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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, September 20, 2016 - Vol. 44 N° 119

Special consultations and public hearings on Bill 108, An Act to facilitate oversight of public bodies’ contracts and to establish the Autorité des marchés publics


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

M. Carlos J. Leitão

Mme Nicole Léger

M. Éric Caire

Auditions

Corporation des entrepreneurs généraux du Québec (CEGQ)

Association de la construction du Québec (ACQ)

Les Sociétés canadiennes de technologies médicales (Medec)

Regroupement des partenaires du gouvernement en technologie de l'information (RPGTI)

Autres intervenants

M. Raymond Bernier, président

M. Richard Merlini

M. Amir Khadir

M. André Fortin

*          M. Luc Martin, CEGQ

*          M. Pierre-Stéphane Poitras, idem

*          M. Fouad Geara, idem

*          M. Jean-François Gravel, idem

*          Mme Manon Bertrand, ACQ

*          M. Luc Bourgoin, idem

*          M. Pierre Hamel, idem

*          M. Benoît Larose, Medec

*          M. Shane Russell, idem

*          M. Bernard Dionne, idem

*          M. Robert Pilote, RPGTI

*          M. Eric Ferland, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quinze heures cinquante-deux minutes)

Le Président (M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte. Bien sûr, je demande aux personnes dans la salle d'éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder à des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 108, Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l'Autorité des marchés publics.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Bonnardel (Granby) remplace M. Caire (La Peltrie).

Le Président (M. Bernier) : Merci. Voici l'ordre du jour de cet après-midi. Nous allons débuter par les remarques préliminaires et, par la suite, nous entendrons la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec — bienvenue, messieurs — l'Association de la construction du Québec, Les Sociétés canadiennes de technologies médicales, ainsi que le Regroupement des partenaires du gouvernement en technologie de l'information.

Considérant les délais que nous avons eus au niveau de la Chambre, je demande le consentement pour que nous puissions dépasser 17 h 15 d'environ... 25 minutes, M. le secrétaire, environ? Donc, consentement de la part des parlementaires? Consentement.

Donc, je vous souhaite la bienvenue, à vous tous, à cette importante commission parlementaire. Nous aurons l'occasion, au cours des prochaines journées, prochaines heures, de travailler sur un projet fort important. Donc, merci à tous ceux qui y participent. Les recherchistes, les gens du Secrétariat du Conseil du trésor qui sont là, merci d'être là, on aura besoin de vos éclairages. Et merci également à tous les groupes qui vont participer à ces auditions.

Remarques préliminaires

En tant que président du Conseil du trésor, M. le ministre, je vous cède la parole. Vous disposez de six minutes pour vos remarques.

M. Carlos J. Leitão

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, moi aussi, je salue les collègues. Bonjour — on reprend nos activités parlementaires — aussi, les personnes qui vont venir présenter leur mémoire et avec qui on discutera un peu, les collègues de l'Assemblée nationale, ainsi que nos fonctionnaires du ministère.

Quelques mots d'ouverture. Donc, le projet de loi dont nous faisons l'analyse aujourd'hui donne suite à la recommandation n° 1 de la Commission sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, la commission Charbonneau. Le projet de loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l'Autorité des marchés publics vise à créer une instance neutre et indépendante afin de surveiller les processus d'adjudication et d'attribution des contrats des organismes publics. L'autorité permettrait d'ouvrir davantage la concurrence et de donner une voix efficace aux fournisseurs qui se sentent lésés par un processus d'appel d'offres.

L'instauration d'un mécanisme de plainte constitue un recours administratif sans précédent pour les fournisseurs de l'État, notamment pour les PME. De tels recours visent à permettre une plus grande concurrence et une plus grande transparence dans l'obtention des contrats publics, ce qui devrait être bénéfique pour le gouvernement et pour les citoyens. L'Autorité des marchés publics assurerait le traitement des plaintes des entreprises et pourrait, si nécessaire, exiger des modifications aux documents d'appel d'offres, suspendre des appels d'offres ou faire des recommandations ou des ordonnances visant à améliorer la qualité de la gestion contractuelle des organismes publics. Cette instance aurait un champ d'application très large, puisqu'elle surveillerait les appels d'offres des ministères et des organismes gouvernementaux, des réseaux de la santé et de l'éducation et des sociétés d'État.

En ce qui a trait à l'inclusion des municipalités dans la portée du mandat de l'Autorité des marchés publics, j'ai pris connaissance de plusieurs demandes en ce sens. Tel que je l'ai mentionné, nous devions consulter nos partenaires municipaux. Notre gouvernement s'est engagé à transformer les relations Québec-municipalités pour reconnaître ce palier de gouvernance de proximité. Respecter, donc, l'autonomie municipale, c'est prendre le temps nécessaire pour tenir compte de leurs préoccupations. À l'aube de cette consultation parlementaire, j'aimerais donc dire que j'entrevois très favorablement l'idée d'élargir la portée du projet de loi afin d'intégrer les municipalités. Par contre, nous souhaitons le faire dans le respect des particularités de leur gouvernance et nous sommes donc à l'écoute aujourd'hui dans le cadre de ces consultations particulières qui s'amorcent.

Rappelons enfin que l'un des mandats de l'AMP serait de faire une veille des marchés afin d'identifier des situations problématiques liées à la concurrence ou à l'égard des situations à risque dans un marché, le tout en vue d'en faire bénéficier l'ensemble des organismes publics assujettis à l'autorité. Le gouvernement souhaite répondre à tous les objectifs poursuivis par la commission Charbonneau en apportant les ajustements requis pour en assurer une meilleure efficacité.

L'autorité aurait des pouvoirs d'ordonnance et de recommandation auprès des organismes publics en vue d'améliorer la gestion des contrats. Pour ce faire, l'AMP doit bénéficier de toute la neutralité et l'indépendance nécessaires pour apporter des décisions éclairées, et ce, sans qu'elle soit placée dans une situation délicate. C'est pourquoi l'Autorité des marchés publics sera dédiée exclusivement à la surveillance des marchés publics. Le rôle-conseil recherché serait plutôt assumé par des organismes publics reconnus comme étant des pôles d'expertise en raison de leur expérience avec certains types d'appels d'offres. Des travaux sont en cours pour définir les modalités de fonctionnement de ces pôles d'expertise.

Trois autres recommandations de la commission Charbonneau ont aussi été considérées dans le projet de loi. Il s'agit de celles visant à protéger l'identité des entreprises qui souhaitent soumissionner, à protéger l'identité des membres des comités de sélection et à allonger le délai de prescription pénale.

À certains égards, le projet de loi va plus loin que les recommandations de la commission d'enquête, notamment sur trois éléments importants. D'abord, dans les cas qui le justifient, l'Autorité des marchés publics bénéficierait de pouvoirs d'enquête auprès des organismes désignés par le gouvernement, comportant également le pouvoir de résilier un contrat déjà octroyé en cas de manquement important. Le projet de loi prévoit d'ailleurs que le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports fasse l'objet d'un tel examen.

Le projet de loi exige également que les organismes publics assujettis publient des avis d'intention avant l'octroi d'un contrat de gré à gré. Au cours de la période de publication de l'avis d'intention, d'autres fournisseurs pourraient faire valoir qu'ils sont également en mesure de réaliser ce contrat, justifiant ainsi le recours à un appel d'offres.

Finalement, en plus d'être responsable de la gestion des autorisations de contracter, actuellement prise en charge par l'Autorité des marchés financiers, l'Autorité des marchés publics serait responsable du registre des entreprises non admissibles.

Les délais prévus au projet de loi ont été déterminés pour assurer un équilibre entre le risque de retarder un processus contractuel et le temps nécessaire à une entreprise pour prendre connaissance d'un appel d'offres, formuler une plainte et préparer sa soumission.

L'Autorité des marchés publics bénéficierait d'une grande indépendance et serait une organisation transparente, puisque ses décisions seraient rendues publiques. La création de l'AMP est un geste majeur pour assurer la transparence et la saine concurrence dans les processus d'appel d'offres.

En parallèle à ce projet de loi, d'autres travaux se poursuivent, notamment sur la révision des règles contractuelles en matière de construction. La recommandation n° 2 du rapport de la commission d'enquête propose la révision des règles contractuelles, dont la règle du plus bas soumissionnaire et l'évaluation de la qualité dans les soumissions. La recommandation 15 soulève le problème du retard de paiement dans l'industrie de la construction. Ces recommandations feront l'objet de travaux avec les organismes publics et l'industrie au cours de l'automne. Le cadre normatif pourrait être modifié en conséquence au printemps 2017.

Alors, en conclusion, ce projet de loi constitue un autre geste majeur qui répond à notre objectif d'atteindre les plus hauts standards en matière de gestion, de transparence et d'intégrité au sein du gouvernement du Québec pour les contrats publics. Merci beaucoup.

• (16 heures) •

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. le ministre. Nous allons aller du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, vous avez 3 min 30 s environ.

Mme Nicole Léger

Mme Léger : Merci, M. le Président. Alors, effectivement, bonjour, M. le Président, M. le ministre, toute votre équipe, les collègues. Le projet de loi n° 108, effectivement, il découle des recommandations de la commission Charbonneau, qui prônait, entre autres, le regroupement des ressources d'analyse, de contrôle et de vérification. C'est éparpillé actuellement, notamment au secrétariat du Trésor, au ministère des Transports, au ministère des Affaires municipales et Occupation du territoire. Mais la commission a relevé plusieurs failles dans l'administration publique. Entre autres, il y a quatre éléments qui sont importants : l'excès d'autonomie accordée aux donneurs d'ouvrage publics, l'absence chez certains donneurs d'ouvrage d'une expertise interne suffisante et l'influence politique dans l'octroi d'un contrat public, de même que l'absence de véritables analyses du marché permettant de repérer des indices de malversation.

Alors, la création de l'Autorité des marchés publics est une recommandation pivot de la commission Charbonneau. Donc, je suis contente qu'on puisse l'étudier aujourd'hui. On va entendre ce que les gens ont à nous dire, les organisations, les citoyens, les groupes qui ont beaucoup de choses à nous partager. Un des grands... je pourrais dire, un des joueurs importants qui ne sont pas là, effectivement, c'est les municipalités. Alors, il y a eu une demande dans ce sens au ministre, à ce qu'elles puissent — et à la commission — être entendues. Je ne sais pas si, avec l'introduction du ministre, qui nous a dit à l'instant même qu'il va intégrer les municipalités au projet de loi n° 108... est-ce qu'on va pouvoir inviter immédiatement et maintenant... pour les consultations, que les municipalités puissent venir ici en consultation parce qu'évidemment elles vont avoir des choses à nous dire, ça, d'une part, et est-ce que le ministre va nous déposer les amendements directement qui vont introduire les municipalités pour qu'on puisse les étudier d'une façon correcte, adéquate et intelligente, pour voir là où s'insèrent les municipalités dans le projet de loi n° 108?

C'est sûr qu'on nous a quand même dit que les municipalités seraient là dans les projets de loi... Je pense aussi aux lanceurs d'alerte et à différents types de projets de loi. On nous dit que c'est le collègue du ministre, des Affaires municipales, qui, normalement, est en consultation avec les municipalités. Alors, on comprenait mal que, dans le 108, les municipalités n'y étaient pas. Alors, ce que je comprends, c'est qu'il va les assujettir.

Alors, j'ai deux questions au ministre, M. le Président, pour m'assurer qu'elles vont être entendues au projet de loi n° 108 comme les autres intervenants qu'on va entendre aujourd'hui, et la semaine prochaine, et d'autres, et s'assurer qu'on puisse avoir les amendements. Alors, je m'en tiens à vous, M. le Président, pour avoir des réponses à ce sujet-là si possible.

Le Président (M. Bernier) : Je prends bonne note de vos demandes, Mme la députée. Nous allons, suite aux annonces, aux déclarations faites par le ministre, voir quels sont les intérêts des municipalités à participer à cette commission parlementaire. Donc, j'en prends bonne note parce qu'effectivement, présentement, elles ne sont pas cédulées dans le rôle des personnes à témoigner.

M. le député de La Peltrie, la parole est à vous pour environ 2 min 30 s.

M. Éric Caire

M. Caire : Merci, M. le Président. Tout d'abord, saluer le ministre, les collègues ministériels, la collègue de l'opposition officielle et vous-même, M. le Président. De notre côté, le projet de loi n° 108 est, très certainement, un projet intéressant, dans ce sens qu'il répond à une recommandation de la commission Charbonneau. Et j'oserais dire qu'il répond aussi à une recommandation d'un rapport que j'ai eu l'occasion de déposer l'automne dernier où il apparaît nécessaire d'avoir une instance qui peut faire la vérification de l'adjudication des contrats, des processus d'octroi de contrats et de l'intégrité de ceux-ci.

Ceci étant dit, M. le Président, je vais assurer le ministre de notre entière collaboration pour faire cheminer le projet de loi, mais vous comprendrez qu'il y a aussi certaines questions qui, à l'instar de ma collègue de l'opposition officielle, nous préoccupent, notamment l'article 20. J'ai eu l'occasion d'en discuter privément avec le ministre et je veux le réitérer publiquement, je considère que la portée du mandat de l'AMP octroyé en fonction du projet de loi n° 108 m'apparaît être par trop limitée. Et on aura certainement l'occasion d'en discuter avec le ministre, mais il m'apparaît qu'on raterait l'objectif si on n'élargissait pas le mandat de l'AMP pour s'assurer que l'ensemble des organismes publics sont sous sa supervision d'emblée, ce qui n'est pas nécessairement le cas actuellement.

Autre chose, M. le Président, je pense qu'il faudrait s'assurer d'un meilleur arrimage avec la Protectrice du citoyen dans le contexte où la Protectrice du citoyen devient responsable de l'application de la loi sur les sonneurs d'alertes si tant est qu'on finit par adopter cette loi-là. Ce que j'espère parce que je pense qu'il y a un lien très étroit entre le mandat de l'AMP et la capacité des sonneurs d'alerte à dénoncer des situations qui seraient problématiques au niveau contractuel. Et, là-dessus, je pense qu'on aurait intérêt à s'assurer qu'il y ait des vases communicants entre les deux organisations plus fluides, voire peut-être même des transferts de mandats d'une entité à l'autre, notamment dans toute la portion qui traite les plaintes qui pourraient être faites en vertu du mandat de l'AMP.

Donc, pour l'essentiel... M. le Président, peut-être aussi une petite conclusion rapide pour dire au ministre qu'il m'apparaît que tout ça se fait à coût nul, mais on va s'assurer que c'est bien le cas, que la création de cette institution-là se fait à coût nul.

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. le député, pour vos remarques préliminaires.

Auditions

Je souhaite donc la bienvenue à nos invités. Vous êtes patients. Malheureusement, il y a eu des délais dans votre audition. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Corporation des entrepreneurs généraux du Québec (CEGQ)

M. Martin (Luc) : Alors, bonjour. Mon nom est Luc Martin. Je suis le vice-président exécutif de la Corporation des entrepreneurs généraux, et permettez-moi de vous présenter les gens qui m'accompagnent. Alors, à ma droite, M. Fouad Geara, le président de notre conseil d'administration; à ma gauche, Jean-François Gravel, le vice-président de notre conseil d'administration; et, à l'extrême droite, Me Pierre-Stéphane Poitras, qui va vous faire la lecture du résumé de notre mémoire.

M. Poitras (Pierre-Stéphane) : Merci. Alors, bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mme la députée et les députés membres de la commission. D'emblée, nous vous remercions de l'opportunité qui nous est offerte aujourd'hui de vous présenter notre vision sur le projet de loi n° 108.

Nos membres sont très actifs dans les projets de construction de bâtiments publics et ils portent souvent à notre attention des problématiques reliées au Bureau des soumissions déposées du Québec, communément appelé BSDQ, ainsi que des dérogations aux règles de marchés publics, des devis orientés et diverses manoeuvres d'organismes publics dans le but de restreindre la concurrence ou contourner la réglementation.

Ce projet de loi est, selon nous, la législation la plus importante adoptée par un gouvernement au Canada pour assurer l'intégrité de ses marchés publics. Les plaintes des concurrents prévues à ce projet de loi changeront les façons de faire de plusieurs acteurs publics, qui devront être plus rigoureux dans la préparation de leurs documents d'appel d'offres. Les dispositions de ce projet de loi permettront également à de nombreux et nouveaux fournisseurs d'y participer et d'augmenter les niveaux de concurrence à tous les niveaux des chaînes d'approvisionnement.

Nous saluons d'emblée les dispositions de ce projet de loi, qui prévoit la création d'une autorité des marchés publics et la possibilité pour les concurrents de loger des plaintes en cours de processus d'appel d'offres. Ce mémoire et notre intervention portent sur des points forts de ce projet de loi et il traite également des oublis et certaines améliorations à apporter pour permettre à l'Autorité des marchés publics de jouer pleinement son rôle.

• (16 h 10) •

Premier item, la gestion des plaintes par les organismes publics et l'AMP. Nous saluons l'introduction des plaintes auprès d'un organisme public et, par la suite, auprès de l'AMP, cette importante disposition, pierre angulaire de ce projet de loi qui consiste à permettre aux concurrents qualifiés de porter plainte et signaler des situations où ils ne sont pas traités de façon intègre et équitable. Les concurrents ont l'expertise, la connaissance et l'intérêt pour détecter les dérogations aux règles de marchés publics, pour identifier les manoeuvres de collusion, de favoritisme et toute autre anomalie qui ferait en sorte de mettre en cause l'intégrité des contrats publics. Nous recommandons simplement de préciser dans le projet de loi... de jours ouvrables dans le cas où les délais imposés dans la gestion des plaintes sont de un, deux ou trois jours.

Maintenant, parlons du Bureau des soumissions déposées du Québec. Comme destinataire des soumissions déposées au BSDQ, nous sommes très surpris et déçus de constater qu'une importante recommandation de la commission Charbonneau, soit la recommandation 1.2, n'a pas été retenue par le gouvernement, alors qu'il s'est engagé à y appliquer toutes les recommandations, à surveiller ses marchés publics, et favoriser la concurrence, et gagner la confiance des fournisseurs. Cela fait maintenant 20 ans que la CEGQ documente et dénonce ce système, qui empêche les entrepreneurs généraux de confier des sous-traitants à un très grand nombre d'entrepreneurs spécialisés en dehors du BSDQ, ce qui bloque l'accès aux marchés publics. Les entrepreneurs généraux forcés d'adhérer à ce système sous peine de ne plus recevoir de soumissions en électricité et en plomberie et qui répondent aux appels d'offres sont donc souvent dans l'obligation de faire payer plus cher, et donc les contribuables, les organismes publics, le coût des projets de construction.

Depuis plus de 20 ans, neuf comités de réforme sous les instances du BSDQ ont échoué ou ont été abolis dès qu'on y abordait les articles reliés à l'ouverture à la concurrence. Une étude économique déposée au ministère du Travail a documenté les aberrations du BSDQ en matière de concurrence. Deux ministres du Travail s'en sont également mêlés, mais sans aucun succès. Et, finalement, la commission Charbonneau qui en fait une recommandation sans équivoque, mettre le BSDQ sous la surveillance d'une autorité publique, soit l'Autorité des marchés publics. Dans ce contexte, comment peut-on adopter une loi dont les objectifs sont de créer l'Autorité des marchés publics, et favoriser la surveillance des contrats des organismes publics, et mettre de côté cette importante recommandation de la commission Charbonneau? Nous sommes profondément convaincus de l'importance de cette recommandation, puisque le BSDQ a un impact très important dans le fonctionnement des contrats de construction des organismes publics et du fait qu'il réglemente l'octroi des sous-contrats, qui totalisent près de 75 % des coûts des travaux des bâtiments publics. Le BSDQ est une autoréglementation autorisée par deux lois, mais qui échappe à toute consultation publique ainsi qu'à toute forme de contrôle et de surveillance d'une autorité publique.

En plus d'offrir aux entrepreneurs généraux des niveaux de concurrence très variables selon les spécialités et les régions, les règles du BSDQ les forcent à inclure dans leurs propres soumissions aux organismes publics les prix issus de ce système unique au monde, mais sans possibilité de réserve au-dessus de laquelle l'entrepreneur général peut écarter les soumissions hors marché. Elle autorise également le plus bas soumissionnaire à retirer sa soumission au profit du deuxième, et les rappels d'offres sont, pour la plupart du temps, réservés à ceux qui ont déposé une soumission la première fois. Certains vous diront que les plus hauts tribunaux ont statué que le BSDQ était d'intérêt public et que ses règles ne limitent pas la concurrence. Or, cette analyse a été faite en 1994, quelques mois à peine après l'imposition de ces règles, alors qu'il n'y avait pas de vécu. Les tribunaux ont effectivement reconnu, et avec raison, que les intentions mentionnées au préambule du code sont d'intérêt public.

Toutefois, nous démontrons dans notre mémoire ainsi que dans celui que nous avons déposé à la commission Charbonneau que les dispositions du code du BSDQ non seulement n'atteignent pas ces objectifs, mais plusieurs vont dans le sens contraire. Il serait d'ailleurs surprenant que la commission Charbonneau ait recommandé l'intervention de l'Autorité des marchés publics dans le BSDQ si ces règles d'application de ces dispositions permettaient d'atteindre cet objectif.

L'OCDE s'est également penchée sur les autoréglementations que mettent en place certains gouvernements et a identifié huit éléments qui favorisent la collusion dans ces autoréglementations. Nous démontrons dans notre mémoire que les règles du BSDQ répondent, justement, à ces huit éléments. La CEGQ mesure toujours le niveau de concurrence au BSDQ, puisque ses membres n'ont pas accès aux entrepreneurs spécialisés en dehors de ce système, particulièrement pour les contrats publics. Vous trouverez dans notre mémoire des statistiques qui démontrent que la moyenne du nombre de soumissions déposées au BSDQ varie de deux à sept soumissionnaires par spécialité selon la spécialité et la région. 19 des 34 spécialités répertoriées au BSDQ ont une moyenne inférieure à quatre soumissions par projet. Des moyennes inférieures à quatre soumissionnaires sont très faibles et favorisent la collusion, compte tenu des règles particulières au BSDQ, qui sont fort différentes de celles du gouvernement dans l'octroi des contrats publics. C'est pourquoi nous demandons de donner suite à la recommandation 1.2 de la commission Charbonneau, et d'autoriser l'Autorité des marchés publics à imposer les règles au Bureau des soumissions déposées du Québec, et d'agir à titre de membre observateur à son conseil d'administration.

