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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, October 1, 2014 - Vol. 44 N° 8

Clause-by-clause consideration of Bill 8, An Act to amend the Labour Code with respect to certain employees of farming businesses


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures neuf minutes)

Le Président (M. Cousineau) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 8, Loi modifiant le Code du travail à l'égard de certains salariés d'exploitations agricoles.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. David Birnbaum (D'Arcy-McGee) est remplacé par Mme Nichols (Vaudreuil); M. Péladeau (Saint-Jérôme) est remplacé par M. Villeneuve (Berthier); M. Therrien (Sanguinet), par M. Lelièvre (Gaspé); et Mme Roy (Arthabaska), par Mme D'Amours (Mirabel).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci. Alors, nous allons débuter par les remarques préliminaires. Sans plus tarder avec les remarques préliminaires, je cède la parole à M. le ministre, qui dispose, M. le ministre, de 20 minutes pour vos remarques préliminaires. À vous la parole.

M. Sam Hamad

M. Hamad : Merci, M. le Président. Je salue mes collègues du parti ministériel, le parti de l'opposition, le deuxième parti de l'opposition. Je suis heureux de vous retrouver ici aujourd'hui pour l'étude détaillée du projet de loi n° 8, Loi modifiant le Code du travail à l'égard de certains salariés d'exploitations agricoles. Alors, je vous remercie de votre présence. Et nous avons déjà eu l'occasion d'échanger ensemble lors des consultations tenues le 9 septembre dernier. Nos discussions ont été franches et respectueuses. Je souhaite qu'on maintienne ce climat de collaboration au cours des heures qui viennent et je ne suis pas inquiet, M. le Président.

• (15 h 10) •

Permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent : la sous-ministre du Travail, Mme Oudar, qui est à gauche; en arrière, M. Steeve LeBlanc; Mme Anne Parent, sous-ministre aussi. Et celui qui a travaillé le plus fort avec l'équipe en arrière, c'est M. Hugues Melançon, l'avocat.

Alors, le projet de loi n° 8 propose d'établir un modèle de relations de travail adapté aux fermes qui emploient moins de trois salariés de façon ordinaire et continue et qui sont vulnérables en raison du caractère saisonnier de leurs activités et de la nature périssable de leurs produits. L'adoption de ce projet de loi est nécessaire pour assurer la pérennité d'un bon nombre de nos producteurs agricoles.

Plus de la moitié des fermes du Québec sont concernées, c'est-à-dire celles qui emploient moins de trois salariés à l'année de façon permanente. Ne rien faire risquerait de mettre en péril de nombreux emplois, notamment chez nos producteurs maraîchers. Les consommateurs seraient aussi perdants si l'offre de produits locaux et régionaux devait diminuer. Et je suis convaincu que mes collègues députés de l'opposition entendent bien ce que je viens de dire. C'est l'économie de plusieurs de nos régions qui pourrait en souffrir.

Lors de la consultation publique que nous avons tenue le 9 septembre dernier, nous avons entendu six groupes : l'Association des producteurs maraîchers du Québec, l'Association des producteurs de fraises et des framboises du Québec, le syndicat des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, conjointement avec la FTQ, l'Union des producteurs agricoles, la CSN et le Conseil du patronat du Québec. Les producteurs et leurs représentants sont venus nous dire qu'ils appuyaient le projet de loi.

Le directeur général de l'Association des producteurs maraîchers du Québec, M. André Plante, est venu nous expliquer la dure réalité vécue par ses membres. Pour lui, les mesures que nous proposons sont nécessaires, elles sont même une question de survie pour plusieurs producteurs qui sont en éternelle concurrence avec l'Ontario. Chez nos voisins, la syndicalisation est interdite dans toutes les fermes, peu importe leur taille. Chez les voisins.

Et je tiens, M. le Président, en lisant ça... en voyant que celui qui va piloter le dossier pour l'opposition, ce n'est pas le porte-parole en matière du travail, mais plutôt le porte-parole dans le domaine agricole. Donc, j'assume qu'il est davantage sensible à l'aspect de l'agriculture au Québec et sensible aussi aux producteurs agricoles.

Alors, quand la fraise est rouge, on la cueille. Vous vous souvenez de cette remarque, c'est celle de M. Guy Pouliot, qui témoignait au nom de l'Association des producteurs de fraises et framboises du Québec. Lui et son frère sont producteurs de fraises à l'île d'Orléans. Ce n'est pas le producteur ni le travailleur qui décide quand c'est le moment d'aller aux champs, c'est le temps, c'est la température. Et ce n'est pas un club de ski, ce n'est pas non plus un club de golf, M. le Président, comme on a entendu hier par notre collègue, qui n'est pas là aujourd'hui, de Québec solidaire. Je sais que je n'ai pas le droit de mentionner l'absence, mais elle n'est pas là aujourd'hui... de la députée de Gouin, qui a comparé cette question-là à des clubs de ski puis clubs de golf.

M. Pouliot a aussi insisté sur les coûts importants que représente la main-d'oeuvre pour une entreprise comme la sienne. De 50 % à 70 % des dépenses, ce sont des salaires. La marge de manoeuvre est mince. M. le Président, certains de nos collègues qui siègent à cette commission viennent de régions où l'agriculture occupe une grande place dans l'économie locale et régionale. Même, j'ai appris hier que le député de Rimouski, son grand-père était un producteur agricole ou, en tout cas, il était dans l'agriculture. Et je sais pertinemment aussi que notre collègue la députée de Mirabel, elle-même productrice agricole, elle sera sûrement d'accord avec moi, nous devons absolument préserver cette richesse collective. Et je la regarde, et elle me dit oui. C'est la raison d'être du projet de loi qui est à l'étude. Il vise uniquement des...

Une voix : ...

M. Hamad : Bien, vous m'avez dit oui, là? Oui, oui. Alors, ne bougez pas votre tête si vous ne dites pas oui, là.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Hamad : Oui, oui, oui. Je la fais sourire. C'est le but, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : ...susciter des débats, M. le ministre, vous le savez.

M. Hamad : Non, non, c'est ça. Elle est heureuse, là. On ne suscitera pas de débat, là. Il vise uniquement les...

Le Président (M. Cousineau) : Ils prennent leurs lunchs ensemble.

M. Hamad : Il vise uniquement les exploitations agricoles qui emploient moins de trois salariés de façon ordinaire et continue. Ça signifie que les producteurs visés pourraient temporairement avoir recours à de la main-d'oeuvre additionnelle, par exemple pendant la récolte, sans être assujettis aux dispositions générales du Code du travail. Il faut se rappeler une chose : le Code du travail, adopté il y a 50 ans, n'a jamais permis la syndicalisation dans les petites fermes du Québec. Ce n'est pas sans raison que le législateur avait choisi cette voie. C'est un secteur vulnérable qui nécessite un traitement particulier. Nous croyons que c'est encore vrai et nécessaire aujourd'hui. Nous avons le devoir de protéger ces producteurs, il y a beaucoup d'emplois qui sont en jeu en région.

Le projet de loi n° 8 introduit des dispositions particulières pour protéger le droit d'association des salariés. Il impose à l'employeur l'obligation de donner une occasion raisonnable à l'association de salariés de lui formuler des observations. Il prévoit que la diligence et la bonne foi doivent gouverner les échanges entre l'association des salariés et l'employeur. Advenant une mésentente sur ces dispositions particulières, une plainte pourrait être portée à la Commission des relations du travail. Le projet de loi propose donc de reconnaître à la CRT, Commission des relations du travail, une compétence pour entendre tout recours alléguant une violation de ces dispositions particulières.

Nous devons mettre en place des règles de relations de travail adaptées aux fermes de petite taille tout en respectant la liberté d'association des salariés. Je rappelle que le droit de grève ou de lock-out ne serait pas permis. Les producteurs travaillent avec des produits vivants et périssables. De plus, l'été est court au Québec, malheureusement, et le climat est souvent capricieux. La menace d'un conflit de travail en pleine saison des récoltes comporte de nombreux risques. La situation pourrait même s'avérer catastrophique si les récoltes ne sont pas engrangées ou mises en marché à temps.

En terminant, M. le Président, je veux apporter une précision. Le projet de loi vient baliser le droit d'association seulement dans les exploitations agricoles qui emploient moins de trois salariés de façon ordinaire et continue. Les dispositions au Code du travail s'appliquent dans tous les autres cas.

Je tiens aussi à préciser que tous les travailleurs agricoles au Québec sont protégés par nos lois, comme tous les autres travailleurs. Qu'ils soient étrangers ou québécois, tous les salariés ont les mêmes droits. Je rappelle que la Commission des normes du travail intervient de façon particulière dans les secteurs où les travailleurs sont plus vulnérables. C'est le cas dans le domaine agricole. La commission a même développé des outils de communication en espagnol à l'intention des travailleurs migrants temporaires. Elle veille à ce qu'ils soient informés de nos lois et qu'ils connaissent leurs droits. La Commission des normes du travail intervient aussi sur le terrain lorsque des plaintes sont portées.

Je suis prêt, M. le Président, à procéder à l'étude article par article du projet de loi. Son adoption est nécessaire si nous voulons assurer la pérennité du bon nombre de nos producteurs agricoles. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. le ministre. Je passe maintenant la parole au représentant de l'opposition officielle en matière d'agriculture. M. le député de Berthier, vous avez aussi 20 minutes pour vos remarques préliminaires.

M. André Villeneuve

M. Villeneuve : Merci, M. le Président. Permettez-moi de vous saluer, vous et toute l'équipe qui vous accompagne. C'est toujours un plaisir de travailler avec les gens de la commission ainsi qu'avec vous-même, M. le Président. Je veux évidemment saluer le ministre et toute l'équipe du ministère qui l'accompagne, qui effectivement, on n'en doute point, ont travaillé très fort et travaillent toujours très fort, j'oserais dire. Je veux saluer évidemment les collègues qui sont ici autour de la table, autant de la Coalition avenir Québec que... oui, c'est ça, et évidemment mes propres collègues qui m'accompagnent, notre redoutable recherchiste, alors, Marc Bouchard, qui est avec nous aussi aujourd'hui pour travailler sur ce projet de loi là.

