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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Thursday, May 23, 1974 - Vol. 15 N° 66

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Finances


Journal des débats

 

Commission permanente

des finances, des comptes publics

et du revenu

Etude des crédits du ministère des Finances

Séance du jeudi 23 mai 1974

(Dix heures vingt minutes)

M. BRISSON (président de la commission permanente des finances, des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs!

La commission des finances, des comptes publics et du revenu se réunit pour étudier les crédits 1974/75 du ministère des Finances.

Au tout début, on me signale que le rapporteur choisi est M. Mercier, député de Bellechasse. La parole est à l'honorable ministre.

Curatelle publique

M. GARNEAU: M. le Président, comme à l'accoutumée, d'ailleurs après en avoir parlé avec le chef de l'Opposition, nous suggérons de commencer par le programme 7 qui est celui de la Curatelle publique. La raison en est que les bureaux administratifs de la curatelle, étant à Montréal, et les officiers supérieurs, devant venir, évidemment, pour la défense des crédits, cela facilite beaucoup l'administration que de pouvoir commencer par ce programme et ainsi les libérer pour qu'ils puissent retourner à leurs fonctions habituelles à Montréal et ne pas laisser le bureau de la curatelle absent de direction pendant plusieurs heures ou plusieurs jours, selon la durée de l'étude des crédits.

Comme le chef de l'Opposition a accepté cette suggestion qui, d'ailleurs, est conforme à ce qu'on a fait les années passées, on pourrait commencer par la Curatelle publique et, à ce moment-là, c'est le ministre d'Etat aux Finances, M. Parent, qui répondra aux questions qui pourront être posées.

M. MORIN: M. le Président, il s'agit presque d'une tradition; cela fait maintenant deux ans que nous commençons par le programme 7 qui a trait à la curatelle. L'Opposition n'y a aucune objection, bien au contraire, mais est-ce que je pourrais demander au ministre de nous présenter son personnel?

M. GARNEAU: Pour ce qui est du ministère des Finances, M. Pierre Goyette est le sous-ministre; M. Michel Audet est le sous-ministre adjoint, responsable du secteur des recherches économiques et fiscales; M. Marcel Lefebvre, sous-ministre adjoint et contrôleur des finances; M. Fernand Breton, est le contrôleur adjoint des finances; M. Pietro Guerci est le sous-ministre adjoint et M. Marcel Paré travaille également à la comptabilité du ministère.

De l'autre côté, M. Parent va présenter les...

M. PARENT (Hull): Je vais présenter Me Rémi Lussier, le curateur public, M. Lionel Forgues, administrateur des biens de la curatelle et M. Yvon Desjardins, responsable de la surveillance.

M. MORIN: Merci, M. le Président. Nous sommes prêts à écouter le ministre d'Etat.

M. PARENT (Hull): M. le Président, d'abord je voudrais remercier mon collègue, le ministre des Finances, ainsi que les membres de la commission et le chef de l'Opposition de nous faciliter la tâche pour l'étude de ce programme au ministère des Finances dont j'ai la responsabilité et également vous remercier, au nom des fonctionnaires de la Curatelle publique, puisqu'ils doivent retourner à Montréal aussitôt que sera terminée l'étude de ce programme du ministère des Finances.

Depuis la proclamation de la Loi de la Curatelle publique, le chapitre 81 de 1971, la juridiction du curateur public sur les biens des malades mentaux en incapacité d'agir s'étend à tous les centres hospitaliers publics du Québec, environ 240 hôpitaux.

En vue de répondre à ces nouvelles exigences, le curateur public a complètement réorganisé les services d'administration des biens. Un système de gestion par fiduciaire, semblable à celui existant dans les compagnies de fiducie, a été instauré, c'est-à-dire que l'entière administration d'un dossier est confiée à la responsabilité du fiduciaire. Avec du personnel de soutien, un fiduciaire peut gérer environ 1,000 dossiers, et une unité de fiducie est composée d'un chef fiduciaire, assisté de quatre fiduciaires. Compte tenu des grandes qualifications que doit avoir un fiduciaire, le recrutement est difficile et la période d'entraînement est longue. Il manque actuellement un fiduciaire pour compléter deux unités. L'expérience vécue de ce type d'administration s'est avérée très fructueuse et bénéfique pour les malades mentaux.

Si on peut faire une revue au 24 avril, en provenance de 69 centres hospitaliers, nous avions des biens sous gestion pour 11,500 malades mentaux, 1,100 successions vacantes et des biens sans maître au nombre de 69. Au 31 décembre 1973, pour neuf mois d'activité, puisque notre année financière vient d'être modifiée pour finir maintenant le 31 décembre, il y avait 14,769 dossiers actifs, et durant cette période, 2,041 dossiers ont été ouverts et 1,393 ont été fermés, soit une manipulation totale de 18,203 dossiers.

Il est de l'intention du curateur public d'instaurer, si possible au cours de l'année, une succursale dans la ville de Québec, ce qui, je pense, fera plaisir au député de Jean-Talon; celle-ci serait dotée d'une unité complète de fiducie avec son personnel de soutien, ainsi que d'un entrepôt pour les meubles meublants et effets personnels. Cette succursale grouperait l'administration des dossiers provenant des centres hospitaliers de la région de Québec, du

Saguenay-Lac-Saint-Jean, ainsi que du bas du fleuve.

Nos statistiques révèlent qu'un peu plus de 4,000 dossiers sont actuellement en provenance de ces trois régions.

En ce qui concerne les biens sans maître, le curateur public est d'office l'administrateur provisoire de ces immeubles et il a établi comme politique que, lorsqu'ils lui sont dévolus, le prix de vente est fixé en fonction de leur destination. Pour une destination commerciale ou industrielle, le prix est fixé en fonction de la valeur réelle. Si une destination est d'ordre résidentiel, le prix est établi en fonction des honoraires minimaux prévus aux tarifs, en tenant compte de l'ouverture et de la fermeture d'un dossier ainsi que de l'étude des titres s'y rapportant.

Avant l'entrée en vigueur de la loi, nous avions prévu un système théorique qui permettrait d'obtenir beaucoup de renseignements sur la gestion des curateurs privés et tuteurs, pour autant que ces derniers répondaient d'une façon complète au questionnaire qui leur était expédié. Une fois ce système en opération et la loi en vigueur, nous nous sommes aperçus que nos prévisions étaient beaucoup trop optimistes, puisque les curateurs privés et tuteurs en fonction ne répondaient pas d'une façon complète, si toutefois ils répondaient.

Vu cet état de fait, nous avons redéfini les informations nécessaires pour que la surveillance des curateurs privés et tuteurs soit efficace. Nous pouvons dire qu'actuellement le tout est sous contrôle.

Pour vous donner une idée, au 17 mai 1964, il y avait environ 5,000 curateurs privés et 22,000 tuteurs, pour un total de 27,000. Du 1er juin 1973 au 31 décembre 1973, nous avons reçu 1,400 rapports annuels provenant de ces 27,000 curateurs et tuteurs.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi, nous avons procédé à six destitutions pour cause d'infidélité, soit quatre curateurs privés et deux tuteurs. Huit autres cas sont sous étude spéciale présentement. Compte tenu de l'effectif autorisé au présent budget, nous ajoutons à nos priorités ce qui suit: Effectuer des rappels à toute personne nommée ne produisant pas son inventaire du début; faire un rappel également dans les cas des rapports financiers annuels qui ne nous sont pas retournés; vérifier le rapport annuel de tout tuteur dont l'administration de ses biens est supérieure à $25,000.

C'est là l'essence du rôle de la Curatelle publique du Québec et de ses responsabilités puisqu'elle se limite à trois champs d'activités, et je suis disposé à répondre aux questions que pourraient avoir à poser les membres de cette commission.

M. MORIN: J'aimerais d'abord demander au ministre d'Etat le montant de l'actif de la curatelle au 31 mars 1974. Je ne crois pas qu'il l'ait mentionné dans son rapport.

M. PARENT (Hull): Je puis donner au chef de l'Opposition les chiffres au 31 décembre 1973 puisque j'ai souligné, justement, que l'année financière est modifiée. J'ai les chiffres au 31 mars 1973. J'ai également les chiffres au 31 décembre 1973.

M. MORIN: J'ai déjà les chiffres pour le 31 mars 1972: $19,231,000, et au 31 mars 1973 — je ne sais pas si ce sont les mêmes chiffres que ceux du ministre d'Etat — $24,380,000. Si le ministre veut me donner les chiffres au 31 décembre 1973, cela me convient tout aussi bien.

LE PRESIDENT (M. Brisson): J'en profite pour souligner les changements suivants: M. Giasson, député de Kamouraska, remplace M. Lévesque, député de Bonaventure, et M. Le-cours, député de Frontenac, remplace M. Malé-part, député de Sainte-Marie.

L'honorable ministre.

UNE VOIX: M. Giasson a-t-il changé de comté?

LE PRESIDENT (M. Brisson): Montmagny-L'Islet, je m'excuse.

M. PARENT (Hull): Au 31 décembre 1973, les fonds sous gestion étaient de $29,178,559.

M. MORIN: Bien. Ceci représente l'actif qui est sous l'administration directe, n'est-ce pas, de la curatelle.

M. PARENT (Hull): Absolument.

M. MORIN: Est-ce que le ministre a une idée de l'ampleur des fonds qui tombent sous la surveillance de la Curatelle publique? Je me réfère, pour être plus précis, M. le ministre, à tous ces dossiers de tuteurs et de curateurs privés qui tombent désormais sous votre surveillance en vertu de la nouvelle loi de 1972.

M. PARENT (Hull): Mais les tuteurs et les curateurs privés ne sont pas incorporés à l'actif que je viens de souligner au député de Sauvé.

M. MORIN: Je sais.

M. PARENT (Hull): Selon les renseignements que nous possédons jusqu'à maintenant, comme je l'ai souligné dans mon exposé tout à l'heure, il y a 27,000 dossiers de curateurs privés et de tuteurs.

M. MORIN: Oui, c'est ce que vous avez dit il y a un instant.

M. PARENT (Hull): Actuellement, nous avons les informations sur 7,000 puisque nous en avons encore 20,000 dont on n'a pas l'inventaire du début ou les rapports financiers,

mais pour les 7,000 que nous avons sous contrôle et sous surveillance, ce sont des actifs de $41 millions.

M. MORIN: C'est une somme considérable, même plus considérable que celle qui tombe sous votre administration directe. Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer pourquoi, après deux ans, presque deux ans maintenant que la nouvelle loi est entrée en vigueur, il n'a encore réussi à rejoindre que 7,000 tuteurs ou curateurs privés sur un total de 27,000? Qu'est-ce qu'il a l'intention de faire pour rejoindre tous ces dossiers?

M. PARENT (Hull): D'abord, la loi est entrée en vigueur le 1er juin 1972. Nous n'avions pas le personnel requis au moment de l'entrée en vigueur de la loi. Depuis le 1er avril dernier, nos effectifs ont été augmentés de 50.

Il nous a fallu, au cours de l'année 1972/73, faire la cueillette des données dans tous les palais de justice pour obtenir copie des jugements à l'endroit des mineurs. Puisque les tuteurs sont nommés par des conseils de famille, il nous a fallu avoir la collaboration du ministère de la Justice pour tous ces palais de justice afin d'obtenir copie des ordonnances et copie des dossiers qui pouvaient être constitués en tutelle. La cueillette a été passablement longue. Maintenant, nous avons des arrangements avec le ministère de la Justice et chacun des bureaux dans les districts judiciaires pour qu'au fur et à mesure que les jugements sont rendus nous en obtenions des copies.

Aussitôt la cueillette des données complétée, nous avons commencé à envoyer des avis à ceux qui avaient été désignés comme tuteurs et curateurs. Je n'ai pas besoin de vous dire que les réponses ne se sont pas faites succinctement. Il a fallu faire des rappels et nous en sommes encore à faire des rappels auprès de plusieurs qui ne rendent pas compte, qui n'ont même pas soumis leur inventaire au moment où la tutelle a été désignée comme telle par la cour Supérieure, et nous devons faire des démarches. Avec l'addition du personnel actuelle, nous sommes dans l'obligation soit de procéder par courrier, soit, si nous n'avons pas réussi par courrier, de faire des appels téléphoniques, d'intervenir auprès des familles en question qui ont désigné le tuteur, pour nous permettre d'obtenir les renseignements nécessaires.

M. MORIN: Est-ce que vous avez le pouvoir de vous adresser aux tribunaux pour contraindre un tuteur ou un curateur privé récalcitrant?

M. PARENT (Hull): Oui, nous l'avons fait, je l'ai souligné tout à l'heure, nous en avons fait destituer pour mauvaise administration.

M. MORIN: Je veux dire pour les forcer à soumettre leur rapport.

M. PARENT (Hull): En vertu de l'article 31, nous avons ces pouvoirs.

M. MORIN: Est-ce que vous les avez utilisés pour forcer certains tuteurs et curateurs à soumettre des dossiers, à faire rapport?

M. PARENT (Hull): II y a eu huit cas jusqu'à maintenant. Il y en a huit autres à l'étude.

M. MORIN: Ce sont les destitutions.

M. PARENT (Hull): Oui. Comme me dit le curateur, si nous voulions procéder en vertu de l'article 31, on pourrait en destituer 20,000 demain matin. Mais cela ne réglera pas le cas des biens qui sont sous tutelle. Nous essayons, autant qu'il peut se faire, de conserver au moins le patrimoine qui appartient à ces mineurs.

M. MORIN: Je comprends.

M. PARENT (Hull): Nous éprouvons même de grandes difficultés dans l'administration des 7,000 dossiers que nous avons, à savoir l'utilisation, par le tuteur, d'argent qui appartient au pupille.

M. MORIN: II était grand temps que cette modification soit apportée à la loi, parce que c'est un domaine où il y a toujours eu énormément d'abus. Je veux que le ministre comprenne que je ne suis pas en train de contester le pouvoir de surveillance de la Curatelle publique. J'essaie simplement de savoir si elle a été efficace et ce que vous avez l'intention de faire pour élargir votre surveillance au-delà des 7,000 dossiers qui sont déjà tombés sous votre surveillance.

M. PARENT (Hull): Comme je le disais tout à l'heure au chef de l'Opposition, nous avons maintenant du personnel en place. J'ai souligné, dans mon exposé, que ce personnel est long à former parce qu'il s'agit d'un travail assez délicat, il s'agit d'un travail d'approche; il y a des enquêtes — même avec le nouveau personnel que nous avons acquis — à conduire dans les dossiers qui sont déjà sous notre juridiction. Il est beau de vouloir rechercher à obtenir tous les dossiers qui tombent sous notre surveillance mais pour autant, quand on remarque que sur 7,000 dossiers actuels, il y a des actifs de $41 millions, on peut s'imaginer que le curateur public est d'office dans l'obligation de désigner des enquêteurs continuellement pour vérifier la garde des biens qui sont constitués et qui sont sous la maîtrise du tuteur ou du curateur.

M. MORIN: Quand vous dites que vous avez de nouveaux employés, M. le ministre, l'année dernière, selon votre rapport, vous en aviez 108 qui étaient affectés à l'administration directe. Le personnel serait donc d'environ 150 en ce moment?

M. PARENT (Hull): Nos effectifs autorisés actuellement sont de 158 employés, mais on m'informe que, en place, nous n'en avons présentement que 101. Nous sommes en période de recrutement.

M. MORIN: Vous avez moins d'employés que l'année dernière?

M. PARENT (Hull): II y en avait 92 l'an dernier; 108 étaient les effectifs autorisés.

M. MORIN: Autorisés?

M. PARENT (Hull): C'est ça; 92 étaient en place. Au moment où je vous parle, il y en a 158 autorisés, il y en a 101 en place.

M. MORIN: Bon. Mais je vois très bien les problèmes de recrutement qui se posent au ministre.

M. PARENT (Hull): C'est à Montréal.

M. MORIN: II a ma sympathie là-dessus. Oui. Est-ce que le ministre pourrait nous dire combien, sur les 101 qui sont en place, sont à l'administration directe et combien sont à la surveillance?

M. PARENT (Hull): II y en a cinq qui sont à la surveillance et les 96 autres sont à l'administration. Mais à l'administration, il y a six enquêteurs-vérificateurs qui travaillent dans les deux sections.

M. MORIN: Je vois. Donc, vous avez un personnel d'une dizaine de fonctionnaires qui travaillent à la surveillance !

M. PARENT (Hull): A la surveillance.

M. MORIN: Le ministre admet, je pense, et ce n'est pas un peu...

M. PARENT (Hull): II ne faudrait pas se méprendre, par ailleurs, le personnel de secrétariat agit également...

M. MORIN: Pour les deux.

M. PARENT (Hull): ... pour les deux, puisque les lettres que nous faisons parvenir aux tuteurs et aux curateurs, ce travail est fait par le personnel de secrétariat. Quand on dit que cinq sont définitivement rattachés à la section de surveillance, il y a deux professionnels et trois agents-vérificateurs qui sont rattachés à cette section pour le moment, il y a les six enquêteurs-vérificateurs qui travaillent dans les deux sections, et le personnel de secrétariat qui s'occupe également des deux sections.

M. MORIN: Est-ce que le ministre peut nous dire que, d'ici l'année prochaine, un effort particulier sera fait pour que le pouvoir de surveillance devienne vraiment efficace, non pas seulement sur 7,000 dossiers, mais sur les 27,000 cas de tutelle et curatelle privée qui existent?

M. PARENT (Hull): Sur les effectifs que nous avons obtenus, nous tenterons de réussir l'objectif qui est d'avoir 41 employés affectés à la surveillance, au lieu de cinq. Mais comme je l'ai souligné tout à l'heure, le recrutement est très difficile, nous avons des concours ouverts pour tenter de recruter du personnel compétent.

Mais on comprendra qu'il s'agit de professionnels pour la plupart, des agents vérificateurs, pour effectuer une tâche semblable, puisqu'il s'agit d'étudier les biens de la gestion des biens.

M. MORIN: C'est une tâche très spécialisée. Est-ce que le ministre peut nous donner une idée des salaires qui sont affectés à ce genre d'emploi de vérificateur?

M. PARENT (Hull): Entre $6,000 et $11,000 pour les agents vérificateurs; la moyenne, actuellement, est de $8,500. Pour les professionnels, c'est de $11,000 à $18,000, selon l'expérience. C'est selon les conventions collectives.

M.MORIN: Oui, je ne m'étonne pas outre mesure que le ministre ait de la difficulté à recruter, parce que ce n'est certainement pas le type d'échelle de salaires qui va attirer les gens compétents. Ils ont passablement d'ouvertures aujourd'hui. C'est peut-être là l'une des difficultés du ministre.

M. PARENT (Hull): Si on veut ouvrir le débat sur les conventions collectives, c'est une autre affaire, mais nous sommes liés actuellement par les conventions collectives.

M. MORIN: Non, ce n'est pas mon intention. Je voulais simplement souligner au ministre que je ne m'étonne plus maintenant qu'il ait de la difficulté à trouver du personnel compétent.

Est-ce que je pourrais maintenant attirer...

M. GARNEAU: Les députés gagnent $15,000. Est-ce qu'on doit tirer la même conclusion?

M. MORIN: Les vérificateurs et les professionnels sont beaucoup plus occupés que les députés, surtout dans l'actuelle Assemblée.

M. GARNEAU: C'est ce que vous pensez?

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je regrette, mais on ne peut pas faire un débat là-dessus.

M. MORIN : Oui, je vois que c'est encore un autre débat, M. le Président, auquel...

M. PARENT (Hull): Je peux dire au chef de l'Opposition que c'était beaucoup plus payant, dans mon cas, d'être dans la pratique privée comme comptable agréé que d'être ici.

M. MORIN: Oui. Dois-je comprendre, M. le Président, étant donné que le sujet du salaire des députés naît à cette commission, ce matin, que c'est un sujet qui relève de la tutelle et de la curatelle? Je crois que cela pourrait faire éventuellement l'objet d'un bon débat en Chambre. Nous avons déjà élargi la tutelle et la Curatelle publique à l'égard des juges l'automne dernier.

M. PARENT (Hull): Et l'étendre pour que j'aie la juridiction sur les députés aussi.

M. MORIN: Je pense que le député de Hull a déjà juridiction sur un morceau de territoire suffisant comme cela.

M. PARENT (Hull): Est-ce que cela vous ferait craindre?

M. GARNEAU: D'ailleurs on l'appelle la principauté de Hull.

M. MORIN: Oui, avec, entre parenthèses, CCN.

M. GARNEAU: Entre parenthèses, M. Parent.

M. MORIN: Bien. M. le Président, si on pouvait maintenant jeter un coup d'oeil sur le rapport du Protecteur du citoyen, son quatrième rapport annuel. Il y avait là certaines constatations sur lesquelles j'aimerais que le ministre nous fasse des commentaires.

Le Protecteur du citoyen souligne qu'à la suite de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi de la Curatelle publique, et avant que la réorganisation administrative requise par l'extension des responsabilités n'ait pu être mise en place, il y a eu un très grand nombre de protestations à la suite de ce que le protecteur appelle des gestes hâtifs et mal planifiés. Ces protestations, dit-il, étaient bien légitimes dans les circonstances. Il était, sans doute, compréhensible qu'on ait mal réagi, et qu'aient mal réagi, dis-je les tuteurs et curateurs privés soumis au pouvoir de contrôle du curateur, après avoir reçu, sans explication, des avis laconiques qui les sommaient de se conformer aux exigences de la nouvelle loi, en complétant une fiche d'enregistrement accompagnée d'honoraires de $15 et d'un inventaire, attesté par notaire, des biens gérés.

Est-ce que le ministre peut commenter ce passage du rapport du Protecteur du citoyen et nous dire ce qui a été fait pour corriger cette critique?

M. PARENT (Hull): M. le Président, je dois dire que, dès que ces propos ont été portés à mon attention, j'ai donné instruction au curateur public d'exiger et de continuer à exiger les rapports d'inventaires des tuteurs et des curateurs, mais, dans les cas où les montants étaient minimes, comme il y a eu des plaintes qui ont été portées à mon attention personnelle, où il y avait des montants de $200 et de $500, nous exigeons quand même la production du rapport, mais nous avons éliminé les honoraires pour tout montant sous tutelle ou sous curateur privé de $1,000 et moins. Nous n'exigeons plus les honoraires puisque, dans la loi, il était permis au curateur, dans certains cas, d'éliminer les honoraires. Nous avons pris l'attitude que, pour les inventaires et la remise des rapports annuels où il était requis des honoraires pour les montants de $1,000 et moins, nous n'exigeons plus les honoraires. Mais nous exigeons quand même la production du rapport, puisqu'il s'agit de montants qui appartiennent à des mineurs ou à des personnes malades.

M. MORIN: Bien! Pour le reste, j'imagine que la critique qui se trouve dans le rapport du Protecteur du citoyen tient surtout, comme le ministre l'a expliqué, à l'absence d'effectifs.

M. PARENT (Hull): Oui. Le Protecteur du citoyen avait raison dans quelques cas où il y a eu des demandes. On comprendra facilement, par ailleurs, que les tuteurs ou les curateurs qui sont nommés, qui sont astreints souvent à des contraintes, soient lésés ou se croient lésés au moment où ils reçoivent une demande du curateur public d'avoir à soumettre un inventaire en suivant les procédures énumérées, et cela cause peut-être des problèmes dans l'opinion de ces curateurs ou de ces tuteurs, auxquels ils n'auraient pas dus être sujets, à cause de leur nomination.

Mais il reste quand même que le curateur d'office doit assurer la protection des biens de ces mineurs et des personnes sous curatelle pour permettre de faire l'appréciation. Il est impossible de faire l'appréciation d'une tutelle ou d'une curatelle sans avoir la déclaration sur les inventaires, si nous ne possédons pas les renseignements dans le domaine, par exemple, des curateurs privés. Il s'agit de biens qui sont inconnus. Quand il s'agit d'une tutelle pour un mineur, la plupart du temps les renseignements sont connus, puisque, par le jugement qui a été rendu, comme dans une cause d'accident où il y a eu des dommages payés à un mineur, nous connaissons l'étendue ou la valeur de la tutelle. Mais dans le cas des curateurs, nous ne connaissons pas la valeur. Il peut arriver, à l'occasion, que nous demandions — et je pense que cela est justifié — à un curateur privé de nous soumettre un inventaire et que, prétendant que le patient ou le malade pour lequel il agissait comme curateur n'avait aucun bien, il disait à ce moment-là: Pourquoi suis-je obligé de faire un rapport ou de me soumettre à une loi, quand je suis nommé d'office? Dans les circonstances, il

n'y a peut-être pas de biens ou, s'il y a quelque chose, ce sont les meubles de la maison.

Or, nous ne connaissions pas l'étendue. Il est vrai qu'il nous fallait faire la demande, mais aussitôt que la valeur des biens qui sont sous curatelle a été portée à notre connaissance à partir de là il a été possible de prendre des décisions.

Mais j'admets avec le Protecteur du citoyen que la formulation qui a été transmise était peut-être laconique comme telle là où on demandait la remise d'un rapport d'inventaire dûment signé par un notaire ou, dans d'autres cas, dûment signé par un vérificateur pour nous permettre de faire l'appréciation.

M. MORIN: Bien, merci, M. le ministre. Est-ce que je pourrais maintenant vous demander, étant donné que vous avez maintenant $29 millions et plus sous administration directe, comment ces biens son placés?

M. PARENT (Hull): Quand il s'agit de biens sous la gestion de la curatelle, quand il s'agit de biens appartenant à des personnes, nous n'avons pas le pouvoir de changer la nature ou la destination des biens qui nous sont confiés. On constatera dans l'état financier —d'ailleurs, j'aurai l'occasion de déposer ce document incessamment — par exemple, que les obligations sont les plus importants articles que nous avons sous tutelle. Or, à moins que ces obligations ne viennent à échéance, nous sommes dans l'obligation de les conserver parce qu'elles sont le bien d'individus. Dans les $29 millions, nous avons pour $23,426,731 en obligations. Nous ne pouvons pas à ce moment faire de placements à même ces montants d'argent, à moins que les obligations ne viennent à échéance et, à ce moment, elles font partie du portefeuille de la curatelle pour l'individu, dans son compte, et au moment où ces obligations sont converties en argent, c'est le rôle de la curatelle de les placer dans un fonds collectif.

M. MORIN: C'est cela.

M. PARENT (Hull): Et l'intérêt est versé au compte de l'individu.

M. MORIN: Oui.

M. PARENT (Hull): Par exemple, l'an dernier, nous avons un rendement sur le portefeuille...

M. MORIN: L'an dernier, c'était 8.28 p.c

M. PARENT (Hull): Le taux de distribution, pour l'année 1973, a été de 8.36 p.c.

M. MORIN: Donc, plus que l'an dernier, mais un peu moins qu'en 1972 alors que le taux de rendement était de 8.5 p.c. C'est cela?

M. PARENT (Hull): Actuellement, il est de 8.36 p.c, mais je voudrais faire remarquer au chef de l'Opposition que nous n'avons pas la mobilité de faire le placement. Or, le rendement est effectif selon le portefeuille de chaque individu.

M. MORIN: Oui.

M. PARENT (Hull): Si on considère que le taux d'intérêt est à la hausse, la curatelle, comme telle, ne peut pas se prévaloir du marché à la hausse, à moins qu'elle n'ait de disponibilités liquides.

M. MORIN: De toute façon, ne devez-vous pas avoir une partie de votre portefeuille en liquide ou en actif réalisable à court terme pour pouvoir répondre à des demandes particulières?

M. PARENT (Hull): II y a une réserve de $200,000 en liquidité que nous conservons continuellement. Mais, comme je viens de l'exposer, la liquidité provient des individus, s'il y a liquidité. Nous essayons de garder continuellement $200,000 en liquidité pour nous assurer de faire face à des demandes qui nous arrivent, là où, dans l'exercice de notre fonction, il y a des réparations qui s'imposent, par exemple, à des propriétés qui sont sous notre gestion...

M. MORIN: Oui. C'est à cela que je pensais justement.

M. PARENT (Hull): ... des ouvertures, des problèmes de robinets. Il y a des problèmes qui s'imposent. A ce moment, la curatelle doit y pourvoir, et dans le service que nous donnons à nos administrés, si nous n'avons pas de liquidité dans un des dossiers, nous avançons l'argent par le fonds général.

M. MORIN: Je vois. Quel type d'obligations avez-vous sous votre garde?

Est-ce que ce sont des obligations du Québec, des municipalités, des commissions scolaires, des hôpitaux peut-être, des obligations du Canada?

M. PARENT (Hull): Ce serait assez difficile de faire une nomenclature de la variété des placements de chaque individu. Il y a des actions, il y a des obligations des municipalités, de communautés religieuses, d'épargne du Canada et des actions de Bell Canada; il y a des actions de toutes les compagnies imaginables.

M. MORIN: L'année dernière, M. le ministre, vous aviez dit que les placements étaient exclusivement des placements au Québec. Est-ce que c'est toujours le cas?

M. PARENT (Hull): Quand il s'agit du fonds liquide qui est sous gestion à la curatelle par la liquidité des différents individus, à ce moment, nous limitons nos investissements pour le portefeuille que nous avons à gérer...

M. MORIN: Je vois.

M. PARENT (Hull): ... à des obligations du Québec: municipalités, commissions scolaires et hôpitaux.

M. MORIN: De sorte que pour les autres obligations, environ $23 millions, vous avez toute la gamme possible des placements financiers?

M. PARENT (Hull): La gamme complète.

M. MORIN: Bien, j'ai compris. M. le ministre, est-ce qu'il serait possible d'obtenir la liste des courtiers et la répartition entre eux des placements effectués au cours de la dernière année? Je vais vous demander tout simplement qui sont les courtiers avec lesquels la Curatelle publique fait affaires. Qui vous conseille dans vos placements?

M. PARENT (Hull): Le comité de gestion de la curatelle pour les placements est constitué de M. Lussier, M. Forgues, M. Desjardins, des trois qui sont ici.

M. MORIN: Oui.

M. PARENT (Hull): Ils ont l'aide du responsable du placement à la curatelle, M. Claude Vary, la Banque provinciale du Canada, Geof-frion et Gélinas, Crang et Ostiguy, René T. Leclerc, Levesque, Beaubien.

M. MORIN: Dominion Securities aussi?

M. PARENT (Hull): Non. Je pense que si le chef de l'Opposition regarde le portefeuille sous administration nominative, il constatera que nous avons des obligations pour $1,927,700. Je pense que ce n'est pas ce qu'il y a de plus gros en portefeuille. Les placements que nous avons effectués, cela ne se fait pas tous les jours. Nous avons sous gestion au 31 décembre 1973, $1,927,000 d'obligations. Je pense qu'avec le comité consultatif que nous avons à la curatelle et les quelques courtiers qui peuvent nous indiquer des placements, le choix étant limitatif aux obligations du Québec, à Hydro-Québec, aux commissions scolaires, aux municipalités, aux hôpitaux, le champ n'est pas tellement vaste. Je pense qu'il n'y a pas tellement de chances à ce moment qu'il y ait des placements de faits qui soient à l'encontre de nos intérêts.

M. MORIN: Non, j'imagine. Est-ce que je pourrais quand même demander au ministre, peut-être, de déposer la liste et la répartition des placements effectués au cours de la dernière année entre ces divers courtiers?

M. PARENT (Hull): On va préparer le document et on le déposera.

M. MORIN: Bien. Vous avez droit, je crois, de placer jusqu'à 5 p.c, n'est-ce pas? C'est bien cela, 5 p.c. en actions?

M. PARENT (Hull): Nous sommes régis par le code civil à l'article 981 o).

M. MORIN: Oui, je vois. Est-ce que je pourrais demander au ministre pourquoi il ne fait pas gérer ce portefeuille par la Caisse de dépôt? Je pense aux accidents du travail, la Régie des rentes.

M. PARENT (Hull): Je n'ai pas objection à étudier la question, mais à cause du fait que nous sommes limitatifs dans la catégorie de placements où nous réservons l'argent que nous avons à placer, il est assez difficile d'aller dans un fonds collectif comme celui de la Caisse de dépôt ou ailleurs où les fonds sont placés dans un marché beaucoup plus vaste que le nôtre. Nous sortirons, à ce moment-là, de la contrainte dans laquelle nous sommes actuellement d'avoir des obligations du Québec, hôpitaux, municipalités et commissions scolaires.

M. MORIN: Oui.

M. PARENT (Hull): Nous restons dans un champ d'activité très limité. Si nous sortons de ce champ vers la Caisse de dépôt, notre argent est beaucoup plus attaché, dans un marché beaucoup plus disparate que celui dans lequel nous évoluons.

M. MORIN: Est-ce que le ministre, tout de même, a étudié la chose de près au cours de l'année écoulée? Parce que l'année dernière, lors de l'étude de ses crédits, le ministre avait déclaré qu'il retiendrait la suggestion et en discuterait avec M. Lussier.

M. PARENT (Hull): Oui, nous en avons discuté au cours de l'année, mais le montant que nous avons à placer a pu représenter au cours de l'année $300,000 ou $400,000. Qu'on regarde le montant au 31 mars, il était de $1,963,000, il est aujourd'hui de $1,927,000. Il n'y a pas tellement d'évolution à cause du portefeuille de nos administrés, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous n'avons pas de liquidité comme telle. Nous devons attendre la date des obligations ou des actions privilégiées que nos administrés ont pour obtenir une certaine liquidité. En somme, annuellement, le montant que nous avons à placer peut varier de $100,000 à $500,000 par année. Je pense que ce serait plutôt de créer divers embarras à la curatelle que d'aller s'adjoindre, comme vous l'avez souligné, la Caisse de dépôt pour agir pour nous. Nous avons recours aux mêmes courtiers dans l'ensemble que la Caisse de dépôt, mais étant donné notre limitation du marché et le montant peu élevé des placements effectués, nous avions convenu, le curateur et moi, que nous n'avions pas à modifier tellement notre formule, mais nous la tenions quand même sous

observation advenant que nous pourrions avoir éventuellement des liquidités beaucoup plus grandes que celles que nous avons présentement.

M. MORIN: J'imagine que, dans les discussions qu'il a eues avec le responsable de la Curatelle publique, le ministre a pu se référer au rapport du comité d'étude sur les institutions financières, rapport de 1969, dans lequel il était dit ceci à la page 235: "On peut songer à accroître les dimensions de la Caisse de dépôt de deux façons. En premier lieu, il serait utile que le gouvernement centralise à la caisse tous les fonds de placement qu'il gère lui-même ou qu'il laisse gérer par ses agences ou par des sociétés d'Etat".

M. PARENT (Hull): II faudrait bien comprendre qu'il ne s'agit pas des biens de l'Etat. H s'agit des biens des individus.

M. MORIN: Oui, mais vous en faites la gestion.

M. PARENT (Hull): On en fait la gestion pour les individus. Il ne s'agit pas de fonds de l'Etat.

M. MORIN: J'ai bien saisi, mais vous gérez, au nom de l'Etat, des biens qui appartiennent à des individus, à des particuliers.

M. PARENT (Hull): Nous gérons leur portefeuille, leurs biens.

M. MORIN: Mais je crois que...

M. PARENT (HuU): Nous n'avons pas de mobilité comme telle. On voit ici qu'au 31 décembre nous avons en valeur marchande d'automobiles $64,706. Ce sont des biens qui appartiennent à des individus et non à l'Etat, comme je l'ai souligné, mais nous sommes liés passablement par la question de l'individu qui entre en ligne de cause. Nous ne pouvons pas mettre en commun ces biens. Nous sommes obligés de faire la gestion dans un compte individuel comme un fiduciaire le ferait pour son client.

Le nombre de nos clients, je l'ai souligné tout à l'heure, est de 14,000 qui constituent l'actif de $29 millions. Je pense qu'à ce moment-là, avec les restrictions que nous sommes dans l'obligation d'agréer, notre champ d'activité est de beaucoup limité.

M. MORIN: Oui. Est-ce que le ministre pourrait examiner encore cette question et peut-être nous faire part d'une décision l'année prochaine, aux prochains crédits, sur cette question de la Caisse de dépôt et placement du Québec?

M. PARENT (Hull): Oui, on va faire faire une évaluation de la caisse que nous avons sous administration nominative pour considérer l'ampleur et si, à ce moment-là, nous envisagions peut-être d'étendre notre éventail de placements, faudra-t-il modifier la structure actuelle, mais je n'ai pas objection à ce que nous puissions l'envisager de cette façon en considérant les valeurs impliquées et les modalités qui pourraient s'ensuivre.

M. MORIN: Bien. Pour ce qui est des curateurs privés, des tuteurs qui tombent sous la surveillance de la Curatelle publique, le ministre avait déclaré l'an dernier — à la page B-1496 des Débats — que, parmi les dossiers qui étaient déjà en la possession de la curatelle, il serait en mesure, à l'étude des prochains crédits — c'est-à-dire cette année — d'évaluer, d'apprécier la gestion des curateurs privés ou des tuteurs. Est-ce que le ministre pourrait nous donner, tout d'abord dans les grandes lignes, les conclusions de cette évaluation qu'il a entreprise?

M. PARENT (Hull): Depuis deux mois, notre système d'informatique est en marche. C'était ce que nous envisagions l'an dernier. Le centre de traitement électronique du ministère des Finances, je l'avais, je pense, mentionné au cours de l'étude des crédits...

M. MORIN: Oui, vous aviez dit l'année dernière que la mécanisation était complétée, que vous étiez prêt à fonctionner.

M. PARENT (Hull): Oui, nous sommes en marche d'une façon pratique depuis deux mois. Nous avons, comme je l'ai dit tout à l'heure, avec le système, les 7,000 dossiers sur lesquels nous avons déjà des données qui représentent des biens sous gestion de $41 millions. Nous avons pu faire une appréciation au cours de l'année de certains dossiers qui nous étaient parvenus. C'est de là que nous avons pu prendre des procédures pour faire destituer le tuteur ou le curateur pour qu'il n'intervienne pas dans certains dossiers qu'il n'est pas dans l'intérêt public de souligner, mais des dossiers assez gigantesques de biens appartenant à des mineurs, où nous sommes intervenus sur la façon d'administrer ou de gérer le portefeuille ou les biens de ces mineurs qui reçoivent des revenus assez substantiels. Je connais le cas particulier d'un artiste, où nous sommes intervenus afin qu'un comptable soit nommé pour agir comme tuteur et voir à la gérance des biens. Nous avons intenté des procédures dans d'autres cas pour obtenir les destitutions et des nominations parce qu'il y avait mauvaise gestion. Nous avons actuellement huit cas qui sont sous étude spéciale à cause de dilapidation des biens, les biens étant disparus.

Je pense, entre autres, à un cas qui m'a été soumis récemment. Il s'agit de la disparition de $45,000 qui appartenaient à un mineur dont le tuteur a fait des mauvais placements et a perdu

l'argent. Nous serons probablement dans l'obligation de faire une réclamation au tuteur. Il y a des abus qui ont été commis dans d'autres cas; nous sommes actuellement à compléter les études au point de vue comptable et au point de vue juridique pour déterminer, s'il y a lieu, d'intenter des poursuites contre ceux qui ont été destitués ou ceux dont nous sommes sur le point de demander la destitution.

Mais le fait que nous ne soyons pas plus avancés, et même si nous avons déjà 7,000 dossiers sur lesquels nous exerçons une surveillance complète, il reste quand même que c'est au moment de la production des états financiers annuels que l'on peut se rendre compte de l'évolution de la gestion d'un tuteur. Tant que notre système d'enquête ne sera pas complété, même si nous avons un dossier qui nous démontre que les actifs ont évolué, il s'agit de savoir s'il y a d'autres actifs qui ne sont pas montrés dans les états financiers. Est-ce qu'il y a eu des opérations qui ont été lucratives ou qui ont été à perte?

C'est cette expérience que nous voulons tenter maintenant avec l'informatique, ce qui va nous permettre de voir l'évolution de chacun des dossiers et nous permettre, comme on fait peut-être dans les cas d'impôt sur le revenu, de déterminer les dossiers que nous devrions avoir pour enquête.

M. MORIN: Le ministre a surtout mentionné les dossiers qui créent des problèmes. Mais sur la tenue générale des 7,000 cas de tutelle et de curatelle privée, quel est son jugement?

M. PARENT (Hull): Sur les 7,000 cas que nous avons jusqu'ici, on comprendra la procédure qui doit être suivie. En vertu de la loi, il nous fallait d'abord obtenir l'inventaire ou, si on veut, le bilan de départ. Sur les dossiers que nous avons, sur les 7,000, il est difficile de porter un jugement pour l'instant, à savoir s'il y a bonne gestion. Je pense que, dans l'ensemble, il y a une bonne gestion. Mais nous ne pouvons l'affirmer parce que nous n'avons que 7,000 dossiers sur 27,000, nous ne pouvons pas porter un jugement d'ensemble, à savoir qu'il y a une bonne gestion de la part des tuteurs ou des curateurs.

Sur les 7,000, parmi les dossiers que nous avons pu apprécier, il ressort que, dans 80 p.c. des cas, ce sont des bilans de départ. L'année n'est pas écoulée où on doit soumettre les rapports financiers. De ceux que nous avons examiné jusqu'ici, environ 1,300 dossiers, on peut dire qu'il semble y avoir une bonne gestion; des abus seraient à rapporter peut-être dans une centaine de dossiers. Mais cela ne permet quand même pas de porter un jugement d'ensemble sur les 27,000 dossiers dont nous n'avons pas la constitution présentement. Mais sur les 7,000, nous serons certainement en mesure, d'ici les prochains mois, au moment où l'année sera terminée et que nous aurons l'état financier, de pouvoir porter un jugement définitif sur la gestion. Jusqu'à maintenant, on peut dire qu'il y a une centaine de cas, sur les 7,000, où nous sommes portés à avancer des enquêtes pour déterminer la valeur de la gestion.

M. MERCIER: Est-ce que vous avez suffisamment de données pour déterminer le rythme d'augmentation, d'une année à l'autre, de nouveaux cas?

M. PARENT (Hull): C'est comme je l'ai souligné, jusqu'ici, nous avons environ 1,300 dossiers sur lesquels on pourrait porter un jugement.

M. MERCIER: Non, mais de nouveaux dossiers qui s'ajoutent à ceux...

M. MORIN: Les nouveaux curateurs privés, les nouveaux tuteurs, c'est cela que vous voulez dire?

M. PARENT (Hull): Oui. Il y a, d'après les statistiques, environ 3,000 à 4,000 nouveaux tuteurs par année. Il s'agit de constituer des dossiers par la première opération, c'est-à-dire la déclaration des biens qui seront sous la gestion du tuteur. Or, pour ces 3,000 ou 4,000 cas qui s'ajoutent à tous les ans, c'est difficile. On n'a qu'à regarder les jugements portés devant les tribunaux, sur les accidents en particulier. Je pense que c'est là qu'on retrouve le plus grand nombre de clients. Ce sont les accidents d'automobiles et il y a alors des versements d'indemnités par les compagnies d'assurance, à l'égard de mineurs. Dans bien des cas, même après le jugement, il n'y a pas de conseil de famille pour désigner un tuteur.

