(Neuf heures quarante-cinq minutes)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, bienvenue à toutes et à tous. Je vous souhaite un bon début de session. Je constate que nous avons
quorum et je déclare donc la Commission
des finances publiques ouverte.
Comme vous le savez, la commission est réunie
afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur
le projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de
santé et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.
Mme la secrétaire, vous allez bien?
La Secrétaire : ...
Le
Président (M. Simard) :
Bienvenue parmi nous. C'est votre première à la Commission des finances publiques. Heureux de vous retrouver. Y
aurait-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Beauchemin (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par Mme Setlakwe (Mont-Royal—Outremont) et M. Bouazzi
(Maurice-Richard) est remplacé par M. Marissal (Rosemont).
Le Président (M. Simard) :
Alors, bienvenue à nos nouveaux collègues.
Remarques préliminaires
Comme le veut la tradition, nous débutons ces
auditions par des remarques préliminaires, et je cède, d'entrée de jeu, la
parole au ministre, qui dispose de six minutes.
M. Éric Caire
M. Caire : Oui,
merci, M. le Président. Vous me permettrez d'abord de vous saluer, M. le Président,
puisqu'il semblerait que nous allons continuer à travailler ensemble, et c'est
avec grand plaisir, saluer mes collègues de la partie ministérielle,
saluer ma collègue de l'opposition officielle, mon collègue du deuxième groupe
d'opposition, pour qui j'ai des salutations particulières parce que lui et moi
avons un passé ensemble, législativement parlant, pour être sûr que tout le
monde...
Et c'est d'autant plus intéressant, M. le
Président, que ce qu'il est, je pense, important d'établir, c'est le pourquoi
du projet de loi n° 3. Vous me permettrez de faire un
petit peu d'historique parce que c'est important, pour savoir où on s'en va, de
savoir d'où on part. Et, dans le fond, c'est un grand constat, je pense, qu'on
a tous fait, que le gouvernement est une immense entreprise qui travaille en...
travaillait, parce qu'on travaille à ce que ce ne soit plus le cas, mais qui
travaillait en silo. Et le problème qu'on avait dans l'univers numérique, c'est
ce principe qui veut que chaque organisme qui donne une prestation de services
et qui collecte des données devient le propriétaire de cette donnée-là. Et, de
par le cadre législatif qui existait, cette donnée-là ne pouvait pas être
partagée pour des raisons de protection des renseignements personnels, notamment,
pas exclusivement, mais notamment.
Mais tout ça a été pensé dans un univers papier.
Alors, évidemment, le contrôle de la protection d'un document papier versus un
document numérique, ce n'est pas du tout la même chose. Donc, à ce moment-là,
le silo pouvait s'expliquer, d'une part. Et, d'autre part, pour échanger de
l'information, deux organismes devaient conclure des ententes bilatérales qui
étaient extrêmement complexes d'abord à négocier, à formaliser, et tout ça
devait être avalisé par la Commission d'accès à l'information.
(Interruption) Vous m'excuserez, M. le
Président, ça doit être très désagréable dans le micro. Ce qui fait que la
chose la plus simple à faire pour un organisme, dans le fond, c'était de
collecter sa propre information puis de faire ses petites affaires tout seul.
Dans un univers papier, ce n'est pas tellement
dérangeant. Dans un univers numérique, ça fait quoi? Ça fait qu'on va dupliquer
de l'information, on va créer ce qu'on appelle des doublons, on va créer ce
qu'on appelle une désynchronisation de l'information, c'est-à-dire qu'une
information qui est possédée par un organisme peut être... sur une même
personne, peut être totalement désynchronisée par rapport à l'information
qu'une autre organisation possède. Pourquoi? Parce que j'ai fait affaire
récemment avec tel organisme et j'ai fait affaire il y a deux ans avec tel
autre organisme, mes informations ont changé, on est désynchronisés. Donc, un
même citoyen se retrouve à avoir autant de versions de lui-même qu'il y a d'organismes
avec qui il a fait affaire. Évidemment, on comprend que dans un univers
numérique, c'est complètement fou, c'est complètement fou.
Donc, ce qu'on a commencé à faire... (Interruption)
Ah! merci, au nom de tous ceux qui nous écoutent. Ce qu'on a commencé à faire à
la dernière législature, et là-dessus mon collègue de Rosemont a la même
mémoire institutionnelle que moi, puisqu'on parle du
projet de loi n° 95 sur lequel nous avons travaillé
tous les deux... l'idée, c'était de dire quoi? C'était de dire que la donnée
qui est collectée par un organisme ou pour un organisme qui relève du gouvernement, cette donnée-là, bien, le
gouvernement, il en est le propriétaire, ce qui permet à différents organismes
de s'échanger cette information-là de façon fluide sans avoir à avoir ces
ententes-là d'une organisation, l'autre organisation, la Commission d'accès qui
rentre là-dedans, puis ce que personne ne faisait.
Donc, on allège et on augmente la disponibilité,
la fluidité et la mobilité de la donnée. L'idée générale du projet de loi n° 95
était ça. C'est ce qu'on a fait avec la collaboration des collègues de tous les
groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale, et je les en
remercie encore parce que je pense que ça a fait avancer le Québec, numériquement,
d'une façon assez impressionnante.
Maintenant, pourquoi le PL n° 3?
Parce que la loi n° 95 vient modifier la loi sur la
gestion et la gouvernance en ressources informationnelles. Au niveau du réseau
de la santé, plusieurs organismes ne sont pas sous le coup de cette loi-là,
donc ne sont pas tenus de respecter cette loi-là. Et donc il y a une part très
importante des renseignements de santé, je
ne me risquerai pas à les quantifier, mais c'est une part qui est quand même
très importante des renseignements de
santé du citoyen qui échappe à cette logique-là qui veut que les renseignements
de santé d'un citoyen lui appartiennent et devraient l'accompagner lorsqu'il reçoit des soins, quel que soit le
donneur de services, quel que soit le professionnel qui lui donne les
soins en question.
Alors, pendant la pandémie, et je ne veux pas
revenir sur tous les éléments de la pandémie, vous comprendrez, mais il y avait
le décret d'urgence qui permettait au ministre d'aller chercher ces
informations-là dans ce contexte-là bien précis. N'ayant plus de décret
d'urgence, nous revenons à la situation, au cadre législatif qu'on connaît. Et
là le ministre... le réseau de la santé, je devrais dire, parce que c'est faux
de dire que c'est réservé au ministre, c'est vraiment le réseau de la santé, se
retrouve à avoir une information partielle et partiale pour les raisons de désynchronisation que je vous explique, ce qui
est tout à fait intenable et ce qui nuit à la performance de notre réseau, donc
le PL n° 3, M. le Président, vient inclure dans cette
logique-là ces informations-là pour le plus grand bénéfice des patients
québécois. Merci.
• (9 h 50) •
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, M. le ministre.
Je cède
maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle et députée de
Mont-Royal—Outremont.
Madame.
Mme Michelle
Setlakwe
Mme Setlakwe : Merci. Merci, M.
le Président. Merci à tous les collègues pour votre accueil. J'en suis à ma
première commission parlementaire, c'est mon premier mandat comme élue, alors
soyez indulgents. Mais je suis très enthousiaste de participer à cette
commission très importante sur un projet de loi d'une grande importance. Je
suis avocate, donc l'étude d'un projet de loi, pour moi, là, je ne suis pas du
tout en terrain étranger, je ne suis pas du tout issue du milieu de la santé.
Nous sommes
d'accord, d'entrée de jeu, avec le principe. Le régime actuel, il est imparfait
et, oui, il représente un frein aux
organismes dans l'exercice optimal de leurs fonctions. On comprend que
l'écosystème de santé est composé d'entités
indépendantes qui — j'emploie
le même... la même expression que vous, M. le ministre — travaillent
en silo. Donc, on a besoin d'une loi-cadre pour le bien des patients,
des intervenants, des chercheurs, mais surtout pour assurer une qualité de
soins optimale.
Encore une fois, on est favorables au principe,
là, d'une meilleure circulation des données et une meilleure efficacité, tout
ça pour offrir des soins, les meilleurs soins possible aux Québécois et
Québécoises.
C'est vrai qu'on note... je regardais les notes
de breffage d'hier, on note que les patients sont de plus en plus en contrôle
de la situation, en contrôle de leur état de santé, de leur dossier, veulent
participer. Et donc on connaît, nous, l'ensemble de notre état de santé, tous
les tests passés, puis on souhaite que, quand on se trouve devant un
professionnel, il ait rapidement toute l'info. On ne veut pas être pris... le
temps est précieux quand on est devant un intervenant, on ne veut pas... on ne
veut pas être pris dans des histoires d'informations partielles, de
formulaires, tout ça, on veut que ce soit efficace.
Également pour l'avancement de la recherche, la
recherche fait partie intégrante au Québec, là, des soins qui sont offerts aux
patients, donc on voit des éléments positifs à cet égard-là aussi.
Bon, ceci étant dit, c'est un projet de loi qui
est costaud, je l'ai lu, il est très technique. Il va être complet avec
l'ensemble des règlements. Ça va prendre du temps à tout ficeler ça et à mettre
ça en oeuvre. Donc, il faut... nous allons et nous devons en faire une étude
détaillée et approfondie. Autant les Québécois veulent un contrôle sur leur
état de santé, je crois qu'ils veulent un contrôle aussi sur la libre circulation
de données sensibles qui les concernent. Donc, ça va être de trouver vraiment
un encadrement adéquat à cet égard-là. Tu sais, jusqu'où nos données se
rendent, tu sais, et pour quelles fins, tout ça, ça doit faire l'objet d'un
encadrement adéquat parce qu'on parle d'informations très sensibles, donc la
protection puis la sécurité des renseignements personnels, c'est quelque chose
d'extrêmement important. Nous, on veut... tu sais, on veut, oui, ouvrir les
voies d'accès, mais on va devoir permettre aux patients aussi de les fermer au
moment opportun.
Donc, on va s'assurer de retourner chaque pierre
pour être sûrs, là, qu'on se soit posé toutes les questions, qu'on n'oublie
rien. On est à l'écoute aujourd'hui, je suis à l'écoute aujourd'hui des... et
dans les prochains jours, des différents groupes qui vont soulever, évidemment,
des enjeux, des préoccupations, on va les écouter. On va donc étudier le projet
de loi ensemble pour le bonifier.
Et finalement, en
terminant, vous pouvez compter sur moi et sur toute l'équipe libérale pour
travailler de façon collaborative et de façon constructive dans le meilleur
intérêt de tous les Québécois. Voilà.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à vous, chère collègue.
Je cède maintenant la parole au député de Rosemont,
qui dispose de 1 min 30 s.
M. Vincent
Marissal
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bien, bonjour, chers collègues, heureux de vous voir ou de vous
revoir avec pas de masque. C'est presque une première depuis trois ans, ici. Je
vais faire bref dans les salutations, pas par manque de courtoisie mais par
manque de temps. On n'a pas gagné beaucoup de temps avec les dernières
élections, apparemment, alors je vais y aller rapidement.
Si j'ai bien compris ce que le sous-ministre
Kobrynsky nous a dit hier, et je le remercie de sa disponibilité, il nous a
même dit... a dit aux recherchistes, et ce n'est pas tombé dans l'oreille de
sourds, qu'on pouvait l'appeler pour avoir
des détails. C'est une première. Je félicite et je salue le geste. Si j'ai bien
compris ce que le ministre... le sous-ministre Kobrynsky nous a dit
hier, essentiellement, et je fais court par manque de temps, dans le système de
santé, avec les renseignements personnels et le transfert de renseignements
personnels, une chatte n'y retrouve plus ses petits. Je suis assez d'accord avec ça, on va s'entendre, je suis assez d'accord
avec ça. Alors, si tant est qu'on va dans ce sens-là et dans le sens de
l'efficacité et des meilleurs soins à la population, je serai parfaitement
productif avec vous.
Par contre, il y a un principe fondamental qui
va me guider tout au long de cette étude, et le ministre ne sera pas surpris
parce qu'il m'a déjà entendu, c'est la protection des renseignements
personnels, qui sont devenus, ces renseignements personnels... qui ont une
valeur mercantile immense, ce n'est pas pour rien qu'il y a tant de gens qui
s'y intéressent. Alors, ça guidera mes pas dans cette commission. Mais, pour le
moment, tant et aussi longtemps qu'on ira vers une plus grande efficacité et
mettre un peu de ménage dans ce capharnaüm, vous pourrez compter sur moi.
Merci.
Auditions
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à vous, cher collègue.
Ces remarques préliminaires étant maintenant
terminées, nous allons procéder aux auditions comme telles, et nous allons
débuter nos consultations en visioconférence, et nous recevons M. Vincent
Dumez, directeur, Patient et codirecteur scientifique, Centre d'excellence sur
le partenariat avec les patients et le public. Il est accompagné de Mme Catherine Wilhelmy, coleader de la
communauté Expérience. À vous deux, bienvenue. Vous savez que vous disposez
de 10 minutes, et nous sommes d'ores et déjà à votre écoute.
M. Vincent Dumez
et Mme Catherine Wilhelmy
M. Dumez (Vincent) : Merci
beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mme la porte-parole officielle de
l'opposition, on est ravis d'être avec vous ce matin puis d'inaugurer ces
audiences.
Peut-être pour se présenter de façon plus
globale au départ, Catherine et moi, on est des patients partenaires. C'est des
termes que vous allez entendre... dont vous allez entendre parler à quelques
reprises. On est... on a un rôle un peu
particulier dans le système de santé. Nous sommes des gens qui construisons de
l'intérieur, on est à l'interstice du monde de la santé et du monde des
patients. On n'est pas des représentants patients, je pense, c'est bien
important de le dire, on ne représente pas une voix collective. On est avant
tout des patients très expérimentés, parce qu'on est des patients atteints de plusieurs maladies chroniques qui ont, à
travers leur vie, eu, justement, à faire la part des choses entre
recherche, confidentialité et autres. Donc, ce qu'on vous amène aujourd'hui,
c'est notre profonde expérience du système, les nombreuses discussions aussi.
On a, et Catherine et moi, contribué, depuis plusieurs années maintenant et
encore dernièrement, à différentes réflexions avec nos collègues chercheurs,
décideurs et nos collègues patients partenaires autour de cette question des...
de l'accès aux données de santé.
C'est une journée très importante, ce démarrage
de l'audience, pour nous. C'est un projet qui est très attendu. Il est très attendu par les chercheurs, mais...
par les décideurs de la santé, bien entendu, mais aussi il est très attendu par
les citoyens comme nous. Je vous rappelle que les patients atteints d'une
maladie chronique, au moins une maladie chronique, c'est un peu plus de
50 % de la population, donc on est... c'est loin d'être négligeable. Et
l'accès à nos données est quelque chose sur lequel on... à laquelle on pense
sur une base régulière, que ce soit l'accès par d'autres ou l'accès par
nous-mêmes, et je vais avoir l'occasion d'y revenir.
On est heureux aussi d'être là ce matin parce
qu'on a souvent servi de faux prétexte à certaines barrières bureaucratiques.
On a souvent prétexté la résistance des patients à l'accès aux données. Donc,
c'est des choses sur lesquelles, encore une fois, on a beaucoup réfléchi et on
s'est beaucoup... on s'est beaucoup exprimé dans les dernières années. Je pense
qu'il faut vraiment faire le tri des choses. On sait que les enjeux de
confidentialité sont des enjeux importants, majeurs qui, bien entendu,
Catherine et moi, vous le verrez, nous touchent énormément. Mais on sait
aussi... on sait aussi qu'au niveau de... qu'aujourd'hui on a des moyens, il y
a des façons, des mécanismes qui permettent de garantir un certain niveau tout
en restant agiles et flexibles, et je pense que c'est cet équilibre-là qu'il va
falloir trouver tout au long de... qu'il va falloir trouver tout au long des
discussions sur ce projet de loi.
• (10 heures) •
Rapidement,
je suis un patient atteint d'hémophilie A sévère, donc, l'hémophilie est
une maladie rare, donc, ça veut dire que je suis né avec l'hémophilie. Je
côtoie chercheurs et cliniciens depuis que je suis né, j'ai participé à des dizaines d'essais cliniques. Et je suis
aussi... j'ai été contaminé dans les années 80 par le VIH et
l'hépatite C, comme beaucoup de mes pairs, donc j'ai connu
d'autres... d'autres types de contexte de la recherche. Si je suis vivant
aujourd'hui et en bonne santé, c'est grâce à la recherche. J'ai commencé les
traitements VIH dans le milieu des années 90, à Montréal, avec
14 pilules, j'ai une pilule aujourd'hui, et je faisais 200 accidents
hémorragiques par an et je n'en fais plus... je n'en fais quasiment plus maintenant.
Alors, j'ai bénéficié considérablement des résultats de la recherche et des
efforts de la recherche, et c'est pour cette raison qu'aujourd'hui je viens,
d'une certaine façon, à la fois soutenir ce projet de loi qui, vous le verrez,
je pense... qu'on estime est un projet intelligemment construit, en tout cas,
une base intéressante de discussion pour les prochaines semaines, mais aussi,
bien entendu, amener, porter un certain nombre, peut-être, de mises en garde ou
de questionnements que nous avons. Catherine?
Mme Wilhelmy
(Catherine) : Pour ma part, moi, j'ai vu ma mère, il y a 35 ans, avoir
les pires effets secondaires des traitements du cancer, être opérée à maintes
reprises puis être mutilée à chaque fois, puis elle a fini par en être... par
en mourir. Puis, quand j'ai eu le cancer moi-même, même si j'avais une forme de
cancer du sein qui est plutôt rare puis qui a un faible taux de survie, pour
moi, il y a eu beaucoup plus de peur que de mal. Je suis tombée des nues quand
j'ai vu que les effets secondaires n'étaient pas plus pires que ce que j'avais,
puis c'est... qu'on se comprenne, je ne suis pas en train de dire que les
effets secondaires pénibles et graves, avec de la chimio... que ça arrive... ça
arrive, mais, dans la majorité des cas, les gens vivent ça plutôt... c'est
tolérable, disons, ça se fait. Ce n'est pas une partie de plaisir, mais ça se
fait, et ce que j'essaie de dire, c'est que j'ai été aux premières loges, moi,
pour constater les progrès qu'il y a eu dans les traitements du cancer, puis,
pour moi comme pour bien d'autres, bien, merci, recherche, sans ça je ne serais
pas là.
Puis, quand on sait,
par contre, qu'il y a juste 4 % de taux de participation aux essais
cliniques en oncologie, bien, c'est clair qu'il fallait faire quelque chose
pour que la recherche soit plus faisable pour les chercheurs, puis, dans ce
sens-là, bien, on veut saluer l'initiative du gouvernement, qui a choisi de
travailler en mode coconstruction. Entre le moment de la première mouture du
projet de loi puis celle qui est déposée aujourd'hui, les améliorations sont notables, puis sont satisfaisantes, puis ça
fait foi d'une réelle ouverture à avoir une conversation avec les personnes
concernées. Est-ce que c'est parfait? Sûrement pas. Ces audiences-là vont
sûrement permettre de mettre en lumière toutes sortes d'affaires qui sont
importantes à considérer, puis c'est tant mieux. C'est ça, la beauté de notre
système.
Tout ça dit, on pense
que le projet de loi qui est déposé, c'est un pas dans la bonne direction, puis
ça va permettre d'avoir une recherche où on donne aux chercheurs les moyens de
faire quelque chose d'autre avec les ressources qui leur sont octroyées que
chercher des données à utiliser pour tester leurs hypothèses. Mais, pour
arriver à un résultat comme ça, il va falloir être hyperprudents au niveau des
choses éthiques. Il faut absolument qu'il y ait des conditions qui sont solides
au plan législatif pour que tout le monde puisse faire leur travail le plus
efficacement possible, en assurant la sécurité aux citoyens quand ils donnent
accès à leurs données de santé.
Est-ce que... Pardon,
je laisse la parole à mon collègue.
M. Dumez
(Vincent) : Dans cette optique, je tiens aussi à souligner le travail
de coconstruction qui a été fait dans les
derniers... dans la dernière année, année et demie. Vraiment, bravo! Ce n'est
pas souvent qu'on voit ça. Donc, bravo aux équipes du sous-ministre
Kobrynsky pour l'effort qui a été fait. On a été plusieurs à être sollicités ou
à être consultés.
Et d'ailleurs, de ce
qui est ressorti, un des éléments qu'on voulait mettre de l'avant, qu'on mettra
de l'avant aussi dans le mémoire qu'on va déposer aujourd'hui, c'est cette
question que c'est de... ce qui est intéressant, c'est qu'elle parle d'un pacte
social, hein, puis ce pacte social là, il est extrêmement important, c'est le
pacte social qui dit, d'une certaine façon, qu'en tant que citoyen je suis prêt
à donner un accès agile et flexible à mes données de santé pour des fins de décision, de recherche, mais en
contrepartie, par souci d'équité et de réciprocité, vous me garantissez
le retour de... en retour le même droit que ces données puissent éventuellement
alimenter mon propre processus de décision lorsque nécessaire.
Donc, dès les
premiers articles, dès les premiers chapitres du projet de loi, il y a cette
reconnaissance de la réciprocité, et j'espère vraiment que cette réciprocité va
être... ne va pas être entravée durant les discussions, mais qu'elle va être
préservée, parce que c'est le fondement même du pacte social avec la population.
Je vous rappelle qu'il y avait... un des outils les plus précieux qui est
ressorti qui démontre cette capacité d'accès à l'information par les citoyens,
c'est le fameux Carnet santé qui a été mis en place il y a quelques années et
qui, justement, a été une preuve assez importante de l'engagement du
gouvernement québécois à redonner aux patients et aux citoyens l'accès à leurs
données de santé. C'est des efforts qu'il faut continuer et qu'il faut
certainement pousser beaucoup plus loin, mais, dans le coeur de ce projet de
loi, il y a cette idée du pacte social.
Est-ce qu'on aurait
pu aller plus loin? Oui, éventuellement, on aurait pu aller jusqu'à une... je
dirais, une reconnaissance qui est nécessaire pour... que la donnée suive le
citoyen, par exemple, qu'elle soit toujours... que le citoyen soit... que ce ne
soit pas le citoyen qui... la donnée, mais que c'est la donnée qui suive le
citoyen ou, encore une fois, aller même jusqu'à la question de savoir est-ce
que la donnée est la propriété du citoyen et non du gouvernement. On aurait pu
aller jusque-là, mais je pense qu'on n'est pas prêts encore aujourd'hui à aller
jusque-là, mais c'est des questions qui sont
présentes et qui pourraient pousser éventuellement la réflexion plus loin à un
moment ou à un autre.
L'autre élément
important dans ce projet de loi, c'est la question de la transparence. Ce qui
va nous permettre d'avoir une certaine flexibilité, ce qui va nous permettre,
je pense, en tant que citoyens, de laisser de la place, je dirais,
à une agilité en termes d'accès à nos données, c'est la nécessité d'être
transparents, transparents à travers le processus de consentement, bien
entendu, et puis transparents par rapport à la capacité de reddition de
comptes. Alors, dans tous les cas, ce qui
est, d'ailleurs, enchâssé dans cette loi, à la fois au niveau du consentement
et de la reddition de comptes, c'est
assez clair, mais, bien entendu, doit être attaché à ça une question de
littératie, une question d'éducation populaire non seulement sur la façon
d'accéder à l'information, mais aussi sur, encore une fois, ce processus de
reddition de comptes aux citoyens, que ce
soit en matière d'accès, de délai d'accès, que ce soit en matière d'impact des
données ou que ce soit, encore, en termes d'incidents. Alors, tout va tenir
dans l'application au niveau de la transparence. Les bases sont là dans
le projet de loi, mais, sans transparence, il va être difficile de vraiment
réaliser ce pacte social et de le faire dans la confiance.
On a vu aussi dans ce
projet de loi toute la question autour de la sécurité de ces données. Je pense
qu'il y a un certain nombre de mécanismes qui sont mis en place, aux
définitions du rôle de la CAI, notamment, et d'autres, et de fonctions qui vont
être ajoutées. On voudrait simplement, ici, lever quelques drapeaux en se
disant : Attention, c'est... par exemple, le positionnement de la
Commission d'accès à l'information est un... de ce que... la façon dont on le comprend, bien, il pourrait être interprété
de plein de façons différentes. C'est un rôle de surveillance dans ce cadre-là,
un rôle plus en aval qu'en amont, donc, bien
important pour nous, et c'est la même chose pour l'ISQ, de faire attention
de bien clarifier le positionnement de ces rôles-là.
On a déjà, en amont
des processus de recherche, énormément de mécanismes qui viennent protéger le
citoyen, que ce soient les comités de recherche... les comités de la recherche,
que ce soient les règles imposées par le FRQS
ou les IRSC et que ce soient les règles même au niveau des établissements, la
responsabilité des établissements. Donc, il y a déjà un certain nombre
de garanties en aval qui font en sorte qu'on peut certainement être plus en
confiance sur un accès agile et flexible à la donnée des citoyens sans pour
autant rajouter en plus des mécanismes qui sont déjà existants et qui
pourraient venir alourdir davantage le système.
Donc, c'est un peu
ambigu dans la loi. Il y a des choses, éventuellement, à clarifier là-dedans,
notamment le chevauchement entre la
loi n° 3 et la loi n° 25
au sujet notamment du rôle de certains organismes régulateurs. J'imagine
que certaines autres personnes vont venir en discuter beaucoup plus
intelligemment que moi dans les prochains jours.
Catherine, je te
laisse aller sur la gouvernance.
Le Président
(M. Simard) : Peut-être en conclusion, s'il vous plaît.
M. Dumez
(Vincent) : Oui, on va être en conclusion.
Le Président
(M. Simard) : Merci.
• (10 h 10) •
Mme Wilhelmy
(Catherine) : Au niveau de la gouvernance, on trouve très important
d'inclure les patients dans cette équation-là, dans la façon de gouverner le
système de gestion du réseau d'information de la santé au Québec. C'est des
joueurs qui sont importants et qu'il va falloir inclure, autant les
représentants des usagers que les patients partenaires. À ce chapitre-là, il y
a une communauté au Québec, la communauté Expériences, qui peut être un terreau
fertile pour aller chercher ce type de ressource là.
On voulait aussi
porter à votre attention l'article 103, qui propose la destruction de
renseignements au-delà d'un certain temps. C'est très important, pour ça,
d'avoir l'accord de la communauté scientifique puis aussi des patients, parce
qu'autant dans le cas des patients comme Vincent que comme moi, détruire les
données, ça peut être périlleux. Pour un
patient qui a une récidive de cancer 15 ans plus tard, avoir accès à ses
données de santé, ça peut être très
précieux, c'est une documentation qui aide à l'«empowerment» des patients, puis
évidemment, dans la recherche, c'est très important.
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Alors, merci.
M. Dumez
(Vincent) : Peut-être un dernier point au niveau de la gouvernance
patient, l'importance...
Le Président (M. Simard) :
Bien, très, très rapidement, parce que vous avez largement dépassé le temps
qui vous est dévolu.
M. Dumez (Vincent) : Très
rapidement. La question, donc, des patients partenaires, mais aussi de la
participation des associations de patients et des associations d'usagers
dans la gouvernance, c'est le lien avec le citoyen et c'est la base de
confiance. Un grand merci de nous avoir écoutés.
Le Président
(M. Simard) : D'accord. Bien, on pourra revenir, hein, puis
étayer davantage dans la période d'échange que nous amorçons. M. le ministre,
il vous reste 12 min 50 s.
M. Caire :
Je veux... J'ai une quantité impressionnante de questions. Je pense, je
n'aurai pas le temps...
Vous parlez
d'équilibre entre la protection des renseignements personnels et la mobilité de
la donnée. Ma collègue de l'opposition
officielle est avocate. Je suis informaticien. Vous comprendrez qu'on n'a
probablement pas la même définition de ce qu'est l'équilibre entre les
deux. Vous situez où cet équilibre-là par rapport au projet de loi? Est-ce que,
dans sa forme actuelle, vous pensez qu'il atteint cet équilibre-là ou vous
pensez qu'il y a peut-être des modifications à apporter?
M. Dumez (Vincent) : Je ne
suis pas... Moi, en ce qui me concerne, je crois qu'il pose des bases
intéressantes pour qu'on trouve un
équilibre dans son application. Maintenant, il y a des pièges aussi, parce
qu'une loi, ça s'interprète et ça se ramène... mais je pense... moi,
j'estime que ce projet de loi trouve un certain équilibre... enfin, pose les
bases pour qu'on trouve un certain équilibre dans cette balance nécessaire.
M. Caire :
Mais ma question est : Est-ce qu'on maintient le projet de loi dans sa
forme actuelle, ou vous verriez des modifications à apporter? Parce que je comprends
ce que vous me dites, il jette des bases, mais on veut plus que des bases. Je
veux dire, c'est une législation qui va avoir un impact majeur, on veut trouver
cet équilibre-là. On n'est pas... Puis vous comprendrez qu'un projet de loi de
cette nature-là, là, je pense que les collègues vont être d'accord, on ne
refera pas ça à chaque législation, là. Donc, est-ce qu'on a cet équilibre-là
ou il y a quand même des éléments à apporter pour le retrouver, cet
équilibre-là?
M. Dumez
(Vincent) : En ce qui me concerne, je pense qu'on est à l'équilibre.
Catherine?
Mme Wilhelmy
(Catherine) : Je pense aussi. Je ne suis pas informaticienne, mais il
y a quelque chose aussi qui relève du gros bon sens. On fait nos transactions
bancaires sur Internet, je pense qu'on peut se fier à notre gouvernement. On se
fie à des Google, Facebook, «name it», pour avoir toutes nos données
personnelles, alors je pense qu'avec un gouvernement qui est ouvert à s'asseoir
avec ceux qui sont les parties prenantes intéressées autour de cette
question-là... je pense qu'il y a les bases amplement nécessaires pour avoir
confiance.
M. Caire : M. Dumez,
tantôt, vous avez abordé la question de la réciprocité entre le réseau,
évidemment, et le patient, puis vous êtes allé un peu plus loin dans votre
développement en disant que ce qui serait intéressant, et vous avez conjugué au
futur, c'est que l'information ou la donnée suive le patient. Or, ma
compréhension, avec mon oeil d'informaticien, de ce projet de loi, c'est que ça
va nous permettre de le faire. Évidemment, le projet de loi est technologiquement neutre. On ne peut pas faire
un... Ce n'est pas... La nature du projet n'est pas d'être technologique,
évidemment, mais on a les bases... justement, à cause de cette mobilité-là de
l'information, on a les bases pour que ce soit le cas. Vous, vous ne semblez
pas avoir cette même perception-là. Pourquoi?
M. Dumez
(Vincent) : D'abord, oui, il y a les bases, mais ce n'est pas un
principe qui a été explicitement intégré dans la loi, cette question de...
M. Caire :
Je comprends, je comprends.
M. Dumez
(Vincent) : Donc, il y a les bases, mais, encore une fois, le diable
va être dans les détails, et est-ce que c'est quelque chose qui va être
appliqué ou qui va être mis en oeuvre ou pas, c'est une autre question. C'est
sûr que ça aurait été intéressant de l'avoir intégré comme principe dans la
loi, je pense qu'on aurait fait un progrès assez majeur. Je comprends aussi
qu'au niveau... C'est un changement de culture très important, mais c'est...
Alors, oui, il y a les bases, mais ce n'est pas là.
M. Caire : OK,
si je vous suis bien, vous dites possiblement que, législativement, on pourra
le faire dans un environnement technologique, mais vous, vous auriez souhaité
que la loi fasse une déclaration de principe sur le fait que la donnée appartient au patient, et, de ce
fait, le patient en est le seul... Je vois le... OK, je vois le... On
regardera...
M. Dumez
(Vincent) : Bien, sur la question de la propriété, c'est complexe,
hein, c'est complexe d'un point de vue légal, mais par contre que la donnée
suive le patient, qu'on ait accès à nos données en tout temps, bien entendu, si on est dans une logique aussi, par
exemple, d'approche d'autosoins, de responsabilisation, d'autonomisation,
bien entendu, on rentre dans cette... Il
faut donner la capacité aux citoyens d'accéder à leurs informations en tout
temps.
Mme Wilhelmy
(Catherine) : Il faut donner le choix. Vous savez, il y a des patients
qui ont besoin de ce genre d'information là pour être bien. Il y a des gens qui
ne peuvent pas avoir accès à ce type d'information là sans être encadrés par un
professionnel. Les gens se connaissent, ils sont capables d'opter pour une
chose ou pour une autre. Il faut respecter les choix des patients, puis les
capacités, puis les limites des patients aussi.
M. Dumez
(Vincent) : Ça m'est déjà arrivé d'ouvrir mon Carnet santé devant un
médecin pour qu'il puisse avoir accès à mes données. Donc, on voit que les
bases sont là, là, parce que lui n'avait pas accès aux données que moi, j'avais sur mon Carnet santé, donc, sur le
fameux Carnet santé. Donc, on sent que les bases sont là, mais, encore
une fois, c'est un principe qui devrait peut-être être plus affirmé, mais je
sais que c'est complexe...
M.
Caire :
...
Mme Wilhelmy
(Catherine) : ...et important. Pardon.
M. Caire :
Non, allez-y, je vous en prie.
Mme Wilhelmy
(Catherine) : J'ai envie de vous donner l'exemple d'un collègue
patient partenaire qui monte lui-même son propre dossier santé avec des
cartables, des foules de cartables, puis il a toujours avec lui le dernier. Il
s'est retrouvé sur une table d'opération à se faire dire que l'opération allait
être reportée parce qu'on n'avait pas ses derniers résultats de prise de sang.
Il a dit à l'infirmier : Allez voir dans mon casier, voici la clé, dans le
cartable, la section x, la première feuille, c'est les derniers résultats de
santé, et il a pu être opéré.
M. Caire : Si je peux me permettre,
le projet de loi... Puis là ma collègue, qui a le même défaut que moi,
c'est-à-dire d'être une informaticienne, pourra corroborer — là,
tu n'as pas le choix, il faut que tu dises oui — mais le projet de loi,
dans sa forme actuelle, va permettre la technologie... d'asseoir une
technologie qui va nous permettre de faire ce que vous dites. Ça, le projet de
loi le permet. La mobilité que ça donne à la donnée va le permettre. Je vous
parlais tantôt de l'équilibre parce que... et je pense que mon collègue de
Rosemont va vous poser des questions là-dessus aussi, et je serai intéressé à
la réponse, mais il y a aussi une question de protection des renseignements
personnels. Donc, l'équilibre est toujours là-dedans, le consentement,
qu'est-ce qu'on rend accessible à qui, bon, mais tout ça, technologiquement, se
fait. C'est pour ça que je vous posais la question : Qu'est-ce qui manque?
Puis là vous me dites : Ce qui manque, c'est une déclaration de principe,
dans le fond, parce que, sur... Les possibilités législatives, elles sont là,
mais vous voudriez voir une déclaration de principe inscrite au projet de loi.
M. Dumez (Vincent) : Oui, ce
serait idéal.
M. Caire : Je comprends, je
comprends. Mme Wilhelmy, vous avez parlé d'éthique, et, dans le projet de
loi, il est quand même spécifié, au niveau des protocoles de recherche, que ça
doit faire... il doit y avoir une validation par
les pairs, notamment au niveau des protocoles, mais aussi au niveau de
l'éthique, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Est-ce que vous
trouvez que, de ce point de vue là, le projet de loi peut être amélioré, ou
c'est un commentaire général?
Qu'est-ce qui vous amène à faire le commentaire que vous avez fait?
Mme Wilhelmy (Catherine) : C'est
un commentaire général.
M. Caire : Mais, de votre point de
vue, est-ce que... parce que c'est une question qui nous est posée puis c'est
une question qui préoccupe beaucoup. Est-ce que, du point de vue de l'éthique,
dans la recherche... est-ce que vous trouvez que le projet de loi en fait
suffisamment? Est-ce qu'on va assez loin? Est-ce qu'on va trop loin? Est-ce
qu'on est dans une situation d'équilibre?
Mme Wilhelmy (Catherine) : Non,
je ne pense pas qu'on va trop loin. Je pense que c'est une question qu'il va
falloir étayer encore plus dans les règlements, dans tout ce qui va suivre,
mais, actuellement, ce qu'il y a dans la loi, c'est correct.
M. Caire : OK. Donc, vous, vous
le feriez de façon réglementaire, mais pas législative?
Mme Wilhelmy (Catherine) : Non.
M. Dumez (Vincent) : Exactement.
M. Caire : OK, parfait. Je ne
sais pas si...
M. Dumez (Vincent) : Je pense
qu'il faut vraiment qu'on s'appuie sur... Je veux dire, au Québec, on a des
institutions de recherche qui sont extrêmement solides, qui travaillent de
façon très rigoureuse. Nous, on le voit de l'intérieur, on les expérimente au
quotidien, on travaille avec ces personnes-là. À un moment, il ne faut pas...
il faut aussi éviter d'ajouter vérification,
sur vérification, sur vérification, parce que c'est là où on va... On comprend
qu'il y a un stress, une angoisse, mais, à un moment ou un autre, il faut
faire aussi confiance au professionnalisme des gens. Puis on est quand même... moi, je suis dans... je
travaille à l'intérieur du système de santé depuis quelques années maintenant
et j'avoue que j'ai une confiance quand même assez importante dans cette... sur
leur capacité à identifier des enjeux potentiels d'éthique, oui.
• (10 h 20) •
Mme Wilhelmy (Catherine) : Puis,
de plus en plus, on voit, dans les comités d'éthique, de la participation de
citoyens, de patients partenaires, et ça amène...
M. Dumez (Vincent) : Une
garantie supplémentaire.
Mme Wilhelmy (Catherine) : ...ça
couvre l'angle de la perception des citoyens.
M. Caire : Mme Wilhelmy,
je vais vous en poser une petite dernière, parce que je vous avoue que vous
êtes venue me chercher quand vous avez parlé de la destruction à la fin du
cycle de vie. Mon collègue de Rosemont s'en souviendra, c'est un débat que nous
avons eu dans le cadre d'un autre projet de loi que nous avons adopté, et vous,
vous semblez dire que la communauté scientifique devrait avoir un mot à dire.
Je vous avoue que... Puis là, sincèrement, je veux vous
entendre parce que je concilie mal le fait que la donnée appartient au patient,
et donc, de ce fait, si moi, je veux qu'on détruise mes informations, je veux
dire, personne n'a rien à dire, et le fait qu'on doive consulter la communauté
scientifique avant de le faire. J'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu
votre point de vue, parce que, là, vous... la frontière est mince entre
déposséder le patient de ses données, de ses renseignements de santé...
J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Wilhelmy (Catherine) : Sans
déposséder le patient, je pense, encore une fois, que ça prend un dialogue.
Est-ce qu'une recherche pourra être invalidée parce qu'on n'aura plus accès aux
données? Est-ce que la continuité d'un projet de recherche peut être mise en
jeu? Est-ce... Tu sais, c'est la santé collective, aussi, qui est en jeu
là-dedans. Il y a la...
M. Caire : Bien, normalement, le
protocole de recherche va se baser sur une donnée qui est jugée accessible
selon les critères qu'on... Donc, la donnée qui va servir à un protocole de
recherche ne sera pas de la donnée qui va être susceptible d'être détruite. La
donnée qui est susceptible d'être détruite, techniquement, c'est une donnée
pour laquelle le cycle de vie est arrivé à sa fin utile et pour laquelle il y a
une obligation dans la protection des renseignements personnels, puis c'est là,
M. Dumez, où on parlait d'équilibre.
Donc, dans la protection des renseignements personnels,
la chose à faire est de détruire l'information. Pour d'autres informations, ça va être de les anonymiser et de permettre
d'avoir ces banques de données là pour les chercheurs. Mais est-ce que
vous n'avez pas l'impression qu'on parle de deux choses différentes, dans les
faits, là? C'est parce que je trouve ça... je vous le dis comme je le pense,
là, je trouve ça dangereux de donner à d'autres personnes que le patient le
pouvoir de gérer ses données. C'est là où je pense que l'équilibre sur la protection
des renseignements personnels... On serait peut-être limite un peu, là, vous ne
pensez pas?
M. Dumez (Vincent) : Peut-être
que j'ai mal compris l'article 103, mais c'est... bon, si un citoyen veut
qu'on détruise ses données, et je pense que... bien entendu, il y a... je crois
qu'il faut, bien entendu, intercéder, mais l'enjeu c'est que, dans l'article,
on a comme l'impression qu'après un cycle de vie ce n'est pas forcément de la volonté des citoyens de les détruire, ça peut être
différents facteurs qui vont amener à la destruction de ces données-là. Et c'est vrai que nous, comme patients, on sait à
quel point... Par exemple, pour moi, patient hémophile, la profondeur
historique des données, par exemple, est quelque chose d'important. Donc, si
des données devaient être détruites de façon massive, et qu'on ne puisse plus y
avoir accès, et que ça nous enlève l'accès à une partie de notre historique, alors là, encore une fois, on a une perspective
très, très... peut-être très centrée sur notre vie de patient. Mais moi, je
trouve que l'article 103 n'est pas très clair.
