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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(November 29, 2022 au September 10, 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Wednesday, April 23, 2025 - Vol. 47 N° 98

Clause-by-clause consideration of Bill 89, an Act to give greater consideration to the needs of the population in the event of a strike or a lock-out


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Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Allaire) : Alors à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie du travail ouverte. La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi no 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président, Mme Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel) est remplacée par M. Girard (Lac-Saint-Jean); Mme Tremblay (Hull), par Mme Dorismond (Marie-Victorin); Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey), par Mme Prass (D'Arcy-McGee); et M. Fontecilla (Laurier-Dorion), par M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve).

Le Président (M. Allaire) : Merci, Mme la secrétaire. Alors, à la demande de la partie gouvernementale, je vais suspendre les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 44)

(Reprise à 11 h 57)

Le Président (M. Allaire) : Alors, nous allons reprendre les travaux. Si vous vous souvenez, hier, lors de l'ajournement, nous étions à l'article 4, qui introduit 14 nouveaux articles, nous étions au premier article introduit et nous étions plus spécifiquement sur un amendement qui a été déposé par le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, il vous restait cinq secondes. M. le député de Jean-Talon, il vous reste 14 minutes, et Mme la députée D'Arcy-McGee, il vous reste 20 minutes sur l'amendement. Mais, avant, je cède la parole au député... pas au député, pardon, mais au ministre, s'il vous plaît, qui veut apporter certaines précisions. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Boulet : Oui, merci, M. le Président. Peut-être deux éléments avant de reprendre nos travaux en étude détaillée. D'abord, mentionner, je le répète souvent, c'est un projet de loi à connotation profondément humaine. Je pense qu'il faut le garder le plus simple possible. Et j'ai souvent exprimé mon respect aussi pour la liberté d'expression, pour le droit de manifester un désaccord avec un projet de loi. On vit dans une société qui est totalement libre et démocratique.

Il y a eu cependant, ce matin, des manifestations, puis je voulais partager l'information, je l'ai partagée avec les collègues, je la reprends en commission. Il y a eu des manifestations aussi à mon bureau, sur le chemin Sainte-Foy,, ici, à mon cabinet, à Québec, et il y a une quarantaine de manifestants qui sont allés au sixième étage de l'immeuble où se situe mon bureau puis ils sont allés dans le bureau des conciliateurs-médiateurs. Ils sont entrés, donc, dans ce bureau-là, et il y a des personnes qui étaient là, sans les nommer, qui se sont senties bousculées, qui se sont senties intimidées. Et les forces de l'ordre, c'est-à-dire la Sûreté municipale de Québec, a dû intervenir pour sortir ces personnes-là.

Ça fait que je veux juste le redire parce que c'est important, puis je sais que mes trois collègues, D'Arcy-McGee, Jean-Talon puis Hochelaga-Maisonneuve, on est tous du même avis : on doit faire des discussions dans le respect, on peut manifester, on peut s'exprimer librement, sainement, mais le faire, évidemment, de façon civile, respectueuse. Puis on ne peut pas tolérer, au Québec, de l'intimidation. On ne peut pas tolérer des actes qui s'approchent... je ne voudrais pas dire qu'il y a eu de la violence, là, mais il y a des personnes... Tu sais, on me disait : Ça ne se peut pas qu'il y ait des personnes qui aient peur, mais il y a des personnes qui se sentent intimidées, il y a des personnes qui se sentent bousculées. Et donc je le dis pour le partager avec vous tous.

• (12 heures) •

Deuxièmement, j'ai compris beaucoup de nos échanges, particulièrement avec le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve et le collègue de Jean-Talon, puis je suis convaincu que notre collègue de D'Arcy-McGee partage les mêmes préoccupations. Je sentais qu'il y avait une perception que les CPE étaient ciblés dans leur négociation actuelle. Et le projet de loi... Puis, souvent, vous me posiez la question : Pouvez-vous vous engager à ne pas l'appliquer pour les CPE dans le conflit actuel? Alors, moi, je vous informe, là, de mon intention, de notre intention de différer l'application des dispositions concernant le maintien de services pour assurer le bien-être de la population pour les CPE. Donc, les dispositions du...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Boulet : …5.1.1 ne s'appliquerait pas aux CPE avant l'écoulement d'une année suivant la date de sanction de la présente loi. Puis ça, c'est une intention. Il faudrait faire les ajustements, l'amendement opportun à l'article 11 pour la mise en vigueur, ça va laisser le temps à toutes les négociations de se compléter. Et évidemment la nature particulière de la négociation actuelle dans les CPE justifie une telle exclusion temporaire. Puis, bon, dans un an, ce sera un autre contexte. Les parties auront vraisemblablement réglé. Si ce n'est pas le cas, ils auront eu le temps de négocier ou de préparer une négociation sur des services visant à assurer le bien-être de la population. Alors, voilà. Puis hier, je pense que j'ai clarifié que si on aboutit à un décret, la négociation des services à maintenir pour assurer le bien-être de la population va pouvoir se faire selon des… convenues par… et coordonnées et acceptées par les regroupements d'employeurs et les syndicats qui sont impliqués. Alors, voilà. Puis, comme j'ai mentionné à une question du collègue de Jean-Talon ou de Hochelaga-Maisonneuve, évidemment, les décrets vont identifier chaque employeur concerné puis chaque association accréditée.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le ministre. Je rappelle qu'on est toujours sur l'amendement. M. le député de Jean-Talon, la parole est à vous.

M. Paradis : Merci pour ces informations, M. le ministre. Je ne connais pas le détail de ce qui… de ce qui s'est passé à vos bureaux de Québec, mais si tant est, donc, qu'il y a eu des actes d'intimidation ou... qui ne peuvent pas être tolérés dans notre société démocratique, on le déplore avec vous et on invite toutes les personnes à manifester pacifiquement relativement aux objets, aux sujets qui nous occupent ici, en commission parlementaire.

Je vous remercie également de l'information que vous nous donnez ce matin sur le fait que les négociations actuelles qui ont cours avec les éducatrices en garderie, en CPE, ne seront pas affectées par le projet de loi n° 89. Vous aurez compris que c'était une préoccupation du collègue d'Hochelaga-Maisonneuve et de ma part, hier, c'était de voir comment ce nouvel... cette nouvelle structure allait venir bousculer les négociations entre les parties. Donc, merci de faire cette précision. C'est une démonstration que les questions de l'opposition et les positions de l'opposition comptent et que, quand on a une collaboration avec l'équipe ministérielle, avec le ministre, on peut arriver à clarifier des choses. Et je pense que ça va être important pour toutes les parties concernées d'avoir cette clarification-là aujourd'hui.

Cela étant dit, donc, nous étions dans un… dans un dialogue, vous et moi, M. le ministre, sur la portée de l'article, en fait, de la section 5.1.1 du Code du travail, qui est ajoutée par l'article 4 du projet de loi dans le cas des CPE. Parce que nous sommes donc sur une proposition d'amendement du collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, qui vise à exclure les centres de la petite enfance de l'application de cette... de cette partie du projet de loi. Donc, là, on sait que, pour les négociations en cours, non, ça ne s'appliquera pas via l'application des dispositions de mise en vigueur du projet de loi. Très bien. Alors là, on a évacué ça, mais continuons quand même de parler de l'avenir, parce qu'un projet de loi, ce n'est pas juste sur la situation qui nous occupe actuellement, c'est pour l'avenir. Et il pourrait y avoir une nouvelle négociation, disons, dans quelques années, entre un gouvernement x, y, z et les éducatrices en garderie. Ça va être ça, l'hypothèse pour aujourd'hui, donc, que… pour tout le monde qui nous écoute, là, on ne parle pas du conflit actuel. Néanmoins, c'est important de clarifier un certain nombre de choses.

D'abord, j'aimerais revenir parce que, dans votre réponse, M. le ministre, à ma dernière question, on en était resté là, mais vous avez... vous avez utilisé la phrase «prendre la population en otage». Et vous l'avez utilisée alors que nous discutons d'un amendement qui concerne les centres de la petite enfance. Et j'aimerais nous inciter toutes et tous à la prudence quand on utilise ces phrases-là. Et je vais vous citer un passage que je trouve intéressant du mémoire de… du SFPQ, aux pages quatre et cinq de son mémoire. Je cite : «Avant de conclure nos remarques introductives, il importe également de rappeler au ministre du Travail que le droit de grève tel qu'il s'exerce actuellement est un…

M. Paradis :  ...acquis historique issu d'un compromis social propre à l'Amérique du Nord. L'encadrement du droit de grève ne permet le recours à celle-ci que dans des situations spécifiques de négociation de convention collective. Le droit de grève est donc intrinsèquement lié aux uniques relations de travail, et la notion de grève sociale, grève liée à une politique gouvernementale, grève liée à des revendications sociopolitiques, etc., n'est pas admise au Québec. Néanmoins, en faisant entrer le champ social dans cet aspect des relations de travail via l'introduction de la notion de service assurant le bien-être de la population ainsi que le pouvoir du ministre de déférer à l'arbitrage des conflits de travail menant ou pouvant mener à un préjudice à la population, le ministre ouvre une boîte de Pandore. Il rompt le compromis excluant le champ social du droit de grève en y introduisant la notion conservatrice d'opposition entre les droits des travailleuses et des travailleurs et ceux de la population. Ses déclarations à l'effet que l'exercice du droit de grève prenne la population en otage sont une vieille rengaine corporatiste indigne d'un gouvernement démocratique du XXIe siècle.» Fin de la citation.

Ce sont des mots forts, M. le ministre, mais néanmoins rappelons-nous qu'actuellement nous parlons d'éducatrices en garderie qui s'occupent des enfants en bas âge du Québec et qui sont les personnes les plus dévouées au bien-être de cette personne-là et qu'il leur est impossible à elles de réduire les services ou d'utiliser d'autres moyens de pression, parce que, non, tu ne peux pas donner une bouchée de nourriture sur deux à un enfant, non, tu ne peux pas décider de ne pas t'occuper d'un enfant quand il est malade, non, tu ne peux pas être là quand un parent n'arrive pas à l'heure pour t'occuper des enfants. Elles sont à 150 % dévouées pour nos enfants et pour le bien-être de la population.

Alors, il y en a d'autres, des représentants des travailleurs, qui sont venus ici dire que, cette phrase-là, il faut faire attention quand on l'utilise parce que c'est dans le cadre de négociations collectives, de moyens de pression légitimes, et les éducatrices en garderie, si elles n'ont pas ce moyen de pression, elles n'en ont aucun autre. Alors, j'espère qu'on ne prétend pas qu'elles prennent la jeunesse en otage ou qu'elles prennent la population en otage en exerçant un droit légitime, qui, soit, entraîne des inconvénients pour la population, mais je nous invite toutes et tous à peser nos mots. Dire «prendre la population en otage» quand on parle de l'exercice légitime du droit de grève de nos éducatrices en garderie, qui, légitimement, réclament des conditions de travail... de meilleures conditions de travail, je pense que... je ne pense pas que ce soit l'expression appropriée.

Cela étant dit, je nous ramène donc au texte de... du projet de loi n° 89, et ma question, donc, était la suivante. Donc là, on exclut le conflit actuel, on est dans cinq ans, six ans, sept ans, et de nouveau les éducatrices en garderie, malheureusement, ne sont pas capables de convenir avec leur employeur de conditions de travail et veulent exercer leur droit de grève. Ma compréhension de la situation actuelle, qui, d'une lecture très rapide du projet de loi n° 100 déposé ce matin par votre collègue la présidente du Conseil du trésor, indique que la partie qui est véritablement à la table de négociation lorsqu'il s'agit des CPE, c'est la présidente du Conseil du trésor, probablement accompagnée de la ministre de la Famille, mais c'est la présidente du Conseil du trésor qui est à la table de négociation. On parle de balises ou pas qui existent dans le projet de loi. Dans l'état actuel du projet de loi, dites-moi ce qui empêcherait ce gouvernement XYZ, donc la présidente du Conseil du trésor, dans quelques années, d'aller voir le ministre du Travail puis de dire : Bon, là, j'ai besoin tout de suite d'adopter un décret, je voudrais que soit désigné l'ensemble des CPE, l'employeur, comme des groupes, donc, à l'égard desquels le tribunal peut déterminer si des services assurant le bien-être de la population doivent être maintenus. Qu'est-ce qui empêchait de le faire d'emblée, d'entrée de jeu? Ce qui deviendrait donc un moyen de pression de la part du gouvernement, parce que, dès qu'il y a un décret qui est appliqué, là, qui est adopté, ça lance un signal très fort, ça lance un signal que, ah! ah! vous, vous êtes visés par ces dispositions-là. Et je sais qu'hier vous m'avez dit : Oui, mais attendez, après ça il faut que le tribunal prenne une décision d'assujettissement, mais ça, ce n'est pas grave. La première étape, c'est d'adopter un décret, et c'est déjà un instrument qui vient jouer sur l'équilibre des forces dans des négociations.      Donc, est-ce qu'il y a des balises qui empêcheraient un futur gouvernement de procéder comme je viens de le décrire dans le texte actuel du projet de loi?

• (12 h 10) •

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : O.K. Trois éléments. Le premier, je pense que ça réfère, le propos que vous...

M. Boulet : ...citiez, à une rengaine corporatiste, ce n'est pas de mettre en opposition les droits de syndiqués qui exercent un droit tout à fait légitime de faire la grève aux droits, par ailleurs, aussi fondamentaux de la population, c'est de trouver un équilibre. C'est ça, le but du projet de loi. Puis c'est ça que je nous invite tous à essayer d'atteindre, un équilibre entre l'exercice d'un droit constitutionnel et les besoins de la population. C'est aussi simple que ça. Quand même qu'on essaierait de mettre en opposition des familles à des syndiqués, les syndiqués aussi sont membres de familles, ils sont aussi des parents. C'est de s'assurer de concilier des droits. Vous le savez, un droit disciplinaire, il faut que ça tienne compte d'un droit à la vie privée aussi. C'est toujours la balance que nous devons essayer d'atteindre. La Charte des droits et libertés de la personne fourmille de droits fondamentaux, mais, à chaque fois, il faut aussi les mettre en parallèle avec des droits qui veulent s'y opposer. Mais c'est là, que l'exercice d'équilibre que nous faisons tous ensemble s'impose.

Deuxième élément. Quand on dit : Ça prend la population en otage, c'est... ça, quand j'ai référé à ça, c'était dans le contexte général, c'était l'économie générale du projet de loi n° 89, nullement à l'égard des éducatrices. Et moi, je n'ai jamais voulu vexer les éducatrices et les éducateurs, pour qui j'ai un immense respect. Il y en a, des enfants autour de moi puis qui sont en CPE, puis je sais ce que ça implique, puis je sais la valeur de ce travail-là, donc j'ai... Ce n'est pas du tout pour vexer. Il y a beaucoup de groupes qui sont venus en consultations particulières et ils ont utilisé l'expression, bien sûr, au sens figuré, puis vous le comprenez, mais je suis toujours prudent quand j'utilise ce mot-là, puis vous avez raison.

Troisièmement. Ça ne change à rien dans la loi ou dans le projet de loi déposé ce matin par ma collègue du Conseil du trésor. Le Trésor négocie, mais le Trésor n'est pas l'employeur. Puis, quand un décret est fait, ce n'est pas par le Trésor, c'est par le gouvernement. Puis, quand c'est un décret gouvernemental, on identifie l'employeur et les syndicats. Donc, ce seront les CPE avec les associations accréditées, on a vu hier que c'était 56 % des accréditations qui étaient détenues par la CSN, et les CPE seront bien sûr concernés. Puis ce que vous dites, que ma collègue du Trésor va me dire : Faisons un décret. Non, ça, c'est quasiment l'équivalent de 107 du Code canadien du travail. Faisons ce qui est juste. Adoptons les mesures qui s'imposent pour que le TAT se prononce. Ce n'est pas ça. Le décret, je l'ai expliqué hier, un, il est gouvernemental. Avant d'adopter un décret, il y a des analyses d'impact qui sont faites dans les ministères, au ministère du conseil exécutif. Il y a des analyses, il y a des observations, il y a des consultations. Puis les critères qui sont dans le projet de loi sont des guides permettant d'adapter un décret gouvernemental dans la plus stricte rigueur. On le répète, c'est pour maintenir des services minimalement requis pour assurer une sécurité à la population, pour ne pas que la population... je ne dirais pas soit prise en otage, mais ne soit pas préjudicié de manière disproportionnée. C'est ça qui va permettre au gouvernement d'adopter un décret. Mais, encore une fois, un décret, ce n'est pas une décision d'assujettissement, c'est juste un décret qui permet à une des parties de demander au tribunal de s'exprimer, de rendre une décision à savoir si les critères sont rencontrés. Donc, c'est...

Puis, je le répète, là, je pense que c'était important pour moi de clarifier ce matin pour les CPE que la cible du P.L. 89, ce n'était pas les CPE, ce n'était pas la négo actuelle, véritablement pas. Puis je pense que je réponds à une question claire. Êtes-vous prêt à vous engager? Oui, je suis prêt à m'engager à confirmer que ce n'est pas la négo actuelle. Moi, je fais une étude détaillée pour qu'on avance, pour qu'on discute de manière raisonnée. C'est sûr que je vais répondre à toutes vos questions. Puis il y aura, dans les détails, collègue de Jean-Talon, où ça sera expérimenté, là. Ce n'est pas tout le temps noir et blanc, malheureusement, les relations de travail...

M. Boulet : ...dans son application, une loi, ce n'est jamais non plus noir et blanc, vous le savez, vous avez souvent plaidé. Les meilleures lois sont susceptibles d'interprétation puis d'application. Les meilleures lois ont besoin d'être éprouvées puis les meilleures lois ont besoin d'être améliorées au bout d'un an, deux ans, cinq ans.

Ça fait que je n'aurai jamais des réponses tout le temps noir et blanc. On avance, on est... avec un projet de loi qui est bénéfique pour la population, qui vise à contrôler les impacts préjudiciables pour la population de droit de grève et de lock-out. C'est tout simplement ça.

M. Paradis : Bon. Quant à l'expression «prendre la population en otage», je pense qu'on peut conclure le débat là-dessus. J'ai bien entendu, là, votre désir de rester prudent. Moi, je pense que dans la bouche du ministre du Travail, c'est une expression qui ne devrait pratiquement jamais être utilisée. Je comprends que certains l'ont utilisée, mais je pense que ça décrit mal le processus de négociation qui se passe au Québec. Fin de la parenthèse là-dessus. Je conviens avec le ministre que nous sommes des civilistes au Québec. Fin de la parenthèse là-dessus.

Je conviens avec le ministre que nous sommes des civilistes, au Québec, et donc que nous allons souvent, dans nos lois... Le Code civil en est un exemple, et les lois du Québec contiennent des principes généraux qu'on ne peut pas surdétailler, comme, par exemple, le font parfois les «commonlawyers». Je conviens de ça avec le ministre.

Néanmoins, la discussion qu'on a, c'est sur le fait que nous changeons l'État du droit de manière profonde. Vous voulez changer profondément l'état du droit sur des questions fondamentales en droit du travail et qu'on passe d'un système qui est bien normé actuellement à un système qui serait complètement nouveau, je le redis, sur des aspects essentiels du processus de négociation de conditions de travail, autant dans le secteur privé que dans le secteur public, parce que le projet de loi no 89 ratisse large.

Et moi, je vous ai dit, ça m'apparaît des pouvoirs discrétionnaires. Vous me dites : Non, ils sont balisés. Et là vous me parlez de critères, mais vous revenez toujours sur les critères de l'article 111.22.3, qui décrivent ce que sont les services essentiels. Et je vous dis qu'à peu près tous les mots qui sont dans ce paragraphe-là sont du droit nouveau et qu'à peu près tous les mots vont devoir être interprétés. Donc, c'est beaucoup d'incertitude, beaucoup d'instabilité, mais ça, c'est sur la définition des services essentiels.

Moi, je veux vous entendre sur l'article 111.22.4, sur les critères qui vont guider le gouvernement dans l'adoption d'un décret désignant une association accréditée et un employeur à l'égard desquels il pourra y avoir déclaration de services assurant le bien0être de la population. Parce que vous pointez beaucoup l'article 107 du code canadien en disant : Ça, c'est l'exemple... je vous paraphrase, mais : Ça, c'est un vrai pouvoir discrétionnaire, puis on ne peut pas aller là. Mais moi je vous demande c'est quoi, la différence avec votre article 111.22.4. Pas sur la définition des services assurant le bien-être de la population, sur ce qui va vous guider pour prendre la décision. Depuis hier, vous nous donnez des indices, vous dites: il va y avoir analyse, consultation et observation, puis vous avez commencé à nous parler de critères : la nature du conflit, la durée du conflit, etc., mais vous présumez que ça veut dire qu'il va déjà y avoir une situation de négociation, qu'il va déjà y avoir peut-être un conflit de travail qui se dessine.

Où est-ce que vous voyez ça dans l'article 111.22.4? Où sont les balises? Où sont les critères pour guider un peu l'interprétation de ce nouveau droit? Parce que moi, je n'en vois pas. Moi, je vois très bien le gouvernement qui, pour se préparer à une négociation difficile, va.... Puis là c'est pour ça, on est dans un cas d'hypothèse, là, on est dans cinq ans, dans six ans, il voit une négociation difficile arriver avec des employés du secteur public, par exemple, les centres de la petite enfance, et, de manière préventive, il va décider de faire pendre l'épée de Damoclès au-dessus de la tête des représentantes, des représentants des travailleuses. Il va dire : J'adopte déjà un décret à l'égard de tous les CPE du Québec, toutes les associations, peu importe, là, qui est l'employeur, mais je désigne ça, j'adopte un décret. Donc, en temps voulu, le tribunal pourra déclarer... Ça a déjà un impact fondamental.

Donc, moi, je veux savoir, je vous amène sur le point très technique, la décision d'adopter un décret ou non, où sont les balises dont vous parlez? Où sont les différences avec l'article 107? Parce que moi je n'en vois pas. Je vois que vous adoptez un décret, que le ministre, le futur ou la future ministre peut adopter un décret, puis le décret aura effet jusqu'au dépôt d'une convention collective. Ça ne dit pas à partir de quel moment vous pouvez adopter un décret, ça ne dit pas dans quelles conditions vous pouvez le faire ou pas, ça ne dit pas ce que vous allez considérer pour adopter un décret ou pas.

• (12 h 20) •

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : C'est...

M. Boulet : …intéressant parce que d'un côté, on plaide la constitutionnalisation du droit de grève découlant d'une décision de la Cour suprême du Canada, dont les motifs ont été exprimés par le juge Dickson. Et d'autre part, on voudrait des critères très, très précis, et les critères que nous avons mis là se veulent respectueux de l'état de la jurisprudence, respectueux de l'état de la jurisprudence. Et, pour nous éviter, comme législateurs, de tomber dans le piège de guider le TAT, alors qu'on veut que ce soit une décision apolitique.

Je ne sais pas si vous me suivez bien, là, mais vous ne pouvez pas plaider des deux côtés, dire : C'est un droit constitutionnel, maintenant, parce que c'est un droit constitutionnel, assurez-vous que le corridor d'interprétation soit le plus étroit possible. Je ne suis pas d'accord avec ça. On ne peut pas faire du droit de cette manière-là. Pour que la décision soit impartiale et indépendante, elle doit laisser une marge de manœuvre au Tribunal administratif du travail. C'est la raison pour laquelle on utilise des critères, des mots connus, parlez-en à votre collègue de Matane, des mots déjà interprétés. Il n'y a pas un mot qui n'est pas dans le dictionnaire. Il n'y a rien qui m'apparaît vague, c'est clair. Le bien-être de la population, les services minimums requis pour assurer la sécurité de la population. Bien, voyons, il n'y a rien qui ne peut pas être bien défini. Puis, je le répète, c'est des critères qui sont respectueux de l'état d'esprit de la décision de la Cour suprême du Canada.

Maintenant, comme je vous ai aussi mentionné, on va un pas plus loin et je ne souhaite pas que le gouvernement fasse un décret. Tout ce qu'on veut éviter, puis le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve me connaît bien, c'est d'éviter qu'on aboutisse là. Je n'en veux pas. On n'en veut pas, de conflit de travail. Puis je pense que, dans les dernières années, on a mis énormément l'accent sur l'amélioration des climats de relations de travail, sur l'accompagnement à la négo, sur la conciliation médiation. On a des personnes reconnues, respectées. On ne veut pas qu'il y en ait, de conflit de travail. C'est la solution ultime dont on parle, c'est le conflit de travail qui n'est pas évident, qui n'a pas pu être évité.

Puis le ministre, il va, dans la mesure où les critères prévus dans la loi lui permettent de le guider… va recommander la prise d'un décret, quand? Quand une interruption va être susceptible d'affecter de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population, notamment pour celle des personnes en situation de vulnérabilité. C'est-tu assez clair? Je répète ce qui est prévu dans le projet de loi, textuellement. Puis cette évaluation-là va être… va découler, je l'ai dit, d'analyses, de consultations, d'observations, mais va se faire à la lumière, puis je l'ai expliqué hier, notamment des activités de l'entreprise, du contexte, parce que c'est hypercontextuel. Puis la Cour suprême nous incite à tenir compte du contexte dans lequel se déroule une négociation de convention collective, le niveau de conflit, la conflictualité des négociations. Puis ça, ça comprend aussi la durée des conflits, l'absence de solution de substitution. Il y a… c'est des critères qui sont incontournables. Je vais les répéter, mais je les ai mentionnés hier, puis je les répète, et le décret, c'est justement pour permettre après ça de dire aux partis : Si vous pensez que le projet de loi pourrait s'appliquer, qu'une des parties demande au tribunal de décider si les critères sont respectés, puis si c'est le cas, les partis vont négocier les services à maintenir. C'est… moi, je trouve que c'est un processus qui est simple. Puis, bon, je pense que, des fois, à le redire, on réalise encore plus à quel point ce l'est. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous. M. le député de Jean-Talon, il vous reste deux minutes.

M. Paradis : M. le ministre, vous dites : On veut parfois trop de détails, puis on veut des décisions apolitiques. Je regarde votre article 111.22.4. Je n'en vois aucun, détail. Il n'y en a pas…

M. Paradis : ...il n'y en a pas. Vous me parlez de la définition des services assurant le bien-être de la population, mais, ce qui fait qu'on va pouvoir adopter un décret ou pas, il n'y a rien là-dessus, vous le tenez pour acquis.

M. Boulet : ...

Le Président (M. Allaire) : Non, il... non, non.

M. Paradis : Non, non, on est encore là. Mais c'est pour savoir dans quelle mesure ça peut affecter une négociation, comme celle des...

Le Président (M. Allaire) : Juste un instant, juste un instant. Je pense que j'ai bien compris que vous faisiez allusion, mais on est... je répète qu'on est sur l'amendement qui a introduit l'article 11.22.2, bien... parce que j'ai compris que c'était juste une référence et non une demande de complément d'information. Allez-y.

M. Paradis : Oui, parce que les deux sont liés, là. On est en train de savoir dans quelle mesure la loi devrait s'appliquer ou non aux services de garde, aux centres de la petite enfance. Le collègue propose un amendement qui les exclut. Le ministre dit : Non. Moi, je dis : Bien, on a un exemple actuellement, on a décidé de dire que, non, ça ne s'applique pas. Mais ça va arriver dans le futur. Donc, s'il y a une future grève des CPE, qu'est-ce qui fait dire au ministre... Où est-ce qu'ils sont, les mots? Vous avez utilisé des mots. Ah! s'il y a un conflit de travail qui perdure, on pourrait adopter un décret. Où est-ce que c'est écrit, que ça ne peut pas être préventif, que ça ne peut pas être adopté avant même qu'il y ait une négociation qui est entamée? C'est écrit où dans votre article 111.22.4?

