Journal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(November 29, 2022 au September 10, 2025)
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Wednesday, April 23, 2025
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Vol. 47 N° 98
Clause-by-clause consideration of Bill 89, an Act to give greater consideration to the needs of the population in the event of a strike or a lock-out
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11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures quarante-trois minutes)
Le Président (M. Allaire) : Alors
à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de l'économie du travail ouverte. La commission est
réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi no 89, Loi visant
à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de
lock-out.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président, Mme Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel) est remplacée par M. Girard
(Lac-Saint-Jean); Mme Tremblay (Hull), par Mme Dorismond
(Marie-Victorin); Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey), par Mme Prass
(D'Arcy-McGee); et M. Fontecilla (Laurier-Dorion), par M. Leduc
(Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M. Allaire) : Merci,
Mme la secrétaire. Alors, à la demande de la partie gouvernementale, je vais
suspendre les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 44)
(Reprise à 11 h 57)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
nous allons reprendre les travaux. Si vous vous souvenez, hier, lors de
l'ajournement, nous étions à l'article 4, qui introduit 14 nouveaux articles,
nous étions au premier article introduit et nous étions plus spécifiquement sur
un amendement qui a été déposé par le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, il
vous restait cinq secondes. M. le député de Jean-Talon, il vous reste 14
minutes, et Mme la députée D'Arcy-McGee, il vous reste 20 minutes sur
l'amendement. Mais, avant, je cède la parole au député... pas au député,
pardon, mais au ministre, s'il vous plaît, qui veut apporter certaines
précisions. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Boulet : Oui, merci, M. le
Président. Peut-être deux éléments avant de reprendre nos travaux en étude
détaillée. D'abord, mentionner, je le répète souvent, c'est un projet de loi à
connotation profondément humaine. Je pense qu'il faut le garder le plus simple
possible. Et j'ai souvent exprimé mon respect aussi pour la liberté
d'expression, pour le droit de manifester un désaccord avec un projet de loi.
On vit dans une société qui est totalement libre et démocratique.
Il y a eu cependant, ce matin, des
manifestations, puis je voulais partager l'information, je l'ai partagée avec
les collègues, je la reprends en commission. Il y a eu des manifestations aussi
à mon bureau, sur le chemin Sainte-Foy,, ici, à mon cabinet, à Québec, et il y
a une quarantaine de manifestants qui sont allés au sixième étage de l'immeuble
où se situe mon bureau puis ils sont allés dans le bureau des
conciliateurs-médiateurs. Ils sont entrés, donc, dans ce bureau-là, et il y a
des personnes qui étaient là, sans les nommer, qui se sont senties bousculées,
qui se sont senties intimidées. Et les forces de l'ordre, c'est-à-dire la
Sûreté municipale de Québec, a dû intervenir pour sortir ces personnes-là.
Ça fait que je veux juste le redire parce
que c'est important, puis je sais que mes trois collègues, D'Arcy-McGee,
Jean-Talon puis Hochelaga-Maisonneuve, on est tous du même avis : on doit
faire des discussions dans le respect, on peut manifester, on peut s'exprimer
librement, sainement, mais le faire, évidemment, de façon civile, respectueuse.
Puis on ne peut pas tolérer, au Québec, de l'intimidation. On ne peut pas
tolérer des actes qui s'approchent... je ne voudrais pas dire qu'il y a eu de
la violence, là, mais il y a des personnes... Tu sais, on me disait : Ça
ne se peut pas qu'il y ait des personnes qui aient peur, mais il y a des
personnes qui se sentent intimidées, il y a des personnes qui se sentent
bousculées. Et donc je le dis pour le partager avec vous tous.
• (12 heures) •
Deuxièmement, j'ai compris beaucoup de nos
échanges, particulièrement avec le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve et le
collègue de Jean-Talon, puis je suis convaincu que notre collègue de
D'Arcy-McGee partage les mêmes préoccupations. Je sentais qu'il y avait une
perception que les CPE étaient ciblés dans leur négociation actuelle. Et le
projet de loi... Puis, souvent, vous me posiez la question : Pouvez-vous
vous engager à ne pas l'appliquer pour les CPE dans le conflit actuel? Alors,
moi, je vous informe, là, de mon intention, de notre intention de différer
l'application des dispositions concernant le maintien de services pour assurer
le bien-être de la population pour les CPE. Donc, les dispositions du...
12 h (version non révisée)
M. Boulet : …5.1.1 ne s'appliquerait
pas aux CPE avant l'écoulement d'une année suivant la date de sanction de la
présente loi. Puis ça, c'est une intention. Il faudrait faire les ajustements, l'amendement
opportun à l'article 11 pour la mise en vigueur, ça va laisser le temps à
toutes les négociations de se compléter. Et évidemment la nature particulière
de la négociation actuelle dans les CPE justifie une telle exclusion
temporaire. Puis, bon, dans un an, ce sera un autre contexte. Les parties
auront vraisemblablement réglé. Si ce n'est pas le cas, ils auront eu le temps
de négocier ou de préparer une négociation sur des services visant à assurer le
bien-être de la population. Alors, voilà. Puis hier, je pense que j'ai clarifié
que si on aboutit à un décret, la négociation des services à maintenir pour
assurer le bien-être de la population va pouvoir se faire selon des… convenues par…
et coordonnées et acceptées par les regroupements d'employeurs et les syndicats
qui sont impliqués. Alors, voilà. Puis, comme j'ai mentionné à une question du
collègue de Jean-Talon ou de Hochelaga-Maisonneuve, évidemment, les décrets
vont identifier chaque employeur concerné puis chaque association accréditée.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le ministre. Je rappelle qu'on est toujours sur l'amendement. M. le député
de Jean-Talon, la parole est à vous.
M. Paradis : Merci pour ces
informations, M. le ministre. Je ne connais pas le détail de ce qui… de ce qui
s'est passé à vos bureaux de Québec, mais si tant est, donc, qu'il y a eu des
actes d'intimidation ou... qui ne peuvent pas être tolérés dans notre société
démocratique, on le déplore avec vous et on invite toutes les personnes à
manifester pacifiquement relativement aux objets, aux sujets qui nous occupent
ici, en commission parlementaire.
Je vous remercie également de l'information
que vous nous donnez ce matin sur le fait que les négociations actuelles qui
ont cours avec les éducatrices en garderie, en CPE, ne seront pas affectées par
le projet de loi n° 89. Vous aurez compris que c'était une préoccupation
du collègue d'Hochelaga-Maisonneuve et de ma part, hier, c'était de voir
comment ce nouvel... cette nouvelle structure allait venir bousculer les
négociations entre les parties. Donc, merci de faire cette précision. C'est une
démonstration que les questions de l'opposition et les positions de l'opposition
comptent et que, quand on a une collaboration avec l'équipe ministérielle, avec
le ministre, on peut arriver à clarifier des choses. Et je pense que ça va être
important pour toutes les parties concernées d'avoir cette clarification-là
aujourd'hui.
Cela étant dit, donc, nous étions dans un…
dans un dialogue, vous et moi, M. le ministre, sur la portée de l'article, en
fait, de la section 5.1.1 du Code du travail, qui est ajoutée par l'article 4
du projet de loi dans le cas des CPE. Parce que nous sommes donc sur une
proposition d'amendement du collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, qui vise à
exclure les centres de la petite enfance de l'application de cette... de cette
partie du projet de loi. Donc, là, on sait que, pour les négociations en cours,
non, ça ne s'appliquera pas via l'application des dispositions de mise en
vigueur du projet de loi. Très bien. Alors là, on a évacué ça, mais continuons
quand même de parler de l'avenir, parce qu'un projet de loi, ce n'est pas juste
sur la situation qui nous occupe actuellement, c'est pour l'avenir. Et il
pourrait y avoir une nouvelle négociation, disons, dans quelques années, entre
un gouvernement x, y, z et les éducatrices en garderie. Ça va être ça, l'hypothèse
pour aujourd'hui, donc, que… pour tout le monde qui nous écoute, là, on ne
parle pas du conflit actuel. Néanmoins, c'est important de clarifier un certain
nombre de choses.
D'abord, j'aimerais revenir parce que,
dans votre réponse, M. le ministre, à ma dernière question, on en était resté
là, mais vous avez... vous avez utilisé la phrase «prendre la population en
otage». Et vous l'avez utilisée alors que nous discutons d'un amendement qui
concerne les centres de la petite enfance. Et j'aimerais nous inciter toutes et
tous à la prudence quand on utilise ces phrases-là. Et je vais vous citer un
passage que je trouve intéressant du mémoire de… du SFPQ, aux pages quatre et
cinq de son mémoire. Je cite : «Avant de conclure nos remarques
introductives, il importe également de rappeler au ministre du Travail que le
droit de grève tel qu'il s'exerce actuellement est un…
M. Paradis : ...acquis
historique issu d'un compromis social propre à l'Amérique du Nord.
L'encadrement du droit de grève ne permet le recours à celle-ci que dans des
situations spécifiques de négociation de convention collective. Le droit de
grève est donc intrinsèquement lié aux uniques relations de travail, et la
notion de grève sociale, grève liée à une politique gouvernementale, grève liée
à des revendications sociopolitiques, etc., n'est pas admise au Québec.
Néanmoins, en faisant entrer le champ social dans cet aspect des relations de
travail via l'introduction de la notion de service assurant le bien-être de la
population ainsi que le pouvoir du ministre de déférer à l'arbitrage des
conflits de travail menant ou pouvant mener à un préjudice à la population, le
ministre ouvre une boîte de Pandore. Il rompt le compromis excluant le champ
social du droit de grève en y introduisant la notion conservatrice d'opposition
entre les droits des travailleuses et des travailleurs et ceux de la
population. Ses déclarations à l'effet que l'exercice du droit de grève prenne
la population en otage sont une vieille rengaine corporatiste indigne d'un
gouvernement démocratique du XXIe siècle.» Fin de la citation.
Ce sont des mots forts, M. le ministre,
mais néanmoins rappelons-nous qu'actuellement nous parlons d'éducatrices en
garderie qui s'occupent des enfants en bas âge du Québec et qui sont les
personnes les plus dévouées au bien-être de cette personne-là et qu'il leur est
impossible à elles de réduire les services ou d'utiliser d'autres moyens de
pression, parce que, non, tu ne peux pas donner une bouchée de nourriture sur
deux à un enfant, non, tu ne peux pas décider de ne pas t'occuper d'un enfant
quand il est malade, non, tu ne peux pas être là quand un parent n'arrive pas à
l'heure pour t'occuper des enfants. Elles sont à 150 % dévouées pour nos
enfants et pour le bien-être de la population.
Alors, il y en a d'autres, des
représentants des travailleurs, qui sont venus ici dire que, cette phrase-là,
il faut faire attention quand on l'utilise parce que c'est dans le cadre de
négociations collectives, de moyens de pression légitimes, et les éducatrices
en garderie, si elles n'ont pas ce moyen de pression, elles n'en ont aucun
autre. Alors, j'espère qu'on ne prétend pas qu'elles prennent la jeunesse en
otage ou qu'elles prennent la population en otage en exerçant un droit
légitime, qui, soit, entraîne des inconvénients pour la population, mais je
nous invite toutes et tous à peser nos mots. Dire «prendre la population
en otage» quand on parle de l'exercice légitime du droit de grève de nos
éducatrices en garderie, qui, légitimement, réclament des conditions de
travail... de meilleures conditions de travail, je pense que... je ne pense pas
que ce soit l'expression appropriée.
Cela étant dit, je nous ramène donc au
texte de... du projet de loi n° 89, et ma question, donc, était la suivante.
Donc là, on exclut le conflit actuel, on est dans cinq ans, six ans, sept ans,
et de nouveau les éducatrices en garderie, malheureusement, ne sont pas
capables de convenir avec leur employeur de conditions de travail et veulent
exercer leur droit de grève. Ma compréhension de la situation actuelle, qui,
d'une lecture très rapide du projet de loi n° 100 déposé ce matin par votre collègue
la présidente du Conseil du trésor, indique que la partie qui est véritablement
à la table de négociation lorsqu'il s'agit des CPE, c'est la présidente du
Conseil du trésor, probablement accompagnée de la ministre de la Famille, mais
c'est la présidente du Conseil du trésor qui est à la table de négociation. On
parle de balises ou pas qui existent dans le projet de loi. Dans l'état actuel
du projet de loi, dites-moi ce qui empêcherait ce gouvernement XYZ, donc la
présidente du Conseil du trésor, dans quelques années, d'aller voir le ministre
du Travail puis de dire : Bon, là, j'ai besoin tout de suite d'adopter un
décret, je voudrais que soit désigné l'ensemble des CPE, l'employeur, comme des
groupes, donc, à l'égard desquels le tribunal peut déterminer si des services
assurant le bien-être de la population doivent être maintenus. Qu'est-ce qui
empêchait de le faire d'emblée, d'entrée de jeu? Ce qui deviendrait donc un
moyen de pression de la part du gouvernement, parce que, dès qu'il y a un
décret qui est appliqué, là, qui est adopté, ça lance un signal très fort, ça
lance un signal que, ah! ah! vous, vous êtes visés par ces dispositions-là. Et
je sais qu'hier vous m'avez dit : Oui, mais attendez, après ça il faut que
le tribunal prenne une décision d'assujettissement, mais ça, ce n'est pas
grave. La première étape, c'est d'adopter un décret, et c'est déjà un
instrument qui vient jouer sur l'équilibre des forces dans des négociations. Donc,
est-ce qu'il y a des balises qui empêcheraient un futur gouvernement de
procéder comme je viens de le décrire dans le texte actuel du projet de loi?
• (12 h 10) •
Le Président (M. Allaire) : M.
le ministre.
M. Boulet : O.K. Trois
éléments. Le premier, je pense que ça réfère, le propos que vous...
M. Boulet : ...citiez, à une
rengaine corporatiste, ce n'est pas de mettre en opposition les droits de
syndiqués qui exercent un droit tout à fait légitime de faire la grève aux
droits, par ailleurs, aussi fondamentaux de la population, c'est de trouver un
équilibre. C'est ça, le but du projet de loi. Puis c'est ça que je nous invite
tous à essayer d'atteindre, un équilibre entre l'exercice d'un droit
constitutionnel et les besoins de la population. C'est aussi simple que ça.
Quand même qu'on essaierait de mettre en opposition des familles à des
syndiqués, les syndiqués aussi sont membres de familles, ils sont aussi des
parents. C'est de s'assurer de concilier des droits. Vous le savez, un droit
disciplinaire, il faut que ça tienne compte d'un droit à la vie privée aussi.
C'est toujours la balance que nous devons essayer d'atteindre. La Charte des
droits et libertés de la personne fourmille de droits fondamentaux, mais, à
chaque fois, il faut aussi les mettre en parallèle avec des droits qui veulent s'y
opposer. Mais c'est là, que l'exercice d'équilibre que nous faisons tous
ensemble s'impose.
Deuxième élément. Quand on dit : Ça
prend la population en otage, c'est... ça, quand j'ai référé à ça, c'était dans
le contexte général, c'était l'économie générale du projet de loi n° 89,
nullement à l'égard des éducatrices. Et moi, je n'ai jamais voulu vexer les
éducatrices et les éducateurs, pour qui j'ai un immense respect. Il y en a, des
enfants autour de moi puis qui sont en CPE, puis je sais ce que ça implique,
puis je sais la valeur de ce travail-là, donc j'ai... Ce n'est pas du tout pour
vexer. Il y a beaucoup de groupes qui sont venus en consultations particulières
et ils ont utilisé l'expression, bien sûr, au sens figuré, puis vous le
comprenez, mais je suis toujours prudent quand j'utilise ce mot-là, puis vous
avez raison.
Troisièmement. Ça ne change à rien dans la
loi ou dans le projet de loi déposé ce matin par ma collègue du Conseil du
trésor. Le Trésor négocie, mais le Trésor n'est pas l'employeur. Puis, quand un
décret est fait, ce n'est pas par le Trésor, c'est par le gouvernement. Puis,
quand c'est un décret gouvernemental, on identifie l'employeur et les
syndicats. Donc, ce seront les CPE avec les associations accréditées, on a vu
hier que c'était 56 % des accréditations qui étaient détenues par la CSN,
et les CPE seront bien sûr concernés. Puis ce que vous dites, que ma collègue
du Trésor va me dire : Faisons un décret. Non, ça, c'est quasiment
l'équivalent de 107 du Code canadien du travail. Faisons ce qui est juste.
Adoptons les mesures qui s'imposent pour que le TAT se prononce. Ce n'est pas
ça. Le décret, je l'ai expliqué hier, un, il est gouvernemental. Avant
d'adopter un décret, il y a des analyses d'impact qui sont faites dans les ministères,
au ministère du conseil exécutif. Il y a des analyses, il y a des observations,
il y a des consultations. Puis les critères qui sont dans le projet de loi sont
des guides permettant d'adapter un décret gouvernemental dans la plus stricte
rigueur. On le répète, c'est pour maintenir des services minimalement requis
pour assurer une sécurité à la population, pour ne pas que la population... je
ne dirais pas soit prise en otage, mais ne soit pas préjudicié de manière
disproportionnée. C'est ça qui va permettre au gouvernement d'adopter un
décret. Mais, encore une fois, un décret, ce n'est pas une décision
d'assujettissement, c'est juste un décret qui permet à une des parties de
demander au tribunal de s'exprimer, de rendre une décision à savoir si les critères
sont rencontrés. Donc, c'est...
Puis, je le répète, là, je pense que
c'était important pour moi de clarifier ce matin pour les CPE que la cible du
P.L. 89, ce n'était pas les CPE, ce n'était pas la négo actuelle,
véritablement pas. Puis je pense que je réponds à une question claire.
Êtes-vous prêt à vous engager? Oui, je suis prêt à m'engager à confirmer que ce
n'est pas la négo actuelle. Moi, je fais une étude détaillée pour qu'on avance,
pour qu'on discute de manière raisonnée. C'est sûr que je vais répondre à
toutes vos questions. Puis il y aura, dans les détails, collègue de Jean-Talon,
où ça sera expérimenté, là. Ce n'est pas tout le temps noir et blanc,
malheureusement, les relations de travail...
M. Boulet : ...dans son
application, une loi, ce n'est jamais non plus noir et blanc, vous le savez,
vous avez souvent plaidé. Les meilleures lois sont susceptibles
d'interprétation puis d'application. Les meilleures lois ont besoin d'être
éprouvées puis les meilleures lois ont besoin d'être améliorées au bout d'un
an, deux ans, cinq ans.
Ça fait que je n'aurai jamais des réponses
tout le temps noir et blanc. On avance, on est... avec un projet de loi qui est
bénéfique pour la population, qui vise à contrôler les impacts préjudiciables
pour la population de droit de grève et de lock-out. C'est tout simplement ça.
M. Paradis : Bon. Quant à
l'expression «prendre la population en otage», je pense qu'on peut conclure le
débat là-dessus. J'ai bien entendu, là, votre désir de rester prudent. Moi, je
pense que dans la bouche du ministre du Travail, c'est une expression qui ne
devrait pratiquement jamais être utilisée. Je comprends que certains l'ont
utilisée, mais je pense que ça décrit mal le processus de négociation qui se
passe au Québec. Fin de la parenthèse là-dessus. Je conviens avec le ministre
que nous sommes des civilistes au Québec. Fin de la parenthèse là-dessus.
Je conviens avec le ministre que nous
sommes des civilistes, au Québec, et donc que nous allons souvent, dans nos lois...
Le Code civil en est un exemple, et les lois du Québec contiennent des
principes généraux qu'on ne peut pas surdétailler, comme, par exemple, le font
parfois les «commonlawyers». Je conviens de ça avec le ministre.
Néanmoins, la discussion qu'on a, c'est
sur le fait que nous changeons l'État du droit de manière profonde. Vous voulez
changer profondément l'état du droit sur des questions fondamentales en droit
du travail et qu'on passe d'un système qui est bien normé actuellement à un
système qui serait complètement nouveau, je le redis, sur des aspects
essentiels du processus de négociation de conditions de travail, autant dans le
secteur privé que dans le secteur public, parce que le projet de loi no 89
ratisse large.
Et moi, je vous ai dit, ça m'apparaît des
pouvoirs discrétionnaires. Vous me dites : Non, ils sont balisés. Et là
vous me parlez de critères, mais vous revenez toujours sur les critères de
l'article 111.22.3, qui décrivent ce que sont les services essentiels. Et je
vous dis qu'à peu près tous les mots qui sont dans ce paragraphe-là sont du
droit nouveau et qu'à peu près tous les mots vont devoir être interprétés.
Donc, c'est beaucoup d'incertitude, beaucoup d'instabilité, mais ça, c'est sur
la définition des services essentiels.
Moi, je veux vous entendre sur l'article
111.22.4, sur les critères qui vont guider le gouvernement dans l'adoption d'un
décret désignant une association accréditée et un employeur à l'égard desquels
il pourra y avoir déclaration de services assurant le bien0être de la
population. Parce que vous pointez beaucoup l'article 107 du code canadien en
disant : Ça, c'est l'exemple... je vous paraphrase, mais : Ça, c'est
un vrai pouvoir discrétionnaire, puis on ne peut pas aller là. Mais moi je vous
demande c'est quoi, la différence avec votre article 111.22.4. Pas sur la
définition des services assurant le bien-être de la population, sur ce qui va
vous guider pour prendre la décision. Depuis hier, vous nous donnez des
indices, vous dites: il va y avoir analyse, consultation et observation, puis
vous avez commencé à nous parler de critères : la nature du conflit, la
durée du conflit, etc., mais vous présumez que ça veut dire qu'il va déjà y
avoir une situation de négociation, qu'il va déjà y avoir peut-être un conflit
de travail qui se dessine.
Où est-ce que vous voyez ça dans l'article
111.22.4? Où sont les balises? Où sont les critères pour guider un peu
l'interprétation de ce nouveau droit? Parce que moi, je n'en vois pas. Moi, je
vois très bien le gouvernement qui, pour se préparer à une négociation
difficile, va.... Puis là c'est pour ça, on est dans un cas d'hypothèse, là, on
est dans cinq ans, dans six ans, il voit une négociation difficile arriver avec
des employés du secteur public, par exemple, les centres de la petite enfance,
et, de manière préventive, il va décider de faire pendre l'épée de Damoclès
au-dessus de la tête des représentantes, des représentants des travailleuses.
Il va dire : J'adopte déjà un décret à l'égard de tous les CPE du Québec,
toutes les associations, peu importe, là, qui est l'employeur, mais je désigne
ça, j'adopte un décret. Donc, en temps voulu, le tribunal pourra déclarer... Ça
a déjà un impact fondamental.
Donc, moi, je veux savoir, je vous amène
sur le point très technique, la décision d'adopter un décret ou non, où sont
les balises dont vous parlez? Où sont les différences avec l'article 107? Parce
que moi je n'en vois pas. Je vois que vous adoptez un décret, que le ministre,
le futur ou la future ministre peut adopter un décret, puis le décret aura
effet jusqu'au dépôt d'une convention collective. Ça ne dit pas à partir de
quel moment vous pouvez adopter un décret, ça ne dit pas dans quelles
conditions vous pouvez le faire ou pas, ça ne dit pas ce que vous allez
considérer pour adopter un décret ou pas.
• (12 h 20) •
Le Président (M. Allaire) : M.
le ministre.
M. Boulet : C'est...
M. Boulet : …intéressant parce
que d'un côté, on plaide la constitutionnalisation du droit de grève découlant
d'une décision de la Cour suprême du Canada, dont les motifs ont été exprimés
par le juge Dickson. Et d'autre part, on voudrait des critères très, très
précis, et les critères que nous avons mis là se veulent respectueux de l'état
de la jurisprudence, respectueux de l'état de la jurisprudence. Et, pour nous
éviter, comme législateurs, de tomber dans le piège de guider le TAT, alors
qu'on veut que ce soit une décision apolitique.
Je ne sais pas si vous me suivez bien, là,
mais vous ne pouvez pas plaider des deux côtés, dire : C'est un droit
constitutionnel, maintenant, parce que c'est un droit constitutionnel,
assurez-vous que le corridor d'interprétation soit le plus étroit possible. Je
ne suis pas d'accord avec ça. On ne peut pas faire du droit de cette manière-là.
Pour que la décision soit impartiale et indépendante, elle doit laisser une
marge de manœuvre au Tribunal administratif du travail. C'est la raison pour
laquelle on utilise des critères, des mots connus, parlez-en à votre collègue
de Matane, des mots déjà interprétés. Il n'y a pas un mot qui n'est pas dans le
dictionnaire. Il n'y a rien qui m'apparaît vague, c'est clair. Le bien-être de
la population, les services minimums requis pour assurer la sécurité de la
population. Bien, voyons, il n'y a rien qui ne peut pas être bien défini. Puis,
je le répète, c'est des critères qui sont respectueux de l'état d'esprit de la
décision de la Cour suprême du Canada.
Maintenant, comme je vous ai aussi
mentionné, on va un pas plus loin et je ne souhaite pas que le gouvernement
fasse un décret. Tout ce qu'on veut éviter, puis le collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve me connaît bien, c'est d'éviter qu'on aboutisse là. Je
n'en veux pas. On n'en veut pas, de conflit de travail. Puis je pense que, dans
les dernières années, on a mis énormément l'accent sur l'amélioration des
climats de relations de travail, sur l'accompagnement à la négo, sur la
conciliation médiation. On a des personnes reconnues, respectées. On ne veut
pas qu'il y en ait, de conflit de travail. C'est la solution ultime dont on
parle, c'est le conflit de travail qui n'est pas évident, qui n'a pas pu être
évité.
Puis le ministre, il va, dans la mesure où
les critères prévus dans la loi lui permettent de le guider… va recommander la
prise d'un décret, quand? Quand une interruption va être susceptible d'affecter
de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale
de la population, notamment pour celle des personnes en situation de
vulnérabilité. C'est-tu assez clair? Je répète ce qui est prévu dans le projet
de loi, textuellement. Puis cette évaluation-là va être… va découler, je l'ai
dit, d'analyses, de consultations, d'observations, mais va se faire à la
lumière, puis je l'ai expliqué hier, notamment des activités de l'entreprise,
du contexte, parce que c'est hypercontextuel. Puis la Cour suprême nous incite
à tenir compte du contexte dans lequel se déroule une négociation de convention
collective, le niveau de conflit, la conflictualité des négociations. Puis ça,
ça comprend aussi la durée des conflits, l'absence de solution de substitution.
Il y a… c'est des critères qui sont incontournables. Je vais les répéter, mais
je les ai mentionnés hier, puis je les répète, et le décret, c'est justement
pour permettre après ça de dire aux partis : Si vous pensez que le projet
de loi pourrait s'appliquer, qu'une des parties demande au tribunal de décider
si les critères sont respectés, puis si c'est le cas, les partis vont négocier
les services à maintenir. C'est… moi, je trouve que c'est un processus qui est
simple. Puis, bon, je pense que, des fois, à le redire, on réalise encore plus
à quel point ce l'est. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) :
Merci à vous. M. le député de Jean-Talon, il vous reste deux minutes.
M. Paradis : M. le ministre,
vous dites : On veut parfois trop de détails, puis on veut des décisions
apolitiques. Je regarde votre article 111.22.4. Je n'en vois aucun,
détail. Il n'y en a pas…
M. Paradis : ...il n'y en a
pas. Vous me parlez de la définition des services assurant le bien-être de la
population, mais, ce qui fait qu'on va pouvoir adopter un décret ou pas, il n'y
a rien là-dessus, vous le tenez pour acquis.
M. Boulet : ...
Le Président (M. Allaire) : Non,
il... non, non.
M. Paradis : Non, non, on est
encore là. Mais c'est pour savoir dans quelle mesure ça peut affecter une
négociation, comme celle des...
Le Président (M. Allaire) : Juste
un instant, juste un instant. Je pense que j'ai bien compris que vous faisiez
allusion, mais on est... je répète qu'on est sur l'amendement qui a introduit
l'article 11.22.2, bien... parce que j'ai compris que c'était juste une
référence et non une demande de complément d'information. Allez-y.
M. Paradis : Oui, parce que
les deux sont liés, là. On est en train de savoir dans quelle mesure la loi
devrait s'appliquer ou non aux services de garde, aux centres de la petite
enfance. Le collègue propose un amendement qui les exclut. Le ministre
dit : Non. Moi, je dis : Bien, on a un exemple actuellement, on a
décidé de dire que, non, ça ne s'applique pas. Mais ça va arriver dans le
futur. Donc, s'il y a une future grève des CPE, qu'est-ce qui fait dire au
ministre... Où est-ce qu'ils sont, les mots? Vous avez utilisé des mots. Ah!
s'il y a un conflit de travail qui perdure, on pourrait adopter un décret. Où
est-ce que c'est écrit, que ça ne peut pas être préventif, que ça ne peut pas
être adopté avant même qu'il y ait une négociation qui est entamée? C'est écrit
où dans votre article 111.22.4?
