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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, September 28, 2016 - Vol. 44 N° 122

Special consultations and public hearings on Bill 108, An Act to facilitate oversight of public bodies’ contracts and to establish the Autorité des marchés publics


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Table des matières

Auditions (suite)

Comité public de suivi des recommandations de la commission Charbonneau

Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ)

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

TechnoMontréal

M. Pierre Noreau

Vérificateur général

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Autres intervenants

M. Raymond Bernier, président

M. André Spénard, vice-président

M. Carlos J. Leitão

M. Richard Merlini

M. André Fortin

Mme Nicole Léger

M. Éric Caire

*          M. Luc Bégin, Comité public de suivi des recommandations de la commission Charbonneau

*          M. Pierre-Olivier Brodeur, idem

*          M. Gilles Ouimet, idem

*          M. Gabriel Chénard, idem

*          Mme Gisèle Bourque, ACRGTQ

*          Mme Émilie Truchon, idem

*          M. Roger Arsenault, idem

*          M. Stéphane Forget, FCCQ

*          M. David Laureti, idem

*          M. Jean-François Bissonnette, TechnoMontréal

*          M. Stéphane Couture, idem

*          Mme Lidia Divry, idem

*          Mme Guylaine Leclerc, Vérificatrice générale

*          M. Guy-François Lamy, CPQ

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte et, bien sûr, je demande à toutes les personnes dans la salle d'éteindre la sonnerie des téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder à des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 108, Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l'Autorité des marchés publics.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Polo (Laval-des-Rapides) est remplacé par M. Ouellette (Chomedey); M. Bonnardel (Granby) est remplacé par M. Caire (La Peltrie).

Le Président (M. Bernier) : Merci beaucoup. Nous aurons le plaisir d'entendre ce matin le Comité public de suivi des recommandations de la commission Charbonneau, bienvenue, messieurs, et l'association des constructions de routes et grands travaux du Québec. Alors, bienvenue à tous les parlementaires qui vont participer ce matin à cette commission. Bienvenue au personnel et recherchistes qui vous accompagnent, le personnel du Secrétariat du Conseil du trésor et le personnel de l'Assemblée nationale qui nous accompagnent dans nos travaux, avec mon très compétent secrétaire, qui est à côté de moi. Il tire la force dans sa barbe, ce qui fait qu'il est très, très fort par rapport à ses recommandations.

Auditions (suite)

Donc, bienvenue à M. Luc Bégin, Pierre-Olivier Brodeur. M. Ouimet, bienvenue, bon retour à l'Assemblée nationale — peut-être un jour — M. Gabriel Chénard également. Alors, sans plus tarder, vous avez 10 minutes pour votre présentation. La parole est à vous.

Comité public de suivi des recommandations
de la commission
Charbonneau

M. Bégin (Luc) : Alors, nous remercions la Commission des finances publiques de nous donner l'occasion d'intervenir dans le cadre des consultations qui entourent le projet de loi n° 108. Le Comité public de suivi des recommandations de la commission Charbonneau est un comité non partisan, formé d'experts et de personnalités publiques, dont la mission est de surveiller et rapporter la mise en oeuvre des recommandations de la commission Charbonneau de façon ouverte et objective.

Nous avons annoncé, au printemps dernier, le dépôt d'un rapport, le 24 novembre 2016, jour anniversaire du dépôt du rapport de la commission, pour faire le point sur l'avancement du travail des différentes instances gouvernementales ayant un rôle à jouer dans la mise en oeuvre des recommandations. Dans l'esprit de notre mission, notre intervention vise à évaluer la fidélité du projet de loi n° 108 auxdites recommandations.

La création de l'Autorité des marchés publics, l'AMP, est la recommandation-phare de la commission Charbonneau. Elle découle d'un diagnostic clair sur l'origine des problèmes constatés. Selon la commission, ceux-ci sont le fruit de la combinaison des quatre facteurs suivants : tout d'abord, l'autonomie accordée aux donneurs d'ouvrage publics en ce qui a trait à l'application des modes et règles d'adjudication des contrats prévues par la loi et la réglementation, l'absence, chez certains donneurs d'ouvrage publics, d'une expertise interne suffisante en mesure d'évaluer les travaux requis et les soumissions reçues en réponse à un appel d'offres, la possibilité pour les politiciens, particulièrement au niveau municipal, d'influencer l'octroi et la gestion des contrats publics et l'absence d'analyse de marché permettant de détecter des situations problématiques. Pour pallier ces lacunes, la commission a recommandé la création d'une instance nationale d'encadrement des marchés publics ayant pour mandat les trois points suivants : surveiller les marchés publics afin de déceler les problèmes de malversation, soutenir les donneurs d'ouvrage publics dans leur gestion contractuelle et intervenir auprès des donneurs d'ouvrage publics lorsque requis.

Le projet de loi n° 108 est un pas important vers la création de l'AMP, et nous tenons à féliciter le gouvernement de l'avoir posé. Cependant, l'AMP, telle que définie par le projet de loi, n'a ni l'indépendance, ni les pouvoirs, ni la portée nécessaires pour mener à bien sa mission. Par conséquent, nous estimons que le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne répond pas adéquatement aux recommandations de la commission. Nous abordons ces trois lacunes successivement.

Tout d'abord, la question de l'indépendance de cette nouvelle instance nationale. Lorsqu'elle définit l'AMP, la commission Charbonneau insiste sur l'indépendance nécessaire à cette instance nationale. Nous invitons les parlementaires à se pencher sur le processus de nomination du président-directeur général de l'AMP. Bien que la commission n'ait pas jugé bon de recommander un mode de nomination précis, il ressort clairement de la recommandation que ce processus de nomination doit être en mesure d'assurer la compétence et l'indépendance de l'AMP. Le projet de loi n° 108 prévoit que le gouvernement nomme le dirigeant de l'AMP à partir d'une liste que lui aura fournie un comité créé pour les circonstances. Ce processus de nomination ne nous apparaît pas être le meilleur processus possible. D'autres modèles existent qui ont fait leurs preuves et nous semblent plus à même de garantir la compétence et l'indépendance du dirigeant de l'AMP. Ce dernier pourrait, par exemple, être choisi par l'Assemblée nationale aux deux tiers des voix ou être nommé par le gouvernement parmi une liste de candidats élaborée par un comité de sélection dont la composition est précisée dans la loi.

Le projet de loi prévoit également que l'AMP n'a qu'un pouvoir de recommander au secrétariat du trésor de faire à son tour des recommandations au gouvernement lorsqu'il s'agit de soumettre la gestion contractuelle d'un organisme public à la surveillance de l'autorité ou encore de transférer les responsabilités d'un processus d'octroi de contrats vers un autre organisme public. Nous nous interrogeons sur l'utilité d'un tel mécanisme de supervision par le Secrétariat du Conseil du trésor.

Deuxième point, la question de l'encadrement, les pouvoirs et modes d'intervention de l'AMP. La commission Charbonneau décrit l'AMP comme un organisme dont l'action doit se situer autant en amont qu'en aval, dans une logique d'intervention graduelle qui comporte trois axes principaux : la surveillance des marchés publics, le soutien aux donneurs d'ouvrage publics et l'intervention auprès de ceux-ci lorsque nécessaire. Tel que présenté, le projet de loi ne crée pas, à l'image de l'AMF, un guichet unique en matière de surveillance, encadrement et contrôle des contrats publics. En effet, le projet de loi fait de l'AMP un organisme dont l'action se situera essentiellement a posteriori. Pour remédier à cette situation, nous suggérons les modifications suivantes : confier à l'AMP le rôle de coordonner et donner les formations en gestion contractuelle, donner à l'AMP des pouvoirs spécifiques pour obtenir des informations dans le cadre de son mandat de veille, et assurer que l'AMP puisse désigner un membre d'un comité de sélection ou un vérificateur indépendant dès qu'une situation le requiert — le projet de loi prévoit que ce pouvoir ne peut s'exercer qu'au terme d'une vérification ou d'une enquête, il ne faudrait pas que ceci limite l'AMP dans l'exercice de ses pouvoirs — et prévoir également pour l'AMP la possibilité de prendre en charge elle-même un processus d'octroi de contrats.

• (11 h 40) •

L'AMP ne doit pas être un simple gendarme des marchés publics. Cet organisme doit être un véritable, et nous y insistons, pôle d'expertise en en analyse et vérification des marchés publics en mesure de soutenir tous les donneurs d'ouvrage publics, tel que le recommandait la commission Charbonneau. Son action doit être large et embrasser toute l'activité contractuelle sans se limiter à la vérification de la conformité aux seules normes contractuelles.

Pour que l'AMP puisse jouer son rôle, il faut limiter les barrières à son action. Or, nous constatons que le projet de loi n° 108 impose un cadre restrictif à l'AMP, réduisant d'autant sa marge de manoeuvre. Ainsi, le gouvernement se réserve le pouvoir de désigner les organismes dont la gestion contractuelle doit faire l'objet d'une vérification par l'AMP. Pourtant, les déficiences de la gestion contractuelle ont été au coeur de plusieurs stratagèmes observés par la commission Charbonneau. Cet aspect du projet de loi devrait être revu.

Et le troisième et dernier point, la question des contrats publics et la portée et le champ d'intervention de l'AMP. Les recommandations de la commission sont claires : le mandat de l'AMP doit couvrir la gestion contractuelle de tous les donneurs d'ouvrage publics. Or, le projet de loi n° 108 limite de façon importante le champ d'intervention de l'organisme. En effet, l'AMP est cantonnée aux organismes publics tels que définis dans la Loi sur les contrats des organismes publics, pour les contrats d'approvisionnement et de services, aux seuls contrats dont la valeur excède les seuils prévus aux accords intergouvernementaux, à la gestion contractuelle du MTQ et des autres organismes désignés par le gouvernement.

Contrairement à ce que prévoyaient les recommandations de la commission, plusieurs sphères échappent ainsi à l'AMP. Ainsi, les municipalités ne font pas partie de son champ d'action. Nous sommes d'avis que cette lacune devrait être corrigée. Les contrats d'approvisionnement et de services de gré à gré et dans le cadre d'un appel d'offres sur invitation ne sont pas inclus non plus. De même, la gestion contractuelle des organismes autres que le MTQ et ceux désignés par le gouvernement ne fait pas partie du mandat actuel de l'AMP. Or, il nous semble impératif que l'AMP ait le pouvoir de déclencher de sa propre initiative toute enquête ou vérification en matière de gestion contractuelle.

Nous recommandons de modifier le projet de loi n° 108 afin d'étendre le mandat de l'AMP aux municipalités, incluant les OBNL et les sociétés paramunicipales financées majoritairement par des fonds publics, de l'étendre à tous les contrats également sans distinction de valeur ainsi qu'à la gestion contractuelle de tous les organismes sous sa responsabilité. De plus, l'AMP devrait avoir le pouvoir de dicter les règles du Bureau des soumissions déposées du Québec, comme le recommande le rapport de la commission.

Évidemment, des pouvoirs ne sont rien sans les moyens de les appliquer. Il est par conséquent crucial que l'AMP soit adéquatement financée. Elle doit disposer des ressources nécessaires pour exercer son important mandat.

En créant l'AMP, le gouvernement a posé un geste important. Cet organisme a le potentiel de devenir un guichet unique pour l'ensemble des marchés publics au Québec. Pour cela, l'AMP doit jouir de toute la latitude nécessaire pour jouer efficacement son rôle. La loi qui la constitue doit lui donner les mandats et les pouvoirs prévus par la commission Charbonneau tels que nous les avons soulignés aujourd'hui.

Et, aussi importante soit-elle, la création d'un nouvel organisme ne saura à elle seule résoudre les problèmes d'intégrité dans les marchés publics. Une révision des lois et règlements, telle que la commission Charbonneau le recommande, est elle aussi nécessaire pour assurer que les processus contractuels soient les plus performants et les plus robustes possible. Il s'agit là d'un chantier auquel nous recommandons aux parlementaires de s'attaquer en priorité dans la suite de leurs travaux. Merci.

Le Président (M. Bernier) : Merci, M. Bégin, pour votre présentation. Nous allons passer aux échanges avec les parlementaires. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Leitão : Très bien, merci beaucoup, M. le Président. Alors, messieurs, bonjour. Merci d'être là, merci d'être venus. Et on s'excuse pour la musique d'ambiance, mais ce n'est vraiment pas de notre...

Le Président (M. Bernier) : On ne peut que contrôler les cellulaires et non pas les marteaux-piqueurs.

M. Leitão : Voilà. Alors, même avec une AMP, je pense qu'on ne serait pas capables de faire ça. En tout cas, plusieurs choses que j'aimerais en discuter un peu plus avec vous, surtout cette question que vous avez soulevée, d'indépendance. Mais, avant d'y arriver, à l'indépendance, j'aimerais vous dire, d'entrée de jeu, comme je l'ai déjà dit depuis le début de ces auditions, que nous sommes tout à fait disposés, presque prêts à inclure les municipalités aussi. Donc, nous préparons une série d'amendements qui vont faire en sorte que le monde municipal va être aussi inclus par le projet de loi n° 108. Donc, vous n'êtes pas le premier groupe à nous suggérer de le faire, mais j'aimerais aussi vous dire, comme j'ai dit aux autres, que c'est ce qui va être fait. Ça, c'est d'entrée de jeu.

Maintenant, revenons à cette question d'indépendance. Donc, un des aspects de l'indépendance de l'autorité, c'est que vous souhaiteriez que, donc, le processus de nomination du P.D.G., donc du directeur de cet organisme, soit fait directement par l'Assemblée nationale, pendant que nous, ce que nous proposons, c'est de le faire — donc, par le gouvernement — à travers un comité. Une chose que vous avez mentionné, et je pense que c'est aussi... j'aimerais vous entendre là-dessus, c'est que, oui, nous allons créer un comité, un comité qui va proposer des personnes qui seraient des candidats à la direction de cet organisme. Alors, comment est-ce que vous... Quelles recommandations, quelles suggestions aurez-vous à nous donner dans la création de ce comité-là? Qui devrait le composer, ce comité-là? À votre avis, comment le processus devrait se passer?

Le Président (M. Bernier) : M. Bégin.

M. Bégin (Luc) : Oui, en fait, je répondrai très brièvement, et je reviens sur la proposition, qui est plutôt... Je me verrais mal vous recommander quelles personnes ou comment nommer les personnes sur le comité. On s'en tient simplement, nous, à la proposition à l'effet que, pour garantir au mieux l'indépendance de l'AMP, cette personne devrait être choisie par l'Assemblée nationale au deux tiers des voix ou encore nommée par le gouvernement parmi une liste de candidats qui est élaborée par un comité de sélection dont la composition serait précisée dans la loi.

Donc, on est sur ces deux options, qui nous semblent les deux modes les meilleurs pour assurer et garantir cette indépendance, et ce sont d'ailleurs, de toute façon, ceux qui sont retenus notamment pour le Vérificateur général du Québec, le Directeur général des élections ou encore, dans l'autre cas, pour le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec. Alors, il nous semble que c'est la meilleure voie à suivre, l'une ou l'autre de ces options.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le ministre.

M. Leitão : Oui, écoutez, nous considérons très activement d'inclure, dans le projet de loi, une telle procédure, donc de nommer, dans le projet de loi, les membres de ce comité-là et le processus. Donc, ça va se faire aussi. Mais, restant dans le domaine de l'indépendance, on va un peu plus loin et on parle aussi... vous mentionnez aussi que vous souhaiteriez que l'autorité puisse jouer aussi un rôle de pôle d'expertise, enfin, pas seulement de surveiller les marchés, mais d'être beaucoup plus active, beaucoup plus présente, beaucoup plus interventionniste, si je peux utiliser un tel terme. Est-ce que vous pensez que ça pourrait mener à une certaine confusion, en tout cas, un certain conflit entre le rôle de surveillant et le rôle de régulateur, si on veut? Est-ce que le surveillant devrait être aussi le régulateur ou est-ce que ça ne serait pas mieux peut-être de séparer les deux?

Le Président (M. Bernier) : M. Chénard. Oui, allez-y, M. Chénard.

Une voix : M. Brodeur.

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Merci. En fait, ce qu'on constate actuellement, c'est que, par exemple, au sous-secrétariat aux marchés publics, il y a un peu ces deux pôles-là qui cohabitent. Nous, on propose, comme vous l'avez très bien souligné, en fait, s'appuyant sur les recommandations de la commission Charbonneau, de créer un véritable pôle d'expertise qui va réunir toutes les ressources qui sont actuellement fragmentées. Et, à partir de ce moment-là, ce pôle d'expertise là devrait bénéficier au plus grand nombre d'organismes possible et avoir l'impact maximal à travers la société et les activités d'approvisionnement et de marchés publics du Québec. Et donc ça rentre dans une série de rôles qui pourraient lui être confiés, comme, par ailleurs, de jouer un rôle d'observation et éventuellement d'édicter les règles du BSDQ. Donc, nous, on ne voit pas de conflit entre ces deux fonctions. La commission n'y voyait pas non plus de conflit.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le ministre.

• (11 h 50) •

M. Leitão : Très bien. Écoutez, on se comprend bien, que cette création d'expertise, d'un pôle d'expertise à l'intérieur du gouvernement, bien sûr que c'est non seulement important, elle est nécessaire. La question, évidemment : Est-ce que ça devrait être l'AMP qui a aussi ce rôle en plus de ses activités de surveillance, a aussi le rôle de diffuser l'expertise, ou est-ce que ça ne serait pas peut-être plus pratique que cela se fasse par le Conseil du trésor, le Conseil du trésor où il y a déjà une bonne expertise, mais qu'on crée davantage un organisme, un rôle d'expertise pour assister les autres organismes publics dans leurs contrats?

Attendez un peu, j'avais aussi une autre question ici avant de passer la parole à mes collègues. Ah oui! On a parlé, donc, de financement, de s'assurer que, bien sûr, le gouvernement s'assure que l'autorité soit adéquatement financée, bien sûr. En même temps on a constaté que la commission Charbonneau elle-même, quand elle parlait de la création d'une autorité des marchés publics, la commission disait que ça se ferait à coût nul. Comment est-ce que vous réagissez à ça?

Le Président (M. Bernier) : M. Ouimet? M. Bégin? Lequel? M. Ouimet. Bien oui, ça va nous faire plaisir de vous entendre, M. Ouimet.

M. Ouimet (Gilles) : Merci. Oui, bien, tant qu'à être venu... Merci, M. le Président. En fait, je pense qu'il est important de rappeler une chose. Le comité a pour mandat, comme mission principale, d'assurer le suivi et la pérennité des recommandations de la commission. Et il est difficile pour le comité d'aller plus loin, d'aller au-delà de ce que la commission a proposé. Alors, sur certaines questions, on peut... Bien que nous ayons tous individuellement dans nos champs d'expertise des points de vue, collectivement, comme comité, comme organisation informelle, on s'est donné comme mandat d'assurer simplement le suivi des recommandations.

Ayant dit cela, évidemment, la commission avait émis cette idée qu'en regroupant au sein de ce pôle d'expertise, en créant ce pôle, cette autorité qui regroupe toutes les expertises... pourrait se faire à coût nul. Est-ce que c'est le cas? Quand on regarde... Et la question que posait le ministre, c'était... Dans l'esprit de la commission, en regroupant tout le monde, donc le rôle de régulateur et le rôle de surveillant, au sein de cette même organisation, on pouvait penser que ça se fasse à coût nul. Si on doit conserver, à l'extérieur, des fonctions, là, à ce moment-là, ça devient plus difficile de réaliser ça, et il y a une injection de fonds qui est nécessaire.

M. Leitão : En effet. Alors, on a...

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Leitão : En effet, on a regardé ça, bien sûr. Et, oui, on va rapatrier certaines fonctions qui existent déjà et des personnes, que ce soit à l'AMF ou que ce soit au ministère des Transports. Mais c'est clair que ce n'est pas suffisant. Il va falloir ajouter des budgets supplémentaires. Nous, nous sommes très conscients de cela, et c'est ce que nous allons faire. Les collègues, si vous avez des questions...

Le Président (M. Bernier) : M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre mémoire et votre présence ici ce matin. Vous mentionnez à la page 1 que le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne répond pas adéquatement aux recommandations de la commission et vous dites que l'AMP n'aura ni l'indépendance, ni les pouvoirs, ni la portée nécessaires pour mener à bien sa mission. Mais au sujet du BSDQ, que vous avez mentionné tantôt aussi dans votre présentation, c'est quoi, les principaux problèmes que vous voyez quant à son fonctionnement? Parce que de demander à l'AMP de siéger avec des entrepreneurs sur un conseil d'administration risque de nuire justement à l'indépendance de l'AMP. Alors je vois un peu peut-être une contradiction entre ce que vous souhaitez, qu'elle soit vraiment indépendante, l'AMP, mais, en même temps, si vous le mettez sur le BSDQ, là, ça complique les choses, là, par rapport à son indépendance parce que comment expliquer qu'un vérificateur, à ce moment-là, pourrait dicter les règles? Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bernier) : Monsieur... Lequel est lequel? Lequel est lequel? Levez la main puis dites-moi qui est qui.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bernier) : M. Chénard. C'est beau.

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : C'est Brodeur. M. Chénard, c'est lui. Et moi, je suis Brodeur. Tout d'abord, il est clair que, comme a dit Me Ouimet, nous sommes ici pour assurer la pérennité des recommandations de la commission Charbonneau. Par rapport au BSDQ, il faut rappeler que le BSDQ, comme vous le savez, d'ailleurs d'autres intervenants l'ont souligné, est un acteur de premier plan dans les contrats publics par son rôle fondamental qu'il joue au niveau des sous-contrats publics. La commission a étudié le BSDQ et a évalué qu'il pouvait y avoir des problèmes potentiels à ce niveau-là. Et donc il fallait qu'il y ait une instance gouvernementale qui soit en mesure d'observer ça et qui soit en mesure également, la commission l'explique dans son rapport, de trancher parce que — et je crois que vous avez reçu à la fois l'Association de la construction du Québec et l'association des entrepreneurs généraux du Québec — vous avez pu constater que le BSDQ fait l'objet d'un conflit, enfin, entre ces deux associations. Donc, il est important qu'il y ait une instance gouvernementale qui soit en mesure d'assurer un suivi et éventuellement de dicter des règles. L'AMP est la mieux placée, étant donné qu'elle sera le pôle d'expertise à ce niveau au Québec. C'est elle qui aura le mandat d'effectuer une veille des marchés publics, qui pourra détecter des situations problématiques et qui, par conséquent, pourra formuler des recommandations appropriées et concrètes.

Par rapport au conflit entre la vérification, d'une part, et la contribution, que ce soit à édicter des règles, que ça soit à la formation, que ça soit au soutien des donneurs d'ouvrage publics, ce n'est pas un problème que la commission constatait et ce n'est pas un problème que nous constatons non plus parce qu'actuellement, si on regarde ce qui se fait, c'est la situation qui prévaut dans un très grand nombre de situations. Alors, en vrac, on peut citer par exemple les ordres professionnels, qui sont chargés de l'accession à la profession, de la formation et de l'inspection professionnelle. On peut citer le Secrétariat du Conseil du trésor, dont le sous-secrétariat aux marchés publics a charge de la formation et de mener des inspections et des vérifications lorsqu'il est mandaté pour le faire par le président du Conseil du trésor. On peut citer... Au MTQ, la formation et le soutien à l'approvisionnement sont effectués par la Direction de la surveillance des marchés et de l'observation des règles contractuelles, qui est également l'unité administrative qui a le rôle de mener des vérifications sur les activités contractuelles. On peut citer l'UPAC. Les formations en prévention de la corruption et de la collusion qui se font au Québec sont données par l'UPAC ou en collaboration avec l'UPAC, l'UPAC ayant également pour mandat d'enquêter sur de possibles activités de corruption et de collusion. Donc, si on regarde la situation, je pense que d'avoir une instance, un pôle d'expertise qui joue à la fois un rôle en amont et un rôle en aval, c'est plutôt la norme, et c'est le modèle qui prévaut ailleurs, et c'est le modèle que la commission suggérait pour l'AMP.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député de Pontiac.

M. Fortin (Pontiac) : Oui. Merci, M. le Président. D'abord, bien, je tiens à vous remercier d'être avec nous. Je pense que c'est utile, surtout pour un document de l'importance que... ce qui nous a été présenté par la commission Charbonneau, d'avoir des gens comme vous qui s'attardent à ce que le gouvernement suive bien certaines des recommandations ou l'ensemble, si vous voulez, des recommandations qui sont mises de l'avant. Alors, je vous remercie pour votre travail.

Donc, je veux rentrer dans une ou deux, là, des recommandations précises que vous nous faites. Comme vous le disiez à l'instant, ce que vous considérez à travers le projet de loi, c'est que l'organisme se situe essentiellement, là, a posteriori, donc après les décisions, et une des recommandations que vous faites, c'est que... prévoir pour l'AMP la possibilité de prendre en charge elle-même un processus d'octroi de contrats. Alors là, j'aimerais vous entendre juste pour bien comprendre ce que vous proposez, là. Est-ce que, si l'AMP prend en charge elle-même le processus, elle se met dans une situation délicate? Qui, à ce moment-là, se retrouve à s'assurer qu'elle-même fait bien les choses? Est-ce que ça vous pose problème dans votre analyse ou si c'est quelque chose que vous avez déjà considéré?

M. Chénard (Gabriel) : Je crois que...

Le Président (M. Bernier) : M. Chénard.

M. Chénard (Gabriel) : Oui.

Le Président (M. Bernier) : Là, je ne me trompe pas. C'est le vrai M. Chénard.

M. Chénard (Gabriel) : Je crois qu'il s'agissait... Dans l'esprit de la recommandation, ma compréhension, c'est que c'était une mesure exceptionnelle. C'est certain que, si l'AMP se met à gérer l'approvisionnement de plusieurs donneurs d'ouvrage, c'est anormal. Il pourrait y avoir des conflits d'intérêts. Donc, ma compréhension, c'est une mesure vraiment exceptionnelle.

M. Fortin (Pontiac) : Est-ce que vous avez...

Le Président (M. Bernier) : On va devoir passer de l'autre côté, M. le député de Pontiac. Malheureusement, le temps qui vous est imparti est maintenant terminé. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, la parole est à vous.

• (12 heures) •

Mme Léger : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, messieurs. Bienvenue, notre ex-collègue, Gilles. Évidemment, d'entrée de jeu, je vais vous parler évidemment des municipalités, qui, pour moi, depuis la semaine dernière particulièrement... c'est un pan important de la commission Charbonneau d'inclure les municipalités, autant dans le projet de loi n° 108... il y a aussi, dans le projet de loi n° 107, les lanceurs d'alerte, il y a tout un autre pan qui est là, qui est important.

Vous parlez des municipalités, vous parlez d'OSBL, vous parlez aussi du paramunicipal. On pourra en reparler, mais, d'entrée de jeu, je dois quand même vous dire que le ministre nous a dit que le projet de loi n° 108... il a déposé un projet de loi devant nous, et les municipalités ne sont pas là. Vous l'indiquez clairement dans votre mémoire qu'il faudrait que cette lacune soit corrigée. Il nous a dit qu'il était pour assujettir les municipalités. Alors, on prend sa parole, on attend toujours parce qu'on n'a pas encore les amendements.

Et aujourd'hui, il nous a sorti un nouveau mot. Ah! c'est presque prêt. Alors, c'est presque prêt, on va avoir les amendements. Par contre, entre autres, la FQM a demandé d'être entendue à la commission, et je l'ai mentionné plusieurs fois à la commission, et le ministre refuse de les entendre à la commission parlementaire.

Le Président (M. Bernier) : Je vais juste ouvrir une petite parenthèse, Mme la députée. C'est que la demande nous a été faite effectivement à la commission, et moi, j'ai transféré la demande au niveau des leaders et, présentement, je n'ai pas encore eu d'autorisation ou d'entente entre les leaders sur le sujet. Par contre, il y aura un mémoire qui va être déposé par la FQM. Je veux juste préciser les choses. Je vous redonne votre temps.

Mme Léger : Oui, mais moi, je vais vous dire clairement, ce n'est pas à vous... comme président, vous faites le travail que vous avez à faire, mais c'est quand même... le gouvernement refuse de les entendre présentement. Est-ce qu'ils sont là aujourd'hui? Est-ce qu'ils vont être là demain? Non, ils ne sont pas là présentement. Et il y a eu discussion avec les leaders, et notre leader nous dit, de notre côté, que le leader du gouvernement refuse. Donc, le gouvernement n'accepte pas d'avoir les municipalités. Alors, pour moi, c'est un double discours actuellement, M. le Président, et vous ne pouvez pas m'empêcher de dire cette réalité-là, qui ne vous concerne pas vraiment directement, je pourrais vous dire, mais indirectement, évidemment. Alors, on aimerait les entendre ici, mais ils ont besoin d'avoir les amendements. On ne les a pas, les amendements.

Donc, c'est presque prêt. Demain, ça va être prêt, j'imagine, parce que, dans la gradation des éléments... alors, je m'attends à ce que le ministre puisse déposer les amendements. Je le redemande une autre fois pour s'assurer que les municipalités y soient.

Maintenant, vous ajoutez aussi les OSBL et vous ajoutez aussi le paramunicipal. Si je regarde dans l'article... je pense que c'est à l'article 19 qu'il faudrait inscrire les municipalités. Est-ce que vous voyez... parce que c'est probablement au 2.1, j'imagine, les municipalités selon tel type de loi. Est-ce que vous avez pris le temps de regarder ça?

Le Président (M. Bernier) : Bon, lequel est lequel? M. Brodeur.

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Bien, j'aimerais simplement d'abord réitérer qu'effectivement l'assujettissement des municipalités est extrêmement important et qu'il l'est d'autant plus parce que l'AMP, en tant que pôle d'expertise, doit être en mesure de jouer un rôle de soutien partout, dont dans le milieu municipal. La formulation de la recommandation de la commission met clairement l'accent sur le soutien aux donneurs d'ouvrage, incluant les donneurs d'ouvrage municipaux. Donc, c'est un organisme qui devrait leur apporter une valeur.

Et j'aimerais en profiter pour souligner... tout à l'heure, M. le ministre avait laissé entendre que le Conseil du trésor pourrait jouer effectivement un rôle dans le soutien aux donneurs d'ouvrage. J'aimerais simplement soulever une interrogation. Si jamais les municipalités sont, elles aussi, assujetties à l'AMP, en fait, est-ce que le Conseil du trésor serait en mesure de jouer un rôle de soutien aux municipalités à ce niveau-là? Je soulève l'interrogation simplement, alors que, si, justement, les municipalités sont incluses, eh bien, alors il serait tout naturel que l'AMP puisse les soutenir dans leurs activités contractuelles.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée.

Mme Léger : Les OSBL, paramunicipal?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : ...découle de la recommandation n° 6 de la commission Charbonneau, qui suggérait... qui recommandait, en fait, d'uniformiser les normes et les lois, les règlements en matière de contracter pour les étendre aux OSBL et aux sociétés paramunicipales financées majoritairement par des fonds publics afin d'éviter qu'il y ait des cas où la création d'un OSBL serve à contourner des lois contractuelles. Donc, c'était l'esprit de la commission, et donc, si on veut assujettir les municipalités à la vérification et à tout le rôle de l'AMP, aussi bien le faire également pour ces sociétés-là.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée.

Mme Léger : Monsieur, je voudrais... On a peu de temps, alors je suis obligée d'aller à d'autres sujets. Le BSDQ, vous en avez parlé un petit peu tout à l'heure. On a rencontré hier des organismes et particulièrement le BSDQ qui était favorable à la nomination d'une personne au conseil, là. Ça, c'est une chose. Ils nous ont dit qu'ils étaient pour le pouvoir d'édicter des règles, particulièrement... Ils ont réussi, à la fin, de nous dire : O.K. Ça va.

Vous le dites très clairement dans votre mémoire que l'AMP devrait également avoir le pouvoir d'édicter les règles du Bureau des soumissions déposées au Québec, comme le recommande la commission, mais actuellement ce n'est pas dans le projet de loi. Alors, dans le projet de loi, il n'y a pas le pouvoir d'édicter des règles présentement à l'AMP. Alors, vous insistez fortement, j'imagine.

Le Président (M. Bernier) : M. Brodeur.

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Oui, tout à fait. Tout à fait, comme nous l'inscrivons dans notre mémoire, comme nous l'avons dit, l'AMP devrait avoir le pouvoir d'édicter les règles du BSDQ, comme le recommandait la commission Charbonneau.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

Mme Léger : Et je vais aller aussi sur le pouvoir dans l'article... Vous reveniez sur l'article 20 du projet de loi où, dans l'alinéa deux, vous dites particulièrement... bon, le pouvoir d'initiative et d'enquête de l'AMP, mais il y a un bout qu'il y a une certaine discrétion du gouvernement. Je pense que vous voulez faire cette distinction-là entre tout le pouvoir que l'AMP peut avoir pour faire... avoir un pouvoir d'initiative et d'enquête, mais, dans le projet de loi présentement, il y a quand même une discrétion du Conseil du trésor. Est-ce que vous pouvez élaborer sur ça?

