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(Dix heures dix-neuf minutes)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente des finances et des comptes publics entreprend
ses travaux à la suite du mandat qu'elle a reçu de
l'Assemblée nationale pour étudier le rapport du
Vérificateur général 1979-1980.
Les membres de la commission, pour la séance de ce matin, sont:
M. Blais (Terrebonne), M. Bourbeau (Laporte), M. de Belleval (Charlesbourg), M.
Forget (Saint-Laurent), M. French (Westmount), M. Gagnon (Champlain), M.
Grégoire (Frontenac), M. Guay (Taschereau) remplacé par M.
Vaugeois (Trois-Rivières); M. Lincoln (Nelligan), M. Paquette
(Rosemont), M. Parizeau (L'Assomption).
Les intervenants sont: M. Assad (Papineau), M. Fallu (Groulx), M.
Lachance (Bellechasse), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava),
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Pagé (Portneuf),
M. Ryan (Argenteuil), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).
Il s'agirait, à ce moment-ci, de nommer un rapporteur pour cette
commission.
M. Grégoire: Est-ce que je peux suggérer Mme
Lachapelle?
Le Président (M. Bordeleau): Mme Lachapelle (Dorion) sera
donc le rapporteur de cette commission.
Avant d'entreprendre les travaux, on m'a averti qu'il y avait eu une
entente entre les différents partis de sorte que, toute la
journée, on entendra M. Parizeau, du côté gouvernemental.
Au préalable, bien sûr, il y aura un premier mot du
Vérificateur général sortant, si on peut s'exprimer ainsi,
M. Larose, et ce sera suivi d'un commentaire d'ordre général de
M. Châtelain, le nouveau Vérificateur général. On
continuera demain avec les ministres Duhaime, Clair et Claude Morin. Si on
s'entend sur cette procédure, on peut donc immédiatement
commencer les travaux.
M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je crois que vous avez raison
de souligner qu'il y a eu une entente; enfin, je ne sais pas si c'est un terme
qui n'est pas exagérément formel pour décrire ce qui est
intervenu. Il y a au moins, disons, une compréhension mutuelle que les
sujets se suivraient dans un certain ordre.
Nous avons cependant pris soin de préciser qu'il était
difficile de prévoir exactement à l'avance le calendrier minute
par minute. On sait qu'il est parfois difficile de terminer un sujet alors
qu'on est au milieu de la discussion. Je n'ai aucune idée moi-même
du temps qui peut être nécessaire pour examiner chacun des
sujets.
Je pense qu'il y a peut-être une certaine flexibilité dont
on doit tenir compte. Il se pourrait, par exemple, pour être optimiste,
qu'on termine plus rapidement le travail de la première journée.
Le cas échéant, comme les autres participants n'ont pas
été convoqués pour aujourd'hui, on pourra tout simplement
ajourner à demain. Il se pourrait aussi qu'on dépasse un peu. Je
voudrais tout simplement, à ce moment-ci, sans ne solliciter aucun
consensus, souligner qu'il faudrait que les travaux procèdent afin que
l'objectif de la commission ne soit pas compromis par un calendrier trop
rigide.
Le Président (M. Bordeleau): D'ailleurs, c'était le
sens du consensus ou de la compréhension dont vous avez fait part. Quant
à moi aussi, comme président de la commission, il faut être
un peu élastique dans toute cette entente générale et voir
à mesure selon l'échéancier, selon la tournure des
discussions.
S'il n'y a pas d'autres intervenants, je donnerai donc la parole
immédiatement à M. Gérard Larose, Vérificateur
général du Québec sortant.
M. Forget: N'est-il pas coutumier - à moins que vous
n'ayez donné une indication contraire, mais ce n'est pas ce que j'avais
compris, je m'en excuse dans ce cas - que les représentants des
formations politiques à une commission commencent par un exposé
préliminaire? Avant de donner la parole à M. Larose, ne serait-il
pas opportun de procéder comme on le fait normalement? Quant à
moi, j'ai des remarques préliminaires qui touchent le mode de
fonctionnement de nos travaux. Il serait peut-être utile de commencer par
cela.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous avoue que quant
à la coutume, M. le député de Saint-Laurent, vous avez
sûrement plus d'expérience que moi; tout ce que je peux dire,
c'est que si les membres de la commission veulent s'entendre sur un processus,
je n'ai pas d'objection à la réviser. C'est l'ordre dans lequel
on me
l'avait donné ce matin. M. le ministre des Finances?
M. Parizeau: M. le Président, je n'ai pas de remarque
préliminaire, mais si tant est que le député de
Saint-Laurent en a, je n'ai aucune espèce d'objection à ce qu'il
les exprime avant que nous n'entendions le Vérificateur
général.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, vous pouvez y aller
dès maintenant, M. le député de Saint-Laurent.
Remarques préliminaires M. Claude
Forget
M. Forget: Je vous remercie, M. le Président. C'est un
exposé qui vise, comme je l'indiquais, la question de savoir dans quel
cadre et selon quelle procédure cette commission devrait fonctionner. On
sait que la commission des comptes publics occupe dans notre histoire
parlementaire au Québec une place tout à fait spéciale. En
premier lieu, et comme nous nous le sommes fait rappeler récemment, elle
ne se réunit presque jamais. On donne ainsi une signification assez
ironique à son appellation de commission permanente, au moins en ce qui
touche les comptes publics.
La séance d'aujourd'hui est le première depuis 1975. Par
contre, lorsqu'elle s'est réunie dans le passé, à un
très petit nombre de reprises, on sait que ces
délibérations sont parfois entrées de plein pied dans
l'actualité politique la plus brûlante. Il y a, je pense, quelque
45 ans, c'est à la commission des comptes publics qu'un jeune politicien
de l'époque, Maurice Duplessis, s'est illustré pour la
première fois en dénonçant une dépense publique de
moins de 10 $. Ici aussi, M. le Président, l'inflation a fait son
oeuvre, la dénonciation d'un aussi petit abus serait d'un bien faible
secours pour propulser qui que ce soit au premier rang de l'actualité
politique aujourd'hui.
Quoi qu'il en soit, ce précédent et les
conséquences politiques qu'il a entraînées à
l'époque ne sont peut-être pas étrangers au fait que les
gouvernements successifs n'ont jamais éprouvé d'enthousiame
excessif devant la perspective d'une commission des comptes publics vraiment
active. Le 14 mai 1969, l'Assemblée nationale adoptait une modification
à son règlement en vertu duquel, depuis cette époque, la
commission des engagements financiers siège tous les mois. Il est
évident, à la lecture du débat qui eu lieu à cette
occasion, que cette nouvelle commission était conçue dans
l'esprit de ceux qui concoururent à sa formation, le chef de
l'Opposition de l'épogue, M. Lesage, et M. Bertrand, premier ministre,
comme un substitut ordinaire au travail de la commission des comptes publics.
Il est, je crois, devenu évident qu'il y avait méprise sur le
rôle que doit jouer une véritable commission des comptes publics
dans un Parlement et, sans me prononcer sur l'utilité de la commission
des engagements financiers, il est assez évident que l'inaction de la
commission des comptes publics se fait cruellement sentir au Québec.
Je crois que nous devons tous aborder les travaux de cette commission
dans un esprit très différent de celui qui anime le plus souvent
nos travaux parlementaires. Ces derniers ont ordinairement pour raison
d'être de confronter, de mettre en présence des options partisanes
opposées sur des sujets d'actualité. Dans une large mesure, le
travail parlementaire consiste précisément en cette confrontation
systématique d'idéologies politiques rivales où chaque
parti tente d'illustrer d'une façon particulière comment il
aborderait les problèmes de gouvernement et comment il les
résoudrait.
Cependant, à notre avis - et c'est l'esprit que je voudrais voir
inspirer, l'attitude et la contribution de chaque membre de cette commission
parlementaire -la commission des comptes publics n'est pas une confrontation
entre parlementaires appartenant à des partis opposés, mais
plutôt une confrontation, si on veut absolument utiliser ce mot, mettant
en présence, d'une part, les députés de toutes les
formations politiques et, d'autre part, les responsables de l'administration
publique, les fonctionnaires chargés d'exécuter la volonté
du Parlement.
Une fois nos débats achevés à l'Assemblée
nationale, des lois sont adoptées. Une des plus importantes de ces lois
est celle qui accorde des crédits pour la prestation de multiples
services publics. Une fois adoptées, ces lois représentent la
volonté de l'Assemblée nationale, dans son entier, et non plus
seulement la volonté du gouvernement ou du parti au pouvoir.
Tous les parlementaires ont un intérêt égal, en
principe, à ce que cette volonté législative soit
respectée, que les dépenses, à chaque article du budget,
ne dépassent pas les crédits autorisés, que l'argent
voté soit dépensé pour les fins pour lesquelles il a
été voté, que les dépenses s'effectuent avec
prudence et économie, que le contribuable obtienne des services d'une
valeur correspondante à leur coût et que l'administration des
services publics soit animée d'un souci d'efficacité.
Si ces conditions ne sont pas remplies, à quoi servent en effet
les débats parlementaires sur les dépenses publiques? Le
gouvernement et l'Opposition ont un intérêt égal à
ce que la réalité des dépenses publiques se conforme
exactement au budget qui les autorise, car leur budget est l'instrument de
travail commun aux deux
partis, soit pour le défendre, soit pour en condamner le contenu.
Le budget doit correspondre à la réalité sinon les
débats à son sujet demeurent sans objet. (10 h 30)
Je dois aussi dire un mot de la responsabilité
ministérielle. Je me permettrai à ce sujet de
répéter un texte que j'écrivais à ce sujet, en
1977. Un autre principe dont il faut voir les limites consiste dans la notion
de responsabilité ministérielle. En vertu de cette notion, tout
ministre, individuellement, et le Conseil des ministres, à titre
collectif, sont politiquement responsables pour tous les actes posés par
tous et chacun des fonctionnaires à l'emploi de l'État. Si une
action administrative quelconque devient le sujet d'une controverse, un
ministre ne dispose selon cette notion de responsabilité
ministérielle, que de deux possibilités: Ou bien accepter la
responsabilité du geste posé par le fonctionnaire, qu'il en ait
ou non eu connaissance, et couvrir, comme on dit, le fonctionnaire qui ne doit,
en aucun cas, être attaqué ou critiqué pour n'avoir
été que l'instrument passif et docile du ministre, ou bien
dénoncer comme insubordination le geste de ce fonctionnaire, le
désavouer et même, le cas échéant, lui appliquer les
mesures disciplinaires prévues allant jusqu'à la
rétrogradation.
Une notion aussi absolue, de la responsabilité
ministérielle n'a de sens que dans le monde gouvernemental du
siècle précédent où les ministères
n'étaient guère développés, où un grand
nombre de fonctionnaires étaient nommés par les ministres en
place, selon un système de patronage alors exclusif, alors que le
rôle de l'État était minime par rapport à son
rôle actuel. Il est essentiel que le gouvernement soit responsable devant
le peuple et devant le Parlement de ce dont il décide effectivement
comme gouvernement, c'est-à-dire de la législation, des
politiques générales, du choix des objectifs et des options
majeures quant aux moyens utilisés pour les atteindre. On doit douter
sérieusement de l'utilité d'une convention rendant les ministres
responsables de tous les aspects, même détaillés ou
techniques, de l'administration publique. Comme cette convention repose en
bonne partie sur une fiction, elle ne sert pas à rendre les
gouvernements plus responsables, mais bien à rendre les bureaucrates
moins responsables.
En conséquence, M. le Président, le Parlement doit
organiser son travail et ses procédures de façon à
soumettre l'administration publique à une évaluation rigoureuse.
Ceci doit pouvoir se faire sans mettre en jeu la responsabilité
ministérielle; en effet, même si le Parlement doit exiger que le
gouvernement s'explique quant à ses politiques, rien n'empêche
cependant que l'Assemblée nationale tienne les administrateurs publics
eux-mêmes responsables de certains actes de gestion que ces derniers
posent dans l'application des politiques gouvernementales. Ceux qui sont
familiers avec l'administration publique savent que les politiques
gouvernementales laissent toujours une place très largqe à la
discrétion des fonctionnaires. C'est l'usage que les administrateurs
publics font de cette liberté de gestion qu'il faut soumettre à
l'examen et au contrôle du Parlement.
Il est évident qu'un administrateur public devra toujours pouvoir
justifier un acte administratif en invoquant les lois, les règlements et
les directives ministérielles. Cependant de telles justifications, par
leur nature même, ne permettent de rendre compte que des
priorités, des objectifs et des paramètres majeurs à
l'intérieur desquels se déroule l'activité des
administrateurs publics. Ces justifications de caractère
général laisseront presque toujours subsister un résidu de
décisions parfois très importantes en elles-mêmes et qui
sont le fait des seuls administrateurs publics. C'est sur cet important
résidu que doit porter le contrôle de l'administration publique
par le Parlement.
Il est également possible de décrire de façon
positive plutôt que résiduelle cette sphère
d'activité qui appartient en propre aux administrateurs publics, au
sujet de laquelle leur comportement peut faire l'objet d'un examen critique. En
effet, on peut énumérer cinq règles de conduite de
l'administration publique qui peuvent être utilisées par le
Parlement comme critères d'évaluation de tous les actes des
fonctionnaires.
Premièrement, un critère de fidélité.
L'administrateur public doit exécuter fidèlement les politiques
générales annoncées par le gouvernement.
Deuxièmement, un critère d'exactitude et
d'honnêteté. L'administrateur public doit administrer avec rigueur
et honnêteté les activités du secteur public et les deniers
publics.
Troisièmement, un critère d'économie et
d'efficacité. L'administrateur public doit, pour atteindre un objectif
déterminé, utiliser le moins de ressources publiques qu'il est
possible.
Quatrièmement, le critère de respect des droits
privés. L'administrateur public doit respecter les droits et les
libertés des citoyens dans l'exécution des activités de
l'État.
Cinquièmement, le critère de non-discrimination.
L'administration publique doit traiter tous les citoyens sur une base
d'égalité devant la loi.
Dans certains cas, ces critères peuvent devenir des
hypothèses réfutables. Le soin de les réfuter doit
appartenir aux
administrateurs dont le comportement est évalué, et cette
réfutation devrait alors consister dans la démonstration claire
de l'existence d'une directive gouvernementale expresse, créant pour
l'administrateur public l'obligation de déroger à l'une ou
à l'autre de ces règles de conduite. Par exemple, le gouvernement
peut faire adopter une loi ou un règlement discriminatoire, ce qui
disculpe l'administrateur public de poser dans sa gestion des actes
discriminatoires, etc.
L'administrateur public - je conclus cette partie là-dessus -
doit assumer le fardeau de prouver sa non-responsabilité plutôt
que de bénéficier, comme présentement, d'une
présomption universelle d'irresponsabilité.
M. le Président, le rapport de la commission royale sur la
gestion financière et l'imputabilité dite Commission Lambert,
publiée en 1979, tient un langage analogue et je cite à la page
206 et 207: "Notre mandat et nos recherches ultérieures ont
confirmé que l'imputabilité de la gestion des ministères
doit être concentrée dans la fonction de sous-ministre. Les
attributions et les pouvoirs des sous-chefs des ministères sont
définis officiellement et officieusement d'un certain nombre de
façons. Leurs devoirs et leurs responsabilités sont
définis de manière officielle dans certain nombre de lois du
Parlement qui confèrent directement au sous-ministre des
responsabilités, ou qui prévoient une déléguation
de pouvoirs par le ministre ou par l'organisme central charqé de
l'application de la loi. "
Un peu plus loin, la commission dit: "En tant que gestionnaire d'un
ministère, le sous-ministre doit examiner d'un oeil critique les
politiques, les programmes et les services devant être mis sur pied
exécutés dans le cadre du mandat du ministère. Les
sous-ministres doivent exercer les pouvoirs qui leur sont
délégués en matière d'organisation, de politique du
personnel et de fonctionnement du ministère, afin de s'assurer que l'on
tire le maximum des ressources mises en oeuvre. Lorsqu'il gère les
programmes existants, le sous-ministre doit avoir un souci d'efficacité,
et s'efforcer de faire mieux que ce qui a été fait jusqu'alors.
Lorsqu'il met en pratique les initiatives politiques prises par le ministre ou
par le gouvernement en ce qui concerne la mise au point de nouveaux programmes,
le sous-ministre doit encore obéir à un souci
d'efficacité. De manière générale, le sous-ministre
doit s'efforcer d'améliorer les méthodes existantes et d'affecter
les ressources dans les secteurs où elles répondent le mieux aux
attributions du ministère. "En conséguence, conclut la commission
Lambert, nous concluons que, même compte tenu des circonstances
actuelles, il n'y a vraiment aucune raison pour que les sous- ministres ne
puissent être tenus responsables de leur gestion. En fait, les
sous-ministres veulent - la commission insiste sur ce mot -en être tenus
responsables. "
Pour ces motifs, la commission Lambert formule ainsi sa neuvième
recommandation: "Que les plans et objectifs de rendement du ministère
soient mis au point par le sous-ministre en sa gualité de chef
d'administration pour l'approbation du ministre. L'exécution de ces
programmes et de ces objectifs de rendement devra être
contrôlée puis réexaminée par le conseil de gestion
lors d'une séance qui permettra au sous-ministre de défendre le
rendement du ministère, et que le sousTministre soit tenu de rendre
compte directement de l'exercice des responsabilités qui lui ont
été confiées et déléquées au
comité parlementaire le plus immédiatement concerné par le
rendement administratif, le comité des comptes publics. "
M. le Président, je disais tout à l'heure que la
commission des comptes publics du Québec n'a pas siégé
depuis 1975. Un examen des procès-verbaux de l'Assemblée
nationale révèle que cette commission a siégé
à cinq reprises en chacune des années 1974 et 1975. Il ne semble
pas qu'elle ait siégé à aucun autre moment durant les
années soixante-dix. Effectivement, je lisais tout à l'heure les
remarques de M. Garneau, ministre des Finances, lors de la dernière
séance de la commission des comptes publics. Ses remarques
préliminaires contenaient précisément une
référence à la faible fréquence de ces
séances de la commission des comptes publics dans notre histoire
parlementaire. Il prétend, dans ses remarques, qu'avant les
séances de 1974 et 1975, la commission des comptes publics ne
s'était réunie précédemment qu'en 1966. L'autre
rencontre, antérieure à celle-là, remontait quelque vingt
ans en arrière, soit en 1946.
En 1975, les séances de la commission parlementaire avaient
été précédées et préparées par
les réunions d'un sous-comité. Dans le journal des Débats
du 11 novembre 1975, page B-6115, le président de la commission des
comptes publics fait allusion au procès-verbal d'une deuxième
séance de ce sous-comité tenue apparemment le 22 octobre 1975.
Malheureusement, il nous a été impossible de retracer ce
procès-verbal et, par conséquent, impossible de retrouver les
conclusions de ce sous-comité relativement à la procédure
de travail que devrait suivre la commission des comptes publics.
Devant cette carence, mais surtout devant l'absence d'une tradition
parlementaire qui nous soit propre à cet égard, il nous est
apparu essentiel de nous tourner en premier lieu vers cette question du mandat
et des méthodes de travail qui devraient être ceux de cette
commission. Nos efforts à ce sujet ont reçu un soutien et
un encouragement très utiles au moment le plus opportun
grâce à la publication récente de la Fondation canadienne
pour la vérification intégrée intitulée "La
commission des comptes publics et les vérificateurs législatifs,
une plus grande imputabilité". Nous avons tiré des observations
faites dans cet ouvrage et surtout des recommandations sur lesquelles
débouchent un ensemble de motions que nous allons soumettre à
l'approbation de nos collègues de la commission.
Certaines recommandations de l'étude précitée
entraîneraient au Québec des modifications à la Loi de
l'Assemblée nationale et à ses règlements, voire
même à la Loi du Vérificateur général. Nous
tenons compte de ces recommandations en invitant dans une motion la commission
à y souscrire à titre de voeu, et à les soumettre à
l'attention diligente de l'Assemblée nationale elle-même. Fort
heureusement, la Loi de l'Assemblée nationale, comme on le sait, est
à l'étude actuellement, et de telles suggestions pourraient y
être incorporées sans peine.
Cependant, il est bien sûr que le travail immédiat qu'est
le nôtre ne peut attendre cette échéance, si
rapprochée, soit-elle, et, par conséquent, la plupart des motions
que je vais présenter sont d'application immédiate, dans le cadre
légal et réqlementaire actuel. Sans en faire pour l'instant une
description détaillée, on peut dire que le sens de ces motions
consiste dans le désir d'assurer le mieux possible l'efficacité
de nos travaux en précisant le contenu et l'étendue de notre
rôle, en affermissant le mandat que nous détenons de
l'Assemblée nationale et l'indépendance de notre action
vis-à-vis du gouvernement, en précisant le statut des
témoins qui sont invités à se présenter devant nous
et en précisant la nature de la coopération capitale qui doit
exister entre cette commission et le Vérificateur
général.
En inscrivant ces motions au procès-verbal et au compte rendu de
nos débats, nous nous assurerons en même temps que ce travail et
le consensus que nous devrions réaliser à ce propos et que
j'espère, quant à moi, que nous réaliserons facilement,
servent de guide permanent lors des réunions ultérieures de cette
commission.
En terminant, permettez-moi d'insister à nouveau sur le
caractère non partisan que nous voudrions imprimer à nos travaux.
Tous les députés, de quelque parti que ce soit, possèdent,
me semble-t-il, un intérêt objectivement égal à une
évaluation rigoureuse de l'administration publique. Les
représentants de la presse qui assistent à nos travaux ne
trouveront pas grand-chose pour alimenter l'image d'une confrontation verbale
orageuse entre les porte-parole des deux partis représentés ici.
J'espère, au contraire, qu'ils y découvriront quelque chose de
beaucoup plus sensationnel, une étude sérieuse, sans
réserve et avec un minimum de parti pris, de la qualité de
l'administration financière d'une partie de notre immense secteur
public.
Là-dessus, je pourrais procéder, je pense que notre
règlement le permet, à la présentation de plusieurs
motions que je viens d'annoncer. C'est ce que je pourrais faire en les prenant
les unes après les autres. Je ne sais pas quel est le sentiment des
collègues de la commission, il serait peut-être plus utile de les
présenter toutes avant d'amorcer le débat sur une en particulier.
Il y a une difficulté technique qui n'est pas encore résolue, du
moins je ne vois pas de messager qui m'ait annoncé la bonne nouvelle.
J'avais prévu que des photocopies seraient disponibles pour tous nos
collègues. On m'avait promis qu'à 10 heures, tout serait
complété, et j'attends encore, si je comprends bien. Il est
peut-être un peu difficile de discuter de ces motions, qui sont
techniques et complexes, sans que tous les membres disposent d'un texte. Je
n'ai pas de solution immédiate, sauf peut-être de suqqérer
une brève suspension pour que je m'inquiète à nouveau de
la production des services de photocopie. On m'informe qu'on a promis de les
apporter directement ici dès qu'elles seront disponibles, mais on les
attend toujours.
M. Grégoire: M. le Président, je peux proposer la
motion de suspension, mais pour combien de temps?
M. Forget: Pas plus que cinq minutes, dès l'arrivée
du messaqer, on aura les copies.
Le Président (M. Bordeleau): On va suspendre les travaux
de la commission pour quelques minutes, soit cinq minutes, et on verra.
(Suspension de la séance à 10 h 45)
(Reprise de la séance à 11 h 02)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre,
messieurs!
Je pense que chaque membre de la commission a maintenant en main une
copie des différentes motions et a peut-être même eu le
temps de les regarder. Je demanderais au parrain de nous en faire part
officiellement en les lisant et je jugerai après de la
recevabilité ou non des différentes motions.
Motions
M. Forget: Je vous remercie, M. le Président. J'ai
procédé de façon à favoriser
l'intelligence de chacune en les présentant ensemble. Je pense
que j'aurais pu faire différemment, comme on sait, mais je pense qu'il
est peut-être mieux de les considérer les unes par rapport aux
autres plutôt qu'isolément, quoique, bien sûr, on doive le
faire éventuellement de façon séparée pour chacune.
Je m'excuse encore une fois du délai apporté à la reprise
de nos travaux, mais c'étaient des raisons, je pense qu'on l'a compris,
indépendantes de ma volonté.
La première motion, M. le Président, vise à
établir, de façon consensuelle, si l'on veut, le rôle que
doit se donner et qui est normalement celui d'ailleurs d'une commission des
comptes publics. L'inspiration de cette motion est bien simple; elle constitue
d'ailleurs la première recommandation de cet ouvrage que je citais tout
à l'heure, recommandation qui est elle-même inspirée par la
pratique de plusieurs commissions des comptes publics dans les
Législatures d'autres provinces que le groupe d'experts en question a pu
constater. Leur recommandation se lit comme suit: "Que chaque commission des
comptes publics élabore et soutienne une déclaration
écrite officielle qui définisse clairement le rôle et les
attributions de la commission. "
Il est bien clair que cette commission existe en vertu des
règlements de l'Assemblée nationale et on peut dire: Elle
fonctionne comme les autres commissions. Cependant, un examen plus attentif du
rôle de la commission des comptes publics dans les institutions
parlementaires, là où de telles commissions sont actives,
démontre qu'au contraire la commission des comptes publics joue
toujours, dans tous les cas, un rôle assez particulier. C'est un
rôle d'ailleurs qui n'est incompatible avec aucune disposition de la Loi
de l'Assemblée nationale ou même de ses règlements. Il
s'agit de préciser, d'orienter le travail de manière qu'on
s'entende bien sur le contenu de nos travaux. Je fais donc la lecture de cela
et j'y ajouterai peut-être quelques commentaires. "Considérant que
la commission des comptes publics de l'Assemblée nationale entreprend,
en septembre 1981, ses travaux sans le bénéfice d'une tradition
bien établie quant à son mode de fonctionnement et à son
rôle; "considérant qu'il est souhaitable et même essentiel
à la bonne marche de ces travaux que tous ses membres s'inspirent
d'objectifs communs et s'entendent sur une procédure appropriée
à ces objectifs; "considérant que la commission peut
bénéficier de l'expérience commune à de nombreuses
commissions parlementaires analogues qui fonctionnent dans d'autres
juridictions et d'études comparatives sur leur fonctionnement, il est
résolu de définir ainsi le rôle de la commission des
comptes publics. "La commission des comptes publics doit recevoir et
étudier les comptes publics, les rapports du Vérificateur
général, entendre les témoignages et prendre connaissance
de documents et des rapports de vérifications spéciales
entreprises à sa demande, sur des questions de son choix,
découlant de son étude des comptes publics ou des rapports du
Vérificateur général. "Dans ses travaux, la commission
doit évaluer la fiabilité et l'exactitude des renseignements
contenus dans les comptes publics, afin de donner un aperçu complet et
fidèle des activités et des opérations financières,
la perception des taxes et autres sommes dues et leur comptabilisation, le
respect des limites que constituent les crédits votés par
l'Assemblée nationale pour chaque programme et élément de
programme et le respect des fins pour lesquelles chaque crédit a
été voté, la convenance des garanties qui empêchent
la perte, le gaspillage ou le détournement des biens et des fonds,
l'économie dans l'acquisition des biens et des services, l'efficience
dans les activités, y compris la disponibilité des données
nécessaires pour évaluer cette efficience et pour appuyer la
prise de décision. "
Qu'est-ce qu'on veut dire par efficience? C'est un terme que certains
connaissent professionnellement. C'est simplement un rapport adéquat
entre les ressources qu'on utilise et ce que l'on en tire en termes de
bénéfices pour le gouvernement ou pour la société
plus généralement.
Les critères et méthodes utilisés pour
évaluer l'impact des programmes sur les objectifs visés par eux.
On ne demande pas aux services: Êtes-vous efficaces ou non? Mais au
moins: Prenez-vous les mesures nécessaires pour vous en assurer?
Avez-vous des critères de performance, des systèmes de gestion
qui vous permettent de garder un oeil sur l'impact de ces services, de ces
programmes, sur les objectifs prétendument visés par eux?
Toutes ces dispositions sont contenues, pratiquement mot à mot,
dans cette publication, et ce n'est que reprendre ce que l'expérience a
enseigné à d'autres commissions parlementaires des comptes
publics: Être les dimensions essentielles de leur étude. Pour ceux
qui voudraient s'y référer, je les réfère à
la page 14 du document en question, où on dit essentiellement: "La
déclaration écrite du rôle et des attributions doit
contenir une déclaration générale de l'objet ainsi qu'une
liste des questions que la commission doit étudier. " La liste, encore
une fois, est celle que vous retrouvez dans cette motion.
Ceci, pour la première motion. On pourra en discuter plus
longuement par la
suite, mais ceci est la première motion. Pardon, je n'ai pas lu
le dernier paragraphe qui se trouve à la page 3. "Les conclusions et les
recommandations de la commission, ainsi que ses observations, doivent
être consignées dans des rapports que la commission fait à
l'Assemblée nationale annuellement ou à son choix sur des
questions spécifiques, à moins que l'Assemblée nationale
n'en ordonne autrement. "
Conclusion et recommandations. Ce sont des termes qui reviennent dans
une autre motion et sur lesquels il sera bon tout à l'heure de
s'arrêter un peu.
Deuxièmement, M. le Président, une motion quant au mandat
que la commission des comptes publics détient de l'Assemblée
nationale. Très certainement, ici, il ne peut s'agir que d'un voeu. Nous
ne pouvons pas modifier notre mandat, seule l'Assemblée nationale peut
le faire. Nous pouvons cependant, au moment de nous installer dans nos travaux,
à la lumière de l'enseignement de différents rapports,
rapport de la commission Lambert, rapport de ce groupe d'experts sur la
vérification intégrée, exprimer un voeu à
l'Assemblée nationale, celui de modifier quelque peu le mandat pour
mieux l'accorder à la pratique généralement suivie dans
les commissions de comptes publics, dans le cadre des juridictions où il
existe des institutions parlementaires. "Afin d'assurer le meilleur
fonctionnement possible à la commission des comptes publics, et
considérant qu'une telle commission pourrait, dans la conjoncture
financière difficile que traverse le Québec, contribuer
significativement à promouvoir l'économie et l'efficacité
dans les dépenses publiques, les membres de cette commission expriment
à l'Assemblée nationale, le voeu, rien de plus, que la Loi sur la
Législature et les règlements de l'Assemblée soient
modifiés au plus tôt afin de produire les effets suivants.
"Premièrement, confier à la commission des comptes publics un
mandat permanent, lui permettant de se réunir en tout temps, durant la
session ou hors session, à son initiative, sans qu'il soit besoin d'une
autorisation ou d'un ordre de l'Assemblée nationale adopté sur
motion du leader du gouvernement. " C'est une caractéristique bien
connue, M. le Président, que nos commissions ne peuvent se réunir
que si le leader du gouvernement le juge approprié, le souhaite ou
même le juge opportun, peut-être même sur un plan
politique.
Nous souhaitons avoir le même pouvoir que celui qu'ont les
commissions des comptes publics dans d'autres provinces du Canada, au Parlement
britannique et au Parlement fédéral, de se convoquer
elles-mêmes et de se mettre au travail pendant l'été,
pendant l'intersession, et d'être saisies automatiquement... C'est
là l'objet du deuxième paragraphe qui dit: "Lui
déférer en permanence, dès qu'ils sont disponibles et donc
sans attendre nécessairement qu'ils soient déposés
à l'Assemblée nationale, les comptes publics et les rapports du
Vérificateur général, sans attendre leur
dépôt à l'Assemblée nationale et sans se restreindre
aux documents relatifs à l'année la plus récente. "
Il y a pour cela, de nombreuses raisons. L'attention que nous apportons
à tel ou tel ministère est essentiellement sélective. Nous
ne pourrions pas, même si nous siégions dix, vingt ou trente jours
par année, étudier tous les ministères et organismes
publics une fois par année. Lorsque nous faisons porter notre choix sur
un ministère, sur un organisme public, il peut cependant à cette
occasion être utile de faire une certaine rétrospective. Dans le
cadre actuel de nos règlements, il est techniquement
antiréglementaire de faire référence au rapport du
vérificateur, par exemple, pour l'année 1978-1979; il faut se
concentrer sur 1979-1980 par exemple, cette année, et ainsi de
suite.
Enfin, nommer les membres de la commmission des comptes publics pour
toute la durée du Parlement et non pas seulement pour une session. Il
s'agit de permettre qu'un certain nombre de députés se fassent la
main, puisqu'il s'agit là d'un travail assez particulier, et
maintiennent un intérêt pendant plus d'une session aux travaux
relativement complexes et spécialisés de la commission des
comptes publics pour désigner, parmi les députés de
l'Opposition, le président de la commission et, parmi les membres du
parti ministériel ne faisant pas partie du Conseil exécutif, le
vice-président de la commission.
M. le Président, cette référence à la
présidence de la commission des comptes publics n'est pas du tout une
espèce d'attention partisane qui serait arrivée comme une
pensée de dernière minute. Là aussi, M. le
Président, on peut citer le rapport sur tous ces points, d'ailleurs, on
peut encore une fois citer le rapport du qroupe d'experts. Tous ces dispositifs
font l'objet de recommandations du groupe d'experts sur la vérification
intégrée, qu'il s'agisse du mandat permanent et la
possibilité de siéger à l'initiative de la commission en
tout temps, qu'il s'agisse d'être saisi de tous les documents financiers
du gouvernement en permanence, qu'il s'agisse de la nomination pour plus d'une
session, qu'il s'agisse de l'exigence que le président fasse partie de
l'Opposition. Dans toutes les provinces du Canada, sauf une, et au gouvernement
fédéral, dans le Parlement britannique, on sait que c'est
toujours un membre de l'Opposition qui est président de la commission,
pas parce qu'il y a une
question de gloriole, mais parce qu'on note que, psychologiquement, il y
aura peut-être une assurance dans la plupart des cas, pas toujours, mais
d'une diligence peut-être un peu plus grande. C'est une garantie
démocratique qui est observée partout et que nous ne faisons que
reproduire dans ce texte.
Troisièmement, M. le Président, motion relative au
témoiqnaqe des fonctionnaires et autres personnes qui comparaissent
devant la commission des comptes publics. "Considérant que, dans
l'exécution de son mandat, la commission des comptes publics doit avoir
accès à toute l'information pertinente de la part de ceux qui
sont charqés d'effectuer les dépenses et d'administrer les
programmes; "considérant que l'objet des travaux de la commission des
comptes publics consiste non dans l'orientation des politiques
gouvernementales. " On doit tenir pour acquis ces orientations. Les lois ont
été adoptées, le budget a été adopté,
on ne remet pas cela en cause même si, dans un autre contexte, dans un
autre cadre, on peut discuter de l'opportunité de telle ou telle
dépense. On doit tenir pour acquis ici que cette dépense est
valablement autorisée. Encore faut-il que les dépenses qui sont
faites pour exécuter cette volonté gouvernementale
obéissent à des normes d'efficacité, d'économie,
d'honnêteté, de correction, etc., et qu'on ne dépasse pas
les budgets relativement à cette autorisation non plus.
Donc, étant donné ce cadre, il est résolu - c'est
du moins la proposition - "que la commission des comptes publics s'adressera en
premier lieu aux sous-ministres et aux autres cadres compétents de
l'administration pour obtenir des informations quant à la manière
dont sont effectuées les dépenses et administrés les
programmes; que ces derniers répondront en leur nom, ès
qualité de gestionnaires, et que leur témoignage sera
consigné sous leur nom au journal des Débats; "que les ministres
dont le ministère fait l'objet d'un examen par la commission puissent
également être appelés à témoigner au sujet
des informations et des décisions à portée administrative
dont ils ont eu personnellement connaissance ou au sujet desquelles ils sont
directement intervenus; "que les fonctionnaires qui témoignent devant la
commission soient déliés de leur serment de discrétion,
afin de pouvoir répondre sans réserve et sans restrictions aux
questions que la commission leur adresse. "
Il est bien clair, M. le Président, que la commission perdrait
son temps de voir défiler devant elle des personnes qui sont, par
ailleurs, liées par un serment de discrétion et qui ne peuvent en
être déliées que par, selon le texte même du serment,
l'autorité compétente. Nous estimons que cette commission
lorsqu'elle siège pour examiner le rapport du Vérificateur
général, doit être réputée une
autorité compétente pour délier ses fonctionnaires de leur
serment de discrétion. (11 h 15)
On parle beaucoup, dans un autre cadre, de l'accès à
l'information. On prétend, à juste titre, vouloir la rendre
disponible à l'ensemble du public; à plus forte raison lorsqu'on
se pose des questions sur la rigueur de la gestion financière du
gouvernement, doit-on demander que rien de pertinent ne soit caché
à la commission des comptes publics lorsqu'elle interroqe les
fonctionnaires précisément sur la gestion des fonds, sur la
façon dont sont effectuées les dépenses.
Enfin, M. le Président, la motion se termine par ce paragraphe:
"Que l'immunité dont jouissent les parlementaires dans leurs
interventions au Parlement et en commission s'étende aux personnes qui
témoignent devant la commission; que des mesures, s'il en est besoin,
soient prises pour s'en assurer et que le président de la commission en
informe d'office les témoins. "
Certains témoignages, par leur nature, pourraient à
l'occasion - ce n'est évidemment pas règle courante, mais cela
peut se produire - entraîner des poursuites en
dommages-intérêts ou en libelle par des personnes de
l'extérieur de l'administration gouvernementale ou faisant partie de
l'administration gouvernementale, mais à titre privé, qui
pourraient se plaindre de telle ou telle affirmation. Bien sûr, elles
pourront toujours le faire si les affirmations sont malicieuses et
mensongères, mais il est important que les témoins puissent faire
leur déposition avec la même assurance d'immunité de bonne
foi que celle dont jouissent les parlementaires eux-mêmes dans leurs
commentaires sur les mêmes événements.
D'ailleurs, M. le Président, la Loi de l'Assemblée
nationale et l'ancien règlement de l'Assemblée nationale
prévoyaient - la loi le prévoit toujours, mais les anciens
règlements le prévoyaient - qu'effectivement l'immunité
pouvait être accordée aux témoins lorsqu'ils
déposent devant une commission parlementaire, pas seulement celle-ci,
mais toutes. Il semble, d'après une décision rendue en 1975,
qu'il est essentiel, à ce moment-là, que le témoignage
soit prêté sous serment. Donc, il y aurait nécessité
que vous-même, M. le Président, au moment où un
témoin apparaît, lui indiquiez l'immunité dont il peut
disposer et lui fassiez prêter serment avant que ne commence son
témoignage. Je pense que, dans ce cas, nous serions assurés de
pouvoir faire une oeuvre utile, encore une fois; autrement, des
réticences bien normales, bien humaines, feraient jour dans les
témoignages que nous recherchons.
Quatrièmement, motion sur le rapport que devra présenter
la commission des
comptes publics: "Attendu que la presque totalité des commissions
sur les comptes publics, dans les Parlements où ces commissions
fonctionnent, sont présidées par un membre de l'Opposition;
"attendu que les règlements de l'Assemblée nationale ne
permettent pas d'envisager une telle formule dans l'immédiat, quels que
soient les avantages et malgré le voeu auquel nous pourrions tous
souscrire à ce sujet contenu dans une motion antérieure; "attendu
qu'il est raisonnable de croire qu'un membre de l'Opposition apporterait une
diligence particulière à s'acquitter de cette tâche pour
les mêmes raisons que celles invoquées pour la nomination d'un
président membre de l'Opposition, il est résolu: "qu'un membre de
l'Opposition soit désigné rapporteur de la commission des comptes
publics; "que le rapport comprenne, outre les éléments qu'on
retrouve traditionnellement dans les rapports de commissions parlementaires,
c'est-à-dire le fait qu'on s'est réunis à telle heure,
qu'on s'est séparés à telle heure, que telle motion a
été adoptée ou rejetée, que tel sujet a
été discuté, mais sans refléter autrement le
contenu de la discussion, qu'il comprenne donc, outre tout cela, les
observations, conclusions et recommandations de la commission sur les sujets
qu'elle aura examinés; "que ce rapport soit discuté en
séance privée de la commission avant d'être achevé
et transmis à l'Assemblée nationale, de manière qu'il
reflète un consensus quant aux observations et aux conclusions. "
Voilà pour la quatrième motion; elle parle par
elle-même. Je pense qu'elle est essentielle, également, pour que
le travail débouche sur quelque chose. On peut bien faire parler qui on
voudra; je pense qu'il revient à la commission de porter un jugement,
à un moment donné, pas nécessairement sous la forme de
motion, mais sous la forme d'observations, de commentaires, de souhaits qu'elle
exprime quant à l'amélioration de tel ou tel aspect du
contrôle financier, de la vérification interne ou Dieu sait quoi,
et peut-être même, des conclusions, précises et
opératoires, dans certains cas peut-être plutôt
exceptionnels, où de telles conclusions pourraient en quelque sorte
s'imposer.
Finalement, cinquièmement, motion sur la participation du
Vérificateur général aux travaux de la commission des
comptes publics: "Attendu que le Vérificateur général est
nommé par un vote des deux tiers de l'Assemblée nationale et non
pas par le gouvernement et que, par conséquent, lui-même et son
personnel doivent être considérés et sont effectivement des
fonctionnaires de l'Assemblée nationale. "attendu que les membres de la
commission ne peuvent s'acquitter adéquatement de leur rôle sans
jouir de l'appui et de l'expertise que peuvent fournir le Vérificateur
général et son personnel, "il est résolu que le
Vérificateur général soit réputé disposer
d'une invitation permanente pour communiquer à la commission et à
ses membres des suggestions et des renseignements susceptibles d'aider la
commission à préparer son agenda, à choisir les questions
où une étude plus approfondie est souhaitable et à
orienter ses questions lors de la comparution des témoins. "Qu'à
cette fin, le Vérificateur général ou son
représentant prenne place à la table de la commission et qu'il y
occupe un fauteuil entre le président et le rapporteur. "
Ce sont là aussi des observations qui découlent des
recommandations contenues dans le rapport de cette équipe sur la
vérification intégrée. Dans un grand nombre de commissions
sur les comptes publics, le vérificateur siège effectivement
à côté du président. On se souviendra que le
président, dans ces commissions, est normalement, dix fois sur onze, un
membre de l'Opposition, qu'il est à la table et qu'il ne participe pas
personnellement à l'interrogatoire des témoins, mais assiste,
oriente et guide les membres de la commission, sans leur dire quoi faire, en
les laissant libres évidemment de suivre ses conseils ou pas. Il les
assiste, les oriente, un peu comme un personnel de recherche le fait pour un
parti politique dans d'autres travaux d'un genre particulier, de manière
que le travail soit utile, qu'il s'oriente dans des directions convenables,
étant donné qu'on ne peut pas tout demander, qu'on ne peut pas
tout examiner. Il y a donc une expertise nécessaire pour orienter ces
travaux.
C'est peut-être aussi la raison pour laquelle, avant de donner
à M. Châtelain et à M. Larose la chance de s'exprimer - ils
le feront de toute façon tout à l'heure - j'ai cru qu'il
était nécessaire, parmi d'autres raisons, de poser d'abord ces
questions de procédure.
M. le Président, il y a énormément plus qu'on
pourrait dire sur ces cinq motions. Il y a évidemment une documentation
abondante qu'on pourrait citer à l'appui de la plupart des
recommandations de procédure que je fais.
Pour terminer sur tout ce sujet et avoir l'expression des sentiments de
nos collègues sur l'ensemble de même que sur chacune de ces
motions, j'aimerais dire qu'il nous apparaît bien beau de faire
siéger la commission des comptes publics. Nous nous en
réjouissons, nous espérons qu'il s'agira là d'une
tradition désormais ancrée dans nos moeurs et qui s'exprimera par
des séances nombreuses à tous les ans, mais, si la
commission des comptes publics n'était que l'occasion d'exhumer
en quelque sorte un cadavre décidément déjà
très froid, c'est-à-dire les états financiers qui datent
de 18 mois déjà, pour se faire dire par des ministres, dans de
savants discours, des discours très polis et très fleuris, je
n'en doute pas, que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, que ces
problèmes étaient réels sans doute, mais peut-être
pas aussi graves que le pensait le Vérificateur général et
que, de toute façon, tout a été corrigé depuis et
qu'effectivement, après 18 mois, on devrait s'attendre que tout soit
absolument corrigé et limpide, il faudrait bien se rendre à
l'évidence que ce n'est qu'une espèce de rite automnal, la
commission des comptes publics, et que cela ne correspond à absolument
rien de concret. On devrait s'interroger sur l'utilité de reprendre une
tradition qu'on n'a jamais eue de toute façon, mais qui ne servirait
strictement à rien.
Ne nous faisons pas d'illusion. À moins que cette commission ne
soit dotée d'un mécanisme, de procédure et de pouvoirs et
qu'elle ne les exerce efficacement, c'est se payer de mots que de s'attendre
qu'on va faire le moindre progrès, qu'on va jeter la moindre
lumière sur l'administration financière du gouvernement. Quant
à moi, je ne me fais aucune illusion.
Je ne veux pas insister davantage, mais je profite de cette
dernière minute que vous m'accordez si aimablement pour insister sur
l'importance que nous attachons à ces règles. On peut en
discuter, il n'y a rien de figé dans le ciment. Nous avons fait un
effort pour être objectif, pour nous inspirer de recommandations qui ne
sont pas, à l'origine, les nôtres, qui sont le fruit de
l'expérience et de la sagesse accumulées par les commissions de
comptes publics dans plusieurs juridictions de toute forme et de toute
configuration politique. Le moins qu'on puisse faire, c'est de les
étudier très sérieusement et de les adopter en substance,
presque sans exception, si on veut que notre travail soit profitable. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, M. le
député de Saint-Laurent. Je vous avoue que vous avez beaucoup de
matière dans ces quelques motions et que j'ai certains doutes quant
à la recevabilité des motions, même si je pense que vos
réflexions peuvent être très utiles à l'avenir, mais
c'est surtout par rapport au mandat que la commission des comptes publics a
aujourd'hui. S'il y avait quelqu'un du côté gouvernemental qui
voulait s'exprimer sur leur recevabilité, sans aborder trop le fond,
même si j'ai permis certains accrocs au député de
Saint-Laurent, qu'il le fasse et, ensuite, je verrai plus clairement si on doit
les recevoir ou non. Y a-t-il quelqu'un qui voudrait le faire? M. Parizeau, M.
le député de L'Assomption.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, il y a dans ce qui nous a
été remis ce matin une foule de choses intéressantes sur
lesquelles les ministériels se penchent d'ailleurs depuis
déjà un certain temps. Un rapport préliminaire à
cet effet a d'ailleurs été envoyé il y a
déjà quelque temps à l'Opposition officielle. Nous
trouvons dans un certain nombre des choses qui apparaissent ce matin des
références évidentes à ce document que les
ministériels avaient jugé bon d'envoyer à l'Opposition
encore une fois. Seulement, ce que nous avons devant nous, c'est plus que de
simples modalités; il ne s'agit pas de s'entendre avec nous ce matin
pour modifier un peu le fonctionnement de la commission qui a été
convoquée en vertu de l'article 140 de notre règlement.
C'est une transformation de la commission; en fait, c'est
l'établissement d'une nouvelle commission. Ce ne sont pas des
changements de règles de procédure. En vertu de l'article 140, on
convogue la commission de ce matin et, ce matin, on nous dit: Nous ne voulons
pas de cette commission; on en voudrait une autre. On s'appuie pour ce dire sur
deux choses, enfin plutôt sur un principe général. Tout le
monde semblerait être d'accord ailleurs sur ce genre de chose. En somme,
cela nous est présenté comme l'aboutissement chez nous de ce qui
serait coutumier ailleurs et de ce qui serait d'ailleurs l'expression de
recommandations récentes par les vérificateurs
généraux, par ce rapport auquel on faisait allusion et
intitulé "La commission des comptes publics et les vérificateurs
législatifs". Cela n'est pas le cas, M. le Président.
C'est ainsi, par exemple, que, si la première motion est
effectivement le relevé de ce qu'on retrouve dans le rapport que je
viens de mentionner, la motion 3 ouvre, si je peux m'exprimer ainsi, du droit
nouveau. Qu'il s'agisse du premier considérant, qu'il s'agisse ensuite
des trois premières résolutions, il s'agit de quelque chose de
tout à fait différent du rapport qu'on nous présentait et
il n'est pas évident non plus qu'ailleurs, ce soit comme cela que
ça fonctionne. À quel point tout cela représente à
la fois du nouveau pas nécessairement non intéressant, mais du
nouveau, on le voit bien quand il s'agit de la dernière
sous-résolution de la motion 3, lorsque, tout à coup, comme par
un oubli, on vient ajouter oralement la prise de serment, comme si
c'était un détail. On voit bien qu'encore une fois il s'agit
d'une transformation majeure originale, bien sûr, calguée à
certains égards sur ce qui se fait ailleurs, totalement nouvelle dans
d'autres cas, impliquant des règles juridiques
qui n'ont rien à voir avec nos commissions élues, telles
qu'elles existent à l'heure actuelle. Je pense qu'on aura, dans les
semaines et dans les mois qui viennent, à discuter longuement de
certains des aspects de ces motions. Je pense que les ministériels vont
arriver aussi avec un certain nombre de choses qui, parfois, se recoupent et
parfois sont différentes, mais on ne crée pas une commission
complètement nouvelle dans notre système sans l'avoir
examinée un peu. On ne chanqe pas la nature juridique et la nature
politique des rapports qu'il y a au niveau de l'administration publique dans
ses rapports avec les parlementaires, à l'occasion d'une simple motion
de procédure. Cela s'examine et il faut l'examiner. (11 h 30)
Nous sommes parfaitement conscients du rôle que doit jouer la
commission qui examine le rapport du Vérificateur général.
Nous sommes parfaitement conscients que le Québec n'est pas, à
cet égard, tout à fait d'avant-garde. C'est le moins qu'on puisse
dire.
Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il faut refaire
éventuellement cette commission. Mais ce que nous avons devant nous
à l'heure actuelle, c'est une commission d'élus, convoquée
en vertu de l'article 140, avec un mandat, et ce mandat n'est pas de demander
à la commission actuelle de préparer une nouvelle commission. Le
mandat de la commission actuelle, en vertu de l'article 140, est d'examiner le
rapport du Vérificateur général pour l'année
1979-19B0, et, dans ce sens, M. le Président, j'ai des doutes
sérieux sur la recevabilité de ces motions.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le
député de l'Assomption. J'ai toujours mes doutes aussi. Je
pense...
M. Forget: M. le Président, spécifiquement sur la
recevabilité.
Le Président (M. Bordeleau): Sur la recevabilité,
je veux quand même prendre le temps de les examiner plus à fond.
Pour cela, je vais demander votre clémence pour m'en donner le temps.
Mais je veux d'abord vous rappeler que le mandat premier de la commission et le
seul mandat actuel, c'est d'abord d'étudier le rapport du
Vérificateur général 1979-1980. Nous avons ici le
Vérificateur général qui est le signataire du rapport,
ainsi que le nouveau Vérificateur général du
Québec, qui attendent ici depuis dix heures ce matin.
Je pense que la priorité de la commission serait d'abord
d'étudier le rapport. Je vous demanderais simplement de reporter la
recevabilité des motions à la séance de cet
après-midi, peut-être vers quinze heures, ce qui nous permettrait
d'entendre ce matin les deux personnes qui représentent le
Vérificateur général et je rendrai ma décision au
début de la séance de cet après-midi.
M. Forget: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Sur cette question et sur la question de
recevabilité, parce que les deux sont liées, dans le fond, je
crois que vous trouverez d'abondants précédents - non seulement
je le crois, mais j'en suis persuadé - des travaux des commissions
parlementaires qui indiquent qu'il est tout à fait normal et coutumier,
au début des travaux de quelque commission parlementaire que ce soit,
que des motions préliminaires soient présentées et
débattues quant à l'organisation, et à l'ordonnancement
des travaux de cette commission.
Ne mélangeons pas les choses. Il ne s'agit pas de changer le
mandat. Il ne s'agit pas de dire: Nous n'étudierons pas le rapport du
Vérificateur général. Il s'agit de dire comment nous
allons étudier le rapport du Vérificateur général
et quelles questions nous devons avoir à l'esprit quand nous
étudierons ce rapport. Est-ce que l'on veut savoir s'il est bien
imprimé, le rapport du Vérificateur général? Est-ce
qu'on veut savoir si les couleurs de la couverture sont des couleurs qui font
notre affaire? Effectivement cette année, M. le Président, le
couvert est rouqe.
Ce n'est pas cela examiner le rapport du Vérificateur
général. On a des objectifs en vue. Est-ce que les objectifs que
nous avons en vue sont les mêmes que les objectifs que le gouvernement a
en vue? Il est normal, je pense, de dire au début de nos travaux:
Entendons-nous sur les objectifs. Il ne s'agit pas de les approuver. Il ne
s'agit pas d'approuver le rapport du Vérificateur général,
comme lorsqu'on approuve ou qu'on désapprouve un projet de loi. Il
s'agit de les étudier. Mais les étudier dans quelle perspective?
De les étudier avec quelles préoccupations? Simplement de savoir
s'il y a quelqu'un qui a volé 1 000 000 $? Je pense que personne ne
suppose une chose comme celle-là.
Il y a donc des préoccupations probablement qui vont
au-delà de la simple correction formelle des états financiers,
mais aussi des questions d'économie dans la gestion, des questions
relativement à la perception des impôts. Ce n'est que faire la
liste, pour ce qui est de la première motion.
Quand il s'agit de changer le mandat, quand il s'agit de changer la
forme de la commission, comme le ministre des Finances le dit, nous n'exprimons
qu'un voeu. Et cela aussi, M. le Président, il y a de nombreux
précédents permettant à une commission
d'exprimer des voeux sur à peu près n'importe quoi.
On pourrait, à la limite, dire que nous souhaitons qu'il fasse
beau demain. Et c'est tout à fait réqulier et recevable. C'est
non pertinent, malheureusement ou heureusement, mais c'est tout à fait
réqulier. Nous pouvons exprimer des voeux sur n'importe quoi et nous
pouvons, relativement à l'ordonnancement de nos travaux, décider
de ce que nous voulons bien décider.
Que l'on me cite des articles qui interdiraient à la commission
d'organiser son travail. J'ai eu moi-même, en commission parlementaire,
de nombreux débats, à savoir s'il fallait que telle ou telle
personne soit invitée à comparaître ou non, qu'il fallait
étudier certains articles paraqraphe par paraqraphe ou globalement, etc.
Ce sont des débats qui ont duré fort longtemps, M. le
Président, qui précédaient très
qénéralement et qui doivent toujours précéder le
travail substantif de la commission.
Il n'y a rien là que ce que nous faisons toujours pour des fins
beaucoup moins importantes. Je pense qu'il est abondamment
démontré que nous n'avons aucune tradition, hélas, dans ce
Parlement québécois, relativement à l'étude des
comptes publics. Il ne faudrait quand même pas se mettre au travail sans
au moins se poser la question: Comment va-t-on étudier le rapport du
Vérificateur général? N'importe comment, comme semble
sugqérer le ministre des Finances? Je pense que c'est une réponse
un peu simpliste. Sûrement pas n'importe comment. L'expérience de
plusieurs Parlements démontre qu'il y a des façons utiles
d'examiner le rapport du Vérificateur général et il y a
des façons tout à fait inutiles, complètement
stériles, même.
Nous avons la responsabilité, pas de réinventer les
boutons à quatre trous, pas d'étudier pendant quatre ans,
à savoir si oui ou non on devrait avoir une commission des comptes
publics, mais, aujourd'hui, profitant de ce travail qui est fait... J'imagine
qu'on a réfléchi de part et d'autre à ce qu'on venait
faire ici. J'imagine qu'on ne s'est pas levé ce matin, en disant: II y a
la commission des comptes publics, on va commencer à y penser. On y a
pensé tous et chacun d'entre nous suffisamment pour arriver ce matin
avec des conclusions, sinon on a fixé la date au mauvais moment. Ce
n'est pas pour ne pas avoir attendu, M. le Président, on a quand
même attendu assez longuement.
Je crois que les motions que je présente sont tout à fait
recevables. La motion qui vise le mandat, la seule qui vise le mandat, est
exprimée sous forme de voeu, ce qui la rend recevable. Quant au reste,
l'audition des témoins, on sait très bien qu'on peut inviter en
commission parlementaire à peu près n'importe qui.
L'Assemblée nationale a un pouvoir de contrainte.