M. Boulet : ...j'ai répondu, là, puis je vais faire un commentaire très bref. On tient compte du contexte, du niveau de conflictualité, de la durée du conflit, des parties qui sont impliquées. C'est sûr que le moment opportun où on décide d'adopter un décret, il est déterminé en tenant compte de l'ensemble des éléments que je viens de partager avec vous. Pour moi, c'est très clair.

Le Président (M. Allaire) : M. le député de Jean-Talon.

M. Boulet : ...

M. Paradis : Je comprends que des exégètes pourront lire nos débats pour dire que c'est ça que vous avez dit qui était l'intention du législateur, mais il n'y a rien qui dit dans votre article 111.22.4 que vous pouvez adopter un... que vous ne pouvez pas adopter un décret à votre bon vouloir, y compris si ça s'appliquait au conflit actuel, on l'adopte tout de suite puis on dit : Tiens, l'épée de Damoclès est au-dessus de vos têtes.

M. Boulet : Là, il faut que je réponde à ça, M. le Président. Lisez 107 à plusieurs reprises. Là, vous allez comprendre ce qu'est le bon vouloir, vous allez comprendre ce qu'est la discrétion quasi absolue, vous allez voir dans son application. 107, on en a vu plusieurs applications en 2024. Ça, ça s'approche du bon vouloir. Le projet de loi n° 89, ce n'est pas un pouvoir discrétionnaire, c'est, un, un pouvoir qui est rendu, qui est exercé par un tribunal impartial et indépendant. La décision initiale, j'ai dit que c'était un... ce n'est pas... La décision initiale, c'est le temps qu'il la rend, tout simplement. Ça fait qu'il y a tellement un écart entre les deux, entre le Code canadien du travail puis ce que nous proposons. Voilà.

Le Président (M. Allaire) : Merci. 37 secondes, M. le député.

M. Paradis : Vous pouvez imaginer que j'ai bien lu l'article 107, et je m'excuse, mais vous n'avez aucunement répondu tout au long de cet échange où sont les balises dans votre article 111.22.4 sur l'adoption ou non d'un décret. Il n'y en a aucune. Alors, je m'arrête là.

Le Président (M. Allaire) : Je rappelle quand même qu'on est sur l'amendement puis on... qui introduit l'article à l'article 4, le 111.22.2. Donc, est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement déposé par le député de Jean-Talon? Il reste cinq secondes.

M. Paradis : ...excusez-moi, ce n'est pas mon amendement.

Le Président (M. Allaire) : Ah! j'ai dit «Jean-Talon». Ah! merci de me rappeler à l'ordre. C'est gentil. Donc, il n'y a pas d'autres interventions? Donc, nous allons procéder à la mise aux voix de l'amendement. Est-ce que l'amendement adopté? Par appel nominal, s'il vous plaît, Mme la secrétaire.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

La Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

La Secrétaire : Mme Mallette (Huntingdon)?

Mme Mallette : Contre.

La Secrétaire : M. Caron (Portneuf)?

M. Caron : Contre.

La Secrétaire : M. Dufour (Abitibi-Est)?

M. Dufour : Contre.

La Secrétaire : M. Girard (Lac-Saint-Jean)?

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Contre.

La Secrétaire : M. Martel (Nicolet-Bécancour)?

M. Martel : Contre.

La Secrétaire : Mme Prass (D'Arcy-McGee)?

Mme Prass : Contre.

La Secrétaire : M. Paradis (Jean-Talon)?

M. Paradis : Pour.

La Secrétaire : M. Allaire (Maskinongé)?

Le Président (M. Allaire) : Abstention. L'amendement est donc rejeté. On revient donc à l'article... à l'article 4, pardon, qui introduit le nouvel article 111.22.2. Est-ce qu'il y a des interventions? M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

• (12 h 30) •

M. Leduc : Merci, M. le Président. Comme il me restait que cinq secondes sur l'amendement, je n'ai pas pu répondre à la nouvelle du ministre concernant son engagement ou son... son engagement, je pense, à rajouter plus tard, quand nous serons rendus à l'article 11 des dispositions transitoires, un article, un amendement qui différerait d'un an, si j'ai bien compris, l'application...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Leduc : ...de quelques-uns des articles ou de l'ensemble du projet de loi, on verra, là, avec le libellé exact, pour l'ensemble des... de la négociation en cours dans les CPE si j'ai bien compris.

Je l'avais, en effet, mis au défi hier, je l'avais mis au défi symboliquement, peut-être, à travers des questions au salon rouge les dernières semaines, mais, très clairement, hier, je l'avais mis au défi de nous clarifier la situation. Bien, il y répond, il répond, il le fait. Donc, je tiens à le remercier. Je ne sais pas si j'aurai d'autres gains de ce genre dans le reste du projet de loi, les paris sont ouverts, mais, celui-là, je l'apprécie et je pense qu'il vient retirer quand même une très grosse épée de Damoclès sur la tête de centaines de milliers d'éducatrices, de travailleuses, travailleurs des CPE qui sont en plein contexte de négociation, qui est difficile pour toutes sortes de raisons, on ne refera pas le 30 minutes de ma motion préliminaire d'hier. Mais bref, il répond à ma question d'hier. Je tiens à le saluer et à le remercier. On traitera de l'amendement quand il sera déposé, mais, s'il veut d'aventure nous l'envoyer d'avance, ça va toujours être plus simple pour nous de pouvoir l'examiner et, rendu à ce moment-là, le traiter plus rapidement.

Cette parenthèse étant terminée, M. le Président, j'ai un autre amendement, toujours à 111.22.2. Je pense qu'il est déjà envoyé.

Des voix : ...

M. Leduc : Ah! il n'est pas envoyé. Bon. On va avoir peut-être une suspension rapide pour qu'on vous l'envoie.

Le Président (M. Allaire) : Parfait. On suspend les travaux. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 32)  

(Reprise à 12 h 36)

Le Président (M. Allaire) : On reprend les travaux. Avant de céder la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve pour son amendement, je tiens à vous aviser que la partie gouvernementale a déposé l'ensemble de ces amendements, peut être pas tous, mais une bonne partie sur le Greffier. Donc, vous allez pouvoir les consulter. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.

M. Leduc : Merci. Je vais commencer par saluer le ministre, qui a cette belle pratique de déposer ces amendements assez tôt dans le processus. Ça facilite notre travail et certainement les discussions pour les oppositions, on l'apprécie.

L'amendement se lit comme suit :

À l'article 111.22.2, proposé par l'article 4 du projet de loi, ajouter, après «parapublic» (chapitre r-8.2) les mots «ni les services publics prévus à l'article 111.0.16 du Code du travail» (chapitre c-27).

Explications, M. le Président. Hier, dans un des échanges que nous avons eus, le ministre et moi, je lui demandais qui allait faire partie des deux systèmes, à savoir le système actuel de la Loi sur les services essentiels et ce que moi, j'appelle amicalement les services essentiels déguisés. Donc, le service... il faut toujours que je relise, là, le service de maintien et le bien-être de la population. Et il m'a identifié... je pense que c'est quand je citais notamment les expertes en droit du travail qui s'inquiétaient de la superposition de deux régimes de mise en concurrence, même, de deux régimes, et j'essayais de comprendre qui allait faire partie des deux régimes. Le ministre m'a identifié que c'était à même, donc, la feuille qu'il nous avait préparée ou qui... en fait, pas à nous, mais qui avait été préparé pour les gens qui suivaient le projet de loi à l'époque, quand il a été déposé, dans le petit tableau, le secteur inclus dans le processus de maintien et du bien-être, toute cette section-là. Donc, services publics prévus à l'article 111.0.16, il y en a quelques-uns de listés dans le tableau, là, municipalités, résidences privées pour aînés, CHSLD non conventionnés, transport par traversier, transport en commun, transport par ambulance, enlèvement de déchets.

Le ministre m'a dit : C'est ces gens-là qui sont à la fois dans le régime actuel des services essentiels et à la fois dans le régime particulier. Et ça donne donc l'occasion, à travers cet amendement-là, de bien comprendre que la vision du ministre quant à la superposition de ces deux régimes-là pour des mêmes groupes.

M. Boulet : O.K. Oui, merci. Alors, ma vision en santé, par exemple, les services essentiels, dans la fonction publique, même dynamiques, les services essentiels s'appuient sur 16 critères. Ils sont déjà déterminés d'avance. Dans les services publics, vous avez la liste à 111.0.16 du Code du travail. Les services essentiels sont déterminés au cas par cas par... souvenez vous, avant notre loi, ça se faisait par décret. Après notre loi, en 2019, c'est en tenant compte du critère de danger pour la santé et sécurité publique et il peut ne pas y en avoir. Mais le Tribunal administratif du travail a la capacité, a l'expertise pour déterminer qu'au-delà du critère de danger pour la santé ou la sécurité publique, il y a un critère différent pour le régime parallèle de services à maintenir pour le bien-être de la population puis ils pourraient décider, le TAT, qu'avec ce critère-là, il y a des services complémentaires à maintenir pour ne pas qu'il y ait d'impacts ou de préjudices disproportionnés sur les services à recevoir de la population. Ça fait que cette complémentarité-là va être appliquée par le TAT parce que les critères ne sont pas les mêmes. C'est juste ça.

M. Leduc : Oui, c'est juste ça, ça va être plus compliqué d'appliquer ça, par exemple. Prenons un exemple. On a... Parce que dans la liste, il y a transports en commun. Ça fait que, là, on a eu un long échange, un long échange hier, sur le RTC qui s'est essayé à deux reprises, pour deux conflits différents, d'être assujettis à la Loi sur les services essentiels, sans succès. Est-ce que ça veut dire qu'avec votre système parallèle, sur le même dossier, il pourrait retourner, allez revoir le TAT pour dire : Oui, bien là, ça n'a pas marché sur services essentiels, mais, exactement pour le même dossier, avec les mêmes arguments puis la même preuve, je me réessaie pour machin truc bien-être.

• (12 h 40) •

M. Boulet : Bien oui, c'est deux critères qui sont distincts. Le critère pour les services essentiels, c'est danger pour la santé ou sécurité publique. Puis l'autre critère...

M. Boulet : ...c'est les services minimalement requis pour assurer la sécurité de la population, qu'elle ne soit pas affectée de manière disproportionnée. Ça fait que la réponse, c'est oui.

M. Leduc : Il va-tu pouvoir plaider les deux en même temps?

M. Boulet : Il peut totalement faire les deux en même temps, bien oui.

M. Leduc : C'est bizarre comme système, M. le ministre, quand même. Vous, vous vous pointez puis vous dites : Moi, dans le fond, là...

M. Boulet : Moi, je ne trouve pas ça bizarre. C'est bizarre dans l'esprit de ceux qui veut... qui veulent que ce le soit. Ce n'est pas bizarre. Tu demandes à un tribunal de s'exprimer sur des services à maintenir en cas de grève. Il y en a un, critère, qui tient compte du danger pour la santé-sécurité de la population puis il y en a un autre, critère, qui tient compte de sa sécurité pour assurer son bien-être. Bon, c'est... le critère n'est pas le même, mais le TAT est tout à fait habilité à ça. Puis un décideur, vous le savez aussi bien que moi, il peut appliquer quatre critères distincts aussi, là, ou six critères, là. Mais moi, je ne vois pas de difficulté.

M. Leduc : Ça fait que là vous, vous êtes, là, le plaideur du RTC, par exemple... Là, en plus, moi, j'ai pris l'autobus hier en sortant de cette belle assemblée. Je ne sais pas si vous avez pris l'autobus récemment dans la région de Québec, il y a beaucoup de... il y a beaucoup de collants En grève bientôt. Je ne suis pas dans le secret des dieux sur quand et comment exactement sera déclenchée ladite grève. Peut-être qu'ils vont vouloir se dépêcher au regard de l'adoption imminente du projet de loi n° 89. Ça les regarde, c'est leur stratégie. Cela étant dit, si ça arrive, vous êtes en train de me dire que le plaideur patronal du RTC va se pointer devant un juge du tribunal, du TAT, il va dire un peu : Bien là, M. le juge ou Mme la juge, moi, dans le fond, aujourd'hui, j'arrive, là, j'ai un objectif, je ne veux juste pas qu'il y ait... pas trop de grève... des limitations à déterminer, choisissez laquelle vous voulez, soit les services essentiels ou soit la nouvelle affaire du ministre, là, les maintiens de bien-être, puis choisissez, ça ne me dérange pas, dans le fond, un ou l'autre, moi, ce que je veux c'est qu'il n'y ait pas de grève ou à peu près pas de grève. C'est un peu ça qui va arriver.

M. Boulet :  Absolument pas. Absolument pas. Le droit de grève se poursuit. Il y a des services essentiels à maintenir pour éviter un danger pour la santé-sécurité publique puis il y a des services à maintenir pour assurer le bien-être de la population, mais il faut l'éviter, puis c'est le tribunal qui aura à le déterminer. Il faut éviter ces conflits-là, collègue, vous le savez. On discute d'un projet de loi qui éviterait que des conflits aient des impacts significatifs sur la population... je ne dis pas tout le temps disproportionnés, là, mais disproportionnés sur la population. Mais oui, tout à fait. Mais ça n'empêche pas la grève de continuer à s'exercer et ça n'empêcherait pas le TAT de décider, collègue, que, les services essentiels, il n'y en a pas, comme ça a été fait dans le Réseau de transport de la Capitale, et le tribunal pourrait décider que, cependant, il y a des services minimums à maintenir pour assurer le bien-être de la population. Mais souhaitons éviter ça, là. Puis je sais que vous allez travailler pour éviter ça. Puis nous, on ne prend pas ça à la légère, là, parce que c'est le tribunal, de toute manière, qui aura à déterminer.

M. Leduc : Je ne suis pas ici pour juger de vos intentions, M. le ministre, si vous prenez à la légère ou pas. Je fais juste regarder de facto ce que vous nous proposez dans votre projet de loi, puis ce n'est pas dans votre habitude d'avoir des conflits... pas des conflits, mais des concepts qui entrent en conflit les uns avec les autres. D'habitude, on a de la clarté sur au moins à qui ça s'applique puis à qui ça ne s'applique pas. On a eu tout un échange, puis on en aura certainement d'autres, sur le flou des concepts que vous voulez appliquer dans ce cas-ci, mais là pourquoi il y a un groupe de personnes... puis c'est juste eux autres, là, ce n'est aucunement les autres, là, tous les autres sont soit dans l'un soit dans l'autre, mais pourquoi cette gang-là est dans les deux?

M. Boulet : Mais c'est parce que, je vais le répéter, le niveau de service essentiel est très élevé en santé puis dans la fonction publique et s'appuie sur des critères déjà convenus entre les parties.

M. Leduc : Mais pourquoi vous les laissez dans les services essentiels?

M. Boulet : Ici, il n'y en a pas, de services essentiels convenus. Avant, c'était par décret, vous vous souvenez, il y avait des décrets qui visaient toutes les sociétés, mettons, de transport en commun, les six ou sept au Québec. Maintenant, c'est au cas par cas. Si le Réseau de transport de la Capitale a été affecté par un conflit, il pourrait être considéré dans un régime complémentaire. Même affaire pour les autres sociétés de transport en commun... en fait, pour les services publics. Mais la raison, là, c'est parce que le niveau de services essentiels n'est pas le même, puis les critères de détermination des services essentiels sont déjà convenus dans les autres...

M. Boulet : ...mais pas les services publics.

M. Leduc : Bien, je l'ai relue hier, la décision du TAT sur le RTC, à votre déplaisir, comme vous me l'avez fait comprendre, parce que vous l'aviez déjà lue puis que vous n'avez pas besoin d'un résumé, mais je suis content de l'avoir fait quand même, parce qu'elle nous sert...

M. Boulet : Non, mais je ne l'ai pas lue récemment...

M. Leduc : Ah! ça fait que c'est utile, finalement.

M. Boulet : ...ça fait que rappelez-moi, rappelez-moi.

M. Leduc : Vous êtes en train de dire que j'ai bien utilisé le temps de la commission en la relisant?

M. Boulet : Ah! vous l'avez lue durant la commission?

M. Leduc : Ah! vous ne vous en êtes pas rendu compte? Mon Dieu! Je pense que j'ai pris 15 minutes au moins pour lire.

M. Boulet : Ah non, non, mais vous ne l'avez pas lue au complet, parce que c'est une décision qui avait...

M. Leduc : Bien non, mais vous m'avez dit que vous m'avez écouté à 80%.

M. Boulet : ...à peu près à 45, 50 pages. À peu près.

M. Leduc : Vous m'avez dit que vous m'avez écouté à 80 %. Je commence à penser que c'est un peu plus bas, finalement.

M. Boulet : À qui j'ai dit ça?

M. Leduc : Bien, à moi, hier, vous m'avez dit ça. Vous m'avez écouté à 80 % dans mes...

M. Boulet : Il y a quelqu'un à qui j'ai dit ça.

M. Leduc : Ah oui? O.K. Blague à part, M. le ministre, moi je n'arrive pas à comprendre c'est quoi... La décision du RTC était très claire, hein, le TAT temps, a dit : Pour la série de critères, ça ne compte... ça ne devrait pas, conceptuellement, être est un service essentiel, puis on a lu des extraits complets, là, qui disent : Ce n'est pas grave, la société n'a pas été chamboulée, il n'y a pas eu de désordre social, oui, c'était fatigant, oui, c'était compliqué, mais c'est ça, la grève. C'est ça que nous disait le TAT. Qu'est-ce qui vous fait penser qu'en superposant votre nouvelle affaire à ça, le TAT va arriver à une conclusion différente?

M. Boulet : Bien non, ce n'est pas ce que... ce n'est pas ce que je souhaite et ce n'est pas ce que je dis. D'ailleurs, dans une autre société de transport en commun, la décision du TAT aurait pu être différente, avec le même critère des services essentiels, c'est-à-dire le danger pour la santé, sécurité publique, en fonction de la preuve. C'est pour ça que je dis : Ce n'est jamais mathématique. Puis on le sait, ça dépend de la preuve soumise.

Dans le dossier du Réseau de transport de la capitale, si vous avez bien lu, je pense... c'était-tu Pierre-Étienne Morand, le décideur, vous l'avez lu hier, ça fait que confirmez-moi-le. Oui? O.K. Donc, ça... c'est Pierre-Etienne Morand. Lui a dit : Tenant compte de la preuve faite sur la congestion, sur le niveau de circulation... Puis ceci dit avec respect, lisez comment la preuve a été faite.

M. Leduc : Vous n'avez pas été impressionné par la preuve.

M. Boulet : Non. Non. Et, dans le Réseau de transport de la capitale, une preuve plus étoffée ou différente aurait pu amener un dispositif ou une décision différente. Ça fait que je dis, au Réseau de transport de la capitale ou dans une autre société de transport, ça aurait pu être une décision totalement différente, d'une part.

Puis, d'autre part, avec notre projet de loi, bien, le tribunal aurait à juger en fonction d'un critère différent, c'est-à-dire le bien-être de la population. Et, en vertu de ce critère-là, il pourrait rendre une décision qu'il y a des services minimums x à maintenir à Québec et aucun à maintenir à Lévis ou à Laval, on se comprend? Ça pourrait être totalement différent, puis c'est ce qui est la beauté du droit. Puis vous le pratiquez, vous l'avez pratiqué en masse, comme conseiller syndical. On perd une cause gagnée d'avance puis on gagne une cause perdue d'avance. On sait comment c'est. C'est pour ça que je dis : On ne peut pas être à la quête constante de chaque menu détail dans un projet de loi. Il y aura toujours des vides à combler, il y aura toujours des problèmes d'interprétation ou d'application. Et Réseau de transport de la capitale, ça aurait pu être une décision négative aussi, en vertu du projet de loi no 89, avec la preuve qui a été soumise.

M. Leduc : J'ai l'impression, en tout respect, M. le ministre, que vous tirez un peu dans votre propre chaloupe, parce que vous êtes en train de me faire la démonstration concrète que, dans le cas du RTC, que vous avez utilisé beaucoup comme argument pour mousser votre projet de loi, le problème, ce n'était pas un problème de loi, c'était un problème de preuve.

M. Boulet : Je n'ai pas utilisé...

M. Leduc : À la place de dire : Faites une meilleure preuve, la prochaine fois, chers camarades, vous dites : Là, on réforme le projet de la loi, on réforme la loi.

M. Boulet : Non, mais si vous avez compris que j'utilisais ce dossier-là pour justifier le projet de loi no 89, ce n'est pas le cas. On a eu... C'est une grève qui a duré quatre jours. Entre vous...

M. Leduc : Bien oui, mais, M. le ministre, on ne va pas faire la revue de presse de vos...

• (12 h 50) •

M. Boulet : Ce n'est pas moi qui vais être le Tribunal administratif du travail, mais, quand je vous parle de la nature du conflit, son contexte, sa durée, du conflit, puis les impacts disproportionnés pour la population, je vous pose toutes ces questions-là, puis vous êtes capable de répondre à ces questions-là que le Tribunal administratif du travail aurait peut-être à répondre.

M. Leduc : Je les écoute, vos entrevues, M. le ministre. Je les lis, vos entrevues. Vous avez cité quatre cas. Vous avez cité le Cimetière Notre-Dame, les profs, le RTC puis le transport scolaire. C'est...

M. Leduc : … toujours ça que vous rameniez dans vos entrevues. Ne venez pas me dire que vous ne vous en avez pas servi.

M. Boulet : Oui, mais c'est dans des secteurs, dans le transport en commun, le conflit qu'on a vécu, c'est le Réseau de transport de la capitale, mais je n'ai jamais laissé entendre que, dans ce dossier-là, ça donne de la légitimité ou ça justifie le projet de loi n° 89. J'ai parlé des services funéraires, j'ai parlé du transport scolaire, du transport en commun, de la transformation alimentaire puis de l'éducation, puis on pourrait nommer d'autres secteurs parce que moi non plus, je ne suis pas capable d'imaginer un conflit dans deux ans qui pourrait faire mal à la population, qui pourrait blesser la population. Je ne suis pas capable, mais le projet de loi contient deux mécanismes qui vont nous protéger, en fait, qui vont protéger la population, notamment celle en situation de vulnérabilité. C'est ça qui a justifié le projet de loi, qu'on ait l'audace de se protéger. En fait, je pense que c'est la mission fondamentale de l'État de protéger sa population. Puis ce projet de loi là s'inscrit dans cette perspective-là.

M. Leduc : Moi, je suis très surpris de ce que vous me dites, là, M. le ministre, vous me dites : Je n'ai pas cité le… RTC spécifiquement, mais les transports collectifs, mais il n'y en a pas eu 150, grève, là, dans les transports collectifs, dans les dernières années, qui ont causé des désagréments, c'est celle de la RTC. On pourrait aller rechercher le verbatim de vos entrevues à la télé, à la radio. On va voir si vous utilisez RTC précisément. Moi, je pense que oui, mais on verra bien, mais...

M. Boulet : Non, mais pas pour justifier le projet de loi.

M. Leduc : Bien là, M. le ministre, vous êtes dans une entrevue, après avoir déposé votre projet de loi puis on vous demande qu'est-ce qui fait que vous avez déposé le projet, puis là vous parlez du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, vous parlez du conflit RTC, des… je veux dire, vous justifiez votre projet de loi avec cet exemple-là.

M. Boulet : Est-ce que… Non, c'est dans ce secteur-là de transport en commun. Encore une fois, ça dépend de la nature, de la durée puis du contexte. Puis, tu sais, le TAT a clairement décidé que le réseau de transport de la capitale n'était pas assujetti en tenant compte du critère, tu sais, puis il pourrait décider de la même manière en tenant compte du critère qui est dans le p.l. n° 89. Puis avec une autre preuve, il pourrait décider différemment. Puis ce n'est pas… c'est une vérité, c'est un secret que vous connaissez, là, je veux dire, tout est en fonction des faits mis en preuve, là.

M. Leduc : Ça fait que, là, revenons à la logique, là. Vous, vous superposez donc deux régimes pour un groupe particulier seulement, ceux qui sont à l'article 111.016 du Code du travail. Puis vous dites que, dans la même séance, devant le juge, pas deux séances distinctes, là, la même séance, ils vont pouvoir plaider la… ils vont pouvoir faire la même preuve, mais en… en mobilisant deux lois différentes en même temps. Est-ce que c'est ça que j'ai bien compris tantôt, que vous m'avez confirmé?

M. Boulet : Je ne comprends pas, mais…

M. Leduc : Moi je suis le procureur patronal du RTC, là. Là, il y a un conflit qui s'en vient, je vous l'ai dit tantôt, les autobus sont pleins, pleins de collants, là, grève à venir. Là, je vais me… je vais attendre que vous les désigniez, en bonne et due forme avec ce truc-là.

M. Boulet : Exactement, que les conditions soient rencontrées.

M. Leduc : Puis là, après ça, bien, je vais… le patron, sans grande surprise, va mobiliser l'aspect maintien de services machin. Et là je vais me pointer un bon matin, au TAT, je vais avoir une date d'audience. Puis, au même moment, dans la même séance, je vais dire : M. le Juge, j'aimerais que vous vous positionnez sur l'intégration à la Loi sur les services essentiels et aussi en même temps, par la même occasion, à celle sur la loi des maintiens… des… bien-être et services.

M. Boulet : Non, non, mais ça, je pense que vous le savez, comment ça marche, il y a quand même des règles de preuve et de procédure au TAT. Puis tu n'arrives pas le matin même puis : Décidez ça. Voyons donc! Dans le cas des services essentiels, c'est 111.0.16, et l'application des règles de preuve et de procédure. Donc, ça prend une demande introductive d'instance. Dans le cas du régime pour assurer le bien-être de la population, bien, ça prend le décret. Ça prend une partie qui demande au TAT de se prononcer. Et si, à la date d'audience, les deux… Les deux dossiers sont en état, oui, il peut… si les deux dossiers sont prêts à être entendus, absolument. Je ne vois pas… ça arrive dans plein de dossiers civils, même en vertu du Code de procédure civile, c'est permis de réunir des causes.

M. Leduc : Ce n'était pas ça ma question. Ma question c'est…

M. Boulet : Bien, pas le matin même, ça, c'est clair.

M. Leduc : On se comprend.

M. Boulet : C'était ça, votre question.

M. Leduc : On se comprend. Vous arrivez, vous plaidez avec la même preuve, puis vous dites au juge : Je veux que vous analysiez ma preuve au regard des services essentiels et au regard du Code du travail, avec la nouvelle disposition sur les services minimaux pour les bien-être… je ne l'apprendrai pas, je ne suis pas capable, les bienêtres de la population, avec la même preuve.

M. Boulet : Mais ce n'est pas… ce n'est pas…

M. Leduc : Et rendez une décision en même temps sur les deux aspects…

M. Boulet : ...ce n'est pas des preuves de même nature, mais les témoins peuvent, lors d'une audience qui peut se poursuivre sur plus qu'une journée, les témoins peuvent permettre aux parties de prétendre que le critère pour les services essentiels est rencontré, ils peuvent prétendre et/ou plaider, là, que le critère pour assurer le bien-être de la population est respecté aussi.

M. Leduc : Vous me dites : Ce n'est pas la même preuve. Ce n'est pas une preuve de la même nature?

M. Boulet : Bien oui, mais ça, ça appartient au parti, là, collègue. La preuve, c'est le domaine des parties. Moi, je ne m'immicserai pas là-dedans, je vous dis juste que le tribunal est en mesure de rendre des décisions en vertu de deux critères distincts pour appliquer deux régimes parallèles, absolument. Puis...

M. Leduc : Bien, on va... oui. M. le ministre, vous faites du droit nouveau, on va s'initier certains de comment ça va marcher, votre affaire.

