Journal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Wednesday, January 20, 2021
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Vol. 45 N° 68
Special consultations and public hearings on Bill 59, An Act to modernize the occupational health and safety regime
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Intervenants par tranches d'heure
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Derraji, Monsef
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Derraji, Monsef
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IsaBelle, Claire
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Leduc, Alexandre
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Roy, Sylvain
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Boulet, Jean
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Boulet, Jean
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IsaBelle, Claire
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Derraji, Monsef
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Leitão, Carlos J.
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Benjamin, Frantz
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Leduc, Alexandre
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Roy, Sylvain
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Roy, Sylvain
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Boulet, Jean
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IsaBelle, Claire
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Derraji, Monsef
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Leduc, Alexandre
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Roy, Sylvain
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Derraji, Monsef
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Derraji, Monsef
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IsaBelle, Claire
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Leitão, Carlos J.
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Leduc, Alexandre
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Roy, Sylvain
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Boulet, Jean
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Derraji, Monsef
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Leduc, Alexandre
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Roy, Sylvain
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Roy, Sylvain
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Boulet, Jean
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IsaBelle, Claire
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Derraji, Monsef
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Leitão, Carlos J.
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Leduc, Alexandre
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Roy, Sylvain
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Derraji, Monsef
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Boulet, Jean
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IsaBelle, Claire
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Derraji, Monsef
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Leduc, Alexandre
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Roy, Sylvain
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Derraji, Monsef
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Leitão, Carlos J.
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Leduc, Alexandre
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Leduc, Alexandre
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IsaBelle, Claire
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Roy, Sylvain
9 h 30 (version révisée)
(Neuf heures trente et une minutes)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de l'économie et du travail ouverte.
La commission est réunie virtuellement
afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur
le projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité
du travail.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui,
Mme la Présidente. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par M. Roy
(Bonaventure).
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Ce matin, nous entendrons, par visioconférence, les groupes suivants :
la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec,
la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et la Centrale
des syndicats démocratiques.
Nous commençons, et je souhaite donc la
bienvenue aux représentantes de la Fédération
interprofessionnelle de la santé du Québec. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Avant de commencer, je
vous demande de bien vous présenter, et ensuite vous pourrez débuter votre
exposé. Alors, Mme Lapointe, je vous invite à bien allumer votre micro.
(Visioconférence)
Mme Lapointe (Linda) : Mon
nom est Linda Lapointe, je suis vice-présidente à la FIQ, responsable du
secteur SST. Et je suis accompagnée de Me Hélène Côté, qui est conseillère
à l'équipe SST, à la fédération également.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, vous pouvez commencer votre exposé.
Mme Lapointe (Linda) :
Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires.
Merci de nous accueillir aujourd'hui à cette commission parlementaire
virtuelle. Alors, on vient de se présenter. Je suis, effectivement, à
l'exécutif de la FIQ, comme vice-présidente et responsable du secteur SST, et
Hélène Côté, ma compagne, procureure à l'équipe SST.
Tout d'abord, nous souhaitons saluer la
volonté du législateur de réaliser enfin cette modernisation du régime de santé
et de sécurité du travail québécois. Les attentes sont grandes, et force est de
constater que le projet actuel ne répond pas totalement à celles-ci. Notre
mémoire contient plus d'une quarantaine de recommandations et nous ne pourrons
pas, dans le temps alloué pour cette allocution, les expliquer une à une. Nous
aborderons avec vous quelques-unes d'entre elles, sans pour autant minimiser
l'importance des autres recommandations que l'on retrouve dans notre mémoire.
La fédération, depuis sa création,
représente ses membres devant les différentes instances de la CNESST et les
tribunaux. Les nombreuses modifications proposées par le projet de loi afin de
modifier la LATMP nous interpellent grandement. D'emblée, nous tenons à saluer
l'introduction du règlement en place et lieu de l'annexe I de la loi
actuelle. Ce dernier pourra être modifié plus aisément pour tenir compte de la
science et de <l'évolution…
Mme Lapointe (Linda) :
…
représente ses membres devant les différentes instances de la CNESST et
les tribunaux. Les nombreuses modifications proposées par le projet de loi afin
de modifier la LATMP nous interpellent grandement. D'emblée, nous tenons à
saluer l'introduction du règlement en place et lieu de l'annexe I de la
loi actuelle. Ce dernier pourra être modifié plus aisément pour tenir compte de
la science et de >l'évolution des changements survenant au sein de nos
milieux de travail.
La reconnaissance du stress
post-traumatique dans ce règlement mérite également d'être soulignée. De plus,
nous saluons la protection offerte aux stagiaires. Nous tenons également à
préciser que nous soutenons les mesures favorisant un retour au travail à la
suite d'une lésion, à la condition que la santé et la sécurité de la
travailleuse soient la considération la plus importante pour déterminer ce
retour et les modalités qui l'encadrent.
Par ailleurs, nous considérons que
certaines dispositions de la LATMP modifiées par le projet de loi doivent être
bonifiées ou carrément retirées. Outre le stress post-traumatique, nous croyons
que l'ajout de diagnostics de maladies psychologiques au règlement remplaçant
l'annexe I est un incontournable. Plusieurs de nos professionnelles en soins
sont confrontées à des conditions de travail difficiles et sont plus à risque
de développer des maladies professionnelles de nature psychologique telles que
le trouble de l'adaptation et la dépression. La surcharge de travail, les
ratios professionnels en soins-patients insuffisants ne sont que quelques-unes
des nombreuses causes d'épuisement des infirmières, infirmières auxiliaires,
inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques.
Normalement, le travail des
professionnelles en soins implique déjà une charge émotive significative
puisqu'elles dispensent des soins à des personnes vulnérables et côtoient la
mort quotidiennement. Depuis le mois de mars dernier, cette charge émotive a
atteint un niveau rarement vu. Un énorme sentiment d'impuissance est ressenti
face aux conséquences de cette pandémie pour les patients et les patientes à
qui elles dispensent les soins. Au-delà de la pandémie, nous estimons qu'il
faut prendre en compte la difficile réalité de ces milieux de travail, qui
perdure depuis de nombreuses années, afin de bien mesurer l'impact de cette
réalité sur l'intégrité psychologique des professionnelles en soins. Nous
recommandons, par conséquent, que le règlement remplaçant l'annexe I de la loi
inclue davantage de maladies professionnelles de nature psychologique.
Par ailleurs, nous croyons que la modification
de la définition d'emploi convenable crée un préjudice pour les travailleuses.
En modifiant l'expression «de la capacité d'exercer l'ensemble de ses tâches»
par celle «de la capacité d'exercer les tâches essentielles», le législateur
dénature l'emploi convenable. De plus, ce changement compromet la réalisation
de l'objectif souhaité, soit celui de déterminer un emploi qu'une travailleuse
pourra raisonnablement occuper alors qu'elle conserve des limitations
fonctionnelles qui l'empêchent de reprendre son emploi prélésionnel.
Également, nous sommes extrêmement
préoccupés par le retrait de la prépondérance de l'opinion du médecin traitant
dans plusieurs dispositions du projet de loi. Ce constat s'applique autant dans
les dispositions entourant la réadaptation professionnelle que dans celles
traitant de l'évaluation par un membre du bureau du BEM. Par exemple, le projet
de loi octroie des nouveaux pouvoirs importants à la CNESST, lui permettant
d'ordonner des mesures de réadaptation professionnelle sans même obtenir l'avis
du médecin traitant, alors que certaines de ces mesures pourraient venir en
conflit avec les soins et traitements proposés par le médecin de la
travailleuse et compromettre la santé de celle-ci. Pour les fédérations, cette
perte de prépondérance de l'opinion du médecin traitant est clairement
préjudiciable à la <travailleuse...
Mme Lapointe (Linda) :
...
mesures de réadaptation professionnelle sans même obtenir l'avis du
médecin traitant, alors que certaines de ces mesures pourraient venir en
conflit avec les soins et traitements proposés par le médecin de la
travailleuse et compromettre la santé de celle-ci. Pour les fédérations, cette
perte de prépondérance de l'opinion du médecin traitant est clairement
préjudiciable à la >travailleuse.
Nous terminerons cette partie d'allocution
en précisant aux législateurs que l'on ne doit pas perdre de vue que l'objet de
la loi est la réparation des lésions et des conséquences qu'elles entraînent
pour les travailleuses et qu'en aucun temps les considérations financières
liées au coût du régime ne doivent avoir préséance sur cet objet.
En matière de retrait préventif de la
travailleuse enceinte ou qui allaite, nous saluons l'uniformisation du niveau
provincial des protocoles visant l'identification des dangers et des conditions
qui y sont associées. Cependant, nous estimons nécessaire que le principe de
précaution soit à la base de l'élaboration de ces nouveaux protocoles et que
les meilleures pratiques appliquées dans les différentes directions régionales jusqu'à
maintenant se retrouvent également dans ceux-ci.
De la même façon que pour certaines
dispositions de la LATMP, nous déplorons la perte de prépondérance de l'opinion
du médecin qui effectue le suivi de grossesse dans le traitement de la demande
de retrait préventif et, plus particulièrement, dans la détermination des
dangers. Au-delà du contenu des protocoles, nous croyons que le médecin de la travailleuse
est à même d'identifier les particularités des conditions de travail de
celle-ci et d'en tenir compte dans l'évaluation de la demande de retrait
préventif.
Nous saluons l'introduction de l'obligation
pour les employeurs de prendre des mesures pour assurer la protection des travailleuses
vivant des situations de violence physique ou psychologique, incluant la violence
conjugale ou familiale. Nous considérons cependant que, pour respecter cette obligation,
les employeurs auront besoin d'une formation spécifique à ces enjeux, et que
celle-ci devrait être basée sur l'expertise développée par les groupes de
femmes <en matière... >qui ont l'expertise en matière de
violence conjugale et familiale.
En ce qui concerne la prévention, nous
demandons, depuis de nombreuses années, que les mécanismes de prévention
s'appliquent au secteur de la santé et des services sociaux et nous déplorons
qu'il ait fallu attendre aussi longtemps pour en bénéficier. Nous sommes
convaincus que l'application de ces mécanismes aurait contribué grandement à
diminuer le nombre de lésions professionnelles subies par les membres que nous
représentons. Le mise en oeuvre des mécanismes de prévention, nous souhaitons
que soit déterminée, par entente entre l'employeur et les syndicats et non de
façon unilatérale, la désignation des regroupements d'établissements qui
exercent des activités de même nature ainsi que la possibilité de ne former
qu'un seul comité pour ces mêmes regroupements.
Par ailleurs, nous accueillons
positivement l'inclusion des risques psychosociaux au travail pouvant affecter
la santé des travailleuses dans le programme de prévention. Nous estimons
toutefois qu'il est essentiel que les membres du comité santé et sécurité,
ainsi que les représentants en santé et sécurité, puissent recevoir une
formation afin d'être en mesure de bien les identifier et d'en faire l'analyse.
De plus, nous demandons que cette responsabilité liée à l'identification et à
l'analyse de ces risques soit clairement mentionnée dans les fonctions du comité
et dans celles du représentant.
Nous tenons à exprimer notre profond
désaccord avec l'évaluation par niveau de risque établie à l'annexe I du
règlement sur les mécanismes de prévention. Il est étonnant de constater que
les hôpitaux généraux et ceux de soins chirurgicaux sont classés de risque
faible étant donné <l'ampleur...
Mme Lapointe (Linda) :
…
l'analyse de ces risques soit clairement mentionnée dans les fonctions
du comité et dans celles du représentant.
Nous tenons à exprimer notre profond désaccord
avec l'évaluation par niveau de risque établie à l'annexe I du règlement sur
les mécanismes de prévention. Il est étonnant de constater que les hôpitaux
généraux et ceux de soins chirurgicaux sont classés de risque faible étant
donné >l'ampleur des problématiques que l'on y rencontre et les dangers
que l'on y observe pour la santé et la santé des professionnels en soins.
L'impact de cette classification est
considérable puisqu'elle détermine l'ampleur donnée aux mécanismes de
prévention ainsi que le délai pour les appliquer. Nous demandons donc le
retrait de cette classification et le déploiement rapide des mesures uniformes,
des mécanismes uniformes de prévention pour tous les secteurs du réseau de la
santé et des services sociaux. Nous nous interrogeons sur la capacité de la
CNESST à jouer son double rôle de contrôle et de surveillance avec celui de
l'indemnisation. Nous croyons que l'application des mécanismes de prévention
requerra des ressources supplémentaires importantes. En effet, beaucoup de
nouvelles responsabilités en matière de prévention dans les milieux de travail
émergeront et un grand nombre d'employeurs seront maintenant assujettis aux
mécanismes de prévention. Le projet de loi no° 59 ne répond pas à nos
inquiétudes à cet égard.
• (9 h 40) •
En tant qu'organisation représentant près
de 90 % de femmes, nous sommes préoccupés par la faible représentation des
secteurs d'emploi à prédominance féminine au sein du conseil d'administration
de la CNESST. Près de la moitié des emplois au Québec sont occupés par des
femmes. Dans l'objectif de mieux refléter cette réalité, nous estimons qu'une
représentation des secteurs à prédominance féminine au sein du conseil
d'administration est nécessaire. Nous estimons que les modifications touchant la
prévention contenues dans le projet de loi doivent s'appliquer dans un avenir
beaucoup plus rapproché. Le réseau de la santé ne peut plus se permettre
d'attendre. C'est pourquoi nous souhaitons que les dispositions du projet de
loi modifiant la LSST s'appliquent dès le 1er janvier 2023 pour l'ensemble des
secteurs d'activité.
Pour conclure, nous croyons que le projet
de loi actuel n'est pas suffisant pour répondre aux multiples défis de la santé
et de la sécurité au sein des milieux de travail. Il doit nécessairement être
bonifié pour répondre aux attentes des travailleuses. Nous estimons que nos
recommandations sont pertinentes et nécessaires pour réellement moderniser le
régime de santé et de sécurité du travail. Les recommandations contenues en
notre mémoire visent également à contribuer à mettre fin à l'absence de culture
de prévention au sein du réseau de la santé. Cette absence de culture dans le
contexte de la pandémie démontre à quel point cet enjeu est essentiel, tant
pour les travailleuses que pour l'ensemble de la société. Je vous remercie.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, Mme Lapointe, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la
période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 minutes 30 secondes.
M. Boulet : …
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Votre micro, M. le ministre.
M. Boulet : Il était pourtant
allumé, désolé. Merci, Mme la Présidente. Mme Lapointe, Me Côté, bienvenue à
cette commission parlementaire. J'apprécie énormément le ton de votre
présentation, la façon dont vous articulez vos recommandations et de
reconnaître d'emblée et de saluer la volonté du gouvernement de <moderniser…
M. Boulet : ...Me Côté,
bienvenue à cette commission parlementaire. J'apprécie énormément le ton de
votre présentation, la façon dont vous articulez vos recommandations et de
reconnaître d'emblée et de saluer la volonté du gouvernement de >moderniser.
Je pense que c'est bénéfique pour tout le monde. Évidemment, vous le
manifestez, hein, les attentes sont grandes. Il y a 293 articles, là, ou à
peu près dans ce projet de loi là. Il y a beaucoup de sujets qui sont touchés.
Et moi, j'aurais peut-être quelques questions, Mme Lapointe, à vous poser.
Bon, vous êtes à l'aise avec le passage
d'une annexe à un règlement. L'annexe était beaucoup plus rigide, ne
s'actualisait pas aux données, <de... >au niveau de connaissances
scientifiques et médicales, alors qu'un règlement va être beaucoup plus facile
à adapter. Puis on crée un comité de scientifiques qui va avoir le mandat
d'analyser, faire des recommandations, qui vont être rendues publiques,
permettant d'enrichir cette liste-là au fil du temps.
Puis j'apprécie vos commentaires. Puis
vous dites : À un moment donné, il faudrait peut-être enrichir la liste, bon,
les maladies de nature psychologique. Et j'ai énormément de sensibilité à cet
égard-là puis j'ai une estime profonde pour ce que font quotidiennement les
professionnels des soins de la santé que vous représentez. Est-ce que ce serait
envisageable, par exemple, de donner un mandat spécifique au comité de
scientifiques de se pencher, d'une part, sur le phénomène des lésions
psychologiques dans les environnements de travail, notamment les soins et la
santé, d'une part, et deuxièmement d'avoir un regard particulier sur les
maladies qui sont, je dirais, un peu plus spécifiques, là, aux femmes aussi? Parce
qu'elles sont évidemment en nombre prépondérant. J'aimerais ça vous entendre
développer à ce sujet-là, parce que je trouve que c'est une orientation qui m'apparaît
particulièrement intéressante.
Vous soulignez aussi qu'on reconnaît les
troubles de stress post-traumatique. Puis, vous le savez, hein, 67 % des
réclamations de nature psychologiques découlent de troubles de stress
post-traumatique. Je trouvais que c'était une avancée considérable, là, mais
j'aimerais vous entendre sur des mandats qui pourraient être confiés à ce
comité de scientifiques là.
Mme Lapointe (Linda) : Oui.
Je vous remercie, M. le ministre. Puis je suis heureuse de vous entendre dire
qu'effectivement vous avez une ouverture pour donner un mandat spécifique à ce
comité-là. Parce que c'est une réalité, hein, 90 % des lésions
professionnelles acceptées sont à prédominance dans des secteurs à prédominance
masculine plutôt que féminine. Alors, il faut se questionner avec ce projet de
loi là puis cette réforme-là. Il faut vraiment voir à intégrer davantage les
maladies qui touchent les femmes. Ça fait que, <c'est... >pour
nous, c'est inconcevable qu'il y ait seulement 10 % des lésions qui sont
acceptées, mais on est encore beaucoup sur des lésions de nature <physique...
Mme Lapointe (Linda) :
…
dans des secteurs à prédominance masculine plutôt que féminine. Alors,
il faut se questionner avec ce projet de loi là puis cette réforme-là. Il faut
vraiment voir à intégrer davantage les maladies qui touchent les femmes. Ça
fait que, c'est... pour nous, c'est inconcevable qu'il y ait seulement
10 % des lésions qui sont acceptées, mais on est encore beaucoup sur des
lésions de nature >physique, puis c'est là qu'on aurait voulu une
ouverture un peu plus grande dans ce projet-là.
Particulièrement, à la FIQ, on vous l'a
dit, on est 90 % de femmes. Alors, tous les facteurs psychosociaux qu'on
retrouve en quantité importante dans le réseau de la santé et services sociaux,
qu'on parle de la charge de travail, de l'autonomie décisionnelle, le peu de
reconnaissance de nos gestionnaires par rapport aussi aux conditions de travail
qui sont associées à ça, puis les milieux de vie... Vous le savez, nos professionnelles
en soins, puis je ne veux pas en mettre plus à cause de la situation de
pandémie, présentement, mais on est confrontés régulièrement à de la détresse
psychologique. Nos professionnelles en soins travaillent en soins palliatifs où
la mort attend nos patients, elles travaillent avec des polytraumatisés, elles
travaillent avec des petits bébés de 500, 600 grammes, puis on ne sait pas
s'ils vont survivre. On est constamment avec une détresse, soit avec les
patients, soit avec la famille.
Alors, ce milieu de travail là, avec la
surcharge qui s'ensuit, l'organisation de travail aussi qui est, à maint égard,
déficiente, ce n'est pas pour rien qu'on revendique des ratios pour diminuer
cette charge de travail là depuis des années, bien, ça fait un contexte que,
veux veux pas, la notion psychologique, les maladies psychologiques doivent
davantage être mises de l'avant. Si on ne le fait pas, on va se retrouver avec
le même type de lois qu'on a depuis 40 ans et qui mettent l'accent sur les
maladies à majorité masculine, les blessures physiques, alors qu'on va moins
tenir compte des blessures psychologiques. Et, pour nous, c'est la grande
majorité de nos lésions, puis on a de la misère à les faire connaître à la
CNESST, c'est difficile.
Alors, effectivement, je trouve que de
donner un mandat d'évaluer plus particulièrement les maladies psychologiques,
de façon importante, dans les milieux de travail, qu'on soit dans la santé,
qu'on soit dans le domaine de l'éducation, c'est cette nature-là de blessures
qui nous touche plus qu'une blessure physique. On ne travaille pas dans une
usine, on ne travaille pas dans les mines. Alors, effectivement, je pense que
c'est important.
Puis vous avez l'occasion, M. le ministre,
de faire en sorte que ce projet de loi là, que cette nouvelle réforme là, dans
10 ans, dans 15 ans, soit encore à jour. Je pense qu'on a une belle
opportunité, présentement, de ne pas juste compenser les 40 dernières
années, puis de corriger, puis d'avoir une loi LSST puis LATMP 2021. Il faut
qu'on soit visionnaire puis, dans 10, 15 ans, qu'on puisse dire : Hé!
wow, le ministre Boulet, il a fait une excellente réforme de la LSST puis
LATMP, puis on fait en sorte qu'aujourd'hui en 2030, 2035, elle va encore être
actuelle. Ça fait que, <ce qu'on… >pas ce qu'on recommande, mais
ce qu'on souhaite, c'est qu'on ait vraiment un projet de loi qui soit
visionnaire puis qui tienne compte, effectivement, particulièrement des milieux
de femmes, ce qui nous touche.
M. Boulet : …évidemment les
mêmes objectifs, hein? On avait deux lois qui sont restées coulées dans le
béton pendant 40 ans. Il n'y a jamais rien qui a été fait, ce qui nous
donne une annexe qui est restée complètement stationnaire aux plans
scientifique et médical, et on n'a pas tenu compte de l'évolution. Et le
règlement va nous permettre de s'adapter en tenant compte de l'évolution de la
science, <comme…
M. Boulet : …qui sont
restées coulées dans le béton pendant 40 ans. Il n'y a jamais rien qui a
été fait, ce qui nous donne une annexe qui est restée complètement stationnaire
aux plans scientifique et médical, et on n'a pas tenu compte de l'évolution. Et
le règlement va nous permettre de s'adapter en tenant compte de l'évolution de
la science, >comme on mentionnait. Et je pense que c'est extrêmement
important que vous le souligniez.
Est-ce que je vous ai bien compris? Les
deux diagnostics en matière psychologique les plus communément reconnus, c'est
les troubles d'adaptation et la dépression, hein, est-ce que c'est bien ça,
Linda?
Mme Lapointe (Linda) : Oui.
Absolument.
M. Boulet : O.K. Bon, vous
savez aussi que, bon, on parle aussi énormément, dans la loi santé et sécurité,
de l'identification pour bien contrôler et éliminer les risques. On réfère
dorénavant, avec le p.l. n° 59… des risques psychosociaux. J'aimerais ça
vous entendre un peu plus, <vous… >un, sur l'impact des risques
psychosociaux, qu'on en fasse l'examen, l'identification et l'élimination
potentielle. Puis j'aimerais ça que vous me parliez aussi un peu plus… Vous disiez :
Il faudrait qu'il y ait de la formation pour les employeurs pour les
accompagner, ou <les mécanismes… >ceux qui participent aux
mécanismes de prévention et de participation. Je trouverais intéressant que
vous élaboriez, Linda, là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Lapointe (Linda) : Oui.
Comme je vous disais un peu précédemment, les risques psychosociaux sont fort
importants. Puis, dans le réseau de la santé et services sociaux,
malheureusement, ça n'a pas été une préoccupation de nos employeurs dans les
dernières années, peu importe qu'on mette ça sur le dos des réformes, mais, <ce
n'est jamais… >dans l'ensemble de la prévention, ça n'a jamais été…
Puis c'est pour ça qu'on est contents d'avoir
les mécanismes, parce que les employeurs ne se sont jamais attardés à ça, mais
particulièrement pour ces risques-là, psychosociaux, auxquels nous sommes plus
confrontés de par le type de professions puis notre milieu de travail, mais,
pour nous, on veut qu'il y ait une attention. Parce que, comme je vous disais,
ce n'est pas tant que ça, des lésions de nature physique, mais beaucoup au
niveau psychologique. Puis, pour les faire reconnaître puis pour que la CNESST
les reconnaisse, bien, il faut que, tous ensemble, on travaille à mieux, bien,
premièrement, les identifier puis aussi de voir l'impact que ça a sur la
travailleuse, sur les travailleurs au niveau de la santé dans nos différents
milieux de travail.
• (9 h 50) •
Puis on a beaucoup de… je vous l'ai dit
tantôt, la reconnaissance, l'autonomie décisionnelle, il n'y a pas… La gestion,
dans le réseau de la santé, est très, excusez l'expression, «top-down», ça fait
que c'est beaucoup : il y a ça à faire, tu le fais, puis… Alors, tout le
sentiment d'appartenance puis de prendre part aux décisions dans l'organisation
du travail, ça se fait peu. Alors, les professionnels en soins sont comme :
Bien, j'ai une job à faire, je la fais, mais j'ai peu d'influence. Alors, ça,
tout ce qui est au niveau de l'autonomie décisionnelle, je vous l'ai dit, la
charge de travail qu'on n'avait pas, mais aussi la reconnaissance, il y a peu
de reconnaissance. Nos grandes structures… les salariés, les infirmières,
infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes voient peu leurs gestionnaires. Donc,
peu de reconnaissance, peu de discussions en équipe, <peu… >au
niveau des collègues de travail, puis ça fait qu'à un moment donné ça
intensifie, peu importe la charge, la pression. Je n'ai pas besoin de vous
rappeler les conditions de travail, le temps supplémentaire obligé, sans parler
de COVID, de se <voir…
Mme Lapointe (Linda) :
...les salariés, les infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes
voient peu leurs gestionnaires. Donc, peu de reconnaissance, peu de discussions
en équipe, peu… au niveau des collègues de travail, puis ça fait qu'à un moment
donné ça intensifie, peu importe la charge, la pression. Je n'ai pas besoin de
vous rappeler les conditions de travail, le temps supplémentaire obligé, sans
parler de COVID, de se >voir transférer d'une installation à l'autre ou d'un
centre d'activité à l'autre.
On a vu des gens qui n'avaient aucune expérience
en CHSLD qui sont partis. On a eu des infirmières, ça ne faisait même pas deux
ans qu'elle était en néonatalogie, elle avait des petits bébés de
500 grammes puis, après ça, elle s'est retrouvée le soir à minuit avec des
patients en CHSLD. C'est une approche tout à fait différente. Alors, c'est un
stress, là, ou, quand tu as été infirmière... Comme là, présentement, tu es
infirmière pendant 15, 20 ans au bloc, puis tu te fais dire : Ah!
bien, tu vas aller aux soins intensifs parce que, là, on a beaucoup de patients
en soins intensifs COVID. On ne peut pas former une infirmière en dedans de
deux jours à des soins intensifs. Pas en 2021, ça ne se fait plus.
Alors, ce stress-là de ne pas... surtout
dans cette période-là COVID, mais aussi en d'autres temps, vu qu'on a une pénurie
de main-d'oeuvre, <de... >les déplacements puis les changements
dans un milieu de travail qu'on ne connaît pas, bien, tout ça, ça amène des
risques supplémentaires. Puis on veut qu'ils soient, effectivement, plus
considérés, parce que ça amène des troubles d'adaptation importants. Puis
malheureusement, bien, cette maladie-là n'est pas reconnue au sein de la liste.
M. Boulet : ...tellement
raison, Mme Lapointe. Peut-être aborder un autre sujet, le programme de maternité
sans danger. Bon, comme vous le savez, on parle d'établir un protocole national
pour guider. En fait, c'est un protocole, c'est un guide de référence des
connaissances scientifiques, qui parle des environnements, des conditions qui
peuvent, par exemple, justifier un retrait préventif d'une femme enceinte en
raison de sa grossesse ou pour l'enfant à naître, là, bien sûr.
Vous avez fait état, à un moment donné, que
vous ne vouliez pas, cependant, que le médecin traitant soit privé de sa
possibilité d'analyser puis d'évaluer les particularités de la travailleuse. Et
ce n'est certainement pas l'objectif, hein, Mme Lapointe, puis je vous ai
bien entendue là-dessus. Et moi, j'ai l'intention de le dire et de le répéter,
le protocole, c'est un guide, justement, pour permettre un meilleur accès au
PMSD et pour assurer une meilleure équité au Québec en tenant compte des
environnements. Parce qu'on notait dans la pratique qu'il y avait beaucoup d'iniquités.
Pour le même travail, une femme pouvait bénéficier du PMSD dans une
région — et je vous vois hocher de la tête — alors qu'elle
ne pouvait pas en bénéficier ailleurs. Donc, le protocole — merci, Me
Côté, aussi, de le reconnaître — au moins, le protocole va assurer une
meilleure équité.
Il y a une idée... Puis, quand je vous
disais, tout à l'heure, que j'aimais beaucoup le ton de votre mémoire, vous
avez des idées superintéressantes, comme pour le comité permanent, là, tu sais,
à votre recommandation no 27. Vous souhaitez que ce soit un comité
multidisciplinaire qui soit chargé d'élaborer, avec le directeur national de la
santé publique, le protocole ou les protocoles, puis que ce <comité-là...
M. Boulet : …
comme pour
le comité permanent, là, tu sais, à votre recommandation no 27. Vous
souhaitez que ce soit un comité multidisciplinaire qui soit chargé d'élaborer,
avec le directeur national de la santé publique, le protocole ou les
protocoles, puis que ce >comité-là soit composé aussi d'experts en santé
des femmes. J'aimerais ça que vous élaboriez un peu aussi, Mme Lapointe, sur
cette recommandation.
Mme Lapointe (Linda) : Bien, premièrement,
je veux effectivement saluer, puis on l'a mentionné aussi dans le mémoire, par
rapport à uniformiser le protocole. Alors, on était fort heureux, vous l'avez
très bien cité, c'étaient exactement les situations qu'on vivait dans nos
milieux de travail. Dépendamment du certificat, une infirmière pouvait partir à
10 heures, après tant de semaines, le soir, à 22 heures, puis l'autre partait à
21 heures, ça ne faisait aucun sens pour une même condition.
Je veux juste en profiter pour également
souligner qu'au sein d'élaborer ce protocole-là on espère, effectivement, que
vous aller tenir compte des meilleures pratiques des différentes directions
régionales, au niveau de la Santé publique, parce qu'il y en a, effectivement,
des bonnes pratiques. Alors, on espère que le fait d'uniformiser ce
protocole-là, ce ne sera pas pris vers le bas, mais vraiment vers les
meilleures pratiques.
Puis effectivement on veut quand même que
le médecin traitant ait encore une importance. Puis, dans le projet de loi, on
trouvait qu'il y avait une diminution de la prépondérance de l'opinion du
médecin traitant, alors que c'est lui qui connaît mieux la travailleuse. Quand le
médecin suit un professionnel en soins 10, 15, 20 ans, bien, il va être mieux
en mesure de savoir si les conditions de travail, son milieu de travail est
adéquat pour faire cette réaffectation-là, parce que…
Puis on a des milieux très différents, des
fois. Les gens, ils pensent que, bon, une unité de médecine à Maisonneuve-Rosemont,
ça va être la même chose qu'une unité de médecine à Québec, au CHU de Québec,
mais ce n'est pas nécessairement ça. Il y a des particularités, il y a des
patients aussi, qui sont dans l'unité de médecine, qui vont être différents. Ça
fait que, pour nous, c'était fort important.
Et, pour en revenir particulièrement aux
maladies de femmes, bien, tu sais, effectivement, on pense que c'est important
d'avoir une nouvelle lunette avec cette réforme-là< de…>. Tantôt,
j'en ai parlé un peu, par rapport aux facteurs… aux risques psychosociaux, puis
qui était plus touché. Ça fait qu'on voudrait effectivement, dans ce comité-là
avec les experts, qu'ils soient plus sensibilisés, <à… >peu
importe que ce soient les maladies de femmes et les milieux de travail qui font
en sorte qu'on a des lésions ou des problèmes d'adaptation reliés avec les
conditions de travail… qui fait en sorte qu'on est dans les milieux
majoritairement féminins. Parce que, oui, quand on va travailler…
Bon, puis, vous savez, je l'ai dit tantôt,
on est à majoritairement femmes, bien, les femmes qu'on représente, bien, c'est
des mères, c'est des conjointes, on a beaucoup de monoparentales. C'est des
femmes qui vont être à leur support, à leur famille, à leurs parents, à leur
mère, à leur père, qui est malade, possiblement. Alors, on a toute cette
charge-là émotionnelle, en dehors du travail, qu'on doit gérer, en plus des
conditions de travail, puis, souvent, à faire du temps supplémentaire, de gérer
nos horaires avec les enfants, ces choses-là. Alors, on veut qu'il y ait une
lunette plus féministe, en tant que travailleuse et en tant que femme, au sein
de ce comité-là.
M. Boulet : C'est intéressant,
puis…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste une minute…
M. Boulet : Pardon?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste une minute à <l'échange…
Mme Lapointe (Linda) :
…
en plus des conditions de travail, puis, souvent, à faire du temps
supplémentaire, de gérer nos horaires avec les enfants, ces choses-là. Alors,
on veut qu'il y ait une lunette plus féministe, en tant que travailleuse et en
tant que femme, au sein de ce comité-là.
M. Boulet : C'est
intéressant, puis…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste une minute…
M. Boulet : Pardon?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste une minute à >l'échange.
M. Boulet : Ah, mon dieu! Une
minute. Bon, j'aurais beaucoup de commentaires à faire, là, mais il y a
beaucoup de vos recommandations que je considère extrêmement constructives. Ce
dont vous venez de parler, sur le fond, moi, je suis totalement confortable et
à l'aise puis je pense qu'il va falloir aller de l'avant dans cette
direction-là.
Les niveaux de risque, on pourra en
rediscuter, là, mais, dans le secteur de la santé, il y a quand même des
établissements qui sont à risque élevé ou à risque moyen, mais c'est fondé sur
des critères objectifs puis une méthode de calcul que, peut-être, on pourra
rediscuter, Mme Lapointe puis Me Côté, à une autre occasion.
<Vous… >Formation, formation,
formation, il va falloir en faire beaucoup, vous avez totalement raison. Et les
ressources additionnelles à la CNESST, je veux que vous compreniez notre
approche, si ressources additionnelles sont requises pour mettre en
application, surtout tenant compte de l'ampleur de cette modernisation-là,
c'est certain, Mme Lapointe, qu'on va aller de l'avant, puis on va
s'assurer de bien répondre à la demande des travailleurs, des travailleuses et
des employeurs dans la mise en application de cette modernisation-là.
Merci beaucoup, Mme Lapointe,
Me Côté, puis on aura certainement l'occasion d'en rediscuter. Puis je
vois, en vous rencontrant, les immenses bénéfices de faire une consultation.
Merci.
Mme Lapointe (Linda) : Merci
à vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Nous poursuivons maintenant avec le député de
Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Merci,
Mme la Présidente. Me Côté, Mme Lapointe, merci pour votre présence,
la qualité de votre mémoire. Et je vais me permettre de vous demander de
transmettre nos salutations à l'ensemble de vos membres de Québec, à l'instar
de plusieurs pays à travers la planète, passent par des moments très difficiles.
Notre réseau de la santé est extrêmement challengé par tout ce qui se passe, et
je sais que vos membres, qui sont majoritairement des femmes, sont au front,
luttent avec l'ensemble des Québécois et des Québécoises pour lutter contre la
pandémie. Et, au nom de notre formation politique, s'il vous plaît, transmettre
nos salutations à l'ensemble de vos membres.
• (10 heures) •
Je vais me permettre, en premier lieu, de revenir
sur des mots que j'ai notés, tout au long de votre présentation, et qui font
écho à tout ce que nous avons entendu hier. Vous avez dit : Une loi
actuelle, un projet de loi visionnaire, tenir compte du milieu des femmes et
avoir des lunettes féministes. Je suis tout à fait d'accord avec vous, que ce
projet de loi, il lui manque des lunettes féministes. Et ma question, à
l'instar de plusieurs groupes, et je voulais vous nommer ces groupes : le Conseil
du statut de la femme…
10 h (version révisée)
M. Derraji : ...tenir compte du
milieu des femmes et avoir des lunettes féministes. Je suis tout à fait d'accord
avec vous que ce projet de loi lui manque des lunettes féministes.
Et ma question : À l'instar de
plusieurs groupes... et je veux vous nommer ces groupes : le Conseil du
statut de la femme, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au
travail, l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des
services sociaux, hier, étaient unanimes de demander au gouvernement
d'effectuer une ADS et même une ADS+. Ma question : À l'instar de
plusieurs groupes qui ont été entendus hier, vous proposez que le gouvernement
soit obligé d'effectuer une ADS+ — donc vous êtes comme un des
groupes hier — et de toute mise à jour des deux lois, donc vous
parlez de la LSST, mais aussi de la LATMP. Ma question : Est-ce que cette
recommandation est pour le projet de loi que nous étudions présentement ou vous
vous résignez à attendre à ce que ça soit fait un jour, genre, après la fin de
l'étude ou après une mise à jour des listes des maladies, qu'il y ait une autre
lecture par rapport au niveau des risques et les maladies qu'on va couvrir avec
le régime? C'est quoi, votre lecture, à la lumière de la COVID que nous vivons
présentement, et ce projet de loi que nous avons devant nous?
Mme Lapointe (Linda) : C'est
majeur. Effectivement, vous avez raison, on dirait que COVID a juste amplifié,
dans le fond, tous les problèmes puis la dangerosité, finalement, des
travailleuses... Puis là je ne veux pas juste parler en fonction de nos
membres, mais vraiment l'ensemble des travailleurs de la santé dans cette
période COVID, ça a été épouvantable. On a eu 30 000 travailleuses de la
santé qui ont été infectées de la COVID, on a 12 ou 13 personnes qui en sont
décédées, c'est majeur.
Ça fait que, dans un projet de loi comme
ça, quand on vient voir que les hôpitaux sont à risque faible, bien, pour nous,
ça ne fait pas sens. Ce n'est pas un projet de loi qui est visionnaire si on
continue de maintenir des niveaux de risque qui sont différents. On a fait ça
avec les groupes prioritaires en 79, on ne doit pas reproduire la même erreur.
Puis on comprend, puis je comprends le ministre Boulet qui dit : Oui, mais
vous allez avoir tous les mécanismes. Mais les mécanismes ne sont pas appliqués
à la même hauteur. Ce n'est pas pour rien qu'on fait trois niveaux de risque.
Alors, on vient, encore une fois, reproduire une iniquité.
On n'a pas à... La prévention en santé et
sécurité au travail, ça devrait être donné à tous les travailleurs du réseau,
mais particulièrement à ceux qui sont soumis à la LSST. On doit avoir les mêmes
mécanismes, avoir les mêmes nombres de rencontres des comités santé et sécurité
au travail, le même temps de libération au niveau du représentant, puis c'est
ce qu'on reproche dans ce projet de loi là.
Le réseau de la santé a attendu
40 ans, 40 ans qu'on attend d'avoir l'application. Puis je l'ai dit
tantôt, nos employeurs, ce n'est pas une priorité dans le réseau de la santé. Ils
ne font que des relations de travail, que... On a essayé tout ce qu'on avait
dans nos conventions collectives, nous, ça fait que... C'était le comité de
santé et sécurité au travail, qui n'est pas du tout les mêmes rôles et
responsabilités que de par le comité en vertu des mécanismes de prévention.
Pour nous, c'est superimportant de
l'appliquer rapidement. On a assez attendu. Ça fait que, déjà, le délai, pour
nous, c'est trop long. Il faut l'appliquer tout de suite. Parce <qu'on...
Mme Lapointe (Linda) :
…c'était
le comité de santé et sécurité au travail, qui n'est pas du
tout les mêmes rôles et responsabilités que de par le comité en vertu des
mécanismes de prévention.
Pour nous, c'est superimportant de
l'appliquer rapidement. On a assez attendu. Ça fait que, déjà, le délai, pour
nous, c'est trop long. Il faut l'appliquer tout de suite. Parce >qu'on connaît
nos employeurs, hein? Si on met ça en 2026, là, c'est en 2025 qu'ils vont
commencer à travailler puis à mettre en place. Il faut le faire rapidement,
puis il faut ajuster aussi les maladies professionnelles, puis ajouter le
trouble d'adaptation puis la dépression.
M. Derraji : Oui, c'est très
clair, vos propos, et je les partage à 100 %.
Je vais revenir au niveau du risque parce
que je pense que là… et je veux juste que vous clarifiiez votre position. Vous
suggérez que la notion de niveau de risque soit enlevée du projet de loi. C'est
très clair, c'est immense, ce que vous proposez, parce que ce que vous
représentez, c'est énorme. Donc, demain, si le ministre, avec tout ce qu'on va
faire en commission parlementaire, refuse d'enlever le niveau de risque,
j'imagine qu'on va avoir un problème avec le réseau de la santé par rapport à
l'applicabilité de cette mesure. Et nous sommes encore en temps de pandémie, Mme Lapointe.
Mme Lapointe (Linda) : Bien,
effectivement. Nous, notre proposition, notre recommandation, c'est d'enlever.
Comme je vous le disais, pour nous, on ne devrait pas, dépendamment du secteur
d'activité, être assujettis à des mécanismes qui sont supérieurs à d'autres.
Tous les travailleurs méritent d'avoir un programme de prévention qui est
efficace, qui donne des résultats. Parce qu'on ne l'oubliera pas, je crois que
c'était dans le rapport de la Vérificatrice générale, pour chaque dollar qui est
investi en prévention, on vient sauver 10 $ en réparation, ça fait que,
ça, c'est immense. C'est sûr que, dans les premières années, oui, il va y avoir
encore des coûts, mais on va les rattraper au fil du temps. Ça fait qu'il ne
faut pas que ce projet de loi là, non plus... qu'on vienne prendre l'argent de
la réparation puis la mettre au niveau de la prévention.
Et, oui, notre demande, c'est d'éliminer
pour que tout le monde ait les mêmes programmes de prévention puis soit
assujetti aux mêmes mécanismes, mais, dans un deuxième temps, je comprends que,
si le ministre ne… si vous ne retenez pas notre proposition, bien, ce serait au
moins minimalement à l'effet que le réseau de la santé et services sociaux soit
dans une classification de risque élevé, là. Rien de moins, là. On le voit, là.
M. Derraji : Oui. Mais c'est
sûr, c'est sûr, Mme Lapointe, que c'est un débat qu'on va mener avec M. le
ministre. Et je pense que M. le ministre prend des notes ainsi que son équipe.
Donc, il ne va pas être surpris que, lors de l'étude article par article,
j'aimerais bien qu'il ramène des arguments béton pour nous convaincre qu'il
doit laisser les hôpitaux à un risque très faible. Donc, je lui envoie la
question dès maintenant pour que son équipe et lui-même ramènent ces arguments
lors de l'étude article par article.
Et je vais revenir à un point très
important que vous avez mentionné par rapport à l'absence d'une culture de
prévention. Vous mentionnez que le personnel soignant est victime, depuis le
début de la pandémie, de l'absence d'une culture de prévention et qu'un grand
nombre a contracté la COVID. Ça, c'est des statistiques. Ce n'est plus… On voit,
chaque semaine, du personnel de la santé qui quitte et, malheureusement, on ne
peut pas les retenir parce qu'ils doivent se mettre en quarantaine. Le nouveau
règlement sur les mesures de prévention énonce la hiérarchie des six
mesures de prévention devant être contenues dans le programme <de…
M. Derraji : …des statistiques.
Ce n'est plus… On voit, chaque semaine, du personnel de la santé qui quitte et,
malheureusement, on ne peut pas les retenir parce qu'ils doivent se mettre en
quarantaine. Le nouveau règlement sur les mesures de prévention énonce la
hiérarchie des six mesures de prévention devant être contenues dans le
programme >de prévention. La première mesure à privilégier est
l'élimination des risques et la dernière est la mise à disposition du
personnel, l'équipement de protection individuelle. Je ne vous apprends rien, je
pense qu'on se comprend.
Maintenant, ma question : À la
lumière de la pandémie et de tout ce que nous avons appris, devrait-on
introduire la notion du risque ne pouvant pas être éliminé et ajouter une disposition
spécifique aux mesures de prévention devant être priorisées dans ces situations?
Je ne sais pas si j'ai été clair ou pas, parce que vous êtes un groupe, presque
un des groupes rares qui vont nous répondre à ce volet de hiérarchisation,
surtout avec les lunettes de la COVID et ce que nous vivons en temps de
pandémie.
Mme Lapointe (Linda) : Oui.
Bien, c'est sûr qu'avec la pandémie ça a juste exacerbé la situation, mais, même
avant la pandémie, il reste que nos milieux de travail étaient à risque sur
plein d'éléments que je vous ai énumérés un peu tout à l'heure. Mais,
effectivement, puis dans nos milieux de soins, il n'y en a pas, il ne s'en fait
pas, de prévention. Les employeurs n'ont pas... La culture de prévention, elle
n'est pas instaurée. Ça fait que, ça, ça va être majeur pour… Il va falloir
qu'il y ait un signal clair de nos P.D.G. au niveau des établissements, des
CISSS et des CIUSSS, à ce que... c'est beau de mettre en place des mesures de
prévention et des mécanismes de prévention, mais il va falloir qu'il y ait une
culture de prévention qui soit associée à ça puis aussi une mesure de contrôle.
Ça aussi, on le met aussi dans notre mémoire, que… comment la CNESST va pouvoir
assurer cette surveillance et ce contrôle-là? Parce que, pour nous, ça va être
complètement nouveau, là, ces mécanismes-là. Alors, il va falloir que ce soit
partie… que ce soit bâti de façon correcte dans les meilleures pratiques
possible. Puis, présentement, nos gestionnaires dans le réseau ne sont pas du
tout habiletés, là, à faire une telle pratique, là.
M. Derraji : Oui. À la lecture
de votre mémoire et de vos recommandations, nous sentons que le médecin
traitant est un rempart pour les travailleuses dans un monde de travail qui,
lui, est généralement hostile ou indifférent. Vous dénoncez le retrait du
médecin et son remplacement par un agent de la CNESST. Est-ce que je me trompe?
Mme Lapointe (Linda) : Oui, bien,
c'est parce qu'on trouve qu'il y a eu des pouvoirs, il y a des pouvoirs, dans
le projet de loi, présentement, qui ont été soumis, qui sont donnés,
effectivement, là, à la CNESST dans les mesures de réadaptation,
particulièrement. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que le médecin est plus en
mesure de voir si… On n'est pas contre la réadaptation, on n'est pas contre le
retour progressif des salariés, au contraire, c'est prouvé que, sur des longues
périodes, c'est davantage de ramener la travailleuse dans son milieu de la
santé. Mais on a des milieux difficiles. Il faut juste adapter le retour
progressif. Et, pour ça, on croit que c'est le médecin traitant. Ce n'est pas
quelqu'un de la CNESST, ce n'est pas des médecins, ce n'est pas des experts qui
vont venir déterminer dans quelles conditions la travailleuse va faire son
retour progressif, son assignation temporaire ou… ça devrait être le rôle du
médecin traitant <de…
Mme Lapointe (Linda) :
…a des milieux difficiles.
Il faut juste adapter le retour progressif.
Et, pour ça, on croit que c'est le médecin traitant. Ce n'est pas quelqu'un de
la CNESST, ce n'est pas des médecins, ce n'est pas des experts qui vont venir
déterminer dans quelles conditions la travailleuse va faire son retour
progressif, son assignation temporaire ou… ça devrait être le rôle du médecin
traitant >de la travailleuse.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 35 secondes.
M. Derraji : Écoutez, je vais
aller très rapidement avec une dernière question. Vous proposez que le comité santé
et sécurité ait la capacité de soumettre un litige à la CNESST. Étant donné
votre expérience, en quelles circonstances un tel pouvoir pourrait ou devrait
être exercé?
• (10 h 10) •
Mme Lapointe (Linda) : Bien,
justement, on vous parlait… Parce que les pouvoirs, là, c'est en lien, je
pense, avec les programmes de formation, d'information puis par rapport aux
équipements de protection individuelle. Mais on veut, exactement, étendre cette
fonction-là pour justement que, s'il y a des problèmes… Je vous parlais comment
que ça va être probablement difficile, il va y avoir des enjeux à intégrer ces
mécanismes de prévention là. Alors, on veut pouvoir faire intervenir la CNESST
si, au niveau soit du comité de santé et de sécurité du travail, on ne s'entend
pas, au niveau de l'élaboration du programme de prévention on ne s'entend pas
ou il y a des enjeux qui sont différents de part et d'autre. Ça fait que c'est
là-dessus qu'on veut qu'il y ait un pouvoir additionnel afin qu'on puisse bien
partir ces mécanismes de prévention là au sein du réseau.
M. Derraji : Bon, encore une
fois, Mme Lapointe et Me Côté, merci beaucoup pour votre présence.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons l'échange avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Lapointe, Me Côté. Un excellent mémoire, très
complet, très apprécié. Je suis avec vous sur la critique des catégories de
risque, là. Ça me semble un échafaudage peu convaincant. -t j'ai hâte qu'on en
débatte plus en détail à l'étude détaillée.
J'aimerais parler avec vous, avec le peu
de temps qui m'est imparti, de deux recommandations. D'abord, la n° 3,
où vous dites : «Ajouter le diagnostic des troubles d'adaptation et de
dépression à la liste des maladies présumées professionnelles», et la n° 32, où vous parlez d'une formation sur les risques psychosociaux
pour les représentants en santé et sécurité et les comités de santé et sécurité.
Ce n'est pas quelque chose qu'on a abordé beaucoup dans les dernières séances,
la question de la santé mentale. Pour les non-initiés au milieu de la santé et
sécurité au travail, comment vous pourriez résumer cet enjeu-là? Puis qu'est-ce
que vous cherchez à aller changer dans la loi pour améliorer la question de la santé
mentale?
Mme Lapointe (Linda) : Oui,
bien, on le sait, peu de gens sont informés ou ont une connaissance par rapport
aux risques puis aux facteurs psychosociaux. Alors, c'est pour ça qu'on vient
demander, effectivement, d'avoir une formation afin que le comité de santé et
sécurité au travail, leur représentant à la santé, parte sur des facteurs psychosociaux
qui nous touchent, nous, dans le réseau, parce qu'il y a des facteurs,
possiblement, qui nous touchent moins, mais la grande majorité.
Alors, il faut bien comprendre c'est quoi,
un facteur psychosocial, et aussi de voir à mettre en place des mesures pour
les prévenir. Puis, des fois, ce n'est pas grand-chose. Tantôt, je vous
parlais, entre autres, la reconnaissance, on en a peu, de reconnaissance, dans
le réseau, puis tout le monde pense qu'en lien avec COVID, là, ça doit être
terrible. Mais, à part de dire qu'on est extraordinaires puis se faire dire
qu'on est des anges gardiens, il y a peu de reconnaissance à tous les jours <pour…
Mme Lapointe (Linda) :
…et
aussi de voir à mettre en place des mesures pour les prévenir. Puis, des fois, ce
n'est pas grand-chose. Tantôt, je vous parlais, entre autres, la
reconnaissance, on en a peu, de reconnaissance, dans le réseau, puis tout le
monde pense qu'en lien avec COVID, là, ça doit être terrible. Mais, à part de
dire qu'on est extraordinaires puis se faire dire qu'on est des anges gardiens,
il y a peu de reconnaissance à tous les jours >pour les professionnels
en soins de la santé. Puis, ça, c'est important.
Puis, des fois, ce n'est pas toujours de
l'argent qui va faire que le monde va être heureux au travail, mais c'est
l'ambiance, c'est la proximité avec ta gestionnaire, savoir que tu fais le
travail de façon adéquate puis que tu es apprécié de tes collègues et des
patients. Ça fait que, ça, on pense que ça prend une formation pour mettre en place
des mesures structurantes pour ça.