La question de lever le serment est une question qui se pose; je pense
que personne ne peut affirmer sérieusement qu'on invitera des gens pour
témoigner dans des questions délicates, sachant qu'ils ont fait
le serment de ne rien dire, à moins d'être déliés
par une autorité compétente, et de laisser tout ça dans
l'état, en se disant: On va enfin savoir le fond des choses et la
vérité. Il ne faut quand même pas se raconter des
sornettes, on sait très bien que pour que les gens parlent,
fondamentalement, il faut qu'ils aient l'impression que leur position juridique
les autorise à parler, s'ils le font de façon à
compromettre tel ou tel intérêt particulier, et qu'ils sont
protégés devant les cours de justice civile. Il me semble que
c'est le minimum que l'on peut faire à ce moment. On sait très
bien que ces pouvoirs là, les commissions parlementaires les ont.
Les autres commissions des comptes publics, dans d'autres Parlements de
notre genre, M. le Président, on n'est pas si différent de la
plupart des autres, ont réussi à définir des règles
de procédure sans nécessiter des lois catastrophiques; ils ont
tout simplement décidé, au fur et à mesure de
l'expérience, de développer des traditions et des habitudes de
fonctionnement. C'est une chose que nous pouvons faire plus rapidement parce
que, précisément, nous bénéficions de notre
expérience, sans violer un seul texte, sans violer un seul
précédent, sans violer un seul règlement de
l'Assemblée nationale, au contraire, en s'assurant qu'on va assumer
à 100% le mandat qui nous a été confié. C'est la
seule façon de l'assumer que d'adopter, en substance, la grande
majorité de ces propositions.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le
député de Saint-Laurent. Est-ce que ça porte sur le sujet
de la recevabilité, M. le député de L'Assomption? Je vais
vous laisser quelques minutes, je ne voudrais pas qu'on lance une discussion
intéressante, mais un peu académique.
M. Parizeau: II s'agit de savoir, M. le Président, si,
effectivement, c'est une commission tout à fait nouvelle qui nous est
proposée par ces motions. C'est ça qui rend cela recevable ou
pas.
Je tiens à souligner ici la signification tout à fait
particulière de la troisième motion à cet égard.
J'y ai fait allusion tout à l'heure, mais j'y reviens de façon
plus précise. Dans les considérants qui expliquent ensuite les
résolutions qui suivent, on indique - ce n'est pas un voeu, ce serait
une façon de fonctionner pour la commission - qu'on doit examiner
l'exactitude, la fidélité, l'économie et
l'efficacité. Arrêtons-nous à ces quatre mots. Comment
veut-on faire ça ici, aujourd'hui, dans le cadre de la
commission existante, alors qu'au moins deux de ces critères pour
l'examen des comptes publics de 1979-1980 par le vérificateur ne sont
même pas dans le mandat de celui-ci? On pense vraiment qu'on peut faire
oeuvre utile aujourd'hui en posant un jugement sur l'économie et
l'efficacité, alors que les comptes publics de 1979-1980, en vertu du
mandat du vérificateur, ont dû être faits à partir
des critères de l'exactitude et de la fidélité?
C'est à dire que nous, à partir de la commission
d'aujourd'hui, on accepterait le principe de la comptabilité de la
vérification intégrée, alors que cela n'a jamais
été accepté jusqu'à maintenant et que le rapport du
vérificateur de 1979-1980 n'a pas été fait sur cette
base-là. On dit, qu'on va faire un travail sérieux; ce n'est pas
un travail sérieux qu'on va faire aujourd'hui, cela va être de la
riqolade. Si on s'en va vers la vérification intégrée - et
on aura à se décider un moment donné, c'est clair, il y a
beaucoup de pression un peu partout pour qu'on examine cela - si on se
décide à aller du côté de la vérification
intégrée, alors on aura un premier rapport de vérificateur
basé sur ce principe. Celui-là devra être examiné en
conséquence. Il y a quelque chose de totalement illusoire, en un certain
sens de presque puéril, ce matin, de se dire qu'on va examiner en
fonction de notre critère un rapport de vérificateur qui a
été préparé sur la base de deux. Dans ce
sens-là, M. le Président, j'insiste encore, cela me semble
être irrecevable, cette motion; cela chanqe complètement, non pas
le fonctionnement de la commission, mais la nature de la commission.
M. Forget: M. le Président, sur ce point
spécifique, deux minutes.
Le Président (M. Bordeleau): Un instant, M. le
député de Saint-Laurent, je veux d'abord m'exprimer
moi-même parce que vous avez parlé de motions
préliminaires. Là-dessus, je pense qu'on va plus loin que dans
les motions préliminaires; cela n'a pas trait nécessairement
à l'ordre des travaux mais cela va beaucoup plus loin, cela reprend le
mandat de la commission. Je n'accepte pas, à ce moment-ici, que vos
motions soient nécessairement d'ordre préliminaire. Mais je veux
bien vous permettre...
M. Forget:... Vérificateur général, M. le
Président, on va toujours étudier ce rapport. C'est cela le
mandat, il n'y en a pas d'autre. Il n'y a rien là-dedans qui modifie le
mandat que nous avons reçu qui est d'étudier le rapport du
Vérificateur général. Je défie qui que ce soit de
me dire que je mets en doute la mission de cette commission qui est
d'étudier le rapport du Vérificateur général. Je
pose encore une fois la question avec un "C" majuscule, Comment?
M. Parizeau: M. le Président, on y répond de la
façon suivante. Le Vérificateur général a
présenté un rapport, l'Opposition a manifesté son
intérêt, parmi tous les ministères qui sont examinés
dans ce rapport, de voir cinq ministres; c'est pas nous qui avons dressé
la liste des ministres. Tout à coup ce matin on vient nous dire: Ha! ce
n'est plus les ministres qu'on veut voir, c'est les sous-ministres. La
commission devait centrer son attention sur cinq ministres, de la demande
même de l'Opposition officielle. Alors, vous comprendrez, M. le
Président, que d'abord je prends cela pour une manoeuvre ce matin, une
manoeuvre reqrettable, d'ailleurs, parce qu'il y a des sujets très
intéressants là-dedans. Mais une manoeuvre pour changer la nature
même de nos travaux. Dans ce sens, cela reste irrecevable.
M. Forget: M. le Président, là-dessus une question
de privilège; je sais qu'il n'y en a pas techniquement, mais, comme on a
invoqué une demande que nous aurions formulée, on me permettra
d'apporter la précision suivante. J'ai tenté de communiquer
directement avec le ministre des Finances, il y a dix jours; j'ai parlé
à son chef de cabinet pour susciter une rencontre informelle entre nous,
afin de pouvoir discuter privément et d'avance de l'ensemble de
l'approche qui nous animait. Ceci n'a pas été possible, on n'a
pas retourné mon appel. J'ai donc, par l'intermédiaire de nos
services parlementaires, fait savoir au cabinet du leader du gouvernement que,
en plus des questions relevant de la compétence du ministre des
Finances, des questions relevant de la compétence des ministres ou des
ministères qu'il a énumérés, seraient
examinées. Mais j'ai insisté également pour que nos
services transmettent à ceux du leader du gouvernement le message
suivant que nous insistions pour que ces ministres soient accompagnés de
leurs fonctionnaires, de manière que nous puissions avoir des
réponses complètes sur les questions. Je n'ai pas
élaboré dans les circonstances sur le texte des cinq motions,
mais il était très clair que ce sont des ministères qui
comparaissent ici, ce ne sont pas des ministres.
Je ne pouvais pas anticiper le résultat de nos votes, M. le
Président, mais il est très clair que ce sont des
ministères, ce ne sont pas des ministres. Si les ministres sont
présents, tant mieux pour eux, mais nous cherchons à obtenir
toute la vérité administrative et financière, pas
seulement des discours. Je pense que des discours, les ministres peuvent en
faire, ils peuvent aussi obtenir certaines bribes d'informations mais
ce n'est quand même pas eux qui sont responsables au jour le jour
de l'administration financière de leur ministère, sauf dans un
sens politique et constitutionnel; ce n'est pas ce qui intéresse cette
commission ci. (11 h 45)
M. Parizeau: M. le Président, sur une question de
privilège aussi, puisque vous en avez accordé une, j'imagine que
je peux avoir la pareille.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, mais, auparavant,
j'aimerais qu'on clarifie la question de la présence des ministres ou
des ministères, parce que ça m'apparaît important pour la
suite de nos travaux. Si c'est sur ce sujet, M. le député de
L'Assomption, allez-y.
M. Parizeau: Je reprends ce que le député de
Saint-Laurent vient de dire. Dans la mesure où le rapport du
Vérificateur général est présenté à
l'Assemblée nationale, dans la mesure aussi où le
Vérificateur général est nommé par
l'Assemblée nationale, je considère mon rôle ici comme
étant celui d'un ministre parmi d'autres. Quand on a fait appel à
moi pour organiser les travaux quant au rapport du Vérificateur
général, j'ai envoyé ça aux leaders. Il
m'apparaissait normal que les deux leaders de l'Assemblée nationale
établissent les règles du jeu.
Quant à savoir si cinq ministres sont convoqués
plutôt que cinq ministères, nous fonctionnons selon la
procédure habituelle, c'est-à-dire que je ne me suis jamais
présenté en commission sans avoir un certain nombre de
fonctionnaires avec moi, et il a été clair, dès le
départ, que c'était ça. Jamais, jusqu'à maintenant,
on ne s'est fait dire qu'on allait, les cinq d'entre nous, parader, si je puis
m'exprimer ainsi, devant la commission avec nos fonctionnaires selon des
règles autres que celles qu'on a toujours suivies.
M. Forget: Si les fonctionnaires sont là, on leur parlera
aussi.
Une voix: Ce n'est pas ça qui va...
M. Parizeau: Ce n'est pas du tout ce que dit la motion.
Le Président (M. Bordeleau): Je reviens à ce que je
disais tantôt. Ce ne sont pas nécessairement des motions
préliminaires, ça va beaucoup plus loin que ça. C'est
pourquoi je voudrais me réserver un peu de temps, pendant l'heure du
lunch, pour regarder ce point de plus près. Notre mandat étant
d'entendre le Vérificateur général et d'étudier son
rapport, je voudrais donner la parole immédiatement au
Vérificateur général, M. Gérard Larose... M. le
député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Dans l'éventualité, que je comprends
fort bien, où vous devriez prendre en délibéré
cette question des motions préliminaires, je fais motion pour que nous
suspendions nos travaux jusqu'à 14 heures, ou à une heure
convenable, de manière que nous ayons d'abord vos décisions avant
que nos travaux se poursuivent.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. La commission
suspend...
M. Pagé: Vous venez de donner votre accord, M. le
Président. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va, 14 heures? La
commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 11 h 48)
(Reprise de la séance à 14 h 13)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre,
messieurs!
La commission parlementaire des finances et des comptes publics reprend
les travaux suspendus ce matin. Je vous avais annoncé, à ce
moment, que je serais prêt à rendre ma décision au sujet
des motions présentées par le député de
Saint-Laurent. Je vais donc le faire immédiatement.
Décision du président
Concernant les cinq motions présentées par le
député de Saint-Laurent, j'ai écouté avec la plus
grande attention les arquments de part et d'autre. J'ai réfléchi
pendant l'heure du dîner sur les arquments présentés. C'est
surtout parce que c'est un devoir, et non parce que c'est un plaisir de se
prononcer sur la recevabilité de chacune de ces motions.
Pour les prendre une par une, dans l'ordre suivant lequel elles ont
été présentées devant la commission, en ce qui a
trait à la motion 1, sur le rôle de la commission des comptes
publics, cette motion a pour fins de définir principalement le
rôle de la commission, en l'occurrence celle des comptes publics. Le
rôle des commissions élues est établi par l'article 151 du
règlement. Ce règlement permet toutefois d'élargir le
rôle habituel des commissions parlementaires en mentionnant que
l'Assemblée nationale peut leur déférer toute autre
matière. C'est d'ailleurs en vertu d'un tel mandat que nous pouvons
aujourd'hui entendre le Vérificateur général du
Québec. Si les membres ou l'ensemble des membres de l'Assemblée
nationale désirent modifier le rôle d'une commission, accorder
à une
commission des pouvoirs différents de ceux prévus à
l'article 151, ou s'ils désirent accorder à une commission
parlementaire, quelle qu'elle soit, un statut particulier qui lui fasse
échapper en partie ou en totalité à l'économie
générale en ce qui concerne l'article 151, ils devront pour ce
faire s'adresser directement à l'Assemblée nationale ou à
la commission de l'Assemblée nationale qui, selon l'article 137, peut
établir le règlement de l'Assemblée. Une commission autre
que la commission de l'Assemblée nationale n'a pas ce pouvoir, et notre
commission en est une. C'est pourquoi cette première motion aurait pour
effet de modifier le règlement. Elle ferait faire à notre
commission quelque chose d'ultra vires. Je la juge donc irrecevable.
M. Forget: M. le Président, est-ce qu'il sera possible de
vous poser quelques questions d'éclaircissement?
Préférez-vous que j'attende à la fin ou que je le fasse
sur chacune?
Le Président (M. Bordeleau): Je pense avoir suffisamment
été éclairé. Je préfère porter mon
jugement sur...
M. Forget: Je ne veux pas faire de plaidoyer, je ne désire
que poser des questions.
M. de Belleval: M. le Président, que je sache, votre
décision n'appelle pas de questions particulières ou de
commentaires.
Le Président (M. Bordeleau): Vous avez raison. Je ne
discuterai pas de ma décision après l'avoir rendue sur les cinq
motions.
M. Forget: J'aimerais être bien sûr de la comprendre,
M. le Président. C'est la raison pour laquelle je fais cette
intervention...
M. de Belleval: On vous fera un dessin.
M. Forget: Parce que vous avez fait allusion à des
règles qui existent actuellement et qui, selon vous, régiraient
nos travaux. J'aimerais que vous nous référiez très
spécifiquement aux règles qui sont censées régir
nos travaux, parce que je dois avouer ne les avoir trouvées nulle
part.
M. de Belleval: Mais, M. le Président, vous n'êtes
pas ici pour donner des leçons de procédure parlementaire au
député de Saint-Laurent qui...
M. Forget: Le député sera conscient de cela, on
peut demander une directive à un président.
M. de Belleval: Je suggérerais, M. le Président,
que vous lisiez vos décisions sur les cinq motions; ensuite, on
verra.
Le Président (M. Bordeleau): C'est exactement ce que je
m'apprête à faire. Je n'ai pas l'intention de laisser discuter de
mes décisions après les avoir rendues.
M. Forget: Ah bon! après, très bien.
Le Président (M. Bordeleau): En ce qui a trait à la
motion 2, qui porte sur le mandat de la commission des comptes publics, que la
commission des comptes publics détient de l'Assemblée, elle porte
sur un mandat permanent que l'on voudrait voir attribuer à la commission
des comptes publics. Si elle n'était pas exprimée sous forme de
voeu, elle aurait pour fin de modifier également la nature des
commissions parlementaires telles qu'on les connaît actuellement, mais en
vertu de notre procédure parlementaire normale, notamment par le biais
de l'article 151, comme la motion précédente, elle serait ultra
vires. Elle est cependant exprimée sous forme d'un voeu adressé
à l'Assemblée nationale qui l'invite à modifier la Loi de
la Législature et les règlements de l'Assemblée. Je pense
que, là-dessus, le député de Saint-Laurent a eu raison
d'alléquer qu'à l'ouverture d'une première séance
d'une commission parlementaire, la présidence a déclaré
admissibles déjà dans le passé des motions exprimant des
voeux. Il est vrai qu'il faut être, je pense, plus permissible à
l'endroit des voeux que sur des motions qui constituent plutôt des
ordres. Je me permets toutefois de dire que chaque fois qu'a été
acceptée en commission parlementaire une motion exprimant un voeu qui
s'adressait à une personne ou à un organisme autre, à
l'extérieur de la commission, le voeu était toujours relié
au mandat précis de la commission au mandat pour lequel elle se
réunissait.
D'ailleurs, dans tous les propos que j'ai pu relever sur des motions
traitant de voeux, les membres de la commission qui prenaient la parole sur le
fond de la motion en question alléguaient toujours que la commission
pourrait mieux remplir son mandat précis du jour pour lequel elle
s'était réunie - aujourd'hui ou dans les jours prochains - si on
se conformait au voeu exprimé par la motion. Mais la motion que nous
avons devant nous, soit la motion no 2, exprime un voeu, c'est exact, mais un
voeu qui ne peut avoir d'effet immédiat sur l'organisation de nos
travaux d'aujourd'hui, puisqu'il invite à modifier ultérieurement
la Loi de la Législature et le règlement de l'Assemblée et
qu'il n'est pas confiné au mandat précis que nous avons
reçu, soit d'examiner le rapport du Vérificateur
général, puisqu'elle a pour fins de modifier
de façon permanente le rôle de la commission des comptes
publics, son fonctionnement et même sa structure et son organisation. Je
pense que nous n'avons pas ce mandat aujourd'hui. Pour ces raisons, je me dois
de déclarer la motion no 2 également irrecevable.
En ce qui concerne la motion no 3 qui parle des témoignages,
cette troisième motion, si elle était adoptée, aurait pour
effet non seulement de modifier les règles de pratique que seule -
dois-je le répéter encore une fois? - la commission de
l'Assemblée nationale ou l'Assemblée nationale comme telle peut
adopter pour les autres commissions, mais également le règlement
de l'Assemblée nationale et même la Loi sur la Législature,
quant à l'immunité attachée aux témoignages devant
une commission - je pense qu'on en a discuté un peu ce matin - et
également d'autres lois, quant au serment de discrétion des
fonctionnaires. Je considère donc que cette troisième motion est
également irrecevable.
En ce qui a trait à la motion no 4 qui traite du rapport de la
commission des comptes publics, sur cette motion, je dois dire que, dans
l'état actuel de notre droit et de notre procédure parlementaire,
rien ne s'oppose, dans notre règlement, à ce qu'un membre de
l'Opposition soit désigné comme rapporteur d'une commission. Rien
ne s'oppose également à ce que le rapport d'une commission
contienne tous les éléments évoqués dans la motion.
Rien ne s'oppose également à ce qu'une commission puisse
décider de siéger à huis clos. Cependant, si on veut
rendre tous ces éléments obligatoires, il faut modifier le
règlement, puisque le règlement n'en parle pas, et établir
de nouvelles règles de pratique qui sont un pouvoir que seule la
commission de l'Assemblée nationale ou l'Assemblée nationale
comme telle peut recevoir et peut discuter. Je déclare donc la motion no
4 également irrecevable.
La motion no 5 traite de la participation du Vérificateur
général aux travaux de la commission des comptes publics. Si,
dans le règlement, il n'y a rien qui s'oppose à ce que le
Vérificateur général ou son représentant participe
en permanence aux travaux de la commission des comptes publics, cela veut donc
dire que c'est une motion sans objet, sans corps, donc irrecevable. Par contre,
si quelque chose s'y oppose, et je le crois, ce n'est pas notre commission qui
peut décider de modifier le règlement là-dessus. Cette
résolution vise peut-être à modifier notre système
de fonctionnement de nos commissions parlementaires, et je le pense, elle vise
pour le moins à établir, pour la présente commission, des
règles de pratique différentes de celles qui régissent les
autres commissions, qui régissent donc la commission des comptes
publics. Seule la commission des enqagements financiers peut, en vertu du
règlement, établir ses propres règles de pratique. Pour
les autres, y compris la nôtre, c'est le règlement qui
prévaut et, encore là, seule la commission de l'Assemblée
nationale peut établir des règles de pratique. Je la
déclare donc également irrecevable.
En conclusion, je pense que toutes ces motions sont quand même
tout à fait intéressantes; elles sont de nature à apporter
un éclairage nouveau, une amélioration de nos commissions
parlementaires. Ces motions sont également de la même nature que
celles qu'on voit régulièrement inscrites au feuilleton de
l'Assemblée nationale et qui pourraient être soumises, selon le
cas, devant la commission de l'Assemblée nationale ou à ce qu'on
appelle les débats du vendredi. Tout en étant
intéressantes, je pense que le mandat de notre commission aujourd'hui
est essentiellement, dans le cadre de nos règles de pratique actuelles,
d'étudier le rapport du Vérificateur général et je
me dois de revenir à l'objet de notre réunion qui est
d'étudier le mandat du Vérificateur général.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, je vous laisse quelques instants pour me dire de quoi vous
voulez parler, mais je vous avise, dès maintenant, que je n'accepte pas
qu'on discute de ma décision.
M. Forget: Ne soyons pas trop défensifs, M. le
Président. Je pense que vous venez de prendre des décisions qui
sont extrêmement importantes. Si on devait les interpréter comme
établissant des règles générales relativement aux
pouvoirs qu'ont ou n'ont pas les commissions parlementaires, il faudrait - je
pense que ce serait inévitablement le cas, à moins que des
précisions ne soient apportées - conclure que les commissions
parlementaires, quelles qu'elles soient, n'ont aucun pouvoir pour organiser
leur travail. Il m'apparaît curieux -mais j'aimerais, M. le
Président, que vous m'instruisiez sur le sujet - que l'on affirme qu'une
chose qui n'est strictement défendue nulle part ne peut être faite
en dépit de l'absence d'une interdiction.
Je ne pense pas que l'on peut retrouver - mais, encore une fois, c'est
une question que je vous pose - dans les règlements de
l'Assemblée nationale ou la Loi sur la Législature des
dispositions qui interdisent à une commission parlementaire d'organiser
son travail en fonction de ce qui lui apparaît être une
façon efficace de procéder, une façon fructueuse de
procéder. J'aimerais savoir en vertu de quel article de notre
règlement ou de la Loi sur l'Assemblée
nationale vous jugez irrecevables des motions qui n'ont pour but que
d'organiser nos travaux, qui ne contredisent aucune disposition
impérative de nos règlements, ni ne s'y opposent.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, comme j'ai dit tantôt, je ne reviendrai pas sur l'objet ou
la nature même de ma décision, mais je pense que vos motions tout
en étant intéressantes, ne relèvent pas du mandat que nous
avons aujourd'hui, mais...
M. Forget: Cela est une question d'opportunité, M. le
Président...
Le Président (M. Bordeleau); C'est essentiellement
là-dessus...
M. Forget:... c'est un jugement d'opportunité que vous
n'êtes pas en mesure de trancher, parce votre rôle n'est pas de
juger de l'opportunité des motions. Vous pourrez laisser cela à
notre collègue, le ministre des Finances, qui pourrait très bien
demander à ses collègues de voter contre ces motions. Je
soupçonne d'ailleurs qu'ils sont fort soulagés actuellement de
vous voir faire ce travail à leur place. Cependant ce n'est pas une
question d'opportunité, c'est une question où l'on demande
où est l'interdiction dans la loi de l'Assemblée nationale et de
notre règlement en vertu desquels une commission parlementaire n'aurait
pas le droit d'organiser ses travaux efficacement.
M. Grégoire: M. le Président, si vous me le
permettez.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Frontenac.
M. Grégoire: Une commission parlementaire a le droit
d'organiser ses travaux et efficacement; elles le font toutes, quand elles le
veulent, et c'est notre intention aussi. Seulement, une commission
parlementaire ne peut pas changer les règles établies de la
procédure...
M. Forget: Lesquelles?
M. Grégoire:... sauf que ces règles peuvent
être changées et le député de Saint-Laurent
comprendra fort bien comme moi, je vais revenir et lui dire lesquelles...
M. Forget: De quelles règles s'agit-il? M.
Grégoire: Je vais y revenir.
M. Forget: Et à quoi précisément fait-il
allusion?
M. Grégoire: Je vais revenir et lui dire à quelles
règles, M. le Président. Les règles
générales sont les mêmes règles qu'à
l'Assemblée nationale, qui s'appliquent mutatis mutandis, sauf peut
être que tout cela, les règles, les habitudes, les méthodes
de procéder peuvent être changées et, pour ce faire, il y a
une commission spéciale qui a été créée pour
cela, c'est la commission de l'Assemblée nationale, qui s'occupe de la
réforme parlementaire. Or, s'il y a eu une commission spéciale
créée pour cela, la commission de la réforme
parlementaire, c'est pour permettre aux autres commissions d'agir en fonction
du mandat qui leur a été donné par l'Assemblée
nationale. Or, le mandat qui a été donné à notre
commission, c'est d'étudier le rapport du vérificateur et non pas
de changer les règles, qui sont les règles de l'Assemblée
nationale s'appliquant aux commissions parlementaires, mutatis mutandis.
Le député de Saint-Laurent, s'il croit avoir de bonnes
motions, ce que je ne contredis pas, sait fort bien, cela existait dans son
temps, cela existait avant lui, cela existait depuis longtemps, qu'il y a une
commission spéciale pour cela, c'est la commission de l'Assemblée
nationale, dont le mandat est d'étudier la réforme parlementaire.
Qu'il s'adresse donc au bon endroit, qu'il s'adresse donc à la bonne
commission, qu'il frappe donc à la bonne porte. Pendant ce temps, les
autres commissions parlementaires comme la nôtre pourront travailler en
fonction du mandat qui leur a été donné. Le nôtre,
M. le Président, et je ne sache pas qu'il ait changé, c'est
d'étudier le rapport du Vérificateur général lors
de cette commission. Si le député de Saint-Laurent a cru bon
d'arriver avec des motions, c'est qu'il veut changer des choses. Il peut faire
tout cela, mais à une autre commission. Ce n'est pas compliqué,
cette commission va siéger encore la semaine prochaine. Elle
siège régulièrement. Le député de
Saint-Laurent est assez influent dans son parti, il a assez son mot à
dire pour demander à son leader parlementaire ou à son whip
d'être membre de la commission parlementaire portant sur la
réforme de l'Assemblée nationale et y faire ses suggestions.
Pendant ce temps, on va continuer à remplir le mandat qui nous a
été donné.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, un instant, s'il vous plaît!
M. Forget: M. le Président, l'affirmation qui est faite
actuellement est absolument fausse; d'ailleurs, ce n'est qu'une diversion. Il
ne s'agit pas de changer les règles, il n'en existe pas pour la
présente commission.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, s'il vous plaît!
M. Forget: Vous le savez très bien. Elle n'a jamais
siégé depuis des années, elle n'a jamais établi de
tradition. Il s'agit d'en établir. M. le Président, il y a une
erreur de droit dans votre décision que je me dois de souligner.
Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, M. le
député de Saint-Laurent!
M. de Belleval: Respectez l'intervention du président.
Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, M. le
député de Saint-Laurent, je vous ai averti au départ, je
ne reviendrai pas là-dessus.
M. Forget: II y a une erreur de droit et c'est mon droit de
parlementaire de soulever une erreur de droit dans la décision que vous
venez de rendre.
M. de Belleval: Vous n'avez pas le droit de faire cela.
M. Forget: Je prends le droit parce qu'on nous informe de
façon erronnée. M. le Président, vous avez affirmé
que la troisième motion contredisait une loi de l'Assemblée
nationale, en particulier, une prétendue loi sur le serment des
fonctionnaires. Or, il n'y a pas de loi sur le serment des fonctionnaires. Il y
a un serment d'office. Vous savez très bien quel est le contenu de ce
serment d'office.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, je m'excusel Je ne reviendrai pas sur ma décision.
À l'ordre! À l'ordre! (14 h 30)
M. Forget: M. le Président, vous n'avez absolument pas le
droit de baser votre décision et nous n'avons pas l'intention d'accepter
une décision qui est basée sur une erreur de droit, en plus de
tout ce qu'on pourrait dire sur les tenants et aboutissants des arguments qui
ne sont pas justifiés, qui ne sont pas motivés dans votre
décision. Nous avons le droit d'exiger une décision
motivée.
M. Grégoire: M. le Président, si vous me
permettez...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire:... je réalise fort bien - le
député de Saint-Laurent a commencé à le laisser
entendre ce matin - qu'il ne veut pas que la commission des comptes publics
siège.
S'il veut en appeler de votre décision, il sait que le seul appel
qu'il peut porter, c'est un appel à l'Assemblée nationale qui,
elle, siégera à partir du 20 octobre. Cela continue ce que le
député de Saint-Laurent a laissé sous-entendre ce matin,
probablement parce qu'il s'aperçoit qu'il n'y a rien à reprocher
à ce gouvernement dans les comptes publics, qu'il s'aperçoit que
le gouvernement, le ministre des Finances et les autres ministres vont en
sortir la tête haute et avec les honneurs de la confrontation, j'en suis
convaincu. C'est pourquoi je m'aperçois qu'il veut essayer de remettre
les débats de cette commission en disant qu'il va en appeler de votre
décision, alors qu'il sait qu'il ne peut en appeler qu'à
l'Assemblée nationale.
Qu'il cesse, M. le Président! Je crois que c'est un bon conseil
à lui donner, bien que je n'en aurais pas à lui donner, cela fait
longtemps qu'il siège ici. Il sait qu'on n'insulte pas la
présidence comme cela, qu'il faut avoir du respect. C'est un
règlement de l'Assemblée nationale, le respect de la
présidence, qui s'applique également aux commissions. Le
député de Saint-Laurent devrait avoir ce respect de la
présidence, que tous les députés, depuis cinq ans que je
sièqe ici, ont eu, à mon avis. Je suis réellement
choqué de voir qu'on manque de respect à la présidence ce
matin.
M. Forget: Je trouve éloquent le silence du
député de Trois-Rivières à cette commission, alors
qu'il laisse à son collègue de Frontenac le soin de parler de la
réforme parlementaire. Cela démontre très bien l'esprit
qui inspire les travaux de cette commission et qui inspire le gouvernement en
venant ici. On veut se livrer à une opération de maquillage.
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît, M. le député de Saint-Laurent.
M. le député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, si vous permettez, je
demanderais d'abord à la commission la permission de m'adresser à
elle, puisque je ne suis pas membre régulier de cette commission.
Le Président (M. Bordeleau): II n'y a pas d'opposition.
Cela va?
M. Forget:...
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, je remercie la commission de
me donner ce droit. Je suis un peu déchiré entre le fait que je
reconnaisse le bien-fondé de votre décision et, en même
temps, à la lecture
que j'en ai faite à l'heure du lunch, que je trouve beaucoup de
bien-fondé aux propositions du député de Saint-Laurent.
J'imagine que vous avez été à la fois
déchiré entre l'application du règlement -tant qu'il n'est
pas modifié, vous devez le faire - et ce que nous a raconté dans
ses motions le député de Saint-Laurent.
Dans les circonstances, puisque...
M. Forget; Vous autres, vous êtes toujours
déchirés quand il s'agit de prendre de bonnes
décisions.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, s'il vous plaît!
M. Charron: J'allais faire...
M. Forget: Arrêtez de vous déchirer et prenez une
décision.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, s'il vous plaît!
M. Forget: Mettez vos grandes culottes pour une fois et prenez
une décision, plutôt que de vous cacher derrière le
président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, s'il vous plaît! Je vous demanderais d'être quand
même...
M. Grégoire: J'ai l'impression que vous ne connaissez pas
les règlements.
M. Charron: Je ne suis pas déchiré du tout, M. le
Président, en ce qui me concerne...
M. Forget: Non, cela paraît!
M. Charron:... dans la proposition que je vais faire au
député de Saint-Laurent. S'il peut calmer ses nerfs un peu et
l'accueillir, se refroidir et la juqer, il nous donnera sa réponse.
À ce qu'il me semble, si son indignation n'est pas simplement feinte
actuellement, si elle est sincère, il va mesurer la proposition que je
vais lui faire. J'ai des doutes, mais si l'intention du député de
Saint-Laurent ce matin était sincère pour que cette commission
fonctionne mieux, qu'elle aille dans le sens des propositions, par exemple, que
notre collègue de Trois-Rivièves a déjà mises
à l'étude, au sein de l'Assemblée nationale, et qui seront
très sérieusement prises en considération par la
commission de l'Assemblée nationale, comme l'a dit le
député de Frontenac, par l'Assemblée elle-même par
la suite, si ce n'était pas un traquenard de sa part - en ce
sens-là, je peux avoir des doutes, parce que je le connais très
bien...
M. Forget: Est-ce qu'il s'agit d'une imputation de motifs de la
part... M. Charron: Non, pas du tout.
M. Forget: On lui a donné la permission de s'adresser
à nous, mais je n'ai pas l'intention de tolérer ce genre de
langage.
M. Charron: Non.
M. Forget: S'il a à dire quelque chose de constructif,
qu'il le dise et qu'il arrête d'imputer des intentions.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Jacques.
M. Charron: Si ce n'est pas cela, M. le Président, ce doit
être la sincérité qui jaillit spontanément du
député de Saint-Laurent. À cet égard, si le
député se sent mal à l'aise de remplir le mandat de la
commission dans les règles habituelles de cette commission, c'est vrai
que cette commission ne s'est pas réunie souvent, et vous êtes
sous le point d'appliquer des règlements qui font que, lorsqu'elle s'est
réunie, elle se réunissait comme cela. J'ai vécu cette
expérience d'être un député de l'Opposition dans une
commission des comptes publics, avec le Vérificateur
général, et de devoir fonctionner comme vous vous apprêtiez
à la faire fonctionner, parce que c'était le même
règlement à l'époque aussi.
C'est vrai qu'il n'a pas été touché. Mais faire une
proposition très nette et ouverte comme cela, puisque c'est à moi
à convoquer les commissions parlementaires, tant que le règlement
ne sera pas chanqé, si le député souhaite étudier
le rapport du Vérificateur général pour l'année
1979-1980, le mandat de cette commission, avec l'utilisation d'autres
règles qui iraient dans le sens - là, je le dis très
franchement - de ce qu'il a mis sur table ce matin, parce qu'il n'a pas
découvert le Pérou, il a à peu près copié ce
que le député de Trois-Rivières a écrit dans son
projet de réforme; autrement dit, on voit donc l'objet d'un consensus
à l'horizon sur la façon dont devrait fonctionner cette
commission des comptes publics. Donc, si nous laissons la commission de
l'Assemblée nationale, en priorité, examiner ce que devrait
être la commission des comptes publics, faire rapport à
l'Assemblée nationale pour que celle-ci, selon notre règlement,
modifie le règlement pour donner à la commission des comptes
publics un nouveau mode de fonctionnement à la lumière des
suggestions du député de Trois-Rivières ou du
député de Saint-Laurent, qu'il y ait donc de nouvelles
règles que vous soyez chargé d'appliquer par la suite, M. le
Président, je suis d'emblée prêt à offrir que nous
retardions l'étude du rapport du vérificateur 1979-1980 de
quelques semaines,
c'est-à-dire jusqu'à ce que s'établisse entre nous
un concensus. Ce consensus ne sera pas difficile à établir, parce
que, encore une fois, selon le texte même déposé sur la
table, ce matin, et sur les réflexions que nous avons, je crois que nous
allons l'atteindre assez rapidement et reconvoquer MM. les vérificateurs
qénéraux du Québec, qui nous font l'honneur d'être
là, à une séance cet automne, alors que nous aurions cette
fois, entre nous, fixé des règles de pratique qui feraient que la
commission, lorsqu'elle pourrait commencer ses travaux, le ferait à la
lumière d'un consensus nouveau de l'Assemblée nationale.
Encore une fois, il ne me croira pas, mais je suis d'accord avec lui, la
règle d'étude de la commission des comptes publics - vous n'avez
pas le choix que de l'appliquer - c'est une règle caduque. Elle
était caduque quand j'ai vécu dedans, elle est encore caduque
aujourd'hui, mais tant qu'ensemble, ailleurs, nous ne trouverons pas un moyen
de la changer, c'est malheureusement le cas.
Je conclus sur cela, M. le Président. Quand l'Opposition a
proposé, en juin 1980, que le rapport du Vérificateur
général soit rendu public, lorsque l'Opposition a demandé
qu'une commission des comptes publics ait lieu, sur-le-champ, le premier
ministre a accepté. Il m'a chargé d'organiser cette rencontre.
Après consultation, nous avons convenu que cette rencontre aurait lieu
dans ces semaines-ci plutôt qu'au début de l'été, de
l'accord de tout le monde, il y a eu des rencontres bipartites et nous nous
sommes organisés en fonction des règles écrites, actuelles
et prescrites.
Par exemple, j'ai demandé à l'Opposition de me dire, selon
la tradition actuelle, quels ministres en particulier allaient être
interrogés lors de l'étude des pages du rapport du
Vérificateur général. L'Opposition s'est
prêtée de bon jeu et m'a signalé que cinq de mes
collègues seraient normalement interrogés. Je me suis
assuré que ces cinq collègues seraient présents à
la table de la commission, selon les règles traditionnelles. J'en ai
averti le Vérificateur général afin que ses fonctionnaires
se préparent sur ces pages en particulier.
Autrement dit, j'ai fonctionné selon les règles
prescrites. Mais si vous voulez que le rapport du Vérificateur
général soit étudié selon de nouvelles
règles, nous allons, dans un premier temps, ailleurs qu'ici - parce que
ce n'est pas du tout ni le mandat ni la place - établir de nouvelles
règles, et faire l'étude du rapport du Vérificateur
général à un autre moment.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je suis depuis quatre ans ces
débats sur la réforme des procédures parlementaires et la
réforme parlementaire. C'est un sujet qui a ses hauts et ses bas. C'est
un sujet qui avance à pas de tortue. Et on sait très bien depuis
des années, c'est un secret de polichinelle, que particulièrement
les règles de nos commissions parlementaires sont complètement
archaïques, au point d'être ridicules. On l'a dit il y a quatre ans,
dans des comités de parlementaires mettant en présence des
représentants des deux partis. Cela n'a débouché sur rien
de concret, de qrandiose.
Vous comprendrez, M. le Président, que la promesse d'un nouveau
livre blanc ou de comités qui vont étudier jusqu'à ce
qu'ils s'étouffent sur les projets, les réformes qu'on pourrait
apporter à nos procédures, alors qu'on est aujourd'hui devant un
problème concret qu'il serait très facile de régler...
N'oublions pas une chose. Nous ne ferions en cela qu'imiter ce qui se fait
ailleurs. Ne réinventons pas la roue, M. le Président. Ne
prétendons pas ne pas savoir que, dans d'autres provinces, dans d'autres
Parlements, qui fonctionnent comme le nôtre, cela fonctionne exactement
de la même façon.
M. Grégoire: On retourne sur le fond de la discussion, M.
le Président.
M. Forget: Je n'ai pas interrompu le leader du gouvernement.
M. Grégoire: Oui, vous l'avez interrompu.
M. de Relleval: Vous l'avez interrompu. M. Forget: Je
réponds...
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît, messieurs. M. le député de Saint-Laurent...
M. Forget: Je vais continuer après.
M. Grégoire: Vous retombez sur le fond du sujet et c'est
antiréglementaire.
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît, tout le monde. M. le député de Saint-Laurent, je
voudrais simplement vous rappeler que je voudrais que vous parliez...
M. Forget: Nous avons été assez
généreux, nous avons même accordé le droit de parole
alors que, selon nos règlements sur lesquels vous insistez tant, M. le
Président, le leader du gouvernement ne l'avait pas. Quelle
générosité de la part de l'Opposition qui admet qu'on plie
un peu le règlement, alors que, du côté du gouvernement, on
attend que le président interdise à
l'Opposition de faire son travail! C'est extraordinaire.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Je veux répondre à la proposition du
leader du gouvernement, mais...
Le Président (M. Bordeleau): C'est exactement pourquoi je
vous ai donné la parole, M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget:... j'ai autant droit que lui d'exposer mes motifs.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, à la condition de
répondre et non pas de revenir sur le fond de vos motions.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Un instant, s'il vous
plaît. M. le député de Saint-Laurent...
M. Forget:... j'espère qu'on ne fera pas les travaux de
cette façon; ne comptez pas sur la complicité de l'Opposition
pour se livrer à une opération comme celle-là. J'ai
laissé parler le leader du gouvernement, alors qu'on me laisse
parler.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, je suis d'accord. On va
vous laisser parler.
M. Forget: Si ce n'est pas correct, qu'on me le dise tout de
suite.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous ai justement
donné le droit de parole.
M. Forget: Est-ce qu'il y a des objections à ce que je
parle?
M. Grégoire: À la condition que vous restiez dans
le sujet.
M. Forget: II n'y a pas de condition. J'ai le droit de m'exprimer
comme parlementaire.
M. Grégoire: On ne vous laissera pas parler du
déluge.
M. Forget: Réglez ça entre vous.
M. Grégoire: On ne remontera pas au déluge.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Saint-Laurent, vous voulez reprendre la parole,
allez-y.
M. Forget:... je n'ai pas l'intention d'accepter une promesse aux
calendes grecgues de livre blanc et d'études pendant des mois. Le
problème se pose aujourd'hui, il est simple; le gouvernement n'a
qu'à dire: Oui, nous acceptons. Il ne contrevient à absolument
aucune règle, à absolument aucun règlement. Je
défie qui que ce soit d'en faire la démonstration.
Ceci étant dit, M. le Président, nous ne donnerons pas au
gouvernement le plaisir de se dire: Maintenant, on a failli se faire examiner
à la commission des comptes publics avec les moyens déficients,
tout à fait insatisfaisants que constitue la commission des comptes
publics sur certains sujets, pas nécessairement sur tous ceux que nous
voulions aborder. Nous n'avons pas l'intention de faire la démonstration
que les comptables du gouvernement savent additionner, d'autant plus que,
maintenant, ils se servent de machines à calculer. Sur certains sujets,
il n'est évidemment pas question qu'on puisse poursuivre
décemment un examen sérieux ici. Sur certains autres, il se
trouve que, même en sachant additionner, le gouvernement a trouvé
le moyen de tromper la population. Je pense qu'on peut en faire la
démonstration avec un mandat aussi ridicule que celui que nous avons et
avec une procédure aussi cahoteuse que celle que nous avons. Nous allons
faire ce bout.
Quant aux autres, nous sommes prêts à accepter, bien
sûr, la proposition du gouvernement. On peut tout étudier par ce
Parlement, on peut parler pendant des heures sur à peu près
n'importe quoi. S'il plaît enfin au gouvernement de penser
sérieusement aux règles des commissions parlementaires, demain,
en fin de semaine, n'importe quand, je suis à la disposition de nos
collègues du gouvernement pour le faire. Dès que des
règles seront adoptées, des règles nouvelles et plus
fonctionnelles, nous serons également disponibles pour siéger
à tout moment, en commission des comptes publics, pour examiner
l'ensemble des dépenses publigues. Il n'y a aucune restriction de notre
côté. Pour l'instant, avec les règles qui, vous le
prétendez, existent et que, dans le fond, nous prétendons ne pas
avoir, nous allons entendre le Vérificateur général et
nous allons procéder à certains examens qui nous apparaissent
particulièrement intéressants.
Il est bien entendu que, si nous acceptons ça, le leader du
gouvernement s'est également engagé à faire d'abord
siéger la commission de l'Assemblée nationale pour réviser
les règlements en question dans les délais les plus brefs, et de
faire siéger de nouveau la commission des comptes publics, munie de ses
nouveaux pouvoirs et de ses nouvelles procédures, également dans
les délais les plus brefs. Est-ce qu'on s'entend? C'est bien ca? Est-ce
que, pour le journal des Débats, le leader du gouvernement voudrait
rendre audible sa réponse?
Le Président (M. Bordeleau): On peut enregistrer la
réponse du...
M. Charron: Est-ce que vous auriez la bonté de m'accorder
de nouveau le droit de parole?
M. Forget: Je l'accorde de nouveau.
Le Président (M. Bordeleau): M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je réitère que
c'est mon intention, en priorité, lorsque la commission de
l'Assemblée nationale sera chargée du dossier de la
réforme parlementaire très prochainement, que cette organisation
de la commission des comptes publics, je peux même dire aussi la
commission des finances, soit l'objet du tout premier consensus que nous
tenterons d'atteindre et de faire ratifier par l'Assemblée nationale,
afin que, dès les semaines qui suivent, ces nouvelles règles
s'appliquent aux auditions de la commission des comptes publics et à
celles des finances.
Choix du rapporteur
M. Forget: M. le Président, ceci étant fait, il y a
une autre question préliminaire parce que vous avez, je pense,
laissé une porte ouverte, ce dont je vous sais gré. Vous avez dit
qu'il était possible et nullement incompatible avec le règlement
de l'Assemblée nationale que nous procédions, parmi les membres
autres que ceux du parti ministériel, à la nomination d'un
rapporteur. Et c'est dans ce sens-là que nous aimerions faire une
motion. (14 h 45)
Le Président (M. Bordeleau): Maintenant, avant de faire
une motion, M. le député de Saint-Laurent... Un instant, s'il
vous plaît! S'il vous plaît!
M. de Belleval: II semble oublier notre rapporteur, la
députée de Dorion.
M. Forget: Sans notre participation, M. le Président.
M. Grégoire: C'est moi qui ai proposé le rapporteur
en présence du député de Saint-Laurent et j'ai
proposé Mme Lachapelle.
Le Président (M. Bordeleau): Un instant, s'il vous
plaît. Je pense qu'on peut s'entendre là-dessus.
M. Forget: Écoutez, cela s'est fait dans un chahut parce
que je n'ai absolument rien entendu.
M. Grégoire: S'il y avait un chahut, c'était du
côté de l'Opposition.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le
député de Frontenac. Non, je m'excuse, M. le député
de Saint-Laurent. De toute façon, pour moi, ce n'est pas
nécessairement un problème; il s'agit tout simplement de
s'entendre. Je veux juste vous rappeler que ce matin, dans l'ordre de nos
travaux au début de la séance, j'ai demandé un rapporteur
et on m'a proposé quelqu'un. Je vous avoue que je ne sais pas exactement
quel député a proposé quelqu'un; c'est Mme Lachapelle, la
députée de Dorion, qui a été proposée.
Maintenant, si la commission ensemble décide de modifier le nom ou de
nommer un nouveau rapporteur, personnellement, je n'ai pas d'objection.
M. Grégoire: M. le Président, comme proposeur je
m'oppose à retirer ma proposition parce que je crois que nous avons un
très bon rapporteur dont l'honnêteté et les
capacités ne font aucunement défaut. Je demanderais au
député de Saint-Laurent de ne pas mettre cela en doute.
M. Forget: Alors, M. le Président, je pense qu'il n'y a
pas eu de vote formel là-dessus.
Des voix: Oui.
M. Grégoire: Cela a été à
l'unanimité: À l'unanimité!
M. Forget: Ah bien, je regrette, M. le Président, je
regrette, notre assentiment n'a pas été demandé. Cela ne
peut pas se faire sans qu'on s'en rende compte.
M. Grégoire: Parce que vous parliez avec quelqu'un en
arrière, M. le Président, si vous me le permettez, pour
régler le problème, vous avez ici la secrétaire de la
commission qui prend les notes et qui a dû les prendre. Moi, je me
souviens très bien qu'à l'ouverture M. le député de
Saint-Laurent était à parler avec quelqu'un en arrière.
Mais je sais que mes collègues ont eu connaissance de cette proposition
et de ce nom-là, et je vois des collègues du député
de Saint-Laurent qui font un signe de tête affirmatif. Ils sont assez
honnêtes pour faire un signe de tête affirmatif, je les en
félicite.
M. Forget: Le président s'est déplacé
d'endroit, M. le Président, je crois.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Frontenac, s'il vous plaît. M. le député de Frontenac.
M. Forget: M. le Président, si c'est la
décision irrévocable de nos membres ministériels
d'insister sur une telle nomination, j'insisterais à ce moment-ci pour
dire que cela s'est fait avec la dissidence des membres de l'Opposition.
M. Grégoire: Ils ont consenti de ce
côté-là.
Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, M. le
député de Saint-Laurent, à ma connaissance, il n'y a eu
aucune dissidence ce matin.
M. Forget: On n'a pas eu de dissidence parce que vous l'avez fait
très discrètement,
M. le Président. Il n'y a pas eu de vote; alors, je demande un
vote.
M. Grégoire: Vous en avez eu connaissance, vous
autres.
M. de Belleval: C'est impossible, le vote a déjà eu
lieu, cela a été unanime.
M. Forget: Qui a proposé et qui a secondé la
motion, M. le Président?
Le Président (M. Bordeleau): Bien, on peut ressortir
les...
M. Forget: Alors, sortez-les!
M. Grégoire: M. le Président, il me semble que la
procédure est un peu attaquée ici. J'ai trois collègues
libéraux qui sont honnêtes devant moi qui ont eu connaissance de
la chose et qui peuvent dire au député de Saint-Laurent que c'est
vrai que cela a été fait et qu'il n'y a pas eu d'opposition,
aucun mot, quand cela a été proposé. Ils peuvent le dire
eux-mêmes, s'ils le veulent, que cela a été fait dans les
normes acceptées. Mais le député de Saint-Laurent, je me
le rappelle, était à jaser avec quelqu'un en arrière
à ce moment-là et je m'en excuse. Qu'il reste attentif aux
travaux de la commission et...
M. Forget: Assurez-vous de notre assentiment avant.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, je m'excuse, mais j'ai quand même pris la...
M. Forget: Alors, qui est le proposeur et le secondeur? Comme
tout le monde a une si bonne mémoire, on pourra me dire cela.
M. Grégoire: C'est moi qui ai proposé.
Le Président (M. Bordeleau): C'est le député
de Frontenac qui a proposé Mme la députée de Dorion et
comme il n'y a pas eu...
M. Forget: Est-ce que c'est dans le journal des Débats? On
trouvera également dans le journal des Débats, M. le
Président, à ce point-ci, si ce n'est ailleurs, que nous
protestons formellement contre la façon dont le rapporteur a
été choisi et que nous ne pouvons en aucun cas souscrire à
cette décision-là. Procédez comme vous voulez maintenant,
ce n'est pas notre problème.
M. Grégoire: M. le Président, sur une question de
règlement, je voudrais vous rappeler qu'il y a un article du
règlement...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire:... - le livre est là-bas -qui dit que,
lorsqu'une décision est prise, soit à l'Assemblée
nationale, soit à une commission parlementaire, on ne revient pas sur
une telle décision qui a été prise. Alors, la
décision a été prise et il n'y a pas eu d'objection. Je
crois qu'on ne doit pas revenir sur cette décision qui a
été prise à l'ouverture des travaux.
Le Président (M. Bordeleau): Non, effectivement, M. le
député de Frontenac -et je le dis pour tous les autres
députés - on ne reviendra pas sur la décision si les
membres à l'unanimité décident de ne pas y revenir. Quant
à moi, j'ai fait le tour de la salle et aucun député,
à ma connaissance, d'un côté comme de l'autre, ne s'est
opposé à la proposition du député de Frontenac. Je
considère jusqu'à maintenant que le rapporteur de la commission,
c'est Mme Lachapelle, la députée de Dorion. À moins qu'on
ne veuille reprendre par une...
Des voix: Non, non, impossible.
Le Président (M. Bordeleau): procédure quelconque,
actuellement, c'est cela. Alors, comme il avait été entendu au
début de notre séance de ce matin, d'entendre à
l'ouverture le Vérificateur général...
M. Pagé: M. le Président, avant que vous
procédiez...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Très brièvement, M. le
Président. Sur la question du déroulement de nos travaux, avant
que... Je suis intervenant.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Portneuf est intervenant.
M. Forget: Dommage.
M. de Belleval: On lui aurait donné la
permission de toute façon!
Télédiffusion des travaux
M. Pagé: M. le Président, comme vous le savez
probablement, le comité consultatif sur la télédiffusion
des débats, formé du président de l'Assemblée
nationale, d'un représentant de la majorité, qui est le whip en
chef du gouvernement, et d'un représentant de l'Opposition, dont je
suis, s'est réuni il y a de cela dix jours, comme il apparaît au
procès-verbal qui est normalement dressé à la fin de ces
réunions, rencontre au cours de laquelle j'ai eu l'occasion de
déposer formellement au nom de l'Opposition une requête demandant
la télédiffusion des travaux de la commission parlementaire
chargée d'étudier aujourd'hui le rapport du Vérificateur
général. Compte tenu du fait que je n'ai pas eu la chance, ni le
privilège, ni la possibilité d'avoir la réponse du
président, j'aimerais bien que vous puissiez nous donner la
réponse pour et au nom du président, si la décision est
prise, avant qu'on commence nos travaux.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous avoue que je n'ai
reçu aucune indication à savoir si les débats seraient
télévisés ou pas, de sorte que j'ai pris le mandat qui
m'était adressé. J'ai décidé d'ouvrir la
séance de ce matin. Si vous voulez avoir une réponse expresse du
président...
M. Pagé: J'ai eu réponse sur les deux autres
demandes qui ont été formulées, mais je n'ai pas eu de
réponse sur celle-ci. Je demande s'il y a une réponse qui doit
être donnée à ce moment, parce qu'il m'apparaît
qu'elle devrait être donnée dans les meilleurs délais avant
que, comme parlementaires, nous commencions à interroqer M. le
Vérificateur général.
Le Président (M. Bordeleau): II va falloir aller chercher
la réponse, parce que je vous avoue que je n'en ai pas. On va suspendre
nos travaux pour quelques minutes et on verra, selon la longueur de la
réponse. La commission suspend ses travaux pour une dizaine de
minutes.
(Suspension de la séance à 14 h 53)
(Reprise de la séance à 15 h 19)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre,
messieurs!
La commission des finances et des comptes publics reprend ses travaux
après cette suspension de quelques minutes.
Pour répondre à la question du député de
Portneuf, j'ai fait relever le procès-verbal de deux réunions du
comité consultatif sur la radio-télévision des
débats. Dans le premier, en date du 26 août, il est dit: Compte
tenu que le salon rouge n'est pas prêt - c'est une demande du
député Michel Pagé - y aurait-il possibilité de
télédiffuser deux commissions parlementaires, soit celle du
travail et de la main-d'oeuvre et celle de l'énergie et des ressources,
les 29 et 30 septembre et le 1er octobre?
Dans le procès-verbal de la réunion subséquente,
soit celle du 9 septembre, à l'élément 2, le
président a rendu une décision affirmative afin que les
commissions parlementaires du travail et de la main-d'oeuvre et de
l'énergie et des ressources soient
télédiffusées.
En tout cas, je n'ai trouvé dans les procès-verbaux
concernés aucune mention sur la commission parlementaire des comptes
publics.
J'ai parlé également au président, par
téléphone. Il mentionne qu'à sa connaissance il n'en a pas
été question dans les réunions que vous avez eues comme
telles. Par contre, il m'a dit: Peut-être que, informellement, comme
cela, M. Paqé m'aurait posé une question. À moins que vous
ne m'arriviez avec d'autres arguments, M. le député de Portneuf,
il semble bien qu'il n'y aurait pas été question que cette
commission soit télédiffusée.
D'autre part, le président m'informe également que,
physiguement, c'est impossible, étant donné qu'il avait
déjà donné son accord pour une autre commission
parlementaire et que...
M. Pagé: M. le Président, je m'excuse, vous n'avez
pas à donner de motif à l'appui d'une décision
négative s'il n'y a pas eu de demande.
Le Président (M. Bordeleau): Non, j'apporte les arguments,
en tout cas, je fais simplement vous transmettre ma discussion avec le
président.
M. Pagé: On va en avoir une nous autres aussi.
Le Président (M. Bordeleau): C'est simplement pour vous
prouver que j'ai bien parlé au président. J'ai n'ai pas d'autre
intention cachée. De toute façon, M. le député de
Portneuf, je pense que la question de la télédiffusion des
débats ne vient pas contrecarrer ou contremander le mandat qui nous a
été donné par le leader parlementaire du gouvernement,
comme il se doit, pour étudier le rapport du Vérificateur
général.
M. Pagé: D'accord.
Le Président (M. Bordeleau): J'en reviens donc à
l'étude du rapport du Vérificateur général
1979-1980. Avez-vous
autre chose, M. le député de Portneuf?
M. Pagé: Très brièvement, vous me permettrez
de dire, M. le Président, avant de céder la parole à votre
distingué visiteur d'aujourd'hui, qu'effectivement vous affirmez,
à la lecture d'un procès-verbal consigné à la suite
d'une réunion du comité consultatif sur la
radio-télévision des débats, qu'il n'y aurait pas eu de
demande. Je peux vous affirmer ici qu'il y a eu effectivement une demande qui a
été prise en délibéré. Essentiellement,
l'objet de la demande, c'était que cette commission soit
télédiffusée. C'était un moyen additionnel pour que
le gouvernement puisse justifier l'incurie qui le caractérise sur
plusieurs des dossiers.
M. Grégoire: M. le Président, sur une question de
règlement.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! Sur
une question de règlement, M. le député de Frontenac.
M. Grégoire: M. le Président, vous avez rendu votre
décision.
