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Commission permanente des finances,
des comptes publics et du revenu
Etude des projets de loi nos 43, 44 et 45
Séance du lundi 28 juin 1976
(Dix-sept heures quinze minutes)
M. Houde, Limoilou (Président de la commission permanente des
finances, des comptes publics et du revenu): A l'ordre, messieurs!
Les membres de la commission des finances, des comptes publics et du
revenu sont les suivants: M. Bacon (Trois-Rivières), M. Bédard
(Chicoutimi), M. Bellemare (Johnson), M. Tremblay (Iberville) qui remplace M.
Berthiaume (Laprairie); M. Fortier (Gaspé) qui remplace M. Boutin
(Abitibi-Ouest); M. Garneau (Jean-Talon), M. Verreault (Shefford) qui remplace
M. Malépart (Sainte-Marie); M. Mercier (Bellechasse), M. Morin
(Sauvé), M. Pépin (Sherbrooke), M. Saindon (Argenteuil), M.
Samson (Rouyn-Noranda), M. Quenneville (Joliette) qui remplace M.
Vallières (Richmond).
Le nom de M. Tremblay est suggéré comme rapporteur de la
commission. Est-ce agréé?
M. Morin: Agréé, M. le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou):
Agréé.
M. Morin: Je suis sûr qu'il fera très bien cela.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le projet de loi no 43,
Loi modifiant la Loi des droits sur les successions.
M. Morin: M. le Président, pourrions-nous nous mettre
d'accord sur le terrain que nous avons à couvrir cet après-midi?
A moins que je ne fasse erreur, il s'agit des projets de loi no 43, portant sur
les droits successoraux, no 44, portant sur la vente au détail, et no
45, qui traite de l'impôt sur le tabac. Quant au projet de loi no 49, qui
porte sur le financement des programmes de santé, j'ai cru comprendre
qu'il serait discuté plus tard, puisque le député de
Saint-Jacques, M. Claude Charron, doit participer à l'étude en
commission. Ai-je raison de penser que nous avons devant nous, en ce moment,
trois projets de loi?
Le Président (M. Houde, Limoilou): Nous en avons quatre,
soit 43, 44, 45 et 54. Le projet de loi no 54 s'intitule: Loi constituant un
fonds spécial olympique.
M. Morin: Dans le cas du no 54, ce serait de même que pour
le no 49, puisque c'est le député de Lafontaine, M. Léger,
qui doit participer au débat en commission, de sorte que nous avons
effectivement devant nous trois projets de loi pour l'instant.
Projet de loi no 43
Le Président (M. Houde, Limoilou): Si les membres sont
d'accord, nous allons discuter des trois projets de loi qui viennent
d'être mentionnés. Le projet de loi no 43, Loi modifiant la Loi
des droits sur les successions. Article 1.
M. Morin: Comme à l'habitude, j'aurais une ou deux
questions de portée très générale à poser
sur ce projet de loi. Au cours du débat de deuxième lecture, le
ministre des Finances, je crois, parlant au nom du gouvernement, nous a
laissé entendre que la décision définitive en ce qui
concerne l'abolition des derniers 20%, laquelle devrait normalement avoir lieu
l'année prochaine, n'était pas encore prise. Le ministre du
Revenu pourrait-il nous confirmer la chose? Pourrait-il nous éclairer
sur l'état du dossier actuellement?
Le ministre des Finances, qui est présent à cette
commission cet après-midi, pourra également, j'imagine, ajouter
son grain de sel. J'ai fait valoir, en deuxième lecture, qu'il
n'était peut-être pas bon d'abolir complètement les droits
successoraux au Québec, puisqu'ils permettent d'exercer un
contrôle post mortem, si vous me permettez de m'exprimer ainsi, sur la
transmission des biens, et sur l'acquittement, sur le paiement des autres
impôts, du vivant du de cujus.
J'aimerais connaître les intentions du ministre du Revenu, ou du
ministre des Finances, s'il le préfère, à ce sujet. Je
sais que le ministre des Finances a déjà laissé entendre
au cours de sa réplique l'autre jour que la question n'était pas
tranchée, mais c'est peut-être le moment d'entrer un peu plus dans
les détails des intentions du gouvernement.
M. Garneau: M. le Président, il serait difficile pour moi
d'ajouter davantage à ce que j'ai dit à l'Assemblée
nationale, en réplique, je crois, aux interventions du chef de
l'Opposition. Comme je l'ai mentionné, nous voulons utiliser les mois
qui suivent pour analyser les différents aspects qu'il a
mentionnés et dont nous sommes bien conscients, à savoir quelle
est la nécessité de maintenir la dernière tranche de
20%.