M. Boulet : ...j'ai répondu,
là, puis je vais faire un commentaire très bref. On tient compte du contexte,
du niveau de conflictualité, de la durée du conflit, des parties qui sont
impliquées. C'est sûr que le moment opportun où on décide d'adopter un décret,
il est déterminé en tenant compte de l'ensemble des éléments que je viens de
partager avec vous. Pour moi, c'est très clair.
Le Président (M. Allaire) : M.
le député de Jean-Talon.
M. Boulet : ...
M. Paradis : Je comprends que
des exégètes pourront lire nos débats pour dire que c'est ça que vous avez dit
qui était l'intention du législateur, mais il n'y a rien qui dit dans votre
article 111.22.4 que vous pouvez adopter un... que vous ne pouvez pas
adopter un décret à votre bon vouloir, y compris si ça s'appliquait au conflit
actuel, on l'adopte tout de suite puis on dit : Tiens, l'épée de Damoclès
est au-dessus de vos têtes.
M. Boulet : Là, il faut que
je réponde à ça, M. le Président. Lisez 107 à plusieurs reprises. Là, vous
allez comprendre ce qu'est le bon vouloir, vous allez comprendre ce qu'est la
discrétion quasi absolue, vous allez voir dans son application. 107, on en a vu
plusieurs applications en 2024. Ça, ça s'approche du bon vouloir. Le projet de
loi n° 89, ce n'est pas un pouvoir discrétionnaire, c'est, un, un pouvoir
qui est rendu, qui est exercé par un tribunal impartial et indépendant. La
décision initiale, j'ai dit que c'était un... ce n'est pas... La décision
initiale, c'est le temps qu'il la rend, tout simplement. Ça fait qu'il y a
tellement un écart entre les deux, entre le Code canadien du travail puis ce
que nous proposons. Voilà.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
37 secondes, M. le député.
M. Paradis : Vous pouvez
imaginer que j'ai bien lu l'article 107, et je m'excuse, mais vous n'avez
aucunement répondu tout au long de cet échange où sont les balises dans votre
article 111.22.4 sur l'adoption ou non d'un décret. Il n'y en a aucune. Alors,
je m'arrête là.
Le Président (M. Allaire) : Je
rappelle quand même qu'on est sur l'amendement puis on... qui introduit
l'article à l'article 4, le 111.22.2. Donc, est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur l'amendement déposé par le député de Jean-Talon? Il reste
cinq secondes.
M. Paradis : ...excusez-moi,
ce n'est pas mon amendement.
Le Président (M. Allaire) : Ah!
j'ai dit «Jean-Talon». Ah! merci de me rappeler à l'ordre. C'est gentil. Donc,
il n'y a pas d'autres interventions? Donc, nous allons procéder à la mise aux
voix de l'amendement. Est-ce que l'amendement adopté? Par appel nominal, s'il
vous plaît, Mme la secrétaire.
La Secrétaire : Pour, contre,
abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc : Pour.
La Secrétaire : M. Boulet
(Trois-Rivières)?
M. Boulet : Contre.
La Secrétaire : Mme Mallette
(Huntingdon)?
Mme Mallette : Contre.
La Secrétaire : M. Caron
(Portneuf)?
M. Caron : Contre.
La Secrétaire : M. Dufour
(Abitibi-Est)?
M. Dufour : Contre.
La Secrétaire : M. Girard
(Lac-Saint-Jean)?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Contre.
La Secrétaire : M. Martel
(Nicolet-Bécancour)?
M. Martel : Contre.
La Secrétaire : Mme Prass
(D'Arcy-McGee)?
Mme Prass : Contre.
La Secrétaire : M. Paradis
(Jean-Talon)?
M. Paradis : Pour.
La Secrétaire : M. Allaire
(Maskinongé)?
Le Président (M. Allaire) : Abstention.
L'amendement est donc rejeté. On revient donc à l'article... à
l'article 4, pardon, qui introduit le nouvel article 111.22.2. Est-ce
qu'il y a des interventions? M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
• (12 h 30) •
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Comme il me restait que cinq secondes sur l'amendement, je n'ai pas
pu répondre à la nouvelle du ministre concernant son engagement ou son... son
engagement, je pense, à rajouter plus tard, quand nous serons rendus à
l'article 11 des dispositions transitoires, un article, un amendement qui
différerait d'un an, si j'ai bien compris, l'application...
12 h 30 (version non révisée)
M. Leduc : ...de quelques-uns
des articles ou de l'ensemble du projet de loi, on verra, là, avec le libellé
exact, pour l'ensemble des... de la négociation en cours dans les CPE si j'ai
bien compris.
Je l'avais, en effet, mis au défi hier, je
l'avais mis au défi symboliquement, peut-être, à travers des questions au salon
rouge les dernières semaines, mais, très clairement, hier, je l'avais mis au
défi de nous clarifier la situation. Bien, il y répond, il répond, il le fait.
Donc, je tiens à le remercier. Je ne sais pas si j'aurai d'autres gains de ce
genre dans le reste du projet de loi, les paris sont ouverts, mais, celui-là,
je l'apprécie et je pense qu'il vient retirer quand même une très grosse épée
de Damoclès sur la tête de centaines de milliers d'éducatrices, de
travailleuses, travailleurs des CPE qui sont en plein contexte de négociation,
qui est difficile pour toutes sortes de raisons, on ne refera pas le 30 minutes
de ma motion préliminaire d'hier. Mais bref, il répond à ma question d'hier. Je
tiens à le saluer et à le remercier. On traitera de l'amendement quand il sera
déposé, mais, s'il veut d'aventure nous l'envoyer d'avance, ça va toujours être
plus simple pour nous de pouvoir l'examiner et, rendu à ce moment-là, le
traiter plus rapidement.
Cette parenthèse étant terminée, M. le
Président, j'ai un autre amendement, toujours à 111.22.2. Je pense qu'il est
déjà envoyé.
Des voix : ...
M. Leduc : Ah! il n'est pas
envoyé. Bon. On va avoir peut-être une suspension rapide pour qu'on vous
l'envoie.
Le Président (M. Allaire) : Parfait.
On suspend les travaux. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise à 12 h 36)
Le Président (M. Allaire) : On
reprend les travaux. Avant de céder la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve
pour son amendement, je tiens à vous aviser que la partie gouvernementale a
déposé l'ensemble de ces amendements, peut être pas tous, mais une bonne partie
sur le Greffier. Donc, vous allez pouvoir les consulter. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
la parole est à vous.
M. Leduc : Merci. Je vais
commencer par saluer le ministre, qui a cette belle pratique de déposer ces
amendements assez tôt dans le processus. Ça facilite notre travail et
certainement les discussions pour les oppositions, on l'apprécie.
L'amendement se lit comme suit :
À l'article 111.22.2, proposé par
l'article 4 du projet de loi, ajouter, après «parapublic»
(chapitre r-8.2) les mots «ni les services publics prévus à l'article 111.0.16
du Code du travail» (chapitre c-27).
Explications, M. le Président. Hier, dans
un des échanges que nous avons eus, le ministre et moi, je lui demandais qui
allait faire partie des deux systèmes, à savoir le système actuel de la Loi sur
les services essentiels et ce que moi, j'appelle amicalement les services
essentiels déguisés. Donc, le service... il faut toujours que je relise, là, le
service de maintien et le bien-être de la population. Et il m'a identifié... je
pense que c'est quand je citais notamment les expertes en droit du travail qui
s'inquiétaient de la superposition de deux régimes de mise en concurrence,
même, de deux régimes, et j'essayais de comprendre qui allait faire partie des
deux régimes. Le ministre m'a identifié que c'était à même, donc, la feuille
qu'il nous avait préparée ou qui... en fait, pas à nous, mais qui avait été
préparé pour les gens qui suivaient le projet de loi à l'époque, quand il a été
déposé, dans le petit tableau, le secteur inclus dans le processus de maintien
et du bien-être, toute cette section-là. Donc, services publics prévus à
l'article 111.0.16, il y en a quelques-uns de listés dans le tableau, là,
municipalités, résidences privées pour aînés, CHSLD non conventionnés,
transport par traversier, transport en commun, transport par ambulance,
enlèvement de déchets.
Le ministre m'a dit : C'est ces
gens-là qui sont à la fois dans le régime actuel des services essentiels et à
la fois dans le régime particulier. Et ça donne donc l'occasion, à travers cet
amendement-là, de bien comprendre que la vision du ministre quant à la
superposition de ces deux régimes-là pour des mêmes groupes.
M. Boulet : O.K. Oui, merci.
Alors, ma vision en santé, par exemple, les services essentiels, dans la
fonction publique, même dynamiques, les services essentiels s'appuient sur
16 critères. Ils sont déjà déterminés d'avance. Dans les services publics,
vous avez la liste à 111.0.16 du Code du travail. Les services essentiels sont
déterminés au cas par cas par... souvenez vous, avant notre loi, ça se faisait
par décret. Après notre loi, en 2019, c'est en tenant compte du critère de
danger pour la santé et sécurité publique et il peut ne pas y en avoir. Mais le
Tribunal administratif du travail a la capacité, a l'expertise pour déterminer
qu'au-delà du critère de danger pour la santé ou la sécurité publique, il y a
un critère différent pour le régime parallèle de services à maintenir pour le
bien-être de la population puis ils pourraient décider, le TAT, qu'avec ce critère-là,
il y a des services complémentaires à maintenir pour ne pas qu'il y ait
d'impacts ou de préjudices disproportionnés sur les services à recevoir de la
population. Ça fait que cette complémentarité-là va être appliquée par le TAT
parce que les critères ne sont pas les mêmes. C'est juste ça.
M. Leduc : Oui, c'est juste
ça, ça va être plus compliqué d'appliquer ça, par exemple. Prenons un exemple.
On a... Parce que dans la liste, il y a transports en commun. Ça fait que, là,
on a eu un long échange, un long échange hier, sur le RTC qui s'est essayé à
deux reprises, pour deux conflits différents, d'être assujettis à la Loi sur
les services essentiels, sans succès. Est-ce que ça veut dire qu'avec votre
système parallèle, sur le même dossier, il pourrait retourner, allez revoir le
TAT pour dire : Oui, bien là, ça n'a pas marché sur services essentiels,
mais, exactement pour le même dossier, avec les mêmes arguments puis la même
preuve, je me réessaie pour machin truc bien-être.
• (12 h 40) •
M. Boulet : Bien oui, c'est
deux critères qui sont distincts. Le critère pour les services essentiels,
c'est danger pour la santé ou sécurité publique. Puis l'autre critère...
M. Boulet : ...c'est les
services minimalement requis pour assurer la sécurité de la population, qu'elle
ne soit pas affectée de manière disproportionnée. Ça fait que la réponse, c'est
oui.
M. Leduc : Il va-tu pouvoir
plaider les deux en même temps?
M. Boulet : Il peut
totalement faire les deux en même temps, bien oui.
M. Leduc : C'est bizarre
comme système, M. le ministre, quand même. Vous, vous vous pointez puis vous
dites : Moi, dans le fond, là...
M. Boulet : Moi, je ne trouve
pas ça bizarre. C'est bizarre dans l'esprit de ceux qui veut... qui veulent que
ce le soit. Ce n'est pas bizarre. Tu demandes à un tribunal de s'exprimer sur
des services à maintenir en cas de grève. Il y en a un, critère, qui tient
compte du danger pour la santé-sécurité de la population puis il y en a un autre,
critère, qui tient compte de sa sécurité pour assurer son bien-être. Bon,
c'est... le critère n'est pas le même, mais le TAT est tout à fait habilité à
ça. Puis un décideur, vous le savez aussi bien que moi, il peut appliquer
quatre critères distincts aussi, là, ou six critères, là. Mais moi, je ne vois
pas de difficulté.
M. Leduc : Ça fait que là
vous, vous êtes, là, le plaideur du RTC, par exemple... Là, en plus, moi, j'ai
pris l'autobus hier en sortant de cette belle assemblée. Je ne sais pas si vous
avez pris l'autobus récemment dans la région de Québec, il y a beaucoup de...
il y a beaucoup de collants En grève bientôt. Je ne suis pas dans le secret des
dieux sur quand et comment exactement sera déclenchée ladite grève. Peut-être
qu'ils vont vouloir se dépêcher au regard de l'adoption imminente du projet de
loi n° 89. Ça les regarde, c'est leur stratégie. Cela étant dit, si ça arrive,
vous êtes en train de me dire que le plaideur patronal du RTC va se pointer
devant un juge du tribunal, du TAT, il va dire un peu : Bien là, M. le
juge ou Mme la juge, moi, dans le fond, aujourd'hui, j'arrive, là, j'ai un
objectif, je ne veux juste pas qu'il y ait... pas trop de grève... des
limitations à déterminer, choisissez laquelle vous voulez, soit les services
essentiels ou soit la nouvelle affaire du ministre, là, les maintiens de
bien-être, puis choisissez, ça ne me dérange pas, dans le fond, un ou l'autre,
moi, ce que je veux c'est qu'il n'y ait pas de grève ou à peu près pas de
grève. C'est un peu ça qui va arriver.
M. Boulet : Absolument pas.
Absolument pas. Le droit de grève se poursuit. Il y a des services essentiels à
maintenir pour éviter un danger pour la santé-sécurité publique puis il y a des
services à maintenir pour assurer le bien-être de la population, mais il faut
l'éviter, puis c'est le tribunal qui aura à le déterminer. Il faut éviter ces
conflits-là, collègue, vous le savez. On discute d'un projet de loi qui
éviterait que des conflits aient des impacts significatifs sur la population...
je ne dis pas tout le temps disproportionnés, là, mais disproportionnés sur la
population. Mais oui, tout à fait. Mais ça n'empêche pas la grève de continuer
à s'exercer et ça n'empêcherait pas le TAT de décider, collègue, que, les
services essentiels, il n'y en a pas, comme ça a été fait dans le Réseau de
transport de la Capitale, et le tribunal pourrait décider que, cependant, il y
a des services minimums à maintenir pour assurer le bien-être de la population.
Mais souhaitons éviter ça, là. Puis je sais que vous allez travailler pour
éviter ça. Puis nous, on ne prend pas ça à la légère, là, parce que c'est le
tribunal, de toute manière, qui aura à déterminer.
M. Leduc : Je ne suis pas ici
pour juger de vos intentions, M. le ministre, si vous prenez à la légère ou
pas. Je fais juste regarder de facto ce que vous nous proposez dans votre
projet de loi, puis ce n'est pas dans votre habitude d'avoir des conflits...
pas des conflits, mais des concepts qui entrent en conflit les uns avec les autres.
D'habitude, on a de la clarté sur au moins à qui ça s'applique puis à qui ça ne
s'applique pas. On a eu tout un échange, puis on en aura certainement d'autres,
sur le flou des concepts que vous voulez appliquer dans ce cas-ci, mais là
pourquoi il y a un groupe de personnes... puis c'est juste eux autres, là, ce
n'est aucunement les autres, là, tous les autres sont soit dans l'un soit dans
l'autre, mais pourquoi cette gang-là est dans les deux?
M. Boulet : Mais c'est parce
que, je vais le répéter, le niveau de service essentiel est très élevé en santé
puis dans la fonction publique et s'appuie sur des critères déjà convenus entre
les parties.
M. Leduc : Mais pourquoi vous
les laissez dans les services essentiels?
M. Boulet : Ici, il n'y en a
pas, de services essentiels convenus. Avant, c'était par décret, vous vous
souvenez, il y avait des décrets qui visaient toutes les sociétés, mettons, de
transport en commun, les six ou sept au Québec. Maintenant, c'est au cas par
cas. Si le Réseau de transport de la Capitale a été affecté par un conflit, il
pourrait être considéré dans un régime complémentaire. Même affaire pour les
autres sociétés de transport en commun... en fait, pour les services publics.
Mais la raison, là, c'est parce que le niveau de services essentiels n'est pas
le même, puis les critères de détermination des services essentiels sont déjà
convenus dans les autres...
M. Boulet : ...mais pas les
services publics.
M. Leduc : Bien, je l'ai
relue hier, la décision du TAT sur le RTC, à votre déplaisir, comme vous me
l'avez fait comprendre, parce que vous l'aviez déjà lue puis que vous n'avez
pas besoin d'un résumé, mais je suis content de l'avoir fait quand même, parce
qu'elle nous sert...
M. Boulet : Non, mais je ne
l'ai pas lue récemment...
M. Leduc : Ah! ça fait que
c'est utile, finalement.
M. Boulet : ...ça fait que
rappelez-moi, rappelez-moi.
M. Leduc : Vous êtes en train
de dire que j'ai bien utilisé le temps de la commission en la relisant?
M. Boulet : Ah! vous l'avez
lue durant la commission?
M. Leduc : Ah! vous ne vous
en êtes pas rendu compte? Mon Dieu! Je pense que j'ai pris 15 minutes au moins
pour lire.
M. Boulet : Ah non, non, mais
vous ne l'avez pas lue au complet, parce que c'est une décision qui avait...
M. Leduc : Bien non, mais
vous m'avez dit que vous m'avez écouté à 80%.
M. Boulet : ...à peu près à
45, 50 pages. À peu près.
M. Leduc : Vous m'avez dit
que vous m'avez écouté à 80 %. Je commence à penser que c'est un peu plus
bas, finalement.
M. Boulet : À qui j'ai dit
ça?
M. Leduc : Bien, à moi, hier,
vous m'avez dit ça. Vous m'avez écouté à 80 % dans mes...
M. Boulet : Il y a quelqu'un
à qui j'ai dit ça.
M. Leduc : Ah oui? O.K.
Blague à part, M. le ministre, moi je n'arrive pas à comprendre c'est quoi...
La décision du RTC était très claire, hein, le TAT temps, a dit : Pour la
série de critères, ça ne compte... ça ne devrait pas, conceptuellement, être
est un service essentiel, puis on a lu des extraits complets, là, qui
disent : Ce n'est pas grave, la société n'a pas été chamboulée, il n'y a
pas eu de désordre social, oui, c'était fatigant, oui, c'était compliqué, mais
c'est ça, la grève. C'est ça que nous disait le TAT. Qu'est-ce qui vous fait
penser qu'en superposant votre nouvelle affaire à ça, le TAT va arriver à une
conclusion différente?
M. Boulet : Bien non, ce
n'est pas ce que... ce n'est pas ce que je souhaite et ce n'est pas ce que je
dis. D'ailleurs, dans une autre société de transport en commun, la décision du
TAT aurait pu être différente, avec le même critère des services essentiels,
c'est-à-dire le danger pour la santé, sécurité publique, en fonction de la
preuve. C'est pour ça que je dis : Ce n'est jamais mathématique. Puis on
le sait, ça dépend de la preuve soumise.
Dans le dossier du Réseau de transport de
la capitale, si vous avez bien lu, je pense... c'était-tu Pierre-Étienne
Morand, le décideur, vous l'avez lu hier, ça fait que confirmez-moi-le. Oui?
O.K. Donc, ça... c'est Pierre-Etienne Morand. Lui a dit : Tenant compte de
la preuve faite sur la congestion, sur le niveau de circulation... Puis ceci
dit avec respect, lisez comment la preuve a été faite.
M. Leduc : Vous n'avez pas
été impressionné par la preuve.
M. Boulet : Non. Non. Et,
dans le Réseau de transport de la capitale, une preuve plus étoffée ou
différente aurait pu amener un dispositif ou une décision différente. Ça fait
que je dis, au Réseau de transport de la capitale ou dans une autre société de
transport, ça aurait pu être une décision totalement différente, d'une part.
Puis, d'autre part, avec notre projet de
loi, bien, le tribunal aurait à juger en fonction d'un critère différent,
c'est-à-dire le bien-être de la population. Et, en vertu de ce critère-là, il
pourrait rendre une décision qu'il y a des services minimums x à maintenir à
Québec et aucun à maintenir à Lévis ou à Laval, on se comprend? Ça pourrait
être totalement différent, puis c'est ce qui est la beauté du droit. Puis vous
le pratiquez, vous l'avez pratiqué en masse, comme conseiller syndical. On perd
une cause gagnée d'avance puis on gagne une cause perdue d'avance. On sait
comment c'est. C'est pour ça que je dis : On ne peut pas être à la quête
constante de chaque menu détail dans un projet de loi. Il y aura toujours des
vides à combler, il y aura toujours des problèmes d'interprétation ou d'application.
Et Réseau de transport de la capitale, ça aurait pu être une décision négative
aussi, en vertu du projet de loi no 89, avec la preuve qui a été soumise.
M. Leduc : J'ai l'impression,
en tout respect, M. le ministre, que vous tirez un peu dans votre propre
chaloupe, parce que vous êtes en train de me faire la démonstration concrète
que, dans le cas du RTC, que vous avez utilisé beaucoup comme argument pour
mousser votre projet de loi, le problème, ce n'était pas un problème de loi,
c'était un problème de preuve.
M. Boulet : Je n'ai pas
utilisé...
M. Leduc : À la place de
dire : Faites une meilleure preuve, la prochaine fois, chers camarades,
vous dites : Là, on réforme le projet de la loi, on réforme la loi.
M. Boulet : Non, mais si vous
avez compris que j'utilisais ce dossier-là pour justifier le projet de loi no
89, ce n'est pas le cas. On a eu... C'est une grève qui a duré quatre jours.
Entre vous...
M. Leduc : Bien oui, mais, M.
le ministre, on ne va pas faire la revue de presse de vos...
• (12 h 50) •
M. Boulet : Ce n'est pas moi
qui vais être le Tribunal administratif du travail, mais, quand je vous parle
de la nature du conflit, son contexte, sa durée, du conflit, puis les impacts
disproportionnés pour la population, je vous pose toutes ces questions-là, puis
vous êtes capable de répondre à ces questions-là que le Tribunal administratif
du travail aurait peut-être à répondre.
M. Leduc : Je les écoute, vos
entrevues, M. le ministre. Je les lis, vos entrevues. Vous avez cité quatre
cas. Vous avez cité le Cimetière Notre-Dame, les profs, le RTC puis le
transport scolaire. C'est...
M. Leduc : … toujours ça que
vous rameniez dans vos entrevues. Ne venez pas me dire que vous ne vous en avez
pas servi.
M. Boulet : Oui, mais c'est
dans des secteurs, dans le transport en commun, le conflit qu'on a vécu, c'est
le Réseau de transport de la capitale, mais je n'ai jamais laissé entendre que,
dans ce dossier-là, ça donne de la légitimité ou ça justifie le projet de loi
n° 89. J'ai parlé des services funéraires, j'ai parlé du transport
scolaire, du transport en commun, de la transformation alimentaire puis de
l'éducation, puis on pourrait nommer d'autres secteurs parce que moi non plus,
je ne suis pas capable d'imaginer un conflit dans deux ans qui pourrait faire
mal à la population, qui pourrait blesser la population. Je ne suis pas
capable, mais le projet de loi contient deux mécanismes qui vont nous protéger,
en fait, qui vont protéger la population, notamment celle en situation de
vulnérabilité. C'est ça qui a justifié le projet de loi, qu'on ait l'audace de
se protéger. En fait, je pense que c'est la mission fondamentale de l'État de
protéger sa population. Puis ce projet de loi là s'inscrit dans cette
perspective-là.
M. Leduc : Moi, je suis très
surpris de ce que vous me dites, là, M. le ministre, vous me dites : Je n'ai
pas cité le… RTC spécifiquement, mais les transports collectifs, mais il n'y en
a pas eu 150, grève, là, dans les transports collectifs, dans les dernières
années, qui ont causé des désagréments, c'est celle de la RTC. On pourrait
aller rechercher le verbatim de vos entrevues à la télé, à la radio. On va voir
si vous utilisez RTC précisément. Moi, je pense que oui, mais on verra bien,
mais...
M. Boulet : Non, mais pas pour
justifier le projet de loi.
M. Leduc : Bien là, M. le
ministre, vous êtes dans une entrevue, après avoir déposé votre projet de loi
puis on vous demande qu'est-ce qui fait que vous avez déposé le projet, puis là
vous parlez du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, vous parlez du conflit RTC,
des… je veux dire, vous justifiez votre projet de loi avec cet exemple-là.
M. Boulet : Est-ce que… Non, c'est
dans ce secteur-là de transport en commun. Encore une fois, ça dépend de la
nature, de la durée puis du contexte. Puis, tu sais, le TAT a clairement décidé
que le réseau de transport de la capitale n'était pas assujetti en tenant
compte du critère, tu sais, puis il pourrait décider de la même manière en
tenant compte du critère qui est dans le p.l. n° 89. Puis avec une autre
preuve, il pourrait décider différemment. Puis ce n'est pas… c'est une vérité,
c'est un secret que vous connaissez, là, je veux dire, tout est en fonction des
faits mis en preuve, là.
M. Leduc : Ça fait que, là,
revenons à la logique, là. Vous, vous superposez donc deux régimes pour un
groupe particulier seulement, ceux qui sont à l'article 111.016 du Code du
travail. Puis vous dites que, dans la même séance, devant le juge, pas deux
séances distinctes, là, la même séance, ils vont pouvoir plaider la… ils vont
pouvoir faire la même preuve, mais en… en mobilisant deux lois différentes en
même temps. Est-ce que c'est ça que j'ai bien compris tantôt, que vous m'avez
confirmé?
M. Boulet : Je ne comprends
pas, mais…
M. Leduc : Moi je suis le
procureur patronal du RTC, là. Là, il y a un conflit qui s'en vient, je vous
l'ai dit tantôt, les autobus sont pleins, pleins de collants, là, grève à
venir. Là, je vais me… je vais attendre que vous les désigniez, en bonne et due
forme avec ce truc-là.
M. Boulet : Exactement, que
les conditions soient rencontrées.
M. Leduc : Puis là, après ça,
bien, je vais… le patron, sans grande surprise, va mobiliser l'aspect maintien
de services machin. Et là je vais me pointer un bon matin, au TAT, je vais
avoir une date d'audience. Puis, au même moment, dans la même séance, je vais
dire : M. le Juge, j'aimerais que vous vous positionnez sur l'intégration
à la Loi sur les services essentiels et aussi en même temps, par la même
occasion, à celle sur la loi des maintiens… des… bien-être et services.
M. Boulet : Non, non, mais ça,
je pense que vous le savez, comment ça marche, il y a quand même des règles de
preuve et de procédure au TAT. Puis tu n'arrives pas le matin même puis :
Décidez ça. Voyons donc! Dans le cas des services essentiels, c'est 111.0.16,
et l'application des règles de preuve et de procédure. Donc, ça prend une
demande introductive d'instance. Dans le cas du régime pour assurer le
bien-être de la population, bien, ça prend le décret. Ça prend une partie qui
demande au TAT de se prononcer. Et si, à la date d'audience, les deux… Les deux
dossiers sont en état, oui, il peut… si les deux dossiers sont prêts à être
entendus, absolument. Je ne vois pas… ça arrive dans plein de dossiers civils,
même en vertu du Code de procédure civile, c'est permis de réunir des causes.
M. Leduc : Ce n'était pas ça ma
question. Ma question c'est…
M. Boulet : Bien, pas le matin
même, ça, c'est clair.
M. Leduc : On se comprend.
M. Boulet : C'était ça, votre
question.
M. Leduc : On se comprend.
Vous arrivez, vous plaidez avec la même preuve, puis vous dites au juge :
Je veux que vous analysiez ma preuve au regard des services essentiels et au
regard du Code du travail, avec la nouvelle disposition sur les services
minimaux pour les bien-être… je ne l'apprendrai pas, je ne suis pas capable,
les bienêtres de la population, avec la même preuve.
M. Boulet : Mais ce n'est pas…
ce n'est pas…
M. Leduc : Et rendez une
décision en même temps sur les deux aspects…
M. Boulet : ...ce n'est pas
des preuves de même nature, mais les témoins peuvent, lors d'une audience qui
peut se poursuivre sur plus qu'une journée, les témoins peuvent permettre aux
parties de prétendre que le critère pour les services essentiels est rencontré,
ils peuvent prétendre et/ou plaider, là, que le critère pour assurer le
bien-être de la population est respecté aussi.
M. Leduc : Vous me
dites : Ce n'est pas la même preuve. Ce n'est pas une preuve de la même
nature?
M. Boulet : Bien oui, mais
ça, ça appartient au parti, là, collègue. La preuve, c'est le domaine des
parties. Moi, je ne m'immicserai pas là-dedans, je vous dis juste que le
tribunal est en mesure de rendre des décisions en vertu de deux critères
distincts pour appliquer deux régimes parallèles, absolument. Puis...
M. Leduc : Bien, on va...
oui. M. le ministre, vous faites du droit nouveau, on va s'initier certains de
comment ça va marcher, votre affaire.
M. Boulet : Bien, je... Il me
semble, c'est clair, ce que je dis.