M. le Président, vous me permettrez aussi de — en passant par vous, bien sûr — dire au ministre que, oui, effectivement, j'ai beaucoup à coeur l'agriculture. Qui n'a pas un oncle ou un parent, même son père ou sa mère ou... qui n'a pas un oncle qui a eu une ferme un jour ou l'autre? C'est mon cas aussi. Tout petits, on allait à la ferme de mon oncle Guy, comme on l'appelait. Alors, c'est des souvenirs impérissables, bien sûr. Et dire, M. le Président, toujours par votre entremise, à M. le ministre que, oui, j'ai à coeur l'agriculture, et tout le monde au Parti québécois et, j'en suis convaincu, tout le monde ici présent a à coeur l'agriculture. C'est une composante, si je peux le dire comme ça, M. le Président, de façon statistique, là, c'est une composante importante de l'économie du Québec, c'est des milliards de dollars.

• (15 h 20) •

J'en parlais hier justement au salon bleu — excusez-moi de le dire comme ça, mais, oui, au salon bleu — les produits de l'agriculture sont omniprésents, on l'oublie parfois, hein? Tout le monde a pris un bon dîner, j'ose l'espérer. Et j'ose espérer que notre Parlement, M. le Président, fait la promotion des produits de chez nous. Alors, je pense que, donc, on l'oublie trop souvent, mais...

Et d'ailleurs ça me fait toujours un peu rigoler quand j'entends l'annonce a la télévision — ce n'est pas une annonce, c'est un commentaire, je pense, que quelqu'un avait fait — où les enfants croyaient que les oeufs venaient du supermarché, alors que les oeufs ne viennent pas... ils viennent peut-être du supermarché, mais on se comprend que... C'est peut-être dû à l'annonce, justement, où on voit, là, un écran qui apparaît puis on voit, dans le sous-sol du supermarché, où tous les produits sont distribués, on voit même une poule apparaître à un moment donné. C'est peut-être là qui fait que les enfants pensent cela.

Mais, bien sûr, tout ça, c'est dû au fait qu'il y a des gens qui, jour après jour, et c'est le cas de le dire, jour après jour, du matin au soir, j'allais dire «d'une noirceur à l'autre» comme dirait la Sagouine, donc, d'une noirceur à l'autre, jour après jour, se dévouent, par passion, bien sûr, mais permettent aussi d'alimenter le Québec grâce aux produits qu'ils fabriquent, des produits d'une qualité extraordinaire. On n'a qu'à penser aux produits qui viennent de l'extérieur, qui ne sont pas assujettis aux mêmes contraintes que nos produits ici.

Vous savez, les agriculteurs ont fait d'énormes efforts, depuis les 10, 15, 20 dernières années, pour éliminer les produits qui ne devraient pas se retrouver dans l'agriculture, qui malheureusement ont été utilisés pendant un certain nombre d'années, mais qui n'auraient pas dû. Et, bon, aujourd'hui, on comprend qu'on tente d'éliminer ces produits-là le plus possible, et les agriculteurs font des efforts considérables pour y arriver. Et ça, c'est à n'en point douter. Donc, vous dire, M. le Président, à quel point c'est l'ensemble du Québec, l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui comprennent à quel point l'agriculture québécoise est importante et à quel point le fait d'acheter québécois nous rend tous plus riches.

Je vais vous donner l'exemple... puis je vais arriver au projet de loi, M. le Président, je vous le promets, là, dans quelques instants, mais juste donner un exemple que moi-même malheureusement j'ai... J'apprends de mes expériences. J'ai acheté, M. le Président, un support à soulier — j'avais besoin d'un support à soulier — et je n'ai pas regardé où il avait été fabriqué. Je suis arrivé à la maison et là j'ai constaté qu'il avait été fabriqué en Chine. Pas surprenant, d'une certaine façon. Mais quand même j'étais... Je me suis dit : Bon, qu'est-ce que j'ai été faire là, acheter un produit de la Chine? Quoique, des fois, c'est difficile de trouver un produit qui n'est pas fait en Chine, mais enfin. Et, M. le Président, au bout de deux semaines, il était brisé, il était brisé. Alors, si mon achat, c'était pour économiser des sous pour acheter un support à souliers, bien je me suis drôlement fait avoir parce qu'au bout de deux semaines il était brisé. Si j'avais acheté un support à soulier de mon deuxième voisin qui est ébéniste, eh bien, je l'aurais légué à mes enfants, M. le Président, parce qu'il aurait eu une durée de vie qui m'aurait dépassé étant donné l'âge vénérable auquel je suis rendu. Alors, il aurait eu une durée de vie qui m'aurait dépassé.

Tout ça pour vous dire que, lorsqu'on achète local — et, pour l'agriculture, c'est encore plus patent — quand on achète local, eh bien, on encourage évidemment toute notre économie locale. C'est tous nos voisins, c'est tout le Québec qui s'aide lorsqu'on achète local. Et en plus on mange des produits de qualité, frais, de qualité, des produits qui souvent n'ont pas nécessité des produits qui peuvent, à la limite, être dangereux même pour la santé humaine, qui malheureusement... on parle de principe de réciprocité, là, entre les États, mais, donc, des produits qui sont utilisés dans d'autres pays, mais, donc, qui ne sont plus utilisés ici, au Québec.

Donc, M. le Président, je reviens au projet de loi. Je tiens à saluer, à saluer — et M. le ministre l'a fait, on l'a fait hier, mais on ne le fera jamais assez — je tiens à saluer toutes les personnes, les représentants des organismes qui sont venus en commission parlementaire nous faire part de leur expertise, de leur expérience, de leur vécu dans certains cas. Effectivement, on a rencontré des représentants de... un représentant d'une entreprise. Et donc ces gens-là ont bien voulu venir en commission parlementaire nous éclairer.

Bien sûr, M. le Président, on a pu constater aussi, lors des consultations particulières, qu'il y avait quand même des différends par rapport à la façon d'aborder le projet de loi n° 8 dans... Je dirais, là, dans la façon dont le projet de loi n° 8 est construit, tel qu'il est devant nous aujourd'hui, il y a quand même des différends. On a vu que... C'est des différends, à mon avis, M. le Président, qui doivent... — j'allais dire «pourraient» mais je préfère employer le mot «doivent» — qui, à mon avis, doivent se rejoindre en quelque part. Il faut se rejoindre en quelque part.

Mon collègue de Rimouski... Vous savez que mon collègue de Rimouski est quelqu'un de très sage, M. le Président. Et je ne le dis pas à la blague. C'est quelqu'un de très sage. Et hier, dans son intervention sur le principe du projet de loi, il disait : Il faut arrêter... Parce qu'il sentait ça, effectivement. Moi aussi, je l'ai senti, vous l'avez tous probablement senti. On sent qu'il y a dans le projet de loi n° 8 présentement comme une opposition, j'allais dire, entre guillemets, malsaine entre les travailleurs et les propriétaires d'entreprise agricole parce qu'on... pour toutes sortes de raisons. Et je pense qu'on doit, on doit corriger le tir à ce niveau-là. Mon collègue a totalement raison, on doit corriger le tir de ce côté-là.

D'ailleurs, et je le disais dans mon intervention hier, la force d'une entreprise, c'est d'abord et avant tout ses travailleurs. C'est clair. Les travailleurs, ils ont à coeur l'entreprise, c'est leur gagne-pain, hein, c'est comme ça qu'ils réussissent, là, à payer leurs comptes, hein? Il y a des salaires reliés à ça, donc. Alors, c'est leur gagne-pain, et ils sont fiers de l'entreprise, ils sont fiers de voir la réussite de leur entreprise. Donc, à ce niveau-là, M. le Président... Et l'entrepreneur, assurément, assurément, et je le dis, les propriétaires, les entrepreneurs, les gens qui, donc, sont aux commandes de ces entreprises-là agricoles respectent leurs employés. Ça, c'est... On ne met même pas cela en doute, M. le Président. Par ailleurs, il faut toujours garder à l'esprit qu'il peut y avoir en quelque part, des fois, des abus. Ce n'est pas, hein, ce n'est pas quelque chose qui est répandu, loin de là. Mais on sait que les règlements, nos lois doivent s'assurer d'abord...

Et je pense que l'objectif principal, le principe du projet de loi n° 8 doit reposer sur deux enjeux, deux enjeux. Je pense que c'est les deux enjeux les plus importants du projet de loi n° 8, M. le Président, il y en a d'autres, mais les deux plus importants, là, c'est d'abord... Et là ce n'est pas dans un ordre de hiérarchie que je vais vous les nommer, là. Il y a deux enjeux. Le projet de loi n° 8 devrait essayer de rejoindre deux enjeux, le premier étant d'assurer la pérennité économique des entreprises agricoles familiales. Ça, c'est très clair, M. le ministre en a parlé, on est tous, tous d'accord avec ça ici aujourd'hui. Et peut-être que, si j'ai du temps, M. le Président, on pourra peut-être... et mon collègue l'a fait aussi, de Rimouski, hier, il parlait de la ferme de son père, là, on pourra peut-être parler de l'évolution aussi dans le temps de qu'est-ce qu'une ferme familiale. Mais, bon, je verrai. Donc, le premier enjeu, et ça, là-dessus, je... Ce n'est même pas le premier enjeu. Un des deux enjeux, c'est d'assurer la pérennité, la fiabilité économique des entreprises familiales au Québec.

L'autre élément, l'autre enjeu, M. le Président, et ça, là, cet élément-là, il a été soulevé par toutes les cours de justice, il a été soulevé par la commission... ce n'est pas une cour de justice, mais par la Commission des relations du travail. Il a été soulevé encore... c'est hier, je crois, qu'on a reçu un communiqué de la Commission des droits de la personne. Il a été soulevé par la Cour suprême du Canada, par la Cour supérieure du Québec, par l'Organisation internationale du travail. Bref, tout le monde, tout le monde, tout le monde est très, très conscient de cet enjeu-là — j'en ai parlé un petit peu tantôt — c'est d'assurer aussi la protection des travailleurs vulnérables.

Tantôt, je vous disais que tout entreprise... les entreprises au Québec, on n'en doute pas, les propriétaires, les entrepreneurs... j'ai moi-même été entrepreneur, M. le Président, pendant plus de 20 ans, et c'est certain qu'on a à coeur évidemment les gens qui travaillent avec nous. Souvent, ça devient des amis, ça devient des camarades. Et on a à coeur évidemment de s'assurer qu'ils aient les meilleures conditions de travail possible, mais il n'en demeure pas moins qu'il faut toujours aussi s'assurer qu'on possède... que le législateur met en place des moyens si jamais il y avait abus, comment est-ce que ces abus-là pourraient être contrés, comment est-ce qu'on pourrait s'assurer, justement, d'éviter qu'il y ait des abus, même si ce n'est pas d'une façon... majoritairement, là, loin de là que ça pourrait se produire.

