(Onze heures vingt-deux minutes)
Le Président (M. Simard) : Et
bon mercredi matin. Je constate que nous avons quorum et nous sommes en mesure
de reprendre nos travaux.
Comme vous le savez, la commission est réunie
afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur
le projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de santé et de services
sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.
Mme la secrétaire, bonjour.
La Secrétaire : Bonjour.
Le Président (M. Simard) : Y
a-t-il des remplacements ce matin?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Beauchemin (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par Mme Setlakwe (Mont-Royal—Outremont) et M. Bouazzi
(Maurice-Richard), par M. Marissal (Rosemont).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Simard) : Bienvenue
à nos collègues. Donc, nous recevons, ce matin, des représentantes du
Conseil pour la protection des malades. Messieurs, bonjour. Bienvenue parmi
nous.
Conseil pour la
protection des malades (CPM)
M. Brunet (Paul G.) : Bonjour,
M. le Président.
M. Hurteau (Pierre) : Bonjour.
Le Président (M. Simard) : Auriez-vous
d'abord l'amabilité, s'il vous plaît, de vous présenter?
M. Brunet
(Paul G.) : Oui. Mon nom est Paul Brunet, je suis président du
Conseil pour la protection des malades. L'organisme fêtera ses
50 ans l'année prochaine. J'espère que vous serez avec nous.
Le Président (M. Simard) : Je
le souhaite également.
M. Brunet (Paul G.) : Et je
suis accompagné de mon collègue le vice-président.
Le Président (M. Simard) : Nous
vous écoutons.
M. Brunet (Paul G.) : Bien,
merci de nous accueillir, M. le Président, M. le ministre et les membres de
l'Assemblée nationale.
Depuis 50 ans, le CPM a probablement
produit une centaine de mémoires chez vous, toujours dans le but d'améliorer
les soins et les services dans le réseau de la santé et des services sociaux.
L'an prochain, le conseil va fêter ses
50 ans. On aimerait ça que le gouvernement, que vous autres signaliez ça
de manière à nous aider à poursuivre l'oeuvre de mon frère Claude, qui fonda le
CPM en 1974. Je veux fêter, au mois d'août, mes 25 ans comme
porte-parole du conseil, sûrement avec en mémoire toutes les interventions que
nous faisons et les échanges positifs que nous avons avec les membres du
gouvernement.
Sans plus
tarder, je cède la parole à mon collègue le vice-président, M. Pierre
Hurteau, qui fera la présentation devant vous.
M. Hurteau (Pierre) : Alors, je
salue tout le monde. Et évidemment que le CPM salue l'initiative du
gouvernement de doter le Québec d'un cadre juridique de la gestion des données
informatiques en santé, quelque chose de moderne, ensuite de très englobant,
qui touche un ensemble d'acteurs du secteur de la santé. Alors, c'est peut-être
une des premières fois, là, où on touche à la fois les patients, les cliniciens
et les chercheurs. Encore une fois, la pandémie a probablement permis de
réaliser à quel point il y avait des déficiences, des insuffisances dans ce
domaine-là, alors qu'aujourd'hui on a plein de moyens technologiques pour
accéder à toutes sortes d'informations.
Alors, le CPM reconnaît également la nécessité
d'avoir des informations en santé mises en commun pour faciliter les avancées
de la recherche scientifique parce qu'au fond, quand la recherche progresse,
c'est les usagers, les patients qui en bénéficient au
bout du compte. Le CPM constate, évidemment, là, que le projet de loi n° 3
a à peu près doublé dans son nombre d'articles par rapport au projet initial du
n° 19. Donc, pour nous, là, ça a été une tâche un peu compliquée de revoir
tout l'ensemble. Donc, nécessairement, le point de vue qu'on exprime, il est
quand même limité, compte tenu du temps qu'on avait pour réagir à tout ça.
En même temps, je pense qu'il faut dire que le
CPM est bien positionné pour faire valoir le point de vue des usagers dans les
champs d'action qui sont couverts par le projet de loi, parce que le CPM
dispose d'un réseau de plus de 200 comités d'usagers à travers toute la
province. Et, en plus, il y a au moins 200 citoyens qui sont des
souscripteurs à son programme Protection-santé. Donc, c'est en s'appuyant sur
cette expérience de 50 ans, là, auprès des usagers du réseau que le CPM
veut vous transmettre à la fois ses questions et ses observations.
D'abord, une observation générale s'impose. Le
projet de loi énonce des grands principes, mais on aurait aimé que ce soit...
qu'il s'avance un peu plus davantage sur les moyens mis en oeuvre pour réaliser
les objectifs, notamment en ce qui concerne
des mécanismes d'évaluation, de la nécessité d'utiliser ou de recevoir un
renseignement et la gestion sécuritaire des renseignements. À ce
chapitre, tout semble avoir été délégué au pouvoir réglementaire de l'exécutif
ou ce qui est appelé le «dirigeant réseau de l'information». Alors, tout ça
rend parfois un peu difficile l'appréciation détaillée du projet de loi.
Alors, si on regarde la notion de consentement,
évidemment, on est tout à fait d'accord avec ce qui est énoncé là-dedans. Là où
on se pose certaines questions et on aimerait avoir un peu plus
d'éclaircissements, même si on pense que le projet de loi actuel a certaines
bonifications au niveau de ce qu'on pourrait considérer étant les balises au niveau de l'accès et du consentement,
là, je pense qu'il répond mieux que ne le faisait le projet de loi n° 19.
Mais ce qui nous suscite certaines interrogations, c'est la notion de
consentement élargi qu'on retrouve à l'article 6, lorsqu'on parle de, par
exemple, «en matière de recherche, il peut viser des thématiques de recherche,
des catégories d'activités de recherche ou des catégories de chercheurs».
Alors, d'une part, on pense qu'il y a lieu de définir davantage ces notions-là
de thématiques de recherche, de catégories d'activités de recherche ou de
catégories de chercheurs. C'est très vaste et on ne sait pas trop, là,
qu'est-ce que ça vise précisément.
• (11 h 30) •
De plus, nous estimons qu'il ne peut y avoir de
consentement général à un accès vers toutes ces catégorisations. Donc, il ne
devrait pas y avoir de guichet unique, ou ce qu'on appelle en anglais un «one
stop shop» pour les chercheurs. Évidemment, on salue le droit de refus de
retrait exprimé à l'article 7. Et, en lien avec ce que nous avons énoncé
au paragraphe précédent, l'usager doit être en mesure d'exercer ce droit en
tout ou en partie, c'est-à-dire sur certains aspects de la recherche ou
certains types de recherches. Par exemple, moi, je peux être d'accord pour
donner un accès à mes données biomédicales tumorales, puis j'en ai, d'ailleurs,
en passant, mais je peux être en désaccord pour que ces données soient
transmises à des chercheurs de l'entreprise privée. Alors, ça, c'est un aspect
important qu'il faudra préciser.
Ensuite, on note aussi qu'il n'y a pas
tellement, sinon une absence totale, là, d'éduquer en aval l'usager sur son
droit d'accès, de refus ou de rectification et sur les manières de les exercer.
Ça, c'est important parce qu'on a une population vieillissante et le niveau de
littératie n'est pas souvent à la hauteur. Alors, il faut pallier à ça.
Finalement, on note aussi que, dans tout ça, là,
il n'y a pas de distinction nette établie dans le projet, là, il aurait
peut-être eu lieu de le faire, entre ce qu'est un renseignement nominalisé puis
un renseignement dénominalisé. Il faudrait que ça soit clair à la fois pour
l'usager, mais aussi pour le chercheur, et aussi pour ceux qui administrent les
données.
On note aussi l'absence de délais prévus, ça,
c'est important, pour accéder aux données, soit par l'usager, soit par le
chercheur. Nous pensons que les données devraient être accessibles par l'usager
dès qu'elles sont disponibles. L'usager ne devrait pas subir de délais pour
obtenir des résultats de laboratoire, ou d'imagerie, ou autres tests
diagnostiques. On ne favorise pas un délai de 30 jours, comme c'est le cas
dans le carnet santé. Ce n'est pas... 30 jours, là, pour beaucoup de
patients, là, ce n'est pas efficace. Si j'ai à gérer des prises de médicaments
en rapport avec mes résultats sanguins et tout ça, là, 30 jours, là, entre
vous et moi, là, ça ne vaut rien.
Maintenant, l'article 55, le troisième
paragraphe de l'article nous semble d'une portée très large et suscite certaines inquiétudes. Lorsqu'on parle, par
exemple, «elle est nécessaire à l'application», lorsqu'on peut avoir accès, là,
lorsque c'est «nécessaire à l'application d'une loi au Québec, que cette
utilisation soit ou non prévue expressément par la loi», qu'est-ce que ça veut
dire, ça? Est-ce que ça veut dire que la RRQ, la SAAQ, la CNESST, par exemple,
pourraient accéder aux données de santé sans le consentement de l'usager pour
déterminer son droit à des prestations? Que veut dire exactement «au bénéfice
de la personne» dans cet article-là? Dans certains cas, on sait très bien que la détermination du quantum de la prestation
est liée à l'état de santé de la personne concernée. Donc, c'est-tu ça
qu'on veut dire, le «bénéfice de la personne» ou quoi?
L'article 28,
où il est question de l'accessibilité aux données par le conjoint, l'ascendant
direct ou le descendant direct d'une personne décédée, nous, on pense que ça
doit s'étendre à toute personne significative désignée par écrit par l'usager. De plus, l'accès ne doit pas être
limité à un renseignement relatif à la cause du décès, mais doit s'entendre
au dossier médical en général.
Le Président (M. Simard) : Peut-être
en conclusion, M. Hurteau, s'il vous plaît.
M. Hurteau (Pierre) : Bien là,
j'ai...
Le Président (M. Simard) : On
pourra peut-être... On pourra peut-être revenir, hein?
M. Hurteau (Pierre) :
Peut-être que je pourrais répondre à d'autres sujets, là, suite aux
questionnements des membres de la commission.
Le Président (M. Simard) : Très
bien, merci. Merci beaucoup à vous deux. Alors, je cède maintenant... Parce que, dans le fond, votre temps excédent
était pris sur le temps de nos collègues du Parti libéral. Donc, je cède la parole
à M. le ministre.
M. Caire : J'ai combien de
temps?
Le Président (M. Simard) : 16 min 30 s,
de mémoire.
M. Caire : Merci,
M. le Président. M. Brunet, M. Hurteau, merci d'être là. Présentation
assez dense. Plusieurs questions.
Puis je vous dirais que je souhaite les aborder, oui, comme législateur, comme
ministre qui porte le dossier, mais aussi comme usager du réseau de la
santé. En fait, nous sommes tous, ici, des usagers du réseau de la santé. Et donc, techniquement, vous parlez en notre nom. Et
je vous avoue que, dans la présentation que vous venez de faire, il y a des
choses que je ne comprends pas au sens où en quoi mon intérêt comme usager va
être bien servi par ce que vous nous demandez. Puis c'est sur cet angle-là, je
pense, que j'aimerais qu'on ait cette discussion. Parce que les élus ne sont
pas désincarnés, là, on est des usagers du réseau de la santé aussi.
Vous, vous dites, au niveau de la protection,
puis je reconnais, là, que vous avez salué le progrès au niveau de la
protection des renseignements personnels, puis je dois, d'entrée de jeu, vous
dire que je suis le ministre qui a porté la loi n° 64, qui est devenue la loi
n° 25, sur la refonte de la protection des renseignements personnels. Et
ce que nous faisons dans le PL n° 3 est un calque, à toutes fins utiles,
de ce qu'on a fait dans la loi n° 25. Puis juste pour établir, peut-être,
le périmètre de la discussion, on a fait, je vous dirais, un projet de loi un
peu miroir du règlement général de protection des données européen, qui est la
loi la plus sévère en matière de protection des renseignements personnels au
monde. Donc, le PL n° 3 et la loi n° 25 nous amènent dans cette
ligue-là des lois les plus sévères en matière de protection des renseignements
personnels.
Donc, quand
vous nous dites qu'il y a trop de... il y a trop d'éléments qui sont laissés à
la... bien, comparativement à ceux qui vont se définir par règlement,
j'aimerais ça voir comment ça s'inscrit dans cette idée-là de protection des
renseignements personnels, parce que je pense que, puis je vous donne mon
opinion, puis on en discute, je pense que,
législativement, on rentre dans une zone où on est extrêmement sévère. Et, dans
le fond, ce que vous dites, c'est qu'on ne l'est peut-être pas encore
assez. Parce qu'il faut comprendre qu'une loi, c'est «tough» à modifier, là.
Comme j'ai dit à tout le monde, on ne refera pas cet exercice-là à chaque
année, là. On fait ça, puis la prochaine fois qu'on va revoir la loi, c'est peut-être dans une, deux, trois, quatre
législatures, là, alors qu'un règlement nous donne une souplesse.
Donc, j'essaie de voir en quoi cette... Dans le
cadre qu'on est en train d'installer pour la protection des renseignements
personnels, qu'est-ce que cette future réglementation là vous fait craindre?
Puis je vais le formuler comme ça.
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
écoutez, moi, je pense... Je pense, d'abord, là, puis je n'ai peut-être pas été
bien compris, là, sur l'espèce de remarque que j'ai faite sur le fait que c'est
parfois trop large. Alors, souvent, le diable est dans le détail. On n'a pas le
détail des choses. Donc, c'est difficile d'apprécier à sa juste valeur, là, où
est-ce qu'on s'en va. On donne beaucoup de grands principes généraux, mais il y
a des choses qu'on... Ça va venir par règlement, mais on ne sait pas trop
qu'est-ce qu'il y a dans ce règlement-là. Donc, c'est plus à ce niveau-là, là.
On ne pense pas que le projet est trop sévère. Je ne pense pas qu'on ait dit
ça. On ne pense pas qu'il laisse des choses en plan, mais on a fait un certain
nombre d'observations sur des choses précises pour lesquelles on aimerait avoir
des réponses.
M. Caire : Je comprends, mais
je reviens quand même. Parce que vous dites : C'est des grands principes. Moi, je pense qu'on va plus loin que dans les
grands principes. Je pense qu'il y a des obligations, il y a des responsabilités
qui sont définies, il y a des sanctions administratives qui sont prévues, il y
a des sanctions pénales qui sont prévues. Vous voudriez...
Puis, quand vous dites : Le règlement,
bien, on ne sait pas ce qu'il y a dedans, ça, c'est... Vous avez tout à fait
raison, là, c'est sûr. Le propre d'un règlement, c'est de découler d'une loi.
Donc, il faut adopter la loi pour... Puis on ne peut pas présumer, je l'ai dit
à des intervenants hier, on ne peut pas présumer que l'Assemblée nationale va
adopter la loi, évidemment. Donc... Mais, une fois... Puis, bon, j'écoute les
collègues. Je vous dirais que je suis assez optimiste,
là. Mais, une fois que la loi est adoptée, on fait les règlements, mais les
règlements sont adoptés au Conseil des ministres et ils sont rendus publics.
Donc, éventuellement, ça aussi, ça va être rendu public. Mais, si vous
pensez qu'on en met trop dans la portion règlement, c'est que vous pensez,
logiquement, qu'on devrait en mettre un peu plus dans la portion législative.
Qu'est-ce que vous voudriez voir préciser dans la portion législative qu'on met
par règlement, par exemple?
M. Hurteau (Pierre) : Je
vous...
• (11 h 40) •
Le Président (M. Simard) : M. Hurteau,
excusez-moi. J'ai juste une toute petite question d'intendance. J'ai été un
bien mauvais président en vous demandant d'officialiser devant nos micros le
petit délai de sept minutes supplémentaires...
M. Caire : Consentement.
Le Président (M. Simard) : ...parce
que nous dépassons l'heure prévue. Toujours bien consentement?
Des voix : ...
Le
Président (M. Simard) : Merci beaucoup pour cette précision. Veuillez
poursuivre, M. Hurteau, je vous prie. Merci beaucoup.
M. Hurteau (Pierre) : Bien, je
pense que je vous ai donné des exemples concrets qui sont extrêmement
importants pour les usagers et qu'on ne retrouve pas dans la loi, c'est la
question des délais d'accès. Ça, ce n'est pas un
détail, ça. Et je pense que la Commissaire à la santé vous a aussi fait un
certain nombre de remarques à ce sujet-là. Et on ne trouve absolument rien, dans le projet de loi, sur les délais.
Pourtant, là, ça, ça affecte quotidiennement les usagers et c'est très
concret.
L'autre chose que je vous ai mentionnée, là...
M. Caire : Par exemple, les
délais, vous voudriez les voir inscrits dans la loi. C'est ce que je comprends?
M. Hurteau (Pierre) : Absolument.
Absolument, pourquoi pas? Il y a des lois qui prévoient des délais, par exemple, pour aller en appel, pour demander une
révision, pour accéder à un dossier. Mais pourquoi que ça, ce n'est pas là?
M. Caire : O.K., je comprends.
Puis je reviendrai sur...
M. Hurteau (Pierre) : Bien, la
question d'élargir la notion...
M. Caire : Sur
l'article 55, je reviendrai tantôt. Mais vous avez parlé, M. Hurteau,
du consentement et vous avez dit... Si je vous ai bien compris, vous avez dit
notamment, puis je pense que ça s'adressait plus au consentement à
l'utilisation des données de santé pour les projets de recherche, vous avez
dit : Je voudrais... On voudrait avoir, premièrement, non seulement un
consentement... Et là je comprends que vous voudriez avoir un consentement qui
est explicite et non pas implicite, comme le prévoit la loi maintenant, et vous
voudriez avoir un consentement qui est explicite et qui est ventilé selon les
différents usages qui peuvent être faits des données de santé dans la
recherche. Est-ce que je vous ai bien compris?
M. Hurteau (Pierre) : Tout à
fait.
M. Caire : O.K. Mais, en même
temps, vous dites : On a une littératie qui est... qui est à parfaire, je
vais le dire comme ça. Comment vous conciliez le fait de donner à quelqu'un une
responsabilité dont vous dites qu'il n'est peut-être pas en mesure de
l'assumer?
M. Hurteau (Pierre) : Bien là,
c'est pour ça que je vous ai dit qu'il faut éduquer la personne. Ce n'est pas
parce qu'elle ne comprend pas qu'on peut faire ce qu'on veut.
M. Caire : OK,
mais... OK. Donc, vous, l'idée de dire que le principe général... vous dites...
Parce que ce que la loi dit, c'est qu'on... Lorsqu'un renseignement de santé,
son cycle de vie est terminé... Le cycle de vie commence au moment où je
le connecte... où je le collecte, pardon, à des fins précises. Lorsque son
cycle de vie est terminé, je dois le détruire. Ça, c'est ce que la loi dit. Il
y a une possibilité de l'anonymiser aux fins de recherches. «Anonymiser», la définition,
elle est dans le cadre législatif québécois, là, ça a déjà été défini. C'est
pour ça qu'on ne reprend pas des définitions
qui existent déjà dans d'autres lois, puisque, quand une loi le dit, le
législateur ne parle pas pour ne rien dire. Donc, on ne répète pas ça. C'est le fait de ne pas pouvoir associer de
l'information à un individu. Ça, ça répond peut-être à une interrogation
que vous aviez : Pourquoi ce n'est pas dans la loi? Parce que c'est déjà
prévu dans d'autres lois.
Mais vous, vous dites : Ça, il faudrait que
ça... Il ne faudrait pas que ça puisse se faire sans qu'il y ait un
consentement explicite, et un consentement explicite ventilé, de l'usager. Puis
là vous nous dites qu'en plus, parce que
vous comprenez, là, ce que vous demandez au législateur, là, c'est de prévoir
dans la loi qu'on va assurer une montée en compétence de l'usager pour
être capable d'assumer cette obligation-là. Je vous suis-tu dans votre
raisonnement ou je suis dans le champ, là? Parce que je comprends ce que vous
dites, mais là on est en train de discuter d'un projet de loi. Donc, vous, vous
voudriez voir inscrire ces choses-là dans la loi, là?
M. Hurteau (Pierre) : Bien, en
tout cas, ce que moi, comme usager, je ne veux pas, là, c'est que mon
consentement soit absolument à n'importe quoi, au choix de qui veut bien
s'abreuver à qu'est-ce qu'il y a dans mon dossier.
M. Caire : O.K. Mais ça, je
l'ai bien compris, M. Hurteau. Mais, législativement, parce que c'est de
ça qu'on discute, là, on est en train... Vous
dites : Il y a trop de choses qui sont laissées aux règlements. Donc, vous
ne voulez pas que le gouvernement, par règlement, assure une certaine
formation des usagers, vous voulez que ce soit dans la loi.
Mais vous voulez qu'on mette ça dans la loi comment? Parce que nous, comme
législateurs, après ça, là, on prend ce que vous nous dites puis on essaie de
traduire ça par... Puis je regarde ma collègue de l'opposition officielle qui
est avocate, il va falloir qu'on ponde un texte législatif qui est cohérent non
seulement avec le projet de loi, mais qui
est cohérent avec le corpus législatif québécois, là. Ça fait que
comprenez-vous, là? C'est ça que vous nous demandez aujourd'hui. Ça fait
que moi, je veux bien, là, mais j'aimerais que vous m'indiquiez peut-être des
pistes de solution parce que je ne sais pas comment on peut faire ça.
M. Hurteau
(Pierre) : Bien, écoutez, moi, là, ce que je fais, là, c'est que je
vous exprime un souci qui vient de la part des usagers. Vous-même, vous dites,
vous êtes un usager comme tout le monde dans la salle.
M. Caire :
Oui.
M. Hurteau
(Pierre) : Alors, on veut bien comprendre. Alors, moi, là, je ne suis
pas législateur, mon rôle n'est pas celui d'un législateur, mais je vous dis,
je vous exprime mes besoins. Alors...
M. Caire :
O.K. Vous avez parlé de l'article 55 et c'est un article, ça, qui
découle directement de ce qui est déjà prévu dans la loi n° 25. Donc, la loi
n° 25, la loi sur la protection des renseignements personnels, je le
rappelle aux fins de la discussion, que c'est une loi qui a une valeur quasi
constitutionnelle. Donc, elle a préséance sur toute autre loi. Je ne me trompe pas quand je dis ça? Et voilà, je ne me
trompe pas. Et donc ça, c'est déjà prévu. L'idée, en fait, de cet
article-là, puis c'est Dr Amyot, hier, dans le fond, qui nous en parlait.
Il dit : Moi, je me présente devant mon médecin. Puis là je vous rappelle,
moi, je suis un usager, et là je m'adresse à vous à titre d'usager. Je me
présente devant mon médecin. Est-ce que je veux que ce professionnel de la
santé là que je consulte ait un accès total aux renseignements de santé qui
sont nécessaires à sa prestation de services? Ma réponse à moi comme usager,
c'est oui. J'aimerais entendre la vôtre.
M. Hurteau
(Pierre) : Bien, moi, je pense que le problème, ce n'est pas celui du
médecin, là. Le problème, c'est celui d'un
tiers qui veut accéder à des données de santé qui sont dans mon dossier pour...
Je ne sais pas, est-ce que c'est... Il pourrait... C'est une question que je
pose, là : Est-ce qu'il pourrait le faire pour établir mon droit à une
prestation?
M. Caire :
Bien, en fait, ce que la loi dit,
c'est ceci... Excusez-moi, M. Hurteau, j'ai perdu la fin de votre phrase.
M. Hurteau
(Pierre) : Bien, toujours sans mon consentement, là, on parle de sans
mon consentement.
M. Caire :
O.K. En fait, ce que la loi dit, c'est que, si cette information-là est
nécessaire à la prestation de services qui
lui est dévolue par la loi, il a accès à ça. Puis je vous donne un exemple, la
SAAQ émet un permis de conduire. Je vois que vous portez des lunettes.
La SAAQ a le droit, avant de vous émettre un permis de conduire, doit savoir s'il y a une contrainte médicale au niveau de
votre vue, sinon elle ne vous émettra pas de permis. Donc, ce que la loi dit,
c'est... Ce que cette loi-là dit, c'est que
la SAAQ, c'est de sa responsabilité de s'assurer de ça. À partir de là, la SAAQ
a deux choix, soit elle a accès à votre dossier santé et, à ce
moment-là, constate que vous devez avoir des lunettes, soit elle vous... elle
met le fardeau, puis c'est ça, là, que M. Amyot disait hier, soit elle met
le fardeau sur vos épaules de dire :
Bien, écoute, compte tenu que moi, je ne peux pas avoir accès aux
renseignements que je possède déjà, je vais poser une question comme
citoyen pour laquelle j'ai déjà la réponse, mais on ne veut pas me la donner.
Ça fait que, si vous me demandez, moi, comme usager, là, est-ce que je
trouverais ça plus simple que ça se passe comme ça, c'est-à-dire que la SAAQ ait
accès à cette information-là et, attention, à cette information-là seulement,
parce que ce que la loi dit, c'est que le prestataire de services a accès aux
informations qui sont nécessaires à sa prestation de services... Donc, s'il me
demande : Est-ce que j'ai le syndrome du côlon irritable? Ça, ça n'a pas
rapport avec mon permis de conduire, il n'aura pas accès à ça, là, on s'entend.
C'est ça que la loi dit. Donc, vous... Moi, comme usager, je pense que c'est
une bonne chose parce que sinon je me transforme en commis de l'État, puis je
suis obligé de répondre à des questions pour lesquelles l'État a déjà la
réponse. C'est un peu la philosophie du PL n° 3. Vous, comme mon
représentant, vous me dites quoi à ça?
