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Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Thursday, November 29, 2001 - Vol. 37 N° 44

Consultations particulières sur le projet de loi n° 46 - Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant certains secteurs de l'industrie du vêtement


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures trois minutes)

Le Président (M. Rioux): Alors, le mandat de la commission pour aujourd'hui, c'est de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 46, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant certains secteurs de l'industrie du vêtement.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.

Le Président (M. Rioux): Alors, avant de procéder à l'audition des groupes qui se sont présentés devant nous, est-ce qu'il y a des remarques préliminaires?

M. Rochon: Il y a des remarques préliminaires, M. le Président. Est-ce qu'on les fait entre nous, même s'il n'y a personne d'arrivé de ceux qu'on doit rencontrer? Oui?

Le Président (M. Rioux): Ils vont perdre quelque chose, mais, nous, on n'aura rien perdu.

M. Rochon: Ils vont perdre beaucoup. Bon, bien, comme il s'agit d'occuper le temps, M. le Président, on va...

Remarques préliminaires

Le Président (M. Rioux): Alors, M. le ministre, vous avez 15 minutes à votre disposition, et ce sera la même chose pour l'opposition officielle. Alors, on vous écoute.

M. Jean Rochon

M. Rochon: Bon. Alors, M. le Président, on va rappeler le contexte du travail de cette commission et des audiences auxquelles on doit procéder. Nous avons un projet de loi qui concerne l'encadrement réglementaire des conditions minimales de travail de la main-d'oeuvre qui auparavant était assujettie à des décrets. En fait, il s'agissait de quatre décrets de conventions collectives dans l'industrie du vêtement, couvrant les quatre secteurs suivants, soit la confection pour hommes, la confection pour dames, la confection de la chemise pour hommes et garçons et le secteur du gant de cuir. Ces quatre secteurs regroupent à peu près 19 000 salariés qui étaient visés par ces décrets et qui sont maintenant assujettis, de toute façon, à la Loi des normes du travail.

La loi qui avait été sanctionnée en novembre 1999, qui s'intitulait la Loi concernant les conditions de travail dans certains secteurs de l'industrie du vêtement et modifiant la Loi sur les normes du travail, prévoyait mettre fin, le 30 juin 2000, aux décrets des conventions collectives dans ce secteur. Le projet de loi que l'on étudie présentement s'inscrit dans la continuité de ce processus qui a été amorcé en juin de l'an 2000, parce que, en effet, depuis juillet 2000, les conditions minimales applicables dans le secteur ont été fixées de façon transitoire, en juin 2000, pour une période de 18 mois allant jusqu'au 31 décembre 2001. Donc, il faut qu'on statue pour qu'on ait des conditions juridiques qui encadrent la situation à partir de janvier 2002.

La réglementation qui a été adoptée pour assurer cette période de transition de 18 mois, et souhaitant avoir une transition la plus harmonieuse possible, est celle que nous présentons pour fins d'extension pour une autre période, et j'expliquerai pourquoi. Ces dispositions transitoires fixent en fait six conditions minimales de travail, qui sont des conditions différentes, en général supérieures à celles qui sont prévues pour le régime général de la Loi des normes du travail. Alors, ces conditions sont: le salaire minimum, la durée de la semaine normale de travail, les jours fériés, les congés annuels, les repas et certains congés qui sont prévus pour des événements familiaux. Les dispositions relatives à deux de ces normes, soit le salaire et la semaine normale de travail, reconduisent, pour les normes transitoires, celles qui étaient avant l'abolition des décrets, celles qui étaient propres à chacun des anciens décrets. Quant aux quatre autres, c'est-à-dire les jours fériés, la durée du congé annuel, la période de repas et les congés pour événements familiaux, ce sont les dispositions du décret pour l'industrie de la confection pour hommes qui ont été étendues à l'ensemble des secteurs. Il y a eu donc une généralisation d'un des décrets aux quatre secteurs régis par les décrets qui existaient auparavant.

Par ailleurs, la Loi des normes du travail prévoit que le gouvernement peut fixer par règlement, à la fin de la période transitoire, c'est-à-dire le 1er janvier 2002, des normes sectorielles permanentes qui seraient applicables aux quatre secteurs qui sont concernés par l'industrie du vêtement. Pour en arriver à déterminer ? et c'est là qu'on voit qu'est-ce qui nous a amenés dans ce processus continu à aujourd'hui ? on avait prévu, en juin 2000, qu'un comité consultatif représentatif de l'industrie et des syndicats et présidé par la Commission des normes du travail ferait des recommandations, en arriverait à établir un consensus, en fait, pour prévoir les normes qui seraient retenues pour régir ces quatre secteurs pour l'avenir.

Maintenant, les travaux du comité n'ont pas permis d'établir un véritable dialogue entre les parties. Pour différentes raisons, il n'y a pas eu vraiment un exercice de négociation ou de conciliation qui a pu, dans le cadre de ce forum qu'on avait établi avec le comité, amener les parties à se rapprocher. Les représentants patronaux, me dit-on, assez tôt dans le processus, avaient demandé que les activités de consultation soient tenues à ce qu'on a qualifié d'ex parte, c'est-à-dire que la Commission des normes travaille indépendamment de chacune des deux parties et tente de voir quelle synthèse pourrait être dégagée de ça. De sorte que les propositions finales des représentants, à la fois syndicaux et patronaux, ont été transmises à la Commission. Et on constate, en voyant ces recommandations de part et d'autre, que les parties n'ont pas vraiment discuté entre elles. On constate qu'il y a des écarts importants en regard des normes, qui sont assez névralgiques, quand on pense à la durée de la semaine normale de travail, les congés annuels et peut-être surtout le salaire, la question du salaire minimum.

Prenons juste cet exemple-là. Les représentants patronaux proposent un taux horaire de salaire de 7,10 $, alors que le taux minimum le plus bas qui est réclamé par les représentants syndicaux est à 8,50 $.

n (15 h 10) n

Une voix: ...

M. Rochon: Alors, on peut sûrement parler d'un écart. Maintenant, bien que la Commission des normes du travail ne soit pas liée aux propositions des représentants de l'industrie, elle a consigné dans un rapport final... Parce qu'elle devait quand même nous faire rapport. Et, après avoir tout essayé, in extremis, en septembre dernier, 2001, le président est finalement venu me remettre un rapport qui constate l'absence de consensus entre les parties et qui fait ressortir comment l'harmonisation est un exercice difficile en considérant les propositions qui ont été soumises respectivement par les deux côtés.

Alors, la Commission des normes du travail, d'ailleurs, dans ses recommandations, nous demande, nous propose de réaliser une étude d'impact en regard du taux minimum qui serait établi vu qu'il n'y a aucun arbitrage là qui a pu être possible entre les parties et qu'on risque, s'il n'y a pas une analyse, une étude d'impact qui est faite, on risque de ne pas pouvoir identifier les préjudices qui pourraient être causés à une ou l'autre des deux parties. Parce qu'il faut dire que, dans le contexte économique général de cette industrie ? et c'est peut-être encore plus vrai dans les circonstances économiques qu'on connaît présentement ? la compétitivité qui est exigée des entreprises dans ce domaine, de même que le niveau d'emploi, demeurent des enjeux très importants, et vous comprendrez, M. le Président, que le gouvernement se préoccupe, dans le cadre de cette réforme, de bien assurer le fonctionnement, et, plus que le fonctionnement, le développement de cette industrie.

Par contre, il faut convenir que l'industrie québécoise du vêtement, quand on la regarde dans le cadre des normes du travail, c'est une industrie qui se distingue sensiblement de l'ensemble de l'industrie manufacturière, ce qui justifie qu'on doive maintenir, en tout cas pour le moment, des normes spécifiques. Donner juste quelques informations qui montrent les différences...

Le Président (M. Rioux): C'est un monde de femmes.

M. Rochon: Entre autres. Alors, justement, la première grande différence, c'est que 84 % des emplois de production dans ce secteur-là sont occupés par des femmes, et majoritairement des femmes immigrantes. Et, si on regarde dans l'ensemble du secteur de l'industrie, on ne voit pas une proportion aussi grande. Il y a 54 % de la main-d'oeuvre dans ce secteur qui n'a pas terminé le niveau secondaire comme formation, alors que, dans l'ensemble du secteur manufacturier, c'est 33 % qui n'a pas terminé. Donc, une main-d'oeuvre assez fragile.

Le niveau de syndicalisation dans ce domaine est de 36 %, alors que, dans l'ensemble du secteur manufacturier, il est de 41,5 %. Et, si on regarde les dernières statistiques disponibles, qui sont celles de l'an 2000, quant au salaire moyen versé, il est de 9,72 $, ce qui est nettement inférieur à ce qu'on voit dans l'ensemble du secteur manufacturier, où le salaire moyen est à 15,69 $.

Alors, il y a donc là un groupe de travailleurs qui... je pense qu'on peut dire qu'ils sont vulnérables à plusieurs égards, qui doivent avoir une protection, une protection qui tient compte de la spécificité de leur industrie. Et, par contre, je le rappelle, une industrie qui a à faire face à une compétition dure, aussi, et qu'il faut s'assurer que les décisions qui sont prises vont protéger les deux parties et assurer le fonctionnement et le développement harmonieux de ce secteur.

Alors, nous, il nous semble toujours important, comme gouvernement, de protéger à la fois la main-d'oeuvre et d'assurer le bon développement, comme je le disais, de l'industrie, et c'est pour ça que, vu que la période des 18 mois n'a pas permis... Et on ne veut pas faire de procès à personne, là, on sait que ce n'est pas facile à réaliser de toute façon. Mais, comme on n'a pas pu atteindre le but, c'est-à-dire de redéfinir sur un minimum de base de consensus qu'est-ce qu'on va faire pour l'avenir, il faut qu'on se redonne du temps, et on propose ? c'est l'essentiel du projet de loi qu'on va étudier ? de se donner une période additionnelle de 30 mois pendant lesquels on maintiendra les mêmes conditions transitoires qui ont été celles qui ont prévalu et que j'ai décrites tout à l'heure au cours de la dernière période.

Maintenant, pourquoi 30 mois? C'est que le ministère du Travail et le ministère de l'Industrie et du Commerce, qui sont en collaboration dans ces travaux, doivent produire, en 2004, en mars 2004, un rapport qui, entre autres, va regarder ? un rapport sectoriel du domaine manufacturier ? qui va entre autres regarder la pertinence de maintenir le secteur manufacturier à l'intérieur du régime de décrets. Là, présentement, à part l'industrie du vêtement, il n'y a à peu près pas d'industrie du secteur manufacturier où il y a décret. Il y a des décrets qui sont appliqués, mais l'industrie est toujours soumise au régime de décrets. Donc, il pourrait y avoir n'importe quand une demande de la part des parties, et la question est à l'effet de se demander: Est-ce qu'on devrait maintenir cette possibilité qu'il y ait des décrets ou d'exclure complètement, du régime de décrets, ce secteur?

Alors, c'est cette décision qui, à la suite de l'évaluation de l'évolution du secteur, de l'ensemble du domaine manufacturier, qui devrait être prise en 2004. Et, tant qu'à se donner un délai supplémentaire, on s'est dit: C'est mieux de joindre les opérations pour qu'on ait une décision qui va couvrir l'ensemble de l'industrie et qu'on puisse agir sur des bases solides.

Alors, avec l'échéance qu'on reporte quelques mois après, pour bien couvrir la période, au 30 juin 2004, je pense qu'on a le mérite de concilier les différentes possibilités auxquelles ont peut penser, autant du côté des entreprises que du côté des travailleurs, et qu'on aura en main l'information pour prendre des décisions de façon équitable et de façons qui seront positives pour l'avenir de ce secteur-là.

Alors, M. le Président, j'ai essayé de vous rappeler la situation. Je terminerai en insistant sur une chose: on va continuer, même si on s'engage à arriver à une décision puis à trouver une solution pour cette période, à ouvrir la porte et inviter les parties à collaborer à cette entreprise. Et, si on trouvait un consensus plus tôt que juin 2004, où tout le monde se retrouve, bien il n'y aura rien qui empêchera, au contraire, qu'on statue tout de suite et qu'on raccourcisse cette période. Merci.

Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Mont-Royal.

M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. À mon tour, ça me fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour écouter ce que les gens ont à nous dire. Bon, je ne répéterai pas ce que le ministre a dit. Je reconnais l'importance du secteur, la difficulté aussi que ce secteur-là peut avoir. Parce que, d'un côté, évidemment on parle de rémunération qui est quand même très basse, mais, d'autre côté, on ne peut pas dire que c'est un secteur qui a la vie facile, en ce sens qu'il y a énormément de compétition. Compétition internationale où, souvent, les régimes sont totalement différents, les conditions de travail sont également très différentes.

Alors, il faut donc essayer de balancer cette espèce d'équilibre difficile à atteindre entre les salaires et la vente ou la performance de l'industrie. Alors, je reconnais... Et d'ailleurs, je pense qu'on a dit, au niveau de l'acceptation de principe, on a dit qu'on n'était pas contre, bien au contraire. Nos inquiétudes sont plus à l'effet de la période. On trouve un petit peu long le 30 mois, puis je comprends l'objectif que le ministre poursuit quand il parle de son étude sur la pertinence de maintenir ou non les décrets, qu'il veut donc traverser cette période-là, de mars 2004.

Par contre, on trouve malheureux que les syndicats et les patrons ne se soient pas entendus dans ce secteur-là. Ils ont eu 18 mois pour le faire. Puis ce qui nous inquiète, c'est de leur donner 30 autres mois. Notre point de vue était à l'effet que, plutôt, on devrait essayer de les pousser vers une résolution du problème. Parce que finalement, un jour ou l'autre, si cette industrie ne veut pas disparaître, il va falloir que les deux parties s'assoient à la même table puis finissent par s'entendre, compte tenu des circonstances, comme je disais, du niveau de salaire que ces gens-là sont payés et aussi de la concurrence nationale et internationale.

Mais ce qui nous inquiétait, c'est de repousser l'échéance. Parce que le gouvernement du Parti québécois avait déjà décidé, il y a 18 mois, vous vous en souviendrez, donc, d'abandonner le décret dans ce secteur... dans ces quatre secteurs. Je ne devrais pas dire juste ce secteur, ces quatre secteurs de l'industrie du vêtement. Alors, c'est ça. J'ai de la difficulté à voir le recul, le recul de 30 mois. Et il m'apparaissait ? en tout cas, j'ai hâte d'entendre les gens, qu'est-ce qu'ils ont à dire là-dessus ? il m'apparaissait important donc d'essayer, peut-être pour mettre un petit peu plus de pression sur l'industrie ? quand je dis «sur l'industrie», je veux dire du côté patronal et du côté syndical, les deux côtés ? pour en arriver à une solution qui soit capable de maintenir les emplois, mais aussi d'assurer la compétitivité de ces secteurs de l'industrie.

n (15 h 20) n

Alors, c'est ça qui nous inquiétait, ce n'est pas le fait de le repousser. On reconnaît que ce n'est de la faute de personne ou c'est de la faute de tout le monde, devrais-je dire plutôt, s'ils ne se sont pas entendus. Ha, ha, ha! Mais on n'est pas convaincu que de remettre de 30 mois la période transitoire, c'est la solution idéale pour, justement, essayer de forcer ces... Puis je reconnais, comme le ministre, que les écarts étaient quand même assez grands, du moins au niveau salarial. Les autres niveaux, il y avait peut-être moyen de faire des accommodements; c'est-à-dire les autres items, cinq des six. Mais, au niveau salarial, il y a de l'ouvrage à faire, l'écart est grand. Mais quand même, il faudrait peut-être les pousser. Alors, ce sont les remarques préliminaires que je voulais partager avec vous, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. le député de Mont-Royal. Alors, je vais inviter l'Institut des manufacturiers de vêtement du Québec à se présenter.

M. Rochon: Alors, ça, c'est des gens du ministère de l'Industrie et du Commerce et de la Commission des normes qui sont là.

Le Président (M. Rioux): O.K. Vous n'avez pas le goût de prendre la parole non plus, j'imagine?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Très bien.

Une voix: C'est la température...

Le Président (M. Rioux): Alors, c'est la température qui empêche la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec d'être ici, de même que le Syndicat du vêtement et l'Institut des manufacturiers. Je me suis un peu trompé, pas parce que vous aviez la tête de l'emploi. Ce n'est pas ça du tout. C'est que je me suis dit: Faute d'entendre les syndicats, on va au moins entendre des employeurs.

Alors, nous allons suspendre nos travaux et aussitôt qu'un groupe se présentera, le premier, alors c'est lui qu'on entendra. Alors, on va suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 21)

(Reprise à 15 h 23 )

Le Président (M. Rioux): Alors, je demanderais à la FTQ de prendre place, de même que le Syndicat du vêtement, textile et autres industries.

Auditions

Alors, messieurs, je vous informe de ce qui s'est passé avant votre arrivée. Pour vous faire une petite histoire très courte, le ministre a fait des remarques préliminaires et l'opposition a fait ses remarques préliminaires. Vous avez été privés de deux exposés absolument fantastiques, mais on ne peut pas tout avoir dans la vie: être en retard et avoir tout. Alors, étant donné que maintenant vous êtes là, et ça nous fait très plaisir de vous y voir, on va demander au ministre de s'asseoir et ensuite vous allez nous présenter vos... Alors, c'est Tino Ciampanelli, je pense, qui est le porte-parole. Vous êtes le président. Vous allez nous présenter vos collègues, monsieur?

Fédération des travailleurs et travailleuses
du Québec (FTQ) et Syndicat du vêtement,
textile et autres industries (SVTI)

M. Ciampanelli (Tino): Oui, certainement, M. le Président. J'ai, à ma gauche, le directeur canadien, en même temps, c'est le directeur du bureau conjoint de Montréal du vêtement pour hommes, qui représente le vêtement pour hommes et textile, et le confrère Émile Vallée, qui est de la FTQ; en même temps, on attend, d'une minute à l'autre, M. Zoccoli, du même bureau, du bureau conjoint de Montréal, et moi-même comme président du Conseil conjoint québécois du SVTI.

Le Président (M. Rioux): Est-ce que M. Alleruzzo, il est arrivé, lui?

M. Ciampanelli (Tino): Oui, il est là.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, c'est Zoccoli que vous attendez.

M. Ciampanelli (Tino): C'est ça.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, M. le président, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre point de vue.

Une voix: ...

Le Président (M. Rioux): Attends un peu.

M. Ciampanelli (Tino): M. le Président, j'aimerais surtout que les premiers commentaires...

Le Président (M. Rioux): Est-ce que vous avez un document à distribuer?

M. Ciampanelli (Tino): Certainement.

M. Alleruzzo (John): Oui, on a un document à distribuer.

Document déposé

Le Président (M. Rioux): Alors, vous allez le distribuer aux parlementaires.

M. le député de Groulx, ne faites pas de thrombose à cause de ça, là.

Une voix: Je m'informe, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Ça, je vous comprends. Ça, je vous comprends. Je suis pour la liberté d'information, en plus.

M. Ciampanelli (Tino): Mais, M. le Président, si vous permettez, je laisserai faire l'ouverture, l'exposé par M. Alleruzzo. Après ça, on va faire d'autres présentations, de ma part et de M. Zoccoli...

Le Président (M. Rioux): Vous avez 20 minutes au total.

M. Ciampanelli (Tino): ...de la FTQ.

Le Président (M. Rioux): Très bien. On vous écoute.

M. Alleruzzo (John): O.K. Merci beaucoup. Nous voudrions d'abord remercier les membres de la commission parlementaire de nous entendre sur une question vitale pour l'avenir de l'industrie du vêtement et ses conditions de travail. Le SVTI ? ça, c'est le Syndicat du vêtement, textile et autres industries ? compte plus de 11 000 membres au Québec, 30 000 au Canada et 250 000 en Amérique du Nord. Nous sommes affiliés à la FTQ, la plus grande centrale québécoise représentant plus d'un demi-million de membres.

Nous félicitons et remercions le ministre du Travail, M. Jean Rochon, pour avoir présenté le projet de loi n° 46. Le SVTI, qui représente la très grande majorité des syndiqués de l'industrie du vêtement, et la FTQ ont déjà, dans un communiqué de presse du 23 mai 2001, réclamé du gouvernement du Québec le maintien des normes minimales sectorielles de travail en vigueur actuellement dans l'industrie. Plus de la moitié des emplois dans l'industrie du vêtement se concentrent au Québec. Grâce à une augmentation de l'emploi de 31 % depuis 1996, l'industrie québécoise occupe, en 1998, la première place pour le nombre d'emplois dans le secteur manufacturier. Le dernier recensement indique que l'industrie du vêtement compte, en 1995, une population active totale de 65 380 personnes. La plus forte concentration professionnelle se retrouve chez les opératrices des machines à coudre. Ça, c'est 41,5 %. Cette proportion monte à 51,9 % si on regroupe tous les travailleurs conduisant une machine de fabrication.

La plus grande partie des salariés, 90,1 %, exerçaient leur occupation dans le milieu de travail traditionnel, alors que 8,6 % déclaraient travailler à domicile, et ce dernier chiffre sous-estimait largement l'ampleur de ce phénomène puisque le travail clandestin échappe, par définition, aux statistiques officielles.

Il s'agit d'une des industries les plus exposées à la concurrence. Les conditions physiques de travail sont difficiles et souvent pénibles. Les contraintes physiques liées à la posture du travail, la répétition, la cadence, les gestes eux-mêmes, l'application de la force, la manutention, les problèmes d'interface personne-machine, ces lieux de travail soumettent le travailleur à des facteurs de risque ergonomique considérables.

Nous sommes subséquemment totalement en faveur et appuyons le projet de loi n° 46. L'abolition du décret dans le vêtement est une catastrophe que nous avons tenté d'empêcher par tous les moyens dont nous disposions, ce décret faisant bénéficier tous les salariés ? et donc les non-syndiqués ? de conditions minimales de travail et de salaires négociés par les syndicats. Ce modèle québécois particulier n'a pas ralenti. Au contraire, le développement au Québec d'une industrie du vêtement vigoureuse a créé plus d'emplois ici que partout ailleurs au Canada. Le maintien de normes minimales sectorielles de travail en vigueur actuellement dans le secteur du vêtement assurera de l'ordre dans cette industrie.

n (15 h 30) n

Nous recommandons fortement que le salaire minimum soit augmenté parce que les salaires minimums sont en réalité des salaires maximums qui n'ont pas été augmentés depuis 1914.

Alors, c'est ça, ma présentation, et certainement que, comme je viens de le dire, nous appuyons la démarche du ministre du Travail et aussi c'est ce que nous recommandons parce que, parmi ces conditions minimales qui sont encore en vigueur ? et que nous espérons qu'au moins elles resteront en vigueur jusqu'à 2004 ? il y a des minimums que ça fait depuis sept ans qu'ils n'ont pas été augmentés. La raison, c'est parce que le décret a été aboli et, avant l'abolition du décret, les employeurs avaient refusé d'extensionner ce qu'on avait négocié. Alors, c'est ça, la raison pour laquelle on demande que ces minimums soient augmentés au moins par, même, le coût de la vie qu'on a aujourd'hui. Alors, merci beaucoup. Ça, c'est ma présentation.

Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. Ciampanelli...

M. Alleruzzo (John): C'est Alleruzzo.

Le Président (M. Rioux): Alors, je voudrais saluer l'arrivée d'Émile Vallée, de la FTQ, et puis Tony Zoccoli, qui est maintenant présent parmi nous.

M. Ciampanelli (Tino): M. le Président, je voudrais élaborer une couple de mots. J'aimerais surtout remercier le ministre, M. Rochon, qui, durant le mois de juillet, a pris le temps, ensemble avec moi et le président de la FTQ, où on l'a accompagné... surtout a rendu visite à nos ateliers dans le vêtement. C'est là que le ministre, lui-même... Je pense que ça été la pire fois qu'il a vu les dessous du vêtement pour dames, vu par lui-même que les travailleurs et travailleuses dans l'industrie du vêtement, ils doivent vraiment travailler fort pour gagner leur vie. Et ce n'est pas facile, la façon dont ils travaillent dans l'industrie du vêtement pour dames. Et je spécifie pour dames parce que c'est... mon conseil, c'est pour dames.

J'ai rien qu'un petit problème et j'espère que... Dans la loi n° 46, il doit y avoir une continuité encore... d'assurer une continuité dans les rapports, la vigilance des rapports, les visites, l'inspection. C'est très important dans notre industrie. Comme vous le savez bien, même dans d'autres comités, on collabore très bien, le syndicat, avec le... les dossiers du vêtement, parce que la sous-traitance dans l'industrie du vêtement pour dames, c'est complètement... c'est en concurrence déloyale avec le travail sur le terrain. Alors, c'est très pénible parce que ça pénalise les travailleurs et travailleuses de l'industrie du vêtement pour dames. Alors, l'inspection, c'est très important. Ils doivent continuer les rapports, ils doivent continuer parce que je pense même que les autres ministères, de cette façon, ils voient de la même façon... de voir que le travail, mettons... Ici, au Québec, on doit donner des modèles différents de qu'est-ce qu'il y a présentement, pour améliorer les conditions de travail. En même temps, j'appuie, c'est mon confrère, M. Alleruzzo, que, dans l'industrie du vêtement pour dames, depuis 1992, les minimums n'ont pas été augmentés. On a déjà passé certaines augmentations où est-ce que le gouvernement les a retirées. Alors, M. le Président, j'aimerais que la loi, mettons... Elle doit être assez efficace et, en même temps, donner une augmentation à toute l'industrie du vêtement pour dames, aussi, bientôt. Je vous remercie.

Le Président (M. Rioux): Bien, merci. Merci beaucoup. Alors, je vais... Rapidement, monsieur.

M. Vallée (Émile): Oui, Émile Vallée. Écoutez, d'abord, j'aimerais dire qu'on s'excuse pour le délai, là. Il y a des gens qui arrivaient de Montréal, et puis la température n'est pas idéale aujourd'hui.

C'est un dossier que le président de la FTQ, Henri Massé, prend énormément à coeur. Il a été impliqué dans énormément de discussions à date. Malheureusement... Comme vous le savez, là, on est en plein congrès de la FTQ de l'autre côté de la rue. M. Massé a des élections demain et puis, bon, il est obligé de présider son congrès; alors, c'est pour ça qu'il n'est pas ici cet après-midi lui-même.

Le Président (M. Rioux): C'est parce que vous êtes de l'autre côté de la rue et que vous êtes en retard.

M. Vallée (Émile): Non, moi, je n'étais pas en retard. Les gens de Montréal. Mais, en fait, on devait passer à 15 h 30, je pense.

Le Président (M. Rioux): Mon père disait: Proche de l'église...

M. Vallée (Émile): On était cédulé pour 15 h 30.

Le Président (M. Rioux): Mon père disait: Proche de l'église, loin du bon Dieu.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Alors, monsieur, continuez.

M. Vallée (Émile): J'aimerais dire que, comme on l'a mentionné, notre préférence initiale, évidemment, ça aurait été, dans le temps, pour conserver les décrets, et puis, en l'absence de décrets, d'avoir des normes sectorielles permanentes. On estime que, nous autres, c'est un secteur qui a besoin d'une protection, qui ne peut pas être laissé à la concurrence effrénée, là, du secteur. C'est un secteur qui, malgré ses 70 ans de décrets de convention collective, a quand même des conditions de travail et de salaire les moins élevées de toute l'industrie manufacturière.

À défaut d'entente avec les employeurs, puis on avait prévu, nous autres, que ce serait bien difficile de s'entendre dans la consultation que le gouvernement nous avait proposée, il y a deux ans... On avait prévu qu'on ne pourrait pas s'entendre avec les employeurs, mais, à tout événement, c'est ça qui est arrivé, puis, en l'absence de normes permanentes, on estime que c'est préférable de continuer les normes sectorielles. Puis on espère être capables de convaincre le gouvernement, dans le temps, d'avoir des normes sectorielles qui soient quand même assez élevées pour protéger l'ensemble du secteur.

J'aimerais attirer l'attention, si vous permettez, sur le point, l'article 3 du projet de loi qui élimine le besoin de consultation sur l'établissement d'un programme de surveillance dans le secteur. Évidemment, le programme de surveillance, il est déjà en place. La commission, on pense, de façon générale, a fait un bon travail dans ce domaine-là. On ne s'attend pas à ce que le programme comme tel soit modifié pour les prochaines années, mais on aimerait quand même avoir une assurance que, s'il y a des conditions, il y a des choses qui changent, on puisse intervenir auprès de la commission pour se faire entendre, sinon se faire écouter sur l'application du programme de surveillance, au cours des deux prochaines années, des normes transitoires.

Le Président (M. Rioux): Je vous remercie, monsieur. Alors, on a 20 minutes de chaque côté, et, M. le ministre, vous pouvez y aller pour vos questions.

M. Rochon: Bon. Alors, on prend bonne note de vos commentaires, et je vous remercie d'avoir franchi, malgré les intempéries, les grands espaces... d'ici Montréal pour nous retrouver.

J'aimerais peut-être que vous nous parliez de ce qui n'est pas directement dans le projet de loi mais qui qualifie beaucoup le contexte, de l'évolution et de l'avenir, comme vous le voyez, de la syndicalisation dans le domaine du vêtement, dans les secteurs dont on parle. Parce que, quand il est question d'intervenir pour fixer des normes, et des normes particulières, on nous dit toujours ? et c'est sûr que ça va revenir dans la discussion ? et, dans les nombreux mois où on a eu beaucoup de discussions avec vous, mais aussi avec l'industrie: moins un secteur est syndiqué, plus ça fait une protection des travailleurs s'il en est requis doit venir autrement. Il y avait des décrets pour ça, et là on a des normes qu'on fixe, et parfois, bien, on nous dit: L'avenir est plus à laisser la syndicalisation prendre sa place et, de plus en plus, on aura couvert... assuré aux travailleurs qu'ils ont une bonne protection et une bonne assurance que leurs droits seront protégés et même vont continuer... que leurs conditions vont continuer à s'améliorer.

