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Commission permanente
des finances, des comptes publics
et du revenu
Etude des crédits du ministère des
Finances
Séance du jeudi 23 mai 1974
(Dix heures vingt minutes)
M. BRISSON (président de la commission permanente des finances,
des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs!
La commission des finances, des comptes publics et du revenu se
réunit pour étudier les crédits 1974/75 du
ministère des Finances.
Au tout début, on me signale que le rapporteur choisi est M.
Mercier, député de Bellechasse. La parole est à
l'honorable ministre.
Curatelle publique
M. GARNEAU: M. le Président, comme à l'accoutumée,
d'ailleurs après en avoir parlé avec le chef de l'Opposition,
nous suggérons de commencer par le programme 7 qui est celui de la
Curatelle publique. La raison en est que les bureaux administratifs de la
curatelle, étant à Montréal, et les officiers
supérieurs, devant venir, évidemment, pour la défense des
crédits, cela facilite beaucoup l'administration que de pouvoir
commencer par ce programme et ainsi les libérer pour qu'ils puissent
retourner à leurs fonctions habituelles à Montréal et ne
pas laisser le bureau de la curatelle absent de direction pendant plusieurs
heures ou plusieurs jours, selon la durée de l'étude des
crédits.
Comme le chef de l'Opposition a accepté cette suggestion qui,
d'ailleurs, est conforme à ce qu'on a fait les années
passées, on pourrait commencer par la Curatelle publique et, à ce
moment-là, c'est le ministre d'Etat aux Finances, M. Parent, qui
répondra aux questions qui pourront être posées.
M. MORIN: M. le Président, il s'agit presque d'une tradition;
cela fait maintenant deux ans que nous commençons par le programme 7 qui
a trait à la curatelle. L'Opposition n'y a aucune objection, bien au
contraire, mais est-ce que je pourrais demander au ministre de nous
présenter son personnel?
M. GARNEAU: Pour ce qui est du ministère des Finances, M. Pierre
Goyette est le sous-ministre; M. Michel Audet est le sous-ministre adjoint,
responsable du secteur des recherches économiques et fiscales; M. Marcel
Lefebvre, sous-ministre adjoint et contrôleur des finances; M. Fernand
Breton, est le contrôleur adjoint des finances; M. Pietro Guerci est le
sous-ministre adjoint et M. Marcel Paré travaille également
à la comptabilité du ministère.
De l'autre côté, M. Parent va présenter les...
M. PARENT (Hull): Je vais présenter Me Rémi Lussier, le
curateur public, M. Lionel Forgues, administrateur des biens de la curatelle et
M. Yvon Desjardins, responsable de la surveillance.
M. MORIN: Merci, M. le Président. Nous sommes prêts
à écouter le ministre d'Etat.
M. PARENT (Hull): M. le Président, d'abord je voudrais remercier
mon collègue, le ministre des Finances, ainsi que les membres de la
commission et le chef de l'Opposition de nous faciliter la tâche pour
l'étude de ce programme au ministère des Finances dont j'ai la
responsabilité et également vous remercier, au nom des
fonctionnaires de la Curatelle publique, puisqu'ils doivent retourner à
Montréal aussitôt que sera terminée l'étude de ce
programme du ministère des Finances.
Depuis la proclamation de la Loi de la Curatelle publique, le chapitre
81 de 1971, la juridiction du curateur public sur les biens des malades mentaux
en incapacité d'agir s'étend à tous les centres
hospitaliers publics du Québec, environ 240 hôpitaux.
En vue de répondre à ces nouvelles exigences, le curateur
public a complètement réorganisé les services
d'administration des biens. Un système de gestion par fiduciaire,
semblable à celui existant dans les compagnies de fiducie, a
été instauré, c'est-à-dire que l'entière
administration d'un dossier est confiée à la
responsabilité du fiduciaire. Avec du personnel de soutien, un
fiduciaire peut gérer environ 1,000 dossiers, et une unité de
fiducie est composée d'un chef fiduciaire, assisté de quatre
fiduciaires. Compte tenu des grandes qualifications que doit avoir un
fiduciaire, le recrutement est difficile et la période
d'entraînement est longue. Il manque actuellement un fiduciaire pour
compléter deux unités. L'expérience vécue de ce
type d'administration s'est avérée très fructueuse et
bénéfique pour les malades mentaux.
Si on peut faire une revue au 24 avril, en provenance de 69 centres
hospitaliers, nous avions des biens sous gestion pour 11,500 malades mentaux,
1,100 successions vacantes et des biens sans maître au nombre de 69. Au
31 décembre 1973, pour neuf mois d'activité, puisque notre
année financière vient d'être modifiée pour finir
maintenant le 31 décembre, il y avait 14,769 dossiers actifs, et durant
cette période, 2,041 dossiers ont été ouverts et 1,393 ont
été fermés, soit une manipulation totale de 18,203
dossiers.
Il est de l'intention du curateur public d'instaurer, si possible au
cours de l'année, une succursale dans la ville de Québec, ce qui,
je pense, fera plaisir au député de Jean-Talon; celle-ci serait
dotée d'une unité complète de fiducie avec son personnel
de soutien, ainsi que d'un entrepôt pour les meubles meublants et effets
personnels. Cette succursale grouperait l'administration des dossiers provenant
des centres hospitaliers de la région de Québec, du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, ainsi que du bas du fleuve.
Nos statistiques révèlent qu'un peu plus de 4,000 dossiers
sont actuellement en provenance de ces trois régions.
En ce qui concerne les biens sans maître, le curateur public est
d'office l'administrateur provisoire de ces immeubles et il a établi
comme politique que, lorsqu'ils lui sont dévolus, le prix de vente est
fixé en fonction de leur destination. Pour une destination commerciale
ou industrielle, le prix est fixé en fonction de la valeur
réelle. Si une destination est d'ordre résidentiel, le prix est
établi en fonction des honoraires minimaux prévus aux tarifs, en
tenant compte de l'ouverture et de la fermeture d'un dossier ainsi que de
l'étude des titres s'y rapportant.
Avant l'entrée en vigueur de la loi, nous avions prévu un
système théorique qui permettrait d'obtenir beaucoup de
renseignements sur la gestion des curateurs privés et tuteurs, pour
autant que ces derniers répondaient d'une façon complète
au questionnaire qui leur était expédié. Une fois ce
système en opération et la loi en vigueur, nous nous sommes
aperçus que nos prévisions étaient beaucoup trop
optimistes, puisque les curateurs privés et tuteurs en fonction ne
répondaient pas d'une façon complète, si toutefois ils
répondaient.
Vu cet état de fait, nous avons redéfini les informations
nécessaires pour que la surveillance des curateurs privés et
tuteurs soit efficace. Nous pouvons dire qu'actuellement le tout est sous
contrôle.
Pour vous donner une idée, au 17 mai 1964, il y avait environ
5,000 curateurs privés et 22,000 tuteurs, pour un total de 27,000. Du
1er juin 1973 au 31 décembre 1973, nous avons reçu 1,400 rapports
annuels provenant de ces 27,000 curateurs et tuteurs.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi, nous avons
procédé à six destitutions pour cause
d'infidélité, soit quatre curateurs privés et deux
tuteurs. Huit autres cas sont sous étude spéciale
présentement. Compte tenu de l'effectif autorisé au
présent budget, nous ajoutons à nos priorités ce qui suit:
Effectuer des rappels à toute personne nommée ne produisant pas
son inventaire du début; faire un rappel également dans les cas
des rapports financiers annuels qui ne nous sont pas retournés;
vérifier le rapport annuel de tout tuteur dont l'administration de ses
biens est supérieure à $25,000.
C'est là l'essence du rôle de la Curatelle publique du
Québec et de ses responsabilités puisqu'elle se limite à
trois champs d'activités, et je suis disposé à
répondre aux questions que pourraient avoir à poser les membres
de cette commission.
M. MORIN: J'aimerais d'abord demander au ministre d'Etat le montant de
l'actif de la curatelle au 31 mars 1974. Je ne crois pas qu'il l'ait
mentionné dans son rapport.
M. PARENT (Hull): Je puis donner au chef de l'Opposition les chiffres au
31 décembre 1973 puisque j'ai souligné, justement, que
l'année financière est modifiée. J'ai les chiffres au 31
mars 1973. J'ai également les chiffres au 31 décembre 1973.
M. MORIN: J'ai déjà les chiffres pour le 31 mars 1972:
$19,231,000, et au 31 mars 1973 je ne sais pas si ce sont les
mêmes chiffres que ceux du ministre d'Etat $24,380,000. Si le
ministre veut me donner les chiffres au 31 décembre 1973, cela me
convient tout aussi bien.
LE PRESIDENT (M. Brisson): J'en profite pour souligner les changements
suivants: M. Giasson, député de Kamouraska, remplace M.
Lévesque, député de Bonaventure, et M. Le-cours,
député de Frontenac, remplace M. Malé-part,
député de Sainte-Marie.
L'honorable ministre.
UNE VOIX: M. Giasson a-t-il changé de comté?
LE PRESIDENT (M. Brisson): Montmagny-L'Islet, je m'excuse.
M. PARENT (Hull): Au 31 décembre 1973, les fonds sous gestion
étaient de $29,178,559.
M. MORIN: Bien. Ceci représente l'actif qui est sous
l'administration directe, n'est-ce pas, de la curatelle.
M. PARENT (Hull): Absolument.
M. MORIN: Est-ce que le ministre a une idée de l'ampleur des
fonds qui tombent sous la surveillance de la Curatelle publique? Je me
réfère, pour être plus précis, M. le ministre,
à tous ces dossiers de tuteurs et de curateurs privés qui tombent
désormais sous votre surveillance en vertu de la nouvelle loi de
1972.
M. PARENT (Hull): Mais les tuteurs et les curateurs privés ne
sont pas incorporés à l'actif que je viens de souligner au
député de Sauvé.
M. MORIN: Je sais.
M. PARENT (Hull): Selon les renseignements que nous possédons
jusqu'à maintenant, comme je l'ai souligné dans mon exposé
tout à l'heure, il y a 27,000 dossiers de curateurs privés et de
tuteurs.
M. MORIN: Oui, c'est ce que vous avez dit il y a un instant.
M. PARENT (Hull): Actuellement, nous avons les informations sur 7,000
puisque nous en avons encore 20,000 dont on n'a pas l'inventaire du
début ou les rapports financiers,
mais pour les 7,000 que nous avons sous contrôle et sous
surveillance, ce sont des actifs de $41 millions.
M. MORIN: C'est une somme considérable, même plus
considérable que celle qui tombe sous votre administration directe.
Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer pourquoi, après deux ans,
presque deux ans maintenant que la nouvelle loi est entrée en vigueur,
il n'a encore réussi à rejoindre que 7,000 tuteurs ou curateurs
privés sur un total de 27,000? Qu'est-ce qu'il a l'intention de faire
pour rejoindre tous ces dossiers?
M. PARENT (Hull): D'abord, la loi est entrée en vigueur le 1er
juin 1972. Nous n'avions pas le personnel requis au moment de l'entrée
en vigueur de la loi. Depuis le 1er avril dernier, nos effectifs ont
été augmentés de 50.
Il nous a fallu, au cours de l'année 1972/73, faire la cueillette
des données dans tous les palais de justice pour obtenir copie des
jugements à l'endroit des mineurs. Puisque les tuteurs sont
nommés par des conseils de famille, il nous a fallu avoir la
collaboration du ministère de la Justice pour tous ces palais de justice
afin d'obtenir copie des ordonnances et copie des dossiers qui pouvaient
être constitués en tutelle. La cueillette a été
passablement longue. Maintenant, nous avons des arrangements avec le
ministère de la Justice et chacun des bureaux dans les districts
judiciaires pour qu'au fur et à mesure que les jugements sont rendus
nous en obtenions des copies.
Aussitôt la cueillette des données complétée,
nous avons commencé à envoyer des avis à ceux qui avaient
été désignés comme tuteurs et curateurs. Je n'ai
pas besoin de vous dire que les réponses ne se sont pas faites
succinctement. Il a fallu faire des rappels et nous en sommes encore à
faire des rappels auprès de plusieurs qui ne rendent pas compte, qui
n'ont même pas soumis leur inventaire au moment où la tutelle a
été désignée comme telle par la cour
Supérieure, et nous devons faire des démarches. Avec l'addition
du personnel actuelle, nous sommes dans l'obligation soit de procéder
par courrier, soit, si nous n'avons pas réussi par courrier, de faire
des appels téléphoniques, d'intervenir auprès des familles
en question qui ont désigné le tuteur, pour nous permettre
d'obtenir les renseignements nécessaires.
M. MORIN: Est-ce que vous avez le pouvoir de vous adresser aux tribunaux
pour contraindre un tuteur ou un curateur privé récalcitrant?
M. PARENT (Hull): Oui, nous l'avons fait, je l'ai souligné tout
à l'heure, nous en avons fait destituer pour mauvaise
administration.
M. MORIN: Je veux dire pour les forcer à soumettre leur
rapport.
M. PARENT (Hull): En vertu de l'article 31, nous avons ces pouvoirs.
M. MORIN: Est-ce que vous les avez utilisés pour forcer certains
tuteurs et curateurs à soumettre des dossiers, à faire
rapport?
M. PARENT (Hull): II y a eu huit cas jusqu'à maintenant. Il y en
a huit autres à l'étude.
M. MORIN: Ce sont les destitutions.
M. PARENT (Hull): Oui. Comme me dit le curateur, si nous voulions
procéder en vertu de l'article 31, on pourrait en destituer 20,000
demain matin. Mais cela ne réglera pas le cas des biens qui sont sous
tutelle. Nous essayons, autant qu'il peut se faire, de conserver au moins le
patrimoine qui appartient à ces mineurs.
M. MORIN: Je comprends.
M. PARENT (Hull): Nous éprouvons même de grandes
difficultés dans l'administration des 7,000 dossiers que nous avons,
à savoir l'utilisation, par le tuteur, d'argent qui appartient au
pupille.
M. MORIN: II était grand temps que cette modification soit
apportée à la loi, parce que c'est un domaine où il y a
toujours eu énormément d'abus. Je veux que le ministre comprenne
que je ne suis pas en train de contester le pouvoir de surveillance de la
Curatelle publique. J'essaie simplement de savoir si elle a été
efficace et ce que vous avez l'intention de faire pour élargir votre
surveillance au-delà des 7,000 dossiers qui sont déjà
tombés sous votre surveillance.
M. PARENT (Hull): Comme je le disais tout à l'heure au chef de
l'Opposition, nous avons maintenant du personnel en place. J'ai
souligné, dans mon exposé, que ce personnel est long à
former parce qu'il s'agit d'un travail assez délicat, il s'agit d'un
travail d'approche; il y a des enquêtes même avec le nouveau
personnel que nous avons acquis à conduire dans les dossiers qui
sont déjà sous notre juridiction. Il est beau de vouloir
rechercher à obtenir tous les dossiers qui tombent sous notre
surveillance mais pour autant, quand on remarque que sur 7,000 dossiers
actuels, il y a des actifs de $41 millions, on peut s'imaginer que le curateur
public est d'office dans l'obligation de désigner des enquêteurs
continuellement pour vérifier la garde des biens qui sont
constitués et qui sont sous la maîtrise du tuteur ou du
curateur.
M. MORIN: Quand vous dites que vous avez de nouveaux employés, M.
le ministre, l'année dernière, selon votre rapport, vous en aviez
108 qui étaient affectés à l'administration directe. Le
personnel serait donc d'environ 150 en ce moment?
M. PARENT (Hull): Nos effectifs autorisés actuellement sont de
158 employés, mais on m'informe que, en place, nous n'en avons
présentement que 101. Nous sommes en période de recrutement.
M. MORIN: Vous avez moins d'employés que l'année
dernière?
M. PARENT (Hull): II y en avait 92 l'an dernier; 108 étaient les
effectifs autorisés.
M. MORIN: Autorisés?
M. PARENT (Hull): C'est ça; 92 étaient en place. Au moment
où je vous parle, il y en a 158 autorisés, il y en a 101 en
place.
M. MORIN: Bon. Mais je vois très bien les problèmes de
recrutement qui se posent au ministre.
M. PARENT (Hull): C'est à Montréal.
M. MORIN: II a ma sympathie là-dessus. Oui. Est-ce que le
ministre pourrait nous dire combien, sur les 101 qui sont en place, sont
à l'administration directe et combien sont à la surveillance?
M. PARENT (Hull): II y en a cinq qui sont à la surveillance et
les 96 autres sont à l'administration. Mais à l'administration,
il y a six enquêteurs-vérificateurs qui travaillent dans les deux
sections.
M. MORIN: Je vois. Donc, vous avez un personnel d'une dizaine de
fonctionnaires qui travaillent à la surveillance !
M. PARENT (Hull): A la surveillance.
M. MORIN: Le ministre admet, je pense, et ce n'est pas un peu...
M. PARENT (Hull): II ne faudrait pas se méprendre, par ailleurs,
le personnel de secrétariat agit également...
M. MORIN: Pour les deux.
M. PARENT (Hull): ... pour les deux, puisque les lettres que nous
faisons parvenir aux tuteurs et aux curateurs, ce travail est fait par le
personnel de secrétariat. Quand on dit que cinq sont
définitivement rattachés à la section de surveillance, il
y a deux professionnels et trois agents-vérificateurs qui sont
rattachés à cette section pour le moment, il y a les six
enquêteurs-vérificateurs qui travaillent dans les deux sections,
et le personnel de secrétariat qui s'occupe également des deux
sections.
M. MORIN: Est-ce que le ministre peut nous dire que, d'ici
l'année prochaine, un effort particulier sera fait pour que le pouvoir
de surveillance devienne vraiment efficace, non pas seulement sur 7,000
dossiers, mais sur les 27,000 cas de tutelle et curatelle privée qui
existent?
M. PARENT (Hull): Sur les effectifs que nous avons obtenus, nous
tenterons de réussir l'objectif qui est d'avoir 41 employés
affectés à la surveillance, au lieu de cinq. Mais comme je l'ai
souligné tout à l'heure, le recrutement est très
difficile, nous avons des concours ouverts pour tenter de recruter du personnel
compétent.
Mais on comprendra qu'il s'agit de professionnels pour la plupart, des
agents vérificateurs, pour effectuer une tâche semblable,
puisqu'il s'agit d'étudier les biens de la gestion des biens.
M. MORIN: C'est une tâche très spécialisée.
Est-ce que le ministre peut nous donner une idée des salaires qui sont
affectés à ce genre d'emploi de vérificateur?
M. PARENT (Hull): Entre $6,000 et $11,000 pour les agents
vérificateurs; la moyenne, actuellement, est de $8,500. Pour les
professionnels, c'est de $11,000 à $18,000, selon l'expérience.
C'est selon les conventions collectives.
M.MORIN: Oui, je ne m'étonne pas outre mesure que le ministre ait
de la difficulté à recruter, parce que ce n'est certainement pas
le type d'échelle de salaires qui va attirer les gens compétents.
Ils ont passablement d'ouvertures aujourd'hui. C'est peut-être là
l'une des difficultés du ministre.
M. PARENT (Hull): Si on veut ouvrir le débat sur les conventions
collectives, c'est une autre affaire, mais nous sommes liés actuellement
par les conventions collectives.
M. MORIN: Non, ce n'est pas mon intention. Je voulais simplement
souligner au ministre que je ne m'étonne plus maintenant qu'il ait de la
difficulté à trouver du personnel compétent.
Est-ce que je pourrais maintenant attirer...
M. GARNEAU: Les députés gagnent $15,000. Est-ce qu'on doit
tirer la même conclusion?
M. MORIN: Les vérificateurs et les professionnels sont beaucoup
plus occupés que les députés, surtout dans l'actuelle
Assemblée.
M. GARNEAU: C'est ce que vous pensez?
LE PRESIDENT (M. Brisson): Je regrette, mais on ne peut pas faire un
débat là-dessus.
M. MORIN : Oui, je vois que c'est encore un autre débat, M. le
Président, auquel...
M. PARENT (Hull): Je peux dire au chef de l'Opposition que
c'était beaucoup plus payant, dans mon cas, d'être dans la
pratique privée comme comptable agréé que d'être
ici.
M. MORIN: Oui. Dois-je comprendre, M. le Président, étant
donné que le sujet du salaire des députés naît
à cette commission, ce matin, que c'est un sujet qui relève de la
tutelle et de la curatelle? Je crois que cela pourrait faire
éventuellement l'objet d'un bon débat en Chambre. Nous avons
déjà élargi la tutelle et la Curatelle publique à
l'égard des juges l'automne dernier.
M. PARENT (Hull): Et l'étendre pour que j'aie la juridiction sur
les députés aussi.
M. MORIN: Je pense que le député de Hull a
déjà juridiction sur un morceau de territoire suffisant comme
cela.
M. PARENT (Hull): Est-ce que cela vous ferait craindre?
M. GARNEAU: D'ailleurs on l'appelle la principauté de Hull.
M. MORIN: Oui, avec, entre parenthèses, CCN.
M. GARNEAU: Entre parenthèses, M. Parent.
M. MORIN: Bien. M. le Président, si on pouvait maintenant jeter
un coup d'oeil sur le rapport du Protecteur du citoyen, son quatrième
rapport annuel. Il y avait là certaines constatations sur lesquelles
j'aimerais que le ministre nous fasse des commentaires.
Le Protecteur du citoyen souligne qu'à la suite de
l'entrée en vigueur de la nouvelle loi de la Curatelle publique, et
avant que la réorganisation administrative requise par l'extension des
responsabilités n'ait pu être mise en place, il y a eu un
très grand nombre de protestations à la suite de ce que le
protecteur appelle des gestes hâtifs et mal planifiés. Ces
protestations, dit-il, étaient bien légitimes dans les
circonstances. Il était, sans doute, compréhensible qu'on ait mal
réagi, et qu'aient mal réagi, dis-je les tuteurs et curateurs
privés soumis au pouvoir de contrôle du curateur, après
avoir reçu, sans explication, des avis laconiques qui les sommaient de
se conformer aux exigences de la nouvelle loi, en complétant une fiche
d'enregistrement accompagnée d'honoraires de $15 et d'un inventaire,
attesté par notaire, des biens gérés.
Est-ce que le ministre peut commenter ce passage du rapport du
Protecteur du citoyen et nous dire ce qui a été fait pour
corriger cette critique?
M. PARENT (Hull): M. le Président, je dois dire que, dès
que ces propos ont été portés à mon attention, j'ai
donné instruction au curateur public d'exiger et de continuer à
exiger les rapports d'inventaires des tuteurs et des curateurs, mais, dans les
cas où les montants étaient minimes, comme il y a eu des plaintes
qui ont été portées à mon attention personnelle,
où il y avait des montants de $200 et de $500, nous exigeons quand
même la production du rapport, mais nous avons éliminé les
honoraires pour tout montant sous tutelle ou sous curateur privé de
$1,000 et moins. Nous n'exigeons plus les honoraires puisque, dans la loi, il
était permis au curateur, dans certains cas, d'éliminer les
honoraires. Nous avons pris l'attitude que, pour les inventaires et la remise
des rapports annuels où il était requis des honoraires pour les
montants de $1,000 et moins, nous n'exigeons plus les honoraires. Mais nous
exigeons quand même la production du rapport, puisqu'il s'agit de
montants qui appartiennent à des mineurs ou à des personnes
malades.
M. MORIN: Bien! Pour le reste, j'imagine que la critique qui se trouve
dans le rapport du Protecteur du citoyen tient surtout, comme le ministre l'a
expliqué, à l'absence d'effectifs.
M. PARENT (Hull): Oui. Le Protecteur du citoyen avait raison dans
quelques cas où il y a eu des demandes. On comprendra facilement, par
ailleurs, que les tuteurs ou les curateurs qui sont nommés, qui sont
astreints souvent à des contraintes, soient lésés ou se
croient lésés au moment où ils reçoivent une
demande du curateur public d'avoir à soumettre un inventaire en suivant
les procédures énumérées, et cela cause
peut-être des problèmes dans l'opinion de ces curateurs ou de ces
tuteurs, auxquels ils n'auraient pas dus être sujets, à cause de
leur nomination.
Mais il reste quand même que le curateur d'office doit assurer la
protection des biens de ces mineurs et des personnes sous curatelle pour
permettre de faire l'appréciation. Il est impossible de faire
l'appréciation d'une tutelle ou d'une curatelle sans avoir la
déclaration sur les inventaires, si nous ne possédons pas les
renseignements dans le domaine, par exemple, des curateurs privés. Il
s'agit de biens qui sont inconnus. Quand il s'agit d'une tutelle pour un
mineur, la plupart du temps les renseignements sont connus, puisque, par le
jugement qui a été rendu, comme dans une cause d'accident
où il y a eu des dommages payés à un mineur, nous
connaissons l'étendue ou la valeur de la tutelle. Mais dans le cas des
curateurs, nous ne connaissons pas la valeur. Il peut arriver, à
l'occasion, que nous demandions et je pense que cela est justifié
à un curateur privé de nous soumettre un inventaire et
que, prétendant que le patient ou le malade pour lequel il agissait
comme curateur n'avait aucun bien, il disait à ce moment-là:
Pourquoi suis-je obligé de faire un rapport ou de me soumettre à
une loi, quand je suis nommé d'office? Dans les circonstances, il
n'y a peut-être pas de biens ou, s'il y a quelque chose, ce sont
les meubles de la maison.
Or, nous ne connaissions pas l'étendue. Il est vrai qu'il nous
fallait faire la demande, mais aussitôt que la valeur des biens qui sont
sous curatelle a été portée à notre connaissance
à partir de là il a été possible de prendre des
décisions.
Mais j'admets avec le Protecteur du citoyen que la formulation qui a
été transmise était peut-être laconique comme telle
là où on demandait la remise d'un rapport d'inventaire
dûment signé par un notaire ou, dans d'autres cas, dûment
signé par un vérificateur pour nous permettre de faire
l'appréciation.
M. MORIN: Bien, merci, M. le ministre. Est-ce que je pourrais maintenant
vous demander, étant donné que vous avez maintenant $29 millions
et plus sous administration directe, comment ces biens son placés?
M. PARENT (Hull): Quand il s'agit de biens sous la gestion de la
curatelle, quand il s'agit de biens appartenant à des personnes, nous
n'avons pas le pouvoir de changer la nature ou la destination des biens qui
nous sont confiés. On constatera dans l'état financier
d'ailleurs, j'aurai l'occasion de déposer ce document incessamment
par exemple, que les obligations sont les plus importants articles que
nous avons sous tutelle. Or, à moins que ces obligations ne viennent
à échéance, nous sommes dans l'obligation de les conserver
parce qu'elles sont le bien d'individus. Dans les $29 millions, nous avons pour
$23,426,731 en obligations. Nous ne pouvons pas à ce moment faire de
placements à même ces montants d'argent, à moins que les
obligations ne viennent à échéance et, à ce moment,
elles font partie du portefeuille de la curatelle pour l'individu, dans son
compte, et au moment où ces obligations sont converties en argent, c'est
le rôle de la curatelle de les placer dans un fonds collectif.
M. MORIN: C'est cela.
M. PARENT (Hull): Et l'intérêt est versé au compte
de l'individu.
M. MORIN: Oui.
M. PARENT (Hull): Par exemple, l'an dernier, nous avons un rendement sur
le portefeuille...
M. MORIN: L'an dernier, c'était 8.28 p.c
M. PARENT (Hull): Le taux de distribution, pour l'année 1973, a
été de 8.36 p.c.
M. MORIN: Donc, plus que l'an dernier, mais un peu moins qu'en 1972
alors que le taux de rendement était de 8.5 p.c. C'est cela?
M. PARENT (Hull): Actuellement, il est de 8.36 p.c, mais je voudrais
faire remarquer au chef de l'Opposition que nous n'avons pas la mobilité
de faire le placement. Or, le rendement est effectif selon le portefeuille de
chaque individu.
M. MORIN: Oui.
M. PARENT (Hull): Si on considère que le taux
d'intérêt est à la hausse, la curatelle, comme telle, ne
peut pas se prévaloir du marché à la hausse, à
moins qu'elle n'ait de disponibilités liquides.
M. MORIN: De toute façon, ne devez-vous pas avoir une partie de
votre portefeuille en liquide ou en actif réalisable à court
terme pour pouvoir répondre à des demandes
particulières?
M. PARENT (Hull): II y a une réserve de $200,000 en
liquidité que nous conservons continuellement. Mais, comme je viens de
l'exposer, la liquidité provient des individus, s'il y a
liquidité. Nous essayons de garder continuellement $200,000 en
liquidité pour nous assurer de faire face à des demandes qui nous
arrivent, là où, dans l'exercice de notre fonction, il y a des
réparations qui s'imposent, par exemple, à des
propriétés qui sont sous notre gestion...
M. MORIN: Oui. C'est à cela que je pensais justement.
M. PARENT (Hull): ... des ouvertures, des problèmes de robinets.
Il y a des problèmes qui s'imposent. A ce moment, la curatelle doit y
pourvoir, et dans le service que nous donnons à nos administrés,
si nous n'avons pas de liquidité dans un des dossiers, nous
avançons l'argent par le fonds général.
M. MORIN: Je vois. Quel type d'obligations avez-vous sous votre
garde?
Est-ce que ce sont des obligations du Québec, des
municipalités, des commissions scolaires, des hôpitaux
peut-être, des obligations du Canada?
M. PARENT (Hull): Ce serait assez difficile de faire une nomenclature de
la variété des placements de chaque individu. Il y a des actions,
il y a des obligations des municipalités, de communautés
religieuses, d'épargne du Canada et des actions de Bell Canada; il y a
des actions de toutes les compagnies imaginables.
M. MORIN: L'année dernière, M. le ministre, vous aviez dit
que les placements étaient exclusivement des placements au
Québec. Est-ce que c'est toujours le cas?
M. PARENT (Hull): Quand il s'agit du fonds liquide qui est sous gestion
à la curatelle par la liquidité des différents individus,
à ce moment, nous limitons nos investissements pour le portefeuille que
nous avons à gérer...
M. MORIN: Je vois.
M. PARENT (Hull): ... à des obligations du Québec:
municipalités, commissions scolaires et hôpitaux.
M. MORIN: De sorte que pour les autres obligations, environ $23
millions, vous avez toute la gamme possible des placements financiers?
M. PARENT (Hull): La gamme complète.
M. MORIN: Bien, j'ai compris. M. le ministre, est-ce qu'il serait
possible d'obtenir la liste des courtiers et la répartition entre eux
des placements effectués au cours de la dernière année? Je
vais vous demander tout simplement qui sont les courtiers avec lesquels la
Curatelle publique fait affaires. Qui vous conseille dans vos placements?
M. PARENT (Hull): Le comité de gestion de la curatelle pour les
placements est constitué de M. Lussier, M. Forgues, M. Desjardins, des
trois qui sont ici.
M. MORIN: Oui.
M. PARENT (Hull): Ils ont l'aide du responsable du placement à la
curatelle, M. Claude Vary, la Banque provinciale du Canada, Geof-frion et
Gélinas, Crang et Ostiguy, René T. Leclerc, Levesque,
Beaubien.
M. MORIN: Dominion Securities aussi?
M. PARENT (Hull): Non. Je pense que si le chef de l'Opposition regarde
le portefeuille sous administration nominative, il constatera que nous avons
des obligations pour $1,927,700. Je pense que ce n'est pas ce qu'il y a de plus
gros en portefeuille. Les placements que nous avons effectués, cela ne
se fait pas tous les jours. Nous avons sous gestion au 31 décembre 1973,
$1,927,000 d'obligations. Je pense qu'avec le comité consultatif que
nous avons à la curatelle et les quelques courtiers qui peuvent nous
indiquer des placements, le choix étant limitatif aux obligations du
Québec, à Hydro-Québec, aux commissions scolaires, aux
municipalités, aux hôpitaux, le champ n'est pas tellement vaste.
Je pense qu'il n'y a pas tellement de chances à ce moment qu'il y ait
des placements de faits qui soient à l'encontre de nos
intérêts.
M. MORIN: Non, j'imagine. Est-ce que je pourrais quand même
demander au ministre, peut-être, de déposer la liste et la
répartition des placements effectués au cours de la
dernière année entre ces divers courtiers?
M. PARENT (Hull): On va préparer le document et on le
déposera.
M. MORIN: Bien. Vous avez droit, je crois, de placer jusqu'à 5
p.c, n'est-ce pas? C'est bien cela, 5 p.c. en actions?
M. PARENT (Hull): Nous sommes régis par le code civil à
l'article 981 o).
M. MORIN: Oui, je vois. Est-ce que je pourrais demander au ministre
pourquoi il ne fait pas gérer ce portefeuille par la Caisse de
dépôt? Je pense aux accidents du travail, la Régie des
rentes.
M. PARENT (Hull): Je n'ai pas objection à étudier la
question, mais à cause du fait que nous sommes limitatifs dans la
catégorie de placements où nous réservons l'argent que
nous avons à placer, il est assez difficile d'aller dans un fonds
collectif comme celui de la Caisse de dépôt ou ailleurs où
les fonds sont placés dans un marché beaucoup plus vaste que le
nôtre. Nous sortirons, à ce moment-là, de la contrainte
dans laquelle nous sommes actuellement d'avoir des obligations du
Québec, hôpitaux, municipalités et commissions
scolaires.
M. MORIN: Oui.
M. PARENT (Hull): Nous restons dans un champ d'activité
très limité. Si nous sortons de ce champ vers la Caisse de
dépôt, notre argent est beaucoup plus attaché, dans un
marché beaucoup plus disparate que celui dans lequel nous
évoluons.
M. MORIN: Est-ce que le ministre, tout de même, a
étudié la chose de près au cours de l'année
écoulée? Parce que l'année dernière, lors de
l'étude de ses crédits, le ministre avait déclaré
qu'il retiendrait la suggestion et en discuterait avec M. Lussier.
M. PARENT (Hull): Oui, nous en avons discuté au cours de
l'année, mais le montant que nous avons à placer a pu
représenter au cours de l'année $300,000 ou $400,000. Qu'on
regarde le montant au 31 mars, il était de $1,963,000, il est
aujourd'hui de $1,927,000. Il n'y a pas tellement d'évolution à
cause du portefeuille de nos administrés, comme je l'ai dit tout
à l'heure, nous n'avons pas de liquidité comme telle. Nous devons
attendre la date des obligations ou des actions privilégiées que
nos administrés ont pour obtenir une certaine liquidité. En
somme, annuellement, le montant que nous avons à placer peut varier de
$100,000 à $500,000 par année. Je pense que ce serait
plutôt de créer divers embarras à la curatelle que d'aller
s'adjoindre, comme vous l'avez souligné, la Caisse de dépôt
pour agir pour nous. Nous avons recours aux mêmes courtiers dans
l'ensemble que la Caisse de dépôt, mais étant donné
notre limitation du marché et le montant peu élevé des
placements effectués, nous avions convenu, le curateur et moi, que nous
n'avions pas à modifier tellement notre formule, mais nous la tenions
quand même sous
observation advenant que nous pourrions avoir éventuellement des
liquidités beaucoup plus grandes que celles que nous avons
présentement.
M. MORIN: J'imagine que, dans les discussions qu'il a eues avec le
responsable de la Curatelle publique, le ministre a pu se référer
au rapport du comité d'étude sur les institutions
financières, rapport de 1969, dans lequel il était dit ceci
à la page 235: "On peut songer à accroître les dimensions
de la Caisse de dépôt de deux façons. En premier lieu, il
serait utile que le gouvernement centralise à la caisse tous les fonds
de placement qu'il gère lui-même ou qu'il laisse gérer par
ses agences ou par des sociétés d'Etat".
M. PARENT (Hull): II faudrait bien comprendre qu'il ne s'agit pas des
biens de l'Etat. H s'agit des biens des individus.
M. MORIN: Oui, mais vous en faites la gestion.
M. PARENT (Hull): On en fait la gestion pour les individus. Il ne s'agit
pas de fonds de l'Etat.
M. MORIN: J'ai bien saisi, mais vous gérez, au nom de l'Etat, des
biens qui appartiennent à des individus, à des particuliers.
M. PARENT (Hull): Nous gérons leur portefeuille, leurs biens.
M. MORIN: Mais je crois que...
M. PARENT (HuU): Nous n'avons pas de mobilité comme telle. On
voit ici qu'au 31 décembre nous avons en valeur marchande d'automobiles
$64,706. Ce sont des biens qui appartiennent à des individus et non
à l'Etat, comme je l'ai souligné, mais nous sommes liés
passablement par la question de l'individu qui entre en ligne de cause. Nous ne
pouvons pas mettre en commun ces biens. Nous sommes obligés de faire la
gestion dans un compte individuel comme un fiduciaire le ferait pour son
client.
Le nombre de nos clients, je l'ai souligné tout à l'heure,
est de 14,000 qui constituent l'actif de $29 millions. Je pense qu'à ce
moment-là, avec les restrictions que nous sommes dans l'obligation
d'agréer, notre champ d'activité est de beaucoup
limité.
M. MORIN: Oui. Est-ce que le ministre pourrait examiner encore cette
question et peut-être nous faire part d'une décision
l'année prochaine, aux prochains crédits, sur cette question de
la Caisse de dépôt et placement du Québec?
M. PARENT (Hull): Oui, on va faire faire une évaluation de la
caisse que nous avons sous administration nominative pour considérer
l'ampleur et si, à ce moment-là, nous envisagions peut-être
d'étendre notre éventail de placements, faudra-t-il modifier la
structure actuelle, mais je n'ai pas objection à ce que nous puissions
l'envisager de cette façon en considérant les valeurs
impliquées et les modalités qui pourraient s'ensuivre.
M. MORIN: Bien. Pour ce qui est des curateurs privés, des tuteurs
qui tombent sous la surveillance de la Curatelle publique, le ministre avait
déclaré l'an dernier à la page B-1496 des
Débats que, parmi les dossiers qui étaient
déjà en la possession de la curatelle, il serait en mesure,
à l'étude des prochains crédits c'est-à-dire
cette année d'évaluer, d'apprécier la gestion des
curateurs privés ou des tuteurs. Est-ce que le ministre pourrait nous
donner, tout d'abord dans les grandes lignes, les conclusions de cette
évaluation qu'il a entreprise?
M. PARENT (Hull): Depuis deux mois, notre système d'informatique
est en marche. C'était ce que nous envisagions l'an dernier. Le centre
de traitement électronique du ministère des Finances, je l'avais,
je pense, mentionné au cours de l'étude des crédits...
M. MORIN: Oui, vous aviez dit l'année dernière que la
mécanisation était complétée, que vous étiez
prêt à fonctionner.
M. PARENT (Hull): Oui, nous sommes en marche d'une façon pratique
depuis deux mois. Nous avons, comme je l'ai dit tout à l'heure, avec le
système, les 7,000 dossiers sur lesquels nous avons déjà
des données qui représentent des biens sous gestion de $41
millions. Nous avons pu faire une appréciation au cours de
l'année de certains dossiers qui nous étaient parvenus. C'est de
là que nous avons pu prendre des procédures pour faire destituer
le tuteur ou le curateur pour qu'il n'intervienne pas dans certains dossiers
qu'il n'est pas dans l'intérêt public de souligner, mais des
dossiers assez gigantesques de biens appartenant à des mineurs,
où nous sommes intervenus sur la façon d'administrer ou de
gérer le portefeuille ou les biens de ces mineurs qui reçoivent
des revenus assez substantiels. Je connais le cas particulier d'un artiste,
où nous sommes intervenus afin qu'un comptable soit nommé pour
agir comme tuteur et voir à la gérance des biens. Nous avons
intenté des procédures dans d'autres cas pour obtenir les
destitutions et des nominations parce qu'il y avait mauvaise gestion. Nous
avons actuellement huit cas qui sont sous étude spéciale à
cause de dilapidation des biens, les biens étant disparus.
Je pense, entre autres, à un cas qui m'a été soumis
récemment. Il s'agit de la disparition de $45,000 qui appartenaient
à un mineur dont le tuteur a fait des mauvais placements et a perdu
l'argent. Nous serons probablement dans l'obligation de faire une
réclamation au tuteur. Il y a des abus qui ont été commis
dans d'autres cas; nous sommes actuellement à compléter les
études au point de vue comptable et au point de vue juridique pour
déterminer, s'il y a lieu, d'intenter des poursuites contre ceux qui ont
été destitués ou ceux dont nous sommes sur le point de
demander la destitution.
Mais le fait que nous ne soyons pas plus avancés, et même
si nous avons déjà 7,000 dossiers sur lesquels nous
exerçons une surveillance complète, il reste quand même que
c'est au moment de la production des états financiers annuels que l'on
peut se rendre compte de l'évolution de la gestion d'un tuteur. Tant que
notre système d'enquête ne sera pas complété,
même si nous avons un dossier qui nous démontre que les actifs ont
évolué, il s'agit de savoir s'il y a d'autres actifs qui ne sont
pas montrés dans les états financiers. Est-ce qu'il y a eu des
opérations qui ont été lucratives ou qui ont
été à perte?
C'est cette expérience que nous voulons tenter maintenant avec
l'informatique, ce qui va nous permettre de voir l'évolution de chacun
des dossiers et nous permettre, comme on fait peut-être dans les cas
d'impôt sur le revenu, de déterminer les dossiers que nous
devrions avoir pour enquête.
M. MORIN: Le ministre a surtout mentionné les dossiers qui
créent des problèmes. Mais sur la tenue générale
des 7,000 cas de tutelle et de curatelle privée, quel est son
jugement?
M. PARENT (Hull): Sur les 7,000 cas que nous avons jusqu'ici, on
comprendra la procédure qui doit être suivie. En vertu de la loi,
il nous fallait d'abord obtenir l'inventaire ou, si on veut, le bilan de
départ. Sur les dossiers que nous avons, sur les 7,000, il est difficile
de porter un jugement pour l'instant, à savoir s'il y a bonne gestion.
Je pense que, dans l'ensemble, il y a une bonne gestion. Mais nous ne pouvons
l'affirmer parce que nous n'avons que 7,000 dossiers sur 27,000, nous ne
pouvons pas porter un jugement d'ensemble, à savoir qu'il y a une bonne
gestion de la part des tuteurs ou des curateurs.
Sur les 7,000, parmi les dossiers que nous avons pu apprécier, il
ressort que, dans 80 p.c. des cas, ce sont des bilans de départ.
L'année n'est pas écoulée où on doit soumettre les
rapports financiers. De ceux que nous avons examiné jusqu'ici, environ
1,300 dossiers, on peut dire qu'il semble y avoir une bonne gestion; des abus
seraient à rapporter peut-être dans une centaine de dossiers. Mais
cela ne permet quand même pas de porter un jugement d'ensemble sur les
27,000 dossiers dont nous n'avons pas la constitution présentement. Mais
sur les 7,000, nous serons certainement en mesure, d'ici les prochains mois, au
moment où l'année sera terminée et que nous aurons
l'état financier, de pouvoir porter un jugement définitif sur la
gestion. Jusqu'à maintenant, on peut dire qu'il y a une centaine de cas,
sur les 7,000, où nous sommes portés à avancer des
enquêtes pour déterminer la valeur de la gestion.
M. MERCIER: Est-ce que vous avez suffisamment de données pour
déterminer le rythme d'augmentation, d'une année à
l'autre, de nouveaux cas?
M. PARENT (Hull): C'est comme je l'ai souligné, jusqu'ici, nous
avons environ 1,300 dossiers sur lesquels on pourrait porter un jugement.
M. MERCIER: Non, mais de nouveaux dossiers qui s'ajoutent à
ceux...
M. MORIN: Les nouveaux curateurs privés, les nouveaux tuteurs,
c'est cela que vous voulez dire?
M. PARENT (Hull): Oui. Il y a, d'après les statistiques, environ
3,000 à 4,000 nouveaux tuteurs par année. Il s'agit de constituer
des dossiers par la première opération, c'est-à-dire la
déclaration des biens qui seront sous la gestion du tuteur. Or, pour ces
3,000 ou 4,000 cas qui s'ajoutent à tous les ans, c'est difficile. On
n'a qu'à regarder les jugements portés devant les tribunaux, sur
les accidents en particulier. Je pense que c'est là qu'on retrouve le
plus grand nombre de clients. Ce sont les accidents d'automobiles et il y a
alors des versements d'indemnités par les compagnies d'assurance,
à l'égard de mineurs. Dans bien des cas, même après
le jugement, il n'y a pas de conseil de famille pour désigner un
tuteur.
