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Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Tuesday, January 29, 2002 - Vol. 37 N° 46

Consultations particulières sur le projet de loi n° 14 - Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels


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Table des matières

Journal des débats

(Quatorze heures huit minutes)

Le Président (M. Duguay): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je désire souhaiter la bienvenue à chacun des membres. Alors... À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, la commission des finances publiques est ouverte. Je vais vous rappeler le mandat: la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 14, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'on a du remplacement?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Côté (La Peltrie) remplace M. Pelletier (Abitibi-Est); M. Mulcair (Chomedey) remplace Mme Houda-Pepin (La Pinière); M. Ouimet (Marquette) remplace Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys).

Auditions

Le Président (M. Duguay): Merci beaucoup. Présentement, dans l'ordre du jour que nous avions, alors nous avions deux groupes à entendre, soit le Barreau du Québec et M. Denis Lemieux. Alors, j'inviterais les gens du Barreau à venir prendre place, s'il vous plaît.

Mme Leblanc: ...on va fonctionner 20 minutes, 20 minutes, 20 minutes, comme d'habitude?

n (14 h 10) n

Le Président (M. Duguay): Oui, c'est ça. Alors, je vais expliquer brièvement le processus. Alors, afin de permettre peut-être à nos invités de pouvoir s'enquérir du processus de cette commission, je vais vous indiquer que, pour la façon de procéder, nous avons une heure qui va être réservée à chaque groupe. À l'intérieur de cette heure-là, nous avons un 20 minutes qui vous est réservé pour faire l'exposé, et, par la suite, chacun des partis aura un 40 minutes d'échanges, c'est-à-dire 20 minutes de chaque côté, alors 20 minutes du côté du gouvernement et 20 minutes de l'opposition. Afin de pouvoir accueillir nos invités, je vais demander aux personnes de s'identifier, au porte-parole, et de nous indiquer également les personnes qui l'accompagnent.

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Mon nom est Marc Sauvé, je suis avocat au service de législation, au Barreau du Québec. Et je suis accompagné, pour la présentation du Barreau, de Me Paul Ryan, qui est un fiscaliste de Montréal, et de Me Jules Brière, avocat bien connu à Québec et un habitué des commissions parlementaires.

Le Président (M. Duguay): Alors, bienvenue. Et vous avez 20 minutes pour faire l'exposé.

M. Sauvé (Marc): Parfait. Je vous remercie. M. le Président, le 31 mai dernier, le Barreau du Québec acheminait, à l'attention du ministre Guy Julien, ses commentaires concernant le projet de loi n° 14. Et, suite à cette lettre, nous avons comparu en commission parlementaire au mois d'août et nous avons fait part, donc, à ce moment-là, aux parlementaires et aux membres de la commission de nos préoccupations et de nos remarques en regard du projet de loi. Nous avons aussi eu l'occasion de prendre connaissance des amendements qui sont proposés au projet de loi. Nous avons reçu ça la semaine dernière et nous avons, donc, lu les dispositions.

Les commentaires que nous voudrions vous faire sont les suivants. D'abord, pour l'essentiel, il nous apparaît que ces amendements sont plutôt d'ordre technique. Ce sont des dispositions corrélatives ou d'harmonisation, pour l'essentiel. Il y a quelques amendements de substance. Par rapport à des choses qui ont déjà été dites par le Barreau, je pense qu'il est important de réitérer certains commentaires qui, à première vue, ne semblent pas avoir été retenus.

En premier lieu, il y a la question du consentement et des avis de communication. Comme nous le disions dans notre lettre du mois de mai, à la page 2, le principe de consentement est absolument fondamental en matière de protection des renseignements personnels, et d'ailleurs on le retrouve dans la Loi sur le ministère du Revenu à l'article 69 et 69.0.0.10. Alors, le projet de loi comporte de nombreuses exceptions à ce principe, notamment 69.0.0.12, 69.0.0.16, 69.0.0.17, etc. Les exceptions sont si nombreuses que le principe du consentement prend l'allure ici d'une exception dans le régime proposé.

D'une façon générale, nous estimons que des personnes visées ou concernées qui n'ont pas consenti à la communication des renseignements personnels devraient être avisées d'une telle communication. Lorsque de très nombreuses personnes se trouvent en même temps dans cette situation, un avis public suffisant devrait être publié de façon à informer les personnes concernées.

Un autre point qui avait été soulevé, qui n'a pas été retenu, c'est la question de l'avis préalable à la Commission. Alors, on exprimait, à la page 3 de notre lettre, que le législateur devrait davantage utiliser le mécanisme de contrôle que constitue l'avis préalable de la Commission, notamment dans certains cas, par exemple: lorsqu'il y a une entente entre le ministère et un autre gouvernement ou organisme pour faciliter l'exécution d'une loi fiscale, selon l'article 9 proposé; dans le cas de l'accès du ministre à des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée, selon 69.0.0.6; dans le cas de l'utilisation de renseignements pour la réalisation d'une étude ou d'une recherche, selon l'article 69.0.0.7.

Sur un autre registre, on soulignait aussi la possibilité de sous-délégation contractuelle sans limite, aux articles 69.7 et 69.0.0.17, avec les difficultés de contrôle que cela entraîne en ce qui concerne la protection des renseignements personnels. Alors, on disait, à ce moment-là, et le commentaire vaut toujours, que la loi ne devrait autoriser qu'une seule sous-délégation avec l'approbation du ministère.

D'autres commentaires qu'on formulait aussi, un commentaire à l'article 69.0.0.15, qui prévoit que le refus du ministre du Revenu de confirmer ou non l'existence d'une communication de renseignements effectuée selon les articles 69.0.0.12 à 69.0.0.14 prend fin à l'expiration des cinq ans de cette communication, sauf notamment si cette communication à la personne concernée qui demande d'y avoir accès est susceptible d'entraver le déroulement d'une enquête ou d'une procédure ou ne soit autrement contraire à l'intérêt public.

Alors, cette notion d'intérêt public dans des lois qui concernent l'accès à l'information n'est pas courante. On retrouve cette disposition, donc, à 69.0.0.15. Or, même dans la loi sur la santé et sur les services sociaux, on ne retrouve pas cette notion d'intérêt public en matière d'accès à l'information. Alors, on mentionnait que, de l'avis du Barreau, il y aurait lieu de préciser dans la loi elle-même les cas d'ouverture de ce pouvoir de refus qui se prolonge au-delà de la période de cinq ans.

On faisait aussi des commentaires concernant l'accessibilité à certains documents. On voit ça à l'article 22 du projet de loi. Alors, le registre prévu à l'article 71.0.7 est accessible à la personne qui en fait la demande, selon l'article 71.0.9 proposé. Alors, le Barreau recommande que tous les documents mentionnés dans ce registre soient aussi accessibles sur demande avec possibilité d'obtenir des photocopies.

Et finalement il y avait la question des amendes. On trouvait que le montant des amendes prévu à l'article 26 n'était pas suffisamment élevé et ne constituait pas un élément suffisamment dissuasif. Alors, c'étaient des commentaires qu'on avait formulés, et finalement on considère que ça n'a pas été suffisamment retenu dans les amendements proposés au projet de loi.

Je vais maintenant céder la parole à Me Ryan, qui va formuler d'autres commentaires et en particulier qui va s'attarder à l'absence d'autorisation judiciaire dans un contexte de crime organisé.

M. Ryan (Paul): Oui, effectivement. Bonjour, M. le Président. Alors, on s'est laissé dire que c'est particulièrement le paragraphe 69.0.0.12 qui suscite encore des discussions au niveau de cette commission-ci, de telle sorte que j'ai pensé m'attarder plus spécifiquement sur cette disposition-là.

Évidemment, le Barreau du Québec, comme organisme, soutient la lutte contre le crime organisé et n'a rien, en principe, contre le fait que les autorités se dotent d'outils efficaces pour lutter contre le crime organisé, tout en respectant par ailleurs les droits fondamentaux qui sont conférés aux justiciables et aux contribuables par les diverses chartes.

Au niveau des nouvelles dispositions, il faut se rappeler que ça fait à peine cinq ans qu'il y a le paragraphe 69.0.2 qui a été ajouté pour permettre la communication d'informations fiscales dans le cadre d'enquêtes policières ou d'enquêtes touchant le crime organisé, avec des dispositions prévoyant qu'on doit se présenter ex parte devant un juge pour obtenir une autorisation. Même en 1997 ? Me Sauvé et moi, on relisait un peu les débats à cette époque-là ? déjà, on trouvait que le secret fiscal, on l'étirait pas mal. On disait: En allant devant un juge, on va pouvoir communiquer le dossier de quelqu'un à la police. Puis là, bien, à peine cinq ans plus tard, on s'en va beaucoup plus loin parce que, là, on va pouvoir faire la même chose mais sans aller devant un juge. On va revenir un petit peu là-dessus tantôt, mais c'est le côté évidemment qui nous interpelle le plus, comme Barreau.

La première chose qu'on se dit, c'est que, si on se sent obligé, cinq ans plus tard, de procéder à un amendement, c'est qu'on doit percevoir que le système actuel ou les possibilités actuelles qu'on a sous 69.0.2 ne fonctionnent pas, ou il n'y en a pas assez, ou il y a des choses auxquelles on n'a pas accès dans ce système-là, donc il y a quelque chose qu'on veut réparer. Et on n'a pas vu, dans la documentation qui nous a été fournie jusqu'à maintenant, une énumération des problèmes que le régime de 69.0.2 a posé en pratique pour nous dire que ça aurait causé des problèmes aussi sérieux ou assez sérieux que ça justifierait maintenant de passer à une étape suivante puis de pouvoir obtenir ces informations-là sans passer par un juge.

En discutant, tantôt, ce qu'on me disait, c'était que la différence entre 69.0.2 et 69.0.0.12 était que, sous 2, c'est la police qui initie la demande. La police, déjà, travaille dans un dossier; elle, elle a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise et elle vient voir le ministère, le juge, pour avoir accès à l'information du ministère du Revenu. Alors que, dans 69.0.0.12, ce qu'on visait peut-être, de prime abord, ce n'était pas la police, c'est le ministère du Revenu qui initierait la démarche, c'est-à-dire qu'en étudiant le cas d'un contribuable le ministère du Revenu se rendrait compte, bon, que ce contribuable-là est un proxénète, dans le domaine de la prostitution, il déclare ou on lui a constaté des revenus substantiels, avant, on était obligé de laisser passer ça puis là on voudrait pouvoir le dénoncer.

C'est une chose, mais, d'après moi, tel que c'est rédigé ? puis on parlera de la rédaction tantôt ? je me demande si ça n'ira pas plus loin puis si ça ne fera pas en sorte, à un moment donné, que ce n'est pas juste les initiatives unilatérales du ministère du Revenu du Québec, qui, à la rigueur, pourraient être louables, auxquelles cet article-là, tel qu'il est rédigé présentement, va donner lieu, mais est-ce que ça ne sera pas le cas aussi que la police, plutôt que de se compliquer la vie puis de passer par 69.0.2 pour aller chercher de l'information, quand il y a des soupçons, ne va pas faire au ministère du Revenu toutes sortes de demandes informelles sans passer par le juge et sans passer également par la déclaration assermentée?

Parce que, quand on va devant le juge, on a deux garanties, toujours, de protection pour la personne qui fait l'objet d'une intervention de cette nature-là. Premièrement, évidemment, on a l'intervention du juge, qui, même si c'est ex parte, n'entend pas les deux parties, mais il est là pour soupeser l'affaire. Et la deuxième protection qu'on a également, c'est que celui qui fait la demande, par exemple, d'une perquisition fiscale au ministère du Revenu ? ou, dans une affaire de police, le policier ? doit faire une déclaration assermentée pour même être entendu par le juge.

n (14 h 20) n

Alors, dans ce cas-ci, si ça va dans l'autre sens... Je comprends que l'idée est peut-être louable dans le sens: ministère du Revenu vers la police, on découvre quelque chose, puis on veut faire ça ? on en reparlera. Mais, si ça va dans l'autre sens, que les corps policiers commencent à se servir de cet article-là pour demander au ministère du Revenu de faire des recherches, puis de pousser, puis de les aider là-dessus, j'ai l'impression, moi, que tout le régime de 69.0.2 pourrait peut-être se retrouver de côté et qu'on voie de plus en plus une croissance du régime sans déclaration assermentée et sans juge, qui est prévue à 69.0.0.12.

Alors, c'est une première question qu'on se pose: Est-ce que les ratés de la disposition actuelle sont si grands, est-ce que les limites de la disposition actuelle sont si terribles qu'on doive le passer à une étape supplémentaire: pas de déclaration assermentée, pas de juge à cette étape-là? Quels sont les problèmes qu'on a éprouvés vraiment en pratique avec l'autre déclaration? Alors, ça, c'est la première chose que je voulais vous souligner.

Deuxième chose que je veux juste répéter et que j'ai mentionnée l'autre fois. On nous a soumis l'argumentaire qui expliquait ça, puis j'ai quelques commentaires à faire là-dessus. Évidemment, ce n'est pas l'argumentation approfondie, là, c'est un résumé. On revient toujours sur le même argument, puis, comme Barreau, nous autres, ça nous interpelle un peu, qui est celui basé sur l'article 67 de la loi sur l'accès à l'information, où on dit: Bon, bien, là, tout le monde s'énerve parce que le ministère du Revenu va commencer à laisser aller de l'information, mais tous les autres ministères, ça fait des lunes que ça se fait, puis ça se fait partout, pourquoi ça ne se ferait pas au ministère du Revenu? Il y a souvent cet argument-là qui revient.

Puis, moi, je vous invite encore une fois à repenser cet argument-là comme tel, parce que, comme je l'ai dit la dernière fois, il y a des raisons particulières pourquoi il y a toujours eu une tradition de secret en matière fiscale. La principale, c'est qu'on a un régime d'autocotisation, le contribuable a une obligation de divulgation complète et volontaire, et on veut lui laisser la marge voulue pour qu'il sente qu'il puisse faire cette déclaration-là dans un contexte où il sait que ça va rester entre lui et le ministère du Revenu. Alors, il faut faire attention toujours. Moi, je trouve cet argument-là un petit peu... qu'il va un petit peu loin.

