux attentes de la population et de nos constructeurs du Québec. Comme l'écrivait M. Claude Bruneau, dans un éditorial paru le 12 mai 1988 dans le quotidien Le Nouvelliste: "II est temps que clouer un planche redevienne un geste à la portée du monde ordinaire." Merci beaucoup.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député d'Abitibi-Ouest et critique officiel de l'Opposition.

M. François Gendron

M. Gendron: M. le Président, je voudrais très rapidement m'excuser pour les quelques minutes de retard. Ce n'est pas mon habitude, mais j'avais une contrainte ce matin.

Je viens d'entendre le ministre du Travail. Je suis très heureux de l'avoir entendu. Je pense qu'il n'y a pas de problème dans ses premiers commentaires, soit qu'on doit avoir comme objectif visé par cette commission que les discussions contribuent le plus possible, d'une part, à éclairer les parlementaires, y compris le ministre, sur ce qui se passe véritablement dans le domaine de la construction et, d'autre part, permettent qu'on ait l'occasion d'échanger des propos avec des experts, entre guillemets, sans "péjorativer" votre expertise, mais des gens qui ont développé au fil des ans une expertise dans le secteur de la construction. Je pense que ce sont des objectifs que je partage.

Dans l'exposé du ministre, il y a également un bref historique sur toute l'histoire de la construction, où, parce que je vais être très court là-dessus, il en arrive à conclure que, oui, il y a un problème dans le secteur de la construction eu égard au travail dit noir que j'expliciterai un peu plus, et qu'en conséquence il y a lieu de revoir les règles qui nous régissent si on veut baliser davantage. Je pense qu'il n'y a pas de problème à vivre avec cela. Quant aux effets bénéfiques du projet de loi 31, on va en parler plus longuement parce que je n'en suis pas convaincu à ce moment-ci, surtout pour ce qui est des travailleurs. Les consommateurs, c'est une autre chose; c'est uniquement sous l'angle du moindre coût, mais il y a d'autres aspects à considérer dans le secteur de la construction.

Mes remarques plus personnelles, c'est que, bien sûr, la commission de l'économie et du travail est convoquée aujourd'hui pour procéder à ce qu'on appelle communément dans le jargon des consultations particulières. À l'ouverture des travaux, mon premier commentaire sur cet aspect-là sera pour souligner encore une fois que le ministre du Travail a la mauvaise habitude de nous arriver avec des projets de loi dans le domaine du travail toujours à la dernière minute, un petit peu à la sauvette, à la vapeur. On dirait qu'il aime avoir le sentiment de bousculer les intervenants parce que c'est compliqué et que, si on donnait plus de temps, cela pourrait être dangereux. Je pense qu'il faut être conscients de cela et je comprends que c'est plus à moi qu'à lui de faire une remarque comme celle-là.

Deuxièmement, le projet de loi a été déposé assez récemment, à la surprise générale, le 10 mai dernier, deux jours avant la date limite du dépôt des projets de loi pour adoption avant la fin de la session. Selon les vérifications qu'on a faites - bien sûr, on n'a pas tous les moyens du ministère et du ministre - il n'y a pas beaucoup de gens qui nous confirment qu'ils ont été vraiment consultés sur ce projet de loi, et on est dans un domaine fragile. À tout le moins, on peut en convenir. (10 h 30)

Troisièmement, on fait aujourd'hui des audiences et on demande aux parlementaires d'être très participants. À la fin, le ministre souhaitait que les parlementaires collaborent étroitement à la bonification du projet de loi et ainsi de suite, et on a été placé dans une espèce de carcan administratif. On n'a pas d'outils. J'ai

eu l'occasion de voir un mémoire quelques minutes avant la commission. Il me semble que, si on veut que les parlementaires passent moins de temps dans d'autres occupations que dans ce qui nous concerne, cela aurait été intéressant de pouvoir avoir les mémoires au préalable. Là, je ne peux pas blâmer les intéressés. Les consultations particulières ont lieu aujourd'hui, le 24 mai, soit deux semaines après le dépôt du projet de loi.

Manifestement, n'importe qui va prétendre qu'il s'agit d'un délai bien trop court. Comment voulez-vous... Là, j'élimine les délais d'envoi et tout cela. Mais deux semaines, le temps que cela arrive et le temps qu'on s'y mette, il ne reste que quelque jours pour préparer le mémoire, et il arrive ce qui arrive: on va en prendre connaissance au moment où vous allez nous le lire. Est-ce que cela nous permet de faire un travail efficace, vraiment de pointe, un bon questionnement et de nous assurer qu'on ait les bons éléments de critique pour profiter de votre expertise? Au moins, encore là, pour la frime, on va peut-être donner l'impression qu'on est bien connaissants et qu'on a tous eu ces informations. Mais ce n'est pas le cas. En ce qui concerne les consultations particulières, normalement, on a l'occasion de prendre connaissance des mémoires au préalable.

Qu'est-ce qu'on constate? On constate là une habitude classique du ministre du Travail. On l'a vu, dans le projet de loi 30 concernant la Commission des relations du travail, procéder à la dernière minute. Il s'est essayé au printemps 1987 et cela n'a pas marché à cause d'une levée de boucliers. On dirait que, parfois, il souhaite cela pour être capable de bonifier son projet de loi, comme si cela prenait une levée de boucliers pour bonifier un projet de loi.

En juin 1987, il a reculé et on n'était plus censé entendre parler de cela. Imaginez, on en a entendu parler quelques jours avant la fin de la session. En décembre 1987, le ministre revenait à la charge, pas trois semaines, pas un mois, pas deux mois avant, même si on s'est ennuyé sur le plan de la session parlementaire, parce que ce n'est pas un gouvernement qui légifère trop dans des lois utiles, même s'il a pris des engagements pour le faire. La loi concernant la Régie des rentes et les femmes au foyer, on n'a pas eu cela comme dépôt, on ne connaît pas cela, on n'a pas vu cela encore. En décembre, deux jours avant, il s'essaie encore et, à la fin de la session, il force l'adoption de son projet de loi. Je pense que ce sont des remarques que je dois faire. L'examen du projet de loi 31 commence un peu mal quand on souhaite une collaboration très étroite. Nous allons tout mettre en oeuvre pour regarder cela sérieusement, parce que c'est sérieux, ce projet de loi. C'est sérieux, et le ministre a raison là-dessus, il touche au moins une question qui est problématique depuis plusieurs années. Je ne dis pas qu'on n'aura pas à discuter la façon dont il le fait. Mais est-ce qu'il s'attaque à une problématique qui est réelle? Je pense que oui; je pense que c'est réel. Mais pas à la vapeur, comme il le fait.

Quels sont les véritables buts du ministre? Il est peut-être important de vous dire ce que je perçois. Le projet de loi 31, d'abord, c'est un projet de loi court. Ce n'est pas un projet de loi volumineux. Ce n'est pas un projet de loi de quelque 600 articles; il y en a 19. Il est assez facile d'en comprendre la mécanique. Pour quelqu'un qui sait lire un projet de loi, c'est assez facile à comprendre. Mais il est beaucoup plus difficile de comprendre ce que veut véritablement le ministre du Travail et, encore là, de faire la relation entre l'objectif contenu dans les notes explicatives et le libellé de certains articles qui sont flous, mal définis. On ne sait pas jusqu'où cela va aller, et j'en parlerai plus longuement au moment approprié.

Le véritable objectif du ministre, dans tous ses propos, depuis le dépôt du projet de loi, l'élément qui est constamment revenu dans la bouche du ministre et du gouvernement, c'est le travail au noir. On n'a entendu, globalement, que cette affaire-là. Je ne peux pas prétendre tout de suite - j'essaierai de le démontrer - que c'est carrément trompeur. Mais, à tout le moins, cela traduit une perception très tronquée de la réalité du secteur résidentiel de la construction, très tronquée parce qu'en fait on a dit; Ce projet de loi va régler le travail au noir. Il va légaliser le travail au noir. Ce n'est pas parce qu'on légalise quelque chose qu'on a réglé le fond de l'affaire. Dans la dimension du travail au noir, pour bien du monde, ce n'est pas juste travailler au noir, c'est travailler sans absence de revenus pour l'État. Est-ce qu'on va corriger cela? Je dis non, pas du tout; on ne corrigera pas du tout. C'est une des dimensions, en tout cas, dans l'opinion des gens quand on parle du travail au noir. On demande aux gens: Cela veut dire quoi, travailler au noir? Des gens qui vont dire: Cela veut dire travailler sans être obligé de payer de l'impôt sur les gains que l'on fait par son travail, sa production de travail. C'est cela, une des notions du travail au noir.

Il y a deux aspects du travail au noir. Le premier concerne les individus qui travaillent dans la construction sans carte de qualification ou, encore, qui travaillent en dessous des règles salariales prévues au décret de la construction. C'est une dimension qu'on connaît. L'autre aspect du travail au noir concerne les individus qui ne déclarent pas de revenus au ministère du Revenu. Il y a un ministre qui s'ennuierait si personne ne déclarait ses revenus. Entre autres, "la job" du ministre du Revenu est de percevoir. Cette dimension n'est pas abordée du tout. Donc, c'est une partie des citoyens qui ne paient pas et qui ne paieront pas, avec ce projet de loi, leur juste part d'impôt.

Sur le deuxième point que je viens d'indiquer, il est clair, quoi qu'en dise le ministre, que son projet de loi ne règle rien. Encore là, il

y a toujours deux projets de loi. Il y a celui qu'il dépose et celui qu'il nous présentera après le tollé de protestations de tout le monde. Je ne le sais pas. Je ne connais pas le contenu de ses valises. Je ne sais pas à quel moment il va nous arriver avec le bon projet de loi. Mais celui qu'on a sur l'aspect du travail au noir pour le second volet ne corrige absolument rien.

Ce qui semble certain, c'est que son projet de loi amènera des baisses extraordinaires de salaires. J'ai de la difficulté à concevoir comment les baisses de salaires vont amener les travailleurs à déclarer le peu de revenus qu'il leur restera. Le type va travailler à moins cher et il va le déclarer parce qu'on aura sorti un pan complet du champ de la construction! Là-dessus, encore là, il va falloir y revenir parce que c'est quoi de la "rénove"? De la rénovation, j'entends. Quand on peut améliorer, changer, transformer, modifier, grossir, etc.? À un moment donné, ce sera la construction résidentielle... Si c'est votre objectif, pourquoi ne pas le dire franchement? Là-dessus, on pourrait discuter. Votre objectif est-il: La construction domiciliaire ne fait plus partie du secteur de la construction? Si c'est ce que vous voulez, il faudrait le dire franchement. Il ne faudrait pas patiner et dire qu'on sort la "rénove", et, à un moment donné, c'est plus large que la rénovation et ainsi de suite, mais on aura l'occasion de le définir.

Je disais donc que j'ai de la difficulté à concevoir comment des baisses de salaires vont amener des travailleurs à déclarer le peu de revenus qu'il leur restera. Au contraire. Ma plus grande crainte est le fait que de faire sauter le décret et le certificat de qualification va ramener dans la construction des individus qu'on n'avait pas vus depuis longtemps, des profs en vacances - je n'ai rien contre cela - mais on avait quand même réglé cela, des pompiers, des policiers, etc. Mais les pompiers et les policiers, ce n'est pas moi qui ai inventé cela. Je connais le domaine seulement un peu. Je vais faire un aparté. J'ai un de mes frères qui gagne sa vie dans la construction depuis 22 ans. On a déjà prétendu, sur toute la question des cartes, etc., que c'est un régime de fou; pas pour lui en tout cas. Quand on lui parle de cela, il dit: Depuis qu'on avait cela, j'avais "ma job". Je ne voyais pas, lors de la construction du stade, un paquet de gens que je ne connaissais pas. Cela fait 22 ans qu'il est dans la construction et c'est drôle que, par hasard, durant les vacances d'été, avant notre législation au Québec, il y avait toujours un paquet de monde qu'il voyait dans la construction et qu'il ne voyait pas en d'autres temps. Qui étaient ces gens-là? C'étaient des pompiers de la ville de Montréal qui avaient accumulé des congés de maladie. Dieu sait s'ils en ont d'accumulé parfois. Ils en profitaient pour aller vider leur banque de congés de maladie sur les chantiers de construction. Ce n'est pas certain que ce soit la meilleure garantie pour sécuriser les véritables travailleurs de la construction. Il va falloir regarder cela. Les policiers également, enfin, bref, toute espèce de travailleurs occasionnels qui viendront enlever le peu qui restera aux travailleurs qui ont choisi d'oeuvrer à temps plein dans la construction.

On peut se faire aller un peu les affaires parce que l'économie, ce n'est pas moi qui l'ai inventée non plus, et surtout pas ce gouvernement, mais les paramètres économiques sont bons. La conjoncture est bonne, favorable. Quand la conjoncture est favorable, que se passe-t-il? Il se passe de l'activité économique. Quand il y a de l'activité économique, c'est moins fatigant d'avoir d'autres fatigants dans le même secteur que soi, mais ce ne sera pas toujours cela et c'est important.

Quant au premier aspect du travail au noir, le projet de loi 31 va le régler, c'est clair. Là-dessus, je pense que c'est clair. Le premier aspect du travail au noir sera réglé parce que le ministre dit: On le sort de là. Cela va le régler en faisant sauter toute règle obligatoire. Belle mentalité! Genre "les illégaux" dans le domaine scolaire, les dissidents, etc. On a dit: Vous êtes illégaux. On vous absout collectivement. On va véhiculer une nouvelle notion qui dira: Quand quelqu'un est contre les règles du régime, il fait un bout dedans et, à un moment donné, on l'amnistie. C'est l'amnistie générale. C'est ce qu'on dit. On va légaliser par loi la pratique, établie depuis des années, de travailler au noir. On dit que c'est correct. Que voulez-vous? Cela fonctionnait de même et on n'a pas le choix. On ne peut pas contrer cela. Il n'y a pas assez d'inspecteurs. Il n'y a pas assez de suivi. Le ministère du Revenu ne fait pas véritablement "sa job" pour contrer le travail au noir. Je reconnais que ce n'est pas facile, en passant. Là, on dit: On va régler cela. C'est fini. Cela me fait penser au député de Trois-Rivières qui, pour régler le problème du non-respect des limites de vitesse, proposait d'abolir les limites de vitesse. Il disait: De toute façon, les gens ne le font pas. Il serait bien plus simple de dire qu'il n'y a plus de limites de vitesse. C'est fini. Vous pouvez rouler comme vous voulez. Cela fait sourire certains mais c'est exactement ce que fait le ministre du Travail. Trop de gens ne respectent pas le décret de la construction et la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. Pas de problème, j'abolis les deux. C'est réglé. On n'a pas besoin de jaser longtemps avec des solutions semblables.

Il est donc difficile de croire que ce que veut faire le ministre du Travail, c'est vraiment éliminer le travail au noir. La vraie réponse réside plutôt dans les notes explicatives du projet de loi. Ce projet de loi a pour objet de déréglementer certains travaux dans l'industrie de la construction. Cela est exact et je pense que là il faudrait féliciter le ministre pour sa constance. Ils ont publié trois rapports de fou au début de leur mandat et on a dit: Non, non, on n'applique pas cela, on retire cela du marché,

cela n'a pas de bon sens. Tout le monde prétendait que le rapport Scowen, le rapport Gobeil et le rapport Fortier, je pense... Non, non, le premier ministre donnait la sécurité à tous les citoyens du Québec et il n'était pas question... Je vous garantis, disait-il, qu'on n'ira pas plus loin, on a vérifié des choses et on ne va pas plus loin dans ces trois rapports-là. Mais la philosophie et l'orientation de ces trois rapports reviennent constamment dans tous les champs d'activité du Québec et, dans le fond, ce qui arrive actuellement, c'est carrément une volonté de reprendre la déréglementation. De toute évidence, il s'agit de faire sauter le décret de la construction qui constitue la convention collective des travailleurs de la construction.

Sur les impacts de la déréglementation, très rapidement, parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps et j'aurai l'occasion d'y revenir, je pense que l'abolition du décret aura pour effet de renvoyer les travailleurs concernés sous la seule protection des normes minimales du travail. Le décret constitue la convention collective. La Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction constitue le cadre juridique particulier d'organisation des travailleurs et des employeurs. Sans faire l'histoire, soulignons que cette loi est issue directement de graves conflits que la construction connaissait dans les années soixante-dix et de la commission Cliché qui a examiné les causes. Si le législateur a prévu un régime particulier pour la construction, c'est que le Code du travail s'est avéré incapable d'assurer l'exercice du juste droit à la syndicalisation et à la négociation d'ententes collectives. Je ne veux pas aller plus loin parce que je ne veux pas abuser du temps. Tout ce que je dis, c'est que pour nous, en conclusion, le projet de loi 31 va plus loin dans certaines recommandations que le rapport Scowen, le rapport Scowen qui a été tant décrié.

Je n'ai pas dit qu'on avait actuellement une position formellement opposée au projet de loi. Je dis qu'il y a beaucoup de questions qu'on devra se poser; il y a une série de garanties que nous n'avons pas et qu'on devra avoir. Encore là, sur la méthodologie, je pense que, quand on veut agir dans un domaine où la fragilité est grande, on procède autrement, on procède en se donnant plus de temps, on procède en nous permettant d'avoir les mémoires pour qu'on puisse les regarder et faire un échange pertinent. C'est ce que je souhaite faire avec les différents intervenants parce que, dans le fond, on est ici aujourd'hui moins pour discuter du projet de loi 31 que pour vous entendre sur le projet de loi 31. C'est pour cela que je m'arrête tout de suite en souhaitant que vous soyez les plus éclairants possible.

Auditions

Le Président (M. Théorêt): Messieurs, les membres de la commission de l'économie et du travail vous souhaitent la bienvenue. M. Four-nier, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Commission de la construction du Québec

M. Fournier (Alcide): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, j'aimerais d'abord vous présenter Me Hugues Ferron, à ma gauche, qui est secrétaire et conseiller juridique à la commission, M. Jean-Luc Pilon, qui est directeur de la recherche à la commission, et, à ma droite, M. Jean Ménard, qui est directeur du contentieux.

Étant donné le rôle central qu'occupe la Commission de la construction du Québec dans l'application de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, permettez-moi, en guise de préambule, de vous présenter cet organisme.

Créée le 1er janvier 1987 afin de favoriser une meilleure représentation des gens du milieu de la construction, la Commission de la construction du Québec remplace l'Office de la construction du Québec. Par son conseil d'administration qui compte 13 membres, la CCQ regroupe les représentants des différentes associations de salariés et d'employeurs, facilitant ainsi l'établissement d'un climat de travail favorable dans l'industrie. La présence de représentants du gouvernement du Québec au sein du conseil d'administration fait de la CCQ un lieu de' rencontre privilégié où les gens du milieu peuvent contribuer à définir des politiques favorables au développement de leur industrie. Soulignons que le financement de la commission est totalement assuré par les salariés et les employeurs de l'industrie de la construction. (10 h 45)

J'aimerais également vous rappeler les principaux mandats que le législateur a confiés à la CCQ. Premièrement, la commission doit veiller à l'application de la convention collective ou du décret régissant les conditions de travail dans la construction. Ce mandat, dont l'origine remonte aux années trente, constitue la principale activité de la commission. Il implique le maintien de treize bureaux régionaux pour servir adéquatement l'ensemble du territoire québécois, le maintien d'un service de vérification de livres, d'inspection de chantiers et d'un service à la clientèle, l'exercice de tous les recours qui naissent du décret en faveur des salariés, la perception des cotisations patronales versées à l'association des employeurs et des cotisations syndicales versées aux associations représentatives, la perception et la remise semestrielle d'indemnités de payes de vacances, l'administration d'un fonds spécial d'indemnisation protégeant les salariés contre toute perte de revenu résultant d'une faillite de leur employeur.

Deuxièmement, la commission doit administrer les régimes complémentaires d'avantages

sociaux. Ce mandat implique l'administration des régimes d'assurance-vie, d'assurance-salaire, d'assurance-maladie pour 80 000 salariés de la construction, l'administration d'un régime de retraite qui compte 28 500 retraités et dont l'actif, géré conjointement avec la Caisse de dépôt et placement du Québec, s'élève à plus 2 000 000 000 $, et la signature d'ententes de réciprocité avec d'autres régimes canadiens ou américains.

Troisièmement, la commission doit veiller à l'application de la loi et des règlements se rapportant à la gestion de la main-d'oeuvre, dont le contrôle de la compétence des travailleurs oeuvrant sur les chantiers de construction. Ce mandat implique la délivrance et le renouvellement des certificats de compétence à près de 110 000 travailleurs, la surveillance du respect des critères de priorité d'embauché régionale, l'émission de licences aux agences syndicales de placement ainsi que le contrôle de leur respect du code d'éthique et le maintien d'un service de référence des salariés disponibles aux employeurs.

Quatrièmement, la commission doit veiller à l'application des mesures et des programmes relatifs à la formation professionnelle de la main-d'oeuvre de l'industrie de la construction. Ce nouveau mandat confié, à la commission en janvier 1987, implique l'élaboration et la mise en oeuvre d'un système intégré de formation et de qualifications professionnelles en collaboration avec les représentants des parties syndicales et patronales et l'évaluation annuelle des besoins quantitatifs et qualitatifs de main-d'oeuvre de l'industrie de la construction.

Cinquièmement, la commission doit organiser périodiquement le vote d'allégeance syndicale. Ce vote détermine le degré de représentativité des associations syndicales. Il est une des caractéristiques fondamentales du pluralisme syndical qui prévaut dans le régime de relations du travail de l'industrie québécoise de la construction.

Finalement, la commission doit effectuer, en vertu d'une entente administrative avec la Régie des entreprises en construction du Québec, l'inspection concernant la vérification des licences d'entrepreneurs. L'industrie de la construction: Pour saisir les implications du projet de loi 31, il est nécessaire de tracer un portrait de l'industrie de la construction et de ses composantes. L'industrie de la construction constitue un secteur d'activité économique de première importance au Québec. En 1987, le secteur de la construction a connu une croissance supérieure à celle des autres secteurs économiques. C'est donc dire qu'il a contribué de façon significative à la croissance de l'économie québécoise. La valeur des travaux de construction a dépassé 18 000 000 000 $ au Québec en 1987, ce qui représente près de 16 % des dépenses totales du Québec. Il s'est dépensé 9 400 000 000 $ dans la construction résidentielle, 4 500 000 000 $ dans la construction de bâtiments non résidentiels et 4 200 000 000 $ dans les travaux de génie. On parie donc d'un secteur clé de l'économie dont les effets d'entraînement sur d'autres secteurs sont bien connus.

Les travaux de construction sont effectués en majeure partie par des salariés assujettis au décret de l'industrie de la construction. En 1987, plus de 105 000 salariés assujettis ont travaillé pour 16 500 employeurs. Un tel nombre de salariés et d'employeurs n'avait pas été enregistré depuis la fin des années soixante-dix. Cette situation est due en grande partie à la vigueur du secteur résidentiel neuf qui a connu, en 1987, une année exceptionnelle. Quant aux montants des dépenses faites dans la rénovation et la réparation résidentielles, l'évaluation est plus délicate étant donné le nombre de donneurs d'ouvrages impliqués. En fait, il s'agit potentiellement de tous les ménages québécois. Statistique Canada estime néanmoins que ces dépenses représentaient 3 800 000 000 $ en 1987, que ce soit pour des travaux réalisés à propre compte, c'est-à-dire par les propriétaires eux-mêmes, ou encore à forfait, c'est-à-dire donnés à contrat. Toujours, selon Statistique Canada, les travaux à propre compte représentent 43 % des dépenses de rénovation résidentielle, tandis que le forfait accapare une part de 57 %. Ainsi, la valeur des travaux de rénovation et de réparation résidentielles exécutés à forfait est estimée à 2 150 000 000 $ en 1987.

De ces 2 150 000 000 $ de travaux à forfait, nous évaluons que 73 % du volume des travaux de rénovation et de réparation résidentielles sont exécutés à des fins personnelles autres que commerciales ou industrielles d'une personne physique. Ce pourcentage provient du fait que 55 % des logements au Québec appartiennent à des propriétaires occupants qui, selon une enquête sur les dépenses des ménages, consacrent le double en dépenses de rénovation et réparation comparativement aux propriétaires locatifs. Ainsi, la valeur des travaux de rénovation et de réparation donnés à contrat par des propriétaires pour leur propre logement s'élèverait à 1 600 000 000 $.

Quant à la CCQ, elle ne peut, à l'aide des rapports mensuels transmis par les employeurs de la construction, identifier sur quel type de chantier les heures rapportées ont été travaillées, si bien qu'elle ne peut évaluer le volume de travail assujetti dans le secteur de la rénovation et de la réparation résidentielles.

Accroissement des pouvoirs d'enquête de la commission. Outre le champ d'application, le projet de loi 31 aborde les pouvoirs d'enquête de la commission. Ainsi, la loi actuelle fournit à la commission certains outils pour l'aider à accomplir ses mandats. Toutefois, ceux-ci ne se sont pas avérés aussi efficaces qu'on aurait pu le souhaiter. On songe, en particulier, aux difficultés rencontrées par nos inspecteurs pour l'identification des personnes présentes sur certains chantiers.

Le projet de loi 31 améliore les pouvoirs de la commission d'enquêter sur les matières qui relèvent de son champ d'action, lui permettant d'exercer avec plus d'efficacité les recours prévus par la loi. En premier lieu, le projet de loi oblige toute personne concernée par les travaux de construction à prendre les moyens nécessaires pour que la commission puisse obtenir les renseignements et les documents requis pour mener à bien son mandat de mettre la loi en application. Actuellement, seuls les employeurs et les salariés visés par la loi ont l'obligation de fournir aux inspecteurs de la commission les renseignements jugés pertinents. L'ajout de l'article 7.2 étendra cette obligation à toute personne concernée par les travaux, par exemple, le donneur d'ouvrage, le propriétaire, l'entrepreneur de construction qui n'est pas un employeur au sens de la loi, l'artisan, de même que toute personne agissant pour eux comme représentant.

Ce nouvel article permettra à la commission de s'adresser aux tribunaux, soit par voie d'injonction, soit au moyen de poursuites pénales pour faire sanctionner le refus des personnes concernées de collaborer aux enquêtes de la commission. En deuxième lieu, le projet de loi précise de quelle façon la commission peut exiger ces renseignements ainsi que de quelle façon et dans quel délai une personne est tenue de les lui faire parvenir. Il indique aussi qu'à défaut de ce faire la personne s'expose à des poursuites pénales. C'est ce qui ressort de la nouvelle rédaction du paragraphe f du premier alinéa de l'article 81 et des dispositions apportées par le nouvel article 81.0.1. Ainsi, quiconque tenu de fournir des renseignements omet de le faire dans les dix jours suivant une demande écrite à cet effet commettra une infraction. Cette disposition permet de mieux assurer le respect de l'obligation de fournir des renseignements par les personnes désormais soumises à cette obligation.

Quatrième point, harmonisation du montant des amendes pour les infractions à la loi. Le projet de loi 31 a également comme objectif d'harmoniser le montant des amendes pour les infractions à la loi. Il faut préciser que la loi actuelle contient plusieurs articles disparates qui prévoient des amendes variables pour différents types d'infraction. Le montant minimal qu'un juge peut imposer pour ces infractions varie considérablement et n'est pas toujours cohérent avec la gravité objective de chacune des infractions. Par exemple, travailler durant les vacances obligatoires est actuellement passible d'une amende minimale de 60 $, soit la même que prévue pour refus de fournir des renseignements à un inspecteur de la commission. On peut également citer qu'un employeur peut recevoir une plus forte amende pour avoir embauché un salarié non quai if é que pour avoir falsifié ses livres de comptabilité.

Le projet de loi harmonise ces dispositions, d'une part, en établissant comme règle générale pour la plupart des infractions commises par un individu une amende minimale de 125 $ alors que pour celles commises par une association ou une corporation elle serait de 575 $. Cependant, l'amende minimale pour un individu qui entrave un inspecteur de la commission dans l'exercice de ses fonctions passe de 350 $ à 575 $. De plus, l'amende prévue pour quiconque falsifie ses registres ou transmet de faux renseignements à la commission passe de 250 $ à 1000 $ pour un individu, et de 250 $ à 2000 $ pour toute autre association ou corporation. Signalons enfin que les pénalités prévues pour les personnes qui travaillent sans certificat de compétence, de même que celles prévues pour l'employeur qui embauche une main-d'oeuvre non compétente demeurent inchangées. En plus d'améliorer la cohérence interne de la loi, cette harmonisation aura aussi l'avantage de pénaliser plus sévèrement ceux qui font obstacle à la commission dans l'exercice de son pouvoir d'inspection.

Amélioration des dispositions relatives aux recours intentés par la CCQ. En ce qui concerne les recours intentés par la commission, le projet de loi prévoit la possibilité de réclamer de l'employeur et du salarié une pénalité civile supplémentaire de 20 % lorsque le salarié visé n'est pas titulaire d'un certificat de compétence requis pour les travaux qu'il exécute. Les sommes ainsi perçues sont versées dans un fonds d'indemnisation ayant pour but d'assurer à chaque travailleur le paiement du salaire et des avantages sociaux.

Cette disposition aidera à décourager le travail au noir, notamment en rendant les employeurs qui s'y adonnent passibles d'une sanction civile en plus des amendes qui peuvent leur être imposées lorsque l'on constate une infraction sur un chantier. Cette disposition aura également l'avantage d'éviter que le salarié qui ne détient pas le certificat de compétence requis visé par une réclamation de salaire soit avantagé par rapport à l'apprenti de première année qui est en règle avec la loi et les règlements. À titre d'exemple, l'apprenti charpentier-menuisier de première année a droit à 60 % du taux horaire du compagnon. Le salarié non qualifié ne retirerait pas plus, puisqu'en plus de la pénalité de 20 % qui peut déjà lui être appliquée s'ajoute une pénalité supplémentaire de 20 % qui porte sa rémunération brute à 60 % du taux du compagnon.

Enfin, le projet de loi permet à la commission d'exercer les recours des salariés, non seulement contre l'employeur de ces derniers, mais aussi contre toute personne légalement tenue de payer le salaire dû. Cette disposition autorisera la commission à exercer directeiment contre les cautions des entrepreneurs en difficulté les recours que seul le salarié est actuellement autorisé à exercer pour recouvrer son salaire.

L'article 12 du projet de loi 31 apporte quelques modifications concernant l'administration des régimes d'avantages sociaux. La commission

est favorable à l'ajout du paragraphe 3.1 de l'article 92 de la loi qui vient préciser les modalités pour conclure des ententes de réciprocité en termes d'avantages sociaux. Celles-ci permettent à des travailleurs québécois qui ont travaillé à l'étranger, de récupérer les sommes d'argent qu'ils ont versées dans les régimes des associations syndicales canadiennes et américaines. Quant à la participation de l'artisan aux régimes d'avantages sociaux de l'industrie, ce sujet fait l'objet de discussions depuis plusieurs années à la commission. Les études que nous avons effectuées confirment que l'artisan, actuellement, retire des régimes complémentaires d'avantages sociaux des bénéfices nettement supérieurs à ses contributions et ce, de l'ordre de deux à trois fois. Ce comportement a pour effet de faire supporter aux salariés, en large mesure, les avantages sociaux des artisans. Cette situation inéquitable vient du fait que ces personnes peuvent contribuer sur une base volontaire au régime d'assurance, ce qui les amène à contribuer lorsqu'elles croient en retirer le maximum d'avantages. C'est ce que les actuaires appellent de l'antisélection qui va contre les principes mêmes de l'assurance. (11 heures)

Quoique la modification proposée par le projet de loi puisse atténuer cette inéquité, les membres du conseil d'administration de la commission maintiennent la position déjà adoptée. Ils recommandent une modification à la loi en vue d'exclure l'artisan du régime de base de l'industrie de la construction. Si, toutefois, la loi ne peut permettre cette exclusion, le conseil souhaite que les artisans soient couverts par un régime particulier.

En terminant, l'accroissement des pouvoirs d'enquête de la commission, l'harmonisation du montant des amendes et l'amélioration des dispositions relatives aux recours permettront à la Commission de la construction du Québec de mieux exercer les mandats que lui a confiés le législateur. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Fournier. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, très brièvement, M. le Président. Dans un premier temps, vous me permettrez de remercier la commission pour sa comparution devant la commission ainsi que pour la qualité du mémoire.

Je vais insister en commençant, M. le Président, sur le préambule de votre mémoire où vous indiquez très clairement aux membres de la commission que votre organisme occupe un rôle central, que votre organisme est composé en majorité de représentants de la partie patronale et de la partie syndicale, autrement dit des partenaires de l'industrie de la construction, ce qui commande de votre part un sens de l'équilibre dans la présentation d'un tel mémoire, compte tenu du fait que la quasi-totalité des gens qui siègent à votre conseil d'administration viendront, à titre individuel ou comme représentants d'autres organismes, nous faire part également de leur éclairage et de leur lumière. Sur cette question, la commission peut-elle tenir pour acquis que la position que vous nous présentez ici, ce matin, est cette espèce de position de compromis à laquelle en arrive la commission dans l'ensemble des dossiers où elle a à se prononcer?

M. Fournier: D'abord, vous avez remarqué qu'on n'a pas touché au champ d'application et au statut de l'artisan. À la suite d'une demande de l'un des membres du conseil d'administration, nous avons eu une assemblée spéciale du conseil d'administration jeudi de la semaine dernière, à laquelle le conseil d'administration nous a indiqué que nous discuterions, comme commission, des aspects administratifs du projet de loi et non pas des aspects concernant l'industrie de la construction, étant donné que chacun de nos partenaires avait une présentation à faire. Vous remarquez qu'on insiste sur les aspects qui, à notre avis, sur le plan administratif, améliorent les recours, les amendes, etc., mais on laisse évidemment les parties, dans l'industrie de la construction, s'exprimer sur le reste.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Votre organisme est peut-être quand même celui qui est le mieux placé pour tenter de chiffrer, autant que faire se peut, ce qu'on appelle communément le travail au noir. Avant de s'aventurer dans des chiffres, tant sur le plan des heures que des individus impliqués et des sommes d'argent qui sont concernées, pourriez-vous, pour le bénéfice de la commission, nous définir ce que constitue, pour la Commission de la construction du Québec, le travail au noir dans l'industrie de la construction?

M. Fournier: Comme vous avez pu le constater dans notre mémoire, lorsqu'on a parlé de la distinction entre les travaux de rénovation et les travaux de construction neuve, on vous a dit que la commission n'était pas actuellement en mesure de faire la distinction entre les deux. Cela vient du fait que les rapports mensuels qui nous sont transmis par les employeurs ne contiennent pas ce renseignement. Nous avons tenté, à partir de 1983, de compléter les rapports mensuels mais, comme vous le savez, ce document est adopté par règlement et il doit être soumis au comité mixte de la construction. À deux reprises, nous avons soumis les modifications au rapport mensuel pour nous permettre d'identifier le secteur de la construction résidentielle neuve et résidentielle rénovation et, à deux reprises, la partie partronale au comité mixte n'a pas accepté cette proposition. Cela a été accepté finalement par le conseil d'administration de la commission en 1987, et publié dans un règlement le 28 janvier 1988, ce qui ne nous permet pas

malheureusement de fournir ici, à la commission, la distinction entre ces deux secteurs.

Pour ce qui est de la question plus précise de l'évaluation du travail au noir dans le secteur de la rénovation, je pense que toutes les hypothèses sont à peu près permises. D'un côté, nous, on ne peut pas distinguer entre une construction neuve et une rénovation dans le secteur résidentiel et le travail au noir, par définition, n'est pas un travail rapporté. Alors, si on tentait de fournir des chiffres dans ce domaine, ce seraient purement des hypothèses et toute autre hypothèse pourrait être aussi valable que la nôtre dans ce domaine.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que la réponse que vous venez de donner à la commission s'appliquerait également dans le cas des infractions que vous avez observées au cours des dernières années? Les poursuites que vous avez intentées, est-ce qu'il y a des indices qui pourraient nous permettre de déterminer dans quelle proportion ces poursuites ont été intentées dans le domaine de la réparation ou de la rénovation plutôt que dans le domaine de la construction?

M. Fournier: En ce qui concerne les poursuites, encore là on divise les poursuites en chantiers résidentiels et chantiers non résidentiels. Alors, dans la section résidentielle on n'a pas la division entre rénovation et construction neuve. Je peux vous citer, dans les chantiers résidentiels, les infractions à la qualification. Par exemple, en 1987, 20 429; dans les chantiers non résidentiels, 18 388. Comme je vous le disais au départ, on n'a pas la distinction dans les chantiers résidentiels entre la rénovation et la construction neuve. C'est la même chose en ce qui a trait aux poursuites civiles. On ne fait pas la distinction entre les deux.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour retourner à votre mémoire, aux pages 10 et suivantes, vous parlez encore une fois, dans le cadre du mandat que vous ont donné vos administrateurs, de l'administration de la loi et de l'harmonisation, des bonifications sur le plan administratif que peuvent apporter certaines des mesures qui sont mises de l'avant par le projet de loi 31. Vous dites que ces mesures vont aider à décourager le travail au noir, etc. Mais vous concluez sur la participation de l'artisan aux régimes d'avantages sociaux de l'industrie en mentionnant que ce sujet fait l'objet de plusieurs discussions à la commission et ce, depuis plusieurs années. Nous retrouvons, à l'annexe 2, un extrait du procès-verbal d'une séance du conseil d'administration de la Commission de la construction tenue le 23 septembre 1987. M. Maurice Pouliot a proposé, appuyé par Claude Daoust, que la commission recommande une modification à la loi en vue d'exclure l'artisan du régime de base de l'industrie de la construction. Par contre, si la loi doit le couvrir, que le tout s'effectue au moyen d'un régime particulier. Et on note: proposition adoptée à l'unanimité. Donc, les représentants patronaux, syndicaux et gouvernementaux, si je peux utiliser l'expression, sont tous allés dans le même sens. Est-ce que l'amendement qui est apporté par le projet de loi 31 et qui vise finalement à éliminer ce que les actuaires appellent l'antisélection répond, d'après vous, aux attentes du conseil d'administration de la CCQ?

M. Fournier: Je ne croirais pas. Lorsque le conseil d'administration... À notre réunion, on a discuté de ces sujets; on a tout de même eu le mandat de souligner que cela améliorerait jusqu'à un certain point la pratique actuelle, que ce soit au sujet des amendes ou au sujet des recours, etc. Par rapport à l'artisan, je pense que les parties vont pouvoir se prononcer sur cela. Je crois qu'elles n'ont pas la même vue que le projet de loi sur le statut de l'artisan. Quant à la résolution qu'on a annexée au mémoire, elle avait été adoptée alors qu'il n'y avait pas de projet de loi modifiant le statut de l'artisan qui était en vue. C'est pour cela que la résolution est en deux volets. Le premier désir, c'était de l'exclure tout simplement mais, si la loi, selon les avis juridiques, ne le permettait pas, à ce moment c'était de lui créer un régime particulier, ce que la loi, selon les avis juridiques, ne permettait pas encore à ce moment. Mais maintenant, comme il y a un projet de loi modifiant ou qui peut modifier le statut de l'artisan, je pense que les parties dans l'industrie de la construction reviennent à leur premier choix de l'exclure purement et simplement des régimes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux peut-être aller un peu plus loin dans cette réponse que vous nous donnez. Les parties "en voulaient" aux artisans parce qu'ils profitaient des régimes dans une proportion supérieure à leurs contributions.

M. Fournier: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À partir du moment où ils ne peuvent plus profiter dans une proportion supérieure à leurs contributions, l'objection tient-elle toujours?

M. Fournier: Oui. Les parties pourront vous en dire davantage. Je pense que oui, parce que le but n'est pas de les maintenir absolument à l'intérieur des régimes. L'intention des parties - encore là, j'interprète - est plutôt de les exclure purement et simplement de tout régime de l'industrie de la construction que de les y maintenir avec des contrôles obligatoires, des choses comme cela. La difficulté de contrôle de ces gens-là est assez importante. Le premier choix des gens est de les exclure. Il est sûr que, s'ils n'étaient pas exclus, cela améliorerait la

présente situation.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va pour le moment.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le critique de l'Opposition.