M. Leduc : Bien, on va le voir.
On va le travailler puis on va voir si c'est clair en fin de partie.
M. Boulet : O.K. Moi, je
trouve que... Si ce n'est pas clair, demande... posez-moi des questions.
M. Leduc : Bon, alors, un
plaidoyer... pas de problème. Le plaideur arrive dans une même et seule séance
puis mobilise les deux affaires, j'ai bien compris. Mais là vous dites :
Ce n'est pas la même preuve de la même nature. Ça, ça veut dire qu'il pourrait
faire venir un témoin pour dire : Là, ce témoin-là, entendez-le uniquement
sur le critère des services essentiels, de la santé et sécurité physique des
personnes, tandis que, le témoin b, lui, vous pouvez l'entendre sur les deux
critères, puis le témoin c, lui, c'est seulement sur le maintien du bien-être.
M. Boulet : Non. Câline! Là,
vous faites...
M. Leduc : ...je vous fais
dire des gros mots, là.
M. Boulet : ...comme si vous
étiez un plaideur qui n'a jamais fait le travail de plaidoirie. Puis les
témoins... Tu sais, les règles de preuve et de procédure, la liste des témoins
est annoncée d'avance, les questions en litige sont annoncées d'avance. Le
tribunal a l'expertise pour guider les parties. Si nécessaire, il y aura une
conférence préparatoire, il y aura de l'accompagnement. Mais les plaideurs, si
on plaidait l'un contre l'autre collègue... ceci dit, je ne sais pas si ça va
nous arriver un jour, mais on va partager nos éléments de preuve puis on va
discuter de ce qui va se plaider, là. Mais il y a des règles là-dessus de
divulgation, conférence préparatoire. Tu sais, les règles de preuve et de
procédure, sortez-les, là, du TAT, là.
M. Leduc : Je comprends.
Alors, pour atterrir à quoi, pour atterrir à une décision du TAT. Et là je
comprends que ça va être une seule et même décision pour les deux volets.
M. Boulet : Bien, il n'y a
rien qui empêche. Tu sais, je ne suis pas dans les règles de preuve et de
procédure, mais, quand il y a une décision qui est rendue, selon moi, il n'y a
rien qui empêcherait parce que c'est une division des services essentiels, puis
avec notre projet de loi, et des services à maintenir. Donc, dans cette
division-là, le TAT pourrait rendre une décision qui tient compte de
l'application des critères du régime des services essentiels et rendre une décision
sur le respect du critère du régime pour assurer le bien être de la population.
M. Leduc : Ça fait que, là,
le TAT va dire : En fonction de services essentiels, par exemple, non,
on... sécurité physique, ça ne marche pas, mais, en fonction du bien-être de la
personne, ça, oui, vous rencontrez les critères. Ça fait que, dans le même
jugement, il y aura une analyse étoffée de pourquoi ils ont refusé le caractère
de sécurité physique.
M. Boulet : Vous avez déjà,
devant un arbitre de grief, plaidé une multitude de griefs avec des décisions.
Parfois, on rejette les griefs a, b, c, on accueille partiellement les griefs
d, e, f. Il y a des décisions, oui, de cette nature-là. Mais rien n'empêche. Il
pourrait rendre... tu sais, il rend des... C'est les dispositifs qui varient.
Tu sais, pour les griefs, là, multiples ou... si vous présentez 15 griefs
devant un arbitre, il va tous les entendre puis il va rendre un dispositif. En
fait, le dispositif, c'est la conclusion, peut varier.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Merci, M. le ministre. Merci pour votre collaboration ce matin.
Compte tenu de l'heure, la commission
suspend ces travaux. Nous serons de retour à 15 heures. Merci, tout le
monde. Bon dîner!
(Suspension de la séance à 13 heures)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 03)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend
ses travaux. Nous poursuivons l'étude détaillée du projet de loi no 89, Loi
visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou
de lock-out.
Alors, si vous vous souvenez, lors de la
suspension, ce matin, nous étions toujours sur l'amendement déposé par le député
d'Hochelaga-Maisonneuve. M. le député, il vous reste 11min 55s. Si vous êtes d'accord,
je pourrais vous laisser la parole.
M. Leduc : Merci beaucoup, M.
le Président. J'espère que tout le monde a passé un bon dîner. Le ministre
avait coutume de se prendre une salade protéinée pendant le p.l. No 59 et d'arriver
de bonne humeur pour l'après-midi.
M. Boulet : ...Conseil des
ministres.
M. Leduc : Conseil des
ministres. Ça rend-tu de bonne humeur, ça, le Conseil des ministres. Oui? Ah
bien, coudon, tant mieux.
M. Boulet : ...
M. Leduc : Quand on s'entend
bien. Parfait. C'est toujours...
M. Boulet : Je présume, c'est
la même chose de votre côté.
M. Boulet : Ça va super bien
au caucus de Québec solidaire. C'est à pleines pages dans les journaux, vous le
savez. Petite blague à part... c'est bien, l'autodérision, je pense, alors on
était en train de discuter de ce groupe particulier de corps d'emploi qui ont
la chance, ou la malchance, on laissera tout le monde qualifier ça, mais d'être
dans les deux régimes hein? On se rappelle qu'il y a la Loi sur les services
essentiels qui existe, qui couvre certains types d'emplois. Il y a maintenant,
ou il y aura, avec l'adoption du p.l. no 89, les services pour le bien-être de
la population... qui a certains groupes de personnes aussi. Puis là on a cette
espèce de... là qui a un pied dans les deux mondes. On ne m'a pas encore tout à
fait expliqué la pertinence d'avoir le pied dans les deux mondes pour ce groupe-là
en particulier, et pourquoi pas d'autres. Peut-être qu'on pourrait commencer
par ça cet après-midi.
Le Président (M. Allaire) : M.
le ministre.
M. Boulet : O.K. J'étais
convaincu de l'avoir bien expliqué ce matin. Avec ce projet de loi là, l'intégralité
du régime des services essentiels est maintenue. En santé puis dans la fonction
publique, il y a déjà un bon niveau, prenons la santé, un niveau élevé de
services essentiels qui s'appuient sur un certain nombre de critères. Il y a 16
critères. La fonction publique aussi. Dans les services publics, il n'y a pas
de telle entente entre les parties, et la raison pour laquelle les deux régimes
s'appliquent dans les services publics, c'est parce qu'il n'y a pas de niveau
convenu de services essentiels, et donc les services essentiels, c'est en
fonction d'un critère plus restreint, alors que les services à maintenir pour
protéger la population, c'est un critère qui est plus large.
Et donc il se pourrait, là, puis on
pourrait émettre plein d'hypothèses que, dans un service public, ça peut être
la collecte des déchets, ça peut être le...
M. Boulet : ...en commun, ça
peut être une municipalité ou une régie intermunicipale, il y a un conflit qui
dure... encore une fois, tout est très contextuel, hein, puis je n'écrirai pas
un livre : Ça prend telle case et telle case, mais qu'un conflit a un
impact important sur la population, que le régime parallèle de services à
maintenir pour la population puisse être complémentaire à celui concernant les
services essentiels. Donc, la différence, c'est que les critères ne sont pas
les mêmes.
M. Leduc : ...si ce n'était
pas clair, ma question. C'est que, là, je reprends votre tableau que vous nous
aviez distribué, là, au début du projet de loi, puis là vous dites... il y a
deux cases, dans le fond, secteurs inclus dans le processus, une longue liste,
puis après ça secteurs exclus du processus pour deux motifs. Il y en a qui ont
des régimes particuliers de relations de travail, Sûreté du Québec, construction,
etc., ça, c'est correct, mais il y en a un autre qui dit : Les secteurs
qui sont déjà visés par des dispositions particulières assurant le maintien
d'un niveau élevé de services. On parle de juridiction fédérale. Puis, après
ça, les deux autres picots, c'est : Ministères et organismes
gouvernementaux dont le personnel est nommé en vertu de la Loi sur la fonction
publique puis Établissements de santé et services sociaux, y compris CHSLD
conventionnés. Là, sauf erreur de ma part, ces deux derniers picots là, c'est
la loi des services essentiels.
M. Boulet : Exact. Donc,
c'est exclu du processus.
M. Leduc : Bien, c'est ça.
M. Boulet : C'est la logique
que je vous explique depuis le début de la journée.
M. Leduc : Mais pourquoi ces
deux-là... Moi, ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi ce picot-là ici, les
services publics de 111.1.16... pourquoi eux, ils ont cette catégorie-là
seulement? C'est les...
M. Boulet : Parce qu'ils n'en
ont pas, de niveau de services essentiels à maintenir convenu entre les parties
et, en plus, un niveau élevé. Les services publics, il n'y a rien de décidé, il
n'y a rien de convenu entre les parties. Les sociétés de transport sont toutes
prises isolément puis il n'y en a pas... Avant 2019... Puis souvenez-vous,
collègue, vous étiez avec moi, quand on a adopté la loi sur les services
essentiels.
M. Leduc : En 2019.
M. Boulet : Avant, pour les
services publics, ça fonctionnait par décret gouvernemental, puis là on a
annulé ça, puis maintenant ça se fait en fonction du critère.
M. Leduc : Mais, si vous
voulez les mettre dans votre logique de services de bien-être, pourquoi vous ne
les sortez pas, d'abord, de la loi sur les services essentiels?
M. Boulet : Bien, parce que
c'est deux critères distincts, puis les services à maintenir pour le bien-être
de la population, c'est vraiment exceptionnel. Il faut d'abord s'intéresser aux
services essentiels en fonction du critère de danger pour la santé ou la sécurité
publique, et après ça, c'est l'autre régime qui s'applique parallèlement. C'est
deux critères distincts, donc il n'y a aucun problème. C'est comme deux
articles de convention collective différents, puis il n'y a rien qui empêche
l'arbitre de décider, il n'y a rien qui empêcherait le Tribunal administratif
du travail de déterminer. Puis il pourrait déterminer que la preuve soumise
rencontre le critère pour le maintien de services essentiels, excusez-moi, x, y
et z, mais le critère pour le maintien de services pour assurer le bien-être de
la population n'est pas rencontré.
M. Leduc : Dans les deux
méthodes, là, que ça soit services essentiels ou bien-être de la population, on
n'a pas de pourcentage prédéterminé.
M. Boulet : Non. Non, non.
Bien non.
M. Leduc : On se comprend.
M. Boulet : Souvenez-vous,
vous m'avez assez martelé avec ça, il y avait eu une décision des tribunaux.
Les pourcentages prédéterminés, ce n'était pas compatible.
M. Leduc : L'arrêt Flageole,
si je ne me trompe pas.
M. Boulet : Pardon?
M. Leduc : L'arrêt Flageole,
si je ne me trompe pas.
M. Boulet : Exactement.
M. Leduc : Donc, si...
M. Boulet : Ça fait qu'il n'y
en a pas plus ici, là.
M. Leduc : Donc, les deux
chemins visent exactement la même chose, à savoir une prestation minimale d'une
quantité de travail à déterminer. C'est exactement le même objet.
• (15 h 10) •
M. Boulet : Non. Il y en a un
que c'est des services essentiels...
M. Leduc : Au-delà des
titres, je ne vous parle pas du titre.
M. Boulet : ...puis il y en a
d'autres, c'est pour protéger la population.
M. Leduc : On se comprend
mal, M. le ministre...
M. Boulet : Bien, ce n'est
pas la même affaire. C'est parce que vous essayez de me dire : C'est la
même affaire. Ce n'est pas la même affaire. Ce n'est pas les mêmes critères, ce
n'est donc pas la même nature de services.
M. Leduc : O.K. Mais c'est le
même effet, c'est la même finalité. Que ça soit pour le bien-être ou pour les
services essentiels, au final on veut forcer des gens à générer une certaine
quantité de prestation de travail.
M. Boulet : Oui, tout à fait.
M. Leduc : Donc, c'est la
même chose... c'est la même finalité.
M. Boulet : Oui, mais ce
n'est pas le même type de services puis ce n'est pas en fonction du même
critère. Il y en a un, c'est le danger pour la santé-sécurité puis il y en a
d'autres, c'est la protection de la population. C'est deux critères distincts.
Puis vous devriez être content d'ailleurs que ça puisse continuer de
s'appliquer, le régime des services essentiels, sur présentation d'une preuve
qui le justifie. Ce n'est pas... On n'exclut pas un ou l'autre, là.
M. Leduc : Moi, ce que... je
vais prendre l'image de tous les chemins mènent à Rome. Vos deux chemins, là,
le service essentiel ou le bien-être, mènent à Rome, c'est-à-dire une quantité
de prestation minimale de travail. Après ça, il y a un chemin qui est peut-être
un peu plus long, peut-être plus compliqué que le second, mais ils arrivent à
la même place...
M. Boulet : …mais l'objectif
est le même.
M. Leduc : Voilà.
M. Boulet : L'objectif, c'est
de s'assurer que le conflit n'ait pas l'impact non souhaité en vertu de
critères, un critère a pour les services essentiels et un critère b pour les
services à maintenir. Ça, là-dessus…
M. Leduc : Parfait. On
clarifie des choses. Vous dites : L'objectif est le même. Parfait, on s'entend,
mais ça ne répond pas à ma question.
M. Boulet : Bien, l'objectif
de maintien d'un certain niveau de services.
M. Leduc : On s'entend, mais
pourquoi cette gang-là, elle peut prendre l'un ou l'autre de ces chemins, et
l'entièreté des autres doivent prendre juste ou juste l'autre?
M. Boulet : Parce que, je le
répète, le niveau de services essentiels en santé, il est très élevé et il est
déjà convenu entre les parties, il est déjà convenu, et il s'appuie sur des
critères discutés et convenus entre les parties. Avez-vous vu, dans les grèves
en santé ou en services sociaux, des débats devant les tribunaux? Non, parce
qu'il n'y en a pas, de problème. Le niveau des services essentiels, on les
maintient, puis c'est convenu entre les parties. C'est ça, la différence.
M. Leduc : Comme dans
l'article précédent, dans le fond, les précédents d'application...
M. Boulet : La réalité
actuelle, la réalité actuelle vécue, c'est que, dans les régimes de services
essentiels, où c'est déjà convenu et où le niveau est élevé, on n'a pas à avoir
un régime complémentaire. On ne peut pas avoir un régime complémentaire en
santé. Ça m'apparaîtrait… là, je comprendrais votre objection.
M. Leduc : Mais c'est tout
dans… c'est toute la même gang.
M. Boulet : Mais le niveau…
mais tout est essentiel, presque, en santé. Il y a tellement un niveau élevé
que ça… c'est plus… C'est complémentaire pour les services publics, ça ne le
serait pas pour la santé.
M. Leduc : Parce que c'est
convenu dans les précédents, pour la santé.
M. Boulet : Bien, c'est
convenu entre les parties…
M. Leduc : Oui, en fonction de
la loi.
M. Boulet : Bien, entre les
parties elles-mêmes, bien oui, mais en vertu des critères qui sont convenus et
déterminés.
M. Leduc : Mais ils pourront
aussi être convenus…
M. Boulet : Mais c'est parce
que là vous me demandez pourquoi ça s'applique dans les services publics, parce
que c'est complémentaire. Je pense, ma réponse, ça se limite à ça, puis ce
n'est pas les mêmes critères.
M. Leduc : Je ne veux pas dire
que je suis convaincu de la démonstration, en toute amitié, M. le ministre,
mais passons outre...
M. Boulet : Mais votre
collègue l'est, probablement, peut-être.
M. Leduc : Ou on peut
suspendre si vous voulez une discussion avec mon collègue. Je sais que vous…
entre un avocat, vous appréciez beaucoup vos plaidoyers.
M. Boulet : Je taquine votre
collègue.
M. Leduc : Par contre, il y a
une question très sérieuse, là, que… comme toutes celles que je vous pose,
d'ailleurs, mais le fait que vous posiez les deux chemins, puis qu'on a convenu
tantôt que ça pouvait être plaidé en même temps et qui aurait potentiellement
une seule décision, peut-être à deux chapitres, là, mais à deux volets, mais
dans la même décision…
M. Boulet : Dans deux
dispositifs.
M. Leduc : Oui, mais dans le
même… dans la même décision avec une date puis un juge, puis tout, là.
M. Boulet : Vous en avez vu
beaucoup de décisions comme ça.
M. Leduc : Est-ce que les
pourcentages d'application… mettons 25 %, mettons qu'on décide qu'il faut
répondre à l'un ou l'autre, que c'est 25 %. Comment ça fonctionnerait?
Est-ce que c'est 25 % pour chacune des deux lois, ou c'est à partir du
moment que tu obtiens un pourcentage dans l'une des deux lois, Il n'y en aurait
pas dans l'autre?
M. Boulet : Bien, d'abord, il
faut laisser aux partis le soin de le déterminer elles-mêmes, à défaut par les
partis de les déterminer, les services à maintenir, c'est là que le TAT
interviendrait. Puis, si les partis les conviennent, ce qu'il faut souhaiter,
après la décision du TAT qui dit que les partis sont assujettis à la loi… au
projet de loi n° 89. À défaut, c'est le TAT qui le déterminera. Puis ce
n'est pas que des pourcentages, là, l'affaire… là, c'est arrêté avec des
pourcentages, là, il faut tenir compte de la réalité de chaque cas d'espèce.
M. Leduc : …des pourcentages
précisés dans la loi.
M. Boulet : Ça fait que les
25 %, les 80 % ou les 10 %, ça ne marche pas, ça?
M. Leduc : Qu'est-ce que vous
voulez dire : Ça ne marche pas?
M. Boulet : Bien, ce serait…
Ce n'est pas… C'est cas par cas. Ce n'est pas moi qui vais déterminer un
pourcentage, là.
M. Leduc : Oui, oui, ça, je
comprends. Puis, justement, je vous donne un cas. Prenons encore l'exemple du
RTC, là, qui s'en va en conflit, là. Finissons le RTC qui s'en va en conflit,
là, le 25 %, est-ce qu'un... Est-ce que le TAT pourrait conclure :
Selon mes critères de services essentiels, je vous mets 25 % de tâches,
puis, selon les bienêtres essentiels, je vous mets 25 % de tâches? Est-ce
que c'est cumulatif, ces deux 25 % là?
M. Boulet : C'est une
hypothèse, puis ça dépend de l'impact, ça dépend de la durée du conflit, ça
dépend des conséquences que ça a pu avoir sur la population, notamment les
personnes à faibles revenus ou les personnes en situation de handicap, ou… ça
dépend. C'est vraiment du cas par cas et votre hypothèse est aussi bonne que la
mienne parce que vous connaissez le droit autant que moi, puis je ne me
risquerai pas à dire : Ça peut être ci, ça peut être ça, mais votre
hypothèse…
M. Boulet : ...ça peut être
valable.
M. Leduc : Non, mais là, on
est en train... vous l'avez dit vous-même, on fait de droit nouveau. Je plaide
qu'on pitche une énorme patate chaude dans la cour du TAT, on va toujours bien
essayer de déterminer deux, trois balises.
M. Boulet : Bien, je ne sais
pas qui a dit ça, patate chaude dans la cour du TAT.
M. Leduc : Ah! c'est moi, ah!
C'est moi.
M. Boulet : Non, maisvous
aviez... Il n'y a pas personne du TAT... On crée une division.
M. Leduc : Mais on a refusé
de les entendre, on aurait peut-être pu...
M. Boulet : Bien non, mais
ils ont un devoir de réserve et ils ont le mandat d'interpréter puis
d'appliquer la loi.
M. Leduc : On les appelle-tu?
Sortez votre cellulaire, on va les appeler.
M. Boulet : Ah! bien non, je
n'ai pas parlé au TAT. On va créer une division des services essentiels et des
services à maintenir,puis le TAT, il applique les lois que vous, comme
parlementaires, avec notre collègue de D'Arcy-McGee puis nous tous allons
adopter, là, le TAT, c'est un tribunal administratif.
M. Leduc : Très bien.
Le Président (M. Allaire) : Juste,
je vous rappelle, vous échangez beaucoup, là, vous faites comme un match de
ping-pong. C'est très difficile pour la retranscription, pour l'audio visuel,
difficile de vous comprendre. Ça fait que je vais vous ramener un peu vers moi,
comme ça, on va un peu mieux contrôler peut-être le débat. Alors, député
d'Hochelaga-Maisonneuve, La parole est à vous.
M. Leduc : Merci. Je reformule
ma question. Le TAT peut-il dans votre esprit, parce que là, on va devenir...
On va entrer dans la zone de l'intention du législateur, est-ce que, dans votre
esprit, le TAT dans des cas, comme par exemple, les transports en commun ou
tous les autres qui sont dans cette section-là, que nous voulons clarifier,
mais on va voir les résultats de l'amendement, mais est-ce que le TAT pourrait
cumuler des pourcentages? Je m'explique. Donc, s'il rencontre le critère de loi
de services essentiels, puis on leur colle un 25 %, si on rencontre le
critère de bien-être de la population, puis on dit 25 %, est-ce que ça
veut dire que ces deux 25 % là sont cumulatifs pour un total de 50 %?
Le Président (M. Allaire) : M.
le ministre.
M. Boulet : Encore une fois,
M. le Président, c'est une hypothèse. Est-ce que le tribunal pourrait le faire?
Ça dépend de la nature des services. Est-ce qu'un pourcentage serait pertinent
en tenant compte de la nature du service? S'il est quantifiable comme ça, le
tribunal aura le mandat de le décider uis de le déterminer. Mais il n'y a rien
d'impensable, là, mais ce n'est pas moi qui est assis au TAT, là.
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le député.
M. Leduc : Bien, c'est là que
je trouve que vous l'avez échappé, là, parce que vous êtes en train d'ouvrir,
pour ce groupe-là, une forme de, j'oserais peut-être dire, discrimination par
rapport à tous les autres corps d'emploi, parce qu'eux ils pourraient se
ramasser avec une double facture de prestation de travail pour le même
conflit...
M. Boulet : Ah! non, non,
non.
M. Leduc : ...parce que là il
y aurait deux lois qui viendraient se superposer.
M. Boulet : Oui, mais la
deuxième facture, là, c'est pour le bénéfice de la population puis, moi, je ne
vois pas ça comme une facture. Je regrette, là, mais des services essentiels,
ce n'est pas une facture, des services essentiels, c'est pour éviter de mettre
en danger la santé, la sécurité du monde. Puis des services à maintenir pour le
bien-être de la population, ce n'est pas non plus une facture. C'est pour
protéger le monde purement et simplement. Ça fait que je regrette, mais moi je
ne vois pas ça comme une facture.
M. Leduc : Mais les deux sont
cumulables, à votre esprit, les deux sont cumulables.
M. Boulet : En fait, c'est
une hypothèse que vous émettez que le tribunal pourrait appliquer si c'est
quantifiable, si les pourcentages sont pertinents.
M. Leduc : Mais non, mais
j'aurais aimé ça que vous le clarifiez ici, c'est vous le législateur qui nous
soumettez ça.
M. Boulet : Bien oui, mais
j'ai dit oui.
Le Président (M. Allaire) :
Collègues, je vous fais un petit rappel, je vous ramène vers moi. Là, vous
recontinuez à échanger ensemble, là c'est parce qu'on n'y arrivera pas. M. le
député d'Hochelaga-Maisonneuve, allez-y.
• (15 h 20) •
M. Leduc : ...moi ça me
semble complètement inconcevable que vous ne fermiez pas cette porte-là, parce
que tous les autres corps d'emploi vont avoir un traitement en fonction d'une
loi avec soit un pourcentage ou d'une tout autre façon d'appliquer leurs
prestations de travail. Mais cette gang-là va pouvoir avoir quelque chose qui
va se cumuler, ça n'a comme pas rapport. Soit vous rencontrez — je
veux juste terminer — soit vous rencontrez les critères de services
essentiels qui sont comme les critères les plus sévères, là, vous obtenez un
pourcentage, par exemple, de l'application de prestation de travail, bien,
that's it. Après ça, je ne vois pas pourquoi on en rajouterait une couche tout
à coup, pour le bien-être, avec des critères que vous avez-vous-même réduits.
M. Boulet : Moi je le répète,
il y a des services à maintenir pour éviter de mettre en danger la population
et il y a des services à maintenir pour assurer une protection de la population.
Puis l'hypothèse que vous émettez, moi, je ne l'exclus pas, ça dépend de la
preuve soumise. Ça dépend de ce que le tribunal aura à décider en fonction des
faits mis en preuve. Et le ministre ne peut pas se substituer à une décision
qu'aurait à rendre un tribunal qui est soumis à des règles de droit, mais ce
n'est pas exclu. Ce que vous vous soumettez, c'est une hypothèse.
M. Leduc : Je suis subjugué,
M. le Président. Pour moi, ça me semble...
M. Boulet : Subjugué par...
Le Président (M. Allaire) :
Allez-y.
M. Leduc : Subjugué par...
M. Leduc : ...votre absence
de réponse. Pour vous, ça semble plausible que, pour le même objectif...
Rappelez-vous que le but c'est de se rendre à Rome, bien là, on prenne deux
chemins puis qu'on impose deux kilométrages à une personne qui veut se rendre à
Rome. Vous prenez un chemin ou vous prenez l'autre, vous ne prenez pas les
deux.
M. Boulet : J'ai dit tout ce
que j'avais à dire.
Le Président (M. Allaire) : M.
le député, vous pouvez poursuivre, poser votre question autrement, si vous
voulez une réponse, peut-être, différente, mais c'est dans la légitimité du
ministre.
M. Leduc : Oh! tout à fait,
pas de problème. Je vais soumettre l'hypothèse suivante : Je ne sais pas
si le ministre avait réfléchi à ça avant que je lui pose cette question-là
aujourd'hui, et ça me confirme que ce projet de loi là, il est peut-être un peu
mal ficelé, M. le Président.
Hier, on a eu droit à un conciliabule in extremis
pour essayer de comprendre qu'est-ce qui se passerait dans les garderies. Ça
m'a étonné, bien franchement, parce que je pense que c'était un peu entendu que
j'allais arriver avec cette question-là, au regard de toutes les questions
précédentes que j'ai posées au salon rouge. Puis là on n'est même pas capable
de me dire si, en effet, oui ou non, c'est ça, l'intention du législateur, que
ces deux choses-là soient cumulables pour ce groupe d'employés là. Bien
coudonc, c'est pour ça que je fais un amendement, pour qu'on clarifie, puis là,
on est... on ne peut même pas le clarifier, aujourd'hui, on dit : Oui,
peut-être on verra, le TAT décidera. Ce n'est pas une réponse, ça, ce n'est pas
un projet de loi...
M. Boulet : J'ai répondu oui
à six reprises, à peu près, que c'était complémentaire, puis que c'était
cumulable, puis tout dépend de la preuve. Est-ce que ça va être cumulé? Ça va
dépendre de la preuve. Peut-être que si la preuve ne permet que d'appliquer le
critère de danger pour la santé-sécurité de la population, ça finit là. Si
l'autre critère est rencontré, ce sera complémentaire. Cumulable,
complémentaire, appelez ça comme vous voulez, je l'ai dit, pour les services
publics, parce qu'il n'y a pas un niveau élevé de services essentiels, il n'y a
pas de critères convenus entre les partis, les services publics, alors
qu'avant, c'était par décret, maintenant, c'est en tenant compte d'un critère.
Ça fait que les deux, c'est... Je ne sais pas comment répondre, là, mais je
réponds oui, puis vous me dites que je ne réponds pas. Est-ce qu'il faudrait
que je me limite juste à un oui ou un non pour que ce soit clair?
Le Président (M. Allaire) : M.
le député.
M. Leduc : J'avais compris
que vous ne vouliez pas vous prononcer.
M. Boulet : Mais non...
M. Leduc : Puis là vous vous
prononcez.
M. Boulet : ...j'ai dit que
c'est complémentaire puis je le répète depuis hier, pour les services publics,
c'est complémentaire, les deux régimes peuvent s'appliquer.
M. Leduc : Ça, j'ai compris
ce bout-là. Là, je vous parlais de la conséquence en matière d'application si
quelqu'un est reconnu être assujetti aux deux. C'est de ça qu'on parle, ce
n'est pas de... Moi, je ne trouve pas c'est pertinent d'appliquer les deux en
même temps, on a le débat, c'est correct, mais je vous dis : Est-ce qu'une
décision du TAT peut cumuler... je vais prendre un peu votre langage...
M. Boulet : Bien oui, j'ai
dit oui, j'ai dit oui, mais vous êtes allé plus loin. Vous m'avez dit :
Est-ce que ça peut être tel pourcentage puis tel pourcentage. Là, un
pourcentage, ça dépend de la nature de la preuve, ça dépend de la possibilité
de quantifier. Puis ça, c'est le tribunal qui aura à juger, mais si, par exemple,
ça se quantifie puis la nature des services à rendre permet d'établir des
pourcentages, le tribunal aura à déterminer en tenant compte de l'état de la
jurisprudence aussi. Souvenez-vous de l'affaire Flageole, là, quand même.
