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Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Tuesday, August 21, 2001 - Vol. 37 N° 28

Consultations particulières sur le projet de loi n° 14 - Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Geoffrion): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bonjour, bienvenue à cette commission. Alors, je vous rappelle que la commission des finances publiques est réunie aujourd'hui afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements aujourd'hui?

La Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, je vous fais lecture très brièvement de l'ordre du jour de notre journée de travail: donc, comme c'est l'habitude, les remarques de M. le ministre, remarques préliminaires de l'opposition officielle; ensuite, nous entendrons les ensuite le Barreau du Québec, en troisième lieu l'Association sur l'accès et la protection de l'information; nous suspendrons nos travaux à 12 h 15 pour les représentants de la Commission d'accès à l'information, reprendre à 14 heures pour entendre le Protecteur du citoyen et, finalement, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; et, évidemment, les remarques finales de l'opposition officielle et les remarques finales du ministre du Revenu.

Remarques préliminaires

Alors, j'invite immédiatement M. le ministre à faire vos remarques préliminaires.

M. Guy Julien

M. Julien: Alors, merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je voudrais saluer mes collègues ministériels, mes collègues de l'opposition et leur souhaiter un joyeux retour de vacances; j'espère que tout le monde en a profité. On devrait avoir une année assez chargée, M. le Président. Alors je suis heureux de quasiment débuter la nouvelle... les nouvelles commissions pour l'année qui est en cours.

Alors, M. le Président, le 19 juin dernier, l'Assemblée nationale a adopté une motion visant à ce que la commission des finances publiques tienne des consultations publiques particulières sur le projet de loi n° 14 que j'ai déposé à l'Assemblée nationale le 15 mai dernier et qui s'intitule Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels.

Alors, pour bien comprendre le contexte dans lequel a vu le jour le projet de loi n° 14, rappelons-nous que, le 29 décembre 1999, l'honorable Jean Moisan déposait auprès du gouvernement son rapport intitulé Rapport de la commission d'enquête sur les allégations relatives à la divulgation de renseignements fiscaux et de nature confidentielle. Ce rapport énonçait neuf recommandations et, dès la mi-janvier 2000, mon prédécesseur et collègue M. Paul Bégin souscrivait à chacune d'elles. Et une des recommandations concernait la nécessité de réviser les dispositions législatives portant sur la confidentialité des renseignements fiscaux pour faire en sorte que ces dispositions soient... soient rendues plus claires et non équivoques par rapport à celles prévues à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Une autre recommandation voulait que la consultation non autorisée de renseignements fiscaux devienne une infraction spécifique à la Loi sur le ministère du Revenu.

C'est dans cette foulée que j'ai déposé, à l'Assemblée nationale, le 15 mai dernier, un projet de loi qui donne suite à ces deux recommandations et qui complète à cet égard les engagements pris par le gouvernement. Par ailleurs, à l'occasion du discours inaugural du 22 mars dernier, le premier ministre, M. Bernard Landry, faisait état de la volonté du gouvernement d'accroître la lutte au crime organisé. Le projet de loi n° 14 traite aussi ce volet.

Comme vous le savez, la protection des renseignements personnels est une des valeurs fondamentales de notre société. En matière fiscale, j'oserais dire qu'elle est encore plus nécessaire qu'en d'autres domaines car le secret fiscal est le fondement même des régimes fiscaux comme le nôtre, régime sur lequel repose l'autocotisation; on parle de 96 %.

Ainsi, M. le Président, je suis heureux d'annoncer, dans un premier temps, que le projet de loi présenté vise à clarifier et à préciser les dispositions relatives à la protection des renseignements fiscaux prévues par la Loi sur le ministère du Revenu. En ce sens, il vise à clarifier le chevauchement de deux législations en matière de protection de renseignements personnels, soit la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur le ministère du Revenu. Dans cette perspective, ce projet de loi maintient un régime spécifique au secret fiscal, lequel s'impose en raison de la nature des renseignements fiscaux et de la diversité des clientèles auxquelles s'appliquent les lois fiscales. Ce projet de loi a donc pour effet de maintenir dans la Loi sur le ministère du Revenu un régime spécifique, clair et précis, régissant la protection des renseignements fiscaux.

Quant à la Loi sur l'accès, elle continue de s'appliquer aux renseignements fiscaux mais à titre supplétif, c'est-à-dire dans la mesure où il n'existe aucune disposition législative dans la Loi sur le ministère du Revenu qui s'applique à la situation. En ce sens, M. le Président, il n'y aura plus de chevauchement ni de conflit de lois, éliminant ainsi l'ambiguïté quant à savoir quelle loi s'applique à une situation donnée en matière de protection de renseignements fiscaux. Il s'agit là, faut-il le rappeler, de la concrétisation de recommandations faites, notamment, par la commission Moisan.

Je veux vous informer, M. le Président, que le projet de loi intègre plusieurs principes de base de la Loi sur l'accès et dans la loi sur le ministère du Revenu tout en conférant à cette dernière une prépondérance lorsque la protection accordée aux renseignements fiscaux est supérieure à celle accordée par la Loi sur l'accès. À titre d'exemple, soulignons l'introduction de la notion de dossier fiscal, les règles d'accessibilité aux renseignements fiscaux par les fonctionnaires du ministère du Revenu, les règles d'utilisation de ces renseignements ainsi que les règles relatives à l'information des personnes au sujet desquelles des renseignements sont recueillis.

n (9 h 40) n

Par ailleurs, M. le Président, la notion de dossier fiscal d'une personne que le projet de loi introduit est particulièrement intéressante comme mesure de clarification. En effet, je crois que cette notion est plus susceptible d'être comprise par les citoyennes et les citoyens que la notion de renseignement fiscal, puisque ceux-ci sont déjà familiers avec la notion, par exemple, d'un dossier médical, d'un dossier de crédit, etc. Je suis convaincu également que l'introduction de cette notion facilitera le traitement des dossiers au sein du ministère du Revenu ainsi que l'accessibilité aux renseignements fiscaux ou leur communication à des personnes autorisées.

Cette notion de dossier fiscal est plus claire parce qu'elle comprend tous les renseignements que le ministère détient au sujet d'une personne pour l'application ou l'exécution du droit fiscal, et ce, sous quelque forme que ce soit, par exemple: support papier ou par support informatique. Cette clarification des renseignements que le ministre détient vise à éliminer le doute qui avait pu être soulevé dans le passé, notamment dans le cadre des travaux de la commission Moisan, sur le caractère confidentiel des renseignements qui sont générés par le ministère du Revenu dans le cadre du traitement du dossier d'une personne, par exemple, l'émission d'une mise en demeure.

Une autre clarification vise à corriger une certaine ambiguïté relative aux renseignements recueillis lors d'enquêtes administratives concernant des allégations de consultation non autorisée de renseignements fiscaux par des fonctionnaires. Bien que dans ces situations les renseignements fiscaux consultés de façon illicite demeurent confidentiels en raison du secret fiscal, une école de pensée prétendait que les renseignements à caractère administratif, c'est-à-dire autres que les renseignements fiscaux consultés, étaient des renseignements protégés par le secret fiscal. Cette conclusion reposait sur le principe qu'il s'agissait d'une enquête ayant pour but de déterminer s'il y avait eu infraction à une loi fiscale et que, par conséquent, tout renseignement obtenu dans le cadre de cette enquête était de nature fiscale et donc confidentiel.

Cette prétention, M. le Président, avait pour effet de traiter les fonctionnaires du ministère du Revenu de façon différente des autres fonctionnaires de la fonction publique à l'égard de qui les renseignements recueillis dans le cadre d'une enquête de même nature sont régis par la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Avec cette clarification, M. le Président, l'ambiguïté qui devait avoir pour effet de traiter différemment les fonctionnaires du ministère du Revenu des autres fonctionnaires de la fonction publique est éliminée.

Justement, à propos de ces consultations non autorisées, je tiens à souligner que ce projet de loi contient des dispositions qui traduisent une préoccupation particulière quant à l'accessibilité des renseignements fiscaux au sein du ministère du Revenu par les fonctionnaires de mon ministère. En effet, en plus d'établir des règles strictes et sévères concernant l'accessibilité de ces renseignements par les fonctionnaires, il donne également suite à une autre recommandation de la commission Moisan en créant spécifiquement une infraction à l'égard d'un fonctionnaire qui effectue une consultation non autorisée de renseignements fiscaux. En outre, il m'importe de souligner que la communication et l'utilisation illicite de renseignements fiscaux seront sanctionnés de façon plus sévère.

Par ailleurs, M. le Président, le projet de loi introduit des règles claires et précises concernant la communication de renseignements fiscaux, notamment lors de l'octroi de contrats de service. Ainsi, je tiens à souligner que l'octroi de ces contrats sera rigoureusement gouverné par des règles strictes relatives aux renseignements fiscaux, règles de protection qui, je me permets de le rappeler, sont plus exigeantes que celles prévues par la Loi sur l'accès. En effet, M. le Président, les personnes à qui les contrats seront confiés seront assujetties à neuf obligations strictes prévues par la loi. À titre d'exemple, mentionnons l'existence d'un engagement de confidentialité signé par toute personne à qui un renseignement peut être communiqué, sauf dispense du sous-ministre, l'obligation de n'utiliser le renseignement que pour les fins de l'exécution du contrat et l'obligation de ne pas transporter de renseignements à l'extérieur des locaux du ministère du Revenu lorsque le contrat est exécuté dans les locaux de celui-ci. À noter que les mesures de protection prévues par un contrat régi par la loi sur l'accès sont beaucoup moins exigeantes.

Comme on peut le constater, M. le Président, les mesures de protection introduites par le projet de loi sont beaucoup plus nombreuses et exigeantes que celles prévues par la loi sur l'accès. Dans le même veine, je tiens à souligner que les contrats qui seront octroyés par les organismes et autres ministères de la fonction publique québécoise qui auront reçu des renseignements fiscaux, conformément aux règles de communication prévues par la Loi sur le ministère du Revenu, et qui impliqueront l'accès à des renseignements fiscaux, sont assujettis aux présentes obligations légales, et ce, au même titre que si le contrat avait été octroyé par le ministère du Revenu. Ces nouvelles mesures du projet de loi n° 14 me permettent de dire que la protection des renseignements fiscaux sera très bien encadrée lors de l'octroi de tels contrats par le ministère.

Enfin, M. le Président, en ce qui concerne les moyens juridiques propres à lutter contre le crime organisé, rappelons que le premier ministre, M. Bernard Landry, s'était engagé en mars dernier à ce que le ministère de la Sécurité publique, de la Justice et du Revenu étudient ensemble différents moyens pour contrer ce fléau. Sur ce point, le gouvernement en est venu à la conclusion que le principe du secret fiscal devait subir, dans l'intérêt public, une exception mesurée à ce chapitre. Ainsi, lorsque le projet aura été adopté, un fonctionnaire du ministère du Revenu autorisé par règlement pourra, dans les mesures prévues par la loi, transmettre aux corps policiers un renseignement contenu dans un dossier fiscal. Il sera ainsi en mesure de les informer des situations de perpétration de certains actes criminels, qualifiés d'infractions graves, relatifs au crime organisé.

En effet, M. le Président, le personnel de mon ministère peut, dans le cadre de l'administration des lois fiscales, prendre connaissance de situations reliées au crime organisé qu'il est le seul à connaître et à pouvoir dénoncer en raison de la nature particulière de ces activités. Ainsi, le projet de loi permettra au ministère du Revenu d'agir au même titre que n'importe quel citoyen qui a connaissance d'un acte criminel et de le dénoncer aux corps policiers.

Le ministère du Revenu sera aussi en mesure de communiquer aux agents de la paix un renseignement, si cela est nécessaire, pour prévenir ou réprimer un crime commis à l'encontre du ministère du Revenu ou à l'égard de l'application d'une loi fiscale. Je tiens ici à rappeler que la communication de tels renseignements sera très balisée, encadrée et contrôlée, et que seulement quelques fonctionnaires spécialisés dans les dossiers de fraudes fiscales seront impliqués dans ces interventions spéciales.

Comme vous pouvez le constater, M. le Président, le ministère du Revenu continue de déployer tous les efforts possibles pour assurer non seulement la confidentialité des renseignements fiscaux, mais aussi un usage rigoureux répondant aux plus hauts standards possibles de l'éthique. Tous les moyens techniques, administratifs et maintenant juridiques se trouvent améliorés et, je vous l'assure, continueront à s'améliorer.

Enfin, j'aimerais saluer et remercier mes collègues députés et ceux de l'opposition, ainsi que les organismes qui prennent le temps de venir nous rencontrer pour nous faire part de leurs commentaires sur le projet de loi n° 14. Alors, c'est l'objet un peu des rencontres que nous faisons aujourd'hui, c'est de rencontrer les organisations qui vont nous faire part, en fonction de leur mandat et de leur spécificité, de leur point de vue sur le projet de loi, pour voir comment on peut, en collaboration ou en concertation, améliorer, bonifier, et s'assurer que les éléments et les principes fondamentaux de la confidentialité soient correctement protégés, et de s'assurer aussi que, dans le futur, la collaboration va continuer et s'améliorera entre les différentes organisations et mon ministère dans le cadre des politiques fiscales.

Alors, en conséquence, M. le Président, j'invite donc la présente commission à débuter les consultations publiques particulières sur le projet de loi n° 14. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Geoffrion): Oui. Merci, M. le ministre. Avant d'entendre nos invités, nous entendrons Mme la députée de Beauce-Sud pour les remarques préliminaires de l'opposition officielle. Mme la députée.

Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Alors, bonjour, M. le Président, bonjour, M. le ministre, ainsi que toute l'équipe qui vous entoure, membres de la commission des finances publiques et chers invités, merci d'être là.

Voilà maintenant plus d'un an que nous attendions le projet de loi promis pour la session printanière 2000 par le ministre du Revenu de l'époque et aujourd'hui premier ministre du Québec. Ce projet de loi avait pour but de corriger des lacunes dans la protection des renseignements fiscaux, lesquelles lacunes avaient eu pour conséquence la démission de l'ex-ministre du Revenu, Rita Dionne-Marsolais, le 28 avril 1999.

À la suite de la divulgation des faits qui ont eu pour conséquence la démission de notre collègue, le député de Verchères, qui était, à l'époque, ministre d'État à l'Économie et aux Finances, s'était vu confier le portefeuille du ministère du Revenu. Or, cela n'a pas empêché l'opposition de découvrir que ce ministre avait aussi commis des impairs à l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu dans un contrat accordé au Bureau de la statistique du Québec.

Afin de se disculper des actes répréhensibles commis envers les contribuables du Québec, le ministre, le nouveau ministre du Revenu de l'époque, député de Verchères et actuel premier ministre du Québec avait déposé le projet de loi n° 63. On se rappelle qu'il avait aussi suspendu les règles de l'Assemblée nationale et fait adopter à toute vapeur, en pleine session régulière, ce projet de loi qui faisait en sorte de lui accorder l'amnistie rétroactive pour les impairs commis à l'endroit du secret fiscal. D'ailleurs, dans une déclaration qu'il a faite en Chambre le 4 mai 1999, l'actuel premier ministre avouait, et je cite: «Les procédures ont été violées, les règlements ont été violés, les lois ont été violées, et nous nous en occupons sérieusement.» Fin de la citation. Il disait cela le 4 mai 1999 que le gouvernement s'en occupait sérieusement alors que ça faisait déjà 18 mois que les citoyens et les citoyennes du Québec apprenaient, tour à tour, les manquements de ce gouvernement dans la protection des renseignements personnels et confidentiels.

n (9 h 50) n

Permettez-moi de vous rappeler quelques faits. La vente de renseignements fiscaux qui a donné suite à une enquête de la Sûreté du Québec et au congédiement de huit employés du ministère du Revenu en 1997. Cette situation a fait en sorte que le ministère du Revenu s'est doté, en novembre 1997, d'une politique de tolérance zéro en matière de secret fiscal. Mais qu'à cela ne tienne puisque cette politique n'a pas empêché les événements suivants de se reproduire par la suite, soit: transmission de données personnelles par fax aux employeurs de débiteurs alimentaires, l'affaire du député bloquiste Ghislain Lebel dans laquelle le cabinet du premier ministre Bouchard était directement impliqué. Puis, en mai 1999, la fuite de milliers de renseignements confidentiels à la firme de sondage SOM dans le cadre d'une enquête portant sur la perception des pensions alimentaires.

En mai 1999, nous apprenions aussi que, en signant 16 contrats avec l'entreprise privée pour la gestion de données personnelles, Revenu Québec a clairement contrevenu à un avis de la Commission d'accès à l'information datant de 1994. La Commission d'accès à l'information s'opposait catégoriquement à ce projet et proposait des balises qui auraient dû empêcher normalement le ministre du Revenu de conclure des ententes avec des firmes informatiques. La Commission d'accès estimait que le gouvernement n'était pas en mesure d'assurer que ce transfert de responsabilités n'amenuiserait pas la confiance des citoyens à l'égard du sort réservé aux renseignements qui les concernent.

Or, c'est à la suite de la divulgation de cette information que le ministre Landry a déposé le projet de loi n° 63, communément appelé Loi sur la conservation de Bernard Landry, par le journaliste du Soleil, Michel David, afin que, dorénavant, tout contrat de service informatique impliquant l'accès à des renseignements confidentiels soit d'abord soumis à la Commission d'accès à l'information. Mais pour en revenir à l'article 69 de la Loi du ministère du Revenu qui traite des renseignements confidentiels, le gouvernement a créé bon an, mal an 15 exceptions à la communication de renseignements obtenus dans l'application d'une loi fiscale.

Est-ce que le projet de loi n° 14 vient en diminuer le nombre? La réponse est non. Pourtant, les informations confiées au ministère du Revenu le sont sur la base du secret fiscal, et la protection des renseignements confidentiels devient donc essentielle au maintien de la relation de confiance qui existe entre le ministère du Revenu et sur laquelle repose le système d'autocotisation. Or, le maintien de cette relation de confiance dépend justement de la capacité du ministère du Revenu à assurer les citoyens du respect du secret fiscal.

Dans un avis de la Commission d'accès à l'information concernant le rapport du comité d'examen sur la gestion des renseignements confidentiels au ministère du Revenu, qui est daté du 5 octobre 1999, la Commission d'accès à l'information insistait pour dire que la possibilité de recueillir des renseignements personnels est maintenant illimitée avec le développement des technologies de l'information et des communications et que seules les barrières que le législateur impose ou celles que les organismes se fixent eux-mêmes constituent un frein à la cueillette de renseignements, d'autant plus que l'article 71 de la Loi sur le ministère du Revenu autorise justement le ministère à recueillir auprès de tout organisme public tout renseignement qui est nécessaire à l'application et à l'exécution d'une loi fiscale.

Les nombreux mandats de gestion du ministère dans l'administration des programmes sociaux et économiques à caractère fiscal que lui confie le gouvernement font de ce dernier un détenteur de mégafichiers fiscaux et personnels. Voilà pourquoi en tant que législateurs il nous faut être prudents.

Permettez-moi de vous rappeler ce que je vous disais il y a quelques instants. Le gouvernement a créé au fil des années 15 exceptions au secret fiscal et a permis de communiquer des renseignements à 15 groupes de personnes ou organismes. En vertu de l'article 71.4 de la Loi sur le ministère du Revenu, toutes ces communications se font sans que les articles 68, 68.1 et 70 de la Loi sur le ministère du Revenu ne puissent s'appliquer. La Commission d'accès à l'information n'a donc aucun avis à formuler sur la conformité des communications de renseignements fiscaux qui se font entre les ministères et les personnes ou organismes en question.

La Commission d'accès à l'information a donc appuyé la recommandation du comité d'experts à l'effet que quiconque, au nom d'un organisme public, recueille un renseignement nominatif auprès d'une personne doit l'informer de l'usage auquel ce renseignement est destiné.

En dépit de l'arsenal de moyens déployés par le ministère du Revenu pour protéger les renseignements fiscaux qu'il détient sur les 5 400 000 contribuables québécois, il n'est pas à l'abri, on le sait, comme on l'a appris encore au printemps dernier, de la curiosité de ses employés. Que ce soit pour vérifier le dossier fiscal d'une vedette ou encore de fonctionnaires engagés dans une chicane de divorce et qui en profitent pour consulter le dossier de leur ex, ces renseignements obtenus sans y avoir droit peuvent porter préjudice à ceux et celles qui font l'objet de cette vérification illégale.

Or, on sait que Revenu Québec a congédié 16 employés entre le 1er janvier 1999 et le 31 mars de cette année pour avoir consulté des banques de renseignements confidentiels sans y avoir droit et, seulement au cours de la dernière année, 58 employés ont fait l'objet d'une enquête et ont reçu des sanctions ou ont fait l'objet de mesures punitives. J'ai souvent déploré que les actes répréhensibles se répétaient en raison de la légèreté des sanctions accordées.

Le projet de loi n° 14 vise donc à prévoir des sanctions pénales graves selon le communiqué émis par le ministre le 15 mai dernier. Or, le projet de loi mentionne que les fonctionnaires qui consulteront un dossier fiscal sans y être autorisés seront passibles d'une amende d'au moins 200 $ et d'au plus 1 000 $ et, en cas de récidive, d'une amende d'au moins 1 000 $ et d'au plus 5 000 $. Alors, entre nous, est-ce qu'une pénalité de 200 $ est suffisante pour dissuader un fonctionnaire de consulter le dossier de son ex alors que cette consultation est susceptible de lui rapporter beaucoup plus? À mon avis, si le gouvernement veut vraiment donner un coup de barre et démontrer la réelle détermination à mettre un frein à ces infractions au secret fiscal, il devrait rehausser de beaucoup la somme des amendes prévues à l'article 26 du projet de loi n° 14.

Permettez-moi de revenir sur l'aspect ambiguïté des deux lois qui régissent le secret fiscal et qui ont fait l'objet de recommandations du comité d'experts de la Commission d'accès à l'information afin de clarifier les interactions entre le régime particulier de protection des renseignements fiscaux et le régime général de protection des renseignements personnels.

Le projet de loi n° 14 semble indiquer que le caractère prépondérant de la Loi sur l'accès sera préservé. Toutefois, lorsque la protection des renseignements fiscaux est plus grande que celle prévue à la Loi sur l'accès, la Loi sur le ministère du Revenu prévaut. C'est inscrit dans le mémoire au Conseil des ministres. Or, selon l'Association pour l'accès à la protection de l'information, il aurait été souhaitable que le législateur harmonise davantage les articles 69 et suivants de la Loi sur le ministère du Revenu aux dispositions de la Loi sur l'accès.

Cependant, certains fonctionnaires du ministère du Revenu pourront désormais jouer aux Eliot Ness et aider la police à coincer les membres du crime organisé. Le but: prévenir ou réprimer un acte criminel grave, c'est-à-dire passible d'une peine de cinq ans de prison ou plus ou commis à l'encontre du ministère ou d'une loi fiscale.

Selon le ministre, dans une déclaration qu'il a faite à la presse le 15 mai dernier, pas plus de trois ou quatre fonctionnaires seront autorisés à travailler sur ces dossiers. Cette entorse exceptionnelle au secret fiscal soulève des questions très sérieuses d'éthique gouvernementale. Même s'il semble que ce soit fait dans l'intérêt du public, il y a lieu de se questionner sérieusement à ce sujet.

Mais il ne s'agit pas de la seule entorse au secret fiscal créée par le projet de loi n° 14. En effet, à l'article 2 qui remplace l'article 9 de la Loi sur le ministère du Revenu, il n'y a pas d'obligation de soumettre à la Commission d'accès à l'information les accords entre le gouvernement ou/et tout gouvernement ou organisme visant à favoriser l'exécution d'une loi fiscale. Comme s'était engagé l'ex-ministre du Revenu et actuel premier ministre, tout projet dérogeant au principe fondamental du secret fiscal devrait être soumis à l'examen de la Commission d'accès à l'information pour des raisons de contrôle et de protection. Or, ici, on fait le contraire.

n (10 heures) n

De même le gouvernement fait une nouvelle brèche dans la protection des renseignements personnels et fiscaux en permettant qu'un renseignement contenu dans un dossier fiscal soit transmis à des entreprises privées pour la réalisation d'une étude ou d'une recherche ou encore la production de statistiques sans le consentement de la personne concernée. Il s'agit là, à mon avis, d'une mesure qui soulève encore une fois des questions d'éthique et une brèche dans le maintien des droits fondamentaux des individus lors de l'utilisation des renseignements les concernant.

La question qu'il faut se poser est la suivante: Est-ce que ce nouveau cadre juridique sera de nature à rehausser le niveau de confiance entre le ministère du Revenu et les contribuables du Québec ou est-ce que ce nouveau cadre juridique n'a que pour objet de faciliter la tâche à une administration gouvernementale de plus en plus omniprésente dans la vie des citoyens du Québec?

Le projet de loi n° 14 fait en sorte de préciser le contenu d'un dossier fiscal. Ainsi, ne constituera pas un dossier fiscal un dossier constitué pour l'administration ou la direction du ministère du Revenu, c'est-à-dire les renseignements, informations et documents générés par les fonctionnaires du ministère et ceux qui découlent d'un constat ou d'un geste administratif. Ainsi donc, le fait qu'un fonctionnaire avise un membre du cabinet du premier ministre qu'une personne a omis de payer ses impôts, comme ce fut le cas dans l'affaire Lebel, ne devrait plus constituer à mon sens une infraction à l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu.

Encore une fois, le but recherché est-il de garantir plus efficacement les droits fondamentaux des individus? La transmission de ce genre d'informations sans balises est-elle susceptible de porter préjudice à des citoyens? Je crois que oui, et c'est pourquoi j'invite le législateur à la prudence et à plus de retenue.

Depuis 1993, le ministère du Revenu a créé 12 exceptions de plus, soit 15, à la communication de renseignements fiscaux à des organismes ou autres. Eh bien, malgré le fait que la Commission d'accès à l'information s'inquiète de l'addition de nouvelles exceptions, le projet de loi n° 14 en crée deux autres, soit: On pourra divulguer de l'information à un ministre ou à un organisme à qui incombe la responsabilité de rendre une décision ou de délivrer une attestation, un visa ou un autre document semblable pour l'application d'une loi fiscale, et aussi la Régie de l'énergie. Ainsi donc, le ministère du Revenu pourra transmettre librement au Bureau de la nouvelle économie le dossier fiscal d'une entreprise qui demande ou possède un visa pour se prévaloir des crédits d'impôt relatifs à la nouvelle économie. Actuellement, les échanges d'information étaient interdits.

Nous sommes donc rendus à 17 entorses au secret fiscal. Quand donc cela s'arrêtera-t-il? Quand le ministère du Revenu cessera-t-il d'étendre ses tentacules sur la vie privée des citoyens du Québec? Il y a tellement d'entorses et d'exceptions qu'il serait peut-être plus facile de redéfinir le concept de «vie privée» et «renseignements personnels» de façon à les banaliser. En serions-nous rendus là? Qui va avoir le courage de mettre un terme à cette hémorragie? Il ne faut sûrement pas compter sur le ministre du Revenu pour s'autocensurer. Alors, je compte sur la diligence des membres de cette commission pour que le projet de loi n° 14 soit le reflet d'une meilleure protection de la vie privée. Merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Geoffrion): Alors, merci, Mme la députée de Beauce-Sud, pour vos remarques préliminaires. Alors, j'invite les porte-parole de la Commission d'accès à l'information à venir nous rejoindre.

Alors, bonjour, Mme la présidente. Alors, je vous rappelle que nous allons consacrer 45 minutes à l'audition de chaque organisme. Alors, vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, et par la suite 15 minutes consacrées à la partie ministérielle pour des questions, des échanges, et la même chose avec l'opposition officielle. Donc, avant de débuter, Mme la présidente, j'aimerais que vous présentiez vos collègues.

Commission d'accès à l'information (CAI)

Mme Stoddart (Jennifer): Je vais faire ça avec plaisir. À ma gauche, le secrétaire de la Commission et directeur des services juridiques, Me André Ouimet; à coté de lui, une juriste experte en lois fiscales, Me Danielle Parent; et, à ma droite, Me Denis Morency, qui est directeur de l'analyse et de l'évaluation.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, bienvenue. Alors, Mme Stoddart, vous avez la parole pour 15 minutes. On vous écoute.

Mme Stoddart (Jennifer): Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés et collègues de différentes associations et ministères ici, on est très, très heureux d'être appelé pour témoigner ce matin à une oeuvre extrêmement importante, enfin une question qui préoccupe la Commission d'accès ainsi que les parlementaires, le ministère du Revenu déjà depuis bon nombre d'années.

Et, comme le ministre a expliqué, ce projet de loi modifie de façon importante les règles écrites en termes de secret fiscal. On a déjà rappelé, mais je le répète, que le secret fiscal est une des, on pourrait dire, des assises juridiques des lois fiscales dans notre démocratie. Cependant, le secret fiscal évolue, puisque lui-même, le rôle de l'État, évolue. Et on assiste à un changement important depuis notamment 10 ans non seulement avec l'État providence, qui est avec nous depuis une quarantaine, une cinquantaine d'années, mais le rétrécissement de l'État providence et l'apparition des programmes ciblés, et ça, c'est une tendance qui a commencé il y a à peu près une quinzaine d'années. Et donc avec la fin de l'universalité vient la nécessité pour l'État de savoir avec de plus grandes précisions comment et en faveur de qui il administre beaucoup de programmes sociaux et fiscaux.

L'apparition de l'informatique depuis 15 ans aussi change beaucoup le contexte dans lequel on administre les lois. Alors, les échanges de renseignements personnels sont devenus possibles à une large échelle, à une façon qui était impossible même au début des années quatre-vingt. Ceci évidemment facilite la vie des citoyens: l'État sait tout, donc j'ai pas besoin de remplir autant de formulaires qu'avant. Cependant, il existe, par le fait même, une importante menace, une importante possibilité d'intrusion dans la vie privée, et il y a de moins en moins d'obstacles technologiques qui empêchent la cueillette de renseignements personnels, d'où la pertinence et l'urgence de revoir les règles de secret fiscal aujourd'hui et dans ce projet de loi.

Les événements qui ont précédé le projet de loi viennent d'être évoqués en assez grands détails, on les connaît tous. Je vous rappelle tout simplement les travaux d'abord de la Commission d'accès elle-même en enquête publique, succédée par le juge Moisan et le rapport qu'il a livré. Ensuite, il y a deux comités d'experts qui se sont penchés sur la Loi sur le ministère du Revenu ainsi que sur la Loi d'accès afin de voir comment il était possible de concilier les protections de base de la Loi d'accès avec les impératifs de la gestion fiscale. Et le projet de loi que nous voyons aujourd'hui est le fruit de toutes ces délibérations, de ces expériences malheureuses et marquantes dans la démocratie québécoise ainsi que le travail de beaucoup, le fruit du travail de beaucoup d'experts au ministère du Revenu ainsi que des consultations auprès de la Commission d'accès au cours de la dernière année.

L'importance de clarifier ces règles dans un projet de loi ne laisse pas de doute. On a déjà évoqué l'importance non seulement de la vie privée, mais les principes d'autocotisation et d'autodéclaration dans notre société. Les renseignements, il ne fait pas de doute, sont particulièrement sensibles dans notre société. On sait que, dans toutes les sociétés, la sensibilité qu'on accorde au secret fiscal, aux renseignements en matière financière sur les individus ne sont pas les mêmes, mais notre société, c'est particulièrement sensible et ça vaut la peine d'être protégé.

C'est important de clarifier ceci dans un projet de loi parce qu'on a vu, au cours des dernières années, que les dispositions de la Loi du ministère du Revenu lues ensemble avec les dispositions de la Loi sur l'accès prêtaient constamment à interprétation, d'où quelques-uns des problèmes qui ont déjà été évoqués. Et donc les contribuables ne savaient pas, à juste titre, comment le ministère allait traiter le renseignement puisqu'il y avait plusieurs interprétations sur les possibilités qui étaient ouvertes. C'est particulièrement important parce que le ministère inscrit maintenant dans ses mégafichiers toute une multitude de renseignements qui, au moment de leur collecte, ne sont pas des renseignements fiscaux, donc ne bénéficient pas, ne viennent pas avec la protection traditionnellement accordée aux informations fiscales.

n (10 h 10) n

Je viens maintenant, donc, d'esquisser le contexte et l'importance de l'exercice que vous entamez aujourd'hui. J'aimerais maintenant aborder nos remarques par rapport au projet de loi n° 14. D'abord, nous sommes très contents qu'on ait pu dans ce projet de loi maintenir le caractère prépondérant de la Loi sur l'accès. Il y a eu un long débat d'experts, mais on a fini par concilier cette loi qui est sous étude aujourd'hui avec notre loi. Donc, il n'y a pas deux régimes de protection parallèles, ce qui est important. L'un se lie avec l'autre, et il n'y a pas de conflits appréhendés, du moins à ce stade-ci.