M. Gendron: Je veux vous remercier aussi en quelques mots. Vous aviez les mêmes délais que n'importe quel autre groupe. Donc, merci d'avoir eu la capacité de produire un mémoire sur ces questions-là. La Commission de la construction du Québec est sûrement un organisme habilité à nous éclairer. Vous avez d'ailleurs rappelé vos mandats. Il était peut-être important de le faire. Je veux seulement rapidement revenir sur la partie 2, intitulée industrie de la construction, qui m'a permis d'avoir un éclairage commun sur l'ampleur des chiffres dans ce secteur. Pour le bénéfice de ceux qui suivraient éventuellement - je parle surtout de l'autre côté - il est important de rappeler qu'il s'agit de 9 400 000 000 $ dans le secteur résidentiel. On constate que c'est le double du secteur qu'on appelle la construction de bâtiments, qui est 4 500 000 000 $; et c'est 4 200 000 000 pour les travaux de génie. Quand on a apprécié ce qui peut se faire, par exemple, à propre compte versus à forfait, c'est une proportion de 40-60 - c'est 43-57, mais en gros 40-60 - pour 4 000 000 000 $. Tout cela pour dire que votre évaluation, c'est à peu près 2 150 000 000 $ qui restent dans le champ de la rénovation, réparation, modification.

Je veux seulement faire le tour de votre mémoire avant de questionner. Après ces chiffres, vous arrivez avec une section 3 où vous dites que le projet de loi 31 vous donne des pouvoirs accrus. Parfait, c'est exact, sauf que cela ne nous donne aucune indication pertinente quant aux dicussions que nous devons avoir sur ce que j'appellerais le coeur même du projet de loi 31. Vous avez bien fait de le faire remarquer, parce que cela prouve un peu ma thèse. De dire que vous allez être plus bardés pour faire votre travail, pour ceux qui vont rester, cela ne règle pas le problème de ceux qui vont être exclus. Cela ne donne pas d'information élaborée sur ceux qui vont être exclus du champ de la construction. C'est quand même important de noter cela.

Même chose pour ce qui est de la partie 4, l'harmonisation du montant des amendes. C'est une maudite bonne affaire, mais je ne vois pas pourquoi on n'a pas fait cela avant, et cela n'a pas grand-chose à voir avec le projet de loi 31. On applaudit. On a dit: Oui, ce gouvernement est tellement harmonisateur avec le fédéral qu'il faudrait au moins qu'il le soit avec lui-même en ce qui concerne les différents montants des amendes prévues, les différentes lois de la construction. Bonne nouvelle ce matin, on est bien content, cela sera harmonisé. Là où on peut être un peu plus questionneur, si vous me permettez l'expression, c'est pour ceux qui dorénavant ne seront plus couverts ou vont être exclus du décret de la construction; il y a des dispositions qui prévoient que vous allez pouvoir quand même leur faire quelque chose. Je vais arriver à des questions précises. C'est à la partie 6: Modifications aux régimes d'avantages sociaux, de même qu'à la partie 5: Amélioration des dispositions relatives au recours intentés par la CCQ.

Avant de questionner sur cet aspect, le ministre en avait un qui m'intéressait tantôt, quand il a essayé de savoir votre capacité de contrôler ce qui se passe pour ceux qui ont le statut d'artisan. Je ne veux pas interpréter, je veux seulement vous demander comme première question: Est-ce que je serais dans les patates d'avoir compris que, dans le fond, vous n'êtes pas en mesure de savoir ce qui se passe pour les gens qui ont le statut d'artisan?

C'est pourquoi, logiquement, vous prévoyez... Dans ce projet de loi, ce serait bien plus simple, comme vous l'avez mentionné, de les exclure complètement du fonds de retraite puisqu'on n'est pas en mesure d'avoir les informations qu'il faut pour être capable d'exercer convenablement un contrôle quelconque sur les chiffres, les montants en cause et la participation. Est-ce bien cela que vous avez mentionné? (11 h 15)

M. Foumier: II faut regarder les dispositions actuelles de la loi. D'abord, il y a deux sortes d'artisans qui existent en vertu de la loi. Il y a ce qu'on appelle la catégorie un qui est celui qui fait affaire avec une personne physique à des fins non commerciales et qui n'est pas assujetti actuellement au décret ou a la Loi sur les relations du travail. Il y a celui qui va travailler pour des fins commerciales, dans un centre commercial ou des choses comme cela et qui, lui, est assujetti. Alors, c'est bien évident que dans le domaine résidentiel, si la personne fait affaire directement avec le propriétaire - je parle de l'artisan qui fait affaire directement avec le propriétaire - que ce soit de la rénovation ou de la construction neuve, cette personne n'est pas assujettie au décret de la construction. Mais le décret ou la loi lui permet de contribuer sur une base volontaire aux régimes d'avantages sociaux. Alors, c'est lui qui décide s'il contribue ou s'il ne contribue pas. C'est bien évident qu'avant de payer une assurance, habituellement, les gens se disent: Est-ce que je vais en avoir besoin? Généralement, ceux qui sont jeunes se disent: Je n'en ai pas besoin et celui qui pense en avoir besoin parce que son épouse est déjà malade, là, il va s'assurer. Alors, c'est ce qui fait en sorte que ces gens retirent plus de bénéfices qu'ils en paient comparativement aux travailleurs réguliers dans l'industrie de la construction. Même si on dit qu'on ne peut pas contrôler ces gens-là... Je ne pense pas qu'on ait dit cela. C'est parce que la loi actuelle fait en

sorte qu'il peut jouer sur le double statut d'artisan, c'est-à-dire que, s'il fait affaire avec une personne physique, il n'est pas assujetti et, s'il fait affaire avec un entrepreneur dans le domaine commercial, il devient assujetti. Or, c'est très difficile de dire: Cette personne est assujettie, peut l'être, peut ne pas l'être ou...

M. Gendron: D'accord. Si le régime était obligatoire, on ne réglerait pas plus le problème.

M. Fournier: C'est-à-dire que, si on dit que dans la construction neuve tout le monde est assujetti, chaque fois qu'on va rencontrer un artisan, il va être assujetti, alors qu'actuellement je dois vérifier son contrat, à savoir: Est-ce qu'il a passé un contrat avec l'entrepreneur? À ce moment-là, il serait assujetti ou, s'il a passé un contrat avec le propriétaire directement, à ce moment-là, il ne le serait pas, d'où la difficulté. Les gens qui connaissent un peu le système savent quelle réponse donner. Évidemment, on les considère comme non assujettis, alors que, si le champ d'application nous dit que dans la construction neuve, que ce soit un artisan, un salarié, un entrepreneur, tout le monde est assujetti, je pense que cela éclaircit un peu la situation. Chaque fois que je vais rencontrer un artisan, je vais dire: Toi, tu es assujetti. Tu dois afficher ton contrat. Tu dois te payer un salaire, tu dois verser les avantages sociaux, etc. C'est un peu ce que vise le projet de loi.

M. Gendron: Actuellement, est-ce à dire que la pratique est de déclarer uniquement les heures minimums pour être couvert par le fonds de retraite et cela s'arrête là?

M. Fournier: C'est cela. C'est qu'il y en a très peu qui contribuent volontairement aux régimes. C'est ceux qui veulent en bénéficier, évidemment. Ceux qui font du commercial déclarent des heures à la commission et tous les autres ne déclarent pas d'heure, évidemment.

M. Gendron: Même s'il y a des dispositions dans le projet de loi qui sont prévues pour resserrer un peu ou atténuer cette espèce d'échappatoire, vous dites que cela n'est pas suffisant. Selon votre pratique et votre conviction des choses, vous dites: Ce n'est pas suffisant. On ne sera pas plus équipé pour être en mesure de suivre véritablement ce qui se passe là.

M. Fournier: Je ne pense pas que ce soit tout à fait ce que j'ai dit.

M. Gendron: Non?

M. Fournier: Ce que j'ai dit, c'est que le projet de loi fait en sorte que dans le secteur de la construction neuve tout le monde va être assujetti. Je n'aurai plus besoin de me poser la question: Est-ce qu'il a fait un contrat avec un individu ou avec une compagnie? Il est assujetti. Il est obligé de rapporter ses heures. Il est obligé de participer aux régimes, etc. Alors, dans le secteur de la construction neuve, cela éclaircit tandis qu'actuellement, que ce soit la construction neuve ou la rénovation, il peut ne pas être assujetti parce que c'est un assujettissement professionnel et non pas de travaux de construction.

M. Gendron: M. Fournier, ma question ne portait pas là-dessus. À la dernière page de votre mémoire, que ce soit une construction neuve ou une autre, vous dites: "Quoique la modification proposée par le projet de loi puisse atténuer cette inéquité - et là vous avez bien campé l'inéquité, compte tenu que c'était sur une base volontaire - les membres du conseil d'administration de la commission maintiennent la position déjà adoptée", à savoir que ce n'est pas parce qu'on a des modifications dans le projet de loi qu'on aura ce qu'il nous faut pour être en mesure de contrôler véritablement ce qui se passe dans le secteur des artisans.

M. Fournier: Dans le fond, ce que les gens de l'industrie veulent en ce qui concerne les régimes, je pense, c'est que ce soit les employeurs et les salariés de l'industrie de la construction qui soient impliqués dans ce régime. Il n'y a pas de place, selon eux, pour l'artisan.

M. Gendron: Et c'est pour cela que vous voulez l'exclure.

M. Fournier: C'est cela.

M. Gendron: L'autre point que je voudrais couvrir: Êtes-vous en mesure de nous indiquer combien... Faisons l'hypothèse que, demain matin, la loi est adoptée et est en vigueur telle qu'on la connaît ou qu'on la comprend. Combien de travailleurs seront sortis du champ? À combien le nombre de travailleurs est-il évalué? Je sais qu'il en a été question. Vous avez dit: On n'est pas capables de l'évaluer. Alors, cela signifie que vous n'êtes pas capables de l'évaluer et vous n'avez pas... Là, je ne parle pas en vertu des mécanismes de la commission, mais étant donné que vous oeuvrez dans le secteur, que vous avez des contacts avec ce monde-là, êtes-vous au courant qu'il y a des évaluations qui ont été lancées comme cela? Si oui, combien?

M. Fournier: Oui, il y a des évaluations. Je pense que M. le ministre, dans son préambule, a cité une des évaluations du travail au noir qui avait été faite par l'AECQ. C'est une évaluation du travail au noir. C'est très difficile. Si vous regardez le secteur de la rénovation, il peut y avoir du travail au noir, puis il peut y avoir du travail légal non assujetti au décret. Il y a les artisans qui font des travaux pour une personne

physique qui ne sont pas assujettis au décret. Il y a l'employeur - parce que dans le secteur de la rénovation ce sont de petites entreprises - qui travaille lui-même sur son chantier qui, lui non plus, n'est pas assujetti. Il y a un certain nombre d'heures qui est rapporté à la commission et il y a, évidemment, la portion qui est faite au noir. Il y a quatre éléments à considérer là-dedans et vous pouvez faire les proportions qui vous semblent les plus justes. Mais pour lancer une hypothèse comme cela, je pense que ce serait peut-être vous induire en erreur de dire: Bon, écoutez, il y a tel pourcentage de travail au noir ou il y a tel pourcentage de travail fait par des artisans non assujettis, etc. C'est très difficile.

M. Gendron: Mais même parmi ceux qui déclarent, parce que dans le fond, regardez, je vais être un peu plus précis... Nous autres, ce qui nous inquiète c'est que les travailleurs de la rénovation qui, actuellement, participent au fonds de retraite vont cesser de participer, ils ne seront plus assujettis. Est-ce qu'on est d'accord là-dessus?

M. Fournier: Oui.

M. Gendron: En cessant de participer, il faudrait être capables de savoir, nous autres - il me semble que c'est important pour des parlementaires qui se penchent sur un projet de loi comme cela - combien, à peu près, en gros, il va avoir d'avantages perdus. Par exemple, parce que je veux juste faire cela globablement, toujours sur le même article, est-ce que vous vous êtes prononcés sur la possibilité de maintenir par règlement le fonds de retraite? Parce que vous avez des dispositions qui disent que cela peut être temporaire. On dit, au 5e paragraphe: "La commission peut établir par règlement les modalités nécessaires pour maintenir, durant la période de temps qu'elle détermine..." Moi, cela ne me fait rien que vous ayez ce pouvoir-là, mais j'aimerais avoir les évaluations que vous avez faites. Dans votre esprit, cela va être pour combien de temps et sous quelles conditions? Et là vous ajoutez, parce que je lis toujours: "...les régimes complémentaires d'avantages sociaux en faveur des salariés et des artisans qui participent à ces régimes et dont les travaux qu'ils effectuent cessent d'être assujettis à la présente loi." Alors, dans quelles conditions pouvez-vous faire cela ou avez-vous l'intention de faire cela? Est-ce que vous avez analysé la possibilité que le temporaire, parce que, selon l'article, c'est vous autres qui allez décider... On dit: "durant la période de temps qu'elle détermine." Alors si c'est comme cela, cela va être quoi vos principes, vos règles, vous allez vous baser sur quoi pour dire c'est trois mois, six mois, deux ans, cinq ans? Est-ce que vous allez vous baser également sur des statistiques qui vous seraient données par le vécu du régime? J'aimerais que vous nous parliez un peu de cela.

M. Fournier: Oui. Tout d'abord, lorsqu'on parle du pouvoir de la commission en matière d'avantages sociaux, on se réfère évidemment, au comité mixte de l'industrie de la construction où les centrales syndicales et l'association d'employeurs sont représentées. Lorsqu'on tente de faire l'impact de cela, comme on n'a pas pu mesurer jusqu'à maintenant l'ampleur du secteur assujetti de la rénovation, il est difficile de prévoir le nombre de salariés. Mais je pense que, si ces travaux-là sont exclus, les gens concernés vont se manifester à la Commission de la construction et cela nous permettra, à ce moment-là, de voir l'ampleur du phénomène. Comme je le disais tantôt, dans ce secteur il y a beaucoup de petites entreprises qui sont concernées et des gens, assujettis ou non, qui ne contribuent pas nécessairement actuellement au régime. Donc, le nombre de personnes affectées par le régime peut être relativement peu élevé. Actuellement, je peux vous dire qu'avec les dispositions du régime actuel, si je prends un salarié qui cesserait de contribuer au régime d'assurance au 30 juin, du 1er juillet au 31 décembre 1988, il serait assuré par ses heures; du 1er janvier 1989 au 30 juin 1989, il serait assuré par ses heures, encore; du 1er juillet 1989 au 31 décembre 1989, il serait assuré s'il paye la première cotisation supplémentaire et, du 1er janvier 1990 au 30 juin 1990, il serait assuré s'il paye la deuxième cotisation supplémentaire. C'est déjà dans le régime d'assurance actuel. Ce qui veut dire que pour les travailleurs qui seraient non assujettis, j'imagine, en tout cas, que le comité mixte, qui a fixé déjà des règles pour les gens qui quittent actuellement le secteur - ce n'est pas la première fois qu'il y a des gens qui quittent le secteur de la construction - a déjà établi ces règles-là pour les salariés.

C'est la même chose en ce qui concerne le fonds de retraite. Il y a un certain nombre de conditions: Si le salarié a moins de 30 ans ou moins de 7000 heures, il peut obtenir le remboursement de ses cotisations au fonds de retraite; s'il a plus de 30 ans et plus de 7000 heures, il peut obtenir le remboursement de ses cotisations et il conserve son droit à une rente différée qui lui sera payée à l'âge de la retraite. Dans ce cas-là, un choix sera fait par la personne elle-même.

M. Gendron: Donc, je vais arrêter de questionner là-dessus, je ne comprends pas le mien.

M. Fournier: Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais c'est...

M. Gendron: Non, mais cela ne me fait rien de vous faire la remarque que je suis en train de faire. C'est quasiment aussi compliqué que les nôtres; comme je ne comprends pas le mien, je

vais arrêter de questionner là-dessus; c'est trop compliqué. Là, je parle de notre régime de retraite à nous.

Non, plus sérieusement que cela, j'ai une dernière question, étant donné l'heure. L'article 12.3.1 permet-il, selon vous, de transférer à des régimes supplémentaires mis sur pied par des employeurs les avantages accumulés dans le fonds de retraite de l'OCQ?

M. Fournier: Non, il faut que ce soit réciproque. C'est-à-dire que le but visé, ce sont les travailleurs du Québec qui vont travailler à l'extérieur du Québec, dans d'autres provinces canadiennes ou même aux États-Unis...

M. Gendron: D'accord. Donc, pas interne. Cela va.

M. Fournier: ...et qui contribuent là-bas. C'est pour nous permettre de récupérer ces fonds-là pour les compter dans leur régime d'assurance. Alors, c'est pour préciser cette mécanique-là que cet article-là a été ajouté. Ce n'est pas la réciprocité d'une entreprise à l'autre, ce n'est pas ce principe-là, c'est le principe de récupérer, pour un travailleur qui va de façon temporaire à l'extérieur, ce qu'il a versé, pour que cela continue de s'ajouter dans son régime, ici. Il y a eu des travailleurs, par exemple, qui sont allés travailler en Afrique du Nord, dans l'Ouest, etc. Alors, on récupère les fonds qu'ils ont versés là-bas avec des ententes de réciprocité, c'est-à-dire qu'on s'engage aussi, si un travailleur de cet endroit-là vient travailler ici, à percevoir les cotisations en vertu du décret et à les verser à ce régime-là.

M. Gendron: Pourquoi ajouter cela? Vous ne l'aviez pas avant, ce pouvoir-là?

M. Fournier: C'est-à-dire qu'on l'avait partiellement. Les ententes de réciprocité, on pouvait percevoir des fonds, on ne pouvait pas, nécessairement, en... C'est-à-dire que ce n'était pas tout à fait clair. On l'a fait par règlement.

Mais je pense que ce pouvoir vient préciser cette situation-là.

M. Gendron: D'accord. Est-ce que vous auriez objection à nous donner les différents régimes? Il doit sûrement y avoir une note. La Commission de la construction du Québec doit sûrement avoir un petit "ramassé" - un condensé, pardon - de ce qui existe actuellement comme régimes de retraite offerts aux salariés de la construction. Nous, on aimerait regarder cela.

M. Fournier: Oui.

M. Gendron: Assurance-maladie, assurance-salaire, régimes de retraite, fonds d'indemnisation.

M. Fournier: Parfait.

M. Gendron: Si on pouvait avoir cela, si c'était déposé aux membres de la commission. Je pense que l'occasion est propice à ce qu'on alimente notre réflexion par rapport à une recherche qu'on pourrait faire quant aux avantages qui pourraient être perdus.

Dernière question. L'exclusion d'une bonne partie des gens qui faisaient de la rénovation, est-ce que cela peut contribuer, d'après vous - toujours parce que vous connaissez le secteur - à ce qu'il n'y ait à peu près plus personne des gens qui seront exclus qui se retrouve sous le couvert d'une syndicalisation quelconque? En termes très clairs, je ne pense pas qu'il y ait un nouvel entrepreneur qui fasse exclusivement de la rénovation et que ces gens-là qui éventuellement en feraient et qui seraient exclus essaient de se syndicaliser avec, éventuellement, cet entrepreneur-là. Autrement dit, en termes clairs, ne trouvez-vous pas que c'est une façon d'éliminer les possibilités de syndicaliation? (11 h 30)

M. Fournier: Comme je vous disais au tout début, nous sommes un organisme administratif. Je préférerais que vous posiez la question aux centrales syndicales qui vont nous suivre.

M. Gendron: C'est parce que vous êtes neutre que je vous pose cette question.

M. Fournier: Nos évaluations hors construction sont toujours très mauvaises. On a assez de misère avec ce qui est construction; ce qui est hors construction, cela ne nous...

M. Gendron: Je tiens à vous remercier.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, strictement une question technique. Vous avez soulevé la question du délai de 10 jours pour l'avis aux salariés et aux employeurs qui risquerait d'allonger la procédure d'inspection de chantier. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus.

M. Fournier: Cela n'apparaît pas à notre mémoire. On a vérifié...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas dit que ça apparaissait. J'ai dit: vous avez suggéré...

M. Fournier: On a vérifié l'application pratique de cela. La nouvelle disposition va s'appliquer surtout aux donneurs d'ouvrage, aux gens, entre guillemets, concernés par l'industrie de la construction, par les travaux de construction, et on n'a pas trouvé d'application pratique à ce qu'on faisait déjà. Cela n'allonge pas le délai. Si je suis sur un chantier de construction

et que je demande à un salarié sa carte, ce délai ne s'applique pas. H va s'appliquer uniquement dans le cas du donneur d'ouvrage ou d'un propriétaire qui ne me remet pas immédiatement les documents parce qu'il n'a peut-être pas les copies de contrat, etc. Là, c'est un avis de 10 jours que je dois lui donner. On n'a pas trouvé d'application pratique autre que celle-là. On peut comprendre qu'un donneur d'ouvrage ou un propriétaire, cela peut lui prendre un certain temps avant nous fournir des copies de contrat. Cela n'allongera pas la durée d'inspection sur chantier, car les gens y sont tenus de nous fournir les renseignements immédiatement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur place, d'accord.

M. Fournier: Cela ne change rien quant à cela.

Le Président (M. Théorêt): S'il n'y a pas d'autre intervenant, ceci dit, messieurs, nous vous remercions de votre présence. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

M. Fournier: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): J'invite maintenant les représentants du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction à bien vouloir prendre place à l'avant.

Messieurs, les membres de la commission vous souhaitent la bienvenue. M. Pouliot, je vois que votre mémoire est très volumineux, donc, je vous rappelle que vous avez vingt minutes pour la présentation. Si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Conseil provincial du Québec des métiers de la construction

M. Pouliot (Maurice): M. le Président, pour débuter je vais vous présenter le confrère Yvan Bertrand, secrétaire archiviste du conseil provincial et gérant d'affaires du local 1929 des tireurs de joints, le procureur du conseil provincial, Me Robert Toupin, de même que l'adjoint au président-directeur général, le confrère Jean-Jacques Savage.

J'aimerais procéder de la façon suivante, si vous me le permettez. On va lire certains commentaires à l'intérieur du mémoire du conseil provincial et la conclusion. Par la suite, Me Toupin va lire les recommandations qui sont à la fin du mémoire et on va donner quelques commentaires à la suite de l'exposé qu'on va vous faire. On sera prêts par la suite à répondre à vos questions.

J'aimerais vous mentionner qu'on a tenté de déposer le mémoire du conseil provincial hier. On est venu à l'Assemblée nationale, mais il s'est adonné que toutes les portes étaient barrées.

C'est la raison pour laquelle on vous l'a soumis ce matin seulement. Je voudrais aussi mentionner que le mémoire du conseil provincial a été adopté à l'unanimité par les gérants d'affaires, lors d'une assemblée spécialement convoquée à cette fin. Ce n'est donc pas le mémoire d'une personne, c'est le mémoire de l'assemblée des gérants d'affaires du conseil provincial.

M. le Président, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et du Travail, mesdames et messieurs les membres de la commission parlementaire, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) représente 31,3 % de l'ensemble des travailleurs de l'industrie de la construction. Au sein de notre structure, ils se répartissent auprès de nos 31 locaux affiliés, représentant l'ensemble des métiers, spécialités ou occupations de l'industrie de la construction et dans toutes les régions du Québec.

Lors du dépôt du projet de loi 31, plusieurs de nos syndiqués ne croyaient pas être affectés par le changement législatif qui nous est proposé. C'était notamment le cas des électriciens, des plombiers et des menuisiers affectés à des travaux de structure. D'après la discussion que nous avions déjà eue avec le ministre du Travail, nous pensions qu'il avait bien saisi le sens de nos préoccupations au sujet de la réduction constante du champ d'application de la Loi sur les relations du travail, de la formation professionnelle et de la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.

Nous avions également cru lui avoir démontré une certaine souplesse, un certain bon sens en reconnaissant la difficulté de contrer le travail au noir dans le secteur résidentiel et en lui présentant des solutions acceptables et réalistes. Quelle ne fut pas notre surprise de constater son incompréhension lorsque nous avons commencé à étudier le projet de loi 31. La déception eut pour nous un goût amer. La seule mesure qu'il édicté est le non-assujettissement de tout un secteur de l'industrie de la construction. Veuillez croire que ce n'était absolument pas le sens de nos interventions. Le gouvernement, étant incapable de contrôler ce secteur, ne trouve rien de mieux que de l'exclure du décret de la construction. À quand le tour de la construction neuve proprement dite dans le secteur résidentiel? Il n'y a pas plus qu'un seul pas à franchir pour y arriver.

Pendant ce temps, les autres problèmes demeurent entiers. Le projet de loi 31 reste muet sur de nombreuses questions fondamentales pour notre industrie. Pour votre bénéfice, mentionnons rapidement celles ayant trait aux faibles responsabilités confiées aux représentants syndicaux afin d'enrayer le travail au noir, à la nécessité toujours pressante d'instituer un tribunal de la construction, au manque de rigueur de la réglementation applicable aux entrepreneurs en construction, aux atteintes constantes portées au champ d'application de la loi en vue de le

restreindre de plus en plus ou, enfin, à la prolifération des artisans et des "chaudrons" sur les chantiers de contruction.

Le projet de loi 31 s'inscrit dans la ligne des réformes législatives à la pièce, présentées à toute vitesse en fin de session, comme c'est malheureusement trop souvent le cas pour l'industrie de la construction. Ainsi, il n'est guère surprenant de constater que ce projet de loi a au moins réussi à faire l'unanimité auprès des associations syndicales et de l'association des employeurs, reconnues dans l'industrie de la construction. Personne n'en veut.

L'opposition du conseil provincial (international) à l'adoption du projet de loi 31 n'est pas le résultat d'un simple caprice. Pour arriver à cette évaluation, nous nous sommes astreints à une étude exhaustive de ce projet de loi. À la suite de cette démarche, il nous a été impossible d'arriver à une conclusion contraire. Nous ne sommes pas contre pour le plaisir d'être contre. Notre refus est motivé par des raisons sérieuses.

Le court laps de temps qui nous a été octroyé pour vous faire part de nos commentaires est tout à fait insuffisant, compte tenu de l'ampleur des changements proposés par le ministre du Travail. Du jour au lendemain, on ampute l'industrie de la construction d'une part importante de son activité et on nous accorde 20 minutes pour tenter de vous convaincre de surseoir à l'adoption d'une loi qui serait fortement préjudiciable aux 35 000 travailleurs de la construction que nous représentons. C'est injuste et nous combattrons son adoption.

Lors de l'analyse du projet de loi 31, nous nous sommes efforcés de garder notre esprit libre de toute idée préconçue. Nous l'avons abordé en évitant de le juger avant de l'avoir lu et compris. Si nous y avions décelé des moyens efficaces pour régler l'ensemble des problèmes relatifs au champ d'application du décret, nous aurions été les premiers à donner notre appui. Malheureusement, c'est loin d'être le cas.

Je vous rappellerai que les positions adoptées par le conseil provincial (international) n'ont pas l'habitude d'être systématiquement en opposition avec les projets législatifs des divers gouvernements. Si un projet présente des aspects positifs pour le mieux-être de nos membres, nous y souscrivons. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit lors de l'adoption de la loi 119. Nous avions alors la conviction profonde que les changements proposés allaient être bénéfiques pour l'ensemble des travailleurs et des employeurs de la construction ainsi que pour la population en général. Le projet de loi 31 n'a pas cette préoccupation fondamentale de préserver à la fois les intérêts de l'industrie et ceux du public.

Au cours des prochaines pages, nous nous emploierons à chercher à vous convaincre que ce projet ne met pas en place les moyens pour atteindre véritablement les objectifs qu'il se fixe. Par ailleurs, nous chercherons à mettre en évidence les dispositions qui porteront un sérieux préjudice aux travailleurs de la construction. Pour le bénéfice des membres de la commission, nous résumerons nos objections et nos recommandations article par article. Cette façon de procéder nous permettra de mieux nuancer notre point de vue. Je saute à la page 31 pour la conclusion avant de céder la parole à Me Toupin.

Conclusion. En guise de résumé et de conclusion, au nom du conseil provincial (international), nous demandons que l'étude du projet de loi soit reportée à l'automne. D'ici ce temps, je pense qu'il y aura lieu de convier l'association des employeurs et les associations syndicales à examiner avec votre ministère l'ensemble des problèmes qui affectent notre industrie. Je fais référence, bien entendu, au travail au noir, mais aussi à la diminution constante du champ d'application de la loi, aux définitions du salarié permanent, de l'employeur professionnel, de la machinerie de production, aux pouvoirs octroyés aux inspecteurs de la Commission de la construction du Québec, à l'élimination des artisans des chantiers de construction.

Vous comprendrez aisément, compte tenu des commentaires que nous avons faits, qu'il nous est tout à fait impossible de cautionner un projet de loi qui ne réglera rien. En plus, nous jugeons que ce projet de loi serait très difficile d'application. Nous sommes disposés à discuter d'une manière constructive des problèmes qu'il soulève. Cependant, sous le prétexte d'aider les familles du Québec, on chambarde toute une industrie. C'est carrément inacceptable.

J'ajouterai que nous nous sommes toujours montrés favorables et ouverts à certains assouplissements des règles régissant les conditions de travail prévues pour les travaux de réparation et d'entretien commandés par des particuliers pour leur résidence personnelle. Il ne faudrait donc surtout pas se servir de cet argument pour justifier l'adoption du projet de loi 31.

Enfin, nous reprochons à ce projet de loi de s'éloigner du programme électoral du Parti libéral du Québec. C'est sur cette base que le gouvernement libéral s'est fait élire et, aujourd'hui, on lui préfère le rapport du groupe présidé par M. Reed Scowen. Je ne vous cacherai pas que nous sommes fort déçus de ce choix. J'espère que la démarche que nous menons aujourd'hui ne sera pas vaine. Nous le faisons honnêtement en croyant que vous tiendrez compte de l'intérêt des travailleurs de la construction.

Le tout respectueusement soumis.

Je cède maintenant la parole à Me Toupin. (11 h 45)

M. Toupin (Robert): II y a effectivement des recommandations dont on peut prendre connaissance aux pages 34 et suivantes. Évidemment, dans les pages sautées par le président-directeur général, il y a des commentaires et des études sur chacun de ces articles. Or, vous comprendrez que les recommandations qui

apparaissent à la fin du mémoire sont un résumé. La première, sur l'article 7.2 du projet de loi 31. Mentionnons tout d'abord qu'après avoir entendu tantôt la Commission de la construction du Québec le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) tient à vous dire qu'il ne croit pas, en droit tout au moins - dans les faits ça se suit - que des pouvoirs ou des injonctions pourront être pris sur la base de cet article. Les règles d'injonction, M. le ministre en particulier, vous le savez, vos conseillers et tout procureur qui a pratiqué dans le domaine, exigent un droit clair pour permettre une injonction. Vous comprendrez que des termes comme "personne concernée" et "moyens nécessaires" sont des termes ambigus. Au surplus, vous savez que l'injonction c'est souvent un ordre de ne pas faire quelque chose, beaucoup plus que de faire quelque chose. Les juges sont très hésitants à ordonner à quelqu'un de faire un acte donné; ils sont plus enclins à dire de ne pas faire telle chose. Ce sont ces règles de base qui font que l'article 7.2 ouvrira des portes à des pénalités qui y sont toujours soumises, bien sûr, hors de tout doute raisonnable, en matière pénale.

Quant à nous, on vous propose un texte qui a les mêmes faiblesses, mais que nous croyons plus clair d'application, c'est-à-dire que, dans le texte soumis, il n'y a pas plus d'injonctions qui vont être prises pour des règles de droit commun tout simplement. Nous croyons, comme on le voit à la recommandation, 1, que: Sur demande, toute personne doit collaborer et aider la commission et toute personne qu'elle désigne à exercer les pouvoirs prévus à l'article 7,1. Alors, sur demande d'un officier ou d'une personne dûment habilitée, toute personne devrait aider et collaborer avec la commission pour ne pas permettre à des gens d'adopter de faux-fuyants.

Sur l'article de fond du projet de loi, soit l'article 19, les modifications ont pour but, dans un premier temps, d'exclure les travaux d'entretien, de rénovation, de réparation et de modification. La position du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) est claire. Si vous deviez, malgré nos objections, adopter cette loi, nous voulons limiter les modifications à l'entretien et à la réparation. Les définitions données et reconnues en particulier par la Commission de la construction du Québec dans sa directive 1.01 et d'autres définitions données par le commissaire de la construction pour les termes "rénovation" et "modification" sont très larges. Or, ce qui bénéficiait d'une largesse d'interprétation pour l'industrie de la construction, diminuera d'autant le champ d'application lorsque vous exclurez lesdits travaux. À titre d'exemple, c'est assez intéressant, dans la décision 365 le commissaire de la construction, a appliqué le terme "modification" à la transformation d'un vieil entrepôt en espaces à bureaux administratifs. Il en est de même dans la décision 358 où refaire l'isolation et changer le système de chauffage, c'est considéré comme une modification. Or, ce sont des travaux d'importance, alors, vous comprendrez qu'on s'oppose à cela.

D'autre part, sur cet article de base, après avoir fait différentes vérifications et discuté avec différents conseillers juridiques, il est essentiel que, si vous adoptez ce projet de loi malgré notre position, le terme "résidence principale" apparaisse dans l'exclusion de votre projet de loi. Il est faux de prétendre - en tout cas, on le soumet humblement, on en a fait l'exercice - cela a toujours été faux, de toute façon, de prétendre que les termes "aux fins personnelles" visent une résidence. L'exercice s'avère impossible à rationaliser. Lorsqu'on regarde l'expression "aux fins personnelles", est-ce que cela couvre un immeuble de quatre logements à propriétaire unique? Est-ce que cela couvre un immeuble de 20 condominiums? Est-ce que cela couvre un individu qui est propriétaire de six, douze ou quinze maisons dans un pâté de maisons? Alors, il est impossible d'arriver à une conclusion à cet effet. C'est la raison pour laquelle, lorsqu'on regarde les intentions du ministère, pour limiter cela aux résidences, il faut l'indiquer clairement dans votre projet de loi. Par conséquent, le conseil provincial vous propose d'indiquer strictement et simplement: "aux travaux de réparation et d'entretien exécutés à la résidence principale". Cela comprend la résidence où habite le propriétaire et celle où habite le locataire.

Dans les autres recommandations, il y a la recommandation numéro 3, qui peut se résumer à ceci: le conseil provincial demande qu'à l'occasion de ce projet de loi, s'il est adopté et non reporté, l'artisan soit complètement, définitivement et totalement exclu des mécanismes d'application de la loi et en particulier des avantages sociaux. Or, c'est une position claire, fonctionnelle, et le conseil se demande toujours pourquoi il y a des demi-mesures là-dedans. Il s'agit de l'exclure, carrément.

Dans la recommandation numéro 4, comme c'est expliqué plus avant, on vous demande de conserver l'actuel texte de l'article 81 f.

La recommandation numéro 5, maintenant, page 36, concerne la création d'un fonds où sont puisés les 20 % supplémentaires pour les gens qui travaillent sans carte de compétence. Le conseil provincial vous demande de verser cela dans un fonds qui aurait pour bénéfice de "constituer un fonds de réserve afin d'abaisser graduellement l'âge normal de la retraite de 60 ans à 55 ans, chez les travailleurs ayant accumulé au moins 14 000 heures de travail sur les chantiers de construction." Autrement dit, à partir d'un mal qui est commis sur les chantiers, on veut en faire un bien.

La recommandation numéro 6 concerne les déclarations des entrepreneurs qui embauchent des artisans. Alors, comme on demande l'exclusion totale des artisans, on vous demande

de biffer également cet article.

La recommandation numéro 7 concerne les pouvoirs octroyés aux inspecteurs de la Commission de la construction du Québec. Le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction vous demande d'accorder des pouvoirs supplémentaires aux inspecteurs de la Commission de la construction du Québec, allant même jusqu'à tout simplement adopter dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail des pouvoirs de fermeture de chantiers réfractaires et de ceux où il y a des travailleurs au noir. Mentionnons-en un présentement à Hull où toute la construction d'une résidence pour vieillards se fait en grande partie au noir. Les inspecteurs de la CCQ sont carrément mis à la porte du chantier par des illégaux. Le conseil provincial a demande l'intervention de la Sûreté du Québec, des policiers municipaux, cela nous est refusé. Alors, y aurait-il moyen qu'effectivement des pouvoirs supplémentaires puissent être adoptés pour mettre fin à cette situation-là? On pense également aux pouvoirs d'un agent de la paix qui pourraient être exercés, dans certains cas, par les inspecteurs de la Commission de la construction du Québec.

Ce qu'on vous dit aussi c'est que, si lesdits pouvoirs des inspecteurs ne sont pas augmentés, il faudra vous attendre qu'il se fasse une justice de justicier vis-à-vis des illégaux et du travail au noir. Ce n'est pas souhaitable, vous l'aurez compris.

On vous demande également, dans la recommandation numéro 8, de ne pas avoir peur, de ne pas craindre de permettre aux représentants syndicaux, qui vont fréquemment sur les chantiers de construction, et sans aucuns frais pour le contribuable québécois, de demander aux gens qui travaillent sur les chantiers: Est-ce que tu peux nous montrer ta carte de compétence? Pourquoi n'auraient-ils pas ce pouvoir-là? Ils n'en abuseront pas, ils sont là souvent; ils vont souvent sur les chantiers. Cela ne coûte rien au gouvernement d'avoir ces inspecteurs à un endroit pour demander à un salarié de s'identifier.

La recommandation numéro 9, c'est pour vous demander d'accélérer, comme il y a une annexe à cet effet-là, le mode d'adoption des règlements de la CCQ relativement aux avantages sociaux. Cela prend trop de temps.

En ce qui concerne la recommandation numéro 10, M. Pouliot va vous en parler dans un instant. Je redonne donc la parole au président-directeur général.

M. Pouliot: Bon, M. le Président, concernant la formation et la qualification professionnelles, selon ce que le ministre nous a un peu expliqué au début sur ce qui semblait être son orientation, on pense que cela va à rencontre du projet de loi 119, qui veut octroyer une certaine polyvalence à l'intérieur des métiers qui vont être reconnus comme étant hors construction, dans le cas des tuyauteurs, des électriciens, et aussi d'un nouveau métier qui, semble-t-il, va être créé, celui des menuisiers de charpente. Donc, cela, et on dit aussi, que le ministre peut établir des programmes, mais que, quant à nous, c'est une entrée massive pour les nouveaux travailleurs qui peuvent éventuellement entrer dans l'industrie de la construction, et nous croyons que les principes de la loi 119 ne sont pas respectés dans les propositions du projet de loi 31 sur la formation professionnelle.

J'aimerais aussi mentionner, M. le Président, que c'est un projet de loi qui est totalement inacceptable et inapplicable pour nous. Imaginez-vous l'employeur qui embauche des travailleurs qui sont assujettis, pour une certaine partie des travaux et non assujettis pour d'autres parties. Donc, ce qui va arriver, c'est que les employeurs vont avoir deux ou trois sets de livres pour enregistrer les travailleurs. Et on vient nous dire, concernant les avantages sociaux, que ces travailleurs-là, qui sont actuellement assujettis à ces travaux-là, à un moment donné vont pouvoir continuer de bénéficier du régime d'avantages sociaux, tant d'assurance-maladie, d'assurance-salaire que du régime de retraite. Donc, on va amplifier le problème qui existe actuellement avec les artisans, car cela ne sera plus seulement avec les artisans, cela sera plus que cela. Évidemment, j'écoutais le président-directeur général de la CCQ expliquer son point de vue. Je peux vous dire que, comme un des administrateurs de la CCQ, même si je ne peux pas parler comme porte-parole de la CCQ, quant à nous, le problème est loin d'être réglé. Vous êtes en train de multiplier le problème par dix avec l'article que vous êtes en train d'introduire à l'intérieur du projet de loi 31 sur les avantages sociaux. Nous voulons tout simplement éliminer les artisans de l'industrie de la construction. Cela, c'est une promesse que nous a faite le gouvernement actuel. Mais là, au lieu de nous la donner, on fait une place au soleit...

Le Président (M. Théorêt): M. Pouliot, je m'excuse de vous interrompre. Je veux juste vous rappeler que vous avez déjà dépassé de quelques minutes le temps que je vous avais alloué. Si vous voulez conclure, s'il vous plaît.

M. Pouliot: Oui. Bien, je peux conclure en demandant encore qu'on reporte l'adoption du projet de loi. Il y a eu des tables de travail, des comités qui ont été formés, présidés, entre autres, par M. Réal Miraut et M. Jean Sexton. Ils ont fait des recommandations qui visent, effectivement, à solutionner les problèmes car, à toutes fins utiles, ce que fait le projet de loi 31, c'est qu'il rend légal ce qui est actuellement illégal et cela va être incontrôlable puisqu'il n'y a pas assez d'inspecteurs pour surveiller tout cela.

Donc, je pourrais répondre aux questions.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Pouliot. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, je remercie le conseil provincial de sa comparution et également de la qualité d'un mémoire étoffé.

