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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, February 16, 2016 - Vol. 44 N° 89

Special consultations and public hearings on Bill 87, An Act to facilitate the disclosure of wrongdoings within public bodies


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Table des matières

Auditions (suite)

Protecteur du citoyen

Mémoires déposés

Intervenants

M. Jean-François Lisée, président

M. Sam Hamad

M. Gaétan Lelièvre

M. Éric Caire

Mme Manon Massé

*          Mme Raymonde Saint-Germain, Protectrice du citoyen

*          M. Jean-François Bernier, bureau du Protecteur du citoyen

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Note de l'éditeur : La commission a aussi siégé en matinée pour tenir des consultations particulières sur le projet de loi n ° 88, Loi sur le développement de l'industrie des boissons alcooliques artisanales. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats

(Dix-sept heures dix-neuf minutes)

Le Président (M. Lisée) : Je vais ouvrir la séance. Je demande à tous les personnes qui sont dans la salle qui ont des iPad, des iPhone, d'autres sortes de téléphones intelligents ou quoi que ce soit qui pourrait faire du bruit, s'il vous plaît, de les mettre en mode silencieux.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 87, Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes publics.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Bonnardel (Granby) est remplacé par M. Caire (La Peltrie).

Auditions (suite)

Le Président (M. Lisée) : Très bien. Alors, ce soir nous recevons le Protecteur du citoyen, qui est représenté par la Protectrice du citoyen. C'est toujours un plaisir de vous entendre. Alors, vous allez avoir 30 minutes pour faire votre exposé, ensuite une heure d'échange avec les membres de la commission. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. La parole est à vous.

Protecteur du citoyen

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, merci, M. le Président. Je suis Raymonde Saint-Germain, Protectrice du citoyen, et je suis accompagnée, à ma gauche, de Me Jean-François Bernier, qui est vice-protecteur, à sa gauche, de Mme Marie-Hélène Vachon et, à ma droite, de M. Hugo Lafontaine, du Protecteur du citoyen.

• (17 h 20) •

Alors, M. le Président, à nouveau, M. le ministre, Mme et MM. les députés, je vous remercie d'entendre une fois encore le Protecteur du citoyen en conclusion de vos consultations sur les auditions du projet de loi n° 87. Je veux profiter de cette occasion que vous m'accordez pour revenir sur certains enjeux pour lesquels des précisions me paraissent souhaitables et vous faire part de réflexions que l'écoute des intervenants ayant comparu depuis nous a inspirées. Leurs propos, je l'ai constaté, rejoignent essentiellement les 15 recommandations de notre mémoire à un degré ou à un autre. Je souhaite surtout partager avec vous aujourd'hui la perspective du Protecteur du citoyen en tant qu'institution appelée à jouer un rôle central dans l'application de la loi.

Le Protecteur du citoyen, vous le savez, ombudsman parlementaire, agit déjà en vertu de la Loi sur le Protecteur du citoyen et de la Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux. De telles lois ont été qualifiées par la Cour suprême du Canada de paradigmes des lois réparatrices. Conséquemment, elles doivent être interprétées d'une façon libérale, fonctionnelle et compatible avec le rôle unique que l'ombudsman est censé jouer. C'est ainsi que le Protecteur du citoyen interprète ces lois à chaque fois qu'il intervient au bénéfice des citoyens. Rien ne me permet de croire qu'il devrait en être autrement dans l'exercice du mandat qui lui serait confié en vertu du projet de loi n° 87. Le Protecteur du citoyen interprétera la loi de façon à assurer sa pleine efficacité dans le respect de toutes les personnes impliquées. Les commentaires que je m'apprête à partager avec vous s'inspirent, sans exception, de cette prémisse essentielle.

En premier lieu, je veux vous parler des entités du domaine municipal. Les consultations relatives au projet de loi ont assurément démontré la pertinence d'appliquer le mécanisme de divulgation et les mesures contre les représailles au monde municipal, à savoir minimalement les employés municipaux et paramunicipaux. À mon avis, les entités du domaine municipal doivent être assujetties à un mécanisme facilitant la divulgation d'actes répréhensibles de même calibre que le projet de loi n° 87, qui protège aussi les divulgateurs.

Avec les ressources appropriées, le Protecteur du citoyen réitère qu'il est disposé à assumer un rôle à l'égard des municipalités et autres entités municipales dans le cadre de cette loi. Il laisse au législateur toutefois le soin de décider de la façon de gérer cette question, et c'est pourquoi nous avons suggéré deux avenues possibles par le biais des deux premières recommandations de notre mémoire.

À noter que l'action combinée de la deuxième recommandation et de la recommandation 6 de notre mémoire concernant les actes répréhensibles non seulement au sein, mais à l'égard d'un organisme public permettrait au Protecteur du citoyen d'enquêter sur des actes commis à l'égard des municipalités par des entités du domaine privé, ce que la recommandation 1, qui concerne la modification à la Loi sur l'éthique et la déontologie en matière municipale, ne permettrait pas.

L'application de la loi au secteur privé, maintenant. Nous sommes bien conscients des préoccupations manifestées quant à son non-assujettissement par le projet de loi n° 87. J'ai compris des propos du ministre que la principale logique suivie pour l'application de la loi projetée en est une de fonds publics. Selon cette logique, le projet de loi devrait minimalement assujettir les mêmes entités qui le sont en vertu de la Loi concernant la lutte contre la corruption. Je rappelle que cette loi, à laquelle sont assujetties les municipalités, a pour objet de renforcer les actions de prévention et de lutte contre la corruption en matière contractuelle dans le secteur public. Les entités additionnelles auxquelles je réfère ici sont les établissements privés agréés aux fins de subvention en vertu de la Loi sur l'enseignement privé, les établissements privés conventionnés, les centres de la petite enfance, garderies et bureaux coordonnateurs. De plus, le projet de loi pourrait être bonifié par quelques amendements simples afin d'en élargir encore plus la portée à l'égard du secteur privé.

Maintenant, les actes répréhensibles visés. Dans son libellé actuel, le projet de loi ne couvre que les actes répréhensibles commis ou sur le point d'être commis au sein des organismes publics. Comme je vous le disais lors de ma première audition, le Protecteur du citoyen est plutôt d'avis que les actes visés devraient aussi comprendre ceux qui sont commis à l'égard des organismes publics. Donner suite à cette recommandation permettrait concrètement de couvrir des actes répréhensibles dont l'État est victime, puisqu'ils impliquent des fonds publics. Des actes répréhensibles commis par des personnes du secteur privé seraient ainsi visés et pourraient faire l'objet de divulgations, puis d'enquêtes, et ultimement voir leurs auteurs être sanctionnés. Avec un tel ajout, plusieurs situations actuellement non couvertes par le projet de loi et identifiées par plusieurs intervenants, dont M. François Beaudry et certaines associations syndicales, pourraient faire l'objet d'une divulgation, et le divulgateur pourrait bénéficier de la protection contre les représailles.

Quelques mots sur les divulgateurs, maintenant. Je souhaite aussi rappeler que toute personne — salarié du secteur public ou privé, membre d'un conseil d'administration, travailleur autonome, fournisseur, chômeur, étudiant, usager, aîné — pourrait faire une divulgation au Protecteur du citoyen relativement à des renseignements pouvant démontrer qu'un acte répréhensible a été commis au sein d'un organisme public ou est susceptible de l'être. Je suis d'avis que le projet de loi, s'il inclut les éléments qui viennent d'être énumérés, aura une portée non négligeable à l'endroit du secteur privé dans une perspective de saine gestion et de protection des fonds publics. Une divulgation pourrait donc concerner un acte répréhensible commis par une entreprise privée ou l'un de ses employés au détriment d'un organisme public visé à l'article 2. Ma compréhension des propos de plusieurs intervenants entendus par la commission est à l'effet qu'une telle bonification rencontrerait leurs préoccupations.