Nous sommes obligés d'intervenir à toutes ces étapes pour faire respecter à ce moment-là d'une façon tangible et protéger le bien du mineur qui a reçu l'indemnité soit par son père, soit par un membre de la famille qui agit en son nom. Mais il arrive assez souvent que le conseil de famille ne se réunit pas pour désigner le tuteur et l'argent, à ce moment-là, est laissé en dépôt.

M. MORIN: Cette question est intéressante. On pourrait peut-être la poursuivre. Est-ce que je me trompe? Mais le protonotaire doit aviser le curateur public de tout nouveau jugement de constitution de tuteur ou de curateur.

M. PARENT (Hull): Oui. Cela a été le travail premier, comme je l'ai dit tout à l'heure. Quand la loi est entrée en vigueur, il nous a fallu communiquer avec tous les palais de justice pour nous faire donner les jugements passés. Nous avons fait des ententes, comme je l'ai souligné dans mon exposé, avec le ministère de la Justice qui, maintenant, nous fait parvenir au fur et à mesure les jugements qui sont rendus et cela nous permet d'entreprendre la procédure

de gestion ou de surveillance immédiate dans chacun des cas.

M. MORIN: Vous avez dit que cela représente, pour l'année dernière, 3,000 nouveaux cas?

M. PARENT (Hull): Selon l'évolution, nous constatons, d'après les jugements, que ce sera 3,000 à 4,000 nouveaux cas par année.

M. MORIN: Bien sûr. Il en disparaît probablement un certain nombre chaque année, puisqu'il y a des mineurs qui deviennent majeurs et ainsi de suite.

Dans les 3,000 cas, grosso modo, dont vous avez parlé au cours de l'année qui vient de s'écouler, il y en a combien qui sont tombés sous votre surveillance effective et il y en a combien qui vous donnent du fil à retordre?

M. PARENT (Hull): Les nouveaux cas sont beaucoup plus faciles. Pour l'immédiat, c'est instantané. On fait la demande dès que le jugement est rendu, mais...

M. MORIN: L'habitude se prend.

M. PARENT (Hull): A ce moment-là, on comprend mieux l'intervention du curateur pour son rôle de surveillance. La difficulté qu'on éprouve, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons seulement 7,000 cas sur 27,000, c'est pour le passé. On n'a pas été habitué à cette formule. On a fait la gestion souvent, comme on dit en termes juridiaires en bon père de famille, mais nous n'en avons pas connaissance. Tant que nous ne connaîtrons pas ces 20,000 dossiers qui ne sont pas encore à notre disposition parce que la loi disait, pour les cas existants, que le tuteur devait se soumettre à faire une déclaration des biens qu'il avait sous sa tutelle, c'est là qu'on éprouve la difficulté pour le passé.

Pour le présent, nous obtenons une grande collaboration. Je pense que le mécanisme, à la suite du jugement qui nous est transmis par le protonotaire, fait énormément de bien, puisque, presque au même moment, nous intervenons pour demander de nous faire une déclaration des biens, mais nous connaissons, dans la plupart des cas, par le jugement qui est rendu, quels sont les biens qui seront sous tutelle. Nous avons le jugement qui détermine des frais et des indemnités.

M. MORIN: Seulement une petite précision. Quand vous parliez des 7,000 dossiers qui sont déjà sous surveillance, vous avez dit que c'étaient des dossiers antérieurs — vous ai-je bien compris? — à l'entrée en vigueur de la loi ou cela comprend-il également tous les nouveaux dossiers?

M. PARENT (Hull): Cela comprend également les nouveaux, jusqu'à maintenant.

M. MORIN: C'est la somme totale, 7,000 dossiers.

M. PARENT (Hull): On me fournit une information ici selon laquelle, sur les anciens, 6,000 avis que nous avions envoyés nous sont revenus pour cause de mauvaise adresse.

M. MORIN: En effet, vous avez un travail considérable à faire, ne serait-ce que pour dépister les tuteurs et les curateurs. J'imagine que l'augmentation de vos effectifs va vous permettre de retrouver la trace de tous ces biens qui sont perdus dans la nature, si je comprends bien?

M. PARENT (Hull): Je pense que l'intérêt que nous recherchons, depuis la mise en vigueur de la loi, c'est de rechercher les nouveaux dossiers. Nous avons donné les avis à ceux qui étaient déjà des tuteurs.

Nous faisons un travail assez gigantesque de ce côté dans la recherche, mais disons que l'accent va beaucoup plus vers les nouveaux dossiers, qui nous sont facilement accessibles, sans ménager, pour autant, les efforts pour recouvrer les anciens dossiers. On comprendra que, s'il y a eu jugement, par exemple, il y a dix ans pour un enfant mineur de dix ans, dans certains cas, il peut arriver que l'enfant soit devenu majeur. A ce moment, le tuteur ne vaut plus. Il reste, si on veut, à faire un certain tri dont nous ne possédons pas les données, parce que dans les jugements, la plupart du temps, dans les renseignements que nous avons, on ne mentionne pas l'âge du mineur.

La même difficulté se retrouve chez les curateurs privés. Au moment où un patient est déclaré malade mental, incapable de gérer ses propres affaires, c'est un conseil de famille, mais celui-ci, souvent, peut prendre un certain temps avant de se former. Je l'ai souligné tout à l'heure, sur les 240 institutions qui tombent sous notre juridiction maintenant, les institutions hospitalières, 69 nous font des rapports. On éprouve encore, même dans le domaine des curateurs privés, certaines difficultés auprès des institutions hospitalières pour nous permettre d'obtenir les renseignements au moment où le psychiatre a déclaré un patient incapable de gérer ses biens.

M.MORIN: M. le ministre, depuis tout à l'heure, vous vous référez à un document qui me paraît bien intéressant. J'ai cru comprendre que vous vous apprêtiez à le déposer ou que vous alliez le déposer dans les semaines qui viennent. Ces chiffres que vous nous fournissez, depuis tout à l'heure, est-ce que vous pouvez les déposer devant la commission?

M. PARENT (Hull): En vertu de la loi, je dois déposer, dans les dix jours qui suivent le 30 juin, avant le 10 juillet, le rapport financier de la Curatelle publique et également le rapport

des activités de la curatelle. Nous sommes à préparer le document et il sera déposé avant la fin de la présente session. Il comprendra toutes les données de l'administration et de la gestion de la Curatelle publique.

M. MORIN: Pouvez-vous nous dire, M. le ministre, si, au cours de l'année écoulée, on a versé au ministère des Affaires sociales des contributions pour les patients en établissement?

M. PARENT (Hull): Nous n'avons versé aucune somme d'argent au ministère des Affaires sociales pour les frais d'hébergement. Nous attendons le dépôt des règlements du ministère des Affaires sociales en cette matière.

M. MORIN: Je voudrais maintenant aborder une autre question, M. le ministre. On nous a signalé un certain nombre de cas possibles de conflit d'intérêts de la part des fonctionnaires de la Curatelle publique. Ceux-ci, évidemment, possèdent des sources d'information privilégiée sur des immeubles, des terrains et d'autres biens qui sont à vendre, et qui sont, quelquefois, à vendre à bon prix. Quelles sont les normes d'éthique auxquelles sont soumis vos fonctionnaires : j'entends ceux de la Curatelle publique?

M. PARENT (Hull): La directive à la Curatelle publique est la suivante: Quiconque se porterait acquéreur d'un immeuble qui est sous gestion de là Curatelle publique, serait expulsé automatiquement. Il serait démis de ses fonctions. Quand on parle de vente de propriétés pour la Curatelle publique, je pense qu'il faudrait faire la distinction qu'une vente ne se déclare pas par la Curatelle publique. Une vente doit être autorisée par un juge de la cour Supérieure. Nous n'avons pas le droit de disposer, à moins d'une autorisation d'un juge de la cour Supérieure. En ce qui concerne la directive de nos fonctionnaires, ceux-ci n'ont pas le droit d'acquérir des immeubles, ni directement, ni indirectement, sujets à destitution.

M. MORIN : Est-ce que le ministre peut nous dire si une surveillance très stricte est exercée sur les 101 fonctionnaires de la Curatelle publique pour s'assurer que la position privilégiée dans laquelle se trouvent ces fonctionnaires n'est pas utilisée pour servir à des fins privées?

M. BLANK: C'est comme dans le domaine des frais des avocats, mais je constate que vous nous posez des questions sur les ventes des immeubles. A mon avis, toutes les ventes de la Curatelle publique, après l'autorisation des juges, par enquête publique, c'est difficile pour un fonctionnaire d'agir en cachette... A moins que les informations ne soient pas...

M. MORIN: Oui, mais il y a d'autres choses. M. PARENT (Hull): II n'a jamais été porté à ma connaissance qu'il y a eu des conflits d'intérêts. Je sais le curateur public très intègre. Il exerce une surveillance comme un commandant d'une armée sur son équipe. J'accorde toute ma confiance au curateur public et à ses fonctionnaires de cadre qui assument la direction de la Curatelle publique.

M. MORIN: Ce n'est pas ce qui est en cause. Je pense bien que nous aussi avons une confiance...

M. PARENT (Hull): Non, mais je voudrais quand même le souligner étant donné que la Curatelle publique a affaire à des biens qui appartiennent à des individus et que des conflits d'intérêts peuvent surgir. Je tenais à souligner que nos règles sont très strictes et si jamais des conflits d'intérêts étaient portés à ma connaissance ou à la connaissance du curateur, j'en serais avisé immédiatement par le curateur public.

Je puis dire que moi-même, je suis intervenu à plusieurs reprises auprès du curateur public quand il s'est agi des successions vacantes, des terrains qui nous appartiennent dans toute la province, pour les questions de vente. J'ai fait déterminer il y a deux ans la question de cession de ruelles, par exemple, où la politique établie à la Curatelle publique, avant mon arrivée, voulait que nous cédions pour les honoraires le coût des dépenses des ruelles aux propriétaires contigus. J'ai demandé qu'on modifie cette règle pour ce qui concerne des terrains qui pourraient être commerciaux. J'ai fait en sorte que nous ne pouvions pas continuer à céder des morceaux de terrain sur la base résidentielle en utilisant la même base quand il s'agit de terrains commerciaux.

Or, la règle a été modifiée il y a deux ans à la Curatelle publique, et maintenant, quand il s'agit d'une ruelle qui est contiguë à une propriété dont l'occupant est le propriétaire, nous n'avons pas objection à lui céder le morceau de terrain pour la valeur des honoraires, mais quand il s'agit d'un morceau de terrain à valeur commerciale, nous ne pouvons pas utiliser la même procédure. C'est cela que nous avons changé.

M. MORIN: Est-ce qu'il existe une règle d'application générale, de portée générale voulant que les fonctionnaires, les employés de la Curatelle publique ne doivent pas se servir des sources privilégiées de renseignements qu'ils possèdent pour avantager qui que ce soit?

M. PARENT (Hull): Je l'ai dit et je le répète encore. La règle est émise et connue de tous les fonctionnaires de la Curatelle publique.

M. MORIN: Elle est dans la réglementation.

M. PARENT (Hull): Oui, à savoir qu'on ne doit pas avoir d'intérêts directs, ni indirects, sous peine d'expulsion.

M. MORIN: Bon. Le ministre m'affirme donc qu'il n'y a pas eu de cas de conflits d'intérêts portés à sa connaissance, disons, depuis deux ans?

M. PARENT (Hull): A ma connaissance, depuis que la Curatelle publique est sous ma responsabilité, depuis 1971 je crois, il n'y a jamais eu de conflits d'intérêts qui ont été portés à ma connaissance par le curateur public.

M. MORIN: Est-ce que le curateur public peut nous dire aujourd'hui qu'il n'y a pas eu de tels conflits d'intérêts portés à sa connaissance à lui?

M. PARENT (Hull): II n'y en a pas eu à sa connaissance.

M. MORIN: Bien. M. le Président, nous sommes prêts à adopter les crédits de la Curatelle publique. Seulement, je voudrais poser peut-être une question sur les montants. A l'élément 2, surveillance de l'administration des curateurs privés et des tuteurs, j'imagine que le bond de $95,000 l'an dernier à $317,800 cette année s'explique par le nombre de nouveaux postes que le ministre espère remplir. C'est bien cela?

M. PARENT (Hull): Oui, il y en avait cinq l'an dernier, comme je l'ai souligné tout à l'heure. Par les crédits de 1974/75, qui sont de $317,800, les effectifs sont autorisés d'ailleurs, nous prévoyons porter ces effectifs à 41.

M. MORIN: Bien. Je me déclare satisfait.

LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions au programme 7 : Curatelle publique? Adopté?

M. MORIN: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, nous passons à la discussion générale. Le ministre des Finances.

Remarques préliminaires

M. GARNEAU: Le fait que j'arrive, cela règle tous les problèmes. M. le Président, j'aimerais profiter du moment où on aborde le programme 1 des crédits du ministère des Finances pour faire des commentaires généraux sur le ministère des Finances, sur certains points qui réapparaissent suffisamemnt importants pour les souligner à cette commission. Je dois dire que, contrairement peut-être à d'autres ministères, le ministre des Finances expose sa politique budgétaire et fiscale à l'occasion de la présentation du budget de la province, ce que j'ai fait à l'Assemblée nationale, le 28 mars dernier. Donc, je n'ai pas l'intention de repren- dre ici ce qui est déjà contenu dans mon discours du 28 mars. Ce que je voudrais faire, ce sont des remarques d'ordre général, concernant trois aspects particuliers qui tombent sous la juridiction du ministère, c'est-à-dire le programme no 1, le programme no 3 et aussi l'ensemble du service de la dette, en particulier, et quelques remarques d'ordre général concernant l'évolution des taux d'intérêt.

Tout d'abord, concernant le programme no 1 du ministère qui correspond à la direction générale des études économiques et fiscales, je dois dire que, dans ce programme il y a un certain nombre de personnes qui sont affectées. Sur les quelque 1,500 personnes qui travaillent dans l'ensemble du ministère, il y en a 21, je crois, qui étaient en poste au 30 avril 1974, la plupart étant des professionnels, quelques adjoints aux cadres sous la direction du sous-ministre adjoint, que je vous ai présenté tout à l'heure, M. Audet. On peut noter deux centres d'intérêt principaux autour desquels s'est effectuée la majorité des travaux de cette direction, à savoir les études d'ordre fiscal, en vue de la préparation du budget, également des études d'ordre économique et financier qui se rapportaient soit à l'allocation du budget de dépenses, l'évolution de l'économie ou encore certains projets particuliers sur lesquels je reviendrai un peu plus tard.

Du côté des études fiscales, on s'est attaché surtout à suivre de plus près l'évolution des revenus pour effectuer les corrections nécessaires aux prévisions budgétaires en cours d'année, essayer de raffiner de plus en plus nos méthodes d'évaluation de revenus. De plus, divers travaux ont été exécutés pour améliorer les prévisions de l'année courante dans le cadre du cycle budgétaire, mais surtout pour raffiner nos méthodes d'évaluation, étant donné que nous avons adopté l'an dernier la nouvelle procédure de tenter d'établir non seulement le budget des dépenses, mais également le budget des revenus sur une période de trois ans. Ce service a aussi participé activement aux délibérations du comité sur la politique fiscale dont le mandat est d'étudier les mesures fiscales susceptibles d'être insérées dans le budget. De telles études visent particulièrement à faire correspondre le plus exactement possible notre politique fiscale aux objectifs de répartition équitable du fardeau fiscal et du progrès continu de notre économie. Ces préoccupations sont d'ailleurs à l'origine d'une large étude comparative du fardeau fiscal du contribuable québécois vis-à-vis de ceux des autres provinces. Cette étude, dont certains résultats ont déjà été présentés dans le discours sur le budget, constitue une information de base qui nous sera très précieuse pour la poursuite de notre objectif de répartition.

D'autre part, la section fiscale participe à divers comités et à des groupes d'échange de points de vue, tant avec les autres ministères du gouvernement que les autres gouvernements au Canada et en particulier le gouvernement fédé-

ral. C'est ainsi qu'elle s'est jointe à des groupes interministériels pour avoir la taxation des entreprises minières et pétrolières dans le but d'en retirer le maximum d'avantages pour le Québec.

L'existence de ces comités a d'ailleurs été soulignée dans le discours sur le budget. Du côté des relations fédérales-provinciales, les fonctionnaires qui sont affectés à l'obtention des objectifs du programme no 1 ont participé à diverses rencontres et collaboré à la préparation de certaines conférences ministérielles. On y complète d'ailleurs actuellement un inventaire détaillé des programmes qui existent entre le fédéral et les provinces, dont le Québec, et notre intention est d'en faire un relevé factuel et possiblement rendre ce document public dès qu'il sera complété pour l'information générale.

Quant au service des études économiques et financières, son activité a consisté surtout à appuyer diverses phases de la constitution du budget, à présenter divers avis sur la conjoncture et l'allocation des ressources ainsi qu'à soutenir le travail et le service de la gestion de la dette du ministère. L'appui de ce service au budget s'est manifesté à diverses étapes du cycle budgétaire. Ainsi, il a préparé une analyse prospective de l'évolution de la conjoncture à moyen terme, analyse qui permet d'évaluer quelle position doit prendre l'Etat vis-à-vis de la stimulation économique. A la veille de la présentation du budget, il a participé à l'élaboration de certaines annexes, en particulier l'annexe se rapportant à la situation économique. Enfin, il a poursuivi diverses études visant à élaborer de meilleurs instruments d'analyse de l'impact du budget et est à terminer une étude comparative de divers types de présentation budgétaire. Sur le plan plus général de l'allocation des ressources, ce service a étudié diverses propositions de moyen et long termes, tant sur le plan des exigences de financement que de l'apport du développement économique. A cette fin, il a d'ailleurs participé à des comités sur des sujets divers tels l'investissement étranger, la transformation supplémentaire de matières premières au Québec, la négociation du GATT, le développement d'Hydro-Québec et le transport en commun. Dans le contexte d'une action à plus court terme de l'Etat, on a constitué l'analyse trimestrielle de la conjoncture économique et financière dans le but de suivre efficacement l'évolution de l'économie et d'en dégager rapidement les implications. On a davantage recours aux outils mécanographiques et économétriques. Le développement de ces instruments et leur adaptation aux caractéristiques de l'économie québécoise sont un objectif que nous poursuivrons encore cette année. Enfin, la section financière du service a apporté un appui plus soutenu au service de la gestion de la dette, elle a collaboré entre autres à la refonte du prospectus d'émission de nos obligations qui donnera une image très complète de la situation du Québec tant sur les plans financier qu'économique.

Du côté du programme no 3, qui porte sur la comptabilité gouvernementale, trois points principaux ont particulièrement marqué les activités du bureau du contrôleur des finances au cours de la dernière année financière, points qui sont, par ailleurs, des mesures complémentaires à la réforme administrative et qui seront d'une portée capitale sur l'avenir de ce bureau. Le premier point concerne le rodage du sous-système de contrôle des dépenses, du système de gestion budgétaire et comptable, ce qu'on appelle SYGBEC, qui s'est fait durant l'année, et dont l'implantation s'est effectuée dans les tous les ministères et ce depuis le 1er avril 1974. C'est une longue opération qui commence à porter des fruits. Cette phase ajoutée au sous-système des opérations budgétaires et du grand livre déjà mis en opération au cours de l'année constitue, à toutes fins pratiques, le coeur de l'ensemble de ce système informatisé. C'est en fait le vrai départ. Cette opération de mise en train, qui est à la fois lourde et délicate, demandera aux fonctionnaires supérieurs du bureau du contrôleur des finances et plus particulièrement à ses employés de la direction générale de la comptabilité postés dans les divers ministères, une somme de travail très considérable, car il faudra continuer en parallèle la comptabilité conventionnelle tant et aussi longtemps que le nouveau système n'aura pas fait ses preuves. Il s'agit là, je pense, d'une précaution d'usage qui est impérative dans l'implantation d'un tel système.

Le deuxième événement capital des derniers douze mois concerne le rattachement du centre de traitement électronique des données au bureau du contrôleur des finances de même que la création d'une nouvelle direction qui résulte de la fusion du CTED et de la direction des systèmes. En fait, il s'agit là d'une intégration d'un tout homogène et le rattachement de ce service au bureau du contrôleur des finances constitue une approche logique, le contrôleur des finances étant, en fait, le principal utilisateur du CTED. Par ce groupement, les effectifs de cette division du bureau du contrôleur des finances, qui étaient de 436 postes en 1973/74, sont maintenant de 417, la diminution venant du transfert de 19 employés de soutien qui ont oeuvré au développement du système SYGBEC qui ont été transférés dans les services de la comptabilité.

L'année qui se termine verra aussi l'introduction d'un nouvel ordinateur de marque Univac. L'introduction de ce nouvel équipement s'est fait sans anicroches majeures et les résultats de ces changements, jusqu'à aujourd'hui, sont très satisfaisants.

Le troisième événement majeur est, en fait, un sous-produit des deux premiers, en ce sens qu'il s'est avéré nécessaire, avec ces additions, ces responsabilités additionnelles et l'accroissement normal des opérations gouvernementales, de repenser la structure du bureau du contrôleur des finances en partant de 1 à 3, les contrôleurs adjoints, chacun étant responsable

d'un secteur d'activité qui lui est propre, soit la comptabilité et la vérification, le contrôle, rapport financier et enquête et, troisièmement, organisation, méthode et informatique.

L'année financière qui s'est terminée il y a quelques semaines a vu la mise sur pied d'une direction de vérification des systèmes informatisés. La formation d'une telle équipe s'imposait, d'une part, en raison de l'utilisation de plus en plus étendue de ces systèmes mécanisés pour le traitement des opérations de dépenses et, d'autre part, en raison de la responsabilité du contrôleur des finances dans tout le processus de paiement des deniers publics. Etant donné que le budget de dépense de l'année financière 1973/74 a été élaboré selon le concept de la budgétisation par programme, les comptes publics à l'égard de cette année financière dont l'élaboration est amorcée devront être complètement repensés afin d'en faire un document qui, tout en respectant les exigences de la Loi de l'administration financière et la nouvelle présentation budgétaire, sera plus intéressant et significatif et fournira plus de renseignements précis aux lecteurs.

Enfin, en dépit de l'accroissement normal du volume des opérations et des nouvelles initiatives mises en oeuvre et du départ du système de gestion budgétaire et comptable, l'effectif global autorisé du bureau du contrôleur des finances n'augmente que de 20 personnes pour s'établir à 1,135.

Enfin, je voudrais faire des remarques pour exposer brièvement, au début des crédits, l'état du marché des capitaux dans lequel nous devons évoluer. Depuis un certain temps, les taux d'intérêt se situaient à un niveau passablement élevé mais, depuis le mois de mars cette année, on a pu constater une hausse très rapide des taux d'intérêt. Quelques exemples pourraient mieux illustrer cette flambée des taux d'intérêt. D'abord, il y eut une émission d'obligations de Noranda Mines de 9 3/4 p.c, suivie immédiatement par Bell Canada et Hydro-Manitoba qui ont émis des obligations à 10 p.c. Une émission de Union Gas de Toronto qui, apparemment, devait être émise à 10 1/4 p.c. a dû être abandonnée tandis qu'une émission de Algoma Steel vient d'être lancée à 10 3/8 p.c. Quant aux obligations du Québec et de l'Ontario, elles se transigent maintenant à un niveau d'intérêt de près de 1 1/4 p.c. plus élevé que le taux d'intérêt qui prévalait sur les titres du Québec et de l'Ontario au début de février. L'intérêt sur hypothèque résidentielle se situe à un niveau d'environ 11 1/2 p.c. et on rapporte même qu'un certain nombre d'institutions financières restreignent leurs prêts, même à ce niveau, faute de liquidité.

J'ai annoncé récemment une augmentation des taux d'intérêt s'appliquant à la présente campagne d'obligations d'épargne du Québec ainsi qu'à celles émises antérieurement. Le gouvernement du Canada, pour sa part, a annoncé lui aussi une hausse générale d'intérêt sur toutes les obligations d'épargne du Canada au taux de 9 p.c. en ajoutant des primes qui seront payables dans cinq ans et à l'échéance de ces obligations. Malgré tout, dans la semaine qui a suivi cette annonce faite par le ministre des Finances du Canada dans son discours du budget, le remboursement d'obligations d'épargne du Canada détenues par des Canadiens a été porté à $115 millions dans une semaine, alors que le niveau de remboursement se situait normalement autour de $20 millions à $25 millions. Quant au marché monétaire, c'est-à-dire le marché des titres à court termes, là aussi on a pu constater une augmentation considérable des taux d'intérêt. Suite à l'augmentation de 1 p.c. du taux d'escompte de la Banque du Canada, le taux préférentiel des banques s'est vu accru de 1 p.c. et même de 0.5 p.c. subséquemment, de telle sorte qu'il se situe aux environs de 11 p.c.

Aux Etats-Unis, le taux préférentiel des banques est à 11 1/2 p.c. et même on m'informe qu'une banque importante l'a haussé à 11 3/4 p.c. Il est bien évident que l'importance de l'augmentation des prix que nous connaissons depuis quelque temps y est pour beaucoup dans ces augmentations du taux d'intérêt. Traditionnellement, les taux d'intérêt se sont élevés en période inflationniste ou même souvent lorsqu'on craignait une inflation plus grande. C'est la situation, semble-t-il, dans laquelle nous sommes maintenant.

Quelques indices semblent nous indiquer cependant que les taux d'intérêt à court terme sont peut-être sur le point d'atteindre leur sommet. C'est ainsi que la Banque du Canada indiquait, la semaine dernière, que les prêts généraux des banques à charte avaient diminué, au cours de la première semaine du mois de mai, de $354 millions, une baisse de 1.1 p.c, alors que les prêts aux sociétés de financement des ventes à crédit avaient diminué, au cours de la même période, de $158 millions ou de 29 p.c.

Malgré cette situation défavorable, je dois dire que Hydro-Québec a quand même pu réaliser, à ce jour, 40 p.c. de son programme d'emprunts pour l'année en cours alors que la province a réalisé, pour sa part, plus du tiers de son programme d'emprunts publics grâce, en particulier, à l'émission que nous avons émise sur le marché américain de $150 millions à un taux de 9.2 p.c. ce qui, comparativement au taux actuellement en vigueur, est très avantageux. Il est encore trop tôt pour prévoir les résultats de la campagne d'obligations d'épargne du Québec qui est présentement en cours, mais nous estimons que si l'évolution se poursuit comme elle est indiquée, ça devrait dépasser les $50 millions.

M. le Président, ce sont les remarques d'ordre général que je voulais faire en abordant l'étude des crédits du ministère.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Sauvé.

M. MORIN: M. le Président, je comprends fort bien que le ministre ne veuille rien ajouter à son discours du budget, mais il nous permettra sans doute d'y revenir au cours de l'étude des crédits, parce que, de l'avis de l'Opposition, tout n'a pas été dit à propos de ce budget; tout n'a pas été éclairci. Nous avons l'intention de reprendre la politique fiscale du ministre, morceau par morceau, pièce par pièce, et en particulier, dans le domaine de l'indexation. Nous n'avons pas été satisfaits des réponses qui ont été données, tant par le ministre des Finances que par le premier ministre, notamment lors de la motion que j'avais l'honneur de présenter en Chambre, il y a quelques jours.

Il est vrai qu'en chiffres absolus, l'indexation fait épargner des montants d'impôt plus élevés aux classes les plus aisées. Si l'on considère les montants des diminutions d'impôt sur le revenu qui pourraient s'ensuivre à la suite de la mise en vigueur d'un système d'indexation, on se rend compte, par exemple, que, pour les petits salariés qui gagnent $4,000, le système d'indexation, pour un célibataire, ne lui rapporterait que $12.32, tandis que pour une personne qui a des revenus de $40,000, cela représenterait un montant de $119.70.

Mais ce qui est vrai aussi et sans doute ce qui est le plus important du point de vue d'un système...

M. GARNEAU: C'est une question de règlement, parce que je ne veux pas faire de procédure inutile, M. le Président, sauf que je me demande si, suivant les règlements de l'Assemblée nationale, —je n'y pensais pas, mais c'est le chef de l'Opposition qui vient de me le souligner en se référant au débat qu'il y a eu en Chambre — on peut reprendre deux fois le même débat durant la même session, sur un même sujet? Evidemment si on reprend le débat, je n'ai pas d'objection, mais ce sera une deuxième fois, tout simplement, et je me demandais si, d'après nos règlements, une telle attitude était possible.

M. MORIN: M. le Président, il est de tradition dans toutes les commissions parlementaires, y compris celle-ci, qu'après l'exposé général du ministre, l'Opposition ait le droit, elle aussi, de faire un exposé général sur tous les aspects de la politique du ministère. C'est ce que je suis à faire. Et j'ai l'intention, d'ailleurs, à la suite de cet exposé préliminaire, de poser des questions très précises, en matière d'indexation, au ministre.

M. GARNEAU: Je n'ai pas d'objection à reprendre le débat, sauf que je veux que la commission soit bien consciente que, suivant les règlements, je ne pense pas qu'on pourrait reprendre une deuxième fois le débat sur l'indexation, compte tenu de la motion que le chef de l'Opposition a présentée à l'Assemblée nationale.

M. MORIN: II ne s'agit pas, M. le Président, à proprement parler, d'un débat. Il s'agit d'une prise de position initiale, d'une déclaration initiale, avant l'étude des crédits, comme cela se fait dans toutes les commissions, et à la suite de cette déclaration initiale — que le ministre peut considérer comme un débat, s'il le veut, mais cela n'en est pas un de notre point de vue — j'ai l'intention de poser des questions au ministre, comme cela se fait dans toutes les commissions, et j'espère que le ministre aura la bonne grâce de s'y prêter.

M. GARNEAU: Personnellement, je n'ai pas objection à y répondre, sauf que je veux que personne ne soit dupe autour de la table, c'est tout ce que je veux souligner. Alors, le chef de l'Opposition peut continuer quant à moi.

LE PRESIDENT (M. Brisson): M. le député de Laporte.

M. DEOM: Sur cette même question de règlement, M. le Président, je suis entièrement d'accord avec le ministre des Finances, parce que ce serait faire double emploi avec la discussion qui est prévue dans nos règlements sur le discours du budget. Il faut faire, je pense, la distinction, en ce qui concerne plus particulièrement et presque exclusivement le ministère des Finances, entre son rôle d'élaborateur de la politique fiscale de tout le gouvernement et son rôle comme gestionnaire d'un ministère.

Je pense qu'ici tout ce qu'on devrait discuter, c'est son rôle de gestionnaire. Quant à son rôle d'élaboration de la politique fiscale, je pense que nos règlements prévoient que cela doit être discuté pendant le débat sur le discours du budget. Pour ma part, je suis bien prêt à le faire, mais je pense qu'on ne devrait pas répéter ce qui va être dit ou ce qui a été dit à l'Assemblée nationale sur le discours du budget.

M. MORIN: M. le Président, je crois que le député de Laporte ne s'est pas donné la peine de lire le journal des Débats, rapportant les diverses interventions qui ont eu lieu dans cette même commission, à l'étude des crédits du ministère des Finances au cours des années passées, parce que s'il l'avait lu, il aurait constaté amplement que, lors de l'étude de ces crédits, il est permis de discuter aussi bien la politique fiscale du gouvernement que sa gestion. Je pense que le ministre n'osera pas dire le contraire.

M. GARNEAU: ... je restreignais mes remarques. Je pense que le député de Laporte faisait référence en l'élargissant au débat sur une motion particulière qui était celle présentée par le chef de l'Opposition concernant l'indexation. Mais je veux répéter une fois de plus que, personnellement, je n'ai absolument pas objection à prendre deux ou trois jours s'il le faut

pour vider cette question — du moins, je pense bien qu'elle ne sera jamais vidée — mais, à toutes fins utiles, à en discuter encore une fois et de répondre aux questions du chef de l'Opposition. Je voulais quand même souligner cet aspect. Quant à moi, la procédure, je suis bien prêt à la laisser tomber et laisser aller le chef de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je tiendrais à souligner à la commission que, selon l'article 99, il est interdit à un député qui a la parole de revenir sur une question qui a été décidée pendant la session en cours. Mais tel que l'a mentionné l'honorable ministre des Finances, si la commission est d'accord, il peut y avoir des questions posées modérément et, si le ministre est prêt à y répondre, personnellement, je peux en donner la latitude à la commission.

M. GARNEAU: Je n'ai pas objection, je voulais tout simplement le souligner. Le chef de l'Opposition peut y aller.

M. MORIN: Je vous remercie, M. le Président. Je puis vous assurer — j'espère que cela a été évident jusqu'ici, je pense que cela l'a été durant nos débats — que toutes ces questions seront posées, comme vous le dites gentiment, modérément. Vous voulez sans doute dire avec modération. Je peux rassurer le président, je peux rassurer le ministre, ces questions sont d'ordre technique et nous allons les traiter comme telles. Mais je crois qu'elles ne doivent pas être passées sous le tapis, sous prétexte qu'on en a discuté en Chambre.

J'étais donc à dire, M. le Président, qu'en chiffres absolus, on peut soutenir que les gens à revenu élevé peuvent profiter davantage de l'indexation que les gens à revenu modeste. Mais ce qui est vrai aussi — et j'allais dire au moment où j'ai été interrompu que c'est probablement ce qui est le plus important — si on se situe dans la perspective d'un système fiscal équitable et redistributif, c'est qu'en termes relatifs, en termes de pourcentage, l'indexation réduit beauoup plus le fardeau des petits contribuables que celui des contribuables aisés.

Là-dessus, on pourrait avoir une période d'échanges détaillés avec les chiffres en main. Je ne suis pas loin de croire que le premier ministre jouait assez lestement avec les chiffres l'autre jour, parce qu'un véritable économiste, un économiste qui aurait de véritables diplômes dans ce domaine, qui ne serait pas simplement un juriste quelque peu frotté de finances publiques, admettrait que la non-indexation réduit la progressivité du régime fiscal et qu'à l'opposé, l'indexation rétablit la progressivité du régime fiscal. C'est ce qu'on a constaté à tous les niveaux de gouvernement, à Ottawa et dans les autres provinces, forcément, où l'indexation a été établie. En d'autres termes, l'indexation, si on l'adoptait au Québec, en ce temps d'inflation galopante, produirait le résul- tat suivant: Elle maintiendrait les mêmes taux élevés par rapport aux revenus réels élevés et elle maintiendrait les mêmes taux bas pour les revenus réels bas.

En refusant d'indexer, le résultat qui se produit est le suivant: Les taux élevés, devant s'appliquer normalement à des revenus élevés, glissent et s'appliquent à des revenus réels de plus en plus moyens et faibles. Pendant ce temps, ceux qui sont à l'aise continuent à payer les mêmes taux, puisque le taux marginal est plafonné à 28 p.c. au-delà d'un revenu de $60,000. Je pense que le ministre des Finances, qui aura tout le loisir de me donner la réplique tout à l'heure, ne pourra tout de même pas nier cela.

En somme, la non-indexation réduit la progressivité et le caractère redistributif du système fiscal. Je pense que l'Opposition a déjà démontré, je ne veux pas revenir sur les chiffres que je donnais en Chambre l'autre jour, pour ne pas alourdir indûment nos échanges au sein de cette commission, que la non-indexation contribue à faire porter une partie de plus en plus grande du fardeau fiscal, donc du financement du secteur public, par les classes moyennes et les classes les plus défavorisées.

Un autre argument qui a été soumis pour démontrer que l'indexation ne pouvait pas devenir une politique au Québec, une politique fiscale du gouvernement, c'est que les dépenses, elles aussi, augmentent en fonction du coût de la vie et que le gouvernement, faisant face à des dépenses beaucoup plus considérables, doit pouvoir profiter de la hausse des taux d'imposition qui résulte de l'inflation. Le raisonnement, un peu simpliste, est le suivant: L'inflation existe pour les particuliers, donc il est juste que le gouvernement rafle la hausse d'impôt qui résulte de la hausse des revenus, parce que, lui aussi, le gouvernement doit faire face à des dépenses accrues en fonction de l'inflation. Le premier ministre a estimé que le coût supplémentaire dû à l'inflation se situait entre $400 millions et $500 millions, j'entends dans les dépenses publiques. A notre avis, cette estimation est trop élevée. J'ai l'intention d'interroger le ministre et ses hauts fonctionnaires, tout à l'heure, à ce sujet. Mais même si le chiffre était exact, $400 millions ou $500 millions, il reste que les revenus, eux, ont connu une augmentation d'environ $827 millions. Si je ne m'abuse, cela fait un surplus des revenus par rapport aux dépenses qui se situe entre $300 millions et $400 millions. Pour être plus précis, prenons le seul impôt sur le revenu des particuliers, que nous proposons d'indexer, bien sûr. Le coût de l'indexation a été estimé par le ministre des Finances, il y a quelque temps, à $70 millions. Or, l'augmentation de revenus prévue à l'égard de ce seul impôt sur les revenus des particuliers, est de $367 millions, puisque le produit de cet impôt va passer de $1,663 millions à $2,020 millions, une augmentation de rendement de l'ordre de 22 p.c. Devant des chiffres comme

ceux-là, je ne pense pas que le premier ministre ou le ministre des Finances — mais c'est surtout le premier ministre qui, à vrai dire, a soutenu cette thèse en Chambre, je ne me souviens pas si le ministre des Finances l'avait épousée, il pourra nous donner son sentiment là-dessus un peu plus tard — je ne pense pas, dis-je, que le premier ministre puisse, avec vraisemblance, soutenir que ce qui l'empêche d'indexer, c'est la croissance des dépenses gouvernementales à cause de la hausse du coût de la vie.

Il est évident que les revenus croissent beaucoup plus que les dépenses et on comprend mal que le gouvernement refuse d'indexer l'impôt sur le revenu des particuliers, ce qui aurait pour effet, à notre avis, d'annuler, en tout cas de freiner la hausse automatique d'impôt que comporte le taux élevé d'inflation que nous connaissons actuellement.

Cela étant dit, M. le Président, je voudrais maintenant demander au ministre s'il a fait effectuer, par ses recherchistes, une étude sur les effets possibles de l'indexation au Québec. Est-ce qu'il a fait étudier les effets sur la baisse de l'impôt, pour chaque classe de contribuables, qu'entraînerait cette indexation? Est-ce qu'il a fait faire des recherches sur le coût total d'une indexation qui serait semblable, par exemple, à celle du gouvernement fédéral, si elle était appliquée au Québec, bien sûr?

Est-ce qu'il s'est penché sur le problème des années à venir, si la hausse du coût de la vie continue de connaître les taux dont nous avons été témoins depuis l'an dernier? Parce que, déjà, il existe un écart entre le régime fiscal québécois et celui du pouvoir fédéral et des autres provinces, est-ce que — et je me place dans la perspective fédéraliste qu'affectionne le ministre des Finances, puisque nous sommes dans cette perspective — le ministre peut nous dire si cet écart ne va pas aller croissant au cours des années qui viennent, s'il maintient son refus, le refus du gouvernement, d'adapter le système d'indexation aux conditions québécoises?

Après tout, c'est le ministère dont nous étudions les crédits qui fait les études prévisionnelles de revenus fiscaux à court et à long termes par son service général de la planification. Ma question est donc la suivante, en résumé: Est-ce que le ministre a fait faire des études sur les effets de l'indexation?

M. GARNEAU: Je dois dire d'abord au député de Sauvé que ses remarques générales du début concernant les effets de l'indexation en pourcentage de ce que peuvent gagner, par cet effet de l'indexation, différentes catégories de salariés, m'apparaissent fondées. D'ailleurs, je n'ai jamais mis cela en cause. Ce que nous avons mis en cause, c'est le fait de savoir comment un gars qui gagne $6,000 par année, si on lui dit dans un beau discours que l'indexation lui a épargné 13p.c. ou 14 p.c. d'impôt, alors que, dans le cas du plus gros salarié de $35,000 ou de $40,000, on lui dit, dans le même discours, qu'au lieu d'avoir 13 p.c. ou 14 p.c, il n'en aura que 8 p.c. ou 9 p.c. Evidemment, cela serait uniquement leur raconter des histoires et prononcer des paroles en l'air, parce que, ce qui importe pour le contribuable, c'est la situation en termes de revenu net dont il peut disposer pour les fins de sa consommation, de ses investissements ou de son épargne.

Alors, c'est en considérant les effets d'une telle analyse que nous avons opté, non pas pour l'indexation, et j'ai déjà eu l'occasion de le mentionner publiquement dans un débat trop court que j'ai eu avec le chef de l'Opposition et le député de Beauce-Sud à la télévision... Je n'ai jamais mentionné qu'il n'y aurait jamais d'indexation. Ce que j'ai alors indiqué au chef de l'Opposition — je l'ai dit en Chambre, je l'ai dit ailleurs, le premier ministre, je crois, l'a répété lui aussi — c'est qu'il faut regarder le problème de l'indexation dans un contexte plus large.

D'abord, ce que cela signifie véritablement pour le contribuable. Deuxièmement, quelles sont les disponibilités, quelles sont les sommes que le gouvernement peut affecter à des modifications fiscales. A partir de ces deux considérations, faire des choix. Nous avons opté — et j'ai eu l'occasion de le dire, après avoir considéré que l'indexation était plus avantageuse pour les gros salariés que pour les petits, totalement, parce que les pourcentages, évidemment, c'est beau dans les discours, mais cela ne donne pas d'argent de plus aux contribuables — pour une autre voie, celle des allocations familiales augmentées et non taxées. Egalement, l'augmentation de l'exonération, de l'exclusion pour fins d'impôt des salariés qu'on peut appeler des salariés à revenu modeste, c'est-à-dire d'augmenter de $5,000 à $5,200, avec l'addition d'avantages fiscaux qui se traduisent par des sommes pouvant aller jusqu'à $200 pour des gens mariés qui gagnent moins de $5,800, avec une moyenne de $120 de gain, ce qui nous apparaissait beaucoup plus avantageux pour le salarié moyen ou le petit salarié, si vous voulez, le gagne-petit, que n'aurait pu lui apporter, à ce contribuable d'une même classe de revenu, l'indexation.

On ne peut pas partir du principe, comme je l'ai dit, que lorsqu'il n'y en a plus, il y en a encore; c'est-à-dire qu'il nous faut faire des choix. On ne peut pas dire qu'on va faire l'indexation qui va nous coûter $70 millions à $75 millions, en même temps, ne pas taxer les allocations familiales et les augmenter, et en même temps, accorder des bénéfices de l'indexation au niveau des salariés de l'Etat qui nous coûtera cette année environ $185 millions à $200 millions. Il fallait faire des choix. C'est compte tenu des avantages réels que donnait ce choix aux gagne-petit, aux familles, que la décision gouvernementale a été prise.