M. Boulet : Bien, je... Il me semble, c'est clair, ce que je dis.

M. Leduc : Bien, on va le voir. On va le travailler puis on va voir si c'est clair en fin de partie.

M. Boulet : O.K. Moi, je trouve que... Si ce n'est pas clair, demande... posez-moi des questions.

M. Leduc : Bon, alors, un plaidoyer... pas de problème. Le plaideur arrive dans une même et seule séance puis mobilise les deux affaires, j'ai bien compris. Mais là vous dites : Ce n'est pas la même preuve de la même nature. Ça, ça veut dire qu'il pourrait faire venir un témoin pour dire : Là, ce témoin-là, entendez-le uniquement sur le critère des services essentiels, de la santé et sécurité physique des personnes, tandis que, le témoin b, lui, vous pouvez l'entendre sur les deux critères, puis le témoin c, lui, c'est seulement sur le maintien du bien-être.

M. Boulet : Non. Câline! Là, vous faites...

M. Leduc : ...je vous fais dire des gros mots, là.

M. Boulet : ...comme si vous étiez un plaideur qui n'a jamais fait le travail de plaidoirie. Puis les témoins... Tu sais, les règles de preuve et de procédure, la liste des témoins est annoncée d'avance, les questions en litige sont annoncées d'avance. Le tribunal a l'expertise pour guider les parties. Si nécessaire, il y aura une conférence préparatoire, il y aura de l'accompagnement. Mais les plaideurs, si on plaidait l'un contre l'autre collègue... ceci dit, je ne sais pas si ça va nous arriver un jour, mais on va partager nos éléments de preuve puis on va discuter de ce qui va se plaider, là. Mais il y a des règles là-dessus de divulgation, conférence préparatoire. Tu sais, les règles de preuve et de procédure, sortez-les, là, du TAT, là.

M. Leduc : Je comprends. Alors, pour atterrir à quoi, pour atterrir à une décision du TAT. Et là je comprends que ça va être une seule et même décision pour les deux volets.

M. Boulet : Bien, il n'y a rien qui empêche. Tu sais, je ne suis pas dans les règles de preuve et de procédure, mais, quand il y a une décision qui est rendue, selon moi, il n'y a rien qui empêcherait parce que c'est une division des services essentiels, puis avec notre projet de loi, et des services à maintenir. Donc, dans cette division-là, le TAT pourrait rendre une décision qui tient compte de l'application des critères du régime des services essentiels et rendre une décision sur le respect du critère du régime pour assurer le bien être de la population.

M. Leduc : Ça fait que, là, le TAT va dire : En fonction de services essentiels, par exemple, non, on... sécurité physique, ça ne marche pas, mais, en fonction du bien-être de la personne, ça, oui, vous rencontrez les critères. Ça fait que, dans le même jugement, il y aura une analyse étoffée de pourquoi ils ont refusé le caractère de sécurité physique.

M. Boulet : Vous avez déjà, devant un arbitre de grief, plaidé une multitude de griefs avec des décisions. Parfois, on rejette les griefs a, b, c, on accueille partiellement les griefs d, e, f. Il y a des décisions, oui, de cette nature-là. Mais rien n'empêche. Il pourrait rendre... tu sais, il rend des... C'est les dispositifs qui varient. Tu sais, pour les griefs, là, multiples ou... si vous présentez 15 griefs devant un arbitre, il va tous les entendre puis il va rendre un dispositif. En fait, le dispositif, c'est la conclusion, peut varier.

Le Président (M. Allaire) : Merci. Merci, M. le ministre. Merci pour votre collaboration ce matin.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ces travaux. Nous serons de retour à 15 heures. Merci, tout le monde. Bon dîner!

(Suspension de la séance à 13 heures)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 03)

Le Président (M. Allaire) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Nous poursuivons l'étude détaillée du projet de loi no 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out.

Alors, si vous vous souvenez, lors de la suspension, ce matin, nous étions toujours sur l'amendement déposé par le député d'Hochelaga-Maisonneuve. M. le député, il vous reste 11min 55s. Si vous êtes d'accord, je pourrais vous laisser la parole.

M. Leduc : Merci beaucoup, M. le Président. J'espère que tout le monde a passé un bon dîner. Le ministre avait coutume de se prendre une salade protéinée pendant le p.l. No 59 et d'arriver de bonne humeur pour l'après-midi.

M. Boulet : ...Conseil des ministres.

M. Leduc : Conseil des ministres. Ça rend-tu de bonne humeur, ça, le Conseil des ministres. Oui? Ah bien, coudon,  tant mieux.

M. Boulet : ...

M. Leduc : Quand on s'entend bien. Parfait. C'est toujours...

M. Boulet : Je présume, c'est la même chose de votre côté.

M. Boulet : Ça va super bien au caucus de Québec solidaire. C'est à pleines pages dans les journaux, vous le savez. Petite blague à part... c'est bien, l'autodérision, je pense, alors on était en train de discuter de ce groupe particulier de corps d'emploi qui ont la chance, ou la malchance, on laissera tout le monde qualifier ça, mais d'être dans les deux régimes hein? On se rappelle qu'il y a la Loi sur les services essentiels qui existe, qui couvre certains types d'emplois. Il y a maintenant, ou il y aura, avec l'adoption du p.l. no 89, les services pour le bien-être de la population... qui a certains groupes de personnes aussi. Puis là on a cette espèce de... là qui a un pied dans les deux mondes. On ne m'a pas encore tout à fait expliqué la pertinence d'avoir le pied dans les deux mondes pour ce groupe-là en particulier, et pourquoi pas d'autres. Peut-être qu'on pourrait commencer par ça cet après-midi.

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : O.K. J'étais convaincu de l'avoir bien expliqué ce matin. Avec ce projet de loi là, l'intégralité du régime des services essentiels est maintenue. En santé puis dans la fonction publique, il y a déjà un bon niveau, prenons la santé, un niveau élevé de services essentiels qui s'appuient sur un certain nombre de critères. Il y a 16 critères. La fonction publique aussi. Dans les services publics, il n'y a pas de telle entente entre les parties, et la raison pour laquelle les deux régimes s'appliquent dans les services publics, c'est parce qu'il n'y a pas de niveau convenu de services essentiels, et donc les services essentiels, c'est en fonction d'un critère plus restreint, alors que les services à maintenir pour protéger la population, c'est un critère qui est plus large.

Et donc il se pourrait, là, puis on pourrait émettre plein d'hypothèses que, dans un service public, ça peut être la collecte des déchets, ça peut être le...

M. Boulet : ...en commun, ça peut être une municipalité ou une régie intermunicipale, il y a un conflit qui dure... encore une fois, tout est très contextuel, hein, puis je n'écrirai pas un livre : Ça prend telle case et telle case, mais qu'un conflit a un impact important sur la population, que le régime parallèle de services à maintenir pour la population puisse être complémentaire à celui concernant les services essentiels. Donc, la différence, c'est que les critères ne sont pas les mêmes.

M. Leduc : ...si ce n'était pas clair, ma question. C'est que, là, je reprends votre tableau que vous nous aviez distribué, là, au début du projet de loi, puis là vous dites... il y a deux cases, dans le fond, secteurs inclus dans le processus, une longue liste, puis après ça secteurs exclus du processus pour deux motifs. Il y en a qui ont des régimes particuliers de relations de travail, Sûreté du Québec, construction, etc., ça, c'est correct, mais il y en a un autre qui dit : Les secteurs qui sont déjà visés par des dispositions particulières assurant le maintien d'un niveau élevé de services. On parle de juridiction fédérale. Puis, après ça, les deux autres picots, c'est : Ministères et organismes gouvernementaux dont le personnel est nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique puis Établissements de santé et services sociaux, y compris CHSLD conventionnés. Là, sauf erreur de ma part, ces deux derniers picots là, c'est la loi des services essentiels.

M. Boulet : Exact. Donc, c'est exclu du processus.

M. Leduc : Bien, c'est ça.

M. Boulet : C'est la logique que je vous explique depuis le début de la journée.

M. Leduc : Mais pourquoi ces deux-là... Moi, ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi ce picot-là ici, les services publics de 111.1.16... pourquoi eux, ils ont cette catégorie-là seulement? C'est les...

M. Boulet : Parce qu'ils n'en ont pas, de niveau de services essentiels à maintenir convenu entre les parties et, en plus, un niveau élevé. Les services publics, il n'y a rien de décidé, il n'y a rien de convenu entre les parties. Les sociétés de transport sont toutes prises isolément puis il n'y en a pas... Avant 2019... Puis souvenez-vous, collègue, vous étiez avec moi, quand on a adopté la loi sur les services essentiels.

M. Leduc : En 2019.

M. Boulet : Avant, pour les services publics, ça fonctionnait par décret gouvernemental, puis là on a annulé ça, puis maintenant ça se fait en fonction du critère.

M. Leduc : Mais, si vous voulez les mettre dans votre logique de services de bien-être, pourquoi vous ne les sortez pas, d'abord, de la loi sur les services essentiels?

M. Boulet : Bien, parce que c'est deux critères distincts, puis les services à maintenir pour le bien-être de la population, c'est vraiment exceptionnel. Il faut d'abord s'intéresser aux services essentiels en fonction du critère de danger pour la santé ou la sécurité publique, et après ça, c'est l'autre régime qui s'applique parallèlement. C'est deux critères distincts, donc il n'y a aucun problème. C'est comme deux articles de convention collective différents, puis il n'y a rien qui empêche l'arbitre de décider, il n'y a rien qui empêcherait le Tribunal administratif du travail de déterminer. Puis il pourrait déterminer que la preuve soumise rencontre le critère pour le maintien de services essentiels, excusez-moi, x, y et z, mais le critère pour le maintien de services pour assurer le bien-être de la population n'est pas rencontré.

M. Leduc : Dans les deux méthodes, là, que ça soit services essentiels ou bien-être de la population, on n'a pas de pourcentage prédéterminé.

M. Boulet : Non. Non, non. Bien non.

M. Leduc : On se comprend.

M. Boulet : Souvenez-vous, vous m'avez assez martelé avec ça, il y avait eu une décision des tribunaux. Les pourcentages prédéterminés, ce n'était pas compatible.

M. Leduc : L'arrêt Flageole, si je ne me trompe pas.

M. Boulet : Pardon?

M. Leduc : L'arrêt Flageole, si je ne me trompe pas.

M. Boulet : Exactement.

M. Leduc : Donc, si...

M. Boulet : Ça fait qu'il n'y en a pas plus ici, là.

M. Leduc : Donc, les deux chemins visent exactement la même chose, à savoir une prestation minimale d'une quantité de travail à déterminer. C'est exactement le même objet.

• (15 h 10) •

M. Boulet : Non. Il y en a un que c'est des services essentiels...

M. Leduc : Au-delà des titres, je ne vous parle pas du titre.

M. Boulet : ...puis il y en a d'autres, c'est pour protéger la population.

M. Leduc :  On se comprend mal, M. le ministre...

M. Boulet : Bien, ce n'est pas la même affaire. C'est parce que vous essayez de me dire : C'est la même affaire. Ce n'est pas la même affaire. Ce n'est pas les mêmes critères, ce n'est donc pas la même nature de services.

M. Leduc : O.K. Mais c'est le même effet, c'est la même finalité. Que ça soit pour le bien-être ou pour les services essentiels, au final on veut forcer des gens à générer une certaine quantité de prestation de travail.

M. Boulet : Oui, tout à fait.

M. Leduc : Donc, c'est la même chose... c'est la même finalité.

M. Boulet : Oui, mais ce n'est pas le même type de services puis ce n'est pas en fonction du même critère. Il y en a un, c'est le danger pour la santé-sécurité puis il y en a d'autres, c'est la protection de la population. C'est deux critères distincts. Puis vous devriez être content d'ailleurs que ça puisse continuer de s'appliquer, le régime des services essentiels, sur présentation d'une preuve qui le justifie. Ce n'est pas... On n'exclut pas un ou l'autre, là.

M. Leduc : Moi, ce que... je vais prendre l'image de tous les chemins mènent à Rome. Vos deux chemins, là, le service essentiel ou le bien-être, mènent à Rome, c'est-à-dire une quantité de prestation minimale de travail. Après ça, il y a un chemin qui est peut-être un peu plus long, peut-être plus compliqué que le second, mais ils arrivent à la même place...

M. Boulet : …mais l'objectif est le même.

M. Leduc : Voilà.

M. Boulet : L'objectif, c'est de s'assurer que le conflit n'ait pas l'impact non souhaité en vertu de critères, un critère a pour les services essentiels et un critère b pour les services à maintenir. Ça, là-dessus…

M. Leduc : Parfait. On clarifie des choses. Vous dites : L'objectif est le même. Parfait, on s'entend, mais ça ne répond pas à ma question.

M. Boulet : Bien, l'objectif de maintien d'un certain niveau de services.

M. Leduc : On s'entend, mais pourquoi cette gang-là, elle peut prendre l'un ou l'autre de ces chemins, et l'entièreté des autres doivent prendre juste ou juste l'autre?

M. Boulet : Parce que, je le répète, le niveau de services essentiels en santé, il est très élevé et il est déjà convenu entre les parties, il est déjà convenu, et il s'appuie sur des critères discutés et convenus entre les parties. Avez-vous vu, dans les grèves en santé ou en services sociaux, des débats devant les tribunaux? Non, parce qu'il n'y en a pas, de problème. Le niveau des services essentiels, on les maintient, puis c'est convenu entre les parties. C'est ça, la différence.

M. Leduc : Comme dans l'article précédent, dans le fond, les précédents d'application...

M. Boulet : La réalité actuelle, la réalité actuelle vécue, c'est que, dans les régimes de services essentiels, où c'est déjà convenu et où le niveau est élevé, on n'a pas à avoir un régime complémentaire. On ne peut pas avoir un régime complémentaire en santé. Ça m'apparaîtrait… là, je comprendrais votre objection.

M. Leduc : Mais c'est tout dans… c'est toute la même gang.

M. Boulet : Mais le niveau…  mais tout est essentiel, presque, en santé. Il y a tellement un niveau élevé que ça… c'est plus… C'est complémentaire pour les services publics, ça ne le serait pas pour la santé.

M. Leduc : Parce que c'est convenu dans les précédents, pour la santé.

M. Boulet : Bien, c'est convenu entre les parties…

M. Leduc : Oui, en fonction de la loi.

M. Boulet : Bien, entre les parties elles-mêmes, bien oui, mais en vertu des critères qui sont convenus et déterminés.

M. Leduc : Mais ils pourront aussi être convenus…

M. Boulet : Mais c'est parce que là vous me demandez pourquoi ça s'applique dans les services publics, parce que c'est complémentaire. Je pense, ma réponse, ça se limite à ça, puis ce n'est pas les mêmes critères.

M. Leduc : Je ne veux pas dire que je suis convaincu de la démonstration, en toute amitié, M. le ministre, mais passons outre...

M. Boulet : Mais votre collègue l'est, probablement, peut-être.

M. Leduc : Ou on peut suspendre si vous voulez une discussion avec mon collègue. Je sais que vous… entre un avocat, vous appréciez beaucoup vos plaidoyers.

M. Boulet : Je taquine votre collègue.

M. Leduc : Par contre, il y a une question très sérieuse, là, que… comme toutes celles que je vous pose, d'ailleurs, mais le fait que vous posiez les deux chemins, puis qu'on a convenu tantôt que ça pouvait être plaidé en même temps et qui aurait potentiellement une seule décision, peut-être à deux chapitres, là, mais à deux volets, mais dans la même décision…

M. Boulet : Dans deux dispositifs.

M. Leduc : Oui, mais dans le même… dans la même décision avec une date puis un juge, puis tout, là.

M. Boulet : Vous en avez vu beaucoup de décisions comme ça.

M. Leduc : Est-ce que les pourcentages d'application… mettons 25 %, mettons qu'on décide qu'il faut répondre à l'un ou l'autre, que c'est 25 %. Comment ça fonctionnerait? Est-ce que c'est 25 % pour chacune des deux lois, ou c'est à partir du moment que tu obtiens un pourcentage dans l'une des deux lois, Il n'y en aurait pas dans l'autre?

M. Boulet : Bien, d'abord, il faut laisser aux partis le soin de le déterminer elles-mêmes, à défaut par les partis de les déterminer, les services à maintenir, c'est là que le TAT interviendrait. Puis, si les partis les conviennent, ce qu'il faut souhaiter, après la décision du TAT qui dit que les partis sont assujettis à la loi… au projet de loi n° 89. À défaut, c'est le TAT qui le déterminera. Puis ce n'est pas que des pourcentages, là, l'affaire… là, c'est arrêté avec des pourcentages, là, il faut tenir compte de la réalité de chaque cas d'espèce.

M. Leduc : …des pourcentages précisés dans la loi.

M. Boulet : Ça fait que les 25 %, les 80 % ou les 10 %, ça ne marche pas, ça?

M. Leduc : Qu'est-ce que vous voulez dire : Ça ne marche pas?

M. Boulet : Bien, ce serait… Ce n'est pas… C'est cas par cas. Ce n'est pas moi qui vais déterminer un pourcentage, là.

M. Leduc : Oui, oui, ça, je comprends. Puis, justement, je vous donne un cas. Prenons encore l'exemple du RTC, là, qui s'en va en conflit, là. Finissons le RTC qui s'en va en conflit, là, le 25 %, est-ce qu'un... Est-ce que le TAT pourrait conclure : Selon mes critères de services essentiels, je vous mets 25 % de tâches, puis, selon les bienêtres essentiels, je vous mets 25 % de tâches? Est-ce que c'est cumulatif, ces deux 25 % là?

M. Boulet : C'est une hypothèse, puis ça dépend de l'impact, ça dépend de la durée du conflit, ça dépend des conséquences que ça a pu avoir sur la population, notamment les personnes à faibles revenus ou les personnes en situation de handicap, ou… ça dépend. C'est vraiment du cas par cas et votre hypothèse est aussi bonne que la mienne parce que vous connaissez le droit autant que moi, puis je ne me risquerai pas à dire : Ça peut être ci, ça peut être ça, mais votre hypothèse…

M. Boulet : ...ça peut être valable.

M. Leduc : Non, mais là, on est en train... vous l'avez dit vous-même, on fait de droit nouveau. Je plaide qu'on pitche une énorme patate chaude dans la cour du TAT, on va toujours bien essayer de déterminer deux, trois balises. 

M. Boulet : Bien, je ne sais pas qui a dit ça, patate chaude dans la cour du TAT.

M. Leduc : Ah! c'est moi, ah! C'est moi.

M. Boulet : Non, maisvous aviez...  Il n'y a pas personne du TAT... On crée une division.

M. Leduc : Mais on a refusé de les entendre, on aurait peut-être pu...

M. Boulet : Bien non, mais ils ont un devoir de réserve et ils ont le mandat d'interpréter puis d'appliquer la loi. 

M. Leduc : On les appelle-tu? Sortez votre cellulaire, on va les appeler.

M. Boulet : Ah! bien non, je n'ai pas parlé au TAT. On va créer une division des services essentiels et des services à maintenir,puis le TAT, il applique les lois que vous, comme parlementaires, avec notre collègue de D'Arcy-McGee puis nous tous allons adopter, là, le TAT, c'est un tribunal administratif.

M. Leduc : Très bien.

Le Président (M. Allaire) : Juste, je vous rappelle, vous échangez beaucoup, là, vous faites comme un match de ping-pong. C'est très difficile pour la retranscription, pour l'audio visuel, difficile de vous comprendre. Ça fait que je vais vous ramener un peu vers moi, comme ça, on va un peu mieux contrôler peut-être le débat. Alors, député d'Hochelaga-Maisonneuve, La parole est à vous.

M. Leduc : Merci. Je reformule ma question. Le TAT peut-il dans votre esprit, parce que là, on va devenir... On va entrer dans la zone de l'intention du législateur, est-ce que, dans votre esprit, le TAT dans des cas, comme par exemple, les transports en commun ou tous les autres qui sont dans cette section-là, que nous voulons clarifier, mais on va voir les résultats de l'amendement, mais est-ce que le TAT pourrait cumuler des pourcentages? Je m'explique. Donc, s'il rencontre le critère de loi de services essentiels, puis on leur colle un 25 %, si on rencontre le critère de bien-être de la population, puis on dit 25 %, est-ce que ça veut dire que ces deux 25 % là sont cumulatifs pour un total de 50 %?

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : Encore une fois, M. le Président, c'est une hypothèse. Est-ce que le tribunal pourrait le faire? Ça dépend de la nature des services. Est-ce qu'un pourcentage serait pertinent en tenant compte de la nature du service? S'il est quantifiable comme ça, le tribunal aura le mandat de le décider uis de le déterminer. Mais il n'y a rien d'impensable, là, mais ce n'est pas moi qui est assis au TAT, là. 

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le député.

M. Leduc : Bien, c'est là que je trouve que vous l'avez échappé, là, parce que vous êtes en train d'ouvrir, pour ce groupe-là, une forme de, j'oserais peut-être dire, discrimination par rapport à tous les autres corps d'emploi, parce qu'eux ils pourraient se ramasser avec une double facture de prestation de travail pour le même conflit...

M. Boulet : Ah! non, non, non.

M. Leduc : ...parce que là il y aurait deux lois qui viendraient se superposer.

M. Boulet : Oui, mais la deuxième facture, là, c'est pour le bénéfice de la population puis, moi, je ne vois pas ça comme une facture. Je regrette, là, mais des services essentiels, ce n'est pas une facture, des services essentiels, c'est pour éviter de mettre en danger la santé, la sécurité du monde. Puis des services à maintenir pour le bien-être de la population, ce n'est pas non plus une facture. C'est pour protéger le monde purement et simplement. Ça fait que je regrette, mais moi je ne vois pas ça comme une facture.

M. Leduc : Mais les deux sont cumulables, à votre esprit, les deux sont cumulables.

M. Boulet : En fait, c'est une hypothèse que vous émettez que le tribunal pourrait appliquer si c'est quantifiable, si les pourcentages sont pertinents.

M. Leduc : Mais non, mais j'aurais aimé ça que vous le clarifiez ici, c'est vous le législateur qui nous soumettez ça.

M. Boulet : Bien oui, mais j'ai dit oui.

Le Président (M. Allaire) : Collègues, je vous fais un petit rappel, je vous ramène vers moi. Là, vous recontinuez à échanger ensemble, là c'est parce qu'on n'y arrivera pas. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, allez-y.

• (15 h 20) •

M. Leduc : ...moi ça me semble complètement inconcevable que vous ne fermiez pas cette porte-là, parce que tous les autres corps d'emploi vont avoir un traitement en fonction d'une loi avec soit un pourcentage ou d'une tout autre façon d'appliquer leurs prestations de travail. Mais cette gang-là va pouvoir avoir quelque chose qui va se cumuler, ça n'a comme pas rapport. Soit vous rencontrez — je veux juste terminer — soit vous rencontrez les critères de services essentiels qui sont comme les critères les plus sévères, là, vous obtenez un pourcentage, par exemple, de l'application de prestation de travail, bien, that's it. Après ça, je ne vois pas pourquoi on en rajouterait une couche tout à coup, pour le bien-être, avec des critères que vous avez-vous-même réduits.

M. Boulet : Moi je le répète, il y a des services à maintenir pour éviter de mettre en danger la population et il y a des services à maintenir pour assurer une protection de la population. Puis l'hypothèse que vous émettez, moi, je ne l'exclus pas, ça dépend de la preuve soumise. Ça dépend de ce que le tribunal aura à décider en fonction des faits mis en preuve. Et le ministre ne peut pas se substituer à une décision qu'aurait à rendre un tribunal qui est soumis à des règles de droit, mais ce n'est pas exclu. Ce que vous vous soumettez, c'est une hypothèse.

M. Leduc : Je suis subjugué, M. le Président. Pour moi, ça me semble...

M. Boulet : Subjugué par...

Le Président (M. Allaire) : Allez-y.

M. Leduc : Subjugué par...

M. Leduc : ...votre absence de réponse. Pour vous, ça semble plausible que, pour le même objectif... Rappelez-vous que le but c'est de se rendre à Rome, bien là, on prenne deux chemins puis qu'on impose deux kilométrages à une personne qui veut se rendre à Rome. Vous prenez un chemin ou vous prenez l'autre, vous ne prenez pas les deux.

M. Boulet : J'ai dit tout ce que j'avais à dire.

Le Président (M. Allaire) : M. le député, vous pouvez poursuivre, poser votre question autrement, si vous voulez une réponse, peut-être, différente, mais c'est dans la légitimité du ministre.

M. Leduc : Oh! tout à fait, pas de problème. Je vais soumettre l'hypothèse suivante : Je ne sais pas si le ministre avait réfléchi à ça avant que je lui pose cette question-là aujourd'hui, et ça me confirme que ce projet de loi là, il est peut-être un peu mal ficelé, M. le Président.

Hier, on a eu droit à un conciliabule in extremis pour essayer de comprendre qu'est-ce qui se passerait dans les garderies. Ça m'a étonné, bien franchement, parce que je pense que c'était un peu entendu que j'allais arriver avec cette question-là, au regard de toutes les questions précédentes que j'ai posées au salon rouge. Puis là on n'est même pas capable de me dire si, en effet, oui ou non, c'est ça, l'intention du législateur, que ces deux choses-là soient cumulables pour ce groupe d'employés là. Bien coudonc, c'est pour ça que je fais un amendement, pour qu'on clarifie, puis là, on est... on ne peut même pas le clarifier, aujourd'hui, on dit : Oui, peut-être on verra, le TAT décidera. Ce n'est pas une réponse, ça, ce n'est pas un projet de loi...

M. Boulet : J'ai répondu oui à six reprises, à peu près, que c'était complémentaire, puis que c'était cumulable, puis tout dépend de la preuve. Est-ce que ça va être cumulé? Ça va dépendre de la preuve. Peut-être que si la preuve ne permet que d'appliquer le critère de danger pour la santé-sécurité de la population, ça finit là. Si l'autre critère est rencontré, ce sera complémentaire. Cumulable, complémentaire, appelez ça comme vous voulez, je l'ai dit, pour les services publics, parce qu'il n'y a pas un niveau élevé de services essentiels, il n'y a pas de critères convenus entre les partis, les services publics, alors qu'avant, c'était par décret, maintenant, c'est en tenant compte d'un critère. Ça fait que les deux, c'est... Je ne sais pas comment répondre, là, mais je réponds oui, puis vous me dites que je ne réponds pas. Est-ce qu'il faudrait que je me limite juste à un oui ou un non pour que ce soit clair?

Le Président (M. Allaire) : M. le député.

M. Leduc : J'avais compris que vous ne vouliez pas vous prononcer.

M. Boulet : Mais non...

M. Leduc : Puis là vous vous prononcez.

M. Boulet : ...j'ai dit que c'est complémentaire puis je le répète depuis hier, pour les services publics, c'est complémentaire, les deux régimes peuvent s'appliquer.

M. Leduc : Ça, j'ai compris ce bout-là. Là, je vous parlais de la conséquence en matière d'application si quelqu'un est reconnu être assujetti aux deux. C'est de ça qu'on parle, ce n'est pas de... Moi, je ne trouve pas c'est pertinent d'appliquer les deux en même temps, on a le débat, c'est correct, mais je vous dis : Est-ce qu'une décision du TAT peut cumuler... je vais prendre un peu votre langage...

M. Boulet : Bien oui, j'ai dit oui, j'ai dit oui, mais vous êtes allé plus loin. Vous m'avez dit : Est-ce que ça peut être tel pourcentage puis tel pourcentage. Là, un pourcentage, ça dépend de la nature de la preuve, ça dépend de la possibilité de quantifier. Puis ça, c'est le tribunal qui aura à juger, mais si, par exemple, ça se quantifie puis la nature des services à rendre permet d'établir des pourcentages, le tribunal aura à déterminer en tenant compte de l'état de la jurisprudence aussi. Souvenez-vous de l'affaire Flageole, là, quand même.

