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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Friday, November 7, 1997 - Vol. 35 N° 22

Interpellation : Les contrôles accrus visant l'économie souterraine


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président (M. Bordeleau): Alors, mesdames, messieurs, la commission des finances publiques débute ses travaux. La commission est réunie, ce matin, afin de procéder à l'interpellation du député de Nelligan sur le sujet suivant: Les contrôles accrus visant l'économie souterraine.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Alors, oui, M. le Président. J'informe les membres de la commission que M. Côté (La Peltrie) va remplacer M. Blais (Masson); M. Williams (Nelligan) remplace M. Bordeleau (Acadie); Mme Leblanc (Beauce-Sud) en remplacement de Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François); M. MacMillan (Papineau) en remplacement de M. Maciocia (Viger). Donc, pour corriger, Mme Leblanc (Beauce-Sud) va remplacer M. Bourbeau (Laporte).

Le Président (M. Bordeleau): Je vous rappelle brièvement les règles de l'interpellation. Le débat dure, au plus, deux heures, soit jusqu'à midi. La discussion est divisée en trois étapes. Une première étape consiste en un premier débat de 20 minutes qui commence par l'intervention du député qui a donné l'avis de l'interpellation, soit le député de Nelligan. Il exercera un premier droit de parole de 10 minutes. La ministre interpellée sera ensuite autorisée à un droit de réplique de 10 minutes.

Après ces deux interventions, nous procéderons à l'interpellation proprement dite, au cours de laquelle chaque intervenant pourra s'exprimer pendant cinq minutes. Il y aura alternance entre les interventions selon la séquence suivante: un député de l'opposition, la ministre, un député ministériel, et ainsi de suite, selon la même séquence.

Si un membre utilise moins de cinq minutes, le temps non utilisé est perdu, et la parole sera donnée à l'intervenant qui suit, selon la séquence que j'ai indiquée. Vingt minutes avant la fin de la séance, la ministre aura droit à un dernier temps de parole de 10 minutes, et le député de Nelligan aura ensuite un droit de réplique de 10 minutes, ce qui mettra fin au débat.

Alors, à cette étape-ci, le député indépendant de Montmorency a manifesté le désir de participer. Alors, ça demande le consentement des membres de la commission. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Williams: Pas de problème.

Le Président (M. Bordeleau): Oui. À l'intérieur du temps qui est consacré à l'opposition.


Exposé du sujet

Alors, M. le député de Nelligan, vous avez maintenant la parole pour une durée de 10 minutes.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai insisté pour faire cette interpellation aujourd'hui parce que les principes fondamentaux de notre système de taxation sont en péril, les principes protégés par la Charte des droits des contribuables, je vais juste en nommer quelques-uns: le ministre s'engage à présumer la bonne foi, l'honnêteté de tous les contribuables; il s'engage à appliquer les lois et les règlements de la même manière. Même le principe d'autocotisation est en péril.

Je voudrais mentionner tout d'abord que nous sommes tous, ici, d'accord avec le principe qu'on doit avoir un système qui oblige tout le monde à payer sa juste part d'impôts. Nous avons ici, dans cette salle, plusieurs groupes et représentants de l'Association des restaurateurs du Québec, la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec, l'Association des travailleurs et travailleuses de la restauration et de l'hôtellerie du Québec, la Ligue de taxi de Montréal, la Ligue de taxi de Québec, l'Association québécoise d'intervenants dans l'industrie du taxi. Elles aussi, toutes ces personnes, ici, qui veulent participer à ce débat, veulent avoir un système juste et équitable. On veut avoir un système qui traite tout le monde d'une façon équitable et juste.

Mais le problème, ce n'est pas eux. Le problème, ce n'est pas les propriétaires des restaurants, ni les chauffeurs de taxis, ni les travailleurs à pourboire. Le problème, c'est la ministre; le problème, c'est le gouvernement; le problème, c'est ce gouvernement qui n'a pas fait son travail. Ce monde-là veut travailler ensemble, mais c'est la ministre qui ne veut pas travailler avec les autres. Elle préfère proposer des programmes draconiens et injustes.

M. le Président, Mme la ministre n'a pas le monopole de la vérité. Les personnes qui nous écoutent veulent être les partenaires du système, elles ne veulent pas en être les prisonnières. Les travailleurs à pourboire, les chauffeurs de taxis sont prêts à travailler pour améliorer le système. Déjà, l'année passée, nous avons vu une augmentation des déclarations de pourboires à 38 %. Ils font ça volontairement. La ministre déléguée peut engager un autre 1 000 percepteurs, elle peut acheter un autre 5 000 ordinateurs, mais, si la population n'accepte pas le système, si la population québécoise pense que le système est injuste, ça ne marchera pas.

Laissez-moi, M. le Président, donner un conseil à la ministre déléguée: la meilleure façon d'arrêter le marché noir, c'est de baisser les taxes. Arrêtez de taxer tout ce qui bouge – c'est ça que vous êtes en train de faire – et rendez le système plus juste et plus équitable. Le meilleur exemple – et je suis certain que vous êtes au courant, M. le Président – c'est l'exemple des cigarettes. Quand la taxe a baissé, nous avons contrôlé le marché noir. Mais qu'est-ce que le gouvernement a fait? Ils n'ont pas consulté pour trouver des solutions constructives. Ils sont en train de faire de l'intimidation aux petits travailleurs à faibles revenus. M. le Président, ce n'est pas très courageux. On voit un abus de pouvoir incroyable maintenant. Le fisc est plaignant, police, juge et jury, tout en même temps. C'est inacceptable, M. le Président, complètement inacceptable.

Maintenant, le fisc est en train de créer un faux revenu avec des revenus fictifs basés sur des statistiques, basés sur des moyennes. Il est en train de faire des sondages et il taxe tout le monde sur un revenu présumé reçu. C'est inacceptable, M. le Président. Mais, pire que ça, il est en train de harceler le monde et de menacer les petits travailleurs.

Ils ont eu un choix, M. le Président: il y a des centaines de millions de dollars qui restent dans les comptes à recevoir du gouvernement. Mais il est en train de cibler les petits travailleurs, il est en train de changer les règles à mi-chemin rétroactivement. Dans le cas des taxis, il veut aller trois ans passés. Ils sont maintenant, d'une façon systématique, vicieuse, en train d'attaquer les employés de la restauration. Le gouvernement est en train de menacer ceux et celles qui n'acceptent pas cette façon de faire. II les menace avec une augmentation de facture s'ils refusent de renoncer au droit de révision. Il oblige tout le monde à signer cette renonciation de droit.

Aujourd'hui, nous sommes ici, David contre Goliath. «In English, we say we're here to establish an equal playing field.» 73 % de la population est en désaccord avec le fait que les travailleurs à pourboire soient les premiers ciblés par cette démarche. Mais, une fois que la ministre a compris que c'est assez efficace pour elle de forcer tout le monde à accepter leur façon de faire et que c'est impossible de s'opposer à l'ampleur de l'appareil gouvernemental, elle est en train de cibler les autres: les chauffeurs de taxi, les livreurs de pizzas, les coiffeurs et les coiffeuses. Elle veut payer les dettes provinciales sur le dos des petits travailleurs et elle est en train, M. le Président, de traiter toutes ces personnes comme des fraudeurs. Je trouve ça inacceptable.

(10 h 10)

Voilà ce qu'ils ont fait. Qu'est-ce qu'ils n'ont pas fait? Depuis le budget, le 25 mars, au printemps passé, le gouvernement a proposé une solution, dans la question des pourboires, inacceptable et inapplicable. Elle n'a pas fait son devoir, elle a abdiqué sa responsabilité. Elle est arrivée avec une proposition qui est complètement inapplicable. Juste dans la fameuse entente relative aux pourboires, l'employé remet quotidiennement tous ses pourboires à l'employeur, l'employeur reçoit tous les pourboires de l'employé et établit le montant qui vient à l'employé, en tenant compte, s'il y a lieu, du régime partagé de pourboires. Il y a toute la question des 20 %. Je peux continuer dans cette démarche qui ne marche pas, M. le Président.

Mais, pire que ça, M. le Président, depuis décembre de l'année passée, 1996, des pistes de solution sont sur la table, mais elle ne s'est même pas donné la peine de les valider auprès de tous les intervenants. L'Association des restaurateurs du Québec a proposé plusieurs choses dans son mémoire. Eux, ils ont proposé un système informatique pour aider le gouvernement à faire son travail et pour les laisser, eux, faire une bonne gestion, aussi.

Pendant le débat, tout le monde a dit qu'il est contre la remise d'argent entre un employé et un employeur. Tout le monde est unanime. Tout le monde est contre ça.

Ils ont eu la suggestion d'assurer qu'on fasse ça non pas d'une façon quotidienne ou hebdomadaire, mais avec logique, sur la même période de paie. On veut avoir les solutions qui respectent les diversités de cette industrie. On ne cherche pas une solution mur à mur.

Mais depuis ce temps-là, M. le Président, le gouvernement a scrapé une année. Il n'a rien fait. Il n'a pas commencé à négocier avec le fédéral avant la fin de l'été. Il n'a pas commencé à discuter de solutions raisonnables. Il n'a pas mis les solutions qui étaient négociables. Il n'a rien fait. Je présume, M. le Président, qu'il veut avoir une autre chicane provinciale-fédérale pour faire avancer sa cause. Il ne veut pas défendre l'industrie des restaurants. Je trouve ça inacceptable. C'est un autre exemple du double langage de ce gouvernement.

Il y a aussi un autre exemple de double langage. Il parle de déréglementation. La députée de Beauce-Sud va discuter de ça plus tard. C'est vraiment une augmentation de l'administration dans ces démarches.

Qu'est-ce qu'on veut, M. le Président? On veut avoir un système qui respecte les principes fondamentaux que j'ai énoncés au début. Je voudrais avoir un système qui est facilement applicable. Je voudrais avoir un système qui est appuyé par les partenaires, pas imposé aux partenaires. Je voudrais avoir un système qui ne comporte pas une remise d'argent.

M. le Président, la ministre peut appeler ça comme elle veut, là: un sommet, un forum ou «whatever». J'insiste maintenant que, à partir d'aujourd'hui, je suis prêt aujourd'hui, si elle veut, dans une semaine ou lundi, si elle veut, à avoir un forum avec tous les intervenants pour s'assurer que nous allons avoir un bon échange, pour s'assurer qu'on peut avoir les solutions tous ensemble, que tout le monde peut accepter et travailler avec. Parce que, comme je l'ai dit, là, ça ne marche pas avec cette négociation, couteau sous la gorge.

Une autre chose, M. le Président. Oubliez cette obsession sur la rétroactivité dans la question des pourboires. Là, vous êtes en partie responsables. Le gouvernement n'a pas fait sa part. Pensez à l'avenir, le monde à faibles revenus, plus d'argent à dépenser. Si vous êtes en train de mettre tout le monde en faillite, ça n'aide pas la cause. «An expression in English: «You can't get blood from a stone.» Vous êtes en partie responsables. On ne peut pas blâmer tout le monde.

Dernièrement, j'ai demandé, M. le Président, un report de 90 jours de la mise en application de toutes les mesures prévues pour le 1er janvier 1998 dans la question des pourboires, pour s'assurer que tous les intervenants acceptent et travaillent sur le modèle proposé. Ensemble, M. le Président, on peut trouver la solution volontairement, on peut trouver la solution simple et efficace et on peut faire ça sans harceler le monde et sans menacer les petits travailleurs. Merci beaucoup, M. le Président.

Réponse de la ministre

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Nelligan. La parole est maintenant à la ministre déléguée au Revenu, pour une période de 10 minutes.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, je me réjouis de l'invitation de l'opposition à débattre des pouvoirs accrus accordés au ministère du Revenu visant l'économie souterraine et je suis heureuse qu'on puisse en débattre aujourd'hui. Je m'empresse de préciser dès le départ que ni le ministère ni le ou la ministre n'ont, depuis l'adoption de la loi n° 32 en juin 1996, reçu de pouvoirs nouveaux ou supplémentaires, et on n'a donc pas accru les pouvoirs.

D'entrée de jeu, j'aimerais qu'on se rappelle que le projet de loi n° 32 avait été adopté à la suite du rapport de la commission parlementaire permanente du budget et de l'administration qui recommandait, et je le spécifie, de façon unanime, au gouvernement, et je cite, «de statuer sur la prééminence de la Loi sur les impôts afin de permettre au ministère du Revenu du Québec d'obtenir, de façon globale, les informations incluses dans les fichiers des organismes gouvernementaux et des ministères possédant de tels dossiers, pour faciliter l'identification de contribuables à risque».

En conséquence, les pouvoirs du ministère du Revenu du Québec, dans le programme accentué de récupération fiscale dont parle le député de Nelligan, mis sur pied à la suite de l'adoption de ce projet de loi, il est – et je pense qu'il faut le dire – appuyé par la majorité de la population du Québec. Tout à l'heure, le député de Nelligan a dit: On ne peut pas faire de récupération fiscale si la population n'est pas derrière nous. Et j'aimerais citer peut-être les résultats d'un sondage qui a été fait pour le compte du ministère du Revenu du Québec en juin 1997: 90 % des personnes interrogées se sont déclarées plus conscientes des conséquences du travail au noir – à la suite, bien sûr, de la campagne de sensibilisation que nous avons entamée l'an passé; 92 % des personnes estimaient que le gouvernement se devait d'agir contre le travail au noir et l'évasion fiscale; et enfin 69 % croyaient que le gouvernement pouvait faire quelque chose.

Dans tout ça, 84 % des gens se rappelaient la publicité, que l'on voit encore en ce moment, En dessous de la table jamais , et près du tiers affirmaient qu'elle a eu beaucoup ou assez d'effet. Et, ce qui est intéressant, une personne sur cinq, dans ce sondage, affirmait, après avoir vu la campagne, que la campagne avait eu des effets sur son comportement.

Ces données ne me surprennent pas et ne surprennent pas notre gouvernement, après que la population a été sensibilisée au fait que l'économie au noir, c'est très important. C'est trop important au Québec. On estime, selon une étude du ministère des Finances, à 7 000 000 000 $ – si on veut savoir quelle envergure ça représente 7 000 000 000 $, c'est à peu près 90 % des revenus d'Hydro-Québec en 1996 – la valeur de l'économie au noir au Québec et de l'évasion fiscale.