Donc, moi, je crois que, si un patient demande à
ce que ses données soient détruites, il faut qu'elles soient détruites. Ça, je pense qu'il n'y a aucun doute
là-dessus. Par contre, si c'est un autre critère qui amène à cette question de
la destruction, je pense qu'il y a des
questions à considérer là-dedans, et certainement que l'anonymisation pourrait
être quand même aussi une solution extrêmement intéressante. Est-ce qu'on peut
garantir un anonymat à long terme? Ça, c'est une grande question, mais
peut-être qu'avant d'arriver à un processus de destruction réfléchir à comment
on pourrait conserver... En santé, en tout cas, les historiques de données sont
essentiels.
M. Caire : Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci.
Je cède maintenant la parole à la députée de Mont-Royal—Outremont, qui dispose d'environ
10 min 30 s.
Mme Setlakwe : Je vous remercie
tous les deux pour vos interventions ce matin. En fait, votre éloquence puis
les cas que vous avez vécus, tous les deux, sont très importants, là, d'être
mis de l'avant pour qu'on saisisse bien les enjeux, les objectifs et qu'on
puisse vérifier, nous, de notre côté, si les objectifs sont atteints.
Il y a beaucoup de questions qui ont été déjà
couvertes par M. le ministre. Moi, ma question, c'est vis-à-vis la recherche,
parce que tous les deux, vous avez mentionné que n'eut été de l'avancement de
la recherche, le progrès à ce niveau-là, vous auriez, aujourd'hui, souffert
beaucoup plus ou vous auriez eu des séquelles, vous auriez eu des effets
secondaires, vous prendriez plus de médicaments, on le comprend tous. Et donc,
pour vous, juste revenir sur l'aspect recherche et l'agilité qui est offerte
aux chercheurs dans le projet de loi, est-ce que vous êtes satisfaits à ce
niveau-là? Est-ce qu'il y a des choses à clarifier ou est-ce que... Je pense
qu'il y a une partie qui est... en tout cas, c'est ma compréhension, là, qui
est couverte par le projet de loi, mais est-ce qu'il y a aussi — puis
là peut-être que je déborde — une question de valorisation de la
recherche, qui n'est pas adéquate, au sein de la population? J'aimerais ça vous
entendre élaborer un petit peu plus sur la recherche.
Mme Wilhelmy (Catherine) : Oh
mon Dieu! Ça prend beaucoup plus d'éducation populaire sur la recherche, les
bienfaits de la recherche. Il y a comme une crainte automatique chez la
population par rapport à la recherche, alors que c'est grâce à la recherche
qu'on vit aussi longtemps, qu'on est bien aussi longtemps. Il faut avoir accès
à la recherche, peu importe où on en est au Québec. Quand on... Vincent et moi,
on a été traités dans des centres hospitaliers universitaires où la recherche,
ça va de soi. J'ai été sur des essais cliniques, Vincent, je ne sais pas,
probablement, ça... mais c'était... il me semble que ça... en tout cas, c'est
une autre paire de manches, là, mais il me semble que ça doit faire partie du
parcours de soins, des options de traitement. Or, ça ne l'est pas, puis c'est un
peu mystérieux pour la plupart des gens, et ça ne devrait
pas l'être. Il faut démystifier cet environnement-là et le rendre beaucoup plus
accessible pour la population pour que les chercheurs puissent avoir des plus
grands bassins de population dans leurs études.
M. Dumez (Vincent) : Je pense
qu'il faut valoriser la recherche puis il faut valoriser le processus de
recherche. On a un processus de recherche extrêmement rigoureux, actuellement,
au Québec. On a... Moi, je suis extrêmement fier de ce que je vois au
quotidien, de ce que j'observe, que ce soit dans les établissements, que ce
soit dans le niveau de questionnement constant qu'on a dans cette
préoccupation. Il y a une vraie préoccupation de la protection de la
confidentialité, de la... du travail sur le consentement. Ces dernières années,
on a travaillé sur la... à coconstruire ensemble des formulaires de
consentement pour que ce soit plus... justement plus facile d'accès par les patients, qu'ils comprennent mieux, qu'on ne soit
pas dans des logiques de «tokenism» au niveau... On dit : Bien, on fait signer
un consentement, mais personne ne le comprend, donc on le signe sur le coin
d'une table et, en bout de ligne, on ne sait pas ce qu'on a signé.
Donc, il y a énormément de choses sur lesquelles
on... qui ont été travaillées ces dernières années qui font en sorte qu'effectivement il faut que la population
soit plus au courant de ça puis fasse confiance au processus de recherche en
lui-même. Ce n'est pas suffisant, on est d'accord, mais le projet de loi qui
est là, actuellement, redonne cette confiance au processus, redonne une certaine confiance aux chercheurs, tout en
mettant de l'ordre dans les mécanismes de protection.
Donc, tel que c'est là... Encore une fois, c'est
son application, hein, c'est dans son application que ça va se faire, mais, tel que c'est là, je pense qu'il y a
une base pour trouver un équilibre qui est extrêmement intéressant. J'ai devant
moi l'article 39, notamment, sur les chercheurs liés et leur capacité à
accéder à de l'information, etc., donc il y a cette agilité, cette protection
qui est là dans ce projet de loi. Elle est là aussi, encore une fois, parce
qu'elle a été très travaillée en collégialité, hein? Je tiens à le redire, il y
a beaucoup des éléments qui sont là qu'on a... sur lesquels on a eu l'occasion
de discuter ou d'être consultés à de nombreuses reprises pour arriver à une
forme d'équilibre.
Le problème de cette loi-là, maître — et je
dis «maître», je m'adresse à vous comme une avocate — c'est
qu'il y a beaucoup de sujets à interprétation, bien entendu, donc, dans son
application, il va falloir être très vigilants et il va falloir l'expliquer aux
citoyens. Il va falloir bien l'expliquer aux citoyens, bien expliquer les
mécanismes, justement, les mécanismes qui les protègent, les mécanismes qui
leur permettent... les mécanismes de reddition de comptes, les mécanismes qui
leur permettent d'avoir des recours en cas d'incident ou en cas d'anxiété.
Donc, il y a une éducation populaire importante à faire auprès des citoyens sur
ces questions-là.
Mme Wilhelmy (Catherine) : Puis
je pense que d'utiliser les citoyens, les patients qui sont déjà impliqués en
recherche, qui font déjà du partenariat patient en recherche, ça peut être un
outil intéressant pour démystifier la recherche, on est à l'intérieur, on est
avec des équipes de recherche, on voit comment ça se passe. Je pense au projet
CLARET d'Annabelle Cumyn, qui a fait une étude avec... auprès de la population
et avec des patients partenaires pour évaluer la réception de la population par
rapport à l'accès aux données, bien, il est sorti, là-dedans, toutes sortes de choses super intéressantes, notamment sur le
fait que la population est très ouverte à la recherche scientifique qui se fait
dans nos institutions universitaires. Alors, ça, il faut l'amener ailleurs, il
faut l'amener sur la place publique, il faut que les gens en soient conscients.
Mme Setlakwe : On vous entend
très bien sur cet aspect-là. Merci. Non, pas d'autre question pour moi, pour le
moment. Merci encore.
Le Président (M. Simard) : Je
cède maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Combien de temps?
• (10 h 30) •
Le
Président (M. Simard) : Bien, techniquement, quatre minutes, mais...
attendez, pardon, 10 min 45 s — c'est la grande technologie — parce
que le temps de l'opposition qui n'est pas pris par le Parti libéral vous est
dévolu.
M. Marissal : Ah! merci, M. le
Président. Bonjour. Bonjour, vous deux. Merci de votre témoignage.
M. Dumez (Vincent) : Bonjour.
M. Marissal : Navré,
M. Dumez, de savoir que vous avez été contaminé dans les années 90
par le scandale du sang contaminé. Par contre, vous êtes tous les deux la
preuve vivante et, j'insiste, survivante que la recherche, effectivement, et le
système de santé ne fait pas que des fiascos. Parce qu'on parle beaucoup des
fiascos en santé, croyez-moi, je suis
critique en matière de santé, mais ça fonctionne aussi parfois. Parfois, il y a
des gens qui, comme vous, peuvent
vivre et vivre une vie saine et entière, puis je suis heureux que vous soyez
ici pour partager votre témoignage et votre expertise.
Maintenant, M. Dumez, vous avez parlé...
C'est Dumez, hein?
M. Dumez (Vincent) : Exactement.
M. Marissal : Je ne déforme pas
trop?
M. Dumez
(Vincent) : Non, pas du tout, pas du tout.
M. Marissal : Vous avez parlé,
tout à l'heure, de chevauchement entre la loi n° 3
et 25. Je n'ai pas la mémoire d'un logiciel, là, 25, ça me dit vaguement
quelque chose, mais c'était dans la législature...
M.
Caire : ...
M. Marissal : 64 qui est
devenue 25. Le ministre me souffle les réponses, ici, ça va accélérer mes
questions. Pouvez-vous me parler des fameux chevauchements, donc, entre le 3 et
le 25 dans l'optique, M. Dumez, Mme Wilhelmy, d'améliorer le produit
qui est devant nous? Hein, c'est ce qu'on fait ici aujourd'hui.
M. Dumez (Vincent) : Oui. Bien,
en fait, le projet de loi n° 25, donc, c'est sur le... un projet de loi
sur la protection de la vie privée. Donc, notamment, je ne vais pas rentrer
dans les détails, mais le rôle de la Commission d'accès à l'information doit
être arrimé entre 25 et 3, hein? Donc, on n'est pas dans les mêmes... on n'est
pas dans les mêmes... tout à fait dans les
mêmes rôles, ce n'est pas explicité de la même façon. Donc, c'est quand même un
des éléments assez majeurs de ce point, de cet élément-là.
Encore une fois, l'idée, ce n'est pas de dire de
voter un projet de loi n° 3, à qui on donne une certaine agilité et
flexibilité, pour qu'une autre loi vienne lui cristalliser un certain nombre de
choses. Actuellement, il y a... et mes co-collègues chercheurs devraient vous
en parler, il y a des blocages, actuellement, assez importants dans le système,
sous prétexte de la loi n° 25. Donc, il y a... Encore
une fois, on cherche quelque chose, on cherche un équilibre, et ce projet de
loi, ce qu'il propose, c'est justement un équilibre de ce type-là. On rajoute
quand même une organisation de surveillance, on repositionne le rôle de la CAI,
qui, d'après moi, est un rôle en aval, qui est intéressant, qui a un rôle de
vérificateur. Je pense que c'est parfait comme ça. Effectivement, c'est un rôle
sur lequel le public va pouvoir se relancer. Il y a des organisations qui
s'occupent des vérifications en amont du processus. Ce projet de loi aussi leur
reprécise bien, fait confiance aux mécanismes actuels de la recherche au Québec
et au Canada, puisque beaucoup des chercheurs sont sous l'égide de ces deux
groupes-là.
Donc, cet
équilibre-là est bon. Si on a, encore une fois... si les... Puis je connais moins
le rôle de l'ISQ, j'avoue, mais au niveau de la CAI, je pense qu'au
niveau du positionnement de la CAI il faut absolument que les rôles... que ce
soit bien arrimé et qu'on se comprenne bien sur à quel moment ça intervient et
pourquoi.
M. Marissal : OK. Pour être sûr
de comprendre, là, vous voyez le rôle de la CAI en aval, donc un rôle de
vérification, et non pas en amont et même comme loi parapluie qui devrait
dicter la marche à suivre à tous les autres?
M. Dumez (Vincent) : Oui. Si
vous faites ça, vous allez rajouter une couche de processus de vérification en amont. Et ce que vous dites, grosso modo, d'après
moi, c'est que vous ne faites pas confiance aux processus en amont,
alors à quoi ça sert d'avoir des processus en amont?
Et ces processus-là sont mis en place par des
experts de la recherche, hein? Encore une fois, on est... je ne cesserai de le redire, je suis... je côtoie à la
fois des chercheurs et des personnes en gouvernance de la recherche au Québec tous
les jours, on a un système extrêmement rigoureux. En plus, comme le disait
Catherine, aujourd'hui, vous imaginez qu'en plus, en amont, aujourd'hui, il est
extrêmement difficile de se faire financer de la recherche au Québec et au Canada sans avoir des patients
partenaires de recherche. Donc, on a des citoyens impliqués dans la grande
majorité des projets de recherche, dès les élaborations de protocoles et les
rédactions de consentement. Donc, des protections, on en a, on en a beaucoup,
et beaucoup ont été renforcées dans les dernières années.
Alors, attention de faire en sorte... il faut
considérer ça. On ne peut pas juste dire : C'est comme avant, puis on garde la même chose, puis on... Il faut faire
confiance à nos institutions en santé. On se comprend, comme vous l'avez
dit, il y a beaucoup de chaos, il y a beaucoup de choses, peut-être, qui se
passent moins bien, c'est peut-être l'opinion qu'a
la population, en ce moment, du système de santé, mais, au niveau de la
recherche, on a un système solide, au Québec, duquel on doit être fiers
et sur lequel on doit absolument s'appuyer.
M. Marissal : OK.
Intéressant, ça apporte une nouvelle perspective. Vous avez dit, tout à
l'heure, Mme Wilhelmy, qu'on
fait des transactions bancaires sur Internet. Moi, je vous dirais que ça cause
aussi des fuites massives de données, comme
on a vu chez Desjardins, puis des vols d'identité, puis des vols de données. Je
suis un des nombreux chanceux, au Québec, à qui c'est arrivé. Puis je ne
dis pas ça pour faire peur au monde, là, mais la donnée, la donnée primaire,
elle a une valeur, elle a une valeur mercantile.
Alors, vous me voyez venir, là, et le ministre
m'a vu venir, il me connaît bien, je pense, là, la donnée, là, elle appartient
au patient, l'État en est le fiduciaire. Après ça, elle appartient au patient
pour le patient. Bon, dans le cas extrême, un peu caricatural, c'est votre ami
qui est obligé de se promener avec son cartable à l'hôpital. Ça, ce n'est
probablement pas la marche à suivre, là, mais la donnée appartient au patient.
Ensuite, elle peut être utilisée par les professionnels
de la santé, on comprend ça et on le souhaite. Ensuite, elle peut être utilisée
par la recherche, et c'est là où il y a une nuance, quant à moi : la
recherche fondamentale, publique et pour le bien public et la recherche purement
privée. Puis on a eu des débats dans cette salle-ci, là, avec le ministre de
l'Économie, dans la dernière législature, où je crois avoir campé ma position et
la position de mon parti là-dessus.
J'aimerais vous entendre, par contre, sur
l'accessibilité et l'utilisation de données de santé à des fins soit purement
privées de recherche soit détournées vers le privé, c'est-à-dire comme ça
arrive, malheureusement, trop souvent au Québec : ça
commence dans des chaires de recherche universitaires qui sont lourdement
financées par le privé puis ça finit au privé. J'aimerais ça vous entendre
là-dessus.
Mme Wilhelmy
(Catherine) : D'abord, je suis désolée que votre identité ait
été subtilisée par des transactions bancaires, mais malheureusement,
malgré tout ça, je pense qu'il y a encore la majorité de la population qui fait
ses transactions bancaires sur Internet, malgré le danger de tout ça. Et je
m'excuse, l'idée est partie, rappelez-moi...
M. Marissal : Protection de
données personnelles, recherche privée, publique, utilisation...
Mme Wilhelmy (Catherine) : OK.
Au niveau du privé, c'est sûr que...
M. Marissal : ...en fait, à des
fins purement mercantiles. Allez-y.
Mme Wilhelmy (Catherine) : Au
niveau du privé, c'est sûr que la population est plus frileuse. L'étude dont je
vous parlais tout à l'heure, d'Annabelle Cumyn, l'étude CLARET, l'a documentée.
Et puis là-dessus j'aurais le goût de vous
rapporter les propos d'un autre collègue et patient partenaire qui
disait : Si mes données sont une mine d'or, est-ce que je peux participer aux profits? Mais c'est clair qu'il va
falloir avoir des mécanismes sécuritaires autour de ça.
M. Marissal : Est-ce
qu'on les retrouve? Parce que je vois dans votre mémoire qu'il y a des
recommandations, notamment, qui nous incitent à être un peu plus précis
sur qui fait quoi, qui a droit à quoi là-dedans. Est-ce que vous avez, dans le
projet de loi n° 3 qui est devant nous, les balises nécessaires?
• (10 h 40) •
M. Dumez (Vincent) : Je pense
qu'effectivement le projet de loi n° 3... Moi, je suis... Dans
l'hémophilie, par exemple, vous avez
beaucoup, hein... ce mariage cliniciens/pharmaceutiques, la dernière grande
innovation en hémophilie qui fait en sorte qu'aujourd'hui je ne perfuse
plus aux 48 heures, là, que j'utilise depuis quelques mois maintenant, vient de cette collaboration cliniciens,
pharmaceutiques et associations de patients — et associations de patients. Je pense... moi, je crois
que le projet de loi tel qu'il est défini là fait en sorte qu'on ne peut pas
faire de recherches privées sans le public. Ça, c'est... je pense que ce
principe-là doit être maintenu et il doit être, je dirais, contrôlé dans le
temps, c'est-à-dire qu'effectivement on ne peut pas commencer avec...
Effectivement, beaucoup de la recherche clinique ou de la recherche
fondamentale va être financée par l'industrie, ce qui est normal, on ne pourra
pas éviter ça, puis c'est certainement...
c'est ce qui donne aussi du pouvoir, un pouvoir important à nos capacités de
recherche, on l'a vu pendant la période de COVID. Mais maintenant il faut, de
la même façon... il faut que les mécanismes de surveillance qui sont
exprimés dans la loi s'appliquent aussi à s'assurer que cette condition-là est
maintenue.
L'autre chose, encore une fois, ce qui va nous
aider là-dedans, c'est l'implication citoyenne. Il faut... C'est pour ça que, dans la gouvernance, il ne faut pas
juste qu'il y ait... Oui, il faut qu'il y ait de la recherche, il faut qu'il y
ait des décideurs, mais il faut qu'il y ait des associations de
patients, il faut qu'il y ait, éventuellement, des patients partenaires, il
faut qu'il y ait des personnes qui soient capables d'assurer un certain... des
garde-fous sur la viabilité de ce processus de collaboration. Puis, là encore,
il faut faire attention, parce qu'il ne faut pas... il ne faut pas alourdir la
chose au point... en fait, jusqu'au point de faire que, finalement, on n'a plus
de capacité... on va tuer nos capacités de recherche. Mais jusque-là ce qui se
passe, c'est qu'effectivement on va contrôler au départ, puis après on arrête
de contrôler. Alors, il faut que la surveillance se fasse en continu, et c'est
ce que propose ce projet de loi, il me semble.
M. Marissal : Je vous remercie.
M. Dumez (Vincent) : Je vous en
prie.
Le Président (M. Simard) : Alors,
Mme Wilhelmy, M. Dumez, comment dire, merci pour votre témoignage
aussi touchant que le vôtre ce matin. On espère vous retrouver sous peu.
Sur ce, nous
allons suspendre quelques minutes nos travaux afin de faire place à nos
prochains invités. Au revoir.
(Suspension de la séance à 10 h 42)
(Reprise à 10 h 51)
Le
Président (M. Simard) : Chers collègues, nous voici de retour. Nous sommes
en compagnie de Mme Joanne Castonguay, Commissaire à la santé et au
bien-être. Elle est accompagnée par Denis Roy, commissaire adjoint et scientifique principal. Alors, à vous
deux, bienvenue. Vous savez que vous disposez de 10 minutes pour faire
votre présentation.
Commissaire à la santé
et au bien-être
Mme Castonguay
(Joanne) : Merci beaucoup, M. le Président, membres de la
Commission des Finances publiques, M. le ministre de la Cybersécurité et
Numérique, madame, monsieur.
Tout
d'abord, je souhaite souligner le caractère primordial du projet de loi n° 3 pour améliorer la viabilité du système de santé et
services sociaux. Je salue le gouvernement pour ce projet de loi et remercie la
Commission des finances publiques de prendre le temps d'entendre mes
observations et mes recommandations à cet égard. À titre de Commissaire à la
santé et au bien-être, ce projet m'est d'une importance capitale. Un meilleur
accès aux données en temps opportun
permettra d'améliorer la performance du système et soutenir l'efficience du
commissaire dans la réalisation de sa mission.
Comme la commission
le sait, nous faisons face à des enjeux de financement, de ressources humaines
et de vieillissement de la population, et ces enjeux exercent des pressions
multiples sur la capacité du système à répondre aux besoins de la population.
La pandémie a mis en exergue l'impact de ces enjeux sur le système et le fait
que le Québec a tardé à les résoudre, si
bien que le système se trouve aujourd'hui, à bien des égards, dans une
situation critique. La nécessité d'améliorer l'efficience du système
pour en assurer sa viabilité ne fait plus aucun doute. Une meilleure
circulation des données aurait pour effet d'améliorer la performance du système
à plusieurs égards. Nous en avons retenu trois.
Premièrement,
l'accès aux données facilitera l'intégration des soins de santé et des services
sociaux. Actuellement, la difficile
circulation des renseignements est un frein au développement de soins et
services intégrés, malgré la volonté de le faire de tous les gouvernements
depuis les deux dernières décennies, un problème que le PL n° 3 vise à résoudre.
Deuxièmement, un plus
grand accès aux données permettra de soutenir le déploiement des innovations.
Le Québec effectue chaque année des
investissements majeurs en recherche, en développement et en transfert des
innovations. Nos chercheurs travaillent sur des projets innovants et
prometteurs, mais ils font face à des obstacles importants pour les implanter à grande échelle. L'un des obstacles
majeurs est le manque de données nécessaires pour démontrer la valeur de
leurs idées.
Troisièmement,
l'accès aux données permet l'amélioration de la gouvernance du système de santé
et services sociaux. Dans sa publication Le devoir de faire autrement,
le commissaire a fait valoir les lacunes de gouvernance du système de santé québécois. L'accès à des données
de qualité en temps opportun est essentiel pour le gouvernement s'il veut être informé des résultats de ses décisions
et des politiques qu'il met en place. Sinon, il s'ensuit une perte importante dans
les résultats des services.
Maintenant, je
souhaite parler de l'importance du PL n° 3 pour
soutenir l'efficience du commissaire dans la réalisation de sa mission.
Le commissaire est le
seul organisme public québécois indépendant responsable d'apprécier la
performance du système dans une perspective
systémique, soit les résultats atteints compte tenu des ressources consenties.
Il est donc primordial qu'il puisse accéder, sans compromis ni
ambiguïté, aux données qui lui sont essentielles pour le faire. L'analyse de la
performance du système sous l'angle de la valeur exige d'accéder aux données
granulaires et anonymisées contenues dans toutes les bases de données qui répertorient
les activités ou les interventions effectuées auprès
des patients et le type de ressources mobilisées, incluant les ressources
humaines, les technologies et les coûts.
Pour être efficace,
le commissaire doit pouvoir bénéficier d'un accès fluide, en temps opportun,
aux données requises à ses analyses. Or, bien que l'accès aux données soit la
clé pour évaluer la performance du système et son évolution, elles ne sont pas facilement accessibles, et le commissaire
note des problèmes majeurs d'accès aux données.
D'abord, le manque de
cohérence législative. La Loi sur l'assurance maladie ne mentionne pas
expressément le commissaire en tant qu'entité autorisée à accéder aux
informations détenues par la RAMQ. La RAMQ estime qu'elle ne peut pas lui
transmettre des informations, même sous forme anonymisée, malgré que la loi du
commissaire prévoie ce droit. La situation est la même pour l'obtention de
certaines données dont le ministère est détenteur. En raison de cette
incohérence, le commissaire doit recourir à des ordonnances en vertu de ses
pouvoirs d'enquête pour obtenir les données nécessaires, et cette approche par
autorisation à la pièce introduit une lourdeur administrative importante dans
la réalisation de ses travaux.
Également, l'analyse
de la performance du système exige de suivre son évolution dans le temps,
notamment pour mieux comprendre l'impact des politiques. Cela exige d'obtenir
des données longitudinales. Le commissaire doit
pouvoir conserver ces données... les données requises à ces analyses sur
plusieurs années. Or, il est tenu de signer des engagements qui l'obligent à
détruire les données transmises une fois que le projet d'analyse est terminé.
Je souhaite que l'adoption du projet
de loi n° 3 contribue à aplanir ces obstacles à la réalisation de la
mission du commissaire.
Maintenant, voici mes
réactions au projet de loi n° 3. D'emblée, je souhaite souligner trois
éléments positifs qui devraient être maintenus dans les versions à venir du
projet de loi n° 3 : la volonté de favoriser la circulation des
données entre tous les intervenants du milieu de santé et des services sociaux
tout en assurant la protection des renseignements personnels des citoyens, la
volonté de permettre à un organisme détenteur de renseignements de le conserver sous une forme anonymisée lorsque les
délais de conservation applicables à ce renseignement seront atteints et
la modification proposée à la Loi sur l'assurance maladie pour favoriser le
décloisonnement des données.
Maintenant,
j'ai aussi des préoccupations qui portent principalement sur les mécanismes
d'accès aux renseignements prévus à
l'article 65 et aux articles 72 à 82. Je résumerai ainsi le principe
qui guide mes recommandations à leur sujet : pour que le commissaire
puisse exercer sa mission en toute indépendance et en toute légitimité, une
organisation dont il doit évaluer la performance ne peut avoir le
pouvoir de lui refuser l'accès à des données essentielles pour accomplir son
mandat.
L'article 65
autorise un organisme du secteur de la santé et des services sociaux à
communiquer un renseignement de santé ou de services sociaux à une personne ou
un groupement si ce renseignement est nécessaire à l'application d'une loi au
Québec et si la communication est expressément prévue par sa loi. Mes
recommandations visent à clarifier
l'article 65 pour qu'il n'y ait pas d'interprétation possible qui
empêcherait le commissaire de l'utiliser pour accéder aux renseignements
dont il a besoin.
Voici
mes trois recommandations portant sur cet article : un, clarifier les personnes
et groupements autorisés à recevoir les
renseignements en ajoutant une précision à l'article 65 — pour
le moment, c'est flou; définir l'expression «expressément prévue» de
l'article 65 afin que celle-ci englobe de façon non équivoque les pouvoirs
du commissaire d'accéder à tous les renseignements requis pour ses analyses ou
apporter tout changement qui aurait le même effet; et prévoir... trois, prévoir
expressément, à l'article 65, l'obligation de donner l'accès aux
renseignements demandés lorsqu'une telle
obligation est prévue dans une loi — présentement,
l'article 65 utilise le vocable «peut communiquer un renseignement»
pour tous les cas. Une quatrième recommandation propose de coordonner
l'article 20 de la loi du commissaire avec le projet de loi n° 3.
Un
autre mécanisme d'accès est prévu aux articles 72 à 82, notamment dans le
cas où l'accès aux renseignements est nécessaire à l'application d'une loi au
Québec sans que sa communication soit expressément prévue par la loi.
Dans ce cas, le responsable ministériel des
renseignements doit l'autoriser. Pour une question d'indépendance, le
commissaire estime ne pas devoir être subordonné à ce mécanisme.
Je recommande donc de
soustraire les organismes ayant des fonctions relatives à l'évaluation des services
de santé et des services sociaux du pouvoir discrétionnaire du responsable
ministériel. Même si je ne souhaite pas que le commissaire passe par le
responsable ministériel les renseignements, je juge important de souligner les
écueils potentiels liés à l'implantation de cette fonction au bénéfice des
organisations potentiellement touchées. Je crains des délais de traitement dû
au volume des demandes.
Pour pallier à ce
problème, je recommande de mettre en place trois mesures : la première,
instaurer la possibilité pour les organismes demandeurs d'obtenir une
autorisation globale sur une base annuelle en fonction de leur mission et de la planification annuelle qui en
découle; prescrire un délai maximal pour la transmission des renseignements une fois l'autorisation accordée;
et instaurer un mécanisme d'appel en cas de refus par le gestionnaire
délégué.
En somme, à la
lecture du projet de loi dans sa version actuelle, le commissaire craint de ne
pas pouvoir anticiper et mesurer avec justesse les conséquences de la mise en
place des nouvelles mesures sur ses activités et sa capacité à remplir adéquatement sa mission. La commission se demande
s'il bénéficiera des modalités d'accès qui lui permettront de réaliser ses
travaux et d'exercer pleinement et adéquatement ses responsabilités en toute
indépendance. Merci beaucoup pour votre écoute.
• (11 heures) •
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous, Mme la commissaire.
Je cède maintenant la
parole au ministre, qui dispose de 16 min 30 s.
M. Caire :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, docteur. Bonjour, Mme la
commissaire. Content de vous avoir avec nous aujourd'hui.
Beaucoup
de choses, une présentation assez dense. Vous m'aviez prévenu puis vous avez
livré la marchandise, c'était
effectivement assez dense. Plusieurs
questions, plusieurs précisions aussi. Je vais commencer sur... Vous parlez
de l'accès à la donnée, vous dites : Dans mon travail, je dois avoir accès
à la donnée de façon générale, puis après ça on
ira de façon plus précise, là, quant au mandat de surveillance, d'évaluation...
bien, plus d'évaluation que de surveillance, excusez-moi, là, que vous
avez. Est-ce que vous pensez, dans ce sens-là, que le PL n° 3
fait le travail? Est-ce que vous pensez que l'accès qui est offert, la mobilité
de la donnée qui est prévue dans le PL n° 3 fait le
travail? Et je vais vous amener peut-être la contrepartie. Est-ce qu'au niveau
de la protection des renseignements personnels... parce que, tout à l'heure,
avec M. Dumez, on parlait d'équilibre, est-ce que vous pensez qu'on a cet
équilibre-là entre la nécessaire protection
des renseignements personnels... Puis mon collègue de Rosemont et moi,
là-dessus, partageons un même point
de vue, je pense, que ces données-là, particulièrement en santé, ont une valeur
importante pour beaucoup trop de gens qui sont moins bien intentionnés
que le réseau de la santé. Donc, est-ce qu'on a trouvé cet équilibre-là entre la protection des renseignements personnels,
la mobilité de la donnée et l'accès à la donnée pour que des officiers
dans votre genre puissent faire leur travail?
Mme Castonguay
(Joanne) : En fait... Bien, d'abord, d'emblée, là, je préciserais que
notre mandat, ce n'est pas un mandat de partager l'information, nécessairement,
là, surtout dans une donnée brute, avec le secteur privé et les autres.
Nous-mêmes, on n'a pas ce mandat-là.
Là, je vais essayer
de répondre à l'ensemble de vos questions, mais, bref, je vais vous mettre dans
le contexte où on a dû faire le premier mandat qui nous a été donné, confié par
le gouvernement. Ça a pris un an, au moins un an avant qu'on trouve la voie de
passage pour accéder aux données dont on avait... qu'on avait de besoin, là,
pour être capables de réaliser ce mandat-là.
On n'a pas réussi à faire l'ensemble de l'année... l'ensemble de l'analyse
quantitative à l'intérieur du mandat qui nous a été octroyé parce qu'on
n'avait pas reçu toutes les données. Et donc on a publié, au cours de l'été dernier, l'ensemble de l'analyse
quantitative liée au mandat qui nous avait été confié par le gouvernement.
Ceci dit, ça ne nous a pas empêchés de faire des recommandations au niveau des
politiques, mais on a... Bon, bref, c'est juste pour vous parler du temps et la
difficulté d'accéder, et donc on a dû avoir recours à des ordonnances.
Maintenant, est-ce
que je pense que le projet de loi va régler cet enjeu-là? Honnêtement, le
projet de loi a besoin d'être précisé quant aux articles 65 et aux
articles 72 et 82, et on a fait part, là, de ces précisions-là, là, dans
le mémoire et... Bon, en fait, on ne sait
pas si... on ne sait même pas si on serait soumis à l'article 65 ou
l'article 72 à 82, ce n'est pas clair pour nous, donc ça doit être
clarifié. Ensuite, je dirais que, pour l'accès... bien, en fait, je m'excuse,
là, je suis en train de perdre le fil de vos questions, là, pour...
M. Caire : ...c'était
une question-fleuve, donc je vais... Bien, en fait, là, je vous interrogeais
aussi à savoir comment vous voyez
l'équilibre entre la nécessaire protection des renseignements personnels, parce
qu'il y a toujours cette préoccupation-là qu'on a — qui est tout à fait légitime, soit dit en passant — et un meilleur accès à la donnée qui... donc, puis des
fois on a l'impression que la ligne entre un accès qui vient mettre en péril la
protection des renseignements personnels ou
la protection des renseignements personnels qui vient limiter l'accès... cet
équilibre-là n'est pas nécessairement facile à trouver. Donc, moi, je
vous demandais si vous retrouvez cet équilibre-là dans le PL n° 3.
Mme Castonguay
(Joanne) : Bien, je retrouve la volonté de retrouver cet
équilibre-là, définitivement. Ce que je dirais, par exemple, c'est qu'on
doit... dans ce contexte-là, là, il faut... en fait, les mesures, l'ensemble
des mesures qui vont être mises en
place vont être déterminantes sur cette capacité de protection des données.
Tout n'est pas précisé dans le projet de loi, à mon avis, là, à cet
égard. Ce que je dirais, par exemple, c'est que, quand tu... pendant qu'on est en train de prendre cette décision-là, il faut
considérer le coût de ne pas avoir accès aux données. J'ai parlé, dans...
Il y a plein, plein, plein... je pourrais vous en parler à plein des égards,
mais disons que, si on regardait l'innovation, par exemple, tout ce qui est
recherche et développement, je l'ai mentionné dans mon allocution, mais disons
que j'allais un peu vite, là, mais on investit énormément en recherche et
développement au Québec, on a beaucoup, beaucoup de succès dans nos
découvertes. Là où on faillit, c'est dans l'implantation de nos découvertes, et
on... et donc, en fait, il y a une perte de capital importante parce que nos
découvertes sont commercialisées à l'extérieur beaucoup plus facilement qu'elles sont commercialisées ici. Donc, c'est
comme faire un investissement puis de laisser aller les gains à un très
petit groupe et non à l'ensemble de la société. C'est ce que je dirais, là, en
gros. Donc, c'est excessivement important... Le coût est très élevé de ne pas
avoir accès à cette information-là. Puis ce que je dirais, c'est qu'il y a...
j'irais voir ou j'appliquerais les meilleures connaissances à l'égard de la
protection des données, et il va falloir définitivement investir à cet égard.
C'est ce que je pourrais dire, là, pour le moment.
M. Caire : Avant d'attaquer
votre commentaire sur l'article 65, vous avez dit : Je suis tenue de
détruire les données que je possède lorsque leur fin de vie utile est arrivée.
À ma connaissance, puis là-dessus je veux vous entendre, vous pouvez aussi, il me semble, les anonymiser à des fins
d'analyse. Est-ce que j'ai une mauvaise compréhension de mon projet de loi? Parce que je comprends
l'idée, puis on en a parlé tout à l'heure avec M. Dumez, puis
effectivement, lorsque la fin de vie utile est arrivée, on doit détruire
la donnée, c'est vrai, mais il y a cette échappatoire qui dit que, pour des fins d'analyse et de recherche, on peut
anonymiser la donnée et, à ce moment-là, travailler avec la matière brute,
dans les faits, tant qu'on ne peut pas la relier à un individu.
Mme Castonguay (Joanne) : Oui.
Merci pour cette question-là, elle est super importante. D'abord, on a salué
cette disposition-là dans le projet de loi puis on... notre volonté, là, ou, en
fait, notre recommandation de le préserver. Ce que je dirais, par exemple, qui
est très important, c'est que les seules données auxquelles on a accès sont
anonymisées, on n'a jamais accès aux données non anonymisées. Et en fait ça ne
nous intéresse pas, on n'a pas d'utilité
pour ça, alors c'est ce que je dirais, dans un premier temps. Et à l'heure
actuelle, à chaque fois qu'on démarre un projet ou qu'on analyse une question,
on doit obtenir l'information pour le faire et on est obligés de les effacer.
Je dois dire, par contre, là, que le mandat gouvernemental nous a donné la
possibilité de poursuivre puisque ça a été deux mandats qui concernaient la
même population, donc on a été capables de valoriser ces informations-là.
Maintenant, ça va se poursuivre aussi, là, dans les mois à venir.
M. Caire : Mais je comprends...
pour conclure, je comprends que, dans sa forme actuelle, le projet de loi
répond à une préoccupation que vous aviez, dont vous nous aviez fait part à la
dernière législature, là.
Mme Castonguay (Joanne) : Oui,
à cet égard, oui.
M. Caire : OK, je comprends.
Donc, ce côté-là, il est, à toutes fins utiles, réglé. Donc, j'irai sur
l'article 65, puis je ne vous cache pas, d'entrée de jeu, qu'une
nomenclature dans un projet de loi n'est pas quelque chose qui me sourit, mon
collègue de Rosemont ne sera pas surpris de m'entendre, parce qu'un projet de
loi, évidemment, quand on veut le modifier ou quand on veut aller chercher une
certaine souplesse, ce n'est pas nécessairement le meilleur endroit. Or, les
choses bougent, les projets de loi un peu moins. Est-ce qu'il n'y aurait pas
une autre façon?
Parce que j'entends votre préoccupation, vous
dites : Moi, je dois avoir accès à l'ensemble des données qui me sont
nécessaires. Donc, ma première question, c'est : Oui, mais est-ce que,
dans sa forme actuelle, le projet de loi dit
que vous pouvez avoir accès aux informations et aux données qui sont
nécessaires à la réalisation de votre mandat? Donc, est-ce que ça, ça ne
répond pas à cette préoccupation-là sans qu'on ait à nommer nommément, dans les
faits... excusez le pléonasme, mais le Commissaire à la santé et au bien-être
dans la loi? Est-ce que, dans sa forme actuelle, cette disposition-là de la loi
ne répond pas effectivement à cette préoccupation-là?
• (11 h 10) •
Mme Castonguay
(Joanne) : Bien, je dirais, il y a deux éléments. D'abord,
c'est que, dans la loi de la RAMQ, on
n'est pas nommés expressément. Donc, si on renvoie à la loi de la RAMQ, la RAMQ
peut décider que pour mieux répondre à son propre projet de... à sa
propre loi, doit protéger... ne doit pas nous donner accès à ces données-là,
dans un premier temps.
Dans un deuxième temps, on dit :
L'organisme «peut» nous donner accès aux données et non «doit» nous donner
accès aux données, donc il devrait y avoir une précision à cet égard. Puis en
fait ce que je dirais, en gros, c'est que la... ça demeure flou, c'est-à-dire que la façon dont le
libellé est fait, à l'heure actuelle, ça peut être interprété de toutes sortes de façons. Et, selon la personne
qui l'interprète ou l'acteur, au gré des années, ces acteurs-là changent,
bien, l'interprétation peut changer, et on peut perdre cet accès-là.
M. Caire : Vous me permettrez, je
vais paraphraser mon ancien collègue de La Pinière, je vais faire un
exercice... comment il disait ça, une pratique illégale du droit, j'ai
l'immunité parlementaire. Mais en fait... Parce que j'entends votre
préoccupation, mais, si on donne une obligation à l'organisme de communiquer
l'information... Parce qu'il y a des informations qui ne seront pas nécessaires
ou il pourrait y avoir, je dirais, une vue divergente sur, bien : Cette
information-là est nécessaire à la réalisation de mon mandat. Quelle est la
contrepartie qui va dire : Bien non, cette information-là n'est pas
nécessaire à la réalisation de votre mandat, donc je ne vous la donne pas?
Mais, si la loi dit «doit vous le donner», il n'y a comme plus de contrepartie,
là, il y a... Puis j'ai une confiance... j'ai une confiance totale en vous, Mme la commissaire, bien
évidemment, mais on est dans un mécanisme de poids et de contrepoids. Alors,
c'est quoi, le contrepoids à la Commissaire à la santé qui dit : Je veux
ces données-là? Qui va dire : Bien non, ce n'est pas nécessaire à
la réalisation de votre mandat, donc moi, je ne vous la donne pas? C'est quoi,
le contrepoids qu'on a?
Mme Castonguay (Joanne) : C'est
une excellente question.
M. Caire : Oui, je suis pas
pire, hein?
Mme Castonguay (Joanne) : Ce
que je dirais... Puis là, moi, la question que ça me fait poser... Parce que je
n'ai pas nécessairement la réponse, là, vous comprendrez que je ne suis pas
avocate, tu sais, je n'ai pas cette...
M. Caire : On a ce point-là en
commun.
Mme Castonguay (Joanne) : ...mais
ce que je dirais, c'est que la... le besoin de données change et évolue avec
les questions qu'on se pose. Dans le passé, l'évaluation de la performance des
systèmes était beaucoup limitée aux
données... en fait, on regardait la quantité des services puis on prenait pour
acquis que plus de services, c'était bon, alors qu'aujourd'hui on
regarde beaucoup plus la valeur de ces services, alors... et donc l'impact que
les résultats de santé ont eu, compte tenu,
là, des ressources qu'on a dépensées pour... Bref, ça veut dire énormément de
données, et, dans chaque question... la question est très large, on ne
peut pas spécifier d'avance qu'est-ce que c'est. Je ne réponds pas à votre
question directement, mais peut-être...