M. Pagé: Mais ce n'est pas une décision.
M. Grégoire: Non. Une minute! Vous avez cité le
compte rendu. C'est le président de l'Assemblée nationale qui
préside cette commission. On met en doute la véracité du
compte rendu. On met en doute la parole du président de
l'Assemblée nationale, alors qu'il est absent. Je crois que cela est
pour le moins anormal que d'essayer de mettre en doute la parole du
président et le compte rendu du procès-verbal, alors que le
président de l'Assemblée nationale est absent.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le
député de Frontenac. M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je terminerai en disant
que nous aurons effectivement... J'en étais à dire, avant que le
député m'interrompe, que la télédiffusion de cette
commission est un moyen tout à fait valable pour permettre au
gouvernement de justifier l'incurie qui le caractérise dans plusieurs
dossiers.
M. Grégoire: M. le Président, nous sommes encore
antiréglementaires et je crois que vous vous en apercevez.
M. Pagé: Je me limiterai donc au procès-verbal tel
qu'il a été rédigé, mais une chose est certaine,
j'aurai l'occasion, je l'espère, dans les meilleurs délais, d'en
discuter avec le président lui-même, en convoquant une
réunion du comité dans les plus brefs délais. Vous perdez
une bonne occasion.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Portneuf, c'est votre plein droit de demander une autre réunion. Je
demanderais aux membres de la commission de revenir à l'objet de notre
réunion d'aujourd'hui qui est aux fins d'étudier le rapport du
Vérificateur général. Je cède la parole à un
des Vérificateurs généraux, soit M. Gérard Larose.
S'il vous plaît, M. Larose, après cette attente, il me semble que
les membres de la commission sont prêts.
Exposé de M. Gérard Larose
M. Larose (Gérard): M. le Président, madame et MM.
les membres de la commission, il me fait tout d'abord plaisir de vous
présenter les membres du bureau du Vérificateur
général qui sont ici aujourd'hui.
À ma gauche, celui que vous avez désigné pour les
dix prochaines années pour agir comme Vérificateur
général...
M. de Belleval: Autant que cela?
M. Larose: Oui. M. Rhéal Châtelain. Aussi à
ma gauche, M. Roger Couture, Vérificateur général adjoint.
Et à ma droite, M. Gilles Chabot, directeur de la vérification au
bureau. D'autres membres du bureau viendront aux séances de la
commission selon la nécessité des discussions, ce dont vous
déciderez.
Les commentaires qui suivent ont été
préparés avant le début des séances de la
commission et touchent, pour une partie, certains des sujets qui ont
été soulevés ce matin et cet après-midi. Ils
représentent, de toute façon, les positions que le bureau a
toujours maintenues sur ces sujets à l'occasion des rapports qu'il a
produits.
Nous sommes très heureux que cette commission siège cette
année pour étudier le rapport que nous avons
préparé et qui a été déposé le 5 juin
dernier. Nous travaillons pour l'Assemblée nationale, en vertu d'un
mandat qui nous est confié par la loi, et nous lui faisons rapport du
résultat de nos travaux. Nous sommes en fait ceux que vous avez
délégués pour examiner et ensuite vous faire rapport sur
les documents que le gouvernement doit vous présenter lorsqu'il
satisfait à son obligation de vous rendre compte de sa gestion
financière.
Il s'impose donc que, pour juger de cette gestion du gouvernement,
l'Assemblée étudie le rapport du Vérificateur
général, son mandataire en ce domaine. Nous avons, à
plusieurs reprises, déploré le fait que notre rapport
n'était pas étudié en commission. Nous espérons
maintenant que des mesures seront prises pour qu'il le soit, dorénavant,
à chaque année.
Nous aurions aussi aimé qu'une préparation plus grande
soit apportée aux séances de la commission. Une réunion en
sous-comité pour que les sujets à étudier en commission
nous soient communiqués pour fins de préparation, pour
déterminer le mode de fonctionnement de la commission et les personnes
à être convoquées nous aurait parue
préférable. Enfin, nous avons tout de même
été mis au courant, dans les qrandes lignes, vers la fin de la
semaine dernière, des sujets qui seront abordés et cela a
contribué à nous aider à nous préparer en
conséquence.
Il y a aussi lieu de préciser le rôle que nous croyons
devoir jouer devant la commission. Nous croyons de notre devoir de fournir des
avis et des renseignements aux membres de la commission, de même que des
précisions sur les commentaires que nous avons faits. Ce sont toutefois
les représentants du gouvernement qui doivent justifier toutes les
situations qui sont commentées au rapport.
Le rapport de vérification pour l'année financière
1979-1980 comprend, en premier lieu, une section de remarques
générales portant sur les états financiers du gouvernement
et sur la gestion et les contrôles financiers des ministères et
entreprises.
En ce qui concerne les états financiers et pour faciliter toute
discussion qu'il pourrait y avoir sur ce sujet, il y a lieu de rappeler que les
conventions comptables en vertu desquelles les états sont dressés
sont préparées et approuvées par le gouvernement.
L'opinion que j'ai formulée en tant que Vérificateur
général sur ces états financiers comporte d'abord une
opinion exprimée en fonction de ces conventions comptables
préparées par le gouvernement. Elle se lit comme suit: "À
mon avis, ces états financiers présentent fidèlement les
données financières de l'année terminée le 31 mars
1980 selon les conventions comptables apparaissant à la page 11 du
volume 1 des comptes publics et, à l'exception du changement dans la
comptabilisation de la contribution du gouvernement aux régimes de
retraite autres que le Régime de retraite des employés du
gouvernement et des organismes publics mentionné à la note 1, ces
conventions comptables ont été appliquées de la même
manière qu'au cours de l'année précédente. "
L'opinion comporte aussi une deuxième partie portant sur les
conventions comptables elles-mêmes; elles y sont l'objet de critiques,
des recommandations sont formulées pour leur modification ou, encore,
d'autres commentaires ont été formulés pour attirer
l'attention du lecteur à cause de l'importance des sommes en jeu en
certains cas. Les sujets commentés sont les comptes des régimes
de retraite, les frais de fonctionnement des commissions scolaires,
institutions d'enseignement et établissements de santé et de
bien-être, les comptes à payer et les placements dans les
entreprises du gouvernement du Québec.
Dans les commentaires généraux sur la gestion et les
contrôles financiers, nous sommes revenus sur des questions qui nous
tiennent particulièrement à coeur, soit la
nécessité de l'étude du rapport en commission
parlementaire, la nécessité d'une nouvelle législation
accordant des pouvoirs et devoirs plus étendus au Vérificateur
général et la nécessité d'améliorer la
vérification interne au gouvernement.
En matière de vérification, les autres parties du rapport
comprennent des commentaires détaillés sur les comptes et
systèmes de contrôle du gouvernement (avec commentaires
particuliers sur les différents ministères), des commentaires
détaillés sur les comptes et systèmes de contrôle
touchant les fonds spéciaux administrés par le gouvernement et
sur les comptes et systèmes de contrôle des entreprises du
gouvernement. Nous examinerons avec vous les questions qui ont retenu votre
attention. (15 h 30)
Nous avons aussi donné au rapport des renseignements
généraux sur les activités du bureau. On y constate entre
autres choses que le personnel du bureau était de 161 personnes à
la fin de 1980; affectées à la direction générale
du bureau, 7 personnes; à la vérification, 131; à la
pratique professionnelle, 13 et, à l'administration, 10. On y constate
aussi que nos dépenses ont été de 3 980 000 $ et que nous
attachons une attention toute particulière à la formation et au
perfectionnement du personnel du bureau. Voilà donc tout simplement les
quelques remarques que j'ai cru devoir porter à votre attention à
l'ouverture des travaux de votre commission que je souhaite des plus
fructueuses. Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Larose. Je pense
qu'on avait prévu un mot de M. Châtelain, qui est le nouveau
Vérificateur général. M. Châtelain.
Exposé de M. Rhéal
Châtelain
M. Châtelain (Rhéal): Merci, M. le Président.
Tout d'abord je vous suis reconnaissant de cette occasion de rencontrer des
membres de la commission et avec votre permission, en ce début de
mandat, je voudrais faire quelques commentaires de nature
générale.
Tout d'abord, M. le Président, je désire remercier les
membres de l'Assemblée nationale de la confiance qu'ils m'ont
témoignée, lors de ma nomination. Je compte me montrer digne de
cette confiance et je m'appliquerai à ne jamais oublier que je suis
responsable devant l'Assemblée nationale.
Après moins de deux mois depuis que j'ai assumé mes
nouvelles fonctions, je suis optimiste quand au rôle que peut jouer le
bureau du Vérificateur général, un rôle qui peut
toujours être plus constructif envers l'Assemblée nationale. En
effet, le Vérificateur général est un agent de
l'Assemblée nationale et non seulement il intervient dans le processus
d'imputabilité mais il en fait partie. Le gouvernement a l'obligation de
rendre compte de son administration à l'Assemblée nationale et
l'Assemblée nationale demande au
Vérificateur général de faire rapport sur la
qualité de la reddition des comptes dans ce contexte.
Cependant, au Québec, le rôle du Vérificateur
général est de quelque peu limité. En effet, sa
vérification se limite aux états financiers, à la
perception des revenus, des recettes, à la régularité et
la conformité des dépenses et des écritures
comptables.
M. Larose l'a déjà indiqué dans ses rapports
précédents, il faudrait songer à l'adoption de
procédés de vérification dans le secteur public qui sont
maintenant généralement reconnus. Vu l'ampleur et la
complexité croissante des opérations gouvernementales, une
intervention du Vérificateur général doit maintenant
dépasser le simple cadre d'une vérification financière
traditionnelle. Son mandat doit être élargi pour comprendre un
examen de la qualité de la gestion administrative et financière
incluant des critères d'économie et d'efficience, de même
que des procédés d'évaluation de l'efficacité des
programmes.
Ce genre de vérification est décrit communément
maintenant comme vérification intégrée. En plus de la
vérification financière, elle vise à déterminer si
on s'est soucié de l'optimisation des ressources. Elle identifie les
faiblesses de système, non seulement les erreurs ou les manquements
isolés, elle s'attaque aux causes plutôt qu'aux symptômes
des déficiences. Lorsqu'on considère un budget de 20 000 000 000
$, M. le Président, je crois que l'on doit déterminer si les
contribuables en ont pour leur argent dans la gestion des contrôles des
ressources publiques. Donc, la portée de la vérification doit
dépasser, comme je le disais tantôt, le simple cadre de la
vérification financière traditionnelle.
Je me permets donc d'applaudir le geste qui a été
posé récemment par le gouvernement, le geste par lequel il a
approuvé une nouvelle politique de vérification interne dans les
ministères. Cette vérification sera dorénavant
intégrée, elle comprendra des éléments
d'économie, d'efficience et d'efficacité. Suite à cette
initiative, il faudrait s'attendre à ce que l'Assemblée nationale
elle-même ne soit pas moins bien servie par son agent, le
Vérificateur général, et que son mandat soit aussi
élargi dans cette même veine, bien qu'il faut s'assurer que le
Vérificateur général reste à l'écart du
bien-fondé des programmes ou des politiques qui les appuient. Ces
préoccupations ne sont pas ou ne doivent pas être de son
domaine.
Comme M. Larose l'a également indigué, je me
réjouis de la convocation de cette commission. À moins que cette
commission ne siège, les constations et les recommandations
consignées au rapport du Vérificateur général
risquent, du moins en partie, de rester lettre morte. L'étude de
celles-ci en commission fournira une incitation additionnelle à la mise
en oeuvre de mesures correctives, là où cela s'impose. Il y a
quelques semaines, j'ai fait parvenir à tous les députés
un rapport de la Fondation canadienne pour la vérification
intégrée, rapport auquel on a fait allusion ce matin. Ce rapport
contient les résultats d'une étude sur les rôles des
commissions des comptes publics et des vérificateurs législatifs
au Canada. Le bureau du Vérificateur général du
Québec participe aux travaux de cette fondation, il en est membre
d'ailleurs, et il subventionne en partie ses opérations. Le titre du
rapport est Les commissions des comptes publics et les vérificateurs
législatifs, une plus grande imputabilité.
Ce rapport reflète la situation qui prévaut actuellement
dans les onze gouvernements au Canada au niveau fédéral et
provincial. Il contient 69 recommandations visant l'amélioration du
fonctionnement du processus d'imputabilité. Les auteurs ont
procédé à des consultations auprès de
parlementaires membres des commissions des comptes publics, auprès des
vérificateurs législatifs et auprès de plusieurs hauts
fonctionnaires dans la plupart de ces gouvernements. Le rapport, d'ailleurs, a
fait l'objet de discussions au mois de juillet dernier, lors de deux
congrès qui ont été tenus simultanément au
Nouveau-Brunswick, congrès qui groupaient les présidents des
commissions des comptes publics et les vérificateurs législatifs
des onze mêmes gouvernements. À ce congrès,
l'Assemblée nationale du Québec était
représentée par le président de cette commission.
Bien que je constate et déplore la piètre qualité
de la version française de ce document - c'est une traduction - je
profite de l'occasion pour indiquer ouvertement devant cette commission que
j'endosse sans réserve l'ensemble des recommandations de ce rapport
ayant trait au rôle du Vérificateur général. Je dis
cela sans présumer que le gouvernement s'oppose à de telles
recommandations. Quoiqu'il en soit, si on veut améliorer
l'efficacité du bureau du Vérificateur général,
à mon humble avis, la recette est là. En ce début de
mandat, je crois qu'il était opportun de faire connaître mes vues
à ce sujet et je vous remercie de
m'en avoir donné l'occasion.
Enfin, je répète que nous sommes à votre
entière disposition, à l'entière disposition de cette
commission et de l'Assemblée nationale. Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Châtelain.
Pour les commentaires d'ordre général ou autres, M. Parizeau,
député de L'Assomption. Non? M. le député de
Saint-Laurent?
Questions
M. Forget: J'aurai quelques questions, mais je pense que mes
collègues en auront aussi sur l'exposé général.
Très brièvement, il serait peut-être approprié de
préfacer ma première question en disant que ce n'est pas un
témoin comme les autres que nous avons devant nous ici cet
après-midi. En effet, M. Larose ou M. Châtelain, ou les deux,
enfin, le Vérificateur général, puisque collectivement,
avec leurs collaborateurs, ils représentent cette seule fonction de
Vérificateur général, ne sont pas des étrangers
dans cette enceinte. Ce ne sont pas des gens qui viennent de l'extérieur
du Parlement nous entretenir de leurs problèmes à eux; ce sont
les gens en qui et la fonction dans laquelle l'Assemblée nationale,
collectivement, par un vote des deux tiers, a placé sa confiance pour
examiner l'administration financière du gouvernement et nous en donner -
quoique, à l'heure actuelle, de façon limitée,
limitée au concept traditionnel de vérification comptable - un
tableau ou porter sur elle un jugement. C'est en quelque sorte nos propres
mandataires qui rendent compte du mandat que l'Assemblée nationale leur
a confié.
Dans les observations qu'ils vont nous faire, ils vont dans le fond nous
suggérer des questions par leurs commentaires; ils vont nous indiquer
des avenues de recherche et d'examen et, dans le fond, leur rôle et le
rôle que le ministre des Finances joue dans notre sein sont, ne serait-ce
que par la disposition physique de cette salle, complètement à
l'inverse de celui qu'il semble suggérer par la façon dont les
gens sont assis à la table.
Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que le
Vérificateur général devrait dans le fond être avec
nous de ce côté-ci et, pour ce qui est du contenu de ses
recommandations, le ministre des Finances devrait être à la table
des témoins, puisque c'est son administration que nous examinons, ce
n'est pas comme tel le rapport du Vérificateur
général.
Nous prenons connaissance du rapport du Vérificateur
général, qui va nous parler de l'administration du ministre des
Finances. Le véritable témoin devant cette commission, c'est le
ministre des Finances avec ses fonctionnaires, et le Vérificateur
général, au contraire, non pas sur le plan du statut, puisqu'il
n'est pas député, mais sur le plan de sa fonction ici, est parmi
nous, il est un de nous; il est notre prolongement comme membres de
l'Assemblée nationale et comme parlementaires.
Je crois qu'il est bien important de saisir cette relation, parce que,
autrement, ceux qui ne sont peut-être pas familiers avec les travaux
d'une commission parlementaire seraient portés à croire qu'on
examine le Vérificateur général; pas du tout, on va
s'aider du rapport du Vérificateur général pour examiner
la gestion du ministre des Finances. La relation est tout à fait inverse
de celle suggérée par la disposition des sièges.
M. de Belleval: Elle n'est donc pas non partisane, comme vous le
disiez ce matin.
M. Forget: Oui, non partisane. M. le Président, en effet,
puisqu'on le souligne à nouveau, cela me fait plaisir que le
député de Charlesbourg fasse allusion à cette question de
façon non partisane et c'est la raison pour laquelle nous souhaiterions,
plutôt que d'interroger le ministre des Finances sur sa gestion
financière, avoir l'occasion d'interroqer les gestionnaires, ceux qui
sont responsables de la gestion quotidienne des programmes gouvernementaux qui
font le manaqement. Je pense que le ministre des Finances a d'autres chats
à fouetter que d'assurer le management de son ministère et,
à plus forte raison, de l'ensemble du gouvernement. Il n'est responsable
que des grandes politiques, qui ne sont pas en question ici.
Mais, ceci étant dit, j'aimerais demander au Vérificateur
général, à l'un ou à l'autre, mais peut-être
plutôt à M. Châtelain, parce que c'est lui qui s'est
directement adressé à ces questions... Il a dit qu'il souscrivait
totalement aux recommandations de ce comité auquel à la fois lui
et moi avons fait allusion durant la journée relativement aux fonctions
du Vérificateur général. Nous avons des collègues
ici qui vont vouloir pousser un peu plus loin cette question, mais,
évidemment, il y a la première partie de ce rapport qui traite
des fonctions de notre commission et, comme le travail du vérificateur,
c'est le but de mon préambule, l'amène à une collaboration
étroite avec la commission des comptes publics, j'aimerais qu'il nous
dise si, de façon générale ou peut-être avec les
exceptions qu'il veut souligner, les parties de ce rapport d'expert relatif
à la commission des comptes publics plutôt qu'au rôle du
Vérificateur général lui semblent appropriées et
devoir être retenues dans nos travaux.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Châtelain.
M. Châtelain: M. le Président, je crois qu'il est
difficile pour un agent de l'Assemblée nationale de se prononcer sur un
tel aspect. Évidemment, il s'agit du fonctionnement de
l'Assemblée nationale et de ses commissions ou encore du rôle
qu'une de ses commissions doit jouer.
Toutefois, je dois quand même faire part que je suis en accord
avec les objectifs recherchés par les recommandations avancées
dans ce rapport dans le contexte qu'il faut que le rapport du
Vérificateur général ne reste pas, comme je le disais
tantôt, lettre morte. Qu'on lui donne suite, qu'on étudie les
recommandations avancées par le Vérificateur
général, que l'on demande au gouvernement de rendre compte de son
administration, eu égard au contenu du rapport, tant mieux, si on peut
apporter des correctifs dans l'administration. C'est dans ce contexte, M. le
Président, je crois, que je dois limiter mes commentaires,
c'est-à-dire que je suis en accord avec les objectifs de ces
recommandations; cependant, je ne crois pas qu'il me revienne à moi de
me prononcer sur les modalités. Les modalités relèvent de
l'Assemblée nationale à ce moment-là, lorsqu'il s'agit de
considérer le rôle d'une de ses commissions. (15 h 45)
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Ce sera ma dernière question, M. le
Président. Je ne veux pas embarrasser M. Châtelain indûment.
Je comprends qu'il veut respecter la loi des genres et je suis tout à
fait d'accord avec lui, mais je pense que ce qu'il est important,
indépendamment des procédures et des modalités, de bien
comprendre, lorsque l'on parle des objectifs, c'est qu'on parle des objectifs
tels qu'ils sont énumérés - ce qui a fait l'objet de ma
première motion - dans la première recommandation
également de ce comité. La commission des comptes publics doit
avoir un mandat qui est au moins aussi étendu que le mandat que vous
recherchez pour le vérificateur lui-même. Loin de se limiter aux
questions de comptabilité, savoir si les sommes sont bien
calculées, savoir si les conventions comptables sont respectées,
se poser des questions sur l'économie et l'efficience dans l'existence
d'un système de management approprié aux tâches qu'on veut
accomplir dans la fonction publique, toutes ces questions qui dépassent
de loin le mandat traditionnel de la comptabilité publique doivent
également faire partie des travaux de la commission. C'est cela que vous
entendez par les objectifs, j'imagine?
M. Châtelain: Ma réponse est oui, M. le
Président.
M. Forget: Je vous remercie. Personnellement, je n'ai pas
d'autres questions.
Le Président (M. Bordeleau): D'autres questions? M. le
député de Westmount.
M. French: Je voudrais, par votre entremise, M. le
Président, m'adresser aussi au nouveau Vérificateur
général. On était, de notre côté,
extrêmement contents d'appuyer sa nomination, entre autres, parce qu'il
avait une expérience très pertinente au niveau
fédéral et c'est à cette expérience que je voudrais
faire référence aujourd'hui.
Selon mon expérience, lorsqu'on identifie un problème dans
le secteur public ou une réforme nécessaire, il y a une chose qui
advient presque inévitablement, c'est le gonflement de ressources et de
personnes chargées de cette réforme. Donc, si on ne
réussit pas dans notre attague du problème en question, on
réussit sûrement à hausser le nombre, le profil, la
rémunération, les voyages et la consultation de ceux qui
s'occupent de ce problème.
Parce que vous avez eu de l'expérience au niveau
fédéral, parce que vous avez endossé ce qu'on peut appeler
maintenant presque la catéchèse Macdonell en matière de
vérification publique, je vous pose une question qui est en même
temps une constatation de ma propre optique là-dessus. Est-ce qu'on peut
s'attendre que vous contrôliez un peu mieux qu'à Ottawa la
croissance du bureau du Vérificateur général du
Québec? Depuis quatre ou cinq ans, il est remarguable que les plus
grands consommateurs de postes supérieurs à haute
rémunération, dans la bureaucratie fédérale, sont
au bureau du Vérificateur général et sa succursale,
l'Office du contrôleur général.
En disant cela, je dois vous dire tout de suite que je ne veux pas vous
viser personnellement, en aucune espèce de façon, parce que je
parle de l'avenir. À moins que vous ne soyez pas d'accord avec moi sur
les faits, c'est une chose qu'on peut discuter. Mais je veux vous inviter,
respectueusement, à confiner vos commentaires à la situation
québécoise et à vos projets pour cette situation. En le
faisant, je le répète, je ne vous invite pas implicitement
à endosser mes commentaires, mais tout simplement à nous faire
part de vos projets pour votre bureau ici.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Châtelain.
M. Châtelain: M. le Président, tout d'abord, si je
dois discuter de mes projets pour le bureau, je dois dire que je dois m'en
tenir dans le moment au mandat que le bureau détient actuellement.
M. French: D'accord. C'est toujours dans l'hypothèse
où vos souhaits au sujet d'une réforme des responsabilités
de votre bureau seraient réalisés.
M. Châtelain: D'accord. Pour commencer, peut-être un
mot quant à la situation à Ottawa. On s'est
référé tantôt au catéchisme Macdonell. Je
pense bien que le catéchisme Macdonell a été adopté
par la grande partie des vérificateurs législatifs, non seulement
au Canada, mais dans la grande partie des pays industrialisés. Il
faudrait peut-être identifier le catéchisme de Macdonell parce que
c'est lui qui a répandu cette nouvelle approche au Canada.
D'autre part, il faut reconnaître qu'il s'agit de
l'élargissement d'un mandat. On doit faire appel à des
spécialités, on doit faire appel à des
spécialistes. Évidemment, on doit faire beaucoup plus de
recherches dans ce genre de travail. On ne peut pas obtenir ces
spécialistes à bon marché, je le reconnais. Cependant - il
faut peut-être se poser la question - est-ce que, en 1981, le bureau du
Vérificateur général est réellement efficace
lorsqu'il effectue une vérification tout à fait traditionnelle,
une vérification financière ou, encore, lors de périodes
de compressions budgétaires, est-ce qu'on ne doit pas se pencher
plutôt sur la qualité de l'administration elle-même, de
l'administration financière, de la gestion administrative?
C'est vrai qu'il y a eu une augmentation à Ottawa dans les
effectifs et dans le budget du bureau du Vérificateur
général. Ce n'est pas ma fonction ici de défendre ce qui
s'est passé là-bas mais si on regarde le budget du bureau
à Ottawa, comparativement au budget total du gouvernement, on
réalise qu'on n'y consacre que 1/20 % du budget global aux fins de ce
genre de vérification. Dans l'intérêt des contribuables,
lorsqu'on veut déterminer si ceux-ci en ont pour leur argent, je
précise, dans la gestion administrative et financière des
dépenses publiques, le prix n'est pas tellement élevé.
Si je reviens à la situation actuelle, au bureau du
vérificateur, si je constate les effectifs qu'il y a en place et le
budget qui lui est alloué, il faudra, à l'intérieur d'un
nouveau mandat, prévoir des augmentations à ces effectifs et
à ce budget. Il faudra également faire appel au secteur public
pour venir nous aider à réaliser un tel mandat. Nous n'avons pas
ces spécialistes chez nous dans le moment et il faudrait entraîner
notre personnel et, également, faire appel au secteur privé dans
ce domaine.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va. M. le
député de Westmount.
M. French: II me semble qu'il y a des raisons pour lesquelles il
y a eu une telle croissance au niveau fédéral. Il y a une
espèce de dogme dans la vérification intégrée qui
veut que tout programme soit susceptible d'être évalué
d'une façon systématique, objective et presque scientifique.
Cette hypothèse de base représente un défi énorme
dans la plupart des programmes publics qui ont des objectifs ou des buts
multiples souvent en conflit l'un envers l'autre avec une espèce de
output ou de produit extrêmement difficile à mesurer d'une
façon objective.
Si on veut attaquer tous ces problèmes systématiquement
dans un mandat de cinq ans - d'une façon cyclique, je l'avoue, les uns
après les autres, mais quand même d'après le dogme - ils
sont tous susceptibles d'être évalués. C'est
nécessaire de le faire. Il me semble que c'est inévitable qu'on
verra les genres de coûts qui sont actuellement constatés à
Ottawa.
Voici ma deuxième question. Pouvez-vous nous parler de votre
réaction à cette observation et de votre philosophie quant
à l'évaluation des mesures en place, toujours pour évaluer
si on en a pour son argent.
M. Châtelain: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Châtelain.
M. Châtelain: Dans ce domaine, je crois qu'on parle
d'évaluation à trois niveaux. On peut évaluer des
programmes en vertu de critères d'économie, d'efficience et
d'efficacité. Je reconnais immédiatement qu'au point de vue de
l'efficacité, c'est-à-dire au point de vue de l'atteinte des
objectifs des programmes, ce n'est pas possible, dans beaucoup de cas, ce n'est
pas possible d'évaluer les programmes, c'est-à-dire que la
science n'a pas progressé à ce point que cela rende ce genre
d'évaluation possible.
Au point de vue de l'efficience, je dirais qu'une bonne partie ou la
plupart des programmes peuvent être évalués, mais, au point
de vue de l'économie, presque toutes les opérations peuvent
être évaluées. Alors, nous reconnaissons d'emblée ce
que vous avez avancé.
M. French: C'était surtout ce troisième volet
très épineux de l'efficacité et de l'évaluation qui
relevait de vous de voir à ce que les ministères aient en place
les capacités de faire leur propre évaluation. Si j'ai bien
compris, c'est en dehors de votre mandat de faire l'évaluation parce que
c'est la responsabilité du gouvernement, de l'Assemblée
nationale, mais non pas la responsabilité du vérificateur. Mais,
quand même, s'il y a une insistance de la part du vérificateur,
parce qu'on l'a vu à Ottawa,
pour que tout programme soit inévitablement évaluable
d'une façon scientifique, etc., cela entraîne un certain nombre de
coûts pour le bureau du Vérificateur général, mais
aussi et surtout pour l'Exécutif lui-même. J'étais
très soulagé d'entendre que vous étiez plutôt
sceptique - je ne veux pas vous mettre les mots à la bouche - à
l'égard de cette hypothèse.
Une dernière question, M. le Président. Un des
accomplissements du Vérificateur général du Canada,
c'était l'établissement ou la pression sur le gouvernement en vue
d'établir, une démarche qui a réussi, un office du
contrôleur général pour que l'Exécutif
lui-même soit doté de ses propres experts, de sa propre expertise
dans le domaine. Encore une fois, avoir un peu la défensive: Vous avez
vos experts, il faut que nous ayons nos experts, et cela se multiplie et les
experts s'amusent. Je me demande si vous voyez la nécessité d'une
telle réforme sur la scène québécoise.
M. Châtelain: M. le Président, je crois qu'il est
bien trop tôt pour moi pour même tenter de répondre à
cette question avant que nous procédions à des études
à l'échelle gouvernementale de tout le domaine de la gestion ou,
si vous voulez, du contrôle et de la gestion financière,
c'est-à-dire en tant que système. Mais, quand même, en,
réponse à une partie de la question qui a été
soulevée, dans l'élaboration de nos mandats ou de nos programmes
de vérification, évidemment, on cherche à ne pas faire
double emploi à ce qui est déjà fait dans les
ministères. J'y ai fait allusion tantôt, c'est-à-dire que
je me suis référé à la nouvelle politique du
gouvernement qui veut que la vérification interne soit dorénavant
intégrée. Alors, comme je l'ai dit, nous nous réjouissons
de ce geste du gouvernement. Ce qui veut dire que, en déterminant
l'étendue de notre vérification, nous tiendrons compte du fait
que ce genre de vérification ou ces vérifications sont
déjà effectuées à l'intérieur du
ministère et, par le fait même, nous restreindrons nos recherches
où si vous voulez, nos enquêtes.
Quant à la nécessité d'avoir un contrôleur
général, ici au Québec, évidemment, c'est une autre
chose qu'il faut étudier dans un autre contexte. Il y a la loi actuelle
où il y a déjà un contrôleur des finances et ainsi
de suite.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, cela va...
M. Forget: M. le Président, avant que l'on quitte cette
section, ce sera la seule occasion que nous aurons de le faire, il y a, je
pense, une chose très importante qui a été dite;
même si elle a été dite avec énormément de
mesure et de tact par le
Vérificateur général, cela ne diminue en rien son
importance. Il a dit: Notre rôle devrait s'ajuster sur le rôle des
vérificateurs publics; il a dit non seulement au Canada, mais dans tous
les pays industrialisés. Il y a une pratique qui s'est
généralisée et que nous ne suivons pas. C'est une question
de changement de la loi du vérificateur ou certainement une question de
majoration de ses budqets. Je ne suis pas persuadé que la loi lui
interdise de le faire, mais c'est certain que, s'il n'a pas l'argent pour le
faire, que la loi dise ce que l'on voudra, il ne pourra pas le faire.
Il y a donc là, et je déduis des propos qui ont
été tenus que, si on veut faire une vérification
intégrée pour vérifier au point de vue de
l'économie, de l'efficience et de l'efficacité, quand c'est
possible et avec les nuances qu'on vient d'indiquer, les programmes qui sont
les programmes de services publics et de dépenses publiques, c'est qu'on
espère qu'on va dépenser moins au total pour faire la
vérification qu'on en retirera sous forme de rendement accru ou de
dépenses moins grandes.
Donc, il m'apparaît qu'à ce moment-ci, parce qu'on va
quitter le sujet pour entrer dans des problèmes particuliers, le silence
du ministre des Finances me paraît éloquent. (16 heures)
M. Parizeau: J'ai demandé la parole.
M. Forget: II a demandé la parole! J'en suis fort aise, et
j'espère qu'il nous donnera une réponse.
Le Président (M. Bordeleau): Même, M. le
député de Saint-Laurent, je peux vous mentionner qu'il l'avait
demandée avant vous, mais disons que...
M. Forget: Je m'excuse! Vous avez un système de
signalisation avec l'autre côté qui est d'une efficacité
troublante. On ne voit jamais les signaux, mais on voit que vous les percevez
très bien.
M. Parizeau: Ce n'est pas efficace, puisque je passe
après.
M. Forget: II vous avait vu.
Le Président (M. Bordeleau): C'est plutôt la preuve
du contraire.
M. Forget: Parfois, cela l'est dangereusement.
Le Président (M. Bordeleau): Avez-vous terminé, M.
le député de Saint-Laurent? Je donne la parole au
député de L'Assomption.
M. Forget: Oui, j'ai terminé. Je ne voudrais pas que vous
soyez impatient avec moi, M. le Président. Je collabore.
Le Président (M. Bordeleau): Non, pas du tout. Cela va
très bien.
M. le député de L'Assomption.
M. Parizeau: M. le Président, puisque nous avons la chance
d'avoir un nouveau Vérificateur général qui arrive tout
frais d'Ottawa, j'aimerais être en mesure de discuter avec lui d'un
certain nombre de leçons qu'on peut tirer d'Ottawa, un peu dans le
même sens, mais en le prolongeant, que ce que disait le
député de Westmount, parce que nous sommes un peu dans la phase
d'angélisme. Seulement, comme on l'a dit, il y a des gouvernements, des
commissions, des vérificateurs qui ont fait cela avant nous, les mandats
dont on parle. Un des problèmes majeurs, si je comprends bien - je
demanderai les commentaires de M. Châtelain là-dessus - qu'il y a
de passer de la vérification traditionnelle à l'examen de
l'efficacité des programmes, c'est que, disent les gens mal
intentionnés, ceux qui n'aiment pas les élargissements de mandat,
cela amène à remettre en cause les objectifs, tôt ou tard,
ou inévitablement. J'espère même pouvoir en donner un
exemple dans le rapport du vérificateur de 1979-1980, mais on verra cela
après. C'est-à-dire que lorsqu'on examine l'efficacité
d'un programme, si on trouve qu'il coûte bien cher ou qu'il donne lieu
trop facilement à du gaspillage ou à des abus par le public, il
est presgue inévitable, la nature humaine étant ce qu'elle est,
de dire: Peut-être que l'objectif ne devrait pas exister. Il ne faut pas
s'en formaliser. On ne peut pas empêcher des gens intelligents d'avoir
des conclusions intelligentes, sauf que la détermination des objectifs,
les programmes, c'est normalement une décision de l'Exécutif. Si
les programmes ne sont pas bons ou s'ils ne correspondent pas aux besoins des
gens, il y a un jugement qui s'appelle les élections. Si je comprends
bien, si je ne me trompe pas, à Ottawa, on a vécu cette
ambiguïté pendant quelques années et on en a vu les
conséquences en termes de décibels. Pendant quelques
années, sauf erreur, le Vérificateur général du
Canada et le premier ministre du Canada, n'ayant pas vraiment de moyens de
communiquer l'un avec l'autre, et le second accusant le premier de juger ses
objectifs, il y a eu un certain nombre, si on me passe l'expression,
d'engueulades monumentales.
Je ne sais pas, mais j'aimerais le savoir, si on juge que cet
épisode, qui découle très nettement de l'application
peut-être un peu prématurée de la vérification
intégrée, aura été vraiment dans
l'intérêt public.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Châtelain.
M. Châtelain: M. le Président, je dois
préciser tout de suite que dans mon expérience à Ottawa je
ne me souviens pas que le bureau du Vérificateur général
lui-même ait contesté les objectifs. Jamais. C'est clair.
Deuxièmement, ce n'est pas le rôle du Vérificateur
général à Ottawa, pas plus que le rôle que je
prône ici, de faire l'évaluation des programmes ou encore de
contester les objectifs des programmes, des politiques qui appuient ces
programmes. Ce n'est pas son rôle. Son rôle, dans la pratique qui
est suivie à Ottawa et dans ce que je prône ici,
c'est-à-dire non seulement dans ce que je prône, mais dans ce qui
est recommandé dans ce rapport, c'est que le Vérificateur
général examine si, dans un contexte de rendre compte, il se fait
à l'intérieur des ministères des évaluations de
l'efficacité des programmes, c'est-à-dire concernant l'atteinte
des objectifs, là où c'est possible de le faire, là
où c'est possible et raisonnable de le faire. Est-ce que c'est fait? Il
ne relève pas du tout du mandat du Vérificateur
général de contester les objectifs, de les fixer ou quoi que ce
soit.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
L'Assomption.
M. Parizeau: Je vois que ce n'est pas facile de remonter quelques
années en arrière. L'impression que j'ai dégagée...
J'entends quelqu'un à ma droite dire: Tout le monde ne peut pas
être historien. C'est de l'histoire très récente. On dit
que la mémoire est une faculté qui oublie.
M. de Belleval: À ce niveau-là, c'est presque du
journalisme.
M. Parizeau: Oui, c'est presque du journalisme.
La raison pour laquelle je posais la question, c'est que tout en
reconnaissant qu'il y a à l'heure actuelle une pression
considérable pour introduire dans la vérification un certain
nombre de choses qui découlent de ce qu'on appelait autrefois l'analyse
coûts-bénéfices, dans les modes de vérification, il
faut reconnaître que cela peut être très ambigu de
définir, très difficile d'isoler l'analyse de l'efficacité
d'un programme et le programme lui-même, pour les raisons que je donnais
tout à l'heure. Il y a des programmes qui peuvent, par exemple,
être socialement excellents, mais entraîner cependant des abus
considérables. Au fond, ce sera toujours un des problèmes majeurs
d'un gouvernement que d'avoir à trancher entre: Est-ce que, pour
réaliser le programme, j'accepte ces abus ou si, parce que ces abus
deviennent vraiment trop choquants, je supprime le programme? Dire qu'on peut
simplement examiner l'efficacité sans en arriver à une
conclusion, cela me paraît peut-être plus illusoire qu'on ne
pense.
Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais qu'on examine
ce principe - je ne sais pas si on en est rendu là - en
commençant par le compte des régimes de retraite,
l'élément 1, page 3, qui, je crois, est la première des
choses que nous avons à examiner, lorsque nous abordons le rapport
1979-1980, sauf erreur.
Le Président (M. Bordeleau): À moins qu'on ne me
signale qu'il y a d'autres commentaires d'ordre général, on
pourrait entreprendre...
M. Forget: M. le Président, un commentaire très
bref qui...
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget:... découle des remarques du ministre des
Finances. Je suis tout à fait d'accord avec tout le monde, dans le fond.
Ce n'est rien de nouveau que de dire qu'il est très difficile de porter
un jugement absolument objectif sur un programme, compte tenu qu'il y a parfois
plusieurs objectifs qui sont visés par un même programme, objectif
social et objectif de réallocation de ressources qui sont en partie
complémentaires et en partie contradictoires dans certaines situations
concrètes auxquelles on peut penser. C'est tout à fait vrai.
Le Vérificateur général nous a dit d'ailleurs que,
sur le plan de l'efficacité, il ne prétendait pas, même si
son mandat était élargi, porter des jugements de valeur en
quelque sorte en disant: Tel programme vaut plus qu'il ne coûte ou vaut
moins qu'il ne coûte. Il nous a dit qu'il s'intéressait, de ce
côté-là, dans la plupart des cas - je pense qu'il ne fait
que refléter ce que tout le monde connaît dans ce domaine - qu'il
y a toujours place pour des jugements politiques, des jugements
électoraux, des jugements personnels sur cette question, mais que tous
ces jugements ont une chose en commun: ils supposent que l'on sache quels sont
les effets sur la distribution des revenus ou que l'on sache les effets sur tel
ou tel objectif visé de tel ou tel programme. À moins que les
ministères qui administrent ces programmes ne prennent soin de mesurer
ces effets, d'essayer de les détecter de manière
systématique pour pouvoir faire rapport ne serait-ce qu'à leur
ministre qu'ils sont en train de réussir ou qu'ils sont en train
d'échouer, alors qu'il est évidemment impossible de poser des
jugements intelligents, on peut bien sûr poser des jugements
électoraux ou personnels, mais ce sont des jugements basés sur
des impressions. Ce qui nous intéressait comme parlementaires, ce n'est
pas de confier au Vérificateur général le soin de poser
ces jugements à notre place, mais qu'il nous dise si le
ministère, qui administre le programme Untel, a pris soin de
vérifier qu'il avait une indication systématique des effets de
ses efforts et de ses dépenses.
On m'informait, à travers les branches comme on dit,
récemment, qu'un des ministères - je crois que c'est la Direction
du tourisme du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme -
avait tenté de mettre sur pied des indicateurs de performance de ses
programmes de stimulation à l'industrie touristique. On lui a dit: Non,
surtout ne touchez pas à cela. Et aux fonctionnaires à qui on
avait confié ce travail, selon mon information - est-elle fausse,
est-elle vraie, je n'en sais rien; d'où l'intérêt d'avoir
quelqu'un qui est chargé par nous de vérifier si c'est faux ou si
c'est vrai - on a dit: Non, surtout ne nous causez pas d'embêtements en
allant mesurer si ce que l'on peut faire, on le fait effectivement ou si on n'y
touche pas du tout en ayant l'air d'y toucher.
C'est, quand même, inquiétant, M. le Président,
parce qu'on a tous très facilement à l'esprit - à plus
forte raison si on a déjà été à
l'intérieur de la fonction publique, comme c'est le cas de votre humble
serviteur - des exemples de ces politiques instaurées avec les
meilleures intentions du monde qui n'ont, d'ailleurs, que cela pour toute
justification, parce que jamais personne ne s'est donné la peine, y
compris le ministère qui les administre, de dire: On va essayer de
mesurer systématiquement si ce qu'on essaie de le faire, on le fait ou
pas.
En termes très peu sophistiqués, c'est un peu ce que l'on
essaie de déterminer. On n'est pas tellement intéressé,
parce qu'on sait que cela se fait de toute façon, à savoir qu'il
y a 25 000 $ ou 250 000 $ dépensés en salaires ou en fournitures
pour tel ou tel programme. On s'imagine que les papiers sont ranqés dans
les bons classeurs. À l'occasion, ce n'est pas le cas, mais en
général c'est le cas. On est intéressé à
savoir si ce montant de 250 000 $ nous a acheté quelque chose de valable
ou pas. Et si oui, à peu près combien. Cela peut être en
termes de distribution de revenus à des pauvres. On veut savoir,
justement, si c'est à des pauvres ou à des riches que cela a
été donné.
Il est possible, je pense, dans presque tous les cas, d'avoir des
indications à peu près fiables pour nous aider, après
coup, à porter des jugements. S'il y a des gens qui n'aiment pas la
redistribution des revenus ou qui n'aiment pas aider les pauvres, ils le
diront, mais ils le diront sur la base d'une information. Et c'est cette
information qui n'est pas toujours présente. Je ne dis pas qu'elle l'est
jamais; elle l'est trop rarement. Nous aurions intérêt à ce
que le vérificateur s'assure auprès des ministères qu'ils
ont ce
souci de rigueur non seulement dans la comptabilité purement
financière, mais aussi dans l'évaluation aussi
systématique que possible, parce qu'elle ne l'est pas toujours, du fruit
de leurs efforts.
Je pense qu'il est à peu près inimaqinable de
prétendre que cette information, il serait, d'une certaine façon,
déplacé d'aller la chercher systématiquement. Je suis tout
à fait d'accord avec mon collègue qui disait: II y a
peut-être une hypothèse - on peut la trouver toujours - qui nous
amènerait à exagérer de ce côté-là. Je
suis tout à fait d'accord: il ne faut pas se lancer là-dedans
comme dans une panacée. Il y a eu, dans le monde de la
budgétisation par programmes et autres, énormément de
panacées qui devaient régler tous nos problèmes et qui,
à mon avis, en ont créé un bon nombre et en ont
réglé très peu.
Il reste qu'il y a eu des progrès qui ont été
faits. Mais ce progrès que recherche le Vérificateur
général, je pense qu'il comporte un élément
substantiel très significatif. Mon Dieu, serions-nous si sages, M. le
Président, en cela seulement peut-être d'ailleurs, que ce qui
semble devenir une pratique commune auprès de gens qui, j'imagine, sont
au moins aussi raisonnables et sensés que la plupart d'entre nous,
serait pour le Québec seul une chose qui n'est pas appropriée? Je
veux bien que nous vivions encore dans une province qui avait jadis le plus
beau système d'éducation au monde, avant qu'on le remplace par un
autre qui a les mêmes vertus, présumément, mais il demeure
que ce qui tombe sous le sens commun de la plupart des Parlements, de la
plupart des vérificateurs, avec des ajustements quant à la
quantité de ressources qu'on peut vouloir y consacrer à un moment
donné, à la façon dont on peut choisir d'exercer ces
mandats, j'en suis, mais je crois que c'est rendre un bien mauvais service
à nos concitoyens que de mettre en doute la nécessité de
systématiquement s'interroger sur l'effet de nos programmes
gouvernementaux, parce que c'est de cela qu'il s'agit. Il ne s'agit pas d'autre
chose, dans le fond.
Il y a des limites, il y a des dangers d'être mal compris, que ce
soit utilisé pour des fins que l'on n'aimerait pas, mais il demeure que,
sans informations de ce genre, les choix dans le secteur public ne peuvent pas
être des choix éclairés, ne peuvent pas être des bons
choix. Même dans une atmosphère de coupures budgétaires, je
pense qu'il est tout à fait légitime de se poser la question:
Quels sont les programmes où nous obtenons vraiment, de façon
très évidente pour notre argent et quels sont ceux où, au
moins, on est en droit de se poser des questions? On a le sentiment que c'est
très bon mais, qu'on s'y prenne par alpha ou par omega, il n'y a jamais
personne qui a été capable de le démontrer. Cela commence
déjà à allumer un certain nombre de lumières.
(16 h 15)
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Puisqu'on en reste à ces
considérations d'ordre général, avant d'entrer dans le
rapport de 1979-1980, je voudrais prolonger ce que vient de dire le
député de Saint-Laurent.
Quant à la nécessité, autant qu'il est possible,
d'examiner, à la fois, la façon dont on fait les choses et les
conséquences qu'elles ont, ça me paraît plaider pour le bon
sens. On ne peut pas administrer correctement si on ne fait pas ça. Il
faut que ce type d'information circule, ne circule pas seulement dans les
gouvernements mais circule à l'extérieur des gouvernements autant
qu'il est possible; autrement on ne peut pas administrer correctement. Ce n'est
pas sur le fond. Avant de s'engager dans la définition de mandats, je
plaide simplement pour qu'on évite de satisfaire aux modes, sans
regarder le fond, sans regarder les conséquences. Si on veut examiner
les conséquences d'un programme, on pourrait peut-être aussi
examiner les conséquences des mandats qu'on donne avant de les donner.
Ne pas les donner seulement parce que c'est la mode.
Je vais en donner un exemple, M. le Président, auquel, je pense,
le député de Saint-Laurent faisait allusion dans le même
sens que moi mais je vais en parler un peu plus. La budgétisation par
programme, le PPBS, au gouvernement de Québec. Qu'est-ce qu'on a perdu
comme années pour organiser le livre des crédits en fonction du
PPBS? Pourquoi on l'a fait? Parce qu'on appliquait CKAC à la lettre:
Tout le monde le fait, fais-le donc. M. McNamara avait lancé ça
aux États-Unis, la plupart des provinces canadiennes poussaient
là-dedans, la ville de Montréal s'y mettait et il n'y aurait pas
été correct que le gouvernement de Québec n'embarque
pas.
Une voix: Giscard d'Estaing.
M. Parizeau: Giscard d'Estaing. Cela a fait le tour du monde
à un moment donné, sauf qu'une fois que les politiciens se sont
entendus sur le fait que c'était une bonne chose il y a des gens qui ont
travaillé pendant des années pour refaire les comptes publics sur
cette base. Cela devait être fait pour permettre, en isolant l'objectif
d'un programme, de faire justement ce dont nous discutons cet
après-midi. Dix ans plus tard, où est-ce qu'on en est? Nos livres
de crédits sont absolument illisibles, une chatte n'y retrouverait pas
ses petits. Ne cherchez pas, avec le livre des crédits, à savoir
combien coûtent des hôpitaux au Québec; ce n'est pas
trouvable. Les soins de courte durée sont dans une page, les
soins de longue durée sont dans une autre page. Comment la
répartition des soins de longue durée se fait entre les
hôpitaux et les centres d'accueil? Ne cherchez pas. Autrefois, on avait
un système vieux mais lisible et intelligible. Maintenant, on a un
système moderne, totalement inutilisable.
Depuis que je suis ministre des Finances, je me dis chaque
journée: Un jour, on va revenir à une comptabilité de
services qui nous permettra de nous y retrouver un peu. Le travail est
tellement gigantesque qu'on hésite à mettre des centaines de gens
au travail pendant trois ans pour démancher tout ça. Qu'est-ce
que ça a rapporté sur le plan de l'analyse, de la performance et
de l'efficacité? Rien du tout. Cela a compliqué les choses,
ça ne les a pas aidées. Grâce au ciel, les
ministères, qui en ont vu passer d'autres et qui sont soumis aux modes
et aux vents de toutes les directions, ont gardé des systèmes de
comptabilité qui nous permettent néanmoins de faire des analyses
intelligibles. Ce n'est sûrement pas sur la base des crédits qu'on
fait ça.
Lorsque, actuellement, on cherche à savoir si, par exemple, dans
les grands hôpitaux de Montréal, on rend le même genre de
services que dans les mêmes hôpitaux de Toronto qui ont les
mêmes caractéristiques et qui jouent le même rôle dans
deux grandes villes différentes, ne vous imaginez pas qu'on utilise le
PPBS, ce n'est pas vrai. Cela ne veut pas dire qu'on n'aime pas les analyses,
ça veut dire qu'on a perdu des années à s'amuser à
remonter la comptabilité parce que Tout le monde le fait, fais-le
donc.
Tout ce que je souhaite ici, c'est que, bien sûr, on
réexamine le mandat du Vérificateur général. Bien
sûr, on cherche à voir comment il va s'associer avec le
contrôleur des finances, avec le Conseil du trésor. Soit dit en
passant, la tâche dont nous parlons à l'heure actuelle, il y a un
organisme dans le gouvernement qui est spécifiquement chargé de
la faire, il s'appelle le Conseil du trésor. Il y a bien des gens qui ne
savent pas qu'il y a ça dans le mandat du Conseil du trésor;
c'est sa tâche essentielle. Avant de démancher et ramancher des
mandats, on va essayer de prendre le temps qu'il faut pour voir comment on peut
élargir l'un, sans flanquer le chaos dans les autres. Encore une fois,
il faut le faire avec un certain nombre d'objectifs en tête, et je pense
que, sur ce plan, le député de Saint-Laurent et moi avons
exactement les mêmes objectifs, mais pas simplement pour satisfaire une
mode. On ne va pas appliquer le principe, c'est le casser une deuxième
fois.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je pense que, contrairement au
ministre des Finances, si ma mémoire est bonne, je n'ai pas
été parmi ceux qui ont été l'avocat du PPBS.
M. Parizeau: Vous l'avez subi.
M. Forget: Je l'ai subi et je ne serai pas aussi négatif
que le ministre des Finances, quant à ce qu'il a apporté. Je
pense que, lorsqu'il a été introduit au début des
années soixante-dix, le plan comptable du gouvernement du Québec
reflétait la réalité des années trente, si ce n'est
la réalité des années vingt, et qu'on avait des votes pour
250 000 $ à côté de votes pour 400 000 000 $, et
c'était un peu se moquer des gens aussi. Il y avait donc une
réforme qui était nécessaire et il est clair qu'on l'a
vendue en invoquant des mérites qu'elle n'avait pas.
Cependant, M. le Président, je pense que l'indication que l'on
prendra le temps qu'il faut pour réfléchir à cette
question d'élargissement de mandat n'est pas la réponse
rêvée de la part du ministre des Finances à ce moment-ci.
On peut toujours invoquer la nécessité d'études plus
amples, mais j'ai bien connu le Conseil du trésor, je sais que,
d'après les mémoires et les résolutions qui en
émanent, il n'a pas changé beaucoup son style. Je me pose de
sérieuses questions, lorsque le ministre des Finances nous informe que
cette évaluation riqoureuse des programmes est ce que le Conseil du
trésor fait. Il fait un travail admirable avec les moyens qu'il a, mais
je pense que le fait de faire reposer sur un organisme central, comme ça
semble être en filigrane l'intention du ministre des Finances,
l'évaluation de tous les programmes gouvernementaux, plutôt que
d'en faire une préoccupation de la gestion de chaque ministère...
En effet seul un ministère peut mettre en place cette
préoccupation d'administrer, de gérer ses programmes, en tenant
compte que ça ne peut pas lui être imposé d'en haut par le
Conseil du trésor et encore bien moins fait à sa place par le
Conseil du trésor.
Il y a là une distinction des rôles qui est capitale. Le
Conseil du trésor peut, bien sûr, au nom du conseil des ministres,
vérifier si les ministères le font, mais c'est également
ce que nous demanderions avec un mandat élargi au vérificateur de
s'assurer que, à la fois, les ministères et le Conseil du
trésor font leur tâche de ce côté. Si on admet la
nécessité, que ce soit au niveau des ministères ou au
niveau du Conseil du trésor que ça se fasse, encore faut-il
donner l'autorisation au Vérificateur général d'aller en
notre nom, nous, parlementaires, nous assurer qu'effectivement, c'est une
tâche
qu'on assume. Ce n'est pas suffisant de dire qu'elle se fera. Quant
à ça, on pourra supprimer le travail du vérificateur en
entier, en disant: Le ministère des Finances a un service de
comptablilité; on va s'y assurer que les comptes sont bien faits. S'il y
a un vérificateur, c'est pour s'assurer qu'effectivement, on y fait ce
travail. La même chose prévaut dans le cas soit du Conseil du
trésor ou des ministères; il y a des préoccupations de
gestion qui doivent s'y retrouver, elles s'y retrouvent sans doute dans bien
des cas, mais on veut s'assurer qu'elles s'y retrouvent dans tous les cas
où c'est possible de les insérer. Je sais que c'est loin
d'être le cas malheureusement, sans blâmer personne, c'est une
longue histoire, c'est une longue tradition, mais il demeure que c'est un
objectif qui devient urgent dans le contexte financier actuel.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, nous allons permettre
une réponse à M. Châtelain. Je reviendrai après avec
le député de Nelligan. Oui, M. Châtelain.
M. Châtelain: Merci, M. le Président. Je ne veux pas
prendre indûment le temps de cette commission. D'après les vues
qui ont été exprimées ici, concernant l'évaluation
de l'efficacité des programmes, peut-être que je devrais
répéter, encore une fois, ou essayer, du moins,
d'éclaircir la position que j'ai énoncée à ce
sujet. Je suis d'accord avec le ministre des Finances qu'il est
extrêmement difficile d'analyser l'efficacité des programmes et de
ne pas analyser les programmes eux-mêmes. Je l'ai reconnu dans mes
commentaires. En effet, ce que nous recommandons pour le rôle du
Vérificateur général, c'est bien plus qu'on doit analyser
dans les ministères, partout où c'est possible,
l'efficacité de ces programmes, c'est-à-dire qu'il y doit y avoir
en place dans les ministères des mécanismes devant assurer
l'évaluation de ces programmes en termes d'efficacité.
Il faut faire une distinction lorsque nous parlons de
l'efficacité des programmes, nous ne parlons pas de l'efficacité
de systèmes de gestion ou de l'efficacité des
procédés administratifs, parce qu'à ce moment, on parle de
déficience, mais lorsque nous discutons d'efficacité des
programmes, je conviens que nous en sommes très près de la
politique même, dans le sens des grands principes ou encore des
politigues d'un gouvernement.
Peut-être qu'il serait utile que je fasse la lecture d'un
pararaphe tout simplement qui situe le rôle d'un bureau d'un
vérificateur général à cet égard. Ceci est
tiré du rapport du Vérificateur général à
Ottawa, lorsqu'il a implanté ses nouveaux procédés de
vérification, au sujet de l'efficacité: "Pour évaluer la
gestion sur le plan de l'efficacité, nous commençons par
comprendre les objectifs, vues et effets recherchés par le programme et
nous les notons. Nous étudions ensuite la pertinence des systèmes
de gestion conçus pour évaluer la réalisation de ces
objectifs et faire rapport sur celle-ci. "
Ce ne sont pas les vérificateurs qui font rapport sur celle-ci,
c'est-à-dire les ministères eux-mêmes, qui doivent avoir en
place des systèmes de gestion conçus pour évaluer la
réalisation des objectifs et faire rapport. "Ce n'est pas dans nos
attributions -je pense que c'est clair - de mettre en doute la pertinence des
objectifs du programme ou des valeurs sur lesquelles ils se fondent, ceci
relève du Parlement lui-même. " Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Je m'excuse
auprès du député de Nelliqan, mais j'avais oublié
de mentionner que le député de Trois-Rivières m'avait
déjà demandé la parole.