Le Président (M. Bernier) : M. Chénard.

M. Chénard (Gabriel) : Oui. Je crois que vous parlez de l'assujettissement de la gestion contractuelle des organismes à l'alinéa deux. En effet, en ce moment, on dit que seulement le MTQ serait assujetti et tout autre organisme que désigne le gouvernement.

Nous, on croit que c'est important que la gestion contractuelle de tous les organismes soit assujettie par défaut. La commission a observé beaucoup de stratagèmes qui passaient par des déficiences dans la gestion contractuelle, qu'on parle d'approbation d'extras, faux extras de comités de sélection, ce sont des sujets qui rentrent dans la gestion contractuelle. On croit que ce serait important que ces sujets-là soient assujettis à l'Autorité des marchés publics.

Mme Léger : Dans le projet de loi, actuellement, ce n'est pas ça, là. Il y a quand même... Il faudrait avoir une distinction assez claire entre ce qui appartient au Conseil du trésor et les pouvoirs qu'on va donner à l'AMP. Là, on le voit dans la gestion contractuelle, mais est-ce que vous voyez, dans l'ensemble du projet, cette différenciation-là assez claire?

Le Président (M. Bernier) : M. Chénard ou M. Bégin? M. Brodeur.

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Actuellement, comme vous le soulignez, on a une distinction. D'un côté, on a les processus d'adjudication que l'AMP peut examiner, pour reprendre le vocabulaire du projet de loi, et on a tout ce qui a trait à la gestion contractuelle. Donc, M. Chénard soulignait bien, par exemple, tout ce qui est de l'approbation des fameux extras, par exemple, rentre dans le domaine de la gestion contractuelle. Et, selon le projet de loi, actuellement, ce qui relève de la gestion contractuelle des organismes autres que le MTQ, bien, en fait, c'est le gouvernement qui, comme vous le dites, a la discrétion de demander à l'AMP d'examiner la gestion contractuelle des autres organismes.

Donc, nous, notre compréhension, c'est que l'AMP ne pourrait, selon ce projet de loi là, examiner d'elle-même la gestion contractuelle d'un organisme autre que le MTQ ou qu'un autre organisme désigné par le gouvernement, qu'elle n'aurait pas la latitude pour le faire. Et, comme nous l'inscrivons, bien, nous recommandons de donner à l'AMP d'emblée toute latitude pour procéder à tout examen de la gestion contractuelle de tous les organismes qui lui sont assujettis.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député de La Peltrie.

M. Caire : Merci, M. le Président. Je dois dire que je suis enchanté par votre recommandation que le P.D.G. de l'AMP soit nommé aux deux tiers de l'Assemblée nationale. Je m'explique mal votre recommandation de maintenir le comité, même si on paramètre les profils des gens qui doivent y siéger. Il n'en demeure pas moins que ce comité-là va être nommé par le gouvernement, et donc, à partir de là, qu'on mette des gens en place, il m'apparaît que l'indépendance du P.D.G. serait assurée exclusivement par une nomination aux deux tiers des membres de l'Assemblée, là. Je ne vois pas en quoi le comité pourrait satisfaire à ce désir-là, qui est très pertinent, là.

Le Président (M. Bernier) : M. Ouimet.

• (12 h 10) •

M. Ouimet (Gilles) : Oui. En fait, comme on l'a souligné dans le mémoire, on reprend ou on... la commission Charbonneau ne s'est pas aventurée sur ce terrain, n'a pas offert de recommandation précise. Nous avons, dans l'esprit... puisque la notion... L'indépendance de l'AMP était au coeur de la recommandation. C'était dans cet esprit que nous avons suggéré que le projet de loi puisse être bonifié, en évoquant des mécanismes, soit le vote des deux tiers de l'Assemblée, soit le comité qui est prévu par la loi. Donc, il faut faire attention parce qu'on est mal placés, à ce moment-ci, pour prendre une position ferme dans la mesure où la commission Charbonneau n'est pas allée de ce côté-là.

Ayant dit ça, je vais me permettre, pour parler en mon nom personnel, de souligner qu'il existe des mécanismes, et c'est ce qu'on fait ressortir, il y en a déjà, des mécanismes qui ont pour but d'assurer, dans la loi, de fournir des balises pour appuyer l'indépendance d'un organisme. Notamment, la composition des comités de sélection est prévue dans la loi. Ça, c'est un élément.

La question du pouvoir de nomination, est-ce que c'est le gouvernement versus l'Assemblée nationale, c'est un autre mécanisme... qui peuvent se combiner ou qui peuvent être utilisés séparément. Alors, nous n'avons fait que pointer ou indiquer ces mécanismes-là. On peut difficilement aller plus loin, compte tenu des recommandations de la commission Charbonneau.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député.

M. Caire : J'entends ça, mais vous avez donné comme exemple le Vérificateur général, bon, il y a le Protecteur du citoyen, bon, il y a autant d'officiers de l'Assemblée nationale, comme des garants de leur indépendance. Est-ce que vous avez observé ailleurs où une institution semblable, similaire à celle que serait l'AMP, dont les dirigeants sont nommés par un comité? C'est-u quelque chose que vous avez observé ailleurs, ça?

Le Président (M. Bernier) : M. Ouimet.

M. Ouimet (Gilles) : Peut-être qu'on s'est mal exprimés, mais le comité ne nomme pas. Le comité, c'est le comité qui vise à s'assurer d'un bassin, un nombre qui peut être limité, là, deux, trois, cinq personnes aptes à occuper la fonction. Ça, c'est le processus de filtrage, là, on s'entend. Ce n'est pas le comité qui nomme, là.

M. Caire : Je comprends la nuance, puis je comprends, puis vous avez raison de faire la nuance.

Ceci étant dit, on s'entend que ça demeure un processus hautement arbitraire. Je veux dire, on va désigner les gens qui vont nous dire qui doit être sur cette liste-là et surtout qui ne doit pas y être. Alors, moi, je me demandais : Si on va au bout de la logique, est-ce que la meilleure assurance de l'indépendance du P.D.G. de l'AMP, la meilleure option pour assurer son indépendance ne serait pas un vote des deux tiers de l'Assemblée nationale?

Et là, bien, je vous demande votre opinion personnelle puisque, comme vous le dites, vous qui avez toujours rêvé de répondre aux questions de l'opposition, est-ce que... On regarde pour le Vérificateur général, on regarde pour les autres officiers de l'Assemblée nationale. Est-ce que la meilleure garantie d'indépendance, est-ce que ce n'est pas ça, compte tenu du fait que, comme vous l'avez dit, la commission Charbonneau laisse de la latitude là-dessus? Donc, quelle est votre opinion personnelle?

Le Président (M. Bernier) : M. Brodeur.

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Oui. Vous avez cité des exemples d'officiers nommés aux deux tiers. Il existe également des hauts fonctionnaires dont l'indépendance est cruciale et qui sont nommés selon un processus de comité, tel que nous l'avons décrit, donc le Directeur des poursuites criminelles et pénales, et, selon le projet de loi n° 107, le commissaire à la corruption, donc le commissaire de l'UPAC.

Donc, pour reprendre les propos de Me Ouimet, nous ne pouvons nous avancer plus loin parce que la commission n'a pas fait de recommandations précises. Ce sont deux modèles qui nous semblent valables, mais nous croyons qu'il appartient vraiment aux parlementaires de définir le mode exact.

Le Président (M. Bernier) M. le député.

M. Caire : Merci. Tout à l'heure, vous avez évoqué le fait qu'il faut élargir la portée du mandat de l'AMP, allant jusqu'à suggérer que l'AMP pourrait éventuellement prendre en charge un processus d'appel d'offres. Est-ce que j'ai bien compris cette suggestion-là, et, si oui, comment l'AMP pourrait gérer un processus d'appel d'offres et être le gardien de l'intégrité du processus en même temps?

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. Brodeur.

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Oui, je peux... Bien, comme le soulignait M. Chénard, dans l'esprit de la commission, on a affaire là à vraiment une mesure de dernier recours. Tel que la recommandation est présentée, l'AMP se doit d'intervenir selon une logique d'actions graduelles, donc allant de la prévention au départ, et puis elle peut faire des vérifications, faire des recommandations, interrompre des processus d'appel d'offres. Elle peut retirer à un organisme son pouvoir de contracter pour le donner à un autre organisme.

Ainsi, un cas d'espèce serait, par exemple, une petite municipalité qui se lance dans la construction d'un amphithéâtre, par exemple. Donc, l'AMP, devant cette situation-là, peut déterminer que, selon elle, la petite municipalité n'aurait peut-être pas l'expertise nécessaire pour mener à bien ce projet-là et donc le confier à une autre entité. L'AMP qui pourrait elle-même mener des processus d'adjudication, c'est donc vraiment le recours extrême, le dernier recours. Et je pense que, même dans le rapport, c'est assez clair que ce n'est pas une situation qui serait souhaitable et que ça doit être...

Le Président (M. Bernier) : Merci aux représentants du Comité public de suivi des recommandations de la commission Charbonneau. M. Luc Bégin, Pierre-Olivier Brodeur, Gilles Ouimet, Gabriel Chénard, merci de votre participation à la Commission des finances publiques.

Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 16)

(Reprise à 12 h 18)

Le Président (M. Bernier) : Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux.

Nous avons le plaisir de recevoir les représentants de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec — vous avez vu, les marteaux-piqueurs ont cessé à votre arrivée — donc représentée par Mme Gisèle Bourque, M. Roger Arsenault, M. Pierre Tremblay et Mme Émilie Truchon.

La parole est à vous, Mme Bourque. Vous m'avez dit que c'était vous qui étiez pour présenter le mémoire. Donc, vous avez 10 minutes.

Association des constructeurs de routes et
grands travaux du Québec (ACRGTQ)

Mme Bourque (Gisèle) : Merci. D'entrée de jeu, nous vous remercions de l'opportunité qui nous est offerte aujourd'hui de vous présenter le point de vue de l'Association des constructeurs de route et grands travaux du Québec à l'égard du projet de loi n° 108.

Pour cette présentation, je suis accompagnée, à ma gauche, de M. Roger Arsenault, président du conseil d'administration de notre association, M. Pierre Tremblay, à l'extrême gauche, directeur général adjoint du secteur technique, et Me Émilie Truchon, à ma droite, avocate.

Nous nous permettons de vous rappeler que l'ACRGTQ, incorporée en 1944, représente la majorité des principaux entrepreneurs et fournisseurs oeuvrant dans la construction de routes, d'ouvrages de génie civil et de grands travaux. Elle est la seule représentante attitrée du secteur génie civil et voirie de l'industrie de la construction. À ce titre, elle représente près de 2 600 entreprises actives au sein de l'industrie de la construction de routes, d'ouvrage de génie civil et de grands travaux, lesquelles emploient plus de 35 000 salariés ayant travaillé 26,3 millions d'heures en 2015.

De manière générale, l'ACRGTQ accueille favorablement le projet de loi n° 108 et la création de l'Autorité des marchés publics. La mise sur pied d'un tel organisme spécialisé, entièrement et exclusivement dédié au marché des contrats publics, est indispensable. L'ACRGTQ désire toutefois formuler ses commentaires et recommandations à l'égard de certaines dispositions du projet de loi. Vous trouverez, aux pages 4 et 5 de son mémoire, un sommaire de ces recommandations.

• (12 h 20) •

D'entrée de jeu, l'ACRGTQ recommande d'assujettir les municipalités et les organismes para ou supramunicipaux à la loi sur l'Autorité des marchés financiers... des marchés publics, excusez-moi ce lapsus. Le projet de loi actuel exclut de la mission et des fonctions de l'autorité la surveillance des municipalités et des organismes para ou supramunicipaux. Or, ils sont des donneurs d'ouvrage importants, et leurs contrats représentent une proportion non négligeable des contrats publics octroyés chaque année. Ils devraient donc être soumis au pouvoir de vérification et d'enquête de l'autorité. La commission Charbonneau en faisait d'ailleurs sa recommandation première.

L'ACRGTQ recommande d'assujettir une fois pour toutes Hydro-Québec à la Loi sur les contrats des organismes publics. Dans son état actuel, le projet de loi rate l'occasion d'assujettir entièrement Hydro-Québec à la Loi sur les contrats des organismes publics. Il est urgent et nécessaire de rendre plus transparent le processus d'attribution et d'adjudication des contrats par Hydro-Québec. Actuellement, la société d'État agit comme un donneur d'ouvrage privé, alors qu'elle ne l'est pas, négociant sans cesse le prix avec les soumissionnaires conformes et refusant de divulguer systématiquement les résultats des appels d'offres. Bien plus, cette opacité contractuelle est susceptible de rendre inefficient le processus de plaintes qui prévoit qu'une plainte peut être déposée lorsqu'un donneur d'ouvrage public ne se conforme pas au cadre normatif.

Comment un entrepreneur peut-il se plaindre du non-respect du cadre normatif de ce donneur d'ouvrage, lequel leur est inconnu? Poser la question, c'est y répondre.

L'ACRGTQ recommande également de confier à l'autorité une mission d'information et d'accompagnement auprès des organismes publics. De regrouper sous un même toit formateurs et conseillers pour l'ensemble des donneurs d'ouvrage publics, incluant les municipalités et organismes para ou supramunicipaux, permettrait une connaissance appropriée des marchés publics sur l'ensemble du territoire québécois.

L'ACRGTQ constate elle aussi que le processus de plaintes s'applique essentiellement à l'étape précédant l'ouverture des soumissions. Or, en pratique, la plupart des problématiques surviennent ou sont découvertes postérieurement à celle-ci, soit lors du processus d'examen des soumissions ou lorsque l'organisme public prend la décision de ne retenir aucune des soumissions déposées et d'annuler l'appel d'offres. Ces décisions sont trop souvent peu ou pas du tout motivées.

L'article 51 du projet de loi semble conférer un certain pouvoir d'intervention à l'autorité dans un tel contexte, mais, contrairement au processus de plainte, celui-ci est discrétionnaire et paraît plutôt limité. Par exemple, l'autorité ne semble pas disposer du droit de suspendre l'octroi du contrat dans ce contexte, ce qui constitue, selon nous, un élément essentiel à l'exercice d'un pouvoir de surveillance et de contrôle efficace.

De plus, bien que les délais de traitement des demandes d'autorisation de contracter se soient nettement améliorés depuis l'adoption de la Loi sur l'intégrité, une problématique importante demeure au niveau des délais pour le traitement des demandes et des renouvellements jugés non urgents. Ces délais seraient en grande partie causés par ceux requis aux fins de compléter les vérifications effectuées par l'UPAC. Ce faisant, le projet de loi devrait prévoir une modification afin que l'avis de l'UPAC quant à l'entreprise qui demande l'autorisation soit donné dans un délai précis.

Également, l'ACRGTQ recommande de définir la notion de cadre normatif prévu dans le processus de plainte. La plupart des organismes publics se sont dotés de politiques ou de directives internes dont plusieurs ne font l'objet d'aucune publication et ne sont pas systématiquement transmises aux personnes appelées à présenter une soumission. En présumant que des politiques et directives pourraient raisonnablement être considérées comme faisant partie du cadre normatif auquel il est fait référence, celles-ci doivent être connues afin qu'une personne puisse se plaindre du fait qu'elles n'auraient pas été suivies.

L'ACRGTQ recommande de préciser ce que le législateur entend par les termes «gestion contractuelle» et «manquements» dans le cadre des pouvoirs de l'autorité. Le projet de loi confère à l'autorité la fonction d'examiner la gestion contractuelle du ministère des Transports et de tout autre organisme public que désigne le gouvernement et lui accorde le pouvoir de suspendre l'exécution ou de résilier un contrat public dans le cas de manquements constatés au regard de la gestion contractuelle. Or, une telle intervention peut grandement influencer le délai d'exécution des contrats et porter ainsi préjudice aux parties prenantes. Plus précisément, la suspension ou la résiliation d'un contrat en cours est susceptible de causer un préjudice important à des entrepreneurs ayant respecté les règles, mais qui verraient leur contrat suspendu ou résilié en raison d'une faute ou d'une erreur commise par l'organisme public, mais à laquelle ils ne sont pas partie.

L'ACRGTQ recommande de prévoir à même la loi une procédure uniforme de réception et d'examen des plaintes pour tous les organismes publics. Dans le cadre du dépôt d'une plainte à un organisme public, le projet de loi prévoit que l'organisme doit se doter d'une procédure portant sur la réception et l'examen des plaintes. L'ACRGTQ soumet qu'il est nécessaire de légiférer afin de prévoir une procédure de réception et d'examen des plaintes uniforme pour tous les organismes publics et afin de prévoir minimalement un délai de traitement des plaintes, la possibilité pour le plaignant de présenter ses observations et celle d'exiger que la décision soit rendue par écrit et motivée. Qui plus est, les délais actuellement prévus au projet de loi pour le dépôt d'une plainte auprès de l'autorité sont beaucoup trop courts pour être efficaces. Il faudrait minimalement prévoir que les délais se calculent en jours ouvrables seulement.

Enfin, l'ACRGTQ est en accord avec le principe de l'utilisation d'une forme d'évaluation de rendement aux fins de l'établissement d'une cote de rendement pour l'utilisation d'un mode d'octroi différent de celui du plus bas soumissionnaire conforme. Toutefois, le problème, et il est majeur, c'est qu'il n'existe actuellement aucun mécanisme formel et uniforme qui encadre de telles évaluations et permet de la réaliser de manière impartiale et objective. La seule expérience vécue par les entrepreneurs est celle des évaluations de rendement faites par le ministère des Transports, lesquelles sont malheureusement basées sur des critères vagues, ambigus et empreints d'une grande subjectivité, ce qui crée de grandes distorsions entre les évaluations et fait craindre les abus. Et, joint à l'annexe I du présent mémoire, le formulaire V-2964, utilisé par le ministère à cet effet.

En conclusion, l'ACRGTQ appuie le gouvernement dans ses démarches visant à surveiller l'ensemble des contrats des organismes publics par la mise sur pied d'une autorité, considérant le fardeau législatif et administratif imposé aux entrepreneurs dans ce domaine et la nécessité de rétablir la confiance du public, des entrepreneurs et des organismes publics dans les mécanismes d'attribution et d'adjudication des contrats publics. Toutefois, elle considère qu'il est primordial que l'ensemble des organismes publics, y compris les municipalités, soient assujettis à la loi, tel que le recommandait la commission Charbonneau.

Il est également grand temps d'inclure Hydro-Québec comme organisme public visé par la Loi sur les contrats des organismes publics. En effet, il est urgent et nécessaire de rendre plus transparent le processus d'attribution et d'adjudication des contrats de cet important donneur d'ouvrage.

Dans le présent mémoire, l'ACRGTQ tenait aussi à faire part de ses préoccupations et recommandations à l'égard de certaines mesures qui y sont prévues en ce qui concerne notamment le processus de plainte et les délais, le traitement des demandes d'autorisation à contracter et les évaluations de rendement.

Nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Bernier) : Merci, Mme Bourque, de votre présentation. Nous allons donc passer aux échanges avec les parlementaires. M. le ministre.

M. Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, mesdames, messieurs, d'être là avec nous. Et, en effet, vous devez avoir les pouvoirs que nous n'avons pas puisque le bruit à l'extérieur a été éliminé. Donc, c'est bien, ça.

Maintenant, avant, j'aimerais discuter avec vous de quelques sujets avant de passer la parole à mes collègues. Mais, avant de commencer, je vais aussi vous dire ce qu'on avait déjà dit au groupe précédent, c'est que nous avons tout à fait l'intention d'inclure les municipalités dans le champ d'action de la loi créant l'AMP. Les associations représentant les municipalités seront entendues. Il me semble que ce ne serait pas utile que cela se fasse avant qu'on dépose les amendements, donc on déposera les amendements après qu'ils ont fait le parcours des différents comités gouvernementaux. Une fois que ces amendements auront été déposés, auront été analysés par les groupes en question, bien sûr que nous sommes tout à fait disposés et ouverts à trouver un moment dans notre calendrier pour les accueillir à notre commission.

Le Président (M. Bernier) : Aussitôt que nous aurons les ententes, nous allons procéder à établir l'ordre du jour, M. le secrétaire. Merci.

• (12 h 30) •

M. Leitão : Très bien. Maintenant, passons au sujet de votre mémoire. Bien, il y a plusieurs aspects, mais j'aimerais peut-être commencer par le rôle ou, enfin, le lien, si vous voulez, entre l'AMP et l'UPAC, surtout en ce qui concerne les autorisations de contracter.

Si j'ai bien compris, vous suggérez ou vous mentionnez que le système actuel, bon, qui est géré d'ailleurs par l'AMF, n'est pas efficace, est trop long, et peut-être même que l'organisme en question, AMF ou AMP, devrait être capable elle-même de faire cette analyse-là sans passer par l'UPAC. Pourriez-vous peut-être nous donner un petit peu plus de... me donner à moi, peut-être que j'ai mal compris, un peu plus de clarté là-dessus?

Le Président (M. Bernier) : Mme Truchon. Oui, la parole est à vous. Mme Émilie Truchon.

Mme Truchon (Émilie) : Merci. Alors, au niveau du rôle de l'UPAC et de l'AMP, bon, présentement, la vérification, la première vérification est faite par l'Autorité des marchés financiers, et par la suite l'UPAC prend la relève des documents et fait des vérifications ultérieures.

Ce qu'on propose, ce qu'on a comme plaintes de la part des entrepreneurs, c'est qu'au niveau des délais... présentement, on en est au renouvellement de plusieurs autorisations, et puis, au niveau des délais, les délais semblent être très longs en ce qui concerne la délivrance de certaines autorisations et certains renouvellements. Et puis ce qu'on propose, nous, afin peut-être d'éliminer ces délais-là, comme on sait qu'il y a une partie qui est faite par l'autorité des marchés et qui va être éventuellement faite par l'Autorité des marchés publics et par l'UPAC, c'est de rapatrier dans un même organisme cette vérification-là, qui est faite à l'interne, et donc qui est faite par un seul, je dirais, groupe de travail qui serait peut-être formé par des membres de l'UPAC et par des juristes ou autres personnes, là, compétentes qui pourraient effectuer ces vérifications-là, mais qu'une seule entité puisse faire cette vérification-là. Et donc, nous, ce qu'on propose, comme on a la création aujourd'hui de l'Autorité des marchés publics, c'est que ce soit cette entité-là qui prenne ce rôle-là.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le ministre.

M. Leitão : Très bien. Mais, si tel est le cas, si on allait dans cette direction-là, alors sous quels éléments est-ce que l'AMP, bon, AMF, l'AMP pourraient s'appuyer pour éventuellement faire ces déterminations-là? On comprend maintenant que l'UPAC, évidemment, en tant que corps policier, accepte toute une série d'informations que l'AMF, AMP n'ont pas. Alors, comment est-ce qu'on pourrait procéder?

Le Président (M. Bernier) : Mme Truchon.

Mme Truchon (Émilie) : Bien, si je comprends bien votre question, c'est en vertu de quoi elles pourraient faire cette vérification-là, ultérieure, qui est faite par l'UPAC. Bien, nous, on propose que ce soit modifié dans le projet de loi, première des choses. Et également ce qu'on pense, c'est que la vérification, il y a le projet de loi n° 107 qui est présentement déposé en Assemblée sur le rôle de l'UPAC, son rôle premier qui est justement de faire des vérifications en ce qui concerne éventuellement des plaintes criminelles et pénales. Et donc on trouve que c'est l'occasion de justement prévoir, à même le projet de loi qui est présentement à l'étude, ces pouvoirs-là de l'Autorité des marchés publics.

M. Leitão : Très bien, merci. Vous avez parlé tantôt de délais, donc de délais qui sont très longs et surtout maintenant qu'on va rentrer dans une période de renouvellement de ces autorisations-là. Selon vous, quel pourrait être un délai raisonnable? C'est quoi, raisonnable? Une semaine, un mois, un an?

Le Président (M. Bernier) : Mme Truchon.

M. Leitão : Pas un an, c'est bien trop.

Mme Truchon (Émilie) : Voulez-vous que je réponde? Oui, merci.

Bien, écoutez, je peux prendre en exemple un article de loi. Je vais vous le montrer, comme ça, ça sera plus illustratif. Notamment, lorsqu'on parle à l'article 35 que la plainte — attendez un petit peu, je vais juste aller lire — doit être déposée avant la date limite de réception des soumissions, et lorsque l'organisme public, par exemple, va rendre sa décision, deux jours avant la date limite de réception des soumissions... ce qui fait que le plaignant a une journée pour déposer... pour préparer sa plainte et la déposer à l'Autorité des marchés publics, ce qu'on considère peut-être un peu court comme délai.

Donc, ce qu'on propose, c'est minimalement un délai de quelques jours ouvrables parce que, par exemple, si la décision de l'organisme public arrive un vendredi, ça laisse très peu de temps à l'entrepreneur pour déposer une plainte à l'Autorité des marchés publics. Donc, à tout le moins, que ce soient des jours ouvrables ou quelques jours afin de laisser un délai raisonnable à l'entrepreneur pour préparer ses documents.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Leitão : O.K. Je comprends votre explication, mais là où je voulais aller, c'était un peu différent. Moi, je parle de... donc, le temps que ça prend pour que l'AMF puisse émettre son certificat de... on appelle ça...

Une voix : D'autorisation.

M. Leitão : D'autorisation, voilà. Et maintenant que nous entrons en période de renouvellement de ces certificats-là pour la première vague, vous avez mentionné que les délais sont un peu longs. Alors, qu'est-ce que serait un délai raisonnable, à votre avis?

M. Arsenault (Roger) : Si je peux me permettre, je pense...

Le Président (M. Bernier) : Oui, M. Arsenault.

M. Arsenault (Roger) : ...qu'un délai d'un mois serait raisonnable. Présentement, il y a des délais de plusieurs mois, et ce qu'on entend de la part de l'AMF, c'est que l'engorgement n'est pas tellement à l'AMF, mais plutôt à l'UPAC. Et peut-être que les recommandations vont un peu dans ce sens-là, d'un peu désengorger l'UPAC à ce niveau-là et transférer les pouvoirs qu'elle a, au niveau des autorisations à tout le moins, à l'AMP.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le ministre.

M. Leitão : Très bien. J'aimerais maintenant vous amener dans un autre endroit. On a beaucoup parlé ici, hier surtout, mais depuis le début, du BDS.

Une voix : BSDQ.

M. Leitão : BSDQ, voilà. BSDQ, excusez-moi, BSDQ. Quelle est votre opinion sur cet organisme-là?

Le Président (M. Bernier) : Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle) : Oui, merci. Le BSDQ, c'est une organisation contre laquelle nous nous sommes opposé depuis plusieurs années, en fait plusieurs organisations, plusieurs associations, pour la raison suivante : essentiellement, c'est que le BSDQ résulte d'une entente privée entre l'ACQ, l'association de la commission... c'est-à-dire l'Association de la construction du Québec, et la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie ainsi que la Corporation des maîtres électriciens. Et cette entente privée assujettit de tierces parties à son application. Alors, essentiellement, ça n'a pas raison d'être.

Alors, effectivement, le BSDQ, nous nous sommes attaqués dans le passé auprès des tribunaux eu égard à son existence. La Cour supérieure nous a donné raison. La Cour d'appel a rejeté notre intervention. Et nous avons demandé une autorisation à la Cour suprême, qui nous a été refusée. Mais, d'ores et déjà, nous devons tout de même... eu égard à certaines spécialités, les entrepreneurs doivent se conformer aux dispositions du BSDQ.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le ministre.

Mme Bourque (Gisèle) : ...nous nous insurgeons toujours, mais nous n'avons pas le choix.

M. Leitão : Je comprends. Merci. On nous a suggéré hier que, si le BSDQ n'existait pas, ça serait un peu l'anarchie et le chaos dans l'industrie de la construction. Je présume que ce n'est pas tout à fait votre avis.

Le Président (M. Bernier) : Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle) : Bien, il serait toujours possible de créer un autre organisme avec des règles peut-être plus claires, plus transparentes, qui résulterait aussi d'un organisme neutre. En fait, la création résulterait d'un organisme neutre, ce ne serait pas... les parties concernées ne seraient pas juge et partie pour l'application des règles qui s'y rattachent. Alors, on pourrait créer un organisme semblable pour justement éviter le chaos, mais en circonscrivant les règles de manière transparente, plus efficace et surtout objective.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

M. Leitão : Très bien, merci. Une dernière question, et je passe la parole après à mes collègues, si on a le temps. Peut-être un aspect un peu... vous ne l'avez pas abordé dans votre présentation, mais je pense que c'est dans votre mémoire. C'est en ce qui concerne, donc, la présence d'actionnaires minoritaires dans une entreprise, et donc tout le processus de vérification d'intégrité, et tout ça. Et donc vous suggérez, si j'ai bien compris, que ce processus-là ne devait pas tenir compte de la présence ou non d'un actionnaire minoritaire dans l'entreprise. Pouvez-vous nous dire pourquoi? Comment vous l'expliquez?

Le Président (M. Bernier) : Mme Truchon.

Mme Truchon (Émilie) : Oui, merci. La vérification est faite par rapport au contrôle de la compagnie de facto. C'est la raison première pour laquelle nous, on dit que tous les actionnaires minoritaires dans une compagnie... mais on n'a pas nécessairement le contrôle dans une compagnie. Il y en a certains qui n'ont aucun droit de vote, aucun droit de regard sur ce que fait la compagnie, et on est d'avis que d'aller jusque-là, selon nous, ne correspond pas au rôle premier, qui est de vérifier d'abord le contrôle de la compagnie. C'est la raison pour laquelle on fait ces commentaires-là.

M. Leitão : Merci. Mes collègues, si vous avez...

Le Président (M. Bernier) : M. le député de La Prairie, 3 min 30 s.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames messieurs, merci de votre présence et votre mémoire que vous avez soumis pour nos travaux.

J'aimerais aborder le sujet de la résiliation de contrat. Vous dites dans votre mémoire que la plupart des problèmes en pratique surviennent à l'ouverture des soumissions. J'aimerais vous entendre parce qu'un tel pouvoir, si on donnait ce pouvoir-là à l'AMP, risque justement de retarder la réalisation des contrats. Et je vais revenir là-dessus tantôt parce que vous avez fait aussi un point là-dessus, par rapport à si le contrat est annulé en cours de réalisation vis-à-vis l'organisme public. Mais je reviens tantôt. On revient à l'ouverture des contrats. Dans quels cas estimez-vous que l'AMP pourrait suspendre l'octroi d'un contrat?

• (12 h 40) •

Le Président (M. Bernier) : M. Arsenault? M. Tremblay? Mme Truchon. Je vais tous vous nommer.

Mme Truchon (Émilie) : Je vais vous citer des exemples, des situations. Je pense que ça va bien répondre à votre question.

La première des situations, c'est, par exemple, un entrepreneur qui se plaint de l'annulation d'un appel d'offres. Dans un cas comme ça, dans bien des situations, les entrepreneurs ne reçoivent pas la raison de l'annulation. Puis on sait qu'en cours, en effet, un organisme public ne peut pas annuler, pour n'importe quelle raison, un appel d'offres. Souvent, les entrepreneurs ne reçoivent pas les motifs, et on considère qu'ils devraient pouvoir se plaindre, notamment d'une attitude comme celle-là, également dans un cas où un soumissionnaire qui est le plus bas conforme se fait rejeter se soumission.

Il arrive et il est arrivé des cas où les documents d'appel d'offres étaient contradictoires par rapport à certaines informations à fournir par les entrepreneurs, ce qui fait que, des fois, l'entrepreneur peut être, si je peux dire, vu comme étant non conforme, la soumission de l'entrepreneur être vue comme non conforme, alors que les documents d'appel d'offres ne sont pas nécessairement clairs. C'est une autre situation qui arrive post fermeture de l'appel d'offres et c'est une situation qui ne pourrait pas être réglée par la procédure de plainte qui est présentement en marche.

Le Président (M. Bernier) : Merci. M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci, M. le Président. Dans le cas de la suspension ou de la résiliation d'un contrat en cours de réalisation, vous avez dit tantôt que ça pourrait causer un préjudice envers les entrepreneurs qui ont respecté les règles. Et vous avez dit, tantôt dans votre présentation, que, des fois, c'est l'organisme public qui en est responsable, de la résiliation ou de la suspension du contrat. Ça cause un préjudice.