Autre item, indépendance de l'Autorité des marchés publics. Les marchés publics jouent un rôle important dans l'économie du Québec et dans la confiance des citoyens envers ses institutions. Il est donc essentiel d'en assurer la transparence et l'intégrité de ses processus et de susciter la concurrence en donnant confiance aux fournisseurs d'y participer. De plus, comme les marchés publics sont sensibles aux communications d'influence, l'Autorité des marchés publics devrait, selon nous, relever de l'Assemblée nationale au même titre que le Vérificateur général du Québec.

L'assujettissement des organismes publics à l'AMP. La CEGQ recommande que tous les contrats qui engagent des fonds publics et dont les organismes doivent publier leurs appels d'offres sur le système SEAO soient assujettis à l'Autorité des marchés publics. Nous sommes heureux d'entendre cet après-midi les propos du ministre, qui pense, justement, inclure les municipalités, mais il faut également penser aux organismes paramunicipaux, les offices municipaux, les sociétés de transport, les organismes sans but lucratif qui accordent des contrats de construction financés par des fonds publics, ce qui donnera confiance aux fournisseurs à participer à leurs appels d'offres et réduira le coût de leurs acquisitions. De plus, les concurrents, qui disposeront d'un outil pour détecter les infractions aux règles de marchés publics... leur apporteront une très grande expertise pour les détecter.

La sélection des concurrents. De plus en plus de marchés publics sont octroyés suite à des appels d'offres où les candidats doivent d'abord se qualifier en vertu des critères d'homologation, de préqualification ou de sélection. Il s'agit d'un élément majeur de la législation des marchés publics qui doit être très bien encadré afin de détecter et prévenir les appels d'offres orientés, le favoritisme et les communications d'influence. L'absence de surveillance des comités de sélection ouvre la porte au favoritisme ainsi qu'à la collusion, ce qui est contraire aux objectifs visés par le présent projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous recommandons d'appliquer, pour les décisions des comités de sélection des candidats ou de produits, les exigences de publication et les recours similaires à ceux proposés dans ce projet de loi pour les contrats gré à gré.

Dernier item, traitement par l'AMP des attestations de rendement insatisfaisant. Nous comprenons que l'AMP tiendra un registre de rendement insatisfaisant émis par les organismes publics et le rendra disponible à ces derniers aux fins d'évaluation de la qualité d'une soumission. Nous recommandons un appel auprès de l'Autorité des marchés publics pour assurer un traitement intègre et équitable des participants aux marchés publics. Nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Bernier) : ...M. Poitras, de votre présentation. Nous allons donc passer aux échanges. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Leitão : Très bien, merci. Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, messieurs, d'être venus nous expliquer votre point de vue sur la création de l'Autorité des marchés publics. J'aurais quelques questions et je laisserai aussi à mes collègues le temps de vous poser des questions.

Vous avez beaucoup parlé du BSDQ, et là j'aimerais peut-être continuer un peu plus la discussion là-dessus. En fin de compte, selon vous, quel est le rôle du BSDQ? À quoi ça sert?

Le Président (M. Bernier) : M. Martin.

• (16 h 20) •

M. Martin (Luc) : O.K. Donc, le BSDQ, c'est un organisme qui a été créé au début des années 60, dont le rôle est de recevoir et acheminer les soumissions des entrepreneurs spécialisés vers les entrepreneurs généraux. C'était ça qui était l'intention du législateur lorsqu'il a introduit les bureaux de soumissions dans les lois des corporations.

Avec les années, bien, le rôle a beaucoup, beaucoup changé, donc. Et, au début des années 70, les règles ont été modifiées, et là le BSDQ est devenu un organisme, là, de réglementation d'une quarantaine de spécialités autres que l'électricité et la plomberie, est devenu un système de gérer l'octroi des contrats, donc à quelles conditions un sous-traitant va-t-il obtenir un contrat. Et, à ce moment-là, bien, c'est là que... et on a mis ce qu'on va appeler des barrières à l'entrée, on a mis des règles. Donc, les sous-traitants qui veulent déposer une soumission au BSDQ, bien, il faut qu'ils se conforment à certaines règles. Donc, on voit que le rôle a beaucoup évolué avec les années, mais là ça occasionne des problèmes importants, des problèmes de concurrence. Donc, ce qu'on vit actuellement, selon les spécialités, bien sûr, et selon les régions, il y a très peu de concurrence. Donc, on devine que ce sont toujours les mêmes, les mêmes sous-traitants de chaque région qui déposent des soumissions.

Et, dans les nouvelles règles qu'on a mises en application, aussi ils ont le droit de retirer leur soumission quand ils jugent que, bon, elle est trop basse. Nous, on a l'obligation d'octroyer le contrat au plus bas soumissionnaire sans aucun prix de réserve. Donc, nous, on regarde le prix puis on dit : Ah! il doit être bon parce qu'il vient du BSDQ. Donc, on transporte ces prix-là d'une façon automatique aux organismes publics. Donc, vous comprenez qu'on sait compter puis on connaît la construction.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le ministre.

M. Leitão : Si j'ai bien compris aussi, ça, c'est un mécanisme qui existe pour les contrats publics. Ça veut dire, dans le secteur privé...

M. Martin (Luc) : Ça existe partout, ça existe pour tous les secteurs, sauf que les marchés privés réussissent à passer, la plupart, à côté, donc réussissent à se faire en dehors des règles du BSDQ pour toutes sortes de raisons. La première, c'est que sont des marchés privés, donc ils ne sont pas connus. Et puis il faut dire que la plupart des donneurs d'ouvrage privés savent que leurs projets ne passent pas par le BSDQ, là.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Leitão : Mais vous — merci, M. le Président — en tant que, donc, entrepreneur général, comment vous voyez ça? Est-ce que, pour vous, ça vous faciliterait la tâche si vous pourriez choisir vos soumissionnaires, vos partenaires que vous amènerez dans certains projets ou... D'être obligés de passer par un organisme comme le BSDQ...

Le Président (M. Bernier) : M. Geara.

M. Geara (Fouad) : Merci. Effectivement, ça ne nous facilite pas la tâche, ça la fait plus difficile parce qu'on n'arrive pas à aller chercher les vrais prix. Ça veut dire, le prix du plus bas soumissionnaire au BSDQ, on est obligé de le retenir. Et qu'est-ce qui pose problème, c'est que nous, comme entrepreneur général, on fait nos calculs, combien ça coûte pour faire... que ce soit la maçonnerie ou que ce soit le gypse ou d'autres spécialités, alors on a une idée des coûts. Et, quand nous recevons les prix du BSDQ, si le coût est beaucoup plus élevé que le prix qu'on a calculé, nous n'avons pas le choix que prendre le prix de BSDQ, alors, où l'organisme public est en train de payer un prix plus élevé parce que c'est passé par le BSDQ.

M. Leitão : Dans ce contexte-là, M. le Président, si, par exemple, cette entité-là, cet organisme ou institut, s'il serait volontaire, et non obligatoire, est-ce que vous voyez qu'il y a du mérite là-dedans ou ça ne réglerait pas grand-chose?

M. Geara (Fouad) : C'est sûr, il y aura du mérite. Aujourd'hui, comme vous savez, pas toutes les spécialités sont assujetties au BSDQ. Il y a une bonne partie des spécialités, comme la structure d'acier, l'excavation, je parle de vitrage, du béton, tous ces éléments que je viens de mentionner ne sont pas assujettis au BSDQ, et ça nous aide à aller chercher des prix. Quand on reçoit plusieurs prix de ces spécialités-là, et même si on voit qu'ils sont hors du budget que nous avons calculé, nous pouvons toujours prendre le téléphone, faire d'autres appels, chercher d'autres prix, et la personne qui bénéficie le plus, c'est l'organisme public, il va recevoir à la fin un meilleur prix pour exécuter ces travaux-là. Et, dans ces spécialités qui ne sont pas assujetties aujourd'hui, nous n'avons pas de problème.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le ministre.

M. Leitão : Je comprends. Peut-être une autre question sur un autre sujet avant de passer la parole à mes collègues. On n'a pas eu le temps de parler, mais, dans votre mémoire, vous parlez de Montréal et, donc, du bureau de l'inspecteur de la ville de Montréal. Comment vous voyez cette coexistence entre ces deux organismes, l'AMP et le BIG?

Le Président (M. Bernier) : M. Martin.

M. Martin (Luc) : Oui. La ville de Montréal a déjà son bureau de l'inspecteur général, qui fait un excellent travail. Toutefois, le bureau de l'inspecteur général n'a pas des pouvoirs aussi étendus que ceux qui sont prévus dans le présent projet de loi. Donc, il ne peut pas recevoir de plaintes et suspendre un appel d'offres en cours d'exécution. Son principal pouvoir, c'est de ne pas recommander l'octroi d'un contrat, et, à ce moment-là, bien là, le mal est fait. Les fournisseurs ont travaillé, puis donc tout le processus s'est quand même déroulé, et là on retarde également, bien sûr, l'octroi des contrats. Donc, pour la ville de Montréal, on pourrait simplement permettre, là, au Bureau de l'inspecteur général d'avoir les mêmes pouvoirs que l'Autorité des marchés publics.

M. Leitão : Très bien.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le ministre.

M. Leitão : Les collègues, si vous avez...

Le Président (M. Bernier) : M. le député de Pontiac ou M. le député de... permettez-moi de... de La Prairie, excusez-moi, j'étais pour vous...

M. Merlini : Merci beaucoup,

Le Président (M. Bernier) : J'étais rendu en train de vous nommer, là.

M. Merlini : Bien, merci beaucoup, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre présentation de mémoire. Au début de ses remarques préliminaires, le ministre a parlé de l'importance d'une instance neutre et indépendante, et, dans votre mémoire, vous voulez que l'AMP soit sous la responsabilité de l'Assemblée nationale. J'aimerais vous entendre expliquer un peu pourquoi vous faites cette suggestion-là parce qu'on a d'autres instances qui ont une nécessité d'indépendance — qu'on pense au DPCP ou à l'UPAC, par exemple — et qu'on souhaite, avec le projet de loi n° 108, faire aussi avec l'AMP une instance indépendante et neutre du processus politique. Alors, j'aimerais vous entendre sur ça, sur cette recommandation-là que vous faites.

Le Président (M. Bernier) : Oui...

M. Martin (Luc) : Il faut comprendre qu'on accorde une très, très grande importance à l'intégrité des marchés publics. Et on a entendu, comme vous, les témoignages à la commission Charbonneau, et également il faut dire que l'indépendance, elle est très, très importante. Présentement, la Société québécoise des infrastructures va relever du même ministre que l'Autorité des marchés publics, donc, et également les gens qui donnent des formations, qui conseillent les organismes publics. Donc, on y aurait vu encore une plus grande indépendance par rapport à ceux qui octroient des contrats publics.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député de La Prairie. Et non pas M. le député de Merlini, mais le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci, M. le Président. Quand vous avez fait allusion au BSDQ, que vous dites : Maintenant qu'ils gèrent l'octroi des contrats et que ça occasionne des problèmes de concurrence par rapport... avez-vous des exemples qui... pas des exemples très, très précis, là, mais pouvez-vous nous illustrer un peu ce que vous voyez comme problématique quand vous dites qu'ils gèrent l'octroi des contrats, et non pas simplement de recevoir les soumissions et dire aux entrepreneurs généraux : Bien, voici, ceux qui ont soumis pour tel projet public ou tel autre projet public?

Le Président (M. Bernier) : M. Geara, je vous vois bouger un peu, là, c'est... ou M. Martin... M. Poitras.

M. Poitras (Pierre-Stéphane) : O.K. Alors, l'exemple est fort simple. Présentement, les règles du BSDQ sont à l'effet que l'entrepreneur général n'a pas le choix d'octroyer le sous-contrat au plus bas soumissionnaire conforme. Mais, dans ces mêmes règles là, rien n'empêche ce sous-traitant-là de lui-même sous-traiter l'ensemble du contrat, l'ensemble des travaux. Alors, par le fait même, comme organisme public, vous ne pouvez pas avoir le meilleur prix, compte tenu que le sous-traitant qui a déposé son prix se retrouve, par le fait même, lui-même à sous-traiter.

Et, des fois, on voit deux paliers de sous-traitance. Alors, par le fait même, s'il y a un troisième sous-traitant qui, lui, n'a jamais déposé de prix, est capable de faire l'ouvrage, ça veut dire qu'on paie trop cher pour l'ouvrage. Donc, le gouvernement paie trop cher, les organismes publics paient trop cher pour le contrat en question, et c'est là la problématique, contrairement à l'entrepreneur général, qui, lui, n'a pas le choix d'être au premier palier et ne peut pas vérifier. Et même, dans la même situation, on se retrouve avec des prix trop élevés, on n'a pas le choix avec le plus bas alors qu'on sait très bien que d'autres vont pouvoir le faire. Et nous voyons cette situation-là, où des sous-traitants de la sous-traitance font l'ouvrage, alors vous n'avez pas le meilleur prix, il n'y a pas de concurrence.

• (16 h 30) •

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Gravel (Jean-François) : ...peut-être plus concret.

Le Président (M. Bernier) : Oui, M. Gravel, on vous écoute.

M. Gravel (Jean-François) : Merci. On fait une estimation, par exemple, pour des travaux de gypse au pied carré, on sort toutes les quantités de tous les étages, des murs qui sont à construire, et puis on arrive à un prix de 800 000 $. On reçoit trois soumissions via le BSDQ, elles partent à 1 million de dollars ou à 1,1 million de dollars. Nos statistiques internes, nos prix internes nous donnent un prix de 800 000 $, mais là on a reçu le plus bas prix à 1 million de dollars. Dans un contexte hors BSDQ, on pourrait retravailler ce prix-là avec d'autres partenaires, subdiviser le contrat, octroyer certaines parties du contrat d'une façon différente, le scinder pour arriver à notre estimation, alors qu'actuellement, dans les règles actuelles, ce n'est pas possible. Donc, c'est un prix qui va être transporté qu'on sait à l'avance qu'il est peut-être hors budget de 200 000 $ sur cet item-là.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le ministre, vous avez manifesté l'intérêt pour poser une autre question.

M. Leitão : Oui, juste une précision sur le BSDQ parce que, je pense, en effet, c'est un sujet important. Je ne sais pas si vous êtes au courant ou pas, mais il y a un comité de travail qui a été formé par le Conseil du trésor et le ministère du Travail pour, justement, regarder tous les enjeux autour du BSDQ, sa pertinence, ses règles de fonctionnement, etc. Ce comité de travail s'est déjà réuni deux fois. Le comité de travail va aussi rencontrer les intervenants dans l'industrie, et je vais m'assurer, si ça vous intéresse bien sûr, qu'il vous rencontre, vous aussi, à votre organisation, pour que vous puissiez faire ces représentations que vous venez de faire ici. L'objectif pour nous, c'est d'avoir, donc, des recommandations au ministre du Travail et au Conseil du trésor d'ici le printemps 2017 en ce qui concerne le BSDQ.

L'Autorité des marchés publics, en effet, est un organisme de vérification et n'est pas un organisme de réglementation. Donc, c'est pour ça que nous devons adresser la problématique très, très réelle du BSDQ d'une autre façon. Donc, je travaille un peu sur ça, et on va s'assurer qu'il vous rencontre si c'est ça que vous souhaitez.

Le Président (M. Bernier) : M. Martin, vous avez...

M. Martin (Luc) : Merci beaucoup, M. le ministre. On se souvient qu'il y a quelques années le ministère du Travail a également fait une étude sur le Bureau des soumissions déposées au cours de laquelle il y a eu quatre recommandations. Le ministre du Travail de l'époque, M. Després, avait même nommé un médiateur pour tenter de régler les problèmes du BSDQ. Alors, ça n'a pas fonctionné, le médiateur n'a pas, malheureusement, réussi. Et, parmi les quatre recommandations, les deux plus importantes n'ont jamais été mises en application. Mais ça va nous faire plaisir de collaborer au prochain comité quand même pour améliorer ces règles.

Le Président (M. Bernier) : Commentaires, M. le ministre? Ça va?

M. Leitão : ...excusez-moi, le commentaire que j'ajouterais à ça, c'est que, maintenant, nous sommes dans une situation de postcommission Charbonneau, l'environnement a changé. Et ça ne garantit rien, mais il faut être conscient qu'il y a eu un changement majeur dans l'environnement.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Nous allons passer du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Merci, M. le Président. Alors, il y a beaucoup de choses qui se disent. C'est intéressant, toutes les recommandations que vous faites, d'une part. Mais je dirais juste, au départ, de ne pas se laisser endormir par le ministre, là, tout de suite, là, parce qu'on parle... Vous parlez particulièrement, dans le fond, que vous avez documenté depuis plus de 20 ans le système qui empêche les entrepreneurs généraux de confier des sous-contrats, etc. — c'est ce que vous dites dans votre mémoire — et ce qui leur bloque l'accès aux marchés publics. «Les entrepreneurs généraux forcés d'adhérer à ce système, sous peine de ne plus recevoir les soumissions en électricité, en plomberie», ce que vous avez un peu dit tout à l'heure.

Alors, pourquoi vous aimeriez davantage que le BSDQ soit vraiment sous la surveillance de l'Autorité des marchés publics? Vous avez commencé, un peu, à donner quelques exemples, mais moi, je pense qu'il faut le dire davantage, avoir des exemples encore plus concrets dans votre vie de tous les jours. Comme, entre autres, vous avez dit tout à l'heure qu'il y a une différence, d'ailleurs... Je reviendrais, là, sur une différence de prix, mais ça, c'est un autre sujet. Commencez à me répondre à ça si vous voulez bien. Parce que le ministre, tout à l'heure, vous a parlé d'un comité de travail, on va essayer de travailler d'une autre façon. Bon, peut-être là, mais là on est dans le projet de loi n° 108, c'est là, c'est ce moment-ci, là.

Le Président (M. Bernier) : M. Geara.

M. Geara (Fouad) : Alors, nous avons compris que le projet de loi n° 108 a pour but de surveiller les façons... Des prix rentrent pour les marchés publics. Alors, pour le faire, c'est vrai que nous, comme entrepreneurs généraux, on rentre nos prix. Mais nos prix sont basés sur les prix de sous-traitants, et les prix des sous-traitants sont basés sur des prix de sous-sous-traitants. Alors, qu'on le veuille ou pas, 70 % de notre prix est basé sur les prix des sous-traitants. Alors, si les sous-traitants ne font pas partie de l'AMP, qui va les surveiller?

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée.

Mme Léger : Et, pour vous, une solution, c'est qu'ils soient assujettis à ce projet de loi là?

Le Président (M. Bernier) : M. Geara.

M. Geara (Fouad) : Pour nous, ça va aider, premièrement, d'avoir une concurrence réelle, et ouverte, et claire. Et il y a beaucoup d'éléments, comme on a mentionné, dans le BSDQ qui n'ont pas de sens pour nous. Un, par exemple, le plus bas soumissionnaire qui rentre au BSDQ peut retirer son prix. Que ça soit qu'il a réalisé qu'il est trop bas ou pas, il décide de retirer son prix, alors l'organisme public n'a pas profité de son prix. D'ailleurs, un entrepreneur général rentre son prix. Si le prix est plus bas, bien, il va avoir le contrat, et on ne peut pas tourner de bord et dire : Je retire mon prix. Alors, à notre avis, c'est important que ça fasse partie sous l'AMP, et, comme ça, il va y avoir une surveillance du plus bas de l'échelle jusqu'en haut.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée.

Mme Léger : Mais, à votre avis, pourquoi il y a cette résistance-là? Et pourquoi que vous pensez que le ministre, actuellement, ne le met pas dans le projet de loi n° 108? Pourquoi que ça fait 20 ans que vous dites que vous essayez de faire valoir votre point? Qu'est-ce qui résiste? Pas de chez vous, mais qu'est-ce que vous pensez qui est... Quel est l'impact de ça?

Le Président (M. Bernier) : M. Geara.

M. Geara (Fouad) : Quel est l'impact? C'est que l'organisme public paie plus cher. Il paie plus cher, il ne paie pas le prix réel ou la valeur normale du marché.

Mme Léger : Non, ça, je le comprends, vous l'avez bien exprimé. Mais pourquoi vous pensez que le gouvernement... ou pourquoi vous pensez qu'il y a une résistance par rapport à l'introduire dans le projet de loi n° 108, d'avoir une concurrence, comme vous dites, loyale?

Le Président (M. Bernier) : M. Martin.

M. Geara (Fouad) : Dans notre...

M. Martin (Luc) : Excusez. O.K. Nous, on ne comprend pas, là, pourquoi. Donc, c'est la recommandation 1.2 de la commission Charbonneau, là. Comme recommandation n° 1, c'est créer l'Autorité des marchés publics. Donc, 1.2 n'est pas loin en arrière, là. O.K.? Donc, 1.2, c'est de surveiller la sous-traitance, finalement, O.K., dans les projets de bâtiments, donc. Et le BSDQ, c'est une autoréglementation qui n'a jamais fait l'objet de surveillance. Donc, on trouvait très, très pertinente la recommandation de la commission Charbonneau d'inclure aussi le dossier, là, avec l'Autorité des marchés publics.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

Mme Léger : Mais vous ne dites pas encore qu'est-ce qu'on vous répond au gouvernement, qu'est-ce qu'on vous répond par rapport à ne pas l'assujettir. Ça fait longtemps que vous le demandez. Là, il y a un projet de loi n° 108, là, c'est l'occasion, dans le fond, actuellement. Alors, qu'est-ce qui fait qu'on ne veut pas l'introduire?

M. Martin (Luc) : Bien là, on a appris...

Le Président (M. Bernier) : M. Martin.