M. Leduc : Est-ce qu'on a
raison de penser que l'enjeu de la santé mentale, en général, est quelque chose
qui est un angle mort de la santé-sécurité?
Mme Lapointe (Linda) : Ah!
absolument. Un gros angle mort majeur.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Leduc : Merci beaucoup. Je
vous souhaite une bonne journée. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci pour l'échange. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure.
Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Roy
: Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mmes Lapointe et... Me Côté. Chez nous, on m'a fait part, régulièrement,
d'allégations, d'intimidations, de menaces de sanctions, de muselages, ce qui,
par ricochet, engendre des problèmes de santé psychologiques chez les
travailleurs de la santé. D'être identifiés à risque faible, ça ne me permet
pas de planifier une prévention adéquate dans ces enjeux-là ni de sanctionner
les agresseurs. Est-ce que la version actuelle du projet de loi protège une
forme de gouvernance pouvant être toxique, parfois toxique, je vais
relativiser, pour le personnel et que des mesures de préventions
impliqueraient, par ricochet, de revoir la gouvernance?
Mme Lapointe (Linda) : Au
niveau de la gouvernance, ce que je vous dirais, c'est que, nous, notre
souhait, entre autres, c'est qu'une fois que les mécanismes de… Premièrement,
on veut accélérer, vous l'avez vu, on demande que les mécanismes de prévention
soient mis en place dès 2023. On a assez attendu. Il faut les faire rapidement,
il faut les faire correctement, avec du support efficace, mais d'où on parlait
de la surveillance puis du contrôle. C'est beau d'avoir des mécanismes de
prévention, c'est beau de vouloir une culture de prévention, aussi, mais, si on
ne contrôle pas...
Puis c'est là-dessus, particulièrement,
dans notre mémoire aussi, qu'on disait : On devrait commencer à se
questionner à savoir si le contrôle, la surveillance ne devraient pas être
faits par un autre organisme, autre que la commission, la CNESST. En Ontario…
On est la seule province, hein, au Canada, qui, effectivement, a <ces
deux… >cette double responsabilité au niveau de la commission. En
Ontario, c'est le ministère du Travail qui s'occupe de l'inspection.
Alors, comment... tu sais, l'inspecteur,
il arrive, mais comment donner, pas une sanction, mais... Il va falloir donner
un message clair que, si les employeurs ne respectent pas, n'ont pas des
programmes de prévention adéquats et ne respectent pas les mesures puis les
plans d'action à mettre en place, il va falloir qu'il y ait une pénalité, il va
falloir que ce soit coercitif. Puis ça, on ne pense pas que c'est le rôle de la
CSST. On trouve qu'on devrait se pencher à voir que ça devrait être une autre
entité. Par exemple, le ministère du Travail pourrait faire ce rôle
d'inspection là. Mais, s'il n'y a pas d'inspection, je vous le dis, les
employeurs dans le réseau de la santé, il va y avoir des lacunes <importantes…
Mme Lapointe (Linda) :
...il
va falloir que ce soit coercitif. Puis ça, on ne pense pas que
c'est le rôle de la CSST. On trouve qu'on devrait se pencher à voir que ça
devrait être une autre entité. Par exemple, le ministère du Travail pourrait
faire ce rôle d'inspection là. Mais, s'il n'y a pas d'inspection, je vous le
dis, les employeurs dans le réseau de la santé, il va y avoir des lacunes >importantes.
C'est difficile pour nous, c'est majeur, cette transformation-là. Il va falloir
qu'il y ait un contrôle et une surveillance de façon rigoureuse, là, qui va
être appliquée, là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci, Mme Lapointe, merci, Mme Côté. Ça a très bien
été. Merci pour votre contribution, effectivement, aux travaux de la commission.
Alors, nous suspendons quelques instants
pour accueillir le nouveau groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 16)
(Reprise à 10 h 20)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Nous poursuivons et nous souhaitons la bienvenue aux
représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé. Avant de commencer, je vous invite à bien vous présenter, et ensuite
vous pourrez effectivement débuter votre exposé.
M. Tessier (Philippe-André) :
Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Je m'appelle
Philippe-André Tessier. Je suis président de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse et je suis accompagné de Me Marie
Carpentier, conseillère juridique à la direction de la recherche de notre
commission.
Je tiens d'abord à rappeler que la
commission a pour mission d'assurer le respect et la promotion des principes
énoncés à la Charte des droits et libertés de la personne. Nous veillons
également à l'application de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des
organismes publics ainsi qu'à la protection de l'intérêt de l'enfant et le
respect et la promotion des droits qui lui sont prévus par la Loi sur la
protection de la jeunesse. Conformément à notre mandat, nous avons examiné le
projet de loi afin d'en vérifier la conformité à la charte et de vous faire les
recommandations appropriées.
Je dois commencer, cela dit, en vous
exprimant notre préoccupation pour le temps qui a été accordé à l'étude de ce
projet de loi et surtout le court délai qui a été accordé aux intervenants pour
se préparer. Compte tenu de son ampleur, je dois souligner que ça a été quelque
chose, un facteur qui a eu un impact aussi sur certains des éléments de notre
mémoire que nous <aimerions...
M. Tessier (Philippe-André) :
...je
dois commencer, cela dit, en vous exprimant notre préoccupation
pour le temps qui a été accordé à l'étude de ce projet de loi et surtout le
court délai qui a été accordé aux intervenants pour se préparer. Compte tenu de
son ampleur, je dois souligner que ça a été quelque chose, un facteur qui a eu
un impact aussi sur certains des éléments de notre mémoire que nous >aimerions...
nous aurions aimé peut-être pouvoir approfondir et, compte tenu du temps
imparti, nous n'avons malheureusement pas eu la chance. Alors, je tiens tout
d'abord à m'excuser. Si jamais vous nous posez des questions et je suis obligé
de vous répondre que certains éléments n'ont pas pu être traités, c'est compte
tenu de cette situation particulière là.
Donc, dans un premier temps, on prend acte
du fait que le projet de loi tente, pour une troisième fois, d'étendre la
couverture offerte par le régime de santé et sécurité aux travailleuses
domestiques. En 2008, la commission adoptait un avis dans lequel elle concluait
que l'exclusion des domestiques de l'application de la Loi sur les accidents du
travail et maladies professionnelles constitue de la discrimination fondée sur
le sexe, condition sociale, origine ethnique, et ce, en contravention avec les
dispositions de la charte. Le projet de loi n° 59 vise à remédier à cette
situation, mais, plutôt que d'intégrer les régimes domestiques... plutôt
qu'intégrer les travailleuses domestiques, pardon, au régime, il crée une
condition, soit le fait d'avoir travaillé un certain nombre d'heures pour ce
faire. Évidemment, il y a d'autres exceptions aussi associées au statut de
travailleuse domestique.
Donc, en 2010 et en 2012, la commission a
indiqué que l'introduction d'une condition spécifique pour les travailleuses
domestiques pour accéder à la protection offerte par le régime de santé et
sécurité au travail perpétuait la discrimination que ces modifications-là
visaient précisément à corriger. De l'avis de la commission, comme cette
condition n'est imposée à aucune autre travailleuse ou à aucun autre
travailleur et que, malgré une nouvelle définition, le travail domestique
demeure effectué principalement par les femmes, le projet de loi perpétue la
discrimination associée à ce type de travail. Ce faisant, il compromet
l'exercice en pleine égalité, leur droit à la dignité, leur droit à l'égalité
dans l'établissement des catégories des classifications d'emploi dans leur
droit à des mesures d'assistance financière susceptibles de leur assurer un
niveau de vie décent, ainsi que leur droit à des conditions de travail justes
et raisonnables qui respectent leur santé et sécurité, intégrité physique.
C'est pourquoi nous recommandons de
retirer la condition faite aux travailleuses domestiques de travailler un
certain nombre d'heures afin de bénéficier de la protection offerte par la
LATMP. Nous recommandons également que l'impossibilité pour la CNESST
d'ordonner la réintégration de ces travailleuses soit supprimée.
Dans un deuxième temps, la commission
salue la proposition qui est faite d'inscrire la violence physique et
psychologique parmi les mesures nécessaires que doit prendre l'employeur pour
protéger la santé et assurer la sécurité, l'intégrité physique de la
travailleuse ou du travailleur. On considère toutefois pertinent d'attirer
l'attention du législateur sur les formes de violence visées par la protection
législative. Considérant la banalisation des violences à caractère sexuel qui
persiste dans les milieux de travail, l'obligation de l'employeur qui sera
ajoutée à LSST devrait, à notre avis, référer explicitement à la violence à
caractère sexuel. Cela permettrait, entre autres, d'amener les milieux de
travail à mieux évaluer, corriger et contrôler les risques psychosociaux que la
violence à caractère sexuel risque d'entraîner sur la santé et sécurité, et ce,
en tenant compte de ses manifestations et des conséquences pour les personnes
qui les subissent.
La commission recommande donc d'amender le
projet de loi pour que cette formulation de l'obligation de l'employeur pour
prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de la travailleuse
exposée sur les lieux du <travail...
M. Tessier (Philippe-André) :
...que la violence à caractère sexuel risque d'entraîner sur la santé et
sécurité, et ce, en tenant compte de ses manifestations et des conséquences
pour les personnes qui les subissent.
La commission recommande donc d'amender
le projet de loi pour que cette formulation de l'obligation de l'employeur pour
prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de la travailleuse
exposée sur les lieux du >travail à une situation de violence réfère
nommément à la violence à caractère sexuel.
Toujours en lien avec cette obligation
générale qui serait introduite, la commission a jugé nécessaire d'exposer, dans
son mémoire, les causes sous-jacentes du harcèlement discriminatoire et de la
violence conjugale. Pour elle, il est essentiel que ces causes soient
considérées lors de l'exercice de la prise en charge de la prévention de la
santé et sécurité au travail.
Dans un autre sujet, la commission salue
l'élargissement de la protection de la LATMP et de la LSST aux étudiants qui
effectuent les stages d'observation et de travail sous la responsabilité d'un établissement
d'enseignement. Nous nous inquiétons toutefois du maintien d'une distinction
dans la LATMP en ce qui concerne la détermination du montant de l'indemnité de
remplacement de revenu des étudiants et des étudiantes à temps plein. On fait
donc une recommandation pour que le projet de loi soit amendé afin d'éliminer
cette distinction.
La commission constate, par ailleurs, que
l'article 48 de la LATMP, tel qu'il serait modifié par le projet de loi,
prévoit l'extinction du droit à l'indemnité de remplacement de revenu dans le
cas où la CNESST conclut à... l'absence, pardon, de contraintes excessives pour
l'employeur à intégrer une travailleuse ou un travailleur. Le libellé de la
disposition laisse entendre que cette personne perdrait son indemnité de
remplacement de revenu et même si l'employeur refusait de donner suite à la
recommandation de la CNESST. Dans les circonstances, on recommande de modifier
le projet de loi pour éviter que le travailleur ou la travailleuse se retrouve
sans IRR, sans indemnité, lorsque son employeur refuse d'appliquer la décision
de la CNESST.
Le projet de loi prévoit l'extension de
l'application des mesures de prévention et de participation des travailleuses
et des travailleurs. Ces mesures comprennent l'élaboration d'un programme de
prévention, l'établissement d'un comité de santé et sécurité au travail et la
désignation de représentant à la prévention. Les facteurs qui déclenchent
l'obligation de mettre en oeuvre ces mécanismes de protection et de prévention
seraient le risque associé avec le groupe d'activités exercées dans un
établissement et le nombre de travailleuses dans un groupe d'établissement au
cours d'une année.
Compte tenu de l'impact quand même
important sur les droits des travailleurs et des travailleuses concernés que
représente l'accès à ces mécanismes de protection, la commission recommande que
le projet de loi soit modifié pour que la procédure de détermination au niveau
de risque associé à un groupe d'activité soit précisée, que la notion de nombre
de travailleurs au cours de l'année soit mieux définie et afin d'introduire une
disposition pour obliger la participation des représentants des travailleurs et
travailleuses dont les services sont loués ou prêtés aux mécanismes de
prévention.
Finalement, on en profite pour souligner
le fait que ce projet de loi là ne vient pas remédier au fait que des
questionnaires et examens médicaux peuvent être imposés à la candidate avant qu'une
offre conditionnelle d'emploi leur soit faite. Ce faisant, la discrimination à
l'embauche fondée sur le fait que quelqu'un a déjà subi un accident de travail
ou la discrimination à l'embauche fondée sur le handicap sont plus difficiles à
démontrer, et c'est pourquoi nous proposons de modifier la LATMP pour
introduire l'interdiction à tout employeur de faire administrer un
questionnaire ou un examen médical <avant...
M. Tessier (Philippe-André) :
…offre
conditionnelle d'emploi leur soit faite. Ce faisant, la
discrimination à l'embauche fondée sur le fait que quelqu'un a déjà subi un
accident de travail ou la discrimination à l'embauche fondée sur le handicap
sont plus difficiles à démontrer, et c'est pourquoi nous proposons de modifier
la LATMP pour introduire l'interdiction à tout employeur de faire administrer
un questionnaire ou un examen médical >avant qu'une offre conditionnelle
d'emploi ne soit formulée.
Nous vous remercions et nous sommes
disponibles pour vos questions.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci pour l'exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange
avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la Présidente.
Merci, M. Tessier. Merci, Marie Carpentier. Bien sûr, évidemment, il
faut remercier toute l'équipe autour de vous qui a contribué à la préparation
de votre mémoire, qui est de haute qualité, évidemment. Philippe-André, tu sais
quelle estime nous avons pour l'opinion de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse.
<J'aurais… >Je mentionnais, tout
à l'heure, au groupe précédent à quel point c'était pertinent de faire des
consultations de cette nature-là parce qu'il y a quelques points qui
m'apparaissent hyperappropriés, là, comme par exemple les travailleurs
domestiques. C'est sûr que, quand on fait un examen comparatif dans d'autres
juridictions, ce qui, au plan pratique, veut être évité, c'est que les
personnes qui travaillent de façon hypersporadique bénéficient de la même
couverture, là. Puis, tu sais, ça peut être un jeune homme ou une jeune femme
qui va passer la tondeuse, ça peut être un jeune homme ou une jeune femme qui
va garder les enfants de façon hyperépisodique. Donc, c'est vraiment pratique.
Mais je suis assez d'accord, en droit, je
comprends que ça peut être considéré comme étant discriminatoire. Puis vous le
soulevez bien, c'est surtout des femmes originaires des Philippines, les
travailleuses domestiques. Je suis content de voir que vous soulignez, du moins,
cette avancée-là, mais vous me dites : De dire : Il faut qu'elles
travaillent 24 heures par semaine, mettons, pendant sept heures
consécutives, c'est discriminatoire. Est-ce que, pour ne pas être discriminatoire,
Philippe-André, ça impliquerait, selon vous... indépendamment de leur statut,
indépendamment de la sporadicité, entre guillemets, de leur travail, il
faudrait que tout le monde bénéficie de la même couverture d'indemnisation?
J'aimerais ça, vous entendre là-dessus, puis c'est un point de vue, là,
académique que je recherche.
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, non, mais merci beaucoup, Mme la Présidente, je remercie le ministre pour
sa question. C'est une très bonne question parce qu'effectivement, il faut le
dire, puis c'est ce qu'on reconnaît, puis le ministre fait bien de le
souligner, il s'agit ici d'une inclusion. Donc, on ne peut pas dire le
contraire, on vient venir protéger.
• (10 h 30) •
Maintenant, et c'est là où le bât blesse
pour nous, c'est le nombre d'heures. On comprend l'exercice qui a été effectué,
on voit qu'il y a ce désir-là, cette recherche-là, de trouver un équilibre
pour, justement, ne pas couvrir ces personnes-là dont c'est trop épisodique ou
c'est trop parcellaire, mais inclure, puis le ministre donnait l'exemple des
travailleuses domestiques, qui sont effectivement souvent originaires des
Philippines, là, c'est un exemple quand même assez…
10 h 30 (version révisée)
M. Tessier (Philippe-André) :
…c'est le nombre d'heures. On comprend l'exercice qui a été effectué, on voit
qu'il y a ce désir-là, cette recherche-là de trouver un équilibre, pour,
justement, ne pas couvrir ces personnes-là dont c'est trop épisodique ou c'est
trop parcellaire, mais inclure… puis le ministre donnait l'exemple des
travailleuses domestiques qui sont, effectivement, souvent originaires des
Philippines, là.
C'est un exemple quand même assez
classique, bien connu, bien documenté. Ces personnes-là vont travailler en
excès du nombre d'heures qui est prévu. Cela dit, et c'est prévu à la page 15
de notre mémoire, cette question-là a été traitée par l'Organisation internationale
du travail, et il y a une proposition qui a été faite et que la commission fait
sienne, c'est d'avoir une exclusion qui est limitée à la personne et là j'ouvre
les guillemets : «qui effectue un travail domestique seulement de manière
occasionnelle ou sporadique sans en faire sa profession». Ce libellé-là, à
notre avis, aurait, justement, l'avantage de concilier… et donc d'exclure le
petit gars qui passe la tondeuse, mais d'inclure la travailleuse domestique qui
en fait sa profession, et qui est un peu soumis… et qui devrait, finalement,
bénéficier des mêmes protections que tous les autres travailleurs et
travailleuses du Québec.
M. Boulet : Ah! superbien. Puis
effectivement l'OIT dit : C'est toutes les travailleuses domestiques, sauf
les exceptions, là, ceux qui font un travail de manière sporadique, et autres,
mais souvent ce à quoi on s'expose, en pratique, ce n'est pas clair, ça manque
de précisions. C'est la raison pour laquelle les éléments quantitatifs, comme
le nombre d'heures, le nombre de semaines, nous apparaissaient un meilleur
guide, mais je suis content que vous…
M. Tessier (Philippe-André) :
Je comprends, puis on se comprend bien, puis c'est ce qu'on a voulu dire. C'est
qu'on comprend la logique du nombre d'heures, M. le ministre, vous avez raison,
c'est sûr que, d'un point de vue d'application, un nombre d'heures, c'est un
peu plus mathématique, c'est un peu plus direct. Cela dit, nous, notre rôle,
puis vous l'avez bien indiqué, le rôle de la commission, c'est de souligner
devant vous que, malheureusement, lorsqu'on met des lignes, hein, on met des
lignes très fermes comme un nombre d'heures, bien, il va y avoir ces cas-là qui
tombent en dessous du nombre d'heures, mais qui, donc…
M. Boulet : Il y a un effet
discriminatoire indirect.
M. Tessier (Philippe-André) : C'est
ça, le problème.
M. Boulet : Autre point,
Philippe-André, la violence conjugale. Il me semble, si mon souvenir est bon,
dans un exercice de révision, qui a été fait par le gouvernement qui nous a
précédés, de la Loi sur les normes du travail, où on parlait de harcèlement
psychologique à une consultation, je pense que c'est la Commission des droits
de la personne qui avait référé à la notion de «sexuelle». Puis évidemment on a
toujours cette espèce de pensée première là, la violence conjugale et
familiale, la manière dont on le définit, ça comprend implicitement la violence
de nature sexuelle.
Mais moi, j'accueille hyper favorablement,
et je pense que, dans l'étude détaillée article par article, je sais que
certains de mes collègues des partis d'opposition et du parti gouvernemental
vont me le rappeler. Si besoin de le préciser, moi, je serai totalement ouvert
à ce que nous le précisions. Ça fait que je pense que c'est une autre des
retombées positives, là, de l'exercice qu'on fait <avec…
M. Boulet : ...
article
par article, je sais que certains de mes collègues des partis d'opposition et
du parti gouvernemental vont me le rappeler. Si besoin de le préciser, moi, je
serai totalement ouvert à ce que nous le précisions. Ça fait que je pense que
c'est une autre des retombées positives, là, de l'exercice qu'on fait >avec
vous.
Stage d'observation, ça m'allait. C'est intéressant
aussi l'autre point, Philippe-André, quand vous parlez des travailleurs prêtés
ou loués. Bon, vous dites, à un moment donné, il faudrait que, un, quand on
calcule le nombre… Parce que les mécanismes de prévention s'appliquent en
fonction des niveaux de risque et du nombre de travailleurs, vous demandez des
précisions pour les niveaux de risque, puis moi aussi, je vais en demander,
puis on va tous en demander. Le nombre de travailleurs, que ça tienne compte
des travailleurs loués et prêtés, d'une part, puis, de deux, que ces travailleurs
loués et prêtés là, il me semble que vous en faites référence, puissent
participer aux mécanismes de prévention et de participation des travailleurs.
J'aimerais ça que vous me replaciez sur
l'état de la jurisprudence quant à la relation tripartite, là, l'agence,
l'employeur, la personne prêtée ou louée. Bon, moi, je me souviens, les
dernières décisions que je lisais, on revenait toujours au critère prépondérant
de qui contrôle l'exécution quotidienne du travail. C'est généralement
l'employeur, ce n'est pas... mais souvent l'employeur essaie de se dégager de
cette responsabilité-là pour la confier à l'agence. Et, vous, ce que vous nous
diriez, si je vous comprends bien, indépendamment de l'identité du véritable
employeur, on devrait tenir compte de ces personnes-là prêtées ou louées dans
le calcul du 20 et dans la participation des travailleurs. Est-ce que j'ai bien
compris?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, mais, avec la permission, je vais passer la parole à ma collègue
Me Carpentier qui a développé cette question-là. Et peut-être la laisser
répondre, je compléterai la réponse, le cas échéant.
Mme Carpentier (Marie) : Oui.
Merci pour la question. En fait, c'est que les travaux qui ont été faits à
l'égard des travailleurs d'agence démontrent que ces travailleurs-là sont
souvent mis à risque parce qu'ils connaissent moins les milieux de travail dans
lesquels ils s'insèrent, donc, <ils connaissent... >à l'occasion,
ils connaissent moins les règles de santé et sécurité du travail, les
précautions à prendre, etc. Donc, on observe un taux d'accident très élevé dans
ces catégories de travailleurs là.
Donc, on estime que ça serait important
qu'on trouve un moyen de leur permettre d'être représentés dans les mécanismes
de prévention pour qu'on tienne compte de leurs particularités puis des
problèmes qui leur sont spécifiques. Donc, c'est notre suggestion.
Puis effectivement la question du nombre
de travailleurs, c'est pour éviter que, des entreprises qui, à différents
moments de l'année, ont un nombre fluctuant de travailleurs, bien, on puisse,
en fait, tenir compte des situations où le nombre de travailleurs est le plus
important pour déterminer les obligations des employeurs en vertu des
travailleurs...
M. Tessier (Philippe-André) :
Puis, si je peux me permettre, pour ce qui est de la relation tripartite, ce
qu'il faut rappeler... Puis je reconnais bien là, là, le ministre qui est <quelqu'un
qui a...
Mme Carpentier (Marie) : …bien,
on puisse, en fait, tenir compte des situations où le nombre de travailleurs
est le plus important pour déterminer les obligations des employeurs en vertu
des travailleurs...
M. Tessier (Philippe-André) :
Puis, si je peux me permettre, pour ce qui est de la relation tripartite, ce
qu'il faut rappeler... Puis je reconnais bien là, là, le ministre qui est >quelqu'un
qui a regardé ces questions-là, dans sa carrière, longtemps. Il faut rappeler
une chose, il ne s'agit pas ici d'une question de dire : Les rapports
tripartites n'existent pas. Ils existent, ils sont présents, c'est un phénomène
prévalant dans les relations de travail, mais lorsqu'on met la… qu'on regarde à
travers le prisme de la santé et sécurité au travail, qui est un modèle axé sur
la prévention, qui est un modèle axé sur l'identification des risques, bien,
cette question-là, on ne peut pas l'occulter. Il faut en tenir compte. Ce n'est
pas de remettre en question l'existence de ces régimes-là ou de ces agences-là,
c'est de dire : Il faut, compte tenu <de ces… >de l'existence
de ces régimes-là, s'assurer que le régime de santé et sécurité au travail nous
donne les indices suffisants pour prévenir ces risques-là.
Donc, quant au nombre, à la participation,
c'est là les mécanismes que la SST prévoit, qui sont des mécanismes quand même
assez souples, donc on parle de participation, mais qui viennent bonifier,
selon nous, là, la protection et, je dirais, la prise en compte, par les
employeurs, de la réalité de ces travailleurs-là, travailleurs et
travailleuses.
M. Boulet : Merci, hein, c'est
très complet, Marie puis Philippe-André. Vous parlez aussi de : Ce serait
important d'interdire aux employeurs, par exemple, de faire des offres d'emploi
puis de faire administrer un questionnaire ou un examen médical préembauche, en
fait, qu'ils ne puissent pas le faire, à moins d'avoir fait une offre d'emploi
conditionnelle au préalable.
M. Tessier (Philippe-André) :
C'est ça. Ce n'est pas une interdiction, là. C'est ça, oui, tout à fait. Puis,
je me permets de dire, c'est que c'est l'article 18.1 de la charte.
L'article 18.1 de la charte prévoit qu'on ne peut pas discriminer quelqu'un
à l'embauche basée sur des éléments qui ne sont pas pertinents, dans le fond. Et
maintenant, là où le bât blesse, et c'est l'expérience des 40 dernières
années d'application de la charte par la commission, l'article 18.1
n'était pas là à l'origine, mais il a été introduit un peu plus tard, ce qu'on
se rend compte, nous, comme entité qui reçoit des plaintes, c'est que ces
questionnaires-là, souvent, lorsqu'ils sont utilisés en amont de l'offre
d'emploi, ils font, comme, un peu… ils ont une finalité, disons, peut-être pas nécessairement
toujours… c'est peut-être plus là pour faire un petit ménage, un petit tri.
Puis là, après ça, on se ramasse à l'offre d'emploi.
Alors, nous, ce qu'on dit<, c'est…>
aux employeurs, c'est de dire : Si vous voulez éviter une contravention,
et, encore là, c'est dans une idée d'éviter des plaintes de 18.1, d'éviter des
situations de discrimination, si vous voulez éviter qu'il y ait une plainte qui
vous vise en vertu de 18.1, puis vous vous ramassez au Tribunal des droits de
la personne visé par ce genre de plaintes là, bien, une solution très simple, c'est
de rendre votre offre d'emploi conditionnelle. Ce qui fait en sorte qu'à ce
moment-là l'évaluation que vous allez faire va vraiment être ciblée, puis <identifier…
M. Tessier (Philippe-André) :
…qu'il y ait une plainte qui vous vise en vertu de 18.1, puis vous vous
ramassez au Tribunal des droits de la personne visé par ce genre de plaintes
là, bien, une solution très simple, c'est de rendre votre offre d'emploi
conditionnelle. Ce qui fait en sorte qu'à ce moment-là l'évaluation que vous
allez faire va vraiment être ciblée, puis >identifier, par rapport à la
personne et au poste effectué… et non pas une espèce de tri à l'entrée qui ne
tient pas compte des dispositions explicites que sont 18.1 de la charte.
• (10 h 40) •
M. Boulet : …l'examen médical,
en amont, permettrait à un employeur d'identifier des états de santé ou des
handicaps qui n'ont aucun rapport avec l'exécution du travail et les utiliser,
alors que l'offre d'emploi, étant conditionnel à l'examen médical préembauche,
là, c'est véritablement ciblé sur les conditions physiques, ou <l'état… >est-ce
que l'état de santé est compatible avec les qualifications physiques, ou autres.
Et là on s'assure que ce soit une exigence professionnelle qui soit justifiée.
M. Tessier (Philippe-André) :
Et voilà. Donc, pour nous, c'est que ça facilite la démonstration pour
l'employeur, mais aussi vraiment pour le salarié, la compréhension du salarié.
Et, le but, encore une fois, on est dans la santé et sécurité au travail, on
est dans une logique de prévention. Il y a un article de la charte qui garantit
ce droit-là, mais, nous, ce qu'on vous dit, ce qu'on vous sensibilise, c'est
que ça serait bien de minimiser ces plaintes-là, d'éviter ces plaintes-là.
On est toujours… vous le savez, M. le
ministre, Mme la Présidente, le ministre le sait, l'approche en justice de
toujours rendre les dossiers au tribunal, ce n'est pas nécessairement quelque
chose qui, d'un point de vue social, est la finalité ultime. On veut tenter,
par d'autres mécanismes, d'autres façons de faire… essayer d'éviter. Ça ne veut
pas dire qu'il y n'en aura pas, parce qu'il y aura toujours des situations où
l'EPJ, là, l'exigence professionnelle justifiée, devra être démontrée. Puis il
y a des cas, puis, à ce moment-là, les tribunaux sont là pour ça puis les
commissions comme nous aussi. Puis on fera notre travail, mais, si on peut
prévenir en amont ce genre de situation là, bien, je pense que ça serait
justifié.
M. Boulet : Pas totalement. Bien,
on minimise les risques.
M. Tessier (Philippe-André) :
C'est un peu ça.
M. Boulet : Puis on diminue
les cas de discrimination, ultimement, le nombre de plaintes à la commission.
Autre sujet, puis c'est une recommandation que je trouve intéressante aussi. Tu
sais, quand on parle d'accommodement raisonnable puis d'une évaluation faite
par la CNESST, puis qu'on aboutit à une conclusion qu'il n'y a pas de
contrainte excessive, de ne pas pénaliser le travailleur, de ne pas le priver
de son indemnité de remplacement de revenu, je trouve ça, Philippe-André,
hyperintéressant. Est-ce que vous pouvez élaborer pour le bénéfice des membres
de la commission, s'il vous plaît?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Je veux souligner qu'il reste deux minutes à l'échange.
M. Tessier (Philippe-André) :
Alors, ça sera ma collègue qui aura le plaisir de conclure. Me Carpentier.
Mme Carpentier (Marie) : Merci.
Merci pour la question. En fait, c'est qu'on a remarqué que, si la CNESST
prenait une décision… En fait, si l'employeur refusait de reconnaître… En fait,
si l'employeur plaidait qu'il y avait une contrainte excessive à réintégrer un
travailleur <et…
M. Tessier (Philippe-André) :
…
Carpentier.
Mme Carpentier (Marie) :
Merci. Merci pour la question. En fait, c'est qu'on a remarqué que, si la
CNESST prenait une décision… En fait, si l'employeur refusait de reconnaître…
En fait, si l'employeur plaidait qu'il y avait une contrainte excessive à
réintégrer un travailleur >et que la CNESST concluait, à l'inverse,
qu'il n'y avait pas de contrainte excessive, l'article en question prévoyait
que l'IRR, l'indemnité de remplacement de revenu, était suspendue, donc, et ce,
même si l'employeur était récalcitrant à réintégrer et à appliquer la décision
de la CNESST. On pense que ça serait une situation d'injustice puis qui
compromettrait les droits des travailleurs en question, puis ils se
ramasseraient sans IRR entre le moment… avant que l'employeur ait décidé
d'appliquer, effectivement, la décision de la CNESST. Donc, c'était pour éviter
ce genre de situation là.
M. Boulet : Merci, Marie. Oui,
c'est une recommandation qui m'apparaît sensée, et moi, je serai certainement
ouvert à en discuter lors de l'étude détaillée article par article. Bien sûr,
je trouve que ça fait plein de bon sens, sinon on s'expose à des comportements
d'employeurs qui soient non respectueux de la décision de la CNESST qui conclut
que l'accommodement… Tu sais, l'accommodement raisonnable, c'est toujours limité
par la contrainte excessive. S'il n'y a pas de contrainte excessive, donc,
accommode. Si tu ne veux pas accommoder, il ne faut pas, ultimement, pénaliser
le travailleur et suspendre son IRR.
Merci beaucoup, Philippe-André, merci,
Marie. Encore une fois, j'ai exprimé mon appréciation pour l'institution qu'est
la commission. Vous êtes d'excellents porte-parole. On est contents de vous
avoir accueillis. Merci, puis on aura sûrement l'occasion de se rencontrer de
nouveau et d'éventuellement rediscuter, entre autres, du projet de loi n° 59.
Merci beaucoup. À bientôt, Philippe-André. Bye, Marie.
M. Tessier (Philippe-André) :
Merci, M. le ministre. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous cédons maintenant la parole au député de Nelligan. Vous
disposez de 11 minutes pour l'échange.
M. Derraji : Merci pour votre
présence et la qualité de votre mémoire. On comprend la question du délai, ça a
été soulevé, et aucun problème, si vous voulez clarifier quelques autres points
que vous n'avez pas le temps de clarifier, surtout nous orienter au niveau de
notre analyse via le point de vue de la Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse.
J'ai bien aimé votre échange par rapport
au niveau de risque et j'aimerais bien aller approfondir avec vous votre
recommandation n° 6. Dans la recommandation n° 6, vous dites <que…
>de préciser le mécanisme établissant le niveau des risques de manière
transparente. C'est toute une recommandation qui vient à peu près confirmer
beaucoup de questionnements de plusieurs groupes affectés par les niveaux de
risque. Je pense que nous sommes, <dans… >je dirais, à l'élément
important de l'étude de ce projet de loi.
Maintenant, le regard que j'aimerais bien
que votre organisation nous <donne…
M. Derraji : …à peu près
confirmer beaucoup de questionnements de plusieurs groupes affectés par les
niveaux de risque. Je pense que nous sommes, dans… je dirais, à l'élément
important de l'étude de ce
projet de loi.
Maintenant, le regard que j'aimerais
bien que votre organisation nous >donne, c'est que vous soulignez,
concernant les mécanismes de prévention, qu'ils sont «susceptibles d'avoir un
impact sur la mise en oeuvre des droits garantis par la charte, notamment le
droit à la vie, à la sûreté, et à l'intégrité, et le droit à des conditions de
travail justes et raisonnables, et qu'elles respectent la santé, et la
sécurité, et l'intégrité physique». Là, je parle de la page 41.
Outre ce que vous nous exposez, plusieurs
groupes, comme je l'ai mentionné au début, ont fait valoir que la
classification des niveaux de risque liés aux emplois ainsi que la liste des
maladies professionnelles ne tiennent pas compte des réalités des femmes. Les
femmes, ce serait discriminé. D'autres groupes, ils ont même parlé d'un niveau
d'analyse ADS et un autre groupe nous a… ou deux, de l'ADS+. Ma question :
En vertu de notre charte, est-ce que le gouvernement québécois peut se
prévaloir de quelques dispositions ou justifications pour adopter une loi qui
aurait pour effet de discriminer les travailleuses et discriminer leurs droits
à la vie, à la sûreté et à l'intégrité des conditions de travail?
M. Tessier (Philippe-André) :
Merci pour votre question. Je vais débuter la réponse puis je vais passer la
parole assez rapidement à ma collègue. Et je vous dirais que nous sommes à l'écoute,
évidemment, lorsque nous participons à une commission parlementaire, à l'écoute
des autres mémoires, et donc on a eu le bénéfice d'entendre la première journée
d'auditions. On a effectivement pris acte de beaucoup de commentaires. Et je
pense que c'est aussi la beauté de l'exercice de la commission parlementaire, c'est
qu'il y a différents regards, hein, il y a différentes analyses qui sont
faites, et elles sont complémentaires. Puis vous, vous avez le bénéfice de voir
ça. Nous, évidemment, je vous le disais, la période des fêtes, la
pandémie, tout ça mis un par-dessus l'autre, le délai a fait en sorte qu'il y a
certains sujets, puis ça, c'en est un, qu'on aurait aimé peut-être
creuser un petit peu plus. Et il y a des informations, il y a d'autres
organismes, notamment le Conseil du statut de la femme, qui ont fait des
analyses plus poussées sur ces questions-là, donc je vous dirais que nous, on
les a reçues comme vous hier, et on a été très intéressés par ces enjeux-là. Et
je vous annonce qu'on va continuer à les regarder. Maintenant, peut-être, pour
ce qui est de la question plus précise, je vais passer la parole à ma collègue,
là, pour la réponse.
Mme Carpentier (Marie) : Oui,
merci<… (Interruption) Pardon>. Merci pour la question. Je pense
qu'en fait on demandait la transparence. On demande la transparence, dans notre
mémoire, justement pour être capables d'évaluer les impacts éventuellement
discriminatoires du mode d'établissement du niveau de risque. C'est sûr que,
quand nous, on a observé les niveaux de risque qui étaient associés avec divers
secteurs d'activité, il y a certains niveaux de risque qui nous ont surpris. Au
moment de notre analyse, donc, on n'avait pas les informations sur le mode d'établissement
de ces niveaux de risque là, donc on ne pouvait pas se prononcer sur leur
caractère discriminatoire. Donc, <la transparence permet… >la
transparence, quant au <mécanisme…
Mme Carpentier (Marie) : …
divers
secteurs d'activité, il y a certains niveaux de risque qui nous ont surpris. Au
moment de notre analyse, donc, on n'avait pas les informations sur le mode d'établissement
de ces niveaux de risque là, donc on ne pouvait pas se prononcer sur leur
caractère discriminatoire. Donc, la transparence permet… la transparence, quant
au >mécanisme d'établissement, permet d'évaluer s'il s'agit d'un
mécanisme qui est exempt de biais discriminatoire et qui est aussi exempt de
violation des autres droits fondamentaux, donc d'où la raison de cette
recommandation-là, là.
M. Derraji : Oui, je vous
comprends et je comprends votre… je vais utiliser un mot, mais ne l'interprétez
pas plus que le mot, vous êtes comme… j'ai l'impression que vous êtes mal à
l'aise de se prononcer aujourd'hui, vu la position des autres groupes. Mais
j'ai une demande à vous faire, s'il vous plaît, l'essence même de ce projet de
loi, c'est l'établissement des niveaux de risque. Il y a beaucoup de groupes
qui nous parlent de ces niveaux de risque. Moi, j'aimerais bien que la
Commission des droits de la personne et droits de la jeunesse nous confirme… probablement
pas aujourd'hui, prenez le temps, je ne sais pas à quel moment le ministre va
rappeler le projet de loi pour l'étude détaillée article par article, mais nous
aimerions avoir le point de vue de la Commission des droits de la personne et
droits de la jeunesse, que ce projet de loi, avec les articles, avec les
dispositions, <que… >et en prenant compte la réalité des femmes,
qu'il ne va pas discriminer les femmes, <au niveau… >que ce soit
marché du travail ou même au niveau de l'interprétation de la notion du risque.
Donc, prenez votre temps. Je vous ai
partagé un peu le point de vue des autres organismes, que vous connaissez très
bien, le Conseil du statut de la femme, je les ai énumérés tout à l'heure, ils
étaient unanimes, les trois groupes, par rapport à l'ADS, l'ADS+. Donc, s'il
vous plaît, prenez le temps, nous sommes ouverts, les membres de la commission,
à recevoir un autre avis. Je pense que c'est quelque chose qui vous tient aussi
à coeur, et nous aussi, parce que j'aimerais bien qu'au début de l'analyse
article par article que l'ensemble des parlementaires qui vont étudier ce
projet de loi aient la vision 360, y compris votre point de vue, qui, à
mon avis… très important en regard de la discrimination envers les femmes et le
marché du travail.
J'ai une autre question et, Mme la
Présidente, si je suis à huit minutes, arrêtez-moi, parce que mon collègue de
Robert-Baldwin a une question.
• (10 h 50) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste 4 min 40 s.
M. Derraji : O.K. Bon. Je ne
veux pas me faire chicaner par mon collègue de Robert-Baldwin. Allez-y, M. le
député de Robert-Baldwin. S'il me reste un peu de temps, je vais revenir sur la
notion du travailleur handicapé. Allez-y, M. mon collègue.
M. Leitão : Très bien. Merci
beaucoup de votre générosité, mon collègue. Je m'excuse en partant, parce qu'il
y a une opération de déneigement du toit ici, dans mon bureau, alors, des fois,
ça… en tout cas, espérons que ça va bien aller. Si vous entendez un gros bruit,
là, ce n'est pas moi, c'est le toit.
Alors, M. Tessier, Mme Carpentier,
bonjour, merci d'être là. J'aimerais vous parler un peu, et vous avez abordé ça
au début, des travailleurs <domestiques…
M. Benjamin : ...
en
tout cas, espérons que ça va bien aller. Si vous entendez un gros bruit, là, ce
n'est pas moi, c'est le toit.
Alors, M. Tessier, Mme Carpentier,
bonjour, merci d'être là. J'aimerais vous parler un peu, et vous avez abordé ça
au début, des travailleurs >domestiques, surtout des travailleuses,
donc, domestiques, c'est un peu ça. Et, de votre point de vue, vous avez
commencé… vous aviez fait un peu allusion à ça, donc, la contrainte du nombre
d'heures travaillées.
M. le ministre nous a déjà dit, et pas
seulement aujourd'hui, hier aussi, à plusieurs reprises, qu'il faut quand même
mettre une balise, quelque chose. Est-ce que vous pouvez nous clarifier ça un
peu plus? Moi, ce que j'ai compris de vos propos, c'est qu'à votre avis ce n'est
pas vraiment nécessaire de spécifier la contrainte du nombre d'heures. Si vous
pouvez juste me clarifier un peu cette question-là.
M. Tessier (Philippe-André) :
Avec plaisir, M. le député, Mme la Présidente. Donc, écoutez, la logique
derrière... Puis on parle bien de l'introduction ou de l'ajout d'une protection
pour les travailleuses domestiques, O.K.? Et là ce qu'on vient faire, le projet
de loi, tel qu'il est rédigé présentement, il prévoit un nombre d'heures pour
dire qu'on est admissibles, finalement, à cette protection-là. Et, nous, ce
qu'on dit, c'est qu'on salue l'introduction des travailleuses domestiques au
projet de loi, mais on dit : Attention à l'effet potentiellement
discriminatoire du seuil du nombre d'heures parce que ça peut exclure des gens
qui auraient valablement le droit. Et on fait référence à une définition plus
souple, oui, qui nécessite peut-être plus d'interprétation parce que plus
souple, mais qui permet un peu plus de souplesse.
Et, si je peux me permettre de faire une
analogie, l'affaire Caron a été rendue par la Cour suprême dans un contexte où,
justement, il y avait des seuils, hein? On mettait un nombre de mois, on
mettait... Et ce qui arrive, c'est que, lorsqu'on est dans le domaine de
l'accommodement raisonnable, donc dans le domaine de l'égalité réelle, ces
chiffres-là, bien que simples d'application, ont souvent des effets qui doivent
être compensés autrement. Et donc c'est un peu dans cette même logique-là, un
peu, puis, <c'est... >comme je vous le dis, là, ce n'est pas une
question qui est propre au Québec, le ministre y a fait référence, d'autres
juridictions... on vous fait référence à une définition de l'Organisation
internationale du travail, je veux dire, le travail domestique, les gens <qui
sont... >qui se promènent un peu partout.
Et il faut rappeler aussi une chose, puis
je pense que ça, c'est fondamental de se le dire, à tout le moins pour nous, le
regard qu'on porte sur cette question-là à la commission, c'est qu'il s'agit
ici de personnes qui sont dans des situations de vulnérabilité, souvent, des
travailleurs étrangers temporaires, je devrais dire : Des travailleuses
étrangères temporaires, parce que ce sont des femmes, donc des femmes racisées,
donc, dans une situation où les... évidemment, il y a eu des modifications
récemment là-dessus, mais donc dans une situation très vulnérable <par
rapport... >de dépendance très élevée par rapport à leur <employeur...
M. Tessier (Philippe-André) :
...des travailleurs étrangers temporaires, je devrais dire : Des
travailleuses étrangères temporaires, parce que ce sont des femmes, donc des
femmes racisées, donc, dans une situation où les... évidemment, il y a eu des
modifications récemment là-dessus, mais donc dans une situation très vulnérable
par rapport... de dépendance très élevée par rapport à leur >employeur,
des fois, se font dire : Si ça ne marche à mon goût, bien, ton visa, tu
peux retourner dans ton pays. Je veux dire, il faut dire les choses comme elles
sont. Ce sont des situations qui se produisent, des organismes comme Pinay qui
le dénoncent depuis de nombreuses années… Alors, c'est sûr et certain que, pour
nous, notre regard, il est aussi teinté par cette réalité-là factuelle qu'on a
analysée, là, <depuis... >comme je vous disais, depuis 2008 que la
commission a pris ces positions-là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En 30 secondes.
M. Leitão : Merci de la
clarification. 40 secondes, ça passe vite. Une dernière chose qui est un
peu... qui s'insère dans cette logique, c'est la question de la réintégration
au lieu de travail. Donc, s'il y a de l'abus ou de l'exploitation et que la
CNESST intervient, bien, après ça, il ne faudrait pas renvoyer la personne dans
le même lieu. Donc, ça aussi, il faudrait le régler.
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, nous, pour nous, la réintégration, c'est que c'est une mesure-phare de
protection qu'il y a dans la loi, et on dit : Il ne faut pas exclure les
travailleuses domestiques de cette protection-là. Est-ce qu'elle est applicable
à tous les coups? Non. Mais là, à ce moment-là, l'expertise de la CNESST… des
instances en droit du travail sont très habituées à gérer ces cas-là de
réintégration ou non. Ce qu'on dit, c'est que, si vous enlevez la réintégration
au travailleur domestique, vous mettez, encore une fois, ce travailleur-là,
cette travailleuse-là, je vais parler au féminin, une petite coche en dessous
des autres. Et ça, pour nous, ce n'est peut-être pas le bon message à envoyer.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci beaucoup. Nous donnons maintenant la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour, Me Tessier, Me Carpentier. Merci, encore une
fois, pour votre intéressant mémoire. Je fais un peu de chemin sur mes
collègues précédents, sur la question des catégories, des discriminations sur
lesquelles on peut se baser pour des bonnes et des mauvaises raisons, pour
donner plus ou moins de droits en matière de prévention.
Vous avez dit, là, que vous n'avez pas eu
le temps de regarder, nécessairement, préalablement, toute la question, là, des
potentielles discriminations envers les femmes. J'attire l'attention sur vos
recommandations nos7 et 8, où, à la no 7,
vous dites qu'il faut calculer... il faut inclure, dans les calculs, les
travailleurs saisonniers, pour savoir combien de salariés on a, afin, donc, de
voir si on est plus ou moins 20 et à quel nombre d'heures par semaine ou de
réunions on a le droit pour le représentant ou le comité de santé et sécurité.
Puis la no 8, vous voulez aussi inclure les travailleurs
d'agence dans ce calcul-là. Moi, j'aimerais ça vous entendre un peu plus sur
ces deux aspects même.
M. Tessier (Philippe-André) :
Avec plaisir, M. le député, puis permettez-moi juste de peut-être me permettre
de vous proposer une formulation différente. Ce n'est pas qu'on n'a pas tenu
compte de, <c'est que... >parce que notre mémoire, si vous le
regardez, tant la question des travailleuses domestiques que la
section II, tout le développement sur les violences, <on a beaucoup...
>il y a beaucoup la question des femmes dans le milieu de travail. On
l'aborde énormément.
La nuance que je fais, là, c'est juste
qu'il y a une question plus technique qui a été développée par d'autres
groupes, mais, encore une fois, <compte tenu des...
M. Tessier (Philippe-André) :
…c'est que... parce que notre mémoire, si vous le regardez, tant la question
des travailleuses domestiques que la section II, tout le développement sur
les violences, on a
beaucoup... il y a beaucoup la question des femmes
dans le milieu de travail. On l'aborde énormément.
La nuance que je fais, là, c'est juste qu'il
y a une question plus technique qui a été développée par d'autres groupes,
mais, encore une fois, >compte tenu des délais, là, c'est ça que je
voulais dire, mais ça ne veut pas dire que cette question-là n'est pas
pertinente, elle a été soulevée par d'autres groupes. On a bien écouté nous
aussi, on est sensibles, c'est ce que j'ai dit, à ces préoccupations-là qui ont
été évaluées.
Puis effectivement, si on a une approche
qu'il faut toujours se rappeler, <c'est… >lorsqu'on regarde la
question du travail féminin, bien, on est dans les travailleuses domestiques,
on est dans des métiers qui, traditionnellement, ont été un peu perçus comme
étant moins à risque, alors que ce n'est peut-être pas nécessairement le cas. On
a, depuis 1997 au Québec, une loi qui s'appelle la Loi sur l'équité salariale.
Elle est venue, à l'origine, corriger une discrimination systémique envers les
femmes dans le milieu de travail, parce que les postes, avec un travail
équivalent, étaient payés moins cher. Donc, cette logique-là imprègne les
milieux de travail, puis c'est un peu ce à quoi notre mémoire fait référence
dans la section II, c'est de dire : Pour interpréter 51, puis les
violences sexuelles, les violences conjugales, les violences familiales, il
faut tenir compte des discriminations historiques que les femmes ont vécues en
milieu de travail. Donc, je fais juste dire que ça, c'est au coeur de notre
mémoire.
Pour ce qui est de nos recommandations, maintenant,
c'est sûr que les…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 15 secondes. C'est très bref, hein, 2 min 45 s.
M. Tessier (Philippe-André) :
Oh boy! Oui, c'est très… Les relations tripartites de relations de travail, je
l'ai dit, on ne règlera pas ça aujourd'hui, mais peut-être un mécanisme qui
permet la participation de ces travailleuses-là va venir plus les protéger que
l'état actuel des choses.
M. Leduc : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure.
2 min 45 s.
M. Roy
: Merci, Mme la
Présidente. Écoutez, bon, souvent, le dernier doit trouver des questions qui
peuvent être pertinentes, mais il y a un concept qui existe en sociologie qui
s'appelle la brésilianisation de l'économie. Ça faisait référence à des emplois
précaires et à la vulnérabilité de certaines catégories de travailleurs, puis
c'est un concept… puis c'est sans discrimination pour le Brésil, hein,
monsieur… concept. C'est un concept qui fait référence aux travailleuses
domestiques qui étaient en émergence aux États-Unis à une certaine époque et
qui étaient considérées comme une sous-catégorie d'employées très vulnérables,
appauvries, violentées, etc.
Par son essence, les travailleuses
domestiques, et par l'essence même du travail, c'est un travail qui est
intérimaire, c'est à temps partiel. En général, en tout cas, je ne sais pas si
vous avez des statistiques sur les travaux domestiques, mais, en général, ce
n'est pas quelque chose qui dure 50 heures par semaine. Donc, de par son
essence même, c'est une forme de travail qui est à temps partiel et qui n'est
pas reconnue par le ministre.
Et j'aimerais vous entendre sur
l'évolution du travail domestique au Québec. Est-ce que c'est quelque chose qui
est en augmentation, ou qui est stable, ou qui périclite?
• (11 heures) •
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
pour ce qui est des chiffres d'augmentation ou pas, je vais laisser ma collègue
répondre.
Rapidement, juste pour vous dire, c'est
sûr qu'il faut faire attention de faire une généralisation du travail
domestique. Il y en…
11 h (version révisée)
M. Roy
: …j'aimerais
vous entendre sur l'évolution du travail domestique au Québec. Est-ce que c'est
quelque chose qui est en augmentation, ou qui est stable, ou qui périclite?
M. Tessier (Philippe-André) : Pour
ce qui est des chiffres d'augmentation ou pas, je vais laisser ma collègue
répondre. Rapidement, juste pour vous dire, c'est sûr qu'il faut faire
attention de faire une généralisation du travail domestique. Il y en a que
c'est à temps plein, qui sont logés, même, <chez les… >dans la
maison, donc c'est un travail vraiment temps plein, là. Ils font non seulement
le ménage, ils s'occupent des enfants, ils font les soupers et tout. Il y a ce
type-là de travailleuses domestiques, mais il y aussi effectivement le cas de
la personne qui va venir sporadiquement faire les devoirs, faire le souper, et
tout, sur une période. Donc, il y a différents types de travail domestique.