Avec un ratio de 150 000 $ de chiffre d'affaires par emploi dans le secteur manufacturier, c'est comme s'il y avait l'équivalent de 47 000 emplois qui étaient dans la nature et pour lesquels il n'y avait aucune protection sociale, aucune connaissance dans les comptes publics. Ce que ça représente pour l'État, c'est un manque à gagner de 1 900 000 000 $ pour l'État québécois. Si on divise ça par tête de population, c'est 260 $ par personne par année de manque à gagner. Pour une famille de quatre personnes, ça fait 1 042 $ par ménage de deux adultes et de deux enfants. C'est beaucoup d'argent, c'est beaucoup de monde qui n'ont pas de protection sociale parce qu'ils n'ont pas de contribution aux différents régimes québécois.

Un nombre incalculable de fermetures d'entreprises, ou de faillites individuelles, ou de pertes d'emploi qui est inversement proportionnel à la popularité de l'économie souterraine. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que parce qu'il y a une concurrence déloyale il y a des entreprises qui, elles, fonctionnent à l'intérieur des règles, et des normes, et du cadre législatif du Québec, qui, elles, ne peuvent plus rester en affaires. C'est un fléau qui atteint toutes les couches de la société sur l'ensemble de tout le territoire du Québec.

Ce dont on parle aujourd'hui, ce sont des pertes importantes pour l'État. Et je pense que cette somme de 1 900 000 000 $, elle serait quasiment suffisante pour effacer d'un trait le déficit budgétaire de l'État. C'est quand même important. Et, quand on parle d'économie au noir ou d'évasion fiscale, on parle de choses qui sont souvent très simples: l'omission de déclarer des revenus, omission, oubli, négligence; des déductions, des crédits et autres remboursements que l'on obtient et auxquels on n'a pas vraiment droit; l'omission ou l'oubli de fournir des renseignements ou de produire des renseignements qui ne sont pas tout à fait justes; la non-retenue à la source par certaines entreprises; le non-versement à l'État de ces retenues parce qu'il y a des cas où on fait des retenues à la source, mais on oublie de les verser à l'État; la non-perception de certaines taxes, surtout les taxes de vente; et le non-versement à l'État aussi de ces taxes perçues.

(10 h 20)

L'ampleur de ce fléau est telle que même l'archevêque du Québec et le primat de l'Église catholique au Canada, Mgr Couture, dans une chronique, le dimanche 2 novembre, dans Le Soleil , parlait de l'ambitieux programme de lutte contre l'évasion fiscale et nous appuyait dans notre effort. Et il se faisait fort de rappeler, pour ceux qui n'ont pas lu la chronique, que l'impôt demeure le principal moyen d'accomplir son devoir de solidarité sociale. Je pense d'ailleurs que c'est une formule que l'on entend souvent et que plusieurs éléments de notre société nous soulignent.

Il faut garder en mémoire qu'en vertu de la Loi sur le ministère du Revenu la commission d'accès à l'information suit rigoureusement l'utilisation des extraits des banques de données que le ministère du Revenu du Québec obtient et dont nous sommes responsables devant cette Assemblée.

De plus, le Protecteur du citoyen, qui suit de près ce dossier-là, a donné son accord à la procédure qui a été suggérée par le législateur et qui a par ailleurs amendé le projet de loi n° 32 en fonction des recommandations de la Commission d'accès à l'information et du Protecteur du citoyen.

L'économie souterraine, elle touche toutes les sphères de l'économie du Québec, pas seulement l'alimentation et l'hébergement: l'agroalimentaire, l'automobile, la construction, les crédits et les déductions fiscales, les placements, les ressources naturelles, les services personnels, les services professionnels, les vêtements, les services domestiques, les transports, les secteurs de l'éducation, des loisirs, des sports, des arts. En somme, ça concerne tout le monde. Il n'y a pas une personne qui est responsable, ni une entreprise qui est responsable de 7 000 000 000 $ de chiffre d'affaires dans l'économie qu'on ne compte pas.

Et j'aimerais aussi souligner que les difficultés dont parle le député de Nelligan, c'est effectivement des difficultés qui entraînent, de la part des 8 000 employés du ministère du Revenu, un effort soutenu, rigoureux et responsable. Ils sont appelés à plus d'un titre à participer à cet effort pour remettre à l'honneur dans la société québécoise le respect de la justice et de l'équité fiscale entre tous les membres.

C'est un énorme défi de gestion que l'ensemble du personnel relève, je pense, avec responsabilité, si on en juge, en tout cas, par les résultats enregistrés jusqu'à présent.

Je suis de ceux et de celles, comme le député de Nelligan et la députée de Beauce-Sud, qui pensent que le droit au travail est un attribut de la dignité humaine. Et, si le droit au travail existe pour tous les Québécois et toutes les Québécoises, tous les contribuables ont, en contrepartie, le devoir de déclarer, le cas échéant, tous leurs revenus et de payer les taxes sur les biens et les services qu'ils consomment.

Il en va de même pour le droit à la libre entreprise au Québec. En d'autres termes, s'il est vrai que l'État québécois a le devoir de fournir des services de qualité adaptés aux besoins des personnes, l'État a aussi le devoir de s'assurer que tous les citoyens et toutes les citoyennes s'acquittent de leur devoir de solidarité en contribuant au financement de nos services publics que ce soit en matière de sécurité, de santé, d'éducation ou de transport, pour en nommer seulement quelques-uns.

Refuser le travail au noir et l'évasion fiscale, c'est un peu plus qu'une question de gros sous pour le gouvernement du Québec. Dire non au travail au noir et à l'évasion fiscale, c'est une question d'équité et de solidarité sociale. Le modèle québécois, c'est surtout un certain sens de l'équilibre qui a présidé à la mise en place de notre filet social. Face à la menace que représente l'économie au noir pour l'évolution de notre économie et de notre société, on n'a pas le droit de laisser un héritage moins grand aux générations à venir que celui dont nous avons nous-mêmes bénéficié. Et j'invite les députés de l'opposition à nous appuyer dans ce travail difficile, responsable, mais important. Merci, M. le Président.


Argumentation

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la ministre. Alors, la parole est maintenant au député de Nelligan pour une période de cinq minutes.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Un bon discours écrit par les fonctionnaires. Maintenant, on doit discuter, je pense, du vrai monde. La ministre a parlé avec les statistiques, et tout ça. Elle a sorti que le marché noir, c'est plus ou moins 2 000 000 000 $ par année. C'est assez intéressant et ironique. On estime que ce gouvernement a augmenté le fardeau de taxation pour plus ou moins 2 000 000 000 $, juste cette année. Et n'oubliez pas que le 1er janvier qui s'en vient, il y a une augmentation de 1 % de la TVQ. Merci à vous. Il y a une diminution des transferts aux municipalités, une augmentation de taxes scolaires. N'oubliez pas que l'assurance-médicaments, c'est une taxe-médicaments, et aussi l'autre sur les tarifs et frais de branchement à Hydro-Québec. Je peux continuer, mais je voudrais juste faire le point sur le fait que c'est vous qui êtes en train d'augmenter le fardeau fiscal.

Mais je voudrais parler du vrai monde. On va prendre l'exemple des chauffeurs de taxis. Oui, c'est beaucoup d'argent. Vous êtes en train, selon vos propres chiffres, de chercher 40 000 000 $ sur leur dos: 3 228 détenteurs de permis de taxi, c'est plus ou moins 12 500 $ par détenteur de taxi. Voyons donc, Mme la ministre, c'est beaucoup d'argent. Ils vont être tous en faillite si vous continuez comme ça.

Le vrai monde, les chauffeurs de taxi doivent payer 500 $ pour une plaque, 1 500 $ pour l'assurance, il y a la TPS, il y a les 200 $ et quelque chose de frais mensuels pour la coop, il y a 150 $ pour être membre de la ligue, il y a toujours le 100 $ d'inspection, plus ou moins. Je n'ai pas parlé des réparations ni du gaz encore. Avec ça, c'est assez difficile de faire de l'argent dans ce secteur, M. le Président. Ils travaillent 18 heures par jour. Ce n'est pas nécessairement quelque chose, un secteur où c'est facile de faire de l'argent. Vous le savez.

Mais, pendant des années et des années, nous avons établi une culture dans le taxi, qu'on marche sans les reçus. Effectivement, on peut, tout le monde ensemble, travailler pour changer ça. Mais qu'est-ce que vous êtes en train de faire? On arrive avec une rétroactivité de trois ans. Est-ce que c'est vraiment sage qu'on demande à M. Tremblay de chercher son reçu pour gaz de septembre 1994 ou un reçu pour changer un «spark plug», de janvier 1995? Ce n'est pas une bonne façon de marcher, mais c'est ça qu'elle est en train de faire.

Elle est en train, aussi, de faire de la taxation sur les statistiques, pas sur les revenus reçus. Elle est en train de trouver une moyenne et elle taxe tout le monde sur cette moyenne avec aucune flexibilité. Elle ne prend pas les particularités de cette industrie: il y a des chauffeurs de taxi qui «cruisent» un peu plus que d'autres; il y a ceux et celles qui sont dans un stationnement; il y a des chauffeurs de taxi au centre-ville; il y a les autres chauffeurs de taxi des banlieues qui voyagent plus longuement. Avec ça, il n'y a aucune logique dans le système que la ministre a proposé.

Mais la chose que je voudrais vraiment souligner, c'est que la taxation sur des revenus fictifs, des revenus présumés, ça ne marche pas. Le fisc a déjà essayé avec le vidéopoker, et ça n'a pas marché. Ce n'est pas une bonne façon de taxer. Et c'est une chose d'annoncer 40 000 000 $, parce qu'elle peut mettre ça dans les chiffres, elle est en train de travailler comme il faut. C'est une autre chose de collecter cet argent parce que c'est des travailleurs et des travailleuses à faibles revenus, leur argent est déjà dépensé. Est-ce qu'elle pense, pour une minute, pour une seconde, que ça va aider la cause de mettre ce monde en faillite? Est-ce qu'elle pense que ça va aider la société québécoise? Non, ça va causer plus de problèmes. Je pense, Mme la ministre, à part de juste sortir les grands chiffres, que ça va être bon de rencontrer ceux et celles qui sont ici aujourd'hui. Ils sont prêts à parler avec vous, à trouver un système ensemble pour qu'on puisse assurer que, oui, effectivement, on peut avoir un système plus moderne et un système qui accepte, un système qui est applicable, et pas un système basé sur une rétroactivité, parce que c'est clair que le gouvernement est en partie responsable.

Si le gouvernement n'avait pas laissé ce système traîner pour des années, nous n'aurions pas ce système. Avec ça, vous êtes en train de changer les règles à mi-chemin. Les règles, vous allez dire: Non, c'était toujours là. Mais vous êtes en train de changer l'application des règles à mi-chemin et, d'une façon, rétroactivement. Je pense qu'elle ne veut pas être taxée sur le salaire moyen des ministres. Il y a des ministres qui font beaucoup plus de revenus que vous. Ce n'est pas une façon juste de faire ça.

M. le Président, je voudrais demander à la ministre de vraiment repenser cette rétroactivité pour les chauffeurs de taxis et trouver un système basé sur le futur, pas sur le passé, et de trouver un système qui ne mette pas ce monde en faillite. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Nelligan. Mme la ministre, vous avez cinq minutes pour intervenir après l'intervention du député de l'opposition.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, je reçois de manière très constructive les commentaires du député de Nelligan parce que notre gouvernement n'a pas d'intérêt, d'abord, et n'a pas d'intention, ensuite, de mettre en péril l'économie du Québec en entamant un programme de lutte contre l'évasion fiscale. Et je rappelle que ce programme-là a commencé en 1994-1995. Et non seulement on ne souhaite déstabiliser aucun secteur de l'économie, mais toute notre approche par rapport à ce programme, elle est structurée avec un certain nombre d'étapes spécifiques pour impliquer les intervenants de l'industrie à travailler avec nous.

(10 h 30)

D'abord, on fait des projets-pilotes, on fait un projet-pilote dans un secteur. Pourquoi dans un secteur? Parce que, dans le 1 900 000 000 $ dont on a parlé tout à l'heure de manque à gagner pour l'État, il y a beaucoup de secteurs qui sont impliqués. Et, quand on regarde attentivement d'où proviennent ces manques à gagner, on se rend compte que 40 % de ce manque à gagner vient du secteur de l'hébergement et de l'alimentation. C'est 743 000 000 $ sur 1 900 000 000 $. Le deuxième secteur en importance, c'est la construction, 500 000 000 $ de manque à gagner sur le 1 900 000 000 $. Le troisième, c'est tout le secteur de l'automobile, où est-ce qu'on a un manque à gagner de 198 000 000 $. Et ça continue dans tous les secteurs, incluant les déductions, les services professionnels, les déductions à la source, et autres. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire qu'il n'y a pas un secteur qui est exempt d'une révision de façon de faire. Et, quand on fait un projet-pilote, on prend un secteur, on établit comment les gens retirent leurs revenus dans ce secteur-là et, ensuite, on travaille avec eux pour déterminer les niveaux de contribution.

Dans le secteur de l'alimentation, pour vous montrer l'incidence de ce qu'on fait, on a fait une expérience-pilote, l'an passé, dans une région du Québec et nous avons visité à peu près 120 restaurants, spécifiquement à Laval, pour valider nos méthodes de vérification intégrée, les tester et voir si, effectivement, la méthode que nous utilisions était représentative, était équitable et était efficace. Alors, on a travaillé dans ce secteur-là et, en conséquence, on a eu une augmentation de 35 % d'autodéclarations, de remises de taxes et de 10 % de remises de retenues à la source dans ce secteur-là pour l'année 1996. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire qu'il y a, à travailler ensemble, un effet d'incidence.

Dans le cas du secteur de l'alimentation et des pourboires, c'est aussi ce que l'on a fait. Actuellement, depuis le printemps, depuis l'annonce du budget, nous avons des équipes sur le terrain qui ont produit des documents pour informer quant à la façon dont on souhaitait travailler avec les intervenants. Il n'y a rien de fixé dans le béton là-dedans. On essaie de trouver la façon qui sera la plus efficace et la plus simple autant pour les travailleurs que les entrepreneurs pour qu'ils assument leurs responsabilités fiscales.