Si mon information est bonne et mon souvenir est correct, l'évolution de la syndicalisation dans ce secteur-là est allée en diminuant. On dit qu'aujourd'hui c'est à peu près 35, 36 % qui est syndiqué. Ça a déjà été autour de 50 %, ça, d'une part. Alors, je ne sais pas comment on voit aller, dans le temps, le potentiel de syndicalisation. Puis, d'une part, comment vous le voyez, si je peux rajouter une qualification à ça, dans l'industrie qui n'est pas uniforme. Il y a de la grande entreprise dans l'industrie du vêtement, il y a de la moyenne, il y a de la très petite aussi. Et est-ce qu'il est juste de dire que la syndicalisation, on la retrouve surtout dans la grande entreprise présentement et qu'elle a diminué ou qu'elle évolue différemment ou même difficilement en dehors de la grande entreprise?

Alors, je vous demande ça parce que c'est un peu le contexte, là, de questions qui peuvent venir à un moment donné quant au déroulement de l'avenir et de s'assurer comment... on fait un peu de prospection, là, entre ce qu'il faut équilibrer, dans des normes édictées légalement pour le secteur, par rapport à ce qui peut être assuré par la dynamique normale des relations de travail dans le domaine.

n (15 h 40) n

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Ciampanelli, qui veut répondre à sa question.

M. Alleruzzo (John): C'est moi qui vais...

Une voix: M. Alleruzzo.

M. Alleruzzo (John): Je vais essayer de répondre. Oui, c'est vrai que la syndicalisation dans l'industrie du vêtement... Mais, quand on parle de l'industrie du vêtement en général, O.K., la syndicalisation est faible, sans aucun doute. Mais vous savez très bien que, dans l'industrie du vêtement, il y a différentes industries. Par exemple, si on prend l'industrie du vêtement pour hommes: alors, ça, c'est l'industrie qui fait des habits, des vêtements sport. Cette industrie est à 75 % syndiquée. Si on prend l'industrie du vêtement pour femmes, bien là la syndicalisation est beaucoup plus basse que ça, je pense que c'est à 20 % maintenant. Et naturellement, si on prend l'industrie en général du vêtement, l'habillement au complet, bien là on parle peut-être de 20, 22 % de syndicalisation.

Mais la raison, c'est parce que... si vous remarquez, quand on parle de vêtements pour hommes, il y a 75 % de ces gens-là syndiqués parce que ces usines-là sont des usines qui utilisent beaucoup de la machinerie pour fabriquer les vêtements. Mais, quand on parle de l'industrie des sous-vêtements, l'industrie de vêtements sport, les vêtements d'enfants, et tout ça, ça, c'est très difficile à syndiquer parce que, premièrement, tout le monde qui travaille, particulièrement dans les grandes villes comme Montréal, etc., les personnes qui travaillent là sont des immigrants. Alors, l'autre, c'est que... mon Dieu! je ne dirais pas ça trop fort, mais ils sont aussi intimidés par les employeurs. Parce que les employeurs disent: Mais, si vous vous syndiquez, on va fermer l'usine. Alors, c'est très difficile de syndiquer ce monde-là. En plus, en étant des immigrants, ils ont vraiment peur. Alors, c'est ça, la raison que, dans le passé, on avait toujours les quatre décrets: vêtements pour hommes, femmes, enfants et puis les gants. Et ça, ca a aidé à avoir une certaine stabilité dans l'industrie du vêtement. Et c'est ça, la raison qu'on s'est battu pour garder les comités paritaires et pour garder les décrets. Mais, malheureusement, ils sont abolis. Et maintenant, avec ces normes minimales qui sont encore en vigueur, et nous espérons qu'elles vont rester en vigueur toujours, au moins ça va aider à encore avoir ou à garder une certaine stabilité dans l'industrie. Et maintenant, je pense qu'Émile voudrait ajouter quelque chose.

M. Ciampanelli (Tino): Moi, j'aimerais...

Le Président (M. Rioux): Oui.

M. Ciampanelli (Tino): M. le Président, si vous permettez rien qu'un petit ajout. Dans l'industrie du vêtement pour dames, si on regarde les statistiques... assez souvent... Les statistiques dans le vêtement pour dames où est-ce que la syndicalisation, c'est très dur à faire, parce que, au moins plus que 50 % des ateliers, on parle de un employé à cinq employés. Quand on parle des usines, ce ne sont pas des usines, ce sont des particuliers qui ne font pas la fabrication, c'est tout donné en sous-traitance, de sous-traitance en sous-traitance. Alors, c'est là que c'est très dur à syndiquer quand tu as deux, trois employés menacés par l'employeur. Alors, on parle de moins de 50 %. Ça fait que les autres, si on parle de... on regarde l'industrie au Québec du vêtement pour dames, encore on parle... les autres 50 %, on parle de 10 à 20 employés, la grosse majorité. Alors, c'est là que la syndicalisation devient très dure dans l'industrie du vêtement pour dames. Et, à avoir des normes, au moins, il reste une stabilité, que les gens, mettons, pourraient gagner leur vie dans cette industrie et rester en force, rester, mettons... une stabilité dans l'industrie. Mais, sans les normes minimales, sans ça, les normes, c'est le minimum. On va avoir des problèmes parce que la concurrence est déjà déloyale avec la sous-traitance, est... le travail au noir où on a... On se répète, on se répète toujours. Au moins qu'on ait, dans l'industrie du vêtement pour dames, enfants, il y a beaucoup de sous-traitance où est-ce qu'on ne le voit pas, c'est des personnes non enregistrées.

Le Président (M. Rioux): Il y a 25 ans, on parlait du terrorisme patronal dans l'industrie de la robe. Aujourd'hui, vous parlez de chantage patronal.

M. Ciampanelli (Tino): Pardon?

Le Président (M. Rioux): Le vocabulaire n'a pas beaucoup changé. Mais est-ce que c'est encore une réalité? Monsieur disait tout à l'heure, M. Ciampanelli, il disait tout à l'heure...

M. Ciampanelli (Tino): C'est moi-même, Ciampanelli.

Le Président (M. Rioux): ...la pression patronale fait en sorte que les accréditations sont impossibles dans certains coins. C'est encore vrai, ça?

M. Ciampanelli (Tino): Pardon?

Le Président (M. Rioux): C'est encore vrai, ça?

M. Ciampanelli (Tino): Oui, oui, certainement, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Groulx. Plus ça change, plus c'est pareil.

M. Kieffer: Messieurs, je pense connaître la réponse, là, mais j'aimerais bien que vous m'expliquiez ce qui peut apparaître paradoxal. Dans un premier temps, dans votre mémoire, à la toute fin, vous indiquez que «le maintien des normes minimales sectorielles de travail en vigueur actuellement dans le secteur du vêtement assurera de l'ordre dans l'industrie». Et vous terminez en disant: «Nous recommandons fortement que les salaires minimums soient augmentés, parce que ces salaires minimums sont en réalité des salaires maximums qui n'ont pas été augmentés depuis 1994.» Alors, j'en conclus qu'il n'y en a pas, d'échelle de salaire. Tu rentres dans la shop puis tu restes poigné au même salaire toute ta vie, à moins que le décret change. C'est à peu près ça, la vision que j'ai. O.K.?

Par ailleurs, le ministre, dans sa présentation, nous indique que l'écart qui vous séparait des patrons est à peu près le suivant, il indique à la page 5: «À cet effet, les représentants patronaux proposent un taux horaire de 7,10 $ alors que le taux minimum le plus bas réclamé par les représentants syndicaux est de 8,50.» O.K. Donc, vous autres, vous arriviez avec 8,50, taux minimum; les patrons arrivaient avec 7,10. Par ailleurs, le ministre nous indique, deux pages plus loin: «Sur la base des statistiques disponibles en 2000, ces statistiques révèlent que le taux de salaire moyen versé aux employés visés est de 9,72 de l'heure et qu'il est nettement inférieur à celui versé dans l'ensemble du secteur manufacturier, qui est de l'ordre de 15,69.» Ça, moi, je n'ai pas de problème avec ces statistiques-là.

M. Alleruzzo (John): ...

M. Kieffer: Ça, ce n'est pas pour vous autres, l'ensemble du secteur manufacturier québécois, là.

M. Alleruzzo (John): Oh! le secteur manufacturier. O.K., O.K., je me suis...

M. Kieffer: Ça, ça s'appelle Bombardier, GM...

M. Alleruzzo (John): Oui, oui, oui.

M. Kieffer: Bien, GM de moins en moins, là. Mettons Bombardier, là. O.K.?

Une voix: Ce qu'il en reste, ce qu'il en reste.

M. Alleruzzo (John): Oui, oui.

M. Kieffer: Mais ce qu'il dit, par contre, et ça, ça m'intrigue et c'est là que je vois le paradoxe, il dit: «Le taux de salaire moyen versé aux employés ? de votre secteur, O.K.?, du vêtement ? est de 9,72.» Votre proposition est de 8,50, celle des patrons est de 7,10 $, et vous dites ? puis c'est là que je vois le paradoxe, puis je veux que vous m'expliquiez: «Le salaire minimum dans l'industrie, c'est aussi le salaire maximum.» C'est votre dernier paragraphe de votre mémoire, là.

M. Alleruzzo (John): Oui, oui.

M. Kieffer: Alors, expliquez-moi comment un salaire minimum peut être aussi un salaire maximum puis que vous réclamiez 8,50 alors que le taux moyen est 9,72.

Le Président (M. Rioux): Qui répond?

M. Alleruzzo (John): O.K. C'est moi, John Alleruzzo.

Le Président (M. Rioux): Très bien.

M. Alleruzzo (John): O.K. Alors, si vous remarquez, dans le décret où les minimums... les salaires minimums qui sont en vigueur maintenant, O.K., il y a cinq différentes classifications. Elles commencent à 11,85, et la dernière est 6,95, est moins que le salaire minimum qu'on a. La raison que je vous dis que ça... on diminue des salaires maximums, c'est parce que ça, ce sont les salaires, mais on a aussi une échelle de progression, O.K.? Alors, en ayant ces salaires-là minimums, ça ne veut pas dire que, une fois qu'un employeur engage une personne, elle va commencer à travailler à 11,85. Elle va commencer à 7 $ de l'heure. Mais il y a une échelle de progression, que, pour arriver à 11,85, ça prend au moins 33 mois, avec l'échelle de progression. Alors, c'est ça, la raison qu'on dit qu'ils ne sont pas vraiment des... ils étaient, autrefois, des salaires minimums, mais ils sont devenus des salaires maximums.

Alors, quand on parle de huit à cinq ans, bien, ça, ça a été une position que la FTQ en général avait prise, que... Et particulièrement, je pense que ça, ça a été fait pour la condition féminine quand il y avait eu une conférence de presse, alors que la FTQ avait pris une position en disant que, au moins, il doit y avoir un salaire minimum de huit à cinq ans. Bien, nous, dans le vêtement, je vous dis franchement, on aurait été prêt à accepter ça. Mais, pour le moment, c'est ça qu'on a, c'est ça qui est en vigueur dans l'industrie, et, encore une fois, oui, ils sont devenus des maximums.

n (15 h 50) n

La raison que la moyenne est 9,72 $, c'est parce que, si vous remarquez dans l'industrie, si on compare les usines syndiquées et les non syndiquées, il y a à peu près une différence de 2 $ de l'heure. O.K.? Les syndiqués gagnent à peu près 2 $ de plus que les non syndiqués. L'autre, c'est que la majorité de l'industrie travaille à la pièce, un système d'ingénierie. Et alors, ce sont les raisons que le taux moyen arrive à 9,72.

M. Kieffer: O.K. Alors, vous permettez, M. le Président...

Le Président (M. Rioux): Allez, monsieur.

M. Kieffer: ...juste pour être sûr que je comprends bien, là. Votre revendication d'entrée à 8,50, vous la maintenez. C'est ça, votre position vis-à-vis... C'est parce que vous étiez supposés de négocier pendant un an et demi avec les patrons. Je vois bien qu'il n'y en a pas eu, de négociations, là. Mais votre revendication de base, c'est que le salaire d'entrée minimal devrait être de 8,50 et non pas, comme les patrons vous l'offraient, 7,10 $. Ça, on s'entend là-dessus. C'est ça, votre position?

M. Alleruzzo (John): Bien, c'est ça, la position, oui, que les gens doivent au moins gagner 8,50.

M. Kieffer: O.K. Et il faut s'assurer qu'on comprenne bien votre dernier paragraphe. Il y a une échelle salariale. Le salaire minimum n'est pas nécessairement le salaire maximum, là. Ça aussi, on se comprend bien?

M. Alleruzzo (John): Oui.

M. Kieffer: Il y a donc une progression et, selon le secteur, puis vous l'avez très bien dit, dans les secteurs hautement syndiqués comme le vêtement pour hommes, le salaire d'entrée n'est pas nécessairement 7,10 $. Il y a effectivement une échelle, ce qui fait que le salaire moyen de l'industrie est 9,72. C'est bien ça?

M. Alleruzzo (John): C'est ça.

Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Juste en terminant, et ce n'est pas une question, c'est juste un commentaire. Moi, il y a un boss qui est venu chez nous il y a deux semaines, dans mon bureau... 300 employés dans le vêtement, je pense que c'est le vêtement pour dames. O.K.? Il m'a dit: Regarde là, je veux me faire construire une usine pour réduire mes coûts. Si je ne la fais pas construire, là, j'ai un contrat en sous-traitance qui m'arrive du Mexique puis j'envoie tout là-bas.

Je trouve ça dégueulasse, je trouve que c'est du chantage effrayant, puis je trouve qu'il ne faut pas perdre 300 jobs. Je suis poigné. Je ne le sais pas, quoi faire, hein. Je vous assure, là, mes amis du MIC vont entendre parler de moi betôt, là. Je ne le sais pas, quoi faire. Puis je le sais que c'est du chantage, mais je le sais aussi, puis je lui ai dit, hein: Tu as besoin de m'apporter ton contrat signé du Mexique, tu n'es pas pour m'arriver avec une menace de même. Il m'a dit: M. le député, la semaine prochaine, vous avez mon contrat signé du Mexique.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. le député de Groulx, j'espère que les gens du MIC auront les oreilles ouvertes parce que, aussi, on va leur mettre d'autres choses.

M. Kieffer: ...envoyer le signal, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Vous avez bien fait parce qu'on va leur parler ici.

M. Alleruzzo (John): Seulement un petit mot là, parce que, ce que vous dites... un petit mot après.

Le Président (M. Rioux): Rapidement, monsieur.

M. Alleruzzo (John): Oui, oui, c'est du chantage, c'est vrai, mais des fois, ça arrive.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Messieurs, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Merci d'avoir bravé la température pour... en tout cas, ceux qui venaient de Montréal.

Une voix: ...

M. Tranchemontagne: Je n'en doute pas. Écoutez, d'abord, j'ai quelques questions d'éclaircissement, moi aussi, que j'essaie de comprendre. Dans la première page de vos notes que vous nous avez données, vous dites que plus de la moitié des emplois dans l'industrie du vêtement se concentre au Québec. La moitié de quoi? L'Amérique du Nord? Le Canada?

M. Alleruzzo (John): On parle du Canada.

M. Tranchemontagne: Du Canada.

M. Alleruzzo (John): Du Canada, oui.

M. Tranchemontagne: O.K., la moitié du Canada. Donc, on est une industrie importante au niveau canadien. Et l'autre chose qu'on a parlé tantôt, puis je bâtis sur ce qui a été dit tantôt, que le taux de syndicalisation est faible dans l'industrie qu'on regarde, c'est-à-dire les quatre secteurs dont on parle là, dans le projet de loi n° 46, le taux de syndicalisation est faible. Comment ce taux-là se compare-t-il, par exemple, à vos concurrents, les concurrents qui sont situés à l'extérieur du Québec, ailleurs au Canada? Je ne sais pas s'il y a une province en particulier ou si c'est un peu partout à travers les autres provinces. Comment on se compare avec les autres dans les quatre mêmes secteurs dont on parle?

Le Président (M. Rioux): En Ontario, par exemple.

M. Alleruzzo (John): Vous parlez de la syndicalisation toujours?

Le Président (M. Rioux): Oui, oui, oui.

M. Tranchemontagne: Oui, oui, je parle... On a dit que, par exemple, le taux de syndicalisation dans votre industrie est faible, plus faible en tout cas que dans l'ensemble du secteur manufacturier au Québec. Maintenant, là, moi, ce que je voudrais, c'est concentrer sur vos secteurs à vous, ceux qu'on regarde dans le projet n° 46. Comment la syndicalisation se compare... votre 33 % ou 35 % dont le ministre parlait, là, comment ça se compare avec ce même type d'industrie là? Par exemple, je vais prendre nos voisins immédiats: le Nouveau-Brunswick et l'Ontario. Comment ça se compare?

M. Alleruzzo (John): O.K. Quand on parle de l'industrie du vêtement, elle se trouve majoritairement ici, au Québec. Après, c'est l'Ontario, le Manitoba et la Colombie-Britannique.

M. Tranchemontagne: Alors, disons l'Ontario.

M. Alleruzzo (John): L'Ontario, quand on compare, la syndicalisation est presque la même, encore une fois. Quand on parle de 20 % de syndicalisation dans l'industrie manufacturière, on n'est pas loin d'eux autres parce que, si vous prenez le Québec aujourd'hui, c'est quoi? 38 %, la syndicalisation. Mais la majorité là-dedans sont les employés publics et parapublics. Mais le secteur...

M. Tranchemontagne: La majorité...

M. Alleruzzo (John): C'est les syndicats publics et parapublics qui ont la majorité.

M. Vallée (Émile): C'est que le taux de syndicalisation dans le secteur public est très élevé puis c'est ce qui fait que le taux global de syndicalisation au Québec est plus élevé qu'ailleurs.

M. Tranchemontagne: O.K.

M. Vallée (Émile): O.K.? Dans le secteur manufacturier, le taux de syndicalisation au Québec se compare, grosso modo, au taux de syndicalisation qu'on retrouve en Ontario, par exemple.

M. Tranchemontagne: O.K. Mais, pour ce secteur d'industrie là...

M. Alleruzzo (John): O.K. Pour le secteur, c'est à peu près... c'est presque la même chose.

M. Tranchemontagne: C'est la même chose.

M. Alleruzzo (John): Et la raison, c'est encore une fois: le vêtement pour hommes est à 70 % syndiqué; les autres, c'est à peu près 20 %.

M. Tranchemontagne: D'accord.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Mont-Royal, continuez.

M. Tranchemontagne: Merci. Autre chose qu'on a dite tantôt, au cours de la conversation, c'est que les décrets dans les autres secteurs de l'industrie du vêtement sont disparus, ont été abolis. Ma question est ? si vous le savez ? en tout cas: Comment ces autres secteurs se tirent d'affaire depuis qu'ils sont maintenant libres de décrets et donc qui ont des syndicats, certains sont syndiqués, d'autres ne le sont pas? Comment ces autres secteurs de l'industrie du vêtement se débrouillent face à la concurrence internationale ou nationale, peu importe?

Le Président (M. Rioux): M. Alleruzzo.

M. Alleruzzo (John): Les quatre décrets qui ont été abolis ont été abolis en même temps, sauf sur le décret de l'habillement. Ça, ça couvre le vêtement, encore une fois, pour hommes, le vêtement pour femmes, enfants, le jean et la chemise. C'est surtout là-dedans.

Concernant la concurrence, moi, je vais vous dire une remarque. Le décret, ça fait depuis 67 ans que, ça, on l'a, O.K.? Et l'industrie du vêtement, particulièrement le vêtement pour hommes, avec le décret, avec une convention collective syndicale, ils ont réussi à pénétrer le marché américain depuis qu'on a eu le libre-échange, l'ALENA, O.K.? À partir de 1989, 1990, ils ont commencé à pénétrer le marché américain. Aujourd'hui, si vous regardez l'industrie du vêtement, particulièrement le vêtement pour hommes encore, il y a des usines, en général, ils font des exportations aux États-Unis de 30 % jusqu'à 100 %. Il y a des usines qui exportent aux États-Unis à 100 % et aucun problème avec la compétition. Oui, un des facteurs principaux, c'est le dollar, naturellement. Mais, aussi, il y a la qualité, la livraison et puis le design. Parce que, aujourd'hui, aujourd'hui, Montréal est devenue le centre de la mode en Amérique du Nord, on a beaucoup de designers, et le style que nous faisons à Montréal, ils sont vendus partout en Amérique du Nord. Alors, même en ayant un décret avec des normes minimales, l'industrie du vêtement a réussi à faire la compétition aux États-Unis. Naturellement, quand on parle de faire la compétition au Mexique ou à Hong-Kong, bien là on pourra jamais faire ça, jamais, parce qu'on ne peut pas comparer les salaires, les conditions de travail, etc., avec ces pays-là. Mais, dans l'Amérique du Nord, ça a bien fonctionné.

M. Tranchemontagne: D'ailleurs, si je comprends bien, vous dites qu'entre 1996 et aujourd'hui l'emploi a augmenté de 31 % dans l'industrie. Donc, c'est une industrie qui est relativement saine, en tout cas dans les conditions actuelles.

M. Alleruzzo (John): Oui, à l'exception des derniers quatre mois à cause des conditions économiques, mais...

M. Tranchemontagne: Ah! bien là je pense qu'il n'y a pas grand-chose de sain dans les derniers quatre mois.

Le Président (M. Rioux): Très bien.

M. Tranchemontagne: Alors, permettez-moi de revenir en arrière, et puis je voudrais être sûr qu'on se comprenne bien. Il y a des secteurs du vêtement qui ne sont pas sous décret, d'accord? Est-ce que l'industrie du vêtement pour hommes est sous décret? Oui.

M. Alleruzzo (John): Il l'était.

n(16 heures)n

M. Tranchemontagne: Il l'était. Il ne l'est plus maintenant.

M. Alleruzzo (John): Bien non, le décret a été aboli.

M. Tranchemontagne: Et ce que vous me dites, c'est que cette industrie-là qui n'est plus sur le décret paie de bons salaires, 75 % du monde est syndiqué, puis on réussit à compétitionner avec les Américains. La question que je vous pose, c'est: Pourquoi les quatre secteurs dont on parle ne pourraient pas également survivre très bien, compétitionner avec les Américains sans être soumis à un décret? Et je parle, encore une fois, dans le cadre du projet de loi n° 46, c'est-à-dire les quatre secteurs que l'on couvre là, le gant, etc.

Le Président (M. Rioux): M. Alleruzzo.

M. Alleruzzo (John): Le...

Le Président (M. Rioux): La question est bonne.

M. Alleruzzo (John): Oui, oui, la question est bonne. Naturellement, la raison que nous sommes ici... parce que n'oubliez pas que nous sommes ici pour représenter l'industrie, mais on représente les travailleurs et les travailleuses.

M. Tranchemontagne: Oui, ça, je comprends.

M. Alleruzzo (John): Pour nous, c'est toujours la dignité des travailleurs et puis le salaire parce que, après tout... Parce que, selon nous, ce qui va arriver, c'est que... Parce que, encore une fois, la syndicalisation est très difficile à se faire parce que, encore une fois, le vêtement pour homme, il y a des grosses usines, il y a des usines de 900 personnes, de 500 personnes, et les employeurs ont de l'argent investi là-dedans.

Mais, si on prend les autres usines, disons des usines de vêtements, des fois, ça prend 10 machines à coudre, une table pour couper, et c'est tout. C'est tout. La minute que les employés essaient de se syndiquer, bien, ils vont fermer l'usine. Ils vont fermer l'usine ici et ils l'ouvrent à une autre place.

L'autre, le chantage le pire, c'est le travail à domicile. On parle... On ne sait pas combien de milliers et de milliers de...

Le Président (M. Rioux): Le travail au noir.

M. Alleruzzo (John): ...de personnes qui travaillent à la maison. Si vous allez des fois visiter certaines communautés, là, il y a du monde qui travaillent dans les garages. Vous savez, il y a du monde dans les garages, quatre machines à coudre et ils travaillent là. Et là c'est... Parce que ces gens-là sont exploités par l'employeur, parce que leur paie, des fois, ils gagnent peut-être 2 $ de l'heure, parce que c'est pas seulement la femme qui travaille, des fois c'est le mari; quand il arrive le soir, il l'aide, les enfants, etc.

L'autre chose, c'est que, la majorité des fois, ce travail-là est fait au noir. Ça, ça veut dire que l'employeur ne paie pas d'impôts, etc. Alors, en ayant un décret... Parce que, encore une fois, on se base... parce que, comme on vient de le dire, oui, c'est vrai, il y avait seulement quatre industries qui étaient couvertes par décret; la raison, c'est parce que ces industries-là étaient syndiquées, majoritairement syndiquées. Alors, en étant syndiquées, il y a eu une entente entre syndicat et employeurs: Oui, on est d'accord, on forme un comité paritaire. On va avoir un décret. On va extensionner tout ce qu'on négocie à toute l'industrie.

En faisant ça, il y avait une stabilité dans l'industrie. Il était plus facile de négocier une convention collective parce que l'employeur savait qu'une fois qu'on avait négocié la convention collective les augmentations et tous les bénéfices, etc., étaient extensionnés à tout le reste de l'industrie. Alors, ça devenait plus facile à négocier.

Je vous donne un exemple. Le décret a été aboli en juin 2000. Nous avions négocié une convention collective au mois de décembre 1998. Les employeurs avaient déjà pris position en disant qu'ils ne voulaient avoir aucun minimum dans la convention collective parce que la convention collective, elle se référait toujours au décret concernant le minimum. Ça a pris trois semaines de lock-out, trois semaines de lock-out afin de réussir à avoir ces minimums dans la convention collective. La raison que l'employeur disait: Bien écoutez, le décret est parti, le décret n'est plus là, les usines non syndiquées, on va faire de la compétition, etc.

Alors, selon moi, en ayant un décret, il va y avoir une certaine stabilité dans l'industrie. Les travailleurs, ils peuvent travailler avec une certaine dignité. Les salaires, bien qu'ils soient toujours des salaires bas si on compare avec la moyenne de l'industrie manufacturière, mais, au moins, c'est des salaires. Et, quand on parle d'un salaire de 9,50 $ de l'heure, ce n'est pas beaucoup, mais, au moins, c'est quelque chose que l'employé pourra vivre.

Le Président (M. Rioux): Merci, monsieur. Je vais aller au député de Maskinongé. Après ça, je reviendrai à vous, M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: O.K. Parfait.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: O.K. Merci, M. le Président. J'aimerais vous réentendre sur le travail au noir. Est-ce qu'il est encore aussi effarant que voilà quelques années? Est-ce qu'il y en a encore autant? Est-ce qu'il est en propulsion vers le haut ou il y a une certaine régression?

Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'il est plus raffiné aujourd'hui qu'hier?

M. Ciampanelli (Tino): M. le Président, dans l'industrie du vêtement pour dames, il y en a de plus en plus. Je pense que les statistiques de Revenu Québec dans l'industrie du vêtement... On a eu une conférence de presse, ça ne fait pas longtemps, où est-ce qu'on a déterminé des nouvelles normes fiscales, et, déjà, leur rapport démontre que, déjà, il y a au moins 13 000 travailleurs et travailleuses à domicile au Québec où est-ce que moi, j'ai toujours déclaré qu'il y en a au moins 30 000 qu'on ne voit pas. C'est beaucoup dans l'industrie du vêtement pour dames. Il y a beaucoup de sous-traitance. C'est des sous-traitances, sous-traitances. Quand on parle, c'est là que... elles sont complètement déguisées. C'est là qu'on ne voit pas ces gens-là. Mais, comme vous demandez, oui, il y en a beaucoup plus qu'il y en avait auparavant.

À Montréal, si on regarde, quand on parle des ateliers de misère, on arrive à ça. Si on regarde les ateliers, ce sont tous des petits ateliers de cinq personnes, mais on regarde leur chiffre d'affaires, combien de vêtements qu'ils cousent, si tu regardes une personne qui fait de la sous-traitance, qui a cinq à 10 employés dans la place, qui fait du vêtement pour 50 à 60 personnes, où est-ce qu'il est fait, le vêtement? C'est facile de savoir où est-ce qu'il est fait. Il est fait à domicile, il est fait avec des travailleuses à domicile sans les déclarer, où est-ce que la TVQ... le ministère du Revenu sont après eux autres présentement.

Moi, je me rappelle, en 1997, on avait fait une déclaration au Sommet économique, à M. Bouchard, qu'on avait 30 000 travailleuses à domicile. Il est arrivé qu'elles étaient moins. En même temps, j'avais dit complètement qu'on avait... La FTQ, je pense, la présentation qu'elle a faite, on perdait 200 millions de revenus de taxes. M. Landry, il avait dit 150 millions. Aujourd'hui, on s'est rendu compte qu'on arrive à 600 millions de pertes de revenus dans l'industrie du vêtement.

Le Président (M. Rioux): Est-ce que vous seriez prêt à collaborer avec l'État? M. le député de Maskinongé...

M. Ciampanelli (Tino): On le fait déjà.

Le Président (M. Rioux): ...je vais revenir à vous. Je m'excuse, là. Est-ce que vous seriez prêt à collaborer avec l'État, comme le font les syndicats de l'industrie de la construction, pour lutter contre le travail au noir? À peu près un scénario comme celui qui existe dans l'industrie de la construction, qui donne d'excellents résultats, soit dit en passant.

M. Ciampanelli (Tino): Certainement, on le fait déjà avec le ministère du Revenu, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Sur une base organisée et systématique?

M. Ciampanelli (Tino): Bien, on a eu, la dernière fois où est-ce que les nouvelles normes fiscales ont été mises en place... On parle de mois d'attente. On travaille très proche avec les autres, avec toutes les statistiques, on a utilisé les informations nécessaires pour voir qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer ces conditions.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui, merci. Ça complète pas mal ce bout-là. Un dernier petit point avant de... Tantôt, vous nous aviez parlé du salaire minimum qui passe de 7 $ à 11,85 $ en 33 mois. Trente-trois mois, c'est un petit moins de trois ans, là, comme Robert nous dit. Mais, mets trois ans. En trois ans, c'est quand même vite, passer, quand même, de 7 $ à 12 $ ou à 11,85 $. Dans le sens que ce que je veux dire: Après quelques années, il n'y a plus grand monde au salaire minimum. C'est pour ça que je reviens encore avec le texte de votre déclaration, tantôt, là. J'ai de la misère à comprendre que c'est un salaire maximum, le salaire.

Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'il y aurait moyen de mettre ça au clair, là, cet aspect-là?

M. Vallée (Émile): Oui. Bon, ce qui se passe, c'est qu'il y a des classes, il y a différentes classifications d'emplois, O.K.? Il n'y a pas un taux dans l'industrie, il n'y a pas un taux dans le secteur, il y a différents types d'emplois. Évidemment, dans ce secteur-là comme dans les autres, il y a des emplois qui sont plus spécialisés que d'autres. Alors, ces emplois-là évidemment recueillent, vont chercher des salaires plus élevés. Alors, quand M. Alleruzzo parle d'un taux de 11,95 $ qui est en vigueur, là, dans le décret à partir du 1er juillet 2000, c'est le taux maximum de la classification A dans ce cas-là. Alors, ce qu'il dit, c'est que, pour arriver au taux de 11,95 pour le travailleur spécialisé... C'est un coupeur, ça, j'ai l'impression?

n(16 h 10)n

Une voix: Oui.

M. Vallée (Émile): O.K. Bon. Le coupeur, ça prend 33 mois pour se rendre là, pour le coupeur. Les gens qui travaillent, par exemple, sur les machines à coudre, O.K., ils ne gagnent jamais 11,85. Ce n'est pas le taux de la tâche. O.K.? Le taux de la tâche, John?

M. Alleruzzo (John): 8,40.

M. Vallée (Émile): C'est 8,40. Alors, ces personnes-là, la plupart des gens qui entrent dans le secteur, en partant, ils gagnent le salaire minimum pendant une période de temps et puis, après ça, ils montent graduellement jusqu'à temps qu'ils atteignent le taux de leur classe. O.K.? Alors, pour... On mentionnait les opératrices de machines; elles, ça leur prend jusqu'à 24 mois pour se rendre à 8,40.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de... Beauce-Nord ou Beauce-Sud?

M. Poulin: Beauce-Nord.

Le Président (M. Rioux): Beauce-Nord.

M. Poulin: Merci, M. le Président. Vous me faites part qu'il y a une augmentation de l'emploi de 31 %. Vous avez 65 380 emplois dans le secteur. Vous avez dit tout à l'heure aussi que, depuis quatre mois, il y a eu quand même une diminution des emplois dû à la récession.

Moi, j'aimerais savoir si c'est totalement dû à la récession ou il y a plusieurs de vos entreprises qui ont fermé dans le secteur. On parle d'une augmentation quand même assez considérable quand on parle de 31 %. Est-ce que c'est des groupes qui ont grandi, c'est-à-dire des entreprises qui ont passé de 500 à 1 000 emplois? Est-ce qu'il y a autant d'entreprises? Je sais, moi, que, chez nous, il y avait quelques entreprises dans le vêtement qui ont dû fermer leurs portes face à la concurrence, face à la pression peut-être qu'elles avaient de l'extérieur, ou peu importe. Est-ce que ça veut dire que le gain que vous faites, vous le faites sur des grandes entités ou le nombre d'entreprises demeure quand même sensiblement le même depuis ces années-ci?

Et les statistiques sont de 1998. Est-ce qu'on peut penser qu'on a atteint un niveau quand même assez plafonné ou il y a quand même beaucoup de potentiel pour pouvoir augmenter le nombre d'emplois dans les années à venir, ne considérant pas peut-être qu'il se fait du travail au noir? Mais le potentiel est-il là pour développer dans ce secteur-là au cours des années futures?

Le Président (M. Rioux): M. Alleruzzo.

M. Alleruzzo (John): Écoutez, moi, je pense que... Oui, c'est vrai, il y a eu une croissance, mais ce n'est pas nécessairement avec de nouvelles usines. Ça a été une croissance à l'intérieur des usines.

M. Poulin: ...

M. Alleruzzo (John): C'est ça. Par exemple, si on prend une usine qui s'appelle Golden Brand. Le Golden Brand font des habits pour les magasins Moores. Je pense que vous l'avez vu partout. Alors, la compagnie Golden Brand a commencé avec 300 employés. Aujourd'hui, à Golden Brand, il y en a 150, employés, qui travaillent là. Alors, c'est ça, ça a été une croissance des usines.

L'autre chose, moi, je pense que... oui, je pense qu'on est arrivés à un plafond parce que, moi, je pense qu'il y aura encore de la croissance, plus de croissance. La question, depuis quatre mois, ce n'est pas nécessairement qu'il y ait eu des fermetures d'usines, c'est seulement qu'il y a eu des mises à pied, simplement parce que les ventes... Il n'y a pas de ventes comme auparavant. Alors, il n'y a pas de commandes et il y a des mises à pied. Et aussi, dans certaines usines, il y a le travail partagé. Mais ce qui arrive maintenant, principalement, ce sont des mises à pied.

M. Poulin: Est-ce qu'il y a autant d'entreprises dans ce domaine-là qu'il y a cinq ans ou est-ce qu'il y a un déplacement d'entreprises? Il y avait plusieurs de ces entreprises-là qu'on retrouvait dans nos régions. On en retrouve de moins en moins. Est-ce qu'elles sont plus concentrées dans des milieux urbains? Il me semble qu'il y a eu un déplacement de l'emploi dans le secteur.

M. Alleruzzo (John): C'est sûr et certain. Moi, je n'ai pas les montants avec moi, là, mais c'est... Pendant les dernières 10 années, oui, il y a eu des fermetures. Parce que ce qui est arrivé, particulièrement au Québec, l'industrie du vêtement a été décimée dans les années 1981 et 1982. Il y a eu une décimation de l'industrie du vêtement. Ça a été aussi... On a eu une ? comment ça s'appelle, là ? une récession. L'autre récession qu'on a eue, ça a été en 1982 et, même là, on a perdu des usines.

Mais, depuis 1982, la dernière récession qu'on a eue, il y a eu une croissance, mais, encore une fois, une croissance d'employés, une croissance à l'interne des usines. Bien, naturellement, si on compare aujourd'hui avec, moi, je dirais, depuis 10 ans, oui, il y a moins d'usines, sans aucun doute, parce que ce qui est arrivé, c'est que, particulièrement dans l'industrie du vêtement, auparavant, il y avait beaucoup de ce qu'on appelle «des contracteurs». Ces contracteurs-là sont presque disparus, parce que ça a été la manufacture, les manufacturiers qui donnaient de l'ouvrage aux contracteurs et, maintenant, c'est le manufacturier lui-même qui fait son ouvrage.

Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. J'ai peut-être une dernière série de questions. Tantôt, dans nos remarques préliminaires ? malheureusement, vous n'étiez pas arrivé ? mais ce qu'on parlait, c'est de la difficulté, dans le fond, entre balancer le salaire des gens de l'industrie du vêtement mais aussi la compétitivité de cette industrie-là. Parce que ce n'est pas tout d'avoir des bons salaires, il faut aussi que les industries ne ferment pas, non plus, pour créer de l'emploi au Québec.

Et, devant ça, le ministre, je pense, s'est adressé à la Commission des normes du travail qui a fait des recommandations. Puis, je parle strictement au niveau du salaire, là, les recommandations qu'ils ont faites... Je ne peux pas faire autrement que de noter qu'ils ont donné trois options au ministre. Et, parmi les trois options, ils ont tendance à avoir... aller vers la proposition patronale. Je ne dis pas qu'ils sont aussi bas que les propositions patronales, mais c'était, si ma mémoire me sert bien, entre 7,10 $ et 7,50 $ de l'heure par rapport à vos demandes à vous autres ou votre proposition qui était de 8,50 $, si ma mémoire est bonne.

Alors, est-ce que, là, on ne peut pas noter... Parce que la Commission des normes du travail, c'est quand même un organisme qui est relativement neutre, qui n'est pas impliqué ni du côté patronal ni du côté syndical dans cette industrie du vêtement. Est-ce que, si je lis entre les lignes, la proposition de la Commission des normes du travail, est-ce que, justement, ils ne sont pas en train de nous dire: Bien, il faut faire attention pour faire une espèce d'équilibre entre créer de l'emploi ? ou maintenir de l'emploi, devrais-je dire ? et offrir des salaires qui sont respectables et décents pour les gens qui travaillent dans cette industrie-là?

Et je vous demanderais, peut-être comme dernière question, pour conclure tout ça: Est-ce qu'il y a vraiment eu des négociations pendant les 18 mois que... Parce que le gouvernement du Parti québécois, en 2000 ? si ma mémoire est bonne, je ne me souviens pas de la date précise, là ? mais a décidé qu'on allait enlever le décret de ces quatre secteurs de l'industrie du vêtement. Il y a eu 18 mois qui se sont écoulés ou bientôt 18 mois. Est-ce qu'il y a vraiment eu des négociations? C'est les questions que je voudrais vous poser.

Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'on pourrait avoir une réponse claire?

M. Vallée (Émile): Oui, bien, si on veut être sûr là...

Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'il y a eu négociation de bonne foi?

M. Vallée (Émile): Pour répondre à la dernière pour commencer, là...

M. Tranchemontagne: O.K.

M. Vallée (Émile): ...en pratique, ça a été une espèce de dialogue de sourds là. O.K.? On s'est réuni à la demande de la Commission, avec M. Boily, avec les gens du ministère. On s'est rencontré, mais, effectivement, ce qu'on a fait, c'est qu'on s'est présenté nos positions puis on est resté là-dessus, c'est clair. On n'a presque pas bougé, ni d'un bord ou de l'autre, les employeurs voulant, préférant un système qui se rapproche des normes générales des normes du travail et puis, nous, on voulait avoir des conditions qui se rapprochent des décrets, des conditions qui existent actuellement. Alors, il n'y a pas eu vraiment de négociation dans ce sens-là.

J'aimerais juste ajouter quelque chose, là. C'est une industrie, ça, comme d'autres, puis peut-être plus que certaines autres industries, qui est énormément sujette à des fluctuations, fluctuations de l'économie, que ce soit... Comme d'autres, c'est une industrie qui monte puis qui descend. Bon. Il y a plusieurs entreprises qui arrivent, il y en a d'autres qui meurent. Bon. C'est le jeu jusqu'à un certain point normal du système économique dans lequel on vit.

Mais, si on regarde comme il faut, là, pendant les 65 ans, ou à peu près, que le système de décrets a existé au Québec, qui en faisait dans le fond l'industrie la plus réglementée au Canada, l'industrie québécoise du vêtement, les quatre secteurs dont on parle, là, O.K., a toujours été une industrie qui était en meilleure position que tout le reste du Canada. En dépit des décrets, l'industrie a été prédominante au Québec par rapport au reste du Canada puis extrêmement compétitive sur le marché nord-américain.

n(16 h 20)n

Alors, écoutez, comme on le mentionnait tantôt, si on nous demande de comparer nos salaires avec ceux du Mexique ou les pays en voie de développement, c'est bien de valeur, là, on ne sera pas compétitif là, dans le secteur où, tu sais, la main-d'oeuvre, le coût de la main-d'oeuvre est extrêmement important. On ne sera jamais compétitif. On ne baissera pas à 2 $ par jour, là. On ne le verra pas, ça, ici, là. Mais, dans une... Si l'industrie... Puis on le voit dans le secteur pour hommes notamment où la technologie, l'innovation comptent, bien, c'est un secteur, quand même, qui a su tirer, là, son épingle du jeu et puis bien se développer.

Des compagnies, là, M. Alleruzzo en a mentionné tout à l'heure. Une compagnie comme Peerless, par exemple, qui est partie d'à peu près 4 ou 500 employés voilà une quinzaine d'années, qui est maintenant rendue à à peu près 2 200 ou 2 400 employés et puis qui exporte presque toute sa production aux États-Unis, mais ça s'est fait, ça, sous un régime de décret de convention collective, en dépit de la déréglementation.

Le Président (M. Rioux): Alors, il y a de la nostalgie dans l'air quand on écoute vos propos.

Alors, messieurs, merci beaucoup. Merci d'être venus nous rencontrer. Je pense que votre discours est assez clair. Et on va vous permettre de retourner, en espérant dans des conditions convenables. On va vous souhaiter bonne chance sur la route. Alors, merci infiniment.

Alors, on va suspendre quelques minutes, parce que l'autre groupe est en route puis il va être ici très bientôt.

(Suspension de la séance à 16 h 21)

 

(Reprise à 17 h 32)

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Lapierre, est-ce que Mme Grinberg sera avec vous bientôt?

M. Lapierre (Claude): Je l'attends d'une minute à l'autre.

Le Président (M. Rioux): Bien.

M. Lapierre (Claude): Elle est en train de naviguer pour un stationnement.

Le Président (M. Rioux): Ah! Ayoye!

M. Lapierre (Claude): ...

Le Président (M. Rioux): C'est vous qui allez présenter de toute façon le document?

M. Lapierre (Claude): Oui.

Le Président (M. Rioux): Alors, prenez place. On va commencer.

Je vais demander aux collègues, dès le départ, la permission de déborder 18 heures pour qu'on puisse entendre l'Institut des manufacturiers correctement et permettre aussi aux députés d'avoir tout le droit de parole qui est prévu en pareilles circonstances.

Alors, M. Lapierre, on vous souhaite la bienvenue.

M. Lapierre (Claude): Merci.

Le Président (M. Rioux): On est très heureux de vous accueillir. Et vous avez 20 minutes pour nous présenter votre position. Et, ensuite, on échangera avec les députés pendant 40 minutes.

C'est Mme Grinberg qui ne trouve pas de stationnement. Alors, on vous écoute, M. Lapierre.

Institut des manufacturiers
du vêtement du Québec (IMVQ)

M. Lapierre (Claude): Oui. Alors, je vous remercie, à vous tous, de prendre du temps supplémentaire et, soyez assuré que, pour nous autres aussi, ce fut du temps supplémentaire de faire un petit peu le trajet. Mais, tout de même.

L'Institut des manufacturiers du vêtement du Québec, premièrement, remercie la commission de l'économie et du travail de lui donner la possibilité de faire valoir son point de vue sur le projet de loi cité en rubrique.

Comme on l'avait déjà indiqué en septembre 1999, lors des débats entourant l'adoption de la Loi concernant les conditions de travail dans certains secteurs de l'industrie du vêtement, l'objectif que nous poursuivons consiste à faire réintégrer l'ensemble des industries du vêtement dans le cadre normal des relations de travail du Québec. C'est un objectif qu'on poursuit depuis de nombreuses années. C'est un objectif qui a évolué avec le temps. Peut-être que, en 1960, il ne s'adressait pas totalement; peut-être qu'en 1980 il s'adressait un peu plus et, en 1990, davantage, pour arriver aujourd'hui où est-ce qu'on croit que le temps est vraiment venu de réintégrer l'ensemble de l'industrie du vêtement sous une même juridiction.

Dans ce contexte, on estime contraire à l'intention de la dernière loi qui a prévu l'abolition des décrets dans l'industrie du vêtement... Nous estimons que cette loi, actuellement qui est présentée, vise à transformer des règles autrefois édictées par les décrets en normes sectorielles permanentes inscrites dans les normes de travail.

Par ailleurs, on doit garder à l'esprit qu'à prime abord l'imposition de toute norme minimale de travail différente des règles générales aux secteurs couverts par les anciens décrets du vêtement va donner lieu à des situations conflictuelles difficiles à gérer lorsqu'un employeur voudra produire dans la même usine des vêtements d'une part assujettis et, d'autre part, non assujettis. Ces règles distinctes auront aussi pour effet de maintenir des conditions minimales de travail différentes sur le simple principe que quelqu'un produit, par exemple, un pantalon pour hommes plutôt qu'un sous-vêtement pour hommes. Elles constituent également un frein important à l'investissement pour les productions, même si la logique économique le dictait.

Aussi, nous aimerions maintenant montrer fermement notre opposition à la logique de maintenir, après le 31 décembre 2001, des normes de travail minimales différentes selon le produit fabriqué. Cependant, dans le contexte du processus de consultation dans lequel nous nous sommes engagés, nous souhaitons maintenant vous faire part de notre souci concernant certains éléments spécifiques du projet de loi.

Le Règlement sur les taux de cotisation approuvé par le gouvernement en vertu du décret 680-2000 et entré en vigueur le 1er juillet 2000. Le gouvernement avait imposé à l'industrie, en juillet 2000, un taux de cotisation supplémentaire de 0,12 % pour la période de transition. La raison invoquée alors était qu'il incombait aux employeurs concernés de financer les coûts administratifs découlant de l'intégration de certains secteurs de l'industrie du vêtement à la juridiction de la Commission des normes du travail. Il était bien clair, cependant, qu'il s'agissait d'une mesure temporaire de 18 mois. L'intégration est maintenant terminée et rien ne justifie le maintien de cette cotisation supplémentaire à l'endroit d'un certain secteur de l'industrie du vêtement comparativement à d'autres secteurs qui sont sur le 0,8, 0,08, pardon.

La Commission des normes du travail nous avait d'ailleurs clairement indiqué que, le 1er janvier 2002, cette cotisation supplémentaire cesserait d'être perçue. Le projet de loi n° 46, à notre avis, devrait être amendé afin de retirer cette cotisation supplémentaire.

Dans les points en litige aussi, il est question des congés annuels payés ? le chapitre V du Règlement sur des conditions minimales de travail dans certains secteurs de l'industrie du vêtement. Son application dans le secteur du jean spécialement... En vertu dudit règlement, le secteur du jean se trouve à payer une indemnité de congé annuel supérieure de 2 % à ce qu'elle était en vigueur sous les décrets. C'est donc dire qu'après l'abolition des décrets ils doivent verser un montant supérieur comparativement aux normes du décret.

n(17 h 40)n

Il s'agit d'une erreur survenue lors de la rédaction de ce Règlement et, étant donné le caractère temporaire ? 18 mois ? de cette mesure, le secteur du jean avait accepté, non sans de nombreuses consultations, de s'y plier. Mais continuer d'appliquer cette mesure pendant encore 30 mois devient inacceptable, et je vous ferai part pourquoi, tantôt, ça devient inacceptable, quelles sont les raisons qui nous ont amené, vis-à-vis de tous ces détails-là, à l'intérieur de la loi n° 46 et de l'abrogation des décrets, de la fin de... J'aurai des éléments économiques sur lesquels... quitte à raccourcir cette présentation-là pour insister davantage sur les éléments économiques.

Les jours fériés, chômés et payés en vertu dudit règlement. Le secteur jean se trouve encore à payer une journée fériée de plus que ce qui était en vigueur auparavant. Bon, même chose qu'au préalable.

Négociations sectorielles. Il faut garder à l'esprit que l'ancien régime des décrets constituait l'extension d'une convention collective et de conditions de travail négociées ? et je dis bien «négociées» ? pour lesquelles des compromis étaient faits de part et d'autre et qui tenaient compte, bien entendu, de la situation économique qui prévalait alors. Or, nous sommes maintenant engagés dans une démarche d'établissement de normes minimales ayant un caractère obligatoire et imposé. Ce n'est plus une négociation et ça va servir de base. Je n'ai pas eu connaissance dans ma vie, au Québec, d'une telle situation.

Alors, cela nous amène à vous indiquer que, passer à une dynamique de négociations sectorielles, comme le suggère le premier article du projet de loi n° 46, est une approche contraire à toute l'économie générale du droit du travail au Québec. L'industrie est fermement, fermement opposée et ne voudra pas négocier sur une base sectorielle. Au surplus, cela va également à l'encontre du processus de déréglementation que le gouvernement a entamé lui-même, en 1998, à la suite des recommandations d'un Groupe conseil sur l'allégement réglementaire, lequel rapport recommandait l'élimination aussi des décrets dans l'industrie du vêtement.

Il n'est pas inutile, maintenant, de se rappeler que la proportion des établissements à production assujettie à des règles spéciales est estimée à 42,8 %. Ça veut donc dire que vous avez 57,2 % de l'industrie qui n'est pas assujettie à ça. Alors, on ne parle pas, là, d'appliquer ça à l'ensemble de l'industrie, on parle à 42,8. Et, dans le 42,8, on ne parle pas de ceux qui sont déjà sous convention collective, c'est réglé. Alors, on parle d'une extension sur une base de deux ans et demi pour un secteur minimal de l'industrie, alors qu'on a l'exemple du 52 % de l'industrie qui fonctionne très bien, qui est en avant des autres secteurs qui sont pourtant aussi réglementés et dont les salaires se comparent aussi au secteur qui est réglementé.

Alors, économiquement, il y a énormément de raisons pour revenir à une seule industrie sous l'égide de la Loi des normes. On peut se poser la question: En vertu de quelle logique, en vertu de quoi veut-on réclamer et réglementer, de façon aussi détaillée, les conditions minimales de travail s'appliquant à un quart des salariés de production? D'autant plus qu'à la suite du ralentissement économique qui va... Bon. On ne jouera pas sur tous les mots. Le ralentissement... Et là on sait que le printemps 2002 s'avère difficile, mais ce n'est pas la première fois qu'on fait face à des crises. L'industrie est encore capable de faire face aux crises économiques auxquelles elle est assujettie purement par les états de situation, et on va faire de nos pieds... L'industrie travaille d'arrache-pied en investissant de différentes façons pour pallier à tous ces manques à gagner là à la suite de la situation économique.

Ce qui prime dans tout ça ? je veux ouvrir la parenthèse immédiatement parce qu'elle est trop importante; je trouve qu'elle est plus importante que tout ce reste-là ? on a un seul objectif commun entre les syndicats, les gouvernements, et tout ça, et c'est de protéger les emplois. Et, si ce n'était pas des emplois, je ne me serais même pas présenté aujourd'hui, je vous aurais demandé de prendre le rapport par écrit ou quoi que ce soit, parce que ce ne sont pas les industriels qui sont en cause; ceux qui sont en cause, ce sont les milliers d'employés dans nos usines.

Et, après l'abolition des décrets, lors de la transition, on avait eu beaucoup d'estimations, auparavant, à dire que... Bonjour, vous avez trouvé, je suis content pour vous, je m'excuse... On avait eu beaucoup de craintes à savoir: qu'est-ce qui va arriver, ça va être... les salaires vont chuter, tout ça. L'industrie du vêtement s'est comportée en très bon citoyen corporatif. Il n'y a pas eu de... Toutes ces craintes-là qu'on avait, on n'a pas eu des baisses de salaire d'un bout à l'autre, il n'y a pas eu des congédiements d'un bout à l'autre, il n'y a pas eu une quantité énorme d'industriels qui ont fait une nouvelle incorporation pour transférer ça, parce qu'il y avait une petite faille dans la loi que, si on changeait l'incorporation, on n'était pas assujetti, et tout ça. On s'est conduits en bons citoyens corporatifs.

Mais cependant, quand mes ouvrières et ouvriers viennent me voir et qu'ils s'aperçoivent, qu'ils sont bien au courant que, sur 12 systèmes modulaires, il y en a sept seulement en opération comparativement à l'an passé, les 12... Pourquoi? Monsieur, qu'est-ce qui va arriver à nos emplois? Ils ne viennent pas me demander une semaine de 39 heures, ils ne viennent pas me demander la période du lunch, ils ne viennent pas me demander des congés parentaux, ils veulent avoir leurs jobs.

Et, si je ne leur donne pas leurs jobs, vous allez avoir la job, le gouvernement va avoir ? excusez ? le gouvernement va avoir la job de les payer puis de les garder. Parce que je vous souhaite bonne chance dans le... Je lui souhaite bonne chance dans le recyclage. Ce ne sont pas tous... On est conscients de ce qu'on est, on est conscients que beaucoup de notre personnel n'ont peut-être pas... Ils ont beaucoup d'expérience, ils sont avec nous autres, ils en retirent un revenu, mais ils n'ont peut-être pas toute la formation requise pour, aujourd'hui, s'adresser dans le contexte économique actuel...

En plus de ça, vous savez probablement tous que les quotas... On est rendus à 50 % et plus qui sont abolis actuellement et puis, par l'an 2005, tous les quotas sont disparus.

Une voix: D'importation.

M. Lapierre (Claude): Des quotas d'importation. Alors, ça veut dire que le pourcentage d'importation va augmenter. Ça veut aussi dire... On sait que... On a tous vu dernièrement que, à l'OMC, la Chine a fait son entrée. Que c'est que ça implique pour un manufacturier? On ne prendra pas juste des géants, là. En moyenne, ceux qui créent vraiment les emplois, les manufacturiers qui ont de 50 à 500 employés... On va laisser de côté ceux qui ont des 2 500, qui, souvent, c'est une loi bien spécifique qui va les aider puis va leur nuire. On va prendre l'ensemble pour vraiment... ce qui affecte les travailleurs, la majorité des travailleurs.

Si la Chine réduit de 1 $ FOB U.S. un vêtement chez nous, ça réduit mon prix de détail par 8 $, le prix qu'il va se détailler au magasin. J'ai fait l'expérience, parce que j'ai le plaisir et le bonheur, dans l'industrie du vêtement, où est-ce que j'ai passé ma vie... Je suis aussi détaillant. On a 25 magasins. J'ai fait le test. Et j'ai les chiffres ici que j'ai apportés. J'ai fait le test. À 8 $ de moins, il sort sept fois plus de vêtements dans le magasin. Alors, quand je m'en viens avec une réglementation qui va affecter non pas ma compétition québécoise ou canadienne... Si je m'en viens avec une réglementation qui va augmenter le moindrement le prix, alors que ma compétition est la Chine, les Indes et la Malaisie, la Turquie ? le Brésil un peu moins parce que leurs prix, ils ont... les pays qui expérimentent une augmentation du coût de la vie deviennent moins menaçants ? mais alors, tous ces autres pays-là, sans oublier le Pakistan qui sont en train de négocier pour les rentrer sans tarifs douaniers, écoutez, là, j'ai une sérieuse de bataille à faire!

Bon, alors, si on prend ça, ça veut dire que le taux de fabrication locale est menacé. Alors, on ne devrait pas discuter actuellement du fait de... J'ai encore du temps? Non?

Le Président (M. Rioux): Oui, oui, oui, c'est moi qui règle ça, monsieur. Quand il vous arrive... vos 20 minutes de passées, je vais vous le dire.

n(17 h 50)n

M. Lapierre (Claude): Je vous remercie, parce que, d'une oreille, j'avais compris... Je m'excuse, M. le Président.

Alors, si on pense à conserver des emplois, ce n'est pas les 10 minutes de break puis ce n'est pas le congé parental, tout ça... Notre industrie est capable, vraiment, de s'autodiscipliner, et on vient de le prouver, parce que, n'oubliez pas, ça fait à peu près six ans qu'on a fait la première offre de partenariat. Et, depuis ce temps-là, on s'est engagé à créer des emplois. On l'a fait, on a fait des propositions de rajouter un congé de plus. Autrement dit, on n'a pas demandé, les deux, trois marches qui nous séparent de la Loi des normes, on n'a pas demandé d'enlever ça puis de tout basculer immédiatement. On a proposé un salaire plus élevé pour cette période-là; on a proposé un congé payé de plus; on a proposé la semaine de 40 heures; on a proposé tout ce qui n'affectait pas trop notre personnel.

Une voix: Les vacances aussi.

M. Lapierre (Claude): Les vacances aussi qu'on... Bon. Les vacances, c'était le plus difficile à réglementer puis à décider, parce qu'il n'y a pas un secteur qui était pareil. À un moment donné, quand tu veux uniformiser, s'il n'y a aucun secteur qui est pareil à l'autre, c'est évident qu'il faut prendre des décisions.

Alors, on a tout fait ça, on a tout respecté ça. C'est un peu ? un peu ou beaucoup ? un désappointement pour nous de revenir aujourd'hui et de regarder les projets de loi qui peuvent dire... vouloir parler de négociations sectorielles, qui peuvent vouloir parler d'un nouveau comité sectoriel. On en a bâti un pendant quatre ans, avec zéro résultat. On s'est assis à table quatre ans avec les syndicats. Ils n'ont jamais voulu discuter, à la table sectorielle, de l'abolition des décrets. Alors, on le fait de commission parlementaire en commission parlementaire; on le fait en indiquant...

Mais il est important, il est important de tenir en mémoire: Les industriels ne sont pas dans le trouble, c'est les emplois qui sont dans le trouble. On est des donneurs de contrats de travail. Ça a complètement évolué. Donner le contrat de travail en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Chine, il n'y a pas de différence. Alors, imaginez tous nos contracteurs. J'ai vu sur l'agenda qu'ils vont venir témoigner, j'espère qu'ils vont vous en parler. Ils ont besoin des contrats de travail, ces gens-là.

Alors, je pense que j'ai donné mon message le plus clairement possible. Je vous remercie et je tiens à m'excuser sincèrement si Dame Nature nous a causé quelques soucis.

Le Président (M. Rioux): Mais c'est merveilleux, tout ça! On a récupéré maintenant Mme Grinberg.

Mme Grinberg (Agar): Oui.

Le Président (M. Rioux): Vous avez réussi à trouver un stationnement.

Mme Grinberg (Agar): Après une demi-heure de faire le tour, j'ai trouvé.

Le Président (M. Rioux): Bien. Alors, vous êtes la bienvenue.

Mme Grinberg (Agar): Merci.

Le Président (M. Rioux): Oui, M. Lapierre, c'est clair. Vous nous avez dit clairement ce que vous aviez à nous dire. Mais, préparez-vous, les questions vont être claires aussi, parce qu'on a vu la partie syndicale avant vous, et...

M. Lapierre (Claude): Oui. Malheureusement, je voulais être ici, mais...

Le Président (M. Rioux): Vous auriez entendu des choses édifiantes à votre endroit.