Le Président (M. Allaire) : M le député.

M. Leduc : J'utilise les termes peut-être plus juridiques, que vous êtes habitué de connaître. On parle souvent, mettons, dans le modèle des amendes, de peines soient qui sont concurrentes ou cumulatives. Et là moi, je veux clarifier que pour vous ce soit clair, oui ou non, que si c'est des pourcentages... Ça peut être potentiellement autre chose, puis encore une fois on va prendre l'exemple du RTC, le transport collectif, quand il va y avoir des services essentiels, ça va être certainement un certain nombre de passages à certaines heures données, souvent les heures de pointe, matin puis soir, hein, c'est à peu près le modèle qu'on connaît, est-ce que ça veut dire que cette certaine quantité de pourcentages là, si vous voulez qu'on arrête de parler de pourcentage, parlons de quantité de pourcentage, est-ce que, si on rencontre le critère de services essentiels, on les multiplie par deux parce qu'on aurait aussi rencontré le critère de service de bien-être à la population, ou si vous en avez un service essentiel, évidemment que ça dispose de l'autre, parce que, forcément, le critère est plus bas...

M. Boulet : Ça, c'est une question intéressante.

M. Leduc : ...c'est ça que je veux dire.

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Leduc : En fait, le TAT, pour fins de précision, dans son dispositif, devrait certainement dire les services a, b, c sont requis, doivent être maintenus pour respecter, en vertu du régime des services essentiels et en raison du respect...

M. Boulet : ...de la preuve soumise me permet, me convint que le critère de danger est respecté. Puis les services d, e, f doivent être maintenus parce que les critères prévus dans la p.l. 89 sont rencontrés. Là, c'est plus... Je la comprends, la question, puis je suis d'accord avec vous. Puis j'anticipe comme législateur, mais comme nous tous comme législateurs que le tribunal ne fasse pas un simple calcul, mais qui précise la nature des services en appliquant les critères à la preuve qui lui est présentée.

Le Président (M. Allaire) : Trois minutes, M. le député.

M. Leduc : Ça me semble plus clair un peu maintenant, M. le Président, je remercie le ministre d'avoir enduré mon questionnement sur ça pour arriver à une compréhension commune. J'aimerais comprendre maintenant, M. le ministre. Avez-vous évalué la possibilité de rajouter d'autres groupes dans cet univers combiné des services essentiels et du bien-être à la population?

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : Non.

Le Président (M. Allaire) : M. le député.

M. Leduc : Ça n'a jamais été quelque chose que vous avez envisagé, mais... parce que vous avez... Quand vous avez décidé de mettre ceux-là ici, là, de 111.016, vous l'avez fait parce que?

M. Boulet : Parce que, pour les autres, santé et fonction publique, pour les raisons que je vous ai données, fait qu'on n'est pas... on n'a pas fait d'évaluation au-delà de ça.

M. Leduc : Mais vous auriez pu ajouter santé et fonction publique dans le service de bien-être aussi.

M. Boulet : On n'est vraiment pas allé là.

M. Leduc : Non, mais vous auriez pu.

M. Boulet : Non, parce que les parties... Oui, mais les parties ont convenu des services essentiels à maintenir, c'eût été imprudent de notre part. Puis vous auriez été tellement mécontent, puis je ne voulais pas vous rendre mécontent...

M. Leduc : Plus mécontent.

M. Boulet : ...à ce point.

M. Leduc : Ça fait qu'il y a une limite que vous êtes prêt à endurer de mon mécontentement. Visiblement, on...

M. Boulet : Oui. Oui, c'est ce qu'on appelle la recherche d'un équilibre.

M. Leduc : Visiblement, on ne l'a pas atteint. Ça me donne du lousse, c'est bon. Quand vous dites qu'on...

M. Boulet : Mais on s'est approché à ne pas... considérant santé, par exemple.

M. Leduc : Mais là, depuis tantôt, vous parlez de santé. Quand vous dites «convenu», on parle de convenu dans le cadre de conflits précédents?

M. Boulet : Bien oui. Oui, il y a un niveau élevé de services essentiels qui... discuté et convenu entre les parties, oui.

M. Leduc : Puis ça, c'est un genre de précédent... semi-jurisprudence qui va, j'imagine, se développer avec l'autre volet aussi.

M. Boulet : Oui. Oui, bien oui.

M. Leduc : Avec le bien-être aussi, ça va tranquillement, dans certains services, et se développer.

M. Boulet : Non, mais bien-être, c'est un... tu sais, j'allais dire un «one shot day», là, c'est limité à chaque phase des négociations, comme on a discuté hier.

M. Leduc : Non, mais, on se comprend, si on impose un pourcentage au RTC au conflit de cette année, dans quatre ans, tout le monde va comprendre ce qui va arriver.

M. Boulet : Non, je ne suis pas d'accord parce que chaque cas, chaque conflit a ses particularités, comme je vous ai dit, la nature, la durée, le contexte, les impacts sur la population. Ce n'est pas parce que, par exemple une année, là, je rentre dans une hypothèse, il y a un conflit de travail qui dure depuis cinq semaines en transport en commun puis il y a un impact qui est identifiable sur une population en situation de vulnérabilité, puis que le temps, par exemple, déciderait que le régime de services à maintenir s'applique... Ça ne veut pas dire qu'au prochain ça va s'appliquer. Ça se limite à ce dossier-là, dossier par dossier. Ça aurait été... Là, je vous aurais choqué si on avait mis ça pour ad vitam puis pour l'avenir, vous auriez été encore plus mécontent.

• (15 h 30) •

M. Leduc : Oui, mais, si le TAT impose des services en fonction du bien-être à la grève a, bien, la grève b, vous pouvez être certain que le plaideur patronal va dire : Regardez ce que vous aviez fait à la grève a, il va le déposer.

M. Boulet : Oui, mais encore faut-il, pour rencontrer les critères, que le conflit, ses répercussions le justifient. Ce n'est pas parce qu'un conflit génère des répercussions préjudiciables une fois que ça va être le cas la fois suivante. En tout cas, ça sera de nouveau plaidé, si besoin en est.

M. Leduc : Bien oui, mais une grève de chauffeur d'autobus, c'est une grève de chauffeur d'autobus...

M. Boulet : Je ne suis pas d'accord, je ne suis pas d'accord.

M. Leduc : Qu'est-ce qui peut changer d'une grève à l'autre de...

M. Boulet : Le contexte, la durée, l'impact. Tu sais, il y a des durées qui ont moins de répercussions. Puis plus le conflit est long, plus l'impact est significatif sur la population. Ça fait que moi, comme je dis souvent, c'est contextuel. Puis la Cour suprême l'a souvent répété, il faut tenir compte du contexte, la nature du conflit puis sa durée aussi. Et je le répète, ce n'est pas parce qu'une fois ça s'applique que ça s'applique systématiquement. En santé, c'est...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Boulet : ...différent parce que c'est convenu, puis à peu près tout est un service essentiel en santé, tu sais, c'est...

M. Leduc : Hier, vous m'avez dit que des grèves de très courte durée, ce n'était pas tellement ça, l'objet de la loi. Là, on a eu une grève de quatre jours, avec le RTC, il y a deux ans. Ça veut-tu dire que s'il y a une nouvelle grève de quatre jours, ce n'est pas tellement ça qu'on s'attend, que la loi soit mobilisée. Vous n'allez pas les désigner pour quatre jours de grève.

M. Boulet : Ça, c'est une fine question, puis je suis assez d'accord avec vous.

M. Leduc : Donc, pour une grève de quatre jours, de chauffeurs d'autobus...

M. Boulet : Ce n'est pas tellement ça qui est visé. Est-ce que ça veut dire que ça ne peut jamais être visé? Mais je suis assez d'accord avec vous, là, tu sais, à un moment donné.

M. Leduc : Puis est-ce que le mois de l'année où la grève a lieu, c'est aussi un élément contextuel, comme vous le...

M. Boulet : Bien, ce que j'entends souvent, c'est que... Bien, tu sais, il n'y a pas de période, en fait, mais, tu sais, deux, trois, quatre semaines, c'est sûr que ça commence à être une durée où le risque d'atteinte populationnelle est plus important, je m'exprimerais comme ça, parce que je ne me substituerai pas au tribunal, mais selon moi, puis entre nous deux.

M. Leduc : Parce que la grève... oui, entre nous deux et les milliers d'auditeurs, en 2023, là, c'était le contexte du FEQ. C'était ça qui posait problème, qui aurait pu être plaidé comme... sécurité économique, mettons, j'imagine.

M. Boulet : ...FEQ?

M. Leduc : Festival d'été de Québec. C'était ça, le problème. Il y avait beaucoup de touristes. Ça veut dire que s'ils avaient fait la grève après le FEQ, mois d'août, mettons, ça aurait été moins problématique?

M. Boulet : Bien là, vous me demandez de rentrer dans les bottines d'un décideur du TAT. Là, ce que vous me dites... Si ça avait duré plus longtemps puis qu'il y aurait eu une incidence sur l'achalandage au Festival d'été de Québec...

M. Leduc : Bien, rappelons que vous devez désigner, quand même, un groupe. Il y a un geste que vous allez faire à ce moment-là.

M. Boulet : Oui.

M. Leduc : Là, si... vous dites : Ah bien, ça peut dépendre du contexte, etc., La grève des chauffeurs de bus, c'était... posait problème, d'un point de vue public, parce que c'était pendant le FEQ, Festival d'été de Québec, milliers de passages, etc. Puis, s'ils font la grève après, est-ce que ça, c'est un élément de contexte qui va jouer aussi?

M. Boulet : Ah oui! C'est certainement partie du contexte. Quand on dit que tout est contextuel...

M. Leduc : S'ils font la grève à Noël?

Des voix : ...

M. Boulet : Bien, ça fait partie d'un contexte global.

Le Président (M. Allaire) : 20 secondes, M. le ministre.

M. Boulet : Et c'est pour ça que c'est délicat d'utiliser des hypothèses, là, tu sais, le contexte est tellement changeant.

M. Leduc : Je ne sais pas si mes collègues veulent continuer là-dessus.

Le Président (M. Allaire) : Vous voulez intervenir, M. le député de Jean-Talon? La parole est à vous.

M. Paradis : Bon. C'est quand même une discussion intéressante, sur celle de l'application des dispositions nouvelles ou de droit nouveau du projet de loi no 89, en parallèle à celles qui existent sur les services essentiels. Et, dans votre mémoire, au Conseil des ministres, vous évoquez vous-même, M. le ministre, là, cette possibilité. Donc, vous dites : «Les dispositions du projet de loi no 89 peuvent s'appliquer à l'ensemble des employeurs et à l'ensemble des associations accréditées du Québec, à l'exception de la fonction publique et des établissements de santé et de services sociaux. Cette exclusion s'explique par le fait, je vous cite... Cette exclusion s'explique par le fait que ces entités sont déjà visées par les dispositions particulières assurant le maintien d'un grand éventail de services. Ainsi, elle pourrait viser un large éventail d'entités si les critères prévus trouvent application. Une épicerie, un restaurant, un collège ou une université, un centre des services scolaire, une résidence privée pour aînés, une société de transport par traversiers, etc. Dans certains cas-- c'est ici la partie qui nous intéresse le plus--une même entreprise, exemple, une société de transport en commun, pourrait être assujettie à la fois au maintien de services essentiels et au maintien de services assurant le bien-être de la population.» C'était ça, l'objet de votre discussion avec le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve.

Puis là vous avez dit : Oui, ça va dépendre de la preuve, etc., mais moi, je voudrais savoir comment ça fonctionne en pratique. Donc, disons que... disons qu'il y a une déclaration de service essentiel en fonction pour un service de transport en commun et que, là, il y a un décret qui est adopté puis que le Tribunal du travail, ensuite, enclenche le processus d'assujettissement. En pratico-pratique, ça se traduit comment, ça, sur le terrain? Comment on vit avec le fait qu'il y a des éléments qui sont déclarés comme assurant la santé et la sécurité des personnes? Puis là on parle de la santé et de la sécurité physique, surtout, puis que, là, il y a certains services qui assurent la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population?

Comment ça coexiste dans une même situation? J'imagine que vous y avez réfléchi? Moi, j'essaie de voir comment ça coexiste. Est-ce que... est-ce que vous y voyez des risques quelconques ou absolument aucun risque, vous, vous dites : Ça, il n'y a aucun problème, cette nouvelle...

M. Paradis : …cette nouvelle structure là va se superposer, puis tout va bien fonctionner, Mme la Marquise, ou vous avez envisagé qu'il y a peut-être des... il y a peut-être des situations qui vont… que ça va complexifier, en fait, la situation, dans un même système de transport en commun, qu'il y ait les deux régimes qui coexistent. Est-ce que… est-ce que vous avez une analyse, là, des potentiels risques de coexistence ou pas?

M. Boulet : En fait, je réponds à cette question depuis le début de notre étude détaillée cet après-midi, là. En fait, c'est deux régimes complémentaires, assujettis à deux critères distincts. Pour les services essentiels, c'est le danger puis pour les services à maintenir, c'est le bien-être. Donc, c'est deux critères distincts. Et les arbitres, les tribunaux de droit commun sont souvent confrontés à des cas différents. Puis, dans le dispositif de la décision, on tient compte du respect du critère service essentiel puis du respect du critère service à maintenir. C'est deux régimes complémentaires, aussi simple que ça. C'est parce que les services publics sont assujettis à un régime, mais il n'y a rien de convenu, il n'y a rien sans que ce soit plaidé. Donc, c'est pour ça que les deux peuvent cohabiter ensemble. C'est une question simple de complémentarité. Puis c'est…

Le Président (M. Allaire) : M. le député de Jean-Talon.

M. Paradis : Je comprends, M. le ministre, que vous avez l'air confiant, là, puis…

M. Boulet : Absolument.

M. Paradis : C'est du droit nouveau. Donc là, disons que si on parle d'un… du système de métro ou du système d'autobus à Montréal, prenons ce cas-là, est-ce que ça doit se plaider en même temps? Est-ce que c'est… c'est par après? Puis là, si on dit que, pour les services essentiels, ça prend… Mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve posait ces questions-là tout à l'heure, mais je ne suis pas sûr, moi, que j'ai la clarté requise, parce que c'est vous, là, qui proposez ce nouveau régime là. J'imagine que vous avez réfléchi à ça.

Vous le dites dans votre mémoire, l'exemple des sociétés de transport en commun, ça peut être assujetti à la fois aux deux. Vous devez avoir… vous devez avoir… J'espère que vous avez fait des hypothèses, des cas d'espèce. C'est de ça dont j'aimerais que vous nous parliez. Parce que là, ça veut dire : Si les… on dit : Bon, bien, il va falloir maintenir le quart des services en période de… hors heures de pointe, puis les heures de pointe, il va falloir maintenir 50 % du service, des hypothèses. Puis là, après ça, qu'on dit : Ah! mais pour maintenir le bien-être de la population, là aussi on a besoin de services. Là, est-ce que ça s'ajoute? Est-ce que ça s'additionne, ou on va faire des calculs? Ah! Une fois qu'on a dit 50 % à l'heure de pointe, ça, c'est suffisant pour maintenir le bien-être de la population, mais, ah! en… hors d'heures de pointe, 25 %, ce n'est pas assez, il va falloir rajouter un autre 25 %. Comment… Comment ça fonctionne? Moi, je pose des questions. Là, vous me regardez en riant, mais je… vous, j'imagine que vous avez fait ces hypothèses-là. Là, vous présentez le projet de loi. Ça marche... ça marche comment?

• (15 h 40) •

M. Boulet : On me fait signe. On me fait signe. Je vais répéter. C'est parce qu'on m'a posé les mêmes questions. Excusez-moi, collègue, là, je ris parce que je vais répéter. Quand c'est complémentaire, en fonction de la preuve soumise, le tribunal va dire : Le critère de danger est respecté. Donc, les services ABC doivent être maintenus. Le critère de bien-être de la population est respecté, donc les services d, e, f doivent être maintenus. C'est… ça, c'est toujours à défaut par les parties de le convenir.

Parce que si vous prenez l'exemple du transport en commun, les parties peuvent convenir des services essentiels, puis pour les services pour le bien-être de la population, elles auront, le cas échéant, aussi l'opportunité de les convenir. Et, comme j'ai dit tout à l'heure au collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, comme c'est complémentaire, la décision peut les cumuler. L'important, c'est pour le tribunal de bien identifier la nature des services à maintenir pour éviter un danger pour la santé-sécurité et/ou pour éviter de… que la population soit préjudiciée de façon significative.

C'est… moi, je vois… Je ne sais pas ce que… moi, personnellement, je trouve ça simple. Puis c'est un régime de droit nouveau, puis quand on fait un régime parallèle, je l'ai fait souvent dans des projets de loi, ça permet de simplifier plutôt que quand on essaie d'intégrer du droit nouveau dans le droit existant, Collègues, je vous l'assure, ça crée énormément de confusion. Puis les problèmes d'interprétation puis d'application peuvent s'additionner. Ça fait que là, au moins, c'est clair. Puis, je le répète, dans les secteurs comme santé, où il y a le régime des services essentiels, ça s'applique tout le temps, c'est continu dans le temps, alors que, dans notre cas, ça ne s'applique que phase de négociation par phase de négociation.

Le Président (M. Allaire) : M. le député de Jean-Talon.

M. Paradis : Alors, qu'est-ce qui a guidé votre choix, par exemple, de ne pas exclure ceux qui sont visés, les personnes qui sont…

M. Paradis : ...par la proposition d'amendement du collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, mais vous avez exclu, par contre, les ministères ou organismes du gouvernement dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique et les établissements visés à l'article 1 de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives des secteurs public et parapublic. Vous dites, dans votre mémoire, que ces exclusions s'expliquent par le fait que ces entités sont déjà visées par des dispositions particulières assurant le maintien d'un grand éventail de services. Donc, vous jugez, par exemple, dans le cas des sociétés de transport en commun, que ce n'est pas le cas, ou est-ce que c'est parce que vous n'êtes pas content de la jurisprudence existante?

M. Boulet : On a laissé le terrain aller vérifier. Il n'y a pas que le RTC, il y a les sociétés de transport à Trois-Rivières, à Sherbrooke, Laval, Montréal puis il y a le Saguenay. Il n'y a pas d'entente. Il n'y a pas de critère de détermination des services essentiels. Avant 2019, il y avait des décrets gouvernementaux qui les assujettissaient au maintien des services essentiels. Les parties convenaient, puis il y avait un conseil des services essentiels qui venait intervenir, le cas échéant, si besoin en est. Là, si vous me parlez de la santé, là c'est plus la fonction publique. La fonction publique, il y a déjà 16 critères de détermination des services essentiels convenus entre les parties. Dans les services publics, il n'y a rien de convenu, collègue. C'est la raison pour laquelle les parties peuvent plaider l'application du régime en fonction du critère danger et l'application du régime en fonction besoins de la population. C'est très, très simple, si vous souhaitez que ce soit simple, c'est simple.

M. Paradis : Mais, en fait, il y en a des critères depuis 2019, parce que c'est vrai qu'avant c'était une application plus simple. Maintenant, c'est le Tribunal administratif du travail qui émet ou non une ordonnance sur les services essentiels. Il y a une jurisprudence qui s'est développée, qui a été abondamment citée dans nos travaux. Et là vous dites : Dans ce cas-ci, j'aime moins la jurisprudence, donc là je vais assujettir. D'autres ont un cadre normatif, soit jurisprudentiel ou soit législatif et réglementaire, mais là vous dites : Ça, ça, ça fait mon affaire, mais pas les autres. Parce que vous auriez pu décider de dire : Bien, c'est soit le régime des services essentiels ou c'est soit le nouveau régime que vous proposez dans votre projet de loi, mais pas un mélange des deux dans certains cas.

M. Boulet : En fait, quand vous dites il y a des critères, il y a un critère, c'est le danger pour la santé, sécurité publique et, deux, il y a des jurisprudences, mais ça s'applique au cas par cas. Comme j'expliquais un peu plus tôt dans notre étude détaillée dans la décision du Réseau de transport de la Capitale, la décision eût pu être totalement différente en fonction d'une preuve soumise différente. On se comprend. C'est les faits qui font qu'une décision qui applique un critère prévu dans une loi sont prépondérants. C'est ça qui fait qu'une décision va dans une direction ou plutôt l'autre. Au Réseau de transports de la Capitale, la décision aurait pu être différente. À la Société de transport de Trois-Rivières ou de Saguenay, la décision aurait pu être différente en fonction de la preuve soumise.

La décision du RTC, respectueusement, je suis en désaccord avec vous, elle ne s'applique pas dans tous les autres cas. Ça fait que, quand vous dites il y a une jurisprudence établie, il n'y en a pas, ça dépend de la preuve qui est soumise. Quand il y a des critères prévus dans des lois du travail, c'est comme ça que ça fonctionne. Ça peut varier comme une convention collective, là, on peut réunir des griefs, on peut avoir des décisions qui varient en fonction des faits qui sont à la base du grief fixé. Ça fait que c'est les deux réponses que je peux vous donner.

M. Paradis : Je vous suis là-dessus, puis la jurisprudence est éminemment dépendante de la preuve qui est présentée. Mais je remarque que c'est paradoxal ce que vous nous dites là-dessus... oui, mais ça dépend beaucoup de la preuve, puis parfois il y a des décisions qui sont rendues parce que telle circonstance et telle preuve. Mais là, quand vient parler... quand vient le temps de parler des risques d'avoir deux régimes législatifs distincts à des mêmes contextes, qu'il puisse y avoir de la jurisprudence qui diverge ou qui crée des problèmes d'interprétation, là vous me dites : Ah non! Ça, ça n'arrivera pas.

Je suis étonné de votre absolue confiance, en tout cas, de votre confiance qui semble très... vous semblez très déterminé à nous dire : Non, il n'y en a pas, de risque. Il y a un nouveau régime qui va arriver, il va compléter, puis il n'y en a pas des risques. J'aurais cru, vous auriez eu une analyse sur les possibles... sur les possibles risques qu'il y ait de la jurisprudence contradictoire, dans un régime et dans l'autre, avec des critères qui, vous allez dire, oui, ils sont distincts...

M. Paradis : ...d'un projet de loi à l'autre, mais qui se rapprochent quand même, là. Il y a des termes de sécurité dans les deux régimes.

M. Boulet : Moi, je suis convaincu que, bon, ce n'est pas la jurisprudence qui crée des problèmes d'interprétation ou d'application, c'est les lois. Et, comme je vous ai partagé, toute loi, vieille, nouvelle, moderne, ancienne provoque des enjeux d'interprétation puis d'application. Puis, vous savez, des fois, puis on n'exclut pas ça, collègue, il peut peut-être avoir une décision qui est incompatible avec une autre, comme avec toutes les lois du Québec, puis c'est pour ça qu'il y a des recours en révision judiciaire, c'est pour ça qu'il y a une Cour d'appel, puis, ultimement, quand c'est d'intérêt national, une Cour suprême. Et on n'évitera jamais ça, là.

Puis, tu sais, il y en a qui prétendent que ce projet de loi là, il est à risque constitutionnel. Peut-être. S'il y a des recours, on verra quelle sera la décision rendue en tenant compte de sa façon d'être appliquée, mais la jurisprudence, c'est sûr, je suis d'accord avec vous, il peut y avoir des décisions qui n'appliquent pas le critère de la même manière qu'une autre décision de jurisprudence, c'est certain, mais l'interprétation problématique, elle provient toujours des lois parce que les parties sont en désaccord. Un même mot, et c'est une des complexités de la langue, peut générer une interprétation ou une perception que les avocats vont débattre pendant des heures, puis ils vont plaider. Il y a des décisions de jurisprudence qui vont dans une direction puis des décisions qui vont dans l'autre direction. Ça, c'est sûr, je n'exclurai jamais ça, mais... Puis ce n'est pas parce que c'est du droit nouveau qu'on se met à l'abri de ça, c'est sûr, il va toujours en avoir. Puis, plus on essaie d'être précis, là, plus on essaie d'aller au bout de l'entonnoir pour être précis, plus on dilue la marge de manœuvre décisionnelle du tribunal et plus on s'éloigne de la philosophie constitutionnelle qu'a utilisée la Cour suprême du Canada. Ça fait que moi, je suis totalement à l'aise avec ça. Puis, est-ce qu'il va y avoir des enjeux? C'est sûr, il y en aura toujours, puis je ne le nierai jamais.

M. Paradis : Bien, je vous prends au mot, M. le ministre, là, mais, vous le savez, il y a plusieurs des personnes qu'on a entendues ici, en consultations particulières, qui nous ont annoncé leur intention de contester le nouveau régime devant les tribunaux. Et vous le dites vous-même, c'est du droit nouveau. Donc, moi, quand vous dites : Ah oui! c'est certain, puis ça va être facile, puis tout ça, j'ai un peu de difficulté. Vous l'avez mentionné par ailleurs dans votre dernière réponse, ça va générer beaucoup de litiges. Puis vous auriez pu prendre la décision de dire : Une fois que, dans un secteur, on établit qu'il y a des services essentiels, ce régime-là ne s'applique pas. Et ça, ça aurait été d'une clarté absolue.

Moi, quand vous dites, là : C'est clair, c'est clair, cette situation, il va y avoir deux régimes qui vont s'appliquer en même temps, il me semble y avoir un potentiel de générer des différences jurisprudentielles, de différer, de générer des désaccords, et j'aurais cru qu'on aurait pu opter pour une voie beaucoup plus claire. Puis ce n'est pas celle que vous avez choisie. C'est une décision légitime, mais ça m'étonne que vous soyez aussi affirmatif sur l'absence de risques de générer de la jurisprudence, des cas, des difficultés d'interprétation, parce qu'il y a quand même des mots qui sont communs aux deux régimes.

• (15 h 50) •

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : Là, c'est parce que vous parlez de plusieurs sujets à la fois. Les personnes qui sont venues ont parlé de risques constitutionnels, et donc de procédures pour invalider la loi. Ça, c'est différent, là, des problèmes d'interprétation de critères. Ça, je l'ai dit tout à l'heure, il y aura peut-être des procédures judiciaires. Moi, j'ai toujours pensé que les procédures judiciaires allaient probablement attendre le premier cas d'application, s'il y en a un, cas d'application, parce qu'il n'y en aura peut-être pas, des cas d'application du p.l. n° 89. Mais dans... quand on va donner vie dans un cas particulier au p.l. n° 89, là, ça sera peut-être une opportunité de contester.

Le projet de loi tel qu'il est libellé, est-ce qu'il est... s'il est contesté suivant son libellé, peut-être que les chances de gain constitutionnel sont moins importantes. Deuxièmement, les problèmes d'interprétation des critères, oui, n'importe quel mot, n'importe quelle couleur, n'importe quelle situation est à risque d'interprétation. Ça, je suis totalement d'accord, et c'est clair...

M. Boulet : ...où il y a des services essentiels à un haut niveau, convenus, qui s'appliquent dans le temps. Le régime pour protéger la population ne s'applique pas. Dans les services publics, il n'y a rien. La collecte des déchets, il n'y a rien. Dans les municipalités, dans les régies intermunicipales, dans les sociétés de transport en commun, il n'y a rien. Il y a le critère des services essentiels, le critère, le danger. Alors là, on permet qu'il y ait une complémentarité avec notre régime. C'est simple. Pour moi, c'est... Mais c'est sûr que certains ont tendance à simplifier, c'est ce que vous allez me dire, puis d'autres peuvent avoir tendance à confondre ou... mais, tu sais, on a chacun notre approche, là. Mais je vous le réexplique, là. Pour les services publics, 111.0.16 du Code du travail, là les deux régimes peuvent s'appliquer parallèlement, complémentairement, puis je ne peux pas le dire plus clairement que ça, là.