Bon, M. le Président, je veux refaire la liste que le ministre a faite tantôt, je pense que c'est important. Donc, je veux saluer les gens qui sont venus nous rencontrer en commission parlementaire, étude de... auditions, là, auditions parlementaires. Il y avait des représentants de l'Association des producteurs maraîchers du Québec, les représentants de l'Association des producteurs de fraises et framboises du Québec, il y avait les représentants des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce Canada et la Fédération... — donc, ils étaient regroupés, les deux ensemble, là — et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, les représentants de l'Union des producteurs agricoles, les représentants de la Confédération des syndicats nationaux, les représentants du Conseil du patronat du Québec. Donc, encore une fois, je les remercie, M. le Président, de s'être déplacés.

• (15 h 30) •

Ce projet de loi, pour les gens qui viennent de se joindre à nous par la magie de la caméra et de l'Internet ou de la télévision, ce projet de loi, donc, modifie le Code du travail a l'égard de certains salariés d'exploitations agricoles, projet de loi attribué... oui, voilà, le n° 8, le projet de loi n° 8. Ce projet de loi introduit dans le Code du travail des dispositions particulières applicables aux salariés d'exploitations agricoles qui emploient moins de trois salariés de façon ordinaire, continue. Oui, écoutez, moi, pour ma propre compréhension, je dis «permanents», là, mais enfin on comprend que, la loi étant ce qu'elle est, elle ne parle pas pour rien, et, si «ordinaire et continue» se trouve dans la loi, M. le Président, c'est assurément parce qu'il doit s'y retrouver.

Le projet de loi exige notamment de l'employeur des salariés visés qu'il donne à leur association une occasion raisonnable de présenter des observations au sujet de leurs conditions d'emploi. Il prévoit que l'employeur doit prendre connaissance de ces observations. Le projet de loi prévoit que la diligence et la bonne foi doivent gouverner les échanges entre l'association de salariés et l'employeur. Le projet de loi reconnaît par ailleurs à la Commission des relations du travail une compétence pour connaître et disposer de toute plainte alléguant une violation aux dispositions particulières.

Concrètement, le projet de loi, en créant un régime d'exception, prive les employés agricoles de plusieurs dispositions du Code du travail, notamment du droit à l'accréditation, des dispositions sur la négociation collective et de celles sur les conventions collectives, du droit de grève, de l'arbitrage de première convention, de l'arbitrage de griefs.

M. le Président, juste peut-être, là... J'ai fait l'exercice suivant. Je voulais savoir exactement ça représentait quoi, le projet de loi n° 8, avec le Code du travail. Alors, et j'ai imprimé le Code du travail, M. le Président, puis, de toute façon, ce ne sera pas perdu, parce que j'en ai lu un bout et j'ai bien l'intention de terminer la lecture, c'est fort intéressant. Mais, regardez bien, M. le Président, c'est assez incroyable parce que ce que le projet de loi n° 8 veut faire, M. le Président, il veut retirer des pans entiers du Code du travail. Alors, voici ce qu'il resterait... il y en a un autre petit bout à la fin, là, mais voici ce qu'il resterait du Code du travail pour les entreprises de deux employés, deux, un, moins de trois employés, parce qu'il resterait ça, M. le Président, et il resterait ceci. Voyez-vous, là?

Alors, ce qu'on retire maintenant avec le projet de loi n° 8 — en fait, on prive les travailleurs, M. le Président — avec le projet de loi n° 8, au niveau du Code du travail, c'est des pans entiers, c'est des pans entiers. Quand qu'on dit, M. le Président, que le législateur ne parle pas pour rien, là, c'est énorme, ce qu'on retire, là, c'est énorme, ce qu'on retire du Code du travail. Alors là, on se retrouve avec... Et c'est assez contradictoire, ironique, je ne sais pas comment le dire, M. le Président, parce que les entreprises qui ont trois employés et plus ont accès... eux, là, la loi, là, c'est... ils ont accès à l'entièreté du Code du travail, mais, si une entreprise a moins, donc... avec le projet de loi n° 8, entreprise de moins de trois employés, eh bien, là, on vient charcuter carrément le Code du travail. Mais j'aurai l'occasion assurément, durant nos travaux, M. le Président, d'y revenir parce qu'il y a des choses assez importantes.

M. le Président, le temps file. Juste peut-être... Je voudrais faire un historique pour les gens qui nous écoutent. Ce n'est pas nécessairement les mêmes auditeurs qu'hier, M. le Président, vous comprendrez. Le 18 juillet, donc, 2008, le syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce déposait une requête... — et là c'est un petit peu la genèse, là, si on veut, hein — déposait une requête en accréditation auprès de la Commission des relations de travail afin de représenter les travailleurs agricoles saisonniers embauchés par la ferme L'Écuyer & Locas. Donc, les Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce allèguent alors que l'alinéa cinq, M. le Président... Et je pense que, si je le trouve rapidement, ça vaut peut-être la peine qu'on le lise, parce que là on en parle souvent, de l'article 21, alinéa cinq. Il n'est pas très loin. Bon, je le lirai tantôt, il m'échappe...

Merci. Donc, alinéa cinq, voilà, je vais en faire la lecture, M. le Président : «Les personnes employées à l'exploitation d'une ferme ne sont pas réputées...» Il date de 1964, M. le Président, d'où l'intérêt de regarder comment les fermes, au Québec, ont évolué depuis ce temps-là : «Les personnes employées à l'exploitation d'une ferme ne sont pas réputées être des salariés aux fins de la présente section, à moins qu'elles n'y soient ordinairement et continuellement employées au nombre minimal de trois.» Alors donc, on dit : Trois et plus ont accès au Code du travail dans sa totalité; trois et moins, on charcute une grande partie du Code du travail, donc...

Une voix : Moins que.

M. Villeneuve : Moins que. Je tenais à lire l'article parce qu'on en parle souvent, mais on oublie que les gens nous écoutent, et, pour suivre un peu nos travaux, ça, c'est intéressant qu'ils puissent avoir...

Une voix : ...

M. Villeneuve : Oui. Donc, puisque tout le monde en parle. Donc, les Travailleurs unis de l'alimentation, M. le Président, allèguent alors que l'alinéa cinq — ce que je viens lire — de l'article 21 du Code du travail viole les principes de la liberté d'association inscrite dans la Charte canadienne des droits et libertés, l'article 2, paragraphe d — on aura peut-être l'occasion de le lire plus tard — et la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, article 3. Bon, j'ai mélangé mes feuilles, M. le Président, je vais y revenir. Voilà. Cette disposition du Code du travail, qui existe depuis sa création, en 1964, avait pour objectif de limiter l'accès à la syndicalisation dans les petites fermes familiales en faisant en sorte qu'une association de salariés agricoles peut être accréditée seulement si ses membres travaillent dans une ferme qui embauche plus de trois salariés, et ce, de façon ordinaire et continuelle.

Le 16 avril 2010, M. le Président, la Commission des relations du travail confirme les prétentions syndicales. Elle déclare inconstitutionnelle et, par conséquent, inopérante cette disposition du Code du travail. Elle accorde donc l'accréditation syndicale demandée. Toujours le 16 avril 2010, la Commission des relations du travail déclarait que l'exclusion de certains travailleurs agricoles saisonniers du régime d'accréditation syndicale et de négociation collective prévu au Code du travail, article 21, alinéa cinq, portait atteinte à leur liberté d'association, reconnaissant la grande vulnérabilité — et ça, là, le mot va revenir souvent, M. le Président, «la grande vulnérabilité» — des travailleurs agricoles et celle encore plus grande des travailleurs migrants temporaires oeuvrant en agriculture. La Commission des relations du travail estime que l'article 21, alinéa cinq, viole les chartes canadienne et québécoise et qu'une telle violation n'est pas justifiée. Notamment, le Procureur général n'a pu établir aucun lien rationnel entre l'objectif allégué de protection des fermes familiales et l'exclusion du code. Le commissaire note...

Le Président (M. Cousineau) : ...

M. Villeneuve : Merci, M. le Président. Je vais y aller avec celle-là, puis on aura l'occasion de discuter des autres déclarations.

Donc, le commissaire note... L'absence de lien rationnel entre l'objectif de protection des fermes familiales et l'exclusion des salariés du régime légal de négociation est manifeste dans un contexte où le code permet l'accréditation à l'égard d'entreprises de tous les secteurs, sans égard à leur santé financière ou même à leur taille. Une accréditation peut même être accordée dans le cas où l'unité de négociation ne serait constituée que d'une seule personne.

M. le Président, je vais m'arrêter là en vous disant que... — parce qu'il y aurait long à dire encore — en vous disant que le projet de loi, ce dont il introduit, il introduit le droit à l'association, il introduit le droit à l'association, le projet de loi n° 8, mais il écarte l'accréditation. On a rencontré l'UPA. Vous savez que l'UPA est accréditée. Il faudrait poser la question : Pourquoi est-ce que... Est-ce que l'UPA renoncerait à son accréditation? Donc, le projet de loi, M. le Président, il donne droit à l'association, mais sans accréditation.

Et j'invite le ministre à réfléchir, et l'ensemble des collègues, à réfléchir sur la proposition du juge Davis, de la Cour supérieure du Québec, qui nous invite à regarder la possibilité peut-être de se rejoindre en proposant qu'on puisse introduire dans le projet de loi le fait qu'il n'y aurait pas de droit de grève ou une modulation quelconque du droit de grève, en contrepartie permettre l'association accréditée. Et là on fait une pierre deux coups, M. le Président, on protège et les entreprises agricoles familiales et on protège nos travailleurs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. le député de Berthier. Je cède maintenant la parole à la députée de Mirabel. Vous avez aussi une période de 20 minutes, madame.

Mme Sylvie D'Amours

Mme D'Amours : Merci, M. le Président. J'aimerais saluer mes collègues de l'opposition officielle, mes collègues du gouvernement ainsi que le ministre, qui acquiesce aussi en penchant la tête, disant oui. Alors, bonjour, M. le ministre.

Alors, M. le Président, ce projet de loi est nécessaire. Les agriculteurs attendent cette décision depuis fort longtemps. C'est sur la table de travail, et ça a été latent pendant un peu plus de 12 mois. L'inaction n'est pas acceptable. Nous devons protéger la compétitivité de nos fermes et dans nos marchés, surtout chez nos voisins de l'Ontario. On ne peut prendre d'une main et de donner à l'autre. Et ce que j'entends par là, c'est que, donc, si j'ai à coeur comme peut-être quelques personnes ici ont à coeur l'agriculture, il ne faut pas oublier que l'objectif qui doit nous animer ici, c'est la pérennité de l'industrie. Donc, certaines personnes ont des droits, mais il ne faut jamais oublier aussi qu'on a, avec les droits, des responsabilités. En tant que législateur, ici, j'ai beau être... mon premier métier, agricultrice, mon deuxième métier, députée. Et, si je suis ici comme législatrice... législateur, je dois regarder dans l'ensemble le projet de loi pour le Québec.