Quant aux actes répréhensibles commis par une personne du secteur privé au détriment du secteur privé, je ne crois toujours pas que l'actuel projet de loi constitue le véhicule approprié. Il pourrait cependant être une source d'inspiration plus qu'intéressante pour les entreprises privées qui souhaiteraient renforcer la probité en leur sein, en instaurant un mécanisme de divulgation et en mettant en place des mesures pour protéger adéquatement les divulgateurs. Rappelons également que d'autres entités du secteur public et d'autres mécanismes permettent de divulguer des actes répréhensibles commis dans le secteur privé, je pense, entre autres, à l'Autorité des marchés financiers, à l'Agence du revenu du Québec, à la Commission de la construction, et évidemment il y a plusieurs dispositions à cet effet auxquelles on peut référer dans le Code criminel.

La protection contre les représailles, maintenant. Je veux revenir brièvement sur cet enjeu, qui est crucial, de la protection qui doit être donnée au divulgateur. Cet enjeu est au coeur même de l'efficacité concrète du mécanisme que propose le projet de loi. D'entrée de jeu, tous s'accorderont à dire que le risque de représailles est présent lorsque l'identité du divulgateur est connue des personnes en position de les exercer. La confidentialité devrait donc constituer un premier rempart contre les représailles. Les auditions des derniers jours devant la commission ont d'ailleurs mis en évidence une certaine confusion entre les mots «anonymat» et «confidentialité». Dans l'esprit du Protecteur du citoyen, il va de soi que les divulgations anonymes doivent être permises. À mon avis, l'expression «toute personne» à l'article 5, combinée avec l'article 9 au premier alinéa du projet de loi, c'est-à-dire l'envoi d'un avis de réception au divulgateur lorsque cela est possible, permet déjà ce type de divulgation.

Le Protecteur du citoyen prévoit d'emblée inscrire explicitement la possibilité de divulgation anonyme dans la procédure qu'il devra diffuser en vertu de l'article 9, mais rien ne s'oppose à ce que cela soit formellement inscrit dans la loi, ne serait-ce que pour rassurer les divulgateurs potentiels. Cela pourrait prendre la forme d'un amendement à l'article 5 en y ajoutant, après le mot «personne», l'expression «même de façon anonyme». Il importe toutefois de signaler qu'une divulgation anonyme peut compliquer une enquête, puisqu'elle ne permet pas d'obtenir des précisions auprès du divulgateur. Certaines solutions technologiques peuvent néanmoins permettre au divulgateur de demeurer inconnu du Protecteur du citoyen, tout en permettant à celui-ci de le contacter au besoin.

Quant au traitement confidentiel de la divulgation et de son auteur, le Protecteur du citoyen est rompu aux techniques qui permettent de garantir la confidentialité des personnes qu'il contacte. Ces signalements peuvent être le fait d'usagers, de proches ou d'employés. Lorsqu'il enquête à la suite d'un tel signalement, le Protecteur du citoyen s'assure de cacher l'identité du signaleur. Il fera ainsi en sorte de protéger l'identité des divulgateurs en vertu du projet de loi. À cette fin, notamment, il bénéficie de l'incontraignabilité de son personnel, qui est prévue à l'article 34 de la Loi sur le Protecteur du citoyen.

Rappelons-nous par ailleurs que le projet de loi accorde au salarié du secteur public qui effectue une divulgation la protection contre les mesures de représailles que pourrait prendre contre lui son employeur, l'État. Il accorde la même protection au salarié du secteur privé qui effectue une divulgation, pour le cas où son employeur, une entreprise privée, exercerait contre lui des représailles liées à son emploi.

• (17 h 30) •

Cela étant, bien que le projet de loi prévoie que toute personne puisse faire une divulgation en vertu de l'article 5, aucune protection particulière n'est prévue pour des représailles non liées à l'emploi. C'est pourquoi j'ai recommandé, c'est ma recommandation 7, que toute personne qui se croirait victime de représailles non liées à l'emploi de la part d'un organisme public puisse s'adresser au Protecteur du citoyen, qui mènerait alors une enquête en toute impartialité. Et, si les allégations s'avéraient fondées, il en aviserait la plus haute autorité de l'organisme en cause, voire le ministre ou l'Assemblée nationale, et ferait toute recommandation jugée appropriée pour remédier à la situation.

Les divulgations dont l'objet est de mettre en cause le bien-fondé des politiques et objectifs d'un programme du gouvernement ou d'un organisme public. Pendant les auditions, certains ont dénoncé le libellé de l'article 4, particulièrement sa deuxième partie. Le Protecteur du citoyen est d'avis que, même avec ce libellé, il aura la latitude nécessaire pour déterminer ce qui constitue la mise en cause du bien-fondé des politiques et des objectifs de programmes et ce qui constitue un cas grave de mauvaise gestion.

Par ailleurs, et il s'agit là pour moi d'un rappel essentiel, ce n'est pas parce qu'on lui confie une nouvelle loi à administrer que les mandats actuels du Protecteur du citoyen cessent de s'exercer. En effet, en vertu de la Loi sur le Protecteur du citoyen et de celle sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux, le Protecteur du citoyen agit régulièrement relativement à des atteintes à l'accès ou à la qualité des services publics. Ainsi, et l'expérience des ombudsmans parlementaires canadiens à qui ce mandat à été confié le démontre, une divulgation a priori non recevable en vertu de l'article 4 pourrait par ailleurs s'avérer constituer une plainte recevable en vertu de l'une ou l'autre de ces deux lois qu'administre le Protecteur du citoyen. Il s'agit là, si cela était encore à démontrer, d'un avantage de confier la responsabilité du suivi des divulgations d'actes répréhensibles au Protecteur du citoyen.

Quant à la première partie de l'article 4 relativement aux divulgations effectuées à des fins personnelles et non d'intérêt public, le Protecteur du citoyen veillera à l'interpréter de façon large afin de lui donner son plein effet dans le respect du choix du législateur. Ainsi, il est tout à fait possible qu'un divulgateur ait un intérêt personnel à faire une divulgation, mais que cette divulgation soit néanmoins d'intérêt public. Le mot «et» est important dans le libellé de l'article 4.

Quelques pouvoirs, maintenant, qui sont essentiels au plein exercice de la mission que lui confierait le projet de loi par le Protecteur du citoyen. Le pouvoir d'initiative que possède actuellement le Protecteur du citoyen en vertu de sa loi et de la Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux m'amène à rappeler certaines recommandations de mon mémoire. Certains des pouvoirs dévolus au protecteur dans les rôles qu'il exerce actuellement ne sont pas repris dans le projet de loi. Il s'agit selon moi d'une omission qui risque de faire en sorte que les mécanismes mis en place ne puissent atteindre pleinement ces finalités. En effet, au-delà de la simple détection et correction des actes répréhensibles, la loi n'atteindra pas sa pleine portée si elle ne permet pas de promouvoir la bonne administration et la saine gouvernance non seulement par la dissuasion, mais aussi en évitant la répétition des actes répréhensibles ou la commission d'actes similaires.

Enfin, la nature particulière des enquêtes du Protecteur du citoyen en suivi des divulgations d'actes répréhensibles commande qu'il puisse avoir accès aux locaux de l'organisme qui fait l'objet d'une enquête, mais ce pouvoir n'est pas inclus dans la Loi sur les commissions d'enquête.

Le Protecteur du citoyen, maintenant, comme guichet unique. En d'autres termes, est-il utile d'avoir un responsable interne du suivi des divulgations? Des intervenants ont remis en question, soit pour eux-mêmes, je pense à la Fédération des cégeps, soit de façon générale, la Fédération des infirmières, le syndicat des professionnels du gouvernement, l'Association professionnelle des ingénieurs, le Syndicat canadien de la fonction publique, la pertinence du mécanisme interne de suivi des divulgations. Certains doutent de la possibilité que la confidentialité y soit préservée, remettent en cause le processus de nomination et l'impartialité du responsable interne en plus de supposer des dédoublements et de douter de l'efficacité du mécanisme. En conséquence, ceux-ci recommandent d'abandonner le processus interne et de faire du Protecteur du citoyen un guichet unique. Si telle était la décision du législateur, le Protecteur du citoyen s'y pliera. Toutefois, je me dois de souligner l'impact qui serait à prévoir sur les ressources à consentir pour ce mandat. Cela étant, le Protecteur du citoyen demeure plutôt favorable à la possibilité pour le divulgateur employé d'un organisme public d'avoir le choix de divulguer à l'interne s'il le préfère, ce qu'offre actuellement l'article 5. Cette procédure pourrait être privilégiée par le divulgateur dans certaines situations si un lien de confiance existe entre lui et le responsable interne ou encore par la nature même de l'acte répréhensible allégué.