• (11 h 50) •
M. Hurteau
(Pierre) : Bien, moi, je me dis : Écoutez, là, la question des
lunettes, c'est peut-être un exemple facile,
là, mais il y a peut-être des exemples qui sont un peu plus compliqués, même si
on prend seulement la SAAQ, là. Moi, je veux dire, quand je renouvelle
mon permis, j'ai des questions auxquelles je dois répondre, O.K.? Le fardeau
est à moi de donner des indications claires sur, par exemple, mon état de
santé. Est-ce qu'il y a des choses qui ont changé, patati, patata? Là, vous
renversez ça. Est-ce que... C'est une question que je pose : Est-ce qu'on
s'en va dans une situation où la SAAQ, à tout renouvellement, va vérifier dans
mon dossier de santé pour savoir si j'ai changé de pilules, puis dire :
Ah! Oh! Oh! Vous... Ça ne marche pas, là.
Le Président
(M. Simard) : En conclusion, s'il vous plaît.
M. Hurteau
(Pierre) : Bien, vous avez augmenté vos pilules de tension artérielle,
ou votre antidépresseur, ou votre ci, ou votre ça, là.
M. Caire : Bien, la SAAQ va
devoir poser des questions...
Le Président (M. Simard) :
Très bien.
M. Caire : Puis-je renouveler
son permis de conduire? Et il y a quelqu'un qui va devoir répondre.
Le
Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Alors, nous poursuivons avec Mme
la députée de Mont-Royal—Outremont, qui dispose de 11 minutes.
Mme Setlakwe : Merci beaucoup,
messieurs, non seulement pour votre présentation, on réalise qu'elle a été
écourtée, votre présentation verbale, mais soyez rassurés qu'on a, sous les
mains, votre mémoire, qui est très détaillé. Et donc l'ensemble de vos
questionnements, vos préoccupations, là, seront pris en compte.
Moi, je regarde tout ça, et je suis obligée de
prendre un pas de recul puis de vous demander... Vous soulevez une série, puis on l'apprécie, là, de préoccupations
très précises. Mais, dans l'ensemble, où est votre niveau de satisfaction
par rapport au projet de loi? Êtes-vous... Puis là j'ai une sous-question, on
dirait que... Parce qu'il va falloir se pencher
là-dessus aussi, dans l'exercice de bonification de la loi, pour se garder une
marge de manoeuvre, tu sais. Quel élément est pour vous... Quels sont
les éléments les plus problématiques?
Donc, il y a deux choses, là. Quelle est votre
appréciation générale du projet de loi, tu sais, sachant qu'on, je pense, qu'on veut tous une efficacité, une
fluidité efficace des données en gardant un équilibre, là, au niveau de la
protection des renseignements personnels? Je pense, c'est cette
appréciation-là, moi, qui me manque dans l'ensemble. Puis peut-être une...
M. Hurteau (Pierre) : Bien, je
pense que...
Mme Setlakwe : Oui, allez-y.
M. Hurteau (Pierre) : Bien, je
pense qu'au début, là, je l'ai dit clairement, que nous sommes absolument d'accord à l'échange d'informations. Il n'y en a
pas assez et on en souhaite davantage, mais on veut que ça débouche.
Écoutez, là, à plusieurs reprises, on a manifesté notre impatience de voir le
registre du cancer mis à jour. Moi, j'ai été un patient du cancer. On dépend de
la recherche. Et, quand ces choses-là, là, ne sont pas mises à jour, bien, ça
nuit à la recherche, ça ne facilite pas la
recherche. Donc, oui, on est absolument contre l'échange de renseignements,
faciliter les choses, avoir un accès plus général. On l'a dit d'emblée,
c'est bien. C'est... Écoutez, là, le réseau, là, les systèmes informatiques qui
ne se parlent pas, là, ça doit finir, ça. Ça nuit à la santé des gens. Ça doit
se terminer. Sauf que ce qu'on essaie
d'exprimer dans des choses bien concrètes, c'est que, dans tout ça, il faut
protéger la vie privée de l'usager. Ça ne devient pas un marché ouvert,
là, à un échange de renseignements, là, pour toutes sortes de personnes qui
pourraient aller piger dans le plateau de bonbons, y compris l'entreprise
privée, les assureurs, etc.
Alors, je pense que c'est... Comme vous l'avez
dit, là, et nous sommes d'accord avec ça, je pense que le fait qu'on ait fait
des remarques précises, ça ne veut pas dire qu'on est contre le projet. On est
pour le projet, mais il y a certaines choses
qu'on aimerait, avoir des réponses claires et des améliorations. La question,
là, de limiter, par exemple, au conjoint ou à... Mais ça, là, quotidiennement,
là, quand on est dans des comités d'usagers, au CPM, un peu partout, là,
il y a des... L'accès aux données d'une personne quand on est proche aidant,
là, ce n'est pas évident, on se bute constamment
à toutes sortes de : Ah! c'est la confidentialité. On ne peut pas rien
vous dire, là. Écoutez, là, moi, je le vis quotidiennement, là, je suis
proche aidant d'un homme de 101 ans et ce n'est pas évident, tout ça.
Alors, c'est
ça, là, c'est des choses comme ça. Nous, on se base, on vous l'a dit au début,
sur notre expérience terrain, sur ce qu'on vit au quotidien. Et c'est ça
qu'on veut voir améliorer.
Mme Setlakwe : C'est bien
compris. Me Brunet, aviez-vous quelque chose à ajouter? Je vous...
M. Brunet
(Paul G.) : Bien, mon collègue a raison, et surtout durant la
COVID, là, des centaines de personnes nous ont demandé de les aider à obtenir
une copie du dossier médical de leurs proches qui étaient morts apparemment
de la COVID, mais, quand on confronte ces causes de décès là avec la directive
ministérielle de la Dre Opatrny du 16 avril 2020 dans laquelle elle
disait, elle instruisait les directeurs médicaux d'établissements de soins que,
quand quelqu'un meurt durant cette période-ci, pas de diagnostic, pas de test,
vous écrivez : cause de décès, COVID. Alors, les gens voulaient savoir de quoi étaient morts leurs proches, et
c'étaient des batailles en règle avec le réseau pour savoir et obtenir
copie. On aimerait ça que cela cesse, quand des gens proches, sans exiger
autant de documentation et de détails...
C'est comme si... Et parfois c'est par pure ignorance. J'ai entendu des
soignants dire : On ne peut pas vous dire. Le dossier, c'est
confidentiel. Non, mais c'est parce que vous ne comprenez pas que le contenu du
dossier médical, ça m'appartient, c'est moi, l'usager. Il y a des gens qui, par
ignorance, pensent qu'ils n'ont pas le droit de le dire à personne, même pas
aux patients et encore moins à leurs proches. Ça fait qu'il y a quand même
probablement plus d'éducation que de législation qui est en cause ici.
Mme Setlakwe : Votre point est
très clair à ce niveau-là. Merci beaucoup.
Là, je vous amènerais sur la recherche. Parce
que moi, je le sais, je pense qu'il y a encore du travail à faire, mais je
pense qu'il y a une bonne connaissance dans la population de la valeur de la
recherche. C'est vraiment la clé, là, pour accélérer l'efficacité des
traitements, et vous l'avez mentionné. Là, toutefois, quand on se penche sur le
projet de loi, sur le concept de consentement élargi, là, vous semblez vouloir
préciser. Puis les précisions que vous demandez au
niveau, là, des thématiques de recherche, des catégories d'activité de
recherche, catégories de chercheurs, moi, ça me fait craindre qu'on va
peut-être nuire aux objectifs du projet de loi n° 3. J'aimerais ça vous
entendre là-dessus. Vous voulez qu'on soit plus précis, tu sais, même, on veut
circonscrire. Vous souhaitez qu'on restreigne, finalement, les catégories, les
types de recherche, tout ça, mais, moi, ça me fait peur. J'ai peur qu'on
n'atteigne pas les résultats souhaités.
M. Hurteau
(Pierre) : Écoutez, on veut... Je ne pense pas, là, qu'on veut une
liste exhaustive, là, de toutes les
catégories, de tout ça, là, mais on aimerait... Je comprends aussi qu'une loi,
là, c'est général. Mais, en tout cas, chose certaine, puis comme vous
l'avez dit, là, il va y avoir un gros travail d'éducation à faire. Ça ne se
fait peut-être pas dans une loi, mais, au
moins, la loi devrait reconnaître que les administrateurs et que tous ceux qui
vont être en charge de ces
projets-là, ils ont une obligation d'éduquer la population par rapport à ça. Ce
n'est pas au projet de loi d'éduquer la population, mais au moins
reconnaître que les administrateurs ont une obligation de le faire. Et, sur la
question de ce que vous venez d'énoncer, là, écoutez, c'est vague, là, les
choses. C'est quoi, une thématique de recherche, là? Expliquez-moi c'est quoi.
• (12 heures) •
Mme Setlakwe : Oui. Bien là, je vais
relire l'article en détail, mais je pense qu'il va falloir réfléchir sérieusement,
là, pour atteindre l'équilibre souhaité. On vous entend.
Est-ce que,
Me Brunet, vous avez quelque chose à ajouter au niveau de ces
dispositions-là? Non. Sinon...
M. Hurteau
(Pierre) : Je voudrais ajouter aussi que peut-être qu'on a une
sensibilité particulière, là, mais le domaine de la santé, là, ça touche
quelque chose de très intime à la personne, de très précieux pour la personne.
Ce n'est pas la même chose que mon permis de conduire, ce n'est pas la même
chose que ma prestation de, je ne sais pas, moi, d'accidenté du travail, tu
sais. C'est quelque chose qui est très intime, qui concerne ma vie propre. Et
c'est pour ça que nous, on comprend, là, qu'il peut y avoir des miroirs avec
d'autres lois, d'autres... Mais on vous demande d'avoir une sensibilité
particulière par rapport à ce projet de loi qui touche la santé.
Mme Setlakwe :
C'est noté. On nous... On reproche souvent au système de ne pas être
efficace, comment se fait-il que le bras gauche ne parle pas au bras droit, tu
sais, on l'entend régulièrement. Puis, bon, clairement, ce sera un pas dans la
bonne direction, ce projet de loi là.
Et là vous mentionnez
spécifiquement vos craintes par rapport à certains organismes que vous nommez,
là, RRQ, la SAAQ, CNESST. On en a parlé avec la question du ministre Caire, qui
a soulevé l'exemple de la SAAQ hier. Le ministre faisait lieu d'un autre
exemple, là. Disons, tu sais, s'il y a un crédit d'impôt qui serait disponible
pour un bénéficiaire, un patient, en lien avec une condition médicale, puis que
le nouveau système permettait à Revenu
Québec de... tu sais, de ne pas avoir
à refaire tout un exercice, ou, en tout cas, que Revenu Québec soit informé,
soit au courant, et qu'ultimement ça puisse bénéficier au patient, qu'est-ce
que vous pensez de ça? Tu sais, c'en est un, un exemple, peut-être, probant?
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
moi, je pense que c'est une bonne chose. Mais est-ce qu'il n'y a pas moyen
d'obtenir le consentement de la personne?
Mme Setlakwe :
Oui. C'est parce que là, je pense qu'on veut... oui, on veut éviter un
fardeau administratif. On veut que ce soit fluide, que ce soit... Oui, il
faut... il va falloir trouver le juste équilibre. Je voulais simplement qu'on
évoque cet exemple-là aussi.
Le Président
(M. Simard) : ...
Mme Setlakwe :
En conclusion, bien, j'ai terminé. Je vous remercie. Puis, encore une fois, on
a l'ensemble de vos... Me Brunet voulait ajouter quelque chose, je pense.
M. Brunet
(Paul G.) : Oui. Je voulais juste compléter. Quand je reçois mon
renouvellement de permis de conduire, on me
demande : Devez-vous porter des lunettes? Je marque : Oui. Je n'ai
pas besoin de la SAAQ, qui a accès à mon dossier, c'est moi qui déclare.
Le Président
(M. Simard) : Très bien.
M. Brunet (Paul G.) : Puis, si j'ai fait une mauvaise déclaration, je
serai poursuivi pour ça. Ça, c'est la première chose. Comprenez-vous?
Le Président
(M. Simard) : Très bien.
M. Brunet
(Paul G.) : C'est cet exemple-là que je voulais apporter, madame.
Mme Setlakwe :
Merci.
Le Président
(M. Simard) : Je dois malheureusement vous arrêter, mais merci
beaucoup. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : ...M. le
Président. Bonjour, bonjour, MM. Hurteau et Brunet. M. Brunet, si
vous m'envoyez une invitation, là, pour le 50e, je vous promets que je vais
être là. J'apprécie beaucoup le travail que vous faites, et le travail que vous
faites sans aucune complaisance, au risque, parfois, d'être un peu abrasif,
mais c'est mieux ça que de ne rien dire. Alors, j'apprécie beaucoup votre
travail. M. Hurteau, je ne vous connais pas, mais vous m'avez l'air aussi
assez dédié à la cause.
M. Brunet, je reviens rapidement, là. Vous
avez dit quelque chose, tantôt, qui a accroché mon oreille. On est un petit peu
à côté de la track, mais ce n'est pas grave, on va y arriver pareil. La
directive de la sous-ministre sur la question des causes des décès, où il
fallait automatiquement écrire COVID, avez-vous fait des démarches auprès de
certains organismes pour faire la lumière là-dessus? J'avoue que c'est
intrigant.
M. Brunet (Paul G.) : Oui, on
s'est plaint au ministère de la Santé, on n'a pas eu de nouvelle. Et ce sont
des médecins qui m'ont signalé cette directive-là, qu'ils considéraient au
mieux à la limite de leur droit de pratique et de leur liberté professionnelle.
Mais elle est bel et bien datée du 16 avril 2020 et elle instruisait,
avec le ton qu'on connaît, les directeurs
médicaux de dire : Non, non, si quelqu'un meurt, là, dans cette
période-ci, là, c'est COVID, si vous avez... vous n'avez pas besoin de
faire de diagnostic, pas de test, la personne... Alors là, les gens nous
revenaient en disant : Moi, je ne suis pas sûr que mon père est mort de la
COVID, il était très bien il y a deux semaines, puis là, soudainement, il
meurt. Et parfois — on
l'a vu dans l'enquête de Mme Kamel — il y a des gens qui sont
morts par déshydratation. Et je n'ai pas déposé une plainte pour négligence
criminelle, qui n'a pas été retenue, pour rien.
Alors, il y a tout un mystère autour des causes
de décès, malheureusement. Et ce fut une lutte qui, parfois, s'est révélée
positive pour des familles, mais, parfois, où on est demeuré dans le mystère.
Et c'est bien triste.
M. Marissal : J'en conviens. À
suivre, probablement, donc.
Revenons sur le sujet dont on vient de parler
notamment avec ma collègue de Mont-Royal—Outremont. L'article 55, il dit une chose et son contraire,
me semble-t-il, là, puis vous me donnerez votre appréciation. On dit, deuxième alinéa, «elle est manifestement au
bénéfice de la personne concernée», on parle de la décision, là, troisième,
«elle est nécessaire à l'application d'une
loi au Québec, que cette utilisation soit ou non prévue expressément par la
loi». Bon, là, on va s'entendre, vous l'avez dit, là, je suis assez
d'accord avec vous que c'est assez large, merci, là, comme il n'y a pas
beaucoup de balises ici. Mais, si elle est manifestement au bénéfice de la
personne mais qu'elle sert aussi à
l'application de la loi, lequel des deux alinéas prime? Parce que, parfois,
l'application de la loi n'est pas nécessairement perçue comme étant au
bénéfice de la personne. Vous êtes avocat, M. Brunet, je pense que vous
comprenez.
M. Hurteau
(Pierre) : J'espère que c'est... Oui. Mais, écoutez, j'espère
que ce n'est pas à moi que vous posez la question, parce que j'ai posé
la question, je n'ai pas plus la réponse que vous.
M. Brunet (Paul G.) : Oui. Tu
sais, si le renseignement sert à empêcher quelqu'un d'avoir son permis de
conduire, je ne suis pas sûr que ce soit à son bénéfice, peut-être à celui de
la société, mais pas à son bénéfice à elle, cette personne-là, on s'entend.
M. Marissal : Je comprends. À
suivre, ça aussi, donc, à l'étude article par article, j'en prends bonne note.
On m'a noté que... Des gens qu'on consulte, vous
savez, ad hoc, là, quand on étudie les projets de loi, des gens du milieu de la
santé m'ont dit : Faites attention, petit drapeau rouge ici à une trop
grande divulgation ou une divulgation trop large des dossiers directement aux
patients ou aux personnes. Il ne faudrait pas se retrouver dans un cas que
quelqu'un apprenne qu'il a le cancer sans avoir parlé d'abord avec l'équipe
traitante. Vous en pensez quoi?
Le Président (M. Simard) : Très
rapidement, s'il vous plaît.
M. Hurteau (Pierre) : C'est un
sujet très complexe, là. Mais moi, je peux vous dire que, depuis plusieurs années,
à titre de patient qui a eu le cancer, j'ai accès, à l'intérieur d'une heure, à
tous mes résultats de laboratoire très facilement, parfois avant le médecin.
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Hurteau
(Pierre) : Et nous, on considère, comme usagers, que c'est
important. Ça fait partie de notre droit...
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Hurteau (Pierre) : ...d'être
informés de ce qu'il se passe avec notre état...
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Hurteau (Pierre) : ...de
santé et de participer à nos soins. Alors...
Le Président
(M. Simard) : Merci, M. Hurteau. Malheureusement, c'est ici
que notre... que nos échanges doivent s'arrêter. Alors, M. Hurteau,
M. Brunet, merci beaucoup pour votre participation et votre contribution à
nos travaux. Ce fut fort apprécié.
Sur ce, nous allons suspendre nos travaux, et on
se retrouve à 15 heures au même endroit. Au plaisir.
(Suspension de la séance à 12 h 08)
(Reprise à 15 h 03)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers amis, bon après-midi à toutes et à tous. Nous voilà de retour. Je
constate que nous avons quorum, nous pouvons reprendre nos travaux. Comme vous
le savez, nous poursuivrons la consultation particulière et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de santé
et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.
J'aurais besoin, avant de débuter nos travaux,
que nous puissions avoir un consentement, puisqu'il y aura certains députés qui
devront être remplacés dans le courant de l'après-midi, parce que des fonctions
les appellent au salon bleu. Donc, le député
de Rosemont serait remplacé, en temps et lieu, par le député de Jean-Talon,
qui, lui-même, à son... Jean-Lesage, pardon, qui, lui-même, à son tour,
relaisserait sa place au député de Rosemont quelques minutes plus tard.
Est-ce que j'ai, donc, votre consentement?
Des voix : Consentement.
Le
Président (M. Simard) :
Consentement. Merci pour votre collaboration. Nous avons la chance de recevoir
des représentants de la Fédération des
médecins spécialistes du Québec. Alors, messieurs, bonjour. Auriez-vous d'abord
l'amabilité de vous présenter?
Fédération des médecins
spécialistes du Québec (FMSQ)
M. Oliva (Vincent) : Bonjour.
Donc, je suis le Dr Vincent Oliva, président de la Fédération des médecins
spécialistes du Québec, accompagné de... Tu es en «mute».
M. Desgagné
(Pierre-Luc) : Pardonnez-moi. Bonjour à tous et à toutes.
Pierre-Luc Desgagné, je suis le directeur général de la fédération.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue
à vous deux. Nous vous écoutons.
M. Oliva (Vincent) : Parfait.
Bien, merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, bonjour à toutes, bonjour à tous. Nous voulons
remercier la commission pour l'invitation que nous avons reçue. Encore
une fois, je suis le Dr Vincent Oliva, président de la fédération, mais
aussi radiologiste d'intervention.
Et la fédération, je vous rappelle que c'est
plus de 10 000 médecins spécialistes, répartis en
59 spécialités, toutes les disciplines médicales, chirurgicales,
d'imagerie et de laboratoire, qui sont disponibles 24 heures sur 24, 5 millions de patients québécois soignés
chaque année, 30 millions de consultations médicales. Les médecins
spécialistes, ce sont des professionnels de la santé qui sont présents
et mobilisés pour soigner, mais aussi réorganiser les soins au sein d'un réseau
aux... aux fragilités multiples, amplifiées par la récente pandémie. C'est dans
ce contexte difficile, connu de tous, que
nous rappelons notre volonté de collaboration et de dialogue pour améliorer
tout ce qui peut l'être, afin de permettre un meilleur accès et une
qualité des soins offerts à nos patients.
Nous accueillons ainsi favorablement le principe
d'un tel projet de loi. Nous pensons que l'accès et l'utilisation de données
probantes sont nécessaires au bon fonctionnement du réseau de santé. Nous
croyons qu'une circulation rapide, efficace et sécuritaire des renseignements
de santé au sein du cercle de soins du patient est la clé pour lui offrir une prestation de soins de
qualité. Nous souscrivons ainsi à la création d'un nouveau régime de gestion
des renseignements de santé qui doit, prioritairement, prendre en compte les
besoins du patient. Nous saluons les avancées contenues dans ce texte en
comparaison au projet de loi n° 19, notamment le meilleur encadrement du principe
de consentement implicite. Toutefois, nous sommes d'avis que la solution
proposée, bien que nécessaire, est perfectible,
en ce qu'elle contient de nombreux écueils. Nous rappelons que, dans toute
réforme qui touche le système de santé, l'intérêt du patient doit
primer.
Aujourd'hui, je vous entretiendrai de quatre
éléments principaux sur lesquels nous tenons à exprimer de fortes inquiétudes.
Premièrement, la protection du droit à la vie privée de nos patients. La
relation de confiance entre un patient et son médecin est tributaire du fait
que le patient soit assuré que le droit à sa vie privée et le droit au secret
professionnel soient respectés, que ses renseignements de santé demeurent
confidentiels et qu'ils ne soient divulgués qu'aux seules personnes qui le
requièrent dans le cadre de la prestation des soins.
Le PL n° 3 suggère un encadrement général
de la protection des données, vraiment consolider, au soin d'une seule... au
sein d'une seule et même loi, toutes les règles en matière de protection,
d'utilisation et d'accès aux renseignements de santé. Or, la consolidation
proposée dans le texte a pour effet de supprimer les balises bien spécifiques
qui préexistaient, afin que les renseignements soient exclusivement encadrés
par le cadre général.
Aussi,
nous sommes particulièrement préoccupés par l'étendue des pouvoirs que se donne
l'État en matière de renseignements en santé, qui sont sans limite, qu'il
s'agisse de la nature des informations ou des fins pour lesquelles ces
renseignements pourraient être utilisés ou communiqués. L'État semble se donner
carte blanche, ce qui surprend quand on pense au cadre de la relation
thérapeutique qui unit le médecin à son patient. Telles que libellées, les
règles prévues dans ce texte ne... (panne de son) ...le respect du droit à la
vie privée du patient ni la protection du secret professionnel, des principes
pourtant au coeur de la prestation des soins. Comme médecin, je ne veux pas
avoir à me retenir quant aux renseignements que j'inscris sur le dossier patient,
de peur qu'ils se retrouvent dans des mains inopportunes. Si le projet de loi
mise sur une simplification des règles encadrant l'accès aux renseignements de
santé et un principe de consentement implicite, encore faut-il qu'il comporte
des garanties suffisantes de protection du droit à la vie privée. La
préservation de la relation de confiance entre le professionnel de la santé et
son patient en dépend.
Deuxièmement, des
renseignements nominatifs. La fédération est ouverte au partage de
renseignements entre la régie ou les
établissements et le ministre afin qu'il puisse exercer efficacement ses
fonctions au bénéfice des patients. Toutefois,
nous ne pourrons souscrire à ce que ces renseignements soient nominatifs et
utilisés, au détriment des médecins, à des fins coercitives, notamment
dans le cadre du contrôle de leur facturation ou de l'exercice de leur
pratique. Nous sommes, en effet, déçus de
constater qu'à l'instar du PL n° 11 le gouvernement persiste et signe dans sa
volonté de s'arroger des informations au sujet des professionnels de
santé sans aucune consultation des partenaires du milieu. Notre lecture du
présent projet de loi nous apprend que le ministère de la Santé aurait accès à
une foule de renseignements provenant de diverses entités, de la Régie de
l'assurance maladie du Québec, des établissements, etc. Cela pourrait,
potentiellement, lui être présenté sous une forme nominative, permettant
d'identifier les médecins. La fédération réitère ainsi son opposition au
dévoilement de renseignements nominatifs sur ses membres.
Encore une fois, nous
soulevons l'absence de balises claires et définies encadrant l'accès du
ministère de la Santé et des organismes de santé à de tels renseignements, et
le risque que ces derniers soient nominatifs et utilisés à toutes fins utiles.
La fédération souhaite un encadrement strict et explicite de ces
renseignements, particulièrement lorsqu'il est question des conditions
d'exercice des médecins, de planification des exercices médicaux, des effectifs
médicaux et de facturation médicale. Seuls les renseignements nécessaires à la
collaboration interprofessionnelle et à l'organisation des soins devraient être
partagés.
• (15 h 10) •
Troisièmement, le
déséquilibre de l'information disponible. Toujours dans ce cadre, la fédération
déplore le déséquilibre de l'information disponible entre le gouvernement et
les organismes représentatifs, causé par l'étendue des pouvoirs que s'arroge le
gouvernement dans ce texte. Nous rappelons que les associations
professionnelles ont, justement, été créées dans un esprit de réciprocité et de
collaboration dans l'organisation des soins. En l'espèce, et de la façon de...
dont le PL n° 3 est rédigé, il met en péril l'équilibre entre les forces
en présence. Si, malgré tout, le projet de loi n° 3 devait être adopté
sans amendement, il nous apparaît incontournable que la FMSQ puisse aussi avoir
accès aux données et informations qui seront ainsi recueillies.
