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Commission permanente des finances, des comptes
publics et du revenu
Etude du projet de loi no 14 Loi modifiant la Loi sur
les impôts
Séance du 30 mars 1976
(Vingt heures vingt-deux minutes)
M. Kennedy (président de la commission permanente des
finances, des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs!
La commission des finances, des comptes publics et du revenu est
réunie pour étudier le projet de loi no 14, Loi modifiant la Loi
sur les impôts. Est-ce qu'on pourrait nommer immédiatement un
rapporteur?
M. Bacon: Le député de Bellechasse, M. le
Président, s'acquitte habituellement très bien de cette
tâche.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Bellechasse est nommé rapporteur de la commission.
M. Morin: II fait des rapports toujours très
remarqués en Chambre.
M. Mercier: Quel témoignage!
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Lotbinière, M. Massicotte, remplace le député de
Laprairie, M. Berthiaume.
M. le ministre.
Explications du ministre
M. Quenneville: M. le Président, étant donné
le caractère très technique de cette loi, on a cru bon de
distribuer des notes explicatives avec un tableau en annexe. Dans la
période qui suivra, nous sommes prêts à donner d'autres
explications, au besoin, concernant cette loi 14.
Voici la modification proposée à la Loi sur les
impôts concernant l'établissement d'une moyenne
générale.
Principe général. L'établissement de la moyenne
générale consiste en l'application d'une formule
mathématique qui exige que le contribuable connaisse exactement son
revenu pour certaines années antérieures. C'est pourquoi le
ministère du Revenu ne demande pas que les contribuables
l'établissent eux-mêmes en remplissant leur formule annuelle de
déclaration des revenus. Cependant, il se charge d'en effectuer le
calcul pour les contribuables qui peuvent en bénéficier selon la
Loi sur les impôts. A ceux qui le désirent, il fait parvenir une
formule qui leur permet d'établir assez facilement les calculs
nécessaires.
Essentiellement, l'établissement de la moyenne
générale a pour but de réduire ou d'atténuer
l'impact engendré par la progressivité des taux dans le calcul de
l'impôt payable pour une année d'imposition où le revenu
d'un contribuable est substantiellement plus élevé que la moyenne
de ses revenus pour les années antérieures.
En exemple, supposons le cas d'un contribuable célibataire ayant
un revenu net de $10 000 pour chacune des années d'imposition 1972, 1973
et 1974 et dont le revenu net pour 1975 est de $28 000. L'impôt à
payer calculé avant l'application de la moyenne générale
serait de $4832; l'impôt à payer calculé après une
telle application est de $4484, soit une réduction d'impôt de
$348.
Modifications apportées à la Loi sur les impôts en
1975.
En 1975, l'échelle des taux d'impôt a été
modifiée comme suit: le taux d'impôt de 10% sur la première
tranche de $2000 du revenu imposable a été aboli et les taux
progressifs d'impôt, s'éche-lonnant de 11% à 16% pour les
revenus imposables compris entre $2000 et $9000, ont été
remplacés par un taux unique d'impôt de 16%.
Suite à ces modifications, on devait normalement s'attendre
qu'aucun avantage fiscal ne puisse résulter de l'application de la
moyenne générale pour tous les contribuables dont le revenu
imposable pour 1975 n'excédait pas $9000, vu que le revenu imposable de
ces contribuables n'était plus imposé selon des taux
d'impôt progressifs mais plutôt selon un taux d'impôt unique
de 16% applicable à la partie de leur revenu imposable qui
excédait $2000.
Par ailleurs, les contribuables dont le revenu imposable pour 1975 est
supérieur à $9000 ne devraient normalement
bénéficier d'une réduction d'impôt, par suite de
l'application de la moyenne générale, qu'à l'égard
de la partie de leur revenu imposable qui excède $9000 puisque c'est
à partir de ce niveau seulement que les taux d'impôt deviennent
progressifs.