Cherchez-vous, à ce moment-là, comme association, à avoir un dédommagement envers... Devrait-il y avoir un dédommagement envers l'entrepreneur, qui, lui, a suivi les règles, a répondu à toutes les attentes? Tout est conforme, sauf que l'organisme public a failli dans son processus. Comment voyez-vous ça? Et voyez-vous la nécessité d'avoir, à ce moment-là, une compensation pour l'entrepreneur, qui, lui, dans le fond, a été très bien dans tout le processus?

Le Président (M. Bernier) : Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle) : Bon, écoutez, c'est certain que... Vous parlez d'une possibilité de dédommagement. Ce serait tout à fait légitime et bien accueilli que l'entrepreneur qui n'est pas responsable du tout du mauvais fonctionnement ou du mauvais déroulement des événements... ce serait très équitable qu'il bénéficie d'un dédommagement qui serait déterminé de quelle façon, c'est à voir, mais d'un dédommagement quelconque, effectivement.

Le Président (M. Bernier) : Merci, Mme Bourque. Nous allons donc malheureusement, M. le député, passer du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Oui. Bonjour, mesdames. Bonjour, monsieur. Vous avez un mémoire très exhaustif, précis. On voit que vous êtes très au fait de ce qui se passe dans l'octroi des contrats, des soumissions, etc. Votre pratique quotidienne se reflète bien dans toutes les étapes qu'on peut voir et qui... qu'on fait le lien avec le projet de loi n° 108, là.

Je veux revenir, on n'en a pas parlé du côté du gouvernement, mais je voudrais revenir à votre page 7, concernant Hydro-Québec plus particulièrement, parce que, dans le fond, vous y consacrez un chapitre, je pourrais vous dire, sur Hydro-Québec. Vous dites que l'«article 19 assimile Hydro-Québec à un organisme public, mais celle-ci n'est pas définie comme telle en vertu de la Loi sur les contrats des organismes publics et [qu'elle] échappe [...] à plusieurs dispositions». Et, pour vous, c'est nécessaire que ce soit plus transparent, que le processus d'attribution et d'adjudication des contrats puis des contacts par Hydro... des contrats, pardon, par Hydro-Québec...

C'est toujours embêtant un peu parce qu'on le voit dans différentes situations, où des organismes, soit par la Loi sur les contrats des organismes publics, soit par le Vérificateur général, soit pas différents types de loi... on voit des organismes qui sont inclus, d'autres ne le sont pas. Pourquoi on l'exclut dans une telle loi, pourquoi qu'on l'inclut dans une autre loi? Là, vous faites la démonstration particulièrement à l'Hydro-Québec.

C'est sûr qu'il y a des questions qu'on posera lorsqu'on regardera de façon détaillée, article par article, dans le processus de la loi. Mais là vous nous dites, entre autres, puis ce paragraphe-là est important aussi : «Bien plus, il est même fréquent que des entrepreneurs doivent répondre à des demandes de documents ou de renseignements additionnels non prévus dans les documents d'appel d'offres, mais qui seraient soi-disant requis en vertu de politiques ou directives qui seraient en vigueur au sein d'Hydro-Québec, alors que la communication de ces politiques ou directives leur est refusée au motif qu'il s'agirait de documents internes confidentiels.»

Donc, ça, c'est la résultante, là, dans le fond, que... vous dites qu'Hydro-Québec devrait être incluse. Alors, je vous donne l'opportunité d'élaborer.

Le Président (M. Bernier) : Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle) : Oui. Alors, effectivement, c'est ce que les entrepreneurs vivent actuellement et depuis de nombreuses années, cette façon de faire d'Hydro-Québec, qui, si elle était assujettie à la Loi sur les contrats des organismes publics, n'agirait pas de cette façon-là. C'est une façon d'agir que nous trouvons inacceptable de la part d'un donneur d'ouvrage important, qui n'est pas transparente. Mais, vous savez, dans les faits actuellement, la Loi sur les contrats des organismes publics assujettit Hydro-Québec dans son libellé à cette loi-là. Il ne manque qu'un décret gouvernemental pour que, dans les faits, elle soit assujettie à la Loi sur les contrats des organismes publics.

On a fait de nombreuses représentations auprès du ministre des Ressources naturelles, auprès d'Hydro-Québec. Évidemment, Hydro-Québec n'est pas tout à fait d'accord avec notre position, mais ce fameux décret gouvernemental tarde à venir. Ce serait pourtant si simple de le décréter et de mettre en application une politique qui ferait d'Hydro-Québec un donneur d'ouvrage qui se comporterait d'une manière beaucoup plus transparente, beaucoup plus acceptable, beaucoup plus objective. Actuellement, on se heurte à toutes sortes de refus du côté d'Hydro-Québec, à savoir dévoiler des informations, des directives, des politiques internes.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée.

Mme Léger : Le décret serait sur quoi particulièrement? Parce que, là, Hydro-Québec, elle est assujettie à la Loi sur les contrats des organismes publics. Donc, le type de décret que vous parlez concerne quoi particulièrement?

Mme Bourque (Gisèle) : Tout simplement un décret gouvernemental qui dirait : À partir de telle date, Hydro-Québec, dans les faits, devient assujettie à cette loi. C'est tout, une formalité, une simple technicalité parce qu'on voulait, a priori, permettre à Hydro-Québec de mettre en place, à sa demande, un mécanisme de transition. Et ce mécanisme de transition, bien, se prolonge dans le temps.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée.

Mme Léger : Sur un autre ordre, je veux revenir à l'article 20, où on parle particulièrement d'examiner la gestion contractuelle du ministère des Transports et de tout autre organisme public que désigne le gouvernement parce que vous indiquez, dans votre mémoire, particulièrement, de mieux définir la gestion contractuelle, mieux définir ce qui est aussi les manquements.

Alors donc, la façon qu'il est inscrit, je croyais que c'était plus parce que c'était... qui désigne le gouvernement, que vous aimeriez que l'AMP puisse avoir plus de pouvoirs, mais c'est plus, dans le fond, dans la définition, ce que je comprends.

Le Président (M. Bernier) : Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle) : Parce que, finalement, «gestion contractuelle» peut faire appel à des critères subjectifs. Est-ce que ça s'applique à partir du moment des appels d'offres? Tout au long du processus d'exécution du contrat? Alors, il faudrait savoir quel est le rôle de l'AMP eu égard, justement, à l'application ou la mise en application des contrats pour ne pas que l'AMP s'immisce à des niveaux où ce n'est pas prévu ou que ce n'est pas souhaitable, par exemple.

Et c'est la même chose au niveau des manquements. Alors, il faut savoir en quoi consiste un manquement, où ça commence, où ça se termine, qu'est-ce qui constitue un manquement aux yeux de la loi pour laisser le moins de place possible à la subjectivité.

Le Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée.

Mme Léger : Et particulièrement aux pouvoirs de l'AMP, contrairement à celle que désigne vraiment le gouvernement. Est-ce que vous voyez un conflit à ce niveau-là?

Le Président (M. Bernier) : Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle) : Excusez-moi, j'ai...

Mme Léger : ...article 20, deuxième alinéa, c'est : «...et [...] tout [...] organisme public [qui] désigne le gouvernement.» Certains groupes nous ont dit qu'ils voyaient des pouvoirs de l'AMP qui seraient... par le gouvernement qui désignerait... qui trouvaient que ça pourrait être en conflit.

Le Président (M. Bernier) : Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle) : Bien, écoutez, on n'a pas regardé sous cet angle-là, mais effectivement ça pourrait aller jusque-là.

Mme Léger : Vous dites que les municipalités devraient être incluses. Vous ajoutez particulièrement, à votre mémoire, le paramunicipal. Voulez-vous nous en parler?

Le Président (M. Bernier) : Mme Truchon.

• (12 h 50) •

Mme Truchon (Émilie) : Bien, c'est tout simplement tout organisme, finalement, lié aux municipalités, que ce soient les MRC, que ce soient également les communautés qui octroient des contrats. Notamment, nous, on est dans le domaine génie civil et voirie, mais on veut également que tout, en fait, organisme public qui octroie des contrats publics soit assujetti à la loi, là.

Le Président (M. Bernier) : Merci.

Mme Léger : Et pourquoi vous pensez que le ministre... Là, il a ajouté «municipalités», mais pourquoi il n'a pas ajouté «supramunicipal», à votre avis?

Le Président (M. Bernier) : Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle) : Pourquoi le ministre n'avait pas ajouté les municipalités a priori?

Mme Léger : Supramunicipal. Les municipalités n'y étaient pas, supramunicipaux n'y sont pas, l'organisme sans but lucratif non plus. Précédemment, on nous a indiqué qu'on voudrait que l'OSBL y soit, le paramunicipal, évidemment. Pourquoi vous pensez que le ministre... Là, il va ouvrir ça aux municipalités. Pourquoi vous pensez que le supramunicipal n'est pas important, pour le gouvernement, de les inclure?

Le Président (M. Bernier) : Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle) : Écoutez, c'est difficile pour nous d'y répondre. Il faudrait poser la question aux gens concernés, n'est-ce pas?

Mme Léger : Mais vous, vous trouvez que c'est important.

Mme Bourque (Gisèle) : C'est très important, effectivement, parce que ce sont des donneurs d'ouvrage avec lesquels les entrepreneurs font affaire sur une base régulière. Et, si on considère que l'Autorité des marchés publics doit s'immiscer, notamment de par la commission Charbonneau et ses recommandations, si on considère que l'Autorité des marchés publics doit s'immiscer dans le cadre d'adjudication et de contrôle des contrats publics, bien, pourquoi pas les municipalités, le domaine paramunicipal et supramunicipal puisque ce sont également des donneurs d'ouvrage? C'est tout simplement une question de cohérence et pour s'assurer d'une gestion efficace, ultimement.

Le Président (M. Bernier) : Courte question. Non, ça va? M. le député de La Peltrie.

M. Caire : Merci, M. le Président. Peut-être juste deux petites questions parce que vous semblez préoccupés par le fait qu'Hydro-Québec n'est pas assujettie à la loi sur les contrats publics. Vous parlez d'inclure les municipalités. D'autres organismes sont venus nous dire : On devrait inclure tel, ou tel, ou tel organisme.

Est-ce qu'au fond on ne serait pas mieux de spécifier que tout contrat qui implique des deniers publics tombe sous l'autorité de l'AMP et indépendamment de l'organisme qui transige ou qui signe le contrat? Dans le fond, ce qu'on veut, c'est protéger le processus d'adjudication de contrat puis les deniers publics. Donc, plutôt que de viser les organismes pour essayer d'inclure... de réfléchir à quel organisme on devrait inclure, est-ce qu'on ne devrait pas juste le spécifier pour les contrats?

Le Président (M. Bernier) : Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle) : Effectivement, ce serait tout à fait logique et conséquent et ce serait une excellente idée.

M. Caire : Vous parlez...

M. Arsenault (Roger) : Si je peux me permettre...

Le Président (M. Bernier) : M. Arsenault, bien, je vous permets. Ça me fait plaisir.

M. Arsenault (Roger) : Pour ajouter à ce vous dites, par exemple, il y a la Caisse de dépôt et de placement qui va commencer à octroyer des contrats. Est-ce qu'elle ne devrait pas faire partie aussi? La réponse est oui, je pense.

M. Caire : Oui, c'est des deniers publics, on s'entend.

Vous parlez de prévoir des délais raisonnables pour le dépôt des plaintes. Tout à l'heure, vous avez suggéré peut-être un certain nombre de jours. Est-ce que c'est une bonne idée de mettre le nombre de jours dans la loi plutôt que de dire : On va le fixer par décret? Je m'explique. On s'entend que, quand la loi est adoptée, si on veut la modifier parce qu'on se rend compte que les délais, finalement, ce n'est pas exactement ce qu'on veut, ça devient plus compliqué. Il faut repasser par le processus législatif, alors que, si on a une certaine souplesse, il faut bien l'admettre, quand on y va par décret, et donc les représentations à faire suite à l'application de la loi, et donc à l'expérience de l'application de la loi, est-ce qu'on ne serait pas mieux, à ce moment-là, de laisser ces délais-là être fixés par décret?

Le Président (M. Bernier) : Mme Bourque.

Mme Bourque (Gisèle) : À mon avis, ce serait effectivement beaucoup plus pratique de procéder par décret puisque, comme vous le dites vous-même, c'est beaucoup plus rapide. Si on s'aperçoit à l'usage que tel délai qui a été circonscrit est vraiment soit trop court ou trop long, bien, il sera beaucoup plus facile de le faire par décret gouvernemental.

M. Caire : Il semble y avoir quand même une large diversité d'opinions sur ce qui est raisonnable comme délai ou non, là.

Mme Bourque (Gisèle) : Et, tant qu'on n'aura pas vérifié à l'usage à quoi ça peut ressembler, ce sera difficile d'intervenir. Effectivement, s'il s'agit d'une loi, si c'est inscrit à l'intérieur d'une loi, c'est beaucoup plus compliqué.

M. Caire : Ça complète.

Le Président (M. Bernier) : Ça va? Donc, merci aux représentants de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, M. Roger Arsenault, Mme Gisèle Bourque, M. Pierre Tremblay et Mme Émilie Truchon, de votre participation à la Commission des finances publiques.

Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Spénard) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend donc ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 108, la Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l'Autorité des marchés financiers.

Je souhaite la bienvenue au premier groupe... Oui?

M. Leitão : Autorité des marchés publics.

Le Président (M. Spénard) : Marchés publics, je m'excuse. Je suis habitué avec l'AMF. Excusez-moi.

Une voix : Ça part bien!

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Spénard) : Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités, la Fédération des chambres de commerce du Québec. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Alors, la parole est à vous, MM. Forget et Laureti. Vous vous identifierez lorsque vous prendrez la parole, s'il vous plaît.

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

M. Forget (Stéphane) : Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, MM., Mmes les membres de la commission. Alors, Stéphane Forget, président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je suis accompagné de David Laureti, directeur, Stratégie et affaires économiques à la fédération.

Alors, brièvement, je pense que vous connaissez bien la fédération, mais j'aime toujours rappeler les deux chapeaux que nous portons. Tout d'abord, de fédérer, de regrouper les 140 chambres de commerce sur le territoire québécois, et aussi notre rôle de chambre de commerce provinciale, de chambre de commerce du Québec. À ce titre-là, nous avons plus de 1 200 entreprises qui sont membres directement de la fédération, impliquées dans nos différents comités, ce qui nous permet d'avoir certaines réflexions, dont celle que nous allons partager avec vous aujourd'hui.

Alors, les contrats publics représentent des dépenses de près de 30 milliards de dollars par année au Québec. À la lumière de ces chiffres, il nous apparaît essentiel que les marchés publics soient gérés avec rigueur et que la population ait confiance dans les mécanismes de gestion et de contrôle des processus d'octroi de contrats publics. Toutefois, les problèmes d'éthique et de corruption mis à jour au cours des dernières années ont miné cette confiance des citoyens à l'égard de la gestion des contrats publics.

Le gouvernement a pris des décisions importantes afin de contrer la collusion et pour lutter contre toute forme de corruption dans l'octroi des contrats publics. Nous avons appuyé, au fil des ans, ces mesures extraordinaires qui devaient normalement rassurer les citoyens sur la volonté des pouvoirs publics de prendre les moyens nécessaires pour décourager les tentatives de collusion et de corruption. Malheureusement, ces mesures ne semblent pas être parvenues à calmer entièrement la méfiance des citoyens, et un climat de suspicion semble toujours être présent. Les conséquences de cette situation sont lourdes et cette situation, évidemment, doit changer.

La fédération n'aurait pas tendance à appuyer la création d'un nouvel organisme de surveillance des contrats publics. En toute objectivité, nous considérons qu'il y a déjà suffisamment d'institutions et de dispositifs de contrôle et de surveillance. Nous croyons toutefois qu'il est nécessaire de poser un geste additionnel afin de rétablir un niveau raisonnable de confiance dans notre système de gestion des contrats publics. C'est pourquoi nous appuyons la mise sur pied d'une autorité des marchés publics. Nous espérons que celle-ci contribuera à assainir le climat d'affaires, et ce, au bénéfice de tous.

M. Laureti (David) : Le climat de suspicion qui prévaut actuellement rend les relations entre le gouvernement et certaines entreprises problématiques. Ce climat place les élus, les administrateurs et les entreprises sur la défensive. Les pouvoirs publics ont pratiquement coupé toute communication avec les entreprises et les entrepreneurs, craignant à tort d'être accusés d'enfreindre les règles d'éthique et de donner prise à des apparences de conflit d'intérêts.

Les processus de règlement des litiges entre les donneurs d'ordres publics et les fournisseurs sont paralysés. Les délais de réalisation des travaux et des approvisionnements sont de plus en plus importants et alourdissent le fonctionnement de l'État, sans compter les coûts que cela occasionne.

Nous croyons que les représentants des entreprises doivent être considérés a priori comme des interlocuteurs de bonne foi. Dans la gestion des contrats publics, l'État a tout intérêt à consulter les entreprises afin de s'informer de l'évolution des technologies et des innovations. Il nous apparaît essentiel que ce canal de communication ne doit pas être rompu. Au bénéfice de tous, il faut que les entreprises et les entrepreneurs puissent dialoguer et travailler avec intelligence et efficacité avec les organismes publics dans un cadre rigoureux de gestion. La crainte excessive d'être mal perçus amène le législateur, les élus et la fonction publique à se confiner trop souvent, dans le processus d'octroi de contrats publics, aux pratiques plus conservatrices et moins innovantes.

Pour illustrer notre propos, voici quatre exemples de pratiques qui alourdissent le fonctionnement du gouvernement. Premièrement, la sélection des fournisseurs qui continue d'être établie presque partout sur la base du plus bas prix conforme sans égard à la qualité. Deuxièmement, le mode alternatif de réalisation des projets, qui demeure encore très peu répandu au Québec. Troisièmement, le choix des matériaux non traditionnels est, pour la plupart du temps, écarté. Et finalement l'étirement des délais d'approbation dans l'octroi et l'exécution des contrats prive les organismes publics de solutions innovantes et... deviennent conséquemment moins efficaces.

• (15 h 10) •

M. Forget (Stéphane) : À la lumière de ces constats, nous devons trouver des moyens de permettre à l'administration publique de reprendre un dialogue normal et franc avec les entreprises. La création d'une autorité des marchés publics doit répondre à ce besoin. Nous établissons un parallèle entre le rôle qu'elle est appelée à jouer et celui de l'Autorité des marchés financiers, qui, sans éliminer tout risque de délits d'initiés ou autres malversations, a redonné une certaine confiance aux investisseurs.

En assumant avant tout un rôle de coordination et de surveillance, nous comprenons que l'Autorité des marchés publics disposera des moyens d'analyse et d'enquête et pourra conseiller les ministères et organismes sur les pratiques contractuelles. La mise en place de l'Autorité des marchés publics doit, selon nous, être l'occasion de renforcer la responsabilité et l'imputabilité des donneurs d'ordres et des organismes de surveillance qui y sont associés. L'Autorité des marchés publics sera d'autant efficace qu'elle pourra compter sur des donneurs d'ordres qui jouent pleinement leur rôle et qui seront imputables de leurs décisions. Il nous apparaît cependant important d'éviter de transférer à cette autorité les pouvoirs usuels de contrôle qui font partie de la saine gestion d'un organisme public. Chacun doit assumer ses responsabilités. De même, nous appuyons les mesures qui favorisent l'accroissement de la transparence des processus d'attribution de contrats. Il faut toutefois s'assurer que les personnes et les entreprises chargées de réaliser des mandats publics puissent fonctionner avec efficacité et puissent offrir aux organismes publics leurs meilleures compétences, leur sens de l'éthique et leur capacité d'innovation. Chacun doit opérer dans un cadre réglementaire et institutionnel adapté à la réalité d'aujourd'hui. Les contribuables et les fournisseurs de biens et services bénéficieront de cette clarté et de cette rigueur.

M. Laureti (David) : Le projet de loi qui est étudié aujourd'hui stipule que toute personne ou société peut porter plainte à l'autorité relativement au processus d'attribution d'un contrat public si elle est en désaccord avec la décision d'attribution du contrat d'un organisme public. Nous ne nous opposons pas à ce mécanisme, mais nous nous interrogeons cependant sur la pertinence d'accorder le même droit de plainte sans restriction à toute personne ou entreprise qui est en désaccord avec la décision de l'organisme public d'octroyer le contrat à un concurrent. Cette procédure entraînera, selon nous, des délais importants. Nous ne croyons pas nécessaire de généraliser ce mécanisme de plainte aux soumissionnaires non retenus.

À l'égard de l'évaluation du rendement des fournisseurs, la fédération considère pertinente l'évaluation du rendement antérieur des entreprises. Nous demandons cependant aux ministères et organismes de faire connaître à l'avance les critères d'évaluation de cette performance. Enfin, si nous sommes d'accord avec l'intention exprimée par l'article 126 du projet de loi, qui entend réprimer les communications entre un éventuel fournisseur et un membre d'un comité de sélection d'un appel d'offres, nous croyons qu'il ne faudrait pas que cet article soit interprété de manière à condamner toute communication antérieure au lancement d'un processus d'appel d'offres. Il est fréquent que des représentants d'entreprises aillent présenter leurs technologies, équipements, matériaux ou services à des fonctionnaires et à des personnes qui pourraient éventuellement être intéressées par l'acquisition de ces biens et services.

M. Forget (Stéphane) : Nous croyons que les pouvoirs publics doivent tirer profit de l'expertise, de l'innovation et de la flexibilité d'exécution du secteur privé. Les entreprises sont capables d'offrir les meilleurs services au meilleur prix. Le processus d'octroi de contrats doit tabler sur la concurrence entre les entrepreneurs afin de sélectionner les meilleures entreprises, de pouvoir bénéficier de leur expertise et pouvoir réduire les coûts à court et à long terme. L'émulation demeure, à notre avis, le meilleur gage de qualité et de prix.

Aussi, l'exercice compte deux parties. D'une part, à chaque étape du processus, les pouvoirs publics doivent faire preuve de transparence et de probité. D'autre part, les entreprises doivent aussi se conformer en tout temps aux règles établies. Nous faisons le voeu que la mise en place de l'Autorité des marchés publics contribuera à assainir un climat de suspicion qui génère de lourdes conséquences, comme nous vous l'avons expliqué. Au bénéfice de tous, il est souhaitable et nécessaire que les entreprises puissent dialoguer et travailler avec intelligence et efficacité avec les organismes publics dans un cadre de gestion rigoureux. Merci beaucoup.

Le Président (M. Spénard) : Alors, merci beaucoup de votre présentation, MM. Forget et Laureti. Alors, le temps est maintenant, pour une période de 15 minutes, au parti ministériel. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, messieurs, merci beaucoup. Bonjour. Merci beaucoup d'être avec nous pour nous faire part de vos conclusions, enfin, votre lecture de la situation en ce qui concerne le projet de loi n° 108, la création de l'Autorité des marchés publics. J'aurai quelques questions avant de passer la parole à mes collègues.

Un aspect que vous aviez mentionné, je pense que c'était vous, M. Laureti, il y avait plusieurs, plusieurs facteurs que vous mentionnez qu'on n'était pas à la même hauteur, et un de ces facteurs-là était le mode alternatif de réalisation des contrats, essentiellement des projets en partenariat public-privé. Pouvez-vous nous parler un peu plus de cela? Et comment un tel mécanisme, un tel partenariat... Quelle serait l'interaction de ces partenariats avec la création d'un organisme comme l'Autorité des marchés publics?

Le Président (M. Spénard) : M. Forget.

M. Forget (Stéphane) : Merci. Tout d'abord, évidemment, cette réflexion-là fait aussi référence à la méthode qu'on utilise beaucoup du plus bas soumissionnaire conforme, qui n'est pas un gage constant d'obtenir la meilleure qualité. Je ne dis pas que le travail effectué par le soumissionnaire qui remporte le prix ne fait pas un travail de qualité, mais, compte tenu que le prix est toujours ou très souvent un facteur extrêmement important, ça ne laisse pas toujours la place à, ce qu'on pourrait dire, une qualité supérieure dans ce qu'on livre.

La différence avec le mode alternatif, c'est la responsabilité qui vient avec le contrat dans un PPP où, un, la compétition entre les soumissionnaires et, deuxièmement, le fait qu'on a de l'entretien à faire pendant un certain nombre d'années fait en sorte qu'on a des obligations différentes. Et qu'on ne soit pas vers le plus bas soumissionnaire conforme fait en sorte aussi qu'on a des marges de manoeuvre où on peut être un peu plus, je dirais, imaginatifs dans nos capacités d'innover ou de présenter des produits de qualité. Alors, ça, c'est pour la réflexion de base.

Ceci étant dit, évidemment, l'Autorité des marchés publics pourrait certainement jouer un rôle pour faire en sorte que les donneurs d'ordres ou les sociétés publiques puissent mieux comprendre et être peut-être moins craintifs à l'idée d'aller vers ces modes alternatifs là. C'est certain, comme on dit dans notre mémoire, la façon la plus simple d'octroyer un contrat, c'est de prendre les règles en place, le plus bas soumissionnaire conforme. On est habitués, on est dans ce système-là depuis toujours. On est capables facilement, avec les règles en place, de regarder ce qui s'est fait avant, ce qui s'est fait ailleurs. Les modes alternatifs, ça demande un peu plus, évidemment, de réflexion. Ça demande un peu plus d'audace. Peut-être, mais on pense qu'à cet égard-là, avec l'Autorité des marchés publics en place, on pourrait mieux accompagner les donneurs d'ordres qui seraient intéressés par ces modes alternatifs là, les accompagner... de les appuyer et de faire en sorte qu'on ait plus d'ouverture à l'égard de ce type de mode là.

M. Leitão : Très bien. Merci. Maintenant, évidemment, étant donné notre passé récent, particulièrement tous les enjeux soulevés par la commission Charbonneau, les allégations, et pas seulement les allégations, mais les événements de collusion, comment voyez-vous le processus? Vous avez parlé tantôt d'une perte de confiance, un climat de suspicion. Pensez-vous qu'un organisme comme l'Autorité des marchés publics pourrait rétablir un peu la confiance dans le marché? On comprend bien que, oui, il y a toute une série de nouvelles procédures qui sont nécessaires aussi, mais considérez-vous qu'un tel organisme, une telle autorité, dans notre réalité, est nécessaire?

• (15 h 20) •.

M. Forget (Stéphane) : C'est notre souhait. C'est l'espoir qu'on y voit. C'est aussi une des raisons pour lesquelles nous l'appuyons, comme je le mentionnais précédemment. Il y a évidemment beaucoup d'organismes de surveillance, de contrôle. On pense que cette autorité-là a une dimension un peu particulière, et c'est notre souhait fondamental parce que, vous savez, on ne compte pas beaucoup d'entreprises, et depuis les événements, depuis la commission, il y a trop d'entreprises qui sont venues nous voir pour nous dire : La porte est fermée, on n'est plus capables de parler avec l'État. Alors, comme représentants d'entreprises, on y voit là un enjeu.

Il y a aussi des gens dans la fonction publique qui nous l'ont dit aussi : On est mal à l'aise de parler aux gens. Alors, on le voit des deux côtés, et je vous dirais que, comme contribuables, on voit aussi l'impact parce que les marchés évoluent, les technologies évoluent. Et le fait qu'on n'arrive pas à se parler, à dialoguer, bien, fait en sorte qu'on se prive probablement de plusieurs opportunités qui seraient au bénéfice de l'État et des contribuables.

Alors, on a vraiment espoir que cette nouvelle entité là puisse contribuer à assainir ce climat-là, à redonner confiance et surtout à faire en sorte que les entreprises, les fournisseurs, les donneurs d'ordres puissent commencer à se parler ouvertement et à échanger sur les meilleures pratiques, sur les technologies. Évidemment, on est toujours précédant... les processus d'appels d'offres clairs, mais, si on n'arrive pas à se parler, ce ne sera pas au bénéfice de la société québécoise, assurément.

Le Président (M. Spénard) : M. le ministre.

M. Leitão : Très bien, merci. Je comprends bien, mais, selon vous, quelles seraient vos suggestions pour que ce dialogue-là reprenne? Parce qu'en effet, oui, je suis d'accord avec vous qu'il y a une espèce de froid qui s'est installé un peu. Tout le monde est un peu craintif à parler à tout le monde.

Comment voyez-vous... Quels seraient des moyens pratiques, là, de repartir le dialogue?

M. Forget (Stéphane) : Bien, je pense que le rôle, si je peux le dire ainsi, de neutralité de l'Autorité des marchés publics fait en sorte que l'autorité pourrait être le catalyseur, justement, pour permettre aux deux groupes de se rencontrer, de se réunir. Là, souvent, on est un peu mal à l'aise. Si on est le fournisseur, on n'ose pas appeler pour toutes sortes de raisons. À l'inverse, le donneur d'ouvrage est souvent aussi mal à l'aise pour toutes les raisons invoquées précédemment. Et on pense que cette nouvelle entité neutre peut devenir un carrefour, si je peux dire ainsi, ou l'endroit où les gens pourraient se parler, disons, plus librement dans un contexte où ils savent, là, qu'il n'y a pas d'enjeu dans les échanges qu'ils auront. Je pense que ce rôle-là n'est pas là aujourd'hui et pourrait devenir extrêmement important pour justement faire tomber ces barrières-là ou ces murs-là.

M. Leitão : Très bien, merci. Vous avez aussi mentionné, bon, l'Autorité des marchés financiers. On comprend que c'est un modèle un peu différent pour la réglementation des marchés financiers, mais l'AMF fait aussi partie du portrait en ce qui concerne l'établissement de la liste des entreprises conformes ou pas conformes. Ce mandat-là ou cette activité-là sera éventuellement transféré à l'AMP une fois qu'elle sera créée.

Comment vous voyez, vous, ce registre d'entreprises, cette nécessité que les entreprises soient déclarées au-dessus de tout soupçon et qu'on crée un tel registre?

M. Forget (Stéphane) : On voit ça de façon positive, on le voit de façon positive. Je pense que les entreprises, de façon générale au Québec, sont honnêtes, font preuve de probité. Et je pense que d'avoir un registre qui va s'assurer que les entreprises le sont... Je vous ai parlé d'émulation tantôt. Il n'y a rien que les gens... les entreprises, pardon, ne demandent pas mieux que d'être en compétition entre elles, mais qu'on le soit de façon honnête, cohérente, et que les meilleures soient en place. Aucun enjeu à cet égard-là pour nous.

Et, si je peux me permettre, on faisait référence à l'Autorité des marchés financiers tantôt, il y a toujours aussi une question de perception. Je pense qu'on l'a mentionné, l'Autorité des marchés financiers a, je pense, rassuré un peu les contribuables dans l'exercice de ses fonctions. Dans un deuxième temps, elle n'est pas non plus toujours en mode coercitif, elle est en mode promotion, de faire la démonstration qu'on a un système qui fonctionne au Québec et je pense que l'Autorité des marchés publics pourrait jouer un peu le même rôle en termes de perception et en termes de promotion de nos processus au Québec.

Le Président (M. Spénard) : M. le ministre.

M. Leitão : Très bien, merci. Peut-être une dernière question avant de passer la parole à mes collègues.

La possibilité ou le droit de porter plainte, donc, vous semblez suggérer qu'il devrait être limité, un peu plus limité aux seules entreprises qui auraient pu soumissionner. Pouvez-vous élaborer un peu plus là-dessus?

M. Forget (Stéphane) : On a eu quelques réflexions à ce sujet-là, tout d'abord sur les délais. Si, à chaque fois qu'un contrat... un appel d'offres est octroyé et que l'ensemble des soumissionnaires — j'exagère un peu pour faire le point — demandent des explications, ou une vérification, ou autres, et que ça allonge de façon indue les délais dans l'octroi des contrats, là, il pourrait y avoir un enjeu. Alors, il y a une question de délai de processus.

Deuxième élément, on a beaucoup de réflexions, et ça, ce n'est peut-être pas autant sur la reconsidération de l'appel d'offres que la nécessité, pour les entreprises qui n'ont pas obtenu le contrat, d'avoir assez rapidement de l'information qui leur explique pourquoi elles n'ont pas eu le contrat, pour que ces entreprises-là, dans une prochaine proposition, comprennent comment elles peuvent s'améliorer, où elles ont été plus faibles. Et ça, le retour sur les gens qui n'ont pas acquis ou qui n'ont pas obtenu les contrats, je pense que ça, c'est un rôle important, et je pense que ça, il faut le faire pour que nos entreprises puissent s'améliorer dans leur façon d'obtenir des contrats ou de transiger avec l'État.

M. Leitão : Très bien, merci. Je passerais la parole à mes collègues. Juste mentionner que cet aspect-là est déjà prévu, donc, une espèce de rétroaction.