Deuxièmement, c'est possible qu'on ait dans la Loi sur le ministère du Revenu des règles plus sévères que sur la Loi d'accès. La Loi d'accès est un genre de seuil et, donc, dans la Loi du ministère du Revenu on autorise la communication de renseignements fiscaux aux seuls organismes expressément désignés dans la loi et uniquement pour les fins décrites dans la loi. C'est donc un rétrécissement des pouvoirs qui sont normalement donnés aux organismes dans la Loi d'accès.

Je viendrai maintenant à des commentaires un peu plus spécifiques par rapport à trois questions dans cet important exercice de clarification des règles. Premièrement, c'est les modalités d'utilisation des renseignements fiscaux au sein du ministère, deuxièmement, des possibilités de communication de ces renseignements détenus par le ministère et des tiers et, troisièmement, aux mesures relatives à la lutte contre le crime organisé.

Alors, d'abord, l'utilisation des renseignements fiscaux au sein du ministère du Revenu. Toutes les lois relatives à la protection des renseignements personnels interdisent que les renseignements colligés par l'État soient utilisés à d'autres fins que celles pour lesquelles ils ont été colligés. Ainsi, les renseignements recueillis au moyen de la déclaration de revenus ne devraient pas servir à administrer un programme qui n'a aucun lien avec la perception des impôts des particuliers. Deux exceptions sont prévues à cette règle: la personne concernée consent à l'utilisation des renseignements à d'autres fins ou la loi autorise une exception. Enfin, ce principe de l'utilisation limitée des renseignements personnels est fondamental et a pour but d'écarter le libre arbitre de l'État dans la gestion des renseignements personnels. Il s'agit d'un principe général dans la gestion des renseignements personnels, pas juste quelque chose qui s'applique dans le cas du ministère du Revenu.

Or, le ministère du Revenu entend utiliser les renseignements fiscaux qu'il collige à de nombreuses fins. Ainsi ? et je vous réfère à l'article 69.0.0.7 ? un renseignement contenu dans un dossier fiscal et colligé en vertu de la Loi sur les impôts pourrait également être utilisé pour l'application et l'exécution des lois fiscales suivantes ? il y en a sept, à commencer avec la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre allant jusqu'à une partie de la Loi sur la sécurité du revenu. Ce même article permet également l'utilisation d'un renseignement contenu dans un dossier fiscal aux fins de l'exécution ou de l'application de trois lois qui ne sont pas des lois fiscales mais dont l'application a déjà été confiée depuis un certain temps au ministère du Revenu. Il s'agit de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale et, troisièmement, le Programme d'allocation-logement en faveur des personnes âgées et des familles, établi en vertu de la Loi sur la Société d'habitation. En outre, le ministère pourrait utiliser les renseignements fiscaux à des fins d'étude, de recherche ou de statistiques et aux fins de l'administration du ministère.

Il est vrai que le ministère devrait informer le contribuable à chaque année des types d'usages auxquels ces renseignements sont destinés. La Commission craint toutefois que cette dernière obligation n'ait que peu d'effet. Le ministère pourrait se limiter à retranscrire le contenu de l'article 69.0.0.7 pour répondre à son obligation d'information. Avant que le législateur n'adopte l'article 69.0.0.7, la Commission considère que le ministère du Revenu devrait démontrer pourquoi il ne serait pas tenu, comme tous les autres organismes publics, d'utiliser les renseignements qu'il recueille aux seules fins pour lesquelles ces renseignements ont été recueillis.

Je passe donc ensuite à la question de la communication des renseignements fiscaux. Depuis plusieurs années, la Commission invite le législateur à faire preuve de prudence lorsqu'il autorise une nouvelle exception au principe de la confidentialité des renseignements fiscaux. Au fil des années, la liste des exceptions s'est considérablement allongée. Toutefois, si chacune de ces communications prise individuellement peut sembler justifiée, l'ensemble des exceptions au secret fiscal peut laisser croire que sa portée n'a plus rien à voir avec celle qu'elle avait eu au moment de sa création.

Au cours des dernières années, la Commission d'accès a émis quelque 35 avis portant uniquement sur les amendements à la Loi sur le ministère du Revenu, dont l'objet, dans presque tous les cas, a été de créer une nouvelle exception au principe du secret fiscal. Ainsi, en 1993, l'article 69.1 autorisait la communication d'un renseignement fiscal aux seuls trois organismes suivants: le Contrôleur des finances, le Conseil du trésor et le Vérificateur général. En 2001, le nombre d'organismes qui peuvent recevoir communication de renseignements fiscaux s'élève environ à 15, sans compter tous les fonctionnaires des organismes publics qui peuvent recevoir communication de renseignements fiscaux lorsque le ministère entreprend de recouvrer une dette due à l'État. À ces exceptions déjà existantes, le projet de loi permet au ministère de communiquer des renseignements fiscaux à un contractant ou un sous-contractant. Certaines mesures particulières de contrôle et de transparence, telle l'inscription de la communication dans un registre, devraient toutefois être respectées.

On doit le constater, le principe du secret fiscal a subi une profonde métamorphose au cours des dernières années. Le nombre d'exceptions à ce principe, souvent introduites à la faveur du rôle accru de l'État et des nouvelles possibilités offertes par les technologies de l'information, explique cette transformation radicale. Si le projet de loi a l'avantage de mettre à jour les règles du secret fiscal, il n'en demeure pas moins qu'il démontre sans équivoque que la portée de ce secret ne se compare plus à celle qui lui a été reconnue au moment de son introduction dans la législation fiscale. Et à nouveau la Commission d'accès rappelle l'importance pour le législateur de manifester une très grande prudence chaque fois qu'une exception au secret fiscal est proposée.

La troisième question qu'on veut attirer à votre attention ce matin, c'est la question des modalités suggérées pour aider la lutte contre le crime organisé. Il ne fait pas de doute que la lutte contre le crime organisé est un objectif extrêmement important dans notre société d'aujourd'hui et un objectif auquel souscrivent entièrement les membres de la Commission d'accès. Cependant, nous pensons que les modalités proposées dans le projet de loi, tel qu'il est écrit actuellement, posent quelques problèmes.

Nous voyons à l'article 69, tous les zéros, point 13 qu'un fonctionnaire peut, de sa propre initiative et sans aucune procédure particulière ? en tout cas du moins inscrite dans la loi ? communiquer à un corps de police un renseignement contenu dans un dossier fiscal quand il croit qu'il y a un acte criminel grave qui a été commis ou qui est sur le point d'être commis. On voit en revanche que la police, la Sûreté du Québec, elle, est soumise à des modalités importantes: elle doit aller devant un tribunal et obtenir une ordonnance d'un juge de la Cour du Québec. On comprend difficilement pourquoi une procédure «la police est soumise à des balises mais non pas les fonctionnaires».

On se rappelle, à travers l'histoire de l'évolution des démocraties, qu'il n'y a rien de plus dangereux pour une démocratie et pour les droits des citoyens que le pouvoir discrétionnaire incontrôlé des fonctionnaires. Enfin, c'est sûrement mis là dans des très bonnes intentions, mais il nous semble que ce serait une rectification assez simple de demander que le ministère, lorsqu'un fonctionnaire voit dans un dossier fiscal qu'il y a un renseignement important qui pourrait aider dans la lutte contre le crime organisé, qu'il aille devant le juge de paix, excusez-moi, le juge de la Cour du Québec. Et en plus il y a une espèce d'embargo de cinq ans qui nous inquiète aussi ? on pourra revenir là-dessus.

n (10 h 20) n

En conclusion, la Commission d'accès à l'information reconnaît que ce projet de loi apporte certaines solutions aux difficultés d'interprétation soulevées par la Loi sur le ministère du Revenu au cours des dernières années. Toutefois, la Commission espère que le ministère du Revenu sera en mesure de vous expliquer la pertinence d'utiliser les renseignements fiscaux à de nombreuses fins et l'impossibilité d'agir autrement. En outre, nous croyons qu'il serait opportun de réfléchir à la mise au rancart de l'intervention de tout tribunal lorsqu'un fonctionnaire décide, de sa propre initiative, de communiquer un renseignement à un corps de police.

Finalement, la Commission croit que le ministère devra tout mettre en oeuvre pour assurer la transparence de la gestion qu'il fait des renseignements fiscaux. Ainsi, l'information transmise aux citoyens devrait être la plus précise possible afin que le citoyen soit en mesure de connaître le sort subi par les renseignements qui le concernent. À cet égard, la Commission d'accès à l'information entend jouer pleinement le rôle que lui confie le législateur. Mais ce rôle de gardien du secret fiscal n'appartient pas uniquement au ministère et à la Commission. Les citoyens doivent demeurer vigilants, et nous croyons également que les parlementaires ont un rôle majeur à jouer.

Et, en bout de ligne, vous êtes ceux et celles qui établissent les règles qui feront en sorte que les citoyens et les citoyennes pourront maintenir un lien de confiance envers l'État lorsque ce dernier recueille, utilise et communique des renseignements fiscaux, et, à cet égard, votre tâche est extrêmement importante. Je vous remercie beaucoup de nous avoir entendus.

Le Président (M. Geoffrion): Bien, merci, Mme Stoddart. Ça passe vite, hein, 15 minutes. Donc, maintenant, la parole, pour 15 autres minutes, à M. le ministre et les collègues de la partie ministérielle. Alors, M. le ministre du Revenu.

M. Julien: Alors, M. le Président, merci. Mme la présidente, je vous remercie beaucoup de vos commentaires sur le projet de loi n° 14, et je dois vous dire que je partage vos préoccupations quant à la circulation évidemment de l'information. Et j'allais même dire que, lorsque... si jamais le projet de loi était adopté tel qu'il est là, que tout ce qu'on peut appeler procédures, normes, les balises devront recevoir un aval de la Commission d'accès. Ça m'apparaît fondamental. Donc, il y a un lien étroit entre le ministère du Revenu et la Commission d'accès à l'information, parce que... l'objectif étant de protéger évidemment le secret fiscal, donc de protéger les citoyens et les citoyennes, mais aussi d'atteindre d'autres objectifs en termes d'efficacité et autres. Donc, vous pouvez être assurés de notre collaboration, parce que l'on vise, dans le fond, le même objet.

Et je voudrais revenir à... vous avez une couple d'éléments sur lesquels j'aimerais avoir vos commentaires un peu plus précis, entre autres sur l'utilisation des renseignements à des fins autres que fiscales. Avant de faire nos commentaires, j'aimerais ça que vous réagissiez là-dessus, parce que, dans le fond, l'objet, c'est de vraiment s'assurer que... d'avoir les éléments pour avoir un projet de loi qui répond aux objectifs visés, donc qui soit bien balisé, qui soit clair, dans notre interprétation, d'où la consultation que nous faisons aujourd'hui.

Alors, si je regarde, par exemple... Le petit commentaire que je vous ferais, c'est qu'en matière de protection de renseignements personnels le principe général est que l'utilisation d'un renseignement à une autre fin que celle pour laquelle il a été recueilli doit se faire avec le consentement de la personne concernée. Toutefois, le législateur reconnaît une exception à ce principe. En effet, la Loi sur l'accès autorise une telle utilisation sans le consentement de la personne concernée si la communication est nécessaire à l'application d'une loi au Québec.

Dans le cadre de l'élaboration du présent projet de loi, bon, la Commission nous demande de faire la démonstration des raisons pour lesquelles ? c'est ce que vous avez mentionné dans votre allocution au départ ? les renseignements fiscaux devraient servir aux fins de l'application des lois mentionnées. Alors, on parlait de la Loi facilitant les pensions alimentaires ? il faut se rappeler que c'est une loi qui a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, donc l'opposition avait donné son aval ? la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, du Programme allocation-logement.

Bon, évidemment, les renseignements fiscaux sont utilisés, dans le cadre de la loi, dans le cadre de l'administration de cette loi, au bénéfice de la personne créancière afin notamment de retracer les débiteurs alimentaires, de connaître leur lieu de travail, leurs revenus et leurs actifs. Donc, ça m'apparaît fondamental si on veut s'assurer que... du versement des pensions. Et on se rappelle une des raisons pourquoi on avait transféré ça au ministère du Revenu, c'est de s'assurer effectivement qu'il y ait vraiment versement de la pension. Donc, ça peut être aussi dans ces fins-là. Évidemment, c'est délicat, je le comprends, mais ça a quand même l'objectif de permettre, particulièrement parce que ce sont des femmes et des enfants, de bénéficier du travail fait par le ministère du Revenu.

Il est raisonnable de croire qu'une personne débitrice alimentaire, particulièrement s'il s'agit d'une personne récalcitrante, refusera de donner son consentement au ministère afin que ce dernier utilise les renseignements fiscaux qu'il détient à son sujet. Je n'entrerai pas dans le détail, mais, quand j'ai des commentaires des gens chez nous, je peux vous dire que c'est pas toujours évident de travailler. C'est quand même quelque chose d'un peu, je dirais, délicat sur le plan des émotions et autres, donc c'est pas toujours facile. Alors, il faut comprendre qu'on n'est pas sûr qu'il nous le donnerait pareil.

L'autre, c'est sur le soutien du revenu favorisant l'emploi et la solidarité sociale, c'est-à-dire qu'il y a une législation qui instaure un programme d'aide aux parents pour leurs revenus de travail, programme connu sous le vocable «programme APPORT». Or, la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale exige du ministère du Revenu qu'il continue les versements effectués par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale aux bénéficiaires de ce programme avec leur déclaration de revenus. Dans le cadre de ce programme, il s'agit, pour le ministère du Revenu, de déterminer, en regard des revenus déclarés par un bénéficiaire du programme APPORT dans sa déclaration de revenus, si ce dernier a obtenu du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale plus ou moins ce à quoi il avait droit. Je sais pas si on peut appeler ça une notion d'équité ou, en tout cas, de justice, mais, bon, c'est utilisé un petit peu dans ce sens-là. L'utilisation des renseignements fiscaux à une fin autre que fiscale, c'est-à-dire pour un programme social, est donc prévue par la législation instaurant ce programme. Par conséquent, une telle utilisation devrait être permise par les dispositions relatives à la confidentialité.

Le troisième programme, c'est le Programme d'allocation-logement en faveur des personnes âgées et des familles à faibles revenus. Or, le Programme allocation-logement est un programme institué par la Société d'habitation du Québec et qui vise à fournir une aide financière aux personnes âgées et aux familles à faibles revenus. Alors, c'est une aide évidemment qui est mensuelle, qui représente quand même au-delà d'une centaine de millions d'investissement par le gouvernement. Cette aide se calcule en fonction du revenu global du demandeur, et, pour des raisons d'efficacité, l'administration du programme a été confiée au ministère. Sans information sur le revenu à considérer aux fins du calcul de l'aide financière, il est impossible d'établir le montant de l'allocation-logement. Alors là il y a une espèce d'interrelation. Bon.

Par ailleurs, le Programme allocation-logement étant dans l'intérêt des bénéficiaires, l'on pourrait croire qu'il serait facile d'obtenir leur consentement, et, par conséquent, l'autorisation législative ne serait pas nécessaire. Le droit à l'allocation étant subordonné au consentement à utiliser des renseignements fiscaux, ce consentement n'est pas considéré comme libre et volontaire par la Commission d'accès et, conséquemment, est invalide. En l'absence de consentement du bénéficiaire, le ministère ne peut établir l'allocation à laquelle il aurait droit et, par conséquent, celui-ci n'est pas admissible au programme.

Alors, je terminerai en vous disant que, pour avoir vos commentaires sur ce que je viens de vous dire, l'administration des lois et du programme visé au paragraphe 69.0.0.7 a été confiée au ministère pour des raisons d'efficacité. Priver le ministère de l'usage des renseignements qu'il détient irait forcément à l'encontre de l'objectif recherché. L'autorisation législative d'utiliser les renseignements fiscaux demeure donc, pour nous, la seule solution possible.

J'aimerais ça avoir vos commentaires, parce que, dans le fond, on poursuit la même chose, mais on voit que, en termes d'efficacité puis d'équité puis de justice, je me dis, bien, peut-être qu'on peut utiliser un certain nombre d'informations pour vraiment, là, être facilitant dans l'administration de ces programmes, d'où d'ailleurs la raison pour laquelle on avait transmis ces programmes-là au ministère du Revenu.

Le Président (M. Geoffrion): Mme Stoddart.

Mme Stoddart (Jennifer): D'accord. M. le ministre, les commentaires de la Commission d'accès visaient à rappeler les grands principes de protection des renseignements personnels, que les citoyens donnent des renseignements à l'État pour les fins pour lesquelles ils pensent qu'ils les donnent et non pas qu'ils les retrouvent ailleurs, en train d'être utilisés pour d'autres fins. C'est particulièrement important par rapport à tout ce qui relève de questions fiscales, de matières financières.

L'exercice que nous faisons tous ensemble aujourd'hui est, quelque part, un exercice de consolidation soit de lois, différents morceaux de législation, différents changements qu'on trouve non pas dans la Loi du ministère du Revenu, jusqu'à maintenant, mais dans différentes lois sectorielles au cours des années. Et le but de ce matin, c'est de voir le reflet correct, approprié, qui fait un consensus et chez les juristes et chez les législateurs, des pouvoirs et des limites des pouvoirs du ministère du Revenu par rapport aux différents programmes et différents exercices qu'il doit mener qui lui ont déjà été confiés par le législateur.

Les trois programmes dont vous parlez ont été, là, leur administration a été confiée, depuis un certain temps, au ministère du Revenu. Et ce qu'on voulait vous souligner ce matin, c'est simplement l'importance de passer à travers l'exercice nécessaire, le test nécessaire pour dire: Ce matin, là, je l'entérine clairement, une fois pour toutes, dans la loi. Comme il s'agit d'une exception au principe général, est-ce que c'est vraiment nécessaire? Est-ce que l'État pourra administrer ces programmes? Et je pense que personne ne veut mettre en doute ces programmes, qui sont certainement extrêmement essentiels, les trois, je pense, contre la pauvreté des personnes âgées, et des questions des parents au travail, et la pauvreté des enfants. Est-ce que nous pourrions, comme État, le faire autrement qu'en confiant ce programme au ministère du Revenu et en permettant au ministère du Revenu de piger dans les dossiers fiscaux afin d'avoir une application équitable et juste de ces programmes-là?

n (10 h 30) n

Ce matin, vous suggérez des raisons pour lesquelles vous, comme législateur, vous pensez qu'il est nécessaire de le faire de cette façon-là. Est-ce que quelqu'un d'autre va suggérer une autre façon? C'est ça, le test qui doit être appliqué et c'est ça, ce qu'on tient à vous rappeler.

Le Président (M. Geoffrion): M. le ministre.

M. Julien: Alors, M. le Président, je remercie la présidente pour son commentaire. Effectivement, je pense qu'on est conscients, je crois, tout le monde ? et je l'ai mentionné un petit peu au début ? l'objectif étant de clarifier, de bonifier et de s'assurer que les principes généraux soient correctement défendus et que ? les objectifs visés par le gouvernement, quand vous parlez du législatif ou des avocats et autres, c'est-à-dire du politique ? on arrive à un objectif tel que fixé par le gouvernement. Moi, je suis ouvert. En tout cas, si jamais vous avez des suggestions, au niveau des propos dont vous venez de parler, par rapport à ces trois programmes-là, moi, je suis ouvert à les regarder. Cependant, pour l'instant, avec les argumentaires que je vous ai mentionnés, en termes d'efficacité et autres, on pense que c'est la meilleure façon. S'il y en a d'autres, on pourra toujours regarder.

L'autre élément, c'est les communications de renseignements aux corps policiers. Ce que je réalise aussi, c'est que... Vous me corrigerez, mais je crois comprendre que tous les organismes gouvernementaux ou autres sont libres ou, en tout cas, ils n'ont pas beaucoup de limites à transmettre des informations à qui que ce soit. Je regardais à certains articles, par exemple l'article 67: «Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement nominatif à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une loi au Québec.» Si je vais à l'article 68: «Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement nominatif:

1° à un organisme public lorsque cette communication est nécessaire à l'exercice des attributions de l'organisme receveur ou à la mise en oeuvre d'un programme dont cet organisme a la gestion;

2° à une personne ou à un organisme lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient.»

Et à l'article 68.1: «Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un fichier de renseignements personnels aux fins de le comparer, le coupler ou l'apparier avec un fichier détenu par une personne ou un organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une loi au Québec.»

Donc, on se rend compte que, pour l'ensemble des organisations, il y a quand même là une bonne marge de manoeuvre par rapport au ministère du Revenu qui, lui, est tenu de baliser, d'identifier et les sujets et les organisations avec lesquels il aura à travailler dans le cadre de la fiscalité.

Alors, dans la communication de renseignements aux corps policiers, j'aimerais ça, aussi, avoir vos commentaires sur peut-être quelques éléments que je voulais vous mentionner. Alors, l'administration des lois et du programme visé au paragraphe 69.0.0.7: «Dans une perspective de lutte au crime organisé, il nous semble essentiel que le ministère du Revenu soit autorisé à passer outre au secret fiscal à certaines conditions et dans certaines circonstances.» Donc, c'est pas ouvert à tout. Je pense que, là-dessus, il faut être plutôt sévère. Je vous mentionnais tout à l'heure, d'ailleurs, «aux conditions» puis «aux circonstances», ça, c'est des discussions qu'on peut avoir avec la CAI pour que ça soit validé.

Alors, l'actuelle Loi sur le ministère du Revenu ne contient aucune disposition qui autorise le ministère à transmettre des renseignements aux policiers, même dans les circonstances les plus graves. En effet, l'article 69.0.2 actuel n'est pas un article qui autorise le ministère à transmettre des renseignements. Il s'agit en substance d'une disposition qui établit que le ministère peut faire l'objet d'une perquisition. Cet article en lui-même est donc d'une utilité relative en ce que le ministère peut de toute façon faire l'objet d'une perquisition en vertu du Code criminel. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'autorisation d'un juge est requise. De plus, on le comprendra, les policiers ne peuvent demander à un juge de mandat de perquisition pour saisir des documents que dans la mesure où ils connaissent l'existence de ces documents.

Comme on le voit, l'article 69.0.0.12 proposé s'inscrit dans une toute autre logique en ce qu'il permet au ministère de communiquer ce qu'il souhaite communiquer dans le cadre de la lutte au crime organisé. Il me semble qu'il s'agit d'un article tout à fait acceptable en regard d'un objectif aussi important que celui de lutte au crime organisé, surtout si on considère que le ministère est déjà autorisé par l'article 69.1 à transmettre divers renseignements à divers organismes pour certaines fins déterminées, comme je l'ai mentionné tout à l'heure. Ainsi, les renseignements fiscaux peuvent être transmis au Vérificateur général pour les fins de ses fonctions ou au ministère de l'Emploi et de la Solidarité pour les fins de l'administration de la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre. Dans ces circonstances, il me semble justifié que certains renseignements propres à lutter contre le crime organisé puissent être transmis à nos agents de la paix.

Et, comme je l'ai mentionné au tout début, moi, ce que je rajouterais à tout ça, c'est qu'il faut que les règles, les balises, les procédures soient validées avec la Commission d'accès à l'information pour s'assurer... et qu'elles soient réévaluées périodiquement. On a un objectif à atteindre, comme gouvernement. On a aussi... Vous avez un objectif dans votre mandat et comme ministère aussi: la protection des informations. Alors, c'est de faire le pont et le lien le plus correctement possible pour que nos objectifs soient atteints. J'aimerais ça avoir vos commentaires sur ces éléments-là.

Mme Stoddart (Jennifer): D'accord. Nos commentaires sur les dispositions par rapport au crime organisé... Vous avez cité les possibilités générales dans la Loi d'accès sur l'échange de renseignements; en réponse, je pourrais juste peut-être vous souligner qu'il y a toujours les mots «nécessaire à l'application de la loi». Est-ce que communiquer un renseignement, par exemple, à la police est nécessaire pour la stricte administration de la Loi de l'impôt? La Commission d'accès a toujours tenu à interpréter ces articles 67, 68.1 de façon restrictive afin de ne pas encourager le vaste échange de renseignements, plus vaste que ce qu'il y a maintenant et que ce qui est nécessaire pour un État complexe et moderne. Donc, je pense que c'est de bon aloi à chaque fois de regarder: Est-ce que c'est vraiment nécessaire?

Je dirais, en outre, par rapport à vos observations, qu'il ne s'agit pas de n'importe quels renseignements. Évidemment, les organismes s'échangent toutes sortes de choses pour la bonne administration de l'État. Ici, il s'agit de prendre de l'information dans un dossier fiscal ? hein? ? et de le communiquer à la police. C'est pas n'importe quoi. C'est particulièrement sensible. D'un côté, on a le secret fiscal, de l'autre côté, la possibilité de poursuites en droit criminel.

Alors, dans ce contexte-là, nous... Ici, je représente l'opinion des membres de la Commission d'accès. Quand nous en avons discuté, on n'a pas vu de raison pour laquelle le ministère... le fonctionnaire ne pourrait pas, à l'intérieur du ministère, aller voir son supérieur hiérarchique, aller au contentieux et tout simplement aller devant la Cour du Québec. Il y a une procédure particulière pour autoriser des procédures qui ont une consonance en droit criminel, qui est assez rapide, qui est à huis clos. Quant à vos arguments sur la perquisition, le fait que le ministère serait soumis à la perquisition, écoutez, on ne les a pas regardés, la Commission, au moment où on s'est penchés sur cette partie-là. Donc, on reste avec nos observations générales.

Il semble que l'autorisation d'un tribunal n'est pas trop demander, peut se faire rapidement, est une procédure assez efficace. Et, s'il y a d'autres problèmes légaux, là, il y a peut-être moyen de les voir autrement dans le projet de loi. Mais je pense que le principe dans une démocratie est important. Le fonctionnaire peut se tromper, on peut tous se tromper de bonne foi dans l'exercice de nos fonctions. Et là, peut-être que c'est un cas où plusieurs têtes valent mieux qu'une, hein? C'est pas long. Il y a des procédures d'urgence. Les juges sont disponibles 24 heures sur 24 pour des procédures d'urgence. Surtout que, une fois que cette information est ainsi ciblée et transmise, elle est à peu près à l'épreuve de toute correction, tout accès à la personne. Mettons que la personne pense qu'au ministère du Revenu on aurait fait une erreur, de bonne foi, ça arrive, peut-être que ça nous est tous arrivé dans le cours de nos impôts, on entre les mauvais chiffres, bon, c'est normal peut-être, mais là c'est un peu à l'abri de tout accès, de toute correction pour cinq ans et plus parce que la protection s'étend, d'après la Loi d'accès notamment, si la police continue d'enquêter.

Le Président (M. Geoffrion): Malheureusement, le temps de 15 minutes est déjà écoulé. Alors, je passe la parole aux députés de l'opposition. Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Merci. Bonjour, Mme Stoddart. Bonjour à toute votre équipe. Alors, Mme Stoddart, vous qui êtes, finalement, le protecteur des renseignements détenus par le gouvernement, est-ce que vous êtes inquiète, oui ou non, du projet de loi n° 14?

Le Président (M. Geoffrion): Mme la présidente.

n(10 h 40)n

Mme Stoddart (Jennifer): C'est une question intéressante parce que le projet de loi a fourni l'occasion aux membres de la Commission, puisqu'on fait un état de la question... Ici, il y a des choses qui ont été modifiées en 1993, en 1996, plus récemment dans la Loi sur le ministère et dans d'autres lois. On met tout ça ensemble et la réaction des membres de la Commission d'accès a été de dire: Mon Dieu, comme le secret fiscal a changé au cours des 15 dernières années! Nous nous sommes, comme société, petit à petit donné des habitudes de gestion, fait des programmes qui ont comme effet que le secret fiscal, à chaque fois, se modifie, n'est plus le secret fiscal classique imperméable qu'il était, du moins en droit, au début des années quatre-vingt-dix. Et on se dit: C'est le moment d'arrêter, d'arrêter et de regarder qu'est-ce qu'on fait et, certainement, avant d'entreprendre de nouvelles initiatives qui auraient pour effet de mettre en jeu encore plus le secret fiscal, de nous demander vraiment, comme société, jusqu'où va l'échange de renseignements dans notre société. Y a-tu moyen de s'organiser autrement que d'avoir l'État qui possède de plus en plus d'informations sur nous et qui les échange, dans le but qu'on soutient tous? Est-ce qu'on pourrait s'organiser autrement? Donc, on pense que, avec ce projet de loi qui introduit peu de nouvelles choses substantives, il clarifie les règles dans le but de protéger l'utilisation que faisait déjà le ministère du Revenu de certains renseignements, une fois qu'on a regardé ce projet de loi à l'occasion de l'examen, de dire où on s'en va avec cette tendance à long terme.

Donc, c'est un peu un des messages qu'on vous livre ce matin parce que, d'une part, tous les deux, là, on a parlé des paiements des pensions alimentaires de façon efficace de sorte que l'argent arrive vraiment chez... Les études démontrent que c'est les enfants qui sont débiteurs, les créanciers de ces pensions alimentaires, les questions de logement pour les personnes âgées, c'est un problème important, etc. Actuellement, avec l'accessibilité de l'informatique, on a trouvé une façon de le faire. Est-ce qu'à l'avenir on ne pourrait pas réfléchir à d'autres façons de faire? Je n'ai pas la réponse pour vous ce matin, mais c'est sûr que, en regardant ça, on se dit: Que de chemin parcouru en échange de renseignements depuis un peu plus de 10 ans!

Mme Leblanc: Selon vous, Mme Stoddart, ce n'est pas nécessairement une bonne chose que le secret fiscal ait évolué de cette façon-là?

Mme Stoddart (Jennifer): Ce n'est pas en soi, par rapport aux principes que, nous, on défend, une bonne chose. Et, à chaque fois, on doit regarder le principe: Est-ce que c'est vraiment nécessaire, chaque fois que les choses nous ont été soumises pour avis, et, vous, vous avez cet exercice à faire, en regardant le projet de loi qui vous est soumis pour discussion et adoption finale? Est-ce que c'est vraiment nécessaire? Mais c'est peut-être une question critique pour notre société: Est-ce que nous arriverons à avoir des sociétés équitables, des sociétés qui donnent des programmes, notamment les programmes sociaux, les sociétés qui ont un rôle très important dans la distribution des revenus? Ça, ça a été une des pierres d'assise, je pense, de la société québécoise. On tient à une société égalitaire, on tient donc à une redistribution des revenus beaucoup plus importante que dans d'autres sociétés. Cependant, il y a un prix à payer pour ça et le prix, c'est que forcément l'État, pour bien faire ça, trouve nécessaire de connaître de plus en plus de choses sur nous et de faire des corrélations qui lui permettent d'administrer ses programmes.

Mme Leblanc: Alors, si j'ai bien compris, vous pensez que le débat n'a pas été fait dans son ensemble pour s'assurer que le ministère du Revenu pouvait agir de façon différente et mieux protéger le secret fiscal.

Mme Stoddart (Jennifer): Bien voilà. On se demande si, comme société, on est assez conscient du prix qu'il y a à payer pour ce modèle. On ne dit pas qu'il ne faudrait pas adopter ce modèle ou que, nous-mêmes, on a d'autres modèles, mais je pense qu'une bonne réflexion s'impose. Oui, voici les programmes qu'on fait, voici comment on a choisi de fonctionner, mais voici les conséquences de ça.

Mme Leblanc: On se souvient, Mme Stoddart, que lorsque Mme Dionne-Marsolais a démissionné, c'est parce qu'elle avait transmis de façon illégale des renseignements fiscaux à une firme de sondage privée. D'après vous, si le projet de loi n° 14 qu'on est en train d'étudier avait été en vigueur à l'époque, est-ce que Mme Dionne-Marsolais aurait été obligée de démissionner?

Mme Stoddart (Jennifer): Écoutez, c'est difficile pour moi de faire des commentaires sur les événements, surtout que je n'étais pas à cette époque-là présidente de la Commission d'accès à l'information.