M. Lapierre (Claude): Merci.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. le ministre.

M. Rochon: Madame ne parle pas? Non? O.K.

Le Président (M. Rioux): Mme Grinberg... Bien, leur 20 minutes est passé.

M. Rochon: O.K. Bon. Alors, merci beaucoup, M. Lapierre et Mme Grinberg. On apprécie vraiment beaucoup que vous ayez réussi à surmonter les intempéries pour vous rendre jusqu'ici, et on va s'assurer, là, que, ayant fait l'effort, on utilise au maximum le temps que vous nous donnez. Puis je vous remercie beaucoup pour la collaboration que vous nous avez assurée au cours de la dernière année, lors de rencontres antérieures pour essayer de clarifier le plus possible, là, comment on peut procéder correctement dans ce domaine-là.

Moi, je voudrais d'abord, là, bien rappeler, là, ce que j'ai dit dans mes notes, mes observations préliminaires au début de cette session de notre commission, pendant que vous luttiez pour vous rendre jusqu'à nous: qu'on est très conscient, comme gouvernement, en préparant ce projet de loi, bien sûr, des conditions de travail des travailleurs et des travailleuses surtout dans le domaine de l'industrie du vêtement, mais qu'on est aussi très conscient et très soucieux de la situation de l'entreprise et de la nécessité de cette entreprise au Québec de demeurer compétitive. Et, comme tous les différents secteurs d'entreprises, on connaît bien les conditions, là, et les exigences auxquelles vous devez faire face dans le cadre de la compétition internationale. Et c'est pour ça qu'on veut aussi travailler cette question-là, maintenant et pour l'avenir devant nous, des quelques années devant nous, en regardant puis en tenant compte de toutes les facettes et qu'on le fasse sur une base gouvernementale, donc en travaillant de près avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, que tous les aspects, là, soient considérés puis intégrés le mieux possible. Ça, je veux le rappeler parce qu'on ne vous voit pas de façon négative ou adversaire. On n'essaie pas de vous coincer à nulle part. On est conscient qu'il y a des intérêts différents à concilier et qu'on a une espèce de rôle d'arbitrage à faire.

Deuxièmement, je pense qu'il faut dire qu'il existe un peu, dans la situation qu'on a actuellement, ce que j'ai été amené à appeler une espèce d'ambiguïté ou de malentendu historique. Lorsque la loi a été passée, en juin 2000, pour abolir les décrets et choisir, édicter des normes transitoires, sur une période de 18 mois, l'horizon de ça, après 18 mois, vous l'avez perçu, et vous venez de nous le redire, que c'était pour s'en aller sur les normes générales du travail... Alors qu'il y a eu une autre façon de voir et de concevoir ce qu'on faisait à ce moment-là, qui était de s'en aller sur une plus grande simplification, bien sûr, de ce qu'était le régime des décrets, mais qu'on était dans une situation où on devait ? et ça, c'était la façon dont ça a été vu du côté gouvernemental ? maintenir des normes spécifiques, un certain nombre de normes spécifiques, dans l'industrie du vêtement ou le secteur de l'industrie du vêtement que vous représentez, compte tenu des conditions de travail, en tenant compte des conditions de compétition auxquelles vous avez à faire face et compte tenu de ce qui a été l'histoire et l'évolution dans ce domaine-là.

D'ailleurs, les conditions qui sont là n'ont pas été modifiées par rapport à ce qu'était la situation et qui est encore la situation, et où on a des normes qui ont été gardées comme normes transitoires qui correspondaient à une situation, je pense, qui remonte en 1994, dans le secteur de l'homme, et même en 1992 pour la dame. Donc, comme normes minimales, on est sûrement assez minimal parce qu'on parle de huit à 10 ans d'évolution sans que ces normes-là aient été élevées, aient été modifiées, de sorte qu'on se retrouve aujourd'hui avec une norme qui n'a pas été bonifiée, qui donc ne peut pas être, nous semble-t-il, une norme qui a changé de façon déraisonnable.

Maintenant, c'est plutôt des commentaires que des questions comme telles, mais je veux les faire pour vous montrer ce qui apparaît comme une autre façon de voir la même réalité, qui n'est pas simple, qui est complexe, pour que vous ayez la chance aussi de réagir et de le corriger, au besoin, de votre côté.

Bien sûr, le régime transitoire, est-ce qu'on ne peut pas reconnaître quand même que ces normes transitoires par rapport à la situation des quatre décrets ont quand même simplifié pas mal la situation? Pour quatre des six normes, on a mis une norme générale pareille pour tous les secteurs. Pour les deux autres, on a gardé ce qui était la norme de chacun des secteurs, mais sans la bonifier, encore une fois, et qu'il y a des choses qui ont même été abandonnées. Bon. C'est vrai qu'il y a eu une journée de congé férié de plus et une semaine de congé de plus. Mais, dans la semaine de congé de plus, d'après les normes transitoires, c'est après trois ans de travail dans l'industrie, alors que, d'après les normes générales, c'est après cinq ans. Donc, il y a une différence de deux ans seulement. Quand on calcule le 2 % d'impact, c'est sur ces deux années-là, la quatrième et la cinquième année, au nombre de travailleurs, de travailleuses qui en sont à leur quatrième et cinquième année et non pas sur tous les employés qui sont là.

n(18 heures)n

Il y a d'abord ça qui rajuste le tir un peu et que, quand même, pour cette bonification-là, est-ce qu'il n'y a pas eu une contrepartie qui a été l'abandon d'une contribution qui était faite... en tout cas, l'abandon comme norme ? je ne sais pas si ça a été abandonné et fait sur le terrain, ça, c'est une autre chose ? mais l'abandon comme norme d'une contribution de 2 % du salaire qui était donné aux travailleurs, aux travailleuses pour couvrir les frais de sécurité sociale ou de bénéfices sociaux? Alors, si on regarde, si on fait le décompte, là ? puis, au besoin, on peut rentrer un petit peu plus dans le détail ? on est un peu dans une situation où que, oui, ce qui peut avoir été bonifié un peu semblait avoir été un peu compensé, de sorte qu'on se retrouve dans une situation où on a poursuivi un système en le simplifiant beaucoup et souhaitons encore l'améliorer pour l'avenir. Mais là on est dans une situation où, ce à quoi on s'attendait qui pouvait ou devait être fait, pendant ces 18 mois là, pour différentes raisons ? puis là on ne veut pas faire de procès, là, mais on a un constat qu'on doit faire ? pour ces différentes raisons là, on a les deux parties, syndicale et patronale, qui ont dit à la Commission des normes du travail ce qu'elles souhaitaient, ce qu'elles voulaient, mais il n'a pas pu y avoir d'échange, il n'y a pas pu y avoir de véritable confrontation. Il n'y a pas eu d'évolution qui a été faite sur le bord d'un consensus. Et qu'on est obligé de s'asseoir puis de le faire, le travail, là, pour voir, s'il doit y avoir quelque chose de différent, qu'est-ce que ça peut vraiment être et comment on peut en mesurer les impacts à l'avance, en tenant compte toujours des travailleurs comme de l'entreprise. Et qu'il faut qu'on se redonne un temps de plus pour le faire. On se le donne avec un délai qui veut être sûr d'être suffisant pour que, là, on ait une obligation de résultat et que, au besoin, le gouvernement prenne les décisions même si les parties n'en arrivent pas à un consensus, mais en laissant la porte ouverte tout le temps pour qu'on s'y mette, pas juste le gouvernement, mais qu'on s'y mette à trois. Et, si ça peut permettre d'aller plus vite, dans six mois ou dans un an, bien, tant mieux, on l'aura fait et ça sera fini. Ça, je pense qu'on se l'est dit, et je veux le redire ici, en commission, formellement, parce que, pour nous, la porte est ouverte à ce que le délai soit raccourci au maximum dans la mesure où ça nous semblera possible.

Alors, si je résume l'intention de mes commentaires: on a le sentiment qu'on prolonge une situation parce qu'on n'a pas le choix, vu qu'il faut faire le travail qui n'a pas été fait, puis on est prêt à ce que cette période de prolongation là soit la plus courte possible, mais ça, qu'on est un peu dépendant de comment, avec les parties, on aura une collaboration possible, fructueuse. Sinon, on fixe quand même un point de chute, un point d'arrivée et il y aura une obligation de résultat, de déterminer quelles sont les normes dans ce secteur-là dans l'avenir. Et que ce qui se fait comme période transitoire par rapport à ce qu'était la situation depuis 1992 ou 1994 n'a rien rendu plus compliqué, qu'il y a au moins une certaine simplification qui a été faite et qu'on n'a pas alourdi la tâche sur l'industrie pendant ce temps-là.

Bon. Alors, c'est un peu l'autre côté de la médaille que je voulais marquer, là, parce qu'on va avoir beaucoup le souci de procéder en tenant compte des conditions des deux parties sur le terrain. Maintenant, s'il y avait quoi que ce soit, là, dans ce qu'on dit là, qui, de votre point de vue, ne correspond pas à la réalité, je veux vous donner la chance de le spécifier, là.

Le Président (M. Rioux): Alors, qui de vous deux, là, répondez à... Vous voulez commenter sans doute ce que vient de dire le ministre. Alors, madame... M. Lapierre.

M. Lapierre (Claude): Bon. Une des façons, et toujours, toujours en ayant en vue de préserver des emplois et de créer des emplois, si on abolissait le champ d'application industrielle qui existe actuellement, qui nous limite, à savoir, bien, ces vêtements-là, j'ai un potentiel de commande pour ces vêtements-là, mais, si je les fabrique chez moi, la réglementation change, si on abolit le champ d'application industrielle et qu'on régit le personnel plutôt que des vêtements... Parce que je ne comprends pas encore, en l'an 2000, 2002, qu'on se dirige, qu'on régit encore suivant les vêtements. Il est temps que ça soit réglementé suivant les personnes. Je respecte plus... Je pense que les personnes ont droit à ce privilège-là, et, nous, ça nous donne la flexibilité d'opérer, d'être plus compétitif, de demeurer. Autrement, on tombe dans une réglementation versus une autre réglementation versus une autre réglementation.

Mais, si on parle d'exclure ceux qui ont des conventions collectives, bien, s'il y a une crise économique, quelle sorte de convention collective qui va être négociée versus la loi qui va être en application durant ce deux mois et demi là? On risque d'arriver avec, au lieu de deux salaires, trois salaires puis peut-être quatre salaires dans l'industrie du vêtement.

Alors, l'abolition, déjà, du champ d'application industrielle, du champ d'application juridique sur lesquels on se base pour appliquer la loi, si tu fais des jeans, tu es réglementé par ça. Si tu fais telle autre chose, tu es réglementé par telle autre chose. Pour les salaires, pour les congés payés, pour les heures de travail et pour... il y a quatre à cinq points de même.

On est proche, hein! On est proche, tu sais. On n'est pas 20 ans en arrière, là. On s'en vient, mais je trouve à nouveau que la discussion économique ne fait pas... n'est pas l'objectif et, actuellement, c'est ça, l'objectif, les... Oui.

Le Président (M. Rioux): Alors... Oui.

M. Rochon: Peut-être une toute petite précision que je veux apporter, pas sur ce que j'ai dit, mais supplémentaire, qui est peut-être un peu une précision puis une ouverture. Votre premier point que vous avez fait, là, sur la cotisation supplémentaire de 0,12 %...

M. Lapierre (Claude): Oui.

M. Rochon: ...ça, d'après les informations que j'ai, la situation avant les normes transitoires était que cette cotisation était de 0,02 % pour le secteur de la dame et de 0,05 % pour l'homme, la chemise et le gant, et qu'elle a été diminué à 0,12 ? ce n'est pas une cotisation supplémentaire, il y en avait déjà une qui était réduite ? et que, si on la ramène à ce qu'est la cotisation selon la Loi des normes du travail, ce serait 0,08 au lieu de 0,12, ce serait plus bas.

M. Lapierre (Claude): Exactement, oui.

M. Rochon: Bon. Alors donc, votre point est bon que... On pense qu'on pourrait regarder ça avec... Ça dépend de la Commission des normes du travail. Mais, je vais vous dire, c'est quelque chose qui mérite d'être regardé, là. Puis ça peut peut-être bouger pour aller rejoindre une chose plus générale, ça. Je ne peux pas vous prendre un engagement là-dessus aujourd'hui, vous comprendrez, là, mais je reconnais que c'est quelque chose qui mérite d'être regardé, ça. Mais ce n'est quand même pas quelque chose qui est imposé en plus, là. Ça a déjà évolué, avec les normes transitoires, vers la baisse, vers le bas. Ça peut peut-être évoluer encore plus puis on le regardera.

M. Lapierre (Claude): Évoluer encore.

Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, je vais donner la parole au député de Mont-Royal, et je reviendrai à vous, M. le député d'Arthabaska.

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Mme Grinberg, M. Lapierre, bienvenue. Merci d'être ici par cette température. D'ailleurs, vous vous êtes excusés au début d'être en retard, mais je pense que c'est nous autres qui devraient s'excuser de vous avoir invités une pareille journée. Mais ne vous inquiétez pas, ce n'est pas de la faute de l'opposition, c'est de la faute du gouvernement tout le temps quand il fait mauvais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tranchemontagne: Alors, je vous remercie beaucoup pour votre mémoire, et il ne peut pas être plus clair; il est simple, il est clair, il est au point. Je suis renversé par la clarté de votre...

J'ai quand même des questions qui ne sont pas nécessairement sur votre document, mais des questions que j'ai posées aussi au syndicat qui a passé avant vous. Vous avez eu 18 mois pour essayer de vous asseoir et de vous entendre, j'aimerais ça savoir de votre part, un des deux ou les deux d'entre vous, pour quelle raison il n'y a pas eu, vous n'avez pas réussi à vous entendre pendant cette période de 18 mois que vous saviez que le couperet tomberait en décembre 2001, qu'il n'y aurait plus de décret. Est-ce qu'il n'y avait pas de motivation pour essayer de dire: Bien, on va devenir autonome, on va fonctionner puis on va se faire des ententes avec les syndicats pour le plus grand bien possible de l'industrie et donc, pour reprendre votre thème, des emplois?

M. Lapierre (Claude): Il y a eu énormément de rencontres avec les syndicats, avec les gouvernements, avec le ministère du Travail, avec la Commission des normes. Il y a eu beaucoup, beaucoup de consultations. Mais on en est arrivé à un point, avec du côté... entre syndicat et patron... la différence de vue dans les négociations était claire: eux négociaient des conditions salariales et nous, on négociait une situation économique qu'on voyait venir. À quoi sert de donner une heure de moins par semaine aux employés, à un employé? D'ailleurs, dans la semaine de 39 heures à 40 heures, ce n'est pas du côté patronal qui est reperdant là-dedans; l'employé perd tout simplement une heure de travail par semaine. On n'ira pas une heure en overtime ou ces choses-là; on va engager deux employés de plus et puis...

Bon, maintenant, c'est évident que, pour nous autres, c'était: on veut simplifier la tâche, que toute l'industrie puisse d'un commun accord faire sa bagarre dans l'économie. Et on est réglementé suivant des secteurs. Bon, il y a des secteurs qui sont complètement réglementés et d'autres qui sont sous la Loi des normes. Et notre objectif à nous est de rapprocher ça pour qu'on devienne une seule et même industrie. Bien, écoutez là, ça prend du courage, aller devant nos membres puis leur dire: Écoutez, ça, on sait que le salaire minimum dans le temps était à 6,90 puis peut-être avant ça, on va aller à 7,10. Écoute bien, là, on n'est toujours bien pas pour aller recommander d'augmenter le salaire minimum de 0,20, 0,25 $ de l'heure du côté patronal? Je dis oui. Puis on l'a fait. On l'a fait, cette chose. Et on le maintient encore aujourd'hui.

n(18 h 10)n

Alors, on tente de raccourcir la marge tout en protégeant les différents... On sauve de l'argent au gouvernement, vous savez. Les inspecteurs, là, une fois qu'ils ont tous la même réglementation vis-à-vis l'industrie, c'est beaucoup plus facile. Puis ce n'est pas juste question de facile; à certains moments, c'est impossible de mettre en application versus la Loi des normes, versus les décrets dans une usine qui a double juridiction.

Le Président (M. Rioux): M. Lapierre...

M. Lapierre (Claude): J'ai terminé.

Le Président (M. Rioux): Vous allez donner une chance à votre collègue, parce qu'elle veut nous parler.

Mme Grinberg (Agar): Je vais vous dire très brièvement...

M. Lapierre (Claude): Elle a parlé pendant quatre heures en m'en venant! Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Grinberg (Agar): Je vais vous dire très clairement. Vous avez posé une question, puis je vais vous répondre très clairement. Vous avez demandé pourquoi, pendant ces 18 mois, on n'a pas réussi à se mettre d'accord. Parce qu'on n'avait pas du tout la même optique. Nous, on avait une approche de consultation pour amener à des normes minimales; les syndicats étaient en position de négociations sectorielles comme s'ils négociaient une convention collective. Nous n'avions donc pas du tout la même approche, et on ne pouvait pas s'entendre. Eux, ils négociaient des salaires minimaux de 8.50 $ jusqu'à 12.50 $; nous, on parlait de salaire minimal. Ensuite, les entreprises, le salaire minimal, ce n'est pas un salaire qu'on donne aux employés, c'est un salaire minimal. Eux, ils parlaient de négociations sectorielles. On n'avait pas le mandat de négocier, on ne veut pas avoir ce mandat. Voilà!

M. Tranchemontagne: Merci. J'ai une question qui découle de ma première, c'est: Croyez-vous que 30 mois de plus vont régler votre problème suite à ce que vous dites? Vous n'avez pas réussi, pour les raisons que vous mentionnez, en 18 mois, à vous asseoir et à vous entendre. Alors, de prolonger ça à 30 mois, selon moi, c'est... Qu'est-ce que vous diriez si on vous donnait une opportunité pour six mois, mettons, d'essayer d'avoir une entente, de vous asseoir, de... Vous allez être obligés. Si on enlève le décret un jour, vous allez être obligés de vous asseoir puis de négocier puis de finir...

Mme Grinberg (Agar): Entreprise par entreprise.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Grinberg.

Mme Grinberg (Agar): Il y a une grande différence: c'est que les entreprises, comme dans tout le reste de l'industrie, vont négocier entreprise par entreprise. Il y a des problèmes économiques. On va le faire par entreprise et non pas d'une manière sectorielle. Et c'est toute une différence.

Le Président (M. Rioux): Alors... Oui, M. le député d'Arthabaska.

M. Désilets: Maskinongé.

Le Président (M. Rioux): Maskinongé. Excusez-moi.

M. Désilets: Merci beaucoup.

Une voix: C'est deux beaux comtés.

M. Désilets: Ah oui, c'est deux beaux comtés.

Une voix: Deux bons députés.

M. Désilets: Je vous écoutais tantôt, vous parliez de donner de l'oxygène à l'industrie. Puis ça, là, vous pouvez être certain que, de ce côté-ci de la Chambre, de ce côté-ci, là, le côté au pouvoir, du côté du Parti québécois, on a un intérêt particulier à donner de l'oxygène à l'industrie. On est sensible à ça, donner de l'oxygène, parce qu'on sait que, plus on va vous en donner, plus il peut y avoir de création d'emplois, plus c'est intéressant. Mais, en même temps, on veut aussi donner de l'oxygène aux employés, parce qu'eux aussi ont besoin d'avoir un peu d'argent dans leurs poches puis ont besoin de dépenser puis ont besoin de faire rouler l'économie.

J'ai des entreprises, quelques entreprises dans mon comté, aussi, de textile. Les patrons, pour leur parler d'une façon assez souvent, ce qu'ils me disent, c'est: Maintiens minimalement... Minimalement, il faut avoir un décret. Il faut avoir des normes minimales dans le secteur, parce qu'il y a du travail au noir, puis les gens, il y en a qui travaillent en dessous, puis pas à peu près, puis je ne suis pas capable de les concurrencer. S'il n'y a plus de mesures, s'il n'y a plus personne qui surveille personne, ça va être la jungle, et puis je ne serai pas capable de concurrencer, parce que moi, mes employés, ça fait 25, 30 ans que je les ai, c'est tout le temps les mêmes, puis je les paie au-dessus des normes, puis je les aime. Puis, si tu déréglementes au complet, je ne serai plus capable de les garder, je ne serai plus capable de garder ma shop ouverte. Ça fait que ça, là, ça, je l'entends beaucoup.

D'un autre côté, j'entends aussi des entreprises qui me disent: Maintenant... J'ai des entreprises qui travaillent avec des lecteurs optiques pour surveiller, là, le déroulement d'une entreprise, du tissu de linge d'un bout à l'autre, et puis on sait quelle place qui fait défaut. Il y a des périodes de la journée que la personne, le travail est assujetti. D'autres journées, d'autres périodes, qu'ils disent: Ça paie, c'est plus facile à faire. Mais, pour l'employé aussi, c'est difficile à suivre quel salaire qu'il se fait au bout de la journée. Ça fait que tout ça fait qu'on a beau vouloir simplifier puis donner de l'oxygène à un puis donner de l'oxygène à l'autre, mais c'est un secteur qui n'est pas facile à suivre. Et puis avez-vous des idées? Avez-vous des conseils à nous donner, là?

M. Lapierre (Claude): Oui. Il y a des constatations aussi qu'il faut regarder. On va prendre le secteur le plus réglementé, la chemise pour hommes, qui est le décret avec les plus hauts salaires, le plus de congés payés, tout ce que vous voulez de plus.

M. Désilets: C'est même concurrentiel.

M. Lapierre (Claude): C'est le secteur qui a été le plus diminué dans le dernier 15 ans. Il n'y en a plus. Quelques manufacturiers à droite... Je pense qu'ils emploient peut-être 600 personnes dans la province de Québec. De numéro un à dernier. Alors, je ne pense pas que ce soient les conditions d'un décret ou quelque chose qui préservent, qui vont préserver les emplois.

Le Président (M. Rioux): C'est quoi, la cause qu'il soit parti le premier et tombé le dernier? Le marché?

Mme Grinberg (Agar): Trop régi. Ils ne pouvaient pas...

M. Lapierre (Claude): Trop régi. Pardon. Allez-y, Agar.

Le Président (M. Rioux): Seulement ça?

Mme Grinberg (Agar): C'était une question de flexibilité. Quand les conditions économiques ont varié, ils n'ont pas été capables de suivre. Ils étaient reliés avec des conditions qui étaient inflexibles. Ils ne pouvaient même pas s'entendre avec leurs employés. Ils sont allés donner les contrats ailleurs.

Mais vous... Je vais couper la parole à M. Lapierre deux secondes. Vous étiez en train de dire que... Nous, on pense exactement le contraire: plus vous réglementez, plus vous allez avoir du travail au noir. Pourquoi? Parce que les industriels n'arrivent pas à s'y retrouver. Ils doivent jongler avec une norme comme ci, une norme comme ça, une norme à droite, une norme à gauche. Ils prennent la porte la plus facile, ils s'en échappent. Donc, moins vous réglementez, moins les gens feront... travailleront au noir. Il y aura beaucoup...

Les entreprises qui sont légitimes n'ont absolument aucun intérêt à avoir de la concurrence illégitime, et c'est donc pour ça qu'ils ne veulent pas avoir de réglementation. Ils veulent pouvoir être flexibles, pouvoir donner... C'est le marché qui va dicter les conditions de travail, de la même manière que c'est le marché qui les dicte dans toutes les autres entreprises et dans 57 % de l'industrie du vêtement qui n'est pas réglementé par le décret. C'est là où il y a eu la création d'emplois ces dernières années, deux fois plus.

Le Président (M. Rioux): Expliquez-moi donc, madame, on a commencé à déréglementer, on a commencé à faire sauter des décrets.

Mme Grinberg (Agar): Dans une partie de l'industrie. Il y a une partie...

Le Président (M. Rioux): Oui, mais, aujourd'hui, aujourd'hui, on vient de nous dire, ça fait quelques minutes, que jamais le noir a été aussi florissant. Alors, ça contredit ce que vous venez de dire. M. Lapierre.

M. Lapierre (Claude): J'aurais un commentaire là-dessus. Il faut aller voir où est-ce qu'il se passe, le travail au noir. Et ça, personne n'en parle encore. Sur les ? combien de mille d'entreprises? ? 2 400 et quelques au Québec, bon, là-dessus, 80 % de ces entreprises-là ont de un à cinq employés. On n'arrivera jamais à les obtenir comme membres chez nous, on n'arrivera jamais à leur faire suivre toute la réglementation, puis tout ça.

En nombre, en nombre, ça devient important, mais la conduite des affaires, la création des emplois, et tout ça, n'est pas faite par eux autres. Oui, il va en percer quelques-uns parce que j'ai déjà eu cinq employés, j'en ai déjà eu deux, moi puis mon épouse, mais, parmi ceux-là, il va en sortir, des bonnes entreprises, oui, mais il y en a plusieurs qui vont naviguer dans différentes choses.

Écoutez, ça devient un soutien d'apport tout simplement à la famille, des petites entreprises. Ils travaillent là-dedans. Des fois, c'est une soeur qui vient travailler chez eux. Ça se fait de même, on n'a aucun contrôle sur les entreprises de moins de cinq employés dans ce domaine-là.

C'est facile d'avoir une... Écoutez, pas même besoin d'aller chercher une machine à coudre industrielle, ils peuvent arriver à... Mais ce qui est arrivé, c'est que la technologie, ah, là, c'est bien différent, il n'y a personne, là, qui va s'en aller avec toute sa technologie à l'extérieur, dans un domicile... Une entreprise, là, qui est bâtie, où est-ce qu'ils ont des systèmes modulaires, et tout ça, ou qui ont des incitatifs salariaux, etc., en général, ce n'est pas ces entreprises-là. Les entreprises qui emploient 50, 75... Dès que l'entreprise commence à avoir un noyau possible d'expansion, ce n'est pas à partir de là qu'est le travail au noir.

Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le député de Beauce-Nord.

M. Poulin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Je ne me suis pas trompé cette fois-ci?

M. Poulin: Non, c'est bien, M. le Président, c'est bien Beauce-Nord. M. Lapierre, dans votre présentation, vous avez appuyé fortement sur les menaces sur l'emploi et sur l'investissement, sur la menace, aussi, des importations qui pourraient entrer sur nos marchés ou, en tout cas, à tout le moins, peut-être, satisfaire les besoins des entrepreneurs, la menace étrangère de produits qui pourraient envahir nos marchés.

n(18 h 20)n

J'aimerais savoir, dans une période de 30 mois, est-ce que cette menace-là est assez présente pour vraiment venir affecter de beaucoup le nombre d'emplois? Est-ce que les entrepreneurs ont les yeux à l'extérieur pour pouvoir donner des contrats à des entreprises qui pourraient satisfaire aux besoins du marché? J'aimerais vous entendre sur ça parce que vous avez appuyé fortement.

M. Lapierre (Claude): Je crois...

Le Président (M. Rioux): M. Lapierre.

M. Lapierre (Claude): ...Agar, corrigez-moi si je me trompe, les importations cette année, en 2001, ont augmenté à date de quelque 17 %.

Mme Grinberg (Agar): Les quotas ont diminué, les quotas d'importation.

M. Lapierre (Claude): Les quotas... Oui, mais les importations rentrées à date ont augmenté de quelque 17 %. J'ai des documents d'usine ici. En l'an 1999, sur 8 millions au détail, hein, en l'an 2000, l'année suivante, ils ont augmenté de 50 % et ils viennent d'augmenter d'un autre 75 %. Avez-vous une idée de l'impact sur l'emploi dans cette usine-là? Et j'ai les dossiers ici. Alors, c'est énorme. C'est énorme!

Quand on dit qu'on se doit d'être efficace, d'avoir la technologie, et tout ça, il faut tout avoir ça puis il faut avoir la flexibilité de sortir nos bons produits. On ne peut plus arriver juste avec un bon petit produit. Ah, c'est cute, c'est joli, c'est bien, ça va se vendre.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme Grinberg, vous avez un complément d'information.

Mme Grinberg (Agar): Bien, j'ai une question, s'il va y avoir une différence dans 30 mois. En 2005, il n'y a plus, à cause de l'Accord multifibres, il n'y a plus aucun quota d'importation. La Chine va pouvoir faire rentrer tout ce qu'elle veut au Canada. Ce qui veut dire que, pendant cette période de 30 mois, les entreprises, elles ne doivent pas être en train de commencer à discuter quelle norme je paie, quelle norme je ne paie pas, elles doivent être capables d'investir suffisamment et de se préparer, de se préparer à l'afflux énorme de l'importation qui va rentrer, et c'est sur ça qu'elles devraient se concentrer, pendant cette période-là, pour pouvoir préserver des emplois, qu'il y ait encore des entreprises après 2005.

Le Président (M. Rioux): Un commentaire rapide de 15 secondes, M. le ministre.

M. Rochon: Oui.

Le Président (M. Rioux): Il nous reste 30 secondes.

M. Rochon: Je ne veux pas lancer un argumentation là-dessus, là, mais, comme on en parle... On parle beaucoup, là, des aspects de compétition, on est conscient que les quotas, en 2004-2005, qui disparaissent vont créer une situation différente pour l'industrie. Mais je voudrais juste dire, là, qu'il ne faudrait pas mêler les genres trop, trop non plus.

On parle... Les normes transitoires dont on parle, c'est des normes minimales. Je pense que vous avez dit aussi, puis je sais que les industries que, vous, vous représentez, là ? je commence à en avoir une idée un peu plus qu'est-ce que c'est ? c'est des industries où vous êtes déjà au-dessus de ces normes-là, de toute façon, que vous soyez syndiqués ou pas. Alors... Et les pays qu'on va avoir à compétitionner quand les quotas vont être partis ? la Chine ou d'autres ? c'est des conditions de travail très en deçà de nos normes minimales. Et qu'on maintienne ces normes minimales là, vous êtes déjà au-dessus de ça, les normes minimales qu'on a là, on ne voudrait pas être en bas de ça de toute façon pour aller faire la compétition à ces pays-là. Donc, c'est un problème, les quotas.

Le Président (M. Rioux): Très bien.