Vous avez commencé en situant le contexte dans lequel le projet de loi a été déposé, reprenant en cela quelques propos qui ont été tenus par l'Opposition. Mais vous avez terminé en mentionnant qu'il y avait eu, dans le passé, des tables de travail. Vous avez mentionné des noms de gens qui ont présidé des tables de travail, qu'il s'agisse de M. Mirault, de M. Sexton, et vous faites bien de vous y référer parce que ce n'est pas du travail qui a été accompli pour rien, loin de là. Je pourrais vous référer, également, à des déclarations du conseil provincial et de son président, à partir de la fin des années soixante-dix, du début des années quatre-vingt, en ce qui concerne tout le secteur de la rénovation résidentielle. Et vous avez annexé - j'en profite pour le dire et je ne peux pas vous en tenir rigueur - à votre mémoire le programme électoral du Parti libéral du Québec, 1985: L'industrie de la construction au Québec...

Une voix: C'est pour ça qu'il était si épais, ce mémoire-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ha, ha, ha! ...en disant que le projet de loi ne répondait pas, en tout cas, dans sa totalité, au programme du Parti libéral.

On pourrait discuter dans le détail de chacune des propositions que vous nous avez amenées; je préférerais attaquer avec vous des grands blocs de discussion. Je vous les donne tout de suite. Premier bloc de discussion: le travail au noir, son importance dans ce que l'on vise à déréglementer, son importance dans la construction domiciliaire et son importance dans les grands chantiers de construction. Je voudrais également parler avec vous de la définition que l'on apporte dans la loi. On inclut les travaux d'entretien, de réparation, de rénovation et de modification. Vous semblez dire qu'on en exclut trop, si je me fie à votre mémoire; vous nous soupçonnez même de vouloir exclure les con-dominiums. Il y a une phrase où vous mentionnez que ce qui va se construire au Québec, ce sont strictement des planchers, des plafonds et des murs, et que le reste va tomber dans la rénovation. Ce n'est pas ce qu'on vise. Donc, moi, j'aimerais qu'on ouvre la discussion là-dessus. J'aimerais également qu'on touche à deux autres sujets: un qui vous tient particulièrement à coeur, les artisans; et le dernier, la question de la formation que vous avez soulevée.

Sur le travail au noir: présentement, dans les secteurs de la rénovation, de la réparation, de l'entretien et des modifications résidentielles, est-ce que vous croyez que ce trava/Mà qui est actuellement soumis au décret de la construction est contrôlé par la Commission de la construction du Québec et que le taux de travail au noir est sous contrôle? (12 heures)

M. Pouiiot: M. le Président, à votre première question, je vais simplement vous mentionner que le conseil d'administration de la CCQ a adopté ce qui s'appelle un budget pour l'année 1988, un budget de 40 000 000 $ et a aussi accepté d'augmenter les effectifs des inspecteurs de la Commission de la construction du Québec. Je vais aussi vous mentionner que, présentement, au mois de mai, le Conseil du trésor n'a pas encore donné suite à la volonté des parties dans l'industrie de la construction, ce qui m'apparaît totalement inacceptable, pour ne pas dire dégueulasse. C'est nous autres qui payons, qui décidons, mais cela prend un avis du CT, puis on attend, peut-être l'année prochaine. Donc, s'il y avait une cinquantaine d'inspecteurs de plus qu'on est prêt à payer, on ne va pas mendier là, on a augmenté le prélèvement, les parties dans la construction, pour financer la CCQ, et c'est un vote qui a été adopté majoritairement au conseil d'administration... Donc, partant de là, on vous demande notre CT.

Deuxièmement, on pense qu'il devrait y avoir des pouvoirs accrus pour les inspecteurs de la CCQ. Mais on ne pense pas qu'en augmentant les amendes... Cela ne nuit pas, c'est clair. C'est une amélioration du système qui existe aujourd'hui. Mais qu'on donne les pouvoirs aux inspecteurs de la CCQ, un peu comme les pouvoirs qu'ont les inspecteurs de la CSST. Ils peuvent fermer des chantiers, eux, pas pour rien, mais pour autant qu'il y a un danger. La même chose pourrait survenir. Et, d'ailleurs, cela a déjà été discuté dans différentes commissions parlementaires que les inspecteurs de la CCQ aient un pouvoir d'agent de la paix comme on le recommande et cela pourrait, à toutes fins utiles, éliminer une grosse partie du travail au noir. Il ne faut pas se le cacher, il va toujours y en avoir, mais entre 25 % et 5 %, il y a une marge. Donc, quant à nous, il faut que les inspecteurs de la CCQ aient des pouvoirs accrus. Mais, encore une fois, M. le Président, le consommateur qui veut changer sa marche de galerie ou son bras de galerie, il les fera changer et s'il veut payer 5 $ l'heure, il paiera 5 $, on ne s'oppose pas à cela. Mais de prendre une grosse bâtisse, de la modifier pour en faire des logements, là, on n'est plus avec notre petit consommateur, on sait d'où cela part, mais on ne sait plus où cela arrête.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous maintenez donc, je vous pose la question, la déclaration que vous aviez faite en 1984-1985 dans le magazine ou la revue Québec construction, et je cite... "L'entretien et la réparation à des fins personnelles pourraient se faire en dehors des conditions du décret, soumet-il cependant." M.

Pouliot, c'est-à-dire vous, vous maintenez toujours cette déclaration-là?

M. Pouliot: Oui, et je dois vous dire, M. le Président, que c'est un consensus syndical. Cela a fait partie d'une commission parlementaire en 1984 et a découlé de cela ce qui s'appelle un "green paper" quelque part qui venait, je pense, de l'ex-ministre du Travail, mais c'est encore notre position.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Maintenant, sur le plan de l'application de ce qui est exclu. Dans votre mémoire, on perçoit des craintes que l'utilisation ou la rédaction de l'exclusion, tel que le gouvernement le propose, pourrait quand même permettre à des gens de faire ce qu'on appelle de la véritable construction sans être soumis au décret. Vous avez donné l'exemple, et je vous réfère à votre mémoire, de la question de la construction de condos où on ne ferait que le plancher, le plafond, les murs et le reste du condominium serait fait par chacun des individus. Est-ce que cette interprétation-là que vous donnez est basée sur le texte de loi tel que présenté?

M. Pouliot: Elle est basée sur le texte de loi, elle est basée, aussi, sur les interprétations des mots rénovation, réparation et modification. Vous savez, c'est très large, effectivement, ces définitions-là. Donc, c'est pour cela, quant à nous, qu'on limitait notre revendication à entretien et réparation et la balance... Parce qu'on peut faire des modifications, on peut modifier toute l'Assemblée nationale, on peut acheter une vieille bâtisse, un moment donné, et en faire des logements et cela, comme je vous l'ai dit, on ne sait pas comment cela finit. Et plusieurs travaux qui devraient être assujettis à l'industrie de la construction... On parle de fer ornemental, par exemple; lorsque le consommateur va acheter une maison unifamiliale, il peut faire faire ces travaux-là par la suite, deux mois, trois mois, quatre mois après, non assujettis au décret de la construction et la même chose arrive dans le cas de la construction d'un garage. Si cela se fait après que la maison ait été construite, cela devient non assujetti. Donc, on ne veut pas s'avancer pour dire si c'est 2 000 000, 5 000 000 ou 25 000 000 d'heures dont on parle, mais on sait que c'est très volumineux en chiffres d'affaires, ce que vous êtes en train d'exclure. Quant à nous, il y a déjà trop d'exclusions à l'article 19 de la loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. On veut limiter les exclusions et, au lieu de les limiter, vous êtes en train de les élargir encore plus.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En ce qui concerne l'artisan, il ne semble pas que les modifications que l'on apporte en l'obligeant à exiger le même taux horaire dans la construction domiciliaire, etc., vous satisfassent. Est-ce que vous maintenez votre position de demander l'abolition de la notion d'artisan?

M. Pouliot: Absolument, on veut exclure l'artisan de l'industrie de la construction. On lui donne, à l'intérieur du mémoire du conseil provincial, trois mois pour faire un choix. Il va être un salarié ou il va être un employeur. C'est la notion qui est là. C'est copié dans le programme du Parti libéral, à toutes fins utiles.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On va bien. La question de la formation. Vous mentionnez que la possibilité d'offrir au travailleur polyvalent, qui oeuvrerait hors décret, de la formation polyvalente va à rencontre de l'esprit ou de l'objectif de la loi 119. Une des bases de la loi 119 est de s'assurer que les travailleurs de la construction soient de mieux en mieux formés. En offrant à ceux et à celles qui oeuvrent hors du décret de la construction une possibilité d'améliorer leur formation, de la polyvalence, en quel sens cela va-t-il à rencontre de cet objectif gouvernemental d'assurer au donneur d'ouvrage des travailleurs les mieux formés possible?

M. Pouliot: Bien, écoutez, ce qu'on craint, par rapport aux travailleurs qui vont avoir la polyvalence des métiers - d'ailleurs, c'est visé depuis de nombreuses années, cela fait partie des recommandations de la commission Cliché, entre autres, c'est repris à plusieurs occasions - on se dit effectivement que: dans le secteur hors construction qui relève du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, on va former des gens et on va les rendre polyvalents. Le gars va être un peu un "Jack of ail trades". Il va avoir dix métiers, dix métiers qu'il va peut-être faire tout croche: plâtrier, tireur de joints, charpentier-menuisier, etc. On va essayer de le rendre polyvalent. Quant à nous, c'est l'ouverture d'une porte pour le rentrer tout à l'heure dans l'industrie de la construction. Vous savez que les problèmes qui existent actuellement concernant l'évaluation de l'estimation des besoins dans l'industrie de la construction ne sont pas aussi clairs avec le ministre de l'Éducation qu'ils pouvaient l'être avec les parties dans la construction, qui décident de ce qu'on appelle le contingentement de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. C'est là qu'est notre crainte lorsque vous parlez de formation et de qualification facultatives. On s'interroge à savoir quelles sont les idées du gouvernement derrière cela. Je dois vous dire que ce n'est pas aussi clair qu'on le pense. Je vais laisser un complément de réponse à Me Toupin.

M. Toupin: Permettez. Un aspect supplémentaire est que la loi 119 a donné la formation aux parties. C'était un leitmotiv très clair à l'époque.

Alors, il appartient maintenant aux partenaires qui siègent à la CCQ de définir ou de tenter de définir ce que seront les métiers. D'un autre côté, il y aura des travailleurs de réparation et d'entretien, si vous adoptez rénovation et modification, qui iront se chercher une formation en dehors de ce cadre-là, comme votre titre le prévoit. Or, ce travailleur, qui va aller se chercher cette formation en dehors du circuit, va revenir dans la construction. Il ne s'empêchera pas de travailler. Il va peut-être faire de la réparation résidentielle, mais il va également venir faire des travaux de construction à un moment donné dans l'industrie régie et couverte et il va se trouver tout simplement des travaux de modification autres que résidentiels, si on prend les termes utilisés chez vous. Il va avoir dans ses poches deux espèces de qualifications où ailleurs on va être plus permissif que dans l'industrie. Alors, c'est un peu cela, notre crainte. La personne qui va faire les travaux exclus, ne tenez pas pour acquis qu'elle n'oeuvrera pas également dans l'industrie de la construction.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et vice versa.

M. Toupin: Et vice versa.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va pour le moment.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le critique.

M. Gendron: Merci, M. le Président. J'ai un premier problème. Si c'est un mémoire qui reprend toutes les orientations du programme du Parti libéral en ce qui regarde l'industrie de la construction du Québec, vous avez un jugement pour le moins sévère sur ce projet de loi et à tout le moins le Parti libéral et son ministre n'ont pas bien fait leur travail pour donner suite à des revendications du secteur de l'industrie de la construction. Si je le reprends rapidement, très vite, vous avez dit que le ministre n'avait pas semblé comprendre ce que vous vouliez qu'il fasse dans le domaine de la construction et que le projet de loi 31 ne correspondait pas à vos attentes pour ce qui est des éléments que vous avez expliqués. C'est un commentaire général que je veux faire avant de poser deux questions.

En page 4, vous dites que le projet de loi 31 reste muet sur de nombreuses questions fondamentales. Tout comme moi, vous avez partagé l'opinion que c'était un projet de loi présenté à la pièce en toute fin de session et que malheureusement c'était une mauvaise façon de fonctionner dans un domaine aussi fragile que celui des relations du travail. Vous ne concluez pas, mais vous dites en page 5 que personne ne veut du projet de loi 31. C'est ce que les audiences vont peut-être démontrer, mais on verra quand on aura fini d'entendre tout le groupe. Vous allez combattre son adoption et vous nous dites à la fin que le projet de loi 31 n'a pas cette préoccupation fondamentale de préserver à la fois les intérêts de l'industrie et ceux du public. C'est surtout sur ce commentaire-là que je voudrais interroger un peu M. Pouliot, parce que c'est une question d'ordre très général, mais c'est cela notre responsabilité aujourd'hui. Vous dites: Le projet de loi n'a pas comme préoccupation fondamentale de préserver à la fois les intérêts de l'industrie et bien sûr ceux du public. Si c'était dit autrement: D'après vous, les intérêts des travailleurs dans ce projet de loi, parce que vous êtes une association syndicale qui représentez les travailleurs, comment très concrètement y en a-t-il, s'il y en a? Parce que le ministre affirmait dans ses notes explicatives au début: Quant au travailleur, on croit que ce projet de loi lui sera très bénéfique. Pensons notamment que ces travailleurs qui oeuvraient dans l'illégalité ne seront plus illégaux. C'est une question de principe.

Je ne prétends pas que c'est un avantage de bénir l'illégalité et de la consacrer, mais c'est ce qui suivait qui était plus grave. C'est le ministre qui parle d'avoir accès à des régimes de protection, la CSST, la Régie des rentes, l'assurance-chômage et ainsi de suite. La question précise que je vous pose comme représentant des travailleurs, c'est: Est-ce que vous croyez effectivement que ces avantages d'avoir une couverture sur 5 $ ou 6 $ l'heure pour ces bénéfices, parce qu'ils seront exclus de la construction, représenteront éventuellement un plus par rapport aux travailleurs que vous connaissez qui accepteraient peut-être, comme vous l'avez dit... Êtes-vous d'accord pour ce qui est des travaux - là, je veux être certain de ce que je dis - d'entretien et de réparation? Le reste n'aurait pas de bon sens. Autrement dit, croyez-vous qu'il y a là des bénéfices additionnels pour les travailleurs?

M. Pouliot: La façon dont cela fonctionne, c'est que vous appelez un travailleur de l'industrie de la construction, vous avez des travaux à exécuter à votre résidence, vous voulez faire peinturer votre maison, vous le payez 7 $ ou 8 $ l'heure et effectivement c'est du "cash" et il n'y a pas les avantages sociaux qui s'appliquent. Donc, s'il arrive un accident, je ne sais pas comment on peut expliquer cela, on parle de la CSST, de la Régie des rentes, de l'assurance-chômage, tout cela est exclu du régime comme tel. Donc, on vient d'exclure cela. D'un autre côté, lorsqu'on va donner ce genre de travail à des entrepreneurs, parce qu'il y a tout de même encore des entrepreneurs qui vont avoir à exécuter ce genre' de travaux même s'ils ne sont pas assujettis au décret de la construction, pour des raisons, le consommateur est peut-être mieux de payer un peu plus cher et d'avoir une qualité de main-d'oeuvre et un travail bien fait. Souvent,

on a vu cela et on voit cela à la ville de Montréal, entre autres. Combien de travail au noir s'y est-il fait et par la suite le travail n'était pas terminé, on essayait d'intenter des poursuites contre les entrepreneurs qui avaient fait cela dans l'illégalité? C'est un problème qui existe présentement, ce n'est pas une invention. (12 h 15)

Quant à nous, il n'y a pas de protection pour le consommateur et encore moins pour le travailleur. De plus, cela deviendra inapplicable par les inspecteurs de la CCQ. Les entrepreneurs n'auront plus deux sets de livres, ils vont en avoir trois. Pour les travaux, ils vont dire: Tu fais dix heures qui sont assujetties au décret de la construction neuve et 30 heures qui sont non assujetties au décret de la construction. Là, il est payé "cash", sous la table, et l'impôt vient de sauter. Cela va fonctionner de cette façon. Mais ce qui va encore plus loin à notre avis, c'est qu'on dit, à l'article 12, que ces gens-là peuvent continuer de bénéficier du régime des avantages sociaux des travailleurs de l'industrie de la construction. Ceux qui sont toujours assujettis au décret de la construction paient un montant fixe qui va dans leur fonds de retraite et aussi dans le régime d'assurance. Je pense que le président de la CCQ vous a fait la démonstration de tout le critère des 600 heures, des 900 heures et des cotisations volontaires dont on retrouve, à toutes fins utiles, les chiffres en annexe dans le mémoire du conseil provincial.

Quant à nous, on pense que ce n'est bénéfique pour personne, mais si le consommateur pense qu'il va avoir une meilleure "job" et qu'il va économiser un peu d'argent, on serait d'accord que les travaux d'entretien et de réparations soient exclus de l'industrie de la construction à la condition que des réels projets d'envergure comme Domtar, Pechiney, Kruger ou d'autres gros chantiers... Et c'est là que l'on change toute la notion d'employeurs professionnels, de salariés permanents, etc., qui est à l'intérieur du mémoire du conseil provincial.

M. Gendron: D'accord. Je pense que je ne ferais pas erreur de dire que, selon vous, l'article majeur - je ne dis pas qu'il n'y en a pas d'autres importants - de ce projet de loi est l'article 4 qui modifie l'article 19 de la loi. Vous êtes d'accord là-dessus?

M. Pouliot: Sûrement.

M. Gendron: Bon. J'ai lu assez attentivement les pages 10, 11 et 12 de votre mémoire où vous dites: Dans notre esprit, il n'est absolument pas question de voir dans le projet de loi les travaux de rénovation et de modification soustraits de l'application de l'assujettissement des employeurs au décret. Je pense que vous êtes assez clairs dans ces pages-là. La question que je pose, parce que vous ne semblez dire d'aucune façon qu'entretien et réparations font problème...

Entretien et réparations ne font pas problème. On serait d'accord. Là, vous donnez une série d'exemples de la difficulté de convenir de ce que sont la rénovation et la modification. Donc, parce que c'est difficile, on dit: On va sortir cela de là. C'est trop interprétable et les conséquences sont trop dramatiques sur le nombre éventuel de travailleurs couverts. Suis-je correct jusque-là?

M. Pouliot: Oui.

M. Gendron: La question que je pose est celle-ci: Même si je reconnais qu'il peut être difficile de baliser rénovation, si on l'exclut complètement, est-ce qu'il n'y a pas certains types de travaux de rénovation qui, dans certains cas, ont une notion de travaux d'entretien? Comment vais-je faire, si entretien ne vous fait pas problème, pour exclure complètement rénovation?

M. Pouliot: Vous avez en annexe du mémoire - on l'a donné à la dernière minute - les interprétations qu'a données la CCQ relativement à ce que veulent dire les mots "construction", "fondation", "érection", "réparation", "rénovation", "modification" et "démolition". Quant à nous, on dit que d'exclure les travaux de réparation et d'entretien, c'est déjà beaucoup et très large. On impute encore une fois des millions d'heures qui sont assujetties au décret de la construction, mais qui, il faut le reconnaître sont très difficilement applicables présentement avec la loi telle que rédigée. C'est pour cette raison que l'on dit: Au lieu de tout exclure, essayons de donner des pouvoirs et d'avoir une police un peu plus sévère, comme celle qu'on voit un peu sur le bord de la route, avec des petites cerises, qui nous colle et qui nous donne des contraventions. On pourrait arriver à la même chose dans le cas des inspecteurs de la CCQ et c'est ce qu'on demande.

Si vous me posez la question, je pense que les définitions d'entretien et de réparation sont assez larges. Elles pourraient éventuellement être exclues. Je ne suis pas certain que ce serait bien pour le consommateur mais si le consommateur voulait bénéficier d'une exclusion, il appellera Joe Blow pour faire faire certains travaux de rénovation. On est d'accord avec cela.

M. Gendron: D'accord. Il y a une autre crainte que j'ai cru sentir dans votre mémoire et, je vous le dis très franchement, je n'ai pas une connaissance très exhaustive de votre mémoire et ce n'est pas votre faute, mais on en a pris connaissance pour la première fois ce matin. Il me semble que l'autre crainte qui apparaît au fil de votre mémoire, et je veux avoir une précision, c'est que vous dites que le projet de loi 31 aura comme conséquence de "phaser" la construction. Je m'explique: "phaser" la construction, cela veut dire que je décide, par

exemple, de construire une maison et, normalement, je suis assujetti aux règles du décret de la construction, mais j'arrête la façade et je décide de ne pas la briqueter tout de suite et de ne pas faire le garage tout de suite. C'est cela que je veux expliquer par "phaser" la construction. Donc, vous dites que c'est encore là un moyen quasi indirect d'arriver graduellement à sortir presque complètement la construction résidentielle du décret de la construction parce que le projet de loi va permettre à n'importe qui le veut de "phaser" ses étapes. Il commence par un carré et, à un moment donné, trois mois plus tard, il pose la brique et, quatre mois plus tard, il se fait une annexe qui est son garage, comme par hasard. Vous pensez vraiment cela? J'ai un peu le même avis que vous là-dessus, à savoir que c'est loin d'être sécurisant. La question que je pose: Est-ce à dire qu'en procédant comme cela il pourrait arriver rapidement qu'un très grand nombre de vos travailleurs soient exclus de la construction traditionnelle et qu'il y ait un problème dans le sens de savoir comment on va faire pour ranger cela, ceux qui vont rester dans la vraie construction et ceux qui seront uniquement dans la rénovation non assujettie au décret? Est-ce que mes perceptions sont exactes?

M. Pouliot: C'est exactement ce qui va se produire. Donc, cela devient un charivari total et les gars vont se promener d'un côté à l'autre. La construction neuve comme telle peut être faite disons à 70 % par des travailleurs et des employeurs de la construction et le reste se fera par la suite. Ce ne sont pas tous des travaux d'urgence qu'il y a à faire pour entrer dans une maison, disons, les travaux de peinture, les travaux de fer forgé, les travaux de garage, plusieurs travaux pourraient se faire après et, effectivement, ce ne serait plus effectivement sur une construction neiNe.

Il y a aussi l'exemple que je vous ai donné. On va acheter une nouvelle bâtisse. On est quatre personnes et on va se construire à l'intérieur, on va modifier, ce sera notre résidence principale et cela ne sera pas assujetti au décret de la construction. On parle encore là de millions d'heures. C'est de plus en plus fréquent d'acheter des vieilles bâtisses et de se construire des logements là-dedans, en modifiant la façade, etc. C'est là-dedans qu'on va tomber à un moment donné. C'est la raison pour laquelle on dit: On ne sait pas où cette chose va s'arrêter. Évidemment, on pourrait nous dire que, pour tous ces travaux, vous pouvez syndiquer les gens en vertu du Code du travail, mais je tiens à vous dire que ce sera très difficile d'aller chercher les accréditations. Les gars sont quelquefois assujettis au décret et, d'autres fois, ils ne le sont pas. Comment faire le contrôle des heures, etc.? On pense que c'est une loi qui est totalement inapplicable.

M. Gendron: D'accord. Rapidement, toujours pour des raisons de temps, deux autres questions. Le ministre a essayé de vous faire préciser et indiquer également toute l'importance qu'il y a pour un gouvernement de contrer le travail au noir. En tout cas, je ne change pas d'avis et votre mémoire le confirme, à part légaliser ceux qui en faisaient, on n'a rien réglé pour toute la partie des revenus qui n'entrent pas plus dans l'État. La question que je vous pose: Croyez-vous que les solutions pour contrer le travail au noir ont été véritablement fouillées et, à titre d'exemple - j'en lance un, mais vous êtes dans le domaine, vous connaissez cela mieux que moi - j'aimerais savoir ce que cela vous dirait d'exiger que toutes les municipalités du Québec envoient à la Commission de la construction copie des permis de rénovation et de construction? Que je sache, je vis dans un petit bled tout petit et, même là, si je fais une rénovation, il faut un permis de la municipalité pour indiquer que je rénove. Je l'ai su en rénovant un petit "shed" au chalet. On m'a dit qu'il m'aurait fallu un permis. J'étais tellement convaincu qu'il n'était pas question de cela. L'inspecteur arrive et il me dit: Tu n'as pas demandé de permis de rénovation? J'ai dit: Non, est-ce qu'il faut un permis pour rénover? Ma rénovation consistait à poser un petit revêtement sur mon Ten Test", si vous me permettez. Je ne pensais pas qu'il y avait un drame là. Et, même dans mon petit bled, cela me prenait un permis de rénovation.

Que pensez-vous d'une mesure comme cela - ce serait dans la loi - l'obligation pour toutes les municipalités du Québec de vous envoyer une copie - c'est une expression - ou un registre des permis de rénovation et de construction et, possiblement, dans un deuxième temps, d'envoyer même cela au ministère du Revenu?

M. Pouliot: Effectivement, c'est une des mesures qui serait drôlement acceptable et qui éliminerait une partie du travail au noir. Cela est une des formules parmi tant d'autres; et sûrement qu'on la retient. Mais il y a aussi le fait que la CCQ et la Régie des entreprises en construction devraient échanger plus fréquemment ou même être branchées sur les mêmes ordinateurs pour avoir les informations des entrepreneurs, le numéro de licence, etc. Il y a tout un mécanisme après cela qui pourrait s'appliquer et un suivi. Ce n'est pas tout de savoir qu'il y a des travaux de réparation, de modification ou de rénovation qui sont exécutés. C'est de s'assurer que le décret est respecté et que les inspecteurs de la CCQ ont le pouvoir de faire quelque chose. Aujourd'hui, un inspecteur va sur un chantier de construction et demande aux travailleurs de la construction de s'identifier. Si le travailleur refuse de s'identifier, la CCQ ne peut rien faire si ce n'est que des fois demander l'aide de la Sûreté du Québec pour exiger que le travailleur s'identifie. Donc, il y a une foule de solutions qui pourraient être amenées pour le bien-être de l'industrie de la construction et

celle du consommateur. C'est l'une des raisons pour lesquelles on est prêt à travailler avec le ministère du Travail, les autres associations syndicales et l'association des employeurs afin d'avoir une loi qui va être à un moment donné potable pour l'industrie en général.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais peut-être reprendre brièvement là où avait débuté le député d'Abitibi-Ouest en citant le haut de la page 7 de votre mémoire. "Le projet de loi 31 n'a pas cette préoccupation fondamentale de préserver à la fois les intérêts de l'industrie et ceux du public." La discussion a été rapide comme elle se doit, à bâtons rompus, en commission parlementaire. Ce que je pense qu'on peut honnêtement dégager de vos propos, c'est que ce qui concerne l'exclusion des travaux d'entretien et de réparation ne semble pas vous causer de difficultés, mais sur le plan des travaux de rénovation et de modification cela pose des difficultés pour autant que vous êtes concernés. L'étalement des travaux, toute la question de la possibilité de ne pas finir une maison, ou de la finir par étapes, si on peut utiliser l'expression, cela vous pose également des difficultés. Si on réussit à dégager des terrains d'entente en ce qui concerne l'entretien et la réparation et à baliser la rénovation et les modifications, je constate qu'à partir des pages 17 et 18 de votre mémoire vous nous soulignez qu'en ce qui concerne les mesures de resserrement sur le plan des pénalités et des contrôles pour la construction domiciliaire, la construction industrielle et commerciale vous semblez être d'accord. Vous dites, page après page: Nous sommes d'accord, nous sommes d'accord, nous sommes d'accord. Mais dans certains cas vous suggérez des ajustements techniques sur le plan législatif où on poursuit les mêmes objectifs, mais vous désirez des bonifications, que j'appelle, sur le plan législatif. Il reste comme grosse pierre d'achoppement la question de l'artisan. Est-ce que le fait que le projet de loi vise à l'obliger à contribuer pour retirer dans une proportion juste et équitable, et l'oblige à facturer le même taux sur la construction domiciliaire, entre autres, n'est pas satisfaisant pour votre syndicat?

M. Pouliot: M. le Président, écoutez, on est d'accord pour exclure les travaux d'entretien et de réparation, mais à la condition qu'on redéfinisse le champ d'application de la loi. Je pense que c'est clair. Aussi, je voudrais vous mentionner qu'actuellement, à l'intérieur du décret de la construction, même s'il y a un taux de salaire qui est uniforme il y a des conditions particulières qui s'appliquent dans le cas des travailleurs de l'industrie lourde. C'est par la voie de la négociation qu'on peut effectivement discuter des conditions qui devraient s'appliquer dans un secteur donné qui est celui du secteur résidentiel. Vous savez que cela existe, les heures de travail ne sont pas nécessairement les mêmes dans le résidentiel que dans les routes, etc. Il y a la question des frais de transport qui s'appliquent dans l'industrie lourde et qui ne s'appliquent pas dans la construction résidentielle. Cela appartient aux parties lors d'une négociation, à mon avis, de décider cela. On ne cautionne pas le ratio un pour un radicalement, de cette façon, même si cela ne fait pas partie de notre mémoire. Encore là, cela peut se discuter par les parties reconnues dans l'industrie de la construction, le ratio.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous revenez, je cherchais la page dans le mémoire, mais je suis certain de l'avoir lu, sur la question de la constitution d'un tribunal de la construction. Je pense qu'on a déjà discuté, je ne sais pas si c'est publiquement ou semi-publiquement, de la création d'une vice-présidence à la Commission des relations du travail, qui découle de l'application du projet de loi 30, une vice-présidence destinée à la construction. Est-ce que cela ne répond pas à la demande que vous nous adressez, là, au gouvernement depuis des années?

M. Toupin: Non, du tout. Pour la raison suivante, et on le répète, il y a un mauvais entendement entre les représentants syndicaux, particulièrement: le vice-président de la Commission des relations du travail, poste créé en vertu de la loi 30, va faire ni plus ni moins ce qui est présentement "la job" du commissaire de la construction, sur le champ d'application et, au surplus, contrairement aux services essentiels, qui sont autonomes au sein de la Commission des relations du travail, le vice-président qui va faire de la construction ne fera pas que cela. Il va aussi s'occuper du Code du travail, comme on dit. Mais c'est tout. Le reste, les arbitrages de discrimination syndicale, l'arbitrage pur et simple, le conseil des conflits de compétence, cela a besoin d'être modernisé, cela presse. Donc c'est non, la réponse.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Une voix: C'est clair. M. Toupin: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Ceci dit, il est déjà midi et trente. M. Pouliot, ainsi que vos collègues, nous vous remercions de votre présence ici, et nous suspendons les travaux jusqu'à 15 h 30 cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 30) (Reprise à 15 h 34)

Le Président (M. Tremblay, Iberville): À

l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail est réunie pour continuer les consultations particulières sur le projet de loi 31. Alors, avant de continuer, je voudrais un consentement parce qu'il y a un remplacement. M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Oui. M. Brassard (Lac-Saint-Jean) est remplacé par M. Chevrette (Joliette).

Le Président (M. Tremblay, Iberville): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, étant donné que c'est une amélioration.

Le Président (M. Tremblay, Iberville): Est-ce que je dois le répéter?

M. Gendron: De ma part, sans commentaire, il y a consentement.

Le Président (M. Tremblay, Iberville): Ha, ha, ha! Alors, il y a consentement.

Nous étions rendus à la Corporation des maîtres électriciens du Québec. Je demande aux personnes de s'identifier, s'il vous plaît.

Corporation des maîtres électriciens du Québec

M. Nolet (Richard): Oui, monsieur. En commençant par ma gauche, M. Roger Gosselin, secrétaire à la Corporation des maîtres électriciens du Québec; à côté, M. Richard Lavergne, ex-président de la Corporation des maîtres électriciens du Québec; à ma gauche, M. Yvon Guilbault, directeur général de la Corporation des maîtres électriciens, et Me Jacques Côté, conseiller juridique de la corporation, et moi-même, Richard Nolet, président de la corporation.

Le Président (M. Tremblay, Iberville):

Messieurs, bienvenue.

M. Nolet: Merci.

Le Président (M. Tremblay, Iberville): Je vous cède la parole. Et je veux vous rappeler que, selon les normes, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.

M. Nolet: C'est parfait. M. Yvon Guilbault fera la lecture du mémoire.

Le Président (M. Tremblay, Iberville): Très bien.

M. Guilbault (Yvon): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, la Corporation des maîtres électriciens du Québec désire remercier les membres de la commission de l'entendre sur ce projet de loi 31 dont le texte est court, mais le contenu, majeur.

Le sujet traité n'est pas nouveau. Des études évaluent que 25 % des heures normalement assujetties à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction ne sont pas rapportées à la Commission de la construction et échappent, en plus, à tout contrôle fiscal. Généralement, la cause du phénomène est attribuée à l'incapacité du consommateur de payer, entre autres, le prix élevé généré par le décret de la construction.

Il ne faut pas oublier que le prix du matériel constitue aussi un coût important pour le consommateur. En fait, selon une étude réalisée pour le compte de la CMEQ par le ministère fédéral de l'Expansion régionale, le matériel représente 44 % du coût total des ventes et la main-d'oeuvre directe, 32 %. Pourtant, la main-d'oeuvre attire toute l'attention.

Peu importe le métier, semble-t-il, le consommateur réagit en se tournant vers un travailleur qui est prêt à effectuer le travail pour un taux moindre, en dehors du cadre réglementaire et fiscal.

Pour les entrepreneurs de construction qui paient leurs salariés au taux décrété, ainsi que les avantages sociaux inhérents, en plus de tous les frais générés par l'administration d'une entreprise, il s'agit d'un élément significatif de frustration.

Le problème est généralement localisé dans le domaine résidentiel; de fait, l'entrepreneur électricien doit verser à un compagnon électricien un taux de base horaire de 19,82 $ l'heure auquel viennent s'ajouter les avantages sociaux du décret qui totalisent 3,24 $ l'heure et, finalement, les avantages sociaux des programmes gouvernementaux tels que la santé et la sécurité, l'assurance-maladie, l'assurance-chômage et le régime de rentes du Québec dont le coût total horaire est de 2,66 $. Les coûts directs d'un compagnon électricien à l'emploi d'un entrepreneur électricien représentent pour ce dernier un montant de 25,72 $ l'heure.

À ce montant, il faut ajouter les frais d'entrepreneur tels l'inspection, les cotisations à diverses associations, les frais de licence, le prélèvement à la Commission de la construction du Québec, les frais administratifs et le profit. Il faut comprendre que les frais administratifs et le profit sont des éléments variables, mais il n'en demeure pas moins que le taux demandé au consommateur demeure appréciable.

L'impact est, cependant, amenuisé par le fait que de nombreux entrepreneurs qui travaillent avec leurs outils exigent une facturation moindre, surtout dans les travaux de réparation et d'entretien. Malgré ce fait, des travailleurs illégaux entrent en scène et offrent leurs services à un taux encore moindre (de 12 $ à 18 $ l'heure), à un point où l'offre rencontre la demande. Détail important: il est reconnu que ce travail est effectué, selon l'expression consacrée, "sous la table", au comptant, sans aucune rede-

vance réglementaire ou fiscale.

La question qui se pose est la suivante: le projet de loi 31 vient-il corriger la situation? Son objectif est précis; il s'agit de soustraire à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction certains travaux pour laisser jouer brutalement la loi de l'offre et de la demande, tout en prenant des mesures pour que les travaux qui demeurent assujettis à la loi fassent l'objet d'une surveillance plus étroite de façon que les entrepreneurs de construction puissent profiter d'une compétition plus loyale. Ainsi, tous les intervenants devraient y trouver leur dû; le consommateur pourrait faire effectuer tout à fait légalement ses travaux par les travailleurs de son choix à un taux dont le plancher serait fixé au taux du salaire minimum. De son côté, l'entrepreneur de construction ne serait plus forcé de compétitionner à des taux moindres que celui du décret, puisque la Commission de la construction du Québec aurait les pouvoirs d'assurer une vigilance accrue. De toute façon, les contrevenants seraient découragés par des amendes substantiellement majorées. C'est ce que le communiqué de presse émis par le ministère du Travail laisse entrevoir.

Le court délai qui nous a été accordé pour l'étude du projet de loi a semé une certaine confusion. Certaines questions ne sont pas clarifiées. Il nous a été difficile de mener auprès de nos instances une consultation éclairée. L'article 4 du projet de loi 31 ajoute à l'article 19 de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction une exemption d'application.

Voici certaines questions qui nous ont laissés dans le doute: Quelle est la définition des expressions "aux fins personnelles", "de rénovation", "de modification" et "un bâtiment d'habitation"? S'agit-il de la résidence principale d'une personne physique ou encore est-ce qu'un immeuble à multilogements possédé par une personne physique entre dans la définition "aux fins personnelles"? Les travaux de rénovation d'un complexe immobilier de 100 logements entreraient-ils dans cette catégorie?

Déjà, ces imprécisions nous laissent confus sur l'étendue des travaux couverts par le projet de loi 31. Il nous faut des précisions à ce sujet pour une consultation adéquate.

Il est évident que, par l'adoption du projet de loi 31, les règles du jeu seraient changées. Nous avons essayé d'imaginer un scénario conforme au contenu du projet de loi en prenant l'exemple d'une personne physique qui désire faire effectuer la conversion électrique du système de chauffage de sa résidence principale. Il s'agit d'une modification à des fins personnelles; donc, ce genre de travail ne serait plus assujetti à la loi. Les conditions de travail déterminées par le décret, y compris le taux de salaire, ne seraient plus applicables. Toutefois, en vertu de la Loi sur les installations électriques et de la Loi sur les maîtres électriciens, ce consommateur devrait faire appel à un maître électricien qui pourrait faire effectuer le travail par un de ses salariés détenteur d'un certificat de qualification en vertu de la loi sur la formation professionnelle. Dans un tel cas, le certificat de compétence exigé par la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction ne serait plus exigé.

Cela signifie qu'un électricien qui a toujours travaillé dans une usine sans expérience aucune de l'industrie de la construction serait admissible aux travaux exemptés par le paragraphe 9 de l'article 19 de la loi.

De même, l'entrepreneur électricien pourrait verser à ce salarié un taux de salaire égal ou supérieur au taux du salaire minimum. Le code de l'électricité continuerait de s'appliquer; les travaux seraient assujettis à l'inspection de la Direction générale de l'inspection du ministère du Travail et les frais d'inspection, égaux à 3,75 % de la masse salariale de l'entrepreneur électricien continueraient d'être exigibles.

Donc, tout comme maintenant, l'entrepreneur électricien devrait détenir une licence de la Régie des entreprises de construction du Québec en vertu de la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction.

Le gouvernement peut-il préciser si ce scénario est exact et correspond aux fins du projet de loi 31? La question se pose puisque les communiqués de presse laissent sous-entendre que le consommateur pourrait faire appel directement à des travailleurs plutôt qu'aux entrepreneurs eux-mêmes et ce, même si le taux du décret ne serait plus applicable.

Dans nos consultations, une autre question a été soulevée: généralement, lors de travaux de réparation et d'entretien, le client de l'entrepreneur électricien est la personne physique elle-même. Il s'agit généralement d'un appel de service pour réparer ou prévenir un bris. Toutefois, dans le cas d'une modification ou d'une rénovation, les montants impliqués sont supérieurs et le client de l'entrepreneur électricien (celui qui paie la facture) devient un entrepreneur général qui coordonne les travaux pour le compte d'une personne physique. Dans un tel cas, comment l'entrepreneur électricien peut-il savoir si les travaux concernés sont assujettis à la loi sur les relations du travail ou non? L'entrepreneur général serait le seul à effectuer des travaux pour le compte d'une personne physique. Nous soulevons ici tout le problème de la sous-traitance et des montants impliqués nettement supérieurs dans le cas de modification et de rénovation. Ces travaux font souvent l'objet d'un emprunt bancaire sous forme d'hypothèque et augmentent la valeur marchande du bâtiment. Doit-on y voir une considération commerciale?

Bon nombre d'entrepreneurs électriciens admettent que le marché de la réparation et de l'entretien leur a échappé et que ces travaux sont souvent effectués au noir. En effet, comment est-il possible de compétitionner avec un

travailleur clandestin qui facture 15 $ ou 18 $ l'heure, quand ce n'est pas moins, alors que les coûts directs pour un compagnon électricien sont de 25 $, 72 $ l'heure? L'administration et les profits ne sont pas inclus. Le travailleur clandestin n'est soumis à aucune charge sociale, ni à un impôt direct ou indirect. La lutte est inégale pour celui qui respecte les lois.

