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Version finale

32nd Legislature, 2nd Session
(September 30, 1981 au October 2, 1981)

Tuesday, September 22, 1981 - Vol. 25 N° 13

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du rapport du Vérificateur général pour l'année financière 1979-1980


Journal des débats

 

(Dix heures dix-neuf minutes)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente des finances et des comptes publics entreprend ses travaux à la suite du mandat qu'elle a reçu de l'Assemblée nationale pour étudier le rapport du Vérificateur général 1979-1980.

Les membres de la commission, pour la séance de ce matin, sont: M. Blais (Terrebonne), M. Bourbeau (Laporte), M. de Belleval (Charlesbourg), M. Forget (Saint-Laurent), M. French (Westmount), M. Gagnon (Champlain), M. Grégoire (Frontenac), M. Guay (Taschereau) remplacé par M. Vaugeois (Trois-Rivières); M. Lincoln (Nelligan), M. Paquette (Rosemont), M. Parizeau (L'Assomption).

Les intervenants sont: M. Assad (Papineau), M. Fallu (Groulx), M. Lachance (Bellechasse), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Pagé (Portneuf), M. Ryan (Argenteuil), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Il s'agirait, à ce moment-ci, de nommer un rapporteur pour cette commission.

M. Grégoire: Est-ce que je peux suggérer Mme Lachapelle?

Le Président (M. Bordeleau): Mme Lachapelle (Dorion) sera donc le rapporteur de cette commission.

Avant d'entreprendre les travaux, on m'a averti qu'il y avait eu une entente entre les différents partis de sorte que, toute la journée, on entendra M. Parizeau, du côté gouvernemental. Au préalable, bien sûr, il y aura un premier mot du Vérificateur général sortant, si on peut s'exprimer ainsi, M. Larose, et ce sera suivi d'un commentaire d'ordre général de M. Châtelain, le nouveau Vérificateur général. On continuera demain avec les ministres Duhaime, Clair et Claude Morin. Si on s'entend sur cette procédure, on peut donc immédiatement commencer les travaux.

M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je crois que vous avez raison de souligner qu'il y a eu une entente; enfin, je ne sais pas si c'est un terme qui n'est pas exagérément formel pour décrire ce qui est intervenu. Il y a au moins, disons, une compréhension mutuelle que les sujets se suivraient dans un certain ordre.

Nous avons cependant pris soin de préciser qu'il était difficile de prévoir exactement à l'avance le calendrier minute par minute. On sait qu'il est parfois difficile de terminer un sujet alors qu'on est au milieu de la discussion. Je n'ai aucune idée moi-même du temps qui peut être nécessaire pour examiner chacun des sujets.

Je pense qu'il y a peut-être une certaine flexibilité dont on doit tenir compte. Il se pourrait, par exemple, pour être optimiste, qu'on termine plus rapidement le travail de la première journée. Le cas échéant, comme les autres participants n'ont pas été convoqués pour aujourd'hui, on pourra tout simplement ajourner à demain. Il se pourrait aussi qu'on dépasse un peu. Je voudrais tout simplement, à ce moment-ci, sans ne solliciter aucun consensus, souligner qu'il faudrait que les travaux procèdent afin que l'objectif de la commission ne soit pas compromis par un calendrier trop rigide.

Le Président (M. Bordeleau): D'ailleurs, c'était le sens du consensus ou de la compréhension dont vous avez fait part. Quant à moi aussi, comme président de la commission, il faut être un peu élastique dans toute cette entente générale et voir à mesure selon l'échéancier, selon la tournure des discussions.

S'il n'y a pas d'autres intervenants, je donnerai donc la parole immédiatement à M. Gérard Larose, Vérificateur général du Québec sortant.

M. Forget: N'est-il pas coutumier - à moins que vous n'ayez donné une indication contraire, mais ce n'est pas ce que j'avais compris, je m'en excuse dans ce cas - que les représentants des formations politiques à une commission commencent par un exposé préliminaire? Avant de donner la parole à M. Larose, ne serait-il pas opportun de procéder comme on le fait normalement? Quant à moi, j'ai des remarques préliminaires qui touchent le mode de fonctionnement de nos travaux. Il serait peut-être utile de commencer par cela.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous avoue que quant à la coutume, M. le député de Saint-Laurent, vous avez sûrement plus d'expérience que moi; tout ce que je peux dire, c'est que si les membres de la commission veulent s'entendre sur un processus, je n'ai pas d'objection à la réviser. C'est l'ordre dans lequel on me

l'avait donné ce matin. M. le ministre des Finances?

M. Parizeau: M. le Président, je n'ai pas de remarque préliminaire, mais si tant est que le député de Saint-Laurent en a, je n'ai aucune espèce d'objection à ce qu'il les exprime avant que nous n'entendions le Vérificateur général.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, vous pouvez y aller dès maintenant, M. le député de Saint-Laurent.

Remarques préliminaires M. Claude Forget

M. Forget: Je vous remercie, M. le Président. C'est un exposé qui vise, comme je l'indiquais, la question de savoir dans quel cadre et selon quelle procédure cette commission devrait fonctionner. On sait que la commission des comptes publics occupe dans notre histoire parlementaire au Québec une place tout à fait spéciale. En premier lieu, et comme nous nous le sommes fait rappeler récemment, elle ne se réunit presque jamais. On donne ainsi une signification assez ironique à son appellation de commission permanente, au moins en ce qui touche les comptes publics.

La séance d'aujourd'hui est le première depuis 1975. Par contre, lorsqu'elle s'est réunie dans le passé, à un très petit nombre de reprises, on sait que ces délibérations sont parfois entrées de plein pied dans l'actualité politique la plus brûlante. Il y a, je pense, quelque 45 ans, c'est à la commission des comptes publics qu'un jeune politicien de l'époque, Maurice Duplessis, s'est illustré pour la première fois en dénonçant une dépense publique de moins de 10 $. Ici aussi, M. le Président, l'inflation a fait son oeuvre, la dénonciation d'un aussi petit abus serait d'un bien faible secours pour propulser qui que ce soit au premier rang de l'actualité politique aujourd'hui.

Quoi qu'il en soit, ce précédent et les conséquences politiques qu'il a entraînées à l'époque ne sont peut-être pas étrangers au fait que les gouvernements successifs n'ont jamais éprouvé d'enthousiame excessif devant la perspective d'une commission des comptes publics vraiment active. Le 14 mai 1969, l'Assemblée nationale adoptait une modification à son règlement en vertu duquel, depuis cette époque, la commission des engagements financiers siège tous les mois. Il est évident, à la lecture du débat qui eu lieu à cette occasion, que cette nouvelle commission était conçue dans l'esprit de ceux qui concoururent à sa formation, le chef de l'Opposition de l'épogue, M. Lesage, et M. Bertrand, premier ministre, comme un substitut ordinaire au travail de la commission des comptes publics. Il est, je crois, devenu évident qu'il y avait méprise sur le rôle que doit jouer une véritable commission des comptes publics dans un Parlement et, sans me prononcer sur l'utilité de la commission des engagements financiers, il est assez évident que l'inaction de la commission des comptes publics se fait cruellement sentir au Québec.

Je crois que nous devons tous aborder les travaux de cette commission dans un esprit très différent de celui qui anime le plus souvent nos travaux parlementaires. Ces derniers ont ordinairement pour raison d'être de confronter, de mettre en présence des options partisanes opposées sur des sujets d'actualité. Dans une large mesure, le travail parlementaire consiste précisément en cette confrontation systématique d'idéologies politiques rivales où chaque parti tente d'illustrer d'une façon particulière comment il aborderait les problèmes de gouvernement et comment il les résoudrait.

Cependant, à notre avis - et c'est l'esprit que je voudrais voir inspirer, l'attitude et la contribution de chaque membre de cette commission parlementaire -la commission des comptes publics n'est pas une confrontation entre parlementaires appartenant à des partis opposés, mais plutôt une confrontation, si on veut absolument utiliser ce mot, mettant en présence, d'une part, les députés de toutes les formations politiques et, d'autre part, les responsables de l'administration publique, les fonctionnaires chargés d'exécuter la volonté du Parlement.

Une fois nos débats achevés à l'Assemblée nationale, des lois sont adoptées. Une des plus importantes de ces lois est celle qui accorde des crédits pour la prestation de multiples services publics. Une fois adoptées, ces lois représentent la volonté de l'Assemblée nationale, dans son entier, et non plus seulement la volonté du gouvernement ou du parti au pouvoir.

Tous les parlementaires ont un intérêt égal, en principe, à ce que cette volonté législative soit respectée, que les dépenses, à chaque article du budget, ne dépassent pas les crédits autorisés, que l'argent voté soit dépensé pour les fins pour lesquelles il a été voté, que les dépenses s'effectuent avec prudence et économie, que le contribuable obtienne des services d'une valeur correspondante à leur coût et que l'administration des services publics soit animée d'un souci d'efficacité.

Si ces conditions ne sont pas remplies, à quoi servent en effet les débats parlementaires sur les dépenses publiques? Le gouvernement et l'Opposition ont un intérêt égal à ce que la réalité des dépenses publiques se conforme exactement au budget qui les autorise, car leur budget est l'instrument de travail commun aux deux

partis, soit pour le défendre, soit pour en condamner le contenu. Le budget doit correspondre à la réalité sinon les débats à son sujet demeurent sans objet. (10 h 30)

Je dois aussi dire un mot de la responsabilité ministérielle. Je me permettrai à ce sujet de répéter un texte que j'écrivais à ce sujet, en 1977. Un autre principe dont il faut voir les limites consiste dans la notion de responsabilité ministérielle. En vertu de cette notion, tout ministre, individuellement, et le Conseil des ministres, à titre collectif, sont politiquement responsables pour tous les actes posés par tous et chacun des fonctionnaires à l'emploi de l'État. Si une action administrative quelconque devient le sujet d'une controverse, un ministre ne dispose selon cette notion de responsabilité ministérielle, que de deux possibilités: Ou bien accepter la responsabilité du geste posé par le fonctionnaire, qu'il en ait ou non eu connaissance, et couvrir, comme on dit, le fonctionnaire qui ne doit, en aucun cas, être attaqué ou critiqué pour n'avoir été que l'instrument passif et docile du ministre, ou bien dénoncer comme insubordination le geste de ce fonctionnaire, le désavouer et même, le cas échéant, lui appliquer les mesures disciplinaires prévues allant jusqu'à la rétrogradation.

Une notion aussi absolue, de la responsabilité ministérielle n'a de sens que dans le monde gouvernemental du siècle précédent où les ministères n'étaient guère développés, où un grand nombre de fonctionnaires étaient nommés par les ministres en place, selon un système de patronage alors exclusif, alors que le rôle de l'État était minime par rapport à son rôle actuel. Il est essentiel que le gouvernement soit responsable devant le peuple et devant le Parlement de ce dont il décide effectivement comme gouvernement, c'est-à-dire de la législation, des politiques générales, du choix des objectifs et des options majeures quant aux moyens utilisés pour les atteindre. On doit douter sérieusement de l'utilité d'une convention rendant les ministres responsables de tous les aspects, même détaillés ou techniques, de l'administration publique. Comme cette convention repose en bonne partie sur une fiction, elle ne sert pas à rendre les gouvernements plus responsables, mais bien à rendre les bureaucrates moins responsables.

En conséquence, M. le Président, le Parlement doit organiser son travail et ses procédures de façon à soumettre l'administration publique à une évaluation rigoureuse. Ceci doit pouvoir se faire sans mettre en jeu la responsabilité ministérielle; en effet, même si le Parlement doit exiger que le gouvernement s'explique quant à ses politiques, rien n'empêche cependant que l'Assemblée nationale tienne les administrateurs publics eux-mêmes responsables de certains actes de gestion que ces derniers posent dans l'application des politiques gouvernementales. Ceux qui sont familiers avec l'administration publique savent que les politiques gouvernementales laissent toujours une place très largqe à la discrétion des fonctionnaires. C'est l'usage que les administrateurs publics font de cette liberté de gestion qu'il faut soumettre à l'examen et au contrôle du Parlement.

Il est évident qu'un administrateur public devra toujours pouvoir justifier un acte administratif en invoquant les lois, les règlements et les directives ministérielles. Cependant de telles justifications, par leur nature même, ne permettent de rendre compte que des priorités, des objectifs et des paramètres majeurs à l'intérieur desquels se déroule l'activité des administrateurs publics. Ces justifications de caractère général laisseront presque toujours subsister un résidu de décisions parfois très importantes en elles-mêmes et qui sont le fait des seuls administrateurs publics. C'est sur cet important résidu que doit porter le contrôle de l'administration publique par le Parlement.

Il est également possible de décrire de façon positive plutôt que résiduelle cette sphère d'activité qui appartient en propre aux administrateurs publics, au sujet de laquelle leur comportement peut faire l'objet d'un examen critique. En effet, on peut énumérer cinq règles de conduite de l'administration publique qui peuvent être utilisées par le Parlement comme critères d'évaluation de tous les actes des fonctionnaires.

Premièrement, un critère de fidélité. L'administrateur public doit exécuter fidèlement les politiques générales annoncées par le gouvernement.

Deuxièmement, un critère d'exactitude et d'honnêteté. L'administrateur public doit administrer avec rigueur et honnêteté les activités du secteur public et les deniers publics.

Troisièmement, un critère d'économie et d'efficacité. L'administrateur public doit, pour atteindre un objectif déterminé, utiliser le moins de ressources publiques qu'il est possible.

Quatrièmement, le critère de respect des droits privés. L'administrateur public doit respecter les droits et les libertés des citoyens dans l'exécution des activités de l'État.

Cinquièmement, le critère de non-discrimination. L'administration publique doit traiter tous les citoyens sur une base d'égalité devant la loi.

Dans certains cas, ces critères peuvent devenir des hypothèses réfutables. Le soin de les réfuter doit appartenir aux

administrateurs dont le comportement est évalué, et cette réfutation devrait alors consister dans la démonstration claire de l'existence d'une directive gouvernementale expresse, créant pour l'administrateur public l'obligation de déroger à l'une ou à l'autre de ces règles de conduite. Par exemple, le gouvernement peut faire adopter une loi ou un règlement discriminatoire, ce qui disculpe l'administrateur public de poser dans sa gestion des actes discriminatoires, etc.

L'administrateur public - je conclus cette partie là-dessus - doit assumer le fardeau de prouver sa non-responsabilité plutôt que de bénéficier, comme présentement, d'une présomption universelle d'irresponsabilité.

M. le Président, le rapport de la commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité dite Commission Lambert, publiée en 1979, tient un langage analogue et je cite à la page 206 et 207: "Notre mandat et nos recherches ultérieures ont confirmé que l'imputabilité de la gestion des ministères doit être concentrée dans la fonction de sous-ministre. Les attributions et les pouvoirs des sous-chefs des ministères sont définis officiellement et officieusement d'un certain nombre de façons. Leurs devoirs et leurs responsabilités sont définis de manière officielle dans certain nombre de lois du Parlement qui confèrent directement au sous-ministre des responsabilités, ou qui prévoient une déléguation de pouvoirs par le ministre ou par l'organisme central charqé de l'application de la loi. "

Un peu plus loin, la commission dit: "En tant que gestionnaire d'un ministère, le sous-ministre doit examiner d'un oeil critique les politiques, les programmes et les services devant être mis sur pied exécutés dans le cadre du mandat du ministère. Les sous-ministres doivent exercer les pouvoirs qui leur sont délégués en matière d'organisation, de politique du personnel et de fonctionnement du ministère, afin de s'assurer que l'on tire le maximum des ressources mises en oeuvre. Lorsqu'il gère les programmes existants, le sous-ministre doit avoir un souci d'efficacité, et s'efforcer de faire mieux que ce qui a été fait jusqu'alors. Lorsqu'il met en pratique les initiatives politiques prises par le ministre ou par le gouvernement en ce qui concerne la mise au point de nouveaux programmes, le sous-ministre doit encore obéir à un souci d'efficacité. De manière générale, le sous-ministre doit s'efforcer d'améliorer les méthodes existantes et d'affecter les ressources dans les secteurs où elles répondent le mieux aux attributions du ministère. "En conséguence, conclut la commission Lambert, nous concluons que, même compte tenu des circonstances actuelles, il n'y a vraiment aucune raison pour que les sous- ministres ne puissent être tenus responsables de leur gestion. En fait, les sous-ministres veulent - la commission insiste sur ce mot -en être tenus responsables. "

Pour ces motifs, la commission Lambert formule ainsi sa neuvième recommandation: "Que les plans et objectifs de rendement du ministère soient mis au point par le sous-ministre en sa gualité de chef d'administration pour l'approbation du ministre. L'exécution de ces programmes et de ces objectifs de rendement devra être contrôlée puis réexaminée par le conseil de gestion lors d'une séance qui permettra au sous-ministre de défendre le rendement du ministère, et que le sousTministre soit tenu de rendre compte directement de l'exercice des responsabilités qui lui ont été confiées et déléquées au comité parlementaire le plus immédiatement concerné par le rendement administratif, le comité des comptes publics. "

M. le Président, je disais tout à l'heure que la commission des comptes publics du Québec n'a pas siégé depuis 1975. Un examen des procès-verbaux de l'Assemblée nationale révèle que cette commission a siégé à cinq reprises en chacune des années 1974 et 1975. Il ne semble pas qu'elle ait siégé à aucun autre moment durant les années soixante-dix. Effectivement, je lisais tout à l'heure les remarques de M. Garneau, ministre des Finances, lors de la dernière séance de la commission des comptes publics. Ses remarques préliminaires contenaient précisément une référence à la faible fréquence de ces séances de la commission des comptes publics dans notre histoire parlementaire. Il prétend, dans ses remarques, qu'avant les séances de 1974 et 1975, la commission des comptes publics ne s'était réunie précédemment qu'en 1966. L'autre rencontre, antérieure à celle-là, remontait quelque vingt ans en arrière, soit en 1946.

En 1975, les séances de la commission parlementaire avaient été précédées et préparées par les réunions d'un sous-comité. Dans le journal des Débats du 11 novembre 1975, page B-6115, le président de la commission des comptes publics fait allusion au procès-verbal d'une deuxième séance de ce sous-comité tenue apparemment le 22 octobre 1975. Malheureusement, il nous a été impossible de retracer ce procès-verbal et, par conséquent, impossible de retrouver les conclusions de ce sous-comité relativement à la procédure de travail que devrait suivre la commission des comptes publics.

Devant cette carence, mais surtout devant l'absence d'une tradition parlementaire qui nous soit propre à cet égard, il nous est apparu essentiel de nous tourner en premier lieu vers cette question du mandat et des méthodes de travail qui devraient être ceux de cette commission. Nos efforts à ce sujet ont reçu un soutien et

un encouragement très utiles au moment le plus opportun grâce à la publication récente de la Fondation canadienne pour la vérification intégrée intitulée "La commission des comptes publics et les vérificateurs législatifs, une plus grande imputabilité". Nous avons tiré des observations faites dans cet ouvrage et surtout des recommandations sur lesquelles débouchent un ensemble de motions que nous allons soumettre à l'approbation de nos collègues de la commission.

Certaines recommandations de l'étude précitée entraîneraient au Québec des modifications à la Loi de l'Assemblée nationale et à ses règlements, voire même à la Loi du Vérificateur général. Nous tenons compte de ces recommandations en invitant dans une motion la commission à y souscrire à titre de voeu, et à les soumettre à l'attention diligente de l'Assemblée nationale elle-même. Fort heureusement, la Loi de l'Assemblée nationale, comme on le sait, est à l'étude actuellement, et de telles suggestions pourraient y être incorporées sans peine.

Cependant, il est bien sûr que le travail immédiat qu'est le nôtre ne peut attendre cette échéance, si rapprochée, soit-elle, et, par conséquent, la plupart des motions que je vais présenter sont d'application immédiate, dans le cadre légal et réqlementaire actuel. Sans en faire pour l'instant une description détaillée, on peut dire que le sens de ces motions consiste dans le désir d'assurer le mieux possible l'efficacité de nos travaux en précisant le contenu et l'étendue de notre rôle, en affermissant le mandat que nous détenons de l'Assemblée nationale et l'indépendance de notre action vis-à-vis du gouvernement, en précisant le statut des témoins qui sont invités à se présenter devant nous et en précisant la nature de la coopération capitale qui doit exister entre cette commission et le Vérificateur général.

En inscrivant ces motions au procès-verbal et au compte rendu de nos débats, nous nous assurerons en même temps que ce travail et le consensus que nous devrions réaliser à ce propos et que j'espère, quant à moi, que nous réaliserons facilement, servent de guide permanent lors des réunions ultérieures de cette commission.

En terminant, permettez-moi d'insister à nouveau sur le caractère non partisan que nous voudrions imprimer à nos travaux. Tous les députés, de quelque parti que ce soit, possèdent, me semble-t-il, un intérêt objectivement égal à une évaluation rigoureuse de l'administration publique. Les représentants de la presse qui assistent à nos travaux ne trouveront pas grand-chose pour alimenter l'image d'une confrontation verbale orageuse entre les porte-parole des deux partis représentés ici. J'espère, au contraire, qu'ils y découvriront quelque chose de beaucoup plus sensationnel, une étude sérieuse, sans réserve et avec un minimum de parti pris, de la qualité de l'administration financière d'une partie de notre immense secteur public.

Là-dessus, je pourrais procéder, je pense que notre règlement le permet, à la présentation de plusieurs motions que je viens d'annoncer. C'est ce que je pourrais faire en les prenant les unes après les autres. Je ne sais pas quel est le sentiment des collègues de la commission, il serait peut-être plus utile de les présenter toutes avant d'amorcer le débat sur une en particulier. Il y a une difficulté technique qui n'est pas encore résolue, du moins je ne vois pas de messager qui m'ait annoncé la bonne nouvelle. J'avais prévu que des photocopies seraient disponibles pour tous nos collègues. On m'avait promis qu'à 10 heures, tout serait complété, et j'attends encore, si je comprends bien. Il est peut-être un peu difficile de discuter de ces motions, qui sont techniques et complexes, sans que tous les membres disposent d'un texte. Je n'ai pas de solution immédiate, sauf peut-être de suqqérer une brève suspension pour que je m'inquiète à nouveau de la production des services de photocopie. On m'informe qu'on a promis de les apporter directement ici dès qu'elles seront disponibles, mais on les attend toujours.

M. Grégoire: M. le Président, je peux proposer la motion de suspension, mais pour combien de temps?

M. Forget: Pas plus que cinq minutes, dès l'arrivée du messaqer, on aura les copies.

Le Président (M. Bordeleau): On va suspendre les travaux de la commission pour quelques minutes, soit cinq minutes, et on verra.

(Suspension de la séance à 10 h 45)

(Reprise de la séance à 11 h 02)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, messieurs!

Je pense que chaque membre de la commission a maintenant en main une copie des différentes motions et a peut-être même eu le temps de les regarder. Je demanderais au parrain de nous en faire part officiellement en les lisant et je jugerai après de la recevabilité ou non des différentes motions.

Motions

M. Forget: Je vous remercie, M. le Président. J'ai procédé de façon à favoriser

l'intelligence de chacune en les présentant ensemble. Je pense que j'aurais pu faire différemment, comme on sait, mais je pense qu'il est peut-être mieux de les considérer les unes par rapport aux autres plutôt qu'isolément, quoique, bien sûr, on doive le faire éventuellement de façon séparée pour chacune. Je m'excuse encore une fois du délai apporté à la reprise de nos travaux, mais c'étaient des raisons, je pense qu'on l'a compris, indépendantes de ma volonté.

La première motion, M. le Président, vise à établir, de façon consensuelle, si l'on veut, le rôle que doit se donner et qui est normalement celui d'ailleurs d'une commission des comptes publics. L'inspiration de cette motion est bien simple; elle constitue d'ailleurs la première recommandation de cet ouvrage que je citais tout à l'heure, recommandation qui est elle-même inspirée par la pratique de plusieurs commissions des comptes publics dans les Législatures d'autres provinces que le groupe d'experts en question a pu constater. Leur recommandation se lit comme suit: "Que chaque commission des comptes publics élabore et soutienne une déclaration écrite officielle qui définisse clairement le rôle et les attributions de la commission. "

Il est bien clair que cette commission existe en vertu des règlements de l'Assemblée nationale et on peut dire: Elle fonctionne comme les autres commissions. Cependant, un examen plus attentif du rôle de la commission des comptes publics dans les institutions parlementaires, là où de telles commissions sont actives, démontre qu'au contraire la commission des comptes publics joue toujours, dans tous les cas, un rôle assez particulier. C'est un rôle d'ailleurs qui n'est incompatible avec aucune disposition de la Loi de l'Assemblée nationale ou même de ses règlements. Il s'agit de préciser, d'orienter le travail de manière qu'on s'entende bien sur le contenu de nos travaux. Je fais donc la lecture de cela et j'y ajouterai peut-être quelques commentaires. "Considérant que la commission des comptes publics de l'Assemblée nationale entreprend, en septembre 1981, ses travaux sans le bénéfice d'une tradition bien établie quant à son mode de fonctionnement et à son rôle; "considérant qu'il est souhaitable et même essentiel à la bonne marche de ces travaux que tous ses membres s'inspirent d'objectifs communs et s'entendent sur une procédure appropriée à ces objectifs; "considérant que la commission peut bénéficier de l'expérience commune à de nombreuses commissions parlementaires analogues qui fonctionnent dans d'autres juridictions et d'études comparatives sur leur fonctionnement, il est résolu de définir ainsi le rôle de la commission des comptes publics. "La commission des comptes publics doit recevoir et étudier les comptes publics, les rapports du Vérificateur général, entendre les témoignages et prendre connaissance de documents et des rapports de vérifications spéciales entreprises à sa demande, sur des questions de son choix, découlant de son étude des comptes publics ou des rapports du Vérificateur général. "Dans ses travaux, la commission doit évaluer la fiabilité et l'exactitude des renseignements contenus dans les comptes publics, afin de donner un aperçu complet et fidèle des activités et des opérations financières, la perception des taxes et autres sommes dues et leur comptabilisation, le respect des limites que constituent les crédits votés par l'Assemblée nationale pour chaque programme et élément de programme et le respect des fins pour lesquelles chaque crédit a été voté, la convenance des garanties qui empêchent la perte, le gaspillage ou le détournement des biens et des fonds, l'économie dans l'acquisition des biens et des services, l'efficience dans les activités, y compris la disponibilité des données nécessaires pour évaluer cette efficience et pour appuyer la prise de décision. "

Qu'est-ce qu'on veut dire par efficience? C'est un terme que certains connaissent professionnellement. C'est simplement un rapport adéquat entre les ressources qu'on utilise et ce que l'on en tire en termes de bénéfices pour le gouvernement ou pour la société plus généralement.

Les critères et méthodes utilisés pour évaluer l'impact des programmes sur les objectifs visés par eux. On ne demande pas aux services: Êtes-vous efficaces ou non? Mais au moins: Prenez-vous les mesures nécessaires pour vous en assurer? Avez-vous des critères de performance, des systèmes de gestion qui vous permettent de garder un oeil sur l'impact de ces services, de ces programmes, sur les objectifs prétendument visés par eux?

Toutes ces dispositions sont contenues, pratiquement mot à mot, dans cette publication, et ce n'est que reprendre ce que l'expérience a enseigné à d'autres commissions parlementaires des comptes publics: Être les dimensions essentielles de leur étude. Pour ceux qui voudraient s'y référer, je les réfère à la page 14 du document en question, où on dit essentiellement: "La déclaration écrite du rôle et des attributions doit contenir une déclaration générale de l'objet ainsi qu'une liste des questions que la commission doit étudier. " La liste, encore une fois, est celle que vous retrouvez dans cette motion.

Ceci, pour la première motion. On pourra en discuter plus longuement par la

suite, mais ceci est la première motion. Pardon, je n'ai pas lu le dernier paragraphe qui se trouve à la page 3. "Les conclusions et les recommandations de la commission, ainsi que ses observations, doivent être consignées dans des rapports que la commission fait à l'Assemblée nationale annuellement ou à son choix sur des questions spécifiques, à moins que l'Assemblée nationale n'en ordonne autrement. "

Conclusion et recommandations. Ce sont des termes qui reviennent dans une autre motion et sur lesquels il sera bon tout à l'heure de s'arrêter un peu.

Deuxièmement, M. le Président, une motion quant au mandat que la commission des comptes publics détient de l'Assemblée nationale. Très certainement, ici, il ne peut s'agir que d'un voeu. Nous ne pouvons pas modifier notre mandat, seule l'Assemblée nationale peut le faire. Nous pouvons cependant, au moment de nous installer dans nos travaux, à la lumière de l'enseignement de différents rapports, rapport de la commission Lambert, rapport de ce groupe d'experts sur la vérification intégrée, exprimer un voeu à l'Assemblée nationale, celui de modifier quelque peu le mandat pour mieux l'accorder à la pratique généralement suivie dans les commissions de comptes publics, dans le cadre des juridictions où il existe des institutions parlementaires. "Afin d'assurer le meilleur fonctionnement possible à la commission des comptes publics, et considérant qu'une telle commission pourrait, dans la conjoncture financière difficile que traverse le Québec, contribuer significativement à promouvoir l'économie et l'efficacité dans les dépenses publiques, les membres de cette commission expriment à l'Assemblée nationale, le voeu, rien de plus, que la Loi sur la Législature et les règlements de l'Assemblée soient modifiés au plus tôt afin de produire les effets suivants. "Premièrement, confier à la commission des comptes publics un mandat permanent, lui permettant de se réunir en tout temps, durant la session ou hors session, à son initiative, sans qu'il soit besoin d'une autorisation ou d'un ordre de l'Assemblée nationale adopté sur motion du leader du gouvernement. " C'est une caractéristique bien connue, M. le Président, que nos commissions ne peuvent se réunir que si le leader du gouvernement le juge approprié, le souhaite ou même le juge opportun, peut-être même sur un plan politique.

Nous souhaitons avoir le même pouvoir que celui qu'ont les commissions des comptes publics dans d'autres provinces du Canada, au Parlement britannique et au Parlement fédéral, de se convoquer elles-mêmes et de se mettre au travail pendant l'été, pendant l'intersession, et d'être saisies automatiquement... C'est là l'objet du deuxième paragraphe qui dit: "Lui déférer en permanence, dès qu'ils sont disponibles et donc sans attendre nécessairement qu'ils soient déposés à l'Assemblée nationale, les comptes publics et les rapports du Vérificateur général, sans attendre leur dépôt à l'Assemblée nationale et sans se restreindre aux documents relatifs à l'année la plus récente. "

Il y a pour cela, de nombreuses raisons. L'attention que nous apportons à tel ou tel ministère est essentiellement sélective. Nous ne pourrions pas, même si nous siégions dix, vingt ou trente jours par année, étudier tous les ministères et organismes publics une fois par année. Lorsque nous faisons porter notre choix sur un ministère, sur un organisme public, il peut cependant à cette occasion être utile de faire une certaine rétrospective. Dans le cadre actuel de nos règlements, il est techniquement antiréglementaire de faire référence au rapport du vérificateur, par exemple, pour l'année 1978-1979; il faut se concentrer sur 1979-1980 par exemple, cette année, et ainsi de suite.

Enfin, nommer les membres de la commmission des comptes publics pour toute la durée du Parlement et non pas seulement pour une session. Il s'agit de permettre qu'un certain nombre de députés se fassent la main, puisqu'il s'agit là d'un travail assez particulier, et maintiennent un intérêt pendant plus d'une session aux travaux relativement complexes et spécialisés de la commission des comptes publics pour désigner, parmi les députés de l'Opposition, le président de la commission et, parmi les membres du parti ministériel ne faisant pas partie du Conseil exécutif, le vice-président de la commission.

M. le Président, cette référence à la présidence de la commission des comptes publics n'est pas du tout une espèce d'attention partisane qui serait arrivée comme une pensée de dernière minute. Là aussi, M. le Président, on peut citer le rapport sur tous ces points, d'ailleurs, on peut encore une fois citer le rapport du qroupe d'experts. Tous ces dispositifs font l'objet de recommandations du groupe d'experts sur la vérification intégrée, qu'il s'agisse du mandat permanent et la possibilité de siéger à l'initiative de la commission en tout temps, qu'il s'agisse d'être saisi de tous les documents financiers du gouvernement en permanence, qu'il s'agisse de la nomination pour plus d'une session, qu'il s'agisse de l'exigence que le président fasse partie de l'Opposition. Dans toutes les provinces du Canada, sauf une, et au gouvernement fédéral, dans le Parlement britannique, on sait que c'est toujours un membre de l'Opposition qui est président de la commission, pas parce qu'il y a une

question de gloriole, mais parce qu'on note que, psychologiquement, il y aura peut-être une assurance dans la plupart des cas, pas toujours, mais d'une diligence peut-être un peu plus grande. C'est une garantie démocratique qui est observée partout et que nous ne faisons que reproduire dans ce texte.

Troisièmement, M. le Président, motion relative au témoiqnaqe des fonctionnaires et autres personnes qui comparaissent devant la commission des comptes publics. "Considérant que, dans l'exécution de son mandat, la commission des comptes publics doit avoir accès à toute l'information pertinente de la part de ceux qui sont charqés d'effectuer les dépenses et d'administrer les programmes; "considérant que l'objet des travaux de la commission des comptes publics consiste non dans l'orientation des politiques gouvernementales. " On doit tenir pour acquis ces orientations. Les lois ont été adoptées, le budget a été adopté, on ne remet pas cela en cause même si, dans un autre contexte, dans un autre cadre, on peut discuter de l'opportunité de telle ou telle dépense. On doit tenir pour acquis ici que cette dépense est valablement autorisée. Encore faut-il que les dépenses qui sont faites pour exécuter cette volonté gouvernementale obéissent à des normes d'efficacité, d'économie, d'honnêteté, de correction, etc., et qu'on ne dépasse pas les budgets relativement à cette autorisation non plus.

Donc, étant donné ce cadre, il est résolu - c'est du moins la proposition - "que la commission des comptes publics s'adressera en premier lieu aux sous-ministres et aux autres cadres compétents de l'administration pour obtenir des informations quant à la manière dont sont effectuées les dépenses et administrés les programmes; que ces derniers répondront en leur nom, ès qualité de gestionnaires, et que leur témoignage sera consigné sous leur nom au journal des Débats; "que les ministres dont le ministère fait l'objet d'un examen par la commission puissent également être appelés à témoigner au sujet des informations et des décisions à portée administrative dont ils ont eu personnellement connaissance ou au sujet desquelles ils sont directement intervenus; "que les fonctionnaires qui témoignent devant la commission soient déliés de leur serment de discrétion, afin de pouvoir répondre sans réserve et sans restrictions aux questions que la commission leur adresse. "

Il est bien clair, M. le Président, que la commission perdrait son temps de voir défiler devant elle des personnes qui sont, par ailleurs, liées par un serment de discrétion et qui ne peuvent en être déliées que par, selon le texte même du serment, l'autorité compétente. Nous estimons que cette commission lorsqu'elle siège pour examiner le rapport du Vérificateur général, doit être réputée une autorité compétente pour délier ses fonctionnaires de leur serment de discrétion. (11 h 15)

On parle beaucoup, dans un autre cadre, de l'accès à l'information. On prétend, à juste titre, vouloir la rendre disponible à l'ensemble du public; à plus forte raison lorsqu'on se pose des questions sur la rigueur de la gestion financière du gouvernement, doit-on demander que rien de pertinent ne soit caché à la commission des comptes publics lorsqu'elle interroqe les fonctionnaires précisément sur la gestion des fonds, sur la façon dont sont effectuées les dépenses.

Enfin, M. le Président, la motion se termine par ce paragraphe: "Que l'immunité dont jouissent les parlementaires dans leurs interventions au Parlement et en commission s'étende aux personnes qui témoignent devant la commission; que des mesures, s'il en est besoin, soient prises pour s'en assurer et que le président de la commission en informe d'office les témoins. "

Certains témoignages, par leur nature, pourraient à l'occasion - ce n'est évidemment pas règle courante, mais cela peut se produire - entraîner des poursuites en dommages-intérêts ou en libelle par des personnes de l'extérieur de l'administration gouvernementale ou faisant partie de l'administration gouvernementale, mais à titre privé, qui pourraient se plaindre de telle ou telle affirmation. Bien sûr, elles pourront toujours le faire si les affirmations sont malicieuses et mensongères, mais il est important que les témoins puissent faire leur déposition avec la même assurance d'immunité de bonne foi que celle dont jouissent les parlementaires eux-mêmes dans leurs commentaires sur les mêmes événements.

D'ailleurs, M. le Président, la Loi de l'Assemblée nationale et l'ancien règlement de l'Assemblée nationale prévoyaient - la loi le prévoit toujours, mais les anciens règlements le prévoyaient - qu'effectivement l'immunité pouvait être accordée aux témoins lorsqu'ils déposent devant une commission parlementaire, pas seulement celle-ci, mais toutes. Il semble, d'après une décision rendue en 1975, qu'il est essentiel, à ce moment-là, que le témoignage soit prêté sous serment. Donc, il y aurait nécessité que vous-même, M. le Président, au moment où un témoin apparaît, lui indiquiez l'immunité dont il peut disposer et lui fassiez prêter serment avant que ne commence son témoignage. Je pense que, dans ce cas, nous serions assurés de pouvoir faire une oeuvre utile, encore une fois; autrement, des réticences bien normales, bien humaines, feraient jour dans les témoignages que nous recherchons.

Quatrièmement, motion sur le rapport que devra présenter la commission des

comptes publics: "Attendu que la presque totalité des commissions sur les comptes publics, dans les Parlements où ces commissions fonctionnent, sont présidées par un membre de l'Opposition; "attendu que les règlements de l'Assemblée nationale ne permettent pas d'envisager une telle formule dans l'immédiat, quels que soient les avantages et malgré le voeu auquel nous pourrions tous souscrire à ce sujet contenu dans une motion antérieure; "attendu qu'il est raisonnable de croire qu'un membre de l'Opposition apporterait une diligence particulière à s'acquitter de cette tâche pour les mêmes raisons que celles invoquées pour la nomination d'un président membre de l'Opposition, il est résolu: "qu'un membre de l'Opposition soit désigné rapporteur de la commission des comptes publics; "que le rapport comprenne, outre les éléments qu'on retrouve traditionnellement dans les rapports de commissions parlementaires, c'est-à-dire le fait qu'on s'est réunis à telle heure, qu'on s'est séparés à telle heure, que telle motion a été adoptée ou rejetée, que tel sujet a été discuté, mais sans refléter autrement le contenu de la discussion, qu'il comprenne donc, outre tout cela, les observations, conclusions et recommandations de la commission sur les sujets qu'elle aura examinés; "que ce rapport soit discuté en séance privée de la commission avant d'être achevé et transmis à l'Assemblée nationale, de manière qu'il reflète un consensus quant aux observations et aux conclusions. "

Voilà pour la quatrième motion; elle parle par elle-même. Je pense qu'elle est essentielle, également, pour que le travail débouche sur quelque chose. On peut bien faire parler qui on voudra; je pense qu'il revient à la commission de porter un jugement, à un moment donné, pas nécessairement sous la forme de motion, mais sous la forme d'observations, de commentaires, de souhaits qu'elle exprime quant à l'amélioration de tel ou tel aspect du contrôle financier, de la vérification interne ou Dieu sait quoi, et peut-être même, des conclusions, précises et opératoires, dans certains cas peut-être plutôt exceptionnels, où de telles conclusions pourraient en quelque sorte s'imposer.

Finalement, cinquièmement, motion sur la participation du Vérificateur général aux travaux de la commission des comptes publics: "Attendu que le Vérificateur général est nommé par un vote des deux tiers de l'Assemblée nationale et non pas par le gouvernement et que, par conséquent, lui-même et son personnel doivent être considérés et sont effectivement des fonctionnaires de l'Assemblée nationale. "attendu que les membres de la commission ne peuvent s'acquitter adéquatement de leur rôle sans jouir de l'appui et de l'expertise que peuvent fournir le Vérificateur général et son personnel, "il est résolu que le Vérificateur général soit réputé disposer d'une invitation permanente pour communiquer à la commission et à ses membres des suggestions et des renseignements susceptibles d'aider la commission à préparer son agenda, à choisir les questions où une étude plus approfondie est souhaitable et à orienter ses questions lors de la comparution des témoins. "Qu'à cette fin, le Vérificateur général ou son représentant prenne place à la table de la commission et qu'il y occupe un fauteuil entre le président et le rapporteur. "

Ce sont là aussi des observations qui découlent des recommandations contenues dans le rapport de cette équipe sur la vérification intégrée. Dans un grand nombre de commissions sur les comptes publics, le vérificateur siège effectivement à côté du président. On se souviendra que le président, dans ces commissions, est normalement, dix fois sur onze, un membre de l'Opposition, qu'il est à la table et qu'il ne participe pas personnellement à l'interrogatoire des témoins, mais assiste, oriente et guide les membres de la commission, sans leur dire quoi faire, en les laissant libres évidemment de suivre ses conseils ou pas. Il les assiste, les oriente, un peu comme un personnel de recherche le fait pour un parti politique dans d'autres travaux d'un genre particulier, de manière que le travail soit utile, qu'il s'oriente dans des directions convenables, étant donné qu'on ne peut pas tout demander, qu'on ne peut pas tout examiner. Il y a donc une expertise nécessaire pour orienter ces travaux.

C'est peut-être aussi la raison pour laquelle, avant de donner à M. Châtelain et à M. Larose la chance de s'exprimer - ils le feront de toute façon tout à l'heure - j'ai cru qu'il était nécessaire, parmi d'autres raisons, de poser d'abord ces questions de procédure.

M. le Président, il y a énormément plus qu'on pourrait dire sur ces cinq motions. Il y a évidemment une documentation abondante qu'on pourrait citer à l'appui de la plupart des recommandations de procédure que je fais.

Pour terminer sur tout ce sujet et avoir l'expression des sentiments de nos collègues sur l'ensemble de même que sur chacune de ces motions, j'aimerais dire qu'il nous apparaît bien beau de faire siéger la commission des comptes publics. Nous nous en réjouissons, nous espérons qu'il s'agira là d'une tradition désormais ancrée dans nos moeurs et qui s'exprimera par des séances nombreuses à tous les ans, mais, si la

commission des comptes publics n'était que l'occasion d'exhumer en quelque sorte un cadavre décidément déjà très froid, c'est-à-dire les états financiers qui datent de 18 mois déjà, pour se faire dire par des ministres, dans de savants discours, des discours très polis et très fleuris, je n'en doute pas, que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, que ces problèmes étaient réels sans doute, mais peut-être pas aussi graves que le pensait le Vérificateur général et que, de toute façon, tout a été corrigé depuis et qu'effectivement, après 18 mois, on devrait s'attendre que tout soit absolument corrigé et limpide, il faudrait bien se rendre à l'évidence que ce n'est qu'une espèce de rite automnal, la commission des comptes publics, et que cela ne correspond à absolument rien de concret. On devrait s'interroger sur l'utilité de reprendre une tradition qu'on n'a jamais eue de toute façon, mais qui ne servirait strictement à rien.

Ne nous faisons pas d'illusion. À moins que cette commission ne soit dotée d'un mécanisme, de procédure et de pouvoirs et qu'elle ne les exerce efficacement, c'est se payer de mots que de s'attendre qu'on va faire le moindre progrès, qu'on va jeter la moindre lumière sur l'administration financière du gouvernement. Quant à moi, je ne me fais aucune illusion.

Je ne veux pas insister davantage, mais je profite de cette dernière minute que vous m'accordez si aimablement pour insister sur l'importance que nous attachons à ces règles. On peut en discuter, il n'y a rien de figé dans le ciment. Nous avons fait un effort pour être objectif, pour nous inspirer de recommandations qui ne sont pas, à l'origine, les nôtres, qui sont le fruit de l'expérience et de la sagesse accumulées par les commissions de comptes publics dans plusieurs juridictions de toute forme et de toute configuration politique. Le moins qu'on puisse faire, c'est de les étudier très sérieusement et de les adopter en substance, presque sans exception, si on veut que notre travail soit profitable. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. Je vous avoue que vous avez beaucoup de matière dans ces quelques motions et que j'ai certains doutes quant à la recevabilité des motions, même si je pense que vos réflexions peuvent être très utiles à l'avenir, mais c'est surtout par rapport au mandat que la commission des comptes publics a aujourd'hui. S'il y avait quelqu'un du côté gouvernemental qui voulait s'exprimer sur leur recevabilité, sans aborder trop le fond, même si j'ai permis certains accrocs au député de Saint-Laurent, qu'il le fasse et, ensuite, je verrai plus clairement si on doit les recevoir ou non. Y a-t-il quelqu'un qui voudrait le faire? M. Parizeau, M. le député de L'Assomption.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, il y a dans ce qui nous a été remis ce matin une foule de choses intéressantes sur lesquelles les ministériels se penchent d'ailleurs depuis déjà un certain temps. Un rapport préliminaire à cet effet a d'ailleurs été envoyé il y a déjà quelque temps à l'Opposition officielle. Nous trouvons dans un certain nombre des choses qui apparaissent ce matin des références évidentes à ce document que les ministériels avaient jugé bon d'envoyer à l'Opposition encore une fois. Seulement, ce que nous avons devant nous, c'est plus que de simples modalités; il ne s'agit pas de s'entendre avec nous ce matin pour modifier un peu le fonctionnement de la commission qui a été convoquée en vertu de l'article 140 de notre règlement.

C'est une transformation de la commission; en fait, c'est l'établissement d'une nouvelle commission. Ce ne sont pas des changements de règles de procédure. En vertu de l'article 140, on convogue la commission de ce matin et, ce matin, on nous dit: Nous ne voulons pas de cette commission; on en voudrait une autre. On s'appuie pour ce dire sur deux choses, enfin plutôt sur un principe général. Tout le monde semblerait être d'accord ailleurs sur ce genre de chose. En somme, cela nous est présenté comme l'aboutissement chez nous de ce qui serait coutumier ailleurs et de ce qui serait d'ailleurs l'expression de recommandations récentes par les vérificateurs généraux, par ce rapport auquel on faisait allusion et intitulé "La commission des comptes publics et les vérificateurs législatifs". Cela n'est pas le cas, M. le Président.

C'est ainsi, par exemple, que, si la première motion est effectivement le relevé de ce qu'on retrouve dans le rapport que je viens de mentionner, la motion 3 ouvre, si je peux m'exprimer ainsi, du droit nouveau. Qu'il s'agisse du premier considérant, qu'il s'agisse ensuite des trois premières résolutions, il s'agit de quelque chose de tout à fait différent du rapport qu'on nous présentait et il n'est pas évident non plus qu'ailleurs, ce soit comme cela que ça fonctionne. À quel point tout cela représente à la fois du nouveau pas nécessairement non intéressant, mais du nouveau, on le voit bien quand il s'agit de la dernière sous-résolution de la motion 3, lorsque, tout à coup, comme par un oubli, on vient ajouter oralement la prise de serment, comme si c'était un détail. On voit bien qu'encore une fois il s'agit d'une transformation majeure originale, bien sûr, calguée à certains égards sur ce qui se fait ailleurs, totalement nouvelle dans d'autres cas, impliquant des règles juridiques

qui n'ont rien à voir avec nos commissions élues, telles qu'elles existent à l'heure actuelle. Je pense qu'on aura, dans les semaines et dans les mois qui viennent, à discuter longuement de certains des aspects de ces motions. Je pense que les ministériels vont arriver aussi avec un certain nombre de choses qui, parfois, se recoupent et parfois sont différentes, mais on ne crée pas une commission complètement nouvelle dans notre système sans l'avoir examinée un peu. On ne chanqe pas la nature juridique et la nature politique des rapports qu'il y a au niveau de l'administration publique dans ses rapports avec les parlementaires, à l'occasion d'une simple motion de procédure. Cela s'examine et il faut l'examiner. (11 h 30)

Nous sommes parfaitement conscients du rôle que doit jouer la commission qui examine le rapport du Vérificateur général. Nous sommes parfaitement conscients que le Québec n'est pas, à cet égard, tout à fait d'avant-garde. C'est le moins qu'on puisse dire.

Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il faut refaire éventuellement cette commission. Mais ce que nous avons devant nous à l'heure actuelle, c'est une commission d'élus, convoquée en vertu de l'article 140, avec un mandat, et ce mandat n'est pas de demander à la commission actuelle de préparer une nouvelle commission. Le mandat de la commission actuelle, en vertu de l'article 140, est d'examiner le rapport du Vérificateur général pour l'année 1979-19B0, et, dans ce sens, M. le Président, j'ai des doutes sérieux sur la recevabilité de ces motions.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de l'Assomption. J'ai toujours mes doutes aussi. Je pense...

M. Forget: M. le Président, spécifiquement sur la recevabilité.

Le Président (M. Bordeleau): Sur la recevabilité, je veux quand même prendre le temps de les examiner plus à fond. Pour cela, je vais demander votre clémence pour m'en donner le temps. Mais je veux d'abord vous rappeler que le mandat premier de la commission et le seul mandat actuel, c'est d'abord d'étudier le rapport du Vérificateur général 1979-1980. Nous avons ici le Vérificateur général qui est le signataire du rapport, ainsi que le nouveau Vérificateur général du Québec, qui attendent ici depuis dix heures ce matin.

Je pense que la priorité de la commission serait d'abord d'étudier le rapport. Je vous demanderais simplement de reporter la recevabilité des motions à la séance de cet après-midi, peut-être vers quinze heures, ce qui nous permettrait d'entendre ce matin les deux personnes qui représentent le Vérificateur général et je rendrai ma décision au début de la séance de cet après-midi.

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Sur cette question et sur la question de recevabilité, parce que les deux sont liées, dans le fond, je crois que vous trouverez d'abondants précédents - non seulement je le crois, mais j'en suis persuadé - des travaux des commissions parlementaires qui indiquent qu'il est tout à fait normal et coutumier, au début des travaux de quelque commission parlementaire que ce soit, que des motions préliminaires soient présentées et débattues quant à l'organisation, et à l'ordonnancement des travaux de cette commission.

Ne mélangeons pas les choses. Il ne s'agit pas de changer le mandat. Il ne s'agit pas de dire: Nous n'étudierons pas le rapport du Vérificateur général. Il s'agit de dire comment nous allons étudier le rapport du Vérificateur général et quelles questions nous devons avoir à l'esprit quand nous étudierons ce rapport. Est-ce que l'on veut savoir s'il est bien imprimé, le rapport du Vérificateur général? Est-ce qu'on veut savoir si les couleurs de la couverture sont des couleurs qui font notre affaire? Effectivement cette année, M. le Président, le couvert est rouqe.

Ce n'est pas cela examiner le rapport du Vérificateur général. On a des objectifs en vue. Est-ce que les objectifs que nous avons en vue sont les mêmes que les objectifs que le gouvernement a en vue? Il est normal, je pense, de dire au début de nos travaux: Entendons-nous sur les objectifs. Il ne s'agit pas de les approuver. Il ne s'agit pas d'approuver le rapport du Vérificateur général, comme lorsqu'on approuve ou qu'on désapprouve un projet de loi. Il s'agit de les étudier. Mais les étudier dans quelle perspective? De les étudier avec quelles préoccupations? Simplement de savoir s'il y a quelqu'un qui a volé 1 000 000 $? Je pense que personne ne suppose une chose comme celle-là.

Il y a donc des préoccupations probablement qui vont au-delà de la simple correction formelle des états financiers, mais aussi des questions d'économie dans la gestion, des questions relativement à la perception des impôts. Ce n'est que faire la liste, pour ce qui est de la première motion.

Quand il s'agit de changer le mandat, quand il s'agit de changer la forme de la commission, comme le ministre des Finances le dit, nous n'exprimons qu'un voeu. Et cela aussi, M. le Président, il y a de nombreux précédents permettant à une commission

d'exprimer des voeux sur à peu près n'importe quoi.

On pourrait, à la limite, dire que nous souhaitons qu'il fasse beau demain. Et c'est tout à fait réqulier et recevable. C'est non pertinent, malheureusement ou heureusement, mais c'est tout à fait réqulier. Nous pouvons exprimer des voeux sur n'importe quoi et nous pouvons, relativement à l'ordonnancement de nos travaux, décider de ce que nous voulons bien décider.

Que l'on me cite des articles qui interdiraient à la commission d'organiser son travail. J'ai eu moi-même, en commission parlementaire, de nombreux débats, à savoir s'il fallait que telle ou telle personne soit invitée à comparaître ou non, qu'il fallait étudier certains articles paraqraphe par paraqraphe ou globalement, etc. Ce sont des débats qui ont duré fort longtemps, M. le Président, qui précédaient très qénéralement et qui doivent toujours précéder le travail substantif de la commission.

Il n'y a rien là que ce que nous faisons toujours pour des fins beaucoup moins importantes. Je pense qu'il est abondamment démontré que nous n'avons aucune tradition, hélas, dans ce Parlement québécois, relativement à l'étude des comptes publics. Il ne faudrait quand même pas se mettre au travail sans au moins se poser la question: Comment va-t-on étudier le rapport du Vérificateur général? N'importe comment, comme semble sugqérer le ministre des Finances? Je pense que c'est une réponse un peu simpliste. Sûrement pas n'importe comment. L'expérience de plusieurs Parlements démontre qu'il y a des façons utiles d'examiner le rapport du Vérificateur général et il y a des façons tout à fait inutiles, complètement stériles, même.

Nous avons la responsabilité, pas de réinventer les boutons à quatre trous, pas d'étudier pendant quatre ans, à savoir si oui ou non on devrait avoir une commission des comptes publics, mais, aujourd'hui, profitant de ce travail qui est fait... J'imagine qu'on a réfléchi de part et d'autre à ce qu'on venait faire ici. J'imagine qu'on ne s'est pas levé ce matin, en disant: II y a la commission des comptes publics, on va commencer à y penser. On y a pensé tous et chacun d'entre nous suffisamment pour arriver ce matin avec des conclusions, sinon on a fixé la date au mauvais moment. Ce n'est pas pour ne pas avoir attendu, M. le Président, on a quand même attendu assez longuement.

Je crois que les motions que je présente sont tout à fait recevables. La motion qui vise le mandat, la seule qui vise le mandat, est exprimée sous forme de voeu, ce qui la rend recevable. Quant au reste, l'audition des témoins, on sait très bien qu'on peut inviter en commission parlementaire à peu près n'importe qui. L'Assemblée nationale a un pouvoir de contrainte.