Le chef de l'Opposition, dans ses remarques générales, a également parlé de la progressivité des tables. Son point de vue, son propos serait

juste si, en même temps, il nous disait que, suite à l'indexation, il fallait augmenter les taux, c'est-à-dire augmenter la balance des taux effectivement cotisables auprès des contribuables, parce que si nous ne modifions pas nos taux et que nous indexons les tables et les exemptions de base, il est évident que la progressivité non seulement n'augmenterait pas, mais diminuerait, parce que l'exemption de base étant indexée, le montant autrement payable d'impôt par le contribuable, le taux sera applicable à un montant restreint du montant d'indexation de base.de l'exemption de base.

C'est donc dire que, pour être complet, le chef de l'Opposition devrait dire qu'en même temps qu'il suggère l'indexation, il suggère également une augmentation des taux, sans quoi la progressivité dont il parle, non seulement ne serait pas réelle, mais elle serait négative. Lorsqu'il souligne que le poids de la non-indexation est supporté par les classes moyennes, je lui dis que s'il modifie les taux pour maintenir une progressivité égale ou plus grande, à ce moment, quand on connaît les tranches de contribuables, on s'aperçoit que la masse des contribuables se situe, en termes de volume d'impôts payés, entre probablement $8,000 et $15,000 ou $16,000. C'est justement ce qu'on appelle les classes moyennes. Si on maintient ou si on parle du principe que souligne le chef de l'Opposition d'augmenter la progressivité, cela veut dire qu'on augmenterait les taux de montants sans doute plus élevés que l'indexation pour les impôts autrement payables à partir de l'augmentation de base, ce qui m'apparaît être un alourdissement du fardeau des classes moyennes.

Maintenant, quand il m'a parlé du coût de l'inflation au trésor public, le premier ministre a parlé d'un montant de l'ordre de $400 millions. Les évaluations que nous avons présentement nous indiquent que cela se situe dans cet ordre de grandeur. Seulement l'indexation des salaires des employés du secteur public et parapublic représente entre $185 millions et $200 millions.

Si on prend des secteurs aussi restreints que la pose d'asphalte pour le ministère des Transports, l'achat de ciment asphaltique, le concassé, les taux d'augmentation sont de l'ordre de $40 millions uniquement pour ces deux secteurs, pour maintenir le niveau d'activité du ministère des Transports, section voirie, égal à ce qu'il était l'an passé.

A deux catégories du budget, c'est-à-dire les salaires et la pose d'asphalte, ciment asphaltique et concassé, on est déjà rendu à $240 millions. Si on ajoute à cela l'augmentation des coûts imputable aux réseaux qui sont subventionnés totalement par le gouvernement dans le cas des Affaires sociales, secteur santé et tout ce qui s'y rapporte, de même que notre contribution au réseau de l'Education, en plus de ce que nous contribuons pour le réseau municipal, je pense que le montant avancé de $400 millions est loin d'être excessif. Nous poursuivons d'ailleurs des études dans ce secteur et, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons le résultat assez précis pour ce qui est des secteurs sur lesquels il fallait prendre des décisions rapides au ministère des Transports, section voirie. Les études se poursuivent dans les autres ministères, mais l'ordre de grandeur que le premier ministre a indiqué m'apparaît être fort près de la réalité, de ce que sera la réalité.

Le chef de l'Opposition s'est également référé à des études sur l'indexation en me demandant si le ministère, section de la recherche économique et fiscale, a fait des études. Evidemment, nous en avons fait et c'est à partir de ces études que nous avons opté — compte tenu de la marge de manoeuvre dont nous pouvions disposer et des clientèles que nous voulions favoriser, en particulier les familles et les salariés à revenu modeste — que nous avons pris notre décision, de même qu'à partir de l'étude à laquelle j'ai référé tout à l'heure et qui est incluse à la page 56 de mon exposé budgétaire, c'est-à-dire la comparaison du fardeau fiscal, sur une base comparable, entre les contribuables des différentes provinces, en particulier nos voisins immédiats, le Nouveau-Brunswick et l'Ontario. Parce que, étant donné que la taxation fédérale s'applique également à toutes les provinces canadiennes, pour être compétitifs en termes d'effort fiscal et en termes de développement économique, nous devons faire nos comparaisons avec les citoyens des provinces voisines et en particulier, notre grand concurrent, l'Ontario. Malgré l'indexation, malgré le fait que l'Ontario a dû indexer automatiquement — parce qu'elle n'a pas l'autonomie fiscale que le Québec a, elle a dû se plier à la décision du gouvernement fédéral — et compte tenu des avantages des allocations familiales et des exclusions d'impôt qui ne comprennent pas les annonces que j'ai faites dans le discours du budget, parce que l'étude avait été complétée antérieurement aux décisions prises dans le cadre du discours du budget, le résultat de cette étude indique clairement que l'objectif que le gouvernement du Québec recherchait — qui est de favoriser, sur le plan fiscal, les familles et les salariés à revenu modeste — est atteint. Il est atteint puisque pour une personne mariée avec deux enfants à charge de moins de douze ans, le fardeau fiscal comparable entre le contribuable québécois et le contribuable ontarien est à l'avantage du contribuable québécois jusqu'à $8,000.

Pour ce qui est d'une famille de quatre enfants à charge, deux de moins de douze ans et deux entre douze et seize ans, l'avantage pour le Québécois, comparativement à son collègue de l'Ontario dans la même situation, se situe entre $12,000 et $18,000, probablement autour de $14,000, où le contribuable québécois est dans une situation plus avantageuse. Ce qui démontre...

M. MORIN: Nous reviendrons d'ailleurs sur cette question.

M. GARNEAU: Le chef de l'Opposition m'a demandé si nous avions fait des études et je lui réponds que nous avons fait ces études et, comme notre objectif était de favoriser d'abord les gagne-petit et les contribuables qui ont charge d'enfant, l'étude que nous avons poursuivie démontre que cet objectif que nous recherchions a été atteint ou est atteint, et même d'une façon plus grande que ce qui paraît dans le tableau de la page 56 du discours du budget, parce que ça ne comprend pas les exclusions pour fins d'impôt qui ont été portées à $5,200 et les avantages pour les contribuables jusqu'à $5,800 et un peu plus.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Frontenac a demandé la parole.

M. LECOURS: M. le Président, je préfère plutôt défendre les travailleurs qui ont des petits salaires plutôt que les pauvres gars qui gagnent $60,000 par année, comme le fait le député de Sauvé. Moi, j'ai une question bien simple à vous poser et j'aimerais avoir une réponse. Chez moi, j'ai des travailleurs qui tombent malades, qui reçoivent $90 par semaine d'assurance-maladie de compagnies privées et on leur enlève $10 par semaine d'impôt, à la source. Je trouve ça inconcevable, alors qu'ils ont besoin de plus d'argent parce qu'ils sont malades. Ils sont habitués de gagner $150 par semaine, ils ont $90 par semaine et on leur enlève $10 d'impôt par semaine.

M. GARNEAU: La fiscalité québécoise est faite de telle sorte que le rapport d'impôt est sur une base annuelle. Ce contribuable dont vous parlez, j'imagine qu'il est marié?

M. LECOURS: Oui, il a une famille.

M. GARNEAU: Si vous parlez d'un contribuable marié qui gagne $90, ce bonhomme au terme de son année, va recevoir, du ministère des Finances, le remboursement complet. J'aimerais bien pouvoir agir autrement ou suggérer une façon différente d'agir, mais il se pourrait fort bien que ce même contribuable, qui est malade pendant trois mois et qui est sur une base salariale de $90 par semaine, revienne sur le marché du travail pour le reste de l'année à $200 ou $250 par semaine, ce qui le placerait à un niveau où il devrait payer de l'impôt, normalement, parce que ça dépasserait $5,200 ou $5,850, avec la provision pour adoucir le transfert entre une classe et l'autre. A ce moment-là, il serait obligé de payer de nouveau de l'impôt au fisc québécois. Alors, comme on a le rapport sur une base annuelle, on est obligé de le retenir et attendre au terme de l'année pour voir s'il a gagné moins de $5,200 ou $5,850, pour déterminer le montant d'impôt précis qu'il a à payer. Mais s'il avait $90 par semaine pendant toute l'année, les sommes qui auraient été retenues à la source lui seraient remboursées lorsqu'il fait son rapport d'impôt.

M. LECOURS: Mais il faut reconnaître, M. le ministre, que, pour ces gens, avec une famille, $90 par semaine, se faire enlever $10 alors qu'on n'en a pas assez pour faire manger ses enfants, c'est une situation qui est inacceptable quant à moi. C'est pour ça que je prends leur défense aujourd'hui. Je demande au ministre de trouver un moyen, peut-être avec une réglementation différente, pour permettre à ces gens de conserver au moins leurs $90 qui leur permettraient de vivre un peu, au moins.

M. GARNEAU : Je ne vois pas quel genre de réglementation on pourrait faire, parce que ça pourrait placer un nombre important de contribuables dans une situation où, en faisant leur rapport d'impôt, ils auraient des sommes assez importantes à payer.

Si la personne gagne $7,000 au terme de son année et qu'il n'y a pas eu de retenue à la source pour une période de temps, elle sera obligée de payer la somme totale dans un seul montant, et cela la placera peut-être dans une situation de caisse personnelle plus difficile. Mais quand même, si l'on fait abstraction de cet inconvénient qu'il est difficile de contourner par une réglementation, l'objectif que poursuit ou qu'exprime le député de Mégantic autrefois, qui s'appelle comment maintenant...

M. LECOURS: Frontenac.

M. GARNEAU: ... Frontenac, est exactement celui que nous recherchions et maintenant le bonhomme peut gagner jusqu'à $100 par semaine sans devoir payer de l'impôt. J'aimerais bien cela s'il y en a qui pouvaient me suggérer une réglementation véritablement opérationnelle pour éliminer cette retenue à la source. Pour nous, ce n'est pas une question de vouloir faire de l'argent avec quelqu'un, c'est que l'on se demande comment on pourrait procéder autrement d'une façon équitable.

S'il y en a qui ont des suggestions à faire et qui pourraient être considérées administrables, non seulement par le ministère du Revenu, mais également par les entreprises qui ont l'obligation, de par la loi, de faire des retenues à la base, je suis bien ouvert à avoir des suggestions de ce côté-là.

M. LECOURS: Est-ce que le ministre est prêt à considérer de faire analyser cette situation?

M. GARNEAU: On l'a déjà regardée et elle a même été analysée antérieurement à mon arrivée au ministère, au moment où le gouvernement précédent avait incorporé la mesure d'exclusion pour fins d'impôt au niveau de $4,000. Maintenant, cela est passé à $5,200 et il n'y a eu, ni dans ce temps-là, ni aujourd'hui, une réglementation suffisamment articulée et qui permettrait d'être équitable envers les autres contribuables québécois et aussi qui puisse être administrée d'une façon rentable et

ne pas contenir des trous qui inviteraient à la fraude fiscale.

Je voudrais souligner peut-être un autre point, parce que je l'avais oublié et cela me revient en mémoire, dans la remarque générale du chef de l'Opposition. Les prévisions que j'ai annoncées de l'impôt sur le revenu des particuliers, pour l'année 1974/75, à $2,020 millions représentent une augmentation de 21.5 p.c. sur l'année antérieure.

M. MORIN: D'accord.

M. GARNEAU: Mais si je prends, par exemple, l'année 1973/74 par rapport à l'année 1972/73, on avait 21.4 p.c.

C'est donc dire qu'en termes de taux de croissance du rendement de l'impôt sur le revenu des particuliers, pour 1974/75, même si le taux d'inflation est plus grand, les projections de revenus, en termes de taux de croissance, ne s'éloignent pratiquement pas du rendement de 1973/74 par rapport à 1972/73. J'aime souligner, M. le Président, qu'en déterminant ce taux d'augmentation de l'impôt sur le revenu des particuliers, nous ne sommes pas tellement conservateurs, même s'il est de mise, pour un ministre des Finances, d'être plus prudent qu'autrement, parce qu'il a la responsabilité des finances du Québec. Il ne doit pas induire en erreur non seulement ses collègues, mais la population. Le taux de rendement des points d'impôt sur lesquels nous nous sommes appuyés au Québec se compare à ce que le gouvernement fédéral croit devoir percevoir au Québec. Nous l'avons appris par la suite, parce que nos budgets ont été déposés d'une façon séparée, il se compare au taux de croissance du rendement du point d'impôt que le fédéral croit devoir percevoir au Québec, mais notre taux de rendement se situe quand même à un niveau, par point d'impôt, supérieur aux prévisions faites par d'autres provinces.

C'est donc dire que, sur ce plan, je ne crois pas que nous ayons sous-estimé nos revenus d'impôt au chapitre des revenus des particuliers.

M. MORIN: M. le ministre, avant de revenir aux aspects plus généraux du débat, je voudrais reprendre la question du député de Frontenac. Je l'ai trouvée fort intéressante et fort concrète.

M. GARNEAU: C'était à point après les travaux de l'indexation.

M. MORIN: Oui. La raison pour laquelle vous voyez une difficulté à trouver une solution pour ces gagne-petit et particulièrement dans les situations auxquelles le député de Frontenac a fait allusion, ce sont des difficultés de caisse personnelle que pourrait affronter un contribuable qui, en fin d'année, découvrirait que finalement...

M. GARNEAU: ... oui.

M. MORIN: ...son revenu, étant donné qu'il n'aurait pas été sans travail toute l'année, serait peut-être de $7,000 ou $8,000. Je ne sais pas si cet argument me convainc totalement. C'est vrai qu'il pourrait avoir des difficultés de caisse. Mais, est-ce que le ministre ne pense pas que le bonhomme qui se trouve avec $90 par semaine a des difficultés de caisse à l'année, alors que celui qui se ramasse avec $6,000 ou $7,000 à la fin de l'année peut avoir des difficultés de caisse, mais qui sont proportionnellement moins grandes?

M. GARNEAU: C'est un aspect. L'autre aspect du problème, c'est qui va déterminer à quel moment une contribution d'un employeur ou d'un agent quelconque, que ce soit une compagnie d'assurance ou d'autres sources... Ou, qui va dire à cet agent payeur: Le montant que tu fais et que tu paies se situe au niveau d'un employé ou d'une personne dont le revenu annuel ne sera pas imposable? Qui est-ce qui va donner cette information à l'agent payeur, c'est-à-dire au type responsable des paiements, soit dans l'entreprise, soit à la compagnie d'assurance, soit à un autre organisme quelconque qui fait des versements sur une base de rémunération pour une personne? Qui est-ce qui va dire à cet organisme : Dans ce cas, tu fais la retenue, dans l'autre cas, tu ne la fais pas, tu la fais pour deux semaines, alors que l'autre, tu la fais seulement pour quatre semaines? Il y a cette complexité, à savoir qui va prendre la décision et suivant quelles directives.

Je comprends le problème. C'est clair. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons opté pour l'augmentation de l'exclusion pour fins d'impôt plutôt que l'indexation, pour avantager le contribuable à revenu modeste. Mais sur le plan de l'administration quotidienne du ministère du Revenu, après en avoir causé avec les gens du ministère — mes prédécesseurs l'avaient fait en 1967 ou 1968 — on ne voit réellement pas comment pourrait se transmettre cette information.

D'un autre côté, on ne veut pas laisser non plus à autant d'agents économiques dans tout le Québec la possibilité de prendre eux-mêmes une décision qui, en fait, ne leur appartient pas. C'est en termes de difficultés administratives seulement que le problème se pose pour nous, parce que les sommes d'argent en cause sont quand même marginales, dans le cadre de l'ensemble du budget.

M. MORIN: N'y aurait-il pas un moyen de trouver une solution pour les gens qui se trouvent, de façon permanente, ou quasi permanente, dans un pareil cas à recevoir $90 par semaine?

M. GARNEAU: La seule voie...

M. MORIN: J'imagine que le député de Frontenac songeait aussi à ces cas.

M. GARNEAU: La seule voie que l'on pouvait analyser, qui m'avait été soumise, mais qu'on ne voulait pas me conseiller en termes d'application, c'était sur la base d'une déclaration solennelle au début de l'année. C'est assez difficile de demander à un gars de déclarer solennellement au début de l'année qu'il ne prévoit pas gagner plus de $5,200 durant son année. Il faut comprendre, d'abord, que tous les paiements d'aide sociale n'ont pas de retenue au point de départ. Il s'agit donc d'employé ou de personnes qui reçoivent des rémunérations, soit sur une base de salaire ou d'assurance-salaire; cela serait peut-être la seule voie qui pourrait nous permettre éventuellement d'exclure d'une façon totale les retenues à la source. Mais on me dit que cela donnerait des ouvertures à des exagérations qui pourraient placer le ministère du Revenu dans une situation extrêmement délicate en fin d'année, alors qu'il devrait demander des remboursements à des gens qui n'en ont pas. Cela nous impose de faire des saisies sur les gens, et comme le ministère du Revenu n'a pas la possibilité de faire des remises d'impôt à moins de les déclarer, par un geste public, en déposant le document sur la table de l'Assemblée nationale, ce serait à l'encontre de l'intérêt du contribuable lui-même, parce qu'il serait montré du doigt. Cela complique énormément l'administration.

M. MORIN: Oui, mais, M. le ministre, on le fait pour les étudiants déjà, ce système de déclaration solennelle.

M. GARNEAU: Oui, mais, au tenue de l'année, il n'y a pas de rapport d'impôt à faire et pour lequel il doit rembourser l'Etat si sa déclaration, au début de l'année, n'était pas bonne. Ce que l'étudiant fait ou ce que d'autres personnes font, c'est une question d'avoirs, de revenus ou de besoins, mais on ne peut pas faire cela pour le contribuable, parce que, lui, au terme de son année, il va être obligé de payer le montant s'il n'y a pas eu de retenue à la source. S'il n'a pas de liquidité pour le payer, cela oblige le ministère du Revenu à établir des poursuites et je ne pense pas que ce soit agréable pour personne de faire des remises d'impôt. Le ministère du Revenu et tout notre système fiscal sont de nature telle qu'on les élimine presque à 100 p.c. parce que je pense que c'est très rare que le ministre du Revenu dépose un document disant qu'il a fait une remise d'impôt à un contribuable pour une raison quelconque.

M. MORIN: Est-ce qu'on pourrait demander au ministre de continuer à étudier ce problème? C'est une des questions que j'allais lui poser plus loin, dans la suite des questions.

M. GARNEAU: Je n'ai certainement pas d'objection à poursuivre l'étude de ce côté.

J'ai tout simplement fait part des observations qui m'ont été faites encore pour la présentation de ce budget et j'ai également fait référence aux mêmes avis qui avaient été donnés à mes prédécesseurs lorsque le système a été mis en application.

Mais peut-être qu'avec la mécanisation et l'électronique qui existent, on peut peut-être raffiner davantage tout ce système, mais, personnellement, je n'ai certainement pas d'objection si on me trouve une formule qui soit réellement applicable.

LE PRESIDENT (M. Brisson): II est 12 h 30. Si vous permettez, nous allons suspendre nos travaux à quatre heures cet après-midi.

M. GARNEAU: Après la période des questions.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Oui.

M. MORIN: Je crois que cela convient aussi bien ainsi puisque les questions que j'allais aborder maintenant demandent un peu de temps. Vaut mieux alors remettre.

LE PRESIDENT (M. Brisson): La séance est suspendue jusqu'à quatre heures, après la période des questions.

M. MORIN: Est-ce que je peux demander au ministre s'il a l'intention de passer à l'étude des crédits du Conseil du trésor après le programme 1?

M. GARNEAU: Non. Cela irait après l'étude des crédits du ministère des Finances.

M. MORIN: A la fin.

M. GARNEAU: Oui, parce que c'est un autre ministère.

M. MORIN: Merci beaucoup. (Suspension de la séance à 12 h 29)

Reprise de la séance à 16 h 3

M. BRISSON (président de la commission permanente des finances, des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs! Nous en sommes à la discussion générale. Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Le député de Sauvé.

M. MORIN: Oui, M. le Président. Si vous voulez me donner un petit instant...

LE PRESIDENT (M. Brisson): En attendant, je veux souligner que M. Boutin, de Johnson, remplace M. Harvey, de Jonquière, et que M. Sylvain, de Beauce-Nord, remplace M. Levesque, de Bonaventure.

M. MORIN: Nous en étions à parler de l'indexation. La question que j'aimerais poser au ministre, pour faire suite à la discussion de ce matin — le ministre avait peut-être l'impression que c'était terminé, mais j'avais encore une question à poser, en tout cas, dans ce domaine-là — est la suivante. Est-ce que le ministre a fait étudier par son ministère, pour faire en sorte que le pouvoir d'achat des contribuables se maintienne en dépit de l'impôt, la solution que nous avons proposée, celle des crédits d'impôt? Est-ce que le ministre a fait étudier cette solution?

M. GARNEAU: Oui, M. le Président, nous avons analysé à fond cette question.

M. MORIN: Cela avait été proposé par la commission Bélanger, je crois.

M. GARNEAU: C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons opté, en principe, pour les allocations familiales non taxables, parce que c'était, à notre sens, plus avantageux que de réintroduire l'exemption des personnes à charge de $300 qui existe dans les autres provinces et qui existait au Québec antérieurement.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, nous considérons les allocations familiales non taxables comme étant un crédit d'impôt remboursable. Le problème fondamental n'en est pas un de principe, au point de départ, c'est tout simplement le coût, c'est-à-dire que tout dépend des sommes d'argent dont le Québec peut se priver pour appliquer un programme de crédits d'impôt qui soit complètement élaboré et aussi qui puisse s'intégrer, en termes de comparaison, avec l'effort fiscal des contribuables des autres provinces.

Si nous n'avons pas appliqué dans l'ensemble une formule de crédits d'impôt d'une façon complète, ce n'est pas parce que nous nous y opposons en principe, c'est tout simplement parce que le trésor québécois comme tel ne peut pas disposer actuellement d'une marge de manoeuvre suffisamment grande pour introdui- re, en sus des programmes existants d'exemption personnelle et d'exclusion pour fins d'impôt, un programme de crédits qui serait plus grand que celui qui a été donné via les allocations familiales non imposables.

M. MORIN: M. le Président, j'ai l'impression que la façon qu'a le ministre de qualifier les allocations familiales comme des crédits d'impôt nous empêche d'avoir un débat rationnel, parce que ce qu'il appelle un crédit d'impôt, nous appelons cela un paiement de transfert. Je pense...

M. GARNEAU: Si le crédit d'impôt est remboursable, c'est-à-dire le système d'impôt négatif, cela devient à toutes fins utiles un paiement de transfert pour un nombre X de contribuables.

M. MORIN: Oui. On va en reparler notamment lorsqu'on comparera les fardeaux fiscaux respectifs des contribuables québécois et onta-riens. Ce n'est pas pour tout de suite, cela viendra par la suite. Il est évident que les chiffres se trouvent sensiblement modifiés dans un sens ou dans l'autre si on inclut les allocations familiales comme un crédit d'impôt. Mais, j'aimerais attirer l'attention du ministre sur la définition que la commission Bélanger donne d'un crédit d'impôt. Cela se trouve dans le rapport de la commission royale d'enquête sur la fiscalité à la page 100: "Le crédit d'impôt, c'est un dégrèvement forfaitaire variant selon les conditions familiales du contribuable et déductible du montant de l'impôt à acquitter." Si on s'en tient à cette définition, qui me paraît la définition orthodoxe, celle qui a cours en matière fiscale, je me demande si le ministre n'aurait pas intérêt à se montrer un peu plus orthodoxe dans l'usage du vocabulaire parce qu'on ne peut plus se comprendre et cela brouille drôlement les contribuables s'il utilise des mots qui ont un sens technique précis pour décrire autre chose. On n'est plus capable d'établir des tableaux de comparaison et on ne parle pas le même langage.

M. GARNEAU: Je vais poser une question au chef de l'Opposition, s'il me le permet. Au lieu d'appliquer le programme d'allocations familiales comme nous l'avons fait par paiements directs aux mères de famille, si nous avions pris le même montant de l'ordre de $118 millions et qu'au lieu de le répartir de la façon que nous le faisons, c'est-à-dire à tous les mois pour un montant X d'après le nombre d'enfants, si nous avions dit: Le contribuable marié avec des enfants, lorsqu'il fait son rapport d'impôt, s'il a à payer $800 d'impôt, pourra déduire de son impôt un montant équivalant à ce qu'il reçoit aujourd'hui comme allocation familiale, à ce moment ce serait suivant...

M. MORIN: Ce serait une exemption.

M. GARNEAU: Non. Ce n'est pas une exemption. J'ai dit: Le montant d'impôt autrement payable.

S'il avait $800 d'impôt à payer et qu'on lui donne un crédit de $500 parce qu'il a deux ou trois enfants, ce serait l'administration conventionnelle d'un crédit d'impôt.

M. MORIN: D'accord.

M. GARNEAU: Au lieu de le faire via la formule d'impôt, parce qu'il faut trouver une façon aussi d'aider les familles qui ne paient pas d'impôt, toutes celles qui sont exclues... C'est pour ça que j'appelle les allocations familiales une forme de crédit d'impôt remboursable, en ce sens que c'est un impôt négatif. Le bonhomme qui paie zéro d'impôt, on ne peut pas lui donner un crédit diminué en bas de zéro, alors il faut lui faire un paiement. Au lieu de le faire à l'occasion de son rapport annuel d'impôt, ce qui le placerait dans une situation telle qu'il faudrait attendre à la fin de l'année pour lui donner l'avantage de toucher les sommes d'argent, pour tenir compte de ses charges de famille, au lieu d'appliquer le crédit d'impôt remboursable de façon orthodoxe, nous l'avons fait via la formule de paiement de transfert.

Mais, en termes de charges fiscales, pour le contribuable qui est responsable de famille, lorsqu'on prend son fardeau fiscal global, il faut en tenir compte comme si c'était un crédit d'impôt. Parce que, dans les autres provinces, lorsque nous faisons cette comparaison, nous tenons compte des exemptions personnelles, nous tenons compte des exemptions pour les enfants à charge et nous tenons compte également des allocations familiales que ces personnes reçoivent et de l'impôt qu'elles paient sur ces même allocations.

C'est pour ça que je dis que nous appelons les allocations familiales comme étant une forme, un équivalent de crédit d'impôt remboursable. Même si, sur le plan du dictionnaire ou du lexique fiscal, je suis bien prêt à reconnaître que cela n'est pas orthodoxe, nous trouvons que c'est beaucoup plus facile d'agir ainsi pour rejoindre la personne qui est responsable de famille mensuellement que par la formule de crédit d'impôt qui arriverait au terme de l'année, parce qu'on ne peut pas donner le crédit d'impôt avant que le bonhomme ne fasse son rapport.

M. MORIN: Je comprends bien le ministre, mais, comme on verra quand nous comparerons les fardeaux fiscaux des contribuables du Québec et ceux de l'Ontario, on verra que ça jette un élément d'incertitude dans la comparaison. Peut-être, puisque nous étions à parler d'indexation et que cela découle de la question de la hausse de coût de la vie, de l'inflation, peut-être devrions-nous, pendant quelques instants, nous pencher sur ce problème qu'on a discuté bien des fois en Chambre, bien sûr, mais je voudrais aborder certains aspects de manière plus spécifique. Tout le monde sait que nous avons un problème d'inflation galopante, tout le monde sait qu'avec la fin de la phase IV des contrôles économiques aux Etats-Unis, il risque d'y avoir une flambée encore plus importante des prix.

Est-ce que le ministre pourrait nous dire, comme première question, comment il évalue les conséquences, pour le Québec et pour ses politiques fiscales, de la fin de la phase IV des contrôles économiques sur un certain nombre de matières premières aux Etats-Unis? Quel genre de répercussion cela peut-il avoir pour le Québec? Et quelles réactions, quelles mesures entend-il prendre?

M. GARNEAU: Si vous me parlez des réactions, comme cela s'est fait d'une façon graduelle, cela s'est transposé d'une façon graduelle sur les prix au Canada, mais je me sens réellement incompétent pour porter un jugement de valeur sur une question aussi complexe. Je pense bien que le chef de l'Opposition admettra qu'un grand nombre de spécialistes dans ce domaine ont fait des essais ou des prédictions ou ont tenté de tirer des analyses, mais avec des marges d'erreurs suffisamment grandes que je ne me sens pas en possession d'une boule de cristal suffisamment claire pour donner une appréciation qui serait autre qu'une interprétation personnelle avec toutes les limites que cela comporte.

M. MORIN: Est-ce que le ministre a fait étudier cette question par son service de recherche?

M. GARNEAU: Ce que nous avons fait, ce que nous avons tenté, surtout au niveau des gens de la direction de la recherche économique et fiscale, moi-même et d'autres fonctionnaires du ministère avons eu des rencontres avec des spécialistes-économistes américains qui ont suivi de près l'évolution de cette question, je pense, entre autres, à M. Kaufman. Nous avons assisté à des colloques où des experts américains sont venus donner des points de vue, comme Milton Friedman. Je me suis fait transmettre des copies de conférences que d'autres spécialistes ont prononcées là-dessus, mais l'analyse qui peut en être faite, c'est une analyse à partir d'évaluations d'économistes américains qui se situent à l'intérieur d'une fourchette très large.

M. MORIN: Dans le domaine des politiques anticonjoncturelles, le seul document que l'on possède au Québec, peut-être même au Canada, sur l'efficacité des politiques anticonjoncturelles dans un Etat fédéral...

M. GARNEAU: Avant que le chef de l'Opposition touche à ce sujet, s'il nous le permet, en parlant d'inflation, ce que je voudrais ajouter, c'est que la tendance qui a cours, à tort ou

à raison — remarquez bien que je ne pourrais pas porter de jugement de valeur là-dessus — dans les pays occidentaux, industrialisés, actuellement, c'est que toute situation qui les place à la moyenne ou en dessous de la moyenne de ses concurrents, en termes d'inflation, est une situation avantageuse. C'est un peu la réaction que l'on recueille dans les conversations que nous avons avec des gens de différentes institutions économiques, américaines ou européennes.

Dans ce cadre, les chiffres qu'on disposait récemment, d'ailleurs qui ont paru dans les journaux, donnaient des taux d'inflation dans les pays industrialisés du monde occidental, par exemple, le Japon avec 26 p.c, le Portugal avec 19 p.c, l'Italie avec 13 p.c, la France 11.5 p.c, la Suède avec 10.2 p.c. et le Canada, pour la période, je crois, de mars à mars, était en moyenne à 9.6 p.c. Même si le taux absolu est très élevé, comparativement à nos concurrents, on pourrait dire qu'actuellement, il n'y a que l'Allemagne, dans les onze pays qu'on cite, qui se trouve à un niveau inférieur à celui du Canada.

M. MORIN: Oui, mais sur ce point, c'est certainement vrai pour le Japon, l'Allemagne et une multitude d'autres pays, mais est-ce que, en ce qui concerne notre principal client, qui est tout de même les Etats-Unis, le taux canadien, qui jusqu'ici avait été quand même un peu inférieur, ne tend pas à se rapprocher du taux américain et, de la sorte, à faire disparaître l'avantage dont parle le ministre?

M. GARNEAU: Ce n'est plus vrai en ce sens que les chiffres étaient de février 1973 à février 1974, la moyenne des douze derniers mois terminés en février donnait le taux moyen américain à 10 p.c. et au Canada à 9.6 p.c. Donc, on est en deça quand même de l'évolution aux Etats-Unis. Cela démontre clairement, je pense, l'inefficacité du programme de contrôle des prix et des salaires qui a été mis en application aux Etats-Unis. En fait, cela n'a pas donné les résultats escomptés, loin de là.

M. MORIN: Est-ce que je peux vous demander, maintenant, de vous prononcer sur le système qui a été mis en place au niveau fédéral, ici au Canada?

M. GARNEAU: II n'y a pas eu de système de contrôle des prix et des salaires, mais le budget fédéral visait, je pense bien, à faire des ponctions auprès d'un secteur particulier de l'activité économique pour donner un soulagement dans d'autres secteurs d'activité, mais si cela soulage quelque peu les misères de l'inflation, cela ne soulage pas l'inflation de la misère, pour employer une comparaison avec des textes philosophiques.

M. MORIN: Avez-vous terminé sur ce point?

M. GARNEAU: Oui, mais je voulais faire cette remarque en passant, étant donné que le chef de l'Opposition avait parlé de l'inflation. Je voulais au moins ajouter que, dans les rencontres qui ont eu lieu au cours des derniers mois avec différents groupes américains et européens, cette tendance à vouloir dire: Notre niveau d'inflation acceptable, c'est celui qui équivaut ou à la moyenne de nos concurrents ou un peu en deçà, même si le taux en soi...

M. MORIN: Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de chicaner trop le ministre des Finances sur le taux d'inflation qui sévit au Québec, parce que je me rends parfaitement compte que le Québec n'y peut pas grand-chose. Il n'a pas de pouvoir dans ce domaine, et la première condition de pouvoir agir, c'est d'y être autorisé par la constitution.

M. GARNEAU: Même les pays qui ont un pouvoir central très fort sont dans des situations ou pires ou comparables à la nôtre. Je pense aux Etats-Unis, par exemple, à la France, au Japon, notamment, un pays très fortement structuré à partir du haut, et il est dans une situation beaucoup plus difficile que la nôtre. La Suède, encore, est à un niveau supérieur au nôtre. Il ne faut pas, quand même, faire...

M. MORIN: Ce que le ministre nous dit, c'est qu'on fait ce qu'on peut. Mais nous autres, on n'est même pas placé pour faire ce qu'on peut.

M. GARNEAU: Vous essayez!

M. MORIN: Nous, on ne peut pas, le Québec ne peut pas. C'est simple. Même si vous le vouliez, admettez cela au moins, que vous...

M. GARNEAU: II faut s'apercevoir aussi que, même si nous avions le contrôle de la banque centrale, nous serions dans les mêmes situations que les autres gouvernements dans les autres pays qui ont ce contrôle de la banque centrale, et qui n'ont pas résolu les problèmes d'une façon plus efficace qu'au Canada, au contraire.

M.MORIN: Je n'ai pas envie de chicaner le ministre là-dessus, mais on pourrait peut-être examiner ce qui se fait à d'autres niveaux sur cette question du contrôle de la hausse des prix. Le seul document que je connaisse, à moins qu'il y en ait d'autres à la connaissance du ministre, au Québec ou au Canada, sur l'efficacité des politiques anticonjoncturelles dans un Etat fédéral, c'est la thèse de doctorat du professeur Yves Rabeau, dont il a déjà été question, je crois, aux crédits l'année dernière. J'ai cru retracer quelques commentaires du ministre là-dessus, mais que j'estime ne pas être suffisamment de nature à me renseigner sur les opinions du ministre. Est-ce que votre ministère

a eu le temps de consulter cette thèse de doctorat qui, je crois, a été soumise au Massachusetts Institute of Technology, et qui est intitulée: "The Federal-Provincial Fiscal Policies, a short-term analysis with application to the Quebec economy".

L'une des conclusions du professeur Rabeau était que les politiques fiscales fédérales sont la plupart du temps totalement inadéquates dans le cas du Québec. Est-ce que le ministre a pris connaissance de ces conclusions? Est-ce qu'il les a étudiées et quelle est sa réaction?

M. GARNEAU: Je n'ai pas pris connaissance de la thèse du professeur Rabeau. Je veux d'abord dire que le ministère des Finances a retenu les services de M. Rabeau pour faire une analyse de l'impact anticonjoncturel des budgets du Québec depuis un certain temps, son travail est passablement avancé, et M. Rabeau sera probablement en mesure de publier son travail technique au cours de l'été.

Je peux ajouter également que j'ai eu l'occasion, au cours de conférences fédérales-provinciales des ministres des Finances, d'indiquer certaines des faiblesses des politiques anticonjoncturelles du gouvernement fédéral et de faire des propositions précises sur certains moyens qui pourraient être pris pour jouer un rôle plus efficace pour le maintien d'un niveau d'emploi plus élevé.

Il faut ajouter que la situation que j'ai décrite à l'occasion de déclarations au cours de conférences fédérales-provinciales, si ma mémoire m'est fidèle, je crois l'avoir décrite ailleurs aussi, entre autres, à l'Institut canadien des affaires publiques. J'y avais, comme participant, abordé cette question, en indiquant que certains des instruments de la politique nationale n'étaient réellement pas appliqués en conformité avec les besoins régionaux. Je disais que l'analyse que nous avions faite, par exemple, en ce qui concerne l'emploi et qui est le même dans les Maritimes, à Terre-Neuve, et dans certaines provinces comme le Manitoba et la Saskatchewan, indiquait clairement qu'à notre sens — je ne prétends pas avoir la vérité absolue et je m'en garde bien parce que c'est dangereux — cela nous incitait à recommander au gouvernement fédéral de réfléchir en vue d'en arriver à une régionalisation de certaines de ses politiques nationales. Il y avait entre autres, ai-je dit, la politique du taux d'intérêt, non pas en termes des taux bancaires, parce qu'on sait bien qu'à cause de la fluidité et des transferts d'une succursale à l'autre, d'une province à l'autre, cela serait illusoire, mais en termes des autres instruments, comme par exemple, les taux d'intérêt de la Société centrale d'hypothèques et de logement, de la Banque d'expansion industrielle, ce qui a été retenu dans le cadre des taux d'intérêt préférentiels pour les petites entreprises, ça peut certainement s'appliquer dans d'autres secteurs.

Tout ce que le gouvernement fédéral a accepté de faire, suite à une recommandation qui avait été faite par le premier ministre en 1970 et qui a été mise en application finalement en 1971 et un peu améliorée en 1972, c'a été la caisse d'aide conjoncturelle où les prêts étaient effectués dans chacune des provinces pour soutenir l'emploi en période d'hiver, avec des taux d'intérêt avantageux et des exemptions de remboursement qui étaient basées sur le taux de chômage. Il y avait un certain nombre de critères dont je n'ai pas tous les détails devant moi, mais qui correspondaient en quelque sorte à des conditions différentes en termes régionaux. Le gouvernement fédéral, jusqu'à maintenant, n'est pas allé plus loin que cela. Je pense que, presque à toutes les conférences des ministres des Finances depuis, j'ai attiré l'attention et de mes collègues et du ministre fédéral des Finances sur cette question, pour en arriver à rompre un peu cette rigidité de la technocratie fédérale qui voit dans des politiques nationales des choses complètement unifiées et qui peut-être, par leur manque de souplesse, n'atteignent pas les objectifs que le gouvernement fédéral lui-même désirait obtenir.

M. MORIN: Je vois que, sur ce point, vous êtes d'accord sur les conclusions du professeur Rabeau. Je vous encourage fortement à lire sa thèse, puisque je la trouve, sur ce point, fort éloquente. Il y a une autre conclusion qu'on retrouve chez Rabeau: "The analysis showed that lack of coordination had an adverse effect on the stabilization of income. It happens that when one Government has a fiscal policy which goes in the right direction, then the other Government offsets that favorable effect by a perverse action", ce qui veut dire une action en sens contraire ou qui ne concorde pas avec celle-là. En sorte qu'en matière de stabilisation, les politiques fiscales et provinciales se sont souvent annulées ou encore au pire, ont eu des effets dans la mauvaise direction. D'où on pourrait tirer la conclusion, M. le ministre — cela nous ramène à l'inflation — que les chances de réussite d'une politique fiscale antiinflationniste au Québec sont à peu près inexistantes.

M. GARNEAU: C'est un point de vue que vous me citez, c'est celui du professeur Rabeau. On pourrait prendre...

M. MORIN: J'ai tiré la conclusion, ici, dont il fait part.

M. GARNEAU: ... le point de vue de M. Raynauld, je pense que c'est dans un des documents qu'il a publiés récemment ou dans une conférence que j'ai lue; en tout cas, on me corrigera. Il soumet que les gouvernements ne devraient pas modifier leur politique budgétaire qui comprend l'aspect fiscal. De toute façon, à

cause de la complexité du système et de la multiplicité des agents économiques, au moment où un gouvernement agit, peu importe qu'il soit provincial ou fédéral, le délai qui doit nécessairement exister entre le moment où la politique est mise en application et les effets se font sentir —on joue toujours sur l'extrémité des périodes de pointe et des périodes de dépression — finalement, cela ne donne pas les résultats qu'on espère obtenir. Je ne crois pas que, du moins au cours des dernières années — je n'ai pas fait d'analyse qui remonte avant 1970 — mais si ma mémoire me sert bien, je ne connais pas de situation qui, depuis 1970, se soit produite et soit de nature telle qu'elle corresponde du moins à ce que le professeur Rabeau avait peut-être analysé antérieurement. Je ne crois pas qu'il y ait eu de contradiction entre les politiques fiscales, jusqu'à maintenant, du fédéral et des provinces qui pourrait nous permettre de dire que l'une a renversé les effets que l'autre voulait obtenir. Peut-être qu'antérieurement à 1970 le professeur Rabeau a sans doute raison de tirer ces conclusions pour la période de temps qu'il a analysée, mais depuis 1970, il n'y a pas d'événement ou d'élément qui me frappe et qui me porte à croire que telle aurait été la situation. Au contraire, je pense que, lorsque nous avons accordé des avantages fiscaux au secteur manufacturier, cela s'ajoutait, en quelque sorte, à ce que le gouvernement fédéral avait lui-même fait.

M. MORIN: M. le ministre, on a tenté de lutter contre ce phénomène de la hausse des prix de toutes sortes de façons. On a fait énormément de suggestions et le pouvoir fédéral lui-même a tenté de prendre des mesures, non pas exactement de contrôle, mais de surveillance. Quelle est votre évaluation de ces mesures jusqu'à aujourd'hui?

M. GARNEAU: Je pense bien que c'est une pression morale qui s'exerce sur les agents de l'économie, mais cela n'a pas été autre chose qu'une pression morale.

M. MORIN: On a proposé, d'autre part, des contrôles sélectifs sur certains prix si les invitations aux directeurs des centrales syndicales à négocier avec le gouvernement pour déterminer des augmentations maximales ou si d'autres moyens, comme l'impôt sur l'excédent des bénéfices des sociétés, se révélaient insuffisants à l'usage. Est-ce que vous vous êtes penché, M. le ministre, sur cette solution possible, celle d'un contrôle sélectif sur certains prix?

M. GARNEAU: Si vous me posez la question personnellement, je vous dirai: Non.

M. MORIN: Pourtant, c'est bien l'une des mesures qui est évoquée le plus souvent pour faire face à l'inflation galopante.

M. GARNEAU: Si l'on se reporte au pro- gramme américain de contrôle sur les prix de la viande, par exemple, qui était un élément important de l'inflation aux Etats-Unis, et qu'on constate l'échec qu'ils ont eu dans ce contrôle sélectif, il faut quand même être assez prudent pour dire que tel contrôle sélectif va apporter des résultats vraiment flamboyants. Au contraire, la politique de contrôle sélectif aux Etats-Unis, dans le domaine de la viande, a eu pour effet d'augmenter la rareté des produits sur les tablettes dans les boucheries et a contribué soit à provoquer un marché noir, ou à avoir, tout simplement, une absence de viande. Les producteurs ont tout simplement retenu leur bétail parce que, comme ces contrôles sélectifs sont limités dans le temps, on peut toujours garder l'animal un ou deux mois de plus et, lorsque les prix sont dégelés, on revend d'une façon graduelle le bétail accumulé et on bénéficie des gros prix. C'est pour cela que je dis qu'il faut être bien prudent lorsqu'on soumet cette possibilité comme étant un élément de solution véritablement efficace.