Dans les autres secteurs, on pense toujours que... Le député de Nelligan dit: Ah! C'est seulement les petits. Mais, quand on regarde l'ensemble des secteurs de notre programme de récupération, on se rend compte que seulement dans le secteur des placements, des crédits et des déductions, qui sont des crédits et des déductions qu'on demande tous dans nos rapports d'impôts, le cas échéant, c'est un total de 50 000 000 $ cette année que nous allons récupérer sur une enveloppe de 440 000 000 $. Donc, on applique cette vérification-là dans tous les secteurs de l'économie, on ne vise personne en particulier, et, oui, on veut travailler avec tous ceux qui veulent assumer leur responsabilité fiscale.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la ministre. Alors, j'accorde maintenant la parole au député de La Peltrie, pour une période de cinq minutes.


M. Michel Côté

M. Côté: Merci, M. le Président. M. le Président, le député de Nelligan a mentionné tout à l'heure dans sa première intervention que le gouvernement devrait commencer par baisser ses taxes et ses impôts. Alors, j'aimerais lui rappeler que notre gouvernement a légiféré dernièrement pour réduire de 850 000 000 $ l'impôt sur le revenu des particuliers à compter du 1er janvier prochain. Cette réduction abaissera de 15 % l'impôt des ménages qui gagnent moins de 50 000 $ par année et réduira également de 3 % l'impôt pour ceux qui gagnent plus de 50 000 $, et, particulièrement, nous allons éliminer totalement l'impôt à payer pour 200 000 contribuables à faibles revenus.

Donc, M. le Président, j'aimerais profiter de cette situation pour corriger ce qu'on laisse planer, comme quoi on devrait plutôt baisser les taxes et les impôts. Bien, je pense que, en même temps qu'on engage un combat contre l'économie souterraine et le travail au noir, on s'occupe également de baisser les taxes et les impôts.

M. le Président, l'économie souterraine et le travail au noir, on ne le dira jamais assez, sont un fléau pour notre économie. Non seulement ils représentent une perte de revenu importante pour l'État, mais ils représentent un fardeau supplémentaire que l'ensemble des contribuables doit supporter pour compenser le manque à gagner. Le travail au noir a aussi un effet tout aussi pervers sur l'emploi. En effet, il opère une pression à la baisse importante sur les salaires des employés qui oeuvrent dans la légalité, en raison de la concurrence déloyale qui se fait. Le travail au noir a aussi pour conséquence d'entraîner des fermetures d'entreprises qui seraient pourtant viables si elles n'avaient pas à affronter des concurrents qui ne jouent pas les mêmes règles du jeu, ce qui a également comme conséquence d'amener des faillites d'entreprises et d'individus avec les effets négatifs que l'on peut entrevoir pour les créanciers dont les créances demeurent impayées.

Le domaine de la construction n'échappe pas à ce fléau. Les infractions au décret de la construction sont nombreuses et variées. Beaucoup de revenus ne sont tout simplement pas déclarés. Des vérifications démontrent qu'il y a parfois des écarts importants entre les salaires versés et ceux prévus par le décret, des paiements faits sous forme de biens, des avantages non déclarés et des heures aussi non déclarées. Tout cela fait perdre des sommes considérables à l'État, donc à nous tous, autant à moi qu'à vous, M. le député de Nelligan. Nous avons à payer pour ceux et celles qui travaillent sous la table.

Revenu Québec estime à près de 500 000 000 $ les pertes que l'État supporte dans ce domaine en taxes et en impôts de toutes sortes. D'après les estimés, le travail dans le domaine de la construction contribuerait pour plus de 25 % du travail au noir. C'est beaucoup, puis c'est beaucoup trop. Encore là des mesures ont été prises par le gouvernement pour y remédier et elles sont les bienvenues. Le programme mis en place depuis 1995 a permis de récupérer jusqu'à 5 800 000 $, en 1996-1997, et le programme continue à s'accélérer. Voilà une autre mesure bénéfique pour notre économie. En plus de récupérer des contrevenants les sommes dues à l'État, les mesures permettent de freiner la saignée de l'emploi causée par le travail au noir dans le domaine de la construction. Les mesures redonnent également un sens aux dispositions du décret de la construction, lequel représente le consensus social quant à ce qui doit être versé en rémunération dans le domaine de la construction. Ce sont les employés de la construction qui vont d'abord en bénéficier et les employeurs également, car ils n'auront plus à affronter une concurrence trop souvent déloyale.

C'est l'intérêt du public qui est en jeu. C'est notre avenir collectif qui est mis en péril par un petit nombre et c'est tous les contribuables qui en profiteront quand l'ordre sera établi et que l'économie souterraine sera chose du passé. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de La Peltrie. J'accorde maintenant la parole à la députée de Beauce-Sud.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, bonjour à Mme la ministre et à mes collègues d'en face. En réponse au député de La Peltrie que le gouvernement avait baissé les taxes des contribuables, je lui rappelle que son gouvernement s'apprête à augmenter, à faire un cadeau de 675 000 000 $ aux contribuables, le 1er janvier prochain, en augmentant la TVQ de 6,5 % à 7,5 %. Alors, merci beaucoup.

Les membres de l'Association des restaurateurs du Québec rejettent catégoriquement et unanimement les dernières propositions du gouvernement provincial dans le dossier des pourboires – je pense que je l'ai déjà signalé à la ministre cette semaine – et ce, pour plusieurs raisons. La récession économique de 1990, l'entrée en vigueur de la TPS en 1991 ont porté un très dur coup à l'industrie de la restauration, et ce secteur ne s'en est toujours pas remis. Résultat: on connaît un record de faillites au Canada, et, en plus, 49 % de ces faillites, on les retrouve ici, au Québec.

(10 h 40)

Le chiffre d'affaires moyen par restaurant est en baisse depuis 1989, tandis que le nombre d'établissements a augmenté considérablement. Le plan Paillé du gouvernement péquiste est venu ajouter à la fragilité de la profitabilité de cette industrie. On compte actuellement un peu moins de 17 000 restaurants au Québec, lesquels embauchent 110 000 personnes. La grande majorité de ces personnes sont des femmes, 41 % de ces personnes ont moins de 25 ans, tandis que 29 % de ces gens sont des étudiants à temps plein.

Or, à vouloir imposer un fardeau additionnel aux restaurateurs pour percevoir les pourboires de ces employés, je crains que des restaurateurs essaient simplement de contourner la loi en embauchant des travailleurs et travailleuses sous la table, et ceci, pour se soustraire à toutes les taxes et cotisations supplémentaires qu'ils devront collecter pour le gouvernement en plus d'avoir à payer des primes d'assurance-emploi et autres cotisations supplémentaires sur les pourboires de leurs employés, mesure à laquelle ils devront se conformer si la ministre réussit à imposer son système de perception obligatoire des pourboires le 1er janvier prochain.

Est-ce que la ministre admet que les employeurs n'ont pas le temps ni la main-d'oeuvre nécessaire pour mettre en place les ressources de comptabilité et les tenues de registre exigées par ce règlement? Chez nous, en Beauce, il y a des dizaines de restaurateurs qui m'ont signalé ne pas être équipés d'ordinateurs et qui affirment ne pas avoir un volume de vente suffisant pour justifier le coût de ces appareils.

Toutefois, ces employeurs comptent en moyenne trois à 10 employés qui travaillent sur plusieurs quarts de travail pour qui ils auront à manutentionner les pourboires ou encore une partie de ceux-ci. Pour ces employeurs, il s'agit d'un fardeau qu'ils se disent incapables de supporter. Ils n'ont pas non plus les ressources nécessaires pour embaucher du personnel comptable supplémentaire pour faire ce travail. On le sait, le taux de profitabilité de l'industrie de la restauration n'est vraiment pas élevé. D'autres m'ont signalé qu'ils devront complètement changer leur système informatique pour être capables de mettre en place ce nouveau système de prélèvement.

Est-ce que la ministre sait que la mission première de ces hôteliers, ces restaurateurs, c'est de produire des biens et des services pour leur clientèle et non d'agir en percepteurs pour le gouvernement?

En vertu de ce système, c'est la première fois que les employeurs devront contrôler des revenus qui ne leur appartiennent pas. Et il faut rappeler que les pourboires, ce sont des gratifications, en fait, ce sont des gratifications accordées par les clients en échange de bons services par les serveurs. Le restaurateur, il n'a rien à voir là-dedans, puis personne ne le paie pour ça.

Selon l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, les coûts administratifs supplémentaires se chiffrent à 67 900 000 $ par année. Alors, ça peut représenter des charges additionnelles de 10 000 $ par année par restaurant avec service aux tables. Ça n'a jamais été bien payant de faire de la restauration, mais là on peut prédire qu'il y aura beaucoup de faillites ou de changements de propriétaire à tous les six à huit mois. Et qu'est-ce qui arrivera après le 31 décembre 2000?

Alors, la politique de déclaration de pourboires est, dans sa forme actuelle, inapplicable, inefficace. Elle ne fait qu'ajouter au fardeau financier de cette industrie qui est déjà surréglementée et surtaxée. Alors, le mécanisme en question, ça ne fonctionnera pas. On a affaire à un monstre administratif qui risque d'engendrer le problème auquel on veut s'attaquer et de nuire considérablement à la rentabilité des entreprises du secteur de la restauration.

Ensuite, j'aurais bien aimé savoir si la ministre a demandé des études d'impact sur la clientèle, les touristes, les employeurs, les travailleurs. Ces emplois, souvent occupés par des femmes...

Le Président (M. Bordeleau): Je vous demanderais de conclure, le temps étant écoulé.

Mme Leblanc: Oui. O.K. J'arrive, M. le Président. Alors, c'est souvent des emplois précaires de moins de 20 heures par semaine. En pratique, les femmes peuvent avoir beaucoup de difficultés à se qualifier pour retirer des prestations d'assurance-emploi en raison du resserrement de la nouvelle loi sur l'assurance-emploi.

Alors, moi, je suis d'avis que la ministre devrait renoncer à sa politique de déclaration de pourboires, telle qu'on la connaît dans sa forme actuelle, puisqu'elle risque d'engendrer encore plus de travail au noir, ce à quoi elle dit vouloir s'attaquer. Et je lui demande également d'arrêter de traiter tout le monde comme des fraudeurs et de s'asseoir avec tous les gens concernés pour trouver une solution satisfaisante pour toutes les parties. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la députée de Beauce-Sud. Mme la ministre, vous avez cinq minutes.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Oui, M. le Président. Je dois reconnaître et, comme ayant assumé le portefeuille du tourisme dans le passé, je connais l'importance de l'industrie de la restauration au Québec et j'en valorise la contribution au développement économique. J'aimerais, par contre, apporter quelques précisions quand on parle du fardeau additionnel aux restaurateurs. Est-ce que la députée de Beauce-Sud veut dire que, parce qu'on doit déclarer les revenus de ses employés, faire les retenues à la source, pour les restaurateurs, c'est un fardeau additionnel par rapport à n'importe quel employeur? J'espère que ce n'est pas ce qu'elle veut dire parce que je pense qu'elle ferait erreur.

Si on regarde d'où provient l'évasion fiscale dont j'ai parlé tout à l'heure, j'ai dit que le plus gros secteur était l'alimentation et l'hébergement. Laissez-moi vous donner les chiffres qui ont été établis par le ministère des Finances à partir du manque à gagner de l'État dans ce 700 000 000 $, dont j'ai parlé tout à l'heure, sur le 1 900 000 000 $. On estime à 115 000 000 $ qui sont perdus à cause de la sous-déclaration des revenus des pourboires des employés. Mais ce n'est pas tout. On estime à 385 000 000 $ la perte ou le manque à gagner par l'État à cause de la dissimulation du chiffre d'affaires des employeurs.

Il n'y a pas deux catégories d'employeurs au Québec, M. le Président, il y en a une seule. Et les employeurs qui emploient des gens pour développer leur chiffre d'affaires et faire de l'argent ont le devoir, eux aussi, de déclarer leurs revenus. Et c'est pour ça que dans la mesure qui a été annoncée lors du budget de 1997-1998, le ministre des Finances a été très précis quant aux objectifs que l'on poursuivait avec cette régulation, si vous voulez, du secteur de l'alimentation.

On veut corriger l'iniquité fiscale et sociale à l'égard des autres secteurs économiques qui est causée par la sous-déclaration des revenus de pourboires et des revenus d'entreprises de la restauration, des bars et de l'hébergement. On veut aussi assurer la couverture sociale, notamment l'assurance-emploi, de plus de ces 90 000 employés moyennant une déclaration de l'ensemble de leurs revenus. Et on veut recueillir aussi des données sur le chiffre de ventes des employés et des entreprises pour justement que tout le monde assume sa responsabilité fiscale.

Et, quand je parle de protection sociale, on ne peut pas tout seuls accorder l'ensemble de la protection sociale, et, je l'ai dit dans cette Chambre, nous attendons à cet égard la réponse du gouvernement fédéral qui se fait attendre. Nous avons entendu les restaurateurs et les travailleurs à pourboire dans les propositions qu'ils nous ont faites. Nous en avons discuté avec le gouvernement fédéral et nous attendons la réponse. Je pense que, si la députée de Beauce-Sud et le député de Nelligan souhaitaient nous aider, ils pourraient peut-être téléphoner à leurs collègues fédéraux pour leur demander de nous répondre le plus rapidement possible. Ça serait dans l'intérêt de tout le monde parce que, quand on parle de faire un effort de responsabilité sociale, eh bien, ça veut dire qu'il faut tous travailler ensemble pour corriger ce manque à gagner.

(10 h 50)

Ce n'est pas rien, 385 000 000 $ qui ne rentre pas dans les coffres de l'État parce qu'il est dissimulé au niveau du chiffre d'affaires de l'industrie de l'alimentation. Ce n'est pas rien, ça. J'aimerais d'ailleurs, à cet égard-là, indiquer que l'objectif qu'on poursuit, c'est d'assurer à tous les Québécois une protection sociale adéquate, et on a bien dit dans le budget du printemps que nous accorderions des crédits d'impôt, que nous allons aider les entrepreneurs à s'organiser pour rapporter tous leurs revenus. On travaille avec eux régulièrement, mais encore faut-il travailler dans un délai raisonnable. Notre échéancier, c'est la mise en application au 1er janvier. Et j'invite encore une fois les deux députés de l'opposition à communiquer avec leurs collègues fédéraux pour avoir une réponse pour qu'on puisse commencer à travailler sur la solution. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la ministre. Alors, j'accorde maintenant la parole pour une période de cinq minutes au député de Fabre.