L'autre question qu'on peut se poser maintenant... Puis ça, je suis sûr que ça a été étudié. Puis, comme Barreau, ce qu'on peut vous offrir peut-être, c'est qu'au niveau des études, si, dans un processus plus informel, vous voulez nous les communiquer ou qu'on en discute, on pourrait le faire, parce que, là, évidemment, on est là sans avoir vu ces études-là. On a conclu, là, que la demande... Par exemple, si 69.0.0.12, ce n'est pas le ministère du Revenu qui volontairement, là, juste dire à un corps de police: Aie, on a vu tel gars, là, qui est un proxénète, il y avait un processus de demande qui se faisait. Est-ce que ces demandes-là pourraient être considérées éventuellement comme une perquisition, ou une saisie illégale, ou quelque chose comme ça, par l'avocat qui représentera le défendeur qui, supposément, oeuvre dans le crime organisé? Est-ce que ça pourrait être considéré comme une perquisition ou une entrave à ses droits?

Nous, on n'est pas sûrs que oui ou non, mais ça nous soulève des doutes dans notre tête. On est convaincu que vous l'avez étudié parce qu'on affirme dans le document que vous êtes convaincus que ce n'en est pas une. On aimerait ça voir votre étude là-dessus, parce que évidemment, si ce n'est pas le cas, si ça constitue une perquisition ou une saisie qui ne respecte pas les droits fondamentaux de la personne, on va se retrouver dans le contexte où, voulant aider, on va peut-être nuire, on va peut-être atteindre les résultats contraires, parce que, si on fournit à l'avocat du défendeur des moyens de défense en disant que ses droits fondamentaux ont été violés, puis tout ça, on va pouvoir causer des problèmes. Alors, il faudrait bien s'assurer que ce n'en est pas une.

J'ai pensé aussi que ça pourrait amener des conséquences indirectes au plan fiscal et, vu que c'est plus dans le domaine dans lequel j'oeuvre, je voulais vous en parler un petit peu. Bon, ces gens-là sont assujettis au système fiscal comme tout le monde. Vous allez me dire: Me Ryan, je ne pense pas qu'il y a beaucoup de ces gens-là qui produisent des déclarations de revenus ou qui déclarent les revenus qu'ils gagnent à même leurs activités illégales. J'en conviens. Maintenant, est-ce qu'il y a beaucoup de ces gens-là qui ont juste des activités illégales ou est-ce que, parallèlement à leurs activités illégales, ils ont des activités légales, des immeubles qu'ils exploitent, des choses comme ça, qui, elles, sont déclarées? Je pense que ça serait peut-être ça, un genre de profil qu'on serait susceptible de voir.

Puis là une question qu'il faut se poser, puis vous allez rire un peu quand je vous dis ça, mais on se rappelle, aux États-Unis, à un moment donné, le crime organisé, ils avaient de la misère, puis finalement le fameux Al Capone, ils sont allés le chercher comment? Ils sont allés le chercher par la fiscalité parce qu'ils n'étaient pas capables de faire une preuve directe de tous ses crimes. Mais, en fiscal, on a toutes sortes de moyens pour faire la preuve pour coincer quelqu'un. Je pense particulièrement au système de l'avoir net, là. C'est un peu technique, mais, pour ceux qui ne sont pas familiers avec ça, ce qu'on fait, c'est que, quand on ne peut pas évaluer les recettes de quelqu'un, on évalue ses revenus à même ses sorties et son train de vie. On dit: Regarde, tu t'es acheté tel, tel immeuble, tu as eu un train de vie de tant.

Alors, pour faire ça, il faut qu'on demande de l'information à ces gens-là, il faut leur demander de fournir des bilans, il faut leur demander de fournir des choses. Est-ce que, là, on ne les place pas dans une situation où ces gens-là vont pouvoir se retrancher derrière les nouvelles dispositions ? puis c'est la question que je me pose ? pour dire: Savez-vous quoi? Moi, là, j'invoque mon droit au silence, pas par rapport au fiscal mais par rapport au criminel en général, j'invoque mon droit au silence, je ne fournis plus aucune information au ministère du Revenu parce que ces informations-là sont susceptibles de m'auto-incriminer. Puis, à ce moment-là, est-ce qu'on ne va pas avoir donné à ces gens-là peut-être pas une immunité fiscale mais une immunité contre les poursuites criminelles en matière fiscale, les poursuites pénales en matière fiscale?

Moi, j'ai un peu de soucis par rapport à ça. Puis j'espère que vous avez réfléchi à ça bien comme il faut pour ne pas qu'on ait les effets pervers de cette législation-là au plan fiscal, où les gens vont se retrancher derrière ces mesures-là pour dire: Bien, regardez, moi, là, mon affaire n'est plus protégée, je ne vous fournis plus rien, demandez-moi pas rien, je ne fournis plus rien, vous m'envoyez des demandes péremptoires... On a un mécanisme de demandes péremptoires pour forcer quelqu'un à produire quelque chose, mais on peut toujours se défendre: J'ai droit à la protection contre l'auto-incrimination en vertu de la Charte, j'ai droit à mon droit au silence, je ne vous fournis plus rien. Qu'est-ce qu'on va faire à partir de ce moment-là? Alors, je ne sais pas si l'impact possible de ce côté-là, c'est quelque chose qui vous a frappé.

Bon. L'autre chose par rapport à un juge. Moi, je fais le parallèle pour le ministère du Revenu avec les perquisitions que vous faites déjà. Quand vous voulez aller chercher un mandat de perquisition, vous devez aller devant le juge, vous devez présenter une déclaration assermentée à l'effet que vous avez des motifs raisonnables de... le fonctionnaire a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été soumise. Votre fonctionnaire fournit une déclaration assermentée. Le juge, il regarde ça. Je dirais que les juges accordent à peu près 90 % de ce que vous demandez. On va voir, sur une perquisition, il va en enlever un petit bout. Il va dire: Ce bout-là, là, c'est un peu trop, moi, je ne suis pas d'accord qu'on a des motifs raisonnables de croire, puis il corrige souvent la demande d'un mandat de perquisition. Peut-être pas en profondeur, mais il enlève des choses. Puis, nous, on trouve que le juge, il est là pour protéger les deux côtés. Ça protège le contribuable qui est là, mais, dans ce cas-ci, ça pourrait vous protéger également, parce que, si le fonctionnaire, lui, dans sa vision des choses, il a jugé qu'il y avait des motifs raisonnables que, bien, peut-être qu'en le montrant à quelqu'un d'indépendant ça permet de confirmer ce verdict-là ou, sinon, de lui dire: Bien, regarde, il y a peut-être celle-là, là, que ça soulèverait des questions, avant de faire une folie, là, on repense-tu à cet aspect-là? Ou: Je vais te le donner pour les autres affaires; reformule-moi-le autrement ou présente-moi-le autrement pour les autres. Justement pour éviter des bêtises, là, où on va faire des défauts de procédure qui vont donner, au bout de la ligne, des moyens de défense à ces gens-là, avec les avocats chevronnés qu'ils vont sans doute avoir les moyens de se payer compte tenu de leurs activités. Alors, c'est à peu près les commentaires généraux que j'avais à faire là-dessus.

M. Sauvé (Marc): Peut-être une minute ou deux, Me Brière.

M. Brière (Jules): Oui, Jules Brière. Juste pour ajouter, quinze secondes, à ce que Me Ryan a dit. C'est à propos de l'article 67. Effectivement, l'article 67 de la Loi sur l'accès aux documents a été interprétée, comme vous le savez probablement, par la Commission de façon assez restrictive, de sorte qu'on comprend que vous voulez faire une exception ici. La Commission considère qu'on peut, pour l'application d'une loi, transmettre des informations sans le consentement de la personne concernée, mais la Commission a limité son interprétation à ce que la loi mentionne comme renseignements, de sorte que c'est très restrictif, là. Ce n'est pas un précédent, je pense, qui peut être invoqué de façon significative pour ce qui est du 69.0.0.12.

Moi, j'ajouterai à ce qui a été dit un autre champ de préoccupation, qui a peut-être moins de... qui est peut-être moins spectaculaire, mais qui avait été évoqué la dernière fois que nous nous étions vus, et ça concerne l'objet qui est à 69.0.0.7, c'est-à-dire l'élargissement que cette disposition-là donne au ministère de communiquer des renseignements personnels à une personne qui est chargée de faire des études et des recherches. Il n'y a aucune balise qui est prévue dans cette disposition-là, et le... C'est sûr que c'est une étude faite pour des fins internes, mais on sait que le ministère du Revenu, qui est une machine qui est perçue en tout cas par les autres comme étant très efficace, se voit confier des programmes variés de plus en plus.

On élargit finalement le mandat administratif du ministère du Revenu, de sorte que ce pouvoir que l'article 69.0.0.7, paragraphe c, donne aux fonctionnaires du ministère du Revenu peut permettre de faire avec des données nominatives toutes sortes d'utilisations sous le couvert d'une recherche. Et on ne mentionne même pas que c'est pour les fins de l'application d'une loi fiscale. Et n'oublions pas que ces recherches-là sont faites à l'interne, mais elles peuvent être faites aussi par contrat. Les articles 69.0.0.17, les diverses dispositions de cet article s'appliquent, de sorte qu'on peut se retrouver avec des données fiscales nominatives qui sont communiquées à des contractants ou des sous-contractants qui ont mandat de faire une recherche qui n'est pas contrôlée par la Commission d'accès à l'information, contrairement à ce qui se passe ailleurs, où, lorsqu'on veut faire une recherche, on doit s'adresser à la Commission, et faire viser sa recherche, et établir devant la Commission que cette recherche-là nécessite la consultation de données personnelles, de données nominatives. Ici, ce test-là n'est pas utilisé, et c'est préoccupant. Alors, c'est un aspect qui est d'autant plus préoccupant qu'on élargit de plus en plus le mandat du ministère. Voilà.

Le Président (M. Duguay): Alors, merci, messieurs. M. le ministre.

n (14 h 30) n

M. Julien: Merci, M. le Président. Rebonjour. On s'était vu au mois de... l'été dernier, où vous nous avez fait un certain nombre de commentaires. Je vais y revenir tout à l'heure. Alors, l'attitude, en tout cas, que, moi, j'ai dans l'analyse de ce projet de loi, c'est de s'assurer évidemment... Parce que je sais que c'est un projet de loi qui, mettons, est délicat par rapport à certains aspects. On va revenir sur la question du juge. Je pense que ça, c'est un élément qui m'importe beaucoup effectivement parce qu'on a eu beaucoup de commentaires de différents groupes à ce sujet-là.

Et j'aimerais d'abord quand même vérifier certains éléments avec vous. Peut-être le dernier élément que Me Brière vient de mentionner... Est-ce que je comprends bien votre propos en disant que le 69.0.0.7 mériterait d'être un peu plus... d'être clarifié ou, en tout cas, d'être précisé dans son libellé? C'est ce que je comprends? Ça, là-dessus, vous pourriez nous faire certaines recommandations, j'imagine.

Une voix: ...

M. Julien: Non, comme je vous dis, moi, ce que je veux, c'est que la loi soit la plus correcte possible, qu'on réponde à nos objectifs. Ça fait que, si vous avez des commentaires, moi, ça va me faire plaisir de les recevoir.

On a retenu trois suggestions que vous nous avez faites, puis j'aimerais avoir vos commentaires si... D'abord, par exemple, l'article 69.0.0.2, vous aviez des demandes d'information sans la procédure de la Loi sur l'accès. Ça, c'était vous, je pense, Me Ryan. La façon dont on l'a libellé, et tout ça, est-ce que ça vous convenait?

M. Ryan (Paul): Oui, effectivement, parce que ça semble sous-entendre qu'on va pouvoir continuer à faire des demandes informelles et qu'on devra faire une demande formelle seulement dans la mesure où on voudra enclencher les droits d'appel et de contestation qui sont prévus dans la loi. Ça nous satisfait tout à fait.

M. Julien: O.K. Le deuxième, c'était à l'article 69.0.0.3, qui était la suppression du terme «raisonnable» de l'expression «raisonnable de considérer comme nécessaire». Ça, on avait eu une belle discussion là-dessus, «raisonnable» et «nécessaire», là.

M. Ryan (Paul): Oui. Il y a des gens qui disent qu'on pourrait aller à la Faculté de droit pendant trois ans pour apprendre ce que ces deux mots-là veulent dire puis qu'on en apprendrait plus que ce qu'on apprend actuellement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan (Paul): Oui. J'ai vu, là, que vous avez enlevé ces mots-là. Pour nous, c'est un resserrement qui est adéquat. Ce n'est pas parfait encore parce qu'on a toujours le problème que, si les dossiers d'un autre contribuable sont utilisés comme statistiques pour cotiser un contribuable, là on se retrouve pris entre deux droits: le contribuable qui a été cotisé puis qui veut en voir le plus possible; puis le contribuable dont l'information est utilisée qui veut qu'on en montre le moins possible. Mais je pense que c'est un bon resserrement. Le débat va peut-être être encore là un petit peu, mais je pense qu'il est mieux encadré qu'il ne l'était avant.

M. Julien: Parfait. Merci, Me Ryan. L'article 69.0.0.4 aussi, vous avez demandé à ajouter les termes «malgré l'article 88 de la Loi sur l'accès».

M. Ryan (Paul): Oui, bien, on était satisfait de voir que, quand on parle maintenant de personnes autorisées par la loi à représenter un contribuable, évidemment on a pensé tout de suite aux avocats puis on était satisfait de voir que le rôle privilégié des avocats pour représenter des justiciables en général était reconnu spécifiquement dans la loi. Alors, ça, on était heureux.