La question de lever le serment est une question qui se pose; je pense que personne ne peut affirmer sérieusement qu'on invitera des gens pour témoigner dans des questions délicates, sachant qu'ils ont fait le serment de ne rien dire, à moins d'être déliés par une autorité compétente, et de laisser tout ça dans l'état, en se disant: On va enfin savoir le fond des choses et la vérité. Il ne faut quand même pas se raconter des sornettes, on sait très bien que pour que les gens parlent, fondamentalement, il faut qu'ils aient l'impression que leur position juridique les autorise à parler, s'ils le font de façon à compromettre tel ou tel intérêt particulier, et qu'ils sont protégés devant les cours de justice civile. Il me semble que c'est le minimum que l'on peut faire à ce moment. On sait très bien que ces pouvoirs là, les commissions parlementaires les ont.

Les autres commissions des comptes publics, dans d'autres Parlements de notre genre, M. le Président, on n'est pas si différent de la plupart des autres, ont réussi à définir des règles de procédure sans nécessiter des lois catastrophiques; ils ont tout simplement décidé, au fur et à mesure de l'expérience, de développer des traditions et des habitudes de fonctionnement. C'est une chose que nous pouvons faire plus rapidement parce que, précisément, nous bénéficions de notre expérience, sans violer un seul texte, sans violer un seul précédent, sans violer un seul règlement de l'Assemblée nationale, au contraire, en s'assurant qu'on va assumer à 100% le mandat qui nous a été confié. C'est la seule façon de l'assumer que d'adopter, en substance, la grande majorité de ces propositions.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Est-ce que ça porte sur le sujet de la recevabilité, M. le député de L'Assomption? Je vais vous laisser quelques minutes, je ne voudrais pas qu'on lance une discussion intéressante, mais un peu académique.

M. Parizeau: II s'agit de savoir, M. le Président, si, effectivement, c'est une commission tout à fait nouvelle qui nous est proposée par ces motions. C'est ça qui rend cela recevable ou pas.

Je tiens à souligner ici la signification tout à fait particulière de la troisième motion à cet égard. J'y ai fait allusion tout à l'heure, mais j'y reviens de façon plus précise. Dans les considérants qui expliquent ensuite les résolutions qui suivent, on indique - ce n'est pas un voeu, ce serait une façon de fonctionner pour la commission - qu'on doit examiner l'exactitude, la fidélité, l'économie et l'efficacité. Arrêtons-nous à ces quatre mots. Comment veut-on faire ça ici, aujourd'hui, dans le cadre de la

commission existante, alors qu'au moins deux de ces critères pour l'examen des comptes publics de 1979-1980 par le vérificateur ne sont même pas dans le mandat de celui-ci? On pense vraiment qu'on peut faire oeuvre utile aujourd'hui en posant un jugement sur l'économie et l'efficacité, alors que les comptes publics de 1979-1980, en vertu du mandat du vérificateur, ont dû être faits à partir des critères de l'exactitude et de la fidélité?

C'est à dire que nous, à partir de la commission d'aujourd'hui, on accepterait le principe de la comptabilité de la vérification intégrée, alors que cela n'a jamais été accepté jusqu'à maintenant et que le rapport du vérificateur de 1979-1980 n'a pas été fait sur cette base-là. On dit, qu'on va faire un travail sérieux; ce n'est pas un travail sérieux qu'on va faire aujourd'hui, cela va être de la riqolade. Si on s'en va vers la vérification intégrée - et on aura à se décider un moment donné, c'est clair, il y a beaucoup de pression un peu partout pour qu'on examine cela - si on se décide à aller du côté de la vérification intégrée, alors on aura un premier rapport de vérificateur basé sur ce principe. Celui-là devra être examiné en conséquence. Il y a quelque chose de totalement illusoire, en un certain sens de presque puéril, ce matin, de se dire qu'on va examiner en fonction de notre critère un rapport de vérificateur qui a été préparé sur la base de deux. Dans ce sens-là, M. le Président, j'insiste encore, cela me semble être irrecevable, cette motion; cela chanqe complètement, non pas le fonctionnement de la commission, mais la nature de la commission.

M. Forget: M. le Président, sur ce point spécifique, deux minutes.

Le Président (M. Bordeleau): Un instant, M. le député de Saint-Laurent, je veux d'abord m'exprimer moi-même parce que vous avez parlé de motions préliminaires. Là-dessus, je pense qu'on va plus loin que dans les motions préliminaires; cela n'a pas trait nécessairement à l'ordre des travaux mais cela va beaucoup plus loin, cela reprend le mandat de la commission. Je n'accepte pas, à ce moment-ici, que vos motions soient nécessairement d'ordre préliminaire. Mais je veux bien vous permettre...

M. Forget:... Vérificateur général, M. le Président, on va toujours étudier ce rapport. C'est cela le mandat, il n'y en a pas d'autre. Il n'y a rien là-dedans qui modifie le mandat que nous avons reçu qui est d'étudier le rapport du Vérificateur général. Je défie qui que ce soit de me dire que je mets en doute la mission de cette commission qui est d'étudier le rapport du Vérificateur général. Je pose encore une fois la question avec un "C" majuscule, Comment?

M. Parizeau: M. le Président, on y répond de la façon suivante. Le Vérificateur général a présenté un rapport, l'Opposition a manifesté son intérêt, parmi tous les ministères qui sont examinés dans ce rapport, de voir cinq ministres; c'est pas nous qui avons dressé la liste des ministres. Tout à coup ce matin on vient nous dire: Ha! ce n'est plus les ministres qu'on veut voir, c'est les sous-ministres. La commission devait centrer son attention sur cinq ministres, de la demande même de l'Opposition officielle. Alors, vous comprendrez, M. le Président, que d'abord je prends cela pour une manoeuvre ce matin, une manoeuvre reqrettable, d'ailleurs, parce qu'il y a des sujets très intéressants là-dedans. Mais une manoeuvre pour changer la nature même de nos travaux. Dans ce sens, cela reste irrecevable.

M. Forget: M. le Président, là-dessus une question de privilège; je sais qu'il n'y en a pas techniquement, mais, comme on a invoqué une demande que nous aurions formulée, on me permettra d'apporter la précision suivante. J'ai tenté de communiquer directement avec le ministre des Finances, il y a dix jours; j'ai parlé à son chef de cabinet pour susciter une rencontre informelle entre nous, afin de pouvoir discuter privément et d'avance de l'ensemble de l'approche qui nous animait. Ceci n'a pas été possible, on n'a pas retourné mon appel. J'ai donc, par l'intermédiaire de nos services parlementaires, fait savoir au cabinet du leader du gouvernement que, en plus des questions relevant de la compétence du ministre des Finances, des questions relevant de la compétence des ministres ou des ministères qu'il a énumérés, seraient examinées. Mais j'ai insisté également pour que nos services transmettent à ceux du leader du gouvernement le message suivant que nous insistions pour que ces ministres soient accompagnés de leurs fonctionnaires, de manière que nous puissions avoir des réponses complètes sur les questions. Je n'ai pas élaboré dans les circonstances sur le texte des cinq motions, mais il était très clair que ce sont des ministères qui comparaissent ici, ce ne sont pas des ministres.

Je ne pouvais pas anticiper le résultat de nos votes, M. le Président, mais il est très clair que ce sont des ministères, ce ne sont pas des ministres. Si les ministres sont présents, tant mieux pour eux, mais nous cherchons à obtenir toute la vérité administrative et financière, pas seulement des discours. Je pense que des discours, les ministres peuvent en faire, ils peuvent aussi obtenir certaines bribes d'informations mais

ce n'est quand même pas eux qui sont responsables au jour le jour de l'administration financière de leur ministère, sauf dans un sens politique et constitutionnel; ce n'est pas ce qui intéresse cette commission ci. (11 h 45)

M. Parizeau: M. le Président, sur une question de privilège aussi, puisque vous en avez accordé une, j'imagine que je peux avoir la pareille.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, mais, auparavant, j'aimerais qu'on clarifie la question de la présence des ministres ou des ministères, parce que ça m'apparaît important pour la suite de nos travaux. Si c'est sur ce sujet, M. le député de L'Assomption, allez-y.

M. Parizeau: Je reprends ce que le député de Saint-Laurent vient de dire. Dans la mesure où le rapport du Vérificateur général est présenté à l'Assemblée nationale, dans la mesure aussi où le Vérificateur général est nommé par l'Assemblée nationale, je considère mon rôle ici comme étant celui d'un ministre parmi d'autres. Quand on a fait appel à moi pour organiser les travaux quant au rapport du Vérificateur général, j'ai envoyé ça aux leaders. Il m'apparaissait normal que les deux leaders de l'Assemblée nationale établissent les règles du jeu.

Quant à savoir si cinq ministres sont convoqués plutôt que cinq ministères, nous fonctionnons selon la procédure habituelle, c'est-à-dire que je ne me suis jamais présenté en commission sans avoir un certain nombre de fonctionnaires avec moi, et il a été clair, dès le départ, que c'était ça. Jamais, jusqu'à maintenant, on ne s'est fait dire qu'on allait, les cinq d'entre nous, parader, si je puis m'exprimer ainsi, devant la commission avec nos fonctionnaires selon des règles autres que celles qu'on a toujours suivies.

M. Forget: Si les fonctionnaires sont là, on leur parlera aussi.

Une voix: Ce n'est pas ça qui va...

M. Parizeau: Ce n'est pas du tout ce que dit la motion.

Le Président (M. Bordeleau): Je reviens à ce que je disais tantôt. Ce ne sont pas nécessairement des motions préliminaires, ça va beaucoup plus loin que ça. C'est pourquoi je voudrais me réserver un peu de temps, pendant l'heure du lunch, pour regarder ce point de plus près. Notre mandat étant d'entendre le Vérificateur général et d'étudier son rapport, je voudrais donner la parole immédiatement au Vérificateur général, M. Gérard Larose... M. le député de

Saint-Laurent.

M. Forget: Dans l'éventualité, que je comprends fort bien, où vous devriez prendre en délibéré cette question des motions préliminaires, je fais motion pour que nous suspendions nos travaux jusqu'à 14 heures, ou à une heure convenable, de manière que nous ayons d'abord vos décisions avant que nos travaux se poursuivent.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. La commission suspend...

M. Pagé: Vous venez de donner votre accord, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va, 14 heures? La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 48)

(Reprise de la séance à 14 h 13)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, messieurs!

La commission parlementaire des finances et des comptes publics reprend les travaux suspendus ce matin. Je vous avais annoncé, à ce moment, que je serais prêt à rendre ma décision au sujet des motions présentées par le député de Saint-Laurent. Je vais donc le faire immédiatement.

Décision du président

Concernant les cinq motions présentées par le député de Saint-Laurent, j'ai écouté avec la plus grande attention les arquments de part et d'autre. J'ai réfléchi pendant l'heure du dîner sur les arquments présentés. C'est surtout parce que c'est un devoir, et non parce que c'est un plaisir de se prononcer sur la recevabilité de chacune de ces motions.

Pour les prendre une par une, dans l'ordre suivant lequel elles ont été présentées devant la commission, en ce qui a trait à la motion 1, sur le rôle de la commission des comptes publics, cette motion a pour fins de définir principalement le rôle de la commission, en l'occurrence celle des comptes publics. Le rôle des commissions élues est établi par l'article 151 du règlement. Ce règlement permet toutefois d'élargir le rôle habituel des commissions parlementaires en mentionnant que l'Assemblée nationale peut leur déférer toute autre matière. C'est d'ailleurs en vertu d'un tel mandat que nous pouvons aujourd'hui entendre le Vérificateur général du Québec. Si les membres ou l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale désirent modifier le rôle d'une commission, accorder à une

commission des pouvoirs différents de ceux prévus à l'article 151, ou s'ils désirent accorder à une commission parlementaire, quelle qu'elle soit, un statut particulier qui lui fasse échapper en partie ou en totalité à l'économie générale en ce qui concerne l'article 151, ils devront pour ce faire s'adresser directement à l'Assemblée nationale ou à la commission de l'Assemblée nationale qui, selon l'article 137, peut établir le règlement de l'Assemblée. Une commission autre que la commission de l'Assemblée nationale n'a pas ce pouvoir, et notre commission en est une. C'est pourquoi cette première motion aurait pour effet de modifier le règlement. Elle ferait faire à notre commission quelque chose d'ultra vires. Je la juge donc irrecevable.

M. Forget: M. le Président, est-ce qu'il sera possible de vous poser quelques questions d'éclaircissement? Préférez-vous que j'attende à la fin ou que je le fasse sur chacune?

Le Président (M. Bordeleau): Je pense avoir suffisamment été éclairé. Je préfère porter mon jugement sur...

M. Forget: Je ne veux pas faire de plaidoyer, je ne désire que poser des questions.

M. de Belleval: M. le Président, que je sache, votre décision n'appelle pas de questions particulières ou de commentaires.

Le Président (M. Bordeleau): Vous avez raison. Je ne discuterai pas de ma décision après l'avoir rendue sur les cinq motions.

M. Forget: J'aimerais être bien sûr de la comprendre, M. le Président. C'est la raison pour laquelle je fais cette intervention...

M. de Belleval: On vous fera un dessin.

M. Forget: Parce que vous avez fait allusion à des règles qui existent actuellement et qui, selon vous, régiraient nos travaux. J'aimerais que vous nous référiez très spécifiquement aux règles qui sont censées régir nos travaux, parce que je dois avouer ne les avoir trouvées nulle part.

M. de Belleval: Mais, M. le Président, vous n'êtes pas ici pour donner des leçons de procédure parlementaire au député de Saint-Laurent qui...

M. Forget: Le député sera conscient de cela, on peut demander une directive à un président.

M. de Belleval: Je suggérerais, M. le Président, que vous lisiez vos décisions sur les cinq motions; ensuite, on verra.

Le Président (M. Bordeleau): C'est exactement ce que je m'apprête à faire. Je n'ai pas l'intention de laisser discuter de mes décisions après les avoir rendues.

M. Forget: Ah bon! après, très bien.

Le Président (M. Bordeleau): En ce qui a trait à la motion 2, qui porte sur le mandat de la commission des comptes publics, que la commission des comptes publics détient de l'Assemblée, elle porte sur un mandat permanent que l'on voudrait voir attribuer à la commission des comptes publics. Si elle n'était pas exprimée sous forme de voeu, elle aurait pour fin de modifier également la nature des commissions parlementaires telles qu'on les connaît actuellement, mais en vertu de notre procédure parlementaire normale, notamment par le biais de l'article 151, comme la motion précédente, elle serait ultra vires. Elle est cependant exprimée sous forme d'un voeu adressé à l'Assemblée nationale qui l'invite à modifier la Loi de la Législature et les règlements de l'Assemblée. Je pense que, là-dessus, le député de Saint-Laurent a eu raison d'alléquer qu'à l'ouverture d'une première séance d'une commission parlementaire, la présidence a déclaré admissibles déjà dans le passé des motions exprimant des voeux. Il est vrai qu'il faut être, je pense, plus permissible à l'endroit des voeux que sur des motions qui constituent plutôt des ordres. Je me permets toutefois de dire que chaque fois qu'a été acceptée en commission parlementaire une motion exprimant un voeu qui s'adressait à une personne ou à un organisme autre, à l'extérieur de la commission, le voeu était toujours relié au mandat précis de la commission au mandat pour lequel elle se réunissait.

D'ailleurs, dans tous les propos que j'ai pu relever sur des motions traitant de voeux, les membres de la commission qui prenaient la parole sur le fond de la motion en question alléguaient toujours que la commission pourrait mieux remplir son mandat précis du jour pour lequel elle s'était réunie - aujourd'hui ou dans les jours prochains - si on se conformait au voeu exprimé par la motion. Mais la motion que nous avons devant nous, soit la motion no 2, exprime un voeu, c'est exact, mais un voeu qui ne peut avoir d'effet immédiat sur l'organisation de nos travaux d'aujourd'hui, puisqu'il invite à modifier ultérieurement la Loi de la Législature et le règlement de l'Assemblée et qu'il n'est pas confiné au mandat précis que nous avons reçu, soit d'examiner le rapport du Vérificateur général, puisqu'elle a pour fins de modifier

de façon permanente le rôle de la commission des comptes publics, son fonctionnement et même sa structure et son organisation. Je pense que nous n'avons pas ce mandat aujourd'hui. Pour ces raisons, je me dois de déclarer la motion no 2 également irrecevable.

En ce qui concerne la motion no 3 qui parle des témoignages, cette troisième motion, si elle était adoptée, aurait pour effet non seulement de modifier les règles de pratique que seule - dois-je le répéter encore une fois? - la commission de l'Assemblée nationale ou l'Assemblée nationale comme telle peut adopter pour les autres commissions, mais également le règlement de l'Assemblée nationale et même la Loi sur la Législature, quant à l'immunité attachée aux témoignages devant une commission - je pense qu'on en a discuté un peu ce matin - et également d'autres lois, quant au serment de discrétion des fonctionnaires. Je considère donc que cette troisième motion est également irrecevable.

En ce qui a trait à la motion no 4 qui traite du rapport de la commission des comptes publics, sur cette motion, je dois dire que, dans l'état actuel de notre droit et de notre procédure parlementaire, rien ne s'oppose, dans notre règlement, à ce qu'un membre de l'Opposition soit désigné comme rapporteur d'une commission. Rien ne s'oppose également à ce que le rapport d'une commission contienne tous les éléments évoqués dans la motion. Rien ne s'oppose également à ce qu'une commission puisse décider de siéger à huis clos. Cependant, si on veut rendre tous ces éléments obligatoires, il faut modifier le règlement, puisque le règlement n'en parle pas, et établir de nouvelles règles de pratique qui sont un pouvoir que seule la commission de l'Assemblée nationale ou l'Assemblée nationale comme telle peut recevoir et peut discuter. Je déclare donc la motion no 4 également irrecevable.

La motion no 5 traite de la participation du Vérificateur général aux travaux de la commission des comptes publics. Si, dans le règlement, il n'y a rien qui s'oppose à ce que le Vérificateur général ou son représentant participe en permanence aux travaux de la commission des comptes publics, cela veut donc dire que c'est une motion sans objet, sans corps, donc irrecevable. Par contre, si quelque chose s'y oppose, et je le crois, ce n'est pas notre commission qui peut décider de modifier le règlement là-dessus. Cette résolution vise peut-être à modifier notre système de fonctionnement de nos commissions parlementaires, et je le pense, elle vise pour le moins à établir, pour la présente commission, des règles de pratique différentes de celles qui régissent les autres commissions, qui régissent donc la commission des comptes publics. Seule la commission des enqagements financiers peut, en vertu du règlement, établir ses propres règles de pratique. Pour les autres, y compris la nôtre, c'est le règlement qui prévaut et, encore là, seule la commission de l'Assemblée nationale peut établir des règles de pratique. Je la déclare donc également irrecevable.

En conclusion, je pense que toutes ces motions sont quand même tout à fait intéressantes; elles sont de nature à apporter un éclairage nouveau, une amélioration de nos commissions parlementaires. Ces motions sont également de la même nature que celles qu'on voit régulièrement inscrites au feuilleton de l'Assemblée nationale et qui pourraient être soumises, selon le cas, devant la commission de l'Assemblée nationale ou à ce qu'on appelle les débats du vendredi. Tout en étant intéressantes, je pense que le mandat de notre commission aujourd'hui est essentiellement, dans le cadre de nos règles de pratique actuelles, d'étudier le rapport du Vérificateur général et je me dois de revenir à l'objet de notre réunion qui est d'étudier le mandat du Vérificateur général.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, je vous laisse quelques instants pour me dire de quoi vous voulez parler, mais je vous avise, dès maintenant, que je n'accepte pas qu'on discute de ma décision.

M. Forget: Ne soyons pas trop défensifs, M. le Président. Je pense que vous venez de prendre des décisions qui sont extrêmement importantes. Si on devait les interpréter comme établissant des règles générales relativement aux pouvoirs qu'ont ou n'ont pas les commissions parlementaires, il faudrait - je pense que ce serait inévitablement le cas, à moins que des précisions ne soient apportées - conclure que les commissions parlementaires, quelles qu'elles soient, n'ont aucun pouvoir pour organiser leur travail. Il m'apparaît curieux -mais j'aimerais, M. le Président, que vous m'instruisiez sur le sujet - que l'on affirme qu'une chose qui n'est strictement défendue nulle part ne peut être faite en dépit de l'absence d'une interdiction.

Je ne pense pas que l'on peut retrouver - mais, encore une fois, c'est une question que je vous pose - dans les règlements de l'Assemblée nationale ou la Loi sur la Législature des dispositions qui interdisent à une commission parlementaire d'organiser son travail en fonction de ce qui lui apparaît être une façon efficace de procéder, une façon fructueuse de procéder. J'aimerais savoir en vertu de quel article de notre règlement ou de la Loi sur l'Assemblée

nationale vous jugez irrecevables des motions qui n'ont pour but que d'organiser nos travaux, qui ne contredisent aucune disposition impérative de nos règlements, ni ne s'y opposent.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, comme j'ai dit tantôt, je ne reviendrai pas sur l'objet ou la nature même de ma décision, mais je pense que vos motions tout en étant intéressantes, ne relèvent pas du mandat que nous avons aujourd'hui, mais...

M. Forget: Cela est une question d'opportunité, M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau); C'est essentiellement là-dessus...

M. Forget:... c'est un jugement d'opportunité que vous n'êtes pas en mesure de trancher, parce votre rôle n'est pas de juger de l'opportunité des motions. Vous pourrez laisser cela à notre collègue, le ministre des Finances, qui pourrait très bien demander à ses collègues de voter contre ces motions. Je soupçonne d'ailleurs qu'ils sont fort soulagés actuellement de vous voir faire ce travail à leur place. Cependant ce n'est pas une question d'opportunité, c'est une question où l'on demande où est l'interdiction dans la loi de l'Assemblée nationale et de notre règlement en vertu desquels une commission parlementaire n'aurait pas le droit d'organiser ses travaux efficacement.

M. Grégoire: M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Une commission parlementaire a le droit d'organiser ses travaux et efficacement; elles le font toutes, quand elles le veulent, et c'est notre intention aussi. Seulement, une commission parlementaire ne peut pas changer les règles établies de la procédure...

M. Forget: Lesquelles?

M. Grégoire:... sauf que ces règles peuvent être changées et le député de Saint-Laurent comprendra fort bien comme moi, je vais revenir et lui dire lesquelles...

M. Forget: De quelles règles s'agit-il? M. Grégoire: Je vais y revenir.

M. Forget: Et à quoi précisément fait-il allusion?

M. Grégoire: Je vais revenir et lui dire à quelles règles, M. le Président. Les règles générales sont les mêmes règles qu'à l'Assemblée nationale, qui s'appliquent mutatis mutandis, sauf peut être que tout cela, les règles, les habitudes, les méthodes de procéder peuvent être changées et, pour ce faire, il y a une commission spéciale qui a été créée pour cela, c'est la commission de l'Assemblée nationale, qui s'occupe de la réforme parlementaire. Or, s'il y a eu une commission spéciale créée pour cela, la commission de la réforme parlementaire, c'est pour permettre aux autres commissions d'agir en fonction du mandat qui leur a été donné par l'Assemblée nationale. Or, le mandat qui a été donné à notre commission, c'est d'étudier le rapport du vérificateur et non pas de changer les règles, qui sont les règles de l'Assemblée nationale s'appliquant aux commissions parlementaires, mutatis mutandis.

Le député de Saint-Laurent, s'il croit avoir de bonnes motions, ce que je ne contredis pas, sait fort bien, cela existait dans son temps, cela existait avant lui, cela existait depuis longtemps, qu'il y a une commission spéciale pour cela, c'est la commission de l'Assemblée nationale, dont le mandat est d'étudier la réforme parlementaire. Qu'il s'adresse donc au bon endroit, qu'il s'adresse donc à la bonne commission, qu'il frappe donc à la bonne porte. Pendant ce temps, les autres commissions parlementaires comme la nôtre pourront travailler en fonction du mandat qui leur a été donné. Le nôtre, M. le Président, et je ne sache pas qu'il ait changé, c'est d'étudier le rapport du Vérificateur général lors de cette commission. Si le député de Saint-Laurent a cru bon d'arriver avec des motions, c'est qu'il veut changer des choses. Il peut faire tout cela, mais à une autre commission. Ce n'est pas compliqué, cette commission va siéger encore la semaine prochaine. Elle siège régulièrement. Le député de Saint-Laurent est assez influent dans son parti, il a assez son mot à dire pour demander à son leader parlementaire ou à son whip d'être membre de la commission parlementaire portant sur la réforme de l'Assemblée nationale et y faire ses suggestions. Pendant ce temps, on va continuer à remplir le mandat qui nous a été donné.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, un instant, s'il vous plaît!

M. Forget: M. le Président, l'affirmation qui est faite actuellement est absolument fausse; d'ailleurs, ce n'est qu'une diversion. Il ne s'agit pas de changer les règles, il n'en existe pas pour la présente commission.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît!

M. Forget: Vous le savez très bien. Elle n'a jamais siégé depuis des années, elle n'a jamais établi de tradition. Il s'agit d'en établir. M. le Président, il y a une erreur de droit dans votre décision que je me dois de souligner.

Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, M. le député de Saint-Laurent!

M. de Belleval: Respectez l'intervention du président.

Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, M. le député de Saint-Laurent, je vous ai averti au départ, je ne reviendrai pas là-dessus.

M. Forget: II y a une erreur de droit et c'est mon droit de parlementaire de soulever une erreur de droit dans la décision que vous venez de rendre.

M. de Belleval: Vous n'avez pas le droit de faire cela.

M. Forget: Je prends le droit parce qu'on nous informe de façon erronnée. M. le Président, vous avez affirmé que la troisième motion contredisait une loi de l'Assemblée nationale, en particulier, une prétendue loi sur le serment des fonctionnaires. Or, il n'y a pas de loi sur le serment des fonctionnaires. Il y a un serment d'office. Vous savez très bien quel est le contenu de ce serment d'office.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, je m'excusel Je ne reviendrai pas sur ma décision. À l'ordre! À l'ordre! (14 h 30)

M. Forget: M. le Président, vous n'avez absolument pas le droit de baser votre décision et nous n'avons pas l'intention d'accepter une décision qui est basée sur une erreur de droit, en plus de tout ce qu'on pourrait dire sur les tenants et aboutissants des arguments qui ne sont pas justifiés, qui ne sont pas motivés dans votre décision. Nous avons le droit d'exiger une décision motivée.

M. Grégoire: M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire:... je réalise fort bien - le député de Saint-Laurent a commencé à le laisser entendre ce matin - qu'il ne veut pas que la commission des comptes publics siège.

S'il veut en appeler de votre décision, il sait que le seul appel qu'il peut porter, c'est un appel à l'Assemblée nationale qui, elle, siégera à partir du 20 octobre. Cela continue ce que le député de Saint-Laurent a laissé sous-entendre ce matin, probablement parce qu'il s'aperçoit qu'il n'y a rien à reprocher à ce gouvernement dans les comptes publics, qu'il s'aperçoit que le gouvernement, le ministre des Finances et les autres ministres vont en sortir la tête haute et avec les honneurs de la confrontation, j'en suis convaincu. C'est pourquoi je m'aperçois qu'il veut essayer de remettre les débats de cette commission en disant qu'il va en appeler de votre décision, alors qu'il sait qu'il ne peut en appeler qu'à l'Assemblée nationale.

Qu'il cesse, M. le Président! Je crois que c'est un bon conseil à lui donner, bien que je n'en aurais pas à lui donner, cela fait longtemps qu'il siège ici. Il sait qu'on n'insulte pas la présidence comme cela, qu'il faut avoir du respect. C'est un règlement de l'Assemblée nationale, le respect de la présidence, qui s'applique également aux commissions. Le député de Saint-Laurent devrait avoir ce respect de la présidence, que tous les députés, depuis cinq ans que je sièqe ici, ont eu, à mon avis. Je suis réellement choqué de voir qu'on manque de respect à la présidence ce matin.

M. Forget: Je trouve éloquent le silence du député de Trois-Rivières à cette commission, alors qu'il laisse à son collègue de Frontenac le soin de parler de la réforme parlementaire. Cela démontre très bien l'esprit qui inspire les travaux de cette commission et qui inspire le gouvernement en venant ici. On veut se livrer à une opération de maquillage.

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Saint-Laurent.

M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, si vous permettez, je demanderais d'abord à la commission la permission de m'adresser à elle, puisque je ne suis pas membre régulier de cette commission.

Le Président (M. Bordeleau): II n'y a pas d'opposition. Cela va?

M. Forget:...

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, je remercie la commission de me donner ce droit. Je suis un peu déchiré entre le fait que je reconnaisse le bien-fondé de votre décision et, en même temps, à la lecture

que j'en ai faite à l'heure du lunch, que je trouve beaucoup de bien-fondé aux propositions du député de Saint-Laurent. J'imagine que vous avez été à la fois déchiré entre l'application du règlement -tant qu'il n'est pas modifié, vous devez le faire - et ce que nous a raconté dans ses motions le député de Saint-Laurent.

Dans les circonstances, puisque...

M. Forget; Vous autres, vous êtes toujours déchirés quand il s'agit de prendre de bonnes décisions.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît!

M. Charron: J'allais faire...

M. Forget: Arrêtez de vous déchirer et prenez une décision.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît!

M. Forget: Mettez vos grandes culottes pour une fois et prenez une décision, plutôt que de vous cacher derrière le président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît! Je vous demanderais d'être quand même...

M. Grégoire: J'ai l'impression que vous ne connaissez pas les règlements.

M. Charron: Je ne suis pas déchiré du tout, M. le Président, en ce qui me concerne...

M. Forget: Non, cela paraît!

M. Charron:... dans la proposition que je vais faire au député de Saint-Laurent. S'il peut calmer ses nerfs un peu et l'accueillir, se refroidir et la juqer, il nous donnera sa réponse. À ce qu'il me semble, si son indignation n'est pas simplement feinte actuellement, si elle est sincère, il va mesurer la proposition que je vais lui faire. J'ai des doutes, mais si l'intention du député de Saint-Laurent ce matin était sincère pour que cette commission fonctionne mieux, qu'elle aille dans le sens des propositions, par exemple, que notre collègue de Trois-Rivièves a déjà mises à l'étude, au sein de l'Assemblée nationale, et qui seront très sérieusement prises en considération par la commission de l'Assemblée nationale, comme l'a dit le député de Frontenac, par l'Assemblée elle-même par la suite, si ce n'était pas un traquenard de sa part - en ce sens-là, je peux avoir des doutes, parce que je le connais très bien...

M. Forget: Est-ce qu'il s'agit d'une imputation de motifs de la part... M. Charron: Non, pas du tout.

M. Forget: On lui a donné la permission de s'adresser à nous, mais je n'ai pas l'intention de tolérer ce genre de langage.

M. Charron: Non.

M. Forget: S'il a à dire quelque chose de constructif, qu'il le dise et qu'il arrête d'imputer des intentions.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Si ce n'est pas cela, M. le Président, ce doit être la sincérité qui jaillit spontanément du député de Saint-Laurent. À cet égard, si le député se sent mal à l'aise de remplir le mandat de la commission dans les règles habituelles de cette commission, c'est vrai que cette commission ne s'est pas réunie souvent, et vous êtes sous le point d'appliquer des règlements qui font que, lorsqu'elle s'est réunie, elle se réunissait comme cela. J'ai vécu cette expérience d'être un député de l'Opposition dans une commission des comptes publics, avec le Vérificateur général, et de devoir fonctionner comme vous vous apprêtiez à la faire fonctionner, parce que c'était le même règlement à l'époque aussi.

C'est vrai qu'il n'a pas été touché. Mais faire une proposition très nette et ouverte comme cela, puisque c'est à moi à convoquer les commissions parlementaires, tant que le règlement ne sera pas chanqé, si le député souhaite étudier le rapport du Vérificateur général pour l'année 1979-1980, le mandat de cette commission, avec l'utilisation d'autres règles qui iraient dans le sens - là, je le dis très franchement - de ce qu'il a mis sur table ce matin, parce qu'il n'a pas découvert le Pérou, il a à peu près copié ce que le député de Trois-Rivières a écrit dans son projet de réforme; autrement dit, on voit donc l'objet d'un consensus à l'horizon sur la façon dont devrait fonctionner cette commission des comptes publics. Donc, si nous laissons la commission de l'Assemblée nationale, en priorité, examiner ce que devrait être la commission des comptes publics, faire rapport à l'Assemblée nationale pour que celle-ci, selon notre règlement, modifie le règlement pour donner à la commission des comptes publics un nouveau mode de fonctionnement à la lumière des suggestions du député de Trois-Rivières ou du député de Saint-Laurent, qu'il y ait donc de nouvelles règles que vous soyez chargé d'appliquer par la suite, M. le Président, je suis d'emblée prêt à offrir que nous retardions l'étude du rapport du vérificateur 1979-1980 de quelques semaines,

c'est-à-dire jusqu'à ce que s'établisse entre nous un concensus. Ce consensus ne sera pas difficile à établir, parce que, encore une fois, selon le texte même déposé sur la table, ce matin, et sur les réflexions que nous avons, je crois que nous allons l'atteindre assez rapidement et reconvoquer MM. les vérificateurs qénéraux du Québec, qui nous font l'honneur d'être là, à une séance cet automne, alors que nous aurions cette fois, entre nous, fixé des règles de pratique qui feraient que la commission, lorsqu'elle pourrait commencer ses travaux, le ferait à la lumière d'un consensus nouveau de l'Assemblée nationale.

Encore une fois, il ne me croira pas, mais je suis d'accord avec lui, la règle d'étude de la commission des comptes publics - vous n'avez pas le choix que de l'appliquer - c'est une règle caduque. Elle était caduque quand j'ai vécu dedans, elle est encore caduque aujourd'hui, mais tant qu'ensemble, ailleurs, nous ne trouverons pas un moyen de la changer, c'est malheureusement le cas.

Je conclus sur cela, M. le Président. Quand l'Opposition a proposé, en juin 1980, que le rapport du Vérificateur général soit rendu public, lorsque l'Opposition a demandé qu'une commission des comptes publics ait lieu, sur-le-champ, le premier ministre a accepté. Il m'a chargé d'organiser cette rencontre. Après consultation, nous avons convenu que cette rencontre aurait lieu dans ces semaines-ci plutôt qu'au début de l'été, de l'accord de tout le monde, il y a eu des rencontres bipartites et nous nous sommes organisés en fonction des règles écrites, actuelles et prescrites.

Par exemple, j'ai demandé à l'Opposition de me dire, selon la tradition actuelle, quels ministres en particulier allaient être interrogés lors de l'étude des pages du rapport du Vérificateur général. L'Opposition s'est prêtée de bon jeu et m'a signalé que cinq de mes collègues seraient normalement interrogés. Je me suis assuré que ces cinq collègues seraient présents à la table de la commission, selon les règles traditionnelles. J'en ai averti le Vérificateur général afin que ses fonctionnaires se préparent sur ces pages en particulier.

Autrement dit, j'ai fonctionné selon les règles prescrites. Mais si vous voulez que le rapport du Vérificateur général soit étudié selon de nouvelles règles, nous allons, dans un premier temps, ailleurs qu'ici - parce que ce n'est pas du tout ni le mandat ni la place - établir de nouvelles règles, et faire l'étude du rapport du Vérificateur général à un autre moment.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Saint-Jacques. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je suis depuis quatre ans ces débats sur la réforme des procédures parlementaires et la réforme parlementaire. C'est un sujet qui a ses hauts et ses bas. C'est un sujet qui avance à pas de tortue. Et on sait très bien depuis des années, c'est un secret de polichinelle, que particulièrement les règles de nos commissions parlementaires sont complètement archaïques, au point d'être ridicules. On l'a dit il y a quatre ans, dans des comités de parlementaires mettant en présence des représentants des deux partis. Cela n'a débouché sur rien de concret, de qrandiose.

Vous comprendrez, M. le Président, que la promesse d'un nouveau livre blanc ou de comités qui vont étudier jusqu'à ce qu'ils s'étouffent sur les projets, les réformes qu'on pourrait apporter à nos procédures, alors qu'on est aujourd'hui devant un problème concret qu'il serait très facile de régler... N'oublions pas une chose. Nous ne ferions en cela qu'imiter ce qui se fait ailleurs. Ne réinventons pas la roue, M. le Président. Ne prétendons pas ne pas savoir que, dans d'autres provinces, dans d'autres Parlements, qui fonctionnent comme le nôtre, cela fonctionne exactement de la même façon.

M. Grégoire: On retourne sur le fond de la discussion, M. le Président.

M. Forget: Je n'ai pas interrompu le leader du gouvernement.

M. Grégoire: Oui, vous l'avez interrompu.

M. de Relleval: Vous l'avez interrompu. M. Forget: Je réponds...

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît, messieurs. M. le député de Saint-Laurent...

M. Forget: Je vais continuer après.

M. Grégoire: Vous retombez sur le fond du sujet et c'est antiréglementaire.

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît, tout le monde. M. le député de Saint-Laurent, je voudrais simplement vous rappeler que je voudrais que vous parliez...

M. Forget: Nous avons été assez généreux, nous avons même accordé le droit de parole alors que, selon nos règlements sur lesquels vous insistez tant, M. le Président, le leader du gouvernement ne l'avait pas. Quelle générosité de la part de l'Opposition qui admet qu'on plie un peu le règlement, alors que, du côté du gouvernement, on attend que le président interdise à

l'Opposition de faire son travail! C'est extraordinaire.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je veux répondre à la proposition du leader du gouvernement, mais...

Le Président (M. Bordeleau): C'est exactement pourquoi je vous ai donné la parole, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget:... j'ai autant droit que lui d'exposer mes motifs.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, à la condition de répondre et non pas de revenir sur le fond de vos motions.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Un instant, s'il vous plaît. M. le député de Saint-Laurent...

M. Forget:... j'espère qu'on ne fera pas les travaux de cette façon; ne comptez pas sur la complicité de l'Opposition pour se livrer à une opération comme celle-là. J'ai laissé parler le leader du gouvernement, alors qu'on me laisse parler.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, je suis d'accord. On va vous laisser parler.

M. Forget: Si ce n'est pas correct, qu'on me le dise tout de suite.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous ai justement donné le droit de parole.

M. Forget: Est-ce qu'il y a des objections à ce que je parle?

M. Grégoire: À la condition que vous restiez dans le sujet.

M. Forget: II n'y a pas de condition. J'ai le droit de m'exprimer comme parlementaire.

M. Grégoire: On ne vous laissera pas parler du déluge.

M. Forget: Réglez ça entre vous.

M. Grégoire: On ne remontera pas au déluge.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saint-Laurent, vous voulez reprendre la parole, allez-y.

M. Forget:... je n'ai pas l'intention d'accepter une promesse aux calendes grecgues de livre blanc et d'études pendant des mois. Le problème se pose aujourd'hui, il est simple; le gouvernement n'a qu'à dire: Oui, nous acceptons. Il ne contrevient à absolument aucune règle, à absolument aucun règlement. Je défie qui que ce soit d'en faire la démonstration.

Ceci étant dit, M. le Président, nous ne donnerons pas au gouvernement le plaisir de se dire: Maintenant, on a failli se faire examiner à la commission des comptes publics avec les moyens déficients, tout à fait insatisfaisants que constitue la commission des comptes publics sur certains sujets, pas nécessairement sur tous ceux que nous voulions aborder. Nous n'avons pas l'intention de faire la démonstration que les comptables du gouvernement savent additionner, d'autant plus que, maintenant, ils se servent de machines à calculer. Sur certains sujets, il n'est évidemment pas question qu'on puisse poursuivre décemment un examen sérieux ici. Sur certains autres, il se trouve que, même en sachant additionner, le gouvernement a trouvé le moyen de tromper la population. Je pense qu'on peut en faire la démonstration avec un mandat aussi ridicule que celui que nous avons et avec une procédure aussi cahoteuse que celle que nous avons. Nous allons faire ce bout.

Quant aux autres, nous sommes prêts à accepter, bien sûr, la proposition du gouvernement. On peut tout étudier par ce Parlement, on peut parler pendant des heures sur à peu près n'importe quoi. S'il plaît enfin au gouvernement de penser sérieusement aux règles des commissions parlementaires, demain, en fin de semaine, n'importe quand, je suis à la disposition de nos collègues du gouvernement pour le faire. Dès que des règles seront adoptées, des règles nouvelles et plus fonctionnelles, nous serons également disponibles pour siéger à tout moment, en commission des comptes publics, pour examiner l'ensemble des dépenses publigues. Il n'y a aucune restriction de notre côté. Pour l'instant, avec les règles qui, vous le prétendez, existent et que, dans le fond, nous prétendons ne pas avoir, nous allons entendre le Vérificateur général et nous allons procéder à certains examens qui nous apparaissent particulièrement intéressants.

Il est bien entendu que, si nous acceptons ça, le leader du gouvernement s'est également engagé à faire d'abord siéger la commission de l'Assemblée nationale pour réviser les règlements en question dans les délais les plus brefs, et de faire siéger de nouveau la commission des comptes publics, munie de ses nouveaux pouvoirs et de ses nouvelles procédures, également dans les délais les plus brefs. Est-ce qu'on s'entend? C'est bien ca? Est-ce que, pour le journal des Débats, le leader du gouvernement voudrait

rendre audible sa réponse?

Le Président (M. Bordeleau): On peut enregistrer la réponse du...

M. Charron: Est-ce que vous auriez la bonté de m'accorder de nouveau le droit de parole?

M. Forget: Je l'accorde de nouveau.

Le Président (M. Bordeleau): M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je réitère que c'est mon intention, en priorité, lorsque la commission de l'Assemblée nationale sera chargée du dossier de la réforme parlementaire très prochainement, que cette organisation de la commission des comptes publics, je peux même dire aussi la commission des finances, soit l'objet du tout premier consensus que nous tenterons d'atteindre et de faire ratifier par l'Assemblée nationale, afin que, dès les semaines qui suivent, ces nouvelles règles s'appliquent aux auditions de la commission des comptes publics et à celles des finances.

Choix du rapporteur

M. Forget: M. le Président, ceci étant fait, il y a une autre question préliminaire parce que vous avez, je pense, laissé une porte ouverte, ce dont je vous sais gré. Vous avez dit qu'il était possible et nullement incompatible avec le règlement de l'Assemblée nationale que nous procédions, parmi les membres autres que ceux du parti ministériel, à la nomination d'un rapporteur. Et c'est dans ce sens-là que nous aimerions faire une motion. (14 h 45)

Le Président (M. Bordeleau): Maintenant, avant de faire une motion, M. le député de Saint-Laurent... Un instant, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. de Belleval: II semble oublier notre rapporteur, la députée de Dorion.

M. Forget: Sans notre participation, M. le Président.

M. Grégoire: C'est moi qui ai proposé le rapporteur en présence du député de Saint-Laurent et j'ai proposé Mme Lachapelle.

Le Président (M. Bordeleau): Un instant, s'il vous plaît. Je pense qu'on peut s'entendre là-dessus.

M. Forget: Écoutez, cela s'est fait dans un chahut parce que je n'ai absolument rien entendu.

M. Grégoire: S'il y avait un chahut, c'était du côté de l'Opposition.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le député de Frontenac. Non, je m'excuse, M. le député de Saint-Laurent. De toute façon, pour moi, ce n'est pas nécessairement un problème; il s'agit tout simplement de s'entendre. Je veux juste vous rappeler que ce matin, dans l'ordre de nos travaux au début de la séance, j'ai demandé un rapporteur et on m'a proposé quelqu'un. Je vous avoue que je ne sais pas exactement quel député a proposé quelqu'un; c'est Mme Lachapelle, la députée de Dorion, qui a été proposée. Maintenant, si la commission ensemble décide de modifier le nom ou de nommer un nouveau rapporteur, personnellement, je n'ai pas d'objection.

M. Grégoire: M. le Président, comme proposeur je m'oppose à retirer ma proposition parce que je crois que nous avons un très bon rapporteur dont l'honnêteté et les capacités ne font aucunement défaut. Je demanderais au député de Saint-Laurent de ne pas mettre cela en doute.

M. Forget: Alors, M. le Président, je pense qu'il n'y a pas eu de vote formel là-dessus.

Des voix: Oui.

M. Grégoire: Cela a été à l'unanimité: À l'unanimité!

M. Forget: Ah bien, je regrette, M. le Président, je regrette, notre assentiment n'a pas été demandé. Cela ne peut pas se faire sans qu'on s'en rende compte.

M. Grégoire: Parce que vous parliez avec quelqu'un en arrière, M. le Président, si vous me le permettez, pour régler le problème, vous avez ici la secrétaire de la commission qui prend les notes et qui a dû les prendre. Moi, je me souviens très bien qu'à l'ouverture M. le député de Saint-Laurent était à parler avec quelqu'un en arrière. Mais je sais que mes collègues ont eu connaissance de cette proposition et de ce nom-là, et je vois des collègues du député de Saint-Laurent qui font un signe de tête affirmatif. Ils sont assez honnêtes pour faire un signe de tête affirmatif, je les en félicite.

M. Forget: Le président s'est déplacé d'endroit, M. le Président, je crois.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac, s'il vous plaît. M. le député de Frontenac.

M. Forget: M. le Président, si c'est la

décision irrévocable de nos membres ministériels d'insister sur une telle nomination, j'insisterais à ce moment-ci pour dire que cela s'est fait avec la dissidence des membres de l'Opposition.

M. Grégoire: Ils ont consenti de ce côté-là.

Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, M. le député de Saint-Laurent, à ma connaissance, il n'y a eu aucune dissidence ce matin.

M. Forget: On n'a pas eu de dissidence parce que vous l'avez fait très discrètement,

M. le Président. Il n'y a pas eu de vote; alors, je demande un vote.

M. Grégoire: Vous en avez eu connaissance, vous autres.

M. de Belleval: C'est impossible, le vote a déjà eu lieu, cela a été unanime.

M. Forget: Qui a proposé et qui a secondé la motion, M. le Président?

Le Président (M. Bordeleau): Bien, on peut ressortir les...

M. Forget: Alors, sortez-les!

M. Grégoire: M. le Président, il me semble que la procédure est un peu attaquée ici. J'ai trois collègues libéraux qui sont honnêtes devant moi qui ont eu connaissance de la chose et qui peuvent dire au député de Saint-Laurent que c'est vrai que cela a été fait et qu'il n'y a pas eu d'opposition, aucun mot, quand cela a été proposé. Ils peuvent le dire eux-mêmes, s'ils le veulent, que cela a été fait dans les normes acceptées. Mais le député de Saint-Laurent, je me le rappelle, était à jaser avec quelqu'un en arrière à ce moment-là et je m'en excuse. Qu'il reste attentif aux travaux de la commission et...

M. Forget: Assurez-vous de notre assentiment avant.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, je m'excuse, mais j'ai quand même pris la...

M. Forget: Alors, qui est le proposeur et le secondeur? Comme tout le monde a une si bonne mémoire, on pourra me dire cela.

M. Grégoire: C'est moi qui ai proposé.

Le Président (M. Bordeleau): C'est le député de Frontenac qui a proposé Mme la députée de Dorion et comme il n'y a pas eu...

M. Forget: Est-ce que c'est dans le journal des Débats? On trouvera également dans le journal des Débats, M. le Président, à ce point-ci, si ce n'est ailleurs, que nous protestons formellement contre la façon dont le rapporteur a été choisi et que nous ne pouvons en aucun cas souscrire à cette décision-là. Procédez comme vous voulez maintenant, ce n'est pas notre problème.

M. Grégoire: M. le Président, sur une question de règlement, je voudrais vous rappeler qu'il y a un article du règlement...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire:... - le livre est là-bas -qui dit que, lorsqu'une décision est prise, soit à l'Assemblée nationale, soit à une commission parlementaire, on ne revient pas sur une telle décision qui a été prise. Alors, la décision a été prise et il n'y a pas eu d'objection. Je crois qu'on ne doit pas revenir sur cette décision qui a été prise à l'ouverture des travaux.

Le Président (M. Bordeleau): Non, effectivement, M. le député de Frontenac -et je le dis pour tous les autres députés - on ne reviendra pas sur la décision si les membres à l'unanimité décident de ne pas y revenir. Quant à moi, j'ai fait le tour de la salle et aucun député, à ma connaissance, d'un côté comme de l'autre, ne s'est opposé à la proposition du député de Frontenac. Je considère jusqu'à maintenant que le rapporteur de la commission, c'est Mme Lachapelle, la députée de Dorion. À moins qu'on ne veuille reprendre par une...

Des voix: Non, non, impossible.

Le Président (M. Bordeleau): procédure quelconque, actuellement, c'est cela. Alors, comme il avait été entendu au début de notre séance de ce matin, d'entendre à l'ouverture le Vérificateur général...

M. Pagé: M. le Président, avant que vous procédiez...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Très brièvement, M. le Président. Sur la question du déroulement de nos travaux, avant que... Je suis intervenant.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Portneuf est intervenant.

M. Forget: Dommage.

M. de Belleval: On lui aurait donné la

permission de toute façon!

Télédiffusion des travaux

M. Pagé: M. le Président, comme vous le savez probablement, le comité consultatif sur la télédiffusion des débats, formé du président de l'Assemblée nationale, d'un représentant de la majorité, qui est le whip en chef du gouvernement, et d'un représentant de l'Opposition, dont je suis, s'est réuni il y a de cela dix jours, comme il apparaît au procès-verbal qui est normalement dressé à la fin de ces réunions, rencontre au cours de laquelle j'ai eu l'occasion de déposer formellement au nom de l'Opposition une requête demandant la télédiffusion des travaux de la commission parlementaire chargée d'étudier aujourd'hui le rapport du Vérificateur général. Compte tenu du fait que je n'ai pas eu la chance, ni le privilège, ni la possibilité d'avoir la réponse du président, j'aimerais bien que vous puissiez nous donner la réponse pour et au nom du président, si la décision est prise, avant qu'on commence nos travaux.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous avoue que je n'ai reçu aucune indication à savoir si les débats seraient télévisés ou pas, de sorte que j'ai pris le mandat qui m'était adressé. J'ai décidé d'ouvrir la séance de ce matin. Si vous voulez avoir une réponse expresse du président...

M. Pagé: J'ai eu réponse sur les deux autres demandes qui ont été formulées, mais je n'ai pas eu de réponse sur celle-ci. Je demande s'il y a une réponse qui doit être donnée à ce moment, parce qu'il m'apparaît qu'elle devrait être donnée dans les meilleurs délais avant que, comme parlementaires, nous commencions à interroqer M. le Vérificateur général.

Le Président (M. Bordeleau): II va falloir aller chercher la réponse, parce que je vous avoue que je n'en ai pas. On va suspendre nos travaux pour quelques minutes et on verra, selon la longueur de la réponse. La commission suspend ses travaux pour une dizaine de minutes.

(Suspension de la séance à 14 h 53)

(Reprise de la séance à 15 h 19)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, messieurs!

La commission des finances et des comptes publics reprend ses travaux après cette suspension de quelques minutes.

Pour répondre à la question du député de Portneuf, j'ai fait relever le procès-verbal de deux réunions du comité consultatif sur la radio-télévision des débats. Dans le premier, en date du 26 août, il est dit: Compte tenu que le salon rouge n'est pas prêt - c'est une demande du député Michel Pagé - y aurait-il possibilité de télédiffuser deux commissions parlementaires, soit celle du travail et de la main-d'oeuvre et celle de l'énergie et des ressources, les 29 et 30 septembre et le 1er octobre?

Dans le procès-verbal de la réunion subséquente, soit celle du 9 septembre, à l'élément 2, le président a rendu une décision affirmative afin que les commissions parlementaires du travail et de la main-d'oeuvre et de l'énergie et des ressources soient télédiffusées.

En tout cas, je n'ai trouvé dans les procès-verbaux concernés aucune mention sur la commission parlementaire des comptes publics.

J'ai parlé également au président, par téléphone. Il mentionne qu'à sa connaissance il n'en a pas été question dans les réunions que vous avez eues comme telles. Par contre, il m'a dit: Peut-être que, informellement, comme cela, M. Paqé m'aurait posé une question. À moins que vous ne m'arriviez avec d'autres arguments, M. le député de Portneuf, il semble bien qu'il n'y aurait pas été question que cette commission soit télédiffusée.

D'autre part, le président m'informe également que, physiguement, c'est impossible, étant donné qu'il avait déjà donné son accord pour une autre commission parlementaire et que...

M. Pagé: M. le Président, je m'excuse, vous n'avez pas à donner de motif à l'appui d'une décision négative s'il n'y a pas eu de demande.

Le Président (M. Bordeleau): Non, j'apporte les arguments, en tout cas, je fais simplement vous transmettre ma discussion avec le président.

M. Pagé: On va en avoir une nous autres aussi.

Le Président (M. Bordeleau): C'est simplement pour vous prouver que j'ai bien parlé au président. J'ai n'ai pas d'autre intention cachée. De toute façon, M. le député de Portneuf, je pense que la question de la télédiffusion des débats ne vient pas contrecarrer ou contremander le mandat qui nous a été donné par le leader parlementaire du gouvernement, comme il se doit, pour étudier le rapport du Vérificateur général.

M. Pagé: D'accord.

Le Président (M. Bordeleau): J'en reviens donc à l'étude du rapport du Vérificateur général 1979-1980. Avez-vous

autre chose, M. le député de Portneuf?

M. Pagé: Très brièvement, vous me permettrez de dire, M. le Président, avant de céder la parole à votre distingué visiteur d'aujourd'hui, qu'effectivement vous affirmez, à la lecture d'un procès-verbal consigné à la suite d'une réunion du comité consultatif sur la radio-télévision des débats, qu'il n'y aurait pas eu de demande. Je peux vous affirmer ici qu'il y a eu effectivement une demande qui a été prise en délibéré. Essentiellement, l'objet de la demande, c'était que cette commission soit télédiffusée. C'était un moyen additionnel pour que le gouvernement puisse justifier l'incurie qui le caractérise sur plusieurs des dossiers.

M. Grégoire: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! Sur une question de règlement, M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, vous avez rendu votre décision.

M. Pagé: Mais ce n'est pas une décision.

M. Grégoire: Non. Une minute! Vous avez cité le compte rendu. C'est le président de l'Assemblée nationale qui préside cette commission. On met en doute la véracité du compte rendu. On met en doute la parole du président de l'Assemblée nationale, alors qu'il est absent. Je crois que cela est pour le moins anormal que d'essayer de mettre en doute la parole du président et le compte rendu du procès-verbal, alors que le président de l'Assemblée nationale est absent.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le député de Frontenac. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je terminerai en disant que nous aurons effectivement... J'en étais à dire, avant que le député m'interrompe, que la télédiffusion de cette commission est un moyen tout à fait valable pour permettre au gouvernement de justifier l'incurie qui le caractérise dans plusieurs dossiers.