La constatation est moins évidente pour les travaux de modification et de rénovation. Souvent, ces travaux sont importants et exigent les services d'un entrepreneur professionnel à cause des connaissances requises et des besoins d'équipement. (15 h 45)

La plupart des entrepreneurs électriciens oeuvrent dans tous les secteurs: résidentiel, commercial ou industriel. Bien peu oeuvrent seulement dans le secteur résidentiel et, parmi ceux-là, encore moins se confinent à des travaux de réparation, d'entretien, de modification et de rénovation. Les salariés embauchés par les entrepreneurs électriciens oeuvrent donc dans tous les secteurs et reçoivent le même taux horaire, peu importe la nature des travaux effectués dans la journée. Un taux différent, s'il s'agit de travaux exclus par le projet de loi 31, est difficilement envisageable ou administrable. Une telle politique engendrerait de fortes réactions humaines prévisibles. L'embauche d'un salarié à temps plein pour effectuer un tel travail ne serait justifiée que par une quantité de travail suffisante ou par une spécialisation extrême. L'expérience nous prouve que rares sont les entrepreneurs qui, avec leurs salariés, sont confinés au seul marché résidentiel.

On leur a posé la question: "Pouvez-vous imaginer deux taux de salaire différents versés à un même employé selon la nature des travaux effectués? La réponse est non; cet employé chercherait immédiatement du travail ailleurs, au taux du décret, ce qui déstabiliserait sur-le-champ nos entreprises.

Est-il possible pour vous d'embaucher un salarié pour des travaux non assujettis à la loi et au décret? La réponse est la suivante: Pour prendre une telle décision, il faut une quantité suffisante de travail, ce qui est loin d'être assuré.

En bref, la CMEQ reconnaît qu'il existe un problème tant pour le consommateur que pour l'entrepreneur; pour le consommateur, parce qu'il recherche le meilleur prix et pour l'entrepreneur, parce qu'il doit faire face à une compétition déloyale.

Économiquement, l'un représente la demande et l'autre, l'offre. Ils doivent se rencontrer dans un cadre fixé par la réglementation actuelle. Le projet de loi a pour objet de modifier sensiblement ces règles du jeu. Pour nous, certaines questions exigent une réponse claire et précise sur la volonté du gouvernement. Ces réponses nous permettront d'entreprendre une vaste consultation auprès des entrepreneurs électri- ciens, afin de tirer une évaluation des dispositions du projet de loi 31.

Pour la CMEQ, ce projet de loi est majeur et nous ne pouvons accepter qu'il soit adopté sans que les entrepreneurs aient pu véritablement en prendre connaissance et en évaluer les impacts sur la survie ou la croissance de leur entreprise. Nous demandons donc au gouvernement de nous apporter les précisions demandées et de surseoir au processus d'adoption de la loi afin de nous permettre une consultation appropriée.

Nous savons que le problème n'est pas nouveau; dans le passé, beaucoup de solutions ont été proposées: de l'exclusion pure et simple des travaux à l'encouragement fiscal pour un citoyen qui doit faire effectuer ce genre de travaux.

Le gouvernement a retenu une solution qu'il a définie dans le projet de loi 31. Il est tout à fait normal, après avoir reçu réponse à nos questions, qu'on nous donne un délai pour en étudier les conséquences, les expliquer aux entrepreneurs électriciens, les rendre conscients des changements proposés et recueillir leurs commentaires et réactions.

Pour le moment, il nous a été impossible de convoquer des réunions d'entrepreneurs par région ou encore de communiquer avec eux par la voie de nos propres médias d'information. Selon les réactions, il nous faudrait peut-être envisager une étude à caractère économique pour évaluer l'impact du projet de loi 31 sur les entreprises d'électricité.

Nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Dans un premier temps, je tiens à remercier la Corporation des maîtres électriciens du Québec pour sa comparution, ainsi que pour le mémoire qu'elle nous a présenté. Étant donné que nous sommes limités dans le temps, j'attaquerai, immédiatement dans le vif du sujet, cette partie de travail au noir. À la page 1 de votre mémoire, vous nous indiquez que "généralement, la cause du phénomène est attribuée à l'incapacité du consommateur de payer, entre autres, le taux élevé généré par le décret de la construction." Vous poursuivez en indiquant que "les coûts directs d'un compagnon électricien à l'emploi d'un entrepreneur électricien représentent pour ce dernier un montant de 25,72 $." Ceci n'inclut pas, comme vous l'indiquez plus loin, les frais d'administration, d'appartenance à des associations, etc. Vous ajoutez, à la page 3, quant à ce travail au noir: "L'impact est, cependant, amenuisé par le fait que de nombreux entrepreneurs qui travaillent avec leurs outils exigent une facturation horaire moindre, surtout dans les travaux de réparation et d'entretien." Vous indiquez: "Malgré ce fait, des travailleurs illégaux

entrent en scène et offrent leurs services à un taux encore moindre (de 12 $ à 18 $ l'heure), à un point où l'offre rencontre la demande." Vous continuez en traitant du travail au noir jusqu'au haut de la page 9, où vous nous dites: "Bon nombre d'entrepreneurs électriciens admettent que le marché de la réparation et de l'entretien leur a échappé et que ces travaux sont souvent effectués au noir."

Un peu dans ce cadre, si vous en avez une évaluation - je ne vous demande pas qu'elle soit précise, lorsque nous parions de travail au noir, par définition, les données précises sont inexistantes, il s'agit d'estimations ou d'approximations - vos membres travaillent dans le secteur de la rénovation et de la réparation résidentielle dans quelle proportion ou dans quel pourcentage, dans le secteur de la construction résidentielle, dans quelle proportion ou pourcentage et dans le secteur des chantiers, soit commerciaux ou industriels, dans quelle proportion ou pourcentage?

M. GuilbauK: II y a déjà une étude qui a été faite, en 1984, à la Régie des entreprises de construction du Québec, spécifiquement sur les entrepreneurs électriciens. Malheureusement, je ne l'ai pas apportée pour citer des chiffres devant la commission. Mais, si ma mémoire est fidèle, il y a au moins 80 % des entrepreneurs qui touchent au domaine résidentiel.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Qui y touchent, mais dans une proportion de leur chiffre d'affaires qui peut être importante?

M. Guilbault: Dans la plupart des cas c'est important, mais c'est difficile de faire une évaluation. Je ne pense pas qu'il ait beaucoup de gens qui peuvent faire une évaluation précise. Ce sont des données qu'on possède à force de travailler dans le milieu. Mais, pour vous donner une idée, il y environ 3000 électriciens qui sont membres de la Corporation des maîtres électriciens. Sur les 3000 entrepreneurs électriciens qui sont membres de la corporation, il y en au moins 1300 qui travaillent seuls avec leurs outils. Ces gens-là travaillent, pour la plupart du temps, dans leur village, dans leur municipalité et ne sont pas nécessairement les entrepreneurs les mieux équipés au monde pour faire à peu près tous les genres de travaux. Ces gens-là travaillent carrément dans le domaine résidentiel: la réparation, l'entretien et ainsi de suite. Ils sont rares ceux qui ne travaillent pas dans le domaine résidentiel comme entrepreneurs électriciens.

Pour donner une explication sur la page 9, tout à l'heure, je vous disais qu'il y a beaucoup de travail. Beaucoup d'entrepreneurs admettent que ce marché-là leur a échappé. Il faut bien comprendre qu'on parie des entrepreneurs qui embauchent des salariés à des coûts directs de 25,72 $ l'heure. Celui qui travaille seul avec ses outils touche ce marché et l'entrepreneur élec- tricien qui embauche des salariés à des coûts directs de 25,72 $ l'heure a de la difficulté à concurrencer son confrère qui travaille avec ses outils. Malgré cela, l'entrepreneur qui travaille seul avec ses outils se plaint qu'il y a du travail au noir qui se fait. Autrement dit, c'est un problème qui existe et une des discussions que nous avons eues en prenant connaissance du projet de loi 31, c'est que même un entrepreneur électricien qui travaille avec ses outils, qui respecte les lois, qui a une licence de la Régie des entreprises de construction, qui, souvent, pour rencontrer la demande, travaille lui-même à 18 $ l'heure, a de la misère à répondre à la demande parce qu'il y a encore du travail au noir. Où cela s'arrête-t-il? Est-ce que la demande va s'arrêter à 4,55 $, au salaire minimum? Est-ce qu'elle va s'arrêter à 10 $? Est-ce qu'elle va s'arrêter à 11 $? Même en descendant à 18 $, il y a encore du travail au noir.

Évidemment, ce n'est pas un problème facile et c'est ce qu'on explique dans le mémoire. Ceux qui ont des salariés vivent un problème de compétition déloyale, même avec des confrères et ceux qui n'ont pas de salariés vivent un problème de compétition avec le marché au noir, parce qu'ils disent: J'ai une licence, je me conforme aux lois, j'ai pignon sur rue et je paie mes impôts. Il y a encore des gens qui travaillent au noir.

Pourtant, ces mêmes entrepreneurs qui travaillent avec leurs outils sont souvent confinés dans des travaux - appelons-les plus simples - de réparation et d'entretien, parce que c'est là que ça prend le moins d'outillage, peut-être moins de disponibilités, les travaux sont moins longs et, encore là, il y a des problèmes. Si cela peut expliquer un peu.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si on met de côté le secteur résidentiel, il y a plusieurs associations syndicales - je pense que cela a été clair de la part d'un groupement syndical qui a témoigné ici ce matin - qui revendiquent l'abolition de l'artisan dans le secteur commercial et industriel. À votre connaissance quel serait, chez vos membres, l'impact d'une telle mesure?

M. Guilbault: Évidemment, c'est un vieux problème. Ce n'est pas un problème neuf. J'avais tous mes cheveux à l'époque et on en parlait. Dépendamment des personnes à qui on parie, il y a une définition différente de l'artisan. Un artisan, souvent, selon une définition légale, c'est celui qui travaille sous son nom personnel, c'est-à-dire une personne physique. Souvent, on dit: C'est l'artisan. Pour un autre, cela peut être quelqu'un qui s'est incorporé, qui travaille sous forme d'incorporation et qui travaille avec ses outils, mais qui, par contre, a sa licence d'entrepreneur électricien ou d'entrepreneur de construction. Mais, il est souvent défini comme un artisan, étant donné qu'il travaille lui-même avec ses outils.

II y a des entrepreneurs de construction qui ont des salariés, mais qui travaillent eux-mêmes avec leurs outils, même s'ils ont deux ou trois salariés. À ce moment-là, souvent, même si ce n'est pas tout à fait dans la définition de l'artisan, on les confine un peu parce que cela représente le même problème d'espèce de non-respect du taux du décret.

Notre position là-dessus a toujours été claire. À partir du moment où quelqu'un décide, dans le système économique dans lequel on vit, de quitter la position de salarié et de devenir entrepreneur en respectant les lois en vigueur, il faut que ce type puisse travailler, étant donné qu'il respecte les lois qu'il va chercher ses licences d'entrepreneur, qu'il passe les examens en conséquence, qu'il fait inspecter ses travaux, dans notre cas, par le Bureau des examinateurs électriciens. Fort possiblement, dans bien des cas, c'est cet entrepreneur qui, dans un mois, deux mois, trois mois, va engager un paquet de salariés, à partir du moment où il s'organise.

Voyons cela un peu comme une ligne de promotion, quand même elle serait strictement psychologique. On se rend compte que, dans bien des cas, des entrepreneurs vont travailler à 18 $ l'heure à leur compte quand ils peuvent gagner 19,82 $ chez un entrepreneur comme salariés. Il faut que ce soit un peu psychologique. Mais à partir du moment où, dans notre système, un salarié décide de devenir entrepreneur, pour nous, il doit avoir sa place au soleil comme n'importe quel entrepreneur qui a des salariés.

Je vous explique qu'il y a le problème de celui qui travaille avec ses outils et de l'entrepreneur qui embauche des salariés. C'est ce problème-là qui est difficile à solutionner.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Du côté syndical, on mentionne souvent que l'entrepreneur spécialisé compétitionne avec le salarié sur un chantier commercial et lui retire, par le fait même, de l'emploi, en demandant des taux souvent moins élevés. Quelle est la position de votre corporation sur cette question?

M. Guilbauît: C'est un problème dans le sens suivant: mettez-vous à la place d'un entrepreneur qui a des salariés qui sont assujettis au décret, qui donne le taux du décret, 10 % de vacances, enfin qui respecte toutes les conditions de travail fixées par le décret. Les entrepreneurs soumissionnent sur un tel contrat. Évidemment, celui qui respecte les règles du décret va sûrement soumissionner à un montant beaucoup plus élevé que celui qui a une marge de manoeuvre plus grande. Les entrepreneurs, entre eux, vont se plaindre que la compétition est déloyale. C'est cette partie à laquelle on faisait allusion dans notre mémoire. Si l'entrepreneur doit soumissionner avec des entrepreneurs qui travaillent avec leurs outils, mais qui ne respectent pas Jes conditions du décret, à ce moment, les entrepreneurs qui, eux, respectent le décret perdent ces contrats. Cela fait des confrontations entre les deux groupes.

Théoriquement, l'entrepreneur qui travaille seul avec ses outils ne devrait pas travailler sur des chantiers où un homme seul ne peut pas faire des travaux. Théoriquement, sur les chantiers d'importance, c'est très rare qu'un homme peut faire des travaux seul. Mais ce qui arrive, c'est qu'il y a souvent dérogation à certaines règles. Souvent, un entrepreneur - et cela se passe dans tous les métiers - va aller chercher un de ses amis, un confrère, un beau-frère de façon à travailler à deux la partie du chantier qu'il ne peut pas faire seul. Cela devient de la compétition déloyale et, comme organisation, évidemment, c'est un problème auquel on fait face tous les jours. On n'a pas trouvé de solution, en passant, là-dessus.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quel est le...

M. Guilbauît: Cela prendrait trop de police. Je m'excuse.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quelle est votre évaluation de la proportion du travail au noir qui se fait dans le secteur résidentiel: réparation, entretien, rénovation, le secteur résidentiel construction et les gros chantiers de construction? La question est: Est-ce qu'il y a du travail au noir à chaque endroit? Est-ce plus important dans un de ces secteurs? Dans quelle proportion l'identifiez-vous?

M. Guilbauît: On n'est pas capables de l'évaluer.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans les travaux d'électricité, pour être plus précis.

M. Guilbauît: On n'est pas capables de l'évaluer. Tout ce qu'on peut faire, ce sont des suppositions. Ce qu'on sait, par les gens qui oeuvrent sur les chantiers, c'est que c'est clair qu'il y a beaucoup plus de travail au noir dans le domaine résidentiel. Les travaux durent moins longtemps. C'est moins défini. Comme on le disait dans le mémoire, en termes de réparation et d'entretien, ce sont des appels de service, des choses qui ne durent pas longtemps. C'est souvent pour réparer ou prévenir un bris. Cela se fait vite, pas de problème. (16 heures)

Dans le domaine de la modification et de la rénovation, souvent, il va y avoir des appels d'offres. Souvent, quelqu'un va demander des prix. Dans ce domaine, il y en déjà un petit peu moins, même s'il y en a encore. Dans le domaine commercial ou industriel, la coupure est, quand même, plus grande. Mais on n'est pas capables d'évaluer cela de façon appréciable.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M.

le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: M. le président, ainsi que l'équipe qui vous accompagne, je veux vous remercier pour votre mémoire, pour avoir pris le temps, même si la période était très courte, de nous faire part de vos réflexions qui ont, en tout cas, le mérite d'être clairement exprimées, qu'on soit pour ou contre. Merci d'être là et de nous permettre de poser des questions sur certains points.

Je voudrais revenir, moi aussi, sur le fameux travail au noir qui était censé être l'objet premier à être contré par le projet de loi 31. Il me semble que vous dites: De toute façon, il y en aura toujours puisque "la cause du phénomène est attribuée à l'incapacité du consommateur de payer, entre autres, le taux élevé généré par le décret de la construction." Vous avez indiqué qu'il y a des électriciens qui, même s'ils demandent un taux inférieur au décret de la construction, réussissent toujours à trouver le tour d'avoir un taux inférieur à ceux qui, chez vous, exigent déjà un taux inférieur et ce - vous l'indiquez à la page 3 - "surtout dans les travaux de réparation et d'entretien".

Si on se comprend bien, cela veut dire que vous reconnaissez que, pour des travaux de réparation et d'entretien, il y a déjà, dans les faits, un tarif inférieur à celui du décret, d'une part, et que, d'autre part, il y a également des gens qui, même à ce taux inférieur à celui du décret, demandent encore moins cher et ce, comme je le mentionnais tantôt, vous le dites à la page 3, "surtout dans les travaux de réparation et d'entretien".

Donc, je voudrais dissiper une première confusion - en tout cas, dans ma tête, elle n'est peut-être pas dans votre mémoire - car à la page 10 de votre mémoire, vous avez clairement établi que c'était inimaginable d'envisager deux types de tarification. Vous avez dit: On leur a posé la question et il n'y a pas d'entrepreneurs qui seraient d'accord pour payer différemment leurs salariés, parce qu'ils ne sont pas confinés au seul marché résidentiel. Autrement dit, en termes clairs, à la page 10, il me semble que vous me dites: Ce n'est pas possible de payer différemment. À la page 3, vous dites: II y a déjà une tarification moindre, surtout dans les travaux de réparation et d'entretien, quand c'est un entrepreneur unique qui les effectue. Cela signifie donc que l'entrepreneur unique se paie moins que ce qui est prévu au décret, et encore un peu moins lorsqu'il s'agit de travaux de réparation et d'entretien. Est-ce exact?

M. Guilbault: Pas tout à fait. Dans le domaine de la réparation, l'entretien... Prenons cela autrement. L'entrepreneur qui travaille seul avec ses outils, normalement, qu'il travaille dans le domaine de la réparation, de l'entretien ou de la rénovation, il est seul. Il va exiger le même taux, la plupart du temps, qu'il aille faire une réparation ou qu'il aille faire une modification. Il va demander le même taux. La différence se situe chez l'entrepreneur qui embauche des salariés. Avec le taux du décret, à l'heure actuelle, ce que j'ai mentionné, c'est que cet entrepreneur n'est plus capable de concurrencer l'entrepreneur qui travaille seul avec ses outils, puisqu'il doit payer le taux du décret. Il n'est plus capable de concurrencer celui qui travaille avec ses outils. Voilà la différence.

Et quand on pose la question à l'entrepreneur qui a des salariés: Est-ce que, dans votre entreprise, vous pouvez travailler avec deux taux différents, c'est-à-dire le taux du décret, comme la loi 31 le suppose, pour les travaux de réparation, d'entretien, de rénovation, de modification et, pour le reste, avec un autre taux, selon l'offre et la demande? Réponse: C'est difficilement envisageable, parce que, dans bien des cas, je n'aurais pas assez de travail pour engager un gars séparément. Les gens craignent, à juste titre, les réactions humaines de la part des salariés. Ce ne sont pas des fous, les salariés; ils s'aperçoivent qu'il y en a un qui fait la même "job" que l'autre, mais qu'il y en a un qui reçoit 10 $, et l'autre 20 $. Ce sont des choses prévisibles et il faut que ces gens-là vivent en harmonie. Et ils disent que c'est difficilement envisageable ou même administrable. C'est leur réaction au moment où la question leur a été posée. Surtout que, quand vous parlez de rénovation, de modification, c'est très, très vaste. C'est le système de chauffage des maisons, c'est une maison en entier, ce n'est pas compliqué. À ce moment-là, vous touchez un très grand marché, d'autant plus qu'il y a des parties dans la loi qui ne sont pas définies. La rénovation, la modification, ce n'est pas clair encore. Et comment voulez-vous qu'on consulte les gens? Évidemment, ce sont des réactions préliminaires.

M. Gendron: Oui, oui. D'accord. Je pense que vous avez raison. Je l'ai dit au tout début, on ne peut pas avoir autre chose que des réactions préliminaires. Qu'est-ce que vous voulez? On prend connaissance des mémoires qui nous arrivent aujourd'hui et, pour vous, c'est un peu la même chose. Cela ne fait quand même pas des semaines que c'est déposé, et vous n'avez sûrement pas eu le temps de faire le tour du Québec pour consulter vos membres.

Est-ce que je ferais une erreur d'interprétation? Il me semble que, sans que cela soit dit comme cela, dans l'ensemble de votre mémoire, on sent en filigrane que - en tout cas, je sens en filigrane - s'il n'y avait pas les travaux de modification et de rénovation, s'ils étaient exclus du décret... Vous dites: Écoutez, c'est vivable. Il n'y a pas grand-chose là, pour autant qu'on retire "modification" et "rénovation" parce que "réparation et entretien", il n'y a pas là de grosses masses salariales dans ces travaux qui peuvent être effectués au noir et, dans le fond, compte tenu des imprécisions des éléments, de ce

qu'on entend par "rénove" et "modifications". Et cela, cela peut comprendre toutes sortes de choses, c'est de là que vient la difficulté. La question claire que je pose: Si on ne parlait pas, dans le projet de loi 31, d'inclure un article qui fait qu'on exclut du champ de juridiction du décret de la construction les gens qui font de la rénovation et des modifications, et qu'il ne restait d'exclus que les gens qui font de la réparation et de l'entretien, est-ce que vous seriez probablement d'accord?

M. Guilbault: Je peux vous dire que cela aurait été beaucoup moins difficile. Les gens reconnaissent, comme je l'ai dit, que, pour la rénovation et l'entretien, les entrepreneurs électriciens qui embauchent des salariés ne sont pas capables de concurrencer ceux qui travaillent avec leurs outils. Ce qui fait que, quand on parle de réparation et d'entretien, jusqu'à un certain point, ceux qui ont des salariés sont certainement moins touchés, selon leur raisonnement.

Mais, étant donné que le marché de la modification et de la rénovation est un marché qu'ils ont encore et où il y a concurrence, même si, de temps en temps, il y en a deux ou trois qui viennent y faire un tour. Ils voient alors très très mal comment ils pourraient laisser aller ce marché qui existe encore, d'autant plus que les coûts sont plus importants, d'autant plus que souvent cela fait l'objet, comme ils le mentionnent, d'un emprunt bancaire, que c'est souvent hypothéqué, que cela augmente la valeur marchande du bâtiment et que c'est strictement à des fins commerciales... Alors, les gens disent: Moi, j'ai des salariés; il faut vivre avec cela, parce qu'on vit dans un système économique. Pourquoi laisserait-on aller cette partie sans l'avoir évaluée? Pourquoi laisserait-on aller cette partie quand, dans le fond, nos salariés travaillent dans ce domaine?

M. Gendron: D'accord. À la page 7...

M. Guilbault: Vous voyez un peu leurs réactions?

M. Gendron: Oui.

M. Guilbault: C'est comme cela qu'ils analysent.

M. Gendron: Moi, en tout cas, cela m'éclaire et confirme mon hypothèse selon laquelle, si on enlevait "modification et rénovation", vous trouveriez que le problème est moins grave.

M. Guilbault: Disons que les réactions sont moins spontanées.

M. Gendron: En page 7 de votre mémoire, vous dites, ce que je considère, encore là, être une analyse exacte... À la page 6, nous dites: "Les conditions de travail déterminées par le décret, y compris le taux de salaire, ne seraient pas applicables. Toutefois, en vertu de la loi, cela va prendre quand même quelqu'un qui est qualifié..." Au bas de la page 7, vous dites: "Cela signifie qu'un électricien qui a toujours travaillé dans une usine, sans expérience aucune de l'industrie de ia construction, serait admissible aux travaux exemptés par le paragraphe 9...". C'est ce que je comprends aussi. Question: Est-ce que vous avez évalué le nombre de personnes qui, éventuellement, pourraient être visées par les dispositions du paragraphe 9?

M. Guilbault: On n'a pas les chiffres. Le ministère les a sûrement. Ce que je peux vous dire, c'est que les détenteurs de permis A-2 qui sont responsables de l'électricité dans les usines, il y en a 1011. Je ne sais pas combien il y a de certificats de qualification émis dans le domaine de l'entretien et de la réparation des usines et des édifices publics. On ne le sait pas.

Par le scénario de la page 7, on a voulu s'assurer que c'est ce que le gouvernement désire, parce que ce n'est pas clair dans le projet de loi et ce n'est pas clair non plus dans les communiqués de presse. C'est ce qu'on veut savoir. Si c'est cela, on va virer de bord, on va aller voir nos gens qui ont aussi le droit de savoir et on va leur dire: Écoutez, le projet de loi 31 propose ceci. Cela veut dire quoi, pour vous, dans votre entreprise? Ce sont des choses qui sont faisables. Mais un entrepreneur qui va embaucher un détenteur d'un certificat de qualification dans une usine, qui n'a jamais travaillé dans la construction, et qui l'envoie travailler chez Mme Unetelle ou dans votre résidence... Peut-être que tu ne peux pas faire cela aussi vite que tu le voudrais. Même si cela a l'air simple en apparence, ce n'est pas toujours aussi simple.

M. Gendron: Oui, mais, à moins que je ne me trompe, il devrait quand même passer un examen pour obtenir son permis et cet examen, il doit le faire à la Régie des entreprises en construction. Il doit y avoir au moins quelques questions concernant la construction, jamais je ne croirai?

M. Guilbault: II y a une chose. Quand on parle du certificat de qualification, si on comprend la teneur du projet de loi, l'entrepreneur électricien pourrait embaucher un détenteur de certificat de qualification qui travaille actuellement dans une usine ou dans un édifice public et travailler dans le domaine de la rénovation, de la modification, de la réparation et de l'entretien, enfin, dans tout domaine qui serait exclu dans la Loi sur les relations du travail, sans avoir un certificat de compétence déterminé par la Loi sur les relations du travail.

M. Gendron: D'accord. Toujours à la page 7, vous dites que les frais d'inspection sont à peu

près de 3,75 % de la masse salariale.

M. GuilbauK: Ils sont de 3,75 %, oui.

M. Gendron: À partir du moment où les travailleurs électriciens ne sont plus couverts par le champ du décret, cela a un effet sur la masse salariale qui vient s'amenuiser. On se comprend?

M. Guilbault: Absolument.

M. Gendron: Est-ce que vous portez un jugement important sur l'impact négatif que cela pourrait avoir sur la qualité de l'inspection?

M. Guilbault: L'inspection, c'est évidemment différent de la masse salariale. C'est bien clair que 3,75 % de 19,82 $, plus 10 % de vacances, cela fait à peu près un peu plus de 0,80 $ l'heure qu'un entrepreneur électricien doit payer au ministère pour les frais d'inspection. Il est évident que si, d'après le scénario qu'on a imaginé à partir de la loi 31, tu tombes à 10 $ l'heure, 3,75 % de 10 $ l'heure, c'est différent de celui d'à peu près 20 $ l'heure. Pour autant qu'on est concerné, le ministère aurait la même tâche, soit d'inspecter les travaux en regard du Code de l'électricité. C'est difficile d'imaginer l'impact. Ce sont ces choses, par exemple, qu'on voudrait envisager.

M. Gendron: Cela va.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Ces échanges m'amènent à vous poser une question bien pratique, qui a été soulevée par tous les intervenants jusqu'à présent et qui va sans doute être soulevée de nouveau par l'ensemble des intervenants. Dans les faits, dans la pratique quotidienne, quelle est la différence entre l'artisan électricien et l'entrepreneur spécialisé en électricité qui opère seul?

M. Guilbault: Dans la pratique, il n'y en a pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II n'y en a pas?

M. Guilbault: Non.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord, cela va.

Le Président (M. Théorêt): Merci.

M. Gendron: Seulement une vérification. Est-ce que quelqu'un qui détient actuellement la qualification professionnelle d'électricien peut avoir un statut d'artisan électricien dans le secteur de la construction?

M. Guilbault: Oui.

M. Gendron: Combien y en a-t-il?

M. Guilbault: il n'y en a pas beaucoup. Je ne peux pas vous dire combien il y a d'artisans, mais c'est minime. C'est de l'ordre des dizaines. Ce n'est pas de l'ordre des centaines. Même quinze artisans, cela aurait du bon sens.

M. Gendron: Prenons l'hypothèse qu'on adopte le projet de loi tel quel - ce qui n'a pas de bon sens, mais ce ne serait pas la première chose qui pourrait arriver qui n'aurait pas de bon sens; écoutez, vous avez dit vous-même que vous venez ici pour écouter, donc, je suis convaincu que vous allez apporter une série d'amendements, si vous écoutez comme il le faut - très sérieusement, est-ce que le nombre d'artisans pourrait augmenter de beaucoup, dans la perspective où les chiffres du ministre et les vôtres semblent concorder, soit qu'il y en aurait seulement une quinzaine ou une vingtaine? Est-ce que les dispositions du projet de loi 31 pourraient avoir comme conséquence d'augmenter le nombre d'entrepreneurs qui décideraient de faire le choix de devenir artisans électriciens?

M. Guilbault: Je ne suis pas capable d'évaluer cela. Je suis absolument incapable d'évaluer l'impact que cela peut avoir chez un...

M. Gendron: Souhaiteriez-vous être en mesure de faire une telle évaluation? (16 h 15)

M. Guilbault: Bien, c'est comme on le disait en page 12, il nous faut absolument en faire l'évaluation. Cela a un impact beaucoup trop considérable pour un tas d'entreprises. Il y a 3000 entrepreneurs. Vu le système économique dans lequel on vit, ces gens ont le droit de vivre et de savoir ce qui leur pend au bout de nez. Et c'est ce qu'on demande, en fait.

M. Gendron: D'accord. Ma dernière question. Quelle réaction avez-vous eue quand vous avez très sommairement consulté quelques-uns de vos commettants à propos du projet de loi?

M. Guilbault: Beaucoup trop rapide, beaucoup trop tôt. Impossible d'imaginer l'impact que cela peut avoir, surtout dans le domaine de la rénovation et de la modification. C'est cela, la réaction. Un manque de précision, beaucoup de confusion entre les communiqués de presse publiés dans les journaux et la teneur du projet de loi, ce qui fait qu'on a beaucoup de difficulté à informer nos gens de façon appropriée. Mais, de façon générale, pour les gens qu'on a consultés, il existe une crainte en ce sens qu'ils ne comprennent pas ce qui leur pend au bout: du nez. Il y a assurément une crainte. Qu'est-ce qui va arriver dans mon entreprise? Qu'est-ce que je vais faire si j'ai deux taux de salaire? Est-ce

que je devrai embaucher quelqu'un d'autre? Comment évaluer cela? Est-ce qu'à un moment donné il faudra que le public passe par un entrepreneur électricien? Est-ce que le public va pouvoir embaucher un salarié directement? Ce n'est pas clair dans la loi. La loi est plus claire, mais les communiqués de presse ne sont pas clairs.

M. Gendron: Oui, sauf qu'il est certain - même si je n'aime pas la loi - que celle-ci prévaut normalement sur les communiqués de presse.

M. Guilbault: Non, mais mettez-vous à la place....

M. Gendron: Ah non! vous avez raison.

M. Guilbault: ...des gens qui sont dans le champ.

M. Gendron: Vous avez raison. De toute façon, cela fait plusieurs fois que je le dis. On le dit dans les notes explicatives, et d'autres vont venir le dire. Il y a toujours, avec ce gouvernement, une différence terrible entre les notes explicatives et la teneur du projet de loi tel quel dans la politique, quand on vient à bout de le vivre, après trois ou quatre exercices.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela... Je m'excuse.

M. Gendron: Ah bien! J'étais à l'éducation, il n'y a pas plus de deux jours.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cinq minutes de "charriage".

M. Gendron: Dans quatre mémoires, des gens disaient: Écoutez, les modifications du projet de loi sur l'instruction publique, mosus! que c'est beau dans les notes explicatives, mais, quand on lit les articles un par un, il y a des écarts.

Une dernière question reliée à ce que je vous ai posé. Vous dites qu'un électricien qui a toujours travaillé dans une usine, sans aucune expérience de l'industrie de la construction, serait admissible. Est-ce que demain matin, comme dans le cas que vous venez de soulever - des gens qui ont une qualification professionnelle comme électricien, mais en usine - il y en a qui pourraient, sans autres examens et tout cela, se qualifier comme artisan électricien dans la construction?

M. Guilbault: Enfin, la loi le permettrait. Si la loi le permet, il y en a qui vont le faire. C'est clair.

M. Gendron: Donc, 1100 gars pourraient éventuellement décider de faire ce qu'ils ne font pas aujourd'hui. Même si le chiffre a l'air de rien aujourd'hui, cela pourrait devenir sérieux dans quelques mois, dans la perspective où l'on aurait à vivre avec le projet de loi 31 tel quel.

M. Guilbault: En tout cas, à tout le moins, cela jetterait beaucoup de confusion, je peux vous dire cela.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Seulement pour indiquer que, pour la situation que vous avez mentionnée, la loi qui est devant nous ne change rien. La question de la compétence entre R-3 et R-4 est réglée par la loi 119. La loi 31 ne touche pas à cela. Peut-être que c'est plus simple qu'on peut sembler le faire comprendre. Je pense que le député d'Abitibi-Ouest, ce matin, a clairement établi que la loi ne comptait qu'une vingtaine d'articles, 19 pour être exact, que ces articles ne sont pas tellement complexes ni compliqués, que votre corporation bénéficie des sages conseils d'un expert juridique en la matière, que vous pouvez facilement obtenir son opinion sur les clarifications que vous souhaitez. Si des éclaircissements sont nécessaires, cela nous fera plaisir de répondre à vos questions additionnelles.

Il y a un aspect qu'on a passé sous silence, dans l'échange qu'on a eu. De quelle façon réagissez-vous comme corporation au resserrement des contrôles, quant à la construction domiciliaire et aux chantiers industriels et commerciaux? De quelle façon voyez-vous cette augmentation des contrôles, des amendes, ce resserrement, de façon à éliminer, autant que faire se peut, le travail au noir dans les gros chantiers de construction, dans les établissements commerciaux ainsi que dans la construction résidentielle?

M. Guilbault: Si on consulte nos gens, ils vont toujours dire n'importe quoi pour susciter une concurrence plus loyale. Si un montant d'amende peut améliorer la situation, ils vont dire: Pas de problème. Sauf que les gens sont conscients qu'il y a des limites aux amendes. Il y a des limites en termes d'efficacité. À de nombreuses reprises, on l'a essayé. Il y a des limites aux amendes mais les gens n'ont rien contre cela, sur ce plan, si telle est votre question.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand vous dites que les amendes ont des limites, grosso modo, ce que la loi fait, c'est qu'elle transforme les maximums actuels en minimums. Dans la présente loi, il y a une nouvelle approche qui vise à joindre à l'approche pénale une approche de recours civil, 20 % des salaires qui auraient dû être payés, etc. Certains intervenants nous ont déjà dit qu'il s'agissait là d'une amélioration plus que sensible à ces amendes. Dans la pratique

courante, je me suis laissé dire, pas en commission parlementaire, mais dans des discussions de corridor, que certains entrepreneurs incluaient actuellement le coût des amendes à leur soumission. Est-ce une situation fréquente?

M. Guilbault: Tous les entrepreneurs qui ont essayé cela n'ont pas eu le contrat.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À votre connaissance, cela n'existe pas?

M. Guilbault: Cela fait partie de la concurrence. Les contrats arrivent tellement serrés, que si quelqu'un prévoit l'amende d'avance, je peux vous dire qu'il faut pour cela qu'il triche ailleurs. Probablement qu'il aurait en plus une amende pour autre chose, si on savait.

Le Président (M. Théorêt): M. Guilbault, ainsi que vous, messieurs, qui l'accompagnez, au nom des membres de la commission de l'économie et du travail, je vous remercie de votre présence et vous souhaite un bon voyage de retour.

CSN-Construction

J'invite maintenant les représentants de la Confédération des syndicaux nationaux, secteur construction, à bien vouloir s'avancer.

À l'ordre, s'il vous plaît! M. Gauthier, les membres de la commission de l'économie et du travail vous souhaitent la bienvenue et vous demandent de bien vouloir présenter les gens qui vous accompagnent, en vous rappelant, bien que vous soyez un habitué, que vous avez, bien sûr, 20 minutes.

M. Gauthier (Michel): Roger Trépanier, responsable de la formation professionnelle à la CSN, et Jean-Noël Bilodeau, coordonnâtes de la CSN-Construction. Vous allez m'excuser de ne pas être capable de résumer mon texte. On n'a pas eu beaucoup de temps pour le préparer. Ce sera peut-être un peu plus long que 20 minutes, mais on va essayer de ne pas aller au delà de 25 minutes.

M. le ministre, M. le Président, MM. les membres de la commission, quelques commentaires avant de présenter le texte. Je voudrais juste vous dire que cela commence à être un peu compliqué d'être un travailleur dans l'industrie de la construction et d'être syndiqué en plus. Cela commence à être un peu compliqué de passer son temps, comme organisation syndicale, comme travailleurs de la construction, à venir nous défendre devant le gouvernement, devant les différentes commissions parlementaires. C'est aussi un peu compliqué de venir s'excuser continuellement d'être syndiqués dans l'industrie de la construction. C'est un peu compliqué de venir s'excuser de gagner en moyenne 18 500 $ par année. C'est un peu compliqué de continuellement s'excuser d'avoir une convention collec- tive, d'être membres d'une organisation syndicale qui défend et qui protège les droits, qui négocie des conventions, qui négocie des fonds de pension, qui négocie des régimes d'assurance, qui négocie des améliorations aux conditions de travail. C'est un peu compliqué aussi de passer son temps à dire que dans la construction les travailleurs n'ont pas d'ancienneté. C'est aussi compliqué de vous dire qu'on est vulnérables, comme travailleurs de la construction, à tous les climats, autant en ce qui concerne la température que le climat politique. C'est aussi compliqué de venir vous dire continuellement que nos emplois dans l'industrie, on y tient.

Cela nous fait plaisir cependant de venir vous dire que les travailleurs de la construction sont compétents et qu'ils sont fiers de l'être. La liste est longue de ce qu'on pourrait vous dire en commission parlementaire et devant tous les gouvernements devant lesquels on a eu à intervenir ces dernières années. Mais encore cette fois-ci, on va le faire. Au nom des travailleuses et travailleurs de la construction, on espère que les différents gouvernements vont arrêter d'utiliser le secteur de la construction, les travailleuses et les travailleurs de la construction, pour se faire du capital politique. Il nous semble que les travailleuses et les travailleurs de la construction sont rendus à l'étape où il faut les laisser travailler tranquilles dans cette industrie et il faut arrêter de les harceler en essayant continuellement de leur enlever des droits qu'ils ont acquis depuis de nombreuses années.

Cela me fait plaisir de vous présenter le mémoire au nom de la CSN-Construction. Le projet de loi 31 déposé le 10 mai à l'Assemblée nationale par le ministre du Travail du Québec, Pierre Paradis, indique la volonté du gouvernement libéral de retirer le vaste secteur de la rénovation de la loi qui régit les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.

Dans le communiqué remis ce même jour aux représentants des médias, le cabinet du ministre reconnaissait à ce projet de loi le pouvoir de légaliser le travail au noir en affirmant qu'il "permettra à des milliers de propriétaires et d'ouvriers d'effectuer au grand jour ce qu'ils étaient incapables ou contraints de faire dans l'illégalité". Le ministre du Travail ne manque pas de candeur quand il illustre ainsi son impuissance et celle de son gouvernement à contrer le braconnage éhonté des emplois des travailleurs compétents de notre industrie et qu'il encourage des aventuriers à continuer de soustraire des millions de dollars à l'impôt, comme ils l'ont fait au cours des dernières années, en dépit des avertissements répétés des organisations tant syndicales que patronales.

Tout en laissant croire que ce projet de loi libère la consommatrice et le consommateur des contraintes de la réglementation, le ministre du

Travail, dans les faits, veut pousser littéralement cette même consommatrice ou ce même consommateur dans les bras de tels aventuriers qui polluent l'industrie en offrant des services de moindre qualité, en rognant sur les prix des matériaux, en passant outre aux règles de sécurité et en payant le salaire minimum pour octroyer des bénéfices qu'on ne déclare jamais, de toute façon, au ministère du Revenu. Pour ces raisons et d'autres que nous soulevons dans ce mémoire, la CSN-Construction estime que ce projet de loi de déréglementation sauvage, tel que le préconisait le rapport Scowen, ne vise en réalité qu'à attaquer le droit à la syndicalisation des milliers de travailleuses et travailleurs compétents de l'industrie et n'apporte aucune garantie aux consommatrices et aux consommateurs à de l'ouvrage de qualité.

La CSN-Construction, dans un dossier publié en 1983, a dénoncé l'ampleur du travail clandestin et le braconnage des emplois dans l'industrie de la construction. Cette étude, la plus importante à avoir été publiée sur le phénomène, explique comment, dans l'indifférence des gouvernements, le travail au noir a été érigé en système par les entrepreneurs plus préoccupés d'augmenter leur profit en cachant leur revenu à l'impôt et en embauchant des travailleuses et des travailleurs en dessous des conditions du décret. "À la lumière des témoignages recueillis parmi les membres de la CSN-Construction, on peut lire, le travail "au noir" ou clandestin, effectué par des entrepreneurs isolés et des travailleuses et travailleurs sans permis de travail, aurait toutes les apparences d'un véritable phénomème. C'est désormais sur une large échelle qu'on rencontre aujourd'hui les "bénévoles", les "artisans", les "jobineux" dans tous les secteurs de cette industrie au bord de la déréglementation."