Le Président (M. Allaire) : M
le député.
M. Leduc : J'utilise les
termes peut-être plus juridiques, que vous êtes habitué de connaître. On parle
souvent, mettons, dans le modèle des amendes, de peines soient qui sont
concurrentes ou cumulatives. Et là moi, je veux clarifier que pour vous ce soit
clair, oui ou non, que si c'est des pourcentages... Ça peut être
potentiellement autre chose, puis encore une fois on va prendre l'exemple du
RTC, le transport collectif, quand il va y avoir des services essentiels, ça va
être certainement un certain nombre de passages à certaines heures données,
souvent les heures de pointe, matin puis soir, hein, c'est à peu près le modèle
qu'on connaît, est-ce que ça veut dire que cette certaine quantité de
pourcentages là, si vous voulez qu'on arrête de parler de pourcentage, parlons
de quantité de pourcentage, est-ce que, si on rencontre le critère de services
essentiels, on les multiplie par deux parce qu'on aurait aussi rencontré le
critère de service de bien-être à la population, ou si vous en avez un service
essentiel, évidemment que ça dispose de l'autre, parce que, forcément, le
critère est plus bas...
M. Boulet : Ça, c'est une
question intéressante.
M. Leduc : ...c'est ça que je
veux dire.
Le Président (M. Allaire) : M.
le ministre.
M. Leduc : En fait, le TAT,
pour fins de précision, dans son dispositif, devrait certainement dire les
services a, b, c sont requis, doivent être maintenus pour respecter, en vertu
du régime des services essentiels et en raison du respect...
M. Boulet : ...de la preuve
soumise me permet, me convint que le critère de danger est respecté. Puis les
services d, e, f doivent être maintenus parce que les critères prévus dans la
p.l. 89 sont rencontrés. Là, c'est plus... Je la comprends, la question, puis
je suis d'accord avec vous. Puis j'anticipe comme législateur, mais comme nous
tous comme législateurs que le tribunal ne fasse pas un simple calcul, mais qui
précise la nature des services en appliquant les critères à la preuve qui lui
est présentée.
Le Président (M. Allaire) : Trois
minutes, M. le député.
M. Leduc : Ça me semble plus
clair un peu maintenant, M. le Président, je remercie le ministre d'avoir
enduré mon questionnement sur ça pour arriver à une compréhension commune.
J'aimerais comprendre maintenant, M. le ministre. Avez-vous évalué la
possibilité de rajouter d'autres groupes dans cet univers combiné des services
essentiels et du bien-être à la population?
Le Président (M. Allaire) : M.
le ministre.
M. Boulet : Non.
Le Président (M. Allaire) : M.
le député.
M. Leduc : Ça n'a jamais été
quelque chose que vous avez envisagé, mais... parce que vous avez... Quand vous
avez décidé de mettre ceux-là ici, là, de 111.016, vous l'avez fait parce que?
M. Boulet : Parce que, pour
les autres, santé et fonction publique, pour les raisons que je vous ai
données, fait qu'on n'est pas... on n'a pas fait d'évaluation au-delà de ça.
M. Leduc : Mais vous auriez
pu ajouter santé et fonction publique dans le service de bien-être aussi.
M. Boulet : On n'est vraiment
pas allé là.
M. Leduc : Non, mais vous
auriez pu.
M. Boulet : Non, parce que
les parties... Oui, mais les parties ont convenu des services essentiels à
maintenir, c'eût été imprudent de notre part. Puis vous auriez été tellement
mécontent, puis je ne voulais pas vous rendre mécontent...
M. Leduc : Plus mécontent.
M. Boulet : ...à ce point.
M. Leduc : Ça fait qu'il y a
une limite que vous êtes prêt à endurer de mon mécontentement. Visiblement,
on...
M. Boulet : Oui. Oui, c'est ce
qu'on appelle la recherche d'un équilibre.
M. Leduc : Visiblement, on ne
l'a pas atteint. Ça me donne du lousse, c'est bon. Quand vous dites qu'on...
M. Boulet : Mais on s'est
approché à ne pas... considérant santé, par exemple.
M. Leduc : Mais là, depuis
tantôt, vous parlez de santé. Quand vous dites «convenu», on parle de convenu
dans le cadre de conflits précédents?
M. Boulet : Bien oui. Oui, il
y a un niveau élevé de services essentiels qui... discuté et convenu entre les
parties, oui.
M. Leduc : Puis ça, c'est un
genre de précédent... semi-jurisprudence qui va, j'imagine, se développer avec
l'autre volet aussi.
M. Boulet : Oui. Oui, bien
oui.
M. Leduc : Avec le bien-être
aussi, ça va tranquillement, dans certains services, et se développer.
M. Boulet : Non, mais
bien-être, c'est un... tu sais, j'allais dire un «one shot day», là, c'est
limité à chaque phase des négociations, comme on a discuté hier.
M. Leduc : Non, mais, on se
comprend, si on impose un pourcentage au RTC au conflit de cette année, dans
quatre ans, tout le monde va comprendre ce qui va arriver.
M. Boulet : Non, je ne suis
pas d'accord parce que chaque cas, chaque conflit a ses particularités, comme
je vous ai dit, la nature, la durée, le contexte, les impacts sur la
population. Ce n'est pas parce que, par exemple une année, là, je rentre dans
une hypothèse, il y a un conflit de travail qui dure depuis cinq semaines en
transport en commun puis il y a un impact qui est identifiable sur une
population en situation de vulnérabilité, puis que le temps, par exemple,
déciderait que le régime de services à maintenir s'applique... Ça ne veut pas
dire qu'au prochain ça va s'appliquer. Ça se limite à ce dossier-là, dossier
par dossier. Ça aurait été... Là, je vous aurais choqué si on avait mis ça pour
ad vitam puis pour l'avenir, vous auriez été encore plus mécontent.
• (15 h 30) •
M. Leduc : Oui, mais, si le
TAT impose des services en fonction du bien-être à la grève a, bien, la grève
b, vous pouvez être certain que le plaideur patronal va dire : Regardez ce
que vous aviez fait à la grève a, il va le déposer.
M. Boulet : Oui, mais encore
faut-il, pour rencontrer les critères, que le conflit, ses répercussions le
justifient. Ce n'est pas parce qu'un conflit génère des répercussions
préjudiciables une fois que ça va être le cas la fois suivante. En tout cas, ça
sera de nouveau plaidé, si besoin en est.
M. Leduc : Bien oui, mais une
grève de chauffeur d'autobus, c'est une grève de chauffeur d'autobus...
M. Boulet : Je ne suis pas
d'accord, je ne suis pas d'accord.
M. Leduc : Qu'est-ce qui peut
changer d'une grève à l'autre de...
M. Boulet : Le contexte, la
durée, l'impact. Tu sais, il y a des durées qui ont moins de répercussions.
Puis plus le conflit est long, plus l'impact est significatif sur la
population. Ça fait que moi, comme je dis souvent, c'est contextuel. Puis la
Cour suprême l'a souvent répété, il faut tenir compte du contexte, la nature du
conflit puis sa durée aussi. Et je le répète, ce n'est pas parce qu'une fois ça
s'applique que ça s'applique systématiquement. En santé, c'est...
15 h 30 (version non révisée)
M. Boulet : ...différent parce
que c'est convenu, puis à peu près tout est un service essentiel en santé, tu
sais, c'est...
M. Leduc : Hier, vous m'avez
dit que des grèves de très courte durée, ce n'était pas tellement ça, l'objet
de la loi. Là, on a eu une grève de quatre jours, avec le RTC, il y a deux ans.
Ça veut-tu dire que s'il y a une nouvelle grève de quatre jours, ce n'est pas
tellement ça qu'on s'attend, que la loi soit mobilisée. Vous n'allez pas les
désigner pour quatre jours de grève.
M. Boulet : Ça, c'est une
fine question, puis je suis assez d'accord avec vous.
M. Leduc : Donc, pour une
grève de quatre jours, de chauffeurs d'autobus...
M. Boulet : Ce n'est pas
tellement ça qui est visé. Est-ce que ça veut dire que ça ne peut jamais être
visé? Mais je suis assez d'accord avec vous, là, tu sais, à un moment donné.
M. Leduc : Puis est-ce que le
mois de l'année où la grève a lieu, c'est aussi un élément contextuel, comme
vous le...
M. Boulet : Bien, ce que j'entends
souvent, c'est que... Bien, tu sais, il n'y a pas de période, en fait, mais, tu
sais, deux, trois, quatre semaines, c'est sûr que ça commence à être une durée
où le risque d'atteinte populationnelle est plus important, je m'exprimerais
comme ça, parce que je ne me substituerai pas au tribunal, mais selon moi, puis
entre nous deux.
M. Leduc : Parce que la
grève... oui, entre nous deux et les milliers d'auditeurs, en 2023, là, c'était
le contexte du FEQ. C'était ça qui posait problème, qui aurait pu être plaidé
comme... sécurité économique, mettons, j'imagine.
M. Boulet : ...FEQ?
M. Leduc : Festival d'été de
Québec. C'était ça, le problème. Il y avait beaucoup de touristes. Ça veut dire
que s'ils avaient fait la grève après le FEQ, mois d'août, mettons, ça aurait
été moins problématique?
M. Boulet : Bien là, vous me
demandez de rentrer dans les bottines d'un décideur du TAT. Là, ce que vous me
dites... Si ça avait duré plus longtemps puis qu'il y aurait eu une incidence
sur l'achalandage au Festival d'été de Québec...
M. Leduc : Bien, rappelons
que vous devez désigner, quand même, un groupe. Il y a un geste que vous allez
faire à ce moment-là.
M. Boulet : Oui.
M. Leduc : Là, si... vous
dites : Ah bien, ça peut dépendre du contexte, etc., La grève des
chauffeurs de bus, c'était... posait problème, d'un point de vue public, parce
que c'était pendant le FEQ, Festival d'été de Québec, milliers de passages,
etc. Puis, s'ils font la grève après, est-ce que ça, c'est un élément de
contexte qui va jouer aussi?
M. Boulet : Ah oui! C'est
certainement partie du contexte. Quand on dit que tout est contextuel...
M. Leduc : S'ils font la
grève à Noël?
Des voix : ...
M. Boulet : Bien, ça fait
partie d'un contexte global.
Le Président (M. Allaire) : 20
secondes, M. le ministre.
M. Boulet : Et c'est pour ça
que c'est délicat d'utiliser des hypothèses, là, tu sais, le contexte est
tellement changeant.
M. Leduc : Je ne sais pas si
mes collègues veulent continuer là-dessus.
Le Président (M. Allaire) : Vous
voulez intervenir, M. le député de Jean-Talon? La parole est à vous.
M. Paradis : Bon. C'est quand
même une discussion intéressante, sur celle de l'application des dispositions
nouvelles ou de droit nouveau du projet de loi no 89, en parallèle à celles qui
existent sur les services essentiels. Et, dans votre mémoire, au Conseil des
ministres, vous évoquez vous-même, M. le ministre, là, cette possibilité. Donc,
vous dites : «Les dispositions du projet de loi no 89 peuvent s'appliquer
à l'ensemble des employeurs et à l'ensemble des associations accréditées du
Québec, à l'exception de la fonction publique et des établissements de santé et
de services sociaux. Cette exclusion s'explique par le fait, je vous cite...
Cette exclusion s'explique par le fait que ces entités sont déjà visées par les
dispositions particulières assurant le maintien d'un grand éventail de
services. Ainsi, elle pourrait viser un large éventail d'entités si les
critères prévus trouvent application. Une épicerie, un restaurant, un collège
ou une université, un centre des services scolaire, une résidence privée pour
aînés, une société de transport par traversiers, etc. Dans certains cas-- c'est
ici la partie qui nous intéresse le plus--une même entreprise, exemple, une
société de transport en commun, pourrait être assujettie à la fois au maintien
de services essentiels et au maintien de services assurant le bien-être de la
population.» C'était ça, l'objet de votre discussion avec le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve.
Puis là vous avez dit : Oui, ça va
dépendre de la preuve, etc., mais moi, je voudrais savoir comment ça fonctionne
en pratique. Donc, disons que... disons qu'il y a une déclaration de service
essentiel en fonction pour un service de transport en commun et que, là, il y a
un décret qui est adopté puis que le Tribunal du travail, ensuite, enclenche le
processus d'assujettissement. En pratico-pratique, ça se traduit comment, ça,
sur le terrain? Comment on vit avec le fait qu'il y a des éléments qui sont
déclarés comme assurant la santé et la sécurité des personnes? Puis là on parle
de la santé et de la sécurité physique, surtout, puis que, là, il y a certains
services qui assurent la sécurité sociale, économique ou environnementale de la
population?
Comment ça coexiste dans une même
situation? J'imagine que vous y avez réfléchi? Moi, j'essaie de voir comment ça
coexiste. Est-ce que... est-ce que vous y voyez des risques quelconques ou
absolument aucun risque, vous, vous dites : Ça, il n'y a aucun problème,
cette nouvelle...
M. Paradis : …cette nouvelle
structure là va se superposer, puis tout va bien fonctionner, Mme la Marquise,
ou vous avez envisagé qu'il y a peut-être des... il y a peut-être des
situations qui vont… que ça va complexifier, en fait, la situation, dans un
même système de transport en commun, qu'il y ait les deux régimes qui
coexistent. Est-ce que… est-ce que vous avez une analyse, là, des potentiels
risques de coexistence ou pas?
M. Boulet : En fait, je
réponds à cette question depuis le début de notre étude détaillée cet
après-midi, là. En fait, c'est deux régimes complémentaires, assujettis à deux
critères distincts. Pour les services essentiels, c'est le danger puis pour les
services à maintenir, c'est le bien-être. Donc, c'est deux critères distincts.
Et les arbitres, les tribunaux de droit commun sont souvent confrontés à des
cas différents. Puis, dans le dispositif de la décision, on tient compte du
respect du critère service essentiel puis du respect du critère service à
maintenir. C'est deux régimes complémentaires, aussi simple que ça. C'est parce
que les services publics sont assujettis à un régime, mais il n'y a rien de
convenu, il n'y a rien sans que ce soit plaidé. Donc, c'est pour ça que les
deux peuvent cohabiter ensemble. C'est une question simple de complémentarité.
Puis c'est…
Le Président (M. Allaire) : M.
le député de Jean-Talon.
M. Paradis : Je comprends, M.
le ministre, que vous avez l'air confiant, là, puis…
M. Boulet : Absolument.
M. Paradis : C'est du droit
nouveau. Donc là, disons que si on parle d'un… du système de métro ou du
système d'autobus à Montréal, prenons ce cas-là, est-ce que ça doit se plaider
en même temps? Est-ce que c'est… c'est par après? Puis là, si on dit que, pour
les services essentiels, ça prend… Mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve posait
ces questions-là tout à l'heure, mais je ne suis pas sûr, moi, que j'ai la
clarté requise, parce que c'est vous, là, qui proposez ce nouveau régime là.
J'imagine que vous avez réfléchi à ça.
Vous le dites dans votre mémoire,
l'exemple des sociétés de transport en commun, ça peut être assujetti à la fois
aux deux. Vous devez avoir… vous devez avoir… J'espère que vous avez fait des
hypothèses, des cas d'espèce. C'est de ça dont j'aimerais que vous nous
parliez. Parce que là, ça veut dire : Si les… on dit : Bon, bien, il
va falloir maintenir le quart des services en période de… hors heures de
pointe, puis les heures de pointe, il va falloir maintenir 50 % du
service, des hypothèses. Puis là, après ça, qu'on dit : Ah! mais pour
maintenir le bien-être de la population, là aussi on a besoin de services. Là,
est-ce que ça s'ajoute? Est-ce que ça s'additionne, ou on va faire des calculs?
Ah! Une fois qu'on a dit 50 % à l'heure de pointe, ça, c'est suffisant
pour maintenir le bien-être de la population, mais, ah! en… hors d'heures de
pointe, 25 %, ce n'est pas assez, il va falloir rajouter un autre
25 %. Comment… Comment ça fonctionne? Moi, je pose des questions. Là, vous
me regardez en riant, mais je… vous, j'imagine que vous avez fait ces
hypothèses-là. Là, vous présentez le projet de loi. Ça marche... ça marche
comment?
• (15 h 40) •
M. Boulet : On me fait signe.
On me fait signe. Je vais répéter. C'est parce qu'on m'a posé les mêmes questions.
Excusez-moi, collègue, là, je ris parce que je vais répéter. Quand c'est
complémentaire, en fonction de la preuve soumise, le tribunal va dire : Le
critère de danger est respecté. Donc, les services ABC doivent être maintenus.
Le critère de bien-être de la population est respecté, donc les services d, e,
f doivent être maintenus. C'est… ça, c'est toujours à défaut par les parties de
le convenir.
Parce que si vous prenez l'exemple du
transport en commun, les parties peuvent convenir des services essentiels, puis
pour les services pour le bien-être de la population, elles auront, le cas
échéant, aussi l'opportunité de les convenir. Et, comme j'ai dit tout à l'heure
au collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, comme c'est complémentaire, la décision
peut les cumuler. L'important, c'est pour le tribunal de bien identifier la
nature des services à maintenir pour éviter un danger pour la santé-sécurité
et/ou pour éviter de… que la population soit préjudiciée de façon
significative.
C'est… moi, je vois… Je ne sais pas ce
que… moi, personnellement, je trouve ça simple. Puis c'est un régime de droit
nouveau, puis quand on fait un régime parallèle, je l'ai fait souvent dans des
projets de loi, ça permet de simplifier plutôt que quand on essaie d'intégrer
du droit nouveau dans le droit existant, Collègues, je vous l'assure, ça crée
énormément de confusion. Puis les problèmes d'interprétation puis d'application
peuvent s'additionner. Ça fait que là, au moins, c'est clair. Puis, je le
répète, dans les secteurs comme santé, où il y a le régime des services
essentiels, ça s'applique tout le temps, c'est continu dans le temps, alors
que, dans notre cas, ça ne s'applique que phase de négociation par phase de
négociation.
Le Président (M. Allaire) : M.
le député de Jean-Talon.
M. Paradis : Alors, qu'est-ce
qui a guidé votre choix, par exemple, de ne pas exclure ceux qui sont visés,
les personnes qui sont…
M. Paradis : ...par la
proposition d'amendement du collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, mais vous avez
exclu, par contre, les ministères ou organismes du gouvernement dont le
personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique et les
établissements visés à l'article 1 de la Loi sur le régime de négociation des
conventions collectives des secteurs public et parapublic. Vous dites, dans
votre mémoire, que ces exclusions s'expliquent par le fait que ces entités sont
déjà visées par des dispositions particulières assurant le maintien d'un grand
éventail de services. Donc, vous jugez, par exemple, dans le cas des sociétés
de transport en commun, que ce n'est pas le cas, ou est-ce que c'est parce que
vous n'êtes pas content de la jurisprudence existante?
M. Boulet : On a laissé le
terrain aller vérifier. Il n'y a pas que le RTC, il y a les sociétés de
transport à Trois-Rivières, à Sherbrooke, Laval, Montréal puis il y a le
Saguenay. Il n'y a pas d'entente. Il n'y a pas de critère de détermination des
services essentiels. Avant 2019, il y avait des décrets gouvernementaux qui les
assujettissaient au maintien des services essentiels. Les parties convenaient,
puis il y avait un conseil des services essentiels qui venait intervenir, le
cas échéant, si besoin en est. Là, si vous me parlez de la santé, là c'est plus
la fonction publique. La fonction publique, il y a déjà 16 critères de
détermination des services essentiels convenus entre les parties. Dans les
services publics, il n'y a rien de convenu, collègue. C'est la raison pour
laquelle les parties peuvent plaider l'application du régime en fonction du
critère danger et l'application du régime en fonction besoins de la population.
C'est très, très simple, si vous souhaitez que ce soit simple, c'est simple.
M. Paradis : Mais, en fait,
il y en a des critères depuis 2019, parce que c'est vrai qu'avant c'était une
application plus simple. Maintenant, c'est le Tribunal administratif du travail
qui émet ou non une ordonnance sur les services essentiels. Il y a une
jurisprudence qui s'est développée, qui a été abondamment citée dans nos travaux.
Et là vous dites : Dans ce cas-ci, j'aime moins la jurisprudence, donc là
je vais assujettir. D'autres ont un cadre normatif, soit jurisprudentiel ou
soit législatif et réglementaire, mais là vous dites : Ça, ça, ça fait mon
affaire, mais pas les autres. Parce que vous auriez pu décider de dire :
Bien, c'est soit le régime des services essentiels ou c'est soit le nouveau
régime que vous proposez dans votre projet de loi, mais pas un mélange des deux
dans certains cas.
M. Boulet : En fait, quand vous
dites il y a des critères, il y a un critère, c'est le danger pour la santé,
sécurité publique et, deux, il y a des jurisprudences, mais ça s'applique au
cas par cas. Comme j'expliquais un peu plus tôt dans notre étude détaillée dans
la décision du Réseau de transport de la Capitale, la décision eût pu être
totalement différente en fonction d'une preuve soumise différente. On se
comprend. C'est les faits qui font qu'une décision qui applique un critère
prévu dans une loi sont prépondérants. C'est ça qui fait qu'une décision va
dans une direction ou plutôt l'autre. Au Réseau de transports de la Capitale,
la décision aurait pu être différente. À la Société de transport de
Trois-Rivières ou de Saguenay, la décision aurait pu être différente en
fonction de la preuve soumise.
La décision du RTC, respectueusement, je
suis en désaccord avec vous, elle ne s'applique pas dans tous les autres cas.
Ça fait que, quand vous dites il y a une jurisprudence établie, il n'y en a
pas, ça dépend de la preuve qui est soumise. Quand il y a des critères prévus
dans des lois du travail, c'est comme ça que ça fonctionne. Ça peut varier
comme une convention collective, là, on peut réunir des griefs, on peut avoir
des décisions qui varient en fonction des faits qui sont à la base du grief
fixé. Ça fait que c'est les deux réponses que je peux vous donner.
M. Paradis : Je vous suis
là-dessus, puis la jurisprudence est éminemment dépendante de la preuve qui est
présentée. Mais je remarque que c'est paradoxal ce que vous nous dites
là-dessus... oui, mais ça dépend beaucoup de la preuve, puis parfois il y a des
décisions qui sont rendues parce que telle circonstance et telle preuve. Mais
là, quand vient parler... quand vient le temps de parler des risques d'avoir
deux régimes législatifs distincts à des mêmes contextes, qu'il puisse y avoir
de la jurisprudence qui diverge ou qui crée des problèmes d'interprétation, là
vous me dites : Ah non! Ça, ça n'arrivera pas.
Je suis étonné de votre absolue confiance,
en tout cas, de votre confiance qui semble très... vous semblez très déterminé
à nous dire : Non, il n'y en a pas, de risque. Il y a un nouveau régime
qui va arriver, il va compléter, puis il n'y en a pas des risques. J'aurais
cru, vous auriez eu une analyse sur les possibles... sur les possibles risques
qu'il y ait de la jurisprudence contradictoire, dans un régime et dans l'autre,
avec des critères qui, vous allez dire, oui, ils sont distincts...
M. Paradis : ...d'un projet de
loi à l'autre, mais qui se rapprochent quand même, là. Il y a des termes de
sécurité dans les deux régimes.
M. Boulet : Moi, je suis
convaincu que, bon, ce n'est pas la jurisprudence qui crée des problèmes
d'interprétation ou d'application, c'est les lois. Et, comme je vous ai
partagé, toute loi, vieille, nouvelle, moderne, ancienne provoque des enjeux
d'interprétation puis d'application. Puis, vous savez, des fois, puis on
n'exclut pas ça, collègue, il peut peut-être avoir une décision qui est
incompatible avec une autre, comme avec toutes les lois du Québec, puis c'est
pour ça qu'il y a des recours en révision judiciaire, c'est pour ça qu'il y a
une Cour d'appel, puis, ultimement, quand c'est d'intérêt national, une Cour
suprême. Et on n'évitera jamais ça, là.
Puis, tu sais, il y en a qui prétendent
que ce projet de loi là, il est à risque constitutionnel. Peut-être. S'il y a
des recours, on verra quelle sera la décision rendue en tenant compte de sa
façon d'être appliquée, mais la jurisprudence, c'est sûr, je suis d'accord avec
vous, il peut y avoir des décisions qui n'appliquent pas le critère de la même
manière qu'une autre décision de jurisprudence, c'est certain, mais
l'interprétation problématique, elle provient toujours des lois parce que les
parties sont en désaccord. Un même mot, et c'est une des complexités de la
langue, peut générer une interprétation ou une perception que les avocats vont
débattre pendant des heures, puis ils vont plaider. Il y a des décisions de
jurisprudence qui vont dans une direction puis des décisions qui vont dans
l'autre direction. Ça, c'est sûr, je n'exclurai jamais ça, mais... Puis ce n'est
pas parce que c'est du droit nouveau qu'on se met à l'abri de ça, c'est sûr, il
va toujours en avoir. Puis, plus on essaie d'être précis, là, plus on essaie
d'aller au bout de l'entonnoir pour être précis, plus on dilue la marge de
manœuvre décisionnelle du tribunal et plus on s'éloigne de la philosophie
constitutionnelle qu'a utilisée la Cour suprême du Canada. Ça fait que moi, je
suis totalement à l'aise avec ça. Puis, est-ce qu'il va y avoir des enjeux?
C'est sûr, il y en aura toujours, puis je ne le nierai jamais.
M. Paradis : Bien, je vous
prends au mot, M. le ministre, là, mais, vous le savez, il y a plusieurs des
personnes qu'on a entendues ici, en consultations particulières, qui nous ont
annoncé leur intention de contester le nouveau régime devant les tribunaux. Et
vous le dites vous-même, c'est du droit nouveau. Donc, moi, quand vous
dites : Ah oui! c'est certain, puis ça va être facile, puis tout ça, j'ai
un peu de difficulté. Vous l'avez mentionné par ailleurs dans votre dernière
réponse, ça va générer beaucoup de litiges. Puis vous auriez pu prendre la
décision de dire : Une fois que, dans un secteur, on établit qu'il y a des
services essentiels, ce régime-là ne s'applique pas. Et ça, ça aurait été d'une
clarté absolue.
Moi, quand vous dites, là : C'est
clair, c'est clair, cette situation, il va y avoir deux régimes qui vont
s'appliquer en même temps, il me semble y avoir un potentiel de générer des
différences jurisprudentielles, de différer, de générer des désaccords, et j'aurais
cru qu'on aurait pu opter pour une voie beaucoup plus claire. Puis ce n'est pas
celle que vous avez choisie. C'est une décision légitime, mais ça m'étonne que
vous soyez aussi affirmatif sur l'absence de risques de générer de la
jurisprudence, des cas, des difficultés d'interprétation, parce qu'il y a quand
même des mots qui sont communs aux deux régimes.
• (15 h 50) •
Le Président (M. Allaire) : M.
le ministre.
M. Boulet : Là, c'est parce
que vous parlez de plusieurs sujets à la fois. Les personnes qui sont venues
ont parlé de risques constitutionnels, et donc de procédures pour invalider la
loi. Ça, c'est différent, là, des problèmes d'interprétation de critères. Ça,
je l'ai dit tout à l'heure, il y aura peut-être des procédures judiciaires.
Moi, j'ai toujours pensé que les procédures judiciaires allaient probablement
attendre le premier cas d'application, s'il y en a un, cas d'application, parce
qu'il n'y en aura peut-être pas, des cas d'application du p.l. n° 89.
Mais dans... quand on va donner vie dans un cas particulier au p.l. n° 89, là, ça sera peut-être une opportunité de contester.
Le projet de loi tel qu'il est libellé,
est-ce qu'il est... s'il est contesté suivant son libellé, peut-être que les
chances de gain constitutionnel sont moins importantes. Deuxièmement, les
problèmes d'interprétation des critères, oui, n'importe quel mot, n'importe
quelle couleur, n'importe quelle situation est à risque d'interprétation. Ça,
je suis totalement d'accord, et c'est clair...
M. Boulet : ...où il y a des
services essentiels à un haut niveau, convenus, qui s'appliquent dans le temps.
Le régime pour protéger la population ne s'applique pas. Dans les services
publics, il n'y a rien. La collecte des déchets, il n'y a rien. Dans les municipalités,
dans les régies intermunicipales, dans les sociétés de transport en commun, il
n'y a rien. Il y a le critère des services essentiels, le critère, le danger.
Alors là, on permet qu'il y ait une complémentarité avec notre régime. C'est
simple. Pour moi, c'est... Mais c'est sûr que certains ont tendance à
simplifier, c'est ce que vous allez me dire, puis d'autres peuvent avoir
tendance à confondre ou... mais, tu sais, on a chacun notre approche, là. Mais
je vous le réexplique, là. Pour les services publics, 111.0.16 du Code du
travail, là les deux régimes peuvent s'appliquer parallèlement,
complémentairement, puis je ne peux pas le dire plus clairement que ça, là.