M. Grégoire: M. le Président, nous sommes encore antiréglementaires et je crois que vous vous en apercevez.

M. Pagé: Je me limiterai donc au procès-verbal tel qu'il a été rédigé, mais une chose est certaine, j'aurai l'occasion, je l'espère, dans les meilleurs délais, d'en discuter avec le président lui-même, en convoquant une réunion du comité dans les plus brefs délais. Vous perdez une bonne occasion.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Portneuf, c'est votre plein droit de demander une autre réunion. Je demanderais aux membres de la commission de revenir à l'objet de notre réunion d'aujourd'hui qui est aux fins d'étudier le rapport du Vérificateur général. Je cède la parole à un des Vérificateurs généraux, soit M. Gérard Larose. S'il vous plaît, M. Larose, après cette attente, il me semble que les membres de la commission sont prêts.

Exposé de M. Gérard Larose

M. Larose (Gérard): M. le Président, madame et MM. les membres de la commission, il me fait tout d'abord plaisir de vous présenter les membres du bureau du Vérificateur général qui sont ici aujourd'hui.

À ma gauche, celui que vous avez désigné pour les dix prochaines années pour agir comme Vérificateur général...

M. de Belleval: Autant que cela?

M. Larose: Oui. M. Rhéal Châtelain. Aussi à ma gauche, M. Roger Couture, Vérificateur général adjoint. Et à ma droite, M. Gilles Chabot, directeur de la vérification au bureau. D'autres membres du bureau viendront aux séances de la commission selon la nécessité des discussions, ce dont vous déciderez.

Les commentaires qui suivent ont été préparés avant le début des séances de la commission et touchent, pour une partie, certains des sujets qui ont été soulevés ce matin et cet après-midi. Ils représentent, de toute façon, les positions que le bureau a toujours maintenues sur ces sujets à l'occasion des rapports qu'il a produits.

Nous sommes très heureux que cette commission siège cette année pour étudier le rapport que nous avons préparé et qui a été déposé le 5 juin dernier. Nous travaillons pour l'Assemblée nationale, en vertu d'un mandat qui nous est confié par la loi, et nous lui faisons rapport du résultat de nos travaux. Nous sommes en fait ceux que vous avez délégués pour examiner et ensuite vous faire rapport sur les documents que le gouvernement doit vous présenter lorsqu'il satisfait à son obligation de vous rendre compte de sa gestion financière.

Il s'impose donc que, pour juger de cette gestion du gouvernement, l'Assemblée étudie le rapport du Vérificateur général, son mandataire en ce domaine. Nous avons, à plusieurs reprises, déploré le fait que notre rapport n'était pas étudié en commission. Nous espérons maintenant que des mesures seront prises pour qu'il le soit, dorénavant, à chaque année.

Nous aurions aussi aimé qu'une préparation plus grande soit apportée aux séances de la commission. Une réunion en sous-comité pour que les sujets à étudier en commission nous soient communiqués pour fins de préparation, pour déterminer le mode de fonctionnement de la commission et les personnes à être convoquées nous aurait parue préférable. Enfin, nous avons tout de même été mis au courant, dans les qrandes lignes, vers la fin de la semaine dernière, des sujets qui seront abordés et cela a contribué à nous aider à nous préparer en conséquence.

Il y a aussi lieu de préciser le rôle que nous croyons devoir jouer devant la commission. Nous croyons de notre devoir de fournir des avis et des renseignements aux membres de la commission, de même que des précisions sur les commentaires que nous avons faits. Ce sont toutefois les représentants du gouvernement qui doivent justifier toutes les situations qui sont commentées au rapport.

Le rapport de vérification pour l'année financière 1979-1980 comprend, en premier lieu, une section de remarques générales portant sur les états financiers du gouvernement et sur la gestion et les contrôles financiers des ministères et entreprises.

En ce qui concerne les états financiers et pour faciliter toute discussion qu'il pourrait y avoir sur ce sujet, il y a lieu de rappeler que les conventions comptables en vertu desquelles les états sont dressés sont préparées et approuvées par le gouvernement. L'opinion que j'ai formulée en tant que Vérificateur général sur ces états financiers comporte d'abord une opinion exprimée en fonction de ces conventions comptables préparées par le gouvernement. Elle se lit comme suit: "À mon avis, ces états financiers présentent fidèlement les données financières de l'année terminée le 31 mars 1980 selon les conventions comptables apparaissant à la page 11 du volume 1 des comptes publics et, à l'exception du changement dans la comptabilisation de la contribution du gouvernement aux régimes de retraite autres que le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics mentionné à la note 1, ces conventions comptables ont été appliquées de la même manière qu'au cours de l'année précédente. "

L'opinion comporte aussi une deuxième partie portant sur les conventions comptables elles-mêmes; elles y sont l'objet de critiques, des recommandations sont formulées pour leur modification ou, encore, d'autres commentaires ont été formulés pour attirer l'attention du lecteur à cause de l'importance des sommes en jeu en certains cas. Les sujets commentés sont les comptes des régimes de retraite, les frais de fonctionnement des commissions scolaires, institutions d'enseignement et établissements de santé et de bien-être, les comptes à payer et les placements dans les entreprises du gouvernement du Québec.

Dans les commentaires généraux sur la gestion et les contrôles financiers, nous sommes revenus sur des questions qui nous tiennent particulièrement à coeur, soit la nécessité de l'étude du rapport en commission parlementaire, la nécessité d'une nouvelle législation accordant des pouvoirs et devoirs plus étendus au Vérificateur général et la nécessité d'améliorer la vérification interne au gouvernement.

En matière de vérification, les autres parties du rapport comprennent des commentaires détaillés sur les comptes et systèmes de contrôle du gouvernement (avec commentaires particuliers sur les différents ministères), des commentaires détaillés sur les comptes et systèmes de contrôle touchant les fonds spéciaux administrés par le gouvernement et sur les comptes et systèmes de contrôle des entreprises du gouvernement. Nous examinerons avec vous les questions qui ont retenu votre attention. (15 h 30)

Nous avons aussi donné au rapport des renseignements généraux sur les activités du bureau. On y constate entre autres choses que le personnel du bureau était de 161 personnes à la fin de 1980; affectées à la direction générale du bureau, 7 personnes; à la vérification, 131; à la pratique professionnelle, 13 et, à l'administration, 10. On y constate aussi que nos dépenses ont été de 3 980 000 $ et que nous attachons une attention toute particulière à la formation et au perfectionnement du personnel du bureau. Voilà donc tout simplement les quelques remarques que j'ai cru devoir porter à votre attention à l'ouverture des travaux de votre commission que je souhaite des plus fructueuses. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Larose. Je pense qu'on avait prévu un mot de M. Châtelain, qui est le nouveau Vérificateur général. M. Châtelain.

Exposé de M. Rhéal Châtelain

M. Châtelain (Rhéal): Merci, M. le Président. Tout d'abord je vous suis reconnaissant de cette occasion de rencontrer des membres de la commission et avec votre permission, en ce début de mandat, je voudrais faire quelques commentaires de nature générale.

Tout d'abord, M. le Président, je désire remercier les membres de l'Assemblée nationale de la confiance qu'ils m'ont témoignée, lors de ma nomination. Je compte me montrer digne de cette confiance et je m'appliquerai à ne jamais oublier que je suis responsable devant l'Assemblée nationale.

Après moins de deux mois depuis que j'ai assumé mes nouvelles fonctions, je suis optimiste quand au rôle que peut jouer le bureau du Vérificateur général, un rôle qui peut toujours être plus constructif envers l'Assemblée nationale. En effet, le Vérificateur général est un agent de l'Assemblée nationale et non seulement il intervient dans le processus d'imputabilité mais il en fait partie. Le gouvernement a l'obligation de rendre compte de son administration à l'Assemblée nationale et l'Assemblée nationale demande au

Vérificateur général de faire rapport sur la qualité de la reddition des comptes dans ce contexte.

Cependant, au Québec, le rôle du Vérificateur général est de quelque peu limité. En effet, sa vérification se limite aux états financiers, à la perception des revenus, des recettes, à la régularité et la conformité des dépenses et des écritures comptables.

M. Larose l'a déjà indiqué dans ses rapports précédents, il faudrait songer à l'adoption de procédés de vérification dans le secteur public qui sont maintenant généralement reconnus. Vu l'ampleur et la complexité croissante des opérations gouvernementales, une intervention du Vérificateur général doit maintenant dépasser le simple cadre d'une vérification financière traditionnelle. Son mandat doit être élargi pour comprendre un examen de la qualité de la gestion administrative et financière incluant des critères d'économie et d'efficience, de même que des procédés d'évaluation de l'efficacité des programmes.

Ce genre de vérification est décrit communément maintenant comme vérification intégrée. En plus de la vérification financière, elle vise à déterminer si on s'est soucié de l'optimisation des ressources. Elle identifie les faiblesses de système, non seulement les erreurs ou les manquements isolés, elle s'attaque aux causes plutôt qu'aux symptômes des déficiences. Lorsqu'on considère un budget de 20 000 000 000 $, M. le Président, je crois que l'on doit déterminer si les contribuables en ont pour leur argent dans la gestion des contrôles des ressources publiques. Donc, la portée de la vérification doit dépasser, comme je le disais tantôt, le simple cadre de la vérification financière traditionnelle.

Je me permets donc d'applaudir le geste qui a été posé récemment par le gouvernement, le geste par lequel il a approuvé une nouvelle politique de vérification interne dans les ministères. Cette vérification sera dorénavant intégrée, elle comprendra des éléments d'économie, d'efficience et d'efficacité. Suite à cette initiative, il faudrait s'attendre à ce que l'Assemblée nationale elle-même ne soit pas moins bien servie par son agent, le Vérificateur général, et que son mandat soit aussi élargi dans cette même veine, bien qu'il faut s'assurer que le Vérificateur général reste à l'écart du bien-fondé des programmes ou des politiques qui les appuient. Ces préoccupations ne sont pas ou ne doivent pas être de son domaine.

Comme M. Larose l'a également indigué, je me réjouis de la convocation de cette commission. À moins que cette commission ne siège, les constations et les recommandations consignées au rapport du Vérificateur général risquent, du moins en partie, de rester lettre morte. L'étude de celles-ci en commission fournira une incitation additionnelle à la mise en oeuvre de mesures correctives, là où cela s'impose. Il y a quelques semaines, j'ai fait parvenir à tous les députés un rapport de la Fondation canadienne pour la vérification intégrée, rapport auquel on a fait allusion ce matin. Ce rapport contient les résultats d'une étude sur les rôles des commissions des comptes publics et des vérificateurs législatifs au Canada. Le bureau du Vérificateur général du Québec participe aux travaux de cette fondation, il en est membre d'ailleurs, et il subventionne en partie ses opérations. Le titre du rapport est Les commissions des comptes publics et les vérificateurs législatifs, une plus grande imputabilité.

Ce rapport reflète la situation qui prévaut actuellement dans les onze gouvernements au Canada au niveau fédéral et provincial. Il contient 69 recommandations visant l'amélioration du fonctionnement du processus d'imputabilité. Les auteurs ont procédé à des consultations auprès de parlementaires membres des commissions des comptes publics, auprès des vérificateurs législatifs et auprès de plusieurs hauts fonctionnaires dans la plupart de ces gouvernements. Le rapport, d'ailleurs, a fait l'objet de discussions au mois de juillet dernier, lors de deux congrès qui ont été tenus simultanément au Nouveau-Brunswick, congrès qui groupaient les présidents des commissions des comptes publics et les vérificateurs législatifs des onze mêmes gouvernements. À ce congrès, l'Assemblée nationale du Québec était représentée par le président de cette commission.

Bien que je constate et déplore la piètre qualité de la version française de ce document - c'est une traduction - je profite de l'occasion pour indiquer ouvertement devant cette commission que j'endosse sans réserve l'ensemble des recommandations de ce rapport ayant trait au rôle du Vérificateur général. Je dis cela sans présumer que le gouvernement s'oppose à de telles recommandations. Quoiqu'il en soit, si on veut améliorer l'efficacité du bureau du Vérificateur général, à mon humble avis, la recette est là. En ce début de mandat, je crois qu'il était opportun de faire connaître mes vues à ce sujet et je vous remercie de

m'en avoir donné l'occasion.

Enfin, je répète que nous sommes à votre entière disposition, à l'entière disposition de cette commission et de l'Assemblée nationale. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Châtelain. Pour les commentaires d'ordre général ou autres, M. Parizeau, député de L'Assomption. Non? M. le député de Saint-Laurent?

Questions

M. Forget: J'aurai quelques questions, mais je pense que mes collègues en auront aussi sur l'exposé général. Très brièvement, il serait peut-être approprié de préfacer ma première question en disant que ce n'est pas un témoin comme les autres que nous avons devant nous ici cet après-midi. En effet, M. Larose ou M. Châtelain, ou les deux, enfin, le Vérificateur général, puisque collectivement, avec leurs collaborateurs, ils représentent cette seule fonction de Vérificateur général, ne sont pas des étrangers dans cette enceinte. Ce ne sont pas des gens qui viennent de l'extérieur du Parlement nous entretenir de leurs problèmes à eux; ce sont les gens en qui et la fonction dans laquelle l'Assemblée nationale, collectivement, par un vote des deux tiers, a placé sa confiance pour examiner l'administration financière du gouvernement et nous en donner - quoique, à l'heure actuelle, de façon limitée, limitée au concept traditionnel de vérification comptable - un tableau ou porter sur elle un jugement. C'est en quelque sorte nos propres mandataires qui rendent compte du mandat que l'Assemblée nationale leur a confié.

Dans les observations qu'ils vont nous faire, ils vont dans le fond nous suggérer des questions par leurs commentaires; ils vont nous indiquer des avenues de recherche et d'examen et, dans le fond, leur rôle et le rôle que le ministre des Finances joue dans notre sein sont, ne serait-ce que par la disposition physique de cette salle, complètement à l'inverse de celui qu'il semble suggérer par la façon dont les gens sont assis à la table.

Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que le Vérificateur général devrait dans le fond être avec nous de ce côté-ci et, pour ce qui est du contenu de ses recommandations, le ministre des Finances devrait être à la table des témoins, puisque c'est son administration que nous examinons, ce n'est pas comme tel le rapport du Vérificateur général.

Nous prenons connaissance du rapport du Vérificateur général, qui va nous parler de l'administration du ministre des Finances. Le véritable témoin devant cette commission, c'est le ministre des Finances avec ses fonctionnaires, et le Vérificateur général, au contraire, non pas sur le plan du statut, puisqu'il n'est pas député, mais sur le plan de sa fonction ici, est parmi nous, il est un de nous; il est notre prolongement comme membres de l'Assemblée nationale et comme parlementaires.

Je crois qu'il est bien important de saisir cette relation, parce que, autrement, ceux qui ne sont peut-être pas familiers avec les travaux d'une commission parlementaire seraient portés à croire qu'on examine le Vérificateur général; pas du tout, on va s'aider du rapport du Vérificateur général pour examiner la gestion du ministre des Finances. La relation est tout à fait inverse de celle suggérée par la disposition des sièges.

M. de Belleval: Elle n'est donc pas non partisane, comme vous le disiez ce matin.

M. Forget: Oui, non partisane. M. le Président, en effet, puisqu'on le souligne à nouveau, cela me fait plaisir que le député de Charlesbourg fasse allusion à cette question de façon non partisane et c'est la raison pour laquelle nous souhaiterions, plutôt que d'interroger le ministre des Finances sur sa gestion financière, avoir l'occasion d'interroqer les gestionnaires, ceux qui sont responsables de la gestion quotidienne des programmes gouvernementaux qui font le manaqement. Je pense que le ministre des Finances a d'autres chats à fouetter que d'assurer le management de son ministère et, à plus forte raison, de l'ensemble du gouvernement. Il n'est responsable que des grandes politiques, qui ne sont pas en question ici.

Mais, ceci étant dit, j'aimerais demander au Vérificateur général, à l'un ou à l'autre, mais peut-être plutôt à M. Châtelain, parce que c'est lui qui s'est directement adressé à ces questions... Il a dit qu'il souscrivait totalement aux recommandations de ce comité auquel à la fois lui et moi avons fait allusion durant la journée relativement aux fonctions du Vérificateur général. Nous avons des collègues ici qui vont vouloir pousser un peu plus loin cette question, mais, évidemment, il y a la première partie de ce rapport qui traite des fonctions de notre commission et, comme le travail du vérificateur, c'est le but de mon préambule, l'amène à une collaboration étroite avec la commission des comptes publics, j'aimerais qu'il nous dise si, de façon générale ou peut-être avec les exceptions qu'il veut souligner, les parties de ce rapport d'expert relatif à la commission des comptes publics plutôt qu'au rôle du Vérificateur général lui semblent appropriées et devoir être retenues dans nos travaux.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Châtelain.

M. Châtelain: M. le Président, je crois qu'il est difficile pour un agent de l'Assemblée nationale de se prononcer sur un tel aspect. Évidemment, il s'agit du fonctionnement de l'Assemblée nationale et de ses commissions ou encore du rôle qu'une de ses commissions doit jouer.

Toutefois, je dois quand même faire part que je suis en accord avec les objectifs recherchés par les recommandations avancées dans ce rapport dans le contexte qu'il faut que le rapport du Vérificateur général ne reste pas, comme je le disais tantôt, lettre morte. Qu'on lui donne suite, qu'on étudie les recommandations avancées par le Vérificateur général, que l'on demande au gouvernement de rendre compte de son administration, eu égard au contenu du rapport, tant mieux, si on peut apporter des correctifs dans l'administration. C'est dans ce contexte, M. le Président, je crois, que je dois limiter mes commentaires, c'est-à-dire que je suis en accord avec les objectifs de ces recommandations; cependant, je ne crois pas qu'il me revienne à moi de me prononcer sur les modalités. Les modalités relèvent de l'Assemblée nationale à ce moment-là, lorsqu'il s'agit de considérer le rôle d'une de ses commissions. (15 h 45)

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Ce sera ma dernière question, M. le Président. Je ne veux pas embarrasser M. Châtelain indûment. Je comprends qu'il veut respecter la loi des genres et je suis tout à fait d'accord avec lui, mais je pense que ce qu'il est important, indépendamment des procédures et des modalités, de bien comprendre, lorsque l'on parle des objectifs, c'est qu'on parle des objectifs tels qu'ils sont énumérés - ce qui a fait l'objet de ma première motion - dans la première recommandation également de ce comité. La commission des comptes publics doit avoir un mandat qui est au moins aussi étendu que le mandat que vous recherchez pour le vérificateur lui-même. Loin de se limiter aux questions de comptabilité, savoir si les sommes sont bien calculées, savoir si les conventions comptables sont respectées, se poser des questions sur l'économie et l'efficience dans l'existence d'un système de management approprié aux tâches qu'on veut accomplir dans la fonction publique, toutes ces questions qui dépassent de loin le mandat traditionnel de la comptabilité publique doivent également faire partie des travaux de la commission. C'est cela que vous entendez par les objectifs, j'imagine?

M. Châtelain: Ma réponse est oui, M. le Président.

M. Forget: Je vous remercie. Personnellement, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Bordeleau): D'autres questions? M. le député de Westmount.

M. French: Je voudrais, par votre entremise, M. le Président, m'adresser aussi au nouveau Vérificateur général. On était, de notre côté, extrêmement contents d'appuyer sa nomination, entre autres, parce qu'il avait une expérience très pertinente au niveau fédéral et c'est à cette expérience que je voudrais faire référence aujourd'hui.

Selon mon expérience, lorsqu'on identifie un problème dans le secteur public ou une réforme nécessaire, il y a une chose qui advient presque inévitablement, c'est le gonflement de ressources et de personnes chargées de cette réforme. Donc, si on ne réussit pas dans notre attague du problème en question, on réussit sûrement à hausser le nombre, le profil, la rémunération, les voyages et la consultation de ceux qui s'occupent de ce problème.

Parce que vous avez eu de l'expérience au niveau fédéral, parce que vous avez endossé ce qu'on peut appeler maintenant presque la catéchèse Macdonell en matière de vérification publique, je vous pose une question qui est en même temps une constatation de ma propre optique là-dessus. Est-ce qu'on peut s'attendre que vous contrôliez un peu mieux qu'à Ottawa la croissance du bureau du Vérificateur général du Québec? Depuis quatre ou cinq ans, il est remarguable que les plus grands consommateurs de postes supérieurs à haute rémunération, dans la bureaucratie fédérale, sont au bureau du Vérificateur général et sa succursale, l'Office du contrôleur général.

En disant cela, je dois vous dire tout de suite que je ne veux pas vous viser personnellement, en aucune espèce de façon, parce que je parle de l'avenir. À moins que vous ne soyez pas d'accord avec moi sur les faits, c'est une chose qu'on peut discuter. Mais je veux vous inviter, respectueusement, à confiner vos commentaires à la situation québécoise et à vos projets pour cette situation. En le faisant, je le répète, je ne vous invite pas implicitement à endosser mes commentaires, mais tout simplement à nous faire part de vos projets pour votre bureau ici.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Châtelain.

M. Châtelain: M. le Président, tout d'abord, si je dois discuter de mes projets pour le bureau, je dois dire que je dois m'en tenir dans le moment au mandat que le bureau détient actuellement.

M. French: D'accord. C'est toujours dans l'hypothèse où vos souhaits au sujet d'une réforme des responsabilités de votre bureau seraient réalisés.

M. Châtelain: D'accord. Pour commencer, peut-être un mot quant à la situation à Ottawa. On s'est référé tantôt au catéchisme Macdonell. Je pense bien que le catéchisme Macdonell a été adopté par la grande partie des vérificateurs législatifs, non seulement au Canada, mais dans la grande partie des pays industrialisés. Il faudrait peut-être identifier le catéchisme de Macdonell parce que c'est lui qui a répandu cette nouvelle approche au Canada.

D'autre part, il faut reconnaître qu'il s'agit de l'élargissement d'un mandat. On doit faire appel à des spécialités, on doit faire appel à des spécialistes. Évidemment, on doit faire beaucoup plus de recherches dans ce genre de travail. On ne peut pas obtenir ces spécialistes à bon marché, je le reconnais. Cependant - il faut peut-être se poser la question - est-ce que, en 1981, le bureau du Vérificateur général est réellement efficace lorsqu'il effectue une vérification tout à fait traditionnelle, une vérification financière ou, encore, lors de périodes de compressions budgétaires, est-ce qu'on ne doit pas se pencher plutôt sur la qualité de l'administration elle-même, de l'administration financière, de la gestion administrative?

C'est vrai qu'il y a eu une augmentation à Ottawa dans les effectifs et dans le budget du bureau du Vérificateur général. Ce n'est pas ma fonction ici de défendre ce qui s'est passé là-bas mais si on regarde le budget du bureau à Ottawa, comparativement au budget total du gouvernement, on réalise qu'on n'y consacre que 1/20 % du budget global aux fins de ce genre de vérification. Dans l'intérêt des contribuables, lorsqu'on veut déterminer si ceux-ci en ont pour leur argent, je précise, dans la gestion administrative et financière des dépenses publiques, le prix n'est pas tellement élevé.

Si je reviens à la situation actuelle, au bureau du vérificateur, si je constate les effectifs qu'il y a en place et le budget qui lui est alloué, il faudra, à l'intérieur d'un nouveau mandat, prévoir des augmentations à ces effectifs et à ce budget. Il faudra également faire appel au secteur public pour venir nous aider à réaliser un tel mandat. Nous n'avons pas ces spécialistes chez nous dans le moment et il faudrait entraîner notre personnel et, également, faire appel au secteur privé dans ce domaine.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va. M. le député de Westmount.

M. French: II me semble qu'il y a des raisons pour lesquelles il y a eu une telle croissance au niveau fédéral. Il y a une espèce de dogme dans la vérification intégrée qui veut que tout programme soit susceptible d'être évalué d'une façon systématique, objective et presque scientifique. Cette hypothèse de base représente un défi énorme dans la plupart des programmes publics qui ont des objectifs ou des buts multiples souvent en conflit l'un envers l'autre avec une espèce de output ou de produit extrêmement difficile à mesurer d'une façon objective.

Si on veut attaquer tous ces problèmes systématiquement dans un mandat de cinq ans - d'une façon cyclique, je l'avoue, les uns après les autres, mais quand même d'après le dogme - ils sont tous susceptibles d'être évalués. C'est nécessaire de le faire. Il me semble que c'est inévitable qu'on verra les genres de coûts qui sont actuellement constatés à Ottawa.

Voici ma deuxième question. Pouvez-vous nous parler de votre réaction à cette observation et de votre philosophie quant à l'évaluation des mesures en place, toujours pour évaluer si on en a pour son argent.

M. Châtelain: M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Châtelain.

M. Châtelain: Dans ce domaine, je crois qu'on parle d'évaluation à trois niveaux. On peut évaluer des programmes en vertu de critères d'économie, d'efficience et d'efficacité. Je reconnais immédiatement qu'au point de vue de l'efficacité, c'est-à-dire au point de vue de l'atteinte des objectifs des programmes, ce n'est pas possible, dans beaucoup de cas, ce n'est pas possible d'évaluer les programmes, c'est-à-dire que la science n'a pas progressé à ce point que cela rende ce genre d'évaluation possible.

Au point de vue de l'efficience, je dirais qu'une bonne partie ou la plupart des programmes peuvent être évalués, mais, au point de vue de l'économie, presque toutes les opérations peuvent être évaluées. Alors, nous reconnaissons d'emblée ce que vous avez avancé.

M. French: C'était surtout ce troisième volet très épineux de l'efficacité et de l'évaluation qui relevait de vous de voir à ce que les ministères aient en place les capacités de faire leur propre évaluation. Si j'ai bien compris, c'est en dehors de votre mandat de faire l'évaluation parce que c'est la responsabilité du gouvernement, de l'Assemblée nationale, mais non pas la responsabilité du vérificateur. Mais, quand même, s'il y a une insistance de la part du vérificateur, parce qu'on l'a vu à Ottawa,

pour que tout programme soit inévitablement évaluable d'une façon scientifique, etc., cela entraîne un certain nombre de coûts pour le bureau du Vérificateur général, mais aussi et surtout pour l'Exécutif lui-même. J'étais très soulagé d'entendre que vous étiez plutôt sceptique - je ne veux pas vous mettre les mots à la bouche - à l'égard de cette hypothèse.

Une dernière question, M. le Président. Un des accomplissements du Vérificateur général du Canada, c'était l'établissement ou la pression sur le gouvernement en vue d'établir, une démarche qui a réussi, un office du contrôleur général pour que l'Exécutif lui-même soit doté de ses propres experts, de sa propre expertise dans le domaine. Encore une fois, avoir un peu la défensive: Vous avez vos experts, il faut que nous ayons nos experts, et cela se multiplie et les experts s'amusent. Je me demande si vous voyez la nécessité d'une telle réforme sur la scène québécoise.

M. Châtelain: M. le Président, je crois qu'il est bien trop tôt pour moi pour même tenter de répondre à cette question avant que nous procédions à des études à l'échelle gouvernementale de tout le domaine de la gestion ou, si vous voulez, du contrôle et de la gestion financière, c'est-à-dire en tant que système. Mais, quand même, en, réponse à une partie de la question qui a été soulevée, dans l'élaboration de nos mandats ou de nos programmes de vérification, évidemment, on cherche à ne pas faire double emploi à ce qui est déjà fait dans les ministères. J'y ai fait allusion tantôt, c'est-à-dire que je me suis référé à la nouvelle politique du gouvernement qui veut que la vérification interne soit dorénavant intégrée. Alors, comme je l'ai dit, nous nous réjouissons de ce geste du gouvernement. Ce qui veut dire que, en déterminant l'étendue de notre vérification, nous tiendrons compte du fait que ce genre de vérification ou ces vérifications sont déjà effectuées à l'intérieur du ministère et, par le fait même, nous restreindrons nos recherches où si vous voulez, nos enquêtes.

Quant à la nécessité d'avoir un contrôleur général, ici au Québec, évidemment, c'est une autre chose qu'il faut étudier dans un autre contexte. Il y a la loi actuelle où il y a déjà un contrôleur des finances et ainsi de suite.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, cela va...

M. Forget: M. le Président, avant que l'on quitte cette section, ce sera la seule occasion que nous aurons de le faire, il y a, je pense, une chose très importante qui a été dite; même si elle a été dite avec énormément de mesure et de tact par le

Vérificateur général, cela ne diminue en rien son importance. Il a dit: Notre rôle devrait s'ajuster sur le rôle des vérificateurs publics; il a dit non seulement au Canada, mais dans tous les pays industrialisés. Il y a une pratique qui s'est généralisée et que nous ne suivons pas. C'est une question de changement de la loi du vérificateur ou certainement une question de majoration de ses budqets. Je ne suis pas persuadé que la loi lui interdise de le faire, mais c'est certain que, s'il n'a pas l'argent pour le faire, que la loi dise ce que l'on voudra, il ne pourra pas le faire.

Il y a donc là, et je déduis des propos qui ont été tenus que, si on veut faire une vérification intégrée pour vérifier au point de vue de l'économie, de l'efficience et de l'efficacité, quand c'est possible et avec les nuances qu'on vient d'indiquer, les programmes qui sont les programmes de services publics et de dépenses publiques, c'est qu'on espère qu'on va dépenser moins au total pour faire la vérification qu'on en retirera sous forme de rendement accru ou de dépenses moins grandes.

Donc, il m'apparaît qu'à ce moment-ci, parce qu'on va quitter le sujet pour entrer dans des problèmes particuliers, le silence du ministre des Finances me paraît éloquent. (16 heures)

M. Parizeau: J'ai demandé la parole.

M. Forget: II a demandé la parole! J'en suis fort aise, et j'espère qu'il nous donnera une réponse.

Le Président (M. Bordeleau): Même, M. le député de Saint-Laurent, je peux vous mentionner qu'il l'avait demandée avant vous, mais disons que...

M. Forget: Je m'excuse! Vous avez un système de signalisation avec l'autre côté qui est d'une efficacité troublante. On ne voit jamais les signaux, mais on voit que vous les percevez très bien.

M. Parizeau: Ce n'est pas efficace, puisque je passe après.

M. Forget: II vous avait vu.

Le Président (M. Bordeleau): C'est plutôt la preuve du contraire.

M. Forget: Parfois, cela l'est dangereusement.

Le Président (M. Bordeleau): Avez-vous terminé, M. le député de Saint-Laurent? Je donne la parole au député de L'Assomption.

M. Forget: Oui, j'ai terminé. Je ne voudrais pas que vous soyez impatient avec moi, M. le Président. Je collabore.

Le Président (M. Bordeleau): Non, pas du tout. Cela va très bien.

M. le député de L'Assomption.

M. Parizeau: M. le Président, puisque nous avons la chance d'avoir un nouveau Vérificateur général qui arrive tout frais d'Ottawa, j'aimerais être en mesure de discuter avec lui d'un certain nombre de leçons qu'on peut tirer d'Ottawa, un peu dans le même sens, mais en le prolongeant, que ce que disait le député de Westmount, parce que nous sommes un peu dans la phase d'angélisme. Seulement, comme on l'a dit, il y a des gouvernements, des commissions, des vérificateurs qui ont fait cela avant nous, les mandats dont on parle. Un des problèmes majeurs, si je comprends bien - je demanderai les commentaires de M. Châtelain là-dessus - qu'il y a de passer de la vérification traditionnelle à l'examen de l'efficacité des programmes, c'est que, disent les gens mal intentionnés, ceux qui n'aiment pas les élargissements de mandat, cela amène à remettre en cause les objectifs, tôt ou tard, ou inévitablement. J'espère même pouvoir en donner un exemple dans le rapport du vérificateur de 1979-1980, mais on verra cela après. C'est-à-dire que lorsqu'on examine l'efficacité d'un programme, si on trouve qu'il coûte bien cher ou qu'il donne lieu trop facilement à du gaspillage ou à des abus par le public, il est presgue inévitable, la nature humaine étant ce qu'elle est, de dire: Peut-être que l'objectif ne devrait pas exister. Il ne faut pas s'en formaliser. On ne peut pas empêcher des gens intelligents d'avoir des conclusions intelligentes, sauf que la détermination des objectifs, les programmes, c'est normalement une décision de l'Exécutif. Si les programmes ne sont pas bons ou s'ils ne correspondent pas aux besoins des gens, il y a un jugement qui s'appelle les élections. Si je comprends bien, si je ne me trompe pas, à Ottawa, on a vécu cette ambiguïté pendant quelques années et on en a vu les conséquences en termes de décibels. Pendant quelques années, sauf erreur, le Vérificateur général du Canada et le premier ministre du Canada, n'ayant pas vraiment de moyens de communiquer l'un avec l'autre, et le second accusant le premier de juger ses objectifs, il y a eu un certain nombre, si on me passe l'expression, d'engueulades monumentales.

Je ne sais pas, mais j'aimerais le savoir, si on juge que cet épisode, qui découle très nettement de l'application peut-être un peu prématurée de la vérification intégrée, aura été vraiment dans l'intérêt public.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Châtelain.

M. Châtelain: M. le Président, je dois préciser tout de suite que dans mon expérience à Ottawa je ne me souviens pas que le bureau du Vérificateur général lui-même ait contesté les objectifs. Jamais. C'est clair. Deuxièmement, ce n'est pas le rôle du Vérificateur général à Ottawa, pas plus que le rôle que je prône ici, de faire l'évaluation des programmes ou encore de contester les objectifs des programmes, des politiques qui appuient ces programmes. Ce n'est pas son rôle. Son rôle, dans la pratique qui est suivie à Ottawa et dans ce que je prône ici, c'est-à-dire non seulement dans ce que je prône, mais dans ce qui est recommandé dans ce rapport, c'est que le Vérificateur général examine si, dans un contexte de rendre compte, il se fait à l'intérieur des ministères des évaluations de l'efficacité des programmes, c'est-à-dire concernant l'atteinte des objectifs, là où c'est possible de le faire, là où c'est possible et raisonnable de le faire. Est-ce que c'est fait? Il ne relève pas du tout du mandat du Vérificateur général de contester les objectifs, de les fixer ou quoi que ce soit.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de L'Assomption.

M. Parizeau: Je vois que ce n'est pas facile de remonter quelques années en arrière. L'impression que j'ai dégagée... J'entends quelqu'un à ma droite dire: Tout le monde ne peut pas être historien. C'est de l'histoire très récente. On dit que la mémoire est une faculté qui oublie.

M. de Belleval: À ce niveau-là, c'est presque du journalisme.

M. Parizeau: Oui, c'est presque du journalisme.

La raison pour laquelle je posais la question, c'est que tout en reconnaissant qu'il y a à l'heure actuelle une pression considérable pour introduire dans la vérification un certain nombre de choses qui découlent de ce qu'on appelait autrefois l'analyse coûts-bénéfices, dans les modes de vérification, il faut reconnaître que cela peut être très ambigu de définir, très difficile d'isoler l'analyse de l'efficacité d'un programme et le programme lui-même, pour les raisons que je donnais tout à l'heure. Il y a des programmes qui peuvent, par exemple, être socialement excellents, mais entraîner cependant des abus considérables. Au fond, ce sera toujours un des problèmes majeurs d'un gouvernement que d'avoir à trancher entre: Est-ce que, pour réaliser le programme, j'accepte ces abus ou si, parce que ces abus deviennent vraiment trop choquants, je supprime le programme? Dire qu'on peut simplement examiner l'efficacité sans en arriver à une conclusion, cela me paraît peut-être plus illusoire qu'on ne

pense.

Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais qu'on examine ce principe - je ne sais pas si on en est rendu là - en commençant par le compte des régimes de retraite, l'élément 1, page 3, qui, je crois, est la première des choses que nous avons à examiner, lorsque nous abordons le rapport 1979-1980, sauf erreur.

Le Président (M. Bordeleau): À moins qu'on ne me signale qu'il y a d'autres commentaires d'ordre général, on pourrait entreprendre...

M. Forget: M. le Président, un commentaire très bref qui...

Le Président (M. Bordeleau): D'accord, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget:... découle des remarques du ministre des Finances. Je suis tout à fait d'accord avec tout le monde, dans le fond. Ce n'est rien de nouveau que de dire qu'il est très difficile de porter un jugement absolument objectif sur un programme, compte tenu qu'il y a parfois plusieurs objectifs qui sont visés par un même programme, objectif social et objectif de réallocation de ressources qui sont en partie complémentaires et en partie contradictoires dans certaines situations concrètes auxquelles on peut penser. C'est tout à fait vrai.

Le Vérificateur général nous a dit d'ailleurs que, sur le plan de l'efficacité, il ne prétendait pas, même si son mandat était élargi, porter des jugements de valeur en quelque sorte en disant: Tel programme vaut plus qu'il ne coûte ou vaut moins qu'il ne coûte. Il nous a dit qu'il s'intéressait, de ce côté-là, dans la plupart des cas - je pense qu'il ne fait que refléter ce que tout le monde connaît dans ce domaine - qu'il y a toujours place pour des jugements politiques, des jugements électoraux, des jugements personnels sur cette question, mais que tous ces jugements ont une chose en commun: ils supposent que l'on sache quels sont les effets sur la distribution des revenus ou que l'on sache les effets sur tel ou tel objectif visé de tel ou tel programme. À moins que les ministères qui administrent ces programmes ne prennent soin de mesurer ces effets, d'essayer de les détecter de manière systématique pour pouvoir faire rapport ne serait-ce qu'à leur ministre qu'ils sont en train de réussir ou qu'ils sont en train d'échouer, alors qu'il est évidemment impossible de poser des jugements intelligents, on peut bien sûr poser des jugements électoraux ou personnels, mais ce sont des jugements basés sur des impressions. Ce qui nous intéressait comme parlementaires, ce n'est pas de confier au Vérificateur général le soin de poser ces jugements à notre place, mais qu'il nous dise si le ministère, qui administre le programme Untel, a pris soin de vérifier qu'il avait une indication systématique des effets de ses efforts et de ses dépenses.

On m'informait, à travers les branches comme on dit, récemment, qu'un des ministères - je crois que c'est la Direction du tourisme du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme - avait tenté de mettre sur pied des indicateurs de performance de ses programmes de stimulation à l'industrie touristique. On lui a dit: Non, surtout ne touchez pas à cela. Et aux fonctionnaires à qui on avait confié ce travail, selon mon information - est-elle fausse, est-elle vraie, je n'en sais rien; d'où l'intérêt d'avoir quelqu'un qui est chargé par nous de vérifier si c'est faux ou si c'est vrai - on a dit: Non, surtout ne nous causez pas d'embêtements en allant mesurer si ce que l'on peut faire, on le fait effectivement ou si on n'y touche pas du tout en ayant l'air d'y toucher.

C'est, quand même, inquiétant, M. le Président, parce qu'on a tous très facilement à l'esprit - à plus forte raison si on a déjà été à l'intérieur de la fonction publique, comme c'est le cas de votre humble serviteur - des exemples de ces politiques instaurées avec les meilleures intentions du monde qui n'ont, d'ailleurs, que cela pour toute justification, parce que jamais personne ne s'est donné la peine, y compris le ministère qui les administre, de dire: On va essayer de mesurer systématiquement si ce qu'on essaie de le faire, on le fait ou pas.

En termes très peu sophistiqués, c'est un peu ce que l'on essaie de déterminer. On n'est pas tellement intéressé, parce qu'on sait que cela se fait de toute façon, à savoir qu'il y a 25 000 $ ou 250 000 $ dépensés en salaires ou en fournitures pour tel ou tel programme. On s'imagine que les papiers sont ranqés dans les bons classeurs. À l'occasion, ce n'est pas le cas, mais en général c'est le cas. On est intéressé à savoir si ce montant de 250 000 $ nous a acheté quelque chose de valable ou pas. Et si oui, à peu près combien. Cela peut être en termes de distribution de revenus à des pauvres. On veut savoir, justement, si c'est à des pauvres ou à des riches que cela a été donné.

Il est possible, je pense, dans presque tous les cas, d'avoir des indications à peu près fiables pour nous aider, après coup, à porter des jugements. S'il y a des gens qui n'aiment pas la redistribution des revenus ou qui n'aiment pas aider les pauvres, ils le diront, mais ils le diront sur la base d'une information. Et c'est cette information qui n'est pas toujours présente. Je ne dis pas qu'elle l'est jamais; elle l'est trop rarement. Nous aurions intérêt à ce que le vérificateur s'assure auprès des ministères qu'ils ont ce

souci de rigueur non seulement dans la comptabilité purement financière, mais aussi dans l'évaluation aussi systématique que possible, parce qu'elle ne l'est pas toujours, du fruit de leurs efforts.

Je pense qu'il est à peu près inimaqinable de prétendre que cette information, il serait, d'une certaine façon, déplacé d'aller la chercher systématiquement. Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue qui disait: II y a peut-être une hypothèse - on peut la trouver toujours - qui nous amènerait à exagérer de ce côté-là. Je suis tout à fait d'accord: il ne faut pas se lancer là-dedans comme dans une panacée. Il y a eu, dans le monde de la budgétisation par programmes et autres, énormément de panacées qui devaient régler tous nos problèmes et qui, à mon avis, en ont créé un bon nombre et en ont réglé très peu.

Il reste qu'il y a eu des progrès qui ont été faits. Mais ce progrès que recherche le Vérificateur général, je pense qu'il comporte un élément substantiel très significatif. Mon Dieu, serions-nous si sages, M. le Président, en cela seulement peut-être d'ailleurs, que ce qui semble devenir une pratique commune auprès de gens qui, j'imagine, sont au moins aussi raisonnables et sensés que la plupart d'entre nous, serait pour le Québec seul une chose qui n'est pas appropriée? Je veux bien que nous vivions encore dans une province qui avait jadis le plus beau système d'éducation au monde, avant qu'on le remplace par un autre qui a les mêmes vertus, présumément, mais il demeure que ce qui tombe sous le sens commun de la plupart des Parlements, de la plupart des vérificateurs, avec des ajustements quant à la quantité de ressources qu'on peut vouloir y consacrer à un moment donné, à la façon dont on peut choisir d'exercer ces mandats, j'en suis, mais je crois que c'est rendre un bien mauvais service à nos concitoyens que de mettre en doute la nécessité de systématiquement s'interroger sur l'effet de nos programmes gouvernementaux, parce que c'est de cela qu'il s'agit. Il ne s'agit pas d'autre chose, dans le fond.

Il y a des limites, il y a des dangers d'être mal compris, que ce soit utilisé pour des fins que l'on n'aimerait pas, mais il demeure que, sans informations de ce genre, les choix dans le secteur public ne peuvent pas être des choix éclairés, ne peuvent pas être des bons choix. Même dans une atmosphère de coupures budgétaires, je pense qu'il est tout à fait légitime de se poser la question: Quels sont les programmes où nous obtenons vraiment, de façon très évidente pour notre argent et quels sont ceux où, au moins, on est en droit de se poser des questions? On a le sentiment que c'est très bon mais, qu'on s'y prenne par alpha ou par omega, il n'y a jamais personne qui a été capable de le démontrer. Cela commence déjà à allumer un certain nombre de lumières.

(16 h 15)

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Puisqu'on en reste à ces considérations d'ordre général, avant d'entrer dans le rapport de 1979-1980, je voudrais prolonger ce que vient de dire le député de Saint-Laurent.

Quant à la nécessité, autant qu'il est possible, d'examiner, à la fois, la façon dont on fait les choses et les conséquences qu'elles ont, ça me paraît plaider pour le bon sens. On ne peut pas administrer correctement si on ne fait pas ça. Il faut que ce type d'information circule, ne circule pas seulement dans les gouvernements mais circule à l'extérieur des gouvernements autant qu'il est possible; autrement on ne peut pas administrer correctement. Ce n'est pas sur le fond. Avant de s'engager dans la définition de mandats, je plaide simplement pour qu'on évite de satisfaire aux modes, sans regarder le fond, sans regarder les conséquences. Si on veut examiner les conséquences d'un programme, on pourrait peut-être aussi examiner les conséquences des mandats qu'on donne avant de les donner. Ne pas les donner seulement parce que c'est la mode.

Je vais en donner un exemple, M. le Président, auquel, je pense, le député de Saint-Laurent faisait allusion dans le même sens que moi mais je vais en parler un peu plus. La budgétisation par programme, le PPBS, au gouvernement de Québec. Qu'est-ce qu'on a perdu comme années pour organiser le livre des crédits en fonction du PPBS? Pourquoi on l'a fait? Parce qu'on appliquait CKAC à la lettre: Tout le monde le fait, fais-le donc. M. McNamara avait lancé ça aux États-Unis, la plupart des provinces canadiennes poussaient là-dedans, la ville de Montréal s'y mettait et il n'y aurait pas été correct que le gouvernement de Québec n'embarque pas.

Une voix: Giscard d'Estaing.

M. Parizeau: Giscard d'Estaing. Cela a fait le tour du monde à un moment donné, sauf qu'une fois que les politiciens se sont entendus sur le fait que c'était une bonne chose il y a des gens qui ont travaillé pendant des années pour refaire les comptes publics sur cette base. Cela devait être fait pour permettre, en isolant l'objectif d'un programme, de faire justement ce dont nous discutons cet après-midi. Dix ans plus tard, où est-ce qu'on en est? Nos livres de crédits sont absolument illisibles, une chatte n'y retrouverait pas ses petits. Ne cherchez pas, avec le livre des crédits, à savoir combien coûtent des hôpitaux au Québec; ce n'est pas

trouvable. Les soins de courte durée sont dans une page, les soins de longue durée sont dans une autre page. Comment la répartition des soins de longue durée se fait entre les hôpitaux et les centres d'accueil? Ne cherchez pas. Autrefois, on avait un système vieux mais lisible et intelligible. Maintenant, on a un système moderne, totalement inutilisable.

Depuis que je suis ministre des Finances, je me dis chaque journée: Un jour, on va revenir à une comptabilité de services qui nous permettra de nous y retrouver un peu. Le travail est tellement gigantesque qu'on hésite à mettre des centaines de gens au travail pendant trois ans pour démancher tout ça. Qu'est-ce que ça a rapporté sur le plan de l'analyse, de la performance et de l'efficacité? Rien du tout. Cela a compliqué les choses, ça ne les a pas aidées. Grâce au ciel, les ministères, qui en ont vu passer d'autres et qui sont soumis aux modes et aux vents de toutes les directions, ont gardé des systèmes de comptabilité qui nous permettent néanmoins de faire des analyses intelligibles. Ce n'est sûrement pas sur la base des crédits qu'on fait ça.

Lorsque, actuellement, on cherche à savoir si, par exemple, dans les grands hôpitaux de Montréal, on rend le même genre de services que dans les mêmes hôpitaux de Toronto qui ont les mêmes caractéristiques et qui jouent le même rôle dans deux grandes villes différentes, ne vous imaginez pas qu'on utilise le PPBS, ce n'est pas vrai. Cela ne veut pas dire qu'on n'aime pas les analyses, ça veut dire qu'on a perdu des années à s'amuser à remonter la comptabilité parce que Tout le monde le fait, fais-le donc.

Tout ce que je souhaite ici, c'est que, bien sûr, on réexamine le mandat du Vérificateur général. Bien sûr, on cherche à voir comment il va s'associer avec le contrôleur des finances, avec le Conseil du trésor. Soit dit en passant, la tâche dont nous parlons à l'heure actuelle, il y a un organisme dans le gouvernement qui est spécifiquement chargé de la faire, il s'appelle le Conseil du trésor. Il y a bien des gens qui ne savent pas qu'il y a ça dans le mandat du Conseil du trésor; c'est sa tâche essentielle. Avant de démancher et ramancher des mandats, on va essayer de prendre le temps qu'il faut pour voir comment on peut élargir l'un, sans flanquer le chaos dans les autres. Encore une fois, il faut le faire avec un certain nombre d'objectifs en tête, et je pense que, sur ce plan, le député de Saint-Laurent et moi avons exactement les mêmes objectifs, mais pas simplement pour satisfaire une mode. On ne va pas appliquer le principe, c'est le casser une deuxième fois.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je pense que, contrairement au ministre des Finances, si ma mémoire est bonne, je n'ai pas été parmi ceux qui ont été l'avocat du PPBS.

M. Parizeau: Vous l'avez subi.

M. Forget: Je l'ai subi et je ne serai pas aussi négatif que le ministre des Finances, quant à ce qu'il a apporté. Je pense que, lorsqu'il a été introduit au début des années soixante-dix, le plan comptable du gouvernement du Québec reflétait la réalité des années trente, si ce n'est la réalité des années vingt, et qu'on avait des votes pour 250 000 $ à côté de votes pour 400 000 000 $, et c'était un peu se moquer des gens aussi. Il y avait donc une réforme qui était nécessaire et il est clair qu'on l'a vendue en invoquant des mérites qu'elle n'avait pas.

Cependant, M. le Président, je pense que l'indication que l'on prendra le temps qu'il faut pour réfléchir à cette question d'élargissement de mandat n'est pas la réponse rêvée de la part du ministre des Finances à ce moment-ci. On peut toujours invoquer la nécessité d'études plus amples, mais j'ai bien connu le Conseil du trésor, je sais que, d'après les mémoires et les résolutions qui en émanent, il n'a pas changé beaucoup son style. Je me pose de sérieuses questions, lorsque le ministre des Finances nous informe que cette évaluation riqoureuse des programmes est ce que le Conseil du trésor fait. Il fait un travail admirable avec les moyens qu'il a, mais je pense que le fait de faire reposer sur un organisme central, comme ça semble être en filigrane l'intention du ministre des Finances, l'évaluation de tous les programmes gouvernementaux, plutôt que d'en faire une préoccupation de la gestion de chaque ministère... En effet seul un ministère peut mettre en place cette préoccupation d'administrer, de gérer ses programmes, en tenant compte que ça ne peut pas lui être imposé d'en haut par le Conseil du trésor et encore bien moins fait à sa place par le Conseil du trésor.

Il y a là une distinction des rôles qui est capitale. Le Conseil du trésor peut, bien sûr, au nom du conseil des ministres, vérifier si les ministères le font, mais c'est également ce que nous demanderions avec un mandat élargi au vérificateur de s'assurer que, à la fois, les ministères et le Conseil du trésor font leur tâche de ce côté. Si on admet la nécessité, que ce soit au niveau des ministères ou au niveau du Conseil du trésor que ça se fasse, encore faut-il donner l'autorisation au Vérificateur général d'aller en notre nom, nous, parlementaires, nous assurer qu'effectivement, c'est une tâche

qu'on assume. Ce n'est pas suffisant de dire qu'elle se fera. Quant à ça, on pourra supprimer le travail du vérificateur en entier, en disant: Le ministère des Finances a un service de comptablilité; on va s'y assurer que les comptes sont bien faits. S'il y a un vérificateur, c'est pour s'assurer qu'effectivement, on y fait ce travail. La même chose prévaut dans le cas soit du Conseil du trésor ou des ministères; il y a des préoccupations de gestion qui doivent s'y retrouver, elles s'y retrouvent sans doute dans bien des cas, mais on veut s'assurer qu'elles s'y retrouvent dans tous les cas où c'est possible de les insérer. Je sais que c'est loin d'être le cas malheureusement, sans blâmer personne, c'est une longue histoire, c'est une longue tradition, mais il demeure que c'est un objectif qui devient urgent dans le contexte financier actuel.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, nous allons permettre une réponse à M. Châtelain. Je reviendrai après avec le député de Nelligan. Oui, M. Châtelain.

M. Châtelain: Merci, M. le Président. Je ne veux pas prendre indûment le temps de cette commission. D'après les vues qui ont été exprimées ici, concernant l'évaluation de l'efficacité des programmes, peut-être que je devrais répéter, encore une fois, ou essayer, du moins, d'éclaircir la position que j'ai énoncée à ce sujet. Je suis d'accord avec le ministre des Finances qu'il est extrêmement difficile d'analyser l'efficacité des programmes et de ne pas analyser les programmes eux-mêmes. Je l'ai reconnu dans mes commentaires. En effet, ce que nous recommandons pour le rôle du Vérificateur général, c'est bien plus qu'on doit analyser dans les ministères, partout où c'est possible, l'efficacité de ces programmes, c'est-à-dire qu'il y doit y avoir en place dans les ministères des mécanismes devant assurer l'évaluation de ces programmes en termes d'efficacité.

Il faut faire une distinction lorsque nous parlons de l'efficacité des programmes, nous ne parlons pas de l'efficacité de systèmes de gestion ou de l'efficacité des procédés administratifs, parce qu'à ce moment, on parle de déficience, mais lorsque nous discutons d'efficacité des programmes, je conviens que nous en sommes très près de la politique même, dans le sens des grands principes ou encore des politigues d'un gouvernement.

Peut-être qu'il serait utile que je fasse la lecture d'un pararaphe tout simplement qui situe le rôle d'un bureau d'un vérificateur général à cet égard. Ceci est tiré du rapport du Vérificateur général à Ottawa, lorsqu'il a implanté ses nouveaux procédés de vérification, au sujet de l'efficacité: "Pour évaluer la gestion sur le plan de l'efficacité, nous commençons par comprendre les objectifs, vues et effets recherchés par le programme et nous les notons. Nous étudions ensuite la pertinence des systèmes de gestion conçus pour évaluer la réalisation de ces objectifs et faire rapport sur celle-ci. "

Ce ne sont pas les vérificateurs qui font rapport sur celle-ci, c'est-à-dire les ministères eux-mêmes, qui doivent avoir en place des systèmes de gestion conçus pour évaluer la réalisation des objectifs et faire rapport. "Ce n'est pas dans nos attributions -je pense que c'est clair - de mettre en doute la pertinence des objectifs du programme ou des valeurs sur lesquelles ils se fondent, ceci relève du Parlement lui-même. " Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Je m'excuse auprès du député de Nelliqan, mais j'avais oublié de mentionner que le député de Trois-Rivières m'avait déjà demandé la parole.

M. le député de Trois-Rivières.

M. Vaugeois: M. le Président, j'aurais pas mal de choses à dire, mais il y en a beaucoup qui ont été dites sur le mandat. Il y a eu des choses extrêmement intéressantes d'ailleurs d'abordées. Ce qui est consolant, c'est que cela ne restera pas lettre morte, puisque sur proposition du leader du gouvernement, c'est une habitude dans notre Parlement d'agir sur proposition du leader, nous aurons l'occasion d'y revenir, et particulièrement au niveau de la commission de l'Assemblée nationale.