Permettez-moi de dire, par rapport à cette problématique de communication de sondage, que le projet de loi n° 14 représente une rectification importante, une clarification importante dans les balises applicables aux renseignements fiscaux et sur leur utilisation pour des fins autrement que purement fiscales. Il y a toute une série de dispositions sur les contrats qui sont dans le projet de loi et, comme pour tous les sondages, on exige qu'on donne le minimum d'informations nécessaires pour qu'on puisse faire le sondage.

La question de sondage... On pourrait peut-être considérer que peut-être un sondage est peut-être un mal nécessaire en quelque sorte. Beaucoup de... Tous les ministères, je pense, beaucoup de ministères, font des sondages afin de voir comment les programmes sont recueillis et faire les ajustements nécessaires. Donc, c'est peut-être comme un bon administrateur. Il veut savoir comment sa clientèle réagit.

Le problème était qu'on communiquait d'une part trop de renseignements que ce qui était nécessaire, les renseignements nominatifs, j'entends, et à des personnes ou des firmes qui n'étaient pas liées par des règles très strictes de confidentialité et d'imputabilité et qui n'étaient pas obligées de traiter ces renseignements selon les mêmes normes qui obligeaient le ministère. Et le projet de loi fait des modifications importantes dans ce sens-là.

Mme Leblanc: Dans le projet de loi n° 14, à l'article 69.0.0.7, on voit que dorénavant le ministère du Revenu pourra, sans le consentement de la personne concernée, donner des informations de nature fiscale pour la réalisation d'une étude ou d'une recherche ou la production de statistiques. Et la seule, finalement, balise qu'on a, c'est que le ministère du Revenu devra tenir un registre pour informer annuellement les membres de l'Assemblée nationale qu'il y a eu divulgation d'informations, pour quelles fins et comment on va faire en sorte que les dossiers seront détruits, et tout ça. Il y a une certaine procédure établie.

Est-ce que selon vous les contrôles prévus pour la tenue de ce registre-là, est-ce que c'est suffisant pour assurer que le secret fiscal est bien conservé?

Mme Stoddart (Jennifer): Je pense que vous avez deux questions. La première, c'est par rapport à ce qu'on comprend de l'utilisation des renseignements contenus dans les dossiers fiscaux pour les études et les recherches, la production de statistiques. Nous, on comprend que c'est au sein du ministère. Donc, ça serait des études évidemment dénominalisées, ça serait des recherches, la production de statistiques sur la base d'un ensemble de comportements de contribuables, le tout au sein du ministère pour les fins de l'application de la Loi du ministère du Revenu. Alors, dans la mesure où ça n'est pas relié à des individus en particulier et que ça ne sort pas du ministère et que c'est utilisé pour les fins, ça nous semble une utilisation appropriée.

Votre deuxième question était par rapport à la consignation dans les registres. Est-ce que c'est adéquat comme mesure? Je pense d'une part que l'esprit de la réforme qu'on étudie aujourd'hui, c'est de clarifier des règles d'éthique, les règles légales auxquelles sont astreints le ministère et tous ses fonctionnaires. Et deuxièmement, pour plus de sécurité, on l'écrit pour avoir une trace de qui fait quoi. Et ça, c'est nouveau à mon avis; ça, c'est extrêmement important. Ça veut dire que, lors d'une enquête, par exemple la Commission d'accès, si on est appelé à faire une enquête, il y aurait des traces, qui a fait quoi. Donc, on augmente de beaucoup l'imputabilité des fonctionnaires.

n(10 h 50)n

Sans vous dire que ça élimine la possibilité de toute fuite, de toute mauvaise utilisation, de toute fraude, d'autres incidents de ce genre-là, je peux vous dire que c'est certainement une amélioration par rapport au statu quo.

Mme Leblanc: On sait que l'article 69.0.0.7 va permettre de transmettre des renseignements de nature fiscale probablement à des firmes privées, même si c'est pas indiqué clairement à l'article c, parce qu'on peut faire réaliser des études, une recherche, production de statistiques. Donc, il y a lieu de craindre que des informations pourront être transmises à SOM, et des informations contenues dans un dossier fiscal. C'est bien ce que, moi, je lis à l'article 69.0.0.7. Est-ce que, selon vous, ce n'est pas inquiétant que l'on puisse répéter les mêmes choses pour lesquelles Mme Dionne-Marsolais avait dû démissionner?

Mme Stoddart (Jennifer): C'est certainement inquiétant si on pouvait le faire. Cependant, la lecture de la Commission d'accès et des experts qui ont regardé le projet de loi, c'est que, notamment dans les dispositions qui ont trait aux contrats, par exemple des contrats avec des firmes d'informatique, etc., les renseignements que le ministère peut donner à ces occasions-là sont excessivement strictement limités. Ça veut pas dire qu'on peut pas, par erreur ou par bavure, en donner plus, mais c'est peut-être ça qui manquait dans les exercices préalables et c'est ça qui semble, je dirais, une nette amélioration. Mais, ceci étant dit, ça n'empêche pas nécessairement des erreurs, mais il y a des règles et des procédures qui sont là, qui n'étaient pas là auparavant.

Mme Leblanc: Vous avez soumis plusieurs recommandations dans le rapport découlant du couplage des renseignements ou l'appariement des fichiers de renseignements au ministère du Revenu en mars 2000, et certaines de ces recommandations-là visaient la permanence du Bureau de lutte à l'évasion fiscale, et vous vous inquiétez que ce Bureau deviendra dorénavant permanent. Est-ce que vous voyez, par le projet de loi n° 14, une amélioration à la situation que vous avez dénoncée?

Mme Stoddart (Jennifer): Non, pas du tout, et je vous remercie de la question parce que c'est justement quelque chose que je voulais attirer à votre attention ce matin.

À tous les ans, la Commission fait, depuis 1996, un rapport sur les activités du Bureau de lutte contre l'évasion fiscale, et, dans chacun de nos rapports ? le dernier a été déposé par le ministère l'automne dernier, il y en a un prochain qu'on va faire sous peu ? nous nous inquiétons du caractère permanent de ce Bureau de lutte, et nous demandons au législateur de revoir, peut-être à la faveur d'une révision quinquennale ? après, la Commission doit faire une révision quinquennale, peut-être, dans un domaine aussi sensible, on devrait aussi faire une révision quinquennale ? est-ce que ces procédures d'exception, ce vaste échange de renseignements afin de voir qui a un profil de richesse qui dépasse les normes établies par le ministère, avec leur connaissance, est-ce que ceci ne devrait pas être révisé pour voir si ce qui devait être au début une mesure temporaire... Quand ça a été introduit en 1996, on a dit: C'est juste pour lutter contre l'évasion fiscale et ensuite on va voir à l'enlever. C'est ce que j'ai compris. Cependant, elle est toujours là, elle a l'air de plus en plus incrustée, si on peut dire. Je pense que ça serait très sain que, périodiquement, le législateur regarde qu'est-ce que ça a donné, est-ce que c'est vraiment nécessaire, est-ce qu'on doit la maintenir comme une mesure d'exception au secret fiscal.

Donc, vous allez voir cette réflexion tous les ans dans nos rapports et, sans doute, on va la répéter dans celui qu'on va faire cet automne.

Mme Leblanc: Vous avez entre autres...

Mme Stoddart (Jennifer): Excusez-moi, pour répondre à votre question...

Mme Leblanc: Oui.

Mme Stoddart (Jennifer): Le projet de loi, malheureusement, n'aborde pas cette question.

Mme Leblanc: O.K. Un autre article, particulièrement, qui me chatouille, c'est l'article 35. Cet article-là précise que toute entente conclue avant la sanction par le ministère sur la transmission d'informations sera réputée satisfaire aux nouvelles dispositions de la loi. Est-ce que ça veut dire finalement que tout ce qui était entre peut-être les actes qui avaient été répréhensibles et aujourd'hui, tout ça, tout ce qui a été fait depuis ce temps-là, c'est comme une espèce d'amnistie sur tout ce que le ministère du Revenu aurait pu faire? Est-ce que vous ne pensez pas que cet article-là comporte certains dangers?

Mme Stoddart (Jennifer): Écoutez, je pense que c'est pas une disposition qui veut amnistier, je pense que c'est une disposition qui vise à clarifier les questions d'interprétation de «toute entente», mais je sais pas si... Peut-être je pourrais demander au secrétaire de la Commission, qui est un expert dans ces questions. C'est une question assez pointue.

Une voix: Est-ce que le...

M. Ouimet (André): En fait, il s'agit, vous permettez, d'une disposition transitoire, donc, qui régulariserait les ententes qui sont déjà conclues. On sait que, il y a quelques années, entre le ministère du Revenu et la Commission d'accès, il y avait ce qu'on pourrait appeler un contentieux: Est-ce que le ministère devait soumettre ces ententes à la Commission? Depuis quelques années, le ministère du Revenu a pris sur lui de soumettre les ententes à la Commission, et nous les examinons, même si, à une époque, de leur point de vue, ils ne devaient pas soumettre ces ententes-là.

Donc, nous, on n'a pas vu de difficulté juridique particulière quant à l'article 35.

Mme Leblanc: Je sais que, à un certain moment donné, vous avez soumis un rapport, votre dernier rapport qui était daté de janvier 2001, et qui faisait en sorte qu'il y a des contrats du ministère du Revenu qui avaient été accordés à des firmes qui, elles, sous-contractaient, et les sous-contractants ne remplissaient pas la déclaration de confidentialité tel que prévu. Il n'y a rien dans le... Moi, je vois rien dans le projet de loi n° 14 qui oblige un sous-contractant à remplir cette obligation de déclaration de confidentialité. Est-ce que, selon vous, ça n'aurait pas dû être explicitement prévu?

Mme Stoddart (Jennifer): Si on regarde l'article 69.0.0.17 ? je cherche moi-même ? il nous semblait, à l'étude, que cet article-là obligeait ? vous regarderez le deuxième paragraphe, là, et le b ? obligeait le sous-contractant lui-même à se conformer aux mêmes règles auxquelles était astreint le contractant. Ç'a été une préoccupation majeure de la Commission d'accès, je vous assure, depuis un an, et ce n'est pas une question facile à cause de, forcément, la multiplication des contrats avec les spécialisations.

C'est notre compréhension de l'article 69.0.0.17 que ça couvre adéquatement le problème des sous-contractants à qui le contractant délègue à son tour, et que les mêmes obligations, donc, suivent le sous-contractant.

Mme Leblanc: Une dernière question, Mme Stoddart, l'article 37 du projet de loi prévoit que, pour la première année suivant la sanction du projet de loi, une entente écrite qui prouve la communication de renseignements, là, ne sera pas obligatoire. Est-ce que ça vous inquiète?

Mme Stoddart (Jennifer): Je pense pas que ç'a été une préoccupation majeure jusqu'à maintenant, mais je demanderai encore à nos juristes experts de vous donner une réponse plus précise. C'est pas une des choses qu'on voulait vous souligner ce matin, mais...

M. Ouimet (André): Encore...

Le Président (M. Geoffrion): Rapidement, c'est tout le temps qu'on a et... Pour une courte réponse.

M. Ouimet (André): Encore une fois, c'est un article de transition, mais notre modus operandi avec le ministère du Revenu actuellement, c'est qu'ils nous soumettent toutes les ententes qu'ils font.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, merci, Mme la présidente de la Commission d'accès à l'information. Mme Parent, M. Ouimet, M. Morency, merci de votre présence aux travaux de cette commission.

Alors, j'appelle maintenant les porte-parole du Barreau du Québec s'il vous plaît. On va suspendre pour une minute, là, pour laisser le temps de faire la transition.

(Suspension de la séance à 10 h 59)

 

(Reprise à 11 h 1)

Le Président (M. Geoffrion): Alors, nous allons reprendre nos travaux. Alors, nous allons entendre maintenant les porte-parole du Barreau du Québec. Messieurs, bienvenue à cette commission. Me Brière, peut-être, qui est le porte-parole?

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): Marc Sauvé.

Le Président (M. Geoffrion): Pardon?

M. Sauvé (Marc): Marc Sauvé.

Le Président (M. Geoffrion): Me Sauvé?

M. Sauvé (Marc): Oui.

Le Président (M. Geoffrion): Vous voulez présenter vos collègues?

M. Sauvé (Marc): Absolument. Alors, M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, mon nom est Marc Sauvé; je suis avocat au service de législation au Barreau du Québec. Je suis accompagné, pour la présentation du Barreau: d'abord, à mon extrême droite ? ne pas présumer des orientations politiques pour autant ? de Me Jules Brière que vous connaissez probablement bien, c'est un habitué des commissions parlementaires qui est praticien à Québec; Me Paul Ryan qui est aussi un praticien à Montréal mais dans le domaine du litige fiscal; et, à ma gauche, Me Yvon Duplessis qui est professeur à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa.

Alors, le 31 mai dernier, le bâtonnier du Québec, Me Francis Gervais, acheminait au ministre du Revenu, M. Guy Julien, une lettre faisant état des préoccupations du Barreau concernant le projet de loi n° 14. Ces préoccupations peuvent se regrouper d'une façon générale sous divers thèmes. Dans un premier temps, il y a la question des très nombreuses exceptions au principe de consentement pour la communication de renseignements à des tiers; les contrats entre le ministère et les tiers pour l'application de la loi; la question des avis préalables à la Commission d'accès à l'information; le droit d'accès du ministre au dossier fiscal; les restrictions au droit d'accès de la personne concernée prévues à 69.0.0.15; l'accès au registre et aux documents qui y sont référés ou mentionnés à l'article 71.0.9; l'insuffisance des amendes. Et, pour finir, Me Ryan va discuter avec vous de la question de l'accès par le contribuable à son propre dossier et va vous parler aussi du mandat de l'avocat dans ces questions-là.

Alors, premier point: la question des nombreuses exceptions au principe du consentement. La personne concernée par un renseignement personnel doit pouvoir donner son consentement avant que ce renseignement détenu par une autre personne ne puisse être communiqué ou ne soit accessible à un tiers. Le consentement de la personne concernée constitue un des principes fondamentaux de toute législation portant sur la protection des renseignements personnels. Ce principe du consentement est d'ailleurs repris à l'article 69 proposé et à l'article 69.0.0.10. Le projet de loi n° 14 comporte cependant de très nombreuses exceptions à ce principe, notamment 69.0.12, 69.0.16, etc. Les exceptions sont si nombreuses que le principe du consentement prend l'allure ici d'une exception dans le régime proposé. D'une façon générale, nous estimons que les personnes visées ou concernées qui n'ont pas consenti à la communication des renseignements personnels devraient être à tout le moins avisées d'une telle communication. Lorsque de très nombreuses personnes se retrouvent en même temps dans cette situation, un avis public suffisant devrait être publié de façon à informer les personnes concernées.

Deuxième sujet, la question des contrats entre le ministère et des tiers. Dans tous les cas d'ententes, d'accords ou de contrats, le Barreau du Québec est d'avis que des mesures de protection spécifiques doivent être prévues par écrit afin de protéger adéquatement la confidentialité des renseignements personnels détenus dans un dossier fiscal. Le Barreau du Québec est d'avis que l'on ne peut se contenter d'une obligation générale de prendre les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité des renseignements. À titre d'exemple, à 69.0.0.17, on prévoit qu'une personne qui exécute un contrat visé à cet article est tenue de prendre les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité des renseignements communiqués. Cette disposition est insuffisante aux yeux du Barreau. Il est nécessaire de prévoir, dans le contrat lui-même, les mesures précises de protection à prendre afin d'assurer la confidentialité des renseignements contenus dans le dossier fiscal et communiqués à des tiers. Le Barreau est d'avis que, à défaut d'apporter cette modification, l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité du renseignement communiqué demeurera un voeu pieux.

Sur un même registre, on constate aussi à 69.7, 69.0.0.17, la possibilité de sous-délégation contractuelle sans limite avec les difficultés de contrôle que cela entraîne en ce qui concerne la protection des renseignements personnels. La loi ne devrait autoriser qu'une seule sous-délégation avec l'approbation du ministère. Le Barreau du Québec est d'avis qu'à trop vouloir couvrir les besoins particuliers du ministère du Revenu on risque de créer un régime complexe et difficile à appliquer en marge du régime général d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels dans le secteur public.

L'autre rubrique concerne le droit d'accès du ministre au dossier fiscal. L'article 69.0.0.6 prévoit que le ministre prescrit, après consultation de son sous-ministre, les règles gouvernant l'accès, par lui et par les personnes qu'il désigne, d'un renseignement contenu dans un dossier fiscal, sans le consentement de la personne concernée. Nous sommes d'avis que le ministre devrait demander l'avis préalable de la Commission d'accès à l'information avant d'établir ces règles d'accès qui constituent des règles d'exception au principe du consentement de la personne concernée.

Par ailleurs, ces renseignements accessibles par le ministre et sans le consentement de la personne concernée doivent être nécessaires à l'exercice des fonctions du ministre. Il y aurait lieu de circonscrire ou de préciser davantage la portée de l'expression «nécessaire à l'exercice des fonctions» pour que l'exception à l'accès sans consentement ne devienne pas la règle. D'ailleurs, à ce sujet, quand on examine ce qui était proposé par le comité d'experts, on voit qu'il y a une différence entre le libellé de 69.0.0.6 et ce qui était proposé par le comité d'experts à 69.0.0.0.6 où, finalement, ce n'est que lorsque... le document ou le dossier fiscal est accessible au ministre lorsqu'il le requiert auprès du sous-ministre dans le cadre de l'exercice des fonctions qui lui sont conférées en vertu de la présente loi, donc la Loi sur le ministère du Revenu. Donc, à certains égards, on sentait plus de restrictions en ce qui concerne le rapport de l'expert.

Un autre sujet: la question des avis préalables à la Commission. Nous sommes d'avis que le législateur doit davantage utiliser ce mécanisme de contrôle a priori que constitue l'avis préalable de la Commission d'accès à l'information, notamment dans les cas suivants: dans le cas d'une entente avec un autre gouvernement ou un organisme pour faciliter l'exécution d'une loi fiscale, selon l'article 9 proposé; dans le cas de l'accès du ministre à des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée, selon 69.0.0.6 dont on a parlé tantôt, et dans le cas de l'utilisation de renseignements personnels pour la réalisation d'une étude ou d'une recherche selon l'article 69.0.0.7.

Un autre sujet concerne la restriction au droit d'accès à l'information de la personne concernée par le dossier fiscal. Le refus du ministre du Revenu de confirmer ou non l'existence d'une communication de renseignements effectuée selon les articles 69.0.0.12 à 69.0.0.14 prend fin à l'expiration des cinq ans de cette communication sauf, notamment, si cette communication à la personne concernée qui demande d'y avoir accès est susceptible d'entraver le déroulement d'une enquête ou une procédure, ou ne soit autrement contraire à l'intérêt public. On retrouve cette disposition de l'intérêt public à l'article 69.0.0.15 proposé. Or, même dans la Loi sur la santé et les services sociaux, on ne trouve pas cette notion d'intérêt public en matière d'accès à l'information. De l'avis du Barreau, il y aurait lieu de préciser dans la loi elle-même les cas d'ouverture de ce pouvoir de refus qui se prolonge au-delà des cinq ans prévus à l'article 69.0.0.15.

n(11 h 10)n

Et il y a la question de l'accès au registre et aux documents qui y sont mentionnés à l'article 71.0.7. Alors: «Le registre prévu à l'article 71.0.7 est accessible à la personne qui en fait la demande», selon 71.0.9 proposé. Le Barreau recommande que tous les documents mentionnés dans ce registre soient aussi accessibles sur demande avec possibilité d'obtenir des photocopies comme le prévoit en partie l'article 116 du projet de loi n° 122 qui porte sur la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics.

Il y a la question d'insuffisance des amendes ou des peines. Le montant minimum de 200 $ prévu comme pénalité à l'article 71.3.1 proposé est trop faible et ne constitue d'aucune manière un élément dissuasif. Cette amende devrait être d'au moins 1 000 $ et d'au plus 10 000 $; en cas de récidive, d'au moins 10 000 et d'au plus 20 000. Les autres pénalités prévues à l'article 71.3.2 devraient être réajustées en conséquence.

Je cède maintenant la parole à Me Ryan.

M. Ryan (Paul): On m'a demandé de vous parler rapidement des conséquences dans la pratique de tous les jours de la fiscalité. Moi, je représente des contribuables; alors je vais peut-être arriver avec un autre angle que ce que vous avez entendu jusqu'à maintenant. Il y a quelques articles dont je voudrais vous parler rapidement.

Premièrement, l'accès par le contribuable à son propre dossier qui est l'article 69.0.0.2. Je pense qu'on est satisfait même très satisfait. On applaudit que l'accès du contribuable à son dossier, je pense, s'est élargi par cette disposition-là par rapport à la disposition précédente qui parlait encore de documents fournis par le contribuable: il y avait une ambiguïté. Là, on donne accès au dossier fiscal en entier. C'est quelque chose qu'on applaudit.

Peut-être deux remarques d'ordre pratique. La première, c'est qu'on introduit dans le texte de loi même le fait qu'il faut faire une demande aux responsables de l'accès. En pratique, il y a une pratique qui s'est établie. Bon, quand vous êtes cotisé par le ministère, vous pouvez demander au vérificateur de vous donner une copie de son rapport, une copie des feuilles. Il y a toutes sortes de choses qui se font en pratique. J'espère que cette demande-là viendra pas exclure cette pratique-là et qu'on va pouvoir continuer à faire la même chose dans la pratique, sinon il faudra y voir parce que c'est pas nécessaire d'y aller procéduralement tout le temps. Il y a des délais de traitement importants au niveau de l'accès à l'information.

Deuxièmement, on introduit quelque chose qui était déjà dans la Loi sur l'accès au niveau des héritiers, des polices d'assurances, tout ça. Je me suis simplement poser la question, en pratique: Je lègue 100 000 $ à ma secrétaire, et elle vient vous voir pour avoir accès à mon dossier fiscal après mon décès. Qui va déterminer, là... comment le fonctionnaire va déterminer quelle partie du dossier fiscal est pertinente ou pas? Alors, ça pourrait poser des questions d'application difficile. Je fais juste vous souligner à ce stade-ci, cet aspect-là, parce qu'on semble dire, là, qu'il y a un fonctionnaire qui va décider jusqu'où la demande d'accès correspond aux intérêts particuliers de cette personne-là, puis ça ne sera pas facile en pratique. Alors, je vous le souligne.

Il y a dans 69.0.0.3 quelque chose qui nous préoccupait déjà dans l'ancienne version parce que ça reprend en partie 69.0.1 c où on dit que les renseignements concernant un tiers seront pas fournis. Alors, je fais une demande d'accès à mon dossier, il y a des choses là-dedans qui contiennent les informations relatives à un tiers. On peut pas me les donner. Et là je me place du point de vue du tiers; on peut pas me les donner, sauf si je peux démontrer notamment que ce renseignement-là est nécessaire à l'application ou à l'exécution à mon égard de la loi fiscale. Alors là, il n'y a pas eu de jurisprudence depuis que 69.0.1 c était là, mais on était préoccupés que le tiers est peut-être pas très protégé là-dessus parce que celui à l'égard de qui on aurait utilisé une information, celui dans le dossier duquel on aurait utilisé l'information d'un tiers viendrait certainement dire, dans la mesure où cette information-là a servi à établir sa cotisation: Bien, le renseignement est nécessaire pour les fins de l'application de l'exécution de la loi. Alors, c'est un aspect auquel il faudrait probablement faire attention pour protéger les tiers, encore que, comme j'ai dit, il n'y a pas de jurisprudence.

Un dernier petit aspect que je vous mentionne tout de suite, c'est la question des mandats. Souvent les contribuables sont représentés parce que nos lois fiscales sont complexes. Bon, on parle du concept de représentant à 69.0.0.4. Il n'y a pas de gros problèmes là-dessus, sauf que, dans la pratique, ce qu'on remarque, c'est que, bon, quand il y a un problème de fuite, soudainement, pendant quelques mois on a de la misère à se faire accepter comme représentant. On nous demande, là, une série de... un processus compliqué. Quand les fuites sont finies puis on n'en parle plus, ça devient un petit peu plus facile, puis là, s'il arrive quelque chose d'autre... C'est pour ça que je suis un peu surpris que là-dedans ça ne soit pas adressé de manière plus formelle. Je vais vous donner quelques commentaires pratiques. Premièrement, nous autres, au Barreau, on est habitués que, quand on déclare avoir le mandat de représenter quelqu'un, que ça soit accepté sans qu'on nous demande un écrit signé par le contribuable en question. Alors, le ministère du Revenu, vous nous exigez ça. On est capable de vivre avec, mais c'est quelque chose d'exceptionnel pour nous.

Maintenant, il n'y a pas de règle. Est-ce qu'il devrait y avoir une formule prescrite, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une formule prescrite, est-ce qu'on devrait prévoir que ce mandat-là devrait contenir au moins les informations de base, la date de naissance, le numéro de compte, etc. pour protéger le caractère privé de l'information? Parce que bientôt, quand tout va se faire par électronique, vous aurez plus de spécimen de signature du contribuable. Alors, n'importe qui peut vous arriver avec un mandat qu'il prétend détenir d'un contribuable pour avoir accès à un dossier. Et, côté confidentialité, vous allez avoir, je pense, à un moment donné, à décider: ça prend-tu une formule prescrite ou pas. Pour le moment, nous, on est satisfait de le faire par écrit, mais je vous le souligne en passant. Alors, j'ai pas d'autres observations pour tout de suite. On répondra à vos questions.

Le Président (M. Geoffrion): Vous disposez de deux minutes encore.

M. Sauvé (Marc): Alors, écoutez...

M. Ryan (Paul): Veux-tu que je rajoute quelque chose?

M. Sauvé (Marc): Oui. Certainement.

M. Ryan (Paul): Un autre aspect peut-être: ? j'avais été invité ? votre Bureau de lutte à l'évasion fiscale ? ça intéressera la Commission d'accès à l'information ? a fêté leur cinquième anniversaire au mois de juin. Ils ont décidé de m'inviter, comme praticien qui représente des contribuables, à venir leur parler du point de vue du contribuable, puis il y a toutes sortes de choses dont on avait discuté. Il y en a une dont j'avais parlé qui était la publicité de leurs actions. Parce que je disais: Bon, regardez, là, il y a des contribuables... Récemment, il y a un contribuable qui m'appelle, il dit: Paul, je viens de vendre un terrain dans le Nord, 60 000 $, un terrain obscur dans le nord; j'ai envie de pas le déclarer. Quelles sont les chances que je vais me faire attraper? Bien, mon cher ami, regardez donc, justement il y a un programme de croisement de fichiers en ce moment, puis un des fichiers principaux auxquels ils demandent d'avoir accès, évidemment c'est les registres fonciers des diverses municipalités. Si j'étais vous, je prendrais pas de risques. Mais le contribuable ne connaissait pas cela. Et, quand j'avais été appelé à parler de ça, j'avais regardé la loi; il y avait le paragraphe 71 ? attendez une minute ? 71.0.10 qui venait nous dire que le ministre informe annuellement, en temps utile, les contribuables de l'existence de ce programme-là. Je me suis demandé comment ça se faisait. Pour les fins de ma conférence, j'avais découvert qu'on le faisait dans le rapport d'impôt.

Là, dans le nouveau projet de loi, on introduit une nouvelle notion, avec laquelle le Barreau est tout à fait d'accord. On va plus loin que ça, on dit: On va pas informer les contribuables globalement, on va informer les contribuables qui font l'objet... au sujet desquels on fait des demandes, on va les informer qu'on a fait une demande à leur sujet annuellement. On est tout à fait d'accord avec ça, mais on enlève l'autre. Moi, j'aurais laissé l'autre en plus pour continuer à prévoir que vous informez l'ensemble des contribuables de ça. Si cette disposition-là est là pour lutter contre l'évasion fiscale, pourquoi se priver de l'obligation d'en informer les contribuables puis de les tenir au courant de ça? Alors, je vous mentionne ça aussi.

Le Président (M. Geoffrion): Ça complète? Merci, Me Ryan. M. le ministre.

M. Julien: Alors, M. le Président, je vais faire une intervention. Il y a mes collègues aussi qui veulent intervenir auprès des gens du Barreau. D'abord remercier les gens du Barreau de participer à cette commission parlementaire sur un projet de loi qui, en tout cas, à notre point de vue, à mon point de vue, est fondamental pour le futur. Alors, j'accueille avec beaucoup de plaisir vos arguments, vos commentaires pour la bonification, parce que c'est ça, l'objectif, un peu, qu'on vise: comment on peut bonifier et améliorer. Et je prends bonne note aussi, Me Ryan, de certains commentaires, entre autres, de publiciser. C'est une culture qu'on doit renforcir au ministère du Revenu, et je partage votre point de vue à ce niveau-là. Je pense que c'est important d'aller encore beaucoup plus loin dans ce qui se fait. Puis on aura l'occasion de se reparler. Parce que, évidemment, on se rencontre aujourd'hui, on a 15 minutes, alors évidemment... Sauf que, si, dans la suite des travaux pour voir comment on pourrait améliorer ou, en tout cas, répondre à certaines préoccupations que vous nous manifestez, s'il y a lieu de se rencontrer, ça me fera plaisir de le faire parce que vous avez touché aussi d'autres éléments qui me semblent intéressants en tout cas.

Alors, je ferais... J'aurai une intervention, puis j'aimerais avoir votre commentaire sur cette intervention-là, puis ça concerne le consentement; sujet que j'ai entendu parler plus qu'une fois mais j'aimerais avoir vos commentaires parce que c'est un élément important dans le projet de loi. Alors, le principe général, édicté par la Loi sur l'accès, est que l'on ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Par ailleurs, cette même loi édicte également plusieurs exceptions à cette règle, ça, dans des cas très précis: par exemple, si le renseignement est nécessaire à l'application d'une loi au Québec, à l'application de conventions collectives ou autre. Le projet de loi reprend exactement la même structure en établissant une interdiction générale et en prévoyant les exceptions permettant la communication de renseignements sans le consentement de la personne concernée pour des situations aussi très précises.

Par ailleurs, il existe déjà l'équivalent de l'avis public demandé. Il s'agit de l'avis intégré annuellement au guide d'instructions accompagnant la déclaration de revenus et informant les contribuables que le ministère du Revenu pourrait également, dans les limites permises par la Loi sur le ministère du Revenu, communiquer à d'autres ministères et organismes gouvernementaux certains renseignements spécifiques, et ce, aux fins prévues à cette loi. J'aimerais ça avoir vos commentaires sur cette intervention.

M. Duplessis (Yvon): Bon. Si vous me permettez, je vais intervenir sur cette question-là.

Le Président (M. Geoffrion): Me Duplessis.

n(11 h 20)n

M. Duplessis (Yvon): Il existe, à l'heure actuelle, au Québec, un certain nombre de lois concernant la protection des renseignements personnels; la première à avoir été adoptée est évidemment la Loi sur le secteur public, l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Par la suite, est arrivée, en 1994, le 1er janvier, la Loi sur la protection des renseignements personnels du secteur privé et, évidemment, l'adoption, ou l'entrée en vigueur plutôt du Code civil du Québec; finalement, la Loi sur les services de santé et services sociaux, où on a créé un régime particulier, si vous voulez, pour les dossiers médicaux. Alors, c'est le deuxième régime particulier, à ma connaissance, où on crée des dossiers fiscaux.

Ceci étant dit, ce qu'il est important de noter dans le cas du ministère du Revenu, c'est qu'il détient, en tant qu'organisme public et par lui seul, une masse considérable de renseignements ? évidemment, tout le monde est régi, à moins d'être mineur et, en ce sens-là, on veut toujours le demeurer, mais malheureusement un jour il faudra payer des impôts lorsqu'on sera majeur ? alors, déjà, en tant qu'organisme public, détient une masse considérable de renseignements.

Si on réfère deuxièmement à l'article 71 de la Loi sur le ministère du Revenu dont on a modifié le premier alinéa, il y aura également des renseignements que le ministère pourra obtenir d'organismes publics et à des fins de comparaison, de couplage ou d'appariement. Et, pour vous donner un exemple, si on réfère à l'article 71.0.4, le plan d'utilisation des fichiers de renseignements personnels, j'en ai personnellement dénombré plus de 80. Et 80, évidemment on ne vise pas que les municipalités et les commissions scolaires, mais également les différents ministères et autres organismes dont entre autres un organisme mandataire, Hydro-Québec.