Devrait-on modifier également d'une façon sensible
l'impôt sur les dons, puisque l'impôt sur les dons existait d'abord
pour protéger le rendement de l'impôt sur les successions, pour
que les gens ne puissent pas morceler leur succession avant leur
décès et éviter l'impôt sur les successions, de
sorte que l'impôt sur les dons ne produit pas beaucoup de revenus, ou
presque pas, mais c'était surtout pour freiner la dilapidation ou
plutôt le morcellement des fortunes.
Avec le ministère du Revenu et le service des recherches
économiques et fiscales au ministère des Finances, nous nous
proposons d'utiliser les prochains mois pour analyser les différentes
facettes de ce problème, pour être en mesure de prendre une
décision, qui sera annoncée dans le discours sur le budget.
Si la conclusion de ces travaux était qu'il est
plus avantageux de maintenir l'impôt sur les successions, doit-on
le maintenir à 20%, à 10% ou à 5%? S'agit-il d'une somme
nominale, uniquement pour les fins du suivi des fortunes? Si l'étude est
positive dans le sens du maintien d'un taux nominal, même s'il
était à 20%, à la suite de ces travaux, la décision
du Conseil des ministres sera annoncée dans le discours sur le budget de
l'an prochain.
M. Morin: Puis-je me tourner vers le ministre du Revenu ou l'un
de ses fonctionnaires? Y a-t-il un aspect qui relève plus directement du
Revenu que des Finances? La responsabilité du ministre des Finances est,
évidemment, de s'assurer qu'il y ait des rentrés qui
correspondent aux besoins financiers, tandis que la responsabilité du
ministre du Revenu est de s'assurer que les divers impôts sont
acquittés effectivement. Or, l'un des moyens de s'assurer que les
impôts sur les successions, fût-il réduit à 10% ou
à 5%; c'est une autre question. Mon intervention ne porte pas sur le
quantum, mais sur la technique de contrôle qui est sous-jacente à
ce type d'impôt.
Je demande au ministre du Revenu, en ce qui concerne sa sphère
particulière d'intérêt, s'il ne croit pas opportun, dans
l'état du moins de sa réflexion, ou si son personnel ne croit pas
opportun de maintenir un minimum d'impôt successoral.
M. Quenneville: M. le Président, avant d'aller plus loin,
je voudrais présenter les fonctionnaires qui m'accompagnent aujourd'hui:
A ma droite, vous avez M. Gauvin, qui est le sous-ministre en titre; M. Hugues
Fontaine, qui est le sous-ministre adjoint à la législation; M.
Grenier, qui est le directeur de la recherche fiscale; M. Leblanc, qui est le
directeur de l'interprétation; M. Marois, qui est chef du service de
l'interprétation à la taxe de vente, et M. Dupont, qui est chef
du service de l'interprétation à la déduction à la
source et pour les régimes sociaux.
Effectivement, le point soulevé par le chef de l'Opposition
constitue sûrement pour le ministère du Revenu un facteur qui
comptera pour beaucoup dans les discussions que nous aurons avec le
ministère des Finances, lorsqu'il s'agira de réétudier
comme le disait tantôt le ministre des Finances tous ces
problèmes.
C'est sûrement un facteur important à considérer,
surtout au point de vue du contrôle, mais, encore une fois...
M. Morin: Surtout aux gains de capitaux et aux revenus
d'intérêts. C'est très difficile à contrôler,
si vous n'avez pas ce moyen de rejoindre éventuellement
l'intéressé.
M. Quenneville: Ce sera un des facteurs, naturellement, qui
compteront dans l'étude faite conjointement par le ministère des
Finances et le ministère du Revenu.
M. Morin: J'aurais simplement une dernière question.
L'opinion québécoise et l'Assemblée seront-elles
informées de la décision de votre mi- nistère avant que
nous nous trouvions devant un nouveau projet de loi annonçant, par
exemple, la suppression des derniers 20%? Est-ce que cela fera l'objet d'une
déclaration de politique de la part du ministère, ou si nous ne
le saurons qu'au moment du dépôt d'un projet de loi
éventuel en Chambre?