M. Martin (Luc) : Excusez. On a appris aujourd'hui qu'il y avait un comité de formé avec le Conseil du trésor et le ministère du Travail. Donc, on va participer, bien sûr, mais on a des mauvaises expériences dans le passé. C'est pour ça qu'on accueille d'une façon positive... Mais on fait confiance au ministre que ça ne se passera pas comme dans les 20 dernières années, là.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée.

Mme Léger : On va surveiller ça de près. Tout à l'heure, on a parlé des municipalités, mais vous avez ajouté aussi tous les offices municipaux, tous les organismes publics d'une façon plus large. Pourquoi vous voulez ajouter ces organismes-là? Moi, j'y crois, mais quelle est l'importance pour vous d'ajouter tous ces organismes?

Le Président (M. Bernier) : M. Martin.

M. Martin (Luc) : Parce que ce sont des fonds publics. O.K.? Donc, c'est le même contribuable qui paie, ce sont les mêmes entrepreneurs, les mêmes fournisseurs, comme on dit, le même béton, les mêmes... O.K., donc les mêmes matériaux, et ce sont des marchés publics. Donc, c'est l'Autorité des marchés publics. Donc, ça devrait inclure tous les marchés publics. Sinon, ce qui risque de se passer... Supposons qu'on assujettit uniquement, bon, les commissions scolaires et les hôpitaux, bien, ceux dont leur plan d'affaires, c'est d'essayer d'orienter le marché public, bien, ils vont se retrouver aux municipalités puis... Donc, on va déplacer le problème et on risque de l'amplifier chez ces organismes-là aussi.

• (16 h 40) •

Le Président (M. Bernier) : Merci.

Mme Léger : Donc, vous suggérez qu'on ne soit pas restreint qu'aux municipalités, mais qu'on ouvre pas mal plus large que juste les municipalités, c'est votre suggestion. Parce que, dans le fond, le ministre a répondu à d'autres projets de loi, mais que ça reste dans la même sphère. Je vous dirais qu'il va y avoir un projet de loi particulièrement sur les municipalités, mais là on est vraiment dans celui d'instaurer l'Autorité des marchés publics. Donc, on croit, effectivement, que les municipalités doivent y être, et plus large que les municipalités. Vous l'avez bien, quand même, exprimé, mais je pense que c'est important de le dire haut et fort que c'est pour vous important qu'ils soient dans le projet de loi n° 108.

Le Président (M. Bernier) : M. Martin.

M. Martin (Luc) : Oui, effectivement. Puis, d'ailleurs, la création de l'Autorité des marchés publics a été une recommandation qu'on a faite à la commission Charbonneau. Donc, on est allé voir un peu partout dans le monde comment ça se passait, et, en Europe, ils ont l'équivalent. Donc, la commission économique européenne, il y a une vingtaine d'années, elle a mis en place les recours des concurrents. Et ça s'applique à tous les marchés publics, là, pas seulement à certains secteurs. Donc, dans les pays qui l'ont fait — et ça a été avec succès, d'ailleurs — ça a été intégré à tous les marchés publics.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Martin (Luc) : Donc, on ne l'a pas inventé, là, c'est...

M. Poitras (Pierre-Stéphane) : Je me permettrais d'ajouter... commission Charbonneau parle de tous les donneurs d'ouvrage publics. On ne limite pas aux seuls organismes gouvernementaux, mais vraiment à tout type de donneur d'ouvrage public. Alors, ça comprend, naturellement, les commissions scolaires, les organismes paramunicipaux, et autres.

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. Poitras. Mme la députée, il vous reste environ une minute.

Mme Léger : Oui. Je ne sais pas si le ministre a des comparatifs, dans le fond, avec les organismes qui sont soumis au système électronique d'appel d'offres, le SEAO, comparativement à ce qui est soumis et ce qu'on va avoir ici, dans notre projet de loi. Je ne sais pas s'il a des comparatifs lui-même, il serait intéressant de l'entendre, le ministre, tout à l'heure, pour voir... Parce que vous semblez quand même... qu'il y a quand même certains organismes, oui, mais d'autres qui ne le sont pas puis qu'il peut y avoir des différences, dans le fond, au niveau de l'appel d'offres tel quel.

Je voudrais savoir : Quelle est la différence de pourcentage de prix entre ceux qui sont soumis au BSDQ et d'autres? Y a-tu une si grosse différence?

Le Président (M. Bernier) : M. Martin.

M. Martin (Luc) : Bien sûr, ça varie d'une spécialité à l'autre, ça varie d'une région à l'autre. On a fait faire une étude économique, il y a quelques années, et puis l'économiste parlait d'une différence de 10 %. Bon, ça, c'est général, mais on comprend que, dans un projet en particulier... Il faut savoir que ça s'applique projet par projet et spécialité par spécialité. Une commission scolaire qui lance un appel d'offres pour une école dans lequel il y a de la maçonnerie, bon, bien, le BSDQ va créer un mini appel d'offres de maçonnerie pour cette école-là. Donc, si, par exemple, on se retrouve avec une différence de 20 % en maçonnerie dans l'école, bien, la commission scolaire va payer 20 % de plus que, normalement, des prix qu'on reçoit par courriel ou par d'autres moyens. Donc, c'est difficile de vous préciser un montant, là.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Nous allons passer du côté de la deuxième opposition. M. le député de La Peltrie.

M. Caire : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Dans ce que vous nous dites, j'essaie de suivre un peu le raisonnement puis j'ai envie de vous poser la question : Est-ce qu'on ne va pas au bout de la logique? Dans le fond, ce que vous aimeriez, c'est que le BSDQ soit aboli.

Le Président (M. Bernier) : M. Martin.

M. Martin (Luc) : On ne demande pas que le BSDQ soit aboli, sauf qu'il pourrait être harmonisé, par exemple, avec ce qui a été mis en place dans d'autres provinces, donc un système un peu plus volontaire où ce sont les donneurs d'ouvrage qui décident s'ils veulent que leurs projets transitent par un système comme le Bureau des soumissions. Donc, c'est eux qui paient, hein, c'est eux qui paient la facture. Donc, ils devraient vraiment décider. Mais on est ouverts à tout réaménagement qui va ouvrir la concurrence. Ça, ça nous préoccupe énormément.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député.

M. Caire : ...le BSDQ agit selon les règles, l'AMP va simplement constater que le BSDQ agit selon les règles, et donc les situations que vous décriez vont se poursuivre. Donc, là...

Une voix : ...

M. Caire : Juste pour, peut-être, compléter la question, en quoi, à travers le projet de loi n° 108, on peut en arriver à votre objectif qui est de faire en sorte que le BSDQ favorise la concurrence? Parce que le rôle de l'AMP, ce n'est pas nécessairement de revoir le fonctionnement des différents organismes qui sont chargés de l'attribution des contrats, mais de s'assurer que les règles ont été suivies. Je ne sais pas si vous me suivez, là.

Une voix : Oui, je vous suis.

Le Président (M. Bernier) : M. Martin.

M. Martin (Luc) : On vous suit. Mais la recommandation de la commission Charbonneau, c'est à l'effet de revoir les règles aussi, donc, et à en surveiller l'application. Nous, on est vraiment fiers, enfin, qu'un organisme public s'implique dans le Bureau des soumissions déposées.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Caire : Mais c'est un exercice qui devra se faire en parallèle, on est d'accord? O.K. Donc, pour ce qui concerne le projet de loi... Puis j'entends votre message, là, mais, pour ce qui concerne le projet de loi n° 108, je vous amènerai sur, peut-être, le terrain de la même logique qui a présidé la portée du projet de loi sur les sonneurs d'alerte où on disait que, dans le fond, toute dénonciation à l'égard d'un bien public, donc ça revenait à ce que vous disiez tout à l'heure, que ce soit une entité privée, une entité publique, une entité parapublique, du moment où des deniers publics sont en cause, le sonneur d'alerte doit être protégé par la loi. Si on transpose cette logique-là au projet de loi n° 108, est-ce qu'on pourrait dire qu'aussitôt que, de façon contractuelle, des deniers publics sont mis en cause, l'AMP devrait avoir l'autorité pour s'assurer de la bonne gestion du contrat, quant à son octroi, quant à l'examen des processus, en fait l'ensemble des mandats qui lui sont dévolus? Donc, est-ce qu'on ne devrait pas élargir le mandat de l'AMP à la protection de tous les contrats qui engagent des deniers publics?

Le Président (M. Bernier) : M. Gravel.

M. Gravel (Jean-François) : C'est dans nos recommandations, mais on comprend bien qu'il y a des paliers de gouvernement à respecter. On comprend très bien qu'une loi du gouvernement du Québec vous ne pouvez pas l'imposer aux municipalités d'une façon automatique, on a compris ce processus-là. Mais notre recommandation, c'est, effectivement, que ce sont des deniers publics, puis ce n'est pas orienté juste dans une direction, pour certains organismes.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Caire : C'est-à-dire que, techniquement, oui, le gouvernement du Québec peut l'imposer au monde municipal. Je comprends qu'il y a une volonté de travailler avec les partenaires municipaux, puis volonté que je salue, soit dit en passant, mais...

M. Gravel (Jean-François) : ...consultation du ministre tantôt, quand il nous l'a exposé. Mais notre recommandation, c'est, effectivement, des argents publics sont dépensés, sinon les problèmes se déplacent d'un côté à l'autre, là.

M. Caire : Mais, indépendamment de l'entité qui est visée par le contrat, qu'elle soit publique, parapublique, municipale, privée, donc on s'entend que, s'il y a des deniers publics d'engagés dans le contrat, l'AMP devrait avoir l'autorité sur ces contrats-là.

M. Gravel (Jean-François) : «Privée» dans votre allocution, ça me confond. Nous, on parle d'argent public. S'il y a un donneur d'ouvrage privé...

M. Caire : Vous avez des contrats avec le gouvernement, ce sont des deniers publics. Vous êtes des entreprises privées dans ce sens-là. Dans ce sens-là.

Une voix : ...

M. Caire : Ah! c'est parce qu'on disait : Oui, mais le BSD, il faut comprendre que c'est un organisme privé, donc, techniquement, là, le gouvernement ne devrait pas aller jouer là. Mais, du moment où il touche à des deniers publics, qu'ils soient privés, publics, parapublics ou extraterrestres, on s'en fout, là, c'est des deniers publics, puis, normalement, on veut une autorité des marchés publics qui est capable de protéger les deniers publics. C'est un peu le sens de votre intervention.

Une voix : C'est ça.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Caire : Ça fait le tour pour moi, c'est correct. Par rapport à votre mémoire, d'ailleurs, je salue votre présentation. Très intéressant, puis j'espère qu'on va donner suite à vos recommandations.

Le Président (M. Bernier) : Avez-vous une question, M. le député de Mercier?

M. Khadir : En fait, comme je n'ai pas assisté à la présentation, je ne peux pas poser une question très précise, mais j'ai lu un peu sur la demande formulée par la corporation des entrepreneurs et, à la suite, maintenant, des quelques minutes que j'ai entendues, je veux vous signaler, moi aussi, je recommande au ministre d'accueillir votre suggestion. S'il faut des aménagements administratifs ou législatifs, bien, il faudra les faire parce que je pense qu'il en va de beaucoup, beaucoup de travaux qui ont été faits au cours des dernières années pour assurer les meilleures pratiques en matière d'octroi des contrats publics. Et des gens qui ont une certaine expertise et qui nous ont accompagnés durant toutes ces années où on s'est penché sur qu'est-ce qui a failli seront d'avis qu'il faut assujettir aussi le BSDQ, et, donc, moi, je pense que le gouvernement redorerait encore davantage le blason de l'intégrité de l'octroi des contrats publics pour ne laisser rien échapper, donc, au contrôle de l'Autorité des marchés publics. Donc, moi, j'accueille très favorablement la proposition.

• (16 h 50) •

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. le député de Mercier. Donc, M. Poitras, M. Geara, M. Martin et M. Gravel, merci de votre participation à la Commission des finances publiques sur le projet de loi n° 108.

Je vais suspendre quelques instants afin de permettre à l'Association de la construction du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 51)

(Reprise à 16 h 53)

Le Président (M. Bernier) : Nous reprenons nos travaux. Donc, nous avons le plaisir de recevoir l'Association de la construction du Québec, accompagnée de Mme Manon Bertrand, la présidente. Donc, je vous invite à présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous aurez 10 minutes pour faire la présentation. La parole est à vous.

Association de la construction du Québec (ACQ)

Mme Bertrand (Manon) : Merci, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission. Comme vous l'avez mentionné, mon nom est Manon Bertrand, je suis entrepreneure d'abord et présidente de l'Association de la construction du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Luc Bourgoin, directeur général de l'association, Me Pierre Hamel, directeur des affaires juridiques, et Me Karine Devoyault, qui est notre avocate du même service.

Je voudrais d'abord remercier la commission de nous donner l'opportunité de présenter nos commentaires et recommandations visant le projet de loi n° 108, duquel l'ACQ est favorable. Il s'agit pour nous d'un projet de loi important qui s'inscrit dans une foulée de nos recommandations auprès de la commission Charbonneau.

Je vais laisser à M. Bourgoin le soin de vous expliquer plus en détail les motifs qui entourent notre appui à ce projet de loi, mais aussi de vous communiquer les autres initiatives gouvernementales qui devraient être mises en place pour améliorer significativement les marchés publics du Québec. Par la suite, il nous fera plaisir de répondre aux questions des membres de la commission. Je cède donc la parole à M. Bourgoin.

Le Président (M. Bernier) : M. Bourgoin, la parole est à vous.

M. Bourgoin (Luc) : Merci. M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, comme nous l'avons mentionné en introduction dans notre mémoire, l'ACQ appuie la démarche du gouvernement visant la mise en application des recommandations de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction. L'ACQ appuie donc la création d'une autorité des marchés publics. Toutefois, elle le fait pour les motifs exposés par les commissaires dans leur rapport et dans le but d'atteindre les objectifs recherchés par la commission, c'est-à-dire corriger un certain nombre de vulnérabilités et de failles.

Comme l'expliquent les commissaires dans leur rapport, parmi ces failles figurent : l'autonomie accordée aux donneurs d'ouvrage publics en ce qui a trait à l'application des modes et des règles d'adjudication des contrats prévus à la loi et à la réglementation; l'absence, chez certains donneurs d'ouvrage publics, d'une expertise interne suffisante, voire d'une équipe de professionnels en mesure d'évaluer les travaux requis, les soumissions reçues en réponse à un appel d'offres; la possibilité pour les élus, particulièrement dans le domaine municipal, d'influencer l'octroi d'un contrat public, ce qui est susceptible d'engendrer le favoritisme; et l'absence de véritable analyse de marché permettant de repérer des indices de malversation. Toutes ces failles visent spécifiquement le monde municipal.

Décrivant l'organisme, les commissaires poursuivent : «Indépendant, cet organisme permettrait de regrouper en un seul endroit les ressources déjà mobilisées au gouvernement en matière d'analyse et de contrôle, notamment au Secrétariat du Conseil du trésor, au ministère des Transports du Québec et au ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire.»

Les commissaires voient donc un organisme visant tous les donneurs d'ouvrage, incluant tout particulièrement les municipalités. Poursuivant, les commissaires énumèrent des avantages : de constituer un pôle d'expertise en analyse et vérification des marchés publics en mesure de soutenir les donneurs d'ordres publics; d'assurer, en complémentarité avec l'Unité permanente anticorruption, la pérennité des activités d'enquête et d'analyse voulues par la création de la commission; d'assurer une surveillance permanente des processus d'octroi et de gestion des contrats publics, diminuant du même coup l'attrait des stratagèmes de collusion et de corruption.

Plus encore, en créant l'Autorité des marchés publics, le législateur enverrait un message puissant quant à l'importance qu'il accorde à l'octroi et à la bonne gestion des contrats publics et transmettrait ainsi un avertissement sans équivoque aux acteurs déviants des secteurs public et privé. Ce faisant, il contribuerait à mettre un terme au climat d'impunité dans lequel ont prospéré les pratiques illicites relevées par les enquêtes journalistiques et policières et par la commission.

Cet organisme, les commissaires en ont fait la pierre d'assise dans toutes leurs recommandations. Cette toute première recommandation est à ce point importante que les commissaires ont pris soin de détailler les 14 éléments qui composent les trois sous-recommandations visant l'Autorité des marchés publics.

Parmi celles-ci, deux éléments de la recommandation 1.1 retiennent notre attention. D'abord, celle à l'effet d'accorder à l'AMP un pouvoir de contrainte envers les donneurs d'ouvrage publics analogue à celui dont dispose le président du Conseil du trésor en vertu de la Loi sur les contrats des organismes publics afin d'obtenir les informations requises en temps opportun. Ce qui est intéressant dans cette recommandation, c'est qu'elle souligne les pouvoirs de contrainte que déjà le Secrétariat du Conseil du trésor peut exercer sur les organismes publics. Donc, si le gouvernement souhaite assujettir uniquement les organismes publics, on pourrait se questionner sur la valeur ajoutée réelle résultant de la création de l'Autorité des marchés publics, car déléguer des pouvoirs supplémentaires au Secrétariat du Conseil du trésor permettra d'arriver sensiblement aux mêmes fins sans toutefois créer une nouvelle structure.

L'ACQ, quant à elle, souhaite une véritable autorité des marchés publics, comme celle décrite par les commissaires, qui engloberait donc tous les donneurs d'ouvrage, dont les municipalités. C'est de cet organisme indépendant que les marchés publics ont réellement besoin au Québec, non pas un organisme dont les interventions ne visent que les organismes publics, créant ainsi un fossé encore plus grand entre les municipalités et les autres donneurs d'ouvrage publics, un organisme qui peut venir en assistance aux municipalités, les aider à développer l'expertise nécessaire pour pallier à l'absence de ressources. Développer une expertise, c'est bien plus qu'embaucher du personnel, c'est mettre en place un système permettant aux intervenants assignés aux marchés publics de se développer et de partager leurs meilleures pratiques.

• (17 heures) •

Dans ce contexte, l'ACQ, tout comme plusieurs autres intervenants, recommandait à la commission d'enquête une série de mesures visant à développer l'expertise et à professionnaliser les marchés publics. Pour former adéquatement les professionnels des marchés publics, assurer une compréhension et développer une expertise partagée par tous, nous recommandons notamment qu'une formation continue obligatoire soit développée pour tous les professionnels des marchés publics sur les aspects juridiques et contractuels ainsi que sur la prévention et la détection de la collusion et de la corruption, qu'un forum soit mis sur pied pour les professionnels des marchés publics afin qu'ils puissent échanger sur leurs préoccupations et leurs meilleures pratiques à adopter.

Certes, le programme est ambitieux, mais il est au coeur du deuxième élément de la recommandation 1,1 — à l'égard de laquelle nous souhaitons attirer votre attention — de confier à l'Autorité des marchés publics, en partenariat avec les donneurs d'ouvrage publics et les autres instances concernées, la responsabilité de développer, de diffuser, de coordonner les différentes formations portant sur l'octroi et la gestion des contrats publics à l'intention des donneurs d'ouvrage publics, et de voir au développement de nouvelles formations, et d'assurer leur diffusion au besoin. Cette disposition, aussi anodine puisse-t-elle paraître, pourrait faire toute la différence dans l'octroi et la gestion des contrats publics au Québec. Par le passé, les actions et interventions des différents ministères ont été jugées nettement insuffisantes. En obligeant différents ministères et organismes à travailler ensemble, le gouvernement assure une pérennité dans le développement de l'expertise au sein des donneurs d'ouvrage publics au Québec. Merci de votre attention.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Merci de votre présentation, M. Bourgoin. M. le ministre, nous allons débuter nos échanges avec vous.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup. Merci beaucoup, mesdames, messieurs, de venir à la commission pour nous faire part des enjeux autour de ce projet de loi. J'aimerais vous ramener un peu dans la discussion qu'on avait juste avant en termes du BSDQ. J'aimerais savoir quelle est votre opinion là-dessus, sur le rôle que joue cet organisme-là et est-ce que les situations qui nous ont été décrites... est-ce que c'est l'existence même de l'organisme qui est en question ou ce sont ses règles de fonctionnement qui seraient à revoir.

M. Hamel (Pierre) : M. le ministre...

Le Président (M. Bernier) : ...M. Hamel. Oui, allez-y, M. Hamel.

M. Hamel (Pierre) : Merci, M. le Président, pardon. Alors, écoutez, le Bureau des soumissions déposées du Québec divise l'industrie depuis nombre d'années. Vous avez entendu la Corporation des entrepreneurs généraux, qui ont une interprétation. Nous avons des membres entrepreneurs généraux qui ont une tout autre interprétation. Nous représentons des entrepreneurs spécialisés qui ne jurent que par le Bureau des soumissions déposées pour leur permettre de bien fonctionner dans leur région. Il y a des régions qu'il n'y a presque pas d'entrepreneurs qui l'utilisent, il y en a d'autres, comme à Québec par exemple, où l'entièreté, je pense, des spécialités sont assujetties parce qu'eux ça fonctionne mieux comme ça, bref.

Donc, il y a des particularités, et nous, depuis bon nombre d'années, bien, on collabore avec le Bureau des soumissions déposées du Québec pour son développement et son amélioration. Et toutefois, lorsqu'on a lu la recommandation de la commission, on s'est dit : Bien, enfin, c'est peut-être une solution qui serait viable pour permettre à avoir une personne qui est neutre qui vienne siéger et qui puisse se faire une tête sur la valeur de l'organisme, sur sa performance, sur ses qualités, sur ses avantages et véritablement sur le coût que ça peut réduire la construction ou l'augmenter. Alors, plutôt que de me battre aujourd'hui sur ce qui a été dit ou dire qu'il y a des inexactitudes qui ont été faites, pour le Bureau des soumissions déposées, nous en sommes une des parties prenantes, la question, ce n'est pas de savoir est-ce qu'on doit nommer quelqu'un, c'est quand est-ce qu'il va arriver et qui ce sera, c'est tout.