M. MORIN : Comme il a été proposé — je crois que c'est dans le discours du budget fédéral — si le gouvernement fédéral envisageait sérieusement de taxer les marges de profit excessif, l'excédent des profits, est-ce que le ministre emboîterait le pas? Est-ce qu'il a étudié cette question?

M. GARNEAU: Notre situation de concurrence au point de vue fiscal, comme je la vois, ne s'envisage pas avec le gouvernement fédéral. Elle s'envisage avec ce qui se passe dans les autres provinces parce que c'est à partir de la fiscalité provinciale qu'on se compare. La fiscalité fédérale est appliquée, de l'Atlantique au Pacifique, également à toutes les entreprises. Notre situation concurrentielle avec l'Ontario et les autres provinces, c'est un niveau de la fiscalité interprovinciale. Je ne crois pas que nous pourrions nous éloigner tellement d'autres mesures qui seraient prises ou qui ne seraient pas prises par nos concurrents. Parce que c'est très facile, au niveau des investissements, d'accroître la production dans une usine en Ontario et de laisser celle qui est au Québec ou vice versa. Il faut donc être extrêmement prudent de ce côté, et je pense bien qu'une politique pour qu'elle soit véritablement efficace au niveau provincial, devrait être le résultat d'une entente ou, du moins, d'un programme commun interprovincial, sans quoi, évidemment, ça peut être très néfaste pour l'économie du Québec et pour l'emploi chez nous. C'est certainement dans cette fourchette de possibilités que se situerait une action éventuelle du gouvernement du Québec et non pas en comparaison de ce que le fédéral lui-même fait.

M. MORIN: Evidemment, il n'est pas facile, dans des circonstances comme celles-là, de lutter contre l'inflation, lorsque, d'une part, les pouvoirs sont partagés entre deux niveaux de

gouvernement, les prix de détail sont de votre compétence, les prix des produits importés ou exportés sont de compétence fédérale, les loyers sont de compétence provinciale, les prix des grains de provende sont de compétence fédérale et ainsi de suite sur toute la ligne. Chaque fois qu'on présente une solution possible, elle se révèle aux yeux du ministre être inapplicable, en sorte que, finalement, je suis conduit à la conclusion que vous êtes totalement désarmé devant un phénomène comme...

M. GARNEAU: Ce qui me surprend dans les propos du chef de l'Oppostion, c'est qu'il ne m'a pas suggéré de moyens d'action, il m'a posé des questions. S'il aborde le problème sous cet angle, je n'y ai pas objection et il y en a certainement d'autres à cette table qui pourraient également entrer dans la discussion. Mais il faut bien que le chef de l'Opposition se rende compte qu'à moins qu'il ne suggère que le Québec s'isole complètement, et suivant sa philosophie politique, je ne crois pas, du moins ce n'est pas le sens des propos que tenaient, durant la dernière lutte électorale, les représentants du Parti québécois, au contraire, s'il est vrai que le Québec ne doit pas s'isoler du reste du continent nord-américain où on parle même, pour calmer les gens, d'un marché commun...

J'ai eu des discussions pendant la lutte électorale avec le candidat péquiste de Louis-Hébert et il était peut-être un peu plus conservateur que le reste de l'équipe sous cet aspect, mais il a parlé abondamment du marché commun canadien. Si ce marché commun existe, comme le suggèrent certains membres du Parti québécois, il ne faut pas qu'il y ait en même temps le chou et la chèvre, il faudra qu'il en garde seulement un. S'il opte pour le marché commun, il faudra qu'il aligne ses politiques fiscales, ses politiques monétaires; il ne pourra pas jouer seul dans son parc, il faudra que ses entreprises vendent en Ontario, vendent à l'extérieur. Et le gouvernement ne pourra pas...

M. MORIN: Vous n'appliquez pas ce règlement à l'indexation.

M. GARNEAU: Pardon?

M. MORIN: C'est curieux comme vous n'appliquez pas ce règlement à l'indexation.

M. GARNEAU: Non, parce qu'on a utilisé une autre formule. Le résultat final, pour le contribuable québécois, dans la classe de ceux que nous voulons avantager, situe le Québec dans une position concurrentielle avantageuse.

M. MORIN: Cela prouve qu'il y a quand même une certaine marge, que ce soit à l'intérieur d'un état fédéral, que ce soit à l'intérieur d'un marché commun. Il y a une certaine marge dont vous disposez tout de même.

M. GARNEAU: II est heureux que le chef de l'Opposition le reconnaisse.

M. MORIN: Oui, mais on vous en a fait des propositions, ne dites pas qu'on ne vous en a pas fait dans le passé.

M. GARNEAU: Pas depuis le début de la session.

M. MORIN: II n'y a pas si longtemps, c'était en août 1973, on vous a proposé de taxer l'excédent des profits. Vous n'en avez rien fait. Il est vrai que le plus gros relèverait d'Ottawa, mais, pour votre part, vous n'avez rien fait dans ce domaine.

M. GARNEAU: M. le Président, si le chef de l'Opposition croit qu'on peut ici avoir une fiscalité des entreprises complètement différente de celle de nos concurrents, je lui souhaite bonne chance, si jamais son parti vient au pouvoir, pour appliquer de telles mesures à l'intérieur de son marché commun.

M. MORIN: Mettez-moi au défi. On verra.

M. BOUTIN (Johnson): Hélas, nous sommes jeunes!

M. GARNEAU: II les a lâchés à la course à la chefferie, mais on ne lancera pas d'autres défis.

M. MORIN: Ces messieurs les députés libéraux ne doivent pas confondre leurs voeux avec les réalités.

M. BOUTIN (Johnson): On ne verra pas cela de notre vivant, qu'on est jeune.

M. MORIN: Vous pouvez toujours le souhaiter. La réalité sera peut-être différente. Ce sont les Québécois qui décideront, de toute façon, et au rythme où vont les choses, j'ai l'impression que les Québécois sont à comprendre comment il se fait qu'ils sont victimes de l'inflation et comment il se fait qu'il n'y a pas de politique vraiment efficace.

M. BOUTIN (Johnson): Surtout si on parle du pétrole.

M. MORIN: Oui, si on parlait du pétrole, justement !

M. GARNEAU: C'est une bonne idée.

M. BOUTIN (Johnson): Si vous n'êtes pas capables d'en trouver, on est capable.

M. MORIN: Vous amenez la chose à point. M. le Président, les profits déclarés aux actionnaires, en 1972...

M. GARNEAU: Le chef de l'Opposition

nous parlait d'inflation. J'aimerais beaucoup plus que le chef de l'Opposition garde la même séquence, et comme il parlait de l'inflation, qu'il nous dise quelle serait l'inflation au Québec s'il n'y avait pas cette entente fédérale-provinciale à l'intérieur du Canada.

M. MORIN: On pourrait en parler. Oui, d'accord. Je voudrais d'abord aborder la question non moins intéressante, puisqu'on parle de profits excessifs et de taxation des profits excessifs, de la question des profits déclarés aux actionnaires par les compagnies pétrolières en 1972, ce sont les derniers chiffres qu'on a. Non, on en a peut-être un peu plus récents, mais ceux-là sont déjà intéressants.

Texaco, $42 millions; Esso, $157 millions; Shell, $79 millions; Gulf, $64 millions; Pétrofi-na, $19 millions, soit en tout $361 millions auxquels on peut ajouter du menu fretin pour une valeur d'à peu près $40 millions, ce qui fait à peu près $400 millions de profits.

M. GARNEAU: Ce sont des investissements totaux de combien?

M. MORIN: Ce que je voudrais demander...

M. GARNEAU: Ce sont des investissements totaux de combien?

M. MORIN: Pour l'ensemble du Canada? M. GARNEAU: Oui.

M. MORIN: Je ne le sais pas. Est-ce que le ministre le sait?

M. GARNEAU: Non, c'est justement la question que je posais. Comme c'est vous qui avez soulevé le problème, je pensais que...

M. MORIN: On va en discuter et si vous avez des montants, vous les connaissez sans doute mieux que moi.

M. GARNEAU: Comme je l'ai déjà mentionné dans mon discours sur le budget, il y a deux équipes de travail qui s'occupent du secteur minier et du secteur pétrolier. Je ne suis pas en mesure de dire présentement ce que sera l'attitude du gouvernement, compte tenu du fait que les conclusions du rapport ne nous sont pas encore connues, mais cet aspect de la question va certainement être abordé dans l'étude qui est en cours présentement.

M. MORIN: Je voudrais quand même étudier un peu les méthodes fiscales qui sont utilisées pour la fiscalité de ces compagnies pétrolières. Si je comprends bien, on déduit les dépenses d'exploration avant le partage, pour obtenir d'abord les profits imposables, et j'ai cru savoir, à la suite des crédits du ministère du Revenu, que les dépenses d'exploration faites par ces compagnies au Québec sont infimes. Elles représentent peut-être un peu plus que 1 p.c. du total.

Le ministre du Revenu, qui a bien résisté à mes questions pendant au moins toute une journée pour finalement sortir les montants, nous a révélé que les impôts payés par ces société pétrolières au Québec se situaient entre $3 millions et $4 millions, si ma mémoire est bonne — je n'ai pas le montant exact sous les yeux, j'en parle de mémoire — sur des profits totaux, au Canada, de $400 millions. Je veux bien croire qu'il a derrière cela des investissements considérables. On ne compare pas tellement les profits avec les investissements que les profits avec ce qui est payé en impôt au Québec.

Je demande au ministre si cela lui paraît raisonnable, compte tenu du fait que presque aucune exploration n'est effectuée au Québec par ces mêmes sociétés, que nous nous trouvions devant des impôts de $3 millions à $4 millions payés au Québec sur des profits de $400 millions. Il a sûrement une opinion sur la question. Avant que le comité se penche sur la question, il devait en avoir une opinion.

M. GARNEAU: Je ne connais pas les montants d'impôt qui seront payés par les sociétés pétrolières en 1973, parce que les statistiques ne sont certainement pas disponibles encore, compte tenu des années financières qui sont un peu différentes et qui chevauchent. C'est difficile de comparer les profits que vient de citer le chef de l'Opposition avec les montants d'impôt qui ont été payés au cours des années antérieures, avant le moment où l'inflation des prix du pétrole a été véritablement amorcée. Si on prend les montants que donne le chef de l'Opposition de $3 millions ou $4 millions, qui m'apparaissent conformes à la réalité, cela voudrait dire... Que font $4 millions à 12 p.c? On est taxé à 12 p.c. au Québec.

M. MORIN: Elles sont taxés à 12 p.c. Cela fait $25 millions de profits imposables.

M. GARNEAU: Oui, cela fait $25 millions à $27 millions de profits imposables au Québec. Quel a été le montant total de profits, par exemple, des entreprises pétrolières en 1971/72? Je ne l'ai pas devant moi, mais est-ce que...

M. MORIN: Un montant de $460 millions.

M. GARNEAU: Mais vous parlez de 1973/74?

M. MORIN: Non, je parlais de 1972. M. GARNEAU: De 1972.

M. MORIN: II y a eu $3 millions payés au fisc québécois en 1972, le taux étant de 12 p.c.

M. GARNEAU: De toute façon, je ne veux pas argumenter longuement sur le fond de la question.

Je voudrais ajouter que c'est justement parce que nous croyons qu'il n'y a peut-être pas équité dans ce domaine que nous avons voulu — avant d'agir d'une façon différente de ce que pourraient faire nos concurrents qui n'ont pas non plus de pétrole, si je prends l'Ontario, par exemple — faire une étude exhaustive de l'ensemble de la situation et voir comment nous pourrions traiter les dépenses d'exploration au Québec d'une façon différente de ce qui se fait actuellement, et peut-être revenir à la situation qui prévalait avant la réforme fiscale de 1972, ou encore trouver d'autres façons d'avoir une part plus juste des impôts sur les profits des sociétés pétrolières. Mais nous ne voulons pas le faire à tout hasard et risquer de commettre des erreurs qui seraient assez coûteuses, surtout au moment où, à cause de l'action que nous avons entreprise avec SOQUIP, celle d'augmenter d'une façon sensible le capital-actions et d'inciter les compagnies privées à adjoindre leurs capitaux aux nôtres pour favoriser l'exploration. Avant de poser des gestes, dans ce secteur, qui pourraient avoir des conséquences considérables, nous avons voulu faire une analyse réellement exhaustive de la situation, voir quelle serait la situation nouvelle au Québec advenant des changements suivant des hypothèses de diverses natures avec nos concurrents, et s'assurer, en même temps, que nous ne bloquons pas les possibilités d'investissements importants dans la recherche pétrolière qui pourraient accompagner les capitaux que SOQUIP investira au cours des prochaines années.

M. MORIN: Je voudrais quand même m'at-tarder un peu là-dessus, encore quelques instants, M. le Président. Est-ce que le ministre sait comment on procède en Ontario? Est-ce que les déductions sont faites avant ou après le partage?

M. GARNEAU: Elles sont faites de la même façon. C'est la même méthode. Ce que nous faisons actuellement, c'est que les entreprises soustraient — pour le Québec, en proportion, suivant la même formule qui est calculée pour le reste, c'est-à-dire l'impôt payable au Québec — des dépenses d'exploration dans les mêmes proportions, c'est-à-dire les ventes qui sont effectuées au Québec, sur l'ensemble des ventes, plus les salaires payés au Québec, sur l'ensemble des salaires, suivant cette formule qui est... On déduit des dépenses d'exploration dans les mêmes proportions qu'on paie l'impôt. C'est peut-être là qu'il pourrait y avoir une anomalie. C'est ce qu'on veut étudier à fond, parce que...

M.MORIN: J'ai beaucoup de difficultés à comprendre comment, avec des profits de $400 millions dont le quart a été réalisé au Québec, probablement, à tout le moins, ce qui fait une centaine de millions de dollars — le ministre n'est pas en désaccord sur ces chiffres-là — se ramasser avec trois ou quatre millions de dollars d'impôt là-dessus, c'est vraiment un peu fort. Le ministre...

M. GARNEAU: On m'indique d'être prudent de ce côté parce qu'il n'existe pas de statistiques qui nous indiquent le profit véritable fait par province, parce que ce sont des opérations canadiennes et ce sont des entreprises nationales. L'ensemble de leurs opérations n'est pas sectionné. Par le fait que ces opérations ne sont pas sectionnées provincialement, on applique une formule de partage des profits d'une province à l'autre à partir du rapport d'impôt global.

M. MORIN: II y a eu un comité interministériel qui a été formé sur la question. Je crois que vous y avez fait allusion, il y a un instant. Il était annoncé, d'ailleurs, dans le discours du budget. Il est chargé d'étudier le régime fiscal des sociétés pétrolières, pour tenter de démêler l'écheveau. Est-ce que le ministre pourrait nous dire qui fait partie de ce comité?

M. GARNEAU: Les ministères: Revenu, Richesses naturelles, Finances, Industrie et Commerce. C'est le nom des personnes que vous demandez?

M. MORIN: Pour votre ministère.

M. GARNEAU: Pour le ministère, c'est M. Audet qui représente le ministère des Finances. Pour les autres ministères: M. Gauvin, du Revenu, sous-ministre, qui préside le comité...

M. MORIN: Je sais que c'est M. Gauvin, parce que j'ai eu l'occasion de lui en parler.

M. GARNEAU: Le directeur de l'énergie au ministère des Richesses naturelles, M. Boucher.

M. MORIN: Quand attendez-vous le rapport de ce comité, M. le ministre?

M. GARNEAU: Le plus tôt possible. C'est une réponse...

M. MORIN: C'est une réponse fréquente dans votre bouche, le plus tôt possible. Cela veut dire quoi?

M. GARNEAU: C'est-à-dire que, si on répondait à mon désir, on me le remettrait demain matin.

Mais il reste quand même que c'est un domaine assez complexe et je ne peux pas demander à ce groupe de travail évidemment, de consacrer tout son temps à cela d'une façon permanente. Il a passé des commandes à des professionnels qui sont sous sa juridiction pour compléter des dossiers, mais quel est votre

échéance à peu près? On m'indique que l'échéance pourrait être sans doute à l'automne. J'avais demandé qu'on accélère davantage le secteur minier qui pourrait sans doute être prêt un peu plus tôt. J'avais demandé qu'on accélère à cause du discours fédéral sur le budget. Maintenant que le gouvernement est en campagne électorale, on peut peut-être gagner quelques semaines et surtout, s'il y avait changement de gouvernement au niveau fédéral, voir quelle serait la politique du nouveau gouvernement. De toute façon, l'urgence est un peu moins grande maintenant.

M. MORIN: Est-ce que je pourrais vous citer un extrait du discours du budget fédéral, du lundi 6 mai: "D'autre part, compte tenu de la situation spéciale des provinces à l'égard des richesses naturelles, je propose la mise en vigueur immédiate d'un dégrèvement spécial d'impôt fédéral sur le revenu en ce qui concerne le revenu de production imposable réalisé au Canada. Le dégrèvement spécial sera de quinze points, dans le cas des bénéfices de l'industrie minière, et de dix points, dans le cas de ceux de l'industrie pétrolière. En ce qui concerne les bénéfices du secteur minier, l'action conjuguée du nouveau dégrèvement et du dégrèvement provincial normal de dix points réduira le taux fédéral de 50 p.c. à 25 p.c. Dans le cas du pétrolier, le taux sera ramené à 30 p.c."

J'aimerais demander au ministre ce qu'il entend faire pour occuper le nouveau champ fiscal qui est laissé libre par le gouvernement fédéral en ce qui a trait à l'impôt sur les bénéfices des sociétés minières puisque le ministre Turner annonçait ce dégrèvement, donc, tout dernièrement.

M. GARNEAU: Je viens de répondre au chef de l'Opposition. Je pense qu'il causait avec son recherchiste au moment où j'ai dit cela. J'avais demandé d'accélérer de beaucoup le travail du côté minier en raison de la décision du gouvernement fédéral parce que cela implique, pour le Québec, l'ajustement de deux fiscalités, la fiscalité qui est retirée à la tête de puits de la mine sur les profits de l'opération minière comme telle et la fiscalité des profits sur les sociétés. Cela s'incorporait justement dans le mandat qui avait été donné antérieurement à ce groupe de travail qui avait une échéance un peu plus longue pour présenter son rapport étant donné que le fédéral avait indiqué, à la suite d'ententes avec les provinces, lors de la réforme fiscale, que ces nouveaux taux concernant l'industrie minière seraient applicables à partir du début de 1976.

Et j'ai eu l'occasion de l'indiquer, je pense à d'autres endroits aussi, que le fait de devancer cette date à 1974 nous obligeait à modifier notre fiscalité en conséquence pour occuper le champ laissé vacant, et la façon dont nous allons l'occuper est justement une des parties du mandat qui a été confié au groupe de travail.

M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il a l'intention de faire passer le taux québécois à 25 p.c, par exemple?

M. GARNEAU: Cela dépendra des modifications qu'on pourra apporter à l'impôt sur les profits miniers. Si nous modifions, par exemple, d'une façon quelconque les taxes ou les redevances que l'on retire à partir des profits qui sont faits à la tête du puits de la mine, il faudra compenser par une fiscalité plus ou moins grande sur l'impôt général. Il va falloir faire équilibrer les deux aspects et c'est le mandat du comité.

En ce qui concerne le pétrole, le problème ne se pose plus maintenant parce que le budget du gouvernement Trudeau n'a pas été adopté et, avant de dire au chef de l'Opposition que nous occuperons un champ, il va falloir attendre pour voir si les mêmes mesures...

M. MORIN: Etant donné que le budget n'a pas été adopté et qu'il ne le sera peut-être jamais, je concède au ministre qu'il vaut mieux attendre.

M. GARNEAU: S'il est représenté par M. Turner au cours du mois d'août, à ce moment, évidemment, nous allons certainement occuper le champ, parce qu'il n'est pas question de diminuer la fiscalité, au contraire. Nous allons certainement occuper ce champ sans alourdir, comme l'indique d'ailleurs M. Turner dans son discours, le fardeau fiscal au point de départ. Il s'agirait de savoir de quelle façon on le ferait. C'est cela qui fait l'objet des études actuellement en cours.

M. MORIN: Bien. M. le Président, on pourrait peut-être jeter un coup d'oeil maintenant sur le fardeau fiscal des contribuables québécois et tenter — ce n'est pas la première fois que nous le faisons — d'aller un peu plus loin qu'il n'est possible de le faire en période de questions en Chambre, alors que, forcément, les réponses sont toujours sommaires. Jetons donc un coup d'oeil sur la comparaison du fardeau des contribuables québécois avec le fardeau de ceux des autres provinces. Nos montants et, je le signale aussi au ministre, les montants fédéraux disent le contraire de ce que prétend le ministre des Finances. Je sais que la différence résulte probablement, tant entre les chiffres du ministre et les nôtres qu'entre ceux du ministre et les chiffres fédéraux, du fait qu'il traite les paiements de transfert dont nous parlions tout à l'heure comme des crédits d'impôt et que cela fausse les comparaisons et les rend extrêmement difficiles. Est-ce que le ministre a fait faire une étude comparée sur le fardeau respectif du contribuable québécois et du contribuable onta-rien?

M. GARNEAU: Oui, d'ailleurs nous avons publié le résultat de cette étude dans l'annexe 3 du discours du budget.

M. MORIN: Mais si les fardeaux, comme vous le prétendez, se comparent maintenant... C'est ce que vous dites, les fardeaux sont à peu près équivalents?

M. GARNEAU: Pour certaines catégories de contribuables, c'est moins lourd et, pour d'autres, c'est un peu plus lourd.

M. MORIN: Oui, c'est donc qu'avant l'indexation, le fardeau ontarien...

M. GARNEAU: Cela comprend l'indexation. Le calcul a été fait, compte tenu du fait que...

M. MORIN: Qu'en Ontario, il y a l'indexation.

M. GARNEAU: ... qu'en Ontario, on avait indexé, oui; au Nouveau-Brunswick également.

M. MORIN: C'est donc que le fardeau ontarien était moindre que le fardeau québécois. Je voudrais demander au ministre...

M. GARNEAU: Dans quel sens pouvez-vous dire cela?

M. MORIN: ... si nous n'allons pas...

M. GARNEAU: Mais dans quel sens pouvez-vous dire cela? Au contraire, si on excluait l'indexation en Ontario, le fardeau québécois serait l'inverse...

M. MORIN: Je m'excuse. C'est le contraire. C'est donc dire que le fardeau québécois était moindre que le fardeau ontarien. Je demande au ministre si nous n'allons pas vers un fardeau de plus en plus prononcé pour le contribuable québécois.

M. GARNEAU: Cela va dépendre des mesures fiscales qui seront adoptées par le gouvernement au cours des années à venir. Ce qu'on peut dire, c'est l'expérience que l'on connaît présentement. Si l'an prochain, à cause d'une très bonne administration, nous annonçons une réduction des impôts de 10 p.c, c'est clair qu'à ce moment on sera placé dans une situation encore beaucoup plus avantageuse. C'est une boutade pour dire que je ne peux pas présumer de ce que l'Ontario fera dans son budget 1975, ni de ce que je ferai dans mon budget 1975; le Nouveau-Brunswick, de la même façon. Ce que nous connaissons présentement, c'est la situation qui existe telle qu'elle est. Il se pourrait fort bien que l'an prochain, même si nous n'indexions pas...

M. MORIN: L'Ontario va indexer.

M. GARNEAU: Oui, je suis d'accord. Mais même si nous n'acceptions pas le principe de l'indexation incluse dans la loi, cela est une chose que d'inscrire dans la loi une clause d'indexation automatique, et c'est une autre chose que d'apporter des mesures fiscales qui ont pour objet d'atteindre le même objectif. Alors, suivant ce qui se fera au Québec lors du prochain budget, on aura ou on n'aura pas un fardeau fiscal plus lourd qu'ailleurs. On me signale également qu'il va falloir savoir comment l'Ontario va aller récupérer les sommes d'argent qu'elle perd à cause de l'indexation. Ce sont des sommes assez considérables. On m'indique que le coût de l'indexation de l'Ontario, pour l'an prochain, sera de l'ordre de $150 millions ou de $160 millions de plus que le coût de cette année.

C'est évident que cette année, l'indexation dans les autres provinces, la perte qu'elles ont subie a été compensée par le fait que l'assiette fiscale était élargie avec les allocations familiales de telle sorte que ce que le fisc ontarien et celui des autres provinces perdaient par l'indexation, ils le reprenaient par une nouvelle source de fiscalité qui était due à l'élargissement de l'assiette fiscale. Mais l'an prochain, à moins qu'ils n'apportent des modifications que l'on ne connaît pas, l'indexation étant "built in" dans la loi, elle va produire une baisse de recette fiscale en Ontario et au Nouveau-Brunswick, mais elle n'est pas connue jusqu'à maintenant, à moins que le gouvernement de l'Ontario n'augmente d'une façon substantielle ses allocations familiales, plutôt le fédéral, parce que ce seront des dépenses qui seront aussi coûteuses, d'un niveau tel qu'elles donnent des recettes additionnelles, ce qui est peu prévisible. Alors, il va falloir qu'il y ait des modifications dans les taux. On remarque cette année, par exemple, que Terre-Neuve, à cause de l'indexation, a dû augmenter les taux de table d'impôt provincial sur le revenu, mais en plus, comme le rendement de ces points d'impôt, dans une province comme Terre-Neuve, est relativement bas, elle a été obligée d'avoir recours à une taxe indirecte pour aller chercher les revenus dont elle a besoin et a augmenté la taxe de vente de 1 p.c, de telle sorte que, pour combattre une mesure qui était censée être progressiste, elle a été oligée de faire appel à une taxe qui, elle, est régressive.

M. MORIN: D'accord, mais toutes choses étant égales, je pense que le ministre va admettre que si l'Ontario continue d'indexer et que, nous, nous n'indexons pas, le fardeau fiscal du contribuable québécois va augmenter par rapport à celui de l'Ontario d'année en année.

M. GARNEAU: Théoriquement, vous avez raison, sauf que pratiquement sans indexer comme tel — c'est cela que j'essaie de dire au chef de l'Opposition — sans accepter le principe de l'indexation incluse dans la loi d'une façon automatique, il n'y a rien qui empêche les gouvernements, le gouvernement actuel comme les gouvernements qui viendront dans l'avenir,

de proposer des mesures fiscales qui ont pour objet la même chose. C'est-à-dire qu'il n'y a rien qui nous empêcherait de proposer l'augmentation des exemptions de base à $5,000 l'an prochain. Cela serait une baisse du fardeau fiscal.

M.MORIN: M. le Président...

M. GARNEAU: Dans les études comparatives, je dois souligner qu'en plus de l'indexation qui est effective en Ontario et qui est incluse dans les exemples, nous avons tenu compte des crédits d'impôt qui sont payés dans les autres provinces et également des autres charges connexes, comme les changements ou les variations qui existent entre les régimes d'assurance-hospitalisation et d'assurance-maladie. Dans certaines provinces, il y a des primes alors que, dans d'autres endroits, c'est directement relié à la fiscalité.

M. MORIN: M. le Président, j'avais l'honneur de poser une question aujourd'hui même en Chambre sur les aspects linguistiques du syndicat financier et, en ce qui me concerne, je n'ai pas été satisfait de la réponse que le ministre m'a donnée et peut-être qu'on pourrait y revenir un peu plus dans le détail.

Il n'y a pas si longtemps, le gouvernement avait fait une réforme, enfin il appelait cela une réforme du syndicat financier; il l'avait modifié, disait-il, pour que le contrôle québécois soit plus étroit. Mais est-ce que le gouvernement s'est attaqué aux firmes torontoises qui, autant que je sache, monopolisaient, à toutes fins pratiques, le marché canadien des obligations?

M. GARNEAU: Je répondrais à la question du chef de l'Opposition en prenant une autre attitude, ou par un autre chemin qui — en tout cas j'ai l'impression — sous-tend sa question. Je ne crois pas qu'il soit sain pour un ministre des Finances de prendre des décisions basées uniquement sur une question linguistique.

J'ai une responsabilité envers l'ensemble des Québécois et, comme membre du gouvernement, une responsabilité davant la Chambre, c'est celle de m'assurer, par une fiscalité raisonnable et équitable, du moins comparativement à celle des autres citoyens canadiens qui vivent dans d'autres provinces, d'avoir une fiscalité équitable et comparable qui procure des revenus suffisants pour financer une partie de l'ensemble des dépenses gouvernementales, y inclus les dépenses d'immobilisation. Mais, compte tenu des investissements qui doivent être faits, il n'est que normal que nous ayons recours au marché des emprunts.

Je ne voudrais, à aucun moment, laisser entendre au chef de l'Opposition ou aux membres de la commission que les décisions que nous avons prises étaient basées sur des questions linguistiques. Ce que nous avons fait, c'est que nous avons mesuré la valeur des maisons en cause et, à qualité égale, nous avons donné préséance, en termes de commande, à des maisons dont le siège social était au Québec. C'est la raison pour laquelle, maintenant, parmi les courtiers qui dirigent le groupe bancaire, sur six maisons, il y en a cinq dont le siège social est au Québec. Sur l'ensemble des courtiers qui font partie du groupe bancaire, il y en a 31 présentement — en fait, toutes les maisons du Québec qui oeuvrent dans le secteur des obligations sont membres, à moins qu'elles n'aient pas voulu en faire partie — et sur 31 maisons, il y en a 11 qui sont de l'extérieur du Québec, mais qui ont été choisies par le fait qu'elles apportent une collaboration à la distribution des titres et aussi parce qu'elle sont dans une situation financière qui leur permet de souscrire ferme, avec les autres membres du groupe bancaire, une émission d'obligations.

Parce qu'il faut bien comprendre une chose: si le gouvernement du Québec émet une émission de $75 millions et que la Caisse de dépôt en prend $25 millions, il reste que le groupe bancaire s'engage financièrement à payer, à la date convenue les $50 millions, qu'il ait vendu les titres ou qu'il n'ait pas vendu les titres. C'est ce qui est arrivé dans certaines conditions de marché où, par exemple, on établit le prix d'une émission à 11 heures le jeudi matin et que, le vendredi, la Banque du Canada décide d'augmenter son taux de réescompte d'un point. C'est évident que les gens restent pris avec des titres qu'ils sont obligés d'écouler à perte ou encore sur lesquels ils sont obligés d'emprunter parce que l'argent doit être livré à l'emprunteur, qui est le Québec, comme c'est le cas dans d'autres provinces. De telle sorte qu'en plus de la capacité de distribution, il faut quand même aussi porter attention à la solvabilité de l'ensemble du syndicat. Je pense qu'on peut dire qu'actuellement, avec les maisons québécoises qui font partie du groupe supérieur de gérance, qui sont des maisons très bien cotées, non seulement au Québec, mais dans l'ensemble du pays, je pense, par exemple, à Levesque Beaubien, René T. Leclerc, Greenshields, Nes-bitt Thomson, Tassé et Associés, qui sont les cinq maisons dont j'ai parlé et dont le siège social est à Montréal, ce sont des maisons qui ont une bonne cote, tant au Québec qu'ailleurs au Canada, et qui contribuent à assurer la solvabilité du groupe financier. Dans les 31 maisons qui suivent, il y a d'autres maisons tout aussi valables, parce qu'il faut faire des choix à un moment donné. Vous avez Cliche et Associés, Crang et Ostiguy, Molson et Rousseau, qui sont encore des maisons de taille importante; Grenier et Ruel; Brault, Chaput, Rolland; Geof-frion, Robert, Gélinas; en fait, il y en a d'autres aussi. Je parle des plus grandes.

M. MORIN: La maison torontoise qui fait partie du groupe de gérance.

M. GARNEAU: C'est Ames qui fait partie

du groupe de gérance et qui, au point de vue de la qualité du travail que cette maison fait pour la distribution des titres du Québec, de la province et d'Hydro-Québec, je pense... Cela milite très largement dans le fait que cette maison soit membre du groupe de gérance. Farce que nous avons établi, à partir du début de 1971, un processus qui était déjà mis en application à la Banque du Canada pour la distribution des titres d'obligations d'épargne, d'autres valeurs émises par le gouvernement canadien, c'est-à-dire le rapport d'efficacité de distribution. Maintenant, la participation de chacun des courtiers, dans le groupe bancaire, est basée sur l'expérience que nous avons accumulée dans la distribution des titres. Tant et aussi longtemps que le premier ministre me confiera cette responsabilité, les décisions que je prendrai seront, d'abord et avant tout, basées sur l'efficacité de ces maisons, leur solvabilité et, à qualité égale, donner avantage aux maisons dont le siège social est au Québec.

Mais je ne voudrais absolument pas qu'il soit compris ou qu'on prétende que les décisions que j'ai prises étaient uniquement basées sur des questions linguistiques, cela a été certainement en dehors du processus de mon analyse.

M. MORIN: Je voudrais revenir peut-être...

M. GARNEAU: Et je voudrais répéter ce que j'ai dit également, en Chambre tout à l'heure. Depuis plusieurs années, toute la documentation transmise entre le ministère et le groupe bancaire est en langue française et cela n'a pas de rapport directement avec la qualité des maisons en cause, mais c'est tout simplement un fait qui a été reconnu et accepté. Je ne sais pas comment cela se faisait antérieurement, combien cela fait-il d'années? On me dit que cela fait à peu près cinq ou six ans. Moi, depuis que je suis là, c'est l'information que j'avais eue dès le départ, c'est peut-être antérieur même à mon arrivée au ministère, c'est peut-être la dernière année avant que j'arrive.

M. MORIN: Oui. On peut revenir peut-être sur le syndicat financier au programme 2 parce que cela relève peut-être un peu plus de cet aspect-là, du programme 2.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre des Institutions financières.

M. TETLEY: Mais après le chef de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Sur le même sujet?

M. TETLEY: Oui.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je crois que le chef de l'Opposition a terminé sur ce sujet.

M. MORIN : J'aurais une dernière question qui va intéresser le ministre des Institutions financières d'ailleurs. Si-je comprends bien, M. le ministre, à la suite de ce que vous venez de nous dire, la politique linguistique incitative du gouvernement, la politique de refrancisation dont nous avons parlé ces jours-ci à la Chambre, ne s'applique pas au secteur financier?

M. GARNEAU: Ce que j'ai voulu dire au chef de l'Opposition, c'est que lorsque nous avons apporté des modifications au groupe bancaire qui dirige la vente de nos obligations et celles d'Hydro-Québec, c'était, je pense à l'automne 1972, en fait cela a été en vigueur au début de 1973. Lorsque nous avons pris cette décision, nous l'avons prise en tenant compte de la solvabilité des maisons, de leur capacité de distribuer les titres, en fait, de la valeur intrinsèque de la maison et non pas uniquement d'après une question linguistique.

Si nous avons pris, par exemple, la maison Tassé et associés ou encore Cliche et associés ou encore Crang et Ostiguy, dans le groupe supérieur de gérance, ce n'est pas uniquement parce que ces gens-là parlaient français, mais c'est parce qu'ils avaient des maisons qui étaient valables et bien organisées pour distribuer des titres. C'est en raison de leur compétence que nous les avons choisies plutôt qu'en raison uniquement d'une question linguistique. Mais comme elles avaient la compétence et que leur siège social était au Québec, de la même façon que Greenshields, par exemple, qui n'était pas dans le groupe de gérance antérieurement et dont le siège social est à Montréal, ce sont ces raisons-là qui ont motivé notre décision, et non pas uniquement des questions linguistiques. Si je peux donner un exemple, je n'aurais pas accepté qu'une maison québécoise francophone soit membre du groupe bancaire si elle n'avait ni la compétence ni la solvabilité financière pour occuper le poste qu'on voulait lui confier.

LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions sur le même sujet?

M. MORIN: Non, je vais passer la parole au ministre des Institutions financières.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable ministre des Institutions financières.

M. TETLEY: M. le Président, je viens d'écouter les remarques du ministre des Finances que je trouve fort pertinentes et très importantes. Je dois le féliciter de ce qu'il a fait, des actes qu'il a posés au sujet du syndicat qui s'occupe des obligations du Québec et d'Hydro-Québec. Il a modifié le syndicat. D'une manière très importante, il a aidé certaines maisons de la province de Québec, du marché du capital de Montréal et il a aidé la province par deux moyens : II a aidé le marché du capital parce qu'il a fait ces changements en vertu d'un système de mérite, c'est-à-dire ces maisons-là étaient choisies à cause de leur capacité de

vendre les obligations. Il a fait toute une étude des ventes, de la distribution.

Il a aussi vendu plus d'obligations à un prix moins élevé qu'autrefois. Je crois que nous sommes tous très contents de cette action. Je sais que la Bourse de Montréal et le marché des capitaux sont très contents, à Montréal. Je crois que le système de mérite était le seul système juste et équitable. Il avait ce double effet que je viens de mentionner. Donc, je lève mon chapeau devant le ministre des Finances, le député de Jean-Talon.

M. MORIN: De ministre à ministre, c'est très élégant.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Autres questions générales?

M. MORIN: Oui, il y en a encore. Je voudrais passer à une question qui a peut-être été étudiée par le ministère, celle de l'impôt foncier. On parle depuis déjà longtemps du caractère archaïque, du caractère régressif de l'impôt foncier municipal. Le ministre peut-il nous dire s'il a envisagé au moins des mesures à long terme, visant à éliminer ou encore à remplacer cette source de financement des municipalités?

M. GARNEAU: M. le Président, le chef de l'Opposition se réfère à l'impôt foncier municipal. Je vais immédiatement lui dire que nous n'avons pas fait d'étude et d'approche en vue de faire disparaître l'impôt foncier municipal. L'attitude que nous avons prise dans un premier temps a été d'essayer de trouver une solution à l'impôt foncier scolaire. On sait qu'actuellement, dans l'ensemble du système scolaire, sur une base de l'année scolaire des commissions scolaires, c'est-à-dire de mai à juin, le coût total du réseau doit être de l'ordre de $1,500,000,000, à peu près sur une base d'année scolaire. Je parle dans les ordres de grandeur. Je ne voudrais pas qu'on me dispute si je me trompe de $50 millions ou de $75 millions, mais c'est l'ordre de grandeur.

Actuellement, l'impôt foncier scolaire contribue pour à peu près $450 millions à ce financement, le reste étant des subventions d'équilibre budgétaire qui vont versées à chacune des commissions scolaires à partir d'un taux normalisé d'impôt foncier qui était à $1.40 et que nous avons, à la suite de conférences provinciales-municipales, abaisé à $1.25. Evidemment, c'est toujours la même question. En principe, je serais porté à croire les représentations, je serais prêt à souscrire à ce principe que, sur une période de temps, nous prenions les mesures pour faire baisser graduellement le fardeau de l'impôt foncier scolaire pour laisser le champ aux municipalités, de telle sorte que les municipalités, sans alourdir le fardeau foncier du contribuable québécois, puissent avoir les revenus nécessaires pour faire face plus adéquatement à leurs obligations, aux programmes qu'ils veulent mettre en application.

Tout le problème réside à savoir à quelle place on va mettre nos priorités. Si nous baissons l'impôt foncier scolaire de $450 millions à $350 millions, c'est $100 millions que nous devons prendre sous d'autres formes pour les verser dans le programme budgétaire, le programme du ministère de l'Education, concernant les subventions d'équilibre aux commissions scolaires. Nous avions annoncé en 1971 que nous voulions baisser de $0.15 le taux normalisé sur une base de cinq ans. Nous l'avons accéléré à trois ans. Je ne dis pas que nous ne poserons pas d'autres gestes, parce que les derniers $0.05 s'appliquent à partir du 1er juillet de cette année. Je ne dis pas qu'au cours des années à venir le gouvernement, en tout cas le ministère des Finances, ne proposera pas au gouvernement de poser d'autres gestes qui auraient pour but d'éliminer l'impôt foncier.

Je pense que le chef de l'Opposition sera d'accord pour souscrire au fait suivant, que si, d'un seul coup, nous faisions disparaître l'impôt foncier scolaire, $450 millions, cela voudrait dire qu'il faudrait augmenter de 20 p.c, la table d'impôt sur le revenu des particuliers, au moins de 20 p.c. à 22 p.c, pour aller chercher le même montant.

M. MORIN: De combien est le rendement de l'impôt foncier municipal?

M. GARNEAU: Par le rendement, vous voulez dire...

M. MORIN: Cela représente quel montant?

M. GARNEAU: L'impôt foncier scolaire représente à peu près $450 millions.

M. MORIN: C'est $450 millions.

M. GARNEAU: L'impôt municipal: $550 millions à $600 millions. L'ensemble des budgets des municipalités du Québec l'an dernier, d'après les chiffres que j'ai vus, était de l'ordre de $1 milliard, et comme on finance à peu près 45 p.c. à 50 p.c. par différentes subventions, différents programmes, cela veut dire à peu près que l'ordre de grandeur que je vous ai donné était assez juste. Mais si, d'un seul coup, on faisait disparaître l'impôt foncier scolaire, cela voudrait dire qu'il faudrait ajouter, au budget des dépenses du ministère de l'Education, $450 millions. Comme le rendement d'un point d'impôt est à peu près entre $23 millions et $25 millions, $26 millions à $28 millions, si vous divisez 450 par 26, 28 en moyenne, vous avez à peu près le nombre de points d'impôt qu'il faudrait ajouter, ou la modification qu'il faudrait ajouter à la table d'impôt pour aller récupérer les mêmes sommes d'argent. Cela ferait un changement qui serait réellement draconien, qui modifierait l'équilibre fiscal con-

currentiel d'une province par rapport à l'autre et risquerait de créer, pour nous et le marché du travail québécois, des perturbations importantes. C'est pourquoi nous avons voulu procéder par étapes. Nous avons posé des gestes au cours des trois dernières années qui représentent cette année $50 millions; si on ajoute évidemment les deux années antérieures, cela va atteindre probablement tout près de $100 millions que nous avons enlevés du fardeau du contribuable foncier pour les mettre au budget général de la province. Si nous voulons le faire sans trop de soubresauts, il va falloir prendre un certain nombre d'années. Nous déciderons, dans le courant de l'année, quelle attitude nous prendrons lors du prochain discours du budget. Je ne sais pas s'il y a d'autres réunions provinciales-municipales de prévues. Le chiffre précis, c'est $52 millions pour 1974/75. C'est cela: $102 millions, sur les trois ans, que nous avons transférés.

M. MORIN: Si j'ai posé la question au ministre, c'est parce que, si ma mémoire est bonne, il y avait une recommandation dans ce sens, au sujet, j'entends, des impôts fonciers municipaux, dans le rapport de la commission Bélanger. Qu'est-ce que le...