M. Caire : ...j'ai été
11 ans dans l'opposition.
Mme
Castonguay (Joanne) : Mais peut-être que c'est un... peut-être que
c'est... il faut réfléchir au dispositif qui va... je sais...
honnêtement...
Une voix : ...
M. Caire : Mais comprenez-vous?
Puis je pense que les collègues vont partager cette préoccupation-là. On vous
entend, puis je pense que tout le monde, ici, on est d'accord pour dire que
vous devez pouvoir faire votre travail sans d'irritants ou sans de... mais il n'en
demeure pas moins que, dans un système comme le nôtre, à tout pouvoir, il doit
y avoir un contre-pouvoir. Et là ce que j'entends de votre suggestion, c'est
que, dans le fond, est-ce qu'on n'est pas en train de se départir d'un
contre-pouvoir que vous nous présentez comme un irritant. Puis ça, je
l'entends, là, puis je pense qu'on est tous
appelés à réfléchir à ça. Mais il doit quand même, puis je... peut-être vous
entendre là-dessus aussi, il doit quand même y avoir un contre-pouvoir à
cette volonté-là d'avoir accès aux données. Il doit y avoir une obligation,
même pour la Commissaire à la santé, de justifier que cette donnée-là...
Mme Castonguay
(Joanne) : Est-ce que ça ne serait pas... Est-ce que ça ne se
trouverait pas dans un système d'audit, tu sais, qui s'assurerait qu'on fasse
une utilisation judicieuse des données puis qu'effectivement on les protège?
M. Caire : Je vous écoute. Moi,
je suis ici pour entendre vos... On aura ces discussions-là avec les collègues
pendant l'étude article par article, mais je vous dirais que je vous laisse
nous faire des suggestions, là.
Le Président (M. Simard) : M. Roy
souhaitait intervenir, je crois.
M. Roy (Denis A.) : Bien,
peut-être que la... Merci de la possibilité de participer à cet échange-là, donc,
c'est une question facile, c'est encore plus agréable. Mais cette question de
l'équilibre que vous avez évoquée au point de départ est centrale. Donc, il
faut, oui, pouvoir, contre-pouvoir, en fait, c'est cette notion d'équilibre que
vous incarnez.
Déjà, la
Commission d'accès est invitée à jouer un rôle de type surveillance de la
dynamique d'ensemble et de l'utilisation particulière. Clairement, elle
pourrait se pencher périodiquement sur l'article 65 et examiner dans
quelle mesure il y a des tensions qui sont
observées, il y a des cas de figure, des exemples desquels on peut apprendre et
faire que la fonction de surveillance qu'elle porte et de protection des
renseignements soit... prenne aussi cette dimension, au-delà
du renseignement en particulier, de la dynamique d'ensemble qui a été déployée
par le projet de loi n° 3. Mais la question sur l'accès en soi, il
serait... sans prévoir toutes les éventualités possibles a priori, avant même
de commencer à implanter la loi, il y a quand même des lois qui sont centrales,
comme celle du commissaire, peut-être celle
de l'INESSS, celle de l'INSPQ ne prévoit pas de modalités comme ça, l'univers
de la recherche. Donc, il y a des clients, si on veut de ces
informations-là ou des... ou des utilisateurs privilégiés qui, pensons-nous,
pourraient être explicités, comme on le fait pour d'autres articles, de manière
à ce que pour ces instances-là la dynamique soit déjà précisée, l'intention du
législateur soit explicite.
L'autre question dans l'article 65, aussi,
que nous avions identifiée, c'est qu'il est relativement vague sur la nature des renseignements. Ce sont les
renseignements prévus à la loi. Pour la plupart des organismes que j'ai nommés,
on ne précise pas les renseignements. Nous, ce sont les renseignements
requis pour l'exercice de notre loi. Donc... Et, dans les faits, ça va varier
d'une situation à l'autre. Donc, peut-être qu'on pourrait aussi...
Le Président (M. Simard) : Merci.
Terminé.
M. Caire : C'est terminé?
Une voix : ...
Le Président (M. Simard) : C'est
terminé, M. le ministre.
Alors, nous pourrons poursuivre avec les
questions provenant de notre collègue d'Outremont—Mont-Royal.
Mme Setlakwe : Merci. Bonjour
et merci pour votre intervention. Juste pour continuer la discussion, là, sur
la mécanique législative puis votre crainte que la loi ne vous permette pas
d'accéder à toutes les données dont vous avez besoin pour remplir votre mission
d'évaluer la performance, on va regarder, évidemment, à tête reposée, le 65 et
les articles 72 et suivants, mais moi, si j'ai bien compris la structure
de la loi, c'est qu'on a défini «organisme», puis là on réfère à une annexe, et
vous êtes nommés spécifiquement dans l'annexe, tout comme la RAMQ et l'INESSS,
etc. Mais là votre crainte, c'est de savoir... Puis moi, je comprends le
principe de la loi de dire, dans certaines circonstances, «un organisme peut»,
et les circonstances dans lesquelles l'organisme «doit» faire circuler
l'information avec... auprès des autres organismes et même, je pense, auprès
des intervenants, tout ça. Là, vous êtes inquiets qu'il y a peut-être un vide
législatif des circonstances qui sont... où vous auriez besoin de
l'information, mais en raison de l'utilisation de la terminologie «peut», là,
vous seriez dépourvus d'avoir toute l'information à laquelle... C'est ça qui
vous inquiète, parce que vous êtes un organisme, et la loi prévoit que les
organismes entre eux doivent faire circuler l'information. C'est ça, l'intention,
mais il y a peut-être... C'est ça que vous...
Mme Castonguay (Joanne) : ...en
fait... puis c'est ça, c'est l'interprétation qui nous inquiète parce que
jusqu'à maintenant elle ne nous a pas été favorable, c'est surtout ça, c'est
vraiment ça, parce que notre loi... notre interprétation de notre loi prévoit
qu'on va avoir accès à ces données-là, mais l'interprétation des détenteurs des
données ou du gestionnaire des données, là, ou la RAMQ, finalement, interprète
la loi autrement puisque nous ne sommes pas spécifiés dans leur propre loi.
Excusez-moi, je vous ai interrompue.
Mme Setlakwe : Non, non, je
comprends. Vous l'expliquez très bien, c'est comme ça que je l'ai compris
aussi, donc par un jeu d'interrelations entre les différents textes législatifs.
Mme Castonguay (Joanne) : C'est
ça.
Mme Setlakwe : Donc,
la question, ce n'est peut-être pas de changer la terminologie, là, des deux
principes, là, les circonstances dans lesquelles les renseignements
peuvent circuler et doivent... mais il y a peut-être un moyen de régler la
question par un arrêté ministériel ou un autre mécanisme, mais ça vaut vraiment
la peine d'être étudié, parce que, là, ce que... Vous, vous saluez d'emblée
l'objectif, puis vous souhaitez vraiment pouvoir remplir votre mission
adéquatement et efficacement, puis vous saluez l'objectif de la loi, mais vous
avez peur qu'avec... c'est ça...
Mme Castonguay (Joanne) : En
fait, on mettait...
Mme Setlakwe : ...avec le
mécanisme, vous en soyez privés.
Mme Castonguay (Joanne) : Exactement.
Et, dans nos recommandations, en fait, on mettait la ceinture et les bretelles,
c'est-à-dire qu'on recommandait que notre nom soit ajouté, c'est-à-dire que le
commissaire soit ajouté dans la loi de la
RAMQ pour prévoir que... pour prévoir cet accès-là et donc leur enlever la
responsabilité de prendre le risque, là, si on veut.
Mme Setlakwe : Non,
non, on comprend très bien. Puis en relisant... puis en lisant votre mémoire,
aussi, qui a été déposé, je crois, ce matin ou...
• (11 h 20) •
Mme Castonguay (Joanne) : Récemment,
oui. Hier, en fait.
Mme Setlakwe :
...oui, on va bien saisir puis on va évaluer, c'est ça, la mécanique entre
tous ces articles-là, les annexes puis les autres lois pour s'assurer que,
finalement, on n'atteigne pas l'objectif souhaité.
Mme Castonguay
(Joanne) : Exact. J'ajouterais aussi, là, que le système...
puis je l'ai dit, là, puis je ne veux pas juste critiquer le système,
mais je pense qu'on peut tous être d'accord à dire que le système est dans une
situation critique. Le... les mandats qui nous ont été donnés, ça a pris deux
ans pour être capables de réagir au premier mandat, et là on est en train de...
on va aller beaucoup... on va beaucoup mieux, on a beaucoup plus
d'informations, on va aller beaucoup plus loin dans le mandat actuel qui nous
est confié sur les soins à domicile. Mais il y a tellement d'enjeux qui sont pressants, si à chaque fois on
passe la moitié de notre énergie à essayer d'obtenir l'information, on perd
énormément de temps précieux pour réagir aux enjeux du système. Alors, ça fait
partie des éléments qu'il faut considérer.
Mme Setlakwe : On vous entend,
c'est très clair, puis il va falloir s'assurer que... que le... c'est ça, que
le mécanisme législatif puis la relation, encore une fois, entre les textes
applicables soit... soit adéquate.
Mme Castonguay (Joanne) :
Merci.
Mme Setlakwe : Merci beaucoup.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. C'est intéressant, c'est très intéressant. Je vous lis la mise en
contexte de votre rapport sur... Le
devoir de faire autrement. Je ne le lis pas pour votre mémoire, je suis sûr
que vous le connaissez par coeur, mais pour le bénéfice des gens qui
nous écoutent, alors : «En août 2020, le gouvernement a confié au
Commissaire à la santé et au bien-être le mandat d'évaluer la performance du
système de santé et des services sociaux dans le contexte de la gestion de la
première vague de la pandémie de COVID-19 — soit du 25 février au
11 juillet 2020. Ce mandat touche particulièrement l'offre des soins
et des services aux aînés et à la santé publique... et la santé publique — pardon.
Il n'évalue pas les mesures prises pour maîtriser les vagues subséquentes.»
Vous, vous nous dites, tout à l'heure,
Mme Castonguay — bien,
d'abord, merci d'être là, et c'est agréable de vous recevoir en personne — vous
nous dites : Ça vous a pris un an. Vous parliez bien de ce mandat-là, là,
je présume? Oui, c'est ça? Ça vous a pris un an pour trouver la voie de
passage. Vous ajoutez : À ce jour, la loi ne nous a pas été favorable.
Vous parlez de la loi d'accès à l'information. Je sympathise, j'ai été
journaliste pendant 25 ans...
Mme Castonguay (Joanne) :
...interprétation.
M. Marissal : ...la loi d'accès
à l'information n'est pas plus favorable pour les journalistes, je vous le
confère, alors je sympathise beaucoup. Mais, vous savez, moi, j'ai comme un...
je mets tout ça, là, ensemble, là, puis ça m'amène une réflexion en forme de
question, là, parce que, pendant deux ans, le gouvernement nous a dit : On
n'a pas besoin d'une commission d'enquête publique, la commissaire a tous les
outils pour faire son travail.
Mme Castonguay (Joanne) : On
les a eus, éventuellement.
M. Marissal : Oui, ça vous a
pris un an juste pour trouver la porte.
Mme Castonguay (Joanne) : Juste
pour les données. On a eu beaucoup d'autres informations, par contre, toute la... on a eu accès à toute la documentation
qu'on a demandée. En fait, je ne veux pas vous empêcher de formuler
l'ensemble de votre question, mais on a eu... on n'a pas prévenu l'accès à
l'information, on n'a pas... on ne nous a pas empêchés d'avoir accès à
l'information disponible, mais on a voulu protéger... c'est-à-dire que nous, on
a vu le... c'est-à-dire que la RAMQ et le
ministère ont collaboré avec nous sur le moyen de nous donner accès aux
données, mais tout en protégeant l'information et en respectant leurs
propres lois.
M. Marissal : OK. Je pose la
question autrement : Est-ce qu'il y a des choses que vous n'avez pas pu
faire en raison de cette...
Mme Castonguay (Joanne) : Très honnêtement...
M. Marissal : ...ce côté
hermétique de vos relations avec la CAI puis avec le côté très hermétique de
toute relation de ce type, là, que vous
décrivez très bien dans votre mémoire, y a-t-il des choses que vous n'avez pas
pu faire que vous souhaiteriez faire?
Mme Castonguay (Joanne) : Je
reviendrais, là, sur le «hermétique», là, parce qu'ils ont été vraiment très
collaborateurs. Est-ce qu'il y a des choses qu'on aurait voulu faire et qu'on
n'aurait pas... qu'on... Non, en fait, honnêtement, la réponse, c'est non. Ce
que je dirais aussi, c'est que la... Puis ça, je l'ai dit plusieurs fois
nommément dans le rapport, c'est que c'était vraiment un cumul dans le... ce
qui nous a amenés là, là, c'était vraiment un cumul d'enjeux qu'on n'a jamais
réglés au cours des 20, 25 dernières années, tous les gouvernements
confondus.
Puis
ce que je dirais, c'est qu'on est très bons dans l'identification des
problèmes, on est très bons dans recommander, proposer des changements, mais
les implanter, on n'est vraiment pas très bons, et ça, de là notre
recommandation principale, qui était de travailler sur la gouvernance du
système. Et pour travailler sur la... en fait, pour améliorer la gouvernance du
système, ça prend des données, ça prend de l'information. Puis, je le répète,
ça ne prend pas de l'information nominalisée, ça prend de l'information
dénominalisée, mais ça prend la possibilité de prévoir quels vont être les besoins de la population et de déterminer
les meilleurs moyens pour y répondre, mais de façon continue et agile,
parce qu'on ne peut pas décider aujourd'hui qu'est-ce qui va arriver ou comment
l'ensemble des acteurs du réseau vont réagir à une politique, et donc on doit
avoir la capacité de l'évaluer.
M. Marissal :
Ce que je comprends — puis
je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, là — c'est
qu'il y avait quand même une forme de
résistance. C'est comme courir avec le vent dans la face, ce n'était pas
fluide.
Mme Castonguay
(Joanne) : La loi n'est pas fluide, la loi ne permet pas la fluidité.
Non, ce n'était pas fluide, mais honnêtement ce n'était pas... je n'ai jamais
senti qu'il y avait de la mauvaise intention. Je n'ai jamais senti qu'on ne
voulait pas collaborer. J'ai vraiment senti qu'on voulait protéger
l'information.
M. Marissal : Ah! mais ce n'est pas
nécessairement une question de mauvaise foi, quand une loi est mauvaise,
on l'applique, c'est un...
Mme Castonguay
(Joanne) : Exactement. Bien, c'est ça.
M. Marissal :
...ça donne un mauvais résultat, là, on ne peut pas présumer de la mauvaise
foi.
Mme Castonguay
(Joanne) : C'est ça. C'était ça, l'enjeu.
M. Roy (Denis
A.) : Mais l'équilibre était en faveur de la protection...
Mme Castonguay
(Joanne) : Exact.
M. Roy (Denis
A.) : ...toujours, toujours, toujours. L'accès, la protection, c'est
ce déplacement-là, donc, qu'on rectifie.
Puis ça a été dit, on le répète, mais il faudra rester attentifs parce qu'on
habite une culture de protection. Les acteurs qui auront à mettre en
oeuvre les changements législatifs vont encore travailler avec ce schème
mental. Et il y a aussi toutes sortes d'événements qui arrivent dans notre
société — vous
avez évoqué Desjardins — qui
nous invitent à redoubler de vigueur sur la protection. Donc, on entre dans une
zone délicate. Et puis il ne faut pas être... il faut rester très sérieux, mais il faut s'assurer qu'on continue à
avancer, parce qu'en l'absence d'une ressource informationnelle, on va
avoir beaucoup de mal à amener le système là où il doit aller.
M. Marissal :
On ne demandera pas à Desjardins de s'occuper de notre dossier santé, on
comprend ça, c'est noté. Pourquoi vous dites, Mme Castonguay, que vous
avez plus de moyens maintenant pour le mandat sur les soins à domicile? Parce
que la loi va changer? C'est le même schème dont parle le Dr Roy?
Mme Castonguay
(Joanne) : Parce qu'on est partis des données qu'on avait déjà. Je
vous rappelle qu'on était... Moi, j'ai été nommée en janvier 2020 et j'ai
pris un bureau vide, là. Je n'avais pas d'employés, je n'avais pas de données,
je n'avais pas de cadre d'analyse, je n'avais pas de méthode, de processus,
etc. Donc, on a dû mettre tout ça en place pour être capables de travailler. Et
là, vu qu'on a été capables de garder les données sur lesquelles on avait déjà travaillé puis sur lesquelles on avait
déjà une bonne connaissance, on a pu poursuivre nos travaux, donc ça a été
beaucoup plus facile. C'est vraiment de là que je parle.
M. Marissal :
OK. Il me reste quelques minutes?
Le Président
(M. Simard) : Environ cinq minutes, collègue.
M. Marissal :
Oh, wow! C'est luxueux.
Mme Castonguay
(Joanne) : Puis je dirais
aussi, là, qu'étant donné qu'on savait qu'il y avait juste le mécanisme
d'ordonnance qui nous permettrait d'accéder aux données, bien, on n'a pas
essayé toutes sortes d'autres façons, là, on
a été directement avec l'ordonnance puis on s'est dit : Bien, on va les
avoir. On les a eues puis on a poursuivi nos travaux.
M. Roy (Denis
A.) : Mais sachez qu'au moment où on se parle, en décembre 2023,
les données devront être effacées.
M. Marissal :
Les données recueillies dans le cadre de votre mandat précédent.
M. Roy (Denis
A.) : Exactement, elles devront être effacées. J'ai signé, moi... je
suis professionnellement responsable de veiller à ce que ce soit effacé par
engagement que nous ont demandé de signer les détenteurs. Donc, c'est sérieux, là, les règles. Donc, il faut... on a besoin
du PL n° 3 parce qu'il faut... cette question de la
durée puis la... il y a une interprétation sur en quoi consiste une donnée
anonyme... anonymisée ou anonyme. En réalité, nous, on est des utilisateurs
secondaires. On a un identifiant banalisé pour le travail que l'on mène, mais
il y a un potentiel nominatif là-dessus. On peut retrouver des cas de figure,
une personne de tel âge, de tel genre, habitant telle région ou tel patelin — puis nous, on a des données sur les codes postaux,
par exemple — présentant
telle condition de santé, tel type de... donc, à un moment donné, ça
devient potentiellement nominatif, et ça, il y a aussi... dans la culture de
protection, c'est aussi une donnée qui est soumise à l'interprétation. Donc,
encore une fois, tout ce que les législateurs pourraient faire pour clarifier
et faciliter une interprétation qui est alignée sur les objectifs de la loi, ça
va être extrêmement utile pour enlever la discrétion, puis se rappeler qu'on
est dans une culture qui a été dominée par : On protège d'abord, on donne
accès ensuite.
• (11 h 30) •
M. Marissal :
Mais à tout prendre, ce n'est pas ça qu'on devrait faire en cas de doute,
là?
Mme Castonguay
(Joanne) : Le coût est trop élevé.
M. Marissal :
Le principe de précaution, justement, là, qu'à tout prendre je préfère
préserver la sécurité et la probité des renseignements, là.
M. Roy (Denis A.) : Mais la loi énonce des
critères intéressants. L'équilibre entre la valeur pour la collectivité
et les risques pour les individus, c'est bien articulé dans... comme un critère
de la loi. C'est un défi d'exercer ce jugement-là, mais on est dans la bonne
direction quand on a des critères comme ça. Et, si ces critères-là nous animent
pour la mise en oeuvre, on a des chances de succès.
M. Marissal :
OK, il me reste deux minutes, environ, là. Le «doit» et le «peut», on en a
parlé tout à l'heure, là, ma collègue en a parlé, vous êtes exigeante, vous
voulez le «doit» puis vous voulez un droit d'appel. On peut-tu régler pour un
«peut» avec droit d'appel? Parce que, dans le fond, au moins vous aurez un
appel que vous n'avez pas là. Puis «doit», bien, c'est parce que ça peut
effectivement porter à discussion, à négociation. Parce que, là, le «doit»,
c'est toute la responsabilité sur la personne qui doit vous remettre la donnée
ou ce que vous demandez, puis, si elle ne le fait pas, elle est en infraction
ou alors vous avez un appel. Vous avez les ceintures, bretelles, les guêtres et
le reste, là, je ne sais pas, parce que
«peut»... on a souvent ces débats-là en article par article, «peut», «doit», on
joue souvent avec le Bescherelle, là. «Peut» avec droit d'appel,
non, ça ne suffit pas?
Mme Castonguay (Joanne) : Bien,
en fait, le droit d'appel s'appliquait à l'autre disposition, là, pas à
l'article 65, mais c'est une bonne question. Si je gardais le «peut»,
j'irais vers le droit d'appel. Je le garderais, le droit d'appel, aussi.
M. Marissal :
Parce que le «doit», en fait, il n'y a pas d'appel, c'est : tu dois le
faire; tu le ne fais pas, tu es en infraction.
Mme Castonguay
(Joanne) : Effectivement. Mais l'enjeu, là, l'enjeu, moi, pour moi, il
demeure toujours le même, c'est que le coût de ne pas avoir accès à
l'information est énorme.
Regardez juste quand
la pandémie est arrivée, en fait, on a tellement tardé à donner accès à
l'information qu'on a perdu les compétences, l'analyse, la capacité,
l'information. On ne savait pas où étaient les travailleurs pendant la
pandémie... c'est-à-dire, pendant la pandémie... pendant le plus important de
la crise, on avait la difficulté de dire où était qui. C'est énorme. Comment
veux-tu gérer un tel système si tu n'es pas capable de dire c'est quoi, les
ressources que tu as à ta disposition?
Alors, c'est ce genre
d'éléments là qu'on veut éliminer et se donner la capacité de... d'améliorer la
performance, l'efficience. C'est-à-dire que, là, on ne va pas chercher toute la
valeur des ressources qu'on met dans ce système-là, c'est ça qui est majeur.
M. Marissal :
Je comprends. J'espère que le ministre de la Santé nous écoute. Ça, c'est
que de la musique à ses oreilles, ça. C'était une symphonie, ça, pour le
ministre de la Santé. Merci. Je n'ai pas d'autre question.
Le Président
(M. Simard) : Alors, Mme Castonguay et M. Roy, merci
beaucoup pour votre contribution à nos travaux.
Compte tenu de
l'heure, nous allons suspendre, et on se retrouve après les avis touchant les
travaux des commissions, autour de 15 h 15, je présume. Au plaisir.
(Suspension de la séance à 11
h 34)
(Reprise à
15 h 52)
Le Président
(M. Simard) : Alors, chers collègues, bienvenue. Je constate que
nous avons quorum. Comme vous le savez, la Commission des finances publiques
est réunie afin de procéder à l'audition du projet de loi n° 3, Loi sur
les renseignements de santé et de services sociaux et modifiant diverses
dispositions législatives.
Alors, nous débutons cet
après-midi en recevant des représentants de l'Association des gestionnaires des
établissements de santé et de services sociaux.
Mais
préalablement, avant d'entendre nos invités, j'aurais besoin d'un consentement
afin de poursuivre au-delà de l'heure prévue dans notre motion. Y a-t-il
consentement?
Des voix : Consentement.
Le Président (M. Simard) : Consentement.
Alors, Mme Girard, bienvenue parmi nous. Auriez-vous d'abord l'amabilité
de vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne? Et après quoi nous
pourrons vous écouter.
Association des
gestionnaires des établissements de
santé et de services sociaux (AGESSS)
Mme Girard
(Danielle) : Absolument. Alors, bonjour, M. le Président, Mmes
et MM. les députés. Je me présente, je suis Danielle Girard,
présidente-directrice générale de l'AGESSS, et je vous présente
M. Jean-Philippe Brunette, directeur des affaires juridiques et des
relations de travail de notre organisation.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue.
Mme Girard (Danielle) : Merci.
Le Président (M. Simard) : Nous
vous écoutons.
Mme Girard (Danielle) : Alors,
je poursuis?
Le Président (M. Simard) : Oui,
s'il vous plaît.
Mme Girard
(Danielle) : D'accord. Dans un premier temps, en mon nom personnel
et au nom de l'AGESSS, je tiens à vous remercier de l'opportunité qui
nous est donnée aujourd'hui de vous transmettre nos réflexions en lien avec le projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de santé et de services
sociaux et modifiant diverses dispositions législatives. Un mémoire
écrit vous sera acheminé dans les prochains jours.
L'Association des gestionnaires des
établissements de santé et des services sociaux est active depuis plus de 50 ans. Notre association est la plus grande force
de représentation des gestionnaires du réseau de la santé et des services
sociaux, de même que la plus importante association de gestionnaires au Québec,
tous secteurs confondus. Avec près de
8 000 membres actifs dans le réseau de la santé et des services sociaux et
près de 1 400 membres retraités, l'AGESSS est reconnue, aux fins de
relations de travail, de conditions d'exercice ainsi que d'organisation du
travail, comme la représentante de plus de 75 % des gestionnaires, qui est
l'interlocutrice principale auprès du ministère de la Santé et des Services
sociaux. Nous sommes une... une corporation, pardon, constituée en vertu de la
Loi sur les syndicats professionnels. Nos membres sont répartis dans l'ensemble
des régions du Québec et dans la grande majorité des établissements.
Afin de bien situer notre intervention
d'aujourd'hui, nos membres et l'ensemble des gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux seront les
acteurs principaux, dans la mise en application de la PL n° 3, des changements
aux dispositions législatives actuelles
ainsi qu'aux règlements qui en découleront. Les gestionnaires auront la
responsabilité de s'assurer de
l'agilité des processus afin que les activités de gouvernance, comme la
journalisation des communications et des renseignements et la protection
de ceux-ci, n'entraîneront aucune faille.
Notre position, la position de l'AGESSS. M. le
ministre de la Cybersécurité et du Numérique, M. Caire, a déposé le projet
de loi n° 3 le 7 décembre dernier. À notre avis, un tel projet de loi
est important pour la réalisation du plan santé, qui vise à l'amélioration de
l'organisation des soins et des services offerts au Québec. Nous sommes donc
favorables au projet car celui-ci vise, entre autres, que les données en santé
soient rattachées aux usagers du réseau plutôt qu'à l'endroit où les soins en
sont prodigués. Nous sommes également favorables à ce projet car il devrait
amener une circulation des renseignements plus fluide, mais aussi plus
sécuritaire. Les usagers pourront aussi savoir
qui a eu accès à leurs renseignements et décider de partager ou non ces
informations-là à d'autres... avec les autres professionnels.
Nous sommes
d'accord aussi avec ce projet car il devrait améliorer l'accès aux données en
santé à nos gestionnaires et simplifier le travail des... pardon, des
divers intervenants en soins parce qu'il leur donnera un meilleur accès aux
données santé tout en assurant la confidentialité de leur utilisation.
Nous saluons ce projet car, selon les
informations que nous partage le ministère, il s'inspire des meilleures
pratiques en vigueur dans ce domaine en procédant, entre autres, à cette
transformation par étapes. C'est important pour
le réseau.
Maintenant,
la mise en application d'un tel projet. Pour qu'un tel projet fasse son chemin
et atteigne l'ensemble de ses objectifs, il est essentiel que le gouvernement
planifie soigneusement chacune des étapes qui suivront l'adoption du
projet de loi. Nous entendons ici par «planification» toutes les activités
essentielles de consultation des acteurs principaux du réseau de la santé et
des services sociaux. Selon nous, la réussite concrète d'un tel projet de loi
passe par la justesse de ses processus, et
l'agilité, sa mise en application. Les gestionnaires du réseau ainsi que leurs
équipes d'employés sont au coeur, vous le savez,
de tous les combats du passé et ceux du futur dans un réseau. Vous le savez, il est en perpétuel combat. Un tel projet
de loi ne peut être viable sans l'apport de tous ces acteurs en amont de sa
mise en application.
Le PL n° 3
changera plusieurs dispositions dans les lois déjà existantes et le projet de
loi prévoit la création de plusieurs règlements. Ces changements et ces
nouveaux règlements auront un impact clair sur le quotidien de l'ensemble des
gestionnaires du réseau et de leurs équipes d'employés. Les nouveaux processus
de travail reliés à la journalisation,
l'utilisation des renseignements, la tenue des registres, des déclarations
d'incidents ainsi que l'ensemble des
redditions de comptes nécessaires doivent être planifiés et revus avec soin.
Tous les processus qui seront envisagés doivent être adaptés aux
différents établissements. Ça, pour nous, c'est vraiment important.
Tout comme l'esprit du plan santé, une vision
décentralisée doit être au coeur de la mise en application du projet de loi et
de ses règlements. Les enjeux régionaux sont importants.
Si je fais un parallèle avec la loi n° 25, qui s'adresse aux instances privées, chacun des
organismes touchés par cette loi, la
loi n° 25 que je parle, adapte ses processus et façons de
faire selon son type d'organisation. Selon nous, ça doit être la même
vision pour notre réseau de la santé et des services sociaux.
Il est
important de comprendre la réalité terrain. Je vous le dis, de manière
générale, on accueille favorablement le projet. Actuellement, nous ne percevons pas d'impact du projet de loi
sur les conditions de travail actuelles de nos membres. Par contre, nous
percevons un impact certain sur leurs conditions reliées à leurs tâches et à
l'organisation de leur travail dans leur profession de gestionnaire.
Il faut se rappeler que le réseau est encore et
encore sous pression. Selon nous, la voie de passage se réside en trois grands points. Premier point, la
consultation des gestionnaires pour tous les nouveaux règlements et processus
de sa mise en application. Il est important de déterminer qui fait quoi, qui
est imputable de quoi. Pour ce faire, nos gestionnaires du réseau ont l'expertise et l'expérience requises pour
soutenir le gouvernement et les établissements dans l'élaboration des
règlements et des processus. Cette consultation doit se faire rapidement.
Deuxième point, il est important de prévoir les
sommes nécessaires dans le réseau de la santé et des services sociaux pour
tenir compte de la réalité terrain actuelle. Je vous rappelle, mesdames
messieurs, que nos gestionnaires évoluent aujourd'hui dans des environnements
très complexes avec des ratios d'encadrement très grands. Plusieurs activités
découlant du projet de loi sont sous la responsabilité d'employés déjà
surchargés. La responsabilité de nos gestionnaires sera alors de les soutenir
et de faciliter leur travail. On n'oublie pas que nous sommes toujours en
pénurie de main-d'oeuvre et qu'il nous manque des acteurs importants dans notre
réseau.
Le troisième
point et non le moindre, c'est de faire de ce projet de loi une vision
décentralisée et régionale dans sa mise en application.
En terminant, Mmes, MM. les députés, l'AGESSS
détient la plus grande des richesses pour la mise en application d'un tel
projet de loi. Nous avons accès à vos gestionnaires pour les besoins
spécifiques des différents établissements du réseau de la santé et des services
sociaux. Comme organisation, même comme personnellement, nous avons à coeur
notre réseau. Nous souhaitons que l'AGESSS puisse participer à des comités qui
pourraient être mis en place afin de mettre en oeuvre toutes les suites de ce
projet.
Merci beaucoup de votre écoute, et maintenant
nous sommes disponibles, bien sûr, pour vos questions et commentaires.
• (16 heures) •
Le
Président (M. Simard) :
Merci à vous, madame. M. le ministre, à vous la parole, et vous disposez d'environ
16 min 30 s.
M. Caire : Parfait. Merci, M.
le Président. D'entrée de jeu, Mme Girard, vous avez parlé de l'importance
de la justesse des processus et d'avoir un déploiement par étapes. J'aimerais
ça que vous m'éclairiez là-dessus parce qu'honnêtement je ne suis pas sûr que
j'ai compris ce que vous vouliez dire par «la justesse des processus».
Mme Girard (Danielle) : Merci.
Ça va me faire plaisir. Écoutez, la justesse, pour mettre un tel projet de loi
qui va amener, comme on l'a lu, on l'a vu, la journalisation des registres, au quotidien,
là, il faut les alimenter, cette journalisation-là, ces registres-là. Un tel
projet de loi, ça doit venir avec des redditions de comptes. Bien, telle
reddition de comptes, il faut que les établissements soient prêts à le faire,
il faut le faire.
Alors, quand je parle «par étapes»... Le réseau
est très grand, le réseau couvre l'ensemble de la province avec des dizaines d'établissements. Alors, quand on
parle «par étapes», bien, on doit s'assurer qu'à chaque étape de chaque
règlement, à chaque règlement et... à chaque, pardon, règlement adopté, bien,
on va regarder comment est-ce qu'on devrait
faire le règlement, comment est-ce qu'on devrait s'assurer que les processus
dans les différents établissements sont bien... peuvent bien réaliser,
parce que l'objectif d'une telle loi, dans le concret, c'est qu'on puisse
répondre à ces objectifs, qu'on puisse
rassurer les usagers. Ça fait que, pour nous, c'est ça, quand on parle «par
étapes», premièrement, c'est l'ensemble des établissements, et ce n'est pas tout
de la même façon de faire que ça fonctionne dans l'ensemble des
établissements, donc ce sera important d'adapter les processus aux différents
établissements, de là mon intervention sur la consultation. Et voilà, je
pense... Je ne sais pas si je réponds à votre question...
M. Caire : OK, oui, oui, oui.
En fait, je pense que, là, vous amenez des sujets de discussion qui sont
extrêmement pertinents. Bon, puis, tu sais, c'est probablement le travers de
l'informaticien que je suis, mais en quoi un processus de journalisation serait
différent d'un établissement à l'autre? Parce que, dans ma vision à moi, une
journalisation, de toute façon, c'est automatisé, là, je ne vois pas ça fait au
pic puis à la pelle. J'espère, en fait, qu'on n'a pas
cette vision-là de la journalisation. Donc, en quoi chaque établissement
devrait avoir une personnalisation des processus? Puis là je prends,
évidemment, la journalisation comme exemple, mais c'est vrai pour l'ensemble
des processus. J'avoue que ça me fait frémir un peu quand j'entends ça, là,
pour être tout à fait honnête avec vous.
Mme Girard (Danielle) : Alors,
pour vous répondre... Et je ferais peut-être un petit aparté, je suis également
d'origine informatique, dans mon jeune temps.
M. Caire : Bon, on va parler le
même langage.
Mme Girard (Danielle) : On va
parler... peut-être que c'est... on est en mesure de parler le même langage. Lorsqu'on parle, par exemple... vous amenez
l'exemple de journalisation, on amène l'exemple des registres, on amène l'exemple des redditions de comptes, OK, même si
dans un système informatique... Votre système informatique fonctionne de
la même façon, ça va, mais comment bien implanter votre système? Comment bien
implanter votre processus à travers un établissement, par exemple, qui ne
fonctionne pas... que leur façon de faire ne fonctionne pas nécessairement de
la même façon? Alors, quand moi, je parle de processus, je parle au-delà du
système, mais c'est comment bien
l'implanter, et que nos gestionnaires puissent soutenir leurs équipes, et que
les équipes puissent l'alimenter. C'est ça, mon propos.
M. Caire : Si
je vous comprends bien, on est plus dans la façon de le déployer, de
l'implanter, de l'opérationnaliser que dans la façon... dans le
fonctionnement intrinsèque du processus. Est-ce que je vous comprends bien?
Mme Girard (Danielle) : Ce
serait... C'est certain qu'on n'a pas vu les processus, on n'a pas été encore
consultés là-dessus, mais, je vous dirais, en théorie, c'est ce que je tente de
vous expliquer.
M. Caire : OK. OK. Parfait. Je
comprends mieux ce que vous voulez dire. Bien, je vais aller un petit peu plus
loin parce que... Justement, vous avez parlé, justement, d'adopter des
processus qui sont différents, là, je vous entends, puis vous avez fait le parallèle
avec la loi n° 25, et comme... bon, la loi n° 25 qui était le projet de loi n° 64 que je portais
comme ministre responsable de l'Accès à l'information, Protection des
renseignements personnels, puis là je vous avoue que je ne vois pas en quoi ce qui
est la loi n° 25 aujourd'hui amène une
adaptation dans son application, ça fait que
je vous demanderais de m'éclairer là-dessus, parce que vous semblez dire que
c'est ce qu'il faut faire. Tant mieux, parce que, bon, je ne demande
qu'à récidiver, mais encore faudrait-il que je comprenne comment je fais pour
récidiver, puis là je ne suis pas sûr que je vous suis.
Mme Girard (Danielle) : D'accord.
Alors, quand je fais le parallèle avec la loi n° 25
dans mon propos, ce que je veux amener,
c'est que la loi n° 25 arrive avec des façons de faire que chacune
des... chaque organisation privée va adapter, justement, ses processus
internes pour réussir à répondre aux objets de la loi. Donc, on est toujours
dans le même... Mon propos et notre préoccupation, si vous voulez, c'est dans
un réseau sous pression où est-ce que c'est difficile. On aura des
gestionnaires et des équipes d'employés qui devront changer un peu leur
quotidien, peut-être beaucoup. Alors, mon propos, quand je fais le lien avec la
loi n° 25, c'est ce que je veux dire.
M. Caire : Ce que je comprends,
c'est que... ce que vous dites, c'est que le résultat attendu est le même, mais
la façon de l'obtenir peut être adaptée aux équipes du terrain?
Mme Girard (Danielle) : Voilà,
voilà.
M. Caire : OK. Ça, ça va.
Parfait. Oui, effectivement, je pense que ça... Vous dites : Le projet de
loi va avoir un impact sur le travail au quotidien des gestionnaires.
Pouvez-vous nous donner des exemples? Et surtout, dans une perspective où, si
tant est que ces impacts-là sont négatifs ou, bon, sans être négatifs, amènent
des difficultés, est-ce qu'il y a des
éléments qu'on peut mettre en place pour rendre la tâche des gestionnaires plus
simple? Parce que c'est ça, l'objectif du projet de loi n° 3,
là, c'est de simplifier la tâche de tout le monde. Donc, si tant est qu'il y a
là-dedans des éléments, des impacts
sur les gestionnaires qui sont d'autres obstacles, bien, je pense que ce serait
une bonne chose que vous les souligniez, là.
Mme Girard (Danielle) : D'accord.
Alors, quand je parle de l'impact dans le quotidien, bien, effectivement, ce
que j'amène comme impact dans le quotidien des gestionnaires... Votre projet de
loi, présentement, nous n'avons pas... ça va être dans les règlements et dans
les différents processus où nous saurons qui est imputable, par exemple, des
résultats, qui devra faire quoi. On a la notion d'une personne responsable, qui
est le PDG, qui pourra déléguer à une personne, mais maintenant, pour réaliser
les activités s'il y a des incidents, réaliser les activités de reddition de comptes au quotidien, s'assurer que, finalement,
le projet de loi... bien, ce sont les gestionnaires, au quotidien, qui vont se
retrouver avec certaines responsabilités, et les employés... les employés vont
devoir également, probablement, tenir des registres.
Donc, moi, ma préoccupation, compte tenu que le
projet de loi est quand même assez général, qu'on ne détaille pas le comment et
le qui, dans le détail, va faire quoi, bien, nous, on lève juste le signal
d'alarme pour dire : Bien, écoutez, ce
serait important de nous consulter, à ce moment-là, pour s'assurer que... c'est
que les gens imputables, ça risque d'être, entre autres,
des gestionnaires du réseau, eh bien, qu'ils puissent avoir tous les outils et
tous les moyens pour répondre aux besoins de la loi.
M. Caire : Mais, pour être sûr
que je comprends bien ce que vous nous soumettez... Oui, j'entends, là, il doit
y avoir une imputabilité, vous voulez dire, il faut être clairs dans
l'imputabilité, j'entends ça. Maintenant, est-ce que la loi est le meilleur
endroit pour faire ça, ou est-ce que ça, ça ne requiert pas une souplesse qui
serait mieux adaptée dans un règlement que dans une loi? Parce que la loi, là,
c'est fixe, elle est adoptée, puis on ne la changera pas, ce n'est pas le genre
de projet de loi qu'on amène à l'Assemblée nationale à chaque législature, là.
Donc, est-ce qu'on ne devrait pas viser, justement, un peu ce que fait la loi,
oui, donner des principes généraux, donner des outils, aussi, pour travailler
puis avoir par règlement peut-être un peu plus de précisions, que, je dirais,
d'enfermer ça dans la loi, alors que c'est peut-être trop rigide, puis là,
bien, on n'a pas la marge de manoeuvre? Une fois que la loi est en application
puis qu'on se rend compte, dans un an, deux ans, trois ans, que, bon, on aurait
peut-être besoin de plus de souplesse, on n'a plus cette marge de manoeuvre là,
il faut revenir de façon législative pour corriger ça, alors que, de façon
réglementaire, on a cette souplesse-là. Je ne sais pas si c'est comme ça que
vous voyez les choses ou...