On est prêts à l'accueillir, le Bureau des soumissions déposées est prêt à l'accueillir et à ce qu'il puisse faire le travail qui a été proposé par la commission. Parce que l'objectif principal, M. le Président, c'est que la recommandation 1, qui a 14 recommandations à l'intérieur, soit entièrement intégrée, parce que c'est tout l'ensemble qui crée le projet et qui fait en sorte que l'Autorité des marchés publics va pouvoir vraiment exercer son rôle et va faire en sorte que l'ensemble des marchés publics du Québec vont pouvoir se distinguer, éventuellement, s'améliorer et devenir un modèle peut-être. On le souhaite.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le ministre.

M. Leitão : Très bien, merci. J'aimerais aussi vous amener dans un autre endroit si vous voulez. Je ne sais pas si vous étiez là ou pas, mais j'avais dit dans mes remarques d'ouverture que nous accueillons très favorablement l'idée d'élargir la portée du projet de loi afin d'intégrer les municipalités. Donc, nous travaillons là-dessus. Ça répond un peu à la question de notre collègue aussi. Dans ce contexte-là, comment voyez-vous la relation ou le fonctionnement de l'AMP avec un organisme comme le BIG à Montréal?

Le Président (M. Bernier) : M. Hamel.

M. Hamel (Pierre) : Merci. Alors, écoutez, on en a glissé un peu un mot, là, le BIG, pour nous, existe déjà, il est déjà en place, il fait déjà du travail, et, techniquement, on ne veut pas nécessairement que l'organisme, l'AMP, le remplace. Ce n'est pas tellement l'objectif, on ne le voit pas comme ça. Quand on regarde l'application aux municipalités puis quand on dit, au niveau municipal, là, les organismes paramunicipaux aussi, finalement, tous les marchés publics, mieux ils sont englobés, plus l'organisme va mieux fonctionner, bien, il n'y en a pas beaucoup, d'exemples comme le Bureau de l'inspecteur général, qui est applicable et qui nécessite un nombre d'individus et de personnel aussi important qu'à la ville de Montréal. Peut-être aurez-vous des demandes à ce niveau-là pour les grandes villes à charte, les quatre ou cinq villes à charte qui auraient la mise en place d'organismes. Mais l'important, c'est que ces organismes-là ne se multiplient pas au nombre de 1 200, qui est le nombre de municipalités, et qu'ils aient les mêmes pouvoirs d'intervention qu'aurait l'Autorité des marchés publics. C'est ça, l'élément, là, c'est qu'il y ait une uniformisation sur la façon d'intervenir. Qu'on doive en appeler à l'Autorité des marchés publics pour un problème dans une municipalité, c'est relativement simple. Mais là, si vraiment on en met trop, ça va devenir compliqué pour rien. Mais on est ouverts à ce que ça s'harmonise avec ce qui est existant comme tel.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Leitão : C'est ça. Un des enjeux, c'est justement d'éviter la multiplication des organismes d'intervention.

M. Hamel (Pierre) : Évidemment.

M. Leitão : O.K. Merci beaucoup. Les collègues, je ne sais pas si vous avez des questions.

Le Président (M. Bernier) : M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci, d'abord, pour votre présentation. Merci pour votre mémoire. Vous dites d'entrée de jeu que vous êtes favorables à la création de l'AMP. Comment qu'une association comme la vôtre peut faire en sorte que ça soit un succès, l'AMP, dans un certain sens? Parce que vous avez parlé des problèmes de formation continue, de forum d'échange, et tout ça, quel serait votre rôle à vous, à votre association, pour s'assurer que l'AMP fonctionne dans ce que vous souhaitez, quand vous dites que vous êtes favorables à la création de l'AMP?

Le Président (M. Bernier) : M. Hamel.

• (17 h 10) •

M. Hamel (Pierre) : Écoutez, essentiellement, quand on parle de formation, on veut s'assurer qu'il y a quelqu'un au gouvernement qui soit responsable de la formation pour ne pas que ça tombe entre deux chaises. Actuellement, il y a de la formation qui se fait, c'est autonome, mais il n'y a aucun organisme qui a le mandat spécifique dans une loi quelconque de faire de la formation en matière de marchés publics. À l'ENAP, on commence à développer un programme en affaires municipales depuis un an, mais il n'y a rien... Alors, il n'y a pas d'organisation, et tout a démontré durant la commission d'enquête que la formation constituait l'élément le plus manquant et le plus important à régler, la problématique la plus importante à régler.

Nous, actuellement, on en fait, de la formation, auprès de nos propres entrepreneurs. On fait de la formation pour obtenir la licence pour les marchés publics, pour tous ces éléments-là. Si l'Autorité des marchés publics souhaite notre participation, c'est certain que tout notre service de formation peut travailler à collaborer et à mettre ensemble les éléments qui vont faire une formation importante ou pertinente.

Mais je pense que ce qui est important, c'est que les spécialistes de la Société québécoise d'infrastructures s'assoient avec ceux du ministère des Transports et ceux des municipalités qui sont importantes et discutent avec ceux qui ont un peu moins d'expérience pour leur permettre de les aider à se développer entre eux. C'est cette formation-là dont on parle. Ce n'est pas nécessairement que nous, on intervienne, mais c'est que tous les spécialistes, là — et il y en a beaucoup dans le gouvernement — se mettent ensemble et fassent bénéficier les plus petits organismes et les plus petites municipalités de cette expertise-là pour qu'elle puisse se transférer et, en maintenant cette formation-là, pouvoir la perpétuer. Et ça, on parlait de la pérennité de l'expertise, bien, le Conseil du trésor travaille beaucoup à ce niveau-là comme tel, mais on aimerait que ça soit encore mieux organisé.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député.

M. Merlini : Merci. Donc, une formation qui ne serait pas à géométrie variable, là, d'une association à l'autre, si je puis dire ainsi. Comme vous dites, si l'ENAP commence à faire une formation au monde municipal, vous, ce que vous cherchez à faire, c'est d'avoir, dans le fond, une certaine norme ou une certaine constance dans ce qui sera offert, là, à travers l'industrie, là.

Le Président (M. Bernier) : M. Hamel.

M. Hamel (Pierre) : Essentiellement, c'est les gens qui travaillent dans les marchés publics qui le souhaitent et qui en ont fait la demande lors de la commission d'enquête. Ils ont dit : Nous, pour travailler dans les marchés publics, il faut être des professionnels. Il faut professionnaliser ceux qui travaillent pour le gouvernement, il faut démontrer... et il faut que le gouvernement prenne les moyens appropriés pour les outiller. Et ça, ça prend du temps, et on ne peut pas les former pendant trois mois, puis... Non, mais au moins se rencontrer une, deux ou trois fois par année, c'est déjà une façon de débuter cette espèce de roue qui devrait tourner seule puis qui devrait s'alimenter seule en discutant des problématiques, etc. C'est juste ça, là, rien de lourd, mais quelque chose de permanent et de pertinent.

Le Président (M. Bernier) : M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Combien de temps qu'il me reste, M. le Président?

Le Président (M. Bernier) : Ah! il vous reste du temps. On pourrait aller du côté de Pontiac par la suite, là.

M. Merlini : En avez-vous, monsieur...

M. Fortin (Pontiac) : Bien, en fait...

Le Président (M. Bernier) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin (Pontiac) : Merci, M. le Président. J'oublie toujours de m'assurer de passer par vous avant. Peut-être un complément d'information à ce que vous venez de dire à propos de la formation à mon collègue de La Prairie. Je comprends bien ce que vous nous dites. Et vous avez raison, là, au cours de la commission, il y a beaucoup de gens, d'ailleurs, des municipalités qui ont parlé de leurs besoins en termes de formation, mais vous, vous venez de me dire que vous faites de la formation auprès de vos membres. C'est quoi, les lacunes que vous voyez chez vos propres membres à propos... Que ce soit à propos des connaissances qu'ils ont besoin dans le processus d'appel d'offres ou ailleurs, mais cette formation-là que vous offrez, c'est quoi, les manquements les plus évidents que vous voyez chez vous?

Le Président (M. Bernier) : M. Hamel.

M. Hamel (Pierre) : Alors, les manquements, je vous dirais qu'essentiellement il y a 50 % des formations qu'on donne qui sont reliées à l'obtention d'une licence d'entrepreneur. Donc, on les donne à des futurs entrepreneurs. Les formations qui sont peut-être les plus importantes... Ou les manquements, on ne les a pas vus par les formations, on les a vus par le développement d'un projet qu'on appelle Vers le chantier parfait, où on essaie de voir à la gestion de chantiers. Et c'est la gestion de projet qui est peut-être l'élément qui est le plus difficile parce que tu peux faire des petits projets sans aucun problème, mais gérer un plus gros projet avec des cédules, avec des délais, avec des... Quand tu es une petite entreprise d'un, deux, trois ou quatre employés — et il y en a beaucoup dans l'industrie, c'est 80 % — bien là, c'est plus difficile d'entrer dans ce moule-là et d'exécuter les travaux selon la façon dont procèdent tous les autres intervenants, parce qu'il y en a 30, 35, je prétends, qui sont sur le chantier en même temps que toi dans un chantier d'importance. Donc, la gestion de projet, c'est un élément qui est peut-être un petit peu plus... Je dirais que c'est l'élément sur lequel, moi, personnellement... et c'est mon opinion personnelle, je travaillerais à cet égard-là.

Le Président (M. Bernier) : M. le député.

M. Fortin (Pontiac) : Merci. Et, au niveau des municipalités, je comprends... On a entendu, d'ailleurs, lors de la commission ce que les directeurs généraux des municipalités demandaient, mais, vous, de votre côté, qu'est-ce que vous voyez qui est le manquement chez les municipalités? D'ailleurs... bien, les municipalités ou les plus petits donneurs d'ouvrage, là, parce que c'est d'eux dont vous... auxquels vous faisiez référence.

Le Président (M. Bernier) : M. Hamel.

M. Hamel (Pierre) : D'abord, quand on intervient auprès d'une municipalité, on ne sait pas trop où intervenir. Quand on intervient auprès d'un organisme public qui lance un appel d'offres qui est clair, qu'il y a une erreur, on peut intervenir soit au Conseil du trésor ou on peut intervenir à l'organisme public qui a un responsable, les RAR, qu'ils appellent, là, les responsables de l'application des règles. Alors donc, c'est plus simple. Et là, s'il y a quelque chose, eux autres, ils ont la formation. Si on intervient à une municipalité, est-ce qu'on intervient auprès de l'architecte, auprès du directeur général, auprès de celui qui a émis l'addenda, auprès du directeur de projet? Et qui va me donner une réponse? Et on peut envoyer en copie de MAMOT, mais le ministère des Affaires municipales n'a aucun pouvoir pour intervenir. Alors là, la petite municipalité, ça devient dans la situation de... ah! bien, c'est mon architecte qui va décider pour moi si ce qui est écrit dans l'appel d'offres ou dans l'addenda est conforme à la loi. C'est ça, ces situations-là.

Alors, en créant une autorité des marchés publics, nous, ce qu'on souhaite depuis longtemps — depuis 1999 qu'on le demande au gouvernement — c'est l'uniformisation des lois des affaires municipales avec les organismes publics pour avoir un type de loi. Et, si chaque municipalité pouvait avoir un représentant des organismes publics... eh bien, dans chaque municipalité, ça pourrait aider beaucoup l'application. Alors donc, ça, ce serait une façon de réorganiser un peu les municipalités, de les amener à se former, de les amener à mieux connaître les marchés publics juste en étant dans ce cercle-là comme tel que l'Autorité des marchés publics pourrait créer.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Fortin (Pontiac) : Oui. Peut-être dernier point de mon côté, M. le Président, là, je veux toucher à la question des délais, à laquelle vous faites référence dans votre mémoire. Et là je vous cite : «Selon nous, un délai débutant à compter de la réception de la plainte et se limitant à cinq jours ouvrables serait suffisant.» Qu'est-ce que vous essayez de dire, là, en disant que cinq jours, c'est suffisant? Est-ce que vous tentez de nous dire qu'il ne faut absolument pas retarder le processus complet dans ces choses-là?

Le Président (M. Bernier) : ...il ne reste plus de temps. Rapidement, je vous laisse...

M. Hamel (Pierre) : Tout simplement pour dire qu'essentiellement les délais, de la manière qu'ils sont conçus, il y a beaucoup d'événements qui pourraient se débloquer à la toute fin d'un appel d'offres dont le délai est 10 jours ou 14 jours. Si c'est 21 jours ou 30 jours, bien là il y a encore beaucoup de temps pour le donneur d'ouvrage, mais, un petit peu encore à la fin, là, dans les trois jours avant la fin, bien là on peut aller devant l'Autorité des marchés publics. Ce qu'on voudrait, c'est juste déplacer l'intervention. Si la plainte arrive tôt, bien, on pourra corriger l'événement plus tôt, puis tout le monde va pouvoir en bénéficier pour la suite. C'est tout simplement ça qu'on veut faire.

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. Hamel. Nous allons passer du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, la parole est à vous.

Mme Léger : Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, madame. Bonjour, messieurs. Vous avez parlé tout à l'heure... Dans le fond, bon, je veux revenir sur les donneurs d'ouvrage. C'était très senti, la manière que vous l'avez exprimé, on sentait qu'il y a beaucoup d'expérience que vous vouliez soulever, dans le fond, les failles ou la vulnérabilité, comme vous disiez au tout début, que la commission Charbonneau avait quand même soulevées.

Tout à l'heure, on a parlé avec la CEGQ des donneurs d'ouvrage, mais particulièrement parce qu'il y a un lien public, il y a un lien, dans le fond, avec l'appareil public, le lien de contrats publics avec les municipalités, d'une part. Est-ce que vous êtes en accord avec ça, les municipalités, mais aussi plus large que les municipalités?

Le Président (M. Bernier) : M. Bourgoin.

M. Bourgoin (Luc) : ...tout à fait. Ou si ça peut aller plus loin que les municipalités? C'est votre question? Tout à fait, oui. En tout cas, commençons d'abord par les municipalités. Pour nous, c'était la demande qui était à la base de notre mémoire parce que, pour nous, c'est clair qu'une grande majorité des municipalités n'ont pas la capacité de se doter des structures nécessaires pour faire de la surveillance, la gestion des plaintes, intervenir de façon adéquate pour apporter des correctifs. Donc, oui, ça partait des municipalités, compte tenu aussi du fait que, pour les municipalités, on parle de, je dirais, un marché d'investissement qui est de plus de 2,9 milliards. Et ça, ce sont des dépenses en immobilisations pour la construction. Et j'exclus, tout ça, les travaux d'égout et d'aqueduc, donc ce sont principalement des travaux de bâtiments. Alors, il y a des investissements importants sur une base annuelle. Le fait que ça soit uniformisé, que ça soit simplifié et que les recours soient, disons, centraux, à travers le même organisme, ça apporte certainement un avantage pour le marché, puis pour la compréhension, puis rendre l'approche un petit peu moins complexe pour les fournisseurs.

• (17 h 20) •

Le Président (M. Bernier) : Merci.

Mme Léger : Mais est-ce que le critère que... Les autres intervenants avant vous ont dit : C'est vraiment le lien public, là... les deniers publics. Est-ce que, pour vous, ce serait le critère aussi?

Le Président (M. Bernier) : M. Bourgoin.

M. Bourgoin (Luc) : Oui. Moi, je pense que ça pourrait être le critère, ça pourrait être élargi à toute forme... Le fait qu'il y ait un lien public pourrait certainement constituer — comment dire? — un critère, un repère pour couvrir le champ d'assujettissement, si on veut, à l'Autorité des marchés publics. Si ça peut simplifier et harmoniser, puis rendre la vie plus facile, puis donner un meilleur accès aux marchés publics pour les entrepreneurs de l'industrie de la construction, on est tout à fait favorables.

Mme Léger : Vous avez parlé tout à l'heure aussi de la recommandation de la commission Charbonneau, la recommandation 1.1, d'accorder à l'AMP le pouvoir de contrainte envers les donneurs d'ouvrage analogue à celui dont dispose le président du Conseil du trésor en vertu... Bon, vous l'avez glissé tout à l'heure, est-ce que c'est l'article 22 qui correspondrait à ce que vous... vous considérez que ça serait pour vous une réponse dans le projet de loi n° 108?

Le Président (M. Bernier) : M. Hamel, j'imagine

M. Hamel (Pierre) : Oui. Alors, écoutez, si vous permettez, M. le Président, il y a plusieurs articles, là. Ce que je comprends, il y a des articles qui sont très similaires, là. Il y a 21, 22 qui fait référence... 21 est proche, à 27.1 et 27.2, de la Loi sur les contrats des organismes publics. L'article 27.3 est similaire à l'article 22 du projet de loi. Il y a effectivement toute cette séquence-là d'articles. L'article 25 est peut-être... c'est l'article 27.2 de la Loi sur les contrats des organismes publics. Donc, on voit beaucoup, beaucoup, beaucoup l'influence de la Loi sur les contrats des organismes publics dans la création de la loi sur l'Autorité des marchés publics. Et en plus, souvent, il y a double emploi. Notamment, l'Autorité des marchés publics peut recommander au Conseil du trésor et... il peut recommander au Conseil du trésor de recommander, alors, à l'article 50 notamment, là... Nous, ce qu'on voyait, c'est que, si c'est juste pour les organismes publics à l'extérieur des municipalités, ne faites pas ça, donnez ça au Conseil du trésor directement, c'est à peu près les mêmes pouvoirs. Mais l'important, là, ces dispositions-là prennent toutes leur sens si on y ajoute les municipalités puis les organismes paramunicipaux. Pour compléter la réponse à...

Mme Léger : Ma question plus précise : Est-ce que ces articles-là... le 22, entre autres, est-ce qu'il répond, pour vous, à la recommandation de la commission Charbonneau? C'est suffisant?

Le Président (M. Bernier) : M. Hamel.

M. Hamel (Pierre) : Ah! suffisant, écoutez, lorsqu'on peut arrêter un appel d'offres, lorsqu'on peut le changer, lorsqu'on peut accompagner un organisme, on peut l'interdire de faire des appels d'offres, je pense qu'on a pas mal de pouvoirs d'intervention suffisants. Mais, nous, ce qui est encore le plus important dans tous ces pouvoirs-là, c'est de pouvoir intervenir rapidement C'est en amont que les problèmes débutent. Alors, si l'autorité peut intervenir dans les cinq jours, les sept jours, ça, c'est ça qui est le plus important pour les entrepreneurs. Et c'est au niveau municipal aussi parce que, lorsqu'on ne peut pas intervenir, bien là on a un problème. Est-ce qu'on poursuit? Est-ce qu'on a le droit... on aurait eu le droit d'avoir le contrat? Est-ce que le contrat a été octroyé illégalement? Est-ce que... J'ai investi des dizaines de milliers de dollars pour peut-être avoir droit, dans deux ans, dans trois ans... alors que, si l'autorité dit : C'est illégal, ça doit fonctionner comme ça, là on vient de sauver tellement de problèmes juridiques et on vient de sauver des problèmes juridiques aux municipalités et aux entrepreneurs comme tels.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée.

Mme Léger : Si j'avais plus de temps, on irait un peu dans cet élément-là, là, cette voie-là. Je veux revenir à l'article 117 du projet de loi, dans le fond, qui indique que le ministre, dans des circonstances exceptionnelles, peut permettre, dans le fond, à un donneur d'ouvrage de conclure un contrat avec un entrepreneur ou de maintenir en vie un contrat, même si le contrat, ou le donneur d'ouvrage, ou l'entreprise est visé par une ordonnance de l'Autorité des marchés publics. Donc, vous, vous parlez depuis tout à l'heure, vous parlez particulièrement d'envoyer un message puissant à la société québécoise. Puis vous êtes favorable au projet de loi, mais vous insistez vraiment sur la puissance de ce message-là. Est-ce que, pour vous, si on devait accorder, dans le fond, ce pouvoir discrétionnaire là au ministre, ça ne contourne pas nécessairement une l'ordonnance de l'Autorité des marchés publics?

Le Président (M. Bernier) : M. Hamel.

Une voix : ...

Le Président (M. Bernier) : M. Bourgoin... M. Hamel.

M. Hamel (Pierre) : Écoutez, en toute circonstance, je dirais qu'essentiellement il faudrait en faire un usage très, très... et je pense que le ministre en ferait un usage très restreint parce qu'il irait à l'encontre de toute l'économie de l'Autorité des marchés publics elle-même. Donc, il se met dans une position politique difficile. Est-ce qu'il y a des raisons pour lesquelles on devrait maintenir ça? Là, je n'ai pas réfléchi à cette question-là, sincèrement, là, avant de venir ici, mais, essentiellement, le moins possible d'interventions politiques. Tout ce que je peux dire, c'est que le moins d'interventions politiques. C'est ce que souhaitaient les commissaires. Et dépolitiser l'Autorité des marchés publics, c'est ce que demandaient les commissaires, et il faudrait aller dans ce sens-là.

Le Président (M. Bernier) : O.K. Il vous reste une minute.

Mme Léger : Sauf que l'article 77, c'est : «Le Conseil du trésor peut, lors de circonstances exceptionnelles, permettre à un organisme public de conclure de gré à gré un contrat ou de poursuivre un appel [...] lorsque ce contrat ou cet appel d'offres est visé par une ordonnance de l'Autorité [...] s'il est dans l'intérêt public que ce contrat soit conclu ou que cet appel d'offres se poursuive malgré la décision de l'Autorité...»

Donc, le Conseil du trésor peut assortir cette permission de conditions. Si l'Autorité des marchés publics, son principal objectif est de s'assurer du bien de l'intérêt public, est-ce que de donner ce pouvoir-là discrétionnaire au ministre ne vient pas vraiment donner un autre type de message?

Le Président (M. Bernier) : M. Hamel.

M. Hamel (Pierre) : Encore une fois, c'est l'usage. Comme je disais, c'était l'usage parce qu'il peut y avoir des situations où le contrat est octroyé, il est débuté, et l'arrêter pourrait avoir des conséquences néfastes, là. Il faut vraiment qu'il y ait la possibilité quelque part, pour que le système fonctionne, que les exceptions exceptionnelles ou extraordinaires puissent être traitées. Ça, je pense que c'est comme le tambour, là, qui reçoit, là, qui donne un petit peu, là, chaque... La législation, de façon générale, ce n'est pas des clauses qui sont spécifiques ou uniques à ce type de... et on en voit un peu partout, puis même je pense que le projet de loi 1 prévoyait ça, où il y a différentes conditions.