M. Joseph Facal

M. Facal: Merci, M. le Président. Je trouve ironique d'entendre le député de Nelligan, tout à l'heure dans sa première intervention, reprocher à la ministre de s'appuyer sur des données recueillies par ses fonctionnaires et, quelques minutes plus tard, d'entendre la députée de Beauce-Sud nous lire un discours certes fort intéressant, mais qui, pour l'essentiel, reprend les revendications d'un regroupement, au demeurant tout à fait honorable et que nous saluons.

Le député de Nelligan a aussi commencé tout à l'heure en disant: Ce sont les principes fondamentaux de notre régime qui sont en péril. Je me serais donc attendu ensuite à une démonstration de cela. Mais, plutôt que de le démontrer, il a, pour l'essentiel... Ah! je salue, en passant, le député de Montmorency qui a finalement traversé la Chambre. Le député de Nelligan, plutôt que de le démontrer, a finalement ressassé l'ensemble des clichés les plus fréquemment répandus sur le fait qu'il faudrait d'abord que le gouvernement baisse les taxes, sur le fait que les pauvres sont pressés comme des citrons alors que les riches, eux, s'en sortiraient, etc.

M. le Président, de deux choses l'une: ou l'opposition croit vraiment ce qu'elle dit, et alors c'est très inquiétant, ou elle fait semblant de croire ce qu'elle dit. Et, à ce moment-là, pour le bénéfice non pas de l'opposition, mais des personnes qui suivent nos travaux, il serait peut-être temps de commencer à dissiper quelques-uns de ces clichés.

Sur la baisse des taxes, on ne répétera jamais assez ce que le député de La Peltrie disait tout à l'heure et que le député de Nelligan fait semblant d'ignorer. Quand le député de Nelligan nous dit merci pour la hausse de la TVQ de 1 % au 1er janvier 1998, il oublie de rappeler qu'au 1er janvier 1998 s'applique également une réduction de 15 % de l'impôt des ménages qui gagnent moins de 50 000 $ par année et une réduction de 3 % de l'impôt des ménages qui gagnent plus de 50 000 $ par année, ainsi qu'une élimination totale et définitive de tout impôt à payer pour les 200 000 contribuables qui, dans notre société, ont les plus faibles revenus.

Le député de Nelligan a aussi joué sur une autre corde sensible de l'électorat: cette idée selon laquelle les riches, eux, s'en sortiraient toujours. Il faut revenir à la réalité, M. le Président. Combien y a-t-il au Québec de gens qui gagnent plus de 100 000 $ par année? Admettons que c'est ça, les riches, les gens qui gagnent plus de 100 000 $ par année. Savez-vous combien il y en a? 1,2 %. 1,2 % des contribuables gagnent plus de 100 000 $. Savez-vous quelle est la contribution de ce 1 % à l'ensemble des impôts collectés par le gouvernement du Québec? 14,2 %. Ce 1 % des contribuables qui gagnent plus de 100 000 $ contribuent pour 14,2 % du total des impôts ramassés par le gouvernement. Donc, dire que les riches ne feraient pas leur part, c'est une fausseté.

L'idée maintenant selon laquelle les grosses compagnies, elles, s'en sortiraient toujours et que c'est toujours le petit monde qui est pressé comme un citron, ça aussi, c'est une fausseté. Il est vrai que les compagnies au Québec ont un taux d'imposition sur les profits plus bas que ceux des particuliers, mais il faut aussi rappeler qu'elles paient une taxe sur les salaires et une taxe sur le capital beaucoup plus considérables qu'ailleurs.

Il faut aussi rappeler que les grandes compagnies, cette année, se verront amputées de ce 500 000 000 $ qu'elles avaient traditionnellement en non-remboursement de la TVQ. Il faut aussi se rappeler que, suite au Sommet, elles ont accepté une contribution volontaire de 280 000 000 $ sur trois ans affectée à un fonds de lutte contre la pauvreté, et ainsi de suite. Il est donc faux de dire que les grosse compagnies s'en sortent.

Je vois que vous me faites signe. Simplement, un autre point. Le député de Nelligan laisse entendre également qu'on tape sur une mouche avec une masse. C'est faux. Notre objectif, et la ministre le disait bien, ce n'est pas d'attraper, c'est de convaincre. Et on utilise une approche transparente, balisée par la Commission d'accès à l'information. Mais il faut comprendre ici que le gouvernement a un devoir d'État. Si son devoir est en effet de fournir des services de qualité, en contrepartie il faut s'assurer que tous les contribuables s'acquittent de leur devoir de solidarité qui est de contribuer au financement de ces services publics. On ne peut pas avoir le paradis et refuser de mourir.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Fabre. J'accorde maintenant la parole pour cinq minutes au député indépendant de Montmorency.


M. Jean Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais, à mon tour, saluer, bien sûr, le député de Fabre et lui dire simplement que je suis ici à titre de député indépendant et que je participe justement à ce débat que je considère important, actuellement, très important sur la question de nos principes fiscaux et d'application de nos lois fiscales.

Depuis le début de la séance, j'ai l'impression d'assister à la continuité du discours du ministre des Finances et je trouve ça malheureux parce que, ici, c'est la ministre du Revenu qui a une responsabilité sociale d'appliquer de façon juste et équitable nos lois fiscales. On est tous d'accord qu'on doit tout le monde payer nos impôts et que le travail au noir, à toutes fins pratiques, ne devrait pas exister, et ça, je pense qu'on est tous d'accord sur ce principe-là. Mais la façon d'appliquer nos lois, c'est là qu'on en a aujourd'hui, et je pense que la ministre du Revenu... J'espère qu'elle a une influence, et qu'elle a toujours le plein pouvoir de corriger le tir de sa machine, et que ce n'est pas le ministre des Finances qui dirige tout à sa façon avec des hypothèses et des façons de fonctionner qu'on connaît au ministère des Finances.

M. le Président, la ministre du Revenu se doit d'appliquer de façon juste et équitable nos lois. Et j'aimerais porter à l'attention de la ministre – elle n'est peut-être pas avisée d'une façon complète dans ce dossier – qu'il y a des articles, par exemple, 42.1 à 42.5 de la loi de l'impôt sur le revenu, des articles qui parlent effectivement d'inclure les revenus de pourboires. Ces articles-là ont été légiférés en 1983 par le gouvernement du Parti québécois d'alors. Et, dans cet esprit législatif là, il a toujours été mention d'un taux de 8 % et moins qu'on devait inclure aux revenus. Et j'attire l'attention des parlementaires. Un taux de 8 % et moins devait s'appliquer au niveau des pourboires.

Au moment où on se parle, dans le champ, dans le «day to day», comme on dit, tous les jours, des vérifications fiscales sont faites, et on assiste actuellement à de l'arbitraire éhonté. Certains employés sont taxés à 9 % dans les mêmes établissements... Écoutez bien ce que je dis. Certains employés sont taxés à 9 %, d'autres sont taxés à 10 %, d'autres sont taxés à 11 %, d'autres sont taxés à 12 % et à 13 %, et ça relève directement du ministre du Revenu de s'assurer que l'application de ces lois soit juste et équitable.

Actuellement, la façon de travailler du ministère est nouvelle, et ce n'est pas comme ça qu'on doit appliquer nos lois sur le territoire québécois. J'ai des cas, M. le Président. Parce que, effectivement, écoutez, j'ai une personne, moi, qui travaille dans un restaurant Saint-Hubert qui m'écrit et qui dit: M. Filion, j'ai signé – parce qu'elle n'avait pas le choix, comme elle dit – l'offre qu'on m'a faite. On assistait à une espèce d'entente: On va réduire le taux si vous signez. Renoncez à votre droit d'opposition, puis on va vous réduire votre taxation. Alors, elle dit: Moi, je n'ai pas le choix de refuser le bonbon du gouvernement et j'ai signé une réduction de taux.

D'autres se retrouvent avec un taux différent, et on parle toujours du même chiffre d'affaires, M. le Président. On ne parle pas du ministère des Finances, ici, on parle du ministre du Revenu, M. le Président. Et je pense qu'il y a un rôle et une correction de tir à faire qui est importante. On ne peut laisser aller dans le terrain des cotisations qui sont inéquitables. Au restaurant Saint-Hubert, il y a des gens qui ont signé et d'autres qui n'ont pas signé. Ils ont signé pourquoi? En renonçant à un droit fondamental qui a toujours été dans nos lois fiscales, c'est-à-dire de pouvoir s'opposer et s'assurer que les cotisations du ministère, qui viennent d'une machine d'État, soient correctes.

Tout le monde peut faire des erreurs, et on a les processus prévus dans notre système fiscal qui permettent le droit d'opposition. Mais là on n'est tellement pas sûr parce qu'on cotise sur des hypothèses. N'oubliez pas que ce sont des hypothèses, et c'est là, je pense, que le ministère des Finances influence trop le ministère du Revenu, quant à moi. On y va sur des statistiques et non sur du factuel. Pourquoi le ministre du Revenu ne dit pas à ses fonctionnaires de taxer selon les factures ou selon les cartes de crédit? C'est évident que l'aléatoire, ça demeurera toujours de l'aléatoire. Tant qu'on n'aura pas fait un système que tout le monde accepte, il ne faut pas aller taxer de l'arbitraire et taxer sur ce qu'on pense qu'ils ont reçu.

M. le Président, on ne peut pas fonctionner comme ça. Si on fonctionne comme ça, on vient de créer une tension à la hausse au marché au noir parce que les gens se sentent traités injustement, parce qu'ils sont taxés sur des choses, et ils disent: Je n'en ai pas reçu, moi, de pourboires. D'autres vont dire: Bien, moi, ils m'ont évalué ça comme ça, mais effectivement je ne les ai pas reçus. Et là on va se retrouver dans des débats juridiques épouvantables, on va assister à des gens qui vont s'opposer parce qu'ils ont refusé de prendre le bonbon du ministère. Parce qu'on est rendu qu'on cotise avec des bonbons. C'est ça qu'il faut dénoncer, M. le Président.

(11 heures)

Il y a des gens actuellement sur le terrain qui le dénoncent haut et fort, et, dans mon comté, le comté de Montmorency, des gens sont venus me voir et ont dit: M. Filion, ça n'a pas de bon sens. Il faut que vous participiez à ce débat-là. Il faut vraiment que des gens quelque part passent le message à la ministre parce que la ministre, elle dirige 8 000 personnes, M. le Président, c'est 2 000 de plus qu'il y a trois ans. Ils ont augmenté de façon magistrale l'équipe de travail au ministère du Revenu. Mais la ministre doit être informée que, actuellement, sur le terrain, ça ne fonctionne pas, et on ne peut pas cotiser de cette façon-là. J'écoutais la ministre tantôt dire: On attend le fédéral. Elle va attendre...

Le Président (M. Bordeleau): Si vous voulez conclure, M. le député. Votre temps est terminé.

M. Filion: Pardon?

Le Président (M. Bordeleau): Si vous voulez conclure. Votre temps est terminé.

M. Filion: On ne m'a pas signalé ma minute, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, oui, oui, on l'a signalée. On vous a signalé 1 min 30 s.

M. Filion: C'est dommage parce que j'avais encore beaucoup de choses à dire. De toute façon, M. le Président, je pense que la ministre, elle devrait comprendre que, tant qu'on aura une politique sur de l'arbitraire, on ne pourra pas avoir l'assentiment des fédéraux là-dessus. Parce que eux savent très bien que, au ministère du Revenu, on taxe du factuel, on ne taxe pas de l'arbitraire. Et, tant que vous allez aller vers de l'arbitraire, vous n'aurez jamais l'assentiment du gouvernement fédéral parce que eux comprennent qu'on taxe du factuel si on veut avoir une application juste et équitable dans le champ d'application. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Montmorency. Mme la ministre, vous avez cinq minutes à votre disposition.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Oui. Je pense que, si on cotisait de la manière arbitraire dont parle le député de Montmorency, je crois, en effet, qu'on devrait travailler à améliorer nos méthodes. Et on l'a fait dans le passé, vous le savez, le député le sait. Il y a eu un changement de façon de faire depuis les premiers pas au niveau de la lutte contre l'évasion fiscale. Et j'aimerais peut-être rappeler les étapes spécifiques à une cotisation parce que c'est important.

D'abord, on fait un projet-pilote dans un secteur, que ce soit l'agroalimentaire, que ce soit l'automobile, la construction. On essaie d'établir les conditions de revenus d'emploi et d'activité économique dans un secteur pour valider et ajuster un certain nombre de méthodes assez novatrices, j'en conviens, mais des méthodes comptables reconnues.

Et, ensuite, on fait un projet de cotisation, un projet. Pas un avis, un projet. Et là on discute avec les personnes ou les entreprises, les personnes qui représentent les entreprises et les personnes. Puis, après ça, on émet un avis de cotisation. Après ça, à la suite de l'avis, il y a toute une période de révision, d'ajustements qui sont également possibles. Mais il ne faut pas oublier qu'il faut des documents de référence, il faut des preuves, et le ministère du Revenu a la responsabilité, comme le député l'a bien dit, d'appliquer des méthodes rigoureuses. Mais on a deux méthodes de vérification dans le secteur particulier des pourboires. Il y a une méthode de vérification sur place et il y a une méthode sur la vérification des dossiers qui, elle, n'est pas sur place. Et, selon les cas, on applique ces méthodes à chacun des cas selon les besoins.

Et, quand la députée de Beauce-Sud tout à l'heure a fait état de la complexité de l'application de ce que nous voulons mettre en place pour le secteur de la restauration, je pense que, quand on a travaillé dans un restaurant, on sait qu'il y a, quand on commence à travailler, une lecture de caisse une journée, une lecture de caisse au début, à la fin, et n'importe quel propriétaire de restaurant suit les revenus qui rentrent chez lui et les dépenses qu'il doit payer. C'est dans son intérêt comme n'importe quelle entreprise. On rapporte les revenus, on fait sa comptabilité de paiements des dépenses. C'est comme ça qu'on assure une activité économique. Donc, ce qu'on fait au niveau des propositions que nous discutons avec les restaurateurs, c'est justement de pouvoir ajouter tout simplement à ce qu'ils font déjà une mesure de contrôle de paiement, d'une part, des retenues à la source qu'ils doivent faire comme employeurs et, d'autre part, de leurs propres cotisations, de leurs propres rapports de revenus. On les traite comme n'importe quelle entreprise et on travaille avec eux pour une période de transition pour justement leur permettre de faciliter et d'améliorer leur gestion. Et je pense que c'est une exigence qui est faite pour toutes les entreprises et tous les entrepreneurs. Ce n'est pas différent.