M. le député de Trois-Rivières.
M. Vaugeois: M. le Président, j'aurais pas mal de choses
à dire, mais il y en a beaucoup qui ont été dites sur le
mandat. Il y a eu des choses extrêmement intéressantes d'ailleurs
d'abordées. Ce qui est consolant, c'est que cela ne restera pas lettre
morte, puisque sur proposition du leader du gouvernement, c'est une habitude
dans notre Parlement d'agir sur proposition du leader, nous aurons l'occasion
d'y revenir, et particulièrement au niveau de la commission de
l'Assemblée nationale.
M. Châtelain vient justement de s'interrompre en parlant des
responsabilités du Parlement. J'aimerais que lorsqu'on aura à
réfléchir sur le mandat du Vérificateur
général, on situe cette réflexion également sur le
mandat fondamental du Parlement, le rôle du Parlement, parce que, au
fond, le Vérificateur général n'existe pas pour
lui-même, il n'existe pas non plus à la demande du gouvernement,
il existe pour agir au nom du Parlement. Il est un agent du Parlement dans un
travail essentiel du Parlement, celui de contrôler l'exécutif. Il
s'agit de savoir jusqu'où va l'exécutif, il s'agit de savoir
aussi comment l'exécutif se rend responsable des gestes du
gouvernement.
Voilà des questions que nous aurons à débattre.
On a, depuis ce matin, fait grand état du fait que la commission
des comptes publics ne s'était pas réunie souvent. M. le
député de Saint-Laurent qui, devant une question des
journalistes, la question avait l'air d'accabler l'Opposition puisqu'elle
était aussi coupable que le gouvernement d'avoir laissé autant
d'années s'écouler sans permettre...
M. Forget: C'est le leader qui prend les décisions, mon
cher ami.
M. Vaugeois: Laissez-moi compléter... sans exiqer que
cette commission des comptes publics sièqe. C'est le
député de Saint-Laurent lui-même qui faisait remarquer que
nous avions par ailleurs une commission des engagements financiers. Je crois
savoir que, finalement, cela a été un choix des parlementaires
qui nous ont précédés, de préférer une
commission des engagements financiers à une commission des comptes
publics. Ils avaient eux-mêmes critiqué fortement cette commission
des comptes publics qui permettait de voir les comptes publics bien du temps
après les dépenses faites. La commission des engagements
financiers était susceptible de corriger cela.
Aujourd'hui, on se rend compte des limites de la commission des
engagements financiers. Il y a des propositions qui circulent
déjà. Il y en a d'autres qui ont été amenées
ce matin. Lorsqu'on aura réfléchi sur le mandat du
Vérificateur général, des moyens qu'il convient de lui
donner pour remplir son mandat, les moyens ne seront pas de la
responsabilité du gouvernement, les moyens seront de la
responsabilité du Parlement. Il s'agira de se demander à qui on
demande au Vérificateur général de faire rapport, de
rendre compte de son mandat. On a tenu pour acquis, depuis ce matin, que
c'était éventuellement devant une commission des comptes publics.
J'aimerais bien qu'on se demande si ce n'est pas là où on a
envoyé le sujet débattu ce matin et les recommandations qui nous
ont été amenées, si ce n'est pas à la commission de
l'Assemblée nationale, puisqu'il est un agent de l'Assemblée
nationale. (16 h 30)
Je pense également que, quant à s'engager dans ce genre de
réflexion, il faudrait se demander si on veut réserver les
fonctions de contrôle à une seule commission, celle qui a
été envisagée ce matin, ou si cette fonction de
contrôle ne doit pas se diversifier et s'il n'y a pas lieu
également, puisqu'on parle de comptes publics, de finances, de
s'interroger sur le rôle traditionnel de notre commission des finances et
de se demander ce qu'on réserve à la commission des engagements
financiers, si on en veut toujours une, ce qu'on réserverait à
une commission des comptes publics et ce qu'on veut comme autre commission de
contrôle. Mais ce que je trouve heureux depuis ce matin, c'est que la
question a été posée, peut-être comme jamais
auparavant, la discussion est ouverte et nous avons la perspective prochaine de
pouvoir aller beaucoup plus loin comme réflexion sur le mandat du
Vérificateur général et les suites à donner
à son rapport, tout cela permettant au Parlement de remplir son
rôle fondamental et au gouvernement, quel qu'il soit, d'améliorer
sa performance.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: II me semble que, dans tous les mémoires
présentés ici, il y a trois sujets qui semblent recevoir
l'approbation de tous les gens qui ont exprimé leur point de vue,
peut-être à l'exception de la question du cadre dans lequel cela
se situerait financièrement et des nouvelles suggestions du
Vérificateur général qui n'entraînent pas des
dépenses exagérées, etc. On veut d'abord aller un peu
au-delà de la question du strict contrôle des états
financiers pour examiner justement l'efficacité de la gestion des
programmes et leur qualité. Je crois que tout le monde est d'accord sur
le principe de base qu'il faudra aller plus loin que ce qu'on fait à
présent au Québec.
Je pense qu'un deuxième principe aussi semble se détacher.
L'idée même d'avoir un Vérificateur général,
l'idée même d'avoir une commission quelconque qui examinerait le
rapport du Vérificateur général semble indiquer qu'on veut
avoir un mécanisme quelconque qui va se placer au-delà des
organismes du gouvernement lui-même et de l'Exécutif, tel le
Conseil du trésor, parce que, justement, on veut contrôler ce que
les appareils du gouvernement vont faire.
Si tout le monde est d'accord sur ces principes de base, il me semble
qu'il aurait été malheureux, si, parce qu'on croit qu'il y a des
risques dans les programmes actuels établis par les autres provinces,
par le gouvernement du Canada, par les autres pays industrialisés dont a
parlé le nouveau Vérificateur général, qu'à
cause de ces risques, on perde encore plusieurs années, comme a dit M.
Larose... Depuis des années, il en arrive au même sujet, il veut
une augmentation de son mandat; il veut qu'on aille plus loin que le mandat
actuel du Vérificateur général. Là, on voit
déjà des discussions au sujet des risques des autres programmes
possibles. On dit que, peut-être, cela ne devrait pas être cette
commission-ci, cela devrait être une autre commission. Cela serait bien
malheureux si cette chose traînait pendant des années, si
c'était examiné en commission, en sous-commission.
Peut-être qu'on devrait se créer un échéancier parce
que, vraiment, il ressort du rapport du Vérificateur
général que, puisqu'on étudie maintenant toutes les sommes
immenses dont il parle, c'est certainement une question urgente; il faudrait se
créer un échéancier pour peut-être en arriver,
à une date quelconque, à une commission d'étude qui ferait
rapport sur ce mandat plutôt que de laisser cela continuer encore des
années et des années sans que rien ne se passe. Il y
a sûrement une façon quelconque d'évaluer ce qui a
déjà été fait dans les autres provinces, au Canada
ou dans les pays industrialisés, parce que cela se passe
déjà depuis un assez bon bout de temps.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'on est prêt
à aborder maintenant les points précis du rapport du
vérificateur? M. le ministre des Finances.
Les régimes de retraite
M. Parizeau: Je voudrais aborder, avec M. Larose, ce qui
apparaît en page 3 au sujet des régimes de retraite, parce que
c'est le type même d'état ou de présentation qui est
très clair sur le plan comptable, mais qui pose justement de
sérieuses questions quant à la façon de présenter
les choses et quant à l'espèce d'adéquation de la
vérification qui est faite et des politiques suivies par le
gouvernement.
Je vais essayer de m'expliquer de la façon suivante. Jusqu'en
1973, le gouvernement place comme revenus les cotisations qui entrent, et comme
dépenses les prestations qu'il paie. La notion même de
déficit actuariel n'existe pas. C'est un "pay as you qo". C'est une
politique des gouvernements de cette époque. Ils ont
décidé que c'est sur une base de "pay as you go" qu'ils
traiteraient ce qui concerne les régimes de retraite. On ne peut pas
dire qu'ils ont raison ou qu'ils ont tort. Le problème n'est pas
là. Ils ont décidé que ce serait un "pay as you go".
Il ne faut pas s'imaqiner que c'est quelque chose de rare. Après
tout, la Régie des rentes du Canada devait être, à
l'origine, sur une base de "pay as you go". Cela n'a pas été
ainsi finalement mais, en soi, le principe d'un "pay as you go" n'a rien de
particulièrement étonnant. Ce n'est pas prudent, mais ce n'est
pas étonnant.
Deuxième étape dans la définition des politiques.
En 1973, on crée le RREGOP. Deuxième décision politique
d'un gouvernement qui dit: Pour mes deux vieux régimes, fonctionnaires
et enseignants, je continue de procéder comme avant. Mais pour tous ceux
qui entreront dorénavant dans le secteur public ce sera le RREGOP. Et le
RREGOP est ainsi dessiné qu'il coûtera un peu moins cher que les
programmes antérieurs. Définition d'une politique.
Mais il n'y a toujours rien d'inscrit pour les vieux régimes de
retraite qui, évidemment, vont accumuler des déficits actuariels
d'autant plus forts qu'il n'y a plus personne qui y rentre et que le personnel
y vieillit.
Troisième étape de la politique décidée par
le gouvernement. En 1977, il est décidé par le gouvernement,
à l'égard des deux vieux fonds de retraite qui fonctionnaient
toujours sur une base de "pay as you go", de poser un certain nombre de gestes
destinés à stabiliser dans un premier temps puis à
réduire le déficit actuariel de ces deux vieux fonds. Sauf que si
on voulait faire cela correctement et totalement, il faudrait inscrire aux
dépenses des montants fabuleux qu'on ne peut pas, à moins de
vraiment vouloir ralentir la croissance des dépenses de l'ensemble des
ministères, vouloir pousser jusque-là.
On s'attendrait donc - j'allais dire même sur une base... et
revenons justement à cette question du mandat dont on discutait tout
à l'heure - que les remarques du vérificateur soient faites en
fonction des politiques que le gouvernement s'est fixées. Je comprends
très bien le vérificateur, dans ses remarques - j'ai pris la
peine de remonter dix ans en arrière quant à ces remarques - de
tenir pour acquis que, la politique devant être de satisfaire toutes les
exigences actuarielles de tous ces fonds de retraite pleinement, il y a toute
une série de choses qui devraient être passées au passif,
qui devraient être inscrites comme un passif réel et donc
loqiquement et normalement être inscrites aux dépenses, comme cela
doit l'être.
Ces observations sont faites comme si la politique du gouvernement
devait être de satisfaire pleinement toutes les exigences actuarielles de
tous les fonds de retraite.
L'autre optique, celle qui consiste à voir si on procède
efficacement en fonction des politiques établies, est différente.
Compte tenu de la politique déclarée par le gouvernement, est-ce
qu'effectivement il inscrit les sommes qu'il a dit qu'il inscrirait, ce qui est
tout à fait autre chose?
Je vais essayer de rendre cela un peu plus explicite. Pendant des
années, le gouvernement dispose d'un grand verre vide. Le
vérificateur dit: Voulez-vous remplir le verre, s'il vous plaît?
Le gouvernement dit: Ma politique, c'est que le verre soit vide. Quelques
années plus tard, en 1977, le gouvernement dit: Compte tenu des
ressources que je peux incrire à cet effet, je vais faire en sorte que
le verre soit à moitié plein. Je continue à soutenir que
le verre est à moitié plein. Le Vérificateur
général me répond: Non, le verre est à
moitié vide. Nous avons raison tous les deux, sauf que la politique du
gouvernement est que le verre soit à moitié plein.
C'est un beau cas qui a un immense avantaqe, c'est de ne pas être
très excitant; ce n'est pas quelque chose de très contentieux. Ce
n'est pas contentieux comme un programme social ou un programme
économique ou quelque chose comme ça. Les gens ne se battent pas
dans les autobus au sujet du déficit actuariel des fonds de
retraite.
M. de Belleval: Quand je prends l'autobus, je ne me bats avec
personne. Cela dérange le chauffeur.
M. Parizeau: J'aimerais, à cet égard, avoir les
commentaires du Vérificateur général. C'est à
l'occasion de cas comme ceux-là que, justement, les discussions sur le
mandat, en un certain sens, vont avoir lieu. Qu'on soit encore une fois
amené à modifier le mandat, ça n'a rien de surprenant.
C'est en se comprenant bien sur des choses concrètes qu'il sera d'autant
plus facile d'établir des mandats intelligibles.
M. Larose: En premier lieu...
Le Président (M. Bordeleau): M. Larose, vous avez la
parole.
M. Larose: II s'agit d'un programme du gouvernement,
c'est-à-dire celui des comptes des régimes de retraite. Encore
là, évidemment, l'objectif de ce programme, c'est de fournir des
fonds de retraite aux employés du gouvernement et, en tant que
vérificateurs, sur le plan de l'efficacité à savoir si ce
plan satisfait aux objectifs, on n'a pas mis ça en cause dans nos
commentaires.
Le seul point que nous avons soulevé est qu'on s'est
demandé si les faits qui sont rapportés étaient complets
sur le plan de l'exactitude et de la comptabilité et s'il n'y avait pas
d'autres renseignements qui pourraient être fournis à la
population pour mieux la renseigner sur les engagements du gouvernement. En
1973, ou avant, de mémoire - je n'ai pas relevé le rapport du
Vérificateur général, celui que nous avions à ce
moment - je suis convaincu que déjà nous faisions état du
fait que les fonds de retraite du gouvernement n'étaient pas
portés au passif du gouvernement et qu'il n'existait pas d'actif
correspondant, de placements correspondants, permettant le paiement.
Comme M. Parizeau l'a dit tout à l'heure, à ce
moment-là, on suivait la méthode du "pay as you go". Nous
faisions état du déficit actuariel ou des dettes du gouvernement,
nous n'avions pas d'étude actuarielle en notre possession pour dire quel
était le montant exact de la dette. Nous faisions état qu'il y
avait des dettes énormes, très importantes, concernant les fonds
de retraite qui n'étaient pas déjà inscrits au livre. Au
fur et à mesure de l'évolution de la situation, nous avons
continué la même pratique depuis ce moment, nous avons
essayé de dire à chague année que toutes les dettes du
gouvernement, concernant ces régimes de retraite, n'étaient pas
au livre. Nous avons maintenu la même politique que celle qui existait en
1973 et nous avons rapporté cette situation. (16 h 45)
Au fur et à mesure que le gouvernement a mis dans ses livres des
montants concernant le régime de retraite nous l'avons mentionné
dans notre rapport et nous le mentionnons en fait cette année, le fait
que le gouvernement a décidé de faire telle et telle chose. Pas
dans cette phrase-là en particulier, mais, si vous regardez dans les
autres sections du rapport, vous constaterez que nous faisons état du
montant que le gouvernement a porté à son compte de revenus et
dépenses comme dépense de l'année, et porté ensuite
comme passif enregistré au compte du régime de retraite. Nous
donnons la situation. Nous concluons quand même à la fin qu'il y a
encore une marge importante entre ce que le gouvernement a inscrit comme passif
dans son compte de régime de retraite et ce qu'aujourd'hui les
évaluations actuarielles nous disent. Et c'est ce
renseignement-là que nous jugeons nécessaire de donner à
la population. Remarquez bien que le renseignement n'est pas donné
seulement par nous. Le renseignement apparaît aussi, je pense, dans les
comptes publics, dans une cédule qui apparaît dans les comptes
publics, dans une autre partie des comptes publics. Alors, le renseignement est
aussi donné ailleurs. Nous avons calculé que cette dette, ce
montant... Je pense que le ministre des Finances lui-même, à
l'occasion de plusieurs discours du budget, a fait état de l'ampleur de
la dette du gouvernement à l'endroit de ses fonctionnaires ou de ses
enseignants. Par conséguent, nous calculons que les états
financiers du gouvernement sont difficiles à comprendre et à
analyser en termes de passif et d'engagements si ce renseignement-là n'y
est pas directement attaché.
M. Forget: Ajouté à cela, oui.
M. Parizeau: C'est dans ce sens-là, si je comprends bien,
M. Larose, qu'il faut comprendre la dernière phrase du paragraphe qui
concerne le RREGOP à l'item 1 de la page 3. "Des mesures devraient
être prises pour compléter l'inscription du passif de ce
régime". Parce que, d'autre part, il est très clair que ces
montants apparaissent au poste 2A de la page 22 des notes
complémentaires du premier volume des comptes publics. Qu'est-ce que
vous voulez dire? Vous voulez dire façon somme ces inscriptions
devraient être changées de place?
M. Larose: Attendez une minute, cela apparaît à
guelle cédule, vous dites?
M. Parizeau: "Des mesures devraient être prises pour
compléter l'inscription du passif de ce régime. "
M. Larose: Oui, d'accord, je peux vous expliguer le but de cette
phrase.
M. Parizeau: Si je comprends bien, les deux montants qui sont en
cause de 174 000 000 $ et 480 000 000 $, n'est-ce pas, ils apparaissent dans le
poste 2A de la page 22 du premier volume des comptes publics aux notes
complémentaires.
M. Forget: II y a des meilleures journées que
d'autres.
M. Parizeau: Non, mais attention, ce n'est pas pour rien que je
pose la question.
M. Forget: M. le Président, pendant que le ministre des
Finances cherche ses chiffres, on pourrait peut être...
M. Parizeau: Je ne cherche pas mes chiffres.
M. de Belleval: M. Larose est en train d'examiner la phrase et il
va nous donner la réponse à la question de M. Parizeau.
M. Larose: Si vous me le permettez, le but du commentaire qui
apparaît ici a été le suivant: le RREGOP est un nouveau
régime qui a commencé en 1973. Comme il s'agit d'un nouveau
régime, nous avons toujours été d'avis que, si dans le
passé, par exemple, concernant le régime de retraite des
fonctionnaires et le régime de retraite des enseignants, il aurait
été préférable qu'on tienne compte des enqagements
du gouvernement eh bien, pour ce qui concernait le RREGOP qui était un
nouveau régime, à plus forte raison on devait le maintenir sur un
plan actuariel. Comme il était nouveau, nous étions et nous
sommes encore d'avis que ce nouveau régime devrait toujours être
maintenu sur un plan actuariel, et c'est le but de cette remarque. Nous n'avons
pas fait la même remarque à l'endroit des régimes de
retraite des fonctionnaires et des enseignants et des autres régimes
divers, parce que nous sommes forts conscients qu'elle ne serait pas applicable
de façon aussi draconienne.
M. Parizeau: Vous voyez, M. le Président, je reviens
à mon argumentation initiale. Dans le discours du budget de 1977,
j'annonçais, au nom du gouvernement, la nouvelle politique suivante:
"Dès l'an prochain, je propose, pour les régimes de retraite des
enseignants et des fonctionnaires, de n'inclure ni les contributions ni les
prestations dans les comptes budgétaires du gouvernement. De plus, la
même année, le gouvernement ajoutera l'intérêt sur la
provision accumulée pour le RREGOP. Ces montants seront
comptabilisés comme revenus d'un compte non budgétaire par lequel
transitera...., " etc.
Je cite cela simplement pour indiquer que c'était très
précis et que, dans ces conditions, on peut se poser la question de
savoir s'il n'y a pas lieu d'établir une distinction très nette
entre deux choses lorsqu'on aborde le rapport de vérification. Dans
quelle mesure, compte tenu des objectifs que le gouvernement s'est
fixés, a-t-il satisfait à ses obligations?
Deuxièmement, ce qui est tout à fait autre chose, pour
satisfaire pleinement les conditions du déficit actuariel, qu'est-ce
qu'il faudrait que le gouvernement ajoute? Il faut établir une
distinction très claire entre est-ce que, par rapport à ses
objectifs, le gouvernement a pris les moyens nécessaires, qui est une
chose, et, deuxièmement, est-ce que l'objectif ne doit pas être
différent, est-ce qu'on ne doit pas satisfaire complètement tous
les besoins actuariels des fonds de retraite?
Il y a une distinction qui est très fondamentale, encore une
fois. Le gouvernement se fixe, de période en période, avant 1973,
après 1973, après 1977, un certain nombre d'objectifs, à
tort ou à raison. Ce sont des objectifs que le gouvernement s'est
fixés. Je reviens à ma question. Est-ce qu'il n'y a pas lieu de
distinguer clairement ces deux ordres de question, l'adéquation des
moyens pris par le gouvernement pour atteindre ses objectifs, par opposition
à est-ce que l'objectif ne devrait pas être différent et
donc comporter d'autres éléments de passif, si vraiment on
voulait satisfaire pleinement les conditions du déficit actuariel?
M. Larose: J'ajouterai ceci là-dessus. Je pense que ce
qu'on extrait là fait partie d'un commentaire, à la page 3, d'un
avis qui est donné sur des états financiers du gouvernement. Il
ne s'agit pas d'un rapport sur l'administration globale et l'évolution
de toute la structure administrative, des développements administratifs.
Nous avons, à ce moment-là, au 31 mars d'une année, un
état financier, et nous avons à donner un avis sur cet
état financier. Nous interprétons cet avis comme voulant dire
notre obligation. Cet état financier donne-t-il tous les renseignements
d'ordre financier qui paraissent nécessaires pour
l'interprétation de la situation financière de la province?
Nous nous plaçons à une date, au 31 mars d'une
année. Et c'est à cette date que notre avis est donné. Les
gestes qui ont été posés par le gouvernement à
l'intérieur d'une année donnée sont commentés dans
le rapport qui est soumis à l'Assemblée nationale.
Mais dans l'avis même sur les états financiers, il s'agit
de dire: Est-ce que c'est exact ou si cela ne l'est pas? Et dans quelle mesure
cela ne l'est-il pas? Et je pense que c'est ce à quoi nous voulons
répondre, par un avis sur l'état. Maintenant, je crois que chaque
année nous avons fait état des montants qui ont été
portés aux comptes de
régimes de retraite et les différents gestes qui ont
été posés par le gouvernement, tout en insistant,
évidemment, sur le fait qu'idéalement nous aimerions bien, comme
vous, que tout le passif concernant le régime de retraite paraisse dans
les livres et qu'on n'ait pas une dette énorme qui ne soit pas
enregistrée.
M. Parizeau: Je n'ai pas d'autre commentaire, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, comme on dit parfois, je
n'aurais pas cru que l'occasion me fût donnée un jour, alors que
j'étais encore membre de cette Assemblée, de revenir assez
longuement sur toute cette question du financement des fonds de retraite dans
le secteur public. Depuis quelques années, il en a été
question à l'emporte-pièce à plusieurs reprises. Je pense
que c'est une occasion aussi bonne qu'une autre, comme le fait le ministre des
Finances, mais peut-être en mettant l'accent un peu, à l'occasion,
à des endroits différents de là où il les a mis, de
préciser un certain nombre de choses.
J'ai constaté en premier lieu - presque avec surprise parce que,
à mon avis, c'est la première fois qu'il l'a fait - qu'il
reconnaît enfin que cette décision qu'il a prise en 1977
relativement à la capitalisation des fonds de retraite, c'était
un choix entre deux options, qui sont tout à fait respectables l'une et
l'autre, parce qu'elles sont effectivement suivies par des gouvernements qui
ont le sérieux du gouvernement américain, par exemple, dans
certains cas. Je pense ici à la formule "pay as you go". C'était,
comme il l'a indiqué justement, la formule de financement des retraites
dans le secteur public jusqu'à la décision qu'il a citée,
de 1977.
C'est un système qu'on pourrait encore avoir. Il y a des opinions
divergentes sur l'à-propos d'avoir un système de "pay as you go"
plutôt qu'un système de capitalisation. Ce sont des débats
d'actuaires, je n'ai pas l'intention de m'étendre là-dessus, mais
il est tout à fait plausible qu'un gouvernement décide de
financer un régime comme celui-là sur le "pay as you go".
Ce qui s'est fait cependant, dans la période pendant laquelle on
a maintenu cette politique, c'est-à-dire jusqu'en 1976, c'était
quelque chose de beaucoup plus important qu'une opération comptable.
Cela a été la renégociation, avec tous les syndicats du
secteur public, des conditions d'accès à un régime de
retraite qui, dans l'ensemble -d'ailleurs, c'est le ministre lui-même qui
l'a dit - est moins coûteux, et entraîne sur une longue
période un déficit actuariel moins lourd que le régime
préexistant.
J'insiste sur ce point parce qu'il est capital. Il y a eu un
développement, qui a été la création du RREGOP, qui
a nécessité non pas un exercice comptable, non pas simplement de
changer les chiffres et de produire un tableau différent de choses qui
étaient déjà connues, sans modification essentielle quant
au flux financier entre le secteur public et le secteur privé, par
exemple. Ce qui a été fait en 1973, c'a été une
négociation avec les intéressés, les associations de
salariés représentant les intéressés, pour modifier
fondamentalement les conditions qui font que ce passif s'accumule. Cela, c'a
été capital et ça nous a mis dans une situation qui n'est
pas parfaite, probablement, sur le plan financier, mais qui est infiniment
préférable - je pense que le ministre sera obligé d'en
convenir avec moi - sur une longue période à la situation qui
aurait résulté de la non-création du RREGOP et du maintien
des anciens régimes. Ce n'est pas des sommes dont on parle qu'il serait
question, ce serait des sommes immensément supérieures.
Je ne veux pas ainsi jeter la pierre aux gouvernements qui se sont
succédé au cours des vingt ou trente dernières
années et même des administrateurs scolaires et des autres, parce
qu'on a hérité de tout un paquet d'histoires qui faisaient qu'on
présumait, à cette époque, qu'on pouvait offrir des
pensions et que, comme on les payait plus tard, elles ne coûtaient rien.
Il y a eu une mentalité qui a régné longtemps
là-dessus et ce n'est qu'en 1973, et dans le cadre de
négociations, qu'on en est venu à une mesure un peu plus
réaliste de ce qu'il est permis d'espérer et d'offrir en termes
de fonds de retraite. C'était encore très qénéreux,
j'en conviens. Il demeure que c'a été un proqrès
réel, obtenu de haute lutte dans une négociation dont on se
rappelle les péripéties. Cela, c'est le premier point. Je pense
qu'il mérite d'être souligné. (17 heures)
Le deuxième point, c'est la décision du gouvernement, pour
employer les mots qui me frappent encore et qui m'ont frappé à
l'époque et dont je me souviens encore, de "stabiliser". Quand on parle
de stabiliser ou de déstabiliser, les gens, tout à coup,
s'ouvrent les oreilles. Ils disent: Là, on parle de quelque chose
d'important.
Le gouvernement a dit: Nous allons stabiliser. Stabiliser quoi, M. le
Président? Il s'adressait, dans un discours du budget, au public
québécois. Stabiliser ce grand déficit actuariel auquel il
avait fait mention et qui se chiffrait par des milliards de dollars. Il ne
s'aqissait pas de stabiliser un poste ou l'autre, soigneusement
préparé et aménagé dans les états
financiers. Il s'agissait de stabiliser, autrement dit d'empêcher
l'accroissement. Il n'espérait pas produire une
diminution subite, mais au moins d'empêcher l'accroissement du
déficit actuariel, à compter présumément de la date
où la décision s'est prise, disons en 1977 ou 1978, si l'on veut.
Je n'ai pas la mémoire encyclopédique pour me souvenir de la
date. Mais enfin, il y a quelques années, il a dit: Stabilisons ce
déficit.
Je m'excuse, mais nous l'avons pris au sérieux. Nous avons dit:
Quelle décision couraqeuse. On pourrait retracer à l'envie, dans
les commentaires de l'époque, les louanges que s'est attiré le
ministre des Finances en disant: Enfin, on met fin à
l'hémorragie. On va stabiliser cette dette qui nous pend au bout du nez,
comme un carcan, comme un boulet de canon, et on va s'en aller lentement, parce
que les chiffres sont énormes, vers plus de responsabilité
financière. Formidable! Formidable!
Applaudissements universels.
Lorsqu'on regarde les états financiers, on est naturellement
amené à se poser cette question, surtout après quatre ans,
soyons juste, après trois ans, puisqu'on est encore dans les comptes
publics en 1980: Stabilité, stabilité, où es-tu? Et
lorsque l'on se pose la question, on se rend compte que la belle
stabilité est tout aussi illusoire, est tout aussi difficile à
cerner, à saisir et à embrasser qu'elle l'était.
Stabilité n'est pas encore arrivée.
Le vérificateur nous dit: II y a un déficit actuariel.
J'imagine qu'il parle de celui dont on parlait jadis. Il dit: Non seulement, on
on ne l'a pas stabilisé, il a grossi depuis qu'on en a parlé la
dernière fois. Il a grossi.
M. le Président, je veux bien que dans le "fine print" du contrat
d'assurance, le ministre des Finances, qui est bien placé pour le
connaître, dise: Écoutez, n'en mettez pas trop. Je n'ai pas dit
que je stabiliserais le déficit actuariel. J'ai dit que je calculerais
mes choses de telle façon que, d'une certaine manière, je
pourrais prétendre avoir fait une amélioration. On pourra revenir
plus tard sur la nature réelle de l'amélioration, parce que cela
aussi, c'est véritablement un mystère.
Mais il reste que quels que soient les artifices de langage - je pense
qu'il faut quand même parler en des termes que finalement, tout le monde
comprend - on parle des comptes publics, on parle de choses que le citoyen
moyen doit être capable de comprendre. Ce que je comprends, à la
lecture des états financiers, y compris les notes - parce que ce n'est
pas, encore une fois, le déficit... je pourrai y revenir et j'y
reviendrai d'ailleurs - en lisant les notes, en lisant toutes les
réserves, on se rend compte que le déficit n'est pas
stabilisé et que quelque part, il y a eu une clause ou une
décision qui a permis au gouvernement de prétendre qu'il
stabiliserait sans stabiliser.
Cela m'ennuie terriblement. Si j'étais tout seul à m'en
ennuyer, je ne m'en ferais pas, parce qu'il arrive qu'on se fait des
inquiétudes qui ne sont pas partagées, on a appris cela aussi.
Mais cette inquiétude, elle est partagée. Quand on dit qu'on va
stabiliser et qu'on ne stabilise pas, il y a une cassure qui se fait dans la
confiance qu'ont les gens dans les paroles qui se prononcent dans certains
lieux et qui viennent de certaines bouches. Or, c'est exactement ce qu'on peut
constater, soit qu'on a promis de stabiliser et qu'on n'a pas
stabilisé.
On a, d'une certaine façon, et en se ménageant des portes
de sortie, peut-être, encore que notre examen pourrait nous faire voir si
les portes de sortie sont étanches ou pas, mais peut-être en
faisant des subtilités, on s'est ménagé une porte de
sortie et on peut dire: Écoutez, ce n'est pas vraiment ce qu'on voulait
dire. On m'a mal compris. L'histoire est faite de ces grands personnages qu'on
a mal compris. Il reste qu'encore une fois cela ne s'est pas fait.
Un autre élément mérite d'être
souligné. Il ressort plutôt du sens commun que ce qu'on retrouve
comme tel. Si on lit les comptes publics, on se rend très bien compte de
ce qui s'est passé. Mais le grand public ne s'en rend pas compte.
On a dit: On va mettre de l'argent dans les fonds de retraite, on va
mettre de l'argent de côté - les gens se servent de cette
expression - comme ça, quand on en aura besoin, il sera là. Les
gens font ça dans leur compte de banque, dans leur bas de laine,
n'importe quoi. Il y a toutes sortes de méthodes plus
sophistiquées de nos jours, mais, de toute façon, mettre de
l'argent de côté, c'est une expression qui est bien connue.
Le ministre des Finances a dit: On va empêcher que croisse le
déficit et on va mettre de l'argent de côté, alors, quand
ces obligations deviendront dues, on aura de quoi les payer. Il faut quand
même que la vérité soit dite un jour. Je l'ai compris la
première année et je l'ai dit à bien du monde, mais je
pense qu'il faut le répéter à nouveau: L'argent que le
ministre des Finances a mis de côté en le sortant de sa poche de
droite et qu'il a mis dans son verre vide ou à moitié plein, il a
été le chercher avec la main de gauche pour le mettre dans sa
poche de gauche. Ne cherchez pas d'argent de côté, il n'y en a
pas. Il y a, dans le verre à demi plein, non pas de l'eau, mais des
promesses de verser de l'eau. Ce n'est pas tout à fait pareil.
Pour quelqu'un qui a soif ou qui a peur d'avoir soif demain, lui dire:
Écoutez, nous avons un verre, il n'y a pas d'eau dedans, vous ne pourrez
pas boire ça, mais il y a des obligations à quelqu'un d'y mettre
de l'eau un jour... Par malheur, de ce temps-ci,
cette personne qui a l'obligation de mettre de l'eau vit dans le milieu
d'un désert aride. Alors, on espère qu'il pleuvra un jour et que
cette personne pourra remplir le pot, mais, dans le fond, il faudra qu'il
pleuve parce que, si on lui demandait aujourd'hui d'aller mettre l'eau qu'elle
a promis d'y mettre, on est à sec. L'opération en est une de
mystification d'une envergure jamais tentée.
M. Grégoire: C'est un déluge de mots dans un
désert d'idées.
M. Forget: Je ne compte pas que vous suiviez, M. le
député de Frontenac...
M. Grégoire: Vous avez bien fait d'employer le
désert, le désert est là.
M. Forget:... je n'ai pas cet espoir; mais ce n'est pas à
vous que je m'adresse surtout.
M. le Président, on a dit: On va avoir la stabilité. La
fée ou la princesse stabilité n'est pas encore venue. Elle est
encore aussi vaporeuse qu'elle était. On a dit: On met de l'eau dans le
verre; on a mis des promesses de mettre de l'eau dans le verre. C'est une
très belle opération de relations publiques. Pendant quelques
années, le ministre des Finances a failli s'en tirer, aux
applaudissements généralisés de la foule. Ce n'est pas
pour rien qu'on fait une grande réputation à cet homme. II est un
comédien superbe. Je l'admire moi-même, je vous l'avoue
très humblement, je l'admire beaucoup.
Une voix: Vous devriez lui faire des compliments plus
souvent.
M. Parizeau: Oui, cela serait...
M. Forget: Cependant, les plus grandes réputations de
comédien sont celles qui durent. Pour qu'elles durent, il faut
constamment inventer des trucs nouveaux. Je ne sais pas quel truc nouveau le
ministre des Finances va inventer, mais il va devenir de plus en plus
évident qu'il n'a rien stabilisé à ce qu'il devait
stabiliser. Il n'a rien mis de côté, son verre est aussi vide
qu'avant, et ça, c'est le problème fondamental; on va entrer dans
les technicités tout à l'heure.
Le problème fondamental, c'est que les dettes dont il nous a
menacés - à juste titre, d'ailleurs - qui sont là, qui
vont se manifester un jour, elles sont plus grosses qu'elles n'étaient
il y a quatre ans. L'argent pour les payer est tout aussi inexistant qu'il y a
quatre ans. Ça, c'est la vérité fondamentale.
Après, on peut tomber dans la comptabilité, on peut tomber dans
les états financiers, on peut tomber dans le "fine print", pour savoir
si ça va dans le corps des états financiers ou si ça va en
note marginale, en note de pied, en appendice technique, etc. Cela, ça
peut se discuter très bien. Mais on ne sortira jamais de cette
proposition centrale qu'on a mystifié la population des deux
façons possibles en lui disant qu'on faisait A quand on faisait B et en
lui disant qu'on mettait de l'argent quelque part quand on n'en mettait pas.
Cela, c'est assez sérieux pour un ministre des Finances.
Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais poser des
questions à M. Larose pour être bien sûr qu'on se comprenne.
Je lis vos remarques...
M. Parizeau: J'espère cependant que le
député de Saint-Laurent me permettra, à un moment
donné, de lui répondre.
M. Forget: Avec plaisir.
Je remarque, M. Larose, que vous avez maintenu, à travers toute
la période où vous avez, comme nous tous, eu à vous
occuper des fonds de retraite et de leur déficit actuariel, une ligne
à peu près inchangée et même exactement
inchangée, à savoir qu'il serait souhaitable que l'on fasse un
état plus explicite du déficit actuariel, si possible dans le
corps même des états financiers.
Je pense que c'est l'esprit de vos remarques que ce passif contingent
est là qu'il est dans le paysage, qu'il est très important et
qu'on ne peut pas prétendre présenter un tableau honnête ou
- n'utilisons pas ce mot, je ne veux pas vous embarrasser un tableau complet de
la situation financière du gouvernement sans dire aux gens: Vous avez
des obligations d'épargne, vous avez des obligations ordinaires que
détiennent les institutions financières, vous avez des emprunts
bancaires, vous avez tout ça à rembourser comme contribuables un
jour, mais vous avez aussi des obligations envers les anciens fonctionnaires
qui sont déjà retirés ou qui prendront leur retraite un
jour. C'est tout aussi réel comme dette que le remboursement des
obligations. Je pense que vous avez maintenu ce ton, et c'est une chose dont il
faut vous savoir gré. Est-ce qu'il n'est pas vrai que, pour vraiment
satisfaire votre préoccupation et la nôtre de ce
côté, ça impligue que, de façon plus explicite, plus
directe, dans le corps même des états financiers, on fasse
état de la totalité du passif actuariel, du déficit
actuariel des régimes, quel que soit le traitement que le gouvernement
décide de faire quant à la façon dont il finance le
déficit: "pay as you go", en mettant un peu d'argent de
côté, ou tout simplement en donnant des obligations à une
caisse, en donnant des "I owe you", des obligations, des promesses futures de
payer à une caisse, en disant: Ils ont ça, c'est mieux que de ne
rien avoir?
Il y a toutes sortes de variations sur la
méthode de financement. Il reste que ce que l'on doit financer,
c'est, grosso modo, le passif actuariel. Est-ce que le sens de vos remarques,
ce n'est pas de dire: II faudrait que ça figure carrément dans
les états financiers, dans le corps même du rapport?
M. Larose: J'apporterais une variante à ce que vous venez
de dire, M. Forget. En ce qui concerne le RREGOP, ou le nouveau régime,
nous avons maintenu, en fait, cette attitude de demander que le passif
actuariel soit complètement inscrit au passif dans les états
financiers du gouvernement.
En ce qui concerne les autres régimes de retraite, principalement
le régime de retraite des fonctionnaires et celui des enseignants, nous
avons mentionné, à l'occasion, que la situation idéale
serait que tout le passif soit inscrit. Par ailleurs, nous reconnaissons en
même temps que toute cette question de fonds de retraite, à
l'heure actuelle, fait l'objet de recherches assez poussées et que les
problèmes ne sont pas exclusifs au Québec. Par conséquent,
nous n'avons pas pris l'attitude d'exiger ou de suggérer très
fortement - même si on avait exprimé qu'idéalement il
devrait y être -nous n'avons pas poussé le point jusqu'à
dire qu'il serait nécessaire de l'inscrire aux états financiers.
Nous avons toujours maintenu que le renseignement doit quand même
être donné. Si le montant de la dette n'est pas aux états
financiers mêmes, le renseignement quant à la dette totale doit
être fourni au moins comme note, aux états financiers. Au moins ce
qu'on peut ajouter dans le moment, d'ici à ce que les études
actuelles concernant cette situation des régimes de retraite soient plus
claires, que les orientations futures soient plus claires d'une façon
générale, non seulement au Québec mais ailleurs.
M. Forget: Une sous-question relativement aux autres
régimes. Justement, ce sont les vieux régimes dont on parle?
M. Larose: Oui.
M. Forget: Comme il n'y a plus personne qui entre dans ces vieux
régimes, est-ce qu'on ne pourrait pas faire un argument selon lequel ce
sont, en quelque sorte, des vestiges? Ce sont des régimes qui sont en
voie de disparition. Enfin, sur une période de 30 ans, quand tout le
monde aura pris sa retraite et sera mort, ils vont se terminer de leur belle
mort. Comme il n'y a presque plus de cotisants dans ces réqimes ou
très peu et que leur nombre va en diminuant, est-ce qu'il n'y a pas une
raison encore plus forte pour tenir compte de ce passif et l'amortir pendant
les années qu'il reste avant que le régime disparaisse?
Autrement, on va rester avec un espèce de dette en l'air, en quelque
sorte, c'est assez curieux.
(l7 h 15)
L'autre régime est permanent, enfin il est voulu comme
étant un régime permanent et on peut toujours dire, si on fait
des erreurs, qu'on va se reprendre en cours de route, on va le recalculer d'une
autre façon. Mais un régime qui est en voie, qui est à
l'agonie, en quelque sorte, je crois que l'agonie va durer une bonne trentaine
d'années ou quarante ans, je ne le sais pas, tant qu'il y aura des fonds
de retraite à verser. Est-ce qu'il ne serait pas nécessaire de
faire le point et dire: Bon, c'est cela. Cela ne pourra pas évoluer
tellement, on sait qui est dans le régime, il n'y aura jamais personne
d'autre qui y sera admis. Le nombre diminue à chaque année, s'il
y a des changements à faire, il faudra les faire bientôt, parce
qu'il n'y aura pas beaucoup de chances de le faire plus tard et il faudrait
amortir tout cela le plus rapidement possible.
M. Larose: Nous nous sommes aussi montrés favorables
à l'amortissement du déficit actuariel par l'inscription
graduelle du passif aux états financiers. Alors, là aussi, nous
nous sommes montrés favorables à ce que cette pratique soit
adoptée. En fait, il y a eu un certain mouvement qui a été
fait durant l'année 1980 à cet effet là. Lorsque vous
mentionnez qu'il n'y a plus personne, normalement, qui est inscrit ou qui
adhère à ce régime, c'est exact. Par conséquent,
que le nombre de personnes aille en diminuant, cela aussi est exact. Mais il y
a encore un grand nombre de personnes qui contribuent, qui sont en...
M. Forget: L'option en 1973.
M. Larose: Par conséquent, la dette actuarielle, le passif
actuariel de ces régimes continuera d'augmenter de façon assez
substantielle pour plusieurs années à venir encore. Je ne
donnerai pas de chiffres; à l'heure actuelle, je n'ai pas ces chiffres,
mais à cause de l'augmentation des années de service des
personnes qui sont déjà dans le régime et qui sont en
grand nombre -cela représente un très grand nombre de
fonctionnaires et d'enseignants - le passif de ces deux régimes, en
particulier, va s'accroître de façon très très
forte. Peut-être que M. Parizeau pourrait vous donner plus de
détails là-dessus, je n'ai pas les études à ma
disposition à l'heure actuelle.
Il reste que nous avons été et nous sommes encore d'accord
avec une politique qui aurait pour effet d'amortir le régime de
retraite, le déficit des régimes de retraite, des autres
régimes de retraite des fonctionnaires et enseignants sur une
période. Maintenant, on fait état quelque part dans le rapport
que, selon des études ou ce qui a
été fait pour l'année 1980, la période
prévue est de 50 ans. Nous avons fait la remarque que la période
de 50 ans nous paraissait longue et qu'il nous semblerait qu'une période
plus courte serait plus normale.
En fait, encore là, remarquez bien, je crois qu'il y a lieu de
souligner que cette question de régime de retraite fait encore l'objet
d'études très fortes dans le moment et que tout n'est pas
arrêté dans ce secteur.
M. Forget: Oui, mais tout ce qu'on sait, c'est que la dette est
là. On peut l'évaluer de bien des façons, mais il reste
qu'elle ne s'évanouira pas pour autant.
M. Larose: Non, parce que nous avons mentionné, par
exemple, qu'elle était de 6 900 000 000 $ au 31 décembre 1978,
selon l'évaluation actuarielle qui a été faite à ce
moment là, et puis je crois qu'aujourd'hui elle est
évaluée, en tout cas, au 31 mars 1981, elle avait
déjà augmenté sensiblement.
M. Forget: De combien a-t-elle augmenté?
M. Chabot (Gilles): De l'intérêt sur les
obligations.
M. Forget: Autrement dit, on ne met pas les
intérêts. Non seulement on n'amortit pas cette dette actuarielle,
mais les intérêts ne sont pas payés là-dessus.
M. Larose: Le montant qui a été
crédité au compte du régime de retraite, au passif du
compte de régime de retraite, donc au compte du gouvernement pour
l'année 1980, par exemple, l'année 1979-1980, n'était pas
suffisant pour couvrir le montant des intérêts sur la dette.
M. de Belleval: Vous parlez du RRF. Vous voulez dire que le
passif actuariel de ces deux régimes a continué bien sûr de
s'accroître durant l'année, compte tenu des coûts nouveaux,
indexation, etc. Vous calculez un intérêt sur ce passif? C'est ce
que vous voulez dire?
M. Larose: C'est ce qu'on veut dire. Si, par exemple, le passif
était de 6 900 000 000 $ au 31 décembre 1978, si vous calculez un
taux d'intérêt de, supposons, 10% pour un an, cela fait
déjà 700 000 000 $ et la contribution du gouvernement est
inférieure à 700 000 000 $. Donc, le passif s'est accru.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Je voudrais dire deux mots sur ce qu'a dit le
député de Saint-
Laurent tout à l'heure. À vouloir forcer des idées
et des images, il est évident qu'on peut dire n'importe quoi. Il a
beaucoup insisté sur le fait de la stabilisation. J'avais dit: On
stabilisera le déficit actuariel.
Je voudrais le ramener au discours du budget où justement cela a
été annoncé. Le paragraphe se lit comme ceci: "Sans doute
ne doit-on pas se faire d'illusions, on n'effacera pas en quelques
années les engagements accumulés au cours de plusieurs
décennies et on ne capitalisera pas complètement les
régimes de retraite. Mais on peut chercher à stabiliser
graduellement le montant total des engagements. " On voit bien, par tout le
contexte à la page et demie qui suit, que je ne me fais justement pas
d'illusions. Mais la beauté de la chose, c'est que, si je n'avais rien
fait du tout, je n'aurais aucun problème.
J'ai quand même mis dans les dépenses, en 1979-1980,
puisque c'est cette année qu'on examine, 340 000 000 $ pour le RRE et le
RRF, les deux vieux fonds. Si je comprends bien la démonstration,
j'aurais mis zéro, on dirait: Le poids de l'histoire. Je mets 340 000
000 $ et on me dit: Le verre est à moitié vide. Je dis qu'il est
à moitié plein. La discussion peut durer longtemps. Il y a une
chose qui est claire, par exemple, c'est qu'avant qu'on bouge il était
vide. Et le déficit actuariel était littéralement
explosif. Je le sais très bien. Il y a des projections très
nettes qui indiquent ce qui va se produire avec la politique qu'on suit.
Pendant un certain nombre d'années, le déficit actuariel
augmente, il augmente même assez rapidement; après cela,
graduellement, il se stabilise et il atteint à un moment donné
une sorte de plateau. Et cela se fait sur plusieurs années parce que je
ne peux vraiment pas gonfler les dépenses au point qu'il faudrait pour
être capable de satisfaire, encore une fois, des dizaines et des dizaines
et des dizaines d'années d'incurie.
Si ce qu'on me dit, c'est: Pourquoi, diable, avez-vous ouvert cette
"canne" de vers, vous auriez bien pu rester tranquille et faire comme tous vos
prédécesseurs et personne n'aurait râlé? C'est cela
qu'on veut me dire? Mais ce n'est pas cela que j'ai fait, et je pense que, du
côté gouvernemental, on est assez fiers d'avoir pris le taureau au
moins par une corne. Cela n'empêche pas le taureau de s'aqiter
passablement, on le voit, mais, au moins, on a attrapé une corne pour
une première fois. C'est un commencement.
Le député de Saint-Laurent utilise un mot extraordinaire
quant à la comptabilisation dans les dépenses de ces sommes que
j'affecte maintenant aux fonds de retraite. Il dit que c'est une
mystification.
Le terme est très très fort. Si c'est une mystification,
je suis vraiment étonné que le
Vérificateur général ne l'ait pas noté dans
son rapport. C'est très fort, une mystification, il faut le faire. Il
faut le dire, un truc comme cela, justement en vertu des critères de la
vérification la plus traditionnelle et la plus classique. Si vraiment
c'est une mystification, je me serais attendu que vraiment cela sorte
clairement du rapport du vérificateur. Il est clair que le
vérificateur ne va pas aussi loin que le député de
Saint-Laurent et d'un bon bout.
M. Forget: II n'a pas besoin.
M. Parizeau: Troisièmement, il dit: II n'y a pas d'eau,
qu'il n'y a pas d'argent. Mais alors, je ne comprends pas. Nos amis d'en face
ont fait suffisamment état d'un déficit de 3 000 000 000 $.
Comment est-il composé ce déficit budgétaire de 3 000 000
000 $? Pour une bonne part, de l'argent que nous plaçons dans les fonds
de retraite. Si on ne comptabilisait pas dans les fonds de retraite les sommes
dont j'ai parlé tout à l'heure, le déficit
budgétaire serait beaucoup plus bas. C'est une énigme
extraordinaire à nouveau pour le député de Saint-Laurent.
Comment peut-il m'accuser d'avoir un déficit budgétaire de 3 000
000 000 $? Il faut bien que l'arqent soit allé quelque part.
Si c'est fictif, l'opération que je fais, alors, mon
déficit budgétaire n'est pas de 3 000 000 000 $, il est bien plus
bas que ça. Si mon déficit budgétaire a la
réalité, la substance que le député de
Saint-Laurent souliqne à tout bout de champ, si ce déficit de 3
000 000 000 $ a vraiment de la substance, il faut tout de même que
l'arqent qui est comptabilisé pour les fonds de retraite en ait aussi.
C'est une des composantes majeures du déficit.
Qu'est-ce qui se fait dans d'autres Législatures? Il y a
effectivement d'autres gouvernements de provinces qui procèdent
différemment. Ils mettent de l'argent, du liquide, dans, admettons, le
fonds de retraite des enseignants, et ils disent: Vous me le remettez tout de
suite sous forme d'emprunt parce que je me finance avec. C'est quelque chose de
tout à fait analoque à ce que nous faisons au Québec, sauf
qu'on n'envoie pas un camion de la Brink's à 9 heures le matin pour le
redemander à 5 heures le soir.
Dans ce sens, ce qu'on fait au Québec est fait d'une façon
ou d'une autre ailleurs de la même façon. Ces sommes sont
comptabilisées, et c'est parce qu'elles sont comptabilisées que,
à un moment donné, la croissance des fonds de retraite va
s'arrêter petit à petit. Que ça prenne du temps, je le
sais. S'il y a quelqu'un qui ne se fait pas d'illusion là-dessus, c'est
bien moi. Encore une fois, qu'on ne vienne pas me raconter que, si on n'avait
rien fait, ce serait mieux.
Là, les chiffres n'ont aucun sens.
Je reviens au rapport du vérificateur. Le député de
Saint-Laurent me dit que ce serait pareil si on n'avait rien fait.
M. Forget: La comptabilité serait différente.
M. Parizeau: Le montant imputé aux dépenses, dit le
vérificateur, à la page 4, de 1979-1980, selon la politique
budgétaire pour les deux fonds de retraite dont on a parlé tout
à l'heure, est le suivant: Service antérieur, 174 000 000 $;
service courant, 167 000 000 $. La dépense de 173 000 000 $ s'applique
au passif actuariel au 31 décembre 1978, elle est de beaucoup
inférieure au montant qu'il aurait fallu porter au fonds des
régimes de retraite pour tenir compte des intérêts de la
période. Si elle est inférieure, c'est qu'elle existe; quelque
chose qui n'existe pas ne peut pas être inférieur. C'est la fin de
mon intervention, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: M. le Président, le ministre des
Finances, s'il n'a pas réussi à démystifier le
député de Saint-Laurent, je pense que c'est un cas
désespéré. Le député de Saint-Laurent, tout
à l'heure, disait: Le ministre des Finances laisse la population en
plein désert, alors qu'il fait chaud et qu'on a soif, avec un verre dans
lequel il n'y a pas d'eau, mais une promesse. Il faut dire qu'avant, dans le
verre, il n'y avait ni eau, ni promesse. Il faut le dire également:
L'eau, quand est-elle nécessaire dans le verre? Quand vient le temps de
payer les pensions.
M. le Président, je demande au Vérificateur
général, au ministre des Finances ou au député de
Saint-Laurent: quand, depuis cinq ans, les pensions en vertu des vieux ou des
nouveaux régimes n'ont-elles pas été payées? Quand
l'argent est nécessaire dans le verre pour payer les pensions, est-ce
qu'il en a déjà manqué depuis cinq ans?
M. Forget: Cela s'appelle "Pay as you go".
M. Grégoire: Quand on a pris le verre, M. le
Président, il était vide; il n'y avait ni eau, ni promesse de
payer. Au moins, il n'y a jamais manqué d'eau dedans et, en plus, il y a
une promesse qu'il y en aura quand ce sera le temps. Cela, M. le
Président, comme le disait le ministre des Finances tout à
l'heure, c'est ce qui se fait dans toutes les provinces. Mais je voudrais
ajouter ceci: Ce sont deux mentalités différentes. Le Parti
libéral du Québec a inventé un régime de "pay as
you go", le ministre des Finances
actuel a essayé d'y mettre de l'ordre. Cela s'est
déjà produit au Canada, quand est venu le temps d'installer le
régime de retraite qu'on a à l'heure actuelle, M. Parizeau a
alors travaillé dans ce dossier d'une façon intense. Le
gouvernement fédéral et le Parti libéral d'Ottawa,
à l'époque, ont essayé d'installer un régime de
"pay as you go" et d'inclure le Québec dans cela, et c'aurait
été, dans tout le Canada, un régime de "pay as you go".
Qu'est-ce qu'on aurait aujourd'hui?
Fort heureusement, il s'est trouvé une équipe à ce
moment-là, M. Lévesgue, M. Parizeau, pour essayer de sortir le
Québec de ce régime de retraite fédéral et pour
l'installer au Québec. Aujourd'hui, on a la Caisse de dépôt
et placement qui a des actifs énormes, qui est maintenant une des plus
belles institutions financières et qui fonctionne avec un système
actuariel. On voit les deux écoles de pensée. On peut donner un
exemple de 1963, 1964 M. le ministre, si ma mémoire est bonne, le
régime des rentes du Canada? (17 h 30)
M. Parizeau: En 1965.
M. Grégoire: En 1965. Je me rappelle fort bien que Judy
Lamarsh était ministre de la Santé dans le temps. J'étais
député à Ottawa à ce moment-là et le
vérificateur était M. Anderson. Je ne sais pas si M.
Châtelain l'a connu. Il y avait là encore la même
mentalité de faire un système de "pay as you go" qui nous aurait
laissés, aujourd'hui, Dieu sait dans quel marasme, avec un
déficit actuariel énorme. Fort heureusement encore, le
Québec a eu son propre système et c'est grâce à des
hommes comme MM. Lévesque et Parizeau qu'on a notre propre
système de Régime de rentes actuarialisé.
Ce que vous avez créé au Québec, vous, les
libéraux, en 1973 et avec les vieux régimes antérieurs,
c'est exactement dans la continuation de votre ligne de pensée. Quand
arrive tout à coup un système où on essaie d'actuarialiser
tous ces régimes, de les rendre conformes à la
réalité, vous avez peur qu'on ouvre votre ancienne boîte
qui sentait mauvais.
En même temps, vous arrivez et vous dites qu'il n'y a que des
promesses dans le verre, il n'y a pas d'eau. Voudriez-vous qu'on y mette tout
de suite l'eau qui servira dans vingt ans? L'eau croupirait là.
La promesse de payer fructifie. M. le Président, je pense bien
que le député de Saint-Laurent a essayé de nous faire une
démonstration qui n'en était pas une. Il a essayé de nous
mystifier davantage et il a essayé d'aveugler la population en parlant
de la fée stabilité, en parlant d'un jeu de passe-passe, mais je
crois que le député de Saint-Laurent n'avait rien compris au
système lui- même.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je ne veux pas engager, Dieu m'en garde, un
débat sur les fonds de retraite avec le député de
Frontenac, mais je pense qu'il a assez bien décrit cependant un
phénomène qui explique pourquoi la décision
d'opérer pendant longtemps les fonds de retraite du secteur public sur
la formule du " pay as you go " n'était pas sotte. Effectivement, sans
qu'il y ait de réserve, il est possible d'honorer les obligations des
réqimes à même les cotisations payées durant la
même année par les membres.
Si le député de Frontenac a la bonté de reqarder
les comptes publics depuis sept ou huit ans, depuis le RREGOP, il va se rendre
compte qu'il y a, effectivement, un étranqe parallélisme dans les
montants en question, c'est-à-dire que les montants des cotisations
payées par les fonctionnaires et les employés des organismes
publics sont à peu de chose près égaux aux montants des
pensions qui sont versées aujourd'hui, année après
année.
C'est donc un régime qui permet, qui a permis, et qui, à
peu de chose près, encore pendant quelques années, sauf qu'il y a
inversion des avantages depuis quelque temps, permettrait au régime de
vivoter sur la base du " pay as you go " sans que rien ne change.