M. GARNEAU: Vous parlez des recommandations de la commission Bélanger concernant l'impôt foncier scolaire?

M. MORIN: Non, l'impôt foncier municipal, il me semble.

M. GARNEAU: Si vous parlez de l'impôt foncier scolaire, je dirais oui. Pour l'impôt foncier municipal, je demanderais à faire l'inventaire.

M. MORIN: A le consulter, d'accord! Qu'est-ce que vous penseriez, M. le ministre, comme amorce de solution, de s'inspirer peut-être de ce que l'Ontario a fait en instaurant un crédit d'impôt pour compenser le caractère régressif de l'impôt foncier payé aux municipalités de la province voisine?

M. GARNEAU: Je vais répondre au chef de l'Opposition en disant: En soi, on n'a certainement pas d'objection. C'est une approche qui en vaut bien d'autres et qui est, sans doute, louable. Pour le gouvernement du Québec, il s'agit de savoir à quelle place il mettra la priorité, comment il va utiliser la marge de manoeuvre dont il dispose. Je vous assure que pour donner un crédit d'impôt qui ait le moindrement d'importance —à moins qu'on dise qu'on va donner $10 ou $15 de crédit d'impôt, ce qui m'apparaitrait réellement mineur — qui soit un peu respectable, je n'ai pas les chiffres ici, un crédit d'impôt qui aurait un impact moyen d'environ $75 à $100, cela représente un coût d'à peu près $80 millions. Il s'agit de savoir si on aide de cette façon ou si on aide d'une autre façon.

Compte tenu des priorités que nous avions, nous avons opté pour autre chose, l'aider en diminuant la taxe foncière scolaire directement plutôt qu'en procédant par un crédit d'impôt, mais je voudrais bien que le chef de l'Opposition comprenne que si nous ne l'avons pas fait, ce n'est pas par objection de principe. C'est parce que, compte tenu des sommes d'argent en cause, il nous faut faire des choix à l'intérieur des sommes disponibles et si on décide de faire telle ou telle chose, il faut nécessairement couper ou rogner ailleurs.

M. MORIN: Est-ce que le ministre m'a dit que la question avait été étudiée ou qu'elle n'avait pas été étudiée?

M. GARNEAU: Elle a été étudiée.

M. MORIN: Elle a été étudiée par le ministère. Donc, c'est un choix conscient.

M. GARNEAU: A chaque année, lorsqu'on reprend le travail au début de septembre et qu'on fait l'analyse exhaustive de toutes les mesures qui pourraient être souhaitables — c'est toujours une qui est en tête de liste — finalement lorsqu'on soupèse cela, on se dit: II faut faire un choix et certaines de ces choses souhaitables doivent tomber.

M. MORIN: J'aimerais retourner maintenant au discours du ministre fédéral des Finances sur le budget, discours du 6 mai. A la page 22 de ce discours, je trouve l'extrait suivant: "Tous les contribuables de plus de 18 ans qui ne possèdent pas leur maison pourront verser jusqu'à $1,000 par an, le plafond absolu étant de $10,000, à un régime enregistré d'épargne-logement. Ces versements seront déductibles lors du calcul de l'impôt sur le revenu".

Je suis sûr que le ministre a prix connaissance de cet aspect du budget. J'aimerais demander au ministre...

M. GARNEAU: C'est une des mesures les plus intéressantes que j'ai trouvées dans le budget de M. Turner.

M. MORIN: Est-ce vrai? Alors, ma question, dans ce cas, est tout à fait pertinente. Est-ce que le ministre a l'intention d'appliquer à son propre régime d'impôt —j'entends le régime d'impôt sur le revenu des particuliers — un système de déduction semblable à celui qui est proposé dans ce discours?

M. GARNEAU: Evidemment, encore là, le chef de l'Opposition va me trouver dans une situation un peu embarassante parce que la proposition budgétaire n'existe plus, mais...

M. MORIN: Supposons qu'on en parle comme une hypothèse de travail.

M. GARNEAU: ... en principe, je trouve cette approche extrêmement intéressante de même qu'une autre approche qui favorise l'accumulation de l'épargne des Québécois, c'est-à-dire les premiers $1,000 de revenu de placement sur obligation ou d'intérêts provenant de compte de banque sont exemptés d'impôt. Je pense que ce sont des approches extrêmement intéressantes. L'épargne-logement a l'avantage qu'en plus de favoriser l'épargne et d'accumuler des fonds, favorise également l'activité de l'industrie de la construction de la maison unifa-miliale ou du logement dont le contribuable est propriétaire.

En prenant l'hypothèse que le budget de M. Turner est présenté à nouveau tel quel par lui-même au début du mois d'août, il est évident que nous regarderons de très près le coût d'une telle mesure, évaluation dont je ne dispose pas présentement, mais si on parle en théorie et en principe, je dois dire au chef de l'Opposition que c'est une mesure qui m'appa-raït éminemment souhaitable.

M. MORIN: Oui. Je n'entendais pas coincer le ministre étant donné que le discours risque de n'être jamais appliqué.

M. GARNEAU: Non. Je ne pourrais pas vous dire...

M. MORIN: Mais, c'était une simple hypothèse de travail.

M. GARNEAU: Je demandais si on pouvait me donner le coût...

M. MORIN: Evaluer le coût...

M. GARNEAU: ... évaluer le coût d'un tel programme, mais disons que les événements, qui se sont produits à Ottawa, ont fait aiguiller nos priorités vers d'autres secteurs.

M. MORIN: J'imagine que maintenant le ministre va faire examiner cette proposition...

M. GARNEAU: C'est une suggestion, évidemment, qui est très intéressante.

M. MORIN: ... pour la chiffrer parce que, effectivement, nous, de l'Opposition, la trouvons très intéressante.

M. GARNEAU: D'ailleurs, j'avais fait cette remarque en réponse à des questions de journalistes le soir même ou le lendemain de la présentation du budget Turner. C'est pour cela que ça me surprend que le NPD ait voté contre ce budget.

M. MORIN: C'est effectivement une mesure plus social-démocrate que ce dont vous nous faisiez part, il y a un instant, sur l'épargne.

M. GARNEAU: L'épargne en soi est une mesure également intéressante dans le sens du nombre de lettres que nous recevons des gens qui ont des comptes de banque dans les caisses populaires ou d'autres institutions financières de cette nature qui reçoivent un T-4 de $25 ou de $30 et qui sont scandalisés parce que c'est une mesure relativement récente.

Avant cela, vous n'aviez pas de T4 sur l'intérêt des comptes de banque. Si cela affecte ceux qui ont plus d'argent, c'est certainement intéressant en mettant le plafond à $1,000 pour l'ensemble des contribuables, car je ne sais pas si on peut appeler cela une vertu, mais en tout cas, l'épargne du citoyen contribue au financement d'activités au Québec.

M. MORIN: Oui, c'est une mesure que la Jeune Chambre, qui était là plus tôt cet après-midi, aurait eu intérêt à discuter avec vous.

Avez-vous terminé, M. le ministre, là-dessus? Est-ce que je peux me référer maintenant à un autre passage du budget Turner? Voici: "Je propose ce soir, disait-il, de supprimer la taxe de vente sur tous les vêtements et chaussures. Ces articles représentent un poste important dans le budget de la plupart des familles. Cette mesure devrait en réduire sensiblement le prix. Elle porte sur un volume annuel de dépenses familiales d'environ $5 milliards. Elle va permettre aux consommateurs d'économiser directement $280 millions en taxe, sans compter la baisse appréciable liée à la pratique courante dans le commerce qui consiste à calculer la marge bénéficiaire à partir du prix de revient, toutes taxes comprises".

Je voudrais signaler au ministre que cette partie du budget doit être inspirée également par le NPD ou par...

M. GARNEAU: Ou contre.

M. MORIN: Contre l'ensemble du budget pour d'autres raisons. Ne confondons pas les choux et les raves. En tout cas, je voudrais dire au ministre, avant de lui poser la question, parce que je vais évidemment lui poser une question à la suite de ce que je viens de citer, que si jamais il s'avise de poser des gestes de cet ordre, il aura certainement notre appui, parce que nous estimons qu'il s'agit de biens essentiels qu'on ne devrait pas imposer, comme les aliments d'ailleurs, pas seulement les vêtements. C'est pourquoi, vous vous en souviendrez, puisque vous avez eu l'occasion d'en discuter longuement, M. le ministre, dans le budget de l'an I, le Parti québécois proposait, à titre de première étape, de réduire la taxe de vente au détail de 8 p.c. à 4 p.c. sur les vêtements et les chaussures. Est-ce que, compte tenu...

M. GARNEAU: Vous proposez de diminuer la taxe qui n'existe pas, sur la nourriture.

M. MORIN: On reprendra cela peut-être plus tard. Est-ce que le ministre a l'intention de

reprendre à son compte, dans le domaine qui est de sa compétence, la proposition du gouvernement fédéral?

M. GARNEAU: Certainement pas cette année.

M. MORIN: Bien non, cette année... M. GARNEAU: Le budget est déposé.

M. MORIN: Non, je ne parle pas de l'année courante. Le budget est fait. Mais je parle pour l'avenir. Toujours hypothèse de travail, je suppose que ce budget est mis en vigueur un jour ou l'autre.

M. GARNEAU: C'est toujours le même problème et c'est la même réponse que je fais. C'est une question de disponibilité et de choix parmi un nombre important de priorités qui pourraient être retenues par le gouvernement. Je veux dire que cela fait partie des choix qu'on peut faire. Si vous parlez en termes d'hypothèse, nous allons sans doute verser, au début du mois de juillet, une partie de l'indexation de traitement des employés des secteurs public et parapublic. Si on suivait des demandes qui nous sont faites par certains membres de syndicats d'ajouter encore à cette somme un montant additionnel qui pourrait représenter plusieurs vingtaine de millions de dollars, par conséquent, c'est clair que cela élimine des choix. Je donne deux exemples de choix possibles.

M. MORIN: Je pense à un gouvernement qui se voudrait résolument social-démocrate.

M. GARNEAU: Mais si le gouvernement social-démocrate que nous formons optait pour indexer davantage les salaires de ses employés, je ne sais pas si cela serait aussi bon que... Entouré de fonctionnaires comme je le suis, j'ai envie de me mettre les mains derrière la tête.

M. MORIN: Oui, parce que ce ne sont pas les plus mal pris.

M. GARNEAU: Non. Cela ne doit pas. Ils ont l'air en bonne santé. C'est un choix qui reste à faire. Combien de fois on nous a demandé de faire disparaître la taxe de vente sur les boissons douces! C'est évident qu'on pourrait l'enlever et techniquement ce serait sans doute une bonne chose, mais la perte de revenus qui en découle, c'est une autre chose. Il faut toujours penser que ce sont des vases communicants. Il y a des programmes de dépenses et il y a des programmes de revenus et on ne peut pas continuellement dire oui à des programmes de dépenses et, en même temps, dire oui à des demandes de baisse de rentrées fiscales.

M. MORIN: Je suis tout à fait d'accord sur les boissons douces, qu'il y a des priorités autres que celle-là.

M. GARNEAU: Je vous donne l'exemple quand même qui existe depuis que le fédéral a enlevé sa taxe de 12 p. c. On a eu de très fortes pressions pour nous amener à prendre cette décision que nous n'avons pas prise encore. C'est évident que, dans tout ce secteur du vêtement, de la chaussure, si le budget Turner était appliqué, l'ensemble des provinces qui imposent une taxe de vente sur ces articles auraient certainement la visite de nombreux groupes de contribuables qui demanderaient la même chose. C'est une question de revenus et dépenses.

M. MORIN: M. le Président, changeant maintenant de sujet, je me réfère aux débats qui ont eu lieu au sein de cette commission l'année dernière à laquelle participait, avec le ministre, un collègue qui nous manque beaucoup et que je n'arrive certainement pas à remplacer, certainement pas complètement en tout cas, l'ancien député de Gouin...

M. SYLVAIN: Ce n'est pas certain.

M. MORIN: ... et à la suite de ces discussions qu'il avait eues avec le député de Gouin l'année dernière, j'aimerais demander au ministre de nous dire quelle est sa position en ce qui concerne l"'opting out" définitif. Ma question se situe dans le cadre des conférences fédérales-provinciales. Est-ce qu'il s'agit de 28 points non péréquatés, de 28 points péréquatés à la moyenne nationale, est-ce qu'il s'agit d'une dizaine de points et le reste en impôt indirect ou est-ce qu'il s'agit encore d'une autre formule?

M. GARNEAU: La proposition que j'ai faite au nom du gouvernement du Québec, à l'occasion d'une conférence fédérale-provinciale, portait sur des transferts de points d'impôt du revenu des particuliers péréquatés au niveau de la province la plus riche. D'ailleurs, les chiffres qui ont été donnés démontraient clairement que c'était la seule façon d'en arriver à un "opting out" véritable, non seulement pour le Québec, mais pour l'ensemble des provinces et qui apportait le moins de soubresauts dans les transferts financiers qui devaient être appliqués contre le financement de programmes, soit à l'éducation postsecondaire, l'hospitalisation, l'assurance-maladie.

M. MORIN: M. le ministre, cela représente combien de points péréquatés en tout?

M. GARNEAU: Les calculs étaient faits sur les chiffres de 1972, c'était 28 points. Si l'on reprend les montants avec les modifications fiscales qui ont été apportées au niveau fédéral — là encore il y a la question du budget — avec l'indexation, peut-être que les calculs nous donneraient des nombres de points différents. Je n'ai pas la reprise des calculs.

Ce que je vous ai mentionné, c'est qu'on n'avait pas les calculs précis sauf qu'il y a eu des modifications fiscales, comme la taxation des allocations familiales, qui a changé l'assiette. Ceci fait qu'un même point d'impôt rapporte un peu plus qu'antérieurement et il faut aussi dissocier le problème du fait qu'il y avait une échéance à rencontrer et que les provinces et le gouvernement fédéral ne se sont pas entendus sur une formule d'"opting out" définitive. Il a fallu quand même régler le problème de l'éducation postsecondaire dont l'échéance est en 1977. Si on en reste uniquement au programme qui pourrait être ouvert à des prises de décisions, ce serait l'hospitalisation et la santé, mais là, je ne sais pas comment ça se fait. Evidemment, ça m'embête un peu de donner un montant précis, étant donné que les calculs n'ont pas été repris avec le changement qui a été apporté depuis le 1er janvier 1974, avec la taxation des allocations familiales et l'indexation. Aussi, je n'aime autant pas donner des points d'impôt, mais ce serait légèrement inférieur à ce qui était contenu dans la formule que j'avais proposée au gouvernement fédéral au moment où l'indexation n'était pas incluse dans les tables et au moment où les allocations familiales n'étaient pas imposables. Comme il y a eu un changement dans les tables de taux, dans les exemptions et dans l'assiette, il y aurait sans doute, en reprenant les calculs, une modification dans le nombre de points d'impôt qui serait nécessaire pour compenser le coût des programmes qui sont actuellement financés par des arrangements financiers que vous connaissez.

M. MORIN: Quelle est la position du gouvernement fédéral, actuellement, en ce qui concerne les 28 points non péréquatés?

M. GARNEAU: Le gouvernement fédéral, en principe, d'après la proposition qui nous a été faite par M. Turner, était d'accord pour étudier une formule "opting out". Là où nous ne nous sommes pas entendus, c'est sur les quanta. Le gouvernement fédéral, au lieu d'accepter la suggestion que nous faisions, a fait une contre-proposition qui incluait des impôts indirects et suggérait de remettre aux provinces les tabacs et les alcools et...

M. MORIN: Mais la croissance de ça est bien moins considérable.

M. GARNEAU: La croissance de ça était moindre et c'est la raison pour laquelle ce mariage d'impôts directs et indirects ne donnait pas suffisamment de sécurité aux provinces en termes de couverture des coûts des programmes qu'il s'agissait de financer. Evidemment, on était d'accord sur le principe, mais sur les modalités, le gouvernement fédéral, sans doute, ne voulait pas faire de transfert d'impôts dont le rendement aurait dépassé le taux de croissance des dépenses des programmes couverts et les provinces qui se trouvaient à prendre seules le risque ne voulaient pas accepter des transferts dont le rendement, en termes de taux de croissance, était trop bas ou trop près des évaluations que chacune des provinces faisait de l'évolution de ses propres coûts dans ces programmes. Je pense que nous avons eu raison d'être très prudents, le Québec et les autres provinces, compte tenu de l'inflation qui sévit présentement et qui implique des taux de croissance de coûts beaucoup plus importants que ce que nous avions prévu, si on prend uniquement les salaires dans le secteur de la santé et des affaires sociales.

Je pense bien que la composante salaires dans le coût total du système doit être environ à 75 p.c, de sorte que, si on applique, comme cette année, par exemple, probablement une indexation de l'ordre de 8 p.c. de la masse salariale, uniquement pour tenir compte du coût de la vie, qui sera versée à l'ensemble des employés de ce réseau-là, cela a un joli impact sur le taux de croissance du coût total des programmes. Je pense que nous avions raison d'être prudents et de vouloir attacher au financement d'un "opting out" des points d'impôt, une fiscalité qui a à peu près le même taux de croissance, le même taux de rendement que la principale composante des coûts qui entre dans le financement de ce programme.

M. MORIN: M. le ministre, c'était quoi exactement le mariage dont vous parliez qui était proposé par le pouvoir fédéral, à cette époque-là?

M. GARNEAU: ... l'impôt sur le revenu... M. MORIN: Combien? Six ou dix?

M. GARNEAU: Six, plus les tabacs et les alcools.

M. MORIN: Vous aviez proposé dix.

M. GARNEAU: Péréquatés à la moyenne nationale.

M.MORIN: Oui.

M. GARNEAU: Ce qui aurait permis aux provinces d'envisager un "opting out" dans le temps, mais à cause du faible taux de... Les versements d'appoint étaient effectués pour tenir compte de l'augmentation du PNB avec une formule d'ajustement et les provinces n'auraient pas bénéficié d'un "opting out" en même temps, et, selon la situation de chacune, vous auriez peut-être eu des provinces qui auraient pu sortir du circuit, je ne sais pas, en 1979, 1980, d'autres sortir en 1995, et d'autres, probablement comme Terre-Neuve, ne jamais sortir du circuit.

C'est pourquoi, je pense bien, la formule fédérale n'avait pas été acceptée, non seulement par le Québec, mais par toutes les provinces.

M.MORIN: M. le ministre, je ne voudrais pas anticiper sur le grand concours électoral qui se déroule en ce moment au niveau fédéral, mais quand prévoyez-vous que tout cela va aboutir? Est-ce que vous prévoyez un accord prévisible dans l'avenir?

M. GARNEAU: Dans un avenir rapproché, je pense bien que ce serait irréaliste de dire qu'il y aura un accord. Sans doute qu'après l'élection fédérale — j'espère qu'il y aura un gouvernement majoritaire — et compte tenu du fait que le gouvernement fédéral actuel a déjà accepté le principe de l"'opting out" contre une fiscalité, avec une période de temps raisonnable, on pourrait en arriver à une décision. Mais ce qui complique un peu la situation, c'est qu'il y a certaines provinces qui, en même temps qu'elles parlent du financement des programmes et de l'"opting out", veulent ajouter au débat le fond du problème et des services couverts. Il faut alors recommencer au début du cycle.

Je dois dire que, compte tenu des problèmes en cause, je ne suis pas fâché que la situation soit demeurée ce qu'elle est, comparativement aux autres formules qui nous avaient été suggérées en cours de route par le gouvernement fédéral.

M. MORIN: Avez-vous terminé, M. le ministre?

M. GARNEAU: Oui.

M.MORIN: Bien. En changeant de sujet à nouveau, dans ce tour d'horizon, est-ce que le ministre s'est penché sur les conséquences considérables pour l'aviation civile au Québec de la taxe de $0.19 le gallon sur l'essence d'avion qui est entrée en vigueur le 1er juillet dernier?

Si je comprends bien, le Québec a appliqué cette taxe, l'Ontario ne l'a pas fait et le résultat, c'est qu'on va s'approvisionner en Ontario.

M. GARNEAU: Quand vous vous référez à l'aviation civile, juste avant de poursuivre la discussion, vous vous référez aux avions de plaisance, non pas aux avions commerciaux?

M. MORIN : Oui, je ne parle pas de l'avion civile internationale.

M. GARNEAU: D'accord, parce que je ne voulais pas qu'il y ait une mésentente là-dessus.

M.MORIN: Bien sûr.

M. GARNEAU: Est-ce que le chef de l'Opposition a posé cette question lors de l'étude des crédits du ministère du Revenu? Parce que...

M. MORIN: Non, je ne l'ai pas posée. Je la gardais pour vous, M. le ministre.

M. GARNEAU: Des discussions là-dessus ont été conduites par le ministère du Revenu. Je ne suis pas absolument certain des conclusions de ces discussions pour pouvoir me prononcer. Il faudrait que je vérifie. Les gens qui m'entourent ne peuvent, de mémoire, dire si oui ou non il y a eu des modifications. Mais je sais que quand on a commencé à prélever la taxe, cela a apporté évidemment des perturbations, en ce sens que des avions allaient faire le plein dans la province voisine pour éviter de payer la taxe de $0.19 le gallon.

M. MORIN: C'est cela.

M. GARNEAU: Cela montre comment une modification aussi mineure de fiscalité entre une province et une autre peut affecter l'activité économique d'une province par rapport à une autre.

M. MORIN: Je vais vous ramener à l'indexation si vous insistez.

M. GARNEAU: Je suis bien content que le chef de l'Opposition soulève cette question qui donne plus de valeur à l'argument que je lui servais tout à l'heure.

M. MORIN: Enfin, comme disent les Anglais "It cuts both ways", parce que je pourrais vous ramener à l'indexation avec le même raisonnement.

M. GARNEAU: Je dirais, à ce moment-là, que nous avons pris des mesures différentes qui avaient pour objet des objectifs similaires quand même.

M. MORIN: Oui. Est-ce que le ministre, lorsqu'il se sera penché un peu plus à fond sur la question, parce que je souhaiterais qu'il le fasse...

M. GARNEAU: Je vais vérifier auprès de mon collègue du ministère du Revenu pour savoir...

M. MORIN: Vous savez que votre collègue du Revenu me renvoie souvent à vous. A de nombreuses reprises, je lui ai posé des questions lors des séances de l'étude des crédits et il semblait que vous fussiez omnicompétent et que lui ne savait à peu près rien.

M. GARNEAU: II faut quand même rendre hommage à mon collègue du Revenu qui accepte de jouer le rôle qui lui est attribué par la loi de son ministère. Le ministère du Revenu a pour fonction de percevoir les impôts et non pas de déterminer leur niveau. Il serait facile pour lui probablement de donner ses opinions, mais comme ce n'est pas sa responsabilité, il préfère être prudent. Je pense que c'est à son honneur et non pas à son désavantage.

M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait le consulter, et peut-être à la suite de nos débats, m'apporter la réponse?

M. GARNEAU: Parce que c'était une interprétation d'un article de loi, ce n'était pas une modification qui était annoncée dans le cadre d'un discours de budget...

M. MORIN: Non.

M. GARNEAU: II s'agit d'une interprétation de l'application d'un article. C'est pourquoi je veux le consulter parce que cela relève de son ministère. Je voudrais au moins lui rendre la pareille.

M. MORIN: Oui. S'il se révélait...

M. GARNEAU: Demain, j'aurai les renseignements, lorsque nous poursuivrons l'étude des crédits.

M. MORIN: Bon! Je préviens le ministre que je lui demanderai, à ce moment, si les renseignements se révèlent exacts, ce qu'il envisage de faire, si...

M. GARNEAU: Disons que cela ne m'a pas fait pleurer. Je veux dire tout de suite au chef de l'Opposition que cela ne m'a pas fait pleurer tellement, parce que les personnes qui ont les moyens d'avoir un avion de plaisance et d'avoir des bateaux hors-bord, en tout cas pour les bateaux, ne peuvent toujours pas aller faire le plein d'essence en Ontario ou au Nouveau-Brunswick, de telle sorte qu'il reste les petits avions de plaisance, et dans ce cadre, je suis un peu moins nerveux. La seule chose qu'on peut dire, par contre, c'est que les avions de plaisance qui viennent de d'autres régions de l'Amérique du Nord, à ce moment, peuvent faire leur trajet en évitant le Québec pour les pleins d'essence. Ceci est évident. Ils enlèveraient ainsi une activité économique aux aéroclubs de Montréal, de Québec ou aux petits aéroports qui sont situés en bordure des frontières onta-riennes ou américaines.

M. MORIN: Je ne pense pas que l'Opposition versait des larmes sur le sort de ces gens, non plus.

M. GARNEAU: Je l'espère, parce que...

M. MORIN: Mais, comme le ministre vient de le dire, cela représente quand même une certaine activité économique, et si on tient compte de tout le contexte, c'est-à-dire également d'une taxe de vente de 8 p.c, puis de l'essence qui coûte plus cher, ce n'est pas tout le monde qui peut aller s'approvisionner en Ontario systématiquement chaque fois qu'on veut faire le plein. Donc, cela peut contribuer, peut-être, je ne sais pas, à faire diminuer une activité.

M. GARNEAU: C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on voulait voir comment la loi s'appliquerait. Je donnerai le renseignement au chef de l'Opposition demain.

M. MORIN: Oui. De toute façon, notre souci n'est pas tellement de l'enlever au Québec, les $0.19 en question, mais c'est de le faire appliquer par l'Ontario.

M. GARNEAU: Au niveau...

M. MORIN: Si tant est qu'il ne l'applique pas, mais cela a bien l'air qu'effectivement l'Ontario ne l'applique pas.

M. GARNEAU: Je répondrai demain.

M. MORIN: C'est parfait. Cela nous convient. On peut peut-être changer de sujet? Oh là là! Je ne sais pas si... J'avais tout un débat en perspective, M. le Président...

M. GARNEAU: Vous pouvez l'amorcer. M. MORIN: Je ne sais pas...

M. GARNEAU: On aura au moins l'avantage de savoir quelle orientation il prend.

M. MORIN: Oui. D'accord! Il s'agit du grand débat qui a eu lieu il n'y a pas si longtemps au sujet des prévisions de revenus dans le cadre du budget qui était présenté par le Parti québécois durant la campagne électorale.

M. GARNEAU: Je pensais que c'était le mien qu'on discutait, et non pas le vôtre.

M. MORIN: C'est parce que vous aviez exprimé des opinions et donné des chiffres à l'époque qui sont certainement pertinents non seulement au budget du Parti québécois, mais au budget dont nous discutons aujourd'hui.

Au cours de la campagne électorale, le ministre avait dit que ce budget que nous présentions était totalement irréaliste sur le plan des prévisions de revenus fiscaux. Je voudrais lui demander si, à la lumière des prévisions de revenus pour l'année 1974/75, le ministre serait prêt à revoir, à réviser quelque peu les opinions qu'il exprimait à cette époque. Vous aviez refusé nos estimations, si ma mémoire est bonne, au titre de l'impôt sur le revenu des particuliers, principalement en raison du fait que ces prévisions reposaient sur des calculs de croissance du revenu personnel qui vous paraissaient trop élevés.

M. GARNEAU: Si le chef de l'Opposition veut reprendre le débat, je n'ai pas d'objection, sauf qu'il va falloir se replacer à l'intérieur des paramètres que nous avions à ce moment et qui étaient ceux qui avaient été élaborés par votre savant confrère qui était candidat dans Crémazie. Il présumait de ces revenus à partir d'un

taux de croissance du produit national brut de 9.5 p.c. IL ne faudrait pas confondre avec ce qui est la réalité pour 1974/75 où le produit national brut n'est pas de 9.5 p.c, mais de l'ordre de 12 p.c.

Si nous appliquons les taux d'élasticité auxquels se référait M. Parizeau, lors de la présentation du budget du Parti québécois, il va falloir en discuter à l'intérieur des mêmes paramètres. Si on change de paramètres, à ce moment, il va falloir changer également le contenu du budget du Parti québécois. Mais si on se réfère, par exemple, au taux d'élasticité, au produit national brut que j'avais développé, au taux de croissance moyen expérimenté au cours des dernières années de l'ensemble des revenus du Québec, je pense que nous pouvons entreprendre le même débat avec les mêmes tendances et démontrer actuellement, avec les chiffres de 1974/75, que les opinions que j'émettais à ce moment se trouvent réalisées dans la réalité de 1973/74 et de 1974/75, mais à partir de paramètres forts différents. Si M. Parizeau, à ce moment, avait utilisé d'autres paramètres, on aurait eu d'autres chiffres et le débat aurait porté probablement d'une façon différente, mais je tiens, à souligner que les tendances que j'ai utilisées pour faire la projection de revenus, au cours de ce débat et des discussions qui ont précédé et qui ont suivi, se réalisent cette année et se sont réalisées l'an dernier.

Si vous parlez en termes de taux d'élasticité du PNB et du taux de croissance moyen expérimenté au cours des cinq ou six dernières années, vous avez une tendance qui se situe à peu près dans le même ordre de grandeur.

M. MORIN: L'hypothèse de base qui avait été utilisée par le Parti québécois à cette époque, comme taux de croissance annuel du revenu personnel, était effectivement de 9.5 p.c.

M. GARNEAU: Le PNB, le produit national brut, non pas le revenu personnel; c'est justement ce qui m'a embêté beaucoup lors du débat, d'ailleurs je l'avais mentionné à M. Parizeau à d'autres occasions. Lorsqu'il appliquait le taux d'élasticité à l'impôt sur le revenu personnel, il appliquait un taux d'élasticité à partir du PNB et non pas à partir du taux de croissance du revenu personnel qui n'était pas exprimé dans les données économiques de base, si ma mémoire m'est fidèle, du budget de l'an I. Il fallait travailler à partir du PNB. On ne pouvait pas alors utiliser les mêmes taux d'élasticité en prenant comme base le PNB, qu'en prenant comme base le taux de croissance d'un revenu personnel.

M. MORIN: Non, mais, pour l'année 1974/75, compte tenu d'un taux d'élasticité de 2 p.c, alors qu'on prévoit une augmentation des recettes d'à peu près quoi, 29.5 p.c...

M. GARNEAU:.De quoi parlez-vous?

M. MORIN: Je parle toujours de la même chose.

M. GARNEAU: De l'impôt sur le revenu ou de l'ensemble du revenu?

M. MORIN: De l'impôt sur le revenu. M. GARNEAU: Des particuliers?

M. MORIN: Oui, des particuliers. Alors, je dis, compte tenu de cela, quelle est l'hypothèse exacte du ministre pour l'année 1974/75? Est-ce 12 p.c, 13 p.c, 15 p.c?

M. GARNEAU: Vous me demandez de vous dire maintenant quel sera le taux de croissance du revenu personnel en 1974?

M. MORIN : Quelle est votre hypothèse?

M. GARNEAU: Notre hypothèse de travail...

M. MORIN: Pour vos estimations de revenu?

M. GARNEAU: 11.5 p.c de taux de croissance du revenu personnel, excluant les paiements de transfert. On donne le taux qui a été utilisé de 11.5 p.c, le taux de croissance du revenu personnel imposable.

M. MORIN: Du revenu personnel imposable. On n'a jamais parlé d'autres choses, M. le ministre. On parlait du revenu personnel également que l'on fixait à 9.5 p.c.

M. GARNEAU : Je ne vous contredis pas non plus. Ce que je vous dis, c'est que, quand on parlait de taux de croissance de l'ensemble du revenu du Québec, on calculait un taux d'élasticité de 1.2 p.c. au PNB. C'est à partir de cette tendance que nous disions que vos revenus étaient gonglés, compte tenu du fait que vous reteniez, comme point de départ, 9.5 p.c de taux de croissance de l'activité économique.

Cette année, cela se situe encore dans ces limites, le taux de croissance au PNB de l'ensemble des revenus.

Evidemment, il faut prendre une moyenne parce que c'est difficile d'isoler une année, parce qu'il y a toutes sortes de facteurs externes, mais, si on veut faire une projection réaliste, il faut quand même se baser sur une tendance.

Alors, on peut proposer l'ajournement, M. le Président, étant donné qu'il est 18 heures.

LE PRESIDENT (M. Brisson): D'accord! Alors, la commission suspend ses travaux à 20 heures.

M. MORIN: 20 h 15.

LE PRESIDENT (M. Brisson): A 20 h 15.

M. MORIN: Normalement demain, il y a session le matin, après l'Assemblée.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Normalement, après la période des questions.

M. GARNEAU: Est-ce que ce soir, normalement, on siégerait jusqu'à 11 heures?

LE PRESIDENT (M. Brisson): Normalement, c'est 11 heures, à moins d'une entente avec les membres de la commission.

M. GARNEAU: Est-ce que je peux demander au chef de l'Opposition si je dois faire venir pour ce soir mes fonctionnaires du Conseil du trésor. Je ne voudrais pas les faire déplacer inutilement, mais non plus...

M. MORIN: Le Conseil du trésor vient à la fin.

M. GARNEAU: A la fin, oui. M. MORIN: Non. J'en doute.

M. GARNEAU: Alors, on va les laisser dormir ou s'amuser en paix.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, la commission suspend ses travaux à 20 h 15.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

Reprise de la séance à 20 h 25

M. CARON (président de la commission permanente des finances, des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs!

Nous allons continuer l'étude des crédits du ministère de M. Garneau pour l'année 1974/75. Je pense qu'on est encore dans les remarques d'ordre général.

M. MORIN: Oui, effectivement, nous n'avions pas encore abordé l'adoption du programme no 1. Dans ce cadre de discussion générale, M. le Président, j'aimerais interroger le ministre des Finances au sujet de l'étude portant sur la part du Québec dans les revenus et dépenses du gouvernement fédéral. L'an dernier, lors de l'étude des crédits de son ministère, le ministre affirmait que cette étude était futile et qu'elle ne constituait pas, en conséquence, une priorité pour son ministère. A toutes fins pratiques, elle était discontinuée. Je me permets de citer le ministre, in extenso, pour lui rafraîchir la mémoire: "J'ai cru, dit le ministre, à la page B-1733, que, dans l'ordre des priorités pour le ministère des Finances, compte tenu de nos effectifs, qui ne sont pas illimités, il y avait avantage à consacrer nos efforts à la préparation de dossiers du genre de ceux que nous avons présentés d'abord pour la Caisse d'aide conjoncturelle." Et plus loin: "Alors, plutôt que de consacrer des énergies à cet exercice" — il veut dire l'exercice, bien sûr, qui consiste à déterminer la part du Québec dans les revenus et dépenses du gouvernement fédéral — "que, pour ma part, je considère futile, nous les avons mises ailleurs. Si d'autres pensent que c'est préférable de mettre les énergies dedans, éventuellement, si la population du Québec le décide, ils auront tout le loisir de mettre leurs priorités sur ces activités."

Alors, comment expliquer qu'à quelques jours du scrutin de 1973 d'octobre dernier, le gouvernement décide que ces études n'ont pas été discontinuées, qu'elles existent et qu'il les rend publiques? J'aimerais que le ministre nous éclaire là-dessus.

M. GARNEAU: Le chef de l'Opposition m'incite à revenir dans le contexte de la stratégie électorale du mois qui a précédé la campagne.

Le chef de l'Opposition se rappellera qu'à plus d'une occasion le chef du gouvernement, le premier ministre, avait suggéré au Parti québécois, qui promettait depuis longtemps de déposer un budget hypothétique d'un Québec séparé, de le faire pour permettre une discussion hors climat électoral de ce dossier.

D'un autre côté, voyant que le Parti québécois ne voulait pas déposer un tel document hors campagne électorale, il m'est apparu que cette question...

M. MORIN: C'était moins futile?

M. GARNEAU: ... non, cette question, par un choix fait par le Parti québécois, deviendrait extrêmement importante au niveau de l'information du public et nous pourrions, au cours de cette campagne électorale, être accusés d'avoir camouflé la vérité ou encore de nous faire sortir des chiffres qui ne coïncideraient pas avec la réalité.

C'est pourquoi, au cours du mois d'août, voyant que le Parti québécois ne déposait toujours pas son document, j'ai demandé qu'on mette à jour, suivant la même méthodologie qui avait été suivie en 1970, les chiffres du document Morin, l'autre Morin, Claude. Cela a été fait et je l'ai gardé, mais avec l'idée, en fait, de ne pas le publier, si le débat n'était pas tourné vers cette question, parce que nous ne voulions pas qu'au cours d'une campagne électorale, et nous l'avions dit antérieurement, utiliser cette argumentation préférant le faire en d'autres circonstances. C'est pourquoi le document, d'ailleurs, n'a pas été rendu public et vous n'avez pas entendu parler de l'existence de ce document, de menace ou de question de le déposer, sinon après la conférence de presse extrêmement tapageuse qui avait été faite par le candidat de Crémazie et les principaux dirigeants du parti qui forme aujourd'hui l'Opposition officielle, de telle sorte que le document n'aurait probablement pas été déposé si la tournure avait été différente.

Mais nous avons cru qu'il était de notre devoir de déposer ces chiffres qui constituaient, en fait, un document extrêmement technique qui ne modifiait en rien la méthodologie suivie, qui était tout simplement la mise à jour du même document, suivant les mêmes méthodes, soit les deux méthodes, les flux financiers et les revenus, de telle sorte que les gens pourraient avoir cet outil pour porter un jugement sur la valeur de chacune des thèses en cause.

M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait maintenant nous dire pour quelles années le travail a été fait? Est-ce qu'il y a des trous depuis 1968?

M. GARNEAU: D'ailleurs, le document a été rendu public. J'imagine que le chef de l'Opposition en a une copie. Les trois points de référence sont les années, 1963/64, 1967/68, 1971/72 pour indiquer une tendance à la hausse ou à la baisse. C'étaient les derniers chiffres dont nous disposions. Peut-être qu'aujourd'hui, on pourrait le faire avec les données de 1973. Je ne sais pas si on pourrait le faire. Les données de 1973 ne seraient disponibles qu'à l'automne. Elle ne seraient pas disponibles présentement, semble-t-il.

M. MORIN: Si je comprends bien, c'est l'intention du ministre, toujours pour contribuer à un débat serein sur l'avenir du Québec, de continuer à publier...

M. GARNEAU: Je vais vous dire que, si le chef de l'Opposition est à ce point masochiste qu'il aime se faire donner régulièrement ces mêmes arguments qui démolissent sa thèse, s'il aime se faire mal, je peux bien continuer à le faire. Quoique, personnellement...

M. MORIN: Je crois que les Québécois ont le droit d'être renseignés, quelles que soient les conclusions de ces documents. Vous ne pensez pas, M. le ministre?

M. GARNEAU: D'ailleurs, quand je l'ai rendu public en campagne électorale, j'y ai mis toutes les mêmes précautions, les mêmes réticences que le document original comportait. Si on se reporte — j'en ai une copie ici — au document que j'ai déposé, je pense qu'il y a trois ou quatre paragraphes, même plus que cela, il y a cinq paragraphes, avec un sous-titre: "Mise en garde", pour bien indiquer les limites de cette étude, et, en ce sens, nous reprenions les mêmes mises en garde qui étaient contenues dans le document de 1970 et qui faisaient l'analyse antérieurement à 1968/69.

Il faut bien comprendre que cette étude, si elle constitue des points de référence, a quand même des limites au point de vue de la fiabilité, parce qu'on ne peut pas analyser la rentabilité économique de notre appartenance au Canada uniquement par cette méthode de flux financier. Il y a bien d'autres facteurs qui ne sont pas évaluables et qui peuvent avoir une influence extrêmement importante. C'est pourquoi, dans le communiqué de presse et dans le texte lui-même du document, nous avons repris d'abord la méthodologie, et repris également la mise en garde. C'est pourquoi aussi, je vous le dis, c'est un exercice qui a certainement une valeur, en termes de points de référence, mais qui ne constitue certainement pas une analyse exhaustive de la rentabilité de l'appartenance du Québec au reste du Canada dans le cadre fédéral.

M. MORIN: Le ministre va me trouver d'accord pour constater avec lui qu'on ne peut pas évaluer ces choses seulement en termes quantitatifs et en termes fiscaux ou en termes de revenus et dépenses. Il y a bien d'autres désavantages...

M. GARNEAU: Sur le strict plan économique, en dehors des autres aspects, culturel, socio-économique...

M. MORIN: Oui, il y a bien d'autres... Je suis d'accord.

M. GARNEAU: ... sur le plan économique...

M. MORIN: Je suis d'accord. Il y a bien d'autres désavantages à appartenir au Canada, mais il est quand même utile de pouvoir chiffrer...

M. GARNEAU: Cela dépend de quel côté on

se place. Nous regardons les aspects positifs, et l'Opposition regarde les aspects négatifs.

M. MORIN: Cela dépend de quel point de vue on se place effectivement. Si on se place du point de vue de l'identité québécoise et de la reprise en main de nos affaires, c'est encore le seul critère qui, je crois, doive déterminer nos actions. A ce moment, on pourrait avoir certainement un long débat pour savoir si le fédéralisme canadien est rentable ou non. Mais, de toute façon, j'imagine qu'on ne va pas régler cela à cette table ce soir. D'ailleurs, ce n'est pas nous qui allons régler cette question, ce sont les Québécois.

M. GARNEAU: Non!

M. MORIN: Est-ce que je peux demander au ministre s'il peut nous promettre qu'à l'automne, l'étude des revenus et dépenses sera déposée pour l'année 1973? Et ainsi de suite, au fur et à mesure que les chiffres deviendront connus?

M. GARNEAU: Je ne crois pas que je puisse prendre cet engagement. Cela dépendra du temps qui pourra y être consacré par les équipes du ministère, d'autant plus que je me demande s'il y a avantage à le faire pour chaque année. Ce qui est important, c'est de garder, par périodes d'intervalle, des points de référence pour voir s'il y a des changements de tendance.

Je ne vous cache pas, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, n'eut été l'attitude du Parti québécois, je n'aurais pas rendu le document public; même s'il était positif et que je l'avais en ma possession bien avant que la campagne électorale ne soit même annoncée ou déclenchée, je ne l'aurais pas rendu public parce que je ne croyais pas que l'étude était à ce point exhaustive qu'elle puisse être un outil valable.

M. MORIN: Oui, mais la question est celle-ci: S'il avait été favorable à la thèse que vous défendiez, l'auriez-vous publié? La question est là. C'est pour cela que je crois qu'il vaut mieux publier avant. Comme cela, les Québécois, le sauront de toute façon. Que cela soit dans un sens ou dans un autre, qu'ils soient éclairés sur leur choix.

M. GARNEAU: Je ne vous dis pas que dans un an ou dans deux ans, on ne prendra pas des points de référence. Si on l'a fait en 1963/64, en 1967/68, en 1971/72, peut-être qu'on pourra le faire en 1973/74 ou 1974/75. Garder un intervalle, à tous les deux ou trois ans, pour ne pas refaire chaque année... Ce qui est important là-dedans, c'est de voir la tendance que prend l'évolution des flux financiers suivant la méthode des revenus et des dépenses, mais je ne veux pas prendre cet engagement et ne pas le respecter par la suite.