Nous sommes obligés d'intervenir à toutes ces
étapes pour faire respecter à ce moment-là d'une
façon tangible et protéger le bien du mineur qui a reçu
l'indemnité soit par son père, soit par un membre de la famille
qui agit en son nom. Mais il arrive assez souvent que le conseil de famille ne
se réunit pas pour désigner le tuteur et l'argent, à ce
moment-là, est laissé en dépôt.
M. MORIN: Cette question est intéressante. On pourrait
peut-être la poursuivre. Est-ce que je me trompe? Mais le protonotaire
doit aviser le curateur public de tout nouveau jugement de constitution de
tuteur ou de curateur.
M. PARENT (Hull): Oui. Cela a été le travail premier,
comme je l'ai dit tout à l'heure. Quand la loi est entrée en
vigueur, il nous a fallu communiquer avec tous les palais de justice pour nous
faire donner les jugements passés. Nous avons fait des ententes, comme
je l'ai souligné dans mon exposé, avec le ministère de la
Justice qui, maintenant, nous fait parvenir au fur et à mesure les
jugements qui sont rendus et cela nous permet d'entreprendre la
procédure
de gestion ou de surveillance immédiate dans chacun des cas.
M. MORIN: Vous avez dit que cela représente, pour l'année
dernière, 3,000 nouveaux cas?
M. PARENT (Hull): Selon l'évolution, nous constatons,
d'après les jugements, que ce sera 3,000 à 4,000 nouveaux cas par
année.
M. MORIN: Bien sûr. Il en disparaît probablement un certain
nombre chaque année, puisqu'il y a des mineurs qui deviennent majeurs et
ainsi de suite.
Dans les 3,000 cas, grosso modo, dont vous avez parlé au cours de
l'année qui vient de s'écouler, il y en a combien qui sont
tombés sous votre surveillance effective et il y en a combien qui vous
donnent du fil à retordre?
M. PARENT (Hull): Les nouveaux cas sont beaucoup plus faciles. Pour
l'immédiat, c'est instantané. On fait la demande dès que
le jugement est rendu, mais...
M. MORIN: L'habitude se prend.
M. PARENT (Hull): A ce moment-là, on comprend mieux
l'intervention du curateur pour son rôle de surveillance. La
difficulté qu'on éprouve, comme je l'ai dit tout à
l'heure, nous avons seulement 7,000 cas sur 27,000, c'est pour le passé.
On n'a pas été habitué à cette formule. On a fait
la gestion souvent, comme on dit en termes juridiaires en bon père de
famille, mais nous n'en avons pas connaissance. Tant que nous ne
connaîtrons pas ces 20,000 dossiers qui ne sont pas encore à notre
disposition parce que la loi disait, pour les cas existants, que le tuteur
devait se soumettre à faire une déclaration des biens qu'il avait
sous sa tutelle, c'est là qu'on éprouve la difficulté pour
le passé.
Pour le présent, nous obtenons une grande collaboration. Je pense
que le mécanisme, à la suite du jugement qui nous est transmis
par le protonotaire, fait énormément de bien, puisque, presque au
même moment, nous intervenons pour demander de nous faire une
déclaration des biens, mais nous connaissons, dans la plupart des cas,
par le jugement qui est rendu, quels sont les biens qui seront sous tutelle.
Nous avons le jugement qui détermine des frais et des
indemnités.
M. MORIN: Seulement une petite précision. Quand vous parliez des
7,000 dossiers qui sont déjà sous surveillance, vous avez dit que
c'étaient des dossiers antérieurs vous ai-je bien compris?
à l'entrée en vigueur de la loi ou cela comprend-il
également tous les nouveaux dossiers?
M. PARENT (Hull): Cela comprend également les nouveaux,
jusqu'à maintenant.
M. MORIN: C'est la somme totale, 7,000 dossiers.
M. PARENT (Hull): On me fournit une information ici selon laquelle, sur
les anciens, 6,000 avis que nous avions envoyés nous sont revenus pour
cause de mauvaise adresse.
M. MORIN: En effet, vous avez un travail considérable à
faire, ne serait-ce que pour dépister les tuteurs et les curateurs.
J'imagine que l'augmentation de vos effectifs va vous permettre de retrouver la
trace de tous ces biens qui sont perdus dans la nature, si je comprends
bien?
M. PARENT (Hull): Je pense que l'intérêt que nous
recherchons, depuis la mise en vigueur de la loi, c'est de rechercher les
nouveaux dossiers. Nous avons donné les avis à ceux qui
étaient déjà des tuteurs.
Nous faisons un travail assez gigantesque de ce côté dans
la recherche, mais disons que l'accent va beaucoup plus vers les nouveaux
dossiers, qui nous sont facilement accessibles, sans ménager, pour
autant, les efforts pour recouvrer les anciens dossiers. On comprendra que,
s'il y a eu jugement, par exemple, il y a dix ans pour un enfant mineur de dix
ans, dans certains cas, il peut arriver que l'enfant soit devenu majeur. A ce
moment, le tuteur ne vaut plus. Il reste, si on veut, à faire un certain
tri dont nous ne possédons pas les données, parce que dans les
jugements, la plupart du temps, dans les renseignements que nous avons, on ne
mentionne pas l'âge du mineur.
La même difficulté se retrouve chez les curateurs
privés. Au moment où un patient est déclaré malade
mental, incapable de gérer ses propres affaires, c'est un conseil de
famille, mais celui-ci, souvent, peut prendre un certain temps avant de se
former. Je l'ai souligné tout à l'heure, sur les 240 institutions
qui tombent sous notre juridiction maintenant, les institutions
hospitalières, 69 nous font des rapports. On éprouve encore,
même dans le domaine des curateurs privés, certaines
difficultés auprès des institutions hospitalières pour
nous permettre d'obtenir les renseignements au moment où le psychiatre a
déclaré un patient incapable de gérer ses biens.
M.MORIN: M. le ministre, depuis tout à l'heure, vous vous
référez à un document qui me paraît bien
intéressant. J'ai cru comprendre que vous vous apprêtiez à
le déposer ou que vous alliez le déposer dans les semaines qui
viennent. Ces chiffres que vous nous fournissez, depuis tout à l'heure,
est-ce que vous pouvez les déposer devant la commission?
M. PARENT (Hull): En vertu de la loi, je dois déposer, dans les
dix jours qui suivent le 30 juin, avant le 10 juillet, le rapport financier de
la Curatelle publique et également le rapport
des activités de la curatelle. Nous sommes à
préparer le document et il sera déposé avant la fin de la
présente session. Il comprendra toutes les données de
l'administration et de la gestion de la Curatelle publique.
M. MORIN: Pouvez-vous nous dire, M. le ministre, si, au cours de
l'année écoulée, on a versé au ministère des
Affaires sociales des contributions pour les patients en
établissement?
M. PARENT (Hull): Nous n'avons versé aucune somme d'argent au
ministère des Affaires sociales pour les frais d'hébergement.
Nous attendons le dépôt des règlements du ministère
des Affaires sociales en cette matière.
M. MORIN: Je voudrais maintenant aborder une autre question, M. le
ministre. On nous a signalé un certain nombre de cas possibles de
conflit d'intérêts de la part des fonctionnaires de la Curatelle
publique. Ceux-ci, évidemment, possèdent des sources
d'information privilégiée sur des immeubles, des terrains et
d'autres biens qui sont à vendre, et qui sont, quelquefois, à
vendre à bon prix. Quelles sont les normes d'éthique auxquelles
sont soumis vos fonctionnaires : j'entends ceux de la Curatelle publique?
M. PARENT (Hull): La directive à la Curatelle publique est la
suivante: Quiconque se porterait acquéreur d'un immeuble qui est sous
gestion de là Curatelle publique, serait expulsé automatiquement.
Il serait démis de ses fonctions. Quand on parle de vente de
propriétés pour la Curatelle publique, je pense qu'il faudrait
faire la distinction qu'une vente ne se déclare pas par la Curatelle
publique. Une vente doit être autorisée par un juge de la cour
Supérieure. Nous n'avons pas le droit de disposer, à moins d'une
autorisation d'un juge de la cour Supérieure. En ce qui concerne la
directive de nos fonctionnaires, ceux-ci n'ont pas le droit d'acquérir
des immeubles, ni directement, ni indirectement, sujets à
destitution.
M. MORIN : Est-ce que le ministre peut nous dire si une surveillance
très stricte est exercée sur les 101 fonctionnaires de la
Curatelle publique pour s'assurer que la position privilégiée
dans laquelle se trouvent ces fonctionnaires n'est pas utilisée pour
servir à des fins privées?
M. BLANK: C'est comme dans le domaine des frais des avocats, mais je
constate que vous nous posez des questions sur les ventes des immeubles. A mon
avis, toutes les ventes de la Curatelle publique, après l'autorisation
des juges, par enquête publique, c'est difficile pour un fonctionnaire
d'agir en cachette... A moins que les informations ne soient pas...
M. MORIN: Oui, mais il y a d'autres choses. M. PARENT (Hull): II n'a
jamais été porté à ma connaissance qu'il y a eu des
conflits d'intérêts. Je sais le curateur public très
intègre. Il exerce une surveillance comme un commandant d'une
armée sur son équipe. J'accorde toute ma confiance au curateur
public et à ses fonctionnaires de cadre qui assument la direction de la
Curatelle publique.
M. MORIN: Ce n'est pas ce qui est en cause. Je pense bien que nous aussi
avons une confiance...
M. PARENT (Hull): Non, mais je voudrais quand même le souligner
étant donné que la Curatelle publique a affaire à des
biens qui appartiennent à des individus et que des conflits
d'intérêts peuvent surgir. Je tenais à souligner que nos
règles sont très strictes et si jamais des conflits
d'intérêts étaient portés à ma connaissance
ou à la connaissance du curateur, j'en serais avisé
immédiatement par le curateur public.
Je puis dire que moi-même, je suis intervenu à plusieurs
reprises auprès du curateur public quand il s'est agi des successions
vacantes, des terrains qui nous appartiennent dans toute la province, pour les
questions de vente. J'ai fait déterminer il y a deux ans la question de
cession de ruelles, par exemple, où la politique établie à
la Curatelle publique, avant mon arrivée, voulait que nous
cédions pour les honoraires le coût des dépenses des
ruelles aux propriétaires contigus. J'ai demandé qu'on modifie
cette règle pour ce qui concerne des terrains qui pourraient être
commerciaux. J'ai fait en sorte que nous ne pouvions pas continuer à
céder des morceaux de terrain sur la base résidentielle en
utilisant la même base quand il s'agit de terrains commerciaux.
Or, la règle a été modifiée il y a deux ans
à la Curatelle publique, et maintenant, quand il s'agit d'une ruelle qui
est contiguë à une propriété dont l'occupant est le
propriétaire, nous n'avons pas objection à lui céder le
morceau de terrain pour la valeur des honoraires, mais quand il s'agit d'un
morceau de terrain à valeur commerciale, nous ne pouvons pas utiliser la
même procédure. C'est cela que nous avons changé.
M. MORIN: Est-ce qu'il existe une règle d'application
générale, de portée générale voulant que les
fonctionnaires, les employés de la Curatelle publique ne doivent pas se
servir des sources privilégiées de renseignements qu'ils
possèdent pour avantager qui que ce soit?
M. PARENT (Hull): Je l'ai dit et je le répète encore. La
règle est émise et connue de tous les fonctionnaires de la
Curatelle publique.
M. MORIN: Elle est dans la réglementation.
M. PARENT (Hull): Oui, à savoir qu'on ne doit pas avoir
d'intérêts directs, ni indirects, sous peine d'expulsion.
M. MORIN: Bon. Le ministre m'affirme donc qu'il n'y a pas eu de cas de
conflits d'intérêts portés à sa connaissance,
disons, depuis deux ans?
M. PARENT (Hull): A ma connaissance, depuis que la Curatelle publique
est sous ma responsabilité, depuis 1971 je crois, il n'y a jamais eu de
conflits d'intérêts qui ont été portés
à ma connaissance par le curateur public.
M. MORIN: Est-ce que le curateur public peut nous dire aujourd'hui qu'il
n'y a pas eu de tels conflits d'intérêts portés à sa
connaissance à lui?
M. PARENT (Hull): II n'y en a pas eu à sa connaissance.
M. MORIN: Bien. M. le Président, nous sommes prêts à
adopter les crédits de la Curatelle publique. Seulement, je voudrais
poser peut-être une question sur les montants. A l'élément
2, surveillance de l'administration des curateurs privés et des tuteurs,
j'imagine que le bond de $95,000 l'an dernier à $317,800 cette
année s'explique par le nombre de nouveaux postes que le ministre
espère remplir. C'est bien cela?
M. PARENT (Hull): Oui, il y en avait cinq l'an dernier, comme je l'ai
souligné tout à l'heure. Par les crédits de 1974/75, qui
sont de $317,800, les effectifs sont autorisés d'ailleurs, nous
prévoyons porter ces effectifs à 41.
M. MORIN: Bien. Je me déclare satisfait.
LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions au programme 7 : Curatelle
publique? Adopté?
M. MORIN: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, nous passons à la discussion
générale. Le ministre des Finances.
Remarques préliminaires
M. GARNEAU: Le fait que j'arrive, cela règle tous les
problèmes. M. le Président, j'aimerais profiter du moment
où on aborde le programme 1 des crédits du ministère des
Finances pour faire des commentaires généraux sur le
ministère des Finances, sur certains points qui réapparaissent
suffisamemnt importants pour les souligner à cette commission. Je dois
dire que, contrairement peut-être à d'autres ministères, le
ministre des Finances expose sa politique budgétaire et fiscale à
l'occasion de la présentation du budget de la province, ce que j'ai fait
à l'Assemblée nationale, le 28 mars dernier. Donc, je n'ai pas
l'intention de repren- dre ici ce qui est déjà contenu dans mon
discours du 28 mars. Ce que je voudrais faire, ce sont des remarques d'ordre
général, concernant trois aspects particuliers qui tombent sous
la juridiction du ministère, c'est-à-dire le programme no 1, le
programme no 3 et aussi l'ensemble du service de la dette, en particulier, et
quelques remarques d'ordre général concernant l'évolution
des taux d'intérêt.
Tout d'abord, concernant le programme no 1 du ministère qui
correspond à la direction générale des études
économiques et fiscales, je dois dire que, dans ce programme il y a un
certain nombre de personnes qui sont affectées. Sur les quelque 1,500
personnes qui travaillent dans l'ensemble du ministère, il y en a 21, je
crois, qui étaient en poste au 30 avril 1974, la plupart étant
des professionnels, quelques adjoints aux cadres sous la direction du
sous-ministre adjoint, que je vous ai présenté tout à
l'heure, M. Audet. On peut noter deux centres d'intérêt principaux
autour desquels s'est effectuée la majorité des travaux de cette
direction, à savoir les études d'ordre fiscal, en vue de la
préparation du budget, également des études d'ordre
économique et financier qui se rapportaient soit à l'allocation
du budget de dépenses, l'évolution de l'économie ou encore
certains projets particuliers sur lesquels je reviendrai un peu plus tard.
Du côté des études fiscales, on s'est attaché
surtout à suivre de plus près l'évolution des revenus pour
effectuer les corrections nécessaires aux prévisions
budgétaires en cours d'année, essayer de raffiner de plus en plus
nos méthodes d'évaluation de revenus. De plus, divers travaux ont
été exécutés pour améliorer les
prévisions de l'année courante dans le cadre du cycle
budgétaire, mais surtout pour raffiner nos méthodes
d'évaluation, étant donné que nous avons adopté
l'an dernier la nouvelle procédure de tenter d'établir non
seulement le budget des dépenses, mais également le budget des
revenus sur une période de trois ans. Ce service a aussi
participé activement aux délibérations du comité
sur la politique fiscale dont le mandat est d'étudier les mesures
fiscales susceptibles d'être insérées dans le budget. De
telles études visent particulièrement à faire correspondre
le plus exactement possible notre politique fiscale aux objectifs de
répartition équitable du fardeau fiscal et du progrès
continu de notre économie. Ces préoccupations sont d'ailleurs
à l'origine d'une large étude comparative du fardeau fiscal du
contribuable québécois vis-à-vis de ceux des autres
provinces. Cette étude, dont certains résultats ont
déjà été présentés dans le discours
sur le budget, constitue une information de base qui nous sera très
précieuse pour la poursuite de notre objectif de répartition.
D'autre part, la section fiscale participe à divers
comités et à des groupes d'échange de points de vue, tant
avec les autres ministères du gouvernement que les autres gouvernements
au Canada et en particulier le gouvernement fédé-
ral. C'est ainsi qu'elle s'est jointe à des groupes
interministériels pour avoir la taxation des entreprises minières
et pétrolières dans le but d'en retirer le maximum d'avantages
pour le Québec.
L'existence de ces comités a d'ailleurs été
soulignée dans le discours sur le budget. Du côté des
relations fédérales-provinciales, les fonctionnaires qui sont
affectés à l'obtention des objectifs du programme no 1 ont
participé à diverses rencontres et collaboré à la
préparation de certaines conférences ministérielles. On y
complète d'ailleurs actuellement un inventaire détaillé
des programmes qui existent entre le fédéral et les provinces,
dont le Québec, et notre intention est d'en faire un relevé
factuel et possiblement rendre ce document public dès qu'il sera
complété pour l'information générale.
Quant au service des études économiques et
financières, son activité a consisté surtout à
appuyer diverses phases de la constitution du budget, à présenter
divers avis sur la conjoncture et l'allocation des ressources ainsi qu'à
soutenir le travail et le service de la gestion de la dette du
ministère. L'appui de ce service au budget s'est manifesté
à diverses étapes du cycle budgétaire. Ainsi, il a
préparé une analyse prospective de l'évolution de la
conjoncture à moyen terme, analyse qui permet d'évaluer quelle
position doit prendre l'Etat vis-à-vis de la stimulation
économique. A la veille de la présentation du budget, il a
participé à l'élaboration de certaines annexes, en
particulier l'annexe se rapportant à la situation économique.
Enfin, il a poursuivi diverses études visant à élaborer de
meilleurs instruments d'analyse de l'impact du budget et est à terminer
une étude comparative de divers types de présentation
budgétaire. Sur le plan plus général de l'allocation des
ressources, ce service a étudié diverses propositions de moyen et
long termes, tant sur le plan des exigences de financement que de l'apport du
développement économique. A cette fin, il a d'ailleurs
participé à des comités sur des sujets divers tels
l'investissement étranger, la transformation supplémentaire de
matières premières au Québec, la négociation du
GATT, le développement d'Hydro-Québec et le transport en commun.
Dans le contexte d'une action à plus court terme de l'Etat, on a
constitué l'analyse trimestrielle de la conjoncture économique et
financière dans le but de suivre efficacement l'évolution de
l'économie et d'en dégager rapidement les implications. On a
davantage recours aux outils mécanographiques et
économétriques. Le développement de ces instruments et
leur adaptation aux caractéristiques de l'économie
québécoise sont un objectif que nous poursuivrons encore cette
année. Enfin, la section financière du service a apporté
un appui plus soutenu au service de la gestion de la dette, elle a
collaboré entre autres à la refonte du prospectus
d'émission de nos obligations qui donnera une image très
complète de la situation du Québec tant sur les plans financier
qu'économique.
Du côté du programme no 3, qui porte sur la
comptabilité gouvernementale, trois points principaux ont
particulièrement marqué les activités du bureau du
contrôleur des finances au cours de la dernière année
financière, points qui sont, par ailleurs, des mesures
complémentaires à la réforme administrative et qui seront
d'une portée capitale sur l'avenir de ce bureau. Le premier point
concerne le rodage du sous-système de contrôle des
dépenses, du système de gestion budgétaire et comptable,
ce qu'on appelle SYGBEC, qui s'est fait durant l'année, et dont
l'implantation s'est effectuée dans les tous les ministères et ce
depuis le 1er avril 1974. C'est une longue opération qui commence
à porter des fruits. Cette phase ajoutée au sous-système
des opérations budgétaires et du grand livre déjà
mis en opération au cours de l'année constitue, à toutes
fins pratiques, le coeur de l'ensemble de ce système informatisé.
C'est en fait le vrai départ. Cette opération de mise en train,
qui est à la fois lourde et délicate, demandera aux
fonctionnaires supérieurs du bureau du contrôleur des finances et
plus particulièrement à ses employés de la direction
générale de la comptabilité postés dans les divers
ministères, une somme de travail très considérable, car il
faudra continuer en parallèle la comptabilité conventionnelle
tant et aussi longtemps que le nouveau système n'aura pas fait ses
preuves. Il s'agit là, je pense, d'une précaution d'usage qui est
impérative dans l'implantation d'un tel système.
Le deuxième événement capital des derniers douze
mois concerne le rattachement du centre de traitement électronique des
données au bureau du contrôleur des finances de même que la
création d'une nouvelle direction qui résulte de la fusion du
CTED et de la direction des systèmes. En fait, il s'agit là d'une
intégration d'un tout homogène et le rattachement de ce service
au bureau du contrôleur des finances constitue une approche logique, le
contrôleur des finances étant, en fait, le principal utilisateur
du CTED. Par ce groupement, les effectifs de cette division du bureau du
contrôleur des finances, qui étaient de 436 postes en 1973/74,
sont maintenant de 417, la diminution venant du transfert de 19 employés
de soutien qui ont oeuvré au développement du système
SYGBEC qui ont été transférés dans les services de
la comptabilité.
L'année qui se termine verra aussi l'introduction d'un nouvel
ordinateur de marque Univac. L'introduction de ce nouvel équipement
s'est fait sans anicroches majeures et les résultats de ces changements,
jusqu'à aujourd'hui, sont très satisfaisants.
Le troisième événement majeur est, en fait, un
sous-produit des deux premiers, en ce sens qu'il s'est avéré
nécessaire, avec ces additions, ces responsabilités
additionnelles et l'accroissement normal des opérations
gouvernementales, de repenser la structure du bureau du contrôleur des
finances en partant de 1 à 3, les contrôleurs adjoints, chacun
étant responsable
d'un secteur d'activité qui lui est propre, soit la
comptabilité et la vérification, le contrôle, rapport
financier et enquête et, troisièmement, organisation,
méthode et informatique.
L'année financière qui s'est terminée il y a
quelques semaines a vu la mise sur pied d'une direction de vérification
des systèmes informatisés. La formation d'une telle équipe
s'imposait, d'une part, en raison de l'utilisation de plus en plus
étendue de ces systèmes mécanisés pour le
traitement des opérations de dépenses et, d'autre part, en raison
de la responsabilité du contrôleur des finances dans tout le
processus de paiement des deniers publics. Etant donné que le budget de
dépense de l'année financière 1973/74 a été
élaboré selon le concept de la budgétisation par
programme, les comptes publics à l'égard de cette année
financière dont l'élaboration est amorcée devront
être complètement repensés afin d'en faire un document qui,
tout en respectant les exigences de la Loi de l'administration
financière et la nouvelle présentation budgétaire, sera
plus intéressant et significatif et fournira plus de renseignements
précis aux lecteurs.
Enfin, en dépit de l'accroissement normal du volume des
opérations et des nouvelles initiatives mises en oeuvre et du
départ du système de gestion budgétaire et comptable,
l'effectif global autorisé du bureau du contrôleur des finances
n'augmente que de 20 personnes pour s'établir à 1,135.
Enfin, je voudrais faire des remarques pour exposer brièvement,
au début des crédits, l'état du marché des capitaux
dans lequel nous devons évoluer. Depuis un certain temps, les taux
d'intérêt se situaient à un niveau passablement
élevé mais, depuis le mois de mars cette année, on a pu
constater une hausse très rapide des taux d'intérêt.
Quelques exemples pourraient mieux illustrer cette flambée des taux
d'intérêt. D'abord, il y eut une émission d'obligations de
Noranda Mines de 9 3/4 p.c, suivie immédiatement par Bell Canada et
Hydro-Manitoba qui ont émis des obligations à 10 p.c. Une
émission de Union Gas de Toronto qui, apparemment, devait être
émise à 10 1/4 p.c. a dû être abandonnée
tandis qu'une émission de Algoma Steel vient d'être lancée
à 10 3/8 p.c. Quant aux obligations du Québec et de l'Ontario,
elles se transigent maintenant à un niveau d'intérêt de
près de 1 1/4 p.c. plus élevé que le taux
d'intérêt qui prévalait sur les titres du Québec et
de l'Ontario au début de février. L'intérêt sur
hypothèque résidentielle se situe à un niveau d'environ 11
1/2 p.c. et on rapporte même qu'un certain nombre d'institutions
financières restreignent leurs prêts, même à ce
niveau, faute de liquidité.
J'ai annoncé récemment une augmentation des taux
d'intérêt s'appliquant à la présente campagne
d'obligations d'épargne du Québec ainsi qu'à celles
émises antérieurement. Le gouvernement du Canada, pour sa part, a
annoncé lui aussi une hausse générale
d'intérêt sur toutes les obligations d'épargne du Canada au
taux de 9 p.c. en ajoutant des primes qui seront payables dans cinq ans et
à l'échéance de ces obligations. Malgré tout, dans
la semaine qui a suivi cette annonce faite par le ministre des Finances du
Canada dans son discours du budget, le remboursement d'obligations
d'épargne du Canada détenues par des Canadiens a
été porté à $115 millions dans une semaine, alors
que le niveau de remboursement se situait normalement autour de $20 millions
à $25 millions. Quant au marché monétaire,
c'est-à-dire le marché des titres à court termes,
là aussi on a pu constater une augmentation considérable des taux
d'intérêt. Suite à l'augmentation de 1 p.c. du taux
d'escompte de la Banque du Canada, le taux préférentiel des
banques s'est vu accru de 1 p.c. et même de 0.5 p.c.
subséquemment, de telle sorte qu'il se situe aux environs de 11 p.c.
Aux Etats-Unis, le taux préférentiel des banques est
à 11 1/2 p.c. et même on m'informe qu'une banque importante l'a
haussé à 11 3/4 p.c. Il est bien évident que l'importance
de l'augmentation des prix que nous connaissons depuis quelque temps y est pour
beaucoup dans ces augmentations du taux d'intérêt.
Traditionnellement, les taux d'intérêt se sont
élevés en période inflationniste ou même souvent
lorsqu'on craignait une inflation plus grande. C'est la situation, semble-t-il,
dans laquelle nous sommes maintenant.
Quelques indices semblent nous indiquer cependant que les taux
d'intérêt à court terme sont peut-être sur le point
d'atteindre leur sommet. C'est ainsi que la Banque du Canada indiquait, la
semaine dernière, que les prêts généraux des banques
à charte avaient diminué, au cours de la première semaine
du mois de mai, de $354 millions, une baisse de 1.1 p.c, alors que les
prêts aux sociétés de financement des ventes à
crédit avaient diminué, au cours de la même période,
de $158 millions ou de 29 p.c.
Malgré cette situation défavorable, je dois dire que
Hydro-Québec a quand même pu réaliser, à ce jour, 40
p.c. de son programme d'emprunts pour l'année en cours alors que la
province a réalisé, pour sa part, plus du tiers de son programme
d'emprunts publics grâce, en particulier, à l'émission que
nous avons émise sur le marché américain de $150 millions
à un taux de 9.2 p.c. ce qui, comparativement au taux actuellement en
vigueur, est très avantageux. Il est encore trop tôt pour
prévoir les résultats de la campagne d'obligations
d'épargne du Québec qui est présentement en cours, mais
nous estimons que si l'évolution se poursuit comme elle est
indiquée, ça devrait dépasser les $50 millions.
M. le Président, ce sont les remarques d'ordre
général que je voulais faire en abordant l'étude des
crédits du ministère.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de
Sauvé.
M. MORIN: M. le Président, je comprends fort bien que le ministre
ne veuille rien ajouter à son discours du budget, mais il nous permettra
sans doute d'y revenir au cours de l'étude des crédits, parce
que, de l'avis de l'Opposition, tout n'a pas été dit à
propos de ce budget; tout n'a pas été éclairci. Nous avons
l'intention de reprendre la politique fiscale du ministre, morceau par morceau,
pièce par pièce, et en particulier, dans le domaine de
l'indexation. Nous n'avons pas été satisfaits des réponses
qui ont été données, tant par le ministre des Finances que
par le premier ministre, notamment lors de la motion que j'avais l'honneur de
présenter en Chambre, il y a quelques jours.
Il est vrai qu'en chiffres absolus, l'indexation fait épargner
des montants d'impôt plus élevés aux classes les plus
aisées. Si l'on considère les montants des diminutions
d'impôt sur le revenu qui pourraient s'ensuivre à la suite de la
mise en vigueur d'un système d'indexation, on se rend compte, par
exemple, que, pour les petits salariés qui gagnent $4,000, le
système d'indexation, pour un célibataire, ne lui rapporterait
que $12.32, tandis que pour une personne qui a des revenus de $40,000, cela
représenterait un montant de $119.70.
Mais ce qui est vrai aussi et sans doute ce qui est le plus important du
point de vue d'un système...
M. GARNEAU: C'est une question de règlement, parce que je ne veux
pas faire de procédure inutile, M. le Président, sauf que je me
demande si, suivant les règlements de l'Assemblée nationale,
je n'y pensais pas, mais c'est le chef de l'Opposition qui vient de me le
souligner en se référant au débat qu'il y a eu en Chambre
on peut reprendre deux fois le même débat durant la
même session, sur un même sujet? Evidemment si on reprend le
débat, je n'ai pas d'objection, mais ce sera une deuxième fois,
tout simplement, et je me demandais si, d'après nos règlements,
une telle attitude était possible.
M. MORIN: M. le Président, il est de tradition dans toutes les
commissions parlementaires, y compris celle-ci, qu'après l'exposé
général du ministre, l'Opposition ait le droit, elle aussi, de
faire un exposé général sur tous les aspects de la
politique du ministère. C'est ce que je suis à faire. Et j'ai
l'intention, d'ailleurs, à la suite de cet exposé
préliminaire, de poser des questions très précises, en
matière d'indexation, au ministre.
M. GARNEAU: Je n'ai pas d'objection à reprendre le débat,
sauf que je veux que la commission soit bien consciente que, suivant les
règlements, je ne pense pas qu'on pourrait reprendre une deuxième
fois le débat sur l'indexation, compte tenu de la motion que le chef de
l'Opposition a présentée à l'Assemblée
nationale.
M. MORIN: II ne s'agit pas, M. le Président, à proprement
parler, d'un débat. Il s'agit d'une prise de position initiale, d'une
déclaration initiale, avant l'étude des crédits, comme
cela se fait dans toutes les commissions, et à la suite de cette
déclaration initiale que le ministre peut considérer comme
un débat, s'il le veut, mais cela n'en est pas un de notre point de vue
j'ai l'intention de poser des questions au ministre, comme cela se fait
dans toutes les commissions, et j'espère que le ministre aura la bonne
grâce de s'y prêter.
M. GARNEAU: Personnellement, je n'ai pas objection à y
répondre, sauf que je veux que personne ne soit dupe autour de la table,
c'est tout ce que je veux souligner. Alors, le chef de l'Opposition peut
continuer quant à moi.
LE PRESIDENT (M. Brisson): M. le député de Laporte.
M. DEOM: Sur cette même question de règlement, M. le
Président, je suis entièrement d'accord avec le ministre des
Finances, parce que ce serait faire double emploi avec la discussion qui est
prévue dans nos règlements sur le discours du budget. Il faut
faire, je pense, la distinction, en ce qui concerne plus
particulièrement et presque exclusivement le ministère des
Finances, entre son rôle d'élaborateur de la politique fiscale de
tout le gouvernement et son rôle comme gestionnaire d'un
ministère.
Je pense qu'ici tout ce qu'on devrait discuter, c'est son rôle de
gestionnaire. Quant à son rôle d'élaboration de la
politique fiscale, je pense que nos règlements prévoient que cela
doit être discuté pendant le débat sur le discours du
budget. Pour ma part, je suis bien prêt à le faire, mais je pense
qu'on ne devrait pas répéter ce qui va être dit ou ce qui a
été dit à l'Assemblée nationale sur le discours du
budget.
M. MORIN: M. le Président, je crois que le député
de Laporte ne s'est pas donné la peine de lire le journal des
Débats, rapportant les diverses interventions qui ont eu lieu dans cette
même commission, à l'étude des crédits du
ministère des Finances au cours des années passées, parce
que s'il l'avait lu, il aurait constaté amplement que, lors de
l'étude de ces crédits, il est permis de discuter aussi bien la
politique fiscale du gouvernement que sa gestion. Je pense que le ministre
n'osera pas dire le contraire.
M. GARNEAU: ... je restreignais mes remarques. Je pense que le
député de Laporte faisait référence en
l'élargissant au débat sur une motion particulière qui
était celle présentée par le chef de l'Opposition
concernant l'indexation. Mais je veux répéter une fois de plus
que, personnellement, je n'ai absolument pas objection à prendre deux ou
trois jours s'il le faut
pour vider cette question du moins, je pense bien qu'elle ne sera
jamais vidée mais, à toutes fins utiles, à en
discuter encore une fois et de répondre aux questions du chef de
l'Opposition. Je voulais quand même souligner cet aspect. Quant à
moi, la procédure, je suis bien prêt à la laisser tomber et
laisser aller le chef de l'Opposition.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Je tiendrais à souligner à la
commission que, selon l'article 99, il est interdit à un
député qui a la parole de revenir sur une question qui a
été décidée pendant la session en cours. Mais tel
que l'a mentionné l'honorable ministre des Finances, si la commission
est d'accord, il peut y avoir des questions posées
modérément et, si le ministre est prêt à y
répondre, personnellement, je peux en donner la latitude à la
commission.
M. GARNEAU: Je n'ai pas objection, je voulais tout simplement le
souligner. Le chef de l'Opposition peut y aller.
M. MORIN: Je vous remercie, M. le Président. Je puis vous assurer
j'espère que cela a été évident jusqu'ici,
je pense que cela l'a été durant nos débats que
toutes ces questions seront posées, comme vous le dites gentiment,
modérément. Vous voulez sans doute dire avec modération.
Je peux rassurer le président, je peux rassurer le ministre, ces
questions sont d'ordre technique et nous allons les traiter comme telles. Mais
je crois qu'elles ne doivent pas être passées sous le tapis, sous
prétexte qu'on en a discuté en Chambre.
J'étais donc à dire, M. le Président, qu'en
chiffres absolus, on peut soutenir que les gens à revenu
élevé peuvent profiter davantage de l'indexation que les gens
à revenu modeste. Mais ce qui est vrai aussi et j'allais dire au
moment où j'ai été interrompu que c'est probablement ce
qui est le plus important si on se situe dans la perspective d'un
système fiscal équitable et redistributif, c'est qu'en termes
relatifs, en termes de pourcentage, l'indexation réduit beauoup plus le
fardeau des petits contribuables que celui des contribuables aisés.
Là-dessus, on pourrait avoir une période d'échanges
détaillés avec les chiffres en main. Je ne suis pas loin de
croire que le premier ministre jouait assez lestement avec les chiffres l'autre
jour, parce qu'un véritable économiste, un économiste qui
aurait de véritables diplômes dans ce domaine, qui ne serait pas
simplement un juriste quelque peu frotté de finances publiques,
admettrait que la non-indexation réduit la progressivité du
régime fiscal et qu'à l'opposé, l'indexation
rétablit la progressivité du régime fiscal. C'est ce qu'on
a constaté à tous les niveaux de gouvernement, à Ottawa et
dans les autres provinces, forcément, où l'indexation a
été établie. En d'autres termes, l'indexation, si on
l'adoptait au Québec, en ce temps d'inflation galopante, produirait le
résul- tat suivant: Elle maintiendrait les mêmes taux
élevés par rapport aux revenus réels élevés
et elle maintiendrait les mêmes taux bas pour les revenus réels
bas.
En refusant d'indexer, le résultat qui se produit est le suivant:
Les taux élevés, devant s'appliquer normalement à des
revenus élevés, glissent et s'appliquent à des revenus
réels de plus en plus moyens et faibles. Pendant ce temps, ceux qui sont
à l'aise continuent à payer les mêmes taux, puisque le taux
marginal est plafonné à 28 p.c. au-delà d'un revenu de
$60,000. Je pense que le ministre des Finances, qui aura tout le loisir de me
donner la réplique tout à l'heure, ne pourra tout de même
pas nier cela.
En somme, la non-indexation réduit la progressivité et le
caractère redistributif du système fiscal. Je pense que
l'Opposition a déjà démontré, je ne veux pas
revenir sur les chiffres que je donnais en Chambre l'autre jour, pour ne pas
alourdir indûment nos échanges au sein de cette commission, que la
non-indexation contribue à faire porter une partie de plus en plus
grande du fardeau fiscal, donc du financement du secteur public, par les
classes moyennes et les classes les plus défavorisées.
Un autre argument qui a été soumis pour démontrer
que l'indexation ne pouvait pas devenir une politique au Québec, une
politique fiscale du gouvernement, c'est que les dépenses, elles aussi,
augmentent en fonction du coût de la vie et que le gouvernement, faisant
face à des dépenses beaucoup plus considérables, doit
pouvoir profiter de la hausse des taux d'imposition qui résulte de
l'inflation. Le raisonnement, un peu simpliste, est le suivant: L'inflation
existe pour les particuliers, donc il est juste que le gouvernement rafle la
hausse d'impôt qui résulte de la hausse des revenus, parce que,
lui aussi, le gouvernement doit faire face à des dépenses accrues
en fonction de l'inflation. Le premier ministre a estimé que le
coût supplémentaire dû à l'inflation se situait entre
$400 millions et $500 millions, j'entends dans les dépenses publiques. A
notre avis, cette estimation est trop élevée. J'ai l'intention
d'interroger le ministre et ses hauts fonctionnaires, tout à l'heure,
à ce sujet. Mais même si le chiffre était exact, $400
millions ou $500 millions, il reste que les revenus, eux, ont connu une
augmentation d'environ $827 millions. Si je ne m'abuse, cela fait un surplus
des revenus par rapport aux dépenses qui se situe entre $300 millions et
$400 millions. Pour être plus précis, prenons le seul impôt
sur le revenu des particuliers, que nous proposons d'indexer, bien sûr.
Le coût de l'indexation a été estimé par le ministre
des Finances, il y a quelque temps, à $70 millions. Or, l'augmentation
de revenus prévue à l'égard de ce seul impôt sur les
revenus des particuliers, est de $367 millions, puisque le produit de cet
impôt va passer de $1,663 millions à $2,020 millions, une
augmentation de rendement de l'ordre de 22 p.c. Devant des chiffres comme
ceux-là, je ne pense pas que le premier ministre ou le ministre
des Finances mais c'est surtout le premier ministre qui, à vrai
dire, a soutenu cette thèse en Chambre, je ne me souviens pas si le
ministre des Finances l'avait épousée, il pourra nous donner son
sentiment là-dessus un peu plus tard je ne pense pas, dis-je, que
le premier ministre puisse, avec vraisemblance, soutenir que ce qui
l'empêche d'indexer, c'est la croissance des dépenses
gouvernementales à cause de la hausse du coût de la vie.
Il est évident que les revenus croissent beaucoup plus que les
dépenses et on comprend mal que le gouvernement refuse d'indexer
l'impôt sur le revenu des particuliers, ce qui aurait pour effet,
à notre avis, d'annuler, en tout cas de freiner la hausse automatique
d'impôt que comporte le taux élevé d'inflation que nous
connaissons actuellement.
Cela étant dit, M. le Président, je voudrais maintenant
demander au ministre s'il a fait effectuer, par ses recherchistes, une
étude sur les effets possibles de l'indexation au Québec. Est-ce
qu'il a fait étudier les effets sur la baisse de l'impôt, pour
chaque classe de contribuables, qu'entraînerait cette indexation? Est-ce
qu'il a fait faire des recherches sur le coût total d'une indexation qui
serait semblable, par exemple, à celle du gouvernement
fédéral, si elle était appliquée au Québec,
bien sûr?
Est-ce qu'il s'est penché sur le problème des
années à venir, si la hausse du coût de la vie continue de
connaître les taux dont nous avons été témoins
depuis l'an dernier? Parce que, déjà, il existe un écart
entre le régime fiscal québécois et celui du pouvoir
fédéral et des autres provinces, est-ce que et je me place
dans la perspective fédéraliste qu'affectionne le ministre des
Finances, puisque nous sommes dans cette perspective le ministre peut
nous dire si cet écart ne va pas aller croissant au cours des
années qui viennent, s'il maintient son refus, le refus du gouvernement,
d'adapter le système d'indexation aux conditions
québécoises?
Après tout, c'est le ministère dont nous étudions
les crédits qui fait les études prévisionnelles de revenus
fiscaux à court et à long termes par son service
général de la planification. Ma question est donc la suivante, en
résumé: Est-ce que le ministre a fait faire des études sur
les effets de l'indexation?
M. GARNEAU: Je dois dire d'abord au député de Sauvé
que ses remarques générales du début concernant les effets
de l'indexation en pourcentage de ce que peuvent gagner, par cet effet de
l'indexation, différentes catégories de salariés,
m'apparaissent fondées. D'ailleurs, je n'ai jamais mis cela en cause. Ce
que nous avons mis en cause, c'est le fait de savoir comment un gars qui gagne
$6,000 par année, si on lui dit dans un beau discours que l'indexation
lui a épargné 13p.c. ou 14 p.c. d'impôt, alors que, dans le
cas du plus gros salarié de $35,000 ou de $40,000, on lui dit, dans le
même discours, qu'au lieu d'avoir 13 p.c. ou 14 p.c, il n'en aura que 8
p.c. ou 9 p.c. Evidemment, cela serait uniquement leur raconter des histoires
et prononcer des paroles en l'air, parce que, ce qui importe pour le
contribuable, c'est la situation en termes de revenu net dont il peut disposer
pour les fins de sa consommation, de ses investissements ou de son
épargne.
Alors, c'est en considérant les effets d'une telle analyse que
nous avons opté, non pas pour l'indexation, et j'ai déjà
eu l'occasion de le mentionner publiquement dans un débat trop court que
j'ai eu avec le chef de l'Opposition et le député de Beauce-Sud
à la télévision... Je n'ai jamais mentionné qu'il
n'y aurait jamais d'indexation. Ce que j'ai alors indiqué au chef de
l'Opposition je l'ai dit en Chambre, je l'ai dit ailleurs, le premier
ministre, je crois, l'a répété lui aussi c'est
qu'il faut regarder le problème de l'indexation dans un contexte plus
large.
D'abord, ce que cela signifie véritablement pour le contribuable.
Deuxièmement, quelles sont les disponibilités, quelles sont les
sommes que le gouvernement peut affecter à des modifications fiscales. A
partir de ces deux considérations, faire des choix. Nous avons
opté et j'ai eu l'occasion de le dire, après avoir
considéré que l'indexation était plus avantageuse pour les
gros salariés que pour les petits, totalement, parce que les
pourcentages, évidemment, c'est beau dans les discours, mais cela ne
donne pas d'argent de plus aux contribuables pour une autre voie, celle
des allocations familiales augmentées et non taxées. Egalement,
l'augmentation de l'exonération, de l'exclusion pour fins d'impôt
des salariés qu'on peut appeler des salariés à revenu
modeste, c'est-à-dire d'augmenter de $5,000 à $5,200, avec
l'addition d'avantages fiscaux qui se traduisent par des sommes pouvant aller
jusqu'à $200 pour des gens mariés qui gagnent moins de $5,800,
avec une moyenne de $120 de gain, ce qui nous apparaissait beaucoup plus
avantageux pour le salarié moyen ou le petit salarié, si vous
voulez, le gagne-petit, que n'aurait pu lui apporter, à ce contribuable
d'une même classe de revenu, l'indexation.
On ne peut pas partir du principe, comme je l'ai dit, que lorsqu'il n'y
en a plus, il y en a encore; c'est-à-dire qu'il nous faut faire des
choix. On ne peut pas dire qu'on va faire l'indexation qui va nous coûter
$70 millions à $75 millions, en même temps, ne pas taxer les
allocations familiales et les augmenter, et en même temps, accorder des
bénéfices de l'indexation au niveau des salariés de l'Etat
qui nous coûtera cette année environ $185 millions à $200
millions. Il fallait faire des choix. C'est compte tenu des avantages
réels que donnait ce choix aux gagne-petit, aux familles, que la
décision gouvernementale a été prise.