Quant à la lourdeur du processus de mise en place d'une procédure et de nomination d'un responsable interne et son caractère inapproprié pour certains organismes, ce qui a fait l'objet de commentaires, je rappelle la possibilité pour ceux-ci de demander à en être dispensés. Et le Protecteur du citoyen étudiera ces demandes avec attention et accordera ces dispenses avec discernement, notamment mais pas uniquement, en raison de la taille de l'organisme ou des ressources dont il dispose.

Quant à la possibilité pour le responsable interne de mettre fin lui-même au traitement d'une divulgation pour les motifs prévus à l'article 11, que certains ont décrié, le Protecteur du citoyen n'y voit pas de problème. Je comprends néanmoins les craintes légitimes que pourraient avoir certains qu'une fin de traitement par le responsable interne soit une façon d'étouffer l'affaire. C'est pourquoi j'estime important que le responsable interne, et le Protecteur du citoyen fera de même, explique au divulgateur par écrit, si celui-ci le demande, les motifs de refus ou de cessation de traitement d'une divulgation, le cas échéant.

Enfin, je rappelle que rien dans le projet de loi n'empêcherait un divulgateur insatisfait du suivi donné à l'interne de s'adresser ultimement au Protecteur du citoyen.

Le suivi du traitement de la divulgation auprès du divulgateur. Comme je le disais à l'instant, j'estime nécessaire que le divulgateur, en plus de l'envoi par écrit d'un avis de réception des renseignements divulgués, soit avisé de la cessation de traitement d'une divulgation et des motifs qui la justifient. Il doit logiquement en être de même pour le responsable interne. Le Protecteur du citoyen ne s'oppose pas à ce que cela soit inscrit à la loi et prévoit également inscrire cet élément à sa procédure et dans le document de référence à l'intention des organismes publics.

Quant à un suivi périodique à donner au divulgateur ainsi qu'un suivi au terme du traitement après enquête, je crois qu'il faut ici être plus nuancé pour tenir compte de l'éventail des situations possibles. Le devoir civique du divulgateur consiste à faire connaître l'acte répréhensible dont il a connaissance. Et même si, dans bien des cas, une rétroaction à son endroit sera possible et même souhaitable, des circonstances particulières, notamment la protection de la vie privée de tiers, peuvent la rendre inopportune. Je me permets de paraphraser ici l'un des intervenants, M. François Beaudry, en rappelant qu'au-delà de l'enjeu relatif à la saine gestion et la protection des fonds publics, un divulgateur devrait d'emblée être animé par les valeurs morales et les principes éthiques qui guident notre vie en société. Néanmoins, la procédure produite conformément à l'article 9 devrait pouvoir aborder cet enjeu. Je ne verrais d'ailleurs aucun inconvénient à ce que soit ajoutée au projet de loi une disposition prévoyant que le Protecteur du citoyen avise le divulgateur du fait que son enquête est terminée et qu'un rapport a été transmis au dirigeant de l'organisme et lui fournisse les renseignements qu'il estime indiqués dans les circonstances, toujours sous réserve de ne pas nuire à un éventuel processus judiciaire.

Quant à la personne qui sait être visée par une divulgation d'acte répréhensible, le Protecteur du citoyen estime qu'il devra l'informer des conclusions négatives de son enquête, le cas échéant, au nom de la plus élémentaire équité procédurale.

Quelques mots maintenant sur l'exigence de la bonne foi. Certains groupes ont souhaité que cette exigence de la bonne foi du divulgateur soit expressément mentionnée, et ce, à deux endroits : dans les dispositions relatives à la divulgation elle-même et à sa recevabilité, ainsi que pour la protection contre les représailles. Je ne suis pas d'avis qu'il faille introduire ce critère à l'étape de la recevabilité. D'une part, je rappelle que le Code civil du Québec nous enseigne que la bonne foi se présume toujours. D'autre part, les motivations du divulgateur ne changent rien à la possibilité qu'un acte répréhensible existe réellement, et l'imposition d'un tel critère limitatif à l'entrée risquerait de contrecarrer la possibilité d'enquêter à ce sujet. À l'étape de la protection contre les représailles, l'exigence de la bonne foi me paraît cependant plus pertinente. Attention, toutefois, la bonne foi dont il doit être question est la croyance sincère qu'un acte répréhensible a été commis ou est sur le point de l'être. Une personne pourrait fort bien faire une divulgation de bonne foi, mais l'enquête pourrait démontrer par la suite que ces craintes n'étaient pas fondées. Cette personne devrait bénéficier de la protection de la loi, et le texte actuel nous permet de croire qu'elle serait protégée.

• (17 h 40) •

Par ailleurs, l'analyse de la bonne foi ne doit pas prendre la forme d'un procès d'intention du divulgateur. Une personne pourrait avoir des intentions, disons, discutables en faisant sa divulgation, mais pourrait, par exemple, souhaiter nuire à un collègue ou à un supérieur qu'elle n'apprécie pas et ce serait sa motivation principale. Cette personne, selon moi, devrait bénéficier de la protection de la loi. La première partie du texte de l'actuel article 4 le confirme. Dans l'exemple que je viens de donner, la divulgation est peut-être faite pour des fins personnelles, mais, puisqu'elle est par ailleurs d'intérêt public, puisqu'elle permettra de mettre fin à un acte répréhensible avéré, la protection de la loi devrait s'appliquer. Rappelons que l'objectif ultime de la loi est de mettre fin aux actes répréhensibles au sein et, je l'espère, à l'égard des organismes publics. Il faut être conscients que cet objectif pourrait parfois être atteint par des divulgations dont les motivations ne sont pas totalement pures, mais qui néanmoins servent l'intérêt public.

Divulgation au public, maintenant. Même si certains pourraient souhaiter que la divulgation au public soit permise et protégée en tout temps et pour tout acte répréhensible, le Protecteur du citoyen croit, en prenant pour acquis que sa recommandation 13 sera retenue, que les balises prévues sont raisonnables et permettent de limiter les atteintes à la réputation des personnes visées. Pour ce qui est de divulgations ne répondant pas à ces critères, le Protecteur du citoyen est d'avis que la jurisprudence établie quant à l'équilibre à trouver entre le devoir de loyauté des employés envers leur employeur et leur liberté d'expression pouvant être vu comme un devoir moral de dénoncer des actes répréhensibles continuera de trouver application.

Dans le cadre du mécanisme instauré par le projet de loi, en accordant la protection contre les représailles pour les divulgations publiques uniquement dans les cas d'urgence spécifiques, le législateur veut favoriser le traitement des divulgations par les mécanismes qu'il met en place, le Protecteur du citoyen ou le responsable interne. Le mécanisme confie à une institution indépendante le mandat de faire la lumière sur les allégations d'actes répréhensibles grâce au vaste pouvoir d'enquête dont le Protecteur du citoyen dispose. Ses pouvoirs de commissaire enquêteur lui permettent entre autres au besoin d'assigner des témoins et d'exiger la production de documents.

De plus, le droit du public à l'information de même que la liberté d'expression des divulgateurs doivent être soupesés avec le droit des personnes impliquées à un traitement juste et équitable, notamment dans un souci de protection des réputations, ce qui ne signifie pas, comme on le laisse souvent entendre, de protéger quelqu'un en raison de sa position, quelqu'un de haut placé. Enfin, il ne faut pas penser que tous les divulgateurs voudront que les renseignements qu'ils fournissent se retrouvent sur la place publique. D'aucuns préféreront confier leurs renseignements à un organisme indépendant qui possède les pouvoirs d'enquête pour qu'il procède à un traitement neutre qui fera la lumière sur les situations dont les divulgateurs ne connaîtront pas toujours tous les tenants et aboutissants.