M. Forget (Stéphane) : Oui, parce que c'est très important.

Le Président (M. Spénard) : Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre mémoire et votre présence cet après-midi pour les travaux de la commission. Vous avez parlé dans votre présentation... je pense que je vais vous citer, là : «Chacun doit assumer ses responsabilités...» Et quels seraient, selon vous, les moyens pour renforcer la responsabilité et l'imputabilité des ministères et des organismes ainsi que les organismes de surveillance?

M. Forget (Stéphane) : C'est une large question. Écoutez, je ne suis pas dans le détail de comment fonctionnent les ministères, mais ce qu'on veut surtout éviter, c'est qu'avec la création d'une autorité comme celle-ci les donneurs d'ordres ou les ministères ou organismes se déchargent de la responsabilité en se disant : Il y a une autorité des marchés publics, puis, s'il y a des enjeux, on va gérer ça à cet endroit-là. Nous, ce qu'on veut éviter, c'est justement ça.

Quand on dit «chacun ses responsabilités», c'est que l'arrivée pour nous de l'Autorité des marchés publics ne vient pas décharger les ministères et organismes de leurs responsabilités propres. Et l'idée, c'est d'améliorer le système, ce n'est pas qu'il soit encore plus complexe. Alors, c'est vraiment cet enjeu-là, pour nous, quand on dit : Chacun sa responsabilité. Et je pense que l'Autorité des marchés publics peut certainement aider les ministères dans cet exercice-là.

Le Président (M. Spénard) : M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci, M. le Président. Il y a des groupes, qui vous ont précédés, qui souhaiteraient voir l'AMP faire de la formation. Et j'aimerais vous entendre là-dessus parce que, oui, vous dites : Il ne faut pas que les organismes, et les ministères, et même les entreprises se déchargent de leurs responsabilités parce que, si je prends, par exemple, une entreprise qui veut soumettre soit son produit ou son service et s'aperçoit que l'appel d'offres, disons, semble favoriser son entreprise dans le sens qu'on dirait qu'elle est faite sur mesure pour son entreprise, alors lui aussi aurait une responsabilité. Alors, comment voyez-vous ça? Est-ce que l'AMP devrait jouer ce rôle?

Nous, on avait parlé plus tôt... le ministre avait parlé, en réponse aux autres groupes, d'avoir des pôles d'expertise. Vous, la Fédération des chambres de commerce, comment voyez-vous ça? Seriez-vous un allié dans ce sens-là aussi? Seriez-vous prêts, justement, à offrir, disons, de la formation envers vos membres pour, justement... par rapport au rôle de l'AMP et le rôle, comme vous dites, de quand même assumer ses responsabilités?

M. Forget (Stéphane) : La réponse, c'est oui. Je vous dirai qu'on a eu beaucoup de discussions au sein de nos comités, chez nous, sur l'appui ou non de l'autorité. Oui, je vous l'ai dit, de façon normale, on aurait envie de vous dire : Un organisme de plus, ce n'est pas positif. Cependant, dans le contexte, dans les circonstances actuelles, finalement, on pense que c'est une bonne idée parce qu'il y a de la formation à faire assurément auprès des entreprises. Et on pense aussi qu'il y en a aussi à faire auprès des donneurs d'ordres. Et je pense que la formation, si elle peut contribuer à atténuer le climat de suspicion, si ça peut atténuer le fait qu'on hésite à se parler, à échanger, si on peut aussi créer des lieux, comme je le disais précédemment, où les gens vont pouvoir recommencer à se parler ouvertement sans avoir peur d'être taxés de je ne sais trop quoi, je pense que toutes ces mesures-là vont définitivement contribuer à améliorer le climat, améliorer les relations d'affaires entre l'État et ses fournisseurs.

M. Merlini : Merci.

Le Président (M. Spénard) : Alors, merci beaucoup. Le temps étant écoulé pour le gouvernement, alors, nous allons passer à l'opposition officielle. Et je passerais la parole à la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, messieurs. Bienvenue au parlement, évidemment. Effectivement, je vais continuer un peu dans le même sens, là, de toute l'atmosphère et le climat que vous... Dans le fond, vous exprimez très bien dans votre mémoire... vous dites que la fédération «aurait tendance à s'objecter à la création [de ce] nouvel organisme [là] parce qu'en toute objectivité, il y a déjà suffisamment d'institutions». Vous dites par ailleurs : Mais, quand même, pour, dans le fond, assainir un peu le climat, la mise sur pied de l'autorité trouve quand même sa pertinence. Mais vous faites quand même la démonstration un peu de tout le climat assez longuement, je pourrais dire, dans votre mémoire. Donc, vous le faites un peu par dépit, mais, en même temps, vous trouvez qu'il y a quand même... que c'est quand même pertinent parce que l'élément important pour vous, c'est de rétablir la confiance et de pouvoir, dans le fond, mettre ça derrière nous, je pourrais dire. À moins que vouliez compléter sur ça, là, mais je pense que c'est l'élément central de votre mémoire.

Le Président (M. Spénard) : M. Forget.

M. Forget (Stéphane) : Vous avez bien saisi.

• (15 h 30) •

Mme Léger : Je veux revenir sur les communications. Vous en avez un petit peu parlé tout à l'heure, les communications avec le ministre puis avec le député aussi : «Le climat général de suspicion a placé les élus et les administrateurs sur la défensive. Les hauts fonctionnaires ont pratiquement coupé toute communication avec les entreprises.» Vous n'avez vraiment pas tort quand vous dites ça. Moi, j'ai vécu aussi, comme députée, une situation semblable. J'en ai quelques-unes, mais une dernière où que des entrepreneurs de ma circonscription, d'une part, ont voulu parler avec le ministère sur un enjeu qui, dans le fond, avait besoin d'explications, davantage d'explications, ou qui voulaient avoir des informations supplémentaires. Il n'y avait pas nécessairement de contrat sur la table. Il n'y avait nécessairement ce type-là, mais il y avait quand même une altercation avec une instance plutôt gouvernementale et municipale particulièrement.

Alors, le contact, ils ne réussissaient pas. On appelait dans un ministère, un peu dans un deuxième ministère parce qu'il y en avait deux concernés, et là, bien, ils sont venus voir la députée pour dire : Aidez-nous, on n'est pas capables de parler à personne. Alors, la députée a aussi fait ces démarches-là, démarches face au cabinet. Le cabinet a dit : On ne parle pas à une entreprise, on ne veut pas parler à une entreprise. Mais il n'y a pas d'enjeu sur la table, il n'y a pas d'octroi de contrat, il n'y a rien de ça. Mais on sentait cette inquiétude-là. Elle persiste encore. Je le disais au ministre, qui est avec nous aujourd'hui. Je pense que... Il y a le ministre des Finances, le président du Conseil du trésor, il y a aussi le ministre du Développement économique qui fait partie des affaires économiques. Je pense que ce climat-là, il est important d'avoir quand même un mot d'ordre si on veut aussi ramener une certaine confiance. Il faut que cette communication-là puisse vraiment être plus fluide et en se donnant des bonnes balises, en encadrant les choses, je pense qu'on en convient tous, et vous l'exprimez quand même très bien dans votre mémoire.

Vous ajoutez, à la page... Oups! Je n'ai pas les numéros de pages dans votre...

Une voix : Oui, oui, ils sont là. On voit à droite.

Mme Léger : On va à droite... Oui! Page 8. Page 8. Alors, en plein milieu, vous dites dans la moitié de l'autre paragraphe : «...l'État a tout intérêt à consulter les entreprises afin de s'informer de l'évolution des technologies de certains marchés. Personne ne réclame un traitement privilégié des entreprises à l'égard des communications avec le gouvernement, mais des pratiques correctes et efficaces, comme celles qui ont cours dans les autres administrations publiques modernes.» Vous avez des exemples précis concernant ça?

Le Président (M. Spénard) : M. Forget.

M. Laureti (David) : Bien, si vous me permettez, pas tant d'exemples précis, mais on a...

Le Président (M. Spénard) : M. Laureti.

M. Laureti (David) : Merci, merci. On a un contexte québécois, que je n'ai pas besoin de vous expliquer ici, et ce contexte-là est probablement à l'origine du projet de loi que nous étudions aujourd'hui. Dans une carrière précédente, j'étais du côté des... en média, et évidemment il n'y avait pas une journée où, effectivement, la question de la probité des entreprises n'était pas à l'ordre du jour. Alors, on a des entreprises qui nous ont dit : Ça suffit! Et c'est pour ça qu'on dit, nous : Il faut faire confiance aux entreprises. Il y a certainement des gestes répréhensibles qui ont été commis. Ces gens-là ont été traduits en justice ou, bref, il y a des actions qui sont en cours. Mais nous, comme association, comme fédération, nous sommes d'avis que les entreprises doivent être considérées a priori de bonne foi. Il doit y avoir un lieu d'échange. Et c'est pour cette raison-là que nous faisons le voeu que l'Autorité des marchés publics sera ce lieu d'échange là possible.

Le Président (M. Spénard) : M. Forget, oui.

M. Forget (Stéphane) : Deux choses. Dans la nomenclature des gens que vous avez mentionnés tantôt, il faut aussi ajouter le rôle du Commissaire au lobby, qui, lui aussi, dans l'exercice de ses fonctions, a un cadre défini. Mais il faut ajouter à cela aussi le rôle du Commissaire au lobby et, par moments, l'incertitude chez les fournisseurs potentiels de savoir à quel moment c'est du lobby, à quel moment ça n'en est pas. Et je vous dirais qu'avec le projet de loi n° 56, qui a été déposé, mais qui n'est pas encore débattu... Et on a demandé, nous et plusieurs autres, de le retirer, qu'on reparte à neuf. On n'ira pas en s'améliorant dans ce contexte-là. Première chose.

Deuxième chose que je veux vous mentionner, c'est que le temps que ça prend actuellement au gouvernement du Québec entre le moment où on a une idée et où on dépose un appel d'offres public, les technologies évoluent tellement vite qu'entre le besoin initial et le contrat donné l'écart est tellement grand que ce qu'on va recevoir comme service, ce n'est plus celui qui est nécessaire aujourd'hui parce que les technologies ont évolué, puis ça, que ce soit dans les technologies de l'information, que ce soit dans le domaine de la santé. Et je pourrais vous en nommer une série. Je pense que, si on n'arrive pas à continuer de se parler entre la définition du besoin et la réalité d'aujourd'hui, l'écart est tellement grand maintenant qu'on n'aura pas au Québec le service qu'on veut avoir compte tenu de l'évolution des technologies notamment.

Et ça, pour nous, on l'entend tellement souvent où des entreprises viennent nous voir nous en disant : Je viens de voir une proposition, là, qui a été... un appel d'offres qui a été déposé. Je ne sais pas où on va trouver la technologie. Il n'y a plus personne qui la produit parce qu'on n'est plus là. On est rendu ailleurs. Ou, à l'inverse, ils ont un besoin qui est défini, puis il y a des entreprises qui viennent nous dire : On serait en mesure d'aller leur dire : On a une solution à votre besoin, on n'arrive pas à se parler.

Alors, ça, c'est le contexte, et vous l'avez bien décrit vous-même tantôt, c'est le contexte dans lequel on évolue aujourd'hui. Puis après ça on n'est pas sûr si on le fait sous la forme... s'il faut s'inscrire au Registre des lobbyistes. À d'autres moments, on nous exige de s'inscrire au Registre des lobbyistes, alors que ce n'est pas nécessaire. C'est le climat dans lequel les entreprises oeuvrent présentement. Et ça, c'est extrêmement pénalisant, autant pour elles que pour l'État, à notre avis.

Le Président (M. Spénard) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Est-ce que vous croyez que l'Autorité des marchés publics peut être... Probablement qu'elle est une réponse, là, à ce que vous dites, mais est-ce que, pour vous, ça serait particulièrement dans les délais, plus particulièrement dans les communications, évidemment? Est-ce que, dans le projet de loi que vous voyez, là, vous voyez des avenues que vous trouvez qu'il faudrait renforcir?

M. Forget (Stéphane) : Bien, ce qu'on voit, c'est que possiblement que la mise en place de l'Autorité des marchés publics va permettre de réfléchir au cadre dans lequel on évolue présentement. Je reviens à ce que je vous disais tantôt, là. Le cadre du plus bas soumissionnaire conforme, personne n'ose y toucher parce que ça devient un peu sensible de toucher à ça du point de vue perceptuel, notamment. Est-ce qu'on peut espérer que l'Autorité des marchés publics aura la latitude, l'autonomie et la neutralité pour être capable de réfléchir à ces questions-là, par exemple, et d'amener des propositions sur la table, comme d'ailleurs l'a proposé la commission Charbonneau? On pense que la création de l'Autorité des marchés publics va, nous le souhaitons, pouvoir sortir de ces cadres-là pour essayer d'avoir des façons de faire qui sont plus innovatrices et plus contemporaines.

Mme Léger : Parce qu'actuellement ce n'est pas nécessairement dans sa mission, là, mais ça pourrait l'être. Ça, on croit que ce pourrait l'être. Merci.

Le Président (M. Spénard) : Merci, madame. Il vous restait 16 secondes.

Une voix : ...

Le Président (M. Spénard) : Alors, sans tarder, je poursuivrais avec la... représentant de la deuxième opposition. Alors, M. le député de La Peltrie.

M. Caire : C'est moi, ça, la représentant de la deuxième opposition?

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Caire : Bonjour.

Une voix : ...

M. Caire : Oui. On est sur une lancée. Je vous entends sur l'opportunité d'accroître... En fait, je lis dans votre mémoire l'opportunité d'accroître l'imputabilité des donneurs d'ordres. Mais, en même temps dans votre réponse, je ne vois pas le lien que vous faites avec le projet de loi n° 108. Alors, j'aimerais ça que vous m'expliquiez ça. De quelle façon on peut se servir du projet de loi n° 108 pour augmenter l'imputabilité au niveau des donneurs d'ordres?

M. Forget (Stéphane) : En fait, je pense que, pour nous, c'est très clair qu'il ne... C'est l'inverse qu'il ne faut pas qui arrive, que les donneurs d'ordres, avec la mise en place de l'Autorité des marchés publics, se sentent moins responsables dans l'octroi, dans le suivi et dans la mise en oeuvre des contrats. Je pense qu'il faut que les donneurs d'ordres se sentent appuyés par l'Autorité des marchés publics, c'est ce qu'on pense qu'il doit arriver, et qu'ils se sentent appuyés, épaulés, et qu'ils assument pleinement les responsabilités parce que la réalité aujourd'hui, puis on le mentionne dans notre mémoire, c'est que les zones de règlement de conflits, par exemple, ou règlement de litiges, on n'ose plus y toucher. C'est rendu que les entreprises se disent : Nous allons aller devant les tribunaux, on va créer une forme de jurisprudence parce qu'on n'est plus capable, dans des litiges, là, qu'on pourrait régler hors cour... On est tellement...

M. Caire : Avec tout le respect que je vous dois, il n'en demeure pas moins que l'AMP joue aussi en quelque sorte le rôle d'arbitre ou de tribunal. Je veux dire, l'AMP doit, dans sa mission, s'assurer que les processus d'adjudication de contrat sont suivis correctement. Donc, il y a implicitement un rôle de contrainte, un rôle de vérificateur qui va amener cette réaction-là de la part des... Et, à l'inverse, je pense que c'est inévitable que les parties prenantes d'un contrat, dans le cas où il y aurait un problème, disons-le comme ça, vont s'en remettre à l'AMP. Ça fait que c'est pour ça que je ne comprends pas exactement.

• (15 h 40) •

M. Forget (Stéphane) : Mais voyons-le de l'autre côté. Un donneur d'ouvrage se dirait : On a une nouvelle façon de faire qu'on veut tester. Il y a des choses qu'on veut modifier, un contrat où on veut être plus flexibles sur telle ou telle chose. Si l'Autorité des marchés publics, dans sa responsabilité, considère que c'est pertinent, que c'est intéressant, que ça vaut la peine, que l'évaluation démontre qu'on devrait aller dans cette voie-là, vous n'avez pas l'impression que le donneur d'ordres va se sentir plus courageux ou plus disposé à innover plutôt que de se retrouver dans une situation plus fermée? C'est dans ce sens-là qu'on veut imaginer cette chose-là.

M. Caire : J'entends ce que vous dites, puis ça amène la question suivante. L'AMP pourrait, à la limite, faire des recommandations, j'entends ça, dire : Écoutez, il y a une situation particulière. Mais, en même temps, l'AMP va être tenue de s'assurer qu'on respecte les règles établies.

M. Forget (Stéphane) : Absolument. On n'est pas en train de dire qu'il faut... L'idée, ce n'est pas de dire : On va contourner les règles. Ce n'est pas ça.

M. Caire : Je comprends. Mais admettons, là, on est dans... C'est parce que j'aime beaucoup l'idée d'accroître l'imputabilité. Je ne suis pas convaincu que l'AMP peut faire ça, c'est juste ça que je vous dis, dans le sens où elle aura la responsabilité de s'assurer que les lois et les processus sont respectés tels que prescrits. Et, si tant est qu'on arrive en conflit ou si on arrive au bout de l'élastique, bien, elle aura certainement l'occasion de faire des recommandations. Mais je vois mal l'AMP dire : Bien, écoute, ce n'est pas tout à fait conforme...

M. Forget (Stéphane) : Non, non, ce n'est pas...

M. Caire : ...mais c'est intéressant, ce que tu nous amènes. Ça fait qu'on va te laisser faire.

M. Forget (Stéphane) : Ce n'est pas ce que je dis. L'idée, ce n'est pas de... C'est probablement que les possibilités sont aujourd'hui plus grandes que ce que nous mettons sur la table concrètement parce que, dans le climat dans lequel on vit aujourd'hui, peut-être qu'on pourrait... pas contourner les règles, pas être à côté de la règle, mais peut-être qu'on pourrait se permettre plus de latitude. Et, compte tenu du climat dans lequel on évolue présentement, il n'y a personne qui ose. On se referme. On dit : On va aller vers ce qu'on connaît. On est certains, là, qu'il n'y a pas d'enjeux. On n'aura pas besoin de parler à personne. Donc, on définit notre besoin, puis on y va. Comme ça, il n'y a personne qui va nous reprocher quoi que ce soit. C'est le climat dans lequel on vit aujourd'hui.

Ce qu'on dit, quand on dit : Plus d'imputabilité, plus de responsabilités, c'est que, dans les règles établies actuellement, il y a certainement lieu d'avoir plus de dialogue, d'avoir plus d'ouverture, de peut-être aller plus vers des modes alternatifs qui sont en conformité avec les règles. On n'ose pas y aller. Est-ce que l'Autorité des marchés publics, en étant constituée, pourrait faire en sorte que les gens se sentent plus à l'aise? C'est ce que nous souhaitons.

M. Caire : Bien, à la limite, elle pourrait dire : Ce que vous faites est conforme ou non conforme.

M. Forget (Stéphane) : Voilà. Mais, si c'est conforme, alors allons-y. Puis là on va avoir un allié ou quelqu'un qui va nous épauler dans cette démarche-là.

M. Caire : À ce moment-là, vous le voyez plus comme une caution morale que comme une façon de renforcer l'imputabilité?

M. Forget (Stéphane) : Possiblement.

M. Caire : O.K. C'est bon. Vous dites que ça ne doit pas être l'occasion, puis je résume votre pensée, là, mais ça ne doit pas être l'occasion de surmultiplier les contrôles. Est-ce que vous avez l'impression que c'est le cas avec le projet de loi actuel? Est-ce qu'il y a des choses dans le projet de loi... Vous dites : Là, il me semble qu'on va dans le surcontrôle ou dans la multiplication des processus de contrôle.

Le Président (M. Spénard) : En terminant, M. Forget, s'il vous plaît, assez rapidement.

M. Caire : ...secondes de plus.

Le Président (M. Spénard) : Vous êtes dessus, M. le député de La Peltrie.

M. Forget (Stéphane) : On veut éviter que les mesures qui sont en place, qui ont été mises en place, je pense, entre autres, au rôle des vérificateurs dans les différents ministères, et autres, que ce soit le Vérificateur général, que ce soit l'Autorité des marchés financiers, soit tous ceux-là, que le rôle de l'Autorité des marchés publics ne vienne pas se superposer aux rôles des autres. L'idée, c'est que l'Autorité des marchés publics ne doit pas contribuer à un phénomène de sédimentation, mais plutôt être une mesure autre qui vient appuyer le processus d'octroi des contrats publics.

Le Président (M. Spénard) : Je vous remercie beaucoup, messieurs de la Fédération des chambres de commerce.

Je suspends les travaux quelques instants et j'invite le prochain groupe à s'installer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 15 h 45)

(Reprise à 15 h 46)

Le Président (M. Spénard) : Alors, nous reprenons les travaux. Je souhaite la bienvenue à TechnoMontréal. Pour les fins de l'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à un échange avec les membres de la commission. La parole est donc à vous, messieurs et madame.

TechnoMontréal

M. Bissonnette (Jean-François) : Merci. Bonjour, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je tiens tout d'abord à vous remercier pour la tribune que vous nous offrez aujourd'hui.

Le Président (M. Spénard) : Excusez-moi! Est-ce que vous pourriez vous identifier, s'il vous plaît?

M. Bissonnette (Jean-François) : Ah! certainement. Alors, je suis Jean-François Bissonnette. Je suis président du conseil de TechnoMontréal.

M. Couture (Stéphane) : Stéphane Couture. Je suis président du comité des politiques publiques à TechnoMontréal.

Mme Divry (Lidia) : Lidia Divry, directrice générale de TechnoMontréal.

Le Président (M. Spénard) : Merci. Alors, la parole est à vous, monsieur.

M. Bissonnette (Jean-François) : Donc, notre organisme représente depuis 2007 — TechnoMontréal — la grappe des technologies de l'information et des communications en technologie du Grand Montréal. Nous avons pour mission de mobiliser l'écosystème des technologies de l'information et des communications dans la métropole afin de mettre en oeuvre des stratégies qui accélèrent l'innovation, la compétitivité, la croissance et le rayonnement de notre industrie. TechnoMontréal concentre donc ses efforts sur la mobilisation et la promotion de l'industrie des technologies de l'information et des communications et l'innovation technologique. Nos actions permettent de répondre aux défis de transformation des marchés verticaux, qui sont aux prises avec des enjeux d'efficacité, de productivité et de compétitivité.

Rappelons qu'après le secteur de la construction les technologies de l'information et des communications représentent, pour le ministère et les organismes publics, le deuxième secteur en termes d'importance des marchés publics accordés au Québec, soit près de 3,3 milliards de dollars pour l'année 2013‑2014. L'ampleur des dépenses et des investissements du gouvernement dans ce secteur exige donc que le processus d'encadrement des marchés publics s'appuie sur les meilleures pratiques de gestion dans le domaine, et ce, dans le but d'assurer l'accessibilité et l'intégrité des marchés publics. C'est ainsi que le gouvernement deviendra un acheteur exemplaire des technologies de l'information et des communications.

TechnoMontréal se réjouit donc de voir le gouvernement s'engager sur une telle initiative. C'est pourquoi nous appuyons les objectifs du projet de loi n° 108, Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l'Autorité des marchés publics. D'ailleurs, je souhaiterais vous rappeler que, dès mars 2015, TechnoMontréal proposait, dans un mémoire portant sur le projet de règlement sur les contrats des organismes publics en matière des technologies de l'information, de créer la fonction de protecteur de l'approvisionnement, qui aurait comme mandat d'examiner toute plainte dans un marché public, d'examiner les pratiques d'acquisition des organismes pour en évaluer l'équité, l'ouverture et la transparence et de formuler des recommandations pour améliorer et donner accès à des mécanismes de règlements extrajudiciaires de différends.

C'est donc avec une volonté claire de contribuer aux efforts du gouvernement en matière d'accessibilité et d'intégrité des marchés publics, en particulier ceux concernant les technologies de l'information et des communications, que nous vous proposons quatre orientations qui regroupent l'ensemble de nos recommandations.

• (15 h 50) •

La première orientation porte sur l'impartialité. Afin de garantir l'indépendance et la neutralité entre, d'une part, l'organisme chargé d'effectuer la vérification externe des contrats publics, l'AMP, et, d'autre part, l'entité ayant la responsabilité d'édicter les règles des marchés publics, le Conseil du trésor, nous suggérons que l'AMP relève directement de l'Assemblée nationale et non du Conseil du trésor. Nous sommes d'avis que cette disposition permettrait d'établir une saine distance entre l'AMP et le gouvernement, évitant ainsi que ce dernier agisse en juge et partie. Dans un souci de transparence, nous recommandons de plus que l'AMP fasse un bilan annuel public sur la mise en oeuvre de la loi. Ce bilan devrait s'appuyer sur un état des lieux entamé par l'AMP dès les premiers jours de sa mise en place. Le projet de loi n° 108 accorde à l'AMP d'importants pouvoirs de vérification et d'enquête lui permettant notamment de pénétrer dans l'établissement d'un organisme ou dans tout autre lieu pour obtenir des renseignements et des documents pertinents. Nous souhaitons que ces vérifications et enquêtes soient clairement balisées de façon à ce qu'elles se limitent aux procédures de nature administrative.

Petit bémol, vraiment un petit bémol, nous souhaitons porter ici un message sur les risques que pourraient poser les mécanismes de plaintes. Ces mécanismes pourraient mener à des lourdeurs administratives, des délais et des coûts qui dissuaderaient des entreprises, particulièrement des PME, de faire affaire avec les marchés publics, réduisant ainsi les bénéfices découlant de la concurrence, mais aussi l'accès à l'innovation. Il importe ici pour le gouvernement de trouver un équilibre.

La deuxième orientation que nous proposons porte sur l'imputabilité. La création de l'AMP doit nécessairement s'accompagner en amont d'un renforcement de l'imputabilité des gardiens de l'intégrité des marchés publics, j'ai nommé les dirigeants d'organismes, les gestionnaires du sous-secrétariat aux marchés publics du Secrétariat du Conseil du trésor et les responsables de l'observance des règles contractuelles, les RORC. Ainsi, pour renforcer l'imputabilité, les dirigeants d'organismes devraient rendre des comptes annuellement devant les parlementaires sur le respect de la conformité des règles contractuelles et des recommandations formulées par l'AMP.

Troisième orientation : uniformité. Nous sommes convaincus que l'instauration de l'AMP présente une chance d'uniformiser les règles contractuelles. À l'image du Commissaire à la lutte contre la corruption, les responsabilités de la future AMP doivent être étendues à l'ensemble du secteur public, incluant notamment les ministères et organismes publics, les sociétés d'État, les établissements de santé et de services sociaux, les regroupements d'achats d'organismes ainsi que le monde municipal. Il nous semble par ailleurs nécessaire que la portée de la Loi sur les contrats des organismes publics soit elle aussi étendue de la même façon.

La quatrième orientation porte sur l'excellence. L'AMP doit être un lieu d'excellence, d'expertises et d'expériences diversifiées en matière de stratégie et de meilleures pratiques d'acquisition, d'approvisionnement et de gestion contractuelle adapté aux exigences ou aux spécificités des produits et services du secteur des technologies de l'information et des communications. Pour ce faire, nous recommandons de doter l'AMP d'une vice-présidence en technologies de l'information et des communications. De plus, cette vice-présidence devra s'appuyer sur l'expertise d'un comité consultatif sectoriel. À titre de référence, il existe à l'AMF de tels comités consultatifs dont le mandat est de fournir un éclairage pertinent et de renforcer la collaboration de l'AMF avec les intervenants sectoriels en ce qui a trait à la réalisation de sa mission.

En terminant, laissez-moi vous livrer en rafale d'autres recommandations qui découlent des orientations précédemment citées et qui sont détaillées plus amplement dans notre mémoire. Les mécanismes de plaintes pour le secteur des technologies de l'information et des communications doivent entrer en vigueur simultanément dans les organismes et à l'AMP. Toute décision ou ordonnance de l'AMP devrait être diffusée sur un site Internet de l'organisme visé, sur le site de l'Autorité ainsi que sur toute autre source d'information jugée pertinente par l'AMP. Au lieu de déterminer les délais dans la loi, l'AMP fixera, par règlement ou directive, les délais et les mécanismes d'information relatifs aux différents processus.

La protection contre les poursuites. Le contrôle des poursuites devrait seulement s'étendre aux personnes physiques et non aux personnes morales. Toute personne formulant une plainte de bonne foi, qu'elle soit adressée à l'AMP ou aux organismes, ne devrait pas pouvoir faire l'objet de représailles, bien entendu. Enfin, la loi devrait prévoir un mécanisme de dédommagement pour l'entreprise ayant engagé des dépenses dans le cadre d'un contrat qu'elle aurait conclu de bonne foi, mais qui aurait été résilié, ou suspendu, ou annulé par l'AMP.

En conclusion, nous croyons que nos recommandations amélioreraient de manière significative le projet de loi et contribueraient, d'une part, à rétablir la confiance de nos concitoyens à l'égard des contrats publics et, d'autre part, à préserver la réputation de l'industrie des technologies de l'information et des communications au Québec, une industrie dont nous pouvons tous être fiers.

Nous sommes d'avis que nos recommandations proposées aujourd'hui permettront de renforcer l'AMP, une AMP neutre et compétente en technologies de l'information et des communications. Elle sera mieux outillée pour assurer l'accessibilité et l'intégrité des marchés publics ainsi qu'une meilleure gestion contractuelle. Je vous remercie pour votre attention.

Le Président (M. Spénard) : Alors, merci, M. Bissonnette. Alors, la parole est maintenant au côté ministériel. Alors, je passe la parole à M. le président du Conseil du trésor.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, madame messieurs, bonjour. Merci d'être là. J'ai quelques questions pour discuter un peu avec vous et je passerai après la parole à mes collègues pour poursuivre la discussion. Si j'ai bien compris dans un mémoire précédent, dans des audiences précédentes, surtout dans le cadre du travail Passeport Entreprises, vous aviez suggéré la création d'un organisme, enfin, une fonction qui était le protecteur de l'approvisionnement. Comment voyez-vous donc l'AMP, que nous avons créée avec ce projet de loi, et l'organisme que vous aviez proposé auparavant? Est-ce qu'il y a un certain recoupement?

M. Bissonnette (Jean-François) : Bien, je vais demander à M. Couture de répondre à cette question, qui a oeuvré plus directement sur ce mémoire.

M. Couture (Stéphane) : Comme on l'a dit précédemment, on se réjouit que le législateur, que le gouvernement propose l'AMP parce qu'on l'avait déjà suggérée. C'est sûr qu'on regarde le projet de loi, on veut l'améliorer. Ça va dans le sens qu'on proposait en mars 2015, mais, comme on dit, il y a des améliorations à faire. Donc, c'est à travers les 15 recommandations qu'on souhaite apporter au projet de loi, mais, dans l'essence, bien sûr, ça rejoint l'orientation qu'on voulait que le gouvernement prenne dans le cadre justement des travaux de consultation précédents sur le règlement sur les TI.

M. Leitão : Très bien, merci. Merci, M. le Président. Donc, vous, dans les quatre éléments que vous aviez mentionnés, vous avez parlé d'impartialité, d'imputabilité des comités, excellence, mais dans le cas de l'impartialité... Et d'ailleurs vous le mentionnez aussi comme une de vos recommandations que vous suggérez, donc, que l'AMP devrait être, donc, d'une certaine indépendance vis-à-vis du gouvernement. Et donc vous suggérez que le président de cet organisme soit nommé par l'Assemblée nationale plutôt que par le gouvernement. Comme vous savez, il y en a certains, organismes, comme l'UPAC ou le directeur des procédures criminelles et pénales, qui, eux, sont nommés par le gouvernement après... suggéré par un comité de sélection. C'est pourquoi, selon vous... est-ce que ça serait... l'AMP serait un peu différente de l'UPAC. C'est-à-dire, hein, que... En quoi la nomination d'un P.D.G. par le gouvernement, suite à la recommandation d'un comité indépendant, en quoi cela pourrait compromettre son indépendance?

Le Président (M. Spénard) : M. Couture.

• (16 heures) •

M. Couture (Stéphane) : Ce qu'on veut dire ici, c'est très simple. À Montréal, il existe le Bureau de l'inspecteur général. Le Bureau de l'inspecteur général, à Montréal, relève du conseil municipal. Donc, nous, c'est un peu la symétrie qu'on voudrait qui se passe avec l'AMP, avec les parlementaires. Donc, c'est un peu ça, la symétrie. On n'est pas entré dans le détail qui propose, qui nomme à la fin du compte, là. Mais, nous, ce n'est ni plus ni moins la symétrie avec le Bureau de l'inspecteur général qu'on voudrait. Parce que le Bureau de l'inspecteur général ne relève pas du pouvoir exécutif à Montréal, il relève de l'assemblée des représentants, des élus. C'est pour ça qu'on souhaite qu'il relève de l'Assemblée nationale, l'AMP.