M. Châtelain vient justement de s'interrompre en parlant des responsabilités du Parlement. J'aimerais que lorsqu'on aura à réfléchir sur le mandat du Vérificateur général, on situe cette réflexion également sur le mandat fondamental du Parlement, le rôle du Parlement, parce que, au fond, le Vérificateur général n'existe pas pour lui-même, il n'existe pas non plus à la demande du gouvernement, il existe pour agir au nom du Parlement. Il est un agent du Parlement dans un travail essentiel du Parlement, celui de contrôler l'exécutif. Il s'agit de savoir jusqu'où va l'exécutif, il s'agit de savoir aussi comment l'exécutif se rend responsable des gestes du gouvernement.

Voilà des questions que nous aurons à débattre.

On a, depuis ce matin, fait grand état du fait que la commission des comptes publics ne s'était pas réunie souvent. M. le député de Saint-Laurent qui, devant une question des journalistes, la question avait l'air d'accabler l'Opposition puisqu'elle était aussi coupable que le gouvernement d'avoir laissé autant d'années s'écouler sans permettre...

M. Forget: C'est le leader qui prend les décisions, mon cher ami.

M. Vaugeois: Laissez-moi compléter... sans exiqer que cette commission des comptes publics sièqe. C'est le député de Saint-Laurent lui-même qui faisait remarquer que nous avions par ailleurs une commission des engagements financiers. Je crois savoir que, finalement, cela a été un choix des parlementaires qui nous ont précédés, de préférer une commission des engagements financiers à une commission des comptes publics. Ils avaient eux-mêmes critiqué fortement cette commission des comptes publics qui permettait de voir les comptes publics bien du temps après les dépenses faites. La commission des engagements financiers était susceptible de corriger cela.

Aujourd'hui, on se rend compte des limites de la commission des engagements financiers. Il y a des propositions qui circulent déjà. Il y en a d'autres qui ont été amenées ce matin. Lorsqu'on aura réfléchi sur le mandat du Vérificateur général, des moyens qu'il convient de lui donner pour remplir son mandat, les moyens ne seront pas de la responsabilité du gouvernement, les moyens seront de la responsabilité du Parlement. Il s'agira de se demander à qui on demande au Vérificateur général de faire rapport, de rendre compte de son mandat. On a tenu pour acquis, depuis ce matin, que c'était éventuellement devant une commission des comptes publics. J'aimerais bien qu'on se demande si ce n'est pas là où on a envoyé le sujet débattu ce matin et les recommandations qui nous ont été amenées, si ce n'est pas à la commission de l'Assemblée nationale, puisqu'il est un agent de l'Assemblée nationale. (16 h 30)

Je pense également que, quant à s'engager dans ce genre de réflexion, il faudrait se demander si on veut réserver les fonctions de contrôle à une seule commission, celle qui a été envisagée ce matin, ou si cette fonction de contrôle ne doit pas se diversifier et s'il n'y a pas lieu également, puisqu'on parle de comptes publics, de finances, de s'interroger sur le rôle traditionnel de notre commission des finances et de se demander ce qu'on réserve à la commission des engagements financiers, si on en veut toujours une, ce qu'on réserverait à une commission des comptes publics et ce qu'on veut comme autre commission de contrôle. Mais ce que je trouve heureux depuis ce matin, c'est que la question a été posée, peut-être comme jamais auparavant, la discussion est ouverte et nous avons la perspective prochaine de pouvoir aller beaucoup plus loin comme réflexion sur le mandat du Vérificateur général et les suites à donner à son rapport, tout cela permettant au Parlement de remplir son rôle fondamental et au gouvernement, quel qu'il soit, d'améliorer sa performance.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: II me semble que, dans tous les mémoires présentés ici, il y a trois sujets qui semblent recevoir l'approbation de tous les gens qui ont exprimé leur point de vue, peut-être à l'exception de la question du cadre dans lequel cela se situerait financièrement et des nouvelles suggestions du Vérificateur général qui n'entraînent pas des dépenses exagérées, etc. On veut d'abord aller un peu au-delà de la question du strict contrôle des états financiers pour examiner justement l'efficacité de la gestion des programmes et leur qualité. Je crois que tout le monde est d'accord sur le principe de base qu'il faudra aller plus loin que ce qu'on fait à présent au Québec.

Je pense qu'un deuxième principe aussi semble se détacher. L'idée même d'avoir un Vérificateur général, l'idée même d'avoir une commission quelconque qui examinerait le rapport du Vérificateur général semble indiquer qu'on veut avoir un mécanisme quelconque qui va se placer au-delà des organismes du gouvernement lui-même et de l'Exécutif, tel le Conseil du trésor, parce que, justement, on veut contrôler ce que les appareils du gouvernement vont faire.

Si tout le monde est d'accord sur ces principes de base, il me semble qu'il aurait été malheureux, si, parce qu'on croit qu'il y a des risques dans les programmes actuels établis par les autres provinces, par le gouvernement du Canada, par les autres pays industrialisés dont a parlé le nouveau Vérificateur général, qu'à cause de ces risques, on perde encore plusieurs années, comme a dit M. Larose... Depuis des années, il en arrive au même sujet, il veut une augmentation de son mandat; il veut qu'on aille plus loin que le mandat actuel du Vérificateur général. Là, on voit déjà des discussions au sujet des risques des autres programmes possibles. On dit que, peut-être, cela ne devrait pas être cette commission-ci, cela devrait être une autre commission. Cela serait bien malheureux si cette chose traînait pendant des années, si c'était examiné en commission, en sous-commission. Peut-être qu'on devrait se créer un échéancier parce que, vraiment, il ressort du rapport du Vérificateur général que, puisqu'on étudie maintenant toutes les sommes immenses dont il parle, c'est certainement une question urgente; il faudrait se créer un échéancier pour peut-être en arriver, à une date quelconque, à une commission d'étude qui ferait rapport sur ce mandat plutôt que de laisser cela continuer encore des années et des années sans que rien ne se passe. Il y

a sûrement une façon quelconque d'évaluer ce qui a déjà été fait dans les autres provinces, au Canada ou dans les pays industrialisés, parce que cela se passe déjà depuis un assez bon bout de temps.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'on est prêt à aborder maintenant les points précis du rapport du vérificateur? M. le ministre des Finances.

Les régimes de retraite

M. Parizeau: Je voudrais aborder, avec M. Larose, ce qui apparaît en page 3 au sujet des régimes de retraite, parce que c'est le type même d'état ou de présentation qui est très clair sur le plan comptable, mais qui pose justement de sérieuses questions quant à la façon de présenter les choses et quant à l'espèce d'adéquation de la vérification qui est faite et des politiques suivies par le gouvernement.

Je vais essayer de m'expliquer de la façon suivante. Jusqu'en 1973, le gouvernement place comme revenus les cotisations qui entrent, et comme dépenses les prestations qu'il paie. La notion même de déficit actuariel n'existe pas. C'est un "pay as you qo". C'est une politique des gouvernements de cette époque. Ils ont décidé que c'est sur une base de "pay as you go" qu'ils traiteraient ce qui concerne les régimes de retraite. On ne peut pas dire qu'ils ont raison ou qu'ils ont tort. Le problème n'est pas là. Ils ont décidé que ce serait un "pay as you go".

Il ne faut pas s'imaqiner que c'est quelque chose de rare. Après tout, la Régie des rentes du Canada devait être, à l'origine, sur une base de "pay as you go". Cela n'a pas été ainsi finalement mais, en soi, le principe d'un "pay as you go" n'a rien de particulièrement étonnant. Ce n'est pas prudent, mais ce n'est pas étonnant.

Deuxième étape dans la définition des politiques. En 1973, on crée le RREGOP. Deuxième décision politique d'un gouvernement qui dit: Pour mes deux vieux régimes, fonctionnaires et enseignants, je continue de procéder comme avant. Mais pour tous ceux qui entreront dorénavant dans le secteur public ce sera le RREGOP. Et le RREGOP est ainsi dessiné qu'il coûtera un peu moins cher que les programmes antérieurs. Définition d'une politique.

Mais il n'y a toujours rien d'inscrit pour les vieux régimes de retraite qui, évidemment, vont accumuler des déficits actuariels d'autant plus forts qu'il n'y a plus personne qui y rentre et que le personnel y vieillit.

Troisième étape de la politique décidée par le gouvernement. En 1977, il est décidé par le gouvernement, à l'égard des deux vieux fonds de retraite qui fonctionnaient toujours sur une base de "pay as you go", de poser un certain nombre de gestes destinés à stabiliser dans un premier temps puis à réduire le déficit actuariel de ces deux vieux fonds. Sauf que si on voulait faire cela correctement et totalement, il faudrait inscrire aux dépenses des montants fabuleux qu'on ne peut pas, à moins de vraiment vouloir ralentir la croissance des dépenses de l'ensemble des ministères, vouloir pousser jusque-là.

On s'attendrait donc - j'allais dire même sur une base... et revenons justement à cette question du mandat dont on discutait tout à l'heure - que les remarques du vérificateur soient faites en fonction des politiques que le gouvernement s'est fixées. Je comprends très bien le vérificateur, dans ses remarques - j'ai pris la peine de remonter dix ans en arrière quant à ces remarques - de tenir pour acquis que, la politique devant être de satisfaire toutes les exigences actuarielles de tous ces fonds de retraite pleinement, il y a toute une série de choses qui devraient être passées au passif, qui devraient être inscrites comme un passif réel et donc loqiquement et normalement être inscrites aux dépenses, comme cela doit l'être.

Ces observations sont faites comme si la politique du gouvernement devait être de satisfaire pleinement toutes les exigences actuarielles de tous les fonds de retraite.

L'autre optique, celle qui consiste à voir si on procède efficacement en fonction des politiques établies, est différente. Compte tenu de la politique déclarée par le gouvernement, est-ce qu'effectivement il inscrit les sommes qu'il a dit qu'il inscrirait, ce qui est tout à fait autre chose?

Je vais essayer de rendre cela un peu plus explicite. Pendant des années, le gouvernement dispose d'un grand verre vide. Le vérificateur dit: Voulez-vous remplir le verre, s'il vous plaît? Le gouvernement dit: Ma politique, c'est que le verre soit vide. Quelques années plus tard, en 1977, le gouvernement dit: Compte tenu des ressources que je peux incrire à cet effet, je vais faire en sorte que le verre soit à moitié plein. Je continue à soutenir que le verre est à moitié plein. Le Vérificateur général me répond: Non, le verre est à moitié vide. Nous avons raison tous les deux, sauf que la politique du gouvernement est que le verre soit à moitié plein.

C'est un beau cas qui a un immense avantaqe, c'est de ne pas être très excitant; ce n'est pas quelque chose de très contentieux. Ce n'est pas contentieux comme un programme social ou un programme économique ou quelque chose comme ça. Les gens ne se battent pas dans les autobus au sujet du déficit actuariel des fonds de retraite.

M. de Belleval: Quand je prends l'autobus, je ne me bats avec personne. Cela dérange le chauffeur.

M. Parizeau: J'aimerais, à cet égard, avoir les commentaires du Vérificateur général. C'est à l'occasion de cas comme ceux-là que, justement, les discussions sur le mandat, en un certain sens, vont avoir lieu. Qu'on soit encore une fois amené à modifier le mandat, ça n'a rien de surprenant. C'est en se comprenant bien sur des choses concrètes qu'il sera d'autant plus facile d'établir des mandats intelligibles.

M. Larose: En premier lieu...

Le Président (M. Bordeleau): M. Larose, vous avez la parole.

M. Larose: II s'agit d'un programme du gouvernement, c'est-à-dire celui des comptes des régimes de retraite. Encore là, évidemment, l'objectif de ce programme, c'est de fournir des fonds de retraite aux employés du gouvernement et, en tant que vérificateurs, sur le plan de l'efficacité à savoir si ce plan satisfait aux objectifs, on n'a pas mis ça en cause dans nos commentaires.

Le seul point que nous avons soulevé est qu'on s'est demandé si les faits qui sont rapportés étaient complets sur le plan de l'exactitude et de la comptabilité et s'il n'y avait pas d'autres renseignements qui pourraient être fournis à la population pour mieux la renseigner sur les engagements du gouvernement. En 1973, ou avant, de mémoire - je n'ai pas relevé le rapport du Vérificateur général, celui que nous avions à ce moment - je suis convaincu que déjà nous faisions état du fait que les fonds de retraite du gouvernement n'étaient pas portés au passif du gouvernement et qu'il n'existait pas d'actif correspondant, de placements correspondants, permettant le paiement.

Comme M. Parizeau l'a dit tout à l'heure, à ce moment-là, on suivait la méthode du "pay as you go". Nous faisions état du déficit actuariel ou des dettes du gouvernement, nous n'avions pas d'étude actuarielle en notre possession pour dire quel était le montant exact de la dette. Nous faisions état qu'il y avait des dettes énormes, très importantes, concernant les fonds de retraite qui n'étaient pas déjà inscrits au livre. Au fur et à mesure de l'évolution de la situation, nous avons continué la même pratique depuis ce moment, nous avons essayé de dire à chague année que toutes les dettes du gouvernement, concernant ces régimes de retraite, n'étaient pas au livre. Nous avons maintenu la même politique que celle qui existait en 1973 et nous avons rapporté cette situation. (16 h 45)

Au fur et à mesure que le gouvernement a mis dans ses livres des montants concernant le régime de retraite nous l'avons mentionné dans notre rapport et nous le mentionnons en fait cette année, le fait que le gouvernement a décidé de faire telle et telle chose. Pas dans cette phrase-là en particulier, mais, si vous regardez dans les autres sections du rapport, vous constaterez que nous faisons état du montant que le gouvernement a porté à son compte de revenus et dépenses comme dépense de l'année, et porté ensuite comme passif enregistré au compte du régime de retraite. Nous donnons la situation. Nous concluons quand même à la fin qu'il y a encore une marge importante entre ce que le gouvernement a inscrit comme passif dans son compte de régime de retraite et ce qu'aujourd'hui les évaluations actuarielles nous disent. Et c'est ce renseignement-là que nous jugeons nécessaire de donner à la population. Remarquez bien que le renseignement n'est pas donné seulement par nous. Le renseignement apparaît aussi, je pense, dans les comptes publics, dans une cédule qui apparaît dans les comptes publics, dans une autre partie des comptes publics. Alors, le renseignement est aussi donné ailleurs. Nous avons calculé que cette dette, ce montant... Je pense que le ministre des Finances lui-même, à l'occasion de plusieurs discours du budget, a fait état de l'ampleur de la dette du gouvernement à l'endroit de ses fonctionnaires ou de ses enseignants. Par conséguent, nous calculons que les états financiers du gouvernement sont difficiles à comprendre et à analyser en termes de passif et d'engagements si ce renseignement-là n'y est pas directement attaché.

M. Forget: Ajouté à cela, oui.

M. Parizeau: C'est dans ce sens-là, si je comprends bien, M. Larose, qu'il faut comprendre la dernière phrase du paragraphe qui concerne le RREGOP à l'item 1 de la page 3. "Des mesures devraient être prises pour compléter l'inscription du passif de ce régime". Parce que, d'autre part, il est très clair que ces montants apparaissent au poste 2A de la page 22 des notes complémentaires du premier volume des comptes publics. Qu'est-ce que vous voulez dire? Vous voulez dire façon somme ces inscriptions devraient être changées de place?

M. Larose: Attendez une minute, cela apparaît à guelle cédule, vous dites?

M. Parizeau: "Des mesures devraient être prises pour compléter l'inscription du passif de ce régime. "

M. Larose: Oui, d'accord, je peux vous expliguer le but de cette phrase.

M. Parizeau: Si je comprends bien, les deux montants qui sont en cause de 174 000 000 $ et 480 000 000 $, n'est-ce pas, ils apparaissent dans le poste 2A de la page 22 du premier volume des comptes publics aux notes complémentaires.

M. Forget: II y a des meilleures journées que d'autres.

M. Parizeau: Non, mais attention, ce n'est pas pour rien que je pose la question.

M. Forget: M. le Président, pendant que le ministre des Finances cherche ses chiffres, on pourrait peut être...

M. Parizeau: Je ne cherche pas mes chiffres.

M. de Belleval: M. Larose est en train d'examiner la phrase et il va nous donner la réponse à la question de M. Parizeau.

M. Larose: Si vous me le permettez, le but du commentaire qui apparaît ici a été le suivant: le RREGOP est un nouveau régime qui a commencé en 1973. Comme il s'agit d'un nouveau régime, nous avons toujours été d'avis que, si dans le passé, par exemple, concernant le régime de retraite des fonctionnaires et le régime de retraite des enseignants, il aurait été préférable qu'on tienne compte des enqagements du gouvernement eh bien, pour ce qui concernait le RREGOP qui était un nouveau régime, à plus forte raison on devait le maintenir sur un plan actuariel. Comme il était nouveau, nous étions et nous sommes encore d'avis que ce nouveau régime devrait toujours être maintenu sur un plan actuariel, et c'est le but de cette remarque. Nous n'avons pas fait la même remarque à l'endroit des régimes de retraite des fonctionnaires et des enseignants et des autres régimes divers, parce que nous sommes forts conscients qu'elle ne serait pas applicable de façon aussi draconienne.

M. Parizeau: Vous voyez, M. le Président, je reviens à mon argumentation initiale. Dans le discours du budget de 1977, j'annonçais, au nom du gouvernement, la nouvelle politique suivante: "Dès l'an prochain, je propose, pour les régimes de retraite des enseignants et des fonctionnaires, de n'inclure ni les contributions ni les prestations dans les comptes budgétaires du gouvernement. De plus, la même année, le gouvernement ajoutera l'intérêt sur la provision accumulée pour le RREGOP. Ces montants seront comptabilisés comme revenus d'un compte non budgétaire par lequel transitera...., " etc.

Je cite cela simplement pour indiquer que c'était très précis et que, dans ces conditions, on peut se poser la question de savoir s'il n'y a pas lieu d'établir une distinction très nette entre deux choses lorsqu'on aborde le rapport de vérification. Dans quelle mesure, compte tenu des objectifs que le gouvernement s'est fixés, a-t-il satisfait à ses obligations?

Deuxièmement, ce qui est tout à fait autre chose, pour satisfaire pleinement les conditions du déficit actuariel, qu'est-ce qu'il faudrait que le gouvernement ajoute? Il faut établir une distinction très claire entre est-ce que, par rapport à ses objectifs, le gouvernement a pris les moyens nécessaires, qui est une chose, et, deuxièmement, est-ce que l'objectif ne doit pas être différent, est-ce qu'on ne doit pas satisfaire complètement tous les besoins actuariels des fonds de retraite?

Il y a une distinction qui est très fondamentale, encore une fois. Le gouvernement se fixe, de période en période, avant 1973, après 1973, après 1977, un certain nombre d'objectifs, à tort ou à raison. Ce sont des objectifs que le gouvernement s'est fixés. Je reviens à ma question. Est-ce qu'il n'y a pas lieu de distinguer clairement ces deux ordres de question, l'adéquation des moyens pris par le gouvernement pour atteindre ses objectifs, par opposition à est-ce que l'objectif ne devrait pas être différent et donc comporter d'autres éléments de passif, si vraiment on voulait satisfaire pleinement les conditions du déficit actuariel?

M. Larose: J'ajouterai ceci là-dessus. Je pense que ce qu'on extrait là fait partie d'un commentaire, à la page 3, d'un avis qui est donné sur des états financiers du gouvernement. Il ne s'agit pas d'un rapport sur l'administration globale et l'évolution de toute la structure administrative, des développements administratifs. Nous avons, à ce moment-là, au 31 mars d'une année, un état financier, et nous avons à donner un avis sur cet état financier. Nous interprétons cet avis comme voulant dire notre obligation. Cet état financier donne-t-il tous les renseignements d'ordre financier qui paraissent nécessaires pour l'interprétation de la situation financière de la province?

Nous nous plaçons à une date, au 31 mars d'une année. Et c'est à cette date que notre avis est donné. Les gestes qui ont été posés par le gouvernement à l'intérieur d'une année donnée sont commentés dans le rapport qui est soumis à l'Assemblée nationale.

Mais dans l'avis même sur les états financiers, il s'agit de dire: Est-ce que c'est exact ou si cela ne l'est pas? Et dans quelle mesure cela ne l'est-il pas? Et je pense que c'est ce à quoi nous voulons répondre, par un avis sur l'état. Maintenant, je crois que chaque année nous avons fait état des montants qui ont été portés aux comptes de

régimes de retraite et les différents gestes qui ont été posés par le gouvernement, tout en insistant, évidemment, sur le fait qu'idéalement nous aimerions bien, comme vous, que tout le passif concernant le régime de retraite paraisse dans les livres et qu'on n'ait pas une dette énorme qui ne soit pas enregistrée.

M. Parizeau: Je n'ai pas d'autre commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, comme on dit parfois, je n'aurais pas cru que l'occasion me fût donnée un jour, alors que j'étais encore membre de cette Assemblée, de revenir assez longuement sur toute cette question du financement des fonds de retraite dans le secteur public. Depuis quelques années, il en a été question à l'emporte-pièce à plusieurs reprises. Je pense que c'est une occasion aussi bonne qu'une autre, comme le fait le ministre des Finances, mais peut-être en mettant l'accent un peu, à l'occasion, à des endroits différents de là où il les a mis, de préciser un certain nombre de choses.

J'ai constaté en premier lieu - presque avec surprise parce que, à mon avis, c'est la première fois qu'il l'a fait - qu'il reconnaît enfin que cette décision qu'il a prise en 1977 relativement à la capitalisation des fonds de retraite, c'était un choix entre deux options, qui sont tout à fait respectables l'une et l'autre, parce qu'elles sont effectivement suivies par des gouvernements qui ont le sérieux du gouvernement américain, par exemple, dans certains cas. Je pense ici à la formule "pay as you go". C'était, comme il l'a indiqué justement, la formule de financement des retraites dans le secteur public jusqu'à la décision qu'il a citée, de 1977.

C'est un système qu'on pourrait encore avoir. Il y a des opinions divergentes sur l'à-propos d'avoir un système de "pay as you go" plutôt qu'un système de capitalisation. Ce sont des débats d'actuaires, je n'ai pas l'intention de m'étendre là-dessus, mais il est tout à fait plausible qu'un gouvernement décide de financer un régime comme celui-là sur le "pay as you go".

Ce qui s'est fait cependant, dans la période pendant laquelle on a maintenu cette politique, c'est-à-dire jusqu'en 1976, c'était quelque chose de beaucoup plus important qu'une opération comptable. Cela a été la renégociation, avec tous les syndicats du secteur public, des conditions d'accès à un régime de retraite qui, dans l'ensemble -d'ailleurs, c'est le ministre lui-même qui l'a dit - est moins coûteux, et entraîne sur une longue période un déficit actuariel moins lourd que le régime préexistant.

J'insiste sur ce point parce qu'il est capital. Il y a eu un développement, qui a été la création du RREGOP, qui a nécessité non pas un exercice comptable, non pas simplement de changer les chiffres et de produire un tableau différent de choses qui étaient déjà connues, sans modification essentielle quant au flux financier entre le secteur public et le secteur privé, par exemple. Ce qui a été fait en 1973, c'a été une négociation avec les intéressés, les associations de salariés représentant les intéressés, pour modifier fondamentalement les conditions qui font que ce passif s'accumule. Cela, c'a été capital et ça nous a mis dans une situation qui n'est pas parfaite, probablement, sur le plan financier, mais qui est infiniment préférable - je pense que le ministre sera obligé d'en convenir avec moi - sur une longue période à la situation qui aurait résulté de la non-création du RREGOP et du maintien des anciens régimes. Ce n'est pas des sommes dont on parle qu'il serait question, ce serait des sommes immensément supérieures.

Je ne veux pas ainsi jeter la pierre aux gouvernements qui se sont succédé au cours des vingt ou trente dernières années et même des administrateurs scolaires et des autres, parce qu'on a hérité de tout un paquet d'histoires qui faisaient qu'on présumait, à cette époque, qu'on pouvait offrir des pensions et que, comme on les payait plus tard, elles ne coûtaient rien. Il y a eu une mentalité qui a régné longtemps là-dessus et ce n'est qu'en 1973, et dans le cadre de négociations, qu'on en est venu à une mesure un peu plus réaliste de ce qu'il est permis d'espérer et d'offrir en termes de fonds de retraite. C'était encore très qénéreux, j'en conviens. Il demeure que c'a été un proqrès réel, obtenu de haute lutte dans une négociation dont on se rappelle les péripéties. Cela, c'est le premier point. Je pense qu'il mérite d'être souligné. (17 heures)

Le deuxième point, c'est la décision du gouvernement, pour employer les mots qui me frappent encore et qui m'ont frappé à l'époque et dont je me souviens encore, de "stabiliser". Quand on parle de stabiliser ou de déstabiliser, les gens, tout à coup, s'ouvrent les oreilles. Ils disent: Là, on parle de quelque chose d'important.

Le gouvernement a dit: Nous allons stabiliser. Stabiliser quoi, M. le Président? Il s'adressait, dans un discours du budget, au public québécois. Stabiliser ce grand déficit actuariel auquel il avait fait mention et qui se chiffrait par des milliards de dollars. Il ne s'aqissait pas de stabiliser un poste ou l'autre, soigneusement préparé et aménagé dans les états financiers. Il s'agissait de stabiliser, autrement dit d'empêcher l'accroissement. Il n'espérait pas produire une

diminution subite, mais au moins d'empêcher l'accroissement du déficit actuariel, à compter présumément de la date où la décision s'est prise, disons en 1977 ou 1978, si l'on veut. Je n'ai pas la mémoire encyclopédique pour me souvenir de la date. Mais enfin, il y a quelques années, il a dit: Stabilisons ce déficit.

Je m'excuse, mais nous l'avons pris au sérieux. Nous avons dit: Quelle décision couraqeuse. On pourrait retracer à l'envie, dans les commentaires de l'époque, les louanges que s'est attiré le ministre des Finances en disant: Enfin, on met fin à l'hémorragie. On va stabiliser cette dette qui nous pend au bout du nez, comme un carcan, comme un boulet de canon, et on va s'en aller lentement, parce que les chiffres sont énormes, vers plus de responsabilité financière. Formidable! Formidable!

Applaudissements universels.

Lorsqu'on regarde les états financiers, on est naturellement amené à se poser cette question, surtout après quatre ans, soyons juste, après trois ans, puisqu'on est encore dans les comptes publics en 1980: Stabilité, stabilité, où es-tu? Et lorsque l'on se pose la question, on se rend compte que la belle stabilité est tout aussi illusoire, est tout aussi difficile à cerner, à saisir et à embrasser qu'elle l'était. Stabilité n'est pas encore arrivée.

Le vérificateur nous dit: II y a un déficit actuariel. J'imagine qu'il parle de celui dont on parlait jadis. Il dit: Non seulement, on on ne l'a pas stabilisé, il a grossi depuis qu'on en a parlé la dernière fois. Il a grossi.

M. le Président, je veux bien que dans le "fine print" du contrat d'assurance, le ministre des Finances, qui est bien placé pour le connaître, dise: Écoutez, n'en mettez pas trop. Je n'ai pas dit que je stabiliserais le déficit actuariel. J'ai dit que je calculerais mes choses de telle façon que, d'une certaine manière, je pourrais prétendre avoir fait une amélioration. On pourra revenir plus tard sur la nature réelle de l'amélioration, parce que cela aussi, c'est véritablement un mystère.

Mais il reste que quels que soient les artifices de langage - je pense qu'il faut quand même parler en des termes que finalement, tout le monde comprend - on parle des comptes publics, on parle de choses que le citoyen moyen doit être capable de comprendre. Ce que je comprends, à la lecture des états financiers, y compris les notes - parce que ce n'est pas, encore une fois, le déficit... je pourrai y revenir et j'y reviendrai d'ailleurs - en lisant les notes, en lisant toutes les réserves, on se rend compte que le déficit n'est pas stabilisé et que quelque part, il y a eu une clause ou une décision qui a permis au gouvernement de prétendre qu'il stabiliserait sans stabiliser.

Cela m'ennuie terriblement. Si j'étais tout seul à m'en ennuyer, je ne m'en ferais pas, parce qu'il arrive qu'on se fait des inquiétudes qui ne sont pas partagées, on a appris cela aussi. Mais cette inquiétude, elle est partagée. Quand on dit qu'on va stabiliser et qu'on ne stabilise pas, il y a une cassure qui se fait dans la confiance qu'ont les gens dans les paroles qui se prononcent dans certains lieux et qui viennent de certaines bouches. Or, c'est exactement ce qu'on peut constater, soit qu'on a promis de stabiliser et qu'on n'a pas stabilisé.

On a, d'une certaine façon, et en se ménageant des portes de sortie, peut-être, encore que notre examen pourrait nous faire voir si les portes de sortie sont étanches ou pas, mais peut-être en faisant des subtilités, on s'est ménagé une porte de sortie et on peut dire: Écoutez, ce n'est pas vraiment ce qu'on voulait dire. On m'a mal compris. L'histoire est faite de ces grands personnages qu'on a mal compris. Il reste qu'encore une fois cela ne s'est pas fait.

Un autre élément mérite d'être souligné. Il ressort plutôt du sens commun que ce qu'on retrouve comme tel. Si on lit les comptes publics, on se rend très bien compte de ce qui s'est passé. Mais le grand public ne s'en rend pas compte.

On a dit: On va mettre de l'argent dans les fonds de retraite, on va mettre de l'argent de côté - les gens se servent de cette expression - comme ça, quand on en aura besoin, il sera là. Les gens font ça dans leur compte de banque, dans leur bas de laine, n'importe quoi. Il y a toutes sortes de méthodes plus sophistiquées de nos jours, mais, de toute façon, mettre de l'argent de côté, c'est une expression qui est bien connue.

Le ministre des Finances a dit: On va empêcher que croisse le déficit et on va mettre de l'argent de côté, alors, quand ces obligations deviendront dues, on aura de quoi les payer. Il faut quand même que la vérité soit dite un jour. Je l'ai compris la première année et je l'ai dit à bien du monde, mais je pense qu'il faut le répéter à nouveau: L'argent que le ministre des Finances a mis de côté en le sortant de sa poche de droite et qu'il a mis dans son verre vide ou à moitié plein, il a été le chercher avec la main de gauche pour le mettre dans sa poche de gauche. Ne cherchez pas d'argent de côté, il n'y en a pas. Il y a, dans le verre à demi plein, non pas de l'eau, mais des promesses de verser de l'eau. Ce n'est pas tout à fait pareil.

Pour quelqu'un qui a soif ou qui a peur d'avoir soif demain, lui dire: Écoutez, nous avons un verre, il n'y a pas d'eau dedans, vous ne pourrez pas boire ça, mais il y a des obligations à quelqu'un d'y mettre de l'eau un jour... Par malheur, de ce temps-ci,

cette personne qui a l'obligation de mettre de l'eau vit dans le milieu d'un désert aride. Alors, on espère qu'il pleuvra un jour et que cette personne pourra remplir le pot, mais, dans le fond, il faudra qu'il pleuve parce que, si on lui demandait aujourd'hui d'aller mettre l'eau qu'elle a promis d'y mettre, on est à sec. L'opération en est une de mystification d'une envergure jamais tentée.

M. Grégoire: C'est un déluge de mots dans un désert d'idées.

M. Forget: Je ne compte pas que vous suiviez, M. le député de Frontenac...

M. Grégoire: Vous avez bien fait d'employer le désert, le désert est là.

M. Forget:... je n'ai pas cet espoir; mais ce n'est pas à vous que je m'adresse surtout.

M. le Président, on a dit: On va avoir la stabilité. La fée ou la princesse stabilité n'est pas encore venue. Elle est encore aussi vaporeuse qu'elle était. On a dit: On met de l'eau dans le verre; on a mis des promesses de mettre de l'eau dans le verre. C'est une très belle opération de relations publiques. Pendant quelques années, le ministre des Finances a failli s'en tirer, aux applaudissements généralisés de la foule. Ce n'est pas pour rien qu'on fait une grande réputation à cet homme. II est un comédien superbe. Je l'admire moi-même, je vous l'avoue très humblement, je l'admire beaucoup.

Une voix: Vous devriez lui faire des compliments plus souvent.

M. Parizeau: Oui, cela serait...

M. Forget: Cependant, les plus grandes réputations de comédien sont celles qui durent. Pour qu'elles durent, il faut constamment inventer des trucs nouveaux. Je ne sais pas quel truc nouveau le ministre des Finances va inventer, mais il va devenir de plus en plus évident qu'il n'a rien stabilisé à ce qu'il devait stabiliser. Il n'a rien mis de côté, son verre est aussi vide qu'avant, et ça, c'est le problème fondamental; on va entrer dans les technicités tout à l'heure.

Le problème fondamental, c'est que les dettes dont il nous a menacés - à juste titre, d'ailleurs - qui sont là, qui vont se manifester un jour, elles sont plus grosses qu'elles n'étaient il y a quatre ans. L'argent pour les payer est tout aussi inexistant qu'il y a quatre ans. Ça, c'est la vérité fondamentale. Après, on peut tomber dans la comptabilité, on peut tomber dans les états financiers, on peut tomber dans le "fine print", pour savoir si ça va dans le corps des états financiers ou si ça va en note marginale, en note de pied, en appendice technique, etc. Cela, ça peut se discuter très bien. Mais on ne sortira jamais de cette proposition centrale qu'on a mystifié la population des deux façons possibles en lui disant qu'on faisait A quand on faisait B et en lui disant qu'on mettait de l'argent quelque part quand on n'en mettait pas. Cela, c'est assez sérieux pour un ministre des Finances.

Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais poser des questions à M. Larose pour être bien sûr qu'on se comprenne. Je lis vos remarques...

M. Parizeau: J'espère cependant que le député de Saint-Laurent me permettra, à un moment donné, de lui répondre.

M. Forget: Avec plaisir.

Je remarque, M. Larose, que vous avez maintenu, à travers toute la période où vous avez, comme nous tous, eu à vous occuper des fonds de retraite et de leur déficit actuariel, une ligne à peu près inchangée et même exactement inchangée, à savoir qu'il serait souhaitable que l'on fasse un état plus explicite du déficit actuariel, si possible dans le corps même des états financiers.

Je pense que c'est l'esprit de vos remarques que ce passif contingent est là qu'il est dans le paysage, qu'il est très important et qu'on ne peut pas prétendre présenter un tableau honnête ou - n'utilisons pas ce mot, je ne veux pas vous embarrasser un tableau complet de la situation financière du gouvernement sans dire aux gens: Vous avez des obligations d'épargne, vous avez des obligations ordinaires que détiennent les institutions financières, vous avez des emprunts bancaires, vous avez tout ça à rembourser comme contribuables un jour, mais vous avez aussi des obligations envers les anciens fonctionnaires qui sont déjà retirés ou qui prendront leur retraite un jour. C'est tout aussi réel comme dette que le remboursement des obligations. Je pense que vous avez maintenu ce ton, et c'est une chose dont il faut vous savoir gré. Est-ce qu'il n'est pas vrai que, pour vraiment satisfaire votre préoccupation et la nôtre de ce côté, ça impligue que, de façon plus explicite, plus directe, dans le corps même des états financiers, on fasse état de la totalité du passif actuariel, du déficit actuariel des régimes, quel que soit le traitement que le gouvernement décide de faire quant à la façon dont il finance le déficit: "pay as you go", en mettant un peu d'argent de côté, ou tout simplement en donnant des obligations à une caisse, en donnant des "I owe you", des obligations, des promesses futures de payer à une caisse, en disant: Ils ont ça, c'est mieux que de ne rien avoir?

Il y a toutes sortes de variations sur la

méthode de financement. Il reste que ce que l'on doit financer, c'est, grosso modo, le passif actuariel. Est-ce que le sens de vos remarques, ce n'est pas de dire: II faudrait que ça figure carrément dans les états financiers, dans le corps même du rapport?

M. Larose: J'apporterais une variante à ce que vous venez de dire, M. Forget. En ce qui concerne le RREGOP, ou le nouveau régime, nous avons maintenu, en fait, cette attitude de demander que le passif actuariel soit complètement inscrit au passif dans les états financiers du gouvernement.

En ce qui concerne les autres régimes de retraite, principalement le régime de retraite des fonctionnaires et celui des enseignants, nous avons mentionné, à l'occasion, que la situation idéale serait que tout le passif soit inscrit. Par ailleurs, nous reconnaissons en même temps que toute cette question de fonds de retraite, à l'heure actuelle, fait l'objet de recherches assez poussées et que les problèmes ne sont pas exclusifs au Québec. Par conséquent, nous n'avons pas pris l'attitude d'exiger ou de suggérer très fortement - même si on avait exprimé qu'idéalement il devrait y être -nous n'avons pas poussé le point jusqu'à dire qu'il serait nécessaire de l'inscrire aux états financiers. Nous avons toujours maintenu que le renseignement doit quand même être donné. Si le montant de la dette n'est pas aux états financiers mêmes, le renseignement quant à la dette totale doit être fourni au moins comme note, aux états financiers. Au moins ce qu'on peut ajouter dans le moment, d'ici à ce que les études actuelles concernant cette situation des régimes de retraite soient plus claires, que les orientations futures soient plus claires d'une façon générale, non seulement au Québec mais ailleurs.

M. Forget: Une sous-question relativement aux autres régimes. Justement, ce sont les vieux régimes dont on parle?

M. Larose: Oui.

M. Forget: Comme il n'y a plus personne qui entre dans ces vieux régimes, est-ce qu'on ne pourrait pas faire un argument selon lequel ce sont, en quelque sorte, des vestiges? Ce sont des régimes qui sont en voie de disparition. Enfin, sur une période de 30 ans, quand tout le monde aura pris sa retraite et sera mort, ils vont se terminer de leur belle mort. Comme il n'y a presque plus de cotisants dans ces réqimes ou très peu et que leur nombre va en diminuant, est-ce qu'il n'y a pas une raison encore plus forte pour tenir compte de ce passif et l'amortir pendant les années qu'il reste avant que le régime disparaisse? Autrement, on va rester avec un espèce de dette en l'air, en quelque sorte, c'est assez curieux.

(l7 h 15)

L'autre régime est permanent, enfin il est voulu comme étant un régime permanent et on peut toujours dire, si on fait des erreurs, qu'on va se reprendre en cours de route, on va le recalculer d'une autre façon. Mais un régime qui est en voie, qui est à l'agonie, en quelque sorte, je crois que l'agonie va durer une bonne trentaine d'années ou quarante ans, je ne le sais pas, tant qu'il y aura des fonds de retraite à verser. Est-ce qu'il ne serait pas nécessaire de faire le point et dire: Bon, c'est cela. Cela ne pourra pas évoluer tellement, on sait qui est dans le régime, il n'y aura jamais personne d'autre qui y sera admis. Le nombre diminue à chaque année, s'il y a des changements à faire, il faudra les faire bientôt, parce qu'il n'y aura pas beaucoup de chances de le faire plus tard et il faudrait amortir tout cela le plus rapidement possible.

M. Larose: Nous nous sommes aussi montrés favorables à l'amortissement du déficit actuariel par l'inscription graduelle du passif aux états financiers. Alors, là aussi, nous nous sommes montrés favorables à ce que cette pratique soit adoptée. En fait, il y a eu un certain mouvement qui a été fait durant l'année 1980 à cet effet là. Lorsque vous mentionnez qu'il n'y a plus personne, normalement, qui est inscrit ou qui adhère à ce régime, c'est exact. Par conséquent, que le nombre de personnes aille en diminuant, cela aussi est exact. Mais il y a encore un grand nombre de personnes qui contribuent, qui sont en...

M. Forget: L'option en 1973.

M. Larose: Par conséquent, la dette actuarielle, le passif actuariel de ces régimes continuera d'augmenter de façon assez substantielle pour plusieurs années à venir encore. Je ne donnerai pas de chiffres; à l'heure actuelle, je n'ai pas ces chiffres, mais à cause de l'augmentation des années de service des personnes qui sont déjà dans le régime et qui sont en grand nombre -cela représente un très grand nombre de fonctionnaires et d'enseignants - le passif de ces deux régimes, en particulier, va s'accroître de façon très très forte. Peut-être que M. Parizeau pourrait vous donner plus de détails là-dessus, je n'ai pas les études à ma disposition à l'heure actuelle.

Il reste que nous avons été et nous sommes encore d'accord avec une politique qui aurait pour effet d'amortir le régime de retraite, le déficit des régimes de retraite, des autres régimes de retraite des fonctionnaires et enseignants sur une période. Maintenant, on fait état quelque part dans le rapport que, selon des études ou ce qui a

été fait pour l'année 1980, la période prévue est de 50 ans. Nous avons fait la remarque que la période de 50 ans nous paraissait longue et qu'il nous semblerait qu'une période plus courte serait plus normale.

En fait, encore là, remarquez bien, je crois qu'il y a lieu de souligner que cette question de régime de retraite fait encore l'objet d'études très fortes dans le moment et que tout n'est pas arrêté dans ce secteur.

M. Forget: Oui, mais tout ce qu'on sait, c'est que la dette est là. On peut l'évaluer de bien des façons, mais il reste qu'elle ne s'évanouira pas pour autant.

M. Larose: Non, parce que nous avons mentionné, par exemple, qu'elle était de 6 900 000 000 $ au 31 décembre 1978, selon l'évaluation actuarielle qui a été faite à ce moment là, et puis je crois qu'aujourd'hui elle est évaluée, en tout cas, au 31 mars 1981, elle avait déjà augmenté sensiblement.

M. Forget: De combien a-t-elle augmenté?

M. Chabot (Gilles): De l'intérêt sur les obligations.

M. Forget: Autrement dit, on ne met pas les intérêts. Non seulement on n'amortit pas cette dette actuarielle, mais les intérêts ne sont pas payés là-dessus.

M. Larose: Le montant qui a été crédité au compte du régime de retraite, au passif du compte de régime de retraite, donc au compte du gouvernement pour l'année 1980, par exemple, l'année 1979-1980, n'était pas suffisant pour couvrir le montant des intérêts sur la dette.

M. de Belleval: Vous parlez du RRF. Vous voulez dire que le passif actuariel de ces deux régimes a continué bien sûr de s'accroître durant l'année, compte tenu des coûts nouveaux, indexation, etc. Vous calculez un intérêt sur ce passif? C'est ce que vous voulez dire?

M. Larose: C'est ce qu'on veut dire. Si, par exemple, le passif était de 6 900 000 000 $ au 31 décembre 1978, si vous calculez un taux d'intérêt de, supposons, 10% pour un an, cela fait déjà 700 000 000 $ et la contribution du gouvernement est inférieure à 700 000 000 $. Donc, le passif s'est accru.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je voudrais dire deux mots sur ce qu'a dit le député de Saint-

Laurent tout à l'heure. À vouloir forcer des idées et des images, il est évident qu'on peut dire n'importe quoi. Il a beaucoup insisté sur le fait de la stabilisation. J'avais dit: On stabilisera le déficit actuariel.

Je voudrais le ramener au discours du budget où justement cela a été annoncé. Le paragraphe se lit comme ceci: "Sans doute ne doit-on pas se faire d'illusions, on n'effacera pas en quelques années les engagements accumulés au cours de plusieurs décennies et on ne capitalisera pas complètement les régimes de retraite. Mais on peut chercher à stabiliser graduellement le montant total des engagements. " On voit bien, par tout le contexte à la page et demie qui suit, que je ne me fais justement pas d'illusions. Mais la beauté de la chose, c'est que, si je n'avais rien fait du tout, je n'aurais aucun problème.

J'ai quand même mis dans les dépenses, en 1979-1980, puisque c'est cette année qu'on examine, 340 000 000 $ pour le RRE et le RRF, les deux vieux fonds. Si je comprends bien la démonstration, j'aurais mis zéro, on dirait: Le poids de l'histoire. Je mets 340 000 000 $ et on me dit: Le verre est à moitié vide. Je dis qu'il est à moitié plein. La discussion peut durer longtemps. Il y a une chose qui est claire, par exemple, c'est qu'avant qu'on bouge il était vide. Et le déficit actuariel était littéralement explosif. Je le sais très bien. Il y a des projections très nettes qui indiquent ce qui va se produire avec la politique qu'on suit. Pendant un certain nombre d'années, le déficit actuariel augmente, il augmente même assez rapidement; après cela, graduellement, il se stabilise et il atteint à un moment donné une sorte de plateau. Et cela se fait sur plusieurs années parce que je ne peux vraiment pas gonfler les dépenses au point qu'il faudrait pour être capable de satisfaire, encore une fois, des dizaines et des dizaines et des dizaines d'années d'incurie.

Si ce qu'on me dit, c'est: Pourquoi, diable, avez-vous ouvert cette "canne" de vers, vous auriez bien pu rester tranquille et faire comme tous vos prédécesseurs et personne n'aurait râlé? C'est cela qu'on veut me dire? Mais ce n'est pas cela que j'ai fait, et je pense que, du côté gouvernemental, on est assez fiers d'avoir pris le taureau au moins par une corne. Cela n'empêche pas le taureau de s'aqiter passablement, on le voit, mais, au moins, on a attrapé une corne pour une première fois. C'est un commencement.

Le député de Saint-Laurent utilise un mot extraordinaire quant à la comptabilisation dans les dépenses de ces sommes que j'affecte maintenant aux fonds de retraite. Il dit que c'est une mystification.

Le terme est très très fort. Si c'est une mystification, je suis vraiment étonné que le

Vérificateur général ne l'ait pas noté dans son rapport. C'est très fort, une mystification, il faut le faire. Il faut le dire, un truc comme cela, justement en vertu des critères de la vérification la plus traditionnelle et la plus classique. Si vraiment c'est une mystification, je me serais attendu que vraiment cela sorte clairement du rapport du vérificateur. Il est clair que le vérificateur ne va pas aussi loin que le député de Saint-Laurent et d'un bon bout.

M. Forget: II n'a pas besoin.

M. Parizeau: Troisièmement, il dit: II n'y a pas d'eau, qu'il n'y a pas d'argent. Mais alors, je ne comprends pas. Nos amis d'en face ont fait suffisamment état d'un déficit de 3 000 000 000 $. Comment est-il composé ce déficit budgétaire de 3 000 000 000 $? Pour une bonne part, de l'argent que nous plaçons dans les fonds de retraite. Si on ne comptabilisait pas dans les fonds de retraite les sommes dont j'ai parlé tout à l'heure, le déficit budgétaire serait beaucoup plus bas. C'est une énigme extraordinaire à nouveau pour le député de Saint-Laurent. Comment peut-il m'accuser d'avoir un déficit budgétaire de 3 000 000 000 $? Il faut bien que l'arqent soit allé quelque part.

Si c'est fictif, l'opération que je fais, alors, mon déficit budgétaire n'est pas de 3 000 000 000 $, il est bien plus bas que ça. Si mon déficit budgétaire a la réalité, la substance que le député de Saint-Laurent souliqne à tout bout de champ, si ce déficit de 3 000 000 000 $ a vraiment de la substance, il faut tout de même que l'arqent qui est comptabilisé pour les fonds de retraite en ait aussi. C'est une des composantes majeures du déficit.

Qu'est-ce qui se fait dans d'autres Législatures? Il y a effectivement d'autres gouvernements de provinces qui procèdent différemment. Ils mettent de l'argent, du liquide, dans, admettons, le fonds de retraite des enseignants, et ils disent: Vous me le remettez tout de suite sous forme d'emprunt parce que je me finance avec. C'est quelque chose de tout à fait analoque à ce que nous faisons au Québec, sauf qu'on n'envoie pas un camion de la Brink's à 9 heures le matin pour le redemander à 5 heures le soir.

Dans ce sens, ce qu'on fait au Québec est fait d'une façon ou d'une autre ailleurs de la même façon. Ces sommes sont comptabilisées, et c'est parce qu'elles sont comptabilisées que, à un moment donné, la croissance des fonds de retraite va s'arrêter petit à petit. Que ça prenne du temps, je le sais. S'il y a quelqu'un qui ne se fait pas d'illusion là-dessus, c'est bien moi. Encore une fois, qu'on ne vienne pas me raconter que, si on n'avait rien fait, ce serait mieux.

Là, les chiffres n'ont aucun sens.

Je reviens au rapport du vérificateur. Le député de Saint-Laurent me dit que ce serait pareil si on n'avait rien fait.

M. Forget: La comptabilité serait différente.

M. Parizeau: Le montant imputé aux dépenses, dit le vérificateur, à la page 4, de 1979-1980, selon la politique budgétaire pour les deux fonds de retraite dont on a parlé tout à l'heure, est le suivant: Service antérieur, 174 000 000 $; service courant, 167 000 000 $. La dépense de 173 000 000 $ s'applique au passif actuariel au 31 décembre 1978, elle est de beaucoup inférieure au montant qu'il aurait fallu porter au fonds des régimes de retraite pour tenir compte des intérêts de la période. Si elle est inférieure, c'est qu'elle existe; quelque chose qui n'existe pas ne peut pas être inférieur. C'est la fin de mon intervention, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, le ministre des Finances, s'il n'a pas réussi à démystifier le député de Saint-Laurent, je pense que c'est un cas désespéré. Le député de Saint-Laurent, tout à l'heure, disait: Le ministre des Finances laisse la population en plein désert, alors qu'il fait chaud et qu'on a soif, avec un verre dans lequel il n'y a pas d'eau, mais une promesse. Il faut dire qu'avant, dans le verre, il n'y avait ni eau, ni promesse. Il faut le dire également: L'eau, quand est-elle nécessaire dans le verre? Quand vient le temps de payer les pensions.

M. le Président, je demande au Vérificateur général, au ministre des Finances ou au député de Saint-Laurent: quand, depuis cinq ans, les pensions en vertu des vieux ou des nouveaux régimes n'ont-elles pas été payées? Quand l'argent est nécessaire dans le verre pour payer les pensions, est-ce qu'il en a déjà manqué depuis cinq ans?

M. Forget: Cela s'appelle "Pay as you go".

M. Grégoire: Quand on a pris le verre, M. le Président, il était vide; il n'y avait ni eau, ni promesse de payer. Au moins, il n'y a jamais manqué d'eau dedans et, en plus, il y a une promesse qu'il y en aura quand ce sera le temps. Cela, M. le Président, comme le disait le ministre des Finances tout à l'heure, c'est ce qui se fait dans toutes les provinces. Mais je voudrais ajouter ceci: Ce sont deux mentalités différentes. Le Parti libéral du Québec a inventé un régime de "pay as you go", le ministre des Finances

actuel a essayé d'y mettre de l'ordre. Cela s'est déjà produit au Canada, quand est venu le temps d'installer le régime de retraite qu'on a à l'heure actuelle, M. Parizeau a alors travaillé dans ce dossier d'une façon intense. Le gouvernement fédéral et le Parti libéral d'Ottawa, à l'époque, ont essayé d'installer un régime de "pay as you go" et d'inclure le Québec dans cela, et c'aurait été, dans tout le Canada, un régime de "pay as you go". Qu'est-ce qu'on aurait aujourd'hui?

Fort heureusement, il s'est trouvé une équipe à ce moment-là, M. Lévesgue, M. Parizeau, pour essayer de sortir le Québec de ce régime de retraite fédéral et pour l'installer au Québec. Aujourd'hui, on a la Caisse de dépôt et placement qui a des actifs énormes, qui est maintenant une des plus belles institutions financières et qui fonctionne avec un système actuariel. On voit les deux écoles de pensée. On peut donner un exemple de 1963, 1964 M. le ministre, si ma mémoire est bonne, le régime des rentes du Canada? (17 h 30)

M. Parizeau: En 1965.

M. Grégoire: En 1965. Je me rappelle fort bien que Judy Lamarsh était ministre de la Santé dans le temps. J'étais député à Ottawa à ce moment-là et le vérificateur était M. Anderson. Je ne sais pas si M. Châtelain l'a connu. Il y avait là encore la même mentalité de faire un système de "pay as you go" qui nous aurait laissés, aujourd'hui, Dieu sait dans quel marasme, avec un déficit actuariel énorme. Fort heureusement encore, le Québec a eu son propre système et c'est grâce à des hommes comme MM. Lévesque et Parizeau qu'on a notre propre système de Régime de rentes actuarialisé.

Ce que vous avez créé au Québec, vous, les libéraux, en 1973 et avec les vieux régimes antérieurs, c'est exactement dans la continuation de votre ligne de pensée. Quand arrive tout à coup un système où on essaie d'actuarialiser tous ces régimes, de les rendre conformes à la réalité, vous avez peur qu'on ouvre votre ancienne boîte qui sentait mauvais.

En même temps, vous arrivez et vous dites qu'il n'y a que des promesses dans le verre, il n'y a pas d'eau. Voudriez-vous qu'on y mette tout de suite l'eau qui servira dans vingt ans? L'eau croupirait là.

La promesse de payer fructifie. M. le Président, je pense bien que le député de Saint-Laurent a essayé de nous faire une démonstration qui n'en était pas une. Il a essayé de nous mystifier davantage et il a essayé d'aveugler la population en parlant de la fée stabilité, en parlant d'un jeu de passe-passe, mais je crois que le député de Saint-Laurent n'avait rien compris au système lui- même.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je ne veux pas engager, Dieu m'en garde, un débat sur les fonds de retraite avec le député de Frontenac, mais je pense qu'il a assez bien décrit cependant un phénomène qui explique pourquoi la décision d'opérer pendant longtemps les fonds de retraite du secteur public sur la formule du " pay as you go " n'était pas sotte. Effectivement, sans qu'il y ait de réserve, il est possible d'honorer les obligations des réqimes à même les cotisations payées durant la même année par les membres.

Si le député de Frontenac a la bonté de reqarder les comptes publics depuis sept ou huit ans, depuis le RREGOP, il va se rendre compte qu'il y a, effectivement, un étranqe parallélisme dans les montants en question, c'est-à-dire que les montants des cotisations payées par les fonctionnaires et les employés des organismes publics sont à peu de chose près égaux aux montants des pensions qui sont versées aujourd'hui, année après année.

C'est donc un régime qui permet, qui a permis, et qui, à peu de chose près, encore pendant quelques années, sauf qu'il y a inversion des avantages depuis quelque temps, permettrait au régime de vivoter sur la base du " pay as you go " sans que rien ne change.

C'est d'ailleurs pourquoi le gouvernement n'a pas besoin d'avoir trop de craintes de ne pas pouvoir payer les pensions et les fonctionnaires encore moins n'ont pas à craindre de voir les pensions s'interrompre, parce que, dans le fond, ceux qui travaillent paient pour ceux qui ne travaillent pas.