Il y avait peut-être un petit point technique où on se posait une question, mais c'est très technique, c'est que, dans l'introduction de 69.0.0.4, là, on parle de la personne autorisée par la loi à représenter, de telle sorte qu'on n'a pas besoin de reprendre ça à chacun des sous-paragraphes, a, b, c, d, parce qu'on dit: C'est soit la personne autorisée par la loi, donc présumément l'avocat, ou le représentant. Et ensuite on vient dire: Le représentant sera... la liste des personnes suivantes. Sauf que, dans c, on se sent obligé, dans c, de venir dire «en outre d'une personne autorisée par la loi», de venir ajouter. Là, on parle du représentant puis on dit: En plus d'une personne autorisée par la loi, puis on ne le dit pas dans a, b et d.

Est-ce que quelqu'un pourrait penser qu'on voulait faire quelque chose qui n'est pas vraiment ce qu'on voulait faire? Moi, j'ai compris que la personne autorisée était couverte par l'introduction puis qu'on n'avait pas besoin d'en parler dans a, b, c, d. Mais, dans c, on en parle spécifiquement, on vient rajouter «en outre de» puis ça pourrait laisser sous-entendre qu'on a voulu faire quelque chose qui n'est peut-être pas votre but. Alors, peut-être juste faire attention à ce petit côté technique là.

M. Julien: O.K. Je retiens cela. Tout à l'heure, vous avez mentionné l'article 67, effectivement, de la Commission d'accès à l'information. On a eu une discussion là-dessus d'ailleurs la semaine dernière.

M. Ryan (Paul): Je l'ai manquée, celle-là. Ha, ha, ha!

M. Julien: Ha, ha, ha! Non, mais elle est bonne parce que, évidemment... c'est vrai qu'on la cite en comparaison en disant, par exemple, qu'elle est quand même... elle donne beaucoup de latitude, si on peut la concevoir de cette façon-là. Et, à la question posée, on m'a répondu que l'interprétation, par exemple, qu'eux faisaient de cet article-là, lorsqu'il s'agissait de communiquer des informations à la police, ils disaient: On ne l'autorise pas.

Moi, je ne suis pas un avocat. Je lis le texte, puis le texte, il ne me dit pas ça. Évidemment, on peut l'interpréter si on veut. Ce qui fait que nous, on s'est dit ? et là, évidemment, c'est là-dessus qu'on peut avoir une discussion, puis votre éclairage est important ? c'est qu'on a, d'un côté, la définition de la loi de la Commission d'accès à l'information, le 67, et, de l'autre côté, nous, on dit: On va y aller, mais on va procéder par exception. Donc, c'est évident, vous aviez raison, effectivement, on a beaucoup d'exceptions. C'est-u l'exception qui devient la règle ou pas? Mais on voulait... L'esprit, c'était d'être beaucoup plus restrictif et de mieux baliser à qui. C'est ça que ça voulait dire, dans le fond: par rapport à.

Parce qu'on se rappelle que, dans la commission Moisan, un des éléments qu'il suggérait et, en tout cas, une des recommandations du rapport Moisan, de la commission Moisan, c'était d'avoir une meilleure harmonisation entre la Loi du ministère du Revenu, la loi de la Commission d'accès à l'information, ce qui a causé d'ailleurs un certain nombre d'imbroglios, de problématiques en termes d'interprétation.

Alors, j'aimerais ça que vous me reveniez un petit peu là-dessus parce que je pense que vous soulevez un bon point. Mais, moi, je la regarde tel qu'elle se lit puis je regarde que, nous, on la balise, puis là vous me dites: Bien, peut-être... En tout cas, on semble considérer peut-être qu'on met trop de restrictions. On serait-u mieux d'y aller avec un texte beaucoup plus large? Je ne le sais pas, je vous pose la question. Oui.

M. Brière (Jules): Non, mais juste reprendre un peu ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est qu'évidemment un texte de loi, ça doit se lire à la lumière de la jurisprudence qui l'a interprété, n'est-ce pas? Il ne faut pas le lire en dehors de l'univers. Donc, quand on lit l'article 67, on peut avoir l'impression qu'il offre beaucoup de latitude, mais, en pratique, quand on lit la jurisprudence de la Commission qui est chargée de l'appliquer et de faire la jurisprudence là-dessus, on constate qu'il est déjà très balisé.

M. Julien: C'est dans ce sens-là, le commentaire que vous faisiez.

M. Brière (Jules): Oui.

M. Julien: Mais le fait que, par exemple, on reprenne un article où, là, on y va de façon plus spécifique, plus précise, donc c'est mieux balisé. Vous admettez avec moi que...

M. Brière (Jules): D'ailleurs, le législateur est toujours présumé connaître l'interprétation donnée par les tribunaux des lois qu'il a faites, par ailleurs.

M. Julien: Ça, je suis d'accord avec vous. Moi non plus... Mais c'est quand même mieux balisé, je pense. On verra...

M. Brière (Jules): C'est plus balisé.

M. Julien: Si je ne tiens pas compte des jurisprudences, là.

M. Ryan (Paul): C'est mieux balisé. La question à se poser, c'est: Est-ce que c'est assez balisé en fonction du rôle que le secret fiscal joue dans le système, comme je vous l'ai exposé plus tôt?

M. Julien: Ah! Parfait. Je pense, Me Ryan, que vous soulevez le bon point, en tout cas pour moi. Et j'aimerais ça que vous me suggériez quelque chose là-dessus. Si vous ne pouvez pas tout de suite, ce n'est pas grave, mais j'aimerais ça.

M. Ryan (Paul): Bien, c'est une bonne question. Si on va à 12, c'est sûr que l'intervention d'un juge, c'est toujours la mesure la plus appropriée puis la plus sécuritaire, si je peux employer cette expression-là, pour tout le monde. Maintenant, là, je suis un peu perplexe parce que j'ai eu l'opportunité d'en discuter avant un petit peu avec votre juriste-conseil puis, moi, je l'avais vu ? Me Sauvé et moi en avions discuté ? on l'avait vu surtout dans le sens d'un corps policier qui ne veut plus aller voir le juge puis qui va pouvoir se servir de 12, et tout ça.

Parce que, dans l'autre sens, ça me fatigue un peu de vous dire: Allez voir un juge. Quand c'est le ministère du Revenu, bon... Le ministère, ça, je n'ai pas vraiment réfléchi là-dessus parce qu'on ne l'avait pas vu sous cet angle-là. Bon, le ministère du Revenu examine une déclaration d'impôts, on a un proxénète qui soit a décidé qu'il déclarait tous ses revenus ou soit qu'il avait un niveau de vie tellement élevé qu'on a constaté rapidement ses revenus puis on l'a cotisé, est-ce qu'on devrait être en mesure d'aller voir la police puis de dire: Ce gars-là a fait ça? Ça, c'est une question à 100 $, pour vous dire la vérité, parce que je l'avais pas vu sous cet angle-là.

Écoutez, c'est difficile à répondre parce que, en pratique, on va se dire: Il n'y en a pas tant que ça, de ces gars-là, qui vont déclarer leurs revenus. Mais il y en a peut-être qui ont un niveau de vie assez élevé pour le faire. C'est vraiment quelque chose de déchirant pour moi de vous dire, dans un sens ou dans l'autre, ce qui serait approprié. Mais je serais prêt à dire peut-être 55-45, je serais pour que... ? ha, ha, ha! ? je serais pour que vous puissiez le divulguer dans un cas comme ça. Sans divulguer, peut-être juste le... Puis c'est là: Qu'est-ce qu'on divulgue? Parce que, là, il y a toute cette question-là, puis c'est là qu'encore là, si on n'a pas de mécanisme d'approbation ? puis peut-être, là, que je fais le politicien un petit peu, je m'en vais à côté de la question, mais... Ha, ha, ha!

M. Julien: C'est permis.

M. Ryan (Paul): C'est permis. Ha, ha, ha! Alors, je vais vous dire... Parce qu'on dit, regardez: Tout renseignement qui peut servir à réprimer cette infraction. On parle de la prévenir, l'aspect prévention est bien important, mais on parle de réprimer. «Réprimer», on est après.

Alors, on revient au proxénète dont on a déterminé les revenus au moyen de la méthode de l'avoir net. On a examiné son niveau de vie, on a examiné tous ses actifs, puis tout ça. Il consulte un psychiatre aussi. On voit ça dans son rapport d'impôts, il réclame... Il a toutes sortes de choses. Qu'est-ce qui est un renseignement qui peut servir à réprimer l'infraction? C'est-u le paquet au complet ou c'est-u juste le fait de dire: Regarde, ce gars-là, on a des preuves à l'effet qu'il a gagné 600 000 $ par année, rajoutez ça à qu'est-ce que vous avez, ça va peut-être vous aider? Puis là toute la détermination du «c'est quoi», là, c'est tout une autre histoire, que, là, elle n'est pas trop, trop précise là-dedans, puis il n'y a personne pour venir faire l'arbitre indépendant, pour dire: Regarde, là, il me semble que, si tu avais ça, ce serait assez.

n(14 h 40)n

M. Julien: Vous avez mentionné... D'ailleurs, je l'ai cité au moment d'une conférence où je disais, par exemple, qu'une des façons qu'on a arrêté Al Capone, ce n'était pas pour ses crimes, c'était parce qu'il ne payait pas ses impôts. Puis je trouve que c'est un cas effectivement dont on pourrait peut-être s'inspirer, je ne sais pas jusqu'à quel point, mais...

Mais il y a deux points que je veux bien saisir. Et ce n'est pas dans... en tout cas, ce n'est pas dans mon esprit que, par exemple, sur le premier point, un corps policier profiterait de, par exemple, cet article pour éviter de. Si ce n'est pas clair, je suis d'accord avec vous, Me Ryan, que, si on peut resserrer cet élément-là, je suis tout à fait d'accord avec vous. Moi, je pense qu'il y a des procédures à suivre. Mais là on se comprend aussi qu'on se situe bien dans le cadre du crime organisé. Ce n'est pas élargi, là, à tout type de criminalité.

M. Ryan (Paul): Avec, par contre, la définition qui est la même que celle du Code criminel, mais qui est une définition quand même assez large de «crime organisé». Dès que tu as trois personnes qui se sont mises ensemble pour commettre un crime, c'est du crime organisé, là. Alors, ça peut être... Ce n'est pas juste les quatre, cinq, six grosses organisations, là, dont on lit le nom dans les journaux tout le temps qui pourraient nécessairement être visées par ça.

M. Julien: Non, non, non, mais on comprend que ce qu'on vise, c'est ça.

M. Ryan (Paul): Oui.

M. Julien: Je comprends la définition, mais on comprend que ce qu'on vise, c'est cela. Alors, je comprends cette partie-là. L'autre partie, vous me dites ? si je comprends bien, là; vous allez me corriger évidemment: Si, par exemple, c'est le ministère du Revenu qui, suite à des informations dans le cadre, par exemple, d'une vérification fiscale, découvrait certains éléments qui permettraient de douter, ou de penser, ou de croire ? en tout cas, peu importent les qualificatifs ? qu'effectivement un crime est en préparation, ou a été commis, ou etc., qui donne cette information-là aux corps policiers directement, vous ne me semblez pas à l'aise, mais, par contre, vous me dites: Oui...

M. Ryan (Paul): Je suis déchiré. C'est un choix de société plus qu'un choix du pauvre avocat que je suis.

M. Julien: Donc, O.K., c'est ce que je retiens. Oui, Me Brière.

M. Brière (Jules): Oui. Je vais peut-être ajouter que, si ça... Dans le contexte, mettons, ou l'esprit de la loi sur la protection des renseignements privés, il faudrait peut-être s'assurer, si on doit maintenir ce pouvoir-là, que cette communication-là laisse des traces. Et, si vous vous inspirez de ce qui se passe aux États-Unis ? j'ai vérifié ? et, quand, en tout cas, ça vient de la police, la demande, il y a une demande écrite qui doit être motivée par écrit et, quand la communication est faite par le fisc américain à un corps de policiers, c'est quand ça peut servir de preuve dans une affaire, et ça doit être fait par écrit aussi. Donc, il y a une précaution qui est prise, là, dans votre modèle, que je ne retrouve pas ici.

M. Julien: Je suis d'accord avec vous. La question d'une espèce de registre de demandes, etc., moi, je suis parfaitement d'accord là-dessus, je n'ai aucun problème avec ça, aucun problème avec ça. Puis je trouve ça intéressant, vous compariez avec la loi américaine, parce que je trouve que, même nous, dans la façon dont on veut faire, on est même plus serrés, plus restrictifs. Parce que c'est assez large, au niveau de la loi américaine ou d'autres types de loi que j'ai pu voir, avec un avocat. Mais je me rends compte qu'ici on l'a quand même ? vous allez être d'accord avec moi, M. Brière ? mieux. Je ne dis pas que vous êtes d'accord avec ce qu'on veut faire, mais elle est mieux quand même, mieux cernée, c'est ce que je comprends.

Parce que je regardais ici: Le Conseil européen insiste sur la nécessité de développer une coopération... Parce que, là, il y a la question technique puis la question d'opportunité. C'est ce que je comprends un petit peu de Me Ryan. Est-ce que je traduis bien?

M. Ryan (Paul): Oui.

M. Julien: Alors, le Conseil européen insiste sur la nécessité de développer une coopération plus étroite au niveau national entre les services fiscaux et les autorités de répression dans la lutte contre la criminalité organisée. Il convient d'examiner des règles en vigueur dans chaque pays évidemment de telle sorte que, dans les cas de criminalité organisée, il n'existe aucun obstacle juridique à ce que les services fiscaux aient la faculté ou soient tenus d'échanger les informations avec des autorités compétentes des États membres concernés et en particulier avec l'appareil judiciaire, tout en respectant pleinement les droits fondamentaux.

Je sais qu'on est sur un sujet délicat, je suis fort conscient de ça. Je sais aussi, et j'ai bien compris votre propos, en disant: Évidemment, personne ne peut être contre la lutte contre le crime organisée, c'est dans les moyens. Dans les moyens, évidemment, il y a la notion du juge. Alors là...

Une voix: ...