Le chef de l'Opposition, dans ses remarques générales, a
également parlé de la progressivité des tables. Son point
de vue, son propos serait
juste si, en même temps, il nous disait que, suite à
l'indexation, il fallait augmenter les taux, c'est-à-dire augmenter la
balance des taux effectivement cotisables auprès des contribuables,
parce que si nous ne modifions pas nos taux et que nous indexons les tables et
les exemptions de base, il est évident que la progressivité non
seulement n'augmenterait pas, mais diminuerait, parce que l'exemption de base
étant indexée, le montant autrement payable d'impôt par le
contribuable, le taux sera applicable à un montant restreint du montant
d'indexation de base.de l'exemption de base.
C'est donc dire que, pour être complet, le chef de l'Opposition
devrait dire qu'en même temps qu'il suggère l'indexation, il
suggère également une augmentation des taux, sans quoi la
progressivité dont il parle, non seulement ne serait pas réelle,
mais elle serait négative. Lorsqu'il souligne que le poids de la
non-indexation est supporté par les classes moyennes, je lui dis que
s'il modifie les taux pour maintenir une progressivité égale ou
plus grande, à ce moment, quand on connaît les tranches de
contribuables, on s'aperçoit que la masse des contribuables se situe, en
termes de volume d'impôts payés, entre probablement $8,000 et
$15,000 ou $16,000. C'est justement ce qu'on appelle les classes moyennes. Si
on maintient ou si on parle du principe que souligne le chef de l'Opposition
d'augmenter la progressivité, cela veut dire qu'on augmenterait les taux
de montants sans doute plus élevés que l'indexation pour les
impôts autrement payables à partir de l'augmentation de base, ce
qui m'apparaît être un alourdissement du fardeau des classes
moyennes.
Maintenant, quand il m'a parlé du coût de l'inflation au
trésor public, le premier ministre a parlé d'un montant de
l'ordre de $400 millions. Les évaluations que nous avons
présentement nous indiquent que cela se situe dans cet ordre de
grandeur. Seulement l'indexation des salaires des employés du secteur
public et parapublic représente entre $185 millions et $200
millions.
Si on prend des secteurs aussi restreints que la pose d'asphalte pour le
ministère des Transports, l'achat de ciment asphaltique, le
concassé, les taux d'augmentation sont de l'ordre de $40 millions
uniquement pour ces deux secteurs, pour maintenir le niveau d'activité
du ministère des Transports, section voirie, égal à ce
qu'il était l'an passé.
A deux catégories du budget, c'est-à-dire les salaires et
la pose d'asphalte, ciment asphaltique et concassé, on est
déjà rendu à $240 millions. Si on ajoute à cela
l'augmentation des coûts imputable aux réseaux qui sont
subventionnés totalement par le gouvernement dans le cas des Affaires
sociales, secteur santé et tout ce qui s'y rapporte, de même que
notre contribution au réseau de l'Education, en plus de ce que nous
contribuons pour le réseau municipal, je pense que le montant
avancé de $400 millions est loin d'être excessif. Nous poursuivons
d'ailleurs des études dans ce secteur et, comme je l'ai dit tout
à l'heure, nous avons le résultat assez précis pour ce qui
est des secteurs sur lesquels il fallait prendre des décisions rapides
au ministère des Transports, section voirie. Les études se
poursuivent dans les autres ministères, mais l'ordre de grandeur que le
premier ministre a indiqué m'apparaît être fort près
de la réalité, de ce que sera la réalité.
Le chef de l'Opposition s'est également
référé à des études sur l'indexation en me
demandant si le ministère, section de la recherche économique et
fiscale, a fait des études. Evidemment, nous en avons fait et c'est
à partir de ces études que nous avons opté compte
tenu de la marge de manoeuvre dont nous pouvions disposer et des
clientèles que nous voulions favoriser, en particulier les familles et
les salariés à revenu modeste que nous avons pris notre
décision, de même qu'à partir de l'étude à
laquelle j'ai référé tout à l'heure et qui est
incluse à la page 56 de mon exposé budgétaire,
c'est-à-dire la comparaison du fardeau fiscal, sur une base comparable,
entre les contribuables des différentes provinces, en particulier nos
voisins immédiats, le Nouveau-Brunswick et l'Ontario. Parce que,
étant donné que la taxation fédérale s'applique
également à toutes les provinces canadiennes, pour être
compétitifs en termes d'effort fiscal et en termes de
développement économique, nous devons faire nos comparaisons avec
les citoyens des provinces voisines et en particulier, notre grand concurrent,
l'Ontario. Malgré l'indexation, malgré le fait que l'Ontario a
dû indexer automatiquement parce qu'elle n'a pas l'autonomie
fiscale que le Québec a, elle a dû se plier à la
décision du gouvernement fédéral et compte tenu des
avantages des allocations familiales et des exclusions d'impôt qui ne
comprennent pas les annonces que j'ai faites dans le discours du budget, parce
que l'étude avait été complétée
antérieurement aux décisions prises dans le cadre du discours du
budget, le résultat de cette étude indique clairement que
l'objectif que le gouvernement du Québec recherchait qui est de
favoriser, sur le plan fiscal, les familles et les salariés à
revenu modeste est atteint. Il est atteint puisque pour une personne
mariée avec deux enfants à charge de moins de douze ans, le
fardeau fiscal comparable entre le contribuable québécois et le
contribuable ontarien est à l'avantage du contribuable
québécois jusqu'à $8,000.
Pour ce qui est d'une famille de quatre enfants à charge, deux de
moins de douze ans et deux entre douze et seize ans, l'avantage pour le
Québécois, comparativement à son collègue de
l'Ontario dans la même situation, se situe entre $12,000 et $18,000,
probablement autour de $14,000, où le contribuable
québécois est dans une situation plus avantageuse. Ce qui
démontre...
M. MORIN: Nous reviendrons d'ailleurs sur cette question.
M. GARNEAU: Le chef de l'Opposition m'a demandé si nous avions
fait des études et je lui réponds que nous avons fait ces
études et, comme notre objectif était de favoriser d'abord les
gagne-petit et les contribuables qui ont charge d'enfant, l'étude que
nous avons poursuivie démontre que cet objectif que nous recherchions a
été atteint ou est atteint, et même d'une façon plus
grande que ce qui paraît dans le tableau de la page 56 du discours du
budget, parce que ça ne comprend pas les exclusions pour fins
d'impôt qui ont été portées à $5,200 et les
avantages pour les contribuables jusqu'à $5,800 et un peu plus.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Frontenac
a demandé la parole.
M. LECOURS: M. le Président, je préfère
plutôt défendre les travailleurs qui ont des petits salaires
plutôt que les pauvres gars qui gagnent $60,000 par année, comme
le fait le député de Sauvé. Moi, j'ai une question bien
simple à vous poser et j'aimerais avoir une réponse. Chez moi,
j'ai des travailleurs qui tombent malades, qui reçoivent $90 par semaine
d'assurance-maladie de compagnies privées et on leur enlève $10
par semaine d'impôt, à la source. Je trouve ça
inconcevable, alors qu'ils ont besoin de plus d'argent parce qu'ils sont
malades. Ils sont habitués de gagner $150 par semaine, ils ont $90 par
semaine et on leur enlève $10 d'impôt par semaine.
M. GARNEAU: La fiscalité québécoise est faite de
telle sorte que le rapport d'impôt est sur une base annuelle. Ce
contribuable dont vous parlez, j'imagine qu'il est marié?
M. LECOURS: Oui, il a une famille.
M. GARNEAU: Si vous parlez d'un contribuable marié qui gagne $90,
ce bonhomme au terme de son année, va recevoir, du ministère des
Finances, le remboursement complet. J'aimerais bien pouvoir agir autrement ou
suggérer une façon différente d'agir, mais il se pourrait
fort bien que ce même contribuable, qui est malade pendant trois mois et
qui est sur une base salariale de $90 par semaine, revienne sur le
marché du travail pour le reste de l'année à $200 ou $250
par semaine, ce qui le placerait à un niveau où il devrait payer
de l'impôt, normalement, parce que ça dépasserait $5,200 ou
$5,850, avec la provision pour adoucir le transfert entre une classe et
l'autre. A ce moment-là, il serait obligé de payer de nouveau de
l'impôt au fisc québécois. Alors, comme on a le rapport sur
une base annuelle, on est obligé de le retenir et attendre au terme de
l'année pour voir s'il a gagné moins de $5,200 ou $5,850, pour
déterminer le montant d'impôt précis qu'il a à
payer. Mais s'il avait $90 par semaine pendant toute l'année, les sommes
qui auraient été retenues à la source lui seraient
remboursées lorsqu'il fait son rapport d'impôt.
M. LECOURS: Mais il faut reconnaître, M. le ministre, que, pour
ces gens, avec une famille, $90 par semaine, se faire enlever $10 alors qu'on
n'en a pas assez pour faire manger ses enfants, c'est une situation qui est
inacceptable quant à moi. C'est pour ça que je prends leur
défense aujourd'hui. Je demande au ministre de trouver un moyen,
peut-être avec une réglementation différente, pour
permettre à ces gens de conserver au moins leurs $90 qui leur
permettraient de vivre un peu, au moins.
M. GARNEAU : Je ne vois pas quel genre de réglementation on
pourrait faire, parce que ça pourrait placer un nombre important de
contribuables dans une situation où, en faisant leur rapport
d'impôt, ils auraient des sommes assez importantes à payer.
Si la personne gagne $7,000 au terme de son année et qu'il n'y a
pas eu de retenue à la source pour une période de temps, elle
sera obligée de payer la somme totale dans un seul montant, et cela la
placera peut-être dans une situation de caisse personnelle plus
difficile. Mais quand même, si l'on fait abstraction de cet
inconvénient qu'il est difficile de contourner par une
réglementation, l'objectif que poursuit ou qu'exprime le
député de Mégantic autrefois, qui s'appelle comment
maintenant...
M. LECOURS: Frontenac.
M. GARNEAU: ... Frontenac, est exactement celui que nous recherchions et
maintenant le bonhomme peut gagner jusqu'à $100 par semaine sans devoir
payer de l'impôt. J'aimerais bien cela s'il y en a qui pouvaient me
suggérer une réglementation véritablement
opérationnelle pour éliminer cette retenue à la source.
Pour nous, ce n'est pas une question de vouloir faire de l'argent avec
quelqu'un, c'est que l'on se demande comment on pourrait procéder
autrement d'une façon équitable.
S'il y en a qui ont des suggestions à faire et qui pourraient
être considérées administrables, non seulement par le
ministère du Revenu, mais également par les entreprises qui ont
l'obligation, de par la loi, de faire des retenues à la base, je suis
bien ouvert à avoir des suggestions de ce
côté-là.
M. LECOURS: Est-ce que le ministre est prêt à
considérer de faire analyser cette situation?
M. GARNEAU: On l'a déjà regardée et elle a
même été analysée antérieurement à mon
arrivée au ministère, au moment où le gouvernement
précédent avait incorporé la mesure d'exclusion pour fins
d'impôt au niveau de $4,000. Maintenant, cela est passé à
$5,200 et il n'y a eu, ni dans ce temps-là, ni aujourd'hui, une
réglementation suffisamment articulée et qui permettrait
d'être équitable envers les autres contribuables
québécois et aussi qui puisse être administrée d'une
façon rentable et
ne pas contenir des trous qui inviteraient à la fraude
fiscale.
Je voudrais souligner peut-être un autre point, parce que je
l'avais oublié et cela me revient en mémoire, dans la remarque
générale du chef de l'Opposition. Les prévisions que j'ai
annoncées de l'impôt sur le revenu des particuliers, pour
l'année 1974/75, à $2,020 millions représentent une
augmentation de 21.5 p.c. sur l'année antérieure.
M. MORIN: D'accord.
M. GARNEAU: Mais si je prends, par exemple, l'année 1973/74 par
rapport à l'année 1972/73, on avait 21.4 p.c.
C'est donc dire qu'en termes de taux de croissance du rendement de
l'impôt sur le revenu des particuliers, pour 1974/75, même si le
taux d'inflation est plus grand, les projections de revenus, en termes de taux
de croissance, ne s'éloignent pratiquement pas du rendement de 1973/74
par rapport à 1972/73. J'aime souligner, M. le Président, qu'en
déterminant ce taux d'augmentation de l'impôt sur le revenu des
particuliers, nous ne sommes pas tellement conservateurs, même s'il est
de mise, pour un ministre des Finances, d'être plus prudent qu'autrement,
parce qu'il a la responsabilité des finances du Québec. Il ne
doit pas induire en erreur non seulement ses collègues, mais la
population. Le taux de rendement des points d'impôt sur lesquels nous
nous sommes appuyés au Québec se compare à ce que le
gouvernement fédéral croit devoir percevoir au Québec.
Nous l'avons appris par la suite, parce que nos budgets ont été
déposés d'une façon séparée, il se compare
au taux de croissance du rendement du point d'impôt que le
fédéral croit devoir percevoir au Québec, mais notre taux
de rendement se situe quand même à un niveau, par point
d'impôt, supérieur aux prévisions faites par d'autres
provinces.
C'est donc dire que, sur ce plan, je ne crois pas que nous ayons
sous-estimé nos revenus d'impôt au chapitre des revenus des
particuliers.
M. MORIN: M. le ministre, avant de revenir aux aspects plus
généraux du débat, je voudrais reprendre la question du
député de Frontenac. Je l'ai trouvée fort
intéressante et fort concrète.
M. GARNEAU: C'était à point après les travaux de
l'indexation.
M. MORIN: Oui. La raison pour laquelle vous voyez une difficulté
à trouver une solution pour ces gagne-petit et particulièrement
dans les situations auxquelles le député de Frontenac a fait
allusion, ce sont des difficultés de caisse personnelle que pourrait
affronter un contribuable qui, en fin d'année, découvrirait que
finalement...
M. GARNEAU: ... oui.
M. MORIN: ...son revenu, étant donné qu'il n'aurait pas
été sans travail toute l'année, serait peut-être de
$7,000 ou $8,000. Je ne sais pas si cet argument me convainc totalement. C'est
vrai qu'il pourrait avoir des difficultés de caisse. Mais, est-ce que le
ministre ne pense pas que le bonhomme qui se trouve avec $90 par semaine a des
difficultés de caisse à l'année, alors que celui qui se
ramasse avec $6,000 ou $7,000 à la fin de l'année peut avoir des
difficultés de caisse, mais qui sont proportionnellement moins
grandes?
M. GARNEAU: C'est un aspect. L'autre aspect du problème, c'est
qui va déterminer à quel moment une contribution d'un employeur
ou d'un agent quelconque, que ce soit une compagnie d'assurance ou d'autres
sources... Ou, qui va dire à cet agent payeur: Le montant que tu fais et
que tu paies se situe au niveau d'un employé ou d'une personne dont le
revenu annuel ne sera pas imposable? Qui est-ce qui va donner cette information
à l'agent payeur, c'est-à-dire au type responsable des paiements,
soit dans l'entreprise, soit à la compagnie d'assurance, soit à
un autre organisme quelconque qui fait des versements sur une base de
rémunération pour une personne? Qui est-ce qui va dire à
cet organisme : Dans ce cas, tu fais la retenue, dans l'autre cas, tu ne la
fais pas, tu la fais pour deux semaines, alors que l'autre, tu la fais
seulement pour quatre semaines? Il y a cette complexité, à savoir
qui va prendre la décision et suivant quelles directives.
Je comprends le problème. C'est clair. C'est d'ailleurs pour cela
que nous avons opté pour l'augmentation de l'exclusion pour fins
d'impôt plutôt que l'indexation, pour avantager le contribuable
à revenu modeste. Mais sur le plan de l'administration quotidienne du
ministère du Revenu, après en avoir causé avec les gens du
ministère mes prédécesseurs l'avaient fait en 1967
ou 1968 on ne voit réellement pas comment pourrait se transmettre
cette information.
D'un autre côté, on ne veut pas laisser non plus à
autant d'agents économiques dans tout le Québec la
possibilité de prendre eux-mêmes une décision qui, en fait,
ne leur appartient pas. C'est en termes de difficultés administratives
seulement que le problème se pose pour nous, parce que les sommes
d'argent en cause sont quand même marginales, dans le cadre de l'ensemble
du budget.
M. MORIN: N'y aurait-il pas un moyen de trouver une solution pour les
gens qui se trouvent, de façon permanente, ou quasi permanente, dans un
pareil cas à recevoir $90 par semaine?
M. GARNEAU: La seule voie...
M. MORIN: J'imagine que le député de Frontenac songeait
aussi à ces cas.
M. GARNEAU: La seule voie que l'on pouvait analyser, qui m'avait
été soumise, mais qu'on ne voulait pas me conseiller en termes
d'application, c'était sur la base d'une déclaration solennelle
au début de l'année. C'est assez difficile de demander à
un gars de déclarer solennellement au début de l'année
qu'il ne prévoit pas gagner plus de $5,200 durant son année. Il
faut comprendre, d'abord, que tous les paiements d'aide sociale n'ont pas de
retenue au point de départ. Il s'agit donc d'employé ou de
personnes qui reçoivent des rémunérations, soit sur une
base de salaire ou d'assurance-salaire; cela serait peut-être la seule
voie qui pourrait nous permettre éventuellement d'exclure d'une
façon totale les retenues à la source. Mais on me dit que cela
donnerait des ouvertures à des exagérations qui pourraient placer
le ministère du Revenu dans une situation extrêmement
délicate en fin d'année, alors qu'il devrait demander des
remboursements à des gens qui n'en ont pas. Cela nous impose de faire
des saisies sur les gens, et comme le ministère du Revenu n'a pas la
possibilité de faire des remises d'impôt à moins de les
déclarer, par un geste public, en déposant le document sur la
table de l'Assemblée nationale, ce serait à l'encontre de
l'intérêt du contribuable lui-même, parce qu'il serait
montré du doigt. Cela complique énormément
l'administration.
M. MORIN: Oui, mais, M. le ministre, on le fait pour les
étudiants déjà, ce système de déclaration
solennelle.
M. GARNEAU: Oui, mais, au tenue de l'année, il n'y a pas de
rapport d'impôt à faire et pour lequel il doit rembourser l'Etat
si sa déclaration, au début de l'année, n'était pas
bonne. Ce que l'étudiant fait ou ce que d'autres personnes font, c'est
une question d'avoirs, de revenus ou de besoins, mais on ne peut pas faire cela
pour le contribuable, parce que, lui, au terme de son année, il va
être obligé de payer le montant s'il n'y a pas eu de retenue
à la source. S'il n'a pas de liquidité pour le payer, cela oblige
le ministère du Revenu à établir des poursuites et je ne
pense pas que ce soit agréable pour personne de faire des remises
d'impôt. Le ministère du Revenu et tout notre système
fiscal sont de nature telle qu'on les élimine presque à 100 p.c.
parce que je pense que c'est très rare que le ministre du Revenu
dépose un document disant qu'il a fait une remise d'impôt à
un contribuable pour une raison quelconque.
M. MORIN: Est-ce qu'on pourrait demander au ministre de continuer
à étudier ce problème? C'est une des questions que
j'allais lui poser plus loin, dans la suite des questions.
M. GARNEAU: Je n'ai certainement pas d'objection à poursuivre
l'étude de ce côté.
J'ai tout simplement fait part des observations qui m'ont
été faites encore pour la présentation de ce budget et
j'ai également fait référence aux mêmes avis qui
avaient été donnés à mes
prédécesseurs lorsque le système a été mis
en application.
Mais peut-être qu'avec la mécanisation et
l'électronique qui existent, on peut peut-être raffiner davantage
tout ce système, mais, personnellement, je n'ai certainement pas
d'objection si on me trouve une formule qui soit réellement
applicable.
LE PRESIDENT (M. Brisson): II est 12 h 30. Si vous permettez, nous
allons suspendre nos travaux à quatre heures cet après-midi.
M. GARNEAU: Après la période des questions.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Oui.
M. MORIN: Je crois que cela convient aussi bien ainsi puisque les
questions que j'allais aborder maintenant demandent un peu de temps. Vaut mieux
alors remettre.
LE PRESIDENT (M. Brisson): La séance est suspendue jusqu'à
quatre heures, après la période des questions.
M. MORIN: Est-ce que je peux demander au ministre s'il a l'intention de
passer à l'étude des crédits du Conseil du trésor
après le programme 1?
M. GARNEAU: Non. Cela irait après l'étude des
crédits du ministère des Finances.
M. MORIN: A la fin.
M. GARNEAU: Oui, parce que c'est un autre ministère.
M. MORIN: Merci beaucoup. (Suspension de la séance à 12 h
29)
Reprise de la séance à 16 h 3
M. BRISSON (président de la commission permanente des finances,
des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs! Nous en sommes
à la discussion générale. Est-ce qu'il y a d'autres
questions?
Le député de Sauvé.
M. MORIN: Oui, M. le Président. Si vous voulez me donner un petit
instant...
LE PRESIDENT (M. Brisson): En attendant, je veux souligner que M.
Boutin, de Johnson, remplace M. Harvey, de Jonquière, et que M. Sylvain,
de Beauce-Nord, remplace M. Levesque, de Bonaventure.
M. MORIN: Nous en étions à parler de l'indexation. La
question que j'aimerais poser au ministre, pour faire suite à la
discussion de ce matin le ministre avait peut-être l'impression
que c'était terminé, mais j'avais encore une question à
poser, en tout cas, dans ce domaine-là est la suivante. Est-ce
que le ministre a fait étudier par son ministère, pour faire en
sorte que le pouvoir d'achat des contribuables se maintienne en dépit de
l'impôt, la solution que nous avons proposée, celle des
crédits d'impôt? Est-ce que le ministre a fait étudier
cette solution?
M. GARNEAU: Oui, M. le Président, nous avons analysé
à fond cette question.
M. MORIN: Cela avait été proposé par la commission
Bélanger, je crois.
M. GARNEAU: C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons
opté, en principe, pour les allocations familiales non taxables, parce
que c'était, à notre sens, plus avantageux que de
réintroduire l'exemption des personnes à charge de $300 qui
existe dans les autres provinces et qui existait au Québec
antérieurement.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, nous
considérons les allocations familiales non taxables comme étant
un crédit d'impôt remboursable. Le problème fondamental
n'en est pas un de principe, au point de départ, c'est tout simplement
le coût, c'est-à-dire que tout dépend des sommes d'argent
dont le Québec peut se priver pour appliquer un programme de
crédits d'impôt qui soit complètement élaboré
et aussi qui puisse s'intégrer, en termes de comparaison, avec l'effort
fiscal des contribuables des autres provinces.
Si nous n'avons pas appliqué dans l'ensemble une formule de
crédits d'impôt d'une façon complète, ce n'est pas
parce que nous nous y opposons en principe, c'est tout simplement parce que le
trésor québécois comme tel ne peut pas disposer
actuellement d'une marge de manoeuvre suffisamment grande pour introdui- re, en
sus des programmes existants d'exemption personnelle et d'exclusion pour fins
d'impôt, un programme de crédits qui serait plus grand que celui
qui a été donné via les allocations familiales non
imposables.
M. MORIN: M. le Président, j'ai l'impression que la façon
qu'a le ministre de qualifier les allocations familiales comme des
crédits d'impôt nous empêche d'avoir un débat
rationnel, parce que ce qu'il appelle un crédit d'impôt, nous
appelons cela un paiement de transfert. Je pense...
M. GARNEAU: Si le crédit d'impôt est remboursable,
c'est-à-dire le système d'impôt négatif, cela
devient à toutes fins utiles un paiement de transfert pour un nombre X
de contribuables.
M. MORIN: Oui. On va en reparler notamment lorsqu'on comparera les
fardeaux fiscaux respectifs des contribuables québécois et
onta-riens. Ce n'est pas pour tout de suite, cela viendra par la suite. Il est
évident que les chiffres se trouvent sensiblement modifiés dans
un sens ou dans l'autre si on inclut les allocations familiales comme un
crédit d'impôt. Mais, j'aimerais attirer l'attention du ministre
sur la définition que la commission Bélanger donne d'un
crédit d'impôt. Cela se trouve dans le rapport de la commission
royale d'enquête sur la fiscalité à la page 100: "Le
crédit d'impôt, c'est un dégrèvement forfaitaire
variant selon les conditions familiales du contribuable et déductible du
montant de l'impôt à acquitter." Si on s'en tient à cette
définition, qui me paraît la définition orthodoxe, celle
qui a cours en matière fiscale, je me demande si le ministre n'aurait
pas intérêt à se montrer un peu plus orthodoxe dans l'usage
du vocabulaire parce qu'on ne peut plus se comprendre et cela brouille
drôlement les contribuables s'il utilise des mots qui ont un sens
technique précis pour décrire autre chose. On n'est plus capable
d'établir des tableaux de comparaison et on ne parle pas le même
langage.
M. GARNEAU: Je vais poser une question au chef de l'Opposition, s'il me
le permet. Au lieu d'appliquer le programme d'allocations familiales comme nous
l'avons fait par paiements directs aux mères de famille, si nous avions
pris le même montant de l'ordre de $118 millions et qu'au lieu de le
répartir de la façon que nous le faisons, c'est-à-dire
à tous les mois pour un montant X d'après le nombre d'enfants, si
nous avions dit: Le contribuable marié avec des enfants, lorsqu'il fait
son rapport d'impôt, s'il a à payer $800 d'impôt, pourra
déduire de son impôt un montant équivalant à ce
qu'il reçoit aujourd'hui comme allocation familiale, à ce moment
ce serait suivant...
M. MORIN: Ce serait une exemption.
M. GARNEAU: Non. Ce n'est pas une exemption. J'ai dit: Le montant
d'impôt autrement payable.
S'il avait $800 d'impôt à payer et qu'on lui donne un
crédit de $500 parce qu'il a deux ou trois enfants, ce serait
l'administration conventionnelle d'un crédit d'impôt.
M. MORIN: D'accord.
M. GARNEAU: Au lieu de le faire via la formule d'impôt, parce
qu'il faut trouver une façon aussi d'aider les familles qui ne paient
pas d'impôt, toutes celles qui sont exclues... C'est pour ça que
j'appelle les allocations familiales une forme de crédit d'impôt
remboursable, en ce sens que c'est un impôt négatif. Le bonhomme
qui paie zéro d'impôt, on ne peut pas lui donner un crédit
diminué en bas de zéro, alors il faut lui faire un paiement. Au
lieu de le faire à l'occasion de son rapport annuel d'impôt, ce
qui le placerait dans une situation telle qu'il faudrait attendre à la
fin de l'année pour lui donner l'avantage de toucher les sommes
d'argent, pour tenir compte de ses charges de famille, au lieu d'appliquer le
crédit d'impôt remboursable de façon orthodoxe, nous
l'avons fait via la formule de paiement de transfert.
Mais, en termes de charges fiscales, pour le contribuable qui est
responsable de famille, lorsqu'on prend son fardeau fiscal global, il faut en
tenir compte comme si c'était un crédit d'impôt. Parce que,
dans les autres provinces, lorsque nous faisons cette comparaison, nous tenons
compte des exemptions personnelles, nous tenons compte des exemptions pour les
enfants à charge et nous tenons compte également des allocations
familiales que ces personnes reçoivent et de l'impôt qu'elles
paient sur ces même allocations.
C'est pour ça que je dis que nous appelons les allocations
familiales comme étant une forme, un équivalent de crédit
d'impôt remboursable. Même si, sur le plan du dictionnaire ou du
lexique fiscal, je suis bien prêt à reconnaître que cela
n'est pas orthodoxe, nous trouvons que c'est beaucoup plus facile d'agir ainsi
pour rejoindre la personne qui est responsable de famille mensuellement que par
la formule de crédit d'impôt qui arriverait au terme de
l'année, parce qu'on ne peut pas donner le crédit d'impôt
avant que le bonhomme ne fasse son rapport.
M. MORIN: Je comprends bien le ministre, mais, comme on verra quand nous
comparerons les fardeaux fiscaux des contribuables du Québec et ceux de
l'Ontario, on verra que ça jette un élément d'incertitude
dans la comparaison. Peut-être, puisque nous étions à
parler d'indexation et que cela découle de la question de la hausse de
coût de la vie, de l'inflation, peut-être devrions-nous, pendant
quelques instants, nous pencher sur ce problème qu'on a discuté
bien des fois en Chambre, bien sûr, mais je voudrais aborder certains
aspects de manière plus spécifique. Tout le monde sait que nous
avons un problème d'inflation galopante, tout le monde sait qu'avec la
fin de la phase IV des contrôles économiques aux Etats-Unis, il
risque d'y avoir une flambée encore plus importante des prix.
Est-ce que le ministre pourrait nous dire, comme première
question, comment il évalue les conséquences, pour le
Québec et pour ses politiques fiscales, de la fin de la phase IV des
contrôles économiques sur un certain nombre de matières
premières aux Etats-Unis? Quel genre de répercussion cela peut-il
avoir pour le Québec? Et quelles réactions, quelles mesures
entend-il prendre?
M. GARNEAU: Si vous me parlez des réactions, comme cela s'est
fait d'une façon graduelle, cela s'est transposé d'une
façon graduelle sur les prix au Canada, mais je me sens
réellement incompétent pour porter un jugement de valeur sur une
question aussi complexe. Je pense bien que le chef de l'Opposition admettra
qu'un grand nombre de spécialistes dans ce domaine ont fait des essais
ou des prédictions ou ont tenté de tirer des analyses, mais avec
des marges d'erreurs suffisamment grandes que je ne me sens pas en possession
d'une boule de cristal suffisamment claire pour donner une appréciation
qui serait autre qu'une interprétation personnelle avec toutes les
limites que cela comporte.
M. MORIN: Est-ce que le ministre a fait étudier cette question
par son service de recherche?
M. GARNEAU: Ce que nous avons fait, ce que nous avons tenté,
surtout au niveau des gens de la direction de la recherche économique et
fiscale, moi-même et d'autres fonctionnaires du ministère avons eu
des rencontres avec des spécialistes-économistes
américains qui ont suivi de près l'évolution de cette
question, je pense, entre autres, à M. Kaufman. Nous avons
assisté à des colloques où des experts américains
sont venus donner des points de vue, comme Milton Friedman. Je me suis fait
transmettre des copies de conférences que d'autres spécialistes
ont prononcées là-dessus, mais l'analyse qui peut en être
faite, c'est une analyse à partir d'évaluations
d'économistes américains qui se situent à
l'intérieur d'une fourchette très large.
M. MORIN: Dans le domaine des politiques anticonjoncturelles, le seul
document que l'on possède au Québec, peut-être même
au Canada, sur l'efficacité des politiques anticonjoncturelles dans un
Etat fédéral...
M. GARNEAU: Avant que le chef de l'Opposition touche à ce sujet,
s'il nous le permet, en parlant d'inflation, ce que je voudrais ajouter, c'est
que la tendance qui a cours, à tort ou
à raison remarquez bien que je ne pourrais pas porter de
jugement de valeur là-dessus dans les pays occidentaux,
industrialisés, actuellement, c'est que toute situation qui les place
à la moyenne ou en dessous de la moyenne de ses concurrents, en termes
d'inflation, est une situation avantageuse. C'est un peu la réaction que
l'on recueille dans les conversations que nous avons avec des gens de
différentes institutions économiques, américaines ou
européennes.
Dans ce cadre, les chiffres qu'on disposait récemment, d'ailleurs
qui ont paru dans les journaux, donnaient des taux d'inflation dans les pays
industrialisés du monde occidental, par exemple, le Japon avec 26 p.c,
le Portugal avec 19 p.c, l'Italie avec 13 p.c, la France 11.5 p.c, la
Suède avec 10.2 p.c. et le Canada, pour la période, je crois, de
mars à mars, était en moyenne à 9.6 p.c. Même si le
taux absolu est très élevé, comparativement à nos
concurrents, on pourrait dire qu'actuellement, il n'y a que l'Allemagne, dans
les onze pays qu'on cite, qui se trouve à un niveau inférieur
à celui du Canada.
M. MORIN: Oui, mais sur ce point, c'est certainement vrai pour le Japon,
l'Allemagne et une multitude d'autres pays, mais est-ce que, en ce qui concerne
notre principal client, qui est tout de même les Etats-Unis, le taux
canadien, qui jusqu'ici avait été quand même un peu
inférieur, ne tend pas à se rapprocher du taux américain
et, de la sorte, à faire disparaître l'avantage dont parle le
ministre?
M. GARNEAU: Ce n'est plus vrai en ce sens que les chiffres
étaient de février 1973 à février 1974, la moyenne
des douze derniers mois terminés en février donnait le taux moyen
américain à 10 p.c. et au Canada à 9.6 p.c. Donc, on est
en deça quand même de l'évolution aux Etats-Unis. Cela
démontre clairement, je pense, l'inefficacité du programme de
contrôle des prix et des salaires qui a été mis en
application aux Etats-Unis. En fait, cela n'a pas donné les
résultats escomptés, loin de là.
M. MORIN: Est-ce que je peux vous demander, maintenant, de vous
prononcer sur le système qui a été mis en place au niveau
fédéral, ici au Canada?
M. GARNEAU: II n'y a pas eu de système de contrôle des prix
et des salaires, mais le budget fédéral visait, je pense bien,
à faire des ponctions auprès d'un secteur particulier de
l'activité économique pour donner un soulagement dans d'autres
secteurs d'activité, mais si cela soulage quelque peu les misères
de l'inflation, cela ne soulage pas l'inflation de la misère, pour
employer une comparaison avec des textes philosophiques.
M. MORIN: Avez-vous terminé sur ce point?
M. GARNEAU: Oui, mais je voulais faire cette remarque en passant,
étant donné que le chef de l'Opposition avait parlé de
l'inflation. Je voulais au moins ajouter que, dans les rencontres qui ont eu
lieu au cours des derniers mois avec différents groupes
américains et européens, cette tendance à vouloir dire:
Notre niveau d'inflation acceptable, c'est celui qui équivaut ou
à la moyenne de nos concurrents ou un peu en deçà,
même si le taux en soi...
M. MORIN: Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de chicaner
trop le ministre des Finances sur le taux d'inflation qui sévit au
Québec, parce que je me rends parfaitement compte que le Québec
n'y peut pas grand-chose. Il n'a pas de pouvoir dans ce domaine, et la
première condition de pouvoir agir, c'est d'y être autorisé
par la constitution.
M. GARNEAU: Même les pays qui ont un pouvoir central très
fort sont dans des situations ou pires ou comparables à la nôtre.
Je pense aux Etats-Unis, par exemple, à la France, au Japon, notamment,
un pays très fortement structuré à partir du haut, et il
est dans une situation beaucoup plus difficile que la nôtre. La
Suède, encore, est à un niveau supérieur au nôtre.
Il ne faut pas, quand même, faire...
M. MORIN: Ce que le ministre nous dit, c'est qu'on fait ce qu'on peut.
Mais nous autres, on n'est même pas placé pour faire ce qu'on
peut.
M. GARNEAU: Vous essayez!
M. MORIN: Nous, on ne peut pas, le Québec ne peut pas. C'est
simple. Même si vous le vouliez, admettez cela au moins, que vous...
M. GARNEAU: II faut s'apercevoir aussi que, même si nous avions le
contrôle de la banque centrale, nous serions dans les mêmes
situations que les autres gouvernements dans les autres pays qui ont ce
contrôle de la banque centrale, et qui n'ont pas résolu les
problèmes d'une façon plus efficace qu'au Canada, au
contraire.
M.MORIN: Je n'ai pas envie de chicaner le ministre là-dessus,
mais on pourrait peut-être examiner ce qui se fait à d'autres
niveaux sur cette question du contrôle de la hausse des prix. Le seul
document que je connaisse, à moins qu'il y en ait d'autres à la
connaissance du ministre, au Québec ou au Canada, sur
l'efficacité des politiques anticonjoncturelles dans un Etat
fédéral, c'est la thèse de doctorat du professeur Yves
Rabeau, dont il a déjà été question, je crois, aux
crédits l'année dernière. J'ai cru retracer quelques
commentaires du ministre là-dessus, mais que j'estime ne pas être
suffisamment de nature à me renseigner sur les opinions du ministre.
Est-ce que votre ministère
a eu le temps de consulter cette thèse de doctorat qui, je crois,
a été soumise au Massachusetts Institute of Technology, et qui
est intitulée: "The Federal-Provincial Fiscal Policies, a short-term
analysis with application to the Quebec economy".
L'une des conclusions du professeur Rabeau était que les
politiques fiscales fédérales sont la plupart du temps totalement
inadéquates dans le cas du Québec. Est-ce que le ministre a pris
connaissance de ces conclusions? Est-ce qu'il les a étudiées et
quelle est sa réaction?
M. GARNEAU: Je n'ai pas pris connaissance de la thèse du
professeur Rabeau. Je veux d'abord dire que le ministère des Finances a
retenu les services de M. Rabeau pour faire une analyse de l'impact
anticonjoncturel des budgets du Québec depuis un certain temps, son
travail est passablement avancé, et M. Rabeau sera probablement en
mesure de publier son travail technique au cours de l'été.
Je peux ajouter également que j'ai eu l'occasion, au cours de
conférences fédérales-provinciales des ministres des
Finances, d'indiquer certaines des faiblesses des politiques
anticonjoncturelles du gouvernement fédéral et de faire des
propositions précises sur certains moyens qui pourraient être pris
pour jouer un rôle plus efficace pour le maintien d'un niveau d'emploi
plus élevé.
Il faut ajouter que la situation que j'ai décrite à
l'occasion de déclarations au cours de conférences
fédérales-provinciales, si ma mémoire m'est fidèle,
je crois l'avoir décrite ailleurs aussi, entre autres, à
l'Institut canadien des affaires publiques. J'y avais, comme participant,
abordé cette question, en indiquant que certains des instruments de la
politique nationale n'étaient réellement pas appliqués en
conformité avec les besoins régionaux. Je disais que l'analyse
que nous avions faite, par exemple, en ce qui concerne l'emploi et qui est le
même dans les Maritimes, à Terre-Neuve, et dans certaines
provinces comme le Manitoba et la Saskatchewan, indiquait clairement
qu'à notre sens je ne prétends pas avoir la
vérité absolue et je m'en garde bien parce que c'est dangereux
cela nous incitait à recommander au gouvernement
fédéral de réfléchir en vue d'en arriver à
une régionalisation de certaines de ses politiques nationales. Il y
avait entre autres, ai-je dit, la politique du taux d'intérêt, non
pas en termes des taux bancaires, parce qu'on sait bien qu'à cause de la
fluidité et des transferts d'une succursale à l'autre, d'une
province à l'autre, cela serait illusoire, mais en termes des autres
instruments, comme par exemple, les taux d'intérêt de la
Société centrale d'hypothèques et de logement, de la
Banque d'expansion industrielle, ce qui a été retenu dans le
cadre des taux d'intérêt préférentiels pour les
petites entreprises, ça peut certainement s'appliquer dans d'autres
secteurs.
Tout ce que le gouvernement fédéral a accepté de
faire, suite à une recommandation qui avait été faite par
le premier ministre en 1970 et qui a été mise en application
finalement en 1971 et un peu améliorée en 1972, c'a
été la caisse d'aide conjoncturelle où les prêts
étaient effectués dans chacune des provinces pour soutenir
l'emploi en période d'hiver, avec des taux d'intérêt
avantageux et des exemptions de remboursement qui étaient basées
sur le taux de chômage. Il y avait un certain nombre de critères
dont je n'ai pas tous les détails devant moi, mais qui correspondaient
en quelque sorte à des conditions différentes en termes
régionaux. Le gouvernement fédéral, jusqu'à
maintenant, n'est pas allé plus loin que cela. Je pense que, presque
à toutes les conférences des ministres des Finances depuis, j'ai
attiré l'attention et de mes collègues et du ministre
fédéral des Finances sur cette question, pour en arriver à
rompre un peu cette rigidité de la technocratie fédérale
qui voit dans des politiques nationales des choses complètement
unifiées et qui peut-être, par leur manque de souplesse,
n'atteignent pas les objectifs que le gouvernement fédéral
lui-même désirait obtenir.
M. MORIN: Je vois que, sur ce point, vous êtes d'accord sur les
conclusions du professeur Rabeau. Je vous encourage fortement à lire sa
thèse, puisque je la trouve, sur ce point, fort éloquente. Il y a
une autre conclusion qu'on retrouve chez Rabeau: "The analysis showed that lack
of coordination had an adverse effect on the stabilization of income. It
happens that when one Government has a fiscal policy which goes in the right
direction, then the other Government offsets that favorable effect by a
perverse action", ce qui veut dire une action en sens contraire ou qui ne
concorde pas avec celle-là. En sorte qu'en matière de
stabilisation, les politiques fiscales et provinciales se sont souvent
annulées ou encore au pire, ont eu des effets dans la mauvaise
direction. D'où on pourrait tirer la conclusion, M. le ministre
cela nous ramène à l'inflation que les chances de
réussite d'une politique fiscale antiinflationniste au Québec
sont à peu près inexistantes.
M. GARNEAU: C'est un point de vue que vous me citez, c'est celui du
professeur Rabeau. On pourrait prendre...
M. MORIN: J'ai tiré la conclusion, ici, dont il fait part.
M. GARNEAU: ... le point de vue de M. Raynauld, je pense que c'est dans
un des documents qu'il a publiés récemment ou dans une
conférence que j'ai lue; en tout cas, on me corrigera. Il soumet que les
gouvernements ne devraient pas modifier leur politique budgétaire qui
comprend l'aspect fiscal. De toute façon, à
cause de la complexité du système et de la
multiplicité des agents économiques, au moment où un
gouvernement agit, peu importe qu'il soit provincial ou fédéral,
le délai qui doit nécessairement exister entre le moment
où la politique est mise en application et les effets se font sentir
on joue toujours sur l'extrémité des périodes de
pointe et des périodes de dépression finalement, cela ne
donne pas les résultats qu'on espère obtenir. Je ne crois pas
que, du moins au cours des dernières années je n'ai pas
fait d'analyse qui remonte avant 1970 mais si ma mémoire me sert
bien, je ne connais pas de situation qui, depuis 1970, se soit produite et soit
de nature telle qu'elle corresponde du moins à ce que le professeur
Rabeau avait peut-être analysé antérieurement. Je ne crois
pas qu'il y ait eu de contradiction entre les politiques fiscales,
jusqu'à maintenant, du fédéral et des provinces qui
pourrait nous permettre de dire que l'une a renversé les effets que
l'autre voulait obtenir. Peut-être qu'antérieurement à 1970
le professeur Rabeau a sans doute raison de tirer ces conclusions pour la
période de temps qu'il a analysée, mais depuis 1970, il n'y a pas
d'événement ou d'élément qui me frappe et qui me
porte à croire que telle aurait été la situation. Au
contraire, je pense que, lorsque nous avons accordé des avantages
fiscaux au secteur manufacturier, cela s'ajoutait, en quelque sorte, à
ce que le gouvernement fédéral avait lui-même fait.
M. MORIN: M. le ministre, on a tenté de lutter contre ce
phénomène de la hausse des prix de toutes sortes de
façons. On a fait énormément de suggestions et le pouvoir
fédéral lui-même a tenté de prendre des mesures, non
pas exactement de contrôle, mais de surveillance. Quelle est votre
évaluation de ces mesures jusqu'à aujourd'hui?
M. GARNEAU: Je pense bien que c'est une pression morale qui s'exerce sur
les agents de l'économie, mais cela n'a pas été autre
chose qu'une pression morale.
M. MORIN: On a proposé, d'autre part, des contrôles
sélectifs sur certains prix si les invitations aux directeurs des
centrales syndicales à négocier avec le gouvernement pour
déterminer des augmentations maximales ou si d'autres moyens, comme
l'impôt sur l'excédent des bénéfices des
sociétés, se révélaient insuffisants à
l'usage. Est-ce que vous vous êtes penché, M. le ministre, sur
cette solution possible, celle d'un contrôle sélectif sur certains
prix?
M. GARNEAU: Si vous me posez la question personnellement, je vous dirai:
Non.
M. MORIN: Pourtant, c'est bien l'une des mesures qui est
évoquée le plus souvent pour faire face à l'inflation
galopante.
M. GARNEAU: Si l'on se reporte au pro- gramme américain de
contrôle sur les prix de la viande, par exemple, qui était un
élément important de l'inflation aux Etats-Unis, et qu'on
constate l'échec qu'ils ont eu dans ce contrôle sélectif,
il faut quand même être assez prudent pour dire que tel
contrôle sélectif va apporter des résultats vraiment
flamboyants. Au contraire, la politique de contrôle sélectif aux
Etats-Unis, dans le domaine de la viande, a eu pour effet d'augmenter la
rareté des produits sur les tablettes dans les boucheries et a
contribué soit à provoquer un marché noir, ou à
avoir, tout simplement, une absence de viande. Les producteurs ont tout
simplement retenu leur bétail parce que, comme ces contrôles
sélectifs sont limités dans le temps, on peut toujours garder
l'animal un ou deux mois de plus et, lorsque les prix sont
dégelés, on revend d'une façon graduelle le bétail
accumulé et on bénéficie des gros prix. C'est pour cela
que je dis qu'il faut être bien prudent lorsqu'on soumet cette
possibilité comme étant un élément de solution
véritablement efficace.