Ceci étant dit, il demeure que l'opération est une mystification. Il n'y a rien substantiellement de changé quand on modifie les conventions comptables pour considérer comme étant un passif une part que l'on veut bien assumer cette année-là du déficit actuariel et dire: Maintenant, nous ne le devons pas au titre d'un passif actuariel qui apparaît dans les notes, on le doit aux pensionnaires futurs, au titre d'une créance qu'on leur a créée face au gouvernement.

On a changé quatre 0, 25$ pour 1, 00$, M. le Président. C'est comptabilisé différemment, ça fait un jeu d'écriture, mais il reste que ce que l'on devait à titre de déficit actuariel, on le doit maintenant à la CARR, la Commission administrative des régimes de retraite. Quand la CARR verra que les cotisations annuelles sont insuffisantes pour payer les prestations annuelles aux retraités, elle devra se retourner vers le ministre des Finances de

l'époque et lui dire: Honorez aujourd'hui pour la différence les promesses que vous nous avez faites dans le passé et que vous avez inscrites dans ces années-là aux années financières mais que vous avez gardées pour financer d'autres activités gouvernementales.

Cet argent-là, on ne peut pas le dépenser deux fois. Chaque année, les sommes qui sont prétendument mises de côté pour payer les pensions futures et diminuer le déficit actuariel, le sont simplement théoriquement; en réalité, elles sont utilisées pour payer les salaires des fonctionnaires, ceux des professeurs dans les écoles et payer le fonctionnement des hôpitaux. Cela fait partie de la provenance générale des fonds du gouvernement.

Bien sûr, le ministre des Finances a raison de dire que cela majore son déficit, mais qu'il n'aille pas nous dire que son déficit de 3 000 000 000 $ est l'effet de cela, parce que ce n'est absolument pas vrai. C'est une fraction, de nos jours, de son déficit qui est l'effet de cela. On est bien prêt à lui faire la concession que son déficit va baisser de quelque 3 300 000 000 $ ou 3 400 000 000 $ à 2 800 000 000 $ ou 2 900 000 000 $, probablement. Cela nous fait une belle jambe! Le déficit n'est pas disparu pour autant.

Ce qu'on sait cependant, de façon certaine, c'est que la stabilisation du déficit actuariel, c'est pour demain. Ce qu'on sait de façon certaine, c'est que les fonds qui sont mis de côté ne sont pas confiés à la caisse de dépôt, ils ne sont pas confiés à la fiducie du Québec pour être qérés au bénéfice des futurs pensionnés, ils sont utilisés cette année pour payer les dépenses courantes du gouvernement.

En termes réels, nous sommes exactement dans la même situation qu'en 1976. La seule différence est que nous avons perdu une toute petite partie de notre innocence comptable. Au lieu, maintenant, de reléguer aux notes et aux appendices la notion d'un déficit actuariel, nous avons bien accepté d'en mettre une petite fraction dans nos budqets et dans nos états financiers. Une petite fraction. Et on dit: Cette dette, on la reconnaît maintenant explicitement, elle a toujours existé.

Le fait de reconnaître, aujourd'hui, que je suis en dette vis-à-vis de la banque, même si je m'en vais le dire sur la place publique et que je publie dans les journaux: Je suis endetté pour 2000 $ à la banque, ça ne m'aide pas à payer ma dette. Je suis plus franc, peut-être, ma situation financière est publigue, mais ça n'informe même pas complètement les gens de ce que je dois, parce que j'en ai peut-être, en plus de cette dette à la banque, d'autres vis-à-vis de mon beau-frère ou de Dieu sait qui. Si je ne donne pas toute ma situation financière, tout ce qu'on peut dire, c'est que j'ai maintenant admis avoir une petite dette, mais je sais, et tout le monde sait, que j'en ai une beaucoup plus qrosse que je n'admets pas de la même façon. Beau progrès!

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: On revient à quelque chose que le député de Saint-Laurent, dans les analyses qu'il a pu faire du déficit budqétaire du gouvernement du Québec, a toujours eu beaucoup de difficultés à comprendre ou, tout au moins... Non, qu'il n'a pas eu du tout de difficulté à comprendre, mais il fait tout comme s'il ne voulait pas comprendre.

Le déficit budgétaire, tel qu'il est établi à 3 000 000 000 $ dans le discours du budget, est suivi d'un autre poste qui s'appelle: Besoins financiers nets. Les besoins financiers nets, c'est l'argent qu'on a besoin d'emprunter, à l'extérieur du système, pour financer le budget. J'ai essayé, contre vents et marées, de faire comprendre que ce qui est important pour un gouvernement, quant à faire connaître sa situation financière, ce sont ses besoins financiers nets, ce n'est pas son déficit budqétaire. J'ai eu beau le répéter sur tous les tons comme le montant du déficit budgétaire était plus gros que les besoins financiers nets, aux fins de l'argumentation, un montant gros vaut mieux qu'un montant petit.

À quoi correspondent, dans le discours du budget, un déficit budqétaire de 3 000 000 000 $, les besoins financiers nets? C'est 2 000 000 000 $. Il y a 1 000 000 000 $ de différence entre les deux. Ce que nous avons besoin d'aller chercher en dehors du système, ce sont 2 000 000 000 $ de ressources. Pourquoi? Essentiellement parce qu'il y a au-delà de 1 000 000 000 $comptabilisés aux fins des comptes de retraite, qui ont été inclus dans les dépenses, parce que ce sont effectivement des dépenses que nous avons à encourir, ces fonds de retraite, mais qui apparaissant dans les sources propres, les sources internes de financement. Là au moins, on voit qu'apparaissant dans le déficit budqétaire les sommes que nous avons décidé d'inscrire et réapparaissent ces montants dans les sources internes de financement. On n'a donc pas, à cause de ça, besoin d'aller emprunter en dehors de la machine 3 000 000 000 $ mais 2 000 000 000 $. Ce n'est pas une mystification. Si on juge que c'est une mystification, alors, que le député de Saint-Laurent ne parle plus jamais d'un déficit de 3 000 000 000 $, qu'il parle d'un déficit de 2 000 000 000 $, mais il ne peut pas, d'une part, parler d'un déficit budqétaire de 3 000 000 000 $ et, d'autre part, de mystification. Ce n'est pas possible. C'est l'un ou c'est l'autre. Si c'est une

mystification, j'engage le député de Saint-Laurent dorénavant à parler du déficit du gouvernement du Québec comme étant de 2 000 000 000 $.

Si c'est une mystification, à son point de vue, le montant qu'il doit retenir quant à nos besoins de fonds à l'extérieur de la machine, c'est 2 000 000 000 $. Si, comme je le crois, cela correspond à la situation réelle du gouvernement sur le plan financier, il y a un déficit budgétaire de 3 000 000 000 $ qui comporte là-dessus une comptabilisation de plus de 1 000 000 000 $ pour les fonds de retraite. Ce n'est pas, je pense, extraordinairement complexe à comprendre et, d'autre part, lorsqu'il s'agissait du mandat d'une commission des comptes publics ou du mandat du vérificateur, le député de Saint-Laurent s'appuyait beaucoup sur les usages ailleurs; c'est justement un type d'usage qu'on retrouve assez fréquemment. Là encore, je ne veux pas commencer à m'excuser d'utiliser des présentations comptables qui sont faites ailleurs et que le Vérificateur général reconnaît. Le vérificateur voudrait que le passif actuariel, je l'inscrive dans le passif plutôt que dans une note au passif.

À l'heure actuelle, ce qui nous sépare, jusqu'à un certain point, le vérificateur et nous, c'est que le vérificateur dit: Cela devrait être dans le passif. Nous disons simplement: Voici le passif et, après cela, les notes afférentes aux états financiers en font intégralement partie; on tourne la page et c'est dans la page suivante. Ce qui nous distingue, c'est que le vérificateur dit: Pourriez-vous mettre ça à la page 21? Nous, on dit: On le met à la page 22. Il ne faut pas voir des montagnes dans la façon dont on traite les choses. L'essentiel de nos discussions, si on peut dire, tient à ça. Voilà, M. le Président.

M. Forget: M. le Président, très brièvement.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, mais... M. Larose.

M. Larose: Je désirerais apporter un commentaire sur les dernières paroles de M. Parizeau. Évidemment, je pense qu'il est vrai que le renseignement apparaît dans les notes aux états financiers, mais je ne voudrais quand même pas qu'on ait l'impression qu'un état financier et qu'une note aux états financiers, c'est la même chose. Je pense qu'un état financier doit être complet par lui-même et les notes aux états financiers, selon toutes les règles de divulgation et selon toutes les règles reconnues en comptabilité, doivent venir expliciter les chiffres qui apparaissent aux états financiers. Pour tout ça, je répète à nouveau ce que j'ai mentionné tout à l'heure, par exemple.

Autant nous avons suqgéré, recommandé qu'en ce qui concerne le RREGOP, le plein montant soit inscrit aux états financiers, autant, en ce qui concerne les autres réqimes, nous avons suqgéré qu'idéalement cela devrait l'être, mais, quand même, l'amortissement ou l'inscription sur une période d'années serait quand même admissible.

Une note aux états financiers n'est pas un état financier. Elle ne peut pas remplacer l'état financier et on pourrait dire qu'une dette qui est réelle doit normalement se trouver dans l'état financier lui-même. C'est seulement par exception que, du côté des réqimes de retraite, à cause de la situation actuelle, on peut penser qu'une note explicative pourrait venir suppléer au fait que les états financiers ne montrent pas tout. (17 h 45)

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, le ministre des Finances s un point très valable lorsqu'il dit "besoins financiers nets". Je suis d'accord avec lui s'il veut que l'on parle des besoins financiers nets dans certaines circonstances. D'ailleurs, on l'a fait.

M. Parizeau: Ah! Ah!

M. Forget: Ne vous réjouissez pas trop vite! Pourquoi a-t-on une comptabilité publique ou privée? C'est pour se comprendre et non pas pour empêcher la communication ou la compréhension. Lorsque le ministre des Finances dit à la population: J'adopte un plan qui me permettra de capitaliser les fonds de retraite de nos fonctionnaires, dans le fond, ne connaissant pas les contraintes financières du gouvernement, la population dit: Oui, cela semble une bonne idée. Allons-y. Mettons cela comme dépense dans le budget; puisqu'il va bien falloir un jour que ce soit payé, cela va être moins lourd. C'est le raisonnement normal que toute personne prudente ferait. Elle approuverait le ministre des Finances en disant: Oui, mettons cela dans les dépenses, étant consciente que cela va majorer le déficit.

Ce qui a cependant échappé davantage à l'attention du grand public, c'est que cette somme qui accroissait le déficit n'était pas accumulée comme elle l'est, par exemple, par la Caisse de dépôt et placement du Québec pour le Régime de rentes. Elle était immédiatement prêtée au gouvernement, en quelque sorte, pour lui permettre de financer ses dépenses courantes, et tout ce que la caisse qardait, c'était une créance contre le gouvernement. C'est de là que vient l'ambiguïté de l'expression qu'a utilisée le ministre des Finances: "les besoins financiers en dehors du système". C'est quoi, le

système dont on parle? On peut s'amuser avec bien des définitions. Quand on dit: On va capitaliser un fonds de retraite, on a l'air de dire: Le financement de ce fonds de retraite, on va le sortir de notre système gouvernemental de financement. On va en faire une caisse séparée. On va faire un fonds séparé. On va mettre cela de côté. Les gens se disent que c'est normal, je pense. C'est donc sorti du système. On a sorti la caisse du système. Si on va chercher du financement dans la caisse, on dira: On va en dehors du système. Je comprends que de la façon dont on procède, la caisse a à la fois cette caractéristique remarquable qu'elle est pour certaines fins dans le système tout en ayant l'air d'être hors du système. C'est déjà un animal extraordinaire. C'est une caisse qui est dedans, mais qui est aussi dehors, qui est intéressante à créer et à financer, parce que tout le monde a l'impression qu'on est prudent parce qu'on la met en dehors du système, mais on a bien eu soin de la garder dans le système pour en profiter. L'opération n'est pas évidente. Ce ne sont pas des choses que les gens font tous les jours. Il faut être un ministre des Finances pour penser à cela. J'en suis sûr.

Après, le ministre des Finances parle des "besoins financiers nets". Il dit: J'ai ramassé cela. J'ai mis 300 000 000 $ ou 400 000 000 $ là, mais je l'ai repris de l'autre main. L'opération est subtile. Elle est élégante. Personne n'a rien vu. Ni vu ni connu. Pas vu pas pris. On procède. On se dit: Là, on sort du système. On va aller chercher de l'argent ailleurs que dans le fonds consolidé, ailleurs que dans le système, mais on peut définir le système de bien des façons, M. le Président. Pour la plupart des gens, la Caisse de dépôt et placement du Québec est un peu dans le système. C'est une caisse publique pour une retraite publique et universelle, et, merveille des merveilles, ce qu'on va chercher hors du système, cela vient un peu de ce système, de la Caisse de dépôt et placement du Québec. À force de faire des définitions, M. le Président, je suis sûr qu'avec un peu d'ingéniosité et un peu de délai le ministre des Finances pourrait faire disparaître son déficit totalement et complètement, parce que ce qui vient de la Caisse de dépôt et placement du Québec, ce n'est presque plus un déficit. Ce n'est certainement pas un "besoin financier net" face au secteur privé et face aux marchés financiers. On n'a plus de déficit, M. le Président. On l'a fait disparaître. Il n'y en a plus. Pourtant, cela ne va pas bien, mais c'est un autre problème.

M. le Président, ce n'est pas une question de savoir si, en définissant les choses comme on les a définies, toutes les petites boîtes tombent dans les bons trous, etc. Sûrement. C'est tout le problème de se comprendre quand on parle des finances publiques, parce que ce sont des montants énormes, et parce que ce sont des montants énormes, tout le monde est catastrophé en regardant cela. On se dit: Je n'y comprendrai certainement rien, et parfois on a malheureusement raison.

Le problème, c'est de savoir si, oui ou non, on a mis de l'argent de côté - je ne reviendrai pas là-dessus - pour honorer des obligations futures? Est-ce qu'on a sincèrement donné l'image exacte, puisque c'est ce qui concerne la commission des comptes publics aujourd'hui, de ce qu'on devra un jour sortir du système? Hélas, non, M. le Président. On a dit: On va en sortir environ 1 200 000 000 $; or, les études actuarielles qu'on a nous disent: Ce n'est pas du tout ça qu'on va sortir, on va sortir quelque chose comme 7 000 000 000 $ ou 8 000 000 000 $. La différence est de taille, admettons-le. Cela, il n'y a pas d'erreur, cela devra sortir du système, qu'on le définisse comme on le voudra. À un moment ou à un autre, c'est 7 000 000 000 $ qui quittent le système et qui n'y sont pas présentement.

M. Parizeau: Juste un mot, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Si on me permet, M. le Président, le député de Saint-Laurent va beaucoup trop loin. On ne clarifiera rien du tout avec des termes aussi vaques que quelque chose comme: La caisse de dépôt est un peu dans le système. On n'est pas un peu dans le système, on n'est pas à moitié vierge, on est dans le système ou en dehors du système. Si on veut parler d'une comptabilité le moindrement raisonnable, il faut quand même savoir, justement, de quoi on parle.

La caisse de dépôt est alimentée pour l'essentiel, en très grande partie, par des individus qui, d'aucune espèce de façon, ne sont rattachés aux secteurs public et parapublic. Ils sont donc dans l'économie privée, hors gouvernementale, ils ne sont pas payés avec l'argent des contribuables. Dans ces conditions, il est évident qu'ils acguièrent des titres obligataires ou des actions de compagnies ou des immeubles pour protéger leurs pensions et pour faire en sorte qu'elles soient payables quand elles doivent être payables. La caisse n'est pas un peu dans le système, elle est complètement en dehors du système. La caisse de dépôt, à cet égard, est un acheteur d'obligations du gouvernement de Québec plus gros que les institutions financières, mais selon exactement le même processus. Dans ce sens, c'est clairement en dehors du système.

D'autre part, il n'est pas raisonnable de comparer ce qui est une contribution, une comptabilisation annuelle, 1 000 000 000 $ ou 1 200 000 000 $, comme le disait le député de Saint-Laurent, et les sommes nécessaires pour les fonds de retraite que nous affectons chaque année au fonds de retraite, avec 7 000 000 000 $ ou 8 000 000 000 $ qui sont, en fait, une valeur actuelle, c'est-à-dire un stock. Le député de Saint-Laurent a trop de formation pour confondre un flux et un stock, une contribution annuelle et une valeur actuelle des engagements actuariels. Cela, c'est vraiment une comparaison de pomme et d'orange. Cela, encore entre nous, pour la clarification du débat public, ce n'est pas particulièrement intéressant.

M. Forget: Question de privilège, M. le Président. Quand même, je ne confonds pas les flux et les stocks, je me réfère au compte de l'actif et du passif 1980, page 239 du rapport du vérificateur, où le compte des régimes de retraite apparaît comme un élément de passif, en 1980, pour un montant de 1 598 183 000 $. C'est un élément de passif, c'est un stock par définition, ce n'est pas un flux.

M. Parizeau: Ah oui, mais...

M. Forget: C'est la partie du déficit actuariel, etc., et des autres emprunts qu'on a faits. C'est la réflexion de ce que l'on a pris comme dette face au régime et qui, elle-même, est la réflexion du déficit actuariel. On n'y peut rien.

M. Parizeau: Ah oui, mais on ne parlait pas du tout de la même chose.

M. Forget: Ah! bon. Cela nous arrive parfois.

M. Parizeau: Ce dont on parle, à toutes fins utiles, ce n'est pas du tout, là encore, la même chose. C'est-à-dire que ce sont les sommes affectées aux états financiers, au régime des comptes de retraite, à concurrence de 1 600 000 000 $, ce qui est déjà fait, par opposition à la valeur actuelle des engaqements qu'on prend, et payables dans un très grand nombre d'années. Il n'y a donc aucune espèce d'adéquation en termes de temps. J'avais mal compris le député de Saint-Laurent, mais, par comparaison, il y a autant d'oranqes d'un côté que de pommes de l'autre. C'est un stock aujourd'hui avec la valeur actuelle d'un stock plus tard. Cela n'a aucune espèce de comparaison particulière.

M. Forget: C'est cela. Au moins, ce sont deux stocks, on se comprend là-dessus.

Le Président (M. Bordeleau): On peut continuer.

M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: M. le Président, juste un mot parce que je pense qu'on termine à 18 heures et qu'on reprend à...

Le Président (M. Bordeleau): II s'agirait de s'entendre. J'aimerais bien qu'on puisse s'entendre avant 18 heures. Selon notre mandat et selon les heures régulières de la commission, on suspend les travaux à 18 heures et on les reprend à 20 heures. Maintenant, si on m'indique unanimement autour de la table qu'on veut procéder autrement, je pense qu'on peut.

M. Forget: J'ai mon collègue ici qui aimerait poser une question dans le cadre général de la discussion. Je pourrais peut-être suqqérer que nous suspendions après jusqu'à 20 heures pour reprendre de façon plus détaillée sur certains sujets, certaines recommandations du Vérificateur général, toujours dans le même chapitre.

M. de Belleval: Je veux juste dire un mot dans ce cas, M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): D'accord, M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval:... si c'est moi qui ai la parole, bien sûr. J'ai écouté le député de Saint-Laurent qui a le mérite de soulever des problèmes réels à l'occasion, mais, ensuite, de mêler tout le monde en passant d'un plan de discussion à un autre, sans trop nous avertir, d'ailleurs, de nous distribuer des blâmes où vraiment il n'y en a pas du tout et de refuser, finalement, de reconnaître le principal mérite de l'opération que le ministre des Finances a faite en comptabilisant une partie des engagements dans son budget, contrairement à ce que faisaient ses prédécesseurs, parce que, au fond, c'est cela. Il commence par nous dire: Le ministre des Finances nous avait promis de stabiliser. Stabiliser quoi, on ne le sait pas trop, mais, finalement, quand on compare l'énoncé du député de Saint-Laurent avec l'énoncé très concret qu'on retrouve écrit dans le discours du budget, on se rend compte que l'actuel ministre des Finances, pour la première fois, a indiqué à la population un problème particulier dont nous étions, tous tant que nous sommes, fort peu au fait, à savoir qu'il y avait des fonds de retraite qui s'accumulaient et pour lesquels on ne reflétait pas dans nos budgets annuels des engagements partiels ou totaux, à savoir les fonds de retraite, des fonctionnaires et des enseignants.

Le ministre a dit: Cela, au moins, je vous le mets sur la table et je vais mettre de côté, dans mon budget, une certaine

somme pour commencer à amortir des paiements que personne avant moi n'avait mis sur la table et personne avant lui n'avait mis des sommes pour les amortir. C'est une première chose. Il n'a pas promis de stabiliser quoi que ce soit, mais il a mis sur la table un dossier particulier et il a commencé à mettre des sommes de côté. Dit-il, il a mis de l'argent de côté. Que je sache, le ministre des Finances n'a jamais dit nulle part qu'il mettait de l'arqent de côté dans un fonds. Le ministre des Finances me corrigera, mais je ne pense pas, contrairement à ce qu'a dit le député de Saint-Laurent, que le ministre des Finances a fait croire à la population que, contrairement à l'ancien méchant gouvernement, nous, on allait mettre de l'argent de côté dans un "pot", dans une banque quelconque et que le peuple serait plus rassuré parce qu'on mettait de l'argent de côté. Ce n'est pas cela, on n'a jamais dit cela. On n'a jamais dit qu'on mettait de l'argent de côté. Ce qu'on fait par l'opération du ministre des Finances, c'est qu'on s'astreint à une certaine transparence sur la place publique et à une certaine discipline sur le plan budgétaire.

Le député de Saint-Laurent ne peut pas passer, non plus, à sa quise d'un déficit de 3 000 000 000 $ à soi-disant un déficit de 2 000 000 000 $ de besoins financiers réels qui seraient additionnés d'un montant que le ministre des Finances aurait mis dans un autre article du budget et qui serait repassé par un tour de passe-passe. Ou bien il prend le déficit de 3 000 000 000 $ et il va admettre que, selon l'ancienne façon de calculer des anciens ministres des Finances, ce déficit serait moins élevé si le ministre des Finances n'avait pas mis ces sommes. Sur la place publique, au lieu d'avoir un déficit de 3 000 000 000 $, on aurait un déficit de 2 660 000 000 $, puisqu'il y a 340 000 000 $ en 1980 qui sont inscrits. S'il est de bonne foi, il va admettre que le déficit, si on le compare à ce qui se passait avant, serait moins élevé que 3 000 000 000 $. Sur la place publique, cela veut dire quelque chose. Ces chiffres commencent à vouloir dire quelque chose dans la population. Le ministre des Finances s'est astreint à une certaine discipline parce qu'il se trouve à gonfler son déficit de cette façon par rapport à ce que faisaient les anciens gouvernements. Il y a une réalité dans les chiffres.

De ce point de vue, donc, il améliore les choses sur le plan de la discussion publique. S'il veut ensuite reprendre la discussion au niveau des besoins réels du gouvernement, là, on change de reqistre de nouveau et on va discuter autrement. On ne peut pas discuter sur les deux plans en même temps. (18 heures)

Au fond, ce qu'on doit retenir, finalement, de cette discussion, c'est qu'on a une plus grande transparence qu'auparavant en ce qui concerne un engagement important quant aux générations futures, à savoir payer les fonds de retraite des fonctionnaires et des enseignants qui ont cotisé dans les anciens régimes, le Régime de retraite des fonctionnaires et le Régime de retraite des enseignants. Je pense que c'est un résultat valable sur le plan d'une certaine transparence des choses dans le domaine public québécois. On a eu le mérite de mettre ce problème sur la table, on ne l'a pas maquillé et on n'a pas maquillé les états financiers.

Cela étant dit, on peut discuter d'autres aspects effectivement. On va mêler le monde longtemps si on commence à discuter à savoir de quelle façon le gouvernement se finance, la distinction entre les besoins de financement net, le déficit budgétaire et le fait que le gouvernement se prête de l'argent qu'il reçoit par ailleurs de ses propres contribuables. C'est comme cela qu'un Ftat se finance, je pense; il se finance à même les ressources de ses contribuables. Ce n'est pas une découverte que le député de Saint-Laurent a faite en disant que le ministre des Finances reçoit de l'arqent d'un côté et qu'il paye des choses de l'autre. C'est évident qu'on ne crée pas l'argent. Le ministre des Finances ne le crée pas; il l'emprunte quelque part et il l'emprunte, entre autres, de cette façon, mais il n'a jamais prétendu qu'il le mettait de côté. Il s'est cependant créé une obligation de discipline budgétaire plus grande que les anciens gouvernements. C'est vrai.

Le Président (M. Bordeleau): Comme il est 18 heures, nous allons ajourner nos travaux...

M. Lincoln: Je pensais finir par une question.

Le Président (M. Bordeleau):... à moins que les membres de la commission me donnent le consentement pour continuer. Si vous me dites que c'est simplement pour quelques minutes, c'est peut-être possible. Cela me prend le consentement des membres.

Des voix: C'est d'accord.

Le Président (M. Bordeleau): C'est cela que je vous dis. J'ai le consentement, d'accord. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: J'aurais voulu poser une question au Vérificateur général, M. Larose. C'est justement la clef de toute la question. Si on prend la question globalement, en théorie, je pense que le député de

Charlesbourg a raison, mais ce n'est pas tout à fait aussi simple que cela. Je pense qu'il faut regarder ce qui se passait avant RREGOP; s'il n'y avait pas eu RREGOP, votre argument aurait tenu debout, mais ce n'est pas vraiment ce qui s'est passé. En 1973, on a créé un nouveau fonds de retraite; on a décidé de capitaliser cela de façon actuarielle en prenant les contributions et en les déposant en faveur des bénéficiaires. L'autre, qui est un "pay as you qo", continue "pay as you go". C'est une distinction fondamentale. On ne peut pas prendre le sujet d'une façon globale. Qu'est-ce qui se passe depuis RREGOP?

En 1973, RREGOP a été créé, n'est-ce pas M. le Vérificateur général? Avant que le gouvernement décide de stabiliser, appelez cela ce que vous voulez, les autres fonds de retraite qui n'étaient pas capitalisés, est-ce qu'il n'a pas créé une mystification, appelez cela ce que vous voulez, une confusion totale, parce que, en fait, RREGOP est déficitaire? Les chiffres démontrent qu'il y a un déficit actuariel dans RREGOP, je pense, de quelque chose comme 500 000 000 $. Il y a un déficit dans ce qu'on devrait créditer dans les intérêts; on peut avoir les chiffres. Ce qui est arrivé, c'est qu'on n'a pas mis assez dans ce qu'on devait stabiliser et, en même temps, RREGOP a commencé à devenir déficitaire. Ce qui devait être capitalisé d'une façon actuarielle systématique, c'est-à-dire RREGOP, au moins c'était déjà un pas en avant, un grand pas en avant, mais cela aussi commence à devenir déficitaire. N'a-t-on pas créé un double problème en essayant, d'un côté, de stabiliser et en rendant RREGOP déficitaire?

Le Président (M. Bordeleau): M. Larose.

M. Larose: Concernant RREGOP, il a été créé en 1973 et il y a une division de deux choses dans RREGOP. D'abord les contributions des employés dans RREGOP sont transmises à la Caisse de dépôt et placement pour administration par l'intermédiaire de la CARR, la Commission administrative du régime de retraite. Cela a toujours été fait et cela n'a jamais cessé.

M. Lincoln: D'accord, là on parle de la contribution du gouvernement, de l'employeur.

M. Larose: La contribution du gouvernement en tant que telle a toujours été inscrite dans les livres comme passif à 140%, c'est-à-dire à 7/12, les contributions dans le RREGOP, sont à 5/12 pour l'employé et de 7/12 pour le gouvernement. Les 5/12 des employés s'en vont à la Caisse de dépôt, les 7/12 du gouvernement, c'est-à-dire 140% des contributions des employés, ont été portées à un compte de passif, sans qu'il y ait de fonds correspondant qui ait été créé, comme cela a été discuté, mais cela a été porté à un compte de passif.

Ce que l'on constate qu'il mangue dans le RREGOP, à l'heure actuelle, c'est une partie des intérêts sur la contribution gouvernementale, au montant de 174 000 000 $, qui n'a pas été portée au compte de passif du gouvernement. Et il y a aussi eu des transferts de personnel, des personnes qui sont transférées des anciens régimes au nouveau régime de RREGOP et le passif que devra assumer le RREGOP pour ces personnes n'est pas inscrit aux livres du gouvernement non plus. Cela se monte à guelque chose comme 480 000 000 $ au 31 décembre 1978. C'est la situation du RREGOP.

En ce qui concerne les autres régimes, au 31 mars 1980, en résumé, il y avait dans le compte de passif du gouvernement un solde de 328 000 000 $ inscrit comme étant dû pour des fins de régimes de retraite. C'est le montant qui était inscrit au passif. Ce montant doit se comparer à une dette qui dépassait les 7 000 000 000 $ et qui, elle, apparaissait comme explication en note dans les états financiers, mais qui n'était pas inscrite au passif même, mais qui apparaissait comme en note.

C'est la situation des autres régimes. En fait, il y a 328 000 000 $ de dette inscrite au 31 mars 1980 et le reste est indigué en note. Du côté du RREGOP, c'est la situation que je vous ai donnée. C'est une partie des intérêts qui n'ont pas été enregistrés, une partie des intérêts sur la contribution du gouvernement, et les montants dus quant au transfert de certaines personnes d'un régime à l'autre.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances, vous avez une interprétation?

M. Parizeau: M. le Président, je voudrais peut-être juste apporter quelques éclaircissements. Le montant d'intérêt de 173 000 000 $ dont on parle porte sur la période de la création du RREGOP aux mesures que j'ai introduites en 1978. Ce n'est pas un montant de 173 000 000 $ qui augmente constamment. Il augmente à cause des intérêts des intérêts; nous payons les intérêts, mais ce montant de 173 000 000 $ correspond à ce qui s'est passé, de l'introduction du RREGOP jusqu'au 31 mars 1978.

Une voix:...

M. Parizeau: Oui, de 1973 à 1978. En somme, on en revient toujours au verre à moitié vide ou à moitié plein. C'est dans la partie vide du verre. Un bon jour, il va bien falloir le faire, mais, en tout cas, c'est cela.

D'autre part, pour ce qui a trait au fonctionnement du RREGOP lui-même et au fait qu'à l'heure actuelle, il est déséquilibré il y a une décision majeure à prendre, qui a trait aux contributions des employés et des employeurs, telles qu'établies jusqu'à maintenant.

Il est prévu, dans le cadre du RREGOP, que lorsque les deux parties, syndicale et patronale, s'entendent sur un actuaire, on demande à l'actuaire de faire conjointement un rapport sur l'état du fonds, sur l'état du RREGOP, et lorsque l'actuaire ainsi nommé par les deux parties conclut qu'il y a une déficience dans les contributions de part et d'autre, les contributions doivent être auqmentées le 1er juillet suivant.

Dans cette perspective, comme on sait qu'à l'heure actuelle, le RREGOP est un peu déséquilibré - il ne l'est pas comme les autres peuvent l'être, mais il commence à l'être - il y a eu effectivement rencontre des deux parties, nomination d'un actuaire, rapport de l'actuaire qui, si je comprends bien, est entré il y a une quinzaine de jours et donc, normalement, à moins qu'il se passe autre chose, le 1er juillet prochain, les contributions, de part et d'autre, seront augmentées pour que le fonds se rétablisse.

On en est là pour ce qui a trait au déséquilibre du fonds, par opposition aux 174 000 000 $ d'intérêt qui, eux, sont de l'intérêt qui n'a pas été payé, de 1973 au 11 mars 1978. On s'entend là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 h 15.

(Suspension de la séance à 18 h 11)

(Reprise de la séance à 20 h 28)

Le Président (M. Bordeleau): Mesdames et messieurs, la commission parlementaire des finances et des comptes publics reprend ses travaux qui ont été suspendus pour l'heure du diner. Où est-ce qu'on en était exactement? Je pense que j'avais épuisé les droits de parole, je suis prêt à donner la parole à qui veut la demander. Oui, M. Forget.

M. Forget: M. le Président, je crois que nous pourrions peut-être utilement occuper les quelques heures de cette soirée à regarder d'un peu plus près un certain nombre de questions qui font l'objet de remarques particulières, mais toujours dans le même chapitre sur les états financiers, pour être sûr de bien comprendre les recommandations du Vérificateur général et la portée surtout de ses remarques, parce que c'est ce qui nous préoccupe au plus haut point.

À cet égard, il y a un certain nombre de postes qui sont énumérés dans les états financiers comme insuffisants. Je m'excuse, M. le Président, je cherche un document et je pensais l'avoir sorti; je m'excuse, je l'ai ici. Il y a un certain nombre de postes et j'aimerais, bien sûr, qu'on fasse le tour de tout ça, un par un, pour bien comprendre la raison des écarts et les conséquences de chacun. On peut le faire sous plusieurs rubriques, mais ce que je veux dire, c'est qu'en plus des questions qui se posent dans les états financiers, relativement au reflet fidèle des déficits actuariels et des paiements d'intérêt, il y a aussi un certain nombre d'autres postes que nous voudrons regarder de plus près. Je pense ici aux comptes à payer non enregistrés, aux frais de fonctionnement des établissements et des institutions du secteur parapublic. Il y a là des choses, mais mettons ça de côté pour l'instant; ce n'est pas exhaustif, ce que je viens d'énumérer, il y a d'autres postes également qui pourraient figurer aux états financiers avec un chiffre différent de ce qui y fiqure effectivement.

Pour terminer sur ce qu'on pourrait appeler des détails, par rapport à notre discussion de cet après-midi sur les régimes de retraite, j'aimerais qu'on essaie non seulement de nous dire ce qui pourrait être fait différemment, mais d'avoir, point par point, un tableau de ce que ça voudrait dire, faire les choses différemment. Je vais y aller dans l'ordre. Il me semble qu'on nous a dit qu'il y avait un montant de 173 000 000 $ ou de 174 000 000 $ quant aux intérêts non comptabilisés au RREGOP. C'est un premier sujet. Le ministre des Finances nous a expliqué qu'il s'agissait des intérêts courus de 1973 à 1978. Je pense qu'il n'y a pas de désaccord là-dessus. Il s'agit d'une somme d'intérêts qui devrait être payée à la caisse, en quelque sorte, payée au compte et qui ne l'est pas... Je vois qu'on veut nous donner des réponses alors je m'arrête tout de suite.

Le Président (M. Bordeleau): M. Chabot.

M. Chabot: M. le Président, je vous remercie. J'aimerais apporter une précision additionnelle pour le bénéfice des membres de la commission. Dans le cadre du RREGOP, cet après-midi, M. le député de L'Assomption a indiqué que la partie du passif non inscrite de 174 000 000 $ d'intérêts correspondait à des intérêts cumulés depuis la création du RREGOP jusqu'à 1978, 1979, et aux intérêts composés sur ceux-ci.

En regardant de plus près les composantes de ces chiffres, nous devons ajouter qu'en 1978-1979 le gouvernement a comptabilisé un intérêt sur le solde du

compte des régimes de retraite au 31 mars précédent. Dans cette politique, le gouvernement a fait abstraction notamment d'une somme représentant les intérêts courants non inscrits sur la contribution de l'année, portés au crédit du compte des réqimes de retraite, ce qui, avec les années, prendra de l'importance. Si on reqarde la page 30 où l'on voit la contribution du gouvernement par secteur, on remarque qu'on a 140% des cotisations qui font un total de 298 000 000 $, et les intérêts qui sont portés au crédit du compte ce sont des intérêts à 9, 69% sur le solde au 31 mars 1979. On voit que les intérêts de l'année courante, par exemple 4, 8% qui pourraient figurer sur les 300 000 000 $ de la contribution de l'année, ne sont pas portés au crédit.

Alors, dans les 174 000 000 t, il y a aussi cette composante à ajouter dont il faut tenir compte.

M. Forget: Je ne suis pas sûr de vous avoir suivi. Je m'excuse, je ne sais pas, je suis peut-être le seul, mais pourriez-vous essayer de nous expliquer cela une deuxième fois à moins que je sois le seul? Si je suis le seul qui n'ai pas compris...

M. de Belleval: Pour une fois, vous n'êtes pas le seul.

M. Forget: Qu'en termes aimables ces choses sont dites!

M. de Belleval: C'est une méchanceté non méchante.

M. Grégoire: Est-ce que cela veut dire, en d'autres termes, que cela ne s'arrêtait pas en 1978 et que les intérêts de 1979 n'ont pas été versés non plus?

Le Président (M. Bordeleau): M. Larose.

M. Larose: Le montant de 174 000 000 $, c'est le montant des intérêts qui manque au 31 mars 1980. C'est le montant cumulé, mais il ne se compose pas exclusivement d'un montant d'intérêts qui n'a pas été calculé entre 1973 et une date... c'est qu'il s'additionne aussi à chaque année. Cela a pu être 110 000 000 $ à l'origine et, à chaque année, il s'ajoute à cela un certain montant par le fait que les intérêts ne sont calculés que sur le solde de l'année précédente, de telle façon qu'au 31 mars 1981 cela devient pas mal plus élevé que 174 000 000 $, parce qu'il manque 4, 80% ou 5%, mais il manque les intérêts d'un an, car on calcule toujours sur le solde de l'année précédente.

M. Grégoire: Les intérêts des intérêts.

M. Larose: Les intérêts sur le montant global qui est versé par le gouvernement. Puisqu'on calcule sur le solde de l'année précédente, on ne calcule pas des intérêts sur le montant qui aurait dû être versé durant l'année. Par conséquent, cette marge d'intérêts s'additionne à chaque année, en plus du fait qu'il y avait 110 000 000 $ originalement, que c'est rendu à 174 000 000 $ et que ça va évoluer. C'est rendu à au-delà de 230 000 000 $, à l'heure actuelle. Cela ne change pas le montant global de 174 000 000 $, mais ça en change l'explication.

M. Forget: Pour comprendre comment augmente cette somme, il faut appliquer un taux d'intérêt courant à quelle somme? À la somme qui, chaque année, est imputée aux crédits budgétaires et qui est créditée au compte du fonds de retraite?

M. Larose: Oui, pour préciser, si vous reqardez à la page 30, on dit que la contribution gouvernementale à 140% - c'est-à-dire les 7/5 de la contribution des employés - est de 298 000 000 $, mais les intérêts n'ont pas été calculés sur cette contribution gouvernementale annuelle. Les intérêts que vous avez à 9, 69%, c'est sur le solde au 31 mars 1979, tandis que cette contribution, c'est la contribution de 1979-1980. Il n'y a donc pas eu d'intérêt calculé sur les 298 000 000 $, pour un an.

M. Forget: Je vois.

M. Parizeau: II y en aura l'année suivante.

M. Larose: L'année suivante, il y en aura, mais il manquera toujours un an.

M. Grégoire: En d'autres termes, vous présumeriez que le montant est payable au début de l'année courante et le gouvernement calculerait que le montant est payable à la fin de l'année, donc, n'étant pas payable pendant l'année, il n'y aurait pas d'intérêt.

M. Larose: C'est-à-dire que...

M. Grégoire: Mais vous, vous calculez qu'il y a de l'intérêt, donc c'est payable au début de l'année et le gouvernement calculerait que c'est payable à la fin de l'année, donc il n'y aurait pas d'intérêt.

M. Larose: Non...

M. Parizeau: Si je comprends bien le Vérificateur général, ce qu'il veut dire c'est qu'on prendrait l'intérêt de six mois.

M. Larose: C'est ça, une somme

moyenne, une contribution moyenne ou encore un taux moyen d'intérêt équivalant à la moitié du taux, ça revient à la même chose.

M. Parizeau: Oui, je comprends.

M. Forget: D'accord. Si j'ai bien compris, vous supposez que le montant est dû régulièrement tous les mois, au même rythme que les contributions deviennent exiqibles, c'est sur le salaire mensuel que les contributions sont payables. Alors, il y a un montant d'un douzième qui est payable le premier mois et un deuxième douzième le deuxième mois, pour généraliser. C'est le taux moyen sur le montant moyen de l'année qui doit être payé.

M. Larose: C'est ça, de telle façon que le montant de 174 000 000 $ s'additionne de ce manque d'intérêt pour un an, chaque année.

M. Forget: Un an plus tard, quand on nous présentera les chiffres de 1981, on devra calculer, sur un montant d'environ 350 000 000 $ cette année, qu'il y a un intérêt exiqible qui n'a pas été versé et qui va faire majorer d'autant les 174 000 000 $, pour afficher un chiffre d'environ 230 000 000 $ ou quelque chose du genre?

M. Larose: 238 000 000 $. M. Chabot: Au 31 mars 1981? M. Larose: Au 31 mars 1981.

M. Forget: 238 000 000 $ au 31 mars 1981. Les taux d'intérêt utilisés pour imputer ce coût au passif, en quelque sorte - au moins dans les notes, sinon dans les états financiers - c'est le taux d'intérêt courant sur les obligations du gouvernement, le taux de rendement moyen ou...

M. Chabot: Le taux de rendement de la Caisse de dépôt.

M. Forget: Le taux de rendement de la Caisse de dépôt, bon.

M. Chabot: II y a peut-être une nuance à apporter. L'intérêt de 9, 69% sur le solde du 31 mars 1979 est basé sur le taux moyen de la Caisse de dépôt, le rendement moyen de son fonds général, alors que la Caisse de dépôt au niveau du RREGOP, de la caisse des employés, le taux de rendement moyen est calculé à partir du fonds spécialisé qui peut avoir une variante, d'ailleurs.

M. Forget: Qui est plus élevé?

M. Chabot: À l'heure actuelle, il est plus élevé.

M. Forget: À combien se situe-t-il dans le moment?

M. Chabot: Je ne peux vous le dire de mémoire.

M. Forget: Comme ordre de grandeur, est-ce que c'est dix, onze ou douze?

M. Chabot: Non, il n'y a pas une différence si appréciable.

M. Forget: Pas une différence énorme. Je vois. Effectivement, je ne me souviens pas qu'il y ait eu une différence énorme entre les deux. C'est le premier élément et c'est donc un montant qui va croissant.

M. Larose: Dans le moment, oui.

M. Forget: Le deuxième élément que nous avons relevé - je ne sais pas si c'est votre estimation ou si c'est la nôtre; alors, c'est votre estimation - c'est un montant de 115 000 000 $ qui est "insuffisance de contribution aux autres régimes". Pourriez-vous nous expliquer un peu de quoi il s'agit, ces 115 000 000 $ additionnels?

M. Chabot: Ce montant provient des informations qui sont insérées dans les rapports des actuaires à la suite d'analyses actuarielles faites à partir des données du 31 décembre 1978. Dans les rapports actuariels, si on prend comme exemple le régime de retraite des enseignants, il est mentionné que la part de l'employeur correspond à 236% de celle de l'employé. Si le gouvernement, à l'heure actuelle, comptabilise à 140%, il y a une différence pour l'année 1979-1980, dans ce cas-ci, de 73 000 000 $. C'est le même processus pour les autres régimes.

M. Forget: Cela est incurable en quelque sorte. Il s'agit, tout simplement, d'en prendre acte puisque ce sont des régimes qui ne sont pas renégociables. Il s'agit simplement de dire: Le gouvernement, comme employeur, est pris devant des obligations qu'il doit rencontrer en vertu des lois et des régimes en vigueur.

M. Chabot: En vigueur.

M. Forget: C'est un passif qui est là et il n'y a rien qu'on puisse faire pour le diminuer sauf, évidemment, l'amortir.

M. Chabot: Dans le moment, suivant les lois qui existent, suivant ce qui existe.

M. Forget: C'est cela. Il y a le déficit du fonds de retraite des membres de la Législature...

M. Chabot: Oui.

M. Forget:... pour prendre un exemple qui est cher au coeur de tous. C'est un déficit de 786%. Évidemment, à moins de chanqer la loi qui détermine la pension des députés, cela va demeurer 786%.

M. Larose: Cela n'est pas un déficit. On veut dire que la contribution du gouvernement pour maintenir le régime, pour rencontrer les obligations du régime, à ce moment-là, devrait être de 786% alors qu'elle est inscrite aux livres, elle est calculée à 140%. La contribution du gouvernement, à l'heure actuelle, selon les exigences du régime, devrait être de 7, 86 fois celle du député.

M. Lincoln: C'est une dette contingente.

M. Larose: C'est une dette réelle. D'ailleurs, le déficit actuariel est une dette réelle. Ici, si vous examinez l'analyse actuarielle, elle en vient à la conclusion que, pour l'opération du régime, il faudrait que la contribution gouvernementale, à l'heure actuelle, pour maintenir le régime sur une base satisfaisante, soit de 7, 8 fois celle des députés, alors qu'elle est calculée, à l'heure actuelle, à 140% dans les livres.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances, vous avez quelque chose à ajouter à la réponse?

M. Parizeau: Sur cette question-là, oui. On revient, de façon plus concrète et plus précise, à des choses qu'on disait cet après-midi. Avant 1978, on comptabilisait, comme contribution gouvernementale, rien, zéro. Ce qu'on a fait depuis 1978, c'est qu'on comptabilise sur tous ces fonds l'éguivalent -les 140% ne sont pas apparus par hasard -de ce qu'on contribue au RREGOP, c'est-à-dire 140%. (20 h 45)

Bien sûr, ça reste insuffisant puisgue, dans un des fonds de retraite qui étaient mentionnés, notre contribution devrait être de 236%. Dans celle des députés, ça devrait être 786%. Ce n'est ni 236% ni 786%, c'est 140%. Encore une fois, je rappelle qu'avant 1978 c'était 0%. Pour les 140%, cela a consisté à dire: Pour tous ces fonds autres que le RREGOP, ce sera l'équivalent de la contribution qu'on met au RREGOP, c'est-à-dire 140%.

Dans ce sens cela doit se considérer comme une sorte de première marche d'un escabeau. C'est évident qu'à un moment donné il va falloir s'élever au-dessus de 140% puisque l'enqagement réel - ce n'est pas une dette contingente - exige qu'on aille au-delà de 140%. Il va falloir qu'à un moment donné les 236% tels que corrigés, quand on pourra poser ce qeste, soient atteints. Les 786% seront-ils jamais atteints? Je ne le sais pas exactement. Enfin, il y a un certain nombre de discussions en cours à ce sujet mais il faut prendre les 140% comme étant une première étape à partir de zéro vers ce qui devrait être fait, c'est-à-dire 236% ou 786%, je ne sais trop. Pour la Sûreté du Québec, je crois que c'est assez élevé aussi.

Est-ce que vous avez le chiffre?

M. Larose: 372%.

M. Parizeau: 372% pour la Sûreté du Québec.

Une voix: C'est presque un demi-député.

M. Parizeau: Un demi-député mais un enseignant et demi.

M. Forget: Ce chiffre de 115 000 000 $ c'est donc la somme qu'il faudrait inscrire pour que les 6 900 000 000 $ dont on a parlé plus tôt, sur une période d'un très grand nombre d'années, on en tienne compte au plan de la budgétisation annuelle. Non, parce que ça ne permettrait pas, d'un autre côté, d'amortir ces 6 900 000 000 $.

M. Chabot: Je pense qu'il faut faire une distinction entre le service antérieur tel que le gouvernement le définit...

M. Forget: Ah! c'était pour les services antérieurs...

M. Chabot:... les services antérieurs...

M. Forget: Et ça, ce sont les autres régimes.

M. Chabot:... tandis qu'ici les 115 000 000 $ c'est pour la partie du service courant.

M. Forget: D'accord.

M. Larose: Quand on parle des autres régimes, on ignore le RREGOP. Ce sont donc les autres régimes. Dans ces régimes vous. avez les services antérieurs au 31 décembre 1978. Au 31 décembre 1978 on dit qu'il y avait un passif actuariel de 6 900 000 000 $. Ces 6 900 000 000 $ concernent donc tous les services accumulés, le coût des services accumulés au 31 décembre 1978. Lorsqu'on parle des chiffres que vous avez là, en termes de 115 000 000 $ et de 166 000 000 $, c'est la contribution de l'année. Le coût annuel de l'année 1979-1980 pour les services du

personnel, de ceux qui sont couverts par ces régimes-là.

On dit à ce moment-là, comme M. Parizeau l'a dit, qu'il y a actuellement 140% de la contribution des employés qui a été porté au passif et cela représente 166 000 000 $. Il y a encore 115 000 000 $ qui n'ont pas été portés au compte du passif du gouvernement et qui viennent, par conséquent, augmenter les 6 900 000 000 $ dont on parlait tout à l'heure.

M. Forget: C'est cela. Alors, non seulement sommes-nous dans une position où les 6 900 000 000 $ ne s'amortissent pas, mais même le service courant n'est pas totalement financé. Pour ce qui est des intérêts, les intérêts sur les contributions de l'année ne sont pas payés.

M. Larose: Les intérêts de l'année?

M. Forget: Ceux dont on parlait tantôt, les 174 000 000 $.

M. Larose: Là on tombe dans le RREGOP, par exemple.

M. Forget: Autrement dit, ce que je veux démontrer et ce que je veux bien comprendre, c'est que ce sont toutes des sommes qui s'ajoutent, ce n'est pas l'une à la place de l'autre. Ce sont toutes des sommes qui viennent cumulativement renforcer le tableau plutôt noir.

M. de Belleval: Quand on parle...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval:... du déficit actuariel, pour essayer de faire comprendre ceux qui liraient nos débats et qui ne sont pas familiers avec ces termes-là, c'est au fond, vous me corrigerez si j'ai tort, la somme de 7 000 000 000 $ ou à peu près dont on parle en 1978...

M. Larose: Au 31 décembre 1978.

M. de Belleval: Au 31 décembre 1978, disons 7 000 000 000 $, en gros. Il faudrait investir en capital 7 000 000 000 $ cette année-là pour assurer, grâce aux intérêts à venir, le paiement durant les cinquante prochaines années ou à peu près des pensions qui vont venir à échéance.

M. Larose: Les engagements du gouvernement accumulés au 31 décembre 1978, les engagements accumulés jusqu'à ce moment-là.

M. de Belleval: C'est cela.

M. Larose: En d'autres termes, vis-à-vis du personnel déjà à sa retraite et vis-à-vis du personnel qui a des années de faites et qui a acquis des droits.

M. de Belleval: Le personnel qui prendra sa retraite d'ici les trente ou cinquante prochaines années. Donc, c'est une somme de 7 000 000 000 $ qu'on devrait avoir en banque, ni plus ni moins, dont on retirerait les intérêts tous les ans. Éventuellement, à supposer que le régime s'éteint, on a le capital pour payer tous nos engagements passés et futurs jusqu'à la mort du dernier bénéficiaire du régime de retraite des enseignants ou du régime de retraite des fonctionnaires. Cela veut dire que les sommes qu'on va verser seront beaucoup plus élevées que 7 000 000 000 $; c'est la somme qu'il faudrait investir au 31 décembre 1978, claire, nette, en bangue, pour s'assurer qu'on aura ensuite les intérêts et le capital pour payer sur une période de trente, quarante ou cinquante ans, jusqu'à la mort de la dernière employée, puisqu'on sait que les femmes vivent plus longtemps que les hommes.

M. Chabot: Pour autant que les hypothèses actuarielles se réalisent.

M. de Belleval: Tous les bénéfices à venir, cela veut dire quoi? Cela veut dire que c'est beaucoup plus que les 7 000 000 000 $ que nous allons verser éventuellement?

M. Larose: Vous réalisez, M. de Belleval, que c'est selon les obligations au 31 décembre 1978; par conséquent, toutes les obligations de 1979 viennent s'y ajouter.

M. de Belleval: Oui, on parle de 1978.

M. Larose: Mais en arrêtant au 31 décembre 1978, c'est exactement ce que vous dites.

M. de Belleval: C'est pour faire comprendre aux gens ce que cela veut dire.

M. Larose: C'est cela.

M. de Belleval: Quand on parle d'un passif actuariel ou d'un déficit actuariel, c'est le montant de capital qu'il faudrait investir au moment où on constate le déficit pour pouvoir assurer le paiement des retraites à venir.

M. Larose: Des coûts accumulés à cette date.

M. de Belleval: Des enseignants et des fonctionnaires qui sont sous l'ancien régime, avant 1973, sans compter tous les autres qui

s'ajoutent depuis 1973 au cadre du RREGOP où, là aussi, il y a des engagements. Ce sont les autres que vous mentionnez, les autres régimes de retraite, les pompiers, les policiers de la Sûreté du Québec, les députés, etc.

M. Grégoire: M. Larose...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Vous dites que c'est au 31 décembre 1978. À ce moment-là, je crois que le taux de rendement des obligations du gouvernement devait être aux alentours de 10% ou peut-être un peu moins même, à peu près. Aujourd'hui, cela se situe à peu près à 19%; 18, 75%, 19%. Est-ce que vous auriez encore besoin des mêmes 7 000 000 000 $ pour financer le versement des pensions, de tous ces fonds datant d'avant le RREGOP? Si vous aviez 6 900 000 000 $, à à peu près 10%, cela faisait 690 000 000 $ à verser. Tout à coup, vous arrivez et vous dites: On en a encore besoin en 1981. Là, si c'est doublé, est-ce que cela veut dire que vous versez à l'heure actuelle 1 400 000 000 $ en pensions ou est-ce que vous ne baisseriez pas votre chiffre de 6 900 000 000 $ en fonction des taux d'intérêt actuels?

M. Larose: Je vous dirais ceci. À l'heure actuelle, les bénéfices des fonds de retraite sont aussi indexés; vous me posez une question...

M. Grégoire: Oui, mais ils n'ont pas doublé en deux ans.

M. Larose:... que j'aimerais mieux que vous posiez à un actuaire. Je pense bien qu'il ne vous répondrait pas sur le champ.

M. de Belleval: Une chose est sûre et certaine, les pensions sont indexées au coût de la vie actuel alors que le taux d'intérêt moyen que vous calculez sur les 7 000 000 000 $ n'est pas aussi élevé. Le taux de rendement moyen actuellement, comme vous l'avez dit tantôt, est de 9, 5%, 10%...

M. Larose: II était à peu près à 9% et il est rendu à 10%.

M. de Belleval:... de ce que rapporte la Caisse de dépôt.

M. Larose: Le fonds général de la Caisse de dépôt.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. Larose, quand on dit que la contribution du gouvernement dans le fonds de retraite des enseignants devrait être de 236% de la contribution des employés, j'ai raison de dire, selon vous, que ce pourcentage aurait été très inférieur à 236% si, avant la réforme de 1977, les contributions gouvernementales avaient été payées dans toutes ces années, dans les 30 ans, 40 ans ou 50 ans où rien n'a été payé. Une des causes principales du fait que la contribution est à 236% plutôt qu'à 180%, à 170% ou à 160% selon les calculs... Ce qui fait que la contribution de l'employeur doit être aussi forte que 236%, c'est parce que nos fonds de pension sont très généreux. Mais c'est influencé directement par le fait que durant tant d'années on n'a rien payé du tout.