Le Président (M. Allaire) : M.
le député de Jean-Talon, d'autres interventions? Ça va? Donc, d'autres
interventions sur l'amendement déposé par le député d'Hochelaga-Maisonneuve? M.
le député, il vous restait 25 secondes, ça va? Mme la députée de D'Arcy-McGee,
ça va? Excellent. Parfait. Nous allons procéder à la mise aux voix de l'amendement.
Est-ce que l'amendement adopté?
Une voix : ...
Le Président (M. Allaire) :
Vote par appel nominal. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.
La Secrétaire : Pour, contre,
abstention.M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc : Pour.
La Secrétaire : M. Boulet
(Trois-Rivières)?
M. Boulet : Contre.
La Secrétaire
: Mme Mallette
(Huntingdon)?
Mme Mallette : Contre.
La Secrétaire
:
M. Caron (Portneuf)?
M. Caron : Contre.
La Secrétaire : M. Dufour
(Abitibi-Est)?
M. Dufour : Contre.
La Secrétaire
: M. Girard
(Lac-Saint-Jean)?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Contre.
La Secrétaire
: M. Martel
(Nicolet-Bécancour)?
M.
Martel
:
Contre.
La Secrétaire
: Mme Prass
(D'Arcy-McGee)?
Mme Prass : Contre.
La Secrétaire
: M. Paradis
(Jean-Talon)?
M. Paradis : Abstention.
La Secrétaire
: M. Allaire
(Maskinongé)?
Le Président (M. Allaire) : Abstention.
L'amendement est donc rejeté. On revient donc à l'article introduit, 111.22.2.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention...
Oui, d'autres interventions? M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole
est à vous.
M. Leduc : ...je voulais
laisser la chance à d'autres personnes.
Le Président (M. Allaire) :
Oui, c'est correct. La parole est à vous.
M. Leduc : J'aurais un
amendement à vous soumettre, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) : On
suspend les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 54)
16 h (version non révisée)
(Reprise à 16 h 04)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
nous allons reprendre les travaux. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, vous
souhaitez déposer un amendement. Je vous laisse le soin de nous le lire et de
vous expliquer. Merci.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Ça va comme suit : À l'article 11.22.2 proposé par l'article 4
du projet de loi, ajouter après «parapublic (chapitre R-8.2)», les mots «ni les
universités».
Donc, un peu dans la même logique que mes
deux amendements précédents, j'essaie de comprendre pourquoi on veut inclure en
particulier les universités. Je m'explique. C'est assez clair pour moi, pour
avoir siégé sur, notamment, le projet de loi, ici, un des derniers de la
précédente législature... c'était avec la précédente ministre de l'Enseignement
supérieur, Mme McCann, qui avait fait une loi sur la liberté académique, qui
était réclamée par plusieurs professeurs, notamment, plusieurs scientifiques,
experts du milieu, du milieu de l'enseignement et plusieurs syndicats aussi, du
milieu de l'enseignement, et qui avait été bien accueilli, je pense, grosso
modo. On avait contribué aux travaux. Et le concept de liberté académique était
très cher à ce gouvernement, ce gouvernement, donc, qui est toujours au
pouvoir.
Et quand on prend un peu de perspective
historique, vous vous rappelez peut-être, M. le Président, que j'ai été en
histoire avant de faire un peu de droit du travail, les universités ont
longtemps été leur propre gouvernement, en quelque sorte, hein, ils avaient
leurs propres lois, parfois même leurs propres services de sécurité. Certains
campus américains, c'est comme ça que ça fonctionne. J'ai eu la chance de faire
un échange étudiant, pendant mon bac, à Mexico, et ils avaient, là-bas, leur
propre système de police, en quelque sorte, interne au campus puis ils avaient
même leur propre système de justice. Bref, je ne dis pas que je souhaite que
nous développions ça au Québec, nécessairement, mais...
M. Leduc : …pour vous donner un
peu la portée des universités dans l'histoire occidentale, dirons-nous, où
est-ce qu'on préfère ne pas trop s'immiscer, l'État essaie de ne pas trop
s'immiscer dans la gestion interne des universités à tous les niveaux. Puis
d'ailleurs je parlais de la Loi sur la liberté académique. On avait fini par
voter contre. Savez-vous pourquoi, M. le Président? Parce que, dans la loi sur
la liberté académique, il y avait un outil assez classique pour les
gouvernements, en matière d'enseignement supérieur, qui est d'obliger les institutions
à se doter de politiques. On l'a fait sur plein de sujets. Sauf que, là, dans
l'article du gouvernement, du projet de loi du gouvernement sur la liberté
académique, on devait… on forçait les universités à se doter, donc, d'une
politique sur la liberté académique. Il y avait un tout petit ajout qui nous
apparu traverser une ligne rouge importante, qui est celui que la ministre, le
ou la ministre se donnait le pouvoir de prendre un crayon et de venir à son bon
vouloir corriger ou modifier lesdites politiques.
Et nous, ça nous apparaissait, en tout cas
pour ma formation politique, suffisamment une entrave au principe de liberté
académique pour voter contre ce projet de loi là. Toujours est-il qu'il a été
adopté et, somme toute, bien reçu, malgré ce papillon, on pourrait dire, mais
quelle n'a pas été ma surprise de constater que les universités étaient dans le
secteur inclus dans le processus par le ministre. J'aimerais comprendre
pourquoi et surtout comment, selon lui, il fait cette inclusion, que j'appelle
toujours les services essentiels déguisés, mais qu'il appellera les… le
maintien du service pour le bien-être de la population. Comment est-ce
compatible d'inclure les universités dans son nouveau système, tout en
prétendant leur reconnaître de la liberté acamédique?
Le Président (M. Allaire) :
Merci. M. le ministre.
M. Boulet : Bien, j'ai
expliqué aussi, tout ce qui est visé par le Code du travail du Québec, sauf les
exceptions que vous avez déjà identifiées, notamment, sont concernés par le
projet de loi n° 89, donc les collèges et les universités, ils sont régis
par le Code du travail. Vous le savez, on est dans un contexte relation
employeurs, syndicats, et ça s'applique. C'est simplement pour respecter
l'objectif de fond de ce projet de loi là. S'il n'y a pas d'impact sur le
bien-être de la population, ça s'appliquera. Il n'y aura pas de décision
d'assujettissement, mais ça pourrait, ils sont visés.
Le Président (M. Allaire) :
Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Oui, mais ma
question était à l'effet de… Est-ce que, selon vous, c'est compatible avec la
notion de liberté académique et d'autonomie universitaire?
M. Boulet : Je ne vois pas en
quoi le projet de loi a un impact négatif sur la liberté académique, d'aucune
façon. On ne débat pas de la liberté académique. On a seulement un intérêt pour
les conflits de travail qui ont des répercussions négatives pour la population.
M. Leduc : Vous êtes familier
avec le concept d'autonomie universitaire.
M. Boulet : Ah! bien, pas
autant que vous, sûrement.
M. Leduc : O.K. Dans ce
cas-là…
M. Boulet : Mais je suis
conscient de ça, là, je suis allé aussi à l'université puis je connais les
débats actuels aux États-Unis, notamment.
M. Leduc : Oui, bien sûr. Oui,
on n'en est pas là, bien heureusement.
M. Boulet : Hé! Mon Dieu!
• (16 h 10) •
M. Leduc : Bien heureusement,
on est content d'être au Québec. L'autonomie universitaire, à mon sens, donc,
vous dites, vous connaissez le concept aussi, puis ça fait en sorte que ce sont
des institutions dont on reconnaît quand même des larges parts de capacité de
gestion. Grosso modo, le gouvernement finance… un système de financement par
diplôme, par tête de pipe, il y a toutes sortes de modulations qu'on peut
faire. Il va y mettre des grandes normes, bien sûr, mais il laisse évidemment
une grande part d'autonomie et de gestion à ce corps particulier qu'est
l'université.
Puis il n'y a pas grand-chose de
similaire, dans ce sens que… vous savez que le recteur d'université est élu par
les professeurs, collèges électoraux. Il y a parfois un vote pour les
représentants des employés de soutien, un vote pour les associations
étudiantes. Essentiellement, ce sont les professeurs qui élisent leur patron,
finalement. C'est le concept latin du primo inter pares, le premier d'entre les
pairs. Et donc cette façon-là de fonctionner a toujours été perçue comme
importante pour s'assurer de la liberté académique. Donc, l'autonomie
universitaire ouvre la porte à la liberté académique parce qu'il n'y a pas
d'ingérence de l'État, ni dans le fonctionnement de l'université, et donc ni
dans le produit de ses réflexions, de ses composantes, à savoir les
professeurs, les chercheurs, les étudiants, éventuellement, évidemment aussi.
Alors, de… moi, de voir que les
universités font partie d'emblée de la liste…
M. Leduc : ...la liste du
ministre. Ça m'a étonné, je trouve qu'il y a là un non-respect du concept de
l'autonomie universitaire. J'aimerais voir si le ministre avait réfléchi à cet
aspect-là de l'autonomie universitaire quand il a choisi d'inclure les
universités dans sa liste.
Le Président (M. Allaire) : M.
le ministre.
M. Boulet : Bien, écoutez, j'ai
répondu à la question pour l'application du p.l. aux universités. Maintenant,
avec respect, je ne ferai pas de débat sur la liberté académique et l'autonomie
universitaire. Je considère que ce n'est pas pertinent à notre étude détaillée.
Merci.
Le Président (M. Allaire) : M.
le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Bien, c'est très
pertinent, au contraire, vous choisissez d'inclure certains groupes,
certains... d'autres non. Mais moi, j'aimerais ça comprendre pourquoi ce
groupe-là en particulier, au regard de mon expérience, par exemple. J'ai été
longtemps un militant syndical à l'université, autant dans les associations
étudiantes, mais, par la suite, dans ce qu'on appelle les syndicats
d'auxiliaires qui sont d'accréditation syndicale, mais qui représentent des
étudiants qui font, par exemple, de la correction dans des salles de classe ou
des ateliers, etc., ils ont pied dans le mouvement dit étudiant, par
définition, ce sont beaucoup des jeunes qui vont bouger et qui sont à plain pied
dans le régime du travail. Mais pourquoi, tout à coup, eux autres, ils
pourraient se faire inclure dans cette réalité-là, alors qu'on est supposé
reconnaître l'autonomie de gestion des universités?
M. Boulet : Bien, votre
question comporte la réponse. Le Code du travail, dans son entièreté,
s'applique aux universités. Tu n'as pas le droit de faire d'ingérence
patronale, tu es obligé de respecter les dispositions antibriseurs de grève, tu
négocies conformément au code. Tout se fait de manière compatible avec le Code
du travail et ça... ce n'est pas en rapport avec le débat sur la liberté
académique, les relations de travail sont en respect de ce qui est contenu dans
le Code du travail du Québec, là.
M. Leduc : Vous savez, M. le
ministre, que, souvent, dans les universités, les services de police vont
attendre d'avoir une genre de permission ou de demande du service de sécurité
interne avant d'entrer sur le campus. C'est une vieille tradition, je vous
disais que ça remontait à l'époque médiévale. Alors, un peu dans ce sens-là, je
m'étonne de dire : Bien oui, les universités, c'est le Code du travail,
fin de l'histoire. Bien non, un instant, c'est un peu plus complexe que ça.
L'histoire est plus complexe que ça. Le système de gestion est plus complexe
que ça. L'université, c'est supposé être un lieu collégial, de partage de
connaissances. Là, si d'aventure il y a une grève, ça peut être soit des
employés de soutien, il y a des profs, des chargés de cours, pourquoi tout à
coup, là, on décide que c'est correct, que l'État entre en particulier... Parce
qu'on se rappelle que tout ça démarre par une intervention du ministre à
travers un décret, pourquoi c'est correct que l'État se mette à dire :
Non, non, vous, on veut que vous vous soyez désignés pour qu'il n'y ait pas de
conflit?
Le Président (M. Allaire) : M.
le ministre.
M. Boulet : J'ai répondu à la
question, M. le Président.
Le Président (M. Allaire) : M.
le député.
M. Leduc : Est-ce que, aux
yeux du ministre, c'est absolument clair que ça ne s'applique pas du tout pour
des conflits étudiants, comme en 2012, par exemple?
M. Boulet : Non. Ce n'est pas
un conflit de travail, on n'est pas dans un contexte de grève ou de l'entente,
c'était une manifestation qui s'est transformée. Mais ce n'est pas un conflit
au sens du Code du travail, là. Vous irez voir dans les définitions du Code du
travail ce qu'est une grève, ce qu'est un lock-out, on n'est pas... ça ne
répond pas à cette... aux définitions qui sont dans le code, si ça peut vous
rassurer, j'espère.
M. Leduc : Vous les avoir
connus de très près, les conflits étudiants, c'est quand même assez complexe.
Et si vous faites une grève dans une faculté ou sur un campus au grand complet
et que vous faites du piquetage, donc vous bloquez les salles de classe ou vous
levez les cours, de facto, la prestation de travail des enseignants, que ce
soient des professeurs ou des chargés de cours, est interrompue. Ce n'est pas
volontaire de tous les professeurs. Certains, par solidarité, vont annuler
leurs cours, mais la frontière, elle n'est pas parfaitement étanche, là.
M. Boulet : Vous connaissez
la réponse. Une grève, c'est une cessation concertée. C'est défini comme ça
dans le Code du travail, vous le savez. Et, dans le contexte que vous
m'expliquez, ce n'est pas une cessation concertée d'une association de salariés
qui détient une unité d'accréditation syndicale. Donc, pour moi, ça ne
s'applique pas. Le titre du projet de loi est clair : Grève ou lock-out,
ce n'est pas une grève des profs. O.K.
M. Leduc : Un autre cas de
figure...
M. Boulet : Est-ce que ça
vous va?
M. Leduc : Cette réponse-là
est très claire, merci. Un autre cas de figure que j'ai connu. Grève de syndicats
de professeurs, donc en fonction du code...
M. Leduc : ...du code, avec
les délais puis les notifications, etc., et se superpose à la grève, selon le
Code du travail, légale des professeurs une grève de solidarité étudiante.
Mais, ce faisant, la grève de solidarité étudiante ferme tous les cours, donc
aussi les cours des chargés de cours, qui eux ne sont pas en grève en fonction
du Code du travail parce qu'ils ne sont pas dans les délais ou ils ne sont pas
en négo, ils sont peut-être en plein milieu d'une convention collective. Est-ce
que, là, ce cas de figure là pourrait être mobilisé par votre nouveau système?
M. Boulet : Pour les chargés
de cours, la réponse, c'est non. Ce n'est pas une grève, ce n'est pas une
cessation concertée par les chargés de cours. Si c'en... Une grève, il faut que
ce soit aussi... Ce n'est pas une cessation concertée de la façon dont vous le
décrivez, c'est une cessation...
M. Leduc : Non, non. Bien, en
effet, si les étudiants votent la grève et font des levées de cours, ce n'est
pas un choix du syndicat des chargés de cours.
M. Boulet : Non.
M. Leduc : Si le syndicat
est... mon souvenir, c'est ce qui... c'est ça qui est arrivé, vote une
résolution de soutien à la grève des profs pendant qu'ils sont en train de se
faire lever les cours par l'association étudiante, est-ce que, là, on traverse
la ligne rouge ou on est encore dans un...
M. Boulet : Ce n'est pas issu
d'un conflit de travail. Encore une fois, c'est des questions hypothétiques,
mais, à mon avis, ça ne s'appliquerait pas.
M. Leduc : Ça fait que les
grèves de solidarité étant interdites de toute façon dans le code, cette espèce
de façon-là qu'auraient les étudiants d'imposer une grève de solidarité par leur
propre grève à eux, ça ne viendrait pas bousculer votre lecture de ce que vous
souhaitez faire avec le projet de loi n° 89?
M. Boulet : Ma compréhension,
selon les faits que vous vous soumettez, non, on n'est pas dans un contexte où
une grève est déclenchée conformément au Code du travail ou en violation du
Code du travail. C'est une manifestation étudiante qui a une retombée qui fait
en sorte que les chargés de cours arrêtent de donner leur prestation de
travail. C'est... Moi, je... Est-ce que ça répond à la définition de grève de
la part des chargés de cours? Puis voyons la définition... la cessation
concertée de travail par un groupe de salariés.
M. Leduc : C'est «concertée»,
le mot clé.
Le Président (M. Allaire) : Allez-y.
M. Leduc : Oui. Quand vous
avez choisi de mettre «université» dans votre tableau, ici, tableau qui
émane... bien, je ne sais pas si c'est votre cabinet, mais, en tout cas, votre
gouvernement. J'essaie de me rappeler, tu sais, parce que j'assume que, si vous
les avez listées clairement, spécifiquement... Parce que, là, vous me dites
qu'en fonction de l'article qu'on étudie c'est... C'est le cas d'au grand
complet, là, tout le monde. Tout le monde y est, sauf exception. Mais, dans le
fond, la liste que vous nous avez soumise ici, ça aurait pu être écrit :
Tout le monde au grand complet du code, mais là vous avez choisi d'expliciter,
puis on l'apprécie, des types en particulier. Mais là, si vous avez choisi
d'expliciter les universités, vous voulez envoyer le message qu'on comprenne
tous, par exemple : Dans ce cas-ci, oui, oui, les universités vont être
incluses là-dedans. Il faut que ce soit clair. C'est le souhait de
communication que vous avez fait en publiant cette liste-là.
M. Boulet : Tout à fait.
• (16 h 20) •
M. Leduc : Quelles sont les
cas des cinq ou 10 dernières années de grèves concertées de salariés de
l'université qui ont généré un problème si important que vous pensiez que ça
soit pertinent de les mobiliser en fonction de l'un des trois de vos critères,
là, sécurité sociale, économique ou environnementale?
M. Boulet : Je n'en ai pas en
tête. Est-ce qu'il y en a eu? Je ne suis pas en mesure de répondre. Mais qu'ils
soient visés par le champ d'application du projet de loi, ça m'apparaît tout à
fait compatible et équitable avec les autres employeurs et associations
accréditées. Mais je n'ai pas de cas de grève de professeurs ou de chargés de
cours, de cas spécifique. Peut-être que vous en connaissez plus que moi, des grèves
qui auraient pu avoir un impact sur le bien-être de la population, peut-être
que vous pouvez les partager avec moi. Et là, ça serait de déterminer si le TAT
déciderait de les assujettir.
M. Leduc : Bien, je vous pose
la question parce que moi non plus, je n'en ai pas en tête, des grèves qui
auraient perturbé profondément. Encore une fois, on a évacué les grèves
étudiantes, là, ça fait qu'on oublie 2012, mais des grèves de salariés qui
auraient perturbé profondément une université à ce point tel qu'on juge
pertinent de les préciser dans le champ d'application de votre projet de loi...
M. Boulet : Ah! bien, il y en
a plein. Tu sais, si on prend toutes les entreprises...
M. Boulet : ...toutes les
organisations qui ont une accréditation syndicale, émise en vertu du Code du
travail, il y en a plein chez lesquels ce n'est pas imaginable de penser que le
p.l. 89 va s'appliquer, j'ai toujours dit que c'était exceptionnel. C'est une
loi qui s'applique de manière exceptionnelle et qui va l'être avec beaucoup de
parcimonie en raison de ce risque constitutionnel là que nous discutons
fréquemment, tu sais, c'est sûr que... Et on peut prendre bien d'autres places
où ça... Je vois difficilement comment un conflit pourrait avoir un tel impact
sur les besoins de la population.
M. Leduc : Mais si on a aucun
exemple à mettre au jeu pour justifier qu'on les inclut dans ce procédé-là,
pourquoi les inclure alors?
M. Boulet : Là, vous
voulez m'amener sur le chemin où on aurait créé encore plus de confusion. Un
peu plus tôt, vous me disiez : C'est mêlant, alors qu'on a voulu ça le
moins mêlant possible. C'est un régime parallèle et on n'a pas commencé à faire
du... ce que on appelle du «cherry picking», là, exclure un puis l'autre...
M. Leduc : Du «cherry
picking», la cueillette de cerises.
M. Boulet : ...on va avoir
plus d'exclusion. Souvenez-vous, dans notre projet de loi sur l'encadrement du
travail des enfants, tout le monde plaidait son exception. Vous savez comment
on a été prudent...
M. Leduc : On en a fait une.
M. Boulet : ...pour respecter
le niveau de maturité socioaffective des enfants. Puis ce rien que des
exceptions qui constituent le prolongement de la vie scolaire ou familiale des
enfants, mais on aurait mis 52 exceptions...
M. Leduc : Bien, on a vécu...Allez-y.
M. Boulet : ...puis ça aurait
été incompatible avec l'économie générale du projet de loi. Puis on ne peut pas
faire la même chose puis dire : Vous autres, c'est impossible. Puis ce qui
est impossible aujourd'hui peut être possible dans deux ans, puis dans cinq
ans, puis dans 10 ans, là, je ne sais pas, mais il faut faire un projet de loi
équitable.
M. Leduc : Vous dites :
On s'est fait dire, tout le monde voulait son exception sur le projet de loi du
droit des enfants, puis vous avez entièrement raison. Je le dis, on a entendu
exactement la même chanson pendant les audiences ici. Tous les groupes
patronaux sont venus dire : Ah! on reconnaît la grève pour les autres,
mais, nous, c'est compliqué, nous, c'est compliqué.
M. Boulet : Ah! non, non,
non.
M. Leduc : Si tu les prenais
individuellement, tout le monde était prêt à reconnaître que le droit de grève,
c'était bien correct pour tous les autres, sauf pour eux autres. Et, en
additionnant toutes les exceptions qu'ils nous réclamaient, on regardait
alentour de la salle, puis il ne restait plus grand monde qui avait un droit de
grève normal.
M. Boulet : Je n'ai pas de
commentaire...
M. Leduc : Vous avez assisté
au même spectacle que moi, là.
M. Boulet : ...je n'ai pas de
commentaire à faire là-dessus.
M. Leduc : Votre sourire
trahit votre pensée, M. le ministre.
M. Boulet : Non, mais c'est,
encore une fois, une démonstration qu'on a un bel équilibre. C'est sûr qu'il y
a des groupes purement patronaux qui voulaient qu'on déplace le curseur puis, à
la limite, éliminer ou restreindre tellement le droit de grève qu'il devient
inexécutoire. Puis il y a des centrales syndicales qui nous demandent de le
retirer. À quelque part, je pense qu'on est à la bonne place, mais, s'il y a un
équilibre additionnel à atteindre, on va le faire, tout le monde ensemble. Je
ne sais pas si c'est ce que vous souhaitez, là, mais, moi, c'est ce que je
souhaite. Je comprends vos amendements, là, mais on ne commencera pas à faire
ce que vous ne souhaitiez pas faire dans le projet de loi sur l'encadrement du
travail des enfants. On ne peut pas...
M. Leduc : C'est-à-dire que,
moi, j'ai regardé vos arguments quand le projet de loi a été déposé, dans les
différentes entrevues que vous avez faites depuis ce temps-là, puis souvent
vous évoquiez certains cas qui ont posé problème dans l'espace public. Puis on
peut être d'accord ou pas, mais, objectivement, c'était un dossier d'espace
public, ça, on peut tous s'entendre là-dessus.
M. Boulet : Bien oui.
M. Leduc : J'ai fait la liste
tantôt, là, les cimetières, les profs, le RTC, le transport scolaire, grosso
modo, c'est les quatre avec lesquels vous avez jonglé dans vos entrevues.
M. Boulet : Transport en
commun, transformation alimentaire...
M. Leduc : Transformation
alimentaire, on peut rajouter, bien oui.
M. Boulet : …services funéraires.
M. Leduc : Cimetière, oui,
c'est ça, bref.
M. Boulet : Oui, oui, mais il
y en a quand même un certain nombre.
M. Leduc : Mais les
universités, je n'ai jamais entendu. Je ne vous ai jamais entendu, dans vos
explications, de dire : Il y a eu un problème à l'Université, je ne sais
pas, moi, de Montréal en 2000, quelque chose. La grève avait duré six, sept
semaines. Il a fallu décaler... Je veux dire, je n'ai pas entendu ça. Ça fait
que, moi, je me dis : Ce n'est pas banal ce que vous nous mettez. Vous
êtes en train de venir jouer dans le droit de grève qui est un droit, à mon
avis, sacré, qui a été constitutionnalisé avec l'arrêt Saskatchewan. Moi, je me
dis, vous devez avoir des saprées bonnes justifications pour chacun des
secteurs où est-ce que vous voulez l'appliquer.
M. Boulet : Non, mais,
collègue, je vais vous arrêter là. Je n'ai jamais parlé des commerces de
détail, des restaurants, des bars, des pharmacies, des épiceries, des
supermarchés. Est-ce qu'on va se mettre à exclure un et l'autre parce que le
risque est moins grand ou il n'y a pas de risque? Non, je pense qu'il faut
être...
M. Boulet : ...équitable, puis
un projet de loi, ça vise à assurer que ça puisse s'appliquer de la même
manière pour tout le monde. Puis ce qu'on veut faire, je le répète puis je le
répéterai tout le temps... on fait ce projet de loi là, pas contre les
syndicats, on fait ça pour la population, point final.
M. Leduc : Moi, je pense que,
quand on est à l'Assemblée nationale, ici, en particulier quand on est un
membre du Conseil des ministres, on cherche à régler des problèmes. Souvent, je
dis ça à ma fille quand elle me demande qu'est-ce que je fais dans la vie? Je
lui dis : Moi, Jeanne, j'essaie de régler des problèmes. J'ai trouvé que
c'était la meilleure façon de résumer mon travail et notre travail collectif.
On essaie tous, à notre manière, de régler des problèmes.
Moi, je cherche, donc, c'est quoi, le
problème dans les universités avec le droit de grève des employés. Qu'est-ce
qui... Parce que, là, sinon, s'il n'y a pas de problème, qu'est-ce qu'on fait à
ajouter les universités dans ce lot-là? Parce que moi, j'en vois un problème
inverse. Je vous plaidais tantôt l'autonomie universitaire. Je ne faisais pas de...
C'est sérieux, ce que je plaide, là, l'autonomie universitaire. Moi, c'est un
concept avec lequel j'ai évolué, j'ai travaillé. J'ai fait mon mémoire de
maîtrise en histoire sur le mouvement étudiant universitaire et son inspiration
du syndicalisme. Bien, vous vous doutez bien que toute la notion d'autonomie
universitaire était forte, dans les années 60, alentour de ça, puis ça s'est
construit aussi par la suite à travers différents débats. Quand on a parlé de
liberté académique, les gens qui étaient venus ici nous parler, ils étaient
d'accord, mais ils avaient un peu peur que ça devienne une ingérence de
l'autonomie universitaire. La ministre les avait rassurés. Ça, c'est un autre
dossier, mais c'est pour vous dire que c'est un concept sérieux que je pense
que vous mettez un peu, un peu, en danger en incluant l'université, surtout
s'il n'y a pas de cas problème.
M. Boulet : J'ai du respect
pour l'autonomie universitaire, ce n'est pas l'objet de notre débat, mais
l'autonomie universitaire, ce n'est pas un bouclier pour faire ce qu'on... pour
ne pas respecter des dispositions du Code du travail. Ça ne confère pas une
immunité à l'égard de l'application du Code du travail. Il n'y a pas
d'immunité. Et les conflits, il y en a moins parce que... Vous devriez
remercier les interventions faites par les conciliateurs-médiateurs du
ministère du Travail, qui donnent, dans la vaste majorité, des cas d'excellents
résultats. C'est ce qu'on fait.
Puis ce que vous dites à Jeanne, c'est ce
qu'on pratique, puis j'espère que vous le partagez avec elle aussi. C'est ce
que nous pratiquons au ministère : amélioration des climats, aide à la
négociation, puis conciliation-médiation. Vous savez mon intérêt pour les
alternatives de résolution de litiges puis...
M. Leduc : Vous savez, M. le
ministre, que conciliateur-médiateur, je trouve ça tellement intéressant que
c'est un peu mon plan B si jamais les gens d'Hochelaga ne veulent plus de moi
en 2026. Pensez-vous que je serais...
M. Boulet : Je suis convaincu
qu'ils vont vous réélire.
M. Leduc : Oui?
M. Boulet : Ah oui! Haut la
main.
M. Leduc : Je vais leur dire.
Je vais leur dire : Le ministre pense que vous devriez me réélire.
M. Boulet : Bien oui.
• (16 h 30) •
M. Leduc : Blague à part,
j'ai quand même un cas... peut-être que ce sera ma dernière intervention
là-dessus, M. le Président, mais j'ai un cas concret d'application qui va poser
défi. Parce que ce n'est pas pour rien, là, que je propose de retirer «université»,
parce que c'est plus complexe que dans d'autres milieux de travail en raison de
la superposition avec les conflits étudiants, qui sont de types syndicaux parce
qu'ils s'appliquent à tout le monde en même temps, votés à travers un mécanisme
similaire, à savoir une assemblée générale, mais ils ne sont pas encadrés,
reconnus par le droit du travail. Il y a déjà eu des débats...