Je conclus, madame messieurs, en vous remerciant à nouveau de votre confiance et je vous réitère la détermination du Protecteur du citoyen, avec les ressources nécessaires, à mener cette éventuelle responsabilité avec compétence et impartialité.

Le Président (M. Lisée) : Merci, Mme la Protectrice. Maintenant, l'équipe ministérielle pour 28 min 30 s M. le président du Conseil du trésor.

M. Hamad : Merci, M. le Président. Bienvenue encore à l'Assemblée nationale. J'avais une page 8½ X 14 recto verso des questions, mais vous avez répondu à 95 % des questions. Vous avez pris des positions sur les commentaires de ce qu'on a reçu. Vous avez fait un bon travail, ça répond pas mal, il ne reste pas beaucoup de commentaires. L'anonymat, vous avez répondu. L'assistance juridique, je pense que vous n'avez pas d'objection qu'on accompagne les gens pour les éclairer, pour les aider à bien comprendre le processus, leurs droits, qu'est-ce qu'ils peuvent aller, où ils peuvent faire. Est-ce que, ça, là-dessus, vous n'avez pas de problème?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En effet, non, M. le Président. Ça fait partie, à mon avis, autant des obligations du responsable interne que du Protecteur du citoyen de donner l'information qui sera la plus pertinente et adéquate. Et, dans l'information qu'on aura le devoir de faire envers autant les organismes publics que les éventuels divulgateurs, toute personne, ça fera aussi partie de ce que nous prendrons en considération. Souhaites-tu ajouter?

M. Hamad : Donc là, finalement, vous avez répondu à uniformité de traitement interne. Vous avez répondu à rétro-information. Vous avez répondu à l'anonymat aussi. Vous avez clarifié l'assistance juridique, le traitement des divulgations.

Peut-être, sur les rapports annuels que vous pouvez faire ou les rapports, mettons, dans trois ans ou cinq ans, on peut demander à l'Assemblée nationale de faire un bilan de ce que vous avez accompli et évidemment avec l'UPAC ou d'autres autorités, parce que vous avez mentionné, c'est important, ça, d'autres organismes compétents. Est-ce que, dans votre rapport annuel, il y en a, des groupes qui sont arrivés puis ont demandé que vous mettiez les détails des divulgations? Moi, je trouve que c'est pas mal des détails à mettre dans le rapport et ça peut nuire des fois aux enquêtes.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, M. le Président, il faut effectivement tenir compte que les rapports annuels doivent être les plus complets possible pour bien éclairer les ministres, le gouvernement et l'Assemblée nationale, mais qu'en même temps il y a des obligations de discrétion, de protection contre les représailles, et en même temps, dans certaines situations, obligations de laisser suivre son cours à une procédure, éventuellement, d'enquête policière en matière criminelle qui pourrait, pour certaines divulgations, suivre et, bien évidemment, préserver la preuve dans le cadre d'un processus judiciaire. Par contre, le Protecteur du citoyen considère qu'il devrait avoir également, pour sa responsabilité éventuelle en matière de divulgation, l'autonomie nécessaire pour juger des circonstances dans lesquelles il pourrait faire une déclaration d'intérêt public. Et, en ce sens-là, l'article 16 mériterait d'être bonifié pour permettre une reddition de comptes qui soit vraiment optimale.

M. Hamad : Déclaration d'ordre publique, peut-être l'expliquer davantage, parce que des fois ça dépend de la journée puis de l'enthousiasme. Qu'est-ce que vous voulez dire, «déclaration d'ordre public»?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Déclaration d'intérêt public, ça pourrait être, par exemple, après avoir constaté, disons, un acte répréhensible dans un organisme, mais dont la correction est de nature administrative, en faire état au ministre, en faire état dans le rapport annuel du Protecteur du citoyen, mais en indiquant que ça devrait devenir, la correction de cela ou cette pratique-là, une pratique qui est interdite et qui ne se répand pas avec les recommandations. C'est de cette nature-là.

Si vous me permettez, M. le Président, je demanderais au vice-protecteur, Me Bernier, de compléter sur cette notion.

Le Président (M. Lisée) : Bien sûr, allez-y.

M. Bernier (Jean-François) : Merci, M. le Président. En fait, c'est un reflet de ce que la Loi sur le Protecteur du citoyen prévoit déjà selon l'article 27.4. C'est que le Protecteur du citoyen, lorsqu'il juge d'intérêt public de le faire, donc il y a quand même un critère important ici, peut commenter publiquement un rapport qu'il a soumis à l'Assemblée nationale ou une intervention qu'il a faite. Il peut également commenter publiquement une intervention qu'il a faite ou une intervention en cours lorsqu'il juge que l'intérêt de la personne, du groupe, de l'organisme public, de son dirigeant, du fonctionnaire, de l'employé ou de l'officier en cause l'exige. Ce sont des critères, donc, qui reposent sur l'intérêt public, très important, donc ce n'est pas n'importe quand que le protecteur peut publiquement se prononcer. Et je vous dirais par expérience, Mme Saint-Germain est là depuis 2006, que c'est un pouvoir qui s'exerce de façon très prudente et dans les circonstances exceptionnelles, mais c'est un pouvoir qui a été prévu à la loi depuis 1987 justement pour prévoir ce type de situations où l'intérêt public mériterait que le protecteur fasse connaître une situation ou une opinion précise. Et ça peut permettre aussi de réparer des erreurs qui auraient pu être commises, là, qu'il a découvert dans le cadre de son intervention.

M. Hamad : Dans la présentation de votre mémoire, la première présentation, vous avez mentionné que vous allez émettre des recommandations à un organisme fautif, vous allez dire, bon, comme tantôt, et vous allez lui donner un délai pour corriger et changer les procédures ou amener les modifications nécessaires. Alors, comment on peut mettre ces procédures-là ou ce mécanisme-là dans la loi? Actuellement, ce n'est pas clair dans la loi qu'on fait ça?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Effectivement, nous pourrions, M. le Président, rédiger une disposition. C'est, d'ailleurs, déjà notre pratique. Nous établissons des échéanciers et, lorsque, pour des raisons qui ne nous apparaissent pas raisonnables et, je dirais, bien fondées, ce n'est pas respecté, à ce moment-là nous nous adressons soit au ministre concerné, au gouvernement dans son ensemble ou à l'Assemblée nationale, et, à l'Assemblée nationale, c'est souvent par le biais du rapport annuel ou de rapports à des commissions parlementaires. Alors, on pourrait s'inspirer d'un article qui est déjà dans la Loi sur le Protecteur du citoyen.

• (17 h 50) •

M. Hamad : Parfait. Le dernier élément que j'avais... Le traitement de divulgations, c'est fait. Oui. Là, parce qu'on se questionnait, avec les collègues, sur le rapport... Mettons, dans combien d'années on va dire : Mais là on peut mettre une commission qui revoit ce qu'on a réalisé. Tu sais, avant trois ans, on n'aura pas une bonne idée, là. D'abord, il y a les durées des enquêtes, il faut qu'on ait assez de statistiques ou des cas pour qu'on puisse étudier les cas, trois à cinq ans. Souvent, on a fait trois. Il y a des lois qu'on a faites, c'était cinq. Je ne sais pas c'est où que vous vous situez là-dessus.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Ce qui est prévu déjà au projet de loi, c'est cinq ans, et, moi, ça apparaît un délai raisonnable pour avoir une vue sur la nature des actes, là, le traitement qui a été accordé, la complémentarité avec d'autres instances qui existent. Alors, ça me paraît vraiment raisonnable.

Et nous avons formulé... On me le signale, notre recommandation 15, on recommandait en fait que l'article 41 du projet de loi soit modifié par l'ajout d'un troisième alinéa qui préciserait que le rapport déposé par le ministre doit être étudié par une commission parlementaire pertinente et que celle-ci étudie l'opportunité de modifier la loi et puisse entendre, à ce sujet, les représentations des personnes et organismes intéressés. Donc, l'idée énonce seulement d'avoir un délai de cinq ans pour évaluer la loi, mais aussi que cette évaluation puisse se faire par une commission parlementaire.