M. Larose: Je ne voudrais pas prétendre être actuaire. Mon opinion est celle d'un comptable et non pas celle d'un actuaire. Je ne prétendrai pas autre chose. Selon mon interprétation, ce serait l'effet des bénéfices accordés par le régime. Parce que si on a établi, comme en date du 31 décembre 1978, la dette elle-même ou le passif actuariel d'un régime, comme celui des enseignants, a été établi au 31 décembre 1978, les calculs à partir de ce moment se font comme si les fonds avaient été- accumulés jusqu'au 31 décembre 1978 et, par conséquent, pour les années subséquentes, les années actuelles, on suppose dans le calcul actuariel que les fonds étaient là. Pour les fins de calcul, les 236% sont seulement les bénéfices qui aujourd'hui en 1979-1980 sont accordés aux enseignants qui coûtent 100 $ à l'enseignant et 236 $ au gouvernement, soit un total de 336 $. Les calculs sont faits comme si les fonds avaient été déposés.

M. Parizeau: Dans la mesure où vous établissez cette distinction entre services courants et services antérieurs, je pense que vous avez tout à fait raison. Donc, 236% viennent simplement des caractéristiques propres du régime de pension des enseignants, de l'ancien fonds de pension des enseignants.

M. Forget: Service courant, je pense qu'on s'entend là-dessus. Donc, il y a 115 000 000 $ qui représentent le coût aujourd'hui du service courant, qui n'est pas adéquatement financé, donc, qui peut ne pas être adéquatement financé, il s'agit d'engagements pour l'avenir relativement aux services fournis durant une année courante.

Cela va bien. Je m'excuse si je reviens un peu en arrière. Vous me direz si c'est une question à laquelle vous avez déjà répondu. Au bas de la page 36 de votre rapport, tout à fait au bas, il y a trois petites lignes. Vous faites allusion aux 173 900 000 $ ou 174 000 000 $ qui

s'appliquent au passif actuariel du 31 décembre 1978. Cette somme est de beaucoup inférieure au montant qu'il aurait fallu porter au compte des régimes de retraite pour tenir compte des intérêts de la période. C'est ce que nous discutions tout à l'heure, essentiellement.

M. Larose: Pas en ce qui concerne le RREGOP toujours. Ce ne sont pas les 274 000 000 $ parce que là, voyez-vous, les 174 000 000 $ dont on parlait tout à l'heure, on était dans le nouveau régime de retraite. Ici, nous sommes dans les autres régimes. Ce qui veut dire que concernant le nouveau régime... il y a les anciens régimes, on dit là-dessus que le gouvernement a mis au crédit du compte de régime de retraite une somme de 340 800 000 $. Vous voyez cela au bas de la page 36, comme M. Parizeau l'a mentionné. Évidemment, c'est une première contribution dans le cas du service antérieur. Auparavant, il n'y en avait pas. Pour le service antérieur, on a fait une contribution de 173 900 000 $ à l'acquis de la dette de 6 900 OOP. 000 $ qu'il pouvait y avoir là-dessus. Ce que l'on dit à la page 37, si la dette était de 6 900 000 000 $ ou 7 000 000 000 $ environ et qu'elle porte intérêt, elle devait porter intérêt, sur 7 000 000 000 $, si on prend 10%, c'est 700 000 000 $ et si on en a mis 173 000 000 $, il y a une autre dette qui s'est accumulée durant cette période.

M. Forget: II y a des intérêts sur ce passif.

M. Parizeau: Sur ce passif.

M. Forget: Qui s'est accumulé dans le passé.

M. Parizeau: Cela correspond essentiellement dans ce sens à ce qui avait été annoncé, l'année précédente dans le discours du budget, c'est-à-dire qu'à partir de 1978, de l'année fiscale 1978-1979 - c'est ça, c'est au 31 décembre 1978 - les contributions aux intérêts sur le service antérieur commenceraient à être faites, pour la première fois. (21 heures)

M. Forget: À la page suivante, la page 37, vous indiguez, pour le service antérieur, en reprenant ce que vous disiez tantôt: "La méthode suivie en 1979-1980 pour établir la dépense budgétaire à 173 900 000 $ fut d'appliguer au passif actuariel de ces régimes, au 31 décembre 1978, la somme nécessaire pour répondre à un objectif fixé par le gouvernement. " Vous expliguez plus loin que cet objectif est d'amortir sur 50 ans et en 50 ans un régime qui est fermé, en ce sens que personne n'entre plus et donc, on commence à en sortir graduellement, guoiqu'il y ait encore des gens actifs, bien sûr, là-dessus. Si l'on devait calculer cette somme sur une période plus réaliste de 25 ou 30 ans, à quel montant arriverait-on? À une somme qui est environ le double ou moins du double de cela?

M. de Belleval: Pourguoi dites-vous "plus réaliste"?

M. Forget: Plus réaliste parce que, dans 50 ans, il ne restera plus personne.

M. de Belleval: II va y en avoir encore trois ou guatre.

M. Forget: Trois ou quatre?

M. de Belleval: Je veux dire...

M. Forget: Ceux qui sont entrés comme enseiqnants en 1972 et qui n'ont pas fait l'option d'appartenir au RREGOP...

M. de Belleval: C'est cela.

M. Forget:... qui ont peut-être actuellement 30 ans et qui ont encore 30 ans de vie active; dans 50 ans, cela fera...

M. de Belleval: Et qui vont vivre encore...

M. Forget:... 20 ans qu'ils seront à la retraite.

M. de Belleval:... et qui vont continuer à retirer...

M. Forget: Ils auront 85 ans.

M. de Belleval:... ou leurs femmes...

M. Forget: Ou leurs conjoints.

M. de Belleval:... et qui vont leur avoir survécu dix ans de plus; elles vont continuer à retirer la moitié de leur retraite.

M. Forget: Si on a affaire à des centenaires, évidemment, on pourrait même plaider...

M. de Belleval: II va y en avoir.

M. Forget:... qu'il y aura un ou deux centenaires sur le nombre...

M. de Belleval: C'est la loi des grands nombres.

M. Forget:... et on pourrait peut-être amortir cela sur 60 ou 70 ans. Est-ce votre suggestion?

M. de Belleval: Non, mais tout cela

pour dire que 50 ans...

M. Forget: Oui, oui. Je pense bien qu'on se rend compte que, dans le fond, l'objectif de l'amortissement ou l'objectif de prévoir une écriture relativement à ce passif, ce n'est pas qu'on ait terminé l'opération quand le dernier pensionné mourra. L'objectif est à plus court terme que cela, si on peut parler de court terme quand on parle de 25 ou 30 ans. Il est à moins long terme que cela. Il faudrait idéalement, j'imagine, qu'au moment où la plupart de ces gens songent à leur retraite, des dispositions financières aient déjà été prises relativement à ce passif qui nous pend au bout du nez. Je pense bien qu'à ce moment-là, un chiffre de 25 ans est peut-être un peu plus réaliste. J'imagine que ce sont ceux qui avaient d'ailleurs les plus longues années de service dans les anciens régimes qui n'ont pas voulu chanqer, ou quelque chose d'analogue. De toute façon, je crois que le chiffre de 25 ou 30 ans, qui n'est pas de nous... Il est, je pense, sugqéré quelque part dans votre rapport.

Une voix:...

M. Forget: 30 ans? Si on prenait le chiffre de 30 ans, en fonction de cela, à combien se chiffrerait le montant imputé au titre du service antérieur? Au lieu de 173 900 000 $, quel autre chiffre aurait-on?

M. Chabot: C'est fait par les actuaires. Cette disponibilité n'existe pas présentement, le chiffre exact.

Le Président (M. Bordeleauï: Un complément?

M. Forget: Dans le fond, il serait d'environ le double de cela.

M. Chabot: II pourrait être plus que le double; dans le domaine actuariel, il y a plus qu'une façon d'établir des tables d'amortissement de certaines choses. Les actuaires pourraient présenter plusieurs façons différentes d'établir un amortissement. Il est clair que, si on amortit sur une période de 30 ans, il faudrait que le montant annuel soit appréciablement supérieur à celui de 50 ans. Nous ne l'avons pas, parce que ce n'est pas exactement notre domaine.

M. Forget: Je vous soumets même que cela pourrait être un chiffre comme trois fois le montant qui apparaît actuellement, pour la raison suivante: II semble que la méthode qui est utilisée pour calculer l'amortissement, c'est de calculer d'ailleurs, vous le dites en toutes lettres -une proportion constante d'une masse salariale qui, évidemment, à cause des hypothèses d'inflation qu'on fait, grossit dans le temps. On contribue X% de la masse salariale cette année, ça donne un montant X, mais avec l'inflation à 10% dans 30 ans, ça donne une contribution assez substantielle. Mais l'inflation à 10% ou 8% pendant 50 ans, je n'ai pas besoin de vous expliquer quel genre de gonflement, de boule de neige ça fait au bout de 50 ans. Cela fait des contributions, dans les dernières années, absolument énormes.

M. de Belleval: Oui, mais l'arqent se déprécie au même rythme aussi, plus ou moins.

M. Parizeau: M. le Président...

M. Forget: Oui, mais tout cela est en valeur nominale, c'est une somme considérable. Cela vient aider terriblement, dans les dernières années. De 30 à 50 ans, on a un amortissement calculé sur une masse tellement énorme, justement parce qu'on le calcule si loin à l'avance, avec l'inflation pendant toutes ces années, que cela peut-être un peu pour effet de faire effacer, seulement à ce moment-là dans le fond, le déficit actuariel à cause de l'ampleur des sommes engagées.

Si on s'arrête un peu plus tôt, l'inflation a moins le temps de s'exercer, et il faut payer à même une masse monétaire qui est beaucoup plus faible. À ce moment-là, il faut majorer considérablement le taux auquel on calcule les contributions. Je pense qu'il n'y aurait rien d'exagéré à dire que c'est peut-être une somme, dans le fond, de trois fois ce montant qui devrait apparaître au titre du service antérieur. D'ailleurs, on se demande un peu comment une somme de 174 000 000 $ peut amortir 6 900 000 000 $, sauf en prenant un temps infiniment long, ou alors c'est quelque chose d'autre d'assez extraordinaire qui se passe pendant les dernières années.

Le Président (M. Bordeleau): Vous avez peut-être un complément de réponse, M. le ministre des Finances?

M. Parizeau: Là, on est au coeur de quelque chose de tout à fait central, qui nous ramène d'ailleurs à nos conversations de ce matin. J'aimerais, si c'est possible, pouvoir dire quelques mots là-dessus, spécifiquement sur ce qu'on vient de soulever.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Posons-nous la question: Qu'est-ce qui se produirait si on n'avait pas commencé à comptabiliser des intérêts dans ces vieux fonds de retraite comme on l'a fait? Actuellement, on dit: C'est insuffisant.

Bien sûr. Posons-nous la question: Qu'est-ce qui serait arrivé si on avait fait comme avant? D'abord, on n'aurait pas cette discussion aujourd'hui. Deuxièmement, la charge des prestations à payer pour ces vieux employés ou ces vieux enseignants, les déboursés annuels augmenteraient en flèche. Là, ce serait vraiment du "pay as you go", et comme ce sont des fonds de retraite fermés, où il n'y a plus personne qui rentre depuis 1973, ça vieillit très vite là-dedans. À un moment donné, les gens se mettent à prendre leur retraite en groupes accélérés, et ça frappe quoi? Avec quoi est-ce que c'est payé? Avec le fonds consolidé au complet. Il faut sortir ça chaque année. Cela peut représenter une très grosse charge.

On cherche à faire ceci. On va essayer d'éviter l'impact d'un tel coût en comptabilisant des intérêts et en amortissant sur une période de 50 ans. Pourquoi 50 ans? Ce n'est sûrement pas axé sur l'âge du dernier retraité de quartier. Sûrement pas. C'est évident, si on fait ça à 50 ans. Si on le fait à 50 ans, c'est compte tenu de l'augmentation des dépenses que ces charges d'intérêts représentent chague année, s'inscrivant dans tout le reste des mesures prises à l'égard des fonds de retraite. Le gouvernement se trouve, à l'heure actuelle, à avoir des dépenses, au titre des fonds de retraite, qui augmentent de 20% à 25% par an. Avouez que ce n'est pas très drôle, quand vous cherchez à maintenir l'augmentation des dépenses à un rythme raisonnable, pour l'ensemble du gouvernement, aux alentours de 12, 5% à 14% par an, d'avoir un gros bloc comme ça qui, lui, monte à 20% ou 25%.

Qu'est-ce que ça veut dire, en fin de compte? Cela veut dire, bien sûr, que si on voulait accélérer encore les comptabilisations faites au titre des prestations chague année et les inscrire dans les dépenses, non pas pour que ça monte à 20% ou 25%, mais que ça monte à 30%, à 35%, puis qu'on voulait néanmoins maintenir l'augmentation totale des dépenses du gouvernement autour de 14%, là, vous réduisez la voirie, et les compressions budgétaires dont on parle seraient encore plus fortes. Cela devient de l'héroïsme total de dire: On coupe les subventions sociales, on coupe les subventions économigues, on coupe la voirie, on coupe encore plus que ce qu'on a fait, simplement pour être capables d'accélérer les montants qu'on va mettre de côté sur les fonds de retraite. À un moment donné, cela deviendrait délirant comme objectif.

Dans ce sens, on sait bien que le dernier retraité dans ces fonds va peut-être prendre sa retraite dans 25 ou 30 ans, mais on se dit: Soyons raisonnables et coupons la poire en deux. De façon à maintenir l'auqmentation des dépenses globales du gouvernement à un certain rythme, on va - pas mettre de l'argent de côté comptabiliser. Voyez, le député de Saint-Laurent m'a influencé cet après-midi. On va compabiliser sur les fonds de retraite des montants qui vont monter à un certain rythme, un rythme plus rapide que le budget en général, mais tout de même pas à 30%, ou 35% ou 40% par année.

C'est clairement un objectif sur leguel on peut être d'accord ou non, mais c'est clairement une politique gouvernementale et un objectif gouvernemental. C'est l'arbitrage qu'un gouvernement doit faire entre les demandes différentes qui s'adressent au budget et qui influencent le rythme d'augmentation des dépenses. Vous comprendrez peut-être mieux le danger dont je parlais ce matin, au fur et à mesure qu'on élargira les mandats dans le sens de ce qu'on disait, ce n'est plus seulement la façon d'atteindre les objectifs qui est mise en cause, ce sont les objectifs eux-mêmes. Relisez les phrases de la page 38: Ainsi, la période de 50 ans nous paraît beaucoup trop longue, la période retenue aurait pu être de 25 à 30 ans. Ce ne sont plus des modalités dont on parle. C'est un jugement qui est porté non pas sur la façon dont le gouvernement tient ses comptes, mais sur la politique budgétaire du gouvernement, sur les objectifs budgétaires du gouvernement.

C'est dans ce sens que je parlais d'un danger ce matin. C'est pour cela que je reviens encore à l'idée que, dans la mesure où on redéfinit un mandat pour le vérificateur, il faut y aller avec un certain soin, pas sur le coin d'une table et pas en deux heures. Je n'en tiens absolument pas grief au vérificateur de ces phrases, je comprends très bien pourquoi il les a dites. Encore une fois, je tiens à souligner que les redéfinitions de mandat présentent des dangers qui impliguent qu'au moins on prenne le temps de les établir et d'y réfléchir ensemble, plutôt que d'essayer de faire du "shotgun". Cela me paraît être un bel exemple de ce que je disais ce matin.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je ne sais vraiment pas pourquoi le ministre des Finances a fait tout à coup ce retour à nos discussions de l'après-midi.

M. Parizeau: Elles m'intéressent.

M. Forget: Je ne sais pas en quoi il pense que ce genre d'argumentation peut l'aider. Il mélange complètement ou feint de mélanger, pour employer ses distinctions subtiles dont il a l'art, deux choses complètement différentes. Il attire notre attention sur le fait qu'à un moment donné dans le temps, dans dix ans, dans quinze ans,

dans vingt ans, je n'en sais rien - il faudrait avoir ici les analyses qui ne sont pas disponibles ce soir - il y aura évidemment contre le fonds consolidé de la province des exigences énormes pour payer les pensions pour ces anciens réqimes, autres que le RREGOP. Il est clair qu'à ce moment, les pensions devront être payées. C'est un problème qui demeure entier, de toute manière. (21 h 15)

En effet, lorsque nos successeurs dans vingt ans seront confrontés à l'obligation de payer à ces nombreux pensionnés les sommes qui leur sont dues, ils n'auront pour ce faire que les ressources du fonds consolidé. Ils n'auront pas la solution facile de se retourner du côté du fonds des régimes de retraite et de dire aux administrateurs -enfin, ce sont les mêmes, c'est le ministère des Finances qui l'administre, de toute façon: Nous avons dans ce fonds de quoi payer les pensions de ces gens. Cela n'existe pas. S'il fait la demande au fonds de ces sommes -on doit supposer que ce sont deux fonctionnaires du ministère des Finances - le second fonctionnaire dira au premier: Je suis bien prêt à vous donner ces sommes, mais honorez d'abord vos engagements à notre égard, engagements comptabilisés aux comptes publics. Le premier fonctionnaire devra donc dire: II faut augmenter nos besoins de financement, les besoins financiers nets du gouvernement et, si les impôts ne sont pas suffisamment productifs cette année-là, le gouvernement devra emprunter les sommes nécessaires en dehors du système pour payer les pensions qui seront nécessaires à ce moment-là, exactement comme si aucune comptabilisation n'apparaissait aux comptes, parce que, dans le fond, c'est Pierre qui doit à Paul, c'est le premier fonctionnaire des finances qui doit au deuxième et tout cela se passe en famille. On n'a pas plus d'argent qu'on n'en aurait de toute façon, à moins, bien sûr, que, par cette opération, au cours des années, les ministres des Finances successifs n'aient réussi à persuader leurs collègues que, comme ils faisaient des imputations aux livres du gouvernement, tous les autres ministères devaient diminuer leurs dépenses pour faire de la place, mais...

M. de Belleval: C'est cela qui se passe.

M. Parizeau: C'est cela qui se passe.

M. Forget: Ne plaisantons pas trop, M. le Président...

M. Parizeau: C'est ce que j'expliquais tantôt.

M. Forget:... parce que, s'il y a des problèmes de financement, ces sommes qu'on impute aux crédits budgétaires comme des dépenses deviennent automatiquement et par le fait même des sources de financement pour les programmes du gouvernement. Si on avait mis 1 000 000 000 $, bien sûr, le déficit aurait été apparemment plus gros, mais pas les besoins financiers nets; entre parenthèses, cela n'aurait pas changé. Le déficit aurait paru plus gros, mais on aurait joui d'une plus grosse somme pour aider au financement des programmes courants du gouvernement. Les besoins financiers nets du gouvernement seraient demeurés inchanqés.

M. de Belleval: Le déficit aurait paru...

M. Forget: Le déficit aurait pu afficher 5 000 000 000 $ ou 6 000 000 000 $.

M. de Belleval:... plus petit... M. Forget: Mais les besoins...

M. de Belleval:... ce qui aurait tenté d'augmenter les dépenses.

M. Forget: Le déficit aurait paru plus gros. C'est le raisonnement qu'a tenu le ministre des Finances; il a tout à fait raison. En facturant aux comptes de l'année les sommes nécessaires pour faire des versements ou faire des imputations à la caisse des régimes de retraite, on grossit le déficit. Par contre, comme ces sommes sont disponibles pour le financement, on réduit les besoins financiers nets du gouvernement. Je pense qu'on s'entend là-dessus; s'il vous plaît, ne revenons pas là-dessus. C'est assez simple, c'est une arithmétique très simple.

Il en découle que, si le ministre des Finances avait dit: D'accord, on va comptabiliser tout cela, il aurait pu mettre 1 000 000 000 $ de plus et dire: J'impute 1 000 000 000 $ de plus à la caisse des fonds de retraite. Il aurait dit: Cependant, je n'ai pas besoin d'aller chercher ce 1 000 000 000 $ sur les marchés; je m'en sers pour financer les programmes du gouvernement. Ce qu'il a fait avec les 300 000 000 $, autrement dit, il pouvait le faire avec 1 000 000 000 $.

En fait, on peut se demander, étant si bien parti, qu'est-ce qui empêchait le ministre des Finances de dire: Je vais nettoyer ce déficit actuariel en une année. Cela aurait été difficile à croire. Là, les gens se seraient dit: II y a quelque chose qui ne marche pas, c'est sûr. Trop, c'est trop. Il y a un problème de relations publiques et il faut en mettre juste assez pour que cela ait l'air possible, à supposer que cela se fasse vraiment. Cela ne se faisait pas vraiment, on aurait pu aller plus loin. On s'est dit: Quand même, le jeu va être apparent. Il faut y aller juste un peu pour donner l'impression qu'on le fait vraiment et pas trop loin,

malgré tout, parce que les gens vont bien voir qu'il y a quelque chose de caché là-dessous.

M. le Président, je ne vois vraiment pas pourquoi on n'a pas dit: Dans une année, mettons cela au déficit. On aurait eu un déficit de 10 000 000 000 $ en une année ou peut-être de 11 000 000 000 $ ou de 12 000 000 000 $. Cela aurait été catastrophique, mais le besoin financier net du gouvernement serait resté, jusqu'au dernier cent, exactement le même qu'avant. On aurait au moins eu la satisfaction de faire figurer au passif dans les comptes publics exactement la totalité du déficit actuariel. On aurait dit: On a réqlé dans un an ce que tous les gouvernements avant nous n'ont jamais pu régler. Il me semble avoir déjà entendu cela. Cela aurait été très beau. Encore une fois, il n'y a pas de limite financière là-dedans; c'est un jeu d'écritures, il s'agit simplement de s'arranger pour que les écritures dépeignent toute la réalité.

Si, d'un autre côté, on m'affirme que les collègues du ministre des Finances ont pris au sérieux cette restriction budgétaire sous prétexte qu'il fallait faire des paiements à une caisse...

M. de Belleval: C'est vrai.

M. Forget: ... dont le ministre des Finances ne leur a pas dit qu'il se servait pour financer, de toute façon, leurs dépenses...

M. de Belleval: II nous l'a dit.

M. Forget:... permettez-moi d'être ébahi devant la sagacité financière des collègues du ministre des Finances. Ils n'ont pas vu le jeu, mais je ne le crois pas. Je suis d'accord avec le ministre...

M. de Belleval: L'ex-ministre.

M. Forget:... l'ex-ministre, ce n'est pas possible qu'une chose pareille soit arrivée. C'était sûrement adressé à la galerie, pas au cercle des intimes.

M. de Belleval: Un instant. Je vais répondre à cela.

M. Forget: Je ne peux pas me faire à l'idée qu'un ministre va dire: En effet, il faut que je me restreigne dans les dépenses de mon ministère, que je résiste, avec toute la détermination du monde, aux nombreuses demandes qui m'assaillent, parce que le ministre des Finances veut faire une écriture aux livres. Cela me dépasse, M. le Président.

Je pense que c'est une incursion malheureuse parce que je ne vois pas ce que cela vient faire dans nos débats. Nous devons fonctionner ce soir - et je le regrette, peut- être pas autant que le ministre des Finances - dans l'hypothèse où le gouvernement a dit: Nous allons comptabiliser. Ce n'est pas notre décision. Ce n'est pas la décision du Vérificateur général. Que ce soit bon ou que ce soit mauvais, laissons cela de côté. On n'est pas ici pour discuter de ces orientations, du moins, en principe.

M. Parizeau: II paraît que c'est mauvais.

M. Forget: Je n'ai pas dit cela. M. Parizeau: Oh oui!

M. Forget: J'ai dit que c'est indifférent. J'ai dit que ce serait pareil en réalité.

Mais puisque vous insistez pour les comptabiliser, soi-disant pour donner une image exacte de la réalité, souffrez au moins que l'on demande au vérificateur: L'image que le gouvernement prétend donner de tout ce marasme financier du côté des comptes de retraite, l'a-t-il décrite adéquatement? Est-ce qu'il en tient compte comme il le devrait?

On n'a pas travaillé longtemps là-dessus une heure - et on a découvert 174 000 000 $ qui, cette année, se chiffreront par 238 000 000 $. II y a un autre montant de 115 000 000 $, ce pourrait être un montant de 700 000 000 $ d'intérêt sur le déficit, etc. Vous voyez le genre de total auquel on peut arriver. Et on n'a pas fini la liste.

M. Grégoire: II induit tout le monde en erreur. Cela a commencé dans son temps et il dit qu'il le découvre ce soir. Mais qu'est-ce que vous faisiez comme ministre?

M. Forget: Cela n'a pas commencé dans notre temps. Nous, on ne comptabilisait pas cela.

M. Grégoire: C'est depuis 1973 que le déficit est commencé.

M. Forget: Dans la réalité, ce n'est pas plus difficile ni plus facile que ce qui se fait.

M. Grégoire: C'est depuis 1973, dans le RREGOP.

M. Forget: II serait très facile de mettre n'importe quel chiffre et dire: On en a tenu compte, mais l'argent ne se trouve nulle part. C'est très facile. C'est la chose la plus facile.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je comprends que le député de Saint-Laurent soit ébahi, moi aussi, par son raisonnement.

M. Forget: C'est le vôtre, pas le mien.

M. Parizeau: En somme, si je comprends bien, pour le gouvernement, de comptabiliser ses contributions dans le RREGOP, qui sont faites exactement sur le même système, était en 1973 une bonne chose. D'en comptabiliser davantage en 1978 est une mauvaise chose, parce que ce n'est pas tout ce qu'il faudrait comptabiliser. Un premier geste en 1973, c'est bon. Un qeste analogue à l'égard de deux vieux fonds, qui avaient accumulé des milliards de déficit actuariel, poser ce geste en 1978, c'est mauvais, parce qu'il faudrait en mettre davantage.

Mais il ne faut pas en mettre davantage, parce que de toute façon cela ne veut rien dire. Mais si en mettre davantage ne veut rien dire, je ne sais pas ce qu'on fait avec les sommes qu'on a mises en 1978 et je ne sais pas ce qu'on fait avec les sommes qu'on a mises en 1973? Ou bien le raisonnement est bon d'un bout à l'autre, ou bien il n'est pas bon du tout.

Et si vraiment c'est à ce point indifférent, je ne comprends vraiment pas pourquoi le Vérificateur général dit qu'il en faudrait davantage et qu'il en parle. Si c'est l'opération blanche dont parle le député de Saint-Laurent, je ne vois vraiment pas de quoi on parle, je ne vois vraiment pas pourquoi le Vérificateur général écrit des pages et des pages sur le sujet.

Il y a autre chose qui me paraît beaucoup plus fondamental, et là, je suis un peu étonné. On comprend peut-être certaines choses. Je commence à comprendre pourquoi les dépenses du gouvernement, de 1973 à 1976, augmentaient de 21% par année. Je commence à le comprendre.

Si vraiment, au titre d'une gestion financière à peu près saine, on arrive néanmoins pendant plusieurs années à tenir l'augmentation des dépenses depuis quelques années entre 12, 5% et 14%, en dépit du fait qu'on comptabilise comme dépense des sommes pareilles, des sommes considérablement augmentées pour les fonds de pension, cela démontre une chose clairement, c'est qu'effectivement mes collègues ont montré dans leurs demandes une compréhension et une modération qui n'existaient pas du tout avant. Cela ne fait que confirmer ce que j'ai pensé depuis plusieurs années.

M. de Belleval: M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: Puisque le député de Saint-Laurent m'a pris à témoin, comme récent ministre des Transports et membre du Conseil des ministres, je peux l'assurer, avec toute la bonne foi dont je suis capable, qu'effectivement, quand, au Conseil des ministres, dans le contexte actuel, on examine les crédits, les prévisions budgétaires, il est évident que conformément au raisonnement que le ministre des Finances vient de tenir, il doit tenir l'augmentation des dépenses par rapport à l'augmentation du coût de la vie, à l'inflation, etc. dans des limites raisonnables. Là-dessus, tout le monde est d'accord, je pense que le député de Saint-Laurent a raison à ce point de vue, ce n'est pas un débat partisan, tout le monde est d'accord qu'on ne peut continuer à augmenter les dépenses à deux fois le taux d'inflation ou même à un pourcentage trop élevé.

Il nous démontre qu'il doit dans son budget, donc dans son déficit budgétaire, peu importe ses besoins financiers nets, comptabiliser une augmentation, comme il vient de l'expliquer, relativement raisonnable au titre des fonds nécessaires pour payer les pensions d'environ 25%. Il aurait pu mettre 30%, 40% ou 50%, mais le simple bon sens dit: Cela n'aurait pas de bon sens, compte tenu des autres objectifs gouvernementaux avec lesquels tout le monde est aussi d'accord dans leur ensemble. Je ne parle pas sur tel point ou tel autre point en particulier, mais, dans leur ensemble, on est d'accord là-dessus qu'on ne peut pas réduire de moitié cette année le budget des hôpitaux ou des récoltes.

C'est évident que, à ce moment-là, on est obligé tous ensemble d'admettre que, dans nos différents ministères, il faut avoir une discipline budgétaire plus grande. C'est ce que j'expliquais avant la clôture, à 6 heures, c'est que la principale vertu de l'opération du ministre des Finances, à partir de 1977, ç'a été, premièrement, de nous faire tous ensemble prendre conscience du problème d'une façon beaucoup plus explicite et, deuxièmement, d'obliqer les ministères, dans l'adoption des crédits, et le conseil des ministres, à une plus grande rigueur. Ceci étant dit, j'admettrai avec le député de Saint-Laurent qu'au-delà de ça, la mécanique comptable, c'est autre chose, mais les deux faits dont je viens de parler, la prise de conscience publique et une plus grande discipline, ça aussi, ce sont deux faits véritables qui se reflètent dans le budget.

Je pense là-dessus qu'on peut tous l'admettre sans, au fond, qu'il soit question de marquer des points l'un contre l'autre. J'admets que le député de Saint-Laurent, par ses explications, etc., nous fait avancer dans la compréhension du problème, puis, le ministre des Finances l'a fait aussi par ses gestes. Les ministres sont obligés d'avoir

davantage de rigueur, eux aussi, compte tenu de la réalisation de ces faits. C'est positif à mon avis, admettons-le tous ensemble, on fait notre travail conjointement, à ce moment-là, de bons représentants du peuple, indépendamment des partis politiques.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je veux bien ne pas faire de querelle inutile là-dessus, mais je pense que ce n'est pas une querelle inutile que de souligner une chose essentielle, lorsqu'il est question de comptabilité publique. Même si je suis en sympathie avec le député de Charlesbourg, quant à une partie de ses remarques, il reste qu'il faut faire attention; les comptes publics n'ont pas pour but une prise de conscience, ce ne sont pas des documents de conscientisation.

M. de Belleval: Elle a ça en plus, ce n'est pas mauvais.

M. Forget: Ce sont des arguments d'information financière qui doivent avoir comme mérite principal d'être complets, de dire toute la vérité et de ne pas en présenter qu'une partie parce qu'on pense que, pour les fins psychologiques de la conscientisation, il vaut mieux aller à petite dose ou à dose mesurée. L'opération à laquelle on assiste, essentiellement, je suis tout à fait d'accord avec le député de Charlesbourg quant à ses effets, tout ce que ça a pu faire, c'est de donner un peu plus de publicité au fait que les fonds de pension, dans le secteur public, souffrent, si le mot est approprié, d'un déficit actuariel aiqu.

Je pense que c'est une chose valable à dire, à réaffirmer, parce qu'il faut quand même que les gens s'en rendent compte. Au moment des négociations, c'est une chose qu'il n'est pas inopportun de souligner et resouligner. Je suis d'accord que ça peut faire progresser le sens des responsabilités dans les discussions des affaires publiques.

M. de Belleval: Et des budqets. (21 h 30)

M. Forget: Ceci étant dit, je pense que, lorsqu'un gouvernement dit: Ce n'est plus du "pay as you go", on ne dit pas tout simplement qu'on assumera ces obligations dans le concret, au moment où elles se présentent, qu'on traversera le pont au moment où on sera arrivé à la rivière. On dit: Non, il faut prévoir la rivière, il faut dresser une carte géographique du pays qu'on va parcourir, par monts et par vaux, avec les rivières, en indiquant leur larqeur, etc. Alors, il n'y a plus de moyen terme. Il faut donner tout le tableau et faire une comptabilité qui donne toute la carte géographique, pas simplement une espèce d'instantané du premier pont à traverser. Ce n'est pas un album de famille, c'est une carte géographique qu'on veut faire. On ne veut pas dire: Je pense qu'il y a une partie de cela que je vais démontrer, parce que les gens ne sont pas prêts à voir les hauts plateaux qu'ils vont devoir franchir, mais ils ne se sentent pas animés d'une vertu d'alpiniste, on va leur montrer seulement le début de la colline; puis, après, ils s'en rendront bien compte eux-mêmes que cela monte tout le temps et ne descend jamais.

Il n'y a pas, en comptabilité publique, si on veut être correct et si on veut être complet et c'est pour cela que le vérificateur nous fait ses remarques... Ayant enfourché l'étrier, ayant mis le pied dans l'étrier d'une capitalisation, au moins pour les fins de la comptabilité, pas d'une capitalisation réelle, contrairement au Réqime des rentes du Québec... On n'a pas dit: On va créer une régie et on va lui donner des fonds, puis elle les investira dans les pétroles, dans Domtar ou dans Québécair, et aussi dans des obligations, etc. Là on va faire cesser cela.

On a dit: On va lui donner de l'argent, sur papier, et puis on va le reprendre, sur papier. Ce qui veut dire que cela ne nous coûtera rien. Effectivement, cela ne coûte rien, cette opération-là, pas un sou, sauf le papier sur lequel elle est écrite. Le seul but, c'est d'informer. Je dis: Pour une histoire qui ne coûte rien, informez complètement. Pour une fois que vous avez la chance d'informer la population gratuitement, informez-là complètement.

C'est tout ce que le Vérificateur général dit, et tout ce que nous disons, dans le fond. Il y a un déficit actuariel. Qu'est-ce que c'est que cette histoire-là d'en montrer un petit bout qu'on a pris à sa charge, d'une certaine façon, année après année, puis sur laquelle on n'est pas sûr si on doit payer même tous les intérêts, puis mettre en note: Ah! évidemment, il y a beaucoup plus gros que cela, et cela, on ne l'a pas montré, on le mentionne seulement dans les notes?

Si chacun d'entre nous avait un débiteur qui nous présente des états financiers comme cela, je pense qu'on aurait le droit de l'accuser d'intention frauduleuse, en disant: Écoutez, vous avez des dettes, puis, dans votre bilan, votre comptable nous présente seulement une partie de vos dettes, et il a bien pris soin de mentionner que dans les états financiers qu'on prenne les notes et, dans les notes, on y lit: Mon beau-frère m'a prêté de l'argent pour acheter ma maison. Un montant à déterminer. Mais prêtez-moi de l'argent tout de suite.

Je ne sais pas, mais, comme banquier, ou même comme ami, à qui on demande de prêter de l'argent, on dit: Bien écoute, ton beau-frère, est-ce qu'il possède tout ce que

tu as, et tu ne veux pas me le dire?

C'est simplement une question d'honnêteté, même s'il s'agit seulement même pas le payer tout de suite le beau-frère, mais de le mettre dans votre état financier en disant: Écoutez, je lui dois quelque chose.

C'est tout ce qu'on demande. On ne nous a pas demandé de mettre cela dans les états financiers, jamais. Vous avez dit: II faut le faire et c'est bon. Je suis bien prêt à accepter cela. Si cela ne vous a pas coûté un sou, allez jusqu'au bout.

M. de Belleval: Cela nous impose aussi, comme je l'ai expliqué tantôt, une deuxième vertu selon laquelle, à tous les ans, on prépare justement l'étape dont vous parliez dans vingt ou trente ans à une plus grande valeur budqétaire.

M. Forget: Pour ce qui est de la vertu, M. le Président, on va en parler un peu de la vertu budqétaire. Ce n'est pas moi qui ai mis le sujet sur le terrain, le ministre des Finances tout à coup a parlé des taux d'augmentation des dépenses de 21% et cela mérite une brève réponse.

Lorsqu'il était professeur d'économie aux HEC, c'est une chose qu'il disait pratiquement tous les jours à ses étudiants. Le meilleur déterminant des dépenses, d'un ménage, d'une entreprise ou d'un gouvernement, ce sont les revenus. Vérité assez bien connue. Le meilleur déterminant d'une dépense de consommation, c'est le revenu.

M. Parizeau: Moi, je disais cela à mes étudiants? Je suis étonné.

M. Forget: Vous auriez dû le dire si vous ne l'avez pas dit, parce que c'est vrai.

M. Parizeau: Ah! ce n'est pas tout à fait la même chose.

M. Forget: La dépense ou la consommation est une fonction du revenu, c'est assez connu. Et il est assez frappant de voir mentionner, fois après fois, que le taux des dépenses publiques a diminué entre le début et la fin des années soixante-dix.

M. le Président, il ne faut pas être un grand clerc pour se rendre compte que la croissance économique, la croissance des recettes de l'État a diminué dans une proportion encore plus considérable. Compte tenu de l'accroissement de la richesse collective - et d'ailleurs, c'est une démonstration que j'ai vu faire par son collèque du Conseil du trésor à la télévision l'autre soir; j'en étais ébahi, parce que c'était la première fois que ce gouvernement semblait s'en rendre compte l'accroissement des dépenses publiques depuis quatre ans est supérieur en termes relatifs à ce qu'il était durant le début des années soixante-dix.

Autrement dit, tous les gouvernements, depuis dix ans, ont dépensé à un rythme plus rapide que celui que l'économie ne pouvait fournir. Mais, depuis quatre ans, ce gouvernement a dépensé à un rythme encore plus rapide que le précédent, même si, en chiffres absolus, il a dû freiner les opérations, parce que la machine ne suit plus. Il reste que, si on veut parler de vertu, parce que la vertu est faite d'équilibre, on est forcé, non pas de regarder les chiffres absolus de croissance, mais de regarder comment l'économie produit, à quel rythme elle progresse à une période et de reqarder à quel rythme elle progresse et elle produit de recettes fiscales à une autre période, et de reqarder par ailleurs comment le gouvernement va en chercher à chaque période et à quel rythme il fait croître sa ponction.

La conclusion est inévitable. Les gouvernements antérieurs ont peut-être été "irresponsables" à cet égard, le gouvernement actuel l'est bien davantage. Quand on nous parle d'un rythme de croissance de 12% à 14%, il a peut-être été de 12%, mais je ferai remarquer - je l'ai dit à bien du monde, je pense que cela mérite d'être répété - que, pendant qu'au Québec on accroissait à 12% durant trois ans, en Ontario, on accroissait de 8%.

Évidemment, un gouvernement comme celui de l'Ontario ne peut pas avoir les mêmes ambitions que les nôtres, c'est connu, mais 5(1% d'augmentation de plus, 50% de plus dans le taux d'augmentation, cela représente quand même un choix. On a dû choisir de grossir vite, et aujourd'hui, on s'en plaint. On dit: C'est effrayant, cela nous a été imposé par les circonstances.

Est-ce que le contexte de l'économie nord-américaine se fait sentir plus au Québec qu'en Ontario? On dit tout le temps qu'ils sont plus intégrés que nous. Ce serait plutôt surprenant. Durant les dernières années, ce n'est pas à 12% que les dépenses publiques ont crû, c'est, dans une année la plus récente, à 17%. Cela aussi représente des choix qui ont été faits par le gouvernement. Encore une fois, je ne veux pas discuter de toute la politique du budget, mais on a amené cela sur le tapis. La plus grande sagesse, la plus grande vertu, le plus grand équilibre, je ne le vois pas. Encore un fois, ce qui détermine mes dépenses comme individu, comme les dépenses de n'importe qui, ce sont les revenus que j'ai.

J'ai remargué, M. le Président, que, quand les revenus augmentent, on dépense plus et, quand les revenus diminuent, on dépense moins, assez curieusement. Il y en a aussi qui s'endettent, mais ils ne peuvent pas le faire indéfiniment, comme on le sait très

bien. Il y a aussi une sanction pour cela, au moins pour les individus; pour les gouvernements, c'est plus douteux. Au fait, cela prend plus de temps.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je trouve cela merveilleux de voir qu'on est capable de décrire les années 1973 à 1976, là où le gouvernement du Québec a connu des augmentations de dépenses de 21% par an, expliquées par toutes sortes d'espèces de raisons, mais pudiquement on en oublie une. C'est qu'alors que partout ailleurs au Canada, au cours de ces années, les tables d'impôt étaient indexées au coût de la vie, à Québec, on ne les indexait pas. Évidemment, je comprends bien, le gouvernement du Québec avait des revenus très fortement croissants. Il était le seul gouvernement au Canada à taxer l'inflation à fond. Oui. Curieux que, comme raison principale d'augmentation rapide des revenus au Québec, on n'ait pas touché à cela. On fait appel au taux de croissance dans le monde occidental, je ne sais quoi; on oublie juste une chose: c'est que, parmi les onze gouvernements canadiens, il y en avait un qui n'indexait pas ses tables, c'était le gouvernement québécois de l'époque. Je comprends, l'arqent entrait à la pelle, il n'y a pas de problème quand vous taxez l'inflation complètement.

Je regarde simplement ce que nous avons fait dans le domaine de l'indexation depuis quelques années. Si je prenais toutes ces sommes et si je les ajoutais à mes revenus, il y a bien des problèmes dont on ne parlerait plus.

M. Forget: Depuis 1977.

M. Parizeau: Je n'ai pas dit depuis 1977, M. le Président. Comme chacun le sait, la réforme fiscale a commencé en 1978; l'indexation a été reculée d'un an à cause de l'histoire de la taxe de vente et après ça elle s'est enclenchée, mais, nous, au moins, on l'a faite.

M. Forget: Partiellement, soyons justes.

M. Parizeau: Non, pas partiellement, M. le Président. Si on veut bien se souvenir qu'on ajoute à 7, 5%, une année, 3% de réduction de la table, ça fait quoi? Cela fait 10, 5%. Ensuite, 7, 5% plus une réduction annoncée de 2%, ça fait 9, 5%. Là, ça va être un peu inférieur. La première année, c'était à peu près ce qu'il fallait.

Nous n'avons pas le même mode qu'à Ottawa, c'est vrai. Ce n'est pas automatique comme à Ottawa, mais au moins, nous, on a fait quelque chose, et même beaucoup, pour éviter de taxer l'inflation. Alors, tout de même, un peu de pudeur là-dedans!

M. Forget: Sauf l'inflation de l'essence.

M. Parizeau: Une des raisons pour lesquelles le gouvernement de Québec lançait de l'argent par les fenêtres, c'était qu'il taxait l'inflation, complètement.

M. Forget: Et la croissance économique.

M. Parizeau: La croissance économique avait un effet moins grand sur le trésor public du Québec que l'inflation, beaucoup moins grand.

Revenons maintenant à notre objet, la première partie de l'intervention du député de Saint-Laurent qui, en commençant son intervention, disait: Nous avons découvert, ce soir, 174 000 000 $. Il a dû lire le rapport du Vérificateur général avec pas mal de retard, parce que ça fait déjà un bout de temps qu'on l'a.

Deuxièmement, les montants dont a fait état le député de Saint-Laurent, ils sont aux notes au bilan. Qu'il n'essaie pas de nous dire qu'on les cache. Ce que le vérificateur nous dit, ce n'est pas du tout ce que nous dit le député de Saint-Laurent. Le vérificateur dit: Vous ne devriez pas mettre ça dans les notes au bilan, vous ne devriez pas le mettre à la page 22, mais à la page 21, dans les états financiers plutôt qu'aux notes au bilan; ça, c'est une discussion intéressante. Mais qu'on n'aille pas nous dire qu'on cache quoi que ce soit.

Je vais même aller plus loin. Depuis quand met-on en notes des indications sur le déficit actuariel des vieux fonds de retraite? Puisqu'il s'agit d'être limpide, clair et transparent, ça date de quand les notes au bilan, ces notes au bilan qu'on nous reproche comme n'étant pas tout à fait ce qu'elles devraient être, mais qui néanmoins comportent les chiffres dont on parle? Depuis quand fait-on état du déficit actuariel ou des charqes nécessaires pour compenser le déficit actuariel en notes aux états financiers? Depuis 1970? Non. Depuis 1975? Non. Cela a commencé en 1977. Avant ça, il n'y avait pas un mot au bilan.

M. Forget: C'est ce qu'on vous a dit. Vous avez pris cette décision, vivez avec les conséquences.

M. Parizeau: Non, la raison pour laquelle il n'y avait pas de notes au bilan, ce n'est pas parce que le déficit actuariel n'était pas là. Le déficit actuariel, si on reconnaît qu'il existe, que c'est une dette éventuelle - parce que c'est une dette éventuelle, le déficit actuariel - si on ne le mettait pas aux états financiers avant, c'était dû à quoi? C'était dû au fait qu'une

évaluation actuarielle du déficit, il n'y en avait pas.

M. Forget: Évidemment, elle a été faite pour la première fois en décembre 1975.

M. Parizeau: Non, elle a été faite la première fois pour décembre 1975, en date de décembre 1975, mais c'était en 1977.

M. Forget: C'est ça.

M. Parizeau: C'est-à-dire que pendant des années, des années et des années, au Québec, on a vécu dans la tranquillité la plus totale, en se disant: Ce qu'on ne connaît pas ne nous fait pas de mal, surtout ne calculons pas le déficit actuariel, ça pourrait nous gêner.

M. de Belleval: Quand on l'a connu, on ne l'a pas rendu public le lendemain.

M. Parizeau: Nous, dès qu'on a eu cette évaluation actuarielle, on l'a publiée dans le discours du budget de mars, tout de suite, dès qu'on l'a eue. C'était la première fois que ça se faisait, mais, surtout, ce qu'il y a de beau c'est que, pendant des années et des années avant, on a pu vivre sans se soucier du tout de savoir quel était le déficit actuariel. On savait qu'il y en avait un, on savait qu'il était gros, mais on n'avait aucune idée du montant et on disait: Surtout, si on ne le sait pas, ça ne nous fera pas de tort et si on ne le sait pas on n'aura pas de notes à mettre au bilan.

M. Forget: C'est qui ce "on", nous autres? (21 h 45)

M. de Belleval: Le ministre des Finances du temps probablement.

M. Parizeau: Je n'impute rien, je constate une situation de fait et j'observe des dates.

M. Forget: Mais admettez avec moi, M. le ministre des Finances, que ce n'était pas le précédent gouvernement puisque c'est à cause de l'existence du RREGOP qu'on a posé le problème et c'est le RREGOP qui exige que l'évaluation actuarielle, dont vous avez fait état en 1977, soit préparée pour la fin de 1975.

M. Parizeau: Non, pas pour la fin de 1975.

M. Forget: Oui, pour la fin de 1975 et de 1970. Elle est triennale, n'est-ce pas?

M. Parizeau: Mais non, mais pas du tout.

M. Forget: Elle est triennale, j'ai celle de 1978.

M. Parizeau: Cela a été fait en date du 31 décembre 1975.

M. Forget: C'est cela, l'état au 31 décembre.

M. Parizeau: Cela a été fait bien après cela. Pendant tout ce temps-là, on a vécu...

M. Forget: Forcément. M. Parizeau: Un instant!

M. Forget: Celle de 1978 a été faite en 1980.

M. Parizeau: M. le Président, entendons-nous bien sur une chose.

M. Forget: J'en ai une copie à mon bureau.

M. Parizeau: Ce n'est pas à cause du RREGOP que cela a été fait. Je parle des déficits actuariels et non pas du RREGOP puisqu'à ce moment-là il n'y en avait pas ou très peu, c'était presque rien, il commençait, en tout cas. Bien des gens ont vécu avec les deux vieux fonds pendant des années, il fut un temps où le RREGOP n'était pas là. Cela n'intéressait personne de savoir quel était le déficit actuariel. Le fonds de retraite des enseignants, quand a-t-il été créé? Il y a des dizaines d'années. Cela remonte à...

M. de Belleval: C'est plus vieux que cela, 1920...

M. Parizeau: On a passé toutes ces années absolument sans se soucier de savoir s'il y en avait. On savait qu'il y avait un déficit actuariel.

M. de Belleval: 1870, je pense, le RRE, le premier.

M. Forget: On est parfaitement d'accord là-dessus. Maintenant, on le sait.

M. Parizeau: Maintenant, on va...

M. Forget: On ne perd qu'une fois sa virqinité, n'est-ce pas? Elle est perdue.

M. Parizeau:... commencer à faire des reproches, sur le plan de la transparence ou de la limpidité, au premier gouvernement qui a rendu publique une appréciation du déficit actuariel, le premier gouvernement qui a commencé à faire quelque chose à l'égard du déficit actuariel des deux vieux fonds. Je trouve qu'on a un certain culot, M. le Président. On a un culot même monstre.

C'est assez énorme, finalement.

M. de Belleval: M. le Président. M. Forget: II va s'indigner.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: Quand j'ai pris mes fonctions comme ministre des Finances... comme ministre de la Fonction publique, je m'excuse.

M. Forget: Ah! Pas d'empiétement.

M. de Belleval: Je pense que c'est quand même important. Comme ministre de la Fonction publique, on a déposé sur mon bureau le rapport des déficits actuariels du régime de retraite des fonctionnaires, du régime de retraite des enseignants. Il n'était pas de 7 000 000 000 $; il devait être, à ce moment-là, je ne le sais pas, de quelque 5 000 000 000 $...

M. Parizeau: 4 900 000 000 $.

M. de Belleval:... en décembre 1976, quand j'ai pris mes fonctions. Je peux assurer le député de Saint-Laurent que le rapport datait de plusieurs mois. Que je sache, pendant tous ces mois, le gouvernement d'alors ne l'avait pas rendu public.

M. Grégoire: II avait reçu le compte, mais il n'ouvrait pas l'enveloppe.

M. Forget: En termes de rendre public, remarquez, M. le Président - je pense qu'il faut le mentionner pour le journal des Débats - qu'on a rendu quelques chiffres vraiment publics dans le discours sur le budget, mais je n'incite pas un citoyen à demander copie des rapports actuariels parce qu'il m'a fallu faire plusieurs démarches pour en obtenir copie et demander personnellement par écrit au ministre de m'en faire parvenir une copie. Alors, ce n'est pas la publicité maximale. On n'a pas un goût prononcé pour faire de cela un livre blanc, M. le Président, et faire une tournée provinciale sur le sujet. J'ai vu des sujets sur lesquels le gouvernement actuel était, disons, plus intéressé à faire de l'information et de la conscientisation.

Il demeure que toutes ces choses sur le passé, d'il y a 10 ou 40 ans, nous éloignent totalement du sujet de ce soir. Vous avez décidé de donner...

Une voix: Eh!

M. Grégoire: Vous parlez de cela depuis le matin. Eh! Arrêtez-moi celai II y a des limites.

Une voix: Depuis ce matin on parle de cela.

M. Forget: Réveillez-vous, M. le député de Frontenac. Ce n'est pas moi qui suis revenu en arrière. C'est le ministre des Finances qui vient de le faire.

M. Grégoire: Depuis ce matin, vous nous parlez de cela et vous n'arrêtez pas. On sait bien que votre affaire n'a pas de sens et vous en parlez quand même.

M. Forget: Je vais continuer, avec votre permission. Est-ce que je peux continuer?

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: On peut vous écouter sur les déficits actuariels. Vous étiez passionnant tout à l'heure.

M. Grégoire: Je vous laisse aller. Je vous dis que...

M. Forget: Particulièrement votre démonstration sur les effets de l'inflation cette année sur les déficits actuariels calculés sur 40 ans, c'était impayable.

M. Grégoire: C'était impayable, hein!

M. Forget: Impayable. Trêve de plaisanteries, M. le Président, il demeure que, peu importe l'inconscience de nos prédécesseurs de 1920, aujourd'hui, au 31 mars 1980, revenons à nos moutons...

Une voix: Nos milliards de moutons.

M. Forget: Au 31 mars 1980, il y a quelques milliards qui manquent dans les comptes publics relativement à la situation financière, au passif qui devrait s'y trouver pour refléter correctement les obligations certaines et futures du gouvernement face à ses employés et aux employés du secteur parapublic.

Cela est indubitable. Le tableau complet ne s'y trouve pas et le manque à gagner, si l'on peut dire, se chiffre par centaines de millions. Avec les informations qui se trouvent dans le rapport et les indications additionnelles que nous avons eues ce soir, il serait facile de dire que c'est quelque chose entre 400 000 000 $ et 700 000 000 $ qui manquent très certainement aux comptes publics pour refléter une situation qui s'approcherait de celle que le ministre des Finances a prétendu instaurer par sa nouvelle décision et sa nouvelle politique de divulgation, de stabilité

des déficits, etc., telle qu'elle a été comprise par tout le monde. C'est ça le sens véritable de l'opération; c'est de dire la vérité et toute la vérité, pas seulement une partie.

M. Parizeau: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre, sauf que j'avais d'abord reconnu M. le vérificateur.

M. Parizeau: Trente secondes pour répondre...

M. Châtelain: Je peux attendre.

M. Parizeau:... directement à ce qui vient d'être dit. Lorsque le député de Saint-Laurent dit: Ces sommes ne sont pas inscrites aux comptes publics, ce n'est pas vrai. Elles sont aux comptes publics, à la page 22. Lorsqu'il dit: Cela n'appartient pas au tableau complet - j'utilise ses expressions - elles sont dans le tableau complet à la page 22. Le débat n'est pas là. Le vérificateur nous dit: C'est dans les comptes publics, mais je voudrais que ce soit aux états financiers proprement dits, ce qui est tout à fait autre chose.

M. Forget: II nous a dit que, dans des états financiers normaux, les renseignements ne se trouvent pas dans les notes; ils se trouvent dans les états financiers eux-mêmes.

M. Grégoire: Mais vous ne les mettiez même pas dans les notes, vous autres.

M. Forget:... Les notes sont là pour expliquer les entrées aux états financiers et non pas pour suppléer à des carences des états financiers.

M. Parizeau: D'accord, M. Larose.

Le Président (M. Bordeleau): M. le vérificateur, M. Larose.