Aujourd'hui, nous allons agir en opposition efficace. Et, par là, je... Ce n'est pas parce que j'ai 20 minutes que, si j'ai fini avant... que je n'étirerai pas jusqu'à 20 minutes. Donc, je veux être efficace. Nous ne ferons pas obstruction, au contraire. Nous respectons la volonté de ceux que nous avons reçus en commission. Nous les avons écoutés, nous les avons entendus, et employeurs comme employés.

La conclusion, là, à la suite de cette réflexion-là. Nous, on va être en accord avec le projet de loi, avec un amendement, bien sûr, comme je l'ai mentionné hier, sur le projet de loi. Pour eux, et en accord avec plusieurs avis reçus en commission parlementaire ainsi que dans mon comté respectif, nous nous appliquerons à adopter rapidement ce projet de loi n° 8 si on s'entend sur mon amendement. Voilà, M. le Président.

• (15 h 40) •

Le Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée de Mirabel, vous êtes expéditrice. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Parce que nous sommes à l'étape des remarques préliminaires. M. le député de Rimouski.

M. Harold LeBel

M. LeBel : Merci, M. le Président. Effectivement, comme mon collègue l'a ramené tantôt, puis je l'ai expliqué hier, moi, j'ai aimé beaucoup participer à la consultation, rencontrer les groupes. J'étais un peu déséquilibré, par exemple, plus de groupes... Les groupes représentant les travailleurs étaient un peu moins nombreux. Mais, bon, j'ai aimé quand même entendre ce que les gens avaient à dire, puis j'ai appris beaucoup, et vraiment je suis...

À mon avis, je n'ai jamais vu ça comme un débat entre l'agriculture... l'avenir de l'agriculture puis la protection des travailleurs. J'ai essayé de sortir de ce concept, malgré qu'on me le ramenait assez souvent. On disait : Imaginez si les travailleurs font la grève, imaginez s'ils ralentissent le travail. S'il n'y a pas de produits sur les étagères à Costco, c'est sûrement parce que les travailleurs... il y a un lien avec les travailleurs, là. Il faut le trouver, c'est quoi, le lien, je ne le comprends pas. Si le marché en Ontario est plus fort, c'est probablement parce que la main-d'oeuvre est moins chère, probablement.

Ça fait qu'il y avait toujours un poids, à mon avis, là, que je sentais sur le dos des travailleurs, qu'ils devaient, eux autres... que les travailleurs devaient prendre l'entièreté des problèmes que pouvait avoir le milieu agricole. Je trouvais que c'était beaucoup à leur mettre sur le dos. Il me semble qu'il y a d'autres... je ne suis pas un économiste, là, mais il y a d'autres raisons pour le fait... qui expliquent pourquoi que nos produits ne sont pas chez Costco puis pourquoi, dans les ententes internationales, on n'a peut-être pas notre mot à dire, puis... bon. Ça fait que je suis certain que ce n'est pas que la faute des travailleurs.

Concernant les travailleurs, j'ai appris aussi beaucoup de choses. Les travailleurs qu'on appelle migrants, temporaires, ils n'ont pas vraiment accès à leurs conditions de travail, là. De ce que j'ai compris, c'est entre les pays, c'est le Canada et les différents pays, ils s'entendent sur des protections, et, bon, ils signent, mais ils ne négocient pas, là. Il ne fait pas partie du contrat, il n'est pas... Bon, je trouvais que, là-dessus... je trouvais là-dessus qu'il y avait... J'ai appris des choses. Je ne pensais que c'était comme ça que ça fonctionnait.

Bon, bref, c'est un peu... J'ai essayé de voir : Est-ce que ça vaut la peine, tout ça, d'enlever le droit à la syndicalisation? Est-ce qu'il y a une voie de passage? Et, en opposition efficace, en opposition responsable, on peut poser des questions puis prendre le temps qu'il faut pour en débattre. Et je ne dis pas que je ne serai jamais complice avec le ministre, mais ce ne sera pas une complicité à temps plein, ça, c'est certain, et il y aura des questions. Et je pense que le ministre, et il l'a dit tantôt, il est prêt à prendre le temps qu'il faut, puis à collaborer, puis à répondre aux questions, et c'est ce qu'on s'attend. C'est la première fois que je fais une commission du genre, ça fait que ça va être... vous allez m'apprendre, M. le ministre, vous allez me dire que c'est comme ça qu'on va fonctionner pour les prochains coups. Et je pense que ça va bien aller. Je suis certain que ça va bien aller.

Hier, j'ai eu... on m'a informé de la commission des droits et libertés de la personne, qu'ils ont émis un commentaire. Ça, ça m'a inquiété beaucoup, ce que j'ai vu de la commission. Et la commission n'a pas été invitée aux consultations, puis ça, c'est l'ensemble de la commission qui a choisi, là, je n'accuse pas personne, mais il faut... Je n'aurais vraiment pas haï ça, les entendre. Ils nous proposent des... Dans ce que j'ai lu, il y a des éléments assez inquiétants, et je pense que ça aurait été pertinent... C'est quand même la commission des droits et libertés de la personne et des droits de la jeunesse, je trouve ça...

Et je me suis informé dans nos méthodes parlementaires, et on me dit que, selon l'article 244 de nos règles de procédure — et je vous en fais une proposition — «la Commission de l'économie et du travail tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 8, Loi modifiant le Code du travail à l'égard de certains salariés d'exploitations agricoles, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse». Et j'aimerais ça savoir, à partir de l'article 244, ce serait quoi, la suite.

Le Président (M. Cousineau) : Bien, avant de passer à votre questionnement, on va terminer l'étape des remarques préliminaires, parce qu'on a quand même des étapes à suivre. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

M. LeBel : ...je suis bien d'accord.

Le Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants concernant l'étape des remarques préliminaires? M. le député de Gaspé.

M. Gaétan Lelièvre

M. Lelièvre : Oui. Merci, M. le Président. M. le ministre, chers collègues, c'est un plaisir d'être ici pour cette commission. C'est un dossier, bon, qui m'a été transféré très récemment, donc je n'ai pas une connaissance, je dirais, complète de la problématique qui prévaut au niveau des petites et très petites fermes du Québec, mais j'ai eu le temps de lire beaucoup dans les derniers jours puis me faire quand même une idée. Et moi, j'aurais quelques réflexions à vous transmettre puis peut-être aussi quelques questions au ministre, là, qui pourra peut-être nous répondre, si possible, au cours de la commission.

D'abord, d'entrée de jeu, M. le ministre, vous avez mentionné que 50 % des fermes du Québec étaient visées par ce projet de loi là. Donc, c'est quand même une grande quantité de fermes qui sont visées par la situation de trois employés et moins... ou moins de trois employés, plutôt. J'aimerais savoir s'il y a une évaluation de l'impact réel, disons, de ne pas adopter ce projet de loi là sur cesdites fermes. Autrement dit, est-ce qu'on a évalué combien de fermes seraient en péril? Y a-tu des estimations qui ont été faites ou procède-t-on par mesure de précaution suite à des demandes qui sont légitimes de la part de l'employeur?

Je suis aussi préoccupé par le fait... On ne voit pas souvent la Commission des droits de la personne se prononcer dans des dossiers, puis généralement, quand un organisme comme ça se prononce, bien c'est signe qu'il y a une inquiétude, il y a quelque chose quand même qui mérite de s'y arrêter. Puis, bon, en lisant le questionnement de la commission, qui nous rappelait les décisions autant de la Commission des normes du travail...

M. Hamad : ...

M. Lelièvre : Pardon?

M. Hamad : ...la Charte de la laïcité, tu as oublié ça? Ça ne fait pas longtemps, là.

M. Lelièvre : C'est un autre dossier. Là, on est à deux dossiers, effectivement. Mais je pense qu'au Québec on a plus de deux préoccupations. De toute façon, je pense qu'on est un petit peu hors d'ordre, hein?

Écoutez, moi, je suis préoccupé par ça puis, comme mon collègue de Rimouski, j'aimerais voir aussi si on peut entendre ces gens-là. Je pense qu'on vit dans une société démocratique, puis ce serait intéressant de pouvoir les entendre. Eux ont pris la peine de s'exprimer par écrit, je pense que ça pourrait être intéressant de regarder la possibilité de les écouter.

Je me questionne aussi par rapport à la porte qu'on ouvre. Advenant le cas qu'on aille dans cette direction-là, il y a d'autres catégories de travailleurs ou d'entreprises au Québec qui se rapprochent beaucoup des petites fermes. Je pense notamment aux pêcheurs. Dans des régions comme la Gaspésie, le Bas-Saint-Laurent, la Côte-Nord, les Îles-de-la-Madeleine, il y a beaucoup de pêcheurs côtiers qui ont moins de trois employés. Est-ce que ça pourrait, par exemple, vouloir dire qu'on pourrait aussi être tenté de dire : Pour x raisons, on pourrait élargir cette législation-là à d'autres catégories d'entreprises au Québec? Est-ce que ça a été évalué? Est-ce qu'il y a une réflexion qui est faite par le gouvernement, par le ministre là-dessus? J'aimerais ça l'entendre là-dessus.

Puis, concrètement, concrètement, je crois que ça serait intéressant d'évaluer la possibilité de trouver un juste milieu, hein, entre le droit d'accréditation puis les droits également des producteurs qui, je comprends, sont liés par la météo, par des conditions qui sont exceptionnelles. Notamment, bon, quand le temps de la récolte arrive, je comprends qu'il faut que les gens soient au travail puis il faut que ça procède, mais je n'ai pas entendu parler, moi, au Québec, je n'ai pas vu de grands titres, je n'ai pas vu de «front page» — excusez l'expression — bien, bien, dans les journaux, à l'effet qu'il y a des récoltes qui avaient été menacées, qui n'avaient pas été récoltées en temps et lieu.