M. Hamad : Une question. Mais là vous avez dit que les résultats des enquêtes, vous n'êtes pas favorables qu'ils soient publics, là.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Ça dépend de plusieurs choses. Le résultat de nos enquêtes, si nous concluons que les actes répréhensibles se sont produits, la solution peut être strictement administrative, d'informer un sous-ministre, et ça peut être un acte, je dirais, qui était plus un acte de mauvaise administration ou de mauvaise gestion qu'un acte de nature frauduleuse. Alors, à ce moment-là, le sous-ministre est informé, ça peut être publié dans un rapport annuel, mais il n'y a pas matière à faire de grandes divulgations publiques à ce moment-là.

Dans d'autres situations, toujours, évidemment, concluant que l'acte répréhensible a été commis ou était sur le point de l'être, il y a des mesures à prendre qui peuvent être de nature à intenter un processus judiciaire ou une enquête en matière criminelle. Et, dans ces situations-là, évidemment, le Protecteur du citoyen aura le devoir de protéger la suite du processus. Et je dirais que la divulgation publique, elle va venir à la fin soit par une conclusion de l'enquête policière, mais plus généralement par des poursuites qui vont être intentées, donc, dans le cadre de ce qui est transparent, dans le contexte du processus judiciaire. Alors, les médias, ultimement, vont être informés, mais ce n'est pas par l'instance qui fait les enquêtes.

M. Hamad : On est à la même place à ce niveau-là. Et par contre on a eu la fédération des journalistes, avec tous mes respects, ils trouvaient que tous les moyens qu'on a mis dans le projet de loi, ce n'est pas bon et ils disent que c'est la machine. Tout le monde, tu sais, on est tous la machine, ici, vous inclus, vous faites partie de la machine. Puis eux autres préféraient qu'on passe par...

Quelle est votre opinion? Eux autres, si j'ai bien compris, c'est la divulgation publique, aller voir les journalistes, c'est le moyen qui est le plus efficace. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je pense, avec respect, qu'il y a des éléments de ce qu'a dit la fédération qui sont intéressants — je pense, l'idée d'élargir notamment aux municipalités — mais, à mon avis, il y a une confusion de genres. Le gouvernement du Québec au sens large, l'Assemblée nationale veut s'assurer que les organismes publics soient financés par les fonds publics ou des organismes privés qui reçoivent des fonds publics pour la majorité de leurs activités ne puissent pas être exonérés de leurs responsabilités s'ils commettent des actes répréhensibles, et on veut aussi prévenir la commission ou la répétition de ces actes-là. Je pense que c'est tout à fait légitime, pour un gouvernement, une assemblée nationale, qu'ils prévoient un mécanisme à cet effet. Le processus, lorsque les actes ont été commis, lorsque les sanctions seront de nature pénale ou criminelle, va mener un jour à la divulgation aux médias, mais il faut s'assurer que la divulgation ne nuise pas au plein exercice de ce processus-là.

Alors, je pense qu'il y a quand même ici une divulgation, et, à mon avis, l'indépendance du Protecteur du citoyen est déjà démontrée. Je ne crois pas qu'on est toujours contents de voir des dossiers publicisés par le Protecteur du citoyen. Pourtant, je suis la seule à décider de rendre publics ou non un certain nombre de dossiers. Et je dirais même que, dans certains cas, si on n'avait pas ce pouvoir de déclaration d'intérêt public, je pense qu'il y a des dossiers qui...

M. Hamad : Dernière question. Est-ce que vous sentez que vous êtes...

Le Président (M. Lisée) : J'aurais aimé que Mme la protectrice termine sa phrase.

M. Hamad : Elle a terminé.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Tout simplement, c'est que, si le Protecteur du citoyen n'avait pas ce pouvoir de déclaration d'intérêt public, je pense que c'est un de ses pouvoirs les plus importants et qu'il serait limité dans l'exercice de son mandat. Le protecteur est une institution de l'Assemblée nationale. Et, dans ce sens-là, moi, je veux rassurer les représentants des médias. La transparence sera là, mais ça ne peut pas être la transparence au détriment du bon exercice des pouvoirs policiers, criminels et judiciaires qui vont éventuellement être nécessaires.

M. Hamad : Vous sentez-vous assez indépendante du gouvernement? Sentez-vous que vous êtes assez en position de prendre les bonnes décisions?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Tout à fait. C'est un devoir d'agir dans la recherche de la vérité. L'ombudsman, il est la personne qui doit, de manière indépendante, juste, documenter, faire la lumière, trouver la vérité et, quelle qu'elle soit, s'assurer, s'il y a des actes répréhensibles ou s'il y a des injustices, des préjudices commis à l'endroit de citoyens, que les correctifs seront mis en place. Et, oui, je me sens tout à fait indépendante du gouvernement. Et je dois dire que jamais je n'ai été l'objet de quelque tentative, ni même mon personnel, d'être bâillonnée, quelle que soit le parti qui ait formé le gouvernement depuis que je suis en poste.

M. Hamad : Merci beaucoup, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Lisée) : Merci. Est-ce que le député de Sainte-Rose... non? Personne du côté ministériel? Très bien. Alors, nous allons passer à l'opposition officielle, avec le député de Gaspé, pour une période de 17 minutes.

M. Lelièvre : Merci, Mme la Protectrice du citoyen, et toute votre équipe. Très intéressant. Quelques éléments, là, et vous avez, comme M. le ministre l'a mentionné, très bien répondu, je pense, à plusieurs des attentes, plusieurs des éléments qui ont été soulevés par les organisations qui sont venues nous rencontrer. Ça a été d'ailleurs des consultations extrêmement enrichissantes, puis je suis certain que ça va aider à nos travaux.

Peut-être pour commencer, j'aimerais juste être certain que j'ai bien compris certains éléments que vous souhaitez voir renforcés dans le projet de loi. La question de l'accès aux locaux, on peut l'appeler comme ça, pour donner des pouvoirs supplémentaires, vous l'aviez mentionnée lors de votre première présentation, vous la réitérez aujourd'hui. La question de l'anonymat qui pourrait et qui aurait avantage à être plus claire au sein de la loi, même si vous considérez qu'en vertu de certains articles, l'article 5 et 9, je crois, les plaintes anonymes pourraient être reçues par votre organisme, mais il y aurait peut-être intérêt à clarifier que le fait que les plaintes anonymes seraient également considérées par votre organisation. Et il y a aussi la question, bien sûr, du secteur municipal, qui a fait l'objet, je dirais, d'une unanimité, à mon avis, là, au sein de la commission. Tous les partis qui sont venus nous rencontrer, nous entretenir ont fait également part de leur grande préoccupation à l'égard du monde municipal, qui devrait être visé par la loi. Vous dites que vous êtes, comme organisation, prête à vous impliquer, naturellement, moyennant les ressources nécessaires.

Lors de votre première présentation, vous avez même avancé une somme de 800 quelque mille dollars approximativement. On s'entend que c'est un chiffre, là, approximatif, peut-être, là, mais un ordre de grandeur a été avancé, et ce, sans tenir compte des besoins notamment du monde municipal. On est toujours dans cette expertise-là, dans cette hauteur de coûts. Pour l'instant, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, à savoir si ce chiffre-là est toujours un chiffre qui est maintenu. Bien sûr, si on exclut le monde municipal, si on inclut le monde municipal, j'aimerais savoir si vous avez une idée de l'envergure des ressources supplémentaires à ce que vous avez avancé, autour de 840 000 $, je crois. Donc, peut-être commencer avec ces éléments-là, l'accès aux locaux, clarifier la question de plaintes anonymes puis la question des ressources advenant le cas qu'on ajoute le secteur municipal, vous entendre brièvement là-dessus pour être certain que j'ai bien entendu.