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. Hamel. Nous allons passer du côté de la deuxième opposition. M. le député de La Peltrie.

M. Caire : Merci, M. le Président. Bien, écoutez, sur la portée du projet de loi, je pense que vous avez bien répondu tout à l'heure, là, à vos attentes et j'avoue que je vais à peu près dans le même sens. Mais j'aimerais revenir sur une proposition que vous faites au niveau de la formation puis je veux juste être sûr que j'ai bien compris, vous ne suggérez pas que l'AMP puisse être responsable de la formation?

Le Président (M. Bernier) : M. Hamel.

M. Hamel (Pierre) : Essentiellement, ce que proposent les commissaires, c'est qu'elles puissent, à tout le moins, coordonner la formation. Est-ce que ça doit être l'AMP? C'est une bonne question, je ne le sais pas. L'AMP qu'on a aujourd'hui ne semble déjà plus, elle, celle qui va être demain à cause des municipalités puis d'un tas d'éléments. Il faut toutefois, je pense, que, collectivement, le Conseil du trésor, le ministère des Affaires municipales, le ministère des Transports aient une obligation quelque part de travailler ensemble pour maintenir la formation nécessaire pour les marchés publics, et peut-être en collaboration avec l'AMP. Ça, c'est ça qui est la recommandation des commissaires, c'est-à-dire de responsabiliser les gens, mais pas nécessairement de créer des formateurs, de faire des formations, de... Ça, il y a des spécialistes pour ça, il y a peut-être d'autres organismes qui sont susceptibles de le faire, mais il faut s'assurer que ça soit fait.

• (17 h 30) •

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Caire : Je vous suis parfaitement sur le fait qu'on devrait bien former les gens qui sont susceptibles éventuellement d'être des donneurs d'ouvrage, d'être impliqués dans un processus d'appel d'offres, mais je me fais la réflexion suivante : Comment on peut demander à l'AMP d'être impliquée d'une quelconque façon dans la formation pour, ensuite, peut-être avoir à vérifier des gens qui auront été formés avec leur collaboration, pour leur dire : Woups! vous n'avez pas bien fait votre job? Vous ne pensez pas que l'indépendance de l'AMP nécessite qu'elle se retire de cette portion-là?

Mais, ceci étant dit, je vous suis, là, sur le fait qu'il y ait une formation qui se donne, qu'on s'assure que les gens qui sont responsables des applications de la loi, des processus d'appel d'offres soient bien formés, je vous suis à 100 milles à l'heure, mais — puis je veux vous entendre là-dessus — il m'apparaît que l'indépendance de l'AMP dans son rôle de surveillance nécessite, justement, qu'il y ait une espèce de pont... c'est-à-dire pas de pont, mais de distance. Ça doit être difficile, comme je vous le dis, là, de dire : Bon, bien, je vais aller vérifier quelqu'un que j'ai contribué à former qui n'a pas bien fait sont travail, puis il me semble qu'on met l'AMP dans une situation difficile.

Le Président (M. Bernier) : M. Hamel.

M. Hamel (Pierre) : Là-dessus, vous avez raison. Présenté comme ça, si l'intervention de l'AMP est trop importante, c'est sûr qu'il y a une espèce d'apparence de conflit d'intérêts. Et, puisqu'on veut vraiment lui donner un visage de vérificateur général, c'est sûr que ce n'est pas sa responsabilité. Mais un fait demeure, c'est que c'est un aspect important des recommandations. Et les commissaires l'ont mis avec l'AMP, puis je ne veux tout simplement pas qu'on perde le ballon en créant une AMP et en disant : La formation, on s'en occupe, on n'a pas besoin de faire ça. Oui, il y en a qui s'en occupent maintenant, mais, dans trois ans puis dans cinq ans, qui qui va s'en occuper bénévolement ou volontairement lorsque l'AMP aura été créée? Alors, en l'incluant quelque part dans la loi qu'il y a des responsables pour ça, que ce n'est pas nécessairement l'AMP, on pourrait, tout simplement, matérialiser ça ou enchâsser l'importance de cette formation-là, qui est un enseignement de la commission.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député.

M. Caire : Bien, j'entends votre préoccupation puis j'ose croire que le président du Conseil du trésor l'entend aussi. Ceci étant dit, vous allez être d'accord avec moi qu'on est en train d'étudier le projet de loi qui va créer l'AMP. Et, pour les raisons que je viens d'invoquer, que je pense qu'on semble partager le même point de vue, il m'apparaîtrait délicat qu'on se serve de ce projet de loi là pour atteindre un objectif tout à fait louable, là, on s'entend, mais qui devrait faire l'objet d'un autre débat vers une autre autorité, peut-être le Conseil du trésor. Je pense qu'effectivement ça pourrait être une entité qui serait chargée de faire ça, mais, pour l'intégrité du processus de création de l'AMP, est-ce qu'on est d'accord pour dire que le volet formation ne devrait pas être abordé dans la constitution de cette organisation-là, qui aura plutôt pour rôle de surveiller ceux qui auront été formés éventuellement, on l'espère, que de les former eux-mêmes?

Le Président (M. Bernier) : M. Hamel.

M. Hamel (Pierre) : Personnellement, moi, je dirais qu'on a une opportunité, là. On modifie la Loi sur le bâtiment, on modifie des dispositions à la Loi sur les contrats des organismes publics qui ne sont pas intimement reliées à la création même de l'AMP dans le projet de loi actuel, et je pense que, compte tenu du fait que c'est la mise en place de la recommandation 1 et qu'elle fait partie de la section 1.1, il faudrait trouver peut-être une façon. C'est un peu ça, sans la mettre à l'AMP comme telle, mais dire : Écoutez, c'est un élément important. Vous êtes les parlementaires, vous. Je ne suis pas légiste, là, mais je suis certain qu'il y a une petite place qui pourrait être trouvée pour ça.

Et ce que disait M. Bourgoin au début, ça a l'air anodin, ça, mais c'est ça qui va créer cette espèce d'entraînement là qui va faire en sorte que ça va devenir un élément qui va vraiment changer les marchés publics.

Le Président (M. Bernier) : Merci. C'est beau? Merci, Mme Bertrand, M. Bourgoin, M. Hamel, Mme Devoyault, de votre participation à la Commission des finances publiques.

Je vais suspendre nos travaux jusqu'à 19 h 30, où nous aurons l'occasion de recevoir des représentants de la société canadienne en technologies médicales. Je suspends.

(Suspension de la séance à 17 h 35)

(Reprise à 19 h 31)

Le Président (M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 108, Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l'Autorité des marchés publics. Alors, bonsoir à tous. Bienvenue à la Commission des finances publiques. Chers collègues, recherchistes et les gens du Secrétariat du Conseil du trésor, merci d'être là.

Je veux saluer nos invités qui sont parmi nous ce soir. Donc, la société canadienne en technologies médicales, merci d'être là, messieurs. Nous avons le plaisir de recevoir M. Benoît Larose, M. Bernard Dionne et M. Shane Russell. Bienvenue. Vous avez 10 minutes pour votre présentation. Tout simplement en vous identifiant pour fins d'enregistrement. Par la suite, je vais vous nommer au fur et à mesure que je vous donne la parole. La parole est à vous.

Les Sociétés canadiennes de technologies médicales (Medec)

M. Larose (Benoît) : Merci, M. le Président. Bonsoir à tous. Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, donc, je suis Benoît Larose, vice-président de Medec pour le Québec. Je suis accompagné ce soir de M. Bernard Dionne, président du comité Québec de Medec et de M. Shane Russell, qui est représentant du président du C.A. de notre association.

Merci de nous accueillir ici dans le cadre de l'étude d'un projet de loi aussi significatif pour le fonctionnement de notre gouvernement. Nous espérons que notre témoignage aujourd'hui pourra contribuer à vous faire faire un pas de plus dans la bonne direction.

Medec est donc l'association de l'industrie canadienne des technologies médicales. Ici, devant vous, nous représentons quelque 150 entreprises actives au Canada. Au Québec, le marché des technologies médicales représente environ 1,5 milliard de dollars par an et regroupe plus de 6 200 emplois, et à majorité des PME.

À nos yeux, le projet de loi n° 108 sur la surveillance des contrats des organismes publics doit absolument être étudié en ayant à l'esprit son impact potentiel sur les mécanismes d'approvisionnement en technologies médicales de nos hôpitaux. En effet, ce projet de loi est bien plus qu'une réponse aux problèmes vécus dans le domaine de la construction, c'est une grande opportunité d'améliorer les politiques d'approvisionnement du gouvernement dans tous les domaines, et en particulier en santé.

Tout d'abord, nous voyons d'un très bon oeil la création en soi de l'Autorité des marchés publics. La présence d'un acteur neutre, au-dessus de la mêlée, permettra certainement d'améliorer la rigueur des processus d'achat et de leur impartialité. En ce sens, nous soulignons positivement la possibilité, pour tout fournisseur, de pouvoir porter plainte relativement à un processus d'achat auprès de l'autorité. Ce point est majeur pour l'industrie.

Cela étant dit, les dispositions proposées en la matière ne sont pas parfaites, de nombreuses améliorations pourraient y être apportées. Il nous semble, en effet, nécessaire d'étendre les délais applicables pour présenter une plainte à l'autorité en vertu des articles 33 et 34 du projet de loi pour les porter de trois à 10 jours. Évidemment, pour que ces dispositions aient l'effet escompté, faudrait-il que les entreprises puissent exercer leur recours. Un délai de trois jours nous semble beaucoup trop restreint, un délai de 10 jours ne nous semble pas excessivement long.

Par ailleurs, l'article 83 du projet de loi signale qu'une partie intéressée ne peut porter plainte que sur les documents d'appel d'offres. Or, un processus d'achat peut souffrir de lacunes sur bien plus que les documents publiés. Pour que cet article ait l'effet espéré, nous recommandons de retirer cette référence aux documents afin d'élargir la capacité d'une partie intéressée à porter plainte sur un appel d'offres dans son ensemble, tout le processus.

Ultimement, pour qu'un chien de garde puisse faire son travail, il doit avoir des dents, en tout cas quelques-unes. C'est pourquoi nous accueillons favorablement la capacité de l'autorité à annuler ou à modifier un processus d'achat dans le cas où le traitement des concurrents ne semble pas intègre et pleinement équitable. Par ailleurs, obliger dorénavant l'émission d'un avis d'intention avant de conclure un contrat de gré à gré nous semble une amélioration notable à la législation.

En considérant tous ces aspects, nous pouvons dire que le projet de loi n° 108 est un pas dans la bonne direction. Toutefois, comme nous vous le disions d'entrée de jeu, le gouvernement pourrait aller beaucoup plus loin pour réellement améliorer les processus d'approvisionnement en santé. Avant tout, nous croyons qu'il faut abandonner le dogme du prix plus bas conforme et favoriser des processus d'achat fondés sur la valeur qu'une technologie peut offrir. Le projet de loi devrait donc permettre plus de flexibilité aux donneurs d'ouvrage pour qu'ils puissent mieux considérer la qualité et l'efficience dans leurs processus d'achat.

L'approche des achats fondée sur la valeur est reconnue de plus en plus de par le monde et adoptée par de plus en plus d'intervenants en santé, y compris dans les marchés publics. Elle permet de meilleurs résultats de santé à meilleur coût. Au final, une telle approche favorise la saine gestion des fonds publics, ce qui est la trame de fond de l'intention législative concrétisée par le projet de loi n° 108, après tout.

De façon conséquente avec ces recommandations, nous vous recommandons également d'intégrer les notions de performance et de qualité dans la mission de l'AMP. Ça nous semble une condition nécessaire à l'amélioration et à la maximisation de l'efficience avec laquelle les fonds publics sont utilisés.

Enfin, de façon à s'assurer que l'impact positif de la création de l'autorité se concrétise dans le secteur de la santé, nous recommandons la création d'une vice-présidence santé au sein de l'organisation. L'ampleur et la nature complexe des dossiers d'approvisionnement en santé le justifient amplement, nous semble-t-il.

Comme nous vous le disions, le projet de loi n° 108 est donc un pas dans la bonne direction, mais nous espérons que ces remarques vont contribuer à vous faire avancer plus loin. Ceci étant dit, nous souhaitons également profiter de notre présence à cette table afin de souligner trois autres éléments très importants qui ont été négligés, selon nous, dans les discussions qui entourent le projet de loi.

Une des particularités de notre secteur est la présence de trois groupes d'approvisionnement en commun. Mettons les choses au clair, nous reconnaissons qu'il est pertinent, dans certaines situations précises, de bénéficier d'économies de volume sur des technologies dont l'usage est déjà très répandu, ce que nous, on appelle les commodités. Par contre, en plus de ne pas devoir rendre des comptes de la même manière qu'un autre organisme public, la méthode par laquelle les groupes d'approvisionnement calculent les économies qu'ils prétendent générer demeure floue — on parle d'économies potentielles — et, à notre sens, manque de transparence. Nous croyons qu'une réforme de leur gouvernance et de leur imputabilité nous semble essentielle. Il nous apparaît donc important que les groupes d'approvisionnement en commun en santé soient surveillés au même titre que les autres organismes publics, et évalués par la future Autorité des marchés publics, et que le projet de loi soit précisé en conséquence.

Nous aimerions également attirer votre attention sur l'article 126 du projet de loi. Cet article prévoit des infractions pénales — en fait, vient modifier la Loi sur les contrats — en cas de communication non autorisée avec les membres d'un comité de sélection. Nous reconnaissons le bien-fondé de périodes dites de black-out, d'interdiction de communication lorsqu'un processus d'achat est entrepris. C'est une pratique qui est courante dans l'industrie partout dans le monde. Nous croyons toutefois que l'article 126, tel que rédigé, devrait être précisé afin de permettre les communications lorsqu'elles sont extérieures au processus d'achat. Nous avons détaillé, d'ailleurs, dans notre mémoire les situations qui nous semblent pertinentes à cet égard-là.

Enfin, nous souhaitons attirer l'attention du législateur sur la pratique nocive des ristournes imposées aux fournisseurs par les établissements et les groupes d'approvisionnement en commun. En résumé, lorsqu'un fournisseur remporte un contrat dans notre domaine, l'établissement et le groupe d'approvisionnement peuvent exiger un retour monétaire pouvant atteindre 10 %, 13 % de la valeur d'un contrat. Cette taxe à la fourniture est ensuite utilisée à la guise du client sans nécessairement toute la transparence requise, à notre avis. Nous estimons que la valeur annuelle de cette pratique s'élève à plus de 10 millions de dollars de surcharge potentielle. Évidemment, à l'usage, de nombreux fournisseurs en sont venus à prévoir le coût dans leurs prix soumissionnés parce que, dans le fond, on leur demande de soumissionner taxes incluses, ce qui en fait un jeu à somme nulle, à notre avis.

Ce petit jeu qui coûte cher est cependant contraire aux bonnes pratiques en matière d'approvisionnement autant sur le plan international, où ces pratiques-là ne sont pas tolérées, qu'auprès de notre propre conseil québécois du trésor qui s'est déjà penché sur les contributions obligatoires pour obtenir des contrats. Et, en plus, ça contrevient au code d'éthique de Medec, notre association, donc l'industrie canadienne. Nous recommandons donc au gouvernement d'interdire cette pratique directement dans le projet de loi.

• (19 h 40) •

Pour revenir à l'essentiel de nos propos, nous appuyons le principe du projet de loi n° 108, et en particulier considérant l'importance des approvisionnements en santé au Québec. Afin d'assurer un contrôle efficace des processus d'achat au Québec, nous invitons le gouvernement et les partis d'opposition à encore plus d'ambition par de nombreuses améliorations à ce projet de loi. Il faut aller plus loin. C'est non seulement l'intégrité de nos processus d'achat qui en dépend, mais également la qualité et la pérennité des soins de santé qui sont offerts à la population.

En terminant, je vais vous présenter les principales recommandations qui sont incluses dans notre mémoire : adopter les principales dispositions du projet de loi concernant le traitement des plaintes des soumissionnaires et les mettre en vigueur dès le 1er avril 2017; adopter les dispositions du projet de loi qui permettent de faire modifier ou d'annuler un processus d'achat; adopter les dispositions du projet de loi de manière à ce qu'un organisme public doive émettre un avis d'intention obligatoire pour conclure un contrat de gré à gré; introduire les notions de performance, de qualité et d'efficience dans la mission de surveillance de l'autorité; créer une vice-présidence santé au sein de l'autorité pour qu'elle ait l'expertise nécessaire pour agir avec efficacité; porter à 10 jours les délais applicables pour présenter une plainte à l'autorité; prévoir des balises afin d'éviter de léser les adjudicataires qui sont non visés par une plainte — ça, c'est les articles 51 et 58; élargir la capacité d'une partie intéressée à porter plainte sur un appel d'offres dans son ensemble, et pas que sur les documents qui sont publiés; revoir la gouvernance des groupes d'approvisionnement en commun et les soumettre à un effort de reddition de comptes et de contrôle beaucoup plus rigoureux, notamment en les assujettissant pleinement à l'autorité; ajuster les dispositions de l'article 26 du projet de loi en s'inspirant des clauses dites black-out qu'on voit dans les marchés publics ailleurs dans le monde, qui existent dans d'autres juridictions, afin de mieux l'adapter au secteur médical; et, enfin, mettre fin à la pratique des ristournes obligatoires dans le réseau de la santé. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. Larose. Nous aurons l'occasion d'échanger sur vos recommandations avec les membres de la commission. Nous allons débuter avec M. le ministre. La parole est à vous.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Bonsoir, messieurs. Merci d'être là. Peut-être d'abord nous parler un petit peu de votre association. Donc, technologies médicales, on parle de quoi au juste? Est-ce qu'on parle de l'équipement ou est-ce qu'on parle d'informatique, de logiciels?

Le Président (M. Bernier) : M. Larose.

M. Larose (Benoît) : On parle, effectivement, d'une gamme assez large, mais oui, équipements, dispositifs, fournitures, effectivement, des TI santé qui sont incluses parmi notre membership. Donc, en fait, tout ce qui n'est pas pharmaceutique ou biotechnologique.

M. Leitão : Et vos membres sont des PME, des grandes entreprises multinationales?

M. Larose (Benoît) : Oui, c'est effectivement beaucoup de PME — au Canada, il y en a 1 000 environ dans le marché — et aussi des filiales de multinationales dont certaines sont établies au Québec depuis longtemps.

M. Leitão : Très bien. Vous avez mentionné tantôt que vous suggérez la création d'un poste de vice-président santé à l'intérieur de l'AMP. Vous avez aussi mentionné que vous souhaiteriez donc, ce que vous appelez le dogme du prix le plus bas, donc, un peu plus de flexibilité. Pouvez-vous nous expliquer un peu plus ça, donc comment est-ce qu'on pourrait être plus flexible sans nécessairement tomber dans l'autre extrême où on devient arbitraire?

Le Président (M. Bernier) : M. Larose.

M. Larose (Benoît) : Bien, d'une part, il n'y a aucun doute que nous voulons que les contribuables québécois paient le juste prix pour les technologies médicales. Mais, si on se limite à chercher les technologies, en fait, au prix le plus bas sans nécessairement tenir compte de la valeur qu'elles offrent au système de santé puis aux patients, donc la valeur, on se retrouve avec des technologies qui, finalement, nous coûtent plus cher que si on avait fait des meilleurs choix. Donc, la Loi sur les contrats permet, par exemple, un 30 % en facteur qualité, on le voit très peu dans notre domaine. On a des exemples de dossiers de haute technologie où le facteur qualité est à zéro.

M. Leitão : Donc, vous souhaiteriez qu'à l'intérieur de l'AMP il y ait quelqu'un, vice-président ou quoi, mais qui aurait une expertise en contrats de santé parce que c'est vrai qu'on parle beaucoup de routes, et de ponts, et trucs comme ça en termes de contrats publics, mais la santé, c'est tout un autre domaine.

M. Larose (Benoît) : Oui. Puis, en fait, c'est une problématique qu'on vit déjà avec la Loi sur les contrats, qui s'adresse à l'ensemble des affaires de l'État. Nous, on trouve un peu particulier qu'on ait, par exemple, des règlements qui visent les enrobés bitumineux, mais qu'il n'y a rien qui est spécifique à la santé dans la loi. Alors, c'est tellement une fonction importante, les approvisionnements en santé, c'est quand même... le réseau, je crois que c'est 5 milliards, je pense que ça vaut la peine qu'on s'y attarde un peu plus puis qu'on ait une meilleure compréhension de comment ça fonctionne pour prendre les meilleures décisions possible. En ce moment, le secteur de la santé est traité comme tous les autres secteurs.

Le Président (M. Bernier) : M. le ministre.

M. Leitão : Très bien. Aussi, vous avez des membres de votre association qui font des affaires ailleurs au Canada, comment ça se passe ailleurs? Est-ce qu'il y a des organismes semblables? Le processus d'appel d'offres en Ontario ou en Colombie-Britannique, comment ça se...

M. Larose (Benoît) : Le marché canadien est un marché d'appels d'offres, donc des marchés publics. Chaque province a son système de gestion des marchés publics en santé. Le Québec se démarque par un recours presque systématique du prix le plus bas conforme, et ça, je pense que c'est le pire... En fait, parmi notre membership, le Québec est considéré le marché le plus difficile à cause de cette caractéristique.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le ministre.

M. Leitão : Peut-être une dernière question avant de laisser la parole à mes collègues. Vous avez soulevé la question des ristournes. Dans votre domaine, comment ça se fait? Bon, quand on parle de ristournes, surtout ces jours-ci, on parle beaucoup de médicaments, mais, dans votre domaine, comment ça se passe?

Le Président (M. Bernier) : M. Larose.