La grande généralité qu'il faut retenir,
c'est que ce sont des femmes et souvent des femmes, encore là, racisées, des
femmes dans des situations de vulnérabilité, et les travailleurs étrangers
temporaires qui sont surreprésentés. Ce qui nous fait donc dire d'être
vigilants là-dessus. Peut-être que ma collègue a quelque chose sur
l'augmentation ou non, ça, je m'excuse, je n'ai pas cette information-là pour
vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En 30 secondes.
Mme Carpentier (Marie) : Bien,
rapidement, on donne certaines données, dans notre mémoire, mais la catégorie
domestique, telle qu'on la conçoit puis telle qu'on la comprend, ça représente
plusieurs groupes différents. Effectivement, les travailleurs étrangers
temporaires, dont on a traité à plusieurs reprises, on a des références, à nos
mémoires précédents, sur ces questions-là, mais c'est aussi… je pense que ça
couvre certaines travailleuses du chèque emploi-service, ça couvre vraiment un
ensemble de travailleurs qui est assez important.
Et une des difficultés, c'est… justement,
puisque ce n'est pas un travail qui est souvent structuré professionnellement,
etc., c'est difficile d'obtenir des données. Puis, notamment, le programme
fédéral a été modifié, dans les dernières années, donc, et il a été transformé
dans d'autres programmes différents, donc c'est difficile d'avoir les données
sur ces travailleuses-là, mais on en donne certaines dans notre mémoire.
M. Roy
: Parfait. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Merci, M. Tessier, Mme Carpentier, pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Nous suspendons quelques instants pour accueillir
le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 2)
>
(Reprise à 11 h 9)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour, tout le monde. Alors, nous souhaitons la <bienvenue...
(Reprise à 11 h 9)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour,
tout le monde. Alors, nous souhaitons la >bienvenue
aux représentants de la Centrale des syndicats démocratiques. Vous savez que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, mais, avant de commencer votre
exposé, je vous inviterais à vous présenter.
• (11 h 10) •
M. Vachon (Luc) :
Oui. Alors, bien, bonjour à tous. Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre,
MM., Mmes les parlementaires. Bonjour aussi à tous ceux et celles qu'on ne peut
pas saluer puisqu'on est en visioconférence, ceux qui sont à l'arrière. Alors,
considérez-vous comme salués. Je suis Luc Vachon, président de la Centrale des
syndicats démocratiques, donc la CSD. Je suis accompagné de mon collègue Carl
Dufour qui est président du syndicat des travailleurs et travailleuses de la
construction du Québec, appelé CSD-Construction.
Alors, dans le fond, la CSD représente
près de 72 000 personnes au Québec et la CSD-Construction représente plus
d'une vingtaine de mille d'entre eux. Alors, c'est en leur nom, en tant
qu'acteurs engagés de la société civile, que nous présentons aujourd'hui nos
commentaires et recommandations sur le projet de loi n° 59 modernisant
le régime de santé et sécurité du travail.
Alors, rappelons qu'à ce jour à peine
25 % de la main-d'oeuvre québécoise est couverte par au moins un mécanisme
de prévention prévu à la Loi sur la santé et sécurité du travail. À cela, il
faut ajouter que les lésions professionnelles, voire les décès, notamment dans
le secteur de la construction, sont en hausse constante depuis 2015. Quant à
l'indemnisation et la réadaptation, nous assistons à une hausse majeure des
contestations des dossiers par les employeurs. Cette judiciarisation n'a pour
explication que le désir des employeurs de réduire leurs tarifications, et ce,
au détriment du droit à l'indemnisation et à la réadaptation.
Alors, le projet de loi réalise quelques
bons coups qu'il mérite de souligner. Avant toute chose, il faut bien entendu
mentionner que les mécanismes de prévention seront étendus à la quasi-totalité
des milieux de travail, ce qui constitue une certaine avancée. Nommons
également les exigences de formation, la nouvelle obligation pour les employeurs
quant à la prévention des violences conjugales sur les milieux de travail, la
création d'un comité scientifique chargé de veiller à l'évolution de la liste
des maladies professionnelles reconnues. Mais le projet de loi n° 59 amène
aussi plusieurs changements significatifs que nous questionnons.
En ce qui a trait à la prévention,
relevons en premier lieu que le projet de loi articule la portée des mécanismes
de prévention en fonction de la taille et de l'établissement du niveau de
risque de l'industrie. Nous craignons que le projet de loi sous-évalue une part
importante du niveau de risque. Sans entrer dans un débat qui est technique,
mentionnons qu'en comparant le projet de loi no°59 à la base de données de la
CNESST nous trouvons plusieurs cas de sous-évaluation. Alors, dans la mesure
aussi où le niveau de <risque...
M. Vachon (Luc) :
…
Nous craignons que le projet de loi sous-évalue une part importante du
niveau de risque. Sans entrer dans un débat qui est technique, mentionnons
qu'en comparant le projet de loi no°59 à la base de données de la CNESST nous
trouvons plusieurs cas de sous-évaluation. Alors, dans la mesure aussi où le
niveau de >risque s'appuie sur la période 2007‑2013, qu'il est calculé en fonction des
déboursés sur la masse salariale et ne prend pas en compte ni l'assignation
temporaire ni le phénomène de sous-déclaration, nous craignons que le p.l. 59
ne s'appuie sur une lecture inadéquate de la réalité des milieux de travail et
oublie la tendance à la hausse des lésions professionnelles des dernières
années.
Nous déplorons que le projet de loi
reconfigure les mécanismes de prévention de telle sorte que le paritarisme en
soit affaibli et que la prévention retombe davantage entre les mains de
l'employeur, comme si la prévention relevait de son droit de gérance. Plus
précisément, nous critiquons que la composition des comités de santé et
sécurité ait été réduite, que la fréquence des rencontres ne respecte pas le
minimum d'une rencontre aux trois mois et que les heures libérées du
représentant santé et sécurité aient été considérablement réduites. Ces
modifications nuiront à la participation des travailleurs aux efforts de
prévention.
Dans une veine similaire, nous critiquons
que l'employeur n'ait plus l'obligation d'impliquer la Santé publique pour
élaborer le volet de santé du travail du programme de prévention, que le comité
de santé et de sécurité perde son pouvoir de voter sur ce volet. En plus de
marginaliser l'expertise neutre, intègre de la Santé publique, rien n'empêche
l'employeur de s'improviser préventionniste et de recourir à une firme privée
ou de médecins privés pour respecter ses obligations. Ce recul, voire cette
privatisation, se ferait au détriment des objectifs de la loi et du
paritarisme. Mentionnons également que l'avis prépondérant du professionnel de
la santé doit aussi être maintenu, notamment pour le retrait préventif de la
femme enceinte. Nous désirons rappeler que l'esprit de la loi qu'on retrouve
dans le livre blanc de 1978, qui est d'ailleurs toujours actuel, est de sortir
du droit de gérance et du rapport de force la prévention afin que les travailleurs
et employeurs collaborent ensemble sur un pied d'égalité et de participation
réelle.
Les modifications apportées par le projet
de loi affaiblissent ce principe, ce que nous ne pouvons accepter. Étendre les
mécanismes de prévention tout en réduisant leur force constitue un recul à bien
des égards. Il ne suffit pas simplement que plus de milieux de travail
bénéficient d'un mécanisme de prévention, encore faut-il que ces mécanismes
soient d'une portée réelle et offrent des moyens suffisants pour atteindre leur
plein effet. Nous recommandons, entre autres, de revoir l'exercice d'évaluation
des risques afin qu'ils soient plus représentatifs, une fréquence minimale
d'une rencontre aux trois mois pour le comité de santé et sécurité, de retirer
le pouvoir à l'employeur de décider de la fréquence des rencontres du comité,
de rehausser les heures du représentant de santé et sécurité afin qu'elles se
rapprochent de ce qu'il prévoit actuellement, de maintenir l'obligation de la
participation de la Santé publique au programme de prévention, de maintenir les
garanties d'indépendance du professionnel de santé et du médecin chargé de la
santé au travail afin d'éviter le recours au privé.
En ce qui a trait au secteur de la
construction, nous accueillons favorablement la volonté que les dispositions
sur le comité de chantier et le <représentant…
M. Vachon (Luc) :
…
maintenir l'obligation de la participation de la Santé publique au
programme de prévention, de maintenir les garanties d'indépendance du
professionnel de santé et du médecin chargé de la santé au travail afin
d'éviter le recours au privé.
En ce qui a trait au secteur de la
construction, nous accueillons favorablement la volonté que les dispositions
sur le comité de chantier et le >représentant en santé et sécurité
entrent finalement en vigueur, 42 ans après l'adoption de la Loi sur la
santé et sécurité au travail, mais il faut que cette fois-ci soit la bonne,
parce que l'industrie de la construction demeure, et de loin, la plus
meurtrière au Québec, avec près de 30 % des décès reliés au travail au
cours des trois dernières années pour seulement 5 % de la main-d'oeuvre en
emploi. Ainsi, si on considère le taux des lésions pour
1 000 travailleurs en équivalent temps complet, au cours des deux
dernières années de statistiques qui sont disponibles, la construction est de
25 % plus élevée que la moyenne de tous les secteurs.
L'accélération des projets de construction
qui va découler de l'adoption du projet de loi n° 66, l'entrée importante
de main-d'oeuvre nouvelle dans l'industrie de la construction… il est à
craindre que ce bilan s'alourdisse, à moins de donner aux acteurs les moyens
d'améliorer la prévention. Ces moyens doivent tenir compte du fait qu'il n'y a
pas de sécurité d'emploi ni de priorité de rappel dans l'industrie de la
construction.
Pour que des droits existent,
concrètement, il faut que ceux qui doivent en bénéficier puissent les exercer
librement, sans contrainte et risque de représailles. Nous proposons une
affectation à trois niveaux pour les représentants en santé et sécurité, la
proposition la plus novatrice après la constitution d'une équipe volante de
représentants en santé et sécurité pour les chantiers de 8 millions de
dollars ou de moins de 100 travailleurs dont les membres sont à l'emploi
des organisations syndicales, composée au prorata de leur représentativité
officielle et payée par le biais des subventions de la CNESST aux organisations
syndicales.
Nous recommandons finalement que les
agents de sécurité sur les chantiers soient maintenus dans leur forme actuelle
ou, à tout le moins, que les coordonnateurs en santé et sécurité proposés dans
le projet de loi aient les mêmes exigences de formation et d'expérience que les
agents de sécurité et que le coût total des travaux commandant leur présence
sur les chantiers demeure à 8 millions de dollars, et non majoré à
25 millions.
Quelques mots sur la transformation d'une
partie de la loi, l'annexe I sur les maladies professionnelles, la
transformation en Règlement sur les maladies professionnelles. Si nous
acceptons ce passage obligé pour mettre à jour presque en continu la liste des
maladies professionnelles auxquelles la présomption s'applique, on ne peut pas
être d'accord avec les modifications que le législateur tente d'inclure à cette
liste en ne respectant pas ce qui a été convenu entre les parties patronales et
syndicales au Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre en 2017 dans
des recommandations unanimes. Ce qui a été convenu, c'est que la transformation
de la liste des maladies professionnelles en règlement doit suivre un ordre
précis, c'est-à-dire que la CNESST doit suivre les recommandations du comité
paritaire de révision réglementaire en ce qui a trait aux nouveaux critères
d'exposition, comité paritaire qui, lui-même, est alimenté par un comité
scientifique indépendant. Nous recommandons que le Règlement sur les
maladies professionnelles soit, à l'étape du projet de loi, un pur calque de <l'annexe…
M. Vachon (Luc) :
...un ordre précis,
c'est-à-dire que la CNESST doit suivre les
recommandations du comité paritaire de révision réglementaire en ce qui a trait
aux nouveaux critères d'exposition, comité paritaire qui, lui-même, est
alimenté par un comité scientifique indépendant.
Nous recommandons que le Règlement sur
les maladies professionnelles soit, à l'étape du
projet de loi, un pur
calque de >l'annexe I jusqu'à ce que les conditions découlant des
recommandations du CCTM pour permettre l'ajout des maladies professionnelles
soient réunies. Dans ce cadre, l'ajout en matière de critères d'admissibilité
et de conditions particulières nous apparaît non avenu et ils devraient être
retirés du projet de loi.
Enfin, je terminerai en disant que toute
remise en question de la préséance de l'avis du médecin qui a charge du
travailleur ou de la travailleuse nous inquiète au plus haut point. Cette
préséance est l'assurance que l'avis du médecin, qui connaît le mieux la
condition et l'état de santé de la victime de lésions professionnelles, sera
respecté, ce qui constitue la meilleure garantie que les soins et les services
appropriés lui seront prodigués. Or, en matière de réadaptation avant la
consolidation, de réduction des délais au Bureau d'évaluation médicale, le projet
de loi propose des façons de contourner l'avis du médecin traitant qui sont
inacceptables et devraient être retirées du projet de loi. Le régime de santé
et sécurité n'est pas un régime d'assurance. La tarification n'est pas un
incitatif à la prévention pour l'employeur. Il s'agit plutôt d'un incitatif à
contester une demande d'indemnisation, et, faut-il le rappeler, il y a indemnisation
quand la prévention a échoué. <À cet égard...>
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
M. Vachon (Luc) :À cet égard, toute modification apportée au régime de santé et
sécurité au travail doit se faire dans l'optique de maintenir le paritarisme au
coeur de la prévention. La prise en charge par le milieu reste le meilleur
moyen pour prévenir, et donc de réduire les coûts. De plus, il faut maintenir
ces deux principes que sont l'élimination à la source de tous les dangers et le
droit à une complète indemnisation, réadaptation en cas de lésions professionnelles.
Nous jugeons que le p.l. n° 59
porte malheureusement plusieurs reculs sur ces objectifs et qu'au contraire du
MTESS on ne doit pas hésiter à renforcer à la hausse la loi, tant la Loi sur la
santé et sécurité au travail que maladies professionnelles. Et, dans cette
voie, nous serons heureux de contribuer aux travaux. Merci.
• (11 h 20) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci pour l'exposé. Nous allons débuter la période d'échange avec M. le
ministre. Vous disposez de 16 min 30 s. Votre micro.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Vachon. Merci, Carl. Oui, effectivement, je pense
que, d'emblée, vous reconnaissez aussi, par ailleurs, la nécessité de revoir
ces lois-là. Juste, quand vous mentionnez, M. Vachon, que, dans le secteur
de la construction, il n'y a pas eu mise en vigueur, il faut le dire, là, des
articles 203 et suivants, là, de la loi santé et sécurité, là, puis il y
avait des mécanismes de prévention et de participation dans le secteur de la
construction, alors qu'en 2018 il y a eu 70 décès qui sont survenus dans
le secteur de la construction, alors qu'il y en a <eu...
M. Boulet : ...mise en
vigueur,
il faut le dire, là, des articles 203 et suivants, là, de
la loi santé et sécurité, là, puis
il y avait des mécanismes de
prévention
et de
participation dans le secteur de la construction, alors qu'en 2018
il y a eu 70 décès qui sont survenus dans le secteur de la
construction, alors
qu'il y en a >eu 226 en tout, dans cette
année-là, décès… Donc, c'est un secteur où il y a une acuité particulière et
une problématique, là, en termes de fréquence et de gravité de lésions
professionnelles.
<Je vais peut-être vous poser des
questions. >J'ai bien lu votre mémoire puis les recommandations que vous
faites, je vais peut-être juste vous poser des questions sommaires, puis
j'aimerais ça avoir votre opinion sommaire sur certains éléments. Puis
j'aimerais ça que vous y alliez aussi avec l'expérience de vos accréditations
syndicales CSD, là. Bien sûr, un des objectifs fondamentaux, c'est de protéger
le maximum de travailleurs possible. Actuellement, il n'y en a que 25 %,
des travailleurs, vous avez dit 25 % ou 26 %, là, mais à peu près
25 % qui sont couverts par des mécanismes de prévention, participation.
Avec le projet de loi, on monte à 94 %, puis la game, c'est la prévention.
Puis vous avez mentionné — puis
je sais que ça vous tient à coeur, on se connaît — le paritarisme.
Vous êtes un partisan du paritarisme, la collaboration patronale-syndicale, et
un des principes à la base de notre projet de loi, c'est la prise en charge par
le milieu. J'aimerais ça que vous me parliez un peu de l'expérience que vous
avez dans des milieux de travail où vous avez des accréditations syndicales CSD,
en matière de prévention. Comment vous voyez ça?
M. Vachon (Luc) :
Bien, en fait, je réfère peut-être plus que vous en parlez, en termes des
milieux de travail, mais, dans mon parcours personnel, j'ai été un travailleur
d'une entreprise, et j'ai fait ce parcours-là, et j'étais dans une entreprise
dont le secteur d'activité était visé par les groupes prioritaires. Donc, tout
ce qui est comité de santé et sécurité, représentant à la prévention, j'ai tout
fait ce parcours-là, O.K., alors toute cette démarche-là. Et je peux vous dire qu'il
y a un réel besoin de la participation des travailleurs et travailleuses, il y
a un réel besoin qu'ils soient impliqués.
Et, si je fais un lien avec la question
qu'on a soulevée, de la fréquence des rencontres de comités de santé et
sécurité, écoutez, ce qui nous a apparu à l'esprit… comment, par exemple, on
pourrait penser <conserver une forme... >développer et conserver
une forme d'expertise en matière de prévention, en matière de santé et
sécurité, alors que les gens vont se rencontrer une fois aux six mois pour une
durée... bon, on ne connaît pas vraiment... puis, même si c'était deux, trois
heures, là, puis moi… deux, trois heures aux six mois, on ne fait rien avec ça.
On s'en est parlé. La question du <représentant en...
M. Vachon (Luc) :
...
en matière de santé et sécurité, alors que les gens vont se
rencontrer une fois aux six mois pour une durée... bon, on ne connaît pas
vraiment... puis, même si c'était deux, trois heures, là, puis moi… deux, trois
heures aux six mois, on ne fait rien avec ça. On s'en est parlé. La question du
>représentant en prévention, dans certaines situations, est à
0,5 heure par semaine. 30 minutes par semaine, on fait quoi avec ça,
tu sais?
L'idée, ce n'est pas juste de se fier au
niveau du niveau de risques, c'est qu'il faut que ça puisse réellement se
matérialiser par une capacité d'agir à l'interne. Et ça, c'est important.
D'ailleurs, on salue la question de la
formation, parce que ça, c'est nouveau et c'est bien, et c'est très, très bien,
la question de la formation. Ce n'est pas de prendre les gens, puis de les
asseoir sur une petite chaise, puis dire : Voici, bonne chance, hein, ce n'est
pas ça. Alors, de donner des outils de formation pour qu'ils soient capables
d'agir, mais, une fois qu'on a investi en formation, parce qu'on parle
d'investissement en formation, il faudrait qu'après ça, ça puisse se
matérialiser par une implication concrète. N'importe qui que vous avez nommé
sur un comité qui va avoir une rencontre une heure par six mois, là, il n'y
aura pas d'intéressement, il n'y aura pas de développement, il n'y aura pas ça,
puis ça va être un feu roulant, sur les comités de santé et sécurité dans les
milieux de travail, personne ne va se sentir interpellé par la santé et sécurité.
Alors, <ça, >c'est des enjeux qui nous préoccupent, ça.
M. Boulet : J'aimerais ça que
vous nous parliez aussi... parce que je sais que vous avez des accréditations
syndicales dans des résidences où il y a ce type de risque là, quand on parle
des risques émergents découlant de la tertiarisation de l'économie. On réfère
aux risques psychosociaux, dans le projet de loi n° 59, et vous savez qu'à
l'article 2 de la loi santé et sécurité, on dit, bon, il faut d'abord
identifier si on veut contrôler et éliminer à la source les risques. Comment
vous pensez qu'on va... que les milieux de travail... comment vous voyez les
milieux de travail s'investir dans l'identification des risques psychosociaux et
quels impacts ces risques-là peuvent avoir sur le bilan lésionnel au Québec?
M. Vachon (Luc) :
Bon, la question de s'investir dans les milieux de travail, il faut dire que ça
va être à géométrie variable, ça. Il faut comprendre qu'on va avoir différents
défis. Quand on va arriver dans des établissements qui ont quand même beaucoup de
personnel, beaucoup de ressources, ça va être une chose. Quand on va arriver, par
exemple, dans des résidences où, en toute honnêteté, on a 30, 35 personnes
qui sont là, ça va être un défi, ça va être un enjeu. En plus, les risques
psychosociaux, on commence à en parler, hein, mais on commence juste à accepter
que ça fait partie de l'équation puis que ça existe. Alors, là aussi, il va y
avoir du développement, des apprentissages pour pouvoir intervenir, mais ça va
être extrêmement important — puis là on va <parler des...
M. Vachon (Luc)T :
…on commence juste à accepter que ça fait partie de l'équation puis que ça
existe. Alors, là aussi, il va y avoir du développement, des apprentissages
pour pouvoir intervenir, mais ça va être extrêmement important
— puis
là on va >parler des formations — que ces formations-là
couvrent, qu'elles soient adaptées aux différents établissements, aux
différents secteurs d'activité aussi, pour être capables d'identifier ce qui
est une prédominance de risque dans les différents secteurs. Parce que, dans le
secteur manufacturier, il pourrait y avoir des risques qui sont x et, dans les
secteurs des soins, il pourrait y avoir des risques qui sont y, et là on pourrait
toucher plus les risques psychosociaux. Comment on dépiste ça? Comment on fait
des démarches de prévention avec ça? Alors, je pense qu'on pourrait axer nos
formations en fonction de risques particuliers de secteurs d'activité. Ça
pourrait être un élément de départ.
M. Boulet : Bien, Luc, en
matière de formation, là, il ne faut pas que ce soit paramétrique, il ne faut
pas que ce soit symétrique, mais plutôt asymétrique puis compatible avec la
réalité de chaque environnement de travail puis, moi, je vous rejoins pas mal là-dessus.
Je veux revenir, un, à prévention, parce
que, tout à l'heure, on disait, on va passer de 25 % à 94 % des
travailleurs protégés, puis, dans le domaine de la santé aussi, là, où il y a
un certain niveau de présence syndicale, là, qui est particulièrement élevé. Mais
les établissements psychiatriques, les résidences pour personnes aînées, on en
a déjà parlé, les établissements communautaires de soins pour personnes âgées,
les services de soins de santé ambulatoires, tout ça, ce n'était pas couvert,
par aucun mécanisme de prévention et de participation des travailleurs, alors
qu'il y a des risques psychosociaux, là, dans ces environnements-là, qui sont
particulièrement importants.
• (11 h 30) •
Un autre point, Luc, bon, la liste des
maladies professionnelles présumée, bon, vous dites, si je vous suis bien, là,
il y a une annexe qui fait partie intégrante de la loi, on devrait laisser la
liste telle quelle, faire notre comité scientifique puis adapter la liste en
fonction des recommandations de ce comité d'experts scientifiques là. Je suis
assez d'accord avec ça, Luc, mais, en même temps, on a quand même profité du
projet de loi n° 59 pour faire une certaine actualisation. Les troubles de
stress post-traumatique… il faut rappeler que 67 % des réclamations de
nature psychologique découlent d'un trouble de stress post-traumatique. Ça fait
qu'il est déjà inclus. Et les neuf cancers qui font unanimité dans les milieux
scientifiques et médicaux, qui touchent particulièrement les pompiers, ils sont
rajoutés.
Puis ce qui n'empêchera pas, selon moi, mais,
Luc… puis je vais être ouvert à des idées, là, mais ce comité de scientifiques
là, à rapidement se pencher sur des liens de causalité entre des maladies. Parce
qu'on a rencontré la FIQ, tout à l'heure, puis ils nous parlaient des troubles
d'adaptation puis des dépressions. Puis, moi, je suis…
11 h 30 (version révisée)
M. Boulet : ...empêchera pas,
selon moi, mais, Luc... puis je vais être ouvert à des idées, là, mais ce
comité de scientifiques là à rapidement se pencher sur des liens de causalité
entre des maladies. Parce qu'on a rencontré la FIQ, tout à l'heure, puis ils nous
parlaient des troubles d'adaptation puis des dépressions. Puis moi, je suis
hyperpréoccupé par ça, puis il va falloir rapidement donner des mandats à ce
comité de scientifiques là pour enrichir la liste des maladies professionnelles
présumée et la rendre évolutive, pour ne pas qu'on se retrouve pogné dans des
blocs de béton pendant 40 ans, comme ce que nous avons vécu dans les
dernières décennies. Mais, Luc, j'ai comme compris que vous dites : Laissez
l'annexe telle quelle, puis adaptons-la plus tard. Est-ce que j'ai bien
compris, Luc?
M. Vachon (Luc) :
Nous, ce qu'on dit, c'est que notre lecture du consensus unanime syndical-patronal
CCTM, c'était oui pour faire passer de l'annexe I à un règlement, mais les
étapes pour y arriver, c'était d'abord la création du comité paritaire, le
comité scientifique qui allait se pencher là-dessus et qui allait faire évoluer
ce règlement-là. Donc, qu'on parte de la situation que nous avons aujourd'hui,
puis qu'elle évolue par la suite, puis que ça deviendra les dispositions du règlement
là-dedans.
Là, ce que vous faites, c'est que vous
appliquez déjà la règle. Le comité n'existe pas encore, le comité paritaire
n'existe pas, le comité scientifique n'existe pas. Dans le fond, on fait un
bout de l'histoire sans avoir établi le mécanisme qui a été déterminé pour
faire ce bout d'histoire là, alors…
M. Boulet : Oui, je comprends
bien, puis évidemment il faut rappeler que le Conseil consultatif du travail et
de la main-d'oeuvre est un organisme paritaire qui nous donne... (panne de son)
…puis des recommandations. Puis il y a beaucoup de consensus des leaders
syndicaux et patronaux qui apparaissent dans le p.l. n° 59,
il y a des consensus qui n'y apparaissent qu'en partie puis il y a des
consensus qui n'y apparaissent pas. Puis il y a eu des arbitrages, moi... Luc,
tu es peut-être un de ceux qui m'a dit : À un moment donné, il faut que le
ministre fasse un arbitrage puis qu'il tranche la poire à quelque part, puis
qu'on prenne des décisions, puis qu'on aille de l'avant. Puis, pour moi, Luc,
ça m'apparaissait un impératif de, minimalement, actualiser la liste actuelle
des maladies professionnelles présumées puis, après ça, se laisser guider par les
scientifiques. Puis l'actualisation, ça passait inéluctablement par l'ajout des
troubles de stress post-traumatique et des neuf cancers, notamment pulmonaires,
pour les pompiers.
C'est un grand pas en avant, ça a été
salué par tous ceux <à qui j'ai eu l'opportunité d'en... >avec qui
j'ai eu l'opportunité d'en discuter. Ce qui ne nous empêchera pas d'aboutir,
peut-être à une vitesse accélérée, à une mise à jour qui sera faite, là, le
plus rapidement possible de cette liste des maladies <professionnelles...
M. Boulet : …à qui j'ai
eu l'opportunité d'en... avec qui j'ai eu l'opportunité d'en discuter. Ce qui
ne nous empêchera pas d'aboutir, peut-être à une vitesse accélérée, à une mise
à jour qui sera faite, là, le plus rapidement possible de cette liste des
maladies >professionnelles présumées. Encore une fois, ce n'est pas parce
que tu n'es pas dans la liste que tu ne peux pas faire accueillir ta
réclamation à la CNESST et bénéficier d'une indemnité de remplacement de
revenu.
Peut-être, dernier point, Luc, votre
opinion sur l'encadrement de l'accommodement raisonnable.
M. Vachon (Luc) :
Bien, écoutez, l'accommodement raisonnable, avec les décisions des tribunaux,
je pense que la loi a, à tout le moins, actualisé des décisions, s'est
actualisée avec la jurisprudence qui s'appliquait. Moi, je pense qu'on peut
difficilement être contre ça, là, je pense qu'on peut difficilement débattre
là-dessus, les tribunaux ont tranché, ont déterminé.
<Là où ça>… Il y a des
secteurs d'activité où ça devient plus difficile, puis la construction en est
un. La construction en est un. Je vous dirais que, quand certaines décisions
ont sorti, des décisions-phares, tant il y a plusieurs secteurs d'activité qui
étaient heureux de voir maintenant la CNESST être soumise à l'application des
dispositions de la charte, comme si c'était dans un cas d'un accident ou d'une
maladie personnelle… par contre, au niveau du secteur de la construction, c'est
la difficulté d'application. À partir du moment où quelqu'un a trois, quatre,
cinq employeurs différents dans une année, n'a pas de droit de rappel, n'a pas
d'ancienneté, bon, comment on applique le devoir d'accommodement, là, à qui on
applique ça puis de quelle façon on applique ça de manière concrète? Puis, si
on l'applique, il va peut-être avoir lieu juste pour la fin du contrat qui est
en cours, puis l'année prochaine, il n'existe plus, là.
Alors, bon, comment… ça fait que ça
devient un peu plus théorique dans certains secteurs d'activité, mais sinon,
c'est une actualisation avec les décisions des tribunaux… (panne de son) …c'est
ce que je vous dirais.
M. Boulet : Merci
beaucoup, Luc et Carl. On aura certainement l'occasion de se reparler. Puis
soyons tous convaincus que ce projet de loi là, il est tout le temps… tous les projets
de loi sont perfectibles. On va travailler véritablement en équipe avec les
collègues du parti gouvernemental, des partis d'opposition, et les leaders
syndicaux et patronaux, et tous les acteurs et partenaires du marché du travail
intéressés à ce qu'on ait un régime de santé-sécurité au Québec qui soit
moderne et le plus bénéfique possible pour nos milieux de travail. Merci,
encore une fois, et à bientôt, Luc et Carl.
M. Vachon (Luc) :
Je ne sais pas s'il nous reste du temps ou si votre temps est épuisé, là, mais…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 30 secondes.
M. Vachon (Luc) :
M. Boulet, vous n'avez pas transformé ça en question sur <l'annexe I…
M. Boulet : …et le plus
bénéfique possible pour nos milieux de travail. Merci, encore une fois, et à
bientôt, Luc et Carl.
M. Vachon (Luc) :
Je ne sais pas s'il nous reste du temps ou si votre temps est épuisé, là, mais…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 30 secondes.
M. Vachon (Luc) :
M. Boulet, vous n'avez pas transformé ça en question sur >l'annexe I.
Le règlement, vous avez dit que ça a fait… vous en avez parlé à beaucoup de
gens. Moi, je suis convaincu qu'en commission parlementaire vous allez voir
plusieurs personnes, <décrier… >plusieurs groupes décrier
plusieurs éléments qui sont institués, là, actuellement, dans le règlement.
C'est une grande transformation. Peut-être qu'il y a des étapes à faire pour
cette grande transformation là qui vont la rendre plus acceptable,
progressivement, et je pense que le consensus du CCTM, avec leur processus plus
étapiste, rend ça plus acceptable, socialement.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Je vous remercie.
M. Boulet : …merci, Luc.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons maintenant avec le député de Nelligan. Vous
disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, monsieur.
Comme vous pouvez le constater, je n'ai pas beaucoup de temps de plus que M. le
ministre, mais je vais commencer là où vous avez terminé. Vous avez dit un mot
qui est extrêmement important, à mon avis, «étapiste». Et je pense, à la fin,
la conclusion que vous venez de nous envoyer, vous faites comme une mise en
garde pour ne pas… Parce que vous avez dit «le paritarisme», vous avez dit «l'acceptabilité
sociale». Selon vous, je vous repose la question, comment on peut s'assurer, en
tant que parlementaires membres de cette commission, que ce projet de loi de la
modernisation va respecter, un, l'acceptabilité sociale, deux, être étapiste?
C'est quoi, les étapes, selon vous, votre regard, le regard de votre
organisation, qu'on doit suivre en tant que parlementaires?
M. Vachon (Luc) :
La première des choses qu'on oublie, là, je pense, parfois, quand on fait des
réformes ou des refontes, c'est de revenir aux éléments essentiels qui étaient
là lorsque ces droits-là ont été établis. Parce que ces principes-là, c'étaient
des principes guides. Ils ne disparaissent pas dans le temps. Quand je vous
parlais du livre blanc de 1978 qui établissait la prise en charge des milieux
de travail, prise en charge du milieu par le milieu, le paritarisme, la
responsabilisation, l'implication des travailleurs dans la prévention, c'était
un principe-phare. Il ne s'est pas matérialisé autant qu'on l'aurait voulu au
fil des années, j'admets, on a consacré beaucoup plus de sous à l'indemnisation
qu'à la prévention.
M. Derraji : Prévention, oui.
C'est très clair. Non, c'est très clair. Donc, vous pensez que le projet de loi
va trop vite, qu'il y a une réelle, je n'aime pas le mot «menace», là, mais
vous voyez que le projet de loi va trop vite, hein? Je vais me limiter à ça.
M. Vachon (Luc) :
J'y vois une dérive des principes fondamentaux du paritarisme, de la prise en
charge du milieu. J'y vois une préoccupation qu'on n'obtienne pas de meilleurs
résultats en matière de prévention qu'on a obtenus. Et le débat va toujours
devenir phare, en termes <d'indemnisation…
M. Vachon (Luc) :
…vois une dérive des principes fondamentaux du paritarisme, de la prise en
charge du milieu. J'y vois une préoccupation qu'on n'obtienne pas de meilleurs
résultats en matière de prévention qu'on a obtenus. Et le débat va toujours
devenir phare, en termes >d'indemnisation. Moins on va être bon en
prévention, plus il va y avoir de débats en indemnisation. Et regardez où on
met la majorité des sommes, et ce n'est pas en prévention puis, ça, le projet
de loi ne nous indique pas que ça va être…
• (11 h 40) •
M. Derraji : Oui. Et vous avez
utilisé une phrase que j'ai bien notée : «L'indemnisation, c'est quand la
prévention a échoué», et ces deux-là ont fait probablement fausse route, et je
vous l'accorde.
Le ministre fait grand cas de la création
du Comité scientifique sur les maladies professionnelles, je pense que vous
l'avez vu, il a même répondu à votre question, tout à l'heure, qui fait écho à
la recommandation 34 de l'avis du comité consultatif, je pense que vous
connaissez très bien ce comité, Comité consultatif sur le travail de la
main-d'oeuvre en 2007. Or, vous nous rappelez dans votre mémoire, c'est la
recommandation, si je ne me trompe pas, 35, que ce même avis n'a pas été retenu
par le ministre. Donc pouvez-vous nous dire quelles sont les répercussions qui
peuvent découler de l'inexistence du comité paritaire de révision
réglementaire?
M. Vachon (Luc) :
Là, je n'ai pas devant moi et pas de mémoire, la recommandation 35, là,
pour être…
M. Derraji : Bien, aucun
problème. En attendant, j'ai une autre question, ce n'est pas grave, mais je
suis très intéressé, même après, que vous nous envoyiez la réponse.
On parlait d'un autre problème, c'est qu'à
plusieurs reprises vous avez soulevé les difficultés auxquelles les
travailleuses et travailleurs devront faire face pour faire valoir le droit à
la réadaptation et à l'indemnisation. Vous parlez beaucoup de la cause… de la
contestation de l'avis du médecin traitant. Il y a le rapport de l'IRSST qui
dénotait que « le Québec est la province canadienne où les avis médicaux sont
les plus contestés au pays et que le système actuel permet aux employeurs de
mettre plus de ressources au volet contestation qu'au volet prévention». C'est
ce que vous soulevez. Et un l'article du Journal de Québec, 20 mai 2019,
rapportait quant à lui que la CNESST n'emploie régulièrement que cinq médecins
experts. De votre expérience, est-ce qu'il y a un problème par rapport aux
demandes d'indemnisation au Québec et, s'il y a un problème, il est où, où on
doit agir?
M. Vachon (Luc) :
Bien, c'est assez… ce qui est sûr, c'est que ça s'est judiciarisé. On a une
augmentation de la judiciarisation, ça, c'est clair. Ce qui a aussi… Comment je
vous dirais? On a déjà parlé de la révision administrative, la révision
administrative devrait être abolie, selon nous, ce qui ferait une étape de
moins, là, parce qu'actuellement il y a une prolongation, il y a un allongement
des délais qui est un peu inutile <là-dedans…
M. Vachon (Luc) :
…
Comment je vous dirais? On a déjà parlé de la révision administrative,
la révision administrative devrait être abolie, selon nous, ce qui ferait une
étape de moins, là, parce qu'actuellement il y a une prolongation, il y a un
allongement des délais qui est un peu inutile >, là-dedans. Ça fait que
ça, c'est une des étapes.
Après ça, bon, écoutez, c'est sûr que s'il
y avait, au niveau de la présomption, dans certains cas, au niveau des maladies
professionnelles, certains éléments qui permettent d'éviter des grands débats,
là, des longs débats juridiques, parce qu'actuellement, ce qui se produit,
c'est vraiment tout le débat juridique pour arriver à faire la reconnaissance
d'une maladie professionnelle… Il y a ça, mais, vous savez, on a… je pense
qu'il y a une judiciarisation très forte, actuellement, encore, puis c'est vrai
dans les lésions professionnelles. Ce n'est pas vrai qu'il y a… On judiciarise
tout le volet au niveau des relations de travail, de plus en plus, et les
lésions professionnelles en font partie. Je pense qu'il faut, là-dessus, qu'on
revienne aussi à certains éléments fondamentaux.
M. Derraji : Oui.
M. Vachon (Luc) :Puis un des éléments importants… la journée où on va oublier,
on va enlever de notre esprit que c'est un régime d'assurance, là, ça va, je pense,
conditionner les réflexions puis les actions de manière différente. Parce qu'un
régime d'assurance, considérer ça comme ça, c'est une belle façon de se
déresponsabiliser, à mon avis.
M. Derraji : C'est très clair,
et le message est bien reçu. Je vais revenir à un autre point, par rapport aux
données et les informations colligées par l'INSPQ sur les lieux d'éclosion de
la COVID, donc aux milieux de travail et, on constate, pas mal dans les
chantiers de construction. Est-ce qu'il s'agit de chantiers d'en bas de 8 millions
ou plus de 8 millions, et comment vous expliquez que les mesures de
prévention assez simples ne puissent pas être suivies de manière adéquate?
M. Vachon (Luc) :
Je vais confier à mon collègue Carl… il va être meilleur que moi pour...
M. Dufour (Carl) : Bonjour.
Pour les chantiers, on parle plus des plus petits chantiers. Les gros chantiers
sont quand même très respectés, les mesures sanitaires sont mises en place.
C'est certain qu'il y a toujours des récalcitrants, mais on le voit plus sur des
plus petits chantiers. Vous comprendrez que le nombre d'employeurs… il y a
beaucoup plus de chantiers de cinq employeurs et moins… de cinq travailleurs et
moins que de 25 et plus. La problématique, elle est là. Les récalcitrants ne
veulent pas réagir… pas beaucoup de visites d'inspecteurs, ça fait qu'ils ont le
beau jeu puis ils attendent d'avoir une visite pour corriger le tir.
C'est pour ça que la construction, on
demande des équipes volantes, pour faire de la prévention, pour mettre plus de
monde sur le terrain pour pouvoir aider les inspecteurs du CNESST et autres,
pour leur donner un coup de main avec des gars de métier qui connaissent le
terrain. La santé et sécurité, c'est leur priorité pour défendre les
travailleurs. C'est important pour que les chantiers soient mis partout sur le
même piédestal.
M. Derraji : Bien, je partage
votre point, parce que nous sommes dans un combat contre la COVID, et c'est
très important, l'éclairage que vous ramenez. Donc, est-ce que vous recommandez
de maintenir le seuil de 8 millions de dollars? Et, si vous pouvez, nous
donner des exemples concrets de chantiers et travailleurs qui seraient moins
bien protégés si l'on passe au <seuil de…
M. Derraji : …votre point,
parce que nous sommes dans un combat contre la COVID, et c'est très important,
l'éclairage que vous ramenez. Donc, est-ce que vous recommandez de maintenir le
seuil de 8
millions de dollars? Et, si vous pouvez, nous donner des
exemples concrets de chantiers et travailleurs qui seraient moins bien protégés
si l'on passe au >seuil de 25 millions de dollars, là, vraiment
pour bien expliquer aux membres de la commission la différence, les chantiers à
8 millions, les chantiers à 25 millions. C'est quoi votre
proposition?
M. Dufour (Carl) : Regardez,
ils parlent du chantier de 8 millions, de l'augmenter à 25 millions
pour l'inflation. Je pense que c'est une erreur. Le secteur de la construction,
M. le ministre en a parlé tantôt, on est le secteur qui est le plus touché
par les décès, année après année. On a un record qu'il faut enlever, il faut
changer. Il faut passer par la prévention. Ça fait que, si on augmente les
chantiers à 25 millions, vous comprendrez qu'il va avoir plus de
travailleurs, moins de supervision puis moins de prévention. Ce qui va arriver :
plus d'accidents, plus de décès. Puis les blessures qu'on a sur les chantiers
de construction, c'est plate, c'est des grosses blessures. Bien souvent, c'est
les plus graves de tous secteurs confondus parce qu'on travaille avec des gros matériaux,
des gros outils, il y a beaucoup de monde en même temps, ça fait qu'il y a une
logistique à avoir. Ça fait que toute la main-d'oeuvre qui va rentrer,
prochainement, dans l'industrie, avec tous les changements réglementaires, vous
comprendrez que c'est très préoccupant pour l'industrie.
Même que les travailleurs, ils vont être
payés par leurs employeurs pour faire la santé-sécurité sur le chantier. On ne
s'en cachera pas, le nerf de la guerre est l'argent. Ils n'auront jamais le
temps de faire de la santé-sécurité, il va y avoir tout le temps d'autres choses
à faire de plus important que de la santé-sécurité. Ça fait que monter les
chantiers à 25 millions, c'est une erreur. On recule au lieu d'avancer. Je
pense que la prévention, c'est le nerf de la guerre pour sauver des accidents.
M. Derraji : Votre message est
très, très, très clair, je vous remercie, que c'est une erreur. <que… >Vous
notez aujourd'hui que de passer de 8 millions à 25 millions, c'est
une erreur, un. Deux, on ne prend pas en considération… On regarde juste ce qui
se passe avec la COVID, je ne pense pas que, si on vous augmente à
25 millions, que vous allez réussir à nous aider à combattre et à diminuer
l'impact de la COVID, qu'on voit maintenant avec des éclosions un peu partout.
Est-ce que…
M. Dufour (Carl) : …
M. Derraji : Oui?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il ne reste que…
M. Dufour (Carl) : J'aurais
voulu vous donner un autre exemple aussi. On a une belle preuve avec la COVID,
avec les récalcitrants qui n'écoutent pas les règles. C'est eux autres même qui
vont remettre l'agent de prévention sur le chantier. Ils vont faire quoi? Ils
vont le tasser. On a une très belle règle. Il a même fallu que M. le
ministre les ramène à l'ordre la semaine passée.
M. Derraji : Ah! moi, je pense
que le ministre doit écouter très bien votre message. Donc, si j'ai bien
compris, vous recommandez le maintien du rôle des agents de sécurité?
M. Dufour (Carl) : Oui, puis
je demande, en plus, d'avoir des équipes volantes pour pouvoir aider, des
équipes qui sont neutres, qui vont aller sur un chantier. S'ils n'ont rien à
dire, ils vont pouvoir passer plus vite, mais le chantier qui a le moins
d'importance, s'ils ont de quoi à dire, ils vont pouvoir rester plus longtemps,
faire de la prévention, avertir qui de droit pour changer, pour que les
travailleurs et travailleuses de l'industrie soient en sécurité sur tous les
chantiers du Québec.
M. Derraji : Est-ce qu'on doit
exiger la même expérience au niveau de la formation?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 17 secondes.
M. Derraji : O.K. Est-ce qu'on
doit exiger la même expérience préalable à la formation exigée aux
représentants en santé et sécurité, selon vous?
M. Dufour (Carl) : Oui,
présentement, la formation est mieux que ce qui est proposé.
M. Derraji : Est-ce que vous
pouvez juste élaborer un peu, avec le temps qui reste?
M. Dufour (Carl) :
Présentement, ils ont trois mois de formation pour être accrédités pour être
formateur, au lieu d'avoir des petites formations qui vont être données à
chaque entreprise, puis, comme je vous le disais — mon confrère, Luc Vachon,
vous l'a dit tantôt — chaque travailleur peut faire plusieurs
compagnies dans <l'année…
M. Dufour (Carl)T :
...
la formation est mieux que ce qui est proposé.
M. Derraji : Est-ce que
vous pouvez juste élaborer un peu, avec le temps qui reste?
M. Dufour (Carl) :
Présentement, ils ont trois mois de formation pour être accrédités pour être
formateur, au lieu d'avoir des petites formations qui vont être données à
chaque entreprise, puis, comme je vous le disais
— mon
confrère, Luc Vachon, vous l'a dit tantôt — chaque travailleur peut
faire plusieurs compagnies dans >l'année, il n'y a aucune sécurité
d'emploi. Un employeur peut faire cinq chantiers dans la même semaine. Comment
qu'il peut faire la prévention sur un chantier s'il est là, à tous les jours,
sur un chantier différent? Je trouve que c'est assez important que, sur un
chantier de 8 millions, que la personne soit sur place à la journée un
pour pouvoir suivre l'évolution des travaux, pour que la prévention soit faite
sur le chantier, de A à Z pour les travailleurs, en santé et en sécurité.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Derraji : Je tiens à vous
remercier. Sérieusement, là, vous venez de nous ramener beaucoup de points sur
les chantiers de construction, et je vous remercie. Merci beaucoup pour votre
présence, messieurs.
M. Dufour (Carl) : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous
disposez de 2 min 45 s. C'est vite passé.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, messieurs. J'aurais deux sujets que j'aimerais aborder
avec vous si le temps nous le permet. Le premier, c'est le programme maternité
sans danger. Vous avez plusieurs recommandations dans votre mémoire. Ça a été
un sujet qui a été abordé abondamment hier, un peu ce matin aussi.
Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, le ministre semble vouloir défaire
cette perception-là qui s'est construite dans les dernières semaines qu'il y
aurait un problème, qu'il n'y aurait plus la prépondérance du médecin traitant,
que ce serait très restrictif, le protocole, et non plutôt un guide. Est-ce
que, vous, vous êtes rassurés par ce que vous avez entendu du ministre à ce
sujet-là depuis hier?
M. Vachon (Luc) :
Bien, écoutez, dans nos recommandations à nous... Parce que la lecture de
l'article qu'on fait... Je pense qu'elle pourrait gagner à être écrite
différemment, c'est-à-dire qu'on semble mettre le médecin traitant comme au
deuxième tour, parce qu'on dit «le certificat peut aussi être.» Je pense, à
partir du moment où on inverserait les deux phrases de l'article puis on
mettrait que c'est le médecin traitant mais que ça peut aussi être à partir du
moment où il y a un protecteur, on viendrait de régler le débat de la priorité.
L'autre chose...
• (11 h 50) •
M. Leduc : Donc, un amendement
est à prévoir là-dessus, là, ça serait nécessaire, un amendement?
M. Vachon (Luc) :
Bien, c'est dans le mémoire, d'ailleurs, qu'on a déposé, puis je pense que cela
réglerait la perception de la priorisation, là. <c'est... >
Et là on est dans le cadre du protocole.
Ce que j'ai compris aussi, c'est que, dans le deuxième article, à partir du
moment où ça ne fait pas partie d'un protocole, le médecin doit consulter le médecin
qui est en charge de la santé-sécurité ou la Direction de la santé publique
doit consulter mais il n'est pas lié par opinion de cette consultation-là, il
peut décider, lui, qu'il applique la règle. Nous, c'est la lecture qu'on en a.
Ça fait qu'à partir du moment où on a la bonne lecture... si on n'a pas la
bonne lecture, qu'on nous le dise, mais la lecture que nous avons actuellement,
c'est celle-là, là.
M. Leduc : Il me reste très
peu de temps. J'ai remarqué que vous avez fait plusieurs demandes, plusieurs
suggestions en matière de révision des catégories de risque. Il y aura lieu
d'en <débattre en...
M. Vachon (Luc) :
…
Ça fait qu'à partir du moment où on a la bonne lecture... si on n'a pas
la bonne lecture, qu'on nous le dise, mais la lecture que nous avons
actuellement, c'est celle-là, là.
M. Leduc : Il me reste très
peu de temps. J'ai remarqué que vous avez fait plusieurs demandes, plusieurs
suggestions en matière de révision des catégories de risque. Il y aura lieu
d'en >débattre en étude détaillée. Je voulais savoir, est-ce que les
suggestions assez pointues que vous faites, c'est un choix stratégique ou, dans
le fond, ce que vous auriez préféré, c'est qu'on abolisse les catégories de
risque et que tout le monde ait accès à tous les mécanismes de la même manière?
M. Vachon (Luc) :
Écoutez, je pense qu'il y a des zones de compromis qui doivent être faites. De
vouloir mettre… Qu'on couvre l'ensemble des milieux de travail, c'est une bonne
chose. Le débat n'est pas forcément que tous les milieux ont tous les mêmes
niveaux de risque puis que tout le monde devrait avoir tous les mécanismes au
complet de la même façon. Notre débat n'est pas là. Le débat n'est pas là. <Notre
débat était… >On pense qu'il y a un travail à faire au niveau de la
détermination du niveau de risque actuel qui… Étrangement, je vais vous dire,
il y a toujours du nivellement vers le bas, il n'y a jamais de nivellement vers
le haut, là, O.K.?
L'autre bout, on a une réduction du comité
de santé et sécurité, réduction du représentant en santé et sécurité et, dans
certains cas, je l'ai mentionné, une réduction qui le rend, à toutes fins
pratiques, inopérant. Bon, ceci étant…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
M. Vachon (Luc) :…une fois que ça serait corrigé, qu'on établisse des niveaux de
risque <puis qu'on… >à partir de ces balises-là, je pense qu'on
peut le considérer. Il y a des milieux de travail où le degré va faire que ça
fait une rencontre de comité par mois, puis d'autres une rencontre aux trois
mois va être suffisante, et on vit avec ça, cet aspect-là, puis ce n'est pas du
mur-à-mur non plus.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous donnons maintenant la parole au député de Bonaventure. Vous
disposez de 2 min 45 sec.
M. Roy
: Ce n'est
vraiment pas assez, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Dufour et Vachon. Écoutez,
j'ai vu la stupéfaction, votre stupéfaction, dans votre mémoire, là, vous dites
«reculs odieux et risqués», page 31, vous êtes consternés, etc. Juste une
citation de François Vaudreuil, votre président, fin septembre 2000, par
rapport à la Loi sur la santé et sécurité au travail : «Pour les
travailleurs et travailleuses, c'était l'assurance de pouvoir disposer d'un
minimum de protection dont aucune négociation, aucun employeur ne pourrait les
déposséder.» À la lumière de ce qui est proposé dans le projet de loi n° 59, là, est-ce qu'on s'en va vers une dépossession de la
protection de la santé et de la sécurité des travailleurs au Québec?
M. Vachon (Luc) :
Je vais le prendre autrement, O.K., parce que moi, j'ai toujours cru que de
travailler dans un milieu qui ne met pas ta santé puis ta vie en danger, là, ce
n'était pas un privilège, c'était un droit, bon, et j'y crois encore.