M. MORIN: Le danger, si vous ne publiez pas chaque année, c'est d'abord de ne pas savoir où vous en êtes vous-même parce qu'il y a plus que la tendance générale, la tendance à long terme là-dedans. Il y a une sorte de comptabilité des avantages et des désavantages d'année en année. L'autre désavantage est qu'on vous accusera de ne pas publier certains chiffres parce que vous voulez les cacher, de telle sorte que vous finirez toujours en période électorale par les publier. Alors, pourquoi ne pas opter dès maintenant pour une politique ouverte et publier chaque année les résultats, qu'ils soient bons ou mauvais pour nos thèses respectives? Pourvu qu'on éclaire les Québécois, n'est-ce pas ce qui compte?

M. GARNEAU: J'ai répondu au chef de l'Opposition là-dessus en lui disant que je ne voulais pas prendre d'engagement certain. Cela dépendra du temps que les gens pourront mettre sur une telle étude; mais quant à ma réaction maintenant, si on a des points de référence à intervalle régulier, cela m'apparaît suffisant.

M. MORIN: Je dis au ministre que, de toute façon, on va les lui réclamer et publiquement. C'est bien plus simple de les publier et de ne pas laisser peser le moindre soupçon.

M. GARNEAU: Je vais attendre que le chef de l'Opposition ait fait beaucoup de tapage et quand il aura fait beaucoup de tapage, je lui apporterai une fois de plus la preuve et il partira avec le petit bout du bâton, encore une fois.

M. MORIN: Je suis prêt à prendre ce risque.

M. GARNEAU: Je n'aime pas faire mal intentionnellement au Parti québécois. Ce sont de bons amis et je ne veux pas...

M. MORIN: Oui, oui. Et si on vous proposait d'éclairer tout simplement les Québécois, cela ne serait pas plus simple?

M. GARNEAU: Je pense que les Québécois ont été éclairés. Ils en ont donné la preuve la dernière fois.

M. BACON: C'est vous autres qui n'avez pas été éclairés.

M. MORIN: Alors, vous n'avez pas intérêt à dissimuler les chiffres dans ce cas.

M. ROY: Non, ce n'est pas sûr que les Québécois aient été éclairés.

M. GARNEAU: Non?

M. ROY: Je ne suis pas sûr du tout, parce que j'ai assisté moi-même à un certain débat et il a été très difficile de faire la lumière à ce moment.

M. GARNEAU: D'ailleurs, j'ai vu une personne tout à l'heure en compagnie du député de Beauce-Sud qui disait qu'il avait été excellent, le député de Beauce-Sud. La personne me faisait ce témoignage. Ce que je veux dire...

M. ROY: Même si on a pu dire cela, M. le ministre...

M. GARNEAU: Non, je ne veux pas...

M. ROY: ... je tiens quand même à dire tout simplement que ce n'est pas que je veux prendre parti pour un côté ou l'autre.

M. BACON: Faites attention.

M. ROY: Nous avons nos positions. Elles sont clairement connues, mais je pense qu'il est d'intérêt fondamental que les Québécois sachent toutes les choses que vous a demandées le chef du Parti québécois. Je pense que c'est normal que ces choses soient dites, parce que le gouvernement a la possibilité de faire toutes les études de ce côté et le gouvernement est capable de recueillir toutes les données. Je pense que le jour où les Québécois sauront ce qui en est effectivement, ' en dehors d'une campagne électorale, ceci contribuera énormément à permettre aux gens de faire un choix objectif et non pas un choix conditionné dans des courants d'opinion et dans des labyrinthes d'idées orchestrées par une publicité que vous connaissez.

M. BACON: Le député de Beauce-Sud serait-il en train de nous annoncer des nouvelles?

M. GARNEAU: Dont j'ai souffert, d'ailleurs. Dont j'ai souffert, le député de Beauce-Sud va sûrement accepter cela.

M. ROY: Nous en avons souffert personnellement, M. le Président. Je pense qu'on doit passer sur ces choses. Ces questions méritent qu'on leur porte une attention bien au-dessus de toute considération personnelle...

M. GARNEAU: En dehors de ces questions que vous mentionniez...

M. ROY: C'est une question d'intérêt fondamental pour les Québécois.

M. GARNEAU: En dehors de ce que le député de Beauce-Sud souligne, s'il veut quand même répéter une fois de plus que même si une étude comme celle-là a une certaine valeur, comme point de référence, elle ne couvre pas — et je n'en connais pas qui ait été, de toute façon, beaucoup plus détaillée — tous les aspects, il ne faudrait pas présenter un tel document comme étant la bible du pour ou du contre. C'est qu'à mon sens il y a des intangibles là-dedans. Le fait d'avoir une monnaie commune, le fait de participer à un marché commun avec un système douanier unique, le fait d'appartenir à un ensemble économique plus grand, comment cela se mesure-t-il en termes de flux financier et en termes d'avantages économiques pour le Québec?

M. MORIN: On tombe dans les comptes nationaux.

M. GARNEAU: Même là, si vous prenez l'approche des comptes nationaux, vous n'aurez pas ces impondérables. Vous ne pourrez pas les dénombrer, les évaluer. C'est pourquoi l'étude qui a été publiée et la tendance qu'elle dénote sont extrêmement positives suivant la méthodologie qui avait été suivie.

Mais quand même, même si ces chiffres d'une année ou l'autre devenaient négatifs, cela ne ferait pas la démonstration d'une façon absolue et irréversible parce que, même s'ils étaient négatifs, il y a des impondérables qui les compenseraient peut-être par deux, par trois, par quatre, et c'est l'appréciation que chacun fait de ces impondérables qui fait la sommation de l'analyse qu'on peut faire. Mais c'est tout simplement un point de référence.

M. MORIN: C'est cela.

M. GARNEAU: C'est pour cela que je dis: S'il est intéressant de maintenir des étapes pour voir quelles sont les tendances, ce n'est peut-être pas la peine de se mettre en frais de le faire année par année, peut-être les indiquer comme statistiques additionnelles en plus de toutes les autres, mais non pas comme document fondamental de notre mère la sainte Eglise.

M. ROY: Je me permets d'ajouter ceci: II est quand même important que le gouvernement sache où il est, de façon à pouvoir élaborer ses propres politiques et de façon à pouvoir apporter les correctifs qui peuvent et doivent être apportés à des moments opportuns. Comment voulez-vous que le gouvernement du Québec, s'il ne possède aucune donnée dans ce domaine, même dans le domaine du commerce qui peut exister entre les provinces...

Dans un ministère en particulier, le ministère de l'Agriculture, il y a quand même des recherches qui ont été faites, on a réussi à obtenir certains chiffres. Le gouvernement provincial a quand même réussi à négocier, tant bien que mal, sur des données de base, de façon à pouvoir garantir, dans le domaine de l'agriculture, certains secteurs de la production agricole et de façon à garantir et à soutenir des productions agricoles au Québec en vertu de pourcentages qui ont été accordés.

Il en est de même dans tous les autres domaines. Nous avons une province, nous avons un gouvernement au Québec. Je ne voudrais pas plonger dans le débat de la langue. Il se dit tellement de choses en dehors de l'Assemblée

nationale à ce moment-ci et même à l'Assemblée nationale que je ne voudrais pas plonger là-dedans. Mais je pense que, si nous voulons vraiment, au Québec, être en mesure de prendre en main notre économie, il va falloir que nous prenions nos responsabilités et, pour les prendre, il faut avoir des données, sur le plan économique, qui nous sont indispensables. Nous avons un ministère de l'Industrie et du Commerce qui est capable de recueillir des statistiques. Aujourd'hui, on est assez bien organisé, on a seulement à regarder au niveau de l'impôt. Toutes les entreprises qui sont installées au Québec et qui font affaires au Québec sont quand même obligées de faire parvenir leur bilan chaque année au ministère du Revenu du Québec. Il est quand même possible d'être en mesure d'avoir ces données, peut-être pas à 100 p.c, mais d'être capable d'en recueillir le plus possible de façon à avoir des indications les plus précises possible. Je dis que c'est essentiel que nous les ayons chaque année pour être en mesure de faire des études, pour comparer avec les années qui ont précédé, pour être en mesure de connaître les tendances, pour être en mesure de voir l'orientation.

Si nous n'avons pas cela, qu'est-ce que vous voulez, de quelle façon pensons-nous sérieusement que le gouvernement du Québec puisse agir dans le domaine économique, sinon que d'agir par voie de conséquence, aller un peu à la va-comme-je-te-pousse dans les secteurs qui représentent des caractéristiques un peu spéciales ou encore dans des secteurs où il y a plus de demandes, où il y a le plus de représentations qui sont faites au niveau du gouvernement. Il y a quand même des choses, si nous voulons réellement ordonner un développement économique au Québec, un développement économique pur et en faveur des Québécois. En somme, nous n'avons pas de ministère de l'économie au Québec et tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas de ministère de l'économie comme tel, c'est le ministère des Finances qui doit jouer ce rôle.

Il est absolument important que le ministère des Finances prenne toutes les dispositions, toutes les mesures qui s'imposent pour pouvoir avoir toutes ces données, avoir tous ces chiffres de façon à ce que ce soit annuel et que ça ne devienne pas des sujets de conversations ou des sujets de discussion qui puissent faire en sorte d'influencer l'électorat en période électorale. Je trouve que ça peut peut-être faire l'affaire du gouvernement en place, cela a peut-être fait l'affaire du gouvernement en place aujourd'hui, mais cela a déjà fait l'affaire d'autres gouvernements en place qui n'étaient pas des gouvernements libéraux. Je dis que c'est d'intérêt commun, prioritaire, que ça devrait faire une question qui passe au-dessus de toute considération politique ou partisanne.

M. GARNEAU: M. le Président, le député de Beauce-Sud me réfère à des statistiques d'ordre économique, financier. Il faut quand même admettre — je pense que le député de Beauce-Sud va l'admettre — que, chaque année, le ministère de l'Industrie et du Commerce publie et même à tous les trimestres, des documents statistiques. Vous avez à chaque année le volume complet de toutes les statistiques, non seulement sur le plan économique en termes de grand indicateur mais en termes de population; non seulement, cette brochure de la situation économique est publiée annuellement, mais le gros bouquin, l'Annuaire du Québec comprend une foule de statistiques. Du côté financier, nous publions depuis que j'occupe la fonction de ministre des Finances, à partir de 1971, un fascicule spécial qui donne des statistiques financières et cela en plus des comptes publics. On ne peut pas dire que le gouvernement tend à cacher des données qui pourraient servir de base, soit aux partis de l'Opposition ou au public en général.

En plus nous participons à d'autres organismes qui s'intéressent à ces questions, que ce soient les centres universitaires, que ce soit le Conference Board ou encore d'autres groupes qui travaillent sur des projections économiques; nous collaborons avec ces groupes et la plupart des documents sont publiés. Je ne peux quand même pas laisser sous-entendre que nous camouflons des chiffres, au contraire, il y en a des tonnes et il faut être député pour s'apercevoir du courrier extrêmement volumineux de cette nature que nous recevons presque quotidiennement.

C'est un raffinement de statistiques financières que nous retrouvons dans les différents documents et que chacun, suivant la méthodologie qui est en cause, pourrait appliquer, c'est une chose complètement différente.

M. ROY: Oui, mais le ministre...

M. MORIN: Si je pouvais interrompre un instant, M. le Président. Je voudrais dire que le ministre a parlé d'or tout à l'heure, quand il a dit que de nombreux facteurs conditionnent le choix fondamental que les Québécois sont appelés à prendre au cours des années qui viennent quant à leur avenir. Et, on ne peut certainement pas, comme il l'a affirmé, mesurer les avantages et les inconvénients du fédéralisme, non plus d'ailleurs que ceux de l'indépen-dance-association, seulement en termes financiers, ce qui vaut pour le fédéralisme, vaut également, j'imagine, pour l'indépendance.

Mais les statistiques, les chiffres dont nous parlons depuis tout à l'heure, sont quand même d'une importance capitale dans ce choix. Et c'est ce que je dis au ministre; je tente de lui expliquer que, de toute façon, il sera appelé à les publier d'année en année et que s'il ne les publie pas, il sera accusé de publier les années qui lui sont favorables et de cacher celles qui ne le lui sont pas.

Comme par hasard, les statistiques qu'il a

publiées à l'automne, je crois, lui étaient favorables. Elles ne le seront peut-être pas toujours. Alors, le plus simple, s'il veut éviter des débats acrimonieux, s'il veut éviter, c'est du moins l'intention qu'il a exprimée tout à l'heure, que ces questions se débattent précisément en période électorale, alors pourquoi ne pas publier ces chiffres au fur et à mesure qu'on peut se les procurer?

M. GARNEAU: Le chef de l'Opposition semble oublier qu'à l'intérieur du fédéralisme canadien, il y a des négociations qui se poursuivent continuellement et quand nous publions les documents comme ceux que nous avons publiés, en mettant à jour, par exemple, le document des Affaires intergouvernementales de 1970, en reconnaissant, en y incluant toutes les limites que cela comporte, ces limites et ces mises en garde ne sont pas les paragraphes qui sont nécessairement lus les premiers par les autres provinces du Canada. J'aimerais bien que le chef de l'Opposition se rende compte aussi, que lorsque nous négocions un partage fiscal plus adéquat pour l'ensemble des provinces, en particulier pour le Québec, il arrive parfois que je me sentirais plus à l'aise si les chiffres positifs n'étaient pas connus. C'est un argument qui...

M. MORIN: S'ils étaient négatifs.

M. GARNEAU: Oui, mais justement, ils ne le sont pas négatifs.

M. MORIN: Ils ne le sont pas, mais comment le savez-vous...

M. GARNEAU: Comme je le mentionne au chef de l'Opposition, c'est qu'il y a bien d'autres domaines... Si nous étions tous convaincus, vous, moi et tout le monde, ainsi que tous les spécialistes, qu'il s'agit de l'étude la plus complète, la plus exhaustive, celle qui ne comporte aucune faille, qui couvre tous les aspects de l'économie — parce qu'encore là, je ne veux pas aborder dans ce débat tous les autres aspects, parce que je veux me restreindre aux questions qui nous touchent de plus près et qui retiennent l'attention de l'analyse des crédits du ministère des Finances— peut-être, serions-nous dans une position plus confortable. Mais compte tenu des limites que cela comporte, je voudrais au moins souligner cette situation qui est la mienne, par la suite, quand je rencontre mes collègues des autres provinces et que je défends, au nom du Québec, certaines modifications qui peuvent être avantageuses et s'inscrire peut-être dans une meilleure compréhension d'un fédéralisme décentralisé à l'avantage, non seulement du Québec, mais d'autres provinces, qui, pour des raisons géographiques ou économiques, se situent un peu dans le même contexte.

M. ROY: Quant au fédéralisme décentralisé, pour accorder plus de pouvoirs aux provinces, je pense, M. le Président, qu'on touche justement un point extrêmement important. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de soulever cette question devant l'Assemblée nationale. On sait que le ministère des Finances est le ministère clé de la province. Tous les autres ministères sont conditionnés par les disponibilités que peut avoir en main le ministre des Finances. On se fait écrire des lettres, comme député de comté, lorsqu'on a appuyé ou encore lorsqu'on fait des demandes à différents ministères au nom des municipalités, des commissions scolaires, des différents organismes: Compte tenu des disponibilités budgétaires que nous avons au ministère. Voilà une phrase qu'on retrouve dans des milliers, je dirais même dans des dizaines de milliers de lettres qu'écrivent les différents chefs de cabinet ou les sous-ministres au nom de leur ministre respectif dans divers ministères.

Alors on sait très bien que c'est le ministère des Finances qui a la clef de toute l'administration de la province et, je dirais même plus aujourd'hui, de son développement économique. Je trouve, personnellement — et d'ailleurs nous l'avons dit au niveau de notre formation politique — que le système actuel, les méthodes utilisées, je ne parle pas des méthodes comptables, mais des principes qui découlent de l'administration publique actuellement ne peuvent nous conduire nulle part, sinon retarder la date, retarder l'échéance d'une dette que nous ne pourrons éventuellement payer.

M. le Président, il y a des dépenses dans le gouvernement provincial, comme dans l'administration municipale, comme dans les entreprises. Il y a des dépenses pour fins d'immobilisation. Il y a des dépenses d'administration courante. Ce sont deux choses complètement distinctes.

Lorsqu'il s'agit de faire de l'investissement, de l'immobilisation, ce n'est pas du tout la même chose que lorsqu'il s'agit d'administrer les affaires courantes de l'Etat. Actuellement, les deux, en quelque sorte, sont mis exactement dans le même budget et on ne fait pas de distinction quant au financement de ces deux secteurs particuliers, à un point tel que, lorsqu'il y a des investissements qu'on fait au Québec ou encore qu'on peut faire des investissements massifs, on a recours à l'épargne pour les financer dans la mesure où, à un moment donné, le gouvernement peut emprunter, et il n'y a aucune distinction faite de façon précise dans le financement à long terme, si on finance des immobilisations ou des investissements ou si on finance à long terme des déficits d'administration courante.

Je ne sache pas qu'actuellement, dans le gouvernement provincial, on ait tenu compte dans les budgets de la province de la dépréciation des investissements et de la dépréciation des immobilisations. Si on ne tient jamais compte de ces dépréciations, de l'investissement des immobilisations, contrairement à ce que

font toutes les entreprises au Québec — elles sont obligées de le faire, les lois fiscales de la province les y obligent, elles sont obligées de le faire — à ce moment-là, on emprunte à long terme pour financer des dépenses courantes ou encore, en quelque sorte, on taxe les citoyens ou on les surtaxe pour leur faire financer de l'immobilisation à même le budget actuel.

Or, il faudrait faire une distinction très nette — et je le souligne encore à l'attention du ministre des Finances— parce que ce point nous apparaît fondamental, parce que nous ne pourrons jamais apporter les correctifs qui s'imposent dans toute l'organisation et dans le financement de la province.

Je ne sache pas que si le gouvernement voulait mettre en application certains principes, qui ont été proposés ou certaines méthodes qui ont été proposées par d'autres formations politiques, il s'en trouverait plus mal en point. Il s'agit tout simplement d'apporter des réformes économiques au système, du libéralisme économique qui, à l'heure actuelle, ne répond plus aux besoins des sociétés modernes.

Le Québec, comme gouvernement, pourra peut-être dire: Nous sommes dans un contexte canadien, nous sommes dans un contexte mondial. C'est peut-être vrai, mais si tout le monde apporte la même excuse, nous n'en sortirons jamais. Tout le monde va s'en remettre aux autres. Il importe que nous prenions nos responsabilités là où nous sommes situés, compte tenu des possibilités que nous avons, et Dieu sait si nous avons des possibilités au Québec.

Je trouve tout simplement illogique que nous prenions le chemin des Etats-Unis pour aller nous créer des servitudes de vingt ans, voire de trente ans, servitudes qui seront renouvelées à l'échéance, parce qu'on ne prévoit pas d'amortissement dans les budgets de la province. On ne prévoit pas d'amortissements dans l'administration de la province de sorte que ces emprunts seront renouvelés à l'échéance, de sorte que nous allons payer des intérêts pendant des générations et des générations et encore des générations, ce qui occasionne des saignées d'argent dans le budget de la province, qui privent le gouvernement et les ministères à vocation économique, comme les ministères d'administration de sommes d'argent appréciables qui pourraient être appliquées dans l'administration de la province, voire dans le financement de la province.

Je veux faire référence au crédit de la province. On sait que le crédit de la province, c'est la capacité qu'une collectivité demeurant dans une province peut avoir de produire des biens et des services dans une période donnée en vue de satisfaire ses propres besoins.

M. le Président, il faut que ces crédits soient comptabilisés quelque part. S'ils sont comptabilisés quelque part, il faut qu'ils soient monnayés. Or, si nous procédons par le fait qu'on fait monnayer ces crédits par des institutions hors frontières, je dis qu'on se trouve à créer, à ce moment, des servitudes ou des saignées d'argent qui ne reviendront jamais. On pourra peut-être trouver curieux ce genre d'intervention dans certains milieux, mais je pose une question à l'honorable ministre, et j'aimerais avoir la réponse. On vient d'emprunter aux Etats-Unis $150 millions, parce que, justement, on n'a pas les deniers requis au Québec pour être en mesure de financer, dans le système actuel, ces $150 millions. Si nous n'avons pas les $150 millions aujourd'hui et que nous sommes obligés de les emprunter, comment allons-nous pouvoir rembourser les $414 millions d'intérêts que nous devons leur retourner en plus des $150 millions que nous leur avons empruntés?

Actuellement, M. le Président, je pense que cela mérite qu'on y porte une attention spéciale. Le taux d'emprunt et les emprunts et les servitudes qui sont créés envers les étrangers de la province, ce n'est pas une question de fédéralisme ou d'indépendantisme, c'est une question de finance. Comment pourra-t-on, un jour, venir à s'en sortir si ce taux de dépendance s'accroît plus rapidement que le taux de croissance économique et, en plus du taux de croissance économique, que le taux de croissance démographique? M. le Président, le gouvernement n'a peut-être pas fait d'étude à ce niveau. Je pense que ce serait quand même drôlement important qu'on le fasse.

Nous avons, au Québec, une économie, une province jeune sur le plan économique. Nous avons une population et une main-d'oeuvre abondantes. Nous avons des ressources naturelles immenses, dont, à l'heure actuelle, le gouvernement ne connaît même pas la valeur. Par contre, nous n'avons pas suffisamment d'épargne dans nos institutions pour être en mesure de nous financer automatiquement en ayant recours à ces réservoirs d'épargne.

On pourrait faire un parallèle, si vous voulez, avec la situation de la Belgique. On pourrait faire un parallèle avec la situation d'autres pays d'Europe, mais, M. le Président, notre situation ne se compare pas du tout. Nous avons chez nous... Je me réfère peut-être à un autre palier de gouvernement, à une responsabilité d'un autre palier de gouvernement. C'est justement là que je veux en venir, parce que je veux que le ministère des Finances du Québec, qui joue le rôle de ministère de l'économie, s'affirme dans ce domaine. Nous avons, chez nous, la Loi des banques, au Canada. Nous avons la Loi de la banque centrale. On sait que la banque centrale, à l'heure actuelle, sert de mécanisme à dix institutions financières privées que sont les banques. On sait très bien qu'en vertu de la Loi des banques canadienne, celles-ci ont l'exclusivité, c'est-à-dire qu'elles ont le monopole de la création du crédit. Ce n'est pas la Banque du Canada qui peut créer le crédit comme tel, sinon à peu près dans une proportion de 5 p.c. à 6 p.c, par le fait qu'elle peut augmenter la masse des billets de banque chaque année avec

les mécanismes que nous connaissons. Il y a quand même le fait que des institutions privées que sont les banques ont le monopole, l'exclusivité de créer le crédit dont nous avons besoin au Canada.

M. le Président, si on permettait ou si, en quelque sorte, il y avait une législation qui priverait l'industrie, une industrie quelconque, de son propre crédit, et qu'on obligerait l'industrie à se limiter aux réservoirs d'épargne, c'est-à-dire aux Caisses populaires encore, ou aux sociétés de fiducie, ou encore aux compagnies d'assurance-vie, on sait très bien qu'au Québec le développement industriel se verrait paralysé. Comme le gouvernement veut se donner une vocation, et que le gouvernement doit se donner une certaine vocation de développement économique, il devra avoir les mêmes recours, les mêmes privilèges de pouvoir utiliser le crédit de la province de Québec, sans avoir l'obligation, ou encore sans s'en aller le faire monnayer, le faire comptabiliser par d'autres pays qui, eux, exigent des rentes et nous créent un état de servitude et un état de dépendance sur lequel j'aimerais que quelqu'un puisse me rassurer actuellement au Québec, qui pourrait me rassurer en me disant que nous finirons par nous en sortir, par prendre le dessus à partir de telle année.

Mais aucun économiste, aucune personne, aucune étude actuellement n'a été faite dans ce sens, de façon qu'elle puisse nous faire des prévisions, nous donner des indications qui pourraient nous permettre, au Québec, de constater et de dire qu'à partir d'une telle année: Nous allons développer l'économie du Québec pour les Québécois.

Et pour une petite population de six millions d'habitants, quand on regarde les intérêts que nous payons sur les dettes publiques qui sont financées de la façon que vous connaissez. Les statistiques ne sont pas tellement récentes; elles datent de deux ans, mais elles sont assez significatives parce que la situation ne s'est pas améliorée mais aggravée.

La province de Québec devait payer annuellement au 31 mars 1973 en intérêts payés sur les dettes publiques $201,500,000. Les municipalités: $261 millions; les commissions scolaires: $159 millions; Hydro-Québec: $199 millions dans son budget pour l'année se terminant le 31 décembre 1972; les hôpitaux et institutions de bien-être au 31 mars 1973: $39 millions; les emprunts indirects garantis par la province au 31 mars 1972: $28 millions, ce qui faisait qu'à peu près vers la fin de l'année 1972 on pouvait dire qu'en moyenne, les intérêts qui étaient payés actuellement sur la dette publique se montaient à $889,353,000.

Il s'agit d'un coût d'intérêt par jour de $2,436,000 payé uniquement sur les dettes publiques du Québec et si nous avions l'occasion d'ajouter notre part des dettes du fédéral à ce niveau, je pense qu'on pourrait peut-être avoir raison d'être très pessimiste et d'être un peu pris de panique.

Il y a une réforme qui s'impose de ce côté. Cela ne peut continuer ainsi. Nous allons nous retrouver très bientôt dans une situation de dépendance absolue que ni le fédéralimse, ni le séparatisme ne réussiront à nous sortir du pétrin.

Le ministre le sait très bien parce qu'il est compétent en matière économique. Je le reconnais et je le lui donne. Mais la balance des paiements internationaux doit être soldée à certaines périodes, et à l'heure actuelle, à ce que je sache, à moins qu'on ne me dise qu'il y a des nouvelles données dans le monde de l'économie, il y a uniquement trois façons de solder nos comptes, la balance des paiements internationaux.

Il faut compenser la sortie de capitaux par des entrées de nouveaux capitaux ou encore en quelque sorte, on peut contribuer à annuler des dettes par le fait qu'on transfère des titres d'entreprises ou on rembourse des dettes en surtaxant les Québécois ou encore on fait en sorte de donner ou de céder nos richesses naturelles pour garantir ces emprunts. Il n'y a pas d'autre façon, il n'y a pas d'autre méthode connue et j'écoutais justement, il n'y a pas tellement longtemps, un économiste de réputation internationale qui se plaignait que, s'il y avait tant de problèmes aujourd'hui sur la scène internationale, sur le plan monétaire, ces problèmes étaient dus et étaient causés par des problèmes de balance intérieure, par des problèmes économiques intérieurs qu'on cherchait à transposer sur le plan international.

Il serait trop long de citer au ministre des Finances ceci, mais je sais très bien qu'il le sait pour avoir étudié la question. Le ministre des Finances sait très bien ce qui se passe de ce côté.

On sait très bien que suite aux avertissements qui ont été donnés par le ministre des Finances, M. Turner, qui a, à un certain moment, invité les provinces, les corps publics à diminuer leurs emprunts à l'étranger parce que ceci contribuait, en quelque sorte, compte tenu des fluctuations et des difficultés monétaires qui se retrouvaient sur le plan international, surtout la situation du dollar comme la situation de certaines monnaies, compte tenu de l'évolution et de tout ce qui se passe avec le GATT, le Marché commun, le Kennedy Round et avec tout ce qui se passe en Europe ou encore au niveau du développement de certains autres pays du monde, ces problèmes actuels sont loin d'être résolus.

Mais lorsque je constate que notre banque centrale, notre banque canadienne, notre Banque du Canada est obligée de corriger la situation faite par les provinces, par le fait qu'on va emprunter aux Etats-Unis, de racheter des titres étrangers pour être capable d'équilibrer le dollar, je me demande si, à ce moment, 0 ne serait pas beaucoup plus sage et économique et réaliste d'aller directement à la banque centrale.

Je me demande ce qui peut empêcher le

gouvernement de la province à l'heure actuelle.

Je sais que le ministre pourra me dire que cela ne s'est jamais fait. Je suis d'accord avec lui, cela ne s'est jamais fait. Mais il faudra que cela se fasse un jour. Il n'est pas trop tôt pour commencer. Qu'on utilise donc la banque centrale et si la loi actuelle des banques ne permet pas aux provinces et aux gouvernements provinciaux d'utiliser leur propre crédit en le comptabilisant sur le plan national, au lieu d'aller le faire comptabiliser sur le plan international, je dis qu'il est temps qu'on fasse connaître au gouvernement fédéral que nous exigeons des modifications à la loi des banques.

On parle de réformes, on parle de réformes monétaires sur le plan international. On en parle même au plan du gouvernement fédéral, mais il va falloir que cette réforme et ces modifications se fassent avec la collaboration et la participation des provinces, de façon que nous puissions nous faire entendre, faire connaît tre nos besoins, faire connaître notre point de vue, de façon que ces institutions ne soient pas des institutions au service de quelques groupes privilégiés, ou encore uniquement au service des banques à charte canadiennes, huit institutions privées. M. le Président, je me permets de le dire en passant, si on regarde le conseil d'administration des banques à charte, on retrouvera certainement des noms de personnes que je respecte sur le plan personnel, mais ces gens sont quand même des présidents et des directeurs d'entreprises, pour la plupart multinationales.

On leur a donné le monopole du crédit, avec la complicité des provinces, il y a de cela un bon bout de temps, mais c'est le temps de le reprendre et c'est le temps de prendre les dispositions qui s'imposent pour que nous le reprenions. On a donné, avec la complicité des provinces, parce qu'elles n'ont pas dit un mot à ce moment, à dix institutions privées que sont les banques, le monopole du crédit. Pourtant la province de Québec a des possibilités, a un très bon crédit, le ministre des Finances se plaît à le dire souvent, nous avons un très bon crédit, parce que notre crédit réside dans nos richesses naturelles, réside dans la main d'oeuvre dont nous disposons, et réside dans l'habilité et la capacité des Québécois de travailler et d'assumer leurs obligations.

Or, M. le Président, si notre crédit est bon chez nous, étant donné que les Américains doivent faire de l'expansion monétaire chez eux, pour quelle raison fait-on faire notre expansion monétaire par les Etats-Unis, alors que nous avons une expansion monétaire au Canada? Il s'agit de regarder les rapports de la Banque du Canada et les rapports des banques à charte pour constater qu'au cours de la dernière année, il y a eu une expansion de la masse monétaire de $5 milliards. Cela a servi à quoi? Je comprends que cela peut servir aux industries, à l'entreprise privée. Je comprends que cela peut servir à des entreprises en particulier, mais est-ce que cela a servi à nos administrations publiques? C'est la question que je pose. Je dis que le gouvernement a une obligation. Le gouvernement a d'immenses responsabilités de ce côté, parce que nous n'en sortirons pas. Il va falloir que quelque chose se fasse.

M. le Président, ce n'est pas un précédent, mais qu'on se rappelle qu'en 1939, au moment de la déclaration de la grande guerre, il y a eu des ententes internationales de faites, à l'effet qu'à ce moment, il était interdit aux administrations municipales comme aux administrations provinciales d'aller faire des emprunts hors frontière. Chose curieuse, c'est là qu'on peut voir la subtilité des mécanismes de la création de la monnaie, on a réussi à vendre pour $7 milliards d'obligations de la victoire au Canada, alors que la masse monétaire, au moment de la déclaration de la guerre, était d'environ $2 milliards. Donc, il y a eu création de crédit. S'il y a eu création de crédit, il y a des institutions qui l'ont fait. Donc, c'est une chose qui est possible. S'il y a des institutions qui l'on fait, si c'est une chose qui est possible dans les cas d'urgence nationale, comme on l'a fait dans le temps, je ne verrais pas, si cela a été possible dans le temps et qu'il y avait des institutions qui ont été en mesure de le faire, pour quelle raison on n'apporterait pas les modifications législatives nécessaires, de façon que la province puisse en bénéficier, que les municipalités puissent en bénéficier, et que les commissions scolaires puissent en bénéficier.

Je sais que le ministre des Finances peut être bien intentionné. Il l'a déclaré, et je parlerai, entre autres, un peu du financement municipal. Le financement municipale l'heure actuelle, est une question fondamentale dans l'étude des crédits du présent ministère, et je veux y revenir, si on me le permet, si les membres de la commission me le permettent, étant donné que je n'ai pas eu l'occasion cet après-midi de faire des observations générales lors de l'ouverture de la commission.

M. GARNEAU: Vous avez fait la plus longue jusqu'à maintenant.

M. ROY: Tant mieux, M. le Président, je m'en réjouis.

M. BACON: On vous attendait et on vous manquait.

M. ROY: Non?

M. BACON: On était inquiet cet après-midi.

M. GARNEAU: On se demandait si...

M. ROY: Je suis très encouragé, M. le Président, pour ne pas dire très flatté, je constate avec beaucoup d'enthousiasme que les observations que je fais semblent recevoir autant d'enthousiasme que la motion que j'ai présentée hier...

M. GARNEAU: Le député de Beauce-Sud va certainement...

M. ROY: ... et qui semble recueillir l'unanimité de la Chambre.

M. GARNEAU: ... accepter que cela aurait été un véritable désastre si, pour la première année depuis 1970, nous n'avions pas abordé la question de la Banque du Canada à l'occasion de l'étude des crédits du ministère des Finances. J'aurais été extrêmement déçu. C'est pour cela que j'espérais que l'étude des crédits ne se termine pas cet après-midi pour donner la chance au député de Beauce-Sud, soit ce soir ou demain, de pouvoir faire son exposé annuel sur la Banque du Canada.

M. ROY: Je remercie le ministre de ses observations et la seule chose que je souhaite, c'est que le ministre soit sérieux dans ses observations.

M. GARNEAU: Je suis sérieux. C'est toujours agréable de vous entendre faire votre exposé là-dessus.

M. ROY: D'accord, mais je ne voudrais pas, M. le Président, que cela tombe toujours dans de la terre stérile.

M. GARNEAU: C'est parce que la graine n'est pas bonne.

M. ROY: Non, M. le Président, je pense qu'on pourra peut-être faire certaines farces, certaines allusions, mais le problème est beaucoup plus sérieux qu'on pense, même s'il a pu y avoir certaines caricatures à un moment donné.

Sur le plan du financement des municipalités et des commissions scolaires, de récentes études ont été faites qui ont démontré que pour combler les besoins d'investissements municipaux, pour doter les municipalités de services d'incendie, de services routiers, de rues, de services d'égouts, de services d'acqueduc, d'usines de filtration et d'épuration des eaux, il faudrait en moyenne un investissement per capita de $17,000. Dans le système actuel, c'est absolument impossible. Nous avons une multitude de municipalités au Québec qui ont un problème d'approvisionnement en eau potable, un problème crucial d'approvisionnement en eau potable, et qui attendent de le régler depuis des années. Le ministre des Finances le sait très bien, parce qu'il est obligé de limiter ces crédits au ministère des Affaires municipales, il n'est pas en mesure de le faire. Pourtant, nous aurions toutes les possibilités physiques de faire ces réalisations en utilisant des matériaux québécois d'entreprises québécoises avec de la main-d'oeuvre québécoise en territoire québécois. Nous aurions toutes ces possibilités chez nous. Qu'est-ce qui manque? J'aimerais qu'on me dise ce qui manque. Nous ne manquons certainement pas d'ingénieurs, pous ne manquons pas d'architectes non plus pour préparer les plans. Il ne manque personne pour préparer les études nécessaires comme les services qui s'y rattachent, que ce soit au niveau de l'administration, au niveau du fonctionnement ou autrement. Il manque une seule chose. Nous avons des problèmes au niveau des usines d'épuration des eaux. On a très bien vu que le ministère des Affaires municipales, le ministre responsable de la qualité de l'environnement, aurait besoin, d'ici les cinq prochaines années, d'un minimum de $800 millions uniquement dans ce domaine pour tâcher de faire en sorte de doter les municipalités du Québec, qui déversent leurs eaux-vannes dans les cours d'eau du Québec, d'usines d'épuration des eaux de façon à dépolluer nos cours d'eau. C'est presque devenu une question vitale, une questiode vie ou de mort. Est-ce que, depuis quatre ans, le gouvernement provincial, le gouvernement actuel a un élément de solution pour donner au ministère des Affaires municipales, au secteur de la qualité de l'environnement, les crédits nécessaires pour permettre aux municipalités d'oeuvrer dans ce secteur sans avoir à surtaxer les contribuables, les petits propriétaires fonciers? C'est à un point tel qu'ils se trouveraient demain matin dépossédés de leur propriété. C'est une question que je pose. Dans le domaine de l'éducation, c'est encore la même chose. Dans le domaine de l'hospitalisation, c'est encore le même problème. C'est pourquoi je dis, M. le Président, que dans ce domaine le temps est venu de se poser la question et d'envisager le problème de façon très sérieuse.

Revenons aux questions du domaine scolaire, puisque le ministre en a parlé pendant son discours sur le budget. Actuellement, dans les commissions scolaires régionales, — j'ai quelques bilans de commissions scolaires régionales à mon bureau, j'ai pu y jeter un rapide coup d'oeil — il y a un subterfuge très habile, et peut-être involontaire, de la part du ministre des Finances, mais si le problème se pose au niveau du ministère de l'Education, il y aurait lieu que le ministre des Finances rencontre le ministre de l'Education à ce sujet pour en discuter et porter une attention particulière à ce fait. On sait que le gouvernement a annoncé depuis fort longtemps un projet sur lequel nous sommes d'accord, pour organiser un programme, un système pour en venir à la disparition de la taxe scolaire de façon à laisser le champ libre aux municipalités, aux corporations municipales du Québec.

On sait très bien que le ministre, cette année, a encore annoncé une réduction de la taxe foncière scolaire de $0.05 pour $100. et, M. le Président, il y a plusieurs commissions scolaires cette année qui devront avoir recours à une taxe spéciale pour financer leur budget de $0.10, $0.15 et même $0.20.

Cela veut dire que ce que le gouvernement provincial ôte d'une main pour tâcher de laisser

le champ libre à l'administration municipale. Le service de la dette des commissions scolaires régionales en est rendu à un point tel qu'on va être obligé bientôt de priver les étudiants, on va être obligé de priser les enseignants, le monde de l'enseignement de certains services indispensables de façon à répondre aux obligations de la dette obligatoire. Justement, on n'a pas eu recours à un système de financement adéquat, on n'a pas tenu compte du crédit de la province et on n'a pas pris les responsabilités d'apporter les modifications qui s'imposaient sur le plan législatif, que ce soit provincial, ou encore le gouvernement provincial n'a pas pris ses responsabilités pour faire connaître son point de vue et faire les recommandations qui s'imposent en vue d'insister auprès du gouvernement fédéral pour que les lois fédérales soient amendées de façon que les provinces puissent avoir les services auxquels elles ont droit et auxquels les citoyens du Québec ont également droit.

C'est un autre facteur sur lequel j'aimerais attirer l'attention du ministre pour dire tout simplement que depuis 1970, malgré les efforts... je suis prêt à accorder de la sincérité au ministre à l'heure actuelle, parce que ce n'est pas au ministre et à des hommes comme tels que je m'attaque lorsque je fais ces déclarations, c'est au système, au système qui est dépassé et au système qui est en train de nous déposséder littéralement.

A titre d'exemple, pour dire que si le gouvernement continue d'avoir uniquement recours aux réservoirs de l'épargne pour se financer, le gouvernement va se jouer de très vilains tours tout à l'heure, on sait très bien que les caisses populaires ont été en quelque sorte les agents pour financer les provinces et pour financer la province avec le montant d'argent qu'elles doivent garder en réserve, ce sont toujours les caisses populaires qui ont collaboré pour tâcher de placer une partie de leurs fonds de réserve dans les obligations provinciales, voire même municipales et scolaires.

J'aimerais attirer un petit fait à l'attention du ministre parce que ça mérite d'être souligné parce que ça peut nous faire réfléchir. Les caisses populaires, le mouvement des caisses d'épargne et de crédit au Québec, depuis 74 ans — parce que cela a commencé au tout début du siècle — ont réussi à accumuler, et nous en sommes fiers, nous, les Québécois, parce que c'est un effort collectif quand même appréciable, au niveau des épargnes dans le mouvement coopératif $3,600,000,000 et plus au niveau des épargnes des sociétaires. $3,600,000,000 en 74 ans d'efforts collectifs, de propagande, de sollicitations de part et d'autre et d'abnégations, parce qu'il y a eu énormément de sacrifices faits dans le mouvement du secteur coopératif. Lorsqu'on regarde, par comparaison, le bilan de nos banques à charte, de nos fameuses banques à charte canadiennes, on peut constater qu'une seule banque à charte, et ce n'est pas la plus grosse, au cours de la seule année 1973, a réussi à augmenter son actif de $3,150,000,000. Je pense qu'une telle progression dans le taux de l'utilisation et de la comptabilisation du crédit par les institutions privées que sont les banques nous démontre clairement que la formule est complètement dépassée, que nous devons la repenser et que nous devrons y apporter les correctifs qui s'imposent.

M. le Président, si nous continuons dans ce sens, actuellement, nous payons $2,436,000 d'intérêt par jour sur les dettes publiques du Québec; à la fin de 1975, j'ai de bonnes raisons de croire, parce que mes chiffres l'indiquent, que nous allons être près de $3 millions par jour uniquement en intérêt sur les dettes publiques du Québec qui sont payés en plus grande partie hors frontières, parce que ce sont les Etats-Unis qui détiennent la plus grande part des emprunts, que ce soit des emprunts de l'Hydro-Québec, on sait que les Etats-Unis en détiennent à eux seuls les deux tiers, ils détiennent près de 50 p.c. des emprunts de la province, du moins l'année dernière, c'était près de 50 p.c, 45 p.c. ou 46 p.c...

M. GARNEAU: 18 p.c.

M. ROY: 18 p.c, la situation a changé avec l'utilisation de la caisse de dépôt depuis un certain temps... il y a des municipalités, quand on voit la ville de Montréal et la ville de Québec, avoir recours à des emprunts hors frontières, on ne peut qu'être inquiets de cette saignée de capitaux et de cette saignée d'épargnes qu'on doit puiser dans les poches des contribuables québécois.

Suite à ces observations, j'aimerais demander au ministre des Finances, dans le cadre de son programme 1, étant donné que ce programme vise à conseiller le gouvernement en matière de politique financière, économique et fiscale, ainsi que de relations financières avec le gouvernement fédéral, si le gouvernement a déjà amorcé des études dans ce sens de façon à pouvoir utiliser et retenir les services de notre banque centrale, parce que, dans sa loi, il est clairement dit que la Banque du Canada peut offrir des services au gouvernement fédéral et également des services aux provinces.

Alors, il y a deux ans, le ministre m'a dit qu'il n'y avait jamais eu de demandes de faites. Je l'avais alors demandé au ministre, en lui signalant qu'il n'en coûtait quand même pas beaucoup d'efforts, qu'il n'en coûtait surtout que très peu d'argent de faire des démarches dans ce sens. J'aimerais que le ministre me dise clairement si le gouvernement de la province de Québec a des études de faites de ce côté-là. Si oui, où en sont rendues les études? Si c'est non, est-ce que le gouvernement du Québec a l'intention d'en faire? Et si oui, quelles sont-elles?