M. Julien: Oui, puis, tu sais, je regardais... Excusez. Vous savez, je regardais par rapport à ce qui se faisait ailleurs, de ce qu'on m'a informé, puis je me rends compte que... Est-ce que c'est une tendance mondiale, mais je me rends compte que, ou dans la communauté européenne, ou aux États-Unis, ou la loi canadienne, tu te rends compte qu'il y a vraiment une... En Angleterre aussi, qui a déposé un bill à l'automne, on se rend compte, là, qu'il y a une tendance à ce niveau-là. Ça ne veut pas dire que, parce que ça se fait ailleurs, il faut le faire. Ça, je comprends ça aussi. Mais je comprends aussi ce que vous me dites, c'est qu'il faudrait que ça soit beaucoup mieux balisé, mieux cerné, là. C'est parce que j'essaie...

Puis, si vous avez des amendements, je vous le dis tout de suite, là, ou des propositions, moi, je serais bien... je serais très heureux de le savoir, l'objectif étant la lutte du crime organisé, puis savoir aussi, je pense, qu'il faut avoir un certain nombre d'outils, qui sont délicats, ça, j'en conviens parfaitement.

M. Ryan (Paul): Parce qu'on a parlé du cas où c'est le ministère du Revenu du Québec qui constate quelque chose puis prend l'initiative, on a dit ça. C'est plus l'autre cas où c'est le corps de police qui est en train d'enquêter M. le proxénète, qui vient voir le fonctionnaire du ministère du Revenu puis dit: Écoute, fonctionnaire, là, je suis en train d'enquêter ce gars-là, puis on a de la misère, on n'est pas capable de prouver qu'il fait de l'argent avec ça.

M. Julien: Oui. Moi, j'aimerais ça ? puis on va prendre le temps ? que vous me proposiez quelque chose, pas aujourd'hui là, je comprends que je ne peux pas vous demander ça. Mais, si vous avez ces petits éléments-là à me suggérer, j'apprécierais beaucoup. Je l'apprécierais beaucoup.

M. Ryan (Paul): O.K. Parce que, dans 69.0.0.14, là, on semble dire que le policier peut communiquer avec le ministère pour l'application de 69.0.0.12. Et là qu'est-ce qui va arriver s'il communique? C'est ça, là, il n'a pas de déclaration assermentée.

On est habitué à ça dans notre système. Je vais vous donner un exemple. Je vais vous donner un exemple. Vous avez sans doute entendu parler dans les journaux de l'affaire Future Electronics. Alors, dans l'affaire Future Electronics, c'est quelqu'un qui est enquêté par les États-Unis, communique avec la police ici, dit à la police: Va me faire un mandat de perquisition. La police a le mandat de perquisition. Le mandat est attaqué. Sur quel motif? La déclaration n'est pas assermentée parce que le policier, ici, s'est assermenté, mais il est venu dire: Moi, je jure que le policier aux États-Unis, c'est ça qu'il m'a dit. C'était du ouï-dire, mais, en matière de perquisition, c'est permis, le ouï-dire. Mais le policier aux États-Unis, il n'était pas assermenté, lui. Alors, l'avocat est venu dire: Regarde, ce n'est pas assermenté parce que le deuxième a donné un serment, mais sur quelque chose qui n'était pas assermenté, notre Cour d'appel... Là, c'est rendue en Cour suprême, mais notre Cour d'appel a annulé la perquisition en disant que ça ne respecte pas les droits fondamentaux.

M. Julien: O.K.

M. Ryan (Paul): Ça fait que, tu sais, le policier, il vient ici, il est exempté de faire une déclaration assermentée, il vient juste dire au gars du ministère du Revenu: Regarde, là, le gars, on pense qu'il fait du proxénétisme pour telle, telle, telle raison, puis le gars du ministère du Revenu dit: Bien, moi, j'ai des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise sur la base de qu'est-ce que lui m'a dit, mais c'est du ouï-dire, non assermenté ni d'une part ni de l'autre. Puis là, à partir de ça, on laisse couler l'information. D'après moi, on prend des risques que ça va être attaqué. Puis, si c'est attaqué, on ne sera pas plus avancé parce qu'on va avoir causé des problèmes avec l'enquête plus qu'on va l'avoir réglé.

Alors, on va essayer de le regarder. Peut-être, avec votre permission, on parlera avec votre juriste-conseil de manière plus approfondie pour voir, là, ce qu'on pourrait suggérer là-dessus. Mais moi, c'est plus cet aspect-là, que, si j'étais policier, puis je regardais ça, je me dirais: Bon, savez-vous, le 69.0.2, on met ça dans les poubelles, on a un beau petit système ici qui marche bien plus vite puis on va chercher l'information comme ça.

M. Julien: Moi, j'aimerais ça, en tout cas, que vous fassiez des suggestions. Puis, s'il y a d'autres choses aussi, ça ne me dérangera pas du tout. Je me dis toujours dans ces affaires-là, évidemment, plus on a de l'information, on est capable de prendre une meilleure décision. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on a fait venir une autre personne après vous, qui va venir faire ses commentaires, lui aussi, sur ce projet de loi là.

Donc, des propositions d'amendements, j'aimerais bien ça si vous en aviez. Puis je suis prêt à vous rencontrer, discuter, moi, je n'ai aucun problème avec ça. C'est de bonifier puis d'arriver à un résultat qui est positif. Parce que c'est sûr que, si on ne fait rien, c'est clair, c'est évident qu'on ne sera pas attaqué. C'est un vieux principe, donc c'est comment...

M. Ryan (Paul): Ce qui serait intéressant, ce serait, à cet égard-là, par contre, de savoir... En vertu du système de 69.0.2, pour qu'il y ait un besoin d'amender la loi aujourd'hui, il a dû y avoir des gens qui vous ont dit: Écoutez, là, M. le ministre, ou écoutez, gouvernement du Québec, les dispositions telles qu'on les a présentement, c'est trop compliqué, ça nous pose tel, tel, tel problème pratique. Pour nous permettre de jauger au complet si ça vaut le peine...

M. Julien: Oui. Oui. Je comprends ça.

M. Ryan (Paul): ...il faudrait qu'on ait accès un peu à ces affaires-là pour comprendre, c'est quoi, les problèmes auxquels on cherche à remédier par cette nouvelle disposition là.

M. Julien: Si je peux donner de l'information qui est non nominative et non secrète, ça va me faire grand plaisir de vous la transmettre, Me Ryan.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Julien: Ça va.

Le Président (M. Duguay): Ça va?

M. Julien: Oui.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. Alors, Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Merci. Alors, merci aux gens du Barreau de vous être déplacés à brève échéance, vous aussi, pour commenter les amendements au projet de loi. Nous avons dû insister beaucoup pour vous réentendre aujourd'hui. On est très heureux que vous ayez accepté de vous rendre à notre demande.

Me Sauvé a expliqué tantôt qu'il avait, je pense, été un petit peu déçu de voir les amendements parce que, à sa connaissance, ils étaient surtout d'ordre technique, peu substantiels. Et je dois vous dire qu'on a eu la même réaction, nous aussi, parce qu'on ne touchait pas vraiment au coeur des problèmes du projet de loi n° 14, qui concernent finalement les bris de confidentialité ou la possibilité plus grande que le ministère du Revenu aura de divulguer des informations à des tiers sans le consentement de la personne concernée, et ça, malgré le fait que le projet s'intitule Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels. Alors, on a l'impression que la protection des renseignements confidentiels en prend encore pour son rhume, avec le projet de loi n° 14, ce qui nous amène à être très prudents, et c'est pourquoi on a demandé à vous réentendre aujourd'hui.

n(14 h 50)n

J'ai entendu aussi Me Ryan nous parler que le fait qu'un fonctionnaire puisse transmettre des informations directement à un corps policier sans passer par un juge pourrait faire en sorte que les contribuables refuseraient dorénavant de donner de l'information au ministère du Revenu sous prétexte que ces informations-là pourraient les incriminer. J'ai trouvé que ce point de vue là était très intéressant, surtout que mon collègue le député de Saint-Laurent, qui est aussi critique en matière de sécurité civile, avait déjà, lors de l'adoption de principe, soulevé ces éléments-là qui étaient très intéressants. Et j'avais cru entendre que le ministre avait bien écouté mon collègue et qu'il apporterait des amendements dans le sens souhaité lors de l'étude du projet de loi. On s'est rendu compte, malheureusement, la semaine dernière que ce n'était pas le cas.

Est-ce que j'ai bien compris, quand vous avez parlé de ce point-là, l'article 69.0.0.12, que ça pourrait devenir un défaut de procédure qui ferait en sorte que la preuve qui serait amenée devant un juge pourrait être tout simplement invalidée par le juge sous prétexte qu'on aurait permis... Parce que les corps policiers, on le sait, n'ont pas le droit d'aller chercher de l'information au ministère du Revenu sans au préalable avoir obtenu une ordonnance pour le faire. Donc, on permettrait de faire de façon détournée ce que les corps policiers ne peuvent pas faire actuellement, tout simplement parce que, à ce moment-là, ils communiqueraient avec le fonctionnaire pour dire: Écoutez, je crois que cette personne-là fait partie du crime organisé, pourrais-tu me trouver le dossier fiscal pour me dire si tu es capable de me donner de l'information là-dessus? Et, s'il y avait justement des preuves au dossier, à ce moment-là, le juge pourrait, si c'était porté à sa connaissance, dire: Bien non, je ne peux pas accepter maintenant cette preuve-là parce qu'elle a été faite contre les droits de la personne concernée. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Ryan (Paul): Vous avez vraiment bien compris que c'est un risque que les avocats qui défendront ces personnes-là vont tenter de se servir de ça comme moyen de défense pour faire valoir que la transmission de cette information-là par le ministère du Revenu, mais surtout sa réception par le corps policier et son appropriation par le corps policier constituent une saisie ou une perquisition déguisée d'informations concernant cette personne-là.

Maintenant, est-ce qu'ils vont avoir gain de cause? Puis quel impact ça pourrait avoir? C'est difficile à prédire. Mais c'est sûr que le risque serait moins grand s'il y avait l'approbation d'un juge. Mais maintenant il faut voir, de l'autre côté, l'approbation d'un juge, quels inconvénients ça amène. C'est ça que je disais. Puis on n'a pas vu la liste d'inconvénients graves qui justifieraient de by-passer ça, premièrement, si je peux me permettre cette expression-là. Mais c'est sûr que c'est un risque.

Maintenant, si un juge en arrivait à la conclusion qu'effectivement c'est une perquisition ou une saisie illégale, est-ce que ça pourrait faire démolir tout l'échafaudage de la poursuite contre cette personne-là? Bien, ça dépendrait d'autres facteurs également. Ça pourrait dépendre de l'importance que cette information-là va venir jouer dans la preuve totale qui est faite pour la poursuite. Si la preuve de la poursuite s'accote ? excusez-moi l'expression ? à 100 % sur ces éléments-là, bien ça va jouer un rôle plus prépondérant que si c'est un petit élément de plus qu'on vient rajouter.

Alors, il y a toute une série de questions factuelles qui pourraient faire en sorte que ce moyen de défense là fonctionnerait ou pas, mais c'est sûrement un risque que les procureurs de ces gens-là vont soulever ce moyen-là, surtout s'il n'y a pas l'approbation d'un juge et s'il n'y a pas de déclaration assermentée. Parce que, moi, je mets toujours ces deux choses-là ensemble parce que, quand on va voir le juge, il faut lui présenter la déclaration assermentée, ça fait qu'on n'a pas une protection, on en a deux, la déclaration assermentée, d'une part, et l'intervention du juge, d'autre part.

Mme Leblanc: En tout cas, vous venez de mentionner que vous n'avez pas vu, vous non plus, la liste des inconvénients qui feraient en sorte que ça empêcherait le ministère du Revenu d'exiger du fonctionnaire de passer par un juge pour obtenir une ordonnance pour divulguer de l'information à un corps policier. Je ne les ai pas vus, moi non plus. Mais, d'après votre expérience que vous avez du judiciaire et du fiscal, qu'est-ce que, selon vous, le ministère du Revenu craint pour ne pas accepter d'amender le projet de loi pour faire en sorte que justement un fonctionnaire doive obligatoirement passer par un juge? Selon votre expérience, quelles seraient les réticences?

M. Ryan (Paul): O.K. Vous me demandez de spéculer, mais je vais y aller avec mes 20 années d'expérience. Premièrement, je pense que, si quelqu'un doit avoir des craintes là-dedans, ce ne serait probablement pas le ministère du Revenu parce que le ministère du Revenu, lui, on lui demande d'en fournir, mais l'important, c'est le corps policier, de l'autre côté, qui veut l'avoir, cette information-là. Alors, je pense que la question qui serait mieux posée, ce serait: Pourquoi les corps policiers ont-ils peur... ou veulent-ils qu'on leur arrive avec une loi qui va nous permettre de leur donner cette information-là sans passer devant un juge?

Je peux avoir deux réponses possibles, une moins cynique que l'autre, peut-être, mais, bon. Ha, ha, ha! La réponse très cynique, c'est que c'est beaucoup plus simple et beaucoup plus facile de ne pas avoir à se taper l'exercice de rédiger une dénonciation, de la faire assermenter puis d'aller voir un juge, puis ça donne un peu plus de marge de manoeuvre, c'est sûr. La réponse moins cynique qu'on pourrait ajouter à ça, c'est que, bon, il y a toutes sortes d'autres droits qui viennent s'ajouter à ça, mais, normalement, quand vous êtes perquisitionné puis qu'il y a eu une dénonciation, immédiatement après la perquisition, même si vous n'avez pas encore été accusé de quoi que ce soit, vous avez accès à la dénonciation policière qui a été préparée. Alors, il pourrait y avoir comme motif que, évidemment, surtout avec des gens en matière de crime organisé, on veut garder nos éléments de preuve dans notre poche arrière le plus longtemps possible pour pouvoir continuer l'enquête sans trop que ces gens-là s'en doutent. C'est pour ça qu'on parle également là-dedans qu'on ne leur dénonce pas l'affaire.