Moi, je pense que les entreprises qui ont moins de trois employés, ce sont des petites entreprises qui ont une très bonne... je dirais très bonne relation employeur-employé. Puis même je me demande si on parle d'employeur-employé. Selon moi, c'est plus un esprit familial, convivial qui prévaut. Donc, dans cette optique-là, est-ce qu'on est en train, là, d'adopter une loi forme bazooka pour tuer une mouche?, ce qu'on dit en Gaspésie souvent. Est-ce qu'il y a vraiment tant de problèmes que ça? Moi, j'aimerais sincèrement avoir des exemples, parce que, si le législateur, si le Parlement prend le temps de se pencher sur l'adoption d'une loi spécifique pour les entreprises ayant trois employés et moins... moins de trois employés, bien je crois qu'il doit sûrement y avoir des bonnes raisons, des bons motifs, puis j'aimerais entendre ces raisons-là, s'il vous plaît. Merci, M. le Président.

• (15 h 50) •

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. le député de Gaspé. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants au niveau des remarques préliminaires? Sinon, on va disposer quand même de la demande du député de Rimouski, à savoir : l'article 244 — vous connaissez tous votre règlement, évidemment — alinéa 2°, qui dit qu'un député de la commission peut demander à entendre un groupe. Alors, bien sûr, l'article 244, c'est permis, sauf que ça prend une motion écrite en vertu de l'article 209. Alors, si vous avez une motion...

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Oui. Ce qu'on va faire, on va suspendre deux, trois minutes pour faire une copie pour les gens de la table, s'il vous plaît, et puis on vous revient dans deux, trois minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 51)

(Reprise à 15 h 54)

Le Président (M. Cousineau) : Veuillez prendre place. Alors, nous poursuivons.

Motion proposant d'entendre la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse

Donc, nous avons une motion de déposée en vertu de l'article 244 par le député de Rimouski, qui se lit comme suit :

Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure :

«La Commission de l'économie et du travail tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 8, Loi modifiant le Code du travail à l'égard de certains salariés d'exploitations agricoles, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi, et qu'à cette fin elle entende la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.»

Bon, c'est une demande par motion d'entendre l'organisme Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Maintenant, la motion est déposée, elle est recevable. Et puis ce qu'on doit... on doit se référer à l'article 209 de notre règlement. Il doit y avoir débat sur la motion. Le porteur de la motion a droit à 30 minutes, et les représentants de chacun des groupes parlementaires ont aussi droit à 30 minutes, et puis les autres membres de la commission ont chacun droit à 10 minutes. Alors donc, nous allons entreprendre le débat sur la motion. À la suite de ce débat, bien nous passerons au vote pour voir si la motion est acceptée ou pas par les membres de la commission. Alors, M. le député de Rimouski, vous avez 30 minutes.

M. Harold LeBel

M. LeBel : Merci, M. le Président. Merci aux collègues. Effectivement, quand j'ai vu le communiqué de la commission, j'ai lu un peu leurs commentaires sur le projet qu'ils ont fait parvenir au ministre il y a quelques jours, je ne partage pas tout ce qu'il y a dans le mémoire, mais ça m'a suffisamment inquiété pour me dire pourquoi on ne les avait pas entendus. Là, je pense que c'est une décision... On aurait dû y penser aussi, tout le monde, je ne sais pas. Mais, bon, ils n'ont pas été... ils n'ont pas pu faire parvenir leur... nous expliquer, et on n'a pas pu les questionner sur leurs appréhensions. Puis c'est quand même la commission des droits et libertés de la personne du Québec. Avec tout ce qu'ils disent là, ce qu'ils ont écrit dans leur rapport, c'est suffisamment important pour, à mon avis, qu'on les écoute, qu'on les entende, comme on a fait avec les autres groupes qui ont participé.

Je ne me fais pas trop d'idées sur la suite de la motion, par exemple, mais je me dis, je me dis : Il y a de l'espoir. Il y a toujours de l'espoir. Mais, pour ceux qui nous écoutent, puis pour ce qu'il va rester de cette commission-là, je pense que ça vaut la peine quand même d'informer le public ou s'informer mutuellement de ce que la commission a pu dire du projet de loi. Dans leur communiqué, ce que la commission nous dit :

«Le projet de loi n° 8, Loi modifiant le Code du travail à l'égard de certains salariés d'exploitations agricoles, compromet la reconnaissance et l'exercice, en pleine égalité, de la liberté d'association des travailleuses et travailleurs agricoles ainsi que le droit à la sauvegarde de leur dignité et contrevient aux dispositions de Charte des droits et libertés de la personne du Québec, selon la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.»

Et là je le dis tout de suite parce qu'il y a beaucoup de non-verbal alentour de la table, ça fait partie de nos travaux, mais, quand je parle des travailleurs ou quand je parle de sauvegarder le droit des travailleurs, quand je parle de ça, je ne dis pas que je suis contre l'agriculture, je ne dis pas que je suis pour affaiblir l'agriculture. Le ministre, oui, il réagit tout de suite. Mais c'est toujours ce climat-là qui me fatigue un peu autour de cette commission-là. Si on parle pour les travailleurs, on est contre l'agriculture. Ça fait que moi, je le dis encore une fois, je ne suis pas là-dedans. Je pense qu'on peut sauvegarder l'agriculture, on peut sauvegarder l'agriculture dans nos régions du Québec sans reculer sur les droits qui sont fondamentaux pour les travailleurs du Québec.

La commission continue à dire : «La commission a transmis ses commentaires sur le projet de loi n° 8 au ministre du Travail au début de la semaine, conformément à ses responsabilités de vérifier la conformité des lois à la charte et de faire, au besoin, les recommandations qui s'imposent. Il est à noter que la commission n'avait pas été invitée aux consultations...» Et, encore là, je veux le répéter, je n'accuse pas personne, c'est l'ensemble, on est, tout le monde, un peu responsable de cette situation.

«Le projet de loi n° 8 impose aux travailleuses et travailleurs agricoles une condition spécifique pour accéder à l'ensemble de la protection offerte par le Code du travail, soit celle d'être à l'emploi d'une entreprise comptant au moins trois salariés de façon ordinaire et continue. Les travailleurs saisonniers sont exclus aux fins de ce calcul puisqu'ils ne travaillent pas toute l'année.»

Dans leur mémoire, et je vais vous en donner quelques extraits... commencer par vous dire : «La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, [son mandat, c'est d'assurer] le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec — ce n'est quand même pas rien, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Elle assure aussi la protection de l'intérêt de l'enfant, ainsi que le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse. Elle veille également à l'application de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics.

«Il lui incombe notamment de vérifier la conformité des lois à la Charte et de faire, au besoin, les recommandations qui s'imposent. C'est à ce titre que la commission présente ses commentaires sur le projet de loi n° 8 [qui modifie] le Code du travail à l'égard de certains salariés d'exploitations agricoles.»

Selon la commission, «l'effet du projet de loi serait de soumettre tous les travailleurs agricoles à un régime particulier en vertu duquel certains n'auraient pas accès à toute la protection du Code du travail du Québec. Seuls ceux qui sont employés dans une exploitation agricole qui embauche trois travailleurs et plus y auraient accès.

• (16 heures) •

La commission explique «en quoi une personne employée au sein d'une exploitation agricole, en l'occurrence une entreprise qui compte moins de trois salariés de façon ordinaire et continue, perdrait le bénéfice de certaines dispositions du Code du travail.

«Cette règle spécifique applicable aux travailleurs agricoles est similaire à celle qui prévalait en vertu de l'alinéa cinq de l'article 21 avant qu'il ne soit déclaré invalide. Or, la Cour supérieure a conclu que cette condition constituait un obstacle discriminatoire à l'exercice de la liberté d'association.

«[...]Il existe très peu de données à propos du salariat agricole au Québec. Les seules données disponibles concernent le nombre d'entreprises soumises à l'exclusion de la syndicalisation datent de 1991. Il y aurait alors eu 275 entreprises agricoles sur les 4 150 employeurs des travailleurs agricoles permanents qui comptaient un nombre de salariés suffisant pour faire une demande d'accréditation syndicale.

«Si on ignore combien d'exploitations agricoles ou de travailleurs sont concernés, on sait cependant que 77 % des salariés embauchés par des exploitations agricoles au Québec en 2007 étaient des travailleurs saisonniers.

«Mentionnons, en outre, que les travailleuses et travailleurs agricoles n'ont aucun contrôle sur la structure de l'entreprise agricole ni sur la présence ou non d'un nombre d'employés y travaillant de façon ordinaire et continue.

«Quant aux salariés qui sont employés ailleurs que dans des exploitations agricoles, à l'exception de certains d'entre eux, un seul employé peut constituer un groupe suffisant aux fins de l'accréditation. Dans ces cas, on ne trouve donc aucune condition [relative] au nombre d'employés.

«Entre 2010 et 2012, et malgré la requête en révision judiciaire de la décision de la Commission des relations du travail, sept accréditations ont été accordées dans des entreprises agricoles.» Et, selon ce qu'on a entendu, ça ne causait pas trop de problèmes.

«Le projet de loi n° 8[, selon la commission,] prévoit donc, pour les travailleuses et travailleurs agricoles qui ne satisfont pas à la condition de travailler pour une entreprise qui emploie plus de trois salariés de façon ordinaire et continue, un dispositif qui leur donnerait un accès limité aux garanties encadrant la relation collective de travail en vertu du Code du travail.

«Il existe d'autres cas d'exclusion du régime général d'aménagement des relations de travail proposé par le Code du travail. Ainsi, le personnel de direction est exclu de la définition de "salarié", et ce, afin d'éviter des conflits d'intérêts "qui pourraient naître de la responsabilité du personnel de direction et à l'endroit des intérêts d'un employeur". Pour les travailleuses et travailleurs oeuvrant dans d'autres secteurs, la loi définit des modes particuliers d'accréditation : les travailleurs d'exploitations forestières, les membres de la Sûreté du Québec, les ressources de type familial [et certaines ressources intermédiaires et certains autres corps d'emploi].

«[...]Malgré leurs limitations, [tous] ces régimes d'exception offrent des garanties comparables à celles du régime prévu par le Code du travail et ne sont pas aussi restrictifs que le régime prévu par le projet de loi n° 8 — on voit une différence entre les deux.

«L'effet du projet de loi n° 8 sur le droit à l'égalité des travailleurs agricoles. Le droit à l'égalité est protégé par l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne — je le lis : "10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap."»

Selon la commission, «il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

«Afin de prouver l'existence de discrimination, dans le contexte de la Charte québécoise, trois éléments doivent être réunis : l'existence d'une distinction, exclusion ou préférence; laquelle est fondée sur un des motifs énumérés à l'article 10 [que je viens de lire] et qui a pour effet de détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l'exercice d'un droit ou d'une liberté de la personne.

«La distinction, l'exclusion ou préférence n'a pas été intentionnelle et le motif illicite n'a pas été la seule cause d'inégalité pour qu'on reconnaisse l'existence de la discrimination.