Cette assertion se vérifie aisément par les données de la CCQ relativement à la valeur des travaux de l'industrie de la construction résultant d'une compilation des travaux exécutés par l'ensemble des secteurs économiques entre 1973 et 1982, dont ceux réalisés par la main-d'oeuvre de la construction. Ainsi, au cours de cette période, la valeur des travaux de l'industrie de la construction a constamment augmenté, passant de 4 000 000 000 $ à plus de 10 000 000 000 $, pendant que le nombre de travailleuses et de travailleurs diminuait de moitié, passant de 147 000 en 1973 à 77 000 dix ans plus tard. En outre, toujours selon la CCQ, la valeur des travaux est demeurée constante, entre 1981 et 1982, à 10 349 000 000 $, alors que le nombre de travailleuses et de travailleurs a chuté de 22 553.

Pour la CSN-Construction et comme l'indique notre dossier, l'arrivée de nouvelles technologies, le coût inflationniste des matériaux, le type de travaux exécutés ne pouvaient expliquer à eux seuls les nouvelles règles qui s'appliquent maintenant au marché du travail de l'industrie de la construction où les chances d'emploi sont devenues inversement proportionnelles à la croissance en valeur des travaux, où les possibilités de revenus pour les travailleuses et les travailleurs décroissent sur la même pente douce alors que la masse salariale s'est affaissée de plus de 40 %. (16 h 30)

L'écart grandissant qui existe entre la valeur des travaux de construction et le niveau de l'emploi démontre qu'il existe effectivement une différence de plusieurs centaines de millions de dollars, voire des milliards, entre les travaux légaux et déclarés à la CCQ et les travaux illégaux non déclarés. D'ailleurs, l'AECQ, dans un de ses bulletins en 1982, reconnaît qu'un montant de près de 491 000 000 $ a été versé à des entrepreneurs au noir cette année-là. En outre, une étude du ministère de l'Habitation sur la situation de l'industrie de la rénovation résidentielle au Québec, réalisée en 1983, établit que plus de 50 % du travail est effectué par des entrepreneurs au noir et que, pour les rénovations partielles ou de petite envergure, cette proportion atteint 75 %. En rétablissant les chiffres pour 1987, ce serait un montant de 2 000 000 000 $ qui aurait échappé au contrôle du ministère du Revenu et qui aurait donc été supporté par l'ensemble des contribuables du Québec. La CSN-Construction ne croit pas que la légalisation du travail au noir incitera les entrepreneurs au noir et les travailleuses et travailleurs clandestins à dévoiler leurs revenus. L'adoption du projet de loi 31 par le gouvernement aurait pour effet de renforcer le système qui existe en parallèle avec l'industrie de la construction.

Les méthodes utilisées par les entrepreneurs pour dissimuler leurs travaux et se soustraire ainsi à la CCQ, au ministère du Revenu ainsi qu'aux lois de protection du consommateur sont nombreuses: ils ne donnent jamais de reçus, ils se font payer en argent, jamais en chèque, ils ne déclarent pas leurs employés à la CCQ, ils ne respectent pas le décret; ils font appel à des travailleuses et travailleurs non compétents et utilisent souvent du matériel de qualité douteuse. Comme l'indique notre dossier sur le travail au noir, de telles pratiques ont même vu le jour dans des corps de métiers réputés invulnérables au travail au noir, comme les plombiers et les électriciens. "Les entrepreneurs ont effectué la sous-traitance à taux fixe sans tenir compte des heures travaillées, souligne le document, ce qui, inévitablement, les oblige à couper court à toutes les règles de sécurité pour accélérer les travaux afin de compenser, par cette hausse forcée de productivité, la baisse du taux horaire accepté pour obtenir le contrat."

Comment peut-on penser sérieusement qu'avec le projet de loi 31 ces entrepreneurs agiront autrement? Rien ne nous l'indique. Depuis 1983, la CSN-Construction offre des solutions concrètes pour enrayer le travail au noir et le braconnage des emplois. L'ensemble des reven-

dications pourrait se résumer par le renforcement des services d'inspection et d'enquête de la CCQ et l'attribution du pouvoir aux représentants syndicaux et aux inspecteurs de la CCQ de vérifier les permis de travail et les licences d'entrepreneur et d'arrêter les travaux de tout chantier au noir susceptible d'abriter une main-d'oeuvre clandestine ou la présence d'entrepreneurs sans permis et ce, sans perte de salaire pour les travailleuses et les travailleurs compétents oeuvrant alors sur ces chantiers.

Aujourd'hui, 23,7 % de l'ensemble des travaux de l'industrie de la construction du Québec sont des travaux de réparation, d'entretien, de modification et de rénovation résidentielle. Certains économistes estiment que ce pourcentage devrait augmenter dans les années à venir, alors que le marché résidentiel neuf risque de tomber de façon dramatique et ce, dès l'an prochain.

Dans un mémoire qu'elle présentait à cette commission lors de l'étude du projet de loi 119, l'APCHQ estime le champ d'activité économique de la rénovation à la demie de ce que représente le secteur résidentiel dans l'industrie de la construction et, précisait ce mémoire, "à la fin de la décennie, le secteur de la rénovation aura toutefois pris la majeure partie du marché".

Pour une Industrie qui génère des revenus de 18 129 000 000 $ dont le tiers provient du secteur résidentiel, la part réservée à la rénovation est de 4 293 000 000 $. Il n'y a pas que les 2563 artisans enregistrés à la CCQ qui oeuvrent dans ce secteur. Des milliers d'entreprises illégales de tout genre s'y partagent le gros des travaux. Ce sont ces entreprises que l'on qualifie de braconniers, de "jobineux", d'aventuriers, de chaudrons. Ils y exercent une concurrence tout à fait déloyale à l'endroit des 8534 entreprises légales qui y font travailler leur main-d'oeuvre qualifiée.

Si le projet de loi 31 est adopté, les salariés perdront tous leurs droits syndicaux, leurs fonds de retraite, leurs assurances et l'ensemble des conditions de travail négociées par les associations syndicales représentatives de l'industrie. Quelle que soit la règle mathématique que l'on utilisera, 20 % en moins des travaux exécutés par 100 000 travailleuses et travailleurs représenteront quelque 20 000 pertes d'emploi, à moins que les travailleuses et travailleurs lésés ne se résignent à perdre leur salaire actuel pour accepter les conditions supposément concurrentielles des braconniers. Ces 20 000 travailleuses et travailleurs du secteur de la rénovation ne seront plus protégés par le décret qui régit les relations du travail de l'industrie. Elles et ils ne pourront pas exiger les salaires négociés pour l'ensemble des travailleuses et travailleurs de la construction. Elles et ils n'auront plus droit de grief, et l'absence d'un lieu collectif de solidarité leur fera perdre, à courte échéance, tout droit à des conditions élémentaires de santé et de sécurité. Elles et ils ne pourront plus revendi- quer de congés ou faire respecter des horaires décents de travail. Elles et ils seront, à toutes fins utiles, soumis à l'exploitation honteuse des braconniers et chaudrons légalisés.

Le projet de loi du ministre Paradis attaque de front les droits des travailleuses et des travailleurs qui se sont battus pour obtenir une équité de salaire, des conditions de santé et de sécurité, des conditions de travail dans l'ensemble de l'industrie. Mais pire encore, il condamne l'industrie de la construction à la médiocrité et à l'incompétence en s'avouant vaincu devant une logique d'aventuriers et de braconniers sans scrupule.

Contrairement à ce qui a pu être affirmé, des programmes de formation et de qualification existent partout au Canada. Dans le but d'uniformiser les régimes d'apprentissage dans les métiers de la construction, les provinces ont en effet établi des règlements sur la formation professionnelle. Ce fut le cas au Québec où, depuis le 20 octobre 1971, le Conseil des ministres y a décrété deux secteurs. Dans la construction, les métiers avec carte de qualification obligatoire sont passés de 14 à 24 et hors construction on en a identifié 4. Le projet de loi 31 introduit par le ministre Paradis vise, à l'encontre des principes établis, à définir d'autres activités comprises dans un métier hors construction. Les travailleuses et travailleurs qui exécutent diverses tâches n'auront plus à être compétents dans un métier en particulier ni à démontrer, au moyen de pièces justificatives, qu'elles ou qu'ils ont exercé un métier et acquis une expérience pour se qualifier dans un seul métier.

Depuis la loi 119, qui confirmait la nécessité d'avoir dans l'industrie une main-d'oeuvre de qualité, compétente et productive, tous les intervenants de l'industrie se sont ralliés pour que la compétence soit le critère primordial d'accès à l'industrie de la construction. Les discours du ministre allaient dans ce sens lorsqu'il s'adressait à la population du Québec pour la convaincre du bien-fondé de sa loi. Il trompait alors la population s'il savait que, quelques mois plus tard, il exclurait de la loi sur la construction tous les travaux nécessaires requis par les consommatrices et les consommateurs du Québec en soutenant cette fois qu'il n'est plus nécessaire d'exiger des travailleuses et des travailleurs qualifiés pour exécuter des tâches complexes de rénovation et de modification: faire un escalier, couvrir un toit, installer des cloisons, refaire de fond en comble un édifice pour en faire des condominiums.

Le projet de loi du ministre Paradis légalise l'incompétence et supprime des droits fondamentaux à un travail dans des conditions décentes à plus de 20 000 personnes de la construction oeuvrant au sein de quelque 8534 entreprises, les droits à des salaires négociés, à des fonds de pension et à des avantages sociaux pour lesquels ils ont lutté.

Pour permettre à la consommatrice et au consommateur de faire effectuer des travaux à coût abordable, pour reconnaître une pratique courante et pour permettre à une main-d'oeuvre compétente de pouvoir continuer à oeuvrer dans cette industrie, surtout en régions éloignées, on a créé officiellement en 1979 la notion d'artisan. L'artisan effectuant des travaux pour une personne physique, à des fins autres que commerciales ou industrielles, n'était pas assujetti au décret mais devait détenir un certificat de qualification et une licence de la Régie des entreprises en construction du Québec. Dans les secteurs commercial et industriel, il devait afficher son contrat et être rémunéré selon le taux du décret pour éviter de livrer une concurrence déloyale aux salariés. Les obligations faites aux artisans et aux entrepreneurs dans les secteurs commercial et industriel n'ont pas permis d'empêcher l'artisan d'exécuter des travaux à des taux inférieurs à ceux prescrits par le décret et, donc, d'empêcher une concurrence déloyale.

Selon la loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, 2563 entrepreneurs artisans et entrepreneurs qui exécutent des travaux sans l'aide de salariés ont produit des rapports en 1987 à la Commission de la construction du Québec. Or, le suivi des artisans dans la construction neuve est très coûteux. Les inspecteurs de la CCQ éprouvent de nombreuses difficultés dans la cueillette de leurs renseignements. C'est pourquoi la CSN-Construction est d'accord pour exclure du champ d'application de la loi sur la construction des travaux dits de réparation et d'entretien du secteur résidentiel exécutés pour un propriétaire occupant. Une table de travail mise sur pied par le ministre pour étudier le champ d'application de la loi dégageait, en mars 1987, un consensus syndical demandant que l'artisan, s'il ne pouvait être éliminé de l'industrie, devait être limité aux seuls travaux de réparation et d'entretien sur des ouvrages déjà existants. Le projet de loi 31 va dans le sens contraire et reconnaît la présence de cet artisan dans tous les secteurs. Cette reconnaissance nous laisse croire à des lendemains inquiétants. Le libellé du projet de loi 31 confirme que le ministre Paradis veut légaliser le travail au noir, non seulement dans le secteur de la rénovation, mais à courte échéance, dans les secteurs plus vastes du résidentiel neuf et du commercial, et même de l'industriel. L'article 5 du projet de loi prévoit également des amendes pour toute travailleuse ou tout travailleur sans carte de compétence qui exécute des travaux dans tous les chantiers de construction. Par cet ajout, le ministre crée un dangereux précédent puisqu'il permet à des travailleuses et à des travailleurs non qualifiés de travailler dans la construction en échange d'une amende.

À l'heure actuelle, la présence des illégaux n'est tout simplement pas permise et, aujourd'hui, le ministre change les règles du jeu et reconnaît leur travail. Les membres de la CSN-Construction ne croient pas qu'une amende soit suffisante pour diminuer le travail au noir et se demande plutôt si le projet de loi n'est pas avant tout le début d'une éventuelle déréglementation de l'ensembSe de l'industrie de la construction. En permettant aux chaudrons et aux "jobineux" de travailler légalement dans l'industrie de la construction, le ministre Paradis sent la nécessité d'invoquer les besoins des consommateurs et des consommatrices. Selon lui, la consommatrice et le consommateur québécois ne seront plus soumis aux nombreuses règles qui s'appliquent à l'industrie de la construction lorsqu'ils voudront faire rénover leur résidence. Venant du ministre du Travail, qui est censé connaître le sens de la loi, ce langage surprend, car il n'existe aucune règle dans le décret qui contraint d'une façon ou d'une autre la consommatrice et le consommateur à faire des affaires avec des chaudrons ou des entrepreneurs qui embauchent des vraies travailleuses et des vrais travailleurs. Au contraire, le gouvernement a voulu, par le décret, protéger les consommatrices et les consommateurs contre des entrepreneurs peu scrupuleux, qui embauchent des travailleuses et des travailleurs non qualifiés et qui utilisent des matériaux de mauvaise qualité. Dans les faits, le législateur a plutôt cherché à contraindre les entrepreneurs, les travailleuses et les travailleurs à offrir un travail de qualité et à protéger les consommatrices et les consommateurs contre la loi de la jungle qui existait avant le décret.

Les propos du ministre surprennent d'autant plus que, malgré ses affirmations, son projet de loi ne tient aucunement compte des véritables problèmes des consommatrices et des consommateurs, et qu'en définitive la déréglementation du secteur de la rénovation aura exactement l'effet contraire de celui souhaité. Des données recueillies auprès de l'Office de la protection du consommateur, entre avril 1987 et mars 1988, confirment nos craintes. Au cours de cette période, l'Office de la protection du consommateur a enregistré 20 872 plaintes dans le domaine de l'habitation, soit le deuxième secteur en importance après celui de l'automobile. Vous avez les plaintes réparties en deux temps, soit celles soumises directement à la Régie du logement et celles qui ont été soumises à l'Office de la protection du consommateur. Cela ne tient pas compte, évidemment, de toutes les plaintes qui n'ont pas été rapportées. Selon l'Office de la protection du consommateur, les plaintes relèvent, par ordre décroissant: 1° de l'asphaltage résidentiel; 2° des toitures; 3° de la pose de portes et fenêtres; 4° du revêtement extérieur. En outre, les principales caractéristiques de ces plaintes sont, par ordre décroissant toujours: les contrats non exécutés, les vices cachés, la non-détention d'un permis de vendeur itinérant, la non-conformité des garanties prévues au contrat. À partir de ces données, il ne nous est pas permis de croire que le projet de loi 31 réduira

l'ampleur du travail au noir car, comme vous êtes en mesure de le constater, les plaintes des consommatrices et des consommateurs dans le domaine de l'habitation relèvent principalement de la rénovation. Le projet de loi 31 permettra aux entrepreneurs illégaux d'agir en toute quiétude pendant que les consommatrices et les consommateurs auront l'illusion d'être protégés et d'avoir droit à un travail de qualité.

La consommatrice et le consommateur seront les premiers touchés par le projet de loi 31. Si le gouvernement va de l'avant en adoptant cette loi, la consommatrice et le consommateur seront alors confrontés aux lois sauvages d'un marché déréglementé où n'importe qui pourra leur offrir des services à rabais dont ils n'auront plus la capacité de vérifier la compétence. Le ministre Paradis s'est-il demandé, avant de présenter son projet de loi, s'il sera encore possible de vérifier la licence des entrepreneurs oeuvrant dans la rénovation pour protéger la consommatrice et le consommateur? La situation deviendra rapidement intolérable, autant pour les travailleuses et les travailleurs que pour les consommatrices et les consommateurs.

Contrairement à l'esprit du projet de loi 31, la CSN-Construction estime que des mesures telles que. des subventions à la rénovation devraient plutôt être proposées par le gouvernement pour favoriser l'emploi des travailleuses et travailleurs compétents de l'industrie. Cet incitatif pourrait prendre la forme de subventions qui pourraient s'ajouter aux programmes déjà en vigueur. Une première condition de subvention à la consommatrice et au consommateur devrait être que celle-ci et celui-ci fassent appel à des salariés d'un entrepreneur possédant une licence et étant dûment enregistré à la CCQ. Ainsi, non seulement ce sont de vraies travailleuses et de vrais travailleurs de la construction qui travailleront, mais la non-admissibilité des entreprises au noir permettra aux divers niveaux de gouvernement de récupérer des entrées fiscales autrement perdues.

Les garanties de qualité dont une consommatrice et un consommateur sont assurés en confiant des travaux de construction à un entrepreneur reconnu devraient alors promouvoir la rénovation si le gouvernement finançait la différence entre le coût de la main-d'œuvre rémunérée selon le décret de l'industrie de la construction et le coût de la main-d'oeuvre au noir. (16 h 45)

Si, en 1986, le coût horaire moyen était d'environ 21 $ selon le décret, et je rappelle que le salaire annuel moyen est toujours de 18 500 $, et si le taux payé au noir était d'environ 10 $, c'est 52 % du coût de la main-d'oeuvre qui devrait être subventionné. Des études ayant fixé le coût de la main-d'oeuvre à 24,6 % du coût d'une maison neuve, on peut facilement doubler ce pourcentage dans le cas de rénovations, puisque certains facteurs comme l'utilisation de la machinerie lourde sont minimisés. De telles mesures, auxquelles la CSN-Construction se rallierait, sont en nette contradiction avec l'approche prtviligiée par le gouvernement libéral et son ministre du Travail pour réduire l'ampleur du travail au noir. Le projet de loi camoufle l'impuissance du gouvernement à contrer ce phénomène, légalise le braconnage des emplois, favorise l'incompétence dans le vaste secteur de la rénovation et, selon nous, n'indique d'aucune manière la capacité du gouvernement à inciter les entreprises illégales et les travailleuses et travailleurs clandestins à opérer au grand jour.

Pour toutes les raisons invoquées dans le mémoire, la CSN-Construction demande au ministre du Travail de retirer son projet de loi, qui hypothèque trop lourdement l'industrie de la construction, ses travailleuses et travailleurs, aussi bien que les consommatrices et consommateurs qui en bénéficient. Si le gouvernement avait une réelle volonté politique de combattre le travail au noir, son approche aurait dû être totalement différente, et véhiculer les propositions avancées, entre autres, par la CSN-Construction. Le pouvoir donné aux inspecteurs de la CCQ et aux représentants syndicaux d'arrêter les chantiers au noir, ainsi que des programmes de subvention pour inciter les consommatrices et les consommateurs à utiliser la main-d'oeuvre qualifiée de l'industrie, sont des conditions essentielles à tout effort collectif pour enrayer un tel phénomène. Quant aux travaux dits de réparation et d'entretien du secteur résidentiel exécutés par un propriétaire occupant, la CSN-Construction croit et a toujours cru que ces travaux pouvaient être exclus du champ d'application et cela, sans causer de préjudice aux droits des travailleuses et travailleurs de la construction.

Le Président (M. Charbonneau): Alors, merci, M. Gauthier. M. le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je remercie la CSN-Construction et ses porte-parole, spécialement M. Gauthier, pour le temps et le talent qu'ils ont consacrés à la rédaction du mémoire.

Dans un premier temps et avant qu'on en parle plus à fond, j'aimerais qu'on s'entende sur la définition de travail au noir et je demande à M. Gauthier si la définition que je sors du consensus patronal-syndical du rapport Mirault est une définition qui, pour notre discussion, lui sied. Je vais la lui rappeler. Il y a eu un consensus patronal-syndical où vous étiez représentés, la CSN, qui définissait le travail au noir comme suit: Tout travail qui échappe aux norme:s et règles qui gouvernent l'industrie de la construction. Est-ce que c'est encore une définition acceptable pour la CSN-Construction?

M. Gauthier: On s'entend.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On s'entend sur la définition.

Vous mentionnez, à la page 1 de votre mémoire, une déclaration que vous attribuez à un communiqué du cabinet du ministre, et vous citez: le projet de loi "permettra à des milliers de propriétaires et d'ouvriers d'effectuer au grand jour ce qu'ils étaient contraints de faire dans l'illégalité". Au paragraphe suivant, vous dites: Le ministre du Travail ne manque pas de candeur quand il illustre ainsi son impuissance et celle de son gouvernement à contrer le braconnage éhonté des emplois des travailleurs compétents de notre industrie, etc.

Comme centrale, ou comme CSN-Construc-tion, vous aviez publié en 1983 un livre auquel vous avez fait référence dans votre mémoire et qui s'intitule "Les Chantiers noirs, le travail clandestin et le braconnage des emplois dans l'industrie de la construction". À la page 32 de votre document, et je cite à partir du deuxième paragraphe: "Quand c'est le voisin, quand c'est un ami bricoleur, quand c'est l'homme à tout faire qui vient poser une céramique dans la salle de bain, réparer un tuyau qui coule, personne ne se préoccupe à savoir s'il s'agit d'un travailleur qualifié selon la loi ou classifié selon le décret. De telles transactions sont devenues monnaie courante. À la faveur de la crise, nos habitudes spéciales les ont légitimées. Il n'y aura pas d'inspecteur de l'impôt pour tenter, comme c'est le cas chez les travailleurs et travailleuses à pourboire des restaurants et des hôtels, ou pour les chauffeurs de taxi de poursuivre l'homme à tout faire, puisque les vérifications sont à toutes fins utiles imposibles."

À la page 5 de votre mémoire que vous nous avez présenté aujourd'hui, vous citez des chiffres, à partir d'une étude du ministère de l'habitation en 1983, qui parlait d'une proportion de 75 % de travail au noir dans la rénovation résidentielle. À partir d'un tel constat - et là, je ne parle pas de construction résidentielle, je ne parle pas de chantiers commerciaux ni industriels, je parle de rénovation résidentielle - à partir d'un tel constat, le ministre a le choix: le ministre peut conserver le statu quo, augmenter les contrôles ou légaliser la situation. Je vous dirai qu'on a choisi de ne pas conserver le statu quo, qu'on a choisi - et cela, on peut en discuter, on n'en parle pas beaucoup dans votre mémoire - d'augmenter sensiblement les contrôles de ce qui nous semble être contrôlable, soit la construction domiciliaire et les chantiers commerciaux et industriels, et on a choisi de légaliser la situation dans le secteur de la rénovation résidentielle. Est-ce qu'on ne rejoint pas un peu ce libellé que l'on retrouve dans les chantiers au noir de la CSN, quand on dit: C'est impossible à contrôler, la rénovation? Donc, légalisons-la, permettons aux gens de faire légalement ce qu'ils font dans une proportion très très importante, très très majoritaire aujourd'hui et faisons en sorte que le consom- mateur et le travailleur se retrouvent dans une situation légale?

M. Gauthier: On n'a pas arrêté de parler, quant à nous, de la réparation et de l'entretien.

Notre proposition sur le statut et la place de l'artisan dans l'industrie reflète cette préoccupation-là. Oui, mais c'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Finalement, vous ajoutez l'élément artisan et vous nous dites: Tant que vous conservez l'artisan dans la construction domiciliaire et dans les chantiers commerciaux et industriels, vous faites fausse route?

M. Gauthier: Nous autres, ce qu'on dit dans notre texte, c'est qu'on exclut du champ d'application - et cela, c'est une définition qui a été soumise depuis au moins les quatre dernières années par la CSN-Construction et les autres associations syndicales dans un mémoire qu'on a présenté, entre autres, lors d'une des commissions parlementaires - on avait prévu que l'artisan devait être sorti du champ d'application de la construction et on devait le confiner à deux travaux qui lui reviendraient: la réparation et l'entretien. À cela, il n'y a pas d'objection sur le terrain, mais pour ce qui est du reste, c'est clair que l'artisan ne doit pas être dans la construction neuve, c'est clair que l'artisan ne doit pas être dans la rénovation. Là-dessus, il n'y a pas de problème pour nous à ce niveau-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, M. Gauthier ainsi que ceux qui vous accompagnent, je tiens à vous remercier d'avoir produit, encore une fois, une opinion dans un domaine que vous connaissez et pour lequel vous avez déjà produit d'autres réflexions. Je pense qu'on pourra dire ce qu'on voudra, vous avez quand même eu le mérite de publier pour la première fois un document où l'on ramassait certains éléments majeurs, importants, contenant le travail au noir et cela, en 1983. Donc, cela signifie, à tout le moins, qu'on peut être en désaccord sur vos propositions, mais il demeure une chose, c'est que vous êtes conscients du problème depuis longtemps. Puisque le ministre avait indiqué que son projet de loi 31, c'était surtout pour contrer le travail au noir, je pense que votre apport à cette commission peut être intéressant, compte tenu de l'expérience que vous avez développée, autant dans le secteur de la construction que dans l'illégalité de la construction par rapport au travail au noir.

Je pense que votre mémoire est on ne peut plus clair, pas nécessairement au niveau du langage, mais de la position de la CSN. La CSN

dit: Écoutez, nous, on ne veut pas, parce qu'on ne croit pas que le ministre va réduire véritablement le travail au noir et surtout pas... Et là-dessus, sur le second volet du travail au noir, vous avez sûrement notre appui dans le sens que je ne pense pas, moi, parce que cela va devenir légal, que tous ceux qui en faisaient vont le déclarer au Revenu parce que, même s'il y a eu entente entre vous et le ministre tantôt sur la définition du travail au noir, je pense qu'il y a toujours deux volets, comme je l'ai dit ce matin - mais vous n'étiez peut-être pas là - il y a deux volets: il y a tous ceux qui le font hors décret, hors taux - cela est un volet du travail au noir - mais il y a tout l'autre volet de ceux qui ne déclarent jamais rien. Par rapport à l'équité fiscale, je ne pense pas qu'on ait un projet de loi qui nous rassure sur l'équité fiscale.

Je ne veux pas faire une série d'autres commentaires. J'ai lu le mémoire. On l'a eu trop tard pour être capables de faire ce que j'appellerais, et ce n'est pas votre faute - je parle comme membre de cette commission - on n'a pas pu l'analyser en profondeur.

J'ai trois ou quatre questions à vous poser. Une première, parce que vous l'avez affirmé comme cela: Dans le fond, au delà de tout ce qui est dit sur le projet de loi 31, on sent qu'une des plus grandes craintes de la CSN-Construction c'est que c'est vraiment un premier pas pour éventuellement exclure totalement tout le secteur résidentiel de la construction, indépendamment des appellations, que ce soit rénovation, entretien, modification ou autres. Est-ce que c'est bien cela qu'il faut lire dans votre mémoire?

M. Gauthier: Si on tient compte de l'expérience qu'on connaît actuellement, surtout depuis la production du rapport Scowen, c'était assez clair dans ces propositions-là que s'il y avait un secteur de l'industrie qui devait disparaître du champ d'application du décret de l'industrie de la construction, c'était tout ce qui touchait, entre autres, au résidentiel et aux structures légères.

M. Gendron: Combien avez-vous de travailleurs qui - et quand je dis cela, je veux le savoir pour la CSN, mais si vous le savez pour l'ensemble des travailleurs de la construction au Québec... peut-être bien que vous allez me dire ce que je présume, mais, avant de présumer, je vous pose la question - combien y a-t-il de travailleurs, d'après vous, de la construction qui sont facilement identifiables comme étant davantage confinés au secteur résidentiel par rapport au secteur commercial?

M. Gauthier: Non. On travaille, au niveau de la rénovation, sur le chiffre de 20 000, mais c'est un peu difficile actuellement de vous dire combien de travailleurs oeuvrent dans la construction et la rénovation, la construction neuve. Entre autres, comme II est mentionné dans le texte, il y a au delà de 8000 entreprises, 8000 entrepreneurs dans ce secteur de la construction. Alors, on peut sûrement prétendre qu'il y a au delà de 20 000 travailleurs et travailleuses qui sont visés par ce secteur.

M. Gendron: D'accord. Puisque vous êtes dans le secteur depuis nombre d'années, j'aimerais avoir une opinion, étant donné que) le ministre a dit dans ses remarques préliminaires - et cette phrase-là, je la partageais - que c'était important d'avoir des gens qui ont une expertise longuement développée pour être capable d'élargir notre compréhension des choses sur les conséquences que peuvent avoir le projet de loi 31. Moi, je ne ferai pas un long plaidoyer, mais j'ai peur que, pour ceux qui vont être soustraits en particulier du champ de la rénovation et des modifications importantes - je ne parle pas d'entretien ni de réparation... Oui, il y a un grand nombre de travailleurs qui sont concernés par cela et, concrètement, pour eux - parce que je parle d'eux, je ne parle pas du consommateur - cela va se traduire véritablement par une perte d'avantages au sens large du terme. Avant de nuancer, ils n'auront pas le même salaire qu'ils avaient avant, c'est évident, et ils n'auront pas les mêmes avantages sociaux, c'est évident, ni la même protection que pouvait leur offrir le fait de travailler ouvertement pour un entrepreneur.

Question précise: Vous êtes dans le domaine de la construction, mais, comme syndicaliste, c'est quoi, d'après vous, en une couple de phrases, les chances réelles des gens qui seraient exclus du décret de la construction de retrouver éventuellement un minimum de protection syndicale?

M. Gauthier: Si on tient compte du fait que la majorité des entreprises dans le domaine de la rénovation, ce sont de petites entreprises, si votre question, c'est de savoir si ces gens-là vont être capables de se syndiquer à nouveau, entreprise par entreprise, à une, deux ou trois personnes par entreprise, à mon avis, cela va être très difficile, sinon impossible. Plus souvent qu'autrement, ce sont des entreprises qui arrivent et qui repartent. Je ne vois pas de quelle façon on pourrait réussir à négocier des conventions collectives pour ces personnes-là. Ce n'est pas parce que le travail au noir s'est développé qu'on doit continuer à accepter que des travailleuses et des travailleurs ne gagnent pas les salaires qui sont prévus dans les conventions collectives, ce qui serait inacceptable. Alors, à ce niveau-là, ce qu'on vient de proposer - et cela fait partie du préambule de notre texte - c'est la désyndicalisation d'une partie importante du secteur de la construction et cela, on trouve cela inacceptable.

M. Gendron: Sur le fait qu'un travailleur est exclu du décret et qu'il va travailler à un

taux officiel - il ne se sentira plus mal à l'aise d'être en dessous de la table ou, entre guillemets, illégal - c'est quoi votre opinion par rapport aux différents avantages sociaux qu'il pourrait vouloir se donner: CSST, protection d'assurance-salaire, etc.?

M. Gauthier: On a déjà de la difficulté à faire appliquer le code de la sécurité pour les travailleuses et les travailleurs syndiqués de cette industrie-là. On imagine donc que, pour ceux qui vont travailler dans des conditions non syndiquées, pour de petites entreprises, et plus souvent qu'autrement cela continuera à être du monde qui travaillera au noir mais avec une appellation différente, négocier des régimes de retraite, négocier des avantages sociaux, à notre avis, cela va devenir très difficile sinon impossible pour ces personnes. (17 heures)

M. Gendron: Pourriez-vous nous faire - parce que c'est un peu ça qu'on vient de toucher - une évaluation rapide des avantages encourus par le travailleur qui est protégé actuellement par le décret de la construction? Je sais qu'on a demandé aux gens de nous donner cela tantôt.

M. Gauthier: Vous avez les congés fériés, vous avez la paie de vacances et la paie des congés fériés, vous avez les régimes de retraite, vous avez les régimes d'assurance avec les avantages sociaux, les horaires de travail, la convention collective dans son ensemble, finalement, avec les différentes primes, la possibilité de griefs, la possibilité de recours en cas de congédiement injustifié. Tout cela disparaît, évidemment. On comprend difficilement comment on peut, par un projet de loi, décider qu'une partie des travailleuses et des travailleurs syndiqués deviennent non syndiqués du jour au lendemain. C'est un peu compliqué dans la conjoncture actuelle. Ce qu'on comprend, c'est que cela va à l'inverse du bon sens. Ce qu'on fait actuellement comme opération, c'est vraiment de tenter de ramener cette industrie dans une situation où on l'a peut-être déjà connue avant 1971, avec double taux et avec une iniquité salariale qui n'aura pas de bon sens: Pour quelle raison le menuisier qui fait de la rénovation gagnerait-il 5 $, 6 $ ou 7 $ l'heure, pendant que le menuisier qui fait de la construction gagnerait 18 $ l'heure?

M. Gendron: Vous avez porté un jugement assez sévère dans votre mémoire, à la page 13, concernant les obligations qui avaient été faites à l'artisan et aux entrepreneurs dans le secteur commercial et industriel. Vous ajoutez que cela n'a pas empêché l'artisan d'exécuter constamment des travaux à des taux inférieurs à ceux prescrits par le décret et donc d'empêcher une concurrence déloyale. Je lisais votre texte, à la page 13. Je partage pas mai cette évaluation.

La question que j'aimerais vous poser est la suivante: Pourquoi pensez-vous que les obligations qui avaient été faites dans la loi à l'artisan - parce qu'il y en avait des obligations qui lui étaient faites - selon le jugement que vous portez, n'ont-elîes quasiment jamais été honorées? Est-ce pour des raisons de manque d'inspecteurs, de manque de surveillance, de manque de suivi? C'est quoi?

M. Gauthier: Moi, je serais prêt à dire que c'est un laisser-aller général de l'industrie. Je pense qu'avec le dossier qu'on a soumis en 1983, c'était déjà une alerte. Quand les heures sont tombées à 67 000 000 en 1982-1983 déjà là, on avait pu constater l'élargissement du phénomène du travail au noir et l'élargissement de la place parce que l'artisan n'était pas fait à l'époque pour aller dans la construction neuve de façon générale. À l'époque, en 1979, on avait appelé cela la place au soleil de l'artisan et c'était vraiment pour compenser ou pour prendre une certaine place dans l'industrie, mais la place qu'il a occupée est beaucoup plus grande.

Maintenant, ce qu'on dit, c'est que la place de l'artisan devrait être limitée pour le bénéfice des consommateurs. Je pense que le document qu'on a présenté en fait la démonstration. Actuellement, ceux qui sont les plus pénalisés par les difficultés au niveau des travaux de rénovation, ce sont les consommateurs et les consommatrices plus souvent qu'autrement. Vous avez pu le constater, les garanties ne sont pas respectées et les entreprises disparaissent du jour au lendemain. Il me semble qu'un meilleur contrôle à ce niveau, le renforcement des différentes lois et le maintien de ce qui existe actuellement dans l'industrie de la construction quant à la compétence... On se rappellera que la CSN-Construction s'était opposée, entre autres, au projet de loi 119 que le ministre avait soumis. Sauf que l'aspect qui a été développé, puisque ce projet de loi a été adopté par la suite, on a eu à travailler avec. On a travaillé fort comme organisation syndicale concernant l'élaboration de la compétence dans cette industrie. Une fois que cela a été adopté, on a travaillé avec cela et, maintenant, ce qu'on constate c'est que c'est l'inverse qui va se passer dans le secteur de la rénovation. On ne comprend pas pourquoi, aujourd'hui, des gens compétents qui sont qualifiés dans cette industrie doivent sortir de cette industrie ou être remplacés par des gens qui n'auront pas nécessairement de métier.

M. Gendron: À moins que je ne me trompe, à une couple de places vous avez évoqué l'utilisation par des entrepreneurs - moi, je ne les qualifierai pas même si je partage parfois, à certains égards, vos qualificatifs, c'est-à-dire les qualificatifs que vous leur donnez quand ils ont un comportement illégal - de matériaux inadéquats et de mauvaise qualité. Au moins à trois places, entre autres, à la page 16, vous dites

que cela n'a pas de bon sens d'utiliser des matériaux de mauvaise qualité. La question que je pose est celle-ci: Moi, je prétends que, si je suis dans la construction et que je veux utiliser comme entrepreneur des matériaux de mauvaise qualité, il faut que je sois capable de mettre la main sur l'achat de matériaux de mauvaise qualité simplement. Là, je ne veux pas me tromper. Vous êtes là-dedans, vous connaissez cela mieux que moi. Est-ce à dire qu'il y aurait en circulation ou en vente libre autant de matériaux de mauvaise qualité qui pourraient être utilisés par des entrepreneurs non qualifiés ou illégaux?

M. Gauthier: Prenons d'abord le premier exemple qu'on a cité dans notre texte: l'asphaltage résidentiel. Plus souvent qu'autrement, les plaintes concernent la mauvaise qualité de l'asphalte, donc ce sont vraiment des produits de mauvaise qualité. Souvent, selon les plaintes, l'entrepreneur en asphalte passe, prend un contrat et disparaît avec le cash qui a été déposé ou, lorsque les travaux sont effectués, ils sont de moindre qualité. C'est très marqué et, dans l'ensemble des plaintes qu'on a étudiées, cela passe par ce phénomène.

M. Gendron: D'ailleurs, là-dessus, je suis content d'avoir sous la main les chiffres que vous avez sortis et qui existaient sûrement quelque part à l'Office de la protection du consommateur puisque vous les avez colligés. C'est quand même...

M. Gauthier: On les a pris à l'Office de la protection du consommateur.

M. Gendron: Oui, c'est ce que je dis. Je suis content quand même de les avoir dans un document comme celui-là, ce qui alimente notre réflexion car il y a quand même là quelque chose à vérifier puisque, effectivement, le gros des plaintes, par ordre décroissant porte sur des sujets qu'on est habitués à ranger dans le domaine dit de la rénovation. Si la rénovation est complètement exclue du décret, cela fait plusieurs éléments sur lesquels, à tout le moins, il y a des plaintes. Je n'ai pas les jugements ou le résultat final, à savoir comment le consommateur a retrouvé son compte, mais je pense, quant à moi, que vous avez bien fait de soulever cela. C'est un élément pertinent quant aux décisions qu'on devra prendre.

Je sens que vous revenez également, comme d'autres l'ont fait, sur le fait que, si le projet de loi ne touchait qu'à l'entretien et a la réparation, cela ne vous dérangerait pas du tout. C'est moi qui dis cela, mais je pense qu'on sent dans le mémoire que cela ne vous fatiguerait pas tellement. La question que je vous pose, puisque cela a été dit par d'autres, et même s'il n'y a pas eu beaucoup de temps, c'est: Est-ce que vous avez eu quelques consultations entre vous, c'est-à-dire avec les gens concernés par le domaine de la construction, que ce soit la FTQ, la CSD ou le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction qu'on a entendu ce matin? Est-ce que vous avez eu des échanges entre vous parce qu'on semblait dire la même chose, à savoir que pour l'entretien il n'y aurait pas de problème, mais, quant à la rénovation et aux modifications, sans savoir ce que cela signifie, c'est trop gros à embrasser et c'est trop rapide, il faut regarder cela. Est-ce qu'il y a eu des consultations?

M. Gauthier: Je n'ai pas eu l'occasion de lire les mémoires des autres organisations syndicales, mais je peux vous dire que, s'il y a un sujet de préoccupation pour l'ensemble des organisations syndicales et des travailleurs et travailleuses qu'on représente, cela a toujours été, et depuis de nombreuses années, le travail au noir. On a déjà eu l'occasion de travailler différents documents, pas nécessairement ceux qu'on dépose aujourd'hui, mais différents documents qui ont traité de ces sujets-là et, de façon générale, une ligne de pensée s'en dégage sur laquelle on s'entend.

M. Gendron: Dans le projet de loi, dans la perspective où dans le projet de loi on exclurait entretien et réparation du champ de juridiction du décret, cela toucherait combien de travailleurs et de travailleuses - peut-être pas beaucoup de travailleuses puiqu'elles veulent nous voir à ce sujet justement parce qu'elles ne sont pas nombreuses dans le secteur de la construction, et je pense qu'elles ont raison de vouloir venir discuter de l'accessibilité à des types d'emploi qui correspondent à leurs souhaits - combien d'emplois cela toucherait-il?

M. Gauthier: Si les artisans étaient confinés à ce domaine - il y a un peu plus de 2500 artisans dans l'industrie de la construction qui sont actuellement inscrits comme artisans - ces personnes pourraient oeuvrer dans ce secteur et faire en toute quiétude les réparations nécessaires de sorte que les consommateurs ne soient pas tenus de défrayer des sommes importantes pour ces réparations ou cet entretien.