Quatrièmement,
l'efficacité des systèmes d'information en santé et la lourdeur administrative.
Comme partenaires, vous êtes témoins, tous les jours, des problèmes de santé
auxquels sont confrontés vos concitoyens. Nos systèmes
technologiques ne permettent pas actuellement de colliger de manière uniforme
les renseignements de santé des patients.
Ils sont consignés sous de multiples formes et supports, et dispersés au sein
de plusieurs systèmes d'information tous différents. En conséquence, il
n'est pas possible d'accéder aux informations consolidées d'un usager, rendant ainsi la consultation du dossier patient
extrêmement difficile pour le professionnel de la santé. Cet état de fait peut
avoir un impact réel sur la qualité et la continuité des soins. Nous
croyons que le projet de loi ne portera pas ses fruits sans uniformisation et
interconnexion de l'ensemble des systèmes d'information.
Aussi, nous pensons
utile de souligner que ce nouveau régime ne doit en rien venir alourdir et
complexifier les tâches médico-administratives des médecins. En effet, la
vocation première des médecins est de soigner. Toute réforme doit maximiser
l'accès aux soins et non le remplacer par des démarches administratives. Pas
plus tard que ce lundi, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a révélé, dans un rapport, que les médecins
consacraient plus de 18 millions
d'heures par année à des tâches administratives superflues, l'équivalent de
55 millions de consultations par année.
Aussi, nous avons
évalué que, seulement pour les organismes de santé dans lesquels pratiquent les
médecins spécialistes, pas moins de 2 109 responsables de la
protection des renseignements de santé devront être nommés. Nous avons également compté pas moins de
52 occurrences du terme «règlement» dans ce texte. Nous mettons en garde
quant à la complexité qu'une telle réglementation pourrait générer dans la
pratique quotidienne de nos membres. Plus
encore, nous vous rappelons... nous vous appelons à la prudence quant à votre
rôle de législateur, qui pourrait bien être
fragilisé par le renvoi de la réglementation de questions ou d'enjeux
significatifs aux employés du... d'un ministère.
En conclusion, M. le
Président, il est important de rappeler que la fédération est toujours ouverte
à discuter des mesures qui peuvent favoriser l'accès aux soins de santé. Les
médecins sont pleinement mobilisés, ils veulent travailler, ils veulent opérer,
ils veulent soigner. Ce projet de loi nous invite, toutefois, à la plus grande
prudence, en ce qu'il comporte des risques réels, notamment pour le respect du
secret professionnel et, par conséquent, pour la relation de confiance avec le
patient.
À la fédération, nous
croyons à un juste équilibre entre le respect de la vie privée et de la
confidentialité et le droit de gérance du ministre comme premier responsable de
l'administration gouvernementale en matière de santé. La fédération vous invite
dès lors à resserrer certains volets du texte et souhaite que les réserves
qu'elles expriment soient prises en compte.
Nous demeurons disponibles pour répondre à vos questions et espérons que notre
contribution à la bonification du projet de loi aura été utile. Merci à
tous.
Le
Président (M. Simard) : Alors, merci à vous, cher docteur. Je
cède maintenant la parole au ministre.
M. Caire :
Oui, merci. Dr Oliva, M. Desgagné, bonjour, merci d'être là. Une
présentation, encore une fois, dense. J'espère qu'en 16 minutes j'aurai le
temps de faire le tour de... des préoccupations et des points que vous
soulevez, vous en soulevez de très nombreux. Je vais faire... parce que je...
Je prends pour acquis que vous ne suivez pas nécessairement toutes les
consultations que nous avons faites, donc je m'excuse auprès des collègues, je
vais répéter des choses que j'ai déjà dites à plusieurs reprises.
J'ai eu, à la
dernière législature, le privilège de piloter le projet de loi n° 95, qui
fait essentiellement, pour l'ensemble de
l'administration publique, ce que le projet de loi n° 3 fait pour le
réseau de la santé. Donc, quand... il y a des commentaires que vous avez faits, là, qui... On va jaser, docteur,
là. Et j'ai aussi eu le privilège de piloter la loi n° 64
sur la refonte de la protection des
renseignements personnels. Vous avez souligné les ajouts qui ont été faits au
PL n° 3, qui
sont des calques de ce qui est maintenant la loi n° 25.
La loi n° 25 est, elle-même, fortement inspirée du règlement
général de protection des données européen,
et c'est, à ce jour, le régime de protection des renseignements personnels
le plus sévère au monde. Donc, quand vous parlez de menace à la vie privée, je
vais être très intéressé que vous m'expliquiez
comment le régime le plus sévère au monde peut représenter une menace pour les
renseignements personnels et pour la vie privée.
Alors, ce sera ma
première question, Dr Oliva, parce que vous semblez dire que le pouvoir du
gouvernement est sans limite et que c'est, donc, une menace à la vie privée,
potentiellement, dans un contexte où le Québec se distingue en Amérique en ayant adopté le régime de protection des
renseignements personnels le plus sévère au monde. Comment peut-on
concilier ces deux choses qui, moi, m'apparaissent un peu inconciliables?
M. Oliva
(Vincent) : Bien, écoutez, merci pour votre question. Évidemment,
le... un régime, c'est une chose, puis l'application, c'est une autre. Vous
savez très bien que les fuites existent. On est à l'ère de la cybersécurité,
qui n'est pas infaillible, et puis je pense
que tout le monde est au courant qu'il y a des... eu des fuites dans certains
milieux d'affaires, dans les assurances, entre autres, donc, en plus,
dans un contexte où... Vous savez sûrement qu'on a pris un retard technologique en santé, qui est très important, là, puis je ne
dirai pas qu'on est dans l'âge... à l'âge de pierre, mais c'est une
analogie qui n'est pas complètement exagérée, dans le sens qu'on fonctionne
encore beaucoup par les fax. Donc, d'ici à ce qu'on mette en place un système
informatique, une architecture efficace pour bien protéger ces
renseignements-là, on a des inquiétudes, et la nature sensible des
renseignements qui circulent à travers un cercle de soins... c'est, évidemment,
des informations qu'on ne voudrait pas qui se retrouvent dans des mains
inopportunes.
M. Caire :
...permettre... Parce que, dans
le fond, vous dites deux choses, puis je vais essayer de les concilier.
D'un côté, vous saluez le projet de loi, qui donne une mobilité à la donnée qui
va permettre aux professionnels de la santé d'avoir accès à plus
d'informations, mais, de l'autre côté, vous dites : Ça, ça représente une
menace, parce que, dans un contexte informatique faillible, on donne, donc, un
plus grand accès aussi à ceux qui vont passer à travers ces systèmes-là. Ceci étant dit, je tiens quand même à souligner, pour
les collègues : le projet de loi n° 3 est, technologiquement,
neutre. Donc, c'est un cadre législatif. Il y a, au gouvernement du Québec,
d'autres volontés au niveau de la protection des systèmes d'information.
Et
je voudrais vous entendre sur un élément, parce que la loi amène quand même
quelque chose de nouveau... qui sont,
de un, une responsabilité quant à la protection des renseignements personnels,
mais aussi une possibilité de sanctions
extrêmement sévères, au niveau administratif et au niveau pénal, qui
n'existaient pas dans le cadre législatif québécois et qui font en sorte
qu'il y a des entreprises, organisations, sans les nommer, qui ont,
effectivement, été au coeur de fuites de
données sans qu'il y ait de conséquence, ce qui ne sera plus le cas. Donc,
est-ce que vous ne pensez pas qu'au
contraire ça, c'est de nature à responsabiliser tout le monde quant à la
protection des renseignements personnels, au point de vue technologique?
M. Oliva (Vincent) : Bien, je vais vous dire,
bien honnêtement, les sanctions, c'est bien, mais on veut surtout éviter que ce
genre de fuites arrivent. Une fois qu'elles sont arrivées, que les gens soient
sanctionnés ou pas... C'est normal qu'il y ait des sanctions. Mais,
nous, ce qu'on veut surtout, c'est que ces renseignements soient disponibles
pour les gens pour qui ça va être utile. Puis le constat que je me fais en
regardant le projet de loi, c'est de me demander : Pourquoi est-ce qu'on
fait tout ça? Dans le fond, on fait ça pour le patient. Et ce qu'on veut, c'est
que les informations suivent le patient, et c'est, principalement, les
professionnels de la santé qui doivent avoir accès à ces informations-là, pour
le bénéfice du patient. Or, le projet de loi ne touche pas l'accès des
professionnels de la santé au bénéfice du
patient, il touche l'accès de plusieurs organismes, dont l'État. Et en quoi
est-ce que ça va être bénéfique à l'État, tous ces renseignements-là?
Vous ne trouvez pas qu'on a assez de tableaux de bord? Les listes d'attente,
vous les avez.
M. Caire : Là, je... Vous me permettrez d'avoir un désaccord
profond ou, je dirais même, d'être diamétralement opposé, parce que, vous avez raison, l'information
appartient au patient, mais les informations seront accessibles à ceux
qui en ont besoin pour exercer leurs fonctions. Et je vous suis tout à fait,
là, c'est... L'objectif du projet de loi n° 3, c'est de dire : l'information suit le patient, et ne reste pas au
niveau soit de l'établissement, soit du professionnel qui a donné le soin. Ça,
là-dessus, on est tout à fait d'accord. Ce que la loi dit, c'est que sont
accessibles les informations à ceux qui en ont besoin dans l'exercice de leur
fonction, fonction qui est prévue par une loi. Donc, de toute façon, ceux qui
doivent avoir accès à ces informations-là vont y avoir droit, puis ça,
c'est... ça m'apparaît être juste du gros bon sens. Non?
• (15 h 20) •
M. Oliva
(Vincent) : Oui, bien, écoutez, je pense qu'on... Sur le
principe du projet de loi, on s'entend, la fluidité des informations,
donc on ne remet pas en question la nécessité ou le bien-fondé du projet. Ce
qu'on dit, c'est que tout est dans la nuance
et dans le balisage. Nous, ce qu'on dit, c'est que les bons renseignements
devraient être disponibles pour les bonnes personnes, pour que ce soit
utile pour les patients.
M. Caire : Mais... permettre...
M. Oliva (Vincent) : Quand il y
a des usages qui sont collatéraux, ça nous inquiète un petit peu.
M.
Caire : C'est parce
que, docteur... ce que vous dites là, docteur, c'est au coeur de notre
discussion. Les bonnes informations doivent être disponibles aux bonnes
personnes. L'intention du législateur, c'est exactement ça. De la façon dont le
projet de loi est écrit, c'est exactement pour aller dans cette direction-là.
Or, vous semblez voir, dans le libellé des articles, quelque chose qui ne nous
amène pas là. C'est peut-être là où je voudrais vous entendre, parce qu'on a
peut-être un dialogue de sourds, parce que, dans le fond, on dit la même chose,
mais on a juste une perception différente, là.
M. Oliva (Vincent) : ...oui, bien...
oui... je vais laisser la parole à Me Desgagné, mais, encore une fois, tout est dans le niveau de resserrement des
renseignements. On trouve que les balises sont trop larges, c'est ce qu'on
trouve, et que les renseignements on ne voit pas les limites. Et vous
comprenez qu'un patient, par exemple, qui se fait enlever des pierres dans la
vésicule biliaire, c'est une chose, mais un patient qui a eu un avortement, qui
a été agressé sexuellement ou qui a eu...
qui a consulté pour usage de cannabis, bien, c'est des renseignements
extrêmement sensibles, et puis ça, il n'y a pas de...
M. Caire : Tout à fait, et c'est la
raison pour laquelle le projet de loi autorise l'individu à refuser qu'on
divulgue ces informations-là. Donc, pour le patient, il y a — et
c'est prévu dans la loi — le
droit de refuser que des informations soient divulguées à qui que ce soit, y
compris, y compris au professionnel de la santé, s'il le désire, là. Ça fait
que c'est pour ça que je... Vous me dites «un resserrement». O.K., mais à quel
niveau, docteur? Parce que je ne vois pas,
législativement... Parce que, nous, après ça, vous comprenez, là, il faut
pondre un texte législatif cohérent, non seulement cohérent avec le
projet de loi, mais cohérent avec l'ensemble du corpus législatif québécois,
là. Et comment on... En tout cas...
M. Oliva (Vincent) : Bien, tout
est dans...
M. Caire : Puis l'idée, c'est, justement, de voir comment on
peut le bonifier. Ça fait que je suis en mode écoute. Mais comment... de
quel resserrement parle-t-on, en fait?
M. Oliva (Vincent) : Peut-être,
je peux laisser Me Desgagné compléter, là.
M. Desgagné (Pierre-Luc) : M.
le ministre, il y a trois éléments, je pense... Puis on comprend très bien
l'objectif, qui est légitime. Mais, d'abord, quand l'État se met à vouloir
gérer les renseignements personnels, ça devrait être... ça devrait tous nous
allumer une lumière rouge, dans le sens qu'il faut...
M. Caire : Bien, maître, je
m'excuse, mais, si ce n'est pas le rôle de l'État, c'est le rôle de qui, là?
M. Desgagné
(Pierre-Luc) : Bien non, mais ce que j'allais dire, c'est...
L'encadrement, ça va. Ce qu'on constate ici, ce qu'on vous souligne, M.
le ministre... Je veux juste aller au bout de mon idée puis, si j'étais
parlementaire, moi, je me questionnerais.
Premièrement, l'article 2 reconnaît que les
renseignements qui vont circuler pourront permettre d'identifier indirectement une personne. Avec les outils
d'intelligence artificielle qui existent, je pense que le mot «indirectement» pourrait
devenir «directement» assez facilement. Alors, moi, il me semble que je me
questionnerais sur l'utilisation du mot «indirectement» dès l'article 2.
C'est une suggestion que je vous fais.
Deuxièmement, il y a énormément de renvois à la
réglementation. Moi, si j'étais parlementaire, et qu'il y a autant
d'occurrences et de renvois à de futurs règlements, je serais préoccupé, parce
que, ça, ça veut dire que le législateur abandonne une grande partie de son
rôle de législateur pour renvoyer ça à l'administration. Je serais extrêmement
prudent quand il y a autant de renvois réglementaires.
Puis, troisièmement, vous le savez, ça vise à
assurer une certaine vélocité au sein de l'État et permettre la transmission
des renseignements de santé entre les différentes institutions. Le Dr Oliva
vous le mentionne, votre priorité absolue...
peut-être pas la vôtre personnellement, mais celle du législateur, ça devrait
être de faire en sorte de... que soit
ciblée la relation patient-médecin, et non pas de donner accès à toute une
foule d'organisations gouvernementales. Là, vous allez me
répondre : Je le fais dans le cadre d'une mission, l'organisme qui voudra
avoir accès à ça devra le justifier dans le cadre d'une mission. Je vous donne
un exemple. La RAMQ, par exemple, la Régie de l'assurance maladie pourrait
décider, elle, que, dans le cadre de sa mission, elle a un pouvoir d'enquête,
alors, étant donné mon pouvoir d'enquête, moi, je veux avoir accès à toutes les
données que vous avez rassemblées, parce que, pour mes enquêtes, ça va m'aider.
Ça, ça peut amener un dérapage.
M. Caire :
Maître, vous savez bien que ça ne marche pas de même, là, voyons donc,
voyons...
M. Desgagné
(Pierre-Luc) : Bien...
M. Caire :
Maître, maître, maître, voyons, vous savez... vous savez que ce que vous
dites là ne correspond pas à la réalité législative du Québec, là.
M. Desgagné
(Pierre-Luc) : Bien, M. le ministre, vous m'avez vous-même affirmé...
puis vous le faites bien... vous m'avez vous-même
affirmé qu'une... une organisation qui agirait dans le cadre de sa mission...
c'est ce que vous avez dit...
M. Caire :
Oui, prévue par la loi.
M. Desgagné (Pierre-Luc) : Prévue
par la loi. Bien, le pouvoir d'enquête de la RAMQ, il est prévu par la loi.
M. Caire :
Oui.
M. Desgagné
(Pierre-Luc) : Bon, alors, la RAMQ...
M. Caire : Oui,
mais ça, ça ne veut pas dire... non, non, mais, un instant, maître... ça ne
veut pas dire... Puis c'est intéressant que vous ameniez ce point-là parce
qu'on avait, justement, le débat avec la Commissaire à la santé, et qui,
justement, disait... bien, dans l'article, il est dit que... elle voudrait
qu'on remplace le «peut» par le «doit». Je ne sais pas si vous avez suivi ce
débat-là. Parce que l'article prévoit qu'il peut divulguer des informations, et
non pas «il le doit», et, justement, parce qu'on veut qu'il y ait ce devoir de
réserve de dire : Un instant, est-ce que, de par la nature de tes
fonctions, tu peux avoir accès à ces informations-là?
Donc,
on a la commissaire qui dit qu'on... ça devrait être obligatoire. Vous, vous
dites : Non, ça devrait être... bien, peut-être pas interdit, là,
je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche que vous n'avez pas prononcés, mais je pense que le compromis, il est,
justement, dans la loi, en disant : Bien, c'est... il ne faut pas
raisonner dans l'absolu, mais il faut permettre... Puis la Commissaire à la
santé nous disait : Écoutez, là, à cause de ça, moi, ça m'a pris un an, un
an... puis ça a même fait l'objet d'un article aujourd'hui... un an pour
obtenir des renseignements pour être capable de faire mon travail. Bon, ça,
c'est le premier point. Donc, je pense que l'article, justement, s'assure de
circonscrire aux seules données qui sont nécessaires à l'exercice des
fonctions.
Et puis vous dites
que ça devrait... le projet de loi devrait, bon, pas exclusivement, mais
privilégier la relation patient-professionnel de la santé. Bien, non, parce que
le projet de loi vise aussi à s'assurer d'avoir une saine administration du
réseau de la santé, puis ça, je pense que le contribuable québécois va être
content de savoir que ces administrateurs
ont accès à des informations qui leur sont nécessaires, ni plus ni moins, mais
qui leur sont nécessaires pour avoir une saine gestion du réseau de la santé
puis s'assurer qu'on va, justement, chercher cette efficience dont le Dr
Oliva faisait mention, à travers des systèmes informatiques déficients. Parce
que ça aussi, ça contribue à miner la relation ou, je dirais, le temps qui
est...
Puis vous parliez de
l'étude de la fédération canadienne indépendante. 18 millions d'heures à
faire de l'administration, pour des médecins, c'est inacceptable, on est tous
d'accord, mais, si je n'améliore pas ma capacité à gérer le système, à gérer le
réseau, et donc... et, si vous ne me donnez pas accès à des informations, vous
ne m'aidez pas à avoir la capacité à le faire, vous ne m'aidez pas à avoir la
capacité à le faire, bien, les médecins vont continuer à faire des choses qu'ils
ne devraient pas faire, CQFD.
M. Oliva
(Vincent) : D'abord, juste pour reprendre un point, là, c'est qu'on
est tout à fait en accord avec les... avec le rôle puis les fonctions de la
commissaire, là. Donc, tu sais, nos propos ne visaient pas son rôle ni ses fonctions. Nous, en essence, ce qu'on dit, c'est
que... Puis je comprends que vous dites : Ça ne fonctionne pas comme
ça dans la vie, mais ce qui est écrit, c'est qu'il y a pas mal de monde qui
pourrait avoir accès à pas mal de données, et c'est ça qui nous inquiète.
Puis, quand on parle
de la relation patient-médecin... puis je disais, tantôt : Si le patient
commence à retenir des renseignements parce qu'il sait qu'ils peuvent se
retrouver un petit peu partout dans le réseau... Et la gestion, c'est une
chose, mais, tu sais, le... Pour nous, le bénéfice principal de ce projet de
loi, c'est de favoriser la circulation fluide de ces données-là pour que le
patient évite de courir à droite, à gauche pour ramasser ses renseignements,
c'est le continuum de soins, puis c'est là-dessus qu'il faut se concentrer.
Après ça, oui, comme outil de gestion, mais vous comprenez que, sous prétexte
qu'on veut gérer ça donne accès à beaucoup, beaucoup de renseignements qui sont
très sensibles. Et, si on se met à refuser que ces données soient partagées,
parce que, justement, on a peur qu'elles se retrouvent à droite, à gauche,
bien, ça va venir un petit peu contredire l'objectif de la loi. Ce qu'on ne
voudrait pas, c'est, justement, que les patients puis les médecins commencent
à, disons, exercer leur option de sortie.
Donc, encore une
fois, nous, c'est notre angle. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on le vit
quotidiennement. Les outils qu'on a actuellement ne nous permettent pas
d'exercer notre travail comme il faut ou de façon très fluide. On l'a dit
tantôt, le continuum de soins, les outils qu'on a actuellement, comme le DSQ,
sont imparfaits. Donc, pour ça, on est très en faveur. Pour le reste, la
facilité potentielle avec la... et le nombre de personnes qui ont, potentiellement,
accès à ces renseignements, c'est ça qui nous inquiète.
• (15 h 30) •
M. Caire : Bien,
puis je vais vous donner un exemple...
Le Président (M. Simard) : Excusez-moi,
M. le ministre, mais le temps passe si vite.
M. Caire : O.K., ça, c'est un
genre de «c'est fini»?
Le Président (M. Simard) : Oui,
c'est un... et ça finit très poli, vous voyez, presque poétique.
M. Caire : Docteur, désolé, il
semblerait que...
Le Président (M. Simard) : J'aurais
dû vous faire signe avant.
M. Caire : ...contrairement à
moi, mon temps est expiré.
Le
Président (M. Simard) : Oui. Merci. Alors, je cède maintenant la parole à
notre collègue de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Bonjour,
messieurs, et merci pour votre présentation. Vos réticences sont bien
entendues, vos craintes, vos inquiétudes. J'ai trouvé percutant, là, le moment
où vous avez mentionné que vous ne voulez pas vous ramasser dans une situation
où, comme médecins spécialistes, vous alliez vous retenir d'indiquer certaines informations dans le rapport du patient, de peur
que cette information-là se... tu sais, vous l'avez dit, même, plusieurs fois,
se retrouve à droite, à gauche, entre les mains de... tu sais, pour quelles
fins, entre les mains de tiers. Ça, j'ai trouvé ça assez percutant, et ça
m'amène à... Vos réticences sont tellement... je ne dirais pas exagérées, elles
ne sont pas exagérées, mais elles sont bien
entendues, elles sont fortes. Et j'aimerais que vous précisiez un petit peu,
là, ce que vous... quand vous avez dit ça, qu'est-ce qui vous amène à
dire ça.
Il me semble
que... Là, tu sais, j'enlève un peu mon chapeau de législateur puis je mets mon
chapeau d'utilisatrice, aussi, du système de santé. On veut que ce
soit... On veut que, quand on va devant un médecin spécialiste, qui est une denrée... une denrée rare, puis on n'a pas
beaucoup de temps, on veut que l'information soit là, on veut que l'échange
d'information soit efficace de part et d'autre. Alors, juste un peu... Je
comprends que vous... Élaborez un petit peu.
M. Oliva
(Vincent) : Oui. Merci. Bien, vous savez, la relation entre un
médecin puis son patient, c'est une relation extrêmement intime,
extrêmement privilégiée et qu'on doit respecter. Et on ne veut pas de filtre,
parce qu'on veut l'heure juste, OK? Mais pas de filtre, ça veut dire qu'il y a
des renseignements très sensibles qui sortent, et ces renseignements sensibles,
encore une fois, je comprends qu'on veuille gérer un réseau, mais, pour moi, en
fait, ce n'est pas ça qui limite la gestion
du réseau. Parce que les problèmes du réseau sont connus, on les a, les listes
d'attente, on sait combien de
patients attendent, les problèmes sont connus, c'est la mise en oeuvre qui est
déficiente pour améliorer la fluidité du réseau.
Les renseignements, c'est une chose, mais, pour
moi, les renseignements doivent surtout servir à ce que tous les professionnels
de santé qui sont impliqués dans ce continuum de soins aient un accès fluide,
pour ne pas avoir à recommencer à chaque fois, pour être sûr que, par exemple,
le chirurgien ait tous les tests préopératoires, pour être sûr que le médecin à qui le patient est référé ait
toute l'information. Pour moi, c'est ça, l'essence des besoins. Et, tant que
ça reste dans les mains des professionnels
de santé, je suis assez rassuré. Mais, quand ça va dans les mains des
gestionnaires, j'ai le droit de me poser des questions puis je pense que les
gens vont se poser des questions, parce que les fuites, ça existe, on
l'a vu, on l'a vécu.
Mme Setlakwe : Vous avez
mentionné également — merci — un
déséquilibre au niveau de l'information disponible,
que la relation avec le ministère, si j'ai bien compris, avec l'État, doit se
faire dans un esprit de réciprocité, de
collaboration. Pouvez-vous me donner des exemples concrets, là, de ce qui vous
inquiète par rapport à... Vous protégez vos membres, ça se comprend,
mais qu'est-ce qui vous inquiète précisément?
M. Oliva (Vincent) : Oui, je
peux peut-être... Me Desgagné.
M. Desgagné (Pierre-Luc) : Merci.
Merci, M. le Président. Mme la députée de Mont-Royal—Outremont, merci de votre
question, parce que ça, c'est un point important et un élément important du
mémoire que nous présentons, là. Ce qu'on veut dire par là, c'est que, comme
vous le savez, on est l'organisme représentatif, et c'est, donc, nous qui
négocions avec le gouvernement. Comme vous
le savez, dans le cadre des relations de travail entre le gouvernement et
des instances représentatives comme la nôtre, bien, le droit à une négociation,
bien, il est rendu quasi constitutionnel, maintenant. L'État a l'obligation de
négocier de bonne foi. Mais, pour que la négociation ait lieu, il faut
également qu'il y ait une certaine forme de réciprocité.