«À deux occasions, la Cour suprême s'est prononcée sur la validité constitutionnelle d'un régime de relations collectives de travail spécifique aux travailleuses et travailleurs agricoles en Ontario.

«Dans l'arrêt Dunmore, rendu en 2001, la plus haute cour au pays conclut que l'exclusion complète des travailleuses et travailleurs agricoles du régime mis en place par la loi de 1995 sur les relations de travail porte atteinte à la liberté d'association protégée par l'article 2d de la Charte canadienne des droits et libertés. Étant donné ce constat, la cour a estimé inutile de se prononcer sur le droit à l'égalité des travailleuses et travailleurs agricoles. Sans trancher non plus sur la question de l'atteinte aux droits à l'égalité, la juge L'Heureux-Dubé [qu'on connaît bien], dans son opinion concordante, affirme que le statut professionnel des travailleurs agricoles constitue un motif de discrimination analogue aux fins de la mise en oeuvre de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

«Dix ans plus tard, dans le cadre de l'arrêt Fraser, la Cour suprême du Canada a reconnu la validité constitutionnelle d'un régime de relations collectives de travail spécifique aux travailleuses et travailleurs agricoles en regard de leur liberté d'association. Encore une fois, la cour a omis de se prononcer sur l'atteinte aux droits et à l'égalité des travailleurs agricoles, estimant le recours [qui était] prématuré.

«La présente analyse de la commission se distingue des décisions en ce qu'elle porte précisément sur le droit à l'égalité des travailleurs agricoles.

«En outre, dans ces décisions, les dispositions de la charte canadienne étaient invoquées et non la Charte des droits et libertés de la personne. L'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne n'a pas non plus été traité dans la décision, la décision L'Écuyer de la Cour supérieure du Québec. Or, bien qu'elles présentent une certaine symétrie et qu'elles s'interprètent à la lumière les unes des autres, les dispositions de la charte québécoise ne sont pas le reflet exact de la charte canadienne. La charte québécoise est d'une teneur et d'une structure particulière.

«Ainsi, la condition sociale, motif de discrimination en vertu de l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, ne fait pas partie des motifs énumérés à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.»

La commission a mis beaucoup l'accent sur la distinction : exclusion ou les préférences. On dit que, «si le projet de loi n° 8 était adopté dans sa forme actuelle, les travailleuses et travailleurs agricoles se verraient imposer une règle particulière qui n'est pas imposée aux autres travailleuses et travailleurs afin de bénéficier de la protection de l'ensemble du Code du travail. En outre, le caractère saisonnier du travail agricole rend difficile la satisfaction de la condition et crée un avantage indu à l'égard de certains employeurs du secteur agricole. C'est ce que constatait la Cour supérieure[...].

«Cette règle particulière ne constitue pas une exclusion pure et simple du bénéfice de la loi mais plutôt une distinction par rapport aux salariés des autres secteurs qui ont accès au Code du travail sans avoir à satisfaire de critère quant au nombre de personnes à l'emploi dans leur entreprise ou à la durée du travail. Les autres éléments permettant la démonstration d'une discrimination, soit les motifs de discrimination et la compromission des droits, se démontrent de la même façon que dans le cas d'une exclusion pure et simple.

«La condition de travailler pour une entreprise qui emploie trois salariés ou plus de façon ordinaire et continue vise expressément les travailleuses et travailleurs d'entreprises agricoles. Ces personnes se distinguent par leur condition sociale.

«La Cour d'appel du Québec a réitéré les grandes lignes de la définition du motif de discrimination «condition sociale», qui servent de base à son interprétation.» On parle : "[La] ‘condition sociale' réfère soit au rang, à la place, à la position qu'une personne occupe dans la société, de par sa naissance, de par son revenu, [...]son niveau d'éducation", etc.

«Pour conclure dans la discrimination, il n'est pas nécessaire de se fonder sur l'ensemble de ces facteurs, un seul des aspects suffit. La condition sociale ne se limite pas aux origines sociales de la personne, mais englobe également sa condition actuelle. Elle peut donc être temporaire. Elle comporte également, selon le Tribunal des droits de la personne, un élément subjectif.

«[...]La notion de condition sociale "a été appliquée à des personnes démunies ou vulnérables qui subissent leur condition sociale plutôt que d'en jouir" : prestataire de la sécurité du revenu, étudiant ou travailleur à la pige ou à faibles revenus.

«À deux reprises, la commission s'est déclarée d'avis que l'exclusion des travailleuses et travailleurs agricoles d'un régime législatif en matière de droit du travail constitue une discrimination fondée sur leur condition sociale — c'est quand même majeur.

«Les travailleuses et travailleurs agricoles partagent un certain nombre de caractéristiques communes "qui font qu'elles sont identifiables et identifiées comme groupe, elles sont donc l'objet d'un ‘classement social' par les membres de la communauté. Ce classement a également pour effet d'attribuer à chacun des membres de ce groupe l'image stéréotypée que la communauté se fait de cette catégorie de travailleurs". Il s'agit de caractéristiques en lien avec la condition sociale telle que définie par la décision Gauthier du Tribunal des droits de la personne [on parle de] : rang, place, position dans la société, revenu, niveau d'éducation et occupation.

«[...]La juge L'Heureux-Dubé, dans son opinion concordante dans la même décision, fait une description plus extensive de la situation des travailleurs agricoles. [Selon elle], il ne fait aucun doute en l'espèce que, contrairement aux agents de la GRC dans Delisle, les travailleurs agricoles souffrent généralement d'un désavantage et que la distinction a pour effet de les dévaloriser et de les marginaliser au sein de la société canadienne. Les travailleurs agricoles "sont parmi les membres de notre société qui sont les plus exploités sur le plan économique et les plus neutralisés du point de vue politique" et ils doivent surmonter des "obstacles importants pour participer au processus politique".»

• (16 h 10) •

Puis ça, je me souviens, pendant la commission, on en a parlé assez souvent, comment... si on place... si on refuse l'accréditation, si on parle de simple association, où on dit : Les gens peuvent aller voir les producteurs, leur écrire une... leur parler, se fier juste à la bonne foi, on expliquait, puis bien des producteurs aussi l'expliquaient, que c'était une démarche qui peut être difficile pour beaucoup de personnes, que ce n'est pas une démarche... que nous, on peut penser facile, mais, pour certains qui ont vécu des conditions particulières, c'est une démarche d'aller voir l'employeur pour lui dire : Ah! je ne suis pas très heureux de telle, telle condition, ce n'est pas un... ça ne se fait pas aussi facilement. Et c'est ce que je lis un peu de par la définition de la juge L'Heureux-Dubé et ce que propose la commission, ce que nous amène la commission.

Concernant maintenant les travailleurs migrants temporaires, ce que la Commission des droits de la personne et de la jeunesse nous dit, qu'elle «s'est prononcée en 2011 sur les conditions de séjour et de travail de ces personnes. Elle a conclu que les aides familiales résidantes, les travailleurs agricoles saisonniers et les autres travailleurs étrangers temporaires peu spécialisés sont victimes de discrimination systémique en raison de leur origine ethnique ou nationale, de leur race, de leur condition sociale, de leur langue et, dans le cas des aides familiales résidantes, de leur sexe. Ces travailleuses et travailleurs se trouvent dans une situation de grande vulnérabilité, en raison d'un grand nombre de facteurs qui se conjuguent : leur statut d'immigrant restreint leur faculté de changer d'employeur, la rendant pratiquement impossible et les contraint à habiter chez l'employeur ou au logement fourni par lui; ils sont exclus de plusieurs éléments de protection sociale offerte au Québec en raison de la difficulté d'établir leur résidence; ils sont également exclus d'une partie de la protection du droit du travail, en raison de leurs occupations — travailleur domestique ou agricole; les structures institutionnelles leur imposent d'autres obstacles d'ordre systémique dans la mise en oeuvre de leurs droits — absence d'encadrement de l'activité de recrutement, du pouvoir de rapatriement de l'employeur et inefficacité...»

Quand je lis ça, là-dessus, j'aurais aimé ça poser des questions à la commission parce que je ne sais pas si c'est vraiment ce que j'ai entendu des producteurs. Parce que j'ai entendu, du côté des producteurs, qu'ils ont besoin de cette main-d'oeuvre-là, ils en prennent soin et ils agissent vraiment en bons pères de famille. Mais la commission pose certaines questions que j'aurais aimé aller plus loin. Pourquoi qu'ils nous disent ça comme ça? Pourquoi ils nous arrivent avec ce genre de conclusion?

La commission revient sur le projet de loi en parlant de compromission de l'exercice en pleine égalité des droits et libertés de la personne, de la liberté d'association, revient sur le droit à la sauvegarde de sa dignité et nous parle du droit international. Je n'irai pas en détail sur chacun de ces cas, mais c'est quand même des questions suffisamment importantes qui devraient, pour nous autres, députés et législateurs, qui devraient nous inquiéter, en tout cas nous inquiéter assez pour au moins les entendre, les écouter.

Je vais vous lire la conclusion du document qui nous avait été... qui a été envoyé au ministre par la commission. Sa conclusion, c'est qu'«en application de son mandat, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a examiné le projet de loi n° 8, Loi modifiant le Code du travail à l'égard de certains salariés d'exploitations agricoles, au regard des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne.

«L'analyse démontre que, s'il était adopté tel quel, le projet de loi n° 8 porterait atteinte aux droits et à l'égalité d'une catégorie de travailleuses et de travailleurs garantis par l'article 10 de la charte québécoise. En effet, le projet de loi impose une condition particulière aux travailleuses et travailleurs agricoles afin d'accéder au régime de relations collectives de travail offert par le Code du travail à la plupart des travailleuses et travailleurs. Cette condition apparaît difficile à satisfaire étant donné la vaste proportion de travailleuses et travailleurs saisonniers dans le domaine agricole. Ils n'ont, en outre, aucun pouvoir sur la dotation en personnel des entreprises qui les emploient. Le régime alternatif qui leur est proposé à défaut de satisfaire à la condition est loin d'être comparable ou semblable au régime généralement applicable. Ce traitement distinctif, fondé sur la condition sociale et, pour une certaine partie d'entre eux, sur la race et l'origine ethnique ou nationale, constitue donc une atteinte à l'exercice, en pleine égalité, de leur liberté d'association et de leur droit à la sauvegarde de leur dignité.