M. Garneau: Ce sera au discours sur le budget...
M. Quenneville: Au discours sur le budget.
M. Garneau: ... comme les autres modifications fiscales et, si la
décision est de maintenir 20% dans un sens ou dans l'autre, il va
certainement expliquer les motifs qui nous ont amenés à prendre
la décision, qu'elle soit pour le maintien ou pour l'abolition, mais
c'est dans le cadre du discours sur le budget que nous allons exposer la
politique concernant cet article.
M. Morin: La solution pourrait être une réduction
à 10% ou à 5% qui permettrait de conserver quand même le
contrôle après décès.
M. Garneau: La première décision est de savoir si
le maintien d'un impôt successoral est nécessaire à la
perception des autres types d'imposition. Si la réponse est affirmative,
à savoir est-ce qu'il est nécessaire d'avoir 20%, d'avoir 5%,
10%. Qu'est-ce qu'on fait avec l'impôt sur les dons, parce que les deux
vont certainement être mariés.
M. Morin: J'en ai terminé de mes questions. Je voudrais
simplement dire à messieurs les ministres d'avance que l'Opposition
serait très méfiante à l'endroit d'une proposition visant
à supprimer complètement l'impôt sur les successions.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'article 1 est-il
adopté?
M. Morin: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 2,
adopté?
M. Morin: De même.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Projet de loi no 43,
adopté sans amendement.
Projet de loi no 44
Le Président (M. Houde, Limoilou): Projet de loi 44, Loi
modifiant la Loi de l'impôt sur la vente en détail. Article 1.
M. Morin: M. le Président, vous pouvez adopter les
articles 1 à 4, je n'ai de question à vrai dire qu'à
l'article 5.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 1,
adopté; article 2, adopté; article 3, adopté; article 4,
adopté. Article 5.
M. Morin: On nous dit, dans cet article...
M. Quenneville: Un instant. On a un amendement à l'article
2.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Revenons à
l'article 2.
M. Morin: Pourriez-vous me le communiquer, s'il vous
plaît?
M. Quenneville: L'article 2 de la Loi modifiant la Loi de
l'impôt sur la vente en détail est modifié, a) par la
supression, dans les troisième et quatrième lignes de la version
française du paragraphe aa) de l'article 15, des mots "et
principalement"; b) par l'insertion dans la huitième ligne, dans la
version française du même paragraphe, après le mot
personne, des mots "d'une catégorie". L'article 2 de la loi est
modifié, a) par la suppression, dans la deuxième ligne de la
version anglaise, paragraphe aa) de l'article 15, du mot "mainly"; b) par
l'insertion, dans la huitième ligne de la version anglaise du paragraphe
aa), après le mot "person", des mots "of a category".
M. Morin: Dans la huitième ligne, dites-vous? M.
Quenneville: Oui.
M. Morin: En ajoutant: Of a category, ce qui donnerait: By a
person of a category other than those determined under section 15c.
M. Quenneville: C'est cela.
M. Morin: Nous n'avons pas d'objection.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Les amendements sont
adoptés tel qu'énoncés par le ministre du Revenu. Article
2, adopté tel qu'amendé. Article 3, adopté; article 4,
adopté; article 5.
M. Morin: A l'article 5, j'avoue que le paragraphe b) me
paraît constituer une disposition bien extraordinaire. On nous dit que le
lieutenant-gouverneur en conseil peut faire des règlements pour mettre
à exécution les dispositions de la présente loi, jusque
là, cela va bien, c'est de la technique législative on ne peut
plus normale, mais on ajoute ensuite: selon leur sens véritable ou en
vue de suppléer à toute omission. J'aurais pris pour acquis
qu'une réglementation ne peut appliquer ou élaborer une loi si ce
n'est dans son sens véritable.
Premièrement, cela me paraît tout à fait
tauto-logique. Deuxièmement, on nous dit: En vue de suppléer
à toute omission. J'imagine qu'on veut dire à toute omission dans
la loi. Là, je m'interroge sur la possibilité pour un
règlement de s'éloigner de la loi et d'en combler les lacunes.
Cela me paraît une technique législative tout à fait
douteuse et j'attends les explications du ministre avant de me prononcer
là-dessus.
M. Quenneville: C'est tout simplement, M. le Président, la
répétition de la loi actuelle. Il n'y a pas de modification. Dans
la présente loi on ajoute, naturellement "peut faire tout
règlement non incompatible avec la présente loi et jugé
nécessaire". Je pense bien que...
M. Morin: C'est une règle de bon sens. M. Quenneville:
C'est cela.
M. Morin: Mais, ce sur quoi je vous interroge, c'est le sens que
signifie "selon leur sens véritable", première question, et,
deuxième question, ce que signifie "ou en vue de suppléer
à toute omission". Ce n'est certainement pas dans la loi existante.