• (18 heures) •

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président, je tiens à souligner que mes collaborateurs, encore plus que moi, ont passé la semaine à vous écouter et à lire les mémoires. Donc, c'est ce qui me permet d'avoir la bonne vue d'ensemble, alors je les en remercie devant vous. L'accès aux locaux, oui, très important. Nous l'avons déjà en vertu de la Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux. Il existe un certain nombre d'actes répréhensibles qui pourraient exiger, qui vont inévitablement exiger qu'on ait accès aux classeurs, qu'on ait accès à des systèmes de gestion de données. Alors, ça, c'est vraiment très important.

L'anonymat. Des personnes peuvent, en dépit des protections garantissant la confidentialité, la crainte contre des représailles, préférer ne pas être identifiées, surtout, je pense, pour des situations où ce serait très facile de deviner que c'est une personne ou une de deux personnes parce qu'elles seraient les seules à avoir tel type de renseignement. Alors, je pense que c'est important d'accepter les divulgations anonymes. Il y a des moyens, des façons de faire technologiques qui permettent de communiquer tout en respectant l'anonymat. Et c'est sûr que ça complique les enquêtes, mais, à mon avis, il ne faut pas prendre le risque de se priver de divulgations d'intérêt pour des raisons d'anonymat.

Le secteur municipal, effectivement, ce sont des services publics. Il y a plusieurs situations qui ont été mises en évidence par la commission Charbonneau, il y a des mesures qui ont été prises depuis, mais c'est quand même très important de s'assurer que, plus largement que ce qui existe présentement, le monde municipal et paramunicipal sera couvert et de le faire d'une manière, je dirais, qui permet une concertation intelligente avec les autres instances qui oeuvrent en ces domaines-là, tant au sein des municipalités, je pense à l'inspecteur général à Montréal, je pense à l'UPAC aussi, mais c'est donc essentiel. On vous a présenté deux voies possibles, s'agissant soit de renforcer ce qui est prévu dans les législations municipales avec le ministère et la Commission municipale ou en incluant le monde municipal au projet de loi et en s'assurant à ce moment-là qu'il y aura les concertations qui sont requises.

Sur les ressources. Les ressources, nous les avons estimées, bien sûr, sur le base du projet de loi avant l'ensemble des auditions et nous l'avons fait d'une manière, je dirais, rigoureuse et conservatrice. Il est certain que l'avantage de confier à une institution existante qui a déjà les pouvoirs, l'expertise et, je dirais, toutes les infrastructures de base à l'exclusion de certaines infrastructures immobilières, c'est en soi plus économique que de créer une nouvelle instance. Cela étant, la loi est quand même large. Toute personne peut divulguer, il y a différents enjeux, donc nous allons regarder, en fonction de ce qui s'est dit, les différents scénarios. Je vais recommuniquer avec le Conseil du trésor, mais je puis vous assurer que nous allons faire en sorte de demander des ressources qui évitent un démarrage et un dérapage qui discréditeraient l'exercice de cette responsabilité importante, mais tout en étant extrêmement consciente de la nécessité de n'avoir pas plus que les ressources nécessaires, quitte à prévoir, par entente avec le Secrétariat du Conseil du trésor que, si la demande devait être plus élevée que ce qui a été prévu, bien, on ait un mécanisme pour pouvoir ajuster au niveau des ressources.

Mais effectivement l'autre jour j'ai parlé d'un ordre de grandeur de quelque 840 000 $, ce qui excluait le monde municipal, et c'est toujours autour de ces chiffres-là que nous travaillons. Mais, encore une fois, j'attendrai de voir les dernières décisions que vos recommandations à l'Assemblée nationale... et ce que l'Assemblée nationale adoptera avant de me prononcer, je dirais, plus définitivement. Je pense que j'aime mieux être prudente dans ces situations-là.

L'inclusion du municipal, donc, j'en ai vraiment parlé. Il y avait l'enjeu de l'anonymat aussi. Donc, je crois, M. le Président, avoir répondu à l'ensemble des éléments. C'est bien le cas?

M. Lelièvre : O.K. J'aimerais revenir peut-être sur la question budgétaire parce que ça m'apparaît extrêmement important, puis je sens que vous considérez cette question-là avec toute l'importance qu'elle se doit également. J'ai apprécié notamment votre dernière intervention à l'effet que vous allez... Vous nous rassurez, mais on n'est pas inquiets, je suis certain que vous allez faire votre évaluation avec le plus grand des professionnalismes, là. Ça a été mentionné lors des auditions, et je ne peux pas m'empêcher, j'avais noté cette question-là pour vous la soumettre, je trouve que l'estimation initiale que vous avez faite, 800 quelques mille dollars, est quand même, je dirais, très raisonnable, hein? Ce n'est pas moi qui l'ai inventé, ça a été dit ici, là, mais je me souviens d'avoir assisté à d'autres travaux parlementaires où on avait participé à la mise en place de l'inspecteur général de la ville de Montréal, où un budget lui était attribué de plus de 5 millions de dollars strictement pour s'impliquer au niveau de l'adjudication des contrats de la ville de Montréal. Je comprends que la ville de Montréal est une grande ville, je comprends que c'est énorme, mais il y a quand même... Si on vous attribue tout le système gouvernemental du Québec, on parle d'ajouter possiblement le monde municipal, puis là on parle des plaintes de toute nature ou des situations qui seraient dénoncées de toute nature, pas uniquement à l'égard des contrats, je trouve qu'il y a un écart extrêmement important. Est-ce qu'on a été trop généreux en attribuant 5 millions à l'inspecteur général de Montréal? 840 000 $, et ce sont les chiffres que vous avancez...

Je ne veux pas nécessairement faire de débat aujourd'hui, mais moi, je tiens à vous le dire, puis ça a été clairement exprimé ici, puis je suis certain que l'ensemble des parlementaires ont la volonté claire de bien vous outiller, hein, ça a été mentionné ici aussi lors des auditions. Si on veut que la loi n° 87 soit une réussite, si on veut redonner confiance aux gens à l'égard de leurs institutions, redonner aussi, je dirais, la volonté, hein, aux gens et la population de s'impliquer dans la gestion publique et, au besoin, de dénoncer, on doit s'assurer de mettre à votre disposition, comme organisme répondant, les moyens satisfaisants. Il ne faut pas manquer notre coup, hein — on va le dire en québécois — c'est très important.

Donc, là-dessus, seulement qu'un commentaire que je tenais à vous émettre, mais je suis prêt à arrêter le débat immédiatement, mais je suis convaincu que les gens vont nous regarder, nous allons être analysés non seulement sur le contenu de la loi, mais surtout et notamment sur les moyens qu'on va attribuer aux organismes qui vont être responsables de cette loi.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, je vous remercie. Peut-être souligner, dans la comparaison avec Montréal, une différence à l'effet que, Montréal, évidemment, l'inspecteur général a démarré son entité au sein de la ville, ce qui ne serait pas le cas du Protecteur du citoyen. Par ailleurs, vous avez raison, c'est toujours cet équilibre entre avoir les ressources adéquates pour bien remplir la fonction, mais en même temps ne pas avoir des ressources démesurées. Et, si la demande devait augmenter... Parce qu'on a comparé avec les autres administrations au Canada qui ont cette responsabilité, et ce sont toujours des comparaisons qui méritent des nuances parce que ce n'est pas exactement, dans aucun cas, la même ampleur, la même portée de loi. Mais ce qui est certain, c'est que ça prend des ressources au démarrage. Il y a généralement un engouement au moment du démarrage. Il y aura des responsabilités d'information qui sont importantes, donc il y a des ressources qu'on peut prévoir d'une manière ad hoc pour un certain temps, le temps du démarrage. Mais il faut ce noyau de base et d'expertise et, au besoin, si la situation évolue, bien, cette flexibilité avec le Conseil du trésor. C'est ça, à mon avis, qui est la meilleure garantie. Mais on ne peut pas faire l'économie des ressources essentielles, c'est clair.