Cependant, vu l'abolition de l'impôt sur la première
tranche de $2000 du revenu imposable en 1975, l'application de la moyenne
générale, sous sa forme actuelle, n'atteint plus le but
recherché dans le cas des contribuables dont le revenu net pour chacune
des années d'imposition 1972, 1973 et 1974 n'excédait pas $3700
pour les contribuables imposés comme célibataires en 1975 ou
$5600 pour les contribuables imposés comme mariés en 1975. En
effet, selon les règles actuelles, ces contribuables se trouvent
à bénéficier de réductions d'impôt tout
à fait imprévues et non voulues dont ne bénéficient
pas les autres catégories de contribuables. Ceci est dû au fait
que la formule de l'établissement d'une moyenne générale
prévoit, à un certain moment, que la totalité du revenu
excédentaire est imposée au taux qui serait applicable si ce
revenu excédentaire n'était égal qu'à un
cinquième de ce qu'il est réellement. Ceci a donc pour
résultat de multiplier par cinq l'effet de l'exonération des
premiers $2000 de revenu imposable.
Par exemple, un contribuable célibataire ayant un revenu net de
$10 000 en 1975 n'a aucun impôt à payer pour 1975 si son revenu
net pour chacune des années d'imposition 1972, 1973 et 1974
n'excède pas $1700. Il en est ainsi parce que ce contribuable a un
revenu excédentaire de $7960
pour 1975 et que le cinquième de ce revenu excédentaire,
soit $1592, est un montant compris dans la première tranche de $2000 de
revenu imposable qui est exonérée d'impôt à compter
de 1975.
Il importe donc de modifier la loi, rétroactivement à
1975, pour faire disparaître cette anomalie.
La modification proposée. Aux termes de la modification
proposée, le revenu net d'un contribuable pour chacune des années
d'imposition précédant l'année d'établissement de
la moyenne générale sera réputé, aux fins
d'établissement de la moyenne générale seulement, ne pas
avoir été inférieur à $3700 dans le cas d'un
contribuable imposé comme célibataire pour l'année
d'établissement de la moyenne générale ou à $5600,
dans le cas d'un contribuable imposé comme marié, pour
l'année d'établissement de la moyenne générale.
Par conséquent, les anomalies qui ont été
relevées dans le cas des contribuables ayant eu un revenu net
inférieur à $3700 ou $5600 pour chacune des années
d'imposition 1972, 1973 et 1974, selon qu'il s'agit d'un célibataire ou
d'une personne mariée, seront corrigées par cette modification
pour l'année d'imposition 1975.
Par exemple, si l'on applique cette modification au cas d'un
contribuable célibataire ayant un revenu net de $10 000 en 1975 et dont
le revenu net, pour chacune des années d'imposition 1972, 1973 et 1974,
n'excédait pas $1700, on s'aperçoit que l'impôt à
payer de ce contribuable est de $1008 avant l'application de la moyenne
générale et de $1008 après une telle application.
L'application de la moyenne générale ne procure donc aucun
avantage fiscal à ce contribuable ; ceci est tout à fait normal
vu que, selon les modifications apportées à l'échelle des
taux d'impôt en 1975, la totalité de la partie du revenu imposable
de ce contribuable qui excède de $2000, soit $6300, est imposée
selon un taux unique d'impôt de 16%.
Vous avez, par la suite, un tableau comparatif indiquant, dans la
première colonne, le revenu net, l'impôt 1975 sans la moyenne
générale, l'impôt calculé avec la loi actuelle de
$1700 et, naturellement, l'impôt calculé avec la nouvelle
proposition qui corrige cette situation. Alors, vous avez, à $12 000,
l'impôt 1975, sans la moyenne générale, est de $1354. Si on
avait maintenu la même formule à $1700, le même contribuable
aurait payé $265.60. La correction apportée de façon que
ce soit équitable pour tout le monde gagnant le même salaire,
serait de $1328. Il faut ajouter que ces calculs sont faits habituellement par
mécanographie et que très peu d'individus nous demandent des
formules pour calculer cette moyenne générale.
Tableaux comparatifs
M. Mercier: Pour la compréhension de ceux qui prendront
connaissance des commentaires du ministre par le journal des Débats, y
aurait-il lieu que ces tableaux soient publiés, consignés au
journal des Débats?
Le Président (M. Kennedy): Une copie de la brochure a
été remise au journal des Débats.
M. Mercier: Très bien. (Voir annexe)
M. Morin: Si j'étais méchant, je demanderais au
ministre: Pourriez-vous nous expliquer cela dans vos mots, maintenant?
M. Quenneville: Etant donné que vous n'êtes pas
méchant, je ne m'imposerai pas cela.
M. Morin: Effectivement, je pense que je vais me contenter de
quelques questions d'ordre général.