M. MORIN : Comme il a été proposé je crois
que c'est dans le discours du budget fédéral si le
gouvernement fédéral envisageait sérieusement de taxer les
marges de profit excessif, l'excédent des profits, est-ce que le
ministre emboîterait le pas? Est-ce qu'il a étudié cette
question?
M. GARNEAU: Notre situation de concurrence au point de vue fiscal, comme
je la vois, ne s'envisage pas avec le gouvernement fédéral. Elle
s'envisage avec ce qui se passe dans les autres provinces parce que c'est
à partir de la fiscalité provinciale qu'on se compare. La
fiscalité fédérale est appliquée, de l'Atlantique
au Pacifique, également à toutes les entreprises. Notre situation
concurrentielle avec l'Ontario et les autres provinces, c'est un niveau de la
fiscalité interprovinciale. Je ne crois pas que nous pourrions nous
éloigner tellement d'autres mesures qui seraient prises ou qui ne
seraient pas prises par nos concurrents. Parce que c'est très facile, au
niveau des investissements, d'accroître la production dans une usine en
Ontario et de laisser celle qui est au Québec ou vice versa. Il faut
donc être extrêmement prudent de ce côté, et je pense
bien qu'une politique pour qu'elle soit véritablement efficace au niveau
provincial, devrait être le résultat d'une entente ou, du moins,
d'un programme commun interprovincial, sans quoi, évidemment, ça
peut être très néfaste pour l'économie du
Québec et pour l'emploi chez nous. C'est certainement dans cette
fourchette de possibilités que se situerait une action éventuelle
du gouvernement du Québec et non pas en comparaison de ce que le
fédéral lui-même fait.
M. MORIN: Evidemment, il n'est pas facile, dans des circonstances comme
celles-là, de lutter contre l'inflation, lorsque, d'une part, les
pouvoirs sont partagés entre deux niveaux de
gouvernement, les prix de détail sont de votre compétence,
les prix des produits importés ou exportés sont de
compétence fédérale, les loyers sont de compétence
provinciale, les prix des grains de provende sont de compétence
fédérale et ainsi de suite sur toute la ligne. Chaque fois qu'on
présente une solution possible, elle se révèle aux yeux du
ministre être inapplicable, en sorte que, finalement, je suis conduit
à la conclusion que vous êtes totalement désarmé
devant un phénomène comme...
M. GARNEAU: Ce qui me surprend dans les propos du chef de l'Oppostion,
c'est qu'il ne m'a pas suggéré de moyens d'action, il m'a
posé des questions. S'il aborde le problème sous cet angle, je
n'y ai pas objection et il y en a certainement d'autres à cette table
qui pourraient également entrer dans la discussion. Mais il faut bien
que le chef de l'Opposition se rende compte qu'à moins qu'il ne
suggère que le Québec s'isole complètement, et suivant sa
philosophie politique, je ne crois pas, du moins ce n'est pas le sens des
propos que tenaient, durant la dernière lutte électorale, les
représentants du Parti québécois, au contraire, s'il est
vrai que le Québec ne doit pas s'isoler du reste du continent
nord-américain où on parle même, pour calmer les gens, d'un
marché commun...
J'ai eu des discussions pendant la lutte électorale avec le
candidat péquiste de Louis-Hébert et il était
peut-être un peu plus conservateur que le reste de l'équipe sous
cet aspect, mais il a parlé abondamment du marché commun
canadien. Si ce marché commun existe, comme le suggèrent certains
membres du Parti québécois, il ne faut pas qu'il y ait en
même temps le chou et la chèvre, il faudra qu'il en garde
seulement un. S'il opte pour le marché commun, il faudra qu'il aligne
ses politiques fiscales, ses politiques monétaires; il ne pourra pas
jouer seul dans son parc, il faudra que ses entreprises vendent en Ontario,
vendent à l'extérieur. Et le gouvernement ne pourra pas...
M. MORIN: Vous n'appliquez pas ce règlement à
l'indexation.
M. GARNEAU: Pardon?
M. MORIN: C'est curieux comme vous n'appliquez pas ce règlement
à l'indexation.
M. GARNEAU: Non, parce qu'on a utilisé une autre formule. Le
résultat final, pour le contribuable québécois, dans la
classe de ceux que nous voulons avantager, situe le Québec dans une
position concurrentielle avantageuse.
M. MORIN: Cela prouve qu'il y a quand même une certaine marge, que
ce soit à l'intérieur d'un état fédéral, que
ce soit à l'intérieur d'un marché commun. Il y a une
certaine marge dont vous disposez tout de même.
M. GARNEAU: II est heureux que le chef de l'Opposition le
reconnaisse.
M. MORIN: Oui, mais on vous en a fait des propositions, ne dites pas
qu'on ne vous en a pas fait dans le passé.
M. GARNEAU: Pas depuis le début de la session.
M. MORIN: II n'y a pas si longtemps, c'était en août 1973,
on vous a proposé de taxer l'excédent des profits. Vous n'en avez
rien fait. Il est vrai que le plus gros relèverait d'Ottawa, mais, pour
votre part, vous n'avez rien fait dans ce domaine.
M. GARNEAU: M. le Président, si le chef de l'Opposition croit
qu'on peut ici avoir une fiscalité des entreprises complètement
différente de celle de nos concurrents, je lui souhaite bonne chance, si
jamais son parti vient au pouvoir, pour appliquer de telles mesures à
l'intérieur de son marché commun.
M. MORIN: Mettez-moi au défi. On verra.
M. BOUTIN (Johnson): Hélas, nous sommes jeunes!
M. GARNEAU: II les a lâchés à la course à la
chefferie, mais on ne lancera pas d'autres défis.
M. MORIN: Ces messieurs les députés libéraux ne
doivent pas confondre leurs voeux avec les réalités.
M. BOUTIN (Johnson): On ne verra pas cela de notre vivant, qu'on est
jeune.
M. MORIN: Vous pouvez toujours le souhaiter. La réalité
sera peut-être différente. Ce sont les Québécois qui
décideront, de toute façon, et au rythme où vont les
choses, j'ai l'impression que les Québécois sont à
comprendre comment il se fait qu'ils sont victimes de l'inflation et comment il
se fait qu'il n'y a pas de politique vraiment efficace.
M. BOUTIN (Johnson): Surtout si on parle du pétrole.
M. MORIN: Oui, si on parlait du pétrole, justement !
M. GARNEAU: C'est une bonne idée.
M. BOUTIN (Johnson): Si vous n'êtes pas capables d'en trouver, on
est capable.
M. MORIN: Vous amenez la chose à point. M. le Président,
les profits déclarés aux actionnaires, en 1972...
M. GARNEAU: Le chef de l'Opposition
nous parlait d'inflation. J'aimerais beaucoup plus que le chef de
l'Opposition garde la même séquence, et comme il parlait de
l'inflation, qu'il nous dise quelle serait l'inflation au Québec s'il
n'y avait pas cette entente fédérale-provinciale à
l'intérieur du Canada.
M. MORIN: On pourrait en parler. Oui, d'accord. Je voudrais d'abord
aborder la question non moins intéressante, puisqu'on parle de profits
excessifs et de taxation des profits excessifs, de la question des profits
déclarés aux actionnaires par les compagnies
pétrolières en 1972, ce sont les derniers chiffres qu'on a. Non,
on en a peut-être un peu plus récents, mais ceux-là sont
déjà intéressants.
Texaco, $42 millions; Esso, $157 millions; Shell, $79 millions; Gulf,
$64 millions; Pétrofi-na, $19 millions, soit en tout $361 millions
auxquels on peut ajouter du menu fretin pour une valeur d'à peu
près $40 millions, ce qui fait à peu près $400 millions de
profits.
M. GARNEAU: Ce sont des investissements totaux de combien?
M. MORIN: Ce que je voudrais demander...
M. GARNEAU: Ce sont des investissements totaux de combien?
M. MORIN: Pour l'ensemble du Canada? M. GARNEAU: Oui.
M. MORIN: Je ne le sais pas. Est-ce que le ministre le sait?
M. GARNEAU: Non, c'est justement la question que je posais. Comme c'est
vous qui avez soulevé le problème, je pensais que...
M. MORIN: On va en discuter et si vous avez des montants, vous les
connaissez sans doute mieux que moi.
M. GARNEAU: Comme je l'ai déjà mentionné dans mon
discours sur le budget, il y a deux équipes de travail qui s'occupent du
secteur minier et du secteur pétrolier. Je ne suis pas en mesure de dire
présentement ce que sera l'attitude du gouvernement, compte tenu du fait
que les conclusions du rapport ne nous sont pas encore connues, mais cet aspect
de la question va certainement être abordé dans l'étude qui
est en cours présentement.
M. MORIN: Je voudrais quand même étudier un peu les
méthodes fiscales qui sont utilisées pour la fiscalité de
ces compagnies pétrolières. Si je comprends bien, on
déduit les dépenses d'exploration avant le partage, pour obtenir
d'abord les profits imposables, et j'ai cru savoir, à la suite des
crédits du ministère du Revenu, que les dépenses
d'exploration faites par ces compagnies au Québec sont infimes. Elles
représentent peut-être un peu plus que 1 p.c. du total.
Le ministre du Revenu, qui a bien résisté à mes
questions pendant au moins toute une journée pour finalement sortir les
montants, nous a révélé que les impôts payés
par ces société pétrolières au Québec se
situaient entre $3 millions et $4 millions, si ma mémoire est bonne
je n'ai pas le montant exact sous les yeux, j'en parle de mémoire
sur des profits totaux, au Canada, de $400 millions. Je veux bien croire
qu'il a derrière cela des investissements considérables. On ne
compare pas tellement les profits avec les investissements que les profits avec
ce qui est payé en impôt au Québec.
Je demande au ministre si cela lui paraît raisonnable, compte tenu
du fait que presque aucune exploration n'est effectuée au Québec
par ces mêmes sociétés, que nous nous trouvions devant des
impôts de $3 millions à $4 millions payés au Québec
sur des profits de $400 millions. Il a sûrement une opinion sur la
question. Avant que le comité se penche sur la question, il devait en
avoir une opinion.
M. GARNEAU: Je ne connais pas les montants d'impôt qui seront
payés par les sociétés pétrolières en 1973,
parce que les statistiques ne sont certainement pas disponibles encore, compte
tenu des années financières qui sont un peu différentes et
qui chevauchent. C'est difficile de comparer les profits que vient de citer le
chef de l'Opposition avec les montants d'impôt qui ont été
payés au cours des années antérieures, avant le moment
où l'inflation des prix du pétrole a été
véritablement amorcée. Si on prend les montants que donne le chef
de l'Opposition de $3 millions ou $4 millions, qui m'apparaissent conformes
à la réalité, cela voudrait dire... Que font $4 millions
à 12 p.c? On est taxé à 12 p.c. au Québec.
M. MORIN: Elles sont taxés à 12 p.c. Cela fait $25
millions de profits imposables.
M. GARNEAU: Oui, cela fait $25 millions à $27 millions de profits
imposables au Québec. Quel a été le montant total de
profits, par exemple, des entreprises pétrolières en 1971/72? Je
ne l'ai pas devant moi, mais est-ce que...
M. MORIN: Un montant de $460 millions.
M. GARNEAU: Mais vous parlez de 1973/74?
M. MORIN: Non, je parlais de 1972. M. GARNEAU: De 1972.
M. MORIN: II y a eu $3 millions payés au fisc
québécois en 1972, le taux étant de 12 p.c.
M. GARNEAU: De toute façon, je ne veux pas argumenter longuement
sur le fond de la question.
Je voudrais ajouter que c'est justement parce que nous croyons qu'il n'y
a peut-être pas équité dans ce domaine que nous avons voulu
avant d'agir d'une façon différente de ce que pourraient
faire nos concurrents qui n'ont pas non plus de pétrole, si je prends
l'Ontario, par exemple faire une étude exhaustive de l'ensemble
de la situation et voir comment nous pourrions traiter les dépenses
d'exploration au Québec d'une façon différente de ce qui
se fait actuellement, et peut-être revenir à la situation qui
prévalait avant la réforme fiscale de 1972, ou encore trouver
d'autres façons d'avoir une part plus juste des impôts sur les
profits des sociétés pétrolières. Mais nous ne
voulons pas le faire à tout hasard et risquer de commettre des erreurs
qui seraient assez coûteuses, surtout au moment où, à cause
de l'action que nous avons entreprise avec SOQUIP, celle d'augmenter d'une
façon sensible le capital-actions et d'inciter les compagnies
privées à adjoindre leurs capitaux aux nôtres pour
favoriser l'exploration. Avant de poser des gestes, dans ce secteur, qui
pourraient avoir des conséquences considérables, nous avons voulu
faire une analyse réellement exhaustive de la situation, voir quelle
serait la situation nouvelle au Québec advenant des changements suivant
des hypothèses de diverses natures avec nos concurrents, et s'assurer,
en même temps, que nous ne bloquons pas les possibilités
d'investissements importants dans la recherche pétrolière qui
pourraient accompagner les capitaux que SOQUIP investira au cours des
prochaines années.
M. MORIN: Je voudrais quand même m'at-tarder un peu
là-dessus, encore quelques instants, M. le Président. Est-ce que
le ministre sait comment on procède en Ontario? Est-ce que les
déductions sont faites avant ou après le partage?
M. GARNEAU: Elles sont faites de la même façon. C'est la
même méthode. Ce que nous faisons actuellement, c'est que les
entreprises soustraient pour le Québec, en proportion, suivant la
même formule qui est calculée pour le reste, c'est-à-dire
l'impôt payable au Québec des dépenses d'exploration
dans les mêmes proportions, c'est-à-dire les ventes qui sont
effectuées au Québec, sur l'ensemble des ventes, plus les
salaires payés au Québec, sur l'ensemble des salaires, suivant
cette formule qui est... On déduit des dépenses d'exploration
dans les mêmes proportions qu'on paie l'impôt. C'est
peut-être là qu'il pourrait y avoir une anomalie. C'est ce qu'on
veut étudier à fond, parce que...
M.MORIN: J'ai beaucoup de difficultés à comprendre
comment, avec des profits de $400 millions dont le quart a été
réalisé au Québec, probablement, à tout le moins,
ce qui fait une centaine de millions de dollars le ministre n'est pas en
désaccord sur ces chiffres-là se ramasser avec trois ou
quatre millions de dollars d'impôt là-dessus, c'est vraiment un
peu fort. Le ministre...
M. GARNEAU: On m'indique d'être prudent de ce côté
parce qu'il n'existe pas de statistiques qui nous indiquent le profit
véritable fait par province, parce que ce sont des opérations
canadiennes et ce sont des entreprises nationales. L'ensemble de leurs
opérations n'est pas sectionné. Par le fait que ces
opérations ne sont pas sectionnées provincialement, on applique
une formule de partage des profits d'une province à l'autre à
partir du rapport d'impôt global.
M. MORIN: II y a eu un comité interministériel qui a
été formé sur la question. Je crois que vous y avez fait
allusion, il y a un instant. Il était annoncé, d'ailleurs, dans
le discours du budget. Il est chargé d'étudier le régime
fiscal des sociétés pétrolières, pour tenter de
démêler l'écheveau. Est-ce que le ministre pourrait nous
dire qui fait partie de ce comité?
M. GARNEAU: Les ministères: Revenu, Richesses naturelles,
Finances, Industrie et Commerce. C'est le nom des personnes que vous
demandez?
M. MORIN: Pour votre ministère.
M. GARNEAU: Pour le ministère, c'est M. Audet qui
représente le ministère des Finances. Pour les autres
ministères: M. Gauvin, du Revenu, sous-ministre, qui préside le
comité...
M. MORIN: Je sais que c'est M. Gauvin, parce que j'ai eu l'occasion de
lui en parler.
M. GARNEAU: Le directeur de l'énergie au ministère des
Richesses naturelles, M. Boucher.
M. MORIN: Quand attendez-vous le rapport de ce comité, M. le
ministre?
M. GARNEAU: Le plus tôt possible. C'est une réponse...
M. MORIN: C'est une réponse fréquente dans votre bouche,
le plus tôt possible. Cela veut dire quoi?
M. GARNEAU: C'est-à-dire que, si on répondait à mon
désir, on me le remettrait demain matin.
Mais il reste quand même que c'est un domaine assez complexe et je
ne peux pas demander à ce groupe de travail évidemment, de
consacrer tout son temps à cela d'une façon permanente. Il a
passé des commandes à des professionnels qui sont sous sa
juridiction pour compléter des dossiers, mais quel est votre
échéance à peu près? On m'indique que
l'échéance pourrait être sans doute à l'automne.
J'avais demandé qu'on accélère davantage le secteur minier
qui pourrait sans doute être prêt un peu plus tôt. J'avais
demandé qu'on accélère à cause du discours
fédéral sur le budget. Maintenant que le gouvernement est en
campagne électorale, on peut peut-être gagner quelques semaines et
surtout, s'il y avait changement de gouvernement au niveau
fédéral, voir quelle serait la politique du nouveau gouvernement.
De toute façon, l'urgence est un peu moins grande maintenant.
M. MORIN: Est-ce que je pourrais vous citer un extrait du discours du
budget fédéral, du lundi 6 mai: "D'autre part, compte tenu de la
situation spéciale des provinces à l'égard des richesses
naturelles, je propose la mise en vigueur immédiate d'un
dégrèvement spécial d'impôt fédéral
sur le revenu en ce qui concerne le revenu de production imposable
réalisé au Canada. Le dégrèvement spécial
sera de quinze points, dans le cas des bénéfices de l'industrie
minière, et de dix points, dans le cas de ceux de l'industrie
pétrolière. En ce qui concerne les bénéfices du
secteur minier, l'action conjuguée du nouveau dégrèvement
et du dégrèvement provincial normal de dix points réduira
le taux fédéral de 50 p.c. à 25 p.c. Dans le cas du
pétrolier, le taux sera ramené à 30 p.c."
J'aimerais demander au ministre ce qu'il entend faire pour occuper le
nouveau champ fiscal qui est laissé libre par le gouvernement
fédéral en ce qui a trait à l'impôt sur les
bénéfices des sociétés minières puisque le
ministre Turner annonçait ce dégrèvement, donc, tout
dernièrement.
M. GARNEAU: Je viens de répondre au chef de l'Opposition. Je
pense qu'il causait avec son recherchiste au moment où j'ai dit cela.
J'avais demandé d'accélérer de beaucoup le travail du
côté minier en raison de la décision du gouvernement
fédéral parce que cela implique, pour le Québec,
l'ajustement de deux fiscalités, la fiscalité qui est
retirée à la tête de puits de la mine sur les profits de
l'opération minière comme telle et la fiscalité des
profits sur les sociétés. Cela s'incorporait justement dans le
mandat qui avait été donné antérieurement à
ce groupe de travail qui avait une échéance un peu plus longue
pour présenter son rapport étant donné que le
fédéral avait indiqué, à la suite d'ententes avec
les provinces, lors de la réforme fiscale, que ces nouveaux taux
concernant l'industrie minière seraient applicables à partir du
début de 1976.
Et j'ai eu l'occasion de l'indiquer, je pense à d'autres endroits
aussi, que le fait de devancer cette date à 1974 nous obligeait à
modifier notre fiscalité en conséquence pour occuper le champ
laissé vacant, et la façon dont nous allons l'occuper est
justement une des parties du mandat qui a été confié au
groupe de travail.
M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il a l'intention
de faire passer le taux québécois à 25 p.c, par
exemple?
M. GARNEAU: Cela dépendra des modifications qu'on pourra apporter
à l'impôt sur les profits miniers. Si nous modifions, par exemple,
d'une façon quelconque les taxes ou les redevances que l'on retire
à partir des profits qui sont faits à la tête du puits de
la mine, il faudra compenser par une fiscalité plus ou moins grande sur
l'impôt général. Il va falloir faire équilibrer les
deux aspects et c'est le mandat du comité.
En ce qui concerne le pétrole, le problème ne se pose plus
maintenant parce que le budget du gouvernement Trudeau n'a pas
été adopté et, avant de dire au chef de l'Opposition que
nous occuperons un champ, il va falloir attendre pour voir si les mêmes
mesures...
M. MORIN: Etant donné que le budget n'a pas été
adopté et qu'il ne le sera peut-être jamais, je concède au
ministre qu'il vaut mieux attendre.
M. GARNEAU: S'il est représenté par M. Turner au cours du
mois d'août, à ce moment, évidemment, nous allons
certainement occuper le champ, parce qu'il n'est pas question de diminuer la
fiscalité, au contraire. Nous allons certainement occuper ce champ sans
alourdir, comme l'indique d'ailleurs M. Turner dans son discours, le fardeau
fiscal au point de départ. Il s'agirait de savoir de quelle façon
on le ferait. C'est cela qui fait l'objet des études actuellement en
cours.
M. MORIN: Bien. M. le Président, on pourrait peut-être
jeter un coup d'oeil maintenant sur le fardeau fiscal des contribuables
québécois et tenter ce n'est pas la première fois
que nous le faisons d'aller un peu plus loin qu'il n'est possible de le
faire en période de questions en Chambre, alors que, forcément,
les réponses sont toujours sommaires. Jetons donc un coup d'oeil sur la
comparaison du fardeau des contribuables québécois avec le
fardeau de ceux des autres provinces. Nos montants et, je le signale aussi au
ministre, les montants fédéraux disent le contraire de ce que
prétend le ministre des Finances. Je sais que la différence
résulte probablement, tant entre les chiffres du ministre et les
nôtres qu'entre ceux du ministre et les chiffres fédéraux,
du fait qu'il traite les paiements de transfert dont nous parlions tout
à l'heure comme des crédits d'impôt et que cela fausse les
comparaisons et les rend extrêmement difficiles. Est-ce que le ministre a
fait faire une étude comparée sur le fardeau respectif du
contribuable québécois et du contribuable onta-rien?
M. GARNEAU: Oui, d'ailleurs nous avons publié le résultat
de cette étude dans l'annexe 3 du discours du budget.
M. MORIN: Mais si les fardeaux, comme vous le prétendez, se
comparent maintenant... C'est ce que vous dites, les fardeaux sont à peu
près équivalents?
M. GARNEAU: Pour certaines catégories de contribuables, c'est
moins lourd et, pour d'autres, c'est un peu plus lourd.
M. MORIN: Oui, c'est donc qu'avant l'indexation, le fardeau
ontarien...
M. GARNEAU: Cela comprend l'indexation. Le calcul a été
fait, compte tenu du fait que...
M. MORIN: Qu'en Ontario, il y a l'indexation.
M. GARNEAU: ... qu'en Ontario, on avait indexé, oui; au
Nouveau-Brunswick également.
M. MORIN: C'est donc que le fardeau ontarien était moindre que le
fardeau québécois. Je voudrais demander au ministre...
M. GARNEAU: Dans quel sens pouvez-vous dire cela?
M. MORIN: ... si nous n'allons pas...
M. GARNEAU: Mais dans quel sens pouvez-vous dire cela? Au contraire, si
on excluait l'indexation en Ontario, le fardeau québécois serait
l'inverse...
M. MORIN: Je m'excuse. C'est le contraire. C'est donc dire que le
fardeau québécois était moindre que le fardeau ontarien.
Je demande au ministre si nous n'allons pas vers un fardeau de plus en plus
prononcé pour le contribuable québécois.
M. GARNEAU: Cela va dépendre des mesures fiscales qui seront
adoptées par le gouvernement au cours des années à venir.
Ce qu'on peut dire, c'est l'expérience que l'on connaît
présentement. Si l'an prochain, à cause d'une très bonne
administration, nous annonçons une réduction des impôts de
10 p.c, c'est clair qu'à ce moment on sera placé dans une
situation encore beaucoup plus avantageuse. C'est une boutade pour dire que je
ne peux pas présumer de ce que l'Ontario fera dans son budget 1975, ni
de ce que je ferai dans mon budget 1975; le Nouveau-Brunswick, de la même
façon. Ce que nous connaissons présentement, c'est la situation
qui existe telle qu'elle est. Il se pourrait fort bien que l'an prochain,
même si nous n'indexions pas...
M. MORIN: L'Ontario va indexer.
M. GARNEAU: Oui, je suis d'accord. Mais même si nous n'acceptions
pas le principe de l'indexation incluse dans la loi, cela est une chose que
d'inscrire dans la loi une clause d'indexation automatique, et c'est une autre
chose que d'apporter des mesures fiscales qui ont pour objet d'atteindre le
même objectif. Alors, suivant ce qui se fera au Québec lors du
prochain budget, on aura ou on n'aura pas un fardeau fiscal plus lourd
qu'ailleurs. On me signale également qu'il va falloir savoir comment
l'Ontario va aller récupérer les sommes d'argent qu'elle perd
à cause de l'indexation. Ce sont des sommes assez considérables.
On m'indique que le coût de l'indexation de l'Ontario, pour l'an
prochain, sera de l'ordre de $150 millions ou de $160 millions de plus que le
coût de cette année.
C'est évident que cette année, l'indexation dans les
autres provinces, la perte qu'elles ont subie a été
compensée par le fait que l'assiette fiscale était élargie
avec les allocations familiales de telle sorte que ce que le fisc ontarien et
celui des autres provinces perdaient par l'indexation, ils le reprenaient par
une nouvelle source de fiscalité qui était due à
l'élargissement de l'assiette fiscale. Mais l'an prochain, à
moins qu'ils n'apportent des modifications que l'on ne connaît pas,
l'indexation étant "built in" dans la loi, elle va produire une baisse
de recette fiscale en Ontario et au Nouveau-Brunswick, mais elle n'est pas
connue jusqu'à maintenant, à moins que le gouvernement de
l'Ontario n'augmente d'une façon substantielle ses allocations
familiales, plutôt le fédéral, parce que ce seront des
dépenses qui seront aussi coûteuses, d'un niveau tel qu'elles
donnent des recettes additionnelles, ce qui est peu prévisible. Alors,
il va falloir qu'il y ait des modifications dans les taux. On remarque cette
année, par exemple, que Terre-Neuve, à cause de l'indexation, a
dû augmenter les taux de table d'impôt provincial sur le revenu,
mais en plus, comme le rendement de ces points d'impôt, dans une province
comme Terre-Neuve, est relativement bas, elle a été
obligée d'avoir recours à une taxe indirecte pour aller chercher
les revenus dont elle a besoin et a augmenté la taxe de vente de 1 p.c,
de telle sorte que, pour combattre une mesure qui était censée
être progressiste, elle a été oligée de faire appel
à une taxe qui, elle, est régressive.
M. MORIN: D'accord, mais toutes choses étant égales, je
pense que le ministre va admettre que si l'Ontario continue d'indexer et que,
nous, nous n'indexons pas, le fardeau fiscal du contribuable
québécois va augmenter par rapport à celui de l'Ontario
d'année en année.
M. GARNEAU: Théoriquement, vous avez raison, sauf que
pratiquement sans indexer comme tel c'est cela que j'essaie de dire au
chef de l'Opposition sans accepter le principe de l'indexation incluse
dans la loi d'une façon automatique, il n'y a rien qui empêche les
gouvernements, le gouvernement actuel comme les gouvernements qui viendront
dans l'avenir,
de proposer des mesures fiscales qui ont pour objet la même chose.
C'est-à-dire qu'il n'y a rien qui nous empêcherait de proposer
l'augmentation des exemptions de base à $5,000 l'an prochain. Cela
serait une baisse du fardeau fiscal.
M.MORIN: M. le Président...
M. GARNEAU: Dans les études comparatives, je dois souligner qu'en
plus de l'indexation qui est effective en Ontario et qui est incluse dans les
exemples, nous avons tenu compte des crédits d'impôt qui sont
payés dans les autres provinces et également des autres charges
connexes, comme les changements ou les variations qui existent entre les
régimes d'assurance-hospitalisation et d'assurance-maladie. Dans
certaines provinces, il y a des primes alors que, dans d'autres endroits, c'est
directement relié à la fiscalité.
M. MORIN: M. le Président, j'avais l'honneur de poser une
question aujourd'hui même en Chambre sur les aspects linguistiques du
syndicat financier et, en ce qui me concerne, je n'ai pas été
satisfait de la réponse que le ministre m'a donnée et
peut-être qu'on pourrait y revenir un peu plus dans le détail.
Il n'y a pas si longtemps, le gouvernement avait fait une
réforme, enfin il appelait cela une réforme du syndicat
financier; il l'avait modifié, disait-il, pour que le contrôle
québécois soit plus étroit. Mais est-ce que le
gouvernement s'est attaqué aux firmes torontoises qui, autant que je
sache, monopolisaient, à toutes fins pratiques, le marché
canadien des obligations?
M. GARNEAU: Je répondrais à la question du chef de
l'Opposition en prenant une autre attitude, ou par un autre chemin qui
en tout cas j'ai l'impression sous-tend sa question. Je ne crois pas
qu'il soit sain pour un ministre des Finances de prendre des décisions
basées uniquement sur une question linguistique.
J'ai une responsabilité envers l'ensemble des
Québécois et, comme membre du gouvernement, une
responsabilité davant la Chambre, c'est celle de m'assurer, par une
fiscalité raisonnable et équitable, du moins comparativement
à celle des autres citoyens canadiens qui vivent dans d'autres
provinces, d'avoir une fiscalité équitable et comparable qui
procure des revenus suffisants pour financer une partie de l'ensemble des
dépenses gouvernementales, y inclus les dépenses
d'immobilisation. Mais, compte tenu des investissements qui doivent être
faits, il n'est que normal que nous ayons recours au marché des
emprunts.
Je ne voudrais, à aucun moment, laisser entendre au chef de
l'Opposition ou aux membres de la commission que les décisions que nous
avons prises étaient basées sur des questions linguistiques. Ce
que nous avons fait, c'est que nous avons mesuré la valeur des maisons
en cause et, à qualité égale, nous avons donné
préséance, en termes de commande, à des maisons dont le
siège social était au Québec. C'est la raison pour
laquelle, maintenant, parmi les courtiers qui dirigent le groupe bancaire, sur
six maisons, il y en a cinq dont le siège social est au Québec.
Sur l'ensemble des courtiers qui font partie du groupe bancaire, il y en a 31
présentement en fait, toutes les maisons du Québec qui
oeuvrent dans le secteur des obligations sont membres, à moins qu'elles
n'aient pas voulu en faire partie et sur 31 maisons, il y en a 11 qui
sont de l'extérieur du Québec, mais qui ont été
choisies par le fait qu'elles apportent une collaboration à la
distribution des titres et aussi parce qu'elle sont dans une situation
financière qui leur permet de souscrire ferme, avec les autres membres
du groupe bancaire, une émission d'obligations.
Parce qu'il faut bien comprendre une chose: si le gouvernement du
Québec émet une émission de $75 millions et que la Caisse
de dépôt en prend $25 millions, il reste que le groupe bancaire
s'engage financièrement à payer, à la date convenue les
$50 millions, qu'il ait vendu les titres ou qu'il n'ait pas vendu les titres.
C'est ce qui est arrivé dans certaines conditions de marché
où, par exemple, on établit le prix d'une émission
à 11 heures le jeudi matin et que, le vendredi, la Banque du Canada
décide d'augmenter son taux de réescompte d'un point. C'est
évident que les gens restent pris avec des titres qu'ils sont
obligés d'écouler à perte ou encore sur lesquels ils sont
obligés d'emprunter parce que l'argent doit être livré
à l'emprunteur, qui est le Québec, comme c'est le cas dans
d'autres provinces. De telle sorte qu'en plus de la capacité de
distribution, il faut quand même aussi porter attention à la
solvabilité de l'ensemble du syndicat. Je pense qu'on peut dire
qu'actuellement, avec les maisons québécoises qui font partie du
groupe supérieur de gérance, qui sont des maisons très
bien cotées, non seulement au Québec, mais dans l'ensemble du
pays, je pense, par exemple, à Levesque Beaubien, René T.
Leclerc, Greenshields, Nes-bitt Thomson, Tassé et Associés, qui
sont les cinq maisons dont j'ai parlé et dont le siège social est
à Montréal, ce sont des maisons qui ont une bonne cote, tant au
Québec qu'ailleurs au Canada, et qui contribuent à assurer la
solvabilité du groupe financier. Dans les 31 maisons qui suivent, il y a
d'autres maisons tout aussi valables, parce qu'il faut faire des choix à
un moment donné. Vous avez Cliche et Associés, Crang et Ostiguy,
Molson et Rousseau, qui sont encore des maisons de taille importante; Grenier
et Ruel; Brault, Chaput, Rolland; Geof-frion, Robert, Gélinas; en fait,
il y en a d'autres aussi. Je parle des plus grandes.
M. MORIN: La maison torontoise qui fait partie du groupe de
gérance.
M. GARNEAU: C'est Ames qui fait partie
du groupe de gérance et qui, au point de vue de la qualité
du travail que cette maison fait pour la distribution des titres du
Québec, de la province et d'Hydro-Québec, je pense... Cela milite
très largement dans le fait que cette maison soit membre du groupe de
gérance. Farce que nous avons établi, à partir du
début de 1971, un processus qui était déjà mis en
application à la Banque du Canada pour la distribution des titres
d'obligations d'épargne, d'autres valeurs émises par le
gouvernement canadien, c'est-à-dire le rapport d'efficacité de
distribution. Maintenant, la participation de chacun des courtiers, dans le
groupe bancaire, est basée sur l'expérience que nous avons
accumulée dans la distribution des titres. Tant et aussi longtemps que
le premier ministre me confiera cette responsabilité, les
décisions que je prendrai seront, d'abord et avant tout, basées
sur l'efficacité de ces maisons, leur solvabilité et, à
qualité égale, donner avantage aux maisons dont le siège
social est au Québec.
Mais je ne voudrais absolument pas qu'il soit compris ou qu'on
prétende que les décisions que j'ai prises étaient
uniquement basées sur des questions linguistiques, cela a
été certainement en dehors du processus de mon analyse.
M. MORIN: Je voudrais revenir peut-être...
M. GARNEAU: Et je voudrais répéter ce que j'ai dit
également, en Chambre tout à l'heure. Depuis plusieurs
années, toute la documentation transmise entre le ministère et le
groupe bancaire est en langue française et cela n'a pas de rapport
directement avec la qualité des maisons en cause, mais c'est tout
simplement un fait qui a été reconnu et accepté. Je ne
sais pas comment cela se faisait antérieurement, combien cela fait-il
d'années? On me dit que cela fait à peu près cinq ou six
ans. Moi, depuis que je suis là, c'est l'information que j'avais eue
dès le départ, c'est peut-être antérieur même
à mon arrivée au ministère, c'est peut-être la
dernière année avant que j'arrive.
M. MORIN: Oui. On peut revenir peut-être sur le syndicat financier
au programme 2 parce que cela relève peut-être un peu plus de cet
aspect-là, du programme 2.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre des Institutions
financières.
M. TETLEY: Mais après le chef de l'Opposition.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Sur le même sujet?
M. TETLEY: Oui.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Je crois que le chef de l'Opposition a
terminé sur ce sujet.
M. MORIN : J'aurais une dernière question qui va
intéresser le ministre des Institutions financières d'ailleurs.
Si-je comprends bien, M. le ministre, à la suite de ce que vous venez de
nous dire, la politique linguistique incitative du gouvernement, la politique
de refrancisation dont nous avons parlé ces jours-ci à la
Chambre, ne s'applique pas au secteur financier?
M. GARNEAU: Ce que j'ai voulu dire au chef de l'Opposition, c'est que
lorsque nous avons apporté des modifications au groupe bancaire qui
dirige la vente de nos obligations et celles d'Hydro-Québec,
c'était, je pense à l'automne 1972, en fait cela a
été en vigueur au début de 1973. Lorsque nous avons pris
cette décision, nous l'avons prise en tenant compte de la
solvabilité des maisons, de leur capacité de distribuer les
titres, en fait, de la valeur intrinsèque de la maison et non pas
uniquement d'après une question linguistique.
Si nous avons pris, par exemple, la maison Tassé et
associés ou encore Cliche et associés ou encore Crang et Ostiguy,
dans le groupe supérieur de gérance, ce n'est pas uniquement
parce que ces gens-là parlaient français, mais c'est parce qu'ils
avaient des maisons qui étaient valables et bien organisées pour
distribuer des titres. C'est en raison de leur compétence que nous les
avons choisies plutôt qu'en raison uniquement d'une question
linguistique. Mais comme elles avaient la compétence et que leur
siège social était au Québec, de la même
façon que Greenshields, par exemple, qui n'était pas dans le
groupe de gérance antérieurement et dont le siège social
est à Montréal, ce sont ces raisons-là qui ont
motivé notre décision, et non pas uniquement des questions
linguistiques. Si je peux donner un exemple, je n'aurais pas accepté
qu'une maison québécoise francophone soit membre du groupe
bancaire si elle n'avait ni la compétence ni la solvabilité
financière pour occuper le poste qu'on voulait lui confier.
LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions sur le même
sujet?
M. MORIN: Non, je vais passer la parole au ministre des Institutions
financières.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable ministre des Institutions
financières.
M. TETLEY: M. le Président, je viens d'écouter les
remarques du ministre des Finances que je trouve fort pertinentes et
très importantes. Je dois le féliciter de ce qu'il a fait, des
actes qu'il a posés au sujet du syndicat qui s'occupe des obligations du
Québec et d'Hydro-Québec. Il a modifié le syndicat. D'une
manière très importante, il a aidé certaines maisons de la
province de Québec, du marché du capital de Montréal et il
a aidé la province par deux moyens : II a aidé le marché
du capital parce qu'il a fait ces changements en vertu d'un système de
mérite, c'est-à-dire ces maisons-là étaient
choisies à cause de leur capacité de
vendre les obligations. Il a fait toute une étude des ventes, de
la distribution.
Il a aussi vendu plus d'obligations à un prix moins
élevé qu'autrefois. Je crois que nous sommes tous très
contents de cette action. Je sais que la Bourse de Montréal et le
marché des capitaux sont très contents, à Montréal.
Je crois que le système de mérite était le seul
système juste et équitable. Il avait ce double effet que je viens
de mentionner. Donc, je lève mon chapeau devant le ministre des
Finances, le député de Jean-Talon.
M. MORIN: De ministre à ministre, c'est très
élégant.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Autres questions générales?
M. MORIN: Oui, il y en a encore. Je voudrais passer à une
question qui a peut-être été étudiée par le
ministère, celle de l'impôt foncier. On parle depuis
déjà longtemps du caractère archaïque, du
caractère régressif de l'impôt foncier municipal. Le
ministre peut-il nous dire s'il a envisagé au moins des mesures à
long terme, visant à éliminer ou encore à remplacer cette
source de financement des municipalités?
M. GARNEAU: M. le Président, le chef de l'Opposition se
réfère à l'impôt foncier municipal. Je vais
immédiatement lui dire que nous n'avons pas fait d'étude et
d'approche en vue de faire disparaître l'impôt foncier municipal.
L'attitude que nous avons prise dans un premier temps a été
d'essayer de trouver une solution à l'impôt foncier scolaire. On
sait qu'actuellement, dans l'ensemble du système scolaire, sur une base
de l'année scolaire des commissions scolaires, c'est-à-dire de
mai à juin, le coût total du réseau doit être de
l'ordre de $1,500,000,000, à peu près sur une base d'année
scolaire. Je parle dans les ordres de grandeur. Je ne voudrais pas qu'on me
dispute si je me trompe de $50 millions ou de $75 millions, mais c'est l'ordre
de grandeur.
Actuellement, l'impôt foncier scolaire contribue pour à peu
près $450 millions à ce financement, le reste étant des
subventions d'équilibre budgétaire qui vont versées
à chacune des commissions scolaires à partir d'un taux
normalisé d'impôt foncier qui était à $1.40 et que
nous avons, à la suite de conférences provinciales-municipales,
abaisé à $1.25. Evidemment, c'est toujours la même
question. En principe, je serais porté à croire les
représentations, je serais prêt à souscrire à ce
principe que, sur une période de temps, nous prenions les mesures pour
faire baisser graduellement le fardeau de l'impôt foncier scolaire pour
laisser le champ aux municipalités, de telle sorte que les
municipalités, sans alourdir le fardeau foncier du contribuable
québécois, puissent avoir les revenus nécessaires pour
faire face plus adéquatement à leurs obligations, aux programmes
qu'ils veulent mettre en application.
Tout le problème réside à savoir à quelle
place on va mettre nos priorités. Si nous baissons l'impôt foncier
scolaire de $450 millions à $350 millions, c'est $100 millions que nous
devons prendre sous d'autres formes pour les verser dans le programme
budgétaire, le programme du ministère de l'Education, concernant
les subventions d'équilibre aux commissions scolaires. Nous avions
annoncé en 1971 que nous voulions baisser de $0.15 le taux
normalisé sur une base de cinq ans. Nous l'avons
accéléré à trois ans. Je ne dis pas que nous ne
poserons pas d'autres gestes, parce que les derniers $0.05 s'appliquent
à partir du 1er juillet de cette année. Je ne dis pas qu'au cours
des années à venir le gouvernement, en tout cas le
ministère des Finances, ne proposera pas au gouvernement de poser
d'autres gestes qui auraient pour but d'éliminer l'impôt
foncier.
Je pense que le chef de l'Opposition sera d'accord pour souscrire au
fait suivant, que si, d'un seul coup, nous faisions disparaître
l'impôt foncier scolaire, $450 millions, cela voudrait dire qu'il
faudrait augmenter de 20 p.c, la table d'impôt sur le revenu des
particuliers, au moins de 20 p.c. à 22 p.c, pour aller chercher le
même montant.
M. MORIN: De combien est le rendement de l'impôt foncier
municipal?
M. GARNEAU: Par le rendement, vous voulez dire...
M. MORIN: Cela représente quel montant?
M. GARNEAU: L'impôt foncier scolaire représente à
peu près $450 millions.
M. MORIN: C'est $450 millions.
M. GARNEAU: L'impôt municipal: $550 millions à $600
millions. L'ensemble des budgets des municipalités du Québec l'an
dernier, d'après les chiffres que j'ai vus, était de l'ordre de
$1 milliard, et comme on finance à peu près 45 p.c. à 50
p.c. par différentes subventions, différents programmes, cela
veut dire à peu près que l'ordre de grandeur que je vous ai
donné était assez juste. Mais si, d'un seul coup, on faisait
disparaître l'impôt foncier scolaire, cela voudrait dire qu'il
faudrait ajouter, au budget des dépenses du ministère de
l'Education, $450 millions. Comme le rendement d'un point d'impôt est
à peu près entre $23 millions et $25 millions, $26 millions
à $28 millions, si vous divisez 450 par 26, 28 en moyenne, vous avez
à peu près le nombre de points d'impôt qu'il faudrait
ajouter, ou la modification qu'il faudrait ajouter à la table
d'impôt pour aller récupérer les mêmes sommes
d'argent. Cela ferait un changement qui serait réellement draconien, qui
modifierait l'équilibre fiscal con-
currentiel d'une province par rapport à l'autre et risquerait de
créer, pour nous et le marché du travail québécois,
des perturbations importantes. C'est pourquoi nous avons voulu procéder
par étapes. Nous avons posé des gestes au cours des trois
dernières années qui représentent cette année $50
millions; si on ajoute évidemment les deux années
antérieures, cela va atteindre probablement tout près de $100
millions que nous avons enlevés du fardeau du contribuable foncier pour
les mettre au budget général de la province. Si nous voulons le
faire sans trop de soubresauts, il va falloir prendre un certain nombre
d'années. Nous déciderons, dans le courant de l'année,
quelle attitude nous prendrons lors du prochain discours du budget. Je ne sais
pas s'il y a d'autres réunions provinciales-municipales de
prévues. Le chiffre précis, c'est $52 millions pour 1974/75.
C'est cela: $102 millions, sur les trois ans, que nous avons
transférés.
M. MORIN: Si j'ai posé la question au ministre, c'est parce que,
si ma mémoire est bonne, il y avait une recommandation dans ce sens, au
sujet, j'entends, des impôts fonciers municipaux, dans le rapport de la
commission Bélanger. Qu'est-ce que le...
M. GARNEAU: Vous parlez des recommandations de la commission
Bélanger concernant l'impôt foncier scolaire?