Ça fait qu'encore tantôt on parlait d'équilibre, alors c'est ces deux choses-là qu'il faut mettre dans la balance: la nécessité d'en dire le moins possible à ces gens-là en cours d'enquête, je pense que c'est un objectif louable; mais aussi la nécessité de ne pas donner trop de corde non plus aux corps policiers, puis ça, pour que, quand même, les droits fondamentaux qui sont garantis par la Charte soient respectés. C'est l'équilibre entre ces deux choses-là qu'il faut trouver.

Tel que c'est rédigé, là, si on pouvait résumer notre position, on pense peut-être que ça penche un petit peu plus du deuxième côté puis ça donne trop de corde. Maintenant, comment en donner un petit peu moins sans en donner trop? M. le ministre a raison de se retourner vers nous puis de dire: C'est beau, critiquer, mais, à un moment donné, il faut arriver avec des propositions constructives. On va y penser, de notre côté, peut-être en discutant puis en regardant ces choses-là. Mais je n'ai pas de solution miracle que je peux vous dire.

Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'évidemment, bon, de prendre un juge peut-être qu'on tire... on s'en revient un petit peu de l'autre côté du centre, par rapport à ce que je disais tantôt, c'est beaucoup plus safe, beaucoup plus sécuritaire de le faire comme ça. Le petit inconvénient qu'il y a, c'est celui que j'ai mentionné tantôt. Alors, je pense, c'est les limites dans lesquelles je peux spéculer. Là, je ne sais pas si...

Mme Leblanc: Par contre, aujourd'hui, un corps policier qui va demander une ordonnance au juge pour faire une perquisition ou aller fouiller un dossier fiscal, à moins d'une perquisition, la personne n'est pas nécessairement au courant qu'un corps policier est allé consulter son dossier fiscal au ministère du Revenu. Elle n'est pas mise au courant. Il n'y a pas d'envoi qui est fait à cette personne-là pour dire: Oui...

M. Ryan (Paul): Je ne sais pas, dans 69.0.2, qui est déjà une procédure qui existe, si, oui ou non, il y a... Est-ce que vous l'avez, la Loi sur le ministère du Revenu avec vous? Oui?

Une voix: ...

M. Ryan (Paul): Je ne sais pas si on notifie la personne éventuellement ou pas. Est-ce qu'on la notifie? Vous rappelez-vous si on la notifie?

(Consultation)

M. Ryan (Paul): Parce que ça, c'est un autre problème, la notification. Je ne sais pas si, dans 69.0.2, on l'a ou pas, mais... Bon. Dans 69.0.0.12, on ne l'a pas en ce moment. Si on va devant un juge, est-ce qu'on l'aurait ou on ne l'aurait pas? Est-ce qu'on pourrait penser à une mesure où on va devant un juge, mais on n'a pas de besoin de notifier l'autre personne? Si l'autre personne n'est pas notifiée, est-ce qu'elle pourra prétendre à d'autres abus de procédure qui pourraient causer le même genre de problèmes que ceux que j'ai soulevés tantôt? Ce sont toutes de bonnes questions, là, auxquelles on n'est pas capables de répondre de manière certaine aujourd'hui. Possiblement qu'en parlant avec le ministère puis les juristes-conseils, on pourra voir s'il y a une autre façon de rédiger ça qui crée un meilleur équilibre. Mais c'est... Le fait de ne pas aviser la personne qu'elle a fait l'objet d'une mesure, je pense que c'est aussi... c'est presque aussi embêtant que le fait de ne pas aller devant un juge. C'est quelque chose de potentiellement embêtant aussi.

Mme Leblanc: Je vais laisser du temps à mon collègue.

Le Président (M. Duguay): O.K. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je tiens aussi à remercier les représentants du Barreau et en particulier Me Ryan pour l'à-propos de son intervention et dire au ministre qu'on écoute bien lorsqu'il dit qu'il est ouvert à des suggestions. Parce que je pense que Me Ryan a soulevé vraiment un point très important. Il y a des articles de cette loi qui ont été malmenés depuis quelques années. On connaît les problèmes qu'il y a eu: commission d'enquête qui avait conclu qu'il y avait eu utilisation illégale d'information fiscale et confidentielle pour fins politiques et partisanes au bureau du premier ministre du Québec, c'est grave; une ministre responsable qui a dû démissionner parce qu'il y avait de l'information fiscale personnelle qui avait été transmise illégalement à une compagnie privée. Ce sont des événements graves.

Mais ce n'est pas juste grave en soi. Pourquoi il ne faut pas sortir ça? Vous en avez parlé, Me Ryan. M. le Président, Me Ryan nous en a parlé. C'est parce que c'est la base même de notre système: Dites-nous tous vos revenus, ça reste là, mais vous payez vos taxes là-dessus. Me Ryan aussi avait raison lorsqu'il citait l'exemple classique d'Al Capone, aux États-Unis, qui est allé en prison non pas pour les revenus mais pour le fait qu'il ne les avait pas rapportés au fisc. C'est ironique.

Et c'est précisément là-dessus... Parce que je ne suis pas sûr d'avoir saisi tantôt. Me Brière a dit quelque chose. Le ministre a affirmé que, selon lui, nous, c'était temporisé par rapport aux États-Unis. Ma compréhension ? peut-être injuste, c'est pour ça que je pose ma question ? c'est qu'aux États-Unis, justement, le système est très étanche: vous rapportez l'ensemble de vos revenus, il y a la possibilité, par contre, pour l'IRS, Internal Revenue Service, de vous demander de prouver comment vous faites pour vous soutenir ? cette notion de l'avoir net dont vous avez parlé, qui existe aussi ici. Mais est-ce que j'ai tort de me dire qu'aux États-Unis c'est plus étanche, cette question de secret fiscal, qu'ici? Du moins, c'est ma compréhension.

n(15 heures)n

Ce que j'ai saisi du ministre tantôt, c'est que, nous, on était plus balisés lorsqu'on laisse ça à la police. Aux États-Unis, ma compréhension a toujours été que c'était assez absolu, si je peux relativiser ce terme-là.

M. Ryan (Paul): Moi, je ne suis pas assez familier avec le système américain pour commenter là-dessus. Est-ce que, Me Brière, vous en connaissez un peu ou...

M. Brière (Jules): Moi, j'ai regardé le chapitre 63, et c'est difficile de faire une comparaison parce que l'approche n'est pas la même, mais il y a une communication qui est possible du ministère du Revenu aux corps policiers, au FBI, par exemple. Et ça peut se faire dans les deux sens, c'est-à-dire, dans certains cas, quand il s'agit du crime organisé, par exemple, le corps policier peut demander, le directeur du corps policier peut demander par écrit, en motivant sa décision, une communication de renseignements fiscaux et le ministère du Revenu est autorisé à le faire, à les lui transmettre. Mais ça se fait par écrit. Et, à l'initiative du ministère du Revenu, si le ministère du Revenu constate qu'une information fiscale, pas une déclaration mais le dossier fiscal d'un individu comporte un élément qui peut constituer une preuve dans une procédure... dans une poursuite criminelle, il peut en saisir l'autorité policière. Mais il faut qu'il soit évidemment convaincu que ça constitue une preuve de la commission d'une infraction à une loi criminelle, donc un crime majeur. C'est dans le... Remarquez, je n'ai pas le contexte global, non plus, de ça, là. Ce que je vous donne, c'est une étude un peu récente que j'en ai faite pour venir ici. C'est le chapitre 61 du Code américain, qui porte justement sur la transmission d'information sur le dossier fiscal.

Le Président (M. Duguay): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Bien, écoutez, M. le Président, on va s'assurer d'en prendre connaissance. Peut-être que les services de recherche peuvent nous transmettre copie. Et on va regarder ça attentivement parce que c'est vraiment ça, le nerf de la guerre. C'est un peu comme ce que la présidente de la Commission d'accès à l'information a dit la semaine dernière. On dirait que, dans la foulée du 11 septembre, toutes sortes de brèches peuvent être pratiquées dans ce qu'on considère toujours des droits fondamentaux, utilisant ça comme prétexte. Il ne faudrait pas que nos problèmes, par ailleurs très réels, le crime organisé, notamment avec les bandes de motards criminalisés, servent de prétexte pour démanteler un système basé sur l'autodéclaration de ses revenus, avec cette protection, cette garantie du secret fiscal parce que le correctif ? en tout cas, pour le dire comme ça ? le médicament risque de tuer le patient. C'est vraiment ça. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Est-ce qu'il nous restait du temps?

Le Président (M. Duguay): Oui, il vous reste encore tout près de six minutes.

Mme Leblanc: Alors, bon, je voulais tout simplement faire référence au rapport du Comité d'examen sur la gestion des renseignements confidentiels au ministère du Revenu, qui avait été déposé le 5 octobre 1999. Et c'était dans la foulée de la démission de Rita Dionne-Marsolais et ensuite de ce qui était arrivé au Bureau de la statistique du Québec et pour lequel l'actuel premier ministre, qui était, à ce moment-là, ministre du Revenu, avait fait voter en toute vapeur dans un bâillon, en pleine session régulière, le projet de loi n° 63 pour se disculper des agissements, les mêmes agissements finalement qui avaient valu la démission de Mme Dionne-Marsolais.

Et la Commission d'accès à l'information s'est penchée sur ce rapport-là et a émis, elle, des commentaires sur chacune des neuf recommandations du rapport. Dans une des recommandations, on disait qu'il fallait examiner la dualité ? ça, c'est ce que le rapport dit ? la dualité des régimes de protection des renseignements personnels et fiscaux. Et, à ce sujet-là, la Commission d'accès à l'information affirmait qu'il importait moins que les renseignements soient protégés par un régime unique ou un double régime, il fallait plutôt s'assurer de l'existence d'une législation claire et sans ambiguïté, à la fois respectueuse des droits d'accès garantis aux personnes concernées par les renseignements et du droit limité à ces renseignements par des tiers.

Alors, on ne dit pas qu'il faut absolument qu'il y ait seulement qu'une façon d'appliquer la loi. Je veux dire, il y a toujours la Loi d'accès qui est là. On dit que la Loi sur le ministère du Revenu aura prépondérance lorsqu'il aura une possibilité d'ambiguïté. Mais on dit qu'il va falloir que ce soit respectueux des droits d'accès garantis aux personnes concernées par les renseignements et, en même temps, du droit limité à ces renseignements par des tiers. Est-ce que vous avez l'impression que le projet de loi n° 14 répond à ces objectifs-là? La question est large, hein?

Le Président (M. Duguay): Alors, lequel de vous trois veut prendre le risque de répondre? Me Sauvé.

M. Sauvé (Marc): On va prendre connaissance du rapport de la Commission pour vraiment se faire une idée, là, d'un commentaire qu'on pourrait formuler publiquement à ce sujet-là.

Mme Leblanc: D'accord. On vous fera parvenir, à ce moment-là, ce qui est le document en question. Bien, en tout cas, peut-être un dernier commentaire qui a été soulevé juste avant moi par mon collègue concernant justement les événements du 11 septembre. Alors, je voulais vous rappeler, moi aussi, là, cette déclaration de Mme Stoddart, la présidente de la Commission d'accès à l'information, qui nous dit qu'il ne faut pas, au nom des événements qui sont arrivés le 11 septembre, faire en sorte qu'on puisse brimer davantage les libertés et les droits fondamentaux des personnes.

Et je pense qu'après vous on aura l'occasion d'écouter Me Denis Lemieux, qui est censé venir nous rassurer là-dessus. Je ne sais pas s'il va nous rassurer, en tout cas, on l'espère, parce qu'on a vraiment l'impression ici qu'on est en train d'étudier un projet de loi qui est d'importance capitale pour les citoyens, les contribuables du Québec finalement, ceux qui paient des taxes et des impôts. Et on vous remercie de nous avoir apporté votre éclairage à nouveau aujourd'hui. Je ne sais pas si vous avez des commentaires pour terminer?

M. Ryan (Paul): Bien, on vous remercie de nous avoir donné l'occasion de...

Le Président (M. Duguay): Merci, Mme la députée. M. le ministre, il vous reste une minute et... une minute et demie.

M. Julien: Je suis chanceux, j'ai encore deux minutes ou une minute et demie. C'est parce que tout à l'heure vous avez soulevé la question du cinq ans, sept ans, dépendant que. Il va y avoir les amendements... Je voulais vous dire qu'il y va y avoir des amendements dans le sens de, effectivement, si la procédure prend deux ans, tout est fermé, je ne vois pas pourquoi qu'on resterait jusqu'à cinq ans. Alors, ça va être relibellé pour que ça soit beaucoup plus clair, là, que c'était clair tel que c'est libellé actuellement. C'est peut-être le commentaire que je voulais vous faire, et de vous remercier de votre participation. Et évidemment ça va me faire plaisir de vous fournir l'information.

Non, mais je pense qu'on recherche tous la même chose. Et ce n'est pas relié à un événement dans le temps, c'est une tendance qu'on voit depuis plusieurs années. Et la question aussi à se poser: Jusqu'où cette tendance-là va aller? Et, si on suit la courbe de la tendance, jusqu'où et quand on doit intervenir comme... Parce que ce n'est pas juste lié à une date, c'est lié à un long processus. Et je pense que c'est dans ce contexte-là que j'aimerais ça avoir vos commentaires.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. Alors, messieurs, on vous remercie beaucoup pour l'information que vous nous avez transmise. Alors, on va suspendre quelques secondes pour permettre à nos invités de quitter et à Me Lemieux de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 7)

 

(Reprise à 15 h 14)

Le Président (M. Duguay): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, dans le but de continuer, nous avons maintenant Me Lemieux. Alors, Me Lemieux, pour la façon de procéder, je crois que vous êtes un habitué. Alors, vous avez un 20 minutes de présentation et, de chaque côté de la Chambre, également un 20 minutes. Alors, à vous la parole.

M. Denis Lemieux

M. Lemieux (Denis): Merci, M. le Président. Je vais vous détromper, c'est la première fois que j'ai le privilège de comparaître devant une commission parlementaire.