À l'heure actuelle, on a des règles, dans
les groupes prioritaires, qui font que, s'il n'y a pas d'entente, par exemple,
il y a un nombre d'heures, ou il y a une fréquence, ou il y a une composition,
dans la quasi-totalité des cas, là, dans la quasi-totalité des cas, les
employeurs se rabattent sur les minimums qui sont déterminés par la loi puis
ils considèrent comme mission accomplie... Réduisons ça puis pensons que la
négociation va nous amener plus <loin…
M. Vachon (Luc) :
…il y a un nombre d'heures, ou il y a une fréquence, ou il y a une composition,
dans la quasi-totalité des cas, là, dans la quasi-totalité des cas, les
employeurs se rabattent sur les minimums qui sont déterminés par la loi puis
ils considèrent comme mission accomplie... Réduisons ça puis pensons que la
négociation va nous amener plus >loin.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas certains
milieux où on va plus loin, c'est vrai, mais, quand on arrive à négocier la
prévention, là, c'est parce qu'on a passé l'ensemble des autres conditions de
travail, puis c'est à peu près le dernier élément qui vient en bout de ligne, la
négociation, O.K., alors… Puis on va faire ça dans des milieux de travail,
prenons les PME, actuellement — puis le tissu manufacturier ou le
tissu entrepreneurial au Québec est grandement constitué de PME — on
va mettre ça relié au rapport de force, alors que, dans des cas, ils ont déjà
des enjeux salariaux, des enjeux de conditions, d'avantages sociaux, des enjeux
de protection de vie personnelle, puis on va mettre ça, l'exercice de
négociation ou le rapport de force… ou sinon on va le mettre dans l'enveloppe
monétaire en négociation, puis ça va devenir les travailleurs qui vont se payer
la santé-sécurité parce qu'ils vont faire des concessions. C'est là qu'on va… Si
c'est ça, le voyage, on ne sera pas de la partie, c'est clair.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Roy
: Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, M. Vachon, merci, M. Dufour, pour votre contribution à la
commission.
Compte tenu de l'heure, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 55)
14 h (version révisée)
(Reprise à 14 h 1)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour et bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. La commission
est réunie virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières et
auditions publiques du projet de loi n° 59, Loi modernisant
le régime de santé et de sécurité au travail.
Cet après-midi, nous entendrons les
groupes suivants : l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés,
l'Équipe SST, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et la Fédération des
chambres de commerce du Québec.
Nous souhaitons immédiatement la bienvenue
aux représentantes de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.
Mesdames, vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous
commencerons la période d'échange. Avant, je vous inviterais de bien vous présenter,
et ensuite vous pourrez immédiatement poursuivre pour commencer votre exposé.
Mme Poirier (Manon) :
Merci. Bonjour. Manon Poirier, CRHA, directrice générale de l'Ordre des
conseillers en ressources humaines agréés. Et je suis accompagnée cet
après-midi de ma collègue Me Janie-Pier Joyal, CRIA, de la firme Monette
Barakett.
Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les
députés, mesdames messieurs, tout d'abord, quelques mots sur l'ordre. L'ordre
compte 11 000 professionnels agréés CRHA, conseillers en ressources
humaines agréés, et CRIA, conseillers en relations industrielles agréés. À
l'instar des autres ordres au Québec, notre mission, bien sûr, est de protéger
le public. Un des domaines de pratique des CHRA, CRIA est bien sûr la santé et
sécurité au travail, d'où notre intérêt pour ce projet de loi.
Tout d'abord, nous tenons à saluer la
volonté du ministre Boulet de moderniser les lois en santé et sécurité. Et, à
part quelques exceptions, de façon générale, l'ordre accueille favorablement ce
projet de loi là mais a des réserves quand même assez importantes sur leur
applicabilité. En fait, pour nous, le test véritable de la volonté du
gouvernement de moderniser tout le régime de santé et sécurité au travail va
vraiment résider dans les efforts qui seront déployés rapidement et
efficacement pour vraiment soutenir l'ensemble des intervenants impliqués en
santé et sécurité au Québec.
Nos recommandations qu'on a faites dans le
mémoire qui a été déposé devant vous a vraiment été fait en cohérence avec
notre mission, bien sûr, de protection du public et notre souci constant de
trouver l'équilibre entre le mieux-être des employés et la performance des
organisations. Je vais profiter des quelques minutes dont je dispose pour
peut-être attirer votre attention sur certains <points...
Mme Poirier (Manon) :
...
recommandations qu'on a faites dans le mémoire qui a été déposé
devant vous a vraiment été fait en cohérence avec notre mission, bien sûr, de
protection du public et notre souci constant de trouver l'équilibre entre le
mieux-être des employés et la performance des organisations. Je vais profiter
des quelques minutes dont je dispose pour peut-être attirer votre attention sur
certains >points qu'on juge particulièrement importants du projet de loi.
On a été heureux de voir qu'on élargissait
les mécanismes de prévention et de participation des travailleurs à la grande majorité
des entreprises au Québec. Pour nous, ça fait partie, bien sûr, d'une gestion
proactive de la santé et sécurité, et c'est vraiment au bénéfice de tout le
monde. On est par ailleurs assez conscients de l'ampleur des défis qu'attendent
les petites organisations, qui ne sont souvent pas outillées, informées et même
parfois sensibilisées à la question de la santé et sécurité au travail, et
vraiment l'importance de soutenir ces organisations-là. Sinon, il y a fort à
parier qu'au terme du délai qui leur est imparti certaines n'auront pas mis en
place les mécanismes de participation ou ne l'auront peut-être pas fait dans
les règles de l'art.
Puis on peut prendre, par exemple,
certains changements qui ont été amenés par les législations dans le milieu du
travail. On se souvient quand même tous des nombreuses itérations et des délais
au niveau de l'équité salariale. Plus récemment, en fait, depuis le
1er janvier 2019, l'ensemble des organisations au Québec, peu importe
leur taille, doivent avoir une politique de prévention en matière de
harcèlement. Je vous affirme que, deux ans plus tard, ce n'est pas le cas dans
toutes les organisations qui n'ont pas nécessairement de ressources
spécialisées en ressources humaines, donc on n'a pas nécessairement mis de
l'avant la politique diffusée ou, bien sûr, formé les employés.
Donc, ces exemples-là, quand même récents,
qui étaient dans les milieux de travail, font craindre peut-être, là, que
certaines organisations qui n'ont pas les moyens, les outils, l'expertise ne
pourront pas rencontrer les obligations, et ultimement, bien, si c'est le cas,
les travailleurs ne seront pas mieux protégés qu'ils ne le sont présentement, et
on va exposer ces organisations-là, même si elles sont de bonne foi, souvent, à
des amendes. Donc, préoccupation par rapport à l'exécution de tout ça.
Peut-être un petit mot sur la
classification. Je sais que vous l'avez entendu de plusieurs personnes qui se
sont présentées devant vous depuis hier. C'est sûr qu'il y a certaines
incongruités pour nous sur le niveau de risque de certains secteurs, et l'exemple
le plus probant est le domaine de la santé et services sociaux, bien sûr. Pour
nous, ce serait important qu'on trouve une mécanique qui évalue le niveau de
risque, mais qui inclut l'ensemble des risques, notamment les risques
psychosociaux. Donc, on va demander aux organisations de les identifier, de les
analyser, alors il faudrait trouver une mécanique dans l'évaluation des risques...
on puisse aussi tenir en compte les risques psychosociaux.
Justement, puisqu'on parle de cette
nouveauté-là, bien sûr qu'on accueille favorablement parce que la santé
psychologique est vraiment une préoccupation des CRHA, CRIA depuis longtemps,
avant la pandémie, mais, bien sûr, la dernière année a ramené cette crainte-là
ou cette préoccupation-là au niveau des préoccupations. Donc, on trouve tout à
fait adéquat que les organisations aient à identifier des risques
psychosociaux.
On inviterait, toutefois, le gouvernement
à venir clarifier son intention. Pour le moment, ce n'est pas clair jusqu'où <le
gouvernement... où >les organisations doivent aller dans
l'identification des risques sociaux. Est-ce qu'on reste vraiment au <niveau...
Mme Poirier (Manon) :
…donc,
on trouve tout à fait adéquat que les organisations aient à
identifier des risques psychosociaux.
On inviterait, toutefois, le
gouvernement à venir clarifier son intention. Pour le moment, ce n'est pas
clair jusqu'où le gouvernement... où les organisations doivent aller dans
l'identification des risques sociaux. Est-ce qu'on reste vraiment au >niveau
de la violence, au niveau choc post-traumatique, du harcèlement ou on va plus
large, comme le font souvent les CRHA, CRIA dans les organisations? Ils vont
regarder l'ensemble des risques psychosociaux. On parle notamment des pratiques
de gestion, de la charge de travail et de la reconnaissance.
Donc, une fois que le gouvernement aura
clarifié son intention, ça va être absolument, absolument impératif qu'on guide
les organisations vers des outils. Il y en a certains qui existent déjà, qui
sont vraiment validés par la science. Sinon, on craint des dérapages au sein
des organisations, et surtout il serait dommage que les comités de santé et de
sécurité, par exemple, travaillent à l'identification de risques et des façons
de l'adresser, des risques psychosociaux qui n'ont vraiment aucun impact sur la
santé psychologique, et ça, la recherche peut vraiment nous aider. Donc, ça va
être important de guider vers les bons outils et aussi de trouver une façon de
permettre d'avoir, par exemple, par des subventions aux petites organisations
qui n'ont pas les ressources spécialisées, d'avoir accès à des professionnels
compétents comme les CRHA, CRIA.
Un mot sur le programme Pour une maternité
sans danger. On trouve intéressant qu'il y ait un protocole uniforme à travers
la province. Je pense que plusieurs employeurs vous diraient qu'il y a… des
employés dans toutes les régions vous diraient qu'ils constataient les iniquités
d'une région à l'autre. Donc, ça, c'est une bonne chose. Mais, au niveau du
programme, c'est absolument impératif, pour nous, c'est un programme qu'il faut
préserver, et il est absolument précieux. Toutefois, il y a quand même des
constats qu'on fait sur une certaine culture du retrait préventif dans certains
secteurs, et on ne pense pas que la société gagne à ces retraits plus
automatiques ou sa culture des retraits préventifs, pour la travailleuse, en
premier, donc au niveau de l'impact sur la carrière, sur son retour en emploi,
pour les employeurs, bien sûr, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre qui
n'a pas disparu, là, dans plusieurs secteurs, de garder les compétences.
Donc, on inviterait le gouvernement, avec
tous les acteurs concernés, à réfléchir encore davantage à ce qu'on peut faire
pour le programme maternité sans danger pour favoriser cette assignation
temporaire là et de ne pas retirer la travailleuse. Bien sûr, s'il y a des
risques, c'est absolument clair, mais il y a certainement des choses qu'on peut
faire, notamment quelques idées : Est-ce que la Santé publique publique
pourrait aider les employeurs en amont, vraiment, à identifier des opportunités
d'assignation temporaire qui sont vraiment claires et définies, donc, on n'est
pas pris au dépourvu, on a déjà quelque chose de clair en place, ou encore, si
on veut vraiment être audacieux si, vraiment, l'assignation temporaire est
impossible chez l'employeur, pourquoi ne pas considérer une assignation chez un
autre employeur? Je pense notamment aux organismes communautaires et bénévoles
qui accueilleraient volontiers une main-d'oeuvre qualifiée, engagée et
offriraient des mandats vraiment intéressants pour les travailleuses enceintes.
Quelques mots sur la période de recherche
d'emploi. Donc, on le sait, au Québec, c'est 52 semaines, dans les autres
provinces, on voit entre 12 et 16 semaines. Là, on ne recommande pas nécessairement
de réduire la période d'un an parce que, dans certains <cas…
Mme Poirier (Manon) :
…vraiment
intéressants pour les travailleuses enceintes.
Quelques mots sur la période de
recherche d'emploi. Donc, on le sait, au
Québec, c'est 52 semaines, dans
les autres provinces, on voit entre 12 et 16 semaines. Là, on ne recommande pas
nécessairement de réduire la période d'un an parce que, dans certains
>cas où des lésions sont importantes, la période est nécessaire, mais il
faut absolument que cette période de recherche d'emploi soit mieux encadrée.
Donc, pour l'instant, l'accompagnement est volontaire. Pour nous, on devrait l'encourager
davantage et même la rendre obligatoire après un certain moment, si la personne
ne s'est pas trouvé un emploi. L'idée de cette recommandation-là, c'est vraiment
d'accompagner ceux qui veulent se chercher un emploi, qui veulent le trouver,
mais peut-être de ne pas permettre la pleine générosité du régime à des gens
qui ne font pas les efforts minimaux pour se trouver un emploi.
• (14 h 10) •
Il y a certaines préoccupations par
rapport à la restriction de la possibilité de partage de coûts pour une
condition préexistante. Bien sûr, vous entendrez certains qui vont soulever l'aspect
financier d'imputation pour les employeurs, de ne pas pouvoir partager ces coûts-là,
qui est une préoccupation qui est valide, selon nous. Par ailleurs, une autre
préoccupation qu'on a, c'est que ça nous fait craindre que, parfois, chez
certains employeurs, ça mène à un réflexe d'avoir plus de tests de préembauche,
plus de tests médicaux, et ça pourrait un peu porter atteinte à l'employabilité
de certains groupes de travailleurs.
Donc, pour conclure, on inviterait
peut-être, dans les prochaines semaines, prochains mois, le gouvernement, les
partis de l'opposition à relire les projets de loi en regardant... voir s'il n'y
aurait pas une opportunité de hausser aussi le niveau de collaboration de tous
les intervenants. Donc, est-ce qu'on peut moderniser mais aussi faire autrement
sur le terrain, avoir plus de collaboration entre les travailleurs, les
employeurs, les syndicats, les médecins traitants, les CRHA, les CRIA?
Je vous le disais d'entrée de jeu,
vraiment, pour nous, l'enjeu fondamental de cette modernisation, c'est son
application dans les milieux, c'est le soutien que le gouvernement va pouvoir
offrir, la formation de l'ensemble des intervenants. Il ne faut pas qu'il y ait
un écart entre la théorie, les mots dans une loi et la pratique, celui sur le
terrain. Donc, c'est comme ça qu'on va vraiment avoir des impacts réels, et
changer, et vraiment moderniser notre régime. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour votre exposé. Alors, nous allons débuter la période d'échange avec
le ministre. Vous disposez de 16 minutes… et 30 secondes, pardon,
16 m 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. D'abord, j'aimerais remercier Manon et Jani-Pier pour la
présentation, la qualité du mémoire. Des conseillers en ressources humaines
agréés, évidemment, c'est un ordre que je connais bien. Ce qui est intéressant
en plus, Manon, c'est que vous venez, vous donnez une opinion, vous faites des
recommandations, puis c'est sans avoir un intérêt spécifique parce que vous
n'êtes pas un intervenant dans les milieux de travail, et moi, je trouve que ça
enrichit la réflexion de la commission parlementaire. Vous n'êtes ni une
association patronale ni une association syndicale. Vous faites énormément de <formation…
M. Boulet : …opinion, vous
faites des recommandations, puis c'est sans avoir un intérêt spécifique parce
que vous n'êtes pas un intervenant dans les milieux de travail, et moi, je
trouve que ça enrichit la réflexion de la commission parlementaire. Vous n'êtes
ni une association patronale ni une association syndicale. Vous faites
énormément de >formation, puis ça, je trouve ça hyperbénéfique pour
l'ensemble des membres de la commission. Que vous prêchiez l'importance de la
collaboration, on est totalement d'accord. Que vous prêchiez en faveur d'une
augmentation de l'information et de la formation des intervenants, je suis
totalement d'accord. Vous allez donc jouer un rôle qui est central dans la mise
en place de cette nouvelle modernisation.
Puis j'ai senti, Manon, que souvent vous
référez aux petites organisations. Puis il ne faut jamais omettre l'importance
des PME puis des PMO au Québec. C'est le moteur de notre économie, puis on a
besoin d'être un grand accompagnateur de ces organisations-là. Puis, tu sais,
c'est… on parle de violence conjugale ou familiale comme on a parlé de
harcèlement psychologique et sexuel, puis, tu sais, on demande maintenant une
obligation de prévenir, puis on doit mettre en place une politique en matière
de harcèlement, puis les entreprises ont besoin d'accompagnement, de personnes
qui sont spécialisées en la matière.
Avez-vous des statistiques, Manon, sur le
pourcentage peut-être auprès de vos membres, des entreprises, au Québec, qui
ont déjà adopté une politique en matière de harcèlement psychologique et
sexuel?
Mme Poirier (Manon) :
Je n'ai pas, malheureusement, M. le ministre, de statistiques sur l'ensemble
des employeurs, au Québec, qui ont une politique ou pas. On a quelques
informations qui nous disent clairement ce que j'ai affirmé, que ce n'est pas
toutes les organisations au Québec. Mais, de façon scientifique, avec le
portrait précis, je n'ai malheureusement pas de statistiques aujourd'hui à vous
offrir.
M. Boulet : J'ai le même écho.
Pour les risques psychosociaux, je vais tenter d'être clair, Manon. J'ai
beaucoup apprécié vos commentaires, puis, quand on parle d'identifier pour
mieux contrôler et éliminer des risques, notamment les risques psychosociaux,
c'est entendu dans son sens large, c'est tous les risques qui peuvent avoir un
impact sur la santé psychologique. Et vous référiez, notamment, à la charge de
travail et aux pratiques de gestion. La réponse, c'est oui, ça fait partie du
mandat que les intervenants vont devoir assumer. Si on veut diminuer la
fréquence puis la gravité des lésions de nature psychologique, ça m'apparaît
évident.
Le PMSD, je voyais, Manon… puis je pense
que l'iniquité à laquelle vous référiez, le protocole vise à combler ça, qu'il
y ait au moins un guide de référence de connaissances scientifiques au Québec
auquel les médecins peuvent se rattacher, en tenant compte, bien <sûr…
M. Boulet : ...je voyais, Manon…
puis je pense que l'iniquité à laquelle vous référiez, le protocole vise à
combler ça, qu'il y ait au moins un guide de référence de connaissances
scientifiques au Québec auquel les médecins peuvent se rattacher, en tenant
compte, bien >sûr, des spécificités et des particularités de la femme
qui est enceinte.
Quand vous dites, bon : Pour moi, une
demande de retrait préventif, c'est comme une demande... l'équivalent d'une
demande de réaffectation ou d'être assignée temporairement à un autre travail,
pourquoi vous... J'aimerais ça, que vous mettiez un peu plus de contenu à votre
déclaration à l'effet qu'il y aurait une culture de retrait préventif au Québec,
comme s'il y avait des retraits préventifs... Je vous laisser aller, Manon.
Mme Poirier (Manon) :
Oui. Bien, en fait, c'est le constat qu'on fait, c'est le constat que nos
membres font au sein des organisations, dans certains secteurs, et ça peut...
dans certains secteurs, c'est vraiment plus un retrait automatique. Le secteur
des garderies en est un, bien évidemment, et, des fois, l'organisation aurait
des opportunités d'emploi autres à fournir. Donc, ça vient... Je vous dirais
que c'est le constat qu'on fait, que ce n'est pas des exceptions, sinon, on ne
l'aurait pas souligné, qu'effectivement tant de... Parfois, ça vient à la fois
des employeurs, qui se disent : Bon, bien là, écoutez, je ne le sais pas
trop, je n'ai pas d'assignation temporaire. Je suis une petite organisation, je
n'ai pas tant de... ça va être vraiment bien du trouble de trouver une
assignation temporaire. Donc, ils ne font pas nécessairement les efforts
requis. Il y a parfois des employeurs qui ont identifié, qui ont des tâches, et
tout ça, et là, bien, à ce moment-là, la travailleuse enceinte a l'impression
qu'elle est traitée de façon inéquitable parce qu'il y a certains risques à son
travail, puis donc on lui demande de faire d'autres tâches.
Donc, il y a... je pense qu'il y a une
certaine... dans certains milieux, nécessairement, il y a un certain
automatisme, et, pour nous, ce n'est pas souhaitable parce qu'il y a encore des
écarts au niveau de la place des femmes sur le marché du travail. Et une des
raisons qu'on sait, c'est les arrêts pour les congés de maternité. Ça fait
qu'imaginez, quand on parle en plus de la période du retrait préventif et qu'on
est à plus de deux ans, la personne, elle n'est pas dans les milieux de
travail... On n'est pas capables d'avoir une boule de cristal puis de dire à la
travailleuse : Bien, ce deux ans-là ou le quatre ans, si tu as deux
enfants, où tu vas être retirée, bien, ça va avoir un impact, possiblement, sur
ta carrière, on n'est pas capables, nécessairement, de leur donner cette boule
de cristal là, mais c'est vraiment le cas.
Alors, pourquoi ne pas trouver, aider,
outiller les employeurs, peut-être changer le vocabulaire au niveau de retrait
préventif, parler... des fois, le vocabulaire, ça change, parler justement
d'assignation temporaire. Jamais, jamais on ne conseillerait de maintenir une
travailleuse s'il y a un enjeu de sécurité et de santé, ça, c'est très, très
clair, mais il y a vraiment des opportunités dans les milieux de travail, il
faut aider les employeurs à les voir. Les petits employeurs, c'est compliqué,
et d'où l'idée audacieuse d'aller au-delà de sa propre organisation pour une
assignation temporaire.
Mais ce n'est pas un cas unique, ce n'est
pas une anecdote, c'est vraiment un constat qu'on nous ramène très, très
souvent.
M. Boulet : J'ai souvent la
même perception. C'est que, le retrait préventif, <on...
Mme Poirier
(Manon) :
...d'aller au-delà de sa propre organisation
pour une assignation temporaire.
Mais ce n'est pas un cas unique, ce n'est
pas une anecdote, c'est vraiment un constat qu'on nous ramène très, très
souvent.
M. Boulet : J'ai souvent la
même perception. C'est que, le retrait préventif, >on... puis ce n'est
pas rien que du côté des employeurs, mais souvent du côté des travailleuses, on
n'a pas l'impression qu'on peut être réaffectés. En retrait préventif, tu ne
travailles plus. Puis, Me Joyal, vous en avez sûrement à votre bureau chez
Monette Barakett, il y a cette perception-là qu'il faut corriger. Puis il va certainement
falloir, Manon, trouver des stratégies pour mieux faire comprendre cette
réalité-là. Ce n'est pas parce que tu es dans un environnement spécifique qui
justifie un retrait préventif que tu ne peux pas être réaffectée ailleurs puis
continuer de faire une activité qui est bénéfique pour toi et qui l'est aussi
pour... en tenant compte de ton état de grossesse.
Manon, super, pour l'année de recherche
d'emploi. D'ailleurs, on... Je ne sais pas si vous avez vu, puis je suis convaincu...
l'étude de Morneau Shepell à laquelle faisait référence le Conseil
du patronat, dans l'année de recherche d'emploi, dans les autres
provinces au Canada, le retour dans un emploi convenable ou ailleurs sur le marché
du travail se faisait dans les quatre premiers mois de cette année-là, puis
ici, au Québec, c'est dans le dernier mois. Et donc la personne reçoit ses
indemnités de remplacement de revenu, puis il n'y a pas d'incitatif à revenir
au travail. Ça fait que ça coûte cher au régime, et ça, ce que vous soulignez,
Manon, c'est certainement un des moyens privilégiés pour réduire les coûts de
notre régime.
Mme Poirier (Manon) :
Oui, tout à fait, les coûts, puis donc... parce que les statistiques sont bien
parlantes, vous l'avez mis de l'avant, donc les coûts sur le régime, puis aussi,
bon, les gens, un an sans emploi aussi, ça a un impact aussi sur leurs
compétences, sur leurs habiletés aussi, sur leur état de santé, donc il faut absolument
l'encadrer davantage.
Donc, rendre l'accompagnement obligatoire,
pour nous, est un des moyens de le faire. C'est sûr qu'on pourrait imaginer... Je
sais que d'autres provinces, donc, déterminent la période de recherche d'emploi
probablement selon la situation du travailleur, ses lésions, ses restrictions.
Pour nous, ça demanderait un changement plus fondamental de notre régime, hein?
• (14 h 20) •
Donc, on sentait que la piste de l'accompagnement...
et aussi peut-être de pouvoir signifier. Donc, la personne qui accompagne le
travailleur, s'il ne voit pas les efforts minimums, bien, puisse aller jusqu'à
proposer soit une réduction du nombre de semaines ou encore du pourcentage de
l'indemnité qui est donnée. Encore une fois, ce n'est pas pour léser les gens
qui sont de bonne foi, qui avaient vraiment des difficultés à trouver quelque
chose, mais il y a un minimum d'efforts qui doivent être faits. Et c'est quand
même intrigant, les statistiques que vous avez partagées.
M. Boulet : ...étant de
revenir dans le marché du travail le plus promptement possible, un peu comme
l'accès à la réadaptation avant la date de consolidation : plus vite on
revient, moins les risques de chronicisation sont élevés.
L'obligation d'accommodement... puis je
lisais avec intérêt... bon, puis, Me Joyal, vous connaissez l'arrêt Caron, <l'obligation...
M. Boulet : …à la
réadaptation avant la date de consolidation : plus vite on revient, moins
les risques de chronicisation sont élevés.
L'obligation d'accommodement, puis je
lisais avec intérêt... bon, puis, Me Joyal, vous connaissez l'arrêt Caron,
>l'obligation d'accommodement, quelqu'un qui a une lésion
professionnelle, bon, on associe ça à la notion de handicap qui est interprétée
très largement, celle qui apparaît dans la Charte des droits et libertés de la
personne, puis vous vous posez des questions sur… Tu sais, avant, il y avait
une jurisprudence qui disait que …(, c'était l'accommodement législatif de
LATMP. Maintenant, on va bien au-delà de ça, notamment depuis l'arrêt Caron.
Mais vous remettiez en question, puis je partage assez ça, là. C'est sûr qu'il
va y avoir des nouvelles habitudes à développer à la CNESST pour déterminer si
c'est un emploi qui respecte le devoir d'accommodement de l'employeur puis
aussi déterminer s'il y a une contrainte excessive. Je pense que ça, ça va
faire partie de l'espèce de transition ou de pont que va devoir traverser, là,
les personnes de la CNESST qui vont être impliquées dans ce processus-là.
La notion de handicap préexistant, Manon,
vous dites : Ça va peut-être diminuer l'employabilité des personnes parce
que les employeurs vont faire plus de tests préembauche. Puis, ce matin, bon,
vous avez peut-être entendu la Commission des droits de
la personne puis, bon, vous connaissez aussi l'état du droit. Il faut faire
une offre d'embauche d'abord qui est conditionnelle à la passation d'un examen
médical préembauche. Est-ce qu'il ne risque pas d'y avoir un clash ou un
conflit? J'aimerais ça, vous entendre, Manon, là-dessus.
Mme Poirier (Manon) :
En fait, notre propos par rapport à la limitation du partage de coûts, c'est ce
que vous évoquez. C'est que certains employeurs, bien sûr pas tous, pourraient
se dire : Bien, donc, si je ne peux pas partager les coûts et la personne
a une condition préexistante, peut-être qu'il y aurait une tentation d'aller
faire plus de tests préembauche. Donc, c'était notre préoccupation, et on
pensait, bien sûr, à certaines catégories de travailleurs là-dedans.
Donc, la proposition de la Commission des
droits de la personne, ce matin, Philippe-André qui vous partageait ça, en
fait, pour nous, ce sont les bonnes pratiques déjà. Donc, pour nous, on a… notre
recommandation au CRHA-CRIA, c'est qu'on ne peut pas faire passer de test s'il
n'y a pas déjà une offre d'emploi qui est conditionnelle, bien sûr, si on
justifie que, le test, il y a un lien avec… Donc, la condition a un lien avec
l'emploi, bien sûr, parce que ça vient un peu filtrer.
La difficulté, quand les employeurs le
font trop en amont du processus, c'est que c'est plus difficile pour la
personne de venir faire… de se dire : Bien, est-ce qu'on m'a mis de côté à
cause de ma condition de santé ou pour d'autres raisons? Et les employeurs pourront
alléguer le manque d'expérience, une carence au niveau académique, peu importe,
alors c'est beaucoup moins clair. Tandis que, là, si on le fait à un moment où
il y a une offre d'emploi, donc on n'a pas évalué le <candidat…
Mme Poirier (Manon) :
...de se dire :
Bien, est-ce qu'on m'a mis de côté à cause de ma
condition de santé ou pour d'autres raisons? Et les employeurs pourront
alléguer le manque d'expérience, une carence au niveau académique, peu importe,
alors c'est beaucoup moins clair. Tandis que, là, si on le fait à un moment où
il y a une offre d'emploi, donc on n'a pas évalué le >candidat en
fonction de sa condition de santé, là, donc on n'a pas été biaisés par ça dans
notre appréciation du candidat et on le fait conditionnel quand il y a un lien,
bien sûr, avec l'emploi, et donc, à ce moment-là, si jamais un employeur décide
de ne pas embaucher pour une condition qui existe sur la santé de la personne,
bien, on pourrait challenger si effectivement il y a un lien avec l'emploi.
Donc, c'est une pratique que nous, de toute façon, on recommande. Bien sûr, on
appuierait la Commission des droits de la personne en ce sens-là.
Janie-Pier, est-ce que tu voulais
compléter?
Mme Joyal-Villiard (Janie-Pier) :
Si je peux me permettre.
Mme Poirier (Manon) :Oui, vas-y.
Mme Joyal-Villiard (Janie-Pier) :
Oui, si je peux me permettre, M. le ministre. Au-delà... effectivement, je
pense que les tests médicaux préembauche doivent se faire, effectivement, au
moment où il y a une offre d'emploi.
Par contre, il y a des conditions ou des
éléments médicaux qui sont actuellement utilisés, je veux dire, utilisés entre
guillemets, par les employeurs pour donner une ouverture à des partages de
coûts qu'on qualifie de handicaps qui sont visuellement détectables. Je pense
notamment à l'obésité, qui peut être un handicap qui est retenu, notamment, par
la CNESST et le Tribunal administratif du travail. Certaines conditions peuvent
être liées à l'âge. Donc, il pourrait même, avant les offres d'emploi, y avoir
un risque de discrimination à l'embauche avant même qu'il y ait offre d'emploi
si l'employeur pense qu'il pourrait y avoir une condition médicale qui pourrait
être risquée au niveau de la santé et sécurité du travailleur.
Donc, je pense qu'effectivement il y a peut-être
à revoir un petit peu à ce niveau-là, au niveau du projet de loi, pour éviter
les effets négatifs au niveau de l'employabilité, là, chez les travailleurs.
M. Boulet : Et de la
discrimination potentielle, absolument. C'est un bon point.
Peut-être une question un peu pratique,
Manon, pendant que vous êtes là. Bon, vous saluez, évidemment, l'obligation
d'un employeur d'intervenir quand il sait ou il doit raisonnablement savoir
qu'une de ses employées, par exemple, est victime de violence conjugale. Et,
encore une fois, vous faites référence à l'importance de bien accompagner les
employeurs dans des contextes comme ça et de faire de la formation.
Jusqu'où, Manon, selon vous, irait, parce
que vous le soulevez, l'obligation d'un employeur dans un contexte de violence
conjugale lorsque la victime nie être victime de violence conjugale?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Je vous inviterais à répondre en une minute, s'il vous plaît.
Mme Poirier (Manon) :
Excellent. Donc, c'était une de nos préoccupations, M. le ministre. Bien sûr, d'accord
avec le principe. C'est probablement le vocable de «devrait raisonnablement
savoir» aussi. Donc, jusqu'où si justement la personne nie? C'est très
difficile, à ce moment-là, pour un employeur d'intervenir. On peut faire de la
prévention, donner accès à des ressources, en parler, inciter, mais, si la personne
ne confirme pas qu'elle est en situation de violence conjugale, et surtout dans
un contexte de télétravail, bien sûr, on en a beaucoup parlé, dans un contexte
de télétravail, c'est extrêmement difficile. C'est une chose de... Les
employeurs ont, je pense, de façon générale, toujours bien réagi. Si quelqu'un
débarquait, par exemple... là, je vais prendre quand même l'exemple typique du
conjoint qui débarquait physiquement sur les lieux du travail et menaçait, je
pense que, là, les employeurs spontanément le faisaient, <mais...
Mme Poirier (Manon) :
…et surtout dans un contexte de télétravail, bien sûr, on en a beaucoup parlé,
dans un contexte de télétravail, c'est extrêmement difficile. C'est une chose
de... Les employeurs ont, je pense, de façon générale, toujours bien réagi. Si
quelqu'un débarquait, par exemple... là, je vais prendre quand même l'exemple
typique du conjoint qui débarquait physiquement sur les lieux du travail et
menaçait, je pense que, là, les employeurs spontanément le faisaient, >mais
c'est que c'est important que ce soit mis dans la loi. Mais, peut-être d'exiger
des employeurs qu'ils devraient raisonnablement savoir, selon nous, le texte de
loi va un petit peu trop loin.
M. Boulet : …parlé avec vous
des symptômes, là, qui sont visibles, là, de violence... d'une femme qui est
victime de violence conjugale en milieu de travail, mais on aura une autre
discussion là-dessus, là, ce qui justifie le vocable qui est utilisé dans le projet
de loi n° 59.
Manon, merci. Toujours hyperagréable de
discuter avec vous autres. Janie-Pier aussi. Merci de la qualité de votre
présentation. Puis remerciez aussi l'équipe qui a probablement collaboré à la
rédaction de ce mémoire-là. Puis au plaisir de vous revoir bientôt. Bye-bye.
Mme Poirier (Manon) :
Merci.
Mme Joyal-Villiard (Janie-Pier) :
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous donnons maintenant la parole au député de Nelligan. Vous disposez
de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Je vois que le ministre salue la qualité du rapport, je le seconde.
C'est un excellent rapport. Merci, Mme Poirier, merci, Mme Joyal, pour l'effort
que vous avez fait pour éclairer les membres de la commission.
Justement, parlant d'éclairage, la page
23, pour moi, nous donne vraiment un constat réel d'une problématique que
j'aimerais bien la voir avec vous en profondeur. Dans la page 23 : «Élargissement
des pouvoirs de la CNESST. De manière générale, il est possible de constater
que le projet de loi confère un important élargissement des pouvoirs à la
CNESST. Il faut être conscient que, sur le terrain, ce constat risque d'être
accueilli froidement», et vous avez dit, lors de votre présentation, que vous
ne voulez pas, surtout pas avoir un écart entre la loi et le terrain. Donc, c'est
une vraie mise en garde.
Parmi les choses qui m'ont marqué, qui
ont... en fait, que vous avez mis dans le document, vous avez effectué un sondage
très récent, quand même, c'est en 2019, et vous avez soulevé plusieurs lacunes
quant à la gestion actuelle de la CNESST. Je vais les nommer : «objectivité
remise en question des décisions de la CNESST; manque de profondeur et de
rigueur dans les analyses des dossiers; délai de traitement qui s'étire; manque
de soutien de la CNESST face aux employeurs qui souhaitent davantage un
accompagnement pour leur permettre de s'améliorer plutôt qu'être réprimandés»,
bon. Ma question, toute simple : Est-ce que vous pensez que le projet de
loi n° 59 rajoute énormément de choses sur la table de la CNESST, sachant
que la CNESST souffre d'une pénurie de main-d'oeuvre aussi, d'une rareté de
main-d'oeuvre aussi, et est-ce qu'on se donne vraiment les moyens de diminuer
l'écart entre le projet de loi actuel et le terrain?
• (14 h 30) •
Mme Poirier (Manon) :
Bien, clairement, une grande préoccupation, étant donné le rôle central de la
CNESST. Donc, effectivement, donc, ce que vous avez lu, c'est un sondage qui a
été fait aux CRHA, CRIA…
14 h 30 (version révisée)
M. Derraji : …de diminuer les
cas, un, entre le projet de loi actuel et le terrain.
Mme Poirier (Manon) : Bien, clairement, une grande préoccupation, étant donné le rôle
central de la CNESST, donc, effectivement. Donc, <c'était… >ce que
vous avez lu, c'est un sondage qui a été fait aux CRHA, CRIA<V,
des CRHA qui représentent… qui sont parfois plus proches de la gestion, plus
proches des syndicats. Donc, c'est vraiment… quand même, ça faisait quand même
l'unanimité, là, les trois premiers points, par rapport à plusieurs des
membres. Donc, quand on a plus de responsabilités, bien, il faut nécessairement
plus de ressources.
Donc, je comprends qu'on
puisse dire : Bien, on va investir dans<…><d'>embaucher
plus de ressources. Effectivement, il y a le contexte de pénurie de
main-d'oeuvre, mais c'est bien le défi, quand on a beaucoup de gens, c'est
d'avoir une certaine constance, hein, une constance dans l'application, de
s'assurer du niveau de compétence. C'est extrêmement complexe, ce qu'on demande
à beaucoup des intervenants de la CNESST, de poser comme regard. Donc, la
compétence, la formation en continu, pour nous, est absolument essentielle pour
s'assurer que, sur le terrain, bien, l'impact des gestes qu'ils posent est
positif.
Donc, <si… >pour
nous, on espère que, déjà, le gouvernement s'active à se dire : Bien, si
ce projet-là est en place avec certaines modifications, et tout ça, qu'est-ce
que ça va prendre ? Je pense qu'il ne faut pas développer le projet de loi
puis, après ça, le lancer sur le terrain, dans la machine, si je peux utiliser
cette expression-là, et espérer que ça se concrétise. On a eu quelques exemples
dans la pandémie sur ce qu'on pensait que c'était, d'un point de vue… aux
gestionnaires, au point de vue politique, puis ce qui se vivait sur le terrain.
Il ne faudrait pas qu'on revive ces mêmes choses-là, et la clé, ce sera dans l'investissement
des ressources à la CNESST et leur formation.
M. Derraji :
Mais vous avez raison. Et, je pense, votre crédibilité, qui a aussi été
mentionnée par le ministre, on doit prendre vraiment au sérieux votre constat
de la page 23. Moi, je pense que c'est une mise en garde par rapport à
tout ce qui s'en vient. Moi, ça me fait peur, je vous le dis, là, ça me fait
peur, parce que je ne veux pas que tout cet effort que nous sommes en train de
faire pour moderniser ces deux lois… Vous avez vu un peu l'actualité, les
groupes, les différents groupes qui lèvent des drapeaux rouges, avec raison, avec
raison, mais vous, aujourd'hui, vous êtes venus nous dire : Écoutez, même
l'organisme qui risque d'être mandaté de jouer un rôle très important avec le p.l.
n° 59, en date d'aujourd'hui, il doit déjà régler les problématiques que
cet organisme vit présentement, avant d'aller et d'en rajouter d'autres,
tâches.
Un autre point qui m'a
marqué, vous dites : «D'autre part, avec un élargissement du rôle et des
responsabilités vient une charge supplémentaire pour la CNESST. Afin d'y faire
face et pour éviter d'engorger davantage le système, alors que les délais
actuels peuvent être déjà longs à plusieurs égards.» Et ça, je le seconde,
parce que, lors de l'étude des crédits, on l'a vu, il y a un retard au niveau
de la CNESST. Vous dites : «L'ordre espère que la CNESST disposera des
ressources humaines supplémentaires, formées et compétentes, sans quoi l'ordre
craint que la CNESST ne puisse pas jouer son rôle.» C'est quand <même un…
M. Derraji : ...
je le seconde, parce que, lors de l'étude des crédits, on l'a vu, il y
a un retard au niveau de la CNESST. Vous dites : «L'ordre espère que la
CNESST disposera des ressources humaines supplémentaires, formées et
compétentes, sans quoi l'ordre craint que la CNESST ne puisse pas jouer son
rôle.» C'est quand >même un constat très
fort, aujourd'hui, là, ce que vous mentionnez dans votre rapport.
Mme Poirier (Manon) :
Oui. Nous avons, bien sûr, énormément de considération pour l'ensemble du
travail que la CNESST fait, les intervenants sur le terrain, mais c'est
complexe. Il faut reconnaître la complexité de leur intervention, comprendre. Donc,
il y plusieurs volets, à la fois médical, de réadaptation, de comprendre les
employeurs, les enjeux. Donc, c'est extrêmement complexe, et je trouve qu'il y
a beaucoup de fardeaux qu'on met à ces gens-là.
Donc, aujourd'hui, c'est perfectible. On
l'a souligné, vous l'avez souligné. Donc, qu'est-ce qu'on va faire différemment
avant d'ajouter certaines de ces responsabilités-là? Et de se questionner puis
parfois de voir est-ce que c'est vraiment la bonne place où on doit mettre
cette responsabilité-là. On faisait allusion, plus tôt, à l'accommodement
raisonnable. Est-ce que c'est vraiment vers la CNESST qu'on doit mettre ce
fardeau-là, alors qu'ultimement c'est la responsabilité de l'employeur?
Donc, il y a peut-être des endroits où on
peut retirer ces pouvoirs accrus là à la CNESST, prendre les gens qui en ont
les responsabilités, prendre ces responsabilités, mais nécessairement il faut
qu'il y ait un plan important, la CNESST, pour le mettre en action. Sinon,
ultimement, bien, c'est les travailleurs, bien sûr, qui ne seront pas mieux
protégés. Et les organisations qui vont vouloir… Hein, vous savez, le nombre de
fois, d'organisations, de PME qui veulent bien faire les choses, mais ils sont
démunis. Un dirigeant d'entreprise, un entrepreneur porte plusieurs chapeaux, à
un moment donné, il ne peut pas être un expert de tout.
M. Derraji : Je suis tout à
fait d'accord. Mme la Présidente, combien il me reste de temps? Parce que je
vois mon collègue de Robert-Baldwin. Combien?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...minutes.
M. Derraji : Combien?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Quatre minutes.
M. Derraji : Quatre minutes.
Je vais prendre 50 secondes. Parce que, justement, parlant des PME, mon collègue
de Robert-Baldwin va faire la suite avec vous, mais, s'il vous plaît, très
rapidement, vous ramenez pas mal de points par rapport à la CNESST. Si je vous
dis : En deux, trois mots, votre mise en garde par rapport aux pouvoirs
accrus qu'on s'apprête à donner à la CNESST, à quoi on doit faire très attention
dans l'étude de notre projet de loi?
Mme Poirier (Manon) :
De s'assurer que ces responsabilités-là résident vraiment avec la CNESST. Puis,
si c'est bien le cas, suite à votre analyse, de s'assurer de la compétence de
ces gens-là et du nombre suffisant. Et, peut-être, en fait, une piste de
solution, c'est peut-être d'ouvrir un écosystème, de voir de la collaboration
plus large de différents acteurs pour arriver à nos fins. Merci.
M. Derraji : Merci,
Mme Poirier, merci, Mme Joyal. Je pense que, Mme la Présidente, mon collègue
de Robert-Baldwin va continuer avec d'autres questions.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, à vous la parole. Oui. Il vous reste trois minutes.
M. Leitão : Très bien, merci.
Merci, mesdames. Bonjour. Merci d'être là et de nous accompagner dans ce
processus, dans cette étude de ce projet de loi. Vous avez soulevé une question
qui n'avait pas encore été soulevée ici, et, je pense, c'est assez important.
En ce qui concerne le retrait préventif, vous avez fait allusion à l'autre
partie de cette <question qui est...
M. Leitão : …dans ce
processus, dans cette étude de ce projet de loi. Vous avez soulevé une question
qui n'avait pas encore été soulevée ici, et, je pense, c'est assez important.
En ce qui concerne le retrait préventif, vous avez fait allusion à l'autre
partie de cette> question qui est la problématique ou, enfin, la crainte
que certaines personnes employées puissent avoir que, si ce retrait préventif
devient une espèce d'automatisme, cela peut aussi constituer une barrière à l'évolution
de la carrière des femmes. Pouvez-vous juste élaborer un petit peu là-dessus?
Mais on n'a pas beaucoup de temps.
Mme Poirier (Manon) :
Oui. Bien, en fait, il y a différentes études ou recherches qui vont démontrer…
cherchent à comprendre pourquoi les femmes ne sont pas nécessairement à un
salaire égal, ne sont pas nécessairement dans des emplois de responsabilité ou
la progression de la carrière se fait différemment. Bien, une des raisons qui
est évoquée par les chercheurs, et ce n'est pas moi qui le dis, c'est notamment
cette pause-là que les femmes prennent souvent pour avoir des enfants et, bien
sûr, là, toute… on peut reparler de charge mentale, et tout ça, mais ce n'est
pas le propos.
Donc, c'est sûr que, dans un retrait
préventif, moi, je vous dirais, dans ce que j'ai vécu comme professionnelle en
ressources humaines, il y a parfois des jeunes travailleuses que je ne voyais
pas pendant à peu près quatre, cinq ans, donc, ou elles revenaient quelques
mois puis elles repartaient parce qu'elles voulaient avoir deux enfants. Puis c'est
tout à fait légitime, mais on avait le retrait préventif, le congé de
maternité, puis là elles revenaient, elles étaient enceintes, et tout ça.
Imaginez ce moment-là où il n'y a pas de mise à jour de compétences, on ne sait
pas ce qui se passe sur les milieux de travail, et tout ça, c'est sûr que ça a
un impact.
Donc, parfois, on a l'impression… Quand on
questionne le retrait préventif, certains se disent : Bien non, c'est
absolument un droit fondamental. Et, oui, absolument, on ne remet pas ça en
question, il ne faut pas mettre quelque personne en situation de danger, mais
on n'aide pas nécessairement les femmes en systématiquement les envoyant à la
maison, alors qu'elles ont de belles compétences<, qu'elles…> avec
lesquelles elles pourraient contribuer au milieu de travail.
M. Leitão : Oui. Encore une
fois, la flexibilité, et une meilleure collaboration, et coopération avec tous
les acteurs, je pense que c'est très important. J'aimerais vous amener
maintenant à l'autre bout du spectre, pas les travailleurs jeunes, les
travailleurs plus âgés. Notre société vieillit, notre main-d'oeuvre vieillit
aussi rapidement, nous avons de plus en plus de travailleurs de 55 ans et
plus. Et je pense que c'est important de… Et là il y a, <tout un… >encore
là, toute une autre dynamique pour ces personnes un peu plus âgées aussi.
Alors, dans ce contexte-là, de vieillissement de notre population active,
comment est-ce que vous voyez toutes ces questions de prévention et de
promotion de la sécurité au travail? Je pense qu'on doit aussi repenser un peu
à ces choses, non?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, mais en 20 secondes, s'il vous plaît, rapidement.
Mme Poirier (Manon) :
…bien, en fait, je pense que les mécanismes de prévention vont prendre en
compte l'ensemble des risques du milieu. Et donc je ne pense pas qu'on vise
nécessairement une clientèle, mais je pense que ça peut servir à l'ensemble des
clientèles au niveau de la prévention, mais ce n'est pas nécessairement là où
on va particulièrement aborder la question, là, de la population active
vieillissante.
M. Leitão : Très bien, merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons avec le <député…
Mme Poirier (Manon) :
…et donc je ne pense pas qu'on vise nécessairement une clientèle, mais je pense
que ça peut servir à l'ensemble des clientèles au niveau de la prévention, mais
ce n'est pas nécessairement là où on va particulièrement aborder la question,
là, de la population active vieillissante.
M. Leitão : Très bien,
merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons avec le >député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous
disposez de 2 min 45 s.
• (14 h 40) •
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Poirier et Mme Joyal, toujours un plaisir de
discuter avec vous. Je veux aborder l'aspect du télétravail. Vous avez un bon
segment dans votre mémoire sur cet enjeu-là, qui, je trouve, est assez
fondamental dans l'époque où nous vivons, bien sûr, hein, on était loin de se
douter que ça serait aussi généralisé il y a quelques mois à peine. Est-ce que
ça va être autant généralisé dans le futur, je ne le sais pas, mais
certainement que ça occupera plus de place que ça en occupait avant.
Vous pointez quelques enjeux, notamment le
fait que, si j'ai bien compris, 70 % de vos membres ne se sentent peut-être
pas outillés ou n'ont pas assez de moyens pour appliquer des enjeux de santé et
de sécurité, notamment en matière de télétravail. <Est-ce qu'il y
aurait… >Peut-être, ma question est en deux volets, est-ce qu'il y
aurait de la place, dans ce projet de loi là, pour aller faire des amendements
supplémentaires ou aller bouger et faire une intervention législative? Et sinon,
<est-ce que… >si, d'aventure, je convainquais notre ministre de
faire un mandat d'initiative sur la question précise du télétravail, est-ce que
ce serait le genre de chose sur lequel vous pourriez venir nous éclairer
davantage?
Mme Poirier (Manon) :Ah! bien sûr, ça nous ferait plaisir de collaborer puis
éclairer davantage s'il y a une telle initiative. En fait, le constat, c'est
auprès de gens qui ont quand même une grande compréhension de la santé et
sécurité, des généralistes, des gens de ressources humaines. Il y a quand même
beaucoup de questions qui demeurent en suspens. Ce n'est pas toujours clair,
hein, donc on l'a vu en accéléré pendant la pandémie, ce n'était pas toujours
clair, les responsabilités de tout un chacun.
Et c'est vrai que la jurisprudence,
souvent, vient répondre à ces questions-là. Là, imaginez, là, c'est l'ensemble
des employeurs qui n'ont pas nécessairement des gens de RH qui peuvent trouver
les réponses. Parfois, peut-être que ça vaudrait la peine de venir préciser
certaines choses, qu'il n'y a pas d'enjeu au niveau jurisprudentiel, mais qui
vient, pour la personne qui va lire le projet de loi, qui ne va pas nécessairement
aller voir toute la jurisprudence, parce que ce n'est pas familier… donc va
venir clarifier un peu.
C'est un peu… l'exemple, <que… >le
parallèle que je ferais, c'est au niveau du harcèlement. Ça faisait longtemps
que le harcèlement psychologique incluait le harcèlement sexuel, c'est déjà
établi pour les gens qui étaient initiés. Le gouvernement a décidé, à ce
moment-là, de l'inclure spécifiquement dans la loi parce que, justement, ça
rendait les choses plus claires pour tout le monde. La préoccupation qu'on a,
particulièrement par rapport au télétravail, c'est peut-être le lieu de
travail. Là, aujourd'hui, tout le monde, quand il travaille à la maison, est
pas mal chez lui ou au chalet, mais imaginez, quand on va reprendre… Et le
télétravail va être effectivement quelque chose qui va demeurer, 75 % des
CRHA nous ont dit que c'est sûr que leur organisation va ouvrir le télétravail
de façon plus large, peut-être en mode hybride, peu importe, mais là le lieu de
télétravail, ça va être la maison, le chalet, le «coworking», le café du coin.
Là, est-ce qu'on s'attend vraiment au même niveau de responsabilité des
employeurs d'assurer cette sécurité-là en télétravail multiendroit?
M. Leduc : On s'écrira pour
préparer des amendements peut-être. Merci à vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous <disposez
vous…
Mme Poirier (Manon) :
...là,
est-ce qu'on s'attend vraiment au même niveau de responsabilité
des employeurs d'assurer cette sécurité-là en télétravail multiendroit?
M. Leduc : On s'écrira pour
préparer des amendements peut-être. Merci à vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous >disposez
vous aussi de 2 min 45 s.
M. Roy
: Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mmes Poirier et Joyal. Vous êtes favorables aux amendements 146
et 152 qui permettent à un employeur de mettre en place un seul programme de
prévention pour un ensemble d'établissements et de former un seul comité de
santé et sécurité pour un ensemble d'établissements. Donc, vous invoquez le
gain d'efficacité.