M. MORIN: Non, l'impôt foncier municipal, il me semble.
M. GARNEAU: Si vous parlez de l'impôt foncier scolaire, je dirais
oui. Pour l'impôt foncier municipal, je demanderais à faire
l'inventaire.
M. MORIN: A le consulter, d'accord! Qu'est-ce que vous penseriez, M. le
ministre, comme amorce de solution, de s'inspirer peut-être de ce que
l'Ontario a fait en instaurant un crédit d'impôt pour compenser le
caractère régressif de l'impôt foncier payé aux
municipalités de la province voisine?
M. GARNEAU: Je vais répondre au chef de l'Opposition en disant:
En soi, on n'a certainement pas d'objection. C'est une approche qui en vaut
bien d'autres et qui est, sans doute, louable. Pour le gouvernement du
Québec, il s'agit de savoir à quelle place il mettra la
priorité, comment il va utiliser la marge de manoeuvre dont il dispose.
Je vous assure que pour donner un crédit d'impôt qui ait le
moindrement d'importance à moins qu'on dise qu'on va donner $10 ou
$15 de crédit d'impôt, ce qui m'apparaitrait réellement
mineur qui soit un peu respectable, je n'ai pas les chiffres ici, un
crédit d'impôt qui aurait un impact moyen d'environ $75 à
$100, cela représente un coût d'à peu près $80
millions. Il s'agit de savoir si on aide de cette façon ou si on aide
d'une autre façon.
Compte tenu des priorités que nous avions, nous avons opté
pour autre chose, l'aider en diminuant la taxe foncière scolaire
directement plutôt qu'en procédant par un crédit
d'impôt, mais je voudrais bien que le chef de l'Opposition comprenne que
si nous ne l'avons pas fait, ce n'est pas par objection de principe. C'est
parce que, compte tenu des sommes d'argent en cause, il nous faut faire des
choix à l'intérieur des sommes disponibles et si on décide
de faire telle ou telle chose, il faut nécessairement couper ou rogner
ailleurs.
M. MORIN: Est-ce que le ministre m'a dit que la question avait
été étudiée ou qu'elle n'avait pas
été étudiée?
M. GARNEAU: Elle a été étudiée.
M. MORIN: Elle a été étudiée par le
ministère. Donc, c'est un choix conscient.
M. GARNEAU: A chaque année, lorsqu'on reprend le travail au
début de septembre et qu'on fait l'analyse exhaustive de toutes les
mesures qui pourraient être souhaitables c'est toujours une qui
est en tête de liste finalement lorsqu'on soupèse cela, on
se dit: II faut faire un choix et certaines de ces choses souhaitables doivent
tomber.
M. MORIN: J'aimerais retourner maintenant au discours du ministre
fédéral des Finances sur le budget, discours du 6 mai. A la page
22 de ce discours, je trouve l'extrait suivant: "Tous les contribuables de plus
de 18 ans qui ne possèdent pas leur maison pourront verser
jusqu'à $1,000 par an, le plafond absolu étant de $10,000,
à un régime enregistré d'épargne-logement. Ces
versements seront déductibles lors du calcul de l'impôt sur le
revenu".
Je suis sûr que le ministre a prix connaissance de cet aspect du
budget. J'aimerais demander au ministre...
M. GARNEAU: C'est une des mesures les plus intéressantes que j'ai
trouvées dans le budget de M. Turner.
M. MORIN: Est-ce vrai? Alors, ma question, dans ce cas, est tout
à fait pertinente. Est-ce que le ministre a l'intention d'appliquer
à son propre régime d'impôt j'entends le
régime d'impôt sur le revenu des particuliers un
système de déduction semblable à celui qui est
proposé dans ce discours?
M. GARNEAU: Evidemment, encore là, le chef de l'Opposition va me
trouver dans une situation un peu embarassante parce que la proposition
budgétaire n'existe plus, mais...
M. MORIN: Supposons qu'on en parle comme une hypothèse de
travail.
M. GARNEAU: ... en principe, je trouve cette approche extrêmement
intéressante de même qu'une autre approche qui favorise
l'accumulation de l'épargne des Québécois,
c'est-à-dire les premiers $1,000 de revenu de placement sur obligation
ou d'intérêts provenant de compte de banque sont exemptés
d'impôt. Je pense que ce sont des approches extrêmement
intéressantes. L'épargne-logement a l'avantage qu'en plus de
favoriser l'épargne et d'accumuler des fonds, favorise également
l'activité de l'industrie de la construction de la maison unifa-miliale
ou du logement dont le contribuable est propriétaire.
En prenant l'hypothèse que le budget de M. Turner est
présenté à nouveau tel quel par lui-même au
début du mois d'août, il est évident que nous regarderons
de très près le coût d'une telle mesure, évaluation
dont je ne dispose pas présentement, mais si on parle en théorie
et en principe, je dois dire au chef de l'Opposition que c'est une mesure qui
m'appa-raït éminemment souhaitable.
M. MORIN: Oui. Je n'entendais pas coincer le ministre étant
donné que le discours risque de n'être jamais appliqué.
M. GARNEAU: Non. Je ne pourrais pas vous dire...
M. MORIN: Mais, c'était une simple hypothèse de
travail.
M. GARNEAU: Je demandais si on pouvait me donner le coût...
M. MORIN: Evaluer le coût...
M. GARNEAU: ... évaluer le coût d'un tel programme, mais
disons que les événements, qui se sont produits à Ottawa,
ont fait aiguiller nos priorités vers d'autres secteurs.
M. MORIN: J'imagine que maintenant le ministre va faire examiner cette
proposition...
M. GARNEAU: C'est une suggestion, évidemment, qui est très
intéressante.
M. MORIN: ... pour la chiffrer parce que, effectivement, nous, de
l'Opposition, la trouvons très intéressante.
M. GARNEAU: D'ailleurs, j'avais fait cette remarque en réponse
à des questions de journalistes le soir même ou le lendemain de la
présentation du budget Turner. C'est pour cela que ça me surprend
que le NPD ait voté contre ce budget.
M. MORIN: C'est effectivement une mesure plus social-démocrate
que ce dont vous nous faisiez part, il y a un instant, sur
l'épargne.
M. GARNEAU: L'épargne en soi est une mesure également
intéressante dans le sens du nombre de lettres que nous recevons des
gens qui ont des comptes de banque dans les caisses populaires ou d'autres
institutions financières de cette nature qui reçoivent un T-4 de
$25 ou de $30 et qui sont scandalisés parce que c'est une mesure
relativement récente.
Avant cela, vous n'aviez pas de T4 sur l'intérêt des
comptes de banque. Si cela affecte ceux qui ont plus d'argent, c'est
certainement intéressant en mettant le plafond à $1,000 pour
l'ensemble des contribuables, car je ne sais pas si on peut appeler cela une
vertu, mais en tout cas, l'épargne du citoyen contribue au financement
d'activités au Québec.
M. MORIN: Oui, c'est une mesure que la Jeune Chambre, qui était
là plus tôt cet après-midi, aurait eu intérêt
à discuter avec vous.
Avez-vous terminé, M. le ministre, là-dessus? Est-ce que
je peux me référer maintenant à un autre passage du budget
Turner? Voici: "Je propose ce soir, disait-il, de supprimer la taxe de vente
sur tous les vêtements et chaussures. Ces articles représentent un
poste important dans le budget de la plupart des familles. Cette mesure devrait
en réduire sensiblement le prix. Elle porte sur un volume annuel de
dépenses familiales d'environ $5 milliards. Elle va permettre aux
consommateurs d'économiser directement $280 millions en taxe, sans
compter la baisse appréciable liée à la pratique courante
dans le commerce qui consiste à calculer la marge
bénéficiaire à partir du prix de revient, toutes taxes
comprises".
Je voudrais signaler au ministre que cette partie du budget doit
être inspirée également par le NPD ou par...
M. GARNEAU: Ou contre.
M. MORIN: Contre l'ensemble du budget pour d'autres raisons. Ne
confondons pas les choux et les raves. En tout cas, je voudrais dire au
ministre, avant de lui poser la question, parce que je vais évidemment
lui poser une question à la suite de ce que je viens de citer, que si
jamais il s'avise de poser des gestes de cet ordre, il aura certainement notre
appui, parce que nous estimons qu'il s'agit de biens essentiels qu'on ne
devrait pas imposer, comme les aliments d'ailleurs, pas seulement les
vêtements. C'est pourquoi, vous vous en souviendrez, puisque vous avez eu
l'occasion d'en discuter longuement, M. le ministre, dans le budget de l'an I,
le Parti québécois proposait, à titre de première
étape, de réduire la taxe de vente au détail de 8 p.c.
à 4 p.c. sur les vêtements et les chaussures. Est-ce que, compte
tenu...
M. GARNEAU: Vous proposez de diminuer la taxe qui n'existe pas, sur la
nourriture.
M. MORIN: On reprendra cela peut-être plus tard. Est-ce que le
ministre a l'intention de
reprendre à son compte, dans le domaine qui est de sa
compétence, la proposition du gouvernement fédéral?
M. GARNEAU: Certainement pas cette année.
M. MORIN: Bien non, cette année... M. GARNEAU: Le budget est
déposé.
M. MORIN: Non, je ne parle pas de l'année courante. Le budget est
fait. Mais je parle pour l'avenir. Toujours hypothèse de travail, je
suppose que ce budget est mis en vigueur un jour ou l'autre.
M. GARNEAU: C'est toujours le même problème et c'est la
même réponse que je fais. C'est une question de
disponibilité et de choix parmi un nombre important de priorités
qui pourraient être retenues par le gouvernement. Je veux dire que cela
fait partie des choix qu'on peut faire. Si vous parlez en termes
d'hypothèse, nous allons sans doute verser, au début du mois de
juillet, une partie de l'indexation de traitement des employés des
secteurs public et parapublic. Si on suivait des demandes qui nous sont faites
par certains membres de syndicats d'ajouter encore à cette somme un
montant additionnel qui pourrait représenter plusieurs vingtaine de
millions de dollars, par conséquent, c'est clair que cela élimine
des choix. Je donne deux exemples de choix possibles.
M. MORIN: Je pense à un gouvernement qui se voudrait
résolument social-démocrate.
M. GARNEAU: Mais si le gouvernement social-démocrate que nous
formons optait pour indexer davantage les salaires de ses employés, je
ne sais pas si cela serait aussi bon que... Entouré de fonctionnaires
comme je le suis, j'ai envie de me mettre les mains derrière la
tête.
M. MORIN: Oui, parce que ce ne sont pas les plus mal pris.
M. GARNEAU: Non. Cela ne doit pas. Ils ont l'air en bonne santé.
C'est un choix qui reste à faire. Combien de fois on nous a
demandé de faire disparaître la taxe de vente sur les boissons
douces! C'est évident qu'on pourrait l'enlever et techniquement ce
serait sans doute une bonne chose, mais la perte de revenus qui en
découle, c'est une autre chose. Il faut toujours penser que ce sont des
vases communicants. Il y a des programmes de dépenses et il y a des
programmes de revenus et on ne peut pas continuellement dire oui à des
programmes de dépenses et, en même temps, dire oui à des
demandes de baisse de rentrées fiscales.
M. MORIN: Je suis tout à fait d'accord sur les boissons douces,
qu'il y a des priorités autres que celle-là.
M. GARNEAU: Je vous donne l'exemple quand même qui existe depuis
que le fédéral a enlevé sa taxe de 12 p. c. On a eu de
très fortes pressions pour nous amener à prendre cette
décision que nous n'avons pas prise encore. C'est évident que,
dans tout ce secteur du vêtement, de la chaussure, si le budget Turner
était appliqué, l'ensemble des provinces qui imposent une taxe de
vente sur ces articles auraient certainement la visite de nombreux groupes de
contribuables qui demanderaient la même chose. C'est une question de
revenus et dépenses.
M. MORIN: M. le Président, changeant maintenant de sujet, je me
réfère aux débats qui ont eu lieu au sein de cette
commission l'année dernière à laquelle participait, avec
le ministre, un collègue qui nous manque beaucoup et que je n'arrive
certainement pas à remplacer, certainement pas complètement en
tout cas, l'ancien député de Gouin...
M. SYLVAIN: Ce n'est pas certain.
M. MORIN: ... et à la suite de ces discussions qu'il avait eues
avec le député de Gouin l'année dernière,
j'aimerais demander au ministre de nous dire quelle est sa position en ce qui
concerne l"'opting out" définitif. Ma question se situe dans le cadre
des conférences fédérales-provinciales. Est-ce qu'il
s'agit de 28 points non péréquatés, de 28 points
péréquatés à la moyenne nationale, est-ce qu'il
s'agit d'une dizaine de points et le reste en impôt indirect ou est-ce
qu'il s'agit encore d'une autre formule?
M. GARNEAU: La proposition que j'ai faite au nom du gouvernement du
Québec, à l'occasion d'une conférence
fédérale-provinciale, portait sur des transferts de points
d'impôt du revenu des particuliers péréquatés au
niveau de la province la plus riche. D'ailleurs, les chiffres qui ont
été donnés démontraient clairement que
c'était la seule façon d'en arriver à un "opting out"
véritable, non seulement pour le Québec, mais pour l'ensemble des
provinces et qui apportait le moins de soubresauts dans les transferts
financiers qui devaient être appliqués contre le financement de
programmes, soit à l'éducation postsecondaire, l'hospitalisation,
l'assurance-maladie.
M. MORIN: M. le ministre, cela représente combien de points
péréquatés en tout?
M. GARNEAU: Les calculs étaient faits sur les chiffres de 1972,
c'était 28 points. Si l'on reprend les montants avec les modifications
fiscales qui ont été apportées au niveau
fédéral là encore il y a la question du budget
avec l'indexation, peut-être que les calculs nous donneraient des
nombres de points différents. Je n'ai pas la reprise des calculs.
Ce que je vous ai mentionné, c'est qu'on n'avait pas les calculs
précis sauf qu'il y a eu des modifications fiscales, comme la taxation
des allocations familiales, qui a changé l'assiette. Ceci fait qu'un
même point d'impôt rapporte un peu plus qu'antérieurement et
il faut aussi dissocier le problème du fait qu'il y avait une
échéance à rencontrer et que les provinces et le
gouvernement fédéral ne se sont pas entendus sur une formule
d'"opting out" définitive. Il a fallu quand même régler le
problème de l'éducation postsecondaire dont
l'échéance est en 1977. Si on en reste uniquement au programme
qui pourrait être ouvert à des prises de décisions, ce
serait l'hospitalisation et la santé, mais là, je ne sais pas
comment ça se fait. Evidemment, ça m'embête un peu de
donner un montant précis, étant donné que les calculs
n'ont pas été repris avec le changement qui a été
apporté depuis le 1er janvier 1974, avec la taxation des allocations
familiales et l'indexation. Aussi, je n'aime autant pas donner des points
d'impôt, mais ce serait légèrement inférieur
à ce qui était contenu dans la formule que j'avais
proposée au gouvernement fédéral au moment où
l'indexation n'était pas incluse dans les tables et au moment où
les allocations familiales n'étaient pas imposables. Comme il y a eu un
changement dans les tables de taux, dans les exemptions et dans l'assiette, il
y aurait sans doute, en reprenant les calculs, une modification dans le nombre
de points d'impôt qui serait nécessaire pour compenser le
coût des programmes qui sont actuellement financés par des
arrangements financiers que vous connaissez.
M. MORIN: Quelle est la position du gouvernement fédéral,
actuellement, en ce qui concerne les 28 points non
péréquatés?
M. GARNEAU: Le gouvernement fédéral, en principe,
d'après la proposition qui nous a été faite par M. Turner,
était d'accord pour étudier une formule "opting out". Là
où nous ne nous sommes pas entendus, c'est sur les quanta. Le
gouvernement fédéral, au lieu d'accepter la suggestion que nous
faisions, a fait une contre-proposition qui incluait des impôts indirects
et suggérait de remettre aux provinces les tabacs et les alcools
et...
M. MORIN: Mais la croissance de ça est bien moins
considérable.
M. GARNEAU: La croissance de ça était moindre et c'est la
raison pour laquelle ce mariage d'impôts directs et indirects ne donnait
pas suffisamment de sécurité aux provinces en termes de
couverture des coûts des programmes qu'il s'agissait de financer.
Evidemment, on était d'accord sur le principe, mais sur les
modalités, le gouvernement fédéral, sans doute, ne voulait
pas faire de transfert d'impôts dont le rendement aurait
dépassé le taux de croissance des dépenses des programmes
couverts et les provinces qui se trouvaient à prendre seules le risque
ne voulaient pas accepter des transferts dont le rendement, en termes de taux
de croissance, était trop bas ou trop près des évaluations
que chacune des provinces faisait de l'évolution de ses propres
coûts dans ces programmes. Je pense que nous avons eu raison d'être
très prudents, le Québec et les autres provinces, compte tenu de
l'inflation qui sévit présentement et qui implique des taux de
croissance de coûts beaucoup plus importants que ce que nous avions
prévu, si on prend uniquement les salaires dans le secteur de la
santé et des affaires sociales.
Je pense bien que la composante salaires dans le coût total du
système doit être environ à 75 p.c, de sorte que, si on
applique, comme cette année, par exemple, probablement une indexation de
l'ordre de 8 p.c. de la masse salariale, uniquement pour tenir compte du
coût de la vie, qui sera versée à l'ensemble des
employés de ce réseau-là, cela a un joli impact sur le
taux de croissance du coût total des programmes. Je pense que nous avions
raison d'être prudents et de vouloir attacher au financement d'un "opting
out" des points d'impôt, une fiscalité qui a à peu
près le même taux de croissance, le même taux de rendement
que la principale composante des coûts qui entre dans le financement de
ce programme.
M. MORIN: M. le ministre, c'était quoi exactement le mariage dont
vous parliez qui était proposé par le pouvoir
fédéral, à cette époque-là?
M. GARNEAU: ... l'impôt sur le revenu... M. MORIN: Combien? Six ou
dix?
M. GARNEAU: Six, plus les tabacs et les alcools.
M. MORIN: Vous aviez proposé dix.
M. GARNEAU: Péréquatés à la moyenne
nationale.
M.MORIN: Oui.
M. GARNEAU: Ce qui aurait permis aux provinces d'envisager un "opting
out" dans le temps, mais à cause du faible taux de... Les versements
d'appoint étaient effectués pour tenir compte de l'augmentation
du PNB avec une formule d'ajustement et les provinces n'auraient pas
bénéficié d'un "opting out" en même temps, et, selon
la situation de chacune, vous auriez peut-être eu des provinces qui
auraient pu sortir du circuit, je ne sais pas, en 1979, 1980, d'autres sortir
en 1995, et d'autres, probablement comme Terre-Neuve, ne jamais sortir du
circuit.
C'est pourquoi, je pense bien, la formule fédérale n'avait
pas été acceptée, non seulement par le Québec, mais
par toutes les provinces.
M.MORIN: M. le ministre, je ne voudrais pas anticiper sur le grand
concours électoral qui se déroule en ce moment au niveau
fédéral, mais quand prévoyez-vous que tout cela va
aboutir? Est-ce que vous prévoyez un accord prévisible dans
l'avenir?
M. GARNEAU: Dans un avenir rapproché, je pense bien que ce serait
irréaliste de dire qu'il y aura un accord. Sans doute qu'après
l'élection fédérale j'espère qu'il y aura un
gouvernement majoritaire et compte tenu du fait que le gouvernement
fédéral actuel a déjà accepté le principe de
l"'opting out" contre une fiscalité, avec une période de temps
raisonnable, on pourrait en arriver à une décision. Mais ce qui
complique un peu la situation, c'est qu'il y a certaines provinces qui, en
même temps qu'elles parlent du financement des programmes et de l'"opting
out", veulent ajouter au débat le fond du problème et des
services couverts. Il faut alors recommencer au début du cycle.
Je dois dire que, compte tenu des problèmes en cause, je ne suis
pas fâché que la situation soit demeurée ce qu'elle est,
comparativement aux autres formules qui nous avaient été
suggérées en cours de route par le gouvernement
fédéral.
M. MORIN: Avez-vous terminé, M. le ministre?
M. GARNEAU: Oui.
M.MORIN: Bien. En changeant de sujet à nouveau, dans ce tour
d'horizon, est-ce que le ministre s'est penché sur les
conséquences considérables pour l'aviation civile au
Québec de la taxe de $0.19 le gallon sur l'essence d'avion qui est
entrée en vigueur le 1er juillet dernier?
Si je comprends bien, le Québec a appliqué cette taxe,
l'Ontario ne l'a pas fait et le résultat, c'est qu'on va
s'approvisionner en Ontario.
M. GARNEAU: Quand vous vous référez à l'aviation
civile, juste avant de poursuivre la discussion, vous vous
référez aux avions de plaisance, non pas aux avions
commerciaux?
M. MORIN : Oui, je ne parle pas de l'avion civile internationale.
M. GARNEAU: D'accord, parce que je ne voulais pas qu'il y ait une
mésentente là-dessus.
M.MORIN: Bien sûr.
M. GARNEAU: Est-ce que le chef de l'Opposition a posé cette
question lors de l'étude des crédits du ministère du
Revenu? Parce que...
M. MORIN: Non, je ne l'ai pas posée. Je la gardais pour vous, M.
le ministre.
M. GARNEAU: Des discussions là-dessus ont été
conduites par le ministère du Revenu. Je ne suis pas absolument certain
des conclusions de ces discussions pour pouvoir me prononcer. Il faudrait que
je vérifie. Les gens qui m'entourent ne peuvent, de mémoire, dire
si oui ou non il y a eu des modifications. Mais je sais que quand on a
commencé à prélever la taxe, cela a apporté
évidemment des perturbations, en ce sens que des avions allaient faire
le plein dans la province voisine pour éviter de payer la taxe de $0.19
le gallon.
M. MORIN: C'est cela.
M. GARNEAU: Cela montre comment une modification aussi mineure de
fiscalité entre une province et une autre peut affecter
l'activité économique d'une province par rapport à une
autre.
M. MORIN: Je vais vous ramener à l'indexation si vous
insistez.
M. GARNEAU: Je suis bien content que le chef de l'Opposition
soulève cette question qui donne plus de valeur à l'argument que
je lui servais tout à l'heure.
M. MORIN: Enfin, comme disent les Anglais "It cuts both ways", parce que
je pourrais vous ramener à l'indexation avec le même
raisonnement.
M. GARNEAU: Je dirais, à ce moment-là, que nous avons pris
des mesures différentes qui avaient pour objet des objectifs similaires
quand même.
M. MORIN: Oui. Est-ce que le ministre, lorsqu'il se sera penché
un peu plus à fond sur la question, parce que je souhaiterais qu'il le
fasse...
M. GARNEAU: Je vais vérifier auprès de mon collègue
du ministère du Revenu pour savoir...
M. MORIN: Vous savez que votre collègue du Revenu me renvoie
souvent à vous. A de nombreuses reprises, je lui ai posé des
questions lors des séances de l'étude des crédits et il
semblait que vous fussiez omnicompétent et que lui ne savait à
peu près rien.
M. GARNEAU: II faut quand même rendre hommage à mon
collègue du Revenu qui accepte de jouer le rôle qui lui est
attribué par la loi de son ministère. Le ministère du
Revenu a pour fonction de percevoir les impôts et non pas de
déterminer leur niveau. Il serait facile pour lui probablement de donner
ses opinions, mais comme ce n'est pas sa responsabilité, il
préfère être prudent. Je pense que c'est à son
honneur et non pas à son désavantage.
M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait le consulter, et
peut-être à la suite de nos débats, m'apporter la
réponse?
M. GARNEAU: Parce que c'était une interprétation d'un
article de loi, ce n'était pas une modification qui était
annoncée dans le cadre d'un discours de budget...
M. MORIN: Non.
M. GARNEAU: II s'agit d'une interprétation de l'application d'un
article. C'est pourquoi je veux le consulter parce que cela relève de
son ministère. Je voudrais au moins lui rendre la pareille.
M. MORIN: Oui. S'il se révélait...
M. GARNEAU: Demain, j'aurai les renseignements, lorsque nous
poursuivrons l'étude des crédits.
M. MORIN: Bon! Je préviens le ministre que je lui demanderai,
à ce moment, si les renseignements se révèlent exacts, ce
qu'il envisage de faire, si...
M. GARNEAU: Disons que cela ne m'a pas fait pleurer. Je veux dire tout
de suite au chef de l'Opposition que cela ne m'a pas fait pleurer tellement,
parce que les personnes qui ont les moyens d'avoir un avion de plaisance et
d'avoir des bateaux hors-bord, en tout cas pour les bateaux, ne peuvent
toujours pas aller faire le plein d'essence en Ontario ou au Nouveau-Brunswick,
de telle sorte qu'il reste les petits avions de plaisance, et dans ce cadre, je
suis un peu moins nerveux. La seule chose qu'on peut dire, par contre, c'est
que les avions de plaisance qui viennent de d'autres régions de
l'Amérique du Nord, à ce moment, peuvent faire leur trajet en
évitant le Québec pour les pleins d'essence. Ceci est
évident. Ils enlèveraient ainsi une activité
économique aux aéroclubs de Montréal, de Québec ou
aux petits aéroports qui sont situés en bordure des
frontières onta-riennes ou américaines.
M. MORIN: Je ne pense pas que l'Opposition versait des larmes sur le
sort de ces gens, non plus.
M. GARNEAU: Je l'espère, parce que...
M. MORIN: Mais, comme le ministre vient de le dire, cela
représente quand même une certaine activité
économique, et si on tient compte de tout le contexte,
c'est-à-dire également d'une taxe de vente de 8 p.c, puis de
l'essence qui coûte plus cher, ce n'est pas tout le monde qui peut aller
s'approvisionner en Ontario systématiquement chaque fois qu'on veut
faire le plein. Donc, cela peut contribuer, peut-être, je ne sais pas,
à faire diminuer une activité.
M. GARNEAU: C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on voulait voir
comment la loi s'appliquerait. Je donnerai le renseignement au chef de
l'Opposition demain.
M. MORIN: Oui. De toute façon, notre souci n'est pas tellement de
l'enlever au Québec, les $0.19 en question, mais c'est de le faire
appliquer par l'Ontario.
M. GARNEAU: Au niveau...
M. MORIN: Si tant est qu'il ne l'applique pas, mais cela a bien l'air
qu'effectivement l'Ontario ne l'applique pas.
M. GARNEAU: Je répondrai demain.
M. MORIN: C'est parfait. Cela nous convient. On peut peut-être
changer de sujet? Oh là là! Je ne sais pas si... J'avais tout un
débat en perspective, M. le Président...
M. GARNEAU: Vous pouvez l'amorcer. M. MORIN: Je ne sais pas...
M. GARNEAU: On aura au moins l'avantage de savoir quelle orientation il
prend.
M. MORIN: Oui. D'accord! Il s'agit du grand débat qui a eu lieu
il n'y a pas si longtemps au sujet des prévisions de revenus dans le
cadre du budget qui était présenté par le Parti
québécois durant la campagne électorale.
M. GARNEAU: Je pensais que c'était le mien qu'on discutait, et
non pas le vôtre.
M. MORIN: C'est parce que vous aviez exprimé des opinions et
donné des chiffres à l'époque qui sont certainement
pertinents non seulement au budget du Parti québécois, mais au
budget dont nous discutons aujourd'hui.
Au cours de la campagne électorale, le ministre avait dit que ce
budget que nous présentions était totalement irréaliste
sur le plan des prévisions de revenus fiscaux. Je voudrais lui demander
si, à la lumière des prévisions de revenus pour
l'année 1974/75, le ministre serait prêt à revoir, à
réviser quelque peu les opinions qu'il exprimait à cette
époque. Vous aviez refusé nos estimations, si ma mémoire
est bonne, au titre de l'impôt sur le revenu des particuliers,
principalement en raison du fait que ces prévisions reposaient sur des
calculs de croissance du revenu personnel qui vous paraissaient trop
élevés.
M. GARNEAU: Si le chef de l'Opposition veut reprendre le débat,
je n'ai pas d'objection, sauf qu'il va falloir se replacer à
l'intérieur des paramètres que nous avions à ce moment et
qui étaient ceux qui avaient été élaborés
par votre savant confrère qui était candidat dans
Crémazie. Il présumait de ces revenus à partir d'un
taux de croissance du produit national brut de 9.5 p.c. IL ne faudrait
pas confondre avec ce qui est la réalité pour 1974/75 où
le produit national brut n'est pas de 9.5 p.c, mais de l'ordre de 12 p.c.
Si nous appliquons les taux d'élasticité auxquels se
référait M. Parizeau, lors de la présentation du budget du
Parti québécois, il va falloir en discuter à
l'intérieur des mêmes paramètres. Si on change de
paramètres, à ce moment, il va falloir changer également
le contenu du budget du Parti québécois. Mais si on se
réfère, par exemple, au taux d'élasticité, au
produit national brut que j'avais développé, au taux de
croissance moyen expérimenté au cours des dernières
années de l'ensemble des revenus du Québec, je pense que nous
pouvons entreprendre le même débat avec les mêmes tendances
et démontrer actuellement, avec les chiffres de 1974/75, que les
opinions que j'émettais à ce moment se trouvent
réalisées dans la réalité de 1973/74 et de 1974/75,
mais à partir de paramètres forts différents. Si M.
Parizeau, à ce moment, avait utilisé d'autres paramètres,
on aurait eu d'autres chiffres et le débat aurait porté
probablement d'une façon différente, mais je tiens, à
souligner que les tendances que j'ai utilisées pour faire la projection
de revenus, au cours de ce débat et des discussions qui ont
précédé et qui ont suivi, se réalisent cette
année et se sont réalisées l'an dernier.
Si vous parlez en termes de taux d'élasticité du PNB et du
taux de croissance moyen expérimenté au cours des cinq ou six
dernières années, vous avez une tendance qui se situe à
peu près dans le même ordre de grandeur.
M. MORIN: L'hypothèse de base qui avait été
utilisée par le Parti québécois à cette
époque, comme taux de croissance annuel du revenu personnel,
était effectivement de 9.5 p.c.
M. GARNEAU: Le PNB, le produit national brut, non pas le revenu
personnel; c'est justement ce qui m'a embêté beaucoup lors du
débat, d'ailleurs je l'avais mentionné à M. Parizeau
à d'autres occasions. Lorsqu'il appliquait le taux
d'élasticité à l'impôt sur le revenu personnel, il
appliquait un taux d'élasticité à partir du PNB et non pas
à partir du taux de croissance du revenu personnel qui n'était
pas exprimé dans les données économiques de base, si ma
mémoire m'est fidèle, du budget de l'an I. Il fallait travailler
à partir du PNB. On ne pouvait pas alors utiliser les mêmes taux
d'élasticité en prenant comme base le PNB, qu'en prenant comme
base le taux de croissance d'un revenu personnel.
M. MORIN: Non, mais, pour l'année 1974/75, compte tenu d'un taux
d'élasticité de 2 p.c, alors qu'on prévoit une
augmentation des recettes d'à peu près quoi, 29.5 p.c...
M. GARNEAU:.De quoi parlez-vous?
M. MORIN: Je parle toujours de la même chose.
M. GARNEAU: De l'impôt sur le revenu ou de l'ensemble du
revenu?
M. MORIN: De l'impôt sur le revenu. M. GARNEAU: Des
particuliers?
M. MORIN: Oui, des particuliers. Alors, je dis, compte tenu de cela,
quelle est l'hypothèse exacte du ministre pour l'année 1974/75?
Est-ce 12 p.c, 13 p.c, 15 p.c?
M. GARNEAU: Vous me demandez de vous dire maintenant quel sera le taux
de croissance du revenu personnel en 1974?
M. MORIN : Quelle est votre hypothèse?
M. GARNEAU: Notre hypothèse de travail...
M. MORIN: Pour vos estimations de revenu?
M. GARNEAU: 11.5 p.c de taux de croissance du revenu personnel, excluant
les paiements de transfert. On donne le taux qui a été
utilisé de 11.5 p.c, le taux de croissance du revenu personnel
imposable.
M. MORIN: Du revenu personnel imposable. On n'a jamais parlé
d'autres choses, M. le ministre. On parlait du revenu personnel
également que l'on fixait à 9.5 p.c.
M. GARNEAU : Je ne vous contredis pas non plus. Ce que je vous dis,
c'est que, quand on parlait de taux de croissance de l'ensemble du revenu du
Québec, on calculait un taux d'élasticité de 1.2 p.c. au
PNB. C'est à partir de cette tendance que nous disions que vos revenus
étaient gonglés, compte tenu du fait que vous reteniez, comme
point de départ, 9.5 p.c de taux de croissance de l'activité
économique.
Cette année, cela se situe encore dans ces limites, le taux de
croissance au PNB de l'ensemble des revenus.
Evidemment, il faut prendre une moyenne parce que c'est difficile
d'isoler une année, parce qu'il y a toutes sortes de facteurs externes,
mais, si on veut faire une projection réaliste, il faut quand même
se baser sur une tendance.
Alors, on peut proposer l'ajournement, M. le Président,
étant donné qu'il est 18 heures.
LE PRESIDENT (M. Brisson): D'accord! Alors, la commission suspend ses
travaux à 20 heures.
M. MORIN: 20 h 15.
LE PRESIDENT (M. Brisson): A 20 h 15.
M. MORIN: Normalement demain, il y a session le matin, après
l'Assemblée.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Normalement, après la période
des questions.
M. GARNEAU: Est-ce que ce soir, normalement, on siégerait
jusqu'à 11 heures?
LE PRESIDENT (M. Brisson): Normalement, c'est 11 heures, à moins
d'une entente avec les membres de la commission.
M. GARNEAU: Est-ce que je peux demander au chef de l'Opposition si je
dois faire venir pour ce soir mes fonctionnaires du Conseil du trésor.
Je ne voudrais pas les faire déplacer inutilement, mais non plus...
M. MORIN: Le Conseil du trésor vient à la fin.
M. GARNEAU: A la fin, oui. M. MORIN: Non. J'en doute.
M. GARNEAU: Alors, on va les laisser dormir ou s'amuser en paix.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, la commission suspend ses travaux
à 20 h 15.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
Reprise de la séance à 20 h 25
M. CARON (président de la commission permanente des finances, des
comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs!
Nous allons continuer l'étude des crédits du
ministère de M. Garneau pour l'année 1974/75. Je pense qu'on est
encore dans les remarques d'ordre général.
M. MORIN: Oui, effectivement, nous n'avions pas encore abordé
l'adoption du programme no 1. Dans ce cadre de discussion
générale, M. le Président, j'aimerais interroger le
ministre des Finances au sujet de l'étude portant sur la part du
Québec dans les revenus et dépenses du gouvernement
fédéral. L'an dernier, lors de l'étude des crédits
de son ministère, le ministre affirmait que cette étude
était futile et qu'elle ne constituait pas, en conséquence, une
priorité pour son ministère. A toutes fins pratiques, elle
était discontinuée. Je me permets de citer le ministre, in
extenso, pour lui rafraîchir la mémoire: "J'ai cru, dit le
ministre, à la page B-1733, que, dans l'ordre des priorités pour
le ministère des Finances, compte tenu de nos effectifs, qui ne sont pas
illimités, il y avait avantage à consacrer nos efforts à
la préparation de dossiers du genre de ceux que nous avons
présentés d'abord pour la Caisse d'aide conjoncturelle." Et plus
loin: "Alors, plutôt que de consacrer des énergies à cet
exercice" il veut dire l'exercice, bien sûr, qui consiste à
déterminer la part du Québec dans les revenus et dépenses
du gouvernement fédéral "que, pour ma part, je
considère futile, nous les avons mises ailleurs. Si d'autres pensent que
c'est préférable de mettre les énergies dedans,
éventuellement, si la population du Québec le décide, ils
auront tout le loisir de mettre leurs priorités sur ces
activités."
Alors, comment expliquer qu'à quelques jours du scrutin de 1973
d'octobre dernier, le gouvernement décide que ces études n'ont
pas été discontinuées, qu'elles existent et qu'il les rend
publiques? J'aimerais que le ministre nous éclaire là-dessus.
M. GARNEAU: Le chef de l'Opposition m'incite à revenir dans le
contexte de la stratégie électorale du mois qui a
précédé la campagne.
Le chef de l'Opposition se rappellera qu'à plus d'une occasion le
chef du gouvernement, le premier ministre, avait suggéré au Parti
québécois, qui promettait depuis longtemps de déposer un
budget hypothétique d'un Québec séparé, de le faire
pour permettre une discussion hors climat électoral de ce dossier.
D'un autre côté, voyant que le Parti
québécois ne voulait pas déposer un tel document hors
campagne électorale, il m'est apparu que cette question...
M. MORIN: C'était moins futile?
M. GARNEAU: ... non, cette question, par un choix fait par le Parti
québécois, deviendrait extrêmement importante au niveau de
l'information du public et nous pourrions, au cours de cette campagne
électorale, être accusés d'avoir camouflé la
vérité ou encore de nous faire sortir des chiffres qui ne
coïncideraient pas avec la réalité.
C'est pourquoi, au cours du mois d'août, voyant que le Parti
québécois ne déposait toujours pas son document, j'ai
demandé qu'on mette à jour, suivant la même
méthodologie qui avait été suivie en 1970, les chiffres du
document Morin, l'autre Morin, Claude. Cela a été fait et je l'ai
gardé, mais avec l'idée, en fait, de ne pas le publier, si le
débat n'était pas tourné vers cette question, parce que
nous ne voulions pas qu'au cours d'une campagne électorale, et nous
l'avions dit antérieurement, utiliser cette argumentation
préférant le faire en d'autres circonstances. C'est pourquoi le
document, d'ailleurs, n'a pas été rendu public et vous n'avez pas
entendu parler de l'existence de ce document, de menace ou de question de le
déposer, sinon après la conférence de presse
extrêmement tapageuse qui avait été faite par le candidat
de Crémazie et les principaux dirigeants du parti qui forme aujourd'hui
l'Opposition officielle, de telle sorte que le document n'aurait probablement
pas été déposé si la tournure avait
été différente.
Mais nous avons cru qu'il était de notre devoir de déposer
ces chiffres qui constituaient, en fait, un document extrêmement
technique qui ne modifiait en rien la méthodologie suivie, qui
était tout simplement la mise à jour du même document,
suivant les mêmes méthodes, soit les deux méthodes, les
flux financiers et les revenus, de telle sorte que les gens pourraient avoir
cet outil pour porter un jugement sur la valeur de chacune des thèses en
cause.
M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait maintenant nous dire pour
quelles années le travail a été fait? Est-ce qu'il y a des
trous depuis 1968?
M. GARNEAU: D'ailleurs, le document a été rendu public.
J'imagine que le chef de l'Opposition en a une copie. Les trois points de
référence sont les années, 1963/64, 1967/68, 1971/72 pour
indiquer une tendance à la hausse ou à la baisse.
C'étaient les derniers chiffres dont nous disposions. Peut-être
qu'aujourd'hui, on pourrait le faire avec les données de 1973. Je ne
sais pas si on pourrait le faire. Les données de 1973 ne seraient
disponibles qu'à l'automne. Elle ne seraient pas disponibles
présentement, semble-t-il.
M. MORIN: Si je comprends bien, c'est l'intention du ministre, toujours
pour contribuer à un débat serein sur l'avenir du Québec,
de continuer à publier...
M. GARNEAU: Je vais vous dire que, si le chef de l'Opposition est
à ce point masochiste qu'il aime se faire donner
régulièrement ces mêmes arguments qui démolissent sa
thèse, s'il aime se faire mal, je peux bien continuer à le faire.
Quoique, personnellement...
M. MORIN: Je crois que les Québécois ont le droit
d'être renseignés, quelles que soient les conclusions de ces
documents. Vous ne pensez pas, M. le ministre?
M. GARNEAU: D'ailleurs, quand je l'ai rendu public en campagne
électorale, j'y ai mis toutes les mêmes précautions, les
mêmes réticences que le document original comportait. Si on se
reporte j'en ai une copie ici au document que j'ai
déposé, je pense qu'il y a trois ou quatre paragraphes,
même plus que cela, il y a cinq paragraphes, avec un sous-titre: "Mise en
garde", pour bien indiquer les limites de cette étude, et, en ce sens,
nous reprenions les mêmes mises en garde qui étaient contenues
dans le document de 1970 et qui faisaient l'analyse antérieurement
à 1968/69.
Il faut bien comprendre que cette étude, si elle constitue des
points de référence, a quand même des limites au point de
vue de la fiabilité, parce qu'on ne peut pas analyser la
rentabilité économique de notre appartenance au Canada uniquement
par cette méthode de flux financier. Il y a bien d'autres facteurs qui
ne sont pas évaluables et qui peuvent avoir une influence
extrêmement importante. C'est pourquoi, dans le communiqué de
presse et dans le texte lui-même du document, nous avons repris d'abord
la méthodologie, et repris également la mise en garde. C'est
pourquoi aussi, je vous le dis, c'est un exercice qui a certainement une
valeur, en termes de points de référence, mais qui ne constitue
certainement pas une analyse exhaustive de la rentabilité de
l'appartenance du Québec au reste du Canada dans le cadre
fédéral.
M. MORIN: Le ministre va me trouver d'accord pour constater avec lui
qu'on ne peut pas évaluer ces choses seulement en termes quantitatifs et
en termes fiscaux ou en termes de revenus et dépenses. Il y a bien
d'autres désavantages...
M. GARNEAU: Sur le strict plan économique, en dehors des autres
aspects, culturel, socio-économique...
M. MORIN: Oui, il y a bien d'autres... Je suis d'accord.
M. GARNEAU: ... sur le plan économique...
M. MORIN: Je suis d'accord. Il y a bien d'autres désavantages
à appartenir au Canada, mais il est quand même utile de pouvoir
chiffrer...
M. GARNEAU: Cela dépend de quel côté on
se place. Nous regardons les aspects positifs, et l'Opposition regarde
les aspects négatifs.
M. MORIN: Cela dépend de quel point de vue on se place
effectivement. Si on se place du point de vue de l'identité
québécoise et de la reprise en main de nos affaires, c'est encore
le seul critère qui, je crois, doive déterminer nos actions. A ce
moment, on pourrait avoir certainement un long débat pour savoir si le
fédéralisme canadien est rentable ou non. Mais, de toute
façon, j'imagine qu'on ne va pas régler cela à cette table
ce soir. D'ailleurs, ce n'est pas nous qui allons régler cette question,
ce sont les Québécois.
M. GARNEAU: Non!
M. MORIN: Est-ce que je peux demander au ministre s'il peut nous
promettre qu'à l'automne, l'étude des revenus et dépenses
sera déposée pour l'année 1973? Et ainsi de suite, au fur
et à mesure que les chiffres deviendront connus?
M. GARNEAU: Je ne crois pas que je puisse prendre cet engagement. Cela
dépendra du temps qui pourra y être consacré par les
équipes du ministère, d'autant plus que je me demande s'il y a
avantage à le faire pour chaque année. Ce qui est important,
c'est de garder, par périodes d'intervalle, des points de
référence pour voir s'il y a des changements de tendance.
Je ne vous cache pas, comme je vous l'ai dit tout à l'heure,
n'eut été l'attitude du Parti québécois, je
n'aurais pas rendu le document public; même s'il était positif et
que je l'avais en ma possession bien avant que la campagne électorale ne
soit même annoncée ou déclenchée, je ne l'aurais pas
rendu public parce que je ne croyais pas que l'étude était
à ce point exhaustive qu'elle puisse être un outil valable.
M. MORIN: Oui, mais la question est celle-ci: S'il avait
été favorable à la thèse que vous défendiez,
l'auriez-vous publié? La question est là. C'est pour cela que je
crois qu'il vaut mieux publier avant. Comme cela, les Québécois,
le sauront de toute façon. Que cela soit dans un sens ou dans un autre,
qu'ils soient éclairés sur leur choix.
M. GARNEAU: Je ne vous dis pas que dans un an ou dans deux ans, on ne
prendra pas des points de référence. Si on l'a fait en 1963/64,
en 1967/68, en 1971/72, peut-être qu'on pourra le faire en 1973/74 ou
1974/75. Garder un intervalle, à tous les deux ou trois ans, pour ne pas
refaire chaque année... Ce qui est important là-dedans, c'est de
voir la tendance que prend l'évolution des flux financiers suivant la
méthode des revenus et des dépenses, mais je ne veux pas prendre
cet engagement et ne pas le respecter par la suite.