Alors, je suis ici comme professeur de droit public à l'Université Laval et avocat-conseil. Et, comme vous le savez, le projet de loi n° 14 comporte non pas une mais trois dispositions qui permettent au ministère du Revenu de communiquer des informations à des corps de police. La première de ces dispositions, c'est 69.0.0.11, dans des cas d'informations qui sont relatives à un danger pour la vie, la santé ou la sécurité d'une personne. La seconde, c'est celle qui concerne des renseignements impliquant une organisation criminelle, qui est pour les fins d'une infraction grave. Et, la troisième, c'est également dans le cas d'infractions graves mais, cette fois, dans l'application des lois fiscales.

La première de ces dispositions-là, 69.0.0.11, en fait, c'est la reconnaissance du droit au secours ou ce qu'on appelle la clause du bon samaritain, que l'on retrouve à l'article 2 de la Charte des droits et libertés de la personne. Quant à 69.0.0.16, évidemment, c'est une mesure essentielle pour l'application des lois fiscales dont le ministre du Revenu a la responsabilité. Reste 69.0.0.12, qui, comme on vient de le voir encore tout à l'heure, a suscité des interrogations quant à savoir si, telle que formulée, cette disposition est ou non compatible avec les droits fondamentaux consacrés par les chartes.

Alors, le ministère du Revenu m'avait demandé de donner mon avis sur cette disposition. Évidemment, je limiterai mon propos à la légalité de la disposition et non pas évidemment à son opportunité, bien que je serai disponible pour répondre à des questions sur l'ensemble de la question.

Alors, si je comprends, la situation est la suivante. Présentement, un corps de police, évidemment, peut, dans le cadre de 69.0.2, demander l'émission d'un mandat de perquisition lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire que le ministère détient des informations pertinentes pour les fins d'une enquête criminelle. Mais, si des informations qui impliquent la commission réelle ou appréhendée d'une infraction grave impliquant une organisation criminelle structurée se trouvent dans un dossier fiscal alors que les autorités policières n'en sont pas conscientes, présentement le secret fiscal empêche la divulgation de telles informations. Donc, si on veut que, dans la lutte contre le crime organisé, on communique de telles informations dont la police n'a pas connaissance, il faut donc une exception au secret fiscal. Reste à savoir évidemment si, telle que formulée, l'exception au secret fiscal que l'on retrouve à 69.0.0.12 est conforme aux droits fondamentaux.

Le but de la disposition, c'est évidemment de contribuer à la lutte contre le crime. La Cour suprême a rappelé que c'est une valeur fondamentale dans une société démocratique que de dénoncer les crimes ou des faits relatifs à des crimes dont on a connaissance. Évidemment, l'État est une personne qui est soumise également ou doit promouvoir cette valeur fondamentale.

Et la levée du secret fiscal, on en a parlé tout à l'heure, c'est un phénomène international. J'ai lu également les dispositions de l'Internal Revenue Code américain. Il y a également un mouvement qui émane de l'Union européenne pour que, dans chaque État membre de l'Union européenne, il y ait une levée partielle du secret fiscal pour lutter contre le crime organisé, qui, lui, ne connaît pas de frontières. Et il y a évidemment la loi fédérale récente visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité, qui également lève le secret fiscal pour permettre la lutte contre le crime organisé. Ces mesures d'ailleurs sont toutes antérieures au 11 septembre. Donc, ce n'est pas le terrorisme, c'est vraiment la lutte contre le crime organisé, qui, malheureusement, remonte à un peu plus longtemps.

Et je comprends aussi que le but de la disposition, comme le Québec est partie à des ententes intergouvernementales, pour la lutte contre le crime, il s'agit pour le Québec d'assurer pleinement sa compétence constitutionnelle en lui permettant de remplir ses obligations en vertu de telles ententes.

n(15 h 20)n

Ceci dit, qu'en est-il des dispositions sur les droits fondamentaux? En particulier, c'est l'article 8 de la Charte canadienne qui protège les personnes contre les saisies, perquisitions et fouilles abusives. La Charte québécoise comporte une disposition identique, à 24.1, mais qui a été interprétée comme l'article 8.

Techniquement, je dois dire que l'opération envisagée constitue une forme de saisie. Je dis «techniquement» parce que la Cour suprême a déjà considéré, dans des cas un peu analogues, que la notion de saisie était relativement large. Par exemple, le fait pour un médecin de donner à la police l'échantillon sanguin d'une personne sans son consentement, ça a été assimilé à une saisie, alors que la police n'avait pas exigé qu'on lui remette cet échantillon sanguin. Donc, là-dessus, je pense qu'on peut admettre que c'est une saisie.

Par contre, pour qu'une saisie soit visée par l'article 8 de la Charte canadienne, une saisie d'information, il faut qu'il y ait une attente raisonnable de vie privée concernant cette information. S'il n'y a pas d'attente raisonnable de vie privée, l'article 8 ne peut pas être violé, ne peut même pas trouver application. Ce n'est pas... Alors, la Cour suprême a développé cinq facteurs pour déterminer dans quel genre de situation il y a une attente raisonnable de vie privée.

Le premier, c'est la nature de l'information, son caractère, là, plus ou moins fondamental pour la personne concernée. Il faut voir qu'ici les informations dont il s'agit sont le plus souvent des informations que le contribuable a lui-même fournies dans sa déclaration d'impôts ou dans des demandes de renseignements additionnels, informations qui peuvent être complétées par des rapports d'enquête internes, voire, dans certains cas, par des sources externes.

Maintenant, une fois que l'information est fournie à l'État, il faut se rappeler un principe, que l'État est indivisible. Le ministère de la Sécurité publique pas plus que le ministère du Revenu ne constituent des personnes morales distinctes. Ce sont des émanations de l'État québécois. La notion de tiers qu'on voit dans la jurisprudence est difficilement applicable à deux ministères qui font partie d'une même entité, qui est le gouvernement du Québec. Or, la règle au sein d'une même entité, c'est la règle de la possibilité de transmission, au sein de l'entité, d'informations. Mais, malgré l'interprétation restrictive à laquelle faisait allusion Me Brière tout à l'heure, il reste que l'intention du législateur était de permettre le partage d'informations pour les fins des diverses missions gouvernementales.

Le secret fiscal est, si vous voulez, une exception à cette règle générale, l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu. Mais il faut se rendre compte, et on l'a vu tout à l'heure, que ce n'est pas une valeur constitutionnelle, le secret fiscal. C'est d'abord pour des raisons d'opportunité, parce qu'on est dans un régime d'autocotisation, alors c'est pour assurer l'efficacité du régime fiscal qu'on incite le contribuable à divulguer tous les renseignements permettant ensuite de vérifier l'exactitude et le caractère complet des informations fournies. Il est clair que, si on... avec les articles précités, 69.0.0.11, 69.0.0.12 et 69.0.0.16, qu'il y a certainement un prix à payer, d'autant plus que, selon le projet de loi, à l'article 70.1g de la Loi sur le ministère du Revenu, annuellement, le ministère du Revenu va informer les contribuables des restrictions au secret fiscal. Alors donc, les contribuables vont savoir, à l'avenir, que les déclarations d'impôts qu'ils sont peuvent être communiquées. Actuellement, c'était déjà le cas dans certaines circonstances, notamment avec 69.0.2, sauf qu'il faut, évidemment, dans ce contexte, l'émission d'un mandat de perquisition. Mais on a vu que, dans la presque totalité des cas, le mandat est émis de toute façon.

Donc, il s'agit d'un choix de société. Est-ce que la levée du secret fiscal, avec les possibilités de plus grandes réticences de certains contribuables, est contrebalancée par les avantages que ça peut procurer pour la lutte contre la criminalité?

Ceci dit, il est clair que les renseignements que l'on trouve dans un dossier fiscal peuvent parfois toucher la vie privée d'une personne. On n'a qu'à penser aux reçus de charité, qui peuvent donner une indication sur la religion d'une personne, les déductions pour soins de santé, qui peuvent également affecter des éléments essentiels d'une personne. Alors, ces informations, qui touchent l'état de santé, les convictions politiques, religieuses, d'autres choses qui sont intimement rattachées à la personne, peuvent participer de la vie privée mais avec le bémol que je viens d'apporter, c'est que ce sont des informations qui ont déjà été transmises, qui ne sont donc plus en possession de la personne mais transmises selon la loi et en sachant qu'elles peuvent être communiquées à certains ministères et d'autres organismes de l'État.

Le second facteur, c'est la nature des rapports entre le titulaire de l'information et le tiers. Ici, il s'agit de rapport de confidentialité réciproque parce que, des deux côtés, tant du côté du ministère du Revenu que du côté des corps de police, il existe un cadre procédural pour assurer cette confidentialité, et c'est pour des fins précises et limitées.

Le troisième facteur, c'est le lieu où l'information est obtenue. Évidemment que ce n'est pas obtenu en public, dans un lieu public, ni au domicile d'une personne privé ou domicile d'un tiers, mais il s'agit de communication de données effectuée par une personne désignée, présumément un fonctionnaire de rang assez élevé au sein du ministère du Revenu, à un corps de police représenté par un agent de liaison. Et l'information a lieu, si vous voulez, dans ce milieu fermé, dans ce lieu fermé.

Le quatrième facteur, c'est la manière d'obtenir l'information. Ici, il y a des informations que l'on a déjà. Alors, ce ne sont pas des informations que l'on va chercher, ce sont des informations que le ministère détient légalement mais dont l'existence est, dans l'hypothèse de départ, très probablement inconnue des corps de police. Et le Code civil, qui mentionne des formes d'atteinte à la vie privée, à l'article 36, ne mentionne pas comme étant une atteinte à la vie privée le fait que c'est un tiers, à savoir le ministère du Revenu, qui possède déjà l'information. Ça ne veut pas dire que ce n'est pas une atteinte à la vie privée en soi, mais le Code civil n'a pas jugé bon de l'inclure dans la liste des situations d'atteinte à la vie privée.

Finalement, il y a le cinquième facteur de la Cour suprême, c'est le caractère sérieux du crime impliqué. Bien, ici, c'est une infraction grave qui est prévue, et il faut que ça soit par une organisation criminelle structurée, donc uniquement des crimes très sérieux. En décembre dernier, la Cour suprême a rendu un jugement dans l'affaire R. c. Smith, où il s'agissait de déclarations faites par une personne prestataire de l'assurance emploi à l'Agence des douanes et du revenu à son retour du Canada. Et cette déclaration a été communiquée à la Commission d'assurance emploi, qui, avec cette déclaration, a constaté qu'alors que cette personne devait être disponible pour le travail elle était à l'étranger. Il y a une poursuite pénale qui a été prise contre cette personne. Et la Cour suprême a dit que, dans les circonstances, il n'y avait pas d'attente raisonnable de confidentialité, en appliquant les cinq facteurs que l'on vient de voir. Alors, même s'il s'agit d'une affaire évidemment qu'on peut toujours distinguer de la situation présente, mais c'est quand même assez révélateur que la Cour suprême, sans état d'âme, a confirmé, sans donner de motif, les motifs du juge de la cour fédérale, qui avait conclu que les cinq facteurs militaient en faveur d'une absence d'attente raisonnable de confidentialité.

n(15 h 30)n

Maintenant, allons plus loin. Supposons, pour les fins de la discussion, qu'il y a quand même un minimum d'attente à la vie privée d'une personne. Là, le critère pour que l'article 8 trouve application, c'est: Est-ce que cette saisie ? présumons que c'est une saisie ? est-ce qu'elle est abusive? Une saisie est abusive s'il n'y a pas suffisamment de balises qui viennent déterminer son cadre au moment où cette forme de saisie est effectuée et après que la saisie a été effectuée.

Si on regarde les éléments de 69.0.0.12, on s'aperçoit qu'il y en a qui ne posent pas de problème, comme le fait que ça soit non pas n'importe quel employé du ministère mais que ça soit une personne désignée fait que c'est un petit nombre de personnes identifiables qui vont seules devoir décider eux-mêmes et non pas sous la dictée d'autres personnes si de telles informations doivent être communiquées. Ceci, évidemment, amène une certaine cohérence dans la mise en oeuvre de la disposition et c'est une précision que je n'ai pas retrouvée dans d'autres lois comparables.

La deuxième balise, c'est que ça ne vise qu'un corps de police. Encore une fois, c'est un petit nombre de personnes, les agents de liaison de certains corps de police, en particulier, en premier lieu, la Sûreté du Québec.

Troisièmement, il faut que ce soit dans le dossier fiscal, une expression que vous avez définie dans le projet de loi. Alors, il faut absolument que ce soient des informations suffisamment pertinentes pour avoir été colligées dans le dossier fiscal de la personne et non pas de simples ragots ou des choses qui ne seraient pas pertinentes pour cette fin.

En quatrième lieu, les mots «organisation criminelle» sont très balisés. Il ne s'agit pas de gens qui s'associent pour commettre un hold-up. Ce sont des gens qui s'associent pour un ensemble d'activités criminelles. Et il s'agit d'organisations qui ont un certain caractère de permanence et non pas le fait qu'il y ait trois personnes qui se mettent ensemble pour commettre un crime.

En cinquième lieu, «infraction grave» est également balisée. Et puis, tant ces mots-là, «organisation criminelle» qu'«infraction grave», nous ramènent à des notions du Code criminel et des lois fédérales pour qu'il y ait une harmonisation des définitions.

Reste, là où le bât blesse, c'est la notion de motif raisonnable, et ici cette notion est quand même très balisée par la jurisprudence. Une notion qui serait moins balisée, ce serait «s'il est d'avis que», «si la personne est d'avis que». Mais ici, c'est quand même assez balisé. Et c'est une notion qu'on retrouve dans un grand nombre de lois québécoises. Et on retrouve, par exemple: L'Inspecteur général des institutions financières, s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il y a infraction peut saisir tout document relatif à cette infraction. Vous en avez des douzaines de dispositions semblables.