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable ministre des Finances.

M. GARNEAU: Je ne veux pas reprendre un à un les points qu'a soulevés le député de Beauce-Sud. C'est la thèse qu'il défend à l'Assemblée nationale depuis qu'il y est entré. Je ne veux pas lui nier le droit de croire en la théorie qu'il soutient et comme nous avons, à un certain nombre de reprises, fait ce débat, ce n'est pas dans mon intention de reprendre chacun des arguments que j'ai déjà exposés au cours des années passées. Je référerai volontiers les députés aux débats qui ont eu lieu en Chambre à l'occasion de motions qui ont été déposées par le député de Beauce-Sud, mais je voudrais tout simplement reprendre certains points ici et là qui m'apparaissent trop énormes pour les laisser passer.

Sans le dire clairement, le député de Beauce laisse sous-entendre, par exemple, que le gouvernement du Québec finance par emprunt des dépenses courantes. Je veux m'inscrire en faux contre cette assertion ou cette idée qu'on laisse planer. Au contraire, c'est une situation fort différente qui existe et je réfère le député ou les membres de la commission à la page 68 du discours sur le budget où nous donnons des statistiques sur l'ampleur du déficit, en comparaison avec les montants investis, et on pourra voir qu'à chaque année, les montants qui ont été investis ont largement dépassé les déficits de fonctionnement et que les sommes qui ont été empruntées l'ont été pour financer des investissements et non pas des dépenses courantes. C'est le premier point. Je veux insister fortement là-dessus, parce que c'est contraire... Affirmer le contraire, ce serait évidemment nier les faits qui existent et la réalité.

Le deuxième point que je voudrais souligner, c'est faire une référence à la page 70 du discours sur le budget où nous donnons des statistiques sur le taux d'accroissement annuel de l'encours direct des obligations de la province, sur l'encours direct per capita, sur le service de la dette per capita et sur le pourcentage du service de la dette par rapport aux revenus de la province, pour indiquer que la situation du Québec à ce chapitre se situe à un niveau inférieur à la moyenne des provinces canadiennes. C'est-à-dire que, si l'on prend le pourcentage du service de la dette par rapport aux revenus et qu'on compare le Québec à la moyenne des autres provinces, par exemple, nous avons un pourcentage qui est inférieur; sur le service de la dette per capita, c'est la même chose; sur l'encours direct per capita, c'est la même chose. C'est donc dire que notre situation à ce chapitre, sans vouloir dire que c'est la seule situation qui serait bonne... Il faut quand même souligner que notre endettement connaît un taux de croissance moins rapide que celui de la moyenne des provinces canadiennes.

Pour ce qui est du reste de la thèse que soutient le député de Beauce-Sud. En fait, ce qu'il nous dit dans un seul secteur, je ne sais pas à quelle place il prend ces montants, mais il nous dit $17,000 per capita, par année d'inves- tissements, dans le seul secteur municipal pour combler tous les désirs, cela veut dire $102 milliards ou quelque chose du genre pour le Québec. Ce serait deux fois la masse monétaire du Canada. Cela voudrait dire, à toutes fins utiles, pour répondre uniquement aux besoins du secteur municipal. Uniquement au Québec, il faudrait doubler la masse monétaire de l'ensemble canadien.

Tout à l'heure, le député de Beauce-Sud se référait, je ne sais pas à quel économiste, je pense qu'il ne l'a pas nommé. Je lui citerai seulement un passage d'un éminent professeur de l'Université de Chicago, M. Milton Friedman qui s'adressait récemment à Montréal, à un groupe d'hommes d'affaires, où il était conférencier invité à un colloque. M. Friedman, dont la réputation internationale et la compétence n'est plus à faire, disait, à propos de, non pas la thèse créditiste, parce que je pense bien que le Parti créditiste comme tel n'est pas très connu aux Etats-Unis, mais la théorie que développe ce parti a quand même, sous d'autres appellations, certains adeptes... M. Friedman disait ceci: "Much depends on accidents of timing in politics, both internal and external. Economists have known, at least intermittently for over a century and a half, two propositions. First, that by printing enough money you can produce any desire degree of activity. Second, that the ultimate result is for the destruction of the currency. The American public has learned the first proposition. It once knew but has forgotten the second. Only experience is likely to teach it once again".

Je pense que si on prend cette remarque du professeur Friedman, on se rend compte qu'imprimer de l'argent, augmenter le crédit ou doubler la masse monétaire peut produire un degré d'activité momentané important, mais il le souligne lui-même, c'est que la conséquence de cela, c'est la destruction de la valeur de la monnaie et que, bien souvent, dans les périodes bouleversées — et c'est le sens de ce qu'il nous dit — la première proposition a été mise en application, parce qu'on a oublié les conséquences de cette proposition et que, bien souvent, uniquement l'expérience, la dure réalité ramènent les gens les deux pieds sur terre et indiquent le sens des erreurs qui ont été commises.

Si on réfléchit dans ce sens, je pense bien qu'on se rend compte rapidement que c'est une loi de la vie qu'entre le souhaitable, le désirable et le possible, il y ait toute la marge qui sépare le monde utopique du monde réel. Il serait évidemment souhaitable, non seulement qu'il y ait des usines d'épuration dans tout le Québec, mais que chaque citoyen québécois ait également sa voiture, sa deuxième voiture, qui serait non polluante, que chacun ait une très confortable résidence, qu'il bénéficie d'un standard de vie extrêmement élevé. En fait, on pourrait en ajouter et en ajouter et tout ce qu'on pourrait ajouter serait encore souhaitable. Je suis certain

qu'on en oublierait, mais la leçon la plus difficile à admettre, c'est peut-être d'apprendre à vivre selon ses moyens. La seule place où je peux souscrire à ce que dit le député de Beauce-Sud, c'est d'inciter non seulement mes collègues de l'Assemblée nationale, mais la population en général à ne pas demander l'impossible au gouvernement.

J'ai souvent eu l'occasion de badiner, mais dans le fond, c'était une réalité que je soumettais à l'attention du député de Beauce-Sud. Lorsqu'il nous a reproché d'accroître notre programme d'emprunt, je lui ai souvent dit: Est-ce que vous voulez que j'annule la construction de l'autoroute de la Beauce? C'était une façon très concrète de lui dire que les investissements que nous faisons dans de l'équipement collectif sont importants, répondent à des besoins et, à partir de ces besoins, nous sommes obligés de couper par cent et par mille pour ramener ce qui nous est suggéré à la réalité de nos moyens financiers.

Je pense que cet équilibre est bien préservé au Québec, que notre endettement per capita, notre service de la dette qui retombe sur les épaules des contribuables québécois via le fisc, ces pourcentages du service de la dette, par rapport aux revenus, sont maintenus à des niveaux fort acceptables et inférieurs à ce qui se rencontre dans d'autres provinces du Canada. Notre dette globale est très majoritairement maintenue en dollars canadiens, en fait, 76.4 p.c. de la dette obligataire québécoise, au 31 mars 1974, étaient en dollars canadiens; seulement 18 p.c. étaient en dollars américains, et le solde en des fractions extrêmement minimes: 3 p.c. en deutschemarks; 0.7 p.c. en francs français et 0.9 p.c. en yens japonais.

C'est donc dire que la très grande partie de notre dette obligataire est détenue par des citoyens canadiens, en devises canadiennes. Il n'y a donc pas de dangers majeurs ou de situations catastrophiques, au contraire. Nous avons et nous nous réjouissons de la possibilité et de la valeur de notre crédit chez nos voisins du sud. Cela nous permet de répondre, en utilisant l'épargne accumulée chez nos voisins du sud, à certains besoins, et de se doter, maintenant, d'équipements collectifs pour lesquels il nous faudrait plusieurs années si nous ne devions compter que sur l'épargne accumulée au Canada et pour maintenir la disposition d'investissements gouvernementaux dans le secteur routier, hospitalier, éducatif, etc.

Le député de Beauce-Sud a fait référence à un tas d'autres aspects, mais je pense que les quelques points que j'ai touchés reprennent l'essentiel des deux thèses qu'il nous oppose.

M. ROY: M. le Président, j'aimerais, à la suite du ministre, répondre un peu en quelque sorte aux affirmations, aux chiffres qu'il nous a donnés. D'abord, je suis déçu de la déclaration du ministre. Je pensais que cette année, le ministre pourrait nous dire, étant donné qu'il avait donné, à l'Assemblée nationale, une lueur d'espoir, l'autre jour, à l'effet qu'on semblait vouloir étudier les options nouvelles. Il semble bien que le ministère et le gouvernement n'ont absolument rien de fait et n'entrevoient rien à faire en quelque sorte, au cours de l'année.

Lorsque j'ai parlé, tantôt, du montant d'argent qui pouvait être nécessaire dans le développement municipal, je n'ai pas dit que nous voulions que cela se fasse. J'ai cité un exemple d'une étude qui avait été faite par des économistes de réputation internationale dont, malheureusement, je n'ai pas les noms. On a dit que cela irait jusque-là si on donnait à toutes les municipalités tous les services dont elles ont besoin. Je n'ai pas demandé d'usines d'épuration dans toutes les municipalités du Québec. J'ai dit tout simplement qu'actuellement, nous n'étions pas équipés, non pas pour en donner à toutes les municipalités, mais dans les municipalités où ce serait le plus urgent. C'est la distinction que je tiens à faire.

Lorsque le ministre a dit, tout à l'heure, que le gouvernement n'empruntait pas à long terme pour financer les dépenses d'administration courantes, je vais prendre les chiffres mêmes du gouvernement, les chiffres mêmes du ministre, dans une lettre qu'il m'a fait parvenir, suite aux renseignements que je lui ai demandés par lettre, le 8 février dernier, un document qui provient du ministère des Finances, en date du 21 février 1974: Le total des emprunts au cours de l'année 1973/74, en date du 21 février 1974 — je ne pense pas qu'il y en ait eu par la suite aller jusqu'au 31 mars — était de l'ordre de $638,804,000.

Si on prend le montant de $638,804,000 et qu'on prend les chiffres à la page 68 du discours sur le budget que le ministre nous a fourni, selon lesquels les dépenses d'immobilisation étaient de l'ordre de $458 millions, et que j'ajoute à cela des prêts, avances et placements faits par le gouvernement de l'ordre de $118 millions, j'obtiens un total de $576 millions. Donc, il y a un écart de $60 millions de plus que le gouvernement a empruntés sur le montant de l'argent qu'il a investi et les montants d'argent qu'il a mis sur les immobilisations.

Sur les immobilisations passées, il n'y a aucune dépréciation prévue dans les budgets de la province. Donc, il n'y a pas de dépréciation prévue, chose qui devrait être normale. Deuxièmement, sur les placements et les avances consentis, on sait qu'il y a des placements qui ont été consentis à des sociétés gouvernementales et à des sociétés paragouvernementales, pour combler des déficits de fonctionnement.

Si je pouvais faire le bilan réel et avoir les données immédiates de l'actif net de ces entreprises, de façon à enlever de la capitalisation le montant des déficits accumulés, j'arriverais avec des chiffres qui dépasseraient facilement les $100 millions ou peut-être les $150 millions que le gouvernement a empruntés de plus que les immobilisations et les prêts ou les avances d'argent.

D'ailleurs, les chiffres sont ici, à la page XIII

des Crédits du Québec 1974/75, qui nous démontrent que les prêts, les placements et les avances, pour l'année 1973/74, totalisent: $31,200,000 pour les prêts; pour les placements ou encore les investissements, $35,650,000 et pour les avances... Parmi les avances, on cite: L'Office des autoroutes du Québec, l'Office du crédit agricole, la Régie de l'assurance-récolte, la Société d'aménagement de l'Outaouais, la Société de développement immobilier du Québec, la Société de développement industriel du Québec, la Société d'habitation du Québec, la Société du parc industriel du centre du Québec, la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec. Ces avances totalisent $51,200,000, pour un grand total de $118,050,000.

Et dans les placements, il y a la société SIDBEC, il y a la Société de développement de la baie James, il y a la Société de développement immobilier du Québec, il y a la Société générale de financement du Québec pour laquelle un montant de $5 millions a été consenti. On sait très bien que la Société générale de financement — d'ailleurs, on pourra y revenir lors de l'étude du budget — connaît un déficit de $9 millions, comme il a été dit ici même, dans cette salle, à une séance de la commission parlementaire, lorsque nous avons reçu et que nous avons pu interroger le président de la Société générale de financement, M. Simard, qui, soit dit en passant, nous a rassurés en nous disant qu'il n'avait aucun lien de parenté avec une certaine famille célèbre que nous connaissons tous. Mais M. Simard, qui est président de la SGF, nous a dit clairement que la SGF connaissait cette année un déficit de $9 millions. On sait que ce déficit de $9 millions est dû à la construction des fameux navires, dans le cas de Marine Industrie... On pourra y revenir. D'ailleurs, j'aurai des questions à poser au ministre.

Alors, si on déduit un montant de $118 millions les montants qui ont été consentis en placements, en avances ou en prêts pour combler les déficits de fonctionnement, alors je dis, et les chiffres le démontrent clairement — et je prends les chiffres fournis par le gouvernement — qu'il y a des emprunts qui sont faits à long terme pour financer des dépenses d'administration courante.

En ce qui a trait à l'augmentation de la masse monétaire...

M. GARNEAU: Avant que le député change de sujet, je voudrais lui dire que, s'il soustrait les remboursements d'emprunt des sommes qu'il a données, il s'apercevra que ce que je soutiens est absolument vrai. C'est l'oubli qu'il fait lorsqu'il soumet toute la thèse qu'il vient de nous développer, parce qu'on ne peut pas considérer les remboursements de dettes, parce que c'est extra-budgétaire, comme étant une augmentation nette de la dette, comme il semble le soutenir en exposant que nous avons financé les dépenses courantes à même des emprunts.

Et je voudrais lui faire une autre remarque aussi. Lorsqu'il se réfère au déficit global, le déficit inclut l'ensemble des investissements parce que nous ne faisons plus de distinction maintenant. Nous parlons uniquement en termes de dépenses totales et, en cela, nous avons voulu, depuis deux ou trois ans, pour fins de meilleures comparaisons et de meilleure compréhension lorsqu'on analyse des états financiers des administrations publiques, nous avons voulu aligner nos principes comptables sur les principes ordinairement suivis — d'ailleurs, qui sont suivis effectivement — dans la comptabilité publique, non seulement canadienne, mais également de toutes les provinces du Canada et aussi de l'étranger. En ce sens, nous avons une base comptable qui est beaucoup plus facile à comparer d'une province à l'autre. Lorsqu'il parle du déficit, évidemment, cela inclut les dépenses d'immobilisation, ce n'est pas séparé, ce ne sont pas des dépenses qui s'ajoutent aux autres. S'il fait cette distinction, il s'apercevra que la démonstration que nous faisons au tableau 68 de la page du discours du budget et qui se réfère aux années antérieures, 1974/75, les prévisions, et la réalité pour 1973/74, 1972/73, 1971/72 est conforme à la position que je soutiens et que j'ai voulu mettre en lumière tout à l'heure.

M. ROY: Je reprends les mêmes chiffres que le ministre pour lui dire que, tout à l'heure, je me suis basé — et je reviens sur ce point — sur le total des emprunts faits pendant l'année financière, j'ai pris le total des dépenses d'immobilisation qui apparaissent au tableau 68, j'ai pris le total des prêts, palcements et avances qui ont été faits par le gouvernement comme le démontre la page XIII du livre des Crédits 1974/75 de la province et j'arrive exactement aux chiffres que j'ai mentionnés et c'est justement le point sur lequel j'ai bien compris le ministre.

Il me parle à un moment donné du refinancement. C'est justement le point que j'ai développé au tout début ce soir. J'ai dit qu'il n'y avait pas de dépréciation, de prise à même les prévisions budgétaires sur les immobilisations, c'est normal, parce qu'une route se déprécie, un pont se déprécie, une école se déprécie, tout investissement se déprécie, toute immobilisation se déprécie à un moment donné. C'est que le gouvernement procède à emprunter à nouveau la totalité des montants empruntés pour financer les déficits et c'est à ce moment qu'on organise en quelque sorte une dialectique dans laquelle seuls ceux qui sont un peu au courant de l'administration et qui sont un peu au courant des affaires en général peuvent s'y comprendre.

Ce que vient de dire le ministre ne contredit en aucun cas et d'aucune façon les chiffres que j'ai mentionnés. Lorsque le ministre dit que le déficit qui apparaît à la page 68 du budget était

le déficit global, ce déficit ne comprend pas le déficit des sociétés paragouvernementales. Je le dis et je le répète encore, il ne le comprend pas, ce n'est pas inclus.

Dernier point que j'aimerais souligner, c'est que le ministre s'est référé à une savante déclaration d'un économiste américain qui, probablement, a été contredit par un autre économiste. En fait, je n'ai jamais vu jusqu'à maintenant beaucoup d'économistes d'accord. Ce qui prouve qu'ils n'ont pas la science, parce que lorsque la science est certaine, les spécialistes, les hommes de science sont d'accord. Tant qu'il y a de la confusion, c'est parce que c'est encore au niveau, au stade de la recherche. Le ministre a dit qu'il ne fallait pas augmenter la masse monétaire sans considération. Je suis d'accord avec lui, mais le ministre a oublié de nous dire que lorsqu'il va emprunter $150 millions aux Etats-Unis, il y a une augmentation automatique de la masse monétaire canadienne de $150 millions, puisqu'il la dépose aux institutions financières canadiennes. Cela, on ne le dit pas.

M. GARNEAU: Mais, s'ils ne sont pas rapatriés, les $150 millions, vous ne pouvez pas m'accuser...

M. ROY: Quand les $150 millions sont déposés chez les institutions financières...

M. GARNEAU: Ils ne l'ont pas été. M. ROY: Mais lorsqu'ils le seront? M. GARNEAU: Ils ne le seront pas.

M. ROY: Mais vous allez les débourser sous forme d'autres montants d'argent?

M. GARNEAU: C'est parce qu'on a à respecter des échéances en devises américaines. Actuellement, ces montants sont replacés à court terme et d'ailleurs à profit actuellement. C'est-à-dire qu'on fait plus que 1 p.c. de profit, comparativement au taux d'intérêt qu'on a payé. On a prêté à nouveau, je pense à 10.5 p.c, alors qu'on a payé 9.2 p.c. Non seulement, on fait un bénéfice sur cet emprunt pour la période de temps dont on n'en a pas besoin, mais on n'a pas l'intention de le rapatrier, mais de faire face à des échéances sur le marché américain. Sur ces $150 millions...

M. ROY: C'est-y assez fort !

M. GARNEAU: On fait de l'argent avec nos emprunts. Le député de Beauce-Sud ne savait pas cela?

M. ROY: C'est-y assez fort !

M. GARNEAU: C'est pour cela...

M. ROY: General Motors ne vous engagera certainement pas, même si vous venez de dire cela, j'en suis convaincu, même si elle a le plus gros budget de la province.

M. GARNEAU: Je trouve que c'est un point à souligner...

M. ROY: Je suis convaincu que General Motors ne vous offrira pas d'emploi demain matin, à moins que vous ne changiez de formule.

M. GARNEAU: Le député de Beauce ne pourra pas toujours m'engueuler, en ce sens que je fais de l'argent avec cet emprunt, il ne faudrait pas qu'il me dispute toujours.

M. ROY: Non, écoutez, quand même. Le ministre peut peut-être nous parler d'économie, de diminution de dépenses. Je n'ai jamais connu quelqu'un qui se soit enrichi à s'endetter. Si c'est votre formule, je ne me demande plus pourquoi on est si mal embarqué au Québec, pourquoi on paie tant d'intérêt, pourquoi on est si endetté, pourquoi on a tant de taxes. Je ne me pose plus de question, si c'est votre formule.

M. GARNEAU: Je voudrais rappeler au député de Beauce que la boutade qu'il vient de faire, évidemment, exprimée comme cela hors du contexte, peut être soutenue facilement. Mais en termes d'administration publique et en termes de développement, non seulement au niveau public, mais au niveau privé, le député de Beauce va certainement admettre avec moi qu'une entreprise qui fait un emprunt, pour réaliser un investissement important et rentable, n'est pas dans une situation financière plus difficile après son emprunt qu'avant. Au contraire, bien souvent, c'est parce qu'une entreprise a fait des emprunts, a fait des investissements qu'elle est dans une situation économique beaucoup plus forte. Si on se reporte aux années qui ont précédé 1960 où c'était le credo total de l'administration de bannir les emprunts complètement, d'une façon systématique, je ne suis pas sûr que ces années aient été les meilleures pour le développement économique du Québec. Si on avait étendu sur une période plus longue certains investissements collectifs publics qui étaient nécessaires, peut-être qu'aujourd'hui on serait doté d'un capital, d'un équipement collectif plus complet, plus important et qui aurait été fait dans les conditions de coût et de taux d'intérêt beaucoup plus avantageux qu'aujourd'hui. D'ailleurs, mes collègues me soulignent que c'est ce que la province de l'Ontario a fait et elle ne s'en porte pas plus mal sur le plan économique, même si son endettement per capita est plus élevé que le nôtre.

M. ROY: L'Ontario l'a peut-être fait, alors que les taux d'intérêt étaient beaucoup moins élevés que de ce temps-ci.

M. GARNEAU: C'est ce qu'on dit. Elle continue à en faire.

M. BACON: C'est ce qu'on dit.

M. GARNEAU: C'est pour cela que je dis au député de Beauce-Sud qu'il ne faut pas qu'il prenne comme critère absolu l'endettement per capita d'une province. C'est un barème, c'est un point de référence qu'il nous faut quand même surveiller pour garder une bonne crédibilité sur le plan financier, mais il ne faut pas qu'il conclue trop rapidement qu'il y a nécessairement communication de cause à effet entre les deux. C'est loin d'être mon opinion et je ne veux pas souscrire à cette thèse que nous donne le député de Beauce-Sud.

M. ROY: Sur ce point, lorsqu'il a fait une comparaison avec un autre gouvernement avant 1960, on a essayé de corriger un mal en en créant un autre. Je suis bien d'accord qu'il faut des capitaux pour développer une économie...

M. GARNEAU: Ce que le député de Beauce-Sud suggère...

M. ROY: ... mais dans la masse monétaire, que ce soit la masse monétaire américaine ou la masse monétaire canadienne, elle est composée de deux éléments. Elle est composée de la masse d'épargne et de la masse de crédit en circulation. Je ne vois pas en vertu de quel principe on peut être obligé de payer de forts intérêts à des institutions privées que sont les banques ou des institutions internationales sur notre propre crédit alors que nous pourrions nous doter de mécanismes et faire en sorte de comptabiliser notre crédit nous-mêmes.

Que le ministre regarde uniquement le bilan de la Banque du Canada. On sait que pour tous les billets de banque en circulation qu'il y a dans la Banque du Canada, qui figurent dans un élément du bilan, on retrouve, dans un autre élément du bilan pour l'équilibrer parce que le bilan doit être équilibré, des prêts ou des achats de titres, d'obligations du gouvernement fédéral par la banque centrale. Le ministre admettra cela. Il y en a pour au-delà de $6 milliards selon les derniers chiffres que j'ai pu voir. Je n'ai pas le bilan devant moi. Or, la Banque du Canade perçoit de la banque centrale les intérêts qui sont rattachés, elle les perçoit et elle s'administre avec cela. A la fin de l'année, elle remet au Trésor fédéral le surplus de ses opérations parce que la banque centrale est une institution sans but lucratif. Donc elle remet au Receveur général du Canada la totalité de ces surplus. Si on se donne la peine d'analyser le bilan de la banque centrale, on voit qu'elle réussit à s'administrer et administrer tous ses services qui coûtent environ une portion de 6 / 10 de 1 p.c. du taux total de la masse des obligations qu'elle détient du gouvernement fédéral. Ce qui veut dire que le gouvernement fédéral finance $6 milliards de sa dette à 6 / 10 de 1 p.c.

Le ministre est assez renseigné en économie et a étudié suffisamment l'économie politique pour savoir que lorsqu'un individu va faire un emprunt dans une institution financière d'épargne et de crédit, dans une caisse d'épargne et de crédit, et que cet individu, en allant faire son emprunt, la société, la caisse d'épargne et de crédit doit payer de l'intérêt à ceux qui ont déposé l'argent. Le ministre sait cela, je ne lui apprends absolument rien de ce côté. Lorsque les taux d'intérêt sont à environ 6 p.c, 7 p.c. et 8 p.c, il est évident que l'institution, la caisse d'épargne et de crédit ou la caisse populaire doit payer de l'intérêt à celui qui a déposé l'argent, plus les frais d'administration, ce qui fait que les institutions coopératives d'épargne et de prêts — on dit toujours épargne et crédit, mais j'aime mieux parler d'épargne et de prêts— ont seulement un faible pourcentage pour s'administrer. Le ministre sait également que, lorsqu'un autre individu, pour les mêmes fins, va emprunter dans une banque, si la banque fait une création de crédit, elle n'a pas d'intérêt à payer aux épargnants.

Je pense, M. le Président, que c'est peut-être un principe qui n'a pas été souligné à l'Assemblée nationale, je le souligne ici aujourd'hui parce que c'est une question qu'on nous enseigne même dans les notions élémentaires d'économie politique. Tant et aussi longtemps qu'on ne fera pas la différence qu'il y a entre la partie d'épargne qui compose la masse monétaire et la partie de crédit, je dis qu'on va continuer à tourner en rond et qu'on va continuer à vivre dans l'endettement et les problèmes que nous connaissons. Mais le jour où on aura réussi à comprendre que la masse monétaire est composée de ces deux éléments et que le crédit public devrait être utilisé pour des fins publiques, qu'alors on n'a pas de rente ni de servitude à payer, qu'on paie seulement des frais d'administration ou des frais de service, à ce moment-là on sera entièrement d'accord.

Je pense que si le ministre appliquait ce principe, il deviendrait le ministre des Finances le plus populaire du Canada. Il ne serait pas obligé d'aller dire: On fait à peu près ce que font les autres provinces. Les autres provinces viendraient le rencontrer pour voir ce qu'il fait parce que le Québec connaîtrait une prospérité.

Je dis que ce sont les conditions essentielles sur lesquelles on devra, à un moment donné, se pencher pour venir à trouver des solutions au chômage chronique que nous avons chez nous.

Nous avons une main-d'oeuvre qui demande à travailler, nous avons besoin de services, nous sommes en mesure de nous donner des services, nous sommes toujours pris avec des contraintes financières, alors qu'on ne semble pas vouloir se donner la peine de chercher de ce côté pour étudier les causes et conséquences.

Si j'ai tort, M. le Président, j'aimerais qu'on fasse des études de ce côté. Si nous avons tort, je serai heureux de l'admettre et, si on a quelque chose de mieux à nous proposer, qu'on nous le dise et j'emboîterai le pas.

M. GARNEAU: M. le Président, seulement comme réplique très courte, je dirai au député de Beauce-Sud que le service de la dette du gouvernement fédéral, même si la Banque du Canada agit comme son agent financier, est de l'ordre de $2,500,000,000. Qu'on ne vienne pas nous dire que le fait d'avoir recours à la Banque du Canada signifie, pour l'administration publique fédérale, une absence de charge financière sur son service de dette, voyons!

M. ROY: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je me demande...

M. GARNEAU: Vous avez dit que c'était un pourcentage...

M. ROY: ... si le ministre fait exprès pour ne pas comprendre. J'ai dit que pour un montant de $6 milliards, je n'ai pas parlé de la dette globale, pour cette partie seulement. Ce que j'ai dit sur cette partie, les chiffres sont à vérifier.

M. MORIN: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait me rafraîchir la mémoire, je ne suis pas très versé dans les théories du major, c'est Douglas?

M. ROY: Douglas.

M. MORIN: Oui, mais est-ce que le ministre n'a pas...

M. GARNEAU: ... un expert.

M. MORIN: ... fait allusion, j'ai ça accroché dans la mémoire, à la possibilité d'obtenir une aide financière de la Banque du Canada pour le financement de la baie James? Il me semble qu'il y a quelque chose qui me reste dans la mémoire.

M. GARNEAU: II arrive, à l'occasion, à l'Assemblée nationale que le député de Beauce-Sud nous pose des questions sur ce sujet. Comme on sait que c'est la thèse favorite du parti politique auquel il adhère, souvent, j'ai répondu à des questions d'une façon mi-sérieuse, mi-badine. Lorsque, par exemple, récemment, le député de Beauce-Sud me demandait, si nous faisions des études ou quelque chose du genre, je lui ai répondu en riant: "Nous poursuivons toujours nos études". Evidemment, pris hors du contexte, ça peut donner lieu à des interprétations fort différentes, mais dans son contexte, la réponse que j'ai donnée à la question indiquait de quelle façon j'envisageais la possibilité de donner suite ou d'appliquer la théorie qu'il défend.

En dehors de cet aspect, ce que j'ai déjà souligné, c'est que j'avais eu des rencontres avec le gouverneur de la Banque du Canada, au moment où c'était M. Rasminsky qui était gouverneur, pour discuter avec lui de la situation économique générale, de la situation moné- taire, surtout de l'effet des emprunts sur les taux de change, etc., et dans ce sens, indiquer notre intention, dans la mesure du possible, de faire en sorte que les investissements massifs que nous devions faire dans le développement du secteur hydroélectrique n'allait pas perturber, d'une façon insensée, le cours du dollar canadien sur les marchés internationaux des devises.

C'est dans ce contexte que je l'avais indiqué et non pas dans le contexte de demander à la Banque du Canada d'imprimer de l'argent directement ou d'ouvrir des marges de crédit artificielles pour financer un projet de cette ampleur.

M. ROY: M. le Président, suite à la question posée par le chef de l'Opposition, je m'excuse, le ministre pourrait peut-être nous rappeler, pour le bénéfice des membres de la commission s'il est exact que la Banque du Canada a déjà consenti un prêt à Hydro-Québec?

M. GARNEAU: Je ne pourrais pas répondre à cette question d'une façon précise. Je voudrais vérifier, mais le gouvernement du Canada, directement ou via l'Energie atomique du Canada, a fait des prêts non seulement à Hydro-Québec mais à d'autres aménagements hydroélectriques, comme au Manitoba, par exemple. Mais ces emprunts ou ces prêts qui sont faits ne sont pas une création d'argent. Cela fait plusieurs fois que j'essaie d'expliquer ça au député de Beauce, ce n'est pas du fait que l'argent vient de la Banque du Canada ou de 1'Atomic Energy of Canada ou d'autres offices gouvernementaux fédéraux qu'il s'agit d'argent fraîchement imprimé.

Ce sont des sommes d'argent qui font partie des emprunts que le gouvernement fédéral lui-même ou ses institutions font comme prélèvement sur l'épargne, pour utiliser cet argent par la suite, pour le prêter, soit via la Société Centrale d'hypothèques et de logement, soit via l'énergie atomique du Canada, soit via d'autres organismes fédéraux qui ont des préoccupations de financement, soit d'activités de développement dans certains secteurs de l'économie, comme l'hydroélectrique, avec des centrales nucléaires de Gentilly ou d'autres projets de cette nature. Il ne faut pas penser que parce que l'argent vient d'une institution fédérale, c'est de l'argent qui a été imprimé fraîchement dans la journée et qu'on envoie les billets de banque ou encore qu'on a ouvert tout simplement artificiellement une marge de crédit de $350 millions, $400 millions ou $500 millions. Je pense que le député de Beauce doit comprendre cela.

M. ROY: J'aimerais rafraîchir un peu la mémoire du ministre pour dire qu'ici-même, à cette commission parlementaire, la question a été posée au président d'Hydro-Québec, M. Roland Giroux, et que M. Giroux a confirmé qu'à un moment donné, Hydro-Québec a obtenu un emprunt de la Banque du Canada. Elle a obtenu un prêt, pas un emprunt.

M. GARNEAU: Je dirais au député de Beau-ce que même si c'est vrai, c'est peut-être possible que dans l'histoire cela se reproduise, ce que je veux indiquer, c'est que ce n'est pas par le fait que ce soit un prêt qui vient comme cela que c'est de l'argent que la Banque du Canada a imprimé dans la journée et...

M. ROY: Un instant! Lorsqu'on parle de création d'argent, le ministre sait très bien que la masse des billets de banque est très relative par rapport à la masse monétaire canadienne. Lorsqu'on fait imprimer et qu'on fait fonctionner...

M. GARNEAU : Que le député de Beauce ne se fâche pas, mais il nous a dit tout à l'heure que la masse monétaire...

M. ROY: II y a quand même des choses qui sont élémentaires.

M. GARNEAU: Qu'on imprime des billets de banque et qu'on crée artificiellement une marge de crédit sur 20 ans de $350 millions ou $500 millions, c'est bonnet blanc, blanc bonnet au sujet de la masse monétaire, vous avez dit vous-même tout à l'heure qu'elle était composée de deux éléments. Et c'est un de ces deux éléments-là. Que vous preniez...

M. ROY: Pas des billets de banque, j'ai parlé...

M. GARNEAU: C'est ce que je vous dis. C'est que la masse monétaire est composée de ces deux éléments, vous l'avez mentionné tout à l'heure. Qu'on prenne les billets de banque imprimés fraîchement ou que ce soit simplement une ligne de crédit artificiellement créée, c'est pareil en ce qui concerne l'augmentation de la masse monétaire. Ce que je veux dire, c'est que, quand ces prêts sont faits, ce n'est pas comme cela que la liquidité est tombée entre les mains de la Banque du Canada pour qu'elle le reprête par la suite, c'est seulement ce que j'essaie de dire, pas plus ni moins.

M. ROY: J'aimerais, M. le Président, aller plus loin, parce que le ministre m'a quand même ouvert une porte, est-ce que le ministre admet à un moment donné que le...

M. GARNEAU: Vous en avez eu des grandes ouvertes depuis une heure...

M. BACON: On dirait un grand garage.

M. GARNEAU: D'ailleurs, nous avons une grande salle.

M. ROY: Le ministre vient de m'ouvrir une porte, il a parlé à un moment donné de création d'argent. Est-ce que le ministre admet le principe de la création de la monnaie à un moment donné?

M. GARNEAU: C'est évident, c'est le jeu... de la masse monétaire.

M. ROY: Puisque vous admettez le principe de la création de la monnaie, est-ce que vous pourriez nous dire par qui elle est créée, la monnaie? Et au bénéfice de qui?

M. GARNEAU: M. le Président, tout à l'heure le député de Beauce a fait un savant exposé là-dessus...

M. ROY: J'aimerais connaître le vôtre.

M. GARNEAU: Mais, sur cet aspect, vous avez dit, je pense, la vérité, comment la masse monétaire est restreinte ou étendue; vous aviez parfaitement raison et je n'ai rien d'autre à ajouter. Mais c'est par la suite que vous biaisez sur une voie sur laquelle je ne suis pas capable de vous suivre du tout, parce qu'elle me paraît illogique. Je dirai que, partout au monde, je reprends encore des éléments que j'ai déjà exposés ici et en Chambre à l'occasion des motions. Si cette thèse qui a été traitée au cours des âges avait été valable...

M. ROY: Un instant, laissons faire l'antiquité.

M. GARNEAU: Quand même, il ne faut pas que le député de Beauce s'imagine que le major Douglas a été le premier à en parler. Ce n'est pas vrai, il n'a pas été le premier. Beaucoup d'autres avant en ont parlé. Je ne peux pas comprendre qu'au cours des âges il ne se soit pas trouvé, à un moment donné dans l'histoire, un homme politique qui ait utilisé ou qui ait pensé utiliser cette théorie miracle. S'il y en avait eu un seul, ç'aurait été un tel succès que, ma foi du bon Dieu, il n'y aurait plus d'autre système que le système mis au point par la formule a plus b d'une façon plus détaillée, par le major Douglas. Mais, quand même, il faut bien souligner que, depuis le temps qu'il existe des administrations démocratiques, des dictatures, toutes les formes de gouvernement possibles et imaginables, il y aurait pu en arriver un au moins qui aurait voulu le tenter.

M. MORIN: Le gouvernement du Canada, par moments, est un peu créditiste quand il vend ses obligations à la banque centrale et qu'il se fait augmenter la masse monétaire de 12 p.c. par an, c'est un peu créditiste.

M. GARNEAU: Oui, c'est justement cela que je mentionne, la masse monétaire comme telle, les bons du Trésor auxquels se référait le député de Beauce tout à l'heure, ce sont les instruments qu'utilise la Banque du Canada pour jouer son rôle de régulateur de la masse monétaire qui véhicule l'activité économique. Lorsque cette tendance va trop loin, il arrive ce que nous dit M. Friedman dans la thèse qu'il a développée récemment à Montréal, c'est qu'on revient rapidement à la dure réalité.

M. ROY: Je n'ai pas parlé de bons du Trésor comme tels, parce que la Banque du Canada, depuis quelques années, achète des obligations à moyen terme.

M. GARNEAU: Vous parliez de $6 milliards tout à l'heure.

M. ROY: Les $6 milliards n'étaient pas limités aux bons du Trésor.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Sauvé.

M. MORIN: M. le Président, je ne voudrais pas m'éloigner brutalement d'un débat qui est certainement très intéressant, mais je voudrais entraîner le ministre dans un domaine qui, tout en étant connexe, est différent. C'est celui de l'amélioration de la rente économique sur les richesses naturelles.

Je constatais, à la lecture des rapports qui ont été publiés à la suite de la présentation du budget en Colombie-Britannique, le budget présenté par le premier ministre Barrett, que les redevances et les autres frais qui sont perçus par le gouvernement sur les mines, sur les produits de la forêt aussi, avaient augmenté, en février 1974, de $170 millions pour l'année qui vient et sont donc passés à $419,200,000. C'est une augmentation substantielle.

Cela a permis à la Colombie-Britannique de présenter à la population de cette province ce que M. David Barrett appelait un budget de dividendes sur les ressources. Malheureusement, il semble que le Québec n'ait pas emboîté le pas, qu'il ait manqué peut-être un peu à la solidarité qui aurait pu naître d'un mouvement dans ce sens dans tout le pays, d'autant plus que, si je ne m'abuse, M. Kierans lui-même avait fait un rapport allant dans le même sens pour le gouvernement du Manitoba.

Ce que je voudrais demander au ministre, c'est ce qu'il compte faire dans ce domaine, au Québec, au cours des années qui viennent. Est-ce qu'il a fait étudier la possibilité d'augmenter la rente économique sur les richesses naturelles québécoises? Ce que nous percevons sur la corde de bois, cela reste à $2.50 depuis des années, tandis que le prix du papier monte de façon considérable. Si je ne m'abuse, il est passé en deux ans à peu près de $100 à $200 et "the end is not in sight" comme disent les Anglais. Est-ce que le ministre peut nous dire quelles sont ses intentions dans ce domaine?

Commençons par la forêt, les pâtes et le papier. Je rappelle au ministre le reproche extrêmement amer que le premier ministre Barrett a fait à M. Bourassa d'avoir manqué à la solidarité, de ne pas profiter de cette hausse constante dans les matières premières pour obtenir une meilleure rente économique.

C'est en grande partie pour des raisons de cet ordre que M. Barrett a traité M. Bourassa de souris blanche.

M. GARNEAU: M. Barrett a oublié une chose et c'est un peu décevant quand même d'un homme politique qui a une responsabilité importante. J'ai déjà eu l'occasion, je pense, de répliquer à cette attitude du premier ministre Barrett. Si ma mémoire m'est fidèle, je l'ai fait, je pense, à l'occasion de la conférence de presse que j'ai donnée, lors de la présentation de l'exposé budgétaire.

Evidemment, il va falloir comparer les choux avec les choux et les pommes avec les pommes. Nous n'avons pas de gaz naturel au Québec et on ne peut pas comparer du gaz naturel. Mais prenons les droits miniers qui existent, par exemple, pour l'année 1973, les redevances minières perçues par la Colombie-Britannique, d'après les statistiques financières qui sont fournies et qui sont officielles, parce que c'est ce qui sert de base pour établir la péréquation. En 1973, les droits miniers, en Colombie-Britannique, ont rapporté, d'après les montants déclarés dans les statistiques financières fournies par le gouvernement de la Colombie-Britannique lui-même, $8,025,000 sur une valeur de production minière de $779 millions, alors qu'au Québec, en 1973, les droits miniers ont été de l'ordre de $15,100,000 pour une production minière dont la valeur était de $753 millions.

C'est donc dire que, pour une production minière moindre, nous avons perçu presque deux fois les sommes en droits miniers. C'est donc dire que c'est bien beau pour M. Barrett de dire, comme cela, qu'on ne taxe pas suffisamment... qu'on ne retire pas toute la rente économique que nous devrions retirer sur nos mines. Mais la situation, en 1973, est que, au moment où lui-même était au pouvoir... C'est que, pour une production minière moins importante au Québec, on recevait pratiquement deux fois plus en droits miniers.

Si on prend le Manitoba, il retirait $5,800,000 en droits miniers, pour une production de $354 millions, la valeur de la production minière du Manitoba. C'est donc dire que, si on multiplie par deux la production minière du Manitoba, on en arrive à peu près à la production minière québécoise, mais si on multiplie par deux les redevances que le gouvernement néo-démocrate percevait, on n'en arrive pas au montant que nous percevons, avant même d'avoir complété l'étude qui est en cours et d'avoir pris une décision concernant la taxation des compagnies minières.

Je prends l'Ontario. Elle avait $1,530 millions de valeur de production minière en 1973, c'est-à-dire deux fois plus que le Québec, et elle ne retirait, en droits miniers, que $21 millions, c'est-à-dire à peine $6 millions de plus que le Québec. C'est donc dire que, dans l'échelle des données, basée sur 1973, le Québec, parmi les provinces que je viens de mentionner, le Manitoba, la Colombie-Britannique et l'Ontario, trois provinces qui viennent de toucher à leur redevance minière, nous étions, de loin, la

province qui percevait la rente la plus importante sur la valeur de la production minière.

M. MORIN: Ce sont des chiffres fort intéressants, M. le ministre. Est-ce que je pourrais vous en demander la source, et est-ce qu'on pourrait être saisi du document?

M. GARNEAU: Je pourrais vous le transmettre. D'ailleurs, sur cette valeur de production minière, ce sont des statistiques qui sont publiées dans les documents de Statistique Canada. Je pourrais vous donner le numéro de référence. Je ne l'ai pas ici.

M. MORIN: Mais pour la rente...

M. GARNEAU: Pour les chiffres, les redevances minières, les droits miniers perçus, il me fera plaisir de vous les transmettre. Il s'agit des discours des budgets des différentes provinces qui nous donnent, chaque année, leur estimation des droits miniers qu'ils perçoivent au cours de leur année financière.

M. MORIN: Alors, vous pourriez nous transmettre ces dossiers?

M. GARNEAU: Je vais certainement vous les transmettre, ou vous donner, tout au moins, si je n'ai pas de copie, une photocopie de la revue Statistique dans laquelle tous ces chiffres sont indiqués.