Notre crainte, c'est que, si le projet de loi
devait être adopté tel quel, l'État va avoir en sa possession tout un lot de
nouvelles informations, de nouvelles données qui vont participer à un certain
déséquilibre entre les parties qui doivent négocier et pourraient mettre en
péril, disons, notre pouvoir de négociation. C'est ce qu'on indique. Soyons
prudents, parce que, s'il y a un déséquilibre dans l'accès à cette
information-là, ça vient déséquilibrer un pouvoir de négociation, puis ça, bien
entendu, c'est quelque chose qu'on ne pourra pas accepter.
Mme Setlakwe : Sur
un autre sujet — merci — la
recherche, on ne vous a pas entendus sur la recherche, il me semble que c'est un élément, à mes yeux, là,
important, capital dans le projet de loi. On sait que la recherche nous amène
à atteindre des nouveaux sommets, des avancées dans les traitements. Comme
médecins spécialistes, comment vous voyez l'apport de ce projet de loi là?
Est-ce qu'on s'en va dans la bonne direction? Est-ce que vous pensez qu'on va
atteindre les objectifs? Est-ce que vous avez des réticences, des craintes par
rapport au volet chercheurs?
M. Oliva (Vincent) : Effectivement,
du côté de la recherche, il y a un certain déchirement entre le désir de garder
ces informations confidentielles et le besoin de les partager pour faire des
avancées puis trouver des moyens de traiter ou d'investiguer qui soient
meilleurs. Il y a là une question de compromis. Mais ce qui est implicite, dans
votre question, c'est que plus on ouvre sur
la recherche et plus on laisse ces renseignements-là, disons, courir vers des lacs de données, par exemple, bien, plus les
informations personnelles et nominatives des patients pourraient potentiellement
être compromises.
Alors, ce que
je vous dirais là-dessus, c'est qu'on ne peut pas empêcher le progrès, puis je
pense que la recherche est extrêmement utile, et c'est ça qui fait progresser
la médecine, mais il faut que ce soit encadré de façon extrêmement rigoureuse. Je pense que le processus de
dénominalisation, il faut qu'il soit extrêmement rigoureux. À voir l'état
technologique de notre réseau, j'ai des doutes qu'on puisse faire ça,
aujourd'hui, de façon sécuritaire.
Mme Setlakwe : Merci.
J'ai peut-être deux autres questions. Justement, au niveau des tâches administratives,
on sait que vous en avez déjà trop, là, sur votre assiette, et il me
semble que l'objectif, c'est, justement, de simplifier. Je comprends qu'il y a
peut-être, à court terme, dans la mise en oeuvre... il va y avoir, bon, un
aspect nouveauté, il va y avoir une charge
additionnelle. Mais est-ce que vous voyez d'un bon oeil, à moyen, long terme,
que ça va faciliter la tâche?
M. Oliva (Vincent) : Oui. Je ne
pense pas que ça va faciliter la tâche, je pense que ça va alourdir la tâche. Mais, si c'est pour des fins utiles, tant mieux,
ça va... Donc, si... Autrement dit, si cette charge additionnelle que représente
le fait d'avoir à transmettre ces données, à les encadrer comme il faut, fait
en sorte qu'à l'autre bout on retrouve des gains
d'efficience parce que, dans le fond, le patient perd moins de temps puis le
médecin perd moins de temps à courir après
ses données, bien, c'est là qu'on va retrouver un équilibre. Alors, si vous
parlez d'améliorer les choses, au total, oui. Il faut juste être conscient que le fait de devoir transmettre et
encadrer la transmission de ces données-là, c'est une charge
additionnelle. Assurons-nous que cette charge se transforme en quelque chose
d'utile à l'autre bout.
Mme Setlakwe : Merci. Et,
vraiment, la dernière question, et c'est un sujet qui est revenu à quelques
reprises dans les consultations précédentes, la question du patient qui a comme
trop d'informations entre les mains... Mais on sait que, de plus en plus, le patient, l'utilisateur, prend le contrôle
de son état de santé, et tout ça, et c'est une bonne chose, je pense
qu'on s'entend là-dessus. Et, bon, on peut utiliser des termes qui ne m'étaient
pas familiers et qui le sont plus maintenant, là, tu sais : la trajectoire
de soins, là, vous avez parlé de continuum de soins, et tout ça. Est-ce que c'est une bonne chose? Est-ce qu'à un moment donné
vous avez une crainte que le patient reçoive trop d'informations et même, tu sais, que ce ne soit pas accompagné
d'une explication? Tu sais, recevoir un rapport, recevoir des résultats
de laboratoire, là... C'est ça qui est en train de circuler. Et est-ce qu'à un
moment donné on pourrait se retrouver avec des problèmes?
• (15 h 40) •
M. Oliva (Vincent) : Oui,
écoutez, c'est clair que ça implique, des fois, un petit peu plus de travail,
là, de la part des professionnels pour
expliquer comme il faut. Cependant, je pense que c'est une bonne orientation,
je pense que le fait d'impliquer le
patient dans sa trajectoire, de lui donner plus de renseignements, c'est une
bonne chose. Évidemment, il y a des
patients qui interprètent ça eux-mêmes, qui vont sur Google — nous,
dans le jargon, on dit «Dr Google» — et,
des fois, il y a des patients qui arrivent, puis qui ont fait leur
diagnostic, puis qui disent : Voici, j'ai besoin de ça. Et on doit
désamorcer un peu puis dire : Bien, regardez, on va reprendre des choses,
là, parce que la théorie, c'est une chose, la pratique, c'est une autre. Mais,
globalement, je pense que c'est quand même une bonne chose. Moi, le fait que les renseignements du patient lui soient
transmis, oui, ça nécessite un ajustement de la part des professionnels, mais
je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. Je pense que les patients sont
de plus en plus éduqués et devront de plus en plus s'éduquer.
Mme Setlakwe : Merci.
Rassurez-nous, là, qu'il n'y a pas une bombe, une mauvaise nouvelle, là, qui
est livrée par un système informatique, sans accompagnement d'un coup de
téléphone. On espère ne pas être rendu là, là, à recevoir des mauvaises nouvelles par un dépôt de documents. Je dis ça un
peu à la blague.Merci beaucoup, messieurs. C'est terminé pour
moi.
Le
Président (M. Simard) :
Merci à vous, chère collègue. Je cède
maintenant la parole au député de Jean-Lesage, qui dispose d'environ six
minutes.
M. Zanetti : Merci beaucoup, M.
le Président. Merci pour votre présentation. J'ai des questions à vous poser
par rapport à votre recommandation n° 10, de «mettre
en place un régime particulier d'application pour certains renseignements de
santé à caractère sensible, notamment les renseignements quant aux événements
de santé mentale, de nature sexuelle et
incluant les changements de sexe et les interruptions volontaires de
grossesse». Donc, vous dites : «Ce régime pourrait, entre autres,
restreindre ou interdire l'accès de certains intervenants à des données
spécifiques.» Ce que je voudrais comprendre, c'est
comment est-ce que vous voyez que ça, ça pourrait s'opérationnaliser plus concrètement. Puis aussi qu'est-ce qui fait qu'en
ce moment ces renseignements-là sont protégés et que vous craignez que,
tout à coup, ils ne le soient plus, au fond?
M. Oliva (Vincent) : Bien,
c'est une question complexe. Nous, en fait, on soulève des drapeaux, on ne
prétend pas qu'on a toutes les réponses. On a des pistes, quand même, de
réponses. Vous comprenez que ce n'est pas nous qui avons écrit le projet de
loi. Nous, on regarde où est-ce qu'il y a des... où il y a des failles
potentielles. Mais je pense qu'il y a certaines pathologies qui, effectivement,
sont plus sensibles. Et, par exemple, il pourrait y avoir des niveaux
différents, disons, d'information ou de facilité d'accès à l'information. Je
pense qu'il y a des informations qui ne
devraient jamais être divulguées autre qu'au personnel soignant, par exemple.
Alors, il pourrait y avoir une gradation dans le niveau d'informations
qui sont disponibles, et c'est là que le balisage est nécessaire. Donc, je
pense que... L'expression populaire dit que le diable est dans les détails. Je
pense qu'il faut qu'il y ait un niveau de granularité assez important pour
pouvoir, justement, encadrer la transmission de certaines informations, dont
celles que vous avez nommées, pour s'assurer
que ce soient effectivement les bonnes personnes qui aient accès à ces
informations-là.
M. Zanetti : Puis, en ce
moment...
M. Desgagné (Pierre-Luc) : Est-ce
que je peux ajouter quelque chose... Ah! excusez-moi.
M. Zanetti : Ah! oui, allez-y,
oui, oui.
M. Desgagné (Pierre-Luc) : M.
le député de Jean-Lesage, juste pour aller... abonder dans le même sens que le Dr Oliva et peut-être ajouter une information
intéressante, là. La réponse à votre question est en partie dans la section
qui précède la recommandation, où on donne
des exemples. Mais on vous souligne aussi que, quant à nous, il y aurait
sans doute lieu de faire une réflexion, que
les parlementaires fassent une réflexion à cet égard-là. Parce qu'il s'agit
de... Tout renseignement personnel est sensible, mais, dans le cas qui
nous occupe ou en fonction de cette section-là qui est dans notre mémoire, on vous... on attire votre attention sur des
résultats ou des renseignements ultrasensibles. Et je pense que, comme parlementaires, on attire votre
attention que, à l'intérieur même de la transmission des informations, on
devrait restreindre l'accès à des informations de cette nature-là qui sont
ultrasensibles.
On donne l'exemple de l'IGT. Je peux vous dire
une chose, des médecins qui pratiquent une IGT, pas besoin de crier au loup, tout le monde le sait, ça peut
créer du remous, ils peuvent faire l'objet, bien entendu, de menaces. Donc, prenons
l'exemple d'une fuite ou d'un accès non autorisé. Bien, vous avez accès assez
facilement à des informations permettant d'identifier le professionnel de la
santé. Ça fait que l'idée derrière ça, c'est de vous demander ou de vous
suggérer de faire une réflexion puis de profiter de la commission parlementaire
pour peut-être vous interroger sur des renseignements ultrasensibles. C'est
tout.
M. Oliva (Vincent) : Et je
m'excuse, juste pour précision, l'IGT, c'est une interruption de grossesse
tardive, c'est une interruption de grossesse au troisième trimestre, là, alors
que le foetus est quasiment viable, là, OK? Donc, évidemment, ça soulève toutes sortes de problèmes éthiques, et donc
c'est ce genre d'information qu'on veut certainement protéger, là.
M. Zanetti : Et,
à l'heure actuelle, comment est-ce que ces renseignements-là sont protégés?
Est-ce que ça peut arriver, à l'heure actuelle, par exemple, qu'un
renseignement comme ça fasse l'objet d'une fuite?
M. Oliva (Vincent) : Bien,
écoutez, c'est le secret professionnel. Donc, je veux dire, à partir du moment
où il n'y a pas de politique de transmission implicite de ces
renseignements-là... Bon, une fuite est toujours possible, mais évidemment vous
comprenez qu'avec le projet de loi qui est proposé, où il y a une transmission
implicite de ces informations, bien, le risque augmente forcément.
M. Zanetti : Donc,
au fond, c'est la question, je comprends, du risque qui augmente. Bien, merci,
c'est toutes les questions que j'avais.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, M. Oliva, Me Desgagné, merci beaucoup d'avoir participé aux
travaux. Ce fut fort instructif. On espère vous recevoir sous peu.
Ceci étant
dit, nous allons suspendre nos travaux afin de faire place à nos prochains
invités. À nouveau, merci.
(Suspension de la séance à 15 h 46)
(Reprise à 15 h 51)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, nous sommes en mesure de poursuivre nos travaux. Et nous avons
l'honneur de recevoir des représentants de la Ligue des droits et libertés.
Mesdames, bienvenue parmi nous. Auriez-vous,
d'abord, l'amabilité de vous présenter, s'il vous plaît?
Ligue
des droits et libertés (LDL)
Mme Khelil
(Lynda) : Oui. Bonjour. Je me présente, Lynda Khelil,
porte-parole de la Ligue des droits
et libertés. Et je suis
accompagnée, aujourd'hui, de Mme Anne Pineau, membre de la Ligue des
droits et libertés.
Le Président (M. Simard) : Alors,
nous sommes à votre écoute, et vous disposez de 10 minutes.
Mme Khelil (Lynda) : Merci.
Donc, bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mme et M. les députés. La Ligue des droits et libertés remercie la
Commission des finances publiques de cette invitation à participer aux consultations
particulières et auditions publiques sur le
projet de loi n° 3, Loi sur les
renseignements de santé et de services sociaux et modifiant diverses
dispositions législatives.
Quelques mots sur la Ligue des droits et
libertés. Fondée en 1963, la ligue célèbre, cette année, ses 60 ans de lutte pour les droits humains au Québec et au Canada.
En tant qu'organisation indépendante et non partisane, la Ligue des droits et libertés a contribué à la création
d'instruments de protection des droits humains, dont la Charte des droits et libertés de la
personne du Québec, adoptée en 1975.
Donc, je vais présenter brièvement le contexte
dans lequel s'inscrit le projet de loi n° 3, puis Mme Pineau
poursuivra par la suite pour le reste de la présentation.
Donc,
brièvement, en juin 2019, le gouvernement du Québec publiait sa Stratégie de
transformation numérique gouvernementale pour la période 2019-2023.
Premier jalon en vue d'une numérisation des services publics de bout en bout, la stratégie affirme vouloir placer les
citoyens et citoyennes au centre de l'évolution des services, des programmes
et des politiques. Depuis, les projets de
loi se bousculent pour donner forme à cette stratégie, notamment par une
révision des régimes de protection
des renseignements personnels en vigueur au Québec. Donc, on parle ici du
projet de loi n° 14, du projet de loi n° 95 puis du projet de
loi n° 64.
Une constante
se dégage par ailleurs. Ces lois libéralisent l'utilisation et la communication
de renseignements personnels sans
consentement, ce qui n'est pas, tel que le note la Commission d'accès à
l'information dans son mémoire sur le projet de loi n° 64, de
nature à accroître le contrôle du citoyen sur les renseignements qui le
concernent. Cette effervescence législative se poursuit, maintenant, avec le
dépôt du projet de loi n° 3, que nous sommes appelées aujourd'hui à
commenter.
La protection
des renseignements personnels devient encore plus névralgique à l'heure
actuelle. Le développement de
l'intelligence artificielle et l'extension du modèle... du modèle d'affaires,
pardon, qui est fondé sur l'exploitation des données ne vont pas sans risques, et les gouvernements n'échappent pas à
cet engouement pour les données. Il apparaît, donc, crucial, dans ce
contexte, de rehausser les protections, particulièrement concernant les
renseignements de santé et de services sociaux, qui sont parmi les plus
sensibles et les plus intimes.
Concernant le projet de loi n° 3, on
constate que le projet de loi n° 3 concerne les renseignements de santé et
de services sociaux détenus par les organismes du secteur de la santé et des
services sociaux, que l'article 2 définit très largement les
renseignements de santé et de services sociaux. Il inclut l'état de santé
physique ou mentale d'une personne, ses
facteurs déterminants, ses antécédents médicaux familiaux, tout matériel
prélevé, les implants et orthèses, les
services reçus et leurs résultats, etc. La liste est extensible, d'autres types
de renseignements pouvant s'ajouter par voie réglementaire, et on aura
l'occasion d'aborder cet aspect plus tard.
Quant à la notion d'organisme de santé, elle
dépasse de loin le réseau de santé au sens habituel du terme. Sont notamment
concernés le ministère de la Santé et des Services sociaux, de nombreux
organismes liés à la santé, mentionnés en annexe au projet de loi n° 3. Je
ne vous ferai pas la liste, pour gain de temps. À cela s'ajoutent la personne
et le groupement qui concluent une entente pour la prestation de services de
santé et de services sociaux pour le compte de certains organismes de santé.
Nous comprenons, d'autre part, que ce nouveau périmètre mêle le public et le
privé et s'applique sans égard au fait que les soins et services prodigués
soient assumés par l'État.
Le propos, aujourd'hui, de la Ligue des droits
et libertés, là, la perspective d'analyse que met de l'avant la ligue quant au
projet de loi n° 3 est celle d'une préoccupation quant aux droits et
libertés. Donc, les lois de protection des renseignements personnels mettent en
oeuvre des droits fondamentaux garantis par la Charte des droits et libertés du
Québec, dont le droit à l'égalité, le droit à la dignité, le droit à la vie
privée et le droit au secret professionnel. Évidemment,
toute limitation à ces droits est soumise au texte... au test, pardon, exigeant
de l'article 9.1 de la charte. Donc, on parle d'un objectif légitime et important, mesure proportionnelle à
l'objectif, et d'une atteinte minimale aux droits.
Donc, sur cette introduction, je vais céder la
parole à Mme Pineau pour la suite de la présentation.
Mme Pineau (Anne) : Oui. Merci
beaucoup de nous recevoir. Donc, au coeur des lois de protection des
renseignements personnels se trouve le droit à la vie privée, et le droit à la
vie privée est particulièrement important en matière de renseignement de santé.
On assimile souvent le droit à la vie privée à une question de protection des
informations, de sécurité, de confidentialité. Mais, de façon plus
fondamentale, la vie privée, c'est aussi le droit de contrôler l'information
qui me concerne, le droit de la donner à une finalité précise et qu'on respecte
cette finalité-là, sauf consentement, évidemment. Donc, au coeur de ce
droit-là, on trouve le droit à l'autonomie, à la dignité et le droit à la vie
privée.
Selon le projet de loi, la personne doit être
informée des fins précises pour lesquelles ses renseignements sont reconnus. Pourtant, à de multiples occasions, le
projet de loi permet l'utilisation ou la communication de ces renseignements
à de tout autres fins et sans consentement. Donc, je n'énumérerai pas, mais on
pourra y revenir. Ces dérogations ne remplissent pas, selon nous, le test
exigeant de la charte.
Par ailleurs, le projet de
loi aménage une autorisation générale d'usage des renseignements à d'autres
fins administratives et sans qu'il n'y ait une distinction dans le type de
renseignements qui pourraient être utilisés. La notion de renseignement de santé est extrêmement large, elle inclut des
renseignements particulièrement intimes sur les personnes, et on comprend la nécessité que les professionnels de la
santé puissent obtenir des historiques de traitement, des radiographies,
des tests, des analyses, toutes sortes d'éléments de ce type-là qui sont très,
très intimes, mais à des fins de gestion
administrative. On comprend mal que la même notion de renseignement, aussi
large, puisse être utilisée. Donc, on devrait limiter strictement le
type de renseignements accessibles à des fins administratives ou de gestion.
Un autre
enjeu, le secret professionnel, qui n'est pas abordé comme tel dans le projet
de loi, contrairement à ce qu'on avait dans la loi sur le partage de
certains renseignements de santé. Alors, on se demande un peu comment va s'articuler la question du secret professionnel.
Parce que les renseignements de santé sont presque... par définition, des
renseignements visés par le secret professionnel.
En matière de recherche, on prône un régime
unifié d'autorisation d'accès et on substituerait à... le critère déraisonnable
de requérir le consentement par une impossibilité pratique de l'obtenir.
• (16 heures) •
Le système
national de dépôt de renseignements soulève des inquiétudes dans la mesure où
on semble concentrer énormément de renseignements à un seul point
d'entrée, et ce qui pourrait soulever des convoitises au niveau, là, des
rançongiciels et du piratage informatique.
La communication de renseignements hors Québec,
qui est présente un peu partout dans ce projet de loi là, limite ou permet la communication dans un pays qui
a un régime adéquat et non un régime équivalent, ce qui est, pour nous,
une problématique.
Et on s'inquiète aussi un peu, en terminant, sur
l'utilisation qu'on veut faire des données pour lesquelles le gouvernement se
donne beaucoup de possibilités d'accès et nous craignons qu'un recours aveugle
aux données mène à une standardisation des pratiques au détriment d'une approche
décentralisée. Nous appréhendons le profilage de consommation, le contrôle des
pratiques professionnelles, l'imposition d'outils d'évaluation supplantant le
jugement professionnel et l'introduction du financement des hôpitaux par
activités.
Donc, en conclusion, le projet de loi aménage
l'accès à une masse imposante de renseignements. L'emprise du gouvernement sur ces données s'étendra bien
au-delà du système de santé traditionnel. Ces renseignements de santé ont
été fournis en vue de recevoir des soins et pourront être utilisés à de tout
autres fins. Le projet de loi brouille les frontières entre le public et le
privé. Nous craignons que ce périmètre élargi ne soit l'occasion d'une
privatisation accrue du régime public de santé. Alors, voilà.
Le
Président (M. Simard) : Ah! Bon, bien, pile dans les temps. Merci
beaucoup, beaucoup. Je cède maintenant
la parole au ministre.
M. Caire : Merci,
M. le Président. Je... Bon, en fait, vous parlez de la loi n° 14,
de la loi n° 95 et la loi n° 64.
Ça adonne bien, parce que je suis le ministre qui a été au coeur de l'adoption
de ces trois projets de loi qui ont été adoptés à l'unanimité à l'Assemblée
nationale, je tiens quand même à le souligner. Vous parlez d'une libéralisation
des renseignements personnels, je vais vous
poser un peu... Puis là, les collègues, allez prendre un café, là, parce que je
vais être redondant.
Alors que le
Québec se dote d'un régime de protection des renseignements personnels qui est
le plus sévère en Amérique, et de loin, alors qu'on adopte un régime de
protection des renseignements personnels qui est l'équivalent du régime de protection... le régime général de
protection des données européen, qui est le plus sévère au monde, vous nous
parlez de libéralisation des renseignements personnels. Comment est-ce que
c'est conciliable, ces deux univers qui,
semble-t-il, ne sont pas dans le même fuseau horaire, là? Je ne comprends pas.
Je ne comprends pas votre démarche qui vous amène à cette conclusion-là.
Mme Pineau (Anne) : Je vais
répondre. M. le ministre, nous, on avait participé, là, à la consultation sur
le projet de loi n° 64, on a fait valoir les mêmes commentaires, à ce
projet de loi là, que ceux qu'on vous soumet aujourd'hui. Je pense qu'on ne
peut pas... on ne peut pas ignorer qu'il y a un changement de modèle. On avait
une loi de protection des renseignements
personnels qui précisait chaque finalité pour lesquelles un renseignement
pouvait être utilisé, et, faute de cette précision à la loi, il n'y
avait pas possibilité, sauf consentement de la personne. Je pense que ce n'est pas une nouveauté de dire que le projet
de loi n° 14, n° 95, n° 64 ont tendu à changer de ce modèle-là,
pour dire : Il faut qu'on cesse de travailler en silo, il faut
cesser de ne pas pouvoir utiliser les informations pour d'autres fins.
Alors, on a de plus en plus établi des modalités
d'accès qui permettent d'autres utilisations que celles pour lesquelles, au
départ, la personne a donné son renseignement. Par exemple, le projet de loi
n° 3 nous dit que, quand je recueille
le consentement, je dois indiquer... pour chacune des finalités. Et vous avez
ensuite l'article 14 qui nous dit que, lorsque je recueille des
renseignements, je dois indiquer la finalité pour laquelle ces
renseignements-là sont utilisés... seront
utilisés. Mais il est un fait que, malgré tout, on pourra les utiliser à
d'autres fins. Je pense que c'est ce que vous avez voulu, c'est ce que
l'ensemble des législations qui ont été adoptées...
M. Caire : Mais, si je peux me permettre,
si je peux me permettre, ce que vous dites est vrai, mais, je pense, doit être précisé. On peut les utiliser à d'autres
fins, lorsque c'est manifestement dans l'intérêt de la personne. Et on a eu cette discussion-là en commission parlementaire
avec les collègues, il n'est pas question d'utiliser des renseignements
personnels à des fins qui n'ont rien à voir avec ce pour quoi ils ont été
collectés, c'est ce que la loi dit, et si ce n'est pas manifestement dans l'intérêt. Et on a statué,
d'ailleurs, justement, vous parliez de la loi n° 64,
que la cour avait bien... la Cour
suprême, je pense, avait bien balisé ce qui était... la notion de manifestement
dans l'intérêt de. Donc, oui, vous avez raison, on reprend... on reprend
ce principe-là ici.
Mais
je vous amène dans une situation concrète, puis ça va peut-être nous aider, là,
à comprendre, effectivement, ce que
l'on veut. Puis je vais reprendre les propos du Dr Amyot, Dr Amyot, qui
dit : Bon, moi, quand je vois un patient, je veux avoir accès à
toute l'information. Or, moi, je peux avoir un dossier à l'Hôpital Chauveau, Je
peux avoir un dossier au CHUL, je peux avoir un dossier à La Cité verte, mais
je peux aussi... ou dans le cours de vacances, avoir consulté un médecin dans
l'extraordinaire région du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Bien, le médecin qui me soigne
veut avoir accès à tout ça. Or, si je vous suis bien, il faudrait que je donne
mon consentement pour que chacune des informations de chacun de ces
professionnels de la santé que j'ai consultés, pour chacun des établissements,
des lieux physiques... il faudrait que je donne mon consentement à chaque fois,
alors que, manifestement, c'est ce que je veux, que le médecin, il ait accès à
toute l'information. Donc, l'idée de l'article, c'est ça. C'est ça, l'idée de
l'article. Puis en quoi ça, pour vous, ça
représente une violation de la vie privée ou des droits et libertés d'un
individu, alors que c'est manifestement dans l'objectif de mieux le
servir, là?