M. MORIN: Le danger, si vous ne publiez pas chaque année, c'est
d'abord de ne pas savoir où vous en êtes vous-même parce
qu'il y a plus que la tendance générale, la tendance à
long terme là-dedans. Il y a une sorte de comptabilité des
avantages et des désavantages d'année en année. L'autre
désavantage est qu'on vous accusera de ne pas publier certains chiffres
parce que vous voulez les cacher, de telle sorte que vous finirez toujours en
période électorale par les publier. Alors, pourquoi ne pas opter
dès maintenant pour une politique ouverte et publier chaque année
les résultats, qu'ils soient bons ou mauvais pour nos thèses
respectives? Pourvu qu'on éclaire les Québécois, n'est-ce
pas ce qui compte?
M. GARNEAU: J'ai répondu au chef de l'Opposition là-dessus
en lui disant que je ne voulais pas prendre d'engagement certain. Cela
dépendra du temps que les gens pourront mettre sur une telle
étude; mais quant à ma réaction maintenant, si on a des
points de référence à intervalle régulier, cela
m'apparaît suffisant.
M. MORIN: Je dis au ministre que, de toute façon, on va les lui
réclamer et publiquement. C'est bien plus simple de les publier et de ne
pas laisser peser le moindre soupçon.
M. GARNEAU: Je vais attendre que le chef de l'Opposition ait fait
beaucoup de tapage et quand il aura fait beaucoup de tapage, je lui apporterai
une fois de plus la preuve et il partira avec le petit bout du bâton,
encore une fois.
M. MORIN: Je suis prêt à prendre ce risque.
M. GARNEAU: Je n'aime pas faire mal intentionnellement au Parti
québécois. Ce sont de bons amis et je ne veux pas...
M. MORIN: Oui, oui. Et si on vous proposait d'éclairer tout
simplement les Québécois, cela ne serait pas plus simple?
M. GARNEAU: Je pense que les Québécois ont
été éclairés. Ils en ont donné la preuve la
dernière fois.
M. BACON: C'est vous autres qui n'avez pas été
éclairés.
M. MORIN: Alors, vous n'avez pas intérêt à
dissimuler les chiffres dans ce cas.
M. ROY: Non, ce n'est pas sûr que les Québécois
aient été éclairés.
M. GARNEAU: Non?
M. ROY: Je ne suis pas sûr du tout, parce que j'ai assisté
moi-même à un certain débat et il a été
très difficile de faire la lumière à ce moment.
M. GARNEAU: D'ailleurs, j'ai vu une personne tout à l'heure en
compagnie du député de Beauce-Sud qui disait qu'il avait
été excellent, le député de Beauce-Sud. La personne
me faisait ce témoignage. Ce que je veux dire...
M. ROY: Même si on a pu dire cela, M. le ministre...
M. GARNEAU: Non, je ne veux pas...
M. ROY: ... je tiens quand même à dire tout simplement que
ce n'est pas que je veux prendre parti pour un côté ou
l'autre.
M. BACON: Faites attention.
M. ROY: Nous avons nos positions. Elles sont clairement connues, mais je
pense qu'il est d'intérêt fondamental que les
Québécois sachent toutes les choses que vous a demandées
le chef du Parti québécois. Je pense que c'est normal que ces
choses soient dites, parce que le gouvernement a la possibilité de faire
toutes les études de ce côté et le gouvernement est capable
de recueillir toutes les données. Je pense que le jour où les
Québécois sauront ce qui en est effectivement, ' en dehors d'une
campagne électorale, ceci contribuera énormément à
permettre aux gens de faire un choix objectif et non pas un choix
conditionné dans des courants d'opinion et dans des labyrinthes
d'idées orchestrées par une publicité que vous
connaissez.
M. BACON: Le député de Beauce-Sud serait-il en train de
nous annoncer des nouvelles?
M. GARNEAU: Dont j'ai souffert, d'ailleurs. Dont j'ai souffert, le
député de Beauce-Sud va sûrement accepter cela.
M. ROY: Nous en avons souffert personnellement, M. le Président.
Je pense qu'on doit passer sur ces choses. Ces questions méritent qu'on
leur porte une attention bien au-dessus de toute considération
personnelle...
M. GARNEAU: En dehors de ces questions que vous mentionniez...
M. ROY: C'est une question d'intérêt fondamental pour les
Québécois.
M. GARNEAU: En dehors de ce que le député de Beauce-Sud
souligne, s'il veut quand même répéter une fois de plus que
même si une étude comme celle-là a une certaine valeur,
comme point de référence, elle ne couvre pas et je n'en
connais pas qui ait été, de toute façon, beaucoup plus
détaillée tous les aspects, il ne faudrait pas
présenter un tel document comme étant la bible du pour ou du
contre. C'est qu'à mon sens il y a des intangibles là-dedans. Le
fait d'avoir une monnaie commune, le fait de participer à un
marché commun avec un système douanier unique, le fait
d'appartenir à un ensemble économique plus grand, comment cela se
mesure-t-il en termes de flux financier et en termes d'avantages
économiques pour le Québec?
M. MORIN: On tombe dans les comptes nationaux.
M. GARNEAU: Même là, si vous prenez l'approche des comptes
nationaux, vous n'aurez pas ces impondérables. Vous ne pourrez pas les
dénombrer, les évaluer. C'est pourquoi l'étude qui a
été publiée et la tendance qu'elle dénote sont
extrêmement positives suivant la méthodologie qui avait
été suivie.
Mais quand même, même si ces chiffres d'une année ou
l'autre devenaient négatifs, cela ne ferait pas la démonstration
d'une façon absolue et irréversible parce que, même s'ils
étaient négatifs, il y a des impondérables qui les
compenseraient peut-être par deux, par trois, par quatre, et c'est
l'appréciation que chacun fait de ces impondérables qui fait la
sommation de l'analyse qu'on peut faire. Mais c'est tout simplement un point de
référence.
M. MORIN: C'est cela.
M. GARNEAU: C'est pour cela que je dis: S'il est intéressant de
maintenir des étapes pour voir quelles sont les tendances, ce n'est
peut-être pas la peine de se mettre en frais de le faire année par
année, peut-être les indiquer comme statistiques additionnelles en
plus de toutes les autres, mais non pas comme document fondamental de notre
mère la sainte Eglise.
M. ROY: Je me permets d'ajouter ceci: II est quand même important
que le gouvernement sache où il est, de façon à pouvoir
élaborer ses propres politiques et de façon à pouvoir
apporter les correctifs qui peuvent et doivent être apportés
à des moments opportuns. Comment voulez-vous que le gouvernement du
Québec, s'il ne possède aucune donnée dans ce domaine,
même dans le domaine du commerce qui peut exister entre les
provinces...
Dans un ministère en particulier, le ministère de
l'Agriculture, il y a quand même des recherches qui ont été
faites, on a réussi à obtenir certains chiffres. Le gouvernement
provincial a quand même réussi à négocier, tant bien
que mal, sur des données de base, de façon à pouvoir
garantir, dans le domaine de l'agriculture, certains secteurs de la production
agricole et de façon à garantir et à soutenir des
productions agricoles au Québec en vertu de pourcentages qui ont
été accordés.
Il en est de même dans tous les autres domaines. Nous avons une
province, nous avons un gouvernement au Québec. Je ne voudrais pas
plonger dans le débat de la langue. Il se dit tellement de choses en
dehors de l'Assemblée
nationale à ce moment-ci et même à
l'Assemblée nationale que je ne voudrais pas plonger là-dedans.
Mais je pense que, si nous voulons vraiment, au Québec, être en
mesure de prendre en main notre économie, il va falloir que nous
prenions nos responsabilités et, pour les prendre, il faut avoir des
données, sur le plan économique, qui nous sont indispensables.
Nous avons un ministère de l'Industrie et du Commerce qui est capable de
recueillir des statistiques. Aujourd'hui, on est assez bien organisé, on
a seulement à regarder au niveau de l'impôt. Toutes les
entreprises qui sont installées au Québec et qui font affaires au
Québec sont quand même obligées de faire parvenir leur
bilan chaque année au ministère du Revenu du Québec. Il
est quand même possible d'être en mesure d'avoir ces
données, peut-être pas à 100 p.c, mais d'être capable
d'en recueillir le plus possible de façon à avoir des indications
les plus précises possible. Je dis que c'est essentiel que nous les
ayons chaque année pour être en mesure de faire des études,
pour comparer avec les années qui ont précédé, pour
être en mesure de connaître les tendances, pour être en
mesure de voir l'orientation.
Si nous n'avons pas cela, qu'est-ce que vous voulez, de quelle
façon pensons-nous sérieusement que le gouvernement du
Québec puisse agir dans le domaine économique, sinon que d'agir
par voie de conséquence, aller un peu à la va-comme-je-te-pousse
dans les secteurs qui représentent des caractéristiques un peu
spéciales ou encore dans des secteurs où il y a plus de demandes,
où il y a le plus de représentations qui sont faites au niveau du
gouvernement. Il y a quand même des choses, si nous voulons
réellement ordonner un développement économique au
Québec, un développement économique pur et en faveur des
Québécois. En somme, nous n'avons pas de ministère de
l'économie au Québec et tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas
de ministère de l'économie comme tel, c'est le ministère
des Finances qui doit jouer ce rôle.
Il est absolument important que le ministère des Finances prenne
toutes les dispositions, toutes les mesures qui s'imposent pour pouvoir avoir
toutes ces données, avoir tous ces chiffres de façon à ce
que ce soit annuel et que ça ne devienne pas des sujets de conversations
ou des sujets de discussion qui puissent faire en sorte d'influencer
l'électorat en période électorale. Je trouve que ça
peut peut-être faire l'affaire du gouvernement en place, cela a
peut-être fait l'affaire du gouvernement en place aujourd'hui, mais cela
a déjà fait l'affaire d'autres gouvernements en place qui
n'étaient pas des gouvernements libéraux. Je dis que c'est
d'intérêt commun, prioritaire, que ça devrait faire une
question qui passe au-dessus de toute considération politique ou
partisanne.
M. GARNEAU: M. le Président, le député de
Beauce-Sud me réfère à des statistiques d'ordre
économique, financier. Il faut quand même admettre je pense
que le député de Beauce-Sud va l'admettre que, chaque
année, le ministère de l'Industrie et du Commerce publie et
même à tous les trimestres, des documents statistiques. Vous avez
à chaque année le volume complet de toutes les statistiques, non
seulement sur le plan économique en termes de grand indicateur mais en
termes de population; non seulement, cette brochure de la situation
économique est publiée annuellement, mais le gros bouquin,
l'Annuaire du Québec comprend une foule de statistiques. Du
côté financier, nous publions depuis que j'occupe la fonction de
ministre des Finances, à partir de 1971, un fascicule spécial qui
donne des statistiques financières et cela en plus des comptes publics.
On ne peut pas dire que le gouvernement tend à cacher des données
qui pourraient servir de base, soit aux partis de l'Opposition ou au public en
général.
En plus nous participons à d'autres organismes qui
s'intéressent à ces questions, que ce soient les centres
universitaires, que ce soit le Conference Board ou encore d'autres groupes qui
travaillent sur des projections économiques; nous collaborons avec ces
groupes et la plupart des documents sont publiés. Je ne peux quand
même pas laisser sous-entendre que nous camouflons des chiffres, au
contraire, il y en a des tonnes et il faut être député pour
s'apercevoir du courrier extrêmement volumineux de cette nature que nous
recevons presque quotidiennement.
C'est un raffinement de statistiques financières que nous
retrouvons dans les différents documents et que chacun, suivant la
méthodologie qui est en cause, pourrait appliquer, c'est une chose
complètement différente.
M. ROY: Oui, mais le ministre...
M. MORIN: Si je pouvais interrompre un instant, M. le Président.
Je voudrais dire que le ministre a parlé d'or tout à l'heure,
quand il a dit que de nombreux facteurs conditionnent le choix fondamental que
les Québécois sont appelés à prendre au cours des
années qui viennent quant à leur avenir. Et, on ne peut
certainement pas, comme il l'a affirmé, mesurer les avantages et les
inconvénients du fédéralisme, non plus d'ailleurs que ceux
de l'indépen-dance-association, seulement en termes financiers, ce qui
vaut pour le fédéralisme, vaut également, j'imagine, pour
l'indépendance.
Mais les statistiques, les chiffres dont nous parlons depuis tout
à l'heure, sont quand même d'une importance capitale dans ce
choix. Et c'est ce que je dis au ministre; je tente de lui expliquer que, de
toute façon, il sera appelé à les publier d'année
en année et que s'il ne les publie pas, il sera accusé de publier
les années qui lui sont favorables et de cacher celles qui ne le lui
sont pas.
Comme par hasard, les statistiques qu'il a
publiées à l'automne, je crois, lui étaient
favorables. Elles ne le seront peut-être pas toujours. Alors, le plus
simple, s'il veut éviter des débats acrimonieux, s'il veut
éviter, c'est du moins l'intention qu'il a exprimée tout à
l'heure, que ces questions se débattent précisément en
période électorale, alors pourquoi ne pas publier ces chiffres au
fur et à mesure qu'on peut se les procurer?
M. GARNEAU: Le chef de l'Opposition semble oublier qu'à
l'intérieur du fédéralisme canadien, il y a des
négociations qui se poursuivent continuellement et quand nous publions
les documents comme ceux que nous avons publiés, en mettant à
jour, par exemple, le document des Affaires intergouvernementales de 1970, en
reconnaissant, en y incluant toutes les limites que cela comporte, ces limites
et ces mises en garde ne sont pas les paragraphes qui sont
nécessairement lus les premiers par les autres provinces du Canada.
J'aimerais bien que le chef de l'Opposition se rende compte aussi, que lorsque
nous négocions un partage fiscal plus adéquat pour l'ensemble des
provinces, en particulier pour le Québec, il arrive parfois que je me
sentirais plus à l'aise si les chiffres positifs n'étaient pas
connus. C'est un argument qui...
M. MORIN: S'ils étaient négatifs.
M. GARNEAU: Oui, mais justement, ils ne le sont pas négatifs.
M. MORIN: Ils ne le sont pas, mais comment le savez-vous...
M. GARNEAU: Comme je le mentionne au chef de l'Opposition, c'est qu'il y
a bien d'autres domaines... Si nous étions tous convaincus, vous, moi et
tout le monde, ainsi que tous les spécialistes, qu'il s'agit de
l'étude la plus complète, la plus exhaustive, celle qui ne
comporte aucune faille, qui couvre tous les aspects de l'économie
parce qu'encore là, je ne veux pas aborder dans ce débat tous les
autres aspects, parce que je veux me restreindre aux questions qui nous
touchent de plus près et qui retiennent l'attention de l'analyse des
crédits du ministère des Finances peut-être,
serions-nous dans une position plus confortable. Mais compte tenu des limites
que cela comporte, je voudrais au moins souligner cette situation qui est la
mienne, par la suite, quand je rencontre mes collègues des autres
provinces et que je défends, au nom du Québec, certaines
modifications qui peuvent être avantageuses et s'inscrire peut-être
dans une meilleure compréhension d'un fédéralisme
décentralisé à l'avantage, non seulement du Québec,
mais d'autres provinces, qui, pour des raisons géographiques ou
économiques, se situent un peu dans le même contexte.
M. ROY: Quant au fédéralisme décentralisé,
pour accorder plus de pouvoirs aux provinces, je pense, M. le Président,
qu'on touche justement un point extrêmement important. D'ailleurs, j'ai
eu l'occasion de soulever cette question devant l'Assemblée nationale.
On sait que le ministère des Finances est le ministère clé
de la province. Tous les autres ministères sont conditionnés par
les disponibilités que peut avoir en main le ministre des Finances. On
se fait écrire des lettres, comme député de comté,
lorsqu'on a appuyé ou encore lorsqu'on fait des demandes à
différents ministères au nom des municipalités, des
commissions scolaires, des différents organismes: Compte tenu des
disponibilités budgétaires que nous avons au ministère.
Voilà une phrase qu'on retrouve dans des milliers, je dirais même
dans des dizaines de milliers de lettres qu'écrivent les
différents chefs de cabinet ou les sous-ministres au nom de leur
ministre respectif dans divers ministères.
Alors on sait très bien que c'est le ministère des
Finances qui a la clef de toute l'administration de la province et, je dirais
même plus aujourd'hui, de son développement économique. Je
trouve, personnellement et d'ailleurs nous l'avons dit au niveau de
notre formation politique que le système actuel, les
méthodes utilisées, je ne parle pas des méthodes
comptables, mais des principes qui découlent de l'administration
publique actuellement ne peuvent nous conduire nulle part, sinon retarder la
date, retarder l'échéance d'une dette que nous ne pourrons
éventuellement payer.
M. le Président, il y a des dépenses dans le gouvernement
provincial, comme dans l'administration municipale, comme dans les entreprises.
Il y a des dépenses pour fins d'immobilisation. Il y a des
dépenses d'administration courante. Ce sont deux choses
complètement distinctes.
Lorsqu'il s'agit de faire de l'investissement, de l'immobilisation, ce
n'est pas du tout la même chose que lorsqu'il s'agit d'administrer les
affaires courantes de l'Etat. Actuellement, les deux, en quelque sorte, sont
mis exactement dans le même budget et on ne fait pas de distinction quant
au financement de ces deux secteurs particuliers, à un point tel que,
lorsqu'il y a des investissements qu'on fait au Québec ou encore qu'on
peut faire des investissements massifs, on a recours à l'épargne
pour les financer dans la mesure où, à un moment donné, le
gouvernement peut emprunter, et il n'y a aucune distinction faite de
façon précise dans le financement à long terme, si on
finance des immobilisations ou des investissements ou si on finance à
long terme des déficits d'administration courante.
Je ne sache pas qu'actuellement, dans le gouvernement provincial, on ait
tenu compte dans les budgets de la province de la dépréciation
des investissements et de la dépréciation des immobilisations. Si
on ne tient jamais compte de ces dépréciations, de
l'investissement des immobilisations, contrairement à ce que
font toutes les entreprises au Québec elles sont
obligées de le faire, les lois fiscales de la province les y obligent,
elles sont obligées de le faire à ce moment-là, on
emprunte à long terme pour financer des dépenses courantes ou
encore, en quelque sorte, on taxe les citoyens ou on les surtaxe pour leur
faire financer de l'immobilisation à même le budget actuel.
Or, il faudrait faire une distinction très nette et je le
souligne encore à l'attention du ministre des Finances parce que
ce point nous apparaît fondamental, parce que nous ne pourrons jamais
apporter les correctifs qui s'imposent dans toute l'organisation et dans le
financement de la province.
Je ne sache pas que si le gouvernement voulait mettre en application
certains principes, qui ont été proposés ou certaines
méthodes qui ont été proposées par d'autres
formations politiques, il s'en trouverait plus mal en point. Il s'agit tout
simplement d'apporter des réformes économiques au système,
du libéralisme économique qui, à l'heure actuelle, ne
répond plus aux besoins des sociétés modernes.
Le Québec, comme gouvernement, pourra peut-être dire: Nous
sommes dans un contexte canadien, nous sommes dans un contexte mondial. C'est
peut-être vrai, mais si tout le monde apporte la même excuse, nous
n'en sortirons jamais. Tout le monde va s'en remettre aux autres. Il importe
que nous prenions nos responsabilités là où nous sommes
situés, compte tenu des possibilités que nous avons, et Dieu sait
si nous avons des possibilités au Québec.
Je trouve tout simplement illogique que nous prenions le chemin des
Etats-Unis pour aller nous créer des servitudes de vingt ans, voire de
trente ans, servitudes qui seront renouvelées à
l'échéance, parce qu'on ne prévoit pas d'amortissement
dans les budgets de la province. On ne prévoit pas d'amortissements dans
l'administration de la province de sorte que ces emprunts seront
renouvelés à l'échéance, de sorte que nous allons
payer des intérêts pendant des générations et des
générations et encore des générations, ce qui
occasionne des saignées d'argent dans le budget de la province, qui
privent le gouvernement et les ministères à vocation
économique, comme les ministères d'administration de sommes
d'argent appréciables qui pourraient être appliquées dans
l'administration de la province, voire dans le financement de la province.
Je veux faire référence au crédit de la province.
On sait que le crédit de la province, c'est la capacité qu'une
collectivité demeurant dans une province peut avoir de produire des
biens et des services dans une période donnée en vue de
satisfaire ses propres besoins.
M. le Président, il faut que ces crédits soient
comptabilisés quelque part. S'ils sont comptabilisés quelque
part, il faut qu'ils soient monnayés. Or, si nous procédons par
le fait qu'on fait monnayer ces crédits par des institutions hors
frontières, je dis qu'on se trouve à créer, à ce
moment, des servitudes ou des saignées d'argent qui ne reviendront
jamais. On pourra peut-être trouver curieux ce genre d'intervention dans
certains milieux, mais je pose une question à l'honorable ministre, et
j'aimerais avoir la réponse. On vient d'emprunter aux Etats-Unis $150
millions, parce que, justement, on n'a pas les deniers requis au Québec
pour être en mesure de financer, dans le système actuel, ces $150
millions. Si nous n'avons pas les $150 millions aujourd'hui et que nous sommes
obligés de les emprunter, comment allons-nous pouvoir rembourser les
$414 millions d'intérêts que nous devons leur retourner en plus
des $150 millions que nous leur avons empruntés?
Actuellement, M. le Président, je pense que cela mérite
qu'on y porte une attention spéciale. Le taux d'emprunt et les emprunts
et les servitudes qui sont créés envers les étrangers de
la province, ce n'est pas une question de fédéralisme ou
d'indépendantisme, c'est une question de finance. Comment pourra-t-on,
un jour, venir à s'en sortir si ce taux de dépendance
s'accroît plus rapidement que le taux de croissance économique et,
en plus du taux de croissance économique, que le taux de croissance
démographique? M. le Président, le gouvernement n'a
peut-être pas fait d'étude à ce niveau. Je pense que ce
serait quand même drôlement important qu'on le fasse.
Nous avons, au Québec, une économie, une province jeune
sur le plan économique. Nous avons une population et une main-d'oeuvre
abondantes. Nous avons des ressources naturelles immenses, dont, à
l'heure actuelle, le gouvernement ne connaît même pas la valeur.
Par contre, nous n'avons pas suffisamment d'épargne dans nos
institutions pour être en mesure de nous financer automatiquement en
ayant recours à ces réservoirs d'épargne.
On pourrait faire un parallèle, si vous voulez, avec la situation
de la Belgique. On pourrait faire un parallèle avec la situation
d'autres pays d'Europe, mais, M. le Président, notre situation ne se
compare pas du tout. Nous avons chez nous... Je me réfère
peut-être à un autre palier de gouvernement, à une
responsabilité d'un autre palier de gouvernement. C'est justement
là que je veux en venir, parce que je veux que le ministère des
Finances du Québec, qui joue le rôle de ministère de
l'économie, s'affirme dans ce domaine. Nous avons, chez nous, la Loi des
banques, au Canada. Nous avons la Loi de la banque centrale. On sait que la
banque centrale, à l'heure actuelle, sert de mécanisme à
dix institutions financières privées que sont les banques. On
sait très bien qu'en vertu de la Loi des banques canadienne, celles-ci
ont l'exclusivité, c'est-à-dire qu'elles ont le monopole de la
création du crédit. Ce n'est pas la Banque du Canada qui peut
créer le crédit comme tel, sinon à peu près dans
une proportion de 5 p.c. à 6 p.c, par le fait qu'elle peut augmenter la
masse des billets de banque chaque année avec
les mécanismes que nous connaissons. Il y a quand même le
fait que des institutions privées que sont les banques ont le monopole,
l'exclusivité de créer le crédit dont nous avons besoin au
Canada.
M. le Président, si on permettait ou si, en quelque sorte, il y
avait une législation qui priverait l'industrie, une industrie
quelconque, de son propre crédit, et qu'on obligerait l'industrie
à se limiter aux réservoirs d'épargne, c'est-à-dire
aux Caisses populaires encore, ou aux sociétés de fiducie, ou
encore aux compagnies d'assurance-vie, on sait très bien qu'au
Québec le développement industriel se verrait paralysé.
Comme le gouvernement veut se donner une vocation, et que le gouvernement doit
se donner une certaine vocation de développement économique, il
devra avoir les mêmes recours, les mêmes privilèges de
pouvoir utiliser le crédit de la province de Québec, sans avoir
l'obligation, ou encore sans s'en aller le faire monnayer, le faire
comptabiliser par d'autres pays qui, eux, exigent des rentes et nous
créent un état de servitude et un état de
dépendance sur lequel j'aimerais que quelqu'un puisse me rassurer
actuellement au Québec, qui pourrait me rassurer en me disant que nous
finirons par nous en sortir, par prendre le dessus à partir de telle
année.
Mais aucun économiste, aucune personne, aucune étude
actuellement n'a été faite dans ce sens, de façon qu'elle
puisse nous faire des prévisions, nous donner des indications qui
pourraient nous permettre, au Québec, de constater et de dire
qu'à partir d'une telle année: Nous allons développer
l'économie du Québec pour les Québécois.
Et pour une petite population de six millions d'habitants, quand on
regarde les intérêts que nous payons sur les dettes publiques qui
sont financées de la façon que vous connaissez. Les statistiques
ne sont pas tellement récentes; elles datent de deux ans, mais elles
sont assez significatives parce que la situation ne s'est pas
améliorée mais aggravée.
La province de Québec devait payer annuellement au 31 mars 1973
en intérêts payés sur les dettes publiques $201,500,000.
Les municipalités: $261 millions; les commissions scolaires: $159
millions; Hydro-Québec: $199 millions dans son budget pour
l'année se terminant le 31 décembre 1972; les hôpitaux et
institutions de bien-être au 31 mars 1973: $39 millions; les emprunts
indirects garantis par la province au 31 mars 1972: $28 millions, ce qui
faisait qu'à peu près vers la fin de l'année 1972 on
pouvait dire qu'en moyenne, les intérêts qui étaient
payés actuellement sur la dette publique se montaient à
$889,353,000.
Il s'agit d'un coût d'intérêt par jour de $2,436,000
payé uniquement sur les dettes publiques du Québec et si nous
avions l'occasion d'ajouter notre part des dettes du fédéral
à ce niveau, je pense qu'on pourrait peut-être avoir raison
d'être très pessimiste et d'être un peu pris de panique.
Il y a une réforme qui s'impose de ce côté. Cela ne
peut continuer ainsi. Nous allons nous retrouver très bientôt dans
une situation de dépendance absolue que ni le fédéralimse,
ni le séparatisme ne réussiront à nous sortir du
pétrin.
Le ministre le sait très bien parce qu'il est compétent en
matière économique. Je le reconnais et je le lui donne. Mais la
balance des paiements internationaux doit être soldée à
certaines périodes, et à l'heure actuelle, à ce que je
sache, à moins qu'on ne me dise qu'il y a des nouvelles données
dans le monde de l'économie, il y a uniquement trois façons de
solder nos comptes, la balance des paiements internationaux.
Il faut compenser la sortie de capitaux par des entrées de
nouveaux capitaux ou encore en quelque sorte, on peut contribuer à
annuler des dettes par le fait qu'on transfère des titres d'entreprises
ou on rembourse des dettes en surtaxant les Québécois ou encore
on fait en sorte de donner ou de céder nos richesses naturelles pour
garantir ces emprunts. Il n'y a pas d'autre façon, il n'y a pas d'autre
méthode connue et j'écoutais justement, il n'y a pas tellement
longtemps, un économiste de réputation internationale qui se
plaignait que, s'il y avait tant de problèmes aujourd'hui sur la
scène internationale, sur le plan monétaire, ces problèmes
étaient dus et étaient causés par des problèmes de
balance intérieure, par des problèmes économiques
intérieurs qu'on cherchait à transposer sur le plan
international.
Il serait trop long de citer au ministre des Finances ceci, mais je sais
très bien qu'il le sait pour avoir étudié la question. Le
ministre des Finances sait très bien ce qui se passe de ce
côté.
On sait très bien que suite aux avertissements qui ont
été donnés par le ministre des Finances, M. Turner, qui a,
à un certain moment, invité les provinces, les corps publics
à diminuer leurs emprunts à l'étranger parce que ceci
contribuait, en quelque sorte, compte tenu des fluctuations et des
difficultés monétaires qui se retrouvaient sur le plan
international, surtout la situation du dollar comme la situation de certaines
monnaies, compte tenu de l'évolution et de tout ce qui se passe avec le
GATT, le Marché commun, le Kennedy Round et avec tout ce qui se passe en
Europe ou encore au niveau du développement de certains autres pays du
monde, ces problèmes actuels sont loin d'être résolus.
Mais lorsque je constate que notre banque centrale, notre banque
canadienne, notre Banque du Canada est obligée de corriger la situation
faite par les provinces, par le fait qu'on va emprunter aux Etats-Unis, de
racheter des titres étrangers pour être capable
d'équilibrer le dollar, je me demande si, à ce moment, 0 ne
serait pas beaucoup plus sage et économique et réaliste d'aller
directement à la banque centrale.
Je me demande ce qui peut empêcher le
gouvernement de la province à l'heure actuelle.
Je sais que le ministre pourra me dire que cela ne s'est jamais fait. Je
suis d'accord avec lui, cela ne s'est jamais fait. Mais il faudra que cela se
fasse un jour. Il n'est pas trop tôt pour commencer. Qu'on utilise donc
la banque centrale et si la loi actuelle des banques ne permet pas aux
provinces et aux gouvernements provinciaux d'utiliser leur propre crédit
en le comptabilisant sur le plan national, au lieu d'aller le faire
comptabiliser sur le plan international, je dis qu'il est temps qu'on fasse
connaître au gouvernement fédéral que nous exigeons des
modifications à la loi des banques.
On parle de réformes, on parle de réformes
monétaires sur le plan international. On en parle même au plan du
gouvernement fédéral, mais il va falloir que cette réforme
et ces modifications se fassent avec la collaboration et la participation des
provinces, de façon que nous puissions nous faire entendre, faire
connaît tre nos besoins, faire connaître notre point de vue, de
façon que ces institutions ne soient pas des institutions au service de
quelques groupes privilégiés, ou encore uniquement au service des
banques à charte canadiennes, huit institutions privées. M. le
Président, je me permets de le dire en passant, si on regarde le conseil
d'administration des banques à charte, on retrouvera certainement des
noms de personnes que je respecte sur le plan personnel, mais ces gens sont
quand même des présidents et des directeurs d'entreprises, pour la
plupart multinationales.
On leur a donné le monopole du crédit, avec la
complicité des provinces, il y a de cela un bon bout de temps, mais
c'est le temps de le reprendre et c'est le temps de prendre les dispositions
qui s'imposent pour que nous le reprenions. On a donné, avec la
complicité des provinces, parce qu'elles n'ont pas dit un mot à
ce moment, à dix institutions privées que sont les banques, le
monopole du crédit. Pourtant la province de Québec a des
possibilités, a un très bon crédit, le ministre des
Finances se plaît à le dire souvent, nous avons un très bon
crédit, parce que notre crédit réside dans nos richesses
naturelles, réside dans la main d'oeuvre dont nous disposons, et
réside dans l'habilité et la capacité des
Québécois de travailler et d'assumer leurs obligations.
Or, M. le Président, si notre crédit est bon chez nous,
étant donné que les Américains doivent faire de
l'expansion monétaire chez eux, pour quelle raison fait-on faire notre
expansion monétaire par les Etats-Unis, alors que nous avons une
expansion monétaire au Canada? Il s'agit de regarder les rapports de la
Banque du Canada et les rapports des banques à charte pour constater
qu'au cours de la dernière année, il y a eu une expansion de la
masse monétaire de $5 milliards. Cela a servi à quoi? Je
comprends que cela peut servir aux industries, à l'entreprise
privée. Je comprends que cela peut servir à des entreprises en
particulier, mais est-ce que cela a servi à nos administrations
publiques? C'est la question que je pose. Je dis que le gouvernement a une
obligation. Le gouvernement a d'immenses responsabilités de ce
côté, parce que nous n'en sortirons pas. Il va falloir que quelque
chose se fasse.
M. le Président, ce n'est pas un précédent, mais
qu'on se rappelle qu'en 1939, au moment de la déclaration de la grande
guerre, il y a eu des ententes internationales de faites, à l'effet
qu'à ce moment, il était interdit aux administrations municipales
comme aux administrations provinciales d'aller faire des emprunts hors
frontière. Chose curieuse, c'est là qu'on peut voir la
subtilité des mécanismes de la création de la monnaie, on
a réussi à vendre pour $7 milliards d'obligations de la victoire
au Canada, alors que la masse monétaire, au moment de la
déclaration de la guerre, était d'environ $2 milliards. Donc, il
y a eu création de crédit. S'il y a eu création de
crédit, il y a des institutions qui l'ont fait. Donc, c'est une chose
qui est possible. S'il y a des institutions qui l'on fait, si c'est une chose
qui est possible dans les cas d'urgence nationale, comme on l'a fait dans le
temps, je ne verrais pas, si cela a été possible dans le temps et
qu'il y avait des institutions qui ont été en mesure de le faire,
pour quelle raison on n'apporterait pas les modifications législatives
nécessaires, de façon que la province puisse en
bénéficier, que les municipalités puissent en
bénéficier, et que les commissions scolaires puissent en
bénéficier.
Je sais que le ministre des Finances peut être bien
intentionné. Il l'a déclaré, et je parlerai, entre autres,
un peu du financement municipal. Le financement municipale l'heure actuelle,
est une question fondamentale dans l'étude des crédits du
présent ministère, et je veux y revenir, si on me le permet, si
les membres de la commission me le permettent, étant donné que je
n'ai pas eu l'occasion cet après-midi de faire des observations
générales lors de l'ouverture de la commission.
M. GARNEAU: Vous avez fait la plus longue jusqu'à maintenant.
M. ROY: Tant mieux, M. le Président, je m'en réjouis.
M. BACON: On vous attendait et on vous manquait.
M. ROY: Non?
M. BACON: On était inquiet cet après-midi.
M. GARNEAU: On se demandait si...
M. ROY: Je suis très encouragé, M. le Président,
pour ne pas dire très flatté, je constate avec beaucoup
d'enthousiasme que les observations que je fais semblent recevoir autant
d'enthousiasme que la motion que j'ai présentée hier...
M. GARNEAU: Le député de Beauce-Sud va certainement...
M. ROY: ... et qui semble recueillir l'unanimité de la
Chambre.
M. GARNEAU: ... accepter que cela aurait été un
véritable désastre si, pour la première année
depuis 1970, nous n'avions pas abordé la question de la Banque du Canada
à l'occasion de l'étude des crédits du ministère
des Finances. J'aurais été extrêmement déçu.
C'est pour cela que j'espérais que l'étude des crédits ne
se termine pas cet après-midi pour donner la chance au
député de Beauce-Sud, soit ce soir ou demain, de pouvoir faire
son exposé annuel sur la Banque du Canada.
M. ROY: Je remercie le ministre de ses observations et la seule chose
que je souhaite, c'est que le ministre soit sérieux dans ses
observations.
M. GARNEAU: Je suis sérieux. C'est toujours agréable de
vous entendre faire votre exposé là-dessus.
M. ROY: D'accord, mais je ne voudrais pas, M. le Président, que
cela tombe toujours dans de la terre stérile.
M. GARNEAU: C'est parce que la graine n'est pas bonne.
M. ROY: Non, M. le Président, je pense qu'on pourra
peut-être faire certaines farces, certaines allusions, mais le
problème est beaucoup plus sérieux qu'on pense, même s'il a
pu y avoir certaines caricatures à un moment donné.
Sur le plan du financement des municipalités et des commissions
scolaires, de récentes études ont été faites qui
ont démontré que pour combler les besoins d'investissements
municipaux, pour doter les municipalités de services d'incendie, de
services routiers, de rues, de services d'égouts, de services
d'acqueduc, d'usines de filtration et d'épuration des eaux, il faudrait
en moyenne un investissement per capita de $17,000. Dans le système
actuel, c'est absolument impossible. Nous avons une multitude de
municipalités au Québec qui ont un problème
d'approvisionnement en eau potable, un problème crucial
d'approvisionnement en eau potable, et qui attendent de le régler depuis
des années. Le ministre des Finances le sait très bien, parce
qu'il est obligé de limiter ces crédits au ministère des
Affaires municipales, il n'est pas en mesure de le faire. Pourtant, nous
aurions toutes les possibilités physiques de faire ces
réalisations en utilisant des matériaux québécois
d'entreprises québécoises avec de la main-d'oeuvre
québécoise en territoire québécois. Nous aurions
toutes ces possibilités chez nous. Qu'est-ce qui manque? J'aimerais
qu'on me dise ce qui manque. Nous ne manquons certainement pas
d'ingénieurs, pous ne manquons pas d'architectes non plus pour
préparer les plans. Il ne manque personne pour préparer les
études nécessaires comme les services qui s'y rattachent, que ce
soit au niveau de l'administration, au niveau du fonctionnement ou autrement.
Il manque une seule chose. Nous avons des problèmes au niveau des usines
d'épuration des eaux. On a très bien vu que le ministère
des Affaires municipales, le ministre responsable de la qualité de
l'environnement, aurait besoin, d'ici les cinq prochaines années, d'un
minimum de $800 millions uniquement dans ce domaine pour tâcher de faire
en sorte de doter les municipalités du Québec, qui
déversent leurs eaux-vannes dans les cours d'eau du Québec,
d'usines d'épuration des eaux de façon à dépolluer
nos cours d'eau. C'est presque devenu une question vitale, une questiode vie ou
de mort. Est-ce que, depuis quatre ans, le gouvernement provincial, le
gouvernement actuel a un élément de solution pour donner au
ministère des Affaires municipales, au secteur de la qualité de
l'environnement, les crédits nécessaires pour permettre aux
municipalités d'oeuvrer dans ce secteur sans avoir à surtaxer les
contribuables, les petits propriétaires fonciers? C'est à un
point tel qu'ils se trouveraient demain matin dépossédés
de leur propriété. C'est une question que je pose. Dans le
domaine de l'éducation, c'est encore la même chose. Dans le
domaine de l'hospitalisation, c'est encore le même problème. C'est
pourquoi je dis, M. le Président, que dans ce domaine le temps est venu
de se poser la question et d'envisager le problème de façon
très sérieuse.
Revenons aux questions du domaine scolaire, puisque le ministre en a
parlé pendant son discours sur le budget. Actuellement, dans les
commissions scolaires régionales, j'ai quelques bilans de
commissions scolaires régionales à mon bureau, j'ai pu y jeter un
rapide coup d'oeil il y a un subterfuge très habile, et
peut-être involontaire, de la part du ministre des Finances, mais si le
problème se pose au niveau du ministère de l'Education, il y
aurait lieu que le ministre des Finances rencontre le ministre de l'Education
à ce sujet pour en discuter et porter une attention particulière
à ce fait. On sait que le gouvernement a annoncé depuis fort
longtemps un projet sur lequel nous sommes d'accord, pour organiser un
programme, un système pour en venir à la disparition de la taxe
scolaire de façon à laisser le champ libre aux
municipalités, aux corporations municipales du Québec.
On sait très bien que le ministre, cette année, a encore
annoncé une réduction de la taxe foncière scolaire de
$0.05 pour $100. et, M. le Président, il y a plusieurs commissions
scolaires cette année qui devront avoir recours à une taxe
spéciale pour financer leur budget de $0.10, $0.15 et même
$0.20.
Cela veut dire que ce que le gouvernement provincial ôte d'une
main pour tâcher de laisser
le champ libre à l'administration municipale. Le service de la
dette des commissions scolaires régionales en est rendu à un
point tel qu'on va être obligé bientôt de priver les
étudiants, on va être obligé de priser les enseignants, le
monde de l'enseignement de certains services indispensables de façon
à répondre aux obligations de la dette obligatoire. Justement, on
n'a pas eu recours à un système de financement adéquat, on
n'a pas tenu compte du crédit de la province et on n'a pas pris les
responsabilités d'apporter les modifications qui s'imposaient sur le
plan législatif, que ce soit provincial, ou encore le gouvernement
provincial n'a pas pris ses responsabilités pour faire connaître
son point de vue et faire les recommandations qui s'imposent en vue d'insister
auprès du gouvernement fédéral pour que les lois
fédérales soient amendées de façon que les
provinces puissent avoir les services auxquels elles ont droit et auxquels les
citoyens du Québec ont également droit.
C'est un autre facteur sur lequel j'aimerais attirer l'attention du
ministre pour dire tout simplement que depuis 1970, malgré les
efforts... je suis prêt à accorder de la sincérité
au ministre à l'heure actuelle, parce que ce n'est pas au ministre et
à des hommes comme tels que je m'attaque lorsque je fais ces
déclarations, c'est au système, au système qui est
dépassé et au système qui est en train de nous
déposséder littéralement.
A titre d'exemple, pour dire que si le gouvernement continue d'avoir
uniquement recours aux réservoirs de l'épargne pour se financer,
le gouvernement va se jouer de très vilains tours tout à l'heure,
on sait très bien que les caisses populaires ont été en
quelque sorte les agents pour financer les provinces et pour financer la
province avec le montant d'argent qu'elles doivent garder en réserve, ce
sont toujours les caisses populaires qui ont collaboré pour tâcher
de placer une partie de leurs fonds de réserve dans les obligations
provinciales, voire même municipales et scolaires.
J'aimerais attirer un petit fait à l'attention du ministre parce
que ça mérite d'être souligné parce que ça
peut nous faire réfléchir. Les caisses populaires, le mouvement
des caisses d'épargne et de crédit au Québec, depuis 74
ans parce que cela a commencé au tout début du
siècle ont réussi à accumuler, et nous en sommes
fiers, nous, les Québécois, parce que c'est un effort collectif
quand même appréciable, au niveau des épargnes dans le
mouvement coopératif $3,600,000,000 et plus au niveau des
épargnes des sociétaires. $3,600,000,000 en 74 ans d'efforts
collectifs, de propagande, de sollicitations de part et d'autre et
d'abnégations, parce qu'il y a eu énormément de sacrifices
faits dans le mouvement du secteur coopératif. Lorsqu'on regarde, par
comparaison, le bilan de nos banques à charte, de nos fameuses banques
à charte canadiennes, on peut constater qu'une seule banque à
charte, et ce n'est pas la plus grosse, au cours de la seule année 1973,
a réussi à augmenter son actif de $3,150,000,000. Je pense qu'une
telle progression dans le taux de l'utilisation et de la comptabilisation du
crédit par les institutions privées que sont les banques nous
démontre clairement que la formule est complètement
dépassée, que nous devons la repenser et que nous devrons y
apporter les correctifs qui s'imposent.
M. le Président, si nous continuons dans ce sens, actuellement,
nous payons $2,436,000 d'intérêt par jour sur les dettes publiques
du Québec; à la fin de 1975, j'ai de bonnes raisons de croire,
parce que mes chiffres l'indiquent, que nous allons être près de
$3 millions par jour uniquement en intérêt sur les dettes
publiques du Québec qui sont payés en plus grande partie hors
frontières, parce que ce sont les Etats-Unis qui détiennent la
plus grande part des emprunts, que ce soit des emprunts de
l'Hydro-Québec, on sait que les Etats-Unis en détiennent à
eux seuls les deux tiers, ils détiennent près de 50 p.c. des
emprunts de la province, du moins l'année dernière,
c'était près de 50 p.c, 45 p.c. ou 46 p.c...
M. GARNEAU: 18 p.c.
M. ROY: 18 p.c, la situation a changé avec l'utilisation de la
caisse de dépôt depuis un certain temps... il y a des
municipalités, quand on voit la ville de Montréal et la ville de
Québec, avoir recours à des emprunts hors frontières, on
ne peut qu'être inquiets de cette saignée de capitaux et de cette
saignée d'épargnes qu'on doit puiser dans les poches des
contribuables québécois.
Suite à ces observations, j'aimerais demander au ministre des
Finances, dans le cadre de son programme 1, étant donné que ce
programme vise à conseiller le gouvernement en matière de
politique financière, économique et fiscale, ainsi que de
relations financières avec le gouvernement fédéral, si le
gouvernement a déjà amorcé des études dans ce sens
de façon à pouvoir utiliser et retenir les services de notre
banque centrale, parce que, dans sa loi, il est clairement dit que la Banque du
Canada peut offrir des services au gouvernement fédéral et
également des services aux provinces.
Alors, il y a deux ans, le ministre m'a dit qu'il n'y avait jamais eu de
demandes de faites. Je l'avais alors demandé au ministre, en lui
signalant qu'il n'en coûtait quand même pas beaucoup d'efforts,
qu'il n'en coûtait surtout que très peu d'argent de faire des
démarches dans ce sens. J'aimerais que le ministre me dise clairement si
le gouvernement de la province de Québec a des études de faites
de ce côté-là. Si oui, où en sont rendues les
études? Si c'est non, est-ce que le gouvernement du Québec a
l'intention d'en faire? Et si oui, quelles sont-elles?