M. Boulet : Ils ne sont pas
syndiqués.
M. Leduc : Bien, pas au sens
du code, en effet.
M. Boulet : Puis ils n'ont
pas d'employeur.
M. Leduc : Certaines
universités ont des accréditations internes pour les associations étudiantes,
avec un mécanisme similaire de vote avec un certain pourcentage. D'autres
préfèrent ne pas avoir d'accréditations. D'autres ont... Il y a... ce n'est pas
connu, mais il y a une loi québécoise sur les accréditations d'associations
étudiantes. Il y a des universités qui ont des reconnaissances internes. C'est
un peu complexe. Tout ça pour vous dire qu'il y a des cas où il pourrait y
avoir une grève légale d'un corps de travail, employés de soutien, chargés de
cours, professeurs, qui se fait arrêter par, par exemple, le TAT ou par... là,
on en reparlera tantôt, là, mais une intervention de votre autre mécanisme
d'arbitrage automatique. Je ne sais pas si les universités vont être appliquées
à ça, j'assume que oui, vous me corrigerez si j'ai tort. Mais, si on impose la
fin de la grève ou la réduction de la grève à travers soit un pourcentage de
tâches ou, etc., par le TAT, par votre processus actuel, mais qu'en réponse à
ça, un peu dans...
16 h 30 (version non révisée)
M. Leduc : ...de 2012, rappelez-vous,
la fameuse loi spéciale qui n'avait pas été respectée. Bien, de facto, les
étudiants pourraient ne pas faire respecter une ordonnance du TAT d'assurer un
certain nombre de prestations de travail des professeurs ou des chargés de
cours, par exemple. Qu'est-ce qui va se passer? Comment ça va marcher?
M. Boulet : On en a discuté
tout à l'heure, là.
M. Leduc : Ce n'est pas ce
cas de figure là que je vous ai soumis tantôt. Je recommence. Un syndicat de
professeurs... on va prendre un exemple, syndicat de professeurs fait la grève
à l'UQAM, commence sa grève à la mi-session, comme d'habitude...
M. Boulet : Parce que les
étudiants manifestent.
M. Leduc : Non, non, non. Les
profs défendent leurs conditions de travail, ils veulent un plancher d'emploi
ou je ne sais trop, ils font la grève. Ça dure quelques semaines. Là, il y a
des plaintes, il y a des éditoriaux : Ça n'a pas de bon sens, il faut
ramener l'ordre. Vous les désignez par un décret, l'université décide de
mobiliser le TAT, le TAT dit : Oui, en effet, la sécurité, machin,
machin... sociale, dans ce cas-ci, j'imagine...
M. Boulet : Ce n'est pas «machin,
machin», c'est «sociale».
M. Leduc : C'est… Ah! Voilà!
M. Boulet : Ne dites pas que
c'est «machin, machin».
M. Leduc : Vous avez une
opinion là-dessus, vous avez une opinion, c'est «sociale».
M. Boulet : Oui.
M. Leduc : Parfait. Et là elle
décide de dire : Non, c'est 90 % de tâche parce que là il faut finir
la session puis... ou peu importe. Vous comprenez ce que je veux dire. Mais, si
les étudiants, qui décident d'être solidaires avec les professeurs, décident
que ça ne marchera pas, cette affaire-là du TAT, puis décident de faire des
moyens de pression et de la grève pour ne... pour qu'il y en ait juste... une grève
de solidarité, dans le fond, parce qu'eux, ils ont le droit de la faire, la
grève de solidarité, parce qu'ils ne sont pas encadrés et enchâssés par le code,
s'ils ne font que ça ne respecte pas le règlement du TAT, qu'est-ce qui se
passe?
M. Boulet : Bien, ils sont
dans l'incapacité de respecter la décision du TAT, là, dans l'hypothèse que
vous soulevez, ça fait qu'ils ne peuvent pas enseigner, les étudiants ne sont
pas là. Ça fait qu'ils ne peuvent pas respecter une décision qui est
inapplicable puis ça, il n'y aura pas de moyen d'exécution, là, il n'y a pas de
saisie-exécution, il n'y a pas de... Tu sais, si jamais il y a des violations d'une
ordonnance puis il y a des amendes, bien, vous savez qu'il y a des moyens de
défense, puis, bon, là, les procureurs syndicaux ou les procureurs de l'association
des profs plaideraient qu'ils sont dans l'incapacité d'agir, qu'ils sont dans l'incapacité
de respecter. C'est très juridique, là, mais c'est ce que je vous donnerais
comme réponse.
M. Leduc : Donc, si jamais d'aventure,
dans un cas comme celui-là, l'université, l'employeur déciderait de faire... ça
serait quoi, une injonction ou une poursuite pour non-application du TAT ou ça
serait le tribunal qui demanderait ça?
M. Boulet : Bien, ça pourrait
être des procédures en exécution de la décision, mais l'université serait mal
avisée de faire ça. Si les professeurs n'offrent pas leur prestation de
travail, c'est que les étudiants, étudiantes ne sont pas là.
M. Leduc : Et empêchent la
tenue du cours, potentiellement, par du piquetage.
M. Boulet : Puis c'esttrès,
très, très hypothétique, là...
M. Leduc : On s'entend.
M. Boulet : ...parce queje
vois difficilement comment les critères du p.l. 89 pourraient être respectés,
là, mais peu importe. On fait un peu du... de la fiction, là, mais, dans cet
exemple un peu fiction, moi, je pense qu'il y aurait un bon moyen de défense
pour les professeurs suite à des procédures intentées par l'université en
exécution de la décision du TAT ou en exécution de quelque ordonnance que ce
soit, là.
M. Leduc : O.K. Bien,
écoutez, si je résume... puis à la fin vous me direz si j'ai bien compris, on
pourra peut-être passer à un autre appel, mais il n'y a pas de cas précis que
vous avez en tête pour intégrer les universités parce que vous dites : C'est
un régime général, puis on ne sait pas ce que l'avenir nous réserve. Vous nous
dites aussi que d'aucune manière ça ne s'applique pour une grève étudiante,
donc votée par une association étudiante.
M. Boulet : Bien oui, parce
que les étudiants n'ont pas d'accréditation émise en vertu du code, puis on n'est
pas dans une relation employeur-salariés en vertu du code, avec un lien de
subordination puis une rémunération, puis, tu sais, c'est sûr que ça ne s'applique
pas.
M. Leduc : Sauf pour les
syndicats d'étudiants salariés, qui, eux, sont constitués en vertu du code.
M. Boulet : Ah! bien là, s'il
y a une relation patronale-syndicale, qu'il y a une accréditation syndicale, ils
pourraient, puis là c'est très, très théorique, là.
M. Leduc : Ah! bien, ce n'est
pas théorique, c'est là que j'étais, moi, j'étais à l'UQAM précisément dans le syndicat
des étudiants travailleurs employés, et je faisais des corrections pour des
professeurs, je faisais des ateliers dans des cours d'histoire, et nous étions,
mon Dieu, quand même des milliers, là, 2 000, 3 000, de mémoire, à l'UQAM
à avoir... c'étaient des petits contrats, c'était rarement des tâches très longues...
c'est-à-dire ce n'était pas du temps plein, là, sur une session, mais il y a
beaucoup de gens qui sont dans cette situation-là, dans toutes les universités d'ailleurs.
Donc, ça, vu que c'est par le Code du travail, même si c'est des étudiants, là
on est dans une application possible de cet article-là. On s'entend là-dessus.
M. Boulet : Bien, c'est visé
par le champ d'application.
M. Leduc : Du code.
M. Boulet : Le reste, je ne
peux pas... mais oui.
M. Leduc : Parfait. Et, si...
M. Leduc : …dernière chose, se
superpose une grève de profs ou de tout autre corps d'emploi accrédité par le
Code du travail à une grève étudiante, mais elle, grève étudiante, non
accréditée. Il n'y aura pas de conséquence pour le syndicat.
M. Boulet : Bien, ça pourrait
théoriquement s'appliquer, mais il n'y aurait pas possibilité d'exécution d'une
décision. C'est ça que vous me…
M. Leduc : Exact.
M. Boulet : Exact, je suis
d'accord…
M. Leduc : Parce que ce serait
au-delà de la capacité du syndicat d'appliquer son…
M. Boulet : Question
d'impossibilité d'agir. Là, je ne suis pas un spécialiste en exécution de
jugement non respecté ou de décision non respectée, là, mais c'est l'opinion
que je vous donnerais, humblement.
M. Leduc : Puis c'est pour ça…
c'est pour ça que je vous soumets encore une fois, bien humblement, M. le
ministre, que ce serait mieux de retirer les universités de cette liste-là,
parce que c'est complexe.
M. Boulet : Au contraire.
M. Leduc : Parce que c'est
complexe, à cause de l'autonomie universitaire également, que je trouve qu'on
vient chatouiller inutilement, et parce qu'on n'a pas d'exemple concret à nous
soumettre, mais...
M. Boulet : Ah! bien, je n'en
aurais pas, pour les commerces, ça vous… ça ne fera pas votre affaire, pour les
restaurants, pour les pharmacies, pour la plupart, parce que c'est une loi qui
s'applique de manière exceptionnelle. Merci.
Le Président (M. Allaire) :
Merci. Ça va? M. le député de Jean-Talon, la parole est à vous.
M. Paradis : Oui, d'abord,
peut-être juste une question de logistique. Je pense que le tableau qui a fait
l'objet de vos échanges avec le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, il y avait un
engagement à le mettre sur greffier hier. Je pense qu'il ne s'y trouve toujours
pas. Je pense que, pour les gens qui nous écoutent, ce serait utile qu'il y
soit.
Le Président (M. Allaire) :
Oui. En fait, si on se souvient, il appartient à la partie gouvernementale de
nous l'envoyer. Si on le reçoit, on va naturellement le rendre disponible sur
greffier.
M. Paradis : Très bien, mais
j'invite le ministre à le faire puisqu'on en a longuement parlé aujourd'hui.
M. Boulet : …vous souhaiteriez
qu'on le dépose?
M. Paradis : Oui, oui.
M. Boulet : Il a été mis… je
l'ai communiqué sur la place publique, il a été… mais oui, on peut l'envoyer…
Le Président (M. Allaire) :
Parfait. Donc, du moment qu'on le reçoit, on va le rendre disponible.
M. Boulet : …est-ce que tu
l'as, Pascal?
M. Paradis : Bien là, je ne
l'ai pas devant moi, là, mais je pense qu'il est disponible sur le site
Internet, mais enfin parce que... parce qu'on est à la commission puis il y a
un endroit pour mettre les documents, notamment ceux qu'on évoque, je pense
que… pour la transparence de nos débats, ça peut être intéressant.
Cela étant dit, M. le ministre, je vous…
je vous écoute parler de ce projet de loi. Puis il y a une chanson de Joe Bocan
qui me vient en tête. Donc, vous m'inspirez ces paroles de Joe Bocan, Paradoxal.
Ah! Là, je vois les connaisseurs, hein, qui se… qui reconnaissent la chanson.
Parce que, d'un côté, vous nous dites : Ça va être un projet de loi qui
est très précis, qui est très clair, puis, de l'autre, quand on veut préciser à
qui ça s'applique, là, vous dites : Non, non, non, ça va être une règle
générale, puis après ça, on verra comment ça se passe. D'un côté, vous nous
dites : Ça va être utilisé avec parcimonie puis ça va être exceptionnel.
Mais quand on veut préciser dans le projet de loi que, de fait, ça va être avec
parcimonie et que ça va être exceptionnel, là, vous dites : Non, non, non,
je veux la règle la plus générale possible.
Puis quand on parle des exemples, on est
revenu toujours avec les mêmes exemples, ça, on le dit depuis le début, et là,
quand on arrive avec… hein, où il y a eu des grèves où selon vous ça a eu un
impact disproportionné sur la population, puis là, quand on invoque d'autres
cas où, bien non, il y en a… il n'y en a pas, d'historique de grève qui touche,
là, vous… vous êtes… vous ne voyez pas les choses de la même façon. Vous
dites : On va les prendre pareil. Donc, moi, ça m'intrigue. Est-ce que
c'est annonciateur de ce qu'on veut faire ou pas avec ce projet de loi là? La
question se pose.
• (16 h 40) •
Parce que là, ici, ce qu'on propose comme
amendement, c'est d'exclure les universités. Et c'est intéressant parce qu'on a
eu le… on a eu le mémoire, donc, de la Fédération québécoise des professeurs
d'université, qui est venue nous tracer un portrait clair, hein, donc,
j'écoutais vos échanges, mais en réalité, il y a des analyses que votre
ministère a déposées sur les conflits de travail en milieu universitaire. et la
Fédération conclut ce qui suit : «À chaque fois, c'est la page six de leur
mémoire... À chaque fois, le spectre de l'annulation d'une session de cours et
le retard de la diplomation pouvant en découler ont été évoqués dans les
médias. Or, dans les faits, ce risque ne s'est jamais avéré. En effet, aucune grève
de professeurs n'a conduit à l'annulation d'une session de cours. À chaque
fois, sans aucune exception, des plans de rattrapage ont été mis en place au
retour de la grève pour permettre aux étudiants de compléter la session de
cours touchée par la grève et donc d'obtenir leur diplôme.»
Et ce que la fédération dit, c'est qu'en
réalité, des grèves dans le milieu universitaire qui pourraient rencontrer ou
satisfaire aux critères de…du projet de loi, donc, qu'il y aurait…
M. Paradis : ...il y aurait...
il pourrait y avoir, en milieu universitaire, des services minimalement requis
pour éviter que ne soit affecté de manière disproportionnée la sécurité
sociale, économique ou environnementale de la population, notamment celle des
personnes en situation de vulnérabilité. Ils l'expliquent plus loin dans le
mémoire, ils disent : Ça n'arrivera jamais. Et ils parlent aussi du mode
de gouvernance, donc ça vient toucher la discussion que vous aviez avec le
collègue, que le mode de gouvernance des universités est très particulier, où
les professeurs sont à la fois des employés mais prennent part à peu près à
toutes les décisions, de l'embauche au plan stratégique, etc., et ils disent
que d'appliquer ces dispositions-là au monde universitaire, ça serait... ça
irait à l'encontre, en fait, de la mission. Donc, ils disent : «Non
seulement la négociation apparaît comme nettement plus appropriée que
l'arbitrage dans le contexte du mode de gouvernance des universités et des
conditions qui sont nécessaires à la poursuite de la mission universitaire»,
donc, aucune grève, en contexte universitaire, n'a jamais causé de préjudice
grave ou irréparable à la population qui pourrait être invoquée, qu'on justifie
qu'on ait besoin d'un cadre législatif permettant de restreindre ce droit
fondamental. Est-ce que vous en convenez?
M. Boulet : Oui, oui, j'en
conviens. Il n'y a aucune grève qui justifie que ça s'applique à d'autres qui
sont détenteurs d'accréditation syndicale, des employeurs qui sont avec une
accréditation syndicale, les commerces, les restaurants, les bars, les
pharmacies privées, les épiceries, les supermarchés, des entreprises privées de
production de biens. Mais moi... vous m'attribuez le concept de paradoxal, moi,
je vais vous dire, je suis extrêmement étonné que vous disiez que le code ne
devrait pas s'appliquer quand il n'y a pas d'historique. Par exemple, si on n'a
jamais négocié de mauvaise foi, on ne devrait pas se voir appliquer
l'obligation de négocier de bonne foi. Si on n'a jamais utilisé des travailleurs
de remplacement, on ne devrait pas se faire imposer l'obligation de ne pas
utiliser des travailleurs de remplacement. Même affaire pour l'ingérence
patronale. Toutes les dispositions du Code du travail, comme n'importe quelle
loi, s'appliquent à tout le monde de manière équitable. Ça devient une règle de
droit. Et on ne dira pas : Ça ne devrait pas s'appliquer à M. x ou Mme y
ou à la compagnie x ou au syndicat y parce qu'il n'y a pas d'historique puis ça
ne peut pas s'appliquer. Non, le Code du travail régit les relations de travail
employeur-employé. Et je pourrais citer tous les articles du Code du travail
pour confirmer que ça s'applique à tout le monde. Puis il n'y a pas personne
qui a une immunité parce que moi, je fais toujours bien les choses, moi, je
n'ai jamais violé, il n'y a jamais eu de dossier qui justifie que je sois
soumis à telle obligation du Code du travail.
C'est pour ça que ça m'étonne, que vous me
posiez une question de cette nature-là. Puis je répète ce que j'ai dit à notre
collègue. La mission éducative n'est pas entravée, dans le cas des universités,
et ne les met pas... ne leur donne pas une immunité à l'égard du respect des
dispositions du Code du travail. Ça fait que c'est la réponse que je vous
donnerais. Le Code du travail s'applique de manière équitable à tous et à
toutes, indépendamment de leur historique.
M. Paradis : Oui, mais vous
excluez déjà une grande quantité d'employés de l'application de l'un ou l'autre
de vos mécanismes, des mécanismes qui sont prévus par le projet de loi n° 89
et, quand on vise à exclure, donc, certains domaines, vous dites : Non,
ils vont être inclus, il faut en déduire qu'il y a ici une supposition qu'il
pourrait y avoir des cas, donc, où les services minimalement requis, pour éviter
que ne soit affectée de manière disproportionnée la sécurité sociale,
économique ou environnementale, ça s'applique à un conflit de travail en milieu
universitaire.
M. Boulet : Ça ne s'applique
pas à ceux qui sont soumis à un haut niveau de services essentiels, qui sont
soumis à ce régime-là en fonction de critères convenus. C'est aussi simple que
ça. Pour le reste, il n'y a pas d'exclusion. On n'a pas dit : Les
pharmacies, il n'y a jamais eu de problème, on les exclut. Les restaurants, il
n'y a jamais eu de problème, on les exclut. Les collèges, les... Non, ça
s'applique également.
Puis je vais reprendre l'obligation de
négocier de bonne foi et avec diligence puis les dispositions anti-briseurs de
grève. La vaste majorité des environnements de travail...
M. Boulet : ...font les choses
de façon compatible au Code du travail, mais elles sont quand même soumises au
respect du Code du travail, c'est... Ce qui n'est pas visé, ça n'a pas besoin
d'être visé.
M. Paradis : C'est une
question de perspective, et je comprends votre perspective, M. le ministre.
M. Boulet : C'est le droit.
M. Paradis : Je comprends
votre perspective, mais d'autres, d'aucuns auraient pu s'attendre à ce que
s'agissant d'un droit fondamental, le droit d'exercer des moyens de pression,
dont l'exercice du droit de grève afin de négocier des conditions de travail
avec son employeur... C'est ça, ce que le projet de loi fait, il vient
restreindre un droit fondamental. Vous auriez pu choisir la voie de la
précision chirurgicale pour régler des problèmes précis. Et là, vous avez prévu
de ratisser largement en disant : Ah! ça va être ça, la nouvelle règle,
elle s'applique à tout le monde.
Je comprends. Quand vous dites ça comme
ça, ça a l'air bien simple, de dire : Ah bien, là, on fixe une règle, elle
s'applique à tout le monde, mais, ici, la règle que vous fixez, c'est celle qui
permet de restreindre le droit de grève. C'est ça. C'est ça que le projet de
loi fait, il restreint le droit de grève.
Et là vous ratissez le plus large
possible. Alors, avis aux professeurs d'université : Vous êtes maintenant
mis dans le même bassin que les autres, puis même si, historiquement, il n'y a
jamais eu aucune grève qui a eu ces effets-là et même si, historiquement, il
n'y a jamais aucun étudiant qui a perdu sa session, maintenant, dans le même
bateau.
M. Boulet : Bon. J'ai répondu
assez clairement. Ce n'est pas parce qu'il n'y en a jamais eu qu'ils ne seront
pas soumis. Ce n'est pas parce qu'ils ont toujours négocié de bonne foi puis
avec diligence puis qu'ils n'ont jamais utilisé des briseurs de grève qu'ils ne
sont pas soumis au Code du travail. Et là vous êtes beaucoup dans le champ
d'application, alors que, là, on parle d'un amendement sur les universités,
puis vous me dites : Vous portez atteinte au droit à la négociation puis,
après ça, au droit à la grève, restriction. Le droit à la négociation, pas du
tout. On favorise la négociation collective, on favorise l'entente entre les
parties elles-mêmes, d'abord et avant tout. Il n'y a rien dans ce projet de loi
là qui porte atteinte à ça. Puis, si je ne l'ai pas répété plusieurs fois, je
vais le répéter : On a des services d'aide à la négociation, on a des
conciliateurs-médiateurs qui sont reconnus, au Québec.
La précision chirurgicale, moi, je pense
que ça n'existe pas, bon. J'ai pratiqué un peu, je connais certaines lois,
particulièrement en droit du travail. La précision chirurgicale, si vous ne
l'avez inventé ou si quelqu'un peut l'inventer, faisons-le. La précision
chirurgicale, le grand cadeau que ça nous donnerait, à nous tous, c'est qu'on
n'aurait plus besoin autant des tribunaux. On réduirait les délais d'attente de
façon considérable, parce qu'il y aurait moins de problèmes d'interprétation
puis d'application. La précision chirurgicale, vous me proposerez un amendement
qui contient un critère qui répond à cette précision chirurgicale.
Et je vous dirais, ce n'est pas
respectueux de l'état d'esprit de la décision de la Cour suprême du Canada. Les
critères qu'on a sont suffisamment clairs, même pour être compris par la
personne de... tu sais, par toute personne. Et ça confère une marge de manœuvre
à un tribunal, qui va tenir compte de la réalité factuelle et de la preuve qui
va lui être soumise.
Donc, moi, je vous répondrais de cette
manière-là, c'est... Les universités, je pense que j'ai répondu, puis ça va
peut-être être mon dernier commentaire, elles n'ont pas d'immunité, elles n'ont
pas le droit de se soustraire à l'application de quelque disposition que ce
soit du Code du travail, sans minimiser l'impact de leur mission éducative et
de la liberté académique, bien sûr.
• (16 h 50) •
Le Président (M. Allaire) : M.
le député de Jean-Talon.
M. Paradis : Il y aurait
beaucoup à dire sur ce qui vient d'être mentionné par le ministre, mais, bon,
je commencerais par ce que le ministre nous a dit... il dit : Ah oui, on
vient toucher à l'exercice du droit de grève, peut-être, mais pas à l'exercice
du droit de négociation, puis on ne touche pas à l'équilibre. Bien, ça, je
m'excuse, là, mais je ne peux pas accepter cette partie-là de la réponse. C'est
clair que toute la mécanique qui est prévue dans ce projet de loi là va jouer
un rôle fondamental sur l'équilibre des négociations, parce qu'à partir du
moment où il y a un décret... Et moi, je reviens là-dessus, je comprends que le
ministre, il est tout le temps, après ça, sur l'assujettissement, sur l'étape
deux du...
M. Paradis : ...processus sur
l'étape trois, la première étape de tout ce qui se passe dans ce projet de loi
là, dans le premier mécanisme, c'est un décret du gouvernement qui va
dire : Ah! Ha! À partir de maintenant, vous êtes visés par la possibilité
qu'il y ait des services assurant le bien-être de la population. Ensuite, il y
a le Tribunal administratif du travail qui rentre pour déterminer si, oui ou
non il y a assujettissement, puis ensuite la négociation entre les parties ou à
défaut, une décision sur quels sont les services assurant le bien-être. Mais la
première étape, elle vient déjà jouer de manière très forte, fondamentale sur
l'équilibre des négociations.
Alors, quand le ministre essaie de séparer
complètement les deux puis dire : Non, non, non, sur les négociations, ça
ne change rien là-dedans, je n'y touche pas. Je suis désolé, ce projet de loi
là va toucher aussi à l'esprit des négociations, à l'équilibre des
négociations, et ici ça va être le cas dans les universités. Parce que là ce
que vous êtes en train de nous dire, c'est que la prochaine fois qu'il y a un
conflit de travail, bien là, le gouvernement va pouvoir arriver avec un décret
pour dire : Ah! Ha! Moi, je viens de vous désigner comme potentiellement
assujetti à l'obligation de livrer des services assurant le bien-être de la population.
C'est un... C'est une différence fondamentale. Donc, on ne peut pas dissocier
la négociation ici.
C'est pour ça que le droit de grève a été
jugé par la Cour suprême du Canada puis par la Cour d'appel comme faisant
partie intégrante de la liberté d'association puis du processus de négociation,
c'est interrelié. On ne peut pas, là, maintenant, séparer les concepts. Bon,
ça, c'est, de un. Deuxièmement, sur la précision. Oui, le ministre, vous avez
raison, c'est difficile, la précision chirurgicale. Mais il y a une
perspective, il y a une perspective. Vous auriez pu décider de faire ça, puis,
peut-être, que l'opinion des gens qui s'opposent fermement au projet de loi
n° 89 serait différente. Moi, je ne m'en cache pas, j'ai voté contre le
principe parce que vous ratissez large puis parce que vous touchez des droits
fondamentaux à la libre négociation puis à l'exercice des moyens de pression.
Vous auriez pu décider de circonscrire, de dire : Bon, c'est ça, le
problème, c'est ça qu'on a identifié, puis j'ai des données précises, puis j'ai
fait mes études juridiques qu'on n'a pas pu avoir, puis c'est ça, le problème à
régler, puis c'est ça dont on va parler. Mais là vous restreignez de manière
importante un droit fondamental, puis vous... vous nous dites : Je vais
ratisser large. Puis, après ça, quand vous dites : Oui, mais vous ratissez
large, vous ne voudriez pas restreindre un peu, vous nous dites : Non, la
règle s'applique à tout le monde. Donc c'est une question de perspective. M. le
ministre, vous avez adopté cette perspective-là. C'est votre décision, mais
elle aurait pu être différente.
Le Président (M. Allaire) : M.
le ministre.
M. Boulet : Le droit de
grève, il fait partie de la liberté d'association qui est intégrée dans nos
chartes, ça lui confère une valeur constitutionnelle. J'ai toujours dit qu'on
était complètement d'accord avec ça. Mais est-ce que le fait de devoir
maintenir des services essentiels ou le fait de devoir maintenir des services
pour protéger des besoins, par ailleurs, fondamentaux de la population a un
impact négatif sur le rapport de force? Moi, je dis non. La négociation, elle
se fait de manière totalement libre. Elle se fait accompagner, si nécessaire,
et avec les services d'une expertise, si nécessaire. L'équilibre qui est
recherché, ce n'est pas de mettre fin au droit de grève, parce qu'il y a des
syndiqués dans... qui manifestent, qui ont l'impression qu'on veut mettre fin
au droit de grève. Ce n'est pas le cas. La grève continue malgré le maintien de
services essentiels ou de services pour protéger les besoins de la population.
C'est important de le mentionner.
Puis la précision chirurgicale, c'est
intéressant ce que vous me dites, vous me dites : Si vous aviez opté pour
une autre perspective, c'est-à-dire une plus grande précision chirurgicale,
vous auriez peut-être eu une meilleure adhésion au p.l. 89. Donc, c'est comme
si vous me disiez qu'implicitement vous adhérez, vous aussi, à l'objectif du
p.l. 89. Et l'objectif du p.l. 89 en est un populationnel, en est un pour
assurer le respect des besoins de la population. Ça fait que, moi, si vous me
dites ça qu'avec une précision chirurgicale que vous vous pouvez peut-être
inventer...
M. Boulet : ...on va accroître
le niveau d'adhésion à ce p.l.-là, bien, partager, on est là, à l'étude
détaillée. Moi, je vous dis que le critère que nous avons, il est respectueux
de la philosophie qui se dégage des décisions des tribunaux depuis 2015. Une
précision chirurgicale, si vous me faites une démonstration, collègue de
Jean-Talon, que ça va nous rapprocher de l'état d'esprit de la décision
Saskatchewan de la Cour suprême du Canada, puis qu'on va augmenter l'adhésion,
notamment des centrales syndicales, je suis prêt à vous écouter parce que j'ai
décodé de vos propos que vous étiez d'accord avec la protection des besoins du
monde. C'est ça qu'on veut faire. Puis on ne veut pas éliminer le droit de
grève, on veut que le droit de grève s'exerce, mais dans le respect de ces
besoins-là. On veut, avec vous, trouver le meilleur équilibre entre l'exercice
du droit de grève ou de lock-out, parce qu'on ne parle pas souvent de lock-out,
et des besoins de la population. Alors, voilà.
Le Président (M. Allaire) : M.
le député de Jean-Talon.