Alors, on se retrouve donc avec énormément de renseignements qui sont détenus par le ministère du Revenu et, vous l'avez mentionné à juste titre tantôt, la règle générale énoncée à 53 et à 59 de la Loi sur l'accès dans le secteur public ? et la règle est la même dans le secteur privé ? c'est que c'est la confidentialité et qu'il faut obtenir le consentement de la personne concernée. Et ce n'est qu'exceptionnellement que l'on pourra divulguer sans le consentement de la personne concernée.

Dans votre projet de loi tel que formulé et tel que présenté, on retrouve 13 articles, 13 articles où il est possible de divulguer ou de communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée. Je dois vous avouer que ça fait peur, ça fait peur étant donné la masse considérable de documents qui sont détenus par le ministère. Alors, on se demande... et il est évident que le ministère se doit de posséder de l'information, d'autant plus... Étant donné le caractère économique du ministère, on ne peut pas s'en sortir. Ça, c'est clair.

Mais on se demande quel chien de garde on pourrait mettre en place pour protéger autant le ministère que la population. Or, la population n'a pas de contrôle sur les mesures de sécurité. On a beau avoir le meilleur système, il y a des «whiz kids» qui sont là pour passer à travers le système. Alors, c'est un peu ce qui est rébarbatif, si vous voulez, face à ce projet de loi là. Il y a des évidences, mais on se demande: Est-ce qu'il est nécessaire d'aller aussi loin ou si le remède ne serait pas plutôt de prévoir des dispositions qui permettraient d'informer les citoyens à chaque fois?

Et encore là ça devient quasi impossible à faire. Écoutez, vous faites affaire avec un... x nombre de millions de population. Alors, la question, la réponse serait de trouver en fin de compte un moyen de pallier, si vous voulez, cette possibilité de communiquer des renseignements sans le consentement des personnes concernées. Encore une fois, il faut pas oublier que la règle générale, c'est la protection et c'est la non-communication sans le consentement de la personne concernée.

Et, si vous me permettez, j'ajouterais peut-être, tant qu'à être là-dessus ? d'ailleurs, Me Ryan en a parlé tantôt. On a parlé de l'article 69.0.0.3 qui est à l'article 7 du projet de loi. Encore une fois, ce qu'on mentionne, on dit que, malgré l'article 88 ? c'est des renseignements concernant des tiers ? il est possible de communiquer des renseignements concernant les tiers. Là où je vois une contradiction, c'est qu'à l'heure actuelle le mot «nécessaire» a été interprété autant par la Commission d'accès à l'information que par les tribunaux de droit commun comme signifiant «requis», «indispensable». En d'autres termes, un renseignement qui n'est qu'utile ne peut pas, n'est pas nécessaire au sens de l'interprétation encore une fois autant de la Commission que de la Cour du Québec.

Alors, le problème que ça me pose ici, c'est qu'on dit: «à moins que cette dernière n'y consente ou qu'il soit raisonnable...» À mon avis, «raisonnable» contredit «nécessaire». Nécessaire; pas utile, indispensable, requis. Alors que, si j'arrive avec «raisonnable», bien raisonnable, c'est quoi, le caractère de raisonnabilité? Alors, certains vont penser que je suis déraisonnable; d'autres, raisonnable. Mais raisonnable, à mon avis, a pour effet de contredire le terme «nécessaire», et on parle ici de renseignements qui concernent un tiers, qui sont protégés en vertu de l'article 86 de la Loi sur l'accès, dans le secteur public à tout le moins. C'est ce que j'avais à dire là-dessus.

Évidemment, je n'ai pas de réponse. Si on avait une réponse, ce serait pas trop compliqué, on aurait rédigé un semblable article et on l'aurait proposé. Mais c'est de soulever la problématique, qui à mon avis est très importante, étant donné, encore une fois, et j'insiste là-dessus, la masse considérable de renseignements que vous détenez. Plan d'utilisation des fichiers personnels, j'insiste encore là-dessus, plus de 80 fichiers, c'est énorme.

Le Président (M. Geoffrion): Merci, Me Duplessis.

M. Ryan (Paul): ...sur l'argument où on dit: Bon, on a déjà au Québec un paquet d'autres lois où il y a des mécanismes prévus pour laisser aller de l'information dans un encadrement bien défini, puis tout ça. Donc, on en arrive à ça avec la Loi sur le ministère du Revenu. Moi, je ferais attention à comparer tout ce qui est impôt, fiscalité, le ministère du Revenu avec les autres ministères, pour deux raisons. La première, je pense que la quantité d'informations que le contribuable est tenu de donner au ministère du Revenu est énorme par rapport à ce qu'on peut voir ailleurs. Mais la deuxième, c'est qu'il ne faut pas oublier la raison de base de l'existence du principe du secret fiscal: c'est qu'on est dans un régime d'autocotisation, où on s'attend et où on espère que le contribuable va faire preuve de candeur. Et c'est un équilibre entre les deux: candeur, secret. Même si on veut lutter contre l'évasion fiscale, faut pas aller trop loin du côté de laisser aller le secret, parce que, là, c'est la candeur qu'on va perdre de l'autre bout, puis il y a un équilibre qu'il faut maintenir. Alors, il faut faire attention, moi, je pense, à ces comparaisons-là et traiter ce domaine-ci comme un domaine bien spécifique.

Le Président (M. Geoffrion): Merci. M. le député d'Abitibi-Est avait demandé la parole. C'est une question. Allez-y rapidement.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, M. le Président. Messieurs du Barreau du Québec, vous vous êtes prononcé sur la nécessité ou du moins sur le principe du projet de loi n° 14. Ce projet de loi contient 220 articles ou paragraphes. Est-ce que, à votre avis, il y a, dans ce projet de loi n° 14, un article ou un paragraphe qui devrait être retiré?

M. Duplessis (Yvon): L'article qui devrait... Écoutez, encore une fois, comme je l'ai mentionné tantôt, il y a deux exceptions à la règle générale qui sont créées: le dossier médical et le dossier fiscal. Est-ce qu'on a l'intention de procéder à la pièce, ce qui me semble être une très mauvaise idée, encore une fois? Mais évidemment il y a des organismes qui ont des pouvoirs exceptionnels étant donné leur caractère économique, scientifique ou autre.

Il y a toujours lieu de bonifier une loi. Maintenant, d'éliminer... est-ce qu'on doit éliminer? Écoutez, ça dépend de chacun. Évidemment, écoutez, étant un contribuable et n'oeuvrant pas au sein du ministère du Revenu et n'étant pas payé par le ministère du Revenu, je me sens, en tant que contribuable, un peu peut-être floué avec la masse de documents qui est détenue par le ministère. Je veux dire, Big Brother, là, c'est pas... bon, c'est un peu ça. C'est le ministère du Revenu qui, avec toute l'information qu'il chapeaute, bien, j'ai l'impression que, s'il y en a un qui pèse sur un piton... Je comprends qu'il y a des amendes qui sont prévues à la fin, mais des fois l'appât du gain est plus important que l'amende que l'on a à payer et peut-être même du congédiement alors qu'on sait fort bien qu'on sera réengagé avec une augmentation de salaire.

Bon, ceci étant dit... Je déblatère. Mais, évidemment il y a toujours lieu de le bonifier. Maintenant, on ne prétend pas avoir réponse à tout. On veut tout simplement attirer l'attention du ministère sur des failles que l'on retrouve dans le projet de loi ? on en a mentionné quelques-unes plus tôt. Je pense qu'il y aurait lieu, dans certains cas, peut-être de réviser les cas où on peut obtenir communication de renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée ou, si ce n'est pas le cas, à tout le moins d'aviser cette personne-là que des renseignements seront communiqués sans son consentement et les raisons pour lesquelles on communique ces renseignements-là sans le consentement. Comme l'a mentionné tantôt Me Ryan, on est dans un régime de cotisation volontaire. Alors, je ne pense pas qu'il y ait de règle dans la Loi sur le ministère du Revenu où la personne est coupable d'évasion fiscale avant qu'on en ait quand même démontré ou fait la preuve.

Alors, il faut pas oublier... On tente d'aller chercher le plus de renseignements personnels pour combattre le travail au noir, pour combattre toute sorte de faille qui peut exister dans la loi, ce n'est pas nécessairement la bonne façon, je pense.

n(11 h 30)n

Le Président (M. Geoffrion): Merci. Merci. M. le député d'Abitibi-Ouest, également, avait une question. Allez-y rapidement, il reste deux minutes, là.

M. Gendron: Bien, très rapidement, je pense que c'est des questions importantes, tout le monde le sait. Content que vous soyez là. Par contre, moi, je préfère aborder des questions liées à des grandes orientations que des spécifications qu'on va regarder ? c'est toujours intéressant ? quand on sera rendu article par article.

Alors, dans les grandes orientations ou les commentaires généraux, il y a un jugement qui a été porté par la critique de l'opposition, qui peut être valable, j'ai pas ce qu'il faut pour savoir s'il est valable ou pas, mais il y a rien de mieux qu'avoir la visite puis poser la question à la visite, intéressante et intéressée par ces questions-là. Alors, est-ce que, oui ou non, le projet de loi n° 14 crée davantage de brèches qu'il y en avait? Parce que c'était pour en contrer quelques-unes puis protéger mieux. Première question. Et elle a parlé de multiples entorses, de plusieurs entorses qui s'additionnent. Alors, est-ce que c'est votre jugement? Moi, je demande aux invités: Est-ce qu'il y a plus d'entorses, est-ce qu'il y a plus de brèches, puis est-ce qu'il y a plus de trous? Puis on...

Le Président (M. Geoffrion): Alors, une courte, courte réponse, s'il vous plaît, là, pour terminer. Me Duplessis.

M. Duplessis (Yvon): Écoutez, encore une fois, il y a eu des améliorations, et je pense que Me Ryan l'a mentionné, et précisons. La première, elle est d'importance, c'est la confidentialité du dossier d'un contribuable. Et évidemment on a prévu la possibilité pour certaines personnes, représentants, héritiers, successeurs, etc., d'obtenir l'information. Alors, évidemment, on est allé dans le sens de la loi sur l'accès à l'information. Deuxièmement, on pallie évidemment à certains problèmes qui pouvaient se poser dans le passé, et c'est sorti sur la place publique. Mais, encore une fois, quant à la communication de renseignements sans le consentement des personnes concernées, ça, on a augmenté et non pas diminué.

M. Gendron: J'ai compris ça. Mais, globalement, est-ce que...

M. Duplessis (Yvon): Globalement, il y a des améliorations et...

M. Gendron: ...le projet de loi n° 14 améliore la situation passée?

M. Duplessis (Yvon): Oui, dans certains cas, on améliore la situation. Ça, c'est clair.

M. Gendron: Merci beaucoup.

Le Président (M. Geoffrion): Merci beaucoup. Alors, peut-être que... Mme la députée de Beauce-Sud, la parole est à vous.

Mme Leblanc: Oui. Alors, merci. Pour faire suite à l'échange qu'on avait avec le député d'Abitibi-Ouest, est-ce que, selon l'expertise que vous avez en matière juridique et en matière aussi peut-être fiscale ? M. Ryan est là pour en témoigner ? est-ce que, oui ou non, vous êtes d'accord avec le projet de loi n° 14?

Le Président (M. Geoffrion): Me Brière, s'il vous plaît.

M. Brière (Jules): Si vous demandez un avis en bloc... C'est sûr que chaque personne peut avoir son opinion sur le détail d'un projet de loi comme celui-là, mais je pense qu'on est tous d'accord pour dire que c'est un effort louable de baliser, finalement, l'accès aux informations fiscales. La nouvelle notion de «dossier fiscal» qui est consacrée dans la loi est une protection additionnelle, et je pense qu'on est tous d'accord pour saluer l'effort qui est fait. Et donc, on est d'accord avec le principe et avec l'intention de ce projet de loi là.

Par ailleurs, on a tous le sentiment que certaines modalités ou certaines dispositions de ce projet de loi là auraient avantage à être resserrées. Par exemple ? enfin, j'en donne un qui me frappe toujours personnellement lorsqu'on en traite dans les projets de loi en matière de protection des renseignements personnels ? j'ai de la difficulté parfois à saisir comment il est nécessaire de donner accès à des renseignements sous forme nominative pour faire de la recherche. Je comprends que, ici, l'utilisation que l'on entend en faire, c'est pour les fins du ministère, mais il y a une impartition de cette fonction-là qui est possible, il y a des contrats et sous-contrats qui peuvent être donnés, et il y a peut-être là une zone où on pourrait resserrer davantage avant de transmettre des informations à un sous-sous-contractant, de s'assurer qu'elles soient dénominalisées, par exemple.

Enfin, je comprends que, quand on fait de la recherche médicale d'ordre... qui implique des identifications de familles ou d'hérédité, on doive garder sous forme nominative certains renseignements, mais, pour des fins fiscales ou de la recherche de cette nature-là, il me semble qu'il devrait pas y avoir de brèches pour des fins de recherche ou pour des fins de statistiques.

Ça, c'est un exemple, il y en a peut-être d'autres. Il y a, par exemple, la disposition qui permet au ministre de recevoir communication de certains renseignements. Je trouve qu'il y avait une certaine sagesse...

Une voix: ...

M. Brière (Jules): 69.0.0.0.6, c'est ça. Il y avait une certaine sagesse dans la recommandation, qui était plus large à certains égards, du comité que vous aviez nommé pour travailler là-dessus, qui était un petit peu plus large à certains égards, mais il y avait une certaine sagesse à faire en sorte que ce soit finalement le sous-ministre qui détermine qu'est-ce que le ministre ou les gens de son entourage doivent recevoir.

Ici, la formule qui a été utilisée, c'est une formule qui ne restreint pas, finalement, les personnes qui peuvent recevoir ces renseignements-là mais qui dit, qui prévoit que le ministre, après consultation du sous-ministre, va déterminer les règles. Moi, si j'étais ministre, je ne suis pas certain que je serais confortable avec ça, parce que, en termes d'imputabilité, il pourrait y avoir certaines difficultés. Il y a une certaine sagesse, je pense, à ce que ces renseignements-là soient strictement filtrés par l'administration avant d'aller au niveau politique, mais ça, c'est une opinion personnelle, là, mais je trouve qu'il y avait une certaine sagesse, dans la recommandation du comité, qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi.

Alors, ce sont deux exemples, il y en a sûrement d'autres. Et c'est une question d'opinion sur ce dernier point, là, c'est un peu sensible, mais j'ai voulu donner deux exemples. Il y en a sûrement d'autres, mon collègue Duplessis en a donné quelques autres, mais, ceci étant dit, il y a un effort qui est très valable de baliser l'accès, et je pense que cet effort-là doit être continué avant que le projet de loi soit adopté.

Le Président (M. Geoffrion): Mme la députée.

Mme Leblanc: Alors, merci. J'aimerais peut-être poursuivre dans la définition du dossier fiscal. On sait que, maintenant, un dossier fiscal sur les informations qui auront été introduites par le contribuable lui-même et toute information relevant de l'administration par un fonctionnaire qui travaille un dossier fiscal ne sera plus considéré comme un dossier fiscal, des informations de nature fiscale. Est-ce que, selon vous, le fait que... Si on réfère à l'affaire Ghislain Lebel, le fait qu'un contribuable n'ait pas payé ses impôts constituera-t-il, à votre sens, une information de nature fiscale d'un dossier fiscal ou si, au contraire, il relève à ce moment-là de l'administration du travail d'un fonctionnaire et donc n'est pas sujet aux mêmes règles qu'un dossier fiscal?

M. Ryan (Paul): Si je regarde le projet d'article 69, qui est à l'article 7 du projet de loi, il y a deux... c'est le deuxième et le troisième paragraphes qui nous permettent de répondre à cette question-là. Ça va dépendre de l'interprétation d'un mot, mais le deuxième paragraphe, la réponse serait oui, parce qu'on dit: «Le dossier fiscal d'une personne est constitué des renseignements que le ministre détient à son sujet.» Alors que, dans l'ancienne loi, on disait... on parlait plutôt des renseignements fournis par le contribuable, là on parle des renseignements détenus. Je sais pas si ça suppose vraiment que ce sont ceux qui ont été fournis par le contribuable ou que c'est l'ensemble des renseignements qu'il détient, sous quelque forme que ce soit, pour l'application, l'exécution d'une loi fiscale. Alors, selon ce premier paragraphe là, qui est le deuxième, la réponse, ça serait: Oui, ça fait partie du dossier fiscal.

Dans le deuxième paragraphe, on dit: «Ne constitue pas un dossier fiscal un dossier constitué pour l'administration ou la direction du ministère du Revenu.» Alors, moi, je l'interprétais, en le lisant rapidement, pas la direction, l'administration du dossier du contribuable, mais vraiment la direction, l'administration du ministère lui-même. Et, si c'est interprété comme je le pense, ça devrait pas poser un problème parce qu'évidemment le fait que vous devez de l'argent, ça fait pas partie de l'administration et de la direction du ministère lui-même, ça fait partie de l'administration de votre dossier. Et je pense que c'est ça, la nuance qu'ils voulaient peut-être... Moi, je l'avais compris comme ça, mais, si ça a besoin d'être clarifié, peut-être qu'à l'étape suivante ça pourrait être regardé. Mais, moi, je l'avais compris comme ça.

Mme Leblanc: Est-ce que, selon vous, le libellé actuel du projet de loi est assez clair pour éviter toute ambiguïté à l'avenir?

M. Ryan (Paul): Moi, je pense qu'en disant «l'administration et la direction du ministère du Revenu» puis en référant au premier alinéa de l'article 2 puis aux articles 3 à 6, qui sont les articles de la Loi sur le ministère du Revenu qui portent sur l'administration, d'après moi, on est correct. Mais j'ai pas avec moi les articles 2 puis 3 à 6 pour voir si on rentre dans la gestion de dossiers de contribuables en y référant. Mais, à première vue, moi, ça me semble correct.

Mme Leblanc: O.K. On a... Si on fait suite aux événements qui ont provoqué la démission de Rita Dionne-Marsolais, par lesquels elle avait transmis des informations de nature fiscale ? on parle de dossiers TP-1, alors c'est vraiment la déclaration d'impôt, des informations qui sont tirées de là ? est-ce que, selon vous, le projet de loi n° 14 va faire en sorte de resserrer assez fortement les règles pour ne pas que ça se reproduise à l'avenir?

M. Ryan (Paul): Bon, on l'a regardé ensemble ce matin, puis, moi, j'ai pas vu là-dedans «pour sondage», puis c'est un peu qu'est-ce que mon collègue à droite mentionnait. Est-ce qu'on exclut l'information nominative? Parce que, moi, d'après moi, tout ce qui est sondage, normalement, on devrait exclure spécifiquement dans le projet ce qui est nominatif. À partir du moment que tu enlèves ce qui est nominatif, déjà il y a une grosse partie du travail de fait. Je l'ai pas trouvé ce matin en le re-regardant, mais est-ce qu'il est dedans ou...

Une voix: Non, il n'y a pas de mention dans la loi.

M. Ryan (Paul): O.K. Alors, ça, ça serait...

n(11 h 40)n

Mme Leblanc: Donc, il y aurait l'article 69.0.0.7, là. On parle de la réalisation d'une étude, d'une recherche sur la production de statistiques, là. Alors, un sondage fait partie de cette définition-là.

M. Ryan (Paul): Mais on ne dit pas qu'avant de le laisser passer il faut enlever ce qui est nominatif.

Mme Leblanc: Non.

M. Ryan (Paul): Je pense que c'est ça, le problème, puis c'est ça qui devrait être dit d'une manière plus précise. À moins que ça soit dit ailleurs dans un autre article, là. C'est ça, le point. Je l'ai pas vu, moi, mais il est peut-être dit ailleurs. Il l'est pas? S'il l'est pas, moi, en tout cas... Je ne sais pas si mes collègues partagent mon opinion ici. Me Duplessis, peut-être...

Mme Leblanc: Parce qu'on dit bien qu'un renseignement contenu dans un dossier fiscal peut être transmis, sans le consentement de la personne, pour la réalisation d'une étude, d'une recherche de statistiques. Est-ce que, ça, ça ne vous inquiète pas?

M. Ryan (Paul): Bien, ça m'inquiète. Tant qu'on n'enlèvera pas le caractère nominatif, ça nous inquiète certainement. Là, on est au sein du ministère dans cet article-là, mais je pense qu'ailleurs on pouvait le faire sortir aussi. C'est une des...

M. Duplessis (Yvon): Ça nous inquiète d'autant plus que, si vous regardez la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, vous avez l'article 125 qui vient, si vous voulez, imposer certaines conditions à respecter avant que l'on ne communique quoi que ce soit.

Suite à un jugement de la Cour d'appel qui a été rendu récemment, en l'an 2000 ? alors, c'est donc un jugement récent, 2000, RGQ, page... la page m'échappe ? la Cour d'appel a rendu un jugement sur l'équivalent de l'article 125 mais en application à la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Suite à ce jugement-là, le législateur que vous êtes est intervenu et a adopté les articles 19.1 et 19.2, encore une fois pour établir des paramètres à respecter avant de pouvoir communiquer de l'information. Il n'y a ici, malheureusement, aucun paramètre.

Et il ne faut pas oublier qu'il n'y a pas que l'article 69.0.0.7. Vous n'avez pas abrogé tous les articles de la Loi sur le ministère du Revenu qui concernent la communication de renseignements personnels. Il y a également l'article 69.1, le paragraphe k, qui vise, encore une fois, l'Institut de la statistique du Québec. Alors, des renseignements, encore une fois, qui pourraient leur être communiqués en vertu de cette disposition-là.

Alors, il n'y a pas de paramètres prévus à 69.0.0.7, et il serait certainement préférable d'en prévoir ? ça, on s'entend là-dessus ? d'autant plus, et c'est ce qui est important ? et d'ailleurs, Mme la présidente de la Commission d'accès à l'information l'a mentionné ce matin ? on a beau parler, à 69.0.0.7, que c'est au sein du ministère, mais l'article 69.0.0.17 prévoit la possibilité d'accorder un contrat et une sous-délégation de contrat. Alors, ça peut avoir un impact quand même important.

Mme Leblanc: Tantôt, la présidente de la Commission d'accès à l'information nous a dit qu'elle pensait que ce qu'on retrouvait à l'article 69.0.0.7 était à l'interne du ministère. Par contre, si on réfère à l'article 69.0.0.17, vous allez voir que, là, on fait explicitement référence au 69.0.0.7, et là on parle de contrats qui sont émis. Alors...

M. Duplessis (Yvon): C'est ce que je vous mentionnais.

Mme Leblanc: ...on n'a pas de protection, là, à l'effet que ces données-là vont continuer à circuler à tout vent, là, auprès de firmes privées.

M. Duplessis (Yvon): Bien, écoutez, non seulement il y a pas de protection, mais ? d'ailleurs, Me Ryan l'a mentionné tantôt, c'est-à-dire Me Sauvé ? si vous regardez l'article 69.0.0.17, on parlait de a, tantôt: «Prendre les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité du renseignement communiqué.» Regardez maintenant l'article 69.8c du même projet de loi. Je me demande pourquoi on établit des règles plus strictes dans certains cas, alors que, à mon avis, cette règle de prévue à 69.8c, «les moyens mis en oeuvre et les mesures de sécurité prises pour assurer la confidentialité des renseignements communiqués», écoutez, c'est un contrat. Les renseignements sortent à l'extérieur du ministère. Non seulement ça, mais vous pouvez avoir une sous-délégation contractuelle, sans limite d'ailleurs, comme on l'a mentionné tantôt. De là l'importance capitale, à mon avis évidemment, à notre avis, d'insérer certainement une disposition telle que celle que l'on retrouve à c plutôt que celle que l'on retrouve à a à 69.0.0.17.

Mme Leblanc: Merci pour la précision. Une dernière question peut-être, il nous reste pas beaucoup de temps.

Le Président (M. Geoffrion): Deux minutes.

Mme Leblanc: Deux minutes.

Le Président (M. Geoffrion): Allez-y.

Mme Leblanc: Concernant le crime organisé et la divulgation d'informations à des corps policiers, je sais que vous travaillez probablement ? M. Ryan pourra en témoigner ? avec des entreprises qui font nombre de transactions, et des transactions qui peuvent chiffrer à des montants assez élevés. Est-ce que le fait qu'un fonctionnaire, par exemple, qui voit qu'il y a énormément de circulation d'argent dans des comptes pourrait s'inquiéter que cette personne-là fasse des activités d'ordre criminel, est-ce que, ça, ça vous inquiète?

M. Ryan (Paul): Bien, moi, je pense que ce que la présidente de la Commission d'accès à l'information a mentionné, qu'il y a déjà des procédures en matière de perquisition qu'elle avait comparées, où on demande l'autorisation d'un juge qui se fait rapidement, qui se fait ex parte. Elle n'a pas mentionné ex parte aussi, mais le contribuable n'est pas là. Je pense que ça serait plus prudent dans cette disposition-là de prévoir qu'on aille chercher l'autorisation d'un juge. Ça fait un arbitre impartial. Un juge est là pour ça, pour regarder ça. Il ne doit pas y en avoir des cinquantaines, de cas de crime organisé, de toute manière. Moi, je pense que ça serait plus prudent, ça serait plus prudent pour votre disposition, qui pourrait autrement être attaquée également pour son non-respect de certaines chartes, etc. S'il est prévu qu'un juge intervient, bien, à ce moment-là, ça devient plus inattaquable.

Mme Leblanc: Merci, M. Ryan.

Le Président (M. Geoffrion): Bien. Alors, Me Brière, M. Ryan, Me Sauvé, Me Duplessis, merci beaucoup de votre visite, de votre passage à la commission des finances publiques. Merci beaucoup.

Alors, j'appelle les représentants de l'Association sur l'accès et la protection de l'information.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Geoffrion): Alors, s'il vous plaît, à l'ordre! M. le ministre. Alors, Mme Desbiens, la présidente, je vous souhaite la bienvenue.

Association sur l'accès et la protection
de l'information (AAPI)

Mme Desbiens (Lina): Merci.

Le Président (M. Geoffrion): Vous allez peut-être identifier vos collègues?

Mme Desbiens (Lina): Oui. Alors, qui m'accompagnent aujourd'hui... Je suis Lina Desbiens, je suis la présidente de l'Association sur l'accès et la protection de l'information. Me Stéphanie Vigneault, qui a collaboré à la rédaction du mémoire, m'accompagne ainsi que Mme Linda Girard, directrice de l'Association.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les députés, j'aimerais d'abord remercier la commission de nous avoir invités à venir présenter nos commentaires ici, à la commission. On voit la qualité des intervenants et on est flattés de votre invitation.

Avant d'aborder le projet de loi, j'aimerais d'abord vous présenter brièvement notre association. Je crois que ça vous permettra de mieux comprendre, en fait, dans quelle perspective on a analysé le projet de loi. Alors, l'Association sur l'accès et la protection de l'information est un organisme sans but lucratif incorporé depuis 1991 et compte 300 membres individuels et 18 membres corporatifs provenant des secteurs public et privé. Elle a pour mission de promouvoir et faciliter la mise en application dans les organismes publics et les entreprises privées de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Les membres de notre association sont pour la plupart des responsables ou des répondants de la Loi sur l'accès dans le secteur public et des personnes qui s'intéressent à la protection des renseignements personnels. Depuis l'entrée en vigueur de la loi dans le secteur privé, nous comptons aussi des membres du secteur privé.

n(11 h 50)n

Passons maintenant au projet de loi n° 14. Dans un premier temps, nos commentaires seront généraux et seront suivis d'observations plus particulières relativement à certaines dispositions du projet de loi. Tout d'abord, l'AAPI est heureuse de constater que le législateur a substantiellement modifié l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu, notamment en y introduisant le concept de dossier fiscal qui rend beaucoup plus facile la lecture de la section relative à la protection des renseignements confidentiels. Cette approche est plus conforme à la tradition d'inspiration civiliste du législateur québécois. Or, il semble malheureusement que le législateur n'ait pas privilégié cette approche tout au long du projet de loi. En effet, notre association remarque que trop souvent le projet de loi reflète une volonté du législateur de prévoir à l'avance une foule de situations particulières. Cette approche, propre à une tradition de «common law», en plus d'alourdir considérablement le texte de loi, risque de créer des situations de vide juridique et de conflits d'interprétation entre les différentes lois en matière de protection de renseignements.

Il faut se rappeler que la protection des renseignements personnels n'est pas propre au ministère du Revenu. Comme les lois s'interprètent les unes par rapport aux autres, le législateur aurait dû s'inspirer davantage des lois relatives à la protection des renseignements personnels, particulièrement à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels qui constitue le régime de base en cette matière. Nous tenons à souligner l'influence que pourrait avoir une telle approche sur les organismes publics qui ont eux aussi un régime particulier de protection de renseignements confidentiels à administrer.

Par ailleurs, notre association se rend bien compte de l'importance qu'il faille accorder à la lutte contre le crime organisé et félicite les efforts déployés par le gouvernement en ce sens. Or, les dispositions nouvellement introduites par le projet de loi inquiètent. En effet, l'application des nouveaux articles 69.0.0.12 et suivants pourrait potentiellement être lourde de conséquences étant donné la complexité des définitions qu'ils contiennent et de l'étendue du pouvoir de communiquer des renseignements accordé aux fonctionnaires qu'ils renferment.

Nos commentaires particuliers se résument en sept points. Dans un premier temps, notre association constate que la modification proposée à l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu exclut de la définition de dossier fiscal un dossier constitué pour l'administration ou la direction du ministère en application de certaines dispositions. Un tel dossier peut contenir des renseignements confidentiels ou du moins des renseignements nominatifs au sens de la Loi sur l'accès. De tels renseignements risquent d'être communiqués et accessibles sans le consentement de la personne concernée. L'AAPI recommande donc au législateur de modifier l'article 69 afin de prévoir l'obligation pour le ministre d'obtenir le consentement de la personne concernée avant de communiquer des renseignements nominatifs, au sens de la Loi sur l'accès, contenus dans un dossier constitué en application du premier alinéa de l'article 2 et des articles 3 et 6 de la loi. À défaut d'apporter cette modification, l'AAPI recommande au législateur de conserver l'huis clos, les procédures prévues dans la version actuelle de l'article 69.

En ce qui a trait à l'article 69.0.0.2, qui impose qu'une demande d'accès soit faite par écrit, l'expression «par écrit» ne reflétant plus la réalité et l'évolution des nouvelles technologies, l'AAPI se questionne quant à savoir si cette disposition a fait l'objet d'une harmonisation avec la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information récemment adoptée.

Relativement à la modification proposée par l'ajout de l'article 69.0.0.4, laquelle établit une liste exhaustive des personnes pouvant agir comme représentant de la personne concernée, nous devons rappeler que le Code civil du Québec prévoit déjà des règles en matière de représentation. Considérant le postulat de la rationalité du législateur, ce dernier se devant d'harmoniser le plus possible les lois particulières au Code civil du Québec, l'AAPI recommande au législateur de remplacer l'article 69.0.0.4 par le suivant: «Les droits conférés par la présente section à une personne peuvent être exercés par une personne qui a qualité pour agir comme représentante.»

En ce qui concerne la modification proposée par l'ajout de l'article 69.0.0.6, laquelle établit une liste des personnes à qui un renseignement peut être accessible au sein du ministère sans le consentement de la personne concernée, il importe de mentionner que cette façon de rédiger risque fort de laisser certaines situations tomber dans un vide juridique. En conséquence, notre association recommande au législateur de simplifier cet article du projet de loi de façon à ce qu'un renseignement ne soit accessible qu'au ministre ou à toute personne qui a qualité pour recevoir un tel renseignement lorsque celui-ci est nécessaire à l'exercice de ses fonctions. Cette formulation est plus conforme à celle que l'on retrouve dans la Loi sur l'accès.

La modification proposée par l'ajout de l'article 69.0.0.12 accorde un pouvoir de communication considérable aux fonctionnaires et employés du ministère du Revenu. Les concepts d'infraction grave et d'organisation criminelle sont des concepts de droit criminel qui font affaire... qui font appel à des connaissances particulières. Comme certains renseignements contenus dans un dossier fiscal peuvent avoir été recueillis en application d'une loi administrée par un autre ministère et dont le ministère du Revenu n'a pas l'administration, notre association recommande donc au législateur de prévoir que les renseignements puissent être communiqués au Procureur général plutôt qu'à un corps de police, ce qui permettra au Procureur général de filtrer ou d'harmoniser les éventuelles poursuites.