M. MORIN: Je serais très intéressé à l'avoir. Est-ce que vous pourriez maintenant vous livrer au même exercice pour ce qui est du bois, de la forêt?

M. GARNEAU : Dans le cas du bois, c'est une autre situation, et j'ai déjà eu l'occasion de le mentionner. Encore là, c'est que nous sortons à peine d'une période où les entreprises de transformation du bois à pâte au Québec, non seulement au Québec, en Colombie-Britannique, pas en Colombie-Britannique, qui a toujours été dans une situation différente à cause de la qualité du bois, et à cela je n'y peux rien... Le bois qu'il y a là-bas, pour des raisons de température, les arbres ne sont pas de la même grosseur et la rentabilité n'est pas la même.

Si on prend des provinces qui se comparent en termes de climat et de qualité du bois en cause, le Québec, l'Ontario, le Nouveau-Bruns-wick, pendant les années 1971 et 1972, une partie de 1973, les entreprises de transformation de bois fermaient leurs portes, congédiaient des gens. On se rappelle le problème qu'il y a eu au Témiscamingue, le problème de Trois-Rivières au sujet duquel le député de Trois-Rivières a eu à travailler de façon ardue, que ce soit la compagnie Donohue... Ces entreprises ont connu des périodes extrêmement difficiles au moment où le taux de change du dollar canadien éliminait complètement leur marge de profit. Nous avons dû, à ce moment, pour soutenir l'emploi dans ces entreprises, diminuer les droits de coupe par des avances faites aux entreprises dont une partie était réinvestie dans de l'équipement antipollution ou autres. Il faudrait sortir la réglementation qui a été appliquée pour venir en aide à ces entreprises, pour leur permettre de ne pas congédier des gens d'une façon trop dramatique.

Nous vivons une autre période maintenant où le prix du papier, pour des raisons qui n'étaient pas prévisibles il y a encore à peu près un an, un an et demi, où le prix du papier a grimpé d'une façon importante et rend maintenant ces entreprises profitables.

Avant de changer notre aiguillage, il va quand même falloir avoir une période un peu plus longue pour voir si on peut, dans le cadre économique actuel, faire des ponctions additionnelles sans risquer de compromettre l'expansion de ces entreprises. Je ne veux pas porter de jugements à ce moment-ci, mais je veux quand même souligner qu'il y a eu cette période de temps, qui est encore très récente, où il nous a fallu agir en sens inverse.

M. MORIN: M. le ministre, est-ce que vous avez des chiffres pour l'industrie du papier, comme ceux que vous venez de nous donner pour l'industrie minière?

M. GARNEAU: Non, je ne les ai pas, mais ils existent certainement, j'imagine. Il faudrait voir dans quel bulletin statistique ils sont contenus. Je suis certain que vos excellents recherchistes pourraient les trouver à la bibliothèque du parlement.

M. MORIN: Je ne sais pas. Je pensais que peut-être le ministre les avait fait...

M. GARNEAU: Je ne les ai pas.

M. MORIN: Le ministre semble en parler avec beaucoup de facilité. J'imagine qu'il a dû voir des chiffres pour cela.

M. GARNEAU: En ce qui regarde la question forestière, j'en ai vu, mais je ne les ai pas à la mémoire. Pour la question minière, on comprendra que comme cela a été dans le centre du débat des budgets présentés par les différentes provinces canadiennes, nous étions intéressés, d'une façon très pratique et très immédiate à la situation, du moins globale. C'est pourquoi d'ailleurs je les avais ici parce qu'ils faisaient partie du dossier des différents documents que nous avons analysés lors de la préparation du budget. C'est une des raisons pour laquelle nous n'avons pas voulu agir d'une façon précipitée en ce qui regarde la taxation minière parce que nous avions déjà ces informations qui nous indiquaient que notre taxation se comparait très avantageusement, en termes de

prélevés, de rente économique par rapport à ce qui existait dans les autres provinces. Avant de voir l'impact qu'aurait une augmentation de notre fiscalité, nous voulions en analyser toutes les possibilités d'autant plus qu'une partie importante de notre industrie minière est composée de petites entreprises. Il y en a quelques grandes, mais je peux dire tout de suite au chef de l'Opposition que si nous ajoutions les taux que l'Ontario a annoncés, il n'y aurait pratiquement pas de changement avec la situation présente ou peut-être une ou deux qui seraient touchées à la marge parce que nous n'avons pas d'entreprises de la taille de celles qui existent en Ontario à cause du nickel.

M. MORIN: Les chiffres que le ministre a mentionnés tout à l'heure sont pour l'ensemble de la production minière.

M. GARNEAU; C'est cela.

M. MORIN: Cuivre, fer, amiante.

M. GARNEAU: Toute la production minière.

M. MORIN: Bon. Très bien. D'accord, le papier va une année, le papier ne va pas l'année suivante; il va de nouveau deux ans plus tard. Est-ce que le ministre ne pense pas que peut-être il y aurait moyen d'indexer, peut-être de prévoir une certaine indexation, pour être plus nuancé, des "royautés" et redevances en fonction des prix de produits finis? Je prends par exemple, le papier. S'il baisse une année, il y aurait peut-être moyen d'indexer les redevances. Si cela remonte l'année suivante, l'Etat y trouverait son compte, et la collectivité également parce que si vous attendez plusieurs années d'expansion dans ce domaine avant de rajuster vos barèmes, peut-être qu'à ce moment, cela sera déjà sur le point de redescendre.

M. GARNEAU: II faut quand même dire que la première étape de la reprise signifie que nous prélevons la totalité des droits de coupe que nous avions diminuée et c'est déjà un redressement que je dirais automatique par le fait que les avantages qui ont été donnés pendant une période dont le temps était limité disparaissent par...

M. MORIN: Sauf dans le cas de ITT.

M. GARNEAU: Ce sont $8 millions ou $9 millions.

M. ROY: ...parce que lors de l'étude des crédits du ministère des Terres et Forêts, où j'ai assisté longuement, je me suis fait remettre la liste des compagnies. Nous avons été un peu surpris. Alors qu'il s'est fait un effort assez considérable de la part des provinces de 1'Alberta et de la Colombie-Britannique au niveau de l'exploitation des richesses naturelles, que leur exploitation contribue à alimenter le trésor de leur province, ce qui a contribué à faire en sorte que ces deux provinces sont des provinces qui paient pour la péréquation alors que nous en retirons. Je me souviens de ce qu'un premier ministre d'une province avait déclaré à ce moment en parlant du premier ministre, il avait parlé d'une petite souris blanche... D'ailleurs, le chef de l'Oppsoition l'a dit tout à l'heure...

M. GARNEAU: On vient tout juste de faire cette discussion.

M. ROY: ... d'en parler de ces choses. Concernant ces politiques gouvernementales, je veux également parler... Là, nous étudions les crédits du ministère des Finances, mais on constate que, dans le budget de la province, tout n'est pas inclus, tout n'est pas compris. On constate, évidemment, au niveau des revenus que le gouvernement perçoit, que ce soient des droits de coupe des compagnies, que ce soient des droits miniers, mais surtout au niveau des droits de coupe parce que nous avons les chiffres ici, qu'il y a quand même le fait que le ministère des Terres et Forêts va accorder quelque $6 millions de subvention à même les montants d'argent que la province devait recevoir et qui ne figurent pas sur le bilan de la province.

Est-ce à dire que du fait que des arrêtés en conseil ont été déposés, du fait que nous avons posé une multitude de questions sur ce sujet, nous avons fini par l'apprendre? Mais ces choses font en sorte qu'il n'y a rien qui figure sur le budget de la province.

On s'interrogeait bien parce qu'on savait qu'il y avait eu des ententes de faites, qu'il y avait eu des montants qui avaient été accordés à des compagnies, c'est-à-dire des suspensions de droit de coupe, mais il y a eu plus que des suspensions de droit de coupe, il y a eu des droits de coupe qui ont été reportés aussi pour une période du 1er octobre 1971 au 30 septembre 1972, pour $5,455,000, alors que pour une des compagnies les plus importantes, on n'a pas les chiffres. On retrouve encore les mêmes chiffres du 1er octobre 1972 au 30 septembre 1973. On nous a dit que c'était arrêté, que la politique avait été changée. Je suis bien d'accord, mais il reste quand même que ce sont des millions de dollars dont la province s'est privée au niveau de revenu. En étant privé de ces revenus de la province, en étant privé...

M. GARNEAU: Je ne vois pas du tout le scandale ou la surprise du député de Beauce. Ma foi du bon Dieu! si je baisse les taxes de 5 p.c, c'est évident qu'elles ne seront pas dans les revenus de la province. Je ne peux pas les donner en déduction et les avoir en même temps, ma foi du bon Dieu !

M. ROY: Mais ce n'est pas une réduction de

taxes, cela? C'est un manque à gagner du revenu de la province que vous avez fait à l'endroit des compagnies forestières.

M. GARNEAU: Oui, mais qu'est-ce que vous voulez que je vous dise d'autre?

M. ROY: Le chef de l'Opposition vient de demander si vous avez songé, à un moment donné, lorsqu'elles font des profits beaucoup plus élevés, à augmenter les redevances. Je ne sache pas qu'on ait donné des pourboires à la province et qu'elles vont donner des pourboires à la province au cours de l'année présente ou encore au cours de l'année dernière dans laquelle elles ont fait des profits comme elles n'en avaient jamais fait dans le passé.

Je le dis à l'endroit du ministre, j'ai été tout simplement choqué d'apprendre que ces compagnies papetières se voient accorder sous forme de suspensions de droit de coupe qui constituent un manque à gagner pour la province et qu'on leur donne des délais pour le payer. On leur prête cela sans intérêt. Alors que le ministre s'esclaffe lorsqu'on demande qu'il y ait des dispositions qui soient prises au niveau du financement des municipalités, au financement du secteur public, alors qu'on le pratique pour les entreprises privées. Je comprends peut-être qu'au niveau de la caisse électorale, je serais tenté de le dire, mais je ne le dirai pas, bien que j'aie de fortes tentations, mais on se demande à un moment donné tout le "lobbying" qu'il a pu y avoir à ce moment-là.

On a des richesses naturelles au Québec. On nous gargarise de mots. On passe son temps à nous répéter: Ah! 1'Alberta, elle a le pétrole! Une autre province a cela! Mais nous avons toutes sortes de choses au Québec. Nous avons des richesses naturelles immenses. La province aurait pu profiter de continuer à s'alimenter au niveau du revenu de la province, au niveau du revenu des richesses naturelles des provinces, mais on a l'impression très nette et on est justifié de l'avoir, que le gouvernement est au service des entreprises multinationales. On ne demande plus des subventions au gouvernement, pour être en mesure de construire des routes en forêt, on ne demande pas de subventions pour être capable de participer à tel et tel programme, de façon que ce soit inclus dans le budget de la province, ou dans des budgets supplémentaires, pour que les élus du peuple aient à se prononcer. Non. On y va par réduction. On accorde des droits, des préférences, et, à ce moment-là, il est évident que cela passe au-dessus de l'Assemblée nationale, cela passe au-dessus des élus du peuple. Ce n'est même pas discuté à l'Assemblée nationale. Il faut deviner pour être en mesure de le savoir.

Quand le chef de l'Opposition, et je partage entièrement son point de vue... D'ailleurs c'est un point de vue que je m'étais bien proposé de soulever moi-même, à ce moment-là, on nous a parlé du système PPBS, qui allait être formida- ble pour contrôler les budgets de la province, contrôler les différents secteurs, contrôler la répartition des budgets par programme. Je suis bien d'accord que le système PPBS peut être bon, mais seulement quand on retrouve de ces choses, on se demande présentement ce qui peut se passer, parce qu'on n'a pas les chiffres. Qu'est-ce qui s'est passé dans le domaine minier? Qu'est-ce qui s'est passé dans d'autres domaines?

M. le Président, on a quand même droit de savoir ce qui se passe de l'autre côté...

M. GARNEAU: Je comprends que le chef de l'Opposition officielle, ayant été élu le 29 octobre, il est bien normal qu'il n'ait pas pu suivre tous les débats antérieurs de l'Assemblée nationale, mais pour le député de Beauce qui était membre de l'ancienne Législature, cela me surprend énormément qu'il réagisse de la façon dont il réagit, puisqu'après je ne sais combien de questions en Chambre...

M. ROY: Cela n'a jamais été discuté.

M. GARNEAU: ... au moment où les entreprises papetières devaient congédier du monde, devaient fermer leurs portes, je ne sais pas combien il y a eu de questions posées par les partis d'Opposition. A ce moment-là, il y en avait trois. Je ne sais pas lequel des trois a été le plus agressif de ce côté.

Mon collègue, le ministre des Terres et Forêts a indiqué, à un moment donné, après les consultations qu'il avait eues, que nous avions eues avec le secteur de l'industrie papetière, les consultations qui avaient eu lieu avec le Nou-veau-Brunswick, l'Ontario, pour essayer de trouver des formules d'amélioration dans le transport du produit fini. En fait, il y a eu des discussions très longues là-dessus. Le ministre des Terres et Forêts, à un moment donné avait indiqué quelle avait été la décision du gouvernement sur ce rapport et comme l'indique le député de Beauce-Sud cela a commencé à l'automne 1971 de telle sorte que dans les crédits de 1971/72, 1972/73, c'était des faits qui étaient connus. Qu'on ne vienne pas me dire que c'était une affaire qu'il vient d'apprendre. S'il vient de l'apprendre, j'en suis extrêmement surpris.

M. ROY: M. le Président, cela n'est jamais apparu dans les crédits.

M. GARNEAU: Non, puisque c'est une diminution de...

LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre! C'est le ministre des Finances qui a la parole et après c'est au député de Sauvé.

M. GARNEAU: Alors, vous me voyez extrêmement surpris de constater ce fait et je dirais au député de Beauce-Sud en plus qu'il ne faut pas qu'il se surprenne que dans le livre qu'il a

devant lui, le budget par programmes, il ne voit pas ces choses il ne les verra jamais parce que cela, c'est l'aspect des dépenses et l'autre, c'est l'aspect des revenus. Quand il y a une diminution de fiscalité, cela n'apparaît pas dans le budget de dépenses, cela apparaît dans une diminution des revenus à ces chapitres.

M. MORIN: M. le Président, je passerais volontiers la parole au député de Saguenay. Je crois qu'il avait une observation à faire.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce que les membres de la commission lui accordent le droit de parole?

M. GARNEAU: II y a dix heures de discussion, M. le Président, si vous les passez avec l'un ou avec l'autre, cela revient au même.

M. LESSARD: M. le Président, ce que soulève, justement le député de Beauce-Sud concernant la diminution des droits de coupe pour la construction de ponts, cela ne s'est pas produit en 1970 ou en 1971.

M. BACON: Ce n'est pas de cela qu'on a parlé.

M. GARNEAU: Ce n'est pas de cela qu'on parlait.

M. LESSARD: En 1973, à la suite d'arrêtés en conseil...

M. GARNEAU: Ce n'est pas de cela qu'on parlait. C'est de la diminution des droits de coupe qui ont été accordés sous forme de prêts ou de remises pour aider des entreprises à faire des transformations dans leur entreprise avec des équipements antipollution. C'est là-dessus que portait le débat.

M. ROY: L'antipollution était le prétexte, parce que l'arrêté en conseil est le 1719 du 10 mai 1973.

M. GARNEAU: Parce qu'ils ont été reconduits.

M. ROY: D'accord, mais il y en a eu un en 1971. Les arrêtés en conseil n'ont pas été...

M. GARNEAU: Cela a été reconduit. La politique a été annoncée à ce moment.

M. LESSARD: On pourrait souligner aussi, M. le Président, que la même situation s'est créée lorsque le ministère des Terres et Forêts dans la région de la baie James devait faire des ponts pour permettre l'exploitation de cette forêt. Etant donné que le ministère des Terres et Forêts ne pouvait pas obtenir de crédits du ministère des finances, il s'est financé sous forme de déductions sur des droits de coupe équivalant à $2,500,000, ce qui veut dire, M. le Président, que si cela n'avait été de la surveillance des députés de l'Opposition, encore là nous n'aurions pas été capables de savoir quels étaient les cadeaux que le ministère des Terres et Forêts accordait à certaines compagnies en particulier à la compagnie Barrett et Saucier, ce qui nous faisait dire, M. le Président, que si on utilise ces moyens, lorsque nous avons à étudier les budgets des différents ministères, nous étudions de faux budgets parce qu'en réalité on se finance en accordant des déductions sur des droits de coupe. C'était justement le cas pour le ministère des Terres et Forêts et le député de Beauce-Sud soulevait tout à l'heure la question: Si c'est le cas au niveau du ministère des Terres et Forêts, qu'est-ce que cela doit être au niveau du ministère des Richesses naturelles concernant nos droits qu'on doit charger sur ces ressources.

Ce que nous disons, M. le Président, c'est que si le gouvernement veut donner des subventions aux compagnies, qu'il le fasse ouvertement et nous pourrons juger si le gouvernement doit donner ces subventions mais non pas hypocritement comme c'est le cas actuellement. Encore là, si ce n'était du fait que l'Opposition a fait des recherches considérables pour le savoir, nous n'aurions pas été capables de savoir comment le ministère des Terres et Forêts se finance et cela devient d'autant plus difficile pour le connaître lorsqu'il s'agit du ministère de Richesses naturelles.

M. MERCIER: Très brillant.

LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions?

M. MORIN: Je voudrais revenir si le ministre veut bien lui aussi, à...

M. ROY: Le ministre n'a rien à ajouter là-dessus.

M. MORIN: Je voudrais revenir à l'idée que j'énonçais...

M. GARNEAU: Vous en avez discuté aux crédits des Terres et Forêts, je ne vois pas pourquoi j'y reviendrais.

M. MORIN: Je voudrais revenir à mon idée de l'indexation possible...

M. GARNEAU: Le chef de l'Opposition va être à l'index bientôt.

M. MORIN: ... des modalités et des redevances au prix des produits finis. Nous avons parlé du papier mais est-ce que le ministre pourrait nous dire si cette idée ne pourrait pas être appliquée dans le domaine des métaux?

M. GARNEAU: C'est la formule qui est

utilisée en Colombie-Britannique. En fait, c'est à l'intérieur d'un pourcentage de variation. C'est la formule qui semble vouloir être utilisée en Colombie-Britannique et qui est contestée en cour dans cette province. Mais peu importe cette situation. Dans l'étude en cours présentement, nous analysons toutes les hypothèses possibles et celle-là est considérée au même titre que d'autres. C'est à l'intérieur d'un éventail de propositions que pourra être modifiée la... Mais je ne veux pas en retenir une plus que l'autre, j'aime mieux attendre que l'étude soit complétée avec les conséquences de chacune de ces hypothèses sur le type d'entreprises minières que nous avons au Québec et qui peut être différent du type d'entreprises minières qui existe en Colombie-Britannique.

M. MORIN: Est-ce que je dois comprendre que votre ministère s'est déjà penché sur une possibilité d'indexation, d'une certaine indexation?

M. GARNEAU : Dans le cas des études qui se font actuellement, c'est une des hypothèses qui est étudiée.

M. MORIN: Je voudrais revenir à l'un de vos propos de tout à l'heure. Vos chiffres m'intéressent beaucoup, j'ai hâte d'en recevoir communication, parce que si la rente économique que vous percevez dans le domaine des métaux est comme vous dites, plus élevée que dans les autres provinces, je me demande si ce n'est pas dû au fait — et ce serait à analyser sans doute de près — que nous avons au Québec un éventail de métaux, dont notamment le nickel et le cuivre, dont les prix ont monté plus vite que pour certains autres métaux qu'on trouve peut-être plus abondamment dans les autres provinces. Car, depuis que le cartel a été brisé au Chili, les prix du cuivre ont monté en flèche.

M. GARNEAU : Le document auquel je me référais tout à l'heure provient de Statistique Canada, production minérale du Canada, et le numéro de série est 26-202. Je pense que vous pouvez vous le procurer très rapidement à la bibliothèque de l'Assemblée nationale avec cette référence et vous allez avoir la valeur de la production minière pour 1973.

M. MORIN: Que pensez-vous de l'hypothèse que j'émettais, que le fait que la rente soit plus élevée, selon ces chiffres et selon ce que vous soutenez, soit dû au fait qu'au Québec on trouve un éventail de métaux, notamment le nickel et le cuivre, dont le prix a monté plus vite que pour d'autres métaux qu'on trouve dans d'autres provinces?

M. GARNEAU: C'est fort possible que ce soit ça. Je ne pourrais pas répondre affirmativement ou négativement à l'hypothèse que soumet le chef de l'Opposition, je n'ai pas les données pour porter un jugement rapidement sur cette hypothèse.

M. MORIN : En tout cas, si vous étudiez cette hypothèse, ça permettrait peut-être de nuancer certains des chiffres que vous nous donniez tout à l'heure. Sur ce point, j'ai terminé. Peut-être que le député de Beauce-Sud a d'autres points sur le programme no 1. Moi, il ne m'en reste plus qu'un, mais je suis prêt à céder la parole au député de Beauce-Sud.

M. ROY: Sur le point no 1, j'ai trouvé que ce qui était le plus fondamental, c'étaient les études économiques réelles au niveau du financement de la province. Le ministre m'a répondu qu'on ne semblait pas s'y intéresser. Il ne l'a pas dit de cette façon, mais si je peux conclure, on ne fait pas d'études économiques de ce côté. Je n'ai pas d'autre question en ce qui me concerne.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Sauvé.

M. MORIN: Oui, il m'en reste une dans le cadre du programme no 1. Je voudrais demander au ministre pourquoi son gouvernement tient à abolir progressivement l'impôt sur les successions, au fur et à mesure que croît l'assiette de l'impôt sur les gains de capitaux. Peut-être puis-je terminer ma question, elle sera plus complète? C'est en 1972, si ma mémoire est bonne, que vous avez commencé à diminuer l'impôt sur les successions.

Le 1er janvier 1974, il y a eu une baisse additionnelle de 20 pc; le 1er janvier 1975, une autre baisse de 20 p.c. a été annoncée. Je crois que la première baisse, celle de 1972 ou 1973 portait sur les 25 p.c. qui, auparavant, étaient perçus par le gouvernement fédéral...

M. GARNEAU: C'est un premier point.

M. MORIN: ... en sorte qu'au 1er janvier 1975, la réduction totale serait portée à 40 p.c. C'est bien cela, M. le ministre? Quel est le raisonnement par lequel vous en venez à faire un lien aussi direct entre la baisse, la diminution de l'impôt successoral, d'une part, et, d'autre part, la croissance de l'assiette d'impôt sur les gains de capitaux?

M. GARNEAU: Parce qu'il y a présomption de gains au moment du décès. La loi de la taxation sur le gain de capital est de nature telle que, lorsque quelqu'un décède, il est présumé avoir disposé de ses biens et est inclus dans son impôt sur le revenu, au moment de son décès, le gain de capital applicable contre les immeubles ou les valeurs mobilières qu'il détient. Alors, comme c'est déjà taxé à cause de la présomption de gain, au moment du décès, à notre sens, le même capital a été taxé deux fois. C'est le lien entre les deux. C'est la réponse que je donne.

La deuxième raison pour laquelle nous avons décidé de diminuer graduellement l'impôt sur les successions porte sur le fait qu'un nombre important d'entreprises québécoises étaient constituées d'entreprises familiales bâties autour du chef de famille qui, à l'âge de 45 ou 50 ans, au moment où l'entreprise devenait d'une taille relativement importante et que le propriétaire unique, bien souvent, comme je l'ai mentionné, de l'entreprise familiale se voyait dans la situation où il pouvait vendre son entreprise, bien souvent aux Américains ou à d'autres, à cause du fait que, s'il décédait à plus ou moins courte échéance, les droits de succession étaient tels que ses descendants, sa femme et ses garçons, étaient dans une position qui les obligeait à liquider, bien souvent, pour faire face aux droits de succession, ou encore, qui grugeait tout le fonds de roulement de l'entreprise et les plaçait dans une situation difficile, de telle sorte que beaucoup d'entreprises moyennes québécoises se trouvaient à être vendues.

Pour ce qui est des grandes entreprises dont le capital-actions est détenu par le public, par le fait que les actions sont inscrites en bourse, la situation ne se présentait pas et, souvent, on considérait que c'étaient les entreprises québécoises qui étaient les plus durement touchées. C'était une incitation, bien souvent, pour des ventes d'entreprises à l'âge de 50 ans ou 55 ans, plutôt que de les maintenir entre les mains des Québécois. Ce sont ces deux raisons que j'ai expliquées dans mon budget de 1972/73, je pense, plus en détail et que j'ai repris, dans les grandes lignes, la dernière fois.

M. MORIN: J'ai beaucoup de difficulté à suivre le ministre sur ce terrain, car il s'agit quand même de deux taxes tout à fait distinctes dans leur but, dans leur portée; pour les gains de capitaux, il s'agit de taxer uniformément les revenus, quelle que soit la nature, la provenance du revenu, tandis qu'en ce qui concerne les droits successoraux, il s'agit d'éviter la transmission excessive...

M. GARNEA J: Supposons que vous êtes propriétaire...

M. MORIN: ... des richesses de père en fils.

M. GARNEAU: Vous êtes propriétaire d'une entreprise qui vaut $500,000 et qui valait, au moment de la mise en application de la loi, $200,000. En 1972, le 1er janvier, au moment de l'évaluation de cet avoir, c'était $200,000; vous décédez en 1980 et cela vaut $500,000 ou $600,000.

M. MORIN: Gain de capital...

M. GARNEAU: Le gain de capital de la différence était taxé. Donc, une disparition de liquidité de l'entreprise pour payer cette taxe, et, deuxièmement, vous étiez taxé, en plus, sur la valeur de $600,000 via les droits de succession. Nous considérons que c'était taxer deux fois les mêmes valeurs.

M. MORIN: II n'en reste pas moins que la commission Carter avait bien recommandé de maintenir les deux taxes parallèles.

M. GARNEAU: Oui, mais c'était un autre système. La trame générale ou la philosophie générale qui était suggérée par la commission Carter était quand même différente de la philosophie qui s'applique présentement.

M.MORIN: Oui. Si j'ai bien compris, le pouvoir fédéral a maintenant évacué entièrement le domaine de l'impôt successoral. Alors qu'il y tenait tellement il y a quelques années, il l'a maintenant évacué. Est-ce que je pourrais demander au ministre où va s'arrêter cette réduction qui va être portée à 40 p.c. au 1er janvier 1975? Est-ce que son intention est d'ajouter encore 20 p.c. en 1976 et ainsi de suite chaque année?

M. GARNEAU: La diminution graduelle de l'impôt de successions a été annoncée comme étant l'intention du gouvernement. Il reste à déterminer si nous garderons une partie de l'impôt sur les successions et sur les dons, uniquement pour suivre l'évolution des avoirs des contribuables de telle sorte qu'il n'y ait pas de fraude fiscale au niveau de la perception.

M. MORIN: Vous vous souviendrez que c'était la grande raison pour laquelle le pouvoir fédéral ne voulait pas abandonner finalement le dernier modicum qui lui restait dans le domaine des droits successoraux.

M. GARNEAU : C'est la raison pour laquelle je vous réponds que je ne pourrais pas assurer cette commission à savoir si l'objectif serait de faire disparaître complètement l'impôt sur les successions. Peut-être garderons-nous, même si elle est minime, une taxation qui permettrait au ministère du Revenu de suivre peut-être plus facilement l'évolution et les transferts de propriétés ou d'actifs pour être plus en mesure d'éviter certaines évasions fiscales...

M. MORIN: ...oui...

M. GARNEAU: ... mais, techniquement, je ne peux pas affirmer si nous abolirons complètement ou si nous garderons un montant de 10 p.c, 15 p.c. ou 20 p.c. qui ne serait pas une charge fiscale énorme, mais qui nous permettrait de suivre l'évolution de ces actifs, les passations entre les mains d'un individu à un autre. Je ne suis pas en mesure de répondre.

M. MORIN: Dans l'état actuel de vos réflexions sur la question, j'aimagine que quand

vous avez mis en train ce programme de diminution progressive vous aviez une idée quand même du point où vous vouliez aboutir.

M. GARNEAU: L'idée, c'était de faire disparaître complètement l'impôt sur les successions. C'est d'ailleurs indiqué dans le texte du budget que j'ai présenté il y a quelques années. Je ne sais pas si c'est en 1972 ou en 1973? Je pense, en 1972.

M. MORIN: Je soumets au ministre qu'il aurait intérêt, à tout le moins, à garder un certain impôt successoral. Je ne dis pas que j'accepte le raisonnement ou les idées qu'il vient d'émettre, mais je dis qu'il aurait intérêt, à l'intérieur de son propre système, de garder un certain impôt successoral, ne serait-ce que pour vérification in extremis, si je puis m'exprimer ainsi...

M. GARNEAU: Le terme est bien choisi.

Etude des politiques économiques et fiscales

M.MORIN: Bien. M. le Président, nous avons maintenant terminé le programme 1, en ce qui nous concerne...

LE PRESIDENT (M. Brisson): Programme 1, adopté?

M. MORIN: ... sur les montants. Ce ne sera pas bien long. Ventilation des crédits, à l'élément 1, les traitements; ils passent de $198,000 à $248,000. Comment s'explique cette hausse quand même considérable, 25 p.c, je crois, dans les salaires?

M. GARNEAU: La dépense réelle pour 1973/74 a été de $212,400 et non pas... Il y a eu des virements internes pour une insuffisance de crédits. Le comparatif devrait se faire avec la dépense approximative de 1973/74 qui a été de l'ordre de $212,000, donc cela part de $212,000 à $248,000, ce qui fait 7 p.c. d'augmentation.

Il y avait deux postes vacants. On m'informe qu'il y avait cinq postes vacants l'an dernier, mais il y en aura deux. Les traitements, à $248,000 tiendront compte de l'augmentation naturelle des salaires et du fait que les postes vacants ont été comblés; il en reste encore deux à combler.

M. MORIN: Cette année, comme l'année dernière, il y avait 21 postes théoriques, mais il n'y avait pas 21 postes occupés.

M. GARNEAU: C'est cela.

M. MORIN: Bon, d'accord! Cela me satisfait. En ce qui concerne l'Opposition, le pro- gramme no 1 peut être considéré comme adopté, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le programme no 1 est adopté. Le programme no 2: Gestion de la caisse et de la dette publique.

Gestion de la caisse et de la dette publique

M.MORIN: Bien! Je voudrais peut-être commencer le débat dès ce soir là-dessus, quoique cela ne nous mènera peut-être pas bien loin!

M. GARNEAU: A moins de considérer qu'il est onze heures.

M. MORIN: On peut toujours commencer. M. ROY: Oui, je n'ai pas d'objection.

M. MORIN: Le ministre aura une idée du genre de questions que nous serons appelés à lui poser demain matin. Cela lui permettra de se préparer en conséquence.

Dans le discours du budget, le ministre nous a annoncé son programme d'emprunts pour l'année 1974/75. Il s'agit d'un montant de $510 millions pour le gouvernement, d'un programme de $550 millions pour Hydro-Québec. Je voudrais demander au ministre, comme première question, où en est rendu, aujourd'hui, le programme d'emprunts. Je veux dire par là, dans quelle proportion a-t-il été réalisé? En question subsidiaire étant donné que les taux montent très rapidement, est-ce que le gouvernement ne s'attend pas à devoir emprunter plus du chef du gouvernement pour effectuer certains remboursements d'obligations, par exemple? Autre question subsidiaire: Est-ce qu'il ne sera peut-être amené à emprunter plus de $550 millions pour Hydro-Québec?

M. GARNEAU: Les indications que j'ai jusqu'à ce jour ne sont pas de nature à me porter à croire que le montant variera d'une façon substantielle. En fait, je n'ai pas eu d'autres rapports m'indiquant qu'il y aurait modification. Pour ce qui est du Québec lui-même ou de nos besoins financiers en ce qui concerne nos activités, là non plus, je n'ai pas d'indication précise. On se rappellera quand même que lorsque j'ai déposé mon budget, la décision concernant le pétrole avait été prise la veille. C'est uniquement là que nous avons appris d'une façon définitive que le gouvernement fédéral n'allait pas modifier la formule de péréquation, de telle sorte que nous pouvions escompter recevoir une partie d'un montant de l'ordre de $70 millions, à $90 millions, $100 millions, selon la décision qui serait prise finalement par l'Alberta et la Saskatchewan, de telle sorte que ces sommes sur lesquelles nous pouvons maintenant compter, du moins en

termes d'ordre de grandeur, même si nous n'avons pas les chiffres précis, n'étaient pas incluses dans les revenus escomptés que j'ai indiqués dans mon exposé budgétaire.

De telle sorte que, même s'il y a des budgets supplémentaires qui doivent être déposés avant la fin de l'exercice financier, il ne faut pas en conclure automatiquement que cela signifiera une augmentation du programme d'emprunts. C'est pourquoi, ni pour Hydro-Québec, ni pour la province, je pourrais affirmer qu'il y aura des modifications substantielles dans le programme d'emprunts tel que je le vois aujourd'hui.

Peut-être que, dans trois semaines, dans un mois, j'aurai d'autres indications, mais pas présentement. Et pour répondre à la première partie de la question du chef de l'Opposition — je l'ai d'ailleurs indiqué dans mon exposé du début — actuellement, Hydro-Québec a 40 p.c. de son programme d'emprunts de réalisé pour son année financière 1974, ce qui représente $215 millions, et le gouvernement du Québec, sur les emprunts qu'il doit faire sur les marchés publics, a le tiers de son programme de réalisé. Cela représente $150 millions. C'est l'emprunt que nous avons fait sur le marché américain.

M. ROY: Maintenant, vous avez une obligation...

M. MORIN: Je m'excuse, M. le député de Beauce-Sud.

M. ROY: Oui.

M. MORIN: J'allais vous demander quelle proportion a été trouvée sur le marché américain, dans les deux cas.

M. GARNEAU: Dans le cas du Québec, ce que nous avons de réalisé sur le marché d'emprunt public —je fais abstraction des sommes qui nous viennent par les programmes zones spéciales, ODEQ, emplois d'hiver, parce qu'il y a encore une tranche à venir, je parlais uniquement des emprunts sur le marché public — ce sont les $150 millions que nous avons empruntés sur le marché américain au début du mois d'avril et auxquels on a référé antérieurement au cours de ce débat.

M.MORIN: Oui...

M. GARNEAU: Pour ce qui est d'Hydro-Québec, elle avait fait un emprunt à la toute fin de l'année 1973, qui a été livré à Hydro-Québec, effectivement, en 1974. Cela faisait partie de son emprunt de 1974, $125 millions, effectué sur le marché américain et elle a fait $60 millions sur le marché canadien. C'est la Caisse de dépôt.

M. ROY: C'est la Caisse de dépôt.

M. MORIN: Et entièrement de la Caisse de dépôt et placement du Québec, ces $60 millions?

M. GARNEAU: Oui. Cela a été négocié avec la Caisse de dépôt et placement du Québec.

M. ROY: Et l'autre montant?

M. GARNEAU: Et l'autre montant de $30 millions a été fait...

M. MORIN: Bon!

M. ROY: Est-ce que vous pourriez me donner le taux des emprunts d'Hydro-Québec? Quel est le taux et la durée de l'emprunt?

M. GARNEAU: Cela a été une échéance de 30 ans à un coût à Hydro-Québec de 8.30 p.c. Cela a été livré le 3 janvier 1974.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce qu'il y a d'autres questions au programme 2?

M. MORIN: Oui.

M. ROY: Je voulais, avant d'aller à l'élément 2... Nous ne sommes pas à l'élément 2?

LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous sommes au programme 2.

M. ROY: Etant donné qu'il y a une émission d'obligations d'épargne actuellement en cours, elle doit tirer à sa fin, si elle n'est pas terminée. Est-ce qu'on peut nous donner des résultats là-dessus?

M. GARNEAU: La date limite, c'est le 31 mai. L'évolution jusqu'à maintenant nous permet de croire qu'au terme de l'exercice, on avait entre $50 millions et $60 millions.

M. ROY: De souscrits.

M. GARNEAU: Non pas souscrits jusqu'à maintenant, mais le produit de l'émission rapporterait au Québec entre $50 millions et $60 millions.

M. ROY: C'est complètement différent d'avec l'an dernier. L'an dernier, l'émission d'obligations avait rapporté $133 millions.

M. GARNEAU: $133 millions.

M. MORIN: II y a de l'inflation et, en période d'inflation, comme le député de Beauce-Sud le sait, les obligations ne se vendent pas aussi bien qu'en temps normal. En tout cas, le financement, par le biais des obligations d'épargne, est beaucoup plus difficile. Non seulement, il est difficile d'en vendre, M. le ministre, mais l'Etat doit quelquefois racheter certaines quantités d'obligations avant que celles-ci ne vien-

nent à terme. C'est ce qui explique sans doute les pleines pages d'annonces dont nous sommes gratifiés depuis quelque temps. L'offre d'un boni à une date X, si l'obligation n'est pas vendue d'ici là, la hausse des taux d'intérêts pour les deux prochaines années, et un traitement fiscal privilégié, enfin toute une série de techniques auxquelles on a recours à l'heure actuelle. Le ministre a annoncé dans l'évaluation de son programme d'emprunt qu'il devait rembourser $80 millions d'obligations d'épargne. Est-ce que le ministre ne pense pas, compte tenu de l'inflation et de la hausse du taux d'intérêt, qu'il devra peut-être rembourser plus que $80 millions et donc hausser aussi ces emprunts sur les marchés réguliers?

M. GARNEAU: C'est la raison pour laquelle nous avons augmenté les taux d'intérêt sur les émissions en cours, c'est-à-dire celles qui étaient déjà détenues par des Québécois. Comme je dis, c'est la raison pour laquelle nous avons augmenté les taux d'intérêt d'abord à 8.5 p.c, maintenant à 9.5 p.c. pour être compétitifs avec ce qui se paie dans les dépôts à terme auprès des banques et des sociétés de fiducie. Je dois dire quand même que ces augmentations de taux à 8.5 p.c, à 9.5 p.c. sont de nature telle, du moins d'après l'expérience que nous accumulons, que les rachats ne sont pas différents de ceux que nous expérimentons en période normale. Quand on parle d'un montant de l'ordre de $80 millions à rembourser, il y en a $25 millions qui arrivent à échéance cette année, c'est-à-dire que l'émission qui a été émise en 1964, qui était une émission de dix ans, venait à échéance en 1974, celle-là a été finalement rachetée complètement. Elle fait partie des quelque $80 millions. Ce qui veut dire que la réserve que nous avons maintenant, j'espère qu'elle ne sera pas toute utilisée, encore moins dépassée, mais il faut se croiser un peu les doigts là-dedans. C'est à espérer que l'évolution des taux de l'argent ne sera pas telle qu'elle nous compliquera la situation.

L'an dernier, c'est une des raisons pour lesquelles nous avons dû augmenter le programme d'emprunt que nous avions prévu parce qu'il y avait eu un rachat important au moment où il y a eu un délai entre... On ne savait pas la tendance que prendraient les taux d'intérêt et c'est pour cela que nous avons augmenté à 8 1/2 p.c. Après avoir augmenté à 8 1/2 p.c, les forts remboursements ont cessé et nous sommes revenus à la trajectoire normalement suivie dans les rachats d'obligations d'épargne. Il n'y a donc rien d'anormal par rapport à ce qui prévalait dans des situations que nous avons connues antérieurement où il n'y avait pas de changement brusque dans les taux d'intérêt.

M. MORIN: Si je comprends bien le ministre, son évaluation de $80 millions tient encore bon en ce moment.

M. GARNEAU: Ce sont les indications que me donnent les fonctionnaires de mon ministère, qui suivent de très près cette évolution.

M. MORIN: Pourquoi le ministre ne suivrait-il pas l'exemple du gouvernement fédéral qui accorde un bonus comptant assimilable à des gains de capitaux, donc, évidemment, imposables à seulement 50 p.c? Est-ce que ce ne serait pas une technique qu'il pourrait utiliser?

M. GARNEAU: Oui, cela en est une. J'en ai discuté assez longuement avec mes officiers. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas décidé de le faire, mais cela pourrait être un argument de vente intéressant et aussi un argument de maintien entre les mains des détenteurs des obligations d'épargne. Mais c'est une possibilité que nous analysons. D'ailleurs, nous avons donné des primes à la conservation qui n'étaient pas assimilables à un gain de capital dans le passé, mais c'est une technique qui pourrait être utilisée. Il faudrait que j'ajoute la remarque que me fait mon sous-ministre: malgré ce fait-là, malgré cet avantage que donne le fédéral, les informations que nous avons ne semblent pas indiquer un succès beaucoup plus éclatant, soit en termes de rachat ou en termes de souscription de nouvelles obligations d'épargne.

M. MORIN: C'est plus difficile à évaluer en termes de rachat, parce que...

M. GARNEAU: C'est un remboursement net, mais, d'après les chiffres donnés par la Banque du Canada, le 16 mai 1974, dans une semaine, elle a dû racheter $115 millions, malgré l'annonce faite par M. Turner dans son discours sur le budget. Evidemment, peut-être qu'il s'agissait d'une décision qui avait été prise simultanément avec le discours du budget, mais, chose certaine, le 16 mai, il se présentait pour le gouvernement fédéral un remboursement fort important.

M. ROY: Tout ça est dû à l'inflation et à l'évolution des taux d'intérêt que nous connaissons. J'aurais des questions à poser au ministre à ce sujet mais, étant donné qu'il est 11 heures, je préfère attendre à demain matin.

LE PRESIDENT (M. Brisson): La commission ajourne ses travaux à demain matin, après la période des questions?

M. GARNEAU: C'est à dix heures, demain matin?

M. MORIN: M. le Président...

M. GARNEAU: A moins d'indication contraire par le leader demain, je ne sais pas si c'est dans la programmation, je ne suis pas au courant.

M. MORIN: La coutume, dans plusieurs commissions et notamment dans celle-ci, lors-

que nous avons étudié les crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce, c'était à 10 h 30, pour donner à chacun le temps de se retourner le matin et de voir à sa correspondance.

M. GARNEAU: On siège à dix heures demain?

M. MORIN: On siège à dix heures à l'Assemblée, ce qui veut dire que ce ne sera pas avant 11heures.

M. GARNEAU: Je ne pense pas que ce soit avant 11 heures, à moins que les leaders des différents partis se soient entendus pour appeler une autre commission pour des raisons que je pourrais ignorer, Normalement, ça devrait être demain matin.

M. ROY: A ce que je sache, il n'y a eu aucune entente.

M. GARNEAU: Comme vous avez été absent aujourd'hui, peut-être qu'il y en a eu une avec les 50 p.c. de votre caucus?

M. ROY: II est évident que je ne suis pas toujours consulté.

LE PRESIDENT (M. Brisson): La commission ajourne ses travaux à demain, vers 11 heures.

(Fin de la séance à 23 h)

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