• (16 h 10) •
Mme Girard (Danielle) : Bien,
écoutez, selon... puis on va vous envoyer également notre mémoire, vous allez pouvoir, visuellement... mais, nous,
effectivement, notre intervention est vraiment concernant ce qui suivra également,
ce sont les règlements, les processus, et
nous sommes d'avis que c'est dans les règlements qu'on doit être consultés, que
nos gestionnaires doivent être consultés. C'est pour ça que, là, il
n'est pas trop tard. Mais, nous, le signal d'alarme, c'est... Il n'est pas trop tard parce que les règlements ne sont pas en
écriture encore ou ne sont pas finalisés, mais il va falloir interpeler nos gestionnaires, nous
interpeler pour qu'on puisse s'assurer que c'est viable et qu'on puisse respecter
toujours les objectifs de la loi.
M. Caire : Non,
je comprends, mais vous comprendrez qu'on ne peut pas présumer que la loi va
être adoptée...
Mme Girard (Danielle) Ah! tout à
fait.
M. Caire : ...donc on ne peut
pas négocier des règlements sur la base d'un projet de loi dont on ne peut pas
présumer de l'adoption. Mais j'entends votre... bien, en fait, je l'entends,
mon collègue ministre de la Santé et des Services
sociaux l'entend, sinon je me fais fort de le relayer. Mais je comprends que,
dans le cadre actuel de la loi, vous dites : Ça, ça va, mais
éventuellement, si l'Assemblée nationale adopte la loi, les règlements qui vont
en découler devraient faire l'objet d'une collaboration avec les gestionnaires,
compte tenu de l'impact sur votre responsabilité et votre imputabilité?
Mme Girard (Danielle) Vous avez...
M. Caire : Ça résume ça pas pire?
Mme Girard (Danielle) Vous résumez
mes propos, absolument.
M. Caire : OK.
Mme Girard (Danielle) Merci.
M. Caire : Vous avez parlé
d'une vision décentralisée dans le projet de loi. Et là je vous le dis comme
moi, je le vois, il m'apparaît que la loi,
elle est technologiquement neutre, oui, mais en termes de gouvernance aussi.
Est-ce que c'est le rôle du projet de loi n° 3,
dont l'objectif, dans les faits, est de décloisonner la donnée, de s'assurer
d'une mobilité de la donnée, donc une meilleure valorisation de la donnée, avec
un volet de protection des renseignements personnels... est-ce que c'est
vraiment le rôle du projet de loi n° 3 d'aller
établir des principes de gouvernance? Parce que
la décentralisation, ça reste un principe de gouvernance, puis je ne vois pas
où ça s'inscrirait dans le projet de loi n° 3.
Mme Girard (Danielle) Dans mes
propos, c'est vraiment dans la mise en application qui arrivera avec vos
règlements, avec vos processus que... Quand je parle d'avoir l'agilité, que les
processus aient l'agilité et que vos processus soient... peut-être qu'on tende
vers une décentralisation, c'est-à-dire que chacun des établissements, avec
leur situation, leur façon de faire, leur couleur, puisse bien intégrer ces
processus-là. Je vous dirais que c'est dans le même propos. Quand je parle de décentralisation, c'est vraiment au
niveau de la mise en application. Ça fait que c'est dans le même propos,
là, qu'on parle depuis tout à l'heure, là, de s'assurer que — je
vais vous donner l'exemple bien simple — le projet de loi étant
adopté, les règlements étant adoptés, les processus, on ne retrouve pas, dans
chaque établissement, que tous les gestionnaires et tous les gens vont devoir
le faire exactement de la même façon à la même heure, puis ci, puis ça, sans
tenir compte de leur contexte très spécifique à chacun d'eux. Ça fait que,
quand je parle de... c'est exactement la vision du plan santé puis c'est le
lien que je fais aussi avec le plan en santé.
M. Caire : Oui, oui, oui. Oui,
en fait, je ramenais votre commentaire... puis moi, je veux dire, je pense,
vous prêchez à un converti, là, mais je ramenais votre commentaire à la portée
de la loi, parce que, dans les faits, ce que la loi dit,
c'est : Bien, la donnée, elle est là. Le problème que les gestionnaires
ont, notamment — pas
exclusivement, mais notamment — les gestionnaires, c'est que ce
cloisonnement-là de la donnée fait en sorte que vous êtes appelés à prendre des décisions avec une vision en tunnel,
alors que vous devriez avoir une vision périphérique. L'idée du PL n°
3, c'est de vous donner, gestionnaires... pas exclusivement, évidemment,
il y a tout le personnel soignant qui va en bénéficier, mais aussi les
gestionnaires, que vous ayez cette vision périphérique là.
Donc, est-ce que... dans la décentralisation des
façons de faire, est-ce qu'il n'y a pas un risque que ça nous ramène dans un
travail en silo qu'on essaie de briser avec le PL n° 3?
Comprenez-vous? Je ne sais pas si vous comprenez
la... Je comprends ce que vous dites, il faut respecter les façons de faire sur
le terrain, pour autant que le résultat soit similaire. Puis, pour un
gestionnaire, bien, avoir une information qui est... et je parle à une informaticienne,
là, vous allez comprendre ce que je veux dire, pour avoir une information qui
n'est pas désynchronisée, bien, il faut qu'on ait quand même un format
d'information qui est similaire partout pour être capable de faire les
comparables puis pour avoir un portrait sur 360 degrés. Donc, est-ce que,
la décentralisation, il n'y a pas aussi un risque, là, si on n'a pas cette vision-là globale, de nous ramener à
une vision en tunnel puis à un travail en silo? Je vous pose la question.
Mme Girard
(Danielle) : C'est une bonne question. Vraiment, dans mon
propos, une des raisons qu'on amène qu'on est favorables — puis
je dois bien le spécifier — avec
le projet de loi, c'est justement l'accès aux informations aux gestionnaires,
un accès plus universel, le bon accès à une donnée, à une information, que
plutôt que plusieurs qui sont cloisonnées. Ça fait que, ça, pour nous, là, on
est très favorables à ça.
Je reviens encore avec la notion, quand...
lorsque je parle de décentralisation, on peut tout à fait tenir compte des besoins, on peut tout à fait tenir compte des
particularités des établissements, des façons de faire des établissements
tout en amenant une certaine cohérence dans nos façons de faire, un système
qui... un système qui est pareil, un système informatique qui est pareil. Mais
mon propos, je reviens encore, c'est : il faut s'assurer que dans la...
Le Président (M. Simard) : Très
bien...
Mme Girard (Danielle) : C'est
bon. Merci.
Le
Président (M. Simard) : ...parce qu'une autre collègue souhaitait vous
adresser une question. Mme la députée de Huntingdon.
Mme Mallette : En fait,
j'aimerais savoir si la décentralisation, ce ne serait pas plutôt dans la
manière qu'on va gérer le changement dans
chacun de ces établissements-là pour atteindre peut-être un objectif un peu
plus commun au niveau des processus.
Le Président (M. Simard) : Alors,
très succinctement, s'il vous plaît.
Mme Girard (Danielle) : Oui.
Alors, rapidement — c'est
une bonne intervention — oui,
il y a la gestion du changement, tout à fait, qui doit être adaptée, ça, là,
vous avez 100 % raison, mais je maintiens...
Le Président (M. Simard) : Merci,
madame.
Mme Girard (Danielle) : Oui.
Merci.
Le
Président (M. Simard) : Merci. J'ai une tâche très ingrate qui est celle
de calculer le temps et de le répartir équitablement.
Mme Girard (Danielle) : Je la
respecte.
Le Président (M. Simard) : Ceci
étant dit, je cède la parole à la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Merci.
Merci, là, pour vos commentaires. Ce qu'on entend, puis ce n'est pas pour
répéter, là, c'est que vous êtes clairement favorables au principe, à
l'objet du projet de loi, c'est vraiment au niveau, là, de la mise en oeuvre — puis
la discussion est super intéressante, parce qu'il y a encore beaucoup de
travail à faire — c'est
au niveau de la mise en oeuvre, la mise en application que, là, vos membres
sont... vont être sollicités, vont devoir changer leurs façons de faire.
Puis là je ne veux pas répéter la discussion,
mais, moi, ça m'amène, en fait, au dernier point qui... Moi aussi, je pensais
la même chose parce que, décentralisation, moi aussi, là, ça m'inquiète un
petit peu. C'est peut-être, si je vous entends bien, que chacun de vos membres
n'arrivera pas au fil d'arrivée en même temps. Mais il me semble qu'il faut
viser une standardisation, là, sur la tenue des registres, sur la reddition de
comptes, sur tout le processus qui va devoir être mis en place, moi, c'est
comme ça que je le comprends, sinon je suis inquiète de vouloir revenir sur le
concept de décentralisation.
Mme Girard (Danielle) : Oui,
tout à fait, je suis d'accord avec vous. Quand... Lorsque... puis je le répète,
puis avec... pour m'assurer que mes propos sont bien compris, pour moi, lorsque
je parle de décentralisation ou d'adaptation, prenons
peut-être un autre terme si on aime moins, mais l'adaptation des processus,
pour s'assurer qu'on tient compte des
différences dans les différentes régions, dans les différents établissements,
l'objectif... Puis on peut arriver à standardiser des pratiques, tout à fait,
tout en tenant compte de nos particularités, de nos établissements. On va le vivre avec le plan santé, où est-ce qu'on
va rapprocher l'accès aux usagers, être plus proches de nos usagers, donc on va
faire une certaine décentralisation de nos gestionnaires, une certaine...
Alors, c'est le but du plan de santé. Mais
on va arriver à certaines standardisations également, donc, dans la reddition
de compte, dans tous ces éléments-là.
Donc,
je dis... j'ai le même propos que vous. Il n'y a pas d'inquiétude à parler,
selon moi, de s'assurer de respecter les besoins des établissements. Au
contraire, c'est ce qui va permettre qu'au quotidien, dans l'opérationnel, le
projet de loi va pouvoir être viable et vraiment répondre aux besoins de nos
usagers du réseau.
• (16 h 20) •
Mme Setlakwe :
Je peux continuer?
Le Président
(M. Simard) : ...
Mme Setlakwe :
Oui. Vous avez parlé clairement, évidemment, de l'impact sur les tâches de vos
membres, employés déjà surchargés, pénurie
de main-d'oeuvre, bon, on connaît bien le contexte dans lequel on évolue,
actuellement. Est-ce que... Quel est
le niveau d'appréhension, là, au sein de vos membres? Est-ce que c'est reçu
avec inquiétude ou, en fait, c'est parce qu'on veut qu'ultimement tout
ça soit plus efficace? Mais est-ce qu'il y a une appréhension? Puis après ça,
ça m'amène à penser à combien de temps ça va nous prendre, mettre tout ça en
oeuvre, là. On comprend qu'il faut y aller par étapes, mais il faut quand même
un peu savoir vers quels... quels défis nous attendent.
Mme Girard (Danielle) : Vous
savez, notre... pour être représentants de nos membres, adhérer à des
changements, c'est leur quotidien, vous savez, avec le plan santé, avec
tout ce qui s'en vient. Puis ce n'est pas des changements... ce n'est pas les
premiers changements, hein, dans le réseau, on le sait. Nos membres vont être
au rendez-vous. Notre préoccupation, comme association, par rapport à nos
membres, c'est justement dans le but que le projet de loi fonctionne bien. C'est qu'on sait qu'au quotidien
les tâches, c'est complexe, pénurie de main-d'oeuvre, il va falloir changer nos
façons de faire, il va falloir devenir imputables, probablement, d'un autre
dossier.
Donc, la
préoccupation de l'association de ramener... c'est clair que c'est :
Consultez-nous pour qu'on nous donne l'heure juste sur les meilleures pistes
pour que ça fonctionne, vraiment les meilleures pistes. Mais, si votre
question... est-ce que nos gestionnaires seront au rendez-vous, dans les délais,
à tenter... Absolument, absolument, ils sont toujours au rendez-vous. Mais je
vous répète que de les consulter, de nous consulter, vous allez avoir des
meilleures chances que tout fonctionne rondement, de là mon propos, là. Est-ce
que les gestionnaires seront là, est-ce qu'ils seront là avec les délais qu'on
leur... C'est le quotidien de nos gestionnaires, comme le quotidien des
employés du réseau, d'être au rendez-vous.
Mme Setlakwe :
Merci. Donc, moi, à la lecture de la loi, j'ai vu tout de suite que c'est
un cadre général avec plusieurs références à des règlements. Donc, il y a plein
de... c'est ça, il y a des processus, des façons de faire à... il y a un
libellé, là, qui va devoir être prévu. Mais, oui, je pense que c'est
probablement opportun de le faire par voie de règlement pour assurer une
souplesse. Mais, quand vous parlez de consultation, donc, ce que vous nous
dites, là, c'est que la discussion fait juste commencer, qu'il faut que ce
soit... il faut poursuivre la discussion avec vous et vos membres, vous?
Mme Girard
(Danielle) : Absolument. Et on a la chance d'avoir des membres partout
dans la province, donc meilleure façon de nous consulter, justement, pour
standardiser. Si on est au banc des consultations rapidement, bien, ça va être
plus facile de standardiser des choses adaptées aux besoins de chacun.
Mme Setlakwe :
Merci.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous, chère collègue.
Et je cède la parole
au député de Rosemont, qui dispose d'un temps de 10 min 30 s.
M. Marissal : Merci, M. le Président.
Bonjour à vous deux, même s'il y en a un qui est aphone, malheureusement.
C'est clair, puis ça
ne l'est pas, ce que vous dites, je fais ça simple, là. En tout cas, ce n'est
pas clair pour moi. Peut-être que vous êtes parfaitement claire, mais que je
comprends mal. Qu'est-ce qui change... Parce que vous faites beaucoup de liens,
là, depuis tantôt, entre le plan santé puis le projet de loi n° 3. Vous l'avez
répété, là, à plusieurs reprises dans les dernières minutes, «plan santé» est
revenu au moins, là, cinq, six fois dans votre exposé. Dites-nous donc
qu'est-ce qui va changer tant que ça dans le quotidien de vos gestionnaires
avec le projet de loi n° 3 en lien avec le plan santé. Puis gardez en tête que
vous avez aussi utilisé à maintes reprises le mot «imputabilité». Je vous
laisse aller là-dessus, là. C'est cryptique, mon affaire, mais c'est voulu.
Mme Girard (Danielle) : Parfait.
Je vais tenter d'éclaircir ou... je vais tenter d'éclaircir mes propos.
Premièrement, lorsque je parle du plan santé, que je fais le lien avec
le plan santé, c'est que le plan santé est au coeur, présentement, de
changements de gouvernance à travers l'ensemble du réseau. Donc, pour nos
membres, ils sont tous les jours confrontés au plan santé, donc interpelés par
le... Ça fait que, lorsque je fais le lien, je fais le lien avec un projet qui
est à mettre en place, qui touche l'ensemble de nos gestionnaires.
Lorsque je fais le lien
avec la loi, la loi n° 3, qui est sur la loi des
renseignements de santé et de services sociaux modifiant diverses... on connaît
la suite, je parle également d'une loi qui est au coeur de l'ensemble du
réseau. À partir du moment où on parle d'une loi ou d'un projet qui touche
l'ensemble du réseau, à ce moment-là, c'est clair... surtout un projet de loi
sur les renseignements, la sécurité des données, qui amène reddition de
comptes, une journalisation, bien, c'est clair qu'on a besoin d'humains qui
vont saisir l'information, s'assurer qu'elle est juste, s'assurer de la
remplir. Et, lorsqu'on parle de nos gestionnaires, c'est qu'on va devoir
changer les façons de faire aussi dans la prise de données des employés. Donc,
c'est de ça que je parle.
Lorsque je parle d'imputabilité, à l'intérieur
du projet de loi, effectivement, on est plus général dans l'imputabilité, mais
pour nous, lorsqu'il va y avoir les règlements à mettre en place, bien, c'est
bien important, un tel projet, pour
déterminer qui fait quoi et qui est imputable de quoi. Lorsque je parle
d'imputabilité, bien, pour M. le ministre, pour vous, ce sera important que les bonnes données soient rentrées, ce
sera important qu'on ait des gens responsables à travers le réseau comme
à travers d'autres organisations.
Je me permettrai de vous dire que je ne suis pas
issue du réseau, je suis gestionnaire depuis 25 ans dans différentes
organisations. Lorsqu'on parle d'un projet où est-ce qu'on parle de reddition
de comptes, on parle de journalisation, peu
importent les termes, lorsqu'on parle d'un projet où il y a reddition de
comptes, bien, les gestionnaires en
deviennent responsables, imputables, selon les différentes informations. Ça
fait que de là... c'est un peu ça, mes propos.
Ce qu'il est
important de bien comprendre également, c'est que nos commentaires sur le
projet de loi visent sa mise en
application, parce que c'est là où il sera implanté dans le réseau et qu'on
devra répondre et, opérationnellement, le faire vivre, ce projet de loi
là. Je ne sais pas si j'éclaire un peu mes propos.
M. Marissal : Oui, on
s'approche. Quel est le pourcentage, là, du travail de données, de saisie de
données fait par vos gestionnaires qui est encore sur papier?
Mme Girard
(Danielle) : Je vous dirais que je n'ai pas cette
information-là, le réseau étant, comme je vous le dis, encore... Tu
sais, c'est un grand réseau avec plusieurs établissements. Et je vous dirais
également, pour ramener le rôle de notre organisation, on est une organisation
externe au réseau, alors on est une organisation pour défendre des membres,
alors je n'ai pas au bout des doigts ces informations-là pour vous, je suis
désolée.
M. Marissal : Non, non, ce
n'est pas grave. C'est parce que vous avez l'air d'avoir des préoccupations
aussi quant au travail pratico-pratique, là, travail clérical, là, carrément.
Que ce soit sur un ordinateur ou sur un post-it, il faut saisir la donnée quelque part; idéalement, dans un logiciel, ça se
perd moins qu'un post-it. Mais, quand vous dites «de modifier les
processus», je présume que vous ne voulez pas dire débrancher le fax pour faire
un «reset», là, je présume que vous voulez dire : avoir une automatisation
et une systématisation de la prise de données, que ça s'en va à la bonne place, qu'il n'y ait pas d'incident.
Vous avez parlé vous-même d'incidents qui pourraient arriver. Et là où je reviens
à la question de l'imputabilité, il y a déjà une imputabilité en ce moment,
non?
Mme Girard (Danielle) : Oui,
absolument, absolument. Mais à partir... Je peux répondre? Je m'excuse. Vous
aviez terminé votre question?
M. Marissal : Bien sûr, bien
sûr.
• (16 h 30) •
Mme Girard
(Danielle) : D'accord. Oui, absolument. Aujourd'hui, il y a
une... c'est clair qu'il y a une imputabilité de l'information, soyez
assurés de ça, là, ça, c'est clair. Maintenant, on change une loi, on amène...
Vous savez, les origines, entre autres, de gestion... À partir du moment, je
vous le dis, où on parle de sécurité de l'information, de cybersécurité de
l'information, on se retrouve avec s'assurer que nos gens... que l'information
qui est mise dans la machine soit la bonne, lorsqu'on parle... Le projet de loi
prévoit un registre des incidents. La même chose pour... la loi n° 25 prévoit un
registre. Mais un incident doit être analysé, doit être regardé, doit être...
il faut regarder les impacts, il faut regarder... Alors, moi, quand je
parle de changement, il faut le voir positivement.
Là, ce que je vous amène, c'est qu'on veut qu'on
s'assure que ça fonctionne bien, mais un tel projet de loi avec un système
informatique qui va le soutenir, c'est important qu'on puisse avoir les bonnes
personnes qui font les bonnes choses, comme je vous l'ai dit, qui et quoi, qui
fait quoi et qui est responsable de quoi, parce qu'on devient... Pensons... On l'a vu dans les médias dans les
dernières années, les bris d'information, comment ça a été dommageable pour les
organisations et pour l'inquiétude des gens dans... puis là, bien... Alors, ça
va être important, dans le réseau, de nous consulter pour ces processus-là,
justement pour s'assurer que tout le monde sait qu'ils vont bien faire leur
travail comme ils le font toujours.
M. Marissal : Mais mettons...
Mme Girard (Danielle) : Je ne
sais pas si ça répond à votre question.
M. Marissal : Oui, oui, bien
oui, ça, oui, ça va. Mettons qu'on trouve une boîte de documents privés de
renseignements personnels dans une poubelle en arrière d'un hôpital, comme
c'est déjà arrivé, là, ou que quelqu'un soit à l'origine d'une fuite
informatique, c'est la même... ce n'est pas le même endroit, mais c'est le même
résultat, donc l'imputabilité devrait être la même?
Mme Girard
(Danielle) : Tout à fait, mais à un... absolument. Mais là vous avez
un nouveau projet de loi qui va amener des règlements, qui va amener des
processus, qui change les processus. Alors, nous, ce qu'on vous dit, c'est que... assurons-nous de consulter les gens
concernés pour, justement, s'assurer que, par exemple, dans tel cas de journalisation, c'est tel groupe qui en est
imputable, dans tel cas, c'est tel autre groupe. Quand je parle d'imputabilité,
là, ce n'est pas de façon générale,
il y a des... il y a des gens, spécifiquement, qui vont devoir être
imputables. Alors, moi, ce que je dis, c'est : Déterminons
correctement qui, et quoi, et comment. Et notre propos au niveau de
l'association, c'est : Consultons les
gens, justement, comme vous l'avez dit, qui sont imputables d'informations, des
boîtes, que ce soit papier ou autrement, pour le faire.
M. Marissal : Est-ce qu'on peut
présumer, donc, que ce soit nécessairement quelqu'un en situation d'autorité,
ce qu'on appelle parfois des cadres dans le système, puisqu'on peut imaginer
aussi qu'il y aura de la résistance, surtout s'il y a un flou dans la loi, de gens dans la hiérarchie qui
diront : Moi, je ne fais pas ça, je ne touche pas à ça, ce n'est pas ma
job?
Mme Girard (Danielle) : Vous
parlez... Je m'excuse. Est-ce que je peux... peut-être spécifier votre
question, oui?
M. Marissal :
Bien, la prise de données puis la journalisation de vos données, là, puis
s'assurer, aussi, que ça reste à la bonne place, qu'il n'y a pas personne qui
parte avec une clé USB, là, ou qui appuie sur le mauvais bouton, là — ça
s'est vu, là, malheureusement, là — est-ce que vous voyez ça
réservé à des postes de cadres, donc des gens en autorité dans l'organisation?
Mme Girard (Danielle) :
OK, j'ai compris. D'accord, je comprends votre question. Je m'excuse,
j'avais mal compris. Ce que je vous dirais, c'est que, pour moi, tant qu'on
n'est pas dans les règlements et dans la suite, c'est difficile de vous dire est-ce que ce soit... absolument les
gestionnaires qui font telle tâche et les employés, mais c'est clair que
c'est les gestionnaires et leurs équipes.
Il ne faut pas
oublier, dans ce projet de loi là, je ne sépare pas les gestionnaires de leurs
équipes, parce qu'à la limite, à un moment
donné, vous allez, comme, peut-être... vous l'avez mentionné, il va y avoir des
gens, des employés aux soins qui vont devoir remplir des données et
qu'on aura des gestionnaires qui devront les soutenir. Ça fait que, pour moi, ça, dans mon propos, j'inclus aussi nos
gens aux soins, nos employés dans ça. Ça fait qu'est-ce que ça devrait
être juste les gestionnaires? Je vous dirais, je ne suis pas là. On verra,
justement, la suite.
Le Président
(M. Simard) : Merci beaucoup.
Mme Girard
(Danielle) : Merci. Merci à vous.
Le Président
(M. Simard) : Alors, Mme Girard, M. Brunette, c'est ici
que se terminent nos échanges. Merci beaucoup d'avoir participé à nos travaux,
et on espère vous recevoir à nouveau bientôt.
Mme Girard
(Danielle) : Bien, merci beaucoup. Ce fut un plaisir. Bonne fin de
journée. Merci.
Le Président
(M. Simard) : Au revoir. Merci.
Sur ce, nous allons
suspendre nos travaux quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à 16
h 35)
(Reprise à 16 h 37)
Le Président (M. Simard) : Nous
sommes de retour. Nous recevons des représentants de la Société canadienne
du cancer et de la Société de recherche sur
le cancer. Messieurs, bienvenue parmi nous. Auriez-vous d'abord l'amabilité
de vous présenter? Après quoi, vous pourrez faire votre présentation.
Société canadienne du cancer (SCC) et
Société de recherche sur le cancer
M. Raynaud (David) : Oui. Bien, je vais me
lancer. Mon nom est David Raynaud et je suis gestionnaire dans l'équipe de défense de l'intérêt public de la
Société canadienne du cancer. Et je vais laisser... Bien, je suis accompagné...
j'ai le privilège d'être accompagné de
Laurent Proulx, président-directeur général de Procure, que je vais peut-être
laisser juste vous dire bonjour.
M. Proulx
(Laurent) : Bonjour à tous.
Le Président
(M. Simard) : Nous vous écoutons.
M. Raynaud (David) : Bien,
écoutez, merci, M. le Président, merci à vous et aux membres de la commission
de nous recevoir afin de présenter notre mémoire collectif sur le projet de loi
n° 3, Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et
modifiant diverses dispositions législatives.
Donc, comme j'ai dit,
mon nom est David Raynaud, je travaille pour la Société canadienne du cancer,
et je suis avec mon collègue Laurent Proulx,
qui est président-directeur général de Procure, et nous représentons aujourd'hui
un regroupement des principaux organismes
dédiés au cancer du Québec. Ainsi, cette présentation est le fruit du travail
de la Fondation québécoise du cancer, Leucan, Procure, la Société de recherche
sur le cancer et la Société canadienne du cancer.
Sur
une base quotidienne, dans nos échanges avec les patients et leurs familles,
les professionnels qui accompagnent les personnes vivant avec le cancer
ainsi que les chercheurs, nous constatons les limites et les barrières imposées
par un manque de fluidité des renseignements
relatifs à la santé et à la recherche. Nos organisations accueillent
favorablement le projet de loi n° 3, et nous saluons le fait que le
gouvernement souhaite faciliter l'accès aux renseignements de santé par
les patients, les professionnels de la santé ainsi que de renforcer l'accès à
ces données pour des fins de recherche. Le but de notre présentation
d'aujourd'hui est ainsi d'offrir des recommandations afin de bonifier ce projet
de loi.
Donc, la première
partie, on parle de garantir l'accès aux renseignements de santé du patient.
Donc, l'accès aux renseignements de santé par les personnes concernées,
c'est-à-dire les patients, est d'une grande importance pour nos organisations.
Ainsi, nous sommes favorables aux articles 17 et 23, qui renforcent cette
capacité.
À
cet égard, dans un sondage réalisé par nos cinq organismes... révèle que la
quasi-totalité des 9 736 répondants, donc 97 %, estime qu'il
est important d'avoir accès à leurs renseignements de santé. En ce qui concerne
les parents d'enfants atteints de cancer,
c'est 98 % qui indiquent qu'il est important d'avoir accès au dossier de
leur enfant. Nous jugeons toutefois
essentiel que ces renseignements soient facilement accessibles par les
patients, garantissant un principe d'accès à leurs données en temps réel afin
de favoriser l'autonomisation du patient par rapport à son état de santé.
Laurent, est-ce que
tu veux rajouter quelque chose?
• (16 h 40) •
M. Proulx
(Laurent) : Oui. Il est clair pour nous que les systèmes qui ont été
développés jusqu'à maintenant ont focussé sur les besoins des gestionnaires du
système et non pas nécessairement sur les besoins des patients, on ne prend que la gestion des rendez-vous, la gestion
de la facturation, puis ce n'est que de penser à la carte... la fameuse
carte... la carte d'hôpital qu'on doit avoir comme patient avant de
rentrer en contact avec le système de santé.
Actuellement, le
système de santé est opaque en termes d'information et de communication. On
peut vous donner un exemple : un patient qui aurait été diagnostiqué au
mois de septembre d'un diagnostic de cancer avancé, aucune nouvelle en octobre,
aucune nouvelle en novembre, pas moyen de savoir l'état de son dossier; en
décembre, on obtient une rencontre préopératoire, pas de date, pas
d'information; janvier passe, les fêtes passent, puis on se retrouve avec un
patient qui nous contacte, qui nous demande de pouvoir l'aider, on l'aiguille
au bon endroit. Finalement, il obtient un statut de la clinique qui lui dit
qu'il va être traité d'ici les deux prochains mois.
Il
n'est pas normal pour nous qu'un patient qui est, premièrement, en situation
avec un cancer avancé, il soit obligé de relancer le système pour obtenir de
l'information. Par opposition, si je commande un produit sur Amazon, je suis
sûr que je vais avoir une kyrielle de courriels qui va me parvenir pour
m'informer de l'état de mon produit, etc.
Je trouve que le
projet de loi est intéressant, nous trouvons que le projet de loi est
intéressant, qu'il protège les informations
puis la diffusion de l'information, mais il ne faudrait pas oublier de...
d'intégrer la communication de la trajectoire de soins du patient et de trouver
le moyen de bien communiquer cette information-là, pas nécessairement
des données cliniques.
M. Raynaud
(David) : Merci, Laurent, puis ça va bien avec la deuxième partie, qui
est, donc, l'accès par les professionnels de la santé à ces données. Donc, un
des enjeux auxquels sont confrontés les patients est le transfert de leurs données de santé entre les différents
professionnels de la santé qui assurent leurs soins. Donc, recevoir un diagnostic
de cancer est déjà un événement difficile en soi, et les patients, selon nous,
ne devraient pas avoir à se soucier de cet enjeu et se concentrer sur leur
guérison. Cette situation affecte le suivi médical et entraîne donc une perte
d'efficacité pour le système de santé,
puisque le patient doit parfois remettre un rendez-vous car les résultats de
tests n'ont pas été faits à temps, par exemple.
Donc, comme vous
devez le savoir, l'attente et le report sont des facteurs anxiogènes pour les
patients, notamment en cancérologie, car les délais pour le cancer doivent être
le plus courts possible afin d'espérer un meilleur taux de survie et des
traitements moins lourds, et donc moins d'impact sur la qualité de vie du
patient. Ainsi, nous croyons que
l'article 36 représente une avancée significative pour la qualité et la
continuité des soins oncologiques et
nous demandons son entrée en vigueur le plus rapidement possible car c'est un
des enjeux principaux que vivent les personnes atteintes de cancer.
Laurent, je te laisse la parole.
M. Proulx
(Laurent) : Oui. On mentionne dans notre mémoire les applications qui
auraient été développées par des médecins de la région de Québec qui ont...
parce qu'ils ont pris en charge le fait qu'il y avait des lacunes au niveau de
la communication. Nous croyons que, le fait d'avoir des données standardisées
et partageables, on va uniformiser la qualité de services. Ce n'est pas normal
que certaines régions soient favorisées parce qu'il y a des médecins qui ont
une initiative technologique versus d'autres. Alors, il est vraiment essentiel
d'avoir ces données-là diffusées à... et entre tous les professionnels de la
santé, indépendamment du code postal dans lequel j'habite.
M. Raynaud (David) : Merci,
Laurent. Puis là on rentre dans la partie, donc, faciliter l'accès aux données
pour des fins de recherche. Donc là, on a plusieurs propositions parce qu'on
croit que le législateur doit profiter du projet de loi
n° 3 afin d'améliorer le processus d'accès aux données pour la recherche.
Actuellement, les délais sont préoccupants
et peuvent parfois atteindre deux ans. Donc, le Québec est malheureusement une
des provinces canadiennes qui accuse le plus important retard en ce qui
a trait à l'utilisation des données cliniques. Donc, nous sommes heureux de
voir que le gouvernement veut faciliter l'accès aux renseignements de santé
pour des fins de recherche.
Donc, par exemple, il y a un délai de 10 jours
qui est prévu pour la présentation des observations par les organismes à la
suite d'une demande, mais nous demandons à ce qu'un délai maximum raisonnable
soit prévu pour autoriser l'accès aux renseignements. Il ne faut pas limiter le
potentiel de la recherche en créant un nouveau goulot d'étranglement pour l'accès
aux renseignements.
De plus, nous demandons à ce que les
renseignements de santé qui sont partagés dans le cadre de recherches soient
anonymisés, d'instaurer un principe clair «d'opting out» dans le cas où ce
n'est pas possible ou pas possible en partie et d'assurer le respect de la
volonté des patients lorsqu'un consentement est donné ou non afin de préserver
la confidentialité de leurs données.
Et puis finalement l'article 40 prévoit des
critères supplémentaires pour les projets de recherche qui impliquent la
communication d'un renseignement à l'extérieur du Québec. Nous, ce qu'on vous
suggère, c'est de modifier cet article afin d'appliquer ces critères seulement
aux projets à l'extérieur du Canada afin de favoriser la recherche
collaborative entre les chercheurs des autres provinces et ceux du Québec,
notamment ce qu'on fait beaucoup en cancérologie. Donc, je vais te laisser la
parole, Laurent, pour rajouter à mon propos.
M. Proulx (Laurent) : Dans un
contexte de recherche, Procure, l'organisme de cancer de la prostate, a
construit une biobanque, et cette biobanque-là a été dans les quatre centres
universitaires du Québec. Chaque centre universitaire avait 500 patients,
et je suis un de ces 500 patients là qui a été diagnostiqué d'un cancer de
prostate. Or, chaque centre a à stocker des prostates puis a à stocker aussi
des données sociodémographiques et des données cliniques de ses patients. Procure a investi au-delà de 12 millions
dans la conversion des données dans une plateforme disponible pour les
chercheurs. Donc, toutes les données étaient anonymisées, chaque patient a
signé un consentement autorisant la diffusion puis l'utilisation de leur
biospécimen. Procure a sollicité des projets de recherche, des projets de
recherche ont été présentés et finalement ont été présentés aux comités
d'éthique de cinq centres universitaires, et deux sur quatre ont refusé
d'octroyer les biospécimens. Or, on est obligés de refuser le projet dans ce
contexte-là. Alors, d'avoir un centre d'accès qui va uniformiser aussi et
permettre l'accès aux données va éviter ce genre de traitement local de bureau
d'éthique qui viendrait contredire l'accès que les patients avaient offert.
M. Raynaud (David) : Merci,
Laurent. Et puis la dernière partie de notre mémoire qu'on voulait couvrir
aujourd'hui, c'est la valorisation des données. Donc, c'est la partie la plus
volumineuse et pourrait faire l'objet d'une présentation
à part entière, mais ce qu'on veut vous faire passer comme message, c'est que
les données sont à la base de toute
politique publique de santé, il est important de les utiliser afin de répondre
aux besoins des personnes atteintes de cancer
et leurs proches, donc elles vont permettre de rendre disponible la bonne
ressource au bon moment, que le principe de la donnée qui suit le
patient va faire une différence majeure pour sa trajectoire de soins, comme on
en parlait un peu plus tôt, d'avoir un
système de dépôt de renseignements facilitera l'accès et le partage des données
en cancérologie et donc la mise à jour du registre québécois sur le cancer,
qui, pendant longtemps, était en retard avec le reste du Canada.
Les renseignements de santé permettent aussi de
mieux identifier les barrières d'accès que certaines communautés pourraient
vivre et sont donc importantes afin de lutter contre les iniquités de santé — donc,
on peut parler de données, par exemple,
collectées sous un principe d'auto-identification ou récolter des données
intersectionnelles afin d'identifier ces barrières. Et, pour les données
qui concernent les Premières Nations, il est important de travailler en
partenariat avec ces dernières et d'accepter les notions de propriété et de
contrôle des renseignements par ces communautés.
Ainsi, on vous recommande de continuer à mettre
à jour le Registre québécois du cancer tout en harmonisant les définitions et les processus de collecte de
données avec le Registre canadien du cancer afin de favoriser les comparaisons
pancanadiennes, donc, par exemple, les données sur le cancer que publie chaque
année la Société canadienne du cancer en partenariat avec Statistique Canada,
de rajouter comme objectif, pour le système national de dépôt de
renseignements, d'identifier et de réduire les disparités en matière de santé
et ainsi favoriser un principe d'équité en santé
et services sociaux, et puis finalement d'adhérer aux principes PCAP, là, pour
la gestion des données en santé et services sociaux des Premières Nations et ainsi soutenir le couplage et le partage de ces données avec les
organisations autochtones.
Puis finalement je vais conclure, je sais qu'il
ne nous reste plus beaucoup de temps, mais, pour toutes ces raisons, c'est que
nos organisations pensent que le projet de loi n° 3 est une opportunité de
moderniser la façon dont on utilise les
renseignements de santé au Québec, ce qui permettra d'améliorer la trajectoire
des patients en cancérologie et de démocratiser l'accès de la santé pour
la population du Québec ainsi que d'améliorer l'efficacité de la recherche en
santé sur le cancer. Donc, merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, monsieur.
Je cède la parole au ministre, qui dispose de
15 min 30 s.
• (16 h 50) •
M. Caire : Merci, M. le
Président. Merci, merci, messieurs, pour votre présentation. Écoutez, il y a
beaucoup de choses, beaucoup d'éléments que vous avez amenés qui sont le fait
de la situation actuelle, qui sont corrigés par le projet de loi. Donc,
là-dessus, je vous remercie.
Vous
avez parlé de l'accès aux données par le patient. Évidemment, on est tous
conscients, là, que c'est un problème assez important. Je l'ai dit, je le
répète, le PL n° 3, l'idée du projet de loi
n° 3, c'est de donner de la mobilité à la donnée qui va faire en sorte
qu'on va être capables, justement, de colliger cette information-là, mais pas seulement la colliger, faire, je dirais, un
certain... certain ménage, parce que, malheureusement, il y a des informations
discordantes qui se retrouvent un peu partout, compte tenu que les données sont
associées plus à l'établissement ou au lieu où elles ont été collectées qu'au
patient. Il y aura éventuellement aussi tout un ménage à faire pour avoir une
donnée qui est cohérente et que n'a pas de doublons.
Mais, une fois qu'on
a fait ça, ça ouvre la porte à beaucoup de possibilités. Et, là-dessus, je veux
vous entendre, parce qu'il y a, au Québec, mon Carnet santé, qui est
quand même une application qui donne accès à un ensemble assez large de
données, puis j'aimerais vous entendre là-dessus.
Et, dans le contexte
de l'adoption du projet de loi, deux questions ou une question à deux
volets : Qu'est-ce qu'il manque, ou si
tant est qu'il y ait quelque chose qui manque au projet de loi n° 3,
qu'est-ce qu'il manque pour qu'on puisse avoir vraiment un portrait
global, selon vous? Et, une fois qu'on a fait ça, comment on fait pour...
quelle est la meilleure façon pour rendre
accessibles les données de santé aux différents patients? Puis je vais
peut-être me rajouter une complémentaire, tant qu'à y être : Quel
contrôle on donne au patient sur ses informations?
Je m'explique. En
informatique, la donnée, vous avez quatre possibilités : vous avez soit la
lecture, l'ajout, la modification ou la suppression. Vous voyez ça comment, le
contrôle des données qu'on donne au patient? Jusqu'où on va dans la propriété
du patient de ses propres données?
M. Proulx (Laurent) : Bien,
je peux peut-être... Je suis informaticien de formation, alors je comprends
très bien les enjeux reliés aux données. Je dirais que, dans un premier temps,
je pense qu'un système qui est souhaité par les patients, c'est définitivement être en mode lecture. Je pense qu'on peut
développer... on peut développer plein d'applications qui vont être
utiles aux patients qu'en mode lecture.
Pour ce qui est de la
modification ou de la transformation de données, je pense qu'elle peut être
faite par un intermédiaire, qu'elle peut
être... pas nécessairement être mise dans les mains, nécessairement, du
patient. Elle peut être identifiée,
elle peut être flaguée, comme on peut dire, mais sans nécessairement être
obligé d'être en mode communication.
Moi, le souhait, puis
je vais vous dire bien honnêtement le souhait que je ferais, c'est qu'on puisse
avoir accès à ces données-là puis qu'on puisse avoir un App Store ou... un
App Store d'applications qui va utiliser ces données anonymisées ou
ciblées pour le patient, donc d'avoir un accès puis de permettre à la
communauté de technologie de développer des outils. Je pense qu'en mode lecture,
si ce n'est que... je donnais l'exemple du patient, de pouvoir avoir accès à la
centrale de rendez-vous, c'est quoi, ma prochaine étape, que je ne sois pas
obligé de contacter l'hôpital pour savoir quand est-ce, mon prochain
rendez-vous, puis c'est à quelle heure, puis que je sois dans le néant, bien,
tout ça, c'est en mode lecture.
On est très limités
aujourd'hui à la qualité d'information. Elle n'est pas uniforme. Mais, de
pouvoir la rendre accessible en mode lecture, moi, je pense qu'il y a une
opportunité de développer des applications qui vont être d'aide aux patients.
Aujourd'hui, le patient est confronté devant un système complètement opaque.