J'attire l'attention du ministre des Finances sur cette disposition aussi. Elle
me paraît tout à fait extraordinaire, exorbitante du droit
commun.
M. Quenneville: M. le Président, si vous le permettez, M.
Kooiman va expliquer.
Je pense que cet article qui se trouve dans la loi depuis longtemps,
depuis le début, si je ne me trompe, sert surtout à laisser une
petite latitude d'adaptation ou de flexibilité dans un domaine,
c'est-à-dire la taxe sur la vente au détail où il est
extrêmement difficile de prévoir dans la loi exactement toute les
nuances aujourd'hui de tout ce qui peut s'appliquer aux produits qu'on trouvera
sur le marché et aux habitudes du commerce qui changent presque de mois
en mois. Même si, à première vue, le texte semble
être un peu une lapalissade, parce que c'est bien cela que...
M. Morin: Dans sa première partie, "selon leur sens
véritable", cela, c'est une lapalissade, mais la deuxième partie,
elle, n'est pas une lapalissade. C'est cette partie qui va beaucoup plus loin
que le droit existant, quand vous dites: "ou en vue de suppléer à
toute omission", j'avoue que c'est la première fois que je vois cela
dans une loi.
M. Quenneville: C'était justement l'article existant dans
la loi. Or, le projet de loi n'ajoute pas ce texte. Le projet de loi ne fait
que répéter l'ancien article 31. Je ne sais pas si vous avez le
texte de l'ancienne loi devant vous, qui se lit comme suit: "Pour mettre
à exécution les dispositions de la présente loi, selon
leur sens véritable ou en vue de suppléer à toute
omission, le lieutenant-gouverneur en conseil peut faire tout règlement
non incompatible avec la présente loi et jugé
nécessaire."
M. Morin: La règle de la compatibilité était
incluse dans l'ancienne loi. Si j'ai bien compris, vous avez maintenant
enlevé la règle de la compatibilité, ou l'exigence de la
compatibilité.
M. Quenneville: Quand on parle de législation
déléguée, qu'on mentionne ou non le fait que le
règlement doit être compatible avec la présente loi, je
crois que c'est justement une disposition absolument inutile, parce que quand
on ne men-
tionne pas qu'un règlement ne peut pas être incompatible
avec la présente loi, il ne pourra jamais l'être, c'est la
règle même de la législation
déléguée.
M. Morin: Oui, bien sûr, mais avouez que cette disposition
qui permet au lieutenant-gouverneur de suppléer aux omissions de la loi,
alors qu'on ne rappelle même pas le principe de la compatibilité,
me paraît un peu osée, un peu risquée, surtout qu'il s'agit
d'une loi fiscale, donc qui doit être interprétée
strictement.
M. Quenneville: A toutes fins pratiques, si on faisait quelque
chose qui allait à l'encontre de la loi, ce serait un règlement
qui ne serait pas acceptable, cela serait ultra vires, de toute
façon.
M. Morin: J'aimerais m'assurer que cette contrainte de la
compatibilité est rappelée, parce que j'avoue que de la
manière que cela se présente, cela paraît tout à
fait exorbitant.
M. Quenneville: On peut l'ajouter.
M. Morin: Si vous voulez l'ajouter, il n'y aura pas de
difficulté.
M. Quenneville: II s'agit de reprendre le même texte qui
existe dans l'article 31, intégralement.
M. Morin: C'est bien, dans ces conditions, je n'aurais pas
d'objection si le ministre veut en faire la proposition lui-même.
M. Quenneville: Je propose que cela se lise exactement comme dans
la loi déjà existante, et qu'on remplace l'article 31b "pour
mettre à exécution les dispositions de la présente loi
selon leur sens véritable ou en vue de suppléer à toute
omission, le lieutenant-gouverneur en conseil peut faire tout règlement
non incompatible avec la présente loi et jugé
nécessaire."
M. Morin: Oui, mais attendez. A ce moment, cela...
M. Quenneville: Je m'excuse, nous enlevons le mot "pour".
M. Morin: Le nouvel article 31 commence par le membre de phrase
suivant: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut faire des règlements
pour".
M. Quenneville: Nous enlevons le mot "pour" au début, et
nous ajoutons simplement à partir de "mettre è exécution
les dispositions..."