C'est d'ailleurs pourquoi le gouvernement n'a pas besoin d'avoir trop de
craintes de ne pas pouvoir payer les pensions et les fonctionnaires encore
moins n'ont pas à craindre de voir les pensions s'interrompre, parce
que, dans le fond, ceux qui travaillent paient pour ceux qui ne travaillent
pas.
Ceci étant dit, il demeure que l'opération est une
mystification. Il n'y a rien substantiellement de changé quand on
modifie les conventions comptables pour considérer comme étant un
passif une part que l'on veut bien assumer cette année-là du
déficit actuariel et dire: Maintenant, nous ne le devons pas au titre
d'un passif actuariel qui apparaît dans les notes, on le doit aux
pensionnaires futurs, au titre d'une créance qu'on leur a
créée face au gouvernement.
On a changé quatre 0, 25$ pour 1, 00$, M. le Président.
C'est comptabilisé différemment, ça fait un jeu
d'écriture, mais il reste que ce que l'on devait à titre de
déficit actuariel, on le doit maintenant à la CARR, la Commission
administrative des régimes de retraite. Quand la CARR verra que les
cotisations annuelles sont insuffisantes pour payer les prestations annuelles
aux retraités, elle devra se retourner vers le ministre des Finances
de
l'époque et lui dire: Honorez aujourd'hui pour la
différence les promesses que vous nous avez faites dans le passé
et que vous avez inscrites dans ces années-là aux années
financières mais que vous avez gardées pour financer d'autres
activités gouvernementales.
Cet argent-là, on ne peut pas le dépenser deux fois.
Chaque année, les sommes qui sont prétendument mises de
côté pour payer les pensions futures et diminuer le déficit
actuariel, le sont simplement théoriquement; en réalité,
elles sont utilisées pour payer les salaires des fonctionnaires, ceux
des professeurs dans les écoles et payer le fonctionnement des
hôpitaux. Cela fait partie de la provenance générale des
fonds du gouvernement.
Bien sûr, le ministre des Finances a raison de dire que cela
majore son déficit, mais qu'il n'aille pas nous dire que son
déficit de 3 000 000 000 $ est l'effet de cela, parce que ce n'est
absolument pas vrai. C'est une fraction, de nos jours, de son déficit
qui est l'effet de cela. On est bien prêt à lui faire la
concession que son déficit va baisser de quelque 3 300 000 000 $ ou 3
400 000 000 $ à 2 800 000 000 $ ou 2 900 000 000 $, probablement. Cela
nous fait une belle jambe! Le déficit n'est pas disparu pour autant.
Ce qu'on sait cependant, de façon certaine, c'est que la
stabilisation du déficit actuariel, c'est pour demain. Ce qu'on sait de
façon certaine, c'est que les fonds qui sont mis de côté ne
sont pas confiés à la caisse de dépôt, ils ne sont
pas confiés à la fiducie du Québec pour être
qérés au bénéfice des futurs pensionnés, ils
sont utilisés cette année pour payer les dépenses
courantes du gouvernement.
En termes réels, nous sommes exactement dans la même
situation qu'en 1976. La seule différence est que nous avons perdu une
toute petite partie de notre innocence comptable. Au lieu, maintenant, de
reléguer aux notes et aux appendices la notion d'un déficit
actuariel, nous avons bien accepté d'en mettre une petite fraction dans
nos budqets et dans nos états financiers. Une petite fraction. Et on
dit: Cette dette, on la reconnaît maintenant explicitement, elle a
toujours existé.
Le fait de reconnaître, aujourd'hui, que je suis en dette
vis-à-vis de la banque, même si je m'en vais le dire sur la place
publique et que je publie dans les journaux: Je suis endetté pour 2000 $
à la banque, ça ne m'aide pas à payer ma dette. Je suis
plus franc, peut-être, ma situation financière est publigue, mais
ça n'informe même pas complètement les gens de ce que je
dois, parce que j'en ai peut-être, en plus de cette dette à la
banque, d'autres vis-à-vis de mon beau-frère ou de Dieu sait qui.
Si je ne donne pas toute ma situation financière, tout ce qu'on peut
dire, c'est que j'ai maintenant admis avoir une petite dette, mais je sais, et
tout le monde sait, que j'en ai une beaucoup plus qrosse que je n'admets pas de
la même façon. Beau progrès!
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: On revient à quelque chose que le
député de Saint-Laurent, dans les analyses qu'il a pu faire du
déficit budqétaire du gouvernement du Québec, a toujours
eu beaucoup de difficultés à comprendre ou, tout au moins... Non,
qu'il n'a pas eu du tout de difficulté à comprendre, mais il fait
tout comme s'il ne voulait pas comprendre.
Le déficit budgétaire, tel qu'il est établi
à 3 000 000 000 $ dans le discours du budget, est suivi d'un autre poste
qui s'appelle: Besoins financiers nets. Les besoins financiers nets, c'est
l'argent qu'on a besoin d'emprunter, à l'extérieur du
système, pour financer le budget. J'ai essayé, contre vents et
marées, de faire comprendre que ce qui est important pour un
gouvernement, quant à faire connaître sa situation
financière, ce sont ses besoins financiers nets, ce n'est pas son
déficit budqétaire. J'ai eu beau le répéter sur
tous les tons comme le montant du déficit budgétaire était
plus gros que les besoins financiers nets, aux fins de l'argumentation, un
montant gros vaut mieux qu'un montant petit.
À quoi correspondent, dans le discours du budget, un
déficit budqétaire de 3 000 000 000 $, les besoins financiers
nets? C'est 2 000 000 000 $. Il y a 1 000 000 000 $ de différence entre
les deux. Ce que nous avons besoin d'aller chercher en dehors du
système, ce sont 2 000 000 000 $ de ressources. Pourquoi?
Essentiellement parce qu'il y a au-delà de 1 000 000 000 $comptabilisés aux fins des comptes de retraite, qui ont
été inclus dans les dépenses, parce que ce sont
effectivement des dépenses que nous avons à encourir, ces fonds
de retraite, mais qui apparaissant dans les sources propres, les sources
internes de financement. Là au moins, on voit qu'apparaissant dans le
déficit budqétaire les sommes que nous avons décidé
d'inscrire et réapparaissent ces montants dans les sources internes de
financement. On n'a donc pas, à cause de ça, besoin d'aller
emprunter en dehors de la machine 3 000 000 000 $ mais 2 000 000 000 $. Ce
n'est pas une mystification. Si on juge que c'est une mystification, alors, que
le député de Saint-Laurent ne parle plus jamais d'un
déficit de 3 000 000 000 $, qu'il parle d'un déficit de 2 000 000
000 $, mais il ne peut pas, d'une part, parler d'un déficit
budqétaire de 3 000 000 000 $ et, d'autre part, de mystification. Ce
n'est pas possible. C'est l'un ou c'est l'autre. Si c'est une
mystification, j'engage le député de Saint-Laurent
dorénavant à parler du déficit du gouvernement du
Québec comme étant de 2 000 000 000 $.
Si c'est une mystification, à son point de vue, le montant qu'il
doit retenir quant à nos besoins de fonds à l'extérieur de
la machine, c'est 2 000 000 000 $. Si, comme je le crois, cela correspond
à la situation réelle du gouvernement sur le plan financier, il y
a un déficit budgétaire de 3 000 000 000 $ qui comporte
là-dessus une comptabilisation de plus de 1 000 000 000 $ pour les fonds
de retraite. Ce n'est pas, je pense, extraordinairement complexe à
comprendre et, d'autre part, lorsqu'il s'agissait du mandat d'une commission
des comptes publics ou du mandat du vérificateur, le
député de Saint-Laurent s'appuyait beaucoup sur les usages
ailleurs; c'est justement un type d'usage qu'on retrouve assez
fréquemment. Là encore, je ne veux pas commencer à
m'excuser d'utiliser des présentations comptables qui sont faites
ailleurs et que le Vérificateur général reconnaît.
Le vérificateur voudrait que le passif actuariel, je l'inscrive dans le
passif plutôt que dans une note au passif.
À l'heure actuelle, ce qui nous sépare, jusqu'à un
certain point, le vérificateur et nous, c'est que le vérificateur
dit: Cela devrait être dans le passif. Nous disons simplement: Voici le
passif et, après cela, les notes afférentes aux états
financiers en font intégralement partie; on tourne la page et c'est dans
la page suivante. Ce qui nous distingue, c'est que le vérificateur dit:
Pourriez-vous mettre ça à la page 21? Nous, on dit: On le met
à la page 22. Il ne faut pas voir des montagnes dans la façon
dont on traite les choses. L'essentiel de nos discussions, si on peut dire,
tient à ça. Voilà, M. le Président.
M. Forget: M. le Président, très
brièvement.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, mais... M. Larose.
M. Larose: Je désirerais apporter un commentaire sur les
dernières paroles de M. Parizeau. Évidemment, je pense qu'il est
vrai que le renseignement apparaît dans les notes aux états
financiers, mais je ne voudrais quand même pas qu'on ait l'impression
qu'un état financier et qu'une note aux états financiers, c'est
la même chose. Je pense qu'un état financier doit être
complet par lui-même et les notes aux états financiers, selon
toutes les règles de divulgation et selon toutes les règles
reconnues en comptabilité, doivent venir expliciter les chiffres qui
apparaissent aux états financiers. Pour tout ça, je
répète à nouveau ce que j'ai mentionné tout
à l'heure, par exemple.
Autant nous avons suqgéré, recommandé qu'en ce qui
concerne le RREGOP, le plein montant soit inscrit aux états financiers,
autant, en ce qui concerne les autres réqimes, nous avons
suqgéré qu'idéalement cela devrait l'être, mais,
quand même, l'amortissement ou l'inscription sur une période
d'années serait quand même admissible.
Une note aux états financiers n'est pas un état financier.
Elle ne peut pas remplacer l'état financier et on pourrait dire qu'une
dette qui est réelle doit normalement se trouver dans l'état
financier lui-même. C'est seulement par exception que, du
côté des réqimes de retraite, à cause de la
situation actuelle, on peut penser qu'une note explicative pourrait venir
suppléer au fait que les états financiers ne montrent pas tout.
(17 h 45)
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, le ministre des Finances s un
point très valable lorsqu'il dit "besoins financiers nets". Je suis
d'accord avec lui s'il veut que l'on parle des besoins financiers nets dans
certaines circonstances. D'ailleurs, on l'a fait.
M. Parizeau: Ah! Ah!
M. Forget: Ne vous réjouissez pas trop vite! Pourquoi
a-t-on une comptabilité publique ou privée? C'est pour se
comprendre et non pas pour empêcher la communication ou la
compréhension. Lorsque le ministre des Finances dit à la
population: J'adopte un plan qui me permettra de capitaliser les fonds de
retraite de nos fonctionnaires, dans le fond, ne connaissant pas les
contraintes financières du gouvernement, la population dit: Oui, cela
semble une bonne idée. Allons-y. Mettons cela comme dépense dans
le budget; puisqu'il va bien falloir un jour que ce soit payé, cela va
être moins lourd. C'est le raisonnement normal que toute personne
prudente ferait. Elle approuverait le ministre des Finances en disant: Oui,
mettons cela dans les dépenses, étant consciente que cela va
majorer le déficit.
Ce qui a cependant échappé davantage à l'attention
du grand public, c'est que cette somme qui accroissait le déficit
n'était pas accumulée comme elle l'est, par exemple, par la
Caisse de dépôt et placement du Québec pour le
Régime de rentes. Elle était immédiatement
prêtée au gouvernement, en quelque sorte, pour lui permettre de
financer ses dépenses courantes, et tout ce que la caisse qardait,
c'était une créance contre le gouvernement. C'est de là
que vient l'ambiguïté de l'expression qu'a utilisée le
ministre des Finances: "les besoins financiers en dehors du système".
C'est quoi, le
système dont on parle? On peut s'amuser avec bien des
définitions. Quand on dit: On va capitaliser un fonds de retraite, on a
l'air de dire: Le financement de ce fonds de retraite, on va le sortir de notre
système gouvernemental de financement. On va en faire une caisse
séparée. On va faire un fonds séparé. On va mettre
cela de côté. Les gens se disent que c'est normal, je pense. C'est
donc sorti du système. On a sorti la caisse du système. Si on va
chercher du financement dans la caisse, on dira: On va en dehors du
système. Je comprends que de la façon dont on procède, la
caisse a à la fois cette caractéristique remarquable qu'elle est
pour certaines fins dans le système tout en ayant l'air d'être
hors du système. C'est déjà un animal extraordinaire.
C'est une caisse qui est dedans, mais qui est aussi dehors, qui est
intéressante à créer et à financer, parce que tout
le monde a l'impression qu'on est prudent parce qu'on la met en dehors du
système, mais on a bien eu soin de la garder dans le système pour
en profiter. L'opération n'est pas évidente. Ce ne sont pas des
choses que les gens font tous les jours. Il faut être un ministre des
Finances pour penser à cela. J'en suis sûr.
Après, le ministre des Finances parle des "besoins financiers
nets". Il dit: J'ai ramassé cela. J'ai mis 300 000 000 $ ou 400 000 000
$ là, mais je l'ai repris de l'autre main. L'opération est
subtile. Elle est élégante. Personne n'a rien vu. Ni vu ni connu.
Pas vu pas pris. On procède. On se dit: Là, on sort du
système. On va aller chercher de l'argent ailleurs que dans le fonds
consolidé, ailleurs que dans le système, mais on peut
définir le système de bien des façons, M. le
Président. Pour la plupart des gens, la Caisse de dépôt et
placement du Québec est un peu dans le système. C'est une caisse
publique pour une retraite publique et universelle, et, merveille des
merveilles, ce qu'on va chercher hors du système, cela vient un peu de
ce système, de la Caisse de dépôt et placement du
Québec. À force de faire des définitions, M. le
Président, je suis sûr qu'avec un peu d'ingéniosité
et un peu de délai le ministre des Finances pourrait faire
disparaître son déficit totalement et complètement, parce
que ce qui vient de la Caisse de dépôt et placement du
Québec, ce n'est presque plus un déficit. Ce n'est certainement
pas un "besoin financier net" face au secteur privé et face aux
marchés financiers. On n'a plus de déficit, M. le
Président. On l'a fait disparaître. Il n'y en a plus. Pourtant,
cela ne va pas bien, mais c'est un autre problème.
M. le Président, ce n'est pas une question de savoir si, en
définissant les choses comme on les a définies, toutes les
petites boîtes tombent dans les bons trous, etc. Sûrement. C'est
tout le problème de se comprendre quand on parle des finances publiques,
parce que ce sont des montants énormes, et parce que ce sont des
montants énormes, tout le monde est catastrophé en regardant
cela. On se dit: Je n'y comprendrai certainement rien, et parfois on a
malheureusement raison.
Le problème, c'est de savoir si, oui ou non, on a mis de l'argent
de côté - je ne reviendrai pas là-dessus - pour honorer des
obligations futures? Est-ce qu'on a sincèrement donné l'image
exacte, puisque c'est ce qui concerne la commission des comptes publics
aujourd'hui, de ce qu'on devra un jour sortir du système? Hélas,
non, M. le Président. On a dit: On va en sortir environ 1 200 000 000 $;
or, les études actuarielles qu'on a nous disent: Ce n'est pas du tout
ça qu'on va sortir, on va sortir quelque chose comme 7 000 000 000 $ ou
8 000 000 000 $. La différence est de taille, admettons-le. Cela, il n'y
a pas d'erreur, cela devra sortir du système, qu'on le définisse
comme on le voudra. À un moment ou à un autre, c'est 7 000 000
000 $ qui quittent le système et qui n'y sont pas
présentement.
M. Parizeau: Juste un mot, s'il vous plaît.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Si on me permet, M. le Président, le
député de Saint-Laurent va beaucoup trop loin. On ne clarifiera
rien du tout avec des termes aussi vaques que quelque chose comme: La caisse de
dépôt est un peu dans le système. On n'est pas un peu dans
le système, on n'est pas à moitié vierge, on est dans le
système ou en dehors du système. Si on veut parler d'une
comptabilité le moindrement raisonnable, il faut quand même
savoir, justement, de quoi on parle.
La caisse de dépôt est alimentée pour l'essentiel,
en très grande partie, par des individus qui, d'aucune espèce de
façon, ne sont rattachés aux secteurs public et parapublic. Ils
sont donc dans l'économie privée, hors gouvernementale, ils ne
sont pas payés avec l'argent des contribuables. Dans ces conditions, il
est évident qu'ils acguièrent des titres obligataires ou des
actions de compagnies ou des immeubles pour protéger leurs pensions et
pour faire en sorte qu'elles soient payables quand elles doivent être
payables. La caisse n'est pas un peu dans le système, elle est
complètement en dehors du système. La caisse de
dépôt, à cet égard, est un acheteur d'obligations du
gouvernement de Québec plus gros que les institutions
financières, mais selon exactement le même processus. Dans ce
sens, c'est clairement en dehors du système.
D'autre part, il n'est pas raisonnable de comparer ce qui est une
contribution, une comptabilisation annuelle, 1 000 000 000 $ ou 1 200 000 000
$, comme le disait le député de Saint-Laurent, et les sommes
nécessaires pour les fonds de retraite que nous affectons chaque
année au fonds de retraite, avec 7 000 000 000 $ ou 8 000 000 000 $ qui
sont, en fait, une valeur actuelle, c'est-à-dire un stock. Le
député de Saint-Laurent a trop de formation pour confondre un
flux et un stock, une contribution annuelle et une valeur actuelle des
engagements actuariels. Cela, c'est vraiment une comparaison de pomme et
d'orange. Cela, encore entre nous, pour la clarification du débat
public, ce n'est pas particulièrement intéressant.
M. Forget: Question de privilège, M. le Président.
Quand même, je ne confonds pas les flux et les stocks, je me
réfère au compte de l'actif et du passif 1980, page 239 du
rapport du vérificateur, où le compte des régimes de
retraite apparaît comme un élément de passif, en 1980, pour
un montant de 1 598 183 000 $. C'est un élément de passif, c'est
un stock par définition, ce n'est pas un flux.
M. Parizeau: Ah oui, mais...
M. Forget: C'est la partie du déficit actuariel, etc., et
des autres emprunts qu'on a faits. C'est la réflexion de ce que l'on a
pris comme dette face au régime et qui, elle-même, est la
réflexion du déficit actuariel. On n'y peut rien.
M. Parizeau: Ah oui, mais on ne parlait pas du tout de la
même chose.
M. Forget: Ah! bon. Cela nous arrive parfois.
M. Parizeau: Ce dont on parle, à toutes fins utiles, ce
n'est pas du tout, là encore, la même chose. C'est-à-dire
que ce sont les sommes affectées aux états financiers, au
régime des comptes de retraite, à concurrence de 1 600 000 000 $,
ce qui est déjà fait, par opposition à la valeur actuelle
des engaqements qu'on prend, et payables dans un très grand nombre
d'années. Il n'y a donc aucune espèce d'adéquation en
termes de temps. J'avais mal compris le député de Saint-Laurent,
mais, par comparaison, il y a autant d'oranqes d'un côté que de
pommes de l'autre. C'est un stock aujourd'hui avec la valeur actuelle d'un
stock plus tard. Cela n'a aucune espèce de comparaison
particulière.
M. Forget: C'est cela. Au moins, ce sont deux stocks, on se
comprend là-dessus.
Le Président (M. Bordeleau): On peut continuer.
M. le député de Charlesbourg.
M. de Belleval: M. le Président, juste un mot parce que je
pense qu'on termine à 18 heures et qu'on reprend à...
Le Président (M. Bordeleau): II s'agirait de s'entendre.
J'aimerais bien qu'on puisse s'entendre avant 18 heures. Selon notre mandat et
selon les heures régulières de la commission, on suspend les
travaux à 18 heures et on les reprend à 20 heures. Maintenant, si
on m'indique unanimement autour de la table qu'on veut procéder
autrement, je pense qu'on peut.
M. Forget: J'ai mon collègue ici qui aimerait poser une
question dans le cadre général de la discussion. Je pourrais
peut-être suqqérer que nous suspendions après
jusqu'à 20 heures pour reprendre de façon plus
détaillée sur certains sujets, certaines recommandations du
Vérificateur général, toujours dans le même
chapitre.
M. de Belleval: Je veux juste dire un mot dans ce cas, M. le
Président...
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, M. le
député de Charlesbourg.
M. de Belleval:... si c'est moi qui ai la parole, bien sûr.
J'ai écouté le député de Saint-Laurent qui a le
mérite de soulever des problèmes réels à
l'occasion, mais, ensuite, de mêler tout le monde en passant d'un plan de
discussion à un autre, sans trop nous avertir, d'ailleurs, de nous
distribuer des blâmes où vraiment il n'y en a pas du tout et de
refuser, finalement, de reconnaître le principal mérite de
l'opération que le ministre des Finances a faite en comptabilisant une
partie des engagements dans son budget, contrairement à ce que faisaient
ses prédécesseurs, parce que, au fond, c'est cela. Il commence
par nous dire: Le ministre des Finances nous avait promis de stabiliser.
Stabiliser quoi, on ne le sait pas trop, mais, finalement, quand on compare
l'énoncé du député de Saint-Laurent avec
l'énoncé très concret qu'on retrouve écrit dans le
discours du budget, on se rend compte que l'actuel ministre des Finances, pour
la première fois, a indiqué à la population un
problème particulier dont nous étions, tous tant que nous sommes,
fort peu au fait, à savoir qu'il y avait des fonds de retraite qui
s'accumulaient et pour lesquels on ne reflétait pas dans nos budgets
annuels des engagements partiels ou totaux, à savoir les fonds de
retraite, des fonctionnaires et des enseignants.
Le ministre a dit: Cela, au moins, je vous le mets sur la table et je
vais mettre de côté, dans mon budget, une certaine
somme pour commencer à amortir des paiements que personne avant
moi n'avait mis sur la table et personne avant lui n'avait mis des sommes pour
les amortir. C'est une première chose. Il n'a pas promis de stabiliser
quoi que ce soit, mais il a mis sur la table un dossier particulier et il a
commencé à mettre des sommes de côté. Dit-il, il a
mis de l'argent de côté. Que je sache, le ministre des Finances
n'a jamais dit nulle part qu'il mettait de l'arqent de côté dans
un fonds. Le ministre des Finances me corrigera, mais je ne pense pas,
contrairement à ce qu'a dit le député de Saint-Laurent,
que le ministre des Finances a fait croire à la population que,
contrairement à l'ancien méchant gouvernement, nous, on allait
mettre de l'argent de côté dans un "pot", dans une banque
quelconque et que le peuple serait plus rassuré parce qu'on mettait de
l'argent de côté. Ce n'est pas cela, on n'a jamais dit cela. On
n'a jamais dit qu'on mettait de l'argent de côté. Ce qu'on fait
par l'opération du ministre des Finances, c'est qu'on s'astreint
à une certaine transparence sur la place publique et à une
certaine discipline sur le plan budgétaire.
Le député de Saint-Laurent ne peut pas passer, non plus,
à sa quise d'un déficit de 3 000 000 000 $ à soi-disant un
déficit de 2 000 000 000 $ de besoins financiers réels qui
seraient additionnés d'un montant que le ministre des Finances aurait
mis dans un autre article du budget et qui serait repassé par un tour de
passe-passe. Ou bien il prend le déficit de 3 000 000 000 $ et il va
admettre que, selon l'ancienne façon de calculer des anciens ministres
des Finances, ce déficit serait moins élevé si le ministre
des Finances n'avait pas mis ces sommes. Sur la place publique, au lieu d'avoir
un déficit de 3 000 000 000 $, on aurait un déficit de 2 660 000
000 $, puisqu'il y a 340 000 000 $ en 1980 qui sont inscrits. S'il est de bonne
foi, il va admettre que le déficit, si on le compare à ce qui se
passait avant, serait moins élevé que 3 000 000 000 $. Sur la
place publique, cela veut dire quelque chose. Ces chiffres commencent à
vouloir dire quelque chose dans la population. Le ministre des Finances s'est
astreint à une certaine discipline parce qu'il se trouve à
gonfler son déficit de cette façon par rapport à ce que
faisaient les anciens gouvernements. Il y a une réalité dans les
chiffres.
De ce point de vue, donc, il améliore les choses sur le plan de
la discussion publique. S'il veut ensuite reprendre la discussion au niveau des
besoins réels du gouvernement, là, on change de reqistre de
nouveau et on va discuter autrement. On ne peut pas discuter sur les deux plans
en même temps. (18 heures)
Au fond, ce qu'on doit retenir, finalement, de cette discussion, c'est
qu'on a une plus grande transparence qu'auparavant en ce qui concerne un
engagement important quant aux générations futures, à
savoir payer les fonds de retraite des fonctionnaires et des enseignants qui
ont cotisé dans les anciens régimes, le Régime de retraite
des fonctionnaires et le Régime de retraite des enseignants. Je pense
que c'est un résultat valable sur le plan d'une certaine transparence
des choses dans le domaine public québécois. On a eu le
mérite de mettre ce problème sur la table, on ne l'a pas
maquillé et on n'a pas maquillé les états financiers.
Cela étant dit, on peut discuter d'autres aspects effectivement.
On va mêler le monde longtemps si on commence à discuter à
savoir de quelle façon le gouvernement se finance, la distinction entre
les besoins de financement net, le déficit budgétaire et le fait
que le gouvernement se prête de l'argent qu'il reçoit par ailleurs
de ses propres contribuables. C'est comme cela qu'un Ftat se finance, je pense;
il se finance à même les ressources de ses contribuables. Ce n'est
pas une découverte que le député de Saint-Laurent a faite
en disant que le ministre des Finances reçoit de l'arqent d'un
côté et qu'il paye des choses de l'autre. C'est évident
qu'on ne crée pas l'argent. Le ministre des Finances ne le crée
pas; il l'emprunte quelque part et il l'emprunte, entre autres, de cette
façon, mais il n'a jamais prétendu qu'il le mettait de
côté. Il s'est cependant créé une obligation de
discipline budgétaire plus grande que les anciens gouvernements. C'est
vrai.
Le Président (M. Bordeleau): Comme il est 18 heures, nous
allons ajourner nos travaux...
M. Lincoln: Je pensais finir par une question.
Le Président (M. Bordeleau):... à moins que les
membres de la commission me donnent le consentement pour continuer. Si vous me
dites que c'est simplement pour quelques minutes, c'est peut-être
possible. Cela me prend le consentement des membres.
Des voix: C'est d'accord.
Le Président (M. Bordeleau): C'est cela que je vous dis.
J'ai le consentement, d'accord. M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: J'aurais voulu poser une question au
Vérificateur général, M. Larose. C'est justement la clef
de toute la question. Si on prend la question globalement, en théorie,
je pense que le député de
Charlesbourg a raison, mais ce n'est pas tout à fait aussi simple
que cela. Je pense qu'il faut regarder ce qui se passait avant RREGOP; s'il n'y
avait pas eu RREGOP, votre argument aurait tenu debout, mais ce n'est pas
vraiment ce qui s'est passé. En 1973, on a créé un nouveau
fonds de retraite; on a décidé de capitaliser cela de
façon actuarielle en prenant les contributions et en les déposant
en faveur des bénéficiaires. L'autre, qui est un "pay as you qo",
continue "pay as you go". C'est une distinction fondamentale. On ne peut pas
prendre le sujet d'une façon globale. Qu'est-ce qui se passe depuis
RREGOP?
En 1973, RREGOP a été créé, n'est-ce pas M.
le Vérificateur général? Avant que le gouvernement
décide de stabiliser, appelez cela ce que vous voulez, les autres fonds
de retraite qui n'étaient pas capitalisés, est-ce qu'il n'a pas
créé une mystification, appelez cela ce que vous voulez, une
confusion totale, parce que, en fait, RREGOP est déficitaire? Les
chiffres démontrent qu'il y a un déficit actuariel dans RREGOP,
je pense, de quelque chose comme 500 000 000 $. Il y a un déficit dans
ce qu'on devrait créditer dans les intérêts; on peut avoir
les chiffres. Ce qui est arrivé, c'est qu'on n'a pas mis assez dans ce
qu'on devait stabiliser et, en même temps, RREGOP a commencé
à devenir déficitaire. Ce qui devait être capitalisé
d'une façon actuarielle systématique, c'est-à-dire RREGOP,
au moins c'était déjà un pas en avant, un grand pas en
avant, mais cela aussi commence à devenir déficitaire. N'a-t-on
pas créé un double problème en essayant, d'un
côté, de stabiliser et en rendant RREGOP déficitaire?
Le Président (M. Bordeleau): M. Larose.
M. Larose: Concernant RREGOP, il a été
créé en 1973 et il y a une division de deux choses dans RREGOP.
D'abord les contributions des employés dans RREGOP sont transmises
à la Caisse de dépôt et placement pour administration par
l'intermédiaire de la CARR, la Commission administrative du
régime de retraite. Cela a toujours été fait et cela n'a
jamais cessé.
M. Lincoln: D'accord, là on parle de la contribution du
gouvernement, de l'employeur.
M. Larose: La contribution du gouvernement en tant que telle a
toujours été inscrite dans les livres comme passif à 140%,
c'est-à-dire à 7/12, les contributions dans le RREGOP, sont
à 5/12 pour l'employé et de 7/12 pour le gouvernement. Les 5/12
des employés s'en vont à la Caisse de dépôt, les
7/12 du gouvernement, c'est-à-dire 140% des contributions des
employés, ont été portées à un compte de
passif, sans qu'il y ait de fonds correspondant qui ait été
créé, comme cela a été discuté, mais cela a
été porté à un compte de passif.
Ce que l'on constate qu'il mangue dans le RREGOP, à l'heure
actuelle, c'est une partie des intérêts sur la contribution
gouvernementale, au montant de 174 000 000 $, qui n'a pas été
portée au compte de passif du gouvernement. Et il y a aussi eu des
transferts de personnel, des personnes qui sont transférées des
anciens régimes au nouveau régime de RREGOP et le passif que
devra assumer le RREGOP pour ces personnes n'est pas inscrit aux livres du
gouvernement non plus. Cela se monte à guelque chose comme 480 000 000 $
au 31 décembre 1978. C'est la situation du RREGOP.
En ce qui concerne les autres régimes, au 31 mars 1980, en
résumé, il y avait dans le compte de passif du gouvernement un
solde de 328 000 000 $ inscrit comme étant dû pour des fins de
régimes de retraite. C'est le montant qui était inscrit au
passif. Ce montant doit se comparer à une dette qui dépassait les
7 000 000 000 $ et qui, elle, apparaissait comme explication en note dans les
états financiers, mais qui n'était pas inscrite au passif
même, mais qui apparaissait comme en note.
C'est la situation des autres régimes. En fait, il y a 328 000
000 $ de dette inscrite au 31 mars 1980 et le reste est indigué en note.
Du côté du RREGOP, c'est la situation que je vous ai
donnée. C'est une partie des intérêts qui n'ont pas
été enregistrés, une partie des intérêts sur
la contribution du gouvernement, et les montants dus quant au transfert de
certaines personnes d'un régime à l'autre.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances,
vous avez une interprétation?
M. Parizeau: M. le Président, je voudrais peut-être
juste apporter quelques éclaircissements. Le montant
d'intérêt de 173 000 000 $ dont on parle porte sur la
période de la création du RREGOP aux mesures que j'ai introduites
en 1978. Ce n'est pas un montant de 173 000 000 $ qui augmente constamment. Il
augmente à cause des intérêts des intérêts;
nous payons les intérêts, mais ce montant de 173 000 000 $
correspond à ce qui s'est passé, de l'introduction du RREGOP
jusqu'au 31 mars 1978.
Une voix:...
M. Parizeau: Oui, de 1973 à 1978. En somme, on en revient
toujours au verre à moitié vide ou à moitié plein.
C'est dans la partie vide du verre. Un bon jour, il va bien falloir le faire,
mais, en tout cas, c'est cela.
D'autre part, pour ce qui a trait au fonctionnement du RREGOP
lui-même et au fait qu'à l'heure actuelle, il est
déséquilibré il y a une décision majeure à
prendre, qui a trait aux contributions des employés et des employeurs,
telles qu'établies jusqu'à maintenant.
Il est prévu, dans le cadre du RREGOP, que lorsque les deux
parties, syndicale et patronale, s'entendent sur un actuaire, on demande
à l'actuaire de faire conjointement un rapport sur l'état du
fonds, sur l'état du RREGOP, et lorsque l'actuaire ainsi nommé
par les deux parties conclut qu'il y a une déficience dans les
contributions de part et d'autre, les contributions doivent être
auqmentées le 1er juillet suivant.
Dans cette perspective, comme on sait qu'à l'heure actuelle, le
RREGOP est un peu déséquilibré - il ne l'est pas comme les
autres peuvent l'être, mais il commence à l'être - il y a eu
effectivement rencontre des deux parties, nomination d'un actuaire, rapport de
l'actuaire qui, si je comprends bien, est entré il y a une quinzaine de
jours et donc, normalement, à moins qu'il se passe autre chose, le 1er
juillet prochain, les contributions, de part et d'autre, seront
augmentées pour que le fonds se rétablisse.
On en est là pour ce qui a trait au déséquilibre du
fonds, par opposition aux 174 000 000 $ d'intérêt qui, eux, sont
de l'intérêt qui n'a pas été payé, de 1973 au
11 mars 1978. On s'entend là-dessus, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): La commission suspend ses
travaux jusqu'à 20 h 15.
(Suspension de la séance à 18 h 11)
(Reprise de la séance à 20 h 28)
Le Président (M. Bordeleau): Mesdames et messieurs, la
commission parlementaire des finances et des comptes publics reprend ses
travaux qui ont été suspendus pour l'heure du diner. Où
est-ce qu'on en était exactement? Je pense que j'avais
épuisé les droits de parole, je suis prêt à donner
la parole à qui veut la demander. Oui, M. Forget.
M. Forget: M. le Président, je crois que nous pourrions
peut-être utilement occuper les quelques heures de cette soirée
à regarder d'un peu plus près un certain nombre de questions qui
font l'objet de remarques particulières, mais toujours dans le
même chapitre sur les états financiers, pour être sûr
de bien comprendre les recommandations du Vérificateur
général et la portée surtout de ses remarques, parce que
c'est ce qui nous préoccupe au plus haut point.
À cet égard, il y a un certain nombre de postes qui sont
énumérés dans les états financiers comme
insuffisants. Je m'excuse, M. le Président, je cherche un document et je
pensais l'avoir sorti; je m'excuse, je l'ai ici. Il y a un certain nombre de
postes et j'aimerais, bien sûr, qu'on fasse le tour de tout ça, un
par un, pour bien comprendre la raison des écarts et les
conséquences de chacun. On peut le faire sous plusieurs rubriques, mais
ce que je veux dire, c'est qu'en plus des questions qui se posent dans les
états financiers, relativement au reflet fidèle des
déficits actuariels et des paiements d'intérêt, il y a
aussi un certain nombre d'autres postes que nous voudrons regarder de plus
près. Je pense ici aux comptes à payer non enregistrés,
aux frais de fonctionnement des établissements et des institutions du
secteur parapublic. Il y a là des choses, mais mettons ça de
côté pour l'instant; ce n'est pas exhaustif, ce que je viens
d'énumérer, il y a d'autres postes également qui
pourraient figurer aux états financiers avec un chiffre différent
de ce qui y fiqure effectivement.
Pour terminer sur ce qu'on pourrait appeler des détails, par
rapport à notre discussion de cet après-midi sur les
régimes de retraite, j'aimerais qu'on essaie non seulement de nous dire
ce qui pourrait être fait différemment, mais d'avoir, point par
point, un tableau de ce que ça voudrait dire, faire les choses
différemment. Je vais y aller dans l'ordre. Il me semble qu'on nous a
dit qu'il y avait un montant de 173 000 000 $ ou de 174 000 000 $ quant aux
intérêts non comptabilisés au RREGOP. C'est un premier
sujet. Le ministre des Finances nous a expliqué qu'il s'agissait des
intérêts courus de 1973 à 1978. Je pense qu'il n'y a pas de
désaccord là-dessus. Il s'agit d'une somme
d'intérêts qui devrait être payée à la caisse,
en quelque sorte, payée au compte et qui ne l'est pas... Je vois qu'on
veut nous donner des réponses alors je m'arrête tout de suite.
Le Président (M. Bordeleau): M. Chabot.
M. Chabot: M. le Président, je vous remercie. J'aimerais
apporter une précision additionnelle pour le bénéfice des
membres de la commission. Dans le cadre du RREGOP, cet après-midi, M. le
député de L'Assomption a indiqué que la partie du passif
non inscrite de 174 000 000 $ d'intérêts correspondait à
des intérêts cumulés depuis la création du RREGOP
jusqu'à 1978, 1979, et aux intérêts composés sur
ceux-ci.
En regardant de plus près les composantes de ces chiffres, nous
devons ajouter qu'en 1978-1979 le gouvernement a comptabilisé un
intérêt sur le solde du
compte des régimes de retraite au 31 mars
précédent. Dans cette politique, le gouvernement a fait
abstraction notamment d'une somme représentant les intérêts
courants non inscrits sur la contribution de l'année, portés au
crédit du compte des réqimes de retraite, ce qui, avec les
années, prendra de l'importance. Si on reqarde la page 30 où l'on
voit la contribution du gouvernement par secteur, on remarque qu'on a 140% des
cotisations qui font un total de 298 000 000 $, et les intérêts
qui sont portés au crédit du compte ce sont des
intérêts à 9, 69% sur le solde au 31 mars 1979. On voit que
les intérêts de l'année courante, par exemple 4, 8% qui
pourraient figurer sur les 300 000 000 $ de la contribution de l'année,
ne sont pas portés au crédit.
Alors, dans les 174 000 000 t, il y a aussi cette composante à
ajouter dont il faut tenir compte.
M. Forget: Je ne suis pas sûr de vous avoir suivi. Je
m'excuse, je ne sais pas, je suis peut-être le seul, mais pourriez-vous
essayer de nous expliquer cela une deuxième fois à moins que je
sois le seul? Si je suis le seul qui n'ai pas compris...
M. de Belleval: Pour une fois, vous n'êtes pas le seul.
M. Forget: Qu'en termes aimables ces choses sont dites!
M. de Belleval: C'est une méchanceté non
méchante.
M. Grégoire: Est-ce que cela veut dire, en d'autres
termes, que cela ne s'arrêtait pas en 1978 et que les
intérêts de 1979 n'ont pas été versés non
plus?
Le Président (M. Bordeleau): M. Larose.
M. Larose: Le montant de 174 000 000 $, c'est le montant des
intérêts qui manque au 31 mars 1980. C'est le montant
cumulé, mais il ne se compose pas exclusivement d'un montant
d'intérêts qui n'a pas été calculé entre 1973
et une date... c'est qu'il s'additionne aussi à chaque année.
Cela a pu être 110 000 000 $ à l'origine et, à chaque
année, il s'ajoute à cela un certain montant par le fait que les
intérêts ne sont calculés que sur le solde de
l'année précédente, de telle façon qu'au 31 mars
1981 cela devient pas mal plus élevé que 174 000 000 $, parce
qu'il manque 4, 80% ou 5%, mais il manque les intérêts d'un an,
car on calcule toujours sur le solde de l'année
précédente.
M. Grégoire: Les intérêts des
intérêts.
M. Larose: Les intérêts sur le montant global qui
est versé par le gouvernement. Puisqu'on calcule sur le solde de
l'année précédente, on ne calcule pas des
intérêts sur le montant qui aurait dû être
versé durant l'année. Par conséquent, cette marge
d'intérêts s'additionne à chaque année, en plus du
fait qu'il y avait 110 000 000 $ originalement, que c'est rendu à 174
000 000 $ et que ça va évoluer. C'est rendu à
au-delà de 230 000 000 $, à l'heure actuelle. Cela ne change pas
le montant global de 174 000 000 $, mais ça en change l'explication.
M. Forget: Pour comprendre comment augmente cette somme, il faut
appliquer un taux d'intérêt courant à quelle somme?
À la somme qui, chaque année, est imputée aux
crédits budgétaires et qui est créditée au compte
du fonds de retraite?
M. Larose: Oui, pour préciser, si vous reqardez à
la page 30, on dit que la contribution gouvernementale à 140% -
c'est-à-dire les 7/5 de la contribution des employés - est de 298
000 000 $, mais les intérêts n'ont pas été
calculés sur cette contribution gouvernementale annuelle. Les
intérêts que vous avez à 9, 69%, c'est sur le solde au 31
mars 1979, tandis que cette contribution, c'est la contribution de 1979-1980.
Il n'y a donc pas eu d'intérêt calculé sur les 298 000 000
$, pour un an.
M. Forget: Je vois.
M. Parizeau: II y en aura l'année suivante.
M. Larose: L'année suivante, il y en aura, mais il
manquera toujours un an.
M. Grégoire: En d'autres termes, vous présumeriez
que le montant est payable au début de l'année courante et le
gouvernement calculerait que le montant est payable à la fin de
l'année, donc, n'étant pas payable pendant l'année, il n'y
aurait pas d'intérêt.
M. Larose: C'est-à-dire que...
M. Grégoire: Mais vous, vous calculez qu'il y a de
l'intérêt, donc c'est payable au début de l'année et
le gouvernement calculerait que c'est payable à la fin de
l'année, donc il n'y aurait pas d'intérêt.
M. Larose: Non...
M. Parizeau: Si je comprends bien le Vérificateur
général, ce qu'il veut dire c'est qu'on prendrait
l'intérêt de six mois.
M. Larose: C'est ça, une somme
moyenne, une contribution moyenne ou encore un taux moyen
d'intérêt équivalant à la moitié du taux,
ça revient à la même chose.
M. Parizeau: Oui, je comprends.
M. Forget: D'accord. Si j'ai bien compris, vous supposez que le
montant est dû régulièrement tous les mois, au même
rythme que les contributions deviennent exiqibles, c'est sur le salaire mensuel
que les contributions sont payables. Alors, il y a un montant d'un
douzième qui est payable le premier mois et un deuxième
douzième le deuxième mois, pour généraliser. C'est
le taux moyen sur le montant moyen de l'année qui doit être
payé.
M. Larose: C'est ça, de telle façon que le montant
de 174 000 000 $ s'additionne de ce manque d'intérêt pour un an,
chaque année.
M. Forget: Un an plus tard, quand on nous présentera les
chiffres de 1981, on devra calculer, sur un montant d'environ 350 000 000 $
cette année, qu'il y a un intérêt exiqible qui n'a pas
été versé et qui va faire majorer d'autant les 174 000 000
$, pour afficher un chiffre d'environ 230 000 000 $ ou quelque chose du
genre?
M. Larose: 238 000 000 $. M. Chabot: Au 31 mars
1981? M. Larose: Au 31 mars 1981.
M. Forget: 238 000 000 $ au 31 mars 1981. Les taux
d'intérêt utilisés pour imputer ce coût au passif, en
quelque sorte - au moins dans les notes, sinon dans les états financiers
- c'est le taux d'intérêt courant sur les obligations du
gouvernement, le taux de rendement moyen ou...
M. Chabot: Le taux de rendement de la Caisse de
dépôt.
M. Forget: Le taux de rendement de la Caisse de
dépôt, bon.
M. Chabot: II y a peut-être une nuance à apporter.
L'intérêt de 9, 69% sur le solde du 31 mars 1979 est basé
sur le taux moyen de la Caisse de dépôt, le rendement moyen de son
fonds général, alors que la Caisse de dépôt au
niveau du RREGOP, de la caisse des employés, le taux de rendement moyen
est calculé à partir du fonds spécialisé qui peut
avoir une variante, d'ailleurs.
M. Forget: Qui est plus élevé?
M. Chabot: À l'heure actuelle, il est plus
élevé.
M. Forget: À combien se situe-t-il dans le moment?
M. Chabot: Je ne peux vous le dire de mémoire.
M. Forget: Comme ordre de grandeur, est-ce que c'est dix, onze ou
douze?
M. Chabot: Non, il n'y a pas une différence si
appréciable.
M. Forget: Pas une différence énorme. Je vois.
Effectivement, je ne me souviens pas qu'il y ait eu une différence
énorme entre les deux. C'est le premier élément et c'est
donc un montant qui va croissant.
M. Larose: Dans le moment, oui.
M. Forget: Le deuxième élément que nous avons
relevé - je ne sais pas si c'est votre estimation ou si c'est la
nôtre; alors, c'est votre estimation - c'est un montant de 115 000 000 $
qui est "insuffisance de contribution aux autres régimes". Pourriez-vous
nous expliquer un peu de quoi il s'agit, ces 115 000 000 $ additionnels?
M. Chabot: Ce montant provient des informations qui sont
insérées dans les rapports des actuaires à la suite
d'analyses actuarielles faites à partir des données du 31
décembre 1978. Dans les rapports actuariels, si on prend comme exemple
le régime de retraite des enseignants, il est mentionné que la
part de l'employeur correspond à 236% de celle de l'employé. Si
le gouvernement, à l'heure actuelle, comptabilise à 140%, il y a
une différence pour l'année 1979-1980, dans ce cas-ci, de 73 000
000 $. C'est le même processus pour les autres régimes.
M. Forget: Cela est incurable en quelque sorte. Il s'agit, tout
simplement, d'en prendre acte puisque ce sont des régimes qui ne sont
pas renégociables. Il s'agit simplement de dire: Le gouvernement, comme
employeur, est pris devant des obligations qu'il doit rencontrer en vertu des
lois et des régimes en vigueur.
M. Chabot: En vigueur.
M. Forget: C'est un passif qui est là et il n'y a rien
qu'on puisse faire pour le diminuer sauf, évidemment, l'amortir.
M. Chabot: Dans le moment, suivant les lois qui existent, suivant
ce qui existe.
M. Forget: C'est cela. Il y a le déficit du fonds de
retraite des membres de la Législature...
M. Chabot: Oui.
M. Forget:... pour prendre un exemple qui est cher au coeur de
tous. C'est un déficit de 786%. Évidemment, à moins de
chanqer la loi qui détermine la pension des députés, cela
va demeurer 786%.
M. Larose: Cela n'est pas un déficit. On veut dire que la
contribution du gouvernement pour maintenir le régime, pour rencontrer
les obligations du régime, à ce moment-là, devrait
être de 786% alors qu'elle est inscrite aux livres, elle est
calculée à 140%. La contribution du gouvernement, à
l'heure actuelle, selon les exigences du régime, devrait être de
7, 86 fois celle du député.
M. Lincoln: C'est une dette contingente.
M. Larose: C'est une dette réelle. D'ailleurs, le
déficit actuariel est une dette réelle. Ici, si vous examinez
l'analyse actuarielle, elle en vient à la conclusion que, pour
l'opération du régime, il faudrait que la contribution
gouvernementale, à l'heure actuelle, pour maintenir le régime sur
une base satisfaisante, soit de 7, 8 fois celle des députés,
alors qu'elle est calculée, à l'heure actuelle, à 140%
dans les livres.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances,
vous avez quelque chose à ajouter à la réponse?
M. Parizeau: Sur cette question-là, oui. On revient, de
façon plus concrète et plus précise, à des choses
qu'on disait cet après-midi. Avant 1978, on comptabilisait, comme
contribution gouvernementale, rien, zéro. Ce qu'on a fait depuis 1978,
c'est qu'on comptabilise sur tous ces fonds l'éguivalent -les 140% ne
sont pas apparus par hasard -de ce qu'on contribue au RREGOP,
c'est-à-dire 140%. (20 h 45)
Bien sûr, ça reste insuffisant puisgue, dans un des fonds
de retraite qui étaient mentionnés, notre contribution devrait
être de 236%. Dans celle des députés, ça devrait
être 786%. Ce n'est ni 236% ni 786%, c'est 140%. Encore une fois, je
rappelle qu'avant 1978 c'était 0%. Pour les 140%, cela a consisté
à dire: Pour tous ces fonds autres que le RREGOP, ce sera
l'équivalent de la contribution qu'on met au RREGOP, c'est-à-dire
140%.
Dans ce sens cela doit se considérer comme une sorte de
première marche d'un escabeau. C'est évident qu'à un
moment donné il va falloir s'élever au-dessus de 140% puisque
l'enqagement réel - ce n'est pas une dette contingente - exige qu'on
aille au-delà de 140%. Il va falloir qu'à un moment donné
les 236% tels que corrigés, quand on pourra poser ce qeste, soient
atteints. Les 786% seront-ils jamais atteints? Je ne le sais pas exactement.
Enfin, il y a un certain nombre de discussions en cours à ce sujet mais
il faut prendre les 140% comme étant une première étape
à partir de zéro vers ce qui devrait être fait,
c'est-à-dire 236% ou 786%, je ne sais trop. Pour la Sûreté
du Québec, je crois que c'est assez élevé aussi.
Est-ce que vous avez le chiffre?
M. Larose: 372%.
M. Parizeau: 372% pour la Sûreté du
Québec.
Une voix: C'est presque un demi-député.
M. Parizeau: Un demi-député mais un enseignant et
demi.
M. Forget: Ce chiffre de 115 000 000 $ c'est donc la somme qu'il
faudrait inscrire pour que les 6 900 000 000 $ dont on a parlé plus
tôt, sur une période d'un très grand nombre
d'années, on en tienne compte au plan de la budgétisation
annuelle. Non, parce que ça ne permettrait pas, d'un autre
côté, d'amortir ces 6 900 000 000 $.
M. Chabot: Je pense qu'il faut faire une distinction entre le
service antérieur tel que le gouvernement le définit...
M. Forget: Ah! c'était pour les services
antérieurs...
M. Chabot:... les services antérieurs...
M. Forget: Et ça, ce sont les autres régimes.
M. Chabot:... tandis qu'ici les 115 000 000 $ c'est pour la
partie du service courant.
M. Forget: D'accord.
M. Larose: Quand on parle des autres régimes, on ignore le
RREGOP. Ce sont donc les autres régimes. Dans ces régimes vous.
avez les services antérieurs au 31 décembre 1978. Au 31
décembre 1978 on dit qu'il y avait un passif actuariel de 6 900 000 000
$. Ces 6 900 000 000 $ concernent donc tous les services accumulés, le
coût des services accumulés au 31 décembre 1978. Lorsqu'on
parle des chiffres que vous avez là, en termes de 115 000 000 $ et de
166 000 000 $, c'est la contribution de l'année. Le coût annuel de
l'année 1979-1980 pour les services du
personnel, de ceux qui sont couverts par ces
régimes-là.
On dit à ce moment-là, comme M. Parizeau l'a dit, qu'il y
a actuellement 140% de la contribution des employés qui a
été porté au passif et cela représente 166 000 000
$. Il y a encore 115 000 000 $ qui n'ont pas été portés au
compte du passif du gouvernement et qui viennent, par conséquent,
augmenter les 6 900 000 000 $ dont on parlait tout à l'heure.
M. Forget: C'est cela. Alors, non seulement sommes-nous dans une
position où les 6 900 000 000 $ ne s'amortissent pas, mais même le
service courant n'est pas totalement financé. Pour ce qui est des
intérêts, les intérêts sur les contributions de
l'année ne sont pas payés.
M. Larose: Les intérêts de l'année?
M. Forget: Ceux dont on parlait tantôt, les 174 000 000
$.
M. Larose: Là on tombe dans le RREGOP, par exemple.
M. Forget: Autrement dit, ce que je veux démontrer et ce
que je veux bien comprendre, c'est que ce sont toutes des sommes qui
s'ajoutent, ce n'est pas l'une à la place de l'autre. Ce sont toutes des
sommes qui viennent cumulativement renforcer le tableau plutôt noir.
M. de Belleval: Quand on parle...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Charlesbourg.
M. de Belleval:... du déficit actuariel, pour essayer de
faire comprendre ceux qui liraient nos débats et qui ne sont pas
familiers avec ces termes-là, c'est au fond, vous me corrigerez si j'ai
tort, la somme de 7 000 000 000 $ ou à peu près dont on parle en
1978...
M. Larose: Au 31 décembre 1978.
M. de Belleval: Au 31 décembre 1978, disons 7 000 000 000
$, en gros. Il faudrait investir en capital 7 000 000 000 $ cette
année-là pour assurer, grâce aux intérêts
à venir, le paiement durant les cinquante prochaines années ou
à peu près des pensions qui vont venir à
échéance.
M. Larose: Les engagements du gouvernement accumulés au 31
décembre 1978, les engagements accumulés jusqu'à ce
moment-là.
M. de Belleval: C'est cela.
M. Larose: En d'autres termes, vis-à-vis du personnel
déjà à sa retraite et vis-à-vis du personnel qui a
des années de faites et qui a acquis des droits.
M. de Belleval: Le personnel qui prendra sa retraite d'ici les
trente ou cinquante prochaines années. Donc, c'est une somme de 7 000
000 000 $ qu'on devrait avoir en banque, ni plus ni moins, dont on retirerait
les intérêts tous les ans. Éventuellement, à
supposer que le régime s'éteint, on a le capital pour payer tous
nos engagements passés et futurs jusqu'à la mort du dernier
bénéficiaire du régime de retraite des enseignants ou du
régime de retraite des fonctionnaires. Cela veut dire que les sommes
qu'on va verser seront beaucoup plus élevées que 7 000 000 000 $;
c'est la somme qu'il faudrait investir au 31 décembre 1978, claire,
nette, en bangue, pour s'assurer qu'on aura ensuite les intérêts
et le capital pour payer sur une période de trente, quarante ou
cinquante ans, jusqu'à la mort de la dernière employée,
puisqu'on sait que les femmes vivent plus longtemps que les hommes.
M. Chabot: Pour autant que les hypothèses actuarielles se
réalisent.
M. de Belleval: Tous les bénéfices à venir,
cela veut dire quoi? Cela veut dire que c'est beaucoup plus que les 7 000 000
000 $ que nous allons verser éventuellement?
M. Larose: Vous réalisez, M. de Belleval, que c'est selon
les obligations au 31 décembre 1978; par conséquent, toutes les
obligations de 1979 viennent s'y ajouter.
M. de Belleval: Oui, on parle de 1978.
M. Larose: Mais en arrêtant au 31 décembre 1978,
c'est exactement ce que vous dites.
M. de Belleval: C'est pour faire comprendre aux gens ce que cela
veut dire.
M. Larose: C'est cela.
M. de Belleval: Quand on parle d'un passif actuariel ou d'un
déficit actuariel, c'est le montant de capital qu'il faudrait investir
au moment où on constate le déficit pour pouvoir assurer le
paiement des retraites à venir.
M. Larose: Des coûts accumulés à cette
date.
M. de Belleval: Des enseignants et des fonctionnaires qui sont
sous l'ancien régime, avant 1973, sans compter tous les autres qui
s'ajoutent depuis 1973 au cadre du RREGOP où, là aussi, il
y a des engagements. Ce sont les autres que vous mentionnez, les autres
régimes de retraite, les pompiers, les policiers de la
Sûreté du Québec, les députés, etc.
M. Grégoire: M. Larose...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Vous dites que c'est au 31 décembre
1978. À ce moment-là, je crois que le taux de rendement des
obligations du gouvernement devait être aux alentours de 10% ou
peut-être un peu moins même, à peu près. Aujourd'hui,
cela se situe à peu près à 19%; 18, 75%, 19%. Est-ce que
vous auriez encore besoin des mêmes 7 000 000 000 $ pour financer le
versement des pensions, de tous ces fonds datant d'avant le RREGOP? Si vous
aviez 6 900 000 000 $, à à peu près 10%, cela faisait 690
000 000 $ à verser. Tout à coup, vous arrivez et vous dites: On
en a encore besoin en 1981. Là, si c'est doublé, est-ce que cela
veut dire que vous versez à l'heure actuelle 1 400 000 000 $ en pensions
ou est-ce que vous ne baisseriez pas votre chiffre de 6 900 000 000 $ en
fonction des taux d'intérêt actuels?
M. Larose: Je vous dirais ceci. À l'heure actuelle, les
bénéfices des fonds de retraite sont aussi indexés; vous
me posez une question...
M. Grégoire: Oui, mais ils n'ont pas doublé en deux
ans.
M. Larose:... que j'aimerais mieux que vous posiez à un
actuaire. Je pense bien qu'il ne vous répondrait pas sur le champ.
M. de Belleval: Une chose est sûre et certaine, les
pensions sont indexées au coût de la vie actuel alors que le taux
d'intérêt moyen que vous calculez sur les 7 000 000 000 $ n'est
pas aussi élevé. Le taux de rendement moyen actuellement, comme
vous l'avez dit tantôt, est de 9, 5%, 10%...
M. Larose: II était à peu près à 9%
et il est rendu à 10%.
M. de Belleval:... de ce que rapporte la Caisse de
dépôt.