M. Caire :
Mais, M. Proulx, j'aimerais ça, là, pour ne pas perdre le fil, qu'on
aille sur ce que vous venez de dire, parce que, dans le fond, vous, vous
dites : Je veux avoir une continuité d'information dans la capacité que
j'ai à travailler avec mes données sur la
base de l'anonymisation. Ça, ça fera l'objet d'une autre question, si vous
voulez bien.
Bien, je vais revenir
à ma question initiale : Est-ce que, dans sa forme actuelle, le PL n° 3 nous donne la mobilité nécessaire pour être capables
de construire ces couches applicatives là qui va permettre aux patients, aux
citoyens d'avoir ce plein accès là aux données tel que vous le décrivez? Est-ce
que... Parce que la base de cette application-là,
ça, ça doit s'asseoir sur une information qui est mobile, qui est fluide, qui
est accessible, qui est intègre. Donc, est-ce que le PL n° 3,
dans sa forme actuelle, va nous amener vers cette étape inévitable là du
traitement de l'information?
M. Proulx
(Laurent) : Moi, je pense que la façon que c'est... ce que nous, on
demande, c'est qu'il y ait un... garantir l'accès. Donc, si vous garantissez
l'accès à la fois des données cliniques qui décrivent le type, par exemple, le type de cancer que j'ai et la trajectoire de
soins, si vous rendez ça accessible, moi, je pense que c'est une première étape
intéressante pour un patient quand il rentre en contact avec le système de
santé. Je pense que c'est un minimum qu'on doit avoir.
M. Caire : Puis dernier volet à ma question, ma question
principale, vous excuserez la déformation professionnelle, là : Est-ce que mon Carnet santé est le type
d'application que vous voyez comme porteur de ce qu'on devrait offrir
aux citoyens comme interface d'accès à ces données de santé?
M. Proulx
(Laurent) : Écoutez, moi, je dissocie la gestion de l'information de
la diffusion. Je pense que, les plateformes de diffusion, il en existe plusieurs
dans plusieurs domaines, je ne m'attarderais pas nécessairement que ce soit,
sincèrement, celle-là. Ce que je conviens de dire, c'est que, si on a une
donnée intègre, les plateformes de diffusion peuvent être variées, incluant
celle-là. Moi, je n'ai pas nécessairement un biais favorable ou défavorable par
rapport à la plateforme du portail santé... de santé.
M. Caire : OK. Là, je vais vous
amener dans un autre univers, parce qu'on a entendu beaucoup de craintes du
fait que le projet de loi n° 3 amène une mobilité plus grande de la
donnée, puis là je vais y aller par couches. Pour certains,
mobilité correspond à accès, accès correspond à bris de sécurité. Est-ce que
vous, dans le projet de loi n° 3, vous
voyez les garanties? Parce qu'il y a quand même deux volets : il y a le
volet, oui, de la mobilité de la donnée, mais il y a tout le volet
aussi, qui n'est quand même pas moins important, de protection des
renseignements personnels. Est-ce que, vous, à la lecture du projet de loi
n° 3... Parce que je vous entends beaucoup : Il faut qu'on ait accès
aux données, il faut que le patient ait accès aux données, mais est-ce que vous
faites cette équation-là, de dire : Un plus grand accès, c'est un plus
grand risque à la protection des renseignements personnels, ou vous voyez dans
le projet de loi n° 3 des garanties suffisantes qui vont permettre cet
accès-là, de... bref, l'équilibre dont on parlait avec nos intervenants de ce
matin entre la mobilité?
Vous avez... M. Raynaud, vous avez parlé de
la valorisation. Pour moi, la mobilité nous amène vers la valorisation, mais il
y a un nécessaire équilibre avec la protection des renseignements personnels.
Est-ce que le projet de loi n° 3 vous
donne des garanties suffisantes qu'on a trouvé cet équilibre-là, ou il y aurait
des modifications à apporter?
M. Proulx (Laurent) : Bien,
David, est-ce que tu veux y aller ou je peux y aller? C'est comme...
M. Raynaud (David) : Bien, si
tu veux, va. C'est toi, l'informaticien, mais je pourrais renchérir après.
M.
Caire : Pas tous en
même temps.
M. Proulx (Laurent) : Oui, je
ne veux pas le voir sous le... de l'informatique. Je pense que, dans un cas d'«opting out», ça, dans un premier temps, pour la
recherche, c'est essentiel. Ça, pour moi, c'est vraiment les données
exposées à un tiers qui n'est pas... qui va... utilisation puis qu'on pourra
dériver de la recherche. Ça, pour moi, c'est essentiel qu'on ait cette
option-là dans le projet de loi.
La deuxième, pour ce qui est de l'information,
moi, je ne suis pas d'avis qu'il y a des dangers plus grands que d'avoir un
dossier qui traîne dans un centre hospitalier puis que... pour moi, c'est le
même genre de problème. C'est sûr que c'est beaucoup plus rapide, s'il y avait
une fuite d'information, c'est beaucoup plus rapide, on peut vivre de plus grands problèmes, mais, à partir du
moment où on expose ces données-là avec des systèmes qui protègent le
patient, accès à son information uniquement, moi, je ne limiterais pas le
nombre d'informations là-dessus. Vous aviez posé comme question : Est-ce
qu'on devrait limiter le nombre d'informations de type... moi, je ne pense pas
qu'on devrait faire cette limitation-là.
Maintenant, est-ce que le projet de loi rassure
à cet égard-là? Moi, je pense que l'«opting out» pour la recherche, moi, c'est
le plus grand problème. Pour ce qui est du patient, je vois moins ce
problème-là.
M. Raynaud (David) : Oui, c'est
ça. Bien, peut-être juste renchérir, moi aussi, sur le principe, là, justement,
du... question des données anonymisées dans le cadre de la recherche, vraiment
ce principe d'«opting out» qui est clair, quand on ne peut pas avoir une donnée
anonymisée ou anonymisée en partie, là, donc vraiment assurer cette protection,
qu'on respecte le consentement et la volonté du patient.
Après, c'est sûr, il y a toujours des enjeux où
on peut avoir une cyberattaque, ou je ne sais pas, qui peut faire perdre des
documents, mais nous, on ne pense pas qu'en ce moment il y ait des mesures qui
contraignent, là, qui mettent à risque la sécurité. Je pense, les gens sont de
plus en plus... ils ont de plus en plus accès à leurs données avec leur
téléphone cellulaire, notamment, avec des applications. C'est sûr, il y a
toujours des risques, là, dès qu'on parle d'un transfert de données, que ce
soit papier ou virtuel, mais nous, on pense que c'est favoriser la littératie,
là, numérique aussi des personnes, favoriser la littératie médicale des
personnes, et ça permettra, là, d'assurer un lien, là, plus fort entre le
patient et sa donnée, là, parce qu'il aura plus facilement accès, puis ça,
c'est ce qui est important pour nous.
M. Caire : Je vais faire du pouce
sur la question de l'«opting out» parce que, dans ce que vous décrivez, il
n'est pas dans le projet de loi, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mais, dans la mesure où le projet de loi dit que, lorsque le cycle de vie de la
donnée est terminé, on doit détruire la donnée ou l'anonymiser pour des fins de
recherche, je comprends que vous dites... puis là je fais l'avocat du diable
parce que j'ai posé exactement la question inverse ce matin, vous dites que,
même si la recherche a besoin de cette information-là, le fait de l'anonymiser
n'est pas suffisant, il faut le consentement de la personne, du patient, de
l'individu, dans le fond, qui est le détenteur de ces renseignements de santé même pour aller dans le processus
d'anonymisation et de constituer des banques de recherche aux fins de
recherche.
Parce que, ce matin, on entendait : Bien,
écoutez, peut-être que ce serait intéressant qu'on consulte les chercheurs
avant de détruire la donnée. Puis, pour être tout à fait honnête, là, personne
n'a dit que le patient n'avait pas le droit de l'exiger, là. Mais vous, vous en
faites même une condition sine qua non, il faut d'abord et avant tout que, le citoyen, lorsqu'on collecte ses données,
on lui pose la question : En passant, peut-on se servir de vos renseignements
personnels, de vos renseignements de santé à des fins de recherche, oui ou
non?, et après ça on ira vers l'anonymiser. Mais il y a comme une condition
sine qua non pour vous, là, c'est-tu ça que je comprends?
• (17 heures) •
M. Proulx (Laurent) : Moi, je
suis d'avis que oui, là, je pense qu'il faut avoir cette condition-là. Je pense
que tout ce qui traite la trajectoire de soins, c'est différent de la
recherche. Puis, si on veut créer... on veut avoir de l'adhésion, puis d'avoir
le sentiment que la population contrôle tant soit peu ses données, puis de ne
pas permettre nécessairement dans l'utilisation de recherche, parce que ça, ça
devient un choix qui est personnel, je ne ferais pas l'inverse :
Il faut dire oui pour la recherche, je ferais plutôt : Il faut dire non de
ne pas avoir mes données disponibles à la recherche.
M. Caire : Une petite dernière
pour la route. Tout à l'heure, vous avez parlé que les contraintes d'échange d'information
ne devraient pas... il ne devrait pas y en avoir entre gouvernements
provinciaux du Canada, seulement lorsqu'on va à l'extérieur. Je vous soumets la
chose suivante, le Québec a un régime de protection de renseignements
personnels qui est particulier, hein, on a eu l'occasion de le dire, qui est le
plus sévère en Amérique, qui est vraiment un calque du RGPD européen. Sans
prétention aucune de ma part, les collègues des autres provinces et même des
États américains ne sont pas du tout là, et ça, ça amène un problème de la
responsabilité, de l'imputabilité de la protection
des renseignements personnels en vertu de notre cadre législatif, qui n'est pas
le même ailleurs. Selon vous, là, on gère ça comment? Parce que ça demeure que,
si on envoie des renseignements personnels ailleurs, on doit, nous,
s'assurer qu'ils respectent notre cadre législatif. Alors, on arrime ça
comment, dans votre esprit?
M. Raynaud (David) : Bien,
écoutez, je pense qu'il peut y avoir certaines conditions, là, c'est sûr, pour
s'assurer qu'il y ait vraiment un principe de respect de l'anonymisation de ces
données, ou quoi que ce soit, ou qu'il y ait vraiment un registre, un cadre qui
protège ces données-là. Je pense que nous, on veut toujours que les données des
patients, anonymisées ou pas, soient protégées, là, ultimement, mais c'est sûr
que, nous, la valeur ajoutée qu'on voit à vouloir partager de la donnée en
dehors du Québec... notamment, je prends l'exemple de la Société canadienne du cancer, on finance de la recherche... qu'il y
ait des études pancanadiennes sur le cancer, et puis là ça pourrait faire que,
dans certaines études, il y ait certaines données qu'au Québec on n'ait pas
accès. Donc, il y a une motion spéciale pour dire : Bien, le Québec a été
exclu pour x raison, le Québec ne fait pas partie de ces estimations ou quoi
que ce soit, comme on voit déjà un peu avec les données sur le cancer, là, on
pense que ça va se régler avec la dernière mise à jour du Registre québécois du
cancer, mais c'est cette valeur ajoutée de se dire : Bien, quand même, le
même État, là, ultimement... puis nous, on... il y a beaucoup de recherche qui
se fait dans le niveau pancanadien, puis il faut que les données du Québec
puissent être partagées pour s'assurer, là, de la collaboration des chercheurs à
travers le pays.
M. Proulx (Laurent) : David,
peut-être rajouter en complément... Ce n'est pas nécessairement des données uniques non anonymisées, on parle ici de
l'agréger. Il n'y a pas intérêt, au niveau statistique, de savoir si Laurent
Proulx a eu le cancer. Ce qui est intéressant de savoir, c'est est-ce
que le cancer est plus dans la région de Montréal ou de Québec. Donc, ça
devient des données agrégées. Alors, j'imagine que la restriction de
confidentialité ou les règles de confidentialité sont différentes dans un
contexte comme celui-là.
Le
Président (M. Simard) : Merci. D'autres questions? Sans quoi, nous allons
céder la parole à la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Merci,
messieurs, pour votre présentation. Moi, je ne suis pas informaticienne, donc
je n'ai pas de question dans ce sens-là.
D'ailleurs, vous avez été très clairs au niveau de vos objectifs, là, puis
c'est une expression que vous avez utilisée à maintes reprises, la
trajectoire de soins doit être communiquée adéquatement aux patients. Ça, ça
va.
Moi, ma
question, c'est... J'aimerais revenir sur un cas que vous avez évoqué,
M. Proulx, là, l'initiative de Procure. Puis là je m'en vais vers
la question de la recherche. J'aimerais savoir si vous... Moi, si j'ai bien
compris cette initiative, finalement, vous avez vécu des déceptions. Et est-ce
que...
M. Proulx (Laurent) : Oui.
Mme Setlakwe : ...oui, et je
veux juste clarifier... Donc, c'était un moment... c'était assez avancé, puis
il y a des établissements hospitaliers universitaires qui ont refusé de prendre
les biospécimens. Et expliquez-nous un peu plus puis... en quoi est-ce que le
projet de loi ferait en sorte qu'on ne revive pas une situation comme ça. Moi,
j'aimerais qu'on revienne là-dessus.
M. Proulx (Laurent) : Bien,
deux volets. Le premier volet qu'il faut voir aussi, c'est que Procure a
investi pour colliger les données. Si on avait eu accès à des données
centralisées, on n'aurait pas investi l'argent de nos donateurs dans un
contexte comme celui-là.
Alors, on retourne en 2007. On construit une
biobanque : biospécimens, données cliniques, données sociodémographiques.
On met ça dans une grande base de données anonymisées en parallèle du système
existant. Alors, toutes les données cliniques ont été transférées, qui sont
pertinentes au dossier, c'est une transcription manuelle parce que c'est des
dossiers qui étaient faits à la main... transcrit ça dans un dossier anonymisé
de chacun de nos patients, des
2 000 hommes qui ont été diagnostiqués avec un cancer de la prostate.
Par la suite, on a un comité de validation, d'allocation qui détermine la
validité des projets de recherche, à allouer ces biospécimens-là. Chaque
patient a donné son consentement, chaque patient a dit : Oui, moi, je suis
prêt, donne mes spécimens de prostate, mes données
sont anonymisées, pas de problème, tu peux les diffuser aux chercheurs qui vont
faire la demande. Par la suite, quand le projet a été validé scientifiquement,
il est présenté au comité d'éthique de ces quatre centres universitaires là,
et les comités d'éthique, deux sur quatre ont refusé un projet qui avait un
grand potentiel de recherche, et le chercheur a décidé d'aller voir ailleurs.
Alors, pour nous, c'est
important d'uniformiser aussi l'allocation d'autorisation des accès parce que,
s'il faut se retrouver à avoir une justification locale puis que le chercheur,
il va falloir qu'il revalide auprès de chacun des centres, bien, on n'en
sortira pas, on ne s'en sortira pas du tout.
Mme Setlakwe : Non, sachant...
M. Proulx (Laurent) : Je ne
sais pas si je réponds...
Mme Setlakwe : Oui, donc, mais
sachant que la recherche, aujourd'hui, fait partie intégrante des soins, et
même on arrive à personnaliser un traitement pour un patient, donc le projet de
loi va aider en ce sens-là.
M. Proulx (Laurent) : Bien,
pour nous, si on... L'accès aux données... Comme je vous dis, on a, en marge du
système, construit cette biobanque-là pour l'offrir parce que c'est un besoin,
on a besoin de savoir le taux d'APS, le taux... de savoir un paquet de données
cliniques pour pouvoir porter un jugement, une analyse, une recherche sur un
biospécimen. On ne sait pas c'est qui, mais on fait une analyse de 10,
50 biospécimens avec les données puis on dérive de ces données-là des
hypothèses pour déterminer, bon, c'est quoi, l'incidence du cancer de la
prostate dans tel cas, etc., est-ce que c'est plus des hommes noirs qui ont un
cancer de la prostate. C'est à partir de ces données-là qu'on est capables d'en
dériver...
Alors, si on permet l'accès aux chercheurs à ces
données-là, bien, on élargit le potentiel de projets de recherche. On utilise
les données pour, justement, dériver des nouveaux traitements, des nouveaux
diagnostics. Alors, si, comme c'était le cas, c'est des comités d'éthique qui
n'ont pas nécessairement une vue d'ensemble, bien là on peut avoir un traitement spécifique puis dire : Bien non, je
n'autorise pas l'utilisation des biospécimens. Puis, comme les spécimens étaient distribués avec quatre
centres universitaires puis que le projet de recherche nécessitait
l'utilisation de biospécimens dans les quatre centres, comme ils
n'avaient pas eu l'autorisation, bien, ils passaient à autre chose...
Mme Setlakwe : Je comprends.
Merci beaucoup pour les précisions. Je regarde... Maintenant, moi, je ne pense
pas que j'ai d'autres questions. Vos commentaires sont clairs. Vos attentes et
vos préoccupations... Puis, même, vous êtes
entrés dans le détail de certaines modifications que vous proposez à certains
articles. Donc, pour moi, ça va. Je vous remercie, encore une fois.
M. Proulx (Laurent) : C'est moi
qui vous remercie.
M. Raynaud (David) : Peut-être
juste... Mme la députée, si vous le permettez, je veux juste rajouter que la
recherche, aussi, c'est un des meilleurs outils, sinon le meilleur outil qu'on
a pour lutter contre le cancer. Donc, favoriser la recherche sur le cancer,
développer des nouveaux traitements, des nouvelles façons de dépister le
cancer, ça permet à la fois d'augmenter les taux de survie, de réduire le poids
du traitement aussi sur la qualité de vie du patient
et tout, et ça permet aussi ultimement de diminuer la pression sur le système
de santé de manière un peu plus large. Donc, il y a des bénéfices, tout
le monde y gagne : le patient, le système, et puis un jour on n'aura plus
à avoir peur du cancer, je l'espère.
Mme Setlakwe : Nous l'espérons
tous. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, chère collègue.
Je cède maintenant la parole au député de
Rosemont, qui dispose d'environ 11 minutes.
M. Marissal : Oui, merci, M. le
Président. Merci, MM. Proulx et Raynaud, d'être là, encore une fois, on se
voit souvent, toujours pour la bonne cause, d'ailleurs.
On va prendre un exemple précis, là, puis M.
Raynaud... en toute transparence, M. Raynaud et moi, on en a parlé
souvent, notamment la recherche en oncologie de pointe sur les cellules souches
qui se fait notamment à Maisonneuve-Rosemont, qui est une grande fierté. Il y a
aussi de grandes fiertés à Maisonneuve-Rosemont, pas juste un hôpital en
ruines. Qu'est-ce qu'en ce moment les chercheurs ne peuvent pas faire qu'ils
pourraient faire avec ce projet de loi là, une fois adopté? Parce qu'on a un
pitch à faire, là, pour commencer à mobiliser la... à faire de la mobilité avec
les données, là. Il y a des craintes, vous les connaissez. On en a déjà
discuté. On en a discuté dans plein de projets de loi dans la dernière
législature. Certains ont tendance même à «freaker» un peu — c'est mon cas — quand on parle de libre circulation des données, même
anonymisées, parce qu'il y a toutes sortes de données sur le sujet qui
démontrent que ce n'est pas si simple que ça et que, dans certaines poches de
population, ça n'existe pas, l'anonymisation, là, complète, là. Enfin, bref,
vous faites le pitch pour la recherche, puis il n'y a pas personne qui est
assez fou pour se mettre dans le chemin de la recherche qui va sauver du monde,
là, mais il y a quand même des limites à faire circuler des données
personnelles de santé.
Alors, je
repose ma question après le très long préambule. Qu'est-ce que les oncologues
de Maisonneuve-Rosemont, par exemple, dans les domaines de pointe, ne
peuvent pas faire en ce moment et qu'ils pourraient faire avec ça?
• (17 h 10) •
M. Raynaud
(David) : Bien, peut-être une des choses dont on... qu'on
met de l'avant dans notre présentation puis dans notre mémoire, c'est,
des fois, un peu ce goulot d'étranglement qu'il y a, là, des délais
raisonnables dans le fait de recevoir la donnée, c'est
quelque chose qui revient souvent. Des fois, il y a des chercheurs qui vont
déposer une demande pour avoir accès à certains renseignements, et ça prend des
mois, voire des années, puis le temps qu'ils reçoivent l'approbation, bien là,
on a le chercheur qui est passé à autre chose, là, ou qui a déposé un projet de
recherche dans une autre province ou un
autre État et qui se retrouve, dans le fond, à ne pas faire sa recherche au
Québec ou à ne pas pouvoir la faire.
Ça, je pense que c'est une des propositions, une des choses qui pourraient être
améliorées par ce projet de loi là, là, de rajouter un délai raisonnable
pour le partage de ces renseignements avec la recherche.
Je ne sais pas si,
Laurent, tu voulais rajouter...
M. Proulx
(Laurent) : Bien, je pense aussi que, dans un contexte de... Si je
prends l'exemple de notre biobanque, on
est... les données étaient en forme non numérisée puis il a fallu les
numériser. Alors, c'est sûr qu'on est capables, aussi, de standardiser
toutes ces données-là puis d'en recréer un univers qui va être plus facile à
comparer pour des chercheurs. Les
chercheurs, on prend toutes sortes de plateformes d'intelligence artificielle,
ont besoin d'une bonne quantité de données pour pouvoir dériver un
traitement ou peu importe. Alors, ce n'est pas sur un «subset» ou un «subset»
très petit... Alors, l'enjeu que nous, on avait, c'est qu'elles n'étaient pas
numérisées, de les numériser, de les standardiser.
Là, l'autre couche
que vous demandez, c'est l'accès. Moi, je trouve que l'«opting out», c'est une
forme... Moi, si ça ne m'intéresse pas que mes données soient accessibles à la
recherche, bon, bien, tu sais, je peux décider puis je dois pouvoir décider de ça. Moi, je pense que c'est essentiel.
Puis, dans l'autre cas, c'est sûr qu'il y a toute une notion de... On
parle d'un centre d'accès, là, mais il y a une notion... Ça prend des gens qui
ont quand même une qualité de pouvoir évaluer ces projets de recherche là puis
le potentiel éthique de certains projets de recherche. Donc, je pense que c'est inévitable de rendre accès...
de limiter l'accès, je pense que c'est essentiel, mais je pense que, pour les
chercheurs, d'avoir accès à des données, de pouvoir les manipuler puis d'en
extraire des tendances, c'est essentiel.
M. Marissal :
Bien, l'«opting out», là, dont vous parlez beaucoup depuis tout à l'heure,
il me semble avoir compris de vos réponses que vous ne le trouvez pas, ou, en
tout cas, pas de façon satisfaisante dans le projet de loi.
M. Proulx
(Laurent) : Bien, moi, je pense que ça doit être, en premier lieu, au
même niveau que... Bon, on a l'inverse aujourd'hui, là. On décide si on va
donner ses organes et, de facto, on ne les donne pas. Moi, je pense, ça devrait
être l'inverse. On doit... Les données sont distribuées, mais il devrait y avoir
un «opting out» officiel pour le patient. En tout cas, moi, je vois deux types
d'utilisation. La première, c'est vraiment pour le patient. Moi, je vois mes
données, ça, pour moi, c'est essentiel, mais maintenant l'utilisation de mes
données pour la recherche, je devrais pouvoir dire non. Je devrais
définitivement pouvoir dire non.
M. Marissal :
Bien, justement, vous avez abordé la question, là, puis l'exemple, là, des
greffes, là, des organes, là, des dons d'organes, c'est un bon exemple, vous
voyez... L'«opting out», c'est le patient ou la personne, là, pas toujours des
patients, la personne qui «opte out», ou, si elle n'«opte» pas «in», elle est
«out»?
M. Proulx
(Laurent) : Moi, je pense qu'on devrait être «opté out», et, de facto,
on est «in».
M. Marissal :
Il faut manifester... Donc, il faut cocher une case?
M. Proulx
(Laurent) : Oui.
M. Marissal : Puis à quel moment on
peut le faire comme... Comme, là, plutôt patient, là, ou comme individu,
même, quand on nous donne cette occasion?
M. Proulx
(Laurent) : Écoutez, moi, je... À partir du moment où est-ce que vous
me donnez accès à mes données personnelles, je devrais pouvoir dire, dans mon
profil : Je ne veux pas. Puis je peux changer d'idée au cours de ma vie, changer d'idée puis dire : Oui, je
veux, mais ça devrait être dans les premières conditions. Vous savez, vous avez toujours la notion de confidentialité. Vous
rentrez sur n'importe quelle plateforme, on vous demande : Voulez-vous...
Bien, ça devrait être une des premières questions avant de rentrer même pour
voir mes données : Voulez-vous les rendre accessibles à la recherche? Si
c'est non, c'est non.
M. Marissal : Oui, mais on se retrouve
tous à payer des trucs d'Apple qu'on n'a pas, là, puis qu'on ne veut pas, là, parce qu'on n'a pas coché la bonne case, là. Ça fait que c'est un peu plus grave avec mes données personnelles, là.
M. Proulx
(Laurent) : Oui, ça ne devrait pas être sous cette forme-là.
M. Marissal :
Non, mais c'est parce que, tu sais, on parle de ça comme si c'était évident
que tout le monde a un téléphone intelligent dans sa main puis tout le monde
sait s'en servir. Ce n'est pas le cas, là. Au Québec, là, on est technophiles,
oui, mais à différents niveaux, là.
M. Proulx
(Laurent) : Oui, oui, c'est ça.
M. Marissal : Il
ne faut pas non plus prendre pour acquis que tout le monde va être capable de
naviguer là-dedans d'une façon fluide, là.
M. Proulx
(Laurent) : Non, mais c'est parce que je pense que le «opt in» par
défaut inclut nécessairement l'anonymisation des données. Ça, il faudrait que
ce soit plus clair.
M. Marissal : Oui, bien, là-dessus, il
me semble que votre recommandation, à la page 11, elle est... à la page 12, elle
est contradictoire. Vous écrivez : «Assurer que les renseignements de
santé qui sont partagés dans le cadre de recherches soient anonymisés,
instaurer un principe d'"opting out" clair dans le cas où les données
ne peuvent être entièrement anonymisées.» Il me semble que les deux paragraphes
sont contradictoires puisque le premier dit que, de toute façon, ça ne peut pas
se faire.
M. Proulx (Laurent) : Oui,
bien, si on veut, mais je pense... Prenons la première... on s'entend qu'ici,
au niveau de la recherche, les données anonymisées, c'est de facto. Il
faut que ce soit comme ça, on s'entend.
M. Marissal :
C'est ça, c'est ce que je... OK.
M. Proulx (Laurent) : Puis
installer un... d'«opting out» clair dans
le cadre des données entièrement anonymisées, bien, je pense que c'est... je reviens à mon
exemple de... c'est : il faut que je puisse dire non. Je pense que c'est
ça...
M. Marissal :
Je comprends, là. Je comprends bien l'esprit. Page 11, la recommandation,
«assurer que le fait de s'adresser au centre d'accès n'engendre pas des délais
inégaux et plus élevés pour les chercheurs non liés», éclairez-moi, qui sont
les chercheurs non liés?
M. Proulx (Laurent) : Ceux
qui ne sont pas nécessairement dans des centres hospitaliers, qui sont à
l'extérieur des centres hospitaliers.
M. Marissal :
OK, mais ils sont liés à qui? Où c'est...
M. Proulx
(Laurent) : Bien, ça peut être des projets... Aujourd'hui, on ne
retrouve pas nécessairement des centres de
recherche dans les pharmaceutiques, là. Ça peut être des centres de recherche
qui ont... qui sont indépendants, qui sont peut-être subventionnés par
des pharmaceutiques ou pas, mais qui ne sont pas nécessairement liés à un
centre hospitalier.
M. Marissal :
OK, et vous ne faites pas de distinction entre le privé et le public, là.
M. Proulx
(Laurent) : Pas dans ce contexte-là.
M. Marissal :
OK. Une dernière question. Des médecins et spécialistes de santé publique
qui, parfois, nous conseillent, nous
indiquaient qu'il y a peut-être une inquiétude à avoir sur un — et là ça va être bizarre, ce que je vais dire, là, mais je vais
m'expliquer après — trop
grand accès à la donnée médicale au patient, en ce sens qu'il pourrait fort
bien arriver un problème où le patient reçoit un diagnostic ou une analyse x,
mais sans avoir eu d'abord la conversation avec le professionnel de la santé
qui pourrait... Autrement dit, quelqu'un pourrait apprendre qu'il a le cancer, puis ça ne m'est pas arrivé encore, mais
ça doit être un méchant choc dans la vie, là, puis l'informatique étant ce
qu'elle est, c'est facile d'appuyer sur un bouton «send», puis tu ne peux pas
le rattraper quand il est parti. Ça fait que la personne reçoit ça... Ou le
contraire, sans être hypocondriaque, des fois, vous regardez vos analyses puis,
si vous ne savez pas les lire, vous pensez qu'il vous reste quelques jours à
vivre, là, puis... alors que c'est peut-être juste une carence en calcium, là.
C'est vraiment... Alors, comment est-ce qu'on s'assure, là, qu'il y ait
vraiment le lien, de l'accompagnement pour ne pas que des patients «freakent»
leur vie parce qu'ils reçoivent quelque chose puis qu'ils le comprennent mal?
M. Proulx
(Laurent) : Bien, moi, je l'ai eu, le cancer, puis, quand je suis
sorti du bureau du médecin, j'avais 50 000 questions. Alors, qu'est-ce que
vous pensez que j'ai fait? J'ai consulté Internet puis j'ai fait exactement ça.
Je n'avais pas de données, mais j'ai consulté Internet. Moi, je pense que,
comme citoyen, j'aime autant le savoir puis j'aurai à prendre la décision si je
m'inquiète. Il y en a, des patients qu'on leur annonce un diagnostic de cancer,
puis que ce n'est pas eux qui font la recherche, puis ils ne veulent rien
savoir.
Je pense qu'on n'est
plus à l'ère de cacher de l'information au patient. C'est à lui à prendre la
décision de me donner... Donne-moi
l'information, puis je vais prendre la décision. Puis malheureusement, pour
certains professionnels de la santé, ça peut être challengeant
d'avoir... ou autres, dans leur bureau, mais moi, si j'ai l'information, je
vais être capable de consulter des organismes comme les nôtres, qui supportent
ces patients-là, avec des données qu'ils vont nous transmettre... dire :
Bien, mon PSA, c'est ça, voici ce que j'ai eu... qui ont la donnée.
Aujourd'hui, ils spéculent sur la donnée. Ils ne savent pas vraiment ce qu'ils
ont parce qu'ils n'ont aucun document. Ils n'ont rien, puis ils nous appellent,
puis là on va à la pêche, on creuse, on creuse, à savoir comment est-ce qu'on
peut les aider.
Alors, on est des organismes qui soutiennent ces
patients-là avec aucune information qui ne vienne du médecin, puis ça, c'est... Des fois, les patients réussissent à avoir
leur biopsie puis... sous format fax, qu'ils nous envoient, mais je pense qu'on est
passés cette ère-là, de dire que c'est trop dangereux, qu'ils aient peur. Je
vous ai donné un exemple du patient qu'au mois de septembre il a eu un
diagnostic, qui ne sait rien pendant trois mois. Je ne suis pas sûr que, lui,
son niveau de stress, il était bas. Lui, il le savait, qu'il avait un cancer,
puis il a attendu trois mois avant de savoir c'était quoi qui va se passer avec
lui. Ça fait que donnez-lui l'information, puis on est des adultes, on est
capables de gérer ça. On va être capables de gérer ça.
M. Raynaud (David) : Puis,
peut-être pour rajouter, Laurent, c'est sûr qu'il ne devrait pas y avoir une
annonce de diagnostic qui se fasse avec un texto ou quoi que ce soit. Ça, on
tient à le préciser. Je pense, c'est des conversations qui doivent être faites
avec un médecin ou une équipe de soins, là.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci beaucoup.
M. Marissal : Oui, je
comprends. Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors,
MM. Proulx et Raynaud, merci beaucoup pour votre contribution à nos
travaux. Nous espérons vous retrouver sous peu.
Sur ce, nous allons suspendre nos travaux.
(Suspension de la séance à 17 h 21)
(Reprise à 17 h 27)
Le Président (M. Simard) : Chers
collègues, nous reprenons nos travaux. Nous sommes en présence de représentants
de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Madame, monsieur, soyez les
bienvenus. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter?
Régie de l'assurance
maladie du Québec (RAMQ)
M. Thibault
(Marco) : Oui, Marco Thibault, président-directeur général,
Régie de l'assurance maladie du Québec. Je suis accompagné de
Mme Mélissa Plamondon, qui est secrétaire générale à la régie.
Le Président (M. Simard) : Nous
vous écoutons, et vous disposez de 10 minutes.
M. Thibault (Marco) : Merci.
Merci, M. le Président, membres de la commission.
Depuis maintenant 50 ans, la Régie de
l'assurance maladie occupe une place centrale dans le système de santé québécois. Elle gère, entre autres,
l'admissibilité des personnes au régime d'assurance maladie du Québec ainsi que
le régime public d'assurance médicaments. La gestion de l'admissibilité
de ces personnes à ces régimes se traduit par la
vérification de leur identité, la délivrance de leur carte d'assurance maladie
et l'inscription des personnes admissibles au régime public d'assurance
médicaments. Mais également la régie a pour mandat d'administrer plus d'une
quarantaine de programmes pour le compte du gouvernement. Ceux-ci touchent, par
exemple, les aides visuelles et auditives, le remboursement des frais médicaux
hors Québec, l'aide financière pour les services d'aide domestique et la
contribution financière des adultes hébergés dans un établissement de santé,
pour ne nommer que ceux-là.
Enfin, la RAMQ, la régie, rémunère les
professionnels de la santé conformément aux ententes conclues entre les
fédérations médicales et les diverses associations professionnelles et le
ministre de la Santé. Des remboursements sont également effectués auprès des
dispensateurs de services dans le cadre de divers programmes. À titre
indicatif, il est à souligner que les
programmes de la régie touchent l'ensemble de la population québécoise, tout en
rémunérant près de
59 professionnels de la santé et autres dispensateurs. À ce titre, ce sont
plus de 340 millions de demandes de paiement qui sont traitées
annuellement, pour des coûts de programme d'environ 13 milliards de
dollars, soit le quart du budget du réseau de la santé.
Dans le cadre de l'exercice de ses attributions,
la RAMQ administre un grand nombre de renseignements personnels concernant
l'ensemble de la population québécoise de même que certains professionnels de
la santé. Ces renseignements se rapportent à l'administration du régime
d'assurance maladie et du régime public d'assurance médicaments. La régie est
également dépositaire de données en matière de santé et de services sociaux que
lui confie le ministère de la Santé et des Services sociaux. Elle assume la
gestion opérationnelle de ces renseignements pour le compte du ministère. Donc,
la régie en est responsable, de l'hébergement de ces renseignements, mais
toutefois, dans ces cas-ci, n'y a pas accès, à moins d'en obtenir l'autorisation.
La régie doit respecter un cadre de protection
des renseignements plus restrictif que celui prévu par la Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels. Effectivement, le cadre législatif applicable aux renseignements
détenus par la régie est à ce point complexe qu'il doit respecter des considérations juridiques particulières édictées
dans des lois précises, dont la Loi sur l'assurance maladie et la loi sur le
partage de certains renseignements de santé, auxquelles se superpose le régime
général de la Loi sur l'accès.
Conformément à la Loi sur l'assurance maladie,
tous les renseignements détenus par la régie sur un citoyen ou un professionnel sont confidentiels. La régie
peut toutefois révéler, de façon exceptionnelle, certains renseignements
recueillis, conformément à la loi, à une personne, à un
ministère ou à un organisme. Il s'agit de communications de renseignements
permises par cette loi, qui n'exigent pas le consentement de la personne
concernée.
Or, il serait parfois nécessaire de rendre
accessibles à des partenaires du réseau de la santé et des services sociaux certains renseignements protégés,
notamment pour l'exécution de leurs fonctions. Actuellement, les renseignements
identificatoires concernant les
professionnels de la santé, de même que les renseignements portant sur la
rémunération ne sont pas accessibles pour le ministère ni pour les
établissements ni pour des entités comme les départements régionaux de médecine
générale ou les chefs de départements cliniques. La loi leur attribue pourtant
des fonctions nécessitant la connaissance de ces renseignements.
• (17 h 30) •
Il en est de même pour la communication des
renseignements concernant les services rendus aux personnes assurées au Commissaire à la santé et au bien-être, que vous avez rencontré plus tôt dans la journée. Le cadre législatif actuel
limite le partage d'information de part et d'autre parmi les acteurs du réseau
de la santé et des services sociaux. L'accès
à certaines banques ministérielles hébergées à la régie dont elle assure la
gestion et dont l'information serait utile à la réalisation de ses
mandats n'est pas permis. Par exemple, l'accès au Dossier santé Québec, régi
par la loi sur le partage de certains renseignements
de santé, n'est pas autorisé, alors qu'un tel accès faciliterait de nombreuses
fonctions de la régie.
Parfois, ces limites ne rendent pas l'accès à
l'information impossible, mais très peu agile, puisqu'elles exigent des
autorisations précises à la pièce. Elles ont pour effet de
restreindre la capacité de la régie à simplifier ses processus administratifs au profit de ses clientèles. La régie pourrait
notamment éviter d'aller requérir ces informations auprès des intervenants, ou des professionnels, ou du citoyen, alors qu'elle détient déjà,
techniquement, l'information.
La régie collige, utilise et
communique des renseignements confidentiels et très sensibles, sans compter les
risques d'incident de sécurité et les risques d'atteinte à la vie privée dont
vous avez fait état précédemment. C'est pourquoi elle doit être à la
hauteur de la confiance des citoyens afin de protéger le droit à la vie privée.
Pour respecter ce droit fondamental reconnu à toute personne, la RAMQ doit
s'assurer de mettre en place des mesures de protection des renseignements
confidentiels et de sécurité auxquelles elle est assujettie, considérant la
valeur inestimable de cette information.
À titre
comparatif, on peut comparer, dans le régime et les règles de protection que la
régie doit administrer... du même
ordre que Revenu Québec avec le secret fiscal. Ça vous donne un aperçu du
cadre légal qui régit les renseignements qui sont détenus à la régie. Avec un tel régime de protection des renseignements confidentiels...
est essentiel... et au maintien de la relation de confiance que la régie
entretient avec ses clientèles. Donc, elle ne peut toutefois pas la mettre à profit, cette information, afin d'offrir
des services publics plus intuitifs et faciles d'utilisation pour la population
et ainsi améliorer l'efficience et l'efficacité de l'État.
Le projet de loi concernant les
renseignements de santé et de services sociaux déposé par le gouvernement est une opportunité pour la régie d'obtenir des
informations qui auparavant ne lui étaient pas accessibles. Conséquemment,
leur utilisation permettrait de simplifier la gestion de ses programmes au profit
des citoyens et des professionnels de la santé. Cela contribuerait par le fait
même à rendre l'organisation plus performante tout en aidant le ministère dans l'accomplissement de ses mandats.
La régie est donc en faveur des
intentions du projet de loi, dont l'objectif ultime est l'amélioration de la
qualité des services offerts à la population et d'une gestion du système de
santé et des services sociaux basée sur la connaissance des besoins des
personnes et de la consommation des services.
En effet, l'abolition du régime de
confidentialité restrictif de la régie prévue au projet de loi permettrait une meilleure circulation des renseignements et, par
conséquent, un meilleur service pour le citoyen. À titre d'exemple, les personnes assurées auraient le droit d'accéder à
leur dossier sans restriction, alors qu'une telle restriction est présentement
prévue à la Loi sur l'assurance maladie.
Prenons l'exemple d'une personne assurée
qui aurait besoin d'avoir accès à l'un des programmes... financière de la régie, comme celui concernant le
lymphoedème, les prothèses mammaires externes ou encore une prothèse oculaire, la personne assurée doit présenter une ordonnance médicale pour
y être admissible. Or, si elle égare son ordonnance, elle
doit retourner dans le réseau pour en obtenir une autre afin que son
admissibilité soit confirmée par un professionnel de la santé.
Le projet de loi n° 3 pave la voie à une nouvelle approche davantage orientée sur le service
au citoyen. En effet, son adoption
permettrait de simplifier les exigences des programmes d'aide financière que la
régie administre. Comme ces programmes reposent sur un diagnostic ou une
procédure médicale, les informations détenues dans le réseau, si elles étaient disponibles, seraient un complément
à celles que détient déjà la régie. La combinaison de ces informations
permettrait d'attester de l'admissibilité de la personne à certains programmes
sans que la personne ait à fournir d'efforts
en ce sens. Cela permettrait également de réduire la sollicitation des
professionnels de la santé. Et
on le voit dans les médias encore
récemment, à quel point on peut requérir de ceux-ci beaucoup de complétion de
rapports administratifs.
Cette nouvelle approche aurait
pour avantage de réduire leur fardeau et potentiellement de réduire le nombre
de rendez-vous dont le but est d'obtenir des ordonnances pour l'admissibilité
aux programmes.