Et il y a plusieurs cas aussi où un organisme qui n'est pas expert dans le domaine de la lutte contre le crime ou en matière de sécurité publique est appelé à porter un jugement sur certaines situations. C'est le cas du président de l'Office de protection du consommateur, c'est le cas de la Régie des alcools, c'est le cas du ministre de l'Immigration du Canada, quand les réfugiés sont indésirables parce qu'ils ont des liens avec le crime organisé. Alors donc, il y a aussi toutes sortes de situations. La loi fédérale sur la criminalité en est un autre exemple. Et l'Assemblée nationale a elle-même adopté, il y a peu de temps, le projet de loi n° 180, qui contient une disposition qui est semblable à peu de chose près à 69.0.0.11.

Alors, il y a des tas, aussi, de lois québécoises qui prévoient la divulgation directe d'informations à des corps de police. La Loi sur la protection de la jeunesse, par exemple, en est une. Et il y a donc... La Loi sur la protection des personnels dans le secteur privé prévoit également de telles divulgations. Et récemment on a jugé constitutionnelle une loi ontarienne qui obligeait la Croix-Rouge à faire savoir si des personnes... si des échantillons prélevés chez des donneurs de sang révélaient qu'ils étaient porteurs du sida. Pour lutter contre ce fléau, donc, on permettait de dévoiler les noms de ces personnes.

Par ailleurs, une fois que la mesure est adoptée, vous avez d'autres balises, 69.0.0.13 en comporte. Et puis vous avez également, en cas de violation de 69.0.0.12, si on dérape, si on va au-delà du cadre de cet article, évidemment, la loi prévoit une sanction pénale, à 71.3.2, une amende de 1 000 à 10 000 $ pour le fonctionnaire du ministère. Il y a des recours en dommages et intérêts, en vertu des chartes, qui seraient ouverts contre le gouvernement du Québec. Il y a également, on l'a mentionné, le Barreau l'a mentionné tout à l'heure, possibilité d'exclusion d'une preuve comme étant incompatible avec l'administration de la justice, 24.2 de la Charte canadienne. Il y a la Commission d'accès à l'information...

Le Président (M. Duguay): Juste un instant, M. Lemieux. Alors, je dois vous informer que votre minute est écoulée. Cependant, M. le ministre vous permet de continuer...

M. Lemieux (Denis): J'en ai pour une minute, monsieur...

Le Président (M. Duguay): ...compte tenu que c'est très intéressant. Vous pouvez continuer.

M. Lemieux (Denis): Alors, je mentionnais que la loi prévoit que la Commission d'accès à l'information a un mandat spécial d'inspecter la façon dont le ministère met en oeuvre cette disposition. Et j'abonde dans le même sens que le Barreau, qu'il devrait y avoir une modification pour qu'un registre soit tenu de toute communication qui soit faite. Et il y a évidemment d'autres censeurs, comme le Vérificateur général, la Commission des droits de la personne ainsi que le Protecteur du citoyen, qui pourront éventuellement intervenir.

Je termine en disant que, en décembre dernier, la Cour suprême était également saisie d'un pourvoi connexe à l'affaire Smith, c'était de savoir si la fameuse disposition qui permettait au ministère du Revenu fédéral de communiquer des informations à la Commission d'assurance emploi était suffisamment balisée. Et tout ce qu'on avait, c'était une autorisation générale: Revenu Canada accepte de saisir ces renseignements et de les divulguer à la Commission aux fins de la Loi sur l'assurance-emploi. La Cour suprême, à l'unanimité, a jugé que c'était une balise suffisante.

Bien sûr, ça ne veut pas dire qu'on est obligé de se contenter de cela, mais je crois qu'il y a quand même des balises extrêmement importantes. Et il est clair que, si on a une autorisation judiciaire préalable en plus, évidemment que ça alourdit le processus. Mais là ça devient une question d'opportunité et non pas une question de légalité. Ce que je vous dis, c'est que la disposition, telle que rédigée, me paraît passer le test des chartes. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Duguay): Merci, Me Lemieux. M. le ministre.

M. Julien: Alors, merci, M. le Président. Alors, Me Lemieux, je vous souhaite la bienvenue à votre baptême du feu. Mais, ici, c'est les commissions parlementaires, vous allez voir, les gens sont très polis. Et je pense que c'est important de... D'abord, je vous remercie d'avoir accepté de participer à cette commission. On sait que c'est un projet de loi qui est quand même, en tout cas, je trouve, délicat sur certains éléments. Et j'étais content que vous veniez donner des explications ou, en tout cas, votre compréhension du projet de loi qu'on a déposé.

J'ai compris aussi ? et vous me corrigerez ? que ce n'est pas un avis d'opportunité mais un avis technique sur le projet de loi. Donc, je vais laisser tomber la question de l'opportunité. Et j'aimerais savoir, j'ai deux éléments que j'aimerais ça que vous me précisiez. Le premier, le projet de loi, tel qu'amendé, déposé, que l'on discute aujourd'hui, sur un plan strictement technique, je comprends bien que, selon l'analyse que vous en avez faite... j'allais dire pas correct, mais il répond, en tout cas, aux exigences que ce soit de la Commission des droits de la personne, de la Constitution, et autres. C'est ce que je comprends.

M. Lemieux (Denis): C'est mon avis.

M. Julien: Et, à votre avis, est-ce que, dans ce projet de loi, avec les amendements qu'on a déposés, il y aurait des resserrements dans certains articles? On a entendu le Barreau tout à l'heure, on a eu des commissions, on a entendu des gens. Bon, il y a des inquiétudes. Puis, moi, je reçois ça correctement. Est-ce qu'il y aurait, d'après vous, en tout cas, de ce que vous en avez pris connaissance, des éléments, ou des articles, ou des amendements qui mériteraient d'être resserrés, ou mieux balisés, ou plus... sans tomber dans l'opportunité, je parle techniquement?

M. Lemieux (Denis): Comme je l'ai dit précédemment, je crois qu'on est allé... on a un souci peut-être d'aller plus loin que d'autres autorités législatives au Canada et à l'étranger. On va très loin pour, justement, resserrer. Et, comme je vous l'ai dit, ma suggestion, ce serait qu'il y ait un registre tenu pour permettre un contrôle efficace de la Commission d'accès à l'information, puis ça aurait aussi... ça ajouterait encore plus, s'il en était besoin, au sérieux de la procédure de communication d'informations par les personnes désignées.

n(15 h 40)n

M. Julien: D'accord. Ma dernière question: Est-ce que vous pourriez, peut-être pour l'intérêt de la commission, peut-être expliciter un petit peu plus davantage les exemples législatifs où des renseignements peuvent être communiqués à la police sans autorisation préalable, par exemple, à un juge? Parce que vous l'avez mentionné tout à l'heure, c'est vraiment le noeud du dossier ? puis, je pense, mon collègue de Chomedey aussi avait utilisé cette expression-là ? c'est vraiment le coeur. Donc, c'est surtout cet élément-là, je pense, qui préoccupe les membres de la commission parlementaire.

M. Lemieux (Denis): Les dispositions qui m'ont intéressé le plus, enfin que j'ai trouvées le plus extraordinaires, ce sont celles où il n'y a même pas à faire la preuve de motifs raisonnables de croire, où il y a une transmission automatique de renseignements. Et je vous indiquais tout à l'heure l'article 18 de la loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur public, qui prévoit des cas de transmission d'informations à des corps de police concernant des employés de l'entreprise. Et, dans la Loi sur la santé publique aussi vous trouvez de telles dispositions... quoique, là, c'est au ministère de la Santé, pardon. Par contre, la Loi sur la protection de la jeunesse, dans des cas d'abus causés à des enfants, il y a également, donc... là, cette fois, c'est un devoir de divulgation.

Vous avez également le Vérificateur général. Ça, c'est à l'article 35 de la Loi sur le Vérificateur général. Quand le Vérificateur général fait des enquêtes au sein des ministères et autres entités publiques puis qu'il découvre, par exemple, un cas de fraude ou de malversation, etc., il peut, si, à son avis, ces informations sont pertinentes, les communiquer à un corps de police. Ça, c'est une disposition qui est beaucoup moins balisée que celle qui nous occupe.

Dans les autres cas, c'étaient plutôt des cas... ce ne sont pas la police, mais ce sont des cas d'intervention quand même sans autorisation judiciaire préalable pour l'exercice de pouvoirs de contrainte. Par exemple, on fait des perquisitions administratives sans mandat dès qu'on a des motifs raisonnables de croire et ce n'est pas du tout autrement assujetti à des exigences d'autorisation préalable. Je peux donner un exemple, le ministère de l'Environnement peut faire ça en vertu de sa loi. Alors donc, ce sont quelques exemples que j'ai, mais il y en a effectivement plusieurs autres que je pourrais fournir à la commission s'il en était besoin.

M. Julien: Peut-être... Là, on a parlé surtout des juridictions québécoises, évidemment qu'il y a des associations avec les juridictions canadiennes. Dans d'autres pays, par exemple, y a-tu des... Avez-vous des exemples ou des cas que vous auriez à la mémoire actuellement, de même nature?

M. Lemieux (Denis): Non. Ce que j'ai vérifié, ce sont surtout les dispositions concernant la levée du secret fiscal pour informer des corps de police de faits relatifs à des organisations criminelles. Et là je peux vous dire que c'est plus laxiste à l'extérieur du Québec que ce qui est prévu ici. Maintenant, je ne dis pas qu'on doit être plus laxiste, mais je dis qu'on a déjà... pour la protection des droits, on va plus loin que d'autres pays qui pourtant ont des constitutions, ont des chartes des droits.

M. Julien: Merci, Me Lemieux.

Le Président (M. Duguay): Merci, Me Lemieux. Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, M. Lemieux, bonjour, merci de vous être déplacé à la demande du ministre pour venir nous apporter votre éclairage en fonction du domaine que vous connaissez bien. Ça a été intéressant, très intéressant de vous entendre, d'autant plus que c'est un point de vue qui est très technique. C'est un point de vue qui est différent aussi de ce qu'on a entendu préalablement avec les autres organismes qui sont venus se faire entendre. Et même, à certains égards, je pourrais dire que votre point de vue est contraire à celui qui a été défendu par, par exemple, la Commission d'accès à l'information ou le Barreau du Québec, et ça ne fait qu'ajouter, si vous me permettez l'expression, à l'imbroglio entourant ce projet de loi là. Quand on dit que c'est un projet de loi, le ministre utilise le terme que c'est un projet de loi délicat sur certains aspects, eh bien, c'est un projet de loi effectivement très délicat qui incite les parlementaires à une très grande prudence.

J'aimerais peut-être vous questionner sur certains aspects que vous avez mentionnés. Je pense que vous avez dit que vous suggériez de lever le secret fiscal pour lutter contre le crime organisé, et vous avez fait référence à l'article 8 de la Charte canadienne, qui protège les droits fondamentaux contre des fouilles abusives. Vous avez ajouté que, techniquement, l'opération constitue une forme de perquisition, une forme de saisie.

M. Lemieux (Denis): De saisie.

Mme Leblanc: Alors, on fait finalement indirectement ce qu'un corps policier n'a pas les droits de faire actuellement, parce qu'il doit se présenter devant un juge pour obtenir une ordonnance.

Le Barreau du Québec, lui, nous dit que, si on fait ça, il y a un risque que les contribuables refusent de donner des renseignements sous prétexte qu'ils pourraient servir à les incriminer. Maintenant, je sais bien que, vous, vous y allez d'un point de vue technique, mais il y a le point de vue moral aussi qui va faire en sorte que les contribuables vont avoir ce sentiment de confiance ou n'auront pas ce sentiment de confiance envers le ministère du Revenu. Et c'est justement ce sentiment de confiance qui va faire en sorte que le système... sur quoi repose le système d'autocotisation au Québec. Qu'est-ce que vous avez à dire à ce sujet?

M. Lemieux (Denis): Si on pousse le raisonnement jusqu'au bout, il ne faudrait pas permettre au ministère du Revenu de divulguer des renseignements qui sont dans le dossier fiscal à un corps de police parce que, même avec une autorisation judiciaire, dans l'immense majorité des cas, l'autorisation est accordée. Donc, cette procédure-là ne règle pas la question que vous soulevez, là, concernant la réticence des contribuables à s'auto-incriminer. Mais, dans la mesure où on est dans un régime d'autocotisation ? et je vois mal comment il pourrait en être autrement, hein, il faut que les contribuables déclarent leurs revenus ? dans cette hypothèse-là, ou bien on renonce à se servir d'informations qui peuvent être un atout pour la lutte contre le crime, être un instrument extrêmement important, ou alors on accepte cette entorse au secret fiscal.

Mais il y a un prix à payer, je vous l'ai dit tout à l'heure, il y a un prix à payer dans un cas comme dans l'autre. Si on n'a pas de telles dispositions, la police ne pourra qu'utiliser des éléments d'informations qu'elle a déjà pour compléter, hein, en demandant un mandat de perquisition. Mais la notion de motif raisonnable l'amène à avoir au départ des informations fiables, etc. Alors que, là, le ministère, dans l'hypothèse, a des informations qui doivent être fiables et il serait empêché de les fournir pour lutter contre le crime puis dans des cas, comme je le disais, d'infraction grave. Alors, c'est là, la question d'opportunité. Il y a les deux... si vous voulez, il y a deux plateaux de la balance qui sont là, et c'est à vous, comme législateurs, à faire ce choix de société. Mais le risque... J'ai entendu les porte-parole du Barreau, et eux aussi estimaient qu'il y avait effectivement un prix à payer.

Mme Leblanc: Alors, toute la question est là, de savoir... Vous dites: Le fonctionnaire a, le ministère du Revenu a de l'information fiable. Mais la question est justement de savoir si vraiment cette information-là est fiable. Et le fait de demander à un juge de statuer là-dessus, ça protège à la fois le fonctionnaire tout comme ça protège le contribuable. Vous n'êtes pas d'accord avec ça?

M. Lemieux (Denis): Vous avez raison, sauf que, dans de multiples lois québécoises, il y a des dispositions ? je vous en ai citées quelques-unes tout à l'heure, entre autres celle de l'Inspecteur général, tout ça ? qui prévoient quand même des mesures très fortes, par exemple des mesures de, par exemple, fermer une entreprise parce qu'elle pollue l'environnement, aller perquisitionner, aller saisir des documents, sans aucune autorisation judiciaire préalable. Il y a un bon nombre de lois qui prévoient déjà ça.