Le Président (M. Spénard) : M. le ministre.

M. Leitão : O.K. Très bien. Maintenant, vous parlez aussi d'un rôle, donc, d'expertise, donc, que l'AMP, que l'autorité soit aussi un endroit d'excellence pour pouvoir augmenter cette... partager cette expertise avec d'autres organismes gouvernementaux. Mais pensez-vous qu'il y a ici un danger, donc, de confusion aussi? Parce qu'avoir un organisme qui fait la vérification, et donc mélanger cet aspect-là de vérification avec un aspect de gestion des contrats, ne pensez-vous qu'il y aurait là une possibilité de confusion ou de perte d'indépendance?

Le Président (M. Spénard) : M. Bissonnette?

M. Bissonnette (Jean-François) : Oui, je vais répondre. Non, on ne pense pas qu'il y aurait une perte d'indépendance. En fait, le souhait qui est exprimé ici, dans notre mémoire, notre recommandation, c'est s'assurer qu'on ait en poste, à l'AMP, des gens qui comprennent bien notre industrie, qui comprennent bien la nature des produits et services et la façon de s'approvisionner, qu'ils soient à jour dans cette offre-là et comprennent les meilleures pratiques dans ce domaine pour l'approvisionnement de ces services-là, qu'ils sont capables de comprendre, ailleurs dans le monde, comment ça se fait. La nature même des biens et services est très différente en technologies de l'information et des communications qu'on peut la retrouver dans d'autres domaines, et on pense que cette expertise-là serait nécessaire afin de pouvoir permettre à l'AMF d'exercer son rôle correctement pour évaluer les situations, et pouvoir agir, et faire des recommandations pertinentes.

Maintenant, comme vous l'avez aussi remarqué, sur le volet imputabilité, nous avons aussi mentionné que nous désirions renforcer le rôle des gardiens, des gardiens du cadre contractuel et la façon que l'approvisionnement se réalise dans l'ensemble des ministères et organismes. Alors, évidemment, ça implique aussi qu'on s'attend au même niveau d'expertise. Et on reconnaît qu'il y a un niveau d'expertise, mais on s'attend que ce niveau d'expertise là aussi soit autant au Conseil du trésor, dans les ministères et organismes, à tous les niveaux qui sont impliqués dans les processus d'approvisionnement. Est-ce que, M. Couture, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Couture (Stéphane) : Non, ça va.

Le Président (M. Spénard) : M. le ministre.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup. Les collègues, si vous avez des questions.

Le Président (M. Spénard) : M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Madame messieurs, merci de votre présence et votre mémoire pour faciliter notre travail, nous aider à réfléchir au projet de loi n° 108. J'aimerais vous entretenir concernant l'immunité du personnel de l'AMP et des représailles. J'ai trouvé une de vos recommandations... j'ai été un peu surpris, là, parce que vous dites : «La portée de la protection [...] offerte aux personnes et à l'organisme, prévue aux articles 63 et 64, est trop importante. Elle devrait être limitée aux personnes uniquement», excluant les personnes morales. Et vous dites que l'article 65 devrait être supprimé.

Le contenu de ces articles-là, 63 à 65, se retrouve dans d'autres lois, qui établit un régime de traitement des plaintes ou de dénonciation et sert à donner l'immunité au personnel de ces organismes-là pour des décisions prises de bonne foi. J'aimerais en entendre plus sur pourquoi vous la considérez trop importante, la protection. Et ensuite on parlera des représailles. Qu'est-ce qui motive cette recommandation-là?

Le Président (M. Spénard) : M. Couture.

M. Couture (Stéphane) : Nous, c'est notre compréhension. Peut-être, notre compréhension est incomplète ou imparfaite, mais, selon notre compréhension, ça voudrait dire, je parle au conditionnel, et on voudrait que le gouvernement, le législateur nous le confirme, ça voudrait dire que les décisions de l'AMP, O.K., ne pourraient pas être contestées, ça serait comme final, vous me suivez? Donc, nous, on se dit : Il peut y avoir... surtout à l'article 63, on parle d'«en raison d'omissions [...] de bonne foi». On présume de la bonne foi de tout le monde, bien sûr, mais il pourrait y avoir des omissions involontaires, donc, qui pourraient mener à des décisions qui pourraient miner des contrats, qui pourraient résilier des contrats. Donc, on se dit que, si jamais il y avait des omissions involontaires, selon notre compréhension de 63, ça voudrait dire qu'il n'y aurait aucun recours juridique envers l'organisme. On comprend l'immunité des individus, du personnel et de leurs mandataires, des mandataires de l'AMP, mais, vis-à-vis de l'organisme, ça nous semble aller assez loin. C'est pour ça qu'on est réticents à cet article-là. C'est pour ça. C'est pour cette raison-là.

Le Président (M. Spénard) : M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci, M. le Président. Quand vous parlez de représailles, qu'est-ce qui serait, pour vous, selon vous, des représailles? Qu'est-ce qui pourrait constituer des représailles dans ce cadre-là?

M. Couture (Stéphane) : Les représailles, c'est traité ailleurs, hein, dans le projet de loi. Ça, on ne parle plus de 63 à 65, là. Donc, les représailles, ça pourrait être très informel aussi, hein? Il a déjà peut-être existé des représailles informelles. Donc, pour nous, c'est important, justement, dans le cadre des processus administratifs de l'AMP, qu'ils puissent identifier la nature des représailles qui pourraient... On n'a pas les réponses à tout, là, hein? C'est sûr que l'AMP doit faire son travail, mais c'est sûr qu'on veut éviter le plus possible qu'il en existe, là.

Le Président (M. Spénard) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin (Pontiac) : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs dame. Merci d'avoir fait la route et d'être avec nous aujourd'hui pour parler du projet de loi n° 108.

À l'instar de mon collègue ici, à ma gauche, j'ai quelques questions, peut-être, sur les recommandations précises, là, que vous nous faites. Je regarde, à la page 14 de votre mémoire, la recommandation 7, qui stipule essentiellement votre souhait de confier à l'AMP le soin de définir les délais et les mécanismes d'information relatifs à ces différents processus et de pouvoir le faire par règlement ou directive. Donc, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'il y a des délais qui sont dans la loi, qui sont peut-être trop courts, trop contraignants, trop difficiles à rejoindre. Je pense qu'une des choses qui est essentielle, tout en s'assurant d'un processus clair et transparent, c'est de s'assurer qu'on ne veut pas non plus retarder tout le processus, là, d'adjudication ou d'attribution de contrat non plus.

Est-ce qu'il y a des mesures, des délais précis qui sont dans la loi, qui vous causent préjudice ou par rapport auxquels, là, vous avez des inquiétudes majeures? Et quels sont ces délais-là? Et qu'est-ce que vous, comme groupe, trouvez qui serait peut-être plus pertinent, là?

Le Président (M. Spénard) : M. Couture.

M. Couture (Stéphane) : On a discuté beaucoup, justement, de pourquoi il devrait y avoir des délais dans la loi ou ailleurs. On ne sait pas si les délais seraient assez flexibles ou seraient efficaces. Donc, pourquoi les mettre tout de suite dans un projet de loi, alors qu'on ne sait pas s'ils vont rejoindre les objectifs de l'AMP? Vous me suivez? Ça pourrait être sujet à un règlement ou à une directive et voir par la suite. On pourrait partir avec les mêmes délais qu'on a dans la loi, mais les mettre dans un règlement, vivre avec puis voir si on les ajuste en fonction de la réalité. Si la réalité, avec ces délais-là, est correcte pour tout le monde, on va de l'avant avec le même règlement. Vous me suivez? Mais, si jamais les délais ne sont pas assez intéressants ou nuisent, justement, à l'intérêt public, vous, comme parlementaires, vous devrez revenir avec un projet de loi pour modifier les délais. Ça nous semble un peu, là... On veut plus de flexibilité. C'est pour ça qu'on demande, par règlement ou par directive établie par l'organisme, l'AMP, que les délais et les mécanismes de diffusion de l'information se retrouvent dans un projet de règlement et non dans un projet de loi.

M. Fortin (Pontiac) : Je pense que je comprends votre raisonnement, là, ce que vous nous dites, mais... parce que, dans le processus législatif, là, éventuellement, on va se pencher sur l'ensemble du projet de loi. Vous nous dites, là : Il y a plusieurs des délais fixés qui semblent trop contraignants. Est-ce que vous, vous êtes en train de dire : À chaque fois qu'il y a un délai dans le projet de loi, mettez ça en veilleuse pour l'instant, puis ce sera fait par l'AMP par directive ou, s'il y en a vraiment de façon plus pointue, là, que vous dites, celles-ci, absolument, ont besoin d'être fixées plus tard?

• (16 h 10) •

M. Couture (Stéphane) : Il existe des délais dans le projet de loi en ce moment puis il existe l'absence de délais aussi. Donc, j'imagine que le législateur... parce que c'est dans un processus aujourd'hui, là. Ça continue. Vous allez vous apercevoir qu'il manque des délais. Par exemple, la rétroaction entre l'organisme et le plaignant, il n'y a pas de délai. Il n'y a pas de délai. Donc, où ça va apparaître, ça, ce délai-là? Est-ce que ça va apparaître dans un règlement? Nous, on se dit : Tant qu'à parler de délais puis de mécanismes de diffusion de l'information, mettez tout ça dans un règlement. Vous me suivez?

M. Fortin (Pontiac) : O.K. Ça me va, M. le Président. C'est tout pour moi pour l'instant. Je vous remercie.

Le Président (M. Spénard) : Terminé? Alors, c'est fini du côté ministériel. Alors, je passerais la parole à la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. Évidemment, quand vous nous mettez des chiffres, ça nous remet aussi dans le visage l'importance du secteur des technologies de l'information et des communications, l'éthique. Vous parlez de 1,7 milliard, la dernière donnée que vous avez, 2013‑2014, en regard des marchés publics du Québec. C'est évidemment immense, c'est un monstre, et tout de suite après l'industrie de la construction, là, qu'on a indiqué dans votre mémoire.

Je veux revenir sur la nomination du P.D.G. de l'AMP à l'Assemblée nationale. Vous n'êtes pas le premier qui nous indique ça. Vous craignez... Vous trouvez que c'est important qu'il soit nommé par l'Assemblée nationale. Vous dites que c'est mieux cette distance-là par rapport au Conseil du trésor parce que celui-ci, peut un peu agir, dans le fond, en juge et partie. C'est ce que je comprends de votre intervention.

M. Bissonnette (Jean-François) : C'est bien ça.

Le Président (M. Spénard) : M. Bissonnette.

M. Bissonnette (Jean-François) : Oui. Oui, c'est bien ça. Exactement.

Mme Léger : Et vous parlez aussi... Vous allez un petit peu plus loin en disant qu'il devrait même déposer, une fois par année — en tout cas, c'est ce que vous nous dites, une fois par année — un rapport, un bilan annuel, en fin de compte, qui permettrait de pouvoir même émettre certaines recommandations qui pourraient faire évoluer l'Autorité des marchés publics, là, pour s'assurer que... et les organismes publics concernés, de s'assurer qu'on puisse avancer par l'Autorité des marchés publics. Voulez-vous élaborer un peu?

Le Président (M. Spénard) : M. Bissonnette.

M. Bissonnette (Jean-François) : Parfait. Première des choses, si vous me permettez, la réalisation d'un bilan annuel est faite déjà à l'interne, si on veut, des organismes et vis-à-vis le conseil. Ça demeure interne. Il y a un ensemble de recommandations et d'améliorations qui a lieu à chaque année, qui se sont intégrées dans ces bilans-là, qui mériterait de faire l'objet d'un suivi, d'autant plus, sur les recommandations que l'AMF... l'AMP a pu faire sur les processus, il serait souhaitable qu'il y ait une discussion au niveau des parlementaires, donc une présentation, une discussion, pour s'assurer que les recommandations qui sont mises de l'avant sont prises en compte et qu'il y a vraiment un plan d'action qui les mette en oeuvre.

Mme Léger : Dans un autre ordre d'idées, tout à l'heure, la Fédération des chambres de commerce nous a parlé des communications, hein, le processus, dans le fond, des communications — vous étiez là, je pense que vous avez entendu — avec le gouvernement ou avec le donneur d'ouvrage aussi. Et, comme les technologies dans votre secteur évoluent rapidement, ils suggéraient même, évidemment, d'avoir des rencontres. Ils disaient que, dans la gestion des contrats publics, il y a un intérêt à consulter les entreprises afin de s'informer de l'évolution des technologies, etc. Puis en même temps, de l'autre côté, il faut s'assurer aussi que l'influence soit raisonnable ou déraisonnable, dépendant. Comment vous voyez ça, là? Parce que, dans le fond, ça vous concerne directement puisque vous avez un secteur qui est très, très... qui évolue à chaque jour, si ce n'est pas à chaque minute ou à chaque seconde parfois.

M. Bissonnette (Jean-François) : Je vais inviter M. Couture à présenter des moyens spécifiques qu'on a considérés.

M. Couture (Stéphane) : Je vais vous citer la Stratégie gouvernementale en technologies de l'information parce qu'en technologies de l'information... Et on profite de l'occasion de remercier le gouvernement. Ils ont mis en place une stratégie, juin 2015, qui comporte 36 mesures, dont la n° 22 — j'ai appris le numéro avant parce que je me doutais peut-être de la question — qui consiste à mettre en place des espaces d'interaction entre les donneurs d'ouvrage et les fournisseurs potentiels, parce que ce n'est pas par hasard que la mesure 22 est apparue dans la stratégie, parce que nous aussi, comme dans la construction, il y a de la réticence à se rencontrer. Donc, ça fait partie des livrables. C'est un plan, c'est une stratégie sur trois ans. Il y a des progrès qui sont faits. On a été en discussion à travers le comité consultatif des technologies de l'information, nous, l'industrie des donneurs d'ouvrage...

Mme Léger : Par précision, on veut savoir avec quel ministère, ça?

M. Couture (Stéphane) : C'est le ministère du...

Mme Léger : ...des Finances? O.K.

M. Couture (Stéphane) : Le Conseil du trésor.

Mme Léger : Ah! le Conseil du trésor? O.K.

M. Couture (Stéphane) : Le Conseil du trésor. C'était le prédécesseur de M. Leitão, M. Coiteux, qui a livré la stratégie, déposé la stratégie, et la mise en oeuvre se passe depuis 15 mois. Donc, c'est la mesure 22. Je vous invite à aller la lire.

On est en dialogue, nous, l'industrie, comme je vous ai dit, les donneurs d'ouvrage. On a déjà un espace, qu'on appelle le comité consultatif des TI, qui est composé de donneurs d'ouvrage, le DPI, M. Boivin et des regroupements d'entreprises pour justement voir à la bonne mise en oeuvre, particulièrement sur certaines actions pour lesquelles on est consultés, on est interpellés et consultés, puis sur lesquelles on donne nos avis, et pour lesquelles le gouvernement, le DPI, parce que c'est lui qui donne le suivi, là, s'engage à le faire.

Le Président (M. Spénard) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Mais, en revenant, là, au projet de loi n° 108, ce que je comprends de ce que vous me dites, c'est que, probablement, le résultat de ces travaux ou de ces consultations-là permet au gouvernement, dans le fond, d'ajuster peut-être des façons de faire ou... Mais, par rapport au projet de loi n° 108, comment vous voyez l'influence dans la gestion des contrats, cette influence-là? Parce qu'il y avait... Le ministre avait quand même un peu dit, la semaine passée, qu'il y a une inquiétude aussi. Puis je pense que c'est compréhensible. Mais, en même temps, comment s'assurer qu'il y ait une communication fluide malgré tout? Alors, c'est quoi, l'équilibre de ça, là? Ma question est difficile, hein?

M. Bissonnette (Jean-François) : Oui, assez. Bien, je vous dirais qu'une des premières choses, et on le retrouve aussi dans cette stratégie d'approvisionnement du gouvernement, le recours à des appels d'intérêt de façon plus nombreuse et plus constante dans le cadre des appels d'offres va permettre, entre autres, d'avoir un accès plus grand à l'ensemble des innovations puis à une plus grande clarté sur ce qui est disponible comme solutions en technologies pour le gouvernement. Ces mécanismes-là, quand c'est bien utilisé, j'allais dire en conjonction, puisqu'on a parlé de l'espace d'interaction et d'autres mécanismes qui visent à aller chercher la créativité du milieu, va favoriser, à notre avis, la proposition par les fournisseurs de solutions qui sont novatrices auprès... pour réaliser les projets du gouvernement.

Le Président (M. Spénard) : Mme la députée de...

M. Bissonnette (Jean-François) : Oui. Alors, je termine. Est-ce que je réponds à votre question?

Le Président (M. Spénard) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Oui, d'une certaine façon, mais ce n'est pas complet. Mais c'est correct. Je vais... Il me reste combien de temps? Là, je suis correcte pour... parce que je vais élaborer.

Le Président (M. Spénard) : 1 min 30 s. 1 min 30 s.

Mme Léger : Ouf! Vous dites dans votre recommandation 5 : «La loi accorde à l'AMP d'importants pouvoirs de vérification et d'enquête...» Mais vous recommandez que ces pouvoirs soient balisés dans la loi puis définir les délais, la portée, les moyens, les conditions, les vérifications. Vous ne balisez pas trop, vous pensez? Est-ce qu'on restreint les pouvoirs de l'AMP à ce niveau-là? Est-ce qu'il ne faut pas plutôt lui donner les coudées franches?

Une voix : M. Couture.

M. Couture (Stéphane) : C'est sûr que, là, on comprend ce qu'on peut lire et comprendre, hein? Vous me suivez, là? On ne sait pas comment qu'elle va se comporter, l'AMP. Nous, on voudrait qu'elle ait... Tu sais, c'est un peu son nouveau voisin par rapport au Bureau de l'inspecteur général. Le Bureau de l'inspecteur général précise sur son site Web, donc ça doit être dans sa loi, que ses vérifications sont de nature administrative. C'est sûr et certain que, si, dans une enquête ou une vérification de nature administrative, il décèle des éléments qui peuvent mener à des poursuites pénales ou criminelles, on comprend que ça ne sera pas à l'AMP, vous me suivez, d'engager des recours au niveau pénal ni criminel. Ça va être probablement l'UPAC. Vous me suivez? Donc, il y a comme un continuum, et on voudrait s'assurer que ce n'est pas des pouvoirs comme l'UPAC qui sont confiés à l'AMP, vous me suivez, par rapport au pénal et au criminel.

Le Président (M. Spénard) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que vous aviez, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Alors, je passerais la parole au représentant de... et député de La Peltrie.

• (16 h 20) •

M. Caire : Merci, M. le Président. J'ai beaucoup de questions, je vais essayer d'être très court et je vous invite à faire de même. Vous dites que, dans le cas d'un processus d'appel d'offres qui serait stoppé, on devrait pouvoir dédommager une entreprise qui, de bonne foi, a participé à l'appel d'offres. Ça nous ramène à la notion d'imputabilité. C'est correct, sauf qu'en bout de ligne il y a quelqu'un qu'il faut qui paie pour ça. Alors, comment vous voyez l'AMP arbitrer ces différends-là? Est-ce qu'on fixe des amendes? Est-ce qu'on lui donne le pouvoir de fixer des amendes, de décider des montants? Parce qu'on va loin dans cette recommandation-là, là.

M. Bissonnette (Jean-François) : Dans notre mémoire, en fait, ce que l'on vise, c'est les contrats qui ont été signés, évidemment, de bonne foi de la part des entreprises convaincues, au moment où ils signent, qu'il n'y a pas de plaintes ou de recherches qui sont en cours et qu'ils peuvent démarrer vraiment les travaux et s'y investir.

Le plus grand enjeu pour une entreprise, c'est d'apprendre, de façon fortuite, que, tout d'un coup, le contrat serait, par exemple, annulé, alors qu'ils ont engagé des sommes là-dedans, ils se sont engagés de bonne foi. Il faut s'assurer, dans le fond, dans les mécanismes d'adjudication, que les entreprises sachent, aient une bonne... j'allais dire une bonne visibilité exactement des risques qu'ils prennent à chaque étape du processus. Au moment d'une signature, on s'attend à ce que tous les éléments qui pouvaient être en suspens ou qui devraient normalement retarder une décision soient connus, de sorte qu'ils prennent un risque... s'ils décident de prendre un risque quand même, de démarrer un contrat par esprit, par exemple, d'atteindre la date de livraison du contrat en particulier, alors, vraiment... Mais, dans un cas où, de bonne foi, on signe un contrat, on n'a pas l'information qui nous permet d'évaluer qu'il existe un risque qui, soudainement, va apparaître alors que le contrat est démarré, bien là on considère que c'est une... ce qu'on appelle dans le métier, excusez-moi l'expression anglaise, «a termination for convenience» de la part du client.

M. Caire : Je comprends votre point. Le questionnement que j'ai, c'est que l'AMP va vérifier le processus, la conformité des processus d'adjudication. On comprend que, dans la situation que vous soulevez, il y aura eu une erreur, un problème, une... bon, on s'entend, et là l'AMP est obligée de suspendre, voire annuler l'adjudication de contrats. Donc, ce que vous amenez comme notion, c'est que l'AMP devra aussi décider s'il y a une partie qui est plus imputable que l'autre de cette situation-là, et donc qu'il devra y avoir dédommagement. Et j'inverse même le processus. Dans la mesure où c'est l'entreprise qui est jugée fautive dans l'adjudication de contrat, est-ce que l'entreprise devra payer des... Comprenez-vous? C'est que, là, on embarque l'AMP dans un processus quasi judiciaire où elle devra juger qui est responsable de cette situation-là, et qui dédommage qui, et pour quel montant. Est-ce que c'est bien ça, votre recommandation?

Le Président (M. Spénard) : M. Couture.

M. Couture (Stéphane) : Bien, dans la colonne de droite, là, de notre recommandation, on dit que... on reconnaît que l'AMP ait les pouvoirs de résilier, etc., mais, justement, on ne veut pas qu'elle joue le rôle de négocier les dédommagements, O.K., qu'elle remette le dossier à une instance judiciaire pour qu'elle puisse juger qui a fait la faute. Puis c'est en fonction aussi de la gravité des fautes, hein? L'AMP pourra résilier en fonction de fautes graves, hein? Ça ne sera pas : Il manquait des... hein, c'est spécifié dans la loi... dans le projet de loi, pardon. Mais, dans les cas limites, parce qu'on ne s'attend pas qu'il y ait une marée de cas, là, hein, mais, dans certains cas, selon la bonne foi des entrepreneurs, des fournisseurs, il doit y avoir dédommagement parce qu'ils auront réservé des ressources, ils se sont engagés, vous me suivez, dans une soumission... parce qu'il y a des engagements dans une soumission, qu'ils soient dédommagés parce que la contrepartie, c'est la...

M. Caire : Ça, je l'entends bien, mais j'entends aussi que vous dites : Du moment où on arrive à l'étape où il y a une faute à déterminer, et donc un fautif à trouver, vous dites : C'est une autre instance, un tribunal qui devrait s'en occuper. À partir de là, on n'a pas à modifier le projet de loi n° 108 si on s'entend pour dire que ce rôle-là devra être joué par quelqu'un, mais ce rôle-là ne devra pas être joué par l'AMP. C'est ça qu'on dit.

Une voix : On en convient.

M. Caire : O.K., on est d'accord. Vous dites que la protection contre les poursuites devrait s'étendre seulement aux personnes et non aux personnes morales. Vous faites référence aux articles 63, 64, qui protègent les officiers de l'AMP contre des poursuites. Ça semble vous poser problème, puis je ne comprends pas. Est-ce que, justement, au nom de leur indépendance, on ne devrait pas garder ces protections-là puis de leur capacité d'agir?

M. Couture (Stéphane) : L'immunité contre les personnes, d'accord, mais encore c'est par rapport à l'organisme en soi. Habituellement, dans des recours juridiques, c'est des entreprises, ce n'est pas des individus qui font partie d'entreprises qui vont poursuivre d'autres individus dans d'autres entreprises. Vous me suivez? Ça va être l'entreprise contre une autre entreprise. Donc, nous, on dit : Bien, pourquoi pas la symétrie, là? Pourquoi ne pas protéger les individus, mais ne pas rendre leur employeur exempt de poursuites, de recours judiciaires, comme l'indiquent, selon notre compréhension, bien sûr, 63 à 65, là? On voudrait que le législateur nous confirme que ça n'empêche pas, ça n'évite pas de recours juridiques.

Le Président (M. Spénard) : Alors, merci beaucoup, TechnoMontréal.

Le temps étant écoulé, alors, je suspends les travaux quelques instants et j'invite le prochain groupe à prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 16 h 27)

(Reprise à 16 h 32)

Le Président (M. Spénard) : Alors, nous reprenons nos travaux. Alors, je souhaite la bienvenue à Me Pierre Noreau, qui vient nous présenter un mémoire. Alors, vous avez 10 minutes de présentation. Et ensuite il y aura du temps pour les partis représentés ici. Alors, à vous, M. Noreau.

M. Pierre Noreau

M. Noreau (Pierre) : Merci beaucoup. Écoutez, vous devez recevoir des groupes en général, et puis c'est bien que ce soit comme ça. Là, moi, je viens plutôt seul, mais c'est parce que je voulais donner suite à ma contribution aux travaux de la commission Charbonneau. Je trouvais important, puisqu'il y avait ce projet de loi là qui donne finalement vie à cette idée d'une autorité des marchés publics, je trouvais important d'y être associé d'une certaine façon puisque c'est moi qui l'avais proposé à la commission et que la commission l'a repris. Et donc je l'ai abordé en me demandant si je trouvais là-dedans ce que je pensais qu'on devait y mettre, et c'est dans cet esprit-là que je le propose, que j'ai accepté, en fait, de venir présenter un peu mon point de vue, mais qui, en fait, permet de restituer ces considérations-là, pourquoi est-ce que la commission en est venue à cette idée-là, sur quelles bases est-ce que j'en étais venu à proposer qu'on crée cette institution-là.

Et j'avoue que, pour l'essentiel, moi, je suis assez d'accord avec ce que je trouve dans ce projet de loi là. Souvent, d'ailleurs, dans les projets de loi, celui-là comme d'autres, ce n'est pas tellement ce qu'on y trouve qui nous dérange, c'est ce qu'on n'y trouve pas. Et c'est peut-être aussi ce que j'indiquerai, c'est ce que je crois pouvoir apporter aussi, compte tenu justement du contexte dans lequel la proposition avait été faite. Il y a là-dedans ce qu'il faut, je crois, pour que des lanceurs d'alerte trouvent une voie et puis éventuellement puissent recevoir et être reçus pour la contribution qu'ils peuvent avoir pour le bien public, là, c'est-à-dire de dénoncer les malversations et les problèmes qui peuvent se poser dans les conditions d'attribution des contrats publics ou dans les pratiques d'attribution des contrats publics.

Lorsque cette proposition-là a été faite, c'était issu, en fait, d'une série de constats sur les problèmes difficiles auxquels la commission était confrontée. On ne réalise pas, en fait, toujours parce que la façon dont les médias, parfois, rapportent les situations fait que, finalement, on croit être en face de situations simples qui sont souvent des situations plus compliquées. Dans ce cas-ci, souvent, c'est autour des questions de corruption que la commission a travaillé. Mais, en fait, c'étaient des questions de corruption et de collusion. Ce sont des rapports et des situations très liés. Et, en fait, bizarrement, ce n'est pas nécessairement la corruption qui crée la collusion. Dans beaucoup de cas, c'était la collusion qui a favorisé la corruption. Et il faut donc prendre souvent le problème du bon côté. Et je pense que c'était un des problèmes aussi qui étaient posés, c'est que l'essentiel des acteurs, malgré le caractère plus spectaculaire, là, des cas où les milieux de la mafia, par exemple, interviennent dans l'attribution des contrats publics, l'essentiel des problèmes rencontrés concernait plutôt des gens d'affaires essentiellement, là, des gens d'affaires qui font des affaires et qui ne sont pas a priori des personnalités criminelles, mais qui posent des gestes qui, eux, ont une signification qui peut potentiellement être criminelle, qui peut être d'ailleurs qualifiée de toutes sortes de façon au plan juridique et qui sont d'autant plus difficiles, je dirais, à cerner puis à stopper que ça renvoie à beaucoup d'interventions ou de relations qui sont des relations très courantes dans la vie quotidienne de n'importe qui.

La plupart des activités sur lesquelles on a vu des problèmes à la commission, puis qui sont des problèmes réels, sont fondées, en fait, sur des interactions assez courantes, assez banales, qui, elles, ne sont pas nécessairement d'ordre criminel, mais évidemment qui, toutes mises ensemble, s'il s'agit de contourner des systèmes qui visent à assurer la bonne marche, la bonne administration des fonds de l'État, posent problème. Et c'est une des difficultés qu'ils avaient, c'est de voir comment on peut sortir de rapports qui sont des rapports très personnalisés, qui sont des rapports souvent courants dans le domaine des affaires et dans le domaine politique et qui sont souvent des rapports nécessaires dans ces secteurs-là. Le fait que ces rapports-là sont souvent des rapports continus, le fait que ces rapports-là sont tenus entre un nombre assez restreint d'individus qui entretiennent ces rapports continus, le fait que les normes, telles qu'elles étaient établies...

Une des difficultés qu'on a, dans le cas de ce que devait régir... ou du problème qui s'était posé à la commission Charbonneau, c'est qu'on ne travaille pas dans un système où il n'y avait pas de normes. Il y avait des normes, en fait. Le problème, c'est que les normes étaient contournées, mais ce n'est pas parce qu'il y avait absence de normes. La Loi sur les contrats des organismes publics, les règles, en fait, qui gèrent généralement les conditions d'attribution des contrats publics, sont des règles relativement connues. Et donc ce n'est pas tellement parce qu'il y avait absence de règle, c'est parce qu'il y avait contournement des règles, particulièrement parce qu'il y avait ce que moi, j'ai fini par appeler des racoins. C'est-à-dire que, dans la trajectoire qui conduit de la définition des besoins que l'État peut avoir ou que les municipalités peuvent avoir qu'un certain nombre d'activités ou de biens soient réalisés, qu'un certain nombre de constructions soient faites, jusqu'au moment où ces activités-là sont terminées dans cette trajectoire-là, il y a un paquet de racoins qui permettent, en fait, que l'esprit du système qui vise à assurer la bonne dépense, finalement, publique, la bonne administration des biens publics, risque d'être détourné.

Un autre problème peut-être même de ce système de normes là, c'est qu'il était possible de le respecter formellement, mais de le détourner de façon constante au fur et à mesure. Et cette réalité-là sera toujours une réalité difficile à contourner. Quelque système qu'on se donne pour contrôler les conditions d'attribution des contrats publics, il y aura toujours la possibilité, il faudra toujours surveiller de quelle façon le formalisme, d'une certaine façon, des normes vient cacher, en fait, d'autres activités qui, elles, viennent contredire l'esprit même de ces normes-là. Et je pense que c'est un des problèmes auxquels la commission Charbonneau était confrontée.

On connaît les difficultés liées à l'opacité du système, en fait, parce que cette opacité-là, elle se crée dans ces espaces-là, qui sont des... on pourrait dire que c'est un peu comme : vous avez des normes, et les acteurs passent entre les normes, hein, et vous avez ça dans beaucoup de situations. C'est très facile, en fait, de respecter la loi sans la respecter. Ce problème-là, il va continuer à se poser, il va se poser constamment, et c'est pour ça que la seule institution d'une autorité des marchés publics n'est pas nécessairement suffisante pour régler les problèmes auxquels on est confrontés, même si c'est une chose importante et nécessaire.

Au fond, une bonne partie des problèmes rencontrés et puis qu'on avait envisagés, une des raisons pour lesquelles on pensait qu'il fallait envisager la création de cette autorité-là, c'est qu'une bonne partie des problèmes ne peuvent pas être réglés a posteriori, que, dans le fond, cette agence-là ne devait pas intervenir qu'à la fin, ne doit pas intervenir qu'une fois que le problème est né ou entretenu, mais avant que les problèmes se créent et que, dans le fond, la plus grande force qu'une agence comme ça pouvait avoir, c'était d'établir de quelle façon on évite ces problèmes-là. Et ça, ça nécessite qu'on n'intervienne pas seulement sur une structure ou qu'on crée une structure, mais ça nécessite que la normativité qu'on établit empêche ça et ça nécessitait éventuellement de réfléchir davantage sur cette normativité-là, notamment sur les normes d'attribution des contrats publics.