Le projet de loi pourrait
également être profitable dans le cadre d'analyses de demandes d'autorisation
pour le patient et les médicaments d'exception. En effet, il permettrait
d'éviter de recontacter le professionnel de la santé dans le cas de données
manquantes dans une demande d'autorisation et faciliterait la validation de
certaines données soumises par le professionnel pour en assurer la conformité.
Qui plus est, il assurerait la continuité de l'accès aux médicaments utilisés antérieurement par un usager
lors de son passage d'un assureur privé au régime public. On le sait, à 65 ans,
il y a une bascule.
Enfin, pour ce qui est de son rôle d'assureur public, l'accès à ces
nouvelles données permettrait à la régie d'établir un portrait plus complet de
la consommation des services par les personnes assurées. Cela fournirait de l'information importante pour mieux connaître sa
clientèle et faire évoluer ses régimes et programmes en fonction des
besoins.
Le
projet de loi concernant les renseignements de santé et des services sociaux
déposé par le gouvernement représente, selon
nous, une avancée considérable pour les citoyens, pour les professionnels de la
santé et pour la régie, mais également pour les chercheurs. En effet, le décloisonnement proposé par le
projet de loi permettrait à la régie d'obtenir des informations qui auparavant
ne lui étaient pas accessibles. Cela lui permettrait d'améliorer la qualité de
ses services. Ça ouvre d'autres possibilités en matière d'expérience client positive.
Ça peut représenter un avantage certain dans le cadre de son projet de
transformation. Et l'assouplissement du régime va permettre à l'ensemble des parties
prenantes de pouvoir tabler sur la richesse de ces informations.
Les exemples d'améliorations mentionnés
précédemment, tels que celui-ci sur les demandes d'autorisation pour le patient et les médicaments
d'exception et les programmes administrés par la régie, démontrent la
possibilité de créer de la valeur
avec des données détenues par celle-ci. En effet, la RAMQ fait partie du
continuum de soins et services dans les programmes qu'elle administre
pour le patient.
Bref,
la RAMQ accueille favorablement le dépôt du projet de loi sur les
renseignements de santé modifiant diverses dispositions législatives par le
gouvernement. Elle entend également poursuivre sa collaboration avec vous et le
ministère pour améliorer la qualité
des services rendus. Merci.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous, M. Thibault. Je cède maintenant
la parole au ministre.
M. Caire :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Thibault, Mme Plamondon...
c'est ça?
Mme Plamondon
(Mélissa) : Oui.
M. Caire :
Bonjour, Mme Plamondon. Vous
avez amené, bien, plusieurs éléments en faveur du projet de loi n° 3, mais
on est aussi là pour voir, selon vous, comment on peut le bonifier. On a
beaucoup discuté, avec les intervenants précédents,
d'équilibre. Ce n'est pas flagorneur, je pense, de dire que la RAMQ, c'est la
plus grosse banque d'informations du
gouvernement du Québec, là, peut-être avec l'Agence du revenu puis... bon, mais
pas mal dans... sinon la plus grosse dans les deux ou trois plus grosses
banques d'informations. Il y a des enjeux de PRP très importants.
Est-ce que le
PL n° 3, à votre avis, trouve cet équilibre
nécessaire? Puis je pense que les collègues ont bien traduit cette
préoccupation-là qu'on a. Oui, la mobilité de la donnée... Vous le savez, là,
M. Thibault, ce n'est pas la première fois qu'on s'en parle, moi, je suis
un apôtre de la mobilité de la donnée pour des fins de valorisation de la donnée, mais il y a un volet qui est quand même
très important au niveau de la protection des renseignements personnels. Le
PL n° 3 touche à ces deux volets-là. Est-ce que
vous trouvez que, dans le PL n° 3, on a trouvé cet équilibre, ou
est-ce qu'au niveau de la mobilité de la donnée on pourrait faire mieux? Est-ce
que... Ou, au contraire, au niveau de la protection des renseignements
personnels, il y a des... il y a moyen de renforcer ça, là? Je voudrais
peut-être avoir votre vision plus précise là-dessus.
M. Thibault
(Marco) : Quand on a fait la lecture du projet de loi, on voyait qu'il
s'inspirait quand même de dispositions
apparentées à celles qui ont été adoptées dans la précédente législature,
notamment tout le projet de loi n° 64 sur la protection des
renseignements personnels de même que celles en lien avec la gouvernance des
ressources informationnelles qui ont été adoptées. Or donc, il y a quand même
une cohérence dans le corpus législatif dans la façon dont celle-ci est
présentée.
Il y a un élément
qui, personnellement, m'a frappé puis que je trouve très intéressant qui a été
mis dans ce projet de loi, c'est l'impossibilité de pouvoir croiser — en
tout cas, c'est ma compréhension — des renseignements de d'autres banques lorsqu'on y a accès. Et je
pense qu'une des préoccupations à l'égard de l'anonymisation, qui n'est pas quelque chose de facile à faire mais qui se doit
d'être fait, si elle n'est pas balisée par l'impossibilité de pouvoir les
croiser avec d'autres banques achetées sur le marché, et là on peut penser aux
grands de ce monde qui en détiennent plusieurs, bien là, on vient minimiser le
risque de reconstituer quelque chose qui n'est plus tant que ça anonyme, et
donc de reconstituer. Ça fait que ça, je trouve que c'est une balise qui est
intéressante qui a été introduite dans le projet de loi et qui est un garde-fou
supplémentaire à ce qu'on pouvait retrouver dans les législations antérieures.
Par ailleurs, le
gouvernement prévoit dans le projet de loi beaucoup de balises par... sur angle
réglementaire. Ça fait que, là, c'est
peut-être plus sur cette dimension-là qu'il sera intéressant de voir la suite
des choses, là, par rapport aux différentes mécaniques. Mais je trouve
que la question de la protection des renseignements personnels est quand même
mise à l'avant-plan, avant d'arriver au partage, et que cette notion-là doit
être un préalable avant de favoriser le
partage de ces renseignements. En tout cas, c'est philosophiquement ce qui se
dégage de la compréhension qu'on a du projet de loi.
• (17 h 40) •
M. Caire :
C'est intéressant, ce que vous amenez sur le croisement. Puis là vous
comprendrez que mon rôle, c'est de peut-être
jouer un peu l'avocat du diable, parce que, dans votre intervention, vous
dites : Ça va être intéressant pour nous dans une perspective d'améliorer
les services qu'on donne aux citoyens, donc ça va nous donner accès à des
informations pour lesquelles, actuellement, on ne peut pas avoir accès.
Je vous
donne... je vous donne un cas de figure. Est-ce qu'il ne serait pas
intéressant... Par exemple, une condition médicale amène un crédit
d'impôt. Ce croisement-là ne pourrait-il pas être intéressant, justement, pour
dire : Ah! bien...
Puis on l'a vécu, peut-être plus du côté du fédéral, où des aînés avaient droit
à des... de l'aide du gouvernement, mais n'étant pas au courant, bien,
ils ne vont pas chercher l'aide. Donc, est-ce qu'au niveau de l'amélioration du
service il n'y aurait pas lieu, justement, peut-être de permettre ça, dans une
perspective de services, toujours?
M. Thibault (Marco) : Dans la
perspective de la RAMQ, qui est dans le continuum de soins, je ne vois pas trop
de contraintes à permettre cette fluidité-là parce que ça facilite la vie à la
fois du citoyen, des professionnels puis de la régie dans l'administration de
son programme. La question plus large que vous soulevez, notamment quant à
l'admissibilité à d'autres programmes gouvernementaux, pose une autre question,
et là c'est : Est-ce qu'au niveau de l'acceptabilité sociale on est rendus
là? Honnêtement, c'est une question sur laquelle je n'ai jamais réfléchi puis
sur laquelle, honnêtement, j'ai... c'est un élément qui m'amènerait à devoir y
réfléchir peut-être plus à fond avant de me prononcer.
M. Caire : Sans problème. Je
vous ramène à l'essence de ma question, puis, pour les fins de la discussion,
peut-être préciser. Avez-vous un exemple de données, d'informations auxquelles
vous n'avez pas accès auxquelles le PL n° 3 va vous donner accès? Et
comment ça va se traduire par des services de la régie envers le citoyen?
M. Thibault (Marco) : Présentement,
un patient... Bon, dans le régime d'assurance général de médicaments
d'exception, l'accès aux médicaments ou à certaines molécules de par des
contre-indications ou des indications cliniques particulières ne peuvent être
accessibles qu'à certains critères qui sont édictés par l'INESSS, la régie doit
les administrer en conséquence. Or, pour être capables de dire oui ou non à
l'accessibilité aux tels médicaments, il faut avoir deux éléments : le
premier élément, le profil pharmacologique de la personne assurée; le deuxième,
les résultats cliniques de la réponse aux autres tentatives thérapeutiques qui
ont été testées. Si... dans la mesure où cette tentative-là n'a pas été
fructueuse et que les indications cliniques sont positives, la régie peut
octroyer l'accès aux médicaments. Vous comprendrez que tous ces
renseignements-là sont dans le Dossier santé Québec. La régie ne peut pas y avoir accès puisqu'il s'agit d'un régime
très restrictif d'accès. Si demain matin nous avions... Puis on l'administre,
là, le DSQ est dans les bureaux de la régie...
M. Caire : Oui, bien, c'est ça
que j'allais dire, là. Oui, c'est ça.
M. Thibault (Marco) : ...mais
on ne peut pas, légalement, l'utiliser. Bien, ça nous éviterait deux choses. La
première des choses, c'est de requérir de la part des professionnels, autant
pharmaciens que médecins, l'obligation de compléter moult formulaires. On
pourrait simplifier leur travail par une corroboration de la lecture que l'on
en fait, puisque l'information est déjà disponible. Donc, on aurait quand même
l'attestation clinique, ce qui vient de faciliter leur travail, qui évite un requis administratif de soutien aux
professionnels, qu'il y aurait à compléter pour le professionnel, donc
vous voyez le genre de choses, et donc tous les délais.
On a réussi à améliorer les services. On avait
des délais, dans certains cas, qui étaient de plusieurs jours. On l'a réduit de plusieurs... on est aux alentours de
33 % de réduction, on est 10, 12 jours, dans des cas très complexes puis
qui ne sont pas urgents, mais je pense qu'aller encore mieux... c'est du temps
inutile, c'est du temps clinique qu'on ne permet pas de consacrer à d'autres
patients, puis je pense que ce serait de la valeur ajoutée.
M. Caire : Puis ça, le
PL n° 3 dans sa forme actuelle va vous permettre de faire ça?
M. Thibault (Marco) : Permettrait
de le rendre accessible. Ce qu'on souhaiterait, c'est que ce soit plus clair. Là-dessus, on s'inspire un peu des propos de la
commissaire. On pense que ça pourrait être plus explicite en ce qui concerne
les attributions de la régie.
M. Caire : De quelle... de quelle
façon, M. Thibault, si je peux vous poser la question?
M. Thibault (Marco) : Bien,
plutôt que de dire que c'est sur accès, compte tenu que c'est dans notre mission de traiter ce genre de demande et que
c'est une information qui est non seulement utile, mais nécessaire, bien,
que ce soit un accès d'entrée de jeu et non pas un accès qui est consenti sur
demande.
M. Caire : Je vais vous amener
peut-être sur un autre sujet, bien, un autre sujet qui est quand même
complémentaire, parce que tout à l'heure on recevait les gens de la Société
canadienne du cancer, qui parlaient de rendre accessible la... en fait,
l'ensemble des informations de santé des individus. Vous le dites, vous gérez
le DSQ, et je pense que je ne me trompe pas en disant que mon Carnet santé
aussi, c'est chez vous.
Comment, à partir du PL n° 3, on
pourrait aller vers une plus grande accessibilité — je dis plus grande,
j'ai presque envie de dire une totale accessibilité — du
citoyen à ses informations de santé? Et est-ce que vous partagez ce que les gens de la société du cancer nous ont
dit, en disant : Écoutez, rendez ça disponible, mettez ça à la disposition
du citoyen, et lui gérera cette information-là comme un adulte, plutôt que de
dire : Bon, bien, on va restreindre cet accès-là, c'est le professionnel
de la santé qui va donner accès? Vous voyez ça comment, vous?
M. Thibault (Marco) : Pour
notre part, le fait de rendre le citoyen au coeur de ses propres
renseignements, parce que c'est un des principes du projet de loi, dans notre
compréhension, doit être quelque chose qui doit être salué.
Ça le concerne, d'abord et avant tout, au premier chef. Donc, que lui y ait accès
pour ce qui le concerne, pour moi, ça devrait être un prérequis et que, si dans
certaines informations sensibles, parce que j'écoutais cet échange-là, il
pourrait être opportun de venir baliser la manière dont ceux-ci sont rendus
accessibles, soit dans la forme, soit dans le délai, ça peut être des choses
qui sont administrables, c'est gérable.
M. Caire : Mais, si je peux me
permettre, quand vous parlez de baliser, parce que c'est intéressant, baliser
législativement ou baliser au niveau de l'application? Parce que, là, on est
dans la loi, là. Donc, est-ce qu'il y a lieu, ici, maintenant, de dire :
Ça prend des balises législatives, ou vous, comme gestionnaires du DSQ et de
mon Carnet santé, vous dites : Non, je suis capable de faire ça avec la
couche applicative, par exemple?
M. Thibault (Marco) : Je pense
qu'on devrait plus le baliser administrativement parce que ça devient des cas
d'espèce. Pour qui c'est possible? Pour qui ce n'est pas possible? Comment,
législativement... Là, je regarde les juristes,
là, du coin de l'oeil, puis là je me dis : Oh! là, comment qu'on fait une
règle générale dans des particularités? Je pense, ça devient plus
complexe à faire.
M. Caire : On leur posera la
question plus tard, mais c'est le fun...
M. Thibault (Marco) : Mais j'ai
un réflexe de base, comme avocat de profession, puis là ça me dit : Oh! on
fait ça comment? Mais...
M. Caire : Mais c'est correct,
le hamster commence à fonctionner, c'est bon.
M. Thibault
(Marco) : Donc, j'ai un préjugé favorable à l'accès, mais je
suis sensible également à... de la manière dont celle-ci, elle est
rendue et le temps avec lequel ça prend pour qu'elle soit rendue. On pourrait
certainement améliorer la façon dont les résultats de tests diagnostiques sont
rendus avec une note qui dit comment qu'on doit les interpréter... comment
qu'on doit les lire, les interpréter, ça, c'est plus de l'ordre du
professionnel, mais comment qu'on doit les lire, il y a moyen de favoriser ça.
Dans d'autres législatures, ailleurs dans le monde, ils l'ont fait. Ça fait
qu'est-ce que c'est quelque chose qu'on peut se permettre ici? Je pense que
oui, mais ça, c'est une question d'acceptabilité sociale, et ça vous revient.
M. Caire : M. Thibault, j'ai la
question qui tue, parce que, encore, tout à l'heure, on a parlé avec les gens
de la Société canadienne du cancer, qui nous disaient, au niveau de
l'utilisation de nos informations en matière de protocole de recherche, ils
étaient favorables à l'«opting out». Vous êtes... vous avez été et vous êtes
encore au coeur de ce débat-là avec le don
d'organes, comme gestionnaires, évidemment, de la carte d'assurance maladie.
Vous, vous voyez ça comment? Dabord, est-ce que c'est souhaitable d'avoir cet
«opting out» là? Mon collègue de Rosemont parlait peut-être plutôt d'un
«opting in». «Opting in», «opting out», ça, c'est le grand débat,
toujours. Et, si oui, comment... vous qui avez... qui êtes confrontés à cette
réalité-là, comment on gère ça?
M. Thibault (Marco) : OK,
peut-être deux éléments. Je pense qu'il doit y avoir un «opting out» possible, mais ça doit être «in» d'emblée, à la même... à la
même enseigne que le DSQ, actuellement. Donc, on devrait favoriser que
la circulation soit là. On devrait permettre l'«opting out» peu importe le moment.
M. Caire : Mais certains vont
vous dire : Mais pourquoi on ne le fait pas avec le don d'organes?
M. Thibault (Marco) : Parce
que, dans la loi sur les... le DSQ, on l'a prévu, puis dans l'autre cas, on ne
l'a pas prévu. Ça fait que, là, c'est une question de choix de société. Ça fait
que, à ce contexte-là, moi, je serais d'avis qu'on
devrait être dans le prolongement de ce qu'on a déjà commencé à faire avec le
DSQ pour permettre l'«opting out»...
M. Caire : Qui est l'«opting out».
• (17 h 50) •
M. Thibault (Marco) : ...l'«opting
out», puis on devrait pouvoir le faire, peu importe le moment. Le citoyen
pourrait, de manière simple... Aujourd'hui, il est d'accord puis, dans trois
ans, il change; il change, puis on le gère.
M. Caire : Mais ça, je trouve ça
intéressant, parce que je vous amène la question suivante : Je suis «in»
d'emblée, je n'ai pas... je ne me suis pas prévalu de mon droit de... qu'on
n'utilise pas mes données pour un protocole de recherche, si bien que mes renseignements,
même anonymisés, là, mes renseignements se retrouvent au coeur d'un projet de recherche. On est en cours de
projet de recherche, et là, moi, je décide un matin, bulle au cerveau,
je veux sortir de là. La gestion de ça, là, M. Thibault, là, vous, vous savez,
là, de quoi on parle, là. Là, moi, je m'en vais
dans mon immense meule de foin, là, puis là j'essaie de trouver l'aiguille qui
vienne me dire : Sors-moi de là. Je fais ça comment?
M. Thibault
(Marco) : On l'applique au moment du choix de l'individu,
c'est-à-dire que, si la communication a été faite à une date x et que
l'«opting out» n'avait pas été manifeste, la donnée a été transmise de façon
légale. C'est postérieur à cet «opting out» qu'on gère.
M. Caire :
Je comprends. Donc, s'il y a un protocole de recherche en cours, vos
informations sont utilisées : Désolé, vous aviez juste à vous manifester
avant.
M. Thibault
(Marco) : Oui. Sinon, ça devient ingérable, là.
M. Caire : Donc,
on prendra... pour les futurs, on prendra compte. OK, je comprends.
M. Thibault (Marco) : Et
n'oubliez pas que l'«opting out» est... c'est un geste personnel
identificatoire, alors que la donnée qui est transmise est anonymisée. Donc, la
capacité de la retrouver dans l'«opting out», là, ça serait un autre défi.
M. Caire :
Je vous entends,
M. Thibault. Sauf que, de toute façon, la donnée va être anonymisée. Donc,
ce que les gens de la Société canadienne du cancer disaient, c'est
qu'avant même de passer par le filtre de l'anonymisation... Puis vous et moi savons, puis, tu sais, je l'ai
dit, je le répète, ce n'est pas un processus qui est irréversible, là,
l'anonymisation.
M. Thibault
(Marco) : Tout à fait.
M. Caire :
On s'entend, là, qu'il y a des moyens de... Bon. Et donc, avant d'en
arriver là, les gens de la société du cancer disaient : Bien, il faut que
le citoyen ait consenti implicitement, explicitement. Le fait de ne pas se prévaloir de son «opting out» est un consentement
implicite, puis c'est correct, vous semblez être à la même enseigne.
Puis je vous vois réfléchir, vous n'avez pas l'air d'accord.
M. Thibault
(Marco) : C'est parce que je regarde la... depuis... ça fait, quoi,
bientôt quatre ans et demi que je suis à la régie, puis je regarde la multitude
de demandes d'accès aux informations de la régie dans le cadre de protocoles de
recherche, puis je serais le premier surpris de voir est-ce qu'il y a eu une
demande d'accès qui a été faite dans tous
ces cas-là. Ça fait que, donc, comment qu'on administrerait cette dimension-là
dans un contexte en amont? Il faudrait qu'il y ait une...
M. Caire : Mais
dans tous les cas, puis ce sera ma dernière, M. le Président...
Le Président
(M. Simard) : Oui, en conclusion, il vous reste 15 secondes.
M. Caire :
...mais dans tous les cas, vous dites : Ce n'est pas dans un cadre
législatif qu'on va régler ça, ça serait plus dans un cadre réglementaire
administratif.
M. Thibault
(Marco) : Il faudrait le prévoir, prévoir l'«opting out», oui, mais le
gérer administrativement.
M. Caire :
OK.
Le Président
(M. Simard) : Merci. Mme la députée.
Mme Setlakwe :
Merci pour votre présentation. Merci. J'ai lu le mémoire. Vous avez... vous
faites état d'exemples concrets qui nous aident vraiment à donner vie au projet
de loi. Là, je vais être assez directe, vous avez peut-être déjà comme répondu,
mais est-ce que vous pensez que le projet de loi n° 3
va assez loin, là, pour vos fins d'améliorer le service aux patients?
M. Thibault
(Marco) : Oui. Nonobstant ce que j'ai dit, d'être plus nominal sur ce
que la régie pourrait avoir d'emblée, oui.
Mme Setlakwe :
Est-ce que vous êtes inquiet... On entendait Mme Castonguay ce matin,
là, Commissaire à la santé et au bien-être. Êtes-vous inquiet de la terminologie dans le
projet de loi dans... Pour ce qui est de la fluidité entre les
organismes, dans certains cas, l'information ou la donnée «doit» circuler, dans
certains cas, elle «peut», donc, et ça laisse une discrétion à l'organisme.
Est-ce que ça, c'est un élément d'inquiétude pour vous?
M. Thibault
(Marco) : Dans la mesure où que, dans les attributions de l'entité qui
en a de besoin, le «peut» ou le «doit» devient, pour moi, plus accessoire,
parce que c'est d'abord et avant tout la mission de l'organisme qui est
l'élément de justification du besoin. Ça fait qu'une fois cela dit, il faudrait
que j'aie une discussion avec Mme Castonguay pour être capable de bien
comprendre la nuance qu'elle apporte.
Mme Setlakwe :
Honnêtement, je pense qu'on a couvert... Ça me va. Ça me va.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous, chère collègue. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci. Merci
d'être là, M. Thibault et Mme Plamondon. Vous avez dit quelque chose,
tantôt, là, je fais une parenthèse rapide, là, vous avez dit : Anonymiser
les données, ce n'est pas si simple que ça. J'ai lu des trucs, effectivement, qui vont dans ce sens-là. Mais, vous, dans votre
pratique, là, qu'est-ce que vous voulez dire par ça?
M. Thibault
(Marco) : Historiquement, on était plus dans la dépersonnalisation,
donc on enlève certains attributs à des
données. Là, on est à une autre étape parce que la dépersonnalisation, ce n'est
pas suffisant. Quand on veut anonymiser,
il faut rendre la donnée difficilement reconstituable subséquemment. C'est une
expertise qu'on a développée au cours
des dernières années pour améliorer, je vous dirais, cette dimension-là. Ça
fait que ce n'est pas... ce n'était pas quelque chose qui était usuel,
si on remonte à cinq, 10, 15 ans, là.
M. Marissal : OK,
donc, ce n'est pas automatique. C'est parce qu'on a l'impression que c'est
comme... c'est un automatisme : tu enlèves le nom, le numéro
d'assurance sociale, l'adresse, puis c'est...
M. Thibault (Marco) : Non.
Bien, c'est des procédures, c'est des processus, c'est des gens experts qui
doivent s'y mettre le nez dedans, là. Ce n'est pas... ce n'est pas «plug and
play», là, c'est plus compliqué que ça un peu.
Il faut se poser la question sur c'est quoi qu'on détient, de quelle... à qui
elle est partagée, de quelle façon qu'elle va être utilisée, elle est
croisée avec quoi, parce que, dépendamment... avec ce qu'elle va être croisée,
bien, ça, c'est ce qui te permet de
dire : OK, mon niveau d'anonymisation est suffisant pour permettre
l'utilisation saine de la donnée, mais également de soutenir les projets
de recherche qui y sont associés.
M. Marissal : Dans
le pratico-pratique, là, un groupe, là, quel qu'il soit — prenons une chaire de recherche — obtient la possibilité, et on peut voir ça
venir avec le projet de loi n° 3, de traiter un... en mauvais français,
un «bundle» d'informations qui a été traité, qui a été anonymisé. Dans le
pratico-pratique, là, vous envoyez ça par courriel, quelqu'un part avec une
clé USB, vous faites ça dans un bunker sécurisé par la police? Comment
vous faites ça? Parce que c'est bien beau, la mobilité des données, puis tout
ça, là, mais il y a quand même une façon de fonctionner avec ça. Puis est-ce
que vous voyez un rôle de régisseur pour la régie puisque c'est vos données?
Bien, ce n'est pas vos données, mais c'est vous qui en êtes le gardien.
M. Thibault (Marco) : Pour ce
qui est de nos données, effectivement, on n'envoie pas de microfichier ou...
Quand on envoie des documents, c'est des données statistiques. Ça fait que...
il n'y a pas de... tant d'arthroplasties du genou dans telle région, on n'est
pas capables de retrouver quelqu'un. Quand on est dans des projets de
recherche, là, on passe par l'Institut de la statistique, actuellement, par l'Institut de la statistique,
donc c'est un accès qui est sécurisé, avec capacité de croiser. Quand il
y a de l'information qui est rendue disponible, là, c'est... il y a des clés
d'accès sécurisés avec des mots de passe pour s'assurer que...
Ce qui est intéressant dans le projet de loi,
c'est qu'avant de le rendre accessible... puis ça, pour nous, c'était un
élément dans l'administration puis qui... les gens trouvaient ça fastidieux
parce qu'ils faisaient une demande à la régie, ils pouvaient faire une demande
au ministère, pouvaient faire une demande à l'établissement, parce que les
renseignements de santé ne sont pas qu'à la régie, il y en a plein, mais
partout ailleurs. Ça fait que ça, ça devenait complexe
pour les chercheurs, puis le projet de loi vient aider là-dessus parce qu'il y
a une concentration, donc on est capables d'avoir une cohérence dans la
façon de gérer et l'administrer, l'accessibilité à ces données-là.
Mais je vous dirais que le caractère éthique de
l'analyse des projets et la garantie que, quand il y avait ces projets-là, il y
avait un comité d'éthique qui les analysait, ça, était un garde-fou suffisant
pour nous parce qu'on le voyait, le
protocole, on voyait ce qui est... Donc, ça nous permettait... En plus, dans
l'ancienne procédure, c'était approuvé par
la Commission d'accès à l'information, donc ça... l'ensemble des paramètres. Donc, on a
développé une expertise qui nous permet, pas de juger sur le fond, parce
qu'on n'est pas là pour juger sur le fond, de juger de la crédibilité du
chercheur ou du consortium dans la pratique qu'il va avoir dans l'utilisation
de ces données, parce qu'on est ultimement encore responsables de qu'est-ce
qu'on leur a envoyé et de comment elles seront utilisées, même si, en bout de piste, nous ne sommes pas les
destinataires finaux. Ça fait que, donc, ça a été une pratique qu'on a
développée au cours des années qui nous permet de... qui n'est pas un
garde-fou absolu, là, il n'y a rien qui est absolu, mais qui permet d'avoir une
probité, je pense, dans l'utilisation de celles-ci.
M. Marissal : Comme
député, je peux vous confirmer que les relations avec la RAMQ et les citoyens
ne sont pas toujours de la plus grande simplicité.
M. Thibault (Marco) : On
aimerait tellement que ce soit plus simple.
M. Marissal : Je ne suspecte
aucune mauvaise foi, mais le système est un peu lourdaud, puis parfois ça
décourage un peu les... mais c'est un autre sujet. À moins que la fluidité des
données permette aux gens d'être plus proactifs
puis d'avoir... à condition qu'ils aient la littératie, puis qu'ils soient
capables de lire ce qu'on leur envoie puis...
M. Thibault
(Marco) : Ah! bien, même pas, même pas, on pourrait, dans
certains cas, rendre accessible nettement plus simplement, nettement plus simplement, au-delà de l'accessibilité
technologique, au-delà de l'accessibilité technologique.
• (18 heures) •
M. Marissal : OK. Juste pour
peut-être éclairer ma lanterne, on entend souvent dire... En fait, je fais un
petit pas arrière, là, pour vous expliquer
que, et vous le savez, là, vous étiez probablement aux premières loges de ça,
là, dans la dernière législature, à un moment donné, le ministre de
l'Économie a dit quelque chose sur le fait de partager assez librement, il disait même donner les données de
santé au Québec et que la RAMQ, c'était, finalement, le Fort Knox de la
donnée médicale — et
c'est probablement vrai, d'ailleurs, à voir les gens qui tournent autour — et de
ça est né tout un
débat politique qui est sain, là, parce qu'il faut qu'on en discute. Mais après
ça on a lu des papiers dans les journaux, on a entendu des choses. Et
moi, j'avoue que je ne suis pas à jour, là, mettez-moi à jour. Il y a déjà des
ententes, il y a déjà de la transmission de données qui se fait, notamment au
privé...
M. Thibault
(Marco) : Non.
M. Marissal :
Non.
M. Thibault
(Marco) : Ce qui se fait au privé, c'est le même genre de rapport
qu'on pourrait vous livrer à vous, comme
parlementaire, qu'un journaliste pourrait nous demander, ce sont des données
statistiques, donc c'est des données agrégées. Il n'y a pas... il n'y a,
en tout cas, à ma connaissance, depuis que je suis là, je n'ai jamais eu de
vente de données. Ce qui est fourni comme rapport statistique pouvait être
chargé, c'est... qu'est-ce qu'on chargeait, c'était
le temps de le produire, donc, essentiellement, mais... selon une directive du
ministère des Finances. Mais, au-delà de ça, il n'y a pas de
transmission de données — et
là je ne vous parle pas de statistiques, de données — au
privé. Il y a des statistiques transmises aux compagnies pharmaceutiques, je
donne un exemple, qui nous demandent ils en ont vendu combien, de molécules dans la dernière année ou dans les trois
dernières années. C'est une demande qu'on aurait pu rendre accessible en vertu de l'accès. Donc, il n'y a pas de
renseignements personnels, pas de données confidentielles.
M. Marissal :
Non, bien, ça, on l'espère, là, ça.
M. Thibault
(Marco) : Non, non, non, mais c'est parce que ça vous permet de
voir... Parce qu'il y a une nuance entre données et statistiques. Il n'y a pas
de données vendues, il y a des statistiques produites et qui ont été
distribuées.
M. Marissal :
OK. J'ai une question un peu torrieuse pour vous : Savez-vous il y a
combien de lobbyistes de compagnies d'assurance qui sont, en ce moment,
inscrits sur la colline Parlementaire, ici? 56, dont un certain nombre sont en train de nous écouter, s'intéressent
beaucoup, beaucoup, beaucoup à ce qu'on va faire avec le projet de loi
n° 3, ici. Vous, quel est votre rôle et comment vous voyez votre rôle de
régisseurs de la donnée, notamment envers le privé ou ce que j'appelle
le privé glissant, là, c'est-à-dire que ça part dans des chaires d'université
puis ça finit par finir ailleurs? Comment vous voyez, vous, la libre circulation
ou la nouvelle circulation des données?
M. Thibault
(Marco) : De ce que je vois, le rôle quant à l'accès qui serait
consenti à la recherche dite privée serait
géré par le ministère, donc ne serait pas géré par la régie. Donc, dans ce
contexte-là, on n'aurait pas d'autorisation autre que celle que... c'est
dans le lac de données qui est prévu, c'est dans le lac de données qui est
prévu.
Je
pense que, les dimensions éthiques doivent être au coeur de l'ensemble des...
de la circulation de ces informations-là. Si ce n'est pas au coeur de la
transmission, on pourrait avoir des effets pervers. En même temps, je pense que, dans certains cas, il peut y avoir...
si tout est encadré, bien mesuré, bien monitoré et avec des approches éthiques
adéquates, il peut y avoir un bénéfice d'avoir certains chercheurs privés et
que moi, je ne qualifie pas «compagnies d'assurance».
Pour moi, «chercheurs privés» puis «compagnies d'assurance», ce n'est pas le
même élément. Et je verrais... je pourrais comprendre, pour l'analyse d'un risque, qu'il pourrait y avoir un
intérêt de la part des compagnies d'assurance d'avoir accès. Je pense
que le projet de loi est assez clair là-dessus, il ne le permet pas, puis, je
pense, c'est une bonne chose.
Pour
ce qui est de nous, à l'égard de notre collaboration avec les compagnies
d'assurance, parce qu'ils administrent une partie du régime général
d'assurance médicaments, il n'y a pas de partage de renseignements cliniques
qui est permis entre nous et il n'est pas nécessaire qu'il y en ait. Qu'il y
ait partage d'informations — puis
on a commencé à le faire avec certaines d'entre elles — sur
la fluidité, quelqu'un qui est dans un régime privé passe au régime public et
vice versa, ça, c'est correct parce que ça nous permet d'assurer une équité,
mais il n'y a pas de transmission d'informations outre que cela au niveau
personnel.
Ça fait que, ça, je
pense que ça pourrait être... c'est l'univers maximal dans lequel on peut être.
De quelle façon qu'on pourrait faciliter,
administrativement, certains formulaires, notamment dans le cadre du
médicament, patients d'exception,
pour faciliter les vies de nos professionnels, je pense qu'on peut le regarder
administrativement sans être obligés d'aller dans le partage de données.
M. Marissal : Très bien. Ce matin, la Commissaire à la santé et au bien-être nous disait, puis ma collègue en a parlé
tout à l'heure, là, que la RAMQ ne reconnaît pas la Commissaire à la santé et
au bien-être. Mais c'est une question légale, là, je présume...
M. Thibault
(Marco) : C'est une question légale, c'est...
M. Marissal :
...ce n'est pas un conflit personnel, là, j'imagine.
M. Thibault
(Marco) : Ah! pantoute, non, non, on la reconnaît, puis on a trouvé
avec Mme Castonguay, avec la
commissaire, des avenues qui nous permettent de respecter le cadre. Mais, quand
je disais que la régie a un cadre qui est apparenté à celui de l'Agence
du revenu en termes de secret fiscal, pour faire image, là, c'est carrément ça,
la régie ne peut pas communiquer des renseignements qu'elle détient si elle
n'est pas habilitée dans sa loi.
Tu
sais, sans faire un cours de droit, là, quand tu viens mettre dans une loi des
règles spécifiques, tu viens automatiquement dire que ce n'est pas les règles
générales qui s'appliquent. Or, on est venus mettre des règles spécifiques puis
on est allés mettre des règles spécifiques, on dit : L'INESSS, vous y avez
droit, mais on n'est pas allés dire :
Le commissaire, vous y avez droit. Donc, par conséquent, quand tu interprètes
le texte, tu n'as pas le choix, là, légalement,
c'est une interprétation qui se tient, bien, tu dis : Non, tu n'y as pas
accès, tu y as accès sous d'autres modalités.
D'ailleurs, elle a un
pouvoir d'enquête qui lui permet, par ordonnance. Ça fait que c'est... on a
trouvé la voie juridique. Mais ça vous donne une idée de la complexité. Même
pour des fonctions simples et nobles de recherche, d'efficience, et ainsi de suite, c'était difficile, ça fait que ça vous
donne une idée que... C'est pour ça qu'à certains égards on trouve nous-mêmes que, dans l'administration de
toutes ces règles-là, le projet de loi amène quand même une dose de
simplicité.
M. Marissal :
Très bien. Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors,
M. Thibault, Mme Plamondon, merci beaucoup pour votre présence parmi
nous et votre précieuse collaboration à nos travaux.
Sur ce, nous allons
suspendre momentanément.
(Suspension de la séance à 18
h 07)
(Reprise à 18 h 11)
Le Président
(M. Simard) : Alors, bonjour à tous. Nous sommes de retour et
nous sommes en présence de représentants de la Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec. Messieurs, auriez-vous d'abord l'amabilité de vous
présenter?
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ)
M. Amyot (Marc-André) : Bien
sûr. Alors, je suis Dr Marc-André Amyot, je suis le président de la Fédération
des médecins omnipraticiens du Québec. Je suis accompagné du Dr Sylvain
Dion, qui est le premier vice-président de la fédération, et de Me Pierre
Belzile, qui est le directeur des services juridiques.
Le Président
(M. Simard) : Merci beaucoup. Vous disposez de 10 minutes.
M. Amyot
(Marc-André) : Alors, d'abord, nous tenons à remercier les membres de
la commission de nous permettre de leur livrer nos commentaires à l'égard du
projet de loi n° 3. Les médecins de famille sont au coeur de la collecte, de l'accès, de l'utilisation et de la
protection des renseignements de santé des patients qu'ils prennent en charge, traitent
et suivent. Leurs responsabilités et leurs obligations à l'égard de la gestion
des renseignements de santé sont multiples et encadrées par une foule de textes
législatifs, réglementaires et conventionnels.
Dans la mesure de ce
qui précède, nous appuyons le gouvernement dans sa volonté de vouloir améliorer
et simplifier la collecte, l'utilisation et la circulation des renseignements
de santé. Le gouvernement devra cependant se garder,
par le biais d'une réglementation excessive, d'alourdir les tâches
médicoadministratives des médecins, tâches déjà trop importantes.
Dans le domaine
médical, la bonne circulation des renseignements de santé et leur accès en
temps opportun sont vitaux. Il est donc important pour les médecins de famille
d'exercer dans un cadre juridique simplifié. Cette simplification doit
notamment avoir pour objectif d'harmoniser la législation gouvernementale et la
réglementation propre à l'exercice de la médecine.
Dans le cadre d'une
relation médecin-patient, nous pensons que les principes propres à la collecte,
à l'utilisation ou au partage des informations de santé doivent être fondés sur
le consentement implicite du patient, avant que la question vienne, et sur un environnement
technologique fiable, sécuritaire et facile d'utilisation, ce qui inclut un DME
interopérable.
Actuellement, il est
parfois difficile pour un médecin de famille qui traite un patient d'être
rapidement informé de l'existence d'un
renseignement que détient un autre professionnel ou un autre organisme et de
pouvoir y accéder facilement. Par
exemple, un médecin en cabinet, GMF ou non, devrait avoir accès facilement au
sommaire d'hospitalisation lorsque son patient a été hospitalisé ou à un
rapport de consultation d'un spécialiste. Il est donc, pour nous, impératif qu'un médecin et les membres de son équipe
puissent aisément prendre connaissance de ce qu'il leur est nécessaire de
connaître pour bien s'occuper des patients.
En termes
d'accessibilité et de confidentialité, bien que nous souhaitions un
décloisonnement qui permette un meilleur
accès aux renseignements et une meilleure circulation de ceux-ci, nous tenons à
souligner que cet objectif ne peut cependant
pas se faire au détriment de la confidentialité des dossiers médicaux et des
banques de données gouvernementales. Ils ne doivent faire l'objet
d'un... ils doivent faire l'objet d'un accès et d'une utilisation sécurisée. Nous considérerions inacceptable la
commercialisation de ces renseignements et de ces données. Des principes
législatifs clairs et une réglementation à l'avenant seront nécessaires.
Dans cette foulée, il
faudra s'assurer que la gestion centralisée des données soit sous la
surveillance d'une entité fiable. À ce dernier égard, nous attendons beaucoup
du système national de dépôt de renseignements que doit constituer le ministre
en vertu de ce projet de loi.
La réglementation. L'analyse du PL n° 3 nous a permis de constater qu'à de multiples reprises
les modalités d'application de la loi devront être déterminées par règlement du
gouvernement. Évidemment, nous comprenons que les lois doivent être complétées
de règlements, mais certaines dispositions nous laissent perplexes. Vous en
avez, dans le mémoire, quelques-unes
d'énumérées. Ces exemples tirés du projet de loi nous questionnent. De fait,
nous craignons que la réglementation sur ces questions puisse écarter la
négociation des conditions de pratique des médecins et devenir un poids si elle
génère une bureaucratie dont n'ont surtout pas besoin les médecins de famille à
ce stade-ci.
Toute dérive technobureaucratique issue du
PL n° 3 ne pourra que nuire aux objectifs de
fond que nous partageons. Dans les cliniques médicales, les CLSC, les hôpitaux,
les CHSLD, les UMF, partout où les médecins de famille travaillent, la multiplication de ces tâches constitue
actuellement un enjeu majeur. Dans un contexte de pénurie sans précédent
de médecins de famille et de surcharge de travail, dans un contexte où la
profession de médecin de famille vit un
déficit d'attractivité, l'alourdissement de la tâche administrative, qui est un
phénomène bien documenté, vous l'avez
vu dans les journaux cette semaine, nuit à l'accès et contribue à l'épuisement
professionnel des médecins.
Pour le bien-être et la survie du réseau, la
médecine familiale doit redevenir attractive. Un médecin de famille ne peut pas
passer, à chaque semaine, un temps interminable à alimenter des systèmes, des
réseaux, à tenir des registres et à remplir des formulaires, ce n'est plus de
la médecine. Nous demandons aux représentants du gouvernement de négocier et de
convenir avec nous, préférablement à tout processus réglementaire, toutes les modalités d'application de la loi qui pourraient
affecter ou modifier les conditions de pratique des médecins de famille.