M. Lelièvre : Merci, M. le Président. Également, un autre élément que je voudrais aborder avec vous, c'est la question du suivi. Vous avez mentionné, je résume, là, dans mes mots, qu'il serait d'usage normal que l'organisation ou la personne qui a fait l'objet, bon, d'une dénonciation ou d'une plainte en sera informée, O.K.? Ma question est : Est-ce que les personnes ou les organisations qui feront l'objet d'une dénonciation, et laquelle, dénonciation, s'avérerait non-fondée... Est-ce qu'il ne serait pas intéressant et pertinent, si ce n'était que par souci de transparence également, de les informer qu'il y a eu une dénonciation à leur égard, il y a eu vérification et que, finalement, il n'y a pas eu lieu de donner suite?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Effectivement, M. le Président, je pense qu'il y a une transparence qui est essentielle. De toute façon, aux fins de l'enquête, il est essentiel d'obtenir la collaboration de l'instance, et ça dépend, là, des enjeux et du contexte. Mais, oui, les conclusions de l'enquête, lorsque la divulgation nous paraît non fondée, à la fois le divulgateur et la personne qui a été mise en cause doivent en être informés, être informés aussi des motifs qui ont mené à cette conclusion-là. C'est un enjeu, là, de crédibilité. Alors, ça, c'est vraiment important.

Lorsque c'est fondé, par contre, la nuance, et là elle est importante, il faut, comme je le disais tout à l'heure, préserver la suite des choses qui va mener jusqu'à la correction ou les sanctions qui seront nécessaires. Alors, paradoxalement, lorsque ce n'est pas fondé, c'est plus facile de donner l'information immédiatement que lorsque ce sera fondé. Veux-tu ajouter?

M. Bernier (Jean-François) : Non, ça va très bien.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Ça va, M. le Président, ça me paraît complet.

Le Président (M. Lisée) : Très bien.

• (18 h 10) •

M. Lelièvre : Concernant le rapport déposé à l'Assemblée nationale, la fréquence, la durée, M. le ministre l'a abordé, bon, il est précisé un délai de cinq ans dans le projet de loi actuel. Moi, personnellement, je trouve ça un peu long, mais je veux vous entendre là-dessus. Vous avez motivé tantôt aussi votre choix à cet effet-là. Mais il me semble que, lors du dépôt, lors de l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi, c'est peut-être dans les premières années de l'application de cette loi-là qu'on peut retirer beaucoup d'enseignements quant aux améliorations à apporter, soit en enlevant certains éléments, soit en ajoutant certains éléments, soit en modifiant. Donc, cinq ans, ça m'apparaît long. Il me semble que, dans les premières années, il va y avoir un engouement, ça va bouger, il va y avoir beaucoup, probablement, de lanceurs d'alerte qui attendaient depuis des années la possibilité de le faire avec la protection adéquate. Et un délai plus court, deux ans, trois ans, ne nous permettrait pas de se réajuster plus rapidement pour une meilleure application dans le futur?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, M. le Président, un délai de trois à cinq ans paraît raisonnable. Il ne faut pas oublier que le Protecteur du citoyen, chaque année dans son rapport annuel, fera une reddition de comptes, évidemment, sur le plan des éléments d'information qu'il pourra donner et il pourrait déjà parler de certains constats qu'il fait dans l'application de la loi. Mais, à moins qu'il y ait des circonstances vraiment très exceptionnelles, il me semble qu'une durée minimale de trois ans, c'est ce qui permet de mieux évaluer la portée d'une loi. Mais, encore une fois, le législateur est tout à fait autonome. Et, pour moi ce n'est pas... Il ne faut pas évaluer trop vite. C'est ça, le danger. Ni trop tard, ni trop vite, il y a un équilibre à trouver. Mais peut-être que les deux premières années, bon, il y aura des divulgations qui auront été réorientées parce qu'il y aura eu peut-être moins de compréhension ou, comme vous disiez, un engouement. Alors, il faut être en mesure d'évaluer sur une portée assez large.

M. Lelièvre : Dernière question. Du côté du budget, on avait demandé, lors de la première audition, d'obtenir copie, là, de l'estimation. Peut-être un petit rappel, si c'est possible, à la commission de nous faire suivre ce document-là dès que reçu, l'estimation du 800 quelques mille dollars.

Et, dernier élément, côté municipal. Il y a un débat, on entend des choses, il y a deux visions. Il y a celle qui dit que, bon, ça devrait être le Protecteur du citoyen qui, possiblement, pourra appliquer la loi à l'égard du monde municipal, et il y a aussi toujours le spectre de la Commission municipale. Vous avez mentionné qu'un des avantages reliés à l'application de la loi n° 87 par le Protecteur du citoyen était le fait que vous pouviez en même temps administrer d'autres lois complémentaires ou qui peuvent, de façon simultanée, être applicable. Donc, ça, je comprends que ça peut être un avantage, mais j'entends aussi des gens qui disent : Bon, la commission municipale a déjà un rôle auprès du monde municipal, mais cette même commission-là a fait valoir de façon très claire aussi son manque de ressources actuellement et depuis quelques années.

Donc, si vous aviez à remotiver peut-être votre recommandation à l'effet qu'on devrait confier à votre instance l'application de la loi n° 87 pour le monde municipal, auriez-vous d'autres éléments en supplément de ceux mentionnés pour nous convaincre que c'est à votre organisation qu'on doit confier l'application?

Le Président (M. Lisée) : Madame.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. En fait, une prémisse est importante. Le monde municipal, les gouvernements municipaux sont un autre palier de gouvernement. C'est une dimension qui est vraiment très importante. Il existe déjà une distance avec le ministère des Affaires municipales, son bureau des plaintes et la Commission municipale, qui a des pouvoirs malheureusement trop restreints parce qu'ils sont, en matière d'éthique et de mauvaise administration, sur demande du ministre, trop restreints sur la portée. Mais en même temps la Commission municipale a des pouvoirs coercitifs et elle émet des décisions et non pas des recommandations. Donc, c'est une dimension qui est vraiment importante. Je suis en train de vous justifier le recours au ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire et à la Commission municipale. C'est une des options.

L'autre option, c'est effectivement le Protecteur du citoyen, qui serait aussi en mesure, bien sûr, d'exercer ses enquêtes, de faire ses enquêtes en matière de divulgation. Mais à ce moment-là il faudrait, pour éviter tout dédoublement, prévoir vraiment un mécanisme et des dispositions qui soient complémentaires parce que la Commission municipale continuerait d'exister et la Commission municipale pourrait déjà, en fonction même des enjeux de la loi, enquêter sur des actes qui sont assimilables à des actes répréhensibles. Alors, il faut absolument éviter les dédoublements. C'est pourquoi, d'ailleurs, il y a deux recommandations, soit la recommandation 1, donc le monde municipal, enquêtes du ministère et enquêtes de la Commission municipale, mais avec une portée élargie au personnel des municipalités, à toute personne qui pourrait divulguer à l'endroit de l'une ou l'autre municipalité ou organisme municipal et paramunicipal, et en même temps, vous l'avez évoqué, les ressources de la Commission municipale, manifestement, ce sont des ressources qui seraient essentielles pour elle. Déjà, ses délais d'intervention sont longs, et manifestement elle n'est pas en mesure d'agir dans toutes les circonstances pour lesquelles on fait appel à elle.

Le Président (M. Lisée) : Merci. Merci, M. le député de Gaspé. Nous passons au député de la deuxième opposition, le député de Granby, pour une période de 11 min 25 s.

M. Caire : Merci, M. le Président. J'ai l'impression que ça va être un peu plus court que ça parce que je vais joindre ma voix à celle de mes collègues pour dire qu'effectivement vous avez fait un très bon tour de la question et répondu à plusieurs interrogations qu'on pouvait avoir.