M. Morin: Oui, mais qu'arrive-t-il au paragraphe a)?
M. Quenneville: Et enlever aussi en même temps "Le
lieutenant-gouverneur en conseil peut faire tout règlement...",
puisqu'on le dit déjà.
M. Morin: Comment se lirait le nouvel article 31?
M. Quenneville: L'article 31 pourrait se lire comme ceci: "Le
lieutenant-gouverneur en conseil peut faire des règlements pour: a)
définir les expressions "matériel de production" et "production"
aux fins d'application des paragraphes aa) et ab) de l'article 15.
M. Morin: D'accord, oui.
M. Quenneville: b) mettre à exécution les
dispositions de la présente loi selon leur sens véritable ou en
vue de suppléer à toute omission."
M. Morin: Vous voulez éviter de répéter: "Le
lieutenant-gouverneur en conseil peut"... etc.
M. Quenneville: Oui. Nous avons une nouvelle formulation: "Le
lieutenant-gouverneur en conseil peut faire des règlements non
incompatibles avec la présente loi et jugés nécessaires
pour: a)définir les expressions "matériel de production" et
"production" aux fins d'application des paragraphes aa) et ab) de l'article 15;
b) mettre à exécution les dispositions de la présente loi
selon leur sens véritable ou en vue de suppléer à toute
omission."
M. Morin: Bien, M. le Président.
Le Président (M. Houde, (Limoilou): Cet amendement est
adopté?
M. Morin: Non! Au paragraphe suivant, j'ai encore quelques
questions.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'article 5 est adopté
avec amendement.
M. Morin: Un instant, M. le Président. Deuxième
alinéa de l'article 5, j'aurais également quelques observations.
On nous dit que les règlements adoptés en vertu du présent
article entrent en vigueur à la date de la publication ou à toute
autre date ultérieure qui est fixée. On ajoute: Ils peuvent
aussi, une fois publiés, et s'ils en disposent ainsi, s'appliquer
à une date antérieure à leur publication mais non
antérieure à l'année en cours.
Pourrais-je avoir quelques explications sur cette disposition
rétroactive ou qui permet la rétroactivité des
règlements?
M. Quenneville: Dans la Loi sur les impôts, vous avez une
rétroactivité qui est antérieure à l'année
en cours, dans certains cas. Ici, on veut limiter cela à l'année
en cours. Autrement dit, on ne peut pas aller plus loin que le 1er janvier de
l'année courante. Ce sont des règlements qui peuvent affecter des
situations imprévues dont on ne peut pas faire d'imposition par
règlement, alors il n'y a personne qui sera lésé par la
rétroactivité du 1er janvier.
M. Morin: Autrement dit, le but de cet article n'est pas de
créer la rétroactivité, mais de la restreindre.
M. Quenneville: La restreindre.
M. Morin: C'est parfait, on a répondu à mes
questions. J'accepte l'article 5.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 5,
adopté avec amendement. Article 6.
M. Morin: Adopté.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 7.
M. Morin: De même.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Adopté. Projet
de loi no 44 adopté avec amendement.
Projet de loi no 45
Le Président: Projet de loi no 45, Loi modifiant la Loi de
l'impôt sur le tabac. Article 1.
M. Morin: J'aurais quelques observations de portée
générale, avant d'attaquer ce projet de loi article par
article.
Le ministre des Finances a déclaré, en annonçant
l'augmentation de la taxe sur les tabacs qu'il entendait financer, grâce
à ce moyen, des installations de luxe par une taxe spéciale sur
des produits de luxe. A part la figure de style qui ne manque, pas
d'élégance, le fond de l'énoncé est cependant tout
à fait erroné. On peut douter que la cigarette soit aujourd'hui
un produit de luxe. Elle ne l'est certainement pas pour les gens qui ont besoin
de fumer et qui en dépit de leur revenu peu élevé se
sentent obligés de faire cette dépense. En réalité,
les Jeux olympiques seront financés par une autre augmentation qui est
la taxe RAMQ, laquelle est déjà, comme nqus l'avons soutenu en
deuxième lecture, régressive et socialement injuste qui se
fera également sans aucun égard à la capacité de
payer des contribuables. En ce sens, il s'agit d'une hausse de taxe
inéquitable et fortement régressive. Je vais donner quelques
exemples.
Avec cette augmentation, un contribuable gagnant, par exemple, $5000 par
année et qui fume disons deux paquets par jour contribuera pour $73 par
année au déficit olympique.
M. Bacon: ... le fumage avec votre chef.
M. Morin: Tandis que celui qui gagne $50 000 et qui fume
également peut-être deux paquets par jour...