M. Larose: Le fonds général de la Caisse de
dépôt.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. Larose, quand on dit que la contribution du
gouvernement dans le fonds de retraite des enseignants devrait être de
236% de la contribution des employés, j'ai raison de dire, selon vous,
que ce pourcentage aurait été très inférieur
à 236% si, avant la réforme de 1977, les contributions
gouvernementales avaient été payées dans toutes ces
années, dans les 30 ans, 40 ans ou 50 ans où rien n'a
été payé. Une des causes principales du fait que la
contribution est à 236% plutôt qu'à 180%, à 170% ou
à 160% selon les calculs... Ce qui fait que la contribution de
l'employeur doit être aussi forte que 236%, c'est parce que nos fonds de
pension sont très généreux. Mais c'est influencé
directement par le fait que durant tant d'années on n'a rien payé
du tout.
M. Larose: Je ne voudrais pas prétendre être
actuaire. Mon opinion est celle d'un comptable et non pas celle d'un actuaire.
Je ne prétendrai pas autre chose. Selon mon interprétation, ce
serait l'effet des bénéfices accordés par le
régime. Parce que si on a établi, comme en date du 31
décembre 1978, la dette elle-même ou le passif actuariel d'un
régime, comme celui des enseignants, a été établi
au 31 décembre 1978, les calculs à partir de ce moment se font
comme si les fonds avaient été- accumulés jusqu'au 31
décembre 1978 et, par conséquent, pour les années
subséquentes, les années actuelles, on suppose dans le calcul
actuariel que les fonds étaient là. Pour les fins de calcul, les
236% sont seulement les bénéfices qui aujourd'hui en 1979-1980
sont accordés aux enseignants qui coûtent 100 $ à
l'enseignant et 236 $ au gouvernement, soit un total de 336 $. Les calculs sont
faits comme si les fonds avaient été déposés.
M. Parizeau: Dans la mesure où vous établissez
cette distinction entre services courants et services antérieurs, je
pense que vous avez tout à fait raison. Donc, 236% viennent simplement
des caractéristiques propres du régime de pension des
enseignants, de l'ancien fonds de pension des enseignants.
M. Forget: Service courant, je pense qu'on s'entend
là-dessus. Donc, il y a 115 000 000 $ qui représentent le
coût aujourd'hui du service courant, qui n'est pas adéquatement
financé, donc, qui peut ne pas être adéquatement
financé, il s'agit d'engagements pour l'avenir relativement aux services
fournis durant une année courante.
Cela va bien. Je m'excuse si je reviens un peu en arrière. Vous
me direz si c'est une question à laquelle vous avez déjà
répondu. Au bas de la page 36 de votre rapport, tout à fait au
bas, il y a trois petites lignes. Vous faites allusion aux 173 900 000 $ ou 174
000 000 $ qui
s'appliquent au passif actuariel du 31 décembre 1978. Cette somme
est de beaucoup inférieure au montant qu'il aurait fallu porter au
compte des régimes de retraite pour tenir compte des
intérêts de la période. C'est ce que nous discutions tout
à l'heure, essentiellement.
M. Larose: Pas en ce qui concerne le RREGOP toujours. Ce ne sont
pas les 274 000 000 $ parce que là, voyez-vous, les 174 000 000 $ dont
on parlait tout à l'heure, on était dans le nouveau régime
de retraite. Ici, nous sommes dans les autres régimes. Ce qui veut dire
que concernant le nouveau régime... il y a les anciens régimes,
on dit là-dessus que le gouvernement a mis au crédit du compte de
régime de retraite une somme de 340 800 000 $. Vous voyez cela au bas de
la page 36, comme M. Parizeau l'a mentionné. Évidemment, c'est
une première contribution dans le cas du service antérieur.
Auparavant, il n'y en avait pas. Pour le service antérieur, on a fait
une contribution de 173 900 000 $ à l'acquis de la dette de 6 900 OOP.
000 $ qu'il pouvait y avoir là-dessus. Ce que l'on dit à la page
37, si la dette était de 6 900 000 000 $ ou 7 000 000 000 $ environ et
qu'elle porte intérêt, elle devait porter intérêt,
sur 7 000 000 000 $, si on prend 10%, c'est 700 000 000 $ et si on en a mis 173
000 000 $, il y a une autre dette qui s'est accumulée durant cette
période.
M. Forget: II y a des intérêts sur ce passif.
M. Parizeau: Sur ce passif.
M. Forget: Qui s'est accumulé dans le passé.
M. Parizeau: Cela correspond essentiellement dans ce sens
à ce qui avait été annoncé, l'année
précédente dans le discours du budget, c'est-à-dire
qu'à partir de 1978, de l'année fiscale 1978-1979 - c'est
ça, c'est au 31 décembre 1978 - les contributions aux
intérêts sur le service antérieur commenceraient à
être faites, pour la première fois. (21 heures)
M. Forget: À la page suivante, la page 37, vous indiguez,
pour le service antérieur, en reprenant ce que vous disiez tantôt:
"La méthode suivie en 1979-1980 pour établir la dépense
budgétaire à 173 900 000 $ fut d'appliguer au passif actuariel de
ces régimes, au 31 décembre 1978, la somme nécessaire pour
répondre à un objectif fixé par le gouvernement. " Vous
expliguez plus loin que cet objectif est d'amortir sur 50 ans et en 50 ans un
régime qui est fermé, en ce sens que personne n'entre plus et
donc, on commence à en sortir graduellement, guoiqu'il y ait encore des
gens actifs, bien sûr, là-dessus. Si l'on devait calculer cette
somme sur une période plus réaliste de 25 ou 30 ans, à
quel montant arriverait-on? À une somme qui est environ le double ou
moins du double de cela?
M. de Belleval: Pourguoi dites-vous "plus réaliste"?
M. Forget: Plus réaliste parce que, dans 50 ans, il ne
restera plus personne.
M. de Belleval: II va y en avoir encore trois ou guatre.
M. Forget: Trois ou quatre?
M. de Belleval: Je veux dire...
M. Forget: Ceux qui sont entrés comme enseiqnants en 1972
et qui n'ont pas fait l'option d'appartenir au RREGOP...
M. de Belleval: C'est cela.
M. Forget:... qui ont peut-être actuellement 30 ans et qui
ont encore 30 ans de vie active; dans 50 ans, cela fera...
M. de Belleval: Et qui vont vivre encore...
M. Forget:... 20 ans qu'ils seront à la retraite.
M. de Belleval:... et qui vont continuer à retirer...
M. Forget: Ils auront 85 ans.
M. de Belleval:... ou leurs femmes...
M. Forget: Ou leurs conjoints.
M. de Belleval:... et qui vont leur avoir survécu dix ans
de plus; elles vont continuer à retirer la moitié de leur
retraite.
M. Forget: Si on a affaire à des centenaires,
évidemment, on pourrait même plaider...
M. de Belleval: II va y en avoir.
M. Forget:... qu'il y aura un ou deux centenaires sur le
nombre...
M. de Belleval: C'est la loi des grands nombres.
M. Forget:... et on pourrait peut-être amortir cela sur 60
ou 70 ans. Est-ce votre suggestion?
M. de Belleval: Non, mais tout cela
pour dire que 50 ans...
M. Forget: Oui, oui. Je pense bien qu'on se rend compte que, dans
le fond, l'objectif de l'amortissement ou l'objectif de prévoir une
écriture relativement à ce passif, ce n'est pas qu'on ait
terminé l'opération quand le dernier pensionné mourra.
L'objectif est à plus court terme que cela, si on peut parler de court
terme quand on parle de 25 ou 30 ans. Il est à moins long terme que
cela. Il faudrait idéalement, j'imagine, qu'au moment où la
plupart de ces gens songent à leur retraite, des dispositions
financières aient déjà été prises
relativement à ce passif qui nous pend au bout du nez. Je pense bien
qu'à ce moment-là, un chiffre de 25 ans est peut-être un
peu plus réaliste. J'imagine que ce sont ceux qui avaient d'ailleurs les
plus longues années de service dans les anciens régimes qui n'ont
pas voulu chanqer, ou quelque chose d'analogue. De toute façon, je crois
que le chiffre de 25 ou 30 ans, qui n'est pas de nous... Il est, je pense,
sugqéré quelque part dans votre rapport.
Une voix:...
M. Forget: 30 ans? Si on prenait le chiffre de 30 ans, en
fonction de cela, à combien se chiffrerait le montant imputé au
titre du service antérieur? Au lieu de 173 900 000 $, quel autre chiffre
aurait-on?
M. Chabot: C'est fait par les actuaires. Cette
disponibilité n'existe pas présentement, le chiffre exact.
Le Président (M. Bordeleauï: Un
complément?
M. Forget: Dans le fond, il serait d'environ le double de
cela.
M. Chabot: II pourrait être plus que le double; dans le
domaine actuariel, il y a plus qu'une façon d'établir des tables
d'amortissement de certaines choses. Les actuaires pourraient présenter
plusieurs façons différentes d'établir un amortissement.
Il est clair que, si on amortit sur une période de 30 ans, il faudrait
que le montant annuel soit appréciablement supérieur à
celui de 50 ans. Nous ne l'avons pas, parce que ce n'est pas exactement notre
domaine.
M. Forget: Je vous soumets même que cela pourrait
être un chiffre comme trois fois le montant qui apparaît
actuellement, pour la raison suivante: II semble que la méthode qui est
utilisée pour calculer l'amortissement, c'est de calculer d'ailleurs,
vous le dites en toutes lettres -une proportion constante d'une masse salariale
qui, évidemment, à cause des hypothèses d'inflation qu'on
fait, grossit dans le temps. On contribue X% de la masse salariale cette
année, ça donne un montant X, mais avec l'inflation à 10%
dans 30 ans, ça donne une contribution assez substantielle. Mais
l'inflation à 10% ou 8% pendant 50 ans, je n'ai pas besoin de vous
expliquer quel genre de gonflement, de boule de neige ça fait au bout de
50 ans. Cela fait des contributions, dans les dernières années,
absolument énormes.
M. de Belleval: Oui, mais l'arqent se déprécie au
même rythme aussi, plus ou moins.
M. Parizeau: M. le Président...
M. Forget: Oui, mais tout cela est en valeur nominale, c'est une
somme considérable. Cela vient aider terriblement, dans les
dernières années. De 30 à 50 ans, on a un amortissement
calculé sur une masse tellement énorme, justement parce qu'on le
calcule si loin à l'avance, avec l'inflation pendant toutes ces
années, que cela peut-être un peu pour effet de faire effacer,
seulement à ce moment-là dans le fond, le déficit
actuariel à cause de l'ampleur des sommes engagées.
Si on s'arrête un peu plus tôt, l'inflation a moins le temps
de s'exercer, et il faut payer à même une masse monétaire
qui est beaucoup plus faible. À ce moment-là, il faut majorer
considérablement le taux auquel on calcule les contributions. Je pense
qu'il n'y aurait rien d'exagéré à dire que c'est
peut-être une somme, dans le fond, de trois fois ce montant qui devrait
apparaître au titre du service antérieur. D'ailleurs, on se
demande un peu comment une somme de 174 000 000 $ peut amortir 6 900 000 000 $,
sauf en prenant un temps infiniment long, ou alors c'est quelque chose d'autre
d'assez extraordinaire qui se passe pendant les dernières
années.
Le Président (M. Bordeleau): Vous avez peut-être un
complément de réponse, M. le ministre des Finances?
M. Parizeau: Là, on est au coeur de quelque chose de tout
à fait central, qui nous ramène d'ailleurs à nos
conversations de ce matin. J'aimerais, si c'est possible, pouvoir dire quelques
mots là-dessus, spécifiquement sur ce qu'on vient de
soulever.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Posons-nous la question: Qu'est-ce qui se produirait
si on n'avait pas commencé à comptabiliser des
intérêts dans ces vieux fonds de retraite comme on l'a fait?
Actuellement, on dit: C'est insuffisant.
Bien sûr. Posons-nous la question: Qu'est-ce qui serait
arrivé si on avait fait comme avant? D'abord, on n'aurait pas cette
discussion aujourd'hui. Deuxièmement, la charge des prestations à
payer pour ces vieux employés ou ces vieux enseignants, les
déboursés annuels augmenteraient en flèche. Là, ce
serait vraiment du "pay as you go", et comme ce sont des fonds de retraite
fermés, où il n'y a plus personne qui rentre depuis 1973,
ça vieillit très vite là-dedans. À un moment
donné, les gens se mettent à prendre leur retraite en groupes
accélérés, et ça frappe quoi? Avec quoi est-ce que
c'est payé? Avec le fonds consolidé au complet. Il faut sortir
ça chaque année. Cela peut représenter une très
grosse charge.
On cherche à faire ceci. On va essayer d'éviter l'impact
d'un tel coût en comptabilisant des intérêts et en
amortissant sur une période de 50 ans. Pourquoi 50 ans? Ce n'est
sûrement pas axé sur l'âge du dernier retraité de
quartier. Sûrement pas. C'est évident, si on fait ça
à 50 ans. Si on le fait à 50 ans, c'est compte tenu de
l'augmentation des dépenses que ces charges d'intérêts
représentent chague année, s'inscrivant dans tout le reste des
mesures prises à l'égard des fonds de retraite. Le gouvernement
se trouve, à l'heure actuelle, à avoir des dépenses, au
titre des fonds de retraite, qui augmentent de 20% à 25% par an. Avouez
que ce n'est pas très drôle, quand vous cherchez à
maintenir l'augmentation des dépenses à un rythme raisonnable,
pour l'ensemble du gouvernement, aux alentours de 12, 5% à 14% par an,
d'avoir un gros bloc comme ça qui, lui, monte à 20% ou 25%.
Qu'est-ce que ça veut dire, en fin de compte? Cela veut dire,
bien sûr, que si on voulait accélérer encore les
comptabilisations faites au titre des prestations chague année et les
inscrire dans les dépenses, non pas pour que ça monte à
20% ou 25%, mais que ça monte à 30%, à 35%, puis qu'on
voulait néanmoins maintenir l'augmentation totale des dépenses du
gouvernement autour de 14%, là, vous réduisez la voirie, et les
compressions budgétaires dont on parle seraient encore plus fortes. Cela
devient de l'héroïsme total de dire: On coupe les subventions
sociales, on coupe les subventions économigues, on coupe la voirie, on
coupe encore plus que ce qu'on a fait, simplement pour être capables
d'accélérer les montants qu'on va mettre de côté sur
les fonds de retraite. À un moment donné, cela deviendrait
délirant comme objectif.
Dans ce sens, on sait bien que le dernier retraité dans ces fonds
va peut-être prendre sa retraite dans 25 ou 30 ans, mais on se dit:
Soyons raisonnables et coupons la poire en deux. De façon à
maintenir l'auqmentation des dépenses globales du gouvernement à
un certain rythme, on va - pas mettre de l'argent de côté
comptabiliser. Voyez, le député de Saint-Laurent m'a
influencé cet après-midi. On va compabiliser sur les fonds de
retraite des montants qui vont monter à un certain rythme, un rythme
plus rapide que le budget en général, mais tout de même pas
à 30%, ou 35% ou 40% par année.
C'est clairement un objectif sur leguel on peut être d'accord ou
non, mais c'est clairement une politique gouvernementale et un objectif
gouvernemental. C'est l'arbitrage qu'un gouvernement doit faire entre les
demandes différentes qui s'adressent au budget et qui influencent le
rythme d'augmentation des dépenses. Vous comprendrez peut-être
mieux le danger dont je parlais ce matin, au fur et à mesure qu'on
élargira les mandats dans le sens de ce qu'on disait, ce n'est plus
seulement la façon d'atteindre les objectifs qui est mise en cause, ce
sont les objectifs eux-mêmes. Relisez les phrases de la page 38: Ainsi,
la période de 50 ans nous paraît beaucoup trop longue, la
période retenue aurait pu être de 25 à 30 ans. Ce ne sont
plus des modalités dont on parle. C'est un jugement qui est porté
non pas sur la façon dont le gouvernement tient ses comptes, mais sur la
politique budgétaire du gouvernement, sur les objectifs
budgétaires du gouvernement.
C'est dans ce sens que je parlais d'un danger ce matin. C'est pour cela
que je reviens encore à l'idée que, dans la mesure où on
redéfinit un mandat pour le vérificateur, il faut y aller avec un
certain soin, pas sur le coin d'une table et pas en deux heures. Je n'en tiens
absolument pas grief au vérificateur de ces phrases, je comprends
très bien pourquoi il les a dites. Encore une fois, je tiens à
souligner que les redéfinitions de mandat présentent des dangers
qui impliguent qu'au moins on prenne le temps de les établir et d'y
réfléchir ensemble, plutôt que d'essayer de faire du
"shotgun". Cela me paraît être un bel exemple de ce que je disais
ce matin.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je ne sais vraiment pas
pourquoi le ministre des Finances a fait tout à coup ce retour à
nos discussions de l'après-midi.
M. Parizeau: Elles m'intéressent.
M. Forget: Je ne sais pas en quoi il pense que ce genre
d'argumentation peut l'aider. Il mélange complètement ou feint de
mélanger, pour employer ses distinctions subtiles dont il a l'art, deux
choses complètement différentes. Il attire notre attention sur le
fait qu'à un moment donné dans le temps, dans dix ans, dans
quinze ans,
dans vingt ans, je n'en sais rien - il faudrait avoir ici les analyses
qui ne sont pas disponibles ce soir - il y aura évidemment contre le
fonds consolidé de la province des exigences énormes pour payer
les pensions pour ces anciens réqimes, autres que le RREGOP. Il est
clair qu'à ce moment, les pensions devront être payées.
C'est un problème qui demeure entier, de toute manière. (21 h
15)
En effet, lorsque nos successeurs dans vingt ans seront
confrontés à l'obligation de payer à ces nombreux
pensionnés les sommes qui leur sont dues, ils n'auront pour ce faire que
les ressources du fonds consolidé. Ils n'auront pas la solution facile
de se retourner du côté du fonds des régimes de retraite et
de dire aux administrateurs -enfin, ce sont les mêmes, c'est le
ministère des Finances qui l'administre, de toute façon: Nous
avons dans ce fonds de quoi payer les pensions de ces gens. Cela n'existe pas.
S'il fait la demande au fonds de ces sommes -on doit supposer que ce sont deux
fonctionnaires du ministère des Finances - le second fonctionnaire dira
au premier: Je suis bien prêt à vous donner ces sommes, mais
honorez d'abord vos engagements à notre égard, engagements
comptabilisés aux comptes publics. Le premier fonctionnaire devra donc
dire: II faut augmenter nos besoins de financement, les besoins financiers nets
du gouvernement et, si les impôts ne sont pas suffisamment productifs
cette année-là, le gouvernement devra emprunter les sommes
nécessaires en dehors du système pour payer les pensions qui
seront nécessaires à ce moment-là, exactement comme si
aucune comptabilisation n'apparaissait aux comptes, parce que, dans le fond,
c'est Pierre qui doit à Paul, c'est le premier fonctionnaire des
finances qui doit au deuxième et tout cela se passe en famille. On n'a
pas plus d'argent qu'on n'en aurait de toute façon, à moins, bien
sûr, que, par cette opération, au cours des années, les
ministres des Finances successifs n'aient réussi à persuader
leurs collègues que, comme ils faisaient des imputations aux livres du
gouvernement, tous les autres ministères devaient diminuer leurs
dépenses pour faire de la place, mais...
M. de Belleval: C'est cela qui se passe.
M. Parizeau: C'est cela qui se passe.
M. Forget: Ne plaisantons pas trop, M. le Président...
M. Parizeau: C'est ce que j'expliquais tantôt.
M. Forget:... parce que, s'il y a des problèmes de
financement, ces sommes qu'on impute aux crédits budgétaires
comme des dépenses deviennent automatiquement et par le fait même
des sources de financement pour les programmes du gouvernement. Si on avait mis
1 000 000 000 $, bien sûr, le déficit aurait été
apparemment plus gros, mais pas les besoins financiers nets; entre
parenthèses, cela n'aurait pas changé. Le déficit aurait
paru plus gros, mais on aurait joui d'une plus grosse somme pour aider au
financement des programmes courants du gouvernement. Les besoins financiers
nets du gouvernement seraient demeurés inchanqés.
M. de Belleval: Le déficit aurait paru...
M. Forget: Le déficit aurait pu afficher 5 000 000 000 $
ou 6 000 000 000 $.
M. de Belleval:... plus petit... M. Forget: Mais les
besoins...
M. de Belleval:... ce qui aurait tenté d'augmenter les
dépenses.
M. Forget: Le déficit aurait paru plus gros. C'est le
raisonnement qu'a tenu le ministre des Finances; il a tout à fait
raison. En facturant aux comptes de l'année les sommes
nécessaires pour faire des versements ou faire des imputations à
la caisse des régimes de retraite, on grossit le déficit. Par
contre, comme ces sommes sont disponibles pour le financement, on réduit
les besoins financiers nets du gouvernement. Je pense qu'on s'entend
là-dessus; s'il vous plaît, ne revenons pas là-dessus.
C'est assez simple, c'est une arithmétique très simple.
Il en découle que, si le ministre des Finances avait dit:
D'accord, on va comptabiliser tout cela, il aurait pu mettre 1 000 000 000 $ de
plus et dire: J'impute 1 000 000 000 $ de plus à la caisse des fonds de
retraite. Il aurait dit: Cependant, je n'ai pas besoin d'aller chercher ce 1
000 000 000 $ sur les marchés; je m'en sers pour financer les programmes
du gouvernement. Ce qu'il a fait avec les 300 000 000 $, autrement dit, il
pouvait le faire avec 1 000 000 000 $.
En fait, on peut se demander, étant si bien parti, qu'est-ce qui
empêchait le ministre des Finances de dire: Je vais nettoyer ce
déficit actuariel en une année. Cela aurait été
difficile à croire. Là, les gens se seraient dit: II y a quelque
chose qui ne marche pas, c'est sûr. Trop, c'est trop. Il y a un
problème de relations publiques et il faut en mettre juste assez pour
que cela ait l'air possible, à supposer que cela se fasse vraiment. Cela
ne se faisait pas vraiment, on aurait pu aller plus loin. On s'est dit: Quand
même, le jeu va être apparent. Il faut y aller juste un peu pour
donner l'impression qu'on le fait vraiment et pas trop loin,
malgré tout, parce que les gens vont bien voir qu'il y a quelque
chose de caché là-dessous.
M. le Président, je ne vois vraiment pas pourquoi on n'a pas dit:
Dans une année, mettons cela au déficit. On aurait eu un
déficit de 10 000 000 000 $ en une année ou peut-être de 11
000 000 000 $ ou de 12 000 000 000 $. Cela aurait été
catastrophique, mais le besoin financier net du gouvernement serait
resté, jusqu'au dernier cent, exactement le même qu'avant. On
aurait au moins eu la satisfaction de faire figurer au passif dans les comptes
publics exactement la totalité du déficit actuariel. On aurait
dit: On a réqlé dans un an ce que tous les gouvernements avant
nous n'ont jamais pu régler. Il me semble avoir déjà
entendu cela. Cela aurait été très beau. Encore une fois,
il n'y a pas de limite financière là-dedans; c'est un jeu
d'écritures, il s'agit simplement de s'arranger pour que les
écritures dépeignent toute la réalité.
Si, d'un autre côté, on m'affirme que les collègues
du ministre des Finances ont pris au sérieux cette restriction
budgétaire sous prétexte qu'il fallait faire des paiements
à une caisse...
M. de Belleval: C'est vrai.
M. Forget: ... dont le ministre des Finances ne leur a pas dit
qu'il se servait pour financer, de toute façon, leurs
dépenses...
M. de Belleval: II nous l'a dit.
M. Forget:... permettez-moi d'être ébahi devant la
sagacité financière des collègues du ministre des
Finances. Ils n'ont pas vu le jeu, mais je ne le crois pas. Je suis d'accord
avec le ministre...
M. de Belleval: L'ex-ministre.
M. Forget:... l'ex-ministre, ce n'est pas possible qu'une chose
pareille soit arrivée. C'était sûrement adressé
à la galerie, pas au cercle des intimes.
M. de Belleval: Un instant. Je vais répondre à
cela.
M. Forget: Je ne peux pas me faire à l'idée qu'un
ministre va dire: En effet, il faut que je me restreigne dans les
dépenses de mon ministère, que je résiste, avec toute la
détermination du monde, aux nombreuses demandes qui m'assaillent, parce
que le ministre des Finances veut faire une écriture aux livres. Cela me
dépasse, M. le Président.
Je pense que c'est une incursion malheureuse parce que je ne vois pas ce
que cela vient faire dans nos débats. Nous devons fonctionner ce soir -
et je le regrette, peut- être pas autant que le ministre des Finances -
dans l'hypothèse où le gouvernement a dit: Nous allons
comptabiliser. Ce n'est pas notre décision. Ce n'est pas la
décision du Vérificateur général. Que ce soit bon
ou que ce soit mauvais, laissons cela de côté. On n'est pas ici
pour discuter de ces orientations, du moins, en principe.
M. Parizeau: II paraît que c'est mauvais.
M. Forget: Je n'ai pas dit cela. M. Parizeau: Oh oui!
M. Forget: J'ai dit que c'est indifférent. J'ai dit que ce
serait pareil en réalité.
Mais puisque vous insistez pour les comptabiliser, soi-disant pour
donner une image exacte de la réalité, souffrez au moins que l'on
demande au vérificateur: L'image que le gouvernement prétend
donner de tout ce marasme financier du côté des comptes de
retraite, l'a-t-il décrite adéquatement? Est-ce qu'il en tient
compte comme il le devrait?
On n'a pas travaillé longtemps là-dessus une heure - et on
a découvert 174 000 000 $ qui, cette année, se chiffreront par
238 000 000 $. II y a un autre montant de 115 000 000 $, ce pourrait être
un montant de 700 000 000 $ d'intérêt sur le déficit, etc.
Vous voyez le genre de total auquel on peut arriver. Et on n'a pas fini la
liste.
M. Grégoire: II induit tout le monde en erreur. Cela a
commencé dans son temps et il dit qu'il le découvre ce soir. Mais
qu'est-ce que vous faisiez comme ministre?
M. Forget: Cela n'a pas commencé dans notre temps. Nous,
on ne comptabilisait pas cela.
M. Grégoire: C'est depuis 1973 que le déficit est
commencé.
M. Forget: Dans la réalité, ce n'est pas plus
difficile ni plus facile que ce qui se fait.
M. Grégoire: C'est depuis 1973, dans le RREGOP.
M. Forget: II serait très facile de mettre n'importe quel
chiffre et dire: On en a tenu compte, mais l'argent ne se trouve nulle part.
C'est très facile. C'est la chose la plus facile.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Je comprends que le député de
Saint-Laurent soit ébahi, moi aussi, par son raisonnement.
M. Forget: C'est le vôtre, pas le mien.
M. Parizeau: En somme, si je comprends bien, pour le
gouvernement, de comptabiliser ses contributions dans le RREGOP, qui sont
faites exactement sur le même système, était en 1973 une
bonne chose. D'en comptabiliser davantage en 1978 est une mauvaise chose, parce
que ce n'est pas tout ce qu'il faudrait comptabiliser. Un premier geste en
1973, c'est bon. Un qeste analogue à l'égard de deux vieux fonds,
qui avaient accumulé des milliards de déficit actuariel, poser ce
geste en 1978, c'est mauvais, parce qu'il faudrait en mettre davantage.
Mais il ne faut pas en mettre davantage, parce que de toute façon
cela ne veut rien dire. Mais si en mettre davantage ne veut rien dire, je ne
sais pas ce qu'on fait avec les sommes qu'on a mises en 1978 et je ne sais pas
ce qu'on fait avec les sommes qu'on a mises en 1973? Ou bien le raisonnement
est bon d'un bout à l'autre, ou bien il n'est pas bon du tout.
Et si vraiment c'est à ce point indifférent, je ne
comprends vraiment pas pourquoi le Vérificateur général
dit qu'il en faudrait davantage et qu'il en parle. Si c'est l'opération
blanche dont parle le député de Saint-Laurent, je ne vois
vraiment pas de quoi on parle, je ne vois vraiment pas pourquoi le
Vérificateur général écrit des pages et des pages
sur le sujet.
Il y a autre chose qui me paraît beaucoup plus fondamental, et
là, je suis un peu étonné. On comprend peut-être
certaines choses. Je commence à comprendre pourquoi les dépenses
du gouvernement, de 1973 à 1976, augmentaient de 21% par année.
Je commence à le comprendre.
Si vraiment, au titre d'une gestion financière à peu
près saine, on arrive néanmoins pendant plusieurs années
à tenir l'augmentation des dépenses depuis quelques années
entre 12, 5% et 14%, en dépit du fait qu'on comptabilise comme
dépense des sommes pareilles, des sommes considérablement
augmentées pour les fonds de pension, cela démontre une chose
clairement, c'est qu'effectivement mes collègues ont montré dans
leurs demandes une compréhension et une modération qui
n'existaient pas du tout avant. Cela ne fait que confirmer ce que j'ai
pensé depuis plusieurs années.
M. de Belleval: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Charlesbourg.
M. de Belleval: Puisque le député de Saint-Laurent
m'a pris à témoin, comme récent ministre des Transports et
membre du Conseil des ministres, je peux l'assurer, avec toute la bonne foi
dont je suis capable, qu'effectivement, quand, au Conseil des ministres, dans
le contexte actuel, on examine les crédits, les prévisions
budgétaires, il est évident que conformément au
raisonnement que le ministre des Finances vient de tenir, il doit tenir
l'augmentation des dépenses par rapport à l'augmentation du
coût de la vie, à l'inflation, etc. dans des limites raisonnables.
Là-dessus, tout le monde est d'accord, je pense que le
député de Saint-Laurent a raison à ce point de vue, ce
n'est pas un débat partisan, tout le monde est d'accord qu'on ne peut
continuer à augmenter les dépenses à deux fois le taux
d'inflation ou même à un pourcentage trop élevé.
Il nous démontre qu'il doit dans son budget, donc dans son
déficit budgétaire, peu importe ses besoins financiers nets,
comptabiliser une augmentation, comme il vient de l'expliquer, relativement
raisonnable au titre des fonds nécessaires pour payer les pensions
d'environ 25%. Il aurait pu mettre 30%, 40% ou 50%, mais le simple bon sens
dit: Cela n'aurait pas de bon sens, compte tenu des autres objectifs
gouvernementaux avec lesquels tout le monde est aussi d'accord dans leur
ensemble. Je ne parle pas sur tel point ou tel autre point en particulier,
mais, dans leur ensemble, on est d'accord là-dessus qu'on ne peut pas
réduire de moitié cette année le budget des hôpitaux
ou des récoltes.
C'est évident que, à ce moment-là, on est
obligé tous ensemble d'admettre que, dans nos différents
ministères, il faut avoir une discipline budgétaire plus grande.
C'est ce que j'expliquais avant la clôture, à 6 heures, c'est que
la principale vertu de l'opération du ministre des Finances, à
partir de 1977, ç'a été, premièrement, de nous
faire tous ensemble prendre conscience du problème d'une façon
beaucoup plus explicite et, deuxièmement, d'obliqer les
ministères, dans l'adoption des crédits, et le conseil des
ministres, à une plus grande rigueur. Ceci étant dit, j'admettrai
avec le député de Saint-Laurent qu'au-delà de ça,
la mécanique comptable, c'est autre chose, mais les deux faits dont je
viens de parler, la prise de conscience publique et une plus grande discipline,
ça aussi, ce sont deux faits véritables qui se reflètent
dans le budget.
Je pense là-dessus qu'on peut tous l'admettre sans, au fond,
qu'il soit question de marquer des points l'un contre l'autre. J'admets que le
député de Saint-Laurent, par ses explications, etc., nous fait
avancer dans la compréhension du problème, puis, le ministre des
Finances l'a fait aussi par ses gestes. Les ministres sont obligés
d'avoir
davantage de rigueur, eux aussi, compte tenu de la réalisation de
ces faits. C'est positif à mon avis, admettons-le tous ensemble, on fait
notre travail conjointement, à ce moment-là, de bons
représentants du peuple, indépendamment des partis
politiques.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je veux bien ne pas faire de
querelle inutile là-dessus, mais je pense que ce n'est pas une querelle
inutile que de souligner une chose essentielle, lorsqu'il est question de
comptabilité publique. Même si je suis en sympathie avec le
député de Charlesbourg, quant à une partie de ses
remarques, il reste qu'il faut faire attention; les comptes publics n'ont pas
pour but une prise de conscience, ce ne sont pas des documents de
conscientisation.
M. de Belleval: Elle a ça en plus, ce n'est pas
mauvais.
M. Forget: Ce sont des arguments d'information financière
qui doivent avoir comme mérite principal d'être complets, de dire
toute la vérité et de ne pas en présenter qu'une partie
parce qu'on pense que, pour les fins psychologiques de la conscientisation, il
vaut mieux aller à petite dose ou à dose mesurée.
L'opération à laquelle on assiste, essentiellement, je suis tout
à fait d'accord avec le député de Charlesbourg quant
à ses effets, tout ce que ça a pu faire, c'est de donner un peu
plus de publicité au fait que les fonds de pension, dans le secteur
public, souffrent, si le mot est approprié, d'un déficit
actuariel aiqu.
Je pense que c'est une chose valable à dire, à
réaffirmer, parce qu'il faut quand même que les gens s'en rendent
compte. Au moment des négociations, c'est une chose qu'il n'est pas
inopportun de souligner et resouligner. Je suis d'accord que ça peut
faire progresser le sens des responsabilités dans les discussions des
affaires publiques.
M. de Belleval: Et des budqets. (21 h 30)
M. Forget: Ceci étant dit, je pense que, lorsqu'un
gouvernement dit: Ce n'est plus du "pay as you go", on ne dit pas tout
simplement qu'on assumera ces obligations dans le concret, au moment où
elles se présentent, qu'on traversera le pont au moment où on
sera arrivé à la rivière. On dit: Non, il faut
prévoir la rivière, il faut dresser une carte géographique
du pays qu'on va parcourir, par monts et par vaux, avec les rivières, en
indiquant leur larqeur, etc. Alors, il n'y a plus de moyen terme. Il faut
donner tout le tableau et faire une comptabilité qui donne toute la
carte géographique, pas simplement une espèce d'instantané
du premier pont à traverser. Ce n'est pas un album de famille, c'est une
carte géographique qu'on veut faire. On ne veut pas dire: Je pense qu'il
y a une partie de cela que je vais démontrer, parce que les gens ne sont
pas prêts à voir les hauts plateaux qu'ils vont devoir franchir,
mais ils ne se sentent pas animés d'une vertu d'alpiniste, on va leur
montrer seulement le début de la colline; puis, après, ils s'en
rendront bien compte eux-mêmes que cela monte tout le temps et ne descend
jamais.
Il n'y a pas, en comptabilité publique, si on veut être
correct et si on veut être complet et c'est pour cela que le
vérificateur nous fait ses remarques... Ayant enfourché
l'étrier, ayant mis le pied dans l'étrier d'une capitalisation,
au moins pour les fins de la comptabilité, pas d'une capitalisation
réelle, contrairement au Réqime des rentes du Québec... On
n'a pas dit: On va créer une régie et on va lui donner des fonds,
puis elle les investira dans les pétroles, dans Domtar ou dans
Québécair, et aussi dans des obligations, etc. Là on va
faire cesser cela.
On a dit: On va lui donner de l'argent, sur papier, et puis on va le
reprendre, sur papier. Ce qui veut dire que cela ne nous coûtera rien.
Effectivement, cela ne coûte rien, cette opération-là, pas
un sou, sauf le papier sur lequel elle est écrite. Le seul but, c'est
d'informer. Je dis: Pour une histoire qui ne coûte rien, informez
complètement. Pour une fois que vous avez la chance d'informer la
population gratuitement, informez-là complètement.
C'est tout ce que le Vérificateur général dit, et
tout ce que nous disons, dans le fond. Il y a un déficit actuariel.
Qu'est-ce que c'est que cette histoire-là d'en montrer un petit bout
qu'on a pris à sa charge, d'une certaine façon, année
après année, puis sur laquelle on n'est pas sûr si on doit
payer même tous les intérêts, puis mettre en note: Ah!
évidemment, il y a beaucoup plus gros que cela, et cela, on ne l'a pas
montré, on le mentionne seulement dans les notes?
Si chacun d'entre nous avait un débiteur qui nous présente
des états financiers comme cela, je pense qu'on aurait le droit de
l'accuser d'intention frauduleuse, en disant: Écoutez, vous avez des
dettes, puis, dans votre bilan, votre comptable nous présente seulement
une partie de vos dettes, et il a bien pris soin de mentionner que dans les
états financiers qu'on prenne les notes et, dans les notes, on y lit:
Mon beau-frère m'a prêté de l'argent pour acheter ma
maison. Un montant à déterminer. Mais prêtez-moi de
l'argent tout de suite.
Je ne sais pas, mais, comme banquier, ou même comme ami, à
qui on demande de prêter de l'argent, on dit: Bien écoute, ton
beau-frère, est-ce qu'il possède tout ce que
tu as, et tu ne veux pas me le dire?
C'est simplement une question d'honnêteté, même s'il
s'agit seulement même pas le payer tout de suite le beau-frère,
mais de le mettre dans votre état financier en disant: Écoutez,
je lui dois quelque chose.
C'est tout ce qu'on demande. On ne nous a pas demandé de mettre
cela dans les états financiers, jamais. Vous avez dit: II faut le faire
et c'est bon. Je suis bien prêt à accepter cela. Si cela ne vous a
pas coûté un sou, allez jusqu'au bout.
M. de Belleval: Cela nous impose aussi, comme je l'ai
expliqué tantôt, une deuxième vertu selon laquelle,
à tous les ans, on prépare justement l'étape dont vous
parliez dans vingt ou trente ans à une plus grande valeur
budqétaire.
M. Forget: Pour ce qui est de la vertu, M. le Président,
on va en parler un peu de la vertu budqétaire. Ce n'est pas moi qui ai
mis le sujet sur le terrain, le ministre des Finances tout à coup a
parlé des taux d'augmentation des dépenses de 21% et cela
mérite une brève réponse.
Lorsqu'il était professeur d'économie aux HEC, c'est une
chose qu'il disait pratiquement tous les jours à ses étudiants.
Le meilleur déterminant des dépenses, d'un ménage, d'une
entreprise ou d'un gouvernement, ce sont les revenus. Vérité
assez bien connue. Le meilleur déterminant d'une dépense de
consommation, c'est le revenu.
M. Parizeau: Moi, je disais cela à mes étudiants?
Je suis étonné.
M. Forget: Vous auriez dû le dire si vous ne l'avez pas
dit, parce que c'est vrai.
M. Parizeau: Ah! ce n'est pas tout à fait la même
chose.
M. Forget: La dépense ou la consommation est une fonction
du revenu, c'est assez connu. Et il est assez frappant de voir mentionner, fois
après fois, que le taux des dépenses publiques a diminué
entre le début et la fin des années soixante-dix.
M. le Président, il ne faut pas être un grand clerc pour se
rendre compte que la croissance économique, la croissance des recettes
de l'État a diminué dans une proportion encore plus
considérable. Compte tenu de l'accroissement de la richesse collective -
et d'ailleurs, c'est une démonstration que j'ai vu faire par son
collèque du Conseil du trésor à la
télévision l'autre soir; j'en étais ébahi, parce
que c'était la première fois que ce gouvernement semblait s'en
rendre compte l'accroissement des dépenses publiques depuis quatre ans
est supérieur en termes relatifs à ce qu'il était durant
le début des années soixante-dix.
Autrement dit, tous les gouvernements, depuis dix ans, ont
dépensé à un rythme plus rapide que celui que
l'économie ne pouvait fournir. Mais, depuis quatre ans, ce gouvernement
a dépensé à un rythme encore plus rapide que le
précédent, même si, en chiffres absolus, il a dû
freiner les opérations, parce que la machine ne suit plus. Il reste que,
si on veut parler de vertu, parce que la vertu est faite d'équilibre, on
est forcé, non pas de regarder les chiffres absolus de croissance, mais
de regarder comment l'économie produit, à quel rythme elle
progresse à une période et de reqarder à quel rythme elle
progresse et elle produit de recettes fiscales à une autre
période, et de reqarder par ailleurs comment le gouvernement va en
chercher à chaque période et à quel rythme il fait
croître sa ponction.
La conclusion est inévitable. Les gouvernements antérieurs
ont peut-être été "irresponsables" à cet
égard, le gouvernement actuel l'est bien davantage. Quand on nous parle
d'un rythme de croissance de 12% à 14%, il a peut-être
été de 12%, mais je ferai remarquer - je l'ai dit à bien
du monde, je pense que cela mérite d'être
répété - que, pendant qu'au Québec on accroissait
à 12% durant trois ans, en Ontario, on accroissait de 8%.
Évidemment, un gouvernement comme celui de l'Ontario ne peut pas
avoir les mêmes ambitions que les nôtres, c'est connu, mais 5(1%
d'augmentation de plus, 50% de plus dans le taux d'augmentation, cela
représente quand même un choix. On a dû choisir de grossir
vite, et aujourd'hui, on s'en plaint. On dit: C'est effrayant, cela nous a
été imposé par les circonstances.
Est-ce que le contexte de l'économie nord-américaine se
fait sentir plus au Québec qu'en Ontario? On dit tout le temps qu'ils
sont plus intégrés que nous. Ce serait plutôt surprenant.
Durant les dernières années, ce n'est pas à 12% que les
dépenses publiques ont crû, c'est, dans une année la plus
récente, à 17%. Cela aussi représente des choix qui ont
été faits par le gouvernement. Encore une fois, je ne veux pas
discuter de toute la politique du budget, mais on a amené cela sur le
tapis. La plus grande sagesse, la plus grande vertu, le plus grand
équilibre, je ne le vois pas. Encore un fois, ce qui détermine
mes dépenses comme individu, comme les dépenses de n'importe qui,
ce sont les revenus que j'ai.
J'ai remargué, M. le Président, que, quand les revenus
augmentent, on dépense plus et, quand les revenus diminuent, on
dépense moins, assez curieusement. Il y en a aussi qui s'endettent, mais
ils ne peuvent pas le faire indéfiniment, comme on le sait
très
bien. Il y a aussi une sanction pour cela, au moins pour les individus;
pour les gouvernements, c'est plus douteux. Au fait, cela prend plus de
temps.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je trouve cela merveilleux
de voir qu'on est capable de décrire les années 1973 à
1976, là où le gouvernement du Québec a connu des
augmentations de dépenses de 21% par an, expliquées par toutes
sortes d'espèces de raisons, mais pudiquement on en oublie une. C'est
qu'alors que partout ailleurs au Canada, au cours de ces années, les
tables d'impôt étaient indexées au coût de la vie,
à Québec, on ne les indexait pas. Évidemment, je comprends
bien, le gouvernement du Québec avait des revenus très fortement
croissants. Il était le seul gouvernement au Canada à taxer
l'inflation à fond. Oui. Curieux que, comme raison principale
d'augmentation rapide des revenus au Québec, on n'ait pas touché
à cela. On fait appel au taux de croissance dans le monde occidental, je
ne sais quoi; on oublie juste une chose: c'est que, parmi les onze
gouvernements canadiens, il y en avait un qui n'indexait pas ses tables,
c'était le gouvernement québécois de l'époque. Je
comprends, l'arqent entrait à la pelle, il n'y a pas de problème
quand vous taxez l'inflation complètement.
Je regarde simplement ce que nous avons fait dans le domaine de
l'indexation depuis quelques années. Si je prenais toutes ces sommes et
si je les ajoutais à mes revenus, il y a bien des problèmes dont
on ne parlerait plus.
M. Forget: Depuis 1977.
M. Parizeau: Je n'ai pas dit depuis 1977, M. le Président.
Comme chacun le sait, la réforme fiscale a commencé en 1978;
l'indexation a été reculée d'un an à cause de
l'histoire de la taxe de vente et après ça elle s'est
enclenchée, mais, nous, au moins, on l'a faite.
M. Forget: Partiellement, soyons justes.
M. Parizeau: Non, pas partiellement, M. le Président. Si
on veut bien se souvenir qu'on ajoute à 7, 5%, une année, 3% de
réduction de la table, ça fait quoi? Cela fait 10, 5%. Ensuite,
7, 5% plus une réduction annoncée de 2%, ça fait 9, 5%.
Là, ça va être un peu inférieur. La première
année, c'était à peu près ce qu'il fallait.
Nous n'avons pas le même mode qu'à Ottawa, c'est vrai. Ce
n'est pas automatique comme à Ottawa, mais au moins, nous, on a fait
quelque chose, et même beaucoup, pour éviter de taxer l'inflation.
Alors, tout de même, un peu de pudeur là-dedans!
M. Forget: Sauf l'inflation de l'essence.
M. Parizeau: Une des raisons pour lesquelles le gouvernement de
Québec lançait de l'argent par les fenêtres, c'était
qu'il taxait l'inflation, complètement.
M. Forget: Et la croissance économique.
M. Parizeau: La croissance économique avait un effet moins
grand sur le trésor public du Québec que l'inflation, beaucoup
moins grand.
Revenons maintenant à notre objet, la première partie de
l'intervention du député de Saint-Laurent qui, en
commençant son intervention, disait: Nous avons découvert, ce
soir, 174 000 000 $. Il a dû lire le rapport du Vérificateur
général avec pas mal de retard, parce que ça fait
déjà un bout de temps qu'on l'a.
Deuxièmement, les montants dont a fait état le
député de Saint-Laurent, ils sont aux notes au bilan. Qu'il
n'essaie pas de nous dire qu'on les cache. Ce que le vérificateur nous
dit, ce n'est pas du tout ce que nous dit le député de
Saint-Laurent. Le vérificateur dit: Vous ne devriez pas mettre ça
dans les notes au bilan, vous ne devriez pas le mettre à la page 22,
mais à la page 21, dans les états financiers plutôt qu'aux
notes au bilan; ça, c'est une discussion intéressante. Mais qu'on
n'aille pas nous dire qu'on cache quoi que ce soit.
Je vais même aller plus loin. Depuis quand met-on en notes des
indications sur le déficit actuariel des vieux fonds de retraite?
Puisqu'il s'agit d'être limpide, clair et transparent, ça date de
quand les notes au bilan, ces notes au bilan qu'on nous reproche comme
n'étant pas tout à fait ce qu'elles devraient être, mais
qui néanmoins comportent les chiffres dont on parle? Depuis quand
fait-on état du déficit actuariel ou des charqes
nécessaires pour compenser le déficit actuariel en notes aux
états financiers? Depuis 1970? Non. Depuis 1975? Non. Cela a
commencé en 1977. Avant ça, il n'y avait pas un mot au bilan.
M. Forget: C'est ce qu'on vous a dit. Vous avez pris cette
décision, vivez avec les conséquences.
M. Parizeau: Non, la raison pour laquelle il n'y avait pas de
notes au bilan, ce n'est pas parce que le déficit actuariel
n'était pas là. Le déficit actuariel, si on
reconnaît qu'il existe, que c'est une dette éventuelle - parce que
c'est une dette éventuelle, le déficit actuariel - si on ne le
mettait pas aux états financiers avant, c'était dû à
quoi? C'était dû au fait qu'une
évaluation actuarielle du déficit, il n'y en avait
pas.
M. Forget: Évidemment, elle a été faite pour
la première fois en décembre 1975.
M. Parizeau: Non, elle a été faite la
première fois pour décembre 1975, en date de décembre
1975, mais c'était en 1977.
M. Forget: C'est ça.
M. Parizeau: C'est-à-dire que pendant des années,
des années et des années, au Québec, on a vécu dans
la tranquillité la plus totale, en se disant: Ce qu'on ne connaît
pas ne nous fait pas de mal, surtout ne calculons pas le déficit
actuariel, ça pourrait nous gêner.
M. de Belleval: Quand on l'a connu, on ne l'a pas rendu public le
lendemain.
M. Parizeau: Nous, dès qu'on a eu cette évaluation
actuarielle, on l'a publiée dans le discours du budget de mars, tout de
suite, dès qu'on l'a eue. C'était la première fois que
ça se faisait, mais, surtout, ce qu'il y a de beau c'est que, pendant
des années et des années avant, on a pu vivre sans se soucier du
tout de savoir quel était le déficit actuariel. On savait qu'il y
en avait un, on savait qu'il était gros, mais on n'avait aucune
idée du montant et on disait: Surtout, si on ne le sait pas, ça
ne nous fera pas de tort et si on ne le sait pas on n'aura pas de notes
à mettre au bilan.
M. Forget: C'est qui ce "on", nous autres? (21 h 45)
M. de Belleval: Le ministre des Finances du temps
probablement.
M. Parizeau: Je n'impute rien, je constate une situation de fait
et j'observe des dates.
M. Forget: Mais admettez avec moi, M. le ministre des Finances,
que ce n'était pas le précédent gouvernement puisque c'est
à cause de l'existence du RREGOP qu'on a posé le problème
et c'est le RREGOP qui exige que l'évaluation actuarielle, dont vous
avez fait état en 1977, soit préparée pour la fin de
1975.
M. Parizeau: Non, pas pour la fin de 1975.
M. Forget: Oui, pour la fin de 1975 et de 1970. Elle est
triennale, n'est-ce pas?
M. Parizeau: Mais non, mais pas du tout.
M. Forget: Elle est triennale, j'ai celle de 1978.
M. Parizeau: Cela a été fait en date du 31
décembre 1975.
M. Forget: C'est cela, l'état au 31 décembre.
M. Parizeau: Cela a été fait bien après
cela. Pendant tout ce temps-là, on a vécu...
M. Forget: Forcément. M. Parizeau: Un instant!
M. Forget: Celle de 1978 a été faite en 1980.
M. Parizeau: M. le Président, entendons-nous bien sur une
chose.
M. Forget: J'en ai une copie à mon bureau.
M. Parizeau: Ce n'est pas à cause du RREGOP que cela a
été fait. Je parle des déficits actuariels et non pas du
RREGOP puisqu'à ce moment-là il n'y en avait pas ou très
peu, c'était presque rien, il commençait, en tout cas. Bien des
gens ont vécu avec les deux vieux fonds pendant des années, il
fut un temps où le RREGOP n'était pas là. Cela
n'intéressait personne de savoir quel était le déficit
actuariel. Le fonds de retraite des enseignants, quand a-t-il été
créé? Il y a des dizaines d'années. Cela remonte
à...
M. de Belleval: C'est plus vieux que cela, 1920...
M. Parizeau: On a passé toutes ces années
absolument sans se soucier de savoir s'il y en avait. On savait qu'il y avait
un déficit actuariel.
M. de Belleval: 1870, je pense, le RRE, le premier.
M. Forget: On est parfaitement d'accord là-dessus.
Maintenant, on le sait.
M. Parizeau: Maintenant, on va...
M. Forget: On ne perd qu'une fois sa virqinité, n'est-ce
pas? Elle est perdue.
M. Parizeau:... commencer à faire des reproches, sur le
plan de la transparence ou de la limpidité, au premier gouvernement qui
a rendu publique une appréciation du déficit actuariel, le
premier gouvernement qui a commencé à faire quelque chose
à l'égard du déficit actuariel des deux vieux fonds. Je
trouve qu'on a un certain culot, M. le Président. On a un culot
même monstre.
C'est assez énorme, finalement.
M. de Belleval: M. le Président. M. Forget: II va
s'indigner.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Charlesbourg.
M. de Belleval: Quand j'ai pris mes fonctions comme ministre des
Finances... comme ministre de la Fonction publique, je m'excuse.
M. Forget: Ah! Pas d'empiétement.
M. de Belleval: Je pense que c'est quand même important.
Comme ministre de la Fonction publique, on a déposé sur mon
bureau le rapport des déficits actuariels du régime de retraite
des fonctionnaires, du régime de retraite des enseignants. Il
n'était pas de 7 000 000 000 $; il devait être, à ce
moment-là, je ne le sais pas, de quelque 5 000 000 000 $...
M. Parizeau: 4 900 000 000 $.
M. de Belleval:... en décembre 1976, quand j'ai pris mes
fonctions. Je peux assurer le député de Saint-Laurent que le
rapport datait de plusieurs mois. Que je sache, pendant tous ces mois, le
gouvernement d'alors ne l'avait pas rendu public.
M. Grégoire: II avait reçu le compte, mais il
n'ouvrait pas l'enveloppe.
M. Forget: En termes de rendre public, remarquez, M. le
Président - je pense qu'il faut le mentionner pour le journal des
Débats - qu'on a rendu quelques chiffres vraiment publics dans le
discours sur le budget, mais je n'incite pas un citoyen à demander copie
des rapports actuariels parce qu'il m'a fallu faire plusieurs démarches
pour en obtenir copie et demander personnellement par écrit au ministre
de m'en faire parvenir une copie. Alors, ce n'est pas la publicité
maximale. On n'a pas un goût prononcé pour faire de cela un livre
blanc, M. le Président, et faire une tournée provinciale sur le
sujet. J'ai vu des sujets sur lesquels le gouvernement actuel était,
disons, plus intéressé à faire de l'information et de la
conscientisation.
Il demeure que toutes ces choses sur le passé, d'il y a 10 ou 40
ans, nous éloignent totalement du sujet de ce soir. Vous avez
décidé de donner...
Une voix: Eh!
M. Grégoire: Vous parlez de cela depuis le matin. Eh!
Arrêtez-moi celai II y a des limites.
Une voix: Depuis ce matin on parle de cela.
M. Forget: Réveillez-vous, M. le député de
Frontenac. Ce n'est pas moi qui suis revenu en arrière. C'est le
ministre des Finances qui vient de le faire.
M. Grégoire: Depuis ce matin, vous nous parlez de cela et
vous n'arrêtez pas. On sait bien que votre affaire n'a pas de sens et
vous en parlez quand même.
M. Forget: Je vais continuer, avec votre permission. Est-ce que
je peux continuer?
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: On peut vous écouter sur les déficits
actuariels. Vous étiez passionnant tout à l'heure.
M. Grégoire: Je vous laisse aller. Je vous dis que...
M. Forget: Particulièrement votre démonstration sur
les effets de l'inflation cette année sur les déficits actuariels
calculés sur 40 ans, c'était impayable.
M. Grégoire: C'était impayable, hein!
M. Forget: Impayable. Trêve de plaisanteries, M. le
Président, il demeure que, peu importe l'inconscience de nos
prédécesseurs de 1920, aujourd'hui, au 31 mars 1980, revenons
à nos moutons...
Une voix: Nos milliards de moutons.
M. Forget: Au 31 mars 1980, il y a quelques milliards qui
manquent dans les comptes publics relativement à la situation
financière, au passif qui devrait s'y trouver pour refléter
correctement les obligations certaines et futures du gouvernement face à
ses employés et aux employés du secteur parapublic.
Cela est indubitable. Le tableau complet ne s'y trouve pas et le manque
à gagner, si l'on peut dire, se chiffre par centaines de millions. Avec
les informations qui se trouvent dans le rapport et les indications
additionnelles que nous avons eues ce soir, il serait facile de dire que c'est
quelque chose entre 400 000 000 $ et 700 000 000 $ qui manquent très
certainement aux comptes publics pour refléter une situation qui
s'approcherait de celle que le ministre des Finances a prétendu
instaurer par sa nouvelle décision et sa nouvelle politique de
divulgation, de stabilité
des déficits, etc., telle qu'elle a été comprise
par tout le monde. C'est ça le sens véritable de
l'opération; c'est de dire la vérité et toute la
vérité, pas seulement une partie.
M. Parizeau: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre, sauf que
j'avais d'abord reconnu M. le vérificateur.
M. Parizeau: Trente secondes pour répondre...
M. Châtelain: Je peux attendre.
M. Parizeau:... directement à ce qui vient d'être
dit. Lorsque le député de Saint-Laurent dit: Ces sommes ne sont
pas inscrites aux comptes publics, ce n'est pas vrai. Elles sont aux comptes
publics, à la page 22. Lorsqu'il dit: Cela n'appartient pas au tableau
complet - j'utilise ses expressions - elles sont dans le tableau complet
à la page 22. Le débat n'est pas là. Le
vérificateur nous dit: C'est dans les comptes publics, mais je voudrais
que ce soit aux états financiers proprement dits, ce qui est tout
à fait autre chose.
M. Forget: II nous a dit que, dans des états financiers
normaux, les renseignements ne se trouvent pas dans les notes; ils se trouvent
dans les états financiers eux-mêmes.
M. Grégoire: Mais vous ne les mettiez même pas dans
les notes, vous autres.
M. Forget:... Les notes sont là pour expliquer les
entrées aux états financiers et non pas pour suppléer
à des carences des états financiers.