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable ministre des Finances.
M. GARNEAU: Je ne veux pas reprendre un à un les points qu'a
soulevés le député de Beauce-Sud. C'est la thèse
qu'il défend à l'Assemblée nationale depuis qu'il y est
entré. Je ne veux pas lui nier le droit de croire en la théorie
qu'il soutient et comme nous avons, à un certain nombre de reprises,
fait ce débat, ce n'est pas dans mon intention de reprendre chacun des
arguments que j'ai déjà exposés au cours des années
passées. Je référerai volontiers les députés
aux débats qui ont eu lieu en Chambre à l'occasion de motions qui
ont été déposées par le député de
Beauce-Sud, mais je voudrais tout simplement reprendre certains points ici et
là qui m'apparaissent trop énormes pour les laisser passer.
Sans le dire clairement, le député de Beauce laisse
sous-entendre, par exemple, que le gouvernement du Québec finance par
emprunt des dépenses courantes. Je veux m'inscrire en faux contre cette
assertion ou cette idée qu'on laisse planer. Au contraire, c'est une
situation fort différente qui existe et je réfère le
député ou les membres de la commission à la page 68 du
discours sur le budget où nous donnons des statistiques sur l'ampleur du
déficit, en comparaison avec les montants investis, et on pourra voir
qu'à chaque année, les montants qui ont été
investis ont largement dépassé les déficits de
fonctionnement et que les sommes qui ont été empruntées
l'ont été pour financer des investissements et non pas des
dépenses courantes. C'est le premier point. Je veux insister fortement
là-dessus, parce que c'est contraire... Affirmer le contraire, ce serait
évidemment nier les faits qui existent et la réalité.
Le deuxième point que je voudrais souligner, c'est faire une
référence à la page 70 du discours sur le budget où
nous donnons des statistiques sur le taux d'accroissement annuel de l'encours
direct des obligations de la province, sur l'encours direct per capita, sur le
service de la dette per capita et sur le pourcentage du service de la dette par
rapport aux revenus de la province, pour indiquer que la situation du
Québec à ce chapitre se situe à un niveau inférieur
à la moyenne des provinces canadiennes. C'est-à-dire que, si l'on
prend le pourcentage du service de la dette par rapport aux revenus et qu'on
compare le Québec à la moyenne des autres provinces, par exemple,
nous avons un pourcentage qui est inférieur; sur le service de la dette
per capita, c'est la même chose; sur l'encours direct per capita, c'est
la même chose. C'est donc dire que notre situation à ce chapitre,
sans vouloir dire que c'est la seule situation qui serait bonne... Il faut
quand même souligner que notre endettement connaît un taux de
croissance moins rapide que celui de la moyenne des provinces canadiennes.
Pour ce qui est du reste de la thèse que soutient le
député de Beauce-Sud. En fait, ce qu'il nous dit dans un seul
secteur, je ne sais pas à quelle place il prend ces montants, mais il
nous dit $17,000 per capita, par année d'inves- tissements, dans le seul
secteur municipal pour combler tous les désirs, cela veut dire $102
milliards ou quelque chose du genre pour le Québec. Ce serait deux fois
la masse monétaire du Canada. Cela voudrait dire, à toutes fins
utiles, pour répondre uniquement aux besoins du secteur municipal.
Uniquement au Québec, il faudrait doubler la masse monétaire de
l'ensemble canadien.
Tout à l'heure, le député de Beauce-Sud se
référait, je ne sais pas à quel économiste, je
pense qu'il ne l'a pas nommé. Je lui citerai seulement un passage d'un
éminent professeur de l'Université de Chicago, M. Milton Friedman
qui s'adressait récemment à Montréal, à un groupe
d'hommes d'affaires, où il était conférencier
invité à un colloque. M. Friedman, dont la réputation
internationale et la compétence n'est plus à faire, disait,
à propos de, non pas la thèse créditiste, parce que je
pense bien que le Parti créditiste comme tel n'est pas très connu
aux Etats-Unis, mais la théorie que développe ce parti a quand
même, sous d'autres appellations, certains adeptes... M. Friedman disait
ceci: "Much depends on accidents of timing in politics, both internal and
external. Economists have known, at least intermittently for over a century and
a half, two propositions. First, that by printing enough money you can produce
any desire degree of activity. Second, that the ultimate result is for the
destruction of the currency. The American public has learned the first
proposition. It once knew but has forgotten the second. Only experience is
likely to teach it once again".
Je pense que si on prend cette remarque du professeur Friedman, on se
rend compte qu'imprimer de l'argent, augmenter le crédit ou doubler la
masse monétaire peut produire un degré d'activité
momentané important, mais il le souligne lui-même, c'est que la
conséquence de cela, c'est la destruction de la valeur de la monnaie et
que, bien souvent, dans les périodes bouleversées et c'est
le sens de ce qu'il nous dit la première proposition a
été mise en application, parce qu'on a oublié les
conséquences de cette proposition et que, bien souvent, uniquement
l'expérience, la dure réalité ramènent les gens les
deux pieds sur terre et indiquent le sens des erreurs qui ont été
commises.
Si on réfléchit dans ce sens, je pense bien qu'on se rend
compte rapidement que c'est une loi de la vie qu'entre le souhaitable, le
désirable et le possible, il y ait toute la marge qui sépare le
monde utopique du monde réel. Il serait évidemment souhaitable,
non seulement qu'il y ait des usines d'épuration dans tout le
Québec, mais que chaque citoyen québécois ait
également sa voiture, sa deuxième voiture, qui serait non
polluante, que chacun ait une très confortable résidence, qu'il
bénéficie d'un standard de vie extrêmement
élevé. En fait, on pourrait en ajouter et en ajouter et tout ce
qu'on pourrait ajouter serait encore souhaitable. Je suis certain
qu'on en oublierait, mais la leçon la plus difficile à
admettre, c'est peut-être d'apprendre à vivre selon ses moyens. La
seule place où je peux souscrire à ce que dit le
député de Beauce-Sud, c'est d'inciter non seulement mes
collègues de l'Assemblée nationale, mais la population en
général à ne pas demander l'impossible au
gouvernement.
J'ai souvent eu l'occasion de badiner, mais dans le fond, c'était
une réalité que je soumettais à l'attention du
député de Beauce-Sud. Lorsqu'il nous a reproché
d'accroître notre programme d'emprunt, je lui ai souvent dit: Est-ce que
vous voulez que j'annule la construction de l'autoroute de la Beauce?
C'était une façon très concrète de lui dire que les
investissements que nous faisons dans de l'équipement collectif sont
importants, répondent à des besoins et, à partir de ces
besoins, nous sommes obligés de couper par cent et par mille pour
ramener ce qui nous est suggéré à la réalité
de nos moyens financiers.
Je pense que cet équilibre est bien préservé au
Québec, que notre endettement per capita, notre service de la dette qui
retombe sur les épaules des contribuables québécois via le
fisc, ces pourcentages du service de la dette, par rapport aux revenus, sont
maintenus à des niveaux fort acceptables et inférieurs à
ce qui se rencontre dans d'autres provinces du Canada. Notre dette globale est
très majoritairement maintenue en dollars canadiens, en fait, 76.4 p.c.
de la dette obligataire québécoise, au 31 mars 1974,
étaient en dollars canadiens; seulement 18 p.c. étaient en
dollars américains, et le solde en des fractions extrêmement
minimes: 3 p.c. en deutschemarks; 0.7 p.c. en francs français et 0.9
p.c. en yens japonais.
C'est donc dire que la très grande partie de notre dette
obligataire est détenue par des citoyens canadiens, en devises
canadiennes. Il n'y a donc pas de dangers majeurs ou de situations
catastrophiques, au contraire. Nous avons et nous nous réjouissons de la
possibilité et de la valeur de notre crédit chez nos voisins du
sud. Cela nous permet de répondre, en utilisant l'épargne
accumulée chez nos voisins du sud, à certains besoins, et de se
doter, maintenant, d'équipements collectifs pour lesquels il nous
faudrait plusieurs années si nous ne devions compter que sur
l'épargne accumulée au Canada et pour maintenir la disposition
d'investissements gouvernementaux dans le secteur routier, hospitalier,
éducatif, etc.
Le député de Beauce-Sud a fait référence
à un tas d'autres aspects, mais je pense que les quelques points que
j'ai touchés reprennent l'essentiel des deux thèses qu'il nous
oppose.
M. ROY: M. le Président, j'aimerais, à la suite du
ministre, répondre un peu en quelque sorte aux affirmations, aux
chiffres qu'il nous a donnés. D'abord, je suis déçu de la
déclaration du ministre. Je pensais que cette année, le ministre
pourrait nous dire, étant donné qu'il avait donné,
à l'Assemblée nationale, une lueur d'espoir, l'autre jour,
à l'effet qu'on semblait vouloir étudier les options nouvelles.
Il semble bien que le ministère et le gouvernement n'ont absolument rien
de fait et n'entrevoient rien à faire en quelque sorte, au cours de
l'année.
Lorsque j'ai parlé, tantôt, du montant d'argent qui pouvait
être nécessaire dans le développement municipal, je n'ai
pas dit que nous voulions que cela se fasse. J'ai cité un exemple d'une
étude qui avait été faite par des économistes de
réputation internationale dont, malheureusement, je n'ai pas les noms.
On a dit que cela irait jusque-là si on donnait à toutes les
municipalités tous les services dont elles ont besoin. Je n'ai pas
demandé d'usines d'épuration dans toutes les municipalités
du Québec. J'ai dit tout simplement qu'actuellement, nous
n'étions pas équipés, non pas pour en donner à
toutes les municipalités, mais dans les municipalités où
ce serait le plus urgent. C'est la distinction que je tiens à faire.
Lorsque le ministre a dit, tout à l'heure, que le gouvernement
n'empruntait pas à long terme pour financer les dépenses
d'administration courantes, je vais prendre les chiffres mêmes du
gouvernement, les chiffres mêmes du ministre, dans une lettre qu'il m'a
fait parvenir, suite aux renseignements que je lui ai demandés par
lettre, le 8 février dernier, un document qui provient du
ministère des Finances, en date du 21 février 1974: Le total des
emprunts au cours de l'année 1973/74, en date du 21 février 1974
je ne pense pas qu'il y en ait eu par la suite aller jusqu'au 31 mars
était de l'ordre de $638,804,000.
Si on prend le montant de $638,804,000 et qu'on prend les chiffres
à la page 68 du discours sur le budget que le ministre nous a fourni,
selon lesquels les dépenses d'immobilisation étaient de l'ordre
de $458 millions, et que j'ajoute à cela des prêts, avances et
placements faits par le gouvernement de l'ordre de $118 millions, j'obtiens un
total de $576 millions. Donc, il y a un écart de $60 millions de plus
que le gouvernement a empruntés sur le montant de l'argent qu'il a
investi et les montants d'argent qu'il a mis sur les immobilisations.
Sur les immobilisations passées, il n'y a aucune
dépréciation prévue dans les budgets de la province. Donc,
il n'y a pas de dépréciation prévue, chose qui devrait
être normale. Deuxièmement, sur les placements et les avances
consentis, on sait qu'il y a des placements qui ont été consentis
à des sociétés gouvernementales et à des
sociétés paragouvernementales, pour combler des déficits
de fonctionnement.
Si je pouvais faire le bilan réel et avoir les données
immédiates de l'actif net de ces entreprises, de façon à
enlever de la capitalisation le montant des déficits accumulés,
j'arriverais avec des chiffres qui dépasseraient facilement les $100
millions ou peut-être les $150 millions que le gouvernement a
empruntés de plus que les immobilisations et les prêts ou les
avances d'argent.
D'ailleurs, les chiffres sont ici, à la page XIII
des Crédits du Québec 1974/75, qui nous démontrent
que les prêts, les placements et les avances, pour l'année
1973/74, totalisent: $31,200,000 pour les prêts; pour les placements ou
encore les investissements, $35,650,000 et pour les avances... Parmi les
avances, on cite: L'Office des autoroutes du Québec, l'Office du
crédit agricole, la Régie de l'assurance-récolte, la
Société d'aménagement de l'Outaouais, la
Société de développement immobilier du Québec, la
Société de développement industriel du Québec, la
Société d'habitation du Québec, la Société
du parc industriel du centre du Québec, la Société de
récupération, d'exploitation et de développement
forestiers du Québec. Ces avances totalisent $51,200,000, pour un grand
total de $118,050,000.
Et dans les placements, il y a la société SIDBEC, il y a
la Société de développement de la baie James, il y a la
Société de développement immobilier du Québec, il y
a la Société générale de financement du
Québec pour laquelle un montant de $5 millions a été
consenti. On sait très bien que la Société
générale de financement d'ailleurs, on pourra y revenir
lors de l'étude du budget connaît un déficit de $9
millions, comme il a été dit ici même, dans cette salle,
à une séance de la commission parlementaire, lorsque nous avons
reçu et que nous avons pu interroger le président de la
Société générale de financement, M. Simard, qui,
soit dit en passant, nous a rassurés en nous disant qu'il n'avait aucun
lien de parenté avec une certaine famille célèbre que nous
connaissons tous. Mais M. Simard, qui est président de la SGF, nous a
dit clairement que la SGF connaissait cette année un déficit de
$9 millions. On sait que ce déficit de $9 millions est dû à
la construction des fameux navires, dans le cas de Marine Industrie... On
pourra y revenir. D'ailleurs, j'aurai des questions à poser au
ministre.
Alors, si on déduit un montant de $118 millions les montants qui
ont été consentis en placements, en avances ou en prêts
pour combler les déficits de fonctionnement, alors je dis, et les
chiffres le démontrent clairement et je prends les chiffres
fournis par le gouvernement qu'il y a des emprunts qui sont faits
à long terme pour financer des dépenses d'administration
courante.
En ce qui a trait à l'augmentation de la masse
monétaire...
M. GARNEAU: Avant que le député change de sujet, je
voudrais lui dire que, s'il soustrait les remboursements d'emprunt des sommes
qu'il a données, il s'apercevra que ce que je soutiens est absolument
vrai. C'est l'oubli qu'il fait lorsqu'il soumet toute la thèse qu'il
vient de nous développer, parce qu'on ne peut pas considérer les
remboursements de dettes, parce que c'est extra-budgétaire, comme
étant une augmentation nette de la dette, comme il semble le soutenir en
exposant que nous avons financé les dépenses courantes à
même des emprunts.
Et je voudrais lui faire une autre remarque aussi. Lorsqu'il se
réfère au déficit global, le déficit inclut
l'ensemble des investissements parce que nous ne faisons plus de distinction
maintenant. Nous parlons uniquement en termes de dépenses totales et, en
cela, nous avons voulu, depuis deux ou trois ans, pour fins de meilleures
comparaisons et de meilleure compréhension lorsqu'on analyse des
états financiers des administrations publiques, nous avons voulu aligner
nos principes comptables sur les principes ordinairement suivis
d'ailleurs, qui sont suivis effectivement dans la comptabilité
publique, non seulement canadienne, mais également de toutes les
provinces du Canada et aussi de l'étranger. En ce sens, nous avons une
base comptable qui est beaucoup plus facile à comparer d'une province
à l'autre. Lorsqu'il parle du déficit, évidemment, cela
inclut les dépenses d'immobilisation, ce n'est pas séparé,
ce ne sont pas des dépenses qui s'ajoutent aux autres. S'il fait cette
distinction, il s'apercevra que la démonstration que nous faisons au
tableau 68 de la page du discours du budget et qui se réfère aux
années antérieures, 1974/75, les prévisions, et la
réalité pour 1973/74, 1972/73, 1971/72 est conforme à la
position que je soutiens et que j'ai voulu mettre en lumière tout
à l'heure.
M. ROY: Je reprends les mêmes chiffres que le ministre pour lui
dire que, tout à l'heure, je me suis basé et je reviens
sur ce point sur le total des emprunts faits pendant l'année
financière, j'ai pris le total des dépenses d'immobilisation qui
apparaissent au tableau 68, j'ai pris le total des prêts, palcements et
avances qui ont été faits par le gouvernement comme le
démontre la page XIII du livre des Crédits 1974/75 de la province
et j'arrive exactement aux chiffres que j'ai mentionnés et c'est
justement le point sur lequel j'ai bien compris le ministre.
Il me parle à un moment donné du refinancement. C'est
justement le point que j'ai développé au tout début ce
soir. J'ai dit qu'il n'y avait pas de dépréciation, de prise
à même les prévisions budgétaires sur les
immobilisations, c'est normal, parce qu'une route se déprécie, un
pont se déprécie, une école se déprécie,
tout investissement se déprécie, toute immobilisation se
déprécie à un moment donné. C'est que le
gouvernement procède à emprunter à nouveau la
totalité des montants empruntés pour financer les déficits
et c'est à ce moment qu'on organise en quelque sorte une dialectique
dans laquelle seuls ceux qui sont un peu au courant de l'administration et qui
sont un peu au courant des affaires en général peuvent s'y
comprendre.
Ce que vient de dire le ministre ne contredit en aucun cas et d'aucune
façon les chiffres que j'ai mentionnés. Lorsque le ministre dit
que le déficit qui apparaît à la page 68 du budget
était
le déficit global, ce déficit ne comprend pas le
déficit des sociétés paragouvernementales. Je le dis et je
le répète encore, il ne le comprend pas, ce n'est pas inclus.
Dernier point que j'aimerais souligner, c'est que le ministre s'est
référé à une savante déclaration d'un
économiste américain qui, probablement, a été
contredit par un autre économiste. En fait, je n'ai jamais vu
jusqu'à maintenant beaucoup d'économistes d'accord. Ce qui prouve
qu'ils n'ont pas la science, parce que lorsque la science est certaine, les
spécialistes, les hommes de science sont d'accord. Tant qu'il y a de la
confusion, c'est parce que c'est encore au niveau, au stade de la recherche. Le
ministre a dit qu'il ne fallait pas augmenter la masse monétaire sans
considération. Je suis d'accord avec lui, mais le ministre a
oublié de nous dire que lorsqu'il va emprunter $150 millions aux
Etats-Unis, il y a une augmentation automatique de la masse monétaire
canadienne de $150 millions, puisqu'il la dépose aux institutions
financières canadiennes. Cela, on ne le dit pas.
M. GARNEAU: Mais, s'ils ne sont pas rapatriés, les $150 millions,
vous ne pouvez pas m'accuser...
M. ROY: Quand les $150 millions sont déposés chez les
institutions financières...
M. GARNEAU: Ils ne l'ont pas été. M. ROY: Mais lorsqu'ils
le seront? M. GARNEAU: Ils ne le seront pas.
M. ROY: Mais vous allez les débourser sous forme d'autres
montants d'argent?
M. GARNEAU: C'est parce qu'on a à respecter des
échéances en devises américaines. Actuellement, ces
montants sont replacés à court terme et d'ailleurs à
profit actuellement. C'est-à-dire qu'on fait plus que 1 p.c. de profit,
comparativement au taux d'intérêt qu'on a payé. On a
prêté à nouveau, je pense à 10.5 p.c, alors qu'on a
payé 9.2 p.c. Non seulement, on fait un bénéfice sur cet
emprunt pour la période de temps dont on n'en a pas besoin, mais on n'a
pas l'intention de le rapatrier, mais de faire face à des
échéances sur le marché américain. Sur ces $150
millions...
M. ROY: C'est-y assez fort !
M. GARNEAU: On fait de l'argent avec nos emprunts. Le
député de Beauce-Sud ne savait pas cela?
M. ROY: C'est-y assez fort !
M. GARNEAU: C'est pour cela...
M. ROY: General Motors ne vous engagera certainement pas, même si
vous venez de dire cela, j'en suis convaincu, même si elle a le plus gros
budget de la province.
M. GARNEAU: Je trouve que c'est un point à souligner...
M. ROY: Je suis convaincu que General Motors ne vous offrira pas
d'emploi demain matin, à moins que vous ne changiez de formule.
M. GARNEAU: Le député de Beauce ne pourra pas toujours
m'engueuler, en ce sens que je fais de l'argent avec cet emprunt, il ne
faudrait pas qu'il me dispute toujours.
M. ROY: Non, écoutez, quand même. Le ministre peut
peut-être nous parler d'économie, de diminution de
dépenses. Je n'ai jamais connu quelqu'un qui se soit enrichi à
s'endetter. Si c'est votre formule, je ne me demande plus pourquoi on est si
mal embarqué au Québec, pourquoi on paie tant
d'intérêt, pourquoi on est si endetté, pourquoi on a tant
de taxes. Je ne me pose plus de question, si c'est votre formule.
M. GARNEAU: Je voudrais rappeler au député de Beauce que
la boutade qu'il vient de faire, évidemment, exprimée comme cela
hors du contexte, peut être soutenue facilement. Mais en termes
d'administration publique et en termes de développement, non seulement
au niveau public, mais au niveau privé, le député de
Beauce va certainement admettre avec moi qu'une entreprise qui fait un emprunt,
pour réaliser un investissement important et rentable, n'est pas dans
une situation financière plus difficile après son emprunt
qu'avant. Au contraire, bien souvent, c'est parce qu'une entreprise a fait des
emprunts, a fait des investissements qu'elle est dans une situation
économique beaucoup plus forte. Si on se reporte aux années qui
ont précédé 1960 où c'était le credo total
de l'administration de bannir les emprunts complètement, d'une
façon systématique, je ne suis pas sûr que ces
années aient été les meilleures pour le
développement économique du Québec. Si on avait
étendu sur une période plus longue certains investissements
collectifs publics qui étaient nécessaires, peut-être
qu'aujourd'hui on serait doté d'un capital, d'un équipement
collectif plus complet, plus important et qui aurait été fait
dans les conditions de coût et de taux d'intérêt beaucoup
plus avantageux qu'aujourd'hui. D'ailleurs, mes collègues me soulignent
que c'est ce que la province de l'Ontario a fait et elle ne s'en porte pas plus
mal sur le plan économique, même si son endettement per capita est
plus élevé que le nôtre.
M. ROY: L'Ontario l'a peut-être fait, alors que les taux
d'intérêt étaient beaucoup moins élevés que
de ce temps-ci.
M. GARNEAU: C'est ce qu'on dit. Elle continue à en faire.
M. BACON: C'est ce qu'on dit.
M. GARNEAU: C'est pour cela que je dis au député de
Beauce-Sud qu'il ne faut pas qu'il prenne comme critère absolu
l'endettement per capita d'une province. C'est un barème, c'est un point
de référence qu'il nous faut quand même surveiller pour
garder une bonne crédibilité sur le plan financier, mais il ne
faut pas qu'il conclue trop rapidement qu'il y a nécessairement
communication de cause à effet entre les deux. C'est loin d'être
mon opinion et je ne veux pas souscrire à cette thèse que nous
donne le député de Beauce-Sud.
M. ROY: Sur ce point, lorsqu'il a fait une comparaison avec un autre
gouvernement avant 1960, on a essayé de corriger un mal en en
créant un autre. Je suis bien d'accord qu'il faut des capitaux pour
développer une économie...
M. GARNEAU: Ce que le député de Beauce-Sud
suggère...
M. ROY: ... mais dans la masse monétaire, que ce soit la masse
monétaire américaine ou la masse monétaire canadienne,
elle est composée de deux éléments. Elle est
composée de la masse d'épargne et de la masse de crédit en
circulation. Je ne vois pas en vertu de quel principe on peut être
obligé de payer de forts intérêts à des institutions
privées que sont les banques ou des institutions internationales sur
notre propre crédit alors que nous pourrions nous doter de
mécanismes et faire en sorte de comptabiliser notre crédit
nous-mêmes.
Que le ministre regarde uniquement le bilan de la Banque du Canada. On
sait que pour tous les billets de banque en circulation qu'il y a dans la
Banque du Canada, qui figurent dans un élément du bilan, on
retrouve, dans un autre élément du bilan pour l'équilibrer
parce que le bilan doit être équilibré, des prêts ou
des achats de titres, d'obligations du gouvernement fédéral par
la banque centrale. Le ministre admettra cela. Il y en a pour au-delà de
$6 milliards selon les derniers chiffres que j'ai pu voir. Je n'ai pas le bilan
devant moi. Or, la Banque du Canade perçoit de la banque centrale les
intérêts qui sont rattachés, elle les perçoit et
elle s'administre avec cela. A la fin de l'année, elle remet au
Trésor fédéral le surplus de ses opérations parce
que la banque centrale est une institution sans but lucratif. Donc elle remet
au Receveur général du Canada la totalité de ces surplus.
Si on se donne la peine d'analyser le bilan de la banque centrale, on voit
qu'elle réussit à s'administrer et administrer tous ses services
qui coûtent environ une portion de 6 / 10 de 1 p.c. du taux total de la
masse des obligations qu'elle détient du gouvernement
fédéral. Ce qui veut dire que le gouvernement
fédéral finance $6 milliards de sa dette à 6 / 10 de 1
p.c.
Le ministre est assez renseigné en économie et a
étudié suffisamment l'économie politique pour savoir que
lorsqu'un individu va faire un emprunt dans une institution financière
d'épargne et de crédit, dans une caisse d'épargne et de
crédit, et que cet individu, en allant faire son emprunt, la
société, la caisse d'épargne et de crédit doit
payer de l'intérêt à ceux qui ont déposé
l'argent. Le ministre sait cela, je ne lui apprends absolument rien de ce
côté. Lorsque les taux d'intérêt sont à
environ 6 p.c, 7 p.c. et 8 p.c, il est évident que l'institution, la
caisse d'épargne et de crédit ou la caisse populaire doit payer
de l'intérêt à celui qui a déposé l'argent,
plus les frais d'administration, ce qui fait que les institutions
coopératives d'épargne et de prêts on dit toujours
épargne et crédit, mais j'aime mieux parler d'épargne et
de prêts ont seulement un faible pourcentage pour s'administrer. Le
ministre sait également que, lorsqu'un autre individu, pour les
mêmes fins, va emprunter dans une banque, si la banque fait une
création de crédit, elle n'a pas d'intérêt à
payer aux épargnants.
Je pense, M. le Président, que c'est peut-être un principe
qui n'a pas été souligné à l'Assemblée
nationale, je le souligne ici aujourd'hui parce que c'est une question qu'on
nous enseigne même dans les notions élémentaires
d'économie politique. Tant et aussi longtemps qu'on ne fera pas la
différence qu'il y a entre la partie d'épargne qui compose la
masse monétaire et la partie de crédit, je dis qu'on va continuer
à tourner en rond et qu'on va continuer à vivre dans
l'endettement et les problèmes que nous connaissons. Mais le jour
où on aura réussi à comprendre que la masse
monétaire est composée de ces deux éléments et que
le crédit public devrait être utilisé pour des fins
publiques, qu'alors on n'a pas de rente ni de servitude à payer, qu'on
paie seulement des frais d'administration ou des frais de service, à ce
moment-là on sera entièrement d'accord.
Je pense que si le ministre appliquait ce principe, il deviendrait le
ministre des Finances le plus populaire du Canada. Il ne serait pas
obligé d'aller dire: On fait à peu près ce que font les
autres provinces. Les autres provinces viendraient le rencontrer pour voir ce
qu'il fait parce que le Québec connaîtrait une
prospérité.
Je dis que ce sont les conditions essentielles sur lesquelles on devra,
à un moment donné, se pencher pour venir à trouver des
solutions au chômage chronique que nous avons chez nous.
Nous avons une main-d'oeuvre qui demande à travailler, nous avons
besoin de services, nous sommes en mesure de nous donner des services, nous
sommes toujours pris avec des contraintes financières, alors qu'on ne
semble pas vouloir se donner la peine de chercher de ce côté pour
étudier les causes et conséquences.
Si j'ai tort, M. le Président, j'aimerais qu'on fasse des
études de ce côté. Si nous avons tort, je serai heureux de
l'admettre et, si on a quelque chose de mieux à nous proposer, qu'on
nous le dise et j'emboîterai le pas.
M. GARNEAU: M. le Président, seulement comme réplique
très courte, je dirai au député de Beauce-Sud que le
service de la dette du gouvernement fédéral, même si la
Banque du Canada agit comme son agent financier, est de l'ordre de
$2,500,000,000. Qu'on ne vienne pas nous dire que le fait d'avoir recours
à la Banque du Canada signifie, pour l'administration publique
fédérale, une absence de charge financière sur son service
de dette, voyons!
M. ROY: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je me demande...
M. GARNEAU: Vous avez dit que c'était un pourcentage...
M. ROY: ... si le ministre fait exprès pour ne pas comprendre.
J'ai dit que pour un montant de $6 milliards, je n'ai pas parlé de la
dette globale, pour cette partie seulement. Ce que j'ai dit sur cette partie,
les chiffres sont à vérifier.
M. MORIN: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait me
rafraîchir la mémoire, je ne suis pas très versé
dans les théories du major, c'est Douglas?
M. ROY: Douglas.
M. MORIN: Oui, mais est-ce que le ministre n'a pas...
M. GARNEAU: ... un expert.
M. MORIN: ... fait allusion, j'ai ça accroché dans la
mémoire, à la possibilité d'obtenir une aide
financière de la Banque du Canada pour le financement de la baie James?
Il me semble qu'il y a quelque chose qui me reste dans la mémoire.
M. GARNEAU: II arrive, à l'occasion, à l'Assemblée
nationale que le député de Beauce-Sud nous pose des questions sur
ce sujet. Comme on sait que c'est la thèse favorite du parti politique
auquel il adhère, souvent, j'ai répondu à des questions
d'une façon mi-sérieuse, mi-badine. Lorsque, par exemple,
récemment, le député de Beauce-Sud me demandait, si nous
faisions des études ou quelque chose du genre, je lui ai répondu
en riant: "Nous poursuivons toujours nos études". Evidemment, pris hors
du contexte, ça peut donner lieu à des interprétations
fort différentes, mais dans son contexte, la réponse que j'ai
donnée à la question indiquait de quelle façon
j'envisageais la possibilité de donner suite ou d'appliquer la
théorie qu'il défend.
En dehors de cet aspect, ce que j'ai déjà souligné,
c'est que j'avais eu des rencontres avec le gouverneur de la Banque du Canada,
au moment où c'était M. Rasminsky qui était gouverneur,
pour discuter avec lui de la situation économique
générale, de la situation moné- taire, surtout de l'effet
des emprunts sur les taux de change, etc., et dans ce sens, indiquer notre
intention, dans la mesure du possible, de faire en sorte que les
investissements massifs que nous devions faire dans le développement du
secteur hydroélectrique n'allait pas perturber, d'une façon
insensée, le cours du dollar canadien sur les marchés
internationaux des devises.
C'est dans ce contexte que je l'avais indiqué et non pas dans le
contexte de demander à la Banque du Canada d'imprimer de l'argent
directement ou d'ouvrir des marges de crédit artificielles pour financer
un projet de cette ampleur.
M. ROY: M. le Président, suite à la question posée
par le chef de l'Opposition, je m'excuse, le ministre pourrait peut-être
nous rappeler, pour le bénéfice des membres de la commission s'il
est exact que la Banque du Canada a déjà consenti un prêt
à Hydro-Québec?
M. GARNEAU: Je ne pourrais pas répondre à cette question
d'une façon précise. Je voudrais vérifier, mais le
gouvernement du Canada, directement ou via l'Energie atomique du Canada, a fait
des prêts non seulement à Hydro-Québec mais à
d'autres aménagements hydroélectriques, comme au Manitoba, par
exemple. Mais ces emprunts ou ces prêts qui sont faits ne sont pas une
création d'argent. Cela fait plusieurs fois que j'essaie d'expliquer
ça au député de Beauce, ce n'est pas du fait que l'argent
vient de la Banque du Canada ou de 1'Atomic Energy of Canada ou d'autres
offices gouvernementaux fédéraux qu'il s'agit d'argent
fraîchement imprimé.
Ce sont des sommes d'argent qui font partie des emprunts que le
gouvernement fédéral lui-même ou ses institutions font
comme prélèvement sur l'épargne, pour utiliser cet argent
par la suite, pour le prêter, soit via la Société Centrale
d'hypothèques et de logement, soit via l'énergie atomique du
Canada, soit via d'autres organismes fédéraux qui ont des
préoccupations de financement, soit d'activités de
développement dans certains secteurs de l'économie, comme
l'hydroélectrique, avec des centrales nucléaires de Gentilly ou
d'autres projets de cette nature. Il ne faut pas penser que parce que l'argent
vient d'une institution fédérale, c'est de l'argent qui a
été imprimé fraîchement dans la journée et
qu'on envoie les billets de banque ou encore qu'on a ouvert tout simplement
artificiellement une marge de crédit de $350 millions, $400 millions ou
$500 millions. Je pense que le député de Beauce doit comprendre
cela.
M. ROY: J'aimerais rafraîchir un peu la mémoire du ministre
pour dire qu'ici-même, à cette commission parlementaire, la
question a été posée au président
d'Hydro-Québec, M. Roland Giroux, et que M. Giroux a confirmé
qu'à un moment donné, Hydro-Québec a obtenu un emprunt de
la Banque du Canada. Elle a obtenu un prêt, pas un emprunt.
M. GARNEAU: Je dirais au député de Beau-ce que même
si c'est vrai, c'est peut-être possible que dans l'histoire cela se
reproduise, ce que je veux indiquer, c'est que ce n'est pas par le fait que ce
soit un prêt qui vient comme cela que c'est de l'argent que la Banque du
Canada a imprimé dans la journée et...
M. ROY: Un instant! Lorsqu'on parle de création d'argent, le
ministre sait très bien que la masse des billets de banque est
très relative par rapport à la masse monétaire canadienne.
Lorsqu'on fait imprimer et qu'on fait fonctionner...
M. GARNEAU : Que le député de Beauce ne se fâche
pas, mais il nous a dit tout à l'heure que la masse
monétaire...
M. ROY: II y a quand même des choses qui sont
élémentaires.
M. GARNEAU: Qu'on imprime des billets de banque et qu'on crée
artificiellement une marge de crédit sur 20 ans de $350 millions ou $500
millions, c'est bonnet blanc, blanc bonnet au sujet de la masse
monétaire, vous avez dit vous-même tout à l'heure qu'elle
était composée de deux éléments. Et c'est un de ces
deux éléments-là. Que vous preniez...
M. ROY: Pas des billets de banque, j'ai parlé...
M. GARNEAU: C'est ce que je vous dis. C'est que la masse
monétaire est composée de ces deux éléments, vous
l'avez mentionné tout à l'heure. Qu'on prenne les billets de
banque imprimés fraîchement ou que ce soit simplement une ligne de
crédit artificiellement créée, c'est pareil en ce qui
concerne l'augmentation de la masse monétaire. Ce que je veux dire,
c'est que, quand ces prêts sont faits, ce n'est pas comme cela que la
liquidité est tombée entre les mains de la Banque du Canada pour
qu'elle le reprête par la suite, c'est seulement ce que j'essaie de dire,
pas plus ni moins.
M. ROY: J'aimerais, M. le Président, aller plus loin, parce que
le ministre m'a quand même ouvert une porte, est-ce que le ministre admet
à un moment donné que le...
M. GARNEAU: Vous en avez eu des grandes ouvertes depuis une heure...
M. BACON: On dirait un grand garage.
M. GARNEAU: D'ailleurs, nous avons une grande salle.
M. ROY: Le ministre vient de m'ouvrir une porte, il a parlé
à un moment donné de création d'argent. Est-ce que le
ministre admet le principe de la création de la monnaie à un
moment donné?
M. GARNEAU: C'est évident, c'est le jeu... de la masse
monétaire.
M. ROY: Puisque vous admettez le principe de la création de la
monnaie, est-ce que vous pourriez nous dire par qui elle est
créée, la monnaie? Et au bénéfice de qui?
M. GARNEAU: M. le Président, tout à l'heure le
député de Beauce a fait un savant exposé
là-dessus...
M. ROY: J'aimerais connaître le vôtre.
M. GARNEAU: Mais, sur cet aspect, vous avez dit, je pense, la
vérité, comment la masse monétaire est restreinte ou
étendue; vous aviez parfaitement raison et je n'ai rien d'autre à
ajouter. Mais c'est par la suite que vous biaisez sur une voie sur laquelle je
ne suis pas capable de vous suivre du tout, parce qu'elle me paraît
illogique. Je dirai que, partout au monde, je reprends encore des
éléments que j'ai déjà exposés ici et en
Chambre à l'occasion des motions. Si cette thèse qui a
été traitée au cours des âges avait
été valable...
M. ROY: Un instant, laissons faire l'antiquité.
M. GARNEAU: Quand même, il ne faut pas que le député
de Beauce s'imagine que le major Douglas a été le premier
à en parler. Ce n'est pas vrai, il n'a pas été le premier.
Beaucoup d'autres avant en ont parlé. Je ne peux pas comprendre qu'au
cours des âges il ne se soit pas trouvé, à un moment
donné dans l'histoire, un homme politique qui ait utilisé ou qui
ait pensé utiliser cette théorie miracle. S'il y en avait eu un
seul, ç'aurait été un tel succès que, ma foi du bon
Dieu, il n'y aurait plus d'autre système que le système mis au
point par la formule a plus b d'une façon plus détaillée,
par le major Douglas. Mais, quand même, il faut bien souligner que,
depuis le temps qu'il existe des administrations démocratiques, des
dictatures, toutes les formes de gouvernement possibles et imaginables, il y
aurait pu en arriver un au moins qui aurait voulu le tenter.
M. MORIN: Le gouvernement du Canada, par moments, est un peu
créditiste quand il vend ses obligations à la banque centrale et
qu'il se fait augmenter la masse monétaire de 12 p.c. par an, c'est un
peu créditiste.
M. GARNEAU: Oui, c'est justement cela que je mentionne, la masse
monétaire comme telle, les bons du Trésor auxquels se
référait le député de Beauce tout à l'heure,
ce sont les instruments qu'utilise la Banque du Canada pour jouer son
rôle de régulateur de la masse monétaire qui
véhicule l'activité économique. Lorsque cette tendance va
trop loin, il arrive ce que nous dit M. Friedman dans la thèse qu'il a
développée récemment à Montréal, c'est qu'on
revient rapidement à la dure réalité.
M. ROY: Je n'ai pas parlé de bons du Trésor comme tels,
parce que la Banque du Canada, depuis quelques années, achète des
obligations à moyen terme.
M. GARNEAU: Vous parliez de $6 milliards tout à l'heure.
M. ROY: Les $6 milliards n'étaient pas limités aux bons du
Trésor.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Sauvé.
M. MORIN: M. le Président, je ne voudrais pas m'éloigner
brutalement d'un débat qui est certainement très
intéressant, mais je voudrais entraîner le ministre dans un
domaine qui, tout en étant connexe, est différent. C'est celui de
l'amélioration de la rente économique sur les richesses
naturelles.
Je constatais, à la lecture des rapports qui ont
été publiés à la suite de la présentation du
budget en Colombie-Britannique, le budget présenté par le premier
ministre Barrett, que les redevances et les autres frais qui sont perçus
par le gouvernement sur les mines, sur les produits de la forêt aussi,
avaient augmenté, en février 1974, de $170 millions pour
l'année qui vient et sont donc passés à $419,200,000.
C'est une augmentation substantielle.
Cela a permis à la Colombie-Britannique de présenter
à la population de cette province ce que M. David Barrett appelait un
budget de dividendes sur les ressources. Malheureusement, il semble que le
Québec n'ait pas emboîté le pas, qu'il ait manqué
peut-être un peu à la solidarité qui aurait pu naître
d'un mouvement dans ce sens dans tout le pays, d'autant plus que, si je ne
m'abuse, M. Kierans lui-même avait fait un rapport allant dans le
même sens pour le gouvernement du Manitoba.
Ce que je voudrais demander au ministre, c'est ce qu'il compte faire
dans ce domaine, au Québec, au cours des années qui viennent.
Est-ce qu'il a fait étudier la possibilité d'augmenter la rente
économique sur les richesses naturelles québécoises? Ce
que nous percevons sur la corde de bois, cela reste à $2.50 depuis des
années, tandis que le prix du papier monte de façon
considérable. Si je ne m'abuse, il est passé en deux ans à
peu près de $100 à $200 et "the end is not in sight" comme disent
les Anglais. Est-ce que le ministre peut nous dire quelles sont ses intentions
dans ce domaine?
Commençons par la forêt, les pâtes et le papier. Je
rappelle au ministre le reproche extrêmement amer que le premier ministre
Barrett a fait à M. Bourassa d'avoir manqué à la
solidarité, de ne pas profiter de cette hausse constante dans les
matières premières pour obtenir une meilleure rente
économique.
C'est en grande partie pour des raisons de cet ordre que M. Barrett a
traité M. Bourassa de souris blanche.
M. GARNEAU: M. Barrett a oublié une chose et c'est un peu
décevant quand même d'un homme politique qui a une
responsabilité importante. J'ai déjà eu l'occasion, je
pense, de répliquer à cette attitude du premier ministre Barrett.
Si ma mémoire m'est fidèle, je l'ai fait, je pense, à
l'occasion de la conférence de presse que j'ai donnée, lors de la
présentation de l'exposé budgétaire.
Evidemment, il va falloir comparer les choux avec les choux et les
pommes avec les pommes. Nous n'avons pas de gaz naturel au Québec et on
ne peut pas comparer du gaz naturel. Mais prenons les droits miniers qui
existent, par exemple, pour l'année 1973, les redevances minières
perçues par la Colombie-Britannique, d'après les statistiques
financières qui sont fournies et qui sont officielles, parce que c'est
ce qui sert de base pour établir la péréquation. En 1973,
les droits miniers, en Colombie-Britannique, ont rapporté,
d'après les montants déclarés dans les statistiques
financières fournies par le gouvernement de la Colombie-Britannique
lui-même, $8,025,000 sur une valeur de production minière de $779
millions, alors qu'au Québec, en 1973, les droits miniers ont
été de l'ordre de $15,100,000 pour une production minière
dont la valeur était de $753 millions.
C'est donc dire que, pour une production minière moindre, nous
avons perçu presque deux fois les sommes en droits miniers. C'est donc
dire que c'est bien beau pour M. Barrett de dire, comme cela, qu'on ne taxe pas
suffisamment... qu'on ne retire pas toute la rente économique que nous
devrions retirer sur nos mines. Mais la situation, en 1973, est que, au moment
où lui-même était au pouvoir... C'est que, pour une
production minière moins importante au Québec, on recevait
pratiquement deux fois plus en droits miniers.
Si on prend le Manitoba, il retirait $5,800,000 en droits miniers, pour
une production de $354 millions, la valeur de la production minière du
Manitoba. C'est donc dire que, si on multiplie par deux la production
minière du Manitoba, on en arrive à peu près à la
production minière québécoise, mais si on multiplie par
deux les redevances que le gouvernement néo-démocrate percevait,
on n'en arrive pas au montant que nous percevons, avant même d'avoir
complété l'étude qui est en cours et d'avoir pris une
décision concernant la taxation des compagnies minières.
Je prends l'Ontario. Elle avait $1,530 millions de valeur de production
minière en 1973, c'est-à-dire deux fois plus que le
Québec, et elle ne retirait, en droits miniers, que $21 millions,
c'est-à-dire à peine $6 millions de plus que le Québec.
C'est donc dire que, dans l'échelle des données, basée sur
1973, le Québec, parmi les provinces que je viens de mentionner, le
Manitoba, la Colombie-Britannique et l'Ontario, trois provinces qui viennent de
toucher à leur redevance minière, nous étions, de loin,
la
province qui percevait la rente la plus importante sur la valeur de la
production minière.
M. MORIN: Ce sont des chiffres fort intéressants, M. le ministre.
Est-ce que je pourrais vous en demander la source, et est-ce qu'on pourrait
être saisi du document?
M. GARNEAU: Je pourrais vous le transmettre. D'ailleurs, sur cette
valeur de production minière, ce sont des statistiques qui sont
publiées dans les documents de Statistique Canada. Je pourrais vous
donner le numéro de référence. Je ne l'ai pas ici.
M. MORIN: Mais pour la rente...
M. GARNEAU: Pour les chiffres, les redevances minières, les
droits miniers perçus, il me fera plaisir de vous les transmettre. Il
s'agit des discours des budgets des différentes provinces qui nous
donnent, chaque année, leur estimation des droits miniers qu'ils
perçoivent au cours de leur année financière.