Je vous amène un exemple, Produits
forestiers Résolu qui ont des papetières et des scieries qui ne sont pas
situées au même endroit et qui sont des entreprises complètement différentes en
termes d'environnements et en termes de dangers potentiels. Et plusieurs
groupes se sont opposés à ces amendements-là. Est-ce que vous croyez vraiment
que ces modifications-là vont amener une amélioration des stratégies de
prévention en santé et sécurité?
Mme Poirier (Manon) :
Bien, en fait, notre compréhension, c'est que, pour qu'il y ait un seul
programme, il faut que ça soit quand même des activités de même nature. Donc,
tu sais, vraiment, si, vraiment, c'était deux univers différents, bien, à ce
moment-là, il devrait y avoir nécessairement différents programmes. Donc, c'est
la condition que ça soit de même nature, et je pense que c'est un gain
d'efficacité.
Et on pense aussi que les employeurs vont
s'assurer de la représentation des travailleurs sur les différents sites. C'est
déjà des pratiques qu'ils ont. Tu ne peux pas présumer que, si ce n'est pas une
obligation, elle va complètement disparaître chez l'ensemble des employeurs, c'est
vrai chez certains. Mais donc, pour le gain d'efficacité et le potentiel, donc,
d'avoir plus d'impact, on trouvait que c'est une bonne mesure. Est-ce que, Janie,
tu voulais rajouter quelque chose là-dessus? Non, ça va.
M. Roy
: Et, dans le
cas d'entreprises similaires, <mais... >bon, situées à des
endroits différents… Et, même si on parle d'entreprises similaires, on peut
parler de scieries, mais, dans des scieries, il y a de l'amélioration continue,
des problématiques de sécurité, de rampes, etc., qui sont liées à un microcosme
organisationnel sur le site. Et moi, j'appuie quand même la position de
certaines organisations qui parlent d'une détérioration de la protection. Donc,
c'est sûr que vous l'appuyez, mais on a quand même certains doutes là-dessus.
Merci beaucoup.
Mme Poirier (Manon) :
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Merci, Mme Poirier, Mme Joyal, pour votre contribution
aux travaux de la commission.
Nous suspendons les travaux quelques
instants, le temps de préparer l'accueil du prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 45)
>
(Reprise à 14 h 50)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons. Et nous souhaitons donc la bienvenue au représentant
d'Équipe SST. Je vous rappelle, M. Simard, que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé. Avant de commencer, je vous inviterais à
bien vous présenter et, immédiatement par la suite, à commencer votre exposé.
M. Simard (François) : Je
vous remercie. Donc, mon nom est François Simard. Je suis président et directeur
général d'Équipe SST.
Donc, merci, mesdames messieurs, M. le
ministre. Merci de m'accueillir, de m'accepter à la commission parlementaire.
Je suis vraiment content. Donc, mon nom est François Simard, je suis
gestionnaire, je suis agent de sécurité sur les chantiers de construction, je
suis président et directeur général d'Équipe SST et je suis aussi représentant
d'un groupe de concertation de cinq entreprises qui emploient présentement
275 spécialistes en gestion de la santé et sécurité sur les chantiers de
construction. Nous couvrons globalement plus ou moins 400 chantiers annuellement.
Donc, dans un premier temps, bien, je
voudrais reconnaître le bon côté du projet de loi n° 59. On voit qu'il y a
une reconnaissance des nouvelles maladies professionnelles. De notre côté, on
trouve ça réellement important, puisque, pour avoir connu même, là, des gens <qui
sont... >qui ont été impliqués, qui ont été malades, <c'est... >ça
va enlever beaucoup de soucis administratifs aux gens qui sont malades puis
même, parfois, à leur succession. Donc, sachez que c'est un must pour tout le
Québec.
Aussi, bien, le fait d'ajouter un comité scientifique,
c'est sûr que c'est super parce que, dans les <faits...
M. Simard (François) :
…qui ont été malades, c'est... ça va enlever
beaucoup de soucis
administratifs aux gens qui sont malades puis même, parfois, à leur succession.
Donc, sachez que c'est un must pour tout le Québec.
Aussi, bien, le fait d'ajouter un
comité
scientifique, c'est sûr que c'est super
parce que, dans
les >faits, <on va avoir... >la loi va suivre les avancées scientifiques,
et c'est génial, il faut réellement… C'est une belle... c'est une bonne
initiative, on va rester pertinent avec ce comité scientifique en place.
Je suis ici pour vous parler des agents de
prévention. Donc, un agent de sécurité sur les chantiers de construction, j'en
suis un depuis longtemps. Les prérequis, pour être agent de sécurité sur les
chantiers de construction, première des choses, ça prend 10 ans
d'expérience, donc, dans le domaine de la construction. Donc, une fois qu'on a
10 ans d'expérience ou encore un équivalent, on peut suivre une formation
au collège Ahuntsic de 720 heures, sinon on pourra suivre un processus de
reconnaissance des acquis. Donc, une fois que la formation est faite, on a, par
la suite, le stage de 12 semaines en chantier. Donc, une fois que le
processus est fait, on a un agent de sécurité sur les chantiers de construction
qui est compétent, donc <il a un... >il est en mesure de jouer son
rôle en bonne et due forme.
Le rôle et les responsabilités de l'agent
de sécurité sur les chantiers de construction, c'est simple, c'est de veiller
uniquement à la santé-sécurité des travailleurs. Donc, c'est un rôle qui est
important et c'est un rôle qui est... On est actifs sur un chantier de
construction. Plus précisément, donc, quand on a un chantier de construction,
l'agent de sécurité doit veiller à déployer un système santé et sécurité en
commençant par s'assurer que le programme de prévention est bien fait, aussi qu'on
ait un système de formation au niveau des travailleurs, pour être sûr qu'ils
sont informés des risques, et de mettre en place un système d'audit, donc s'assurer
qu'on contrôle le chantier et, par la suite, s'il y a des non-conformités, qu'on
les ferme afin de s'assurer que le chantier reste sécuritaire. S'il y a des
accidents, on enquête, on avise et on s'assure que les mesures correctives font
qu'il n'y ait plus d'accident sur le chantier.
C'est un rôle qui est important, <c'est
un rôle qui... >l'agent de sécurité sur les chantiers de construction, Bien,
il est présent sur le chantier. C'est 80 % du temps que l'agent de
sécurité, sur les chantiers de construction, va être... va passer son temps sur
le chantier. Qu'est-ce qu'il fait? Bien, il fait des interactions santé et sécurité
avec les travailleurs, aussi avec les gestionnaires. Donc, il s'assure que tout
le monde fasse son bout au niveau santé et sécurité pour être sûr et certain
que, d'un point de vue que, si tout le monde joue son rôle et remplit ses
responsabilités, bien, il n'arrive pas d'accident sur un chantier de
construction. Donc, on doit s'assurer qu'entre ce qu'on dit qu'on va faire
versus ce qu'on fait, que c'est bien fait.
Donc, quand est requis un agent de
sécurité sur les chantiers? Présentement, le code de sécurité sur les chantiers
de construction, bien, il dit, à l'article 2.5.3, qu'on a une obligation d'avoir
un agent de sécurité sur les chantiers de 8 millions et plus. Donc, au
Québec, sur les chantiers de 8 millions et plus, on a une obligation de
structurer notre santé et sécurité avec l'aide d'un professionnel de la santé
et sécurité. C'est un point qui est très important, puisque les petits
entrepreneurs qui viennent à faire des chantiers un peu plus grands, tôt ou
tard, passent par le seuil de 8 millions. Et, au niveau de la maîtrise
d'oeuvre, ils ont une obligation de se <structurer...
M. Simard (François) :
...
sécurité avec l'aide d'un professionnel de la santé et sécurité. C'est
un point qui est très important, puisque les petits entrepreneurs qui viennent
à faire des chantiers un peu plus grands, tôt ou tard, passent par le seuil de
8 millions. Et, au niveau de la maîtrise d'oeuvre, ils ont une obligation
de se >structurer.
Ce que le projet de loi amène, lui, ce
qu'il dit, c'est que, bien, la fonction d'agent de sécurité sur les chantiers
de construction, elle n'existera plus. Donc, on enlève l'agent de sécurité sur
les chantiers de construction et on la remplace par un coordonnateur santé et sécurité.
Le coordonnateur santé et sécurité va avoir une formation de 120 heures,
versus les agents de sécurité qui ont 720 heures. Le coordonnateur n'a pas
d'obligation d'avoir une expérience pertinente en construction et n'a pas non
plus d'obligation de faire un stage au niveau d'un chantier de construction.
Donc, n'importe qui pourrait, à la rigueur, devenir coordonnateur santé et sécurité
sur un chantier sans avoir mis les pieds sur un chantier de construction. Pire
encore, le projet de loi, ce qu'il fait, c'est qu'il ramène le seuil de 8 à 25 millions.
Donc, c'est une problématique qui est réelle, puisque, dans les faits, c'est
360 agents de sécurité, grossièrement, qui n'auront plus de place sur les
chantiers de construction. C'est un agent pour un chantier, à cette
grosseur-là, donc il y a 360 chantiers de construction qui vont être littéralement
abandonnés.
Le groupe de concertation auquel je
participe, on a deux questions qu'on se pose. Il y a deux questions qui nous
viennent en tête à chaque fois qu'on réfléchit au projet de loi. C'est :
Comment peut-on prétendre améliorer le niveau de la santé et sécurité dans le
secteur de la construction en baissant le niveau de compétence des ressources?
C'est difficile d'imaginer que le projet de loi va augmenter le niveau de
sécurité avec des ressources qui sont moins compétentes.
L'autre question qui nous vient en tête,
c'est : Comment peut-on prétendre améliorer le bilan santé et sécurité en
supprimant les agents de sécurité sur 360 chantiers, globalement? Bien,
poser la question, c'est un petit peu y répondre. Ce qu'on pense, dans les
faits, <ce n'est pas... >on ne peut pas répondre à ça de manière
bien, bien logique. On pense qu'il y a une problématique qui est réelle au
niveau du projet de loi.
Le Québec est déjà dans une position, une
situation qui est peu enviable au niveau santé et sécurité. Donc, pour… une
petite histoire. Donc, en Ontario, il y a deux fois plus de personnes, la
population. Il y a effectivement environ deux fois plus d'entreprises en
construction, mais, au Québec, on a deux fois plus d'accidents, ce qui est un
drôle de bilan. La CNESST déploie 40 % de ses effectifs en prévention sur
les chantiers de construction. Pourtant, on n'a seulement que 12 % des
entreprises, du lot d'entreprises qui oeuvrent dans le secteur de la
construction, globalement. Donc, on met beaucoup, beaucoup d'efforts sur le
volet prévention dans la construction, mais pour un petit pourcentage
d'entreprises.
C'est sûr qu'on est inquiets dans les
faits, parce qu'au Québec, là, il meurt un travailleur par mois par accident de
travail. À chaque mois, mois après mois, donc, il y a un travailleur qui
décède. Pire encore, il y a un travailleur par semaine qui décède dû à des <lésions...
M. Simard (François) :
…c'est
sûr qu'on est inquiets dans les faits, parce qu'au Québec, là, il
meurt un travailleur par mois par accident de travail. À chaque mois, mois
après mois, donc, il y a un travailleur qui décède. Pire encore, il y a un
travailleur par semaine qui décède dû à des >lésions professionnelles,
dû <à des… >à leur travail au niveau du secteur de la
construction. C'est réellement inquiétant. On est en 2021 et on a beaucoup de
difficulté à comprendre que le projet de loi nous fait reculer dans ce sens-là.
Ce n'est pas facile.
Par contre, on est conscients qu'il y a un
réel problème au niveau de la construction, au niveau de la prévention.
Présentement, il y a plus de chantiers qu'il y a d'agents de prévention. C'est
un beau problème, plusieurs vont le dire, parce que ça veut dire que l'économie
va bien, mais, dans les faits, le problème reste entier, puisque l'obligation
d'avoir un agent de sécurité sur les chantiers de construction, bien, c'est une
obligation légale.
Donc, pour régler le problème, on ne doit
pas le faire au détriment des travailleurs. Vous savez, 360 chantiers, ça
équivaut à 15 000 travailleurs
sur la construction, grossièrement. Si on fait un chiffre rond, là, une
quarantaine de travailleurs par chantier, c'est au moins ça. La solution
facile, bien, on fait une petite règle de trois puis on ramène le chiffre à
25 millions, puis, dans les faits, peut-être que ça règle le problème,
mais ça amène une problématique qui est beaucoup plus réelle au niveau de l'augmentation
du risque.
Afin de s'assurer <qu'on… >d'amener
des solutions… <excusez. >Des solutions sont amenées au niveau du
mémoire, puis c'est des solutions qui sont réellement simples. Ce qu'on vous
demande, M. le ministre et les députés, c'est de ramener le seuil à 25, ou plus
ou moins 12 millions, grossièrement. On ne le sait pas exactement, le
chiffre, parce que… mais on doit déterminer le chiffre avec le pourcentage
d'agents de sécurité qui devraient travailler. Donc, on dit que 90 % des
agents devraient rester en poste afin de garder l'expertise sur les chantiers
de construction. De 8 à 12 millions, ce qu'on suggère, c'est d'amener une
nouvelle fonction, qui est un conseiller santé et sécurité qui, lui, sera formé
avec les 120 heures qui sont proposées au projet de loi. Comme ça, on ne
fait pas de vide puis on s'assure qu'il y a un suivi sur chacun des chantiers
de construction au Québec de plus que 8 millions. Ce que j'ai…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion, M. Simard. Il reste 30 secondes.
M. Simard (François) :
Oui. Donc, en conclusion, ce qu'il faut avoir en tête, c'est que, un, c'est une
perte d'expertise qui est réelle au niveau du Québec. Puis, dans les faits,
bien, il va y avoir 15 000 travailleurs
qui vont être exposés à des chantiers qui vont être plus dangereux. C'est un
net recul en santé et sécurité.
Puis ce qui est triste en santé et
sécurité, c'est que, lorsqu'il y a un recul, bien, ce n'est pas des sous, ce
n'est pas du budget, c'est des décès, ultimement. Puis ça, ce n'est pas super,
ce n'est pas dans l'essence de la loi. On est sûrs qu'on est capables de faire
mieux. Sachez qu'on est disponibles aussi pour donner un coup de main à vos
équipes afin d'améliorer le projet de loi, afin qu'on partage notre expertise
puis que ça soit aussi cohérent avec la réalité des chantiers.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous commençons la période de questions ou d'échange avec le
ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.
• (15 heures) •
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. D'emblée, merci, M. Simard, de votre présence, et sachez à
quel point nous estimons…
15 h (version révisée)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...Alors, nous commençons la période de questions ou d'échange avec le ministre.
Vous disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la Présidente.
D'emblée, merci, M. Simard, de votre présence, et sachez à quel point nous
estimons le rôle que vous jouez à titre... parce que, là, vous portez plusieurs
chapeaux, là, mais à titre, notamment, d'agent de sécurité dans le domaine de
la construction. C'est un secteur qui est vital dans le produit intérieur brut,
dans l'économie du Québec. C'est un secteur, vous le savez, même en contexte de
relance économique, qui va être toujours de plus en plus fébrile.
Juste vous dire qu'en 2018, bon, ce que vous
mentionniez, c'est qu'il y avait 25 % des décès au travail qui étaient
dans le monde de la construction. C'est le tiers, en fait, c'est un peu plus
élevé. En 2018, il y a eu 226 décès, dont 70 dans le domaine de la
construction. Vous mentionnez, par ailleurs, que c'est près de 40 % des
accidents de travail, mais c'est beaucoup moins que ça, là, évidemment, c'est
7,9 % des lésions professionnelles au Québec, en 2018, qui sont dans le
secteur de la construction. Juste pour un petit peu remettre les pendules à
l'heure.
L'objectif, évidemment, ce n'est pas de
diminuer la sécurité sur les travaux de construction. Puis souvenez-vous,
M. Simard, vous connaissez les articles, je pense, 203 et suivants, là, de
la loi santé-sécurité, là, pour les comités de chantier, puis le rôle de
certains intervenants, combien de gouvernements ont dit : On va mettre ça
en vigueur, mais ça n'a jamais été mis en vigueur. Ça fait que c'est sûr que ce
qui devenait l'assise légale, c'est le Code de sécurité pour les travaux de
construction, mais il n'y a pas d'obligation, il n'y a pas d'impératif dans la
loi santé-sécurité. Puis la construction, si je me souviens bien, c'est dans le
groupe... il me semble, c'était dans le groupe 4 ou 5, là, mais ce n'était même
pas un des groupes prioritaires visés par l'obligation de mettre en place des
mécanismes de prévention et de participation.
Bon, évidemment, on passe d'un rôle... l'agent
devient un coordonnateur, mais, au-delà des libellés, il faut s'assurer que les
responsabilités sont les mêmes. Et, quand vous référez à 2.5.3, là, pour les
chantiers de 8 millions, évidemment... puis vous savez probablement qu'en
1974 c'était 5 millions, ce qu'on m'a rapporté, et, en 1986, c'est passé à
8 millions, seuil au-delà duquel on doit avoir en place, notamment, un
agent de sécurité. Bon, évidemment, ce qui a été fait, c'est un peu un
automatisme, on a indexé le 5 millions de 1974, d'où le 25 millions.
Ceci dit, moi, je ne suis absolument pas
fermé à ce que le seuil ne soit pas nécessairement 25 millions. J'ai
certainement une ouverture à ce que ce seuil-là soit baissé, on verra dans
quelle mesure, mais j'aimerais vous entendre sur l'impact, là, parce que, si <c'était...
M. Boulet : ...
moi,
je ne suis absolument pas fermé à ce que le seuil ne soit pas nécessairement
25 millions. J'ai certainement une ouverture à ce que ce seuil-là soit
baissé, on verra dans quelle mesure, mais j'aimerais vous entendre sur
l'impact, là, parce que, si >c'était 5 millions en 1974, 8 millions
en 1986, où on devrait normalement se situer en 2021? Puis j'aimerais ça avoir
un peu de votre argumentaire, tenant compte de votre expérience, <François,
>M. Simard.
M. Simard (François) : Oui.
Bien, dans les faits, tu sais, ce qui était vrai en 1985 puis ce qui était
acceptable en 1985 au niveau de la santé-sécurité, bien, malheureusement, ça ne
l'est plus nécessairement. Prenons l'exemple de l'amiante, où est-ce que, tu
sais… ça a grandement évolué la gestion de l'amiante. La silice cristalline,
même chose.
Et, au niveau des maladies
professionnelles, tu sais, lorsqu'il y a un travailleur, exemple, qui chute de
deux étages, ça passe aux nouvelles puis, tu sais, ça fait les choux gras, puis
tout le monde est bien découragé de ça, mais, dans les faits, pour chaque gars
qui tombe de deux étages, il y en a trois qui meurent isolés dans une chambre
d'hôpital, plus vieux, parce qu'ils ont été exposés à de la silice puis à de
l'amiante. Et ça, là, ce qu'on récolte présentement, c'est exactement ce qu'on
a semé avant, et ce n'est pas beau, ce n'est pas chic, ce qu'on récolte
présentement.
Donc, si on diminue notre niveau de
prévention sur les chantiers… Puis, quand on parle, entre autres, des maladies
professionnelles, c'est entre autres de la prévention, puis c'est elle qui est
la plus difficile à faire parce que les conséquences ne sont pas immédiates. Tu
sais, parler à un travailleur en disant : Regarde, si tu ne t'attaches
pas, tu vas tomber de deux étages, c'est assez convaincant, mais dire à quelqu'un,
quand il fait 30°degrés, l'été : Fais de la captation à la source, porte
tes protections respiratoires — puis il fait 30 degrés — parce
que tu vas peut-être être malade dans 10 ans, ça, c'est de la prévention.
Puis fiez-vous sur nous, là, ça, ce côté-là, là, mis à part les agents de
prévention, là, il n'y a à peu près... il n'y a pas personne qui fait ça sur
les chantiers. Puis c'est ce qui coûte cher présentement au gouvernement, parce
que, un, on indemnise, puis, deux, il faut en prendre soin longtemps, de ces
personnes-là, quand elles sont malades, parce que, vous le savez, c'est lourd
quelqu'un qui a l'amiantose, la silicose ou autre, c'est lourd de gestion.
Donc, ce qui était acceptable en 1985, en
1990, en 2000, ne l'est plus. Et quand on… Tu sais, on se compare tout le temps
un petit peu sur des chantiers industriels, où on travaille avec des grands
maîtres d'oeuvre, où ils ont des standards santé-sécurité qui sont plus inspirés
au niveau international. Bien, dans les faits, il y a des choses, tu sais, qui
ne sont plus acceptables. Juste au niveau du travail en hauteur, c'est
différent, ça évolue.
Ici, au Québec, bien, tu sais, vous l'avez
dit dans votre entrée que j'ai écoutée hier, tu sais, ça fait longtemps qu'on
ne l'a pas mise à jour, la loi sur la santé-sécurité, puis on est dus, mais on
est dû puis on… En tout cas, moi, à titre de professionnel de la
santé-sécurité, ce que je m'attends, c'est qu'on ait une amélioration du bilan
santé-sécurité. Puis <ce que je lis… >à la lecture du projet de
loi… puis tous mes collègues qui ont des entreprises du même genre que nous ont
dit : C'est sûr et certain que ça ne sera pas le cas. La résultante, elle
ne sera pas... on n'aura pas moins de blessures avec ça puisque,
malheureusement, au Québec, lorsqu'on a des chantiers qui ne sont pas couverts
par des spécialistes, bien... puis ça arrive, ce qu'on expliquait tantôt, qu'il
y <avait...
M. Simard (François) :
...
tous mes collègues qui ont des entreprises du même genre que nous ont
dit : C'est sûr et certain que ça ne sera pas le cas. La résultante, elle
ne sera pas... on n'aura pas moins de blessures avec ça puisque,
malheureusement, au Québec, lorsqu'on a des chantiers qui ne sont pas couverts
par des spécialistes, bien... puis ça arrive, ce qu'on expliquait tantôt, qu'il
y >avait plus de chantiers que d'agents, ça arrive, de temps en temps,
qu'on mobilise un agent de sécurité sur un chantier qui est démarré puis là on
est obligés de faire du rattrapage. Ce n'est pas conforme, c'est difficile.
Et là ce qu'on prédit, ce qu'on dit, c'est
que, bien, on va changer le seuil puis, peu importe à quel montant qu'on le met,
le seuil, ça va créer un vide. Et ce vide-là… lorsqu'il y a un vide, bien, la
nature a horreur du vide, dans les faits, là, bien, il y a des entrepreneurs
qui en profitent, malheureusement. Parce qu'une entreprise, ça a une raison d'être,
c'est de faire de l'argent, puis c'est bien normal, mais on le fait souvent au
détriment de la sécurité des travailleurs. Puis le rôle du conseiller santé et
sécurité ou de l'agent de sécurité, c'est de s'assurer de faire le lien entre
les travailleurs et les gestionnaires. C'est le troisième oeil du chantier.
Donc, tu sais, on n'a jamais participé à
des tables lors de la préparation du projet de loi, puisqu'on ne fait pas
partie du patronat puis on ne fait pas partie du syndicat, nous, on navigue entre
les deux. C'est pour ça qu'on dit qu'on est un beau laboratoire pour voir
réellement ce qui se passe, puisque, dans les faits, là, nous, une fois qu'on a
un mandat qui est donné par le maître d'oeuvre, on a à naviguer autant avec la
conformité légale des travailleurs que des maîtres d'oeuvre. Je ne sais pas si
ça répond à votre question, là.
M. Boulet : ...M. Simard, mais,
bon, là, je le réitère, là, il y aura certainement une ouverture à baisser ce
seuil-là parce qu'il n'est pas du tout de notre intention, de mon intention de
faire de compromis en matière de sécurité sur les chantiers de construction.
Puis je comprends de votre explication que la nature des risques a évolué. Il y
a des nouvelles maladies professionnelles, la fréquence des lésions, on l'a vue
évoluer dans le temps, et la durée d'absence provoquée par les lésions
professionnelles. Ça fait qu'on verra, on va faire une étude après les
consultations, mais on va s'assurer d'ajuster et que le seuil soit le plus
compatible avec les impératifs de sécurité des chantiers de construction.
Est-ce qu'il y a un lien à faire aussi, M.
Simard, avec le nombre de travailleurs sur un chantier de construction? Parce que
c'est sûr qu'il y a, quoi, 80 % des chantiers, au Québec, où il y a moins
de cinq travailleurs. Est-ce que vous avez une opinion sur ce point-là,
l'impératif en matière d'exigences pour avoir un coordonnateur-agent,
actuellement? Est-ce que vous avez une opinion, sommairement, là-dessus?
M. Simard (François) : Bien
oui, bien, dans les faits, là, c'est déjà pas mal établi, puisque les chantiers
de moins de 8 millions de dollars, il n'y en a pas, de supervision santé
et sécurité. Et ce n'est pas facile, sur ces chantiers-là, vous parlerez à vos
inspecteurs de la CNESST, quand qu'il n'y a pas de supervision santé-sécurité,
ce n'est pas facile. Puis c'est effectivement beaucoup de travailleurs de la
construction, c'est des petits groupes, mais il y a une différence sur les
chantiers lorsqu'il y a un professionnel de la santé qui est en place.
Et, dépendamment de ce que veut avoir
comme résultat le gouvernement, bien, évidemment qu'il faut prendre les mesures
<nécessaires...
M. Simard (François) :
...
inspecteurs de la CNESST, quand qu'il n'y a pas de supervision
santé-sécurité, ce n'est pas facile. Puis c'est effectivement beaucoup de
travailleurs de la construction, c'est des petits groupes, mais il y a une
différence sur les chantiers lorsqu'il y a un professionnel de la santé qui est
en place.
Et, dépendamment de ce que veut avoir
comme résultat le gouvernement, bien, évidemment qu'il faut prendre les mesures
>nécessaires, peu importe le seuil auquel on va le mettre ou on va le
changer. C'est sûr et certain que, si, présentement, tous les travailleurs sur
les chantiers de 8 millions et plus sont couverts, bien, aussitôt qu'on va
changer le seuil, on va créer des orphelins, au niveau santé-sécurité, dans le
sens qu'il va y avoir des chantiers qui ne seront pas couverts. Et ça, aussitôt
qu'on en a qui ne sont pas couverts… plus on en a qui ne sont pas couverts,
plus on augmente le niveau de risque. Ça, c'est sûr et certain.
• (15 h 10) •
M. Boulet : Je voulais juste
avoir votre opinion sommaire aussi… évidemment, j'ai compris, pour le seuil de
la valeur des chantiers, mais, pour le nombre de travailleurs sur un chantier,
en ce qui concerne l'impératif d'avoir un agent ou un coordonnateur, c'est quoi
votre opinion sur ce point-là?
M. Simard (François) : Bien,
le nombre de travailleurs… dans les faits, il y a le nombre puis ce qu'ils font,
tu sais. Avoir cinq travailleurs qui installent des armoires dans un bloc qui
est fini, ce n'est pas la même chose que d'avoir cinq travailleurs qui sont à quatre
étages de haut dans des échafaudages. Donc, c'est difficile de répondre à cette
question-là de manière très efficace. Dans les faits, là, il faut tout le temps
regarder qu'est-ce qu'on fait comme travail.
Et ça, pour faire l'analyse de risques, ça
prend des gens qui sont formés puisque... en tout cas, je ne sais pas s'il y a
une solution miracle, là, pour faire une analyse de risques facile puis qui est
accessible pour tout le monde, là, mais une chose est sûre, on peut avoir un
petit groupe de travailleurs qui sont réellement exposés à des dangers et qu'on
risque d'impacter puis on peut avoir, à la rigueur, un groupe qui est plus
grand, mais qui sont moins à risque. Donc, tu sais, il faut... je suis ouvert à
travailler avec votre groupe, exemple, à trouver des solutions, puis ça fait un
certain sens, mais ce qui est important là-dedans, c'est l'exposition au
risque. Nous, notre travail, à titre de professionnels dans le domaine de la
santé-sécurité, c'est tout le temps ça, on calcule le risque, on est des
machines à scanner les risques quand on est sur les chantiers. Oups! Je ne vous
entends plus.
M. Boulet : Excusez-moi. C'est
à l'avance, d'ailleurs, du projet de modernisation, d'identifier les risques,
comme… vous connaissez l'article 2 de la loi santé-sécurité, les
identifier pour bien les contrôler, les éliminer, là. Là-dessus, on est vraiment
sur la même longueur d'onde.
Un autre point que vous avez soulevé, bon,
les agents, en termes d'heures de formation, vous référiez à 240 heures de
formation théorique puis 480 heures de stage pratique. Puis je sais qu'on
va faire une adaptation là-dessus, M. Simard, là, tu sais, le
240 heures, on va vraisemblablement aller dans cette direction-là, là. On
comprend la demande ou la recommandation que vous faites et on va faire un
examen là-dessus, là. Le stage pratique, c'est peut-être une autre réalité, on
va voir comment aborder cette question-là, mais les heures de formation
théorique, là, j'ai bien compris votre <questionnement...
M. Boulet : ...
dans
cette direction-là, là. On comprend la demande ou la recommandation que vous
faites et on va faire un examen là-dessus, là. Le stage pratique, c'est
peut-être une autre réalité, on va voir comment aborder cette question-là, mais
les heures de formation théorique, là, j'ai bien compris votre >questionnement.
M. Simard (François) : Oui...
M. Boulet : Puis bien, écoutez…
Oui, vous aviez un commentaire à faire? Allez-y.
M. Simard (François) : Oui. Tantôt,
je vous écoutais parler du comité de chantier et des items qui étaient liés un
peu à ça. Il y a une particularité au niveau des chantiers de construction. Le projet
de loi semble être bâti pour uniformiser les secteurs pour qu'on ait à peu près
la même stratégie au niveau de la prévention. Une des particularités qui est
réellement importante à prendre en considération, c'est la notion de changement
continuel, sur un chantier de construction. Et le comité de chantier, c'est un
bel exemple, dans les faits, parce qu'un comité de chantier... c'est difficile
d'obtenir un comité de chantier sans avoir quelqu'un qui est stable pour
l'animer, exemple, un agent de sécurité, puisque les travailleurs, eux,
changent continuellement. Puis ça, là, c'est un défi, là, qui est réel et qui
est spécifique au domaine de la construction.
Et ça, c'est un défi qui n'est pas juste
sur le comité de chantier, c'est dans la formation des travailleurs, l'accueil
des travailleurs, dans le suivi des non-conformités. S'il n'y a pas... tu sais,
l'agent de sécurité sur les chantiers de construction, c'est la pierre
angulaire de la prévention présentement sur les chantiers. Quand tu enlèves la
personne, malheureusement, bien, souvent, ça ne tient plus, parce que les
gestionnaires, les surintendants, les contremaîtres, ils n'ont pas de formation
tellement, au niveau santé et sécurité, puis d'ailleurs ça fait partie d'une
des recommandations qu'on a dans notre mémoire. Donc, si on n'a pas de
personnes qui sont formées pour tenir des comités de chantier, faire le suivi,
faire des audits, même si on a un chantier, exemple, de 10 travailleurs ou 12
travailleurs qui est à risque, bien, ultimement, on n'aura pas des bons
résultats.
M. Boulet : Puis, M. Simard,
je vais juste vous corriger sur un point, le projet de loi, ce n'est pas
d'uniformiser, mais c'est de rendre plus équitable. C'est sûr qu'il y a des
situations particulières à chaque environnement de travail. C'est pour ça qu'on
réfère à l'importance de la prise en charge par chaque milieu de travail de la
nature de ses risques.
C'est sûr que, que ce soit le Code du
travail, ou la loi sur les normes, ou peu importe la loi, en matière de
relations de travail ou dans le droit social, il y a un minimum, mais ça
n'empêche pas les parties, après ça, de s'adapter. Mais, actuellement, ce qui
impose, notamment, la modernisation, c'est qu'il n'y a pas de base, il n'y a
pas d'obligation. La façon dont les mécanismes de prévention et de
participation s'appliquaient, c'était en fonction de groupes prioritaires, puis
ça n'a jamais été mis en vigueur, ni les programmes de prévention santé, comme
vous le savez, ni les comités de santé et sécurité, ni les représentants à la
prévention. Donc, c'est d'assurer une équité, mais rien n'empêche de maintenir
ce qui est en place, de bonifier ce qui est en place et d'améliorer pour ceux
qui n'ont pas aucun assujettissement à des mécanismes de prévention et
participation.
Puis, pour conclure, M. <Simard...
M. Boulet : …d'assurer une
équité, mais rien n'empêche de maintenir ce qui est en place, de bonifier ce
qui est en place et d'améliorer pour ceux qui n'ont pas aucun assujettissement
à des mécanismes de prévention et participation.
Puis, pour conclure, M. >Simard,
je trouve intéressante aussi votre remarque d'il faut trouver un équilibre, là,
entre le niveau de sécurité puis les compétences. Il ne faut pas, puis je l'ai
entendu souvent d'acteurs patronaux et syndicaux dans le monde de la
construction, <il ne faut pas >faire de sacrifice en matière de
formation ou de compétence. Et, pour moi, ça m'apparaît encore plus pertinent
quand on parle de santé et sécurité au travail.
Ça fait que, voilà, M. Simard, merci
beaucoup de votre présence, j'ai bien apprécié vos remarques, puis au plaisir
de vous rencontrer de nouveau.
M. Simard (François) : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons maintenant avec le député de Nelligan. Vous disposez de
11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. M. Simard, merci beaucoup pour votre mémoire. Vous êtes parmi les
experts en gestion de la SST sur les chantiers de construction. Nous avons eu
un échange tout à l'heure, du moins, très bref, par rapport au domaine de la
construction. Je pense que le ministre a démontré une certaine ouverture par
rapport à quelques aspects.
Je veux juste vous poser une question par
rapport à la notion du risque. Vous êtes des experts au niveau du risque, et
c'est surtout sur cet aspect que j'aimerais vous poser quelques questions.
Votre mémoire, il est très clair, et vous avez très bien résumé, vous avez même
utilisé, à deux, à trois reprises, «un net recul», «un net recul», «un net
recul», donc, pour vous, vous ne voulez pas qu'on recule, surtout quand on dit moderniser
une loi. Il ne faut pas qu'on recule, mais il faut plutôt la bonifier.
J'ai devant moi la page 6 de votre mémoire
et la page… la page 5 et la page 6. On passe de 10 ans
d'expérience dans le domaine de la construction à zéro expérience dans le
domaine de la construction, en fait, tel que le projet de loi est rédigé
aujourd'hui. On passe d'une formation au collège Ahuntsic de 240 heures à
une formation de 120 heures, donc on passe de 40 heures à
120 heures. On passe de faire et réussir un stage de 480 heures sur
un chantier de construction d'une valeur de plus de 8 millions de dollars
à aucun stage en chantier. Est-ce que c'est comme ça qu'on évolue et qu'on
modernise un projet de loi, selon vous?
M. Simard (François) : C'est
sûr qu'on ne va pas dans le bon sens si on l'applique tel quel. Dans les faits,
là, tu sais, on le voit parce que, tu sais, lorsque les gens commencent au
niveau de la prévention sur les chantiers de construction, malgré le fait
qu'ils ont eu une formation, les agents de sécurité, avec le stage, tu sais,
ils ont besoin, des fois, d'un certain accompagnement. Et ils sont quand même
informés, avec un stage, et, quand il arrive des situations qui sont plus
délicates, bien on est obligé de les coacher puis de les aider. Lorsqu'on va
avoir des gens <qui ne sont pas, >qui ne viennent pas du milieu de
la construction, donc, ce n'est pas un conseiller santé-sécurité, qu'il n'a
jamais vu une grue, qu'il n'a jamais vu un tunnel, qu'il n'a… C'est un <milieu…
M. Simard (François) :
…
et, quand il arrive des situations qui sont plus délicates, bien on est
obligé de les coacher puis de les aider. Lorsqu'on va avoir des gens qui ne
sont pas, qui ne viennent pas du milieu de la construction, donc, ce n'est pas
un conseiller santé-sécurité, qu'il n'a jamais vu une grue, qu'il n'a jamais vu
un tunnel, qu'il n'a… C'est un >milieu de travail qui est tout à fait
unique et différent. Quelqu'un qui va avoir… qui va arriver sur un chantier de
construction et qui va constater qu'il est en continuel changement, donc, d'une
semaine à l'autre, le milieu de travail évolue…
M. Derraji : Mais
permettez-moi de vous arrêter, mais je vais vous dire ce qu'ils ont fait… Bien,
ils vont vous dire : Bien, écoute, il va recevoir une formation de 120 heures.
M. Simard (François) : Oui,
bien, ce n'est pas assez, parce que juste la gestion des risques critiques, donc — un
risque critique, là, c'est tout ce qui peut tuer ou impacter sérieusement un
travailleur — < donc >la gestion des risques
critiques, là, si on forme les… Il y en a environ une douzaine, au moins, qui
gravitent sur les chantiers de 8 à 25 millions, donc, il y a 12
risques critiques. Chacun des risques critiques, on doit être formé
spécifiquement pour la gestion de ces risques-là. Si on n'a pas de formation
spécifique à sujet-là, bien… Ou, en tout cas, 120 heures, c'est un minimum.
Puis là, bien, tu n'as pas fait de formation sur l'approche santé-sécurité, sur
les interactions santé-sécurité, bref…
M. Derraji : M. Simard,
avant ce projet de loi, est-ce qu'on vous a appelé pour voir votre point de vue
par rapport à la sécurité sur les chantiers de construction?
M. Simard (François) : Non,
parce que, dans les faits, tu sais, on n'existe pas officiellement. C'est un
peu triste, là, parce que…
M. Derraji : En fait, c'est le
projet de loi qui vous a donné vie, hein?
M. Simard (François) : On
peut dire ça, oui.
M. Derraji : Donc, on peut
déjà remercier le ministre de l'Emploi et du Travail de vous avoir donné
l'occasion de vous regrouper.
M. Simard (François) : On
peut dire ça.
• (15 h 20) •
M. Derraji : Moi, je pense que,
et je l'ai senti dans les propos du ministre, je pense qu'on doit plus vous
écouter. J'ai devant moi… Vraiment, je tiens à vous remercier, parce que — je
ne sais pas si les collègues peuvent aller chercher votre mémoire en ligne — vous
avez presque, de la page 11 à la page 19…. vous avez carrément fait le
travail pour nous. Il y a beaucoup d'amendements, et je tiens à vous rassurer
qu'on va prendre le temps de les lire parce que c'est des amendements qui nous éclairent
un peu par rapport à la façon avec laquelle on doit voir la sécurité sur les
chantiers de construction.
Je vais continuer, mais je veux vous
laisser avant de continuer. Allez-y, M. Simard.
M. Simard (François) : Oui,
juste un petit point. Donc, dans les faits, là, au niveau des suggestions qu'on
a faites, le premier bloc de suggestions, là, c'est juste pour garder le statu
quo, donc qu'on ne perde rien au niveau de la prévention, puis malgré le fait
qu'on considère qu'on n'est pas superbons au Québec.
M. Derraji : Oui.
M. Simard (François) : Le
deuxième bloc de suggestions qu'on a fait, bien, c'est pour <aller… >faire
un pas en avant pour mieux s'organiser au niveau santé-sécurité, qu'on ait un
meilleur bilan.
M. Derraji : Mais, si on veut
être cohérent avec le nom même et le titre même du projet de loi que le
ministre veut, c'est moderniser, moi, je pense que c'est un minimum, le statu
quo, mais je ne pense pas que c'est ça, la volonté du ministre ni les autres
collègues. Je ne vais pas parler en leur nom, mais j'en suis sûr et certain, que
la volonté qui nous anime tous, aujourd'hui, c'est <améliorer la…
M. Derraji : ...cohérent
avec le nom même et le titre même du projet de loi que le ministre veut, c'est
moderniser, moi, je pense que c'est un minimum, le statu quo, mais je ne pense
pas que c'est ça, la volonté du ministre ni les autres collègues. Je ne vais
pas parler en leur nom, mais j'en suis sûr et certain, que la volonté qui nous
anime tous, aujourd'hui, c'est >améliorer la sécurité sur les chantiers
de construction.
Il y a un autre point qui m'a un peu
marqué. Le projet de loi retire du comité de chantier le concepteur du devis. Est-ce
que vous pouvez nous dire si c'est un retrait anodin ou si on peut vraiment se
passer des connaissances du concepteur?
M. Simard (François) : Quand
vous parlez du concepteur, excusez, je ne peux pas vous répondre sur cette
question-là. Je ne suis pas... je n'ai pas le...
M. Derraji : Au niveau du projet
de loi, il y a le comité de chantier, il retire le comité de chantier. Est-ce
que c'est quelque chose que vous avez remarqué dans le projet de loi?
M. Simard (François) : Bien,
la seule chose que je peux dire, par rapport au comité de chantier,
spécifiquement au niveau de la construction, c'est que la notion de précarité
des travailleurs, ça fait que cet outil-là est beaucoup moins efficace que dans
les autres secteurs de l'économie. Ça, c'est sûr et certain. Pour en avoir
animé des centaines, de comités de chantier, c'est difficile d'avoir un suivi
moyen terme — puis long terme, c'est quasiment impossible — vu
que les intervenants changent continuellement.
M. Derraji : Je vais passer à
la CNESST parce que c'est quelque chose qui me préoccupe. On nous a informés
que la... bien, en fait, vous le savez, la CNESST n'a pas assez d'inspecteurs
pour faire de la prévention. Et vous venez de nous dire qu'il n'y a pas assez
d'agents de sécurité, donc, au début de votre présentation, pour couvrir
l'ensemble des chantiers du Québec. Donc là, on n'a pas assez d'inspecteurs au
niveau de la CNESST, vous-mêmes, que vous êtes à la tête de ce groupe… il n'y a
pas assez d'agents de sécurité. Donc, à votre avis, en date d'aujourd'hui,
combien d'agents de sécurité et d'agents de la CNESST avons-nous besoin pour
protéger la vie et la santé des travailleurs dans le domaine de la construction
si on veut moderniser mais aussi travailler en amont au niveau la prévention
sur les chantiers de construction?
M. Simard (François) : Bien,
la réponse est très large, là, mais, dans les faits, au niveau des agents de
sécurité sur les chantiers de construction, là, bien, il faut en avoir assez
pour tous les couvrir, les chantiers de plus que 8 millions, donc. Puis
nous, là, on n'a pas les données spécifiques pour évaluer le nombre,
spécifiquement, on se fie à l'évaluation du projet de loi qu'il y a eu avec
l'étude avant le projet de loi.
Évidemment, pour ce qui est des
inspecteurs de la CNESST, je n'ai aucune idée comment ça en prend de plus, mais
il faut qu'ils soient plus présents et plus, on va dire, pas pertinents, là…
mais s'assurer qu'ils aient une meilleure connaissance et moins de tolérance,
O.K.? Donc, le terme, là, c'est «moins de tolérance», et ça, c'est super
important, parce qu'au niveau de la gestion des risques critiques, tu sais, il
ne faut pas prendre de chance. Quand il y a un risque critique, si on
l'échappe, il y a des gens qui vont mourir, et c'est ça qu'on ne veut pas.
Donc, au niveau des inspecteurs de la CNESST, la quantité, je n'ai pas la
réponse, à vrai dire, mais leur présence, elle doit être efficace sur le
chantier. Et, quand on se compare aux autres provinces, ici, au Québec, il y a
un niveau de tolérance qu'on ne retrouve pas ailleurs, et ça, c'est
particulier, là, mais c'est une réalité.
M. Derraji : Oui, mais, M.
Simard, quand vous dites que… Et j'ai senti que vous pesez vos mots quand vous
parlez de la CNESST. Là, aujourd'hui, vous êtes en <face...
M. Simard (François) :
…efficace sur le chantier. Et, quand on se compare aux autres provinces, ici,
au Québec, il y a un niveau de tolérance qu'on ne retrouve pas ailleurs, et ça,
c'est particulier, là, mais c'est une réalité.
M. Derraji : Oui, mais, M.
Simard, quand vous dites que… Et j'ai senti que vous pesez vos mots quand vous
parlez de la CNESST. Là, aujourd'hui, vous êtes en >face d'élus.
Donnez-nous la réalité, pourquoi vous êtes gêné à parler et dire les vraies
affaires par rapport à ce que vous constatez sur le terrain, surtout au niveau
des chantiers, parce que, notre but aujourd'hui, c'est s'améliorer et
moderniser la loi. Donc, partagez un peu votre vécu, s'il vous plaît.
M. Simard (François) : Bien,
c'est simple, c'est que ce qu'on constate sur les chantiers de construction,
c'est que, quand l'inspecteur se pointe, bien, souvent, ça se finit par une
petite tape sur l'épaule quand ça devrait se terminer par une infraction. C'est
triste, là, mais c'est une réalité, et ça, on le constate partout. Si on va en
Ontario, là, il y a une différence qui est réelle. Pour des dangers qui sont
beaucoup moins importants au niveau du risque, bien, il y a des infractions qui
s'émettent. Ici, au Québec, on a tout le temps tendance à donner la petite tape
sur l'épaule, puis, quand on donne l'infraction, bien, le réflexe qu'ils ont, c'est
qu'on va aller contester. On a une culture de contestation, les entrepreneurs,
ici, au Québec, et, malheureusement, bien, l'imputabilité au niveau des
gestionnaires n'est pas là. Et ça, là, c'est un point qui est réellement
important, mais c'est assez complexe à régler.
M. Derraji : Oui. Donc, ce
que vous êtes en train de dire au ministre et à son équipe, c'est que… arrêter
de faire des petites tapes sur le dos, mais plutôt d'être en mode proactif, et
que la CNESST doit jouer son rôle. Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?
M. Simard (François) : Bien,
ce qui est important, là, ce qui serait pertinent, là, c'est de rendre
imputables les gestionnaires sur les chantiers. Ça, si vous faites ça, là, déjà
là, là, bien, vous allez sauver bien de l'ouvrage à vos inspecteurs puis
faciliter le travail des préventionnistes. Présentement, la santé-sécurité,
c'est souvent l'affaire d'autres personnes que les gestionnaires. Pourtant,
c'est eux autres qui sont… c'est eux autres qui contrôlent le chantier. Mais ce
n'est pas ça qu'on ressent, parce que, dans les faits, souvent, ils ont une
avenue autre, on va faire des coups vite. Ah! ça prend juste cinq minutes, on
va le faire comme ça, mais c'est là où est-ce qu'on va tuer quelqu'un, et ça,
ils sentent qu'ils ont le droit de le faire, en tout cas, qu'il n'y aura pas
trop de conséquences. Et, dans les autres provinces…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion. Il reste 30 secondes.
M. Simard (François) : O.K.
En conclusion, souvent, au niveau des autres provinces, bien, ce sentiment-là
d'imputabilité au niveau des gestionnaires est beaucoup plus présent, et ça
change toute la dynamique au niveau des chantiers de construction.
M. Derraji : Mais, M. Simard,
je tiens à vous remercier parce que, pour votre première présence et
participation, vraiment, là, c'est du très haut niveau, ce que vous avez ramené
sur la table. Je vous remercie, au nom de notre formation politique, de nous
éclairer par rapport aux chantiers de la construction et le rôle que vos
membres et les agents de sécurité jouent sur nos chantiers. Merci, encore une
fois, M. Simard.
M. Simard (François) : Merci
à vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez
de 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Simard. Très heureux de vous revoir. Vous avez, en
effet, un rôle vraiment intéressant dans cette industrie-là, qui nous permet <d'avoir…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
…Merci. Nous poursuivons avec le député
d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous
disposez de 2 min 45 s.
M. Leduc :
Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Simard. Très heureux de vous revoir. Vous avez,
en effet, un rôle vraiment intéressant dans cette industrie-là, qui nous permet
>d'avoir un regard particulier, et c'est très apprécié.
Je vais dans votre mémoire, quand vous
parlez que… Je vais citer une partie : «Lors d'un appel d'offres, afin
d'être plus concurrentiels, les entrepreneurs se doivent d'éliminer tous les
coûts. Malheureusement, lorsqu'il n'y a pas d'obligation légale, le budget de
la santé et sécurité est systématiquement amputé ou carrément enlevé de la
soumission. Si la nouvelle loi n'oblige plus les maîtres d'œuvre à assurer la
couverture de leurs chantiers par une ressource en santé et sécurité compétente
et qualifiée à temps plein, la majorité des entreprises ayant la maîtrise
d'œuvre ne prévoiront plus de budget pour couvrir ce volet.» Puis, plus loin, vous
dites que c'est un peu ce que vous observez dans le domaine de la construction
résidentielle. C'est inquiétant, ce que vous nous annoncez là, là. <C'est,
comme… >si je comprends bien, il y a comme une culture, dans les plus
petits chantiers, où, bof, ce n'est pas nécessairement l'exemple à suivre. Là,
vous avez la crainte que ça va se contaminer à de plus grands chantiers, vu
qu'on lève la norme.
M. Simard (François) : Bien,
malheureusement, sur les petits chantiers, là, moins de 8 millions, là, il
n'y en a pas, de professionnel de la santé et sécurité, mis à part l'inspecteur
de la CNESST, qui passe rarement, et un conseiller en santé-sécurité d'une
mutuelle qui passe rarement. Donc, les surintendants et les gestionnaires sont
laissés à eux-mêmes.
La problématique, au niveau des appels
d'offres publics, c'est que, sur un contrat d'une quinzaine de millions de
dollars, ce n'est réellement pas rare qu'entre le premier et le deuxième
soumissionnaire c'est quelques dizaines de milliers de dollars, pas plus. Donc,
un entrepreneur, ça a une raison d'être, c'est de faire de la business, donc, à
partir du moment où est-ce qu'ils sont en concurrence avec d'autres
entrepreneurs, ils ne peuvent pas avoir le luxe de mettre autre chose que leurs
obligations légales. S'il n'y a pas d'obligation légale au niveau de la santé
et sécurité, bien ils n'en mettront pas.
Pire encore, ceux qui sont organisés,
parce qu'il y en a, des bons entrepreneurs, au Québec, en santé et sécurité, eh
bien, ces mêmes entrepreneurs-là, bien, ils vont être obligés de laisser aller
leur système de santé et sécurité puisqu'ils vont être en concurrence avec des
entrepreneurs, qui, eux, ne sont pas organisés puis n'ont pas nécessairement
une conscience santé et sécurité qui est très élevée. Ça, c'est grave. Puis
quand on parle de recul, là, ça, c'en est un vrai, là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Leduc : Combien de temps,
Mme la Présidente?
Mme IsaBelle : Il reste
30 secondes. 30 secondes.
M. Leduc : Bon, bien, encore
une fois, M Simard, <peut-être, >rapidement, vous
choisissez le chiffre 12 millions, à la fin, peut-être nous le justifier?
M. Simard (François) : Bien,
12 millions, c'est simple, c'est qu'à l'œil, c'est à peu près ça, mais,
dans les faits, là, ayez en tête qu'il faut utiliser environ 90 % des
agents de sécurité sur les chantiers de construction. Donc, le chiffre, c'est peut-être 10 millions,
c'est peut-être 14 millions. Vous avez beaucoup plus de données que
nous pour établir le montant.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous disposez également
de 2 min 45 s.
• (15 h 30) •
M. Roy
: Oui. Merci,
Mme la Présidente. Écoutez, bonjour, M. Simard. C'est extrêmement
préoccupant, ce que vous nous dites, et même, le dernier picot, là, de la
page 10, vous nous dites que, si le projet de loi est adopté comme ça,
bien, on va voir un nombre de morts augmenter sur les chantiers de
construction.