• (16 h 40) •

On a beaucoup dit qu'une des façons de le faire, c'était de changer la culture de l'industrie, notamment, mais, vous savez, changer la culture, c'est la chose la plus difficile à faire au monde. On peut beaucoup plus facilement changer les habitudes en modifiant les contraintes de l'action qu'en changeant la culture de n'importe quelle organisation. Et ça nécessite à ce moment-là que le calcul des acteurs soit modifié et qu'on propose des contraintes telles que les acteurs eux-mêmes ont envie, en fait, de rentrer dans ces normes-là plutôt que de les contourner. Et ça, ça nécessite donc d'avoir pas seulement un système qui contrôle a posteriori, police-bandits... qu'un système qui permette d'éviter que ces situations-là se créent. Et ça, je pense que c'était un aspect sur lequel la commission peut-être elle-même n'a pas suffisamment insisté, mais qui justifiait qu'on crée une agence de ce type-là, dont l'objectif n'est pas seulement de contrôler a posteriori, mais dont l'objectif est d'établir des normes qui sont moins susceptibles d'être contournées. Et pour ça il faut comprendre comment les acteurs fonctionnent dans le système, et ça pouvait potentiellement impliquer beaucoup de choses, y compris le fait que ces acteurs-là soient impliqués eux-mêmes dans le processus d'évaluation des réponses aux appels d'offres, c'est-à-dire de mettre en jeu l'industrie elle-même dans son propre contrôle plutôt que de la contrôler constamment de l'extérieur à partir de normes qui, des fois, ne sont pas compatibles avec la réalité même de cette industrie dont on a besoin.

Une dernière préoccupation, parce que je vois que le temps file et qu'on... Encore une minute? Une des préoccupations des échanges qu'on avait eus à l'époque, que j'avais eus à l'époque avec les commissaires, c'était la nécessité que le système qui contrôle les conditions d'attribution des contrats publics, que ce système-là soit un système qui ne vienne pas empêcher l'État d'assumer ses fonctions, c'est-à-dire qu'il ne soit pas si lourd qu'à la fin on s'empêche d'attribuer des contrats qui doivent être attribués parce que les routes doivent se construire, doivent se réparer, parce que les ponts doivent se construire, parce que l'activité de l'État doit se poursuivre, et donc d'éviter de fonctionner en réaction, d'une façon qui ferait que finalement, à la fin, on s'empêcherait de faire ce que l'État doit faire parce qu'on veut qu'il le fasse bien, et donc de le regarder beaucoup plus stratégiquement. Et c'est un peu de ça dont on parlera dans les échanges qu'on aura.

J'ai une série d'autres choses éventuellement à dire, mais je profiterai des questions que vous poserez pour y répondre. Je l'aborde largement. C'est volontairement que je le fais comme ça. J'agis ici plus comme sociologue et juriste, je dirais, qu'uniquement comme juriste, et, si on peut l'aborder ensemble, là-dessus, ça pourrait aborder des problèmes, en tout cas les grandes questions qui sont au fondement de la loi aujourd'hui.

Le Président (M. Spénard) : Merci, Me Noreau. Alors, la parole est à M. le président du Conseil du trésor pour une période de 15 minutes.

M. Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Merci, Me Noreau, d'être là. En effet, c'est assez général, mais très intéressant. Et il y a quelques aspects que j'aimerais peut-être poursuivre un peu plus avec vous, la notion, bien sûr, de collusion, que vous avez abordée, et donc le fait que ce n'est pas la corruption qui génère la collusion, mais, souvent, c'est le contraire. Est-ce que vous, vous... Puisque vous avez travaillé beaucoup avec la commission Charbonneau dans le cadre de ce qui nous concerne, l'industrie de la construction, pensez-vous qu'il y a quelque chose d'inhérent à cette industrie même qui mène à des comportements de collusion ou c'est quelque chose d'un peu plus large en termes d'imperfection de marché — ça, c'est l'économiste qui vous parle — compétition qui n'est pas parfaite, et donc qui mène à cela, ou c'est vraiment un cas très spécifique d'une industrie très particulière, qui a ses structures qui sont un peu différentes de ce qu'on peut trouver ailleurs?

Le Président (M. Spénard) : Me Noreau.

M. Noreau (Pierre) : Je pense qu'il y a des dimensions qui sont propres à l'industrie de la construction, notamment sur l'aspect suivant. C'est que le nombre d'acteurs qui peuvent notamment répondre pour des ouvrages très importants, si on parle des contrats avec le gouvernement, le nombre, je dirais, de constructeurs, le nombre des firmes d'ingénieurs qui peuvent être impliqués dans des grands projets comme ça sont objectivement en nombre limité au Québec, et donc ça favorisait, d'une certaine façon, cette collusion-là parce que ce sont tous des acteurs qui se connaissent les uns les autres. Et ça, c'est une difficulté qui, elle, elle est inhérente au secteur de la construction.

Maintenant, quand j'ai proposé qu'on crée cette autorité-là, c'est vrai que j'ai demandé à la commission qu'elle réfléchisse à déborder le secteur strict de la construction parce que ce sont des problèmes qui, de fait, potentiellement, pourraient se retrouver dans beaucoup d'autres domaines. On parlait de l'industrie informatique tout à l'heure. On peut parler du domaine, par exemple, des fournitures dans les hôpitaux. Le nombre, en fait, de contrats publics qui sont signés chaque année par les gouvernements et puis qui sont également signés par les municipalités sont en nombre important, et il n'y a pas beaucoup de secteurs qui peuvent empêcher ce risque-là de collusion. C'est encore plus vrai dans des municipalités. Et une des choses que j'avais proposées, c'est que cette autorité-là ne vise pas uniquement le secteur de la construction, mais l'ensemble des secteurs, pas seulement le ministère du Transport, mais potentiellement l'ensemble du ministère et également le secteur municipal parce que, dans la commission Charbonneau, ce qui sort le plus, là, c'est que les situations les plus fréquemment rencontrées ont touché le secteur municipal et c'est d'abord dans ce secteur-là qu'on a rencontré ces problèmes de collusion et les relations privilégiées problématiques entre les élus et les firmes d'ingénieurs en particulier ou les constructeurs. Donc, dans le projet de loi actuel, c'est vrai qu'on cible de façon... on nomme, en fait, le ministère des Transports du Québec, alors que c'est loin d'être là que les problèmes les plus importants sont apparus au fur et à mesure des enquêtes de la commission. Je crois qu'il faut absolument couvrir ça aussi, mais qu'il faut réfléchir au soutien qu'on peut donner aux municipalités dans la gestion de ces contrats-là. Actuellement, c'est une chose qui reste un peu dans le vague.

Le gouvernement peut décider des organismes publics qui pourraient éventuellement faire l'objet d'un contrôle par l'Autorité des marchés publics, mais, en vérité, je pense qu'il faudrait aller plus loin et dire carrément que les municipalités, notamment les municipalités qui n'ont pas les moyens de résister à ces rapports de collusion là et d'influence, particulièrement ces municipalités-là, ont besoin d'une agence. Et c'est pour ça, je crois, que cette autorité-là devrait être munie du pouvoir de gérer également les appels d'offres. Et ce n'est pas très clairement dit dans le projet de loi, à l'article 27. Ce n'est pas dit de cette façon-là. Ça indique, si je prends bien le libellé, que je ne me trompe pas d'article... non, ce n'est peut-être pas lui... prévention que dans... recueils et compilations... En tout cas, je le retrouverai éventuellement dans mes notes, mais l'autorité a la possibilité de s'intéresser aux mécanismes de gestion, mais il n'y a rien là-dedans qui lui donne l'autorité, en fait, de gérer éventuellement et de prendre en charge lui-même les appels d'offres et éventuellement la sélection. Du moins, ce n'est pas écrit de cette façon-là, et je pense qu'il faut l'envisager, particulièrement pour les institutions publiques qui n'ont pas, en fait, les moyens de se donner eux-mêmes ces systèmes.

Le Président (M. Spénard) : M. le ministre.

M. Leitão : Très bien, merci. Pour ce qui est du secteur municipal, nous avons discuté longuement depuis le début de notre commission et, en effet, nous avons l'intention de les couvrir. Vous avez mentionné, avec raison, qu'en fin de compte tout le processus de la commission a commencé par les municipalités. Donc, c'est clair qu'on va les inclure aussi dans ce processus. Pour ce qui est, donc, du comportement de collusion, et tout ça, il me semble, encore une fois, je reviens à ma question initiale, qu'il y a une asymétrie d'information. Vous avez mentionné, bon, un petit nombre d'entreprises, donc il y a... Alors, dans ce contexte-là d'asymétrie d'information, ça serait utile, à mon avis, donc, que le gouvernement se donne de l'expertise, «market intelligence».

M. Noreau (Pierre) : Oui, ça a été assez clairement dit. Je pense que l'Autorité peut faire ça, toutes les activités de veille qui sont prévues dans les lois, ce sont des activités qu'on... de nature préventive, et ça doit absolument exister. Mais il faut comprendre que, lorsqu'en utilisant notamment les outils que l'informatique offre, là, si on peut éventuellement trouver des biais systématiques dans l'attribution des contrats, c'est parce que ces contrats-là ont été justement attribués. Donc, évidemment, c'est là qu'on intervient a posteriori. Et c'est pour ça que je demandais : Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'intervenir a priori?

M. Leitão : Oui, et, pour cette intervention a priori, est-ce que ça serait peut-être plus pertinent que cela se fasse en dehors de l'AMP, donc que ce soit un organisme gouvernemental comme, par exemple, le Conseil du trésor, qui développerait et centraliserait l'expertise pour pouvoir conseiller, pour pouvoir accompagner les différents organismes gouvernementaux?

• (16 h 50) •

M. Noreau (Pierre) : C'est intéressant parce que ça pose la question du rapport entre, notamment, le président-directeur général de l'Autorité et puis le Conseil du trésor. Dans la proposition que j'avais faite à la commission, je proposais qu'en fait le président-directeur général soit nommé par l'Assemblée nationale justement pour pouvoir se mettre à l'abri d'une éventuelle influence du gouvernement, puis ça inclut évidemment le président du Conseil du trésor, en tout respect, et que c'est une chose qui pourrait être envisagée puisqu'on est très, très proche des principes qui fondent le parlementarisme, hein, c'est-à-dire «no taxation without representation». On parle de l'argent des gens, de l'argent du peuple, d'une certaine façon. Et ce contrôle-là, en fait, normalement, c'est à l'Assemblée nationale qu'il est attribué.

Vous savez, il y a un certain nombre de statuts, le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, le président ou la présidente de la Commission d'accès à l'information, de la Commission de la fonction publique, l'ombudsman, ils sont nommés directement par l'Assemblée nationale. Et je crois que, dans ce cas-ci, ce serait bien de l'envisager pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur l'autonomie de cette personne particulière.

D'ailleurs, cette personne particulière, vous en parlez dès le début du projet de loi. C'est très intéressant. On parle en fait du P.D.G. de cette organisation-là avant de créer l'organisation dans le projet de loi. Et c'est vrai qu'au plan de l'organisation générale de la loi, là, comme juriste, j'aurais tendance à dire : Bien, créons l'autorité dans les 15 premiers articles, puis après ça établissons comment on nommera la personne qui en prend la direction. Mais, même dans ce cas-là, je pense que l'idée, tout de même, que cette personne soit nommée par l'Assemblée nationale doit être réellement envisagée pour des raisons qui tiennent un peu au caractère, je dirais, public, dans lequel ces questions-là ont été discutées.

La commission Charbonneau, ça présentait toutes sortes d'inconvénients parce qu'on se disait, nous, parfois, les Québécois, qu'on se mettait plus ou moins au pilori publiquement et qu'on présentait nos problèmes au monde entier, alors qu'il n'y a pas beaucoup de démocraties qui peuvent se permettre de faire ça, de dire : On a des problèmes, on va les régler. Et, vu cette visibilité-là, d'envisager que le P.D.G. puisse être nommé par l'Assemblée nationale, ça m'apparaît une idée qu'il faut réfléchir, en tout cas, que votre commission devrait l'envisager.

M. Leitão : M. le Président, combien de temps?

Le Président (M. Spénard) : Six minutes.

M. Leitão : O.K. C'est parce que mes collègues veulent poser des questions aussi. Mais, pour continuer dans cette direction-là, je risque de prendre tout le temps, mais, en tout cas...

M. Noreau (Pierre) : J'aime bien vos questions.

M. Leitão : Pour continuer dans cette direction-là, bien sûr, un organisme comme, par exemple, l'UPAC, son directeur est nommé par le gouvernement suite à un processus de sélection qui comprend un comité indépendant, etc. Mais ça ne semble pas compromettre l'indépendance de l'UPAC. Mais comment voyez-vous la complémentarité ou l'arrimage entre le rôle de l'UPAC et le rôle de l'AMP?

M. Noreau (Pierre) : Bien, c'est normal, je pense, que le responsable de l'UPAC soit nommé par le gouvernement parce qu'on est dans la fonction exécutive vraiment, et puis la police relève en fait de la fonction exécutive, et ça, c'est dans l'ordre. Il y a cet article précis où on indique qu'il y a la possibilité pour l'autorité de transmettre des informations qui permettent à l'UPAC de faire son travail. Lorsque j'ai proposé cette idée de l'autorité, j'ai indiqué que ces deux fonctions devaient être séparées parce qu'il y a une fonction systémique dans l'activité de l'autorité, sa fonction n'est pas seulement de régir des cas particuliers, mais de tirer des leçons sur l'assainissement et les conditions d'assainissement, les conditions d'attribution des contrats publics. Et donc que les deux soient distincts, ça m'apparaissait utile, notamment pour éviter que l'autorité devienne tout simplement un autre bras de la police, d'une certaine façon.

Je pense qu'on peut tout à fait considérer que l'Autorité des marchés publics devienne une espèce de centre de recherche pour l'UPAC. Ce n'est pas une chose qui est aberrante, mais je trouve ça correct, en fait, que l'activité de contrôle judiciaire, en fait, ou préjudiciaire du contrôle policier qui amène à la judiciarisation continue d'être assumée par l'UPAC. Et je trouve que le fait d'attribuer les pouvoirs des commissaires, là, de toutes commissions d'enquête aux gens... notamment au président-directeur général de cette autorité-là le met dans des situations qui, justement, évitent qu'il soit engagé lui-même dans les opérations policières qui m'apparaissent complètement spécifiques. C'est un métier spécifique. La fonction policière ne peut pas être utilisée indirectement par n'importe quel autre corps public. C'est une fonction publique très spécifique, et je crois que ça doit rester entre les mains de l'UPAC absolument.

M. Leitão : Y a-t-il d'autres différences, donc, majeures, avec le peu de temps qui nous reste, entre le modèle que vous aviez proposé à la commission et ce qui est ici décrit?

M. Noreau (Pierre) : Indiquer le rôle de l'industrie dans le processus m'apparaîtrait quelque chose à envisager. Évidemment, on pourrait dire facilement que c'est de mettre le loup dans la bergerie, mais ce n'est pas du tout ça. En fait, c'est de faire que, dans ce système-là aussi, il y a un système de «checks and balances». Le fait que les entrepreneurs puissent porter plainte dans un processus où ils ont l'impression de ne pas pouvoir jouer leur rôle qu'ils devraient jouer, de pouvoir soumettre, eux aussi, ou d'avoir été mal évalués dans leur proposition, puis qui laisserait supposer qu'il y aurait eu des rapports de collusion ou de corruption liés à l'attribution d'un contrat public, ça, ça m'apparaît extrêmement important parce que ça répond un peu à cette exigence-là. Mais j'irais sans doute plus loin. Je les impliquerais réellement dans l'évaluation des projets pour lesquels ils ne soumettent pas. Et qu'ils voient de quelle façon ça se fait, ce n'est pas nécessairement une chose mauvaise. Ça fait partie de la transparence. Mais, comme je dis, ce n'est pas nécessairement mettre le loup dans la bergerie. C'est de mettre les loups en conflit les uns avec les autres dans un rapport où ils doivent équilibrer leur situation, comprendre de façon, eux-mêmes, transparente les exigences publiques qui viennent avec les contrats publics.

Et je crois qu'il y a une culture, là. Ça, oui, on peut, avec ça, développer graduellement une forme de culture du contrôle mutuel. Sans celle-là, ça veut dire qu'on contrôle toujours de l'extérieur, hein? Ça fait que, si on n'arrive pas à faire jouer les acteurs dans la partie où ils sont engagés, ça veut dire que vous êtes obligés d'intervenir après, ça veut dire que vous êtes obligés d'intervenir de l'extérieur, ce n'est pas toujours la meilleure façon de travailler dans la transparence ou, en tout cas, d'avoir les informations dont vous auriez besoin. C'est là que vous avez besoin de lanceurs d'alerte. C'est absolument essentiel. Mais, si on peut... si les lanceurs d'alerte sont au chômage, c'est ça, en fait, qu'il faudrait espérer, et, à ce moment-là, il faut regarder comment on y arrive plus préventivement.

M. Leitão : Une dernière question, M. le Président, si vous me permettez. On a abordé ça, mais très rapidement avec le groupe précédent. Je ne sais pas si vous étiez là ou pas, mais cette notion de dialogue, dialogue entre l'industrie, les entreprises et le gouvernement, qui semble avoir été maintenant interrompu avec toutes les allégations et tout le climat qui existe. Mais, de votre point de vue, comment est-ce qu'un tel dialogue peut être encadré? Comment est-ce qu'on peut, donc, s'assurer qu'il n'y a pas de favoritisme, que le dialogue ne mène pas à des situations de favoritisme et de collusion?

M. Noreau (Pierre) : Écoutez, la semaine prochaine, je viens en commission parlementaire, mais des institutions, sur les questions liées à la déontologie parlementaire, et je crois qu'il y a quelque chose là-dedans pour les parlementaires, c'est-à-dire, jusqu'à quel point il faut s'exposer, de quelle façon on évite de se mettre soi-même, lorsqu'on est élu, dans des situations qui laisseraient supposer que ce n'est pas seulement l'intérêt de l'État qui est mis de l'avant, mais les intérêts des rapports personnels qu'on a. Je crois qu'il y a quelque chose là qui doit être compris. Ça fait qu'à ce niveau-là il ne doit pas y avoir nécessairement le dialogue dont on parle. Ce dialogue doit rester au niveau où il doit être, c'est-à-dire dans les rencontres entre les représentants de l'industrie et le gouvernement, comme il y en a toujours eu. Et ça, ça doit continuer à se faire. C'est pour la bonne conduite de la gestion de l'État, c'est essentiel.

Il faut comprendre la logique interne de l'industrie avec laquelle on travaille pour lui faire donner ce qu'elle doit donner dans un régime comme le nôtre. Mais, pour le reste, je croirais que ce dialogue-là, en tout cas, on doit en avoir moins au niveau des rapports justement interpersonnels puisque cette personnalisation des relations a tellement été à l'origine des rapports qui, par la suite, ont conduits à la corruption et, minimalement, à la collusion.

Le Président (M. Spénard) : Merci. Merci, M. Noreau, alors le temps étant écoulé...

M. Leitão : ...collègues, je m'excuse...

Le Président (M. Spénard) : Alors, je passerais la parole à la représentante de l'opposition officielle. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, M. Noreau. Il est plaisant de vous entendre aujourd'hui. Ça aurait été même intéressant de vous avoir au début complètement de la consultation parce que vous nous avez quand même brossé rapidement, il faut le dire, la genèse, dans le fond, du début de cette idée-là, de l'Autorité des marchés publics.

Vous avez émis beaucoup d'éléments en peu de temps. Je vais tout de suite faire un rapport parce que la dernière conversation que vous venez d'avoir avec le ministre... Croyez-vous... Comment vous voyez la complémentarité entre ce projet de loi là, n° 108, et le n° 87, qui est le projet de loi des lanceurs d'alerte? Vous l'avez glissé tout à l'heure, est-ce que vous trouvez qu'il y a une complémentarité de ces deux projets de loi qui doit être mieux définie?

M. Noreau (Pierre) : Je n'ai pas lu dans le détail l'autre projet, et donc je ne pourrais pas donner de détails non plus sur la façon dont ils doivent s'arrimer, mais c'est clair que ça fait partie du même mouvement général puis qu'à un moment donné, surtout quand c'est des lois qui sont adoptées dans la même période, qu'on s'assure de la concordance et de l'harmonisation de ces lois-là, c'est central. Les législations, c'est comme les articles dans les lois, hein, elles doivent se renforcer mutuellement et être interprétées les unes par les autres. Alors, c'est clair qu'au plan, je dirais, du travail législatif en tant que tel il faut que ces éléments-là puissent se combiner, il n'y a aucun doute sur ça.

Mme Léger : Je voudrais revenir sur, dans le fond, le projet de loi n° 108, qui est devant nous. Le ministre a demandé si c'était assez semblable. Vous avez parlé particulièrement de mettre en jeu, dans le fond, l'industrie. Je vais y revenir, mais, juste avant, est-ce que vous trouvez que le projet de loi... est-ce qu'il y a des ajouts ou des choses qu'on doit enlever? Est-ce qu'il est assez précis? Dans la même idée que vous aviez? Est-ce qu'il y a des éléments que vous trouvez qui ne sont pas là et qu'on devrait ajouter?

• (17 heures) •

M. Noreau (Pierre) : Je dirais que je trouve que, dans le projet de loi actuel, il y a encore quelques racoins dont j'ai parlé, là. Il y a des endroits où il y a quelque chose qui... Par exemple, quand on dit que l'AMP peut requérir d'être informée des suites qu'elle donne aux recommandations, non, je m'excuse, là, mais l'AMP doit être informée des suites, elle ne peut pas seulement... peut être informée des suites. Ça, c'est un endroit où, bon, il y a un peu d'opacité, là, on vient d'en créer un petit peu.

Si on dit... Je trouve qu'il n'y a pas assez de mesures de publicité, qu'on n'insiste pas assez sur la publicité des activités de l'AMP. Je comprends que, tant que le processus est fondé sur une plainte, il faut que la confidentialité, l'anonymat, etc., soient conservés. C'est comme ça dans tous les autres systèmes de contrôle du même genre. Par exemple, les plaintes contre les juges, l'anonymat est assuré jusqu'à ce que la plainte soit considérée comme recevable puis donnant lieu à une véritable enquête. Ça, ça me va. Mais je pense qu'il faut prévoir, si on veut qu'il y ait une fonction d'exemplarité dans le processus, que les organismes puis éventuellement que les entreprises qui se retrouvent engagés dans une situation qui ne correspond pas à la bonne gestion des fonds publics dans le cas de l'attribution des contrats publics, que ce soit publicisé, que ce soit prévu comme ça pour que cette visibilité-là diminue le désir des autres éventuellement de s'engager là-dedans.

Je pense aussi, je n'ai pas trouvé là-dedans, mais c'est vrai que ce n'est pas le projet dans lequel ça doit se trouver, ce n'est pas la loi dans laquelle ça doit se trouver, que la question de la publicité sur la possibilité des contrats de gré à gré ne me paraît pas suffisamment claire là-dedans. Il y a quelque chose à réfléchir, mais, comme je ne connais pas assez les dispositions des autres lois qui gèrent ces contrats-là, je ne voudrais pas aller trop loin. Mais il est clair que de gré à gré, ça veut dire qu'en fait on s'entend parce que la nécessité exige, parce que le niveau pour lequel ces contrats-là sont établis n'exige pas un appel public. Tout ça, on peut comprendre ça. Mais ça devient compliqué de dénoncer de ne pas avoir eu la possibilité soi-même d'être engagé dans un contrat de gré à gré si ces contrats-là ne sont pas suffisamment... ou les besoins pour ces contrats-là ne sont pas suffisamment annoncés.

Il y a aussi un truc qui m'a un peu dérangé, c'est la possibilité pour le président du Conseil du trésor de poursuivre la réalisation d'un contrat qui aurait été dénoncé par la...

Le Président (M. Spénard) : Assez vite, M. Noreau, si vous voulez répondre à cette question-là, parce que nous sommes appelés à aller voter.

Mme Léger : On arrête? On continue?

Le Président (M. Spénard) : Alors, je suspends.

Mme Léger : O.K. Gardez vos affaires, on revient.

(Suspension de la séance à 17 h 2)

(Reprise à 17 h 24)

Le Président (M. Spénard) : Alors, nous allons poursuivre nos travaux. Alors, il reste un temps de parole à l'opposition officielle de 4 min 34 s. Je pense que, M. Noreau, vous étiez en train de discuter. Je ne sais pas comment vous voulez vous arranger avec la députée de Pointe-aux-Trembles, si vous vous rappelez de la question. Alors, je vous laisse la réponse.

M. Noreau (Pierre) : Bien, je peux poursuivre rapidement. La question, c'est de savoir : Est-ce qu'il manque des choses dans le projet de loi, au fond? Et puis j'indiquais qu'il y a des choses qui inquiètent, d'une certaine façon, le fait qu'il y ait encore des racoins. Et les racoins, c'est quoi? C'est en général toutes les possibilités qu'on a de faire une exception à une règle, d'utiliser une «fast track» dans la procédure parce qu'une situation d'urgence l'exige. Il y a un paquet de façons, en fait, de créer des situations qui font qu'un arbitraire... ou l'arbitraire peut jouer dans l'attribution des contrats publics, et il faut l'éviter.

Alors, il y a encore des éléments là-dedans, dans le projet de loi, et puis la dernière dont je voulais parler, mais juste pour la souligner, c'est que c'est indiqué, mais on comprend vraiment dans quels cas très pratiques ça peut se produire, hein? Puis des fois c'est pour l'intérêt public, mais le fait que, par exemple, le président du Conseil du trésor puisse poursuivre la réalisation d'un contrat qui a été dénoncé par l'autorité, là, il y a quelque chose, là, à réfléchir et qui peut-être est d'autant plus problématique si, justement, il est nommé par le gouvernement. Et donc c'est pour ça peut-être que, dans ces cas-là, d'avoir été nommé par l'Assemblée nationale, ça peut représenter un certain intérêt. Ça crée un flottement. Et un des problèmes qu'on avait sur le système antérieur, c'est la multiplication de ces espaces-là où il y a un flottement sur la norme. Et c'est ça qu'il faut regarder à éviter, toujours en gardant cette idée-là qu'à la fin il faut quand même que l'État puisse faire son travail, il ne faut jamais oublier ça, et parce que l'intérêt public n'est pas nécessairement servi non plus. Si le système est tout le temps en train de s'empêcher de fonctionner lui-même, on a un problème.

Dans les autres choses qui pourraient être mises, je pense qu'un des éléments clés qui est dans le projet de loi, mais je trouve qu'il n'est pas au bon endroit, c'est la question du maintien des conditions de la concurrence. Il y a des inconvénients au système concurrentiel, à l'économie de marché, mais il y a des avantages aussi. Dans la situation où on s'est trouvé, on était avec les inconvénients de la concurrence sans les avantages de la concurrence. Et je pense que cette idée-là doit se retrouver dans la mission même de l'autorité. Actuellement, ça ne l'est pas. Ça se trouve un peu plus loin à l'article 27. Ça devrait vraiment se retrouver dans la mission, que la concurrence, le maintien de la concurrence entre ceux qui répondent à des appels d'offres soit valorisée, favorisée à tous points de vue. Et ça, je pense que, ça, c'est une chose qui pourrait être ajoutée dans le projet, là, et qui le bonifierait parce qu'on serait vraiment au coeur des mécanismes qu'on veut protéger, en fait, et qui sont plus garants, là, de ce que le citoyen en ait pour son argent.

En définitive, c'est à ça que ça sert, notamment, la nécessité que de nouveaux joueurs puissent s'ajouter à ceux qui sont déjà là parce qu'une des raisons pour lesquelles je disais : Le nombre de joueurs est restreint, bien, le nombre de joueurs est restreint parce qu'on n'en laisse pas rentrer d'autres. Et donc il faut, au contraire, favoriser le développement d'une plus grande concurrence pour que le nombre de joueurs ne soit pas trop restreint. Et là on diminue d'autant les conditions de la collusion.

Mme Léger : Vous avez dit aussi, dans votre introduction tout à l'heure, qu'il ne faut pas non plus que le système empêche l'État de faire ce qu'il a à faire. Est-ce que vous trouvez, dans la mission de l'AMP, qu'il y aurait des nuisances à ce niveau-là?

M. Noreau (Pierre) : Ça va beaucoup dépendre de la façon dont les procédures internes de l'autorité vont s'établir, jusqu'à quel point ils vont interférer constamment. Si on intervient préventivement, c'est l'avantage qu'on a, c'est qu'on évite d'intervenir constamment, constamment dans le processus par la suite, parce que les conditions d'attribution sont bien établies à l'avance et qu'elles sont transparentes. La condition de la transparence est sans doute la principale condition du contrôle interne du système. J'avais dit ça à la commission Charbonneau. J'avais dit : Je ne sais pas si vous vous rendez compte que c'est beaucoup plus facile de voler une sacoche dans une foule que de voler une sacoche dans une salle d'attente. Pourquoi? Parce que, dans une salle d'attente, tout le monde se surveille.

La transparence des rapports est une condition essentielle au contrôle interne du processus puis à la possibilité pour les acteurs d'être eux-mêmes des acteurs de ce contrôle-là et pas uniquement des entités qui sont là pour profiter d'une occasion. Et je pense que ça, ça fait partie de la façon dont l'autorité doit réfléchir la normativité qu'elle va établir pour contrôler éventuellement l'attribution des contrats publics. Il faut qu'à toutes les étapes la transparence soit la règle parce que c'est l'opacité qui a expliqué les problèmes antérieurs, l'opacité dans les rapports privilégiés entre des acteurs qui devraient se maintenir chacun dans leur zone d'action respective, ce qui n'a pas toujours été le cas ou du moins qu'on suppute ne pas avoir toujours été le cas dans la situation qui a justifié, en fait, la création de la commission Charbonneau.

Le Président (M. Spénard) : Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Alors, je passerai la parole au représentant de la deuxième opposition. M. le député de La Peltrie.

M. Caire : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Noreau. On a beaucoup parlé de l'AMP comme un pôle d'expertise en matière de gestion contractuelle qui amène différents rôles. Il y a évidemment le rôle gendarme, si vous me passez l'expression, pour s'assurer de l'intégrité des processus, mais on a parlé aussi beaucoup d'accompagner les donneurs d'ouvrage, de donner de la formation. Dans certains cas, on a même été jusqu'à dire que, dans des cas extrêmes, l'AMP pourrait reprendre la gestion d'un processus d'attribution de contrat. Je vous dis ce qu'on a entendu sans...

M. Noreau (Pierre) : Ce n'est pas aussi clairement dit que ça dans le projet de loi, là, mais je crois que ça devrait pouvoir être le cas, oui.

M. Caire : Non, non, non, je parle de gens qui se sont assis à votre place et qui ont tenté de nous éclairer. Et, à toutes les fois, j'ai eu la même question : Oui, mais où est-ce qu'on trace la ligne? Comment on s'assure que l'AMP n'est pas juge et partie? Comment on s'assure qu'on ne met pas l'AMP dans une situation où, par exemple, elle aurait formé des gestionnaires de contrat pour ensuite les enquêter? Alors, il y a quelque chose d'un peu incestueux, dans cette situation-là, qui est potentielle. Donc, selon vous, où est-ce qu'on doit tracer la ligne entre l'AMP, le gendarme, et l'AMP, l'accompagnateur, le formateur, le gardien de l'intelligence en matière de gestion de contrats?

• (17 h 30) •

M. Noreau (Pierre) : Vous êtes certainement conscient que votre question est pas mal plus simple que la réponse qu'on peut y donner parce que c'est comme une ligne absolue que... Je pense qu'il y a beaucoup de choses qui sont empiriques dans la vie. On peut essayer de trouver des principes généraux dans tout, mais la façon et la pratique dans laquelle c'est fait, en fait, fait foi de ça. À un moment donné, il se crée des équilibres dans n'importe quelle institution nouvelle qui se crée, ou qui est inventée, ou qu'on organise. Il se crée éventuellement des pratiques qui finissent par être acceptées, et c'est là qu'on sait que la ligne passe. C'est a priori que c'est difficile de les établir. A posteriori, c'est beaucoup plus facile de le faire.

Maintenant, je ne crois pas qu'on doive enlever ce rôle-là, pédagogique, parce qu'un des problèmes qu'on avait vus à la commission Charbonneau, c'est la banalisation des comportements. C'est-à-dire que tout le monde finissait par trouver normal, après deux, trois ans, quelque chose qu'ils trouvaient tous anormal au début, hein? Un jeune qui rentre dans un bureau d'ingénieurs puis qui réalise tout d'un coup que, dans le fond, on va répondre à des appels d'offres mais pour ne pas les avoir, pour que quelqu'un d'autre les ait, pour que nous, on les ait la prochaine fois, là, n'importe quel jeune comprend que ça n'a pas de sens, O.K., qu'il y a quelque chose là-dedans qui ne va pas. Mais, après deux ans de ça, là, tout le monde finit par trouver que c'est normal. Cette banalisation-là, il faut absolument lutter contre ça. Et la formation, ça devient central là-dedans.