La modification proposée par l'ajout du paragraphe g à l'article 69.0.1 prévoit qu'un renseignement peut être communiqué, sans le consentement de la personne concernée, au ministre des Relations internationales à l'égard des communications officielles avec les gouvernements étrangers et leurs ministères, les organisations internationales et les organismes de ces gouvernements et de ces organisations. Or, notre association remarque que le critère de nécessité généralement requis pour qu'une communication de renseignements soit autorisée n'a pas été repris. Notre association rappelle de plus que les cas où une communication de renseignements sans le consentement de la personne concernée peut être effectuée doivent constituer des cas d'exception.

La modification proposée par l'ajout de l'article 69.8 vise les communications de renseignements entre le ministre et des organismes publics et prévoit des règles qui doivent gouverner de telles communications. Il est important de noter que la Loi sur l'accès impose déjà certaines règles qui doivent être respectées par tous les organismes publics dans le cadre d'échange de renseignements. La modification proposée à cet article crée donc un régime à deux vitesses. En conséquence, notre association recommande au législateur d'assouplir les règles prévues à cet article, étant donné que tous les organismes publics doivent déjà se conformer aux dispositions de la Loi sur l'accès, qui encadre ce type de communication.

En conclusion, l'AAPI tient à faire remarquer à la commission que, même si la nature des renseignements contenus dans un dossier fiscal justifie l'adoption de règles particulières, il est important de se rappeler qu'il existe un régime de base en matière de protection de renseignements. Il aurait été souhaitable que le législateur harmonise davantage les articles 69 et suivants de la Loi sur le ministère du Revenu aux dispositions de la Loi sur l'accès. Quant aux dispositions introduites pour contrer le crime organisé, l'AAPI se permet de faire une mise en garde: Bien que l'objectif soit des plus louable, notre association émet des doutes sérieux quant à l'étendue des moyens pour y arriver.

C'était l'essentiel de nos commentaires, et je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, merci, Mme Desbiens, de votre mémoire. M. le ministre, la parole est à vous pour 15 minutes.

M. Julien: Oui, merci, M. le Président. D'abord, je veux remercier Mme la présidente ainsi que vos collaboratrices de participer. Puis j'apprécie beaucoup votre collaboration dans le cadre d'un projet de loi qui, vous l'avez mentionné d'ailleurs, est quand même un projet de loi fondamental, qui est important dans les sujets qui nous préoccupent, particulièrement lorsqu'on parle de confidentialité et autres. Donc, j'apprécie beaucoup votre présence.

Je veux regarder avec vous un certain nombre d'éléments, parce que, évidemment, l'objectif, c'est de voir comment on peut bonifier, améliorer, s'assurer en sorte que les objectifs poursuivis par le ministère, la Commission d'accès à l'information, par votre association fassent en sorte que, dans nos mandats, on se respecte mutuellement. Parce qu'on a chacun nos objectifs, mais, à quelque part, je pense qu'il y a moyen de trouver ce que j'appellerais un modus vivendi.

J'aimerais vous faire un commentaire puis avoir vos réactions, parce que j'ai noté, si on a bien lu... c'est que «le législateur aurait dû s'inspirer davantage des lois relatives à la protection des renseignements, particulièrement de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels». C'est ce qu'il y avait dans votre texte, si on l'a bien compris. J'aimerais vous faire un commentaire puis avoir votre réaction à ce sujet-là.

n(12 heures)n

Le projet de loi n° 14 est justement inspiré de la structure et des concepts de cette loi, notamment en introduisant les règles d'accessibilité et d'utilisation des renseignements au sein du ministère du Revenu, les règles de communication, les obligations de dénoncer l'usage des renseignements et de soumettre une entente de communication de renseignements à la Commission d'accès à l'information. Par ailleurs, la Loi sur l'accès est justement le régime minimal de protection des renseignements fiscaux, puisqu'en cas de silence de la Loi sur le ministère du Revenu la Loi sur l'accès est supplétive. Et, comme je l'ai mentionné dans l'introduction ce matin, on se rend compte que les mesures concernant la protection des renseignements fiscaux, dans la plupart des cas, sont beaucoup plus sévères au ministère du Revenu. On a vraiment renforcé cependant, évidemment, la Loi sur l'accès demeurant toujours supplétive ou au-dessus. De plus, une excellente démonstration de ceci est la modification de l'article 171 de la Loi sur l'accès, qui fait en sorte que les dispositions de la Loi sur le ministère du revenu ont préséance sur celles de la Loi sur l'accès lorsque ces dispositions sont plus protectrices que celles de la Loi sur l'accès. J'aimerais ça avoir vos réactions sur ces propos, s'il vous plaît.

Mme Desbiens (Lina): Oui, en fait, l'approche qu'on a eue à l'Association, c'est que, bon, on représente principalement des responsables de l'accès. Et, comme responsables, on a à appliquer la loi; on n'a pas à appliquer nécessairement la Loi sur le ministère du revenu, mais on a à appliquer nos lois dans le quotidien, et tous les concepts, application de la loi versus exécution de la loi, et dès qu'il y a une particularité d'ajoutée, c'est considéré comme étant une application différente. Et c'est dans cet esprit-là que, nous, on dit: Bon, harmoniser, c'est au niveau des termes utilisés ou dans la façon de rédiger, parce qu'on remarque que, de façon générale, bon, c'est construit un peu comme les lois de l'impôt aussi où on prévoit un paquet d'exceptions ou de particularités. Et le projet de loi règle beaucoup de problématiques propres au ministère du Revenu dans des termes d'accès à l'information. Alors, nous, comme responsables, on se dit: Bon, bien, c'est bien pour le ministère du Revenu, mais, si on prévoit une exception, quand, nous, on va arriver pour appliquer notre disposition ? vous citiez tout à l'heure l'article, je ne sais pas si c'est 67 ou 69, là, quand on dit communiquer dans l'application de la loi ? bien, dans votre projet de loi, on remarque que c'est application et exécution de la loi. Est-ce que, bon, dans le quotidien du responsable, on devra faire une distinction si c'est l'application ou l'exécution de la loi, un peu comme la remarque aussi par rapport aux règles, là, de la commission pour communiquer... c'est quoi la... Quand on dit: Bon, la Commission d'accès établit déjà des balises ou des façons de faire qui ne sont pas nécessairement prévues spécifiquement dans la Loi sur l'accès mais qui sont une façon de faire chez les responsables de l'accès et dans le projet de loi n° 14 on prévoit toutes les modalités, c'est vrai, ça rejoint un peu ce que vous dites, que vous avez voulu prévoir plus, mais ça peut être contraignant pour les autres responsables d'accès dans les autres organismes publics qui ont aussi des renseignements qui seront communiqués au ministère du Revenu dans le cadre des échanges de fichiers ou d'autres situations. C'est l'approche générale qu'on a prise dans l'analyse du projet de loi.

Le Président (M. Geoffrion): Allez-y.

M. Julien: M. le Président... Merci, Mme la présidente. Effectivement, lorsqu'on parle de dosage, c'est sûr qu'il y a toujours là un jeu qui fait en sorte que c'est important que vous veniez nous communiquer justement vos préoccupations à ce sujet-là pour voir comment effectivement on est capable de le faire dans les lignes tel qu'on le prévoit dans le cadre du projet de loi, mais aussi en tenant compte de vos préoccupations. Mais le dosage, c'est effectivement toujours un petit peu plus difficile.

Vous avez fait un autre commentaire aussi ? j'aimerais ça le mentionner ? que la notion de dossier fiscal exclut un dossier constitué pour l'administration de la direction du ministère en application de certaines dispositions. Donc, vous recommandez de prévoir l'obligation pour le ministre d'obtenir le consentement de la personne concernée avant de communiquer des renseignements nominatifs, au sens de la Loi sur l'accès, contenus dans un dossier constituant l'application des articles 2, et 3 à 6 de la loi.

J'aimerais avoir vos réactions sur le commentaire que je vais faire. J'aimerais ça souligner d'abord que ces dossiers qui sont exclus sont généralement des dossiers d'enquête administrative de préemploi ou d'enquête visant à déterminer si un fonctionnaire est en situation de conflit d'intérêts. Donc, c'est l'évaluation du départ. Parce qu'au ministère il faut savoir que, lorsque quelqu'un est engagé, il y a toute une panoplie de vérifications. Même si on assiste des fois malheureusement à certains cas, il reste que les 10 000 fonctionnaires qui sont là ont à avoir certaines enquêtes administratives. Alors, comme la majorité des renseignements recueillis lors de ces enquêtes ne sont pas de nature fiscale, il est logique qu'ils ne fassent pas partie du dossier fiscal. En étant explicitement exclus du dossier fiscal, ils sont par conséquent régis par la Loi sur l'accès. Ainsi, les dossiers des fonctionnaires du ministère du Revenu sont traités de la même façon que ceux des autres fonctionnaires de la fonction publique. Alors, j'aimerais ça avoir votre réaction là-dessus.

Mme Desbiens (Lina): En fait, la problématique qui a été soulevée quand on a discuté du projet de loi, c'était ? bon, je comprends toute la notion de dossier administratif ? mais on disait, justement, dans le cadre des enquêtes ou parce que, bon, l'ancienne disposition prévoyait, je ne sais pas, moi, si un fonctionnaire se retrouvait devant la Commission de la fonction publique ou le Tribunal du travail bon, peu importe, c'est que, là, c'est à ça qu'on pensait, un fonctionnaire qui aurait consulté un dossier fiscal d'un contribuable sans autorisation. C'est de la protection de ce dossier-là dont on parle, c'est-à-dire les autres informations fiscales d'un contribuable qui pourraient se retrouver, dans le cadre d'une enquête, devant le Tribunal du travail. Parce que, en fait, on remarque la différence dans la rédaction avec l'ancienne disposition où on prévoyait, on énumérait toutes les situations d'arbitrage, de grief ou de Tribunal du travail, où on disait: Bon, bien, dans ces cas-là, ça devrait être à huis clos. Alors, c'était cette particularité-là qu'on voulait soulever, on disait: Bon, dans ce contexte-là, on devrait peut-être assurer une protection.

M. Julien: O.K. Je prends le commentaire, M. le Président, on va le vérifier, mais, en tout cas, ma première réaction, c'est qu'on n'a pas tellement touché à cet élément-là. Mais je vais quand même vérifier ces choses-là, je pense que c'est important.

Vous avez aussi un commentaire... À la fin, vous dites que l'article 69.0.0.4 établit une liste exhaustive des personnes pouvant agir comme représentants. L'Association rappelle que le Code civil du Québec prévoit déjà les règles en matière de représentation, et elle suggère le texte suivant à 69.0.0.4: «Les droits conférés par la présente section à une personne peuvent être exercés par une personne qui a qualité pour agir comme représentant.»

Alors, j'aimerais vous faire un commentaire, et j'aimerais ça avoir votre réaction. Cette énumération vise à résoudre les problématiques particulières auxquelles le ministère a dû faire face dans le passé relativement à des sociétés par actions ou des sociétés de personnes, problématiques qui ne peuvent être résolues par le droit commun ou qui peuvent engendrer des situations qu'on pourrait qualifier d'absurdes. À titre d'exemple, l'actionnaire unique d'une société par actions dissoute ou radiée, qui fait une demande d'accès afin d'obtenir le dossier fiscal de cette société n'a aucun droit à ces renseignements, puisque n'étant pas un représentant autorisé, même en vertu du Code civil. Je sais pas s'il peut y avoir des commentaires sur cet élément-là?

Mme Desbiens (Lina): En fait, ce qu'on a soulevé, c'est la cohérence avec le Code civil, oui, s'assurer qu'il y a une cohérence sur la notion de représentant. Et, en fait, c'est toujours la même grille d'analyse que nous avons là, c'est de dire: Bon, c'est encore un cas où on a fait une énumération plutôt que de rejoindre les concepts plus généraux. C'est dans ce sens-là qu'on disait: Bon, on pourrait introduire la disposition qu'on retrouve au Code civil.

M. Julien: O.K. Donc, c'est vraiment une question de concordance ou de cohérence entre les deux?

Mme Desbiens (Lina): Oui.

Mme Vigneault (Stéphanie): Pour éviter des conflits du moins entre... Parce que c'est ce qui va obliger par la suite les responsables des lois sur l'accès, aux organismes et aux ministères, à introduire des dispositions semblables dans leur loi, dans leurs dispositions sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels, on aurait voulu éviter qu'on soit obligé de tout reprendre. C'est une question de cohérence simplement.

M. Julien: C'est ce que je comprends. Alors, on va porter ça à l'attention de nos juristes pour faire l'analyse de ça. Un autre commentaire que... Oui?

Mme Desbiens (Lina): En fait, ce que j'aurais à ajouter...

M. Julien: Oui, je vous en prie.

Mme Desbiens (Lina): ...c'est qu'à chaque fois, comme responsable de l'accès, on se dit: Bon, bien, là, on crée un régime sectoriel très précis. Est-ce qu'on va dénaturer ? pas dénaturer, le terme est un peu fort, là ? mais est-ce que ça va avoir de l'impact sur notre régime d'application générale, où, là, on n'a pas prévu ce paquet d'exceptions?

M. Julien: En tout cas, on prend bonne note du commentaire puis on va, effectivement, faire ces vérifications-là. Je vous remercie beaucoup. J'ai encore du temps?

Le Président (M. Geoffrion): Oui, quelques minutes.

M. Julien: Alors, vous avez mentionné aussi dans un autre commentaire que la modification proposée à l'article 69.0.0.6 ? la CAI établit une liste de personnes à qui un renseignement peut être accessible au sein du ministère sans le consentement de la personne concernée ? risque fort de laisser certaines situations tomber dans un vide juridique. Elle demande la simplification de l'article, de façon à ce qu'un renseignement ne soit accessible qu'au ministre ou à toute personne qui a qualité pour recevoir un tel renseignement lorsque celui-ci est nécessaire à l'exercice de ses fonctions.

n(12 h 10)n

Alors, je vous ferais une réaction puis j'aimerais ça connaître la vôtre. Il convient de préciser que le libellé actuellement proposé au projet de loi n° 14 ne propose pas de liste de personnes à qui un renseignement peut être accessible. En effet, le paragraphe a de l'article 69.0.0.6 réfère au ministre ou à une personne physique qui l'assiste, lorsque le renseignement est nécessaire à l'exercice de ses fonctions, alors que le paragraphe b réfère à un fonctionnaire ou un employé du ministère qui a qualité pour recevoir le renseignement, évidemment lorsque celui-ci est nécessaire pour l'exercice de ses fonctions.

Alors, votre libellé qui est proposé serait encore plus large que le texte actuel de l'article 69.0.0.6 qui, au lieu de permettre l'accès à toute personne comme le demande l'Association, limite l'accès aux personnes physiques qui assistent le ministre ou aux fonctionnaires ou employés du ministère.

Mme Desbiens (Lina): À moins que je me trompe, il me semble qu'on faisait référence aux règles adoptées par le ministère.

Mme Vigneault (Stéphanie): C'est-à-dire que, ce dont on s'est aperçu en lisant cette disposition-là, c'est que le législateur a voulu prévoir toutes sortes de situations. Une personne physique, le ministre, j'imagine que le personnel politique était visé par cette disposition-là ? en tout cas, c'est ce qu'on a compris à la lecture de l'article ? alors qu'il aurait été plus facile selon nous, avec l'article qu'on propose, de pouvoir éviter les vides juridiques, éviter les situations... Je prends par exemple un contractuel au sein du ministère, qui travaille au sein du ministère, qui est pas un employé ni un fonctionnaire... pour éviter toute ambiguïté, dans le fond.

M. Julien: Donc, votre propos, c'est vraiment une clarification.

Mme Vigneault (Stéphanie): Effectivement.

M. Julien: C'est ce que vous voulez mentionner.

Mme Vigneault (Stéphanie): Encore avec le commentaire qu'on venait de faire tout à l'heure.

Mme Desbiens (Lina): Ici, c'est le concept de qualité, d'avoir la qualité requise... La personne qui a qualité pour agir... Voyons! Excusez, j'essaie de retrouver... C'est une notion... Je dirais que c'est un concept qu'on retrouve dans... qui doit être appliqué dans tous les organismes publics. Et, même en ce moment, le réseau des responsables de l'accès s'est penché, se penche sur comment on fait pour évaluer la qualité d'une personne qui a accès à des renseignements nécessaires dans l'exercice de ses fonctions.

Et il y a un exercice qui est fait en ce moment, et je pense qu'au sein des organismes publics, en tout cas au niveau des responsables de l'accès, je vous dirais, c'est quelque chose, c'est un concept majeur avec lequel on a à vivre quotidiennement et qui fait appel au jugement, à l'éthique, et qui laisse une souplesse aussi, qui empêche... qui oblige pas d'énumérer les personnes responsables. Puis je pense que c'est un concept aussi important... Mme Stoddart faisait beaucoup référence au critère de nécessité. La notion de qualité pour agir est un concept aussi important, je pense, dans l'accès à l'information.

M. Julien: Merci beaucoup.

Le Président (M. Geoffrion): Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Alors, merci et bonjour à Mme Desbiens, Mme Girard et Mme Vigneault. Merci de cette présentation.

Si je comprends bien, vous êtes des gens qui oeuvrez surtout dans le secteur public et vous avez à répondre à des demandes d'accès à l'information. Donc, en quoi le projet de loi n° 14 va faire en sorte de vous faciliter la tâche?

Mme Desbiens (Lina): Comme... Bien je dirais que la notion de dossier fiscal, comme on a dit, c'est plus clair, ça clarifie la situation. C'est sûr que les organismes publics nous faciliterons la tâche. Évidemment, je pense que c'est le responsable de l'accès du ministère du Revenu qui verra peut-être plus sa tâche... Dans tous nos membres, ça sera peut-être celui qui verra sa tâche le plus simplifiée.

Par ailleurs, pour nous, pour les organismes publics, c'est dans la communication de renseignements, les règles, et tout ça, qui sont établies. C'est plus à ce titre-là que ça pourrait avoir un impact.

Mme Leblanc: Vous avez mentionné que vous étiez heureuse de constater que le législateur a substantiellement modifié l'article 69, notamment en y introduisant le fameux concept de dossier fiscal. Et, justement, ce dossier fiscal là, on le retrouve à l'article 7 du projet de loi n° 14 qui fait référence à l'article 69. Vous allez me dire en quoi, vous, pour vous, c'est clair et vous allez me dire pourquoi pour vous il y a pas d'ambiguïté entre le deuxième paragraphe et le troisième paragraphe de l'article 69. Au deuxième paragraphe, on dit que «le dossier fiscal d'une personne est constitué des renseignements que le ministre détient à son sujet, sous quelque forme que ce soit, pour l'application ou l'exécution d'une loi fiscale». Au troisième paragraphe, on dit: «Ne constitue pas un dossier fiscal un dossier constitué pour l'administration ou la direction du ministère du Revenu, en application du premier alinéa de l'article 2 et des articles 3 à 6, ou pour une infraction, en application des articles 71.3.1 à 71.3.3.»

En fait, pour vous, un dossier fiscal, une information à l'effet que ? je sais pas ? vous avez pas payé votre impôt l'année dernière, est-ce que ça constitue, à ce moment-là, un dossier fiscal ou pas?

Mme Desbiens (Lina): Moi, à mon avis personnel ? je vais parler pour moi ? je dirais que, si c'est une information qui est dans le dossier du contribuable, ça fait partie du dossier fiscal. Comme responsable de l'accès, ça serait peut-être mon approche. Et, quand on parle de la notion de dossier fiscal, ce qui est intéressant pour des spécialistes de l'accès, c'est de voir qu'on a élargi la... La Loi sur l'accès, c'est la protection des renseignements personnels, c'est des renseignements nominatifs, tandis que, quand on arrive avec une notion de dossier fiscal, la protection est plus grande parce que ce n'est pas uniquement des renseignements personnels. C'est dans ce sens-là qu'on trouve que cette approche-là, de dossier fiscal, est intéressante au même titre que, tout à l'heure, Me Duplessis, qui soulignait et faisait le parallèle avec les dossiers médicaux... C'est une approche, comme responsable de l'accès, si on a à gérer des dossiers médicaux ou un dossier fiscal, le concept de dossier, qui élargit la protection des renseignements, pas uniquement des renseignements.

Mme Leblanc: Mais le fait qu'on crée une distinction entre un dossier constitué pour l'administration ou la direction du ministère... Le fait que vous n'ayez pas payé votre impôt l'année dernière, ce n'est pas une information que vous avez fournie à titre de contribuable au ministère du Revenu, c'est un constat qui a été fait par un fonctionnaire. À ce moment-là, est-ce que, pour vous, ça ne devient pas un renseignement qui entrerait dans la catégorie, justement, de l'administration?

Mme Desbiens (Lina): Je pense qu'il pourra peut-être y avoir des interprétations là-dessus. Moi, je dirais que, moi, je pense que non parce que c'est détenu par... Le dossier fiscal d'une personne est constitué des renseignements que le ministre détient à son sujet. L'information qu'il n'a pas payé son impôt l'année précédente, pour moi, ça fait partie... c'est des informations détenues à son sujet. Là...

Mme Leblanc: Le fait qu'un fonctionnaire collige une information de nature administrative ne devient-il pas aussi une information que le ministre détient à ce sujet?

Mme Desbiens (Lina): Oui. Bien, là, il faudrait voir. Je ne voudrais pas non plus rendre une opinion, comme ça. Moi, je dirais que oui. Je le regarde en tant que responsable de l'accès. Dans un autre contexte, mais dans mon quotidien, il y a des informations qui peuvent être dans un dossier d'une personne qui fait une demande d'accès. Moi, je suis responsable de l'accès à la CSST. Il y a des informations dans son dossier qui ont pas nécessairement été fournies par cette personne-là, et elle y a accès, ça fait partie de son dossier. Là, je fais un parallèle qui est... Je voudrais pas m'embarquer dans une affaire, là, mais, pour moi, si c'est des informations sur cette personne-là détenues par le ministre, qu'il les ait recueillies de cette personne-là ou qu'il les détienne, c'est le concept de détention et non pas de cueillette d'informations, là.

Mme Leblanc: Selon vous, on va la faire comment, la distinction entre l'information détenue par le ministre et l'information qui est colligée à des fins administratives?

Mme Desbiens (Lina): Bien, moi, ce que je comprends des informations... Là, je suis pas une spécialiste en fiscal, mais ce que je comprends des informations administratives, c'est dans la gestion du ministère, un peu comme tantôt, quand on a soulevé, là, un des commentaires qu'on avait sur cette disposition-là, nous, on parlait des dossiers d'employés du ministère. Pour moi, c'est des dossiers administratifs. C'est sûr que M. le ministre faisait référence à des dossiers d'enquête et tout ça. Là, je me suis pas questionnée, on n'est pas allé jusque-là dans l'analyse.

Mme Leblanc: Alors, finalement, votre opinion, elle n'est pas certaine là-dessus, là?

Mme Desbiens (Lina): Non, mais il reste qu'un dossier fiscal, pour moi, c'est plus que ce qui a été recueilli, c'est la notion de détention.

Mme Leblanc: Alors, finalement, toute information contenue dans un dossier détenu par le ministère devrait, selon vous, constituer... faire partie du dossier fiscal.

n(12 h 20)n

Mme Desbiens (Lina): Oui.

Mme Leblanc: Au même titre que les informations que... un fonctionnaire, par exemple, dit, bon: Cette personne-là n'a pas payé son impôt l'année dernière ou l'année d'avant. Tout ça, ça devrait faire partie des dossiers de nature fiscale, des renseignements de nature fiscale.

Mme Desbiens (Lina): Oui.

Mme Leblanc: Le dossier.

Mme Desbiens (Lina): Je pense que oui. Bien là...

Mme Leblanc: O.K. Vous avez dit que le législateur aurait dû s'inspirer davantage des lois relatives à la protection des renseignements, particulièrement de la Loi sur l'accès aux documents. Dans quel sens vous auriez aimé, souhaité que ce soit plus homogène, là?

Mme Desbiens (Lina): Bien, au départ, dans l'harmonisation des termes, l'utilisation, le choix des termes ou la façon de rédiger. C'est plus une approche de rédaction législative qui est complètement différente, où, dans la Loi sur l'accès, on a des notions ou des concepts qui sont là et qui ne sont pas nécessairement détaillés et, dans le projet de loi, c'est très détaillé. Au départ, là, c'est ça qui risque de poser problème éventuellement, ou on dira: Bien, dans la Loi sur le ministère du Revenu, on a prévu cette situation-là et on l'a pas prévu dans la Loi sur l'accès, donc, le législateur ne parle pas pour rien dire, ça fait qu'on peut penser que, dans la Loi sur l'accès, c'est situation-là s'appliquera pas. C'est dans ce sens-là que ça pose un problème pour des responsables de l'accès qui ont à gérer d'autres lois.

Mme Leblanc: Il va rester matière à ambiguïté entre l'interprétation des deux lois?

Mme Desbiens (Lina): Bien, c'est une question... c'est un choix de style de rédaction, là. À partir du moment où on énumère, bien, dans l'énumération, on risque d'en oublier.

Mme Leblanc: Vous dites aussi que, bon, tout ce qui s'appelle la lutte contre le crime organisé puis les nouvelles dispositions qui sont introduites, ça vous inquiète. Je pense que c'est aussi le cas de tous les intervenants qu'on a entendus ce matin. Vous dites que les articles 69.0.0.12 pourraient potentiellement être lourds de conséquence, étant donné la complexité des définitions qu'ils contiennent et de l'étendue du pouvoir de communiquer des renseignements accordé aux fonctionnaires. Est-ce que vous pourriez élaborer davantage, préciser votre pensée?

Mme Desbiens (Lina): En fait, c'est que le projet de loi prévoit que le fonctionnaire...

(Consultation)

Mme Desbiens (Lina): En fait, c'est le fonctionnaire qui aura à interpréter des notions ou des concepts de droit criminel, et ça sera à son... selon son jugement à lui. Au départ, c'est ce qu'on soulevait, là, c'est là-dessus qu'on accroche, le fait que ce soit le fonctionnaire qui, lui, dans une situation particulière, choisit de communiquer des renseignements à la police, et nous, bon, c'est sûr qu'on a des exemples. Tout le monde, on a des exemples en tête de crime organisé. La belle situation idéale, là, comme le soulignait le Barreau tantôt, là, il y en a pas des tas, au Québec, je pense, des situations comme ça, mais, en tout cas... Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Mais il y avait la question des organismes qui ont à gérer des lois dans lesquelles il y a des dispositions pénales, qui ont des enquêteurs, etc., qui peuvent enquêter dans des situations et se retrouver, bon, à monter un dossier sur quelqu'un, dans une situation particulière, et à décider d'amener ça à leur contentieux et décider est-ce qu'il y aura des poursuites d'entreprises, est-ce qu'il y aura des peines pénales d'entreprises, et, parallèlement à ça, par le biais du dossier fiscal, le fonctionnaire du ministère du Revenu peut communiquer directement à la police puis, là, c'est la police qui fait une job de police et ça fait que ça peut rentrer en conflit avec le travail organisé et structuré d'autres organismes publics qui gèrent des fonds, qui paient du monde et qui ont à assumer un régime de dispositions pénales également, là. C'est plus dans ce sens-là, là.

C'est sûr que le terme que vous ressortez est peut-être fort, mais on dit que, comme façon de faire, bon, c'est louable, l'intention, c'est bon, là, mais, dans le mécanisme, dans le quotidien, pour d'autres organismes publics qui ont aussi à s'assurer que les gens à qui ils donnent de l'argent ne sont pas des fraudeurs, ne sont pas... Les autres organismes aussi veulent voir, veulent s'assurer que leur régime est bien administré. Et là, parallèlement à ça, tu as un fonctionnaire qui, lui, décide s'il communique... interprète des notions de droit et choisit de communiquer à la police des informations. Alors, ça risque de rentrer en conflit avec le travail des organismes publics.

Mme Leblanc: Est-ce que vous préféreriez aller dans le sens que les deux autres intervenants avant vous ont formulé, c'est-à-dire à l'effet qu'on continue de demander au Procureur général de statuer sur la pertinence ou même, je dirais, l'urgence de transmettre un tel renseignement à un corps policier?

Mme Desbiens (Lina): Bien, nous, on propose, on suggérerait de transmettre l'information au Procureur général. La Commission d'accès et le Barreau parlaient de l'autorisation d'un juge, ce qui est différent de notre approche mais qui est tout aussi intéressante. Je pense qu'il vous appartient là de juger de la meilleure façon de faire.

Nous, notre recommandation, c'était de communiquer l'information au Procureur général qui, de par son rôle, peut... est mieux placé pour harmoniser les différentes poursuites ou filtrer les situations particulières. Mais l'idée aussi de l'autorisation par un juge est intéressante aussi. Mais ça, c'est mon avis là. La position sur laquelle on s'est arrêtés, c'est de transmettre l'information au Procureur général qui est quand même...

Mme Leblanc: L'un ne va pas sans l'autre parce que le Procureur général, s'il décide qu'il y a matière à, doit se présenter à un juge et obtenir finalement un jugement ex parte. Mais l'un ne va pas sans l'autre. Je voulais tout simplement vous le préciser.

Mme Desbiens (Lina): Oui, oui, oui.

Mme Leblanc: On pourrait peut-être regarder le point 2 de votre mémoire dans lequel vous dites, oui: «En ce qui a trait à l'article 69.0.0.2 qui impose qu'une demande d'accès soit faite par écrit.» Et vous dites: «L'expression "par écrit" ne reflétant plus la réalité et l'évolution des nouvelles technologies...» Moi, j'aimerais savoir en clair qu'est-ce que vous souhaiteriez qui soit inscrit explicitement dans ce projet de loi?

Mme Desbiens (Lina): En fait, on ne s'est pas arrêtés à une solution à ce moment-ci, sauf que ce qui nous est apparu, c'est que, comme responsables de l'accès, on a à vivre quotidiennement avec cette problématique-là où c'est prévu dans la loi que la demande doit être faite par écrit. On reçoit des demandes par courriel, on reçoit des demandes par fax et on doit s'assurer, bon, du mécanisme de recevoir une demande écrite, dûment signée de la personne. Me Ryan tout à l'heure disait qu'il ne voulait pas trop rentrer dans le mécanisme du responsable de l'accès parce que ça risquait d'alourdir. C'était ce qu'on voulait soulever. Je pense que maintenant, avec l'adoption de cette loi-là, on peut se questionner sur des nouvelles façons de faire. Comme la déclaration fiscale par Internet, j'imagine qu'il doit y avoir des démarches qui sont faites au sein du ministère, mais on voulait soulever ça parce que, comme responsable de l'accès, c'est une problématique avec laquelle on doit vivre, qui ralentit le processus de réponse parce qu'il faut s'assurer d'avoir un original, etc. C'est ce qu'on voulait soulever.

Mais on n'a pas... C'est ça. Il y a des dispositions dans la loi sur les nouvelles technologies par rapport à l'écrit et de l'espèce d'ouverture, mais on n'est pas allés plus loin que ça sur le mécanisme. Mais c'est ce sur quoi on voulait attirer votre attention.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, merci beaucoup, Mme Desbiens, Mme Girard, Mme Vigneault, merci pour votre mémoire. Alors, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures. Merci. Bon appétit.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

 

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Geoffrion): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Et nous allons reprendre nos travaux. Alors, nous accueillons maintenant les porte-parole du Protecteur du citoyen, protectrice du citoyen, devrons-nous dire maintenant. Alors, bienvenue, Mme Champoux-Lesage. Je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent.

Protecteur du citoyen

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Merci, M. le Président. Alors, je suis accompagnée de Me Micheline McNicoll, qui est à ma gauche, qui est responsable plus particulièrement de la protection des renseignements personnels, et de mon conseiller juridique, Me Jean-Claude Paquet.

Le Président (M. Geoffrion): Merci. Alors, vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. On vous écoute.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Merci. Alors, je vous remercie d'abord de m'offrir l'occasion de venir présenter mes commentaires sur le projet de loi n° 14. Mon intervention sera brève et n'abordera que deux points. Qu'il me soit d'abord permis de souligner l'amélioration qu'apporte ce projet de loi au regard de la transparence qui prévaudra désormais dans les relations entre le ministère du Revenu et les citoyens.