Tout à l'heure, vous nous avez dit que
l'Ontario avait deux fois plus de monde, deux fois plus de chantiers
puis deux fois moins d'accidents. Vous nous avez amené certaines
explications, entre autres, le manque d'imputabilité puis le rôle de la…
15 h 30 (version révisée)
M. Roy
: …et même le
dernier picot, là, de la page 10, vous nous dites que, si le projet de loi
est adopté comme ça, bien, on va voir un nombre de morts augmenter sur les
chantiers de construction. Tout à l'heure, vous nous avez dit que l'Ontario
avait deux fois plus de monde, deux fois plus de chantiers, puis deux fois
moins d'accidents. Vous nous avez amené certaines explications, entre autres,
le manque d'imputabilité puis le rôle de la CNESST qui semblerait un peu dilué,
et j'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus, là. C'est parce que, là, ça
ouvre un autre angle d'analyse. C'est que peut-être qu'il y a des gens qui ne
font pas leur travail.
Une petite tape dans le dos. Est-ce que
vous avez des données sur les sanctions ou ce qui se passe avec la CNESST, la
gouvernance? Je ne sais pas, là, il y a quoi, là.
M. Simard (François) : Tu
sais, ce n'est pas compliqué. Regardez, là, nous, là, on est sur le terrain. Tu
sais, on n'est pas en mesure de compiler des données, évidemment, là. Mais
nous, ce qu'on observe sur le terrain, c'est que, souvent, le travail de
l'inspecteur va se terminer par : Bien, écoute, regarde, c'est correct, je
ne le mettrai pas sur mon rapport, mais, la prochaine fois, organise-toi pour
être correct. Ça, c'est typiquement… c'est malheureux, mais c'est typiquement québécois,
là. Tu sais, on est des bons Jack puis on ne veut pas… mais, d'un point de vue
performance santé-sécurité, c'est mortel dans le vrai sens du terme, là. Donc… Puis
là-dessus, ça fait partie aussi de l'équation, d'avoir des gens <qui
sont… >qui n'ont pas le sentiment d'imputabilité sur les chantiers, entre
autres.
M. Roy
: Bien, écoutez,
préoccupant. Donc, merci beaucoup. Je pense que le ministre a bien compris puis
il nous a… on espère qu'il va acquiescer à vos demandes et qu'il va faire des
modifications dans le projet de loi. Merci. Au revoir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, M. Simard. C'est tout… que nous avons pour l'échange. Et
merci, sincèrement, merci pour votre prestation. C'était très bien. Pour votre
première, effectivement, là, vous avez bien répondu aux questions. Alors, merci
encore pour votre contribution aux travaux de la commission.
Nous suspendons quelques instants la
commission pour pouvoir accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 32)
(Reprise à 15 h 39)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération
canadienne de l'entreprise indépendante. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé. Alors, je vous invite d'abord à bien vous
présenter, et ensuite vous pouvez poursuivre rapidement pour faire votre
exposé.
• (15 h 40) •
M. Vincent (François) :
Merci, Mme la Présidente. M. le ministre du Travail, de l'Emploi et de la
Solidarité sociale, Mmes et MM. les députés. Je me nomme François Vincent. Je
suis vice-président pour le Québec de la FCEI, la Fédération canadienne de
l'entreprise indépendante. Je suis accompagné de Francis Bérubé, qui est
analyste principal des politiques et le rédacteur principal de notre mémoire,
et je tiens à le remercier pour son excellent travail sur ce dossier qui... et
ce projet de loi qui était volumineux.
La FCEI est l'association qui représente
les PME au Québec avec 24 000 membres et elle a
110 000 membres au Canada. Nous vous remercions de nous recevoir aujourd'hui
pour que nous puissions partager notre analyse du projet de loi n° 59,
qui est un projet de loi qui fait suite aux importants travaux du Comité
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, le CCTM, qui est le forum
québécois assurant le dialogue social où nous siégeons.
Vous savez, selon le sondage de la FCEI,
ce sont 99 % des PME qui disent que la santé et la sécurité de leurs
employés est importante pour eux. Pour les dirigeants de PME, la santé et la
sécurité est une priorité de tous les jours, puis on le voit avec la grande
participation de ces PME des mutuels de prévention, qui est démonstrative de
cet engagement. Les données de 2017, on voit qu'il y a 102 mutuels qui
regroupaient 28 581 employeurs, représentant 41 792 établissements.
Les dirigeants de PME sont ouverts à une
amélioration du régime de santé et sécurité, surtout au regard des données
publiées la semaine dernière par Morneau Shepell, qui démontrent que le Québec
peut faire mieux que son régime assurantiel qu'est la CSST parce qu'il se
démarque pour son coût de réparation, son taux moyen plus élevé et des délais
plus longs.
Nous tenons à saluer, ici, la volonté du ministre
du Travail de moderniser le régime. Nous partageons les objectifs quant à la
prévention, à la réduction de la durée des réclamations, à l'amélioration du
soutien des employés et des employeurs, d'un retour au travail prompt et
durable et de réduction des risques de chronicité des lésions professionnelles,
mais on ne peut pas vous cacher que nous sommes également inquiets de certaines
avenues qui sont proposées. Notre mémoire vise à proposer des pistes pour
atteindre une réforme équilibrée qui répond à la <réalité...
M. Vincent (François) :
...d'un retour au travail prompt et durable et de réduction des risques de
chronicité des lésions professionnelles, mais on ne peut pas vous cacher que
nous sommes également inquiets de certaines avenues qui sont proposées. Notre
mémoire vise à proposer des pistes pour atteindre une réforme équilibrée qui
répond à la >réalité des dirigeants de PME qui sont actuellement
durement fragilisées par la pandémie.
On va commencer par ce qu'on trouve
positif. D'abord, la FCEI tient à souligner que les organisations publiques
cotiseront dorénavant aux normes du travail, ce qui fera diminuer le taux de
cotisation de 0,1 % à partir de 2022. Dans le contexte actuel, une baisse
de cotisation, si minime soit-elle, est une bonne nouvelle pour les employeurs.
Nous accueillons aussi positivement les modifications relatives à la
gouvernance et au virage technologique dans la prestation de services de la
CNESST.
La FCEI désire souligner les mesures
d'accompagnement et de soutien à la recherche d'emploi, qui vont dans le bon
sens. Il est également stratégique d'utiliser la synergie des services
d'emplois du ministère, et nous remercions le ministre de cette orientation.
Aussi, nous sommes favorables aux orientations en matière d'assistance médicale
pour déterminer les balises assurantielles, d'encadrer les fournisseurs et de
déterminer les tarifs de remboursement. La FCEI tient également à souligner la
proposition qui touche les travailleurs expérimentés.
Maintenant, nous désirerions vous parler
de nos inquiétudes car, pour certains éléments, le projet de loi, à nos yeux,
semble s'éloigner de certains principes mêmes de la loi et du régime
assurantiel... je précise, assurantiel du régime, un régime basé sur les
principes Meredith, adhésion des employeurs qui s'acquiert lorsque les coûts
devant être défrayés par ceux-ci sont directement liés aux lésions dues au
travail et sur lesquelles ils peuvent intervenir en termes de prévention, ainsi
que l'élimination des poursuites de part et d'autre. Lorsqu'on voit que le
régime prend la tangente qui ressemble davantage à un programme dit social, on
s'éloigne de l'équilibre recherché par le régime. Dans le présent projet de
loi, nous décelons certaines brèches à cet équilibre, puis, à cet égard, bien,
je transfère la parole à M. Bérubé, qui va vous parler d'imputation.
M. Bérubé (Francis) : Merci,
M. Vincent. Donc, en effet, nous percevons, dans le projet de loi, des
modifications qui pourraient diminuer les droits des employeurs en matière
notamment d'imputation, c'est-à-dire ne pas avoir à payer pour une lésion qui
n'est pas due à leur responsabilité. En 1990, dans le document de la CSST sur
la politique d'imputation, on écrivait : «Pour qu'il y ait un transfert
d'imputation, l'employeur doit démontrer, à la satisfaction de la commission,
que l'accident en cause est dû à l'action ou à l'omission d'un tiers qui n'est
ni son représentant ni son employé, et que, conséquemment, il y a injustice de
lui imputer le coût de cet accident.» Fin de la citation. Donc, pour la FCEI,
imputer un coût qui n'est pas de la responsabilité de l'employeur est tout
aussi injuste aujourd'hui que ça l'était en 1990. Pour faire une analogie, si
on achète une voiture d'un particulier, elle ne vient pas avec les billets de
contravention du propriétaire précédent. Donc, c'est pourquoi la FCEI
recommande de ne pas modifier les articles 326, 328 et 329 de la loi.
Les dirigeants de PME, comme François
faisait mention, <sont...
M. Bérubé (Francis) :
…l'était
en 1990. Pour faire une analogie, si on achète une voiture d'un
particulier, elle ne vient pas avec les billets de contravention du
propriétaire précédent. Donc, c'est pourquoi la FCEI recommande de ne pas
modifier les articles 326, 328 et 329 de la loi.
Les dirigeants de PME, comme François
faisait mention, >sont dédiés à assurer la santé. Ils prennent aussi en
considération la réalité des maladies psychologiques. D'ailleurs, les
entrepreneurs ne sont pas exempts, ils sont des humains. En effet, selon un
sondage de la FCEI, près du tiers des dirigeants des PME au Québec ont connu
des problèmes de santé mentale. La santé mentale n'est plus taboue pour les
dirigeants d'entreprise, mais ils veulent qu'on s'assure de bien faire les
choses et sans précipitation pour éviter de recréer une situation similaire,
comme le PMSD, qui coûte 27 fois plus cher que ce qui avait été prévu au
départ.
Donc, ne précédons pas les étapes. Il faut
donc être prudent avant d'intégrer les lésions psychologiques à l'annexe des
maladies professionnelles bénéficiant de la présomption. Le projet de loi
propose de mettre en place un comité scientifique, ce serait donc un mandat qui
pourrait lui être confié. Donc, je cède la parole à M. Vincent.
M. Vincent (François) : ...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Votre micro. Votre micro, M. Vincent. M. Vincent? M. Vincent,
votre micro.
M. Vincent (François) : Ça va
aller mieux avec le micro.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Ça va. C'est bien.
M. Vincent (François) : Oui.
Donc, je disais merci. Puis, comme je disais, les PME sont encore au coeur de
la tempête des impacts économiques de la présente pandémie. On dévoilait, hier,
un sondage, puis il y a 34 % des PME, au Québec, qui manqueront de
liquidité d'ici l'été. La situation est critique. Ils sont neuf entrepreneurs
sur 10 à compter sur l'appui du gouvernement pour les aider encore. Ils sont
trois sur cinq à demander à Québec de poursuivre la réduction du fardeau
administratif et réglementaire. Puis ce qu'on constate ici, dans le projet de
loi, c'est que le fardeau administratif va augmenter.
C'est pourquoi la FCEI demande que soient
respectées les dispositions du un pour un de la Politique gouvernementale
d'allègement réglementaire et administratif, c'est-à-dire de réduire d'autant
les coûts aux entreprises que les nouvelles règles imposeront.
Outre les coûts d'implantation des deux
premières années, allant de 1 700 $ à 3 750 $, la réforme
apportera des coûts récurrents de 1 791 $ à 2 793 $. Ainsi,
nous demandons un plan de diminution des coûts annuels de la réglementation du
ministère pour les entreprises entre 2 000 $ et 3 000 $. La
FCEI est persuadée qu'avec la même énergie qui a été déployée pour mener ce projet
de loi jusqu'à l'étude le ministère peut trouver des moyens de réaliser de
telles économies pour les employeurs.
Quant à l'assujettissement des entreprises
aux mécanismes de prévention, nous sommes d'avis que plusieurs adaptations
seront nécessaires. Le plan de prévention devrait se rattacher à la
recommandation du CCTM de 2017, à l'effet que le programme ne s'applique qu'aux
entreprises de 20 employés et plus.
En ce qui concerne la notion des comités
de santé et sécurité et de représentants de santé et sécurité, pour nous, il y
a un dédoublement des structures. Un représentant pourrait être nommé au besoin
et à la discrétion d'un <comité…
M. Vincent (François) :
...recommandation du CCTM de 2017, à l'effet que le programme ne s'applique
qu'aux entreprises de 20 employés et plus.
En ce qui concerne la notion des
comités de santé et sécurité et de représentants de santé et sécurité, pour
nous, il y a un dédoublement des structures. Un représentant pourrait être
nommé au besoin et à la discrétion d'un >comité. Pour les petites entreprises,
il est possible que ce soit un cadre aux ressources humaines, par exemple, qui
désire s'engager activement au niveau de la prévention.
Par ailleurs, la façon dont est libellé le
projet de loi, nous craignons que certaines entreprises soient assujetties,
mais qui, normalement, ne le seraient pas, en fonction d'un barème proposé
selon les risques particulièrement à la taille de l'entreprise. Nous avons,
comme vous avez pu probablement le constater, d'autres éléments dans notre
mémoire, comme sur le PMSD, programme de maternité sans danger, et la
surindemnisation. Nous serons heureux d'échanger sur ces sujets, si vous
désirez, à la période des questions.
En somme, la FCEI désire assurer des
milieux de travail exempts de maladies, blessures ou décès. Elle désire
collaborer pour arriver à l'adoption des meilleures mesures pour les employeurs
et pour les employés. La FCEI croit que la clé pour y arriver est d'atteindre
l'équilibre entre la réalité des employeurs et des employés, qui est très bien
exprimée dans les consensus du CCTM.
Ici, l'importance, pour nous, est le mot
«équilibre», ce qui m'amène à conclure ma présentation sur cette citation tout
à propos du philosophe français Jean Grenier. Je fais la citation : «Il
est aussi noble de tendre à l'équilibre qu'à la perfection, car c'est une
perfection que de garder l'équilibre.» Merci.
• (15 h 50) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous allons commencer, effectivement, la période d'échange avec
M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Tout d'abord, j'aimerais remercier la Fédération canadienne de
l'entreprise indépendante pour son engagement auprès des PME au Québec et sa
contribution à l'amélioration du projet de loi n° 59,
et c'est démontré par votre présence. François, content de se revoir, même si c'est
virtuellement, et Francis. Et évidemment je remercie toute l'équipe de
collaborateurs qui ont contribué à la rédaction de votre mémoire, qui, par
ailleurs, est extrêmement intéressant.
Il faut le répéter, François, Francis, les
PME, c'est au coeur du développement économique québécois, c'est là que se
retrouvent la majorité des emplois, c'est là que se crée de la richesse au
Québec. Et pour côtoyer beaucoup d'entrepreneurs et pour avoir eu un père qui
l'était, c'est important d'avoir un environnement qui est le plus léger
possible au niveau de la réglementation. Puis il y a énormément de
propriétaires et fondateurs de PME qui n'attendent pas après l'État mais qui ne
veulent pas que l'État crée des obstacles additionnels à l'atteinte de leur
objectif, qui est par ailleurs extrêmement noble.
J'apprécie aussi, François, que, d'entrée
de jeu, vous réaffirmiez l'importance de la santé et sécurité dans les milieux
de travail et j'aime aussi... tu sais, parce qu'on fait souvent référence <au...
M. Boulet : ...qui est par
ailleurs extrêmement noble.
J'apprécie aussi, François, que,
d'entrée de jeu, vous réaffirmiez l'importance de la santé et sécurité dans les
milieux de travail et j'aime aussi... tu sais, parce qu'on fait souvent
référence >au paritarisme et au dialogue social, vous êtes membres du Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et j'apprécie beaucoup que vous
nous disiez, par exemple : Oui, on salue la volonté du ministre,
l'objectif de modernisation, et on est d'accord, on est à l'aise avec les
points a, b, c, on est moins à l'aise avec d'autres. Je trouve que c'est une
belle façon de mériter notre attention. Puis je ne réfère pas qu'à moi, mais je
réfère à mes collègues du parti gouvernemental puis mes collègues des partis
d'opposition : on a tous le même objectif de faire de ce projet de loi là
une réussite pour le bénéfice de la santé des Québécois, des employeurs, et des
travailleurs, et des travailleuses.
Cotisation aux normes du travail,
effectivement, même si l'incidence n'est pas très élevée, c'est bénéfique pour
le niveau de cotisation.
Bon, je ne reviendrai pas sur tous les
points, François, mais... je ne sais pas qui des deux peut me répondre, mais,
tu sais, quand vous dites, dans votre recommandation 1 : «Permettre à
l'employeur de s'opposer à l'opinion du médecin traitant en matière
d'assignation temporaire via le processus du bureau d'évaluation médicale», bon...
On sait que l'assignation temporaire, c'est un mécanisme extrêmement utile qui
permet aux employeurs de faire travailler quelqu'un qui a subi un accident de
travail ou une maladie professionnelle. Ce n'est pas la réduction des coûts qui
est le facteur premier, c'est de permettre à la personne d'avoir une
réadaptation qui est plus diligente, que ce soit un travail qui correspond à sa
capacité résiduelle de travail suite à son événement. C'est bénéfique pour tout
le monde. C'est une prérogative de l'employeur, ce que les tribunaux disent. Et
j'aimerais vous entendre, parce que je présume que ce que vous avez en tête,
c'est que l'employeur demande au travailleur de faire une assignation
temporaire, il va voir son médecin traitant, puis il refuse, puis il n'y a pas
de mécanisme de... Est-ce que c'est ce à quoi vous référez, François, Francis?
J'aimerais ça, que vous me parliez de ça et de son impact au sein des PME.
M. Bérubé (Francis) : Oui.
Bien, en fait, simplement, c'est d'offrir l'opportunité à un employeur qui
s'interroge, dans le fond, sur la décision d'avoir un mécanisme pour avoir une
possibilité de contester, donc, dans la mesure où il juge que peut-être l'avis
qui est donné n'est pas représentatif de ce que ce devrait être ou donc...
Essentiellement, c'est d'avoir l'opportunité d'avoir un deuxième avis ou de
contester l'avis qui est donné. Ce n'est pas plus complexe que ça. C'est donner
un outil supplémentaire aux employeurs pour s'assurer que la bonne solution est
mise en place.
On est d'accord sur le principe. C'est
vrai que c'est un principe extrêmement important, ça, on appuie ça <totalement...
M. Bérubé (Francis) :
…essentiellement, c'est d'avoir l'opportunité d'avoir un deuxième avis ou de
contester l'avis qui est donné. Ce n'est pas plus complexe que ça. C'est donner
un outil supplémentaire aux employeurs pour s'assurer que la bonne solution est
mise en place.
On est d'accord sur le principe. C'est
vrai que c'est un principe extrêmement important, ça, on appuie ça >totalement,
mais c'est de s'assurer que les décisions qui sont prises à cet égard-là sont
les bonnes de part et d'autre.
M. Vincent (François) : Là,
je pourrais apporter une précision. C'est, admettons... un employeur sait bien
quels sont les risques associés au travail, aux différentes machines de son
entreprise. Ça fait qu'admettons, là, il y a une machine qui est la A38, par
exemple, qui n'exige pas énormément de manipulation, mais peser sur…
probablement peser sur un bouton, mais que le médecin qui n'est pas à
l'intérieur de l'entreprise ne l'aura pas nécessairement vue, bien, ce que
mentionnait Francis, ça permettrait justement d'aller chercher, peut-être, une
perspective plus près de la réalité entrepreneuriale de l'entreprise donnée.
M. Boulet : Oui, je trouve ça
intéressant, François, Francis. Donc, si tu dis : Bon, ça fait deux jours
que la personne est absente, puis tu aurais une assignation temporaire à lui
confier, qui est bénéfique, qui répond aux critères prévus dans la loi pour le
permettre, puis que la personne dit : Je vais aller voir mon médecin, puis
revient avec un certificat médical de son médecin qui dit : Non, il ne
peut pas faire l'assignation temporaire, que l'employeur puisse avoir
l'opportunité d'obtenir une opinion de son médecin désigné, et, en cas de
désaccord, que le BEM, que le bureau d'évaluation… excuse, Marie, pour
l'acronyme, que le Bureau d'évaluation médicale puisse agir à titre d'arbitre
et décider si la personne peut faire le travail. C'est bien ça?
M. Bérubé (Francis) : Oui,
exactement.
M. Vincent (François) : Oui,
puis je rajouterais même… je ne rappelle plus si c'est dans l'avis, ou dans le
rapport du CCTM, ou dans l'analyse d'impact réglementaire, là, j'essayais de
faire un Ctrl + F mais je n'ai pas eu le temps, il y a une place où
on marque que le fait d'attendre avant d'arriver sur le milieu de travail, le
retour au travail est aussi nuisible que la lésion en tant que telle, d'où
l'importance de pouvoir ramener rapidement les travailleurs pour leur propre
santé aussi. C'est soit dans l'analyse d'impact réglementaire ou soit… Je
pourrai le chercher puis vous envoyer la référence exacte, là, mais, ça, c'est
quelque chose qui m'avait marqué lors de l'étude du présent projet de loi.
M. Boulet : François, Francis,
ça s'inscrit dans la philosophie du p.l. n° 59, d'assurer un retour le
plus prompt possible du travailleur pour éviter les risques de chronicisation.
Et c'est dans la même approche que la possibilité d'accéder à des mesures de
réadaptation avant la consolidation puis de mieux encadrer l'année de recherche
d'emploi pour la personne qui n'est pas capable de revenir à son emploi
prélésionnel. Ça fait que c'est particulièrement intéressant.
Un autre volet que j'aimerais aborder avec
vous autres, bon, maintenir 326, 328, 329. Deux éléments. «Obérer injustement
un employeur», comment vous interprétez ça? Puis je connais l'état de la
jurisprudence, mais comment c'est… Est-ce que c'est bien utilisé au sein <des…
M. Boulet : ...maintenir
326, 328, 329. Deux éléments. «Obérer injustement un employeur», comment vous
interprétez ça?
Puis je connais l'état de la jurisprudence, mais comment
c'est… Est-ce que c'est bien utilisé au sein >des PME québécoises? Et
pourquoi vous revendiquez que ce soit maintenu?
M. Bérubé (Francis) : Je peux
y aller. En fait, <c'est... si on... >il y a deux principes. Dans
le fond, il y a «obérer injustement», le principe d'imputation. Au niveau... Le
fait d'être obéré injustement, initialement, la compréhension, puis, je pense,
l'essentiel de ça, c'était de s'assurer qu'une entreprise qui compose avec une
lésion puis... l'idée, c'est qu'elle n'ait pas une charge tellement lourde que
ça mette en péril son entreprise, d'une certaine façon, et que cette charge-là
soit limitative pour lui dans le développement de son entreprise. Donc, c'est
vraiment la notion... en tout cas, pour les PME, nous, comment on le voit, c'est
vraiment dans ce sens-là, c'est de s'assurer que la lésion n'engendre pas une
charge tellement lourde sur l'entreprise que ça met à risque ses activités, essentiellement.
Au départ, ce que je comprends, c'est que c'était vraiment à cet égard-là que
le principe était appliqué.
M. Boulet : L'autre, là, la
notion de handicap... Mais il me semble qu'obérer injustement, pour les PME au Québec,
ça n'a pas véritablement d'incidence, parce qu'elles sont au taux de l'unité
parce qu'elles n'ont pas des masses salariales qui les assujettissent au régime
rétrospectif, et pas du tout, bien sûr, autopersonnalisé. Mais c'est pour ça
que je me demandais, Francis... il me semble que ça n'a pas d'impact pour les
entreprises qui sont au régime financier qu'on appelle taux de l'unité.
M. Bérubé (Francis) : Oui.
Bien, en fait, l'idée, c'est que... Pour nous, l'idée est bonne. Donc, de la
préserver pour s'assurer que, si un cas particulier se présente, que cette
notion-là soit toujours considérée reste important pour nous, là. C'est plus,
on va dire... ça maintient un caractère quand même... de maintenir cela, ça
prévient des situations qui pourraient être graves dans certaines entreprises
qui pourraient subir des répercussions importantes, là, au niveau d'une lésion.
Donc, on pense que <c'est... >le garder va assurément permettre
d'éviter des risques ou, en tout cas, qu'une entreprise soit obérée
injustement, comme la loi avait été faite au départ.
M. Boulet : Oui. Puis effectivement,
ce que les tribunaux disent, que ça risque de mettre en péril la santé
financière de l'entreprise, je comprends. C'est peut-être une question de
principe, mais la répercussion financière n'est pas, selon moi, là, n'est pas
claire.
• (16 heures) •
Mais l'autre volet, sur la notion de
handicap, bon, on connaît les deux courants qui se sont développés sur... bon,
la notion de handicap, on la définit dans le p.l. n° 59
et on s'accroche à la définition qui est retenue par l'Office des personnes
handicapées du Québec, alors que, là, il n'y avait pas de définition. Puis on a
vu les tribunaux, un temps, le courant majoritaire...
16 h (version révisée)
M. Boulet : …bon, la notion de
handicap, on la définit, dans le p.l. n° 59, et on
s'accroche à la définition qui est retenue par l'Office des personnes
handicapées du Québec, alors que, là, il n'y avait pas de définition. Puis on a
vu les tribunaux, un temps, le courant majoritaire, c'est qu'il fallait, <que…
>pour que ce soit un handicap permettant une désimputation suite à une
demande de partage de coûts, qu'elle soit symptomatique, qu'il y ait une preuve
que ça limitait la personne dans l'accomplissement d'activités personnelles.
Là, évidemment, elle peut être asymptomatique. On associe beaucoup la notion de
handicap de la Loi sur les accidents de travail à celle de la Charte des droits
et libertés de la personne, et ça peut être une condition asymptomatique.
Mais ce qu'on réalise, souvent, c'est que
les demandes de partage de coûts sont faites beaucoup par les grandes
entreprises, qui disent : Il y avait un handicap, même s'il n'y avait
aucune déviation par rapport à la norme médicale généralement reconnue puis
qu'il n'y avait pas de condition symptomatique, même si c'était asymptomatique.
Et là c'est désimputé, ça ne va plus dans le dossier de l'employeur, mais ça va
dans le fonds général. Et j'ai toujours eu l'impression que les PME étaient
comme laissées pour compte, absorbaient ça puis payaient, finalement, de
manière globale pour la multiplicité des demandes de partage de coûts, qu'on
avait particulièrement au sein de la grande entreprise. François, Francis,
j'aimerais ça vous entendre sur ce point-là.
M. Vincent (François) : Je
reviendrai sur qu'est-ce que vous avez dit. Vous avez parlé d'une question de
principe, si ça peut être utilisé par une grande, c'est bien, par une moyenne,
c'est… une petite entreprise aussi, mais de là à pouvoir interférer sur ce
droit d'entrepreneur là de désimputer un élément, un cas… C'est un principe sur
lequel on tient.
Puis, quand on a regardé les revues de
littérature par rapport à ça, bien, il y avait plusieurs bureaux spécialistes,
Norton Rose Fulbright, il y avait également Langlois avocats, Morency avocats.
Donc, on s'est dit : Probablement que… C'est plusieurs auteurs différents
spécialisés en droit du travail, bien, il y avait un élément à prendre en
considération. On a aussi consulté différents experts pour mener <cette… >notre
mémoire. Parce que, bon, moi puis Francis, on est des bons généralistes, mais
on n'est pas des experts précis des droits du travail et de la jurisprudence
là-dessus dans les 30 dernières années ou 40 dernières années, depuis
la dernière grande réforme, mais, quand on parle d'un principe d'un employeur
qui… Même, selon nous, du fait qu'il accepte un risque assurantiel, bien, on
pense qu'il ne faudrait pas aller de l'avant avec les recommandations qui ont
été proposées par les articles qui ont été mentionnés par Francis dans la
présentation.
Pour faire un bond sur le principe, c'est
aussi pour ça qu'on demande l'allègement réglementaire et un engagement précis
que les coûts, qui vont être imputés aux PME dans le cadre de cette réforme-là,
soient <diminués…
M. Vincent (François) :
…qui ont été mentionnés par Francis dans la présentation.
Pour faire un bond sur le principe,
c'est aussi pour ça qu'on demande l'allègement réglementaire et un engagement
précis que les coûts, qui vont être imputés aux PME dans le cadre de cette
réforme-là, soient >diminués, aussi le respect de la règle du un pour un,
puis j'en profite pour réitérer cette demande.
M. Boulet : Je comprends très
bien. On m'informe, François puis Francis, puis pour le bénéfice de tout le
monde, il y a seulement 5 % des coûts des entreprises imputées, des
entreprises qui sont au taux de l'unité, qui sont désimputées en vertu soit de
326, 328, 329. Ça fait que ça n'a peut-être pas tant d'incidence, mais ce qui
nous a motivés beaucoup, c'est la déresponsabilisation de certaines entreprises
qui, dès qu'il y a un handicap, dès qu'il y a une condition asymptomatique qui
précède la survenance de la lésion professionnelle, se déresponsabilisent puis
font assumer par le fonds général, incluant les PME. Les coûts qui sont
désimputés pour des lésions, <des fois qui… >des fois, c'est des
montants substantiels, là, quand on tient compte du facteur de chargement.
Le un pour un, oui, François, on en a déjà
parlé. Peut-être, dernier élément, les lésions psychologiques. Je comprends,
François, Francis, que, bon, il va y avoir un comité de scientifiques qui va
nous guider, qui va nous soumettre des recommandations. Vous faites même
référence, dans une autre recommandation, au DSM-V, là, qui est la bible
des psychiatres non seulement au Québec, là, mais qui est reconnue dans notre
monde occidental, notamment. Et vous recevez ça de manière favorable. Je
comprends, François, Francis, qu'on n'embarque pas dans l'ajout de nouvelles
lésions psychologiques dans la liste des maladies professionnelles présumées.
M. Vincent (François) :
Je
vais laisser Francis…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il ne reste qu'une minute, alors.
M. Vincent (François) : O.K.
Très rapidement, juste sur l'intervention d'avant, 5 %, bien, c'est
5 % de trop. Si on enlève un droit, un droit, on ne pense que ça soit 0,1 %.
S'ils ont la possibilité de l'utiliser, que ça soit 5 %, on pense que
c'est important que les entrepreneurs puissent y avoir recours. C'est comme si…
Puis, sur la question des maladies
psychologiques, on pense qu'il <ne faut pas… il >faut procéder par
étapes. Puis, si on va, justement, dans le sens d'établir un comité
scientifique, bien, qu'on leur donne des mandats qui sont pertinents, puis ça,
ça pourrait en être un. Puis, sur le DM V… quelque chose, là, je laisserais
Francis répondre à ça ou… si je n'ai pas complètement répondu à votre question.
M. Boulet : Puis, des mandats,
là, je l'ai confirmé ce matin, <pour… >à ce comité de
scientifiques là, oui, c'est véritablement mon intention de confier des mandats
pour faire des analyses plus poussées, tenant compte de l'évolution des
connaissances scientifiques et médicales, pour toutes les maladies de nature
psychologique. Absolument, on va aller de l'avant avec ça. Excuse-moi, Francis,
d'avoir pris un peu de ton temps…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Désolée, mais il n'y a plus de temps.
M. Bérubé (Francis) :
<J'ai…
M. Boulet : ...
à ce
comité de scientifiques là, oui, c'est véritablement mon intention de confier
des mandats pour faire des analyses plus poussées, tenant compte de l'évolution
des connaissances scientifiques et médicales, pour toutes les maladies de
nature psychologique. Absolument, on va aller de l'avant avec ça. Excuse-moi,
Francis, d'avoir pris un peu de ton temps…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Désolée, mais il n'y a plus de temps.
M. Bérubé (Francis) :
>J'ai… O.K.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons. Oui. Alors, nous poursuivons, cette fois-ci, avec le
député de...
M. Boulet : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui. Nous poursuivons avec le député de Nelligan. Vous disposez de
11 minutes. Je vous invite à bien respecter votre temps, s'il vous plaît.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Donc, le respect du temps, c'est pour l'ensemble des membres, donc aucun
problème si vous référez toujours à ce que je dois respecter le temps, je pense
que je le respecte.
Pour <cette... >ma partie, je
vais être moi et mon collègue le député de Robert-Baldwin. Messieurs,
M. Vincent et M. Bérubé, merci pour le rapport très détaillé, des
recommandations très claires. Je vais aller directement avec ma première
question. Quand vos membres, ils ont vu ce projet de loi, ça a été quoi,
leur première réaction, surtout avec l'année que nous sommes en train de vivre,
avec la COVID et, vous l'avez mentionné au début, la situation économique qui
est un peu difficile, le manque de liquidités? Je compte sur M. le ministre de
faire un peu de pouce et ramener la même chose que vous venez de dire à son
collègue le ministre de l'Économie. Donc, la situation est un peu problématique
pour nos PME. Donc, c'était quoi, leur point de vue, messieurs?
M. Vincent (François) : Quand
on a parlé à des experts, disons que, la perception des employeurs, <était...
>tu sais, il y avait certaines grandes craintes vives de certaines
pertes de droits. Mais, tu sais, je tiens à rebondir sur la question
d'oblitérer, là, tu sais, c'est quand même un potentiel de 29 000 employeurs en PME, en
mutuelles, des PME qui pourraient utiliser ce droit-là, tu sais. Donc, oui,
peut-être 5 %, mais il y a quand même des risques qui y sont associés.
Quant à la situation économique, oui,
disons, quand on regarde... Tu sais, je lis les 200, 400 commentaires de
membres sur les sondages qui sont émis, puis c'est vraiment extrêmement
difficile qu'est-ce qu'ils vivent actuellement. Puis c'est pour ça ici qu'on a
fait des recommandations pour adapter ça au niveau de la petite entreprise,
notamment aussi en s'assurant d'être conforme avec qu'est-ce qui se fait dans
le reste du Canada, d'où nos recommandations <sur les... >de ne
pas assujettir les moins de 20, comme c'était le cas des demandes du CCTM.
Et, bon, tout dépendamment des décisions
des parlementaires, parce que vous êtes souverains dans votre décision par
rapport à ce qui va être mis en application… mais de vous assurer, à ce
moment-là, bien, que ça va être à coût nul au niveau du coût de l'application
du fardeau réglementaire pour les entreprises. Parce que ce n'est pas le temps
ici d'augmenter la paperasserie ou d'augmenter les coûts pour les entreprises,
surtout quand elles sont 61 % à nous <dire...
M. Vincent (François) :
...
par rapport à ce qui va être mis en application… mais de vous
assurer, à ce moment-là, bien, que ça va être à coût nul au niveau du coût de l'application
du fardeau réglementaire pour les entreprises. Parce que ce n'est pas le temps
ici d'augmenter la paperasserie ou d'augmenter les coûts pour les entreprises,
surtout quand elles sont 61 % à nous >dire que le gouvernement
devrait maintenir et poursuivre son allègement réglementaire.
• (16 h 10) •
M. Derraji : Oui, mais
vous avez raison et vous l'avez soulevé. Et, au fait, je pense, même le gouvernement
vous donne raison, parce que le gouvernement, il est obligé de produire une
analyse d'impact réglementaire, et, dans l'analyse d'impact réglementaire, c'est
mentionné à plusieurs reprises. Pour le bénéfice… une de nos collègues nous
incite souvent de ne pas dire des acronymes, donc vous avez mentionné le CCTM,
et le CCTM, c'est le Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.
Ma question : Depuis le début, il y a
toujours un consensus au niveau des recommandations. C'est ce comité où il y a plusieurs
personnes qui travaillent pour arriver à des recommandations, donc c'est des recommandations
bien étudiées, ce n'est pas une affaire d'un mois ou deux mois, c'est de
longues discussions entre les partenaires au sein de ce comité. Vous parlez,
dans votre page 15, que la recommandation, de 20 employés et moins,
est qu'«il ne fait nul doute que le projet de loi s'éloigne significativement
des recommandations consensuelles 10 à 12 de l'avis du Comité consultatif
du travail et de la main-d'oeuvre de 2017. Le gouvernement devrait y revenir». Est-ce
qu'on doit comprendre aujourd'hui que vos membres, en bas de 20 employés,
refusent l'applicabilité de ce projet de loi sur cette catégorie?
M. Vincent (François) :
Nos membres vont appliquer ce que les parlementaires vont décider. Maintenant, est-ce
qu'il y a des manières de le faire différemment? Oui. Puis, dans la rédaction
de notre mémoire, on s'est vraiment rattachés aux consensus qui ont été mis en
place par le CCTM, ce qui est un forum de dialogue social. Donc, on est arrivés
à faire une… C'est quoi, il y avait une cinquantaine de rencontres? Il y a eu
des sous-comités, puis etc.
Donc, les recommandations qui arrivent
puis qui sont consensuelles entre les syndicats puis les patrons, bien, on se
dit : Bien ça, il y a vraiment une entente claire sur ces éléments-là. Sur
les moins de 20, nous, on s'est rattachés à ce qui se faisait dans le reste du
Canada puis on pense qu'il y a d'autres manières de protéger les travailleurs.
Puis on a dit : 99 % des entreprises, des PME, dirigeants de PME
étaient engagés en santé et sécurité au travail. Dans le reste du Canada, il y
a notamment des programmes, comme en Ontario, le programme Excellence, qui a
été mis en place, en Alberta, le Personal Injury Reduction. On pourra vous
envoyer les informations suivant la commission, si vous voulez les avoir. Puis
il y a aussi les mutuelles de prévention qui font un travail important puis la…
est tellement engagée là-dedans qu'elle a la plus grande mutuelle de santé et
sécurité au travail.
M. Derraji : Mais,
M. Vincent, je comprends très bien vos arguments, je les ai lus dans votre
mémoire. Ma question, elle est très claire. Et je comprends que <les… >vos
membres vont appliquer ce que nous, on va décider en commission parlementaire,
mais maintenant ma question, elle est très claire. Aujourd'hui, je veux une
réponse très claire par rapport aux entreprises en bas de 20 employés. Le
consensus social, les consultations que vous avez menées au sein de cette
table, du Comité consultatif du <travail et de la…
M. Derraji : …
vos
membres vont appliquer ce que nous, on va décider en commission parlementaire,
mais maintenant ma question, elle est très claire. Aujourd'hui, je veux une
réponse très claire par rapport aux entreprises en bas de 20 employés. Le
consensus social, les consultations que vous avez menées au sein de cette
table, du Comité consultatif du >travail et de la main-d'oeuvre, dans
l'avis, qui est consensuel entre vous et les syndicats, stipule que ce n'est
pas applicable pour les entreprises en bas de 20 employés. Vous maintenez
toujours la même chose, le même discours qu'on ne peut pas changer, on ne peut
pas aller au-delà de ça?
M. Vincent (François) : Bien,
la recommandation n° 12 est superclaire, elle recommande que, dans
les établissements de moins de 20… La recommandation n° 11 et n° 12 :
«La FCEIrecommande que les programmes de prévention ne s'appliquent pas aux
entreprises de 20 employés et moins.» On l'a dit, il y a d'autres manières
de le faire, il y a des mutuelles. La recommandation n° 12,
également, ce n'est pas de lier un comité et un représentant. Puis ici, là, ce
qui nous préoccupe, c'est la possibilité qu'il y ait des entreprises qui soient
assujetties dès qu'elles vont passer un certain critère.
Bon, on a le tableau dans le mémoire, mais
on peut donner un exemple, là. Il y a des entreprises, qui sont catégorisées
dans le niveau de risque moyen, qui vont avoir des obligations en bas de 20 :
des bureaux d'agences et de courtiers immobiliers, hébergement des voyageurs,
location de biens de consommation, services funéraires. J'ai travaillé dans
l'industrie funéraire pendant quatre ans, mon premier emploi, j'ai été préposé
à l'accueil, j'ai été préposé aux opérations, puis je ne vois pas ça comme étant
un milieu avec des risques qui sont moyens, là. Si c'est juste un petit salon,
qu'il y a un préposé à l'accueil, disons qu'elle répond au téléphone puis elle
va rencontrer les personnes… Donc, il y a une possibilité à ce qu'on alourdisse
le fardeau administratif des petits entrepreneurs, ce n'est pas le temps de le
faire.
M. Derraji : Merci, M.
Vincent, le message est très clair : Pas du mur-à-mur, il faut absolument
qu'on prenne le temps d'analyser cela. Mme la Présidente, mon collègue de Robert-Baldwin,
je pense qu'il a d'autres questions. Merci à vous deux pour la présence.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, nous poursuivons avec vous. Il vous reste
3 min 30 s. Votre micro.
M. Leitão : Je pense que ça
aiderait si le micro était ouvert. Merci, Mme la Présidente. À la fin de la
journée, là, ça commence à dérailler un peu. MM. Vincent et Bérubé, une
question, et je pense que c'est la seule parce qu'on n'a pas beaucoup de temps.
Ça a été mentionné par d'autres, et je pense que c'est quelque chose qu'on
devrait peut-être regarder d'un peu plus près, c'est cette différence, et vous
avez fait allusion au début de votre présentation, <cette différence >entre
un régime d'assurance et un programme social. Le Conseil du
patronat l'avait mentionné aussi hier. Pouvez-vous nous parler un peu
plus de ça? Concrètement, là, à quoi vous faites allusion quand vous dites ça?
M. Vincent (François) : À
des... Bien, deux exemples qu'on donne en dedans de notre programme de
maternité sans danger, puis on n'est pas les seuls à avoir demandé ça, le CPQ,
qui a été le premier organisme, l'a proposé, d'aller... Tu sais, les <employeurs…
M. Leitão : ...
concrètement,
là, à quoi vous faites allusion quand vous dites ça?
M. Vincent (François) :
À des... Bien, deux exemples qu'on donne en dedans de notre programme de
maternité sans danger, puis on n'est pas les seuls à avoir demandé ça, le CPQ,
qui a été le premier organisme, l'a proposé, d'aller... Tu sais, les >employeurs
ne sont pas contre ça, mais ils pensent que ça devrait revenir aux bons
endroits, puis, ça, le Régime québécois d'assurance parentale est plus apte à
recevoir un tel programme que la CNESST, où les cotisations sont à 100 %.
Puis, dans le reste du Canada, il n'y a pas de tel type de programme. Puis je
dirais peut-être aussi la surindemnisation, mais je laisserais peut-être
Francis aller plus définir à quel moment on s'éloigne du principe assurantiel,
au bénéfice des parlementaires.
M. Leitão : Très bien.
M. Bérubé (Francis) : Bien,
en fait, l'essentiel, c'est qu'entre un nouveau... La taxation, <c'est...
>indépendamment du niveau de risque, indépendamment des actions qu'on met
de l'avant, on est sujet à un prélèvement fiscal. Donc, comme je dirais,
exemple, le principe d'imputation s'éloigne... justement, le principe
d'imputation, ça donne l'occasion de vraiment représenter le niveau de
responsabilité d'une entreprise par rapport à une lésion. Donc, c'est beaucoup
plus près du principe assurantiel. Tandis que, si ce principe-là n'existe plus,
on parle plus de taxation, à titre d'exemple. Donc, voilà, je vous dirais que
ça ressemble à ça.
M. Leitão : Très bien. Merci.
Et je pense que c'est quelque chose à laquelle on va faire attention quand on
va avancer dans l'analyse du projet de loi. Il faut vraiment regarder ces deux
choses différentes.
Un dernier commentaire. Allègement
réglementaire, bien sûr. Le principe du un pour un, tout à fait d'accord avec
vous. Donc, c'est clair qu'on va ajouter de nouvelles règles, nouvelles
contraintes. Avez-vous des suggestions, des règles ou des réglementations à
enlever? Qu'est-ce que la FCEI suggérerait? Qu'est-ce qui est le plus important,
à votre avis, qu'à court terme le gouvernement puisse alléger pour compenser un
peu les nouvelles contraintes imposées par ce projet de loi?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En 15 secondes.
M. Vincent (François) : Oui.
Bien, c'est ça, ça ne va pas être nécessairement une règle à enlever, ça va
être un processus, un formulaire, ou etc. On est prêts à collaborer, une fois
que le projet de loi va avoir été adopté, pour trouver les places pour le
faire, mais ce qu'on recommanderait, c'est d'avoir la même énergie qu'on a eue
à amener ce projet de loi là jusqu'à l'étude pour mener ce plan-là, qui, selon
la politique d'allègement réglementaire, doit être déposé 12 mois après
l'adoption de la loi. Donc, je suis persuadé que le ministère et nous, on est
capables de faire un travail extraordinaire à cet égard.
M. Leitão : J'en suis sûr.
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous
disposez de 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Vincent, M. Bérubé. M. Vincent, on
s'était picossés un peu, en octobre, sur le RQAP, on s'est lancé quelques… sur
la palette, en décembre, sur les restaurants. J'ai bien l'impression,
malheureusement, que<… on...> notre <relation est en...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...
député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de
2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Vincent, M. Bérubé. M. Vincent, on
s'était picossés un peu, en octobre, sur le RQAP, on s'est lancé quelques… sur
la palette, en décembre, sur les restaurants. J'ai bien l'impression,
malheureusement, que… on... notre >relation est en montagnes russes et
que nous devrons retourner dans un rôle d'opposition aujourd'hui.
Suite à la lecture de votre mémoire, il y
a quand même plusieurs choses qui m'étonnent, pour être honnête, M. Vincent,
quand vous réclamez, là, que les comités de santé et de sécurité puissent être
créés seulement s'il y a une entente. Moi, j'y vois un droit de veto patronal. Quand
vous parlez, <que... >verbalement, tantôt, je ne l'ai pas retrouvé
dans votre mémoire, mais verbalement vous avez évoqué qu'un représentant de
santé et sécurité pourrait être un cadre. C'est une suggestion particulièrement
surprenante. Je vous ai peut-être mal compris, et vous me corrigerez tantôt.
Vous proposez donc, vous l'évoquiez
tantôt, de transmettre le PMSD au RQAP, mais c'est une étonnante solution,
surtout que vous avez remis en question, dans votre mémoire en octobre,
l'existence même du RQAP. Alors, je ne comprends pas cette solution-là. Vous
proposez d'éliminer la prépondérance de l'opinion du médecin traitant, on
revient au médecin patronal qui était là avant l'instauration du régime dans
les années 70.
Je termine. Vous vous opposez à
l'assignation temporaire lors des... de pouvoir contester les assignations
temporaires, mais là on va retourner à une surjudiciarisation de la santé et
sécurité au travail, qui est déjà... (panne de son) ...économie générale de
votre mémoire. Puis je me dis : Mon Dieu! Mais c'est un cauchemar pour les
travailleurs. Y a-t-il une seule recommandation dans votre mémoire qui soit une
bonne nouvelle, qui soit une avancée pour les travailleurs et travailleuses qui
font fonctionner les PME québécoises?
M. Vincent (François) : Pour
répondre à vos interrogations, sur le représentant à la santé et sécurité, sur
le cadre, ce qu'on dit, c'est que, pour une petite entreprise, ça pourrait être
la directrice des ressources humaines qui veut le faire, mais elle ne pourrait
pas parce que, le représentant, il faut que ce soit un employé, mais s'il y a
une entreprise...
M. Leduc : Bien oui, par
définition.
M. Vincent (François) : Mme
la Présidente?
• (16 h 20) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, allez-y.
M. Leduc : Oui, allez-y.
M. Vincent (François) : Donc,
s'il y a une entreprise, selon les risques, qui va tomber à avoir un
représentant, puis, selon les risques élevés, ça peut être quand même assez
bas, bien, le nombre de personnes qui sont intégrées à ce comité ou <à
ce... >au représentant sont bas. Puis ça peut, dans une petite
entreprise, être un cadre. Puis c'est pour ça qu'on dit : Bien, le comité
pourrait décider lui-même, s'il y a un représentant, de quelle façon il va y
avoir...
Maintenant, sur le Régime québécois
d'assurance parentale, on n'a jamais remis en cause le fondement du régime, là,
puis je vous invite à aller revoir notre mémoire, même si, quand vous lisez
certains de nos mémoires, ça vous donne peut-être des émotions particulières.
Mais il n'y a pas de place là où on a dit qu'il faudrait scraper le régime. Ce
qu'on a dit, c'est qu'on a, par rapport au RQAP… c'est que les modifications
proposées avaient un impact qui était décuplé pour les petites entreprises,
notamment par le partage du congé parental, les impacts concernant
l'augmentation des coûts par le régime.
Mais maintenant, pour le programme de
maternité sans danger, pour revenir au principe de taxation, mais là les
employés pourraient participer, en partie à 40 %, à ce <programme-là
et non pas les...
M. Vincent (François) :
…
impact qui était décuplé pour les petites entreprises, notamment par le
partage du congé parental, les impacts concernant l'augmentation des coûts par
le régime.
Mais maintenant, pour le programme de
maternité sans danger, pour revenir au principe de taxation, mais là les
employés pourraient participer, en partie à 40 %, à ce >programme-là
et non pas les employeurs à 100 %. Puis, quand on regarde les données, c'est
la majorité le secteur public qui profite de ce système-là. Puis donc c'est le
privé qui finance pour une utilisation, majoritairement, dans le public.
Les autres questions, je passerais la
parole, peut-être, à Francis, parce que je les notais puis, après ça, j'ai
peut-être manqué les deux autres interrogations que vous aviez.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En fait, vous n'avez vraiment plus de temps, là. Le député a été rusé, il vous
a posé plusieurs questions en blocs, mais vous n'avez pas le temps de toutes
les répondre. Alors, on y va, maintenant, on poursuit, avec le député de
Bonaventure. Vous avez 2 min 45 s.
M. Roy
: Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, MM. Vincent et Bérubé. Écoutez, mon
collègue d'Hochelaga-Maisonneuve a posé certaines questions que j'avais le goût
de vous poser, mais je vais vous permettre de répondre à, peut-être, une ou
deux questions. Lorsque vous dites, dans la recommandation n° 1, que
vous voulez «permettre à l'employeur de s'opposer à l'opinion du médecin
traitant en matière d'assignation temporaire via le processus du bureau
d'évaluation médicale», dans un contexte où on a le record de contestations, en
matière d'indemnisation au Québec, je pense qu'on va en rajouter une couche en
matière de judiciarisation.
Et, bon, certains spécialistes nous disent
que le recours à la contestation augmente, de manière significative, la
détresse psychologique, et donc, dans votre mémoire, je crois que vous voulez
que la détresse psychologique ne soit pas reconnue, pour le moment, et qu'elle
soit traitée avec des comités de scientifiques. Donc… que là on voit que, bon,
certaines choses se manifestent puis ne sont pas, je dirais, cohérents avec les
mémoires ou les autres acteurs qui ont présenté leur mémoire.
Est-ce que vous pensez réellement que vos
propositions vont améliorer la santé et la sécurité au travail des employés des
entreprises que vous représentez?
M. Vincent (François) : Oui,
on pense qu'on peut améliorer la santé-sécurité… puis que nos recommandations
le sont aussi. Puis<, quand… puis,> je vous réfère aussi au
rapport de Morneau Shepell, là. Quand on regarde dans le reste du Canada, le
Québec est en retard sur beaucoup d'aspects. Donc, ça, il faut regarder ça
aussi, parce que ça reste un régime assurantiel, puis il faut être capable, en
même temps, d'améliorer la prévention puis, en même temps, d'améliorer la
performance du régime. Puis, si on ne va pas là-dedans, bien, on perd
l'équilibre qui est si important.