M. Rochon: Mais je ne pense pas que les normes dont on parle viennent compliquer ça. Je reconnais que c'est un problème énorme, mais ce n'est pas ça, là, qui va empirer la situation.

Le Président (M. Rioux): Merci.

Mme Grinberg (Agar): Il faut qu'on ait un avantage compétitif, et notre avantage compétitif, ce sera sur la qualité, et la qualité est liée à l'investissement.

M. Rochon: C'est ça.

Mme Grinberg (Agar): Il faut donc prévoir notre niche. On ne peut pas, pendant ces 30 mois, ne pas le faire.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Monsieur...

M. Rochon: ...l'ambiguïté historique de ce concept de contrat social qui prévoirait aussi le développement de l'entreprise.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Mont-Royal. M. le député de Mont-Royal. Ah, Beauce-Nord?

M. Tranchemontagne: Je veux juste donner la chance à M. Lapierre... parce qu'il avait l'air à... Il voulait rajouter un petit quelque chose.

Le Président (M. Rioux): M. Lapierre.

M. Lapierre (Claude): Oui. Ce que je voulais ajouter là-dessus, là, le développement économique... Pourquoi est-ce qu'on insiste sur le champ d'application industriel? C'est pour nous permettre la flexibilité, parce qu'on voit que tout ça, actuellement, on va être inondé. Alors, si un manufacturier, par exemple, est dans la flanellette, des pyjamas de flanellette, et puis qu'il voit que la Chine s'en vient avec toute sa flanellette ? c'est le producteur numéro un au monde ? alors, lui, il a besoin de la flexibilité pour se bâtir un marché. Maintenant, ça ne veut pas dire que les emplois vont être directement tous créés dans l'usine, non, mais ils vont être créés dans mon département de distribution, ils vont être créés dans mon département de création, et ça, ça va devenir à avoir un impact.

Puis je vais avoir une couple d'années pour aller me chercher un produit pour tester le marché et aller voir... faire du développement qui va créer les jobs qu'on est menacé dans le prochain deux ans. C'est pour ça qu'on demande cette flexibilité-là. On n'en a pas besoin comme tel, actuellement, parce que je suis à nouveau un donneur de contrats. Je le donne où est-ce que je sais que je vais pouvoir le rendre, ici, puis le vendre dans le magasin pour qu'il soit distribué. C'est seulement que ça, notre objectif.

Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Il y a quelque chose que, je pense que, je ne sais pas, les gens d'en face ont de la misère à comprendre des fois, j'ai l'impression. On parle d'un salaire minimum. Vous, ce que vous voulez, là, c'est le salaire minimum que vous aviez offert, là, peu importe, mais qui vous permettrait d'avoir la flexibilité pour répondre aux conditions du marché. Est-ce que je vous comprends bien? Autrement dit, dans un secteur, vous avez parlé de la flanellette, par exemple ? vu que je connais moins votre industrie, je vais reprendre votre exemple ? bien là il faudrait peut-être baisser les salaires au niveau minimum, puis peut-être que ça sera même pas assez, peut-être que le ministre a raison. Mais, à ce moment-là, au moins, vous auriez une flexibilité, n'eût été de ces décrets qui sont plus des carcans que d'autre chose. C'est ça que vous voulez nous dire?

Le Président (M. Rioux): Est-ce que c'est ça que vous voulez dire?

M. Lapierre (Claude): Vous avez raison, c'est ça qu'on veut dire, mais qui pousse, qui pousse aussi beaucoup plus loin dans l'analyse économique. Dans l'analyse économique, c'est: On veut la déréglementation et la flexibilité basées sur les salaires du marché, comme toutes les autres industries dans la province de Québec, basées là-dessus pour qu'on puisse faire du développement industriel.

M. Tranchemontagne: Mais n'êtes-vous pas déjà avec une certaine flexibilité quand même? Si je vous demandais votre salaire moyen, il est sûrement plus élevé que le salaire minimum?

M. Lapierre (Claude): J'ai trois employés ? j'ai vérifié avant de monter ? j'ai trois employés sur le salaire minimum qui sont rentrés dernièrement, ce sont des jeunes qu'on entraîne.

M. Tranchemontagne: O.K. Puis combien sont ailleurs, plus haut, plus élevés?

Une voix: En moyenne, votre fourchette?

M. Lapierre (Claude): Ça varie entre 9 et 12... Excusez, c'est un nouveau, puis...

M. Tranchemontagne: J'espère que ce n'est pas votre femme!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): M. Lapierre, les salaires, les salaires, c'est quoi?

M. Lapierre (Claude): Les salaires se situent en moyenne, là, dans l'entreprise, du côté de la femme, sont à 9 et 12.

Mme Grinberg (Agar): Ça implique la productivité. Il y a une notion de productivité qui rentre en ligne de compte, il ne faut pas parler de salaire minimum. Les employés touchent un salaire bien plus élevé que le salaire minimum parce qu'il y a une grande composante qui est liée à leur productivité. Plus vous haussez le salaire minimum, moins... il y a un prix limite auquel on peut payer les employés.

M. Tranchemontagne: Donc, le salaire minimum n'est qu'un plancher.

Mme Grinberg (Agar): Un plancher qui permet ensuite d'aller donner, les employés vont... On peut payer les employés 9 $... 9 $ si, pendant 9 $, ils sont capables de travailler beaucoup plus que s'ils travaillent beaucoup moins, c'est ça qui va faire la différence si, oui ou non, on est capable d'être là encore demain ou pas demain.

M. Tranchemontagne: Alors, M. Lapierre, je reviens à vous pour comprendre comme il faut. Alors, vous avez trois employés qui sont à salaire minimum, combien en avez-vous qui ne sont pas au salaire minimum pour qu'on comprenne?

M. Lapierre (Claude): Trois cent, 300 et quelques.

M. Tranchemontagne: C'est clair, ça répond à ma question très clairement.

Le Président (M. Rioux): Alors, ça va?

M. Tranchemontagne: Merci.

Une voix: C'est beau.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, M. Lapierre, Mme Grinberg, ça nous a fait plaisir de vous entendre. Merci infiniment. On va vous souhaiter bon voyage de retour. Et je voudrais dire aux députés: Vous pouvez laisser tous vos documents ici, et on reprend nos travaux à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 28)

 

(Reprise à 20 heures)

Le Président (M. Rioux): Alors, nous allons reprendre nos travaux, si vous le voulez bien. Notre présence ici, c'est pour procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 46, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant certains secteurs de l'industrie de la construction.

Alors, ce soir, nous accueillons l'Association des entrepreneurs en couture du Québec. Alors, ils sont représentés ici par Jean-Luc Fortin, qui est le président.

M. Fortin (Jean-Luc): Bonsoir.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Fortin, présentez-nous les gens qui vous accompagnent.

Association des entrepreneurs
en couture du Québec inc. (AECQ)

M. Fortin (Jean-Luc): Avec plaisir. Alors, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, ainsi que tous les conseillers, ça me fait plaisir d'être ici ce soir présent et de vous présenter aussi l'équipe qui m'accompagne, Me Kathleen Gélinas et également M. Jacques Frappier, président de Technofil inc.

Le Président (M. Rioux): M. Fortin, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre topo, votre mémoire, votre prise de position, et ensuite les députés auront le temps de vous poser un certain nombre de questions, à vous et à vos collègues. Alors, on vous écoute.

M. Fortin (Jean-Luc): Parfait. Alors, je représente l'Association des contracteurs en couture du Québec à titre de président de cette organisation afin de faire connaître et comprendre les attentions des besoins de l'industrie. Les entrepreneurs en couture sont actuellement les plus concernés de l'orientation que doit prendre le ministre pour le règlement final de ce projet en cours. L'Association des contracteurs en couture du Québec, depuis 25 ans, a su développer, au fil des ans, un point de référence crédible pour les différents ministères dans leur prise de position sur l'industrie. Nous avons, depuis plusieurs années, travaillé conjointement avec les ministères sur l'abolition des décrets afin d'aider l'industrie à maintenir sa viabilité, non pas à cause du mot «décret», mais bien à cause de sa lourdeur, et de sa rigidité et de sa complexité. Alors, travaillant à vouloir apporter correctifs et souplesse sur les différents décrets, il y a eu plus de discorde que de solutions. Alors, le ministère a tout simplement passé à l'abolition.

Par la même occasion, un mémoire a été présenté au ministère, à la demande du ministre, sur lequel sont nos solutions. Alors, des solutions ont été présentées. Mais le ministère a tout de même voulu en connaître davantage en laissant le temps à l'industrie de se pencher plus en profondeur sur les solutions pour l'avenir de l'industrie. Le ministère a demandé à la Commission des normes de rassembler les parties concernées de l'industrie, à s'entendre sur un commun accord qui a donné comme résultat le maintien des positions de chacune des parties, sans avoir de fermeté décisionnelle sur le sujet. Donc, le président de la Commission des normes a présenté ses recommandations, et que vous possédez déjà en vos mains.

L'industrie a assumé, pour 18 mois, une période d'incertitude et de... sans réponse aux questions. Maintenant, nous apprenons qu'une extension de prolongation de 30 mois est imposée, ce qui nous amplifie davantage l'interrogation et l'incertitude. M. le ministre, l'industrie concernée, c'est nous, et, avec ce que nous avons présenté comme mémoire, nous croyons vous aider à finaliser ce dossier qui, par le fait même, va nous emmener à nous positionner afin de créer un nouveau marché d'aujourd'hui et de demain.

M. le ministre, j'aurais aimé présenter des documents. Malheureusement, on a eu, comme je vous ai expliqué tout à l'heure, un léger contretemps, accidentel, et on va vous en envoyer des copies, donc on a parlé avec Mme Ford tout à l'heure.

J'aimerais vous remercier de cette attention et, avec moi, les personnes que je vous ai présentées, on a des points très spécifiques sur lesquels nous allons vous aider à éclaircir certaines choses. Alors, je demanderais à Kathleen de nous présenter ces points-là.

Le Président (M. Rioux): Chère madame, on vous écoute.

Mme Gélinas (Kathleen): Oui. Tout d'abord, c'est avec surprise que nous avons pris connaissance du projet de loi n° 46 qui prolonge le règlement sur les normes minimales dans certains secteurs de l'industrie du vêtement, de 30 mois. Comme M. Fortin vous le disait, plusieurs points sont toujours en suspens, et l'industrie s'attendait à ce que ce soit réglé à l'expiration de la période de transition qui devait se terminer le 31 décembre.

Premièrement, nous croyons qu'il y aurait lieu d'abolir la cotisation spéciale imposée à l'industrie du vêtement, parce que cette cotisation constitue un frein à l'investissement et empêche l'industrie de bénéficier d'une position concurrentielle. En effet, par la mise en place du règlement sur les conditions minimales de travail dans certains secteurs de l'industrie du vêtement, une cotisation supplémentaire de 0,12 %, qui s'additionne au 0,08 % déjà applicable, a été imposée. Cette cotisation supplémentaire est applicable à la partie de la rémunération qui aurait été assujettie normalement en vertu du régime des décrets. Selon nous, cette cotisation supplémentaire est injustifiée et elle est coûteuse à administrer. Elle est injustifiée puisque la norme en vigueur pour les autres industries est uniquement de 0,08 %, alors que, dans l'industrie du vêtement, il y a une cotisation supplémentaire à ce 0,08 %, de 0,12 %. Elle est coûteuse à administrer, car elle oblige les employeurs à conserver des registres de paie séparés pour les salariés de l'administration et pour les salariés de production. Et, en ce qui a trait à ces salariés de production, ceux-ci doivent à nouveau être séparés selon la fabrication de vêtements assujettis et de vêtements non assujettis. Cette façon de faire maintient encore un cloisonnement artificiel entre une catégorisation d'employés et de produits qui échappent à toute logique de mise en marché et entraîne la lourdeur administrative pour l'industrie du vêtement à qui on impose encore ces frais supplémentaires.

Conséquemment, nous demandons l'abolition de cette cotisation spéciale. Le but de la période de transition, c'était la simplification, et c'est ce que Mme Lemieux, qui était alors ministre du Travail, nous mentionnait le 19 octobre 1999, ici, à la commission permanente de l'économie et du travail, et je vais me permettre de la citer: «Vous savez que, dans une même entreprise ? il y a des représentants de l'industrie qui nous l'ont fait remarquer, certains avec plus d'acuité que d'autres ? actuellement, dépendamment de la nature de la production, il peut y avoir un, deux, trois décrets, à tout le moins deux décrets qui peuvent s'appliquer dans une entreprise, et plusieurs nous ont dit, les recherches l'ont démontré aussi, qu'on avait intérêt à plus de fluidité, à éviter la superposition des décrets. Alors, nous avons un potentiel d'un système à quatre vitesses. Nous sommes les deux pieds, actuellement, dans ce système à quatre vitesses. Ce qu'on recherche actuellement, c'est un tronc commun à l'industrie, des éléments qui relient les conditions de travail d'une spécialisation à l'autre, si je peux m'exprimer ainsi. On cherche aussi une simplification, et la simplification, elle est très utile du point de vue du patronat, j'en conviens tout à fait, parce que ça évite de gérer des éléments de conditions de travail qui se superposent.» Donc, c'était le but qui était recherché. Et, dans les exemples que je vais vous apporter de l'application concrète du règlement sur les normes minimales, nous recherchons aujourd'hui encore où est la simplification. De plus, il s'agit d'un système qui est à plus que quatre vitesses, comme je vais vous le démontrer, alors que Mme Lemieux, alors ministre du Travail, souhaitait la simplification.

n(20 h 10)n

Un premier exemple, c'est en ce qui a trait aux neuf congés fériés de l'article 47 du règlement et son calcul qui est à l'article 48. Un employeur doit d'abord faire une première méthode de calcul qui est mentionnée à l'article 48. En plus, pour les employés à la pièce, on parle du calcul des quatre dernières semaines, mais, sur le terrain, cette façon de faire, les inspecteurs, eux, demandent de vérifier, en plus des quatre dernières semaines, les trois derniers mois, parce que c'est ce qui se faisait au décret, anciennement, pour établir la moyenne du salaire à la pièce, mais ce n'est pas ce qui est prévu dans la loi... dans le règlement, pardon. On parle de quatre semaines, mais les inspecteurs demandent de faire les calculs quand même pour les trois derniers mois.

Deuxièmement, les employeurs doivent faire le calcul de l'article 62 pour rémunérer selon le calcul le plus avantageux pour le paiement du congé, et ce, pour chaque salarié.

Troisièmement, on doit vérifier le paiement du congé avec l'application de la convention collective, là encore ce qui est le plus avantageux, et ce, pour chaque salarié.

Vous allez me dire que ce n'est pas applicable pour les employeurs qui sont soumis à une convention collective, compte tenu de l'article 59.1 de la Loi sur les normes du travail. Mais, par contre, je dois vous dire que la Direction des affaires juridiques de la Commission des normes du travail nous a fourni une opinion à l'effet que, pour les neuf congés fériés prévus au règlement, à l'article 47, on effectue d'abord le calcul de l'article 48, avec les contraintes que je vous ai mentionnées, entre autres, pour les employés à la pièce: trois semaines, quatre semaines, trois mois, puis de l'article 62. Et puis, pour tous ces congés qui sont prévus, on prend le plus avantageux et on ne se fie pas à ce qui est à la convention collective si elle est moins avantageuse. Mais, s'il y a plus de neuf congés, pour les trois autres, ou quatre autres, cinq autres, on se fie en ce moment à ce qui est prévu à la convention collective. Donc, les employeurs doivent administrer plusieurs façons de calculer et pour chaque employé. Et là encore, il s'agit d'une administration injustifiée et onéreuse qu'a à subir l'industrie du vêtement.

Dans l'extrait des propos de Mme Lemieux, que je vous ai lus, elle nous mentionnait qu'elle souhaitait un tronc commun pour les gens du secteur du vêtement et c'est ce qu'elle répétait d'ailleurs à l'Assemblée nationale le 25 mai 1999, et, là encore, je vais me permettre de la citer, et je la cite donc: «Et, à la suite donc de cette période de transition, nous allons intégrer des normes dans la Loi sur les normes du travail qui concerneront ce secteur d'activité, l'industrie du vêtement, des normes qui seront uniformes pour l'ensemble de ce secteur. Alors, nous n'aurons donc plus des normes différenciées dépendamment qu'on soit dans la confection pour dames, pour hommes, de la chemise, ou du gant, ou du cuir, comme c'est le cas actuellement.»

Malgré cette bonne volonté, il appert qu'il n'y a toujours pas d'application uniforme dans le secteur du vêtement. Encore une fois, je vais vous apporter un exemple concret de ce qui se passe présentement sur le terrain. Il s'agit de la flexibilité des employeurs de vouloir donner des conditions de travail avantageuses à leurs employés.

Premièrement, il est permis aux employeurs de modifier l'horaire de travail pour une période de repas d'une demi-heure au lieu d'une heure afin que les employés puissent, entre autres, avoir un vendredi après-midi de congé, et ça, uniquement dans la confection pour dames, s'il y a consentement de la majorité des employés, et c'est ce que prévoit l'article 34 du règlement. Mais, je le répète, ça s'applique uniquement au secteur de la confection pour dames. Dans les autres secteurs, soit le cuir, le vêtement jeans, la chemise pour hommes et les autres, on ne retrouve pas cette exception de modifier les heures de travail et de pouvoir accorder un vendredi après-midi à ses employés. Donc, c'est uniquement une heure de repas, et ça, c'est l'article 56 qui le prévoit.

Vous me répondrez que l'employeur, il pourrait, hein, faire preuve de latitude et quand même accorder cette heure, ce vendredi après-midi, en contrepartie de travailler uniquement une demi-heure. Il voudrait bien le faire. Souvent, il le négocie avec les syndicats, et ça apparaît à la convention collective. Mais, là encore, lorsque les inspecteurs se présentent sur le terrain, ils rencontrent les employeurs, ils les menacent d'une cotisation spéciale pour non-respect du règlement, hein, puis on a accordé un vendredi après-midi aux employés, et ça a été négocié. Et, dans la plupart de ces cas, c'étaient des ententes qui existaient avant la venue du règlement, qui étaient approuvées par le comité paritaire, et des lettres le démontrent. Mais les inspecteurs mentionnent qu'au règlement il n'y a pas cette exception-là; donc, c'est une heure, même si on veut être généreux avec les employés.

À ça je demande: Où elle est, la flexibilité? Où elle est, la simplification? Puis où est le tronc commun? On a des exceptions prévues dans la confection pour dames qu'on ne retrouve pas dans les autres secteurs, et c'est ainsi pour plusieurs exemples, mais je me limiterai à celui-là.

Il y a une autre question qui est toujours en suspens et porte toujours à interprétation et suscite beaucoup de questions. Il s'agit de la période de référence pour le congé de fin d'année. C'est l'article 55 du règlement qui prévoit que l'on doit prendre pour les 12 mois finissant avec la période de paie la plus rapprochée du 30 novembre. À ça, on s'interroge toujours: Qu'est-ce que c'est, la période de paie la plus rapprochée du 30 novembre? Est-ce que c'est la période de paie complète précédant le 30 novembre ou c'est la période de paie qui inclut le 30 novembre? On n'a toujours pas de réponse à cette question-là, ce qui fait qu'il y a des employeurs qui agissent de façon différente selon l'interprétation qu'ils en font.

Et je conclurai en parlant de la prolongation de 30 mois. En ce qui concerne cette prolongation, nous croyons qu'elle est injustifiée. Dès le départ, il ne devait s'agir que d'une période de 18 mois, et ce, afin de régler toutes les incertitudes qui ont suscité l'application de cette période de transition et toutes celles qui pourraient surgir. Puis, là encore, je vais me permettre de citer Mme Lemieux qui était alors ministre du Travail, puis je vais conclure avec ça. Elle a mentionné ça le 19 octobre, ici, à la commission permanente de l'économie et du travail, et je la cite, et c'est ce qui va conclure, elle disait: «Mme la Présidente, je pense que le député de LaFontaine va être d'accord avec moi qu'on a intérêt, d'abord, qu'il faut faire certains amendements à la loi pour pouvoir absorber la période de transition et que l'après-période de transition, c'est dans 18 mois, ce n'est pas dans des années et des années, et que, tant qu'à être là-dedans, moi, je ne veux pas qu'il y ait des brisures dans les étapes, parce que des brisures vont créer encore plus d'incertitudes. On essaie de prévoir ce qu'il faut pour passer à travers la période de transition.»

Le Président (M. Rioux): Merci, madame.

M. Fortin (Jean-Luc): Est-ce qu'on se maintient dans les temps?

Le Président (M. Rioux): Ah oui! Vous avez respecté le temps de façon admirable.

Une voix: Presque le décret.

M. Fortin (Jean-Luc): Merci.

Le Président (M. Rioux): Presque le décret, en effet. M. le ministre.

M. Rochon: Bon. Alors, merci, M. le Président. D'abord, je vous remercie beaucoup d'être là. Je sais que vous avez... on en a parlé un tout petit peu avant, là, vous avez vécu des aventures, pour finir par vous rendre. On apprécie vraiment beaucoup. On n'avait pas pu... On prévoit tout ce qu'on peut, mais la température, on n'a pas réussi encore à pouvoir prévoir à ce point...

Une voix: Il faudrait la décréter.

M. Rochon: La décréter. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

n(20 h 20)n

M. Rochon: Ce serait un autre genre de décret qu'il nous faudra pour ça. Bon.

Maintenant, je vais m'en tenir, M. le président, à ce que vous avez évoqué, là, dans votre présentation pour essayer de comprendre qu'est-ce qu'on peut faire pour aider, maintenant. En juin 2000, quand le projet de loi a été adopté et qu'on a fixé des normes transitoires pour la période de 18 mois, j'avais compris qu'il y a une certaine simplification là qui a été apportée par rapport à ce que les décrets étaient auparavant, c'est-à-dire que, pour six normes... on en gardait deux, le salaire et la durée normale de la semaine de travail, qui restaient spécifiques à chacun de leur secteur, mais les quatre autres, les congés fériés, les congés pour événements familiaux, les vacances annuelles et les périodes de repas, ça, ça devenait uniformisé pour les quatre secteurs en se référant, je pense, au secteur du vêtement pour hommes. Et la période de 18 mois devait permettre, après, de voir qu'est-ce qui pourrait être retenu comme conditions spécifiques qui seraient associées aux normes du travail pour ces secteurs-là.

Vous avez expliqué, assez en détail, la difficulté dans le calcul des jours fériés. Ça veut dire qu'on aurait pu identifier une espèce de norme permanente plus simple. Mais c'est justement là le problème qu'on a eu: pendant ces 18 mois là, la Commission des normes du travail n'a pas pu réunir les parties, n'a pas pu vraiment réussir un travail avec et patronat, employeurs et syndicat pour développer des consensus. Et il y aurait peut-être eu encore des choses à arbitrer en bout, mais il y aurait eu une base de consensus pour édicter des normes permanentes plus simples, améliorées, peut-être dans le sens que vous dites, là. Alors, on se retrouve 18 mois après, ce travail-là, pour différentes raisons, n'ayant pas été fait, et on ne veut pas faire de procès, on veut accuser personne, mais on peut comprendre qu'il y a eu toutes sortes de difficultés. Mais on est devant un constat des faits: c'est que ce n'est pas fait et que ce n'est pas possible, là, pour être équitable, être correct, comprendre les impacts de ce qu'on va faire, de prendre une décision en dedans de quelques semaines si, dans 18 mois, les parties n'y sont pas parvenues pour différentes raisons.

Alors, c'est tout simplement ça qui nous amène dans la situation où on est, de devoir extensionner cette période. Et là, par exemple, de se mettre dans des conditions pour prendre, en tout cas comme gouvernement, une obligation de résultat, qu'on va en avoir, des normes spécifiques, améliorées et simplifiées, au bout de la nouvelle extension, qu'on va souhaiter pouvoir le faire le plus possible avec les parties et que les portes vont rester ouvertes. Et ça va sûrement être plus simple, puis possiblement un produit fini de meilleure qualité si on peut le faire ensemble. Mais, si, pour une raison ou pour une autre, ce n'est pas possible, on s'engage un peu à le faire de toute façon.

Alors, c'est sûr qu'on ne peut pas vous présenter un résultat qui répondrait à ce que vous soulignez. Et c'est justement ça qui est notre problème, c'est que le travail n'a pas été fait. Alors, je ne peux pas vous dire d'autre chose que de dire que vous donnez un bel exemple de ce qu'on aurait pu régler ce soir si le travail de la période de transition avait pu se faire. Mais, comme on ne vous reproche pas que le travail n'a pas été fait, parce qu'on peut comprendre les raisons ou, même si on ne les comprend pas, on fait tout simplement le constat sans porter de jugement, je ne pense pas qu'on puisse prendre non plus le fardeau de ne pas avoir... d'être en position de faire cette correction-là, parce que la méthode de travail qui avait été choisie n'a pas marché, c'est-à-dire, ce comité, avec les représentants des différents secteurs, présidé par la Commission des normes. Alors, vous voyez dans quelle situation on est.

Bon. L'autre élément que vous soulevez, c'est que la période de 30 mois, c'est peut-être un peu long. C'est un peu ce que vous nous dites. On est bien prêt à considérer ça. Ce qui nous a amenés à identifier 30 mois, ça a été, d'abord, de vouloir jouer sûr, cette fois-ci, de ne pas risquer de se retrouver avec la nécessité d'une autre extension parce qu'on n'y est pas arrivé. Et, tant qu'à faire, on sait qu'il y a d'autres travaux qui se font, des travaux qui se feront au cours de l'année 2002 par le ministère de l'Industrie et du Commerce pour l'ensemble du secteur. On voudrait être capable de tenir compte de ça. On sait que, en l'an 2004, il y aura aussi des décisions à prendre quant à l'assujettissement de l'ensemble du secteur manufacturier au régime des décrets, où il n'y a plus de décrets qui s'appliquent, à peu près pas, à part du secteur du vêtement, mais le secteur est toujours soumis au régime des décrets. Ça pourrait arriver. Alors, ce qu'on a voulu faire, c'est de tenir compte de l'ensemble des décisions qu'il y a à prendre et de faire converger tout ça ensemble puis d'être sûr de prendre une décision une fois pour toutes. On peut toujours voir si le délai peut être amélioré, je sais que nos collègues de l'opposition l'ont souligné aussi, mais ce qu'on vise, c'est d'avoir un délai raisonnable, pas trop long, mais assez long pour être sûr qu'on va en finir, cette fois-là, et qu'on ne va pas se retrouver pour imposer à l'industrie une autre période d'incertitude, comme vous dites. Parce qu'on est très conscient qu'il y a des travailleurs à protéger, qui ont une histoire particulière et qui ont une caractéristique, comme travailleurs et travailleuses surtout, d'être, peut-être, particulièrement vulnérables par rapport aux travailleurs de l'ensemble de l'industrie, et du vêtement, et de l'industrie manufacturière, mais on est très conscient aussi qu'il y a des entreprises que vous représentez qui ont des conditions de compétitivité qui ne sont pas simples et qui ont une compétition très difficile à tenir et des conditions de développement dont il faut tenir compte. Et, pour l'intérêt du Québec, on veut que l'industrie se porte bien aussi là-dedans et que l'ensemble des normes qui sont édictées favorisent des meilleures relations de travail et le développement de l'industrie.

Alors, c'est ce que je peux vous dire. Puis on peut regretter, nous autres aussi, avec vous, que ce ne soit pas fait. Mais c'est un constat qu'on fait et c'est pour ça qu'on veut se remettre sur les rails puis réussir, cette fois, à y arriver.

Le Président (M. Rioux): M. Fortin.

M. Fortin (Jean-Luc): M. le ministre, que voulez-vous dire par la vulnérabilité des employés dans le secteur? Je ne saisis pas comment vous voyez...

M. Rochon: C'est quand on compare le secteur, et, au début de cette commission, j'ai rappelé certaines caractéristiques des employés dans ce secteur-là. D'abord, comparativement au secteur manufacturier, là ? je vais vous redonner des chiffres, de mémoire, et je crois que je les ai ici ? c'est à 84 % les femmes qui sont des travailleuses dans ce secteur-là. C'est beaucoup des travailleuses immigrantes qui sont donc dans une situation de vulnérabilité plus grande, des gens qui arrivent, qui s'installent et qui doivent s'insérer dans une nouvelle société en même temps. Le niveau de scolarité des gens dans le secteur du vêtement que vous représentez est de... qui nous donne un chiffre de 54 % d'une main-d'oeuvre qui n'a pas un secondaire V, alors que, dans l'ensemble de l'industrie, c'est 33 %.

Quand on regarde le degré de syndicalisation, donc d'organisation des travailleurs pour la défense et la promotion de leurs droits, il est à la hauteur de 36 % dans le secteur, alors qu'il est à 41,5 % dans l'ensemble du secteur manufacturier. Quand on regarde le salaire moyen, il est à 9,72 $ alors que, dans le secteur manufacturier dans son ensemble, il est à 15,69 $.

Alors, c'est une série de caractéristiques de ce groupe, de cette population de travailleurs, si vous voulez, et ça, ce n'est pas à cause de l'industrie, ce n'est pas à cause des employeurs, mais qui fait que c'est des gens qui sont en situation moins organisée, plus vulnérable que dans d'autres secteurs qui sont plus organisés, où les travailleurs sont mieux placés, si vous voulez, pour la défense de leurs droits. Alors, ça, on doit en tenir compte si on veut qu'il y ait des bonnes relations de travail, harmonieuses et que l'industrie aille bien. Alors, c'est tout simplement ça qu'on voulait dire, c'est un constat de la caractéristique de ce groupe-là comparativement aux autres travailleurs du secteur manufacturier.