Là, qu'est-ce qu'on prévoit? On ne prévoit pas de mesures de contrainte directes. Ce qu'on prévoit, c'est de fournir aux corps de police des informations qui ne seront peut-être jamais utilisées, parce que les corps de police vont opérer, elles aussi, un filtrage. Elles peuvent trouver que le ministère du Revenu voit quelque chose qui n'existe pas et que ces informations-là finalement ne permettent pas de lutter contre le crime. Alors, ce n'est qu'indirectement que la vie privée des gens pourrait être affectée.

Mme Leblanc: Je comprends très bien ce que vous dites. Cependant, il y a une énorme différence parce que, au niveau du secret fiscal, au niveau des renseignements que le ministère détient sur un contribuable, c'est les renseignements que le contribuable lui a fournis à la condition que ces renseignements-là demeurent secrets, qu'ils ne soient pas divulgués. C'est sur la base du secret fiscal que sont donnés ces renseignements-là.

n(15 h 50)n

Et j'entendais la Commission d'accès à l'information venir nous dire ici qu'elle reçoit régulièrement des demandes d'organismes publics, qui gèrent nos lois, qui gèrent nos programmes et qui disent à la Commission: J'ai de l'information concernant une personne que... est-ce que j'ai le droit de le divulguer à la police? Et la Commission nous a répondu clairement qu'elle n'autorise pas ces organismes-là à divulguer de l'information à des corps de police.

La Commission d'accès, la présidente de la Commission d'accès à l'information nous a aussi dit que, oui, si, moi, comme individu, j'ai connaissance qu'il se passe un crime chez mon voisin, bien, je vais prendre le téléphone et je vais appeler la police. Mais l'État n'étant pas un individu, l'État a une responsabilité autre que celle-là, puisque justement, en vertu du secret fiscal, elle, elle s'est engagée à ne pas divulguer d'informations. Alors, à partir du moment où on crée cette exception-là, bien, je veux dire, ce n'est pas juste sur le plan technique, c'est sur le plan moral qu'il faut aussi juger de la pertinence de faire ces choses-là.

M. Lemieux (Denis): Mais ceci, le secret fiscal n'est pas une valeur fondamentale en soi. Le secret fiscal est d'origine statutaire, et ce n'est que dans la mesure prévue par la loi qu'il existe un secret fiscal. Alors, dans la mesure où c'est statutaire, on peut prévoir des dérogations au secret fiscal. Ce n'est pas une valeur fondamentale rattachée à la personne, là.

Mme Leblanc: Ah! vous dites que ce n'est pas une valeur fondamentale?

M. Lemieux (Denis): En soi, le secret fiscal.

Mme Leblanc: Moi, je pense que c'est une valeur qui fait en sorte que, oui, il y a une confiance qui s'établit ou il n'y a pas de confiance qui s'établit entre le ministère du Revenu et les individus.

M. Lemieux (Denis): Il est sûr que plus on multiplie les exceptions au secret fiscal, plus les contribuables ? personne morale ou physique ? vont être tentés peut-être de moins divulguer de renseignements. Mais, ça, ça dépend...

Qu'est-ce qui est primordial? Dans la loi, dans le projet de loi, tel que rédigé, il y a trois cas où on prévoit la communication. Dans le premier cas, c'est quand la vie, la sécurité ou la santé d'une personne est en jeu. D'accord? Bon, ça, c'est un choix de société. C'est comme je disais, même la Charte prévoit qu'on doit porter secours à une personne dont l'intégrité physique est menacée.

L'autre cas pour l'application d'une loi fiscale, je n'ai pas rien vu qui ait attiré l'attention, mais c'est quand même des renseignements communiqués à la police concernant un contribuable pour les fins des lois fiscales. Là, qu'est-ce qu'il y a de différent? C'est qu'il s'agit de la commission, réelle ou appréhendée, d'une infraction grave impliquant des organisations criminelles connues. Alors, on trace la barre à ce niveau, on trace la ligne à ce niveau, mais on pourrait la tracer avant, on peut la tracer après, c'est là... Comme je vous disais, c'est un choix de société. Est-ce qu'on se prive d'un instrument efficace de lutte contre le crime organisé pour respecter cette espèce de contrat social entre l'État et les contribuables? Ça, ce n'est pas... là, je n'ai pas d'avis à vous donner là-dessus.

Mme Leblanc: D'accord. Je vais laisser à mes collègues le temps. Je reviendrai s'il reste du temps.

Le Président (M. Duguay): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue en commission, Me Lemieux, Me Lemieux d'ailleurs qui m'a enseigné à la fin des années soixante-dix à l'Université Laval.

Une voix: Ce n'est pas de sa faute.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemieux (Denis): Je vois qu'il y en a qui ont bien tourné. Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Donc, Me Lemieux, je vous ai bien entendu. On a également entendu le Barreau, qui vous a précédé, et j'ai retenu les propos de Me Ryan particulièrement à propos des renseignements qui seraient divulgués à la police. Je comprends bien votre propos, sauf que, pour la part du législateur... Souvent, en droit, on parle de l'apparence de justice aussi, sauf que, dans ce cas-là, il y a aussi apparence d'injustice, dans le sens que, par exemple ? puis on le voit dans les cas de comtés puis on le prend de façon pratique, là ? des gens qui nous arrivent chez nous et puis qui ont des difficultés avec le fisc, s'ils ont vraiment dit au fonctionnaire du ministère du Revenu vraiment ce qu'ils nous répètent, bien, j'imagine que les relations sont difficiles. Donc, à ce moment-là, tous ces gens-là sont des êtres humains, hein, donc il faut, selon moi, en tout cas, avoir un processus de vérification qui est au moins le plus simple possible, peut-être... Tantôt, Me Ryan parlait d'un arbitre impartial, qui serait, à ce moment-là, une décision d'un tribunal, et qu'à ce moment-là on pourrait au moins percevoir s'il y a des failles, à l'occasion, et faire en sorte qu'il n'y ait pas apparence d'injustice dans notre droit. Je pense que c'est peut-être le rôle principal aussi du législateur de s'y intéresser.

Et, à ce moment-là, pour ma part, moi, je trouve ça difficile de penser qu'il n'y aurait aucun moyen de vérification, d'autant plus que les renseignements qui seraient peut-être divulgués par le fonctionnaire du ministère du Revenu à la police ne sont pas des renseignements qui font l'objet de la déclaration de la personne, Parce que, si on comprend bien que, si c'est une fraude fiscale, justement, une fausse déclaration ou des revenus qu'il a omis de déclarer, à ce moment-là, c'est une présomption, et ça devient une présomption uniquement de la part du ministère du Revenu. Et, à ce moment-là, c'est de demander à la police peut-être, dans certains cas, de devenir le complice enquêteur du ministère du Revenu pour essayer de détecter si vraiment, oui ou non, il y a eu fraude fiscale, dans le sens de fraude aussi de crime organisé. Et ça ne sera peut-être pas toujours le cas. Pourquoi ne pas installer un processus de vérification qui pourrait faire en sorte que, pour nous, législateurs, il n'y ait pas apparence d'injustice?

M. Lemieux (Denis): Pour les fins des lois fiscales, évidemment, ce n'est pas 69.0.0.12 qui est en cause mais 69.0.0.16, hein, où c'est ça qui permet au ministère du Revenu de se servir de la police, des corps de police, pour l'application des lois fiscales. 69.0.0.12 ne réfère pas à des infractions concernant les lois fiscales mais plutôt des crimes comme le trafic de la drogue, blanchiment d'argent, prostitution, etc., actes de violence, tout ça. Et, dans certains cas, 69.0.0.12 est peut-être proche de 69.0.0.11 parce que ça peut être des activités du crime organisée concernant des hold-up ou d'autres actes qui peuvent mettre en danger la vie des gens. Maintenant, pour l'autorisation judiciaire préalable, c'est sûr que, comme professeur qui enseigne les chartes ? on dit: Trop fort ne casse pas ? c'est sûr que je ne peux pas, en soi, m'opposer...

M. Brodeur: ...avait dit ça aussi: Trop fort casse pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemieux (Denis): ...m'opposer à cela. Mais il faut voir qu'on alourdit la procédure dans cette mesure. Est-ce qu'on perd en efficacité importante de la procédure en ajoutant ce palier? Là, encore là, c'est une question d'opportunité. Mais c'est sûr que, moi, je vous le dis, les balises actuelles me paraissent suffisantes, mais, si on ajoute une autorisation judiciaire préalable, c'est une balise additionnelle. Maintenant, qu'est-ce que ça a comme effet, cette balise additionnelle? Là, je ne peux pas vous répondre.

M. Brodeur: O.K. Parce que, dans les faits ? puis ça, je vous le dis de façon tout à fait pratique ? ce qu'on a dans nos bureaux de comté, ce sont des grands mots, des gros mots qui se disent entre le commettant et le ministère du Revenu. Et souvent, à l'occasion, on voit des gens qui sont peut-être d'apparence douteuse, on trouve que... l'esprit peut-être un peu tordu, mais ce n'est pas assez pour nous dire que c'est vraiment des gens qui font partie du crime organisé. Donc, ça pourrait donner, à ce moment-là, un prétexte au fonctionnaire en question, qui souvent se fait insulter, d'y aller un peu plus fort. Donc, à ce moment-là, je pense... En tout cas, pour moi, le processus, même si vous dites qu'il est alourdi, n'est pas nécessairement assez lourd, et puis, à ce moment-là, on fait en sorte de protéger, je pense, un des droits... un droit fondamental du citoyen, soit la protection, son intégrité dans les secrets qu'il désire garder ou dans le secret fiscal.

Mais, dans ce cas-là, quand on parle de secret fiscal, les enquêtes ne se feraient sûrement pas sur ce qui a été déclaré mais sur ce qui n'a pas été déclaré. Donc, on fait tout simplement faire émettre une opinion d'un juge impartial qui ferait en sorte que le citoyen soit vraiment protégé. Donc, je pense que c'est l'essentiel, là, des propos de Me Ryan, tantôt, que je partage, là, et que je pense qu'il serait peut-être nécessaire... si ce n'est pas un processus judiciaire, un autre processus qui permet au moins une vérification à tout le moins primaire. Je ne sais pas si vous voulez émettre un autre commentaire là-dessus.

M. Lemieux (Denis): Je partage là-dessus... Le représentant du Barreau était un peu mitigé là-dessus. Il dit: Il faudrait voir la balance des inconvénients entre mettre une balise supplémentaire, qui est l'autorisation judiciaire préalable, et les délais qui seraient encourus du fait de cette étape supplémentaire avant la divulgation. Est-ce qu'il y a des cas d'urgence où la divulgation, la communication doit être faite sans délai? À ce moment-là, il y a peut-être des assouplissements à apporter. Mais, si vous jugez que l'objectif de lutte contre le crime organisé est suffisamment important pour justifier une levée partielle du secret fiscal, il ne faudrait pas faire en sorte que la procédure soit tellement lourde qu'elle n'atteigne pas son objectif. C'est là où il faut avoir quelque chose quand même qui soit suffisamment souple pour cette fin-là.

Le Président (M. Duguay): Merci beaucoup, Me Lemieux. Il reste deux, trois minutes. Ça va?

Mme Leblanc: Ça va.

M. Brodeur: Parfait.

Le Président (M. Duguay): Alors, il y avait une suspension qui avait été suggérée, M. le ministre.

n(16 heures)n

M. Julien: ...à la période de temps qui me reste ? parce qu'il me restait du temps ? d'abord, pour vous remercier, Me Lemieux, de vous être déplacé. Merci beaucoup. Et j'ai bien compris, je pense que pour les membres de la commission, c'était important d'avoir un éclairage qui est clairement technique, qui est une autre façon de le voir et sans rentrer dans les questions d'opportunité. Puis, comme, je pense, vous l'avez mentionné, à juste titre, c'est le législateur qui décidera effectivement de l'opportunité ou non. Mais je veux simplement vous dire qu'il y a des amendements, il y a des éléments que le Barreau va nous traduire. S'il y a des rencontres à avoir lieu, elles vont avoir lieu. Je vais prendre le temps que ce soit bien cerné. Mais je comprends techniquement, puis ça ne semble pas causer de problème, en tout cas, sur le plan constitutionnel, la Charte des droits, et autres. C'est ce que je comprends.

Ceci étant dit, M. le Président, je proposerais une motion d'ajournement. C'est embêtant, je ne suis pas capable de vous dire pourquoi, mais d'ajournement...

Des voix: ...

M. Julien: Alors, vous comprenez pourquoi. C'est un ajournement jusqu'à temps qu'on soit reconvoqué à nouveau par la commission, à cause des événements que...

Mme Leblanc: Je veux juste, simplement, avant qu'on se quitte, suggérer au ministre... Parce que vous avez annoncé, M. le ministre, des amendements au projet de loi, qui seraient apportés.

M. Julien: ...s'il y avait des amendements...

Mme Leblanc: Oui, mais tantôt, lorsque le Barreau était ici, vous avez dit que vous étiez prêt à apporter des amendements...

M. Julien: Oui, oui, s'il y en a.

Mme Leblanc: ...et que vous exploriez... Bien, en tout cas.

M. Julien: Ah oui, oui, oui!

Mme Leblanc: Ce que je veux vous dire, c'est que, oui, on attend des amendements pour la poursuite de ce projet de loi. Je pense que plusieurs attendent des amendements encore. Et, moi, ce que je vous suggère, c'est que vous prépariez vos amendements avant qu'on poursuive l'étude détaillée et qu'on ait l'occasion de les regarder, les examiner ensemble avant la poursuite du projet de loi afin qu'on sache où est-ce qu'on s'en va.

M. Julien: ...

Mme Leblanc: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Duguay): Alors, merci beaucoup, Me Lemieux. Merci à chacun des membres. Et ajournement sine die.

(Fin de la séance à 16 h 02)


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