Et tout à l'heure j'ai parlé de Mgr Couture qui disait que, effectivement, dans le sens de ce que le député de Nelligan disait, il ne faudrait pas seulement viser les petits. Mais je pense que c'est important de dire que la récupération fiscale que nous faisons au niveau du ministère du Revenu, elle vise tous les secteurs, et j'ai parlé tout à l'heure d'un revenu estimé de récupération de 440 000 000 $ pour l'année 1997-1998. Mais on va aussi récupérer au niveau des revenus de placement, des crédits, des déductions. On en a pour 50 000 000 $. Tous les secteurs de l'économie vont être sensibilisés à leur obligation de déclarer leurs revenus quand ils en font et de payer leurs impôts et leurs taxes. L'équité fiscale, c'est pour tout le monde.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la ministre déléguée au Revenu. Alors, la parole est maintenant au député de La Peltrie, pour une durée de cinq minutes.


M. Michel Côté

M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, depuis quelques années, le gouvernement que je représente a entrepris une vaste campagne pour mettre fin à l'économie souterraine, et, contrairement à ce que le député de Montmorency nous disait tout à l'heure, qu'il croyait entendre la continuité du discours du ministre des Finances, moi, je m'en réjouis parce que c'est un signe qu'il y a de la cohérence à l'intérieur de notre gouvernement pour mener à bonne fin nos politiques. Et je félicite ceux et celles de mes collègues aussi qui ont amorcé ce mandat, qui est plein d'embûches et de contraintes, ça, j'en conviens.

Car, bien souvent, nos concitoyens et concitoyennes ne mesurent pas l'ampleur qu'a pris le travail au noir et l'impact majeur qu'il a sur notre économie. Comme le député de Montmorency, moi aussi, j'ai reçu de mes électeurs certaines remarques relativement à nos politiques, qui ont déjà tenté de me persuader que l'économie souterraine, elle était marginale et localisée dans certains secteurs, ce qui est faux, et qu'elle avait peu d'impact au point de vue économique, et, somme toute, qu'il n'y avait rien là. Ça, on l'a entendu assez souvent, même parmi les gens de l'opposition.

J'aimerais vous rappeler quelques chiffres fort révélateurs, et c'est ce que je fais avec les électeurs qui viennent me rencontrer. Selon une étude du ministère des Finances réalisée en 1996, l'économie souterraine réalise des activités d'une valeur approximative de 7 000 000 000 $ annuellement. Saviez-vous que cela, ça correspond à 90 % des revenus d'Hydro-Québec en 1996? Savez-vous également qu'un tel chiffre d'affaires, en se basant sur le ratio qui est utilisé dans l'industrie manufacturière, ça équivaut à près de 47 000 emplois qui sont perdus? En termes d'impact, je considère ces chiffres comme considérables et susceptibles d'avoir un impact majeur sur notre économie.

Et, quand on dit que le phénomène est localisé à certains secteurs d'activité, je crois qu'on fait preuve de naïveté. D'ailleurs, on le fait pour l'ensemble des secteurs. Tous les domaines sont concernés – à divers degrés par exemple, bien entendu. Voyons, par exemple, celui des ressources naturelles. Je voudrais plus particulièrement vous parler de la vente de bois provenant de la forêt privée, qui est un secteur pourtant banal en soi, mais dont l'impact est insoupçonné. Dans ce domaine, vous savez sûrement qu'un nombre important de propriétaires privés se font producteurs de bois et vendent leurs produits à des usines de sciage ou de transformation un peu partout sur le territoire québécois.

Là encore, une étude qui a été réalisée en 1996 par le ministère du Revenu et portant sur la seule région du Bas-Saint-Laurent a démontré que 40 % des producteurs de forêts privées n'avaient pas acquitté toutes leurs taxes ni déclaré tous leurs revenus provenant de la vente de bois. Alors, quand on considère le nombre d'intervenants qui oeuvrent dans ce domaine-là, nous sommes en mesure d'évaluer l'ampleur du phénomène, parce qu'il y a 200 usines de transformation, 25 organisations de gestion en commun de la forêt, 25 grossistes en bois et 15 syndicats et offices producteurs de bois. Donc, c'est considérable, tout ça.

(11 h 10)

Comme vous le voyez, ce sont tout aussi bien des domaines aussi insoupçonnés que la vente privée de bois qui font l'objet du travail au noir et de la vérification instaurée par le ministère. Tous les contribuables québécois qui ont un revenu au Québec, peu importe la source, doivent en toute justice contribuer à l'effort fiscal.

Permettre à certains citoyens d'y échapper, c'est augmenter le fardeau des autres contribuables. Rétablir l'équité et éliminer le travail au noir, c'est permettre à l'État de donner aux Québécois et aux Québécoises les services dont ils ont besoin, et ça, c'est ce qu'on appelle prendre nos responsabilités comme gouvernement. Parce que gouverner, c'est prévoir. Prévoir aussi, c'est anticiper. Donc, il faut réellement prévoir, et ce n'est pas ce qu'a fait l'ancien gouvernement. C'est aussi ramener dans la poche des contribuables un manque à gagner annuel moyen de 1 042 $ qu'ils doivent supporter en raison des effets pervers de l'économie souterraine. Voilà pourquoi il faut continuer et accroître les mesures de contrôle et d'élimination du travail au noir. Alors, Mme la ministre mérite toutes nos félicitations et nos encouragements à continuer dans la même voie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de La Peltrie. Alors, la parole est maintenant au député de Papineau pour cinq minutes.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Moi, de ma part, j'aimerais aussi saluer Mme la ministre et mes collègues de l'autre côté, l'autre côté qui ne comprend vraiment pas ce qui se passe.

Depuis 1984, il y a une loi sur la table pour les gens qui travaillent à pourboire. Tantôt, vous parliez de sondages, Mme la ministre. Allez en haut, là, prenez cinq ou 10 minutes, puis allez jaser avec les gens qui travaillent en haut. Ils sont tous ici, là, la plupart qui représentent tous les 150 000 travailleurs au Québec qui travaillent à pourboire. Ils sont ici, là, ce matin. Ils ne sont pas ici parce qu'ils veulent venir nous voir ou qu'ils veulent entendre le député de Papineau parler d'eux. Ils sont ici parce qu'il y a un problème, Mme la ministre. Il y a vraiment un problème. On attaque des gens à pourboire. C'est à eux qu'il faut parler. Ce n'est pas aux fonctionnaires, ce n'est pas à la police du ministère du Revenu, que vous avez augmentée de 2 000 depuis deux ans, qui font le tour du Québec, et vous ciblez des gens, et vous faites une moyenne de 10 %, 12 % pour attaquer tous ces petits travailleurs-là. J'en ai eu, moi aussi, des gens de mon comté, des travailleurs des St-Hubert qui sont venus chez nous se plaindre de la manière dont c'est fait.

Tout le monde qui est en haut est d'accord. Tout le monde qui est en haut est d'accord de payer ses impôts. Ça, il n'y a pas de débat, là. Il n'y a aucun débat là-dessus. Mais de la manière dont vous nous dites ça – j'écoutais le député de La Peltrie, là – il faut faire un effort. 38 % à 40 % des gens qui travaillent présentement dans la restauration, dans les bars... J'en ai un, bar, moi. Ça fait 25 ans, et les gens les déclarent, leurs pourboires, eux autres mêmes, une fois par année, en augmentant sur... Puis ils peuvent venir vérifier les revenus qu'on a chez nous, il n'y a pas de problème. Mais lâchez de dire qu'on va baisser le déficit sur le dos de ces petits travailleurs là ou travailleuses. Ça n'a pas de maudit bon sens, pas du tout!

On envoie des gens sur le terrain pour aller les écoeurer royalement, pour faire payer des impôts. Ces gens-là veulent payer leur impôt. Il y a des gens qui ont des bars, des discos, des restaurants, qui ont de la misère que le diable à arriver, puis là, vous autres, dans deux ou trois ans, vous allez leur donner un fardeau, carrément un fardeau administratif que les gens ne peuvent pas supporter. On fait 10 000 $, 15 000 $ par année dans les restaurants. La preuve est là. L'Association des restaurateurs du Québec, on les a rencontrés, ils nous ont fait la preuve. Et on veut rajouter un autre 2 % ou 3 % d'avantages sociaux sur le dos de ces gens-là. C'est beau, les crédits d'impôt. Dans trois ans, il va arriver quoi? Il y a des restaurants à tous les coins de rue.

Ma collègue de Beauce-Sud tantôt vous a dit que de 12 000 à 17 000... 5 000 restaurants de plus qu'il y avait à cause, en bonne partie, du plan Paillé. Il faut vraiment regarder, là, être logiques dans vos affaires. C'est ça que je ne peux pas comprendre.

Mme la ministre, vous avez été ministre du Tourisme. Je me rappelle, on a eu des débats ensemble quand j'étais critique du tourisme, comment c'était important, les 150 000 travailleurs dans les restaurants, comment ils nous aident à développer le tourisme pour qu'on ait notre part du marché. Vous changez de chaise, puis là vous leur tombez tous sur le dos. C'est logique, hein? Très logique, ça, cette affaire-là.

Le gouvernement fédéral, là, que vous blâmez, le député de Fabre... Tout le temps la faute du fédéral. Aïe! Vous les avez appelés au mois de mars avant votre budget pour leur demander s'il était possible, puis c'est une cause... Et vous êtes bien plus expert que moi. Le député de Montmorency vous l'a dit que c'est une cause arbitraire, qu'on ne peut pas taxer ça. Un pourboire, là, c'est une récompense. C'est volontaire. C'est un genre de remerciement à ces gens-là quand on nous sert comme du monde à leurs tables. C'est un don. Puis on veut le taxer. Ils sont d'accord à payer ça pour avoir des avantages sociaux encore plus forts pour eux autres, ça, on est tout d'accord avec ça. Mais lâchez-les.

Le fédéral, vous ne l'avez pas appelé depuis le mois de mars l'année passée. Le ministre des Finances, c'est lui qui est le boss quand même, la chaise qui est là est remplie, elle est carrée, on sait tout ça. Tout le monde sait ça, que la ministre du Revenu, il n'y a pas personne, elle n'a pas un sacrifice de mot à dire là-dedans, c'est M. le ministre des Finances qui donne l'aval à ça puis qui ne vient pas ici rencontrer nos gens qui sont en haut.

Mme la ministre, si vous étiez un homme, je vous dirais: Mettez vos culottes. Rencontrez ces gens-là qui sont là, en haut, parlez avec eux, puis ils vont vous le dire qu'ils veulent payer leurs impôts pareil comme tout le monde. Ils ne se cachent pas, ce n'est pas des fraudeurs, ces gens-là, mais ils veulent continuer à travailler. Et, vous savez, selon les statistiques de l'Association des restaurateurs du Québec, 29 % des gens qui travaillent à pourboire, c'est des étudiants, pour les aider à payer leurs études. Alors, allez donc voir, mettez un peu de logique, lâchez d'écouter les gens au quatrième ou au centième étage puis allez voir notre petit monde en haut qui va vous dire comment on peut régler ça. Et le forum, une table, un sommet, ça en prend un avec toutes les associations pour trouver la solution...

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Papineau.

M. MacMillan: ...mais à partir de janvier 1998. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Papineau. Alors, je laisse la parole maintenant à la ministre déléguée au Revenu, cinq minutes.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Alors, j'apprécie les commentaires du député de Papineau avec lequel j'ai eu dans le passé des échanges très constructifs quant à l'avenir de l'industrie du tourisme et j'espère qu'on va continuer à en avoir d'autres quant au secteur qui nous intéresse en ce moment.

D'abord, j'aimerais apporter deux corrections à ce qu'il a dit parce que je pense qu'il a été un peu émotif dans son commentaire. Oui, j'allais le dire, son émotion est bien connue. On ne baisse pas le déficit sur le dos des petits, ce n'est pas vrai, c'est absolument faux, c'est un abus de langage et on ne tombe pas sur le dos des plus petits parce que, si vous regardez notre structure fiscale, notre structure d'imposition est progressive. Donc, plus on fait de l'argent, plus on doit payer nos impôts. Alors, quand on fait de l'argent, on doit payer nos impôts.

Quant à la question des pourboires, j'aurais aimé que le député de Papineau m'invite ce matin à rencontrer moi aussi l'Association des restaurateurs, on aurait pu avoir un échange aussi avec eux, et je le ferai à leur demande en temps opportun. Mais j'aimerais qu'on apporte une petite précision quand on parle de fiscalité et de revenus des employés à pourboire ainsi que des restaurateurs. Les employés à pourboire ont un revenu, un taux de salaire minimum plus bas que les autres justement parce qu'ils ont des pourboires qu'ils doivent ajouter à leurs revenus, et plusieurs l'ajoutent.

Ce que nous voulons faire avec la proposition qui est sur la table, c'est d'ajouter à cette déclaration que nous leur demandons une couverture sociale comme on l'a pour les autres employés des autres secteurs au Québec. Qu'est-ce que ça veut dire, cette couverture sociale? Ça veut dire une paie de vacances, ça veut dire des indemnités pour congés fériés, ça veut dire des prestations de la Régie des rentes du Québec, ça veut dire des indemnités de l'assurance-emploi, à certains conditions parce que les conditions sont définies par le gouvernement fédéral, et, contrairement à ce qu'a dit le député de Papineau, il y a de nombreux échanges entre le Québec et le fédéral là-dessus. Ce que ça veut dire comme couverture sociale, c'est aussi les indemnités de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et c'est aussi les indemnités de la Société de l'assurance automobile du Québec. Et, pour ça, on propose aux restaurateurs un crédit d'impôt qui va leur permettre de faire la transition vers une normalisation comme n'importe quel employeur.