M. Parizeau: D'accord, M. Larose.
Le Président (M. Bordeleau): M. le vérificateur, M.
Larose.
M. Larose: J'avais deux points à préciser. Pour la
satisfaction du bureau et peut-être même de mon
prédécesseur, je pense que je dois souligner qu'en ce qui regarde
l'absence de mention aux états financiers du gouvernement de la dette
envers ses employés, ça fait au-delà de dix ans que cette
mention est faite dans les rapports du vérificateur. Si ce
n'était pas aux états financiers du gouvernement, les
vérificateurs - cela a été mon cas, mais cela a
été aussi le cas de mon prédécesseur - ont toujours
attiré l'attention du gouvernement et de l'Assemblée nationale
là-dessus. Deuxièmement, les vérificateurs - dans mon cas
particulier, en tout cas - ont souhaité qu'il y ait une
évaluation actuarielle avec l'intention de la divulguer dès
qu'elle serait disponible. C'est ce que nous avons suggéré de
faire dès qu'elle l'a été. Je pense que c'est
l'évolution. Nous ne pouvions pas faire plus, sauf de se substituer et
de faire l'évaluation actuarielle nous-mêmes, ce qui était
absolument impensable et impossible.
Je pense que j'aimerais toucher aussi à l'autre question. M.
Parizeau a mentionné tout à l'heure que le commentaire que nous
avons fait quant à la période d'amortissement du déficit
touchait - il a ramené ça à cela - la question du mandat
possible qui pourrait être accordé au Vérificateur
général en termes de mandat touchant les finances et
l'efficacité. D'abord, je mentionnerai qu'en ce qui concerne les
régimes de retraite nous ne remettons pas en cause l'objectif de ces
programmes-là, pas du tout. L'objectif est de verser des pensions aux
retraités des services public ou parapublic. Nous ne voulons en aucune
façon, et nous n'avons jamais remis en compte cet objectif-là. Ce
que nous avons constaté avec beaucoup de monde, évidemment, c'est
qu'il y avait un déficit actuariel et que le gouvernement propose une
période d'amortissement de 50 ans. Nous avons mentionné que nous
serions plutôt portés vers une période d'amortissement de
25 à 30 ans. Nous nous trouvons un peu dans la même situation que
si nous étions dans le secteur privé et que nous serions à
faire la vérification pour un client qui aurait acquis une
propriété et qui nous dirait qu'il veut l'amortir sur une
période de 100 ans. Nous dirions à ce moment-là, en tant
que comptables: II faudrait respecter les normes comptables
généralement reconnues et une période de 40 ans nous
paraîtrait justifiée.
Cela ne met pas en cause, à ce moment-là, que le principe
de l'amortissement doit être respecté, cela met en cause une
période d'amortissement. Je regrette que du côté du secteur
public nous ne soyons pas encore en possession de principes comptables
tellement bien reconnus et tellement bien établis. Je regrette
particulièrement que du côté des régimes de retraite
ces principes comptables ne soient pas encore disponibles. Je peux mentionner
à cet égard que l'Institut canadien des comptables
agréés vient de créer un comité spécial qui
se penchera - les activités commencent - sur cette question de normes
comptables ou de normes de vérification applicables au secteur
gouvernemental. Il formulera des recommandations. Mais, dans le moment,
ça n'existe pas, on ne les a pas. Cela a donc été une
question d'opinion ou de commentaires sur quelque chose qui ne voulait pas
mettre en cause le principe même de l'amortissement du déficit
actuariel, mais seulement la période sur laquelle il devait être
fait.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: J'aimerais poser une question à M. Larose, M.
le Président, sur quelque chose de tout à fait différent
et qui nous ramène quelques minutes en arrière. Je n'ai pas
très bien saisi ce que vous vouliez dire au sujet de la signification
des notes d'un bilan.
Je comprends que la plupart des notes effectivement, dans un bilan
ordinaire, explicitent des choses contenues dans les états financiers,
mais est-ce qu'il n'y a pas des notes qui portent sur des
éléments qu'on doit connaître, mais qui ne paraissent pas
en tant que tel aux états financiers? Je pense, par exemple, à
des procédures judiciaires pouvant entraîner, pour une compagnie,
des montants assez importants advenant que le procès soit perdu. Des
notes comme celles-là ne sont vraiment pas une exploitation de quelque
chose du bilan, c'est un ajout.
M. Larose: Oui, M. Parizeau, je suis votre exemple, à
l'heure actuelle. Lorsque vous avez un procès en cours et que la
décision n'est pas rendue, vous faites face à une
éventualité; vous ne pouvez pas l'inscrire au bilan parce qu'elle
est éventuelle. Le passif dépend de la décision du
tribunal.
M. Parizeau: C'est cela.
M. Larose: Tandis que, dans le cas, par exemple, d'un
régime de retraite, les actuaires ont établi que, pour satisfaire
aux obligations - prenons le cas qui nous occupe - du gouvernement en date du
31 décembre 1978, cela prend 7 000 000 000 $. Ce n'est pas une
éventualité, c'est un fait.
M. Parizeau: Non, non, je comprends ça.
M. Larose: C'est la distinction que j'ai établie. Pour
revenir à la question des notes aux états financiers, je vous
lirai tout simplement ici un paragraphe extrait du manuel des normes
générales de présentation des états financiers de
l'Institut des comptables agréés. On y dit ceci: "Les notes et
les tableaux auxquels les états financiers renvoient - remarquez que je
le dis... Je continue et je viendrai aux commentaires ensuite - servent
à en expliquer les postes. Ces notes et ces tableaux ont la même
importance que les renseignements et explications présentés dans
le corps même des états financiers - personne ne nie cela -mais
ils ne doivent pas se substituer pour autant à la bonne
comptabilité. Les renseignements qu'ils renferment doivent se conformer
aux traitements comptables dont les postes ont fait l'objet. Tout poste qui est
complété par une note ou par un tableau doit renvoyer
expressément à cette note ou à ce tableau. " (22
heures)
Le texte est parfaitement clair à savoir que les notes
mêmes viennent expliquer des postes qui apparaissent aux états
financiers. Dans le cas d'une éventualité, le poste
n'apparaît pas aux états financiers parce que la dette n'est pas
clairement établie. C'est un renseignement additionnel qui est fourni
à ce moment au lecteur des états financiers comme étant
une dette possible ou une décision favorable ou défavorable qui
pourrait affecter la situation financière de l'entreprise. Remarquez
bien que ce que je viens de vous lire là, ce sont les normes qui
s'appliquent au secteur privé. Encore là, je vous en fais part,
vous êtes au courant qu'un comité du même institut se penche
sur le problème dans le cas du secteur public, mais j'ai l'impression
que, dans ce domaine particulier, les conclusions ne seront pas tellement
différentes.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Justement à ce sujet, M. Larose, j'imagine
que le comité dont vous parlez, c'est celui qui a sorti un premier
rapport, si je comprends bien, qui s'appelle le "Financial Reporting by
Governments", c'est ça?
M. Larose: Oui. C'est-à-dire que, précisons ceci,
c'est que le comité d'étude qui a publié ce rapport a
recommandé la formation d'un institut pour suivre le travail et, par
conséquent, qu'il forme un comité pour l'établissement de
normes. Disons que ce que vous mentionnez là, c'est le travail de
base.
M. Parizeau: Mais qui arrive à des conclusions un peu
différentes de celles de l'Institut des comptables agréés
dont vous parliez tout à l'heure?
M. Larose: Je ne crois pas, non. Par conclusions
différentes, vous voulez dire...
M. Parizeau: Je veux dire sur la présentation des
états financiers des gouvernements.
M. Larose: Oui.
M. Parizeau: Est-ce que c'est simplement une transposition des
positions de l'Institut des comptables agréés à
l'égard des entreprises? Cela doit être autre chose que simplement
une transposition? Je comprends qu'il y a eu passablement de discussion entre
vous et les gens du ministère des Finances qui s'interrogeaient
justement sur la signification du document "Financial
Reporting by Governments".
M. Larose: Non. On n'a pas discuté du document en tant que
tel. Je pense que ce rapport est assez récent, d'ailleurs, et on n'a pas
eu l'occasion depuis ce temps d'en discuter en tant que tel. Il y a
peut-être des éléments, à un moment donné,
qu'on a pu discuter avec des représentants du ministère des
Finances. Je cherche à saisir le sens de votre question, M.
Parizeau.
M. Parizeau: C'est simplement ceci. C'est qu'évidemment
tout ce qui va sortir de "Financial Reporting by Governments" et du
comité dont vous nous parlez ne peut pas s'appliquer
rétroactivement à 1979-1980, cela va de soi.
M. Larose: Non.
M. Parizeau: Un des problèmes qu'on a quant à
suivre ou ne pas suivre certaines des recommandations que vous faites, je ne
parle pas ici seulement de la comptabilisation des fonds de retraite, cela
s'applique à un certain nombre d'autres postes, et vos remarques peuvent
être suivies sur la base de vos recommandations de 1979-1980 ou bien
peuvent donner lieu à une sorte d'examen de ce qui va sortir de
"Financial Reporting by Governments" et du comité. Je veux dire en somme
que je me demande si on fait certains changements tout de suite en disant: On
les adaptera dans six mois ou dans un an si, effectivement, on s'entend sur des
normes de divulgation par les gouvernements et de présentation de leurs
états financiers ou bien si on fait tout de suite les changements quitte
à les recorriger ensuite. D'après vous, cela peut prendre combien
de temps pour que ce comité en arrive à quelque chose d'un peu
articulé? Dans les normes de l'art, un comité qui a
déjà fait le travail qu'il a fait et qui est dans son
cheminement, on parle de quoi? Quatre ans, cinq ans ou un an, deux ans?
M. Larose: D'abord, s'il s'agit d'un comité permanent qui
est créé par l'institut, par conséquent, il devrait
normalement siéger indéfiniment de telle façon à
émettre des recommandations régulièrement dans l'avenir et
à revoir les recommandations qu'il leur a déjà faites pour
en avoir de nouvelles et les améliorer.
Je crois que le comité lui-même va se pencher sur les
problèmes un à un. Si on suit ce que l'Institut canadien des
comptables agréés fait ordinairement, c'est qu'il va se pencher
sur les problèmes un à un. Il va émettre des
recommandations, remarquez bien, et je précise le mot "recommandations".
Dans le cas du secteur privé, l'institut émet normalement des
normes ou des principes qui doivent être suivis. Dans le cas du secteur
public, l'institut ne voudra pas établir des normes, mais plutôt
faire des recommandations, laissant aux différents gouvernements la
décision de les suivre ou de ne pas les suivre. Elles auront
été étudiées très sérieusement avant
d'être faites.
Je reviens sur le fait que, généralement, l'institut
émet des normes sur un, deux ou dix sujets. Cela peut prendre un nombre
d'années assez considérable, avant que l'ensemble des
recommandation soit produit. J'ajouterai cependant que certaines juridictions
au Canada, en tout cas, se sont inspirées du rapport préliminaire
ou du rapport qui s'appelle Financial Report in Canada pour modifier certaines
de leurs pratiques actuelles, dans le sens des suggestions qui sont
déjà faites. Il y a déjà un mouvement d'entrepris.
Cela va prendre la forme de recommandations à l'avenir. J'en suis
sûr.
M. Forget: Si je comprends bien, M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget:... ce que M. Larose nous dit, c'est qu'il est futile
d'attendre un rapport final qui serait le fin mot de l'histoire sur les
standards, les normes et les suggestions de l'Institut des comptables
aqréés quant à la comptabilité publique. Ce ne sera
jamais fini. C'est toujours remis sur le métier au fur et à
mesure qu'on découvre de nouveaux problèmes. Donc, à tout
moment, il faut se décider de suivre les recommandations ou de ne pas
les suivre et cela ne sert à rien d'attendre la fin de l'histoire. C'est
toujours à suivre.
M. Parizeau: Cela vient de nous arriver, c'est un document qui
est tout frais, la version française du document que nous citions tout
à l'heure; comme le disait M. Larose, ce sont les rapports financiers
des administations publiques. La traduction française est tellement
fraîche qu'elle est arrivée ce matin, si je comprends bien?
M. Larose: Depuis un peu plus longtemps que cela.
M. Parizeau: Ah oui! Je ne sais pas si on doit prendre cela comme
des recommandations, des propositions ou des suggestions, mais il y a
déjà un certain nombre de recommandations qui sont faites dans ce
rapport. C'est bien cela?
Le Président (M. Bordeleau): Oui.
M. Larose: Le contenu du livre a fait l'objet d'une étude
absolument sérieuse. Il y
a beaucoup de choses là-dedans qui pourraient être
adoptées sans crainte d'être renversées dans l'avenir, mais
il y a aussi des sujets, entre autres, sur lesquels on ne formule pas de
recommandations précises. On dit: II y a un travail additionnel à
faire là-dessus. Sur certaines choses, on dit aussi: II y a des choses
que vous pouvez adopter dans le moment, mais on ne prétend pas que c'est
la solution finale. Nous proposons ceci pour le moment, mais il pourra y avoir
d'autres améliorations et des modifications à venir. Ces
modifications viendront plutôt avec le cours des ans, à la suite
des études. Il n'y aura pas de rapport en bloc semblable à
l'avenir. Ce qui va sortir maintenant, ce seront plutôt des
recommandations individuelles sur des postes particuliers.
M. Parizeau: Parfait!
M. Forget: M. le Président, très
brièvement...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, je m'excuse, M. le
député de Saint-Laurent. M. le député!
M. Forget:... sur la question de la distinction entre ce qui va
dans le corps de l'état financier et ce qui va dans les notes, ce n'est
pas un sujet très controversé. Vous attendez-vous que cela fasse
l'objet de révisions multiples ou si c'est un sujet qui est relativement
stabilisé sur le plan des normes comptables?
M. Larose: Ce qui va dans...
M. Forget: Vous avez fait une distinction entre ce qui va dans le
corps de l'état financier, des postes qui paraissent dans l'état
financier lui-même, ou les états financiers - puisque l'usage est
d'utiliser le pluriel - et ce qui va dans les notes. Vous avez dit: Ce sont des
explications qui vont dans les notes et non pas des additions ou des
compléments comme tels aux états financiers eux-mêmes. Je
pense qu'une des questions pertinentes qui se posent, c'est que, s'il devait y
avoir des changements dans la façon dont les comptes publics sont faits
au Québec, on pourrait douter. C'est tellement controversé, cette
question, qu'on peut s'attendre que l'institut des comptables suggère
quelque chose de totalement différent, de mettre
énormément de choses dans les notes et de réduire les
états financiers à leur plus simple expression, par exemple.
Est-ce que vous croyez que cette partie des recommandations actuelles
est susceptible de subir une évolution sensible?
M. Larose: Je crois que ce qui va se produire, c'est que le
comité va chercher à faire des recommandations concernant la
divulgation des renseignements financiers. La divulgation des renseignements
financiers, à ce moment-là, va se diviser en deux parties. Le
comité va dire, probablement, si on prend un poste donné: Nous
recommandons que telle chose soit montrée aux états financiers et
que, s'il y a des explications additionnelles de telle ou telle nature, elles
puissent apparaître en note aux états financiers. Mais on va
donner une recommandation pour qu'il y ait un minimum de telles choses qui
paraissent aux états financiers et que, possiblement, certaines
choses...
M. Forget: Cela, c'est pour des choses nouvelles, c'est pour des
renseignements additionnels à tous ceux qui sont déjà
mentionnés.
M. Larose: Oui.
M. Forget: Mais pour la distinction dont il a été
question pendant guelgues heures ici, relativement à des passifs non
contingents, à certains passifs liquidés, comme des fonds de
retraite, est-ce que vous imaqinez qu'il serait possible que, dans un an ou
dans deux ans, l'institut des comptables nous dise: Non, il ne faut pas mettre
ça dans les états financiers; maintenant, ce serait mieux de
reléguer tout cela dans les notes. Est-ce que c'est concevable?
M. Larose: Je mentionnerais là-dessus que,
évidemment, les pratiques comptables des différents gouvernements
au Canada, entre autres, varient énormément d'une juridiction
à l'autre.
M. Forget: Les pratiques varient; on parle des normes.
M. Larose: Par conséquent...
M. Forget: On voit que les pratiques varient, on en a un bon
exemple ici.
M. Larose: Les efforts du comité vont tendre à
favoriser l'uniformisation de cela et vont tendre aussi à ce que tous
les gouvernements inscrivent l'ensemble de tout leur passif aux états
financiers, sauf exception, évidemment, comme, possiblement, des
déficits actuariels dont l'inscription pourra s'étendre sur une
période d'années, selon des recommandations
déterminées à ce moment-là. En d'autres termes, je
pense que le principe de l'inscription de tous les passifs du gouvernement aux
états financiers, le comité va certainement tendre à cela
et le recommander. Les notes aux états financiers vont tendre tout
simplement à devenir des explications aux états financiers, pas
autre chose, des explications aux différents postes
des états financiers. Je pense que, de ce
côté-là, la pratique suivie par le secteur privé
devrait normalement être recommandée.
Dans tout cela, cependant, je n'assimile pas le secteur public au
secteur privé, il y a des différences fondamentales et
énormes entre les deux. On ne peut pas assimiler l'un et l'autre.
M. Grégoire: M. le Président, est-ce que je peux
vous demander, étant donné qu'il est 22 heures...
Le Président (M. Bordeleau): Effectivement, on a
même dépassé l'heure un peu, étant donné que
ça allait bien.
M. Grégoire: J'aimerais vous demander quelle est la...
M. Forget: On est disponible, de ce côté-ci, pour
continuer plus tard, M. le Président, mais si on souhaite, pour des
raisons de fatigue ou autrement, de l'autre côté, terminer tout de
suite, je n'ai pas d'objection à me rendre au bon désir de nos
collègues d'en face, à supposer, cependant, qu'on puisse
continuer sur le même sujet demain.
M. Gagnon: J'ai l'impression, M. le député de
Saint-Laurent, que vos collègues ne semblent être si fringants
pour continuer plus tard.
M. Forget: Personne ne se plaint de ce côté-ci.
M. Gagnon: Vous ne leur donnez pas le temps de prendre la
parole.
Le Président (M. Bordeleau): C'est pour tout le monde,
autant pour nos invités que pour les gens qui travaillent au
secrétariat des commissions. L'heure normale, c'est 22 heures.
M. Forget: J'ai souvent continué jusqu'à minuit, M.
le Président, et même le samedi soir, à quelques
reprises.
Le Président (M. Bordeleau): On a déjà
établi des records.
M. Forget: Quant à moi, je prends au sérieux le
travail parlementaire, d'autant plus, semble-t-il, qu'il faut maintenant
mériter notre salaire. Je pense que la population s'attend à
ça de nous. Je ne veux irriter personne et je ne veux pas insister,
pourvu, M. le Président, qu'il soit bien convenu qu'un certain nombre
d'autres postes qui fiqurent ou ne figurent pas aux états financiers et
qui représentent des sommes qui sont des dettes certaines du
gouvernement puissent faire l'objet de quelques entretiens demain matin, quitte
à reporter d'autant le reste de nos travaux.
Le Président (M. Bordeleau): Je voudrais avoir une
indication, pour les autres ministres qui doivent comparaître ou se
présenter demain, pour avoir un peu l'idée, même si ce ne
sont pas des heures précises... Vous mentionnez que vous aimeriez qu'on
continue demain matin avec la présence du ministre des Finances. Est-ce
cela?
M. Forget: J'ai une longue liste ici, M. le Président, de
choses sur lesquelles je me pose encore des questions. Il y a, par exemple, la
question des variations dans les comptes à payer non
comptabilisés. J'aurais des questions à poser là-dessus.
Ce sont des sommes importantes. Ce n'est pas tellement que les sommes sont
importantes qui nous intéresse, c'est de voir comment cela évolue
dans le temps, tout cela. Il y a les problèmes des pertes de
l'année courante en devises qui ne figurent pas aux états
financiers. Il y a les problèmes des changements dans les conventions
comptables, qui sont survenus apparemment inopinément du
côté des placements dans les sociétés d'État.
Il y a un certain nombre d'autres choses qui sont d'un intérêt
passionnant pour nous.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, d'accord. M. le ministre
des Finances...
M. Forget: On aimerait bien pouvoir poser des questions
là-dessus au Vérificateur général. Encore une fois,
nous sommes disponibles.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, il faut aussi que je sois
disponible pour les quelques fonctions de ministre que j'ai. Dans ces
conditions, j'ai encore un peu de travail à aller faire au bureau. Je ne
peux pas tenir jusqu'à minuit et recommencer demain matin. Ce n'est pas
possible.
Deuxièmement, pour demain matin, on s'était entendu
aujourd'hui sur le fait que... Je comprends, le député de
Saint-Laurent voulait un peu de flexibilité, mais avec la liste des
sujets qu'il trouve passionnants, ce n'est pas de la flexibilité qu'il
demande, c'est une deuxième journée. Je n'ai pas d'objection
particulière, sauf que demain, j'ai un Conseil des ministres et j'ai un
certain nombre de tâches que je ne peux pas éviter comme ministre.
Je veux bien qu'on ait un peu de flexibilité demain matin. S'il reste un
certain nombre de sujets, on trouvera un autre jour. Je suis aussi disponible,
à la
condition qu'on me donne un peu d'avis. Si vraiment, après une
heure sur des sujets où je serais directement impliqué, demain,
il restait un certain nombre de sujets, ce qu'il faudra qu'on propose, c'est
qu'on trouve un autre moment pour faire cela. Je n'ai aucune espèce
objection à le faire; la seule chose, c'est qu'il ne faut quand
même pas faire en sorte de trop en empiler dans la même
journée. Les journées ont 24 heures.
M. Forget: M. le Président, j'ai une suggestion à
faire au ministre des Finances qui pourrait peut-être résoudre son
problème. Remarquez en passant que ma journée demain commence
à 8 heures aussi. C'est vrai, nous sommes tous très
occupés.
M. Parizeau: M. le Président, ce sont des enfantillages.
La mienne commence à 8 h 30 avec un ministre, à 9 heures avec un
autre ministre, à 10 h 30 avec un Conseil des ministres. Je devais, en
principe, selon l'entente intervenue, être dégaqé pour
demain. Alors, je ne le suis pas, en dépit du fait qu'on m'avait dit de
réserver la journée d'aujourd'hui, ce que j'ai fait. J'ai
passé toute la journée ici, conformément au
règlement de la Chambre, comme prévu. On m'a demandé un
peu de flexibilité ce matin, d'accord, mais un peu de
flexibilité, ce n'est pas une deuxième journée. Il faut
quand même que je fasse mon boulot.
M. Forget: J'avais une suggestion pour le ministre qui va
sûrement résoudre son problème. Nous avons fait allusion
à cela dans le passé, aussi récemment que ce matin.
Étant donné qu'il s'agit de gestion financière, qu'il
s'agit d'explorer la signification de certains postes et de certains
commentaires quant à la façon dont les comptes sont faits, je
suis sûr que le ministre a des collaborateurs qu'il nous serait fort
agréable d'entendre sur le sujet, son sous-ministre ou un sous-ministre
adjoint responsable de la comptabilité publique. Nous pourrons explorer
avec eux, sur le plan factuel, les questions que soulève le
Vérificateur général. C'est de tradition courante dans les
endroits où on prend au sérieux la commission des comptes publics
d'entendre les fonctionnaires. Je pense que ce n'est pas une suggestion
farfelue, au contraire.
M. Parizeau: Nous n'allons pas recommencer les discussions de ce
matin. Quant à des suggestions aussi farfelues que de dire à 22 h
20: Auriez-vous l'obligeance de demander cette nuit à quelqu'un de se
préparer pour une réunion demain, on pourrait peut-être
vouloir l'interroger? c'est encore plus saugrenu. C'est vraiment du
"slap-stick". On fait n'importe quoi. On va faire cela dans l'ordre, selon nos
habitudes.
S'il y a quelque chose qui est de tradition, c'est que je vienne en
commission avec mes fonctionnaires - je l'ai toujours fait - selon un certain
nombre de coutumes que nous avons. On va continuer comme cela. Encore une fois,
j'insiste sur le fait qu'on s'était entendu, des deux
côtés, sur une certaine façon de procéder, sur des
jours où on convoquait des gens. On l'a fait, on a demandé un peu
de flexibilité; je suis prêt à en donner un peu, mais si on
en veut beaucoup, en termes de plusieurs heures, je ne peux pas faire cela
demain. Je suis désolé, c'est comme cela. Cela correspond
essentiellement aux ententes qu'on avait. Je suis tout à fait
disposé, cependant, à le faire à un autre moment, selon
une autre entente à intervenir entre les deux parties, comme
d'habitude.
Le Président (M. Bordeleau): Un instant, s'il vous
plaît!
M. Grégoire: M. le Président, est-ce que je
pourrais proposer que, demain, nous procédions comme nous devions le
faire, avec les ministres Duhaime, Clair et Morin et que le président de
la commission s'entende avec le ministre des Finances pour trouver, dans un
avenir très rapproché, une deuxième journée ou une
demi-journée pour terminer, espérant que cette fois il n'y aura
pas des motions préliminaires qui nous feront perdre la moitié de
la journée?
M. Gagnon: En espérant qu'on pourra travailler aussi sans
nécessairement retarder comme ce matin, alors qu'on voulait même
avoir les caméras de télévision pour savoir
travailler.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! M. le
député de Saint-Laurent, est-ce qu'on peut s'entendre sur...
M. Forget: M. le Président, avant de s'entendre sur quoi
que ce soit, je vous ferai remarquer et je répète pour la
troisième fois que je suis disponible jusqu'à minuit ce soir. Il
n'y a rien qui s'oppose - vous le savez très bien - à ce que nous
siégions jusqu'à minuit, rien. II n'y a strictement rien dans nos
règlements qui s'oppose à cela, seulement la fatigue de
messieurs. Je n'en ai que faire de la fatigue de messieurs, nous avons un
travail à faire ici.
M. Parizeau: Non, j'ai du travail à faire à mon
bureau. Pardon?
M. Forget: Nous avons un travail à faire ici. On nous a
dit, de façon hypocrite, ce matin, qu'on serait flexible. Je voudrais
bien savoir où est la flexibilité. Elle n'est nulle part. On nous
dit: On a tout fixé; tout est fixé d'avance, le calendrier, la
parade
des ministres qui vont nous entretenir...
M. Grégoire: M. le Président, ces scènes de
défi n'ont pas leur place; il y a une motion d'ajournement sur la
table.
M. Forget:... comme d'habitude, de leurs boniments et, en plus de
cela, on a le culot de nous dire qu'on a perdu du temps ce matin pour essayer
de faire faire à cette commission un travail convenable, au moins
à la hauteur du travail fait par des commissions des comptes publics
dans des Parlements qui se respectent, contrairement à celui-ci. Je
pense que le culot est de l'autre côté, à 22 h 1. 0, de se
mettre à bailler et de dire: On veut aller se coucher, alors qu'on n'a
pas fait le travail qu'on devait faire, qu'on nous a dit qu'on serait flexible
et qu'on ne l'est pas et qu'on a refusé des recommandations qui sont
unanimement observées dans d'autres provinces pour étudier les
comptes publics, voulant bloquer le travail de la commission. On a tellement
peur de voir la commission parlementaire sur les comptes publics de l'autre
côté découvrir le pot aux roses qu'on est prêt
à faire n'importe quoi pour bloquer notre travail.
M. Grégoire: M. le Président, je vous ai
demandé de le rappeler à l'ordre.
M. Forget: C'est de l'hypocrisie.
M. Grégoire: II y a une motion d'ajournement. Le
dépit tente d'être caché ce soir, mais cela ne poignera
pas. Il y a une motion d'ajournement. Nous avons perdu du temps aujourd'hui.
L'heure de clôture de la commission est 22 heures. Il y en a qui ont du
travail à faire encore ce soir. Les ministres Duhaime, Morin et Clair
sont cédulés pour demain.
M. Forget: Vous allez travailler vous, je vous connais. Vous
allez travailler. Allez donc me raconter cela. Est-ce que vous allez travailler
au bar, par exemple?
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le
député de Saint-Laurent!
M. Forget: Est-ce que c'est là que vous faites vos
affaires?
M. Grégoire: Je demande que la motion d'ajournement soit
prise en considération.
M. Forget: Hypocrite! Menteur!
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, s'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous
plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!
M. Parizeau: M. le Président, je m'excuse.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: C'est peut-être moi simplement qui ai fait une
erreur ici. Quel est le règlement? Au fond, j'en étais
essentiellement à cela. Le règlement, c'est quoi? Est-ce que
c'est 22 heures ou minuit?
Le Président (M. Bordeleau): Les commissions se terminent
normalement à 22 heures.
M. Parizeau: C'est cela qu'il faudrait savoir. De toute
façon, comme j'ai dit que je serais disponible aujourd'hui, je vais
suivre le règlement. Si le règlement dit minuit, je vais aller
jusqu'à minuit. J'ai dit que je serais disponible aujourd'hui.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, c'est normalement 22
heures.
M. Parizeau: Si c'est 22 heures, de toute façon, j'ai du
travail à faire après. S'il s'agit de le faire après
minuit, je vais le faire après minuit, mais je préfère
à 22 heures. Mais c'est quoi qu'il dit?
M. Forget: Non, ce n'est pas 22 heures de façon
obligatoire. C'est 22 heures, si on choisit que ce soit 22 heures; c'est 21
heures, si on choisit que ce soit 21 heures et c'est minuit, si on choisit que
ce soit minuit.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, c'est la nuance qu'il
faut faire. J'essaie de le trouver dans le règlement.
M. Parizeau: Qu'est-ce qu'on a dit ce matin?
Une voix: On n'a rien dit, je pense. M, Parizeau: On n'a
rien dit.
Une voix: C'est 22 heures.
Une voix: Mais normalement c'est 22 heures.
M. de Belleval: Est-ce que le député de
Saint-Laurent serait d'accord, malgré tout, pour qu'on reprenne demain
matin quand même avec les ministres qui avaient déjà
été convoqués, parce qu'eux aussi ont certainement
dû libérer leur horaire demain pour venir à cette
commission. Je pense que, de ce point de vue...
M. Forget: La première fois en cinq ans, cela ne les tuera
pas.
M. de Belleval: Non, est-ce que cela...
Une voix: Oh! oh! oh!
M. de Belleval: Pourriez-vous me laisser terminer? Mais je ne
vois pas pourquoi vous auriez des objections à continuer quand
même demain avec ces ministres.
M. Forget: Parce qu'on n'a pas terminé sur ce
sujet-ci.
M. de Belleval: Mais est-ce qu'on pourrait reprendre la semaine
prochaine?
M. Forget: Avez-vous une date? M. Parizeau: J'imagine que
s'il...
M. de Belleval: Une demi-journée au moins.
M. Parizeau:... y a une entente possible sur cinq ministres entre
les deux partis, il peut y avoir une entente possible entre les deux partis au
sujet d'une demi-journée ou d'une journée avec moi plus tard.
M. de Belleval: De toute façon, on doit siéger la
semaine prochaine.
M. Forget: D'après ce qu'on a vu ce matin, il n'y a pas
beaucoup d'ententes possibles avec vous autres.
M. de Belleval: Quand même!
M. Forget: Ce sera beau de voir tous ces bouffons discuter des
augmentations de salaire pour un Parlement qui ne fonctionne pas.
M. de Belleval: M. le député de Saint-Laurent, on
pourrait reprendre la semaine prochaine.
M. Forget: C'est très joli. Vous donnez un très
beau spectacle à la population.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le
député de Saint-Laurent comme les autres!
M. Forget: Très édifiant! Très
édifiant!
M. Parizeau: M. le Président, je ne peux pas laisser
passer cela.
M. Forget: Non, ne le laissez pas passer. Si vous voulez qu'on
parle des augmentations de salaire des ministres, en 1977, on va en parler
assez longtemps. Ici, il est question de contrôler les dépenses et
on n'a pas de temps pour cela.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît.
M. Parizeau: M. le Président, là, il y a des choses
qu'on ne peut pas laisser passer.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: II y a eu une entente entre les deux partis, faite
normalement, comme on en fait beaucoup, qui prévoyait l'apparition de
cinq ministres sur trois jours. Ce matin, ce n'est pas nous qui avons
tenté de rompre l'entente. Ce n'est sûrement pas nous. La
tentative de rompre cette entente qui était intervenue est venue du
député de Saint-Laurent. Il faut quand même rétablir
les faits.
M. Forget: Parce que j'ai posé des motions
préliminaires? Est-ce que vous connaissez votre procédure
parlementaire, M. le député de L'Assomption? Ne savez-vous pas
qu'à toutes les commissions parlementaires il y a des motions
préliminaires? Ne savez-vous pas que nous n'avons pas de
procédure décente pour fonctionner ici?
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Forget: C'est de la provocation, M. le Président. On ne
veut montrer aucune flexibilité, aucune disponibilité et on nous
accuse de gêner le travail de la commission. Mon oeil!
M. Grégoire: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Bordeleau): Je veux d'abord savoir si le
ministre des Finances a terminé, parce que c'est lui qui avait la
parole.
M. Parizeau: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Si les règlements de la commission
sont les mêmes que les règlements de l'Assemblée nationale,
mutatis mutandis, l'article 31 de nos règlement dit bien: "Les
séances de l'Assemblée sont ajournées à 22 heures
les lundi, mardi et jeudi, à 18 heures le mercredi. "
Nous ne sommes pas dans les périodes conformes aux nouvelles
réglementations des mois de juin et décembre, que je sache.
L'heure d'ajournement des sessions le soir est 22 heures. J'ai proposé
l'ajournement, M. le Président, demandant que demain nous nous
réunissions avec les trois ministres qui
avaient été convoqués et prévus pour demain,
qui ont dû mettre de côté d'autres engagements pour venir
demain, soit les ministres Duhaime, Clair et Morin. Je maintiens donc ma
proposition d'ajournement. Suspension des travaux.
Le Président (M. Bordeleau): Non, on ne suspendra pas les
travaux.
M. Lincoln: L'article 150 du règlement, paragraphes 1, 2
et 3.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, je l'avais
déjà trouvé, M. le député de Nelligan.
M. Grégoire: Quand il est dit, au paragraphe 3: "Aucune
commission élue ne peut siéger après minuit, même
lorsque l'Assemblée nationale peut siéger après cette
heure", c'est en vertu des nouveaux règlements qui sont faits pour les
mois de juin et décembre.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le
député de Frontenac, quand à l'article 150, paragraphe 3,
on mentionne qu'aucune commission ne peut siéger après minuit,
cela laisse supposer...
M. Grégoire: Mais, M. le Président, si vous voulez
bien continuer: "Même lorsque l'Assemblée peut siéger
après cette heure". Or, l'Assemblée nationale ne peut
siéger après dix heures que dans les mois de décembre et
de juin, lorsque nous sommes dans le règlement sessionnel. C'est cela,
les heures de fermeture sont bien mentionnées à l'article 31:
"Les séances de l'Assemblée sont ajournées à 22
heures les lundi, mardi et jeudi. " Nous sommes mardi.
Le Président (M. Bordeleau): Mais en vertu du point trois
de l'article 150, il est quand même permis de siéger plus
tard.
M. Grégoire: Mais cela se rapporte au règlement
sessionnel qui a été adopté il y a deux ans pour les mois
de décembre et juin, lorsque nous sommes en période de session
intensive.
Le Président (M. Bordeleau): Ce n'est pas explicite dans
le règlement et je me fie sur une décision qui a
été rendue en février 1981.
M. de Belleval: Quel article, M. le Président?
Le Président (M. Bordeleau): L'article 150. On y mentionne
que, si la Chambre siège, une commission peut siéger aux
mêmes heures que celles prévues à l'Assemblée.
Cependant, même dans ce cas, une commission ne peut siéger
après minuit à moins d'un consentement unanime.
Lorsgue l'Assemblée n'est pas en session ou encore lorsqu'elle
est en session, mais ajourne ses travaux pour plus de cinq jours, une
commission n'est plus restreinte à l'horaire de la Chambre, sauf qu'elle
ne peut dépasser minuit à moins d'un consentement unanime. Cela
veut donc dire que, finalement, on peut se rendre à minuit en vertu du
règlement.
M. Parizeau: Allons-y.
M. Grégoire: II faudra faire expliciter cela.
M. Forget: Si je comprends bien, nous avons une motion
d'ajournement du député de Frontenac?
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Frontenac a mentionné qu'il avait fait une motion, mais je ne l'ai pas
reçue comme telle.
M. Grégoire: Mais elle est recevable automatiquement.
Est-ce qu'on continue ou si vous voulez ajourner?
M. Forget: II faut en disposer maintenant.
M. Parizeau: On va continuer, si le règlement le permet,
jusqu'à minuit. J'ai dit que je serais disponible aujourd'hui. Je vais
l'être en fonction des règlements de la Chambre. Si les
règlements disent qu'on peut aller jusqu'à minuit, il n'y a pas
de raison.
M. Grégoire: Si j'ai le consentement unanime de la
commission, on peut continuer jusqu'à minuit. Mais sans le consentement,
cela arrête à 22 heures.
Le Président (M. Bordeleau): En fait, M. le
député de Frontenac, je vous corrige. Cela ne nécessite
pas d'avoir le consentement unanime pour continuer jusqu'à minuit. (22 h
30)
M. de Belleval: Oui, c'est marqué.
Le Président (M. Bordeleau): Non, non.
M. Forget: Après minuit. Il faut le consentement pour
après minuit. Je vous promets de ne pas vous demander de siéger
après minuit.
Le Président (M. Bordeleau): À partir de minuit,
ça prend vraiment le consentement unanime.
M. Parizeau: Que le règlement s'applique, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, on continue.
M. Forget: Est-ce que la motion est retirée?
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Frontenac a parlé d'une motion, mais je n'ai jamais reçu de
motion comme telle, mais simplement une indication qu'il était
passé 10 heures.
M. Forget: II n'y a pas de motion devant l'assemblée.
Le Président (M. Bordeleau): Je n'en ai pas...
M. Grégoire: Attendez une minute, on m'a
apporté...
Le Président (M. Bordeleau): On peut continuer les
questions. Oui, M. Châtelain.
M. Châtelain: M. le Président, au moment où
les travaux ont été interrompus pour discuter de l'ajournement,
j'étais sur le point de faire une remarque à la suite de
commentaires de M. Larose qui donnaient suite à certains commentaires
qui avaient été avancés par le ministre des Finances
concernant le mandat, les danqers qui étaient inhérents à
l'élargissement du mandat du Vérificateur général.
Je remercie M. Larose d'avoir apporté des précisions quant aux
commentaires, dans son rapport, qui ont donné lieu à cette
intervention du ministre des Finances.
Il faut réaliser que, lorsqu'on discute de choses telles que
l'amortissement d'un passif actuariel, il y a plusieurs choses qui entrent en
ligne de compte. D'une part, il y a un programme gouvernemental dont l'objectif
est d'assurer une pension de retraite à ses employés, et c'est
ça qui est l'objectif du programme. D'autre part, il y a peut-être
à l'intérieur des politiques adoptées par le gouvernement
une autre politique qui se veut budgétaire. Par contre, le
Vérificateur général, dans son mandat, doit quand
même faire des commentaires sur la sincérité des
états financiers. C'est dans ce contexte que le commentaire est inscrit
dans le rapport du Vérificateur général. Je suis bien
d'accord avec le ministre des Finances qu'ici il s'agit d'une zone grise quand
on discute de telles choses, surtout lorsque les termes n'ont pas
été clairement définis dans ces cas. Lorsqu'on discutera,
si l'occasion se présente, du mandat du Vérificateur
général, il faudra, à ce moment-là, s'entendre
clairement sur la définition des termes et préciser, en termes
bien exacts, son mandat.
Il y avait également l'obligation pour le vérificateur de
ne pas s'immiscer dans les politiques du gouvernement. Je ne crois pas que
c'était le but du Vérificateur général dans le
présent cas et le ministre des Finances l'a reconnu tantôt parce
qu'il a dit lui-même qu'il n'en voulait pas à M. Larose d'avoir
fait ce commentaire. Je tenais tout simplement à préciser, M. le
Président, ces quelques notions parce que je crois bien que, dans les
principes, il n'y a pas de mésentente entre le ministre des Finances et
ce que j'ai avancé cet après-midi.
M. Forget: Sur un autre sujet, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
Sommes dues aux hôpitaux et aux institutions
d'enseignement
M. Forget: Un poste très important qui fait l'objet de
commentaires de la part du Vérificateur général consiste
dans les sommes qui sont dues aux établissements des réseaux
parapublics, qu'il s'aqisse des hôpitaux ou des institutions
d'enseiqnement, au titre des services que ces établissements et ces
institutions fournissent dans l'année couverte par les états
financiers, mais qui ne font pas l'objet de déboursés durant
l'année en question. On a parlé, dans le passé, de cette
question de trous à l'Éducation, etc. Je ne veux pas rouvrir tout
ce dossier parce que cette situation est, dans une certaine mesure, normale
dans le sens où il a toujours été convenu, à cause
des délais dans l'approbation des budgets et la vérification des
dépenses de ces établissements très nombreux, que le
gouvernement ne pouvait pas, au 31 mars, avoir complété tous ses
versements au titre des dépenses des établissements en question
pendant l'exercice financier qui se terminait ce jour-là. C'est bien
normal, il peut avoir payé seulement une partie et il devra payer le
reste au début de l'exercice financier subséquent.
Tant qu'il y a une espèce de roulis où les montants
à payer pour l'année précédente sont
compensés en quelque sorte par les montants qui seront assumés
à même le budget de l'année suivante, on a un tableau de la
situation financière et des dépenses qui est à peu
près satisfaisant. L'un dans l'autre, dans le fond, on paie ses dettes
et on les paie à peu près au même rythme où on les
encourt, sauf qu'il y a un décalage dans le temps. Là où
cela devient plus gênant, c'est s'il y a un changement subit dans le
rythme où on accumule les retards, parce qu'à ce
moment-là, bien sûr, on a une sous-évaluation des
dépenses de l'exercice en question et on a un montant qui devrait
apparaître comme un passif, un compte à payer ou quelque chose
d'analogue dans le bilan de l'actif et du passif pour l'exercice en
question.
J'aimerais savoir si, d'après ce que vous pouvez observer, quant
à l'évolution de cet élément on a raison de
s'inquiéter d'un décalage croissant? J'espère que je me
suis exprimé clairement. Est-ce que c'est une année portant
l'autre à peu près toujours le même montant dont il est
question où est-ce qu'on est en train d'accumuler un ballon qui grossit,
qui grossit, qui grossit? Remarquez, je suis prêt à faire la
concession que, comme on est dans un régime d'inflation et que les prix,
donc les budgets et les salaires qui permettent de financer, sont à peu
près de 10% à 12% plus élevés une année par
rapport à l'autre, que le ballon lui-même va grossir d'une
année à l'autre. Mais, est-ce qu'on est en face de quelque chose
de plus significatif que cela et est-ce que cela fait partie des raisons qui
vous ont amené à souligner à l'attention de
l'Assemblée nationale l'existence de ce problème dans les
états financiers?
M. Larose: En tout premier lieu, disons que la remarque que nous
avons faite et qui se lit comme suit, je pense qu'on peut la lire au 31 mars
1980 comme on le retrouve à la page 593 du volume 1 des comptes publics.
"Les dépenses de transfert non imputées aux dépenses du
gouvernement pour des frais de fonctionnement courus avant le 1er mars 1980 par
les organismes pré cités -il s'agit des organismes d'enseignement
et des institutions de bien-être - et par conséquent non inscrites
au passif, s'établissaient à environ 726 200 000 $, soit 625 100
000 $ pour les commissions scolaires et les institutions d'enseiqnement et 101
100 000 $ pour les établissements de santé et de
bien-être".
Pour que les états financiers reflètent exactement les
opérations d'une année financière, la convention comptable
devrait exiger l'inscription aux livres des dépenses de transfert que le
gouvernement doit acquitter pour les frais de fonctionnement encourus par les
organismes subventionnés dans la période même où ces
frais sont encourus. Alors, notre recommandation, est que toutes les
dépenses encourues par ces institutions dans l'année
financière du gouvernement soient inscrites au passif du gouvernement en
fin d'année, même si elles ne sont pas acquittées au cours
de cette même année.
C'est fondamentalement la recommandation que nous faisons. En fait, nous
disons que si les commissions scolaires comme les institutions de
bien-être savent que le gouvernement leur a dit dans ses programmes qu'il
s'engage à leurs rembourser toutes les dépenses qu'elles feront
selon des normes, des critères établis, et si le gouvernement a
pris l'engagement de rembourser les commissions scolaires ou les autres
institutions d'enseignement comme les institutions de bien-être pour
leurs dépenses, la dette envers ces institutions existe dès le
moment où l'institution elle-même a fait la dépense, parce
qu'il y a obligation du gouvernement à ce moment de rembourser en vertu
de ses propres engagements.
C'est une recommandation qui va plus loin que ce que vous avez
mentionné tout à l'heure, c'est même la recommandation
d'inscrire au passif du gouvernement toutes les dépenses des commissions
scolaires et des autres institutions qui ont été encourues durant
l'année financière même du gouvernement.
Maintenant, il est évident que tout n'est pas connu de
façon absolument exacte au 31 mars, mais on a normalement tous les
éléments nécessaires pour en estimer raisonnablement le
montant et pour inscrire le passif à ce moment. D'ailleurs, les chiffres
que nous avons là, nous les citons et ils ont été
établis généralement par les ministères. Nous les
avons vérifiés et c'est à la suite de cela que nous sommes
en mesure de les mentionner dans les remarques que nous faisons.
C'est fondamentalement la position que nous avons adoptée et que
nous recommandons.
En deuxième lieu, la deuxième partie de votre question
est: Quelle est l'évolution de ces dépenses au cours des
années? J'ai fait un relevé de cela ici et pour ce qui regarde
l'éducation, je remonte à 1974-1975 jusqu'à maintenant,
1979-1980.
En 1974-1975, dans le domaine de l'éducation, c'était 407
000 000 $; en 1975-1976, de 507 000 000 $; en 1976-1977, de 536 000 000 $; en
1977-1978, de 318 000 000 $; en 1978-1979, de 200 000 000 $ et, en 1979-1980,
de 625 000 000 $. Ces 625 000 000 $ se divisent en deux éléments
principaux: 285 000 000 $ provenant d'un changement dans la politique de
financement des commissions scolaires qui a été adoptée
par le gouvernement. Ce changement était le suivant. Les dépenses
des commissions scolaires étaient inscrites aux dépenses du
gouvernement à 70% dans l'année financière du
gouvernement, en vertu des principes comptables, elles devaient être
inscrites à 70% dans l'année même du gouvernement, ce qui
correspond à la période écoulée de l'année
scolaire et, 30% dans l'année suivante, ce qui correspondait aussi
à la période qui était dans l'année
financière suivante du gouvernement.
Cette politique a été modifiée pour dire qu'on
maintient les 70% et qu'ils sont absorbés comme auparavant, les 30% sont
divisés en deux, 15% sont absorbés dans l'année qui suit,
ce qui veut dire dans l'année qui concorde avec la fin de l'année
scolaire, et les autres 15% sont reportés à l'année
financière suivante du gouvernement. Ce deuxième 15% est
évidemment une
dépense qui paraît au livre du gouvernement après la
période. Si on prend un exemple, c'est peut-être plus facile, si
une année scolaire se termine le 30 juin 1979, 70% des dépenses
en vertu des principes comptables du gouvernement paraîtront dans
l'état financier du gouvernement qui se termine le 31 mars 1979,
puisqu'il y a 70% de l'année scolaire qui serait là. 15% des
dépenses apparaîtront dans l'année 1979-1980, le 31 mars
1980, et 15% dans l'année 1980-1981.
Alors, dans l'année 1980-1981, il n'y a pas eu de dépenses
scolaires pour ces 15% puisqu'elles ont été encourues dans la
période qui s'est terminée le 30 juin 1979. Quant à cette
modification au mode de financement, les opérations des commissions
scolaires comptent pour 285 000 000 $ dans les 625 000 000 $ dont je parlais
tout à l'heure, tandis que le solde de 340 000 000 $ provient du fait
qu'une partie des 70% qui devaient être acquittée normalement et
qui devrait être portée aux dépenses dans l'année
1979-1980 a été reportée à une période
subséquente. C'est une partie des 70%, à ce moment-là. (22
h 45)
Maintenant, pour ce qui regarde, si vous me permettez...
Une voix:...
M. Larose: Ah oui, il faudrait dire là-dessus que, dans
les 340 000 000 $, il n'y a pas seulement les commissions scolaires, il y a
aussi la partie qui s'applique aux collèges, aux universités et
aux institutions d'enseignement privé et ça donne 102 000 000 $;
selon le même principe, il y avait 102 000 000 $ qui s'appliquaient aux
commissions scolaires ainsi qu'une partie applicable au transport scolaire.
En ce qui regarde le secteur de la santé, je ne suis pas
remonté en 1975, mais l'évolution du côté du secteur
de la santé... Le montant était de 60 000 000 $ en 1976-1977; 32
000 000 $ en 1977-1978; 30 000 000 $ en 1978-1979 et 101 000 000 $ en
1979-1980.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Si je comprends, M. le Vérificateur
général, si vos recommandations étaient adoptées
intégralement, à savoir de faire figurer dans le passif à
court terme -dans les états financiers, au poste passif à court
terme - une subvention à verser aux établissements
d'éducation, pour l'année 1979-1980, il y aurait un poste de 625
000 000 $ à inscrire; si on avait fait ça
rétrospectivement, pour toutes les années antérieures,
c'est un poste qui, par rapport à l'année
précédente, serait passé de 200 000 000 $ à 625 000
000 $. Dans cette hypothèse toujours, j'imagine qu'une note
annexée aux états financiers aurait expliqué que le saut
de 200 000 000 $ à 625 000 000 $ était attribuable, pour 285 000
000 $, à un changement dans les conventions comptables et que, pour 340
000 000 $ des 625 000 000 $, il s'agissait du chiffre à comparer aux 200
000 000 $ de l'année précédente. On se suit toujours?
M. Larose: Oui, quant à moi, je préfère
comparer les 625 000 000 $ aux 200 000 000 $ et ne pas faire cette
distinction.
M. Forget: Oui, d'accord, mais il reste que le changement de la
convention comptable quant au moment à imputer la dépense, je
pense bien qu'il devrait être mentionné, en toute justice pour le
gouvernement.
Ce à quoi je veux en venir, c'est simplement à ceci. Quand
un poste du passif, d'une année à l'autre, subit une augmentation
de 140 000 000 $, il y a aussi une inscription correspondante qui va devoir
figurer quelque part dans le compte des revenus et dépenses et, dans ce
cas, ça va plutôt du côté des dépenses. Il y a
évidemment là une dépense de 140 000 000 $ dans
l'année 1979-1980, il y a donc une dépense qui, ne figurant pas
aux états financiers, ni au compte du passif et de l'actif, ni au compte
des revenus et dépenses, sous-évalue pour cette année, ne
serait-ce qu'à ce seul poste, le déficit de 1979-1980 d'un
montant de 140 000 000 $.
M. Larose: En fait, si les conventions comptables étaient
restées les mêmes, le montant auquel vous faites allusion, c'est
la différence de 425 000 000 $ entre 200 000 000 $ et 625 000 000 $.
M. Forget: Oui, je comprends, avec une note permettant à
ceux qui l'examinent de dire: Là-dessus, il y a une partie qui est un
changement d'année d'imputation et l'autre qui est véritablement
une croissance de ce qu'on doit à ce réseau et qui devrait
être payé tôt ou tard.
M. Larose: Dans la remarque que nous faisons, nous disons que
nous ne sommes pas d'accord avec l'effet du changement de la politique de
financement; la politique de financement, quant à elle, nous ne la
mettons pas en cause. Que le gouvernement décide de payer 15% une
année ou l'autre, qu'il décide de le payer un an plus tard ou un
an plus tôt, je pense que ce n'est pas notre problème de mettre
ça en cause. Ce que nous voulons dire, c'est que, du côté
des dépenses, en tant que dépenses encourues, qu'elles soient
payées ou non - parce qu'une
dépense, dès qu'elle est encourue, nous croyons qu'elle
devrait être inscrite aux livres, qu'elle soit payée ou non - en
tant que dépenses encourues, nous croyons que la convention comptable
devrait quand même exiger l'inscription de ce montant, même s'il
doit être payé deux ans plus tard.
M. Forget: D'accord, mais on convient bien qu'en ne donnant pas
suite à toutes ces recommandations ou en ne se conformant pas à
cette règle, cela a pour effet de sous-estimer l'ampleur du
déficit dans une année donnée?
M. Larose: C'est ça.
M. Forget: La chose est la même quand on parle de la
santé. Ce qui est inquiétant, ce ne semble pas être
l'évolution de 1977 à 1980, parce qu'on a un montant de 77 000
000 $ la première année et de 101 000 000 $ en 1979-1980. Cela
dépasse, bien sûr, la discussion de votre rapport, mais je ne peux
faire autrement que de me souvenir - on va présumément voir ces
chiffres-là dans le rapport et les états financiers de 1980-1981,
selon une information qui était récemment dans les journaux - que
ce chiffre de 101 000 000 $ sera, au 31 mars 1981, de 240 000 000 $ ou 239 000
000 $. C'est donc dire qu'il y a là des dépenses, dans les
années 1979-1980 et 1980-1981, qui, parce qu'elles ne se
reflètent pas aux états financiers, permettent de
sous-évaluer le budget.
Encore une fois, c'est à peu près toujours le même
montant qui réapparaît. Ce n'est pas qrave parce que si
c'était toujours 77 000 000 $ qu'on doit aux établissements de
santé ou si c'était toujours 400 000 000 $ qu'on doit aux
commissions scolaires, quand c'est toujours le même chiffre qui revient,
au fond, ce que l'on ne paie pas une année, on le paie l'année
suivante. Mais comme c'est toujours pareil, cela montre un taux uniforme de
dépenses. Ce qui est inquiétant, c'est de voir ces montants non
rapportés qrossir. Oui, ce qui est inquiétant, c'est de voir que
ces montants non rapportés qrossissent. Enfin, le montant qui n'est pas
rapporté ne qrossit pas parce qu'il n'est pas rapporté. Il ne
qrossit pas dans les états financiers, mais s'il était
rapporté, il grossirait.
M. de Belleval: Quand cela baisse pendant quatre ans, est-ce que
cela est inquiétant?
M. Forget: Non, c'est rassurant. Il faudrait le montrer là
aussi pour donner un tableau complet.
M. Grégoire: Est-ce qu'on pourrait demander à M.
Larose de nous répéter les chiffres qu'il a donnés depuis
1974?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Est-ce qu'on pourrait demander à M.
Larose de nous donner les chiffres qu'il a donnés depuis 1974 dans le
domaine des établissement scolaires?
M. Larose: Vous demandez que je les répète?
M. Grégoire: Oui, les premiers chiffres que vous aviez
donnés, depuis 1973, je crois.
M. Larose: J'ai donné les chiffres de 1974-1975, 407 000
000 $.
M. Grégoire: Combien?
M. Larose: 407 000 000 $. En 1975-1976, 507 000 000 $.
M. Grégoire: Là, cela a augmenté de 100 000
000 $.
M. Larose: En 1976-1977, 536 000 000 $.
M. Grégoire: Cela a encore augmenté.
M. Larose: En 1977-1978, 318 000 000 $.
M. Grégoire: Ah! 318 000 000 $.
M. Larose: En 1978-1979, 200 000 000 $
M. Grégoire: Ah!
M. Larose: En 1979-1980, 625 000 000 $.
M. Grégoire: À cause de... Des voix: Ah!
M. Grégoire: À cause de ce que vous compreniez tout
à l'heure. Mais pour les trois ans...
M. Forget: À cause de l'augmentation des dépenses
qui n'a pas été payée par le gouvernement.
M. Grégoire: Pour trois ans, cela fait 1 500 000 000 $
contre 1 000 000 000 $. Trois ans pour chaque gouvernement.
M. Forget: Hein?
Des voix: Ah!
M. Grégoire: Pour les trois années du
gouvernement libéral, cela fait 1 500 000 000 $ et pour les trois
années du gouvernement du Parti québécois, cela fait 1 000
000 000 $.
Des voix: Ah!
M. Forget: M. le Président.
M. de Belleval: De dollars "inflationnés".
M. Grégoire: De dollars "inflationnés", à
part cela.
M. de Belleval: N'oublions pas que ces dollars, trois ans plus
tard, ne valent pas ces dollars de trois ans plus tôt.