En effet, l'article 70.1 prévoit que le ministre informe annuellement la personne au sujet de laquelle il recueille des renseignements, les usages auxquels les renseignements sont destinés et, entre autres, des possibilités de comparaison, couplage et appariement de fichiers de renseignements. Il l'informe également de la possibilité que des renseignements soient transmis à d'autres personnes, conformément à la loi, ainsi que de l'exercice des droits d'accès et de rectification. Cette démarche d'information annuelle sera d'autant plus valable qu'elle sera effectuée de manière à attirer l'attention de la personne à qui elle est destinée et utilisera un langage simple. Je reconnais que la réalité peut être parfois complexe, mais je ne veux pas qu'elle puisse être expliquée clairement aux personnes concernées.

Mon premier commentaire a trait à la divulgation des renseignements fiscaux à un corps de police. L'article 69.0.2 projeté prévoit qu'aux fins d'une enquête relative à une infraction de criminalité organisée, un juge de la Cour du Québec peut rendre une ordonnance enjoignant le ministre de permettre à un membre d'un corps de police de prendre connaissance des renseignements ou documents mentionnés dans l'ordonnance et de les examiner. D'un autre côté, l'article 69.0.0.12 permet cette fois à un fonctionnaire ou employé du ministère du Revenu autorisé par règlement, sans consentement de la personne concernée, de communiquer à un corps de police un renseignement contenu dans un dossier fiscal lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire à la fois que cette personne est membre d'une organisation criminelle ou qu'elle participe ou a participé aux activités criminelles, qu'elle ait ou non fait l'objet d'une condamnation liée à cette participation, que cette personne a commis ou est sur le point de commettre une infraction grave dont la perpétration pourrait être reliée aux activités d'une organisation criminelle, que le renseignement peut servir à prévenir ou à réprimer cette infraction grave.

Nous nous sommes posé les mêmes questions que la Commission d'accès à l'information qui, dans son avis du 8 mai 2001, écrivait que la Commission ne comprend pas pourquoi il faudrait faire coexister deux procédures totalement différentes pour atteindre, dans des situations presque similaires, des effets identiques, soit la communication de renseignements fiscaux. Lors d'une rencontre tenue avec des représentants du ministère du Revenu et du ministère de la Justice sur le projet de loi à l'étude, nous avons interrogé ceux-ci sur cette différence de procédure pour la communication de renseignements fiscaux.

Ils nous ont fourni les informations et explications additionnelles suivantes. La communication par le ministère d'un tel renseignement est fondamentalement de la même nature que celle d'un citoyen qui dénonce à la police une situation semblable ou, pour nous, lui fournit des renseignements sur des activités criminelles. Cependant, compte tenu de la nature du secret fiscal, cette communication fera l'objet d'un encadrement strict, soit: Il faudra la nécessité d'avoir des motifs raisonnables de croire à l'existence des activités criminelles ou renseignements mentionnés à l'article, le fait que seules les personnes autorisées par règlement... Et on nous informait qu'il s'agirait de fonctionnaires en autorité, donc, j'imagine, déjà à un niveau hiérarchique assez élevé, qui seraient autorisés à communiquer lesdits renseignements. Dans la situation envisagée à l'article 69.0.0.12, il n'existe pas, contrairement à celle déjà prévue à l'article 69.02 actuel, d'enquête relative à une infraction de criminalité déjà en cours. Une telle enquête porte alors sur une infraction ou un objet précis, ceux-ci étant décrits à un affidavit, et mène éventuellement à une dénonciation devant le tribunal. Par ailleurs, le renseignement fourni par le ministère, tout comme celui transmis par tout autre dénonciateur ou informateur, doit d'abord faire l'objet d'examen et de vérification par la police avant qu'une enquête criminelle ne soit enclenchée.

n(14 h 10)n

Nous sommes satisfaits de l'ensemble de ces explications. Donc, ça ne nous amène pas à remettre en cause le bien-fondé d'une telle décision. Je crois toutefois que ce type de communication doit demeurer exceptionnel et qu'il doit être rigoureusement encadré sur le plan administratif. De plus, le projet de loi prévoit une disposition, l'article 71.6, qui confie à la Commission d'accès à l'information la fonction de surveiller l'application de la présente section, la section VIII, sur les renseignements confidentiels. Comme cela constitue, à notre avis, un contrôle a posteriori qui peut s'avérer suffisant dans les circonstances, nous ne jugeons pas nécessaire d'intervenir plus avant sur cette question.

Mon second commentaire touche une modification qui remet en cause les pouvoirs du Protecteur du citoyen. Deux dispositions touchent directement, dans le projet de loi n° 14, les pouvoirs d'accès aux renseignements et d'enquête du Protecteur du citoyen auprès du ministère du Revenu. Je voudrais souligner que l'on n'a pas cru opportun, avant de proposer de telles modifications à l'Assemblée nationale, de me consulter auparavant. Si l'une de ces modifications a peu d'impact sur mes pouvoirs, le remplacement, dans le paragraphe i du deuxième alinéa de l'article 69.1, du mot «contribuable» par le mot «personne», et amène même une meilleure concordance avec la Loi sur le Protecteur du citoyen, l'autre par ailleurs touche directement à mes pouvoirs d'enquête.

En effet, l'introduction du nouvel article 69.9, qui modifie le paragraphe 3° de l'article 171 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, plus familièrement appelée loi sur l'accès à l'information, lequel sauvegarde les pouvoirs d'enquête du Protecteur, a pour effet, comme je l'explique dans ma lettre du 6 juin, de m'empêcher d'exercer au besoin mes pouvoirs de commissaire en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête au regard du ministère du Revenu... à l'égard du ministère du Revenu. Rappelons que l'article 25 de ma loi constitutive énonce que le Protecteur du citoyen est investi des pouvoirs et de l'immunité conférés par cette loi. Ces pouvoirs de commissaire-enquêteur, s'ils ont rarement été utilisés, demeurent cependant essentiels pour l'exercice de ma mission dans l'éventualité, peu probable sans doute mais toujours possible, d'un refus de collaborer du ministère.

Si l'article 69.9 est adopté tel quel, l'article 25 de ma loi constitutive sera inopérant à l'égard du ministère du Revenu, car il m'enlèvera ces pouvoirs que cette disposition me confie sans autre formalité. Autrement dit, par exemple, je ne pourrais plus assigner quelqu'un à comparaître. Encore plus, si le besoin se présentait de déclencher une telle enquête à l'égard du ministère, le nouveau paragraphe e de l'article 69.1 me forcerait à faire constituer par le gouvernement une commission d'enquête, selon la procédure de la Loi sur les commissions d'enquête, émise à cette fin en vertu de l'article 1 de cette loi. Vous admettrez qu'il y aurait là une contrainte bien lourde, voire même inutile. Il me faudrait alors, comme personne désignée par l'Assemblée nationale, demander au gouvernement de décréter une commission d'enquête sur l'un de ses ministères pour pouvoir exercer les pouvoirs d'enquête qui ont été explicitement conférés par l'Assemblée nationale à mon institution en 1968.

Il m'apparaît donc, compte tenu de la portée de cette modification, que, si un ministère du gouvernement veut enlever ou transformer aussi radicalement les pouvoirs d'enquête dont je suis titulaire, créant ainsi un précédent que d'autres voudront peut-être suivre, ce ministère a le fardeau de démontrer à l'Assemblée nationale la nécessité de cette modification. Or, je ne crois pas que cela a été fait.

Je constate, en outre, qu'on a inclus, dans l'énumération faite, à l'article 69.9, des recours aux organismes concernant leur pouvoir d'assignation et d'enquête, la Commission de la fonction publique et la Commission d'accès à l'information, dont les membres sont aussi désignés par l'Assemblée nationale. Cela devrait donc être aussi le cas, je le crois, pour le Protecteur du citoyen.

Alors, voilà à quoi se résument mes commentaires. Mes collaborateurs et moi sommes disponibles pour répondre à vos interrogations.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, merci, Mme Champoux-Lesage. Alors, M. le ministre.

M. Julien: Alors, merci, M. le Président. Mme la protectrice du citoyen et vos associés, Me McNicoll et Me Paquet, d'abord, je veux vous remercier de votre collaboration à cette commission. On sait que c'est un projet de loi majeur, et il m'apparaissait important, d'où ma satisfaction, que les organisations, les organismes qui ont des responsabilités dans la matière puissent venir faire des commentaires. Je sais qu'au ministère du Revenu nous avons de brillants avocats, mais c'est important aussi d'avoir le point de vue d'autres organisations parce que, dans le fond, on a tous nos mandats. Vous avez vos objectifs, on a les nôtres, la Commission d'accès à l'information et autres organisations. Donc, à quelque part là-dedans, c'est comment trouver cette espèce de juste milieu qui fait en sorte que tout le monde se sente respecté mais qui fait que, comme ministère, comme gouvernement, on atteint les objectifs qu'on s'est fixés.

J'aimerais, si vous me permettez, Mme Lesage, vous formuler un argumentaire ou, en tout cas, un point de vue par rapport au pouvoir de contrainte, puis j'aimerais avoir votre réaction, parce que vous avez terminé avec la question du pouvoir de contrainte, qui m'apparaît fondamental. Mais j'aimerais... On a un premier commentaire là-dessus, puis j'aimerais avoir votre argumentaire... votre réaction à ce sujet-là, et on verra par la suite comment, s'il y a des choses à faire, bien, on puisse bonifier le projet de loi.

En somme, ce que je comprends, ce que demande le Protecteur du citoyen, ou la protectrice du citoyen, c'est la possibilité d'utiliser le pouvoir ordinaire prévu à la Loi sur les commissions d'enquête dans les Lois du Québec, la C-37, pour contraindre un fonctionnaire du ministère du Revenu à lui communiquer des renseignements. D'abord, j'indiquerais que la Loi sur le ministère du Revenu n'accorde un tel pouvoir de contrainte qu'aux tribunaux et qu'en certains cas, voir l'article 69.9, comme, par exemple, en matières criminelles. J'ajouterais ensuite que ce pouvoir ordinaire qui est accordé au Protecteur du citoyen par la Loi sur les commissions d'enquête est un pouvoir tout à fait usuel accordé à plusieurs ministères et organismes. Par exemple, on pense au Vérificateur général, on pense au ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, la Commission des normes du travail, la Régie des rentes, la Régie de l'énergie, etc. Je préciserais de plus que c'est précisément pour permettre au Protecteur du citoyen d'exercer toutes ses fonctions qu'il apparaît déjà à l'article 69.1 de la Loi du ministère du Revenu, lequel contient la liste des organismes à qui les renseignements fiscaux peuvent être communiqués sans qu'il soit nécessaire de procéder par l'exercice d'un pouvoir de contrainte.

Je conclurais enfin en indiquant que c'est depuis 1995 que le Protecteur du citoyen est mentionné à cet article 69.1 et que c'est ainsi que tous les renseignements qu'il a demandés lui ont toujours été transmis. Je ne pense pas, en tout cas à ma connaissance, que vous ayez eu besoin d'utiliser un pouvoir de contrainte pour recevoir vos informations. En fait, vous les avez toujours eues telles que demandées. Est-ce que je me trompe?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Je ne crois pas qu'on ait eu à utiliser le pouvoir de contrainte, c'est davantage une question de principe, une question sur le fond. Moi, ce que je considère, c'est que le Protecteur du citoyen a quand même... Je comprends qu'il y a plusieurs organismes qui ont des pouvoirs de commissaire-enquêteur, mais le mandat du Protecteur du citoyen, qui est d'ailleurs un mandat de surveillance qui est confié par les membres de l'Assemblée nationale, est différent de tous ces organismes-là et que de venir, par une loi sectorielle, amputer le pouvoir du Protecteur du citoyen... Et, je le dis dans ma présentation, ce n'est pas... on espère ne pas avoir à s'en servir, mais je pense qu'il est très important de conserver l'entièreté des pouvoirs qui sont consentis au Protecteur du citoyen. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose, mes collègues.

M. Julien: J'aimerais comprendre. Parce qu'on me dit que... Il ne semble pas, en tout cas selon les articles de loi, que ça enlève un pouvoir, selon votre interprétation, oui. Ça fait que je pense que c'est important qu'on précise.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Ce que je comprends, c'est qu'à l'article 69 bien sûr on a l'accès aux documents, mais on n'a pas le pouvoir de contrainte. Autrement dit, actuellement, ces deux pouvoirs-là sont consentis à la protectrice du citoyen en vertu de la Loi sur le Protecteur du citoyen, et c'est une entorse, à mon avis, qui est importante et qui est lourde de conséquences en termes de précédent qu'elle pourrait créer, notamment pour d'autres ministères qui pourraient faire la même chose ou désirer la même chose. Alors, M. Paquet.

M. Paquet (Jean-Claude): Je m'en voudrais de vous contredire, M. le ministre...

M. Julien: Je vous en prie.

M. Paquet (Jean-Claude): ...mais, quand vous dites que... quand on dit qu'on demande d'avoir le pouvoir de la loi... les pouvoirs de commissaire-enquêteur de la Loi sur les commissions d'enquête, ces pouvoirs-là ont déjà été confiés, en 1968, par l'Assemblée nationale, au Protecteur du citoyen. Donc, ce n'est pas la protectrice du citoyen qui demande qu'on lui confie des pouvoirs, mais actuellement c'est le projet de loi qui lui enlève des pouvoirs qui lui ont déjà été donnés, elle, comme personne désignée par l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, dans l'article existant, l'article 69.1, ce qu'on nous dit, c'est qu'un organisme a «droit de prendre connaissance des renseignements obtenus dans l'application d'une loi fiscale et tout fonctionnaire peut les lui communiquer». Et on énumère: «Le Protecteur du citoyen, à l'égard des renseignements ? renseignements ? concernant un contribuable ou un groupe de contribuables pour le compte de qui il intervient.» Ça confirme le pouvoir normal, administratif, d'obtenir des renseignements, dans la vie courante de tous les jours, pour lesquels on n'a pas de problème, mais le fondement du pouvoir du Protecteur du citoyen, s'il a une mission de persuasion... mais la coercition, elle se retrouve à l'article 25. Et ça, on l'enlève complètement actuellement.

n(14 h 20)n

Il faudrait à ce moment-là... Parce qu'on mentionne à l'article 69.9 projeté: «Une enquête d'une commission d'enquête constituée en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête», alors qu'actuellement, si on a besoin, pour votre ministère ou pour un autre, d'assigner une personne à témoigner, de produire des documents, de la forcer à témoigner, et ça, c'est pas des pouvoirs qu'on a dans l'article 69.1 actuel, là, on n'a plus ces pouvoirs-là, la protectrice ne les détient plus et elle doit s'adresser à l'Assemblée... excusez-moi, s'adresser au gouvernement pour lui demander de constituer une commission d'enquête sur l'un de ses ministères.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Si vous permettez que Mme McNicoll puisse compléter.

Le Président (M. Geoffrion): Oui, allez-y, Mme McNicoll.

Mme McNicoll (Micheline): C'est juste un petit peu d'histoire. La disposition qui existe depuis 1995, hélas, est intervenue parce qu'il y avait des difficultés de fonctionnement avec... Beaucoup de fonctionnaires très respectueux du secret fiscal au ministère du Revenu avaient des réticences à communiquer des choses au Protecteur, et c'était devenu plutôt complexe. Alors, il y avait eu un protocole et ensuite il y avait eu cette introduction dans la loi, qui ne visait finalement qu'à faciliter les interventions du Protecteur, les interventions régulières. Alors, pour nous, c'est assez clair de ce côté-là, et les deux articles ne peuvent pas vouloir dire la même chose, là.

M. Julien: M. le Président.

Le Président (M. Geoffrion): Oui. Oui, M. le ministre.

M. Julien: Bien, écoutez, d'abord, il n'est vraiment pas question d'enlever un pouvoir de quelque nature que ce soit au Protecteur du citoyen, et puis ce que je vais faire, c'est qu'on va refaire nos devoirs à ce niveau-là, on va fouiller ça un petit peu plus, parce qu'il est pas question évidemment de vous priver de quelque nature que ce soit dans votre rôle puis le mandat que vous avez de l'Assemblée nationale, du gouvernement. Alors, je vous remercie beaucoup de vos commentaires, puis on apportera les précisions souhaitées.

C'est comme j'ai mentionné au tout début, on a nos mandats, on a nos objectifs à atteindre, et je pense que c'est cette collaboration-là qui fait en sorte que... Parce que l'objectif, pour moi, c'est de s'assurer que les citoyens et que les citoyennes soient correctement protégés et que les renseignements soient correctement protégés. Évidemment, dans les moyens, vous avez les vôtres, nous avons les nôtres, puis, à quelque part, il y a moyen de trouver ce qu'il faut pour que chacun soit respecté dans ce qu'il fait. Alors, c'est ce qu'on fera. Merci.

Moi, je dois vous dire que j'ai entendu votre présentation. Je vous en remercie beaucoup. Je pense que vous avez touché quand même un élément important, celui qu'on vient de discuter, et je vais y donner suite.

Le Président (M. Geoffrion): Merci, M. le ministre. M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui. Je voudrais saluer la protectrice du citoyen, avec son collaborateur et sa collaboratrice. Je pense que, quand on a à apprécier des questions aussi importantes que la confidentialité des renseignements personnels, il est tout à fait requis, je crois, d'avoir le point de vue du Protecteur du citoyen.

J'ai écouté attentivement votre présentation. Vous l'avez dit à deux reprises, il y a deux points précis, mais je voudrais revenir sur deux choses. La première: Est-ce que, globalement, compte tenu que vous savez très bien d'où on partait dans ce dossier-là, sans refaire l'historique, vous portez le jugement que, dans le projet de loi qu'on aura à apprécier prochainement article par article, il y a là une amélioration très sensible et très nette concernant l'objectif général qui est visé d'une meilleure protection? Est-ce que c'est le cas?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): La présentation que je faisais disait que c'était une amélioration particulièrement au regard de la transparence qui pouvait être assurée au citoyen. Pour nous, c'est un objectif incontournable. Je pense que c'est important que les gens soient pas pris par surprise et qu'ils soient informés de la façon dont on traite les renseignements personnels qui les concernent. Je pense que l'analyse qui a été faite par mes collaborateurs de cette loi-là nous amène à considérer que, oui, les éléments touchant la protection des renseignements sont satisfaisants, à notre point de vue. Je sais pas si Me McNicoll veut ajouter des éléments.

M. Gendron: ...deuxième point. En ce qui a trait à la lutte, ce qu'on appelle, «au crime organisé» ? puis là, c'est moi qui vais porter un jugement; si c'est pas celui qui reflète votre position, vous me corrigerez ? à moins que j'aie mal compris, vous indiquez très clairement que vous n'avez pas d'objection à ce que, occasionnellement, le secret fiscal puisse être, à certaines conditions, non respecté, si vous me permettez l'expression, mais à condition que le fonctionnaire autorisé qui aurait à divulguer des informations qui lui apparaissent de nature criminelle ou autres, que tout ce processus-là... que ce processus-là soit très bien encadré. Est-ce que ça signifie qu'il ne l'est pas? Et avez-vous des suggestions pour être certain que, tout en profitant de l'information qui semble être requise pour un mieux-être de l'État en général, il y a lieu quand même d'avoir un protocole serré qui garantit... Parce que vous dites une phrase que j'ai pas trop saisie, vous dites: Ça pourrait mettre en cause, éventuellement, la sécurité du fonctionnaire ou la sécurité du concerné. Vous dites ça dans votre mémoire: Le Protecteur du citoyen croit que la sécurité du fonctionnaire ainsi autorisé par règlement pourrait être compromise. Je vous avoue que j'ai pas très bien saisi.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Oui, nous souhaitons que ce soit bien encadré. On nous avait donné comme information, au ministère du Revenu, que ce serait fait par des gens en autorité. Donc, c'est pas tout le monde qui serait... qui aurait la permission, si je peux m'exprimer ainsi, de transmettre de tels renseignements. Et on dit qu'effectivement, dans le milieu du secret fiscal, ça pourrait devenir contraignant ou risqué pour certains fonctionnaires qui pourraient être ? je sais pas si Me McNicoll pourrait expliquer davantage ? qui pourraient se retrouver dans une situation délicate si n'importe qui a à transmettre des renseignements.

Mme McNicoll (Micheline): Mais c'est un petit peu ce qu'on souligne quand on dit que ça devrait être bien encadré au plan administratif. Là, on a le plan légal de la loi puis je pense qu'il y a ce qu'il faut, hein? Dans la vie quotidienne ? on veut pas rappeler des événements malheureux, mais on sait qu'il y a eu déjà des événements malheureux ? il faut que les... au plan administratif, ce qui concerne vraiment la vie interne du ministère, que ce soit bien encadré et aussi que les fonctionnaires ne soient pas vulnérables à cause de ce pouvoir mais aussi ce... C'est vraiment à double tranchant, hein?

On en a discuté avec des représentants de votre ministère. Ils nous ont dit: Bon, c'est plaisant de savoir que vous vous en faites pour ça, c'est pas pire que pour les procureurs de la couronne ou les gens qui travaillent dans la police ou ailleurs. Mais on a quand même une préoccupation à l'égard des fonctionnaires, et de dire qu'on a des suggestions précises à faire, non, mais, quand on passe du plan administratif, c'est sur ce plan-là que les fonctionnaires qui vont être nommés, bon, il y ait comme tout un processus qui les protège aussi et qui fasse en sorte que ce pouvoir et ce devoir ne se retournent pas contre le ministère lui-même. Mais on s'en remet à votre vigilance là-dessus. C'était une inquiétude qu'on avait.

M. Gendron: À quelques endroits dans le projet de loi n° 14, à moins que je me trompe, il y aura éventuellement, pour conduite non conforme à ce qui est prescrit, des amendes qui seront imposées. Je sais que vous n'en avez pas évoqué dans votre présentation, mais j'aimerais ça avoir votre avis. Vous, c'est quoi, votre opinion, comme Protecteur du citoyen, quant au relèvement du niveau des amendes? Parce qu'il y a quand même quelques organismes qui prétendent que ça risque de pas être assez dissuasif si on restait au niveau qui est prescrit dans le projet de loi. Avez-vous une opinion là-dessus? Si vous en avez une, j'aimerais ça vous entendre.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): On s'est pas penché sur cet élément-là du projet de loi. Il faudrait y réfléchir un peu, j'imagine.

M. Gendron: Mais, je le sais, je le sais que vous l'avez dit, et je l'ai dit, mais, comme Protecteur du citoyen, vous avez la fonction. Alors, il y a toujours toutes sortes de façons éventuellement de tenter que les fonctionnaires ou les personnes mandatées pour poser des gestes, s'il y avaient des déviances... La sanction peut aller jusqu'au congédiement, moi, je trouve que c'est la plus grosse sanction, mais il y a des gens qui ont prétendu ici, y compris l'opposition ? de temps en temps, il faut écouter leur point de vue ? que ça serait peut-être plus certain s'il y avait un relèvement du niveau d'amendes. Alors, uniquement sur le principe eu égard à un citoyen, eu égard aux citoyens, vous, est-ce que vous avez une objection de principe de relever les niveaux d'amendes? C'est ça qu'est ma question.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Il va de soi que le niveau d'amendes témoigne de l'importance qu'on accorde à la sanction. Mais il faudrait appliquer ça plus avant ou peut-être voir comment les choses se passent ailleurs. Mais je pense qu'il faut que ce soit significatif pour que ça prenne un certain sens, bien sûr.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, rapidement, quelques secondes.

M. Julien: La question de mon collègue est fort pertinente. Est-ce qu'on doit aller encore plus loin que ce qui est prévu? Mais il faut tenir compte aussi de l'ensemble des mesures à partir du simple avertissement jusqu'au congédiement. De plus, dépendant du... parce que c'est une infraction maintenant, est-ce que c'est une information qui est conservée à l'interne pour des raisons personnelles ou c'est quelqu'un qui l'utilise en réseau, etc. Donc, l'autre infraction est encore beaucoup plus forte. Parce que les gens l'ont souligné un petit peu ce matin. Ils se disaient: Bien peut-être que l'infraction, en tout cas, au niveau du coût, peut-être que c'est pas suffisant ou pas assez. En fait, c'est ça.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, merci, M. le ministre. Maintenant, c'est le tour de la députée de Beauce-Sud. Vous disposez de 15 minutes.

Mme Leblanc: Merci. Alors, bonjour, Mme la protectrice du citoyen, ainsi que votre équipe. Bienvenue et merci d'avoir pris la peine de venir nous faire part de votre éclairage sur le sujet qu'on discute aujourd'hui, c'est-à-dire le secret fiscal.n(14 h 30)n

Pour revenir aux sujets qui ont été mentionnés tantôt, vous avez tout à fait raison de dire que, à l'article 69.9, on vient d'enlever des pouvoirs d'enquête à la Commission... au Protecteur du citoyen, lesquels étaient justement prévus à l'article 171 de la Loi sur l'accès et qui dit explicitement que, malgré les articles 168 et 69, la présente loi n'a pas pour effet de restreindre [...] la communication de documents ou de renseignements exigés par le Protecteur du citoyen ou par assignation, mandat ou ordonnance d'une personne ou d'un organisme ayant le pouvoir de contraindre à leur communication».

Alors, l'article 69.9 est clair là-dessus, on vient tout simplement enlever les pouvoirs que le Protecteur du citoyen avait. Je sais que le ministre, tantôt, nous a dit qu'il vous écoutait, et, moi, je peux vous dire que s'il ne le fait pas, moi, je m'engage à déposer un amendement dans le sens de conserver tous les pouvoirs d'enquête du Protecteur du citoyen. Parce qu'on sait que le Protecteur du citoyen, d'abord, relève de l'Assemblée nationale et non du pouvoir exécutif, et le fait d'astreindre le Protecteur du citoyen à demander à l'Exécutif une commission d'enquête, automatiquement, il ne relève plus, là, de l'Assemblée nationale, il relève de l'Exécutif. Alors, c'est un non-sens. Je pense qu'il va falloir absolument voir à cet aspect-là.

Pour revenir aux amendes aussi que le député d'Abitibi-Ouest vous questionnait tantôt, vous savez, l'année dernière... depuis, je pourrais dire, janvier 1999, il y a eu 16 congédiements, en un an et demi, il y a eu 16 congédiements au ministère du Revenu et, seulement l'année dernière, il y a eu 58 employés qui ont fait l'objet de sanctions pour avoir consulté des dossiers fiscaux sans y avoir droit. Vous savez, quand vous êtes en instance de divorce ou vous êtes nouvellement divorcé et que vous allez consulter le dossier de votre ex, mais que vous êtes passible seulement d'une amende de 200 $, est-ce que vous pensez, vous, que le 200 $ d'amende est suffisant pour vous empêcher d'aller consulter le dossier de votre ex si vous pensez... vous avez des raisons de croire que ça va vous rapporter beaucoup plus? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, je crois que c'est un des éléments, là... C'est sûr que l'importance relative d'une amende peut faire quelque chose, mais un fonctionnaire aussi vise, dans une organisation, à protéger sa réputation, il y a toute la relation de confiance. Je pense que c'est la gradation selon la gravité de la faute, là. Et est-ce que c'est 200, est-ce que c'est 1 000, est-ce que c'est 2 000, là, je pense que je suis pas à même d'en juger. Ce que je disais tout à l'heure, je pense qu'il faut que ce soit une amende qui soit significative. Est-ce que ces amendes-là doivent varier selon la nature de la faute commise? Probablement. Il y a peut-être des choses à regarder de ce côté-là, et, pour que ce soit dissuasif, je crois qu'il faut quand même qu'il y ait des amendes d'un niveau significatif.

Mme Leblanc: Mme Champoux-Lesage, en clair, est-ce que, avec l'exemple que je viens de vous donner là, 200 $ d'amende, c'est significatif?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Est-ce que c'est significatif? Ça dépend des circonstances, ça dépend du contexte. De manière absolue, c'est sûr que vous donnez un exemple de quelqu'un qui aurait consulté dans le cas d'un divorce. Je connais pas les conditions, les effets, parce que, même là, dans le cas d'un divorce, il peut y avoir toutes sortes de conséquences plus ou moins graves. Je pense que c'est difficile de donner une réponse en absolu sur un montant comme celui-là, c'est approximatif. Je pense qu'il faut analyser chaque faute selon sa propre nature, et il faut regarder ça en contexte pour... Mais je répète ce que je disais, je pense que je peux pas poser un jugement absolu sur le 200 ou le 300 $ comme niveau d'amende et que, par ailleurs, il faut que ce soit une amende qui soit significative pour qu'elle soit dissuasive et qu'elle soit accompagnée, j'imagine, qu'elle soit accompagnée d'autres types de sanctions aussi à répétition, et le reste.

Mme Leblanc: Quand vous parlez d'autres types de sanctions, est-ce que vous voulez élaborer là-dessus?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, il peut y avoir, j'imagine, toutes sortes de sanctions. Pour avoir dirigé ou mené un organisme, vous devez avoir des suspensions qui sont données, il peut y avoir toutes sortes de choses qui sont au dossier, il y a toutes sortes de mesures à prendre quand des...

Mme Leblanc: ...qui sont déjà en vigueur, et ça n'a pas empêché que 58 personnes, l'année dernière, aillent fouiller dans des dossiers fiscaux quand même, là. Je veux dire: Il y a une politique de tolérance zéro au ministère, et, bien que le ministère du Revenu fasse tout pour qu'elle soit appliquée, que les fonctionnaires aient à signer une déclaration de confidentialité, il semble que, sans sanctions significatives justement, il y aura pas de changement dans les pratiques actuelles des fonctionnaires, là. Je veux pas lancer la pierre à tout le monde, c'est toujours un très petit nombre qui agit comme ça, mais c'est toujours la même chose aussi. Quand on parle d'excès... de conduite avec facultés affaiblies et d'accidents causés... qui causent la mort à cause de ça, c'est toujours un petit nombre, la majorité se conforme. Mais quand les sanctions sont pas assez sévères, bien, écoutez, ça se reproduit continuellement. Alors, c'était dans ce sens-là que je vous questionnais si le 200 $ était, pour vous, significatif. Ç'a l'air qu'on n'aura pas la réponse aujourd'hui.

Vous parlez également de... Vous êtes inquiets, au même titre que tous les autres intervenants, des communications qui seront faites aux corps policiers. Vous dites que ce type de communications-là doit demeurer exceptionnel et doit être rigoureusement encadré sur le plan administratif. Là, sur les mesures proposées, vous différez des intervenants que nous avons entendus ce matin qui, eux, préféreraient plutôt qu'on continue d'aller demander au... donner l'information au Procureur général qui, lui, va filtrer l'information, va décider s'il y a matière à aller plus loin et, à ce moment-là, va se présenter devant un juge pour obtenir une ordonnance ex parte. Vous, est-ce que vous continuez à maintenir que tout simplement un encadrement... un meilleur encadrement serait suffisant pour contrôler ces informations-là qui seraient données à des corps policiers?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Ce que j'ai expliqué tout à l'heure, et je demanderai à Me McNicoll de compléter, c'est que, avec les explications qui nous avaient été données lors des rencontres préalables pour bien saisir la portée de la loi, il nous semblait que les conditions qui étaient... qui nous étaient exposées nous permettaient de dire qu'on n'avait pas d'objection de principe à une procédure qui soit différente. Maintenant, je demanderais peut-être à Me McNicoll d'être plus explicite à ce chapitre.

Mme McNicoll (Micheline): C'est un domaine qui est pas occulte, mais qui est quand même pas près de nos vies quotidiennes, hein, de côtoyer ou d'avoir à dénoncer des gens du crime organisé, et on pense que ça doit être encadré de façon très stricte. Et notre position, c'est que lorsqu'un citoyen, lui, pense qu'il détient une information qui peut aider dans ce sens-là, il va le faire, souvent à ses risques et périls, là. Le fonctionnaire du ministère du Revenu qui, lui, aurait détecté ça va avoir toute une procédure à suivre pour se rendre jusqu'à la personne qui va, elle, décider.

Pourquoi, maintenant, est-ce que c'est, je ne sais pas, un haut fonctionnaire du ministère du Revenu qui va le faire directement avec la police plutôt que via le Procureur général ou même le juge ? parce que ça pourrait passer comme ça ? c'est que... ce qu'on a compris, c'est que c'est le contexte, là. On n'est pas dans le contexte d'une enquête ou d'une poursuite immédiate, là, et le rôle du Procureur général, c'est de déterminer s'il y a de la preuve pour faire une poursuite. Mais c'est pas ça, le but, là. Le but, c'est de dire: Écoutez, on pense que... En tout cas, je vous le dis vraiment comme... C'est comme ça que je l'ai compris, parce que, moi non plus, dans ce domaine-là... Vous savez, chez le Protecteur, c'est pas ce genre de choses dont on traite. C'est que, au ministère du Revenu, on va dire: On pense qu'on détient vraiment une information là-dessus, et les personnes habilitées à la recevoir immédiatement pour en faire quelque chose, si c'est ça, c'est la police.