M. Larose: J'avais deux points à préciser. Pour la satisfaction du bureau et peut-être même de mon prédécesseur, je pense que je dois souligner qu'en ce qui regarde l'absence de mention aux états financiers du gouvernement de la dette envers ses employés, ça fait au-delà de dix ans que cette mention est faite dans les rapports du vérificateur. Si ce n'était pas aux états financiers du gouvernement, les vérificateurs - cela a été mon cas, mais cela a été aussi le cas de mon prédécesseur - ont toujours attiré l'attention du gouvernement et de l'Assemblée nationale là-dessus. Deuxièmement, les vérificateurs - dans mon cas particulier, en tout cas - ont souhaité qu'il y ait une évaluation actuarielle avec l'intention de la divulguer dès qu'elle serait disponible. C'est ce que nous avons suggéré de faire dès qu'elle l'a été. Je pense que c'est l'évolution. Nous ne pouvions pas faire plus, sauf de se substituer et de faire l'évaluation actuarielle nous-mêmes, ce qui était absolument impensable et impossible.

Je pense que j'aimerais toucher aussi à l'autre question. M. Parizeau a mentionné tout à l'heure que le commentaire que nous avons fait quant à la période d'amortissement du déficit touchait - il a ramené ça à cela - la question du mandat possible qui pourrait être accordé au Vérificateur général en termes de mandat touchant les finances et l'efficacité. D'abord, je mentionnerai qu'en ce qui concerne les régimes de retraite nous ne remettons pas en cause l'objectif de ces programmes-là, pas du tout. L'objectif est de verser des pensions aux retraités des services public ou parapublic. Nous ne voulons en aucune façon, et nous n'avons jamais remis en compte cet objectif-là. Ce que nous avons constaté avec beaucoup de monde, évidemment, c'est qu'il y avait un déficit actuariel et que le gouvernement propose une période d'amortissement de 50 ans. Nous avons mentionné que nous serions plutôt portés vers une période d'amortissement de 25 à 30 ans. Nous nous trouvons un peu dans la même situation que si nous étions dans le secteur privé et que nous serions à faire la vérification pour un client qui aurait acquis une propriété et qui nous dirait qu'il veut l'amortir sur une période de 100 ans. Nous dirions à ce moment-là, en tant que comptables: II faudrait respecter les normes comptables généralement reconnues et une période de 40 ans nous paraîtrait justifiée.

Cela ne met pas en cause, à ce moment-là, que le principe de l'amortissement doit être respecté, cela met en cause une période d'amortissement. Je regrette que du côté du secteur public nous ne soyons pas encore en possession de principes comptables tellement bien reconnus et tellement bien établis. Je regrette particulièrement que du côté des régimes de retraite ces principes comptables ne soient pas encore disponibles. Je peux mentionner à cet égard que l'Institut canadien des comptables agréés vient de créer un comité spécial qui se penchera - les activités commencent - sur cette question de normes comptables ou de normes de vérification applicables au secteur gouvernemental. Il formulera des recommandations. Mais, dans le moment, ça n'existe pas, on ne les a pas. Cela a donc été une question d'opinion ou de commentaires sur quelque chose qui ne voulait pas mettre en cause le principe même de l'amortissement du déficit actuariel, mais seulement la période sur laquelle il devait être fait.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: J'aimerais poser une question à M. Larose, M. le Président, sur quelque chose de tout à fait différent et qui nous ramène quelques minutes en arrière. Je n'ai pas très bien saisi ce que vous vouliez dire au sujet de la signification des notes d'un bilan.

Je comprends que la plupart des notes effectivement, dans un bilan ordinaire, explicitent des choses contenues dans les états financiers, mais est-ce qu'il n'y a pas des notes qui portent sur des éléments qu'on doit connaître, mais qui ne paraissent pas en tant que tel aux états financiers? Je pense, par exemple, à des procédures judiciaires pouvant entraîner, pour une compagnie, des montants assez importants advenant que le procès soit perdu. Des notes comme celles-là ne sont vraiment pas une exploitation de quelque chose du bilan, c'est un ajout.

M. Larose: Oui, M. Parizeau, je suis votre exemple, à l'heure actuelle. Lorsque vous avez un procès en cours et que la décision n'est pas rendue, vous faites face à une éventualité; vous ne pouvez pas l'inscrire au bilan parce qu'elle est éventuelle. Le passif dépend de la décision du tribunal.

M. Parizeau: C'est cela.

M. Larose: Tandis que, dans le cas, par exemple, d'un régime de retraite, les actuaires ont établi que, pour satisfaire aux obligations - prenons le cas qui nous occupe - du gouvernement en date du 31 décembre 1978, cela prend 7 000 000 000 $. Ce n'est pas une éventualité, c'est un fait.

M. Parizeau: Non, non, je comprends ça.

M. Larose: C'est la distinction que j'ai établie. Pour revenir à la question des notes aux états financiers, je vous lirai tout simplement ici un paragraphe extrait du manuel des normes générales de présentation des états financiers de l'Institut des comptables agréés. On y dit ceci: "Les notes et les tableaux auxquels les états financiers renvoient - remarquez que je le dis... Je continue et je viendrai aux commentaires ensuite - servent à en expliquer les postes. Ces notes et ces tableaux ont la même importance que les renseignements et explications présentés dans le corps même des états financiers - personne ne nie cela -mais ils ne doivent pas se substituer pour autant à la bonne comptabilité. Les renseignements qu'ils renferment doivent se conformer aux traitements comptables dont les postes ont fait l'objet. Tout poste qui est complété par une note ou par un tableau doit renvoyer expressément à cette note ou à ce tableau. " (22 heures)

Le texte est parfaitement clair à savoir que les notes mêmes viennent expliquer des postes qui apparaissent aux états financiers. Dans le cas d'une éventualité, le poste n'apparaît pas aux états financiers parce que la dette n'est pas clairement établie. C'est un renseignement additionnel qui est fourni à ce moment au lecteur des états financiers comme étant une dette possible ou une décision favorable ou défavorable qui pourrait affecter la situation financière de l'entreprise. Remarquez bien que ce que je viens de vous lire là, ce sont les normes qui s'appliquent au secteur privé. Encore là, je vous en fais part, vous êtes au courant qu'un comité du même institut se penche sur le problème dans le cas du secteur public, mais j'ai l'impression que, dans ce domaine particulier, les conclusions ne seront pas tellement différentes.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Justement à ce sujet, M. Larose, j'imagine que le comité dont vous parlez, c'est celui qui a sorti un premier rapport, si je comprends bien, qui s'appelle le "Financial Reporting by Governments", c'est ça?

M. Larose: Oui. C'est-à-dire que, précisons ceci, c'est que le comité d'étude qui a publié ce rapport a recommandé la formation d'un institut pour suivre le travail et, par conséquent, qu'il forme un comité pour l'établissement de normes. Disons que ce que vous mentionnez là, c'est le travail de base.

M. Parizeau: Mais qui arrive à des conclusions un peu différentes de celles de l'Institut des comptables agréés dont vous parliez tout à l'heure?

M. Larose: Je ne crois pas, non. Par conclusions différentes, vous voulez dire...

M. Parizeau: Je veux dire sur la présentation des états financiers des gouvernements.

M. Larose: Oui.

M. Parizeau: Est-ce que c'est simplement une transposition des positions de l'Institut des comptables agréés à l'égard des entreprises? Cela doit être autre chose que simplement une transposition? Je comprends qu'il y a eu passablement de discussion entre vous et les gens du ministère des Finances qui s'interrogeaient justement sur la signification du document "Financial

Reporting by Governments".

M. Larose: Non. On n'a pas discuté du document en tant que tel. Je pense que ce rapport est assez récent, d'ailleurs, et on n'a pas eu l'occasion depuis ce temps d'en discuter en tant que tel. Il y a peut-être des éléments, à un moment donné, qu'on a pu discuter avec des représentants du ministère des Finances. Je cherche à saisir le sens de votre question, M. Parizeau.

M. Parizeau: C'est simplement ceci. C'est qu'évidemment tout ce qui va sortir de "Financial Reporting by Governments" et du comité dont vous nous parlez ne peut pas s'appliquer rétroactivement à 1979-1980, cela va de soi.

M. Larose: Non.

M. Parizeau: Un des problèmes qu'on a quant à suivre ou ne pas suivre certaines des recommandations que vous faites, je ne parle pas ici seulement de la comptabilisation des fonds de retraite, cela s'applique à un certain nombre d'autres postes, et vos remarques peuvent être suivies sur la base de vos recommandations de 1979-1980 ou bien peuvent donner lieu à une sorte d'examen de ce qui va sortir de "Financial Reporting by Governments" et du comité. Je veux dire en somme que je me demande si on fait certains changements tout de suite en disant: On les adaptera dans six mois ou dans un an si, effectivement, on s'entend sur des normes de divulgation par les gouvernements et de présentation de leurs états financiers ou bien si on fait tout de suite les changements quitte à les recorriger ensuite. D'après vous, cela peut prendre combien de temps pour que ce comité en arrive à quelque chose d'un peu articulé? Dans les normes de l'art, un comité qui a déjà fait le travail qu'il a fait et qui est dans son cheminement, on parle de quoi? Quatre ans, cinq ans ou un an, deux ans?

M. Larose: D'abord, s'il s'agit d'un comité permanent qui est créé par l'institut, par conséquent, il devrait normalement siéger indéfiniment de telle façon à émettre des recommandations régulièrement dans l'avenir et à revoir les recommandations qu'il leur a déjà faites pour en avoir de nouvelles et les améliorer.

Je crois que le comité lui-même va se pencher sur les problèmes un à un. Si on suit ce que l'Institut canadien des comptables agréés fait ordinairement, c'est qu'il va se pencher sur les problèmes un à un. Il va émettre des recommandations, remarquez bien, et je précise le mot "recommandations". Dans le cas du secteur privé, l'institut émet normalement des normes ou des principes qui doivent être suivis. Dans le cas du secteur public, l'institut ne voudra pas établir des normes, mais plutôt faire des recommandations, laissant aux différents gouvernements la décision de les suivre ou de ne pas les suivre. Elles auront été étudiées très sérieusement avant d'être faites.

Je reviens sur le fait que, généralement, l'institut émet des normes sur un, deux ou dix sujets. Cela peut prendre un nombre d'années assez considérable, avant que l'ensemble des recommandation soit produit. J'ajouterai cependant que certaines juridictions au Canada, en tout cas, se sont inspirées du rapport préliminaire ou du rapport qui s'appelle Financial Report in Canada pour modifier certaines de leurs pratiques actuelles, dans le sens des suggestions qui sont déjà faites. Il y a déjà un mouvement d'entrepris. Cela va prendre la forme de recommandations à l'avenir. J'en suis sûr.

M. Forget: Si je comprends bien, M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget:... ce que M. Larose nous dit, c'est qu'il est futile d'attendre un rapport final qui serait le fin mot de l'histoire sur les standards, les normes et les suggestions de l'Institut des comptables aqréés quant à la comptabilité publique. Ce ne sera jamais fini. C'est toujours remis sur le métier au fur et à mesure qu'on découvre de nouveaux problèmes. Donc, à tout moment, il faut se décider de suivre les recommandations ou de ne pas les suivre et cela ne sert à rien d'attendre la fin de l'histoire. C'est toujours à suivre.

M. Parizeau: Cela vient de nous arriver, c'est un document qui est tout frais, la version française du document que nous citions tout à l'heure; comme le disait M. Larose, ce sont les rapports financiers des administations publiques. La traduction française est tellement fraîche qu'elle est arrivée ce matin, si je comprends bien?

M. Larose: Depuis un peu plus longtemps que cela.

M. Parizeau: Ah oui! Je ne sais pas si on doit prendre cela comme des recommandations, des propositions ou des suggestions, mais il y a déjà un certain nombre de recommandations qui sont faites dans ce rapport. C'est bien cela?

Le Président (M. Bordeleau): Oui.

M. Larose: Le contenu du livre a fait l'objet d'une étude absolument sérieuse. Il y

a beaucoup de choses là-dedans qui pourraient être adoptées sans crainte d'être renversées dans l'avenir, mais il y a aussi des sujets, entre autres, sur lesquels on ne formule pas de recommandations précises. On dit: II y a un travail additionnel à faire là-dessus. Sur certaines choses, on dit aussi: II y a des choses que vous pouvez adopter dans le moment, mais on ne prétend pas que c'est la solution finale. Nous proposons ceci pour le moment, mais il pourra y avoir d'autres améliorations et des modifications à venir. Ces modifications viendront plutôt avec le cours des ans, à la suite des études. Il n'y aura pas de rapport en bloc semblable à l'avenir. Ce qui va sortir maintenant, ce seront plutôt des recommandations individuelles sur des postes particuliers.

M. Parizeau: Parfait!

M. Forget: M. le Président, très brièvement...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, je m'excuse, M. le député de Saint-Laurent. M. le député!

M. Forget:... sur la question de la distinction entre ce qui va dans le corps de l'état financier et ce qui va dans les notes, ce n'est pas un sujet très controversé. Vous attendez-vous que cela fasse l'objet de révisions multiples ou si c'est un sujet qui est relativement stabilisé sur le plan des normes comptables?

M. Larose: Ce qui va dans...

M. Forget: Vous avez fait une distinction entre ce qui va dans le corps de l'état financier, des postes qui paraissent dans l'état financier lui-même, ou les états financiers - puisque l'usage est d'utiliser le pluriel - et ce qui va dans les notes. Vous avez dit: Ce sont des explications qui vont dans les notes et non pas des additions ou des compléments comme tels aux états financiers eux-mêmes. Je pense qu'une des questions pertinentes qui se posent, c'est que, s'il devait y avoir des changements dans la façon dont les comptes publics sont faits au Québec, on pourrait douter. C'est tellement controversé, cette question, qu'on peut s'attendre que l'institut des comptables suggère quelque chose de totalement différent, de mettre énormément de choses dans les notes et de réduire les états financiers à leur plus simple expression, par exemple.

Est-ce que vous croyez que cette partie des recommandations actuelles est susceptible de subir une évolution sensible?

M. Larose: Je crois que ce qui va se produire, c'est que le comité va chercher à faire des recommandations concernant la divulgation des renseignements financiers. La divulgation des renseignements financiers, à ce moment-là, va se diviser en deux parties. Le comité va dire, probablement, si on prend un poste donné: Nous recommandons que telle chose soit montrée aux états financiers et que, s'il y a des explications additionnelles de telle ou telle nature, elles puissent apparaître en note aux états financiers. Mais on va donner une recommandation pour qu'il y ait un minimum de telles choses qui paraissent aux états financiers et que, possiblement, certaines choses...

M. Forget: Cela, c'est pour des choses nouvelles, c'est pour des renseignements additionnels à tous ceux qui sont déjà mentionnés.

M. Larose: Oui.

M. Forget: Mais pour la distinction dont il a été question pendant guelgues heures ici, relativement à des passifs non contingents, à certains passifs liquidés, comme des fonds de retraite, est-ce que vous imaqinez qu'il serait possible que, dans un an ou dans deux ans, l'institut des comptables nous dise: Non, il ne faut pas mettre ça dans les états financiers; maintenant, ce serait mieux de reléguer tout cela dans les notes. Est-ce que c'est concevable?

M. Larose: Je mentionnerais là-dessus que, évidemment, les pratiques comptables des différents gouvernements au Canada, entre autres, varient énormément d'une juridiction à l'autre.

M. Forget: Les pratiques varient; on parle des normes.

M. Larose: Par conséquent...

M. Forget: On voit que les pratiques varient, on en a un bon exemple ici.

M. Larose: Les efforts du comité vont tendre à favoriser l'uniformisation de cela et vont tendre aussi à ce que tous les gouvernements inscrivent l'ensemble de tout leur passif aux états financiers, sauf exception, évidemment, comme, possiblement, des déficits actuariels dont l'inscription pourra s'étendre sur une période d'années, selon des recommandations déterminées à ce moment-là. En d'autres termes, je pense que le principe de l'inscription de tous les passifs du gouvernement aux états financiers, le comité va certainement tendre à cela et le recommander. Les notes aux états financiers vont tendre tout simplement à devenir des explications aux états financiers, pas autre chose, des explications aux différents postes

des états financiers. Je pense que, de ce côté-là, la pratique suivie par le secteur privé devrait normalement être recommandée.

Dans tout cela, cependant, je n'assimile pas le secteur public au secteur privé, il y a des différences fondamentales et énormes entre les deux. On ne peut pas assimiler l'un et l'autre.

M. Grégoire: M. le Président, est-ce que je peux vous demander, étant donné qu'il est 22 heures...

Le Président (M. Bordeleau): Effectivement, on a même dépassé l'heure un peu, étant donné que ça allait bien.

M. Grégoire: J'aimerais vous demander quelle est la...

M. Forget: On est disponible, de ce côté-ci, pour continuer plus tard, M. le Président, mais si on souhaite, pour des raisons de fatigue ou autrement, de l'autre côté, terminer tout de suite, je n'ai pas d'objection à me rendre au bon désir de nos collègues d'en face, à supposer, cependant, qu'on puisse continuer sur le même sujet demain.

M. Gagnon: J'ai l'impression, M. le député de Saint-Laurent, que vos collègues ne semblent être si fringants pour continuer plus tard.

M. Forget: Personne ne se plaint de ce côté-ci.

M. Gagnon: Vous ne leur donnez pas le temps de prendre la parole.

Le Président (M. Bordeleau): C'est pour tout le monde, autant pour nos invités que pour les gens qui travaillent au secrétariat des commissions. L'heure normale, c'est 22 heures.

M. Forget: J'ai souvent continué jusqu'à minuit, M. le Président, et même le samedi soir, à quelques reprises.

Le Président (M. Bordeleau): On a déjà établi des records.

M. Forget: Quant à moi, je prends au sérieux le travail parlementaire, d'autant plus, semble-t-il, qu'il faut maintenant mériter notre salaire. Je pense que la population s'attend à ça de nous. Je ne veux irriter personne et je ne veux pas insister, pourvu, M. le Président, qu'il soit bien convenu qu'un certain nombre d'autres postes qui fiqurent ou ne figurent pas aux états financiers et qui représentent des sommes qui sont des dettes certaines du gouvernement puissent faire l'objet de quelques entretiens demain matin, quitte à reporter d'autant le reste de nos travaux.

Le Président (M. Bordeleau): Je voudrais avoir une indication, pour les autres ministres qui doivent comparaître ou se présenter demain, pour avoir un peu l'idée, même si ce ne sont pas des heures précises... Vous mentionnez que vous aimeriez qu'on continue demain matin avec la présence du ministre des Finances. Est-ce cela?

M. Forget: J'ai une longue liste ici, M. le Président, de choses sur lesquelles je me pose encore des questions. Il y a, par exemple, la question des variations dans les comptes à payer non comptabilisés. J'aurais des questions à poser là-dessus. Ce sont des sommes importantes. Ce n'est pas tellement que les sommes sont importantes qui nous intéresse, c'est de voir comment cela évolue dans le temps, tout cela. Il y a les problèmes des pertes de l'année courante en devises qui ne figurent pas aux états financiers. Il y a les problèmes des changements dans les conventions comptables, qui sont survenus apparemment inopinément du côté des placements dans les sociétés d'État. Il y a un certain nombre d'autres choses qui sont d'un intérêt passionnant pour nous.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, d'accord. M. le ministre des Finances...

M. Forget: On aimerait bien pouvoir poser des questions là-dessus au Vérificateur général. Encore une fois, nous sommes disponibles.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, il faut aussi que je sois disponible pour les quelques fonctions de ministre que j'ai. Dans ces conditions, j'ai encore un peu de travail à aller faire au bureau. Je ne peux pas tenir jusqu'à minuit et recommencer demain matin. Ce n'est pas possible.

Deuxièmement, pour demain matin, on s'était entendu aujourd'hui sur le fait que... Je comprends, le député de Saint-Laurent voulait un peu de flexibilité, mais avec la liste des sujets qu'il trouve passionnants, ce n'est pas de la flexibilité qu'il demande, c'est une deuxième journée. Je n'ai pas d'objection particulière, sauf que demain, j'ai un Conseil des ministres et j'ai un certain nombre de tâches que je ne peux pas éviter comme ministre. Je veux bien qu'on ait un peu de flexibilité demain matin. S'il reste un certain nombre de sujets, on trouvera un autre jour. Je suis aussi disponible, à la

condition qu'on me donne un peu d'avis. Si vraiment, après une heure sur des sujets où je serais directement impliqué, demain, il restait un certain nombre de sujets, ce qu'il faudra qu'on propose, c'est qu'on trouve un autre moment pour faire cela. Je n'ai aucune espèce objection à le faire; la seule chose, c'est qu'il ne faut quand même pas faire en sorte de trop en empiler dans la même journée. Les journées ont 24 heures.

M. Forget: M. le Président, j'ai une suggestion à faire au ministre des Finances qui pourrait peut-être résoudre son problème. Remarquez en passant que ma journée demain commence à 8 heures aussi. C'est vrai, nous sommes tous très occupés.

M. Parizeau: M. le Président, ce sont des enfantillages. La mienne commence à 8 h 30 avec un ministre, à 9 heures avec un autre ministre, à 10 h 30 avec un Conseil des ministres. Je devais, en principe, selon l'entente intervenue, être dégaqé pour demain. Alors, je ne le suis pas, en dépit du fait qu'on m'avait dit de réserver la journée d'aujourd'hui, ce que j'ai fait. J'ai passé toute la journée ici, conformément au règlement de la Chambre, comme prévu. On m'a demandé un peu de flexibilité ce matin, d'accord, mais un peu de flexibilité, ce n'est pas une deuxième journée. Il faut quand même que je fasse mon boulot.

M. Forget: J'avais une suggestion pour le ministre qui va sûrement résoudre son problème. Nous avons fait allusion à cela dans le passé, aussi récemment que ce matin. Étant donné qu'il s'agit de gestion financière, qu'il s'agit d'explorer la signification de certains postes et de certains commentaires quant à la façon dont les comptes sont faits, je suis sûr que le ministre a des collaborateurs qu'il nous serait fort agréable d'entendre sur le sujet, son sous-ministre ou un sous-ministre adjoint responsable de la comptabilité publique. Nous pourrons explorer avec eux, sur le plan factuel, les questions que soulève le Vérificateur général. C'est de tradition courante dans les endroits où on prend au sérieux la commission des comptes publics d'entendre les fonctionnaires. Je pense que ce n'est pas une suggestion farfelue, au contraire.

M. Parizeau: Nous n'allons pas recommencer les discussions de ce matin. Quant à des suggestions aussi farfelues que de dire à 22 h 20: Auriez-vous l'obligeance de demander cette nuit à quelqu'un de se préparer pour une réunion demain, on pourrait peut-être vouloir l'interroger? c'est encore plus saugrenu. C'est vraiment du "slap-stick". On fait n'importe quoi. On va faire cela dans l'ordre, selon nos habitudes.

S'il y a quelque chose qui est de tradition, c'est que je vienne en commission avec mes fonctionnaires - je l'ai toujours fait - selon un certain nombre de coutumes que nous avons. On va continuer comme cela. Encore une fois, j'insiste sur le fait qu'on s'était entendu, des deux côtés, sur une certaine façon de procéder, sur des jours où on convoquait des gens. On l'a fait, on a demandé un peu de flexibilité; je suis prêt à en donner un peu, mais si on en veut beaucoup, en termes de plusieurs heures, je ne peux pas faire cela demain. Je suis désolé, c'est comme cela. Cela correspond essentiellement aux ententes qu'on avait. Je suis tout à fait disposé, cependant, à le faire à un autre moment, selon une autre entente à intervenir entre les deux parties, comme d'habitude.

Le Président (M. Bordeleau): Un instant, s'il vous plaît!

M. Grégoire: M. le Président, est-ce que je pourrais proposer que, demain, nous procédions comme nous devions le faire, avec les ministres Duhaime, Clair et Morin et que le président de la commission s'entende avec le ministre des Finances pour trouver, dans un avenir très rapproché, une deuxième journée ou une demi-journée pour terminer, espérant que cette fois il n'y aura pas des motions préliminaires qui nous feront perdre la moitié de la journée?

M. Gagnon: En espérant qu'on pourra travailler aussi sans nécessairement retarder comme ce matin, alors qu'on voulait même avoir les caméras de télévision pour savoir travailler.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! M. le député de Saint-Laurent, est-ce qu'on peut s'entendre sur...

M. Forget: M. le Président, avant de s'entendre sur quoi que ce soit, je vous ferai remarquer et je répète pour la troisième fois que je suis disponible jusqu'à minuit ce soir. Il n'y a rien qui s'oppose - vous le savez très bien - à ce que nous siégions jusqu'à minuit, rien. II n'y a strictement rien dans nos règlements qui s'oppose à cela, seulement la fatigue de messieurs. Je n'en ai que faire de la fatigue de messieurs, nous avons un travail à faire ici.

M. Parizeau: Non, j'ai du travail à faire à mon bureau. Pardon?

M. Forget: Nous avons un travail à faire ici. On nous a dit, de façon hypocrite, ce matin, qu'on serait flexible. Je voudrais bien savoir où est la flexibilité. Elle n'est nulle part. On nous dit: On a tout fixé; tout est fixé d'avance, le calendrier, la parade

des ministres qui vont nous entretenir...

M. Grégoire: M. le Président, ces scènes de défi n'ont pas leur place; il y a une motion d'ajournement sur la table.

M. Forget:... comme d'habitude, de leurs boniments et, en plus de cela, on a le culot de nous dire qu'on a perdu du temps ce matin pour essayer de faire faire à cette commission un travail convenable, au moins à la hauteur du travail fait par des commissions des comptes publics dans des Parlements qui se respectent, contrairement à celui-ci. Je pense que le culot est de l'autre côté, à 22 h 1. 0, de se mettre à bailler et de dire: On veut aller se coucher, alors qu'on n'a pas fait le travail qu'on devait faire, qu'on nous a dit qu'on serait flexible et qu'on ne l'est pas et qu'on a refusé des recommandations qui sont unanimement observées dans d'autres provinces pour étudier les comptes publics, voulant bloquer le travail de la commission. On a tellement peur de voir la commission parlementaire sur les comptes publics de l'autre côté découvrir le pot aux roses qu'on est prêt à faire n'importe quoi pour bloquer notre travail.

M. Grégoire: M. le Président, je vous ai demandé de le rappeler à l'ordre.

M. Forget: C'est de l'hypocrisie.

M. Grégoire: II y a une motion d'ajournement. Le dépit tente d'être caché ce soir, mais cela ne poignera pas. Il y a une motion d'ajournement. Nous avons perdu du temps aujourd'hui. L'heure de clôture de la commission est 22 heures. Il y en a qui ont du travail à faire encore ce soir. Les ministres Duhaime, Morin et Clair sont cédulés pour demain.

M. Forget: Vous allez travailler vous, je vous connais. Vous allez travailler. Allez donc me raconter cela. Est-ce que vous allez travailler au bar, par exemple?

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le député de Saint-Laurent!

M. Forget: Est-ce que c'est là que vous faites vos affaires?

M. Grégoire: Je demande que la motion d'ajournement soit prise en considération.

M. Forget: Hypocrite! Menteur!

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Parizeau: M. le Président, je m'excuse.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: C'est peut-être moi simplement qui ai fait une erreur ici. Quel est le règlement? Au fond, j'en étais essentiellement à cela. Le règlement, c'est quoi? Est-ce que c'est 22 heures ou minuit?

Le Président (M. Bordeleau): Les commissions se terminent normalement à 22 heures.

M. Parizeau: C'est cela qu'il faudrait savoir. De toute façon, comme j'ai dit que je serais disponible aujourd'hui, je vais suivre le règlement. Si le règlement dit minuit, je vais aller jusqu'à minuit. J'ai dit que je serais disponible aujourd'hui.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, c'est normalement 22 heures.

M. Parizeau: Si c'est 22 heures, de toute façon, j'ai du travail à faire après. S'il s'agit de le faire après minuit, je vais le faire après minuit, mais je préfère à 22 heures. Mais c'est quoi qu'il dit?

M. Forget: Non, ce n'est pas 22 heures de façon obligatoire. C'est 22 heures, si on choisit que ce soit 22 heures; c'est 21 heures, si on choisit que ce soit 21 heures et c'est minuit, si on choisit que ce soit minuit.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, c'est la nuance qu'il faut faire. J'essaie de le trouver dans le règlement.

M. Parizeau: Qu'est-ce qu'on a dit ce matin?

Une voix: On n'a rien dit, je pense. M, Parizeau: On n'a rien dit.

Une voix: C'est 22 heures.

Une voix: Mais normalement c'est 22 heures.

M. de Belleval: Est-ce que le député de Saint-Laurent serait d'accord, malgré tout, pour qu'on reprenne demain matin quand même avec les ministres qui avaient déjà été convoqués, parce qu'eux aussi ont certainement dû libérer leur horaire demain pour venir à cette commission. Je pense que, de ce point de vue...

M. Forget: La première fois en cinq ans, cela ne les tuera pas.

M. de Belleval: Non, est-ce que cela...

Une voix: Oh! oh! oh!

M. de Belleval: Pourriez-vous me laisser terminer? Mais je ne vois pas pourquoi vous auriez des objections à continuer quand même demain avec ces ministres.

M. Forget: Parce qu'on n'a pas terminé sur ce sujet-ci.

M. de Belleval: Mais est-ce qu'on pourrait reprendre la semaine prochaine?

M. Forget: Avez-vous une date? M. Parizeau: J'imagine que s'il...

M. de Belleval: Une demi-journée au moins.

M. Parizeau:... y a une entente possible sur cinq ministres entre les deux partis, il peut y avoir une entente possible entre les deux partis au sujet d'une demi-journée ou d'une journée avec moi plus tard.

M. de Belleval: De toute façon, on doit siéger la semaine prochaine.

M. Forget: D'après ce qu'on a vu ce matin, il n'y a pas beaucoup d'ententes possibles avec vous autres.

M. de Belleval: Quand même!

M. Forget: Ce sera beau de voir tous ces bouffons discuter des augmentations de salaire pour un Parlement qui ne fonctionne pas.

M. de Belleval: M. le député de Saint-Laurent, on pourrait reprendre la semaine prochaine.

M. Forget: C'est très joli. Vous donnez un très beau spectacle à la population.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le député de Saint-Laurent comme les autres!

M. Forget: Très édifiant! Très édifiant!

M. Parizeau: M. le Président, je ne peux pas laisser passer cela.

M. Forget: Non, ne le laissez pas passer. Si vous voulez qu'on parle des augmentations de salaire des ministres, en 1977, on va en parler assez longtemps. Ici, il est question de contrôler les dépenses et on n'a pas de temps pour cela.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît.

M. Parizeau: M. le Président, là, il y a des choses qu'on ne peut pas laisser passer.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: II y a eu une entente entre les deux partis, faite normalement, comme on en fait beaucoup, qui prévoyait l'apparition de cinq ministres sur trois jours. Ce matin, ce n'est pas nous qui avons tenté de rompre l'entente. Ce n'est sûrement pas nous. La tentative de rompre cette entente qui était intervenue est venue du député de Saint-Laurent. Il faut quand même rétablir les faits.

M. Forget: Parce que j'ai posé des motions préliminaires? Est-ce que vous connaissez votre procédure parlementaire, M. le député de L'Assomption? Ne savez-vous pas qu'à toutes les commissions parlementaires il y a des motions préliminaires? Ne savez-vous pas que nous n'avons pas de procédure décente pour fonctionner ici?

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: C'est de la provocation, M. le Président. On ne veut montrer aucune flexibilité, aucune disponibilité et on nous accuse de gêner le travail de la commission. Mon oeil!

M. Grégoire: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Bordeleau): Je veux d'abord savoir si le ministre des Finances a terminé, parce que c'est lui qui avait la parole.

M. Parizeau: Oui.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Si les règlements de la commission sont les mêmes que les règlements de l'Assemblée nationale, mutatis mutandis, l'article 31 de nos règlement dit bien: "Les séances de l'Assemblée sont ajournées à 22 heures les lundi, mardi et jeudi, à 18 heures le mercredi. "

Nous ne sommes pas dans les périodes conformes aux nouvelles réglementations des mois de juin et décembre, que je sache. L'heure d'ajournement des sessions le soir est 22 heures. J'ai proposé l'ajournement, M. le Président, demandant que demain nous nous réunissions avec les trois ministres qui

avaient été convoqués et prévus pour demain, qui ont dû mettre de côté d'autres engagements pour venir demain, soit les ministres Duhaime, Clair et Morin. Je maintiens donc ma proposition d'ajournement. Suspension des travaux.

Le Président (M. Bordeleau): Non, on ne suspendra pas les travaux.

M. Lincoln: L'article 150 du règlement, paragraphes 1, 2 et 3.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, je l'avais déjà trouvé, M. le député de Nelligan.

M. Grégoire: Quand il est dit, au paragraphe 3: "Aucune commission élue ne peut siéger après minuit, même lorsque l'Assemblée nationale peut siéger après cette heure", c'est en vertu des nouveaux règlements qui sont faits pour les mois de juin et décembre.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le député de Frontenac, quand à l'article 150, paragraphe 3, on mentionne qu'aucune commission ne peut siéger après minuit, cela laisse supposer...

M. Grégoire: Mais, M. le Président, si vous voulez bien continuer: "Même lorsque l'Assemblée peut siéger après cette heure". Or, l'Assemblée nationale ne peut siéger après dix heures que dans les mois de décembre et de juin, lorsque nous sommes dans le règlement sessionnel. C'est cela, les heures de fermeture sont bien mentionnées à l'article 31: "Les séances de l'Assemblée sont ajournées à 22 heures les lundi, mardi et jeudi. " Nous sommes mardi.

Le Président (M. Bordeleau): Mais en vertu du point trois de l'article 150, il est quand même permis de siéger plus tard.

M. Grégoire: Mais cela se rapporte au règlement sessionnel qui a été adopté il y a deux ans pour les mois de décembre et juin, lorsque nous sommes en période de session intensive.

Le Président (M. Bordeleau): Ce n'est pas explicite dans le règlement et je me fie sur une décision qui a été rendue en février 1981.

M. de Belleval: Quel article, M. le Président?

Le Président (M. Bordeleau): L'article 150. On y mentionne que, si la Chambre siège, une commission peut siéger aux mêmes heures que celles prévues à l'Assemblée. Cependant, même dans ce cas, une commission ne peut siéger après minuit à moins d'un consentement unanime.

Lorsgue l'Assemblée n'est pas en session ou encore lorsqu'elle est en session, mais ajourne ses travaux pour plus de cinq jours, une commission n'est plus restreinte à l'horaire de la Chambre, sauf qu'elle ne peut dépasser minuit à moins d'un consentement unanime. Cela veut donc dire que, finalement, on peut se rendre à minuit en vertu du règlement.

M. Parizeau: Allons-y.

M. Grégoire: II faudra faire expliciter cela.

M. Forget: Si je comprends bien, nous avons une motion d'ajournement du député de Frontenac?

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac a mentionné qu'il avait fait une motion, mais je ne l'ai pas reçue comme telle.

M. Grégoire: Mais elle est recevable automatiquement. Est-ce qu'on continue ou si vous voulez ajourner?

M. Forget: II faut en disposer maintenant.

M. Parizeau: On va continuer, si le règlement le permet, jusqu'à minuit. J'ai dit que je serais disponible aujourd'hui. Je vais l'être en fonction des règlements de la Chambre. Si les règlements disent qu'on peut aller jusqu'à minuit, il n'y a pas de raison.

M. Grégoire: Si j'ai le consentement unanime de la commission, on peut continuer jusqu'à minuit. Mais sans le consentement, cela arrête à 22 heures.

Le Président (M. Bordeleau): En fait, M. le député de Frontenac, je vous corrige. Cela ne nécessite pas d'avoir le consentement unanime pour continuer jusqu'à minuit. (22 h 30)

M. de Belleval: Oui, c'est marqué.

Le Président (M. Bordeleau): Non, non.

M. Forget: Après minuit. Il faut le consentement pour après minuit. Je vous promets de ne pas vous demander de siéger après minuit.

Le Président (M. Bordeleau): À partir de minuit, ça prend vraiment le consentement unanime.

M. Parizeau: Que le règlement s'applique, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, on continue.

M. Forget: Est-ce que la motion est retirée?

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac a parlé d'une motion, mais je n'ai jamais reçu de motion comme telle, mais simplement une indication qu'il était passé 10 heures.

M. Forget: II n'y a pas de motion devant l'assemblée.

Le Président (M. Bordeleau): Je n'en ai pas...

M. Grégoire: Attendez une minute, on m'a apporté...

Le Président (M. Bordeleau): On peut continuer les questions. Oui, M. Châtelain.

M. Châtelain: M. le Président, au moment où les travaux ont été interrompus pour discuter de l'ajournement, j'étais sur le point de faire une remarque à la suite de commentaires de M. Larose qui donnaient suite à certains commentaires qui avaient été avancés par le ministre des Finances concernant le mandat, les danqers qui étaient inhérents à l'élargissement du mandat du Vérificateur général. Je remercie M. Larose d'avoir apporté des précisions quant aux commentaires, dans son rapport, qui ont donné lieu à cette intervention du ministre des Finances.

Il faut réaliser que, lorsqu'on discute de choses telles que l'amortissement d'un passif actuariel, il y a plusieurs choses qui entrent en ligne de compte. D'une part, il y a un programme gouvernemental dont l'objectif est d'assurer une pension de retraite à ses employés, et c'est ça qui est l'objectif du programme. D'autre part, il y a peut-être à l'intérieur des politiques adoptées par le gouvernement une autre politique qui se veut budgétaire. Par contre, le Vérificateur général, dans son mandat, doit quand même faire des commentaires sur la sincérité des états financiers. C'est dans ce contexte que le commentaire est inscrit dans le rapport du Vérificateur général. Je suis bien d'accord avec le ministre des Finances qu'ici il s'agit d'une zone grise quand on discute de telles choses, surtout lorsque les termes n'ont pas été clairement définis dans ces cas. Lorsqu'on discutera, si l'occasion se présente, du mandat du Vérificateur général, il faudra, à ce moment-là, s'entendre clairement sur la définition des termes et préciser, en termes bien exacts, son mandat.

Il y avait également l'obligation pour le vérificateur de ne pas s'immiscer dans les politiques du gouvernement. Je ne crois pas que c'était le but du Vérificateur général dans le présent cas et le ministre des Finances l'a reconnu tantôt parce qu'il a dit lui-même qu'il n'en voulait pas à M. Larose d'avoir fait ce commentaire. Je tenais tout simplement à préciser, M. le Président, ces quelques notions parce que je crois bien que, dans les principes, il n'y a pas de mésentente entre le ministre des Finances et ce que j'ai avancé cet après-midi.

M. Forget: Sur un autre sujet, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

Sommes dues aux hôpitaux et aux institutions d'enseignement

M. Forget: Un poste très important qui fait l'objet de commentaires de la part du Vérificateur général consiste dans les sommes qui sont dues aux établissements des réseaux parapublics, qu'il s'aqisse des hôpitaux ou des institutions d'enseiqnement, au titre des services que ces établissements et ces institutions fournissent dans l'année couverte par les états financiers, mais qui ne font pas l'objet de déboursés durant l'année en question. On a parlé, dans le passé, de cette question de trous à l'Éducation, etc. Je ne veux pas rouvrir tout ce dossier parce que cette situation est, dans une certaine mesure, normale dans le sens où il a toujours été convenu, à cause des délais dans l'approbation des budgets et la vérification des dépenses de ces établissements très nombreux, que le gouvernement ne pouvait pas, au 31 mars, avoir complété tous ses versements au titre des dépenses des établissements en question pendant l'exercice financier qui se terminait ce jour-là. C'est bien normal, il peut avoir payé seulement une partie et il devra payer le reste au début de l'exercice financier subséquent.

Tant qu'il y a une espèce de roulis où les montants à payer pour l'année précédente sont compensés en quelque sorte par les montants qui seront assumés à même le budget de l'année suivante, on a un tableau de la situation financière et des dépenses qui est à peu près satisfaisant. L'un dans l'autre, dans le fond, on paie ses dettes et on les paie à peu près au même rythme où on les encourt, sauf qu'il y a un décalage dans le temps. Là où cela devient plus gênant, c'est s'il y a un changement subit dans le rythme où on accumule les retards, parce qu'à ce moment-là, bien sûr, on a une sous-évaluation des dépenses de l'exercice en question et on a un montant qui devrait apparaître comme un passif, un compte à payer ou quelque chose d'analogue dans le bilan de l'actif et du passif pour l'exercice en question.

J'aimerais savoir si, d'après ce que vous pouvez observer, quant à l'évolution de cet élément on a raison de s'inquiéter d'un décalage croissant? J'espère que je me suis exprimé clairement. Est-ce que c'est une année portant l'autre à peu près toujours le même montant dont il est question où est-ce qu'on est en train d'accumuler un ballon qui grossit, qui grossit, qui grossit? Remarquez, je suis prêt à faire la concession que, comme on est dans un régime d'inflation et que les prix, donc les budgets et les salaires qui permettent de financer, sont à peu près de 10% à 12% plus élevés une année par rapport à l'autre, que le ballon lui-même va grossir d'une année à l'autre. Mais, est-ce qu'on est en face de quelque chose de plus significatif que cela et est-ce que cela fait partie des raisons qui vous ont amené à souligner à l'attention de l'Assemblée nationale l'existence de ce problème dans les états financiers?

M. Larose: En tout premier lieu, disons que la remarque que nous avons faite et qui se lit comme suit, je pense qu'on peut la lire au 31 mars 1980 comme on le retrouve à la page 593 du volume 1 des comptes publics. "Les dépenses de transfert non imputées aux dépenses du gouvernement pour des frais de fonctionnement courus avant le 1er mars 1980 par les organismes pré cités -il s'agit des organismes d'enseignement et des institutions de bien-être - et par conséquent non inscrites au passif, s'établissaient à environ 726 200 000 $, soit 625 100 000 $ pour les commissions scolaires et les institutions d'enseiqnement et 101 100 000 $ pour les établissements de santé et de bien-être".

Pour que les états financiers reflètent exactement les opérations d'une année financière, la convention comptable devrait exiger l'inscription aux livres des dépenses de transfert que le gouvernement doit acquitter pour les frais de fonctionnement encourus par les organismes subventionnés dans la période même où ces frais sont encourus. Alors, notre recommandation, est que toutes les dépenses encourues par ces institutions dans l'année financière du gouvernement soient inscrites au passif du gouvernement en fin d'année, même si elles ne sont pas acquittées au cours de cette même année.

C'est fondamentalement la recommandation que nous faisons. En fait, nous disons que si les commissions scolaires comme les institutions de bien-être savent que le gouvernement leur a dit dans ses programmes qu'il s'engage à leurs rembourser toutes les dépenses qu'elles feront selon des normes, des critères établis, et si le gouvernement a pris l'engagement de rembourser les commissions scolaires ou les autres institutions d'enseignement comme les institutions de bien-être pour leurs dépenses, la dette envers ces institutions existe dès le moment où l'institution elle-même a fait la dépense, parce qu'il y a obligation du gouvernement à ce moment de rembourser en vertu de ses propres engagements.

C'est une recommandation qui va plus loin que ce que vous avez mentionné tout à l'heure, c'est même la recommandation d'inscrire au passif du gouvernement toutes les dépenses des commissions scolaires et des autres institutions qui ont été encourues durant l'année financière même du gouvernement.

Maintenant, il est évident que tout n'est pas connu de façon absolument exacte au 31 mars, mais on a normalement tous les éléments nécessaires pour en estimer raisonnablement le montant et pour inscrire le passif à ce moment. D'ailleurs, les chiffres que nous avons là, nous les citons et ils ont été établis généralement par les ministères. Nous les avons vérifiés et c'est à la suite de cela que nous sommes en mesure de les mentionner dans les remarques que nous faisons.

C'est fondamentalement la position que nous avons adoptée et que nous recommandons.

En deuxième lieu, la deuxième partie de votre question est: Quelle est l'évolution de ces dépenses au cours des années? J'ai fait un relevé de cela ici et pour ce qui regarde l'éducation, je remonte à 1974-1975 jusqu'à maintenant, 1979-1980.

En 1974-1975, dans le domaine de l'éducation, c'était 407 000 000 $; en 1975-1976, de 507 000 000 $; en 1976-1977, de 536 000 000 $; en 1977-1978, de 318 000 000 $; en 1978-1979, de 200 000 000 $ et, en 1979-1980, de 625 000 000 $. Ces 625 000 000 $ se divisent en deux éléments principaux: 285 000 000 $ provenant d'un changement dans la politique de financement des commissions scolaires qui a été adoptée par le gouvernement. Ce changement était le suivant. Les dépenses des commissions scolaires étaient inscrites aux dépenses du gouvernement à 70% dans l'année financière du gouvernement, en vertu des principes comptables, elles devaient être inscrites à 70% dans l'année même du gouvernement, ce qui correspond à la période écoulée de l'année scolaire et, 30% dans l'année suivante, ce qui correspondait aussi à la période qui était dans l'année financière suivante du gouvernement.

Cette politique a été modifiée pour dire qu'on maintient les 70% et qu'ils sont absorbés comme auparavant, les 30% sont divisés en deux, 15% sont absorbés dans l'année qui suit, ce qui veut dire dans l'année qui concorde avec la fin de l'année scolaire, et les autres 15% sont reportés à l'année financière suivante du gouvernement. Ce deuxième 15% est évidemment une

dépense qui paraît au livre du gouvernement après la période. Si on prend un exemple, c'est peut-être plus facile, si une année scolaire se termine le 30 juin 1979, 70% des dépenses en vertu des principes comptables du gouvernement paraîtront dans l'état financier du gouvernement qui se termine le 31 mars 1979, puisqu'il y a 70% de l'année scolaire qui serait là. 15% des dépenses apparaîtront dans l'année 1979-1980, le 31 mars 1980, et 15% dans l'année 1980-1981.

Alors, dans l'année 1980-1981, il n'y a pas eu de dépenses scolaires pour ces 15% puisqu'elles ont été encourues dans la période qui s'est terminée le 30 juin 1979. Quant à cette modification au mode de financement, les opérations des commissions scolaires comptent pour 285 000 000 $ dans les 625 000 000 $ dont je parlais tout à l'heure, tandis que le solde de 340 000 000 $ provient du fait qu'une partie des 70% qui devaient être acquittée normalement et qui devrait être portée aux dépenses dans l'année 1979-1980 a été reportée à une période subséquente. C'est une partie des 70%, à ce moment-là. (22 h 45)

Maintenant, pour ce qui regarde, si vous me permettez...

Une voix:...

M. Larose: Ah oui, il faudrait dire là-dessus que, dans les 340 000 000 $, il n'y a pas seulement les commissions scolaires, il y a aussi la partie qui s'applique aux collèges, aux universités et aux institutions d'enseignement privé et ça donne 102 000 000 $; selon le même principe, il y avait 102 000 000 $ qui s'appliquaient aux commissions scolaires ainsi qu'une partie applicable au transport scolaire.

En ce qui regarde le secteur de la santé, je ne suis pas remonté en 1975, mais l'évolution du côté du secteur de la santé... Le montant était de 60 000 000 $ en 1976-1977; 32 000 000 $ en 1977-1978; 30 000 000 $ en 1978-1979 et 101 000 000 $ en 1979-1980.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Si je comprends, M. le Vérificateur général, si vos recommandations étaient adoptées intégralement, à savoir de faire figurer dans le passif à court terme -dans les états financiers, au poste passif à court terme - une subvention à verser aux établissements d'éducation, pour l'année 1979-1980, il y aurait un poste de 625 000 000 $ à inscrire; si on avait fait ça rétrospectivement, pour toutes les années antérieures, c'est un poste qui, par rapport à l'année précédente, serait passé de 200 000 000 $ à 625 000 000 $. Dans cette hypothèse toujours, j'imagine qu'une note annexée aux états financiers aurait expliqué que le saut de 200 000 000 $ à 625 000 000 $ était attribuable, pour 285 000 000 $, à un changement dans les conventions comptables et que, pour 340 000 000 $ des 625 000 000 $, il s'agissait du chiffre à comparer aux 200 000 000 $ de l'année précédente. On se suit toujours?

M. Larose: Oui, quant à moi, je préfère comparer les 625 000 000 $ aux 200 000 000 $ et ne pas faire cette distinction.

M. Forget: Oui, d'accord, mais il reste que le changement de la convention comptable quant au moment à imputer la dépense, je pense bien qu'il devrait être mentionné, en toute justice pour le gouvernement.

Ce à quoi je veux en venir, c'est simplement à ceci. Quand un poste du passif, d'une année à l'autre, subit une augmentation de 140 000 000 $, il y a aussi une inscription correspondante qui va devoir figurer quelque part dans le compte des revenus et dépenses et, dans ce cas, ça va plutôt du côté des dépenses. Il y a évidemment là une dépense de 140 000 000 $ dans l'année 1979-1980, il y a donc une dépense qui, ne figurant pas aux états financiers, ni au compte du passif et de l'actif, ni au compte des revenus et dépenses, sous-évalue pour cette année, ne serait-ce qu'à ce seul poste, le déficit de 1979-1980 d'un montant de 140 000 000 $.

M. Larose: En fait, si les conventions comptables étaient restées les mêmes, le montant auquel vous faites allusion, c'est la différence de 425 000 000 $ entre 200 000 000 $ et 625 000 000 $.

M. Forget: Oui, je comprends, avec une note permettant à ceux qui l'examinent de dire: Là-dessus, il y a une partie qui est un changement d'année d'imputation et l'autre qui est véritablement une croissance de ce qu'on doit à ce réseau et qui devrait être payé tôt ou tard.

M. Larose: Dans la remarque que nous faisons, nous disons que nous ne sommes pas d'accord avec l'effet du changement de la politique de financement; la politique de financement, quant à elle, nous ne la mettons pas en cause. Que le gouvernement décide de payer 15% une année ou l'autre, qu'il décide de le payer un an plus tard ou un an plus tôt, je pense que ce n'est pas notre problème de mettre ça en cause. Ce que nous voulons dire, c'est que, du côté des dépenses, en tant que dépenses encourues, qu'elles soient payées ou non - parce qu'une

dépense, dès qu'elle est encourue, nous croyons qu'elle devrait être inscrite aux livres, qu'elle soit payée ou non - en tant que dépenses encourues, nous croyons que la convention comptable devrait quand même exiger l'inscription de ce montant, même s'il doit être payé deux ans plus tard.

M. Forget: D'accord, mais on convient bien qu'en ne donnant pas suite à toutes ces recommandations ou en ne se conformant pas à cette règle, cela a pour effet de sous-estimer l'ampleur du déficit dans une année donnée?

M. Larose: C'est ça.

M. Forget: La chose est la même quand on parle de la santé. Ce qui est inquiétant, ce ne semble pas être l'évolution de 1977 à 1980, parce qu'on a un montant de 77 000 000 $ la première année et de 101 000 000 $ en 1979-1980. Cela dépasse, bien sûr, la discussion de votre rapport, mais je ne peux faire autrement que de me souvenir - on va présumément voir ces chiffres-là dans le rapport et les états financiers de 1980-1981, selon une information qui était récemment dans les journaux - que ce chiffre de 101 000 000 $ sera, au 31 mars 1981, de 240 000 000 $ ou 239 000 000 $. C'est donc dire qu'il y a là des dépenses, dans les années 1979-1980 et 1980-1981, qui, parce qu'elles ne se reflètent pas aux états financiers, permettent de sous-évaluer le budget.

Encore une fois, c'est à peu près toujours le même montant qui réapparaît. Ce n'est pas qrave parce que si c'était toujours 77 000 000 $ qu'on doit aux établissements de santé ou si c'était toujours 400 000 000 $ qu'on doit aux commissions scolaires, quand c'est toujours le même chiffre qui revient, au fond, ce que l'on ne paie pas une année, on le paie l'année suivante. Mais comme c'est toujours pareil, cela montre un taux uniforme de dépenses. Ce qui est inquiétant, c'est de voir ces montants non rapportés qrossir. Oui, ce qui est inquiétant, c'est de voir que ces montants non rapportés qrossissent. Enfin, le montant qui n'est pas rapporté ne qrossit pas parce qu'il n'est pas rapporté. Il ne qrossit pas dans les états financiers, mais s'il était rapporté, il grossirait.

M. de Belleval: Quand cela baisse pendant quatre ans, est-ce que cela est inquiétant?

M. Forget: Non, c'est rassurant. Il faudrait le montrer là aussi pour donner un tableau complet.

M. Grégoire: Est-ce qu'on pourrait demander à M. Larose de nous répéter les chiffres qu'il a donnés depuis 1974?

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Est-ce qu'on pourrait demander à M. Larose de nous donner les chiffres qu'il a donnés depuis 1974 dans le domaine des établissement scolaires?

M. Larose: Vous demandez que je les répète?

M. Grégoire: Oui, les premiers chiffres que vous aviez donnés, depuis 1973, je crois.

M. Larose: J'ai donné les chiffres de 1974-1975, 407 000 000 $.

M. Grégoire: Combien?

M. Larose: 407 000 000 $. En 1975-1976, 507 000 000 $.

M. Grégoire: Là, cela a augmenté de 100 000 000 $.

M. Larose: En 1976-1977, 536 000 000 $.

M. Grégoire: Cela a encore augmenté.

M. Larose: En 1977-1978, 318 000 000 $.

M. Grégoire: Ah! 318 000 000 $.

M. Larose: En 1978-1979, 200 000 000 $

M. Grégoire: Ah!

M. Larose: En 1979-1980, 625 000 000 $.

M. Grégoire: À cause de... Des voix: Ah!

M. Grégoire: À cause de ce que vous compreniez tout à l'heure. Mais pour les trois ans...

M. Forget: À cause de l'augmentation des dépenses qui n'a pas été payée par le gouvernement.

M. Grégoire: Pour trois ans, cela fait 1 500 000 000 $ contre 1 000 000 000 $. Trois ans pour chaque gouvernement.

M. Forget: Hein?

Des voix: Ah!

M. Grégoire: Pour les trois années du

gouvernement libéral, cela fait 1 500 000 000 $ et pour les trois années du gouvernement du Parti québécois, cela fait 1 000 000 000 $.

Des voix: Ah!

M. Forget: M. le Président.

M. de Belleval: De dollars "inflationnés".

M. Grégoire: De dollars "inflationnés", à part cela.

M. de Belleval: N'oublions pas que ces dollars, trois ans plus tard, ne valent pas ces dollars de trois ans plus tôt.

M. Forget: M. le Président.

M. Grégoire: En trois ans, c'est 1 500 000 000 $ et les trois années suivantes, c'est 1 000 000 000 $.

Félicitations, M. le ministre.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Grégoire: Je tiendrais à féliciter le ministre des Finances.