On pourrait faire un parallèle. C'est drôle qu'on s'acharne continuellement sur les salaires gagnés par les travailleurs de la construction et la CCQ vous l'a peut-être dit ce matin, le salaire annuel moyen est d'environ 18 500 $. Mais, lorsqu'on va porter son véhicule au garage et le taux varie entre 35 $ et 45 $ l'heure, lorsqu'on fait venir le réparateur Maytag à la maison et que dès son arrivée cela coûte 40 $ ou 50 $ l'heure ou lorsqu'on fait venir le réparateur de télévision, c'est drôle que personne ne touche à ces domaines parce qu'on ne peut pas y toucher, mais, la construction, cela ressemble à un dossier sur lequel on peut régulièrement faire du millage, et les travailleurs de la construction commencent

à en avoir assez. Il me semble que les salaires actuels sont ceux qui ont été négociés au fil des ans, qu'ils tiennent compte de conditions de travail dans lesquelles oeuvrent les travailleurs et qu'ils tiennent compte d'un salaire annuel très modeste.

M. Gendron: Oui. C'est sûr que vous avez raison de reprocher certaines choses au ministre, plus particulièrement dans son discours lorsqu'il a modifié la loi.

Une voix:...

M. Gendron: Non, très sérieusement, l'an passé, dans la même salle, il disait: Dorénavant, il n'y aura qu'un seul critère pour oeuvrer dans la construction, c'est la compétence. J'ai l'impression que, si on met cela en parallèle, vous avez raison, il y a tout un écart entre le discours par rapport à la carte de l'OCQ et tout cela. Je ne veux pas revenir là-dessus; on l'a déjà fait.

Une dernière question en ce qui me concerne et je voudrais que vous soyez en mesure, si vous n'êtes pas capable de le faire tout de suite, de nous donner des indications là-dessus un peu plus tard. Je comprends votre dernière réflexion, à savoir que c'est fatigant de se demander pourquoi on veut toujours soustraire des personnes et des corps de métiers du décret de la construction. La raison est un peu simpliste ou simple, peu importe: on prétend que, dans certains cas, justement parce qu'il y a trop de gens qui prétendent que les coûts sont abusifs - je ne dis pas abusifs uniquement du côté du travailleur, je n'ai jamais dit cela - vous ne l'auriez pas de toute façon. Alors, la question que je veux poser, c'est que vos travailleurs ne le feront pas de toute façon. Je parle surtout d'une réparation mineure et de rénovation, mais il faudrait que ce soit très défini dans certains cas où des propriétaires de résidence diraient: Écoutez, si je ne suis pas capable de le faire sur la gueule - excusez l'expression - les soirs et les fins de semaine, je ne le ferai pas. Donc, vous ne l'auriez pas pareil.

La question que je pose, c'est ceci: Pour être certain que cela se fasse pareil, pensez-vous que c'est uniquement en maintenant - la question est très claire - sous la juridiction du décret les quatre ou cinq éléments dont on discute: réparation, entretien, rénovation, qu'on peut y arriver ou s'il y a d'autres méthodes que le gouvernement ou que les gouvernements n'ont pas voulu prendre pour s'assurer que ces travaux-là se fassent de toute façon, qu'il n'y ait pas d'échappatoire pour vous permettre d'avoir le gain que représente l'exécution des travaux?

M. Gauthier: II y a sûrement eu... Je pense qu'on pourrait appeler cela du laxisme. Prenons un exemple et la CCQ pourrait en témoigner, de nombreuses plaintes ont été déposées contre des entrepreneurs ou contre des individus qui oeuvraient au noir dans l'industrie de la construction et il y avait trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix plaintes contre la même personne. Lorsque ces personnes-là étaient traduites devant les tribunaux, le juge ne retenait toujours qu'une des plaintes comme étant le règlement pour l'ensemble.

Il n'y a pas eu, depuis de nombreuses années, de véritables moyens dissuasifs pour empêcher le travail au noir. Il faut s'attaquer véritablement au problème du travail au noir, c'est-à-dire à ceux qui embauchent des travailleurs à des conditions inférieures, à ceux qui utilisent des travailleurs ou des travailleuses à des conditions différentes de celles qui sont prévues par le décret. Je répète que, pour ce qui est de l'aspect de la réparation et de l'entretien, il me semble que les possibilités sont là. Le consommateur ne sera pas tenu d'être mal pris ou dans l'incapacité de faire faire ses travaux si on confine le champ d'action de l'artisan à l'entretien et à la réparation. Il me semble qu'on devrait être capable de faire ce bout de chemin et laisser les travaux qui sont faits par des professionnels, par des personnes compétentes, les travaux de rénovation, les travaux de modification de bâtiment, de maison, de résidence. On ne voit pas pourquoi ce champ-là disparaîtrait de l'industrie de la construction.

M. Gendron: Merci, M. Gauthier. Mon temps est écoulé.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Vimont.

M. Théorêt: Merci, M. le Président. M. Gauthier, j'aimerais bien que vous m'expliquiez une chose qui me semble, pour le moment en tout cas, difficilement conciliable ou à tout le moins difficilement compréhensible. D'une part, tout le monde reconnaît - vous avez été l'un des premiers à le reconnaître - l'importance du travail au noir qui se fait dans le domaine de la construction. L'étude de 1983 démontrait que 75 % des travaux effectués dans le secteur résidentiel l'étaient au noir. D'autre part, vous venez présenter un mémoire et, à la page 9, vous dites ceci: "Si le projet de loi 31 est adopté, les salariés y perdront tous leurs droits syndicaux, leurs fonds de pension, leurs assurances et l'ensemble des conditions de travail négociées..." "Quelle que soit la règle mathématique que l'on utilisera, 20 % en moins des travaux exécutés par 100 000 travailleuses et travailleurs représenteront quelque 20 000 pertes d'emploi..." (17 h 15)

J'aimerais bien que vous m'expliquiez comment on peut perdre 20 000 emplois, alors qu'actuellement il y a un marché au noir, qu'il y ait un projet de loi 31 ou non. Il est là, il existe. Qu'est-ce qui fait que le projet de loi 31 va faire perdre 20 000 emplois? Comment ceux

qui travaillent au noir présentement peuvent-ils perdre des droits qu'ils n'ont pas? D'ailleurs, vous admettrez avec moi que ce n'est pas la première préoccupation, les fonds de pension. Comment pouvez-vous concilier ces deux contradictions et comment pouvez-vous dire qu'avec le projet de loi il va y avoir 20 000 pertes d'emploi, alors que le marché au noir existe déjà, on ne vient pas de l'inventer avec le projet de loi?

M. Gauthier: On peut prétendre que le travail au noir a changé de visage ces cinq dernières années. En 1982-1983, quand on a fait la tournée de l'ensemble de nos syndicats régionaux, on a découvert à cette époque-là qu'il y avait un très grand nombre de personnes qui oeuvraient dans l'industrie sans détenir de carte de classification et cela faisait en sorte qu'il y avait un certain nombre de personnes qui oeuvraient de façon illégale dans l'industrie. En plus, ces personnes-là recevaient des taux différents de ceux prévus au décret. Maintenant, on peut dire qu'il y a une certaine partie de cette opération qui s'est tassée. Il y a beaucoup moins de travailleurs, parce que la carte de classification n'existe plus, maintenant c'est la carte de compétence qui existe. Beaucoup de travailleurs ont récupéré leur droit de travailler dans l'industrie en rendant leur carte de compétence active. Le nouveau phénomène qui est plus répandu maintenant, ce sont des conditions inférieures. On peut payer le travailleur pendant 20 heures à un taux prévu au décret et, pour les 20 autres heures, on va le payer 5 $, 6 $, 7 $, 8 $ ou 10 $ sous la table. Or, cela fait partie du travail au noir aussi. Ce ne sont pas seulement des travailleurs qui oeuvrent. L'autre groupe aussi, ce sont des travailleurs qui ne détiennent pas nécessairement de carte et on peut retrouver cela un peu plus dans le domaine de la rénovation.

Si le champ d'application, si le décret et la loi étaient respectés correctement... Actuellement, il y a 110 000 personnes inscrites dans la construction. On peut supposer que l'ensemble de ces personnes-là oeuvreraient et, si le champ de la rénovation, les modifications et les différentes réparations disparaissent, c'est clair qu'il y a des travailleurs et des travailleuses qui vont carrément perdre leur emploi et c'est clair qu'une partie de ce monde-là ne pourra plus travailler parce qu'il n'y aura plus suffisamment de travail pour eux. Et, au lieu de faire juste 15 ou 20 heures dans l'industrie, peut-être qu'ils n'en feront plus du tout ou, s'ils veulent continuer à travailler dans la construction, ils vont travailler à des taux qui vont être ceux du marché à ce moment-là, soit 4,55 $ en montant.

M. Théorêt: Je comprends ce que vous dites, M. Gauthier, mais comment pouvez-vous en arriver à un chiffre de 20 000 si, d'autre part, ces 20 000 personnes ne travaillent pas dans le moment? Elles ne travaillent pas au noir, si je comprends bien?

M. Gauthier: II y en a qui travaillent, il y en a beaucoup qui travaillent dans cela. Comme je vous le dis, il y a beaucoup d'entrepreneurs qui embauchent du monde et qui font en sorte de ne pas respecter les conditions prévues au décret. Si on utilise le terme du ministre et qu'on légalise le travail au noir, c'est évident que l'ensemble de cette opération-là fera en sorte que les personnes ne travailleront plus dans l'industrie. Elles vont travailler dans une industrie parallèle qui va être le marché de la rénovation, de la modification, de la réparation et de l'entretien.

M. Théôrêt: Mais, est-ce que vous admettez avec moi que le projet de loi 31... Quand vous donnez comme exemple que des entrepreneurs engagent des employés et qu'ils les font travailler 20 heures selon les taux du décret et 20 heures au noir en dessous de la table, ce n'est pas le projet de loi 31 qui vient changer cela. Ces entrepreneurs-là vont continuer à le faire pareil.

M. Gauthier: Non, mais il faut régler le problème du travail au noir à la source. Cela fait cinq ans qu'on en parle. On a continué à en parler. On en a parlé avec le ministre à plusieurs reprises et pas seulement en commission parlementaire. Une fois qu'on aura réglé ce problème-là, l'industrie... Il y en aura peut-être toujours un peu, mais pas dans un état de prolifération comme actuellement.

M. Théorêt: Je comprends, mais ce que je veux dire par là, M. Gauthier, c'est que ce n'est pas le projet de loi 31 qui va faire changer d'idée les entrepreneurs qui, actuellement, paient des travailleurs au noir, vous admettrez cela.

M. Gauthier: Excusez-moi, je n'ai pas compris.

M. Théorêt: Les entrepreneurs qui engagent...

M. Gauthier: Oui.

M. Théorêt: ...actuellement des employés et qui les paient au noir...

M. Gauthier: Oui.

M. Théorêt: ...ce n'est pas le projet de loi 31 qui va les faire changer d'idée.

M. Gauthier: À mon avis, le projet de loi 31 ne changera pas cette situation-là. On a déjà dit cela et notre prétention, c'est que, même si on blanchissait tous ceux qui travaillent actuellement au noir, cela ne réglerait pas le problème

pour autant. Ces gens-là ne déclareront pas plus à l'impôt, ne rendront pas plus publics les salaires ou les sommes payées et cela ne va pas plus régler le problème de l'industrie.

M. Théorêt: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Oui, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans un premier temps, un petit aparté. Vous avez fait référence à la loi 119, au travail que vous accomplissez sur le plan de la formation, de la qualification de la main-d'oeuvre et de la compétence des travailleurs de la construction. Je tiens à vous le dire publiquement, car je n'ai pas eu l'occasion de vous le dire: bien que vous vous soyez opposés au projet de loi 119 sur le plan de ce qu'on peut appeler la compétence des travailleurs de la construction, vous avez participé et au nom du gouvernement je vous dis merci.

Sur ce, reprenons ce projet de loi auquel vous vous opposez aujourd'hui: deux éléments.

M. Gauthier: Je suis votre représentant au CA.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais il n'y a pas grand monde qui sait cela... Je vous laisse...

M. Gauthier: Je trouve que vous ne me consultez pas souvent, par exemple.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous aviez peur que je vous donne des directives. Vous ne pouvez pas vous plaindre des deux à la fois.

M. Gauthier: Non, mais je pourrais peut-être vous influencer un peu, si vous m'appeliez.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais prendre un sujet dont vous avez discuté.

Le Président (M. Charbonneau): La période de messages publicitaires étant terminée...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je souhaiterais reprendre un sujet dont vous avez discuté avec l'Opposition: toute la question des plaintes des consommateurs. Certaines personnes prétendent que le fait que le consommateur se retrouve dans une situation où il est complice d'un marché au noir, cela ne l'incite pas à prendre des poursuites contre la personne qui a effectué les travaux ou l'entrepreneur qui a effectué les travaux, d'autant plus que, s'il a l'audace de pousser jusque devant (e système judiciaire, on pourrait facilement lui reprocher de ne pas avoir insisté sur des critères de compétence, sur des critères de salaire, etc. Est-ce que vous ne croyez pas que le fait de légaliser le travail au noir, en ce qui concerne cette partie des travaux, va donner plus d'assurance au consommateur dans les poursuites qu'il pourra intenter, ne se sentant pas complice d'une action illégale?

M. Gauthier: Vous partez toujours des prémisses selon lesquelles, demain matin, si le projet de loi était adopté, tous ceux qui exécutent des travaux de façon illégale ou au noir seraient blanchis. Nous n'avons pas la même prétention que vous. Nous prétendons que le projet de loi ne réglera pas ce problème. Pourquoi est-ce que les entreprises décideraient du jour au lendemain de déclarer leurs revenus, de déclarer leurs employés à la CSST? Pourquoi ces entrepreneurs, demain matin, rendraient-ils légale une situation, ce qu'ils n'ont pas fait jusqu'à maintenant?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Gauthier...

M. Gauthier: Le projet de loi ne règle pas ce problème.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'avais eu la prudence de faire en sorte que l'on s'entende. La toute première question que je vous ai posée portait sur la définition du travail au noir. On s'était entendus sur la définition suivante: tout travail qui échappe aux normes et règles qui gouvernent l'industrie de la construction. Une fois qu'une personne se retrouve dans une situation légale face à l'industrie de la construction, qui est la carte de compétence, etc., ce n'est pas une garantie - vous avez raison de le souligner - qu'elle va déclarer tous ses revenus au ministère du Revenu, pas plus que le ministère du Revenu n'a ces garanties de l'ensemble des contribuables. On parle du travail dit au noir, fiscal. On parle d'une autre dimension. Si vous voulez entrer dans le débat, je suis prêt, mais cela sort du travail au noir dit de la construction sous cet aspect.

Il y a un élément sur lequel vous avez insisté à plusieurs reprises, vous avez dit: Confiner l'artisan à l'entretien et à la réparation. Je pense que je vous cite bien. Vous avez répété cette phrase à deux ou trois reprises devant cette commission parlementaire. Est-ce que vous voulez atteindre deux objectifs: sortir l'artisan des autres travaux de la construction, soit la construction domiciliaire et les chantiers commerciaux ou industriels, et lui donner une exclusivité dans le domaine de l'entretien et de la réparation? Si c'est le cas, j'aimerais vous entendre sur la polyvalence de l'artisan et des contraintes que cela impose au consommateur.

M. Gauthier: Je n'ai pas, à ce moment-ci,

de position sur l'artisan, sur sa polyvalence ou pas. Ce que je vous dis, c'est que, si le champ de la réparation et de l'entretien est exclu du champ de l'application de la loi sur l'industrie de la construction, l'artisan pourra oeuvrer là. Non, nous ne voulons pas que l'artisan travaille dans le neuf. Oui, l'artisan doit être ou bien un salarié au sens de la loi de l'industrie, ou bien un entrepreneur au sens de la loi de l'industrie de la construction. Il ne peut pas être les deux. Il ne peut pas être un artisan et, en même temps, un salarié. Ce qu'on dit, c'est que, s'il veut être artisan, qu'il oeuvre dans un champ; s'il vient travailler, s'il est compétent - il sera reconnu, s'il a tout ce qu'il faut - à ce moment-là, ou bien il sera entrepreneur, ou bien salarié dans l'industrie de la construction.

Juste une remarque. Il me semble que, quand on n'a pas fait les efforts pour régler le problème du travail au noir... Il me semble que l'effort de légaliser le travail au noir n'est pas la meilleure façon de solutionner un problème. C'est comme si on disait que, sur la 20, fa limite de vitesse est de 120 km l'heure, mais parce que tout le monde la dépasse on va élever la limite de vitesse. C'est à peu près cela. Et on pourrait ajouter beaucoup d'exemples comme ceux-là. On pourrait aller plus loin que cela. Vous savez, même aux États-Unis, on parle de réglementer et de légaliser la consommation de la drogue parce qu'on n'est plus capables de la contrôler. Alors, où est-ce qu'on s'en va avec cela quand on n'est plus capables de régler nos affaires? Il y a des moyens, il y a des contraintes. Ce qu'on a dit depuis cinq ans et ce qu'on dit encore aujourd'hui c'est: Utilisons les armes qu'on a et mettez un peu plus de dents autour d'un certain nombre d'outils qu'on a pour travailler et peut-être qu'on trouvera la façon de régler ce problème-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Justement, étant donné que vous parlez de limite de vitesse sur les autoroutes, il y a quelqu'un qui a utilisé cette image ce matin dans ses notes préliminaires: peut-être que les autoroutes, dans le domaine de la construction, ce sont les gros chantiers, ce sont les chantiers commerciaux, c'est la construction domiciliaire.

M. Gauthier: On peut faire la même chose en ville, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On n'a pas retrouvé, dans votre mémoire, de commentaires sur le renforcement de l'inspection des mesures, des amendes et des contraintes de façon à diminuer, sinon à éliminer le travail au noir dans la construction domiciliaire, dans les gros chantiers de construction. Est-ce que vous êtes d'accord avec l'approche gouvernementale dans cette partie du projet de loi?

M. Gauthier: II me semble qu'on en a parlé au chapitre de l'augmentation des pouvoirs. Précisément, dans notre texte, on pense qu'on devrait doubler le nombre d'inspecteurs en y ajoutant les représentants syndicaux et on aurait peut-être une meilleure façon de faire respecter les lois et les différents règlements sur les chantiers de construction.

Pour ce qui est des amendes, je pourrais vous référer à différents mémoires qu'on a déjà déposés dans lesquels on a insisté abondamment pour que les amendes soient augmentées. On a déjà aussi insisté - on ne les a pas tous repris - pour que les entrepreneurs qui se faisaient prendre une deuxième fois, leur licence soit suspendue et que, s'il y avait récidive, ils perdent leur licence pour un certain nombre d'années. Alors, on a déjà tout dit cela et on pourrait vous les soumettre à nouveau. Je vous ai déjà remis l'ensemble de ces propositions lorsque vous avez été élu ministre du Travail. Choisi ministre du Travail, pas élu; élu député.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Le message est passé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gauthier: Non, mais parce que cela fait au moins deux ans de cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, mais je comprends que vous parliez d'élection ces temps-ci.

M. Gauthier: Oui, je serai en élection moi aussi bientôt.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais plus précisément par rapport à cette approche de resserrement en ce qui concerne la construction domiciliaire, les chantiers commerciaux et industriels, je suis conscient que nous n'allons pas aussi loin que de répondre à l'ensemble des demandes de la CSN-Construction et ce n'est pas là la présentation du ministre nommé qui vous parle. Mais est-ce que, pour vous, il s'agit quand même d'une orientation qui est souhaitable et qui est valable pour contrôler le travail au noir ou est-ce que nous faisons fausse route complètement dans ce que nous préconisons pour la construction résidentielle et pour les chantiers industriels et commerciaux?

M. Gauthier: M. le ministre, si votre question est pour que j'acquiesce au projet de loi 31, ma réponse va être non.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne rêve pas en couleurs. Je n'ai quand même pas la prétention de demander un assentiment, au moment où l'on se parle en commission parlementaire, avant même l'adoption du principe par l'Assemblée nationale, à la CSN-Construction qui m'a déjà indiqué qu'elle avait des réserves,

réserves que vous nous avez communiquées dans votre mémoire. Je vous demande si l'orientation que nous prenons pour resserrer les contrôles en matière de construction domiciliaire, en matière de chantiers commerciaux et résidentiels vous semble, non pas tout le cheminement, mais un pas dans la bonne direction? On a besoin de votre éclairage là-dessus.

M. Gauthier: M. le ministre, on aurait peut-être intérêt, mais je n'en suis pas sûr, à revoir l'ensemble de ces lois qui gouvernent actuellement l'industrie de la construction pour placer les morceaux à la bonne place et non pas y aller à la pièce. Mais, à mon avis, ce que vous présentez actuellement, la question que vous me posez est pour que je vous réponde oui au fait que vous avez décidé d'augmenter un certain nombre d'amendes et que vous avez décidé de réglementer un peu le travail de l'artisan quant à la construction neuve. Mon propos à moi, c'est de vous dire que l'artisan dans l'industrie... Votre problème par rapport au consommateur est réglable et vous êtes capable de le régler. Après cela, attaquons-nous à toute la situation du travail au noir et on sera capable de le faire en ajustant et en augmentant les pouvoirs des représentants syndicaux ou des inspecteurs de la CCQ. Peut-être qu'on pourra, par la suite, avec un peu plus de dents, s'attaquer aux entrepreneurs les moins sérieux.

Je suis convaincu que tout ce que les autres entrepreneurs de l'industrie qui soumissionnent actuellement dans cette industrie souhaitent, c'est d'avoir une base connue pour que tout le monde parte dans les mêmes affaires. À compter du moment où on fait cela de façon disparate et n'importe comment, cela va être le bordel dans cette industrie-là dans deux ou trois ans. On va être obligés de revenir en commission parlementaire pour recommencer la réglementation. (17 h 30)

J'ai entendu Jean Cournoyer dire: C'est quoi qui se passe actuellement dans cette industrie-là? Il y a une industrie où, de façon générale, cela va assez bien. Il y a un certain nombre de problèmes à régler; réglons-les, mais ne déréglementons pas l'industrie pour revenir à ce qu'on a déjà connu. Lui il a connu les périodes troubles un peu.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Charbonneau): Sur ces rappels historiques...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce qu'on peut souhaiter des élections sans trouble à M. Gauthier?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Charbonneau): M. Gauthier, messieurs, je vous remercie de votre participation aux travaux de la commission.

Nous allons maintenant entendre les représentants de la Fédération de la construction du Québec.

À l'ordre s'il vous plaît!

M. Linteau, bonjour. Si vous voulez bien présenter les personnes qui vous accompagnent. Je pense qu'on vous a donné les règles du jeu. Vous avez 20 minutes pour présenter...

Des voix: On ne comprend rien.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît!

Merci tout le monde.

Je vous rappelle les règles du jeu. Vous avez 20 minutes pour présenter le mémoire et le reste du temps sera réparti entre les deux formations politiques pour la discussion de vos points de vue. Sans plus attendre, je vous demanderais de présenter votre mémoire, mais auparavant d'identifier les personnes qui vous accompagnent.

Fédération de la construction du Québec

M. Linteau (Robert): À ma droite, M. François Gagnon, entrepreneur en construction résidentielle et commerciale et président de l'Association de la construction du Québec; M. Michel Paré, secrétaire exécutif de la fédération; à mon extrême gauche, M. Jocelyn Vézina, entrepreneur spécialisé en construction; M. René Lafontaine, entrepreneur de Trois-Rivières et président de l'Association de la construction de la Mauricie; M. Jean Ratté, conseiller juridique de la fédération. Je suis Robert Linteau, président de la Fédération de la construction du Québec et entrepreneur en construction.

J'aimerais tout d'abord remercier les membres de cette commission de nous donner l'occasion de nous faire entendre. Je ne vous lirai pas le mémoire de la Fédération de la construction du Québec étant donné que chacun des membres de cette commission a probablement eu amplement le temps de l'étudier, proportionnellement à celui que nous avons eu pour vous le présenter. Je ne m'attarderai pas non plus à remercier M. le ministre pour le délai de consultation. Pour nous, cela a été huit jours ouvrables et, selon les voies normales, nous n'avons pas encore reçu le projet de loi 31 alors que, vous autres, vous avez déjà en main - vous êtes des chanceux - notre mémoire. En ce sens, nous avons eu quelque peu l'impression d'être perçus un peu comme les dindons de la farce en raison de la vitesse avec laquelle nous avons dû nous exécuter.

J'aimerais dire que la Fédération de la construction du Québec est d'accord avec les objectifs politiques. Nous aussi, nous sommes pour la vertu. Non seulement nous sommes pour la vertu, mais encore là on veut la pratiquer. Nous sommes donc d'accord avec la plupart de

vos objectifs: réduire l'ampleur du travail au noir, permettre au consommateur d'exercer plus facilement des recours en cas de malfaçon ou de non-respect d'un contrat, diminuer les coûts de construction pour le consommateur qui veut faire rénover sa résidence, et nous irons même jusqu'aux travaux résidentiels complets et enfin, resserrer les contrôles sur les véritables travaux de construction.

En ce qui concerne le projet lui-même, pour la fédération, aucun des objectifs politiques avoués ne sera atteint. Au contraire, au lieu de diminuer le travail au noir, cette mini-réforme pourrait y inciter davantage car la première assurance qu'auront les acteurs continuant d'oeuvrer sous la table sera de ne plus avoir l'inquiétude d'être visités par un inspecteur de la Commission de la construction du Québec. Par ailleurs, rien dans le projet de loi ne permet d'affirmer, comme le fait M. le ministre, que le projet de loi facilitera les possibilités de recours pour le consommateur en cas de malfaçon ou de non-respect d'un contrat. Au contraire, pour le consommateur, la situation sera pire qu'auparavant, puisque le projet de loi ouvre la porte aux incompétents.

Quant à la diminution des coûts de construction, le projet de loi 31 est d'une totale inutilité parce qu'on abolit ce qui justifiait les bas prix du travail au noir, soit l'illégalité elle-même. En fait, ce projet ne réussira qu'à réduire davantage les prix du travail au noir, le rendant plus intéressant pour le consommateur. Vous savez, le problème, c'est que l'étude comparative du discours politique et du texte juridique nous donne un résultat tellement discordant que l'on a plutôt tendance à croire qu'il y a eu erreur d'ajustement entre la pensée politique et la rédaction juridique. Une véritable consultation aurait certes permis un meilleur arrimage de ces deux composantes. Encore faut-il consulter, mais on considère que c'est même une consultation au noir. En fait, les moyens utilisés ou les méthodes suggérées par le projet de loi 31 ne sont qu'une illusion législative d'une politique faussement courtoise à l'égard des consommateurs, des travailleurs, des entrepreneurs et de la fiscalité québécoise. On légalise la prostitution. On fait payer plus cher les compétents et ceux qui respectent la loi. Je dirais même plus, on va encore diviser le bassin de main-d'oeuvre actuel qui accuse déjà une grave pénurie dans bien des corps de métiers.

L'objectif premier est la réduction du travail au noir. Pour nous, la seule façon de réduire le travail au noir, c'est par la fiscalité. Or, le ministre du Travail et le ministre du Revenu reconnaissent que, du point de vue fiscal, le projet n'aura guère d'impact. Que peut-on dire de plus? Rien dans le projet de loi 31 n'incite celui qui paie 10 $ sous la table à payer désormais ces mêmes 10 $ au-dessus de la table. Il est ahurissant de constater que cette façon de procéder répond à la logique voulant que l'on consacre en droit ce qui existe déjà en fait. Une logique d'anarchiste. Il y a trop de fraudes? Légalisons la fraude. Il y a trop de vols? Légalisons le vol. M. le ministre, nous aurions peur que vous deveniez ministre de la Justice. Le travail au noir n'existera plus. Il sera remplacé par du travail légal à revenu non déclaré. L'expression aura été abolie, mais, dans la réalité économique et fiscale du Québec, prendra naissance le travail légal à revenu non déclaré dans le domaine de la construction et particulièrement dans la rénovation résidentielle qui demeurera et qui connaîtra même une effervescence jusqu'ici inconnue. Une nouvelle appellation, une même réalité.

Le deuxième objectif est de permettre au consommateur d'exercer plus facilement des recours en cas de malfaçon ou de non-respect d'un contrat. Citez-nous donc l'article de loi qui permet d'atteindre cet objectif, ailleurs que dans la Loi sur la faillite. Le troisième objectif, qui est de diminuer les coûts de construction, est un objectif qui est atteint aujourd'hui sans l'existence du projet de loi 31. L'entrepreneur artisan peut depuis 1979 effectuer des travaux à des taux hors décret. Mais encore là faudrait-il le limiter à la rénovation résidentielle. Le quatrième objectif est de resserrer les contrôles sur les véritables travaux de construction. Nous sommes d'accord à 150 % pour toute augmentation des contrôles sans pour cela fermer les chantiers de construction. Pour employer une phrase courante dans l'industrie, moins il y aura de cowboys, mieux ce sera.

Nos recommandations de la Fédération de la construction du Québec sont, premièrement, de maintenir les travaux d'entretien, de rénovation et de réparation ou de modification dans le champ d'application du décret. Deuxièmement, obliger la polyvalence des métiers de manière à permettre, lorsque la présence d'un salarié d'un métier n'est requise que pour une courte période et pour une tâche relativement simple, d'y affecter un salarié d'un autre métier apte à effectuer la tâche en question. Troisièmement, établir le ratio compagnon/apprenti à un pour un. Quatrièmement, maintenir la formation professionnelle dans l'industrie de la construction par le biais de la Commission de la construction du Québec, tel qu'établi par le projet de loi 119. Notre recommandation principale est de motiver le consommateur par des incitatifs fiscaux tels un crédit d'impôt ou l'amortissement comme cela existe dans le domaine commercial.

Enfin, en conclusion, sortir les travaux visés par le projet de loi 31 ou encore l'habitation de leur contexte actuel donnera naissance à une autre réglementation pour assurer les mêmes contrôles que l'industrie connaît actuellement, ce qui ira a rencontre d'une simplification du cadre juridique de l'industrie de la construction. Ce retrait impliquerait sûrement l'instauration de normes spéciales délimitant ce sous-secteur des autres, un carcan administratif dont les entrepre-

neurs de l'industrie de la construction n'ont aucunement besoin actuellement. S'il fallait que la compilation et la duplication des contrôles existants dans le présent décret et celui du verre plat, par exemple, soient élargis à l'ensemble du sous-secteur de l'habitation, l'objectif de déréglementation, d'uniformisation et de simplification n'aura été qu'un faux espoir. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Alors, M. Linteau, cela va? Oui.

M. Maltais: Étant donné que M. Linteau nous a remis un mémoire de la fédération et qu'il a lu un résumé, pourrait-on avoir ce résumé?

Le Président (M. Charbonneau): M. Linteau, je ne sais pas si vous avez un résumé qui était...

M. Linteau: Ce sont des notes personnelles...

Le Président (M. Charbonneau): Écoutez...

M. Linteau: ... qui sont un résumé du mémoire. Vous retrouvez tout cela dans le mémoire.

M. Maltais: Parfait. C'était juste pour savoir si on avait la même chose.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Alors, il sera toujours possible de consulter le Journal des débats. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je voudrais remercier la Fédération de la construction du Québec et ses porte-parole pour la présentation verbale ainsi que pour la qualité du mémoire qu'ils nous ont soumis. M. Linteau s'est plaint d'un court délai, mais je pense que le conseiller juridique qui a sans doute collaboré à la rédaction a dû travailler en fin de semaine ou tard le soir parce que les analyses sont précises. Les questions posées sont pertinentes, découlent non pas des communiqués de presse, mais du projet de loi comme tel et d'une lecture attentive de chacun de ses articles. Je comprends que le président n'a peut-être pas eu l'occasion d'en faire une lecture personnelle, mais son procureur a certainement, à la suite des questions que l'on retrouve à la page 4, fait une lecture très attentive qui m'amène justement à une première question.

Page 4, deuxième paragraphe. "On doit en premier lieu noter que l'utilisation des termes "fins personnelles" et "personne physique" permettent une interprétation si facilement manipu-lable que les termes peuvent être compris et la loi appliquée de façon tout à fait contraire au désir exprimé par le législateur voulant que soient visés les travaux de rénovation d'une résidence seulement." Et, deux paragraphes plus loin, on tire cette interprétation de la Loi d'interprétation du Québec où le singulier amène le pluriel et où les termes employés lors d'une énumération ne sont limités que par ladite énumération.

Est-ce que vous avez une recommandation, sur le plan du libellé législatif, qui pourrait faire en sorte que les objectifs que nous visons mutuellement soient atteints tout en ne permettant pas cette interprétation libérale, non pas dans son sens politique du terme, mais dans son sens large? (17 h 45)

M. Linteau: Jean?

M. Ratté (Jean): C'est que, après la première lecture, même deux ou trois, je devrais dire, on a étudié "fins personnelles" et "personne physique", puis on s'est rendu compte que, dans d'autres textes de loi, on parlait de résidence avec spécification. Exemple: le projet de loi sur le Code civil. Autre exemple: la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, la loi F-5, à l'article 55 où l'on définit réellement ce qu'on désire. Tandis que, présentement, on lit le libellé puis on ne sait pas quelle personne, si on doit discuter de trois étages, de quatre étages, de vingt étages. Est-ce qu'on fait fi de la loi 20-80 dans les municipalités? Ce sont toutes ces choses-là... Alors, je considère que définir, dans le libellé, ce qu'on entend par résidence, par exemple, qu'elle soit familiale et comprenne un immeuble à trois logements ou moins, cela enlèverait déjà un gros problème pour l'étude des autres paragraphes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur le plan philosophique, je n'ai pas l'intention, parce que je suis également limité par le temps, de reprendre toute l'argumentation ou l'échange que j'ai eu avec les gens de la CSN-Construction qui vous ont précédés, prenant pour acquis que vous avez assisté à au moins une partie de ces échanges. Tout comme la CSN-Construction, vous nous citez des pourcentages de travail au noir, entre autres, dans la rénovation résidentielle. À la page 8 de votre mémoire, le pourcentage que l'on retrouve est de 75% dans des travaux de rénovation de faible envergure, premier paragraphe en haut de la page. Le gouvernement - et je vais peut-être le poser comme je l'ai posé à la CSN - a un peu le choix. Il peut maintenir le statu quo et il continuera d'y avoir une proportion très élevée de travail au noir dans l'industrie de la construction, spécialement dans la rénovation. Le gouvernement a le choix d'engager une multitude d'inspecteurs pour tenter de contrôler le travail au noir dans la rénovation résidentielle, et là tous les experts s'entendent pour nous dire que c'est absolument impossible à contrôler, que cela prendrait un inspecteur par logement dans la province de Québec pour s'assurer qu'il n'y a pas

de travail au noir qui est fait, ou de légaliser une situation qui est incontrôlable, tout en resserrant les contrôles là où c'est contrôlable, c'est-à-dire la construction domiciliaire et les grands chantiers de construction.

Si je comprends bien votre mémoire, vous êtes d'avis que le gouvernement ne devrait pas légaliser le travail au noir dans la rénovation résidentielle parce que, selon vous, c'est contrôlable, le travail au noir dans la rénovation résidentielle?

M. Linteau: Je pense qu'on parle de rénovations de faible envergure. Si vous voulez parler, avec votre projet de loi, du propriétaire de la maison qui veut faire refaire sa galerie, qui veut faire des menus travaux de réparation, je pense qu'il y a moyen de trouver une solution, un peu comme...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En le légalisant?

M. Linteau: Oui. Mais, peut-être, dans une envergure différente. Là, on ne sait pas du tout. Cela peut aussi bien être des rénovations de 200 000 $ sur une résidence qui en vaut 400 000 $, c'est complètement flou, "at large". Alors, ce qu'on dit, c'est: Si le but visé des travaux d'entretien et de réparation... Un peu comme il a été dit ici cet après-midi, je pense qu'on ne peut pas se mettre la tête dans le sable, il y a des choses qui doivent être accomplies pour l'entretien et la réparation. Tout propriétaire a de petits travaux de 100 $, 500 $, et j'irais même jusqu'à 1000 $. Peut-être que c'est la solution. C'est cela qui est, d'après nous, la majeure partie du travail au noir qui s'effectue tous les jours. Mais il y a peut-être une façon de légaliser une partie des réparations ou de l'entretien.

M. Paré (Michel): Pour compléter, M. le Président, si vous me le permettez, la moyenne des travaux de construction, dans le domaine de la rénovation, semblerait être de 28 000 $. Si le législateur a, comme objectif, la réparation des résidences, lorsqu'on parle de galeries, de menus travaux: pas trop de difficultés. C'est lorsqu'on touche à la rénovation "at large", telle que proposée par le projet de loi - ce qui est contraire au discours politique - qu'on s'interroge. C'est pour cela qu'on propose un incitatif fiscal, mais pas par des personnes qui reçoivent de l'argent, car on peut travailler dans le cadre légal et être payé sous la table. Le projet de loi ne corrige pas cet aspect. On peut avoir des travailleurs très compétents qui vont faire... Lorsqu'on a dit tout à l'heure qu'il y avait seulement les entrepreneurs qui allaient faire du travail au noir, on se leurrait un peu. Il y a peut-être des entrepreneurs, mais II y a aussi des travailleurs qui travaillent avec des entrepreneurs qui font du travail au noir le soir ou la fin de semaine avec les outils des entrepreneurs. Sauf que pour la personne qui reçoit l'argent, c'est un revenu d'appoint. Des fois, c'est simplement pour un luxe, pour combler des manques de revenus quant au chômage, pour occuper les loisirs, la vie sociale. Ces sommes d'argent sont reçues sous la table et tout le monde les perd. S'il y avait un incitatif ou une procédure dans les lois fiscales sur l'amortissement, comme cela peut se faire dans d'autres domaines, le domaine commercial, par exemple, pour des travaux d'une certaine envergure, on ne parle pas du travail de 500 $, mais pour un travail d'une certaine envergure...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse de vous interrompre. Est-ce que vous conviendrez - je n'écarte pas votre proposition, cela a déjà été amené et même discuté sur le plan des politiques fiscales qui découlent de la responsabilité du ministre des Finances et du ministre du Revenu - que ce serait gênant pour un ministre des Finances ou un ministre du Revenu de donner un incitatif fiscal à une activité qui est illégale?

M. Paré (Michel): Non, non, pas une activité illégale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

M. Paré (Michel): On maintient les travaux de rénovation. On parle d'un entrepreneur dûment licencié. Il n'y a pas seulement l'entrepreneur...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais si on s'entend sur le fait que 75 % des travaux sont effectués au noir, en légalisant sur l'aspect construction les travaux, on peut procéder à d'autres étapes. Mais, tant que les travaux de construction dans le domaine de la rénovation, de l'entretien, etc., demeurent illégaux, est-ce qu'il n'est pas illusoire de demander au ministre des Finances de donner des incitatifs fiscaux à du travail au noir? Il ne faut pas mélanger les deux concepts. Travail au noir, définition du domaine de la construction, et travail au noir, définition fiscale; vous en avez peut-être dans plusieurs domaines, y inclus la construction.

M. Paré (Michel): Je peux très bien être qualifié dans le domaine de la construction, avoir toutes mes cartes de compétence et travailler le soir en dessous de la table. On ne règle pas la récupération d'impôt. Il y a eu des propositions dans une autre étude faite par une personne qui est maintenant devenue ministre du Revenu. On parlait d'un REER Rénovation. Vous le faites. Le gouvernement le fait pour amener les entreprises, le système de crédit d'Impôt, de dégrèvement fiscal. En matière commerciale, c'est possible. Quelle différence faites-vous entre la construction d'une petite épicerie et celle d'une maison?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le projet de loi 31 fait une distinction très importante.

M. Paré (Michel): Sauf que...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y en a un, de la façon dont le projet de loi 31 est libellé, qui est soumis au décret de la construction et l'autre, s'il s'agit d'une rénovation, ne le serait pas. S'il s'agissait d'une construction d'une résidence, il le serait.

M. Paré (Michel): Sauf que, dans le rapport Scowen, lorsqu'on parle de retrait du décret de la construction, d'un certain secteur du décret de la construction, on dit qu'il faut en même temps prévoir plusieurs ajustements dans différentes lois, notamment le Code du travail, les normes du travail, etc. Alors, on a un problème d'arrimage. Présentement, on est convaincu qu'on est en train de procéder à la pièce. À la résolution 66 du rapport Scowen, page 173 et suivantes, on explique tous les problèmes, toutes les difficultés reliées à une déréglementation d'une partie du secteur de la construction.