M. Caire : Je ne sais pas, vous êtes sans doute conscient que le danger dans la réponse que vous me donnez, c'est : Qui dit «apprentissage empirique», dit «erreur». Et là est-ce qu'il n'y a pas un danger qu'on décrédibilise l'AMP? Parce que c'est important, puis c'est important qu'il y ait une espèce... Vous allez être d'accord avec moi que c'est parce qu'il y a une espèce d'aura de savoir autour de l'AMP, et là, si on fait le jeu de l'essai-erreur, il n'y a pas un danger qu'on attaque cette crédibilité-là?

M. Noreau (Pierre) : Bien, toutes les lois sont faites pour être mises en oeuvre, puis, quand on les met en oeuvre, des fois, on est obligés de corriger une partie de ce qu'on a fait. Vous savez, l'essentiel des lois qui sont adoptées ici, à l'Assemblée nationale, sont des lois qui amendent des lois qui ont déjà été adoptées, pour corriger les erreurs que les lois parfois ont créées ou qu'on a découvertes dans leur mise en oeuvre. Je ne pense pas qu'on va pouvoir faire l'économie de ça dans ce cas-ci. Il y a toujours une dimension plus ou moins d'essai-erreur.

Quant à se dire que l'autorité forme et corrige, c'est ce que je fais tous les jours comme prof à l'Université de Montréal. Je leur enseigne, puis je les corrige. Je ne vois pas de problème nécessairement là-dedans parce que la façon dont on le fait et l'éthique avec lequel on le fait font que ça devient acceptable. Et je crois que c'est la même chose qui doit être développée pour l'autorité. Il y a des façons de faire qui vont permettre d'éviter le problème que vous posez.

M. Caire : Merci. C'est bon pour moi, M. le Président.

Des voix : ...

M. Caire : Si jamais ça vous tente de présider...

Le Président (M. Spénard) : M. le député de La Peltrie?

M. Caire : Non, non, c'est complet. Merci.

Le Président (M. Spénard) : Alors, M. Noreau, je vous remercie beaucoup. Excusez mon contretemps, je pensais que le député de La Peltrie en avait pour tout son temps.

Alors, je vous remercie et je suspends les travaux quelques instants. Et j'invite le prochain groupe à prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 34)

(Reprise à 17 h 35)

Le Président (M. Spénard) : Alors, je reprends les consultations particulières. Ça me fait plaisir d'accueillir le groupe du Vérificateur général du Québec... Vérificatrice générale du Québec, je ne sais pas trop comment qu'on l'appelle. Alors, vous disposez de 10 minutes, Mme Leclerc, ainsi que vos acolytes. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.

Vérificateur général

Mme Leclerc (Guylaine) : Très bien. Alors, M. le Président, M. le ministre responsable de l'Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président du Conseil du trésor, Mme, MM. les membres de la commission, c'est avec plaisirque je participe aux auditions publiques concernant le projet de loi n° 108, qui institue l'Autorité des marchés publics.

Tout d'abord, permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent : M. Serge Giguère, vérificateur général adjoint, Mme Véronique Boily, directrice principale, et Mme Sarah Leclerc, directrice de vérification.

Le projet de loi confère à ce nouvel organisme des fonctions et des pouvoirs qui sont importants dans le contexte d'une bonne gestion des fonds publics. Depuis l'entrée en vigueur, en 2008, de la Loi sur les contrats des organismes publics, le Vérificateur général a produit de nombreux rapports qui relèvent des lacunes dans les processus d'adjudication ou d'attribution des contrats, ainsi que dans la gestion contractuelle. J'ai d'ailleurs déposé à la Commission des finances publiques une liste de 24 rapports qui ont été publiés depuis ce temps et qui abordent cet enjeu. Ces rapports visent près de 40 entités. Je souhaite que leur contenu puisse alimenter les travaux de la commission.

Je constate d'emblée que certaines observations formulées au fil des ans par le Vérificateur général sont prises en compte dans le projet de loi. Par exemple, dans plusieurs rapports, nous avons soulevé le fait que les ministères et organismes attribuaient fréquemment des contrats de gré à gré, ce qui ne favorise pas le libre jeu de la concurrence. Selon le projet de loi, un organisme public devra publier un avis d'intention avant de conclure un contrat de gré à gré qui comporte une dépense égale ou supérieure au seuil d'appels d'offres publics, même s'il estime qu'un tel appel d'offres ne servira pas l'intérêt public. Cette obligation, associée à la possibilité de porter plainte à l'autorité lorsque celle-ci n'est pas respectée, favorisera la diminution des cas pour lesquels un organisme aurait dû lancer un appel d'offres public plutôt que d'attribuer un contrat de gré à gré.

À de nombreuses reprises, nous avons également souligné le fait que les organismes publics effectuaient peu d'évaluations du rendement des fournisseurs, notamment parce que la réglementation exigeait une évaluation seulement dans les cas où les rendements étaient considérés comme insatisfaisants. La tenue d'un registre des évaluations pourra favoriser la réalisation de telles évaluations et, par conséquent, servir à l'établissement d'une cote aux fins de l'évaluation de la qualité des soumissions. Les modalités du registre seront déterminées par règlement. Elles devront mener à la réalisation d'évaluations plus fréquentes que ce qui a été observé jusqu'à maintenant. Par ailleurs, le projet de loi prévoit l'établissement d'une procédure portant sur la réception et l'examen des plaintes au sein des organismes publics, ce qui favorisera le respect de la loi et des règlements.

En plus de ses pouvoirs d'ordonnance à l'égard des organismes publics, l'autorité pourra, à la suite d'une vérification ou d'une enquête, formuler des recommandations concernant le processus d'adjudication ou d'attribution des contrats. Elle pourra également formuler des recommandations à l'égard de la gestion contractuelle du ministère des Transports et des autres organismes désignés par le gouvernement. Pour remplir ses mandats, elle pourra s'inspirer des constats que nous avons dégagés en la matière dans plusieurs audits, notamment les constats suivants.

Ainsi, nous avons observé que la durée ou l'envergure de certains contrats ne favorisaient pas toujours la concurrence. De même, nous avons noté une utilisation très élevée du taux journalier dans plusieurs contrats, ce qui transfère le risque en grande partie à l'entité gouvernementale qui attribue le contrat. Enfin, le suivi de l'exécution des contrats laisse à désirer. Cela se répercute notamment sur les ressources utilisées, qui ne sont pas celles déterminées dans l'offre de services, les coûts facturés, qui ne correspondent pas toujours aux modalités établies et les travaux réalisés, par exemple l'ajout de travaux non prévus.

• (17 h 40) •

D'autre part, le projet de loi prévoit que l'Autorité des marchés publics devra soumettre son budget au président du Conseil du trésor et que celui-ci sera approuvé par le gouvernement. De plus, l'autorité devra rendre compte de ses activités au président du Conseil du trésor. Il est important de se questionner sur le degré d'indépendance que requiert un organisme de surveillance et de contrôle comme l'Autorité des marchés publics. En effet, celle-ci aura le pouvoir de formuler des recommandations à des organismes publics, ce qui s'apparente aux caractéristiques d'autres organisations telles que les personnes désignées par l'Assemblée nationale ou encore la Commission de la fonction publique.

Il existe différents moyens d'accroître le degré d'indépendance d'un tel organisme. Par exemple, selon les dispositions du projet de loi, les dirigeants de l'autorité seront nommés par le gouvernement à partir d'une liste de personnes déclarées aptes à exercer les charges par le comité de sélection formé pour la circonstance. Or, il pourrait être souhaitable que la composition de ce comité soit déterminée dans la loi, comme cela est prévu, par exemple, pour le Directeur des poursuites criminelles et pénales. De plus, l'intervention de l'Assemblée nationale à certaines étapes clés, telles que la nomination des dirigeants ou la reddition de comptes de l'autorité, devrait être envisagée.

La portée du champ d'intervention de l'autorité est un autre volet du projet de loi qui a attiré notre attention. En effet, ce dernier limite le pouvoir de vérification et d'enquête en matière de gestion contractuelle au ministère des Transports. Les autres organismes publics, pour leur part, doivent être désignés par le gouvernement. À ce titre, l'autorité peut recommander au président du Conseil du trésor qu'il recommande à son tour au gouvernement de soumettre la gestion contractuelle d'un organisme public sous sa surveillance. Il est important de rappeler que nous avons relevé de nombreuses lacunes concernant la gestion contractuelle de plusieurs organismes publics ayant fait l'objet de nos travaux, y compris les établissements du réseau de l'éducation et de la santé et des services sociaux.

Par ailleurs, le projet de loi confère à l'autorité la fonction d'effectuer une veille des contrats publics aux fins notamment d'analyser l'évolution des marchés et les pratiques contractuelles. Pour exercer cette veille, le système électronique d'appel d'offres est une source importante d'information. Or, dans le rapport portant sur ce système que j'ai déposé au printemps dernier, nous avons noté que des améliorations importantes étaient nécessaires afin que l'information publiée par les organismes publics soit intégrale, exacte et diffusée en temps opportun.

En terminant, je suis convaincue que la création d'un organisme tel que l'Autorité des marchés publics peut avoir un effet positif sur le fonctionnement des marchés publics. Cependant, le message gouvernemental doit être clair. L'ajout d'un tel moyen de contrôle ne diminue en rien les responsabilités des dirigeants des ministères et organismes dont l'imputabilité doit demeurer entière.

Voilà, pour l'essentiel, les observations qui découlent de notre analyse du projet de loi. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Spénard) : Merci, Mme la Vérificatrice. Alors, je passerais la parole du côté ministériel. Alors, M. le président du Conseil du trésor.

M. Leitão : Très bien, M. le Président, merci. Alors, Mme Leclerc, mesdames, monsieur, merci beaucoup d'être là. Quelques questions, et puis je demanderai aux collègues de continuer.

Donc, on va commencer par l'endroit, là, où vous avez terminé, donc qu'un tel organisme ne diminue en rien la responsabilité des dirigeants des ministères et organismes, dont l'imputabilité doit demeurer entière. Alors, dans ce contexte-là, comment voyez-vous les rôles ou la complémentarité des rôles de votre bureau du Vérificateur général avec l'AMP?

Mme Leclerc (Guylaine) : La complémentarité? Alors, bien, je vous...

M. Leitão : S'il y a complémentarité.

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, je ne suis pas certaine qu'il y ait nécessairement de complémentarité. Par contre, l'AMP, c'est certain qu'ils vont se fier à nos recommandations du passé. Donc, tous les examens qu'on a réalisés dans différents organismes et ministères, entre autres, tous nos travaux que nous avons réalisés au niveau des technologies de l'information. Alors, l'AMP pourrait très bien partir du travail qui a été réalisé par nos équipes et nos recommandations qui ont été publiées dans différents rapports pour pouvoir identifier des éléments favorisant une meilleure gouvernance au niveau de la gestion contractuelle.

Le Président (M. Spénard) : M. le ministre.

M. Leitão : Très bien, merci. Un autre enjeu que vous avez soulevé, qui a été soulevé par d'autres groupes qui sont venus ici aujourd'hui et hier, concerne, donc, l'expertise en adjudication ou attribution de contrats, et donc le rôle qu'un organisme comme l'AMP aurait, un rôle, donc, de formation, d'être capable de distribuer de l'information aux organismes, et son rôle de vérificateur de ces contrats-là. Dans votre cas, bien sûr, vous faites un peu les deux. Alors, comment suggéreriez-vous que cela se fasse? Comment est-ce qu'on pourrait, tout en préservant l'indépendance de l'AMP... comment est-ce qu'il pourrait être en même temps juge, et vérificateur, et gestionnaire?

Mme Leclerc (Guylaine) : C'est un élément important que vous apportez là. Je crois que l'AMP peut jouer un certain rôle, disons, en prévention parce qu'il va avoir fait des vérifications ou des enquêtes, des analyses, va avoir fait la veille de certains contrats. Donc, il va avoir acquis une certaine expérience et connaissance. Donc, il est important qu'il partage cette connaissance-là.

C'est d'ailleurs un des problèmes que nous pouvons identifier. C'est que les recommandations que va émettre l'AMP ne seront pas nécessairement publiques comme les recommandations du Vérificateur général le sont. Et le fait que des recommandations soient publiques, c'est un grand moyen de prévention et d'éducation. Donc, sans que l'AMP agisse comme formateur formel de certaines institutions, par ses recommandations, il joue un rôle de prévention.

M. Leitão : Très bien, merci. Une dernière question avant de passer la parole aux collègues. On a beaucoup parlé ici aussi d'un organisme, le BSDQ. Je ne sais pas si c'est quelque chose avec lequel vous êtes familière, mais c'était recommandé, suggéré par plusieurs groupes, que l'AMP devrait avoir aussi un rôle dans la supervision du BSDQ, donc de faire partie du conseil d'administration de cet organisme-là et, en même temps, qu'elle établit des règles de fonctionnement de l'organisme, supervise des contrats publics. Comment vous voyez un tel mélange de rôles?

Mme Leclerc (Guylaine) : Je vous dirais que je pense qu'il y a déjà des choses à améliorer au niveau de l'indépendance de l'AMP. Donc, déjà, d'améliorer le... son statut d'indépendance va renforcir l'organisation. De là à ce qu'elle soit... qu'elle siège sur le bureau ou que... je crois que c'est un petit peu dépassé, son rôle. Je pense que son rôle premier, si elle est suffisamment indépendante, qu'elle peut faire les vérifications telles que nous le recommandons et non seulement au ministère des Transports, là... Alors, je pense que, déjà là, l'Autorité des marchés publics pourrait réaliser beaucoup plus que ce qui est proposé ici.

M. Leitão : Très bien, merci beaucoup. Collègue? Oui.

Le Président (M. Spénard) : M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Mmes Leclerc, parce que vous êtes deux, là, et M. Giguère ainsi que Mme Boily, bienvenue à la Commission des finances publiques. Je suis plus habitué de vous voir à la Commission de l'administration publique dans mon ancien rôle de vice-président.

D'entrée de jeu, vous avez dit, dans votre allocution tantôt, que l'AMP pourrait avoir un effet positif. Vous, au bureau du vérificateur, vous faites de la vérification et de l'optimisation des ressources. Des fois, vous avez des mandats qui vous sont conférés soit par l'Assemblée nationale ou en collaboration avec la Commission de l'administration publique pour assurer une saine gestion. Comment voyez-vous les deux rôles, votre rôle de Vérificateur général et le rôle de l'AMP, la complémentarité des deux bureaux à ce moment-là?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, ce que je peux dire, c'est que, comme je l'ai dit tout à l'heure, l'AMP pourra se nourrir de nos recommandations au même titre qu'elle va se nourrir d'autres organismes. C'est certain que, tout comme nous travaillons avec d'autres personnes désignées, Protecteur du citoyen ou... pour lesquelles nous regardons les rapports, les autres organismes, on aura une... je vous dirais, on n'a pas le même rôle. C'est complémentaire, mais ce sera plus sur une base d'utilisation des travaux de l'un et de l'autre qui seront rendus publics, nous espérons.

• (17 h 50) •

M. Merlini : Vous avez dit également que la création de l'AMP ne diminue en rien la responsabilité des dirigeants des ministères et organismes quant à leur gestion contractuelle et à leur imputabilité, une responsabilité qui doit demeurer entière. Quand vous déposez vos tomes et vous avez des recommandations, souvent les organismes que vous avez et les ministères dont vous avez fait la vérification de la gestion administrative adhèrent à vos recommandations, et vous en faites le suivi, encore une fois, vis-à-vis de la commission de... en passant par la Commission de l'administration publique. Comment faire, à ce moment-là à l'AMP, pour avoir ces pistes d'amélioration là pour l'imputabilité des dirigeants des ministères et organismes dans la gestion contractuelle? Et est-ce qu'encore une fois en complémentarité... voyez-vous une problématique à ce que l'AMP fasse ce suivi-là comme vous le faite, d'ailleurs, quand vous faites des recommandations?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, un, je pense que c'est important qu'il y ait un suivi des recommandations, mais ce que nous disons ici, c'est qu'on peut mettre en place quelque contrôle que ce soit, quelque structure que ce soit, il faut que les dirigeants des organismes ou les premiers dirigeants de ministères soient responsables de leur gestion et qu'ils gèrent adéquatement. Donc, même si on mettrait en place tous les processus de contrôle... soit en place... bien, notre premier rôle, c'est le rôle du premier dirigeant, qui se doit de gérer les ressources publiques de façon adéquate. Alors, c'est pour ça qu'on en fait part ici. Les recommandations qui vont être émises par l'AMP, bien, c'est certain qu'il faut s'assurer qu'il y ait un suivi qui soit réalisé par l'entité. Quels seront les... De quelle façon ce sera exercé? Je ne le sais pas.

M. Merlini : Vous avez également soulevé que le budget de l'AMP et son rapport d'activité se fait, présentement dans le projet de loi n° 108, au président du Conseil du trésor et vous souhaitez que ça se fasse autrement. Pourquoi que vous voulez que ça relève, entre autres, de l'Assemblée nationale?

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui, parce que le Conseil du trésor, entre autres, certaines politiques et directives contractuelles, bien, c'est lui qui les émet. Donc, ce serait un petit peu difficile... c'est difficile pour une entité qui relève du Conseil du trésor d'émettre des recommandations à l'encontre de celui qui, lui, autorise les budgets. Donc, comme, par exemple, le Vérificateur général, nous sommes très heureux que ce soit le Bureau de l'Assemblée nationale qui approuve notre budget parce que le Conseil du trésor, qui est une entité que nous vérifions et qui fait partie du giron de notre vérification... donc, c'est un élément très important d'indépendance.

M. Merlini : Donc, d'aller chercher avec le Bureau de l'Assemblée nationale un certain contrôle des parlementaires, dans le fond, et que ça ne relève pas, justement, du Secrétariat du Conseil du trésor.

Mme Leclerc (Guylaine) : Il faut que le contrôle vienne des parlementaires. Bien, à notre avis, ça ajoute à l'indépendance.

M. Merlini : O.K. Merci beaucoup. Ça me convient, M. le Président.

Le Président (M. Spénard) : Alors, merci. Alors, je passe la parole maintenant à l'opposition officielle, la représentante, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Oui, bonjour, mesdames, bonjour, messieurs. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas la première fois que vous venez. Je vais faire un saut sur ce que le député vient de parler juste auparavant de cette dernière intervention, sur votre message final. Dans le fond, vous dites : «En terminant, je suis convaincue que la création d'un [tel] organisme [...] l'Autorité des marchés publics peut avoir un effet positif sur le fonctionnement des marchés publics. [Mais] cependant, le message gouvernemental doit être clair : l'ajout d'un tel moyen de contrôle ne diminue en rien les responsabilités des dirigeants des ministères et [des] organismes, dont l'imputabilité doit demeurer entière.» Alors, c'est ce que vous en avez glissé, mais est-ce qu'instituer puis adopter un projet de loi qui est comme celui-là peut amener à une déresponsabilisation des organismes puis des ministères?

Mme Leclerc (Guylaine) : Non...

Mme Léger : Pas nécessairement?

Mme Leclerc (Guylaine) : Non, non, non. Ce n'est pas du tout ce que nous disons. Ce que je fais souvent référence, c'est : Nous avons fait un mandat sur les technologies de l'information et nous avons, bon, naturellement identifié plusieurs lacunes, et, bon, il y a certaines recommandations qui s'adressaient au Conseil du trésor, mais plusieurs de nos recommandations s'adressaient aux gestionnaires parce qu'il y a des éléments qui sont vraiment de la gestion, donc de gérer adéquatement les fonds publics. Mais ça relève du dirigeant de l'organisme. Donc, c'est ce que nous disons, c'est que la première responsabilité lui revient. Ensuite, bon, on peut mettre en place des institutions de contrôle qui vont favoriser... ou s'assurer que c'est géré adéquatement, mais la première responsabilité lui revient.

Mme Léger : Est-ce que vous pensez qu'il devrait faire la promotion, faire... Est-ce qu'il y aurait des actions gouvernementales qui devraient se faire pour mieux renforcer ce...

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, il y a une forme de recommandation, O.K.? Premièrement, les recommandations qui seraient émises par l'Autorité des marchés publics, à notre avis, se devraient d'être publiques, O.K.? Puis ça, ça va aider pour la prévention, comme c'est actuellement, mais les recommandations seraient présentées au Conseil du trésor, et il y aurait éventuellement une reddition de comptes à l'Assemblée nationale, mais dans un rapport annuel. Donc, est-ce que les recommandations vont y être présentes? On ne le sait pas, là. Alors, c'est important que ces recommandations-là soient publiques. Alors, ça, il y a une forme de prévention et d'éducation qui se trouverait à être faite à ce moment-là.

Mme Léger : Je comprends bien. Je veux revenir sur le degré d'indépendance que l'organisme de surveillance et de contrôle comme l'Autorité des marchés publics doit avoir. Vous faites allusion, entre autres, bien, à la possibilité d'une des façons, c'est la liste de personnes déclarées, etc., mais vous ne vous avancez pas sur le fait qu'elle soit nommée, que le président-directeur général soit nommé par l'Assemblée nationale.

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui, je pense que c'est... Oui, on en parle, et c'est le meilleur moyen d'assurer une indépendance, qu'il soit nommé par l'Assemblée nationale pour un terme, et, dans ce cas-ci, on parle d'un terme de cinq ans non renouvelable, mais on ne renouvellera pas la personne, on ne la remplacera pas tant qu'on n'aura pas trouvé son remplaçant. Puis, pour nous, ça peut être problématique parce qu'il est nommé par le gouvernement avec un comité de sélection nommé par le gouvernement, il est là pendant cinq ans fermes, et après, s'il n'est pas remplacé, bien, c'est cette personne-là qui y est encore. Donc, elle pourrait, à la limite, y être pour très longtemps, et c'est le gouvernement qui a cette responsabilité-là. Donc, ça, c'est une préoccupation que nous avions. Donc, c'est pour ça qu'on suggère qu'il soit comme pour les autres personnes désignées, qu'il soit nommé par l'Assemblée nationale aux deux tiers.

Le Président (M. Spénard) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Et pourquoi le cinq ans?

Mme Leclerc (Guylaine) : Pourquoi le cinq ans?

Mme Léger : Oui.

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, ce que nous constatons, c'est que, dans la loi, c'est cinq ans non renouvelable, et, s'il n'est pas renouvelé, il est là, en poste. Donc, finalement, ça peut être très long comme mandat. Ça peut ne pas être cinq ans. Le Vérificateur général, c'est 10 ans. Pour d'autres, comme la Protectrice du citoyen, c'est cinq ans renouvelables, nommé par l'Assemblée nationale. Mais ici, c'est cinq ans jusqu'à temps qu'il soit renommé. En plus, il est nommé par le gouvernement. Donc, c'est le gouvernement qui décide d'en nommer un autre ou pas.

Mme Léger : Donc, très bien, je comprends votre inquiétude. Je veux revenir sur le degré... Attendez, je vais retrouver ma petite... Vous avez observé que «la durée ou l'envergure de certains contrats ne favorisaient pas toujours la concurrence». Vous parlez de l'utilisation très élevée du taux journalier, le suivi de l'exécution des contrats. On parle aussi des travaux réalisés, par exemple, l'ajout de travaux. Ça, on parle des extras, j'imagine. C'est le terme. Est-ce que, dans le projet de loi que vous avez là, ça répond correctement à vos inquiétudes?

• (18 heures) •

Mme Leclerc (Guylaine) : Pas vraiment. Pas totalement, je vous dirais. En partie, oui. Pour le ministère des Transports, oui parce qu'on a un pouvoir de vérification et d'enquête. Puis on peut vérifier l'adjudication, mais aussi on peut enquêter sur le processus contractuel pour le ministère des Transports et pour les entités qui sont désignées. Donc, ça, ça va.

Mais, si on veut faire une vérification sur des sociétés en technologies de l'information, et on sait qu'on parle de dizaines de millions de dollars, là, sinon des centaines de millions, donc il faudra que le gouvernement autorise l'autorité à nommer, à identifier un organisme. Mais on sait qu'en technologies de l'information il y a plusieurs organismes. Nos travaux qui ont été publiés à l'automne 2015 et qui ont fait état de ce que vous venez de mentionner, donc des feuilles de temps non autorisées, des taux qui ne correspondent pas à ce qui était dans les appels d'offres, les personnes qui n'étaient pas présentes à l'appel d'offres, on n'aurait pas pu avoir ces constats-là si on n'avait pas examiné plusieurs organismes. Donc, je vois mal comment l'Autorité des marchés publics pourrait faire ce type de vérifications là qui sont, je vous dirais, linéaires à l'intérieur de plusieurs ministères parce que ce n'est qu'en faisant des vérifications à l'intérieur de plusieurs ministères et organismes qu'on peut arriver à certains constats.

Et je vous donne un exemple. Sur l'adjudication de certains contrats, dans certains appels d'offres, vous allez avoir les C.V. de certaines personnes qui disent qu'ils font telle, telle, telle chose. Dans un autre organisme, on va dire d'autre chose pour pouvoir gagner l'appel d'offres. Donc, c'est en examinant certaines réponses à des appels d'offres qui va permettre à l'AMP, par exemple, d'identifier certaines activités qui seraient fautives. Donc, le fait de limiter ça au ministère des Transports et à certains organismes nommés par le gouvernement, bien, pour nous, c'est une limitation.

Le Président (M. Spénard) : Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, c'est tout le temps que vous aviez à votre disposition. Alors, pour le deuxième groupe d'opposition, alors je passerais la parole au député de La Peltrie.

M. Caire : Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous. Mme Leclerc, vous avez déploré le fait que l'article 20, alinéa 2°, on dit spécifiquement que la vérification de gestion contractuelle, c'est le ministère des Transports et les autres organismes qui pourraient être désignés par le gouvernement.

Si on adressait ce problème-là du point de vue du contrat plutôt que des organismes en disant, par exemple, que tout contrat qui implique des fonds publics tombe sous la juridiction de l'AMP, est-ce qu'à ce moment-là on ne règle pas le problème plutôt que d'essayer de définir quels sont tous les organismes qui sont sous cette juridiction-là? Si, au lieu de le prendre du point de vue de l'organisme, on le prend du point de vue du type du profil de contrat, est-ce qu'à ce moment-là... On a un mandat qui est beaucoup plus large, j'en conviens, mais est-ce qu'on ne donne pas justement toute la latitude à l'AMP?

Mme Leclerc (Guylaine) : On le règle en partie. En partie, on le règle pour l'élargissement, je vous dirais, mais il y a quand même aussi d'autres limitations, parce que l'article 21 dit : «L'autorité peut vérifier si le processus d'adjudication ou d'attribution d'un contrat public d'un organisme [...] s'effectue conformément au cadre normatif auquel cet organisme est assujetti.» Donc, ça, on élargirait.

Par contre, il faut aller à l'article 50, qui dit : «L'autorité peut, de sa propre initiative ou sur demande du président du Conseil du trésor, examiner un processus d'adjudication ou d'attribution d'un contrat public lorsque l'organisme public concerné n'apparaît pas agir, à l'égard de ce processus, en conformité avec le cadre normatif.» Donc, on vient limiter quand on peut faire cet examen ou cette vérification-là. Et, à l'article 52, on dit : «L'autorité informe le dirigeant de l'organisme public des motifs qui justifient son intervention et l'invite à présenter ses observations.»

Donc, l'AMP se présente dans un organisme, se doit d'avoir des motifs pour dire : Bien, je veux examiner le processus. Et non seulement il doit avoir des motifs, il doit les présenter à l'organisme, doit dire c'est quoi, ses motifs. Donc, ça vient limiter ce qui est déjà prévu à l'article 21. Donc, je suis d'accord avec vous pour l'élargissement, mais, d'un autre côté, il faut s'assurer qu'il a quand même les coudées franches pour pouvoir faire certaines vérifications quand il le juge à propos. Et il peut avoir des motifs dans un organisme, mais, pour pouvoir faire le travail qu'il souhaite, il peut avoir à aller examiner d'autres organismes, voir comment ça se passe, et là il n'aura pas nécessairement l'autorisation.

M. Caire : Bien, pour que je comprenne bien ce que vous nous dites, Mme Leclerc, c'est le fait que la loi spécifie qu'il doit y avoir des motifs à la vérification ou le fait d'avoir à communiquer ces motifs-là aux dirigeants de l'organisme qui vous dérange ou les deux?

Mme Leclerc (Guylaine) : Les deux. Et je ne sais pas ce qui va se passer si l'organisme dit : Bien, vos motifs ne sont pas suffisants. C'est quoi, le processus? Alors, il y a un processus d'arbitrage.

<485 M.Caire : Bien, à ce moment-là, je vais vous amener de l'autre côté du spectre. Est-ce qu'il n'y a pas un danger à ce qu'on permette à l'AMP de vérifier sans aucun motif, de façon totalement arbitraire? Dans le fond, vous, ce que vous dites, c'est : L'AMP se lève un matin et dit : Bon, bien, je vais aller vérifier tel processus parce que... Je ne sais pas, est-ce qu'on va jusque-là? Il ne doit pas y avoir quand même une... Tu sais, on se dit souvent que la police ne peut pas aller à la pêche pour qu'elle puisse agir, et encore faut-il qu'il y ait une raison qu'elle le fasse. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir quand même les mêmes paramètres pour un organisme comme...

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, on ne parle pas d'enquête ici, on parle de vérification. Donc, au niveau d'enquête, je suis d'accord avec vous, mais, au niveau d'un processus de vérification, tout comme le Vérificateur général, tout comme le ministère du Revenu, O.K., va aller vérifier sans avoir nécessairement de motif, ça fait partie des bonnes pratiques. Et le fait de pouvoir vérifier sans motif, je vous dirais, c'est déjà un frein et quelque chose qui va ajouter au fait que le dirigeant va prendre ses responsabilités en sachant qu'éventuellement il pourrait être vérifié par l'AMP.

M. Caire : Un peu sur le même sujet...

Le Président (M. Spénard) : C'est tout le temps que nous avions à notre disposition, M. le député de La Peltrie. Alors, je vous remercie, Mme Leclerc, deuxième Mme Leclerc, Mme Boily et M. Giguère.

Je suspends les travaux et j'invite le prochain groupe à prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 18 h 7)

(Reprise à 18 h 10)

Le Président (M. Spénard) : Alors, à l'ordre! La commission reprend ses travaux en accueillant le Conseil du patronat, représenté par Me Guy-François Lamy, vice-président, et M. Benjamin Laplante, directeur principal. Bienvenue, messieurs. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Lamy (Guy-François) : Merci beaucoup. Bonjour. Merci de nous accueillir et merci surtout de nous entendre aujourd'hui. Je sais que nous sommes... à moins que l'horaire ait changé, nous sommes votre dernier groupe aujourd'hui et, je pense, à cette consultation-ci. Alors, c'est une tâche qui nous fait tout honneur mais que je sais ingrate lorsqu'on passe les derniers. Je tenterai d'être le plus intéressant possible pour vous ce soir.

Le Président (M. Spénard) : ...toujours très intéressant.

M. Lamy (Guy-François) : Je sais, je sais. Je sais très bien. Je voulais simplement préciser que j'allais faire cet effort supplémentaire dans les circonstances. Donc, comme vous l'avez mentionné, M. le Président, mon nom est Guy-François Lamy, je suis vice-président Travail et affaires juridiques pour le CPQ, le Conseil du patronat du Québec. On a eu malheureusement un changement de dernière minute, je suis accompagné plutôt de mon collègue Me Jean-René Lafrance, qui est conseiller juridique au CPQ. M. Laplatte ayant eu un empêchement de dernière minute, il n'a pas pu se présenter avec nous aujourd'hui. Mais Me Lafrance, qui maîtrise particulièrement bien ce dossier-là aussi, m'accompagne donc aujourd'hui.

Dans ce contexte, dans le contexte du dépôt du projet de loi n° 108 et des consultations que vous faites présentement, peut-être rappeler... je sais que plusieurs d'entre vous nous connaissez quand même déjà un peu, d'autres beaucoup, mais peut-être rappeler un peu le rôle du Conseil du patronat du Québec et plus particulièrement à l'égard des questions comme celle-là. Le CPQ est une confédération patronale. Donc, nous représentons, directement et indirectement, plus de 70 000 employeurs au Québec — je dis directement ou indirectement — à travers les différentes associations sectorielles qui composent la base du membership du CPQ. Les employeurs que nous représentons sont issus autant des secteurs privés que para, péripublic, et viennent de la plupart, pour ne pas dire la quasi-totalité, des secteurs d'activité économique qu'on retrouve au Québec. Plusieurs d'entre eux sont donc des fournisseurs ou des fournisseurs potentiels de l'État et grandement intéressés par le projet de loi que vous étudiez aujourd'hui.