M. Forget: M. le Président.
M. Grégoire: En trois ans, c'est 1 500 000 000 $ et les
trois années suivantes, c'est 1 000 000 000 $.
Félicitations, M. le ministre.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Grégoire: Je tiendrais à féliciter le
ministre des Finances.
M. Forget: Quelle que soit l'envie que j'ai de corriger le
député de Frontenac, je vais laisser cela au journal des
Débats comme un legs éternel à sa mémoire.
Des voix: Ah!
M. Forget: Je crois que...
M. Grégoire: Si le député de Saint-Laurent
ne sait pas compter, j'ai additionné.
M. Forget: Je le référerai, M. le
Président...
Une voix: II n'a pas de mérite.
M. Forget:... pour sa réflexion de fin de soirée,
aux remarques que faisait plus tôt dans la journée le ministre des
Finances sur la distinction entre les flux et les stocks. Je n'ajouterai rien
à cette remarque, M. le Président, mais je pense qu'on peut
poursuivre peut-être sur le sujet.
Je crois que ce point-là est suffisamment établi. Je pense
qu'on a ici l'indication nouvelle que si vos recommandations étaient
suivies, nous aurions une représentation plus fidèle de ce que le
gouvernement doit effectivement débourser cette année ou dans les
années futures envers les établissements des réseaux
parapublics. Nous aurions également, pour l'année 1979-1980 et,
vraisemblablement, pour 1980-1981, en suivant le même raisonnement et les
informations parcellaires qu'on a, une sous-évaluation
systématique du déficit pour ces deux années, certainement
pour l'année 1979-1980.
Sur un autre sujet, M. le Président.
M. Parizeau: On va compléter celui-là.
M. Forget: Oui, je ne sais pas si on peut le régler.
J'espérerais bien qu'on le règle, oui.
Le Président (M. Bordeleau): On abordera l'autre sujet
ensuite. M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Ces observations du Contrôleur des finances
mettent l'accent, je pense, une fois de plus, sur un problème qui est
assez sérieux et qui appelle un certain nombre de commentaires.
L'année 1979-1980 a été marquée par deux
choses qui, en tout état de cause, sont exceptionnelles. L'une, c'est le
changement dans les conventions comptables. Bien sûr, on ne change pas
les conventions comptables tous les ans, seulement cela a un effet quand
ça passe, c'est bien évident. D'autre part, il y a eu
l'introduction de la réforme fiscale municipale qui, évidemment,
a amené des changements énormes dans l'évaluation des
crédits à envoyer au ministère de l'Éducation.
Puisqu'on retirait une partie de la taxe foncière et qu'on
remplaçait ça par des subventions, le 70-15-15 se trouvait
à amener une pente complètement différente aux
dépenses à inscrire. Dans un certain sens, ça existe,
ça se fait, ça s'explique et ça se comprend.
Je distingue ces deux choses-là du problème beaucoup plus
sérieux auquel je faisais allusion tout à l'heure et qui a trait
à notre système traditionnel de contrôle sur les
dépenses des réseaux, sur les crédits qu'on vote, leur
traduction en termes de budget approuvé et le niveau effectif de
dépenses qui se produit dans ces réseaux par rapport au budget
approuvé.
Il est évident, compte tenu des procédures encore une fois
tout à fait traditionnelles, des procédures d'acceptation
d'emprunts par les institutions de réseaux, que des institutions de
réseaux peuvent fonctionner en pratique au jour le jour, à
longueur d'année, avec un niveau de ressources supérieur au
budget accepté, qui traduisent les crédits votés par
l'Assemblée nationale.
Déjà, en 1973, 1974, 1975 et 1976, on s'était rendu
compte tout à coup, au ministère des Finances, au
ministère de l'Éducation - parce que c'était fait ensemble
- et au Conseil du trésor, qu'il y avait une accumulation de dettes
bancaires des commissions scolaires qui atteignait
585 000 000 $ à peu près. Cela a pris d'ailleurs un
certain temps pour faire le décompte, cela a pris un an et demi, je
pense, avant qu'on sache que cela atteiqnait 585 000 000 $ pour des
années antérieures. Cela se traduit, jusqu'à un certain
point, dans les chiffres que nous avons devant nous et avec lesquels M. le
député de Frontenac faisait des comparaisons tout à
l'heure.
Dans un deuxième temps, on rembourse cela. On voit bien que cela
laisse des soldes - je simplifie un peu la présentation, mais,
finalement, ça revient à ça - décroissants et
ça reprend, sans qu'on s'en rende compte, et ça donne le fameux
trou de 500 000 000 $, le deuxième, en somme, fabriqué exactement
de la même façon que le premier.
Je ne pense pas que, dans une optique comme celle-là, les
recommandations du Vérificateur général pourraient
vraiment être appliquées intégralement. Pas parce qu'on ne
veut pas, mais parce qu'on constate bien, après sept ou huit ans, qu'on
ne sait pas exactement quelles sont les dépenses qui devront être
payées, parce qu'on s'imagine bien que les emprunts bancaires à
un moment donné reviennent au gouvernement. Ce ne sont pas les
commissions scolaires qui demandent le remboursement, ce sont les banques qui
demandent le remboursement.
On peut bien dire que les paiements qu'on va faire aux banques
n'étaient pas inscrits dans les crédits des commissions
scolaires. Je veux bien, mais ce sont des dépenses d'éducation
des mêmes commissions scolaires, qu'on le veuille ou non. Ce n'est pas
parce qu'on le paie aux banques que cela n'aurait pas dû être
inscrit dans les crédits et que cela n'aurait pas dû se traduire
dans les budqets. Cela ne s'est pas fait comme ça, mais,
néanmoins, c'est à payer à ce titre-là. (23
heures)
Maintenant qu'on a fermé les budqets des commissions scolaires,
c'est évidemment davantage possible de voir comment on peut s'enligner
en fonction des recommandations du vérificateur. Mais il s'en faut de
beaucoup - je pense ici aux hôpitaux, en outre - qu'on soit tout à
fait satisfait que le contrôle des marges bancaires est encore assez
précis pour qu'on sache, au cours d'une année donnée,
qu'est-ce qui a été effectivement dépensé et
qu'est-ce qui devra être payé aux institutions de réseaux.
Ce contrôle sur les marges bancaires, évidemment, il
s'accélère depuis quelques mois, mais ça prend quand
même un certain temps. Il est possible, dans ces conditions, que, pour
traduire une partie de ces recommandations du Vérificateur
général ça prenne le temps qu'il faut.
Dans les recommandations du vérificateur, il y a une
deuxième question qui est celle de l'imputation des périodes:
70-15-15 ou 75-25 dans le cas des cégeps.
Enfin, pour chacune des institutions de réseaux, il y a des
règles d'imputation. Je comprends que le vérificateur
préférerait qu'on n'ait pas vraiment ces règles
d'imputation et que ce qu'on impute aux dépenses traduise la
réalité de l'année. Si je le comprends bien, ce serait se
débarrasser graduellement de ces règles d'imputation.
Mon problème, ici, c'est que la Loi sur l'administration
financière autorise de telles imputations sur plusieurs années.
L'article 38 de la Loi sur l'administration financière se lit ainsi:
"Les prévisions budgétaires soumises à la
Législature - donc, finalement, les crédits - doivent porter sur
les services dont la liquidation s'effectuera au cours de l'année
financière ou d'une autre période expressément
visée. " La Loi sur l'administration financière autorise
d'imputer, de pratiquer les 70-15-15 ou les 75-25, comme on le voudra; cela a
été placé là -la Loi sur l'administration
financière date de 1970 - j'imagine, à cette fin
spécifique. Là, il peut y avoir un petit problème
d'interprétation qu'il va falloir rediscuter. Dans la mesure où
la loi a été expressément rédiqée comme cela
aux fins de permettre justement des 70-15-15 ou des 75-25 ou des 90-10, est-ce
qu'on s'en sert ou non? Si je comprends bien, ce que le vérificateur
nous suggère, c'est: Servez-vous-en le moins possible!
M. Larose: Nous visons plus, par notre recommandation, à
ce que les états financiers reflètent une réalité,
la réalité de ce qui s'est passé indépendamment de
ce que peut dire la Loi sur l'administration financière. Nous voudrions
que l'imaqe reflétée par les états financiers soit l'image
de ce qui s'est passé dans la réalité en termes de
dépenses.
M. Parizeau: Si je peux me permettre, je voudrais ajouter un mot,
M. le Président. Cela implique, évidemment, que l'observation des
dépenses dans les réseaux se fasse de façon beaucoup plus
rapide que ça n'a été le cas jusqu'à maintenant. On
essaie d'avoir une observation de plus en plus rapide de ce qu'est la situation
effective, mais il y a pas mal de progrès à faire avant qu'on
puisse en arriver là.
M. Grégoire: M. le Président, j'aimerais poser une
question à M. Larose au sujet des dépenses qui sont faites durant
une année et qui sont imputées sur deux ou trois ans. J'aimerais
faire une comparaison avec un autre programme qui existe dans le domaine de
l'aide à la voirie municipale. Quand on a commencé, en 1977, on
nous disait: Telle municipalité reçoit tant, elle fait les
travaux dans l'année, mais elle recevra une partie du paiement cette
année et l'autre partie l'année prochaine. La municipalité
faisait
tous les travaux. À présent, c'est payé tous les
ans...
M. Larose: Oui.
M. Grégoire:... mais cela a existé pendant trois
ans, à peu près, depuis que je suis là, depuis 1977.
Est-ce que vous êtes au courant?
M. Larose: Je ne connais pas le programme.
M. Grégoire: C'est le programme d'aide à la voirie
municipale, alors qu'une municipalité peut recevoir une subvention de 20
000 $ pour l'entretien et la réparation de son réseau routier, de
ses routes municipales, mais à raison de 12 000 $ payables cette
année et de 8 000 $ l'année suivante. Est-ce un peu le même
genre?
M. Larose: C'est un peu le même genre, c'est certainement
assimilable. Je ne sais pas quel montant est en cause dans votre exemple, mais
si le programme existe au gouvernement, si le gouvernement a pris l'engagement
ferme en vertu d'un programme de rembourser la municipalité pour les
dépenses qu'elle a faites et la paie, si le mode de paiement est
réparti sur deux ans, la question du mode de paiement, c'est un mode de
financement d'opérations, ce qui est indépendant de la
façon d'encourir la dépense. Par conséquent, si c'est
ferme, de la façon que vous me dites là, je pense que cela
devrait être la même chose dans le cas des municipalités. La
dépense est faite au moment où la municipalité encourt la
dépense.
M. Grégoire: Le deuxième versement de la subvention
apparaît seulement sur le budget de l'année suivante.
M. Larose: Très probablement. Dans ce cas, remarquez bien,
comme je vous dis, je n'ai pas le programme à la mémoire à
l'heure actuelle. Ce que je veux vous dire c'est que si la municipalité
fait les dépenses dans une année, si le gouvernement a pris
l'engagement ferme en disant à telle municipalité: Vous faites la
dépense dans l'année 1979-1980, moi je vais vous en payer 50% en
1979-1980 et 50% en 1980-1981, c'est une modalité de paiement. Si
l'engagement est ferme, toute la dépense a été faite en
1979-1980, à notre point de vue en tout cas.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. le
député.
M. Forget: Pour poursuivre dans la ligne de pensée qu'a
ouverte le ministre des Finances, je voudrais savoir du Vérificateur
général, quand il nous parle d'estimation de cette
dépense, s'il s'est assuré de quel genre d'estimation il
s'agissait auprès des ministères qui ont ces réseaux
d'établissements parapublics, par exemple, l'éducation. Je pense
que c'était peut-être une façon différente de poser
la même question que le ministre des Finances posait tantôt. Il est
traditionnel pour les ministères de se faire une opinion sur le montant
des dépenses que les établissements en question devraient faire,
qu'il s'agisse des normes budgétaires, qu'il s'agisse des budgets
effectivement accordés, qu'il s'agisse d'une espèce de
normalisation. On dit: Ils devraient faire telle dépense, on va les
financer peut-être seulement en partie même, pour cette
dépense, mais c'est la dépense qu'ils devraient faire. L'autre
phénomène est la dépense qui est effectivement faite et
qui peut dépasser cette normalisation. Il y a toujours eu une certaine
ambiguïté dans la façon dont les ministères faisaient
leurs estimations.
Vous pouvez demander à un ministère: Dites-nous quelles
sont les dépenses de l'ensemble des commissions scolaires et, à
moins d'être terriblement prudent, le ministère va vous donner la
dépense que selon lui les commissions scolaires devraient effectuer
cette année-là. Il y a du normatif. Finalement, ce qui
dépasse le normatif, ce qui est malgré tout la dépense
effectuée durant l'année, cela se retrouve dans des prêts
bancaires. C'est tout ce problème des emprunts bancaires. Cela, il est
moins certain, c'est tout à fait le sens, je pense, tel que je l'ai
compris dans la remarque du ministre des Finances, que les ministères
soient capables de donner une estimation fiable de ce chiffre. Par la nature
des choses, ce que l'on a pas besoin de dire au ministère de l'Fducation
ou au ministère des Affaires sociales, on ne le dit pas. Comme nous ne
vivons pas dans un régime inquisitorial, à moins qu'on soit en
face d'un problème insurmontable, l'établissement va essayer de
se débrouiller tant bien que mal pendant un an, deux ans, trois ans.
On a parlé de plans de redressement budqétaire, etc. Par
exemple, la question se pose vis-à-vis justement de ces redressements.
On se trouve dans un établissement qui est en excédent de
ressources, comme l'expression le veut maintenant, c'est-à-dire qui
dépense plus qu'il ne devrait selon les normes du ministère. Je
suppose qu'on va comptabiliser dans cette estimation l'excédent de
ressources en question et que c'est ça qui apparaîtrait. Il se
peut qu'en plus que ee qui est en excédent de ressources, étant
donné les rapports périodiques, il y ait encore un
excédent sur l'excédent. Cela, les ministères
en question le sauront peut-être à la fin de
l'année, mais ce n'est pas du tout sûr. Il se peut que cela arrive
comme une surprise à Noël de l'année suivante. Cela s'est
déjà vu.
M. Parizeau: Est-ce que le député de Saint-Laurent
me permettrait juste une interjection? Justement, M. Larose a eu un mandat pour
aller examiner ce genre de choses pour les commissions scolaires.
M. Forget: Oui.
M. Parizeau: S'il y a quelqu'un qui voit bien ce genre de choses,
c'est lui, de toute façon.
M. Larose: Mais, pour en revenir à votre question...
M. Forget: À ma question, est-ce que l'estimation - que ce
soit 625 000 000 $ ou n'importe quel de ces chiffres - que vous souhaiteriez
voir fiqurer au passif à court terme, c'est une estimation qui, si elle
était inscrite intégralement, représente une espèce
d'estimation normative du ministère ou véritablement quelque
chose qui va au-delà de cela?
Autrement dit, y aurait-il encore la nécessité
probablement, même avec ce chiffre, de mettre une note aux états
financiers en disant: C'est une estimation de ce qu'ont dû
dépenser les établissements en question d'après les
meilleures informations disponibles à la fermeture des livres pour
l'exercice en question, mais l'expérience a montré qu'il pouvait
y avoir des choses qui n'étaient pas comprises dans l'estimation.
Évidemment, on pourra toujours me dire que, quand on fait une bonne
estimation, on tient compte même de l'imprévisible, mais, enfin,
on ne poursuivra pas cette... C'est un peu du byzantinisme. Autrement dit, ce
chiffre est-il un minimum ou est-ce destiné à embrasser
véritablement toute la réalité?
M. Larose: Je pense - mon collègue pourra compléter
- que les estimations sont préparées normalement par les
ministères à l'aide de tous les renseignements qui sont
disponibles à ce moment-là. Si on prend le réseau
scolaire, évidemment, on a déjà eu des budgets qui ont
été présentés. On a aussi certains autres
renseignements sur la façon dont cela évolue à l'heure
actuelle. On a fait, au moment de la préparation des estimations
budgétaires du ministère, certaines études
particulières là-dessus. On a aussi le niveau des emprunts. On a
différentes sources de renseignements qui permettent d'établir un
chiffre. On ne cherche pas là-dessus une exactitude absolue, mais on
cherche un ordre de grandeur qui soit suffisamment précis pour
être mentionné sans crainte, avec un pourcentage admissible
d'erreurs.
Quant à la technique pour l'établir et au fait de le
mentionner, une note pourrait certainement, dans un cas où c'est inscrit
au passif, venir dire que c'est sur une base d'estimation et expliquer de
quelle façon ces estimations ont pu être préparées,
mais je pense qu'on essaie, par expérience et par les données, de
se tenir le plus près possible de la réalité sans
prétendre à l'exactitude absolue.
M. Forget: Oui, je comprends. En tant que vérificateur,
vous êtes satisfait que les méthodes utilisées par les
ministères visés -je pense qu'il y a essentiellement les deux
ministères des Affaires sociales et de l'Éducation -
débouchent sur des estimations valables et qui, en termes d'ordre de
grandeur, sont raisonnablement certaines.
M. Larose: C'est ce qu'on fait et on s'assure que les
méthodes qui ont été suivies par les ministères
pour en arriver à ces chiffres nous paraissent acceptables dans les
circonstances.
M. Forget: Je vois. Sur un autre sujet, M. le
Président?
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Malheureusement, je n'ai pas la
référence à la page précise, mais vous pourrez
sûrement m'aider là-dessus, il y a eu, semble-t-il, d'après
les remarques que vous avez au rapport, un changement dans la convention
comptable relativement à l'inscription des placements en prêts et
avances dans les entreprises publiques. Il semble que c'est un changement dans
la convention comptable qui soit intervenu en 1979-1980 et qui a pour effet de
faire figurer, si je peux me relire, la valeur au coût pour la
première fois en 1979-1980 plutôt que la valeur de
réalisation. À moins que ce soit l'inverse, mais je ne le pense
pas, si, encore une fois, mon écriture ne me... surtout à cette
heure-ci, j'ai un peu de mal à la déchiffrer, mais il y a un
changement dans la méthode comptable. D'abord, je voudrais savoir s'il y
a eu quelque chose qui s'est passé dans la différence entre ces
deux valeurs en 1979-1980 pour rendre soudainement souhaitable de changer la
convention comptable et quel a été l'effet de ce changement sur
les états financiers. (23 h 15)
M. Larose: Avant 1979-1980, en ce qui concerne les prêts et
avances dans les entreprises gouvernementales, il y avait une
possibilité. On pouvait constituer une provision pour perte si on
jugeait qu'il y avait risque de perte. Le principe consistait
en ce que les prêts et avances consentis à des entreprises
du gouvernement étaient montrés à l'état de l'actif
et du passif à la valeur estimative de réalisation. En 1979-1980,
on a abandonné, la politique voulant qu'une provision soit
créée, et les prêts et avances aux entreprises
gouvernementales sont maintenant montrés au montant brut du prêt
et de l'avance, sans aucune déduction pour la perte possible sur la
réalisation de l'actif.
M. Forget: Quel effet est-ce que cela a eu sur les états
financiers de cette année-là en particulier? Est-ce que
ç'a eu pour effet de majorer l'élément d'actif en question
ou si c'a eu un effet dans l'ensemble négliqeable?
M. Larose: Cela a touché la Société
d'aménagement de l'Outaouais. Si vous retournez à la page 41, au
haut de la page, on dit: "Les avances à cette société
s'élevaient à 33 000 000 $ au 31 mars 1980 et, malgré une
subvention annuelle de 4 000 000 $ reçue du ministère des
Affaires municipales, le déficit net accumulé de la
société est passé de 4 488 000 $ au 31 mars 1979, à
7 686 000 $ au 31 mars 1980. S'il n'y avait pas eu de modification aux
conventions comptables du gouvernement en 1979-1980, la provision pour
créances irrécouvrables aurait été augmentée
de 3 197 000 $, pour atteindre le montant du déficit net accumulé
de la société. Par conséquent, le poste placement serait
diminué de 7 686 000 $. L'influence que vous avez là sur le
résultat de l'année, c'est que la provision aurait
été augmentée de 3 200 000 $.
M. Forget: Cela, c'est un élément de
dépense, aussi.
M. Larose: C'est un élément de dépense.
Maintenant, le fait qu'on a annulé la provision qui existait
l'année précédente, ç'a annulé une provision
de 4 000 000 $ l'année précédente. Vous avez eu, en fait,
l'effet cumulatif, ou la somme des deux, l'annulation d'une provision, qui
représente une réduction de dépenses, et l'absence de
provisions pour l'année qui vient s'additionner et l'ensemble des deux.
C'est une variation totale de 7 700 000 $ environ.
M. Forget: Le déficit de l'année est moins bas de 7
000 000 $ qu'il aurait été si on n'avait pas chanqé la
convention comptable.
M. Larose: C'est cela.
M. Forget: Dans le cas de certaines entreprises publiques, M. le
Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, je pense que M. le ministre des Finances aurait quelque chose
à ajouter sur ce sujet précis, et on pourra continuer.
M. Parizeau: J'imagine qu'on pourrait trouver, cependant, des cas
où ça jouerait à l'envers. C'est-à-dire que, dans
certains cas, ça peut ajouter aux dépenses et, dans d'autres cas,
ç'aurait l'effet inverse. La valeur de réalisation, dans le cas
de certaines avances, est bien plus importante que le montant original de
l'avance. Cela s'adonne qu'il y a beaucoup de sociétés
d'État qui font des profits.
M. Forget: Le point est théoriquement bon, mais on peut
penser à une autre société d'État où le
problème est aigu, je crois, il s'agit de SOQUIP. Dans le cas de SOQUIP,
on évalue toute la mise de fonds et les placements du gouvernement et
les guelque 70 000 000 $ ou 72 000 000 $ - c'est un montant
considérable; je ne l'ai pas noté ici, il est dans la page, mais
je ne veux pas retarder nos travaux - qui ont été investis dans
l'exploration pétrolière et gazière. On a acquis avec ces
70 000 000 $ des droits, on a découvert des réserves de
pétrole et de gaz qui valent, effectivement 70 000 000 S; je m'en
étais souvenu, ce sont des chiffres qu'on n'oublie pas facilement. 70
000 000 $, ça m'impressionne encore.
Dans ce cas de 70 000 00n $, on a acquis des droits sur des
réserves de pétrole et de gaz dont la valeur économique
présente est de 70 000 000 $ ou plus. Évidemment, vous faites la
remarque dans les états financiers qu'on a de sérieux doutes
qu'il serait opportun de s'en réjouir, parce qu'il semble bien...
D'ailleurs, SOQUIP a déclaré elle-même que, malgré
tout l'argent qu'elle avait investi dans l'exploration pétrolière
et qazière au Québec, elle n'avait rien trouvé
jusqu'à maintenant. On peut considérer qu'au moins cette partie
qui représente la plus grosse somme - il y a aussi de l'exploration qui
se fait ailleurs, même dans l'Ouest du Canada; assez curieusement, c'est
le Québec qui paie pour l'exploration dans l'Ouest du Canada, mais
enfin, peut-être que c'est un bon investissement, je n'en sais rien -
devrait probablement être amortie assez rapidement parce que c'est
zéro. C'est prouvé, on n'a rien trouvé. Ce n'est pas une
question contingente ou conditionnelle, les trous étaient vides. On les
porte quand même aux livres comme des actifs. C'est assez paradoxal. Si
on faisait la même chose, si on utilisait la convention comptable de
l'évaluer à sa valeur de réalisation, il y a une grosse
partie de l'actif de SOQUIP qui disparaîtrait en fumée. Il
faudrait faire figurer dans les dépenses de l'année où on
ferait cela - c'est
probablement pourquoi on ne le fait pas - un chiffre correspondant au
moins à l'amortissement de cela, et les intérêts
là-dessus.
L'évaluation la plus raisonnable de cela, c'est probablement
quelque chose comme 22 000 000 $ par année - on peut le calculer de bien
des façons en supposant différents taux d'intérêt;
alors, cela peut varier - c'est une somme rondelette que cette histoire, si on
veut l'amortir... Comme ce n'est pas un investissement de trente ans et comme
il n'y a rien, c'est zéro comme valeur, il ne faudrait peut-être
pas l'amortir sur plus de deux ou trois ans... ou cinquante ans, mais cinquante
ans, c'est long. On diminue le déficit en faisant figurer à
l'actif des postes imaginaires, dans le fond.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre des
Finances, vous avez la parole.
M. Parizeau: Merci bien. Je reviens à ce que je disais
tout à l'heure. J'espère que je vais être capable d'ajouter
une phrase après cette première. Si ce n'était que pour
des raisons d'ordre financier, de l'impact que c'est susceptible d'avoir sur
les états financiers du gouvernement, je ne craindrais pas le moins du
monde de prendre la valeur de réalisation. Savez-vous combien cela
ajouterait à l'actif du gouvernement? Avez-vous une idée de ce
que cela ajouterait à l'actif du gouvernement? Cela ne soustrairait pas
22 000 000 $, cela ajouterait 3 700 000 000 $...
M. Forget: Hydro-Québec?
M. Parizeau: 3 700 000 000 $, n'est-ce pas beau? Je vous assure
que vos 22 000 000 $ peuvent courir à côté de celai Si
c'est seulement pour une question de montrer que c'est beau...
M. Forget: Attendez que la loi 16 soit adoptée pour
pouvoir dire cela, parce que dans le moment, cela n'ajouterait rien. Je pense
qu'on convient de cela.
M. Parizeau: Sauf que c'est dans l'actif. Il faudrait bien mettre
cela dans l'actif du gouvernement d'une façon ou d'une autre,
Hydro-Québec, à sa valeur de réalisation. Hydro
n'appartient ni à des intérêts particuliers, ni à un
gouvernement étranger. Si je mets cela dans l'actif à sa valeur
de réalisation, je vous assure que cela améliore la vue de
l'actif passablement. Ce n'est pas pour ces raisons. Je n'ai absolument,
rigoureusement rien à perdre à prendre la valeur de
réalisation, sauf qu'il y a un débat de fond entre le
vérificateur et le contrôleur des finances. Comme toujours, dans
ces cas, il y a des arquments des deux côtés. La position que
prend le contrôleur des finances est la suivante: À la limite,
c'est probablement presque illégal de réduire la valeur d'un
actif à sa valeur estimative de réalisation, en ce sens qu'il
s'agit d'entreprises gouvernementales créées par des lois de
l'Assemblée nationale et l'Assemblée nationale, par d'autres
lois, peut leur donner des subventions, radier des actifs, tranformer des
avances en participation et, effectivement, cela se fait fréquemment. Je
pense, par exemple, au mode de financement de la SGF ou à des choses
comme cela. Il est arrivé très fréguemment qu'on ajoute de
l'argent sous une forme ou sous une autre, qu'on transforme une dette en
éguité. Il faut donc attendre que ces lois apparaissent pour
qu'alors, s'il y a quelque chose à radier, on le fasse. Ce n'est pas un
argument futile. Encore une fois, sur le plan simplement de l'apparence
financière de nos états, prendre l'optique valeur de
réalisation, non seulement cela ne qênerait pas, mais cela
améliorerait les choses. Là, je souligne simplement qu'il y a
peut-être une discussion de fond à avoir. Je comprends le point de
vue du vérificateur. Je pense que je comprends aussi le point de vue du
contrôleur. C'est ce genre de problème, à la fois comptable
et juridique, qu'il n'est vraiment pas facile de trancher quand on a à
conclure: Oui, je me range aux recommandations du vérificateur, ou non,
je ne me range pas. Mais là, je soutiens que c'est peut-être un
problème plus intéressant que simplement une question de faire
apparaître le gouvernement d'une certaine façon plutôt que
d'une autre.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, à moins que M. le
vérificateur ait quelque chose à ajouter.
M. Larose: Je voulais...
Le Président (M. Bordeleau): M. Larose.
M. Larose:... premièrement, souligner qu'il y a deux types
de placements au gouvernement. Il y a des placements sous forme d'avances
à des entreprises et des placements sous forme d'actions détenues
dans les sociétés. Ce sont deux types de placements
différents.
Nos recommandations jusqu'à maintenant là-dessus, c'est
que lorsque le placement a été fait sous forme d'avances, il
serait mieux que la valeur en soit montrée, à l'état de
l'actif, à la valeur estimative de réalisation. C'est notre
recommandation, parce que nous croyons que l'état financier à ce
moment-là présenterait une meilleure image, une meilleure
réalité, toujours sur ce plan.
Du côté du placement par actions, nous avons
suggéré, jusqu'à maintenant en tout
cas, que les profits et les pertes réalisés par les
entreprises gouvernementales soient incorporés au résultat
financier du gouvernement, c'est-à-dire aux revenus et dépenses
du gouvernement dans l'année où ils se produisent. Ce sont les
deux recommandations que nous avons faites concernant les placements.
Nous avons recommandé en plus que, lorsqu'il s'agit de placements
sur actions ou de placements permanents, si la valeur d'un placement subisssait
une perte de façon durable, c'est-à-dire si un placement fait par
le gouvernement, même sous forme d'actions, avait une perte
définitive ou une perte escomptée pratiquement sûre,
à ce moment-là, il faudrait nécessairement le ramener et
réduire la valeur de ce placement. Ce sont les recommandations que nous
avons faites jusqu'à maintenant concernant les placements du
gouvernement. Il est clair que des cas comme Hydro, nous ne les avons pas
touchés, pour la bonne raison qu'ils ne figurent pas à l'actif du
gouvernement à l'heure actuelle. Nous n'avons pas touché cette
question. Hydro n'a jamais été incorporée aux actifs du
gouvernement, mais nous avions exprimé une opinion sur les actifs qui
étaient là, ceux qui apparaissent à l'état
financier. (23 h 30)
Lorsqu'on a devant nous une avance qui est consentie à une
entreprise - et celle que nous avons critiquée le plus
fréquemment, je pense que c'est l'Office des autoroutes, nous l'avons
devant les yeux, nous demandons l'état financier qu'on nous
présente, pour exprimer une opinion - nous nous demandons: Est-ce que
l'avance à l'Office des autoroutes sera réalisée? Et
quelle valeur a-t-elle?
C'est sur ce plan que nous jugeons un état financier qui est mis
devant nous. L'état financier est là de la même
façon lorsque nous avons un placement chez SOQUIP; on a fait aussi un
commentaire concernant le placement à SOQUIP. Nous jugeons
d'après l'état financier que nous avons devant les yeux et nous
encourageons que l'état financier reflète le plus possible la
valeur de réalisation dans le cas des avances. Dans le cas des
placements à suraction, qu'il reflète, à tout le moins,
les résultats des activités de ces entreprises et qu'en
troisième lieu, si certains de ces placements subissent une perte
durable de valeur, qu'elle soit aussi reflétée aux états
financiers.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. Larose, à partir du principe que vous
évoquiez tout à l'heure, est-ce que cela ne voudrait pas dire
que, dans la mesure où la loi 16 est acceptée, transformant les
réserves d'Hydro-Québec en capital-actions, l'application du
même principe voudrait dire que les profits d'Hydro-Québec
devraient être incorporés à l'état des revenus du
gouvernement du Québec?
M. Larose: Si la recommandation que nous faisons était
acceptée?
M. Parizeau: Oui.
M. Larose: Je ne connais pas toutes les dispositions de la loi
16, je ne peux donc pas en présumer, mais si les dispositions de la loi
16 prévoyaient que le gouvernement est détenteur à 100% du
capital-actions d'Hydro-Québec, sous forme de capital-actions, c'est ce
que la recommandation voudrait dire.
M. Parizeau: Cela va passablement plus loin que le dividende
très modeste que nous envisaqions.
J'aurais une autre question à poser sur ce à quoi faisait
allusion M. Larose tout à l'heure, concernant l'Office des autoroutes.
Je pense que c'est un bon exemple de ce principe que soulignait le
contrôleur des finances.
Prenons le cas de l'Office des autoroutes. Depuis quelques
années, l'Office des autoroutes perd beaucoup d'argent. Il a un
déficit annuel de plusieurs millions de dollars, croissant, mais pendant
quelques années antérieures l'Office des autoroutes faisait un
profit.
Pourquoi l'Office des autoroutes faisait-il un profit? Oui... Je vois
mon collègue de droite qui fronce les sourcils, compte tenu des postes
qu'il a occupés. Je l'assure qu'avant que nous arrivions au pouvoir, les
quatre ou cinq années qui ont précédé, l'Office des
autoroutes faisait un profit. Pourquoi l'Office des autoroutes faisait-il un
profit? Parce que le ministre des Finances du temps remettait la moitié
des intérêts à la fin de chaque année, de
façon qu'un profit apparaisse. Cela dépendait d'une
décision du gouvernement du temps, je n'en disconviens pas.
Si le gouvernement du temps décidait que l'Office des autoroutes
devait faire un profit, on le faisait apparaître en rendant une partie
des intérêts. J'imagine que c'est ce que me dirait le
contrôleur des finances: Qui me dit que vous, ministre des Finances
actuellement, vous ne recommencerez pas à faire la même chose?
J'ai beau lui donner toutes les assurances morales que je voudrai, il est
prudent. Il dit: Dépendant des lois qui seront passées par
l'Assemblée nationale, pour déterminer que l'Office des
autoroutes est dorénavant rentable parce que sa dette sera payée
par le fonds consolidé, nous allons avoir une valeur de
réalisation remarquable. Et si on décide, au contraire, de le
laisser dans la situation actuelle, la valeur de réalisation,
effectivement, des avances à l'Office des autoroutes, ne va pas
chercher
loin.
C'est bien embêtant qu'une convention comptable préjuge de
ce que le gouvernement va faire ou ne fera pas. Dans ce sens-là, il y a
un certain mérite, et môme un mérite certain, à la
position du contrôleur des finances.
Imaginons maintenant, toujours pour pousser l'exemple de l'Office des
autoroutes, qu'on abolisse l'office. J'imagine qu'il y aura un processus
comptable pour radier les avances en question, à ce moment-là,
parce que l'Assemblée nationale aura dit: II n'y a plus d'Office des
autoroutes. Dorénavant, c'est incorporé au ministère des
Transports. Il y aura un processus pour savoir ce qu'on fait avec les avances
qui sont là. Il est très difficile, encore une fois, qu'une
convention comptable préjuge de décisions comme celles-là
qui sont des décisions législatives où on dit: Avec tel
organisme auquel on a fait des avances, on fera ça ou autre chose. Dans
ce sens, je ne suis pas prêt... Je comprends le point de vue du
vérificateur, ce n'est pas cela, mais je vous avouerai que je suis un
peu entre Charybde et Scylla ou entre deux approches comptables fort
différentes.
M. Larose: Si vous me le permettez, sur l'Office des autoroutes,
justement...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, allez-y, M. Larose.
M. Larose:... ce que je veux mentionner, c'est que si, par
exemple, dans le cas de l'office, on le rendait rentable en lui accordant des
subventions, il faut immédiatement supposer qu'il y aurait une
dépense du gouvernement qui serait créée pour le montant
de la subvention. Par conséquent, on ne change pas le problème.
Deuxièmement, si le gouvernement réduit ses
intérêts, la charge d'intérêt, encore là, on
réduit les revenus du gouvernement et on ne change pas encore le
problème. Par conséquent, la rentabilité de l'Office des
autoroutes, à mon sens, ne dépend pas de ça dans le
moment. Remarquez bien que, de mémoire, je crois que l'Office des
autoroutes, dans toute son existence et à la face même de ses
états financiers, a fait un profit une seule année depuis 1930.
Les années, M. Parizeau, où il y a eu réduction, il n'a
pas fait plus de profits, il a fait moins de pertes.
M. Parizeau: Non, je ne pense pas.
M. Larose: Je crois, de mémoire toujours parce que je n'ai
pas les chiffres devant moi, qu'il n'a fait des profits qu'en une seule
circonstance. Son déficit accumulé, à l'heure actuelle,
est de l'ordre de 200 000 000 $ ou à peu près.
M. de Belleval: II a fait un profit parce qu'il n'avait pas
encore commencé son opération, mais il avait un compte en banque
qui rapportait des intérêts.
M. Larose: 200 000 000 $, peut-être aussi que
j'exagère. C'est 102 000 000 $.
M. Parizeau: Si vous me le permettez, M. Larose, j'ai les
chiffres devant moi. En 1973, ils ont fait 234 000 $ de profits; en 1974, 603
000 $; en 1975, 426 000 $ et tout à coup à la fin de
l'année suivante, parce que c'est à la fin de l'année que
j'ai pris cette décision, ils font un déficit de 8 200 000 $,
seulement parce qu'on cesse de leur rendre des intérêts. Le
gouvernement du temps disait: Pour que votre portrait soit beau, j'efface les
intérêts, je vais les payer moi-même. C'est ce que je
voulais dire M. Larose là-dessus.
M. Larose: Est-ce que c'est bien le résultat, est-ce que
même la charge d'intérêt était appliquée
à ce moment-là?
M. Parizeau: Non.
M. Larose: La demi-charge d'intérêt, j'entends.
M. Parizeau: La demi-charge est enlevée.
M. Larose: Elle est enlevée. M. Parizeau: Oui, bien
sûr.
M. Larose: Remarquez que je ne mets pas en cause ce chiffre, mais
qu'on peut parler pour les quatre années ensemble et qu'on n'arrive pas
avec 1 000 000 $.
M. Parizeau: Je n'en disconviens pas, ce n'est pas ça que
je veux dire.
M. Larose: Alors que le déficit actuel est de 102 000 000
$.
M. Parizeau: Je n'en suis pas au fait que ça la rendait
une meilleure compagnie. Ce que je suis en train de dire, c'est que ça
la rendait une meilleure compagnie. Cela accroissait les dépenses du
gouvernement, mais comme placement, comme compagnie, seule, ça faisait
mieux. Remarquez, que bébé s'amuse, ça n'a aucune
espèce de conséquence sur le montant total des dépenses
gouvernementales. Cela a un effet sur les dépenses gouvernementales,
mais ça donne l'impression qu'une compagnie est en meilleure situation
financière, c'est tout.
M. Larose: Cela ne change pas, à mon sens, la valeur de
cette entreprise.
M. Parizeau: Bien...
M. de Belleval: Parce qu'il avait un riche oncle
d'Amérique.
M. Parizeau: Imaqinons autre chose, M. Larose. Imaginons que j'ai
continué ça et que, toujours désireux de faire
apparaître un profit, je monte à 75% des intérêts ou
bien je décide même de leur enlever complètement la charge
d'intérêt. L'Office des autoroutes comme tel, les avances qu'on
lui a faites ne peuvent pas être jugées de la même
façon. En leur enlevant complètement leurs intérêts,
si je leur avais dégagé un profit de quelque 5 000 000 $ ou 8 000
000 $ par an...
Comptablement, est-ce qu'on peut traiter l'avance? Je parle d'avance.
Vous me direz que le gouvernement vient juste d'ajouter cela à ses
dépenses, je suis bien d'accord. Mais, l'avance elle-même, elle
est gagée, elle peut être remboursée. Comme avance?
M. Larose: Ma réaction, M. Parizeau, comptablement parlant
toujours, c'est qu'il s'agirait, à mon sens, d'un genre de subvention
déguisé et que, pour montrer la réalité, il
faudrait que les intérêts soient inscrits et qu'on montre
franchement une subvention envers l'Office des autoroutes. Pour montrer la
réalité, je pense que c'est ce qu'on devrait faire; s'il y a des
avances à l'Office des autoroutes, qu'on lui charge des
intérêts. Si on doit le financer sous forme de subvention, qu'on
lui accorde une subvention. Si on fait cela, à ce moment là, on
le fait à même le gouvernement; au lieu de le présenter
comme une perte, une mauvaise créance, on va le présenter comme
une dépense de subvention.
M. Forget: Non, enfin si ce sujet...
M. Parizeau: C'était juste sur ce sujet-là.
Écoutez, pour moi c'est une question qui est assez importante, il va
falloir, un moment donné, que cela se tranche cette histoire-là.
Il y a plus qu'on pense, ce n'est pas qu'une question d'image.
Il ne serait pas du tout impensable - je ne dis pas que c'est ce que le
gouvernement veut faire - par exemple, que le gouvernement, un moment
donné, dise: On voudrait bien être capable de juger l'Office des
autoroutes comme moyen de perception. Le juger effectivement comme moyen de
perception tant qu'ils ont une dette pareille sur le dos, on ne sera jamais
capable.
M. de Belleval: Comme le CN ou quoi?
M. Parizeau: Oui, comme le CN, cela a été le cas
avec le Canadien national. Et qu'on dise dans ces conditions-là au
gouvernement: On éteint la dette de l'Office des autoroutes. L'Office
des autoroutes pourrait potentiellement être un organisme qui soit mis en
situation de faire de l'arqent. On a déjà fait cela, absorber des
dettes - la Commission municipale du Québec a absorbé toutes les
dettes des municipalités en 1946 -ce ne sont pas des gestes impensables.
Dans une hypothèse comme celle que je viens de vous présenter,
l'Office des autoroutes pourrait être organisé en
société qui a des frais courants, des frais de perception, des
frais d'entretien, des frais de surveillance et puis des recettes dans les
boîtes. Le gouvernement pourrait lui fixer, par exemple, comme
tâche, non seulement de couvrir ses frais, mais de faire une marge de
profit de tant. Alors, est-ce qu'il y a quelque chose d'anormal dans le fait
que le contrôleur des finances dise: Bien, écoutez, attendez donc
des décisions comme cela avant de commencer à mettre des croix
sur les choses.
M. Larose: M. Parizeau, le jugement doit se porter en fonction de
ce que l'on connaît à un moment donné. Si on doit
présumer de décisions futures du gouvernement dans un an, deux
ans, cinq ans ou dix ans, je pense qu'à ce moment là on n'aura
plus rien à dire sur ces postes-là. À l'heure actuelle
notre jugement se porte en fonction de l'histoire de l'entreprise et des
actions des gouvernements. Je pense que c'est la seule base sur laquelle un
jugement peut être porté. Remarquez bien que, si on dit qu'il y a
une possibilité que demain matin on accorde une subvention à
SOQUIP pour effacer son déficit, je veux bien que cela existe. Mais, si
cela existe, on va enregistrer une dépense de 70 000 000 $ au compte du
gouvernement, la même chose que la perte de valeur que SOQUIP peut avoir
encourue. Il me semble qu'on a une image devant les yeux, c'est un jugement
à porter en date de l'image, ou à une date donnée et
d'après les décisions qui sont connues à cette
date-là. On ne peut pas, je pense, anticiper les décisions que
les gouvernements pourraient prendre. Autrement, il n'y a plus de jugement
possible. C'est le but de l'exercice d'un jugement, il n'y en a plus. On dit
simplement: Le jugement laisse au gouvernement de prendre des décisions.
On ne portera pas de jugement sur les actifs. (23 h 45)
M. Forget: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va, M. le ministre des
Finances?
M. Forget: Je pense qu'on vient d'entendre sur ce sujet la parole
de Salomon. Un état financier, c'est daté, cela porte une date,
c'est le tableau à ce moment-là. C'est un peu comme le portrait
d'une personne, on
sait bien que cette personne va vieillir, donc, dans un certain sens,
tous les portraits sont mensongers puisqu'ils représentent une situation
qui n'est déjà plus, mais il demeure que c'est malgré tout
un portrait véridique à la date où il a été
fait.
Sans vouloir faire de subtilité, quand on parle d'un prêt
ou une avance, c'est qu'on a l'impression peut-être fausse, au moment
où on fait un prêt ou une avance, qu'on va pouvoir recouvrer le
prêt, se faire rembourser le prêt et récupérer
l'avance.
Ce que le vérificateur nous dit, c'est que, lorsque tout à
coup, parce que le débiteur, la société débitrice
ou l'organisme débiteur est dans une situation financière telle
qu'il n'y a plus d'espoir de recouvrer l'avance ou le prêt, il faudrait
le dire à l'état financier si on veut donner la situation
correcte au moment où on le fait. Qu'on puisse un jour verser une
subvention, c'est bien possible, mais, pour employer le même langage,
à ce moment, si on adopte une loi à l'Assemblée nationale
promettant une subvention jusqu'à la fin des temps ou pendant dix ans ou
quarante ans à un organisme, on ne crée pas seulement le
déboursé annuel pour verser la subvention, on se crée
aussi un passif, on se crée aussi une obligation de verser à
l'avenir toutes ces choses qui seraient équivalentes, évidemment,
au changement dans la valeur de l'actif en question. L'actif vaudra davantage
et le passif sera alourdi d'autant. Alors, l'effet net sera nul. Mais, de toute
façon, peu importe. Le tableau d'ensemble sera le même de toute
manière. On ne peut pas créer une richesse simplement en ajoutant
des chiffres dans des colonnes de passif ou d'actif. Ce sont des vases
communicants à la limite.
Ce qui m'intéresse davantage, ce n'est pas de savoir si on
pourrait démontrer que la réalité est différente de
ce qu'elle est en la présentant différemment. C'est sûr
qu'on pourrait le faire, on n'a qu'à changer les conventions comptables,
on a une démonstration qu'on peut changer les conventions comptables. Ce
sur quoi je m'interroqe, c'est sur la procédure qui est suivie pour
modifier des conventions comptables. Je pense que c'est très important,
c'est bien connu que c'est très important que les conventions comptables
soient les plus stables possible, puisque, dans le fond, un état
financier ne dit rien à personne à moins de pouvoir le comparer
dans le fond à une autre situation. Si une entreprise montre une
situation, si un gouvernement montre un certain état à un moment
donné, on veut savoir si c'est mieux ou pire que l'année
précédente, et si les conventions comptables entre les deux sont
changées, on ne veut plus porter de jugement.
Je m'interroge sur la procédure qui fait qu'on peut changer en
cours de route une convention comptable? Est-ce que cela se fait si simplement
que cela? Est-ce que c'est une décision qui se prend sans aucune
formalité? Ne serait-il pas sage de s'interroger sur le formalisme des
changements dans les conventions comptables?
Le ministre des Finances a fait allusion à une chose qui nous
préoccupe tous de ce temps-ci, si la loi 16 est adoptée - je
donne seulement cet exemple pour montrer l'ampleur de ce dont on parle - et
que, désormais, sans rien changer de réel remarquez, du jour au
lendemain, l'État québécois devient propriétaire,
actionnaire à 100%, pour une valeur de 3 700 000 $, de tout l'actif
d'Hydro-Québec et qu'il s'avise de changer les conventions comptables et
de faire figurer tous les bénéfices d'Hydro-Québec, dans
la colonne des revenus du gouvernement, je ne plaisante pas, je pense que cela
a frappé le ministre des Finances.
M. Parizeau: Oui, moi, oui.
M. Forget: Pour l'instant, vous plaisantez, mais je suis
sûr que l'idée vous a frappé autant que moi...
M. Parizeau: Je le trouve extraordinaire.
M. Forget:... quand vous avez entendu le Vérificateur
général faire cette projection dans l'avenir de ce qui serait
possible.
Une voix: C'est une grosse SAQ!
M. Forget: C'est une situation, M. le Président, quel que
soit son bien-fondé, à supposer même qu'un gouvernement
décide que c'est ce qu'il faut faire. De toute façon, avec le
genre de raisonnement qu'on a tenu depuis un certain temps, dans certains
milieux, on n'est pas tellement éloigné de ces
prétentions. Il serait normal que la convention comptable, dans le cas
suivant, soit soumise à un certain débat. Je vois, en particulier
pour la commission des comptes publics, un rôle dans l'évaluation
ou l'examen des changements qu'on fait aux conventions comptables. Si je
comprends bien, dans le moment, ça se fait par une directive du Conseil
du trésor ou Dieu sait quoi; peut-être peut-on éclairer
notre lanterne là-dessus. En tout cas, ça me semble assez
informel comme façon de procéder.
M. Larose: Votre question devrait s'adresser au ministre. En
fait, ce que vous dites, c'est que c'est par le Conseil du trésor, en
vertu de l'autorité qui est conférée par la Loi de
l'administration financière, à l'heure actuelle. Mais le ministre
pourrait apporter plus de précisions.
Les conventions comptables sont
préparées et amendées par le Conseil du
trésor. Nous, comme vérificateurs, avons le devoir de les
examiner; on préfère être consultés sur ces
conventions et on a le devoir de dire ce qu'on en pense. C'est ce qu'on fait
à l'occasion de notre rapport annuel et on essaie de les faire
améliorer d'une année à l'autre.
Un dernier commentaire là-dessus. Je rejoins ce que je vous ai
mentionné tout à l'heure, la création d'un comité
de l'Institut canadien des comptables agréés, dont je fais partie
d'ailleurs. Je peux ajouter aussi en passant qu'un membre de notre personnel a
été, avec l'accord du gouvernement, prêté pour une
période de deux ans pour travailler dans ce comité. Ce
comité, s'il apporte des recommandations, on peut espérer que
l'ensemble des gouvernements suivent ces recommandations et que les conventions
comptables des différentes entités viendront à se
ressembler, de telle façon qu'on aura une amélioration
sensible.
M. Forget: Très brièvement...
Le Président (M. Bordeleau): Si vous voulez continuer.
M. Parizeau: Puisque M. Larose m'a renvoyé la balle, je
voudrais simplement...
Le Président (M. Bordeleau): Bon, d'accord.
M. Parizeau: Effectivement, quant à la Loi de
l'administration financière, l'article 25 se lit ainsi: "Le Conseil du
trésor peut adopter des règlements ayant trait au système
de comptabilité qui doit être suivi dans les ministères et
dans tout organisme qu'il désigne et dont les membres sont nommés
par le gouvernement, ainsi que... " le reste n'est pas pertinent. En vertu de
cela, les règles comptables sont préparées par le Conseil
du trésor. Il est évident que le contrôleur des finances et
d'autres groupes sont consultés et fournissent l'input de ça.
Normalement, après ça, le vérificateur est
consulté. D'ailleurs, dans son rapport, en page 7, il indique quand
même comment cela se fait: "Dans nos rapports des années
antérieures, nous avons recommandé que l'ensemble des conventions
comptables en usage au gouvernement fasse l'objet d'une révision
complète et que ces conventions soient regroupées dans un seul et
même document dûment ratifié par le Conseil du
trésor. "
Effectivement, ce n'est pas par hasard que les conventions comptables se
sont mises à évoluer, le vérificateur lui-même en
faisait la proposition depuis plusieurs années en disant: Montez-nous
une convention comptable qui soit un peu plus synthétique, un peu plus
complète et un peu plus rafistolée.
Le vérificateur ajoute: "Nous avons examiné un projet de
règlement soumis par le conseil concernant la politique comptable du
gouvernement et nous avons formulé nos commentaires. Nous
espérons que les discussions entreprises seront menées à
terme dans les meilleurs délais et qu'il se dégagera de ces
échanges des conventions comptables qui assureront la
présentation de données financières... ".
Le député de Saint-Laurent ajoute une dimension qui est
intéressante et qui vaut la peine d'être examinée. C'est
évident qu'une convention comptable, c'est une convention comptable, on
peut tout faire avec, sauf s'asseoir dessus, c'est comme les bayonnettes de
Napoléon, mais il est quand même important que, même si
c'est terriblement aride, ça ne provoquera pas de passion
délirante chez les romantiques, mais que ça soit discuté
ailleurs que simplement dans le cénacle du Conseil du trésor, du
vérificateur, du contrôleur des finances, ça ne
paraît pas déraisonnable à première vue, c'est le
moins qu'on puisse dire.
M. Forget: Je fais le voeu, M. le Président, si des
modifications importantes, qui peuvent avoir un effet sur l'équilibre
global démontré aux états financiers, étaient
envisagées dans l'avenir, que le gouvernement accepte qu'une discussion
ait lieu à la commission des comptes publics, de manière que les
députés qui s'intéressent à ces choses soient
sensibilisés d'avance à ce à quoi ils doivent s'attendre
dans la présentation des états financiers.
J'aimerais, M. le Président, dans les cinq minutes qui nous
restent, aborder un dernier sujet - ce sera nécessairement le dernier,
même si ma liste n'est pas épuisée, mais disons qu'on se
reverra peut-être un de ces jours - c'est une question que je n'ai vue,
peut-être à cause d'une lecture déficiente, nulle part dans
les états financiers du gouvernement, mais qu'on retrouve de plus en
plus dans la comptabilité des entreprises privées, c'est un
élément de passif qui a trait aux baux à long terme.
Avec le développement du "leasing" dans l'industrie
privée, c'est devenu maintenant, je pense, un standard obligatoire, si
mes notions sont exactes, pour la comptabilité de l'entreprise
privée de faire état très explicitement des baux à
long terme qui représentent des obligations financières
considérables, bien sûr. Dans le cas d'un gouvernement, je pense
bien que les avions du gouvernement et les bombardiers à eau et toutes
ces histoires-là, j'imagine que c'est en propriété
exclusive, ce n'est pas en état de "leasing", mais il reste...
Une voix: II y a des navires maintenant.
M. Forget: Ou des navires, j'imagine qu'ils sont détenus
en pleine propriété.
M. de Belleval: Non, non, on les achète en bail-achat.
M. Forget: En bail-achat. Alors, il y a donc des baux
d'équipement et des baux d'immeubles. Je me demande - c'est une question
que vous avez examinée - s'il existe même un reqistre quelque part
de ces obliqations qui s'échelonnent peut-être, dans le cas
d'immeubles, sur une période de vingt ans ou cinquante ans, mais disons
vingt ans dans le cas de l'équipement et des baux, est-ce que ça
ne devrait pas faire partie des états financiers du gouvernement?
M. Larose: C'est vrai ce que vous mentionnez, c'est-à-dire
que les engagements des entreprises privées sous forme de baux à
long terme, lorsqu'ils sont importants, doivent être mentionnés en
note aux états financiers et c'est la pratique courante qui est
suivie.
Vous demandez s'il y a des registres au gouvernement. Il y a
certainement des registres au ministère des Travaux publics, entre
autres, et il peut y en avoir ailleurs pour de l'équipement.
Nous n'avons pas jugé à propos jusqu'à maintenant
de demander l'inscription parce que, dans l'ensemble des engagements du
gouvernement, cela ne nous a pas paru être suffisamment important, mais
je peux vous assurer que nous prenons bonne note de votre suggestion et que
c'est un point que l'on pourra considérer dans une vérification
future.
M. Forget: II existe, à votre connaissance, un certain
nombre d'immeubles qui sont loués en fonction de conventions pour plus
de cinq ans, j'imagine.
M. Larose: II doit y en avoir certainement.
M. Forget: Vous n'avez pas idée du montant que cela peut
représenter en termes d'obligations globales?
M. Larose: Non. M. Forget: Non?
M. Larose: À ma connaissance, nous n'avons pas fait de
travail particulier dans cette direction.
M. Forget: Dans le fond, ceux à qui il faudrait adresser
la question, c'est essentiellement, selon vous, le ministère des Travaux
publics qui est le plus susceptible d'avoir ce genre de registre.
M. Larose: C'est ce que je croirais.
M. Forget: Sans exclure le ministère des Transports, si je
comprends bien, dans le cas des traversiers.
Ah non! c'est la société.
M. de Belleval: Probablement qu'à ce moment-là, ces
équipements-là sont... Dans le cas de la Société
des traversiers, ce sera au bilan de la Société des
traversiers.
M. Forget: Ah bon! cela devrait être au bilan de la
Société des traversiers. Est-ce le cas effectivement que les
baux...
M. Larose: Dans le cas des traversiers, pour la
Société des traversiers si elle est engagée à bail,
c'est mentionné en note à l'état financier de la
Société des traversiers...
M. Forget: En note.
M. Larose:... pour l'acquisition... Les conventions de
prêt-bail qui ont été signées par la
Société des traversiers sont notées à ses
états financiers.
M. Forget: Dans les standards qui existent pour le secteur
privé, qu'est-ce que l'on recommande pour les baux? Est-ce simplement
une note ou l'inscription d'un montant au passif? (minuit)
M. Larose: Non, c'est une note...
M. Forget: Une note qui indique cependant le montant dont il est
question.
M. Larose: Qui indique l'engagement de l'entreprise.
M. Forget: Je vois. J'ai donné, apparemment, un argument
au ministre des Finances pour mettre tout dans les notes.
M. Parizeau:...
M. Forget: M. le Président, je vous remercie et je
remercie tout le monde de sa patience et de sa collaboration.
Le Président (M. Bordeleau): La commission ajourne ses
travaux à demain matin, 10 heures.
Une voix: Peut-être avant de...
Une voix: Est-ce qu'il y a une entente sur...
Une voix: Oui, il y en a une.
Une voix: Pour rappeler ce qu'on devrait faire demain matin;
selon le bureau
du leader, on débuterait avec M. Duhaime, M. Claude Morin et M.
Michel Clair.
M. Forget:... eux aussi.
(Fin de la séance à 0 h 01)