M. Gagnon (François): M. le ministre, je pense que l'incitatif fiscal pourrait être intéressant pour un consommateur qui prouvera qu'il a fait réaliser ses travaux par un entrepreneur dûment licencié, avec contrat, preuves à l'appui. On n'a qu'à penser à l'incitatif qu'a eu le programme Biénergie avec Hydro-Québec. Quand on a sorti le programme Biénergie, pourquoi a-t-il marché? Parce que l'incitatif fiscal était très fort. Ce sont des entrepreneurs électriciens qui ont fait les travaux. C'est un exemple.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On s'entend sur le fait qu'il y a un pourcentage plus faible de travail au noir dans le résidentiel et le commercial, un peu plus prononcé dans la construction domiciliaire et très prononcé - on l'établit à 75 % et on sait qu'on ne peut jamais établir précisément le travail au noir par définition - dans la réparation, la rénovation, l'entretien, etc. Ce que je vous dis, ma réponse est que vous plaidez une bonne cause lorsque vous plaidez l'approche de la fiscalité. Mais est-ce qu'on peut raisonnablement la plaider ou est-ce que c'est l'endroit pour la plaider là où vous retrouvez le plus de travail au noir, où les travaux d'entretien sont faits, et on le sait, par des gens qui actuellement n'ont pas le droit de la faire? C'était ma seule question.

M. Gagnon: Bien, M. le ministre, on dit quelque part dans le rapport qu'il y a eu pour 3 500 000 000 $ de travaux de rénovation de faits au Québec l'an passé. Si ces 3 500 000 000 $ de travaux ont été déclarés, cela veut dire que ce sont des employés de la construction, des ouvriers qui ont payé leurs impôts. J'imagine que vous avez pu avoir un impact fiscal de, peut-être, 340 000 000 $ ou quelque chose de semblable, dans les coffres du gouvernement. Cette même somme...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non, vous partez de fausses prémisses. Lorsqu'on parle d'environ 3 000 000 000 $ de travaux de rénovation, etc., on parle des statistiques de Statistique Canada qui sont établies à partir de la vente de matériaux de construction et non pas à partir des heures déclarées à la Commission de la construction du Québec. Possiblement, elles auraient pu être toutes travaillées au noir ou elles auraient pu être toutes déclarées, cela n'aurait pas changé le chiffre.

M. Gagnon: Mais on demande que les travaux visés par le projet de loi 31 demeurent dans le décret. Cela va.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Je veux remercier M. Linteau et toute son équipe d'avoir accepté de se présenter, dans une période aussi brève, pour faire une analyse profonde du projet de loi. J'ai senti votre première partie un petit peu caricaturale, mais dans le bon sens en ce qui me concerne, parce que vous avez raison. C'est sûr qu'un projet de loi qui chamboule et qui bouscule passablement la façon de faire mérite une analyse plus longue, plus exhaustive, et il mérite de faire quelques vérifications entre ce qui est prétendu qui s'appliquerait et la réalité des choses.

Ce qui m'étonne cependant, vous êtes - et ce n'est pas péjoratif, l'étonnement - un groupe, la Fédération de la construction du Québec, qui représente des employeurs dans le secteur de la construction, et, dans notre jargon, on dit toujours patronal, syndical. Vous êtes plutôt du côté patronal.

Rapidement, trois ou quatres petites questions. Vous regroupez combien d'entreprises au Québec?

M. Linteau: 3000 et quelques centaines. M. Gendron: Et de quelle taille? En gros?

M. Linteau: Les statistiques: 85 % des entreprises de construction au Québec ont moins de cinq employés. Ce sont les statistiques de l'AECQ.

M. Gendron: Donc, c'est vous autres.

M. Linteau: C'est nous autres et c'est tout le secteur de la construction; que se soit sous-entrepreneurs, entrepreneurs généraux, résidentiel, commercial, nous regroupons toutes les catégories.

M. Gendron: Cela me satisfait en ce qui concerne les statistiques.

Sur le mémoire comme tel, vous dites: Nous autres, dans le fond, c'est clair notre position, on voudrait maintenir les travaux d'entretien, de rénovation, de réparations et de modifications dans le champ de l'application de la loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. Est-ce que vous êtes sérieux là-dessus, compte tenu de ce que vous avez observé dans le projet de loi 31, ou si vous le voulez véritablement? Les quatres secteurs prévus comme étant exclus du décret de la construction dans le projet de loi 31 resteraient-ils à l'intérieur du projet de loi 31? Surtout que vous avez fait, à plusieurs reprises, un commmentaire à la suite des questions du ministre, vous avez dit: Écoutez, pour les menus travaux... Les menus travaux, il me semble qu'il faudrait bien s'entendre qu'entretien et réparations, règle générale, c'est cela les menus travaux. Quant à la rénovation, vous dites: Écoutez, la moyenne de la rénovation au Québec est aux alentours de 20 000 $ à 25 000 $, par rénovation - j'ai entendu cela tantôt - on n'est plus dans les menus travaux.

M. Linteau: Non, non. Mais, quand on a huit jours pour répondre au projet de loi que nous avons là, on vous répond tout de suite: Ne touchez pas à cela. Le projet de loi 31, on n'en veut pas.

M. Gendron: Cela, je l'ai compris.

M. Linteau: Par contre, si on a dix jours, deux jours de plus, on peut peut-être vous dire que l'entretien, la réparation, jusqu'à 2000 $, cela pourrait être enlevé. Je pense que cela se discute, il y a des problèmes comme cela qui peuvent être solutionnés.

M. Gendron: Bien sûr que cela se discute. D'ailleurs, vous me confirmez ce que j'avais compris, c'est un peu caricaturalement que vous dites: Écoutez, laissez donc tout cela de même, tant qu'à ne pas avoir eu le temps de l'analyser et de nous consulter. Ce n'est pas mûr et ce n'est pas prêt. Donc, laissez cela comme c'est. On va se parler, on va regarder cela, on va discuter et peut-être qu'on arrivera à dire: Bon, bien, écoute, si tu veux sortir entretien et réparation du champ d'application du décret de la construction, il n'y a pas de problème. Est-ce que j'interpréterais correctement?

M. Linteau: Pas mal. M. Gendron: Pas mal.

M. Paré (Michel): Mais déjà l'artisan, M. le Président, peut effectuer des travaux à des taux hors décret, et on peut concentrer l'artisan, comme entrepreneur, dans le secteur de la rénovation. (18 heures)

M. Gendron: Puisque vous en parlez et que vous représentez 85 % des petites entreprises du secteur de la construction du Québec... Cela fait du monde vous connaissez le secteur. Parlons de ce qui est majeur dans le projet de loi. Dans la rénovation et ce que le ministre veut appeler les modifications à des immeubles, des propriétés, peu importe, quel est le pourcentage de la rénovation et des modifications dans la construction au Québec qui serait fait par des artisans, au moment où on se parle?

M. Paré (Michel): D'abord une rectification, on ne représente pas 85 % des petits entrepreneurs au Québec.

M. Linteau: C'est de toutes les catégories d'entrepreneurs.

M. Paré (Michel): Dans l'industrie de la construction, 85 % des entreprises du secteur de la construction ont moins de cinq employés. On représente des entrepreneurs de chacun des secteurs: du plus petit entrepreneur au plus gros entrepreneur qui fait les barrages à HydroQuébec.

Concernant les statistiques, présentement on ne les a pas devant nous, mais il y a eu beaucoup d'études qui ont été faites dans le passé, notamment par le ministère de l'Habitation et de la Protection du consommateur. Dans le cadre du livre vert "Se loger au Québec", on disait... D'ailleurs, dans le décret de la construction, certaines clauses sont particulières aux petites constructions résidentielles. Un aménagement de ces conditions permettrait sans doute d'atténuer le phénomène du travail au noir dans le domaine de la rénovation. C'est pour cela que notre premier réflexe est de demander le ratio compagnon-apprenti un contre un. On donne souvent l'exemple de la fameuse hotte de cuisine. Cet exemple est véritable et il n'a pas de bon sens, mais permettons la polyvalence des métiers dans ce secteur. Il n'est pas besoin de sortir du décret un secteur de la construction. Permettons à une personne d'effectuer tous les travaux, si elle est compétente, évidemment.

M. Gendron: Vous admettrez que pour une association patronale, indépendamment des chiffres qu'elle représente - puisqu'on comprend la même chose - il s'agit d'un projet de loi qui déréglemente un secteur de la construction. Je suis convaincu qu'il y a des intentions d'aller plus loin, mais pour l'instant regardons ce qui est sur la table. Règle générale, à moins que je ne me trompe, jusqu'à maintenant la plupart des associations patronales, quelles qu'elles soient, ont été assez favorables à de la déréglementation. Là je voudrais savoir très concrètement... Vous m'avez indiqué tantôt que c'est plus pour des raisons de temps que vous avez l'attitude de

dire: Maintenir les travaux d'entretien, de rénovation, de réparation et de modification... Ou est-ce véritablement une position de fond et que vous croyez qu'actuellement, pour des raisons de stabilité et de fonctionnement auxquels vous êtes habitués comme entrepreneurs indépendamment que vous ayez trois, quatre, cinq, six employés qui sont assujettis au décret... Vous préférez cette formule plutôt que - si vous me permettez l'expression - penser hypocritement qu'en sortant tous ces secteurs de la construction on va contrer le travail au noir?

M. Linteau: II y a toutes sortes de façons de faire de la réglementation. D'ailleurs, on a déjà étudié un bon projet de déréglementation il n'y a pas tellement longtemps avec la loi 53, où il y avait un paquet de déréglementations proposées et nous sommes d'accord sur la déréglementation. L'industrie de la construction est le domaine le plus réglementé. Il y a des choses qui sont aberrantes, mais je ne pense pas qu'en faisant ce que le projet de loi 31 propose on va régler les problèmes, loin de là. Cela va les compliquer davantage. On a déjà des problèmes de pénurie de main-d'oeuvre dans l'industrie. Ils ne sont pas encore réglés. Il y a des commissions de formation de formées, mais il n'y a pas encore de main-d'oeuvre qualifiée de sortie de ces cours. Cela va commencer l'automne prochain, et on espère que cela va commencer, parce que cela prend du temps. Mais on ne règle pas le problème du tout. Demain matin, ce n'est pas le problème des contrats de construction, ce sera de les exécuter. On ne sera pas capable, parce qu'on va manquer de main-d'oeuvre. Alors, il y a un paquet de mesures là-dedans qui sont loin de régler les problèmes.

M. Gendron: À ce sujet-là, parce que vous venez de le toucher, la main-d'oeuvre - ce ne sera pas long - dans une de vos recommandations vous dites: On voudrait maintenir la formation professionnelle dans l'industrie de la construction par le biais de la Commission de la construction du Québec, telle qu'établie par le projet de loi 119. Si vous avez écrit cela, est-ce parce que vous avez des informations attestant qu'actuellement cela ne fonctionne pas ou est-ce qu'il y aurait un problème particulier concernant la formation professionnelle actuellement, il y aurait vraiment une incompréhension, suivant les dispositions prévues à la loi 119? À ce que je sache, les trois parties syndicales se sont retirées.

M. Linteau: Cela ne règle pas le problème.

M. Gendron: Non, je le sais, mais est-ce que c'est ce problème-là que vous souleviez?

M. Linteau: Un peu. Je vais laisser répondre M. Jean Ratté.

M. Ratté: C'est qu'avec la loi 119 qui a été votée et qui a amendé la loi R-20, on a demandé qu'il ait une formation de qualité. Aujourd'hui, à quinze jours d'avis, il y a un autre cours parallèle qui va débuter. On va demander la qualité sur la formation, et i! n'y a pas de cours! Alors, cela ne marche pas. Nous, ce qu'on se dit, c'est que l'an passé vous avez décidé de chercher la compétence dans le domaine de la construction, alors, continuez votre idée. Ne commencez pas à enlever certains champs d'activité de la construction ou enlevez-les tous, pas en partie.

On trouve surtout que le projet va trop en partie. Là, on a un exemple flagrant. Il n'est pas question d'enlever la formation, même s'il y a des petits problèmes à ce niveau, aucunement! C'est simplement de dire: Quelle sorte de formation voulez-vous qu'on ait et quelle sorte voulez-vous qu'on donne? Décidez-vous! Présentement, il y a la loi R-20, il y a la loi Q-1, il y a la loi F-5. Il y a le ministère de l'Éducation qui joue directement et indirectement dans l'éducation, dans la formation, appelez cela comme vous voulez. Par secousses, vous appelez cela qualification, par secousses vous appelez cela formation, compétence. Le consommateur, que vous lui montriez trois cartes de compétence ou trois cartes de qualification, facultatives ou pas, il n'en connaîtra pas plus. Alors, si vous décidez que ça vaut la peine d'avoir un cours de formation dans l'industrie de la construction, bien, gardez-le et ne revenez pas en arrière à tous les six mois. C'est cela qu'on veut dire.

M. Gendron: J'aurais une question. Est-ce que ce serait exact que les entrepreneurs en construction... Vous avez mentionné que vous seriez d'accord - et cela fait des années que vous le dites - de resserrer les contrôles sur les véritables travaux de construction. Cela fait des années qu'on dit cela, cela n'a pas de bon sens tout le laxisme qu'il y a là. Est-ce qu'il serait exact que vous, les entrepreneurs, pour contrer cela, pour les quelques fois qu'il y a des contrôles qui, éventuellement, débouchent sur des amendes, certaines formes d'amendes vous vous soyez constitué un fonds de réserve collectif pour payer les diverses amendes qui vous sont imposées par la Commission de la construction? Est-ce que vous êtes au courant de cela?

M. Linteau: Non. Je vous dis que, comme entrepreneur en construction, on respecte les lois ou on ne les respecte pas. C'est une catégorie qui ne respecte pas les lois et qui travaille en dehors des cadres établis. Moi, je suis dans la construction depuis 18 ans et je n'ai jamais payé d'amendes à nulle part. Mais je pense que, si on veut continuer à qualifier les entrepreneurs en construction de la façon dont ils doivent être qualifiés, il faut avoir des mesures qui sont plus sévères puis il faut y aller au niveau de la qualification des entrepreneurs et non pas par de

simples formalités: une formule à remplir, répondre oui ou non, envoyer 5000 $, puis partir demain matin, comme entrepreneur, sur des projets de 20 000 000 $. C'est ce qui se passe. Nommez-moi des entreprises de construction qui existent depuis 20 ans au Québec? Vous allez voir que la feuille ne sera pas longue. Mais nommez-moi des gars qui existent depuis 6 mois puis qui peuvent faire ce qu'ils veulent? Alors, je pense qu'il y a des problèmes pas seulement au niveau de la formation mais au niveau de la qualification aussi. On va y revenir dans un autre temps parce que ce sont des problèmes qui nous préoccupent.

M. Gendron: Oui, mais je pense que vous touchez un bon point. Vous touchez un point fondamental. Effectivement, il y a une espèce de recrudescence d'entrepreneurs qui naissent, disparaissent, qui n'ont pas beaucoup de longévité. Donc, vous dites dans votre mémoire - et je pense vous l'avez bien exprimé - resserrer les contrôles sur les véritables travaux de construction. Vous êtes pour cela, vous pratiquez cela et vous voulez que cela reste comme cela.

M. Linteau: Oui.

M. Gendron: Mais qu'on se comprenne bien. Je pense que tantôt il y avait une confusion dans les questions du ministre. À ce que je sache, vous avez répété à deux ou trois reprises que les véritables travaux de construction, pour vous autres, dans le domiciliaire et le résidentiel, cela inclut les travaux de rénovation et de transformation.

M. Linteau: Je comprends. Bientôt, cela va être la partie des travaux la plus importante, qui va se faire à un niveau peut-être un peu plus bas que celui des gros contrats de construction, mais c'est cela la construction.

M. Gendron: Oui, je comprends la même chose. Le ministre disait: Écoutez, je pense - puis là je ne veux pas faire d'erreur, vous me reprendrez, M. le ministre - j'ai cru comprendre qu'il a dit: Écoutez, quand on sait qu'aujourd'hui il y a à-peu-près 75 % des travaux dans le secteur de la rénovation qui se font au noir... Moi, je dis que vous êtes dans l'erreur, M. le ministre, quand vous dites cela. Ce n'est pas le même concept dans votre esprit et dans l'esprit du ministre sur les travaux de rénovation. Quand il dit que 75 % des travaux de rénovation, d'entretien, de réparation et de modification, se font au noir, ce sont des menus travaux. À ce moment-là, on doit exclure ce que lui veut ne plus assujettir au décret de la construction c'est-à-dire la rénovation, comme vous m'avez dit, qui est en moyenne de 20 000 $ à 25 000 $. En moyenne, vous avez dit cela tantôt. Là on n'est plus dans les petits travaux.

M. Linteau: Non, non.

M. Gendron: La question que je voudrais vous poser, compte tenu de votre expérience: Est-ce que cela aurait du bon sens d'envisager plutôt la piste de travail qui dirait: Tout travail ou toute exécution de travaux pour une somme inférieure à 2500 $ ou 3000 $ - c'est un exemple, cela pourrait être creusé, je veux savoir si cet angle vous plairait - est exclu du décret de la construction? Pensez-vous qu'on ne réglerait pas le problème une fois pour toutes? Je pense que oui, mais je voudrais avoir votre avis.

M. Linteau: On pense que cela serait une formule qui pourrait être acceptable et qui pourrait régler une bonne partie des travaux qui se font au noir.

M. Gendron: Fixer un montant...

M. Linteau: Je me retourne en consommateur et, demain matin, j'ai ma galerie à faire réparer. Si je peux la faire réparer par mon voisin pour 50 $, je suis mauditement fou de ne pas le faire surtout si cela me coûte 125 $ en respectant le décret de la construction. Je pense qu'il faut vivre au jour le jour avec les problèmes du jour et des consommateurs. Comme vous dites, il y a une limite à trouver. C'est peut-être 2000 $. Je pense que cela serait une avenue intéressante.

M. Gendron: M. le ministre, si vous fartes une piste, pensez-vous que ce serait une piste intéressante si on s'entendait sur un montant? À peu près dans toutes les municipalités du Québec cela prend un permis de rénovation ou de construction pour être en règle. Si on prenait la voie de fixer un montant, quand la municipalité émettrait le permis, puisqu'il y aurait un montant délimité, elle serait en mesure de faire une évaluation sur la valeur de la rénovation, de l'amélioration ou de l'entretien, et ainsi de suite. Elle pourrait dire: Compte tenu que tu es au-dessus du montant, ce genre de travail est assujetti au décret. Tous les autres travaux ne sont pas assujettis au décret étant donné que le montant est inférieur.

M. Linteau: Cela pourrait peut-être être une avenue acceptable.

M. Gendron: Avec, bien sûr, l'information à la Commission de la construction du Québec pour suivre l'affaire.

M. Linteau: Exact. Actuellement, il y a toujours une valeur qui est ajoutée au permis dans les municipalités.

M. Gendron: Qui figure au permis, oui.

M. Linteau: La personne qui demande un

permis de réparation doit évaluer ses travaux. Alors, elle déclare une évaluation des travaux qu'elle veut faire.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va?

M. Gendron: Cela va. Je vous remercie de votre contribution.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Saguenay avait patiemment manifesté son intérêt.

M. Maltais: Oui. J'aimerais savoir, M. Linteau: Pour faire du travail au noir, cela prend des conditions. Cela prend d'abord quelqu'un qui "call la shot" en bon français. Cela prend soit un artisan, un ouvrier ou un entrepreneur.

Le Président (M. Charbonneau): Ou un beau-frère.

M. Maltais: C'est à peu près de même que cela se fait dans l'ordinaire du monde.

M. Linteau: Cela peut prendre un voisin aussi.

M. Maltais: Oui, mais on parle de 3 000 000 000 $ de travail au noir. Admettons que le voisin en fait pour 1 000 000 000 $, admettons que des personnes en font pour 1 000 000 000 $, admettons que vous en fassiez pour 1 000 000 000 $ aussi. En fait, tout ce beau monde, que ce soit le menuisier qui travaille pour vous dans le jour et qui travaille le soir chez le voisin, ou vous qui, pendant une période morte prenez vos gens sur le chômage - je ne parle pas de vous en particulier, mais je parle de certaines entreprises - et vous allez convenir avec moi que cela se fait au Québec de temps en temps, au moins quelquefois par année. Tout ce beau monde est qualifié. Vous êtes légalement qualifié, votre employé sur l'assurance-chômage est légalement qualifie. Vous faites cela à un taux un peu moins cher, parce que la saison est morte. Quel est le danger pour le consommateur là-dedans? C'est quand même du travail au noir qui s'effectue. Le consommateur est bien protégé.

M. Linteau: René... (18 h 15)

M. Lafontaine (René): Je pense, M. le Président, que votre optique, votre éventail est un peu étroit. Vous avez parié de l'employé, de l'entrepreneur, vous avez parlé de l'artisan, mais vous oubliez le pompier, le gars qui travaille dans un magasin, le gars qui est bénéficiaire d'aide sociale, le gars qui retire de l'assurance-chômage.

M. Maltais: Non, non, je les mets tous là-dedans aussi.

M. Lafontaine: Vous dites 1 000 000 000 $, 1 000 000 000 $,

M. Maltais: Je les mets tous là-dedans. Dans mon voisin, j'en mets pour 1 000 000 000 $. Il y a 3 000 000 000 $, cela en fait pas mal.

M. Lafontaine: Si vous êtes dans la partie de l'entrepreneur, vous avez probablement de la compétence mais, si vous tombez dans le restant de l'éventail, cela ne veut pas dire que vous avez de la compétence.

M. Maltais: On parle des artisans qui font des travaux qui sont hors du décret. Je vais vous citer la région de la Côte-Nord où, en électricité, il n'y a aucun artisan, il y a juste des entrepreneurs. Pourtant, il y a du travail au noir aussi. Il est fait par qui?

M. Linteau: Écoutez, je pense que...

M. Maltais: C'est une question. Tout à l'heure, dans vos remarques d'entrée, vous avez parlé de légaliser la prostitution. Si vous avez votre carte d'entrepreneur, si l'électricien a sa carte d'électricien et qu'il travaille au noir, à ce moment-là la prostitution a sa carte, tout le monde a sa carte.

M. Linteau: C'est pour cela qu'on parle soit d'une incitation fiscale ou d'un amortissement. Dans le programme Corvée-habitation qui s'est réalisé au Québec, chaque propriétaire avait l'obligation de prendre un plan de garantie de maisons neuves.

M. Maltais: Non, mais on parle de...

M. Linteau: Mais c'est une incitation importante, parce qu'en prenant le plan de garantie le propriétaire était obligé de respecter des normes et l'entrepreneur aussi était obligé de respecter des normes. Le consommateur était protégé, parce qu'il avait une garantie de 20 000 $et30 000 $.

M. Maltais: Dans les petits travaux de moins de 500 $, comme vous le disiez tout à l'heure, qui sont faits par vos gars...

M. Linteau: C'est pour cela qu'on vous dit qu'on ne s'occupe pas des moins de 500 $. Demain matin, le gars qui veut vous rémunérer et qui vous donne 100 $, est-ce qu'à la fin de l'année vous allez déclarer cela sur votre revenu d'impôt? Je ne pense pas. Il y a une réalité et il faut y faire face: il y a du travail au noir qui se fait, il va s'en faire et on va tous passer et il y en aura encore, mais il s'agit de le diminuer. En y allant avec cette formule-là, il y a des grosses chances qu'on va le diminuer. D'ailleurs, tous les intervenants ou la plupart semblent avoir étudié ce phénomène-là et semblent d'accord avec cela.

M. Maltais: On n'a malheureusement plus le temps, mais j'aurais aimé en parler plus longuement.

Le Président (M. Charbonneau): Vous avez encore quelques minutes.

M. Linteau: Mais la fédération a toujours offert son concours pour discuter sur tous les sujets.

M. Maltais: C'est un phénomène quand même. Il y a du travail au noir, tout le monde le dénonce, mais il n'est pas fait par des extraterrestres, quand même, ce travail au noir. Je n'ai jamais vu un Martien avec des antennes faire une galerie.

M. Linteau: Ils sont assez rares.

M. Maltais: C'est fait par quelqu'un. Ce n'est pas tout le monde qui a une boîte de menuiserie, une boîte de ceci et une boîte de cela. Mon voisin qui est policier a bien plus un "gun" qu'autre chose. Il peut bien avoir une petite boîte pour jouer dans sa cour, mais ce n'est pas lui qui...

M. Lafontaine: Allez voir sur l'établi dans sa cave, il a sa panoplie d'instruments.

M. Maltais: Oui, je vous le donne celui-là ainsi que le pompier à François, mais il reste quand même qu'il y a une grosse majorité de travail au noir qui est fait par des gens légalement qualifiés, que ce soit vous ou vos employés. Ce sont des gens qualifiés, ils ont leur carte dans leurs poches. Ils travaillent au noir.

M. Linteau: Mais ce n'est probablement pas la majeure partie des travaux. C'est ce qu'il faut essayer de définir, plus que de légaliser tout cela.

M. Paré (Michel): C'est la raison pour laquelle, M. le Président, on vous demande de passer, non pas par celui qui reçoit le chèque de paye sous la table, mais par le donneur d'ordres, le donneur d'ouvrage, par un système d'incitation fiscale.

M. Maltais: Mais, dans bien des cas, le donneur d'ordres c'est vous.

M. Paré (Michel): Non, non, c'est le propriétaire, c'est le consommateur, c'est l'acheteur des travaux de rénovation.

M. Maltais: Parce que le consommateur, vous avez beau tous le défendre, il va toujours aller vers le moins cher. C'est pour cela qu'il y a des People's, des Woolworth, toutes ces bebelles. Des La Baie et des Eaton, ce n'est pas tout le monde qui va chez Eaton. Alors, vous avez beau dire: On veut ta protection, le consommateur va dire: Si ma galerie est faite à mon goût, j'aime autant payer 10 $ l'heure qu'en payer 32 $. Amanchez cela comme vous voudrez, le consommateur va dire cela.

M. Paré (Michel): Depuis le début, M. le Président, on parle de galerie, mais le projet de loi ne parle pas de galerie.

M. Maltais: Non, mais admettons une cloison non portante.

M. Paré (Michel): Dans les communiqués de presse qu'il nous a été donné de lire, on parle d'exclusion de charpente, mais dans le projet de loi on ne parle pas de charpente.

M. Maltais: Si on exclut la charpente, on parle de la galerie à ce moment-là.

M. Linteau: Mais c'est quoi une charpente?

M. Paré (Michel): Cela manque de définition.

M. Linteau: Votre galerie n'a pas une charpente pour la soutenir? Quand vous faites un "party" sur la galerie et qu'il y a 30 personnes qui sautent, si la charpente n'est pas bonne en dessous... Non, mais c'est tout cela. Il faut que ce soit défini pour en discuter, pour sortir ce qu'il y a de bon et de pas bon.

M. Maltais: La Régie des alcools ne permet pas qu'on fasse un "party" de 30 personnes, ils nous envoient à l'hôtel.

Une voix: Cela va.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le ministre, vous êtes désireux de poser une question?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, il me reste une minute.

Il y a un élément qui me fait sursauter, à la page 10 de votre mémoire, lorsque vous parlez du consommateur. Vous dites: "Le projet de loi 31 est d'une totale inutilité puisque le consommateur peut, depuis 1979, faire effectuer des travaux a des taux hors décret. Il faut rappeler qu'en réalité, pour le consommateur, l'illégalité du travail au noir justifiait les bas salaires", etc. Est-ce que vous nous dites, devant cette commission-ci, sérieusement que le projet de loi 31, pour le consommateur, est inutile, parce que, depuis 1979, dans la pratique, dans la réalité quotidienne, dans son vécu quotidien, il peut faire effectuer ses travaux à des taux hors décret par...

M. Paré (Michel): Par un entrepreneur

artisan.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...l'artisan, puis qu'il n'y a pas de problème?

M. Paré (Michel): Par un entrepreneur artisan, il peut effectuer les travaux...

Une voix: Exact.

M. Paré (Michel): ...de construction hors décret et cela est légal.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah! d'accord. Mais est-ce qu'il y en a?

M. Paré (Michel): Des entrepreneurs artisans? Il y en a pas mal.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y en a pas mal? Puis il n'y a pas de difficulté à en trouver et ils peuvent faire de la polyvalence et tout cela? Il n'y a pas de problème! Le projet de loi 31, suivant la fédération, ne répond pas à un problème qui est vécu par le consommateur dans son quotidien. C'est l'opinion de la Fédération de la construction du Québec.

M. Paré (Michel): II ne corrige pas le problème.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II ne répond pas à un problème parce que le projet de loi 31 est d'une totale inutilité, puisque le consommateur peut, depuis 1979, faire effectuer des travaux à des taux hors décret? Le but du projet de loi c'est de permettre au consommateur d'avoir recours à des gens sans avoir à payer pour ses travaux d'entretien, de réparation, de rénovation, etc., le tarif du décret.

M. Vézina (Jocelyn): Non seulement on pense qu'il ne règle pas les problèmes, mais on pense qu'il va les amplifier. En permettant de faire de la rénovation hors décret, on pense que le consommateur va avoir moins de protection et c'est certain qu'il y aura plus de plaintes, qu'il y aura plus de problèmes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que, étant donné que mon temps est expiré, je n'entrerai pas dans une argumentation avec vous. Je vais vous faire remettre un tableau qu'on m'a remis, tableau qui dénombre les artisans ayant des licences en vigueur, par régions du Québec, etc. Je vais en déposer une copie pour la commission et, si vous maintenez cette affirmation de la page 10 de votre mémoire, vous la maintiendrez; si vous souhaitez la corriger, vous pourrez nous l'indiquer, soit verbalement, soit par écrit.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Vimont, une dernière.

M. Théorêt: Oui, une dernière. M. le Président, le syndicat qui vous a précédé déclarait que certains entrepreneurs payent des employés, disons, 20 heures au taux du décret et le reste au noir. Selon votre expérience, à quel pourcentage évaluez-vous ces entrepreneurs qui font ces pratiques-là? C'est chose courante?

M. Linteau: Non. Malheureusement, je ne peux absolument pas vous répondre parce que c'est illusoire. Cela se fait sûrement dans certains endroits, certains milieux, dans certaines spécialités. Je pourrais vous en nommer une parce qu'on le vit et on le pense, mais je ne peux pas vous certifier que cela arrive. Exemple: Les démolisseurs. J'ai des doutes sur la compétence de certains travailleurs qui travaillent dans la démolition parce que le travail se fait bien plus souvent le soir. Mais je ne peux pas vous dire que c'est un fait que le gars ne paie pas... Ce n'est pas à moi de le vérifier. Coudon. Mais...

M. Théorêt: Non, non, mais je vous demandais, strictement à votre connaissance, étant donné votre grande expérience du milieu...

M. Linteau: Non, je... Pour ce qui est des entrepreneurs en construction, moi je ne pense pas que cela soit important.

Le Président (M. Charbonneau): Alors, sur cette réponse, messieurs, je vous remercie d'avoir participé aux travaux de la commission et nous allons ajourner les...

Une voix: Suspendre.

Le Président (M. Charbonneau): ...suspendre simplement jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 24)

(Reprise à 20 h 8)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend sa consultation sur le projet de loi 31, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre.

Nous recevons ce soir l'Association de la construction de Montréal et du Québec. Je crois que le président en est M. André Morin. Alors, M. Morin, bienvenue. Si vous voulez présenter...

M. Gendron: Pas d'influence indue avant le début des travaux.

Une voix: Quand c'est de l'influence à avoir, mon cher collègue, elle n'est jamais indue.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Charbonneau): Pas de perturbation indue, pour qu'on finisse. On commence donc. M. Morin, si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent. Par la suite, vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et le reste du temps, une vingtaine de minutes de chaque côté, pour les discussions avec les membres de la commission.

Association de la construction de Montréal et du Québec

M. Morin (André O.): Très bien. M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission, l'Association de la construction de Montréal et du Québec est heureuse de l'occasion qui lui est donnée de vous rencontrer aujourd'hui. Permettez-moi d'abord de vous présenter notre délégation: à ma droite, Pierre Mallette, directeur général de l'ACMQ; à mon extrême gauche, Me Claude Bonenfant, directeur des affaires juridiques de l'association; et à ma gauche, Me Jacques Théorêt, président-directeur général du Centre d'études et de recherches pour l'avancement de la construction au Québec que l'ACMQ vient de créer. Je suis André Morin, président de l'association.

L'Association de la construction de Montréal et du Québec, l'ACMQ, est un organisme sans but lucratif, à appartenance volontaire, qui a été fondé à Montréal en 1897. Elle représente actuellement 3000 entrepreneurs généraux ou spécialisés, des fabricants fournisseurs de la construction dont l'activité s'étend à tout le territoire du Québec et, il faut le souligner, à tous les domaines de la construction, qu'il s'agisse d'ouvrage de génie civil, de bâtiments commerciaux et industriels, de construction institutionnelle ou de bâtiments résidentiels.

Comme nous le disons en introduction de notre mémoire, les membres de l'ACMQ touchent plus de 50 % des travaux de construction qui s'exécutent annuellement au Québec et qui ont, pour l'année 1987, représenté au total des investissements de 18 000 000 000 $, et plus de 100 000 000 d'heures rapportées à la Commission de la construction. Il est peut-être important de souligner ici encore plus l'importance économique de cette industrie. C'est plus de 6 % de tous les travailleurs québécois qui oeuvrent dans le seul secteur de la construction. Un investissement de 10 000 000 $ dans la construction d'une usine donne du travail à 109 travailleurs directement et, indirectement, à 70 autres. Quant à la construction résidentielle, le même investissement de 10 000 000 $ représente 98 emplois directs et 163, si on y ajoute les emplois indirects qui s'y rattachent.

Selon le Conseil national de recherches du Canada, chacun des 18 000 000 000 $ investis dans le secteur de la construction en 1987 a accru la production économique de 0,83 $ additionnels. Ainsi, l'impact total des investissements au titre de la construction est de 25 % du produit intérieur brut du Québec. L'industrie de la construction ne doit donc pas être prise à la légère. C'est tout ce que je voulais indiquer pour le moment.

Avant de passer la parole à Me Bonenfant, je tiens à souligner ici que notre mémoire, outre celui des 2000 membres directs de l'ACMQ, a reçu l'appui de six associations régionales de la construction qui sont: l'Association de la construction de l'Ouest du Québec inc, l'Association de la construction de l'Outaouais, l'Association de la construction de Saint-Hyacinthe, Bagot, Rouville, l'Association de la construction des Laurentides, l'Association de la construction du Centre du Québec inc. et l'Association de la construction de Richelieu, Verchères, Bertrand. Demandons maintenant à Me Claude Bonenfant, directeur des affaires juridiques de l'ACMQ, de vous présenter les vues de notre association sur le projet de loi 31, dont nous ne citerons pas le titre pour ne pas prolonger le débat.

M. Bonenfant (Claude): M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission, c'est à l'article 4 du projet de loi 31 que l'on trouve l'essentiel de la réforme proposée. Les travaux que l'on peut, de façon générale, appeler de rénovation résidentielle s'ajouteraient à la liste de ceux auxquels, en vertu de l'article 19, la Loi sur les relations du travail, le décret et les autres règlements qui découlent de cette loi ne s'appliqueraient plus. Par ailleurs, le projet consacrerait l'existence d'artisans de l'industrie de la construction qui deviendraient, à toutes fins utiles, des travailleurs autonomes, soumis à la loi et au décret comme tout autre salarié, sauf quant au paiement des cotisations syndicales. Enfin, le projet de loi propose plus de contrôle pour la Commission de la construction, et l'imposition possible de pénalités plus sévères à ceux qui resteraient assujettis à la loi, qu'ils soient salariés, artisans ou employeurs. C'est d'ailleurs un des seuls mérites que l'ACMQ reconnaît au projet de loi, celui de proposer un resserrement des contrôles de la CCQ.

Mais il nous semble un peu court de dire, comme on l'a fait dans le communiqué officiel émis à l'occasion de la présentation du projet de loi 31, que, et je cite: "Pour faire rénover sa maison, le consommateur ne sera plus soumis au décret."

Lorsqu'il engage un artisan pour lui faire exécuter des travaux de construction à ses fins personnelles, le consommateur n'a déjà pas à se préoccuper du décret. Ce n'est que s'il fait appel à un entrepreneur de rénovation qui détient la licence requise que la rémunération des salariés

ou des artisans, qui travailleraient pour cet entrepreneur, serait égale au salaire du décret. Ce que, d'après nous, le projet de loi 31 propose aussi, c'est que les artisans, qui travailleront à des travaux de rénovation pour un particulier, n'auront plus à détenir de certificat de compétence, et que les salariés ou artisans qui feraient de tels travaux à la solde d'un entrepreneur n'auraient plus à en détenir non plus, ni à être payés selon les taux du décret.

Nous faisons exception pour les travaux d'électricité ou de plomberie, qui sont régis par des lois qui tendent à protéger le public, mais nous ne voyons pas clairement comment, comme l'annonce le communiqué de presse officiel, l'on étendra l'obligation de détenir un certificat de compétence aux travailleurs qui exécuteront des travaux de charpente.

Ce que nous craignons, c'est que le consommateur ait plutôt, si le projet de loi était adopté tel quel, moins de protection qu'avant, et en particulier, des recours au cas de mauvaise exécution...

Le Président (M. Charbonneau): Oui, c'est cela. On va faire le nécessaire pour que...

M. Gendron: Pardon, M. le président, pendant qu'on a un arrêt, je veux savoir si ce que vous lisez, nous l'avons ou si c'est un résumé que vous faites...

Une voix: C'est un résumé. (20 h 15)

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. Alors, si vous le pouvez, essayez de parler plus directement dans le micro, comme si vous faisiez une plaidoirie en cour.

M. Bonenfant: Ce que nous craignons, c'est que le consommateur n'ait plutôt, si le projet de loi était adopté tel que, moins de protection qu'avant et en particulier des recours, au cas de mauvaise exécution, qui pourront être problématiques s'il continue de faire directement affaire avec des artisans qui n'auront même plus à détenir de certificat de compétence.

Ce que nous craignons aussi, ce sont les effets secondaires importants que pourrait avoir le projet de loi: en premier lieu, une déstabilisation grave du marché pour plusieurs vraies entreprises qui se retrouveraient du jour au lendemain partiellement exclues de l'autorité de ia loi et du décret; deuxièmement, une réduction obligatoire de leurs standards par les entreprises établies de rénovation, sinon une disparition à court terme; troisièmement, une baisse de la construction résidentielle neuve découlant de la décision naturelle d'un propriétaire de faire rénover ou modifier sa maison plutôt que de chercher à acheter une nouvelle résidence et, possiblement, une baisse de la valeur marchande des unités résidentielles neuves dont déjà plusieurs sont prêtes ou en chantier, mais invendues; quatrièmement, une perte pour l'industrie de la construction de la main-d'oeuvre qualifiée qui y oeuvre et qui pourrait voir le marché de la rénovation comme une mine d'or pour elle, alors que cette main-d'oeuvre a été formée ou ie sera à des coûts importants pour l'industrie assujettie; cinquièmement, le dédoublement du système de formation de la main-d'oeuvre puisque le ministre se réserve la possibilité de créer un programme de formation parallèle et, en dernier lieu, un manque à gagner pour la CCQ qui devra être compensé par les entreprises et les salariés qui resteront assujettis à la loi, au décret et aux autres règlements qui en découlent.

Il faut même craindre, quant aux exclusions nouvelles que propose l'article 4 du projet, que le vocabulaire qui est employé donne lieu à des problèmes d'interprétation sérieux et ouvre la porte à de nouveaux abus au point que l'on ne saura plus qui la Commission de la construction doit contrôler ou ne pas contrôler. De plus, une interprétation de l'article 3 du projet pourrait faire qu'un consommateur qui fait exécuter des travaux soit la cible de vérifications par ia commission. Le travail de la CCQ s'en trouvera augmenté et le consommateur n'appréciera plus du tout le cadeau que prétend lui faire le législateur.

Mais il y a plus. Le projet de loi ne touche que très partiellement les vrais problèmes que pose la loi actuelle. C'est, à notre avis, sa plus grande lacune. Au printemps 1987, deux groupes paritaires avaient, à la demande du ministre du Travail, étudié deux éléments importants de la Loi sur les relations du travail: son champ d'application, d'une part, et le régime de négociation particulier à l'industrie, d'autre part. Or, des consensus importants en avaient résulté, qui montraient tout au moins la voie que devrait prendre le législateur pour améliorer, sans le bouleverser cependant, le régime général applicable à l'industrie. Ainsi, selon le rapport sur le régime de négociation, on avait affirmé qu'il fallait maintenir un régime particulier quant aux relations du travail dans l'industrie, vu son caractère distinct et celui de son organisation par rapport aux autres industries, même si l'on pouvait penser à singulariser le secteur de l'habitation en particulier. Mais c'est à l'intérieur du régime général que cela devrait se faire. Quant au champ d'application de la loi, la table de travail paritaire chargée de considérer son étendue souhaitait que la loi ie définisse de façon plus claire et complète en incluant, sauf pour des cas bien précis, la machinerie de bâtiment et de production. Conséquemment, cette table de travail proposait que soient éliminées les exemptions de l'actuel article 19 de la loi.