M. Larose (Benoît) : Bien, c'est qu'on a commencé en 2013 à exiger ce qu'on appelle une contribution au partenariat obligatoire où les adjudicateurs de contrat sont obligés de reverser à l'établissement un pourcentage, là, qui peut aller jusqu'à 12 %, dans ce cas-ci, des ventes, donc, et c'est une ristourne obligatoire qui s'applique dès le premier dollar de vente. Donc, ce n'est pas un rabais volume comme tel, là, c'est vraiment comme une taxe, en fait. Et ça, c'est aussi unique au Canada. Des systèmes où des rabais volume, par exemple, existent, ne sont jamais obligatoires, ça va à l'encontre des pratiques et du code d'éthique de l'association, et nous, on déplore qu'on impose cette méthode de financement, en fait, à l'industrie alors qu'à notre sens ça ne fonctionne pas.

Le Président (M. Bernier) : Ça existe seulement qu'au Québec?

M. Larose (Benoît) : Oui. Les ristournes obligatoires n'existent qu'au Québec, oui.

Le Président (M. Bernier) : O.K. M. le ministre.

M. Leitão : Et ça, ça vient des organismes, des institutions, du réseau de santé?

M. Larose (Benoît) : En fait, il y a deux ristournes obligatoires. Il y en a une de 1 % qui est exigée par certains groupes d'approvisionnement en commun pour assumer une partie de leur financement. Et, plus récemment, depuis 2013, dans certains dossiers d'approvisionnement en commun, on a permis l'imposition de ristournes qui vont jusqu'à 12 % pour tous les produits vendus, et ça s'est fait par voie de dérogation, là, au Conseil du trésor. C'est ce qu'on a compris.

M. Leitão : Très bien.

Le Président (M. Bernier) : ...M. le ministre.

M. Leitão : Merci. Est-ce que, les collègues, vous avez des questions?

Le Président (M. Bernier) : M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Bonsoir, messieurs. Merci de votre présence ce soir à cette commission. Vous avez mentionné dans votre présentation que vous souhaitiez que le projet de loi n° 108 aille beaucoup plus loin en santé. Pouvez-vous aller un petit peu plus loin dans votre propos, s'il vous plaît?

Le Président (M. Bernier) : M. Larose.

M. Larose (Benoît) : Nous, on a été un peu déçus, en fait, avec le projet de loi... En fait, on a été très satisfaits de voir que des recours aux fournisseurs allaient être proposés, comme le Passeport Entreprises l'avait promis. Ça, c'était très satisfaisant. Mais, quand on a compris que la qualité des processus d'approvisionnement ou de la gestion contractuelle, en fait, n'allait pas être surveillée, n'allait pas être sous la responsabilité de l'autorité, on s'est demandé si on ne manquait pas l'occasion d'améliorer vraiment la situation puis de permettre aux contribuables d'en avoir plus pour leur argent, finalement. Nous, on pense qu'on a besoin de regarder les approvisionnements en santé différemment et on espère que l'autorité avec la... si sa mission était plus large, on pense que ça pourrait rapporter des bénéfices.

Le Président (M. Bernier) : M. le député.

M. Merlini : Merci, M. le Président. D'où votre suggestion d'avoir une vice-présidence santé au sein de l'AMP.

• (19 h 50) •

M. Larose (Benoît) : Absolument.

M. Merlini : Un autre concept que vous avez parlé, c'est la valeur dans les achats. Bon, on fait toujours le processus en fonction du plus bas soumissionnaire. On entendait, plus tôt cet après-midi, des groupes nous parler du bureau de...

Une voix : Des soumissions déposées

M. Merlini : Merci. Le BSDQ, comme on dit dans notre langage à nous. Comment voyez-vous ça? Comment incorporer cette notion-là de valeur dans votre domaine, en santé? Et comment qu'on arriverait à l'incorporer dans le projet de loi n° 108?

Le Président (M. Bernier) : M. Larose.

M. Larose (Benoît) : Pour tenir compte de la valeur dans les approvisionnements en santé, il faut aller plus loin que le prix payé. Peut-être, M. Russell peut commenter. Un exemple.

Le Président (M. Bernier) : M. Russell, la parole est à vous.

M. Larose (Benoît) : Un exemple de technologie.

M. Russell (Shane) : Peut-être des exemples concrets, là. On parle du monitoring à domicile des patients souffrant de maladies chroniques comme la MPOC ou l'insuffisance cardiaque. Un autre exemple qu'on pourrait donner aussi, c'est les enveloppes antibactériennes, qui, en fait, peuvent réduire significativement les infections lors d'implantations, par exemple, cardiaques, tout type de chirurgie. Donc, c'est des solutions qui, concrètement, pourraient avoir un coût à l'acquisition plus élevé, donc une dépense supplémentaire, mais qu'on pense que les bénéfices... Si on regarde la réduction des réhospitalisations, visites à l'urgence, le temps d'intervention plus court, tous ces éléments-là qui ne sont pas présentement considérés, si on les considérait, on pense que la formule finale serait différente.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député.

M. Merlini : Merci. Donc, si je comprends bien, quand vous parlez de valeur, vous parlez quasiment comme d'une retombée de l'investissement qui est fait dans l'achat. La retombée est le fait que, bien, il n'y a pas de réhospitalisations, il y a une meilleure qualité de vie. Ainsi continue la roue.

Sur un autre point, vous avez parlé aussi de critères de performance, de qualité et d'efficience à l'AMP, que vous dites qui est manquante dans le projet de loi. Pourquoi? Comment, encore une fois, voyez-vous ça à être incorporé dedans? Et comment vous, vous le vivez dans votre domaine?

Le Président (M. Bernier) : M. Larose.

M. Larose (Benoît) : Bien, c'est tout à fait relié à la question des approvisionnements fondés sur la valeur encore une fois. C'est-à-dire qu'on pourrait faire le choix des technologies qui permettent d'augmenter la productivité, par exemple, mais on ne le fait pas parce qu'on préfère aller au marché pour des produits dont les spécifications datent parfois de quelques années. Mais, parce qu'on sait qu'on préfère minimiser le budget immédiatement, bien, on s'en prive parce qu'on ne veut pas valoriser, dans le fond, les gains d'efficience qu'on va avoir dans le système. Alors, nous, on pense que l'autorité pourrait jouer un rôle pour accompagner les organismes publics, pour faire un meilleur travail et des meilleurs choix.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député, question?

M. Merlini : Oui. Ne voyez-vous pas, par contre, ces critères-là comme étant trop subjectifs pour une autorité de les appliquer dans plusieurs domaines? Vous avez parlé tantôt... bon, est-ce que l'AMP pourrait juger de la performance, de la qualité de bitume puis, après ça, juger de la performance, qualité d'un appareil médical de la même façon? Il n'y aurait pas un barème pareil, là, d'une entité à l'autre, là...

Une voix : D'un achat à l'autre.

M. Merlini : ...d'un achat à l'autre.

Le Président (M. Bernier) : M. Larose.

M. Larose (Benoît) : C'est sûr que c'est un défi, que ça demande du travail puis de la rigueur. Mais, comme je l'expliquais dans l'allocution, ça se fait ailleurs dans le monde, dans des marchés publics comme le Québec où on se donne la peine... Évidemment, on ne fait pas ça pour toutes les catégories de produits, mais, au moins, on se donne les moyens de le faire quand ça vaut la peine. Puis c'est la tendance de fond, là, mais là, aujourd'hui, au Québec, on se limite à répliquer les mêmes stratégies qu'il y a 20 ans de consolidation de volumes. C'est l'approche Costco, en fait, en santé, et on se refuse d'aller plus loin que ça. Alors, nous, on pense que les groupes d'approvisionnement en commun, par exemple, pourraient être évalués sur autre chose que les économies réalisées, là, les cibles d'économie qu'ils ont à atteindre, là, trimestre après trimestre. On pourrait valoriser leur travail beaucoup mieux si on leur donnait la bonne stratégie à suivre. Mais ce n'est pas ça qu'on fait, puis c'est une occasion manquée.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Ça va?

M. Merlini : C'est terminé?

Le Président (M. Bernier) : Non, vous avez encore du temps.

M. Merlini : J'en ai encore? Parfait. Concernant les groupes d'approvisionnement en commun, vous avez soulevé le point de la gouvernance. Quels en sont les problèmes actuellement que vous vivez? Et quelles sont les solutions que vous souhaiteriez apporter en termes de la gouvernance de ces groupes d'approvisionnement en commun? Est-ce que ça a une utilité? Est-ce que c'est, encore une fois, trop la formule Costco? Est-ce qu'il y a des arrangements entre les différents groupes d'approvisionnement qui causent les problèmes? Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bernier) : M. Dionne.

M. Dionne (Bernard) : Oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bernier) : Parce que je vous voyais la tête...

M. Dionne (Bernard) : Oui, c'est ça. Vous avez, effectivement, anticipé que ça serait moi qui prendrais la question au bond. En fait, la problématique qu'on vit, c'est que, comme vous le savez, le réseau de la santé a vécu une transformation importante récemment, et les gouvernances qui chapeautaient les groupes d'approvisionnement en commun n'ont pas été ajustées en fonction de ce changement dans la structure du réseau de la santé, et donc les gens qui composent les conseils d'administration ont un peu perdu leur légitimité parce qu'ils avaient été nommés par des organisations qui, maintenant, ont été confondues dans les CISSS et CIUSSS. Un des thèmes qui est abordé par le projet de loi, c'est celui du processus de porter une plainte, et, malheureusement, il n'y a pas d'appel autre qu'éventuellement courir après le Conseil du trésor. Et je crois que le Conseil du trésor a été un peu sollicité récemment pour des problématiques d'approvisionnement, et donc on voit d'un très bon oeil le fait que l'Autorité des marchés publics pourrait, évidemment, gérer cette partie du processus là qui nous apparaît déficiente présentement.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Une minute.

M. Merlini : Une minute? Brièvement, vous parlez de réduire le délai pour porter une plainte... pas le réduire, mais l'augmenter de trois jours à 10 jours. Pourquoi? Parce qu'une entreprise qui aurait besoin d'un délai additionnel, elle a déjà en main ses motifs de plainte et elle a déjà porté sa plainte à l'organisme public, pourquoi l'allonger à 10 jours?

M. Larose (Benoît) : Bien, la réalité...

Le Président (M. Bernier) : M. Larose.

M. Larose (Benoît) : Oui, pardon. Il y a une réalité corporative derrière ça, c'est qu'on fait affaire avec des petites compagnies, évidemment — ça, c'est plus rapide — mais les plus grandes entreprises, qui ont parfois des sièges sociaux à l'extérieur du Québec, parfois dans d'autres langues que le français, ont besoin de plus de temps pour prendre action, simplement. Je pense que, si on veut s'assurer d'avoir les meilleures technologies disponibles, on veut s'assurer d'avoir le maximum de fournisseurs à table.

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. Larose. Nous allons donc passer du côté de l'opposition officielle avec Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Oui. Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. Je veux revenir sur la partie dans votre mémoire sur les plaintes, particulièrement la partie des plaintes, tout le processus d'achat, là. Dans votre mémoire, vous dites que vous êtes informés régulièrement par vos membres, presque à toutes les semaines, de dossiers d'appel d'offres comportant des clauses inacceptables, des irritants importants, etc. Que voulez-vous dire par ça?

Le Président (M. Bernier) : M. Larose.

M. Larose (Benoît) : Écoutez, c'est une réalité. En tant que vice-président de l'association au Québec, je reçois beaucoup d'appels de mes membres qui apportent mon attention à des dossiers d'appel d'offres qui, à leur avis, sont dirigés ou sont trop restrictifs, et c'est très courant, c'est beaucoup plus courant qu'on le souhaiterait Et, en ce moment, on peut s'adresser à l'organisme public en question avec des résultats qui peuvent être très variables, mais après il n'y a plus de recours, le ministère n'a pas les moyens d'intervenir, puis le Conseil du trésor, en fait, nous parle des tribunaux.

Mme Léger : Vous suggérez... bien, une fois que c'est sur la table, dans le fond, vous dites qu'il n'y a plus de possibilité de négociation possible. Vous énumérez quand même quelques éléments, là, pas d'espace de dialogue, les intervenants, c'est ça, et ça arrête là. Alors, vous aimeriez un espace de dialogue, vous aimeriez... Comment vous l'opérationnalisez?

Le Président (M. Bernier) : M. Larose.

M. Larose (Benoît) : C'est une très bonne question, merci, parce que, d'ailleurs, dans le secteur des technologies de l'information, on a réfléchi à ça, et je sais qu'il y a des règlements qui permettent un espace de dialogue un peu plus grand entre le donneur d'ouvrage et les fournisseurs potentiels. Le problème ici, c'est qu'on va en approvisionnement dans un dossier, et c'est, comme on dit en anglais... bien, en fait, c'est à prendre ou à laisser. Voici les conditions, vous vous conformez, vous prenez toutes les conditions ou vous ne serez pas admis, qualifié comme fournisseur. Et parfois ce sont des détails qui font qu'un fournisseur... des détails peut-être du point de vue de l'organisme public, mais, du point de vue du fournisseur, qui peuvent être très importants, et il n'y a pas beaucoup de place... Je ne dis pas qu'il n'y a jamais de place à la discussion, mais, en général, l'attitude, c'est : Voici les termes et les conditions du projet d'approvisionnement, vous vous conformez ou vous ne pourrez pas soumissionner. Alors, moi, j'ai de plus en plus d'exemples aussi de fournisseurs qui décident de ne pas soumissionner.

• (20 heures) •

Mme Léger : Mais, une fois que vous faites ce constat-là, quelles solutions vous apportez par rapport à ça? Comment vous le verriez?

M. Larose (Benoît) : On voit dans des marchés publics ailleurs des appels d'offres à deux étapes où il y a un dialogue entre l'organisme public et les fournisseurs qui ont été retenus dans une première ronde, par exemple, pour ajuster les conditions finales qu'ils vont devoir répondre pour avoir l'adjudication.

Ici, on parle de contrats négociés, là, avec les groupes, mais, en réalité, il n'y en a pas, de négociation. Comme je vous disais, ce mécanisme-là n'existe pas.

Le Président (M. Bernier) : Mme la députée.

Mme Léger : Vous indiquez aussi que, lorsqu'on porte plainte, c'est particulièrement sur les documents de l'appel d'offres, sur les documents restreints de l'appel d'offres. Vous parlez d'autres types de documents, que ça devrait être plus large pour porter la plainte, je m'interroge sur quel autre type de documents que ceux qui sont dans l'appel d'offres.

Le Président (M. Bernier) : M. Dionne.

M. Dionne (Bernard) : Oui, merci. En fait, le processus d'appel d'offres est un processus quand même complexe dans lequel ça implique une veille technologique, ça implique des rencontres avec les fournisseurs préalables au lancement des appels d'offres. Il y a généralement des rencontres qui sont prévues une fois que les appels d'offres sont lancés. Ces choses-là devraient être documentées. Durant la période d'appel d'offres, il y a un certain nombre de questions qui se posent de la part des fournisseurs pour tenter de clarifier mieux les besoins ou la solution qui sera proposée. Donc, ce que nous, on suggère, c'est que ça soit l'ensemble du processus d'appel d'offres et d'octroi de contrats qui soit éligible au processus de plainte pour les fournisseurs, et non pas uniquement les documents. Alors, les documents sont une partie importante, évidemment, là, de la définition des besoins et du contexte de l'appel d'offres, mais il y a une série d'activités qui accompagnent ces documents-là, et ça serait important que ces étapes-là soient aussi des étapes qui soient éligibles au processus de plainte.

Le Président (M. Bernier) : Mme la députée.

Mme Léger : Sur un autre sujet — je veux parler des achats regroupés — vous remettez en question les achats regroupés. Vous faites une démonstration de différentes littératures, d'une part. Vous parlez que le secteur que vous représentez, c'est 37 % des achats. Vous faites aussi la démonstration en disant que... C'est parce que c'est quand même assez gros quand on voit le nombre de contrats. «...2 864 contrats d'approvisionnement de plus de 25 000 $ ont été conclus au Québec en 2013‑2014, soit plus de 55 par semaine. Le secteur [que vous représentez] représente 65 % de la valeur et 44 % du nombre total des contrats d'approvisionnement...» C'est beaucoup de contrats, ça, de contrats. Mais vous remettez en question l'achat regroupé quand, en général, c'est une... Parce que vous donnez en exemple la centralisation des décisions, la rigidité par rapport à ce processus, mais, en général, on a l'avis contraire, que c'est plutôt une économie d'échelle, surtout à ce nombre-là, là. Alors, je comprends mal votre propos sur ça, vous avez l'occasion de l'exprimer.

Le Président (M. Bernier) : M. Larose.

M. Larose (Benoît) : Nous ne remettons pas en cause, là, l'existence, là, des achats regroupés, c'est une réalité qu'on vit partout dans les marchés publics dans le monde. Ce n'est pas l'idée ici.

Par ailleurs, les processus d'appel d'offres au Québec sont très nombreux parce qu'évidemment les seuils sont tellement bas que, dès qu'un établissement a besoin d'un nouvel instrument, c'est un processus d'appel d'offres qui doit être lancé. Puis, évidemment, ça génère beaucoup de travail au sein d'un organisme public et au sein des fournisseurs aussi, là. La fonction contractuelle dans une entreprise dans notre secteur, c'est souvent des équipes, là, de 10, 12 personnes, là, pour servir le Canada, c'est beaucoup.

Donc, oui, il y a beaucoup de contrats à administrer, mais nous, on pense qu'il y a une limite à consolider les volumes, à faire des appels d'offres regroupés provinciaux. Les besoins peuvent varier beaucoup d'un établissement à l'autre, d'une spécialité médicale à l'autre, et on le constate, c'est difficile — on le détaille dans le mémoire, d'ailleurs — de fédérer l'ensemble des utilisateurs dans un appel d'offres provincial. Nous, on pense qu'il y a une limite qui est déjà atteinte. Les groupes ont une part de marché qui est très élevée, on l'estime à autour de 60 %. Très bien, mais ça ne pourra pas être 100 %, là, il va falloir se garder de la place pour travailler de manière plus intelligente avec les fournisseurs, surtout dans la haute technologie. Évidemment, on ne parle pas ici, là, de produits, de fournitures de très bas niveau. Puis, encore là, le facteur qualité devrait être tenu compte. Donc, oui, on est sensibles aux besoins d'efficience qu'on doit rechercher en approvisionnement, mais l'approche achats regroupés provinciale nous semble avoir atteint la limite.

Le Président (M. Bernier) : Mme la députée.

Mme Léger : Mais faire les choses autrement, ça serait dans quel intérêt? Parce que, là, il y a l'intérêt... l'économie d'échelle, pour l'administration publique, c'est quand même important de... Bon, toute la transparence, toute l'importance de l'économie qu'on peut faire par des achats regroupés, quel autre intérêt qu'il y aurait si ce n'est pas comme ça? Je m'interroge, là.

Le Président (M. Bernier) : M. Dionne? M. Larose? M. Russell? Lequel lève la main?

M. Larose (Benoît) : M. le Président, merci. Vous vous questionnez au niveau des intérêts. Je pense qu'il faut regarder au niveau des intérêts de la population puis de la clientèle qui est desservie d'avoir accès, donc, à des technologies de pointe qui peuvent être occasionnellement uniques ou seulement disponibles de quelques fournisseurs. Dans notre industrie, il y a un nombre très, très limité de fournisseurs pour un certain nombre de hautes technologies qui sont utilisées au jour le jour. C'est encore pire quand on regarde à des technologies de pointe qui sont uniques, qui seraient, par exemple, applicables seulement dans quelques établissements de santé au Québec. Donc, il faut, je crois, prendre en compte les besoins de résultat et puis de qualité de service, pas simplement le prix le plus bas, et c'est l'articulation qu'on fait, nous, de regarder à la valeur des approvisionnements plutôt qu'au coût, simplement.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député de La Peltrie.

M. Caire : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bernier) : La parole est à vous.

M. Caire : Merci. Vous semblez avoir un problème avec l'article 33, où vous dites : De limiter les plaintes aux seuls documents d'appel d'offres, c'est trop limitatif. Et j'aimerais ça vous entendre là-dessus parce qu'honnêtement sur quoi d'autre pourrait-on étendre le processus?

M. Larose (Benoît) : Bien, ce qui vient à l'esprit, c'est les processus d'évaluation.

M. Caire : Par exemple?

M. Larose (Benoît) : Bien, où là on demande aux fournisseurs de faire des démonstrations de produits, donc les utilisateurs vont se rendre en installation, parfois à l'extérieur du Québec, pour faire des évaluations, et j'ai eu quand même pas mal de cas qui m'ont été rapportés, là, de processus d'évaluation qui sont difficiles, qui sont laborieux, disons, et qui donnent parfois des résultats frustrants pour tous les fournisseurs impliqués. Et ça, bien ce n'est pas publié sur ces AO, là, donc ce n'est pas le document publié. Nous, on pense que ce qui se passe durant les processus d'évaluation, ce qui a été utilisé... En fait, les plaintes sont souvent relatives, justement, au côté subjectif que, parfois, les établissements, disons, imposent dans leur processus. Donc, se limiter à ce qui est publié sur ces AO ne nous semble pas suffisant parce que c'est souvent les plaintes... Les plaintes ne sont pas nécessairement dans le document d'appel d'offres, mais elles sont liées à ce qui entoure les choix, comment les décisions sont prises.

M. Caire : Parce que ça va éliminer de la concurrence? Parce que ça va éliminer des joueurs?

M. Larose (Benoît) : Voilà. Vous savez, nous, l'association, on défend, évidemment, la concurrence la plus grande possible.

M. Caire : Tout à fait d'accord. Ce qui nous amène à la question suivante : Comment l'AMP pourrait intervenir? Parce que ça suggère, ce que vous dites, ça suggère que l'AMP ou participe à l'élaboration des critères ou alors... Je veux dire, il faut éliminer le subjectif. Si on élimine le subjectif, ça veut dire qu'il y a une entité neutre et impartiale qui va définir des critères, et là, vous suggérez quoi, que l'AMP joue ce rôle-là?