Mme Pineau
(Anne) : Oui. Merci pour la question. Effectivement, je pense que,
dans un contexte de soins, c'est particulièrement approprié que les
renseignements puissent circuler et puissent être utilisés par l'ensemble des
professionnels qui ont pour charge de soigner le patient. On n'en a pas
vraiment à ce niveau-là, je pense qu'on peut même
dire que ça, c'est comme une utilisation à une fin compatible avec la finalité
pour laquelle j'ai donné le renseignement au départ. Tu sais, je fournis
des renseignements à mon médecin, je pense que c'est une fin compatible que de
faire suivre quand je suis soignée par un autre médecin.
Ceci
dit, je ne vois pas pourquoi on ne permettrait pas à la personne de carrément
et précisément dire : Oui, je consens à ce que l'ensemble des
professionnels qui auront à traiter mon dossier puissent y avoir accès. On en a
par contre...
M. Caire : Si
je peux me permettre, parce que c'est important, ce que vous venez de dire là,
la loi prévoit que la personne peut refuser son consentement à ce que les
informations soient transmises, même à un professionnel de la santé. Donc, ce
que vous nous dites là, la loi le fait, on peut, n'importe quel citoyen peut
refuser que ses renseignements de santé soient transmis à qui que ce soit, là.
Je voulais juste contextualiser, là, parce que ça semble être le sens de votre
propos, là, si j'ai bien compris.
Mme Pineau
(Anne) : Oui. En fait, on comprend que les renseignements circulent,
ils ont été recueillis à des fins de soigner la personne, et il apparaît normal
qu'ils puissent circuler dans le cadre de l'épisode de soins. Et, effectivement, vous avez raison, l'article 7
vient restreindre, éventuellement, l'accès de certains intervenants à certains
renseignements, si la personne le juge essentiel. Et, ça, on n'a pas de
problème non plus avec ça.
Moi... nous, on en a
plus sur l'utilisation à des fins administratives par une foule d'autres
organismes. Là, je parle particulièrement des cas où c'est le gestionnaire
délégué aux données numériques qui sera appelé à trancher des demandes d'un peu
tout le monde. Alors, vous avez les organismes de santé, les organismes
publics, des ordres professionnels, des
organismes d'autres gouvernements, qui pourront demander l'accès à des
renseignements de santé en faisant valoir que c'est pour l'application
d'une loi, alors que ce n'est pas prévu à la loi, pour remplir ma mission, pour
l'objet de mes activités, pour remplir mes fonctions, pour mettre en oeuvre un
programme, ou encore si c'est manifestement au bénéfice de la personne, ou en
cas de circonstances exceptionnelles.
Alors là, on a quand
même tout plein d'organismes qui peuvent venir chercher des renseignements de
santé. Et bon, évidemment, on pense que dans un cas comme ça, le consentement
n'est pas là. D'ailleurs, ce sera le travail du
gestionnaire de dire dans quels cas il pourra autoriser, malgré qu'il n'y ait
pas eu de consentement. Mais donc on a là quand même une utilisation possible
de beaucoup de renseignements à des fins que la personne, elle n'a pas pu
prévoir.
• (16 h 10) •
M. Caire : Mais,
si je peux me permettre, la discussion est superintéressante, mais, en fait,
vous dites : Ce n'est pas prévu à la
loi. Je dois corriger ça, parce que la loi dit manifestement que vous n'avez
accès aux renseignements que dans le cadre de votre fonction, fonction
qui est prévue par une loi. Donc, quand vous parlez du gestionnaire de
données... Puis là il faut lire aussi dans le contexte de la loi n° 95,
là, qui amène, au niveau de la protection des renseignements personnels, des
obligations supplémentaires. En fait, le gestionnaire est l'arbitre... bon, en
tout cas, pas le seul, là, parce qu'il y aura le centre d'accès aux données...
mais qui va, justement, avoir à dire : Bien, non, je ne peux pas vous donner accès à ces
informations-là parce que, dans le cadre de votre... de l'exécution de votre
mandat, vous n'avez pas besoin de ça, vous n'avez pas besoin de ces
renseignements-là. Et c'est là tout le... bien, pas tout, là, mais une partie
du mécanisme de protection qui fait en sorte que je pense que vos craintes,
puis je les entends... Mais peut-être que ça, ça va vous rassurer, de dire que,
justement, son rôle, c'est de faire en sorte que, si, dans l'exécution d'un
mandat prévu par la loi, vous n'avez pas besoin d'avoir ces informations-là,
vous ne les aurez pas.
Et c'est intéressant
parce que c'est un peu la discussion qu'on avait avec la Commissaire à la santé
et au bien-être, qui voulait remplacer le «peut» par un «doit». Et là je pense
que nous, on a émis des réticences, justement, parce que, si c'est une
obligation de transmettre les renseignements personnels, là, j'aurais tendance
à vous donner raison, mais, comme ce n'est pas une obligation, qu'il y a cette
possibilité-là de les donner ou non, il y a quand même un jugement qui s'exerce
en fonction de l'ensemble du contexte législatif québécois. Ça fait que je
pense, en tout cas, que ça va dans le sens peut-être d'un plus grand... d'un
meilleur contrôle aux renseignements personnels.
Mais je vais revenir sur l'aspect gestion, parce
que les représentants de la FMSQ avaient un peu les mêmes craintes. Ne
trouvez-vous pas qu'une organisation qui vient chercher 43 % du budget du Québec
devrait faire l'objet d'une gestion rigoureuse,
extrêmement rigoureuse, devrais-je dire? Et, si oui, comment un gestionnaire
peut-il faire une gestion extrêmement rigoureuse de son organisation s'il n'a
pas accès à l'information nécessaire pour remplir son mandat?
Mme Pineau (Anne) : Oui. Nos
préoccupations sont de deux ordres. D'abord, le fait qu'on va quand même
permettre l'accès à des renseignements pour une fin qui n'avait pas été
précisée au départ... C'est vrai que le gestionnaire délégué aux données
numériques va intervenir et décider dans quels cas ce sera possible ou pas. Le
gestionnaire est quand même partie de l'appareil gouvernemental et, notamment,
il est... il fonctionne dans le cadre de la
loi sur la gouvernance, et on pense qu'il est possible que la circulation de la
donnée, pour lui, soit plus importante que le test qu'il devra faire de
vérifier l'impact sur la vie privée et l'intérêt public. Donc, on sait que
plusieurs de ces cas de figure là étaient autrefois l'objet d'un avis de la
Commission d'accès à l'information. Ça, ça tombe, avec la loi n° 25, et c'est
maintenant le gestionnaire qui doit remplir cette fonction. Donc, on a quand
même des préoccupations de ce type-là.
Mais l'autre préoccupation qu'on a, c'est qu'il
y a des renseignements de santé qui sont tellement intimes, tellement névralgiques et tellement, comment dire,
précieux pour les gens que... Et la loi, le renseignement... la définition prévue à la loi ne distingue pas. On
pourrait utiliser n'importe quel type de renseignement de santé à d'autres
fins, notamment pour évaluer le fonctionnement ou l'organisation du système.
Alors, on trouve qu'il y a certains
renseignements qui sont tellement critiques qu'ils ne devraient pas pouvoir
servir à autre chose qu'à des traitements de santé.
M. Caire : Je vous suis
là-dessus, mais, si je peux vous rassurer, d'une part... En fait, les
renseignements de santé font l'objet d'un régime particulier. Je veux dire la
loi n° 3 est un régime particulier pour les
renseignements de santé. Donc, on vous suit tout à fait quand vous dites que ce
sont des renseignements hautement sensibles. Ceci étant dit, lorsqu'on dit que
le professionnel qui exerce son mandat doit avoir accès seulement aux
informations dont il a besoin, je ne vois pas comment on pourrait conclure
qu'un gestionnaire a besoin de savoir quel est l'état de mon cancer pour
prendre une décision de gestion. Je caricature, là, mais vous comprenez
l'exemple que je veux donner.
Alors, oui, il peut avoir accès au nombre de
chirurgies, il peut avoir accès aux délais dans les urgences, il peut avoir
accès à des informations qui relèvent de son mandat de gestionnaire, mais je
pense que, dans le libellé de la loi, de la façon dont la loi est construite,
il ne serait pas... il serait difficilement justifiable pour qui que ce soit de
donner accès à des renseignements de santé sensibles d'un individu en
particulier à un gestionnaire qui n'a pas pour fonction de soigner les gens.
Puis je dirais même, je vais aller plus loin que ça, si vous me permettez, je
ne vois pas comment on pourrait donner des renseignements de santé très précis
à un professionnel de la santé dont ce n'est pas le mandat de soigner cette
pathologie-là en particulier.
Alors, c'est ça, la... je pense que... Puis je
comprends votre inquiétude, parce que le libellé est effectivement générique.
Mais, dans l'interprétation, puis c'est pour ça qu'on est quand même en
cohérence avec ce qu'on a fait avec 95 et 64, et les définitions, et les
jugements de la Cour suprême qui en découlent... Et je vous invite aussi à
revoir 95, parce que, sur le... sur les sources de données numériques, là, il y
a des... il y a une obligation de faire des évaluations de facteurs relatifs à
la vie privée, il y a des règles de gouvernance qui doivent être établies, qui
doivent être validées par CAI. Donc, tu sais, on travaille en cohérence avec
les autres lois du Québec, et je pense que ça, en tout cas, ça devrait être de
nature à vous rassurer, je l'espère.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Caire : J'ai-tu assez conclu
à ton goût?
Le Président (M. Simard) : Ah!
c'est très bien conclu, M. le ministre.
M. Caire : Je suis un maître de
la conclusion.
Le Président (M. Simard) : Alors,
mesdames, nous allons poursuivre nos échanges, cette fois-ci, avec la députée
de Mont-Royal—Outremont, qui
dispose de 12 min 20 s.
Mme Setlakwe : Merci, M. le
Président. Merci, mesdames, pour votre intervention très, très pertinente, très
importante. La protection des droits et libertés, c'est fondamental, c'est
extrêmement important, et les principes que vous défendez sont importants, et
il faut en tenir compte. On va certainement relire le libellé pour s'assurer
qu'on a... Tu sais, vous allez nous amener,
finalement, à trouver le juste équilibre, dans ce dossier-là, par rapport aux
objectifs, là, qui sont visés et qui
sont louables. Parce que nous, on est dans la recherche du bien commun, du bien
public. Donc, on vous entend.
Et je ne veux pas refaire toute la discussion,
puis vous avez soumis un mémoire détaillé, mais dites-nous quand même sur quelles pistes est-ce qu'on est
dans la bonne direction, tu sais, sur quels... sur quels aspects est-ce que vous
pensez qu'on va faire des progrès et que le projet de loi va être bénéfique,
là, pour l'ensemble des utilisateurs?
• (16 h 20) •
Mme Pineau (Anne) : Si je peux
me permettre, il y a quand même des aspects, là, qui sont intéressants dans le
sens de prévoir un régime unifié de façon de traiter les renseignements de
santé de la même façon, peu importe où ils sont éparpillés. Nous, on pense
aussi que... Je pense que, par rapport à la loi no n° 25,
ce qu'on amène du côté de la recherche, il y a quand même
des éléments intéressants dans ça, notamment toute la question du Centre
d'accès à la recherche, qui, malheureusement, n'est pas désigné à la loi,
malheureusement, parce que ça ne nous permet pas vraiment de discuter de
l'expertise de cet organisme-là ou de comment il va fonctionner. Tu sais, je
veux dire, ça, c'est quelque chose que nous
regrettons, là, qu'on n'ait pas l'identité de ce Centre d'accès à la recherche.
Mais, bon, je pense que, dans la mesure où ce sera une organisation qui
a vraiment une expertise, qui sera préoccupée par non seulement la recherche, mais aussi le droit à la vie privée et l'intérêt
public en matière de recherche, je pense qu'il y a là une procédure qui
peut être intéressante.
Mais je vous
avoue que nous, on voudrait un régime unifié, c'est-à-dire que tout, toute
demande pour utilisation de renseignements sans consentement en matière
de recherche devrait faire l'objet d'une autorisation par le Centre d'accès à
la recherche, plutôt que d'avoir une procédure double. Parce que ce que le
projet de loi prévoit, c'est que, si vous êtes un chercheur lié à un
établissement de santé ou à un établissement, là, de l'annexe I, dans ce
cas-là, vous faites votre demande à l'établissement de santé ou à l'organisme
de l'annexe I, et c'est lui, c'est la plus haute autorité de cet organisme-là
qui va autoriser l'accès à des renseignements de santé sans consentement. Et on
a une difficulté, parce que ces organismes-là embauchent. Un chercheur lié,
c'est quelqu'un qui est embauché par un CIUSSS, par exemple, pour faire de la
recherche. Alors, on peut s'attendre que, dès que le chercheur va demander à la
plus haute autorité : J'aurais besoin
de tel, tel, tel renseignement, bien, on peut... nous, on craint que ça soit du
«rubber stamp» et que l'étape qui consiste à vraiment vérifier s'il était
impossible d'obtenir le consentement et si c'est vraiment d'intérêt public par rapport à l'impact sur la vie privée,
ce test d'équilibrage des droits risque, bon, d'être plus ou moins appliqué
avec sévérité, alors que, si on avait un seul organisme qui dispose de
l'ensemble des autorisations, on pourrait s'assurer que le test
d'équilibrage des droits puisse être appliqué de façon constante.
Mme Setlakwe : Merci. Vous avez
parlé de l'importance de contrôler l'information, donc vous ne voyez pas, dans
la loi, un encadrement assez... un encadrement suffisant, adéquat? Vous ne
voyez pas que... une possibilité pour le patient de cesser, tu sais... ou de
retirer son consentement ou de le baliser adéquatement? Vous avez parlé de ça,
là, de l'importance de contrôler, et, si je vous entends bien, vous n'êtes pas
rassurés à la lecture du projet de loi?
Mme Pineau (Anne) : Bien, c'est
certain que le contrôle de l'information, c'est le contrôle de l'utilisation
qui en est fait. Alors, à partir du moment où je consens à vous donner un
renseignement à des fins de soins et que ce renseignement là, ensuite, peut
être utilisé, sans mon consentement, à d'autres finalités, bien là, il y a une
perte de contrôle, c'est fatal. Alors, ça, c'est le modèle qui est proposé mais
qui est le même qui a été adopté avec 95 et avec la loi n° 25.
Donc, ça, pour nous, c'est... ça demeure une problématique.
Mme Setlakwe : Au
niveau, donc, de la protection, puis je terminerais avec ça, là, des
renseignements personnels, évidemment, on est tous préoccupés par cet
aspect-là, sachant aussi que le risque zéro n'existe pas. Vous pensez
que, donc, le projet de loi n'est pas assez
strict, n'offre pas un encadrement adéquat pour bien protéger le renseignement
personnel?
Mme Pineau
(Anne) : Bien, le projet de loi reprend le modèle qui a été
adopté et qu'on a très critiqué, dans le cadre notamment du projet de loi
n° 64. Donc, à cet égard-là, la possibilité d'utiliser à d'autres fins les
renseignements, pour nous, c'est un problème, c'est une approche qui ne
nous satisfait pas.
Mme Setlakwe : On
va regarder attentivement votre mémoire. J'imagine, vous avez proposé... Je
n'ai pas eu la chance de le lire en détail, mais vous proposez, j'imagine, des
amendements au libellé pour... qui vous rassureraient?
Mme Pineau (Anne) : À plusieurs
endroits, oui.
Mme Setlakwe : OK. Excellent.
Je vous remercie beaucoup, mesdames.
Le
Président (M. Simard) : Merci, à vous, chère collègue. Je cède maintenant
la parole au député de Rosemont, qui disposera de neuf minutes.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être là. Merci pour le mémoire, qui est
quand même assez exhaustif. Je vais essayer de le prendre en deux parties, là,
question de compartimenter ma pensée là-dessus,
là. De un, je vais parler des patients ou des personnes, parce qu'on n'est pas
toujours un patient, dans la vie, là.
On l'est à partir du moment où on est traité, suivi ou malade, et ça ne veut
pas dire qu'on n'a pas besoin de notre dossier de santé, même si on
n'est pas patient, là, ce pour quoi je fais la distinction.
Le but, là, évidemment, ici, ce pour quoi je
serais, en principe, d'accord avec une idée générale qui est dans le projet de
loi... Et je n'ai pas dit que j'ai fait... je n'ai pas dit que le projet de loi
était adopté puis que je vais l'adopter. Je dis qu'en principe l'idée générale,
c'est de faciliter la fluidité et le transfert de l'information au bénéfice du
patient ou de la personne. On conviendra, je pense, tout le monde, ici, que,
parfois, c'est un peu kafkaïen, c'est un peu compliqué, là, d'avoir des données
de santé, ça ne circule pas nécessairement, on n'est pas, tout le monde, arrivé
au XXIe siècle, là. Alors, ça, c'est la prétention du projet de loi qui
est déposé ici de servir, d'abord et avant tout, la personne, le patient et les
citoyens. Vous, vous voyez des éléments dans ce projet de loi qui vont en ce
sens? On parlera de vos craintes après, elles sont bien exprimées, mais est-ce
que vous retrouvez, dans ce que vous avez lu, le principe de servir d'abord et
avant tout les citoyens et les citoyennes en matière de données personnelles?
Mme Pineau
(Anne) : Effectivement, en ce qui concerne les soins de
santé, je pense que ça permet à l'intervenant professionnel qui en a
besoin d'obtenir communication des renseignements qui lui sont nécessaires pour
procéder aux soins qu'il a à prodiguer. Ça, notre problème n'est pas là. Notre
problème, il est lorsqu'un organisme public, mettons un ministère, ou la SAAQ,
ou n'importe quel autre organisme public, peut s'adresser au gestionnaire
délégué aux données numériques, lui dire : Moi, j'ai besoin de telle
information de santé pour remplir la mission, et que le gestionnaire va dire : Effectivement, précise-moi la
finalité pour laquelle tu en as besoin, et éventuellement fera droit à
cette demande-là, sans que moi, j'aie donné mon consentement à cette
utilisation-là qui n'a rien à voir avec les soins de santé.
M. Marissal : Vous, vous faites
le postulat que ça pourrait se faire, donc, je vais le dire comme je le pense,
là, dans mes mots... ça peut se faire dans le dos du citoyen?
Mme Pineau (Anne) : Bien, ce
que dit 72, là, c'est que le gestionnaire délégué aux données numériques
autorise les communications de toute une section. Cette section-là permet à un
organisme de santé, à un organisme public, à un ordre professionnel ou à un
organisme d'un autre gouvernement de demander l'autorisation de recevoir des
renseignements de la part d'un organisme détenteur de renseignements, et là il
y a une mécanique. Et c'est pour des fins précises, là : l'application de
la loi, alors que ce n'est pas prévu pour ma mission, mon objet, ma fonction,
parce que c'est au bénéfice de la personne... Mais là on comprend qu'on n'est
plus dans l'utilisation des fins de soins de santé, là. Alors, ça, c'est 72 et
suivants. C'est plus là qu'on a des problèmes.
• (16 h 30) •
M. Marissal : Je comprends. Je
comprends bien votre point. Prenons-le maintenant sous l'angle de la recherche,
là. J'ai bien lu, là, les sections de votre mémoire là-dessus, là, je comprends
vos craintes. Il y a une crainte un peu,
là... depuis le début qu'on parle de fluidité des renseignements personnels de
santé, là, puis ça doit faire trois ans, on a commencé ça dans la dernière
législature, là, il y a quand même toujours la crainte ou le spectre, selon notre
niveau d'anxiété, que, le privé, le
Big Pharma notamment, qu'à un moment donné ça deviennent des données tellement
valorisées, tellement commerciales, tellement chères aussi, tellement
cherchées, recherchées, prisées qu'on va l'échapper puis qu'à un moment donné
ça va servir à ça aussi. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
Mme Pineau
(Anne) : Bien, nous, on voudrait qu'on définisse d'abord
qu'est-ce que l'intérêt public qui justifie une recherche. On sait que le test qui sera appliqué, c'est... D'abord,
on fournit les renseignements sans consentement, si on estime que c'est
déraisonnable d'exiger le consentement, premier élément, et si le projet est
dans l'intérêt public qui l'emporte... l'objectif du projet l'emporte
sur l'impact sur la vie privée. Alors, nous, d'abord, on aimerait que soit
définie la question de l'intérêt public, qu'est-ce qu'on entend par l'intérêt
public. Alors, pour nous, ça devrait être des
recherches qui poursuivent le bien commun, qui visent l'amélioration de la
santé, du bien-être, qui servent des fins socialement utiles puis qui assurent
le partage des résultats et des bénéfices. Donc, et en conséquence de cette
vision-là qu'on a de l'intérêt public, on permettrait aux chercheurs
liés à des organismes de santé d'utiliser la mécanique et aussi à des
chercheurs qui relèvent du monde académique, OK, qui sont attachés à une
université qui fonctionne en fonction de
subventions dans des institutions agréées, mais on ne permettrait pas les
demandes en provenance d'entités commerciales...
M. Marissal : C'est clair.
Mme Pineau (Anne) : ...parce
que...
M. Marissal : C'est bon. C'est
clair. Il me reste peu de temps, là. J'accélère et j'abrège. Il y a, dans votre
dernier paragraphe, une série d'appréhensions qui sont assez lourdes, là. Je
vais essayer d'y aller dans l'ordre. On ne pourra malheureusement pas toutes les
passer parce que je n'ai pas assez de temps. «La Ligue des droits et de
libertés s'inquiète d'une utilisation des données qui mènerait à une
standardisation des pratiques dans le réseau.» Pouvez-vous m'expliquer ce que
vous entendez par «une standardisation des pratiques dans le réseau»? Quelle
est votre crainte à ce sujet?
Mme Pineau (Anne) : Bien, à
partir du moment où on s'en remet à des données, fatalement, on va essayer de
trouver les meilleures pratiques supposément attachées à telle ou telle façon de
fonctionner. Et la crainte, c'est que la donnée, qui est un portrait d'une
situation, mais qui ne rend pas toujours compte de l'ensemble ou d'autres
aspects de la situation qui... dont elle ne tient pas compte, donc on se fie un
peu aveuglément à ces données-là, et qu'on omette de tenir compte qu'il y a
toutes sortes de réalités dans toutes sortes de milieux qui font qu'adopter
telle pratique, bien, ça ne conviendra pas nécessairement dans tous les
milieux.
M. Marissal : D'accord.
Et ensuite : «Nous appréhendons aussi le profilage de consommation de
soins — ça,
ça va, je comprends bien — et
le contrôle des pratiques professionnelles.» Allez-y là-dessus, puis je verrai
si ça correspond à quelque chose qu'on a entendu aussi hier d'un autre groupe.
Je veux juste vous entendre d'abord.
Mme Pineau
(Anne) : Bien, en fait, c'est aussi à partir du moment où
on automatise des choses. Vous avez, là, par exemple, des systèmes de décision entièrement automatisés, là, qui
sont mentionnés dans ce projet de loi là comme une
des possibilités qu'on dépossède peu à peu des professionnels de leur fonction de
juger d'un cas non pas à partir seulement de données, ou en cochant des cases,
et en ayant un résultat au bout de la ligne, OK. Il faut laisser aux
professionnels la marge de manoeuvre pour utiliser les données qui peuvent être
tout à fait utiles...
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
Mme Pineau (Anne) : ...mais ne
pas compromettre leur jugement professionnel pour autant, là.
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Marissal : Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors,
Mmes Khelil et Pineau, merci beaucoup pour la qualité à la fois de votre
présentation et de vos réponses. Nous espérons vous retrouver sous peu parmi
nous.
Cela dit, nous allons suspendre nos travaux afin
de faire place à vos prochains invités. Au revoir, mesdames.
(Suspension de la séance à 16 h 35)
(Reprise à 16 h 41)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, nous reprenons nos travaux. Nous avons l'honneur de recevoir
parmi nous l'Association des gestionnaires de l'information de la santé du
Québec. Madame, monsieur, soyez les bienvenus. Auriez-vous, d'abord,
l'amabilité de vous présenter?
Association des
gestionnaires de l'information
de la santé du Québec (AGISQ)
M. Allard (Alexandre) : Oui.
Bonjour. Je suis Alexandre Allard, président du conseil d'administration de
l'AGISQ, la voix des archivistes médicaux du Québec.
Mme Chagnon
(Lise) : Et, à mon tour, je
suis Lise Chagnon, qui est la directrice générale de la même association.
Le Président (M. Simard) : Nous
vous écoutons. Vous disposez de 10 minutes.
M. Allard (Alexandre) : Excellent.
Donc, M. le ministre, chers députés, merci de nous recevoir aujourd'hui. C'est
un plaisir d'être avec vous en réel pour pouvoir vous présenter notre mémoire.
Déjà, d'emblée, on mentionne que d'adopter tel
quel PL n° 3, sans intégrer une stratégie par rapport
aux archivistes médicaux du Québec, ne permettrait pas d'atteindre ses
objectifs tels qu'ils sont décrits, tels qu'ils sont entendus. Pourquoi? Tout simplement parce qu'on est une profession qui a
besoin d'un petit peu d'air, on est une profession qui a besoin d'un peu
de soutien.