Le Président (M. Allaire) : M. le député de Jean-Talon, d'autres interventions? Ça va? Donc, d'autres interventions sur l'amendement déposé par le député d'Hochelaga-Maisonneuve? M. le député, il vous restait 25 secondes, ça va? Mme la députée de D'Arcy-McGee, ça va? Excellent. Parfait. Nous allons procéder à la mise aux voix de l'amendement. Est-ce que l'amendement adopté?

Une voix : ...

Le Président (M. Allaire) : Vote par appel nominal. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention.M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

La Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

La Secrétaire : Mme Mallette (Huntingdon)?

Mme Mallette : Contre.

La Secrétaire : M. Caron (Portneuf)?

M. Caron : Contre.

La Secrétaire : M. Dufour (Abitibi-Est)?

M. Dufour : Contre.

La Secrétaire : M. Girard (Lac-Saint-Jean)?

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Contre.

La Secrétaire : M. Martel (Nicolet-Bécancour)?

M. Martel : Contre.

La Secrétaire : Mme Prass (D'Arcy-McGee)?

Mme Prass : Contre.

La Secrétaire : M. Paradis (Jean-Talon)?

M. Paradis :  Abstention.

La Secrétaire : M. Allaire (Maskinongé)?

Le Président (M. Allaire) : Abstention. L'amendement est donc rejeté. On revient donc à l'article introduit, 111.22.2. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention... Oui, d'autres interventions? M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.

M. Leduc : ...je voulais laisser la chance à d'autres personnes.

Le Président (M. Allaire) : Oui, c'est correct. La parole est à vous.

M. Leduc : J'aurais un amendement à vous soumettre, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : On suspend les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 54)


 
 

16 h (version non révisée)

(Reprise à 16 h 04)

Le Président (M. Allaire) : Alors, nous allons reprendre les travaux. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, vous souhaitez déposer un amendement. Je vous laisse le soin de nous le lire et de vous expliquer. Merci.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Ça va comme suit : À l'article 11.22.2 proposé par l'article 4 du projet de loi, ajouter après «parapublic (chapitre R-8.2)», les mots «ni les universités».

Donc, un peu dans la même logique que mes deux amendements précédents, j'essaie de comprendre pourquoi on veut inclure en particulier les universités. Je m'explique. C'est assez clair pour moi, pour avoir siégé sur, notamment, le projet de loi, ici, un des derniers de la précédente législature... c'était avec la précédente ministre de l'Enseignement supérieur, Mme McCann, qui avait fait une loi sur la liberté académique, qui était réclamée par plusieurs professeurs, notamment, plusieurs scientifiques, experts du milieu, du milieu de l'enseignement et plusieurs syndicats aussi, du milieu de l'enseignement, et qui avait été bien accueilli, je pense, grosso modo. On avait contribué aux travaux. Et le concept de liberté académique était très cher à ce gouvernement, ce gouvernement, donc, qui est toujours au pouvoir.

Et quand on prend un peu de perspective historique, vous vous rappelez peut-être, M. le Président, que j'ai été en histoire avant de faire un peu de droit du travail, les universités ont longtemps été leur propre gouvernement, en quelque sorte, hein, ils avaient leurs propres lois, parfois même leurs propres services de sécurité. Certains campus américains, c'est comme ça que ça fonctionne. J'ai eu la chance de faire un échange étudiant, pendant mon bac, à Mexico, et ils avaient, là-bas, leur propre système de police, en quelque sorte, interne au campus puis ils avaient même leur propre système de justice. Bref, je ne dis pas que je souhaite que nous développions ça au Québec, nécessairement, mais...

M. Leduc : …pour vous donner un peu la portée des universités dans l'histoire occidentale, dirons-nous, où est-ce qu'on préfère ne pas trop s'immiscer, l'État essaie de ne pas trop s'immiscer dans la gestion interne des universités à tous les niveaux. Puis d'ailleurs je parlais de la Loi sur la liberté académique. On avait fini par voter contre. Savez-vous pourquoi, M. le Président? Parce que, dans la loi sur la liberté académique, il y avait un outil assez classique pour les gouvernements, en matière d'enseignement supérieur, qui est d'obliger les institutions à se doter de politiques. On l'a fait sur plein de sujets. Sauf que, là, dans l'article du gouvernement, du projet de loi du gouvernement sur la liberté académique, on devait… on forçait les universités à se doter, donc, d'une politique sur la liberté académique. Il y avait un tout petit ajout qui nous apparu traverser une ligne rouge importante, qui est celui que la ministre, le ou la ministre se donnait le pouvoir de prendre un crayon et de venir à son bon vouloir corriger ou modifier lesdites politiques.

Et nous, ça nous apparaissait, en tout cas pour ma formation politique, suffisamment une entrave au principe de liberté académique pour voter contre ce projet de loi là. Toujours est-il qu'il a été adopté et, somme toute, bien reçu, malgré ce papillon, on pourrait dire, mais quelle n'a pas été ma surprise de constater que les universités étaient dans le secteur inclus dans le processus par le ministre. J'aimerais comprendre pourquoi et surtout comment, selon lui, il fait cette inclusion, que j'appelle toujours les services essentiels déguisés, mais qu'il appellera les… le maintien du service pour le bien-être de la population. Comment est-ce compatible d'inclure les universités dans son nouveau système, tout en prétendant leur reconnaître de la liberté acamédique?

Le Président (M. Allaire) : Merci. M. le ministre.

M. Boulet : Bien, j'ai expliqué aussi, tout ce qui est visé par le Code du travail du Québec, sauf les exceptions que vous avez déjà identifiées, notamment, sont concernés par le projet de loi n° 89, donc les collèges et les universités, ils sont régis par le Code du travail. Vous le savez, on est dans un contexte relation employeurs, syndicats, et ça s'applique. C'est simplement pour respecter l'objectif de fond de ce projet de loi là. S'il n'y a pas d'impact sur le bien-être de la population, ça s'appliquera. Il n'y aura pas de décision d'assujettissement, mais ça pourrait, ils sont visés.

Le Président (M. Allaire) : Député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Oui, mais ma question était à l'effet de… Est-ce que, selon vous, c'est compatible avec la notion de liberté académique et d'autonomie universitaire?

M. Boulet : Je ne vois pas en quoi le projet de loi a un impact négatif sur la liberté académique, d'aucune façon. On ne débat pas de la liberté académique. On a seulement un intérêt pour les conflits de travail qui ont des répercussions négatives pour la population.

M. Leduc : Vous êtes familier avec le concept d'autonomie universitaire.

M. Boulet : Ah! bien, pas autant que vous, sûrement.

M. Leduc : O.K. Dans ce cas-là…

M. Boulet : Mais je suis conscient de ça, là, je suis allé aussi à l'université puis je connais les débats actuels aux États-Unis, notamment.

M. Leduc : Oui, bien sûr. Oui, on n'en est pas là, bien heureusement.

M. Boulet : Hé! Mon Dieu!

• (16 h 10) •

M. Leduc : Bien heureusement, on est content d'être au Québec. L'autonomie universitaire, à mon sens, donc, vous dites, vous connaissez le concept aussi, puis ça fait en sorte que ce sont des institutions dont on reconnaît quand même des larges parts de capacité de gestion. Grosso modo, le gouvernement finance… un système de financement par diplôme, par tête de pipe, il y a toutes sortes de modulations qu'on peut faire. Il va y mettre des grandes normes, bien sûr, mais il laisse évidemment une grande part d'autonomie et de gestion à ce corps particulier qu'est l'université.

Puis il n'y a pas grand-chose de similaire, dans ce sens que… vous savez que le recteur d'université est élu par les professeurs, collèges électoraux. Il y a parfois un vote pour les représentants des employés de soutien, un vote pour les associations étudiantes. Essentiellement, ce sont les professeurs qui élisent leur patron, finalement. C'est le concept latin du primo inter pares, le premier d'entre les pairs. Et donc cette façon-là de fonctionner a toujours été perçue comme importante pour s'assurer de la liberté académique. Donc, l'autonomie universitaire ouvre la porte à la liberté académique parce qu'il n'y a pas d'ingérence de l'État, ni dans le fonctionnement de l'université, et donc ni dans le produit de ses réflexions, de ses composantes, à savoir les professeurs, les chercheurs, les étudiants, éventuellement, évidemment aussi.

Alors, de… moi, de voir que les universités font partie d'emblée de la liste…

M. Leduc : ...la liste du ministre. Ça m'a étonné, je trouve qu'il y a là un non-respect du concept de l'autonomie universitaire. J'aimerais voir si le ministre avait réfléchi à cet aspect-là de l'autonomie universitaire quand il a choisi d'inclure les universités dans sa liste.

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : Bien, écoutez, j'ai répondu à la question pour l'application du p.l. aux universités. Maintenant, avec respect, je ne ferai pas de débat sur la liberté académique et l'autonomie universitaire. Je considère que ce n'est pas pertinent à notre étude détaillée. Merci.

Le Président (M. Allaire) : M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Bien, c'est très pertinent, au contraire, vous choisissez d'inclure certains groupes, certains... d'autres non. Mais moi, j'aimerais ça comprendre pourquoi ce groupe-là en particulier, au regard de mon expérience, par exemple. J'ai été longtemps un militant syndical à l'université, autant dans les associations étudiantes, mais, par la suite, dans ce qu'on appelle les syndicats d'auxiliaires qui sont d'accréditation syndicale, mais qui représentent des étudiants qui font, par exemple, de la correction dans des salles de classe ou des ateliers, etc., ils ont pied dans le mouvement dit étudiant, par définition, ce sont beaucoup des jeunes qui vont bouger et qui sont à plain pied dans le régime du travail. Mais pourquoi, tout à coup, eux autres, ils pourraient se faire inclure dans cette réalité-là, alors qu'on est supposé reconnaître l'autonomie de gestion des universités?

M. Boulet : Bien, votre question comporte la réponse. Le Code du travail, dans son entièreté, s'applique aux universités. Tu n'as pas le droit de faire d'ingérence patronale, tu es obligé de respecter les dispositions antibriseurs de grève, tu négocies conformément au code. Tout se fait de manière compatible avec le Code du travail et ça... ce n'est pas en rapport avec le débat sur la liberté académique, les relations de travail sont en respect de ce qui est contenu dans le Code du travail du Québec, là.

M. Leduc : Vous savez, M. le ministre, que, souvent, dans les universités, les services de police vont attendre d'avoir une genre de permission ou de demande du service de sécurité interne avant d'entrer sur le campus. C'est une vieille tradition, je vous disais que ça remontait à l'époque médiévale. Alors, un peu dans ce sens-là, je m'étonne de dire : Bien oui, les universités, c'est le Code du travail, fin de l'histoire. Bien non, un instant, c'est un peu plus complexe que ça. L'histoire est plus complexe que ça. Le système de gestion est plus complexe que ça. L'université, c'est supposé être un lieu collégial, de partage de connaissances. Là, si d'aventure il y a une grève, ça peut être soit des employés de soutien, il y a des profs, des chargés de cours, pourquoi tout à coup, là, on décide que c'est correct, que l'État entre en particulier... Parce qu'on se rappelle que tout ça démarre par une intervention du ministre à travers un décret, pourquoi c'est correct que l'État se mette à dire : Non, non, vous, on veut que vous vous soyez désignés pour qu'il n'y ait pas de conflit?

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : J'ai répondu à la question, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : M. le député.

M. Leduc : Est-ce que, aux yeux du ministre, c'est absolument clair que ça ne s'applique pas du tout pour des conflits étudiants, comme en 2012, par exemple?

M. Boulet : Non. Ce n'est pas un conflit de travail, on n'est pas dans un contexte de grève ou de l'entente, c'était une manifestation qui s'est transformée. Mais ce n'est pas un conflit au sens du Code du travail, là. Vous irez voir dans les définitions du Code du travail ce qu'est une grève, ce qu'est un lock-out, on n'est pas... ça ne répond pas à cette... aux définitions qui sont dans le code, si ça peut vous rassurer, j'espère.

M. Leduc : Vous les avoir connus de très près, les conflits étudiants, c'est quand même assez complexe. Et si vous faites une grève dans une faculté ou sur un campus au grand complet et que vous faites du piquetage, donc vous bloquez les salles de classe ou vous levez les cours, de facto, la prestation de travail des enseignants, que ce soient des professeurs ou des chargés de cours, est interrompue. Ce n'est pas volontaire de tous les professeurs. Certains, par solidarité, vont annuler leurs cours, mais la frontière, elle n'est pas parfaitement étanche, là.

M. Boulet : Vous connaissez la réponse. Une grève, c'est une cessation concertée. C'est défini comme ça dans le Code du travail, vous le savez. Et, dans le contexte que vous m'expliquez, ce n'est pas une cessation concertée d'une association de salariés qui détient une unité d'accréditation syndicale. Donc, pour moi, ça ne s'applique pas. Le titre du projet de loi est clair : Grève ou lock-out, ce n'est pas une grève des profs. O.K.

M. Leduc : Un autre cas de figure...

M. Boulet : Est-ce que ça vous va?

M. Leduc : Cette réponse-là est très claire, merci. Un autre cas de figure que j'ai connu. Grève de syndicats de professeurs, donc en fonction du code...

M. Leduc : ...du code, avec les délais puis les notifications, etc., et se superpose à la grève, selon le Code du travail, légale des professeurs une grève de solidarité étudiante. Mais, ce faisant, la grève de solidarité étudiante ferme tous les cours, donc aussi les cours des chargés de cours, qui eux ne sont pas en grève en fonction du Code du travail parce qu'ils ne sont pas dans les délais ou ils ne sont pas en négo, ils sont peut-être en plein milieu d'une convention collective. Est-ce que, là, ce cas de figure là pourrait être mobilisé par votre nouveau système?

M. Boulet : Pour les chargés de cours, la réponse, c'est non. Ce n'est pas une grève, ce n'est pas une cessation concertée par les chargés de cours. Si c'en... Une grève, il faut que ce soit aussi... Ce n'est pas une cessation concertée de la façon dont vous le décrivez, c'est une cessation...

M. Leduc : Non, non. Bien, en effet, si les étudiants votent la grève et font des levées de cours, ce n'est pas un choix du syndicat des chargés de cours.

M. Boulet : Non.

M. Leduc : Si le syndicat est... mon souvenir, c'est ce qui... c'est ça qui est arrivé, vote une résolution de soutien à la grève des profs pendant qu'ils sont en train de se faire lever les cours par l'association étudiante, est-ce que, là, on traverse la ligne rouge ou on est encore dans un...

M. Boulet : Ce n'est pas issu d'un conflit de travail. Encore une fois, c'est des questions hypothétiques, mais, à mon avis, ça ne s'appliquerait pas.

M. Leduc : Ça fait que les grèves de solidarité étant interdites de toute façon dans le code, cette espèce de façon-là qu'auraient les étudiants d'imposer une grève de solidarité par leur propre grève à eux, ça ne viendrait pas bousculer votre lecture de ce que vous souhaitez faire avec le projet de loi n° 89?

M. Boulet : Ma compréhension, selon les faits que vous vous soumettez, non, on n'est pas dans un contexte où une grève est déclenchée conformément au Code du travail ou en violation du Code du travail. C'est une manifestation étudiante qui a une retombée qui fait en sorte que les chargés de cours arrêtent de donner leur prestation de travail. C'est... Moi, je... Est-ce que ça répond à la définition de grève de la part des chargés de cours? Puis voyons la définition... la cessation concertée de travail par un groupe de salariés.

M. Leduc : C'est «concertée», le mot clé.

Le Président (M. Allaire) : Allez-y.

M. Leduc : Oui. Quand vous avez choisi de mettre «université» dans votre tableau, ici, tableau qui émane... bien, je ne sais pas si c'est votre cabinet, mais, en tout cas, votre gouvernement. J'essaie de me rappeler, tu sais, parce que j'assume que, si vous les avez listées clairement, spécifiquement... Parce que, là, vous me dites qu'en fonction de l'article qu'on étudie c'est... C'est le cas d'au grand complet, là, tout le monde. Tout le monde y est, sauf exception. Mais, dans le fond, la liste que vous nous avez soumise ici, ça aurait pu être écrit : Tout le monde au grand complet du code, mais là vous avez choisi d'expliciter, puis on l'apprécie, des types en particulier. Mais là, si vous avez choisi d'expliciter les universités, vous voulez envoyer le message qu'on comprenne tous, par exemple : Dans ce cas-ci, oui, oui, les universités vont être incluses là-dedans. Il faut que ce soit clair. C'est le souhait de communication que vous avez fait en publiant cette liste-là.

M. Boulet : Tout à fait.

• (16 h 20) •

M. Leduc : Quelles sont les cas des cinq ou 10 dernières années de grèves concertées de salariés de l'université qui ont généré un problème si important que vous pensiez que ça soit pertinent de les mobiliser en fonction de l'un des trois de vos critères, là, sécurité sociale, économique ou environnementale?

M. Boulet : Je n'en ai pas en tête. Est-ce qu'il y en a eu? Je ne suis pas en mesure de répondre. Mais qu'ils soient visés par le champ d'application du projet de loi, ça m'apparaît tout à fait compatible et équitable avec les autres employeurs et associations accréditées. Mais je n'ai pas de cas de grève de professeurs ou de chargés de cours, de cas spécifique. Peut-être que vous en connaissez plus que moi, des grèves qui auraient pu avoir un impact sur le bien-être de la population, peut-être que vous pouvez les partager avec moi. Et là, ça serait de déterminer si le TAT déciderait de les assujettir.

M. Leduc : Bien, je vous pose la question parce que moi non plus, je n'en ai pas en tête, des grèves qui auraient perturbé profondément. Encore une fois, on a évacué les grèves étudiantes, là, ça fait qu'on oublie 2012, mais des grèves de salariés qui auraient perturbé profondément une université à ce point tel qu'on juge pertinent de les préciser dans le champ d'application de votre projet de loi...

M. Boulet : Ah! bien, il y en a plein. Tu sais, si on prend toutes les entreprises...

M. Boulet : ...toutes les organisations qui ont une accréditation syndicale, émise en vertu du Code du travail, il y en a plein chez lesquels ce n'est pas imaginable de penser que le p.l. 89 va s'appliquer, j'ai toujours dit que c'était exceptionnel. C'est une loi qui s'applique de manière exceptionnelle et qui va l'être avec beaucoup de parcimonie en raison de ce risque constitutionnel là que nous discutons fréquemment, tu sais, c'est sûr que... Et on peut prendre bien d'autres places où ça... Je vois difficilement comment un conflit pourrait avoir un tel impact sur les besoins de la population.

M. Leduc : Mais si on a aucun exemple à mettre au jeu pour justifier qu'on les inclut dans ce procédé-là, pourquoi les inclure alors?

M. Boulet : Là, vous voulez m'amener sur le chemin où on aurait créé encore plus de confusion. Un peu plus tôt, vous me disiez : C'est mêlant, alors qu'on a voulu ça le moins mêlant possible. C'est un régime parallèle et on n'a pas commencé à faire du... ce que on appelle du «cherry picking», là, exclure un puis l'autre...

M. Leduc : Du «cherry picking», la cueillette de cerises.

M. Boulet : ...on va avoir plus d'exclusion. Souvenez-vous, dans notre projet de loi sur l'encadrement du travail des enfants, tout le monde plaidait son exception. Vous savez comment on a été prudent...

M. Leduc : On en a fait une.

M. Boulet : ...pour respecter le niveau de maturité socioaffective des enfants. Puis ce rien que des exceptions qui constituent le prolongement de la vie scolaire ou familiale des enfants, mais on aurait mis 52 exceptions...

M. Leduc : Bien, on a vécu...Allez-y.

M. Boulet : ...puis ça aurait été incompatible avec l'économie générale du projet de loi. Puis on ne peut pas faire la même chose puis dire : Vous autres, c'est impossible. Puis ce qui est impossible aujourd'hui peut être possible dans deux ans, puis dans cinq ans, puis dans 10 ans, là, je ne sais pas, mais il faut faire un projet de loi équitable.

M. Leduc : Vous dites : On s'est fait dire, tout le monde voulait son exception sur le projet de loi du droit des enfants, puis vous avez entièrement raison. Je le dis, on a entendu exactement la même chanson pendant les audiences ici. Tous les groupes patronaux sont venus dire : Ah! on reconnaît la grève pour les autres, mais, nous, c'est compliqué, nous, c'est compliqué.

M. Boulet : Ah! non, non, non.

M. Leduc : Si tu les prenais individuellement, tout le monde était prêt à reconnaître que le droit de grève, c'était bien correct pour tous les autres, sauf pour eux autres. Et, en additionnant toutes les exceptions qu'ils nous réclamaient, on regardait alentour de la salle, puis il ne restait plus grand monde qui avait un droit de grève normal.

M. Boulet : Je n'ai pas de commentaire...

M. Leduc : Vous avez assisté au même spectacle que moi, là.

M. Boulet : ...je n'ai pas de commentaire à faire là-dessus.

M. Leduc : Votre sourire trahit votre pensée, M. le ministre. 

M. Boulet : Non, mais c'est, encore une fois, une démonstration qu'on a un bel équilibre. C'est sûr qu'il y a des groupes purement patronaux qui voulaient qu'on déplace le curseur puis, à la limite, éliminer ou restreindre tellement le droit de grève qu'il devient inexécutoire. Puis il y a des centrales syndicales qui nous demandent de le retirer. À quelque part, je pense qu'on est à la bonne place, mais, s'il y a un équilibre additionnel à atteindre, on va le faire, tout le monde ensemble. Je ne sais pas si c'est ce que vous souhaitez, là, mais, moi, c'est ce que je souhaite. Je comprends vos amendements, là, mais on ne commencera pas à faire ce que vous ne souhaitiez pas faire dans le projet de loi sur l'encadrement du travail des enfants. On ne peut pas...

M. Leduc : C'est-à-dire que, moi, j'ai regardé vos arguments quand le projet de loi a été déposé, dans les différentes entrevues que vous avez faites depuis ce temps-là, puis souvent vous évoquiez certains cas qui ont posé problème dans l'espace public. Puis on peut être d'accord ou pas, mais, objectivement, c'était un dossier d'espace public, ça, on peut tous s'entendre là-dessus.

M. Boulet : Bien oui.

M. Leduc : J'ai fait la liste tantôt, là, les cimetières, les profs, le RTC, le transport scolaire, grosso modo, c'est les quatre avec lesquels vous avez jonglé dans vos entrevues.

M. Boulet : Transport en commun, transformation alimentaire...

M. Leduc : Transformation alimentaire, on peut rajouter, bien oui.

M. Boulet : …services funéraires.

M. Leduc : Cimetière, oui, c'est ça, bref.

M. Boulet : Oui, oui, mais il y en a quand même un certain nombre.

M. Leduc : Mais les universités, je n'ai jamais entendu. Je ne vous ai jamais entendu, dans vos explications, de dire : Il y a eu un problème à l'Université, je ne sais pas, moi, de Montréal en 2000, quelque chose. La grève avait duré six, sept semaines. Il a fallu décaler... Je veux dire, je n'ai pas entendu ça. Ça fait que, moi, je me dis : Ce n'est pas banal ce que vous nous mettez. Vous êtes en train de venir jouer dans le droit de grève qui est un droit, à mon avis, sacré, qui a été constitutionnalisé avec l'arrêt Saskatchewan. Moi, je me dis, vous devez avoir des saprées bonnes justifications pour chacun des secteurs où est-ce que vous voulez l'appliquer.

M. Boulet : Non, mais, collègue, je vais vous arrêter là. Je n'ai jamais parlé des commerces de détail, des restaurants, des bars, des pharmacies, des épiceries, des supermarchés. Est-ce qu'on va se mettre à exclure un et l'autre parce que le risque est moins grand ou il n'y a pas de risque? Non, je pense qu'il faut être...

M. Boulet : ...équitable, puis un projet de loi, ça vise à assurer que ça puisse s'appliquer de la même manière pour tout le monde. Puis ce qu'on veut faire, je le répète puis je le répéterai tout le temps... on fait ce projet de loi là, pas contre les syndicats, on fait ça pour la population, point final.

M. Leduc : Moi, je pense que, quand on est à l'Assemblée nationale, ici, en particulier quand on est un membre du Conseil des ministres, on cherche à régler des problèmes. Souvent, je dis ça à ma fille quand elle me demande qu'est-ce que je fais dans la vie? Je lui dis : Moi, Jeanne, j'essaie de régler des problèmes. J'ai trouvé que c'était la meilleure façon de résumer mon travail et notre travail collectif. On essaie tous, à notre manière, de régler des problèmes.

Moi, je cherche, donc, c'est quoi, le problème dans les universités avec le droit de grève des employés. Qu'est-ce qui... Parce que, là, sinon, s'il n'y a pas de problème, qu'est-ce qu'on fait à ajouter les universités dans ce lot-là? Parce que moi, j'en vois un problème inverse. Je vous plaidais tantôt l'autonomie universitaire. Je ne faisais pas de... C'est sérieux, ce que je plaide, là, l'autonomie universitaire. Moi, c'est un concept avec lequel j'ai évolué, j'ai travaillé. J'ai fait mon mémoire de maîtrise en histoire sur le mouvement étudiant universitaire et son inspiration du syndicalisme. Bien, vous vous doutez bien que toute la notion d'autonomie universitaire était forte, dans les années 60, alentour de ça, puis ça s'est construit aussi par la suite à travers différents débats. Quand on a parlé de liberté académique, les gens qui étaient venus ici nous parler, ils étaient d'accord, mais ils avaient un peu peur que ça devienne une ingérence de l'autonomie universitaire. La ministre les avait rassurés. Ça, c'est un autre dossier, mais c'est pour vous dire que c'est un concept sérieux que je pense que vous mettez un peu, un peu, en danger en incluant l'université, surtout s'il n'y a pas de cas problème.

M. Boulet : J'ai du respect pour l'autonomie universitaire, ce n'est pas l'objet de notre débat, mais l'autonomie universitaire, ce n'est pas un bouclier pour faire ce qu'on... pour ne pas respecter des dispositions du Code du travail. Ça ne confère pas une immunité à l'égard de l'application du Code du travail. Il n'y a pas d'immunité. Et les conflits, il y en a moins parce que... Vous devriez remercier les interventions faites par les conciliateurs-médiateurs du ministère du Travail, qui donnent, dans la vaste majorité, des cas d'excellents résultats. C'est ce qu'on fait.

Puis ce que vous dites à Jeanne, c'est ce qu'on pratique, puis j'espère que vous le partagez avec elle aussi. C'est ce que nous pratiquons au ministère : amélioration des climats, aide à la négociation, puis conciliation-médiation. Vous savez mon intérêt pour les alternatives de résolution de litiges puis...

M. Leduc : Vous savez, M. le ministre, que conciliateur-médiateur, je trouve ça tellement intéressant que c'est un peu mon plan B si jamais les gens d'Hochelaga ne veulent plus de moi en 2026. Pensez-vous que je serais...

M. Boulet : Je suis convaincu qu'ils vont vous réélire.

M. Leduc : Oui?

M. Boulet : Ah oui! Haut la main.

M. Leduc : Je vais leur dire. Je vais leur dire : Le ministre pense que vous devriez me réélire.

M. Boulet : Bien oui.

• (16 h 30) •

M. Leduc : Blague à part, j'ai quand même un cas... peut-être que ce sera ma dernière intervention là-dessus, M. le Président, mais j'ai un cas concret d'application qui va poser défi. Parce que ce n'est pas pour rien, là, que je propose de retirer «université», parce que c'est plus complexe que dans d'autres milieux de travail en raison de la superposition avec les conflits étudiants, qui sont de types syndicaux parce qu'ils s'appliquent à tout le monde en même temps, votés à travers un mécanisme similaire, à savoir une assemblée générale, mais ils ne sont pas encadrés, reconnus par le droit du travail. Il y a déjà eu des débats...