Et je pense que, en toute conscience, quand on regarde ce que nous offrons aux employés à pourboire par rapport à la couverture sociale, qui est très importante, je crois que c'est dans leur intérêt. Je pense que eux aussi ressentent la même chose, puisque, à partir de 1996, à partir du moment où on a fait l'annonce dans le budget, il y a eu une augmentation de pourboires autodéclarés de 38 % par les employés à pourboire. Donc, ils sont aussi participants à cet exercice-là.

Ce que nous proposons et ce que nous voulons réussir en partenariat avec les restaurateurs, c'est justement une façon de faire qui va permettre à leur comptabilité actuelle de recettes de se traduire par des documents de support et des rapports au niveau du ministère du Revenu.

Je pense que personne n'a la science infuse dans ça, et le député de Montmorency l'a bien expliqué tout à l'heure. On regarde la façon la plus simple, la plus efficace, la plus constructive pour que nous puissions tous contribuer de manière responsable aux dépenses de l'État, et ça, ça se fait par le biais de nos impôts. Ces 380 000 000 $ et quelques qui ne sont pas payés à l'État dans ce secteur-là par les employeurs, c'est beaucoup d'argent, et je pense que c'est une responsabilité sociale et je fais appel à la solidarité dans ce contexte-là, et c'est important. Merci, M. le Président.

(11 h 20)

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Alors, je laisse la parole au député de Fabre pour cinq minutes.


M. Joseph Facal

M. Facal: Merci, M. le Président. Comme toujours dans les interpellations, le temps va nous manquer. Je ne reviendrai donc pas sur la question des pourboires même si je l'aurais voulu. Je veux simplement faire savoir à ceux et celles qui suivent nos travaux que nous sommes parfaitement conscients que, depuis deux ans, nous demandons au Québécois beaucoup d'efforts dans toute une série de domaines. M. le Président, on reproche habituellement au gouvernement de ne rien faire ou de ne pas en faire assez. Et voici que par les temps qui courent, on reproche au gouvernement d'en faire trop.

J'entendais tout à l'heure le député de Papineau qui, au plan humain, est le meilleur gars du monde, nous dire: Soyez logiques dans vos affaires. Parlons-en de logique! Jour après jour, j'entends ici, dans ce grand pensionnat qu'est le Parlement, le député de Marquette nous dire: Il faut investir plus en éducation. J'entends le député de Brome-Missisquoi nous dire: Il faut investir plus en santé. J'entends la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne nous dire: Il faut investir plus en aide sociale. Alors, parlons-en de logique. Ce que dans le fond nous dit l'opposition, c'est qu'il faut augmenter les services publics, mais en même temps ils nous disent: Ah! il faut aussi baisser les taxes et il faut aussi éliminer le déficit. Ça, c'est du vaudeville, c'est du théâtre. C'est comme le gars qui voudrait manger plus mais en même temps perdre du poids ou comme le gars qui voudrait vivre vieux mais rester toujours jeune. Ça ne se peut pas. Il y a des choix à faire.

Il faut comprendre pourquoi on pose ces gestes-là. Au moment où on se parle, le Québec est, et de loin, la province la plus endettée au Canada. Chaque citoyen du Québec a sur sa tête une dette de 10 400 $, de loin la plus élevée au Canada. Comment on en est arrivé là? Quand cette opposition qui nous dit d'être logique dans nos affaires était au gouvernement, lors de leur première année au pouvoir en 1985, la dette du Québec était de 31 000 000 000 $. Quand ils ont quitté le pouvoir en 1994, la dette du Québec était passée à 74 000 000 000 $. Ils ont plus que doublé la dette qui était celle du Québec au moment où ils sont arrivés. Pendant le deuxième mandat au pouvoir du Parti libéral, à chaque année, de 1990 à 1994, le précédent gouvernement dépassait en moyenne de 1 000 000 000 $ ses propres prévisions de déficit. Leur plus grande année, une grande année, 1994, le gouvernement précédent avait prévu un déficit de 4 400 000 000 $. Il a abouti à un déficit réel de 5 700 000 000 $, un dépassement de 1 200 000 000 $ par année.

Et aujourd'hui, bien que je ne dise pas qu'on est parfaits et qu'il ne nous arrive pas de mal tailler quelques coches, l'opposition a le front de systématiquement critiquer tous nos efforts pour nettoyer ce gâchis-là. Je ne dis pas qu'on est parfaits, mais j'aimerais peut-être une critique un peu plus constructive qui, de temps en temps, reconnaisse qu'il peut nous arriver de faire des bons coups. Maintenant, la population qui nous écoute, elle, elle sait de quoi on a hérité. Souvent, par contre, j'entends les gens dire: Aie! on comprend que vous devez éliminer le déficit, mais est-ce que vous ne pourriez pas le faire en préservant certains secteurs? Ne touchez donc pas à la santé. Ne touchez donc pas à l'éducation. Ne touchez donc pas aux plus démunis.

Ce qu'il faut savoir, c'est que le tiers des dépenses du gouvernement va à la santé. Le tiers. Le quart va à l'éducation. Le dixième va à l'aide sociale, et 14 %, 0,14 $ sur chaque dollar que le gouvernement dépense vont à payer les intérêts sur cette dette. Et ça, évidemment, c'est incompressible.

Si vous additionnez la santé, l'éducation, l'aide sociale et les intérêts sur la dette, ça fait 82 % des dépenses du gouvernement. Alors, quand les gens nous disent, ceux qui nous regardent, éliminez le déficit, mais ne touchez donc pas à ces secteurs-là, ça, c'est comme demander à une famille d'équilibrer son budget personnel mais de ne pas toucher au loyer, de ne pas toucher à l'épicerie, de ne pas toucher à l'auto puis de ne pas toucher aux vacances. C'est impossible. Et, malgré ça, on a trouvé le moyen de poser quelques gestes en faveur du progrès social. On a augmenté le salaire minimum de 13 % depuis 1995. Le député de La Peltrie a parlé des baisses d'impôts à partir du 1er janvier.

Alors, j'inviterais l'opposition, sans renier son rôle, à redescendre un peu de ses rideaux, à nous aider à nettoyer un peu le gâchis qu'elle nous a légué et d'avoir au moins l'amabilité de, de temps en temps, reconnaître qu'on peut faire quelques bons coups.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Fabre. La parole est maintenant à la députée de Beauce-Sud pour une période de cinq minutes.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, une raison pour laquelle j'ai insisté pour être ici ce matin, c'est que, en tant que citoyenne et députée, je souscris fondamentalement au principe de respect des lois fiscales et, conséquemment, au principe de vérification auprès des mandataires, contrairement à ce que peut en penser Mme la ministre.

Toutefois, je désire vous donner un exemple qui a été porté à mon attention par un comptable beauceron de la firme Raymond, Chabot, Martin, Paré. Il s'agit d'un exemple parmi plusieurs que j'ai sous la main, mais, puisque le temps est limité, je m'en tiendrai à celui-ci. Et, si j'ai décidé d'en parler, c'est que je crois important d'humaniser ce débat.

Ce cas, malheureusement, n'est pas isolé et, à mon avis, peut irriter les contribuables de façon à les décourager d'observer la loi et leur faire perdre le respect de ces lois.

Il s'agit, bien entendu, des projets de cotisation, dont la ministre parlait tantôt, basés sur des conciliations théoriques. Alors, dans un jargon simple, je veux parler des cas où on impose aux contribuables le fardeau de la preuve des écarts, sans recherche, de la part des services de vérification du ministère du Revenu, de la cause de cet écart.

Le cas qui a été porté à mon attention concerne une cotisation de 400 $. Pour une petite entreprise sans ressource interne spécialisée ou encore pour un petit travailleur, le coût pour obtenir de l'assistance d'un expert-comptable pour démontrer qu'un tel montant n'est pas exigible, c'est tout simplement prohibitif.

Une intervention externe d'une seule journée de la part d'une firme comptable représente au bas mot le 400 $ en plus des frais de déplacement, et ce, sans encore avoir tenté de rencontrer les autorités de votre ministère. Vous conviendrez avec moi que, dans le cas d'un petit entrepreneur ou d'un petit travailleur, il s'agit de «paie et tais-toi».

Bien entendu, la vérification par conciliation globale est une méthode efficiente de détection des écarts, mais ne devrait pas être la base de cotisation, à moins d'absence d'autres méthodes ou encore d'écarts significatifs laissant entrevoir de la fraude ou de l'irresponsabilité.

Cette manière de faire de votre ministère décourage tout simplement les petits entrepreneurs et les petits travailleurs. Ça peut les amener à lancer la serviette et se retirer tout simplement dans l'économie souterraine. Je souscris, tout comme mes collègues, à une équité fiscale basée sur l'autodiscipline des contribuables et à une vérification efficiente.

Toutefois, je ne peux tolérer que l'arbitraire devienne loi et qu'un fardeau de preuve excessif soit imposé aux contribuables. Et là il y a tout lieu de s'inquiéter, puisque la ministre déléguée au Revenu nous parle de cotiser rétroactivement de deux à trois ans les employés à pourboire d'après des revenus fictifs établis par le ministère.

Combien d'entre eux seront obligés de déclarer faillite après cette cotisation? On doit dénoncer la façon cavalière et arbitraire que s'apprêtent à appliquer les fonctionnaires de votre ministère et qu'ils appliquent déjà d'ailleurs.

Ce n'est pas en mettant le couteau sous la gorge des contribuables qu'on va gagner leur respect. Comme c'est à ces contribuables que reviendra le fardeau de démontrer que ces revenus ne sont pas réels et puisque les contribuables concernés ne disposent d'aucune preuve tangible, d'aucun relevé, il y a tout lieu de penser que cette méthode de cotisation relève de l'usurpation, de l'extorsion d'impôt légitimée par le gouvernement en place.

Et puis on peut aussi penser qu'avec le couplage des fichiers d'autres ministères avec celui du Revenu là ne s'arrêteront pas les tentacules du gouvernement. Est-ce qu'on va ensuite réclamer l'aide reçue en vertu du programme APPORT ou encore une portion d'aide sociale qui aurait pu être versée alors que le contribuable avait des revenus de travail insuffisants? Est-ce qu'on va réclamer des trop-payés en vertu du programme de prêts et bourses aux étudiants qui souvent occupent les emplois de serveurs et de serveuses dans les bars et restaurants au cours de leur période estivale ou tout au long de l'année? Qu'est-ce que la ministre a à répondre à ça? Quelles garanties peut-elle donner à ces salariés à pourboire qu'ils ne seront pas harcelés de tous bords tous côtés par l'appareil gouvernemental?

Au nom de tous les gens concernés par le travail à pourboire, les salariés, les restaurateurs, les hôteliers, les chauffeurs de taxi, je souhaite, Mme la ministre, que, dans les directives qui seront transmises à vos fonctionnaires, on tienne compte du coût pour les contribuables de se mesurer aux techniques de vos fonctionnaires et à leur pouvoir de taxer. Qu'on arrête, encore une fois, de traiter tout le monde comme des fraudeurs. Merci, M. le Président.

(11 h 30)

Le Président (M. Bordeleau): Alors, Mme la ministre, vous avez droit à un droit de réplique de cinq minutes.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. La députée de Beauce-Sud a des mots bien durs pour les administrateurs de l'État. S'il y a eu façon cavalière de la part des employés du ministère, s'il y a eu abus de pouvoir, je m'en excuse en leur nom. Ça peut arriver. La nature humaine étant ce qu'elle est, il peut arriver des situations extrêmement exigeantes sur le plan humain. Mais je dois rassurer la députée de Beauce-Sud. Ce n'est pas la norme au ministère du Revenu. Et d'ailleurs il y a un effort continu de formation et de travail en groupe pour, justement, partager les expériences et améliorer la relation entre le personnel du ministère du Revenu et les contribuables du Québec.

Si le rôle traditionnel du ministère du Revenu, c'est d'évaluer des documents, des faits qui lui sont présentés par des contribuables, c'est vrai qu'en pratique il est souvent ardu de recueillir toutes les données pour établir des montants à cotiser. D'ailleurs, les tribunaux ont tranché dans ce cas-là. Ils ont reconnu que la destruction des données devant être conservées par le contribuable était quelque chose qui était possible. Et, devant l'inexistence de renseignements, un travail de compilation trop fastidieux autorisait le ministère du Revenu à recourir à des méthodes indirectes dont j'ai parlé tout à l'heure et qui sont fondées, vraiment, sur des techniques, sur des approches scientifiques, et rigoureuses, et mathématiques, et elles ne sont pas basées sur des données arbitraires. Et ce sont les mêmes méthodes qui sont utilisées par le ministère du Revenu du Canada, puisque nous avons, dans ces cas-là, beaucoup d'échanges entre nous dans l'intérêt d'une plus grande équité.

Quant aux cas visés par les revenus d'emplois à pourboire, je pense qu'il est important de souligner que, depuis l'annonce de cette mesure de vérification de ces employés, il y a 40 % des employés à pourboire qui ont déclaré leurs revenus et qui n'étaient pas cotisables, qui n'étaient pas imposables. C'est vrai que les employés à pourboire ont des revenus faibles, et, quand on a des revenus faibles, on ne paie pas d'impôts. Et pour ceux qui dans des cas... le 60 %, là, qui ont reçu des projets d'avis et éventuellement des avis, les cotisations variaient entre 800 $ et quelque 1 300 $. Donc, ces cotisations-là sont établies à partir de données scientifiques comparatives de référence, et elles sont reconnues.

Quant à la comparaison de données que nous avons la possibilité de faire, l'exercice que nous faisons de comparer les données vise essentiellement à vérifier nos données, vérifier les données qui nous sont transmises et recueillir celles que l'on aurait oublié de nous transmettre. Et, à cet égard-là, j'aimerais peut-être donner quelques chiffres. Quand on a fait une comparaison de certaines données avec des données d'un organisme de l'État, on a identifié 117 000 particuliers qui n'avaient pas produit de déclaration de revenus pour 1994 et 1995. Mais ils étaient pourtant identifiés par leur employeur comme des personnes ayant bénéficié de revenus d'emploi. Donc, il y a des cas qui sont importants. Je donne un autre exemple. Dans la comparaison avec la Société de l'assurance automobile, on a trouvé plus de 3 100 cas de vendeurs, des particuliers qui vendent des voitures à répétition, le nombre de voitures, par année, était entre neuf et 12 voitures, et, parmi ces 3 100, il y en avait huit qui avaient fait des déclarations de ces revenus dans leurs revenus. Donc, je crois qu'il est important de valider nos chiffres et de, vraiment, vérifier que nous avons toute l'information au niveau des revenus des particuliers comme des entreprises. C'est la responsabilité du ministère du Revenu de le faire.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la ministre. J'accorde maintenant la parole au député de La Peltrie.