«À de nombreuses reprises, la commission a indiqué que l'aide à une industrie particulière ne devrait pas justifier une violation des droits reconnus par la charte — je cite : "Quant aux salariés à l'emploi d'une petite exploitation agricole, il est certes louable de désirer amenuiser le fardeau financier, qui est celui du petit exploitant agricole. Divers moyens s'offrent cependant pour ce faire au législateur — politique d'octrois, de subsides, etc. — sans que soient pour autant pénalisés les salariés de ce secteur. Il serait injuste que ceux-ci fassent les frais d'une politique visant à soutenir le petit exploitant agricole."» C'est un peu ce que je disais tantôt. Je pense qu'il faut éviter de mettre en opposition et, à chaque fois, de mettre sur le dos des travailleurs les difficultés que le milieu agricole pourrait avoir. Il y a moyen de trouver l'équilibre.

«Puisque l'imposition d'une condition afin d'accéder à la protection offerte aux autres travailleuses et travailleurs constitue une atteinte au droit des travailleuses et travailleurs agricoles d'exercer, en pleine égalité, leur liberté d'association et le droit à la sauvegarde de leur dignité, le projet de loi n° 8 contrevient aux dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse recommande donc que le projet de loi n° 8 soit retiré.

«L'obligation du Québec de ne pas imposer une condition spécifique aux travailleuses et travailleurs agricoles susceptible de les priver de la protection des relations collectives de travail offerte à la plupart des travailleuses et travailleurs découle également de ses engagements internationaux et de ceux du Canada.»

Comme je le disais, je ne suis pas un expert, je ne suis pas un avocat, je ne suis pas un économiste, mais je suis un humaniste, je suis sensible à ce genre de propos. Puis effectivement j'en connais... Je connais beaucoup de travailleurs agricoles temporaires. Ce sont des gens qui n'ont pas d'emploi à l'année, qui sont... qui se servent... qui ont un peu d'emploi, à ce moment-là, pour se refaire un peu pendant l'année, qui travaillent comme des fous, ils travaillent très fort, ce n'est pas des gros, gros salaires. C'est des gens, après leur travail saisonnier, qui se retrouvent souvent en chômage, un petit chômage ou... J'en connais, j'ai des amis qui ont...

J'ai travaillé longtemps dans des groupes communautaires. Je travaillais dans un groupe qui s'appelait Action-Chômage et j'en avais beaucoup de cas du genre qui venaient nous rencontrer pour essayer de... On essayait de les défendre parce qu'après ça ils avaient des problèmes avec le chômage. Mais c'est des cas... c'est des gens qui ont... Pour avoir travaillé dans ces milieux communautaires, je travaillais avec eux autres, c'est des gens pour qui ce n'est pas automatique de se défendre, ce n'est pas automatique d'aller... Leur condition sociale, leur éducation ne les a pas souvent amenés à dire : Oui, je vais... Puis ils sont tellement contents d'avoir leur emploi temporaire pour passer l'année, ce n'est pas des gens qui vont aller revendiquer. C'est une main-d'oeuvre qui est assez tranquille. Puis ils travaillent fort, ça fait que... C'est pour ça que je me disais, en pensant un peu à ces gens-là que je connais bien : Est-ce qu'il y a moyen de trouver une voie de passage qui pourrait être de dire...

Ces gens-là, ils ont droit à s'organiser, à être accrédités, à s'organiser puis à pouvoir se parler. Puis les syndicats, dans ce temps-là, ils ne font que leur donner un coup de main à s'organiser, puis à prendre la parole, puis à leur donner plus de pouvoir sur leur vie. Je pense qu'on devrait être capables de leur donner ce pouvoir-là. Puis c'est un peu ce que la commission nous dit. Est-ce qu'on est capables de donner un peu de pouvoir à ces gens-là sans pour autant mettre en péril les entreprises? C'est-à-dire, est-ce qu'on pourrait travailler sur le droit de grève, sur les moyens de pression, est-ce qu'on pourrait travailler là-dessus tout en permettant une vraie accréditation syndicale qui va donner à ces travailleurs-là, qui sont des travailleurs plus vulnérables, comme nous dit la commission, des moyens de se défendre, des moyens de faire valoir leur point de vue qui vont aller au-delà que de la bonne foi de l'employeur qui, on le voit malgré beaucoup de bonne volonté...

Puis la députée, j'ai beaucoup écouté, pendant la commission, ce qu'elle disait, puis elle avait beaucoup raison, sur... Tu sais, les employeurs ont besoin de cette main-d'oeuvre-là, puis ils en prennent soin, puis ils essaient de... Mais, malgré tout ça, il y a quand même un élément fondamental. Pourquoi ces travailleurs-là, comparativement à d'autres, n'auraient pas le droit de s'organiser, de se préparer, d'avoir un coup de main du milieu, de l'organisation pour être capables, avec plus de confiance puis plus de portée, d'aller faire valoir leur point de vue?

D'ailleurs, je ne me rappelle plus, je pense, c'est des fraises... un producteur de fraises...

Une voix : ...

• (16 h 20) •

M. LeBel : M. Pouliot avait dit : Oui, si ça leur permet d'être moins gênés pour venir me voir, je ne suis pas contre. C'était dans ses mots, mais ça voulait tout dire, hein? Si ça permet à ces travailleurs-là, l'accréditation syndicale, d'être mieux préparés pour faire valoir leurs revendications, faire valoir leurs demandes, pourquoi pas? Pourquoi pas? Pourquoi les mettre à côté des autres travailleurs du Québec? Je ne comprends pas.

Et j'aimerais beaucoup entendre la commission venir nous expliquer comment ils voient, eux autres, ce type de travailleurs là et pourquoi ils nous arrivent avec des conclusions du genre. Puis je propose ça vraiment dans le sens d'arriver au compromis qui ferait en sorte qu'on va sauvegarder nos entreprises agricoles, on va leur permettre de faire leur récolte d'une façon solide puis avec le plus de protection possible puis le moins de casse-tête puis de problème, mais sans remettre en question le droit à la syndicalisation pour des travailleurs qui en ont besoin. Je pense qu'on devrait être capables de trouver cette ligne-là.

Et c'est dans ce sens-là que je veux travailler à cette commission-là, et c'est dans ce sens-là que j'aimerais pouvoir... — c'est pour ça que je propose cet article-là — que j'aimerais pouvoir rencontrer... poser des questions, comme on a fait aux autres, d'une façon très correcte, gentlemen, tout le monde, on a comme... Est-ce qu'on pourrait poser des questions à la commission? Pourquoi qu'ils nous arrivent avec ça? C'est quoi, leur point de vue? C'est quoi, leurs références? Le ministre a une équipe d'avocats, il y a du monde tout autour de lui qui pourront le conseiller, lui donner des bonnes réponses, puis on sera, tout le monde, un peu plus éclairés. On a, tout le monde, nous autres aussi, notre recherchiste solide. Mais pourquoi ne pas, M. le ministre puis M. le Président, pourquoi ne pas rencontrer les gens de la commission, connaître exactement leur points de vue? Je pense que ça pourrait nous permettre de continuer à travailler puis trouver ce qu'on recherche ici, l'équilibre entre l'avenir de ce secteur agricole et la protection des travailleurs. Ce n'est pas un contre l'autre, c'est l'équilibre qu'il faut trouver, c'est ce qu'on aimerait faire. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Rimouski. Alors, je vais fonctionner par alternance. Et puis, comme j'ai mentionné au départ, les porteurs de dossiers ont 30 minutes, comme le porteur de la motion. Alors, M. le ministre, ce serait à vous, là.

M. Sam Hamad

M. Hamad : Merci, M. le Président. Je suis surpris de l'intérêt soudain de mes collègues pour la commission, puisque, à deux reprises, la commission, la même commission qu'il voulait absolument entendre, le 3 avril 2013, M. le Président, Aide sociale : la Commission des droits de la personne critique Maltais, la députée de Taschereau. Et, pas loin, le 17 octobre 2013, la même commission : Charte des valeurs... On se souvient, parce que le député ne se rappelait pas de ça. Mais alors : Charte des valeurs, Drainville... c'est le député de Marguerite-Bourgeoys...

Une voix : ...

M. Hamad : ...Marie-Victorin, député de Marie-Victorin — on essaie d'être conformes. Alors, c'est drôle, le 17 octobre 2013, je pense qu'il était à l'Assemblée nationale, je me souviens de lui, il était assis là, en face. Et ça dit : ...n'obtempérera pas à la Commission des droits de la personne. Alors, là, tout à coup, soudainement, les collègues sont en train de faire tout un plaidoyer pour la commission des droits. Alors, je veux les féliciter, M. le Président, je veux les féliciter pour cette belle intervention. Ce changement de cap là, c'est important. Puis je pense qu'on doit avoir beaucoup de respect pour la Commission des droits de la personne, M. le Président. Et je pense que je vais vous féliciter personnellement pour votre changement de bord et d'appuyer la commission.

Maintenant, M. le Président, le député de Berthier, il a fait une belle présentation, il dit qu'il y avait ça d'articles, on l'enlève puis on enlève des droits. Alors, si vous permettez, très humblement, ce n'est pas le cas parce que l'article 21, l'alinéa cinq qui était là, c'était ça qui touchait les travailleurs agricoles. C'est un article, il n'y avait pas 50 pages. Mais, si on amène l'accréditation et on l'amène dans le domaine syndical, là, on applique l'ensemble du Code du travail, et c'est la question aujourd'hui, M. le Président. Juste quelques éclaircissements.

Je comprends, je dois pardonner le député de Gaspé, M. le Président, il a dit qu'il n'était pas préparé aujourd'hui, je dois le pardonner parce qu'il a dit qu'il n'a pas lu puis il n'a pas... Mais c'est correct, il va avoir le temps. J'ai vu, j'ai senti qu'on va avoir beaucoup de temps ensemble, M. le Président, avec les deux. Donc, il va avoir le temps de se préparer puis amener ses propositions. Puis, je le rappelle, on est dans le domaine agricole...

Une voix : ...encore en 2014.

M. Hamad : ...on est dans le domaine agricole, M. le Président, puis on n'est pas dans les pêcheries, mais, comme un vrai Gaspésien, je le sais, j'ai connu les vrais Gaspésiens, mon chef de cabinet, c'en est un, ils sont très, très sensibles à l'agriculture, très sensibles. Puis un Gaspésien qui ne défend pas son agriculture, en général, il ne reste pas longtemps en Gaspésie. C'est en général. Mais enfin, on a le temps, M. le Président. Je sais qu'on va avoir du temps en masse, hein? Vous allez voir comment l'importance de l'agriculture là-dedans.