Après avoir lu le document, il est clair que ce que vous cherchez
à obtenir est que l'effet de l'étalement du revenu ne soit pas de
privilégier un certain nombre de contribuables qui, faisant un saut dans
leurrevenu, par exemple, jusqu'à concurrence de $10 000 se verraient,
à toutes fins pratiques, exonérés d'impôt totalement
par suite de l'application de ces règles.
Une question me vient à l'esprit et j'aimerais bien obtenir votre
réponse. Je suis un peu étonné que vous n'ayez pas
prévu le coût avant. Il me semble que vous avez dû mettre
cela sur ordinateur, à un certain moment, pour voir ce que cela donnait.
N'aviez-vous pas fait des calculs très poussés avant d'adopter
les dernières modifications à la loi?
M. Quenneville: Je vais demander à M. Gauvin de
répondre à cette question.
M. Morin: Je n'ai pas d'objection que le sous-ministre
réponde.
M. Quenneville: Comme le ministre a dit, cela n'a
été ni prévu, ni voulu.
M. Morin: Je devine que cela n'a pas été voulu.
Sûrement.
M. Quenneville: Alors, il est évident que lorsqu'on s'en
est aperçu, il a fallu faire quelque chose d'assez draconien et de faire
la correction qui s'imposait parce que cela n'était pas voulu et
pensé ainsi.
M. Morin: J'ai compris cela. Mais ce qui m'étonne un peu
est que vous n'ayez pas vu venir du tout cette difficulté.
M. Quenneville: Dans le temps, je présume que non parce
qu'on aurait corrigé...
M. Morin: Mais étant donné que la modification
s'applique rétroactivement à l'année 1975, aurez-vous des
difficultés d'application? J'imagine que vous n'avez pas à
modifier vos formulaires d'impôt parce que c'est un calcul qui est fait
au ministère...
M. Quenneville: Cela n'affecte pas les contribuables non plus,
parce que ces calculs se font
par l'informatique actuellement. C'est une question de fait, tous nos
programmes sont faits ainsi et si le contribuable a droit à
l'étalement du revenu, ipso facto, cela se fait...
M. Morin: C'est la machine qui va le faire.
M. Quenneville: Elle est programmée en
conséquence.
M. Morin: Les tableaux nous permettent évidemment de juger
un peu ce qui va se produire pour les cas intermédiaires, parce que j'ai
remarqué que, dans le texte même de sa brillante allocution, le
ministre faisait allusion à des cas où on se trouvait devant des
sauts dans les revenus allant de $2000 à $10 000, par exemple, et ce ne
sont pas des sauts fréquents que ceux-là, j'imagine qu'ils
doivent être beaucoup plus fréquents entre $10 000 et $20 000. Si
un professionnel, par exemple, a un gros contrat une année et que,
l'année suivante, il n'en a pas, il peut très bien, au lieu de
faire $20 000, en faire $30 000 ou bien...
M. Quenneville: II y a tout le monde des artistes aussi, en fait,
où, parfois il y a des variantes assez considérables. Une
année où l'artiste en question est en vedette, il peut quand
même aller chercher des cachets assez importants et, l'année
suivante...
M. Morin: Des vaches maigres.
M. Quenneville: Ceux qui entrent sur le marché du travail
surtout. Supposons qu'un contribuable arrive sur le marché du travail et
a un salaire de $12 000 ou $15 000 la première année; si
l'étalement des années antérieures ne tient pas compte des
$2000 imposés à taux nul, il ne paiera forcément pas
d'impôt, ce qui n'est quand même pas normal, si on le compare aux
autres célibataires. Pour un autre contribuable qui est sur le
marché du travail depuis trois ans, les trois années
précédentes, à ce moment, cela change
considérablement et c'est absolument injuste. Il s'agit de rendre cette
loi équitable.
M. Morin: Quand je considère les tableaux comparatifs que
vous nous donnez, tant pour les célibataires que pour les mariés,
est-ce que je me trompe en constatant que, en définitive,
l'étalement de l'impôt n'aura de conséquence pour les
célibataires qu'au-dessus de $10 300?
M. Quenneville: Exactement.
M. Morin: Parce que, d'après les nouvelles règles
du jeu que vous nous proposez ce soir, quand on regarde la ligne
consacrée à ceux qui gagnent $10 300, on s'aperçoit qu'ils
paieront exactement ce qu'ils auraient payé sans la moyenne
générale...