Sur la judiciarisation, <je… >c'est :
travaillons pour raccourcir les délais, mais je ne vois pas pourquoi on
enlèverait des droits, parce qu'on dit que ça augmente la judiciarisation. Je
ne pense pas que <c'est… >ce serait un argument qui serait
recevable au niveau de la justice. Je ne sais pas, la Cour des petites créances,
c'est trop long, ça fait qu'on va empêcher certaines personnes d'y avoir
recours, tu sais. Je veux dire, les employeurs, c'est important qu'ils puissent
faire valoir leurs droits puis c'est nonobstant le fait qu'ils peuvent faire de
la prévention, mais, une fois qu'il y a quelque chose qui arrive puis que ce n'est
pas de leur faute ou qu'ils peuvent désimputer, pourquoi on leur enlèverait un
droit? Ça, moi, je ne <comprends pas…
M. Vincent (François) :
...c'est trop long, ça fait qu'on va empêcher certaines personnes d'y avoir
recours, tu sais. Je veux dire, les employeurs, c'est important qu'ils puissent
faire valoir leurs droits puis c'est nonobstant le fait qu'ils peuvent faire de
la prévention, mais, une fois qu'il y a quelque chose qui arrive puis que ce
n'est pas de leur faute ou qu'ils peuvent désimputer, pourquoi on leur
enlèverait un droit? Ça, moi, je ne >comprends pas.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 20 secondes.
M. Vincent (François) :
Rapidement, sur le comité, ça sert à quoi, se fonder un comité, si on ne leur
donne pas un mandat d'étudier, puis qu'on met tout de suite quelque chose dans
l'annexe pour la prépondérance? Nous autres, on dit : Bien, si on voulait
vraiment la pertinence, qu'on lui donne un mandat puis qu'on ne mette pas...
comme dit l'expression, mettre la charrue devant les boeufs.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est parfait. Je vous remercie beaucoup. Alors, merci beaucoup,
M. Vincent, merci, M. Bérubé, pour votre contribution aux travaux de
la commission.
Nous suspendons quelques instants, le
temps de se préparer pour recevoir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 25)
16 h 30 (version révisée)
(Reprise à 16 h 33)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Alors, nous poursuivons et nous souhaitons la bienvenue aux
représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je
vous rappelle, messieurs, que vous avez 10 minutes pour votre exposé. Avant je
vous demande de bien vous présenter, et ensuite vous pourrez rapidement
poursuivre avec votre exposé.
M. Boyer (Daniel) :Merci, Mme la Présidente. Merci, M. le ministre. Merci, Mmes,
MM. les députés. Alors, je suis Daniel Boyer, je suis le président de la Fédération
des travailleurs et travailleuses du Québec, la FTQ, et je suis accompagné de
Simon Lévesque, représentant en santé et sécurité du travail à la FTQ-Construction.
D'ailleurs, la FTQ-Construction a déposé leur propre mémoire, là, mais il y a
des parties du secteur de la construction dans le mémoire de la FTQ.
La FTQ est la plus grande centrale
syndicale au Québec. Elle est présente dans tous les secteurs d'activités, tant
publics que privés. C'est la FTQ qui représente le plus de secteurs
prioritaires qui ont réussi à prendre à charge leurs milieux de travail et
ainsi réduire les lésions professionnelles que nos membres subissent chaque jour.
C'est aussi dans nos rangs qu'on constate quotidiennement la longueur des
démarches et nombreuses difficultés que les victimes de lésions doivent
affronter pour être reconnues. C'est à partir de ces connaissances que nous
avons évalué le présent projet de loi.
Je vous dirais : Prévention,
prévention, prévention. Pourquoi? Parce qu'on a besoin de main-d'oeuvre en
santé et disponible. Plusieurs défis de main-d'oeuvre se posent pour plusieurs
secteurs d'activité. Les contestations et la judiciarisation ne rendent pas la
main-d'oeuvre disponible pour autant. Plus de 100 000 réclamations par
année, plus de 250 accidents de travail par jour, plus de 200 décès par année,
tout ça, c'est du monde dont on a besoin au travail et qui n'y sont pas. En
2018, c'était l'équivalent de plus de 36 000 personnes à temps complet,
une perte de productivité importante pour le Québec. On pourrait toujours dire
que notre régime est trop généreux ou qu'il coûte trop cher, mais il n'en
demeure pas moins qu'une partie de notre main-d'oeuvre dont on a besoin est
estropiée. J'ajouterais que la contestation ne guérit pas, Mme la Présidente.
C'est pour ça, prévention, prévention,
prévention. D'ailleurs, l'article 2 de la loi actuelle, la présente loi, ça dit :
«La présente loi a pour objet l'élimination à la source même des dangers pour
la santé et l'intégrité physique des travailleurs». Donc, la prévention sans
distinction, ça doit s'appliquer à tous de manière égale, et pas seulement en
2023, 2024 ou 2025, mais bien le plus rapidement possible. Les milieux
prioritaires ont démontré la pertinence et l'application efficace des <mécanismes
de...
M. Boyer (Daniel) :
…
des travailleurs».
Donc, la prévention sans distinction, ça doit
s'appliquer à tous de manière égale, et pas seulement en 2023, 2024 ou 2025,
mais bien le plus rapidement possible. Les milieux prioritaires ont démontré la
pertinence et l'application efficace des >mécanismes de prévention à
travers un paritarisme présent à tous les niveaux. On doit les élargir à tous
de manière égale, sans distinction selon le secteur d'activité. En 2021, on est
rendu là.
Des niveaux de risque établis à partir des
débours et des calculs actuariels, ça ne fonctionne pas. On aura beau inventer
toutes sortes de calculs savants, il demeurera toujours que les acteurs sur le
terrain sont les mieux placés pour évaluer les besoins en matière de
prévention. Le paritarisme doit vivre dans tous les milieux de travail pour que
l'ensemble des intervenants, autant patronaux que syndicaux, aient tous pour
mission d'éliminer les dangers à la source, et ce, pour que tous puissent
travailler en toute sécurité.
La loi prévoit déjà des balises pour le
nombre de rencontres du comité de santé et sécurité et le nombre d'heures de
libération pour le représentant à la prévention qui sont simples et faciles à
appliquer et à comprendre pour tous. Le projet de loi n° 59 prévoit de
baisser le nombre d'heures de libération et le nombre de rencontres, en plus de
complexifier grandement la mise en place de ces mécanismes de prévention en les
modulant par niveau de risque. Pour respecter l'objet de la loi, il faut
maintenir les dispositions relatives au nombre de réunions des comités de santé
et sécurité et au temps accordé aux représentants à la prévention et les
appliquer à tous les milieux de travail.
Multiétablissement. Pourquoi pas ce qui a
été convenu au CCTM? L'application du multiétablissement doit nécessiter
l'accord des travailleurs et travailleuses, sinon on vient réduire l'efficacité
des mécanismes de prévention. La prévention passe par la connaissance aiguë des
réalités du milieu de travail, ce que ne permet pas le multiétablissement.
L'objectif de l'entente du CCTM était de permettre à certains milieux de se
regrouper, de regrouper des établissements dans des cas où les travailleurs et
travailleuses vivent des réalités similaires et où ils considèrent que ce
serait avantageux de travailler ensemble pour aborder les enjeux de prévention.
Le projet de loi ne tient pas compte de l'intérêt des travailleurs et
travailleuses, mais seulement celui des employeurs en permettant à ces derniers
de décider de mettre en place des mécanismes de prévention multiétablissements,
et ce, sans tenir compte des réalités différentes dans les milieux de travail,
de la distanciation physique entre les établissements et de la capacité d'être
proactif en prévention. Il faut respecter le consensus du CCTM ou carrément
retirer l'article portant sur le multiétablissement. Niveaux de risque plus
multiétablissement, bien, ça égale un méchant micmac à ne rien y comprendre.
Réparation, indemnisation, réadaptation.
Je vous cite encore une fois l'objet de la Loi sur les accidents de travail et
maladies professionnelles, l'article 1 : «La présente loi a pour
objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles
entraînent pour les bénéficiaires», bénéficiaires qui sont ici les
travailleurs. Il faut maintenir l'application large et libérale de la LATMP et
la prédominance du médecin traitant. <L'objectif de la…
M. Boyer (Daniel) :
...accidents de travail et maladies professionnelles, l'article 1 :
«La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des
conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires», bénéficiaires qui
sont ici les travailleurs. Il faut maintenir l'application large et libérale de
la LATMP et la prédominance du médecin traitant. >L'objectif de la
réparation est d'offrir aux victimes de lésions professionnelles une
indemnisation et une réadaptation. Si l'objectif était d'obtenir la même chose
que la RAMQ, on n'aurait pas laissé sur la table nos droits de poursuites
civiles envers les employeurs.
• (16 h 40) •
Il faut respecter l'objectif premier de ce
régime et assurer que les conséquences économiques et humaines des lésions
professionnelles ne soient pas transférées à la société. Les travailleurs et travailleuses
paient déjà très cher, comme l'a démontré l'IRSST, beaucoup plus que ce que les
employeurs paient. En coûts humains, les travailleurs et travailleuses paient
1 milliard de plus que les employeurs. Il faut s'assurer que ces coûts
humains diminuent. C'est pourquoi la prépondérance du médecin traitant est
essentielle. C'est un acteur neutre, mais il n'a aucun intérêt financier en
lien avec le traitement de la lésion. Il est celui qui est le plus à même de
connaître les besoins de la victime et de recommander les traitements et les
mesures de réadaptation les plus pertinents. L'ajout de règlements encadrant la
réadaptation aurait pour conséquence de limiter la capacité du médecin traitant
à prescrire les traitements et la réadaptation les plus adaptés. De même, de ne
pas tenir compte de l'opinion du médecin traitant pour une réadaptation avant
la consolidation met à risque des travailleurs et travailleuses, alors même que
l'assignation temporaire permet de réintégrer les victimes dans leur milieu de travail,
mais en assurant le respect de cette condition.
Pourquoi diminuer l'importance du médecin
traitant? D'ailleurs, le terme employé dans la loi, «médecin qui a charge», en
dit long. Pourquoi ajouter des délais et des critères en matière d'indemnisation,
de réadaptation et de maladie professionnelle? Une réelle modernisation doit
prévoir des avancées et non des reculs. Le projet de loi sous étude ne permet
pas de donner le nom de «modernisation» au projet de loi. Sur ce, je laisserais
la parole à mon collègue, Simon Lévesque, concernant le facteur de la construction.
M. Lévesque (Simon) : Mme la
Présidente, bonjour. Je me présente, mon nom est Simon Lévesque, je suis
responsable de la santé et sécurité du travail avec la FTQ-Construction. Dans
la LSST, les travailleurs et les travailleuses de la construction n'ont pas
accès aux mécanismes de prévention prévus pour les autres industries. Les
chantiers du Québec en auraient vraiment besoin, parce que la construction,
c'est 5 % de la main-d'oeuvre active du Québec, mais 20 % des décès
liés au travail. Le projet de loi n° 59 introduit des mécanismes de
prévention en créant un poste de représentant à la santé-sécurité, ce que nous
demandions, mais la proposition dans le projet de loi n'est pas adaptée à la
précarité de notre industrie. Les mécanismes de protection prévus à la Loi
santé et sécurité du travail ne protégeraient pas les représentants de la santé
et sécurité des représailles des employeurs.
La construction, c'est une industrie
précaire, il n'y a pas de garantie d'emploi, il n'y a pas de permanence. Les
chantiers durent, en moyenne, deux mois, et les travailleurs courent toujours
entre deux emplois. Un employeur peut rapidement déguiser un congédiement en
manque de <travail ou…
M. Lévesque (Simon) :
...
santé
et sécurité des représailles des employeurs.
La construction, c'est une industrie
précaire, il n'y a pas de garantie d'emploi, il n'y a pas de permanence. Les
chantiers durent, en moyenne, deux mois, et les travailleurs courent toujours
entre deux emplois. Un employeur peut rapidement déguiser un congédiement en
manque de >travail ou ne simplement jamais rappeler son employé pour un
autre emploi, et le projet de loi n° 59 maintient le RSS dans cette
précarité. Cela laisse toute la place à des représailles des employeurs. Les
bons RSS seront des parias qui ne seront pas réembauchés sur d'autres chantiers
ou bien, pire, ils vont avoir peur de tenir tête à leurs employeurs, de crainte
de perdre leur emploi.
À la FTQ-Construction, nous avons
développé une formule qui fait consensus parmi tous les syndicats de la
construction et qui protégerait les RSS. En voici les grands principes. Le RSS
doit être indépendant de tout employeur, présent dès le début du chantier, et
intervenir pour toutes les personnes présentes sur le chantier. Nous proposons
de regrouper les RSS en équipes mobiles pour chaque région de la CNESST qui
pourraient intervenir sur des chantiers de 8 millions et moins. On
maintiendrait ce que le projet de loi n° 59 propose comme heures de
libération de chantier : 10 à 24 travailleurs, une heure par jour, 24 à 49
travailleurs, c'est trois heures, et ça va en montant, jusqu'à 100 travailleurs
et plus, où le RSS est libéré à temps plein.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 30 secondes, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Simon) : Mais,
entre 10 et 100 travailleurs, si on veut que le RSS soit libéré à temps plein,
ce qu'on propose, c'est que le RSS couvre plusieurs chantiers. Ces RSS seraient
regroupés en équipes volantes par région de la CNESST et se répartiraient les
chantiers sur le territoire, et ce seraient les syndicats qui créeraient une
banque de candidats pour ces équipes. Comme ça, on assurerait une bonne présence
de RSS partout dans la province et on bonifierait la prévention.
À la quantité d'accidents et de décès sur
les chantiers du Québec, nous n'acceptons pas les demi-mesures. Il est grand
temps de se donner les moyens de protéger les bâtisseurs du Québec. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous commençons la période d'échange avec M. le ministre. Vous
disposez de 16 min 30s.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Boyer. Merci, M. Lévesque. Un, j'ai eu l'opportunité de
parcourir votre mémoire puis je tiens à remercier et féliciter ceux qui ont
contribué à sa rédaction, sa préparation. C'est un projet de loi qui est quand
même assez costaud, il y a près de 300 articles. Vous savez que ces deux
lois-là n'ont pas été revues depuis à peu près une quarantaine d'années, 1979
et 1985, donc il y a beaucoup à dire, il y a beaucoup d'éléments qui vous
concernent.
En même temps, j'apprécie beaucoup vos
remarques aussi, préliminaires, que vous êtes en mode paritarisme. M. Boyer,
Daniel, est membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, on
essaie de dégager des consensus. Il y a eu un certain nombre de consensus qui
sont reproduits dans la loi, d'autres consensus qui le sont en partie, certains
où même les parties me demandaient de faire des arbitrages.
Ce qu'il est important de dire, c'est <que...
M. Boulet : …
main-d'oeuvre,
on essaie de dégager des consensus. I
l y a eu un certain nombre de
consensus qui sont reproduits dans la loi, d'autres consensus qui le sont en
partie, certains où même les parties me demandaient de faire des arbitrages.
Ce qu'il est
important de dire,
c'est >que, globalement, on fait passer quand même le nombre de
travailleurs protégés par des mécanismes de prévention et de participation de
25 % à 94 %. Les façons de le faire, on peut en discuter, puis
l'étude détaillée article par article va nous permettre de les revoir de façon
plus concrète, mais Daniel soulignait un élément qui m'apparaît fondamental, c'est
les milieux de travail qui doivent se prendre en charge. Quand on parle
d'identification, contrôle, élimination de risque, ça appartient aux milieux de
travail.
Il faut arrêter de voir la loi comme étant
une bible. La loi, je le disais même récemment à M. Boyer, c'est ce qui
nous permet d'être utilisé comme référence. Il y a plus, il y a beaucoup plus
que ça, dans des milieux de travail syndiqués, et même dans des milieux non-syndiqués,
que ce que prévoit la loi. Les heures de libération, bien sûr, on va en parler,
mais il n'y a rien qui empêche les parties… Puis je connais les conventions
collectives de travail dans le réseau de l'éducation, de la santé, des services
sociaux. Il ne faut pas avoir peur d'avoir peur, là, le multiétablissement, on
réfère seulement à ce qui est de même nature, aux activités de même nature. Les
employeurs y tiennent.
Ça ne veut pas dire que ça va contaminer
les accréditations syndicales. Les accréditations syndicales ne se font que par
établissement, en vertu du Code du travail du Québec, et il y en a, des
mécanismes de participation des travailleurs par établissement. Donc, la loi ne
refera pas ce qui a été fait, la loi ne rebâtira pas ce que la FTQ a contribué
à construire dans les milieux de travail.
Puis votre préoccupation pour le nombre de
décès, en 2018, c'était le tiers, c'était 70 décès sur 226. Le pourcentage
de lésions professionnelles, c'était autour de 7 %. C'est un milieu qui
est fondamental pour l'économie du Québec, et je me plais à le répéter.
Je vais juste attirer votre attention,
Daniel, Simon, sur quelques recommandations, puis je me dis, bon, la
recommandation n° 1 n'est pas là pour rien. Vous n'avez pas parlé, bon, de
violence conjugale, des travailleurs domestiques, des étudiants, des
stagiaires, d'autres mécanismes pour faciliter l'accès à l'indemnisation des
travailleurs, puis la formation, puis, bon, mais je vois quand même dans vos
recommandations une certaine préoccupation. Vous dites : «La FTQ
recommande que l'article 3 soit modifié afin que les travailleurs
domestiques n'ayant pas travaillé le nombre d'heures requis puissent être
couverts par la LATMP en tant que travailleurs et travailleuses autonomes. Bon,
vous nous <faites…
M. Boulet : ...une certaine
préoccupation. Vous dites : «La FTQ recommande que l'article 3 soit
modifié afin que les travailleurs domestiques n'ayant pas travaillé le nombre
d'heures requis puissent être couverts par la LATMP en tant que travailleurs et
travailleuses autonomes. Bon, vous nous >faites une recommandation. Vous
savez que les travailleuses domestiques, qui sont extrêmement vulnérables, qui
sont majoritairement des femmes originaires des Philippines, le seront,
dorénavant. C'est une avancée que, j'aime dire, est considérable. Vous nous
dites, celles qui n'ont pas le nombre d'heures requis devraient pouvoir
s'inscrire, <pour... >devraient pouvoir être couvertes par LATMP.
Bien, elles peuvent être couvertes par LATMP, elles peuvent s'inscrire à la
LATMP, puis il y en a 55 qui l'ont déjà fait. Même si elles n'étaient pas
visées par la loi, elles s'inscrivent. Il y en a à peu près 26 000, en
fait, 970, des travailleuses qui ont des fonctions similaires au travail
domestique, au Québec. Qu'est-ce que la FTQ a fait pour assurer une couverture
des travailleurs et travailleuses domestiques? Surtout, pourquoi vous en faites
une recommandation, Daniel?
M. Boyer (Daniel) :
Bien, écoutez, M. le ministre, concernant les travailleuses domestiques, je
vous avoue qu'on est partie prenante, puis, écoutez, il y a eu plein de débats,
là, au Bureau international du travail sur la reconnaissance des travailleuses
domestiques, et je vous avoue que la FTQ était pionnière dans tout ça,
concernant la reconnaissance du travail des travailleuses domestiques. Écoutez,
si c'est clair comme ça, pourquoi on ne l'écrit pas dans la loi? C'est là, le
problème. Là, on dit qu'il y a des travailleuses qui sont couvertes, puis il y
en a aussi...
M. Boulet : …
M. Boyer (Daniel) :
Oui, mais si le nombre d'heures n'est pas là, on ne sait pas ce qui arrive avec
eux, avec elles. Pourquoi on ne leur permet pas de s'inscrire comme
travailleuses autonomes?
• (16 h 50) •
M. Boulet : C'est déjà prévu,
Daniel, dans la loi, comme travailleuses autonomes, puis il y en a malheureusement
trop peu. C'est la raison pour laquelle les collectifs puis les regroupements
de travailleuses domestiques ont demandé, notamment, d'être couverts.
Autre recommandation où j'aimerais vous
entendre, c'est quand vous demandez l'abolition d'une étape de contestation, la
DRA, puis j'aimerais ça que vous nous donniez des précisions. Puis simplement
vous rappeler, Daniel, qu'en 2019 il y a eu 65 099 demandes de révisions
qui ont été reçues, un peu plus de 22 000 des travailleurs, un peu plus de
42 000 des employeurs. Évidemment, s'il n'y avait plus de DRA, tout ça se
ramasserait au tribunal administratif du travail. Puis on a été sensibles à la
volonté de déjudiciarisation, parce qu'on permet aux parties qui veulent
contester les décisions de la CNESST d'opter entre la Direction de la révision
administrative et le tribunal administratif dans les cas de questions médicales
et les cas de financement. Est-ce que vous maintenez toujours qu'il faudrait
abolir <complètement...
M. Boulet : …
parce
qu'on permet aux parties qui veulent contester les décisions de la CNESST
d'opter entre la Direction de la révision administrative et le tribunal
administratif dans les cas de questions médicales et les cas de financement.
Est-ce que vous maintenez toujours qu'il faudrait abolir >complètement
la Direction de la révision administrative?
M. Boyer (Daniel) :
Bien, ça, oui, c'est notre opinion, la DRA et le BEM. Écoutez, la DRA, vous le sortez
des statistiques, M. le ministre, là, mais la DRA, là, le délai moyen, c'est
192 jours, et, dans 95 % des cas, on confirme la décision de la CNESST.
Donc, ça nous donne quoi d'avoir cette instance-là quand on ne fait que
confirmer la décision de la CNESST? À notre avis, c'est inutile, là. Donc, passons
immédiatement au tribunal administratif. Le BEM, écoutez, vous n'êtes pas sans
savoir que les délais sont immenses, 135 jours, pour le BEM. Dans le cas des
cas de nature psychiatrique, 500 jours de moyenne avant d'avoir une audition au
BEM. C'est énorme. Puis, pourtant, dans 80 % des cas, la décision du BEM
est renversée au TAT. Donc, on dit : Tant qu'à faire, là, ne perdons pas
de temps, là, s'il y a un recours, exerçons-le au TAT.
M. Boulet : Pour laquelle on
permet d'opter, parce que les parties vont décider s'ils veulent aller à la
Direction de la révision administrative plutôt qu'au tribunal administratif du
travail, puis je pense que c'est un sain équilibre entre la volonté de
certaines associations de déjudiciariser... Puis je pense que, globalement,
c'est un objectif que je partage, mais, en même temps, il y avait l'impératif
administratif, le goulot d'étranglement et la capacité du tribunal
administratif du travail d'absorber ce volume-là. Mais, moi, <je suis, >vous
me connaissez, je suis aussi un partisan de la déjudiciarisation. Pour le
BEM, Daniel, ce que je comprends, c'est qu'il y aurait une prépondérance
absolue au médecin traitant du travailleur. Donc, si l'employeur… puis là, évidemment,
vous représentez des travailleurs et travailleuses, mais si l'employeur n'est
pas d'accord avec le diagnostic ou la date de consolidation, ou la nature des
soins, ou l'atteinte permanente, ou les limitations, il n'aurait pas la
possibilité d'avoir un certificat de son médecin et de demander au BEM de
trancher. Si on abolit le BEM, est-ce qu'on aboutirait à un résultat comme ça,
Daniel?
M. Boyer (Daniel) :
Bien, il demanderait au TAT de trancher, c'est tout, là, comme il le fait
actuellement. Puis on n'abolit pas toute instance de contestation, là, nous, on
tient à ce que ce soit le médecin traitant. La prédominance de l'opinion du
médecin traitant, elle est éminemment importante, mais on n'empêche pas ni la
CNESST ni l'employeur de contester cette opinion-là. Il y aura une expertise,
puis, si cette expertise-là va dans le sens contraire de l'opinion du médecin
traitant, bien, le recours, ce sera le tribunal administratif, là.
M. Boulet : Donc, je
comprends, Daniel, juste… puis c'est une précision, si l'employeur n'est pas
d'accord, mettons, avec le diagnostic, qu'il obtienne un certificat de son
médecin, puis, s'il est en désaccord avec le médecin traitant, au lieu d'aller
au <BEM...
M. Boyer (Daniel) :
…
contraire de l'opinion du médecin traitant, bien, le recours, ce sera
le tribunal administratif, là.
M. Boulet : Donc, je
comprends, Daniel, juste… puis c'est une précision, si l'employeur n'est pas
d'accord, mettons, avec le diagnostic, qu'il obtienne un certificat de son
médecin, puis, s'il est en désaccord avec le médecin traitant, au lieu d'aller
au >BEM, on va au tribunal administratif.
M. Boyer (Daniel) :
Bien, c'est parce que j'imagine qu'il devra avoir une opinion médicale pour
aller défendre son point au tribunal administratif, là. C'est pour ça que je
vous dis qu'il a besoin d'une opinion médicale, d'un expert qui va venir lui
dire que le médecin traitant a tort sur certains éléments, là.
M. Boulet : Donc, on n'aurait
plus de révision administrative, plus de Bureau d'évaluation médicale, et tout
irait au tribunal administratif.
M. Boyer (Daniel) :
Exact.
M. Boulet : Tu n'as pas
l'impression, Daniel, qu'en voulant trop déjudiciariser on va accroître les
délais et, ultimement, les coûts puis on va surcharger le tribunal
administratif, qui ne sera pas capable de répondre à la demande et au nombre de
contestations? Je ne te dis pas que je suis contre, là, mais je te pose la
question. Avez-vous fait un examen de ça?
M. Boyer (Daniel) :
Bien, c'est parce qu'il faut donner… c'est sûr qu'il faut donner les moyens au tribunal
administratif, mais là, à notre avis, on va raccourcir les délais. Parce que,
déjà, à la DRA, on a 192 jours de délai moyen puis, au BEM, on a
135 jours. Puis, quand on est dans des spécialités, on a plus que ça,
puis, si on veut aller au TAT par la suite, on a encore un autre délai. Moi, à
mon avis, on réduit les délais, là. On réduit les délais parce qu'il y a une
seule instance d'appel, là.
M. Boulet : Oui, puis tu obtiens
un rapport d'expertise, l'employeur obtient un rapport d'expertise. C'est sûr
que s'il conteste, là, l'autre, le travailleur va devoir obtenir une expertise,
et ça va être débattu au tribunal administratif du travail.
Je sais, cependant, Daniel, tu sais, on
parle souvent du Conseil consultatif du travail et de la main-d'œuvre… moi, ce
qui m'a été rapporté et ce que j'ai lu, c'est qu'il n'y avait pas eu d'accord
des parties patronales et syndicales. Donc, le consensus du CCTM, c'était de
maintenir le statu quo, donc qu'il y ait un Bureau d'évaluation médicale.
Avant, pour que ce soit plus facile à comprendre, on appelait ça un arbitre
médical. Maintenant, ça s'appelle un Bureau d'évaluation médicale, et d'avoir
des arbitres médicaux, là, qui sont des BEM, il me semble que ça donnait un caractère
spécialisé au processus décisionnel, et ça assurait des décisions… ça assure
des décisions qui sont beaucoup plus appuyées.
Autre recommandation, Daniel, <vous
dites… >je pense, la 27, vous dites que le RP ou le représentant en
santé et sécurité, comme il s'appellerait dans le p.l. n° 59, il pourrait
dire à un travailleur : Tu exerces un droit de refus, tu arrêtes de
travailler. Alors qu'actuellement un travailleur qui a des motifs raisonnables
de croire qu'il y a un danger dans l'exécution de son travail ou un risque, il
peut arrêter, puis, là, il appelle, bon, tu le sais, Daniel, son supérieur
immédiat, on appelle le représentant à la prévention, on fait appel à un
inspecteur qui rend une décision. Là, est-ce que je comprends que le RP ou le
représentant en santé et sécurité se <substituerait…
M. Boulet : …
il peut
arrêter, puis, là, il appelle, bon, tu le sais, Daniel, son supérieur immédiat,
on appelle le représentant à la prévention, on fait appel à un inspecteur qui
rend une décision. Là, est-ce que je comprends que le RP ou le représentant en
santé et sécurité se >substituerait à l'inspecteur de la CNESST? Comment
ça marcherait, Daniel?
M. Boyer (Daniel) :
Non, c'est qu'actuellement c'est le travailleur qui doit exercer son droit de
refus. Nous, ce qu'on dit, c'est que ça ne devrait pas juste être le
travailleur, parce que les milieux de travail ont changé, hein, on a des
travailleurs d'agence, on a des travailleurs immigrants temporaires, on a du
travail précaire, des gens qui ont certaines craintes d'exercer un droit de
refus, d'exercer leurs droits au travail. Donc, on se dit, si véritablement il
y a un travail dangereux, il faut que ce soit arrêté. Donc, il faut que le
représentant à la prévention puisse avoir le pouvoir, lui aussi, de dire, écoutez,
là, il y a un travail dangereux, on demande l'application du droit de refus,
là.
M. Boulet : Le <représentant...
le >RSS ou le représentant à la prévention, il se promènerait, s'il
considère qu'il y a des dangers ou des risques, il <dit... il >pourrait
dire à un travailleur ou une travailleuse : Tu arrêtes.
M. Boyer (Daniel) :
Hum-hum.
M. Boulet : O.K., j'ai
entendu.
M. Boyer (Daniel) :
Bien, il avise l'employeur, comme un travailleur le ferait, lui-même, au moment
où on se parle, là. Bien là, c'est le représentant en prévention qui aviserait
l'employeur qu'il y a une possibilité de danger importante puis qu'il faut
exercer un droit de refus.
M. Boulet : O.K. Puis il
aurait le même rôle, les articles de la loi s'appliqueraient de la même
manière. Il dit : Tu arrêtes de travailler, le travailleur doit
s'exécuter, puis, après ça, on fait venir le supérieur immédiat, le
représentant de l'employeur puis l'inspecteur.
M. Boyer (Daniel) :Tout à fait. Tout à fait.
M. Boulet : C'est un point de
vue. Tu me connais, moi, je respecte ce point de vue là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
M. le ministre, il ne reste que 1 min 40 s.
M. Boulet : O.K. Sur le programme
de maternité sans danger, vous référez, à la page 29 de votre mémoire, qu'on
limite le retrait préventif et on l'assujettit au médecin chargé de la santé au
travail, mais il y a peut-être une confusion, Daniel. C'est le médecin qui fait
le suivi de grossesse, c'est toujours lui qui va émettre le certificat visant
le retrait préventif. Évidemment, il va y avoir le protocole national pour les
conditions et l'environnement global, mais la spécificité puis les
particularités de la personne enceinte… C'est son médecin qui va émettre le
certificat. C'était simplement une précision que je voulais apporter.
Ceci dit, merci de votre contribution. Je
sais que vous êtes là parce que vous voulez qu'on améliore le projet de loi,
vous êtes là en mode constructif, et j'apprécie beaucoup la présence de la FTQ,
et au plaisir de se reparler bientôt. Simon, malheureusement, je manque de
temps pour aller un peu plus dans la construction, on pourra s'en reparler. Au
plaisir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons l'échange avec le député de Nelligan. Vous
disposez de 11 minutes.
• (17 heures) •
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. M. Boyer et M. Lévesque, merci pour votre présence. Merci
aussi pour votre rapport. Comme j'ai promis à vos membres, je vais parler de...
17 h (version révisée)
M. Boulet : …au plaisir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons l'échange avec le député de Nelligan. Vous
disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. M. Boyer et M. Lévesque, merci pour votre présence, merci aussi
pour votre rapport. Comme j'ai promis à vos membres, je vais parler de la
campagne que je viens de recevoir. Donc, je pense que vous annoncez vos
couleurs. Je ne sais pas, sur l'écran, si on voit ça, mais vous comprenez de
quoi je parle, c'est, le titre : La santé et sécurité à rabais.
Donc, vous utilisez tous les moyens pour envoyer votre message.
Je vais lire un court texte de la page 35
qui, pour moi, résume beaucoup de choses. Et je suis très inquiet, et c'est
pour cela que j'aimerais bien que vous clarifiiez la situation, parce que ce
qu'on veut, ce qu'on veut, c'est vraiment moderniser le régime.
«Force est de constater que le projet de
loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail porte très mal son
nom. Au lieu de présenter de réelles avancées qui permettraient aux
travailleurs et aux travailleuses du Québec de préserver leur intégrité
physique et physiologique au travail, le ministre du Travail, de l'Emploi et de
la Solidarité sociale a plutôt voulu faire économiser de l'argent aux
employeurs en mettant ainsi à risque la pertinence des mécanismes de prévention
qui ont pourtant fait leurs preuves et en excluant un plus grand nombre de victimes
de lésions professionnelles de droit et qui sont dus, le ministre rate la
cible.»
Quand j'ai lu ça, j'ai pensé que c'est un
peu fort, mais, écoutez, je vous donne le droit de nous expliquer pourquoi,
surtout au niveau du volet de la prévention, le ministre rate sa cible.
M. Boyer (Daniel) : Bah, bien, écoutez, c'est simple, c'est qu'au niveau de la prévention
on aurait souhaité des dispositions plus généreuses. Donc, on sacrifie, puis
ça, on ne le sait pas pourquoi, hein, on sacrifie, à notre avis, là... la
lecture qu'on fait du projet de loi, c'est qu'on sacrifie les droits des
travailleurs accidentés ou les droits des travailleurs qui sont victimes de
maladies professionnelles au profit de mécanismes de prévention qui sont très,
très édulcorés. Donc, on souhaite plus en matière de mécanismes de prévention.
Puis, écoutez, j'ai entendu,
là, les représentants patronaux qui disent que ça coûte trop cher. Mais,
écoutez, ce n'est pas en contestant, et en n'indemnisant pas, et en ne
réadaptant pas correctement les travailleurs accidentés qu'on va réussir à
économiser. On va réussir à économiser... C'est par les moyens de prévention,
les mécanismes de prévention, qu'on réussit à économiser. Il n'y a personne, il
n'y a pas un syndicaliste puis il n'y a pas un patron qui veut que ses
travailleurs se blessent au travail.
M. Derraji :
Oui. Mais…
M. Boyer (Daniel) : Donc, il faut mettre tout en oeuvre, là.
M. Derraji :
Oui. Merci, monsieur… merci, M. Boyer, parce que je n'ai pas le temps que le
ministre a, j'ai juste 11 minutes puis je veux tellement profiter de votre
présence. Il y a un concept qui est fort présent au Québec, c'est le
paritarisme, et vous avez dit un mot : menace au paritarisme.
Je vais vous référer au Comité
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Vous comprenez de quoi
s'agit-il, le ministre aussi. Aujourd'hui, ce que vous nous dites, c'est que 29
des 47 recommandations de ce même comité <de…
M. Derraji : ...c'est le
paritarisme, et vous avez dit un mot : menace au paritarisme.
Je vais vous référer au
Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Vous comprenez de quoi
s'agit-il, le ministre aussi. Aujourd'hui, ce que vous nous dites, c'est que 29
des 47 recommandations de ce même comité >de
2017 sur la modernisation de ce régime n'ont pas été retenues, sauf 18 sur 47.
Est-ce que c'est de là où on va comprendre qu'il y a une menace au paritarisme
et que le ministre, avec son projet de loi, il va trop loin que ce que les
partenaires demandent autour de la même table et qui font un travail
exceptionnel depuis plusieurs années?
M. Boyer (Daniel) :
Bien, écoutez, tout à fait. Puis moi, je dois souligner le travail, le travail,
là, qui a été fait depuis, je vous dirais, plus que deux ans même, là, au
niveau des deux avis qui ont été rendus par autant les partenaires syndicaux
que les partenaires patronaux. Puis je dois souligner le travail qui a été
fait. Puis, quand on parle de menace au paritarisme, là, écoutez, quand on
vient mettre en péril l'opinion du médecin traitant, là, bien, c'est une menace
au paritarisme. Bien, ce qu'on ne veut absolument pas, là, on ne veut pas que
la CNESST se transforme en IVAC ou en SAAQ.
M. Derraji : Absolument.
M. Boyer (Daniel) :Ça ne doit pas être un organisme payeur uniquement, c'est les
parties qui doivent, dans les milieux de travail, s'arranger pour qu'il n'y en
ait pas, d'accident de travail, puis qu'ils mettent en place les mécanismes de
prévention dans le but, justement, que les milieux de travail soient sains,
sécuritaires et exempts de danger. Et c'est là qu'il faut le faire. Et, à notre
avis, si on ne bonifie pas suffisamment les mécanismes de prévention, on
n'atteint pas la cible. Tout ce qu'on va faire, c'est qu'on va tenter de
diminuer les coûts en diminuant les droits des travailleurs accidentés.
M. Derraji : Oui, c'est très
clair. Vous avez un autre point où vous avez même dit : Ce n'est pas
négociable. Et, venant de vous, je sais que, parfois, quand vous dites que ce n'est
pas négociable, c'est vraiment... ce n'est pas négociable.
«La LSST doit mettre en oeuvre tous les
moyens permettant de préserver la dignité et l'intégrité humaines.» C'est la
première fois depuis le début de ces consultations qu'un groupe me parle de la
dignité et l'intégrité humaines. S'il vous plaît, c'est quoi, la dignité et
l'intégrité humaines que ce projet de loi cible?
M. Boyer (Daniel) :
Bien, écoutez, d'abord, j'en ai mentionné un petit bout, là, il faut que les
milieux de travail soient exempts de danger, totalement sécuritaires pour
préserver, justement, cette dignité humaine là. Et, si, malheureusement... parce
qu'il y en aura toujours, malgré les mécanismes de prévention ultraefficaces
qu'on pourrait mettre en place, il y aura toujours des gens, des accidentés du
travail, des victimes de maladies professionnelles. Il faut qu'ils soient
traités comme il faut, c'est-à-dire il faut qu'ils reçoivent les soins
appropriés à leurs conditions et il faut également leur permettre d'être
réadaptés s'ils ont besoin d'être réadaptés. Puis réadapté, là, ce n'est pas
juste d'être capable de reprendre un emploi, mais c'est également au niveau
social, au niveau psychologique. Il faut être capable de réadapter les gens et
de ne pas considérer les travailleurs accidentés comme des parias puis des
abuseurs de système. Je pense qu'il faut... on a un devoir de société de
réhabiliter ces gens-là puis de leur permettre de retrouver une pleine santé et
un travail adéquat.
M. Derraji : Je vous <entends...
M. Boyer (Daniel) :
…au niveau psychologique.
Il faut être capable de réadapter les gens et
de ne pas considérer les travailleurs accidentés comme des parias puis des
abuseurs de système. Je pense qu'il faut... on a un devoir de société de
réhabiliter ces gens-là puis de leur permettre de retrouver une pleine santé et
un travail adéquat.
M. Derraji : Je vous >entends,
M. Boyer. Vous dites, dans le même paragraphe : «Il est impératif que
le ministre réaligne le tir vers une réelle modernisation — donc,
vous, vous challengez même le nom du projet de loi, qu'il n'y a pas de
modernisation — que les quatre mécanismes de prévention soient
appliqués à tous de manière égale dans leur intégralité et que l'indemnisation
et la réadaptation demeurent telles quelles dans la LATMP.» Mais, si ça demeure
tel quel, comment on va parler de modernisation, M. Boyer?
M. Boyer (Daniel) :
Bien, écoutez, savez-vous qu'on fait ce constat-là pour la bonne et simple
raison que ce n'est pas notre job à nous d'écrire un projet de loi, là, c'est
la job du gouvernement. Donc, on a analysé le projet de loi puis on constate
que ce n'est tellement pas une modernisation qu'on préfère demeurer avec les
dispositions actuelles au niveau de la LATMP. Donc, ce n'est pas peu dire, là,
ce n'est pas peu dire. Donc, ce qu'on dit, c'est : Ne charcutez pas la
LATMP puis ne mettez pas en péril l'opinion du médecin traitant.
Par contre, en matière de prévention, et
là on est clairs, on est clairs depuis plus de 40 ans, il faut mettre en
place les mécanismes de prévention dans les milieux de travail. Et ce qu'on
nous propose comme niveaux de risque, écoutez, c'est un méchant micmac, là, c'est
un méchant micmac. Je l'ai dit puis je ne le sais pas, comment ça peut s'appliquer.
M. Derraji : Sur les niveaux
de risque, vous n'êtes pas le seul qui a mis ça sur la table. Il y a plusieurs
autres groupes qui nous ont avisés de cette problématique. Il y en a même, d'autres
groupes, qui nous ont parlé de l'analyse différenciée, l'ADS, l'ADS+. Je vous
comprends.
Permettez-moi de vous poser une autre
question. En fait, c'est deux questions. La première, j'ai comme cru comprendre
que, pour vous, le Bureau de l'évaluation médicale… En fait, vous l'avez noté,
les employeurs contestent davantage les opinions médicales. Vous avez même dit :
74 %. Plus ou moins 80 % des contestations sont renversées. On sait,
si on reste avec le Tribunal administratif, c'est un cul-de-sac, pour vous, le
Bureau d'évaluation médicale, que ça va juste compliquer un peu les choses, ça
ne va pas résoudre la problématique. Qu'est-ce qu'on doit faire? C'est quoi,
votre suggestion?
M. Boyer (Daniel) :
De l'abolir, abolir la DRA et abolir le Bureau d'évaluation médicale, parce qu'on
ne fait que judiciariser en multipliant les paliers, en multipliant les délais,
puis... De toute façon, exemple, la DRA, là, 95 % des décisions de la
CNESST sont…
M. Derraji : …renversées.
M. Boyer (Daniel) :
Non, elles ne sont pas renversées…
M. Derraji : …
M. Boyer (Daniel) :
La DRA. Et le BEM, bien, au TAT, ces décisions-là sont renversées. Donc,
écoutez, pourquoi on se donne des paliers? On judiciarise pour rien, là. Donc,
si le palier final, l'instance d'appel final, c'est le TAT, bien, allons
directement au TAT, là.
M. Derraji : Terminons avec la
CNESST. Vous voyez qu'au niveau de la <CNESST…
M. Boyer (Daniel) :
...
écoutez, pourquoi on se donne des paliers? On judiciarise pour rien,
là. Donc, si le palier final, l'instance d'appel final, c'est le TAT, bien,
allons directement au TAT, là.
M. Derraji : Terminons avec
la CNESST. Vous voyez qu'au niveau de la >CNESST il va y avoir beaucoup,
beaucoup, beaucoup de choses. C'est quoi, votre niveau d'aisance avec tout ce
qu'on redonne et on rajoute sur la table de dessin de la CNESST? Qu'est-ce que
vous en pensez?
• (17 h 10) •
M. Boyer (Daniel) :
Bien, je vais vous répéter ce que je vous ai dit tantôt. Notre crainte à nous,
là, notre crainte à nous, c'est que la CNESST devienne une IVAC ou une SAAQ,
là, une SAAQ, là. Ce n'est pas ça qu'on veut, là. On ne veut pas que ça soit un
organisme payeur, et blablabla. Il y a un paritarisme qui est installé en
matière de santé et sécurité au Québec. Il faut continuer à maintenir cet
aspect de paritarisme. Ce n'est pas le cas avec l'IVAC, avec la SAAQ, là, qui
est un organisme payeur, une assurance. Je m'excuse, là, mais la CNESST, le
régime de santé-sécurité, là, ce n'est pas un organisme assurantiel, là, ce n'est
pas ça, là. Ça doit... C'est plus que ça parce que les parties sont impliquées
dans la démarche de santé et sécurité, et à tous les niveaux, là, de la CNESST jusqu'au
milieu de travail, là. Donc... Puis vous avez des associations sectorielles
paritaires. Donc, c'est important de maintenir ce paritarisme-là et de donner les
outils à chaque étape, à chaque étape du processus pour qu'effectivement le
paritarisme puisse s'exercer adéquatement.
M. Derraji : Et ce que j'ai
compris entre les lignes, c'est que vous ne voyez pas cela dans ce projet de
loi actuel. C'est plus, on rend un organisme qui normalement doit jouer son
rôle, mais que... il risque de ne pas le jouer.
M. Boyer (Daniel) :
Exact.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En 10 secondes. Parfait, vous avez répondu en un mot, c'est beau.
M. Derraji : Merci. Merci,
M. Boyer. Désolé, M. Lévesque. Et je comprends la problématique
d'avoir 11 minutes, mais ne le prenez pas personnel, le secteur de la
construction est extrêmement important, et on va veiller à ce qu'on respecte
vos recommandations que vous nous avez envoyées. Merci à vous deux, messieurs.
Au revoir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Je tiens également à vous remercier de ne pas toujours... ou, du moins,
d'expliquer les acronymes, tel que ça a été demandé par la députée de Châteauguay
pour le bénéfice de nos auditeurs. Alors, merci beaucoup.
M. Derraji : Est-ce que j'ai
utilisé des acronymes, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Non, c'est ça, vous n'avez pas utilisé... vous les avez expliqués. Merci.
M. Derraji : J'ai essayé. J'ai
essayé.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, très bien, ainsi que le ministre. Alors, merci beaucoup.
Nous donnons maintenant la parole au
député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Boyer et M. Lévesque. Je veux vous féliciter,
d'abord, pour votre belle campagne. Je vois que même mes députés... mes
collègues libéraux mettent la pancarte. C'est des bonnes nouvelles. Ça avance
bien, ça veut dire.
Une question pour M. Boyer puis une
question pour M. Lévesque. Rapidement, M. Boyer, sur le volet de
prévention, il n'y avait pas de niveaux de risque, à ma connaissance, dans
l'ancienne loi. Il y avait, là, par contre, là, en effet, là, la discrimination
de plus ou moins 20 employeurs. Est-ce qu'il y a des secteurs d'emploi,
avec cette introduction-là de niveaux de risque, qui ont perdu des moyens de
prévention?
M. Boyer (Daniel) :Bien, tout à <fait...
M. Leduc : ...
rapidement,
M.
Boyer, sur le volet de prévention, il n'y avait pas de niveaux
de risque, à ma connaissance, dans l'ancienne loi. Il y avait, là, par contre,
là, en effet, là, la discrimination de plus ou moins 20 employeurs. Est-ce
qu'il y a des secteurs d'emploi, avec cette introduction-là de niveaux de
risque, qui ont perdu des moyens de prévention?
M. Boyer (Daniel) :
Bien, tout à >fait, tout à fait, dans le secteur des mines, exemple. Il
y a plusieurs secteurs qui perdent. Écoutez, je peux vous... je peux vous... si
je peux mettre la patte sur mon document, là, il y a plusieurs secteurs qui
perdent. Écoutez, industrie des engrais chimiques, industrie des explosifs et
munitions, industrie des matières plastiques et des résines synthétiques, ça,
ça parle de secteurs prioritaires à risque faible, là. Puis là, écoutez, j'en
ai une liste, je pourrais vous la montrer, j'en ai une liste, là. Il y en a plusieurs
qui perdent. Puis pourtant, ce qui est plate, c'est que les mécanismes... ces
mécanismes de prévention là, là, ils ont fait leurs preuves. Dans le secteur
minier, là, avant que ce soit un secteur prioritaire, il y a 40 ans, là,
bien, il y avait à peu près 20 décès par année dans le secteur minier. Là,
maintenant, on en compte un ou deux par année parce qu'on a introduit, justement,
des mécanismes de prévention. Donc, c'est important d'introduire des mécanismes
de prévention.
Mais là, ce qu'on fait... on décriait qu'il
y avait des secteurs prioritaires puis qu'ils n'étaient pas tous prioritaires,
mais là, en plus de ça, avec le projet de loi, on va réduire les mécanismes de
prévention à ceux qui étaient prioritaires auparavant. Bon.
M. Leduc : Ça fait que ça
ne répond pas à vos attentes, si je comprends bien?
M. Boyer (Daniel) :
Non.
M. Leduc : Une question
pour M. Lévesque. Dans un mémoire de la FTQ-Construction, là, qui est en
ligne, vous faites référence à une équipe mobile de représentants de santé et
sécurité qui pourraient intervenir sur les chantiers de moins de 8 millions.
Je trouve ça intéressant. Pouvez-vous développer un peu?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En 40 secondes, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Simon) : Ce
qu'on a proposé, dans le projet de loi n° 59, pour les petits chantiers,
là, les chantiers de 10 travailleurs et plus, c'est un représentant de
santé et sécurité nommé par les travailleurs mais qui va être sous la régie d'un
employeur. Nous, ce qu'on voudrait, c'est qu'on compose des équipes de représentants
de santé et sécurité qui vont faire plusieurs chantiers, qui vont couvrir plusieurs
chantiers. Puis il faut comprendre aussi qu'un chantier de construction, c'est très,
très, très évolutif. Donc, ça ne sera pas possible, dans la forme actuelle, d'avoir
un représentant de santé et sécurité du début à la fin du chantier.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, je vous remercie. Nous poursuivons l'échange avec le député de Bonaventure.
Vous avez effectivement 2 min 45 s.
M. Roy
: Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, MM. Boyer et Lévesque. Écoutez, je ne suis absolument
pas un spécialiste en santé et sécurité au travail. On a commencé les auditions
hier, on a eu des mémoires, puis je dois vous dire que j'étais dans le... Mais
j'arrive à un constat, actuellement. Et, selon les nombreuses organisations et
de nombreuses organisations qu'on a entendues, là, on assiste, dans ce projet
de loi, à une opération de dislocation des mécanismes de protection de la santé
et de la sécurité des travailleurs au Québec et de soutien aux travailleurs
accidentés. Dans un contexte où on bat des records en termes d'accidents et de
lésions — et je vais... c'est très général, ma réflexion, mais c'est
à partir de ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant — ce projet de loi
là, là, il a été écrit par qui et pour qui, selon vous?
M. Boyer (Daniel) :
Bien, j'imagine qu'il a été écrit par le ministre, là. Mais, écoutez, pour qui?
Nous, la lecture qu'on en <fait...
M. Roy
: ...
en
termes d'accidents et de lésions — et je vais... c'est très
général, ma réflexion, mais c'est à partir de ce que j'ai entendu jusqu'à
maintenant — ce projet de loi là, là, il a été écrit par qui
et pour qui, selon vous?
M. Boyer
(Daniel) :
Bien, j'imagine qu'il a été écrit par le
ministre, là. Mais, écoutez, pour qui? Nous, la lecture qu'on en >fait,
là, c'est qu'il a été écrit... Il favorise les employeurs, là. Il favorise les
employeurs parce qu'on vient mettre en péril la prépondérance du médecin
traitant à plusieurs niveaux. Donc, quand on fait ça, écoutez, c'est sûr que ça
favorise les employeurs.
Maintenant, c'est sûr que les secteurs qui
ne sont actuellement pas prioritaires puis qui vont avoir une certaine
obligation de mettre en place des mécanismes de prévention, bien là on pourrait
dire qu'on l'a écrit un peu pour nous, mais, en même temps, ils ne sont pas à
la hauteur. Avec le peu de moyens qu'on donne à ces milieux-là, ce n'est pas
assez, là, ce n'est pas assez.
Puis, écoutez, quand je parle d'un micmac,
là, je peux prendre l'établissement de santé, là, dans le comté du ministre,
là, le CIUSSS—Mauricie—Centre-du-Québec, là, il y a 119 installations. Est-ce
que c'est des niveaux faibles, moyens ou élevés? Je ne le sais pas parce qu'il
y a toutes sortes de missions là-dedans. Je ne le sais pas, je ne le sais pas.
Comment on va appliquer ça multiétablissements? Il y a 119 installations.
Imaginez-vous, là.
Puis c'est la même affaire... dans le
privé, c'est la même chose. On pourrait faire le même exercice chez
ArcelorMittal ou chez Résolu. Chez Résolu, là, il y a des gens qui travaillent
dans la forêt, il y a des gens qui font de la pâte à papier, il y a des gens
qui travaillent dans des... de la production d'électricité, c'est tous des
niveaux de risque différents, ça. On prend ça comment? Puis c'est-u des
multiétablissements? Y a-tu un seul comité, un seul représentant en prévention
pour l'ensemble des établissements de Résolu, d'ArcelorMittal ou du
CIUSSS—Mauricie—Centre-du-Québec? Je ne le sais pas. On ne le sait pas.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, on vous dit un merci. Merci.