Le Président (M. Rioux): Mme Gélinas, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Gélinas (Kathleen): Tout à fait. M. le ministre, dans votre exposé, vous parliez qu'il y avait absence de consensus entre le syndicat et les employeurs de l'industrie du vêtement. Dans les exemples que je vous ai apportés, il y a un consensus puis c'est sur un principe bien simple du droit du travail, qui est l'article 59.1 de la Loi sur les normes du travail. Je vais vous permettre d'y jeter un coup d'oeil puis... Et, en négociation de convention collective, cet article, malgré le règlement, les syndicats le prônent en disant: Si vous avez autant de congés fériés que ce qui est prévu au règlement, vous pouvez payer le congé de la façon dont on va le négocier. C'est présentement ce qui est négocié en convention collective, et je crois qu'il y a un consensus entre l'industrie et le syndicat là-dessus.

Mais, dans la façon de calculer le congé férié, les syndicats et les employeurs s'entendent sur cette façon de faire, on consigne tout ça dans une convention collective et, quand la Commission des normes va faire ses inspections, on fait fi de la convention collective et on reprend la méthode de calcul qui est au règlement malgré ce qui est prévu à l'article 59.1 et malgré que le syndicat et l'employeur s'entendent là-dessus. Donc, c'est une gestion qui est faite à part, par la Commission des normes du travail, et plusieurs avis de cotisation ont été émis sur cette base-là en disant: On n'a pas respecté ce qui est prévu... la méthode de calcul qui est prévue au règlement. Mais l'employeur et le syndicat répondent: Oui, mais on s'est entendus, on a une convention collective, et c'est l'article 59.1 de la Loi sur les normes du travail.

Le Président (M. Rioux): Alors, madame, voulez-vous une réaction à ça ou c'est un commentaire que vous faisiez?

Mme Gélinas (Kathleen): C'est un commentaire, puis c'est certain que, si j'avais une réaction, j'aimerais bien l'avoir.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Alors, vous souhaitez que ça crée une réaction. Oui. Avez-vous...

Mme Gélinas (Kathleen): Mais c'est un consensus.

Le Président (M. Rioux): Ah non! on va régler ça tout de suite. Est-ce qu'il y a une réponse? Oui?

M. Rochon: Je vais vérifier quelque chose, M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Très bien.

M. Rochon: Je m'en vais vous revenir là-dessus avant que vous partiez.

Mme Gélinas (Kathleen): Merci.

n(20 h 30)n

Le Président (M. Rioux): O.K. M. Fortin, j'aimerais vous demander une chose, une clarification. Vous avez tenu tout à l'heure dans votre discours un propos que j'ai trouvé intéressant. En tout cas, on ne peut pas laisser passer ça comme ça. Vous avez dit: Je suis disposé et non seulement je suis disposé, nous voulons, comme organisation, collaborer à ce qu'on règle. Et ce que j'ai compris, c'est qu'à l'intérieur de la période de 30 mois... si c'est ça, qu'est-ce que vous entendez faire? Ce qui n'a pas été fait pendant 18 mois, vous êtes prêt à le faire après la passation de la loi.

M. Fortin (Jean-Luc): L'industrie, M. le Président, j'y crois, j'en mange. Je suis impliqué énormément à l'intérieur de cette industrie-là. Malheureusement, suite à la demande, qui est de participation, puis par mon implication personnelle, mais qui était supposée d'être à titre de président de l'association pour l'industrie... m'a amené des problèmes plus ciblés face à mon organisation spécifique.

Alors, vous comprenez que, lorsqu'on veut travailler dans l'industrie conjointement dans des communs accords et puis que personnellement on vient vous cibler et vous nuire, je pense que c'est assez perturbant. Parce qu'on veut faire avancer l'industrie parce qu'on croit sur des principes et des façons de faire, bien, ça vient se retourner contre nous. Alors, j'ai des entreprises auxquelles j'ai des opérations... auxquelles on a 39 ans d'histoire de faits, et puis que, on a bien cheminé, on fait travailler 400 travailleurs, on les rémunère correctement et puis on se sert de nos propos, ou de nos convictions, ou de nos idées pour venir à l'encontre de tout ça. Je trouve ça un peu tannant.

Le Président (M. Rioux): Vous souhaitez la paix.

M. Fortin (Jean-Luc): Bien, je souhaite... oui, je souhaite la paix puis, en même temps, je veux faire avancer l'industrie.

Le Président (M. Rioux): Très bien. On a compris, oui.

M. Rochon: Je vais essayer au moins de mettre une chose claire, là. Il y a ce que le projet de loi va nous amener à faire par rapport aux six normes dont j'ai parlé tout à l'heure, pour lesquelles il nous faut une période de transition plus longue pour faire ce qui n'a pas été fait. Si je comprends bien, puis j'ai vérifié rapidement, M. le Président, ce dont vous nous parlez, comme l'exemple des congés fériés, du calcul, des heures, ça, c'est des éléments du règlement tel qu'il est actuellement. Moi, on me dit qu'il y a des choses qui sont prévues, par exemple, dans le secteur de la dame et qui n'est pas répété dans le secteur de l'homme, et c'est ça qui peut poser un problème. Ça, ce que je peux vous dire, c'est que d'améliorer un règlement pour en faciliter l'application, on peut faire ça n'importe quand, puis on est prêt à faire ça n'importe quand.

Là, vous nous en parlez. Si vous en aviez parlé avant, on se serait assis, indépendamment de ce qu'on veut changer dans la loi, puis même en gardant les normes qu'on a là pour lesquelles on veut extensionner la période. Le règlement d'application de ça, ça peut être bonifié, ça. On est bien ouvert à ça. Alors là vous nous en parlez. On va en prendre bonne note et on va remettre le bateau sur les rails pour ce qui est de la décision à prendre sur les normes, de toute façon, pour l'avenir. Mais, dans l'intervalle, si on peut améliorer la gestion de ça en bonifiant le règlement, on est très ouvert à ça. Mais il faut nous en parler.

Le Président (M. Rioux): Très bien.

M. Rochon: Là, vous nous en parlez ce soir; alors, on va se mettre en mode de solution. Mais il va falloir qu'on ait une collaboration de vous, là, puis je vois que vous être prêt à le faire, avec les syndicats, puis c'est une porte ouverte, là, ça.

Le Président (M. Rioux): Merci.

M. Rochon: Alors, pas de problème.

Le Président (M. Rioux): Merci. On va aller du côté de l'opposition. M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bienvenue à Québec, et, en dépit de la température, je vous félicite d'être ici. Merci aussi pour votre présentation.

Mme Gélinas, s'il y a une chose que j'ai comprise de votre exposé, c'est la difficulté de gérer dans cette industrie qui est ? qu'est-ce que vous avez dit? ? à quatre vitesses, si je ne me trompe pas. Je n'aurais pas voulu gérer une entreprise aussi complexe: des fois dans le décret, des fois pas de décret, etc. Et d'ailleurs votre prédécesseur a mentionné quelque chose qui était intéressant, de dire qu'il ne comprenait pas qu'une industrie soit divisée en fonction du produit qu'elle fabrique et non pas en fonction des êtres humains qui y travaillent.

Il s'est passé 18 mois pendant lesquels on nous dit qu'il y a eu des négociations. Par contre, l'industrie n'est pas arrivée à aucune solution, pendant le 18 mois. Le ministre a décidé de pelleter en avant puis d'étirer la période de 30 mois. Je comprends que ça ne fait pas votre affaire, puis la mienne non plus.

D'après vous, est-ce qu'il y a possibilité que les employeurs ? et vous en êtes un ? s'entendent avec les syndicats pour qu'on en arrive à une solution vraiment négociée, une entente qui soit hors décret? Et combien de temps on aurait vraiment besoin, là, si les deux parties voulaient vraiment régler le problème?

Le Président (M. Rioux): Qui a la parole? Mme...

M. Tranchemontagne: Je ne sais pas qui doit répondre.

Le Président (M. Rioux): C'est Mme Gélinas, M. Fortin?

Mme Gélinas (Kathleen): Compte tenu que ça concerne l'industrie, je crois que...

Le Président (M. Rioux): M. Fortin.

M. Fortin (Jean-Luc): Oui. On s'attendait que, dans le 18 mois, pour cette période-là, le règlement, une fois pour toutes, serait passé à la correction. Alors, on a travaillé pendant cette période-là à vivre avec toutes les contraintes et anomalies. Alors, pour nous, on était certains que, à partir du 1er janvier de la nouvelle année qui s'en vient, on aurait la position claire sur les propositions qui ont été émises.

Vous me demandez: Combien de temps? Tu sais, c'est au 1er janvier. Alors là, comme je peux comprendre, c'est qu'on remet la balle dans les parties, en disant: Vous n'avez pas été assez gentils pour vous accorder, et vous nous remettez ça dans les pattes. Bon.

Le Président (M. Rioux): Ça, on va vous arranger ça.

M. Fortin (Jean-Luc): Comment vous arrangez ça?

Le Président (M. Rioux): Ha, ha, ha! Continuez, M. Fortin.

M. Fortin (Jean-Luc): Puis là vous me dites: Combien de temps? Tu sais. Ha, ha, ha!

Je ne veux pas qu'on s'obstine encore un mois, six mois, trois ans. On perd du temps. L'industrie, il faut qu'elle continue à être viable. Il faut se préparer, nous, aujourd'hui puis demain. Il y a les démantèlements, il y a la mondialisation, il y a toutes sortes de choses avec lesquelles on vit, l'équité dans l'entreprise...

Quel temps? On se dit qu'on ne veut pas charger la lourdeur du ministère du Travail à gérer toutes sortes de systèmes, de lois, etc. Alors, on veut simplifier, M. le ministre. Vous en avez déjà passablement, alors pourquoi en faire tant, de différences, entre une partie versus l'autre?

Le Président (M. Rioux): Bien. M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Merci. Tantôt, j'ai posé la question à celui qui a passé avant vous dans le siège. Vous avez dit tantôt que vous avez 400 employés. Combien est-ce qu'il y en a qui font le salaire minimum, sur les 400 employés?

M. Fortin (Jean-Luc): Je ne sais pas si j'en ai.

M. Tranchemontagne: O.K.

M. Fortin (Jean-Luc): Parce que premièrement, dans mon industrie, on a de la difficulté à recruter une main-d'oeuvre, une bonne main-d'oeuvre. Deuxièmement, on a une main-d'oeuvre, à l'intérieur de notre industrie, qui est vieillissante. Notre moyenne d'âge se situe entre 38 et 40 ans, puis, selon nos statistiques de l'industrie, c'est à peu près 38 et 40 ans. Alors, le salaire, il faut tout de même mettre un salaire intéressant. On a envoyé les employés, avant de les engager, à des écoles de formation et, lorsqu'ils commencent à l'intérieur de l'industrie, on leur donne un salaire un peu plus élevé. Puis je dois vous dire que c'est tous des gens d'expérience sur laquelle on embauche, par rapport à la disponibilité, la relève n'étant pas disponible, dans nos régions, surtout. Alors, je ne peux pas vous parler des autres endroits mais qu'est-ce que je vis.

M. Tranchemontagne: Chez vous, là.

M. Fortin (Jean-Luc): Oui.

M. Tranchemontagne: Mes questions étaient vraiment dirigées chez vous parce que c'est ça que vous connaissez ? c'est beau ? 400 employés. Alors, vous dites que vous n'en avez pas ou à peu près pas qui sont au salaire minimum, donc. Et vous devez payer un certain montant qui est au-delà de ces montants-là pour recruter du personnel de qualité, si je vous ai bien compris. Je vous remercie.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Beauce-Nord.

M. Poulin: Merci, M. le Président. M. Fortin, puis Mme Kathleen, vous avez parlé, dans votre exposé, d'incertitude. M. Fortin, vous avez fait part que, durant ces 18 mois là, l'industrie a vécu une forme d'incertitude et vous entrevoyez que, dans les 30 mois à venir, ça sera encore une même période. J'aimerais que vous expliquiez, c'est quoi. C'est-u sur le nombre d'emplois qui peut être créé? Sur les investissements? C'est-u le secteur qui est affecté? C'est-u la concurrence internationale qui va vous affecter? J'aimerais vous entendre davantage sur le mot «incertitude» que vous vivez, là.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Gélinas.

Mme Gélinas (Kathleen): Je vais débuter par le côté légal, puis ensuite, M. Fortin va enchaîner avec ce qui se vit dans l'industrie. En ce qui a trait au côté légal, puis les difficultés d'application du règlement, les exemples que j'ai apportés, ce sont des exemples qui ont tous été soumis, sans aucune exception, à la Commission des normes du travail, et il y a de ça plus d'un an. Et, lorsqu'on revenait, régulièrement, à la Commission des normes du travail, ce qu'on nous faisait miroiter, c'est que tout serait réglé après le 31 décembre. Et ce sont des exemples concrets vécus par des entreprises. Et il y en a d'autres, et j'en ai une longue liste.

n(20 h 40)n

Alors, ce qui se faisait miroiter, c'est que tout va être réglé après le 31 décembre. On arrive à l'expiration du délai qui nous était mentionné, et ça ne sera pas encore réglé. Donc, ce sont des difficultés qui sont encore en suspens, les avis de cotisation émis malgré les conventions collectives signées. Puis le syndicat n'a jamais fait de griefs là-dessus, il était d'accord, c'est ce qu'il avait négocié pour avoir des conditions de travail plus avantageuses.

Donc, au point de vue légal, l'incertitude, c'est ça. C'est des réponses encore en suspens, des modifications au règlement qui n'ont pas été apportées, alors que la Commission des normes du travail était saisie de ces dossiers-là et même la direction, le contentieux de la direction des normes du travail. Donc, l'incertitude au point de vue légal, c'est ça, des réponses qui ne seront pas apportées à l'industrie.

Le Président (M. Rioux): M. Fortin, est-ce que la réponse de votre collègue vous satisfait? Oui?

M. Fortin (Jean-Luc): Au niveau technique, oui. Au niveau de mon côté personnel, comme je vous dis, il y a 30 ans d'histoire dans l'industrie, et je ne sais pas jusqu'à quel point on prend le sérieux de notre industrie. Est-ce que... parce que c'est considéré comme un secteur mou? Alors, mou, je le comprends, parce que le textile, ça ne se tient pas, il faut que ça ait de la flexibilité. Alors, est-ce que c'est parce que ce n'est pas compris sur ce côté-là? Tu sais...

Le Président (M. Rioux): ...M. Fortin. Mais il y a une question qui me brûle les lèvres.

M. Fortin (Jean-Luc): Laquelle?

Le Président (M. Rioux): On a entendu des gens avant le souper, ils sont venus plaider leur bonne foi sur les 18 mois de négociation, le syndicat et l'employeur. Moi, je vous pose une question fort simple: Est-ce que par hasard la Commission des normes n'aurait pas fait son travail convenablement?

M. Fortin (Jean-Luc): M. le Président.

Le Président (M. Rioux): Il faut trouver un coupable, hein? Ça n'a pas marché.

M. Fortin (Jean-Luc): Cherchez le coupable.

Une voix: ...

Le Président (M. Rioux): Oui, d'habitude, on dit que c'est le ministre. Mais ça, c'est trop facile, parce que les acteurs en présence, c'étaient les syndicats, les patrons de l'industrie et la Commission, qui avait un rôle quand même important à jouer, délicat, il faut le dire. Comment il se fait, des gens... vous vous connaissez depuis des années, vous brassez les mêmes choses depuis longtemps et que vous n'en arrivez pas à vous entendre au moins sur le minimum?

M. Fortin (Jean-Luc): Parce que les visions ne sont pas les mêmes, d'après moi. On a une vision de faire avancer l'industrie, et, de l'autre côté, on a une vision de peur de faire perdre aux employés de cette industrie-là tous les droits et gains qu'ils ont acquis depuis le nombre d'années, et de peur de se retrouver avec des conditions minimales sur lesquelles ils vont tous redescendre à ça. Et puis qu'est-ce qu'on essaie de dire? Bien, on n'est pas des gens sur lesquels on veut revenir à l'âge de pierre, loin de là. On vient de dire qu'on a besoin des employés, on a besoin d'émettre des conditions. On vit actuellement avec l'équité salariale à laquelle on a été forcé de faire nos devoirs et à laquelle ça nous a amenés à bâtir des échelles salariales.

Et, écoutez, c'est comme deux choses complètement distinctes. On ne veut pas focusser sur l'avenir de l'industrie. Alors, on veut conserver les acquis. Alors, puis nous, en tant qu'industriels, il faut partir avec des bases. Puis malheureux à ceux qui veulent rester sur les bases, parce que, d'un côté, nous, dans notre industrie, on a besoin d'une main-d'oeuvre, d'une main-d'oeuvre qualifiée puis d'une main-d'oeuvre intéressée. Alors, laissez-nous, entrepreneurs, gérer l'avancement de l'industrie.

Le Président (M. Rioux): J'ai le député de Groulx qui a demandé la parole. M. le député.

M. Kieffer: Messieurs, dames. Moi, j'ai trouvé très éloquente Me Gélinas tantôt lorsqu'elle faisait ressortir les aberrations qu'on pouvait retrouver dans l'application des normes de travail et/ou des ententes syndicales. D'autant plus aberrantes que, en général, effectivement elles font l'objet de consensus entre les employés et employeurs. Je connais mal votre secteur, mais je connais très bien un secteur qui est presque parallèle au vôtre, dans l'agroalimentaire, et qui a à peu près les mêmes exigences vis-à-vis ses travailleurs. Moi, je connais des gens qui s'arracheraient les cheveux, là.

Mais en même temps, ce qu'on nous dit puis quand je lis les rapport qui ont été faits, 18 mois sans se parler, c'est long longtemps. Et vous ne vous êtes pas parlé. Vous avez été ex parte pour la quasi-totalité de ce 18 mois là.

Comment peut-on en arriver... Puis je ne vous mets pas ça sur le dos, là, il y avait deux parties qui étaient en présence puis je ne jugerai pas qui a voulu être plus que l'autre ex parte. Je constate qu'il y a eu... il n'y en a pas eu, de rencontre de négociations réellement, hein, qu'on a procédé ex parte. Ça ne solutionne pas vite, vite des problèmes, y compris les aberrations telles que celles qui ont été soulevées par Me Gélinas.

Je vais vous dire le fond de ma pensée ? puis, ça, ce n'est pas celle du ministre là ? moi, j'étais là au moment où on a fait les premières rencontres, hein ? je pense que je suis un des seuls ici, l'un des vieux...

Une voix: ...

M. Kieffer: Hein? On était deux? Oui, tu étais là, toi aussi. T'étais un des vieux. Ça fait qu'on a vu les deux moments, là. Moi, j'ai l'impression, de temps à autre, que, et vous me corrigerez, hein, je n'ai pas de problème, j'ai l'impression de temps à autre qu'il y a bien du monde qui attendait que le 18 mois soit fini pour faire tabula rasa, puis après ça on va avoir les coudées franches.

Vous ne l'avez pas dit en si peu ou en autant de mots tantôt, mais, quand on me parle de repartir à neuf, etc. Moi, je pense qu'il y a des paramètres qu'il nous fallait et qu'il vous fallait absolument protéger, et le ministre les avait assez bien identifiés, hein? Il en a identifié, il a identifié six objets, hein...

Une voix: Six normes.

M. Kieffer: ...six normes. Là-dessus, il y en a quatre qui prennent, sur 37 pages, qui prennent quatre pages puis il y en a deux qui prennent 33 pages. Puis ça, ça signifie, par exemple, déterminer le salaire pour telle pièce de mon veston qui est faite par telle catégorie d'employés puis, si je fais l'autre pièce dans mon veston, tu n'as pas le droit au même salaire ou tu vas... C'est incroyable. Pourquoi ne pas s'être attaqué à cette réalité-là, qui aurait pu réduire la lourdeur, qui aurait pu, je pense, ouvrir un climat de confiance? Je vous pose mon diagnostic. Je ne pose quasiment pas de questions, là.

Je trouve à la fois aberrant que vous ayez à vivre ce type d'encadrement, de règles extrêmement lourdes, et je ne comprends pas qu'en 18 mois vous ne vous soyez pas parlés. Vous ne vous êtes pas parlés en 18 mois. Je suis certain que vous allez me dire ? et je termine là-dessus ? je suis certain que vous allez me dire: Bien non, on ne pensait pas que tout serait tabula rasa après puis qu'on pourrait avoir les coudées franches, ça fait qu'on n'avait pas à se forcer pour trouver une solution. Permettez-moi, comme simple député, d'avoir à tout le moins ? à tout le moins ? des préoccupations.

n(20 h 50)n

Le Président (M. Rioux): M. Fortin.

M. Fortin (Jean-Luc): Je trouve aberrant de voir à cette assemblée que l'interprétation n'ait pas été à la hauteur pour dire que l'industrie s'est rencontrée. En tout cas, moi, je peux vous dire que, dans les 18 mois, il y a eu cinq rencontres de faites ? ça, je peux vous dire ça, j'étais présent ? et, entre ces rencontres, il y a eu des prérencontres pour justement préparer les choses. Il y a eu beaucoup d'énergie de mise à présenter des solutions, des mémoires. Et c'est sûr, et il est bien évident qu'on ne voulait pas faire des débats entre un parti versus l'autre. On a demandé... On vous expose notre partie, pourquoi, et avec des exposés très concrets. L'autre partie a exposé exactement sa vision, et après il y a eu une position de prise par le président, ou la Commission des normes comme telle. Alors, le consensus qui a été émis versus la proposition qui a été apportée... là il reste à savoir qu'est-ce qui a été mentionné.

M. Kieffer: Mais c'était quoi, le consensus? Lequel consensus? Au niveau des salaires, par exemple, le ministre l'a très bien noté...

M. Fortin (Jean-Luc): Le consensus, c'est d'en venir avec des normes minimales simples et faciles à gérer, et sans qu'il y ait de distorsion entre les normes minimales de l'industrie du vêtement puis les normes minimales de toute la balance de l'industrie.

M. Kieffer: Alors, est-ce qu'il s'en est dégagé? Parce que, nous, ce qu'on sait, c'est que...

M. Fortin (Jean-Luc): Bien, il s'en est dégagé qu'on vient de recevoir une invitation pour se faire dire que l'industrie ne s'est pas rencontrée, ne s'est pas parlée. Je suis surpris. Je suis surpris.

Le Président (M. Rioux): M. Fortin, est-ce que vous dites que la Commission des normes, et son président, qui était un joueur important là-dedans, n'a pas traduit, dans des textes, les consensus... le consensus des parties? C'est ça que vous voulez dire?

M. Fortin (Jean-Luc): Pardon? Excusez, je...

Le Président (M. Rioux): Est-ce que le président de la Commission des normes, dans ce qu'il a remis comme document, ne traduisait pas le consensus des parties?

Une voix: Y en a-t-il eu un?

M. Fortin (Jean-Luc): Je n'ai pas eu à prendre connaissance du document qui a été présenté, M. le Président, mais j'ose croire que le travail qui a été fait a dû être fait pour apporter un juste équilibre entre les deux parties. Mais, malheureusement, je ne peux pas vous donner une réponse concrète sans avoir pris l'analyse...

Le Président (M. Rioux): Merci. Du côté de l'opposition, maintenant.

Une voix: Ça va.

Le Président (M. Rioux): Ça va? Merci. M. le ministre.

M. Rochon: Bon...

Le Président (M. Rioux): Un instant, un instant. Il nous reste quelques secondes, il y a le député de Chicoutimi qui avait demandé la parole avant vous, M. le député.

Une voix: ...

Le Président (M. Rioux): Ah!, on n'en est... Oui?

M. Bédard: Je veux faire des commentaires, je vais lui laisser...

Le Président (M. Rioux): Oui. Très bien.

M. Bédard: Vous vouliez faire des commentaires, M. le ministre?

M. Rochon: Oui.

M. Bédard: Oui, je vais lui laisser...

M. Rochon: Bien, il va peut-être vous rester du temps. Moi, je vais être très bref, là, mais je veux vous dire avant que vous quittiez que vous n'aurez pas fait votre voyage pour rien, parce que, en vous écoutant, je comprends qu'il y a deux choses. Il y a les normes, pour lesquelles il va falloir prendre plus de temps pour voir qu'est-ce qu'on en fait dans l'avenir. Ça, c'est une chose. Puis j'ai vérifié, là, il y a beaucoup de choses que vous soulignez, de difficultés dans la vie de tous les jours, qui sont améliorables pas mal plus vite que ça peut nous prendre du temps pour corriger, ou changer, ou améliorer les normes, c'est le règlement d'application de ces normes-là.

Le Président (M. Rioux): Bravo. Bravo.

M. Rochon: Bon, puis il n'y a pas de raison qu'on ne soit pas capable ? là, ça ne prendra pas 30 mois ? qu'on ne soit pas capable... On va calculer ça... on va diminuer ça par un facteur de 10, ou à peu près, là. Ça va nous prendre de la collaboration, par exemple, là, mais vous m'avez l'air d'être prêt à la donner, là. Alors, je ne peux pas rien vous annoncer, à soir, de comment on va procéder, mais, avant... à la fin des travaux de cette commission-ci, quelque temps la semaine prochaine probablement, on aura eu le temps de voir comment on peut s'attacher. On va vous revenir là-dessus, puis on va faire une opération avec la Commission des normes puis avec vous ? on, étant le ministère du Travail ? pour améliorer et simplifier de beaucoup les règles d'application du règlement actuel, y compris ce que vous avez souligné d'entrée de jeu qu'on va regarder, là, disons, qu'est-ce qu'on peut faire avec ça... qu'est la cotisation spéciale.

Alors, ça, là, je vais distinguer ça de ce qui est le projet de loi, parce que c'est une autre affaire, et ça, ça peut se travailler, puis très vite. Puis on est content de l'apprendre, là. Si on l'avait su avant, on l'aurait fait avant. Mais on est bien conscient que vous êtes, dans toute l'industrie du vêtement, les producteurs qui êtes le plus pris en étau de la pression que subit ce secteur-là pour la production. Alors, on va vous revenir là-dessus, puis ça, je peux vous promettre de l'action, et de l'action rapide là-dessus.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. Fortin, votre offre de collaboration n'a pas été inutile, comme vous voyez, et le fait d'avoir décrypté un peu les choses, on a mieux saisi quels sont les problèmes que vous vivez. Et l'ouverture qui est faite, moi, ça m'apparaît être une bonne nouvelle, je vous le dis comme je le pense, mais ça m'apparaît être d'assez bonnes nouvelles pour vous.

Alors, Mme Vézina, M. Fortin et votre autre collègue, M. Frappier, on vous remercie d'être venus nous rencontrer, puis on va vous souhaiter un retour en sécurité. Merci.

Une voix: Merci beaucoup.

n(21 heures)n

Le Président (M. Rioux): Alors, j'invite maintenant la Centrale des syndicats démocratiques à venir prendre place, le temps que les fauteuils sont chauds. On est sur le «hot seat».

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Rioux): Alors, la Centrale des syndicats démocratiques, prenez place, s'il vous plaît.

Bien. Alors, on commence. Alors, M. Vaudreuil, on vous souhaite la bienvenue. Vous allez nous présenter les gens qui vous accompagnent et, ensuite, on va vous donner 20 minutes pour exposer votre point de vue. Vous n'avez pas de texte à remettre aux parlementaires, mais on va vous suivre crayon en main, c'est aussi pire. Alors, vous avez la parole, mon cher.

Centrale des syndicats
démocratiques (CSD)

M. Vaudreuil (François): Merci, M. le Président. Alors, mesdames, messieurs, je voudrais vous présenter, en premier lieu, à ma gauche, Mme Gertrude Ouellette, qui est secrétaire de la Fédération des syndicats du textile et du vêtement affiliée à la CSD; M. Henri-Paul Roux, qui est conseiller syndical à la Fédération du syndicat du textile et du vêtement; ainsi qu'à ma droite M. Normand Pépin, qui est responsable du service de la recherche à la CSD. Et je voudrais souligner, dans cette salle, la présence du vice-président de la Confédération française des travailleurs chrétiens qui est parmi nous pour faire une présentation à un colloque que nous aurons demain et samedi sur la formation, M. Jacques Voisin.

Alors, Jacques...

Le Président (M. Rioux): ...plaisir de vous accueillir, monsieur.

M. Vaudreuil (François): Jacques nous arrive de Paris avec un choc culturel avec la température qu'on a. C'est surprenant.

Le Président (M. Rioux): ...qu'il trouve ça aussi beau que nous, mais ça dépend des jours.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vaudreuil (François): Bien, oui.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Vaudreuil, on vous écoute.

M. Vaudreuil (François): Merci, M. le Président. Bon, dans un premier temps, nous voudrions vous informer que la CSD est très déçue du projet de loi n° 46 parce que nous considérons cette façon de faire, c'est-à-dire de reconduire les normes sectorielles pour une période de 30 mois, comme étant un geste rétrograde et surtout porteur d'une vision réductrice de la compétitivité et de la productivité, qui se résume à prétendre que les coûts de main-d'oeuvre et les autres conditions de travail sont les seuls éléments tributaires de notre capacité de concurrencer, alors qu'on sait très bien qu'en l'an 2001 notre capacité de concurrencer ne se limite pas aux coûts de main-d'oeuvre, mais ça se limite... c'est-à-dire qu'il y a d'autres facteurs qui interviennent, comme, par exemple, notre capacité d'innover des stratégies de marketing, comme, par exemple, différentes autres stratégies dans la gestion d'une entreprise qui fait en sorte qu'on peut être compétitif ou qu'on ne l'est pas.

Donc, c'est évident que nous ne pouvons supporter cette vision qui est trop lourde de conséquences pour les travailleuses puis les travailleurs de l'industrie du vêtement, qui favorise le glissement graduel des conditions de travail vers celles prévues à la Loi des normes du travail. Ça signifie un appauvrissement toujours plus grand de ces travailleuses et de ces travailleurs.

Je voudrais vous rappeler que, depuis 1992, les travailleuses et les travailleurs qui sont assujettis au décret de la confection de vêtements pour dames n'ont pas connu d'augmentation des taux de salaire de base qui sont prévus au décret et, depuis 1994, pour celles et ceux qui travaillent dans l'industrie de la confection pour hommes. On assiste donc, dans le premier cas, à un gel des taux depuis neuf ans et à un gel des taux depuis sept ans, dans le deuxième cas.