Enfin, bien qu'à des degrés différents, on signalait des deux côtés de la table qu'un décloisonnement des tâches dans l'industrie de la construction, plus particulièrement dans le domaine du résidentiel, n'était pas chose impossible et devra faire l'objet d'études plus poussées.

Mais trop vite présenté, le projet de loi 31 remet en question certains des principes fondamentaux de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, dont celui de l'unicité de l'industrie et celui de la négociation sectorielle provinciale globale. Mais il le fait de façon très, et trop, partielle, ce qui entraînera inévitablement des inéquités graves entre ceux qui oeuvrent dans cette industrie, travailleurs comme entreprises, en même temps qu'une déstabilisation importante du point de vue économique dans la construction, ce dont personne n'a besoin.

Il faut donc, de l'avis de l'Association de la construction de Montréal et du Québec, craindre le fléau du bien qui accompagnerait, en vertu du projet de loi, les bienfaits mineurs de la déréglementation proposée, si timide, d'ailleurs, qu'elle ne mérite même pas ce nom.

Que l'on aille moins vite, mais plus loin dans l'étude des améliorations à apporter globalement à notre Loi sur les relations du travail, c'est ce que l'ACMQ propose à partir d'une revue des consensus du printemps 1987 et qu'il en résulte une bonification ordonnée et logique du régime général existant. Quant à nous de l'Association de la construction de Montréal et du Québec, c'est ce que nous espérons que le législateur voudra faire et nous sommes prêts à participer à l'exercice.

Merci de votre attention.

Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je voudrais remercier l'Association de la construction de Montréal et du Québec, ses porte-parole, spécialement son président et les gens qui l'accompagnent.

Vous me permettrez d'aller directement au but en soulignant que nous sommes conscients que vous représentez des gens qui oeuvrent dans l'ensemble des secteurs de la construction. Et, à cet effet, vous êtes une des seules associations qui couvrez jusqu'au génie civil, si on peut utiliser l'expression.

Dans votre mémoire, vous nous indiquez dans l'introduction, à la page II - en chiffres romains - que "l'entreprise de construction est très souvent mobile" pour nous amener tantôt sur les chevauchements qui sont possibles d'une activité à l'autre et vous nous indiquez, aux pages 3 et 4, que vous avez procédé à des consultations avec vos membres.

À la page 2 du mémoire comme tel, avant-dernier paragraphe, vous posez la question et je cite: "Comment alors le projet de loi 31 pourra-t-il réduire l'ampleur du travail au noir?" Vous répondez: "Le travail de l'artisan pour le propriétaire et aux fins personnelles de ce dernier n'était déjà pas du travail au noir." Est-ce que vous partagez des opinions qui ont été émises devant cette commission parlementaire disant qu'il existe du travail au noir dans la construction, qu'il est présent dans ce qu'on peut appeler la grosse construction, à un niveau important, qu'il est encore plus présent dans ce qu'on appelle la construction domiciliaire et qu'il est encore plus présent - si c'est possible - dans ce qu'on appelle le secteur de la rénovation domiciliaire?

M. Morin: M. le ministre, je suis d'accord avec tout ce que vous avez avancé. Le problème qui existe à l'heure actuelle est un problème de définir le mot "ampleur". Tout le monde lance des chiffres. Nous n'avons pas de chiffres. On ne peut pas définir une chose sur laquelle il n'y a pas de statistique. Si on parle de travail au noir, c'est un travail qui n'est pas déclaré. Donc, si ce n'est pas déclaré on va s'amuser longtemps à essayer de définir des chiffres. Mais ce qu'on a dit dans ce même paragraphe, c'est que le travail de l'artisan pour le propriétaire et aux fins personnelles de ce dernier n'était déjà pas du travail au noir. C'est que vous avez dans l'industrie deux sortes de travaux au noir. Il y a le noir qui n'est pas rapporté à la CCQ, il y a le noir noir qui n'est pas rapporté à la CCQ et ni au ministère du Revenu. Alors, il faut voir jusqu'où on veut aller dans la définition du travail au noir.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La responsabilité de la commission parlementaire du travail ici et du ministre du Travail est une responsabilité dans l'immédiat, pour autant que je suis concerné, quant au travail au noir dans l'industrie de la construction. Si vous vous adressiez au député que je suis également, je pourrais vous parler du travail au noir dans d'autres définitions que vous avez mentionnées face, entre autres, au ministère du Revenu et à d'autres composantes sur le plan gouvernemental dans la société. Mais, quant au travail au noir dans la construction, il s'agit... Et cela m'amène peut-être à une définition que nous avons eu l'occasion de discuter aujourd'hui avec d'autres groupes. Le travail au noir dans la construction est du travail fait suivant un consensus patronal-syndical, je ne sais pas si vous y en êtes, qui est fait en contravention des lois et règlements qui s'appliquent au secteur de la construction.

M. Morin: C'est exact.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous apprécions votre prudence sur le plan des chiffres. C'est très osé de s'aventurer à chiffrer quelque chose qui, par définition, n'est pas légal, s'effectue au noir, etc. Les indications que nous avons proviennent de rapports de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, des centrales syndicales, d'une étude du ministère de l'Habitation du Québec en 1983. Toutes ces études chiffrent des appréciations et tout le monde est bien prudent quant à leur utilisation.

Est-ce que vous êtes d'accord, sans donner de pourcentage ou de chiffre - je ne veux pas vous amener sur ce terrain-là - selon l'expérience que vous avez ou que vos membres ont, que le travail au noir est plus important de façon graduelle dans la rénovation résidentielle, dans la construction domiciliaire et dans le chantier commercial et industriel? Est-ce qu'on se trompe?

M. Morin: On ne se trompe pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On ne se trompe pas.

M. Morin: Disons que la gradation est là, dans cet ordre-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que, de façon pratique, ce travail au noir est, avec la réglementation actuelle telle qu'on la connaît, sans le projet de loi 31, mais dans le contexte que nous connaissons avec la possibilité pour l'artisan d'effectuer pour le propriétaire et à ses fins personnelles des travaux en bas du tarif du décret... Est-ce que nous possédons les moyens? Est-ce que la Commission de la construction du Québec, à votre avis, possède les moyens de contrôler le travail au noir dans une proportion qui serait acceptable pour les partenaires de l'industrie de la construction?

M. Morin: Elle doit se donner le moyen de contrôler ce fléau. Il reste que vous devez vous donner des moyens. On a parlé à un moment donné... Je le sais, chaque fois qu'on en parle, on semble dire: Ce n'est pas du ressort de votre ministère, mais on parle d'incitatif, de dégrèvement d'impôt. Je pense que plusieurs associations sont arrivées avec cette suggestion. On ne l'a pas indiqué dans notre mémoire, mais cela nous trotte dans l'esprit, nous aussi. Il doit y avoir quelque chose. Il y avait eu une interrogation de la part de quelqu'un de la commission que c'était peut-être une façon de donner la légalité à ceux qui étaient illégaux en donnant des dégrèvements d'impôt. Mais, réellement, si vous donnez un dégrèvement d'impôt au consommateur qui fait faire des travaux, qui doit se rapporter à qui il a fait un chèque pour payer ces travaux, a ce moment-là vous mettez tout le monde dans le bain. Vous allez vous faire des inspecteurs de la construction, du consommateur.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sauf, M. Morin, que vous conviendrez qu'à ce moment-là j'ai encore besoin de sept individus pour installer ma hotte dans ma cuisine et de six pour installer ma chambre de bains, et tout cela.

M. Morin: Oui. M. le ministre, jamais...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais j'ai le drort de remplir un dégrèvement d'impôt.

M. Morin: Je ne voudrais pas revenir aux tables que vous avez commandées et auxquelles j'ai participé en 1987. Je faisais partie de ces comités. Cela me fait un peu de peine au coeur de voir que les consensus qui ont été émis à cette époque-là par les parties patronales et syndicales n'ont pas été écoutés. Si vous regardez le mémoire, vous allez vous apercevoir que le consensus no 4 ou no 5 - vous me passerez le numéro - c'est un décloisonnement dans l'industrie de la construction. Les représentants de l'Association des constructeurs d'habitations étaient assis à notre table et ils ont fait des consensus. Il faut être forts aujourd'hui pour faire dire la même chose à toutes les associations patronales, mais on a réussi à cette occasion et, fort de ce consensus, vous avez passé à côté parce que le décloisonnement était indiqué. On voit aussi que dans l'industrie de la construction, et même que ce soit le commercial... Vous faites un balcon à la fin des travaux. Les travaux à l'extérieur sont toujours faits à la fin. Cela vous prend cinq métiers pour faire un balcon. On pense qu'un homme à tout faire pourrait faire la même chose. Le décloisonnement a été prévu dans le temps et on n'est pas contre cet objectif, mais c'est un objectif louable d'avoir un décloisonnement dans l'industrie de la construction, surtout du côté résidentiel, mais cela peut aller plus loin. (20 h 30)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais qu'on se comprenne bien. Je tente de bien comprendre l'essence de votre mémoire sans tomber dans les détails qui méritent d'y être. Entre autres, l'argumentation sur le plan juridique en est une que nous retenons et qui nous intéresse. Sur le plan de la philosophie et des principes, votre association n'est pas d'accord pour retirer du décret de la construction même le travail d'entretien.

M. Morin: M. le ministre, je vais encore être obligé de vous rappeler les consensus de vos tables que vous avez commandées. Les consensus étaient que toutes les exclusions devaient disparaître. On élargissait le champ d'application du décret. Si on élargit le champ d'application, c'est sûr qu'on ne veut pas, aujourd'hui, voir quelque chose en sortir. On demandait l'élargissement du champ et vous venez de faire une autre exclusion. Cela ne nous donne pas tous les travaux qui étaient déjà exclus, en plus.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On en soumet moins au décret de la construction, alors que des gens veulent en soumettre davantage, c'est-à-dire qu'on prend l'ensemble des exclusions contenues et on demande qu'elles soient remises dans le décret pour que le décret s'y applique. Le gouvernement fait face à un travail au noir qui a pris de l'ampleur dans l'industrie de la construction et qui est présent à tous les

niveaux. On pense, en accordant davantage de pouvoirs, en haussant les amendes et en intervenant de façon beaucoup plus directe, être raisonnablement en mesure de le contrôler sur les gros chantiers de construction commerciaux et industriels. On pense que, avec des efforts soutenus, on peut également le contrôler davantage dans la construction résidentielle, mais de là à contrôler le travail au noir dans l'industrie de l'entretien, de la réparation, de la rénovation ou de la modification domiciliaire, on pense qu'il s'agit là d'une mission impossible et, sur certains aspects mais non sur l'ensemble, il y a des intervenants de l'industrie de la construction qui nous rejoignent.

M. Morin: Oui, mais tout le monde vous rejoint dans le fait que le contrôle est dur à faire. On est obligés de se rendre à cette évidence. Mais, quand quelque chose est compliqué à faire, cela ne veut pas dire que c'est le temps de le légaliser parce que, à un moment donné, la moitié de la population travaille dans l'illégalité. Vous mettez des contrôles. Pour les gens qui continuent d'utiliser le volet de gauche qui est un volet illégal, on ne peut rien faire, mais vous allez au moins contrôler la majorité des intervenants dans l'industrie de la construction.

Le comité de la formation est à essayer de nous donner des ouvriers compétents en faisant le cheminement contraire, M. le ministre. Ce sont probablement des gens déjà à l'intérieur, avec des cartes de compétence, qui verront quelque chose poindre à l'horizon. Être menuisier de finition aujourd'hui et voir votre projet de loi arriver, je me taperais dans les mains parce que, demain, je partirais avec rien, sans assurances, rien à faire, et je travaillerais à temps partiel. Cela va donner des gens compétents de moins dans l'industrie de la construction et on en manque déjà. Ces gens-là seront capables de sortir du régime actuel parce qu'ils n'ont besoin de rien. Il n'ont pas besoin d'être entrepreneurs qualifiés par la régie. C'est un sérieux problème.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Des gens nous disent que ceux et celles qui effectuent présentement du travail au noir, on ne leur offre pas de cours de qualification. Je pense que cela va de soi, ils travaillent au noir, ils sont moins bien formés. Un aspect du projet de loi prévoit, non pas de façon obligatoire, mais pour les gens qui vont oeuvrer dans cette partie qui ne sera plus soumise au décret de la construction des cours de formation.

Je reviens au coeur et à l'essentiel de ce qu'on appelle le travail au noir dans les travaux d'entretien, de réparation, de rénovation et de modification. Je vous cite un passage d'un éditorial de Jean Francoeur, du quotidien Le Devoir. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance. M. Francoeur s'exprimait comme suit: "En adoptant ce projet de loi, l'Assemblée nationale mettra fin à une immense hypocrisie sociale. Il est de commune renommée que le secteur des travaux à domicile est le terrain de prédilection du travail au noir. Dans son état actuel, la loi est absolument inapplicable. Il faudrait lâcher sur tout le territoire des divisions entières d'inspecteurs qui iraient frapper à toutes les portes. En outre, pourquoi appréhender de braves travailleurs pour les traduire devant des juges qui, la veille, ont fait repeindre leur appartement à un coût bien inférieur à celui du décret, soit 31,27 $?"

Est-ce que vous partagez cet avis que le système actuel constitue une vaste hypocrisie sociale?

M. Morin: Écoutez, c'est facile à dire. Tout constitue une hypocrisie parce que tout le monde essaie de passer à côté du système. Cela ne veut pas dire qu'on abolit le système à ce moment et qu'on laisse libre cours à tout le monde de le faire. Nous prêchons à l'association le respect des lois. On n'est pas capables de dire: On va passer à côté parce que c'est devenu la solution la plus facile. La solution qui est la plus dure mais la plus vraie, c'est de continuer les contrôles que nous avons à l'heure actuelle et, si des gens passent à côté, c'est la nature humaine. Quand je dis la nature humaine, c'est que vous avez des gens qui vont chercher le meilleur prix. Comme quelqu'un l'a dit plus tôt cet après-midi, c'est le voisin qui va faire le balcon à moitié prix de n'importe qui parce que le type n'a rien à faire et qu'il a décidé que cela va lui donner un peu d'argent. On ne peut pas se battre contre cela, M. le ministre. Mais en déréglementant, que va-t-il arriver aux gens qui font de la rénovation, à un particulier qui veut avoir la compétence et qui va demander des prix d'entrepreneur inscrit a la régie avec licence? Ce type-là ne sera plus dans les prix, parce qu'il va y avoir des gens à 4,55 $ ou à 6 $ qui vont lui faire concurrence. À un moment donné, il va être obligé d'engager de la main-d'oeuvre non compétente pour pouvoir concurrencer. Le consommateur plus à l'aise qui veut avoir une qualité de son produit et une assurance, il va avoir une dégénération de son produit.

Alors, on n'est pas sûr que l'autre verset n'arrivera pas non plus, que le type qui fait faire du travail au noir, vu que c'est légalisé, décidera de commencer à déclarer ses revenus, à payer de l'impôt, des taxes, une taxe d'affaires. Son prix va monter. Finalement, le prix de l'entrepreneur va être obligé de baisser. Le prix du marché au noir va monter. Le consommateur ne sera pas servi parce que personne ne va avoir d'assurance, cela va être, en anglais, un "free for ail". On n'est pas dans cela pour faire un "free for ail", pas dans l'industrie de la construction. C'est assez compliqué comme c'est là. Vous allez avoir des entrepreneurs qui vont avoir deux systèmes de paie, M. le ministre. Ils vont avoir un système de paie pour les gens qui font

de la rénovation et un système de paie pour les gens... Mais qui va empêcher le type de mettre tous ses employés du côté de la rénovation et ne plus faire de remise à la CCQ et à l'ACEQ? Quand bien même vous auriez tous les inspecteurs que vous voudriez, vous ne seriez pas capable de le contrôler parce que vous venez de donner le véhicule parfait. Aujourd'hui, deux systèmes de paie dans une compagnie de construction, c'est compliqué. Cela ne peut pas se faire et les gens qui le font sont en marge de la loi. Si vous donnez le véhicule légal de le faire, vous allez ouvrir la porte à l'exagération.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: M. le Président, j'ai un problème. J'aurais presque envie de demander au ministre... Vu que depuis le matin - ce n'est pas contre vous pour tout de suite, ne soyez pas nerveux, M. le ministre - ce qu'on entend, c'est ce qu'on pensait, que c'est un projet de loi qui n'a pas grande allure, qui est plein de trous. C'est cela qu'on a entendu ce matin. Là, j'aurais bien plus envie, M. le Président, d'interroger le ministre que les intervenants.

M. Paradis (Brome-Missiquoi):...

M. Gendron: Oui, mais à la période des questions, c'est difficile de questionner sur dix, douze interprétations qui reviennent constamment. Très sérieusement, d'abord, merci d'être venus. Votre mémoire illustre quoi? Votre mémoire illustre que, dans le fond, très gentiment et très poliment, vous dites au ministre: Écoutez, vous nous avez fait travailler pendant des semaines, des mois sur différentes tables de travail pour améliorer certains consensus qui s'étaient dégagés. D'aucune façon on ne retrouve ces consensus-là. Bon. Je ne veux pas y revenir. Ce n'est pas l'objet de la consultation, les consensus des comités de travail. En tout cas, en ce qui me concerne, ce n'est pas l'objet du projet de loi 31, mais vous avez bien fait de le faire remarquer. Dans le fond, on ne peut pas questionner longtemps parce que vos premières prémisses ou votre premier principe... Et cela ne veut pas dire que vous n'avez pas raison de le marteler. Vous dites: Nous autres, dans le fond, c'est une déréglementation qui a comme conséquence de soustraire à la longue liste, dites-vous, de certains secteurs qui ne sont pas couverts d'autres activités pour lesquelles on trouve que cela peut avoir des conséquences importantes. Au delà des mots, au delà de la définition de rénovation, charpente et tout cela, vous l'avez dit d'ailleurs très clairement dans votre première phrase - pas nécessairement la première mais pas loin, juste une seconde - vous dites: On ajoute les travaux de rénovation résidentielle à la liste déjà longue des travaux auxquels la Loi sur les relations du travail ne s'applique pas. Donc, si vous êtes des gens qui pensez que la liste est déjà trop longue, c'est sûr que quand bien même on discuterait des heures, est-ce qu'un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, en termes d'ajout... C'est normal. On ne pourra pas s'étendre longtemps là-dessus. Vous dites qu'il y en a déjà trop. Et on en ajoute. En particulier, contrairement à la prétention du ministre... Quand il nous a cité l'article de M. Francoeur, que j'ai lu, il parlait de peinture, finalement. Fondamentalement ce que le ministre devrait retenir, c'est que cela finissait par de la peinture.

Une voix:...

M. Gendron: Oui, oui, il parlait de peinture, à la fin. Lisez l'article comme il faut. Tout cela pour repeindre quelque chose. Or, en ce qui nous concerne, cela ne ferait pas de problèmes chez bien du monde si, effectivement, on disait: Tu peux peinturer et avoir la paix, sans nécessairement appeler un peintre pour une construction résidentielle, à des fins personnelles. Et tout ceux qui sont venus ici aujourd'hui nous ont dit la même chose: Quant à l'aspect entretien et réparation, tous les intervenants d'aujourd'hui ont dit que pour cela il n'y aurait pas de problème.

La première question que je vous pose puisque qu'il semblait y avoir un très grand consensus... On ne veut rien savoir du projet de loi dans sa forme actuelle et avec les faux principes qui ont été véhiculés. C'est évident depuis le matin, mais, au moins, pour ce qui est de l'entretien et des réparations... Parce que, par définition, c'est mineur, ce n'est pas imposant, cela n'a pas d'envergure. Alors, la question que je vous pose, même si je reconnais que cela va à rencontre de votre premier principe parce que je demande d'en retirer deux, soustraits, retires du décret de la construction: Si on arrivait à s'entendre sur une compréhension uniforme du milieu de ce que signifient les réparations et l'entretien régulier, ce qu'on appelle dans le jargon la maintenance, pensez-vous qu'il y aurait le même drame que vous laissez voir et avec raison, en ce qui me concerne?

M. Morin: On est contre toute forme d'exclusion. C'est clair?

M. Gendron: Oui.

M. Morin: On l'a dit, on ne veut pas recommencer. Disons qu'on accepte le projet de loi, contrairement peut-être... On ne dit pas que le projet de loi devrait être mis aux poubelles. On accepte le projet de loi parce qu'il parle de mettre des dents dans les lois actuelles. On n'est pas contre cela. Cela fait longtemps qu'on se bat pour mettre... Mais on ne veut pas que le projet

de loi s'inscrive dans une amorce morcelée du problème qui existe dans l'industrie de la construction. Pour une fois, on voudrait qu'il y ait quelque chose de global. Il y a eu des consensus et ces consensus-là allaient très loin dans l'industrie de la construction. Alors, si le ministre veut relire les consensus et revenir avec une proposition dans ce sens-là, on sera heureux, premièrement, de participer et, deuxièmement, de l'appuyer. Mais je ne peux pas dire qu'on est contre le projet de loi. On ne peut pas être contre quelque chose qui va bonifier et améliorer notre industrie.

M. Gendron: Mais écoutez, M. Morin, quand bien même vous me diriez, je ne sais pas, il y avait un bel adjectif à la page 22...

M. Morin:...

M. Gendron: Non, mais c'est cela que vous êtes en train de me dire. J'ai pris des notes. J'écoutais religieusement quand vous avez présenté, et bien, en passant. Vous avez dit: La plus grande lacune de ce projet de loi-là est qu'il ne touche pas du tout aux vrais problèmes. Et je vous cite au texte, vous avez dit cela. Maintenant, vous dites: Écoutez, je ne suis pas contre ce projet de loi, cela ne me dérange pas... Une minute! Je ne peux concilier le fait que, aussi clairement que cela vous disiez: Écoutez, cela ne répond pas aux problèmes de la construction, d'une part. On pose très clairement comme principe que, pour nous, toute autre exclusion va encore à rencontre de certains échanges qu'on a eus, pour finir en disant: Parce que sa plus grande... Vous avez ajouté, à un moment donné: Son seul mérite - et encore là je suis sûr de vous citer au texte - dans le fond, son seul mérite, c'est de suggérer un renforcement des contrôles pour les vrais travailleurs de la construction. De grâce, n'atténuez pas votre opposition systématique à ce projet de loi! C'est ce que cela veut dire. (20 h 45)

M. Morin: On n'atténue pas l'objection. On ne peut pas accepter le projet de loi dans sa forme actuelle. Il y a deux volets: le volet déréglementation de la rénovation et de l'entretien et le volet du renforcement des pénalités...

Une voix: Les contrôles.

M. Morin: Les contrôles. On est d'accord pour un volet, mais on n'est pas d'accord pour l'autre. À ce moment-là, on ne peut pas être d'accord avec le projet de loi, mais on est d'accord avec les principes qui y sont véhiculés. On se dit: Déréglementer, ce n'est pas enlever toute forme de contrôle. Trop souvent, on a entendu les gens se référer au rapport Scowen, mais, nous, on a toujours interprété le rapport Scowen comme une déréglementation. Ce n'était pas de tout sortir de l'industrie, c'était d'enlever des règlements pour qu'à un moment donné un entrepreneur ait moins de problèmes à effectuer des travaux dans notre industrie. Quand on parle de déréglementer, il y a des parties. Ce qu'on fait, c'est qu'on parle de déréglementation, mais, en fin de compte, on ajoute des règlements ou on renforce certains règlements pour qu'il y ait un meilleur contrôle.

M. Gendron: Vous convenez, M. Morin, que l'article majeur de ce projet de loi, c'est le fameux article 4 qui dit que, dorénavant, a, b, c et d, c'est assez, c'est exclu du décret de la construction. C'est autour de cet os qu'on a prétendu éliminer le travail au noir, à moins que je n'aie mal compris. Vous dites: On n'a aucune espèce d'élément de preuve dans ce projet de loi qu'on va éliminer quoi que ce soit de noir.

M. Morin: C'est vrai.

M. Gendron: Vous avez dit cela.

M. Morin: C'est vrai.

M. Gendron: Deuxièmement, vous avez dit: Non seulement on n'atteint pas l'objectif premier qui était de réduire le travail au noir, mais on va compliquer les affaires et on risque qu'il se fasse plus de travail au noir.

M. Morin: C'est vrai.

M. Gendron: Est-ce que ce n'est pas écrit également dans votre projet de loi?

M. Morin: C'est vrai.

M. Gendron: Troisièmement, vous dites, à la page 8, et c'est là qu'était ma première... Cela ne me fait rien, M. le président Morin, de vous laisser le reste de mon temps de parole pour interroger le ministre à ma place sur les éléments de la page 8. Depuis le matin, le ministre ne nous a donné aucune indication. Je ne dis pas que cela presse; je ne dis pas que c'est urgent d'avoir des indications là-dessus, mais je trouve que vous avez posé les bonnes questions à la page 8 parce que c'est un peu l'interprétation que tout le monde a faite du libellé même du coeur ou de l'os de ce projet de loi 31. Quand vous dites: Où s'arrêtent les fins personnelles d'une personne physique et où deviennent-elles commerciales ou industrielles? La personne physique propriétaire unique d'un douze logements l'est-elle à des fins personnelles ou à des fins commerciales? Le ministre nous dit non, mais ce n'est pas cela. C'est le projet de loi qu'il faut regarder. J'ai un problème parce que tout le monde à qui j'en ai parlé a posé les nnêmes questions jusqu'à présent. De deux choses l'une: on sait tous pas lire, ou on est craintifs pour rien. Je pense que c'est ni l'un ni l'autre. C'est toujours le même écart, je l'ai toujours souligné,

entre de bons principes, de belles intentions, et un contenu de projet de loi. La manière dont on le lit, cela veut dire... On avait même fait la "joke" qu'on pourrait acheter le bunker, vous et moi, de l'autre bord, le bunker de l'autre bord, et le transformer en logements. D'après ce que j'ai lu, si je suis propriétaire unique, je peux faire faire des transformations au bunker et rendre cela un peu plus utile par de l'habitation à prix modique plutôt que...

M. Morin: Oui.

M. Gendron: ...quelque chose de spécial pour le premier ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Morin: Je suis d'accord.

M. Gendron: Vous êtes d'accord.

M. Morin: Comme je vous le dis, on est complètement contre l'exclusion de la réparation et de l'entretien du décret.

M. Gendron: M. Bonenfant, vous êtes directeur des affaires juridiques?

M. Bonenfant: Oui.

M. Gendron: Donc, vous êtes avocat, probablement.

M. Bonenfant: Oui, c'est exact.

M. Gendron: Est-ce que vous partagez les prétentions de votre président de l'Association de la construction de Montréal et du Québec, à la page 8, concernant les...

M. Bonenfant: De a à z.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que vous voulez perdre votre emploi?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bonenfant: Je les partage de a à z.

Le Président (M. Charbonneau): Vous venez de sauver votre job.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bonenfant: En fait, la position fondamentale, c'est qu'il faut préserver l'intégrité du système. Il ne faut pas enlever un morceau du puzzle sans savoir ce qu'on va retrouver en enlevant ce morceau ou quelles seront les conséquences dans d'autres secteurs du fait qu'on enlève quelque chose qui paraît très simple actuellement, mais qui a des conséquences beaucoup plus vastes, que l'on voit, mais que des gens qui ne sont pas nécessairement familiers avec l'industrie peuvent ne pas voir. Ce sont les craintes qu'on émet.

M. Gendron: D'après vous, au delà, encore là, des mots et tout, si quelqu'un achète un édifice et décide de !e rénover, comme cela a déjà été le cas... Je suis très sérieux. Comme ministre de l'OPDQ, j'ai eu à visiter, à un moment donné, tout l'apport de la ville de Montréal concernant l'aménagement du Vieux-Montréal, comme on l'appelle, dans un programme de rénovation urbaine accéléré. Je peux vous dire sincèrement que j'ai vu là des constructions qui, en termes de valeur foncière, sont passées de quelque 50 000 $ ou 60 000 $ à 300 000 $ et 350 000 $. Mais partout sur le permis, ce n'était pas écrit construction, c'était écrit rénovation. Rénovation de tel immeuble rue Outremont, par exemple.

Une voix: Juste résidentiel.

M. Gendron: Mais oui, je suis dans le résidentiel, Mme la députée. C'est ce que le projet de loi permet en disant: Dorénavant, on sort la rénovation résidentielle du décret. À des fins personnelles, je le sais. Mon chef de cabinet, dans le temps que j'en avais un, avait une maison à Outremont...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Ses "chums" restaient dans le coin.

Une voix: Est-ce qu'il est encore là?

M. Gendron: Sérieusement, il avait une maison là et il l'a fait rénover. Alors, selon ce que je lis dans le projet de loi, et c'est ce que tous les gens sont venus nous dire depuis ce matin, on veut soustraire ce champ à l'application du décret. Là, on n'est plus dans la peinture de M. Francoeur et on n'est plus dans le fameux deux-par-six ou deux-par-huit du perron défoncé qu'il faut remplacer. On est vraiment dans des coûts et les intervenants sont venus nous dire que le coût moyen de la rénovation était passablement dispendieux.

Là-dessus, et c'est une autre question que je veux vous poser. Est-ce que vous avez quelques chiffres sur le coût moyen d'une rénovation, par contrat - juste pour bien me faire comprendre - avec un entrepreneur plutôt que par unité de logement et tout ça? Vous n'avez pas de chiffres là-dessus?

M. Morin: On ne peut pas avoir de chiffres. On se plaît à dire que des pourcentages effrayants de travaux se font au noir. Comment peut-on faire une moyenne de la valeur des contrats quand on ne sait même pas où les contrats se font?

M. Gendron: Je comprends, mais vous conviendrez - et ce n'est pas contre vous que je dis ça - que cela devient quand même un peu trop facile, parce que, que je sache, tout n'est pas au noir. Donc, on doit sûrement avoir quelques données à partir desquelles on pourrait faire des projections.

M. Morin: Mais nous...

M. Gendron: Juste une seconde! Il y a sûrement des entrepreneurs au Québec, puisque vous êtes dans le domaine, qui ont quelques données statistiques et qui pourraient dire: En moyenne, durant les trois dernières années, la rénovation d'un bungalow ou d'un duplex coûtait, je ne sais pas, 32 000 $ ou 18 000 $. Ce sont des exemples. C'est sûrement cela un peu, même si je reconnais qu'il y en a beaucoup trop qui se fait au noir.

Je termine sur ce premier volet de questions. Dans la même foulée, parce que je trouve que c'est connexe, je ne voudrais pas faire erreur, mais, à ma connaissance, le ministre a dit: Le noir est de plus en plus noir selon la gradation suivante: construction mais en ce qui regarde la rénovation domaines domiciliaire et commercial. On se comprend bien et il me semble que vous avez confirmé que, là où il y avait plus de travail au noir, c'était dans le domaine commercial...

M. Morin: Non. Non, non. C'est le contraire.

M. Gendron: Oui, mais une gradation ne peut pas être à l'envers.

M. Morin: II est parti par l'autre côté.

M. Gendron: D'accord. Donc, la prétention du ministre... Juste une minute. La prétention du ministre, confirmée par vous qui êtes dans le domaine, c'est que là où il y aurait le plus de travail au noir, c'est dans le secteur de la rénovation.

M. Morin: Disons que, quand on parle de gradation, si elle est noir foncé ou noir pâle, c'est noir quand même. Vous pouvez parler de la rénovation et du résidentiel à peu près dans le même souffle. Il y en a moins quand on arrive dans le commercial ou dans l'industriel parce que, là, la plupart du temps, ce sont des contrats de plus grande envergure et il y a souvent des soumissions publiques ou des offres sur invitation. Il y a plusieurs entrepreneurs, alors les contrats sont connus. Ce n'est pas la même chose.

M. Mallette (Pierre): Maintenant, M. le député, vous avez soulevé plusieurs questions intéressantes que nous partageons avec vous et plusieurs autres aussi. La question la plus fondamentale que l'on se pose est la suivante: Si l'on exclut le domaine de la rénovation du décret - M. le ministre mentionnait lui-même tantôt qu'à un certain moment il devrait aller vers la qualification professionnelle et vers d'autres structures de contrôle de cette industrie - à l'intérieur même des structures actuelles, n'y a-t-il pas moyen de poursuivre les conversations qui se sont déjà engagées depuis un an et qui sont intéressantes quant aux avenues déjà envisagées et de modifier ces structures de manière qu'elles deviennent souples dans des secteurs particuliers où la rigidité actuelle n'en permet pas l'application? C'est la question fondamentale sur laquelle nous nous interrogeons.

M. Gendron: J'aurais une dernière question en ce qui me concerne pour compléter mon temps de parole. Dans la perspective où le ministre décide de procéder, et il ne faudra pas s'en surprendre, tel quel et qu'il maintienne, dans son projet de loi l'ouverture, à savoir que... Et il l'a dit encore tantôt, il a dit: Dans le fond, on est quand même gentils parce qu'on va permettre que, d'une façon volontaire, ceux qui vont être exclus du décret de la construction, mais qui voudront obtenir une formation additionnelle, complémentaire, une formation professionnelle adéquate pour rester compétents en dehors du champ de la construction, aient la possibilité d'obtenir une formation professionnelle.

La question que je vous pose, parce que vous connaissez le secteur, vous êtes dans le domaine, c'est: Pensez-vous véritablement que des gens qui obtiendraient cette espèce de bénédiction papale de se retirer du champ de la construction parce qu'ils font du travail au noir et qu'on veut les consacrer ad infinitum, pensez-vous que ces gens seraient preneurs concernant l'offre de formation professionnelle que leur fait le ministre dans le projet de loi?

M. Morin: M. le député, on a assez de problèmes à l'heure actuelle. Seulement pour mettre en vigueur notre programme de formation dans l'industrie de la construction, ça prend le bon vouloir de la partie patronale et syndicale du ministère de l'Éducation, et j'en passe. Alors, si tous ces gens ont de la misère aujourd'hui, vous pouvez vous imaginer des gens qui n'ont aucune règle, rien à perdre n'ont rien à en foutre d'avoir un complément à leur éducation. Moi, le système de formation parallèle, je n'y crois pas du tout. Qu'on mette en vigueur notre système qui est le système des vrais bâtisseurs dans l'industrie. Quand on sera fort, il y aura assez de main-d'oeuvre pour que tout le monde puisse travailler adéquatement.

M. Gendron: Une dernière question parce qu'on m'a dit que j'avais le temps. On m'a envoyé un papier, il me reste deux minutes. À la page 8 de votre mémoire, vous indiquez que vous

avez peur qu'à un moment donné les annexes, les connexes et le garage deviennent plus importants que la bâtisse principale. À partir de quoi faites-vous une déduction comme celle-là? Qu'est-ce qui vous permet de déduire cela du projet de loi?

M. Morin: C'est une question qu'on se pose comme vous quand vous parliez de votre bunker. Que ce soit une annexe ou la rénovation du bunker, on se pose la question, à savoir qu'est-ce que le type va greffer. Le type a-t-il un bâtiment d'un étage auquel il va ajouter deux étages? À un moment donné, cela devient presque une construction neuve. Le projet de rénovation va dépasser de deux et trois fois la valeur, comme vous l'avez mentionné pour le Vieux-Montréal. Des édifices de 50 000 $ en valent 350 000 $ ou 400 000 $ après rénovation. Ce sont des contrats de construction. Ce n'est plus de la rénovation, mais c'est appelé rénovation.

M. Gendron: Je vous remercie et vous me confirmez qu'à la page 8 il y a une série de questions davantage pour le ministre que pour moi et pour vous. En conséquence, ce serait intéressant que le ministre y réponde par son projet de loi plutôt que par communiqué.

M. Morin: En ce qui vous concerne, M. le député, on espère que vous vous servirez de cela pour le questionner en Chambre.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien.

M. Gendron: S'il était moins préoccupé par la Main-d'oeuvre et la Sécurité du revenu, il ferait un peu de Travail, mais il est pris.

Le Président (M. Charbonneau): Entretemps, il y a un député qui va avoir une discussion de famille avec son cousin. (21 heures)

M. Théorêt: M. Morin, vous avez mentionné que, pour votre association, le projet de loi avait deux volets: un sur le resserrement des contrôles et des amendes et un, également sur la déréglementation. Vous avez mentionné également que pour vous le décloisonnement dans le secteur de la construction était en soi un objectif louable et souhaitable. À la page 5 de votre mémoire, vous dites - et c'est là que votre plus grande inquiétude semble se manifester - au troisième paragraphe: "II faut craindre, cependant, que le projet de loi, s'il était adopté tel quel, ait aussi des effets secondaires importants il pourrait, en effet, en résulter une déstabilisation grave du marché pour les vraies entreprises, dont une partie ou même la totalité du volume serait du jour au lendemain exclue de l'autorité de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction."

Je pense bien que tout le monde s'accorde pour dire que le marché au noir, M. Morin, se passe dans le secteur résidentiel. Ce n'est pas beaucoup dans le secteur commercial ou industriel. Ce marché-là, vos représentants ne l'ont pas en ce moment. Ils ne travaillent pas dans ce marché qui se fait actuellement au noir. S'ils y travaillent, en tout cas, ils ne devraient pas. En quoi, d'après vous - c'est cela qui est important pour nous informer et nous éclairer - le projet de loi 31 ferait-il perdre à certaines entreprises leur volume total, s'il était adopté tel quel? Si vous voulez seulement prendre notre de la question, je vais vous poser immédiatement la deuxième parce que mon président va me couper la parole, mon temps étant écoulé.

Votre autre grande inquiétude, et je suis d'accord avec le critique de l'Opposition sur le fait que vous nous posez des questions. À la page 8, vous dites: Où s'arrêtent les fins personnelles d'une personne physique et où deviennent-elles commerciales ou industrielles? Or, dans le projet de loi, quand on dit, M. Morin: "9° aux travaux suivants exécutés aux fins personnelles autres que commerciales ou industrielles d'une personne physique", est-ce qu'il n'est pas clair dans votre esprit qu'un propriétaire unique d'une résidence, par exemple, ne pourrait pas convertir cela en un commerce ou une manufacture? Est-ce que c'est ce texte qui n'est pas clair à ce sujet? Est-ce que vous auriez des recommandations quant au libellé qui pourrait sécuriser encore plus ce qu'on veut dire par "fins personnelles"?

M. Morin: Je vais répondre à vos deux questions. La première, c'est que le volume de rénovation dont vous parlez est peut-être dur à quantifier, mais, on l'a dit au début, vous ouvrez la porte à deux systèmes: un système de rénovation, payé à un salaire de construction moins x, et le salaire de la rénovation commerciale et industrielle, et même de la construction neuve, payé au taux du décret. Alors, avec cela, vous causez déjà un problème.

Deuxième chose, c'est qu'il y a un paquet de rénovations. Quand on parle de chiffres, c'est compliqué. Quand on parle des rénovations et qu'on prend un bâtiment de 50 000 $, que l'on vide complètement et dont on refait tout l'intérieur, la valeur du bâtiment dépasse alors les 300 000 $ ou 400 000 $; ce n'est donc plus une rénovation artisanale dont on a besoin. On a réellement besoin d'entrepreneurs de l'industrie pour faire des travaux comme cela. Il y en a une foule de contrats comme cela.

Quand on parle de personne physique, je ne voudrais pas me substituer au département juridique du gouvernement ni à nos procureurs au sein de notre association, mais on a peur d'une définition qui ne soit pas contrôlée. Premièrement, un propriétaire privé d'un immeuble de 16 logements va-t-il devenir, à un moment donné, propriétaire à des fins commerciales ou à des fins uniques? Deuxièmement, pourquoi vous aiderais-je à trouver une définition quand on

veut absolument l'enlever de là? Je pense que vous avez joué le tour à tout le monde depuis le début. Vous demandez toujours la définition. Nous, on s'oppose. Alors, pourquoi vous aiderait-on à trouver une définition de quelque chose auquel on s'oppose? Quand vous trouverez quelque chose avec lequel on sera d'accord, on vous aidera avec plaisir.

Le Président (M. Charbonneau): Sur cette réponse claire, nous allons mettre fin à votre comparution devant nous. Nous vous remercions d'avoir participé aux travaux de notre commission et vous souhaitons un bon retour.

J'avise les membres de la commission que le Syndicat de la construction de la Côte-Nord et de Sept-îles qui devait comparaître ce soir s'est désisté. Nous allons donc maintenant ajourner les travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 6)

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