M. Boulet : Ils ne sont pas syndiqués.

M. Leduc : Bien, pas au sens du code, en effet.

M. Boulet : Puis ils n'ont pas d'employeur.

M. Leduc : Certaines universités ont des accréditations internes pour les associations étudiantes, avec un mécanisme similaire de vote avec un certain pourcentage. D'autres préfèrent ne pas avoir d'accréditations. D'autres ont... Il y a... ce n'est pas connu, mais il y a une loi québécoise sur les accréditations d'associations étudiantes. Il y a des universités qui ont des reconnaissances internes. C'est un peu complexe. Tout ça pour vous dire qu'il y a des cas où il pourrait y avoir une grève légale d'un corps de travail, employés de soutien, chargés de cours, professeurs, qui se fait arrêter par, par exemple, le TAT ou par... là, on en reparlera tantôt, là, mais une intervention de votre autre mécanisme d'arbitrage automatique. Je ne sais pas si les universités vont être appliquées à ça, j'assume que oui, vous me corrigerez si j'ai tort. Mais, si on impose la fin de la grève ou la réduction de la grève à travers soit un pourcentage de tâches ou, etc., par le TAT, par votre processus actuel, mais qu'en réponse à ça, un peu dans...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Leduc : ...de 2012, rappelez-vous, la fameuse loi spéciale qui n'avait pas été respectée. Bien, de facto, les étudiants pourraient ne pas faire respecter une ordonnance du TAT d'assurer un certain nombre de prestations de travail des professeurs ou des chargés de cours, par exemple. Qu'est-ce qui va se passer? Comment ça va marcher?

M. Boulet : On en a discuté tout à l'heure, là.

M. Leduc : Ce n'est pas ce cas de figure là que je vous ai soumis tantôt. Je recommence. Un syndicat de professeurs... on va prendre un exemple, syndicat de professeurs fait la grève à l'UQAM, commence sa grève à la mi-session, comme d'habitude...

M. Boulet : Parce que les étudiants manifestent.

M. Leduc : Non, non, non. Les profs défendent leurs conditions de travail, ils veulent un plancher d'emploi ou je ne sais trop, ils font la grève. Ça dure quelques semaines. Là, il y a des plaintes, il y a des éditoriaux : Ça n'a pas de bon sens, il faut ramener l'ordre. Vous les désignez par un décret, l'université décide de mobiliser le TAT, le TAT dit : Oui, en effet, la sécurité, machin, machin... sociale, dans ce cas-ci, j'imagine...

M. Boulet : Ce n'est pas «machin, machin», c'est «sociale».

M. Leduc : C'est… Ah! Voilà!

M. Boulet : Ne dites pas que c'est «machin, machin».

M. Leduc : Vous avez une opinion là-dessus, vous avez une opinion, c'est «sociale».

M. Boulet : Oui.

M. Leduc : Parfait. Et là elle décide de dire : Non, c'est 90 % de tâche parce que là il faut finir la session puis... ou peu importe. Vous comprenez ce que je veux dire. Mais, si les étudiants, qui décident d'être solidaires avec les professeurs, décident que ça ne marchera pas, cette affaire-là du TAT, puis décident de faire des moyens de pression et de la grève pour ne... pour qu'il y en ait juste... une grève de solidarité, dans le fond, parce qu'eux, ils ont le droit de la faire, la grève de solidarité, parce qu'ils ne sont pas encadrés et enchâssés par le code, s'ils ne font que ça ne respecte pas le règlement du TAT, qu'est-ce qui se passe?

M. Boulet : Bien, ils sont dans l'incapacité de respecter la décision du TAT, là, dans l'hypothèse que vous soulevez, ça fait qu'ils ne peuvent pas enseigner, les étudiants ne sont pas là. Ça fait qu'ils ne peuvent pas respecter une décision qui est inapplicable puis ça, il n'y aura pas de moyen d'exécution, là, il n'y a pas de saisie-exécution, il n'y a pas de... Tu sais, si jamais il y a des violations d'une ordonnance puis il y a des amendes, bien, vous savez qu'il y a des moyens de défense, puis, bon, là, les procureurs syndicaux ou les procureurs de l'association des profs plaideraient qu'ils sont dans l'incapacité d'agir, qu'ils sont dans l'incapacité de respecter. C'est très juridique, là, mais c'est ce que je vous donnerais comme réponse.

M. Leduc : Donc, si jamais d'aventure, dans un cas comme celui-là, l'université, l'employeur déciderait de faire... ça serait quoi, une injonction ou une poursuite pour non-application du TAT ou ça serait le tribunal qui demanderait ça?

M. Boulet : Bien, ça pourrait être des procédures en exécution de la décision, mais l'université serait mal avisée de faire ça. Si les professeurs n'offrent pas leur prestation de travail, c'est que les étudiants, étudiantes ne sont pas là.

M. Leduc : Et empêchent la tenue du cours, potentiellement, par du piquetage.

M. Boulet : Puis c'esttrès, très, très hypothétique, là...

M. Leduc : On s'entend.

M. Boulet : ...parce queje vois difficilement comment les critères du p.l. 89 pourraient être respectés, là, mais peu importe. On fait un peu du... de la fiction, là, mais, dans cet exemple un peu fiction, moi, je pense qu'il y aurait un bon moyen de défense pour les professeurs suite à des procédures intentées par l'université en exécution de la décision du TAT ou en exécution de quelque ordonnance que ce soit, là.

M. Leduc : O.K. Bien, écoutez, si je résume... puis à la fin vous me direz si j'ai bien compris, on pourra peut-être passer à un autre appel, mais il n'y a pas de cas précis que vous avez en tête pour intégrer les universités parce que vous dites : C'est un régime général, puis on ne sait pas ce que l'avenir nous réserve. Vous nous dites aussi que d'aucune manière ça ne s'applique pour une grève étudiante, donc votée par une association étudiante.

M. Boulet : Bien oui, parce que les étudiants n'ont pas d'accréditation émise en vertu du code, puis on n'est pas dans une relation employeur-salariés en vertu du code, avec un lien de subordination puis une rémunération, puis, tu sais, c'est sûr que ça ne s'applique pas.

M. Leduc : Sauf pour les syndicats d'étudiants salariés, qui, eux, sont constitués en vertu du code.

M. Boulet : Ah! bien là, s'il y a une relation patronale-syndicale, qu'il y a une accréditation syndicale, ils pourraient, puis là c'est très, très théorique, là.

M. Leduc : Ah! bien, ce n'est pas théorique, c'est là que j'étais, moi, j'étais à l'UQAM précisément dans le syndicat des étudiants travailleurs employés, et je faisais des corrections pour des professeurs, je faisais des ateliers dans des cours d'histoire, et nous étions, mon Dieu, quand même des milliers, là, 2 000, 3 000, de mémoire, à l'UQAM à avoir... c'étaient des petits contrats, c'était rarement des tâches très longues... c'est-à-dire ce n'était pas du temps plein, là, sur une session, mais il y a beaucoup de gens qui sont dans cette situation-là, dans toutes les universités d'ailleurs. Donc, ça, vu que c'est par le Code du travail, même si c'est des étudiants, là on est dans une application possible de cet article-là. On s'entend là-dessus.

M. Boulet : Bien, c'est visé par le champ d'application.

M. Leduc : Du code.

M. Boulet : Le reste, je ne peux pas... mais oui.

M. Leduc : Parfait. Et, si...

M. Leduc : …dernière chose, se superpose une grève de profs ou de tout autre corps d'emploi accrédité par le Code du travail à une grève étudiante, mais elle, grève étudiante, non accréditée. Il n'y aura pas de conséquence pour le syndicat.

M. Boulet : Bien, ça pourrait théoriquement s'appliquer, mais il n'y aurait pas possibilité d'exécution d'une décision. C'est ça que vous me…

M. Leduc : Exact.

M. Boulet : Exact, je suis d'accord…

M. Leduc : Parce que ce serait au-delà de la capacité du syndicat d'appliquer son…

M. Boulet : Question d'impossibilité d'agir. Là, je ne suis pas un spécialiste en exécution de jugement non respecté ou de décision non respectée, là, mais c'est l'opinion que je vous donnerais, humblement.

M. Leduc : Puis c'est pour ça… c'est pour ça que je vous soumets encore une fois, bien humblement, M. le ministre, que ce serait mieux de retirer les universités de cette liste-là, parce que c'est complexe.

M. Boulet : Au contraire.

M. Leduc : Parce que c'est complexe, à cause de l'autonomie universitaire également, que je trouve qu'on vient chatouiller inutilement, et parce qu'on n'a pas d'exemple concret à nous soumettre, mais...

M. Boulet : Ah! bien, je n'en aurais pas, pour les commerces, ça vous… ça ne fera pas votre affaire, pour les restaurants, pour les pharmacies, pour la plupart, parce que c'est une loi qui s'applique de manière exceptionnelle. Merci.

Le Président (M. Allaire) : Merci. Ça va? M. le député de Jean-Talon, la parole est à vous.

M. Paradis : Oui, d'abord, peut-être juste une question de logistique. Je pense que le tableau qui a fait l'objet de vos échanges avec le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, il y avait un engagement à le mettre sur greffier hier. Je pense qu'il ne s'y trouve toujours pas. Je pense que, pour les gens qui nous écoutent, ce serait utile qu'il y soit.

Le Président (M. Allaire) : Oui. En fait, si on se souvient, il appartient à la partie gouvernementale de nous l'envoyer. Si on le reçoit, on va naturellement le rendre disponible sur greffier.

M. Paradis : Très bien, mais j'invite le ministre à le faire puisqu'on en a longuement parlé aujourd'hui.

M. Boulet : …vous souhaiteriez qu'on le dépose?

M. Paradis : Oui, oui.

M. Boulet : Il a été mis… je l'ai communiqué sur la place publique, il a été… mais oui, on peut l'envoyer…

Le Président (M. Allaire) : Parfait. Donc, du moment qu'on le reçoit, on va le rendre disponible.

M. Boulet : …est-ce que tu l'as, Pascal?

M. Paradis : Bien là, je ne l'ai pas devant moi, là, mais je pense qu'il est disponible sur le site Internet, mais enfin parce que... parce qu'on est à la commission puis il y a un endroit pour mettre les documents, notamment ceux qu'on évoque, je pense que… pour la transparence de nos débats, ça peut être intéressant.

Cela étant dit, M. le ministre, je vous… je vous écoute parler de ce projet de loi. Puis il y a une chanson de Joe Bocan qui me vient en tête. Donc, vous m'inspirez ces paroles de Joe Bocan, Paradoxal. Ah! Là, je vois les connaisseurs, hein, qui se… qui reconnaissent la chanson. Parce que, d'un côté, vous nous dites : Ça va être un projet de loi qui est très précis, qui est très clair, puis, de l'autre, quand on veut préciser à qui ça s'applique, là, vous dites : Non, non, non, ça va être une règle générale, puis après ça, on verra comment ça se passe. D'un côté, vous nous dites : Ça va être utilisé avec parcimonie puis ça va être exceptionnel. Mais quand on veut préciser dans le projet de loi que, de fait, ça va être avec parcimonie et que ça va être exceptionnel, là, vous dites : Non, non, non, je veux la règle la plus générale possible.

Puis quand on parle des exemples, on est revenu toujours avec les mêmes exemples, ça, on le dit depuis le début, et là, quand on arrive avec… hein, où il y a eu des grèves où selon vous ça a eu un impact disproportionné sur la population, puis là, quand on invoque d'autres cas où, bien non, il y en a… il n'y en a pas, d'historique de grève qui touche, là, vous… vous êtes… vous ne voyez pas les choses de la même façon. Vous dites : On va les prendre pareil. Donc, moi, ça m'intrigue. Est-ce que c'est annonciateur de ce qu'on veut faire ou pas avec ce projet de loi là? La question se pose.

• (16 h 40) •

Parce que là, ici, ce qu'on propose comme amendement, c'est d'exclure les universités. Et c'est intéressant parce qu'on a eu le… on a eu le mémoire, donc, de la Fédération québécoise des professeurs d'université, qui est venue nous tracer un portrait clair, hein, donc, j'écoutais vos échanges, mais en réalité, il y a des analyses que votre ministère a déposées sur les conflits de travail en milieu universitaire. et la Fédération conclut ce qui suit : «À chaque fois, c'est la page six de leur mémoire... À chaque fois, le spectre de l'annulation d'une session de cours et le retard de la diplomation pouvant en découler ont été évoqués dans les médias. Or, dans les faits, ce risque ne s'est jamais avéré. En effet, aucune grève de professeurs n'a conduit à l'annulation d'une session de cours. À chaque fois, sans aucune exception, des plans de rattrapage ont été mis en place au retour de la grève pour permettre aux étudiants de compléter la session de cours touchée par la grève et donc d'obtenir leur diplôme.»

Et ce que la fédération dit, c'est qu'en réalité, des grèves dans le milieu universitaire qui pourraient rencontrer ou satisfaire aux critères de…du projet de loi, donc, qu'il y aurait…

M. Paradis : ...il y aurait... il pourrait y avoir, en milieu universitaire, des services minimalement requis pour éviter que ne soit affecté de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population, notamment celle des personnes en situation de vulnérabilité. Ils l'expliquent plus loin dans le mémoire, ils disent : Ça n'arrivera jamais. Et ils parlent aussi du mode de gouvernance, donc ça vient toucher la discussion que vous aviez avec le collègue, que le mode de gouvernance des universités est très particulier, où les professeurs sont à la fois des employés mais prennent part à peu près à toutes les décisions, de l'embauche au plan stratégique, etc., et ils disent que d'appliquer ces dispositions-là au monde universitaire, ça serait... ça irait à l'encontre, en fait, de la mission. Donc, ils disent : «Non seulement la négociation apparaît comme nettement plus appropriée que l'arbitrage dans le contexte du mode de gouvernance des universités et des conditions qui sont nécessaires à la poursuite de la mission universitaire», donc, aucune grève, en contexte universitaire, n'a jamais causé de préjudice grave ou irréparable à la population qui pourrait être invoquée, qu'on justifie qu'on ait besoin d'un cadre législatif permettant de restreindre ce droit fondamental. Est-ce que vous en convenez?

M. Boulet : Oui, oui, j'en conviens. Il n'y a aucune grève qui justifie que ça s'applique à d'autres qui sont détenteurs d'accréditation syndicale, des employeurs qui sont avec une accréditation syndicale, les commerces, les restaurants, les bars, les pharmacies privées, les épiceries, les supermarchés, des entreprises privées de production de biens. Mais moi... vous m'attribuez le concept de paradoxal, moi, je vais vous dire, je suis extrêmement étonné que vous disiez que le code ne devrait pas s'appliquer quand il n'y a pas d'historique. Par exemple, si on n'a jamais négocié de mauvaise foi, on ne devrait pas se voir appliquer l'obligation de négocier de bonne foi. Si on n'a jamais utilisé des travailleurs de remplacement, on ne devrait pas se faire imposer l'obligation de ne pas utiliser des travailleurs de remplacement. Même affaire pour l'ingérence patronale. Toutes les dispositions du Code du travail, comme n'importe quelle loi, s'appliquent à tout le monde de manière équitable. Ça devient une règle de droit. Et on ne dira pas : Ça ne devrait pas s'appliquer à M. x ou Mme y ou à la compagnie x ou au syndicat y parce qu'il n'y a pas d'historique puis ça ne peut pas s'appliquer. Non, le Code du travail régit les relations de travail employeur-employé. Et je pourrais citer tous les articles du Code du travail pour confirmer que ça s'applique à tout le monde. Puis il n'y a pas personne qui a une immunité parce que moi, je fais toujours bien les choses, moi, je n'ai jamais violé, il n'y a jamais eu de dossier qui justifie que je sois soumis à telle obligation du Code du travail.

C'est pour ça que ça m'étonne, que vous me posiez une question de cette nature-là. Puis je répète ce que j'ai dit à notre collègue. La mission éducative n'est pas entravée, dans le cas des universités, et ne les met pas... ne leur donne pas une immunité à l'égard du respect des dispositions du Code du travail. Ça fait que c'est la réponse que je vous donnerais. Le Code du travail s'applique de manière équitable à tous et à toutes, indépendamment de leur historique.

M. Paradis : Oui, mais vous excluez déjà une grande quantité d'employés de l'application de l'un ou l'autre de vos mécanismes, des mécanismes qui sont prévus par le projet de loi n° 89 et, quand on vise à exclure, donc, certains domaines, vous dites : Non, ils vont être inclus, il faut en déduire qu'il y a ici une supposition qu'il pourrait y avoir des cas, donc, où les services minimalement requis, pour éviter que ne soit affectée de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale, ça s'applique à un conflit de travail en milieu universitaire.

M. Boulet : Ça ne s'applique pas à ceux qui sont soumis à un haut niveau de services essentiels, qui sont soumis à ce régime-là en fonction de critères convenus. C'est aussi simple que ça. Pour le reste, il n'y a pas d'exclusion. On n'a pas dit : Les pharmacies, il n'y a jamais eu de problème, on les exclut. Les restaurants, il n'y a jamais eu de problème, on les exclut. Les collèges, les... Non, ça s'applique également.

Puis je vais reprendre l'obligation de négocier de bonne foi et avec diligence puis les dispositions anti-briseurs de grève. La vaste majorité des environnements de travail...

M. Boulet : ...font les choses de façon compatible au Code du travail, mais elles sont quand même soumises au respect du Code du travail, c'est... Ce qui n'est pas visé, ça n'a pas besoin d'être visé.

M. Paradis : C'est une question de perspective, et je comprends votre perspective, M. le ministre.

M. Boulet : C'est le droit.

M. Paradis : Je comprends votre perspective, mais d'autres, d'aucuns auraient pu s'attendre à ce que s'agissant d'un droit fondamental, le droit d'exercer des moyens de pression, dont l'exercice du droit de grève afin de négocier des conditions de travail avec son employeur... C'est ça, ce que le projet de loi fait, il vient restreindre un droit fondamental. Vous auriez pu choisir la voie de la précision chirurgicale pour régler des problèmes précis. Et là, vous avez prévu de ratisser largement en disant : Ah! ça va être ça, la nouvelle règle, elle s'applique à tout le monde.

Je comprends. Quand vous dites ça comme ça, ça a l'air bien simple, de dire : Ah bien, là, on fixe une règle, elle s'applique à tout le monde, mais, ici, la règle que vous fixez, c'est celle qui permet de restreindre le droit de grève. C'est ça. C'est ça que le projet de loi fait, il restreint le droit de grève.

Et là vous ratissez le plus large possible. Alors, avis aux professeurs d'université : Vous êtes maintenant mis dans le même bassin que les autres, puis même si, historiquement, il n'y a jamais eu aucune grève qui a eu ces effets-là et même si, historiquement, il n'y a jamais aucun étudiant qui a perdu sa session, maintenant, dans le même bateau.

M. Boulet : Bon. J'ai répondu assez clairement. Ce n'est pas parce qu'il n'y en a jamais eu qu'ils ne seront pas soumis. Ce n'est pas parce qu'ils ont toujours négocié de bonne foi puis avec diligence puis qu'ils n'ont jamais utilisé des briseurs de grève qu'ils ne sont pas soumis au Code du travail. Et là vous êtes beaucoup dans le champ d'application, alors que, là, on parle d'un amendement sur les universités, puis vous me dites : Vous portez atteinte au droit à la négociation puis, après ça, au droit à la grève, restriction. Le droit à la négociation, pas du tout. On favorise la négociation collective, on favorise l'entente entre les parties elles-mêmes, d'abord et avant tout. Il n'y a rien dans ce projet de loi là qui porte atteinte à ça. Puis, si je ne l'ai pas répété plusieurs fois, je vais le répéter : On a des services d'aide à la négociation, on a des conciliateurs-médiateurs qui sont reconnus, au Québec.

La précision chirurgicale, moi, je pense que ça n'existe pas, bon. J'ai pratiqué un peu, je connais certaines lois, particulièrement en droit du travail. La précision chirurgicale, si vous ne l'avez inventé ou si quelqu'un peut l'inventer, faisons-le. La précision chirurgicale, le grand cadeau que ça nous donnerait, à nous tous, c'est qu'on n'aurait plus besoin autant des tribunaux. On réduirait les délais d'attente de façon considérable, parce qu'il y aurait moins de problèmes d'interprétation puis d'application. La précision chirurgicale, vous me proposerez un amendement qui contient un critère qui répond à cette précision chirurgicale.

Et je vous dirais, ce n'est pas respectueux de l'état d'esprit de la décision de la Cour suprême du Canada. Les critères qu'on a sont suffisamment clairs, même pour être compris par la personne de... tu sais, par toute personne. Et ça confère une marge de manœuvre à un tribunal, qui va tenir compte de la réalité factuelle et de la preuve qui va lui être soumise.

Donc, moi, je vous répondrais de cette manière-là, c'est... Les universités, je pense que j'ai répondu, puis ça va peut-être être mon dernier commentaire, elles n'ont pas d'immunité, elles n'ont pas le droit de se soustraire à l'application de quelque disposition que ce soit du Code du travail, sans minimiser l'impact de leur mission éducative et de la liberté académique, bien sûr.

• (16 h 50) •

Le Président (M. Allaire) : M. le député de Jean-Talon.

M. Paradis : Il y aurait beaucoup à dire sur ce qui vient d'être mentionné par le ministre, mais, bon, je commencerais par ce que le ministre nous a dit... il dit : Ah oui, on vient toucher à l'exercice du droit de grève, peut-être, mais pas à l'exercice du droit de négociation, puis on ne touche pas à l'équilibre. Bien, ça, je m'excuse, là, mais je ne peux pas accepter cette partie-là de la réponse. C'est clair que toute la mécanique qui est prévue dans ce projet de loi là va jouer un rôle fondamental sur l'équilibre des négociations, parce qu'à partir du moment où il y a un décret... Et moi, je reviens là-dessus, je comprends que le ministre, il est tout le temps, après ça, sur l'assujettissement, sur l'étape deux du...

M. Paradis : ...processus sur l'étape trois, la première étape de tout ce qui se passe dans ce projet de loi là, dans le premier mécanisme, c'est un décret du gouvernement qui va dire : Ah! Ha! À partir de maintenant, vous êtes visés par la possibilité qu'il y ait des services assurant le bien-être de la population. Ensuite, il y a le Tribunal administratif du travail qui rentre pour déterminer si, oui ou non il y a assujettissement, puis ensuite la négociation entre les parties ou à défaut, une décision sur quels sont les services assurant le bien-être. Mais la première étape, elle vient déjà jouer de manière très forte, fondamentale sur l'équilibre des négociations.

Alors, quand le ministre essaie de séparer complètement les deux puis dire : Non, non, non, sur les négociations, ça ne change rien là-dedans, je n'y touche pas. Je suis désolé, ce projet de loi là va toucher aussi à l'esprit des négociations, à l'équilibre des négociations, et ici ça va être le cas dans les universités. Parce que là ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que la prochaine fois qu'il y a un conflit de travail, bien là, le gouvernement va pouvoir arriver avec un décret pour dire : Ah! Ha! Moi, je viens de vous désigner comme potentiellement assujetti à l'obligation de livrer des services assurant le bien-être de la population. C'est un... C'est une différence fondamentale. Donc, on ne peut pas dissocier la négociation ici.

C'est pour ça que le droit de grève a été jugé par la Cour suprême du Canada puis par la Cour d'appel comme faisant partie intégrante de la liberté d'association puis du processus de négociation, c'est interrelié. On ne peut pas, là, maintenant, séparer les concepts. Bon, ça, c'est, de un. Deuxièmement, sur la précision. Oui, le ministre, vous avez raison, c'est difficile, la précision chirurgicale. Mais il y a une perspective, il y a une perspective. Vous auriez pu décider de faire ça, puis, peut-être, que l'opinion des gens qui s'opposent fermement au projet de loi n° 89 serait différente. Moi, je ne m'en cache pas, j'ai voté contre le principe parce que vous ratissez large puis parce que vous touchez des droits fondamentaux à la libre négociation puis à l'exercice des moyens de pression. Vous auriez pu décider de circonscrire, de dire : Bon, c'est ça, le problème, c'est ça qu'on a identifié, puis j'ai des données précises, puis j'ai fait mes études juridiques qu'on n'a pas pu avoir, puis c'est ça, le problème à régler, puis c'est ça dont on va parler. Mais là vous restreignez de manière importante un droit fondamental, puis vous... vous nous dites : Je vais ratisser large. Puis, après ça, quand vous dites : Oui, mais vous ratissez large, vous ne voudriez pas restreindre un peu, vous nous dites : Non, la règle s'applique à tout le monde. Donc c'est une question de perspective. M. le ministre, vous avez adopté cette perspective-là. C'est votre décision, mais elle aurait pu être différente.

Le Président (M. Allaire) : M. le ministre.

M. Boulet : Le droit de grève, il fait partie de la liberté d'association qui est intégrée dans nos chartes, ça lui confère une valeur constitutionnelle. J'ai toujours dit qu'on était complètement d'accord avec ça. Mais est-ce que le fait de devoir maintenir des services essentiels ou le fait de devoir maintenir des services pour protéger des besoins, par ailleurs, fondamentaux de la population a un impact négatif sur le rapport de force? Moi, je dis non. La négociation, elle se fait de manière totalement libre. Elle se fait accompagner, si nécessaire, et avec les services d'une expertise, si nécessaire. L'équilibre qui est recherché, ce n'est pas de mettre fin au droit de grève, parce qu'il y a des syndiqués dans... qui manifestent, qui ont l'impression qu'on veut mettre fin au droit de grève. Ce n'est pas le cas. La grève continue malgré le maintien de services essentiels ou de services pour protéger les besoins de la population. C'est important de le mentionner.

Puis la précision chirurgicale, c'est intéressant ce que vous me dites, vous me dites : Si vous aviez opté pour une autre perspective, c'est-à-dire une plus grande précision chirurgicale, vous auriez peut-être eu une meilleure adhésion au p.l. 89. Donc, c'est comme si vous me disiez qu'implicitement vous adhérez, vous aussi, à l'objectif du p.l. 89. Et l'objectif du p.l. 89 en est un populationnel, en est un pour assurer le respect des besoins de la population. Ça fait que, moi, si vous me dites ça qu'avec une précision chirurgicale que vous vous pouvez peut-être inventer...

M. Boulet : ...on va accroître le niveau d'adhésion à ce p.l.-là, bien, partager, on est là, à l'étude détaillée. Moi, je vous dis que le critère que nous avons, il est respectueux de la philosophie qui se dégage des décisions des tribunaux depuis 2015. Une précision chirurgicale, si vous me faites une démonstration, collègue de Jean-Talon, que ça va nous rapprocher de l'état d'esprit de la décision Saskatchewan de la Cour suprême du Canada, puis qu'on va augmenter l'adhésion, notamment des centrales syndicales, je suis prêt à vous écouter parce que j'ai décodé de vos propos que vous étiez d'accord avec la protection des besoins du monde. C'est ça qu'on veut faire. Puis on ne veut pas éliminer le droit de grève, on veut que le droit de grève s'exerce, mais dans le respect de ces besoins-là. On veut, avec vous, trouver le meilleur équilibre entre l'exercice du droit de grève ou de lock-out, parce qu'on ne parle pas souvent de lock-out, et des besoins de la population. Alors, voilà.

Le Président (M. Allaire) : M. le député de Jean-Talon.