M. Larose (Benoît) : C'est, entre autres, pourquoi on suggère la création d'une vice-présidente santé, donc, à l'AMP, quelqu'un, un groupe qui sera en mesure de bien comprendre les dynamiques qui s'appliquent dans ce genre de dossiers là pour pouvoir mieux juger si on a été trop loin dans la subjectivité des évaluations. En ce moment, ça n'existe pas, ça. Il n'y a pas de contrepoids, là, ça se fait tout au sein d'un comité. En fait, c'est ça, ce n'est pas très transparent puis ce n'est pas très... On pense qu'il y a une problématique de gouvernance derrière ça.

• (20 h 10) •

M. Caire : Comment on peut libeller l'article? Comment on peut tourner l'article pour faire en sorte d'inclure ces... Parce que, là, vous nous parlez du processus d'évaluation, il y a, évidemment... j'imagine que vous êtes d'accord avec le fait que la documentation doit aussi pouvoir faire l'objet d'une plainte. Il y a l'ensemble des processus, là, d'évaluation aussi. Donc là, comment on peut mettre en mots cet ensemble d'éléments là que vous suggérez qui devraient faire partie du processus de plainte?

M. Larose (Benoît) : Bien, il ne faut pas limiter. Dans l'article 33, on parle de documents d'appel d'offres, il faut parler de processus d'appel d'offres. Là, on couvre tout, les documents, les activités autour de la gestion du processus. À ce moment-là, si un fournisseur s'estime lésé ou a une plainte à formuler sur la manière que le dossier a été mené, bien, disons que l'AMP peut recevoir sa plainte parce que ce n'est pas limité par l'article.

M. Caire : Mais je reviens à ma question initiale, à ce moment-là est-ce qu'on peut demander à l'AMP d'aller jouer dans l'élaboration de critères? Est-ce qu'à ce moment-là — puis j'avais le même commentaire tout à l'heure — on ne fait pas de l'AMP une instance qui est juge et partie? Parce que j'élabore les critères à partir de... comment l'AMP pourrait-elle... Puis là on parle de santé, puis vous me parlez d'une vice-présidence santé, puis, bon, je vous questionnerai là-dessus si j'ai le temps, mais en éducation on va nous dire la même chose, en construction on va nous dire la même chose. Il y a un paquet de secteurs où on nous dira : Bien, nous autres, notre secteur est tellement particulier, ça nous prendrait une vice-présidence, puis on se ramasse avec un... On essaie d'avoir une structure aussi souple que possible puis aussi efficace que possible, et donc est-ce qu'on ne devrait pas s'assurer que son mandat est quand même assez clair, assez précis? Puis, si on commence à aller jouer dans l'élaboration de critères, il n'y a pas un danger que l'AMP devienne juge et partie?

M. Larose (Benoît) : C'est parce que, s'il n'y a pas l'expertise santé à l'AMP pour juger si un organisme public qui lance un appel d'offres a mal géré un processus d'appel d'offres qui a fait en sorte de limiter la concurrence ou de léser des participants à l'appel d'offres, bien, on manque... en fait, on ne va pas assez loin, on limite de manière... Bien, en fait, on n'atteint pas l'objectif recherché, qui est de maximiser les fonds publics. Donc, je pense qu'on n'a pas le choix, il faut... En fait, ce qu'on essaie d'expliquer aujourd'hui, j'imagine, c'est que les processus, c'est très bien, les questions de malversation, tout ça, c'est très, très bien, mais, en santé, il y a des occasions manquées parce qu'on ne recherche pas suffisamment la valeur dans les approvisionnements. Puis ça prend quelqu'un qui peut accompagner l'organisme public pour maximiser ça, puis on pense que l'autorité pourrait jouer, je crois, ce rôle-là.

M. Caire : Puis cette expertise-là, vous ne pensez pas que l'AMP peut aller la chercher autrement que par une vice-présidence? Parce que j'ai aussi la préoccupation de ne pas avoir une espèce de structure qui va se surmultiplier. Parce que, bien, au niveau de la santé, oui, il faut faire ça. Comme je l'ai dit tantôt, au niveau de l'éducation, il faut faire ça. Au ministère des Transports, on s'entend que c'est un autre domaine. Technologies de l'information, ça aussi, ça amène des expertises, puis il y a du travail à... Donc, à peu près tous les secteurs d'acquisition, d'appel d'offres vont nous dire sensiblement la même chose. Puis je vous entends sur le fait que le domaine de la santé peut avoir ses particularités, j'entends ça et j'en conviens, mais est-ce qu'on ne devrait pas plutôt dire : Bien, écoutez, l'AMP est un mécanisme de surveillance qui fera appel aux différentes expertises nécessaires à son travail, mais sans avoir à... parce que, sinon, on commence avec une grenouille puis on finit avec un boeuf?

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. le député. Merci, M. Larose, M. Dionne et M. Russell, de votre participation à la Commission des finances publiques.

Je vais suspendre quelques instants afin de permettre au Regroupement des partenaires du gouvernement en technologie de l'information de prendre place. Je suspends.

(Suspension de la séance à 20 h 14)

(Reprise à 20 h 17)

Le Président (M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Donc, nous avons le plaisir de recevoir le Regroupement des partenaires du gouvernement en technologie de l'information, représenté par M. Eric Ferland, président — bienvenue, M. Ferland — et M. Robert Pilote, secrétaire général. Bienvenue, M. Pilote. Donc, la parole est à vous. Vous avez une dizaine de minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous allons passer aux échanges avec les parlementaires.

Regroupement des partenaires du gouvernement
en technologie de l'information (RPGTI)

M. Pilote (Robert) : Alors, merci beaucoup de nous avoir invités. Je vais passer la parole au président, qui va faire une mise en contexte, c'est quoi, le regroupement, ce que nous faisons, etc., et, ensuite de ça, je ferai l'intervention plus spécifique sur le projet de loi n° 108.

Le Président (M. Bernier) : Très bien, M. le secrétaire général.

M. Ferland (Eric) : Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés et membres de la commission, on vous remercie sincèrement de l'opportunité qui nous est offerte aujourd'hui.

Vous présenter brièvement le Regroupement des partenaires du gouvernement en technologie de l'information, le RPGTI. C'est un regroupement qui représente les plus importants experts en logiciels, en services professionnels, en matériel informatique et en télécommunications, qui transige avec le gouvernement québécois. 75 % de nos membres comptent plus de 100 employés au Québec, 46 % en comptent plus de 500. Alors, notre regroupement représente à la fois des PME et de grandes entreprises du domaine des TI, et les contrats publics québécois composent en moyenne 54 % du chiffre d'affaires québécois de nos membres.

Observation que l'on fait depuis quelques années, les trois, quatre récentes années, en termes d'investissements en TI, on constate une certaine décroissance des investissements en TI au sein de l'appareil gouvernemental. Si on se fie au volume de contrats octroyé, puisqu'on parle des marchés publics, regardons les contrats octroyés à des fournisseurs externes en TI par les ministères et organismes québécois via le système électronique d'appel d'offres, le CAO. Ce volume est passé de 765 millions en 2012 à 220 millions en 2015. Vraisemblablement, les mêmes chiffres cette année. Décroissance, donc, de 71 % depuis 2013. Les TI, au dernier Plan québécois des infrastructures 2015‑2025, figurent au neuvième rang sur 13 parmi les priorités budgétaires du gouvernement avec 3,7 % des budgets prévus.

En 2015, la moitié de nos membres prévoyaient faire des mises à pied en 2016‑2017, ce qui s'est avéré le cas en 2016 avec les observations qu'on faisait. Il n'y a pas que les contrats. Quand on est sur le plancher et qu'on est dans les projets TI, on constate, effectivement, que les pressions budgétaires font en sorte que les développements sont soit retardés ou simplement arrêtés.

Dans d'autres administrations publiques, les TI sont une priorité. Au Canada, les investissements totaux en technologies de l'information devaient croître de 3 %, 3,3 %, de 2014 à 2015 seulement selon Gartner, ce qui a été le cas. Depuis 2011, les investissements du gouvernement fédéral américain ont crû de 8,2 % dans le secteur des TI. Ce que le RPGTI souhaite — et on profite de cette tribune pour le mentionner — c'est un retour à l'investissement en TI au sein du gouvernement du Québec.

Les TI sont un levier de performance, sont un levier de meilleurs services à la population. Pourquoi? Pour éviter que le Québec ne se retrouve avec un insurmontable retard par rapport aux autres administrations publiques et au secteur privé, pour s'arrimer avec la nouvelle génération de contribuables qui entrent sur le marché du travail et ceux qui y sont déjà qui transforment leurs façons de faire, qui s'attendent à avoir accès à des services gouvernementaux rapidement en tout temps à partir de n'importe quelle plateforme technologique mobile ou tout autre plateforme numérique et, évidemment, pour stimuler l'économie d'ici, pour stimuler nos talents, propulser des projets névralgiques qui feront rayonner le talent québécois au-delà des frontières. Les TI, c'est une industrie importante au Québec, et il faut le constater, et il faut la soutenir.

Sur ce petit éditorial, j'aimerais laisser la parole à mon collègue pour vous entretenir spécifiquement sur le projet de loi n° 108. Merci.

• (20 h 20) •

Le Président (M. Bernier) : M. Pilote.

M. Pilote (Robert) : Merci. D'emblée, le RPGTI supporte la volonté du gouvernement de rendre la gestion des finances publiques encore plus transparente. La création de l'Autorité des marchés publics est en ce sens une initiative prometteuse. Regrouper les fonctions de gestion et de contrôle et le traitement des plaintes sous l'égide d'un seul et même organisme indépendant, doté de pouvoirs d'intervention importants allant jusqu'à la modification ou à l'annulation d'un appel d'offres ou même à la réalisation d'une enquête en bonne et due forme apparaît comme une bonne nouvelle aux yeux des membres du RPGTI.

Dans la formule qui est proposée, ce guichet unique permettra d'éviter de potentiels recours judiciaires coûteux, assortis de longs délais et permettra de bien encadrer la responsabilité ministérielle. Des initiatives telles que l'obligation de publier un avis d'intention préalablement à la conclusion d'un contrat de gré à gré permettront de renforcer la confiance du public dans le système d'octroi de contrats de l'État.

Je vais donc traiter des articles que nous avons commentés. Le but de ces commentaires-là, ce n'est pas de limiter les pouvoirs, mais c'est d'assurer vraiment une bonne compréhension de la loi créant l'Autorité des marchés publics.

Dans le document, on parle de jours lorsqu'on parle des délais. Une chose qui serait importante de savoir, c'est est-ce qu'on parle de journées calendaires ou on parle de journées ouvrables. Et, partout à travers le document, pour nous, ce serait une chose qu'il serait important qu'elle soit clarifiée.

Concernant l'article 6, qui prévoit une infraction pénale pour quiconque tente de communiquer avec un membre d'un comité de sélection, notre commentaire, c'est que plusieurs membres des comités de sélection sont quotidiennement en relation avec les fournisseurs dans le cadre de leurs responsabilités. Les activités de mise en marché et de développement des affaires sont, sans conteste, des communications d'influence. Elles sont cependant réalisées dans un contexte où les gens de mise en marché et de développement des affaires informent, éduquent, proposent des approches novatrices aux gestionnaires en technologies de l'information et qu'eux expriment leurs besoins d'affaires, besoins technologiques et partagent leurs orientations pour le futur. Ces échanges sont nécessaires et permettent aux donneurs d'ordres de recueillir l'information essentielle pour la préparation de cahiers de charges adaptés aux réalités du marché. La mouture actuelle fait en sorte que les employeurs s'exposent à d'importants risques, même s'ils n'ont aucunement l'intention d'influencer l'octroi d'un contrat. Donc, le RPGTI recommande à la commission d'apporter des précisions au concept d'influence tel que décrit dans le projet de loi.

Une des fonctions de l'autorité, effectuer une veille des contrats. Le RPGTI suggère à l'AMP d'analyser les raisons qui font en sorte que certains appels d'offres sont annulés sans qu'aucune justification ne soit donnée, ce qui mine la volonté des fournisseurs de l'État à investir temps et ressources dans la préparation de la réponse aux appels d'offres. Considérant les investissements requis pour présenter une soumission pour un projet sur lequel les prix qu'un fournisseur pourrait faire seraient trop élevés par rapport au budget, ce qui ferait en sorte que l'appel d'offres pourrait être possiblement annulé, il apparaît approprié que le budget approuvé pour un projet faisant l'objet d'un appel d'offres soit indiqué dans les documents d'appel d'offres, et non seulement dans les avis d'intention, comme c'est le cas dans le projet de loi.

À l'article 23, on indique qu'un des pouvoirs, c'est de pénétrer à toute heure raisonnable dans un lieu dans lequel peuvent être détenus des documents ou des renseignements pertinents dans le cadre d'une enquête. Le fait de mentionner «en tout autre lieu» ouvre la porte à des vérifications potentiellement abusives au sein même des établissements des fournisseurs de l'État, et ce, sans mandat préalablement autorisé par un juge. Cette notion nous apparaît problématique et devrait être adressée dans le projet de loi.

Ensuite de ça, à l'article 27, il y a la possibilité de suspension ou de résiliation d'un contrat relativement à la gravité du manquement constaté au regard de la gestion contractuelle. Le commentaire, c'est qu'on devrait prévoir, dans le cas d'un contrat signé de bonne foi par un soumissionnaire et résilié par l'AMP, que ce soumissionnaire qui a déjà engagé des frais en lien avec l'exécution du contrat... ce dernier devrait pouvoir être indemnisé pour les frais qu'il a encourus.

À l'article 58, c'est un peu le même commentaire, on parle de résiliation de plein droit par l'autorité. À nouveau, même si ce n'est pas un contrat de gré à gré, si le soumissionnaire a signé le contrat de bonne foi puis qu'il a engagé des frais avec l'exécution du contrat, il devrait pouvoir être dédommagé pour les frais encourus de bonne foi dans l'exécution du contrat jusqu'au moment où on met fin au contrat.

Ensuite de ça, il y a l'article 82, la possibilité, pour une entreprise, de démontrer qu'elle pourrait être en mesure de réaliser un contrat qui fait l'avis d'un avis d'intention. Nous croyons qu'il serait pertinent que l'avis d'intention mentionne la valeur du contrat à être octroyé — peut-être pas nécessairement le montant exact, mais un ordre de grandeur — pour éviter qu'il y ait des fournisseurs qui se manifestent et disent : On pourrait satisfaire, arrivent avec des solutions qui sont en dehors des budgets qui ont été approuvés. Et ceci, à ce moment-là, cause des délais à la réalisation des projets des fournisseurs, entraîne des coûts à la préparation des appels d'offres, et le fournisseur qui pensait pouvoir avoir une chance, mais que ses prix étaient en dehors des possibilités, bien, tout ça cause des coûts et des délais pour le ministère et organisme.

Le Président (M. Bernier) : 30 secondes.

M. Pilote (Robert) : Il y a la période minimale. On a des appels d'offres qui sont très simples, où on doit réserver des ressources. Encore là, on parle du délai de 10 jours. On souhaiterait que ce soit plus comme ça l'est présentement, le délai étant à cinq jours. Ça termine.

Le Président (M. Bernier) : Merci beaucoup. Nous allons donc passer aux échanges avec la partie gouvernementale. M. le ministre.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Bonsoir, messieurs. Bonsoir, merci d'être là. Donc, vous mentionnez dans votre présentation qu'au-delà de 50 % du chiffre d'affaires de vos membres, 54 %, provient des contrats publics. Donc, c'est important, bien sûr, pour vous comme industrie.

La partie où j'aimerais avoir un peu plus d'information de votre côté, c'est toute cette problématique concernant les échanges entre les donneurs d'ouvrage publics et les entreprises TI. Donc, on ne parle pas ici d'appels d'offres réguliers, là. Donc, c'est un processus, disons, dynamique entre votre industrie, vos membres et les donneurs d'ouvrage. Alors, comment ça fonctionne? Qui approche qui?

Le Président (M. Bernier) : M. Pilote.

• (20 h 30) •

M. Pilote (Robert) : Oui. Dans la situation actuelle, les entreprises investissent dans leur mise en marché, identifier les opportunités, présenter leurs solutions, mieux comprendre les problèmes d'affaires, le type de solutions, il y a l'aspect créativité, et c'est un processus d'échange avec les responsables d'affaires ou les dirigeants TI de bien comprendre ces besoins-là et de valider les approches qui pourraient être possibles, compte tenu du contexte technologique.

Je sais qu'au niveau de Passeport Entreprises on parle de vitrine inversée, qui serait une autre façon de faire connaître les opportunités, et on est entièrement en faveur de ça. Mais les entreprises, comme dans le commercial, ont des activités de développement de marché, développement des affaires, ça se fait dans le secteur public. Et présentement, aujourd'hui, du fait que ce sont des communications d'influence qui sont légitimes — on l'associe peut-être un petit peu trop au lobbyisme plutôt qu'à la mise en marché — on considère que c'est des activités qui sont essentielles et qu'avec la création de l'AMP, organisme qui permettrait de contrôler, de veiller à ce que les bonnes pratiques soient mises en place... on pense qu'à ce moment-là les activités de mise en marché devraient être beaucoup plus sous la vérification de l'Autorité des marchés publics que du Commissaire au lobbyisme.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Leitão : Donc, vous souhaitez que la future AMP joue un rôle beaucoup plus proactif dans des échanges entre le...

M. Pilote (Robert) : ...l'AMP a besoin d'être proactive au niveau de chacun des dossiers, mais elle doit s'assurer que c'est fait selon les règles de transparence et d'équité, et, au besoin, qu'elle s'adjoigne les ressources en technologies de l'information dont dispose le gouvernement. Et le gouvernement a entrepris de se doter de ressources en technologies de l'information, et c'est complètement conforme aux recommandations qu'on a faites que le gouvernement se dote de ressources appropriées, bien compétentes et en nombre suffisant pour pouvoir prendre la responsabilité qu'un client doit avoir dans la réalisation de projets.

M. Leitão : En effet. Une des problématiques dans ce domaine, c'est, des fois, on nous mentionne que le gouvernement n'a pas assez d'expertise « in house » pour pouvoir dialoguer avec votre industrie d'une façon, disons, éclairée. Bon, je pense qu'on a avancé dans ce domaine-là, mais, en effet, ça demeure quelque chose où il va falloir toujours faire attention parce qu'en effet il y a un déséquilibre de connaissance de ressources entre ce que... de la part du donneur d'oeuvres et de la part de votre industrie. C'est pour ça que je trouve, donc, cette question d'échange entre l'industrie et le donneur d'oeuvres comme étant particulièrement utile et intéressante. Et la question que je vous pose, c'est : Comment est-ce qu'on peut encadrer de tels échanges dans un processus qui pourrait devenir trop rigide en termes d'appels d'offres? Disons, si on empêchait ce dialogue-là, je pense que ça ne serait pas utile pour nous en tant que gouvernement.

M. Pilote (Robert) : Je suis parfaitement d'accord avec vous, ce processus d'échange là entre le client et les fournisseurs est essentiel à une bonne compréhension, à la bonne identification des solutions possibles, à la compréhension aussi de ce que je pourrais appeler, là, les conditions contractuelles que les compagnies peuvent accepter. On en a fait état, Medec, précédemment. Et tout ça, si le travail est bien fait, l'appel d'offres devrait pouvoir refléter les besoins de l'organisation et la capacité du marché à bien adresser le besoin selon des modalités qui sont mutuellement acceptables.

M. Leitão : Très bien.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le ministre.

M. Leitão : Merci. Je ne sais pas, les collègues, si vous avez quelques questions à poser?

Le Président (M. Bernier) : M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre présence ce soir et votre présentation. Vous avez soulevé au début que les investissements en TI sont en décroissance au gouvernement du Québec. Vous avez souligné les investissements qui sont faits ailleurs, le taux de croissance qu'il y a ailleurs et vous êtes d'avis que l'État québécois bénéficierait d'un réinvestissement significatif en infrastructure de TI. J'aimerais vous entendre là-dessus. Je vous donne la chance, là, de nous dire quel genre d'infrastructure en TI. Parce que vous avez mentionné aussi qu'une meilleure infrastructure en TI donnerait des meilleurs services gouvernementaux, alors j'aimerais vous entendre. Vous avez une opportunité, en étant représentants de votre association, de nous dire, pour vos membres, qu'est-ce que ça représente.

Parce que vous avez parlé de mises à pied, et tout ça, et ça, c'est des choses que le président du Conseil du trésor n'aime pas entendre, là, qu'il y a des mises à pied, mais comment faire, à ce moment-là, pour donner ces meilleurs services gouvernementaux là? Et comment le faire? Vous avez parlé des différentes plateformes, que les jeunes qui rentrent sur le marché du travail, les jeunes qui veulent faire affaire avec le gouvernement, les start-up, les compagnies qui sont en phase de démarrage... comment voyez-vous ça? Comment souhaiteriez-vous que l'État fasse ce réinvestissement-là significatif en TI?

Le Président (M. Bernier) : M. Ferland.

M. Ferland (Eric) : Merci. Merci pour votre question. Je vais y répondre de deux façons. D'abord, dans l'état actuel des choses, quand on regarde les différents ministères et organismes, si on se fie à un certain inventaire qui a été fait, il y a un certain état de désuétude dans certains ministères et organismes. Ce n'est pas égal partout, il y en a qui sont en moins grande désuétude, il y en a qui le sont, que ça soit au niveau des plateformes technologiques ou que ça soit au niveau des plateformes systémiques ou des systèmes comme tels. Donc, il faut voir à cette désuétude-là, c'est clair.

D'autre part, il faut s'aligner sur les façons de fonctionner de la population, celle qui est notre relève particulièrement. Quand on regarde les 30 ans et moins, ils sont tous sur les plateformes mobiles, ils doivent pouvoir transiger avec l'État à travers leurs plateformes mobiles. C'est ça qu'ils font, ils ne s'appellent même pas entre eux, ils se parlent par textos, ils se parlent par Facebook, et l'État doit s'en aller vers là.