Et qu'est-ce qu'on est, en fait, comme
archiviste médical? Souvent, quand on se réfère à des métiers, on va se référer à la racine des mots. Un mécanicien va
faire de la mécanique, un pharmacien, de la pharmacie, un médecin, de la
médecine. Un archiviste médical, ça ne classe pas de papiers, pas du tout. On
n'est pas là pour ça. On est là avec la même formation que les infirmières,
mais enlevez le côté clinique de la chose auprès du patient, remplacez ça par
de la formation au niveau légal et par rapport à de la codification
d'information pour générer toutes les statistiques de santé sur la planète, et
vous venez de bâtir un profil d'archiviste médical.
Alors, l'Association des gestionnaires de
l'information de la santé, la voix des archivistes médicaux, c'est ce que nous sommes. Et on est partout en province,
partout dans les organisations. On est 1 600 au Québec. Notre force, c'est
la... Notre force, c'est l'intérêt,
clairement, la circulation de l'information, la confidentialité, la sécurité, l'exploitation
des données. On est là pour ça et, d'ailleurs, dans le réseau depuis plus de
60 ans. 63 ans, je pense, hein, Lise?
Mme Chagnon (Lise) : Oui.
M. Allard
(Alexandre) : C'est bien ça. Donc, ça fait deux décennies, en
fait, qu'on tente de lancer des alertes, on tente de lancer des signaux auprès des décideurs, auprès des
institutions sur l'état du réseau. Et je pense que la pandémie, on pense qu'au niveau de la pandémie... est tout
simplement venue mettre un coup de surligneur sur des problématiques de
circulation de l'information de santé. Et, pour nous, on y voit une
opportunité.
Alors, sur ce, Lise.
Mme Chagnon (Lise) : Alors,
nous avons préparé un mémoire qui vous a été déposé dans le cadre des
consultations particulières qui sont faites aujourd'hui, dans le cadre du
projet de loi. Alors, l'an dernier, on en avait préparé un aussi dans le sillage du dépôt du projet de loi n° 19,
qui a été malheureusement... qui est malheureusement mort au feuilleton
et qui n'a pu être adopté par l'assemblée générale.
Alors, aujourd'hui, ce
qu'on veut vous dire, c'est qu'on vous recommande d'intégrer une stratégie de
gestion rigoureuse des données ainsi que
l'architecture informationnelle au projet de loi n° 3,
qui est la loi sur les renseignements de santé et de services sociaux
modifiant certaines dispositions législatives de plusieurs lois. On vous
recommande aussi de bonifier le texte du projet de loi n° 3
afin de minimiser le recours éventuel aux règlements et de pérenniser ses assises dès le départ, d'intégrer les
obligations en matière de la qualité des données pour assurer l'imputabilité
des organismes et permettre la
valorisation intégrale des données, d'introduire le rôle des techniciens en
information clinique dans le projet de loi n° 3, chose que nous n'avons pas
vue en lisant le projet de loi n° 3, et, par le fait même, de réformer l'encadrement
de la profession d'archiviste médicale pour la faire évoluer vers celle de
technicien en information clinique parce qu'on juge que l'appellation «archiviste
médical» ne nous caractérise plus du tout. Nous sommes vraiment des techniciens
en information clinique.
Alexandre va vous expliquer la suite.
M. Allard (Alexandre) : Alors,
clairement, on est dans le réseau de la santé. On est là depuis longtemps. Alors, comme on dit dans le jargon : Vous
voulez savoir comment une information circule? Demandez à un archiviste
médical, il va vous l'expliquer. Le réseau de la santé est basé sur entre 500 à
700 systèmes d'information. Et, un peu comme dans tous les domaines de la
société, l'informatique a pris de plein fouet le réseau de la santé. Mais, pour
nous autres, oui, c'est vrai qu'il y a des pénuries, des pénuries
postpandémies, mais, moi, ma religion à moi, c'est l'information. Alors, la
problématique du réseau de la santé, c'est la mauvaise circulation de
l'information.
Et, d'ailleurs, quand on parle de réelle
stratégie de flux de données et quand on regarde ce qui est écrit par rapport
aux articles sur le dépôt national de données, on fait parfois le lien entre
des vestiges qu'il pourrait y avoir par rapport à un DSQ qui décéderait suite à
l'adoption d'un projet de loi comme celui-là versus des intentions d'un dépôt
national de données. Un dépôt de données devrait être un dépôt de données et
non pas des moyens de rattacher toutes sortes de besoins pour donner des
services à la population.
Donc, selon nous, et après avoir eu des très
bonnes discussions avec un éminent chercheur en information, M. Daniel
Caron, titulaire de la Chaire de recherche en information de l'ENAP, ce qu'il
faut voir dans une stratégie comme celle-là,
quand on parle de flux d'information, c'est que le dépôt de données devrait
être l'équivalent d'une boule, et que, peu importe les utilisateurs qu'on va
rattacher à ça, les fournisseurs, des chercheurs, c'est des profils
d'utilisation avec de la journalisation. C'est ça qui est question.
Alors, dans le cadre de la commission
parlementaire, vous allez recevoir toutes sortes de groupes, des syndicats, des
groupes de pression, qui, chacun à leur tour, vont vous dire : Ah! bien,
moi, l'usager devrait être au coeur de la
préoccupation. On est pour ça. Les médecins vont avoir leurs préoccupations,
les infirmières, et tout le monde, en fait. Vous allez recevoir
également le groupe des chercheurs. Mais le vrai enjeu ici, c'est
l'information. Parce que, si on met le coeur... on met l'objectif d'information
au coeur des prochaines décisions, tous les autres besoins vont pouvoir se
rattacher, et on va pouvoir amener de... je m'excuse, de l'efficacité dans le
réseau de la santé.
Et, si vous regardez tous les grands de ce
monde, regardez à la bourse, le top 10, tous ceux qui sont là ont compris
une affaire, c'est que la stratégie pour faire de la business, c'est de
l'information.
Donc, je fais un petit parallèle avec la
business, mais c'est la même affaire. On est assis sur une très grande business
d'information au Québec par rapport à la santé et on la sous-utilise. Et la
sous-utilisation a un impact budgétaire important parce que c'est 50 % du
budget du gouvernement.
On tient à reconnaître les efforts, le courage
du ministère, ministère de la Santé, bien sûr, ministère de la Cybersécurité,
pour enfin doter le Québec de modifications législatives qui correspondent aux
aspirations de sa population et des cliniciens, bien entendu. Basé sur la
circulation de l'information, le Québec se dotera enfin d'une loi, ou de lois, qui permettra de se doter des
technologies des plus avant-gardistes, du courage pour annoncer au réseau
de la santé qu'on doit faire un virage de l'information coûte que coûte,
incluant les archivistes médicaux à devenir des techniciens en information
clinique, du courage pour changer le focus de la médecine et soins infirmiers
pour faire un focus sur l'information, qui est le nerf de la guerre, du courage
pour faire de l'information la pierre angulaire sur le plus gros chantier en
santé depuis 1978.
Il faut également avoir le courage d'annoncer
aux Québécois puis Québécoises que le projet DSN, ça ne va pas coûter
700 millions, mais qu'il y en a pour 12 milliards à investir. Tout ça
pour faire quoi? Pour informatiser l'ensemble du réseau de la santé sous peu
importe ses coutures et éviter de faire du bricolage de données quand vient le
temps de rassembler de l'information qui correspond à des visions du passé de
notre réseau de la santé. Parce qu'à l'heure actuelle, quand je vous parle de
500, 700 systèmes d'information, ces systèmes d'information là sont
souvent reliés aux façons de faire du passé. Il y a deux fusions de ça. Donc, on
parle de CHSLD, il y a un système pour les CHSLD.
On parle des CLSC, il y a un système... Puis, d'ailleurs, ces systèmes-là
remontent à 1992, alors ça vous donne une idée de la vétusté des
systèmes.
Quand arrive la maison des aînés, on est pour
ça, on veut prendre soin de nos âgés, bien, si ça arrive avec des nouvelles
préoccupations par rapport à des nouvelles intentions de systèmes
d'information, il faut inventer quelque chose d'autre. Sinon, si ça n'existe
pas, il faut le bricoler.
Alors, c'est ce que le projet de loi n° 3
nous permettra de passer outre. Mais, clairement, ça va prendre des
professionnels de l'information de santé, des professionnels qui connaissent
l'information, qui sont au coeur de cette circulation-là.
Et, oui, on parle de confidentialité et de sécurité, mais, pour nous, c'est
beaucoup plus que ça. Les gens, c'est de l'information. Et, si on veut
traiter les gens, c'est par l'information qu'on va pouvoir les traiter.
Alors, nous ne sommes pas peu fiers qu'entre les
deux projets de loi... parce que nous, on trouve certaines similitudes, PL n° 19 et PL n° 3, de voir des
mots apparaître qui étaient très peu présents ou pas présents dans l'ancienne mouture. On parle de communication, de sécurité,
de confidentialité, de journalisation, de conservation et de règles de
gouvernance. Et il y en a un qui a disparu, peut-être pour les bonnes raisons,
il s'agit de l'intelligence artificielle. Ça
a disparu. C'était très limitatif auparavant. Mais là il a complètement disparu
du projet de loi, et ça, c'est soit que ça amène des préoccupations ou soit
peut-être une opportunité de créer une loi spécifique pour l'utilisation
de l'intelligence artificielle en santé.
• (16 h 50) •
Vous le savez, le réseau de la santé québécois,
c'est 80 % à 85 % des hôpitaux et de toutes les autres missions du réseau qui sont papier. Alors, oui, il
y a parfois des préoccupations par rapport à l'utilisation du fax, mais,
si on remplace le fax par un fax Web, ça
demeure un fax. Et, si on remplace le fax Web par un courriel ou par un Teams,
souvent, le fax est plus efficace que le courriel. Donc, on parle de moyens,
encore une fois, alors qu'ici c'est de l'objectif dont il est question.
Le Président (M. Simard) : ...s'il
vous plaît.
M. Allard (Alexandre) : Certainement.
Mme Chagnon (Lise) : Juste pour
vous dire que nous sommes parfaitement en accord avec le projet de loi. Nous y voyons cependant quelques éléments qui,
pour nous, seraient importants de regarder de plus près. Et actuellement
on a beaucoup, beaucoup d'informations sur papier. On est très d'accord à ce
que la circulation de l'information se fasse au niveau informatisé, mais avec
certaines balises.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous deux. M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Caire : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous deux. Merci de votre présentation. D'entrée de jeu, j'aimerais revenir sur un commentaire que vous
avez fait initialement dans la présentation, où vous avez dit : Il
faudrait minimiser le recours au règlement et pérenniser le cadre. Donc,
je comprends que vous voudriez voir des éléments ajoutés à la loi plutôt que de les voir aller du côté réglementaire.
Donc, pouvez-vous nous préciser votre pensée là-dessus? Vous pensez à
quoi exactement? De quelle façon ça s'articulerait?
M. Allard (Alexandre) : OK. Par
rapport à l'utilisation des règlements, tout simplement, ce qu'on vient
mentionner ici, c'est que, si on vient définir la majorité des moyens à mettre
en place par règlement, ça pourrait faire en
sorte que, d'une gestion... d'un gouvernement à l'autre, qu'on vienne qu'à
dénaturer le réseau de la santé au complet, dépendamment, dépendamment
de quand... dans quelle situation qu'on est. Alors, à ce niveau-là, il y a des
éléments qui méritent un peu plus d'attention.
Par exemple, le consentement à l'utilisation des
données. Bien, par rapport à ça, il nous semble que, si on veut y aller dans la transparence, si on veut
donner, par exemple, l'opportunité aux usagers de choisir dans quels projets
de recherche ils veulent que leurs données
soient utilisées, bien, qu'on prévoie des éléments comme celui-là. Certains
parlent «d'opting out» partiel ou total, mais, dans certains cas, si on donne,
par exemple, la responsabilité aux établissements de faire cette collecte de
données là, moi, je me demande bien à quelle étape du parcours de soins, quand on est malade, on va commencer à prendre le
temps de décoder tout ce que ça veut dire. Et le principe de consentement
libre et éclairé, pour nous, a sa place.
Quand on parle de gouvernance, des règles de
gouvernance, présentement, au Québec, suite à une petite analyse suivant nos
contacts dans l'ensemble des établissements, les règles de gouvernance sont
très mal comprises par rapport aux technologies de l'information dans le
réseau. Certains établissements y voient un intérêt. Certains établissements ont mis de l'énergie mais ont mis
au rancart tout le beau travail qui était fait par rapport à ça. Donc, ce n'est
pas quelque chose où un établissement devrait décider quel bout fait son
bonheur, mais beaucoup plus de savoir qu'on se rallie tout alentour des
mêmes préoccupations. Donc, ce n'est pas quelque chose qu'on devrait remettre
dans les mains des établissements, mais beaucoup plus alentour d'un ministère,
par exemple. C'est deux exemples.
M. Caire : Bien,
en fait, est-ce que, justement, ce n'est pas l'objectif d'un règlement, de
s'assurer d'une pérennité? Parce que,
là, je me fais l'avocat du diable, vous comprenez que, quand on légifère, le
processus d'adaptation d'une loi est beaucoup plus rigide que d'un
règlement. Puis je comprends ce que vous me dites. Le côté négatif de
légiférer, c'est que, si on se rend compte
qu'une règle est mal adaptée, le processus pour la changer devient beaucoup
plus lourd, long et complexe.
Donc, je vous repose ma question, parce que, là,
vous semblez dire «au niveau des établissements», mais le règlement, il est
adopté par le Conseil des ministres, là. Donc, les établissements n'ont pas le
choix de se conformer au règlement. Ne pensez-vous
pas, à la lueur de l'exemple que vous venez de me donner, que le règlement est
peut-être, je ne dirai pas la meilleure solution, mettons, le
moindre mal?
M. Allard
(Alexandre) : Un bon point à débattre. Un bon point à débattre.
Je pense que, pour être en mesure... on
pense que c'est quelque chose qu'on pourrait analyser sous cet angle-là et
peut-être en fournissant aux parlementaires de l'information
supplémentaire pour étayer notre position. Je pense que ça pourrait être bien.
Mais on est dans ces principes-là. On est également dans des principes par
rapport à tout le volet de la confidentialité. Moi, je... on pense qu'il y a
avantage à être le plus transparent possible.
M.
Caire : M. Allard, vous avez parlé des... et ça, ce sont des mots
que je fais miens, là, des trop nombreux systèmes qui paralysent le réseau. Et
là vous, vous êtes archivistes, je suis informaticien. À quelque part, on va se
retrouver, je suis sûr. Ne croyez-vous pas, justement, que cette pluralité de
systèmes, qui, en plus, ont le défaut de ne pas
se parler, évidemment, tu sais, pour être bien sûr d'être dysfonctionnels, là,
ne croyez-vous pas que ça, c'est le fait, justement, d'une information qui a
été collectée, traitée et conservée en silo, et donc que le projet de loi, en
ce sens-là, va favoriser l'avènement de l'unicité ou l'uniformité,
devrais-je dire, des systèmes?
M. Allard
(Alexandre) : Très bénéfique, hein? Puis, on le dit, on est pour
quelque chose comme ça, et enfin un coup
d'air frais dans le réseau de la santé pour améliorer les affaires. On
travaille avec des trucs... avec de la vétusté de système, et, souvent, sans égard aux gens qui sont assis ici,
parfois, les ministères ne savent plus quelles informations ils
possèdent. Alors, vient des moments où on doit réinventer le bouton à quatre
trous. Il y a des systèmes ou des situations
où on doit ressaisir la même information. Et il y en a tout plein. Je pourrais
vous bombarder d'exemples — mon
temps est limité — mais
je pense qu'il y a beaucoup...
M. Caire :
On passe une belle journée jusqu'à date.
M. Allard (Alexandre) : Non,
non, non, mais dans le sens qu'il y a des belles, d'initiatives, mais la
problématique, c'est que les systèmes ne se parlent pas. Vous êtes en
informatique. L'interopérabilité de système, l'identification unique de l'usager, le Québec fait bande à part du reste du
Canada, alors pour y avoir été, à l'extérieur du Canada. Donc, clairement, il
faut identifier notre patient de façon unique au Québec, première des choses.
Donc, vivement une identification numérique de l'usager incluse dans la santé.
Souhaitons-le. Mais, clairement, oui, retirer des systèmes d'information de façon massive dans le réseau de la santé, mais
il faut garder une petite étoile à la tête parce que, dans le réseau de la santé, une technologie qui va faire 100 % de
ce que le réseau de la santé doit faire, impossible à trouver. Ça ne se peut
pas.
M. Caire :
Je vais vous poser une question, parce que, jusqu'à date, j'entends ce que
vous me dites. Donc, on s'entend que ça
prend de la mobilité de la donnée. Le PL n° 3 le fait. Cette mobilité-là
va nous permettre d'asseoir un
système informatique uniformisé. Là, on parle de changement... culture du
changement. On parle d'adapter ces façons de faire au système et non pas
le contraire, si on veut rester dans l'uniformité. Comment les archivistes
peuvent... techniciens en informations médicales...
M. Allard
(Alexandre) : S'il vous plaît. Informations cliniques...
M. Caire :
Informations cliniques.
M. Allard
(Alexandre) : ...étant donné qu'on est dans toutes les missions du
réseau de la santé.
M. Caire :
Comment pouvez-vous contribuer à ça?
M. Allard
(Alexandre) : En fait, les archivistes médicaux, les techniciens en
informations cliniques sont partout dans les
systèmes d'information, souvent dans le pilotage des données, dans
l'accompagnement des gestionnaires, des intervenants pour effectuer la saisie
d'informations dans les systèmes, la tenue de dossiers, les règles de conservation
et d'utilisation de données.
Encore
ce matin, je parlais à une cheffe par rapport... en néphrologie, où son équipe
conserve des informations avant de
les mettre en circulation, mais, clairement, elle a un impact sur elle, mais
sur toute l'équipe, sur tout le monde médical.
Donc, on peut aider l'ensemble du réseau à ce que l'information circule. C'est
les meilleures personnes pour vous aider parce qu'elles sont déjà les deux
mains sur l'électricité. Donc, si vous avez besoin de jouer dans l'électricité,
vous appelez un électricien, mais, si vous avez besoin de jouer dans les
données, vous appelez un archiviste médical.
M. Caire :
Un informaticien.
M. Allard
(Alexandre) : Ou un informaticien, mais l'informaticien...
M. Caire :
Non, non, je vous taquine. Je prêche pour ma paroisse.
M. Allard (Alexandre) : Non,
non, non. Puis on a toujours une bonne collaboration. Mais je me permets de vous
relancer. L'informaticien, lui, est très bon dans la coquille, est très bon
dans l'échange.
M. Caire :
Mais il ne s'occupe pas de la ligne d'affaires, non, non, vous avez raison.
M. Allard
(Alexandre) : Non, mais, le contenu, l'archiviste, on est le
spécialiste du contenu. Alors, voilà.
M. Caire :
Vous avez amené un concept que je
n'ai pas compris, puis, ça, j'aimerais ça que vous m'apportiez des précisions.
Parce que vous avez parlé d'un dépôt de données, et évidemment, à travers le
prisme du PL n° 3, on s'entend, là, je ne vois pas où on
conçoit la notion, là, du dépôt de données ou, en tout cas, pas dans le sens où
moi, je l'entends.
M. Allard
(Alexandre) : En fait... Bien, en fait, ça va m'amener une question,
mais bon. Système national de dépôt de renseignements, donc on peut y mettre un
paquet d'affaires là-dedans. D'ailleurs, j'ai une préoccupation très
personnelle là-dessus. À notre avis, ça en prendrait deux.
M. Caire :
Je vous laisserai...
M. Allard (Alexandre) : Mais,
bon, au travers de ça, une des choses qui n'est pas claire dans le PL n° 3, c'est : Qui est propriétaire de la donnée?
M. Caire :
Le patient.
M. Allard
(Alexandre) : Donc, s'il y a une problématique de journalisation, donc
j'abuse de son dossier, c'est le patient qui va mettre les mesures coercitives
en place?
M. Caire :
Non. OK. Là, vous parlez du fiduciaire.
M. Allard
(Alexandre) : Le propriétaire?
M. Caire :
Le propriétaire, c'est le patient, qui en est le fiduciaire.
M. Allard
(Alexandre) : Le fiduciaire, c'est qui?
• (17 heures) •
M. Caire :
Sur le... Bien, alors, voilà : Qu'est-ce que le PL n° 3
vous dit?
M. Allard
(Alexandre) : Le PL n° 3 dit que ce n'est
pas clair.
M. Caire :
Mais encore?
M. Allard
(Alexandre) : En fait, dépendamment où est-ce qu'on est, parfois, ça
va être le dépôt national de données, parfois, ça va être l'établissement,
parfois, il va y avoir des entreprises tierces.
M. Caire :
Le plus haut responsable.
M. Allard
(Alexandre) : Oui. Mais, étant donné que l'information circule, la
propriété de l'information, on ne peut pas
l'asseoir en quelque part. Parce que si, mettons, on se donne un exemple, je
suis dans une GMF de l'autre bord de la rue et j'abuse de mes accès
parce que, par exemple, je suis père d'une fille et je... dans son dossier
d'une mineure de 17 ans avec
avortement, déjà, c'est problématique, en partant, avec les lois actuelles. Si
j'abuse de l'accès, qui va dire au médecin : Ça ne fonctionne pas
du tout?
M. Caire : Donc, vous, ce que vous dites, c'est que vous
ne... la ligne hiérarchique, la ligne de responsabilité...
M. Allard
(Alexandre) : Ce n'est pas clair.
M. Caire :
...vous ne la retrouvez pas suffisamment clairement?
M. Allard (Alexandre) : Ce n'est pas clair. Exactement. Parce que les
endroits où on va retrouver de l'information sont multiples, ils ne sont
pas uniques.
M. Caire : Mais
là vous n'avez pas répondu, vous êtes un bon politicien, hein, vous n'avez pas
répondu à... Ma notion de dépôt de données, je ne l'ai toujours pas compris.
Ceci étant dit, votre commentaire est pris en compte, sachez-le. Je ne veux pas
faire de la diversion, là.
M. Allard (Alexandre) : Oui. Mais, le dépôt de données, on y voyait dans
le dépôt national de données, mais dépôt de données, aussi, locales dans
un établissement, dans un CISSS, dans un CIUSSS.
M. Caire :
Je comprends, je comprends. C'est beau.
M. Allard
(Alexandre) : Parce que la notion de flux d'information va aller
alentour d'une notion de dépôt.
M. Caire :
C'est parce que moi, j'ai en référence la loi n° 95,
qui nous amène sur les sources officielles de données.
Donc là, c'est un autre modèle de gestion dans lequel, éventuellement, la santé
va s'inscrire, dans le respect, évidemment,
du PL n° 3, là, mais c'est pour ça qu'il n'y a pas de... il
n'y a pas de velléité de faire une espèce d'entrepôt de données
gouvernementales, là.
M. Allard
(Alexandre) : Non, non, non, ce n'est pas...
M. Caire :
C'est parce que j'ai entendu, puis ça, je veux le dire au micro, là... j'ai
entendu : Ah! vous allez centraliser la donnée. Ce n'est pas l'objectif du
gouvernement. On en avait discuté, d'ailleurs, avec le collègue de Rosemont, ce n'est pas dans cette idée-là que ces
projets-là, 95 et PL n° 3 sont faits, dans cette espèce de gros
rassemblement de données à un seul endroit. Ce n'est pas du tout, du
tout du tout ça, le modèle qu'on veut mettre en place. C'est le club des ex?
Une voix : ...
M. Caire :
Je m'excuse.
M. Allard
(Alexandre) : Il n'y a pas de faute.
M. Caire :
Bon, vous avez parlé d'intelligence artificielle, vous avez dit :
L'intelligence artificielle a été retirée du projet de loi n° 3, il était
dans le 19. En fait, je vais faire un commentaire puis, après ça, je vais vous
poser une question. Le commentaire, c'est
qu'on veut un projet de loi qui est technologiquement neutre, ce qui était la
philosophie qu'on avait quand on a
adopté aussi la loi n° 64, qui est devenue maintenant la loi n° 25, et compte tenu que la loi n° 3 instaure un
régime de protection qui est hérité de la loi n° 25
avec les adaptations nécessaires. Il était donc nécessaire qu'il devienne
technologiquement neutre.
Ceci
étant dit, vous avez dit : Ça prendrait une loi. Il y a une stratégie
d'intégration de l'intelligence artificielle, au sein du gouvernement, qui est
pilotée par mon ministère, évidemment. Mais vous, vous parlez d'une loi. Pourquoi?
M. Allard
(Alexandre) : Pour encadrer son utilisation au gouvernement, comme en
santé. Parce qu'on peut faire plein de choses avec ça.
M. Caire :
Alors là, je vais... Oui, bien, en fait...
M. Allard
(Alexandre) : Plein de choses.
M. Caire :
Oui et non. Mais je vais relancer la discussion sur la prémisse de ce que
je vous ai dit : Une loi, c'est difficile à changer; une stratégie, un
règlement, il y a plus de souplesse, dans un contexte où on dit qu'on peut
faire plein de choses avec l'intelligence artificielle. Mais qu'est-ce qu'on
peut faire avec l'intelligence artificielle? La vérité, c'est qu'il n'y a pas de réponse précise à ça parce que ça
évolue tellement rapidement que... Est-ce que vous ne pensez pas qu'on
devrait, justement... se donner des mécanismes de contrôle, oui, mais avec de
la souplesse qui nous permet de s'adapter à une... Parce que, le temps qu'on
adopte la loi, l'intelligence artificielle va être rendue plus loin.