M. Paradis : Alors, voyez que
je le dis avec le sourire, vous l'avez fait de manière très élégante. Vous
m'avez prêté beaucoup d'intentions dans votre réponse. Je pense que tout le
monde ici, on est là pour le bien-être de la population. Nous sommes toutes et
tous intéressés à ça. Le collègue le disait, bien, hein, quand on parle à nos
enfants, de ce qu'on fait comme métier, c'est qu'on essaie de régler des
problèmes. Mais, quand même, quand vous nous dites : Proposez-nous des
choses, je suis à l'écoute, on en propose plein, depuis le début de la
commission, des choses. Moi, je vous ai parlé tout à l'heure des critères, de
baliser notamment la façon donc vous allez prendre le décret qui va déclencher
tout le processus. Puis vous nous dites : Non, c'est méga... c'est super
clair, on a déjà tout ce qu'il faut. Là, le collègue de d'Hochelaga-Maisonneuve
propose... je ne sais pas c'est son combientième amendement, mais lui, il
essaie de préciser, de dire : Bien, voici à qui ça va s'appliquer, voici à
qui ça ne s'appliquera pas, puis ils sont tous refusés. Donc...
Et je le réitère, lorsqu'on parle de
droits aussi importants, de droits aussi fondamentaux à la paix sociale et aux
droits de tout le monde au Québec, que les conditions de travail soient
négociées dans les meilleures conditions possibles, je pense qu'il faut être
très prudent.
Maintenant, je suis vraiment étonné de ce
que j'entends sur l'impact de tout ça sur les négociations, sur le droit à la
négociation. Quand il y a des services essentiels et surtout quand ces services
essentiels sont très étendus, ça a un impact sur le droit de grève, ça a un
impact sur les moyens de pression. Parlez-en à certaines catégories d'emplois
où il y a des services essentiels très étendus qui disent : Bien, écoutez,
on fait la grève pis c'est comme s'il y avait... les gens ne le voyaient pas
tellement il y a de services essentiels. Ça a un impact fondamental. Donc, ce
projet de loi là va avoir un très grand impact à partir du moment où le
gouvernement va décider de prendre un décret puis de dire : Ah! attention,
la déclaration de services essentiels ou nécessaires ou assurant le bien-être
de la population s'en vient, ça va avoir un impact sur les moyens de pression,
sur l'étendue des moyens de pression, sur la nature des moyens de pression, sur
l'impact des moyens de pression. Donc, je ne suis pas d'accord qu'on peut
distinguer les deux, c'est intrinsèquement lié et ce projet de loi là va avoir
un impact immense dans l'équilibre des négociations.
• (17 heures) •
Le Président (M. Allaire) : Ça
va? D'autres interventions sur l'amendement? S'il n'y a pas d'autre
intervention, nous allons procéder à sa mise aux voix. Est-ce que l'amendement
est adopté?
Une voix : ...
Le Président (M. Allaire) : Par
vote... Par appel nominal, s'il vous plaît.
La Secrétaire : Pour, contre,
abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc : Pour.
La Secrétaire : M. Boulet
(Trois-Rivières)?
M. Boulet : Contre.
La Secrétaire : Mme Mallette
(Huntingdon)?
Mme Mallette : Contre.
La Secrétaire : M. Caron
(Portneuf)?
M. Caron : Contre.
La Secrétaire : M. Dufour
(Abitibi-Est)?
M. Dufour : Contre.
La Secrétaire : M. Girard
(Lac-Saint-Jean)?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Contre.
La Secrétaire : M. Paradis
(Jean-Talon)?
M. Paradis : Pour.
La Secrétaire : M. Allaire
(Maskinongé)?
Le Président (M. Allaire) : Abstention.
L'amendement est donc rejeté. On revient donc à l'article introduit. Est-ce
qu'il y a d'autres interventions? M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
allez-y.
M. Leduc : Oui, M. le
Président, je vais vouloir déposer un nouvel amendement. Je vous demanderais
une suspension, s'il vous plaît.
Le Président (M. Allaire) : Parfait.
Nous allons suspendre les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 01)
17 h (version non révisée)
(Reprise à 17 h 23)
Le Président (M. Allaire) : Alors,
nous allons reprendre les travaux. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, vous
avez un nouvel amendement, je vous cède la parole.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. À l'article 111.22.2 proposé par l'article 4 du projet de
loi, ajouter, après «parapublic (chapitre R-8.2)», les mots «, ni les
commissions scolaires et les centres de services scolaires».
On pourrait se surprendre pourquoi
«commission scolaire» est encore là, malgré leur abolition dans le précédent
mandat. C'est qu'il faut se rappeler que les commissions scolaires anglophones
ne sont pas abolies en raison de leur droit constitutionnel que le gouverneur n'a
pas osé remettre en question. Donc, on dit «commissions scolaires», mais c'est
essentiellement des «school boards» pour le Québec, tandis que les parties
francophones, elles, n'ayant plus d'élections scolaires, s'appellent maintenant
les centres de services scolaires. Par contre, au-delà de cette distinction-là,
M. le Président, pourquoi je dépose cet amendement? Encore une fois, je me suis
basé sur la fameuse liste qui nous avait été distribuée sur qui était inclus,
qui était exclu, et nommément, encore une fois, moi, je...
Le Président (M. Allaire) : ...vous
allez me permettre de dire que la liste, elle est officiellement disponible
dans Documents distribués sur le Greffier.
M. Leduc : Merveilleux! Je
regarde mon collègue de la troisième opposition qui le réclamait avec vigueur,
avec raison.
Le Président (M. Allaire) : Voilà.
Je vous laisse poursuivre.
M. Leduc : Merci. Alors, moi,
je pense que cette liste-là, elle était préparée d'un point de vue de
communication pour bien faire comprendre qui était visé, et j'avais reconnu
dans cette liste-là des secteurs qui avaient potentiellement été évoqués par le
ministre, notamment les cimetières ici. Tu sais, ce n'est pas... On pourrait
surprendre. Il n'y a pas des centaines d'emplois et des milliers d'emplois dans
les cimetières du Québec, mais ils sont quand même dans la liste de tous les
salariés du Code du travail. Bref, je pense que ce n'est pas innocent non plus
que les commissions scolaires et les centres de services scolaires soient
précisément nommés dans cette courte liste d'exemples de tous les gens qui sont
couverts par le Code du travail. Et encore une fois, là, contrairement
peut-être à la discussion précédente des universités, où là je cherchais des
exemples de longues grèves perturbatrices que le ministre m'a confirmé ne pas avoir
en tête, dans le cas des commissions scolaires et des centres de services
scolaires, on a tous compris à quoi le ministre faisait référence en ajoutant
ça dans sa liste. Il pense, bien sûr, à la longue grève des profs de l'an
dernier. C'était l'automne 23, donc, si je ne me trompe pas, où nous avons
connu jusqu'à quoi, quatre ou cinq semaines de conflit. Je pense, j'ai le
mémoire de la FA devant moi, j'ai retrouvé le bon chiffre, en tout cas, il y
avait un certain nombre de journées... 22 jours de grève. Évidemment, avec
les fins de semaine, ça s'étale sur presque cinq semaines de conflit. Ça a été
un conflit important parce que... Ça s'est déroulé, essentiellement, durant l'hiver.
Là, je revois les dates. C'est le 23 novembre, que la grève a commencé. Ça
fait que, donc, si je me rappelle bien, novembre, décembre... Ça avait-tu
dépassé le temps des fêtes? Ça, je ne suis pas certain.
Bref, on me ramènera les dates exactes si
nécessaire, mais c'est secondaire à la discussion. La grève des professeurs a été
fondamentale dans la discussion et la réflexion du ministre, j'en suis
convaincu, et dans celle du Conseil des ministres et du premier ministre. À
chaque fois qu'on a pu parler de ça, notamment au salon rouge, ça réagissait...
Je me rappelle de la toute première question que j'ai posée. Je pense que c'est
le jour même du dépôt du projet de loi du ministre, parce qu'on avait tous
compris, de ce côté-ci des banquettes, M. le Président, qu'est-ce qui allait
être traité dans son projet de loi, j'avais utilisé un terme, je ne le
réutiliserai pas à part pour l'évoquer, de vengeance, M. le Président. Puis je
sais que vous voulez qu'on évite des termes, mais c'est un terme qui avait fait
réagir fort. Et j'avais aussi qualifié cette grève des professeurs... parce qu'il
y a eu deux grèves, hein...
M. Leduc : ...secteur public
plus large, ce qui impliquait notamment le front commun. Dans le domaine de
l'éducation, c'étaient plus les employés de... non-professeurs, dans le fond,
là, soit les employés de soutien, les employés techniques, services de garde et
compagnie. Ça, c'étaient plus des grèves épisodiques, le ministre parlait de
petites périodes de grève, mais la grève générale sur une longue période, c'est
celle des professeurs, des enseignants, enseignantes de la FAE, en particulier,
qui est une fédération qui ne faisait pas partie de front commun mais qui, bien
sûr, s'impliquait dans le grand pot commun du secteur public.
Tout ça pour vous dire que, quand j'ai
posé ma question au salon rouge au ministre sur pourquoi il s'attaquait au
droit de grève des salariés du Québec et que je me questionnais pourquoi les...
que j'étais convaincu qu'il y avait une forme d'arrière-pensée envers les
professeurs, j'ai qualifié la grève de 2023-2024 d'héroïque. J'ai dit :
Est-ce qu'on veut punir les enseignants de la grève héroïque? Et ça avait fait
beaucoup réagir les collègues d'en face. Je vais m'en rappeler longtemps, de
cette question-là. Ça avait tellement fait réagir, M. le Président, que la
présidente avait dû se lever pour appliquer l'article 32, je pense, du
code, pour le décorum, 32, hein? Vous me confirmez que... J'ai quand même été
leader deux ans, hein, il faut que je rappelle mon propre code, moi aussi.
Bref, la ministre avait dû se lever pour appliquer l'article 32 parce que
d'évoquer et de caractériser comme étant héroïque avait fait beaucoup réagir.
Et il y avait des gens, des ministres, je ne les nommerai pas, ce n'est pas ça,
le but, mais qui m'avait harangué, là... dit : Bien là, les enfants, vous
ne pensez pas aux enfants... Ça avait un petit peu chauffé.
Tout ça pour vous dire que quand j'ai mis
la main sur le document d'explication de qui était inclus ou pas dans le
processus, j'ai eu zéro surprise de voir qu'il y avait dans la liste les
centres scolaires puis les commissions scolaires. Ça me semblait une évidence
que, dans la réflexion ayant poussé le ministre à intervenir législativement,
la question des enseignants et de la grève de la FAE était centrale, centrale.
Quand on se réfère au mémoire de... puis
je ne me rappelle pas s'ils sont venus en commission, la FAE, étaient-ils venus
nous présenter leur mémoire, la FAE? Ils sont venus, hein? C'est ça. Peut-être
que... Je pense que j'ai manqué un petit bout de commission. Ça devait être
celui-là. Ils nous ont fait un mémoire assez éloquent, que je ne lirai pas au
complet, bien sûr, là, iI fait plusieurs pages, mais ils font, entre autres,
référence à deux éléments importants que je pensais, minimalement, important de
souligner ici, dans l'étude détaillée, M. le Président.
Et là je vais trouver la bonne page, la
page 10. Quand je vous dis qu'à mon avis le chemin alternatif, ou
additionnel, plutôt, que le ministre nous soumet, ce n'est rien d'autre que les
services essentiels déguisés, bien, la FAE partage ma lecture. Il y a tout un
chapitre de leur mémoire qui s'appelle Élargissement de la catégorie des
services essentiels. Et on a tous compris ce que ça voulait dire. Puis
d'ailleurs ils ont une citation, ce n'est pas marqué de qui, cette citation-là,
mais je l'avais déjà entendue ailleurs. Juste après leur bandeau, là, de
chapitre d'élargissement de la catégorie des services essentiels, c'était
écrit : Si ça ressemble à un canard, si ça nage comme un canard et si ça
cancane comme un canard, c'est un canard. Et, bref, on a tous compris, je le
faisais d'entrée de jeu hier, les patrons aussi l'ont bien compris, ils se
trompaient allègrement ici, dans leur présentation, entre les services de
bien-être et les services essentiels, c'était évidemment la même chose pour
tout le monde qui avait compris ce qui se passait.
• (17 h 30) •
Cela étant dit, l'autre élément que je
trouve important à souligner du mémoire de la FAE, c'est la référence au droit
international. Dans la page suivante, à la page 11, la FAE se désole que
le ministre ne semble pas se soucier du fait que le Comité de la liberté
syndicale de l'OIT... ça, l'OIT, c'est l'Organisation internationale du
travail, à laquelle adhère, bien sûr, le Canada et le Québec, qui a répété à
plusieurs reprises, et là je cite une petite partie du mémoire : «L'OIT a
répété à plusieurs reprises que le secteur de l'éducation ne saurait être
considéré comme un service essentiel. Bien que le comité reconnaisse que les
conséquences regrettables puissent découler d'une grève dans le secteur
d'enseignement, elles ne justifient pas d'imposer une sérieuse restriction au
droit de grève. Garantir le droit de grève aux enseignantes et aux enseignants
est par ailleurs cohérent avec ce qui se fait dans d'autres juridictions canadiennes».
J'arrête là la citation.
Ça fait que, dans le fond, ma première
question au ministre....
17 h 30 (version non révisée)
M. Leduc : …serait la suivante :
Est-ce qu'il peut me confirmer que, lorsqu'il a commencé ses réflexions pour
rédiger son projet de loi, pour imaginer son nouveau chemin au projet de loi… Est-ce
qu'il avait la grève de la FAE à l'esprit?
Le Président (M. Allaire) : Merci,
M. le député. M. le ministre.
M. Boulet : Si j'avais à l'esprit
la grève de la Fédération autonome de l'enseignement? C'est sûr que cette grève-là
a engendré des réflexions. Est-ce que je suis allé jusqu'à me dire : Le p.l.
89 s'appliquerait? Je ne suis pas en mesure de dire ça, parce que je n'ai
jamais considéré que c'était un type de décision qui appartenait au pouvoir
politique. Mais les critères, en les élaborant, on était beaucoup plus soucieux
de s'assurer de respecter l'état du droit et l'état de la jurisprudence que de
répondre à des situations spécifiques. Puis c'est sûr que tous les conflits de
travail ont un impact pour moi. Tu sais, je répète souvent, les conflits de
travail, le moins il y en aura, le mieux ce sera. On va tous les régler. Non,
mais même le conflit au cimetière Notre-Dame des Neiges, je ne suis pas allé
jusqu'à me dire : Avec ces critères-là, il y aurait tel ou tel impact, mais
c'est un conflit qui m'a affecté, qui nous a affectés, je pense, vous aussi, là.
Tu sais, puis c'étaient des familles endeuillées qui faisaient appel à la
dignité humaine, puis, tu sais, des personnes aussi qui ont des besoins humains
de fond. Puis il y en a eu, quand même, c'est les conflits dans les secteurs
que j'ai souvent indiqués puis l'éducation, c'est un des conflits qui interpelaient
la population. Maintenant, est-ce que le critère qui est dans le p.l. 89 s'appliquerait?
Ça, je ne suis pas en mesure de le dire.
Le Président (M. Allaire) : M.
le député.
M. Leduc : Mais vous me confirmez
que… je ne sais pas exactement quand, puis je ne cherche pas une date exacte,
là, mais quand vous avez commencé à réfléchir à une intervention juridique,
législative, ça ne devait pas être bien, bien loin après cette grève-là, là.
M. Boulet : Non, c'est
intervenu avant, puis, tu sais, c'est sûr qu'on a des confirmations des fois
suite à des témoignages comme celui du Dr Royer. On a des spécialistes qui
viennent… puis ça, vous en parlez peut-être moins fréquemment, mais l'impact d'un
conflit de travail chez les enfants, particulièrement les…les enfants qui ont
le trouble du spectre de l'autisme ou qui sont en situation de handicap, ce qu'on
appelle plus généralement les enfants à besoins particuliers. Oui, ça me
préoccupe. Puis oui, ce conflit-là fait partie des conflits qui m'a interpelé. Puis
C'est un conflit, vous ne pouvez pas le nier, Collègue, qui a interpelé la
population aussi.
M. Leduc : Est-ce que… peut-être
que vous ne l'avez pas, là, j'assume que vous ne l'avez peut-être pas, mais
vous savez à quel point il y a des bris de services, en ce moment même, dans le
réseau scolaire, en lien avec des enfants à besoins particuliers.
M. Boulet : Ah! mais ça, ce n'est
pas l'objet de notre débat.
M. Leduc : Bien, c'est-à-dire,
c'est quand même assez central. Si vous dites que vous vous souciez, puis je
vous crois, de… les conditions d'apprentissage des jeunes à besoins
particuliers dans notre système scolaire, j'assume que vous vous en souciez
tout le temps.
M. Boulet : Oui, puis vous pourrez
en parler à mon collègue qui est ministre de l'Éducation. Il s'en soucie
constamment, puis on lui fait tous évidemment confiance pour mettre en place
les mesures, les programmes qui s'imposent pour que les conditions d'apprentissage
et de développement des compétences des enfants à besoins particuliers soient
les plus optimales possibles. Ça ne sera jamais parfait. Je suis convaincu que
mon collègue vous dirait ça, mais on travaille à ce que ce soit amélioré.
Mais ceci dit, ce n'est pas l'objet de
notre projet de loi, notre projet de loi, on est dans un contexte où il y a une
cessation concertée de travail, il y a un conflit qui blesse des enfants, qui
blesse au plan de leur développement. Pas des blessures physiques, mais de
développement de leurs compétences, de leurs apprentissages. Puis ce que le Dr
Royer disait, c'est qu'au bout d'un certain temps il y avait même une
conséquence…
M. Boulet : ...en fait, il y
avait une régression, parce que les routines sont brisées, les enfants
régressent, puis c'est les parents, c'est les familles, c'est les enfants. Ça
fait que c'est certain que c'est le genre de conflit qui pourrait préoccuper...
qui préoccupe tout le monde puis qui vous préoccupe aussi, collègue, je suis
convaincu.
M. Leduc : Bien, c'était ça
l'objet de ma question, M. le ministre. Puis, oui, c'est connecté, parce qu'on
a fait une demande d'accès à l'information — en fait, je dis nous, mais
il y a eu, je pense que c'était dans le cadre des crédits de 2023-2024, demande
d'accès à l'information, demande de renseignements particuliers. Ah! vous
voyez, c'est fait par l'opposition officielle, donc, c'est par les collègues de
l'opposition officielle en 2023‑2024, au ministère de l'Éducation, étude des
crédits, on y arrive la semaine prochaine, d'ailleurs, pour l'édition 2025. Là,
on demande la question, le nombre d'élèves... Vous connaissez le concept, hein,
de l'étude des crédits, pour les gens qui nous écoutent, là, on pose une
question à un ministère d'avance pour nous envoyer des données liées, bien sûr,
avec la gestion du budget dans ce ministère-là. Puis, après ça, les oppositions
peuvent ou pas utiliser ces chiffres-là pour avoir un échange avec le ministre.
Et, donc, il y a presque deux ans
maintenant, demande faite au ministère de l'Éducation, étude de crédits 2023‑2024.
Question : Le nombre d'élèves en bris de service en 2022‑2023, en
indiquant les raisons de bris de service par CSS-CS, commission scolaire,
centre de services scolaire. Réponse : Selon la collecte de données qui
s'est déroulée du 2 février au 3 mars 2023, 2 562 élèves à situation
complexe à l'éducation préscolaire, à l'enseignement primaire et à l'enseignement
secondaire ont vécu ou vivent un bris de service. C'est beaucoup de personnes,
ça, 2 562 élèves en situation complexe dans l'ensemble du réseau pour une
période d'un an, ou à peu près, du 2 février au 3 mars 2023.
M. Boulet : Est-ce que vous
pouvez juste reformuler? Je ne comprends pas bien votre intervention.
M. Leduc : Je me dis, vous
vous souciez de la stabilité de service des enfants à besoins particuliers, ce
pourquoi vous décidez d'introduire un projet de loi qui limite le droit de
grève potentiellement et vous décidez de, nommément, dans votre communication
avec le tableau que vous nous partagez, de cibler les centres de services
scolaires, les commissions scolaires. Vous confirmez, sans que ça soit
nécessairement dans un listing précis, là, dans une hiérarchisation précise,
vous confirmez que la grève de la FAE, dans les services scolaires, fait partie
de vos réflexions. Moi, je vous dis d'accord, mais qu'en est-il des autres bris
de service qui touchent ces mêmes élèves? Puis là je vous donne un chiffre qui
n'est quand même pas banal, 2 562 élèves. Je viens de dire un an, ce n'est
pas ça, c'est sur un mois, février au 3 mars 2023, en un mois, 2 562
élèves en bris de service, des élèves en situation complexe.
M. Boulet : Mais, là-dessus,
je n'ai pas la compétence pour répondre. Ayez l'échange avec mon collègue à
l'Éducation, il se fera un plaisir de partager avec vous là-dessus. Nous, ce
qui nous intéresse dans le projet de loi, c'est l'impact d'un conflit de
travail sur le développement des enfants notamment. Maintenant, ce que vous
soulevez, je n'ai pas la connaissance pour donner une réponse qui est adéquate.
M. Leduc : Au-delà d'un
chiffre précis, vous êtes quand même conscient que d'un concept général votre
responsabilité de gouvernement... Vous faites partie d'un gouvernement. Vous
n'êtes pas juste ministre du Travail, vous êtes un ministre d'un gouvernement.
Si vous dites, vous vous souciez — puis, encore une fois, je vous
crois — du sort des élèves à besoins particuliers, vous devez vous en
soucier au complet, pas juste sur la portion du travail.
• (17 h 40) •
M. Boulet : Mais vous savez
que chaque ministère a sa mission. Mais oui, comme membre du gouvernement, je
me soucie de tout, que ce soit l'économie, la santé, l'éducation. Puis je fais
confiance à mes collègues pour faire tout ce qui est en leur pouvoir pour
s'assurer que les environnements éducatifs soient les plus compatibles avec le
développement des enfants. Et c'est ce que mon collègue à l'éducation fait,
puis je vous invite, encore une fois, à échanger avec lui. Je pourrai lui en
parler, puis il va vous expliquer clairement, comme vous le connaissez, ce
qu'il fait.
M. Leduc : Je vais vous
citer, pour expliciter mon propos, un extrait du rapport annuel 2023‑2024 du
protecteur national de l'élève à la page 21 : «Des bris de service ou de
scolarisation. Ces motifs de plainte réfèrent à des situations où un élève voit
son temps d'enseignement réduit ou interrompu par rapport à ce qui était prévu
aux lois, règlements et autres encadrements, suspension pour une durée
indéterminée ou jugée déraisonnable, scolarisation superficielle ou à distance,
etc. Ces situations de bris de service ou de scolarisation touchent fréquemment
des élèves handicapés ou en situation d'adaptation, d'apprentissage, HDAA, ou
encore des élèves présentant des enjeux comportementaux. Elles se trouvent
aussi au sein des établissements...
M. Leduc : ...d'enseignement
privés lorsque survient la résiliation d'un contrat de services éducatifs. Les
plaintes traitées par les protectrices et protecteurs régionaux de l'élève ont
notamment mis en évidence les défis que représente l'adaptation des services
éducatifs offerts en classe ordinaire aux élèves ayant des besoins particuliers,
notamment les limites des ressources financières ou matérielles au sein de
certains établissements d'enseignement...» Je vais juste relire ce
passage-là : «...notamment des limites de ressources financières ou
matérielles au sein de certains établissements d'enseignement — ça
continue — des lacunes chez des intervenants scolaires ou encore des
règles inadéquates de réintégration des élèves. Ces enjeux mettent aussi en
lumière la nécessité de développer une compréhension partagée entre les parents
et les intervenants scolaires des besoins des élèves concernés, mais aussi des
rôles et responsabilités de chaque intervenant dans le processus d'intégration
d'une élève. Peu importe l'âge de l'élève ou la réalité avec laquelle il
compose, chaque situation de bris de service ou de scolarisation le prive de
son droit aux services de renseignements... d'enseignement, pardon, prévus à la
Loi sur l'instruction publique. Ces événements sont à chaque fois préoccupants
pour le protecteur national de l'élève, car leurs impacts sont souvent majeurs
pour les élèves et leurs parents. Tous les moyens nécessaires doivent être
entrepris pour assurer la scolarisation des élèves. Il importe du même souffle
de souligner les efforts déployés en ce sens, dans la très grande majorité des
cas, par les organismes scolaires et les membres de leur personnel.»
Après ça, il y a des témoignages, que je
ne vous lirai pas mais qui ne sont pas gracieux envers la capacité de l'État à
fournir ces services-là.
Moi, ce que j'aimerais comprendre... Selon
vous, M. le ministre, en matière d'accès à des services de qualité, qu'est-ce
qui est plus préjudiciable pour les élèves en situation de handicap ou en
situation de vulnérabilité : des lacunes systémiques de services et de
ressources ou une grève, qui arrive une fois par génération, sur quelques
semaines?
M. Boulet : Je vais répondre
simplement, hein? Tout bris de service est répréhensible. Tout ce qui doit être
fait pour s'assurer d'un environnement optimal de développement des enfants,
notamment à besoins particuliers, l'est. Je vous réinvite à en discuter avec
mon collègue de l'Éducation.
Ceci dit, ce qui nous intéresse ici, c'est
des bris de service provoqués par des conflits de travail, c'est ça qui nous
intéresse, un conflit de travail décidé qui s'exerce et qui peut avoir un
impact, puis je ne me prononcerai pas sur le fond, mais qui interpelle la
population. Puis, quand je dis «la population», ici ça peut être des familles,
des parents, des enfants, spécifiquement les enfants qui ont des besoins
particuliers. C'est... C'est de ça dont on parle. Là, c'est un bris de service
qui est engendré par un conflit de travail. C'est le titre du projet de loi.
Mais, sur les bris de service quand on n'est pas en conflit de travail, ça ne
relève pas de moi.
M. Leduc : Je vais vous
lire...
M. Boulet : Et je vous le dis,
là, je vous le répète, si vous vouliez poursuivre dans cette direction-là, je
vais demander à mon collègue qu'il entre en communication avec vous, mais vous
pouvez lui poser la question au salon rouge aussi. Puis c'est un... c'est un
ministre qui est superactif, là, puis il va vous donner de très bonnes
réponses, bien meilleures que les miennes. Mais il n'y a pas personne ici, dans
la salle, qui souhaite ou qui est d'accord avec des bris de service qui
concernent des enfants. On parle des enfants à besoins particuliers. Mais là ce
qui nous intéresse ici, dans le projet de loi, c'est des bris de service qui
sont provoqués par un conflit.
M. Leduc : D'ailleurs, je ne
sais pas... il est toujours très, très clair et très vindicatif, votre collègue
à l'Éducation, je ne sais pas s'il respecte le nombre de décibels réglementaire
de la CNESST quand il répond aux questions. Des fois, il doit frôler le...
M. Boulet : ...posiez la
question. J'aimerais mieux...
M. Leduc : Des fois, il doit
frôler... c'est quoi, c'est 80 décibels, la limite maintenant?
M. Boulet : J'aimerais mieux
le laisser répondre lui-même à ça.
M. Leduc : Pour préserver mes
tympans, peut-être que je vais préférer poser la question à vous, M. le
ministre.
Je vous cite un article du Devoir
du 3 février de Zacharie Goudreault, Quand les ruptures de service mènent à
l'école à la maison : «Si certains parents décident que leurs enfants
seront scolarisés à la maison par choix, d'autres le font par dépit, leur école
n'en ayant pas été en mesure de garder ces élèves à besoins particuliers, une
situation qui préoccupe des experts qui craignent que ce phénomène ne continue
de s'exacerber en raison de la pénurie de personnel professionnel dans le
réseau scolaire. "En 2023-2024, sur un total de près de 1,3 million
d'élèves à l'éducation préscolaire, à l'enseignement primaire et à
l'enseignement secondaire, 2 411 élèves en situation complexe ont
vécu un bris de service entre le 1er novembre 2023 et le 1er mars 2024",
indique le ministère de l'Éducation dans les courriels au Devoir.» Ça
parle de chiffres, etc. «Concrètement, un élève est considéré comme en rupture
de service au Québec lorsqu'il voit son temps de présence à l'école réduit,
voire interrompu parce que le réseau scolaire n'est pas en mesure de répondre à
ses besoins particuliers. Il s'agit notamment d'élèves handicapés, en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage ou d'enfants ayant des troubles...
M. Leduc : ...cognitif grave
de comportement pour lequel l'école ne dispose pas de ressources nécessaires
pour être en mesure de leur enseigner à temps plein. On n'est pas superbons,
là, comme société, en ce moment, là, si on échappe 1 500 personnes
par année. Puis c'est en croissance, là. Je vous ai épargné les chiffres, là,
mais c'est en croissance d'année en année. La rupture de services, vous,
vous... Je comprends que vous êtes le ministre du Travail puis vous vous
concentrez là-dessus, mais j'aimerais ça que vous soyez peut-être en mesure de
reconnaître au moins que la rupture de service principale qui menace les élèves
en situation de handicap, ce n'est pas la grève, c'est le manque de ressources
dans le réseau.