M. Michel Côté

M. Côté: Merci, M. le Président. Depuis le début de la séance d'interpellation, j'écoute avec étonnement les propos – et je ne suis pas le seul, j'en suis persuadé – qui sont tenus sur l'effet néfaste et les conséquences désastreuses de l'économie souterraine sur notre économie globale.

On doit se poser la question: Pourquoi en sommes-nous arrivés là? je pense. Comment se fait-il que les gouvernements qui nous ont précédés n'ont pas vu venir le coup, alors que, de 1991 à 1995, à chaque année, le gouvernement précédent dépassait de 1 000 000 000 $, en moyenne, ses propres prévisions de déficit, alors qu'il y avait de l'évasion fiscale, comme on peut le voir, de 1 900 000 000 $ qu'on a révélé selon les statistiques dernièrement? Alors, je pense que c'est important, ça, de se rappeler cette situation-là. Parce que le rôle des gouvernements est de prévoir, puis d'anticiper, puis de mettre en place les mesures et les mécanismes qui doivent éviter de telles situations.

Car nous sommes devant une situation qui est vraiment désastreuse. L'économie souterraine puis le travail au noir sont devenus un véritable fléau, puis ça, c'est un fléau pour notre société puis la société à venir si on ne prend pas les mesures nécessaires pour en freiner le déroulement. Alors, il n'y a plus aucun domaine qui n'échappe, aujourd'hui, à ce cancer économique. On l'a dit et redit: Il n'y a pas seulement un secteur, c'est l'ensemble des secteurs.

Prenons, par exemple, ici, le domaine de l'automobile. Il y a deux phénomènes qui aliment particulièrement l'économie souterraine: les vendeurs à répétition d'automobiles; il y a le secteur de l'entretien et de la réparation également. Mais je l'avais relevé seulement au niveau des vendeurs à répétition d'automobiles. Savez-vous qu'il y a environ 3 100 vendeurs à répétition au Québec selon le dernier estimé du ministère du Revenu? Ces vendeurs à répétition achètent et revendent des voitures d'occasion, ils en font leur commerce sans définir, sans détenir de licence de commerçant recycleur délivrée par la SAAQ. Sur ces 3 100 vendeurs à répétition, seulement huit ont déclaré des revenus au cours de la dernière année fiscale. Ça, c'est désastreux. De sorte que la très grande majorité des revenus gagnés dans ce domaine d'activité échappe à la fiscalité et aux taxes de vente applicables. Heureusement, des mesures sont prises actuellement par le gouvernement que je représente pour rétablir la situation. Une opération de vérification est sur le point d'être lancée et elle vise particulièrement près de 1 100 contribuables qui sont les plus actifs dans ce domaine. Les bénéfices de l'opération sont estimés à plus de 7 300 000 $ en incluant la taxe de vente pour le présent exercice financier.

(11 h 40)

L'opération aura pour effet également de ramener – et cela est très important – le domaine d'activité dans le droit chemin et d'

inciter les autres éventuels contrevenants à se conformer, et à déclarer leurs revenus, et aussi à contribuer à l'effort fiscal collectif. Un programme de vérification et de récupération fiscale est en cours et devrait permettre de récupérer jusqu'à 8 100 000 $ au cours de la présente année pour le domaine de l'entretien puis de la réparation des véhicules automobiles.

M. le Président, en terminant, je veux vous dire que je me réjouis de toutes ces mesures. Elles visent l'équité et la justice sociale et le partage du fardeau fiscal québécois par l'ensemble des contribuables qui profitent du système économique mis en place. Et le député de Nelligan a parlé au début aussi qu'il souhaitait qu'il y ait un bon échange, qu'on collabore justement ensemble pour en arriver à diminuer l'évasion fiscale et même à l'étouffer complètement. J'aimerais lui rappeler qu'en février 1996, lors d'une audition à la commission permanente du budget et de l'administration sur la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, le député de Nelligan avait présenté une motion d'amendement qui se lisait comme suit: «Oui, M. le Président, dans l'esprit de collaboration que nous avons eu aujourd'hui, je voudrais suggérer l'ajout suivant comme deuxième alinéa de votre résolution: De faire en sorte que tous les ministères et organismes gouvernementaux prennent leurs responsabilités et agissent en collaboration avec le ministère du Revenu pour éliminer l'évasion fiscale dans leur secteurs d'activité.» Alors, c'est ça que nous faisons, M. le député. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. le député de La Peltrie. Pour cinq minutes, la parole sera maintenant au député de Nelligan.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Effectivement, je me demande où est la collaboration encore, parce qu'on voit qu'il y a toute une démarche d'imposition.

M. le Président, Mme la ministre n'a pas fait son travail, elle n'a pas fait sa job. On discute aujourd'hui le travail contre le marché noir, on discute la question des pourboires, on discute la question des chauffeurs de taxi. Le 18 décembre 1996, l'Association des restaurateurs a déposé un rapport à M. Landry, vice-premier ministre, ministre d'État de l'Économie et des Finances, avec des recommandations. Maintenant, elle arrive, elle prétend que c'est la faute du fédéral. Ce gouvernement blâme tout le monde. C'est toujours la faute des autres, il n'accepte pas ses responsabilités. Mais depuis le budget, depuis le 18 décembre, elle n'a pas fait les négociations, elle n'a pas rencontré ces personnes. J'ai entendu qu'ils ont fait quelques appels.

Mais nous avons appris aujourd'hui qu'effectivement Ottawa est prêt à discuter une fois qu'il a appris que ça existe, les positions de l'Association des restaurateurs du Québec. Mais ils ont dit que Québec n'a jamais négocié. Est-ce que le Québec a demandé qu'on puisse avoir un système sans remise d'argent? Est-ce que le Québec a demandé qu'on puisse faire un système de pourboires sur leurs périodes de paie? Non, ils n'ont pas fait les négociations. À la fin de mon intervention, M. le Président, je demande que la ministre dépose toutes les correspondances entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ottawa sur cette question. Parce que Ottawa est prêt à travailler aussi, sauf que Québec n'a pas fait son travail. Vous êtes irresponsables! Vous n'avez pas fait votre travail. Vous êtes en train, d'une façon déterminée, d'essayer de créer une autre chicane Québec-Ottawa sur le dos des travailleurs et des travailleuses. C'est irresponsable comme approche, M. le Président.

Là, nous avons parlé beaucoup aujourd'hui de la question des pourboires. Moi, j'ai lancé – et j'espère que dans les dernières 10 minutes, la ministre va répondre – j'ai parlé de demain. J'ai demandé à la ministre... Elle peut faire son «photo op», parce que je vois sur Internet qu'elle aime faire des communiqués de presse. Appelez ça comme vous voulez: forum, sommet, «I don't care». On veut avoir une table où tout le monde peut s'asseoir. Ils sont ici aujourd'hui. Ils sont prêts à travailler avec vous. Les propriétaires, les travailleurs et les travailleuses, les chauffeurs de taxi, tout le monde est prêt à travailler avec vous. Mais, aussi, invitez Ottawa, ayez le courage de présenter la position du Québec. Mais vous n'avez pas fait votre devoir, Mme la ministre. Vous êtes en train de faire exactement le contraire de ce que vous avez dit. Il n'y a pas de collaboration. C'est de la discrimination. C'est du harcèlement. C'est des menaces d'augmenter le fardeau chaque fois que le gouvernement est en train de négocier ça.

M. le Président, les personnes qui travaillent à pourboire ne sont pas toutes des fraudeuses, comme la ministre essaie d'en convaincre la population. Ce n'est pas vrai. Les propriétaires des restaurants, des bars, des brasseries, des hôtels, ils sont prêts à travailler avec vous. Mais qu'est-ce que vous avez fait depuis le 18 décembre? Rien, rien du tout! Vous avez scrapé une année. Vous n'avez rien fait et, à la toute dernière minute, vous êtes arrivée avec votre beau discours d'équité. Où est l'équité? Pourquoi vous n'avez pas fait votre devoir? Pourquoi vous n'avez pas, ici, montré votre position? Pourquoi vous n'avez pas pris de position? Pourquoi vous n'avez pas lu le rapport de l'Association des restaurateurs du Québec? Il y a des recommandations, et, pour le bénéfice de la ministre déléguée, je vais déposer ce rapport parce que je présume qu'elle n'a pas lu ça.

Il y a sept recommandations tellement bien faites. Ils sont prêts à travailler avec vous. Arrêtez de blâmer les autres. Arrêtez de vous cacher en arrière d'Ottawa. Ottawa est prêt à répondre aux besoins de la population du Québec, si le gouvernement est prêt à prendre la moitié des responsabilités et à défendre leurs intérêts. Parce que, nous, nous sommes responsables, ici, à Québec, pour ces affaires, mais on doit présenter une position claire, précise. Vous n'avez pas fait ça. Vous n'avez pas fait les négociations. Vous n'avez pas commencé les négociations. Vous n'avez pas, je pense, lu le rapport de l'Association des restaurateurs.

Avec ça, M. le Président, je demande que la ministre arrête de se promener dans des limousines, qu'elle s'assoie à la table, commence à négocier et défende les intérêts des propriétaires de restaurants et les intérêts des travailleuses et des travailleurs à pourboire. Merci beaucoup, M. le Président.


Conclusions

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Nelligan. À cette étape-ci, on en arrive à la dernière partie de l'interpellation. En principe, la ministre a un droit de 10 minutes, de même que le porte-parole de l'opposition officielle. Et, comme on a le mandat de terminer à midi, ça demanderait un consentement pour poursuivre, peut-être, cinq, six minutes de plus pour permettre aux deux parties d'avoir le 10 minutes qui est prévu. Est-ce qu'il y a consentement? Alors, Mme la ministre, je vous accorde un dernier 10 minutes pour répliquer.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: En toute équité, nous sommes heureux de donner le consentement, M. le Président.

D'abord, j'aimerais indiquer que le ministère du Revenu, le gouvernement du Québec non seulement sont prêts à travailler avec tous les contribuables en partenariat pour trouver des solutions pour permettre à tout le monde de déclarer ses revenus et de payer ses impôts, le cas échéant... Et nous avons des équipes qui le font régulièrement. Je rencontre des gens régulièrement, aussi. Je suis actuellement en tournée à travers tout le Québec, où je rencontre des partenaires, avec qui nous discutons des façons les plus efficaces, les plus simples pour alléger la complexité d'application de certaines de nos lois fiscales.

Mais, quand le député de Nelligan dit qu'on n'a rien fait, je pense qu'il fait un peu de projection, M. le Président. Et, en fait, je ne suis pas du tout fâchée qu'il ait goûté à la médecine fédérale parce que, si je comprends bien, il prétend que le fédéral lui a dit qu'il était d'accord pour faire des modifications. Mais, au lieu de regarder les photos sur Internet, il devrait peut-être lire les communiqués de presse sur Internet. Parce que le communiqué de presse du vice-premier ministre et ministre d'État et de l'Économie et des Finances, concernant justement les démarches qu'il a entreprises depuis la préparation, donc depuis janvier dernier, avec le fédéral, c'est noir sur blanc, on ne l'invente pas, et on attend depuis ce temps-là une réponse du gouvernement fédéral.

Je suis ravie de savoir que le gouvernement fédéral a informé l'opposition de son accord sur les demandes d'allégement que nous avons proposées. Et je peux vous dire qu'il y a eu des discussions, des négociations, du travail sérieux entre le ministre des Finances, ses fonctionnaires au Québec et leurs correspondants au fédéral, autant au niveau des finances que du ministre qui est responsable de l'application de l'assurance-emploi. Parce que l'enjeu, c'est ça, c'est de permettre aux travailleurs à pourboire la même couverture sociale que tous les autres travailleurs. Et je crois que, si le député de Nelligan est sincère dans ses propos, il va appuyer notre démarche, et je compte bien qu'il sorte de cette Chambre puis qu'il aille téléphoner tout de suite pour pouvoir annoncer à la presse que nous allons enfin avoir l'accord du fédéral formellement.

(11 h 50)

Je suis absolument ravie de voir qu'il me donne une information privilégiée, reste à ce que cette information soit confirmée par les ministres responsables au fédéral. Et je peux vous dire que ce n'est pas par manque d'effort de la part de mon confrère des Finances, et de tous les fonctionnaires du ministère des Finances, et des autres qui sont concernés et préoccupés par ce problème-là.

Pour réaliser sa mission, le ministère du Revenu compte en effet sur des moyens efficaces et de plus en plus avant-gardistes, de plus en plus technologiques aussi, pour permettre, je l'ai mentionné au cours de cette présentation, de valider un certain nombre de nos activités. Et je pense que j'aimerais, dans tout le travail que nous faisons, je le répète, de manière responsable et équitable... On a fait, je l'ai dit tout à l'heure, quelques projets-pilotes au niveau, par exemple, des professionnels. On a fait une comparaison des revenus entre les professionnels qui tirent leurs revenus de l'État et leurs déclarations de revenus. On a constaté qu'une soixantaine de professions – on parle des ingénieurs, des comptables, des avocats, des médecins et d'autres spécialistes... On a identifié 352 cas de professionnels autonomes et 1 082 cas de professionnels associés à des sociétés qui n'avaient pas produit de déclaration de revenus, même s'ils avaient reçu des revenus en provenance de l'État. Alors, quand on est rendu là, M. le Président, moi, je pense qu'il faut s'inquiéter et il faut ensemble travailler à corriger cette situation-là qui est malsaine, malheureuse et néfaste pour notre avenir.

Depuis qu'on a entamé notre programme de lutte contre l'évasion fiscale, on a, en 1994-1995, 1995-1996 et cette année, réussi à récupérer des revenus qui étaient dus à l'État, par exemple, pour les six derniers mois de 1996-1997, de l'ordre de 220 000 000 $, et ça a coûté à l'État en budget additionnel 25 000 000 $. Et cette année, en 1997-1998, nos estimations de récupération fiscale: puisque nous avons dans certains secteurs dépassé le projet-pilote et nous sommes maintenant sur le terrain de manière spécifique, nous estimons que nous allons retirer 440 000 000 $ de récupération fiscale avec un investissement additionnel pour cette année de 60 000 000 $.