M. Bacon: C'est effrayant.
M. Morin: ... contribuera pour le même montant. Donc, on se
trouve à pénaliser davantage les fumeurs qui ont des salaires peu
élevés, par rapport aux fumeurs qui ont des salaires plus subs-
tantiels. Je sais que, par exemple, pour un député de cette
Chambre qui n'hésitera pas à allumer une cigarette, même en
commission parlementaire, la chose peut paraître de peu de
conséquence.
M. Tremblay: Je suis dans la première
catégorie.
M. Morin: Parce qu'à fumer deux paquets par jour et
à contribuer $73 par année, un député, étant
donné ce qu'il gagne aujourd'hui, ne s'en trouvera pas plus mal. Mais,
le travailleur qui est à $5000 ou $7000 par année, lui, se trouve
à contribuer autant. C'est ce qu'on appelle une taxe régressive,
et elle l'est sûrement sur le plan social. Est-ce une façon juste?
Je me demande si un homme comme M. Malépart, qui, dans son comté,
a plusieurs travailleurs qui s'estiment obligés de fumer...
M. Malépart: On les fabrique chez nous.
M. Morin: ... même s'ils n'ont pas des salaires bien
élevés.
M. Bacon: On les fabrique dans son comté.
M. Morin: Je lui pose la question, parce que je sais qu'il est
sensible aux aspects sociaux. Il doit être sensible aux aspects
sociaux.
M. Saindon: Cela n'a rien à voir avec...
M. Morin: M. le député, si vous voulez, je vais
finir mon petit exposé et, ensuite, nous aurons un débat sur la
question.
M. Saindon: Je voulais vous appuyer.
M. Morin: J'espère que vous m'appuierez tout à
l'heure. La question que je pose est celle-ci. Est-ce une façon juste
d'exiger, en sept ans, qu'un contribuable, qui se trouve, par exemple, juste
en-dessous du seuil de la pauvreté avec ses $5000, paie $511 pour le
gaspillage somptuaire des installations olympiques, alors que le contribuable
plus à l'aise va payer exactement le même montant et que le petit
contribuable n'aura peut-être même jamais les moyens de mettre les
pieds dans les installations olympiques?
La cigarette n'est pas un produit de luxe. J'avoue que je suis bien
à l'aise pour le dire; je ne suis pas fumeur, mais je connais beaucoup
de fumeurs et je serais le premier à leur déconseiller de fumer.
Je crois que cela comporte des risques certains du point de vue de la
santé, mais j'ai déjà fumé et je peux dire que pour
quelqu'un qui fume, ce n'est pas un luxe. Cela peut très bien être
perçu comme une nécessité, surtout si cette personne est
sujette à un stress considérable dans sa vie quotidienne, surtout
si cette personne est obligée de travailler sous pression ou sous
tension comme, par exemple, vous, M. le Président qui venez encore
d'allumer une cigarette.
Le Président (M. Houde, Limoilou): C'est pour encourager
les Jeux olympiques.
M. Morin: Je sens, M. le Président, que votre
dévouement sur ce plan n'a pas de bornes. Mais je songe à ceux
qui n'ont peut-être pas vos moyens de contribuer de la même
façon aux Jeux olympiques et qui vont se trouver à contribuer
tout autant. Depuis quand a-t-on vu, par exemple, des assistés sociaux
ou des gens dont le salaire est peu élevé consommer jour
après jour des biens de luxe comme celui-là? Je crois que c'est
vraiment erroné de décrire cela comme luxe. C'est peut-être
une erreur sur le plan de la santé, je n'en doute pas. Cela prend sans
doute aussi de la volonté pour arriver à cesser de fumer. On
reconnaît en général que les fûmeurs sont des gens
qui n'ont pas beaucoup de volonté. C'est possible, mais cela ne fait pas
de la cigarette un bien de luxe, que je sache. La cigarette, malheureusement,
certes, demeure un besoin dont la majorité des fumeurs et
peut-être même une majorité de la population ne peut se
détacher quoiqu'il en soit. C'est une mauvaise habitude, je ne peux pas
en disconvenir. Cela m'incommode fortement, depuis que j'ai cessé de
fûmer, que de me trouver dans une pièce où il y a des
fumeurs. J'ai remarqué, M. le Président, d'ailleurs, que vous
teniez votre cigarette du côté éloigné de ma
personne, ce qui est très délicat et élégant de
votre part. Mais le problème n'en demeure pas moins posé. C'est
une mauvaise habitude, mais l'Etat n'a pas à taxer pour des fins
morales.