C'est une situation qui affecte environ 20 000 personnes, au Québec, qui y travaillent. Évidemment, comme toute l'industrie du vêtement n'est pas assujettie et qu'il n'y en a que seulement 20 000 sur 60 000, ça affecte aussi les conditions de travail des 40 000 autres parce que, quand on regarde les études de l'industrie, on s'aperçoit qu'il n'y a pas grande différence de salaire entre les 20 000 qui sont assujettis et les 40 000 qui ne le sont pas.

Donc, nous, on a des préoccupations et on se demande: Le fait qu'on n'améliore pas les conditions de ces gens-là, comment le projet de loi actuel va-t-il permettre, par exemple, d'attirer des jeunes et de la main-d'oeuvre qualifiée dans un secteur qui en a pourtant si besoin? Comment ce projet de loi peut-il permettre ou contribuer d'améliorer l'image de l'industrie, qui est considérée malheureusement comme un secteur mou, comme un secteur qui a peu d'avenir?

Le gel des conditions de travail va-t-il permettre d'éviter le roulement de main-d'oeuvre élevé qu'on retrouve dans ces entreprises? Va-t-il contribuer à augmenter la motivation des travailleuses et des travailleurs? Et, surtout, va-t-il régler les problèmes de productivité? Est-ce que ça va permettre, par exemple, l'introduction de nouvelles technologies, la réorganisation du travail? Est-ce que ça va permettre de faciliter le développement d'alliances stratégiques, la formation du personnel?

Est-ce que le fait de geler les conditions de travail va assurer une plus grande pérennité aux entreprises de l'industrie du vêtement quand on sait que, de tous les secteurs manufacturiers au Québec, le secteur du vêtement est le secteur où la volatilité des entreprises est la plus grande, les entreprises sont les plus fragiles? Est-ce que le gel des conditions de travail va aussi avoir des effets bénéfiques et qui vont contribuer à diminuer les lésions attribuables au travail répétitif qui sont le lot des travailleuses et des travailleurs de l'industrie du vêtement? Est-ce que ça va aider à attirer des gestionnaires de haut calibre qui sont pourtant nécessaires dans cette industrie?

Comme vous pouvez le constater, à la CSD, on est bien conscients que les problèmes dans l'industrie du vêtement sont nombreux et que les solutions à apporter sont multiples. On est bien conscients aussi qu'il n'existe pas de solution magique pour régler les problèmes de l'industrie, mais la proposition qui est formulée de geler les dispositions transitoires, selon nous, est déconnectée de la réalité qui est vécue par les travailleuses et les travailleurs, qui s'appauvrissent constamment.

J'aimerais vous rappeler que 75 % des personnes qui travaillent dans l'industrie du vêtement sont des femmes, que c'est un travail qui exige beaucoup d'efforts physiques et de concentration, et souvent dans des lieux physiques désuets, difficiles. C'est aussi, au Québec, le secteur manufacturier qui embauche le plus grand nombre de salariés, mais c'est en même temps celui qui offre les taux de salaire les plus bas. Près de 40 % de la main-d'oeuvre de l'industrie du vêtement sont des personnes immigrantes, et le salaire annuel de ces personnes-là varie entre 13 et 16 000 $.

n(21 h 10)n

Alors, évidemment, vous comprendrez que les travailleuses et les travailleurs que nous représentons de l'industrie du vêtement ont l'impression, ont la perception ? et que nous partageons ? qu'ils font les frais, qu'ils font les frais des profits que les entreprises font. Et on se retrouve dans une situation où la pression est uniquement d'un côté, c'est-à-dire des travailleuses et des travailleurs qui s'appauvrissent, et les employeurs, eux, n'ont aucune pression pour changer les conditions, pour améliorer leur productivité, pour devenir plus compétitifs, pour être meilleurs au niveau de la concurrence. Et il y a surtout absence de concertation, puisqu'il n'y a plus de mécanisme pour favoriser de telles démarches suite à la disparition des décrets de conventions collectives.

Alors, je voudrais quand même vous indiquer qu'à la CSD nous croyons que des normes sectorielles, dans la Loi des normes du travail, sont absolument nécessaires pour protéger les travailleuses et les travailleurs de l'industrie du vêtement et, à cet effet, vous rappeler les positions que nous avons défendues lors de la consultation concernant les six normes du travail qui sont en cause.

Premier élément, sur la semaine normale de travail, que nous voudrions voir apparaître à 39 heures dans les lois permanentes sur les normes du travail. On voudrait tout simplement vous rappeler que 75 % des travailleurs ont déjà, dans l'industrie du vêtement, une semaine régulière de 39 heures. Nous avions demandé aussi, lors des consultations, de permettre que le temps supplémentaire puisse être rémunéré après la journée de travail plutôt qu'après la semaine de travail, mais nous sommes bien conscients qu'il faudrait modifier à cet effet l'article 92.1 de la Loi des normes du travail.

Le deuxième point, concernant les jours fériés. Bien, évidemment, notre demande était de reporter ce qui existe actuellement et ce qu'on retrouvera dans les normes transitoires, c'est-à-dire neuf jours fériés, excluant la fête nationale. Bon.

Concernant les congés annuels payés, notre position évidemment était un jour par mois de service pour les personnes qui ont moins d'une année de service continu. Alors, d'une année à trois ans de service continu, deux semaines en été; trois ans et plus de service continu, trois semaines en été. Et, si la personne avait une année de service continu au 24 décembre, il y avait un congé de fin d'année du 26 décembre au 31 décembre que, évidemment, on aimerait voir reconduit dans des normes permanentes.

Et il y a un élément sur lequel il y a probablement eu confusion, c'est celui du fonds de vacances. Bon. Ce qui a été interprété, c'est que nous demandions la mise sur pied d'un fonds de vacances. Mais, quand on a discuté avec les gens de la Commission des normes, ce qu'on a dit, c'est que ce n'était pas nécessairement un fonds de vacances. L'idée, c'est qu'on voulait protéger les argents des travailleuses et des travailleurs en étant dans le secteur manufacturier où le taux de volatilité est plus grand et qu'on pouvait, pour ce faire... Par exemple, on demandait de modifier la loi pour obliger les employeurs à mettre en fiducie, à chaque semaine, les argents ? parce que, quand les entreprises ferment, les entreprises font faillite, la récupération d'argent est excessivement difficile ? ou d'avoir une garantie bancaire de l'institution financière avec laquelle l'entreprise fait affaire qu'advenant qu'il y ait un cas de faillite l'institution bancaire garantit l'argent des travailleuses et des travailleurs.

Donc, on est bien conscients que ça prenait des modifications à 92.1, mais l'idée, c'est qu'on veut protéger les montants qui sont acquis par les travailleuses et les travailleurs de l'industrie du vêtement. Et on a vu trop de personnes qui ont perdu leur argent à la suite d'une faillite d'une entreprise pour qu'on ne puisse pas mettre une disposition comme ça. Alors, ce qu'on veut ? et, pour nous, c'est très important ? on aimerait bien que cette disposition-là apparaisse en lieu et place d'un fonds de formation. C'est des moyens qui sont plus souples et qui sont facilement réalisables, et ça pourrait être vérifié par l'inspection proactive qui est faite par la Loi des normes du travail.

Concernant la période de repas, notre demande était une heure sans salaire pour la première équipe, 30 minutes sans salaire pour la deuxième, la troisième équipe et 30 minutes avec salaire après quatre heures consécutives de travail les fins de semaine. Actuellement, il y a seulement quelques tâches qui sont exécutées par des gens dans le secteur du jean qui sont couverts par cette disposition, mais on voulait l'étendre à l'ensemble des travailleuses et des travailleurs. Et on demandait, enfin, un 10 minutes de repos après quatre heures de travail. On est aussi bien conscients qu'il faudrait des modifications à l'article 92.2.

Concernant les congés pour événements familiaux, bien, ce qu'on voudrait, c'est la reproduction des normes transitoires dans les normes permanentes et sur le salaire minimum. Bon, là aussi, on est bien conscients que, dans la loi qui avait été adoptée par l'Assemblée nationale, on référait à un seul taux de salaire. Et, après avoir fait des vérifications avec les gens de l'industrie, qui travaillent chez nous dans l'industrie, on en vient à la conclusion qu'il y aurait nécessité d'avoir quatre catégories, quatre grands titres qui traiteraient des personnes qui font la coupe, les personnes qui pressent, les personnes qui opèrent et les autres; donc, quatre grandes catégories. Et l'échelle de salaire, ce qu'on avait présenté à la Commission des normes, c'était entre 8,50 $ et 12,79.

On est bien conscients que le 8,50 de l'heure constitue une étape très importante, mais, en même temps, ce qu'on veut vous expliquer, c'est qu'il y a de la récupération à faire à cet égard-là et qu'il faut donner un coup pour permettre à ces gens de récupérer de leur pouvoir d'achat.

Donc, comme je vous l'ai dit, on est déçus. À titre de conclusion, on est déçus. Évidemment, on est dans une situation qu'on est mieux de conserver les dispositions transitoires que de tout perdre, mais on est déçus parce qu'on aurait aimé, on aurait aimé un signal de l'Assemblée nationale, pas seulement du gouvernement, mais aussi des partis de l'opposition, qu'il y ait une entente pour donner un coup de barre, pour donner un signal aux travailleuses puis aux travailleurs de l'industrie du vêtement pour leur expliquer que les parlementaires étaient reconnaissants et qu'ils étaient conscients de la situation très grave qu'ils vivaient, d'appauvrissement, plutôt que de se retrouver avec une situation qui fait en sorte qu'on remet, qu'on réfère au futur et, pendant ce temps-là, bien, ce sont les travailleuses puis les travailleurs qui vont en payer les frais. Donc, on est déçus.

Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. Vaudreuil. Bon, alors, vous avez tracé le portrait, votre vision des choses. C'est plutôt clair. On vous remercie d'avoir dit ça de façon nette pour qu'on puisse bien se situer comme parlementaires vis-à-vis vous. Il y a le député de Chicoutimi qui a demandé la parole, mais, M. le ministre, avez-vous un commentaire préalable?

M. Rochon: Un tout petit commentaire, sollicitant mes collègues. Bon, je comprends que vous êtes déçus. Bien, d'abord, on est contents de vous voir là. On apprécie que, malgré la température et les occupations que vous aviez aujourd'hui, vous vous soyez rendus pour cette rencontre. Je comprends votre déception puis je pense que je pourrais vous dire que, nous autres aussi, du côté du gouvernement, on est déçus. On partage au moins ça. On n'en restera pas là parce qu'on a eu l'occasion avec vous, toutes les parties impliquées, au cours des derniers mois, d'en discuter pas mal pour essayer de faire le point où on en était rendus. Et moi, j'ai bien compris, je n'avais pas eu la chance de participer au débat dans cette commission en juin 2000, quand on avait adopté ces normes transitoires, mais, en refaisant toute l'histoire, j'ai bien compris que, à l'époque, tout le monde avait esquissé un projet qui pouvait être assez emballant. On se défait des décrets, tout le monde n'était pas d'accord là-dessus. Je pense que vous n'étiez pas d'accord là-dessus, d'autres parties syndicales, finalement, s'étaient laissées un peu convaincre en échange de ce qu'on avait appelé un contrat social qui tisserait pas plus mal large, un peu dans le sens de ce que M. Vaudreuil décrit, pour voir les différents éléments du développement de l'industrie dans ce domaine-là. Il faut s'assurer qu'on améliore le sort à la fois des travailleurs, mais de l'industrie aussi, et que les deux puissent développer une synergie qui serait bénéfique pour tout le monde.

n(21 h 20)n

Alors, on a été déçus aussi, je l'ai été, de voir que ? et là, comme je l'ai dit aux autres groupes qui sont venus nous rencontrer, on ne cherche pas de coupable puis on ne veut accuser personne, mais le constat a été dur à faire, mais il a fallu le faire ? après les 18 mois prévus pour établir cette espèce de contrat social là, on est à peu près devant rien. Pour différentes raisons, les parties n'ont pas pu travailler ensemble avec la Commission des normes du travail. Même l'idée puis le concept du contrat social, ça s'est un peu effrité, là, je pense, en cours de route. Et on en arrive pour s'apercevoir que, pour le 1er janvier, on n'a rien sur la table, on n'est pas prêt à faire mieux, en sachant les effets de ce qu'on ferait, là, que les normes transitoires qu'on a là.

Alors, ça, c'est... Devant ce constat, ce qu'on fait, essentiellement, c'est qu'on remet le train sur les rails puis on se repart, en fait, en se donnant une perspective et une volonté d'y arriver, souhaitant le faire en plus étroite collaboration avec les parties, de part et d'autre, évidemment la partie... ceux qui représentent les travailleurs, les travailleuses, surtout, dans ce secteur-là, et les entreprises, mais qu'on va s'organiser pour pouvoir le faire de toute façon, peu importe la collaboration qu'on aura, et de se donner le temps de trouver qu'est-ce qui pourrait être l'état des normes permanentes, là, pour l'avenir, en s'entendant que «permanent», ça ne veut pas dire «éternel», mais qui seraient des normes établies sur une base solide et qui pourraient guider le développement dans ce domaine-là.

Alors, ce qu'on peut vous dire, c'est qu'on va tout faire pour procéder avec diligence et qu'on va même... Et ça, ça s'est dégagé, lors de la rencontre précédente où, en entendant les gens qui viennent nous voir, on réalise plus clairement qu'il y a un bon nombre de difficultés qui se vivent dans le quotidien qui peuvent sûrement être améliorées, relativement à court terme, en termes de mois, en retravaillant beaucoup les normes, les critères ou les modalités, c'est-à-dire, d'application du règlement actuel, pendant qu'on travaille sur les normes, et qu'on peut probablement simplifier pas mal de choses et créer un mouvement avec ça qui va impliquer et la Commission des normes, et les parties, et le ministère qui va prendre un certain leadership là-dedans.

Alors, je comprends. Je partage jusqu'à un certain point votre déception qu'il faut reprendre le travail, mais je peux vous assurer qu'on a la volonté très ferme, là, de profiter de cette... d'apprendre quelque chose de cette expérience-là et de s'y prendre autrement, cette fois-ci, et d'avoir de l'action concrète dès les prochains mois.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: À moins qu'il y ait des commentaires. Non?

Le Président (M. Rioux): Non.

M. Bédard: Alors, merci, M. le Président. Sur un des commentaires, sur une des propositions que vous faisiez, j'aimerais peut-être me faire préciser certains éléments, là. Vous disiez, au niveau des salaires, bon, effectivement, là, il peut arriver, j'en parlais un peu tantôt, là, relativement aux salaires non versés, lorsqu'il y a, bon, faillites successives, et des fois ça arrive, effectivement, où certains peuvent profiter de la situation pour ne pas verser de salaire, bon, et repartir dans la maison d'à côté ou à peu près, là.

Par contre, à ma souvenance, je vous dirais, il y avait certains recours qui existaient par rapport au salaire versé, au salaire dû plutôt, à des employés en vertu des lois existantes. Et là je n'ai pas en mémoire la Loi sur les compagnies ou plutôt la Loi sur la faillite, mais il y a un recours qui existe directement, il me semble, contre les administrateurs pour du salaire non versé.

Tout d'abord, j'aimerais... Vous avez sûrement une meilleure connaissance que moi sur ces lois-là, peut-être me confirmer ? après ça, j'aurais peut-être une sous-question par rapport à l'élément que vous amenez, là, peut-être ? ou me détromper, me dire que, finalement, ça n'existe pas.

Le Président (M. Rioux): M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Bon. Premier élément, dans la loi fédérale, il y a des créanciers garantis, il y a des créanciers privilégiés puis il y a des créanciers ordinaires. Alors, souvent, quand les créanciers garantis sont passés, il ne reste rien pour les privilégiés; il y a une partie qui va dans le salaire.

La possibilité d'une poursuite des administrateurs, c'est une possibilité qui existe en droit, mais cependant les résultats qu'on a obtenus ne sont pas probants à cet égard-là, puis c'est des processus qui sont très longs. Puis, tu sais, je voudrais vous rappeler que c'est du monde qui travaille à des salaires de famine.

Et puis il y a des façons très simples de régler ça, très simples de régler ça, c'est-à-dire on oblige l'employeur, tu sais, ce n'est pas tellement compliqué, soit à mettre en fiducie à chaque semaine... Si, la personne, sa rémunération pour les vacances est de 4 % ou de 6 %, on dit à l'employeur: Tu es tenu de le mettre en fiducie au nom du salarié ou tu peux demander de ton institution financière une garantie qu'advenant la faillite les argents, ces argents-là soient immédiatement versés aux salariés. Ce n'est pas compliqué, ça, c'est simple.

Avant, ce qui existait dans les comités paritaires, il y avait un fonds de vacances. Alors ça, ça nécessite la transmission de ces argents-là dans le fonds, la gestion du fonds, après ça, les placements. Ça nécessite toute une administration, alors qu'il y a des moyens très simples dans la loi, et il s'agirait de modifier la loi du travail ? puis, je veux dire, l'Assemblée nationale a ce pouvoir-là ? pour permettre, pour assurer aux travailleuses puis aux travailleurs, qui en ont grandement besoin quand ça ferme, d'avoir leur argent. Tu sais, on a...

Moi, je me souviendrai toujours d'une travailleuse du vêtement qui nous a rencontrés, que, dans une période de ? combien, Henri-Paul? c'est sept ans? ? huit ans, elle avait perdu trois fois ses payes.

M. Roux (Henri-Paul): Six ans.

M. Vaudreuil (François): Six ans. Elle a perdu trois fois ses argents de vacances. Ça n'a pas de bons sens. Puis il n'y a pas une industrie au Québec qui est aussi volatile que l'industrie du vêtement. Alors, ce n'est pas compliqué de mettre, dans la Loi des normes du travail, une disposition qui dit à l'employeur: Vous versez les argents à chaque semaine ou vous obtenez une garantie de l'institution financière qu'advenant qu'il y ait une faillite ces argents-là soient payés immédiatement aux salariés. Il me semble que ce n'est pas demander l'impossible, là. C'est...

Le Président (M. Rioux): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Non, non. Puis je suis conscient de cette réalité-là. Puis, effectivement, elle est triste puis elle donne lieu, là, à des drames. La première chose que je vous dirais tout d'abord sur les recours: on sait que c'est la Commission des normes qui va instituer le recours en passant, là, je vous le dis, et je sais que vous le savez, là. Donc, le salarié n'a pas à débourser pour ce recours-là. Et parfois il est effectivement... Au niveau du temps, il peut s'écouler un peu plus de temps, là, mais, au moins, le salarié n'a pas a débourser.

Par contre, ce que vous me dites... Au niveau de la garantie bancaire puis au niveau de la vulnérabilité, vous me disiez: Oui, c'est vrai pour ce secteur-là effectivement, puis on l'a vu, je me souviens d'avoir entendu des témoignages lors de la première commission, là, lorsque nous avions à écouter les divers groupes, et c'était à plusieurs égards touchant, là, puis on le sait. Par contre, cette réalité-là existe aussi dans d'autres secteurs, et je pense entre autres au secteur de la restauration où ça peut arriver, effectivement, aussi, où souvent, bon, il y a plusieurs faillites. Et même, au niveau des bars, bon, il peut arriver... C'est des petits salariés, des jeunes même parfois aussi qui sont pris dans des situations comme ça, et c'est très pénible. Donc, cette réalité-là... Bon. Quelle est la bonne formule? Par contre, ce que vous proposez quand vous me parlez de garantie bancaire... En même temps, il faut regarder la réalité de cette industrie et c'est pour ça que je ne veux pas... Elle me questionnait, là, parce qu'une réalité où, moi, ce que je constate aussi, en même temps, c'est que ce n'est pas des entreprises avec des grandes marges de manoeuvre ? c'est ce que je comprends aussi ? même celles qui sont établies depuis longtemps et qui ont réinvesti et qui ? bon, la machinerie peut être parfois fort coûteuse ? ne disposent pas de très grands fonds de roulement et, en même temps, où il est plutôt difficile, vu cette volatilité que vous me parliez, d'obtenir du financement auprès des institutions financières. Donc, leur dire: Écoutez, en même temps, là, on va vous grever, je vous dirais, de vos possibilités financières en allant chercher cette garantie bancaire là au niveau des banques. Puis, moi, je sais, après ça, et on le sait tous les deux, de quelle façon, sur quoi ils se garantissent. Donc, ça empêche finalement la compagnie, les bonnes... les mauvais joueurs, on a toujours des fraudeurs dans le milieu, ou des gens, je vous dirais, sans avoir des fraudeurs, des gens moins bien intentionnés, avec un moins grand souci de responsabilisation par rapport à leurs travailleurs. Mais, à ce moment-là, on aurait peut-être tendance, je vous dirais, à empêcher les entreprises qui sont là depuis longtemps, et qui, je vous dirais, dans la mesure du possible, prétendent de s'entendre avec leurs salariés, bien, leur empêcher soit de croître ou de maintenir une situation financière qui est intéressante ou du moins de ne pas être acculées à la faillite. Et c'est pour ça que cette mesure-là...

Je ne sais pas si vous avez pensé à d'autres éléments qui pourraient ou... Moi, j'aurais tendance à croire à... Bon. Est-ce qu'il y a lieu de renforcer le recours?

Le Président (M. Rioux): Avez-vous une question?

M. Bédard: Oui.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bédard: Non, bien, c'était...

Le Président (M. Rioux): C'est parce que les parlementaires s'inquiètent, à savoir...

M. Bédard: C'est en même temps une réflexion, et j'imagine que M. Vaudreuil... C'est une mesure qui est très particulière et qui pourrait avoir des conséquences par rapport à ce milieu-là. Ce qu'on appelle, c'est à la responsabilisation. Et ce qui est important, c'est que chacun prenne connaissance de la réalité des autres. Et de la négociation, c'est ça.

n(21 h 30)n

Moi, j'ai entendu des salariés venir nous dire: Effectivement, écoutez, on vit des moments difficiles. Mais, en même temps, on a entendu tantôt le témoignage, qui était en même temps touchant, d'un entrepreneur qui semble, je vous dirais, se débattre depuis un grand nombre d'années dans une industrie qui n'est pas facile. Et, en même temps, je ne veux pas enlever les moyens aux entrepreneurs de continuer à donner des emplois aux gens, mais, en même temps, je veux qu'on arrive à des conditions de travail qui sont intéressantes pour les salariés et qu'ils ne soient pas justement dans la situation de vulnérabilité. Alors, je me demandais: Est-ce qu'il y a, avez-vous pensé à d'autres moyens afin de renforcer ces recours-là par rapport aux administrateurs? Parce que, lorsqu'on touche les administrateurs, c'est beaucoup plus facile de revenir contre un individu que souvent contre une compagnie qui a disparu. Est-ce que c'est une réflexion que vous avez eue par rapport à ça? Parce que c'est un domaine, moi, qui me touche, par rapport à votre secteur mais par rapport à plusieurs autres.

Le Président (M. Rioux): Très bien.

M. Bédard: Voici l'état de ma réflexion, et j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Rioux): Alors, bon, merci, merci beaucoup. Alors, M. Vaudreuil, puis je sais que votre collègue M. Roux aimerait bien aussi intervenir, il a levé la main tout à l'heure. Alors, M. Vaudreuil, vous commencez, puis M. Roux...

M. Vaudreuil (François): Oui, puis Henri-Paul complétera.

M. Bédard: ...

M. Vaudreuil (François): Pardon?

M. Bédard: J'ai dit: On se comprend très bien, vous et moi, là. Mes collègues, c'est peut-être l'heure qui fait en sorte qu'ils ont plus de misère à suivre, mais, vous et moi, on s'entend très bien, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Merci, merci, merci. La parole est à la partie syndicale.

M. Vaudreuil (François): J'aime beaucoup les commissions à cette heure-là, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Ah oui? Allez, M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): C'est très détendu. Bon, d'une part, vous rappelez que 85 % des entreprises ont 25 salariés et moins. Si le gouvernement voulait légiférer pour rendre des dispositions universelles à l'ensemble des salariés, écoutez, on applaudirait ça. Mais, comme on ne veut pas noyer le poisson puis comme on veut que les personnes qui sont les plus vulnérables dans le secteur manufacturier puissent en bénéficier, c'est la raison pour laquelle on le fait.

Et, de mon expérience, pour avoir négocié, pendant une décennie, des négociations dans le secteur privé, dans des PME, des très petites entreprises, je peux vous dire que les garanties bancaires ou la mise en fiducie des argents ne compromettent en rien, ne compromettent en rien la survie d'une entreprise. On est tout simplement dans le champ de la responsabilisation, comme vous avez dit. Et, à partir du moment où ça deviendra une obligation légale, à mon avis, il n'y aura pas une entreprise qui va fermer là-dessus.

Puis l'autre élément, c'est que souvent, dans ces petites, petites, petites entreprises là, quand ça ferme, l'administrateur n'est pas solvable. L'administrateur n'est pas plus solvable que sa compagnie, parce que c'est la jungle dans cette entreprise-là, puis il y a une compétition féroce qui se fait là-dedans. Puis, comme ils sont trop petits pour être capables d'obtenir de la technologie, ils sont trop petits pour réorganiser leur travail, ils sont trop petits pour avoir des politiques de développement des ressources humaines. Comme ils sont trop petits, on assiste à des modèles archaïques, et, parmi ces groupes-là, émergent de temps à autre des gens qui, eux, grossissent et là, après ça, qui exercent des pressions sur le marché.

La sous-traitance dans l'industrie du vêtement ? et c'est ça qu'il faut que vous compreniez comme parlementaires ? n'est pas, par exemple, organisée comme dans l'aérospatiale, où actuellement, par exemple, on regarde des systèmes d'intégration. Ça n'existe pas dans le vêtement. Le vêtement, c'est le modèle le plus archaïque, et il n'y a aucune pression actuellement qui est faite, de nulle part, pour que les entreprises puissent travailler ensemble en faisant des alliances stratégiques pour être capables, justement, d'acquérir des nouvelles technologies pour réorganiser le travail, pour accroître la productivité à un niveau beaucoup plus rapide.

Et puis, qu'on s'attaque constamment aux travailleuses puis aux travailleurs sur les coûts de main-d'oeuvre pour dire que c'est une exigence pour demeurer concurrent... bien, regardez... consécutifs... ça fait neuf ans qu'on gèle les salaires. Nous autres, on considère qu'on a dépassé... ça dépasse l'entendement, surtout que c'est les plus pauvres du secteur manufacturier.

Le Président (M. Rioux): Très bien.

M. Vaudreuil (François): Henri-Paul.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Henri-Paul Roux.

M. Roux (Henri-Paul): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Tout à l'heure, j'écoutais parler M. Fortin. Il parlait de 30 années dans l'industrie. Dans deux ans, ça fera un demi-siècle que je suis dans cette industrie-là. Et aujourd'hui, quand j'ai vu apparaître le projet de loi n° 46, j'ai dit: Je ne verrai probablement pas les nouvelles normes dans ce secteur-là.

Vous savez, messieurs, là, il faut comprendre que, dans ce secteur-là, quand le président de la Centrale, François, vous expliquait tout à l'heure entre 13 et 16 000, il y en a beaucoup qui n'atteignent même pas 13 000. Et, en plus de ça, ils sont soutiens de famille monoparentale. Vous savez, je n'ai pas besoin de vous dire que ces personnes-là, bien souvent, travaillent à la pièce.

Vous savez c'est quoi, travailler à la pièce, M. le ministre? Vous êtes venu visiter, et vous m'aviez dit que vous aviez fait une bonne visite, puis que ça vous faisait comprendre beaucoup de choses. Mais, quand j'ai vu apparaître le projet, j'ai dit: Il y a quelqu'un qui a poussé, l'autre bord. Qui? Je ne le sais pas, mais il y a quelqu'un qui a poussé, l'autre bord.

Vous savez, c'est clair, net et précis que, dans le projet de loi actuel, ce que la plupart des employeurs visent, c'est qu'ils espèrent que le gouvernement va augmenter le salaire minimum les deux, trois prochaines années, après ça pour revenir à la charge, dire: Là, on serait prêt à avoir ce taux-là comme garantie. Mais, quand ça fait neuf ans puis que ça fait sept ans que tu n'as pas eu d'augmentation puis que l'employeur ne veut pas t'en donner parce qu'il te dit: Celui qui va se partir, il va partir plus bas que n'importe qui puis il va venir chercher mes contrats...

Vous savez, on vit dans un monde de sous-contractants. Il n'y a rien de plus difficile à comprendre, ces personnes-là, dans ce secteur-là. Il n'y a rien de plus difficile que ça. Tu as même des employeurs qui profitent du fait, quand un est en grève, pour aller lui chercher tous ses contrats pour le placer dans une situation maudite qu'il n'est pas capable de se relever. Et la plupart du temps, ce qu'on demande, messieurs, c'est qu'on demande aux travailleurs d'investir de leur argent pour relancer l'usine.

Moi, j'ai connu 29 fermetures d'usine en 31 ans, puis à chaque fois que les travailleurs ont mis une cenne, ça a failli. Puis, en plus de perdre l'argent qu'ils avaient mis dedans, ils ont perdu leur paie de vacances aussi. Je ne suis plus capable d'expliquer, je ne suis plus capable d'expliquer à des mesdames puis des messieurs comment ils font pour rester dans ce secteur-là. J'essaie de trouver des choses innovatrices, mais j'ai l'impression qu'au niveau de notre Centrale on est trop avancé. Ils ne nous suivent pas.

Vous savez, là, M. le ministre, vous êtes venu à Victoriaville, vous êtes venu sur une ligne de piquetage. Six mois après, on nous dit encore que 0,15 $ l'heure, c'est trop. Ce n'est même pas la moitié du coût de la vie, ça. Ça fait neuf ans que ça existe. Gelons donc le salaire. Les travailleurs dans cette industrie-là, là, à chaque semaine, il faut qu'ils aillent à l'épicerie.