M. Forget: Quelle que soit l'envie que j'ai de corriger le député de Frontenac, je vais laisser cela au journal des Débats comme un legs éternel à sa mémoire.

Des voix: Ah!

M. Forget: Je crois que...

M. Grégoire: Si le député de Saint-Laurent ne sait pas compter, j'ai additionné.

M. Forget: Je le référerai, M. le Président...

Une voix: II n'a pas de mérite.

M. Forget:... pour sa réflexion de fin de soirée, aux remarques que faisait plus tôt dans la journée le ministre des Finances sur la distinction entre les flux et les stocks. Je n'ajouterai rien à cette remarque, M. le Président, mais je pense qu'on peut poursuivre peut-être sur le sujet.

Je crois que ce point-là est suffisamment établi. Je pense qu'on a ici l'indication nouvelle que si vos recommandations étaient suivies, nous aurions une représentation plus fidèle de ce que le gouvernement doit effectivement débourser cette année ou dans les années futures envers les établissements des réseaux parapublics. Nous aurions également, pour l'année 1979-1980 et, vraisemblablement, pour 1980-1981, en suivant le même raisonnement et les informations parcellaires qu'on a, une sous-évaluation systématique du déficit pour ces deux années, certainement pour l'année 1979-1980.

Sur un autre sujet, M. le Président.

M. Parizeau: On va compléter celui-là.

M. Forget: Oui, je ne sais pas si on peut le régler. J'espérerais bien qu'on le règle, oui.

Le Président (M. Bordeleau): On abordera l'autre sujet ensuite. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Ces observations du Contrôleur des finances mettent l'accent, je pense, une fois de plus, sur un problème qui est assez sérieux et qui appelle un certain nombre de commentaires.

L'année 1979-1980 a été marquée par deux choses qui, en tout état de cause, sont exceptionnelles. L'une, c'est le changement dans les conventions comptables. Bien sûr, on ne change pas les conventions comptables tous les ans, seulement cela a un effet quand ça passe, c'est bien évident. D'autre part, il y a eu l'introduction de la réforme fiscale municipale qui, évidemment, a amené des changements énormes dans l'évaluation des crédits à envoyer au ministère de l'Éducation. Puisqu'on retirait une partie de la taxe foncière et qu'on remplaçait ça par des subventions, le 70-15-15 se trouvait à amener une pente complètement différente aux dépenses à inscrire. Dans un certain sens, ça existe, ça se fait, ça s'explique et ça se comprend.

Je distingue ces deux choses-là du problème beaucoup plus sérieux auquel je faisais allusion tout à l'heure et qui a trait à notre système traditionnel de contrôle sur les dépenses des réseaux, sur les crédits qu'on vote, leur traduction en termes de budget approuvé et le niveau effectif de dépenses qui se produit dans ces réseaux par rapport au budget approuvé.

Il est évident, compte tenu des procédures encore une fois tout à fait traditionnelles, des procédures d'acceptation d'emprunts par les institutions de réseaux, que des institutions de réseaux peuvent fonctionner en pratique au jour le jour, à longueur d'année, avec un niveau de ressources supérieur au budget accepté, qui traduisent les crédits votés par l'Assemblée nationale.

Déjà, en 1973, 1974, 1975 et 1976, on s'était rendu compte tout à coup, au ministère des Finances, au ministère de l'Éducation - parce que c'était fait ensemble - et au Conseil du trésor, qu'il y avait une accumulation de dettes bancaires des commissions scolaires qui atteignait

585 000 000 $ à peu près. Cela a pris d'ailleurs un certain temps pour faire le décompte, cela a pris un an et demi, je pense, avant qu'on sache que cela atteiqnait 585 000 000 $ pour des années antérieures. Cela se traduit, jusqu'à un certain point, dans les chiffres que nous avons devant nous et avec lesquels M. le député de Frontenac faisait des comparaisons tout à l'heure.

Dans un deuxième temps, on rembourse cela. On voit bien que cela laisse des soldes - je simplifie un peu la présentation, mais, finalement, ça revient à ça - décroissants et ça reprend, sans qu'on s'en rende compte, et ça donne le fameux trou de 500 000 000 $, le deuxième, en somme, fabriqué exactement de la même façon que le premier.

Je ne pense pas que, dans une optique comme celle-là, les recommandations du Vérificateur général pourraient vraiment être appliquées intégralement. Pas parce qu'on ne veut pas, mais parce qu'on constate bien, après sept ou huit ans, qu'on ne sait pas exactement quelles sont les dépenses qui devront être payées, parce qu'on s'imagine bien que les emprunts bancaires à un moment donné reviennent au gouvernement. Ce ne sont pas les commissions scolaires qui demandent le remboursement, ce sont les banques qui demandent le remboursement.

On peut bien dire que les paiements qu'on va faire aux banques n'étaient pas inscrits dans les crédits des commissions scolaires. Je veux bien, mais ce sont des dépenses d'éducation des mêmes commissions scolaires, qu'on le veuille ou non. Ce n'est pas parce qu'on le paie aux banques que cela n'aurait pas dû être inscrit dans les crédits et que cela n'aurait pas dû se traduire dans les budqets. Cela ne s'est pas fait comme ça, mais, néanmoins, c'est à payer à ce titre-là. (23 heures)

Maintenant qu'on a fermé les budqets des commissions scolaires, c'est évidemment davantage possible de voir comment on peut s'enligner en fonction des recommandations du vérificateur. Mais il s'en faut de beaucoup - je pense ici aux hôpitaux, en outre - qu'on soit tout à fait satisfait que le contrôle des marges bancaires est encore assez précis pour qu'on sache, au cours d'une année donnée, qu'est-ce qui a été effectivement dépensé et qu'est-ce qui devra être payé aux institutions de réseaux. Ce contrôle sur les marges bancaires, évidemment, il s'accélère depuis quelques mois, mais ça prend quand même un certain temps. Il est possible, dans ces conditions, que, pour traduire une partie de ces recommandations du Vérificateur général ça prenne le temps qu'il faut.

Dans les recommandations du vérificateur, il y a une deuxième question qui est celle de l'imputation des périodes: 70-15-15 ou 75-25 dans le cas des cégeps.

Enfin, pour chacune des institutions de réseaux, il y a des règles d'imputation. Je comprends que le vérificateur préférerait qu'on n'ait pas vraiment ces règles d'imputation et que ce qu'on impute aux dépenses traduise la réalité de l'année. Si je le comprends bien, ce serait se débarrasser graduellement de ces règles d'imputation.

Mon problème, ici, c'est que la Loi sur l'administration financière autorise de telles imputations sur plusieurs années. L'article 38 de la Loi sur l'administration financière se lit ainsi: "Les prévisions budgétaires soumises à la Législature - donc, finalement, les crédits - doivent porter sur les services dont la liquidation s'effectuera au cours de l'année financière ou d'une autre période expressément visée. " La Loi sur l'administration financière autorise d'imputer, de pratiquer les 70-15-15 ou les 75-25, comme on le voudra; cela a été placé là -la Loi sur l'administration financière date de 1970 - j'imagine, à cette fin spécifique. Là, il peut y avoir un petit problème d'interprétation qu'il va falloir rediscuter. Dans la mesure où la loi a été expressément rédiqée comme cela aux fins de permettre justement des 70-15-15 ou des 75-25 ou des 90-10, est-ce qu'on s'en sert ou non? Si je comprends bien, ce que le vérificateur nous suggère, c'est: Servez-vous-en le moins possible!

M. Larose: Nous visons plus, par notre recommandation, à ce que les états financiers reflètent une réalité, la réalité de ce qui s'est passé indépendamment de ce que peut dire la Loi sur l'administration financière. Nous voudrions que l'imaqe reflétée par les états financiers soit l'image de ce qui s'est passé dans la réalité en termes de dépenses.

M. Parizeau: Si je peux me permettre, je voudrais ajouter un mot, M. le Président. Cela implique, évidemment, que l'observation des dépenses dans les réseaux se fasse de façon beaucoup plus rapide que ça n'a été le cas jusqu'à maintenant. On essaie d'avoir une observation de plus en plus rapide de ce qu'est la situation effective, mais il y a pas mal de progrès à faire avant qu'on puisse en arriver là.

M. Grégoire: M. le Président, j'aimerais poser une question à M. Larose au sujet des dépenses qui sont faites durant une année et qui sont imputées sur deux ou trois ans. J'aimerais faire une comparaison avec un autre programme qui existe dans le domaine de l'aide à la voirie municipale. Quand on a commencé, en 1977, on nous disait: Telle municipalité reçoit tant, elle fait les travaux dans l'année, mais elle recevra une partie du paiement cette année et l'autre partie l'année prochaine. La municipalité faisait

tous les travaux. À présent, c'est payé tous les ans...

M. Larose: Oui.

M. Grégoire:... mais cela a existé pendant trois ans, à peu près, depuis que je suis là, depuis 1977. Est-ce que vous êtes au courant?

M. Larose: Je ne connais pas le programme.

M. Grégoire: C'est le programme d'aide à la voirie municipale, alors qu'une municipalité peut recevoir une subvention de 20 000 $ pour l'entretien et la réparation de son réseau routier, de ses routes municipales, mais à raison de 12 000 $ payables cette année et de 8 000 $ l'année suivante. Est-ce un peu le même genre?

M. Larose: C'est un peu le même genre, c'est certainement assimilable. Je ne sais pas quel montant est en cause dans votre exemple, mais si le programme existe au gouvernement, si le gouvernement a pris l'engagement ferme en vertu d'un programme de rembourser la municipalité pour les dépenses qu'elle a faites et la paie, si le mode de paiement est réparti sur deux ans, la question du mode de paiement, c'est un mode de financement d'opérations, ce qui est indépendant de la façon d'encourir la dépense. Par conséquent, si c'est ferme, de la façon que vous me dites là, je pense que cela devrait être la même chose dans le cas des municipalités. La dépense est faite au moment où la municipalité encourt la dépense.

M. Grégoire: Le deuxième versement de la subvention apparaît seulement sur le budget de l'année suivante.

M. Larose: Très probablement. Dans ce cas, remarquez bien, comme je vous dis, je n'ai pas le programme à la mémoire à l'heure actuelle. Ce que je veux vous dire c'est que si la municipalité fait les dépenses dans une année, si le gouvernement a pris l'engagement ferme en disant à telle municipalité: Vous faites la dépense dans l'année 1979-1980, moi je vais vous en payer 50% en 1979-1980 et 50% en 1980-1981, c'est une modalité de paiement. Si l'engagement est ferme, toute la dépense a été faite en 1979-1980, à notre point de vue en tout cas.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député.

M. Forget: Pour poursuivre dans la ligne de pensée qu'a ouverte le ministre des Finances, je voudrais savoir du Vérificateur général, quand il nous parle d'estimation de cette dépense, s'il s'est assuré de quel genre d'estimation il s'agissait auprès des ministères qui ont ces réseaux d'établissements parapublics, par exemple, l'éducation. Je pense que c'était peut-être une façon différente de poser la même question que le ministre des Finances posait tantôt. Il est traditionnel pour les ministères de se faire une opinion sur le montant des dépenses que les établissements en question devraient faire, qu'il s'agisse des normes budgétaires, qu'il s'agisse des budgets effectivement accordés, qu'il s'agisse d'une espèce de normalisation. On dit: Ils devraient faire telle dépense, on va les financer peut-être seulement en partie même, pour cette dépense, mais c'est la dépense qu'ils devraient faire. L'autre phénomène est la dépense qui est effectivement faite et qui peut dépasser cette normalisation. Il y a toujours eu une certaine ambiguïté dans la façon dont les ministères faisaient leurs estimations.

Vous pouvez demander à un ministère: Dites-nous quelles sont les dépenses de l'ensemble des commissions scolaires et, à moins d'être terriblement prudent, le ministère va vous donner la dépense que selon lui les commissions scolaires devraient effectuer cette année-là. Il y a du normatif. Finalement, ce qui dépasse le normatif, ce qui est malgré tout la dépense effectuée durant l'année, cela se retrouve dans des prêts bancaires. C'est tout ce problème des emprunts bancaires. Cela, il est moins certain, c'est tout à fait le sens, je pense, tel que je l'ai compris dans la remarque du ministre des Finances, que les ministères soient capables de donner une estimation fiable de ce chiffre. Par la nature des choses, ce que l'on a pas besoin de dire au ministère de l'Fducation ou au ministère des Affaires sociales, on ne le dit pas. Comme nous ne vivons pas dans un régime inquisitorial, à moins qu'on soit en face d'un problème insurmontable, l'établissement va essayer de se débrouiller tant bien que mal pendant un an, deux ans, trois ans.

On a parlé de plans de redressement budqétaire, etc. Par exemple, la question se pose vis-à-vis justement de ces redressements. On se trouve dans un établissement qui est en excédent de ressources, comme l'expression le veut maintenant, c'est-à-dire qui dépense plus qu'il ne devrait selon les normes du ministère. Je suppose qu'on va comptabiliser dans cette estimation l'excédent de ressources en question et que c'est ça qui apparaîtrait. Il se peut qu'en plus que ee qui est en excédent de ressources, étant donné les rapports périodiques, il y ait encore un excédent sur l'excédent. Cela, les ministères

en question le sauront peut-être à la fin de l'année, mais ce n'est pas du tout sûr. Il se peut que cela arrive comme une surprise à Noël de l'année suivante. Cela s'est déjà vu.

M. Parizeau: Est-ce que le député de Saint-Laurent me permettrait juste une interjection? Justement, M. Larose a eu un mandat pour aller examiner ce genre de choses pour les commissions scolaires.

M. Forget: Oui.

M. Parizeau: S'il y a quelqu'un qui voit bien ce genre de choses, c'est lui, de toute façon.

M. Larose: Mais, pour en revenir à votre question...

M. Forget: À ma question, est-ce que l'estimation - que ce soit 625 000 000 $ ou n'importe quel de ces chiffres - que vous souhaiteriez voir fiqurer au passif à court terme, c'est une estimation qui, si elle était inscrite intégralement, représente une espèce d'estimation normative du ministère ou véritablement quelque chose qui va au-delà de cela?

Autrement dit, y aurait-il encore la nécessité probablement, même avec ce chiffre, de mettre une note aux états financiers en disant: C'est une estimation de ce qu'ont dû dépenser les établissements en question d'après les meilleures informations disponibles à la fermeture des livres pour l'exercice en question, mais l'expérience a montré qu'il pouvait y avoir des choses qui n'étaient pas comprises dans l'estimation. Évidemment, on pourra toujours me dire que, quand on fait une bonne estimation, on tient compte même de l'imprévisible, mais, enfin, on ne poursuivra pas cette... C'est un peu du byzantinisme. Autrement dit, ce chiffre est-il un minimum ou est-ce destiné à embrasser véritablement toute la réalité?

M. Larose: Je pense - mon collègue pourra compléter - que les estimations sont préparées normalement par les ministères à l'aide de tous les renseignements qui sont disponibles à ce moment-là. Si on prend le réseau scolaire, évidemment, on a déjà eu des budgets qui ont été présentés. On a aussi certains autres renseignements sur la façon dont cela évolue à l'heure actuelle. On a fait, au moment de la préparation des estimations budgétaires du ministère, certaines études particulières là-dessus. On a aussi le niveau des emprunts. On a différentes sources de renseignements qui permettent d'établir un chiffre. On ne cherche pas là-dessus une exactitude absolue, mais on cherche un ordre de grandeur qui soit suffisamment précis pour être mentionné sans crainte, avec un pourcentage admissible d'erreurs.

Quant à la technique pour l'établir et au fait de le mentionner, une note pourrait certainement, dans un cas où c'est inscrit au passif, venir dire que c'est sur une base d'estimation et expliquer de quelle façon ces estimations ont pu être préparées, mais je pense qu'on essaie, par expérience et par les données, de se tenir le plus près possible de la réalité sans prétendre à l'exactitude absolue.

M. Forget: Oui, je comprends. En tant que vérificateur, vous êtes satisfait que les méthodes utilisées par les ministères visés -je pense qu'il y a essentiellement les deux ministères des Affaires sociales et de l'Éducation - débouchent sur des estimations valables et qui, en termes d'ordre de grandeur, sont raisonnablement certaines.

M. Larose: C'est ce qu'on fait et on s'assure que les méthodes qui ont été suivies par les ministères pour en arriver à ces chiffres nous paraissent acceptables dans les circonstances.

M. Forget: Je vois. Sur un autre sujet, M. le Président?

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Malheureusement, je n'ai pas la référence à la page précise, mais vous pourrez sûrement m'aider là-dessus, il y a eu, semble-t-il, d'après les remarques que vous avez au rapport, un changement dans la convention comptable relativement à l'inscription des placements en prêts et avances dans les entreprises publiques. Il semble que c'est un changement dans la convention comptable qui soit intervenu en 1979-1980 et qui a pour effet de faire figurer, si je peux me relire, la valeur au coût pour la première fois en 1979-1980 plutôt que la valeur de réalisation. À moins que ce soit l'inverse, mais je ne le pense pas, si, encore une fois, mon écriture ne me... surtout à cette heure-ci, j'ai un peu de mal à la déchiffrer, mais il y a un changement dans la méthode comptable. D'abord, je voudrais savoir s'il y a eu quelque chose qui s'est passé dans la différence entre ces deux valeurs en 1979-1980 pour rendre soudainement souhaitable de changer la convention comptable et quel a été l'effet de ce changement sur les états financiers. (23 h 15)

M. Larose: Avant 1979-1980, en ce qui concerne les prêts et avances dans les entreprises gouvernementales, il y avait une possibilité. On pouvait constituer une provision pour perte si on jugeait qu'il y avait risque de perte. Le principe consistait

en ce que les prêts et avances consentis à des entreprises du gouvernement étaient montrés à l'état de l'actif et du passif à la valeur estimative de réalisation. En 1979-1980, on a abandonné, la politique voulant qu'une provision soit créée, et les prêts et avances aux entreprises gouvernementales sont maintenant montrés au montant brut du prêt et de l'avance, sans aucune déduction pour la perte possible sur la réalisation de l'actif.

M. Forget: Quel effet est-ce que cela a eu sur les états financiers de cette année-là en particulier? Est-ce que ç'a eu pour effet de majorer l'élément d'actif en question ou si c'a eu un effet dans l'ensemble négliqeable?

M. Larose: Cela a touché la Société d'aménagement de l'Outaouais. Si vous retournez à la page 41, au haut de la page, on dit: "Les avances à cette société s'élevaient à 33 000 000 $ au 31 mars 1980 et, malgré une subvention annuelle de 4 000 000 $ reçue du ministère des Affaires municipales, le déficit net accumulé de la société est passé de 4 488 000 $ au 31 mars 1979, à 7 686 000 $ au 31 mars 1980. S'il n'y avait pas eu de modification aux conventions comptables du gouvernement en 1979-1980, la provision pour créances irrécouvrables aurait été augmentée de 3 197 000 $, pour atteindre le montant du déficit net accumulé de la société. Par conséquent, le poste placement serait diminué de 7 686 000 $. L'influence que vous avez là sur le résultat de l'année, c'est que la provision aurait été augmentée de 3 200 000 $.

M. Forget: Cela, c'est un élément de dépense, aussi.

M. Larose: C'est un élément de dépense. Maintenant, le fait qu'on a annulé la provision qui existait l'année précédente, ç'a annulé une provision de 4 000 000 $ l'année précédente. Vous avez eu, en fait, l'effet cumulatif, ou la somme des deux, l'annulation d'une provision, qui représente une réduction de dépenses, et l'absence de provisions pour l'année qui vient s'additionner et l'ensemble des deux. C'est une variation totale de 7 700 000 $ environ.

M. Forget: Le déficit de l'année est moins bas de 7 000 000 $ qu'il aurait été si on n'avait pas chanqé la convention comptable.

M. Larose: C'est cela.

M. Forget: Dans le cas de certaines entreprises publiques, M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, je pense que M. le ministre des Finances aurait quelque chose à ajouter sur ce sujet précis, et on pourra continuer.

M. Parizeau: J'imagine qu'on pourrait trouver, cependant, des cas où ça jouerait à l'envers. C'est-à-dire que, dans certains cas, ça peut ajouter aux dépenses et, dans d'autres cas, ç'aurait l'effet inverse. La valeur de réalisation, dans le cas de certaines avances, est bien plus importante que le montant original de l'avance. Cela s'adonne qu'il y a beaucoup de sociétés d'État qui font des profits.

M. Forget: Le point est théoriquement bon, mais on peut penser à une autre société d'État où le problème est aigu, je crois, il s'agit de SOQUIP. Dans le cas de SOQUIP, on évalue toute la mise de fonds et les placements du gouvernement et les guelque 70 000 000 $ ou 72 000 000 $ - c'est un montant considérable; je ne l'ai pas noté ici, il est dans la page, mais je ne veux pas retarder nos travaux - qui ont été investis dans l'exploration pétrolière et gazière. On a acquis avec ces 70 000 000 $ des droits, on a découvert des réserves de pétrole et de gaz qui valent, effectivement 70 000 000 S; je m'en étais souvenu, ce sont des chiffres qu'on n'oublie pas facilement. 70 000 000 $, ça m'impressionne encore.

Dans ce cas de 70 000 00n $, on a acquis des droits sur des réserves de pétrole et de gaz dont la valeur économique présente est de 70 000 000 $ ou plus. Évidemment, vous faites la remarque dans les états financiers qu'on a de sérieux doutes qu'il serait opportun de s'en réjouir, parce qu'il semble bien... D'ailleurs, SOQUIP a déclaré elle-même que, malgré tout l'argent qu'elle avait investi dans l'exploration pétrolière et qazière au Québec, elle n'avait rien trouvé jusqu'à maintenant. On peut considérer qu'au moins cette partie qui représente la plus grosse somme - il y a aussi de l'exploration qui se fait ailleurs, même dans l'Ouest du Canada; assez curieusement, c'est le Québec qui paie pour l'exploration dans l'Ouest du Canada, mais enfin, peut-être que c'est un bon investissement, je n'en sais rien - devrait probablement être amortie assez rapidement parce que c'est zéro. C'est prouvé, on n'a rien trouvé. Ce n'est pas une question contingente ou conditionnelle, les trous étaient vides. On les porte quand même aux livres comme des actifs. C'est assez paradoxal. Si on faisait la même chose, si on utilisait la convention comptable de l'évaluer à sa valeur de réalisation, il y a une grosse partie de l'actif de SOQUIP qui disparaîtrait en fumée. Il faudrait faire figurer dans les dépenses de l'année où on ferait cela - c'est

probablement pourquoi on ne le fait pas - un chiffre correspondant au moins à l'amortissement de cela, et les intérêts là-dessus.

L'évaluation la plus raisonnable de cela, c'est probablement quelque chose comme 22 000 000 $ par année - on peut le calculer de bien des façons en supposant différents taux d'intérêt; alors, cela peut varier - c'est une somme rondelette que cette histoire, si on veut l'amortir... Comme ce n'est pas un investissement de trente ans et comme il n'y a rien, c'est zéro comme valeur, il ne faudrait peut-être pas l'amortir sur plus de deux ou trois ans... ou cinquante ans, mais cinquante ans, c'est long. On diminue le déficit en faisant figurer à l'actif des postes imaginaires, dans le fond.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre des Finances, vous avez la parole.

M. Parizeau: Merci bien. Je reviens à ce que je disais tout à l'heure. J'espère que je vais être capable d'ajouter une phrase après cette première. Si ce n'était que pour des raisons d'ordre financier, de l'impact que c'est susceptible d'avoir sur les états financiers du gouvernement, je ne craindrais pas le moins du monde de prendre la valeur de réalisation. Savez-vous combien cela ajouterait à l'actif du gouvernement? Avez-vous une idée de ce que cela ajouterait à l'actif du gouvernement? Cela ne soustrairait pas 22 000 000 $, cela ajouterait 3 700 000 000 $...

M. Forget: Hydro-Québec?

M. Parizeau: 3 700 000 000 $, n'est-ce pas beau? Je vous assure que vos 22 000 000 $ peuvent courir à côté de celai Si c'est seulement pour une question de montrer que c'est beau...

M. Forget: Attendez que la loi 16 soit adoptée pour pouvoir dire cela, parce que dans le moment, cela n'ajouterait rien. Je pense qu'on convient de cela.

M. Parizeau: Sauf que c'est dans l'actif. Il faudrait bien mettre cela dans l'actif du gouvernement d'une façon ou d'une autre, Hydro-Québec, à sa valeur de réalisation. Hydro n'appartient ni à des intérêts particuliers, ni à un gouvernement étranger. Si je mets cela dans l'actif à sa valeur de réalisation, je vous assure que cela améliore la vue de l'actif passablement. Ce n'est pas pour ces raisons. Je n'ai absolument, rigoureusement rien à perdre à prendre la valeur de réalisation, sauf qu'il y a un débat de fond entre le vérificateur et le contrôleur des finances. Comme toujours, dans ces cas, il y a des arquments des deux côtés. La position que prend le contrôleur des finances est la suivante: À la limite, c'est probablement presque illégal de réduire la valeur d'un actif à sa valeur estimative de réalisation, en ce sens qu'il s'agit d'entreprises gouvernementales créées par des lois de l'Assemblée nationale et l'Assemblée nationale, par d'autres lois, peut leur donner des subventions, radier des actifs, tranformer des avances en participation et, effectivement, cela se fait fréquemment. Je pense, par exemple, au mode de financement de la SGF ou à des choses comme cela. Il est arrivé très fréguemment qu'on ajoute de l'argent sous une forme ou sous une autre, qu'on transforme une dette en éguité. Il faut donc attendre que ces lois apparaissent pour qu'alors, s'il y a quelque chose à radier, on le fasse. Ce n'est pas un argument futile. Encore une fois, sur le plan simplement de l'apparence financière de nos états, prendre l'optique valeur de réalisation, non seulement cela ne qênerait pas, mais cela améliorerait les choses. Là, je souligne simplement qu'il y a peut-être une discussion de fond à avoir. Je comprends le point de vue du vérificateur. Je pense que je comprends aussi le point de vue du contrôleur. C'est ce genre de problème, à la fois comptable et juridique, qu'il n'est vraiment pas facile de trancher quand on a à conclure: Oui, je me range aux recommandations du vérificateur, ou non, je ne me range pas. Mais là, je soutiens que c'est peut-être un problème plus intéressant que simplement une question de faire apparaître le gouvernement d'une certaine façon plutôt que d'une autre.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, à moins que M. le vérificateur ait quelque chose à ajouter.

M. Larose: Je voulais...

Le Président (M. Bordeleau): M. Larose.

M. Larose:... premièrement, souligner qu'il y a deux types de placements au gouvernement. Il y a des placements sous forme d'avances à des entreprises et des placements sous forme d'actions détenues dans les sociétés. Ce sont deux types de placements différents.

Nos recommandations jusqu'à maintenant là-dessus, c'est que lorsque le placement a été fait sous forme d'avances, il serait mieux que la valeur en soit montrée, à l'état de l'actif, à la valeur estimative de réalisation. C'est notre recommandation, parce que nous croyons que l'état financier à ce moment-là présenterait une meilleure image, une meilleure réalité, toujours sur ce plan.

Du côté du placement par actions, nous avons suggéré, jusqu'à maintenant en tout

cas, que les profits et les pertes réalisés par les entreprises gouvernementales soient incorporés au résultat financier du gouvernement, c'est-à-dire aux revenus et dépenses du gouvernement dans l'année où ils se produisent. Ce sont les deux recommandations que nous avons faites concernant les placements.

Nous avons recommandé en plus que, lorsqu'il s'agit de placements sur actions ou de placements permanents, si la valeur d'un placement subisssait une perte de façon durable, c'est-à-dire si un placement fait par le gouvernement, même sous forme d'actions, avait une perte définitive ou une perte escomptée pratiquement sûre, à ce moment-là, il faudrait nécessairement le ramener et réduire la valeur de ce placement. Ce sont les recommandations que nous avons faites jusqu'à maintenant concernant les placements du gouvernement. Il est clair que des cas comme Hydro, nous ne les avons pas touchés, pour la bonne raison qu'ils ne figurent pas à l'actif du gouvernement à l'heure actuelle. Nous n'avons pas touché cette question. Hydro n'a jamais été incorporée aux actifs du gouvernement, mais nous avions exprimé une opinion sur les actifs qui étaient là, ceux qui apparaissent à l'état financier. (23 h 30)

Lorsqu'on a devant nous une avance qui est consentie à une entreprise - et celle que nous avons critiquée le plus fréquemment, je pense que c'est l'Office des autoroutes, nous l'avons devant les yeux, nous demandons l'état financier qu'on nous présente, pour exprimer une opinion - nous nous demandons: Est-ce que l'avance à l'Office des autoroutes sera réalisée? Et quelle valeur a-t-elle?

C'est sur ce plan que nous jugeons un état financier qui est mis devant nous. L'état financier est là de la même façon lorsque nous avons un placement chez SOQUIP; on a fait aussi un commentaire concernant le placement à SOQUIP. Nous jugeons d'après l'état financier que nous avons devant les yeux et nous encourageons que l'état financier reflète le plus possible la valeur de réalisation dans le cas des avances. Dans le cas des placements à suraction, qu'il reflète, à tout le moins, les résultats des activités de ces entreprises et qu'en troisième lieu, si certains de ces placements subissent une perte durable de valeur, qu'elle soit aussi reflétée aux états financiers.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. Larose, à partir du principe que vous évoquiez tout à l'heure, est-ce que cela ne voudrait pas dire que, dans la mesure où la loi 16 est acceptée, transformant les réserves d'Hydro-Québec en capital-actions, l'application du même principe voudrait dire que les profits d'Hydro-Québec devraient être incorporés à l'état des revenus du gouvernement du Québec?

M. Larose: Si la recommandation que nous faisons était acceptée?

M. Parizeau: Oui.

M. Larose: Je ne connais pas toutes les dispositions de la loi 16, je ne peux donc pas en présumer, mais si les dispositions de la loi 16 prévoyaient que le gouvernement est détenteur à 100% du capital-actions d'Hydro-Québec, sous forme de capital-actions, c'est ce que la recommandation voudrait dire.

M. Parizeau: Cela va passablement plus loin que le dividende très modeste que nous envisaqions.

J'aurais une autre question à poser sur ce à quoi faisait allusion M. Larose tout à l'heure, concernant l'Office des autoroutes. Je pense que c'est un bon exemple de ce principe que soulignait le contrôleur des finances.

Prenons le cas de l'Office des autoroutes. Depuis quelques années, l'Office des autoroutes perd beaucoup d'argent. Il a un déficit annuel de plusieurs millions de dollars, croissant, mais pendant quelques années antérieures l'Office des autoroutes faisait un profit.

Pourquoi l'Office des autoroutes faisait-il un profit? Oui... Je vois mon collègue de droite qui fronce les sourcils, compte tenu des postes qu'il a occupés. Je l'assure qu'avant que nous arrivions au pouvoir, les quatre ou cinq années qui ont précédé, l'Office des autoroutes faisait un profit. Pourquoi l'Office des autoroutes faisait-il un profit? Parce que le ministre des Finances du temps remettait la moitié des intérêts à la fin de chaque année, de façon qu'un profit apparaisse. Cela dépendait d'une décision du gouvernement du temps, je n'en disconviens pas.

Si le gouvernement du temps décidait que l'Office des autoroutes devait faire un profit, on le faisait apparaître en rendant une partie des intérêts. J'imagine que c'est ce que me dirait le contrôleur des finances: Qui me dit que vous, ministre des Finances actuellement, vous ne recommencerez pas à faire la même chose? J'ai beau lui donner toutes les assurances morales que je voudrai, il est prudent. Il dit: Dépendant des lois qui seront passées par l'Assemblée nationale, pour déterminer que l'Office des autoroutes est dorénavant rentable parce que sa dette sera payée par le fonds consolidé, nous allons avoir une valeur de réalisation remarquable. Et si on décide, au contraire, de le laisser dans la situation actuelle, la valeur de réalisation, effectivement, des avances à l'Office des autoroutes, ne va pas chercher

loin.

C'est bien embêtant qu'une convention comptable préjuge de ce que le gouvernement va faire ou ne fera pas. Dans ce sens-là, il y a un certain mérite, et môme un mérite certain, à la position du contrôleur des finances.

Imaginons maintenant, toujours pour pousser l'exemple de l'Office des autoroutes, qu'on abolisse l'office. J'imagine qu'il y aura un processus comptable pour radier les avances en question, à ce moment-là, parce que l'Assemblée nationale aura dit: II n'y a plus d'Office des autoroutes. Dorénavant, c'est incorporé au ministère des Transports. Il y aura un processus pour savoir ce qu'on fait avec les avances qui sont là. Il est très difficile, encore une fois, qu'une convention comptable préjuge de décisions comme celles-là qui sont des décisions législatives où on dit: Avec tel organisme auquel on a fait des avances, on fera ça ou autre chose. Dans ce sens, je ne suis pas prêt... Je comprends le point de vue du vérificateur, ce n'est pas cela, mais je vous avouerai que je suis un peu entre Charybde et Scylla ou entre deux approches comptables fort différentes.

M. Larose: Si vous me le permettez, sur l'Office des autoroutes, justement...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, allez-y, M. Larose.

M. Larose:... ce que je veux mentionner, c'est que si, par exemple, dans le cas de l'office, on le rendait rentable en lui accordant des subventions, il faut immédiatement supposer qu'il y aurait une dépense du gouvernement qui serait créée pour le montant de la subvention. Par conséquent, on ne change pas le problème. Deuxièmement, si le gouvernement réduit ses intérêts, la charge d'intérêt, encore là, on réduit les revenus du gouvernement et on ne change pas encore le problème. Par conséquent, la rentabilité de l'Office des autoroutes, à mon sens, ne dépend pas de ça dans le moment. Remarquez bien que, de mémoire, je crois que l'Office des autoroutes, dans toute son existence et à la face même de ses états financiers, a fait un profit une seule année depuis 1930. Les années, M. Parizeau, où il y a eu réduction, il n'a pas fait plus de profits, il a fait moins de pertes.

M. Parizeau: Non, je ne pense pas.

M. Larose: Je crois, de mémoire toujours parce que je n'ai pas les chiffres devant moi, qu'il n'a fait des profits qu'en une seule circonstance. Son déficit accumulé, à l'heure actuelle, est de l'ordre de 200 000 000 $ ou à peu près.

M. de Belleval: II a fait un profit parce qu'il n'avait pas encore commencé son opération, mais il avait un compte en banque qui rapportait des intérêts.

M. Larose: 200 000 000 $, peut-être aussi que j'exagère. C'est 102 000 000 $.

M. Parizeau: Si vous me le permettez, M. Larose, j'ai les chiffres devant moi. En 1973, ils ont fait 234 000 $ de profits; en 1974, 603 000 $; en 1975, 426 000 $ et tout à coup à la fin de l'année suivante, parce que c'est à la fin de l'année que j'ai pris cette décision, ils font un déficit de 8 200 000 $, seulement parce qu'on cesse de leur rendre des intérêts. Le gouvernement du temps disait: Pour que votre portrait soit beau, j'efface les intérêts, je vais les payer moi-même. C'est ce que je voulais dire M. Larose là-dessus.

M. Larose: Est-ce que c'est bien le résultat, est-ce que même la charge d'intérêt était appliquée à ce moment-là?

M. Parizeau: Non.

M. Larose: La demi-charge d'intérêt, j'entends.

M. Parizeau: La demi-charge est enlevée.

M. Larose: Elle est enlevée. M. Parizeau: Oui, bien sûr.

M. Larose: Remarquez que je ne mets pas en cause ce chiffre, mais qu'on peut parler pour les quatre années ensemble et qu'on n'arrive pas avec 1 000 000 $.

M. Parizeau: Je n'en disconviens pas, ce n'est pas ça que je veux dire.

M. Larose: Alors que le déficit actuel est de 102 000 000 $.

M. Parizeau: Je n'en suis pas au fait que ça la rendait une meilleure compagnie. Ce que je suis en train de dire, c'est que ça la rendait une meilleure compagnie. Cela accroissait les dépenses du gouvernement, mais comme placement, comme compagnie, seule, ça faisait mieux. Remarquez, que bébé s'amuse, ça n'a aucune espèce de conséquence sur le montant total des dépenses gouvernementales. Cela a un effet sur les dépenses gouvernementales, mais ça donne l'impression qu'une compagnie est en meilleure situation financière, c'est tout.

M. Larose: Cela ne change pas, à mon sens, la valeur de cette entreprise.

M. Parizeau: Bien...

M. de Belleval: Parce qu'il avait un riche oncle d'Amérique.

M. Parizeau: Imaqinons autre chose, M. Larose. Imaginons que j'ai continué ça et que, toujours désireux de faire apparaître un profit, je monte à 75% des intérêts ou bien je décide même de leur enlever complètement la charge d'intérêt. L'Office des autoroutes comme tel, les avances qu'on lui a faites ne peuvent pas être jugées de la même façon. En leur enlevant complètement leurs intérêts, si je leur avais dégagé un profit de quelque 5 000 000 $ ou 8 000 000 $ par an...

Comptablement, est-ce qu'on peut traiter l'avance? Je parle d'avance. Vous me direz que le gouvernement vient juste d'ajouter cela à ses dépenses, je suis bien d'accord. Mais, l'avance elle-même, elle est gagée, elle peut être remboursée. Comme avance?

M. Larose: Ma réaction, M. Parizeau, comptablement parlant toujours, c'est qu'il s'agirait, à mon sens, d'un genre de subvention déguisé et que, pour montrer la réalité, il faudrait que les intérêts soient inscrits et qu'on montre franchement une subvention envers l'Office des autoroutes. Pour montrer la réalité, je pense que c'est ce qu'on devrait faire; s'il y a des avances à l'Office des autoroutes, qu'on lui charge des intérêts. Si on doit le financer sous forme de subvention, qu'on lui accorde une subvention. Si on fait cela, à ce moment là, on le fait à même le gouvernement; au lieu de le présenter comme une perte, une mauvaise créance, on va le présenter comme une dépense de subvention.

M. Forget: Non, enfin si ce sujet...

M. Parizeau: C'était juste sur ce sujet-là. Écoutez, pour moi c'est une question qui est assez importante, il va falloir, un moment donné, que cela se tranche cette histoire-là. Il y a plus qu'on pense, ce n'est pas qu'une question d'image.

Il ne serait pas du tout impensable - je ne dis pas que c'est ce que le gouvernement veut faire - par exemple, que le gouvernement, un moment donné, dise: On voudrait bien être capable de juger l'Office des autoroutes comme moyen de perception. Le juger effectivement comme moyen de perception tant qu'ils ont une dette pareille sur le dos, on ne sera jamais capable.

M. de Belleval: Comme le CN ou quoi?

M. Parizeau: Oui, comme le CN, cela a été le cas avec le Canadien national. Et qu'on dise dans ces conditions-là au gouvernement: On éteint la dette de l'Office des autoroutes. L'Office des autoroutes pourrait potentiellement être un organisme qui soit mis en situation de faire de l'arqent. On a déjà fait cela, absorber des dettes - la Commission municipale du Québec a absorbé toutes les dettes des municipalités en 1946 -ce ne sont pas des gestes impensables. Dans une hypothèse comme celle que je viens de vous présenter, l'Office des autoroutes pourrait être organisé en société qui a des frais courants, des frais de perception, des frais d'entretien, des frais de surveillance et puis des recettes dans les boîtes. Le gouvernement pourrait lui fixer, par exemple, comme tâche, non seulement de couvrir ses frais, mais de faire une marge de profit de tant. Alors, est-ce qu'il y a quelque chose d'anormal dans le fait que le contrôleur des finances dise: Bien, écoutez, attendez donc des décisions comme cela avant de commencer à mettre des croix sur les choses.

M. Larose: M. Parizeau, le jugement doit se porter en fonction de ce que l'on connaît à un moment donné. Si on doit présumer de décisions futures du gouvernement dans un an, deux ans, cinq ans ou dix ans, je pense qu'à ce moment là on n'aura plus rien à dire sur ces postes-là. À l'heure actuelle notre jugement se porte en fonction de l'histoire de l'entreprise et des actions des gouvernements. Je pense que c'est la seule base sur laquelle un jugement peut être porté. Remarquez bien que, si on dit qu'il y a une possibilité que demain matin on accorde une subvention à SOQUIP pour effacer son déficit, je veux bien que cela existe. Mais, si cela existe, on va enregistrer une dépense de 70 000 000 $ au compte du gouvernement, la même chose que la perte de valeur que SOQUIP peut avoir encourue. Il me semble qu'on a une image devant les yeux, c'est un jugement à porter en date de l'image, ou à une date donnée et d'après les décisions qui sont connues à cette date-là. On ne peut pas, je pense, anticiper les décisions que les gouvernements pourraient prendre. Autrement, il n'y a plus de jugement possible. C'est le but de l'exercice d'un jugement, il n'y en a plus. On dit simplement: Le jugement laisse au gouvernement de prendre des décisions. On ne portera pas de jugement sur les actifs. (23 h 45)

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va, M. le ministre des Finances?

M. Forget: Je pense qu'on vient d'entendre sur ce sujet la parole de Salomon. Un état financier, c'est daté, cela porte une date, c'est le tableau à ce moment-là. C'est un peu comme le portrait d'une personne, on

sait bien que cette personne va vieillir, donc, dans un certain sens, tous les portraits sont mensongers puisqu'ils représentent une situation qui n'est déjà plus, mais il demeure que c'est malgré tout un portrait véridique à la date où il a été fait.

Sans vouloir faire de subtilité, quand on parle d'un prêt ou une avance, c'est qu'on a l'impression peut-être fausse, au moment où on fait un prêt ou une avance, qu'on va pouvoir recouvrer le prêt, se faire rembourser le prêt et récupérer l'avance.

Ce que le vérificateur nous dit, c'est que, lorsque tout à coup, parce que le débiteur, la société débitrice ou l'organisme débiteur est dans une situation financière telle qu'il n'y a plus d'espoir de recouvrer l'avance ou le prêt, il faudrait le dire à l'état financier si on veut donner la situation correcte au moment où on le fait. Qu'on puisse un jour verser une subvention, c'est bien possible, mais, pour employer le même langage, à ce moment, si on adopte une loi à l'Assemblée nationale promettant une subvention jusqu'à la fin des temps ou pendant dix ans ou quarante ans à un organisme, on ne crée pas seulement le déboursé annuel pour verser la subvention, on se crée aussi un passif, on se crée aussi une obligation de verser à l'avenir toutes ces choses qui seraient équivalentes, évidemment, au changement dans la valeur de l'actif en question. L'actif vaudra davantage et le passif sera alourdi d'autant. Alors, l'effet net sera nul. Mais, de toute façon, peu importe. Le tableau d'ensemble sera le même de toute manière. On ne peut pas créer une richesse simplement en ajoutant des chiffres dans des colonnes de passif ou d'actif. Ce sont des vases communicants à la limite.

Ce qui m'intéresse davantage, ce n'est pas de savoir si on pourrait démontrer que la réalité est différente de ce qu'elle est en la présentant différemment. C'est sûr qu'on pourrait le faire, on n'a qu'à changer les conventions comptables, on a une démonstration qu'on peut changer les conventions comptables. Ce sur quoi je m'interroqe, c'est sur la procédure qui est suivie pour modifier des conventions comptables. Je pense que c'est très important, c'est bien connu que c'est très important que les conventions comptables soient les plus stables possible, puisque, dans le fond, un état financier ne dit rien à personne à moins de pouvoir le comparer dans le fond à une autre situation. Si une entreprise montre une situation, si un gouvernement montre un certain état à un moment donné, on veut savoir si c'est mieux ou pire que l'année précédente, et si les conventions comptables entre les deux sont changées, on ne veut plus porter de jugement.

Je m'interroge sur la procédure qui fait qu'on peut changer en cours de route une convention comptable? Est-ce que cela se fait si simplement que cela? Est-ce que c'est une décision qui se prend sans aucune formalité? Ne serait-il pas sage de s'interroger sur le formalisme des changements dans les conventions comptables?

Le ministre des Finances a fait allusion à une chose qui nous préoccupe tous de ce temps-ci, si la loi 16 est adoptée - je donne seulement cet exemple pour montrer l'ampleur de ce dont on parle - et que, désormais, sans rien changer de réel remarquez, du jour au lendemain, l'État québécois devient propriétaire, actionnaire à 100%, pour une valeur de 3 700 000 $, de tout l'actif d'Hydro-Québec et qu'il s'avise de changer les conventions comptables et de faire figurer tous les bénéfices d'Hydro-Québec, dans la colonne des revenus du gouvernement, je ne plaisante pas, je pense que cela a frappé le ministre des Finances.

M. Parizeau: Oui, moi, oui.

M. Forget: Pour l'instant, vous plaisantez, mais je suis sûr que l'idée vous a frappé autant que moi...

M. Parizeau: Je le trouve extraordinaire.

M. Forget:... quand vous avez entendu le Vérificateur général faire cette projection dans l'avenir de ce qui serait possible.

Une voix: C'est une grosse SAQ!

M. Forget: C'est une situation, M. le Président, quel que soit son bien-fondé, à supposer même qu'un gouvernement décide que c'est ce qu'il faut faire. De toute façon, avec le genre de raisonnement qu'on a tenu depuis un certain temps, dans certains milieux, on n'est pas tellement éloigné de ces prétentions. Il serait normal que la convention comptable, dans le cas suivant, soit soumise à un certain débat. Je vois, en particulier pour la commission des comptes publics, un rôle dans l'évaluation ou l'examen des changements qu'on fait aux conventions comptables. Si je comprends bien, dans le moment, ça se fait par une directive du Conseil du trésor ou Dieu sait quoi; peut-être peut-on éclairer notre lanterne là-dessus. En tout cas, ça me semble assez informel comme façon de procéder.

M. Larose: Votre question devrait s'adresser au ministre. En fait, ce que vous dites, c'est que c'est par le Conseil du trésor, en vertu de l'autorité qui est conférée par la Loi de l'administration financière, à l'heure actuelle. Mais le ministre pourrait apporter plus de précisions.

Les conventions comptables sont

préparées et amendées par le Conseil du trésor. Nous, comme vérificateurs, avons le devoir de les examiner; on préfère être consultés sur ces conventions et on a le devoir de dire ce qu'on en pense. C'est ce qu'on fait à l'occasion de notre rapport annuel et on essaie de les faire améliorer d'une année à l'autre.

Un dernier commentaire là-dessus. Je rejoins ce que je vous ai mentionné tout à l'heure, la création d'un comité de l'Institut canadien des comptables agréés, dont je fais partie d'ailleurs. Je peux ajouter aussi en passant qu'un membre de notre personnel a été, avec l'accord du gouvernement, prêté pour une période de deux ans pour travailler dans ce comité. Ce comité, s'il apporte des recommandations, on peut espérer que l'ensemble des gouvernements suivent ces recommandations et que les conventions comptables des différentes entités viendront à se ressembler, de telle façon qu'on aura une amélioration sensible.

M. Forget: Très brièvement...

Le Président (M. Bordeleau): Si vous voulez continuer.

M. Parizeau: Puisque M. Larose m'a renvoyé la balle, je voudrais simplement...

Le Président (M. Bordeleau): Bon, d'accord.

M. Parizeau: Effectivement, quant à la Loi de l'administration financière, l'article 25 se lit ainsi: "Le Conseil du trésor peut adopter des règlements ayant trait au système de comptabilité qui doit être suivi dans les ministères et dans tout organisme qu'il désigne et dont les membres sont nommés par le gouvernement, ainsi que... " le reste n'est pas pertinent. En vertu de cela, les règles comptables sont préparées par le Conseil du trésor. Il est évident que le contrôleur des finances et d'autres groupes sont consultés et fournissent l'input de ça. Normalement, après ça, le vérificateur est consulté. D'ailleurs, dans son rapport, en page 7, il indique quand même comment cela se fait: "Dans nos rapports des années antérieures, nous avons recommandé que l'ensemble des conventions comptables en usage au gouvernement fasse l'objet d'une révision complète et que ces conventions soient regroupées dans un seul et même document dûment ratifié par le Conseil du trésor. "

Effectivement, ce n'est pas par hasard que les conventions comptables se sont mises à évoluer, le vérificateur lui-même en faisait la proposition depuis plusieurs années en disant: Montez-nous une convention comptable qui soit un peu plus synthétique, un peu plus complète et un peu plus rafistolée.

Le vérificateur ajoute: "Nous avons examiné un projet de règlement soumis par le conseil concernant la politique comptable du gouvernement et nous avons formulé nos commentaires. Nous espérons que les discussions entreprises seront menées à terme dans les meilleurs délais et qu'il se dégagera de ces échanges des conventions comptables qui assureront la présentation de données financières... ".

Le député de Saint-Laurent ajoute une dimension qui est intéressante et qui vaut la peine d'être examinée. C'est évident qu'une convention comptable, c'est une convention comptable, on peut tout faire avec, sauf s'asseoir dessus, c'est comme les bayonnettes de Napoléon, mais il est quand même important que, même si c'est terriblement aride, ça ne provoquera pas de passion délirante chez les romantiques, mais que ça soit discuté ailleurs que simplement dans le cénacle du Conseil du trésor, du vérificateur, du contrôleur des finances, ça ne paraît pas déraisonnable à première vue, c'est le moins qu'on puisse dire.

M. Forget: Je fais le voeu, M. le Président, si des modifications importantes, qui peuvent avoir un effet sur l'équilibre global démontré aux états financiers, étaient envisagées dans l'avenir, que le gouvernement accepte qu'une discussion ait lieu à la commission des comptes publics, de manière que les députés qui s'intéressent à ces choses soient sensibilisés d'avance à ce à quoi ils doivent s'attendre dans la présentation des états financiers.

J'aimerais, M. le Président, dans les cinq minutes qui nous restent, aborder un dernier sujet - ce sera nécessairement le dernier, même si ma liste n'est pas épuisée, mais disons qu'on se reverra peut-être un de ces jours - c'est une question que je n'ai vue, peut-être à cause d'une lecture déficiente, nulle part dans les états financiers du gouvernement, mais qu'on retrouve de plus en plus dans la comptabilité des entreprises privées, c'est un élément de passif qui a trait aux baux à long terme.

Avec le développement du "leasing" dans l'industrie privée, c'est devenu maintenant, je pense, un standard obligatoire, si mes notions sont exactes, pour la comptabilité de l'entreprise privée de faire état très explicitement des baux à long terme qui représentent des obligations financières considérables, bien sûr. Dans le cas d'un gouvernement, je pense bien que les avions du gouvernement et les bombardiers à eau et toutes ces histoires-là, j'imagine que c'est en propriété exclusive, ce n'est pas en état de "leasing", mais il reste...

Une voix: II y a des navires maintenant.

M. Forget: Ou des navires, j'imagine qu'ils sont détenus en pleine propriété.

M. de Belleval: Non, non, on les achète en bail-achat.

M. Forget: En bail-achat. Alors, il y a donc des baux d'équipement et des baux d'immeubles. Je me demande - c'est une question que vous avez examinée - s'il existe même un reqistre quelque part de ces obliqations qui s'échelonnent peut-être, dans le cas d'immeubles, sur une période de vingt ans ou cinquante ans, mais disons vingt ans dans le cas de l'équipement et des baux, est-ce que ça ne devrait pas faire partie des états financiers du gouvernement?

M. Larose: C'est vrai ce que vous mentionnez, c'est-à-dire que les engagements des entreprises privées sous forme de baux à long terme, lorsqu'ils sont importants, doivent être mentionnés en note aux états financiers et c'est la pratique courante qui est suivie.

Vous demandez s'il y a des registres au gouvernement. Il y a certainement des registres au ministère des Travaux publics, entre autres, et il peut y en avoir ailleurs pour de l'équipement.

Nous n'avons pas jugé à propos jusqu'à maintenant de demander l'inscription parce que, dans l'ensemble des engagements du gouvernement, cela ne nous a pas paru être suffisamment important, mais je peux vous assurer que nous prenons bonne note de votre suggestion et que c'est un point que l'on pourra considérer dans une vérification future.

M. Forget: II existe, à votre connaissance, un certain nombre d'immeubles qui sont loués en fonction de conventions pour plus de cinq ans, j'imagine.

M. Larose: II doit y en avoir certainement.

M. Forget: Vous n'avez pas idée du montant que cela peut représenter en termes d'obligations globales?

M. Larose: Non. M. Forget: Non?

M. Larose: À ma connaissance, nous n'avons pas fait de travail particulier dans cette direction.

M. Forget: Dans le fond, ceux à qui il faudrait adresser la question, c'est essentiellement, selon vous, le ministère des Travaux publics qui est le plus susceptible d'avoir ce genre de registre.

M. Larose: C'est ce que je croirais.

M. Forget: Sans exclure le ministère des Transports, si je comprends bien, dans le cas des traversiers.

Ah non! c'est la société.

M. de Belleval: Probablement qu'à ce moment-là, ces équipements-là sont... Dans le cas de la Société des traversiers, ce sera au bilan de la Société des traversiers.

M. Forget: Ah bon! cela devrait être au bilan de la Société des traversiers. Est-ce le cas effectivement que les baux...

M. Larose: Dans le cas des traversiers, pour la Société des traversiers si elle est engagée à bail, c'est mentionné en note à l'état financier de la Société des traversiers...

M. Forget: En note.

M. Larose:... pour l'acquisition... Les conventions de prêt-bail qui ont été signées par la Société des traversiers sont notées à ses états financiers.

M. Forget: Dans les standards qui existent pour le secteur privé, qu'est-ce que l'on recommande pour les baux? Est-ce simplement une note ou l'inscription d'un montant au passif? (minuit)

M. Larose: Non, c'est une note...

M. Forget: Une note qui indique cependant le montant dont il est question.

M. Larose: Qui indique l'engagement de l'entreprise.

M. Forget: Je vois. J'ai donné, apparemment, un argument au ministre des Finances pour mettre tout dans les notes.

M. Parizeau:...

M. Forget: M. le Président, je vous remercie et je remercie tout le monde de sa patience et de sa collaboration.

Le Président (M. Bordeleau): La commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.

Une voix: Peut-être avant de...

Une voix: Est-ce qu'il y a une entente sur...

Une voix: Oui, il y en a une.

Une voix: Pour rappeler ce qu'on devrait faire demain matin; selon le bureau

du leader, on débuterait avec M. Duhaime, M. Claude Morin et M. Michel Clair.

M. Forget:... eux aussi.

(Fin de la séance à 0 h 01)

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