M. Roy
: Merci
beaucoup.
M. Boyer (Daniel) :
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui. Alors, merci, M. Boyer, merci, M. Lévesque, pour votre
contribution aux travaux de la commission. Alors, c'est tout pour le moment.
Alors, nous allons suspendre quelques
instants pour se préparer à accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 17)
(Reprise à 17 h 22)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Donc, nous poursuivons. Nous souhaitons maintenant la bienvenue aux représentants
de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je vous rappelle que vous
avez 10 minutes pour faire votre exposé. Avant de commencer, je vous
demanderais de bien vous présenter.
M. Milliard (Charles) :
Alors, merci, Mme la Présidente. Donc, M. le ministre, chers députés, membres
de la commission, je me présente, Charles Milliard, P.D.G. de la Fédération des
chambres de commerce du Québec. Je suis accompagné de M. Alexandre Gagnon,
vice-président, Travail et capital humain, qui tente de se joindre à nous, là, en
ce moment, virtuellement. Alors, ce sont les joies du virtuel, mais il sera
avec nous, et c'est notre expert à la fédération sur la chose, aujourd'hui.
Alors, je désire vous remercier pour nous
donner l'occasion de nous adresser à vous ce soir dans le cadre de l'important projet
de loi n° 59 qui vise à moderniser le régime québécois de santé
et de sécurité du travail. Je sais très bien que beaucoup de groupes
aimeraient être à notre place, alors sachez qu'on l'apprécie grandement et on
va tenter de bien terminer votre journée, qui, ma foi, a débuté assez tôt.
Alors, permettez-moi, d'entrée de jeu, de
féliciter le ministre et son cabinet pour leur courage, ça vaut la peine de le
dire, là, de mettre sur la table un projet de loi aussi structurant pour le
monde du travail au Québec. Les discussions de cette semaine, vous le savez
mieux que moi, ne constituent pas le fil d'arrivée, mais bien le point de départ
d'une réforme ambitieuse. Reconnaissons donc la valeur de cette impulsion
politique que donne le ministre en nous conviant ici aujourd'hui.
Si vous me permettez, de façon un peu
bizarre, j'aimerais débuter cette allocution par la fin, parce qu'en conclusion,
quand tout aura été dit et débattu, nous aurons, collectivement, un devoir
politique, économique, social et moral de nous entendre, de réussir cette
refonte trop souvent reportée.
Ce dont il est question ici, vous le
savez, c'est <bien…
M. Milliard (Charles) :
…si
vous me permettez, de façon un peu bizarre, j'aimerais débuter cette
allocution par la fin, parce qu'en conclusion, quand tout aura été dit et
débattu, nous aurons, collectivement, un devoir politique, économique, social
et moral de nous entendre, de réussir cette refonte trop souvent reportée.
Ce dont il est question ici, vous le
savez, c'est >bien plus qu'une réforme d'articles de loi, c'est une
façon de repenser nos milieux de travail et notre façon de concevoir les
modèles économiques qu'elle sous-tend. Parce que, oui, c'est aussi une réforme
économique. Vous serez d'accord avec moi, des pertes de productivité au Québec
évaluées à 4 milliards de dollars, c'est inquiétant, c'est frustrant et ça
exige de trouver des solutions.
C'est dans cet esprit de collaboration que
nous avons siégé sur les différents comités ayant été tenus depuis 2015 sous
l'égide du CCTM, dont on a parlé beaucoup aujourd'hui, et qui a donc guidé le
ministre dans l'élaboration du projet de loi. Le CCTM — je prends la
peine de le dire parce que je le pense — a très bien alimenté ce
débat social et raffermi sa pertinence, je pense, dans le dialogue, le fameux
dialogue social au Québec.
Soyons clairs, la FCCQ supporte les
intentions du ministre et les principaux objectifs derrière le dépôt du projet
de loi, mais, soyons aussi francs, plusieurs dispositions inquiètent grandement
les milliers d'entrepreneurs que nous représentons. Leurs préoccupations sont
parfois conceptuelles, tantôt techniques, tantôt économiques, et les
recommandations consignées dans notre mémoire en sont le reflet. J'imagine,
d'ailleurs, que c'est la raison pour laquelle nous avons été invités.
Ceci étant dit, il est possible, je pense,
de transformer des critiques en pistes de solution et de parler du point de vue
patronal sans le faire sur le dos de la partie syndicale. C'est du moins notre
approche, l'approche que nous avons eue dans notre mémoire, et c'est le défi
que nous nous donnons avec vous aujourd'hui.
Dans un contexte — et
M. Boyer en parlait tout à l'heure — dans un contexte où le
Québec connaît une rareté de main-d'oeuvre en raison de la démographie, il est
dans l'intérêt des entreprises de s'assurer que les travailleurs demeurent en
santé et productifs. C'est aussi simple que ça. C'est un facteur clé de la relance
économique au cours des prochaines années, la fameuse relance économique qu'on
espère tous cette année, et la prévention en milieu de travail constitue une
des façons d'y arriver.
Cependant, et malheureusement, je dirais,
il semble que l'un des consensus les plus importants survenus au CCTM en
matière de la gestion de la prévention ait été oublié dans la rédaction du projet
de loi. En effet, il était de l'avis de tous que les mécanismes de prévention
prévus au régime actuel étaient lourds, difficiles d'application et devaient
être allégés. Il était d'ailleurs inconcevable qu'ils puissent être transposés
au sein des plus petits milieux de travail, spécifiquement ceux de moins de
20 travailleurs. Imposer de telles obligations aux petites entreprises
relève, selon nous, du voeu pieux. Les membres du CCTM avaient dès lors proposé
de miser sur la formation, de miser sur l'accompagnement accru des milieux et
sur l'accessibilité aux services de soutien.
À notre connaissance, à notre humble
connaissance, nulle part ailleurs en Amérique du Nord des employeurs se voient
imposer d'avoir à la fois un représentant en santé et sécurité et un comité de
santé et sécurité du travail. La raison est bien simple : les rôles et
responsabilités de ces deux mécanismes s'entremêlent et se dédoublent. Il n'y a
rien de méchant dans ce commentaire-là. C'est, selon nous, un fait acquis.
La FCCQ conteste donc vivement la mise en
place tous azimuts des représentants en santé et sécurité et conteste d'autant
plus cette obligation pour les milieux de travail qui ont déjà ou auront, donc,
un comité paritaire en fonction.
Parlons maintenant de <réparation…
M. Milliard (Charles) :
…
commentaire-là. C'est, selon nous, un fait acquis.
La FCCQ conteste donc vivement la mise
en place tous azimuts des représentants en santé et sécurité et conteste
d'autant plus cette obligation pour les milieux de travail qui ont déjà ou auront,
donc, un comité paritaire en fonction.
Parlons maintenant de >réparation.
L'avis du CCTM recommandait d'alléger les mécanismes de contestation en
abolissant, entre autres, l'étape de la révision administrative. Cette étape
qui change rarement la décision initiale de la CNESST, soit dit en passant,
retarde indûment le recours à une décision finale du Tribunal administratif du
travail. Le consensus était donc de miser davantage sur des processus de
conciliation afin de régler plus rapidement la vaste majorité des dossiers
contestés. D'ailleurs, les ressources qui seraient libérées permettraient de
rehausser la rapidité de gestion des dossiers d'admissibilité des réclamations
ainsi que d'augmenter les ressources dédiées à la conciliation au TAT. Nous souhaiterions
donc retrouver cette idée dans le présent projet de loi.
Depuis les dernières années, le Québec est
très préoccupé par les enjeux liés à la santé psychologique, et, certains
d'entre vous le savez, étant pharmacien de profession, je peux vous dire que
cette situation me préoccupe au plus haut point. D'ailleurs, c'est au Québec
que le régime de santé et sécurité indemnise le plus grand nombre de lésions
psychologiques au Canada.
Plusieurs juridictions à travers le monde,
vous le savez, ont tour à tour ajusté leur législation afin d'encadrer
l'indemnisation des lésions psychologiques, généralement en admettant ce qu'on
appelle une présomption pour le stress post-traumatique pour les premiers
répondants. Elles ont également répondu… Elles ont également reconnu, pardon,
la complexité des diagnostics qui sont de plus en plus complexes, disons-le,
des lésions psychologiques et ont désigné que seuls les psychiatres et les
psychologues pouvaient l'émettre en se basant sur la référence scientifique
internationale à la matière, le fameux DSM publié par l'Association
américaine de psychiatrie. Le recours à ce guide a d'ailleurs fait l'objet d'un
autre consensus au CCTM qui, encore une fois, n'a pas été retenu dans le
présent projet de loi n° 59.
Les lésions psychologiques sont parmi les
plus contestées au Bureau d'évaluation médicale en raison de la faible
expertise des médecins traitants en la matière, parce que les diagnostics, on
le sait, sont de plus en plus complexes, alors que le gouvernement et le CCTM
peinent en plus à trouver des membres psychiatres afin de répondre à la
demande. Il faut, actuellement, près de deux ans afin de pouvoir effectuer cet
arbitrage médical en matière de lésion psychologique, une situation,
honnêtement, qui est intenable et qui est au désavantage de toutes les parties.
Parmi les avenues possibles, la FCCQ
propose la mise en place d'un comité des lésions psychologiques constitué,
donc, de psychologues et de psychiatres, à l'image du comité des maladies
professionnelles oncologiques ou celui des maladies pulmonaires, pour analyser,
donc, les réclamations.
Par ailleurs, la CNESST et ses partenaires
reconnaissent depuis longtemps qu'un retour au travail rapide suite à une
lésion, conjugué, évidemment, à un accompagnement médical centré sur la
réadaptation, est un facteur déterminant afin d'éviter qu'un travailleur tombe
dans la chronicité et conserve des séquelles.
• (17 h 30) •
Malheureusement, de lourdes obligations
administratives viennent souvent faire dérouter ce plan initial. Par exemple,
le processus actuel d'assignation temporaire nécessite de nombreux et souvent
inutiles allers-retours entre l'employeur et le médecin traitant afin de
trouver des tâches qui respectent la condition du travailleur tout en
favorisant…
17 h 30 (version révisée)
M. Milliard (Charles) : …et
conserve des séquelles.
Malheureusement, de lourdes obligations
administratives viennent souvent faire dérouter ce plan initial. Par exemple,
le processus actuel d'assignation temporaire nécessite de nombreux et souvent
inutiles allers-retours entre l'employeur et le médecin traitant afin de
trouver des tâches qui respectent la condition du travailleur, tout en
favorisant la réadaptation. Le projet de loi n° 59 vient instituer une
obligation au médecin traitant de définir les limitations fonctionnelles
temporaires sur le formulaire d'assignation temporaire, qui serait dorénavant,
donc, requis par la CNESST.
La FCCQ croit qu'une provision législative
supplémentaire devrait également être mise en place, prévoyant l'obligation au
médecin traitant de fournir le formulaire d'assignation temporaire dès qu'il
remplit un papier médical et l'obligation au travailleur, évidemment, de le
remettre à son employeur le plus tôt possible. Cela accélèrerait, évidemment,
le processus, tout en rappelant à l'employeur son droit de proposer une
assignation temporaire.
Finalement, la FCCQ demande de corriger
certaines dérives du système d'indemnisation de la CNESST en limitant les coûts
supportés par cette dernière aux impacts qui découlent des accidents ou des
expositions à des dangers à la santé survenus dans le cadre du travail. Le
régime actuel compense et indemnise tous les coûts subséquents à une lésion
professionnelle, même s'ils sont étrangers à l'accident de travail. Notre loi
actuelle permet aux employeurs de mutualiser ces coûts en demandant ce qu'on
appelle un partage ou un transfert de coûts.
Disons les choses clairement, et ça a déjà
été dit dans les derniers jours, l'ensemble des employeurs au Québec, donc,
supportent, donc, des coûts qui devraient, logiquement, être supportés par
d'autres programmes : l'assurance-emploi, le régime d'assurance maladie du
Québec ou le régime d'assurance collective. Non seulement le projet de loi
n° 59 ne vient pas corriger cette situation, mais il vient plutôt
l'exacerber en réduisant d'une façon considérable les situations où on pourra,
justement, donner droit à ces partages de coûts.
Ces changements, donc, selon nous, vont à
l'encontre de la justice naturelle et pourraient même nuire à l'accès à
l'emploi des personnes en situation de handicap ou étant considérées plus à
risque de développer des complications à la suite d'un accident de travail,
notamment ceux ayant conservé des limitations ou des faiblesses. Clairement,
ces dispositions…
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
M. Milliard (Charles) : Oui.
Alors, le mémoire, donc, comprend près de 40 recommandations, je tiens à
remercier notre comité de travail sur la question. Et je termine en vous
rappelant que plusieurs provinces canadiennes envient la qualité de nos forums
sur le dialogue social. Alors, prenons soin de cet acquis social important et
réussissons ensemble cette réforme. Merci de votre attention.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci pour votre exposé. Nous allons commencer la période d'échange avec
M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Tout d'abord, merci, Charles et Alexandre, puis je vous prierais de
remercier et féliciter toute l'équipe qui a collaboré à la rédaction de votre
mémoire. C'est bien fait, il y a des belles recommandations. J'apprécie
beaucoup que vous souteniez ce projet de modernisation qui est revendiqué par
tous les acteurs du marché du travail, toutes les personnes intéressées par la
santé des travailleurs, la santé financière des <entreprises…
M. Boulet : …il y a des
belles recommandations. J'apprécie beaucoup que vous souteniez ce projet de
modernisation qui est revendiqué par tous les acteurs du marché du travail,
toutes les personnes intéressées par la santé des travailleurs, la santé
financière des >entreprises. Évidemment, je trouve intéressant de
souligner que ça constitue aussi une forme de réforme économique. Tu sais, on
le mentionnait, je l'ai mentionné souvent, en 2018, le nombre de lésions
professionnelles, si on avait éliminé les absences découlant de ces lésions-là,
ça représente, à peu près, 36 000 travailleurs,
à temps complet dans le marché, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre. C'est
évident qu'il faut réduire le taux des lésions, la fréquence des lésions, la
durée des lésions et les cotisations, ultimement, parce que ce régime-là est
assumé exclusivement par les employeurs.
Je sais que certains disent : C'est
un projet qui est un peu plus patronal que syndical, ou moins pour les
travailleurs, bon, mais ce n'est pas le cas. Charles, je suis un partisan du
paritarisme, je suis un fidèle croyant, comme vous, d'ailleurs, à la FCCQ, des
travaux qui ont été faits par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre
et je suis, finalement, quelqu'un qui dit, comme vous le mentionniez, qu'on
peut toujours transformer des critiques en des pistes de solution.
D'ailleurs, quand on est à une table de
négociation, on a des enjeux, il y a des demandes d'un côté, il y a des
demandes de l'autre. Si tu plantes ton poteau puis que tu le déplantes pour
t'avancer tranquillement vers l'autre, ce n'est pas une bonne façon de
négocier. C'est très traditionnel. Il faut voir les intérêts derrière les
positions. Et, en matière de santé et sécurité au travail, je suis convaincu
que tous n'avons que des intérêts communs, nous ne devons pas avoir des
intérêts divergents.
Quant aux moyens pour atteindre les
objectifs, bien sûr, on peut en discuter. Puis, la prévention, notre objectif
c'était de passer de 25 % à 94 %. Puis, tu sais, il y en a qui disent :
Dans le 6 %, il y a des groupes prioritaires où ils ne sont plus assujettis,
mais ils ont déjà des mécanismes de prévention et de participation, puis ce n'est
que 2 %. Et on ne souligne pas assez souvent… Charles, je profite de
l'occasion pour dire que, les établissements communautaires de soins pour
personnes âgées, les soins de santé ambulatoires, le traitement des déchets,
les éboueurs, les marchands de matériaux, il y a plein de secteurs qui
n'étaient assujettis à aucun mécanisme de prévention. Avec la tertiarisation de
l'économie, la santé, les services sociaux en font maintenant partie, puis
l'éducation.
Merci, Charles, Alexandre, pour le ton
aussi. Les petites… Évidemment, le régime de prévention, qui apparaît dans le projet
de loi n° 59, dépend des niveaux de <risque…
M. Boulet : ...les services
sociaux en font maintenant partie, puis l'éducation.
Merci, Charles, Alexandre, pour le ton
aussi. Les petites… Évidemment, le régime de prévention, qui apparaît dans le
projet
de loi n° 59, dépend des niveaux de >risque et du nombre de travailleurs.
Puis vous avez fait référence aux petites entreprises de moins de 20 travailleurs.
Et, vous me l'avez déjà souligné, bon, il y a des syndicats qui trouvent qu'on
n'en fait pas assez puis il y en a d'autres qui trouvent qu'on en fait trop.
Puis je ne suis pas en désaccord, Charles, avec le fait que… s'il y a représentant
et un comité, pourquoi avoir deux instances?
J'aimerais ça que vous me parliez un peu,
Charles, de comment ce serait accueilli dans les environnements de travail de
n'avoir, par exemple, qu'un comité de santé et sécurité et pas de représentant?
On appelait ça un représentant à la prévention, maintenant, un représentant
santé et sécurité. Quel est l'accueil qu'un projet de loi prévoyant la fusion
des deux instances ou les responsabilités aurait?
M. Milliard (Charles) : Donc,
vous voulez dire : Si notre recommandation était acceptée?
M. Boulet : Exact. Oui.
M. Milliard (Charles) : Bien,
écoutez, ce serait la joie. Non, mais, plus sérieusement, j'ai envie de citer,
pour les gens qui aiment la politique, là, le président Giscard d'Estaing,
hein, qui a dit, dans un fabuleux débat politique : «Vous n'avez pas le
monopole du coeur.» Il n'y a personne qui a le monopole du coeur autour de la
table, que ce soient les patrons ou les syndicats. Tout le monde souhaite, bien
sûr, que les milieux soient en santé, mais ce n'est pas vrai qu'on ne va pas
venir ici, en commission, vous le dire quand on pense qu'il y a un dédoublement
et une lourdeur administrative.
Moi, la dernière chose que je veux, c'est
qu'on ait des programmes de prévention qui soient bien, qu'ils soient faits par
la Santé publique ou pas, on pourra en reparler, mais qui prennent la poussière
dans une garde-robe ou sur une tablette. Je veux m'assurer que les nouveaux
processus qu'on aura... Il y a un concept en pharmacie aussi, ça fait deux fois
que je réfère à ma carrière de pharmacien, mais qu'on appelle la dose minimale
efficace. Donc, il faut trouver c'est quoi, la dose qu'on a besoin pour soigner
le patient, mais qui ne va pas trop faire d'effets secondaires ou, dans notre
cas, de pertes économiques trop importantes pour les employeurs.
Alors, Alexandre, je ne sais pas si tu
aurais des commentaires, si tu t'es joint à nous.
M. Gagnon (Alexandre) :
Oui, bien sûr. En fait, je pourrais même répondre à votre question plus
directement, M. le ministre. En fait, dans les travaux du CCTM, un des constats
qu'on a faits, c'était qu'il y a beaucoup de rôles qui étaient complémentaires,
disons, au départ, entre le comité de santé et sécurité et le représentant. Une
des choses qu'on a proposées, qui a été mise dans le projet de loi, c'était,
justement, de transposer plusieurs de ces responsabilités-là de représentant
vers le comité de santé et sécurité. Et ça, ça avait été fait dans le projet de
loi.
Et, j'irais même plus loin, un comité de
santé et sécurité, c'est plusieurs personnes, c'est la synergie des expertises
de tous ces membres-là. Un rôle de représentant, ça met un fardeau unique à une
personne plus spécifique. Donc, nous, ce qu'on propose, c'est que, dans le
cadre du comité, évidemment, qu'on donne... que les personnes, entre elles,
s'entendent sur des mandats à donner à chacun des membres du comité en fonction
de leur <propre...
M. Gagnon (Alexandre) :
…
plusieurs personnes, c'est la synergie des expertises de tous ces
membres-là. Un rôle de représentant, ça met un fardeau unique à une personne
plus spécifique. Donc, nous, ce qu'on propose, c'est que, dans le cadre du
comité, évidemment, qu'on donne... que les personnes, entre elles, s'entendent
sur des mandats à donner à chacun des membres du comité en fonction de leur
>propre expertise et de leur expérience personnelle. Donc, on considère
que le rôle du comité est beaucoup plus porteur, et qu'on pousse davantage à la
discussion, là, aux échanges, au consensus qu'une relation
employeur-représentant, là, qui est unique, un-un, un petit peu, à ce
niveau-là.
• (17 h 40) •
M. Boulet : O.K. Et, dans un
contexte <de… >où on prêche beaucoup pour la prise en charge, par
les milieux de travail, des risques, pour les identifier, les éliminer, les
contrôler, est-ce que vous pensez que ça ne pourrait pas être facultatif, par
exemple, d'avoir une instance, tu sais, d'avoir un comité? Est-ce que c'est une
direction que vous proposeriez, Charles, Alexandre, que ça soit laissé à la
discrétion de chaque milieu de travail?
M. Gagnon (Alexandre) :
Bien, en fait, c'est un petit peu l'essence, un peu, des discussions qui ont eu
lieu. C'est que, dans le cadre du CCTM, un des avis qui avait été fait, c'est
de laisser un maximum de place aux acteurs de dire comment ils allaient opérer
leurs mécanismes de prévention, notamment le comité. Donc, de dire : Si,
nous, il faut qu'on se rencontre une fois par année, parce qu'on est un bureau
de professionnels où que les risques sont quand même bien contrôlés et quand
même minimums, ou on a un réel milieu un peu plus à risque et qu'il faut qu'on
en fasse plus, de rencontres, <plus de… >qu'on ait plus de temps
nécessaire impliqué à ce niveau-là, bien, évidemment, on laissait toute cette
latitude-là aux acteurs pour s'entendre, entre eux, sur la nécessité.
Et je vais vous revenir sur ce que vous
avez dit. Auparavant, la loi disait que le comité de santé et sécurité peut
être mis en place, donc, lorsqu'on atteint un certain seuil de travailleurs et
lorsqu'on était dans les groupes prioritaires, auparavant. Le projet de loi, ce
qu'il vient faire, c'est qu'il vient dire : Doit être mis en place. Donc,
que les employeurs, les syndicats, les travailleurs ne veulent pas de comité,
ils ne savent pas comment ça fonctionne, ils n'ont pas le temps de gérer ça
dans une gestion formelle de comité, mais qu'ils ont d'autres façons de gérer
leur santé et sécurité, bien, on permettait ça auparavant. Maintenant, on vient
imposer la mécanique du comité, avec sa lourdeur et sa façon de faire, et on
laisse peu de place à l'innovation dans nos façons de faire en santé et sécurité.
Donc, pour nous, il y a un petit, peut-être,<… un >geste
supplémentaire à poser, à ce niveau-là, pour laisser plus de flexibilité aux
milieux dans leurs ententes possibles.
M. Boulet : En même temps,
Alexandre, puis on pourra en discuter en étude détaillée, là, dans mon esprit,
il pourrait y avoir une entente entre les parties, là, mais, si ça a besoin de
clarification, ce sera clarifié, là, mais je comprends très bien le point que
vous soulevez.
Autre élément, Charles, bon, l'élimination
de la Direction de la révision administrative. Pour ceux qui sont moins
familiers avec le régime, il y a trois paliers décisionnels en santé-sécurité.
D'abord, la CNESST, qui rend la décision de première instance, après ça, il y a
un palier qu'on appelle la Direction de la révision administrative, <c'est
ce que…
M. Boulet : ...bon,
l'élimination de la Direction de la révision administrative. Pour ceux qui sont
moins familiers avec le régime, il y a trois paliers décisionnels en
santé-sécurité. D'abord, la CNESST, qui rend la décision de première instance,
après ça, il y a un palier qu'on appelle la Direction de la révision
administrative, >c'est ce que M. Boyer disait tout à l'heure,
généralement, 95 % des décisions de la Direction de la révision administrative
entérinent les décisions de la CNESST. Et le palier final, c'est le Tribunal
administratif du travail.
Donc, dans une perspective de
déjudiciarisation, on souhaite, notamment au Conseil consultatif travail et
main-d'oeuvre, d'éliminer ce palier-là. Puis je vous dirais que je poursuis cet
objectif-là. C'est la raison pour laquelle, Charles, on permet à la partie qui
conteste de décider si elle va aller à la Révision administrative ou au
Tribunal administratif du travail, donc une option qui est donnée à l'employeur
ou au travailleur, dans les cas de contestation, de question médicale et de
financement, donc, mais ce n'est pas pour toutes les décisions rendues par la
CNESST.
On a fait un immense pas en avant, mais on
a tenu compte que, tu sais, en 2019, il y a eu 65 000 demandes
de révision, il y en avait un peu plus de 22 000,
bien, vous m'avez écouté tout à l'heure avec M. Boyer, 22 000 provenant des travailleurs
puis 42 000 provenant des
employeurs qui font des demandes de révision administrative. Ça fait que c'est
sûr qu'il faut tenir compte de nos ressources humaines, de la capacité du
système de bien gérer la déjudiciarisation.
Mais ce que je trouve intéressant,
Charles, vous référez à la conciliation, aux alternatives de dispute. Avez-vous
une idée particulière sur la façon de raffermir le processus de conciliation qui
précède l'audition devant le Tribunal administratif du travail? Je vous écoute.
M. Milliard (Charles) : Bien,
juste avant de céder la parole à Alexandre, je suis content de voir qu'il y a
une ouverture, parce qu'en bout de ligne c'est une question d'efficience aussi.
Donc, même M. Boyer aussi, pour ne pas le nommer, reconnaissait que... Moi,
j'avais 97 %, je pense, des décisions qui ne sont jamais renversées, alors
force est de constater qu'il y a sûrement une autre duplication là. En termes
de conciliation, Alexandre, est-ce que je te laisse aller?
M. Gagnon (Alexandre) :
Oui, bien sûr. En fait, ce qu'on mise beaucoup avec la révision administrative,
habituellement, beaucoup trop de personnes contestent la révision
administrative pour gagner du temps pour bien analyser les dossiers avant de le
transmettre au Tribunal administratif du travail. Et puis, donc, évidemment, en
discussion avec la CNESST, avec différents experts, ce qu'on nous dit, c'est
que, souvent, c'est par un manque d'information ou par un manque de temps pour
échanger ensemble pour en venir à un consensus ou pour s'informer de nos droits,
ou de la réalité, ou de la pertinence du recours.
Donc, évidemment, pour nous, en obligeant,
peut-être, à recourir à la médiation, avant d'en arriver au Tribunal
administratif du travail, en obligeant une séance préparatoire, bien, ça
permettrait d'informer les différentes parties de l'état du droit, des réelles
possibilités. Et puis, historiquement, les <taux...
M. Gagnon (Alexandre) :
...
pour nous, en obligeant, peut-être, à recourir à la médiation, avant
d'en arriver au Tribunal administratif du travail, en obligeant une séance
préparatoire, bien, ça permettrait d'informer les différentes parties de l'état
du droit, des réelles possibilités. Et puis, historiquement, les >taux d'ententes,
suite à la conciliation au Tribunal administratif, sont très, très importants.
Donc, on déjudiciariserait, on laisserait de l'espace à nos tribunaux et on
gagnerait de l'argent pour tout le monde, et du temps, là, ce qui serait très
optimal, là.
M. Boulet : C'est un bon
point, Alexandre. En même temps, tu le sais très bien, en pratique, les
parties, ils ne veulent pas en faire, de conciliation, tant que leur cause n'est
pas inscrite au rôle du Tribunal administratif du travail. Ils poussent ça dans
le temps puis ils attendent à la dernière minute, ça fait que ça crée un goulot
d'étranglement. Parce que moi aussi, je suis un partisan de raffermir la
conciliation.
Puis la Direction de la révision administrative,
j'en parlerai avec mes collègues, mais il y a aussi la Loi sur la justice
administrative, là, qui nous impose certains obstacles, parce que les décisions
rendues par les organismes institutionnels de l'État font toutes l'objet d'une
possibilité de révision administrative, et ça, c'est pour le bénéfice, bien
sûr, des justiciables.
Dernier point, Charles, ça m'intéresse énormément,
bon, les demandes de partage de coûts, la notion de handicap. Avec ta formation
de pharmacien, tu connais bien l'enjeu qu'il y a eu entre qu'est-ce qui
constitue un handicap. Est-ce que ça doit être une déviation par rapport à la
norme médicale généralement reconnue ou si ça doit limiter? Bon, évidemment, on
utilise une définition, dans le projet de loi n° 59, qui est celle de
l'Office des personnes handicapées du Québec. C'est sûr que ça limite les
possibilités de désimputation suite à des demandes de partage de coûts.
Ce qu'on constatait, cependant, c'est que
les demandes de partage sont concentrées parmi un nombre plus limité
d'entreprises qui, à quelque part, se déresponsabilisent puis font assumer, par
le fonds général, les coûts de lésion où il y a des conditions purement
symptomatiques, là, qui sont des handicaps, là, je le comprends, là, au sens de
la Charte des droits et libertés de la personne, mais ça génère des
déséquilibres. Puis c'est sûr que les PME, qui sont au taux de l'unité, ils ne
sont pas là-dedans, là<, il n'y a pas de..>. Il y a à peu près
5 % des coûts, assumés par les entreprises qui sont au taux de l'unité,
qui sont désimputés suite à des demandes de partage, mais est-ce que c'est une
demande qui vous apparaît... J'aimerais ça que vous mettiez un peu de contenu,
là, parce que vous l'avez abordé assez sommairement. J'aimerais ça vous
entendre, Charles ou Alexandre.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
J'aime bien ce que le ministre a dit, un peu de contenu, parce qu'il ne reste
qu'une minute.
M. Milliard (Charles) :
Alors, je vais transférer mon temps, là, d'expert dans ce cas-là. Alexandre.
M. Gagnon (Alexandre) :
Merci beaucoup. En fait, lorsqu'il y a un tribunal, hein, normalement les
partages de coûts passent presque systématiquement au Tribunal administratif du
travail ou par des décideurs. Donc, on vient reconnaître que l'employeur,
l'accident, n'est pas totalement responsable de la lésion qui est arrivée ou
des conséquences de la lésion. Donc, la première question, à savoir : Pourquoi
est-ce que le régime les <indemnise...
M. Gagnon (Alexandre) :
…
un tribunal, hein, normalement les partages de coûts
passent presque systématiquement au Tribunal administratif du travail ou par
des décideurs. Donc, on vient reconnaître que l'employeur, l'accident, n'est
pas totalement responsable de la lésion qui est arrivée ou des conséquences de
la lésion. Donc, la première question, à savoir : Pourquoi est-ce que le
régime les >indemnise? Pourquoi est-ce que c'est la CNESST qui indemnise
ça, si ce n'est pas l'événement qui est survenu dans le cadre du travail qui
est responsable de cette lésion-là? Donc, c'est la première question.
Bon, évidemment, pour nous, ça devrait
être couvert par d'autres régimes, mais, le cas échéant, permettez-nous de
partager ce risque-là entre nous. Et la réalité, c'est que beaucoup de PME, je
sais que ça a été mentionné auparavant, sont membres de mutuelles de
prévention, sont membres de d'autres initiatives qui font qu'ils sont plus
réactifs aux risques et que leur prime est plus touchée par <ces... par >les
dossiers. Donc, pour nous, nous respectons le droit naturel, qui est nouveau,
du régime, qui était censé d'indemniser directement les conséquences de
l'accident de travail. Et, sinon, permettons à tout le monde de partager ces
risques-là ensemble pour éviter les mauvaises nouvelles.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, je vous remercie beaucoup.
M. Boulet : Merci beaucoup,
Charles, merci à Alexandre, encore une fois, de votre collaboration, puis au
plaisir de se revoir bientôt.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous donnons maintenant la parole au député de Nelligan. Vous disposez
de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. M. Milliard, M. Gagnon, merci, merci d'être là, merci pour la
qualité de votre rapport très détaillé, que j'ai apprécié à la lecture. Je vais
partager le temps que j'ai avec mon collègue le député de Robert-Baldwin. Donc,
je vais commencer.
Toujours au niveau de l'avis du Comité
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, j'ai posé presque la même
question à M. Boyer, parce que le paritarisme est quelque chose qui est très
important. Il y a des gens qui travaillent au sein de ce comité, et je vais
vous ramener à un point <qui était... >que vous avez cité
vous-même, il semble que l'un des consensus les plus importants survenus au
Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, en matière de la gestion
de la prévention, ait été oublié dans la rédaction de l'avis.
• (17 h 50) •
Il était de l'avis de tous les
partenaires, autant patronaux que syndicaux, que les mécanismes de prévention
prévus au régime actuel étaient lourds, et difficiles d'application, et
devaient être allégés. Il était d'ailleurs inconcevable qu'ils puissent être
transposés au sein des petits milieux de travail, spécifiquement ceux de moins
de 20 travailleurs. Imposer de telles obligations aux plus petites entreprises
relève du voeu pieux. Les membres du Comité consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre avaient dès lors proposé de miser sur le développement d'outils
supplémentaires. Je les résume : formation, accompagnement auprès des
milieux et l'accessibilité aux services de soutien.
Selon votre interprétation, est-ce que le
projet de loi fait fausse route, en ne s'attaquant pas aux vrais problèmes, et
s'attaque à un faux problème, qui est l'imposition de mesures à des PME en bas
de 20 employés?
M. Milliard (Charles) : Bien,
écoutez, <vous me... >je suis content que vous me la posiez, j'ai
vu que vous l'aviez posée à d'autres aussi. Effectivement, on se réjouit qu'il
y ait quand même un certain <nombre de...
M. Derraji : ...
en ne
s'attaquant pas aux vrais problèmes, et s'attaque à un faux problème, qui est
l'imposition de mesures à des PME en bas de 20 employés?
M. Milliard (Charles) :
Bien, écoutez, vous me... je suis content que vous me la posiez, j'ai vu que
vous l'aviez posée à d'autres aussi. Effectivement, on se réjouit qu'il y ait
quand même un certain >nombre de consensus qui font partie du projet de
loi. Est-ce qu'il y aurait pu en avoir plus? Selon nous, oui, parce que ça a
été un travail, quand même, d'arrache-pied qui a été fait.
Maintenant, il y a sûrement des raisons
qu'on comprendra au fur et à mesure des commissions, mais, pour ce qui est de
votre lecture de la partie sur les mécanismes de prévention, pour moi, c'est un
des faits marquants de notre mémoire, c'est qu'on ne veut pas d'inefficience
dans le système. Malheureusement, ça nous donne une posture où on a de l'air de
vouloir avoir moins de problèmes pour les employeurs. Je vous avoue que ça
m'indispose que ça nous mette dans cette situation-là, alors que ce n'est pas
le cas. Je veux dire, Alexandre et moi, on est ici parce qu'on a à coeur aussi
la santé et la sécurité des travailleurs, donc, mais ce n'est pas vrai que
d'avoir ces deux systèmes-là, dans toutes les entreprises ou, en tout cas, dans
les entreprises à faible risque, entre autres, c'est efficace. Et je ne veux
pas me répéter, sur ce que j'ai dit tout à l'heure, sur le danger que plusieurs
documents ou outils prennent de la poussière. Alors, on aimerait beaucoup mieux
avoir des formules interactives comme la formation et l'accompagnement qui
pourraient être faits avec des organisations qui sont déjà en place.
M. Derraji : Bien, déjà, par
rapport au consensus, le ministre a très bien choisi les recommandations, mais
il a choisi 18 sur 49 et il a laissé tomber 29 sur 47. Ça, c'est la conclusion
de l'ensemble du travail du Comité consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre. Et je veux juste pousser le raisonnement. Est-ce qu'aujourd'hui,
quand on dit qu'on va moderniser le régime, on se donne les vrais moyens au
niveau de la prévention? Oubliez les paliers en bas de 20, au-delà de 20. <Est-ce
que, du côté patronal… >Parce qu'on a entendu le point de vue du
syndicat, juste avant vous, du côté patronal, est-ce que c'est très clair,
le message que vos membres ont reçu quand ils ont vu la première mouture du
projet de loi? On ne va pas parler des amendements. C'est quoi, le message reçu
par vos membres?
M. Milliard (Charles) :
Alexandre, tu veux y aller?
M. Gagnon (Alexandre) :
Oui. Donc, est-ce qu'on va de l'avant au niveau... Est-ce qu'on va faire une
meilleure prévention? Définitivement, oui. Il y a beaucoup plus de milieux de travail
qui vont être accompagnés, qui vont être touchés par les obligations. On n'est
plus uniquement dans les groupes prioritaires un et deux, là, on touche à l'ensemble
des secteurs. Donc, ça, pour nous, il y a quand même une avancée, là, au niveau
de la prévention.
Est-ce que nos milieux sont craintifs par
rapport à ce que ça veut dire dans leur réalité? Oui, évidemment. Donc, nous,
cette grande implication pour l'ensemble des secteurs venait avec le fait qu'on
va mieux accompagner, qu'on va alléger les mécanismes de prévention, qu'on va
les rendre plus simples, mais qu'on va les rendre plus applicables sur le
terrain. Donc, cette crainte-là est à ce niveau-là.
Ce n'est pas que les employeurs ne veulent
pas faire de prévention. Ils veulent en faire plus, ils veulent utiliser les
mécanismes existants, excepté, peut-être, leur représentant en santé et
sécurité, on va être bien honnête avec vous, qui est plus litigieux, mais les
autres mécanismes sont bien acceptés. Mais il va falloir trouver un moyen à ce
que ce soit facile d'utilisation et non pas une paperasse supplémentaire, qui
est, malheureusement, peut-être, moins <efficace...
M. Gagnon (Alexandre) :
…
veulent en faire plus, ils veulent utiliser les mécanismes existants,
excepté, peut-être, leur représentant en santé et sécurité, on va être bien
honnête avec vous, qui est plus litigieux, mais les autres mécanismes sont bien
acceptés. Mais il va falloir trouver un moyen à ce que ce soit facile
d'utilisation et non pas une paperasse supplémentaire, qui est,
malheureusement, peut-être, moins >efficace pour certains milieux.
M. Derraji : Combien de
minutes, Mme la Présidente? Parce que je ne veux pas prendre le temps de… O.K.
cinq, six? O.K. J'ai une autre question, désolé, mon collègue de Robert-Baldwin.
Parlons de la CNESST. Vos membres font affaire beaucoup avec la CNESST.
Plusieurs groupes m'ont dit, clairement, que, déjà, ce que la CNESST a sur la
table est énorme. Pensez-vous qu'avec ce que le projet de loi vient de rajouter
sur la table de dessin de la CNESST qu'on ne va pas créer une autre, je vais
utiliser une expression très connue à l'Assemblée nationale… encore une fois,
et une lourdeur?
M. Gagnon (Alexandre) :
Écoutez, j'ai entendu plusieurs discours, depuis que je suis à la fédération,
sur les appréciations de la CNESST, mais j'ai envie de vous dire que, dans le
contexte de ce qu'on a exigé d'elle dans la dernière année, vous allez me
trouver sur le chemin si on veut contester l'ensemble du travail de la CNESST.
Donc, c'est quand même exigeant ce qu'on leur demande. À plusieurs égards, ils
répondent présents.
Bien sûr, on a des enjeux, entre autres,
sur les délais, les délais de traitement. Puis vous les connaissez, vous lisez
les articles de journaux comme moi, mais c'est certain que, si, dans le projet
de loi, on vise à augmenter le fardeau du travail, le fardeau de la preuve, des
fois, sur la commission, <il va falloir qu'il y ait des mesures qui
viennent, parce que… >il va falloir qu'il y ait des mesures ou des
outils qui viennent pour les aider, parce que c'est certain que la cour est
pleine. Puis, comme vous le savez, moi, je suis sur le C.A. de la commission,
donc on est à même de constater que, ce qui est exigé, c'est très, très
exigeant, déjà. Alors, les moyens doivent suivre les objectifs.
M. Derraji : M. Milliard,
je vois que vous êtes très diplomate. Aucun problème, mais orientez-nous,
aidez-nous, en tant que membres de la commission. Ma question était très claire :
Ce projet de loi, à la première lecture de ce projet de loi par vos équipes,
est-ce que vous pensez qu'en date d'aujourd'hui… Je connais très bien la
situation d'avant jusqu'à aujourd'hui, de la CNESST. On a donc le projet de loi
tel qu'il est aujourd'hui. Est-ce que ça va faciliter la tâche des gens qui
sont à la CNESST maintenant ou ça va alourdir? Et, si ça va alourdir, c'est
quoi, les moyens qu'on doit mettre à la disposition de la CNESST pour qu'ils
puissent agir et respecter les délais?
M. Milliard (Charles) :
Alexandre, peut-être, tu seras plus concret que moi.
M. Gagnon (Alexandre) :
Oui. Bien, évidemment, il y a un secteur qui nous préoccupe puis qu'on a de la
difficulté à voir comment la CNESST va pouvoir le mettre en place, c'est au
niveau de la détermination de l'emploi convenable, donc, actuellement, qui est
un rôle qui est octroyé à l'employeur pour bien identifier les contraintes
excessives de cet employeur-là à reprendre un travailleur qui a été victime
d'une lésion professionnelle. Donc, à ce niveau-là, évidemment, pour nous, il y
a un rôle supplémentaire qui est octroyé à la commission, qui est peut-être
très exigeant, qu'ils n'ont pas l'expertise, actuellement, <pour amener… >pour
effectuer ça et qu'on a des craintes par rapport à leur capacité, évidemment,
malgré tout leur bon vouloir.
M. Derraji : Merci,
M. Gagnon, merci, M. Milliard. Je pense… mon collègue de Robert-Baldwin,
sinon il va me chicaner.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 3 minutes.
M. Leitão :
<Encore une…
M. Gagnon (Alexandre) :
...qui est
peut-être très exigeant, qu'ils n'ont pas l'expertise,
actuellement, pour amener… pour effectuer ça et qu'on a des craintes par
rapport à leur capacité, évidemment, malgré tout leur bon vouloir.
M. Derraji : Merci,
M. Gagnon, merci, M. Milliard. Je pense… mon collègue de
Robert-Baldwin,
sinon il va me chicaner.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 3 minutes.
M. Leitão : >Encore
une, je vais le chicaner. Messieurs, bonjour, merci d'être là. Écoutez, je vais
droit au point que je voudrais faire avec vous. Ça a déjà été soulevé, moi, j'ai
soulevé la question plusieurs fois, aujourd'hui et hier, c'était cette question,
cette tension, si vous voulez, entre régime d'assurance et programme social.
M. Boyer a été très clair, il a toujours le mérite d'être très clair. Et
je ne veux pas créer de chicane entre la fédération et la FTQ, mais
M. Boyer avait dit, et il représente aussi un point de vue qui avait déjà
été exprimé, que c'était un peu incompatible, le rôle de la CNESST ne devrait
pas être semblable à celui de la SAAQ. Et donc, dans la tradition du
paritarisme québécois, c'est incompatible de vouloir imposer un régime
d'assurance comme tel. Comment est-ce que vous voyez ça? Moi, j'aimerais juste
vous entendre là-dessus.
M. Milliard (Charles) :
Vas-y, Alexandre.
M. Gagnon (Alexandre) :
Oui, c'est ça. Bien, en fait, c'est dommage, parce que M. Boyer, quand
même, aime beaucoup faire référence aux principes de Meredith, qui sont à la
base de création du régime et qui parlent spécifiquement que c'est pour un
régime d'assurance. Donc, évidemment, il faut prendre le bon et le mauvais avec
ça. Et le fait qu'on vienne donner une cotisation en fonction du risque et des
événements, de l'expérience du milieu de travail, on peut difficilement faire
autrement que ça soit un régime d'assurance, sinon ça serait un régime social.
On n'a pas de problème, mais on va évidemment passer par un financement
différent. Ça ne sera pas un fardeau uniquement à l'employeur, et on craint que
ça soit un désincitatif à certaines activités de prévention par le fait même,
là.
M. Milliard (Charles) : On
peut contester le véhicule de la mesure sans contester la mesure, là. On ne dit
pas qu'il faut tout ôter le mérite social de la réforme, on dit juste qu'il y a
peut-être un certain reclassement sur certains éléments, mais le fait qu'il y a
un débat prouve que ce n'est pas clair.
M. Leitão : Très bien. Oui,
absolument. Et, si, éventuellement, il faut bonifier certains programmes
sociaux, et peut-être qu'il le faut, bon, faisons-le, mais essayons de ne pas
mélanger les choses. En tout cas, merci beaucoup, c'était la question que je
voulais… avec le peu de temps que mon collègue m'a laissé.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est bien. Alors, nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous disposez de 2 min 45 s.
• (18 heures) •
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Milliard, M. Gagnon. Vos prédécesseurs,
tantôt, à la FTQ, parlaient beaucoup... avaient beaucoup de craintes alentour
du concept du multiétablissement, qu'une même personne ou un même comité… bref,
qu'il y ait des enjeux alentour de ça. Puis, à votre recommandation n° 13,
vous en parlez aussi puis vous faites référence au fait qu'il faudrait qu'il y
ait entente entre les parties. Et est-ce que c'est une...
18 h (version révisée)
M. Leduc : ...beaucoup de
craintes alentour du concept du multiétablissement, qu'une même personne ou un
même comité… bref, qu'il y ait des enjeux alentour de ça. Puis, à votre recommandation
n° 13, vous en parlez aussi puis vous faites référence au fait qu'il
faudrait qu'il y ait entente entre les parties.
Et est-ce que c'est une… La FTQ disait à
peu près la même chose, disait : Il faut qu'il y ait accord des salariés
et des travailleurs, référait aussi au consensus du Comité consultatif du
travail et de la main-d'œuvre. Est-ce que, dans le fond, on retrouve ce
consensus du CCTM, à la fois dans le mémoire de la FTQ et dans votre mémoire, vous
dites la même chose?
M. Gagnon (Alexandre) :
Bien, évidemment, on est conséquents avec nos positions depuis le début. Alors,
on a été autour de la table, pendant plus de deux ans et demi, pour trouver des
consensus entre les différentes parties et différents partenaires. Pour nous,
on va s'y tenir, même lorsqu'il y a des positions qui pourraient peut-être
sembler un peu plus patronales, mais la réalité, c'est que, quand même, ces
consensus-là du multiétablissement, les syndicats étaient également d'accord. Et
c'était oui à cette entente, mais pour l'ensemble des secteurs, peu importe le
niveau de risque, donc également pour les secteurs à milieu risque modéré et les
risques élevés. Donc, ça, à ce niveau-là, évidemment, pour nous, il y a peut-être
une avancée qui pourrait avoir lieu pour l'ensemble des secteurs.
M. Leduc : Un peu plus loin,
vous parliez du fait que, dans les fameuses catégories, là, plus ou moins
20 employés, vous aimeriez qu'on fasse des équivalences de temps complet,
là, que deux temps partiels puissent équivaloir à un temps complet, à peu près,
là. Mais, plus tôt, il y a eu la Commission des droits de la personne et de la
jeunesse qui proposait aussi d'inclure les travailleurs des agences, les
travailleurs saisonniers dans ces calculs-là. Qu'est-ce que vous pensez de
cette suggestion?
M. Gagnon (Alexandre) :
Bien, particulièrement pour les travailleurs des agences, il y a un problème, c'est
qu'eux-mêmes ils ont un employeur, puis ils sont également soumis aux mécanismes
de prévention. Donc, pour nous, on voit un dédoublement que le même travailleur
pourrait être soumis à <être… >participer à deux comités, donc
deux représentants, deux programmes de prévention. Donc, ça, il faut faire
attention.
Et ce qu'on voulait particulièrement faire
attention, c'est de dire : Lorsqu'il y a une boutique, par exemple, qui a peut-être
10 travailleurs, bien, qu'une fois par année doit faire affaire avec
quelques employés temporaires afin de faire leur inventaire, ça leur fait
monter dans une autre catégorie au niveau du milieu. Ils auraient des
obligations pour l'année complète. Donc, pour nous, ça crée des complications,
ça pourrait même nuire à l'employabilité des jeunes, des étudiants, des
travailleurs saisonniers, pour favoriser des emplois à temps complet pour
éviter d'avoir ces obligations supplémentaires là.
M. Leduc : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons avec, maintenant, le député de Bonaventure. Vous
disposez de 2 min 45 s.
M. Roy
: Comme
toujours, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Milliard et, je vous cherche,
M. Gagnon. Recommandation n° 17, la fonction du représentant en
santé et sécurité doit être abolie sur les chantiers de construction. Bon, sur
quoi vous vous appuyez pour enlever le droit aux travailleurs d'avoir accès à
une personne de confiance qui les protège contre de potentielles représailles
face à un droit de refus? C'est-à-dire, si un employeur demande à des employés
d'aller travailler sur, bon, des équipements qui peuvent être très dangereux,
et qu'ils ont peur des représailles, bien, ils n'ont personne à qui se confier.
<Donc…
M. Roy
: ...bon, sur
quoi vous vous appuyez pour enlever le droit aux travailleurs d'avoir accès à
une personne de confiance qui les protège contre de potentielles représailles
face à un droit de refus?
C'est-à-dire, si un employeur demande à des
employés d'aller travailler sur, bon, des équipements qui peuvent être très
dangereux, et qu'ils ont peur des représailles, bien, ils n'ont personne à qui
se confier. >Donc, est-ce que vous considérez que c'est une amélioration
de la protection des travailleurs?
M. Gagnon (Alexandre) :
En fait, il faut comprendre que le... Nous, on reprend nos arguments, hein, par
rapport à l'ensemble des secteurs, pas nécessairement construction. On le
comprend, le représentant en prévention, malheureusement, trop souvent, c'est
des postes élus au sein des syndicats. Ils ont également des pressions
syndicales qui se manifestent trop souvent, malheureusement. Et, plus souvent
qu'autrement, malheureusement, on se retrouve qu'on fait des relations de
travail plus que de la prévention, et personne n'est gagnant rendu là. Donc, il
y a une perte de confiance, dans de nombreux milieux, par rapport à ce rôle de représentant
à la prévention, qui fait qu'on requestionne un petit peu.
Mais est-ce que ça empêche que l'employeur
discute avec ses travailleurs? Il y a toujours une protection au niveau de la
loi, qui est là pour protéger contre les représailles de ceux qui exercent
leurs droits en santé et sécurité. On peut peut-être en faire mieux la
promotion, on peut peut-être mieux former nos travailleurs, notamment en
construction, qui ont des formations obligatoires en santé et sécurité, pour
connaître et comprendre leurs droits en santé et sécurité. On a de la
difficulté à faire la balance des plus et des inconvénients, là, par rapport à
ce rôle-là, qui est pour le moins mitigé, là.
M. Roy
: Bien, écoutez,
ça ressemble à une forme de désyndicalisation des travailleurs, et on leur
enlève un levier de protection.
M. Gagnon (Alexandre) :
On les invite...
M. Roy
: Voilà. Merci
beaucoup.
M. Gagnon (Alexandre) :
Pas de problème. Évidemment, on les invite toujours... Ils ont des
représentants syndicaux sur les différents chantiers, sur lesquels ils peuvent
toujours faire affaire. C'est un secteur un peu particulier, finalement.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci pour le bel échange. Merci, <M. Millard... >Milliard<,
pardon,> et M. Gagnon, pour l'échange.
La... la commission — sac à
papier, on est fatigués, tout le monde, hein — la commission ajourne
ses travaux jusqu'au jeudi 21 janvier 2021, à 9 h 30, pour poursuivre
son mandat. Alors, merci beaucoup, à la prochaine.
(Fin de la séance à 18 h 5)