Puis je vais vous le dire, là, j'ai été un président de commission scolaire pendant 18 ans. On avait pensé que, à un moment donné, en créant une école d'apprentissage pour aider aux employeurs, ça aurait du sens, parce qu'ils nous disaient toujours que, quand l'employé arrivait dans l'usine, il ne savait pas rien faire. On a dit: O.K. On va travailler fort. On a obtenu du gouvernement de l'aide pour partir une école, mais, comme on part cette école-là, les travailleurs ne veulent plus aller dans le secteur. Ils disent: Dis-moi donc qu'est-ce que c'est que je vais aller faire dans ce secteur-là? Je vais juste passer parce que ce que je vise, c'est de m'en aller au niveau de la formation continue pour m'en aller dans une autre branche.

Alors, quand François parlait de volatilité tout à l'heure, je vais vous dire une affaire, s'il y en a un qui en a vu passer du monde... Vous savez, quand tu rentres dans une usine puis que tu pars au numéro 1 le poinçon, puis 10 ans après tu te ramasses à 740 avec 160 employés, il y a passé du monde. Puis ça n'a pas de maudit bon sens.

Alors, M. le Président, M. le ministre, puis vous, MM. les parlementaires, je pense que la récréation est terminée. Il faut faire quelque chose. Sans ça, là, on va appauvrir ces gens-là encore plus qu'ils le sont actuellement, et socialement ce n'est pas acceptable. Alors, messieurs, s'il vous plaît, la récréation est terminée.

Le Président (M. Rioux): Merci. Je passe maintenant du côté du député de Mont-Royal.

n(21 h 40)n

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. M. Vaudreuil, bienvenue. Bienvenue, messieurs, madame. Je voudrais poursuivre dans la veine de ce que vous avez dit parce que j'entends ce que vous dites. Je comprends bien, M. Roux, ce que vous dites. Par contre, c'est une industrie qui est, en même temps, extrêmement fragile, et je pense que M. Vaudreuil l'a souligné.

Comment vous pouvez penser que les entreprises vont continuer à vivre avec cette fragilité, cette concurrence internationale ou nationale? Et il y avait un entrepreneur tantôt qui est venu nous parler même que possiblement les barrières tomberaient avec la Chine, qui entrerait sur le marché en 2004-2005, quelque chose comme ça. Alors, comment on va faire, comment cette industrie-là va faire?

Parce que, dans le fond, là, c'est ça qui est la difficulté, quand, moi, je regarde ça, en tout cas. La difficulté, c'est d'avoir une industrie qui est très fragile, qui fait face à une concurrence extérieure où les prix, c'est «rock bottom», où les conditions de travail sont peut-être même pires que les nôtres, en dépit du fait que les vôtres ne sont pas bonnes. Comment on fait pour arriver à une solution de ça et permettre à ces gens-là de vivre décemment, d'avoir des augmentations de salaire? Ce n'est vraiment pas facile, comme situation. Comment vous percevez ça, vous qui vivez dans cette industrie-là depuis 30 ans, vous avez dit, quelque chose comme ça, M. Roux?

Une voix: 47.

M. Tranchemontagne: Ah, excusez-moi, j'ai mal compris.

Le Président (M. Rioux): Donc, M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Merci, M. le Président. Vous savez, dans l'industrie du vêtement... Bon, moi, je suis à l'exécutif de la Centrale depuis 1989. Et, à l'époque où j'étais vice-président de la Centrale, j'ai participé, depuis 1989, à tous les exercices qu'il y a eu dans l'industrie du vêtement. Bon. Je me souviens très bien que le ministre Cherry avait convoqué en 1992 un forum sur l'avenir de l'industrie du vêtement. Et, à cette époque-là, à la CSD, ce qu'on leur avait dit, on avait dit: Il faut travailler à améliorer l'image, il faut travailler à améliorer la productivité, il faut travailler à rendre cette entreprise-là plus concurrentielle.

Dans le fond, ce que vous apportez, c'est un phénomène qui n'est pas nouveau et qui se vit à tous les jours avec plus d'acuité parce qu'il n'y a rien dans la réalité structurelle qui change. Le problème, c'est que l'industrie du vêtement a été une des premières entreprises où l'entreprise traditionnelle a volé en éclats au Québec. Et ça s'est organisé... D'une part, il y a eu la conception qui s'est faite, alors ils font beaucoup d'argent. Et là il y a toute la mise en marché qui est en bas, où, eux aussi, font beaucoup d'argent. Et, quand on arrive au centre de production, comme les centres de production ne sont pas organisés, comme ils ne sont pas dotés de technologies avancées, comme ils ne sont pas dotés d'organisation du travail moderne, comme ils ne sont pas dotés... ils ne peuvent pas se donner de stratégies de marketing, ils peuvent difficilement innover, ils sont dans des conditions, donc, de précarité comme entreprise, bien, ça devient une jungle, ça devient une jungle.

Et toute la pression de l'industrie... Parce que l'industrie du vêtement, elle ne va pas mal au Québec. Il y a des gens qui font beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent, mais la pression se met sur les centres de production, et puis il y a toujours à quelque part... Parce que les Québécois, on est des entrepreneurs, bon, il y a toujours des gens qui veulent se partir des petites entreprises, mais ça ne fonctionne pas. Donc, il faut réorganiser autrement.

En somme, l'organisation du travail, au lieu de se faire dans une entreprise, elle doit se faire au niveau sectoriel et, à cet égard-là... Comme ça se fait dans l'aéronautique, par exemple. Regardez ce qui se fait actuellement dans l'aéronautique avec tous les principes d'intégration, de gestion, de sous-traitance. Puis actuellement, si le Québec ne s'ajuste pas, un des problèmes... Prenez le cas de Bombardier, ils vont de plus en plus en sous-traitance dans d'autres pays parce qu'il n'y a pas d'entreprises qui veulent être des intégrateurs de sous-traitance. Bon. Mais il faut trouver des réponses à ça. Il faut trouver des réponses à ça.

Puis c'est vrai que le câble multifibres va disparaître en 2004, c'est vrai que le marché va être ouvert pour la Chine; ça, c'est une réalité, mais il demeurera toujours, au Québec, un espace pour le secteur manufacturier de l'industrie du vêtement. On avait annoncé sa mort, hein, on avait annoncé sa mort, il y a plusieurs années. Il y a encore une soixantaine de mille personnes qui travaillent dans ce secteur-là. C'est encore le secteur manufacturier qui embauche le plus au Québec.

Donc, ce que je vous dirais, M. Tranchemontagne, c'est qu'il faut travailler, il faut travailler à organiser autrement, puis, ça, il faut que ça se fasse sur une base de concertation. Et, nous, à la CSD, depuis 1992 qu'on le prêche, qu'on le demande. Parce que ce n'est pas vrai que c'est les décrets de convention collective qui ont empêché la croissance de ce secteur-là. Puis regardez toutes les statistiques, revirez ça comme vous voulez, la seule affaire que ça a fait, la disparition des décrets de convention collective puis le gel, c'est d'appauvrir les travailleuses et les travailleurs qui sont les plus démunis dans la société.

Or, ce qu'on dit: C'est assez, là, on ne peut plus, on ne peut plus.

Puis, nous, depuis 1992, officiellement, la CSD, à tous les rendez-vous, on a toujours affirmé qu'on était prêt à s'investir avec notre expertise pour tenter de renforcer ce secteur-là puis de mettre un nouvel équilibre, aussi, entre la conception, le marketing puis la production, parce qu'il y a un déséquilibre qui est très grand. Puis les gens de marketing, eux autres, ils font beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent puis sur la conception, ils en font énormément aussi.

Alors, ça, c'est un des problèmes qu'on a, M. Tranchemontagne. Mais on ne peut pas constamment mettre la pression sur ces gens-là, qui bâtissent aussi le Québec. C'est des électrices, des électeurs dans chaque comté. Puis je dois dire: Ils travaillent dur en maudit, tu sais, puis ils méritent notre respect, ces personnes-là, hein?

Le Président (M. Rioux): M. Tranchemontagne... M. le député de Mont-Royal.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tranchemontagne: Vous voulez que je vous appelle par votre nom aussi? Ha, ha, ha! Merci, M. le Président.

M. Vaudreuil (François): Devrais-je vous appeler M. le député ou si monsieur...

M. Tranchemontagne: Ce n'est pas grave. Moi, ça ne me dérange pas bien, bien.

M. Vaudreuil (François): Non, ça va? O.K.

M. Tranchemontagne: J'ai été plus longtemps Tranchemontagne que député. Ha, ha, ha!

Vous avez dit dans vos propos tantôt qu'il y a 20 000 travailleurs qui sont assujettis sur un total de 60 000 dans cette industrie-là. Donc, il y en a 40 000 qui ne sont pas assujettis. Comment vivent ces 40 000 là? Comment les 40 000 autres vivent, survivent ? je ne sais pas quel mot vraiment utiliser ? par rapport aux 20 000 qui sont assujettis? Est-ce que l'assujettissement, c'est vraiment la réponse? C'est ça, le sens de cette question-là.

Le Président (M. Rioux): M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Merci, M. le Président. Idéalement, ce qu'on souhaiterait, c'est que les 60 000 soient assujettis. Bon, bien, ça, on ne demandera pas ça. On ne demandera pas ça comme on ne demandera pas ce soir que tous les employeurs au Québec soient assujettis pour protéger les argents de vacances. Ce qu'on aimerait, là, ce qu'on aimerait, mais on est bien conscient qu'il est préférable d'y aller par étapes puis de protéger les plus vulnérables.

Mais de la façon dont ça se fait... Parce qu'il y a eu des décrets de conventions collectives pendant plus de 60 ans au Québec. C'est donc dire que les sommes de production dans l'industrie du vêtement se sont développées à partir de la dynamique des décrets de conventions collectives. Et, comme la mobilité de la main-d'oeuvre ne se fait pas à l'intérieur de ceux qui sont assujettis ou à l'intérieur de ceux qui ne sont pas assujettis, mais au contraire la mobilité se fait... donc, ça fait en sorte que les conditions de travail sont comparables, parce que l'employeur, pour être capable de retenir sa main-d'oeuvre, s'il veut avoir un bon taux de rétention, il doit absolument, il doit absolument donner des conditions comparables à ceux qui sont assujettis, et ça, c'est vrai depuis une soixantaine d'années.

Donc, il n'y a pas d'écart significatif, à notre connaissance, entre ceux qui sont assujettis et ceux qui sont non assujettis. Mais, le fait qu'il y ait des conditions minimales pour les assujettis, ça a fait en sorte que ça s'est appliqué. Ça s'est appliqué à peu près à l'ensemble des gens, et c'est suffisant. En bonifiant les conditions de travail des 20 000, c'est suffisant pour... il va y avoir des effets qui vont faire en sorte que les 40 000 vont augmenter rapidement aussi parce que, autrement, ils vont perdre leur main-d'oeuvre qualifiée.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Mont-Royal, il vous reste trois minutes.

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. À partir de vos constatations, les 40 000 entreprises qui sont non assujetties, est-ce qu'ils vivent une vulnérabilité semblable?

Là, je ne parle pas des employés, je parle sur le marché. Est-ce qu'ils sont aussi vulnérables? Est-ce qu'ils font face à une concurrence internationale semblable, d'après votre expérience? J'imagine...

M. Vaudreuil (François): Absolument.

Une voix: Absolument.

Le Président (M. Rioux): M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Absolument. Il n'y a rien de facile dans les centres de production pour les entreprises en raison de la façon dont c'est structuré. Et, nous, à la Centrale, on a même une entreprise à Victoriaville depuis 1982, Henri-Paul?

Une voix: 1982.

n(21 h 50)n

M. Vaudreuil (François): Donc, depuis 19 ans, on a une entreprise dont nos salariés sont les propriétaires et qui sous-traitent. On a près de 250 salariés qui sont propriétaires, une entreprise qu'on a relancée, la CSD, en 1982. Et puis, donc, on est à même de constater, on est à même de vivre les réalités de l'industrie. Mais ce qu'on peut vous dire, c'est: Comme on n'est pas, dans notre industrie, Vêtements Victo, on n'est pas animé par le profit à tout prix puis par la gestion à court terme, mais plus par un modèle de développement durable, on a parmi les meilleures conditions qui se paient dans l'industrie du vêtement. Parce que, bon, comme c'est une société à but non lucratif, on ne vise pas les profits, mais il y a des taux de salaire, puis il y a des conditions de travail, je dirais, les plus humaines qu'on connaisse de toute l'industrie du vêtement où il y a une convivialité dans le milieu de travail. Puis le modèle fonctionne depuis 19 ans. Le modèle évolue, mais c'est terriblement exigeant parce qu'il n'y a pas... les centres de production peuvent difficilement établir des rapports de force avec soit les concepteurs ou bien donc les gens du marketing.

Le Président (M. Rioux): Merci.

M. Tranchemontagne: Ma dernière question, parce que tantôt...

Le Président (M. Rioux): Bien forcément.

M. Tranchemontagne: Pardon?

Le Président (M. Rioux): Forcément.

M. Tranchemontagne: M. le Président, au moins j'ai le mérite d'avoir des questions qui ne sont pas trop longues. Ha, ha, ha!

Une voix: M. le Président...

Le Président (M. Rioux): Allez, monsieur.

M. Tranchemontagne: J'aimerais juste... Puis je pense que vous avez répondu, là, mais quand même. Vous avez parlé des concepteurs, des gens de marketing et aussi de l'usine, de la production. Est-ce qu'il y a des entreprises qui sont des modèles d'intégration de ces trois secteurs-là ou si vous semblez dire que c'est trois solitudes, si vous voulez?

M. Vaudreuil (François): Il y en a sûrement, mais pas qui sont syndiquées à la CSD. Il y a de moins en moins de manufacturiers, de toute façon, les statistiques le démontrent, mais chez nous à la CSD, parmi les groupes qu'on a de syndiqués, il n'y en a pas. C'est tous dans le domaine de la sous-traitance. Il y aurait Gertrude qui voudrait intervenir. Gertrude.

Le Président (M. Rioux): Mme Ouellette, vous êtes en temps supplémentaire.

Mme Ouellette (Gertrude): Oui.

Le Président (M. Rioux): Mais on vous écoute.

Mme Ouellette (Gertrude): Bonjour. Moi, je voudrais juste rajouter à ça que... Je suis présidente de mon syndicat, premièrement. Je travaille dans le jeans, puis je vis des problèmes de stress à l'usine. On est poussé dans le dos parce qu'on est à la pièce, puis on n'a pas plus cher au bout de la semaine comme salaire, puis on n'est pas plus respecté dans notre secteur.

Avec les employeurs, qu'est-ce que je remarque le plus, c'est qu'ils ont tout sur leur côté puis, nous autres, comme travailleurs puis travailleuses... pourtant on est des électeurs comme tout le monde, mais on a même moins de pouvoir à l'Assemblée que des employeurs. Je trouve ça dommage parce que je me dis qu'on devrait avoir notre place, nous autres aussi, à l'Assemblée.

Le Président (M. Rioux): À quelle assemblée, Mme Ouellette? À l'Assemblée nationale?

Mme Ouellette (Gertrude): Oui. Non, non, mais...

Le Président (M. Rioux): Vous pensez que les employeurs ont plus de poids ici que les syndicats?

Mme Ouellette (Gertrude): Les employeurs, oui.

Une voix: ...

Le Président (M. Rioux): Voulez-vous engager un débat?

Mme Ouellette (Gertrude): Non, non.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vaudreuil (François): Mais, M. le Président, je pense qu'il est très important qu'en cette Chambre des travailleuses de la base puissent exprimer des perceptions, des sentiments qu'ils ont. Et les parlementaires doivent être conscients qu'ils ont l'impression que le gouvernement les abandonne et que les employeurs ont des moyens pour convaincre le gouvernement, et faire en sorte qu'ils s'appauvrissent constamment. Et c'est ça qui est le drame.

Puis je pense que Gertrude, dans son témoignage, c'est un cri du coeur qui doit être entendu, et qui n'est pas unique à elle, mais qui est représentatif de, moi, personnellement, tout ce que je connais des filles et des hommes qui travaillent dans l'industrie du vêtement.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Ouellette, soyez assurée que les parlementaires sont ici pour écouter les gens et respecter ce qu'ils ont à dire. Et, moi, l'expérience que j'ai n'est pas très longue, mais les gens qui viennent en commission parlementaire sont accueillis avec beaucoup de respect, et, ce qu'ils ont à dire, ils l'expriment, puis on leur pose des questions, on échange avec eux. Et c'est ça qui fait qu'on fait avancer les choses.

Je vous remercie beaucoup d'être venus, d'abord pour nous expliquer qu'il n'y a pas seulement les coûts de main-d'oeuvre qui fait que l'industrie du vêtement est fragile, il y a d'autres considérants. Et on a beaucoup apprécié ce tour d'horizon que vous avez fait d'une industrie qui a des difficultés, et vous avez essayé d'identifier des points importants.

Je voudrais, en terminant, vous dire que ? le député de Chicoutimi l'a abordé carrément ? il faudrait au moins essayer de respecter ce que les anciens comités paritaires faisaient: protéger l'argent que les travailleurs mettent pour leurs fonds de vacances, qu'on mette ça en fiducie un jour ou qu'on ait des lettres de garantie. Moi, je ne sais pas quelle formule ça pourra prendre dans l'avenir, mais au moins, s'il y a un amendement à apporter à la Loi des normes du travail pour essayer de perpétuer ce que les comités paritaires faisaient pour défendre les vacances des travailleurs, bien, on va souhaiter que ça se passe le plus rapidement possible. Je pense que le ministre a très bien compris le message que vous lui avez envoyé de ce côté-là. Ce que je trouve... C'est inacceptable que l'argent des travailleurs ne puisse pas être protégé. Inacceptable.

M. Roux (Henri-Paul): M. le Président, juste un petit point. Lors du passage du ministre à Victoriaville, il nous avait dit que les lois, c'était fait pour être amendé. J'espère qu'il s'en rappelle.

Le Président (M. Rioux): Je suis convaincu de ça. Alors, M. Proulx, 47 ans, ce n'est pas rien.

Une voix: Roux.

Le Président (M. Rioux): M. Roux. C'est quelque chose dans l'industrie du vêtement. Alors...

Une voix: J'ai encore tous mes cheveux, hein?

Le Président (M. Rioux): Bien oui, je vois. Je vois. Tout le monde ne peut pas en dire autant.

Des voix: Ha, ha, ha!

n(22 heures)n

Le Président (M. Rioux): M. Vaudreuil, merci mille fois. Mme Ouellette et M. le chercheur, M. Pépin, ça nous a fait plaisir de vous accueillir. Merci.

Remarques finales

Messieurs, j'aimerais convier le porte-parole de l'opposition officielle et le ministre à formuler leurs remarques, s'ils en ont, et leurs conclusions, s'il y a lieu. Le temps qui vous est alloué est de 15 minutes. Sentez-vous pas obligés, mais, en toute honnêteté, je dois vous dire que vous avez chacun 15 minutes. Si vous le prenez, on va respecter ça. M. le député de Mont-Royal.

M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: M. le Président, merci beaucoup. M. le ministre, je ne sais pas si vous vous sentez comme moi, je sens beaucoup de pression sur le 15 minutes, en tout cas.

Alors, écoutez, trêve de plaisanterie, moi, j'ai bien aimé ma journée ici, j'ai apprécié, j'ai appris, surtout, beaucoup de choses sur cette industrie. Malheureusement, je n'ai pas plus de solutions que j'en avais ce matin quand on est arrivé... ce midi quand on est arrivé. Par contre, je dois vous dire que, autant j'étais d'accord, en principe, avec le projet de loi quand on est arrivé ce midi, j'ai... Après avoir entendu les quatre groupes qu'on a entendus ce soir et cet après-midi, je dois dire que je reste avec des points d'interrogation et des doutes dans mon esprit sur la validité du projet de loi. En ce sens qu'on a entendu quatre groupes, deux qui sont de la partie patronale et deux qui sont de la partie syndicale, et, sur les quatre groupes, un seul, celui de la FTQ, semblait favorable à reporter de 30 mois... favorable au projet de loi n° 46 et donc à reporter de 30 mois. Ce qui m'amène à conclure que, finalement, ce qu'on propose, ça ne semble pas répondre à l'industrie dans le sens le plus large du mot «industrie», c'est-à-dire que ce soit côté patronal ou côté syndical. Alors, ça, je ne peux pas faire autrement, M. le Président, de dire que ça m'inquiète. Ça devrait inquiéter en fait tous les parlementaires de ce côté-là.

Le plus grand commun dénominateur dont on a entendu parler au cours de cette journée, c'est l'insécurité. On a entendu parler de l'insécurité face à ce projet de loi là. Du côté patronal, ils ne savent pas où ça va aboutir. Ils étaient heureux parce qu'ils voyaient la date du 1er janvier arriver et ils pouvaient se réenligner là-dessus. On entend la même insécurité, pour d'autres raisons, mais la même insécurité du côté syndical. Donc, encore une fois, ça me dit, moi, qu'on devrait prendre un temps d'arrêt, et je ne sais pas qu'est-ce qu'on devrait faire avec le projet de loi n° 46, mais, autant j'étais favorable, bien que j'avais des doutes sur la période de 30 mois, je me demande maintenant si le 30 mois n'est pas nécessaire pour revisiter complètement cette industrie. Il y a d'autres choses qu'il faut faire, je pense. que juste regarder simplement le décret.

Il y a un des patrons qui est venu tantôt, monsieur... pas M. Fortin, M. Lapierre, M. Lapierre, par exemple, qui a dit une vérité. Il disait qu'il ne comprenait pas encore qu'on régisse, par exemple, cette industrie-là, et j'essaie de le citer au mieux possible, là, «en fonction du vêtement plutôt qu'en fonction de l'employé, du travailleur lui-même». Tu sais que c'est... Aujourd'hui, il fait une chemise, puis il est payé... ou il est sous telles conditions, puis, demain, il fait, je ne sais pas, moi, un veston, ou une robe, ou d'autre chose, puis c'est d'autres conditions, un décret ou pas un décret qui s'applique. Alors, c'est difficile, sûrement, pour l'employeur de gérer ça, mais ça doit aussi être difficile pour l'employé de vivre ces conditions-là. Et on sait que ça ne semble pas être des conditions qui sont très favorables pour les employés.

Alors, je ne sais pas où on peut aller à partir de maintenant, mais je suis inquiet que, quand on rencontre quatre groupes, deux du côté patronal et deux du côté syndical, je suis extrêmement inquiet que, sur les quatre groupes, trois soient, dans le fond, contre, pas pour les mêmes raisons, mais qui soient contre le projet de loi et disent qu'ils ne sont pas prêts à accepter qu'on reporte l'échéance de 30 mois.

Alors, en somme, M. le Président, je voudrais dire que la chose la plus importante, c'est qu'il faudrait poser le meilleur geste possible pour protéger ces emplois dans une industrie qu'on sait extrêmement vulnérable, déjà. Et ce qu'on a appris aussi, aujourd'hui, c'est qu'elle deviendra probablement, en tout cas certaines parties de cette industrie deviendront plus vulnérables encore à partir de 2004, quand les barrières seront complètement ouvertes avec la Chine, je crois, puis peut-être d'autres pays aussi.

Finalement, je reste aussi avec une question que j'avais au début puis sur laquelle... Si on a donné 18 mois à cette industrie-là pour essayer de s'entendre, une industrie qui est en difficulté ? encore une fois, je le répète ? je ne sais pas si 30 mois, ça va être suffisant. Je ne le sais pas. Puis je me demande des fois si ce n'est pas un traitement-choc que ça prendrait, puis de dire qu'ils ont juste six mois pour, finalement, s'entendre, parce qu'il ne semble pas... Je ne le sais pas si c'est la Commission qui n'a pas fait tout le travail qu'elle aurait dû faire ou si c'est les parties qui ne se sont vraiment pas parlé, sont restées chacune sur leur position. Mais il reste quand même une chose: il n'y a rien qui a avancé pendant 18 mois, et puis, repousser ça de 30 mois, je ne suis pas convaincu que ça va régler le problème.

Alors, ça, c'est ma position, M. le Président, et ce sont mes remarques finales. Et j'espère que j'ai été à l'intérieur des 15 minutes qui m'avaient été allouées.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Merci beaucoup, M. le député de Mont-Royal. M. le ministre.

M. Jean Rochon

M. Rochon: Oui, M. le Président. Moi aussi, je suis très content qu'on ait eu ces rencontres. On apprend toujours quand on fait des audiences dans des situations semblables. Moi, je retiens deux messages, là.

Un premier, et c'est un peu différent de mon collègue de Mont-Royal, ma compréhension, c'est plutôt que les gens nous exprimant leur déception du projet de loi... en fait, ce n'est pas la déception du projet de loi, c'est la déception de la situation où on est, qui est le résultat du fait que ce qui devait se passer ne s'est pas passé. Ce n'est pas un projet de loi qui essaie de ne rien inventer, c'est de faire face à une situation où on est un peu coincé, en fait, où on devrait avoir quelque chose qui nous permet de prendre des décisions qu'on n'a pas, la substance qui nous permet de prendre des décisions. Alors, il faut se remettre en position de faire le travail qui n'a pas pu être fait, pour différentes raisons, et ça stimule même... Et c'est un peu, comme le député de Mont-Royal l'a dit, qu'il faut le faire, puis il faut le faire de façon assez complète et assez globale pour voir l'ensemble du portrait et être sûr de ce qu'on va faire. Et c'est pour ça que j'ai rappelé dans mes notes de présentation...

Je pense que ça nous confirme que non seulement il va falloir travailler sur les normes, mais il va falloir le faire en tenant compte du contexte de l'évolution de cette industrie, ce qui était dans l'intention, il y a 18 mois, avec cette idée de contrat social. J'ai rappelé que le ministère de l'Industrie et du Commerce travaille sur une étude qui doit être produite vers la fin de l'an 2002, une de ces études sectorielles sur l'ensemble. Alors, il va falloir que nos travaux sur les normes s'associent à cette étude. C'est déjà prévu, c'est déjà commencé comme collaboration entre les deux ministères. Il va falloir tenir compte de la situation plus générale de tout le secteur manufacturier. Les gens nous disent qu'ils veulent être positionnés dans un contexte manufacturier général et voir comment ils vont évoluer par rapport à ça.

Alors, moi, je retiens, comme premier message, que, comme c'était clair il y a un an et demi, en juin 2000, quand le projet de loi avait été adopté pour la période transitoire, comme ça avait été clair à ce moment-là qu'il y a un examen en profondeur à faire, parce que ce secteur-là, cette partie-là du secteur du vêtement a des caractéristiques qui nécessitent un traitement spécifique, je pense qu'on a cette confirmation, malgré que c'est pour des raisons et des opinions différentes, et qu'on a la confirmation qu'il y a un travail assez d'envergure à faire. Donc, il faut se donner le temps de le faire. Si ce n'est pas 30 mois, ce n'est sûrement pas six mois. Je pense que ce ne serait pas réaliste. Il faut se donner le temps suffisant pour ne pas se retrouver devant un constat de mission non accomplie encore une autre fois. Ce ne sera pas possible.

n(22 h 10)n

Ma deuxième conclusion, qui vient un peu renforcer la première, c'est qu'il s'est dégagé, par certains commentaires qui nous ont été faits, que les gens sur le terrain vivent des difficultés et des situations qui sont associées au problème de normes, alors que c'est plus en relation avec l'application du règlement sur les normes et qu'il y a des choses qui peuvent s'améliorer, ça, à très court terme. Les gens n'auront pas besoin d'attendre que toute la solution globale soit bien comprise et prête à appliquer pour que des choses dans le... des éléments dans l'application du règlement peuvent être simplifiés, harmonisés. Et je pense que le premier groupe qu'on a rencontré ce soir a donné des exemples très clairs de ça. Et ça, comme j'ai pu leur dire, je verrai, là, je vais me donner quelques jours, là, avant qu'on se retrouve, pour voir quelles modalités on pourrait prendre. Mais, ayant vérifié avec les équipes du ministère, il va y avoir moyen, avec la Commission des normes du travail, d'agir rapidement et pour modifier des choses, améliorer l'application du règlement actuel, de sorte que les gens vont voir des différences sur le terrain. Ça va simplifier leur vie, ça va donner de l'efficacité. Et ça, ça devrait faire deux choses: d'abord, donner un peu d'oxygène, permettre aux gens de dégager plus du quotidien embarrassant pour voir plus en avant ce qu'il faut faire pour l'avenir, et, deuxièmement, on va essayer de le faire d'une façon que ça va déclencher une certaine dynamique, là. Il y a quelque chose qui va commencer à bouger, qui va se faire, que le monde va devoir se parler pour régler des choses dans le court terme, et, une fois que le dialogue va être pris, bien, on va essayer de le tenir pour pouvoir continuer à travailler pour trouver la solution.

La différence par rapport à il y a un an et demi, tenant compte de l'expérience puis en prenant de l'expérience, c'est que là on va se mettre en mode de solution pour, de toute façon, en arriver, même à la limite, à faire le travail sans les parties ou en prenant toute la collaboration que les parties donneront. Mais on ne se mettra pas en attente des parties. Alors que, dans le premier modèle, ça leur était confié pour qu'on vienne faciliter leur travail, on va devoir prendre un leadership plus fort dans l'opération, mais non seulement en leur ouvrant les portes pour qu'ils viennent collaborer, mais en les incitant puis en essayant de créer une synergie qui va les amener là.

Alors, je remercie les gens d'être venus, tout le personnel, mes collègues de part et d'autre et le personnel de la commission, et je pense qu'on va être prêt à procéder probablement assez facilement, me semble-t-il, quand on va rentrer dans la technicalité, là, l'étude article par article, parce qu'on a le portrait très clair actuellement. Je reconnais qu'on aurait souhaité pouvoir adopter une offre permanente, mais on est pris puis on ne peut pas faire mieux.

Le Président (M. Rioux): Alors, merci beaucoup, M. le ministre. Ça met fin à nos travaux. J'ajourne sine die.

(Fin de la séance à 22 h 12)



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