M. Quenneville: Exactement.
M. Morin: ...sans l'application, dis-je, de la moyenne
générale.
M. Quenneville: Au-dessus de $10 000.
M. Morin: Et pour les personnes...
M. Quenneville: $10 300.
M. Morin: Pour les personnes mariées, maintenant, c'est
$13 000 qui est le "breaking point".
M. Quenneville: Exactement.
M. Morin: Alors, la question qui me vient à l'esprit est
celle-ci: Quel avantage est-ce que cela comporte pour les petits
salariés célibataires qui gagnent moins de $10 300 ou
mariés qui gagnent moins de $13 000? Parce que je considère que,
pour eux, le projet de loi qu'on nous propose n'offre aucune espèce
d'avantage.
M. Quenneville: Exactement. D'ailleurs, à ce
moment-là, le contribuable qui est en deçà des montants
que vous venez de citer ne voit pas son impôt modifié puisque la
loi 59 est là et se maintient. Simplement, c'est une correction à
la loi 59.
M. Morin: Alors, quelqu'un qui avait $4000 en 1974 et les
années précédentes, $3000 ou $4000, et qui cette
année passe à $8000 n'a aucune espèce d'avantage
d'après l'application de votre nouvelle loi.
M. Quenneville: C'est parce qu'il y a un taux unique,
naturellement.
M. Morin: De 16%, j'ai compris cela. Mais je constate...
M. Quenneville: il n'a aucun avantage.
Le jeu de l'étalement, c'est pour éviter que les
contribuables soient brimés par le fait qu'ils changent de taux
d'imposition. Alors, si le taux ne change pas, s'il n'est pas gradué, le
16% étant normal, il n'est pas brimé du tout.
M, Morin: Evidemment, avant, il y avait des paliers d'impôt
qui s'appliquaient beaucoup plus bas qu'à l'heure actuelle.
M. Quenneville: C'est cela.
M. Morin: C'est $10 000 qui est...
M. Quenneville: $9000.
M. Morin: C'est en bas de $9000 que le taux est constant à
16%.
Pour les gens qui ont déjà déposé leur
déclaration d'impôt... J'imagine que vous devez commencer à
en recevoir dès janvier, février.
Est-ce que vous avez gardé par-devers vous toutes les
déclarations? Autrement dit, il n'y a eu aucun retour jusqu'ici?
M. Quenneville: Nous n'avons pas arrêté la
production, nous avons, à toutes fins pratiques, fait le
nécessaire. Mais d'un autre côté, il fallait s'assurer que
les contribuables n'obtiennent pas quelque chose auquel ils n'avaient pas
droit.
M. Morin: C'est-à-dire quelque chose que vous estimez
déductible, parce qu'ils y avaient droit eux aussi.
M. Quenneville: Naturellement, on ne peut rien faire tant que le
bill n'est pas...
M. Morin: II n'y a eu aucun retour..
M. Quenneville: II y a eu quelques cas, peut-être 13 ou 14,
mais cela s'est arrêté là. 14.
M. Morin: Bien, M. le Président, je suis prêt
à examiner la loi article par article.
Le Président (M. Kennedy): Article 1.
M. Morin: Est-ce que je pourrais simplement demander au ministre
s'il pourrait, pour que ce soit bien clair et inscrit aux Débats, nous
expliquer pourquoi ils ont choisi les seuils de $3700 et $5600?
M. Quenneville: Voici, les montants de $3700 et $5600... selon
que le contribuable est célibataire, le montant de $3700 est
constitué par les $1600 d'exemption personnelle, plus $100 d'exemption
générale, plus les $2000 imposés à taux nul. Pour
l'homme marié, c'est $3500 plus $100 et plus $2000.
M. Morin: Nous sommes prêts à ce que vous puissiez
adopter l'article 1.
Le Président (M. Kennedy): Article 1. Adopté.
Article 2.
M. Morin: Je n'ai pas de question, M. le Président.
Le Président (M. Kennedy): Article 2. Adopté.
Article 3.
M. Morin: Je n'ai pas d'observation.
Le Président (M. Kennedy): Article 3. Adopté. La
commission des finances, des comptes publics et du revenu a adopté sans
amendement le projet de loi no 14. La commission ajourne ses travaux sine
die.
M. Morin: Merci, M. le Président. (Fin de la séance
à 20 h 43)
Référer à la version PDF page B-355