Au lieu de dire que les installations luxueuses seront financées
par une taxe sur les produits de luxe, le ministre aurait dû parler du
financement d'installations somptuaires pour riches, payées par
l'ensemble des contribuables indistinctement, qu'ils soient riches ou pauvres,
qu'ils aient la capacité de payer ou pas. Cela aurait été
plus franc, cela aurait été la stricte vérité.
J'ai voulu de la sorte amorcer un débat. Je pense que tous les
fumeurs seront d'accord avec moi pour dire que ce n'est pas un luxe.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre.
M. Quenneville: Avant que le ministre des Finances,
naturellement, puisse expliquer ses paroles lors du discours du budget, je
voudrais quand même faire remarquer au chef de l'Opposition et
député de Sauvé qu'il nous a donné
réellement un exemple d'humilité en parlant de sa forte
volonté, puisqu'il a cessé de fumer.
Maintenant, il reste quand même qu'il y a des formules de
rechange.
M. Morin: Ceux qui en ont fait l'expérience savent que
cela peut être exigeant.
M. Quenneville: C'est possible, mais ce n'est pas
nécessairement une preuve de volonté. Parfois, on est
motivé aussi, on n'a pas le choix.
M. Morin: C'est possible.
M. Qunneville: Cela arrive souvent.
M. Morin: Je n'en doute pas, mais cela n'en fait pas un bien de
luxe.
M. Quenneville: Non, de toute façon, c'est le ministre des
Finances qui l'expliquera. Il reste quand même que nous avons aussi des
formules de rechange pour les gens qui auraient des revenus de $5000 à
$7000. Pour ces gens, il y a toujours la possibilité de fumer ce qu'on
appellle communément des "rouleuses". A ce moment, vos $73 par an...
M. Morin: $73 par an.
M. Quenneville: ... baisseraient passablement, puisqu'ils ne
paieraient que 5% d'augmentation de taxe sur le tabac devant servir à
fabriquer ces cigarettes. Il reste aussi une autre formule, l'individu en
question peut toujours fumer des cigares. Il va en fumer beaucoup moins. Vous
savez que les cigares jusqu'à $0.10 ne seront pas imposés, il n'y
a pas de taxe là-dessus. Il y a $0.01 de taxe, la même chose
qu'auparavant. Il n'y a pas eu d'augmentation.
Le ministre des Finances va probablement pouvoir expliquer...
M. Morin: Je voudrais savoir du ministre des Finances s'il
recommande également de fumer des "rouleuses" ou des cigares, comme le
ministre du Revenu vient de le faire, pour les gens qui ont des revenues
insuffisants.
M. Garneau: J'interprétais les propos du ministre du
Revenu comme étant à peu près d'un niveau égal aux
propos du chef de l'Opposition en termes de sérieux, mais je n'ai pas de
commentaire à faire pour essayer de savoir si la cigarette est un bien
de luxe ou non. Une chose est certaine, on ne peut pas qualifier la cigarette
comme étant un bien nécessaire. Au contraire, si on se base sur
ce qui est dit par les médecins et les décisions qui ont
été prises au niveau de la publicité, même sans les
Jeux olympiques, une augmentation de la taxe sur les cigarettes
d'ailleurs, cela a été fait dans d'autres provinces peut
être un façon peut-être de diminuer ou d'inciter les gens
à cesser de fumer, ce qui, au point de vue de la santé, ne serait
pas mauvais.
M. Bacon: Oui, à deux paquets par jour, votre fumeur se
"magane".
M. Morin: II y a des moyens pour dissuader les gens de fumer,
comme, par exemple, une campagne de publicité, une campagne
d'information. C'est curieux que le gouvernement n'ait pas fait ce genre de
campagne.
M. Garneau: II y a eu des campagnes d'information sur la
cigarette.
M. Morin: Le ministre des Finances persiste-t-il dans son
opinion, qu'il a énoncée lors du discours sur le budget, qu'il
s'agit d'un bien de luxe?
De sa part, c'est un énoncé qui me paraît bien
subjectif, parce que, effectivement, beaucoup de gens vont vous dire, si vous
le leur demandez que, pour eux, c'est nécessaire. Ce n'est pas un luxe.
On voit mal quelqu'un qui gagne $5000, $7000 ou $8000 par année,
aujourd'hui, considérer le tabac s'il a pris cette habitude, en
dépit des conséquences que cela peut avoir pour sa santé
comme un luxe.