En ce qui a
trait à la loi n° 25, nous ne pouvons passer sous silence que
l'éventuelle adoption du projet de loi n° 3 fera en sorte que les cliniques médicales, puisqu'elles sont des
entreprises privées, seront régies par deux lois différentes en matière de protection des renseignements
personnels et de santé. Nous venons de vous mentionner à quel point il est
important d'alléger le travail administratif des médecins... des médecins de
famille, qui, à tous les jours, sur le terrain, veulent d'abord et avant
tout voir et soigner des patients.
Accès au
ministre aux données. Le PL n° 3 donne au ministre un accès très large à divers
renseignements — vous
avez les articles qui sont cités. L'utilisation qu'il en fera pourrait
être préoccupante, et une vigilance est de mise à cet égard. On ne doute pas des intentions du ministre actuel, mais nous avons
déjà connu des ministres plus intrusifs, intransigeants, coercitifs,
aveugles à toute forme de collaboration. On est inquiets de ces pouvoirs et de
l'utilisation de ces données. Les
renseignements dont il est ici question ne doivent pas servir d'instrument de
contrôle afin d'épier le travail individuel des médecins. Les données
doivent plutôt être utilisées de façon à aider les autorités à mieux structurer
le réseau d'une manière constructive et collaborative.
Par le biais de certains articles, le PL n° 3 permettrait au ministre d'avoir des renseignements
nominatifs concernant le profil de pratique individuelle des médecins. Comme
nous l'avons déjà exprimé l'année dernière à l'occasion du débat entourant la
présentation du PL n° 11, loi à caractère coercitif,
rappelons-le, nous rejetons toute tentative du gouvernement de vouloir utiliser
des renseignements auxquels il pourrait avoir accès, au détriment des médecins,
à des fins coercitives individuelles ou collectives. Que le ministère tienne à
un registre, c'est une chose, mais pourquoi le ministre aurait-il besoin
personnellement du nom des médecins et de leurs profils individuels de travail?
Il est, pour nous, hors de question que les renseignements se rattachant aux
médecins ne deviennent des outils qui permettraient au ministre de mettre en
marche des mesures de contrainte à l'endroit des médecins.
Nous croyons opportun de rappeler que les
conditions de pratique et la rémunération des médecins de famille à l'intérieur
de notre régime doivent faire l'objet de négociations avec notre fédération.
L'accès aux données pour la FMOQ. Comme nous
l'avons dit en préambule, notre fédération est cheffe de file en matière de
planification et d'organisation des services médicaux au Québec. Dans cette
perspective, nous croyons que la FMOQ devrait elle-même, à titre d'organisme
représentatif des médecins de famille et de partenaire privilégié du ministre
dans l'organisation des soins, autant en première ligne qu'en deuxième ligne en
établissement, bénéficier du même accès aux données. Actuellement, la FMOQ n'a
pas accès à tous les renseignements qu'elle aurait pourtant besoin.
En conclusion, la fédération et les médecins de
famille adhèrent à l'objectif du gouvernement d'améliorer la gestion des
renseignements de santé et d'optimiser la convivialité des systèmes
technologiques qui s'y rattachent. Il est effectivement primordial et urgent
d'éliminer bon nombre de contraintes inutiles à la collecte, l'utilisation et
au partage de renseignements de santé.
Cependant, quelques éléments méritent notre
attention et doivent être pris en compte par les élus : les objectifs
énoncés ne doivent pas être atteints au détriment de la confidentialité des
données... des dossiers médicaux, des
banques de données gouvernementales et d'informations nominatives; la
fédération n'acceptera d'aucune manière que les informations nominatives se rattachant aux médecins puissent permettre
au ministre de les identifier individuellement pour éventuellement les
soumettre à des mesures coercitives; plusieurs modalités de l'application de la loi à venir devront être déterminées par
règlement du gouvernement, et cela nous laisse perplexes, surtout dans un
contexte où des modalités, si elles affectent ou modifient les conditions de
pratique, doivent être négociées et discutées avec les fédérations; la
superposition d'une éventuelle loi découlant du projet de loi n° 3 par
rapport à la loi n° 25, sanctionnée aussi récemment que le 22 septembre 2021, et la crainte
que cela amène un dédoublement des obligations médico-administratives des médecins; un meilleur accès pour la FMOQ aux
renseignements; les tâches médico-administratives
des médecins de famille étant déjà beaucoup trop importantes — il
me reste 10 secondes — toute
mesure qui alourdirait la charge administrative doit être proscrite.
Les élus ont une responsabilité
importante à cet égard. Nous souhaitons que les parlementaires soient particulièrement
sensibles et à l'écoute des points de vue exprimés par les médecins de famille.
Merci.
• (18 h 20) •
Le Président (M. Simard) : Merci,
M. Amyot, merci. Message bien entendu. Je cède de la parole à M. le
ministre.
M. Caire :
Merci, M. le Président. Dr Amyot, Dr Dion, Me Belzile, merci de votre
présentation. Beaucoup de... c'est très dense comme présentation, là.
Le projet de loi n° 3... Puis, écoutez, celui qui vous parle a présidé le
projet de loi n° 95 sur la donnée numérique gouvernementale et le PL n° 64 qui est devenu la loi n° 25,
ça fait que je pense que j'ai une pas pire idée de ce dont on parle. Le PL n° 3 est un condensé de ces deux lois-là pour les
renseignements de santé, à savoir une plus
grande mobilité de la donnée, puis je pense que vous l'avez dit, Dr Amyot, là,
dans le réseau de la santé, dans une perspective où la donnée est
rattachée au patient et non pas au professionnel de la santé qui l'a collectée.
Première question : Est-ce que vous êtes d'accord avec ce principe, la
donnée appartient au patient et non pas au professionnel de la santé qui l'a
collectée?
M. Amyot
(Marc-André) : Bien, c'est déjà le principe qui nous gouverne. Les
données, le dossier médical du patient, le dossier médical en soi appartient au
patient.
M. Caire :
Donc, vous êtes d'accord avec ça?
M. Amyot
(Marc-André) : Tout à fait.
M. Caire :
Parfait. Mais, dans un univers papier et dans un univers numérique, vous
comprendrez que ça n'a pas la même connotation, on s'entend. À partir de là,
vous avez parlé, tout à l'heure, d'un «opting in». On a eu cette discussion-là
avec les gens de la RAMQ, Société canadienne du cancer, eux parlaient d'un
«opting out», premièrement, et ils parlaient
d'un «opting out» dans un contexte de données de recherche. Là, j'essaie de
voir, de votre côté, quand vous parlez d'un «opting in», dans quel
contexte vous le situez.
M. Amyot (Marc-André) : Nous,
ce qu'on souhaite, là, c'est un consentement implicite, sur le même modèle que
celui du DSQ.
M. Caire :
OK. OK. Parfait...
M. Amyot (Marc-André) : Donc, pour le DSQ, tous les Québécois sont
adhérents, à moins de demander un retrait. Donc, vraiment, là, c'est,
dans votre jargon, de l'«opting out».
M. Caire : Je comprends, oui, c'est parfait. Je comprends
mieux ce que... Donc, dans ce contexte-là qu'on vient de situer, docteur, vous,
vous dites : Le PL n° 3 ne doit pas avoir pour effet d'augmenter la
charge de travail des médecins. La question qui se pose, c'est : En
quoi un projet de loi qui se borne à dire : La mobilité doit être... la
mobilité de la donnée doit être assurée de façon transversale dans le réseau de
la santé, et qui amène un volet de PRP, parce qu'évidemment il y a un volet de
protection des renseignements personnels qui est très important, très
consistant, qui est calqué sur le Règlement général de protection des données
européen, qui est un des plus sévères au monde... Donc, en termes de protection
des données, là, je pense qu'on ne peut pas faire beaucoup mieux que ce qu'on
fait dans le PL n° 3. C'est mon opinion, je voudrais
avoir la vôtre, d'une part. Mais, d'autre part, en quoi, ça, ça vient alourdir
le travail des médecins? Je vous avoue que je ne vois pas le lien que vous
faites, là.
M. Amyot
(Marc-André) : Bien, je vous donne un exemple. Un, d'abord, il peut y
avoir de l'inquiétude sur des demandes de formulaires de registre à compléter.
Ça, c'est le premier élément. C'est une inquiétude, seulement. Le projet de loi... pardon, la loi n° 25 exige la mise en place dans des cabinets médicaux d'un gestionnaire,
d'un processus, d'une banque. Tout ça, bien...
M. Caire :
Non. Non.
M. Amyot (Marc-André) : Bien,
il y a l'obligation, dans un GMF ou dans une clinique médicale, de nommer
un responsable, un plus haut responsable...
M. Caire :
Obligation qui est partageable, docteur, vous le savez, là.
M. Amyot
(Marc-André) : Oui, oui, je comprends, mais pour organiser tout ça,
là, il faut donner de la formation aux docteurs. Quand ils font cette
formation-là... Peut-être, pour vous, ce n'est pas compliqué, vous êtes
peut-être plus dans le domaine légal que nous, mais, nous, là, notre «core
business», c'est de donner des soins aux patients,
puis, quand vous... Puis parfois, là, ça peut paraître simple, là. La loi n° 25, c'est simple, c'est vrai, sur papier, c'est simple, mais il faut
l'afficher, il faut afficher la procédure. S'il y a un bris, il y a toute
une... Il faut la faire, cette formation-là. Bien, quand je fais cette
formation-là, comme médecin, comme gestionnaire de clinique, bien, je ne donne
pas de soins aux patients. Ce n'est pas la fin du monde, on l'a fait, c'est
correct, mais...
M. Caire : Non,
mais je vous entends, je vous entends.
M. Amyot (Marc-André) : ...mais,
projet de loi n° 3, ne nous arrivez pas avec ça,
puissance 10.
M. Caire : Non. Bien, en fait,
ce que vous retrouvez dans le PL n° 3 ne deviendra
plus une obligation dans la loi n° 25, là. Les deux sont complémentaires, ils ne se chevauchent pas. Ceci
étant dit, ce que j'entends... J'entends ce que vous me dites, mais à ce
moment-là j'ai envie de vous poser la question suivante, parce que vous me
dites ça, mais en même temps, vous dites,
l'importance de la confidentialité des renseignements, pour vous, c'est
capital. Donc, comment vous conciliez
le fait que, là, on met peut-être trop de mesures pour protéger les
renseignements personnels, mais en
même temps vous nous dites : Protéger les renseignements personnels, donc
la confidentialité des renseignements, c'est capital? Comment peut-on
améliorer le PL n° 3 pour concilier ces deux
éléments-là qui, de prime abord, me semblent difficilement conciliables?
M. Amyot (Marc-André) : Bien,
vous comprenez que c'est plus que des renseignements personnels, nous, c'est
des renseignements de santé, des renseignements vraiment privilégiés de l'état
de santé, vous ne voulez pas que ça se promène un peu partout. Cependant, vous
voulez qu'entre les intervenants de la santé ce soit facile d'obtenir cette
information-là. À l'heure actuelle, là, un médecin, dans son cabinet, qui
souhaite avoir accès, parce qu'il y a des dossiers d'hôpitaux qui sont
numérisés, à l'heure actuelle... bon, là, c'est juste de la numérisation,
parfois c'est encore difficile de lire le rapport de consultation, mais ça,
c'est un autre enjeu, mais le médecin, dans son bureau, qui a son patient
devant lui, le patient lui dit : Bien, je suis allé, tu peux aller voir
les archives, à l'heure actuelle, si je ne suis pas membre du CMDP ou je ne travaille
pas à l'hôpital, je n'ai pas accès au dossier électronique de l'hôpital.
M. Caire : Ce n'est pas normal.
M. Amyot (Marc-André) : Bien
non, ce n'est pas normal.
M. Caire : Mais, docteur, je
vous entends, sauf que... Là, vous plaidez pour une plus grande fluidité de
l'information aux professionnels de la santé. Je vous entends. Je pense, ma
compréhension, c'est que le PL n° 3 fait ça. Mais vous nous appelez à de la prudence sur la
protection des renseignements de santé, qui sont effectivement des
renseignements sensibles. D'ailleurs, dans la loi n° 25,
ils ont une définition particulière, ils ont un statut particulier dans
la loi n° 25. Mais vous nous dites, en même
temps, que vous ne voulez pas revoir, dans le PL n° 3,
ce qu'on a dans la loi n° 25, c'est-à-dire
nommer un responsable de la protection des renseignements personnels, qui, soit
dit en passant, n'a pas besoin d'être un médecin...
M. Amyot (Marc-André) : Mais je
ne veux pas qu'on fasse...
M. Caire : Mais, comprenez-vous,
docteur, j'essaie de voir comment on concilie.
M. Amyot (Marc-André) : Oui,
oui.
M.
Caire : Parce que vos préoccupations sont toutes
légitimes, mais comment on trouve l'équilibre? C'est ça, la question.
M. Amyot
(Marc-André) : Oui. Mais je vais passer la parole à
Me Belzile, mais avant je veux juste vous dire, il faut au moins ne
pas dupliquer ce travail-là.
M. Caire : Mais ça, ce ne sera
pas le cas, je veux vous rassurer, ce ne sera pas le cas.
M. Amyot (Marc-André) : Bon.
M. Belzile
(Pierre) : Bien, dans le fond, c'est ce qu'on voulait
entendre, là, M. le ministre, parce que, quand on...
M. Caire : OK. Vous voyez?
Facile!
M. Belzile (Pierre) : Et ce
qu'il faut comprendre, c'est que les cliniques médicales au Québec, qu'elles soient
GMF, reconnues GMF ou pas, là, ce sont des entreprises privées, donc elles sont
soumises, ces entreprises-là, à la loi n° 25.
Alors, comme a dit Dr Amyot, nous, on a fait beaucoup de travail avec les
responsables, les directeurs médico-cliniques, les responsables de GMF pour les
informer sur les modalités d'application de la loi n° 25 :
nommer un responsable, il va falloir penser à faire une politique de
gouvernance des renseignements, etc. Dans la loi,
dans le projet de loi n° 3, on vient dire : Bien non, c'est pour les
renseignements de santé. Voilà un autre régime qui comporte aussi les
mêmes obligations. Mais, dans le projet de loi n° 3, ce qui est indiqué,
c'est que ça s'applique aux autres
renseignements de santé, pas aux autres renseignements. Mais, quand j'exploite
une entreprise comme une clinique médicale,
j'ai du personnel, j'ai des infirmières, j'ai des secrétaires, alors toutes ces
personnes-là, bien, je dois les régir en vertu de la loi n° 25. Alors, il est là, le dédoublement.
M. Caire : C'est-à-dire
que la loi n° 25 va s'appliquer sur les renseignements qui ne
sont pas des renseignements de santé, la loi n° 3
va s'appliquer sur les renseignements qui sont des renseignements santé. Et, si
vous regardez les deux lois, l'une est un calque de l'autre.
M. Belzile (Pierre) : Exact,
tout à fait, sauf que ce que...
M. Caire : Donc, vous allez
retrouver exactement... On s'est arrangés pour synchroniser les deux lois.
Donc, il n'y a pas une duplication au sens où vous...
M. Belzile (Pierre) : Absolument,
sauf que vous comprenez la charge de travail que ça suppose pour le
gestionnaire, pour les médecins qui exploitent ces cliniques-là?
M. Caire : Bien, en tout cas...
• (18 h 30) •
M. Dion (Sylvain) : ...c'est
l'obligation de faire double affichage, double politique, tout ça.
M. Caire : Oui, oui, oui, mais
ça, ce ne sera pas le cas. Je vous le dis, ce ne sera pas le cas.
M. Dion (Sylvain) : Ça fait que
ça, je pense, vous nous rassurez là-dessus, là.
M. Caire : Bien, je vous
rassure, ce ne sera pas le cas.
M. Amyot (Marc-André) : Est-ce
qu'on peut s'attendre à ce que des renseignements de santé qui sont hautement
plus sensibles que des renseignements personnels, là — la
date de naissance ou le numéro d'assurance maladie, etc., je comprends qu'on ne
veut pas que ça circule, mais des renseignements de santé sont hautement plus
sensibles — que,
si on se conforme à la confidentialité des renseignements de santé,
nécessairement, ça inclut tous les autres renseignements personnels? Je ne sais
pas si vous saisissez ce que je veux dire.
M. Caire : Oui, je le saisis.
Écoutez, je vous entends, mais je vous dirais que les deux régimes de
protection sont, comme je vous l'ai dit, tellement à ce point similaires que...
Puis il faut... Je vais ajouter des bémols, peut-être, à ce que vous dites,
docteur, en tout respect, là, parce que je vous dirais que, oui, les
renseignements de santé sont effectivement
des renseignements d'un très haut niveau de sensibilité. Par contre, dans les
renseignements personnels — je
pense aux renseignements fiscaux — je
peux vous dire que les hackeurs, ils se gâtent solide, là, ils ont... Tu
sais, à choisir, je ne suis pas sûr, entre
ma prostate puis mon rapport d'impôt, lequel ils choisissent. D'après moi, ce
n'est pas ma prostate.
Mais ceci étant dit, vous avez raison, mais je
veux... Je comprends ce que vous me dites, mais, plus largement... Parce que
j'entends, là, vous ne voulez pas de double emploi, vous ne voulez pas deux
personnes responsables, vous ne voulez pas de double affichage. Ce n'est pas le
cas. Donc, si, ça, on s'entend, est-ce que, dans sa forme actuelle, le PL
n° 3, pour d'autres considérations, amène une surcharge de travail aux
médecins ou c'était vraiment ça, les éléments qui vous inquiétaient?
M. Amyot (Marc-André) : C'était
surtout ça, les éléments. Sylvain?
M. Caire : OK.
M. Amyot (Marc-André) :
Excusez-moi, M. Dion.
M. Dion (Sylvain) : Bien,
peut-être... c'est sûr qu'il va y avoir une application, là, il y a la... ça
s'appelle le dépôt de données et tout, là.
Pour nous, cliniciens, à un moment donné, c'est la convivialité de ces
outils-là. Je regarde, on en a, des
bases de données actuelles, comme le DSQ, des choses comme ça, et, à un moment
donné, c'est quasiment le parcours du combattant, là, pour pouvoir y
avoir accès. Donc, ça, je pense que ça va être important que, dans
l'application de ça, on soit sensibles à ce que ce soit très convivial pour
faciliter le travail des gens sur le terrain puis, comme on disait, bien,
qu'ils passent plus de temps à soigner du monde qu'à chercher des données, là.
M. Caire : Bien, en fait, je
lisais ce matin que c'est 18 millions d'heures que les médecins, au
Canada, passent à des tâches
administratives, là. Mais ça, Dr Amyot, ça m'amène une question, parce que vous
avez parlé... je ne me souviens plus
de l'expression que vous avez utilisée, puis moi, je suis un informaticien,
hein, c'est sûr, ça fait que ça m'a chicoté un peu, de techno... tu
sais, pas techno-obsession, là, mais...
M. Amyot (Marc-André) : Technobureaucratique.
M. Caire :
Technobureaucratique, merci. Et, Dr Dion, vous parlez du DSQ.
Personnellement, il me donne des boutons pour toutes sortes de raisons, parce
qu'effectivement il est tout sauf convivial et performant, mais est-ce que vous ne pensez pas, au contraire, que la
technologie pourrait vous soulager d'un nombre assez important de tâches
administratives qui... Puis là je pense aux
médecins, évidemment, mais on pourrait dire la même chose des infirmières,
on pourrait... de l'ensemble du personnel soignant.
Est-ce que vous ne pensez pas, au contraire, que, grâce au PL n° 3, qui va nous donner cet accès-là plus large à
l'ensemble des données, on peut arriver... Puis on le voit, là, dans l'espace
public, vous le voyez comme moi, Dr Amyot,
là, les technologies qui émergent qui sont de plus en plus performantes,
qui sont, surtout au niveau administratif, de plus en plus aptes à faire ce que
vous êtes peut-être obligés de faire, puis que vous n'avez pas à faire, puis
vous avez bien raison. Moi, je veux savoir que vous soignez du monde, pas que
vous êtes en train de trouver un lit à un patient, là, on s'entend. Est-ce que
vous ne pensez pas, au contraire, que la solution,
elle est technologique et que, pour qu'on puisse mettre de l'avant ces
solutions technologiques là, le PL n° 3 est un passage obligé?
M. Amyot
(Marc-André) : Vous avez tout à fait raison, la technologie est un
outil extrêmement important pour nous. Cependant, souvent, on fait affaire avec
des compagnies, des développeurs de logiciels qui développent des logiciels en
vase clos. Moi, j'ai besoin qu'ils développent pour les utilisateurs...
M. Caire :
Oui, oui.
M. Amyot
(Marc-André) : ...puis ça, bien, il faut parler aux utilisateurs si on
veut développer des outils technologiques qui permettent de répondre aux
besoins. Le DSQ, en passant, il a eu des effets positifs. On a pu avoir accès aux radiographies, aux laboratoires, ce
qu'on n'avait pas avant. Non, mais moi, j'ai connu l'époque où il n'y avait
rien...
M. Caire :
Oui. Non, non, non, je...
M. Amyot
(Marc-André) : ...donc c'est mieux ça que rien. Puis il faut... qu'on
appelle ça un DSQ, qu'on appelle ça autre chose, il faut que l'information soit
disponible à quelque part, que, les ECG, je sois capable de les voir à quelque part, que les résultats de
pathologie, que les rapports de consultation ou les feuilles sommaires... Nous,
ce que les médecins demandent, là, c'est que, sur le DSQ, toute cette
information-là soit là. Bon, je comprends qu'on a pris une autre orientation,
là, un dépôt... comment ça s'appelle...
M. Caire :
Dossier santé numérique.
M. Amyot
(Marc-André) : ...Dossier santé numérique, bon, ça, je comprends que
c'est le DSQ 2.0., là.
M. Caire :
Ah! non, non, non. Désolé, docteur, en tout respect, là, c'est...
M. Amyot
(Marc-André) : Non, non, non...
• (18 h 40) •
M. Caire :
...on est dans une autre
philosophie complète, mais ça m'amène à une autre question, puis je trouve
ça intéressant parce que, dans le fond, vous faites une passe sur la palette...
Des voix :
...
M.
Caire : Non, mais
c'est vrai, vous avez dit puis... Non, non, mais je trouve ça intéressant comme
discussion, parce que, justement, le Dossier santé numérique vise une
plateforme transversale qui est possible si on a accès à l'ensemble des
informations et qui va permettre de gérer, premièrement, l'accès, à qui je
donne accès, je donne accès à quoi, dans
quelles conditions, est-ce que le patient est d'accord, oui ou non. Alors, le
DSQ, c'est une espèce de concentrateur qu'on a mis par-dessus toutes
sortes de plateformes qui ne se parlaient pas pour... tu sais, c'est les Nations unies des plateformes, des DME qui ne se
parlent pas. Ça, c'est le DSQ. Le DSN, c'est un DME qu'on utilise pour
tout le monde, qui est le même partout, pour vous donner le...
M. Amyot
(Marc-André) : ...pour le cours accéléré.
M. Caire :
Bien, ça me fait plaisir. Mais, dans ce contexte-là, docteur, est-ce que vous
ne pensez pas que de le faire comme ça va,
au contraire, permettre aux médecins puis aux professionnels de la santé au
sens large du terme, aux médecins en particulier, parce que vous êtes
là, justement d'avoir cet accès-là à toute l'information, quel que soit... Parce que moi, je peux consommer des soins
de santé un peu partout. Vous avez, vous... au moment où vous me voyez,
vous avez, vous, besoin d'avoir cette information-là. C'est-tu comme un genre
de conclusion, ça?
M. Amyot
(Marc-André) : Je peux répondre?
Le Président
(M. Simard) : ...laisser le temps de répondre...
M. Amyot
(Marc-André) : L'objectif, c'est : l'accès à ces données-là, il
faut que ce soit convivial, facile d'utilisation pour l'utilisateur. Puis je
vous invite, dans le développement de tout ça... puis je pense que vous le
faites déjà, là, il y a des comités sur
lesquels siègent des médecins de famille, des utilisateurs... C'est eux, les
plus importants, les utilisateurs, là, parce que vous, vous faites ça,
vous investissez des millions...
M. Caire :
Pour que vous l'utilisiez.
M. Amyot (Marc-André) : ...pour
qu'on l'utilise, mais ça, il faut qu'il soit fait pour répondre à nos besoins.
M. Caire : Vous
prêchez à un converti, docteur.
M. Amyot (Marc-André) : On va
bien s'entendre.
Le Président (M. Simard) :
Merci beaucoup. Je cède la parole à la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Merci. Merci à
vous, médecins et Me Belzile. Là, vous avez été assez clairs, là, dans votre
mise en garde. Je dirais quasiment que c'est un cri du coeur. Au départ, on
comprend, là, que vos charges médico-administratives sont exagérées. Puis je
rejoins le ministre, il a posé des questions qui ont fait en sorte que... je
pense que vous avez un peu atténué le cri du coeur du début, parce que vous
avez été rassuré sur l'explication loi n° 25, projet de loi
n° 3, qu'il n'y aura pas de dédoublement. Puis là on comprend aussi que
vous étiez peut-être dans le néant par rapport à ce qui s'en vient au niveau
des règlements, puis tout ça, mais on entend votre cri du coeur.
Mais, ceci étant dit, est-ce que vous pourriez
nommer quand même les éléments positifs dans le projet de loi, là, ce sur quoi il y a des objectifs qui seront
rencontrés pour faciliter ou rendre votre pratique plus efficace? Vous comprenez
ce que je veux dire? Parce que, là, c'est tellement... l'inquiétude est
tellement énoncée de façon percutante qu'on se demande si c'est...
M. Amyot (Marc-André) : Bien,
la possibilité pour le médecin d'avoir accès à des... à toutes les données de santé du patient via le Dossier santé numérique,
ça, c'est extrêmement important. Le DSQ a amené certaines données, la
radiographie et les laboratoires, mais on en voulait plus. Là, ce que je
comprends, c'est que ça va permettre d'avoir beaucoup plus d'information, puis
ça, c'est extrêmement important puis c'est aussi efficient quand on veut
optimiser la consultation médicale. Quand vous venez me voir au bureau et que
j'ai... je peux avoir accès à toutes les informations, exemple, si vous êtes
allée à l'hôpital, vous avez eu certaines consultations ou peu importe, si j'ai
accès a ça, je peux comprendre rapidement la
situation, je peux orienter mon diagnostic. Si je ne suis pas au courant...
Puis les patients, parfois, là, ont vraiment l'impression que l'information
circule, hein, ils ont l'impression... Je suis allé à l'urgence la semaine
passée, comment ça, vous n'êtes pas au courant? J'ai vu le spécialiste, il a
changé mes médicaments. Ah! je ne suis pas au courant. Bon, avec le DSQ, je
suis capable, de façon détournée, d'aller voir parce que, dans le DSQ, il y a
les médicaments, je suis capable d'aller voir qu'est-ce qui a changé, ça...
mais c'est toujours de façon détournée. Donc, le projet de loi, s'il permet ça,
ce sera une grande avancée pour nous.
Mme Setlakwe : OK, super. Ça,
ça me rassure, pas... Oui, allez-y.
M. Dion (Sylvain) : Je veux
juste rajouter, on l'a dit en début de mémoire, le projet de loi vise à
simplifier les choses aussi, rendre fluide. On ne peut qu'applaudir à ça, parce
qu'actuellement c'est souvent le combat du... le parcours du combattant,
pardon, d'aller chercher de l'information, faire signer des autorisations de
transmettre des informations. On va arrêter de perdre du temps avec ça puis on
va y avoir accès en temps réel avec notre patient, ça fait qu'on ne peut
qu'applaudir à ça.
Je pense qu'on a fait des mises en garde sur
l'alourdissement, on l'a bien nommé, s'assurer également qu'on soit partie prenante aussi dans les développements
qu'il va y avoir là-dedans — on parlait, tantôt, des règlements — parce que, bon, sur le terrain, des fois, on voit des choses que le
législateur ne peut peut-être pas voir aussi. Donc, je pense qu'on est
là pour collaborer puis cogérer avec vous autres la mise en place de ce nouvel
outil là. Je pense qu'il va être drôlement intéressant pour les cliniciens,
mais au bénéfice des patients, en bout de ligne.
Mme Setlakwe : Exactement. C'est ce qu'on souhaite. Donc, ça,
c'est rassurant. Vous avez parlé, Dr Amyot, de consentement implicite,
le consentement devait être implicite.
M. Amyot
(Marc-André) : Bien, quand
vous venez me voir, c'est implicite que vous me donnez l'autorisation d'aller chercher vos renseignements, que... si
j'ai besoin que vous voyiez un cardiologue, c'est implicite que je transmets
de l'information au cardiologue, c'est implicite que je dépose ce que vous
venez de me dire dans le dossier médical électronique,
puis que, si, par exemple, c'est pour votre mère, votre mère, qui peut être
plus âgée, bien, peut-être que le soutien
à domicile, le CLSC a besoin aussi d'avoir de l'information. À l'heure
actuelle, on est encore à des formulaires papier, des copies NCR, là,
qu'on...
Mme Setlakwe : Oui, oui, je
comprends. Donc, le projet de loi va répondre à ça.
M. Amyot (Marc-André) : On
l'espère. Comme moi, je ne suis pas un légiste, ce n'est pas toujours facile, lire tous ces articles-là et des références à tous
les articles, je laisse ça aux avocats. Mais ce qu'on vous dit, c'est : Si
vous atteignez cet objectif-là avec ce projet de loi là, ça va être
correct.
Mme Setlakwe : Très bien.
Commercialisation, est-ce que vous pensez qu'au niveau...
M. Amyot
(Marc-André) : Bien...
Mme Setlakwe : Oui, je vais vous laisser élaborer, mais est-ce
que le projet de loi répond à cette inquiétude-là? Est-ce que les
sanctions sont adéquates? Est-ce que...
M. Amyot
(Marc-André) : Bien, moi, je n'ai pas vu de notion par rapport à ça,
là.
M. Belzile
(Pierre) : Bien, il semblerait qu'il y ait... comme on dit, là, qu'il
y ait les pare-feux nécessaires, à première
vue. On comprend aussi qu'il y a de la réglementation, là, qui est à venir à ce
sujet-là, donc ça reste à voir, là.
Une voix :
...
Mme Setlakwe :
Non, c'est très clair. Vous vouliez ajouter quelque chose, tout à l'heure,
je pense. Non?
M. Amyot
(Marc-André) : Bien, je voulais simplement dire qu'effectivement cette
commercialisation, je ne sais pas qui le
disait tantôt, mais il y a beaucoup de compagnies qui tournent et qui rôdent
autour, qui aimeraient tellement avoir
accès à toutes ces banques de données là, qui seraient prêts à payer des
fortunes pour avoir accès à ces banques de données là. C'est important
pour nous de ne pas marchandiser ou mercantiliser ces données-là.
Mme Setlakwe :
Au niveau de la recherche, est-ce que c'est quelque chose qui vous
interpelle, puis c'est un élément sur lequel le projet de loi va nous permettre
de faire des avancées?
M. Amyot
(Marc-André) : Bien, on est d'accord. Nous, tout ce qui permet la
recherche, l'utilisation des données pour
faire des découvertes, des avancées qui nous permettent de mieux traiter nos
patients, on est tout à fait d'accord avec ça.
Mme Setlakwe :
On comprend qu'il y aura beaucoup de travail à venir au niveau de la
réglementation puis des processus. Puis là
ce qu'on entend, c'est que vous souhaitez être consultés parce que vous avez
l'inquiétude, c'est ça, de cette charge additionnelle, puis de l'impact
administratif, puis comment est-ce que votre... le personnel, par exemple,
des GMF, va mettre en application toutes ces nouvelles formalités.
M. Amyot
(Marc-André) : On va même plus loin que ça dans notre mémoire, on
dit : ce qui peut se régler en
discussion, qui n'a pas besoin de passer par la réglementation, et parfois, là,
le ministère, le gouvernement peut faire des ententes avec nous, c'est toujours préférable qu'une réglementation.
Je ne sais pas si vous saisissez ce que je veux dire. Avant d'établir un
règlement, peut-être qu'on peut régler la situation par une entente conclue
sous forme de collaboration. C'est ce qu'on privilégie, la collaboration
plutôt que la réglementation.
Mme Setlakwe :
Très bien. Moi, ça me convient. Merci, messieurs.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous, chère collègue. M. le député de
Rosemont.
M. Marissal :
Merci, M. le Président. Bonjour, rebonjour, je devrais dire, on a passé
par-dessus les élections puis on se retrouve. Vous êtes de meilleure humeur que
pour le projet de loi n° 11, ou...
M. Amyot
(Marc-André) : Bien sûr.
M. Marissal :
OK, c'est bien. Bien, je prends mes précautions pour les discussions. En
passant, ne vous en faites pas pour la
complexité des articles de loi. Moi, j'ai passé plus de quatre ans ici, j'ai
étudié au moins deux douzaines de projets de loi, je suis encore, à ce
jour, fasciné par la créativité linguistique des projets de loi puis je ne
prétendrais pas tout comprendre du premier coup, tout le temps. Alors,
heureusement qu'on a des gens, ici... les Baudelaire de la législation sont là
pour nous expliquer la prose parce que parfois... on dit qu'on ne parle pas
pour ne rien dire, en législation, mais des fois on n'écrit pas pour être
compris du premier coup non plus. Alors, ce n'est pas un reproche, c'est une constatation. Prenez-le pas comme un
reproche. On apprécie beaucoup votre travail, sans qui... sans vous, on ne
pourrait pas le faire, d'ailleurs.
Alors, dites-moi,
M. Amyot, je fais des blagues sur votre humeur, mais vous êtes quand même
pas mal crinqué sur le côté possiblement
coercitif. Expliquez-nous, là, en quoi le ministre passerait des soirées dans
son bureau ou dans sa limousine en roulant vers Montréal à regarder si
vous avez fait votre job comme il faut. Je ne sais pas, je ne prête pas de mauvaises intentions non plus au
ministre. Qu'est-ce qui vous fait craindre que ça pourrait devenir un outil
coercitif?
M. Amyot (Marc-André) : Je
peux vous déposer ça, si vous voulez, un article du Devoir.
Alors, M. le Président, je peux déposer cet article-là? Ça répond à
votre question. Ça arrive.
M. Marissal : Pour
le bénéfice des gens qui nous écoutent, faites-nous un peu un résumé, quand
même, de ce qui vous inquiète, parce que c'est une vraie question aussi,
par ailleurs.
M. Amyot
(Marc-André) : Bien, il y a toujours... Puis, en passant, si vous me
permettez, la collaboration est toujours de mise, est toujours plus productive
que la réglementation ou la coercition. La preuve, on a conclu une entente avec
le gouvernement pour améliorer l'accès aux patients, aux Québécois qui n'ont
pas de médecin de famille. Bien, je vous dirais, c'est une entente qui a été
conclue sous une forme de volontariat, de collaboration avec le ministère. On a
implanté les guichets d'accès première ligne, et ça, ça a fait qu'on donne
davantage d'accès à la population. D'ailleurs, sur le tableau de bord du ministère
encore, M. David, Michel David, écrivait dans Le Devoir en
disant : Le seul voyant vert du ministère...
Le Président
(M. Simard) : ...
M. Amyot
(Marc-André) : Ah! on n'a pas le droit?
Le Président
(M. Simard) : Non...
M. Amyot
(Marc-André) : Ah! désolé.
Le Président
(M. Simard) : ...ne la montrez pas, s'il vous plaît.
M. Amyot
(Marc-André) : OK. Le seul voyant vert sur le tableau du ministère,
puis ce n'est pas moi qui le dis, là, c'est cité par M. David, c'est la
contribution des médecins de famille à l'effort collectif. D'ailleurs, durant
la pandémie, les médecins de famille ont toujours répondu présent, puis on n'a
pas eu besoin de coercition.
Donc, il y a toujours
cette inquiétude-là de voir un ministre un peu plus... puis là il faut que je
fasse attention à mes mots, je ne peux pas me laisser aller, mais un ministre
un peu plus... moins collaboratif, plus...
M. Marissal :
Vous avez dit «intrusif», tout à l'heure.
M. Amyot (Marc-André) : ... — oui, j'ai dit «intrusif», je fais attention — moins
collaborateur, plus coercitif, puis
ça, là, c'est extrêmement contre-productif. Puis je vous parlais d'attractivité
de la médecine familiale tantôt, c'est un enjeu majeur pour nous, puis
le discours politique envers les médecins de famille est extrêmement important,
et on ne veut pas revivre ça. Puis là on a un bon climat de collaboration. Avec
de la collaboration, on arrive à des résultats. On souhaite continuer dans
cette voie-là.
M. Marissal :
OK. Vous dites... à la page 8, là, vous parlez de négociation. Je vais vous
lire, ça va être plus simple : «De fait, nous craignons que la
réglementation sur ces questions puisse écarter la négociation des conditions
de pratique des médecins.» Pouvez-vous... Expliquez-moi ça un peu, ce que vous
voulez dire ici, là.
M. Amyot
(Marc-André) : Bien, c'est un droit qui nous est consenti, le droit à
la négociation des conditions de pratique des médecins. Ça, c'est enchâssé, là,
c'est enchâssé dans la... c'est-tu dans la Charte des droits et libertés ou... en tout cas, dans notre entente, peu
importe. On ne voudrait pas que la réglementation puisse venir brimer ce droit
à la négociation là, mais ça, c'est très théorique parce que l'objectif, c'est
l'objectif de collaborer dans un objectif commun d'améliorer les soins, les
services à la population.
M. Marissal :
OK. Je vous pose la question parce qu'on a vu parfois, justement, dans le
courant de négociations avec la FMOQ ou la FMSQ, je pense que la FMSQ a même eu
un peu plus de succès que vous, à l'occasion, aller négocier des ententes
particulières quand il vous est demandé une tâche autre ou une nouvelle tâche. Autrement dit, que tout est monnayable, là :
tu me demandes de faire ça, ça alourdit beaucoup mon travail... Est-ce que
c'est de ça dont vous parlez, qu'éventuellement vous voudriez pouvoir négocier
avec le gouvernement, y compris vos honoraires, puisque c'est de ça dont
il s'agit, là?
• (18 h 50) •
M. Amyot (Marc-André) : Bien,
ça, ça fait partie de notre mandat puis de notre rôle, de négocier les
conditions de rémunération, mais...
ça, c'est une chose, mais il n'y a pas que la rémunération, on parle aussi des
conditions de pratique, de tout l'environnement qui régit la pratique de
la médecine familiale au Québec.
M. Marissal :
Oui, mais vous dites craindre, justement, à cet égard, une surcharge de
travail, où vous dites : On ne peut pas passer des heures et des heures...
C'est écrit ici.
M. Amyot
(Marc-André) : On ne craint pas la surcharge de travail, elle est déjà
là.
M. Marissal :
«La médecine de famille doit devenir attractive. Un médecin de famille ne
peut pas passer, à chaque semaine, un temps interminable à alimenter des
systèmes et des réseaux, à tenir des registres et à remplir des formulaires.»
Mais est-ce que ce n'est pas déjà le cas?
M. Amyot
(Marc-André) : Oui.
M. Marissal :
La seule affaire, c'est que vous ne parlerez peut-être plus dans votre
dictaphone pour que la secrétaire tape ça, là. Je ne sais pas si ça se fait
encore, mais c'est assez...
M. Amyot
(Marc-André) : Ça se fait encore...
M. Marissal :
Ça se fait encore?
M. Amyot (Marc-André) : ...mais
maintenant il y a des systèmes de reconnaissance vocale qui sont beaucoup
plus performants.
M. Marissal :
D'accord. OK, mais vous le faites déjà, puis les omnis se plaignent déjà,
même des jeunes omnis, là, qui sont très, très présents sur les réseaux
sociaux, qui donnent des exemples régulièrement de : J'ai rempli cette
paperasse, c'est ridicule, ça prend un temps fou. Est-ce que... Je ne sais pas,
moi, je ne suis pas technophile à ce point-là,
là, mais j'ai tendance à croire que ces objets-là finissent aussi par être des
outils utiles qui nous facilitent la vie, là.
M. Amyot
(Marc-André) : Oui, et ce qu'on dit, c'est : Il ne faut pas
alourdir. Il ne faut pas en rajouter, des exigences et des demandes de fournir
des renseignements ou d'alimenter des banques de données. Ce qu'on dit,
c'est : Il faut réduire cette charge cléricale là et administrative là.
Puis il y en a, là, des travaux qui sont commencés, mais qui vont devoir
s'accélérer aussi, là. On l'a vu cette semaine, c'était la... comment ça
s'appelait, là?
Une voix : ...
M. Amyot (Marc-André) : Oui,
une association canadienne, là, de... l'entreprise indépendante, oui, c'est ça,
qui... puis ça, ce n'est pas nous qui le disons, là, c'est vraiment un
organisme indépendant qui mentionne justement qu'on pourrait, si on diminuait
le travail clérical, la paperasse des médecins, récupérer des heures et des heures
de temps de consultation qu'on pourrait donner aux patients. Donc, ce qu'on dit là-dedans, c'est qu'il ne faut
pas... un, il ne faut pas en rajouter avec le projet de loi n° 3.