M. Allard
(Alexandre) : Effectivement. On n'est pas contre votre enlignement par
rapport à déployer... faire une différence entre le législatif et le
réglementaire. Par contre, d'installer un mécanisme, un mécanisme de contrôle éthique d'une technologie similaire, peu importe
comment on va l'appeler — aujourd'hui,
elle s'appelle comme ça, elle s'appellera une autre chose demain — serait
de bon augure. Parce que, oui, on peut faire des choses très belles avec
l'intelligence artificielle, comme on pourrait faire des choses très laides.
M. Caire :
Absolument.
M. Allard
(Alexandre) : Alors, de l'intégrer dans la loi, justement parce que
c'est difficile de le changer, il y aurait avantage de mettre quelque chose qui
oblige la soumission d'un dossier pour mettre ça en place à un comité d'éthique
particulier.
M. Caire : Bien,
c'est parce qu'à ce moment-là, et ma question n'était pas anodine... à ce
moment-là, je vous ramène au projet de loi, qui, dans le volet protection des
renseignements personnels, a quand même des éléments qui viennent encadrer notamment l'utilisation, pour
des processus décisionnels, de technologies, toujours dans un contexte technologiquement neutre. Évidemment, on n'a pas
ciblé l'intelligence artificielle, mais on parle d'outils technologiques
qui viennent en soutien à la décision et qui
amènent des obligations quant à la façon de communiquer, de gérer, de... etc.
Donc, est-ce que ça,
compte tenu de ce que la loi a à faire... Parce que l'idée de la loi n'est pas
de prescrire l'utilisation de telle ou telle technologie ou le déploiement, donc,
c'est vraiment de faire un cadre législatif. Est-ce que vous ne pensez pas
qu'avec les paramètres que je viens de vous mentionner la loi fait ce que la
loi doit faire, c'est-à-dire s'assurer que,
si on utilise des technologies, on les encadre, le facteur humain est pris en
compte, etc., ce que la loi, donc, dans sa version actuelle, fait quand
même?
M. Allard (Alexandre) : On
continue de penser qu'une obligation de soumettre à un comité éthique devrait
être écrite dans la loi, tout comme les chercheurs doivent... Il y a plein de
chapitres de la loi qui sont écrits par les chercheurs...
M. Caire :
Quand vous dites «un comité éthique», vous parlez d'un comité éthique au
moment où on fait le déploiement d'une technologie qui inclut l'intelligence
artificielle?
M. Allard (Alexandre) : Absolument.
M. Caire : Puis
vous en feriez une obligation légale?
M. Allard (Alexandre) : Absolument.
M. Caire : OK.
M. Allard (Alexandre) : Et,
quand vous dites que le règlement... la loi, je m'excuse, est technologiquement
neutre, quand vous allez dans les règles par rapport au système national de
dépôt de renseignements, ce n'est pas technologiquement neutre. Parce qu'on
parle de système de rendez-vous, de prise de rendez-vous, ça, c'est de la
technologie, on parle d'utilisation de communication simplifiée...
M. Caire : Pas nécessairement,
pas nécessairement. Le système, ce n'est pas nécessairement technologique. Ça
peut se faire au téléphone.
M. Allard (Alexandre) : On
parle de comment trouver un professionnel de la santé, on parle un petit peu de
technologie au travers de ça. Et, à la limite, c'est un peu limitatif parce
qu'il y a plein d'affaires qu'on n'a pas mentionnées, là-dedans : le
registre des implants du Québec, le registre des allergies, le registre des
intolérances, le registre des traumas, qui pourraient être là, le registre
d'oncologie. Alors, il manque plein de choses. Puis on reste, à la base, sur plein de petits éléments, je
comprends, qui vont améliorer la vie des citoyens, mais c'est des moyens, c'est
des outils, que des outils pour donner des services, ce n'est rien d'autre que
ça.
Le
Président (M. Simard) :
Très bien. Merci.
Merci. Je cède parole à la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Merci à vous
deux. Moi, je ne suis pas informaticienne comme le ministre, je suis avocate.
Mes questions vont être d'ordre plus général. Si je vous entends bien, là,
votre... vous n'êtes pas contre le projet de loi, là, dans son principe, pas du
tout, au contraire. Mais je pense que votre doléance principale, si j'ai bien
compris, c'est : Où sommes-nous?, nous avons un rôle à jouer, et la loi
n'a pas tenu compte de ce que nous, on doit... on va forcément... on devrait
apporter ou on va apporter dans ce nouveau système là. Est-ce que c'est ce
qu'on entend?
M. Allard (Alexandre) : Exactement,
exactement. On aimerait faire partie du changement, de la solution.
Mme Setlakwe : OK. Puis là, en
plus, on voit que... puis ça, ça déborde un peu de la loi, mais on entend que,
clairement, votre rôle a évolué, puis pas juste avec ce projet de loi là,
depuis des années. Donc, on va vous appeler les techniciens en information
clinique. Donc, ça, c'est une chose, là. Et là ça reste à voir, est-ce que...
Ça m'amène à mon deuxième point, aussi, qui semble être votre doléance aussi
importante, c'est : vous restez sur votre appétit, là, en lisant la loi,
il manque des... On comprend que ça va prendre des règlements, mais vous pensez
qu'il y a trop de transferts de cadres... ou cadres... en tout cas,
d'encadrement qui est transféré vers les règlements, là. Il faudrait quand même
ramener certains principes, certaines procédures dans la loi elle-même.
• (17 h 10) •
M. Allard (Alexandre) : Oui,
exactement. Donc, un peu comme on disait tantôt, on va revenir avec des
documents supplémentaires pour avoir une position complète et étayée. Je pense
qu'à brûle-pourpoint comme ça on se serait peut-être limité dans notre capacité
de répondre adéquatement. Mais vous avez raison.
Et, plus loin encore... Et il y a trois
professions qui vont être complètement atteintes, dans le réseau de la santé,
si PL n° 3 est adopté tel quel demain matin: les
premiers, en informatique, clairement, sur la gestion de la coquille; les
avocats devront absolument se refaire une tête par rapport à tout ça, parce que
ça change la donne; mais ceux qu'on change les couteaux puis les fourchettes à
la table, c'est les archivistes médicaux, parce que leur travail, c'est
100 % de l'information. On vous branche à l'ordinateur, et vous gérez de
l'information toute la journée, alors que le
médecin, on peut changer les moyens, on peut changer la façon dont on va faire
les choses, mais de la médecine va rester de la médecine.
Alors, certains disent : Ah! ça va
augmenter la charge de travail. Non, DSN va améliorer la charge de travail,
parce qu'on va faire de la réutilisation de l'information. Tu sais,
présentement, quand un patient décède, au Québec, vous savez que le médecin va
écrire, minimum, trois fois la même information dans un dossier? Minimum. Donc,
ils vont l'écrire sur le bulletin de décès, on reprend la même chose dans un
autre système, sur une feuille sommaire, et on va reprendre la même chose dans
les notes évolutives. Donc, l'objectif de ça, c'est de faire de la
réutilisation de l'information. Mais, pour
faire ça, ça prend des techniciens en information qui sont spécialisés pour les
accompagner. Pas parce que Pierre
décide quelque chose et Jacques décide quelque chose d'autre. Ça prend des gens
qui vont accompagner, amener les gens
dans la transition. Et les archivistes seront des personnes de transition dans
le réseau de la santé. Alors, sans ces gens-là, c'est se priver d'une
force de main-d'oeuvre qui permettra d'atteindre ces objectifs.
Mme Setlakwe : Est-ce que vous
avez des appréhensions vis-à-vis, là, les bras, là, la main-d'oeuvre? Est-ce
que déjà il y a un manque? Est-ce qu'on va manquer de gens pour...
M. Allard
(Alexandre) : C'est un enjeu. C'est un enjeu. Mais, un peu comme
on le disait d'entrée de jeu, ma religion à moi, c'est l'information,
alors plus vite on va amener de la réutilisation de l'information pour le
bienfait d'un patient, pour le bienfait d'un
établissement et d'un réseau de la santé, plus vite on sera en mesure de
contribuer positivement à limiter l'impact de la pénurie actuelle. Donc, on est
des fervents des «quick wins», des gains rapides pour pouvoir le faire. Donc, le secret est dans la sauce, les cuisiniers
sont aux commandes avec les appels d'offres DSN et compagnie, parce que PL n° 3 permet de mettre ces
choses-là en place. Mais, clairement, on a besoin des archivistes
médicaux pour être capable de faire la transition et de passer à la prochaine
étape. C'est ce qu'on souhaite.
Mme Setlakwe : On n'a pas
terminé nos consultations, là, mais votre intervention est assez unique, là, ça
amène vraiment une autre perspective, une
autre réflexion, je vous en remercie. Puis j'ai presque fini, je vous laisserais
peut-être avec une dernière question. Il y a
des choses qui, selon moi, sont vraiment de base, là, qui ont été questionnées,
demandées puis... comme : Qui est propriétaire de la donnée? Mais ça, ce
n'était pas clair selon vous.
M. Allard (Alexandre) : Non, ce
n'est pas clair. Puis c'est un petit peu comme les pénalités, si on abuse. Donc, par exemple, je vous donne un accès, vous
abusez, c'est une pénalité financière. Je devrais vous en retirer les accès,
peut-être vous passer au bureau, au conseil de discipline, peu importe. Je
comprends qu'il y a une partie, l'ordre professionnel,
mais le règlement, présentement, se base sur la bonne foi des utilisateurs et
sur les ordres professionnels pour
donner les consignes d'utilisation aux intervenants, donc le concept de la
nécessité. Donc, moi, je suis physiothérapeute, j'ai besoin d'avoir les
informations de votre dernière opération à l'estomac. Je suis physiothérapeute,
là. Est-ce que c'est vraiment pertinent? Qui va juger de la nécessité?
Moi, je pense que ces raisons d'être là doivent
être encadrées ou doivent être validées. Peut-être que, dans ce cas-là, la
nécessité, peut-être que des règlements vont faire l'affaire. Mais on pense
sérieusement qu'il faut mettre peut-être une table de concertation avec des
spécialistes en données, genre les archivistes médicaux, nous autres, on peut être là pour aider les ministères à mettre
des choses comme ça en place. Mais, clairement, la nécessité, c'est élastique,
hein? Une infirmière qui a besoin d'avoir accès à l'information de santé
concernant ses enfants, elle est infirmière, elle comprend tout ça, donc
sa nécessité à elle est différente. Donc, oui, les établissements sont en
mesure de gérer, avec parfois des mesures, et tout ça. Encore faut-il être en
mesure de mettre des mesures en place. Et, quand on a 85 % du réseau qui
est papier, les mesures, ça... On ne peut pas bricoler ça sur le coin d'une
table, là.
Mme Setlakwe : Non. Ça va pour
moi. Pas d'autre question. Merci.
Le
Président (M. Simard) : Merci, madame. Je cède la parole au député de
Rosemont, qui dispose d'environ 12 minutes.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bien, merci d'être là. Je ne suis pas informaticien non plus, loin
s'en faut. Je serais même, dans mon ancienne
vie et dans celle-ci, ce que les techniciens informatiques appellent un
code 18 : je suis le
problème à 18 pouces en arrière de l'écran. Ça fait qu'inutile de dire que
vous m'avez perdu à quelques occasions, vous et le ministre. Vous avez
du fun, c'est déjà ça, là, mais...
Une voix : ...
M. Marissal : Oui. En tout cas,
si on vous dérange, vous nous direz. On va essayer de démêler tout ça pour le
profane que je suis, là, puis on va continuer sur ce que vous disiez avec ma
collègue, là, de... de... Mont-Royal—Outremont — je
vais finir par l'avoir. Qui va juger de la nécessité? On est pas mal dans le
coeur de l'affaire, là. Votre exemple est parlant, là. C'est vrai qu'un
physiothérapeute puis l'estomac... Bon, je suis sûr qu'il y a un lien quelque
part, à un moment donné, là, mais, à première vue, ça n'a pas l'air évident,
là, de vous faire replacer l'épaule si vous
avez un problème d'estomac. OK. Vous, vous comprenez quoi, du projet de loi, en
ce moment? Qui décide de? Qui donne le go? Qui surveille?
M. Allard (Alexandre) : Présentement?
M. Marissal : Oui. De ce que
vous comprenez du projet de loi.
M. Allard (Alexandre) : Présentement,
c'est avec le consentement d'un usager que ça se fait.
Une voix : ...
M. Allard (Alexandre) : Ah! par
rapport au projet de loi? OK. OK.
M. Marissal : Oui, oui. Bien
sûr. Bien sûr.
M. Allard (Alexandre) : Bien,
en fait, par rapport à ça, la nécessité, tout est dans les mains de
l'intervenant. Donc, de ce qu'on en comprend — Lise,
corrige-moi si je dis des niaiseries — bien, c'est qu'on donne les outils, parce que vous êtes physiothérapeute, je
vous donne... Puis je ne cible pas principalement les physiothérapeutes, ça
pourrait être n'importe quel autre. Prenons un ergothérapeute ou un TS.
Je vous donne les accès, et à vous de vous contrôler. Grosso modo, c'est comme ça que ça marche. Et on demande à l'ordre
professionnel : Bien, produisez des «guidelines» que
vous allez publier à vos membres, pour dire : Bien, voici comment vous devriez
vous tenir par rapport à l'accès de
l'information. Vous savez à qui, dans un établissement, les intervenants se
réfèrent pour savoir qu'est-ce qu'ils ont le droit de faire ou pas? Nous. L'ordre professionnel, bien sûr. Mais,
parfois, pour venir décoder ce que l'ordre professionnel veut dire, ils viennent nous voir. Et, comme
président, ça m'est arrivé d'appeler le président de l'ordre des physio puis
des TS en disant : Ce que tu as écrit
dans ton règlement, ça ne s'applique pas, moi, je n'écrirais pas ça comme ça.
Ah! je vais changer mon règlement. Génial!
Et, quand
on parle de passer de réflexe papier à électronique, c'est de ça qu'il est
question. Pour les physiothérapeutes, on
demande, par exemple, d'initialiser chaque page d'un document remis à un usager.
Chaque page. Quand on est rendu à l'écran,
ça veut dire quoi? Signer chaque écran? Ça ne fonctionne pas. Alors, on a
besoin de professionnels en information pour être en mesure de guider
les gens sur le terrain, pour être en mesure de guider le réseau, pour mettre
en place des trucs qui sont efficaces, et,
un peu comme le ministre Caire disait, oui, à un certain point, de permettre
l'adaptation, OK, des équipes à des
meilleures pratiques. Mais, dans certains cas, il va falloir avoir l'humilité
de dire : La meilleure pratique, ce n'est peut-être pas tout à fait
celle qu'on est après jaser présentement.
Et, tu sais,
quand on parlait de pénurie, tantôt, vous le savez, que, présentement, il y a
des centaines d'infirmières, au Québec, que leur travail, c'est de
s'assurer, par exemple dans les médecines de jour, que votre protocole... Parce
que je vous diagnostique une bosse à l'aisselle, leur travail, c'est de
s'assurer que j'aie une prise de sang, j'aie une radiographie, j'aie un scan,
et tout ça. Leur travail, c'est ça, principalement. Un ordinateur est capable
de faire ça. Donc, quand on parle de
pénurie, il y a du monde, dans le réseau de la santé, et la réutilisation de
l'information va juste permettre de rendre ça plus fluide. Et on n'est
pas d'accord au fait que ça va rajouter de la lourdeur administrative aux gens.
Ça va en enlever 30 %, 40 %, de lourdeur administrative chez les
gens.
Mme Chagnon (Lise) : Ça va
permettre aussi aux usagers d'arrêter de répéter, répéter, répéter toujours
leurs histoires. Alors, le fondement du projet de loi, pour nous autres, il est
vraiment important et essentiel. Maintenant, c'est
ça, il y a quand même un certain niveau de... je ne dirais pas de coercition,
mais un certain niveau de jugement qu'il faut apporter pour s'assurer
que les gens qui y ont accès, ils ont accès à ce qu'ils ont droit d'avoir
accès. C'est le petit bout qui nous dérange un petit peu.
M. Marissal : Oui.
OK. Mais, en ce moment, là, malgré les fax puis les méthodes cléricales assez
archaïques, là, tout le monde comprend son sens de responsabilité, là,
il me semble? Ou, en tout cas, j'espère.
Mme Chagnon (Lise) : Pas
toujours. Pas toujours.
M. Allard (Alexandre) : Tu
sais, ça dépend. Le fax, ce qu'il a de génial, le fax, là, c'est que tu as une
alerte. Vous connaissez le poka-yoke, ou les
principes de gestion où on crée des détrompeurs? Le petit cordon sur votre
bouchon à essence, pour ne pas perdre le bouchon, ça s'appelle... c'est
du poka-yoke. Je ne veux pas aller trop loin là-dedans, c'est juste un
détrompeur pour que vous oubliiez de l'éviter. Le détrompeur du fax, c'est le
papier qui arrive dans la machine. C'est un
détrompeur pour les agentes administratives puis les infirmières, de
dire : Ah! il faut que je m'occupe de ça, j'ai du papier dans le
fax. Un courriel, ça n'avise pas. Je veux dire, tu as quelque chose de très
urgent qui rentre, là... Ah! tu peux te
mettre une alerte. Quand vous êtes sur une unité de soins, 50 alertes le matin,
50 l'après-midi, ce n'est pas une option, donc tu enlèves l'alerte de
courriel. Tu ne le sais pas, que ton document important vient de rentrer. Donc,
quand on parle de mécanique de communication, comme il est écrit à une place
dans le document, c'est une vraie mécanique de communication que ça prend en
place.
M. Marissal : OK.
Ça fait qu'on continue avec les fax, puis ça ne coûtera pas 12 milliards,
là, si je vous suis bien? Non, c'est une blague, ne répondez pas à ça.
M. Allard (Alexandre) : Vous me
partez?
M. Marissal : Ne
répondez pas à ça, on va perdre du temps pour rien avec mes niaiseries, là.
Bien, je ne le sais pas, j'ai l'impression que vous surcomplexifiez l'affaire
un peu. C'est peut-être dû à votre métier. Tu sais, vous dites...
Mme Chagnon (Lise) : On voit
tellement de cas...
M. Marissal : ...par
exemple : Les feuilles... chaque feuille du physio, il faut qu'elles
soient paraphées.
M. Allard (Alexandre) : Oui.
M. Marissal : Bon, je vous l'ai
dit, là, en toute franchise, là, je suis un peu technotwit, mais pas tant, là,
je suis capable de parapher des documents hypothécaires pendant que je vous
parle, par mon téléphone. Ça fait que ce n'est
pas si compliqué non plus, là, il ne faut pas... Je ne sais pas, vous avez
l'air de trouver que ça a l'air bien compliqué.
M. Allard (Alexandre) : Bien,
en fait, il faut juste savoir que des documents comme ça, c'est un gabarit d'impression seulement. Votre document pourrait
avoir un kilomètre de long, ça ne change rien. Donc, vous allez initialer
quoi, sur un document d'un kilomètre de long? Une fois à chaque
100 mètres? Donc, les réflexes papier, c'est des réflexes qui nous amènent là. Les façons dont vous
utilisez vos applications sur votre téléphone intelligent... a des réflexes
électroniques. Il faut amener la santé aux réflexes électroniques et lâcher les
réflexes papier. L'objectif est très clair, PL
n° 3 doit remplacer le papier puis le crayon des
intervenants sur le plancher, des infirmières, et tout ça. Donc, c'est bien de rajouter des agentes administratives, là,
dans les établissements, ils ne peuvent rien faire du travail des infirmières,
rien comme dans... rien. J'allais dire, «rien comme dans Ouellet», mais ça ne
marche pas.
• (17 h 20) •
M. Marissal : Est-ce qu'il y en
a, d'abord, tant que ça?
M. Allard (Alexandre) : Pardon?
Des agentes?
M. Marissal : Dans les
établissements, oui, qui sont arrivées.
M. Allard
(Alexandre) : Bien, il y en a, des agentes, mais leur travail
est très différent, il est complémentaire. On en a de besoin, c'est
clair qu'on en a de besoin, mais ce n'est pas en saupoudrant plus d'agentes
administratives qu'on arrive à faire plus de travail.
M. Marissal : On est d'accord.
Mme Chagnon (Lise) : Le
pourquoi de nos appréhensions, c'est aussi qu'on voit tellement de choses sur
le terrain, si vous saviez tout ce qu'on voit, que c'est... on a raison, je
pense, de vouloir s'assurer qu'il y a des balises claires qui sont mises pour que
certains...
M. Marissal : Allez-y, on vous
écoute. Allez-y, on vous écoute. Vous parlez de quoi, quand vous dites que vous
voyez plein d'affaires sur le terrain?
Mme Chagnon (Lise) : Mon Dieu!
Un médecin qui va vouloir consulter, pendant qu'il est en vacances, le dossier de ses enfants, des gens qui circulent de
l'information... On en voit, des choses qui ressortent dans les médias, mais
pas toutes les choses qui ressortent dans les médias.
M. Marissal : OK.
M. Allard (Alexandre) : Pas
toujours. Donc, une infirmière qui prend une photo de plaie puis qui envoie la photo de plaie au médecin, la photo est sur deux
téléphones cellulaires. Pas de consentement d'usager. Puis le vendredi
soir, avec une petite coupe de vin, vous pensez qu'on jase de quoi? Ces
gens-là, cliniques, ils jasent de ça : Tu n'as pas vu ce que j'ai vu en
fin de semaine...
M. Marissal : OK. Mais là il
faudrait avoir une loi sur la conscience morale. Ça n'arrivera pas, là.
M. Allard (Alexandre) : Bien,
clairement. Si on met...
M. Marissal : Il
n'y a rien qui va empêcher ça, avec l'informatique. D'ailleurs, les policiers
qui fouillent dans le... ça arrive, là, aussi, là.
Mme Chagnon (Lise) : Ça arrive
aussi, oui, oui.
M. Allard (Alexandre) : Oui.
Puis déjà qu'on a déjà une obligation, qui est tout à fait récente, les choses,
tranquillement, se mettent en place, sur un registre des incidents de
confidentialité, clairement, c'est sous-déclaré au Québec. Donc, vivement
quelque chose comme celle-là, c'est un pas dans la bonne direction. Mais, en
quelque part, c'est à partir du moment qu'on
donne des outils technologiques aux gens dans leurs mains pour faire leur
travail, les gens se trouvent plein de façons de faire les trucs.
Un jour, j'ai déjà enlevé le droit d'impression
à une infirmière. Elle était... c'était une CEPI, donc c'est une infirmière à l'école, qui était là pour faire ses
stages. Elle, elle voulait prendre des images du dossier pour être capable de
faire une belle présentation à l'école, sans égard à la confidentialité, des
dizaines et des dizaines de pages du dossier. Alors,
on apprend ça, on lui enlève les droits. Vous savez ce qu'elle a fait? Elle a
pris son téléphone, puis elle a pris des photos du dossier, puis elle
l'a sacré dans sa présentation à l'école. Nous, il a fallu faire un retour à la
maison d'enseignement, à l'université, pour faire en sorte qu'il y ait une
conséquence de faite.
Donc, si le propriétaire de l'information,
c'était nous... Si ça n'avait pas été nous, le propriétaire, on n'aurait jamais
fait de retour par rapport à l'infirmière, on aurait dit : Fais tes trucs
puis...
M. Marissal : Je prends la
balle au bond ici, là, M. Allard. Outre le fait de changer votre nom puis
de vous encadrer dans le projet de loi, c'est votre demande, là, puis elle est
légitime, vous voyez quoi, vous, comme rôle? Voyez-vous
un rôle de... je ne dirai pas shérif, là, parce que ça a déjà été employé pour
quelqu'un d'autre ici, là, mais...
M. Allard (Alexandre) : Je
comprends. Bien, souvent...
M. Marissal : Oui...
bien, de contrôle, de...
M. Allard (Alexandre) : Je
comprends. Bien, souvent, les médecins nous appellent la police des dossiers, alors on est capable de jouer ce rôle-là. Mais,
clairement, dans la journalisation, on a des «assets», on a des compétences
particulières par rapport à ça, les contrôles de sécurité, par rapport à la
gestion des profils d'accès, par rapport à la circulation de l'information, ce
qu'on... dans le jargon, on appelle les trajectoires cliniques. Vous l'avez
peut-être déjà entendu, notre gang connaît ça, les trajectoires cliniques.
Donc, encore ce matin, j'avais une cheffe de service qui a fait une revue de dossiers, puis elle se demandait pourquoi les
données du ministère puis les siennes ne fittaient pas.
Le Président (M. Simard) : ...secondes.
M. Allard (Alexandre) : Ils ont
fait une analyse dans les dossiers médicaux, ils n'ont pas invité d'archiviste médical. Donc, ce qu'ils se sont... ce qu'ils
n'ont pas réalisé, c'est la raison pour laquelle on leur disait qu'ils n'étaient
pas corrects : ils ont analysé la mauvaise affaire. Ça, c'est ce matin,
ça.
M. Marissal : OK. Je n'ai plus
de temps, mais on va vous réinviter, vous êtes passionnants...
M. Allard (Alexandre) : Je suis
passionnant!
M. Marissal : ...passionnants
les deux, hein, je veux dire. Puis, M. le ministre, on a trouvé un autre
shérif, un nouveau shérif, ici.
Le Président (M. Simard) : Bon,
bon, bon, alors, très bien...
M. Marissal : Alors, je vous
invite à prendre des notes. Merci de votre présentation.