M. le Président, petite question : Est-ce que... Moi, je pense que, le plaidoyer de mes collègues, ils veulent avoir rapidement la commission, rencontrer la commission puisque mon collègue le député de Rimouski a fait la lecture complète de la décision. Mais je le comprends, il veut les rencontrer. Nous autres aussi, on veut les rencontrer parce que, nous autres, on a du respect pour cette commission-là, puis on veut les entendre, puis on va... le débat, puis on va débattre avec eux autres, comprendre pourquoi. Peut-être que ça va aider aussi la partie de l'opposition. Mais je comprends, M. le Président. J'ai senti l'urgence et l'importance de les rencontrer rapidement. J'ai compris, là. Puis là le député de Berthier me dit oui. Alors, M. le Président, nous, on va accepter ça, M. le Président, c'est une bonne idée, les rencontrer, malgré... Parce que le député de Rimouski, il dit : On ne les a pas invités. Je veux juste...

Des voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît, s'il vous plaît! S'il vous plaît...

M. Hamad : Et le député de Rimouski, il a travaillé longtemps dans l'aile parlementaire du Parti québécois, il sait très bien que, les invités dans une commission, c'est une liste qui se fait à deux, et on l'a fait, on ne les a pas invités. Mais ce n'est pas tard, ce n'est pas trop tard, M. le Président, on peut les inviter. Puis, en oubliant les deux opinions qu'ils ont données déjà, que l'ancien gouvernement les a oubliés, ce n'est pas grave, aujourd'hui je vous félicite — changement de cap — d'accepter de les rencontrer et de les écouter. Puis je comprends que vous donnez de la crédibilité à la commission aujourd'hui. C'est une bonne chose parce que la commission, M. le Président, joue un rôle important dans notre société, puis je pense qu'elle est là pour donner une opinion. Évidemment, le gouvernement, le Parlement, l'Assemblée nationale disposeront après par les éléments qu'on a.

J'ai compris et je retiens, M. le Président — c'est important pour les déroulements de la commission — l'intention de mes collègues de rencontrer la commission rapidement et, s'il y a lieu, continuer nos travaux. Alors, moi, je trouve que c'est une très bonne idée, et on est très ouverts à ça, M. le Président. Et j'aimerais demander une suspension des travaux pour qu'on regarde avec le leader les modalités de l'ouverture qu'on fait pour recevoir la commission.

Le Président (M. Cousineau) : Bien, à ce moment-ci...

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Oui. À ce moment-ci, M. le ministre, il faut voter la motion. Et puis, après avoir voté la motion, bien on va suspendre sine die.

M. Hamad : J'aimerais qu'on suspende pour voir les modalités parce qu'il faut qu'on s'entende sur les modalités avant de voter.

Des voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. Un instant, s'il vous plaît! D'accord?

Alors, pour l'instant, on va suspendre quelques secondes, là, pour faire le point.

(Suspension de la séance à 16 h 27)

(Reprise à 16  h 32)

Le Président (M. Cousineau) : ...d'accord. Alors, avant de prendre un vote sur la motion qui a été déposée par M. le député de Rimouski, bien je dois entendre ceux qui veulent bien se faire entendre aussi, là. Alors, je vais passer la parole à... M. le ministre, vous aviez terminé?

M. Hamad : Je vais laisser ma parole à ma collègue de Mirabel.

Le Président (M. Cousineau) : Bon, d'accord. Alors, Mme la députée de Mirabel, toujours sur la motion.

Mme Sylvie D'Amours

Mme D'Amours : Donc, merci M. le Président. Nous avons pris connaissance avec respect du point de vue de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Ce n'est pas une position compliquée. Elle est d'ailleurs exprimée très clairement dans son mémoire. Nous avons tous eu le temps de la lire, de la comprendre et, au besoin, de la questionner.

Nous ne croyons pas pertinent de convoquer la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en commission parlementaire. Le plus pressant aujourd'hui n'est pas de débattre de la procédure mais de la protection de la compétitivité de nos entreprises agricoles. Nous l'avons dit d'entrée de jeu, nous agissons en opposition efficace. Nous voterons contre la motion, ayant bien reçu et considéré le mémoire de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Et j'aimerais vous remercier, M. le Président, de m'avoir donné un qualificatif d'expéditive parce que je suis convaincue que vous avez en mémoire que je suis... que j'ai un intérêt envers cette commission, même si je suis expéditive. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Oui. C'était... C'est une qualité, madame.

Mme D'Amours : Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Ce n'est pas un défaut, là. Alors, voilà. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants concernant la motion? M. le député de Berthier.

M. André Villeneuve

M. Villeneuve : Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, si j'ai bien compris, et le ministre pourra le préciser suite à mon intervention ou quand les gens se seront exprimés... J'aimerais entendre effectivement le ministre, là, bien nous expliquer la démarche à laquelle il adhère, à savoir : demander à la Commission des droits de la personne de venir rencontrer la commission.

Et d'ailleurs, je salue la collaboration du ministre. Je pense que mon collègue... Et, vous savez, nous sommes l'automne, bon, il y a moins... Je ne suis pas un expert en agriculture, mais, bon, l'automne s'en vient et puis je pense qu'il faut prendre le temps de faire les choses comme il faut. On n'est pas au printemps, où la saison de récoltes arrive à grands pas. Je comprends qu'il y a encore des récoltes à faire, là, mais je pense qu'il faut prendre le temps de faire les choses comme il faut.

Mon collègue de Rimouski, je pense que ce n'est pas innocent quand il prend le temps de lire le mémoire de la Commission des droits de la personne, et ça l'a interpellé, ça m'a interpellé, ça a peut-être interpellé d'autres personnes ici, autour de la table, et effectivement, s'il y a des réponses qui ne se trouvent pas dans le mémoire, qu'on puisse interroger la commission. Moi, M. le Président, j'ai bien de la misère à comprendre qu'on... Bien, écoutez, je respecte les opinions des uns et des autres, là, mais, pour moi, pour ma part, je trouve ça important qu'on puisse poser ces questions-là directement aux gens de la commission, bien sûr.

Je veux juste ajouter une petite chose parce que je ne peux pas passer sous silence les propos du ministre tantôt, là, concernant la démonstration que j'ai faite qu'il y avait des pans entiers du Code du travail qui ne s'appliqueront pas à certaines catégories de travailleurs. Son propre projet de loi, là — juste un petit aparté, hein, petit aparté, M. le Président, là — alors, c'est bien indiqué, là, à 11.27, là : «Les dispositions des sections II et III du chapitre II, de même que celles des chapitres III à V, ne s'appliquent pas aux salariés [d'une exploitation agricole].»

Tout simplement vous dire que, si je me suis mal exprimé et que j'ai mal expliqué la position que je voulais démontrer tantôt, j'ose espérer qu'avec la lecture de l'article que le ministre a lui-même mis dans le projet de loi ça vient expliquer ce que je voulais dire tantôt au niveau du fait qu'on charcutait le Code du travail pour certains travailleurs.

Voilà, M. le Président. Je ne serai pas plus long. Tout simplement, comme je le précisais par ailleurs, évidemment je veux entendre de la voix du ministre, pour la suite des choses, comment tout ça va se dérouler. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Merci. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur la motion?

M. Hamad : Bien, il m'a demandé de préciser, pour la motion, M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Cousineau) : Oui, on va le permettre, mais, normalement, vous avez eu votre temps de parole, mais on va vous le permettre quand même.

M. Hamad : O.K. Mais c'était ça, le... Alors, la modalité, comme on s'est entendus, comme on a fait avec la consultation, c'est... On parlait de les appeler le plus rapidement possible pour les convoquer demain à 3 heures. Et je suis convaincu...

Une voix : ...

M. Hamad : Ou demain matin s'ils sont disponibles. Mais je suis convaincu qu'ils sont disponibles. Avec tout l'effort qu'ils ont fait, je pense qu'ils s'attendent peut-être à venir. Et ça va nous faire plaisir. Donc, une heure. Il y avait le timing. Les présentations, comme d'habitude, M. le Président, si on se fie à ce qu'on a fait à la consultation, c'est 10...

Le Président (M. Cousineau) : 10 minutes de présentation puis 50 minutes d'échange avec les parlementaires.

M. Hamad : Et, par la suite, évidemment, après la présentation, on peut commencer l'étude article par article, si j'ai bien compris.

Le Président (M. Cousineau) : C'est ce que j'ai compris aussi, M. le ministre.

M. Hamad : Parfait. Merci beaucoup, M. le Président.

Mise aux voix

Le Président (M. Cousineau) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion? Sinon, on va passer au vote. Alors, de ce côté-ci, du côté...

Des voix : Pour.

Le Président (M. Cousineau) : C'est pour. Pour?

Une voix : Contre.

Le Président (M. Cousineau) : Contre. Alors, c'est la majorité. Donc...

M. Villeneuve : Je demanderais le vote nominal, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Ah! Bien, on peut prendre un vote nominal. Parce qu'à la demande d'un député, on peut faire un vote nominal. Alors, je commencerais par le député de Rimouski parce que c'est le porteur de la motion.

La Secrétaire : Oui. M. Lebel (Rimouski)?

M. LeBel : Pour.

La Secrétaire : M. Villeneuve (Berthier)?

M. Villeneuve : Pour.

La Secrétaire : M. Lelièvre (Gaspé)?

M. Lelièvre : Pour.

La Secrétaire : Mme D'Amours (Mirabel)?

Mme D'Amours : Contre.

La Secrétaire : M. Hamad (Louis-Hébert)?

M. Hamad : Pour.

La Secrétaire : M. Fortin (Pontiac)?

M. Fortin (Pontiac) : Pour.

La Secrétaire : M. Polo (Laval-des-Rapides)?

M. Polo : Pour.

La Secrétaire : Mme Nichols (Vaudreuil)?

Mme Nichols : Pour.

La Secrétaire : M. Drolet (Jean-Lesage)?

M. Drolet : Pour.

La Secrétaire : M. H. Plante (Maskinongé)?

M. Plante : Pour.

La Secrétaire : M. St-Denis (Argenteuil)?

M. St-Denis : Pour.

La Secrétaire : M. Cousineau (Bertrand)?

Le Président (M. Cousineau) : Pour.

La Secrétaire : Pour. Alors, 11 pour, une abstention.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, voilà. Donc, nous...

Des voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Contre.

La Secrétaire : Oui, un contre. Pardon.

Le Président (M. Cousineau) : Donc, nous allons procéder comme vous avez mentionné, et...

Des voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je n'ai pas terminé. D'accord?

Alors, devant cette belle collégialité, j'ajourne sine die nos travaux.

(Fin de la séance à 16 h 38)

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