Et, maintenant que je dis ça, nous savons qu'au niveau du bureau du DPI ça fait partie des orientations et des responsabilités qui sont identifiées. Maintenant que le travail de législation s'achève, graduellement il faut aller vers la vision, il faut aller vers la vision au niveau des TI. Il faut que les TI soient davantage modernes au sein de l'appareil gouvernemental. Il y a eu d'excellentes initiatives, on n'en parle pas assez, et peut-être qu'on ne tire pas assez profit de certaines initiatives qui ont eu lieu dans certains ministères et organismes pour les étendre à travers l'appareil gouvernemental. Ça aussi, je sais que ça fait partie des éléments de vision qui sont à l'horizon. On a le privilège, au niveau du regroupement, d'être invités à participer à ces réflexions-là, on a l'intention de le faire et de continuer à le faire.

Puis il faut échanger. On parlait de l'échange avec les fournisseurs, il faut que le gouvernement continue d'échanger avec les représentants de l'industrie aussi, les différentes associations et qu'on comprenne que, si on n'investit pas, on ne peut pas transformer. Transformer nos façons de faire, ça demande d'investir. Le statu quo coûte beaucoup moins cher. Maintenant, si on veut transformer notre façon d'offrir nos services, il faut être prêts à investir de façon très substantielle et en tirer bénéfice par la suite.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député.

M. Merlini : Merci, M. le Président. Dans cette optique-là, j'imagine que votre regroupement — c'est ma complémentaire, là — va participer, évidemment, au processus de consultation sur la prochaine stratégie numérique qui...

M. Ferland (Eric) : En fait, nous participons au Conseil consultatif québécois des technologies de l'information et on s'apprête aussi à participer à... Vous référez à la consultation que la ministre Anglade a lancée, alors on s'apprête aussi à fournir nos réflexions dans le cadre de ces échanges-là.

Le Président (M. Bernier) : M. le député.

M. Merlini : Merci, M. le Président. Dans le cadre du projet de loi n° 108, maintenant, quels seraient, du point de vue de votre regroupement, les principaux bénéfices d'avoir cette AMP là pour vous, pour votre regroupement?

M. Ferland (Eric) : Veux-tu répondre, Robert, à cette question-là?

Le Président (M. Bernier) : M. Pilote.

M. Pilote (Robert) : Bien, il y a des situations qui peuvent devenir contentieuses. D'avoir une organisation qui est indépendante, qui comprend les règles, transparence, équité, etc., à laquelle on peut référer et qui agit en tant qu'arbitre là-dedans, bien, on voit ça comme, définitivement, un plus. Puis j'ai mentionné tout à l'heure la possibilité de faire une veille, de faire une analyse de ce qui se passe dans les marchés publics, on a suggéré de regarder pourquoi — donner un mandat — des appels d'offres sont, tout simplement, annulés. Qui ont pris beaucoup de temps de la part des ministères et organismes dans la préparation puis les fournisseurs qui ont investi aussi là-dedans, ça fait qu'il y a un rôle qui est là qui nous apparaît définitivement un plus. C'est une approche qu'on supporte à 100 %.

• (20 h 40) •

Le Président (M. Bernier) : M. le député, une autre question?

M. Merlini : Oui. Merci, M. le Président. Vous avez soulevé un point tantôt dans votre présentation concernant les avis d'intention publiés avant d'accorder un contrat de gré à gré. Vous souhaitiez que le montant du contrat soit inclus dans l'avis d'intention publié. Est-ce que ça ne donnerait pas un avantage important aux concurrents potentiels par rapport à l'entreprise qui a été retenue dans le cas du contrat gré à gré? Ça ne poserait pas une problématique particulière à ce moment-là si on publie le montant? Je sais que vous avez fait peut-être référence à un ordre de grandeur sans nécessairement être le montant spécifique, mais, encore là, est-ce que ça poserait problème?

Le Président (M. Bernier) : M. Pilote.

M. Pilote (Robert) : Il faut comprendre que le processus d'appel d'offres vise à aller chercher le soumissionnaire qui livre la solution au moindre prix ou, on pourrait le souhaiter, à la meilleure valeur. Ça fait que de dire qu'un avis d'intention est arrêté, et on va aller en appel d'offres, si on sait le montant budgété, par exemple, pour la solution qui est recherchée, celui qui dit : Bien, moi, je lève la main pour dire que je peux et qui va forcer l'entrée dans un processus d'appel d'offres, de tout préparer puis... tous les soumissionnaires, les fournisseurs qui sont intéressés à soumissionner, ils vont investir. Mais, s'il ne sait pas c'est quoi, l'objectif, le prix maximal à envisager, il fait peut-être du travail pour rien, puis le ministère et organisme aussi. C'est dans ce sens-là qu'on dit que ça serait bon qu'il y ait une indication du montant du contrat pour ce qui est présenté dans l'avis d'intention, de sorte que ce soit en connaissance de cause. Le jeu de la compétition va faire que, si on devait aller en appel d'offres, on sait qu'il y a un prix qui est là ou un montant qui est là puis qu'il faut arriver en dessous de ça de façon conforme aux besoins qui sont exprimés.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Merlini : C'est beau? Est-ce qu'il reste du temps? Non? Oui?

Le Président (M. Bernier) : 50 secondes.

M. Merlini : Bon, c'est bon. Je vais l'octroyer à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Le Président (M. Bernier) : On va aller du côté de l'opposition officielle. Je pense que ça va lui permettre de poser des questions un peu plus complètes.

Mme Léger : M. le Président, merci. Alors, bonjour, messieurs. Juste avant, je ne voudrais pas qu'on oublie les demandes du jour, M. le Président, celle de savoir, avec l'ouverture du ministre par rapport aux municipalités, si elles peuvent venir en commission, en tout cas peuvent venir être consultées. Alors, j'espère qu'on aura une réponse avant qu'on termine les consultations.

Le Président (M. Bernier) : ...dire que, Mme la députée, je n'ai pas eu de demande encore. Avec mon secrétaire, on suit ça, mais je n'ai pas reçu encore une demande de la part du monde municipal. Mais j'imagine qu'en en faisant la publicité déjà ce soir, et que tout le monde nous écoute à cette grande heure d'écoute, ils vont sûrement se manifester rapidement d'ici demain.

Mme Léger : Mais je suis convaincu, M. le Président, que le ministre ...

Le Président (M. Bernier) : Mais je peux regarder...

Mme Léger : Le ministre a déjà eu...

Le Président (M. Bernier) : ...j'ai le tableau de bord des groupes qui vont être entendus et, malheureusement, je n'ai pas encore ceux des municipalités. Mais j'imagine qu'ils vont...

Mme Léger : Alors, je souhaite que le ministre vous transmette les lettres que les... Les municipalités lui ont déjà signifié leur désir de venir. Et évidemment, si le ministre aussi, M. le Président, va nous déposer les amendements qui concernent les municipalités le plus rapidement possible. Il n'a pas eu l'occasion encore de me l'exprimer pendant les consultations, mais ça serait comme important qu'il y revienne. Puis évidemment, bien, s'il va l'élargir à d'autres... les secteurs public et parapublic, bien, ça, c'est aussi des questions qui sont au ministre... actuellement dans sa cour, comme on peut dire.

Mais je vais poursuivre ce que le ministre a posé comme question tout à l'heure aux messieurs. C'est particulièrement dans le cadre de la relation, là, entre les fournisseurs et les membres des organismes, là. Le ministre en a parlé un petit peu, et c'est intéressant, mais comment encadrer ça, là? Et vous avez répondu un peu, mais moi, ça ne me satisfait pas encore parce que je ne sais pas comment vous le voyez. Si vous êtes capable d'aller un petit peu plus loin parce que, tout à l'heure, le groupe, le Medec, lui, parlait qu'il n'y avait pas de négociation possible nécessairement une fois que l'appel d'offres est lancé. Donc, c'est une fois que c'est lancé. Donc, leur demande en ce sens-là était à ce niveau-là. Vous, c'est au préalable. Avant que le cahier de charges soit donné, vous voulez avoir un échange parce que vous avez des solutions novatrices aussi, des orientations dans le futur, comme vous dites, d'être à jour puis de permettre aussi aux ministères et aux organismes d'évoluer aussi dans le même sens.

Donc, c'est comme ça que je l'ai compris. J'imagine que vous allez me l'expliquer davantage, mais comment vous le voyez? Parce que, dans les commentaires que vous mettez, c'est même avec les membres du comité de sélection. Je trouve ça un petit peu embêtant, là, mais vous allez exprimer comment vous voyez ça de parler avec les membres d'un comité de sélection. Est-ce que vous voyez, dans le cadre qu'on est, au projet de loi n° 108, qui est la suite de la commission Charbonneau aussi, tout ce que ça impliquerait? J'ai des doutes, mais vous avez sûrement des raisons significatives.

Le Président (M. Bernier) : M. Pilote.

M. Pilote (Robert) : De la façon que ça fonctionne, c'est que, lorsqu'il y a un comité de sélection qui est formé, les gens qui sont choisis, les fournisseurs ne savent pas qui sont ces gens-là. Ça ne veut pas dire qu'ils ne travaillent pas au quotidien ou occasionnellement avec ces personnes-là dans le cadre des représentations qu'ils font. Ça fait que, dans ce sens-là, on influence au préalable les gens qu'on doit influencer pour leur faire réaliser les éléments désirables, souhaitables, essentiels à mettre dans un cahier de charges. À ce moment-là, c'est le client qui décide ce qu'il va retenir de tout ce qui lui a été présenté, de tout ce que le marché a à offrir. Ça fait que, dans ce sens-là, il n'y a pas de... en tout cas, moi, je ne vois pas de problème de communication. Ça se fait dans le secteur privé, ça se fait dans le secteur de la santé, ça se fait dans tous les secteurs. Ça prend de la probité, il y a un professionnalisme. On a étudié toutes ces choses-là et on doit avoir à coeur de trouver la meilleure solution, de préparer le meilleur cahier de charges dans l'intérêt de l'organisation. Ça fait que moi, je ne vois pas de conflit d'intérêts là.

Et, un peu comme le Medec a mentionné, c'est possible que, dans des discussions, on s'adresse à quelqu'un d'un comité de sélection qu'on ne sait pas qu'il est sur le comité de sélection. Ça fait qu'il faut faire attention, à ce moment-là, de ne pas laisser présager... Parce qu'une personne a parlé avec une personne d'un comité de sélection puis ne savait même pas qu'elle était sur le comité de sélection, puis, à un moment donné, on lève la main et qu'on dise : Oh! il y a eu des communications là puis... c'est le genre de problème qu'on a déjà connu dans d'autres situations.

Le Président (M. Bernier) : Mme la députée.

Mme Léger : Mais, dans votre mémoire, c'est plutôt un commentaire général, là. Dans un article de loi plus précis, voyez-vous des termes que vous voulez ajouter? Est-ce qu'il y a des éléments que vous pouvez nous dire aujourd'hui qui sont plus précis dans les articles de loi?

Le Président (M. Bernier) : M. Pilote.

M. Pilote (Robert) : Bien, je pense que ça vient de la rédaction. Pour nous, c'est que c'est un effort manifeste, conscient d'influencer un membre d'un comité de sélection alors qu'on sait que c'est un membre d'un comité de sélection. C'est autour de ça.

Le Président (M. Bernier) : Mme la députée.

Mme Léger : Sur un autre ordre d'idées, M. le Président, l'AMP, qu'on veut instaurer par ce projet de loi là, a la possibilité, bon, de suspendre l'exécution d'un contrat ou le résilier pour des motifs... gravité de manquements, dans le fond, dans la gestion contractuelle. Vous, votre recommandation, c'est de prévoir particulièrement d'indemniser les soumissionnaires pour les frais encourus. C'est ce que vous avez inscrit dans votre mémoire. Voulez-vous expliquer davantage?

Le Président (M. Bernier) : M. Pilote.

M. Pilote (Robert) : ...s'assurer qu'on comprend bien, ce n'est pas d'indemniser tous les soumissionnaires, c'est le soumissionnaire qui a été retenu, qui a signé de bonne foi un contrat parce qu'on lui demande de signer le contrat puis qui commence le travail propre à ce contrat-là en prenant certaines ressources, en les faisant débuter le travail, etc. Lui se conforme aux obligations du contrat. S'il y a quelque chose qui a été fait qui n'est pas, appelons ça, légal, correct ou selon les pratiques reconnues et que l'organisme, c'est lui qui a fait ça, ce n'est pas au soumissionnaire d'aller faire l'investigation que tout a été bien fait. Lui, on lui demande de signer le contrat, puis il commence au plus rapide. Ça fait qu'à partir du moment où il satisfait à ses obligations puis qu'on découvrait par la suite qu'il y a quelque chose qui n'a pas été fait par rapport au processus ou un manquement qui est grave, que l'autorité juge nécessaire de résilier le contrat, je pense que c'est important que le fournisseur retenu soit indemnisé pour les coûts qu'il a encourus dans l'exécution qu'on l'obligeait à débuter.

Le Président (M. Bernier) : Mme la députée.

Mme Léger : Merci, ça va.

M. Pilote (Robert) : Ça répond à votre question?

Le Président (M. Bernier) : Ça va? M. le député de La Peltrie, la parole est à vous.

• (20 h 50) •

M. Caire : Bien, merci, M. le Président. Je prendrai donc la parole. Je dois vous dire que je suis assez surpris de ce que vous nous dites concernant l'interdiction de contacter les membres du comité de sélection, compte tenu des différents rapports de la Vérificatrice générale, qui, au contraire, elle, nous indique ça comme étant un problème, les interactions entre les entreprises qui soumissionnent sur des contrats et les interactions avec les membres du comité de sélection. Puis je vais même aller plus loin parce que ça fait quoi, un an, là, que le commissaire Lafrenière, à peu près, a déposé son rapport sur la collusion et la corruption dans le domaine des technologies de l'information, et lui cible ça comme un problème majeur, puis vous, vous me dites : Je n'y vois pas de problème. J'essaie de vous suivre, là, parce que les autorités compétentes nous disent : Au contraire, c'est un problème majeur qui a amené de la collusion et de la corruption dans les technologies de l'information.

Le Président (M. Bernier) : M. Pilote.

M. Pilote (Robert) : Manifestement, ma réponse n'était pas assez complète, je vais passer la parole à M. Ferland.

Le Président (M. Bernier) : À M. Ferland? M. Ferland, allez-y.

M. Ferland (Eric) : Avec plaisir. Écoutez, je vais prendre un cas d'espèce. Je pense qu'il n'y a rien de mieux qu'un cas d'espèce pour exprimer le risque potentiel d'une clause telle qu'elle est formulée. Évidemment, oui, il y a des firmes qui ont des représentants, des gens qui sont là pour faire du développement des affaires, mais, dans le monde du service-conseil, il y a au quotidien des employés des entreprises de services-conseils qui sont sur le terrain dans les organismes gouvernementaux qui transigent avec des gens en situation d'autorité, des gestionnaires, des professionnels, ils transigent avec ces gens-là au quotidien. Et les firmes, on a à gérer ces contrats-là, ces relations-là, on a à répondre aux besoins, alors on a des gens qui sont sur place qui travaillent avec les clients en même temps que les clients lancent des processus d'acquisition aussi en parallèle. C'est un processus qui est continuel.

Alors, imaginez que les employés d'une entreprise de services-conseils sont à l'oeuvre chez un client, et là, parce qu'il y a un article de loi, il faudrait cesser les communications ou on serait à risque parce qu'un représentant d'une entreprise qui est sur place pour veiller à la conduite d'un contrat et qui réalise lui-même des travaux a à discuter avec des gestionnaires qui, par ailleurs, ont l'ancien processus d'appel d'offres qui n'a peut-être, dans certains cas, rien à voir avec les travaux qui sont réalisés présentement. Où va être la frontière, là? Tu sais, quand on dit : Il faut faire attention, il faut préciser, là, la portée de... Quelqu'un qui ferait directement une intervention pour tenter d'influencer le contenu d'un appel d'offres ou d'influencer le processus de sélection, je pense que c'est ça qu'on vise dans l'esprit de la loi, et c'est ça qu'on veut freiner.

M. Caire : Si je peux me permettre, M. Ferland...

M. Ferland (Eric) : Oui. Oui.

M. Caire : ...c'est ce qui est dans le descriptif de l'article. Alors, je vous le lis, là : «...prévoir une infraction pénale pour quiconque communique ou tente de communiquer avec un des membres d'un comité de sélection dans le but de l'influencer et de prévoir un délai de prescription...»

Comprenez-vous? C'est «dans le but», là. Or, la loi prévoit qu'il y a une intention manifeste d'influencer. Le cas d'espèce... Puis, moi aussi, le domaine de la consultation, je connais ça pas pire, là, j'ai fait une petite dizaine d'années là-dedans, là. Disons que le cas que vous soumettez est un cas où, par accident, je parle avec un gestionnaire d'un ministère d'un dossier dans lequel je suis impliqué comme consultant et pour lequel j'ai été dûment mandaté, j'ai signé un contrat. Je pense qu'on ne parle pas du tout de la même chose, là. Le cas que vous amenez ne s'applique pas à cet article-là parce que ce que cet article-là dit, c'est que, si moi, je vais voir le gestionnaire en disant : Aïe! «By the way», tu as lancé un appel d'offres sur tel et tel système, viens, on va aller pêcher ensemble puis je vais te parler de tous les bénéfices de mon entreprise, on ne parle pas de la même chose, là. Donc, c'est pour ça que je vous dis... Puis, pourtant, ces interactions-là nocives ont été documentées par la Vérificatrice générale, par le commissaire de l'UPAC. Donc, vous prenez un exemple qui, à mon avis, n'illustre pas la portée de cet article-là, là. En tout cas, dans ma compréhension à moi, là, l'article est clair, il faut qu'il y ait une intention manifeste d'influencer, ce n'est pas... Vous, vous parlez de relation accidentelle, là, on n'a pas la même portée, il me semble.

Le Président (M. Bernier) : M. Pilote ou M. Ferland? M. Ferland.

M. Ferland (Eric) : Écoutez, je peux juste réagir brièvement. Si l'esprit est clair comme ça pour vous ce soir, il faut que ça le soit pour tout le monde. Par ailleurs, ce qu'il faut déplorer, on vit une certaine chasse aux sorcières présentement, là, et il y a beaucoup de donneurs d'ordres qui sont frileux, même, à rencontrer leurs fournisseurs pour parler d'affaires courantes parce qu'ils ont peur de se faire dire : Bien oui, mais on sait bien, tu partages l'information que tu ne devrais pas partager. Et, malheureusement, il y a certains cas d'espèce, effectivement, qui sont survenus, qui ont été documentés, deux cas au niveau de l'UPAC, et certains constats de la Vérificatrice générale, mais on en fait légion. Et l'industrie paie pour ça, il y a une mauvaise réputation qui s'est installée, et puis je pense qu'il serait temps de passer à autre chose puis de voir la valeur de l'industrie des TI parce que... Écoutez, passer à autre chose, il faut comprendre, là. Quand vous dites que vous avez été 10 ans en consultation...

M. Caire : Parce que c'est des milliards de dollars qu'on s'est fait voler, là, j'ai de la misère à passer à d'autre chose, M. Ferland.

M. Ferland (Eric) : Mais non, écoutez, vous comprenez ce que je veux dire. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a une certaine chasse aux sorcières. Il y a des cas qui sont répréhensibles, il faut les contrôler, mais il ne faut pas penser que l'ensemble de l'industrie se comporte de cette façon-là, M. le député. Je pense que c'est ça, mon point.

M. Caire : J'entends ce que vous me dites puis je peux témoigner du fait qu'il y a dans les firmes de consultants une grande majorité de gens honnêtes désireux de servir leurs clients. Ceci étant dit, je pense que, comme législateurs, on ne peut pas fermer les yeux sur le fait qu'il y a aussi eu là-dedans des gens mal intentionnés, et ces cas-là ont été répertoriés. Et ce que le législateur doit faire maintenant, c'est, à travers l'AMP, de s'assurer que ces pratiques-là, qui sont répréhensibles — puis je suis convaincu que vous les trouvez tout aussi répréhensibles que moi — cessent.

Et simplement expliquer et profiter de votre intervention pour expliquer que je pense qu'on ne peut pas accepter le fait que des gens fassent des représentations à un comité de sélection dans le but de les influencer, dans le but d'obtenir des mandats. Ces pratiques-là, on les a vues, on sait où est-ce que ça nous mène. Et non seulement je pense qu'on ne doit pas faire attention à ça, mais on doit aller aussi loin que possible pour s'assurer que ces pratiques-là cessent parce qu'elles ont, justement... elles ont nui à l'industrie. Et, si l'industrie traîne une mauvaise réputation, bien, c'est parce qu'il y a quelques pommes pourries qui ont eu des pratiques comme celles-là puis qui, à ce jour, n'en ont pas encore subi les conséquences, soit dit en passant. Donc, je pense que vous devriez nous encourager dans cette voie-là, justement pour que l'industrie puisse sortir blanchie de cet exercice-là.

Le Président (M. Bernier) : Un court commentaire.

M. Ferland (Eric) : Oui. Bien, écoutez, nous, on est d'accord avec ce qui se dessine au niveau de l'AMP. L'esprit que vous décrivez, c'est, je pense, ce qui est visé notamment par la mise en place de l'Autorité des marchés publics. On est totalement en accord avec l'esprit. Tout ce qu'on veut s'assurer, c'est que, dans les modalités, il n'y ait pas des situations déplorables parce qu'il y a eu des excès dans l'interprétation et dans l'application de la loi ou des règlements. C'est simplement notre point, et puis qu'on parle des réussites, qu'on parle des succès dans les TI au gouvernement, qu'on cesse de parler des dossiers qui ont été plus difficiles, qu'on cesse de parler des situations qui existent puis...

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Ferland (Eric) : Voilà.

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. Ferland, M. Pilote, de votre participation à la Commission des finances publiques. Écoutez, merci aux collègues qui ont participé à cette séance de travail aujourd'hui.

Je lève la séance, et la commission ajourne ses travaux au jeudi 22 septembre, où elle poursuivra un autre mandat. Je lève la séance.

(Fin de la séance à 20 h 59)

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