La mission du CPQ est de permettre aux employeurs du Québec de disposer des meilleures conditions possible pour prospecter. Nos orientations, nos propositions sont donc toujours dirigées dans cette direction-là, et, pour ce faire, on s'est donné au CPQ, dans notre planification stratégique, cinq grandes priorités. Et trois d'entre elles sont particulièrement visées dans le cadre du projet de loi qui est ici : des finances publiques saines pour une fiscalité concurrentielle, une économie durable et une réglementation intelligente, soit une réglementation qui est fondée sur les objectifs à atteindre plutôt que sur les moyens et les processus pour y arriver. Et, à notre avis, le projet de loi répond à ces trois grandes préoccupations, à ces trois priorités-là dans sa rédaction actuelle, malgré certains commentaires que je formulerai un peu plus tard.

J'aimerais préciser en quoi le projet de loi répond à nos priorités au CPQ. Bien, premièrement, quand on lit le projet de loi, ce qu'on constate, c'est qu'il est centré sur la favorisation de la concurrence entre les différents joueurs, entre les différents soumissionnaires sur les marchés publics. Et donc, en se centrant sur cet objectif majeur, qui est de favoriser la concurrence, le projet de loi et la création de l'AMP, éventuellement, devraient permettre aux organismes publics de bénéficier, nous l'espérons, de services à coûts concurrentiels, ce qui s'inscrit dans le cadre d'une saine gestion des finances publiques, devrait aussi permettre un plus grand accès aux marchés publics aux entreprises, ce qui s'inscrit dans le cadre du développement d'une économie durable.

Et, pour votre information, le CPQ, cette année, a conduit une étude économique sur l'écosystème de la construction. Je comprends que le projet de loi n° 108 ne vise pas seulement que la construction, mais il reste que c'est un joueur, c'est un écosystème qui est très important, qui a un poids important dans les marchés publics. Et ce qui était intéressant de cette étude qui a été réalisée pour nous par la firme Deloitte, c'est qu'on observe que le quart de la croissance de productivité des dernières années au Canada est attribuable au plan d'infrastructures. Donc, les contrats publics demeurent essentiels pour soutenir la croissance de l'écosystème de la construction, mais aussi, comme je le disais un peu plus tôt, de l'économie en général. Et, quand on constate que 20 milliards de dollars par année environ sont alloués par le gouvernement du Québec à des contrats publics, eh bien, ce n'est pas négligeable comme poids dans l'économie québécoise.

Quant à notre priorité sur la réglementation intelligente, eh bien, ce qu'on constate, c'est que le projet de loi ne semble pas imposer des processus et des formalités administratives démesurées aux entreprises ou aux personnes intéressées, notamment quant au processus de plainte qui est prévu par le projet de loi.

Quant aux commentaires plus spécifiques, bien, notons premièrement que nous sommes favorables à l'uniformisation des mécanismes de contrôle qui est prévue au sein de l'Autorité des marchés publics et que le cadre de dépôt des plaintes est bien défini dans le projet de loi. Et ça, dans le monde des affaires, c'est particulièrement important. Un critère qui est particulièrement important, c'est celui de la prévisibilité. Alors, lorsque nous lisons les dispositions constituant l'AMP et particulièrement le processus de traitement des plaintes, ce qu'on constate, c'est que ce critère de prévisibilité là est généralement rencontré.

Cela dit, et je sais que vous avez eu d'autres groupes qui vous ont fait des commentaires là-dessus, il y a la question des délais qui sont, à leur face même, très courts, il faut le reconnaître. Nous reconnaissons par ailleurs qu'il ne faut pas non plus, dans un contexte d'appel d'offres public, étirer indûment les délais. Il ne faudrait surtout pas tomber dans une procédurite excessive, dans une succession d'appels, et de révisions, et de demandes, et de contrôles qui ferait en sorte qu'on étirerait indûment et qu'on finirait par perdre le momentum et étirer indûment le processus d'appel d'offres. Donc, malgré ce commentaire sur la relative... le fait que les délais nous apparaissent très courts, nous reconnaissons l'importance que ces délais-là soient courts.

Cela dit, s'il y avait ajustement, modification... Je sais qu'il y a eu des débats sur la question de passer de jours francs à jours ouvrables dans ces questions-là. Je pense que c'est une question qui est importante à explorer, mais il ne faudrait pas non plus tomber dans un excès de délais ici pour le traitement des plaintes. Ça, c'est pour le traitement des plaintes au niveau de l'AMP à proprement parler. Pour ce qui est du traitement des plaintes, la première étape, là, préalable, là, la manifestation de sa plainte auprès des organismes publics directement, bon, le projet de loi prévoit que les organismes publics vont devoir se doter d'une procédure à cet égard-là, ce qui est plus que bien, ce qui est nécessaire dans ce contexte-là.

Mais notre préoccupation ici, ça va être de s'assurer, comme je le disais tout à l'heure, pour des raisons de prévisibilité, qu'il y ait une certaine cohérence. Il faudrait que quelqu'un regarde ça entre les organismes publics pour s'assurer qu'à tout le moins le processus de plaintes respecte certains principes qui sont cohérents. Je ne veux pas nécessairement dire uniformes parce qu'on comprend qu'il y a des plus petits, des plus gros organismes, des réalités qui sont différentes, mais, à tout le moins, une certaine cohérence dans le traitement pour que les différentes personnes intéressées puissent s'attendre à un processus qui soit relativement similaire d'un organisme public à l'autre puisque, pour l'instant, le projet de loi prévoit des grandes lignes à ce sujet-là.

Et finalement il y a un dernier point, qui est la question du rendement des contractants, et c'est une question qui est délicate. C'est une question qui est délicate parce qu'il est important, à notre avis, pour les organismes publics, de pouvoir évaluer leurs contractants, de pouvoir se doter aussi d'outils d'information à l'égard de la satisfaction qu'ils ont à l'égard de ces contractants-là. Mais là ici on transige quand même, derrière ça, avec des êtres humains, et, lorsqu'on transige avec des êtres humains, il faut se doter de certains mécanismes pour assurer une certaine équité procédurale ici. On ne souhaiterait pas qu'il se dégage de gros litiges, comme je le disais tout à l'heure, de cette éventuelle situation là, mais, à tout le moins faudrait-il permettre aux personnes intéressées, aux entrepreneurs ici, aux contractants, suivant leur évaluation, de pouvoir à tout le moins formuler certains commentaires, d'être entendus sur l'évaluation qui a été faite.

Donc, en résumé, le CPQ est favorable à la création de l'AMP en ce qu'elle deviendra une organisation qui est dédiée à la surveillance de l'attribution des contrats publics et qu'elle constitue, en quelque sorte, une ultime pièce du casse-tête dans la refonte et la révision, la réorganisation, un peu, de l'octroi et de la gestion des contrats publics au Québec. Et donc le CPQ appuie le projet de loi. Merci.

Le Président (M. Spénard) : Merci, M. Lamy. Alors, sans plus tarder, je passerais la parole du côté ministériel à M. le président du Conseil du trésor.

• (18 h 20) •

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, messieurs, merci, bonsoir... d'être là. Oui, en effet, vous êtes le dernier groupe aujourd'hui, mais il y en a d'autres, deux ou trois autres demain. Donc, vous n'êtes pas les derniers, derniers.

Vous parlez un peu de... vous avez mentionné, et avec raison, que c'est nécessaire et utile de favoriser la concurrence. En fin de compte, c'est la concurrence qui va nous mener à un contrôle des prix, de l'innovation, et tout ça. En même temps, je ne sais si vous étiez là avant ou quand Me Noreau nous faisait part de ses remarques, toute la question autour d'un dialogue constructif entre les entreprises et le gouvernement, dialogue qu'il me semble qui est nécessaire pour qu'on puisse bien faire les choses, mais, étant donné les développements des dernières années, ce dialogue-là devient de plus en plus difficile. Donc, tout le monde se retient un petit peu.

Alors, dans un tel environnement, comment est-ce qu'on peut promouvoir la confiance et la concurrence?

M. Lamy (Guy-François) : J'ai effectivement entendu cette portion-là. Je suis arrivé pendant le témoignage du professeur Noreau, et qui est d'ailleurs mon ancien professeur à la Faculté de droit de l'Université de Montréal. J'ai entendu son commentaire et je partageais sa lecture sur l'importance de la transparence. Pourquoi? Parce que je partage encore plus le commentaire que vous avez formulé, M. le ministre, en introduction de votre question, à l'effet que la communication doit se rétablir. Ce qui s'est passé dans les dernières années, et ça, chez nos membres, on nous l'a dit, on nous l'a répété, ce qui s'est passé dans les dernières années, c'est que tout a gelé et toutes les communications, tous les ponts ont été coupés.

Et ça, je comprends, par prudence, avec ce qui s'est passé, je comprends que les gens, les fonctionnaires aient décidé d'être prudents, et j'aurais probablement eu un réflexe similaire à leur place, mais avec un effet par ailleurs négatif qui est celui de perdre une certaine connaissance aussi de ses fournisseurs. Puis j'ai aussi entendu la Vérificatrice générale, juste avant, dire, et je suis entièrement d'accord avec ce qu'elle a dit lorsqu'elle a dit qu'il fallait demeurer... le critère de l'imputabilité des gestionnaires dans les organismes publics était déterminant, et c'est vrai.

Et on l'a répété à plusieurs reprises dans plusieurs tribunes sur la question des contrats publics au CPQ, c'est-à-dire l'importance de préserver cette imputabilité-là, mais, pour ce faire, il faut en même temps... pour être adéquatement imputable, si je peux dire ainsi, il faut se doter des connaissances et de l'expertise pour pouvoir adéquatement les gérer, les contrats publics en question. Et la relation, la connaissance du milieu et des fournisseurs fait partie de ça. Savoir ce qui existe sur le marché, ça fait partie de ça, et, pour savoir ce qui existe sur le marché, bien, il faut avoir l'occasion d'échanger.

Maintenant, effectivement, à cause de ce qui s'est passé, on doit trouver des balises, et l'analogie de la salle d'attente qu'a faite le professeur Noreau tout à l'heure était tout à fait adéquate, à mon avis. Alors, lorsque ces échanges-là et ces discussions-là se font dans un cadre qui est entièrement transparent, ça ne peut qu'être bénéfique pour tout le monde, à notre avis.

Le Président (M. Spénard) : M. le ministre.

M. Leitão : Très bien. Merci. Dans un autre ordre d'idées, aussi plusieurs autres groupes nous ont fait part d'une problématique importante, c'est-à-dire les délais à l'AMF en ce qui concerne les certificats de conformité. J'oublie toujours le nom de ces choses-là, mais, en tout cas, vous savez ce que je veux dire.

Éventuellement, ce mandat-là, cette tâche-là va migrer vers l'AMP, mais comment est-ce que vous voyez ça? Donc, d'abord, la nécessité de continuer à avoir de tels certificats et puis comment est-ce qu'on pourrait rendre ça un peu plus rapide?

M. Lamy (Guy-François) : Je pense que je vais rendre à l'AMF ses lettres de noblesse ici, et nous avons été assez critiques au début du processus parce qu'effectivement il y avait des délais qui étaient passablement complexes, les questions qui étaient posées, les formulaires à remplir pour obtenir le certificat d'autorisation, et il fallait s'y prendre très, très, très longtemps d'avance. Et l'AMF s'est beaucoup améliorée au niveau de ses délais à travers le temps. Je ne dis pas qu'il n'y a jamais d'amélioration à faire, mais elle s'est beaucoup améliorée. C'est surtout le début qui a été... je me permettrais de dire chaotique, là, et je pense que les gens de l'AMF le diraient aussi. Eux aussi ont dû s'adapter à cette réalité-là.

Dans le cadre du transfert de cette activité-là ou de cette compétence-là à l'AMP, à mon avis, il y a un élément de la solution qui pourrait être très bénéfique, ça serait que l'AMF partage son expérience à l'AMP. Je pense que c'est... Il y a des choses ici qui se font déjà, là, et on va confier à un organisme spécialisé le mandat de les continuer. Je pense qu'il est important de ne pas simplement passer le dossier aux collègues et de s'en laver les mains. Je pense qu'il pourrait être bénéfique d'avoir un échange, d'avoir beaucoup de partage entre les personnes qui ont travaillé sur ces dossiers-là au moment de la création du... l'instauration du certificat de conformité vers les gens qui vont devoir faire ça au niveau de l'AMP, là.

M. Leitão : Merci. Je vais passer la parole aux collègues, mais juste mentionner qu'à cet égard-là, en fin de compte, ce sont les mêmes personnes. Nous, l'objectif, c'est de prendre ce groupe, qui est présentement à l'AMF, qui s'occupe de cela. C'est ce groupe-là qui passerait à l'AMP pour justement...

M. Lamy (Guy-François) : En tout cas, je peux imaginer que le...

M. Leitão : ...pour justement éviter de faire...

M. Lamy (Guy-François) : Je peux imaginer que le transfert d'expertise ne devrait pas être trop difficile.

Le Président (M. Spénard) : Alors, M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, messieurs, d'être présents ce soir. Merci d'avoir fait taire les machines à l'extérieur, là, ça rend le travail un peu plus agréable.

Vous avez parlé, au début, que l'AMP va favoriser la concurrence, le ministre en a parlé en échangeant avec vous là-dessus. Mais j'aimerais vous entendre. Quand vous dites que ça va aussi permettre un plus grand accès aux marchés publics par rapport à vos membres, j'aimerais vous entendre élaborer un peu plus, là. Qu'est-ce que vous voulez dire exactement par : Soudainement, il y aurait un plus grand accès aux marchés publics? Est-ce que c'est une question de confiance? Parce qu'on l'a entendu, ça aussi, de certains de nos groupes qui sont venus témoigner qu'il fallait rétablir cette confiance-là. Est-ce que c'est sous cet angle-là?

M. Lamy (Guy-François) : L'élément de la confiance est certainement sous-jacent à ça, mais ce n'est peut-être pas là qui est le point le plus central de cette question-là.

Si on dit que la création de l'AMP a le potentiel de favoriser un plus grand accès aux marchés publics, c'est surtout parce que, ce qu'on comprend du projet de loi, c'est que l'AMP va avoir ce pouvoir englobant, disons, de surveillance et de contrôle des marchés publics, et donc potentiellement de pouvoir formuler des recommandations ou de faire des interventions qui vont faire en sorte que certaines pratiques d'appel d'offres pourraient être modifiées et, en ce sens, de favoriser la concurrence.

En favorisant la concurrence, puis c'est ce qu'on dit aussi dans notre mémoire, bien, il y a potentiellement, si la chose est bien faite, évidemment, la possibilité d'ouvrir un peu plus les marchés aux PME, entre autres, et ça, c'est particulièrement important, tout en s'assurant, puis je ne veux pas sonner comme le gars qui parle des deux côtés de la bouche, c'est un tout, mais tout en s'assurant aussi que les plus grandes entreprises, qui, elles, sont en concurrence mondiale, puissent pouvoir continuer de travailler ici et de fournir des services ici à l'État lorsque le contrat s'y prête plus facilement parce qu'en fait elle est toute là, la dynamique.

C'est qu'il y a des types de contrats qui sont probablement plus désignés pour être effectués par des plus petites entreprises soit par leur ampleur, par l'expertise qui est nécessaire, etc., mais il y en a d'autres qui vont continuer d'être là pour alimenter nos grands fleurons ici, au Québec, et les amener à continuer d'innover et peut-être même les aider à migrer vers des marchés internationaux aussi à cause de l'expertise qu'ils continuent de développer ici.

Donc, quand on regarde ça dans son ensemble, c'est ça qui est positif par rapport à une approche comme celle-là. Évidemment, comme je l'ai dit, encore faut-il que la chose soit bien faite. C'est une chose de l'écrire, c'est une autre chose de le faire.

M. Merlini : De le mettre en application. J'aimerais vous entendre davantage aussi sur une autre chose que vous avez soulevée, sur l'uniformisation des mécanismes de contrôle, des pratiques de contrôle, parce que vous dites que ça pourrait avoir l'effet d'augmenter l'efficacité des organismes publics. Alors, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus.

M. Lamy (Guy-François) : C'est-à-dire que, si on s'assure que les organismes publics sont cohérents, comme je le disais tout à l'heure... je vais parler pour le processus de plaintes, mais pour le processus aussi de gestion de l'attribution des contrats. Si les organismes publics sont cohérents dans leur approche et dans leur pratique, il peut en découler potentiellement un processus d'amélioration continue qui soit, on l'espère, efficace. On peut penser que ça peut entraîner plus de synergie entre les organismes publics aussi, d'échanges de bonnes pratiques sur la façon de faire.

C'est là où il y a le potentiel, donc, de rendre le processus plus cohérent, plus efficient, plus efficace si on sait qu'on a un chef d'orchestre pour les organismes publics, qui est l'AMP, et qui coordonne ce genre d'activités là, ce genre d'échanges là aussi, oui, par un rôle de vérification et d'enquête comme on lui dévolue, mais aussi de par l'aspect formation et information qui peut en découler pour les organismes publics. Autrement dit, on quitte les petits bastions un peu partout avec chacun leur culture et leur façon de faire et, tout en leur laissant l'indépendance qu'ils ont pour gérer leurs contrats publics parce que c'est important, on a quelqu'un qui est là pour faire un suivi de cette cohérence-là. Et c'est là où il y a un potentiel qui est intéressant dans la création d'un organisme comme l'AMP.

M. Merlini : Croyez-vous, à ce moment-là, que ça ajoute à l'aspect important de la prévisibilité dont vos membres considèrent très, très, très importante?

M. Lamy (Guy-François) : Fort probablement. C'est fort probablement un élément qui ajoute à la prévisibilité. Si je sais que je suis fournisseur d'un organisme A, B, C et E et que je peux m'attendre à des pratiques qui se ressemblent, bien, que chacun de ces organismes-là a sa spécificité, mais que je peux m'attendre à des pratiques qui soient similaires d'un organisme à l'autre, oui.

• (18 h 30) •

M. Merlini : Concernant le délai des plaintes dans le processus des plaintes, vous avez fait le parallèle entre... bon, les délais semblent courts à prime abord, mais que vous ne voulez pas non plus retarder indûment les processus contractuels. Où voyez-vous l'équilibre, là, entre les deux? Parce qu'il y a eu des suggestions de faire... il y en a qui ont dit que les délais étaient parfaits. On nous a dit : Bien, il y a des places que le délai n'est pas défini. Et d'autres nous ont dit : Bien, ça prendrait quelque chose d'un peu plus long. Alors, j'aimerais vous entendre davantage sur l'équilibre qui est à atteindre, là, là-dedans.

M. Lamy (Guy-François) : Alors, j'avoue que mon commentaire pouvait sembler particulier, là. Je sais que j'ai sonné en vous disant : C'est bon puis ce n'est pas bon, et c'est vrai que c'est bon puis ce n'est pas bon. Mais là je vous dirais : Moi, je n'ai pas... honnêtement, nous n'avons pas, au CPQ, l'expertise pour vous dire : Ah! ça va être quatre jours, cinq jours, 10 jours.

Une recommandation qui est apparue, qui pouvait sembler intéressante, c'était trois jours ouvrables. Et ça peut nous apparaître raisonnable dans les circonstances. Si vous me demandez de me commettre, c'est probablement dans cette direction-là que j'irais parce que d'aller beaucoup plus loin pourrait enliser probablement le processus indûment, mais encore faut-il que les gens soient capables de réagir, autrement dit. Donc, ce que je vous dis, c'est que trois jours, c'est court, mais c'est en même temps raisonnable. On pourrait peut-être le bonifier, aller à trois jours ouvrables pour permettre... Il n'y a personne qui aime ça, travailler la fin de semaine, là.

Le Président (M. Spénard) : Merci beaucoup. Le temps étant écoulé, alors je passe maintenant la parole à la représentante de l'opposition officielle, la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Bienvenue au parlement.

Je voudrais revenir sur votre mission, d'une part, qui est d'avoir les meilleures conditions pour les entreprises que vous représentez pour qu'elles puissent prospérer, évidemment. Tout à l'heure, la Fédération des chambres de commerce nous a parlé du climat de confiance. Vous l'avez un peu glissé tout à l'heure lorsque le gouvernement, les députés ministériels vous en parlaient. C'est sûr que, suite aux recommandations de la commission Charbonneau, tout ce qu'on a pu vivre les dernières années, le gouvernement a mis certains projets de loi au fil des dernières années, a fait certaines actions.

Les entreprises que vous représentez, est-ce qu'elles retrouvent encore sur leur chemin, je pourrais dire, des difficultés qui... et qu'on ne retrouve pas, en fin de compte, l'équilibre qu'on doit y avoir parce qu'il y a eu des excès de tous bords, tous côtés? Le projet de loi n° 108, qui est devant nous, permet de rétablir, dans le fond, tout le processus de gestion des contrats, mais, pour vos entreprises, est-ce que... On a jasé avec la Fédération des chambres de commerce des liens de communication avec le gouvernement, le climat de confiance qui n'est pas tout à fait rétabli entre les fournisseurs, mais entre aussi les fonctionnaires du gouvernement ou les hauts dirigeants, ce climat-là... puis, en même temps, il faut trouver un équilibre pour s'assurer que ça ne soit pas... qu'il soit raisonnable ou... tu sais, à certaine façon.

Alors, d'une façon générale, dans le fond, comment vous voyez... Face aux entreprises que vous représentez, est-ce que vous trouvez que l'équilibre est retrouvé, le climat de confiance, et il y a une ouverture présentement?

M. Lamy (Guy-François) : Pour vous dresser un peu l'état psychologique, si je peux le dire ainsi, des entreprises du Québec ou, en tout cas, à tout le moins la très grande proportion qu'on représente, c'est un sentiment... en fait, ça part d'un sentiment d'avoir été victimes par la bande des agissements de certaines autres entreprises, dans le fond. On ne va pas se le cacher, là, il y a eu certaines entreprises qui ont eu des comportements qui font en sorte que tout le monde a payé pour dans la relation, notamment avec l'État, aussi dans la relation de confiance avec le public, d'ailleurs, là.

Et cette relation de confiance là, non, c'est vrai qu'on ne l'a pas ressenti qu'elle est complètement revenue. Et c'est pour ça que nos membres nous disent, à chaque fois qu'il y a une mesure qui est prise comme le projet de loi n° 108, comme le projet de loi n° 1 de la législature précédente, comme Passeport Entreprises, comme les recommandations de la commission Charbonneau, nos employeurs, à chaque fois, nous disent : Oui, go, poussons et implantons ces mesures-là, question qu'on se donne un cadre, parce que c'est des cadres qui n'étaient pas là, mais question qu'on se donne un cadre qui va faire en sorte qu'on va pouvoir travailler à le rétablir, ce lien de confiance là, tant avec l'administration publique, qu'avec le public, qu'avec la population en général.

Donc, non, on ne peut pas dire malheureusement que c'est complètement rétabli, mais il y a des pas qui se font d'une étape à l'autre, avec, entre autres, les exemples que je viens de vous donner, qui sont des pas dans la bonne direction et qui font en sorte qu'on va pouvoir de plus en plus ressentir cette... recommencer à respirer un peu, là, dans ce contexte-là. Je pense que c'est comme ça qu'on peut l'analyser. À l'heure actuelle, là, la photo à la fin septembre 2016, elle est là. Donc, on est dans une bonne direction, là.

Mme Léger : Donc, de créer l'Autorité des marchés publics, pour vous, n'est pas nécessairement, comme parfois les entreprises ou le Conseil du patronat souvent aussi nous disent, ce n'est pas une bibitte de plus, là. Ce n'est pas une organisation, là, qui vient vous mettre des bâtons dans les roues, parce que, souvent, le Conseil du patronat nous dit : Bon, qu'est-ce que vous allez encore inventer, là, pour nous mettre, là, des bâtons dans les roues? Vous ne le sentez pas comme ça parce que vous appuyez le projet de loi n° 108, et, pour vous, dans le fond, ça permet de clarifier, dans le fond, tout le processus de gestion des contrats.

M. Lamy (Guy-François) : Non seulement ce projet de loi là ne nous met pas de bâtons dans les roues, ce projet de loi là nous en enlève. C'est un projet de loi qui va aider les entreprises, ici, à avoir, comme je l'ai dit, un accès plus transparent, plus organisé et plus clair aux marchés publics, et donc à contribuer à ce ménage-là qu'on fait depuis bientôt... je n'ai pas calculé combien d'années que ça a commencé, là, mais, depuis quelques années, à ce ménage qu'on fait et qui aide.

Alors, non parce que ce n'est pas un projet de loi, ici... je parlais de réglementation intelligente tout à l'heure, ce n'est pas un projet de loi, ici, qui vient imposer un fardeau administratif indu aux entreprises. Ce n'est pas un projet de loi qui vient créer des obligations exubérantes aux entreprises. Au contraire, c'est un projet de loi qui vient doter l'administration publique d'un organisme qui va agir, comme je le disais tout à l'heure, comme chef d'orchestre des contrats publics au Québec et qui va, on l'espère, réussir à clarifier puis à finir le ménage pour faire en sorte que les affaires puissent se faire comme elles devraient se faire, essentiellement.

Mme Léger : Vous parlez aussi de concurrence internationale quand vous dites, dans votre mémoire, que «certaines [entreprises] sont des fleurons ayant contribué à édifier le Québec moderne, sont fortement exposées à la concurrence internationale et doivent bénéficier également de conditions d'accès aux marchés publics qui permettent de mettre en valeur et de bonifier leur expertise et leurs compétences».

Est-ce que, pour vous, le projet de loi n° 108, outre le grand pan que vous exposez, là, est-ce que le projet de loi n° 108 correspond, dans le fond, à tout ce déploiement?

M. Lamy (Guy-François) : Oui, le projet de loi n° 108 s'inscrit là-dedans, premièrement parce que... Avec respect pour les gens qui ont eu l'idée de l'Autorité des marchés publics, ce n'est pas une idée particulièrement originale au Québec, là. Il y en a dans d'autres États, il y en a au niveau international, particulièrement en Europe, il y en a aussi certains modèles aux États-Unis. Autrement dit, c'est un modèle de contrôle et de surveillance des marchés publics qui existe ailleurs dans le monde. Donc, le Québec, là-dessus, se met au même pied d'égalité que la plupart des principaux marchés internationaux dans lesquels les entreprises d'ici font affaire.

Alors, la façon de fonctionner ici risque de ne pas être à 180 degrés avec ce que les entreprises qui sont sur le marché international vivent dans d'autres marchés internationaux sur lesquels elles ont peut-être même déjà l'expérience d'avoir transigé dans un contexte comme celui-là. Alors, à ce niveau-là, je pense que c'est bénéfique, et donc, si, ce faisant, on travaille, comme je vous le disais, à rétablir le lien de confiance, et donc à faire en sorte que faire des affaires avec l'État au Québec se fait selon des règles et dans un contexte qui est compréhensible et facile, entre guillemets, bien, évidemment c'est, comme je le disais tout à l'heure, de l'expertise ici, c'est de l'innovation qui va pouvoir continuer de se faire ici et qui va pouvoir être exportée par ces joueurs-là aussi, qui sont déjà sur le marché international, et vice-versa. Leur expérience du marché international, on va aussi pouvoir en bénéficier ici.

Le Président (M. Spénard) : Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Alors, la parole est maintenant au représentant du deuxième groupe d'opposition. M. le député de La Peltrie, la parole est à vous.

M. Caire : Merci, M. le Président. Peut-être deux petites questions principalement. La première va toucher l'indépendance de l'AMP, c'est un sujet qui a été abordé par plusieurs personnes qui sont venues nous voir, puis savoir, dans sa forme actuelle... Puis, dans votre discours, j'ai aussi cru comprendre que vous aviez une certaine connaissance d'autres instances qui existent ailleurs dans le monde. Donc, je présume que vous avez un peu étudié ce qui se faisait ailleurs.

Est-ce que, dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 108 garantit, selon vous, une indépendance suffisante à l'AMP?

• (18 h 40) •

M. Lamy (Guy-François) : Premièrement, je vous dirais que les fonctions et pouvoirs qui sont dévolus à l'AMP actuellement sont assez en ligne avec ce qu'on est habitués de voir comme fonctions et pouvoirs d'organismes de vérification et de surveillance habituels. Donc, dans ce sens-là, quand on a lu le projet de loi, on n'a pas sursauté. Pour nous, c'était conforme et ça allait de soi.

Au niveau spécifiquement de l'indépendance, il y a une question qui a été soulevée, notamment par la Vérificatrice générale, qui est celle de la nomination et du rapport... à qui doit se rapporter l'autorité en question. Et j'ai entendu que la vérificatrice était très favorable à ce qu'il se penche au niveau... il se rapporte à l'Assemblée nationale. Je vous dirais que ce n'est pas une question qui a été débattue avec les membres, en tout cas, qu'on a consultés chez nous, la préoccupation du monde des affaires étant que ça fonctionne et que ça fonctionne bien.

Si vous me posez la question, à savoir est-ce que cet organisme-là devrait relever de l'Assemblée nationale, je vous dirais : S'il relève de l'Assemblée nationale, ce ne sera pas une mauvaise chose. Pour nous, au CPQ, ça ne fait pas une différence majeure dans la mesure où il rencontre et atteint ses objectifs, mais, je dois constater, c'est vrai que, souvent, les organismes de vérification, de contrôle ou, à tout le moins, la nomination des membres qui composent des organismes-là s'effectue par l'Assemblée nationale à l'unanimité, au deux tiers, selon de qui on parle. On parlait de la Protectrice du citoyen, mais c'est aussi vrai pour la Commission d'accès à l'information, par exemple. Et ce n'est pas une mauvaise chose, lorsque l'intérêt le justifie particulièrement, que ce soit fait comme ça.

M. Caire : Je vais aller dans une autre direction parce que c'est un sujet qui a aussi été abordé par d'autres personnes qui sont venues nous rencontrer. On a suggéré que, dans le cas où l'AMP suspende le processus d'adjudication de contrat ou annule l'octroi d'un contrat, l'entreprise qui aurait dû avoir le contrat, qui avait signé le contrat, qui est de bonne foi, parce qu'on rajoute toujours cet élément-là dans le processus, puisse recevoir une compensation. Est-ce que c'est un sujet sur lequel vous vous êtes penchés?

M. Lamy (Guy-François) : Pour être franc avec vous, non. C'est un sujet sur lequel on ne s'est pas penchés. On s'est préoccupé de préoccupations plus macro que celle-là, et c'est un sujet qui est complexe parce que, derrière ça, il y a un principe qui est juste, qui est très valable, en fait, qui est de dire : Si j'ai été de bonne foi et que je suis victime, en quelque sorte, d'une erreur de l'organisme public, je devrais en être compensé.

Comment arrimer cette mécanique-là? Comment faire fonctionner tout ça derrière? C'est d'une très grande complexité. Comment calculer cette compensation-là, cette indemnisation-là?

Nous ne sommes pas allés jusque-là. Ça demande une certaine expertise aussi que nous n'avons pas, je vais être franc avec vous. Mais donc c'est une question qui est pertinente. C'est une question qui est fort pertinente, sauf qu'on n'a pas l'expertise pour se prononcer, pour faire une recommandation formelle là-dessus, disons.

M. Caire : On a aussi beaucoup parlé de l'AMP comme un pôle d'expertise dans la gestion des processus contractuels. Et, bon, il y a évidemment un volet de surveillance, mais beaucoup d'intervenants sont venus nous dire : Il devrait y avoir aussi un volet d'accompagnement et un volet de formation. Est-ce qu'un organisme comme le CPQ voit aussi cette fonction-là à l'AMP?

M. Lamy (Guy-François) : Je vous dirais que n'importe quel organisme qui est investi d'un pouvoir de vérification et de contrôle a aussi souvent un devoir d'accompagnement, d'information pour favoriser la conformité à la loi. C'est vrai avec l'Office de la langue française, c'est vrai avec la CNESST. Ces gens-là sont aussi là pour accompagner. On le vit avec nos employeurs, là, particulièrement avec ces deux organismes-là. Ils ne sont pas juste là pour taper sur les doigts, ils sont là pour aider à se conformer à la réglementation, à la législation. Donc, c'est un objectif qui est certainement louable.

M. Caire : D'après vous, ce serait normal que l'AMP le fasse.

M. Lamy (Guy-François) : Oui.

Le Président (M. Spénard) : Merci beaucoup, MM. du Conseil du patronat, M. Lamy et M. Lafrance.

Alors, je lève la séance et j'ajourne la commission à demain, 11 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 45)

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