M. MORIN: Alors, vous pourriez nous transmettre ces dossiers?
M. GARNEAU: Je vais certainement vous les transmettre, ou vous donner,
tout au moins, si je n'ai pas de copie, une photocopie de la revue Statistique
dans laquelle tous ces chiffres sont indiqués.
M. MORIN: Je serais très intéressé à
l'avoir. Est-ce que vous pourriez maintenant vous livrer au même exercice
pour ce qui est du bois, de la forêt?
M. GARNEAU : Dans le cas du bois, c'est une autre situation, et j'ai
déjà eu l'occasion de le mentionner. Encore là, c'est que
nous sortons à peine d'une période où les entreprises de
transformation du bois à pâte au Québec, non seulement au
Québec, en Colombie-Britannique, pas en Colombie-Britannique, qui a
toujours été dans une situation différente à cause
de la qualité du bois, et à cela je n'y peux rien... Le bois
qu'il y a là-bas, pour des raisons de température, les arbres ne
sont pas de la même grosseur et la rentabilité n'est pas la
même.
Si on prend des provinces qui se comparent en termes de climat et de
qualité du bois en cause, le Québec, l'Ontario, le
Nouveau-Bruns-wick, pendant les années 1971 et 1972, une partie de 1973,
les entreprises de transformation de bois fermaient leurs portes,
congédiaient des gens. On se rappelle le problème qu'il y a eu au
Témiscamingue, le problème de Trois-Rivières au sujet
duquel le député de Trois-Rivières a eu à
travailler de façon ardue, que ce soit la compagnie Donohue... Ces
entreprises ont connu des périodes extrêmement difficiles au
moment où le taux de change du dollar canadien éliminait
complètement leur marge de profit. Nous avons dû, à ce
moment, pour soutenir l'emploi dans ces entreprises, diminuer les droits de
coupe par des avances faites aux entreprises dont une partie était
réinvestie dans de l'équipement antipollution ou autres. Il
faudrait sortir la réglementation qui a été
appliquée pour venir en aide à ces entreprises, pour leur
permettre de ne pas congédier des gens d'une façon trop
dramatique.
Nous vivons une autre période maintenant où le prix du
papier, pour des raisons qui n'étaient pas prévisibles il y a
encore à peu près un an, un an et demi, où le prix du
papier a grimpé d'une façon importante et rend maintenant ces
entreprises profitables.
Avant de changer notre aiguillage, il va quand même falloir avoir
une période un peu plus longue pour voir si on peut, dans le cadre
économique actuel, faire des ponctions additionnelles sans risquer de
compromettre l'expansion de ces entreprises. Je ne veux pas porter de jugements
à ce moment-ci, mais je veux quand même souligner qu'il y a eu
cette période de temps, qui est encore très récente,
où il nous a fallu agir en sens inverse.
M. MORIN: M. le ministre, est-ce que vous avez des chiffres pour
l'industrie du papier, comme ceux que vous venez de nous donner pour
l'industrie minière?
M. GARNEAU: Non, je ne les ai pas, mais ils existent certainement,
j'imagine. Il faudrait voir dans quel bulletin statistique ils sont contenus.
Je suis certain que vos excellents recherchistes pourraient les trouver
à la bibliothèque du parlement.
M. MORIN: Je ne sais pas. Je pensais que peut-être le ministre les
avait fait...
M. GARNEAU: Je ne les ai pas.
M. MORIN: Le ministre semble en parler avec beaucoup de facilité.
J'imagine qu'il a dû voir des chiffres pour cela.
M. GARNEAU: En ce qui regarde la question forestière, j'en ai vu,
mais je ne les ai pas à la mémoire. Pour la question
minière, on comprendra que comme cela a été dans le centre
du débat des budgets présentés par les différentes
provinces canadiennes, nous étions intéressés, d'une
façon très pratique et très immédiate à la
situation, du moins globale. C'est pourquoi d'ailleurs je les avais ici parce
qu'ils faisaient partie du dossier des différents documents que nous
avons analysés lors de la préparation du budget. C'est une des
raisons pour laquelle nous n'avons pas voulu agir d'une façon
précipitée en ce qui regarde la taxation minière parce que
nous avions déjà ces informations qui nous indiquaient que notre
taxation se comparait très avantageusement, en termes de
prélevés, de rente économique par rapport à
ce qui existait dans les autres provinces. Avant de voir l'impact qu'aurait une
augmentation de notre fiscalité, nous voulions en analyser toutes les
possibilités d'autant plus qu'une partie importante de notre industrie
minière est composée de petites entreprises. Il y en a quelques
grandes, mais je peux dire tout de suite au chef de l'Opposition que si nous
ajoutions les taux que l'Ontario a annoncés, il n'y aurait pratiquement
pas de changement avec la situation présente ou peut-être une ou
deux qui seraient touchées à la marge parce que nous n'avons pas
d'entreprises de la taille de celles qui existent en Ontario à cause du
nickel.
M. MORIN: Les chiffres que le ministre a mentionnés tout à
l'heure sont pour l'ensemble de la production minière.
M. GARNEAU; C'est cela.
M. MORIN: Cuivre, fer, amiante.
M. GARNEAU: Toute la production minière.
M. MORIN: Bon. Très bien. D'accord, le papier va une
année, le papier ne va pas l'année suivante; il va de nouveau
deux ans plus tard. Est-ce que le ministre ne pense pas que peut-être il
y aurait moyen d'indexer, peut-être de prévoir une certaine
indexation, pour être plus nuancé, des "royautés" et
redevances en fonction des prix de produits finis? Je prends par exemple, le
papier. S'il baisse une année, il y aurait peut-être moyen
d'indexer les redevances. Si cela remonte l'année suivante, l'Etat y
trouverait son compte, et la collectivité également parce que si
vous attendez plusieurs années d'expansion dans ce domaine avant de
rajuster vos barèmes, peut-être qu'à ce moment, cela sera
déjà sur le point de redescendre.
M. GARNEAU: II faut quand même dire que la première
étape de la reprise signifie que nous prélevons la
totalité des droits de coupe que nous avions diminuée et c'est
déjà un redressement que je dirais automatique par le fait que
les avantages qui ont été donnés pendant une
période dont le temps était limité disparaissent
par...
M. MORIN: Sauf dans le cas de ITT.
M. GARNEAU: Ce sont $8 millions ou $9 millions.
M. ROY: ...parce que lors de l'étude des crédits du
ministère des Terres et Forêts, où j'ai assisté
longuement, je me suis fait remettre la liste des compagnies. Nous avons
été un peu surpris. Alors qu'il s'est fait un effort assez
considérable de la part des provinces de 1'Alberta et de la
Colombie-Britannique au niveau de l'exploitation des richesses naturelles, que
leur exploitation contribue à alimenter le trésor de leur
province, ce qui a contribué à faire en sorte que ces deux
provinces sont des provinces qui paient pour la péréquation alors
que nous en retirons. Je me souviens de ce qu'un premier ministre d'une
province avait déclaré à ce moment en parlant du premier
ministre, il avait parlé d'une petite souris blanche... D'ailleurs, le
chef de l'Oppsoition l'a dit tout à l'heure...
M. GARNEAU: On vient tout juste de faire cette discussion.
M. ROY: ... d'en parler de ces choses. Concernant ces politiques
gouvernementales, je veux également parler... Là, nous
étudions les crédits du ministère des Finances, mais on
constate que, dans le budget de la province, tout n'est pas inclus, tout n'est
pas compris. On constate, évidemment, au niveau des revenus que le
gouvernement perçoit, que ce soient des droits de coupe des compagnies,
que ce soient des droits miniers, mais surtout au niveau des droits de coupe
parce que nous avons les chiffres ici, qu'il y a quand même le fait que
le ministère des Terres et Forêts va accorder quelque $6 millions
de subvention à même les montants d'argent que la province devait
recevoir et qui ne figurent pas sur le bilan de la province.
Est-ce à dire que du fait que des arrêtés en conseil
ont été déposés, du fait que nous avons posé
une multitude de questions sur ce sujet, nous avons fini par l'apprendre? Mais
ces choses font en sorte qu'il n'y a rien qui figure sur le budget de la
province.
On s'interrogeait bien parce qu'on savait qu'il y avait eu des ententes
de faites, qu'il y avait eu des montants qui avaient été
accordés à des compagnies, c'est-à-dire des suspensions de
droit de coupe, mais il y a eu plus que des suspensions de droit de coupe, il y
a eu des droits de coupe qui ont été reportés aussi pour
une période du 1er octobre 1971 au 30 septembre 1972, pour $5,455,000,
alors que pour une des compagnies les plus importantes, on n'a pas les
chiffres. On retrouve encore les mêmes chiffres du 1er octobre 1972 au 30
septembre 1973. On nous a dit que c'était arrêté, que la
politique avait été changée. Je suis bien d'accord, mais
il reste quand même que ce sont des millions de dollars dont la province
s'est privée au niveau de revenu. En étant privé de ces
revenus de la province, en étant privé...
M. GARNEAU: Je ne vois pas du tout le scandale ou la surprise du
député de Beauce. Ma foi du bon Dieu! si je baisse les taxes de 5
p.c, c'est évident qu'elles ne seront pas dans les revenus de la
province. Je ne peux pas les donner en déduction et les avoir en
même temps, ma foi du bon Dieu !
M. ROY: Mais ce n'est pas une réduction de
taxes, cela? C'est un manque à gagner du revenu de la province
que vous avez fait à l'endroit des compagnies forestières.
M. GARNEAU: Oui, mais qu'est-ce que vous voulez que je vous dise
d'autre?
M. ROY: Le chef de l'Opposition vient de demander si vous avez
songé, à un moment donné, lorsqu'elles font des profits
beaucoup plus élevés, à augmenter les redevances. Je ne
sache pas qu'on ait donné des pourboires à la province et
qu'elles vont donner des pourboires à la province au cours de
l'année présente ou encore au cours de l'année
dernière dans laquelle elles ont fait des profits comme elles n'en
avaient jamais fait dans le passé.
Je le dis à l'endroit du ministre, j'ai été tout
simplement choqué d'apprendre que ces compagnies papetières se
voient accorder sous forme de suspensions de droit de coupe qui constituent un
manque à gagner pour la province et qu'on leur donne des délais
pour le payer. On leur prête cela sans intérêt. Alors que le
ministre s'esclaffe lorsqu'on demande qu'il y ait des dispositions qui soient
prises au niveau du financement des municipalités, au financement du
secteur public, alors qu'on le pratique pour les entreprises privées. Je
comprends peut-être qu'au niveau de la caisse électorale, je
serais tenté de le dire, mais je ne le dirai pas, bien que j'aie de
fortes tentations, mais on se demande à un moment donné tout le
"lobbying" qu'il a pu y avoir à ce moment-là.
On a des richesses naturelles au Québec. On nous gargarise de
mots. On passe son temps à nous répéter: Ah! 1'Alberta,
elle a le pétrole! Une autre province a cela! Mais nous avons toutes
sortes de choses au Québec. Nous avons des richesses naturelles
immenses. La province aurait pu profiter de continuer à s'alimenter au
niveau du revenu de la province, au niveau du revenu des richesses naturelles
des provinces, mais on a l'impression très nette et on est
justifié de l'avoir, que le gouvernement est au service des entreprises
multinationales. On ne demande plus des subventions au gouvernement, pour
être en mesure de construire des routes en forêt, on ne demande pas
de subventions pour être capable de participer à tel et tel
programme, de façon que ce soit inclus dans le budget de la province, ou
dans des budgets supplémentaires, pour que les élus du peuple
aient à se prononcer. Non. On y va par réduction. On accorde des
droits, des préférences, et, à ce moment-là, il est
évident que cela passe au-dessus de l'Assemblée nationale, cela
passe au-dessus des élus du peuple. Ce n'est même pas
discuté à l'Assemblée nationale. Il faut deviner pour
être en mesure de le savoir.
Quand le chef de l'Opposition, et je partage entièrement son
point de vue... D'ailleurs c'est un point de vue que je m'étais bien
proposé de soulever moi-même, à ce moment-là, on
nous a parlé du système PPBS, qui allait être formida- ble
pour contrôler les budgets de la province, contrôler les
différents secteurs, contrôler la répartition des budgets
par programme. Je suis bien d'accord que le système PPBS peut être
bon, mais seulement quand on retrouve de ces choses, on se demande
présentement ce qui peut se passer, parce qu'on n'a pas les chiffres.
Qu'est-ce qui s'est passé dans le domaine minier? Qu'est-ce qui s'est
passé dans d'autres domaines?
M. le Président, on a quand même droit de savoir ce qui se
passe de l'autre côté...
M. GARNEAU: Je comprends que le chef de l'Opposition officielle, ayant
été élu le 29 octobre, il est bien normal qu'il n'ait pas
pu suivre tous les débats antérieurs de l'Assemblée
nationale, mais pour le député de Beauce qui était membre
de l'ancienne Législature, cela me surprend énormément
qu'il réagisse de la façon dont il réagit,
puisqu'après je ne sais combien de questions en Chambre...
M. ROY: Cela n'a jamais été discuté.
M. GARNEAU: ... au moment où les entreprises papetières
devaient congédier du monde, devaient fermer leurs portes, je ne sais
pas combien il y a eu de questions posées par les partis d'Opposition. A
ce moment-là, il y en avait trois. Je ne sais pas lequel des trois a
été le plus agressif de ce côté.
Mon collègue, le ministre des Terres et Forêts a
indiqué, à un moment donné, après les consultations
qu'il avait eues, que nous avions eues avec le secteur de l'industrie
papetière, les consultations qui avaient eu lieu avec le
Nou-veau-Brunswick, l'Ontario, pour essayer de trouver des formules
d'amélioration dans le transport du produit fini. En fait, il y a eu des
discussions très longues là-dessus. Le ministre des Terres et
Forêts, à un moment donné avait indiqué quelle avait
été la décision du gouvernement sur ce rapport et comme
l'indique le député de Beauce-Sud cela a commencé à
l'automne 1971 de telle sorte que dans les crédits de 1971/72, 1972/73,
c'était des faits qui étaient connus. Qu'on ne vienne pas me dire
que c'était une affaire qu'il vient d'apprendre. S'il vient de
l'apprendre, j'en suis extrêmement surpris.
M. ROY: M. le Président, cela n'est jamais apparu dans les
crédits.
M. GARNEAU: Non, puisque c'est une diminution de...
LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre! C'est le ministre des Finances qui
a la parole et après c'est au député de Sauvé.
M. GARNEAU: Alors, vous me voyez extrêmement surpris de constater
ce fait et je dirais au député de Beauce-Sud en plus qu'il ne
faut pas qu'il se surprenne que dans le livre qu'il a
devant lui, le budget par programmes, il ne voit pas ces choses il ne
les verra jamais parce que cela, c'est l'aspect des dépenses et l'autre,
c'est l'aspect des revenus. Quand il y a une diminution de fiscalité,
cela n'apparaît pas dans le budget de dépenses, cela
apparaît dans une diminution des revenus à ces chapitres.
M. MORIN: M. le Président, je passerais volontiers la parole au
député de Saguenay. Je crois qu'il avait une observation à
faire.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce que les membres de la commission lui
accordent le droit de parole?
M. GARNEAU: II y a dix heures de discussion, M. le Président, si
vous les passez avec l'un ou avec l'autre, cela revient au même.
M. LESSARD: M. le Président, ce que soulève, justement le
député de Beauce-Sud concernant la diminution des droits de coupe
pour la construction de ponts, cela ne s'est pas produit en 1970 ou en
1971.
M. BACON: Ce n'est pas de cela qu'on a parlé.
M. GARNEAU: Ce n'est pas de cela qu'on parlait.
M. LESSARD: En 1973, à la suite d'arrêtés en
conseil...
M. GARNEAU: Ce n'est pas de cela qu'on parlait. C'est de la diminution
des droits de coupe qui ont été accordés sous forme de
prêts ou de remises pour aider des entreprises à faire des
transformations dans leur entreprise avec des équipements antipollution.
C'est là-dessus que portait le débat.
M. ROY: L'antipollution était le prétexte, parce que
l'arrêté en conseil est le 1719 du 10 mai 1973.
M. GARNEAU: Parce qu'ils ont été reconduits.
M. ROY: D'accord, mais il y en a eu un en 1971. Les arrêtés
en conseil n'ont pas été...
M. GARNEAU: Cela a été reconduit. La politique a
été annoncée à ce moment.
M. LESSARD: On pourrait souligner aussi, M. le Président, que la
même situation s'est créée lorsque le ministère des
Terres et Forêts dans la région de la baie James devait faire des
ponts pour permettre l'exploitation de cette forêt. Etant donné
que le ministère des Terres et Forêts ne pouvait pas obtenir de
crédits du ministère des finances, il s'est financé sous
forme de déductions sur des droits de coupe équivalant à
$2,500,000, ce qui veut dire, M. le Président, que si cela n'avait
été de la surveillance des députés de l'Opposition,
encore là nous n'aurions pas été capables de savoir quels
étaient les cadeaux que le ministère des Terres et Forêts
accordait à certaines compagnies en particulier à la compagnie
Barrett et Saucier, ce qui nous faisait dire, M. le Président, que si on
utilise ces moyens, lorsque nous avons à étudier les budgets des
différents ministères, nous étudions de faux budgets parce
qu'en réalité on se finance en accordant des déductions
sur des droits de coupe. C'était justement le cas pour le
ministère des Terres et Forêts et le député de
Beauce-Sud soulevait tout à l'heure la question: Si c'est le cas au
niveau du ministère des Terres et Forêts, qu'est-ce que cela doit
être au niveau du ministère des Richesses naturelles concernant
nos droits qu'on doit charger sur ces ressources.
Ce que nous disons, M. le Président, c'est que si le gouvernement
veut donner des subventions aux compagnies, qu'il le fasse ouvertement et nous
pourrons juger si le gouvernement doit donner ces subventions mais non pas
hypocritement comme c'est le cas actuellement. Encore là, si ce
n'était du fait que l'Opposition a fait des recherches
considérables pour le savoir, nous n'aurions pas été
capables de savoir comment le ministère des Terres et Forêts se
finance et cela devient d'autant plus difficile pour le connaître
lorsqu'il s'agit du ministère de Richesses naturelles.
M. MERCIER: Très brillant.
LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions?
M. MORIN: Je voudrais revenir si le ministre veut bien lui aussi,
à...
M. ROY: Le ministre n'a rien à ajouter là-dessus.
M. MORIN: Je voudrais revenir à l'idée que
j'énonçais...
M. GARNEAU: Vous en avez discuté aux crédits des Terres et
Forêts, je ne vois pas pourquoi j'y reviendrais.
M. MORIN: Je voudrais revenir à mon idée de l'indexation
possible...
M. GARNEAU: Le chef de l'Opposition va être à l'index
bientôt.
M. MORIN: ... des modalités et des redevances au prix des
produits finis. Nous avons parlé du papier mais est-ce que le ministre
pourrait nous dire si cette idée ne pourrait pas être
appliquée dans le domaine des métaux?
M. GARNEAU: C'est la formule qui est
utilisée en Colombie-Britannique. En fait, c'est à
l'intérieur d'un pourcentage de variation. C'est la formule qui semble
vouloir être utilisée en Colombie-Britannique et qui est
contestée en cour dans cette province. Mais peu importe cette situation.
Dans l'étude en cours présentement, nous analysons toutes les
hypothèses possibles et celle-là est considérée au
même titre que d'autres. C'est à l'intérieur d'un
éventail de propositions que pourra être modifiée la...
Mais je ne veux pas en retenir une plus que l'autre, j'aime mieux attendre que
l'étude soit complétée avec les conséquences de
chacune de ces hypothèses sur le type d'entreprises minières que
nous avons au Québec et qui peut être différent du type
d'entreprises minières qui existe en Colombie-Britannique.
M. MORIN: Est-ce que je dois comprendre que votre ministère s'est
déjà penché sur une possibilité d'indexation, d'une
certaine indexation?
M. GARNEAU : Dans le cas des études qui se font actuellement,
c'est une des hypothèses qui est étudiée.
M. MORIN: Je voudrais revenir à l'un de vos propos de tout
à l'heure. Vos chiffres m'intéressent beaucoup, j'ai hâte
d'en recevoir communication, parce que si la rente économique que vous
percevez dans le domaine des métaux est comme vous dites, plus
élevée que dans les autres provinces, je me demande si ce n'est
pas dû au fait et ce serait à analyser sans doute de
près que nous avons au Québec un éventail de
métaux, dont notamment le nickel et le cuivre, dont les prix ont
monté plus vite que pour certains autres métaux qu'on trouve
peut-être plus abondamment dans les autres provinces. Car, depuis que le
cartel a été brisé au Chili, les prix du cuivre ont
monté en flèche.
M. GARNEAU : Le document auquel je me référais tout
à l'heure provient de Statistique Canada, production minérale du
Canada, et le numéro de série est 26-202. Je pense que vous
pouvez vous le procurer très rapidement à la bibliothèque
de l'Assemblée nationale avec cette référence et vous
allez avoir la valeur de la production minière pour 1973.
M. MORIN: Que pensez-vous de l'hypothèse que j'émettais,
que le fait que la rente soit plus élevée, selon ces chiffres et
selon ce que vous soutenez, soit dû au fait qu'au Québec on trouve
un éventail de métaux, notamment le nickel et le cuivre, dont le
prix a monté plus vite que pour d'autres métaux qu'on trouve dans
d'autres provinces?
M. GARNEAU: C'est fort possible que ce soit ça. Je ne pourrais
pas répondre affirmativement ou négativement à
l'hypothèse que soumet le chef de l'Opposition, je n'ai pas les
données pour porter un jugement rapidement sur cette
hypothèse.
M. MORIN : En tout cas, si vous étudiez cette hypothèse,
ça permettrait peut-être de nuancer certains des chiffres que vous
nous donniez tout à l'heure. Sur ce point, j'ai terminé.
Peut-être que le député de Beauce-Sud a d'autres points sur
le programme no 1. Moi, il ne m'en reste plus qu'un, mais je suis prêt
à céder la parole au député de Beauce-Sud.
M. ROY: Sur le point no 1, j'ai trouvé que ce qui était le
plus fondamental, c'étaient les études économiques
réelles au niveau du financement de la province. Le ministre m'a
répondu qu'on ne semblait pas s'y intéresser. Il ne l'a pas dit
de cette façon, mais si je peux conclure, on ne fait pas d'études
économiques de ce côté. Je n'ai pas d'autre question en ce
qui me concerne.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Sauvé.
M. MORIN: Oui, il m'en reste une dans le cadre du programme no 1. Je
voudrais demander au ministre pourquoi son gouvernement tient à abolir
progressivement l'impôt sur les successions, au fur et à mesure
que croît l'assiette de l'impôt sur les gains de capitaux.
Peut-être puis-je terminer ma question, elle sera plus complète?
C'est en 1972, si ma mémoire est bonne, que vous avez commencé
à diminuer l'impôt sur les successions.
Le 1er janvier 1974, il y a eu une baisse additionnelle de 20 pc; le 1er
janvier 1975, une autre baisse de 20 p.c. a été annoncée.
Je crois que la première baisse, celle de 1972 ou 1973 portait sur les
25 p.c. qui, auparavant, étaient perçus par le gouvernement
fédéral...
M. GARNEAU: C'est un premier point.
M. MORIN: ... en sorte qu'au 1er janvier 1975, la réduction
totale serait portée à 40 p.c. C'est bien cela, M. le ministre?
Quel est le raisonnement par lequel vous en venez à faire un lien aussi
direct entre la baisse, la diminution de l'impôt successoral, d'une part,
et, d'autre part, la croissance de l'assiette d'impôt sur les gains de
capitaux?
M. GARNEAU: Parce qu'il y a présomption de gains au moment du
décès. La loi de la taxation sur le gain de capital est de nature
telle que, lorsque quelqu'un décède, il est présumé
avoir disposé de ses biens et est inclus dans son impôt sur le
revenu, au moment de son décès, le gain de capital applicable
contre les immeubles ou les valeurs mobilières qu'il détient.
Alors, comme c'est déjà taxé à cause de la
présomption de gain, au moment du décès, à notre
sens, le même capital a été taxé deux fois. C'est le
lien entre les deux. C'est la réponse que je donne.
La deuxième raison pour laquelle nous avons décidé
de diminuer graduellement l'impôt sur les successions porte sur le fait
qu'un nombre important d'entreprises québécoises étaient
constituées d'entreprises familiales bâties autour du chef de
famille qui, à l'âge de 45 ou 50 ans, au moment où
l'entreprise devenait d'une taille relativement importante et que le
propriétaire unique, bien souvent, comme je l'ai mentionné, de
l'entreprise familiale se voyait dans la situation où il pouvait vendre
son entreprise, bien souvent aux Américains ou à d'autres,
à cause du fait que, s'il décédait à plus ou moins
courte échéance, les droits de succession étaient tels que
ses descendants, sa femme et ses garçons, étaient dans une
position qui les obligeait à liquider, bien souvent, pour faire face aux
droits de succession, ou encore, qui grugeait tout le fonds de roulement de
l'entreprise et les plaçait dans une situation difficile, de telle sorte
que beaucoup d'entreprises moyennes québécoises se trouvaient
à être vendues.
Pour ce qui est des grandes entreprises dont le capital-actions est
détenu par le public, par le fait que les actions sont inscrites en
bourse, la situation ne se présentait pas et, souvent, on
considérait que c'étaient les entreprises
québécoises qui étaient les plus durement touchées.
C'était une incitation, bien souvent, pour des ventes d'entreprises
à l'âge de 50 ans ou 55 ans, plutôt que de les maintenir
entre les mains des Québécois. Ce sont ces deux raisons que j'ai
expliquées dans mon budget de 1972/73, je pense, plus en détail
et que j'ai repris, dans les grandes lignes, la dernière fois.
M. MORIN: J'ai beaucoup de difficulté à suivre le ministre
sur ce terrain, car il s'agit quand même de deux taxes tout à fait
distinctes dans leur but, dans leur portée; pour les gains de capitaux,
il s'agit de taxer uniformément les revenus, quelle que soit la nature,
la provenance du revenu, tandis qu'en ce qui concerne les droits successoraux,
il s'agit d'éviter la transmission excessive...
M. GARNEA J: Supposons que vous êtes propriétaire...
M. MORIN: ... des richesses de père en fils.
M. GARNEAU: Vous êtes propriétaire d'une entreprise qui
vaut $500,000 et qui valait, au moment de la mise en application de la loi,
$200,000. En 1972, le 1er janvier, au moment de l'évaluation de cet
avoir, c'était $200,000; vous décédez en 1980 et cela vaut
$500,000 ou $600,000.
M. MORIN: Gain de capital...
M. GARNEAU: Le gain de capital de la différence était
taxé. Donc, une disparition de liquidité de l'entreprise pour
payer cette taxe, et, deuxièmement, vous étiez taxé, en
plus, sur la valeur de $600,000 via les droits de succession. Nous
considérons que c'était taxer deux fois les mêmes
valeurs.
M. MORIN: II n'en reste pas moins que la commission Carter avait bien
recommandé de maintenir les deux taxes parallèles.
M. GARNEAU: Oui, mais c'était un autre système. La trame
générale ou la philosophie générale qui
était suggérée par la commission Carter était quand
même différente de la philosophie qui s'applique
présentement.
M.MORIN: Oui. Si j'ai bien compris, le pouvoir fédéral a
maintenant évacué entièrement le domaine de l'impôt
successoral. Alors qu'il y tenait tellement il y a quelques années, il
l'a maintenant évacué. Est-ce que je pourrais demander au
ministre où va s'arrêter cette réduction qui va être
portée à 40 p.c. au 1er janvier 1975? Est-ce que son intention
est d'ajouter encore 20 p.c. en 1976 et ainsi de suite chaque année?
M. GARNEAU: La diminution graduelle de l'impôt de successions a
été annoncée comme étant l'intention du
gouvernement. Il reste à déterminer si nous garderons une partie
de l'impôt sur les successions et sur les dons, uniquement pour suivre
l'évolution des avoirs des contribuables de telle sorte qu'il n'y ait
pas de fraude fiscale au niveau de la perception.
M. MORIN: Vous vous souviendrez que c'était la grande raison pour
laquelle le pouvoir fédéral ne voulait pas abandonner finalement
le dernier modicum qui lui restait dans le domaine des droits successoraux.
M. GARNEAU : C'est la raison pour laquelle je vous réponds que je
ne pourrais pas assurer cette commission à savoir si l'objectif serait
de faire disparaître complètement l'impôt sur les
successions. Peut-être garderons-nous, même si elle est minime, une
taxation qui permettrait au ministère du Revenu de suivre
peut-être plus facilement l'évolution et les transferts de
propriétés ou d'actifs pour être plus en mesure
d'éviter certaines évasions fiscales...
M. MORIN: ...oui...
M. GARNEAU: ... mais, techniquement, je ne peux pas affirmer si nous
abolirons complètement ou si nous garderons un montant de 10 p.c, 15
p.c. ou 20 p.c. qui ne serait pas une charge fiscale énorme, mais qui
nous permettrait de suivre l'évolution de ces actifs, les passations
entre les mains d'un individu à un autre. Je ne suis pas en mesure de
répondre.
M. MORIN: Dans l'état actuel de vos réflexions sur la
question, j'aimagine que quand
vous avez mis en train ce programme de diminution progressive vous aviez
une idée quand même du point où vous vouliez aboutir.
M. GARNEAU: L'idée, c'était de faire disparaître
complètement l'impôt sur les successions. C'est d'ailleurs
indiqué dans le texte du budget que j'ai présenté il y a
quelques années. Je ne sais pas si c'est en 1972 ou en 1973? Je pense,
en 1972.
M. MORIN: Je soumets au ministre qu'il aurait intérêt,
à tout le moins, à garder un certain impôt successoral. Je
ne dis pas que j'accepte le raisonnement ou les idées qu'il vient
d'émettre, mais je dis qu'il aurait intérêt, à
l'intérieur de son propre système, de garder un certain
impôt successoral, ne serait-ce que pour vérification in extremis,
si je puis m'exprimer ainsi...
M. GARNEAU: Le terme est bien choisi.
Etude des politiques économiques et
fiscales
M.MORIN: Bien. M. le Président, nous avons maintenant
terminé le programme 1, en ce qui nous concerne...
LE PRESIDENT (M. Brisson): Programme 1, adopté?
M. MORIN: ... sur les montants. Ce ne sera pas bien long. Ventilation
des crédits, à l'élément 1, les traitements; ils
passent de $198,000 à $248,000. Comment s'explique cette hausse quand
même considérable, 25 p.c, je crois, dans les salaires?
M. GARNEAU: La dépense réelle pour 1973/74 a
été de $212,400 et non pas... Il y a eu des virements internes
pour une insuffisance de crédits. Le comparatif devrait se faire avec la
dépense approximative de 1973/74 qui a été de l'ordre de
$212,000, donc cela part de $212,000 à $248,000, ce qui fait 7 p.c.
d'augmentation.
Il y avait deux postes vacants. On m'informe qu'il y avait cinq postes
vacants l'an dernier, mais il y en aura deux. Les traitements, à
$248,000 tiendront compte de l'augmentation naturelle des salaires et du fait
que les postes vacants ont été comblés; il en reste encore
deux à combler.
M. MORIN: Cette année, comme l'année dernière, il y
avait 21 postes théoriques, mais il n'y avait pas 21 postes
occupés.
M. GARNEAU: C'est cela.
M. MORIN: Bon, d'accord! Cela me satisfait. En ce qui concerne
l'Opposition, le pro- gramme no 1 peut être considéré comme
adopté, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le programme no 1 est adopté. Le
programme no 2: Gestion de la caisse et de la dette publique.
Gestion de la caisse et de la dette publique
M.MORIN: Bien! Je voudrais peut-être commencer le débat
dès ce soir là-dessus, quoique cela ne nous mènera
peut-être pas bien loin!
M. GARNEAU: A moins de considérer qu'il est onze heures.
M. MORIN: On peut toujours commencer. M. ROY: Oui, je n'ai pas
d'objection.
M. MORIN: Le ministre aura une idée du genre de questions que
nous serons appelés à lui poser demain matin. Cela lui permettra
de se préparer en conséquence.
Dans le discours du budget, le ministre nous a annoncé son
programme d'emprunts pour l'année 1974/75. Il s'agit d'un montant de
$510 millions pour le gouvernement, d'un programme de $550 millions pour
Hydro-Québec. Je voudrais demander au ministre, comme première
question, où en est rendu, aujourd'hui, le programme d'emprunts. Je veux
dire par là, dans quelle proportion a-t-il été
réalisé? En question subsidiaire étant donné que
les taux montent très rapidement, est-ce que le gouvernement ne s'attend
pas à devoir emprunter plus du chef du gouvernement pour effectuer
certains remboursements d'obligations, par exemple? Autre question subsidiaire:
Est-ce qu'il ne sera peut-être amené à emprunter plus de
$550 millions pour Hydro-Québec?
M. GARNEAU: Les indications que j'ai jusqu'à ce jour ne sont pas
de nature à me porter à croire que le montant variera d'une
façon substantielle. En fait, je n'ai pas eu d'autres rapports
m'indiquant qu'il y aurait modification. Pour ce qui est du Québec
lui-même ou de nos besoins financiers en ce qui concerne nos
activités, là non plus, je n'ai pas d'indication précise.
On se rappellera quand même que lorsque j'ai déposé mon
budget, la décision concernant le pétrole avait été
prise la veille. C'est uniquement là que nous avons appris d'une
façon définitive que le gouvernement fédéral
n'allait pas modifier la formule de péréquation, de telle sorte
que nous pouvions escompter recevoir une partie d'un montant de l'ordre de $70
millions, à $90 millions, $100 millions, selon la décision qui
serait prise finalement par l'Alberta et la Saskatchewan, de telle sorte que
ces sommes sur lesquelles nous pouvons maintenant compter, du moins en
termes d'ordre de grandeur, même si nous n'avons pas les chiffres
précis, n'étaient pas incluses dans les revenus escomptés
que j'ai indiqués dans mon exposé budgétaire.
De telle sorte que, même s'il y a des budgets
supplémentaires qui doivent être déposés avant la
fin de l'exercice financier, il ne faut pas en conclure automatiquement que
cela signifiera une augmentation du programme d'emprunts. C'est pourquoi, ni
pour Hydro-Québec, ni pour la province, je pourrais affirmer qu'il y
aura des modifications substantielles dans le programme d'emprunts tel que je
le vois aujourd'hui.
Peut-être que, dans trois semaines, dans un mois, j'aurai d'autres
indications, mais pas présentement. Et pour répondre à la
première partie de la question du chef de l'Opposition je l'ai
d'ailleurs indiqué dans mon exposé du début
actuellement, Hydro-Québec a 40 p.c. de son programme d'emprunts de
réalisé pour son année financière 1974, ce qui
représente $215 millions, et le gouvernement du Québec, sur les
emprunts qu'il doit faire sur les marchés publics, a le tiers de son
programme de réalisé. Cela représente $150 millions. C'est
l'emprunt que nous avons fait sur le marché américain.
M. ROY: Maintenant, vous avez une obligation...
M. MORIN: Je m'excuse, M. le député de Beauce-Sud.
M. ROY: Oui.
M. MORIN: J'allais vous demander quelle proportion a été
trouvée sur le marché américain, dans les deux cas.
M. GARNEAU: Dans le cas du Québec, ce que nous avons de
réalisé sur le marché d'emprunt public je fais
abstraction des sommes qui nous viennent par les programmes zones
spéciales, ODEQ, emplois d'hiver, parce qu'il y a encore une tranche
à venir, je parlais uniquement des emprunts sur le marché public
ce sont les $150 millions que nous avons empruntés sur le
marché américain au début du mois d'avril et auxquels on a
référé antérieurement au cours de ce
débat.
M.MORIN: Oui...
M. GARNEAU: Pour ce qui est d'Hydro-Québec, elle avait fait un
emprunt à la toute fin de l'année 1973, qui a été
livré à Hydro-Québec, effectivement, en 1974. Cela faisait
partie de son emprunt de 1974, $125 millions, effectué sur le
marché américain et elle a fait $60 millions sur le marché
canadien. C'est la Caisse de dépôt.
M. ROY: C'est la Caisse de dépôt.
M. MORIN: Et entièrement de la Caisse de dépôt et
placement du Québec, ces $60 millions?
M. GARNEAU: Oui. Cela a été négocié avec la
Caisse de dépôt et placement du Québec.
M. ROY: Et l'autre montant?
M. GARNEAU: Et l'autre montant de $30 millions a été
fait...
M. MORIN: Bon!
M. ROY: Est-ce que vous pourriez me donner le taux des emprunts
d'Hydro-Québec? Quel est le taux et la durée de l'emprunt?
M. GARNEAU: Cela a été une échéance de 30
ans à un coût à Hydro-Québec de 8.30 p.c. Cela a
été livré le 3 janvier 1974.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce qu'il y a d'autres questions au
programme 2?
M. MORIN: Oui.
M. ROY: Je voulais, avant d'aller à l'élément 2...
Nous ne sommes pas à l'élément 2?
LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous sommes au programme 2.
M. ROY: Etant donné qu'il y a une émission d'obligations
d'épargne actuellement en cours, elle doit tirer à sa fin, si
elle n'est pas terminée. Est-ce qu'on peut nous donner des
résultats là-dessus?
M. GARNEAU: La date limite, c'est le 31 mai. L'évolution
jusqu'à maintenant nous permet de croire qu'au terme de l'exercice, on
avait entre $50 millions et $60 millions.
M. ROY: De souscrits.
M. GARNEAU: Non pas souscrits jusqu'à maintenant, mais le produit
de l'émission rapporterait au Québec entre $50 millions et $60
millions.
M. ROY: C'est complètement différent d'avec l'an dernier.
L'an dernier, l'émission d'obligations avait rapporté $133
millions.
M. GARNEAU: $133 millions.
M. MORIN: II y a de l'inflation et, en période d'inflation, comme
le député de Beauce-Sud le sait, les obligations ne se vendent
pas aussi bien qu'en temps normal. En tout cas, le financement, par le biais
des obligations d'épargne, est beaucoup plus difficile. Non seulement,
il est difficile d'en vendre, M. le ministre, mais l'Etat doit quelquefois
racheter certaines quantités d'obligations avant que celles-ci ne
vien-
nent à terme. C'est ce qui explique sans doute les pleines pages
d'annonces dont nous sommes gratifiés depuis quelque temps. L'offre d'un
boni à une date X, si l'obligation n'est pas vendue d'ici là, la
hausse des taux d'intérêts pour les deux prochaines années,
et un traitement fiscal privilégié, enfin toute une série
de techniques auxquelles on a recours à l'heure actuelle. Le ministre a
annoncé dans l'évaluation de son programme d'emprunt qu'il devait
rembourser $80 millions d'obligations d'épargne. Est-ce que le ministre
ne pense pas, compte tenu de l'inflation et de la hausse du taux
d'intérêt, qu'il devra peut-être rembourser plus que $80
millions et donc hausser aussi ces emprunts sur les marchés
réguliers?
M. GARNEAU: C'est la raison pour laquelle nous avons augmenté les
taux d'intérêt sur les émissions en cours,
c'est-à-dire celles qui étaient déjà
détenues par des Québécois. Comme je dis, c'est la raison
pour laquelle nous avons augmenté les taux d'intérêt
d'abord à 8.5 p.c, maintenant à 9.5 p.c. pour être
compétitifs avec ce qui se paie dans les dépôts à
terme auprès des banques et des sociétés de fiducie. Je
dois dire quand même que ces augmentations de taux à 8.5 p.c,
à 9.5 p.c. sont de nature telle, du moins d'après
l'expérience que nous accumulons, que les rachats ne sont pas
différents de ceux que nous expérimentons en période
normale. Quand on parle d'un montant de l'ordre de $80 millions à
rembourser, il y en a $25 millions qui arrivent à échéance
cette année, c'est-à-dire que l'émission qui a
été émise en 1964, qui était une émission de
dix ans, venait à échéance en 1974, celle-là a
été finalement rachetée complètement. Elle fait
partie des quelque $80 millions. Ce qui veut dire que la réserve que
nous avons maintenant, j'espère qu'elle ne sera pas toute
utilisée, encore moins dépassée, mais il faut se croiser
un peu les doigts là-dedans. C'est à espérer que
l'évolution des taux de l'argent ne sera pas telle qu'elle nous
compliquera la situation.
L'an dernier, c'est une des raisons pour lesquelles nous avons dû
augmenter le programme d'emprunt que nous avions prévu parce qu'il y
avait eu un rachat important au moment où il y a eu un délai
entre... On ne savait pas la tendance que prendraient les taux
d'intérêt et c'est pour cela que nous avons augmenté
à 8 1/2 p.c. Après avoir augmenté à 8 1/2 p.c, les
forts remboursements ont cessé et nous sommes revenus à la
trajectoire normalement suivie dans les rachats d'obligations d'épargne.
Il n'y a donc rien d'anormal par rapport à ce qui prévalait dans
des situations que nous avons connues antérieurement où il n'y
avait pas de changement brusque dans les taux d'intérêt.
M. MORIN: Si je comprends bien le ministre, son évaluation de $80
millions tient encore bon en ce moment.
M. GARNEAU: Ce sont les indications que me donnent les fonctionnaires de
mon ministère, qui suivent de très près cette
évolution.
M. MORIN: Pourquoi le ministre ne suivrait-il pas l'exemple du
gouvernement fédéral qui accorde un bonus comptant assimilable
à des gains de capitaux, donc, évidemment, imposables à
seulement 50 p.c? Est-ce que ce ne serait pas une technique qu'il pourrait
utiliser?
M. GARNEAU: Oui, cela en est une. J'en ai discuté assez
longuement avec mes officiers. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas
décidé de le faire, mais cela pourrait être un argument de
vente intéressant et aussi un argument de maintien entre les mains des
détenteurs des obligations d'épargne. Mais c'est une
possibilité que nous analysons. D'ailleurs, nous avons donné des
primes à la conservation qui n'étaient pas assimilables à
un gain de capital dans le passé, mais c'est une technique qui pourrait
être utilisée. Il faudrait que j'ajoute la remarque que me fait
mon sous-ministre: malgré ce fait-là, malgré cet avantage
que donne le fédéral, les informations que nous avons ne semblent
pas indiquer un succès beaucoup plus éclatant, soit en termes de
rachat ou en termes de souscription de nouvelles obligations
d'épargne.
M. MORIN: C'est plus difficile à évaluer en termes de
rachat, parce que...
M. GARNEAU: C'est un remboursement net, mais, d'après les
chiffres donnés par la Banque du Canada, le 16 mai 1974, dans une
semaine, elle a dû racheter $115 millions, malgré l'annonce faite
par M. Turner dans son discours sur le budget. Evidemment, peut-être
qu'il s'agissait d'une décision qui avait été prise
simultanément avec le discours du budget, mais, chose certaine, le 16
mai, il se présentait pour le gouvernement fédéral un
remboursement fort important.
M. ROY: Tout ça est dû à l'inflation et à
l'évolution des taux d'intérêt que nous connaissons.
J'aurais des questions à poser au ministre à ce sujet mais,
étant donné qu'il est 11 heures, je préfère
attendre à demain matin.
LE PRESIDENT (M. Brisson): La commission ajourne ses travaux à
demain matin, après la période des questions?
M. GARNEAU: C'est à dix heures, demain matin?
M. MORIN: M. le Président...
M. GARNEAU: A moins d'indication contraire par le leader demain, je ne
sais pas si c'est dans la programmation, je ne suis pas au courant.
M. MORIN: La coutume, dans plusieurs commissions et notamment dans
celle-ci, lors-
que nous avons étudié les crédits du
ministère de l'Industrie et du Commerce, c'était à 10 h
30, pour donner à chacun le temps de se retourner le matin et de voir
à sa correspondance.
M. GARNEAU: On siège à dix heures demain?
M. MORIN: On siège à dix heures à
l'Assemblée, ce qui veut dire que ce ne sera pas avant 11heures.
M. GARNEAU: Je ne pense pas que ce soit avant 11 heures, à moins
que les leaders des différents partis se soient entendus pour appeler
une autre commission pour des raisons que je pourrais ignorer, Normalement,
ça devrait être demain matin.
M. ROY: A ce que je sache, il n'y a eu aucune entente.
M. GARNEAU: Comme vous avez été absent aujourd'hui,
peut-être qu'il y en a eu une avec les 50 p.c. de votre caucus?
M. ROY: II est évident que je ne suis pas toujours
consulté.
LE PRESIDENT (M. Brisson): La commission ajourne ses travaux à
demain, vers 11 heures.
(Fin de la séance à 23 h)