Mais je me souviens de la première fois qu'on s'était rencontrés sur ce dossier-là, je vous avais parlé d'un pouvoir de contrainte qu'on pourrait accorder à la Protectrice du citoyen. Parce que je vois, dans le projet de loi, que vous avez le pouvoir d'enquête, vous avez le pouvoir de faire des recommandations, vous avez évidemment le pouvoir de faire des déclarations publiques, vous avez le rapport annuel à l'Assemblée nationale, mais de facto une entité qui aurait fait l'objet d'une enquête et de recommandations n'a pas vraiment d'obligation de s'y conformer. Alors, je reviens avec cet élément-là : Est-ce que vous pensez que ça pourrait être intéressant ou même nécessaire pour la Protectrice du citoyen de pouvoir contraindre ces organismes-là à venir se présenter devant vous? On parle d'organismes, évidemment, qui ont fait l'objet d'enquêtes et de recommandations, là, et, en fonction de l'échéancier qui aura été établi, de se présenter devant la Protectrice du citoyen pour faire la démonstration qu'ils ont mis en place des mesures correctives qui vous permettraient à ce moment-là d'évaluer la pertinence et l'efficacité des mesures et d'y aller peut-être de d'autres recommandations ou tout simplement de constater que le problème a été réglé. Donc, il y aurait comme une espèce de poignée supplémentaire pour s'assurer, là, que tout ça, ça ne tombe pas dans les craques du plancher, là.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, M. le Président, sur le plan de la contrainte, il y a deux éléments. Il y a la capacité de contraindre à venir témoigner, soumettre les documents au Protecteur du citoyen. Celle-là, nous l'avons déjà parce que nous pouvons convoquer par subpoena. La seule contrainte que n'avons pas, c'est celle de pouvoir entrer, par le projet de loi n° 88, dans les locaux, avoir accès aux classeurs, aux documents, à toute personne dans ce sens-là. Alors, ça, je fais la recommandation que ça puisse être ajouté.

L'autre élément auquel vous référez aussi, c'est le pouvoir de contrainte, qui est presque un pouvoir exécutoire, c'est-à-dire de pouvoir ordonner à l'organisme public, dans un délai x, de donner suite à la recommandation. Ce n'est pas prévu dans le projet de loi. Évidemment, c'est certain que ce serait facilitant et ça pourrait se faire pour les fins de l'exercice de la fonction d'enquête sur la divulgation des actes répréhensibles.

M. Caire : Merci. Ça fait le tour.

Le Président (M. Lisée) : Merci, M. le député de Granby. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, pour quatre minutes.

Mme Massé : Est-ce que c'est un pouvoir, ce dont parlait mon collègue, que vous avez dans le cadre de la loi de la Protectrice du citoyen?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Celui de convoquer par subpoena?

Mme Massé : Non, de contraindre à... pour la suite.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Non, non.

Mme Massé : Vous ne l'avez pas là non plus.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Non, et, puisque nous ne l'avons pas, c'est là l'importance du pouvoir d'agir par déclaration d'intérêt public et rapport à l'Assemblée nationale.

Mme Massé : Voilà. Puis c'est à peu près ça que je voulais en convenir. Dans le fond, c'est une des façons qu'on vous donnerait ce pouvoir-là, c'est-à-dire en donnant une concordance, d'ailleurs, avec la loi de la protectrice, en disant : Bien, quand il y a des déclarations d'intérêt public... Alors, ça, je le vois bien, puis c'est une façon de répondre assez facilement aux préoccupations de mon collègue.

Il y a d'autres intervenants qui sont venus dernièrement en nous disant que, dans l'article 3, puisqu'il est état... Le mot «grave», «gravement», tu sais, qui met une ampleur, par exemple, un cas grave de mauvaise gestion, il y a des groupes qui sont venus nous dire que ça pouvait être confondant pour les dénonciateurs, dans le sens de dire : Bien, pourquoi on ne laisse pas à la protectrice l'idée de regarder ça? Qu'est-ce que vous avez à nous dire là-dessus?

• (18 h 20) •

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Effectivement, M. le Président, je le disais au début, notre interprétation va être comme c'est le cas des deux autres lois que le Protecteur du citoyen administre, une interprétation large, mais le mot «grave», ici, est effectivement restrictif. Probablement que, l'intention, ça a été de dire : Bon, tout n'est pas un acte répréhensible. Quelqu'un pourrait poser un geste qui, administrativement, n'est pas un geste habile, mais ce n'est pas pour autant un acte répréhensible. Il y a quand même, dans toutes les législations qu'on a vues, la notion de gravité, gravité de l'acte, mais, encore une fois, il faut laisser la marge de manoeuvre et l'interprétation à l'instance qui va agir, d'autant plus qu'on est capables de discernement. Dans certaines situations, on pourra faire une recommandation pour améliorer une pratique administrative sans avoir conclu que c'était un acte répréhensible.

Mme Massé : Bien, en fait, ma question, Mme Saint-Germain, et peut-être que je n'étais pas assez claire, les gens venaient nous dire que cela pouvait restreindre les divulgateurs, les empêcher parce qu'ils se disent : Ah bien, ce n'est peut-être pas si grave que ça. Mais ce qu'on nous expliquait, c'est peut-être que le bout que moi, je vois, il est grand de même, mais il fait partie de quelque chose. Alors, c'est peut-être plus dans cette perspective-là que votre expérience comme Protectrice du citoyen... Est-ce qu'on n'aurait pas avantage à ce que projet de loi là incite largement et que, là, vous ayez le discernement dont vous parlez?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : C'est une question très intéressante, M. le Président, parce que le Protecteur du citoyen peut bien dire : Nous aurons une interprétation large et ouverte, mais, si l'éventuel divulgateur se dit : Ah! ce n'est peut-être pas assez grave, et ça devient un frein pour divulguer, effectivement, je pense que ça mérite d'être regardé. Et peut-être qu'on pourrait suggérer une bonification du genre «le Protecteur du citoyen appréciera la nature de l'acte et la gravité». Et donc il y a quelque chose à suggérer, M. le Président.

Mme Massé : Merci de confirmer ça. Ensuite, en fait, est-ce que j'ai bien compris — pour moi, ça, c'est très important parce que plusieurs personnes sont venues faire des représentations à cet effet-là — que, selon vous, à l'article 4, toute la question que les conditions de travail ou les politiques et objectifs de programmes ne fassent pas partie d'une possibilité de divulgation, en fait, ce que vous nous dites, c'est, oui, que vous êtes d'accord avec ça parce que, dans les faits, ce pouvoir-là, vous l'avez dans la loi sur la Protectrice du citoyen? S'il y a quelque chose qui, de par les choix qui ont été faits ou les politiques, qui a un impact, donc vous allez regarder ça, vous allez dire : O.K., ça ne rentre pas dans le cadre de la loi de la divulgation, mais par contre j'ai mon autre chapeau, et vous pourriez donc à ce moment-là utiliser vos pouvoirs pour... Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, rapidement, en matière de relations de travail, c'est clair que le Protecteur du citoyen ne doit pas agir, il y aurait même un conflit entre des divulgateurs. Ça, c'est clair. Une politique non adaptée... D'abord, le gouvernement doit avoir sa marge de manoeuvre pour décider de ses politiques et de ses orientations. Il ne s'agit pas de placer le protecteur en situation d'autorité sur le gouvernement. Par contre, il existe, et nous le faisons régulièrement, des programmes et des politiques qui, sans être pensés comme un acte répréhensible ou sans être, comment dire, mal fondés dans l'intention, ont des impacts négatifs, causent des préjudices à des citoyens, et cela, le Protecteur du citoyen agit, fait des recommandations déjà. Alors, je dirais que le protecteur traiterait ces dossiers non pas sous l'angle de la divulgation d'un acte répréhensible, mais sous l'angle du non-respect d'un droit ou d'un préjudice, qui est son rôle d'ombudsman parlementaire classique.

Le Président (M. Lisée) : Merci. Merci pour votre présentation. Merci à toute l'équipe.

Mémoires déposés

Avant de terminer, je dépose les mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions. Je vais les lire : Barreau du Québec, Bureau de coopération interuniversitaire, Commission d'accès à l'information du Québec, Confédération pour le rayonnement étudiant en ingénierie au Québec, Conseil interprofessionnel du Québec, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, les avocats et notaires de l'État québécois, Ordre des comptables professionnels agréés du Québec.

Je lève la séance. Et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux à demain après-midi 15 heures où elle poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 88. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 24)

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