Alors, chacun son rôle. Il me semble que c'est pas le rôle du Procureur général, en tout cas tel que moi, je le comprends, tel qu'on le comprend. Et puis, passer par un tribunal à chaque fois, qu'est-ce que le juge va dire? Il va dire: Bien oui, si vous pensez que c'est ça, faites-le. Il faut bien s'en remettre à quelqu'un, et on pense que... Dans les conditions qui sont faites là, je pense qu'il va y avoir une surveillance étroite, que c'est crédible et que c'est fiable. Écoutez, je peux pas vous en dire davantage.

Mme Leblanc: Vous, vous faites confiance au fonctionnaire qui pourrait... même s'il n'a pas tout à fait les connaissances juridiques pour déterminer si vraiment c'est passible d'un acte criminel ou non, parce qu'il y a différents secteurs, vous pensez que le fonctionnaire du ministère du Revenu a plus de compétence qu'un Procureur général pour établir si, oui ou non, il y a matière à pousser une enquête ou il y a matière à une fraude fiscale ou commerciale ou... Ça pourrait aller plus loin que ça.

n(14 h 40)n

Mme McNicoll (Micheline): Je comprends bien, on a les mêmes préoccupations, Mme la députée, mais on... Et c'est pour ça qu'on demande au ministre que ce soit bien encadré administrativement. On pense que, d'après ce qui nous a été dit, c'est pas n'importe quel fonctionnaire à n'importe quel niveau de n'importe quelle section qui va pouvoir faire ça. Il y en a qui vont avoir une information puis avoir des doutes et ils vont voir leur supérieur, et, dans le règlement, les personnes qui sont autorisées à divulguer vont le faire. Et on a les mêmes préoccupations et c'est pour ça qu'on demande au ministre de faire un encadrement strict. Et ce qu'on nous a dit, hein ? c'est une réunion de travail qu'on a eue ? ça va être des fonctionnaires de haut niveau, c'est-à-dire qui vont assumer cette responsabilité-là. Et puis on demandera des comptes au ministre. Ha, ha, ha! Mais nous partageons vos préoccupations.

Mme Leblanc: Et en termes d'encadrement, vous suggéreriez quoi?

Mme McNicoll (Micheline): Bien, il y a toujours la vie hiérarchique, hein, qui est la voie normale dans la fonction publique, dans nos ministères et organismes. Il y a aussi la formation, j'imagine que c'est pas tout le monde. Malgré que le ministre répondrait sûrement mieux que moi, mais ce qu'on pense: d'abord il y a la voie hiérarchique, il y a la formation, la sensibilisation à faire, mais là-dessus je pense qu'on va faire confiance au ministère du Revenu.

Mme Leblanc: On peut maintenant peut-être discuter de la notion de dossier fiscal. Il y a... En tout cas, il y a... À l'article 69, on détermine maintenant c'est quoi un dossier fiscal. Et au paragraphe 2° de l'article 69, modifié, là, qui fait référence à l'article 7 du projet de loi n° 14, on dit: «Le dossier fiscal d'une personne est conçu des renseignements que le ministre détient à son sujet, sous quelque forme que ce soit, pour l'application ou l'exécution d'une loi fiscale.» Alors, quand on lit ça, on dit: C'est clair; tout ce qui est dans le dossier de la personne, là, ça peut pas sortir.

Par contre, si on lit le troisième paragraphe, on dit: «Ne constitue pas un dossier fiscal un dossier constitué pour l'administration ou la direction du ministère du Revenu, en application du premier alinéa de l'article 2 et des articles 3 à 6...» En tout cas, je laisse tomber la suite. D'après vous, le fait qu'une personne n'ait pas payé son impôt, comme ça a été le cas dans l'affaire du bloquiste Ghislain Lebel, est-ce que, selon vous, ça constitue un renseignement de nature fiscale ou un renseignement de nature administrative propre au ministère du Revenu?

Le Président (M. Geoffrion): ...minutes pour répondre à cette question. Me...

M. Paquet (Jean-Claude): Chez la Protectrice du citoyen on n'est pas des experts en droit fiscal. À présent, je pense que le deuxième alinéa de l'article 69 «constitué des renseignements que le ministre détient à son sujet», la question qu'on doit se poser: Est-ce que le fait que quelqu'un paie ou ne paie pas son impôt, c'est un renseignement que le ministre détient à son sujet? Si on répond par l'affirmative, oui c'est couvert par le secret fiscal. À présent, je dois vous avouer qu'on n'a pas examiné les subtilités du troisième alinéa, l'article 2, les articles 3 à 6, 71.3.1 à 71.3.3, mais on peut difficilement vous donner une opinion comme jurisconsulte en matière fiscale aujourd'hui.

Mme Leblanc: Alors, selon vous, c'est assez ambigu pour être capable de se prononcer?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Rapidement comme ça, oui...

M. Paquet (Jean-Claude): Bien, «des renseignements que le ministre détient à son sujet», pour moi ça m'apparaît relativement clair. Les renseignements, est-ce que quelqu'un paie ou ne paie pas son impôt ou le paie à temps, est-ce que ça peut être les renseignements que le ministre détient à son sujet, je pense que, si j'avais une opinion juridique à vous donner, je vous la donnerais peut-être, là, mais comme membre d'une institution, c'est peut-être pas notre rôle de donner des opinions juridiques là-dessus.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, je vous remercie beaucoup. Alors, Mme Champoux-Lesage, Mme McNicoll et Me Paquet, on vous remercie de votre présence à la commission des finances publiques.

Alors, j'appelle les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Geoffrion): Alors, M. Pierre Marois, président, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous laisse présenter vos collègues.

Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Marois (Pierre): Alors, merci, M. le Président. Les personnes qui m'accompagnent sont, à ma droite, Me Pierre Bosset qui est directeur de la recherche et des enquêtes à la Commission et, à ma gauche, Me Daniel Carpentier qui a particulièrement travaillé sur ce dossier.

M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, M. le ministre, vous me permettrez, comme c'est une première en ce qui me concerne, tout d'abord de vous remercier de passer par votre canal, de vous remercier de la confiance que vous m'avez témoignée en me nommant à la présidence par un vote de l'Assemblée nationale, et je vous prierais, à cet égard, de transmettre les mêmes remerciements à tous vos collègues de quelque formation politique que ce soit. J'entends avec mes coéquipiers, c'est-à-dire les deux vice-présidents, Me Lefebvre et Mme Giroux, les commissaires et tous les membres de l'équipe de la Commission, remplir ce mandat-là et les mandats confiés par le législateur à la Commission, et ce, conformément au serment que j'ai prêté suite à votre vote.

C'est donc, d'une part, en réponse à l'invitation que vous nous avez formulée, comme commission, que vous nous avez adressée en juin dernier et, d'autre part, en fonction des mandats qui sont confiés par l'Assemblée nationale à la Commission que nous vous présentons nos commentaires sur le projet de loi n° 14. Et, parmi ces mandats, je me permets d'insister peut-être sur cet aspect, il y en a un notamment qui est d'une très grande importance, me semble-t-il. Il s'agit de celui consistant à procéder à l'analyse de la conformité des dispositions législatives aux droits et libertés reconnus par la Charte des droits et libertés de la personne, loi quasi constitutionnelle, pour reprendre l'expression de la Cour suprême.

Dans les droits... Je vais donc vous présenter quelques commentaires généraux et Me Carpentier vous présentera quelques commentaires plus pointus, plus particuliers. Dans les droits reconnus par la Charte, se trouve le droit au respect de la vie privée garanti à l'article 5 et le droit à l'information reconnu à l'article 44. Le législateur québécois a adopté deux instruments législatifs importants où ces deux droits ont été intimement associés: la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ? et, parfois, on l'oublie ? mais, également, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Ces deux lois, comme la Charte, sont prépondérantes sur l'ensemble des autres lois québécoises, à moins de dérogation expresse, leur conférant donc ce statut de prépondérance ou de statut quasi constitutionnel. La révision en profondeur de la section VIII du chapitre III de la Loi sur le ministère du Revenu proposée dans le projet de loi doit donc, à notre avis, s'inscrire dans ce contexte législatif.

Dans l'ensemble, le projet de loi n° 14 portant sur la protection des renseignements confidentiels détenus par le ministère du Revenu, nous le croyons, nous tenons à vous le dire, apporte certaines améliorations au régime actuel. Ainsi, par exemple, la notion de confidentialité prévue dans le projet de loi s'étendrait à tous les renseignements contenus au dossier fiscal et non seulement aux renseignements nominatifs. Nous croyons que c'est un pas, un très bon pas, dans la bonne direction, que ça apporte une amélioration sensible en matière de protection de la confidentialité des renseignements fiscaux. La Commission toutefois relève que le projet de loi, tout en maintenant le caractère de prépondérance de la Loi sur l'accès, élargit les dérogations ou exceptions aux principes fondamentaux de protection des renseignements personnels, et cela nous inquiète un peu. Nous vous le disons très franchement.

n(14 h 50)n

À cet égard ? je n'en prendrai qu'un pour l'instant, Me Carpentier sera plus pointu sur d'autres ? la divulgation à un corps policier. Cette disposition plus spécifique qui permettrait à un employé autorisé du ministère de transmettre à un corps policier des renseignements contenus dans le dossier fiscal d'une personne, s'il a des motifs de croire que ladite personne est membre d'une organisation criminelle; c'est bien ce que le texte de loi propose. La possibilité de divulguer des informations d'un dossier fiscal à des corps policiers en cas de soupçon d'appartenance existe déjà et non sans raison. Toutefois, la procédure actuelle établit que cette divulgation doit être autorisée par un juge à la demande du Procureur général.

La Commission estime qu'il faut conserver la procédure actuelle. Lutter contre le crime organisé, c'est une évidence de société, la Commission ne peut pas être contre ça. Mais la Commission estime qu'il faut conserver la procédure actuelle. Nous ne voyons absolument pas en quoi un employé du ministère du Revenu, fut-il de très haut niveau, fut-il autorisé par règlement, pourrait être plus adéquatement préparé qu'un juge pour évaluer si les conditions permettant la divulgation sont rencontrées. Le recours à un juge assure à la décision l'indépendance et l'impartialité propres au pouvoir judiciaire et empêche que des policiers transmettent à des fonctionnaires, pour obtenir leur autorisation, des renseignements qu'eux-mêmes détiendraient sur une personne ou un individu.

Mon deuxième et dernier commentaire d'ordre général porte sur le décloisonnement, ce que nous appelons le décloisonnement. Le projet de loi maintient les dispositions qui avaient été adoptées en 1996, dispositions qui obligent tout organisme public ou municipal à fournir au ministère, au ministre du Revenu, dis-je, tout renseignement que ce dernier indique comme nécessaire à l'application d'une loi fiscale. On se souvient que ça avait été introduit pour lutter contre... la lutte contre le noir, l'évasion fiscale. Là, maintenant, c'est concernant le crime organisé. Il s'agissait déjà d'une dérogation globale au principe du cloisonnement des organismes puis des renseignements qu'ils détiennent dans l'administration publique. Nous croyons, en cette matière, le décloisonnement, c'est-à-dire l'échange ou la transmission de données devrait être l'exception et non la règle.

Ici ? il nous semble ? le texte, à sa lecture, nous laisse sous l'impression que la situation est inversée. Mais plus que ça, quand on lit le texte tel qu'il est libellé, il nous semble aussi ressortir... Et nous attirons votre attention à cet égard-là, ça mérite d'être... Parce que ça nous interpelle toutes et tous, ça mérite d'être regardé de très près parce que, à une lecture première, deuxième et même très attentive, ça donne l'impression, compte tenu d'autres éléments que nous pourrons vous indiquer, l'impression qu'on veuille qu'il en soit ainsi de façon permanente, et, ça, c'est... Nous attirons vraiment votre attention là-dessus.

Compte tenu que le temps passe, je vais laisser la parole à Me Carpentier pour d'autres éléments peut-être plus pointus. C'étaient là mes commentaires d'ordre général. Mais, dans l'ensemble, nous considérons que c'est un travail qui va dans la bonne voie.

Le Président (M. Geoffrion): Merci. Me Carpentier.

M. Carpentier (Daniel): Oui. Alors, je vais aborder brièvement également les commentaires spécifiques que vous retrouvez au mémoire. D'abord, sur l'article 69.0.0.11, dans le fond, c'est une question qu'on se pose parce qu'on reprend, dans cet article, une des dispositions de la Loi sur l'accès, à laquelle on déroge par ailleurs, mais pour permettre donc la communication, sans le consentement d'une personne concernée, dans des situations d'urgence qui menacent la santé, la sécurité d'une personne. Et on s'interroge tout simplement: Pourquoi rendre ça plus restrictif? Je crois que les termes du projet de loi sont «de prévenir un acte de violence, lorsqu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un danger imminent de mort ou de blessures graves menace la personne». Bon. Dans la Loi sur l'accès, il existe une telle autorisation de transmettre à un tiers sans le consentement de la personne si la santé ou la sécurité d'une personne est en jeu, dans des situations d'urgence également. Donc, on pense que ce libellé est suffisant. Pourquoi restreindre à des blessures graves? Je pense que des blessures même moins graves... Est-ce qu'on va protéger le secret fiscal en évaluant le degré de la blessure d'une personne... qu'une personne risque d'avoir? En tout cas, on vous soumet qu'il y a peut-être lieu de conserver le libellé antérieur.

Sur l'article 69.0.0.12, même s'il a été abordé tantôt, j'attire votre attention sur... parce que j'ai entendu tantôt les explications qui ont été données sur cet article. Mais vous verrez dans le mémoire... Compte tenu du libellé de l'article, il donne une discrétion aux fonctionnaires pour évaluer si les conditions sont rencontrées. À notre avis, on peut raisonnablement penser qu'il y aura... qu'un représentant d'un corps policier aura présenté des motifs aux fonctionnaires. Je peux difficilement imaginer, peut-être que ? en tout cas, c'est l'opinion de la Commission là-dessus ? qu'un fonctionnaire du ministère du Revenu va pouvoir, à partir de renseignements, raisonnablement croire qu'une personne membre d'une organisation criminelle est sur le point de commettre une infraction grave. Je pense qu'il aura eu des renseignements policiers.

On pense que... Le libellé, tel qu'il est là, nous laisse croire, nous laisse comprendre que le corps policier va s'adresser au ministère pour obtenir les renseignements et qu'un fonctionnaire évaluera si tout ça est rencontré et transmettra. Ce qui permet, comme ça a été expliqué tantôt, et vous le verrez dans le mémoire, d'établir une procédure distincte de celle de l'article 69.0.2 où, là, le Procureur général aura évalué si les circonstances sont rencontrées, un juge de la Cour du Québec aura évalué si les circonstances sont rencontrées et permettra la communication du renseignement. On pense que cette procédure comporte toutes les garanties d'indépendance et d'impartialité et évite la transmission, à notre avis, de renseignements policiers à un fonctionnaire du ministère du Revenu. Alors, on suggère et on vous recommande de retirer l'article 69.0.0.12 et modifier éventuellement l'article 69.0.2 pour couvrir des situations qui ne seraient pas actuellement prévues, mais de garder le processus de garantie d'impartialité judiciaire dans cette communication.

Et finalement, sur l'article 69.0.0.15, il s'agit donc de la limite au droit d'accès à un renseignement fiscal par une personne, donc on limite le droit d'accès à un renseignement qui concerne la personne. Ceci est en dérogation avec divers articles de la Loi sur l'accès et l'article 69.0.0.2 proposé dans la loi.

Déjà qu'on dirait... Déjà qu'il est difficile d'être d'accord avec une interdiction absolue d'accès à un renseignement concernant une personne par celle-ci pendant cinq ans ? et c'est absolu ? même si le renseignement n'est pas utile aux fins de l'article ? c'est une interdiction absolue de cinq ans ? la Commission estime qu'il est encore plus difficile de l'être avec une prolongation indéterminée de cette interdiction absolue pour un motif aussi général que, je cite le texte de loi, «autrement contraire à l'ordre public». N'oublions pas qu'il s'agit d'un renseignement qui concerne une personne qui fait la demande d'accès. Le maintien est... Tel qu'il est actuellement dans la Loi sur l'accès, si la communication de ce renseignement peut être nuisible à une enquête ou à une procédure, bien sûr maintenons l'exception, la limitation au droit d'accès par la personne concernée, comme c'est dans la Loi sur l'accès, mais les limites de cinq ans et le «autrement contraire à l'ordre public» ne devraient pas apparaître.

n(15 heures)n

M. Marois (Pierre): Voilà, M. le Président, c'étaient là nos commentaires généraux et particuliers.

Le Président (M. Geoffrion): Merci beaucoup. Alors, la parole est au ministre et aux collègues.

M. Julien: Merci, M. le Président. D'abord, exprimer ma satisfaction que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse soit présente à cette commission. M. le président ? nouveau président ? je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues ainsi qu'à vos associés, vos collaborateurs, l'objectif étant évidemment une consultation sur un projet de loi qui m'apparaît fondamental pour le futur.

Et, comme j'ai eu l'occasion de mentionner souvent, évidemment, chacun a ses objectifs, a ses mandats, a ses principes à faire respecter. Donc, à quelque part là-dedans, il faut s'assurer que, tout en respectant l'ensemble des principes et des mandats et des objectifs de chacune des organisations, nous arrivions au but ultime, c'est-à-dire les objectifs qu'on s'applique, comme gouvernement, mais dans le respect, dans la...

Ils nous ont fait part d'un certain nombre de commentaires qui vont amener une réflexion évidemment chez mes gens. Et je souhaite même qu'à un moment donné vous puissiez vous parler pour bien saisir, parce qu'effectivement... Les projets de loi, ce n'est pas des projets de lois... Des lois comme celles-là, on ne les refait pas à tous les jours. Donc, c'est important d'avoir la meilleure base, en tout cas. Évidemment, c'est évolutif, mais au moins partir sur la meilleure base.

Il y a deux éléments, M. le Président, sur lesquels j'aimerais avoir des commentaires. D'abord, il y en a un qui concerne les communications de renseignements aux corps policiers, que vous avez soulevé. J'aimerais vous faire un commentaire à ce sujet-là puis j'aimerais avoir votre réaction. Puis gênez-vous pas, on est là pour préciser le plus possible, comme je l'ai mentionné.

Alors, dans le fond, ce que je vous dirais, c'est ceci: Dans une perspective de lutte au crime organisé, il nous semble essentiel que le ministère du Revenu soit autorisé à passer outre au secret fiscal à certaines conditions et dans certaines circonstances, ce qu'on appelle mesurer. Or, l'actuelle Loi sur le ministère du Revenu ne contient aucune disposition qui autorise le ministère à transmettre des renseignements aux policiers, même dans ce qu'on aurait pu appeler des circonstances les plus graves, parce qu'en effet l'article 69.0.2 actuel n'est pas un article qui autorise le ministère à transmettre des renseignements. Il s'agit en substance d'une disposition qui établit que le ministère peut faire l'objet d'une perquisition. Cet article en lui-même est donc d'une utilité relative en ce que le ministère peut de toute façon faire l'objet d'une perquisition en vertu du Code criminel. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'autorisation d'un juge est requise.

De plus, comme on le comprendra, les policiers ne peuvent demander à un juge de mandat de perquisition pour saisir des documents que dans la mesure où ils connaissent l'existence, évidemment, de ces documents. Comme on le voit, l'article 69.0.0.12 proposé s'inscrit dans une toute autre logique en ce qu'il permet au ministère de communiquer ce qu'il souhaite communiquer dans le cadre de la lutte au crime organisé.

Il me semble qu'il s'agit d'un article tout à fait acceptable dans le cadre d'un objectif aussi important que celui de la lutte au crime organisé, surtout si l'on considère que le ministère est déjà autorisé par l'article 69.1 à transmettre divers renseignements à divers organismes pour certaines fins déterminées. Ainsi, les renseignements fiscaux peuvent être transmis par exemple au Vérificateur général pour des fins de ses fonctions ou au ministère de l'Emploi et de la Solidarité pour les fins de l'administration de la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre. Dans ces circonstances, il me semble aussi que certains renseignements propres à lutter contre le crime organisé puissent être transmis à nos agents de la paix.

C'est une première réaction qu'on a par rapport aux commentaires de votre mémoire. J'aimerais ça que vous réagissiez là-dessus parce que c'est ça qui va faire la base des modifications ou des amendements s'il y a lieu ou des améliorations.

M. Marois (Pierre): Bien sûr. En ce qui concerne votre première remarque, M. le ministre, ça va de soi, la Commission est là, nommée par l'Assemblée nationale, comme je l'ai rappelé avec une certaine insistance, pour contribuer à s'assurer de la conformité des dispositions législatives à ces lois qui sont quasi constitutionnelles ou prépondérantes et qui sont nos valeurs de société et qui devront même probablement évoluer. Mais c'est une autre histoire.

Donc, oui, bien sûr, nous sommes prêts en tout temps à répondre à toute demande d'explications plus amples non seulement ici, mais ultérieurement dans les jours, les semaines qui viendront, et ça vaut pour le ministère comme ça vaut pour tous les parlementaires. Donc, soyez assurés de notre pleine et totale collaboration et coopération.

Deuxièmement, en ce qui concerne le crime organisé, comme je l'ai évoqué tout à l'heure, on parlait en 1996 du travail au noir et de l'évasion fiscale; aujourd'hui, on parle du crime organisé. On a certaines inquiétudes à cet égard-là. Dans le cas du crime organisé, passer outre au secret fiscal, c'est pas tellement là qu'est le problème, dans la mesure où on a des motifs de croire que quelqu'un ? c'est ce que le texte de loi dit ? participe d'une organisation criminelle. Oui, mais est-ce que c'est un fonctionnaire qui va déterminer que quelqu'un participe d'une organisation criminelle? À partir de quoi? À partir, il nous semble... Ça peut pas être sur le nez: J'ai comme l'impression que, peut-être, cette personne-là, etc. Dans le cadre de la protection, autant il faut lutter contre le crime organisé, autant on ne peut pas le faire en utilisant ou en recourant à des moyens qui, à notre humble avis, dans l'examen actuel du texte tel qu'il est, contreviendraient aux principes fondamentaux de la protection des gens et des citoyens.

Maintenant, quant à la procédure, la mécanique actuelle, nous, nous croyons qu'elle répond; vous nous soumettez que non. Je vais laisser Me Carpentier apporter certaines précisions ou réagir plus amplement à ce que vous nous soumettez comme argumentation.

M. Julien: M. le Président, peut-être, juste avant que Me Carpentier réponde... Je comprends-tu bien? Vous nous dites que le fait d'utiliser des informations, mettons, d'un dossier fiscal ? évidemment, bien cerné et tout ? c'est quelque chose qui serait, dans le cas présent... je sais pas si je peux dire «acceptable», mais, en tout cas, qu'on comprend. Mais, dans la façon dont qui autorise la transmission, là, vous voyez un problème. J'ai-tu bien compris? Parfait, merci.

M. Marois (Pierre): Me Carpentier.

M. Carpentier (Daniel): Peut-être, pour ajouter là-dessus, c'est que notre lecture du 69.12... C'est pas du tout clair, là, que ça vient, proprio motu, du fonctionnaire. Je pense qu'on peut difficilement imaginer ? et là, je fais un exercice de raisonnement du texte ? comment le fonctionnaire, à partir de son dossier fiscal, va se convaincre des éléments, des conditions qui lui permettent la transmission. Donc, pour trouver un sens à l'article, on s'est dit: C'est donc qu'un policier, un corps policier s'adresse au ministère disant: On est en train d'enquêter sur ces individus, on veut des renseignements de nature fiscale, ils vont nous aider dans notre enquête, puisqu'une des conditions, c'est que le renseignement puisse servir à prévenir ou à réprimer une infraction grave. C'est comme ça qu'on voit la mécanique.

Vous nous dites aujourd'hui que c'est: Non, en regardant les dossiers, un fonctionnaire croit que tout ça est rencontré. Moi, je pense que, logiquement, ou bien ça risque de ne pas s'appliquer ou bien... C'est peut-être le scénario qu'on voit, nous. Ou bien ou rédige autrement 69.12 ou bien on prévoit une procédure. Et vous dites: 69.02 ne permet pas au ministère de communiquer. Qu'on fasse une procédure similaire à 69.02 pour permettre au ministère de communiquer, il y aura des garanties d'examen par un juge de la possibilité de la communication de ces renseignements-là.

M. Marois (Pierre): Me Bosset, M. le ministre, si vous permettez, juste pour un petit ajout.

M. Julien: Oui, oui, oui, je vous en prie.

M. Bosset (Pierre): Une phrase, tout simplement, là-dessus pour dire que, ce matin, j'entendais la Commission d'accès à l'information proposer exactement la même chose, à savoir que, si on tient absolument à ce qu'un fonctionnaire puisse de lui-même transmettre un renseignement fiscal à un corps policier, il doive passer, lui aussi, par une procédure judiciaire.

M. Julien: M. le Président, effectivement, on a eu quelques commentaires là-dedans. C'est pour ça que je disais tout à l'heure que je pense que c'est important qu'on se reparle, et je souhaiterais avoir des propositions, des suggestions dans le cadre de cette façon de faire, qu'on va apprécier à leur juste mesure, parce que, évidemment, nos gens ? on l'a mentionné ? ça va être des gens de haut niveau, spécialisés dans le domaine, avec des balises et des objets très définis, très précis ? autant qu'on peut le faire, parce qu'on peut peut-être pas tout prévoir ? et validés dans le cadre de la Commission d'accès à l'information. Donc, on a quand même pensé à une façon de faire.

Cependant, ce que je comprends de votre préoccupation, c'était d'aller plutôt au-delà de cette façon de faire par rapport à la nomination d'un juge ou... Alors, je pense que c'est important que les discussions se continuent par la suite. On a encore quelque temps pour essayer de peaufiner, je pense, les articles de loi.

Il y a peut-être mon collègue de l'Abitibi qui avait quelque chose.

Le Président (M. Geoffrion): M. le député d'Abitibi-Ouest.

Une voix: Sur le même sujet?

n(15 h 10)n

M. Gendron: C'est parce que ça m'apparaît... On l'a touché sous tous les angles et tout ça mais, moi, je voudrais le faire peut-être d'une façon beaucoup plus simple. Ce que je crois comprendre, vous dites: Nous, on a la conviction que le fonctionnaire ? puis sans porter de jugement sur la personne ? ne devrait pas disposer d'informations pour permettre qu'il porte le jugement. Ça n'a pas de bon sens qu'il ait ça. Ou bien la police lui a donné ce qu'il faut, puis vous dites: Bien, dans ces conditions-là, on aimerait bien mieux que ça reste comme avant, la police à sa place puis le fonctionnaire à sa place, en simple, là, je sais bien que je caricature, mais à peine. Alors, est-ce que c'est bien ce que je sens que vous dites: Essayez pas d'encadrer ça autrement parce que, normalement, il y a pas les éléments qu'il faut comme grille d'analyse pour porter le jugement que l'information qu'il détient ? ça, il y a pas de trouble, là, il peut l'avoir cette information-là, mais elle appartient à un groupe ou à une personne qui est dans le crime organisé ? alors, pour porter ce jugement-là, que l'information qu'il détient est liée au crime organisé, c'est dur de croire qu'un fonctionnaire peut avoir ce type d'information là, puis, s'il l'a, il y a de quoi qui marche pas dans le système. Alors, est-ce que je résume bien? Puis vous dites: Bien, attention, vu que c'est comme ça, j'aimerais mieux que ça reste comme avant, la police à sa place, et je vois pas en quoi on devrait aller dans ce créneau-là? Est-ce que c'est bien ça?

M. Marois (Pierre): Bien, M. le député, vous faites un excellent vulgarisateur des positions de la Commission...

M. Gendron: D'habitude.

M. Marois (Pierre): ...c'est une image qui vaut mille mots, c'est exactement ça. À moins que, vraiment, il y ait certains aspects ou que le libellé, la façon de rédiger nous amène à cette conclusion-là et que ce ne soit pas l'intention du ministère. Mais, tel que libellé, on voit pas comment on peut arriver à une autre conclusion que ça.

M. Gendron: C'est clair qu'on est plus dans des considérations de politesse.

M. Marois (Pierre): Bien, oui.

M. Gendron: Si vous voulez le libeller, là, je veux dire, je m'en fous, quand même on prendra des heures à le libeller, on est dans un champ où, règle générale, c'est pas la place de la fonction publique de le couvrir. Le crime organisé, j'entends.

M. Marois (Pierre): Oui. Exact.

Le Président (M. Geoffrion): Bien. M. le ministre, il vous reste trois minutes. Sinon, il y a des collègues qui... Ça va? On a fait le tour.

M. Julien: ...les éléments soulevés par le président de la Commission et les gens puis mon collègue puis ce que j'ai dit...

Le Président (M. Geoffrion): Bien.

M. Julien: ...c'est clair qu'on devra probablement se recommuniquer pour ce que j'ai mentionné tout à l'heure, mieux peaufiner nos choses et peut-être mieux comprendre aussi la façon dont on a l'intention de procéder, puis là, on verra vraiment s'il y a des améliorations à faire pour respecter les perspectives que vous nous donnez.

Le Président (M. Geoffrion): Bien, merci. Alors, nous allons passer aux questions de l'opposition officielle. Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, MM. Marois, Bosset et Carpentier, bonjour et bienvenue à la commission des finances publiques. Merci d'être là pour nous apporter votre éclairage sur le projet de loi n° 14, qui est quand même un projet de loi important. On parle du secret fiscal, ça touche tous les citoyens du Québec en autant qu'ils produisent un rapport d'impôts, mais il y a quand même 5 400 000 contribuables qui produisent une déclaration chaque année. Donc, il y a beaucoup de gens concernés ici.

Je veux vous féliciter aussi pour la qualité de votre mémoire qui a la qualité d'être très clair. Alors, on sait exactement pourquoi vous vous objectez et dans quelle direction vous souhaitez que nous allions. Vous êtes les quatrièmes aujourd'hui à venir nous dire que le recours au Procureur général et éventuellement à un juge serait préférable. Alors, je suppose que, même si c'est pas complètement unanime ? il y a un groupe qui n'a pas manifesté clairement cette disposition-là ? alors, je pense que c'est un sens dans lequel le ministre devra s'orienter.

C'est tellement bien expliqué dans votre mémoire, je me permets de lire quelques passages. Vous dites: «On peut se demander dans quelle mesure un fonctionnaire ou un employé du ministère autorisé par règlement est aussi adéquatement préparé qu'un juge de la Cour du Québec ou le Procureur général pour évaluer si les conditions autorisant la communication des renseignements sont rencontrées.» Alors, moi aussi, je suis du même avis que vous là-dessus.

Ensuite, c'est sûr que ça laisse supposer que des informations seraient révélées aux fonctionnaires ou à l'employé du ministère du Revenu, c'est-à-dire des informations d'ordre policier qu'il n'a pas normalement à avoir. Et, dans la procédure actuelle ? c'est ce que vous dites dans votre rapport ? la procédure devant la Cour du Québec, le ministère du Revenu n'est pas informé de tous ces éléments, puisque la procédure est initiée par le Procureur et se déroule ex parte. Alors, je pense que ça va être assez simple d'apporter une modification au projet de loi dans le sens que vous le souhaitez; en tout cas, on va y voir, on va surveiller ça de très près.

J'ai l'impression qu'à toutes les fois maintenant qu'on a un problème social, là, hein, tout ce qu'on fait, c'est qu'on sacrifie le secret fiscal. À date, depuis 1993, là, il y a eu 12 fois, 12 fois où on a élargi... où on a restreint, si vous voulez, la portée du secret fiscal ou élargi les pouvoirs du ministère de transmettre des informations sans le consentement de la personne, et, avec le projet de loi n° 14, on en crée deux autres. Donc, on est rendu à 17 exceptions à part les corps policiers. Alors, ça fait beaucoup de gens puis d'organismes qui, finalement, peuvent mettre la main sur des renseignements de nature fiscale.