M. Paradis : Alors, voyez que je le dis avec le sourire, vous l'avez fait de manière très élégante. Vous m'avez prêté beaucoup d'intentions dans votre réponse. Je pense que tout le monde ici, on est là pour le bien-être de la population. Nous sommes toutes et tous intéressés à ça. Le collègue le disait, bien, hein, quand on parle à nos enfants, de ce qu'on fait comme métier, c'est qu'on essaie de régler des problèmes. Mais, quand même, quand vous nous dites : Proposez-nous des choses, je suis à l'écoute, on en propose plein, depuis le début de la commission, des choses. Moi, je vous ai parlé tout à l'heure des critères, de baliser notamment la façon donc vous allez prendre le décret qui va déclencher tout le processus. Puis vous nous dites : Non, c'est méga... c'est super clair, on a déjà tout ce qu'il faut. Là, le collègue de d'Hochelaga-Maisonneuve propose... je ne sais pas c'est son combientième amendement, mais lui, il essaie de préciser, de dire : Bien, voici à qui ça va s'appliquer, voici à qui ça ne s'appliquera pas, puis ils sont tous refusés. Donc...

Et je le réitère, lorsqu'on parle de droits aussi importants, de droits aussi fondamentaux à la paix sociale et aux droits de tout le monde au Québec, que les conditions de travail soient négociées dans les meilleures conditions possibles, je pense qu'il faut être très prudent.

Maintenant, je suis vraiment étonné de ce que j'entends sur l'impact de tout ça sur les négociations, sur le droit à la négociation. Quand il y a des services essentiels et surtout quand ces services essentiels sont très étendus, ça a un impact sur le droit de grève, ça a un impact sur les moyens de pression. Parlez-en à certaines catégories d'emplois où il y a des services essentiels très étendus qui disent : Bien, écoutez, on fait la grève pis c'est comme s'il y avait... les gens ne le voyaient pas tellement il y a de services essentiels. Ça a un impact fondamental. Donc, ce projet de loi là va avoir un très grand impact à partir du moment où le gouvernement va décider de prendre un décret puis de dire : Ah! attention, la déclaration de services essentiels ou nécessaires ou assurant le bien-être de la population s'en vient, ça va avoir un impact sur les moyens de pression, sur l'étendue des moyens de pression, sur la nature des moyens de pression, sur l'impact des moyens de pression. Donc, je ne suis pas d'accord qu'on peut distinguer les deux, c'est intrinsèquement lié et ce projet de loi là va avoir un impact immense dans l'équilibre des négociations.

• (17 heures) •

Le Président (M. Allaire) : Ça va? D'autres interventions sur l'amendement? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à sa mise aux voix. Est-ce que l'amendement est adopté?

Une voix : ...

Le Président (M. Allaire) : Par vote... Par appel nominal, s'il vous plaît.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

La Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

La Secrétaire : Mme Mallette (Huntingdon)?

Mme Mallette : Contre.

La Secrétaire : M. Caron (Portneuf)?

M. Caron : Contre.

La Secrétaire : M. Dufour (Abitibi-Est)?

M. Dufour : Contre.

La Secrétaire : M. Girard (Lac-Saint-Jean)?

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Contre.

La Secrétaire : M. Paradis (Jean-Talon)?

M. Paradis : Pour.

La Secrétaire : M. Allaire (Maskinongé)?

Le Président (M. Allaire) : Abstention. L'amendement est donc rejeté. On revient donc à l'article introduit. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, allez-y.

M. Leduc : Oui, M. le Président, je vais vouloir déposer un nouvel amendement. Je vous demanderais une suspension, s'il vous plaît.

Le Président (M. Allaire) : Parfait. Nous allons suspendre les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 01)


 
 

17 h (version non révisée)

(Reprise à 17 h 23)

Le Président (M. Allaire) : Alors, nous allons reprendre les travaux. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, vous avez un nouvel amendement, je vous cède la parole.

M. Leduc : Merci, M. le Président. À l'article 111.22.2 proposé par l'article 4 du projet de loi, ajouter, après «parapublic (chapitre R-8.2)», les mots «, ni les commissions scolaires et les centres de services scolaires».

On pourrait se surprendre pourquoi «commission scolaire» est encore là, malgré leur abolition dans le précédent mandat. C'est qu'il faut se rappeler que les commissions scolaires anglophones ne sont pas abolies en raison de leur droit constitutionnel que le gouverneur n'a pas osé remettre en question. Donc, on dit «commissions scolaires», mais c'est essentiellement des «school boards» pour le Québec, tandis que les parties francophones, elles, n'ayant plus d'élections scolaires, s'appellent maintenant les centres de services scolaires. Par contre, au-delà de cette distinction-là, M. le Président, pourquoi je dépose cet amendement? Encore une fois, je me suis basé sur la fameuse liste qui nous avait été distribuée sur qui était inclus, qui était exclu, et nommément, encore une fois, moi, je...

Le Président (M. Allaire) : ...vous allez me permettre de dire que la liste, elle est officiellement disponible dans Documents distribués sur le Greffier.

M. Leduc : Merveilleux! Je regarde mon collègue de la troisième opposition qui le réclamait avec vigueur, avec raison.

Le Président (M. Allaire) : Voilà. Je vous laisse poursuivre.

M. Leduc : Merci. Alors, moi, je pense que cette liste-là, elle était préparée d'un point de vue de communication pour bien faire comprendre qui était visé, et j'avais reconnu dans cette liste-là des secteurs qui avaient potentiellement été évoqués par le ministre, notamment les cimetières ici. Tu sais, ce n'est pas... On pourrait surprendre. Il n'y a pas des centaines d'emplois et des milliers d'emplois dans les cimetières du Québec, mais ils sont quand même dans la liste de tous les salariés du Code du travail. Bref, je pense que ce n'est pas innocent non plus que les commissions scolaires et les centres de services scolaires soient précisément nommés dans cette courte liste d'exemples de tous les gens qui sont couverts par le Code du travail. Et encore une fois, là, contrairement peut-être à la discussion précédente des universités, où là je cherchais des exemples de longues grèves perturbatrices que le ministre m'a confirmé ne pas avoir en tête, dans le cas des commissions scolaires et des centres de services scolaires, on a tous compris à quoi le ministre faisait référence en ajoutant ça dans sa liste. Il pense, bien sûr, à la longue grève des profs de l'an dernier. C'était l'automne 23, donc, si je ne me trompe pas, où nous avons connu jusqu'à quoi, quatre ou cinq semaines de conflit. Je pense, j'ai le mémoire de la FA devant moi, j'ai retrouvé le bon chiffre, en tout cas, il y avait un certain nombre de journées... 22 jours de grève. Évidemment, avec les fins de semaine, ça s'étale sur presque cinq semaines de conflit. Ça a été un conflit important parce que... Ça s'est déroulé, essentiellement, durant l'hiver. Là, je revois les dates. C'est le 23 novembre, que la grève a commencé. Ça fait que, donc, si je me rappelle bien, novembre, décembre... Ça avait-tu dépassé le temps des fêtes? Ça, je ne suis pas certain.

Bref, on me ramènera les dates exactes si nécessaire, mais c'est secondaire à la discussion. La grève des professeurs a été fondamentale dans la discussion et la réflexion du ministre, j'en suis convaincu, et dans celle du Conseil des ministres et du premier ministre. À chaque fois qu'on a pu parler de ça, notamment au salon rouge, ça réagissait... Je me rappelle de la toute première question que j'ai posée. Je pense que c'est le jour même du dépôt du projet de loi du ministre, parce qu'on avait tous compris, de ce côté-ci des banquettes, M. le Président, qu'est-ce qui allait être traité dans son projet de loi, j'avais utilisé un terme, je ne le réutiliserai pas à part pour l'évoquer, de vengeance, M. le Président. Puis je sais que vous voulez qu'on évite des termes, mais c'est un terme qui avait fait réagir fort. Et j'avais aussi qualifié cette grève des professeurs... parce qu'il y a eu deux grèves, hein...

M. Leduc : ...secteur public plus large, ce qui impliquait notamment le front commun. Dans le domaine de l'éducation, c'étaient plus les employés de... non-professeurs, dans le fond, là, soit les employés de soutien, les employés techniques, services de garde et compagnie. Ça, c'étaient plus des grèves épisodiques, le ministre parlait de petites périodes de grève, mais la grève générale sur une longue période, c'est celle des professeurs, des enseignants, enseignantes de la FAE, en particulier, qui est une fédération qui ne faisait pas partie de front commun mais qui, bien sûr, s'impliquait dans le grand pot commun du secteur public.

Tout ça pour vous dire que, quand j'ai posé ma question au salon rouge au ministre sur pourquoi il s'attaquait au droit de grève des salariés du Québec et que je me questionnais pourquoi les... que j'étais convaincu qu'il y avait une forme d'arrière-pensée envers les professeurs, j'ai qualifié la grève de 2023-2024 d'héroïque. J'ai dit : Est-ce qu'on veut punir les enseignants de la grève héroïque? Et ça avait fait beaucoup réagir les collègues d'en face. Je vais m'en rappeler longtemps, de cette question-là. Ça avait tellement fait réagir, M. le Président, que la présidente avait dû se lever pour appliquer l'article 32, je pense, du code, pour le décorum, 32, hein? Vous me confirmez que... J'ai quand même été leader deux ans, hein, il faut que je rappelle mon propre code, moi aussi. Bref, la ministre avait dû se lever pour appliquer l'article 32 parce que d'évoquer et de caractériser comme étant héroïque avait fait beaucoup réagir. Et il y avait des gens, des ministres, je ne les nommerai pas, ce n'est pas ça, le but, mais qui m'avait harangué, là... dit : Bien là, les enfants, vous ne pensez pas aux enfants... Ça avait un petit peu chauffé.

Tout ça pour vous dire que quand j'ai mis la main sur le document d'explication de qui était inclus ou pas dans le processus, j'ai eu zéro surprise de voir qu'il y avait dans la liste les centres scolaires puis les commissions scolaires. Ça me semblait une évidence que, dans la réflexion ayant poussé le ministre à intervenir législativement, la question des enseignants et de la grève de la FAE était centrale, centrale.

Quand on se réfère au mémoire de... puis je ne me rappelle pas s'ils sont venus en commission, la FAE, étaient-ils venus nous présenter leur mémoire, la FAE? Ils sont venus, hein? C'est ça. Peut-être que... Je pense que j'ai manqué un petit bout de commission. Ça devait être celui-là. Ils nous ont fait un mémoire assez éloquent, que je ne lirai pas au complet, bien sûr, là, iI fait plusieurs pages, mais ils font, entre autres, référence à deux éléments importants que je pensais, minimalement, important de souligner ici, dans l'étude détaillée, M. le Président.

Et là je vais trouver la bonne page, la page 10. Quand je vous dis qu'à mon avis le chemin alternatif, ou additionnel, plutôt, que le ministre nous soumet, ce n'est rien d'autre que les services essentiels déguisés, bien, la FAE partage ma lecture. Il y a tout un chapitre de leur mémoire qui s'appelle Élargissement de la catégorie des services essentiels. Et on a tous compris ce que ça voulait dire. Puis d'ailleurs ils ont une citation, ce n'est pas marqué de qui, cette citation-là, mais je l'avais déjà entendue ailleurs. Juste après leur bandeau, là, de chapitre d'élargissement de la catégorie des services essentiels, c'était écrit : Si ça ressemble à un canard, si ça nage comme un canard et si ça cancane comme un canard, c'est un canard. Et, bref, on a tous compris, je le faisais d'entrée de jeu hier, les patrons aussi l'ont bien compris, ils se trompaient allègrement ici, dans leur présentation, entre les services de bien-être et les services essentiels, c'était évidemment la même chose pour tout le monde qui avait compris ce qui se passait.

• (17 h 30) •

Cela étant dit, l'autre élément que je trouve important à souligner du mémoire de la FAE, c'est la référence au droit international. Dans la page suivante, à la page 11, la FAE se désole que le ministre ne semble pas se soucier du fait que le Comité de la liberté syndicale de l'OIT... ça, l'OIT, c'est l'Organisation internationale du travail, à laquelle adhère, bien sûr, le Canada et le Québec, qui a répété à plusieurs reprises, et là je cite une petite partie du mémoire : «L'OIT a répété à plusieurs reprises que le secteur de l'éducation ne saurait être considéré comme un service essentiel. Bien que le comité reconnaisse que les conséquences regrettables puissent découler d'une grève dans le secteur d'enseignement, elles ne justifient pas d'imposer une sérieuse restriction au droit de grève. Garantir le droit de grève aux enseignantes et aux enseignants est par ailleurs cohérent avec ce qui se fait dans d'autres juridictions canadiennes». J'arrête là la citation.

Ça fait que, dans le fond, ma première question au ministre....


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Leduc : …serait la suivante : Est-ce qu'il peut me confirmer que, lorsqu'il a commencé ses réflexions pour rédiger son projet de loi, pour imaginer son nouveau chemin au projet de loi… Est-ce qu'il avait la grève de la FAE à l'esprit?

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Boulet : Si j'avais à l'esprit la grève de la Fédération autonome de l'enseignement? C'est sûr que cette grève-là a engendré des réflexions. Est-ce que je suis allé jusqu'à me dire : Le p.l. 89 s'appliquerait? Je ne suis pas en mesure de dire ça, parce que je n'ai jamais considéré que c'était un type de décision qui appartenait au pouvoir politique. Mais les critères, en les élaborant, on était beaucoup plus soucieux de s'assurer de respecter l'état du droit et l'état de la jurisprudence que de répondre à des situations spécifiques. Puis c'est sûr que tous les conflits de travail ont un impact pour moi. Tu sais, je répète souvent, les conflits de travail, le moins il y en aura, le mieux ce sera. On va tous les régler. Non, mais même le conflit au cimetière Notre-Dame des Neiges, je ne suis pas allé jusqu'à me dire : Avec ces critères-là, il y aurait tel ou tel impact, mais c'est un conflit qui m'a affecté, qui nous a affectés, je pense, vous aussi, là. Tu sais, puis c'étaient des familles endeuillées qui faisaient appel à la dignité humaine, puis, tu sais, des personnes aussi qui ont des besoins humains de fond. Puis il y en a eu, quand même, c'est les conflits dans les secteurs que j'ai souvent indiqués puis l'éducation, c'est un des conflits qui interpelaient la population. Maintenant, est-ce que le critère qui est dans le p.l. 89 s'appliquerait? Ça, je ne suis pas en mesure de le dire.

Le Président (M. Allaire) : M. le député.

M. Leduc : Mais vous me confirmez que… je ne sais pas exactement quand, puis je ne cherche pas une date exacte, là, mais quand vous avez commencé à réfléchir à une intervention juridique, législative, ça ne devait pas être bien, bien loin après cette grève-là, là.

M. Boulet : Non, c'est intervenu avant, puis, tu sais, c'est sûr qu'on a des confirmations des fois suite à des témoignages comme celui du Dr Royer. On a des spécialistes qui viennent… puis ça, vous en parlez peut-être moins fréquemment, mais l'impact d'un conflit de travail chez les enfants, particulièrement les…les enfants qui ont le trouble du spectre de l'autisme ou qui sont en situation de handicap, ce qu'on appelle plus généralement les enfants à besoins particuliers. Oui, ça me préoccupe. Puis oui, ce conflit-là fait partie des conflits qui m'a interpelé. Puis C'est un conflit, vous ne pouvez pas le nier, Collègue, qui a interpelé la population aussi.

M. Leduc : Est-ce que… peut-être que vous ne l'avez pas, là, j'assume que vous ne l'avez peut-être pas, mais vous savez à quel point il y a des bris de services, en ce moment même, dans le réseau scolaire, en lien avec des enfants à besoins particuliers.

M. Boulet : Ah! mais ça, ce n'est pas l'objet de notre débat.

M. Leduc : Bien, c'est-à-dire, c'est quand même assez central. Si vous dites que vous vous souciez, puis je vous crois, de… les conditions d'apprentissage des jeunes à besoins particuliers dans notre système scolaire, j'assume que vous vous en souciez tout le temps.

M. Boulet : Oui, puis vous pourrez en parler à mon collègue qui est ministre de l'Éducation. Il s'en soucie constamment, puis on lui fait tous évidemment confiance pour mettre en place les mesures, les programmes qui s'imposent pour que les conditions d'apprentissage et de développement des compétences des enfants à besoins particuliers soient les plus optimales possibles. Ça ne sera jamais parfait. Je suis convaincu que mon collègue vous dirait ça, mais on travaille à ce que ce soit amélioré.

Mais ceci dit, ce n'est pas l'objet de notre projet de loi, notre projet de loi, on est dans un contexte où il y a une cessation concertée de travail, il y a un conflit qui blesse des enfants, qui blesse au plan de leur développement. Pas des blessures physiques, mais de développement de leurs compétences, de leurs apprentissages. Puis ce que le Dr Royer disait, c'est qu'au bout d'un certain temps il y avait même une conséquence…

M. Boulet : ...en fait, il y avait une régression, parce que les routines sont brisées, les enfants régressent, puis c'est les parents, c'est les familles, c'est les enfants. Ça fait que c'est certain que c'est le genre de conflit qui pourrait préoccuper... qui préoccupe tout le monde puis qui vous préoccupe aussi, collègue, je suis convaincu.

M. Leduc : Bien, c'était ça l'objet de ma question, M. le ministre. Puis, oui, c'est connecté, parce qu'on a fait une demande d'accès à l'information — en fait, je dis nous, mais il y a eu, je pense que c'était dans le cadre des crédits de 2023-2024, demande d'accès à l'information, demande de renseignements particuliers. Ah! vous voyez, c'est fait par l'opposition officielle, donc, c'est par les collègues de l'opposition officielle en 2023‑2024, au ministère de l'Éducation, étude des crédits, on y arrive la semaine prochaine, d'ailleurs, pour l'édition 2025. Là, on demande la question, le nombre d'élèves... Vous connaissez le concept, hein, de l'étude des crédits, pour les gens qui nous écoutent, là, on pose une question à un ministère d'avance pour nous envoyer des données liées, bien sûr, avec la gestion du budget dans ce ministère-là. Puis, après ça, les oppositions peuvent ou pas utiliser ces chiffres-là pour avoir un échange avec le ministre.

Et, donc, il y a presque deux ans maintenant, demande faite au ministère de l'Éducation, étude de crédits 2023‑2024. Question : Le nombre d'élèves en bris de service en 2022‑2023, en indiquant les raisons de bris de service par CSS-CS, commission scolaire, centre de services scolaire. Réponse : Selon la collecte de données qui s'est déroulée du 2 février au 3 mars 2023, 2 562 élèves à situation complexe à l'éducation préscolaire, à l'enseignement primaire et à l'enseignement secondaire ont vécu ou vivent un bris de service. C'est beaucoup de personnes, ça, 2 562 élèves en situation complexe dans l'ensemble du réseau pour une période d'un an, ou à peu près, du 2 février au 3 mars 2023.

M. Boulet : Est-ce que vous pouvez juste reformuler? Je ne comprends pas bien votre intervention.

M. Leduc : Je me dis, vous vous souciez de la stabilité de service des enfants à besoins particuliers, ce pourquoi vous décidez d'introduire un projet de loi qui limite le droit de grève potentiellement et vous décidez de, nommément, dans votre communication avec le tableau que vous nous partagez, de cibler les centres de services scolaires, les commissions scolaires. Vous confirmez, sans que ça soit nécessairement dans un listing précis, là, dans une hiérarchisation précise, vous confirmez que la grève de la FAE, dans les services scolaires, fait partie de vos réflexions. Moi, je vous dis d'accord, mais qu'en est-il des autres bris de service qui touchent ces mêmes élèves? Puis là je vous donne un chiffre qui n'est quand même pas banal, 2 562 élèves. Je viens de dire un an, ce n'est pas ça, c'est sur un mois, février au 3 mars 2023, en un mois, 2 562 élèves en bris de service, des élèves en situation complexe.

M. Boulet : Mais, là-dessus, je n'ai pas la compétence pour répondre. Ayez l'échange avec mon collègue à l'Éducation, il se fera un plaisir de partager avec vous là-dessus. Nous, ce qui nous intéresse dans le projet de loi, c'est l'impact d'un conflit de travail sur le développement des enfants notamment. Maintenant, ce que vous soulevez, je n'ai pas la connaissance pour donner une réponse qui est adéquate.

M. Leduc : Au-delà d'un chiffre précis, vous êtes quand même conscient que d'un concept général votre responsabilité de gouvernement... Vous faites partie d'un gouvernement. Vous n'êtes pas juste ministre du Travail, vous êtes un ministre d'un gouvernement. Si vous dites, vous vous souciez — puis, encore une fois, je vous crois — du sort des élèves à besoins particuliers, vous devez vous en soucier au complet, pas juste sur la portion du travail.

• (17 h 40) •

M. Boulet : Mais vous savez que chaque ministère a sa mission. Mais oui, comme membre du gouvernement, je me soucie de tout, que ce soit l'économie, la santé, l'éducation. Puis je fais confiance à mes collègues pour faire tout ce qui est en leur pouvoir pour s'assurer que les environnements éducatifs soient les plus compatibles avec le développement des enfants. Et c'est ce que mon collègue à l'éducation fait, puis je vous invite, encore une fois, à échanger avec lui. Je pourrai lui en parler, puis il va vous expliquer clairement, comme vous le connaissez, ce qu'il fait.

M. Leduc : Je vais vous citer, pour expliciter mon propos, un extrait du rapport annuel 2023‑2024 du protecteur national de l'élève à la page 21 : «Des bris de service ou de scolarisation. Ces motifs de plainte réfèrent à des situations où un élève voit son temps d'enseignement réduit ou interrompu par rapport à ce qui était prévu aux lois, règlements et autres encadrements, suspension pour une durée indéterminée ou jugée déraisonnable, scolarisation superficielle ou à distance, etc. Ces situations de bris de service ou de scolarisation touchent fréquemment des élèves handicapés ou en situation d'adaptation, d'apprentissage, HDAA, ou encore des élèves présentant des enjeux comportementaux. Elles se trouvent aussi au sein des établissements...

M. Leduc : ...d'enseignement privés lorsque survient la résiliation d'un contrat de services éducatifs. Les plaintes traitées par les protectrices et protecteurs régionaux de l'élève ont notamment mis en évidence les défis que représente l'adaptation des services éducatifs offerts en classe ordinaire aux élèves ayant des besoins particuliers, notamment les limites des ressources financières ou matérielles au sein de certains établissements d'enseignement...» Je vais juste relire ce passage-là : «...notamment des limites de ressources financières ou matérielles au sein de certains établissements d'enseignement — ça continue — des lacunes chez des intervenants scolaires ou encore des règles inadéquates de réintégration des élèves. Ces enjeux mettent aussi en lumière la nécessité de développer une compréhension partagée entre les parents et les intervenants scolaires des besoins des élèves concernés, mais aussi des rôles et responsabilités de chaque intervenant dans le processus d'intégration d'une élève. Peu importe l'âge de l'élève ou la réalité avec laquelle il compose, chaque situation de bris de service ou de scolarisation le prive de son droit aux services de renseignements... d'enseignement, pardon, prévus à la Loi sur l'instruction publique. Ces événements sont à chaque fois préoccupants pour le protecteur national de l'élève, car leurs impacts sont souvent majeurs pour les élèves et leurs parents. Tous les moyens nécessaires doivent être entrepris pour assurer la scolarisation des élèves. Il importe du même souffle de souligner les efforts déployés en ce sens, dans la très grande majorité des cas, par les organismes scolaires et les membres de leur personnel.»

Après ça, il y a des témoignages, que je ne vous lirai pas mais qui ne sont pas gracieux envers la capacité de l'État à fournir ces services-là.

Moi, ce que j'aimerais comprendre... Selon vous, M. le ministre, en matière d'accès à des services de qualité, qu'est-ce qui est plus préjudiciable pour les élèves en situation de handicap ou en situation de vulnérabilité : des lacunes systémiques de services et de ressources ou une grève, qui arrive une fois par génération, sur quelques semaines?

M. Boulet : Je vais répondre simplement, hein? Tout bris de service est répréhensible. Tout ce qui doit être fait pour s'assurer d'un environnement optimal de développement des enfants, notamment à besoins particuliers, l'est. Je vous réinvite à en discuter avec mon collègue de l'Éducation.

Ceci dit, ce qui nous intéresse ici, c'est des bris de service provoqués par des conflits de travail, c'est ça qui nous intéresse, un conflit de travail décidé qui s'exerce et qui peut avoir un impact, puis je ne me prononcerai pas sur le fond, mais qui interpelle la population. Puis, quand je dis «la population», ici ça peut être des familles, des parents, des enfants, spécifiquement les enfants qui ont des besoins particuliers. C'est... C'est de ça dont on parle. Là, c'est un bris de service qui est engendré par un conflit de travail. C'est le titre du projet de loi. Mais, sur les bris de service quand on n'est pas en conflit de travail, ça ne relève pas de moi.

M. Leduc : Je vais vous lire...

M. Boulet : Et je vous le dis, là, je vous le répète, si vous vouliez poursuivre dans cette direction-là, je vais demander à mon collègue qu'il entre en communication avec vous, mais vous pouvez lui poser la question au salon rouge aussi. Puis c'est un... c'est un ministre qui est superactif, là, puis il va vous donner de très bonnes réponses, bien meilleures que les miennes. Mais il n'y a pas personne ici, dans la salle, qui souhaite ou qui est d'accord avec des bris de service qui concernent des enfants. On parle des enfants à besoins particuliers. Mais là ce qui nous intéresse ici, dans le projet de loi, c'est des bris de service qui sont provoqués par un conflit.

M. Leduc : D'ailleurs, je ne sais pas... il est toujours très, très clair et très vindicatif, votre collègue à l'Éducation, je ne sais pas s'il respecte le nombre de décibels réglementaire de la CNESST quand il répond aux questions. Des fois, il doit frôler le...

M. Boulet : ...posiez la question. J'aimerais mieux...

M. Leduc :  Des fois, il doit frôler... c'est quoi, c'est 80 décibels, la limite maintenant?

M. Boulet : J'aimerais mieux le laisser répondre lui-même à ça.

M. Leduc : Pour préserver mes tympans, peut-être que je vais préférer poser la question à vous, M. le ministre.

Je vous cite un article du Devoir du 3 février de Zacharie Goudreault, Quand les ruptures de service mènent à l'école à la maison : «Si certains parents décident que leurs enfants seront scolarisés à la maison par choix, d'autres le font par dépit, leur école n'en ayant pas été en mesure de garder ces élèves à besoins particuliers, une situation qui préoccupe des experts qui craignent que ce phénomène ne continue de s'exacerber en raison de la pénurie de personnel professionnel dans le réseau scolaire. "En 2023-2024, sur un total de près de 1,3 million d'élèves à l'éducation préscolaire, à l'enseignement primaire et à l'enseignement secondaire, 2 411 élèves en situation complexe ont vécu un bris de service entre le 1er novembre 2023 et le 1er mars 2024", indique le ministère de l'Éducation dans les courriels au Devoir.» Ça parle de chiffres, etc. «Concrètement, un élève est considéré comme en rupture de service au Québec lorsqu'il voit son temps de présence à l'école réduit, voire interrompu parce que le réseau scolaire n'est pas en mesure de répondre à ses besoins particuliers. Il s'agit notamment d'élèves handicapés, en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage ou d'enfants ayant des troubles...

M. Leduc : ...cognitif grave de comportement pour lequel l'école ne dispose pas de ressources nécessaires pour être en mesure de leur enseigner à temps plein. On n'est pas superbons, là, comme société, en ce moment, là, si on échappe 1 500 personnes par année. Puis c'est en croissance, là. Je vous ai épargné les chiffres, là, mais c'est en croissance d'année en année. La rupture de services, vous, vous... Je comprends que vous êtes le ministre du Travail puis vous vous concentrez là-dessus, mais j'aimerais ça que vous soyez peut-être en mesure de reconnaître au moins que la rupture de service principale qui menace les élèves en situation de handicap, ce n'est pas la grève, c'est le manque de ressources dans le réseau.