M. Saindon: C'est quand même un luxe! Je ne suis pas
ministre des Finances, mais je peux dire que c'est un luxe.
M. Bacon: M. le Président, je suis estomaqué
d'entendre le raisonnement du chef de l'Opposition. Par hypothèse, si on
avait taxé l'alcool, tout ce qu'il a dit, on pourrait l'accoler à
une taxe sur l'alcool. Dirait-il, à la fin, que c'est une
nécessité et que les gens ne peuvent pas s'en priver? Il y a des
gens qui ne peuvent pas se priver d'un verre de "scocth" ou d'un verre de
bière, aussi bien qu'il y a des gens qui ne peuvent pas se priver d'une
cigarette, mais cela ne veut pas dire que ce n'est pas nécessairement
néfaste.
M. Morin: M. le Président, je voudrais que ce soit clair.
Ce qui me frappe, c'est le caractère extrêmement régressif
de cette taxe. Elle frappe tout le monde, mais pas de la même
façon. Parce que $73 par année, pour une personne qui gagne
$5000, ce n'est pas la même chose que $73 par année, pour une
personne qui gagne $50 000 ou $25 000.
M. Garneau: A ce moment-là, le chef de l'Opposition...
M. Morin: C'est l'aspect socialement régressif.
M. Garneau: Le chef de l'Opposition suggère qu'on
enlève la taxe sur les tabacs complètement, parce qu'elle
était régressive à 2/5 de cent, comme elle l'est à
1/5 de cent.
M. Morin: Elle n'existe pas maintenant.
M. Garneau: A ce moment-là, le chef de l'Opposition
suggère que le gouvernement abolisse la taxe sur les tabacs,
abolisse...
M. Bacon: Tous les alcools.
M. Garneau: ... tout ce qui existe tous les alcools, parce que le
type qui boit deux 40 onces de gin paye plus que celui qui n'en boit pas du
tout ou qui en boit un. Le principe de la régressivité
là-dedans m'apparaît complètement...
M. Morin: Vous avez des taxes qui sont régressives. Quand
on augmente les taxes, on essaie de ne pas augmenter celles qui sont
déjà régressives. On essaie d'augmenter celles qui sont
équitables. En l'occurrence, vous prenez le RAMQ et vous prenez les
tabacs, deux taxes régressives.
M. Garneau: La seule remarque que je vou- drais faire à ce
stade-ci, c'est que l'Opposition nous suggère d'augmenter les taxes qui
auraient été progressives et, depuis deux ans, elle nous critique
parce que nous n'avons pas indexé. L'indexation aurait justement
contribué à diminuer la progressivité. C'est pour cela que
je ne suis pas prêt à prendre au sérieux son argumentation
sur le tabac.
M. Morin: Ne mêlons pas les sauces.
M. Garneau: Je suis bien prêt à le prendre de bonne
guerre comme étant une discussion pour discuter, mais il ne faut quand
même pas prendre des vessies pour des lanternes.
M. Morin: Le ministre des Finances sait parfaitement qu'il y a
une différence entre l'indexation, d'une part, et l'augmentation de
l'impôt sur le revenu, d'autre part.
M. Garneau: Cela revient au même.
M. Morin: II le sait très bien. Je vois qu'il joue sur les
mots et cela m'étonne un peu de sa part.
M. Garneau: II faudrait qu'on indexe sur les... C'est cela que
vous faites depuis le début.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Est-ce que nous
revenons à l'article 1?
M. Morin: Nous ne pouvons être d'accord avec ce projet de
loi, étant donné son caractère régressif.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, article 1,
adopté sur division?
M. Morin: De même que les suivants.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 2,
adopté sur division.
M. Quenneville: J'aurais un amendement à l'article 2.
Excusez-moi. La motion d'amendement, c'est l'article 2 de la Loi modifiant la
Loi de l'impôt sur le tabac est modifié, par le remplacement dans
la septième ligne de la version française, à l'article 24
a), du mot "mai" par le mot "juin". L'article 2 de ladite loi est
modifié par le remplacement dans la septième ligne de la version
anglaise du mot "May" par le mot "June".
M. Morin: M. le Président, cela ne change pas notre
attitude.
M. Quenneville: Non.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Cette motion
d'amendement est-elle adoptée? Adopté. Article 2, adopté
tel qu'amendé sur division; article 3, adopté sur division;
article 4, adopté sur division. Projet de loi no 45, adopté avec
amendement, sur division. La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 59 minutes.