M. Dion
(Sylvain) : Mais on l'a dit tout à l'heure, je pense que les objectifs
visés par le gouvernement seront de nature à nous aider dans notre pratique
professionnelle. Et je regardais l'exemple que donnait tout à l'heure le
représentant de la Régie de l'assurance maladie du Québec sur les médicaments
d'exception, là, bien, il y a peut-être là des avenues sur le plan clinique qui
vont faire en sorte que j'ai des patients qui vont venir me voir où je n'aurai
pas d'appels de pharmaciens pour me dire : Bien, tu pourrais-tu faire la
demande de médicament d'exception?, parce que les banques de données vont
pouvoir communiquer entre elles, puis les professionnels à la RAMQ vont pouvoir
les analyser et dire : Bien, pour tel patient, c'est correct. Donc, c'est
de bon augure.
Le Président
(M. Simard) : ...
M. Marissal :
Conclusion pour moi aussi? Non.
Le Président
(M. Simard) : Oui.
M. Marissal :
Non, bien non, pas déjà.
Le Président
(M. Simard) : Bien oui. Il vous reste cinq secondes, si vous
voulez.
M. Marissal :
Merci.
Le Président
(M. Simard) : Alors, M. Amyot, M. Dion,
M. Belzile... Me Belzile, merci beaucoup d'être venus. Merci pour
votre contribution à nos travaux.
Et, sur ce, nous
allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 18
h 55)
(Reprise à 18 h 59)
Le Président (M. Simard) : Bien.
Nous reprenons nos travaux et nous allons amorcer la dernière présentation
de la journée. Nous recevons des
représentants du Consortium pour l'accès aux données en santé du Québec.
Mesdames, bienvenue parmi nous. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous
présenter, s'il vous plaît?
Consortium pour l'accès aux données en santé du Québec
Mme Bérard (Anick) : Alors, je suis Anick
Bérard. Je suis épidémiologiste, professeure titulaire à la Faculté de pharmacie
de l'Université de Montréal ainsi que chercheure au CHU Sainte-Justine à
Montréal. Je suis également présidente du consortium.
Le
Président (M. Simard) : Bienvenue, Mme la présidente. Et vous
êtes accompagnée par...
• (19 heures) •
Mme Obadia (Alexandra) : Bonsoir,
bonsoir. Je m'appelle Alexandra Obadia, je suis avocate avec une expertise
en gouvernance et en protection des données
et je suis directrice générale de Cartagène, qui est une cohorte de 43 000
Québécois et qui appartient légalement au CHU Sainte-Justine.
Le Président
(M. Simard) : Bienvenue, maître.
Mme Dragomir
(Alice) : Bonjour. Moi, c'est Alice Dragomir, je suis professeure
agrégée à l'Université de Montréal, à la
Faculté de pharmacie, et je suis la nouvelle directrice du Réseau québécois de
recherche sur les médicaments.
Le Président
(M. Simard) : Bienvenue, Mme la directrice. Alors, nous vous
écoutons.
Mme Bérard (Anick) : Alors, bonsoir, M. le
Président, chers membres distingués. Tout d'abord, je vous remercie pour
l'invitation. Alors, je suis, comme j'ai dit tout à l'heure, présidente du
Consortium pour l'accès aux données en santé du Québec. Le consortium a
également déposé un mémoire.
Alors, le consortium
est un groupe de chercheurs académiques spécialisés dans la recherche fondée
sur les données réelles et l'innovation et
provenant des grandes universités et centres de recherche du Québec. Le
consortium est formé de plus de 60 professeurs-chercheurs
indépendants ayant jusqu'à 30 ans d'expérience et d'expertise dans la gestion et l'analyse des données provenant des
grandes banques de données du Québec. Ces chercheurs totalisent à eux
seuls plus de 100 millions de dollars en subventions de recherche des
Fonds de recherche du Québec, des Instituts de recherche en santé du Canada et
de la Fondation canadienne pour l'innovation.
Force
est d'admettre que le Québec valorise la recherche faite sur ses grandes
banques de données. Le Québec a été
un chef de file en épidémiologie depuis plus de 40 ans grâce à la richesse
de ses banques de données administratives, les banques de données de la
RAMQ, hospitalières, les banques de données du MSSS, et des banques de données
sociodémographiques de l'Institut de la statistique du Québec qui étaient mises
à la disposition de ces chercheurs. Donc, ce sont des données de santé sur plus
de 7 millions d'habitants avec un suivi prospectif longitudinal.
La
richesse de nos grandes banques de données ainsi que l'accès a fait en sorte
que le Québec est parmi les pays ayant le plus de chercheurs sur les données
probantes en situation réelle et sur l'analyse des mégadonnées, ce qui a
mené à notre expertise en intelligence artificielle qui est reconnue maintenant
mondialement.
La recherche faite
avec ces données a eu un impact majeur sur la prise en charge des patients au
Québec, au Canada et à l'international. Par exemple, les résultats d'études
québécoises sur nos grandes banques de données ont eu un impact sur les lignes
directrices et la prise en charge du traitement des maladies mentales chez
l'adulte, l'adolescent et la femme enceinte, de la prise en charge des maladies
cardiovasculaires et la quantification de la crise des opioïdes ou de la détection de l'autisme et du trouble déficitaire
de l'attention avec ou sans hyperactivité chez l'enfant. La recherche
avec ces grandes banques de données a permis à plus de 475 chercheurs et
des milliers d'étudiants québécois provenant
de toutes les universités, instituts et centres de recherche du Québec de
publier plus de 20 000 manuscrits
dans de grands journaux scientifiques à haut facteur d'impact.
Malheureusement,
l'accès aux données est tranquillement devenu de plus en plus restrictif, avec
une multiplication d'évaluations et des délais qui minent la réalisation des
projets de recherche. Ceci a fait en sorte que l'accès est lent :
plus de deux ans pour avoir accès aux données. Ceci a donc diminué le nombre
d'études publiées et l'impact de la recherche québécoise au niveau provincial, certes, mais aussi à
l'international. Ultimement, cet impact se traduit par un ralentissement
des améliorations des politiques de soins de santé. La mise en place du guichet
unique en juin 2019 n'a pas réglé ces délais
d'accès, il faut toujours entre huit mois et trois ans avant d'obtenir l'accès
aux données. Ceci a eu un impact majeur au début de la pandémie COVID-19.
Tous les chercheurs
ici interpelés sont d'accord que l'éthique et la protection des données est un
aspect fondamental et nécessaire de la recherche. Des processus rigoureux de
protection des données chapeautés par des comités
d'éthique de la recherche assurent depuis toujours la sécurité des données de
santé soumises aux chercheurs. C'est pour cette raison qu'en plus de
40 ans il n'y a eu aucun bris de confidentialité dans les données mises à
la disposition des chercheurs du Québec.
Plusieurs audits de
la Commission d'accès à l'information ont démontré la bonne gestion des données
par les chercheurs. De plus, tous les
projets de recherche sont approuvés par des comités d'éthique. Cependant, il faut
reconnaître ces évaluations et adapter le degré de protection éthique au
degré de risque, comme dans le cas de la recherche utilisant des données
anonymisées des services de santé effectués par des chercheurs reconnus.
Aujourd'hui, les
données sont toujours difficiles à accéder, et les processus ne tiennent pas
compte de la réalité du financement de la recherche. Les subventions sont entre
deux et cinq ans, habituellement, et donc attendre deux ans avant d'avoir les données rend la recherche québécoise
inefficace. Nous saluons donc... Le consortium salue donc le projet de
loi n° 3. L'accès rapide aux données de santé,
incluant celle du Dossier de santé du Québec dans un contexte régi par un
comité d'éthique, est essentiel pour la santé des Québécois. La recherche que
l'on fait sur ces grandes banques de données là, ces recherches-là sont pour
les Québécois.
Alors, pour discuter
plus spécifiquement de l'aspect juridique du PL n° 3,
je donne maintenant la parole à ma collègue Me Alexandra Obadia, présidente-directrice
générale de Cartagène et membre du consortium. Merci.
Mme Obadia (Alexandra) : Merci,
Anick. Bonsoir, M. le Président, chers membres de la Commission des finances
publiques. Je vous remercie pour l'invitation.
Alors,
avant de plonger dans le projet de loi n° 3, je veux
juste souligner deux éléments préliminaires qui sont importants. Premièrement, le discours public est souvent polarisé
entre l'accès aux données et la protection des données. Or, les deux
n'ont pas à s'opposer, il y a un moyen de trouver un équilibre et de donner
accès tout en protégeant les données. Deuxièmement, il est essentiel de
comprendre la distinction entre les données de santé utilisées pour la
recherche et les autres données. L'évaluation du risque n'est absolument pas la
même. Il faut savoir que l'utilisation des
données est encadrée et surveillée par des comités d'éthique. Je parle de
données de santé qui sont, pour la plupart, désignées par le ministre de
la Santé. Or, le mandat d'un comité d'éthique est de protéger les individus, et
donc, par extension, leurs données. Donc, il y a déjà un encadrement rigoureux
qui protège les données de santé en recherche.
Maintenant, pour ce
qui est du projet de loi n° 3, comme ma collègue l'a
dit, nous saluons ce projet de loi, qui trouve un bel équilibre en protégeant
les données de santé, tout en permettant un accès qui est contrôlé. J'aurais quelques observations, toutefois, pour le bonifier
et régler des enjeux réels sur le terrain, dont vous avez entendu parler
ce matin, notamment.
Premièrement, la
question du respect du consentement en recherche. Il faut savoir qu'en
recherche un consentement ne se donne pas à la légère. Il y a un comité
d'éthique qui vérifie s'il a été donné de façon libre et éclairée et si
l'information fournie était complète et compréhensible. Or, malgré ça, sur le
terrain, il arrive qu'aucune distinction ne soit faite lorsqu'un chercheur
demande accès à des données, qu'il ait obtenu un consentement ou non. Ceci équivaut à multiplier les évaluations et surtout
à bafouer le droit des individus qui ont consenti au partage de leurs données. Ainsi, bien qu'on mentionne le
consentement à l'article 5 du projet de loi, je vous soumets qu'il serait
important d'ajouter un article, au
début de la loi, qui établisse la primauté du consentement et le devoir de tout
organisme d'y donner effet. Et je
suggère aussi qu'on réitère ce principe au chapitre IV, section II du
projet de loi, qui s'applique aux chercheurs, afin d'énoncer clairement
que les articles 39 et suivants ne s'appliquent qu'en l'absence de
consentement.
Maintenant, passons à
l'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée qui s'appliquent aux
chercheurs, sans consentement, qui demandent accès aux données. L'acronyme est
le FVP et on en traite aux articles 40 et suivants du projet de loi.
Lorsque le chercheur veut accéder à des données, il doit présenter donc une FVP
qui sera évaluée par le plus haut dirigeant
de l'organisme ou le centre d'accès. Or, il faut savoir qu'une telle évaluation
a déjà été effectuée par un comité d'éthique. Alors, pour éviter une
duplication des évaluations, un engorgement et des délais inutiles, je propose qu'il y ait un mécanisme de reconnaissance
de l'approbation du comité d'éthique quand il est désigné, qui pourrait
faire foi de FVP dans le projet de loi.
Maintenant,
quand on réfère aux chercheurs qui doivent en plus envoyer des données à
l'extérieur du Québec, le projet de loi exige qu'ils présentent une
évaluation du régime de protection des renseignements de santé applicable dans l'état où ils veulent envoyer leurs données.
Je vous soumets respectueusement que ce n'est pas réaliste de s'attendre
à ce qu'un chercheur ait une telle expertise
au sein de son équipe. Je propose plutôt que le gouvernement publie une liste
des États qui ont des régimes de protection
qui soient acceptables pour le Québec. Ce serait plus simple pour tout le
monde.
Troisièmement, on
vous a rapporté plusieurs fois ce matin les problèmes d'interprétation et de
conflit des lois sur le terrain. Ils sont
réels. Et, pour éviter ces situations, nous vous serions tous reconnaissants
d'établir clairement dans cette loi que c'est une loi-cadre sur les
renseignements de santé et de services sociaux et qu'à ce titre elle aura
préséance sur toute autre disposition
législative ou toute autre interprétation de nature à entraver son application.
Cela dit, je salue l'article 198 de la loi... du projet de loi,
pardon, qui modifie l'article 13.6 de la Loi sur l'ISQ par l'insertion
d'un paragraphe qui fait en sorte que
l'accès qui va être octroyé par le mécanisme du projet de loi sera reconnu et
qu'il n'y aura pas une autre
évaluation qui sera faite par l'ISQ. Donc, je salue cet article-là. Par contre,
je vous soumets qu'il faudrait prévoir la même insertion à l'article 26
de la Loi sur l'ISQ pour ne pas créer de contradictions.
Quatrièmement, les
délais. Ma collègue en a parlé ce matin, on en a parlé également, il y a un
problème en ce qui concerne les délais pour
accéder aux données de santé en recherche. Il faut comprendre que les
chercheurs obtiennent des
financements avec des délais de rigueur pour terminer leur projet de recherche,
sinon ils perdent leur financement. Alors,
je suggère qu'aux articles 63 et 64 on prévoie un délai maximal pour la
communication des données aux
chercheurs par les détenteurs de données et la même chose pour le processus
d'évaluation auquel on devrait attacher un délai, que ce soit
l'évaluation par le plus haut dirigeant ou le centre d'accès à
l'article 42 ou par l'ISQ à l'article 48.
Et je termine en vous
disant qu'il serait bénéfique de rassembler toutes les définitions sous
l'article 3. Certaines définitions sont
éparpillées. On en retrouve une à l'article 8, du chercheur lié, la
définition des renseignements anonymisés se trouve à l'article 103,
donc ce serait bénéfique de tout rassembler à l'article 3. Merci.
• (19 h 10) •
Le Président
(M. Simard) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à M.
le ministre.
M. Caire :
Merci, M. le Président. Dre Bédard, vous avez parlé, d'entrée de jeu...
Le Président
(M. Simard) : Bérard.
M.
Caire :
...Bérard, excusez-moi, je vous demande pardon, vous avez parlé d'adapter la
protection au niveau de risque. Le principe
est intéressant, mais, dans l'opérationnalisation de ça, comment peut-on
évaluer le risque? Parce que, techniquement, dans les projets de
recherche, vous ne travaillez qu'avec des données sensibles, donc des données
qui sont à haut risque, donc des données qui nécessitent le plus haut niveau de
protection requis. Alors, comment on module ça, dans votre perception des
choses, et comment on fait pour avoir un régime de protection différencié pour
des données, dans le fond, qui sont techniquement des données hautement
confidentielles?
Mme Bérard
(Anick) : Oui, bien, alors, merci pour la question. En fait, c'est
tout à fait vrai, les données de santé sont des données sensibles et c'est pour
ça que depuis... moi, ça fait 20 ans que je suis à Sainte-Justine, mais
depuis au moins 40 ans, à chaque fois que les données sont autorisées pour
la recherche, pour un chercheur, disons, moi,
Anick Bérard, ces données-là ne sont qu'admissibles... en fait, les données
brutes, que j'appelle, les données brutes anonymisées, je dois dire...
M. Caire :
Anonymisées, oui.
Mme Bérard
(Anick) : ...ce sont des
données anonymisées, alors ces données-là sont transférées... maintenant,
il y a une autre version, là, c'est le
CADRISQ, mais historiquement les données étaient téléchargées sur un serveur
sécure dans un... soit un milieu hospitalier ou un institut
universitaire. Et ça, dans ces serveurs là, les données ne pouvaient pas
bouger, elles étaient régies... Bon, premièrement, tout projet avait un comité
d'éthique, hein, tout projet était accepté
par un comité d'éthique qui supervisait la recherche, les données étaient
sécurisées sur des serveurs, et en fait il y avait une personne
seulement qui pouvait avoir accès aux données, à toute la banque de données.
Nous, dans
notre équipe de recherche, et c'est la même chose dans les autres, tous ceux
qui doivent avoir accès aux données pour des projets de recherche ont
accès à des sous-échantillons de toutes ces données-là autorisées, doivent signer des formulaires de confidentialité,
et toutes les analyses pour mes cohortes, par exemple, à Sainte-Justine,
tout le monde qui veut analyser les données doit venir en personne à
Sainte-Justine, il n'y a pas personne qui va analyser les données chez eux. Et
en fait la raison pour laquelle on fait ça, c'est que c'est la Commission
d'accès à l'information qui nous le demande
spécifiquement lorsqu'ils nous donnent l'autorisation à avoir accès à ces
données-là, alors c'est assez régi.
Moi, en plus, j'ai été très chanceuse, la
Commission d'accès à l'information est venue quatre fois chez nous, à Sainte-Justine,
pour faire des audits sur mes données. Et au début, la première fois, c'est
toujours impressionnant, mais après, bien, on s'habitue. Mais je vous dis que
c'est très bien, c'est très bien qu'ils le fassent. Pourquoi? Parce que ça nous
permet de nous ajuster. Et aussi, à chaque fois qu'ils sont partis, ils ont
écrit des rapports indiquant que notre
gestion des données était très bonne. Alors, c'est un peu comme ça, c'est le
fait que, depuis 40 ans, il y a eu zéro bris de données en
recherche, hein, et donc c'est clair que les chercheurs, avec les comités
d'éthique, avec les protocoles de gestion de
données à... où ils sont téléchargés, milieux hospitaliers, universités, c'est
clair que les choses sont faites dans les règles de l'art. Et donc, étant
donné ça, l'historique, il ne faudrait pas bloquer l'accès aux données
basées... C'est sûr que je vais...
M. Caire : Bien, si vous me
permettez...
Mme Bérard (Anick) : Oui.
M. Caire : ...si vous me permettez,
docteure, justement, dans le projet de loi qui vous est proposé, est-ce que vous voyez des éléments qui sont de nature à être
des bloquants? Bon, Me Obadia lève la main. Est-ce que vous voyez
des éléments qui sont de nature à être de ce type de bloquant là?
Mme Bérard (Anick) : Je vais
laisser Alexandra... Me Obadia, parler, mais en effet il y a quelques
irritants dans la loi.
Mme Obadia (Alexandra) : Bien,
moi, je vous dirais, M. le ministre, que cette appréciation du niveau de risque, elle est prise en compte dans l'évaluation
des facteurs de risques relatifs à la vie privée. À l'article 40,
justement, il y a une appréciation de
cette évaluation qui va être faite par le plus haut dirigeant, qui est faite
par les comités d'éthique, et on dit que cette évaluation doit être proportionnée
à la sensibilité des renseignements concernés, à la finalité de leur
évaluation, à leur quantité, bon, à leur répartition, à leur support. C'est ça,
c'est là. C'est ça, l'endroit où on prend en compte le niveau de risque. Donc,
ça va être au dirigeant qui va accorder l'approbation, ça va être à lui
d'apprécier.
M. Caire : Mais, maître, la
question était : Quels sont les irritants? Donc, quels sont les éléments
que vous retrouvez dans le projet de loi qui sont plus des bloquants que des
éléments qui sont de nature à assurer une bonne protection? Puis ce que j'entends que vous dites : Écoutez, là, on
a une façon de faire qui est solide, qui est rigoureuse, qui est reconnue par
la CAI, j'entends ça, mais le cadre de protection qu'on propose avec le PL n° 3, est-ce qu'il est de nature à aller trop loin en matière de
protection des renseignements personnels par rapport à ce que vous souhaiteriez
comme régime de protection — c'est
un peu ça, mon questionnement — ou
si ce que vous voyez là, dans le fond, on dit : Non, ça, c'est
correct, on garde ça comme ça?
Mme Obadia (Alexandra) : Moi,
je vous dirais que, oui, à prime abord, il est correct, mais il y a une
duplication de l'évaluation, le fameux FVP, elle est déjà faite par un...
Alors, moi, ce que j'ajouterais, c'est qu'il y a des comités d'éthique désignés par le ministre de la Santé, là, pour
montrer patte blanche, donc, quand il y a une approbation d'un tel comité, que ça devrait être reconnu par
la personne qui octroie l'accès, le plus haut dirigeant, le centre d'accès.
M. Caire : Mais, si je peux me
permettre, Me Obadia, c'est important, ce que ce que vous dites, mais il faut aussi comprendre que, bon, la notion d'évaluation
des facteurs relatifs à la vie privée, c'est une notion qui est étendue pas simplement au PL n° 3,
là, c'est vrai pour tout projet informatique du gouvernement, c'est prévu aussi
dans le PL n° 25,
ce qui amène une standardisation de ça, et cette standardisation-là, elle est
définie au niveau de la CAI.
Donc, la question que
je vous pose, c'est : Est-ce que le comité d'éthique, lui, ne devrait-il
pas faire... Parce qu'il n'est pas prescrit
qui doit faire l'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée, donc que ça
se fasse par le comité d'éthique, que ça se fasse par un autre membre de
l'organisation, l'important, c'est que ça se fasse, mais que ça se fasse
aussi selon certains paramètres standardisés par la CAI.
Donc, est-ce qu'il ne
serait pas plus facile, à ce moment-là, de dire : Bien, les comités
d'éthique, vous êtes mandatés pour le faire, mais faites-le en fonction des
paramètres qui ont été fixés par la CAI? Et auquel cas la loi, dans sa forme
actuelle, répondrait à cette nécessité-là de standardiser, parce que, comme je
vous dis, des évaluations relatives aux
facteurs de la vie privée, il y en a eu dans le projet de loi n° 95, il y en a eu dans le projet de loi n° 14,
il y en a eu dans le projet de loi n° 25. Donc, si on veut
garder une certaine cohérence au niveau du corps législatif québécois...
Mme Obadia
(Alexandra) : Je garderais ce concept, je ne vous dis pas de
l'enlever, mais je vous dis : Si les comités d'éthique ont les mêmes
critères, quand ça a déjà été fait, peut-être que, si ça a déjà été fait, on
produit l'approbation du comité d'éthique et ça allège, ça accélère le
processus d'évaluation. C'est ça que je dis.
M. Caire : Mon
questionnement, maître, est : Est-ce qu'il y a dans la loi quelque chose
qui empêcherait que l'évaluation faite par le comité d'éthique soit
l'évaluation qui est présentée à la CAI dans l'approbation du protocole de
recherche, ou est-ce que...
Mme Obadia
(Alexandra) : Écoutez...
M. Caire :
Est-ce qu'il y a une modification à faire à la loi pour que ça soit dit
implicitement ou la loi dans sa forme actuelle... puis là je me revire aussi
vers nos juristes, là, parce que je comprends, là, que vous ne voulez pas qu'on
fasse deux fois le même travail. Ça, je pense que tout le monde, ici, est
d'accord. Mais est-ce que la loi nous amène
là, nous amène à dire : Bien, le comité d'éthique va en faire une, puis il
va y en avoir une autre qui va devoir être... Je ne suis pas sûr que la
loi nous amène là, ça fait que je veux juste avoir votre avis là-dessus.
• (19 h 20) •
Mme Obadia
(Alexandra) : Bien, la façon dont je la lis, oui, elle nous amène là
parce qu'on doit produire l'approbation
éthique, donc, au fameux plus haut dirigeant. Mais, en plus de ça...
C'est-à-dire, on doit la produire dans le
cadre de l'évaluation qui sera faite par le plus haut dirigeant. Donc, ça veut
dire que ça ne peut pas tenir lieu d'évaluation, vous comprenez? Donc,
moi, c'est comme ça que je le lis.
M. Caire :
Oui, oui. OK. Bien, écoutez, on vous entend.
J'aimerais
revenir... Vous avez parlé de la primauté du consentement, puis on a eu des
bonnes discussions avec les gens de la Société canadienne du cancer, avec les
gens de la RAMQ, qui, eux, étaient des tenants de l'«opting out». Donc,
le consentement pour que les renseignements de santé d'un citoyen servent à la
recherche est un consentement qui est implicite. Ce qui veut dire que le
citoyen, s'il ne désire pas que ses renseignements de santé servent à la
recherche, doit implicitement refuser son consentement.
Quand vous dites «la
primauté du consentement», en quoi ça impacte ce principe-là? Parce que du
moment où je dis «je ne veux pas», je veux
dire, il y a une obligation légale de ne pas utiliser ces renseignements-là,
ils doivent être détruits parce que... En fait, la loi prévoit que soit
ils sont détruits, soit on les anonymise pour qu'ils puissent servir à la
recherche. Donc, si on refuse le consentement à l'anonymisation, ça veut dire
qu'explicitement ils doivent être détruits.
Donc, quand vous parlez de primauté du consentement, qu'est-ce que ça change
dans cette mécanique-là?
Mme Obadia
(Alexandra) : Je vais vous donner un exemple très précis : vous
avez 43 000 Québécois qui ont
consenti à ce que les chercheurs accèdent aux données médico-administratives
qui sont conservées par la RAMQ, le ministère de la Santé, dont l'ISQ
est le gardien maintenant. Donc, ils ont dit : J'accepte qu'on accède et
qu'on utilise mes données pour la recherche, les données remontant à 1998.
Malgré ça, les chercheurs doivent demander une approbation à l'ISQ, qui fait
une évaluation de leur dossier comme s'il n'y avait pas de consentement. Et en
plus, malgré une loi qui a été adoptée en 2021, il y a une autre évaluation de
la CAI qui se fait après ça. Donc, on ne donne pas effet au consentement, vous
comprenez?
Il y a des projets de
recherche dans le cadre desquels on collecte des données, on... c'est-à-dire on
rassemble une cohorte, on fait signer des consentements, c'est approuvé par un
comité d'éthique, on collecte des données sur ces
gens-là, ces gens-là acceptent aussi qu'on aille... chercher des données qui
ont été collectées par la RAMQ, par exemple, ou par le ministère. Il ne
faudrait pas qu'il y ait d'évaluation.
M. Caire : Oui,
je vous entends, mais est-ce que... puis là je ne me souviens plus du nom exact
qu'on donne à ça, mais il y a un centre de gestion des données, là, qui est
prévu par...
Une voix : ...
M. Caire :
Hein?
Une voix : Le centre d'accès pour la
recherche.
M. Caire : Un
centre de gestion pour la recherche. Parce que, là, je vous entends, puis, dans
le fond, est-ce que ça, ça ne découle pas, justement, de ce que... situation
qu'on a discutée avec les collègues, de silos, là, où chacun a un peu la mainmise sur les informations qu'il
gère, mais le PL n° 3 vient briser ces silos-là, donc fait une espèce
de... du renseignement de santé dans
le réseau une grande banque d'information, puis le centre de... comment
tu as appelé ça...
Des voix : ...
M. Caire : ...le centre d'accès
pour la recherche, bon, est celui qui va valider le consentement ou non. Techniquement, c'est lui qui va donner accès
ultimement à ça. Est-ce que ça, ça ne répond pas à votre préoccupation?
Mme Obadia (Alexandra) : Ça
répond tout à fait, mais le problème, puis on l'a soulevé amplement ce matin,
c'est un problème d'interprétation. C'est pour ça que je disais que, la loi sur
l'ISQ, il y a un autre article à... il y a une autre insertion à faire à
l'article 26 de la loi sur l'ISQ, parce que sinon on ne s'en sort pas, il
y a... ça va demeurer, ce travail en silo, et chacun interprète sa propre loi.
C'est pour ça que je vous dis : Il y a des choses qui semblent évidentes,
mais qu'il faut réaffirmer dans des lois.
M. Caire : Parfait, je vous
entends. Je voulais revenir sur un autre élément, Me Obadia, que vous avez
amené dans votre présentation. Vous parlez de la liste des États qui ont un
régime juridique équivalent. On avait cette difficulté-là avec le projet de loi
n° 64 parce que...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Caire : Bon, bien, en fait, ce
que je... ce que la loi prévoit, c'est qu'on n'a pas à... En fait, on fait une
évaluation, si on fait affaire avec un régime... un État qui a un régime
équivalent, sinon, de façon contractuelle, on peut créer ce régime-là, qui est
équivalent...
Le Président (M. Simard) : Très
rapidement, s'il vous plaît.
M. Caire : On peut le faire de
façon contractuelle, c'est ça que je voulais vous dire. Je vous expliquerai
ça...
Mme Obadia (Alexandra) : OK,
merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Désolé, je suis le gardien du temps, et c'est parfois fort ingrat.
Mme la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Merci, mesdames,
pour votre... vos interventions. Est-ce qu'on aura un mémoire? Je pense que
c'est peut-être moi qui a pris du retard, je ne l'ai pas vu.
Mme Bérard (Anick) : Oui, le
consortium a soumis un mémoire.
Mme Setlakwe : A soumis, OK.
Mme Bérard
(Anick) : Oui, oui, oui, ça fait quelques mois, maintenant,
peut-être années. Mais effectivement on peut le resoumettre, on peut
vous le renvoyer, là, il n'y a pas de souci, mais il est accessible
publiquement, présentement.
Le Président (M. Simard) : ...
Mme Obadia (Alexandra) : Mais
je pense qu'on ne l'a pas soumis dans le cadre du projet de loi n° 3.
Le Président (M. Simard) : C'est
ça...
Mme Bérard (Anick) : On l'avait
soumis avant. On l'avait soumis à plusieurs reprises.
Mme Obadia (Alexandra) : Oui, mais
le CHU Sainte-Justine va produire un mémoire demain, puis j'ai envoyé... on a
envoyé toutes les deux nos présentations, donc ça sera intégré sans doute dans
le mémoire du CHU de Sainte-Justine. À moins que vous préfériez qu'on soumette
un mémoire distinct.
Mme Setlakwe : Mais
c'est que vous avez, Me Obadia, fait une étude détaillée, là. Moi aussi,
je suis avocate, puis là je vois que vous... j'essayais de prendre note
en détail des articles où vous voyez soit un genre de vide, ou des éléments qui vont porter à confusion, ou tout
simplement des éléments qui sont manquants pour assurer une efficacité,
là. Donc, oui, ce serait utile de l'avoir.
Mme Obadia (Alexandra) : Je
m'assurerai que vous ayez quelque chose demain sans faute.
Mme Setlakwe : Est-ce
que je vous entends bien, là? Vous êtes... Bien, Dre Bérard, vous êtes
impliquée dans la recherche, vous
êtes à Sainte-Justine depuis longtemps. Depuis des années, vous voyez qu'il y a
un système qui est en place qui,
selon vous, fonctionne puis assure un cadre rigoureux. On dirait que... Est-ce
que je vous entends bien, que vous
restez un peu sur votre appétit? Vous avez... on dirait que vous avez... Est-ce
que je vous entends... que le projet de loi a des bonnes intentions, mais ne va pas vraiment faire en sorte
qu'on va aller plus vite? On dirait que je conserve... selon vos propos,
on dirait que je demeure craintive qu'on puisse perdre des... que les
chercheurs puissent perdre des subventions. Il semble y avoir encore des
éléments d'ambiguïté.
Mme Bérard (Anick) : C'est peut-être parce que
chat échaudé craint l'eau froide. C'est que, jusqu'à maintenant, il y a eu
quand même plusieurs solutions avec le guichet unique. Évidemment, la loi a
pris du temps à suivre, là, mais le guichet unique nous a été présenté
en juin 2019 comme la solution aux délais d'accès. En fait, ça ne règle rien,
les délais ont été allongés. Alors, c'est
clair que le PL n° 3, présentement, je le salue, et le consortium le
salue. Maintenant, ce sera dans
l'application, là, pour s'assurer que... comme disait ma collègue
Me Obadia, qu'on ne répète pas les évaluations du comité d'éthique à un autre niveau, les
évaluations scientifiques également. Quand on a des subventions du Fonds de recherche
Québec, de l'Institut... des IRSC, Instituts de recherche en santé du Canada,
on a 8 % de chances d'être subventionnés
au Canada. Lorsqu'on a une subvention des IRSC, c'est parce que,
scientifiquement, notre projet est valide, alors il semble inutile que
quelqu'un d'autre doive l'évaluer au niveau scientifique. Ça, c'est toutes des
choses qui augmentent les délais de manière inutile.
Alors, oui, on salue
le projet de loi. Maintenant, ce sera dans son application, parce que c'est
clair que l'accès aux données, présentement, est très, très, très problématique
au niveau des délais, je veux dire. Bon, les données demeurent très riches, les données demeurent fantastiques pour la
recherche et pour la population, mais maintenant il faut s'assurer que l'accès aux données soit raccourci.
En Ontario, dépendamment du projet de recherche, l'accès aux données est entre trois et six mois. Ici, c'est entre huit
mois et trois ans, on n'est pas compétitifs. Alors, oui, le PL n° 3 est bon, maintenant en espérant que ça aura comme impact de
raccourcir les délais, et pour ce faire, bien, il faut enlever, comme disait ma
collègue, un peu les portions de la loi qui peuvent porter à interprétation sur
le terrain, parce que c'est ça, le problème, présentement.
Mme Setlakwe :
Donc, on revient à Me Obadia. Donc, on s'entend que ça va être dans
l'application qu'on va voir si les objectifs sont atteints, mais la loi va être
appliquée en fonction du libellé qu'on a. Puis, si le libellé laisse... n'est pas assez clair, n'est pas assez
explicite, bien, j'ai peur qu'on va l'interpréter de façon restrictive et qu'on
ne permettra pas, en cas de doute, une position plus plus laxiste, donc
j'ai l'impression qu'il faut être très spécifiques dans ce qui peut constituer
une équivalence.
Et c'est là qu'on a
besoin de peut-être préciser et de prendre notre temps pour atteindre les
objectifs qui sont atteints, et c'est là
qu'on a besoin de regarder comme il faut ces articles-là. J'ai 40 sous les yeux,
puis moi, je ne le vois pas
clairement, là, le concept qu'une évaluation d'un comité d'éthique pourrait
tenir lieu d'une évaluation. Mais on entend que, par principe, vous êtes
optimistes, mais on va le voir dans l'application.
Mme Obadia
(Alexandra) : Non, mais je suis d'accord avec vous.
Mme Setlakwe :
OK.
• (19 h 30) •
Mme Obadia
(Alexandra) : Non, non, je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est
exactement ce que je dis, c'est que ce n'est pas clair, l'article 40, il
faudrait le spécifier.
Mme Setlakwe :
D'accord, on dit la même chose.
Mme Obadia
(Alexandra) : Oui.
Mme Setlakwe : On dit la même chose.
Non, c'est que, Dre Bérard, vous êtes moins dans le libellé, vous, vous
avez espoir que ça se passe plus vite. Mais, si la loi n'est pas claire, ça ne
se passera pas plus vite.
Mme Bérard (Anick) : Bien, c'est en plein ça
que je disais, c'est : il faut que ça soit très spécifique, oui, comme
ça, il n'y a pas d'interprétation possible.
Mme Setlakwe : Donc, oui, là, vos propos
sont très clairs. Puis je pense que je n'ai pas autre chose. Non, je vous
remercie.
Mme Bérard
(Anick) : Merci.
Mme Obadia
(Alexandra) : Merci.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci,
M. le Président. Merci à vous trois, mesdames, d'être là. Est-ce qu'à votre
connaissance, peut-être Dre Bérard ou qui voudra répondre... Vous
dites : On n'est pas compétitifs parce que c'est trop long. De un, si on facilite la
fluidité des renseignements personnels et des données et qu'il y a plus de
demandes, est-ce qu'on ne risque pas
d'allonger les délais? D'autant que, si la CAI est impliquée, la CAI saisit
toutes les occasions possibles et imaginables en commission
parlementaire pour nous dire qu'elle manque de staff, et je les crois, ça,
c'est clair.
Mme Bérard (Anick) : Nous
aussi.
M. Marissal : Oui,
oui, c'est bon, on s'entend là-dessus. Et, de deux, est-ce qu'à votre avis on
perd ou on a perdu, là, de mémoire...
si vous avez des exemples, c'est plus parlant pour nous, là, est-ce qu'on a
perdu des opportunités, des chances, je devrais dire, en français, des chances
de recherche et des occasions, là, c'est le mot que je cherche — vous
êtes notre septième groupe aujourd'hui, je suis désolé, je cherche mes mots un
peu — des
occasions de recherche qui nous ont glissé entre les mains parce que,
justement, c'est trop long puis qu'on n'est pas compétitifs?
Mme Bérard (Anick) : En fait...
bien, spécifiquement, on va prendre la pandémie. C'est clair que, quand la
pandémie est... bien, elle est arrivée un peu plus tôt, mais, disons, quand
l'état d'urgence, si on peut l'appeler comme ça, a été déclaré au Québec en
mars 2020, on avait besoin des données, on avait besoin des données maintenant
pour essayer de comprendre un peu, évaluer les facteurs de risque un peu,
comprendre les trajectoires de soins, l'impact de la maladie sur la population québécoise, et nous, les chercheurs,
avec les délais d'accès, c'était impossible, on était incapables. Le guichet unique nous disait que les
délais étaient pour être encore plus longs parce que c'était la pandémie. Et
nous, on avait bien beau leur dire que, oui, effectivement, à cause de la
pandémie, on devrait avoir accès aux données pour être capables de comprendre
un peu l'impact de la pandémie sur la population, du moins québécoise... Alors, oui, on a manqué une opportunité. Et
nous... je veux dire, des collègues ont utilisé des données ontariennes, des
données d'ailleurs au Canada pour voir l'impact de la maladie sur la population
québécoise parce qu'on n'avait pas accès à nos données québécoises, qui étaient
là, pourtant. Alors, oui, ça, c'est un exemple spécifique.
Au niveau d'augmenter les demandes d'accès, en
fait, il faut comprendre que le Québec est un... l'accès est long. On perd des subventions, on perd notre
«edge», si on peut l'appeler comme ça, en recherche parce qu'on n'a pas de
données, et qui est un peu étrange, parce
qu'on met vraiment beaucoup d'énergie et de sous sur la politique en
intelligence artificielle, puis on a une priorité en santé, mais on n'a
pas... Je veux dire, il faut que ça, ça aille main dans la main, c'est un
peu... Mais enfin on a espoir que ça s'améliore, mais... Alors, c'est sûr qu'on
perd notre «edge».
Mais
l'expertise en épidémiologie, en analyse de big data, en intelligence
artificielle, elle est toujours là au Québec, on est des leaders dans
ces domaines-là. Encore faut-il garder cette expertise-là, parce que, si on n'a
pas accès aux données qui sont nécessaires
pour garder nos experts, nos experts vont partir du Québec. Alors, moi, je
salue, si on a plus de demandes à la CAI... je m'excuse, au guichet
unique, tant mieux. Mais, je veux dire, si on a plus de données... de demandes,
bien, ils peuvent engager plus de gens. Il y en a, des experts, là, sur
l'analyse des big data au Québec.
Alors, moi, je vois ça... je ne vois pas ça
comme étant un problème, d'autant plus qu'on a identifié, avec ma collègue, des
solutions pour ne pas dupliquer ce que le comité d'éthique fait, pour ne pas
dupliquer... Le guichet unique devait un peu
se départir ou... pas se départir, mais se... enlever la nécessité d'une
évaluation à la Commission d'accès à l'information. Or, maintenant, ils le font
toujours, alors il y a plein de choses qui sont dédoublées. Le guichet unique évalue scientifiquement nos projets de
recherche qui ont reçu un financement, ce n'est pas nécessaire. Alors, ça, ça
pourrait, juste ça, rétrécir les délais d'accès.
M. Marissal : Bien,
supposons... et ce n'est assurément pas un souhait, c'est une hypothèse,
supposons qu'on a une autre pandémie. Parce
que, là, là, vous nous donnez l'exemple de la pandémie, mais la pandémie nous a
coupé les jambes, à tout le monde, là.
Je suis désolé que ce soit le cas pour vous aussi en recherche, mais on a fermé
le Parlement, ici, on a obligé des
gens à rentrer avant 8 heures le soir dans les maisons. C'était compliqué,
la pandémie, là, pour tout le monde. Mais à supposer qu'on en ait une
autre ou une situation extrême de ce genre, est-ce qu'on ouvre, avec le projet
de loi n° 3, quelque chose qui vous faciliterait l'accès, notamment, en
temps réel?
Mme Bérard (Anick) : En
principe, oui, le projet de loi n° 3 est vraiment... vraiment un sauveur,
là, si on peut l'appeler comme ça, au niveau
de l'accès aux données, tant et aussi longtemps que... tant et aussi longtemps
qu'on ne dédouble pas les processus.
Je pense que ça, c'est très important. Et peut-être un peu recadrer, recentrer
le PL n° 3, justement, pour ne pas qu'il y ait des interprétations
différentes, sur le terrain du moins, comme a dit ma collègue Me Obadia.
M. Marissal : C'est bien noté.
Merci. Merci de votre présence.
Des voix : Merci.
Le
Président (M. Simard) :
Alors, mesdames, à mon tour de vous remercier pour la qualité de votre
intervention.
Sur ce, les auditions de cette journée se
terminent. Nous allons ajourner nos travaux, mais on se redonne rendez-vous demain, quelque part autour de
10 heures. Nous en saurons davantage après les avis touchant les travaux en
commission. Belle fin de soirée à toutes et à tous.
(Fin de la séance à 19 h 39)