M. Boulet : Vous êtes en
train... Oui.
Le Président (M. Allaire) : ...un
instant. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, je comprends où vous allez,
mais, je regarde le titre du projet de loi, je regarde l'amendement, je vous
demande quand même peut-être de faire un lien plus direct avec vos questions
puis l'amendement. Sinon, je trouve qu'on s'écarte un petit peu. Puis je veux
un peu recentrer le débat sur l'amendement qui est là, qui est très clair, à
mon avis. Ça fait que je vous invite peut-être à la prudence puis à reposer vos
questions un peu plus en lien avec l'amendement, s'il vous plaît. Merci.
M. Leduc : En tout respect,
M. le Président, je n'ai pas entendu de plainte de l'autre côté de la
banquette. C'est vous qui présidez.
Le Président (M. Allaire) : Je
n'ai pas besoin de plainte pour être capable de s'assurer que les travaux se
déroulent adéquatement.
M. Leduc : Pas de problème,
mais je...
Le Président (M. Allaire) : C'est
mon rôle de le faire.
M. Leduc : Pas de problème.
Le Président (M. Allaire) : Poursuivez.
M. Leduc : Moi, je veux
questionner le ministre dans son ambition d'inclure les commissions scolaires
et les centres de services scolaires dans son projet de loi parce qu'encore une
fois, je l'écoute, le ministre, je l'écoute quand il parle, quand il fait des
entrevues, quand il fait des conférences. Il dit quoi, quand il parle des
centres de services scolaires? Il dit : Je me préoccupe de la stabilité
des enfants en situation de handicap. Et je le crois, je pense que nous
partageons cet objectif-là. Mais je ne l'ai pas entendu, le ministre, se
préoccuper des ruptures de services et je veux juste savoir si, à ses yeux, ça,
ça représente un danger plus important en matière de ruptures de services
qu'une potentielle grève dans le secteur.
M. Boulet : Je ne suis pas en
mesure de m'exprimer sur l'exactitude des propos que vous partagez avec moi ni
sur la véracité des statistiques. Et un n'empêche pas l'autre. On est tous du
même avis et on a tous le même objectif, c'est de protéger quand on parle de la
population. Ici, on parle de protection des enfants à besoins particuliers. On
est tous... on adhère tous à cet objectif-là. Et je comprends de vos propos que
ça constitue une admission implicite, que vous êtes d'accord avec l'application
du p.l. no 89 dans le cas d'un conflit de travail qui dure depuis un certain
temps et qui a un impact sur le développement des compétences et des
apprentissages des enfants à besoins particuliers. Je comprends que vous êtes
d'accord avec les déclarations du Dr Royer, parce que, oui, on n'aime pas les
bris de service. En fait, il ne faut pas qu'il y en ait, des bris de service.
Donc, vous êtes d'accord avec ça? Est-ce que, pendant le conflit de travail de
la Fédération autonome de l'enseignement déclenché par la Fédération autonome
de l'enseignement, il y a eu de tels bris de service? Et si vous êtes en
désaccord avec ça, forcément vous êtes d'accord avec la quête que nous avons,
le défi que nous avons de trouver un moyen d'y remédier pour le bénéfice de nos
enfants.
• (17 h 50) •
Ça fait que j'apprécie que vous
m'interpelliez sur les bris de service des enfants à besoins particuliers,
j'apprécie. Ceci dit, le reste, ça ne relève pas de mon mandat. Quant à
l'exactitude des propos, quant à l'exactitude des statistiques que vous me
présentez, je vais demander à mon collègue de parler peut-être un peu moins
fort en lui disant que vous allez peut-être mieux assimiler son propos. Oui,
j'ai bien compris. Mes collègues aussi ont compris. Ça fait que... Et on va
s'assurer que notre collègue s'exprime de la façon la plus douce possible.
M. Leduc : Parfait. Ce sera
toujours ça de gagné. Là où est-ce que je veux vous inviter à aller, M. le
ministre, évidemment, là, vous me... amicalement, mais vous me prêtez des
intentions, vous le savez très bien que je ne suis pas d'accord avec vous,
c'est que j'aurais souhaité, puis je vous le mets comme une invitation pour le
futur, que vous mettiez au moins autant d'efforts que vous le faites à limiter
le droit de grève des enseignants pour des motifs de protection des enfants
avec des handicaps ou des défis. J'aimerais que vous mettiez au moins autant
d'efforts là-dessus que vous en mettriez pour convaincre votre ministre de
l'Éducation de pallier aux bris de services qui sont en augmentation constante
dans les dernières années. Puis je pense que c'est votre travail comme ministre
d'un gouvernement. Vous n'êtes pas ministre de...
M. Leduc : ...j'entends, mais
vous êtes partie d'un gouvernement. Je ne suis pas au Conseil des ministres, je
ne sais pas c'est quoi vos discussions au Conseil des ministres, mais
j'aimerais ça au moins vous entendre que les bris de service à tous les jours,
c'est au moins aussi important puis ça vous préoccupe au moins autant que ce
que vous êtes en train de faire au droit de grève.
M. Boulet : Ah! c'est
intéressant. Puis je vous assure que notre collègue à l'Éducation fait tous les
efforts nécessaires pour éviter qu'il y ait ce type de bris de service que vous
invoquez.
Maintenant, je vous invite à travailler
avec nous dans le cadre du p.l. 89 pour éviter qu'il y ait des bris de service
ayant des effets tellement préjudiciables pour des enfants, notamment à besoins
particuliers. Donc, l'effort que vous souhaitez pour mon collègue est l'effort
que je souhaite dans le contexte d'un conflit de travail. C'est pour ça que je
dis : Vous n'êtes pas contraint d'être d'accord avec moi, mais vous êtes
d'accord avec l'objectif du projet de loi de protéger le monde, de s'assurer
que les conflits de travail n'aient pas d'effets préjudiciables sur le monde.
Je pense que vous êtes d'accord dans le secteur des services funéraires. Vous
l'avez vécu avec moi en transformation alimentaire. Vous l'avez vécu, je le
sais, dans le transport scolaire. On peut le vivre dans beaucoup de secteurs
d'activité, et je sais que vous êtes d'accord avec l'objectif. Maintenant, quel
sera le meilleur passage? Je pense que c'est important que je le dise,
mon souhait le plus profond, c'est que ce projet de loi là, quand il deviendra
une loi, ne soit jamais appliqué, qu'on règle, qu'on évite son application. C'est
un projet de loi, je le répète, qui va s'appliquer de manière exceptionnelle,
qui va l'être avec parcimonie, pour quoi? Pour s'assurer de diminuer le risque
constitutionnel. Parce qu'il y a effectivement des intentions de faire des
procédures judiciaires pour soulever l'inconstitutionnalité de l'application de
cette loi là, dans l'hypothèse que c'est une loi et qu'elle est appliquée, et
donc, si ce n'est pas appliqué avec parcimonie, le risque constitutionnel
s'accroît. Puis j'ai partagé avec un collègue là-dessus. Ça fait que c'est
important pour moi de le dire.
M. Leduc : Il n'y a personne
qui vous a forcé à vous mettre dans cette situation-là de défenseur des
intérêts des enfants en situation de handicap, vous l'avez fait de votre propre
chef. C'est une bataille que vous avez décidé de mener de votre propre chef,
puis ça vous appartient, puis c'est bien correct. Puis, moi, le défi que je
vous lance, ce n'est pas à M. Drainville... à M. le ministre, pardon, de
l'Éducation que je le lance, c'est à vous, parce que vous avez décidé de faire
cette bataille-là, parce que vous avez décidé de porter ces intérêts-là sur vos
épaules. Moi, ce que je vous dis, c'est que ça ne vient pas à la pièce. Vous ne
pouvez pas dire : Je ne m'occupe que de la portion de la restriction au
droit de grève pour l'intérêt des jeunes en situation de handicap dans le
réseau scolaire. Ça vient avec tout le reste, puis tout le reste, qui est
infiniment plus gros au quotidien qu'une grève qui aura duré une fois par
génération, quelques semaines, c'est les 1 000 et quelques bris de service
qui se passent...
M. Boulet : Une génération,
c'est combien de temps?
M. Leduc : C'est une bonne
question, mais vous comprenez ce que je veux dire.
M. Boulet : C'est...
M. Leduc : Une grève de quatre
semaines, cinq semaines comme ça, dans le réseau du secteur public, là, on ne
connaîtra pas ça bien, bien souvent.
Une voix : ...
M. Boulet : C'est 20, 25 ans,
oui, O.K. Ah! c'est quand même intéressant.
M. Leduc : La fois d'avant
qu'on a connu une grève de profs de cinq semaines, moi, je n'ai pas souvenir de
ça.
M. Boulet : Donc, c'est
intéressant ce que vous dites. Donc, la prochaine potentielle, que nous ne
souhaitons pas, arriverait dans une génération, 20 à 25 ans. Donc, c'est
compatible avec notre volonté de ne pas appliquer cette loi-là, du moins le
moins possible. Ça fait que c'est intéressant que vous nous partagiez ça.
M. Leduc : Mais vous ne
répondez pas du tout à ma question en ce moment, vous détournez le sujet un
peu, là.
M. Boulet : Ah! bien, moi,je... tout ce qui est en mon pouvoir, puis vous me dites : C'est un...
comme si c'était... Regardez le fil conducteur des projets de loi qu'on a
travaillés ensemble. Je pense que notre guide central, c'était l'intérêt de la
population, l'intérêt des personnes souvent laissées pour compte. On a parlé
aussi d'équité salariale. On a fait un projet qui n'est pas allé assez loin. On
a en a fait beaucoup. C'est le 14e qu'on va déposer demain et qu'on va
travailler ensemble. Puis, sans être une réforme, ça règle des problématiques
de relations de travail. Mais constamment mon guide, c'est l'intérêt du monde,
puis ce projet de loi là ne fait pas exception. Vous pensez que c'est une
révolution. Moi, je ne le vois pas comme une révolution, je le vois comme une
avancée. Puis, s'il y a eu Saskatchewan en 2015, il peut y avoir Québec dans...
M. Boulet : ...un certain
nombre d'années dans l'hypothèse où certains décident de contester et de se
rendre à la Cour suprême du Canada. On a vécu Saskatchewan, on a vécu dans les
dernières années, malheureusement, des conflits de travail. Il y en a eu 288
tout de même en 2024. Il y a des conflits de travail qui ont généré des impacts
qu'on ne peut pas admettre dans une société comme la nôtre, puis vous êtes
certainement d'accord. Puis il ne faut pas trahir l'objectif de ce projet de
loi là, il est simple, puis je répète souvent que le libellé de son titre est
englobant, considérer davantage les besoins de la population. Puis j'ai tout
fait, nous avons tout fait pour qu'il ne soit pas politique puis qu'il soit
contrôlé par les parties d'abord et par des instances indépendantes et
impartiales d'autre part.
Puis est-ce qu'il est perfectible? Vous me
soumettez plein d'amendements, mais tous les amendements... Bon, après les
motions préliminaires que je respecte, je respecte vos amendements, mais on ne
pourra pas faire comme dans la Loi sur l'encadrement du travail des enfants et ajouter
des exceptions. Puis que vous me parlez des commissions scolaires puis des
centres de services scolaires à exclure, après ça, vous m'interpellez sur le
conflit de travail de la FAE. Donc, forcément, vous aviez en tête que ce
conflit-là, auquel on a déjà fait référence, pouvait être un type de conflit à
l'égard duquel le projet de loi pourrait hypothétiquement s'appliquer. Ça fait
que vous le faites à dessein, vous le faites, me démontrant qu'implicitement
vous adhérez aux objectifs. Je ne vous dis pas que vous êtes d'accord avec moi,
mais vous adhérez aux objectifs. Vous ne pouvez pas ne pas adhérer aux
objectifs. Puis je pense que beaucoup de travailleurs syndiqués, s'ils venaient
ici, ils comprendraient. Il ne met pas fin à la grève, il veut juste s'assurer
qu'il y a des services qui soient maintenus. Je veux juste s'assurer que
certains services soient maintenus pour ne pas blesser indûment une population.
M. Leduc : Bien, M. le
ministre...
Le Président (M. Allaire) : Juste
un instant. C'est un peu avec humour, là, j'en conviens, mais faites attention
de ne pas prêter des intentions de votre côté non plus. M. le député
d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.
M. Boulet : On s'en prête l'un
et l'autre.
M. Leduc : Il n'y a pas de
problème, mais merci d'intervenir, M. le Président. M. le ministre, si vous
étiez intervenu, ne serait-ce qu'une seule fois, pour manifester votre
préoccupation majeure sur le nombre grandissant de bris de service dans le
réseau au quotidien, j'aurais donné un peu plus de valeur à votre intervention
pour la limitation du droit de grève pour les mêmes motifs, mais je ne vous ai
jamais entendu. Puis j'ai essayé de vous faire dire tantôt que c'était-tu un
plus gros problème, vous n'étiez même pas capable de me dire ça que c'est un
plus gros problème des 1 500 bris de service à toutes les années, même
tous les mois, si j'ai bien compris, par rapport à une grève qui a duré une
fois quatre semaines.
Ça fait que c'est là que je vous mets le
défi de la cohérence, M. le ministre, préoccupez-vous-en autant des bris de
service, soyez aussi vocal sur les bris de service, pas juste en croisant le
ministre dans le corridor, mais sur la place publique que vous l'êtes, là on va
vous donner plus de crédit sur ce dossier-là.
• (18 heures) •
M. Boulet : ...s'en
préoccupe, tous les bris de service qui nous préoccupent, que ça soit des bris
de service de quelques heures ou de quelques journées. Là, moi, ce qui
m'interpelle, c'est les conflits de travail. On m'a donné les responsabilités
de ministre du Travail, puis j'essaie d'éviter les conflits de travail, puis
j'essaie d'atténuer les impacts de ces conflits-là sur les enfants. Mais si
vous pensez que je ne suis pas préoccupé par les autres bris de service, bien
sûr, on est tous ici, dans la salle, préoccupés. Puis celui qui a le mandat de
faire ce qui s'impose pour qu'il n'y en ait pas, du moins, le moins possible,
c'est le ministre de l'Éducation. Je ne peux pas dire autre chose, mais je
pense que vous l'avez exprimé. Vous ne doutez pas de ma préoccupation, si je
l'exprime, c'est parce que c'est dans la juridiction de mon ministère.
M. Leduc : Vous êtes quand
même un ministre de ce gouvernement.
M. Boulet : Bien oui, bien
sûr.
Le Président (M. Allaire) : Désolé,
M. le député, vous n'avez plus de temps, malheureusement. Donc, M. le ministre,
vous avez fini votre intervention?
M. Boulet : Oui.
M. Allaire : Ça va? M. le
député de Jean-Talon, vous souhaitez intervenir? La parole est à vous.
M. Paradis : L'objectif de
cette série d'amendements, c'est de circonscrire le champ d'application ou de
donner plus de clarté, en tout cas, c'est comme ça que je les comprends. Puis
le ministre est constant dans ses réponses, en disant : Non, on fixe une
règle, puis le temps dira comment le projet de loi 89 s'applique...
18 h (version non révisée)
M. Paradis : ...mais je
voudrais... je comprends que le ministre est en consultation. Le ministre, dans
le dernier échange, vient d'évoquer la possibilité, puis on en a parlé à
plusieurs reprises, que le projet de loi n° 89 soit contesté, en fait, les
représentants des travailleurs et des travailleuses ont presque tous et toutes
indiqué qu'ils allaient contester les dispositions du projet de loi n° 89.
Et on peut... on peut imaginer un processus un petit peu similaire à celui qui
s'est passé devant les tribunaux, qui a mené notamment à la jurisprudence
actuelle, l'arrêt Saskatchewan, etc., en disant : Pour les services
essentiels, on dit que, quand on dit... La question qui va se poser, c'est,
bon, les services essentiels. Et là on dit : Bien, c'est une limitation à
l'exercice du droit de grève qui fait partie maintenant du... qui est un
corollaire de la liberté d'association puis à l'exercice des droits du travail
au Québec, au Canada. Et là il y a eu une jurisprudence qui a cherché à savoir,
bien, dans quelle mesure c'était possible de déclarer des services essentiels
puis que ça limite le moins possible le droit constitutionnel. Donc, la
question va se poser aussi pour cette nouvelle notion de services assurant le
bien-être de la population. Et, notamment, on va chercher, les tribunaux vont
chercher à voir : Est-ce qu'on a circonscrit le plus... le plus clairement
possible l'atteinte aux droits? Est-ce que c'est une atteinte minimale? Puis là
on... le ministre connaît le test puis les juristes connaissent le test. Alors,
on va se demander : Bien, c'est quoi, l'objectif, est-ce que la mesure est
suffisamment liée à l'objectif poursuivi puis est-ce qu'on a cherché à
atteindre le moins possible ce droit-là?
Donc, je pose la question de nouveau au
ministre : Est-ce qu'il est confiant que la voie qu'il a choisie va être
celle qui va atteindre le plus minimalement possible ce droit? Parce qu'on
aurait pu adopter une posture différente de dire : On va le... On va la
faire appliquer uniquement dans des cas très limités. Là, c'est : Ça s'applique
généralement puis l'avenir nous dira comment les tribunaux, ou comment le
Tribunal administratif du travail, ou comment les ministres futurs vont
appliquer leur possibilité d'adopter des décrets, là, qu'ils déclenchent, qui
est l'étape un. Mais est-ce que... donc, est-ce que... De cette voie-là qu'il a
choisie, dans quelle mesure il considère que c'est celle qui va porter le moins
possible atteinte à ce droit fondamental qui est le droit d'exercer des moyens de
pression, de faire la grève pour négocier dans un équilibre fragile mais établi
au Québec comme ailleurs au Canada dans les relations de travail?
M. Boulet : C'est une
excellente question. Et la réponse courte, c'est oui. La réponse un peu plus élaborée,
c'est que... C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, on a utilisé le concept
de service minimalement requis, qui est un peu identique, pas similaire, j'en
conviens, parce qu'il y a des professeurs qui sont venus expliquer les
distinctions entre l'utilisation de notre concept services minimalement requis
et les services minimaux qui sont reconnus par le Comité des libertés
syndicales, là, vous m'avez entendu, comité qui est sous l'égide de l'Organisation
internationale du travail. C'est un concept qui est reconnu, qui a des critères
un peu plus restrictifs, mais on s'est inspiré de ça, donc, pour s'assurer que
l'atteinte soit la plus minimale possible, pour s'assurer, si jamais il y a des
débats devant les tribunaux, qu'on puisse raisonnablement alléguer, prétendre
et plaider que notre concept, il se rapproche le plus possible des décisions de
la Cour suprême du Canada, mais notamment parce qu'on... vous connaissez aussi
l'affaire Oakes. C'est l'atteinte minimale à un droit fondamental, oui, tout à
fait.
Le Président (M. Allaire) : M.
le député.
M. Paradis : Bien, c'est
parce qu'on peut... on peut se poser la question. Là, je comprends qu'on a eu
le débat tout à l'heure sur les universités puis on l'a eu avant sur d'autres catégories
d'employés, mais c'est un peu la même chose. La FAE, dans son mémoire, et d'autres
sont venus nous dire : Bien, écoutez, là, les grèves générales illimitées,
c'est très rare dans le domaine de l'éducation. Mais on l'a dit, là, il y a
celle de 2023, avant ça, c'est celle de 1980 puis, avant ça... bien, je ne me
souviens même pas, en tout cas, les mémoires qu'on a, c'est ce qu'ils... c'est
ce qu'ils précisent. Donc, l'objectif que vous poursuivez en soumettant tous
ces secteurs-là, comment vous allez faire pour démontrer, là? Parce que...
M. Paradis : ...je sais que
l'idée n'est pas d'être ici, d'avoir une boule de cristal puis de déterminer ce
qui va se passer devant les tribunaux, mais vous le savez, les avocats qui vont
défendre la position du gouvernement du Québec quand la loi va être attaquée
vont devoir démontrer que vous aviez des données qui justifiaient le fait que
le projet de loi va toucher autant de secteurs, plutôt que d'avoir décidé
d'avoir une approche chirurgicale. Parce que, j'y reviens, ça aurait été
possible de le prendre de l'autre côté, c'est-à-dire : vous voyez un
problème, c'est celui-là auquel on va s'attarder. Là, vous dites : Ah! je
fixe un nouveau principe qui s'applique à tout le monde, puis la règle s'applique
sans distinction à tout le monde. C'est ça, le test de l'arrêt Oakes, c'est
quel est l'objectif poursuivi, puis est-ce que la mesure que vous adoptez est
proportionnelle puis est directement liée à cet objectif-là, puis est-ce que
vous avez cherché à circonscrire au maximum? Je vous écoute, depuis le début de
la journée, puis je... ceux qui vont analyser nos débats, parce qu'on va aller
voir ça, notamment, comment on a dit puis comment on a justifié la mesure, je
ne sais pas s'ils vont trouver les réponses.
Puis c'est une question qui est importante
parce qu'on fait des législations, on veut que ça tienne la route devant les
tribunaux. Puis ce ne serait pas la première fois que des mesures législatives
qu'on croit bien ciselées, finalement, on dit : Bien non, ça ne répond pas
à l'objectif parce que, là, à chaque fois qu'on s'attarde à un secteur, vous
avez l'air de convenir que, bien non, il n'y a pas nécessairement réellement de
problème, mais, ah! la règle va s'appliquer à tout le monde. Donc, ici, l'objectif
est-il justifié pour l'ensemble des secteurs visés? La question se pose.
M. Boulet : Mon objectif,
j'en ai parlé constamment, c'est d'assurer le bien-être de la population. Puis
les conflits de travail qui ont des impacts négatifs, on réfère, je le redis,
au maintien de services minimalement requis pour assurer la sécurité et éviter
que la population soit affectée de manière disproportionnée. Ça, c'est le moyen
qui est le moins attentatoire.
Et je reviens au champ d'application parce
que vous avez un peu fermé votre propos avec ça. Je le répète, ça s'applique,
le Code du travail, comme toutes les lois, à tout le monde, indépendamment de
leur historique, de leur bilan puis de leur dossier. Le Code criminel, la même
affaire. Nos lois du travail, c'est la même chose. Tout le monde est soumis au
même régime de relations de travail.
C'est pour ça que ça s'applique à tout le
monde puis qu'on ne peut pas donner une exception. C'est comme si vous me
demandiez, dans un autre contexte, de dire : Les universités ne sont pas
assujetties à l'article 12 du Code du travail, les collèges ou les centres de
services scolaires ne sont pas assujettis à l'article 109.1 du Code du travail,
tu sais, c'est... Tout le monde est assujetti de manière équitable aux mêmes
obligations, mais je veux y aller simplement. L'objectif, c'est de protéger la
population. La façon de le faire, c'est de trouver le meilleur équilibre entre
l'exercice d'un droit constitutionnellement reconnu et ces dits besoins-là.
Puis c'est des personnes qui ont besoin aussi de sécurité, de dignité, puis qui
ont besoin parfois de recevoir des traitements, il y a... et des enfants qui
ont besoin de recevoir de la formation qui est compatible avec leurs besoins.
C'est tout ça. Moi, je trouve que ce n'est pas attentatoire, c'est minimalement
attentatoire, puis c'est simple, puis ça donne une connotation humaine à un
projet de loi qu'on essaie de présenter comme étant une révolution. Je ne pense
pas que ce soit une révolution. Les services essentiels, c'était revendiqué par
les parties, puis les services essentiels, ça fait l'objet d'un consensus, puis
les parties ne sont pas très éloignées de reconnaître ce besoin-là.
• (18 h 10) •
Le Président (M. Allaire) : M.
le député de Jean-Talon.
M. Paradis : Je pense qu'on
peut dire que la création d'un nouveau concept, bon, que vous avez qualifié, je
pense, de complémentaire, mais qu'on peut dire aussi... là, je ne veux pas le
dire de manière péjorative, mais de manière parallèle à celui des services
essentiels, c'est un... c'est un grand bouleversement du droit du travail, et
on le sait déjà, ça va être contesté. Et vous avez nommé vous-même au départ,
bon... vous vous concentrez sur certaines personnes très vulnérables où il
pourrait y avoir des impacts. Vous... On s'est concentré sur un nombre limité
d'exemples depuis le début...
M. Paradis : ...depuis le
début, alors que la question qui va se poser, c'est : Est-ce que la mesure
que vous proposez a des effets proportionnels à l'objectif que vous visez?
Est-ce que ce sont des atteintes minimales au droit en question, qui est
celui... le droit d'exercer des moyens de pression, le droit de faire la grève,
mais qu'à chaque fois qu'on dit : Oui mais là, dans ce secteur-là, ça n'a
pas ces impacts-là, bien, vous dites : Oui, mais je vise quand même
largement? Moi, je pense qu'il y a un risque.
Puis ça revient à la question que je vous
posais un peu plus tôt : Est-ce que vous avez évalué ces risques-là? Vous
avez l'air d'être très confiant en votre projet de loi. Je... j'allais
dire : J'ai hâte de voir. Je ne sais pas si j'ai hâte de voir, mais je
pense que l'épreuve des tribunaux va être très rude pour les dispositions que
vous proposez, compte tenu des réponses aux questions qu'on a, c'est-à-dire,
vraiment, de dire tout le monde s'y applique. Parce que vous dites : Ah!
le droit du travail s'applique à tout le monde. C'est vrai, mais là vous créez
un nouveau régime, vous créez une nouvelle... un nouveau concept qui est celui
des services assurant le bien-être de la population. Et je le redis, ce n'est
pas vrai que tous les concepts en droit du travail s'appliquent généralement à
tout le monde. Vous auriez pu décider de le circonscrire ou de dire :
C'est ça, mon objectif, parce que c'est ça, le problème que j'ai identifié, et
c'est juste à ça que ça va s'appliquer. Ce n'est pas la voie que vous avez
choisie.
M. Boulet : Bon, ça revient à
la précision chirurgicale que vous souhaitez dans le libellé des critères,
précision qui est, selon moi, inatteignable. Et il faut revenir à la base.
C'est apolitique, c'est indépendant et impartial comme décision
d'assujettissement. Et je ne suis pas naïf, je sais qu'il y a des risques
constitutionnels, collègue, et c'est pour ça que je répète constamment que
c'est une loi, quand elle le deviendra, qui va être appliquée dans des cas
exceptionnels, puis je souhaiterais même que ce ne soit pas appliqué, en 2026
ou en 2025, que ce ne soit pas appliqué.
Ce qu'il faut souhaiter comme société,
c'est qu'on donne aux parties, les employeurs et les syndicats tous les outils
pour éviter les conflits de travail, diminuer le nombre de conflits de travail,
éliminer les conflits de travail qui ont des impacts disproportionnés sur la
population. Est-ce que les tribunaux, si jamais les tribunaux sont saisis d'une
contestation, vont rendre une décision qui nous est favorable? Plus on
l'applique de façon prudente, plus nos chances sont bonnes. Mais moi, je
demeure quelqu'un qui est confiant.
Et les tribunaux peuvent décider complètement
l'inverse de ce que je pense. Puis je l'ai dit, il y avait un juge de la Cour
d'appel, quand il m'a reçu comme stagiaire à la cour d'appel à Montréal, qui
m'avait dit : Tu vas apprendre ce qu'est le droit quand tu vas perdre une
cause gagnée d'avance et quand tu vas en gagner une perdue d'avance. C'était...
puis il est décédé, c'était le juge Claude Vallerand, qui avait une façon de
s'exprimer, qui a écrit beaucoup de décisions de la Cour d'appel du Québec. Il
me répétait ça des fois puis il me disait... il me faisait écrire des projets
de jugements puis, tu sais, il me faisait réaliser à quel point c'était vrai. Ça
fait que je ne suis pas naïf, je le sais que ça peut arriver, qu'une
application de cette loi-là pourrait être déclarée inconstitutionnelle, mais je
suis confiant.
Le Président (M. Allaire) : Merci.
Merci. Je regarde l'heure, 18 h 15. Alors, compte tenu de l'heure,
j'ajourne les travaux au mardi 29 avril, à 15 h 30, où
la... Oui. Pardon?
Une voix : ...
Le Président (M. Allaire) : Ah
non! C'est à 6 h 15? 6 h 15 ou... Bon, là, j'ai-tu fermé
trop vite?
Des voix : ...
Le Président (M. Allaire) :
C'est 18 h 15. C'est bon? Parfait. Bon, on ajourne les travaux au
mardi 29 avril, à 15 h 30, où elle entreprendra un autre
mandat. Merci, tout le monde.
(Fin de la séance à 18 h 16)