M. Boulet : Vous êtes en train... Oui.

Le Président (M. Allaire) : ...un instant. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, je comprends où vous allez, mais, je regarde le titre du projet de loi, je regarde l'amendement, je vous demande quand même peut-être de faire un lien plus direct avec vos questions puis l'amendement. Sinon, je trouve qu'on s'écarte un petit peu. Puis je veux un peu recentrer le débat sur l'amendement qui est là, qui est très clair, à mon avis. Ça fait que je vous invite peut-être à la prudence puis à reposer vos questions un peu plus en lien avec l'amendement, s'il vous plaît. Merci.

M. Leduc : En tout respect, M. le Président, je n'ai pas entendu de plainte de l'autre côté de la banquette. C'est vous qui présidez.

Le Président (M. Allaire) : Je n'ai pas besoin de plainte pour être capable de s'assurer que les travaux se déroulent adéquatement.

M. Leduc : Pas de problème, mais je...

Le Président (M. Allaire) : C'est mon rôle de le faire.

M. Leduc : Pas de problème.

Le Président (M. Allaire) : Poursuivez.

M. Leduc : Moi, je veux questionner le ministre dans son ambition d'inclure les commissions scolaires et les centres de services scolaires dans son projet de loi parce qu'encore une fois, je l'écoute, le ministre, je l'écoute quand il parle, quand il fait des entrevues, quand il fait des conférences. Il dit quoi, quand il parle des centres de services scolaires? Il dit : Je me préoccupe de la stabilité des enfants en situation de handicap. Et je le crois, je pense que nous partageons cet objectif-là. Mais je ne l'ai pas entendu, le ministre, se préoccuper des ruptures de services et je veux juste savoir si, à ses yeux, ça, ça représente un danger plus important en matière de ruptures de services qu'une potentielle grève dans le secteur.

M. Boulet : Je ne suis pas en mesure de m'exprimer sur l'exactitude des propos que vous partagez avec moi ni sur la véracité des statistiques. Et un n'empêche pas l'autre. On est tous du même avis et on a tous le même objectif, c'est de protéger quand on parle de la population. Ici, on parle de protection des enfants à besoins particuliers. On est tous... on adhère tous à cet objectif-là. Et je comprends de vos propos que ça constitue une admission implicite, que vous êtes d'accord avec l'application du p.l. no 89 dans le cas d'un conflit de travail qui dure depuis un certain temps et qui a un impact sur le développement des compétences et des apprentissages des enfants à besoins particuliers. Je comprends que vous êtes d'accord avec les déclarations du Dr Royer, parce que, oui, on n'aime pas les bris de service. En fait, il ne faut pas qu'il y en ait, des bris de service. Donc, vous êtes d'accord avec ça? Est-ce que, pendant le conflit de travail de la Fédération autonome de l'enseignement déclenché par la Fédération autonome de l'enseignement, il y a eu de tels bris de service? Et si vous êtes en désaccord avec ça, forcément vous êtes d'accord avec la quête que nous avons, le défi que nous avons de trouver un moyen d'y remédier pour le bénéfice de nos enfants.

• (17 h 50) •

Ça fait que j'apprécie que vous m'interpelliez sur les bris de service des enfants à besoins particuliers, j'apprécie. Ceci dit, le reste, ça ne relève pas de mon mandat. Quant à l'exactitude des propos, quant à l'exactitude des statistiques que vous me présentez, je vais demander à mon collègue de parler peut-être un peu moins fort en lui disant que vous allez peut-être mieux assimiler son propos. Oui, j'ai bien compris. Mes collègues aussi ont compris. Ça fait que... Et on va s'assurer que notre collègue s'exprime de la façon la plus douce possible.

M. Leduc : Parfait. Ce sera toujours ça de gagné. Là où est-ce que je veux vous inviter à aller, M. le ministre, évidemment, là, vous me... amicalement, mais vous me prêtez des intentions, vous le savez très bien que je ne suis pas d'accord avec vous, c'est que j'aurais souhaité, puis je vous le mets comme une invitation pour le futur, que vous mettiez au moins autant d'efforts que vous le faites à limiter le droit de grève des enseignants pour des motifs de protection des enfants avec des handicaps ou des défis. J'aimerais que vous mettiez au moins autant d'efforts là-dessus que vous en mettriez pour convaincre votre ministre de l'Éducation de pallier aux bris de services qui sont en augmentation constante dans les dernières années. Puis je pense que c'est votre travail comme ministre d'un gouvernement. Vous n'êtes pas ministre de...

M. Leduc : ...j'entends, mais vous êtes partie d'un gouvernement. Je ne suis pas au Conseil des ministres, je ne sais pas c'est quoi vos discussions au Conseil des ministres, mais j'aimerais ça au moins vous entendre que les bris de service à tous les jours, c'est au moins aussi important puis ça vous préoccupe au moins autant que ce que vous êtes en train de faire au droit de grève.

M. Boulet : Ah! c'est intéressant. Puis je vous assure que notre collègue à l'Éducation fait tous les efforts nécessaires pour éviter qu'il y ait ce type de bris de service que vous invoquez.

Maintenant, je vous invite à travailler avec nous dans le cadre du p.l. 89 pour éviter qu'il y ait des bris de service ayant des effets tellement préjudiciables pour des enfants, notamment à besoins particuliers. Donc, l'effort que vous souhaitez pour mon collègue est l'effort que je souhaite dans le contexte d'un conflit de travail. C'est pour ça que je dis : Vous n'êtes pas contraint d'être d'accord avec moi, mais vous êtes d'accord avec l'objectif du projet de loi de protéger le monde, de s'assurer que les conflits de travail n'aient pas d'effets préjudiciables sur le monde. Je pense que vous êtes d'accord dans le secteur des services funéraires. Vous l'avez vécu avec moi en transformation alimentaire. Vous l'avez vécu, je le sais, dans le transport scolaire. On peut le vivre dans beaucoup de secteurs d'activité, et je sais que vous êtes d'accord avec l'objectif. Maintenant, quel sera le meilleur passage?       Je pense que c'est important que je le dise, mon souhait le plus profond, c'est que ce projet de loi là, quand il deviendra une loi, ne soit jamais appliqué, qu'on règle, qu'on évite son application. C'est un projet de loi, je le répète, qui va s'appliquer de manière exceptionnelle, qui va l'être avec parcimonie, pour quoi? Pour s'assurer de diminuer le risque constitutionnel. Parce qu'il y a effectivement des intentions de faire des procédures judiciaires pour soulever l'inconstitutionnalité de l'application de cette loi là, dans l'hypothèse que c'est une loi et qu'elle est appliquée, et donc, si ce n'est pas appliqué avec parcimonie, le risque constitutionnel s'accroît. Puis j'ai partagé avec un collègue là-dessus. Ça fait que c'est important pour moi de le dire.

M. Leduc : Il n'y a personne qui vous a forcé à vous mettre dans cette situation-là de défenseur des intérêts des enfants en situation de handicap, vous l'avez fait de votre propre chef. C'est une bataille que vous avez décidé de mener de votre propre chef, puis ça vous appartient, puis c'est bien correct. Puis, moi, le défi que je vous lance, ce n'est pas à M. Drainville... à M. le ministre, pardon, de l'Éducation que je le lance, c'est à vous, parce que vous avez décidé de faire cette bataille-là, parce que vous avez décidé de porter ces intérêts-là sur vos épaules. Moi, ce que je vous dis, c'est que ça ne vient pas à la pièce. Vous ne pouvez pas dire : Je ne m'occupe que de la portion de la restriction au droit de grève pour l'intérêt des jeunes en situation de handicap dans le réseau scolaire. Ça vient avec tout le reste, puis tout le reste, qui est infiniment plus gros au quotidien qu'une grève qui aura duré une fois par génération, quelques semaines, c'est les 1 000 et quelques bris de service qui se passent...

M. Boulet : Une génération, c'est combien de temps?

M. Leduc : C'est une bonne question, mais vous comprenez ce que je veux dire.

M. Boulet : C'est...

M. Leduc : Une grève de quatre semaines, cinq semaines comme ça, dans le réseau du secteur public, là, on ne connaîtra pas ça bien, bien souvent.

Une voix : ...

M. Boulet : C'est 20, 25 ans, oui, O.K. Ah! c'est quand même intéressant.

M. Leduc : La fois d'avant qu'on a connu une grève de profs de cinq semaines, moi, je n'ai pas souvenir de ça.

M. Boulet : Donc, c'est intéressant ce que vous dites. Donc, la prochaine potentielle, que nous ne souhaitons pas, arriverait dans une génération, 20 à 25 ans. Donc, c'est compatible avec notre volonté de ne pas appliquer cette loi-là, du moins le moins possible. Ça fait que c'est intéressant que vous nous partagiez ça.

M. Leduc : Mais vous ne répondez pas du tout à ma question en ce moment, vous détournez le sujet un peu, là.

M. Boulet : Ah! bien, moi,je... tout ce qui est en mon pouvoir, puis vous me dites : C'est un... comme si c'était... Regardez le fil conducteur des projets de loi qu'on a travaillés ensemble. Je pense que notre guide central, c'était l'intérêt de la population, l'intérêt des personnes souvent laissées pour compte. On a parlé aussi d'équité salariale. On a fait un projet qui n'est pas allé assez loin. On a en a fait beaucoup. C'est le 14e qu'on va déposer demain et qu'on va travailler ensemble. Puis, sans être une réforme, ça règle des problématiques de relations de travail. Mais constamment mon guide, c'est l'intérêt du monde, puis ce projet de loi là ne fait pas exception. Vous pensez que c'est une révolution. Moi, je ne le vois pas comme une révolution, je le vois comme une avancée. Puis, s'il y a eu Saskatchewan en 2015, il peut y avoir Québec dans...

M. Boulet : ...un certain nombre d'années dans l'hypothèse où certains décident de contester et de se rendre à la Cour suprême du Canada. On a vécu Saskatchewan, on a vécu dans les dernières années, malheureusement, des conflits de travail. Il y en a eu 288 tout de même en 2024. Il y a des conflits de travail qui ont généré des impacts qu'on ne peut pas admettre dans une société comme la nôtre, puis vous êtes certainement d'accord. Puis il ne faut pas trahir l'objectif de ce projet de loi là, il est simple, puis je répète souvent que le libellé de son titre est englobant, considérer davantage les besoins de la population. Puis j'ai tout fait, nous avons tout fait pour qu'il ne soit pas politique puis qu'il soit contrôlé par les parties d'abord et par des instances indépendantes et impartiales d'autre part.

Puis est-ce qu'il est perfectible? Vous me soumettez plein d'amendements, mais tous les amendements... Bon, après les motions préliminaires que je respecte, je respecte vos amendements, mais on ne pourra pas faire comme dans la Loi sur l'encadrement du travail des enfants et ajouter des exceptions. Puis que vous me parlez des commissions scolaires puis des centres de services scolaires à exclure, après ça, vous m'interpellez sur le conflit de travail de la FAE. Donc, forcément, vous aviez en tête que ce conflit-là, auquel on a déjà fait référence, pouvait être un type de conflit à l'égard duquel le projet de loi pourrait hypothétiquement s'appliquer. Ça fait que vous le faites à dessein, vous le faites, me démontrant qu'implicitement vous adhérez aux objectifs. Je ne vous dis pas que vous êtes d'accord avec moi, mais vous adhérez aux objectifs. Vous ne pouvez pas ne pas adhérer aux objectifs. Puis je pense que beaucoup de travailleurs syndiqués, s'ils venaient ici, ils comprendraient. Il ne met pas fin à la grève, il veut juste s'assurer qu'il y a des services qui soient maintenus. Je veux juste s'assurer que certains services soient maintenus pour ne pas blesser indûment une population.

M. Leduc : Bien, M. le ministre...

Le Président (M. Allaire) : Juste un instant. C'est un peu avec humour, là, j'en conviens, mais faites attention de ne pas prêter des intentions de votre côté non plus. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.

M. Boulet : On s'en prête l'un et l'autre.

M. Leduc : Il n'y a pas de problème, mais merci d'intervenir, M. le Président. M. le ministre, si vous étiez intervenu, ne serait-ce qu'une seule fois, pour manifester votre préoccupation majeure sur le nombre grandissant de bris de service dans le réseau au quotidien, j'aurais donné un peu plus de valeur à votre intervention pour la limitation du droit de grève pour les mêmes motifs, mais je ne vous ai jamais entendu. Puis j'ai essayé de vous faire dire tantôt que c'était-tu un plus gros problème, vous n'étiez même pas capable de me dire ça que c'est un plus gros problème des 1 500 bris de service à toutes les années, même tous les mois, si j'ai bien compris, par rapport à une grève qui a duré une fois quatre semaines.

Ça fait que c'est là que je vous mets le défi de la cohérence, M. le ministre, préoccupez-vous-en autant des bris de service, soyez aussi vocal sur les bris de service, pas juste en croisant le ministre dans le corridor, mais sur la place publique que vous l'êtes, là on va vous donner plus de crédit sur ce dossier-là.

• (18 heures) •

M. Boulet : ...s'en préoccupe, tous les bris de service qui nous préoccupent, que ça soit des bris de service de quelques heures ou de quelques journées. Là, moi, ce qui m'interpelle, c'est les conflits de travail. On m'a donné les responsabilités de ministre du Travail, puis j'essaie d'éviter les conflits de travail, puis j'essaie d'atténuer les impacts de ces conflits-là sur les enfants. Mais si vous pensez que je ne suis pas préoccupé par les autres bris de service, bien sûr, on est tous ici, dans la salle, préoccupés. Puis celui qui a le mandat de faire ce qui s'impose pour qu'il n'y en ait pas, du moins, le moins possible, c'est le ministre de l'Éducation. Je ne peux pas dire autre chose, mais je pense que vous l'avez exprimé. Vous ne doutez pas de ma préoccupation, si je l'exprime, c'est parce que c'est dans la juridiction de mon ministère.

M. Leduc : Vous êtes quand même un ministre de ce gouvernement.

M. Boulet : Bien oui, bien sûr. 

Le Président (M. Allaire) : Désolé, M. le député, vous n'avez plus de temps, malheureusement. Donc, M. le ministre, vous avez fini votre intervention?

M. Boulet : Oui.

M. Allaire : Ça va? M. le député de Jean-Talon, vous souhaitez intervenir? La parole est à vous.

M. Paradis : L'objectif de cette série d'amendements, c'est de circonscrire le champ d'application ou de donner plus de clarté, en tout cas, c'est comme ça que je les comprends. Puis le ministre est constant dans ses réponses, en disant : Non, on fixe une règle, puis le temps dira comment le projet de loi 89 s'applique...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Paradis : ...mais je voudrais... je comprends que le ministre est en consultation. Le ministre, dans le dernier échange, vient d'évoquer la possibilité, puis on en a parlé à plusieurs reprises, que le projet de loi n° 89 soit contesté, en fait, les représentants des travailleurs et des travailleuses ont presque tous et toutes indiqué qu'ils allaient contester les dispositions du projet de loi n° 89. Et on peut... on peut imaginer un processus un petit peu similaire à celui qui s'est passé devant les tribunaux, qui a mené notamment à la jurisprudence actuelle, l'arrêt Saskatchewan, etc., en disant : Pour les services essentiels, on dit que, quand on dit... La question qui va se poser, c'est, bon, les services essentiels. Et là on dit : Bien, c'est une limitation à l'exercice du droit de grève qui fait partie maintenant du... qui est un corollaire de la liberté d'association puis à l'exercice des droits du travail au Québec, au Canada. Et là il y a eu une jurisprudence qui a cherché à savoir, bien, dans quelle mesure c'était possible de déclarer des services essentiels puis que ça limite le moins possible le droit constitutionnel. Donc, la question va se poser aussi pour cette nouvelle notion de services assurant le bien-être de la population. Et, notamment, on va chercher, les tribunaux vont chercher à voir : Est-ce qu'on a circonscrit le plus... le plus clairement possible l'atteinte aux droits? Est-ce que c'est une atteinte minimale? Puis là on... le ministre connaît le test puis les juristes connaissent le test. Alors, on va se demander : Bien, c'est quoi, l'objectif, est-ce que la mesure est suffisamment liée à l'objectif poursuivi puis est-ce qu'on a cherché à atteindre le moins possible ce droit-là?

Donc, je pose la question de nouveau au ministre : Est-ce qu'il est confiant que la voie qu'il a choisie va être celle qui va atteindre le plus minimalement possible ce droit? Parce qu'on aurait pu adopter une posture différente de dire : On va le... On va la faire appliquer uniquement dans des cas très limités. Là, c'est : Ça s'applique généralement puis l'avenir nous dira comment les tribunaux, ou comment le Tribunal administratif du travail, ou comment les ministres futurs vont appliquer leur possibilité d'adopter des décrets, là, qu'ils déclenchent, qui est l'étape un. Mais est-ce que... donc, est-ce que... De cette voie-là qu'il a choisie, dans quelle mesure il considère que c'est celle qui va porter le moins possible atteinte à ce droit fondamental qui est le droit d'exercer des moyens de pression, de faire la grève pour négocier dans un équilibre fragile mais établi au Québec comme ailleurs au Canada dans les relations de travail?

M. Boulet : C'est une excellente question. Et la réponse courte, c'est oui. La réponse un peu plus élaborée, c'est que... C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, on a utilisé le concept de service minimalement requis, qui est un peu identique, pas similaire, j'en conviens, parce qu'il y a des professeurs qui sont venus expliquer les distinctions entre l'utilisation de notre concept services minimalement requis et les services minimaux qui sont reconnus par le Comité des libertés syndicales, là, vous m'avez entendu, comité qui est sous l'égide de l'Organisation internationale du travail. C'est un concept qui est reconnu, qui a des critères un peu plus restrictifs, mais on s'est inspiré de ça, donc, pour s'assurer que l'atteinte soit la plus minimale possible, pour s'assurer, si jamais il y a des débats devant les tribunaux, qu'on puisse raisonnablement alléguer, prétendre et plaider que notre concept, il se rapproche le plus possible des décisions de la Cour suprême du Canada, mais notamment parce qu'on... vous connaissez aussi l'affaire Oakes. C'est l'atteinte minimale à un droit fondamental, oui, tout à fait.

Le Président (M. Allaire) : M. le député.

M. Paradis : Bien, c'est parce qu'on peut... on peut se poser la question. Là, je comprends qu'on a eu le débat tout à l'heure sur les universités puis on l'a eu avant sur d'autres catégories d'employés, mais c'est un peu la même chose. La FAE, dans son mémoire, et d'autres sont venus nous dire : Bien, écoutez, là, les grèves générales illimitées, c'est très rare dans le domaine de l'éducation. Mais on l'a dit, là, il y a celle de 2023, avant ça, c'est celle de 1980 puis, avant ça... bien, je ne me souviens même pas, en tout cas, les mémoires qu'on a, c'est ce qu'ils... c'est ce qu'ils précisent. Donc, l'objectif que vous poursuivez en soumettant tous ces secteurs-là, comment vous allez faire pour démontrer, là? Parce que...

M. Paradis : ...je sais que l'idée n'est pas d'être ici, d'avoir une boule de cristal puis de déterminer ce qui va se passer devant les tribunaux, mais vous le savez, les avocats qui vont défendre la position du gouvernement du Québec quand la loi va être attaquée vont devoir démontrer que vous aviez des données qui justifiaient le fait que le projet de loi va toucher autant de secteurs, plutôt que d'avoir décidé d'avoir une approche chirurgicale. Parce que, j'y reviens, ça aurait été possible de le prendre de l'autre côté, c'est-à-dire : vous voyez un problème, c'est celui-là auquel on va s'attarder. Là, vous dites : Ah! je fixe un nouveau principe qui s'applique à tout le monde, puis la règle s'applique sans distinction à tout le monde. C'est ça, le test de l'arrêt Oakes, c'est quel est l'objectif poursuivi, puis est-ce que la mesure que vous adoptez est proportionnelle puis est directement liée à cet objectif-là, puis est-ce que vous avez cherché à circonscrire au maximum? Je vous écoute, depuis le début de la journée, puis je... ceux qui vont analyser nos débats, parce qu'on va aller voir ça, notamment, comment on a dit puis comment on a justifié la mesure, je ne sais pas s'ils vont trouver les réponses.

Puis c'est une question qui est importante parce qu'on fait des législations, on veut que ça tienne la route devant les tribunaux. Puis ce ne serait pas la première fois que des mesures législatives qu'on croit bien ciselées, finalement, on dit : Bien non, ça ne répond pas à l'objectif parce que, là, à chaque fois qu'on s'attarde à un secteur, vous avez l'air de convenir que, bien non, il n'y a pas nécessairement réellement de problème, mais, ah! la règle va s'appliquer à tout le monde. Donc, ici, l'objectif est-il justifié pour l'ensemble des secteurs visés? La question se pose.

M. Boulet : Mon objectif, j'en ai parlé constamment, c'est d'assurer le bien-être de la population. Puis les conflits de travail qui ont des impacts négatifs, on réfère, je le redis, au maintien de services minimalement requis pour assurer la sécurité et éviter que la population soit affectée de manière disproportionnée. Ça, c'est le moyen qui est le moins attentatoire.

Et je reviens au champ d'application parce que vous avez un peu fermé votre propos avec ça. Je le répète, ça s'applique, le Code du travail, comme toutes les lois, à tout le monde, indépendamment de leur historique, de leur bilan puis de leur dossier. Le Code criminel, la même affaire. Nos lois du travail, c'est la même chose. Tout le monde est soumis au même régime de relations de travail.

C'est pour ça que ça s'applique à tout le monde puis qu'on ne peut pas donner une exception. C'est comme si vous me demandiez, dans un autre contexte, de dire : Les universités ne sont pas assujetties à l'article 12 du Code du travail, les collèges ou les centres de services scolaires ne sont pas assujettis à l'article 109.1 du Code du travail, tu sais, c'est... Tout le monde est assujetti de manière équitable aux mêmes obligations, mais je veux y aller simplement. L'objectif, c'est de protéger la population. La façon de le faire, c'est de trouver le meilleur équilibre entre l'exercice d'un droit constitutionnellement reconnu et ces dits besoins-là. Puis c'est des personnes qui ont besoin aussi de sécurité, de dignité, puis qui ont besoin parfois de recevoir des traitements, il y a... et des enfants qui ont besoin de recevoir de la formation qui est compatible avec leurs besoins. C'est tout ça. Moi, je trouve que ce n'est pas attentatoire, c'est minimalement attentatoire, puis c'est simple, puis ça donne une connotation humaine à un projet de loi qu'on essaie de présenter comme étant une révolution. Je ne pense pas que ce soit une révolution. Les services essentiels, c'était revendiqué par les parties, puis les services essentiels, ça fait l'objet d'un consensus, puis les parties ne sont pas très éloignées de reconnaître ce besoin-là.

• (18 h 10) •

Le Président (M. Allaire) : M. le député de Jean-Talon.

M. Paradis : Je pense qu'on peut dire que la création d'un nouveau concept, bon, que vous avez qualifié, je pense, de complémentaire, mais qu'on peut dire aussi... là, je ne veux pas le dire de manière péjorative, mais de manière parallèle à celui des services essentiels, c'est un... c'est un grand bouleversement du droit du travail, et on le sait déjà, ça va être contesté. Et vous avez nommé vous-même au départ, bon... vous vous concentrez sur certaines personnes très vulnérables où il pourrait y avoir des impacts. Vous... On s'est concentré sur un nombre limité d'exemples depuis le début...

M. Paradis : ...depuis le début, alors que la question qui va se poser, c'est : Est-ce que la mesure que vous proposez a des effets proportionnels à l'objectif que vous visez? Est-ce que ce sont des atteintes minimales au droit en question, qui est celui... le droit d'exercer des moyens de pression, le droit de faire la grève, mais qu'à chaque fois qu'on dit : Oui mais là, dans ce secteur-là, ça n'a pas ces impacts-là, bien, vous dites : Oui, mais je vise quand même largement? Moi, je pense qu'il y a un risque.

Puis ça revient à la question que je vous posais un peu plus tôt : Est-ce que vous avez évalué ces risques-là? Vous avez l'air d'être très confiant en votre projet de loi. Je... j'allais dire : J'ai hâte de voir. Je ne sais pas si j'ai hâte de voir, mais je pense que l'épreuve des tribunaux va être très rude pour les dispositions que vous proposez, compte tenu des réponses aux questions qu'on a, c'est-à-dire, vraiment, de dire tout le monde s'y applique. Parce que vous dites : Ah! le droit du travail s'applique à tout le monde. C'est vrai, mais là vous créez un nouveau régime, vous créez une nouvelle... un nouveau concept qui est celui des services assurant le bien-être de la population. Et je le redis, ce n'est pas vrai que tous les concepts en droit du travail s'appliquent généralement à tout le monde. Vous auriez pu décider de le circonscrire ou de dire : C'est ça, mon objectif, parce que c'est ça, le problème que j'ai identifié, et c'est juste à ça que ça va s'appliquer. Ce n'est pas la voie que vous avez choisie.

M. Boulet : Bon, ça revient à la précision chirurgicale que vous souhaitez dans le libellé des critères, précision qui est, selon moi, inatteignable. Et il faut revenir à la base. C'est apolitique, c'est indépendant et impartial comme décision d'assujettissement. Et je ne suis pas naïf, je sais qu'il y a des risques constitutionnels, collègue, et c'est pour ça que je répète constamment que c'est une loi, quand elle le deviendra, qui va être appliquée dans des cas exceptionnels, puis je souhaiterais même que ce ne soit pas appliqué, en 2026 ou en 2025, que ce ne soit pas appliqué.

Ce qu'il faut souhaiter comme société, c'est qu'on donne aux parties, les employeurs et les syndicats tous les outils pour éviter les conflits de travail, diminuer le nombre de conflits de travail, éliminer les conflits de travail qui ont des impacts disproportionnés sur la population. Est-ce que les tribunaux, si jamais les tribunaux sont saisis d'une contestation, vont rendre une décision qui nous est favorable? Plus on l'applique de façon prudente, plus nos chances sont bonnes. Mais moi, je demeure quelqu'un qui est confiant.

Et les tribunaux peuvent décider complètement l'inverse de ce que je pense. Puis je l'ai dit, il y avait un juge de la Cour d'appel, quand il m'a reçu comme stagiaire à la cour d'appel à Montréal, qui m'avait dit : Tu vas apprendre ce qu'est le droit quand tu vas perdre une cause gagnée d'avance et quand tu vas en gagner une perdue d'avance. C'était... puis il est décédé, c'était le juge Claude Vallerand, qui avait une façon de s'exprimer, qui a écrit beaucoup de décisions de la Cour d'appel du Québec. Il me répétait ça des fois puis il me disait... il me faisait écrire des projets de jugements puis, tu sais, il me faisait réaliser à quel point c'était vrai. Ça fait que je ne suis pas naïf, je le sais que ça peut arriver, qu'une application de cette loi-là pourrait être déclarée inconstitutionnelle, mais je suis confiant.

Le Président (M. Allaire) : Merci. Merci. Je regarde l'heure, 18 h 15. Alors, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux au mardi 29 avril, à 15 h 30, où la... Oui. Pardon?

Une voix : ...

Le Président (M. Allaire) : Ah non! C'est à 6 h 15? 6 h 15 ou... Bon, là, j'ai-tu fermé trop vite?

Des voix : ...

Le Président (M. Allaire) : C'est 18 h 15. C'est bon? Parfait. Bon, on ajourne les travaux au mardi 29 avril, à 15 h 30, où elle entreprendra un autre mandat. Merci, tout le monde.

(Fin de la séance à 18 h 16)


 
 

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