Or, comme rendement pour l'État québécois – et je sais que mon collègue de Montmorency est particulièrement vigilant au niveau de ces notions de rendement – je pense que ça traduit, si vous voulez, une rentrée de fonds de 8,82 $ pour chaque 1 $ que nous avons investi en 1996-1997. C'est un très bon rendement. Je pense que, si on regarde l'effort que nous voulons faire cette année, il nous faut continuer d'être vigilants et surtout, M. le Président, arrêter de tenir un double langage. Parce que, quand le député de Nelligan... Et mon collègue le député de La Peltrie l'a mentionné tout à l'heure. Quand même, le 28 février 1996, ça ne fait pas si longtemps que ça, c'est lui-même qui proposait, et je cite: «De faire en sorte que tous les ministères et organismes gouvernementaux prennent leurs responsabilités et agissent en collaboration avec le ministère du Revenu pour éliminer l'évasion fiscale dans leur secteur d'activité.»

Je lui suis reconnaissante d'avoir dit ça à cette époque-là et j'aimerais qu'il continue avec ce même sérieux, ce même engagement parce que ce n'est pas normal qu'une entreprise se finance, dans une société libre et ouverte et démocratique comme la nôtre, avec les impôts et les taxes qu'elle perçoit au nom du gouvernement ou qu'elle doit au gouvernement.

Alors, je pense que l'effort que nous faisons comme gouvernement, qui est exigeant, qui nécessite une collaboration de l'administration gouvernementale de tous les instants et qui nécessite aussi un engagement de tous les partenaires, de l'opposition comme sur le terrain, pour que nous puissions continuer à progresser... Et, quand le député de Nelligan me demande de reporter de trois mois une application d'une décision du budget, je dois dire que je m'inquiète parce que tous ces employés qui, actuellement, n'ont pas de protection sociale, ça veut dire qu'on leur reporte encore de trois mois cet accès à cette protection sociale. Pensez aux jeunes qui travaillent justement au niveau de l'industrie de la restauration et qui n'ont pas d'assurance-emploi, qui n'ont pas de régime de rentes. C'est important, ça.

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît! La ministre a la parole.

Mme Dionne-Marsolais: Alors, si je conclus cette discussion, c'est un appel, si vous voulez, à la solidarité sociale et à la responsabilité fiscale. Tout le monde a le droit de faire de l'argent au Québec. Mais tout le monde qui fait de l'argent a le devoir de payer les impôts et les taxes qu'il doit au gouvernement. Et, si, ensemble, on peut réussir à corriger des oublis, des négligences, peut-être, dans certains cas, des abus, il y aura moins de concurrence déloyale pour les entreprises au Québec. Ça veut dire qu'il y aura moins de nos taxes qui seront consacrées à retracer des contribuables qui ne se conforment pas à nos lois fiscales. Ça veut dire qu'il y aura peut-être plus de marge de manoeuvre pour l'État québécois qui pourra enfin répondre à des nouveaux besoins et qu'il y aura peut-être des possibilités de plus d'investissements pour le bien-être et la prospérité des Québécois.

Et je suis convaincue que l'opposition est d'accord avec moi que notre avenir est sur la table. Et je suis convaincue aussi qu'ensemble on serait capables de réussir à ramener cette solidarité sociale au Québec et, surtout, à rendre chacun de nous responsable de son autodéclaration. Il y a quand même 94 % des gens qui autodéclarent leurs revenus. Il faut convaincre encore le 6 %. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la ministre déléguée au Revenu. Je cède maintenant les derniers 10 minutes au porte-parole de l'opposition officielle en matière de revenu et député de Nelligan.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Effectivement, tout le monde veut avoir un système qui marche, qui est juste et équitable. On ne met pas ça en doute. Mais la ministre déléguée a juste parlé de son engagement de travailler pour le petit travailleur, les étudiants, les jeunes qui veulent avoir ça. Pourquoi ce gouvernement n'a rien fait depuis le dépôt de ce document le 18 décembre?

J'ai dit que j'ai appris, pas par téléphone, mais par le public, que les ministres à Ottawa sont prêts à regarder les changements, toutes les possibilités de solutions. Ils sont prêts à faire ça.

Je demande et j'ai déjà demandé que la ministre déléguée dépose maintenant, aujourd'hui, la lettre de son collègue, M. Landry, le vice-premier ministre, où il demande à Ottawa: Est-ce que ces suggestions sont faisables? Est-ce que vous avez défendu les restaurants du Québec? Est-ce que vous avez défendu les travailleurs et les travailleuses du Québec? Non. Vous n'avez rien fait. Sortir votre violon ce matin, et dire que vous voulez protéger tout le monde, ce n'est pas vraiment crédible, Mme la ministre déléguée. Parce que, pendant des mois et des mois, vous n'avez pas même lu le document et certainement vous n'avez pas proposé de suggestions. Le ministre d'Ottawa parle des suggestions de l'Association des restaurateurs du Québec. Il ne parle pas des recommandations du gouvernement du Québec. Vous n'avez pas plaidé votre cause. Ça ne marche pas de se cacher en arrière des autres. Ce n'est pas la faute des autres. C'est votre faute. Vous avez la responsabilité et vous allez vivre avec les conséquences de ce manque de responsabilité.

Je demande encore, avant la fin de cette interpellation, que la ministre dépose la correspondance qui montre que ce gouvernement a défendu les intérêts du Québec et qu'il a demandé à Ottawa s'il accepte les sept recommandations de l'Association des restaurateurs du Québec. Selon notre information, il n'a pas fait ça. Vous n'avez pas fait votre travail, et commencer maintenant à dire à tout le monde qu'on doit négocier comme d'habitude, en crise... Et le gouvernement va essayer d'utiliser ses politiques de division, «splitter» un groupe contre l'autre, s'assurer que l'un ne connaît pas ce que l'autre est en train de faire. Là, ça ne marche pas.

(12 heures)

Nous, aujourd'hui, c'est ça que nous avons essayé de faire pendant deux heures: montrer à la population québécoise que c'est le gouvernement québécois qui est responsable de ce problème. Les personnes ici qui ont suivi ce débat, qui suivent ça à la télévision, veulent participer. Arrêtez de traiter tous les autres comme des fraudeurs. Arrêtez de faire ça, s'il vous plaît. Je voudrais que la ministre, finalement, comprenne qu'ils sont prêts à travailler avec vous, les travailleurs et les travailleuses dans les restaurants, les bars, les tavernes, les propriétaires de restaurants, bars, hôtels. Ils sont prêts, et c'est pourquoi ils sont ici. C'est la seule façon de faire avancer le débat. Avec ça, je m'excuse, Mme la ministre, arrêtez de suivre toutes les commandes du ministre des Finances, faites votre travail, protégez les contribuables québécois parce que, au moment où on parle, vous n'avez pas fait ça. Depuis le 18 décembre, ils n'ont rien fait.

Avec ça, je m'excuse, j'ai de la misère à croire que, le 7 novembre, il y a toute une crise. La crise a été causée par vous, et c'est pourquoi je demande tout de suite que, la semaine prochaine, on puisse parler ensemble, on puisse trouver les solutions. Déjà, une fois que Ottawa s'est présenté avec des choses concrètes, ils disent qu'ils sont prêts à discuter de ça. Mais Québec n'a pas fait son travail, c'est clair et net. Mais j'ai demandé, et vous n'avez pas utilisé la chance de déposer toute la documentation. Je redemande, avant la fin de la session, de déposer la lettre de M. Landry, qui demande à Ottawa: Est-ce que les sept recommandations de l'Association des restaurateurs sont faisables? Est-ce qu'il l'a demandé? Non. Mme la ministre, vous n'avez pas fait votre travail.

Nous avons démontré aujourd'hui que ce gouvernement est en train de faire de la discrimination, il ne respecte pas notre propre Charte des contribuables. Vous avez parlé des projets-pilotes. Pour le vrai monde, le projet-pilote, souvent, c'est de la discrimination. De cibler les chauffeurs de taxis à Montréal, de cibler le Château Frontenac, de cibler quelques restaurants et de mettre de côté les autres, est-ce que vous pensez que c'est juste, Mme la ministre déléguée? Ce n'est pas juste. En arrière-chambre, de commencer à faire les négociations, vous avez parlé des approches créatives et innovatrices, mais d'arriver avec un couteau sous la gorge, avec un avis de renonciation de droit de révision et de... On supposait que nous allions taxer à 8 % et maintenant ça a augmenté à 13 %. Mais, si vous signez à 9 %, renoncez à vos droits, «we'll call it a day». Ce n'est pas une façon de travailler, c'est complètement, dans mon opinion, une façon malhonnête de travailler.

Là, le gouvernement est en train de faire toute une démarche sur le petit travailleur, les personnes à faibles revenus, et c'est de ça que nous avons essayé de convaincre la ministre aujourd'hui, qu'elle doit arrêter de faire cette façon de travailler. Elle ne peut pas être plaignant, police, juge et jury tout en même temps. Nous avons besoin d'avoir un système qui ne change pas les règles à mi-chemin, qui ne fait pas une taxation rétroactive de trois ans. Vous n'avez pas répondu à mes questions sur les chauffeurs de taxis. Est-ce que vous allez continuer d'insister qu'ils doivent trouver tous les reçus des trois ans passés ou vous allez taxer à un niveau beaucoup plus élevé? Parce que je sais que vous cherchez 12 500 $ de chaque détenteur. Vous allez faire des faillites, comme ça, Mme la ministre, et c'est irresponsable comme approche.

M. le Président, j'ai essayé de vraiment expliquer à la ministre que la façon dont elle approche la question est une façon qui va créer, qui va augmenter le marché noir. Il y a des personnes ici – et je parle avec et pour ces personnes – qui sont prêtes à travailler. Déjà, vous-mêmes, vos chiffres ont sorti qu'il y a une déclaration 38 % plus haute sur le pourboire. Ils sont prêts à travailler. Il n'y a pas besoin d'avoir tout l'appareil gouvernemental, toute la pression du ministère du Revenu qui arrive à leur porte, qui les menace, eux autres. Ils sont prêts à travailler si vous voulez travailler. Mais là qu'est-ce que j'ai vu comme comportement sur toutes les affaires de pourboires? Non, il ne veut pas les solutions, il veut avoir des chicanes avec Ottawa. C'est une autre petite astuce du gouvernement séparatiste, qui veut à tout prix faire des petites chicanes pour montrer que ça ne marche pas. Mais, je m'excuse, ça marche, ça peut marcher. Et on peut avancer si le gouvernement veut montrer sa position clairement. C'est de la négligence complète dans le dossier, M. le Président.

C'est pourquoi, M. le Président, j'ai demandé quelque chose aujourd'hui. Un, qu'on puisse s'asseoir ensemble pour avoir un système juste, équitable, simple, facilement appliqué, appuyé par les interlocuteurs. Parce que, sans ça, ça ne marche pas. On peut faire tous les discours dans ce salon bleu, mais, si le monde qui travaille, les 150 000 travailleurs à pourboire, tous les restaurants et les bars, etc., n'appuient pas le projet, ça ne marche pas. Avec ça, ça prend un appui à notre démarche. Deux, aucun échange entre l'employé et l'employeur, c'est essentiel. Je demande – et je suis prêt à travailler tout de suite avec vous, Mme la ministre, si vous voulez – un forum pour discuter cartes sur la table, avec les idées. Nous sommes créatifs, au Québec. Ils ont beaucoup de bonnes idées, ils ont offert ça. C'est dommage que vous n'ayez pas lu. Ils sont prêts à travailler avec vous. Troisième chose: pour la question du monde qui travaille à pourboire ou qui travaille dans les secteurs où nous avons eu un laxisme de notre État – je parle du travail à pourboire et des chauffeurs de taxi – vous ne pouvez pas faire ça rétroactivement. Je suis prêt et ils sont prêts pour le futur à trouver une solution ensemble. Mais ne blâmez pas tout le monde, c'est irresponsable, comme approche, de faire ça, et c'est de ça que j'ai essayé de vous convaincre.

La dernière chose, M. le Président, que j'ai demandée, et je voudrais expliquer ça parce que la ministre essaie de faire des discours généraux, le report de 90 jours, c'est pour donner une chance. Vous avez eu trois années, vous n'avez rien fait pour une année. Maintenant, vous arrivez en toute urgence. Je m'excuse, je n'achète pas ça, nous avons besoin de temps. Si on peut faire ça plus vite que ça, ça ne me dérange pas, mais, selon toute l'information que j'ai reçue par ceux et celles qui travaillent dans le secteur, ils disent que c'est impossible.

Avec ça, je ne demande pas un délai illimité. Je pense que tout le monde est prêt à s'engager, tout de suite, à travailler ensemble, à s'assurer que nous ayons un système qui marche bien, d'une façon efficace. Ils sont prêts à faire ça. On demande... Vous avez retardé de 36 mois, là. Vous n'avez rien fait pendant ce mandat. Vous n'avez rien fait depuis le dépôt de ce document. Au moins, donnez une chance à monsieur et à madame qui sont les professionnels dans le secteur de donner leurs idées, et, peut-être, ensemble, on peut sortir avec une position unanime qui va être efficace et fantastique pour le reste du Québec. Mais, maintenant, c'est assez clair que c'est vous qui vous êtes trompée, c'est vous qui n'avez pas fait votre travail, et je dénonce clairement ce gouvernement dans ce dossier.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Nelligan. Alors, avant de clore cette séance, le secrétaire veut faire quelques corrections pour que les minutes soient conformes, concernant les remplacements.

Le Secrétaire: Donc, pour éliminer toute ambiguïté dans l'annonce des remplacements qui ont été faits au début de la séance, je vous informe que M. Williams (Nelligan) remplaçait M. Bourbeau (Laporte). Par ailleurs, Mme Leblanc (Beauce-Sud) remplaçait Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François). Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le secrétaire. Alors, je veux, en terminant, remercier tous les parlementaires des deux côtés pour leur excellente collaboration. Et la commission ayant accompli son mandat, on ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 8)


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