On sait que, cette situation-là, le projet de loi n° 14, donne suite à la démission de Rita Dionne-Marsolais et que c'était pour corriger les lacunes qu'on avait découvertes à cette époque-là. Moi, j'ai l'impression qu'on est en train de légaliser ce qui était illégal auparavant de façon à pouvoir se donner plus de latitude au ministère du Revenu. À ce moment-là, je suis d'avis... En tout cas, moi, j'ai peur qu'on vienne tout simplement de donner encore un coup au secret fiscal et puis que c'est pas tellement la protection des renseignements personnels et confidentiels qui est l'objectif visé ici mais plutôt peut-être de faciliter la tâche au ministère du Revenu.

Vous avez parlé de décloisonnement. Vous savez qu'en 1996, avec le projet de loi n° 32, on avait élargi la portée, le couplage des fichiers, et on est rendu, on le sait, au ministère du Revenu, avec des mégafichiers, ce qui est devenu inquiétant, et la Commission d'accès à l'information est venue nous dire ce matin encore qu'elle craignait beaucoup que... Avec le projet de loi n° 14, il semble clair que le Bureau de lutte à l'évasion fiscale va dorénavant avoir un caractère permanent, alors que la Commission d'accès à l'information s'est toujours objectée à ça. Et j'aimerais vous entendre en clair, vous, votre position là-dessus.

M. Marois (Pierre): Oui. Je vais faire un commentaire d'ordre général. Après, si vous permettez, on va rentrer dans des détails plus pointus là-dessus.

Nous, nous sommes convaincus, et que c'est ? j'ouvre une parenthèse ? et que c'est, ce que je vais dire, inhérent aux valeurs intrinsèques de sociétés encadrées dans des lois qui ont prépondérance et qui ont valeur ? pour reprendre l'expression de la Cour suprême ? quasi constitutionnelle, notamment mais non exclusivement, la Charte des droits et libertés, la Loi sur l'accès. Ça, ce sont des principes et des valeurs de société. Si on veut en changer, on veut en changer.

On comprend que c'est normal que les parlementaires se préoccupent, que le gouvernement se préoccupe de lutter contre des situations sociales économiques inacceptables: l'évasion fiscale, le noir, le crime organisé. Mais, quand on touche à ces domaines-là, il faut faire attention parce qu'il y a là un principe, le principe fondamental concernant le décloisonnement. Quant à la Commission, nous l'avons dit à maintes et maintes reprises, mes prédécesseurs l'ont dit, je le répète aujourd'hui avec insistance ? quand je dis «je», c'est la Commission qui parle, ce n'est pas Pierre Marois, là ? le décloisonnement, c'est-à-dire l'échange d'informations, la transmission de données, ça doit être l'exception et non la règle.

Nous avons, ici, nous craignons, nous avons des craintes, et c'est une préoccupation importante pour nous, tel que libellé présentement, nous avons des craintes que la situation soit en train d'être inversée et qu'il semble, ça laisse l'impression ? on dit pas que c'est ça, on dit: ça laisse l'impression ? qu'on veuille même qu'il en soit ainsi de façon permanente.

Pourquoi on dit ça? Je vais laisser à Me Carpentier le soin de vous expliquer pourquoi on affirme une chose comme celle-là, comme je viens de le faire.

n(15 h 20)n

M. Carpentier (Daniel): Sur le caractère permanent de cette collecte généralisée ? puisque c'est, tel que libellé, une obligation qui est faite aux ministères et organismes de transmettre au ministère du Revenu les documents que le ministre requiert pour les fins d'application des lois fiscales bien sûr ? bon, c'est une modification, en tout cas, sur l'article 71.0.6, là, sur le rapport d'activité. On sait que, bon, malgré cette dérogation qui a été encadrée, là, suite au dépôt du projet de loi n° 32 en 1996 et un certain encadrement par un avis préalable de la Commission d'accès sur le plan de collecte et ensuite sur un suivi un an après son application, maintenant on transforme ça en rapport annuel. Donc, c'est clair que ce n'est plus un plan où on a voulu aller chercher de l'information pour combattre l'évitement fiscal à un moment donné et on corrige les choses ensuite. Non, c'est une collecte qui se veut et qui semble être permanente, puisqu'on parle de rapport annuel.

M. Marois (Pierre): Donc, si vous me permettez, après, si on fait un rapport annuel, on fait un rapport de quelque chose, donc après, a posteriori.

M. Carpentier (Daniel): Peut-être un autre point là-dessus. Bien, qu'est-ce que ça nous dit aussi, c'est que: Sommes-nous face à une tendance? Tendance, bon, là on peut parler de deux aspects qui sont liés aux travaux de cette Commission, qui sont les lois fiscales. On a parlé de la lutte à l'évasion fiscale, maintenant on a des dispositions sur le crime organisé, mais on le voit dans d'autres domaines. Et c'est sûr que l'État doit s'assurer ? et c'est une question d'équité pour tous les contribuables ? s'assurer de bien percevoir tout ce qui lui est dû. Mais on s'interroge parce qu'on voit aussi d'autres projets, et est-ce que l'État veut aussi, dans des domaines où il a beaucoup de dépenses à faire, aussi prendre le moyen de toucher aux règles de confidentialité. On pense au domaine de la santé, avec des projets, là, qui sont sur la table, où on voudra faire ça également. Et, pour reprendre les mots de notre président, je pense que ce sont des principes fondamentaux et le recours à des dérogations larges devient très inquiétant et se développe de plus en plus. Et ce n'est pas pour nier les problèmes sociaux, ils sont importants, ils sont réels, mais il faut, je pense, travailler à des solutions qui sont moins drastiques dans le fait de mettre à l'écart ou de reformuler les principes de protection des renseignements personnels.

Mme Leblanc: Est-ce que, M. le président ou M. Carpentier, est-ce que vous croyez que le projet de loi n° 14 répond à l'objectif de référer les règles entourant le secret fiscal tel qu'il avait été souhaité après la démission de Rita Dionne-Marsolais?

M. Marois (Pierre): Bien, là, si on demande à la Commission de porter un jugement sur des situations de fait, vous savez, nous avons un principe à la Commission: nous n'improviserons pas, nous n'improvisons pas, nous ne commencerons pas à le faire, on le fera jamais sur des aspects, des cas particuliers, alors que nous n'avons pas de plaintes, avons pas eu de plaintes. À l'occasion, sur certaines questions, dans la mesure où nous avons eu à intervenir parce que nous avons eu des plaintes, parce que nous avons accumulé, comme on dit dans le jargon, une jurisprudence, on peut se permettre, on n'improvise pas, on vous dit: depuis tant d'années, la Commission, sur ce type de problème vous dit que... Là, ça n'est pas le cas, et, avec respect, la Commission ne peut pas répondre à cette question-là.

Mme Leblanc: Tantôt M. Carpentier parlait de principe, ou c'était vous, M. Marois, qui parliez de principe, plutôt. Est-ce que vous êtes inquiets du fait que le ministère, avec le projet de loi n° 14, pourra transmettre des informations à des firmes, des renseignements de nature nominative à des firmes à l'extérieur du ministère du Revenu, pour la réalisation d'études ou encore des enquêtes, des statistiques.

M. Marois (Pierre): Me Carpentier.

M. Carpentier (Daniel): Bien, écoutez, ça n'a pas fait l'objet d'un commentaire dans le mémoire de la Commission, mais, bon, l'analyse... Il nous semble qu'il y a des garanties de maintien de la confidentialité. Lorsqu'il y a des contrats pour des fins d'application ou d'exécution des lois fiscales, on peut lire qu'il y a des garanties de confidentialité qui doivent être au contrat ou, s'il s'agit de professionnels, donc, ces obligations de confidentialité s'appliquent, même si elles n'ont pas à apparaître au contrat. Donc, écoutez là, l'analyse qu'on a pu faire, c'est que le principe du respect de la confidentialité du renseignement fiscal est transmis dans le cadre des contrats. Là, il s'agit de voir concrètement comment on assure cette confidentialité, mais je pense que le projet de loi maintient ce principe.

Mme Leblanc: Il y a une chose à ce propos-là. Il y a l'article 37, je crois, du ministère qui dit que, pour la première année après l'adoption du projet de loi n° 14, l'entente écrite avec la firme privée, qui spécifie quelle est la nature des informations transmises, comment il devra assurer la confidentialité et tout ça, on dit que, pour la première année, l'entente écrite ne sera pas obligatoire. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Carpentier (Daniel): Ce que j'ai pensé, à la lecture, c'est qu'il s'agissait d'une disposition transitoire de façon à ce que des contrats actuellement en route ne tombent pas ? là, je vous donne un raisonnement juridique à la lecture de l'article, je n'ai pas approfondi plus que ça ? il me semble que ça devait couvrir des situations, des contrats en cours, de façon à ce que tout ça ne tombe pas à l'eau immédiatement et donnait le temps d'ajuster. Mais, écoutez...

Mme Leblanc: On parle plutôt de première année suivant la sanction du projet de loi, donc, des contrats qui pourraient être signés au lendemain de la sanction et pour une durée d'un an où il n'y aurait absolument pas d'entente écrite. On dit qu'elle n'est pas obligatoire.

Le Président (M. Geoffrion): Rapidement, c'est tout le temps qui nous...

M. Carpentier (Daniel): Il faudrait que j'étudie plus la question.

Le Président (M. Geoffrion): Bien, bien.

M. Marois (Pierre): Il me fera plaisir de transmettre des suggestions, commentaires complémentaires. Ça vaut pour tous les parlementaires, donc ça vaut pour cette question-là, le cas échéant. N'hésitez pas à communiquer avec nous. Et, encore une fois, M. le Président, vous n'oublierez pas de transmettre mes meilleurs voeux et mes remerciements à tous et toutes vos collègues de...

Le Président (M. Geoffrion): Absolument. Alors, M. Marois, M. Bosset, Me Carpentier, merci de votre mémoire, de votre présence ici à la commission.

Remarques finales

Alors, nous en sommes aux remarques finales. On va prendre quelques secondes.

Alors, nous en sommes déjà aux remarques finales. Alors, nous entendrons celles de l'opposition officielle, pour les 15 prochaines minutes. Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Après avoir entendu tous les groupes qui se sont présentés aujourd'hui, il semble que le gouvernement prend les moyens pour qu'on ne parle plus de fuite de renseignements fiscaux, puisque ces renseignements pourront être transmis dorénavant à une multitude de personnes travaillant dans 17 organismes et au gouvernement, et qui sont quand même assez nombreuses, ça va du contrôleur des finances au Vérificateur général, au ministre des Finances, à tout fonctionnaire, employé ou préposé d'un organisme public, le ministre des Ressources naturelles, la Commission des normes du travail, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, le Protecteur du citoyen, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale mais dans une autre mesure où ce renseignement est nécessaire pour vérifier mettons l'admissibilité d'une personne ou de sa famille à un programme ou à une mesure de la Loi sur le soutien du revenu, il y a l'Institut de la statistique du Québec ? on le sait ? le ministère des Affaires municipales et de la Métropole, la Régie de l'assurance maladie du Québec et la Régie des rentes du Québec. Ensuite, il y a le ministre de l'Éducation, la Commission des transports ou un ministre ou un organisme à qui incombe la responsabilité de rendre une décision ou de délivrer une attestation, un certificat, un visa ou un autre document semblable ? ça, c'est nouveau, nouvellement prévu dans le projet de loi n° 14 ? de même que la Régie de l'énergie, mais uniquement dans la mesure où le renseignement concerne une société, qui est nécessaire à l'application d'un règlement concernant les taux et les modalités de paiement de la redevance annuelle.

n(15 h 30)n

Alors, ces renseignements-là sont transmis, on le sait, sans que la personne concernée ait donné son consentement, pour toutes sortes de raisons toutes aussi bonnes les unes que les autres, par exemple transmission de données à des firmes de sondage privées pour des études sur des impacts psychosociaux, pour tenir des statistiques, pour mesurer la satisfaction de la clientèle; à toutes fins pratiques finalement pour toutes les raisons que le gouvernement considère comme étant bonnes.

Ainsi, en vertu de ces sept articles, il pourra y avoir communication de renseignements dans les situations suivantes: à un contribuable qui a fourni le renseignement ? ça, on n'a pas de problème avec ça ? ou à son représentant et au contribuable qui est concerné par ce renseignement ? c'est prévu à l'article 69; dans le cadre de procédures judiciaires ou quasi judiciaires, mais uniquement dans la mesure prévue à l'article 69 et auprès des tribunaux énumérés à cet article; également pour l'application d'ententes internationales visant la taxe sur les carburants lorsqu'il est raisonnable de considérer que la communication est nécessaire à l'application ou à l'exécution d'une loi fiscale à l'égard de la personne concernée; à un ministère ou un organisme du gouvernement ou à un ministère ou organisme du gouvernement du Canada. Dans ce cas, seuls peuvent être communiqués le nom, l'adresse, la profession d'une personne et, selon le cas, sa taille et le genre de son entreprise. Cette communication doit uniquement être faite en vue de permettre à ce ministère ou organisme de recueillir des données statistiques pour la recherche et l'analyse.

On peut aussi à un membre de la Sûreté du Québec ou d'un corps de police municipal désigné par une ordonnance de la Cour du Québec, uniquement aux fins d'une enquête relative à une infraction de criminalité organisée ou à une infraction désignée au sens de l'article 462.3 du Code criminel; aux 17 organismes énumérés à l'article 69.1 et à tout organisme public dans le cadre de l'application de l'affectation ou de la compensation fiscale; à un autre gouvernement avec lequel une entente a été conclue pour l'échange de renseignements ou de documents obtenus en vertu d'une loi fiscale et en vertu d'une loi de cet autre gouvernement imposant des droits. Finalement, c'est ce qui faisait dire, je pense bien, ce matin au Barreau du Québec qu'il y a tellement d'exceptions que, finalement, ça devient presque la règle.

Pendant que le ministère restreint la portée du secret fiscal, parce que c'est ce qu'on fait encore une fois, il continue d'affirmer que le secret fiscal est capital pour l'État québécois et pour la population qui paie des taxes et des impôts. À la suite des événements qui ont amené, on le sait, les démissions de l'ex-ministre du Revenu, Mme Dionne-Marsolais, et de sa sous-ministre, à la suite aussi du projet de loi n° 63, qui visait à disculper le ministre du Revenu qui lui succédait des mêmes agissements et reproches faits à sa prédécesseure, le ministre du Revenu de l'époque et actuel premier ministre désigné déclarait qu'il créait un comité d'experts afin d'éviter que cela ne se reproduise. Or, qu'a-t-il fait pour justement éviter que cela ne se reproduise? Eh bien, on le voit, il assouplit les règles, faisant en sorte de permettre au ministère de faire légalement ce qui était considéré illégal jusqu'à maintenant.

Alors, on voit bien que la préoccupation du gouvernement n'est pas tant de protéger les renseignements personnels et fiscaux que de rendre la vie plus facile au ministère du Revenu afin, on le sait, de traquer les fraudeurs ? ça, nous admettons que c'est une bonne chose ? mais aussi pour toutes sortes de raisons que le ministre juge utiles. Alors, le ministère du Revenu est bien meilleur pour faire la chasse aux sorcières que pour prendre au sérieux le secret fiscal et les autres renseignements personnels que les dossiers fiscaux contiennent et que le ministère du Revenu détient.

À la suite des événements qui ont provoqué la démission de Rita Dionne-Marsolais, Jean-Jacques Samson, dans un éditorial du Soleil daté du 3 mai 1999, affirmait, et je le cite: «Les renseignements personnels circulent au Québec avec une liberté à faire frémir. Les directions des ministères, des organismes et des établissements publics jouissent de beaucoup trop de latitude dans leur utilisation, et il faudrait resserrer la loi pour ajouter au contrôle de la Commission d'accès à l'information lorsque celle-ci aura recouvré sa virginité. Mme Dionne-Marsolais aura alors été utile dans sa démission.» Fin de la citation.

Or, avec le projet de loi n° 14, force est de constater que sa démission aura été à toutes fins inutile, puisque le projet de loi n° 14 restreint encore une fois la portée du secret fiscal et élargit les possibilités pour le ministère du Revenu de confier, sans votre consentement, des renseignements personnels et des renseignements fiscaux. Le problème est d'autant plus alarmant que la seule obligation du ministère est de consigner dans un registre la nature des contrats accordés ou des ententes conclues, avec qui et à quelle fin. Il n'existe pas de contrôle indépendant sur les informations qui ont été fournies pas plus que sur l'ampleur des listes de noms transmises. Ce sentiment à l'effet que le ministère du Revenu constitue un État dans un État nous fait frémir.

En 1996, le ministère du Revenu avait tenté de se soustraire à l'autorité de la Commission d'accès à l'information avec le projet de loi n° 32. Aujourd'hui, projet de loi n° 14, on vient banaliser encore une fois la portée du secret fiscal. Est-ce que le comité d'experts du ministère du Revenu s'est longuement penché sur la façon de protéger davantage le secret fiscal, outre les petites amendes prévues? La réponse est non. Les amendes prévues pour les employés du ministère du Revenu jugés trop curieux à l'endroit des dossiers des contribuables sont dérisoires. Nous croyons qu'elles n'auront pas un effet... un véritable effet dissuasif. Est-ce qu'on s'est assuré que les pouvoirs de contrôle de la Commission d'accès à l'information ont été accrus? Au contraire, le projet prévoit que le gouvernement peut conclure avec n'importe quel gouvernement ou ministère une entente visant le transfert de renseignements fiscaux, et ce, sans obligation de soumettre à la Commission d'accès à l'information de tels accords et sans le consentement des personnes intéressées. Il en est de même pour la réalisation d'études ou de recherches à partir de données du ministère.

Dans toute la saga entourant les manquements commis par le ministère du Revenu, une première fois pour SOM, laquelle a mené à la démission de la ministre puis de sa sous-ministre, et une deuxième fois par le Bureau de la statistique du Québec, mais pour laquelle cette fois le premier ministre n'a pas réclamé la démission ? il s'agissait du vice-premier ministre ? il n'y a jamais eu d'enquête judiciaire. Les vrais coupables n'ont pas été identifiés, poursuivis ou punis. Sont-ils encore en poste? Comment le contentieux du ministère du Revenu a-t-il pu émettre un avis à l'ex-ministre à l'effet que le ministère était blindé, alors que la Commission d'accès à l'information a au contraire... a stipulé le contraire plutôt? Qu'a fait le ministère depuis ce temps pour s'assurer que cela ne se reproduira plus? En quoi le projet de loi n° 14 va corriger ces lacunes?

La première petite question qu'un citoyen est en droit de se poser devant un tel projet de loi est la suivante: Mes renseignements personnels seront-ils dorénavant mieux protégés et vont-ils moins circuler? On ne peut pas répondre par l'affirmative à cette question. Les modalités selon lesquelles le ministre peut consulter les dossiers fiscaux des contribuables sont pour le moins inquiétantes. En effet, il n'est nullement astreint à consulter la Commission d'accès à l'information et édicte lui-même, à l'aide de son sous-ministre, les règles entourant ces consultations de dossier. On peut également noter que les modalités ici proposées sont beaucoup moins balisées que ne l'étaient celles proposées par la commission Moisan. À quand le retour des ordinateurs du ministère du Revenu dans le cabinet du ministre?

Le projet de loi prévoit également la possibilité de sous-traitance dans les contrats impliquant la communication de renseignements personnels. Les règles qui régissent ces délégations demeurent floues et risquent d'entraîner d'importants problèmes de contrôle. Comment le ministre pourra-t-il garantir l'étanchéité du secret fiscal à l'extérieur de ses murs alors qu'il n'est pas capable de le protéger lui-même à l'intérieur de ses murs? Est-ce que tous les contractants du ministère du Revenu vont mener des enquêtes sur chacun de leurs employés, comme le fait le ministère?

Les dispositions entourant la communication d'informations vers des corps policiers génèrent également plusieurs craintes. Comment cette procédure sera-t-elle encadrée? Ne risque-t-on pas de voir des fonctionnaires jouer à l'inspecteur de police aux risques et périls du secret fiscal? Pour toutes ces raisons, je demande au ministre de revoir son projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Geoffrion): Merci, Mme la députée de Beauce-Sud. Alors, M. le ministre, pour vos remarques finales. On vous écoute.

M. Guy Julien

M. Julien: Oui, M. le Président. M. le Président, avec plaisir. Peut-être, avant de faire mes commentaires, j'écoutais la députée, pour moi, on n'a pas écouté le même monde aujourd'hui, surtout les gens qu'elle-même elle avait convoqués à la consultation. Moi, ce que j'ai compris, c'est que, sur le fond, la façon dont le projet... Les objectifs poursuivis par la loi, le projet de loi, semblent parfaitement correspondre aux objectifs qu'ils ont. Je comprends que, dans les modalités, les applications, les façons de faire, oui, mais... En tout cas, je ne sais pas, il me semble qu'on a... J'ai l'impression, en l'écoutant, qu'on n'a pas écouté le même monde. Moi, je suis très satisfait, en tout cas, de la consultation que nous avons tenue.

n(15 h 40)n

Avant toute chose, d'abord, je veux les remercier, tous les organismes entendus aujourd'hui devant cette commission. Notre gouvernement a pris l'initiative de les entendre afin de débattre des mesures introduites par le projet de loi n° 14, lesquelles visent principalement à clarifier les règles d'obtention, d'usage, de divulgation des renseignements requis par le ministère du Revenu, et, comme les gens nous ont mentionné souvent aujourd'hui, grand pas en la matière par le futur projet de loi.

Au-delà des commentaires spécifiques qui furent formulés, je crois que tous reconnaissent que c'est l'intérêt public qui doit guider le législateur dans la recherche de solutions aux problèmes propres à notre société moderne. Ainsi, je crois pouvoir tirer la conclusion que le principe du secret fiscal doit être préservé mais que, par exemple, les honnêtes citoyennes et citoyens qui respectent les lois ne peuvent tout de même accepter que les groupes criminels bénéficient indirectement d'une protection qui leur est d'abord destinée et qui est le fondement de notre système d'autocotisation.

Ce projet de loi est le résultat d'une réflexion approfondie que nous avons poursuivie aujourd'hui. Et aussi soyez assurés que tous les commentaires qui nous ont été soumis seront examinés et, le cas échéant, que des modifications appropriées seront soumises à la commission parlementaire qui sera chargée de faire l'étude article par article du projet de loi.

M. le Président, sans reprendre de façon détaillée chacun des points du projet de loi, je me permets, M. le Président, de rappeler les grands principes que le gouvernement... lesquels principes contribueront à ignorer le régime de protection des renseignements fiscaux. Ce projet de loi, M. le Président, modifie principalement la Loi sur le ministère du Revenu afin de clarifier et de préciser les dispositions de cette loi relatives à la confidentialité des renseignements fiscaux et d'en coordonner l'application avec la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. En ce sens, le projet de loi maintient un régime particulier pour le secret fiscal, lequel régime s'impose en raison de la diversité de la clientèle assujettie aux lois fiscales, personnes physiques et morales.

Ainsi, ce régime particulier s'appliquera dans la mesure où la protection accordée aux renseignements fiscaux sera plus grande que celle prévue à la Loi sur l'accès. Autrement dit, lorsque la protection accordée par la Loi sur le ministère du Revenu sera supérieure à celle de la Loi sur l'accès, c'est la protection prévue par la Loi sur le ministère du Revenu qui s'appliquera. Ces principes assurent en quelque sorte la coordination de la Loi sur le ministère du Revenu et de la Loi sur l'accès, laquelle constituera le régime de base gouvernant la confidentialité des renseignements fiscaux.

Comme nous l'avons vu aujourd'hui, ces mesures de clarification et de coordination répondent à l'une des recommandations de la commission Moisan. De plus, pour permettre au ministère d'administrer les lois qui lui sont confiées, la loi prévoira que les renseignements fiscaux pourront être utilisés pour l'application des lois et programmes non fiscaux confiés à ce dernier. Il s'agit de la perception des pensions alimentaires et de l'administration des programmes d'allocation-logement et APPORT. Sur ce point particulier du projet de loi, les participants ont émis certaines réserves, que nous allons analyser évidemment avec beaucoup d'attention, quant au choix de cette mesure. Qu'il me soit permis de rappeler que l'administration moderne se doit d'être efficace, il y va de la survie des services qui sont rendus par l'État. Aussi, m'est-il permis de croire que le choix de cette mesure s'impose. Il ne faut pas oublier que les clientèles visées par la mesure sont généralement composées de citoyennes et citoyens moins favorisés.

Le projet de loi introduit aussi la notion de dossier fiscal d'une personne. Ce dossier, qui est confidentiel, serait constitué des renseignements que le ministre détient au sujet d'une personne pour l'application ou l'exécution d'une loi fiscale. Ce concept de dossier n'est pas nouveau. Pensons au dossier de l'employé, au dossier médical ou autre dossier, comme dossier de crédit. Il me semble que le concept permettra de mieux cerner les renseignements qui sont de nature confidentielle.

Le projet de loi introduit également des règles d'accessibilité à un dossier fiscal au sein du ministère du Revenu en précisant quelles sont les personnes qui ont accès à ce dossier et à quelles conditions. Cet accès sera régi par une règle qui s'adresse au ministre et aux personnes qu'il désigne pour l'assister et par une autre qui concerne l'ensemble des employés fonctionnaires du ministère. Dans le cas du ministre et de son personnel de cabinet, la commission Moisan avait fait certaines recommandations. Une règle encadrera ces recommandations en prévoyant que le ministre du Revenu et les personnes qu'il désigne ne puissent avoir accès aux renseignements fiscaux que lorsque nécessaires à l'exercice de leurs fonctions. De plus, elle prévoira que le ministre doit établir par écrit, après consultation auprès du sous-ministre, les modalités gouvernant cet accès.

Je rappelle que ces dispositions législatives encadrent les règles mises en place dès la publication du rapport de la commission Moisan et que celles-ci ont été maintenues à mon arrivée au ministère du Revenu. Alors, lorsque la députée disait: Bien, à quand le retour des ordinateurs dans le cabinet, je peux vous dire qu'il y aura pas de retour. Dans le temps de l'opposition, ils l'avaient dans leur cabinet, nous, on vient de l'enlever du cabinet. Alors, ça, il y a pas d'inquiétude là-dessus, puis je vais vous dire de quoi, j'en suis très heureux, que ça soit pas dans mon cabinet.

En ce qui concerne les employés fonctionnaires du ministère, les règles proposées sont les mêmes que celles prévues à la Loi sur l'accès, à savoir que les renseignements soient nécessaires pour l'exercice de leurs fonctions. Encore ici, ces règles représentent la codification de ce qui est en usage au sein du ministère.

En ce qui concerne la communication des renseignements fiscaux, le projet de loi prévoit, dans un premier temps, un droit d'accès spécifique pour la personne à son dossier fiscal ainsi que les modalités d'exercice de ce droit. Il prévoit également que le ministère n'a à communiquer des renseignements fiscaux à des tiers que si la Loi sur le ministère du Revenu le prévoit expressément, comme ça devrait être le cas pour les communications de renseignements aux corps policiers dans le cadre de la lutte contre le crime organisé. Actuellement, les tiers identifiés par la loi sont, pour l'essentiel, les organismes du gouvernement du Québec ou d'autres gouvernements. De telles communications peuvent également avoir lieu pour l'exécution de contrats que le ministère confie. Les communications à d'autres organismes et ministères du gouvernement du Québec devront généralement se faire dans le cadre d'ententes écrites approuvées par la Commission d'accès à l'information.

Une disposition spécifique encadrera la communication des renseignements fiscaux pour l'exécution de contrats. Cette disposition prévoira des conditions visant à protéger la confidentialité des renseignements fiscaux, conditions que les contracteurs devront respecter et qui vont au-delà ? au-delà ? de celles prévues à la Loi sur l'accès. Alors, lorsqu'on dit que le ministère a du laisser-aller là-dedans, bien, justement, on a démontré ? et je pense que la Commission d'accès aussi a acquiescé ? qu'on a eu des mesures beaucoup plus sévères pour protéger les renseignements chez nous, dans plusieurs des cas, par rapport à la Commission d'accès, même si on va toujours continuer à travailler en collaboration avec la Commission sur l'accès à l'information. Sommairement, ces conditions exigeront que les personnes appelées à prendre connaissance de renseignements confidentiels signent au préalable un engagement de confidentialité. De plus, elles interdiront l'utilisation des renseignements à d'autres fins que l'exécution du contrat ainsi que la communication de ces renseignements à des personnes qui n'y ont pas droit. Le projet de loi précise que le ministère du Revenu aura l'obligation d'informer annuellement les contribuables notamment de l'usage des renseignements qu'il recueille et de leur accessibilité. Chaque année. Par exemple, dans le cas des personnes physiques, la déclaration de revenus sera le véhicule privilégié, donc important.

Conformément à une recommandation du rapport Moisan, le projet de loi crée une infraction spécifique pour une consultation non autorisée des renseignements contenus dans un dossier fiscal. Les contrevenants seront passibles d'une amende d'au moins 200 $ et d'au plus 1 000 $ ou, en cas de récidive, d'au moins 1 000 $ et d'au plus 5 000 $. Il faut savoir qu'avant on ne pouvait pas... il n'y avait pas d'infraction pénale à ce niveau-là, maintenant il y en a, ce qui n'existait pas auparavant. C'étaient des avis. Il faut comprendre que ces pénalités s'ajoutent aux peines administratives que peut imposer le ministère en tant qu'employeur et qui peuvent aller de la réprimande au renvoi. Donc, ça peut être des avis où on réprimande les gens, et l'extrême, c'est de dire aux gens: Vous êtes renvoyés pour le non-respect, et avec évidemment les amendes que je viens de spécifier.

Le projet de loi prévoit également une infraction lorsqu'il y aura une communication ou une utilisation non autorisée d'un renseignement fiscal confidentiel. Ainsi, si une personne divulgue des renseignements en contravention de la loi, elle sera passible d'une amende d'au moins 1 000 $ et d'au plus 10 000 $ ou, en cas de récidive, d'au moins 10 000 et d'au plus 20 000 $. Encore ici, ces peines s'ajoutent à toutes les mesures que le ministère peut prendre en tant qu'employeur. Par surcroît, le projet de loi modifie la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, de manière que cette loi, tout en préservant son caractère prépondérant, ne limite pas la protection accordée aux renseignements fiscaux par la Loi sur le ministère du Revenu.

Comme on a pu le constater, M. le Président, ce projet de loi répond aux recommandations formulées par la commission Moisan et améliore, par ses mesures de clarification, de coordination et de précision, la qualité de la législation protégeant la protection des renseignements fiscaux. Et, si je me fie aux commentaires des différents groupes présents aujourd'hui, ils ont effectivement reconnu un pas énorme dans ce sens-là, donc une nette amélioration. Les consultations particulières d'aujourd'hui m'ont permis d'être informé des préoccupations des différents organismes qui se sont présentés devant cette commission. Leurs commentaires et suggestions ont été appréciés, et c'est avec intérêt que je vais les étudier. En effet, les commentaires formulés aujourd'hui me permettront de continuer ma réflexion sur ce projet de loi.

n(15 h 50)n

Enfin, M. le Président, il ne faut pas perdre de vue que la gestion quotidienne des tâches liées aux nombreux mandats du ministère du Revenu implique l'utilisation de renseignements confidentiels de façon régulière par plusieurs milliers d'employés. En ce sens, il faut être conscient que nous ne serons jamais totalement à l'abri d'une divulgation ou d'une mauvaise utilisation de renseignements. Jamais on ne pourra être à l'abri, c'est impossible. Comme, par exemple, même si on augmentait les peines, même si c'était la peine de mort, ça ne veut pas dire que ça n'arriverait pas.

Toutefois, le survol que venons de faire ensemble des mesures prises pour assurer la protection des renseignements personnels démontre notre grande préoccupation en la matière. La confidentialité des renseignements contenus aux dossiers des contribuables ou en provenance des divers intervenants est au coeur de la relation de confiance que doit entretenir le ministère avec sa clientèle. Il ne faut pas oublier que c'est 96 % d'autocotisation au ministère du Revenu, donc, c'est majeur. En conséquence, aucun effort n'est négligé et aucune piste d'amélioration n'est écartée permettant une protection accrue des renseignements confiés.

Ce projet de loi, M. le Président, constitue sans nul doute la nouvelle pierre angulaire du système de protection des renseignements personnels au sein du ministère du Revenu. Je réitère donc mes remerciements aux organismes qui nous ont présenté leurs commentaires ainsi qu'à mes collègues députés ministériels et de l'opposition. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, merci, M. le ministre. Je remercie également les membres de la commission, membres du cabinet, les fonctionnaires et évidemment les organismes qui sont venus se faire entendre aujourd'hui, et la commission ajourne donc ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 15 h 52)



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