Le
Président (M. Simard) : Très bien. Alors, M. Allard,
Mme Chagnon, merci beaucoup pour votre présence parmi nous, ce fut
fort apprécié.
Sur ce, nous allons suspendre momentanément nos
travaux.
(Suspension de la séance à 17 h 25)
(Reprise à 17 h 30)
Le
Président (M. Simard) : Chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, chers collègues! Nous sommes en ondes.
Nous avons le plaisir de recevoir des
représentants de l'Association des établissements privés conventionnés. Madame,
monsieur, soyez les bienvenus. Auriez-vous, d'abord, l'amabilité de vous
présenter, s'il vous plaît?
Association des
établissements privés conventionnés (AEPC)
M. Nadon (Jean) : Jean Nadon,
président de l'Association des établissements privés conventionnés.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue.
Mme Lavoie (Annick) : Annick
Lavoie, directrice générale de l'Association des établissements privés
conventionnés.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue
à vous aussi.
Mme Lavoie (Annick) : Merci.
Le Président (M. Simard) : Alors,
nous vous écoutons, et vous disposez de 10 minutes.
M. Nadon (Jean) : Je suis Jean
Nadon, président, et... Annick Lavoie, directrice générale. Au nom de tous les
membres de l'association, je vous remercie de nous donner l'occasion de nous
prononcer sur ce projet de loi. Une fois adopté, il aura pour effet d'améliorer
nos façons de faire sur une base quotidienne.
D'abord, permettez-moi de vous faire un bref
topo. L'AEPC regroupe 28 propriétaires gestionnaires, qui représentent
59 établissements et installations, 57 centres d'hébergement et de
soins de longue durée et deux centres de réadaptation, incluant une unité de
soins palliatifs répartie dans 11 régions au Québec. La mission de l'AEPC
est de promouvoir l'excellence des soins et des services de proximité offerts
par nos membres, de soutenir la place de l'entreprise
privée conventionnée dans le domaine de la santé et des services sociaux et de
mettre en valeur les intérêts de nos membres et leur contribution
essentielle. Les établissements privés conventionnés offrent des services
publics qui sont gérés
par le privé. C'est, donc, dire que les usagers qui sont admis dans nos établissements
de santé proviennent du mécanisme d'accès à l'hébergement et ont la même
contribution de l'usager que dans un établissement public.
Nos établissements
sont régis par les mêmes lois, normes, règlements et conventions collectives
que les établissements publics. Les EPC sont reconnus pour offrir des soins et
des services de qualité supérieure dans des environnements sécuritaires et
agréables. Ce sont des experts en soins et services de longue durée avec
hébergement et en réadaptation physique. Ce
modèle a fait ses preuves puisqu'un des engagements pris par le premier
ministre lors de son discours
inaugural, en 2021, est celui de conventionner tous les CHSLD privés du Québec
afin d'assurer des soins de qualité à tous les aînés.
Pendant les éclosions
dans les milieux d'hébergement pour aînés, les EPC se sont démarqués
positivement par leur gestion de proximité, leur agilité et la détermination de
leur personnel engagé, qui ont contribué ensemble à limiter l'impact des
éclosions sur les résidents. Un autre constat partagé par plusieurs à la suite
des enquêtes menées auprès... après le drame dans les CHSLD, la coroner Kamel,
la Commissaire à la santé et au bien-être ainsi que la Protectrice du citoyen ont
été très claires en disant qu'on avait un déficit d'information, et que ceci
avait contribué largement aux difficultés observées. Pendant la pandémie, le
manque d'information en temps réel était critique.
On a vraiment un
rattrapage à faire dans la collecte d'information, à en faire largement état, mais
je vous rappelle qu'il existe trop souvent un mur de Chine entre l'hôpital et
le CHSLD, ce qui fait en sorte que nous avons reçu des clients contaminés qui
ont été à l'origine d'éclosions et de décès. Mmes et MM. les députés, lors de
l'étude détaillée du projet de loi, je vous invite à reconnaître l'importance
d'une meilleure fluidité de l'information à travers l'ensemble du réseau de la santé, peu importe si c'est un organisme
public ou privé. Nous sommes tous mobilisés pour offrir des soins de
qualité et sécuritaires, mais encore faut-il nous donner les moyens de le
faire.
On
ne peut passer sous silence le tsunami créé par le vieillissement de la
population. Le Vérificateur général a mis
en lumière, en mai dernier, le manque de planification pour répondre aux
besoins des aînés en grande perte d'autonomie. Selon le Vérificateur général, il est alors nécessaire d'établir un
portrait juste de la demande future des aînés en grande perte
d'autonomie pour des soins de longue durée en tenant compte de l'évolution
démographique ainsi que de l'état de santé
de ces aînés et en assurer régulièrement la mise à jour. Comment établir un
portrait juste de la situation si on se prive de 25 % des lits en CHSLD,
soit ceux qui sont opérés par les partenaires privés? De plus... de suivre l'évolution
de la demande actuelle et future, il importe d'analyser les besoins de la
clientèle hébergée, qui s'alourdit de façon significative, afin d'adapter les soins
et le milieu de vie et de prévoir des ressources nécessaires.
Nous partageons ces
recommandations, et voilà pourquoi nos commentaires sur le projet de loi ne
visent pas à en faire une analyse juridique, mais plutôt à vous convaincre du
bien-fondé d'une telle réforme. Le Québec est en retard sur ce front, et notre
mémoire témoigne d'une multitude d'exemples où un meilleur partage de
l'information bénéficierait autant aux résidents, aux familles qu'aux membres
de nos équipes soignantes. Je laisse le soin à Mme Lavoie de vous
illustrer quelques-uns des exemples.
Mme Lavoie
(Annick) : Merci, M. Nadon. L'accessibilité aux renseignements de
santé et de services sociaux est un virage nécessaire que le Québec ne peut se
permettre de manquer. Il en va de l'intérêt du résident et de ses proches puisqu'un partage d'information plus
fluide entre les établissements permet aux professionnels de la santé de
prendre d'importantes décisions cliniques avec justesse et de manière
sécuritaire. Il est fort regrettable de constater encore aujourd'hui que des informations cruciales
permettant d'assurer la sécurité des résidents ne sont pas transmises en
temps opportun ou que le dossier papier n'est tout simplement pas à jour. Il me
fera plaisir de vous donner un exemple si le temps nous le permet.
Encore
aujourd'hui, lors d'un transfert d'un patient vers un CHSLD ou un hôpital, une
infirmière a la tâche de rassembler une multitude de copies du profil, des
rapports, des évaluations diverses du patient. Ces documents sont remis à ce dernier, qui devra, à son tour, les
remettre à son arrivée. Non seulement ce processus est loin d'assurer la confidentialité des renseignements contenus
dans l'enveloppe, mais il est... et, en plus, il monopolise une ressource
à une tâche qui n'est nullement à valeur ajoutée. L'informatisation des données
de santé permettra une meilleure fluidité de l'information entre professionnels
et un accès plus rapide à des données critiques. Le fardeau des patients et des proches aidants à dire et redire les mêmes
informations sera allégé et leur confiance dans le système de la santé
sera d'autant plus grande.
Pour permettre une
telle avancée, certaines balises seront nécessaires, dont notamment le traçage
de l'accès à l'information. Le PL n° 3 vient modifier
le Code des professions, et il reviendra aux ordres professionnels de la santé d'encadrer l'accès aux différentes données de
leurs membres afin d'assurer la protection du public. L'utilisation d'outils communs
et standards devra être préconisée pour faciliter l'élaboration des tableaux de
bord, le suivi des données, le repérage des
informations et la continuité des soins. Autre clé de succès,
l'interopérabilité des systèmes informatiques. Personnellement, il n'y a
rien de plus frustrant, en 2023, que des entraves causées par l'informatique.
Est-ce que la solution passe par un système
unique dans l'ensemble des établissements? À vous de voir, mais, minimalement,
tous les systèmes devraient pouvoir communiquer entre eux.
Avant de conclure, je
réitère que nous sommes en accord avec l'intention du législateur voulant que
l'information circule plus aisément et que les barrières actuelles soient
levées. Ceci aura un impact direct sur la lourdeur
administrative actuelle et permettra une meilleure utilisation des ressources
humaines, au bénéfice de l'ensemble des patients du Québec. Dans un
contexte où nous sommes confrontés à une pénurie de personnel de la santé, il
est inacceptable d'imposer des
évaluations à répétition, alors qu'une communication plus fluide entre
établissements viendrait alléger le fardeau, en plus de favoriser une plus
grande collaboration.
Nous encourageons, donc, le législateur à mettre
en place un cadre rigoureux et sécuritaire pour toutes les organisations en
possession de renseignements de santé et de services sociaux. En plus de
favoriser la confiance des patients, ce projet de loi imposera de nouveaux standards et une plus
grande uniformité des pratiques en ce qui concerne le partage de
renseignements. En balisant adéquatement l'accès et le partage de
renseignements de façon sécuritaire, nous
serons à même de contribuer à un rehaussement de la qualité et de la sécurité
des soins aux aînés, sans compter que le personnel pourra s'y retrouver
plus aisément, peu importe l'endroit où il aura à travailler.
Alors, nous sommes prêts à prendre vos
questions.
Le Président (M. Simard) : Alors,
M. le ministre, à vous la parole. Mme la députée d'Huntingdon, alors?
M. Caire : Bien, je vais...
Oui, bien, vas-y.
Le Président (M. Simard) : Allez-y,
chère collègue.
M. Caire : J'enchaînerai.
Mme Mallette : Vous
enchaînerez? Parfait.
Le Président (M. Simard) : Vous
disposez de 16 min 20 s.
• (17 h 40) •
Mme Mallette : Bonjour, ça va
bien? Dans le fond, j'aimerais juste valider avec vous ma compréhension. Vous
avez dit que la confidentialité d'un dossier, quand il est papier — parce
que, bon, il y a des photocopies, après ça,
il est donné — ça
pouvait avoir des enjeux de sécurité. Donc, est-ce que, selon vous, le projet
de loi n° 3 va augmenter la confidentialité des dossiers des
patients?
Mme Lavoie (Annick) : ...très
certainement, la sécurité par rapport à la confidentialité, parce que, quand je
mentionne ça, je donne un exemple : vous avez un patient qui est en CHSLD,
qu'on transfère à l'hôpital pour un examen.
Il part avec sa petite enveloppe. Bon, il oublie l'enveloppe dans l'autobus de
transport adapté. Bien, l'enveloppe, elle
est là. Alors, quelqu'un peut l'ouvrir et regarder les données qui sont
strictement confidentielles. Donc, c'est un accès qui est quand même
relativement facile. Donc, effectivement, dans un accès électronique, où on
doit avoir peut-être un jeton ou
quelque chose qui nous permet d'y accéder, avec un traçage, on sait que... qui
est allé dans le document et à quel endroit il est allé, on a une
sécurité qui est augmentée.
Mme Mallette : Merci.
Le Président (M. Simard) : M.
le ministre.
M. Caire : Vous avez parlé de
balises par rapport au partage des données, donc, s'assurer qu'il y a un cadre qui est suffisamment, je paraphrase, rigoureux. Est-ce à dire que vous
trouvez que le projet de loi, de ce côté-là, n'est pas suffisamment
clair ou suffisamment restrictif?
Mme Lavoie (Annick) : Non, ce
que je dis, c'est qu'il faut s'assurer que, sur le terrain, on fasse vraiment
ces accès limités, qu'on encadre vraiment bien l'accès.
M. Caire : OK. Donc, ça
m'amène... ça amène la question suivante, parce qu'on écoutait, tout à l'heure,
les archivistes nous raconter des histoires d'horreur, là, sur une utilisation
pour le moins cavalière des renseignements de santé, qui sont... qui ne sont
évidemment pas permises par la loi. Donc, on s'entend que, là, il y a tout un
processus qui doit être mis en place, de contrôle, mais j'aimerais ça vous
entendre là-dessus, par rapport à ce que vous voyez dans le projet de loi par
rapport à ce que sont les responsabilités des uns et des autres, et des
obligations. Est-ce que vous pensez que le cadre législatif favorise la mise en
place de ces balises-là par une bonne compréhension de qui fait quoi, quand,
où? Je ne sais pas si vous comprenez ma question. Est-ce que c'est suffisamment
clair? Parce que, tout à l'heure, là, les
archivistes nous disaient, bien, qui est le propriétaire de la donnée, oui,
mais qui est le fiduciaire, qui est
responsable, puis eux semblaient dire qu'il y avait peut-être des précisions à
apporter. Vous, comme gestionnaires d'établissements, est-ce que ce que
vous voyez, dans le projet de loi, ça vous rassure par rapport... on est clair
par rapport à la ligne d'autorité? Je vais le dire comme ça.
Mme Lavoie (Annick) : Écoutez,
ce que je vous répondrais, c'est... Ça va être une responsabilité qui est
imposée à plusieurs groupes. Donc, je vous mentionnais... Bon, les autres
professionnels auront à faire leur bout de chemin, qu'ils ont d'ailleurs...
parce qu'ils ont des règlements qui permettent d'aller dans telle section du
document. Chaque ordre a son accès au dossier. Alors, bon, ils mentionnaient,
tout à l'heure, un physiothérapeute. Bien, un physiothérapeute n'a pas
nécessairement accès à la liste de médicaments parce que ça n'a pas rapport
avec l'action qu'il doit prendre, le soin qu'il doit faire. Par contre, vous
avez une nutritionniste qui, elle, a accès à beaucoup plus de sections dans le
dossier parce que ça a beaucoup plus d'impact. Alors, ce genre de chose là
existe déjà par des règlements dans chacun des ordres professionnels, et il
faudra s'assurer que, dans un dossier électronique, il y ait des accès qui ne
soient pas accessibles. Je ne suis pas informaticienne, mais je suis sûre qu'il
y a des technologies qui nous permettent de bloquer des sections, et qu'on
pourra utiliser ça.
M. Caire : Bien,
sans entrer dans les considérations technologiques... Je vais laisser le soin à
mon collègue de Rosemont d'adopter cette ligne-là puisque... Non, mais, plus
sérieusement, dans la perspective d'un projet de loi qui est technologiquement neutre, parce que je comprends que vous avez
une préoccupation... Quand on va déployer une application, est-ce que cette application-là peut faire de la gestion de
permission? La réponse à ça, c'est oui, mais restons au niveau du projet de
loi, parce que, justement, cette question-là a été soulevée, puis je vais faire
un lien avec ma prochaine question, parce que vous avez parlé de la
fluidité, puis moi, je veux vous entendre là-dessus.
Est-ce que
cette... Ces restrictions-là qui sont prévues, est-ce qu'elles sont, selon
vous, facilement transposables sur le
terrain? Comme gestionnaire, là, est-ce que... moi, j'ai à assumer cette
responsabilité-là dans mon établissement. Est-ce qu'on vous impose un
fardeau trop lourd? Est-ce que vous comprenez bien quelles sont vos
responsabilités? Est-ce que les responsabilités sont au bon endroit, aux bonnes
personnes? Parce que, par rapport à la balise dont vous parliez, là, je pense
que c'est plus cet angle-là qui serait intéressant, compte tenu que la loi
n'aborde pas les questions technologiques. Voilà.
Mme Lavoie
(Annick) : Je laisserais peut-être mon collègue répondre,
étant donné qu'il est déjà propriétaire.
M. Nadon (Jean) : Écoutez, on
est ici... Quand on parle de fluidité, je veux juste donner un exemple. Quand
un résident arrive dans un établissement, peu importe, d'un CHSLD à l'autre,
comme de raison, normalement, c'est les mêmes informations, on reçoit par
courriel environ 50 à 70 pages scannées... et on reçoit ça, et une des
raisons on est ici aussi, c'est pour essayer d'avoir une fluidité, et le...
Quand on pense que c'est une infirmière qui va rentrer toutes ces
informations-là, et, en plus, que ces informations-là, la plupart du temps, ne
sont pas à jour, c'est... il y a encore une plus grande... Nous autres, c'est
sûr que c'est un côté terrain qu'on vous parle. Le côté technologique, des fois, je vous laisse la sécurité, et tout ça,
parce qu'on sait que... On connaît le DSQ. Je pense qu'il y a des accès, et
tout ça, c'est bien, mais, dans... par rapport aux centres d'hébergement, si on
regarde, depuis la pandémie, je pense, il n'y a pas eu de fluidité, et,
avec le manque de personnel, je pense qu'on est à l'heure d'actualiser soit des
informations communes ou de... par rapport à l'hôpital versus un CHSLD. Quand
on parle... on est encore en train de partir avec... la dame part avec son enveloppe, puis elle revient avec une enveloppe,
puis on n'a même pas le portrait global, on parle de sécurité. On parle
aussi de... Avec la pénurie d'infirmières, et tout ça, c'est un des grands
enjeux qu'on vise en... pourquoi qu'on est là en ce moment.
M. Caire : Mais, au niveau de la
fluidité, parce que... Je pense que c'est au début de l'intervention que vous
avez dit : Ça va être important de reconnaître le besoin de fluidité.
J'aurais envie de vous dire : Bien oui, on dépose le PL n° 3
parce qu'on le reconnaît, donc, mais est-ce que le PL n° 3...
parce qu'il y a un volet, bon, puis je pense qu'on l'a abordé... il y a un
volet protection des renseignements personnels qui est quand même très
important, mais il y a aussi, comme
objectif, de rendre plus accessible, je vais le dire de cette façon-là... puis
de s'assurer d'une mobilité de la donnée. Donc, je pense que ça répond à
votre préoccupation. Est-ce qu'on le fait bien? Est-ce qu'on le fait suffisamment?
Et est-ce que ce qui est prévu comme mobilité de la donnée par le PL n° 3 à l'intérieur du réseau de la santé... est-ce que ça
répond aux problèmes, est-ce que ça corrige les problèmes que vous avez
rencontrés, auxquels vous avez fait face, notamment pendant la pandémie?
Mme Lavoie (Annick) : À
première vue, ça semble combler les attentes, effectivement. Et je parle pour
le réseau des CHSLD, là, je ne suis pas du tout dans les hôpitaux ou quoi que
ce soit, mais, pour nous, c'est une façon de régler beaucoup d'incohérences et
de manques, si on veut, oui.
M. Caire : OK. On a entendu, à
quelques reprises, que le PL n° 3, c'était une bonne
idée, mais il devrait se limiter à... La
fluidité de l'information devrait se limiter aux professionnels de la santé
versus les patients, que, d'avoir cette possibilité-là au niveau des
gestionnaires, ce n'était pas une bonne idée, ça pouvait entraver la
confidentialité et la vie privée, voire
même... je ne me souviens plus comment ça nous a été dit, là, mais la pratique
de l'acte médical ou la confidentialité de l'acte médical. J'aimerais ça que
vous, du point de vue des gestionnaires, vous nous disiez ce que vous pensez de ça, et ce que cette mobilité-là de
la donnée peut faire pour vous, comme gestionnaires, est-ce que ça peut
amener de l'efficience? Si oui, de quelle façon et qui va en bénéficier?
• (17 h 50) •
Mme Lavoie (Annick) : Bien, en
fait, si on y va avec l'utilité de la donnée, je ne suis pas certaine qu'un
gestionnaire a nécessairement besoin d'avoir accès à toute l'information qui va
être contenue dans ce dossier-là. Par contre, certaines informations vont être
cruciales. Comme si, par exemple, on nous transfère un patient qui a de
l'obésité morbide, bien, c'est important que le gestionnaire puisse savoir...
bien, parce qu'on n'a pas des chambres, pour
ce genre de patient là, en quantité industrielle, alors il va falloir qu'il
soit capable, en mesure de dire : Oui, est-ce que j'ai une place,
non, je n'ai pas de place, est-ce que j'ai besoin d'un équipement? Ce genre de
chose-là peut être important, mais, d'avoir tout le détail de ce que le patient
a comme complexité médicale, je pense que ce n'est pas nécessairement utile.
M. Caire : Mon
point n'était pas évidemment d'avoir tout le détail parce que ce n'était pas...
mais entre tout le détail puis... entre tout ou pantoute, j'imagine
qu'il y a comme un juste milieu?
Mme Lavoie (Annick) : Tout à
fait.
M. Caire :
Puis, en fait, M. Nadon, je pense, c'est vous qui avez abordé la
question de la surcharge de travail pour des fins administratives. De quelle
façon le PL n° 3 peut faire partie d'une solution
pour réduire cette charge de travail là, libérer des ressources pour d'autres
tâches? En quoi ça, ça va faire partie... parce que vous semblez dire que ça
peut faire partie de la solution. En quoi ça peut faire partie de la solution?
M. Nadon
(Jean) : Je pense, c'est d'encadrer les données pour que la fluidité
entre les établissements... Je pense, en gros, c'est ça. Quand on sait aussi
qu'en ce moment, les CHSLD, on a environ 4 500 places en attente et
on voit que le roulement est de plus en plus rapide dans les CHSLD, bien, il
faut... Ça fait que, donc, on reçoit de plus en plus... Le roulement de
résidents est de plus en plus rapide. Donc, en ayant cette fluidité-là, bien,
les gens vont passer beaucoup moins de temps... Il y a beaucoup moins
d'erreurs. Et, quand on parle aussi de sécurité, c'est... En ce moment, on
laisse les établissements un peu avec, des fois, des logiciels un peu maison.
Quand on parlait un peu de recevoir ça par
courriel, et puis, après ça, là, on met ça sur l'ordinateur, est-ce que
c'est... tu sais, avec une... tu sais, on est tous beaucoup plus
vulnérables avec une clé, tout ça.
Ça fait qu'il faut
juste faire attention aussi, parce que ces informations-là, on les a dans les
centres. Ça fait que c'est pour ça que je parle... On est réellement... Dans le
réseau de la santé, on est réellement la... C'est vraiment une base, là, qu'est-ce qu'on a. Quand on a... Si
on n'est pas capable de paramétrer des logiciels communs en hébergement, ce qui
est quand même très précis, avec des paramètres, on est loin... puis de laisser
les établissements, chacun... pas modifier, mais avoir leur propre
logiciel, parce que, oui, il y en a plusieurs, puis il y a beaucoup de choses
maison, bien, je pense, la sécurité,
c'est... Je n'ai pas besoin de vous expliquer pourquoi que le projet de loi...
Si on encadre ça, ça va être beaucoup plus sécuritaire.
M. Caire :
Merci.
Mme Lavoie
(Annick) : Est-ce que je pourrais vous donner un petit complément
d'information?
M. Caire :
Laissez-moi y penser.
Des voix : ...
M. Caire :
Je vous en prie.
Mme Lavoie
(Annick) : Je vous dirais que, quand on reçoit des données qui sont
papier, on mentionnait tout à l'heure qu'elles ne sont pas toujours à jour.
Donc, on a besoin d'avoir une infirmière, que ce soit la DSI ou une infirmière
clinicienne, qui doit communiquer avec l'autre hôpital et dire : Telle
affaire, est-ce que c'est toujours d'actualité? Est-ce que le patient a changé?
Est-ce que son état est toujours stable? C'est beaucoup de temps. Donc, c'est
l'utilisation d'une ressource très particulière, une infirmière, pour une
activité qui n'est pas à valeur ajoutée du tout.
Donc, c'est vraiment... Le fait de pouvoir avoir accès rapidement au dossier et
à la donnée, l'infirmière n'aura pas besoin d'appeler pour valider...
Donc là, ça vient d'enlever une certaine lourdeur administrative... puis une
utilisation de ressources beaucoup plus adéquate.
M. Caire : Bien,
ça m'amène une autre question, parce que ce que vous décrivez là avec le
papier, est-ce qu'on ne le vit pas aussi avec des systèmes d'information qui
vont colliger, chacun de leur côté, des informations puis se désynchroniser?
Alors, dans ce sens-là, est-ce que le projet de loi n° 3
n'amènerait pas aussi cette capacité-là à s'assurer que, même dans nos systèmes
d'information, on n'a pas une information qui n'est plus intègre? Parce que M. ou Mme Untel a consulté à telle date, plus
tard, reconsulte à un autre endroit, mais là j'ai deux fois la même personne,
mais à des endroits différents, avec des informations différentes. Donc, cette
désynchronisation-là, est-ce que vous la vivez aussi dans les systèmes
informatiques?
Mme Lavoie
(Annick) : Bien, c'est la raison pour laquelle je disais que, tout à
l'heure, les systèmes doivent se parler. L'interopérabilité entre les systèmes
est importante pour que, justement, il y ait un système... on ne soit pas en
phase avec deux systèmes. L'importance est là.
M. Caire :
Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Je cède maintenant la parole à notre collègue de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe :
Merci, M. le Président. Merci à vous deux. Vous êtes assez clairs dans vos
propos, là. On entend que vous accueillez favorablement ce projet de loi là. En
fait, vous semblez l'attendre avec impatience. Moi, je suis plus à la recherche
d'exemples concrets puis je vais poser une question plus générale avant de vous
offrir l'opportunité de nous donner des exemples concrets d'irritants, mais,
pour vous, le projet de loi... Parce que, là, vous, vous hébergez des aînés qui
sont dans des CHSLD conventionnés. Et donc le bénéfice du projet de loi, il est
surtout pour... comment vous le voyez, le gestionnaire, donc, pour l'infirmière — vous
parlez souvent des infirmières, puis ça, ça m'interpelle beaucoup — et/ou
le patient, ou, tu sais, c'est, de façon égale, les trois acteurs?
Mme Lavoie
(Annick) : J'aurais tendance à vous dire que c'est vraiment
le résident, pour sa sécurité, pour être sûr qu'on lui offre les bons
soins, et le personnel, les professionnels de la santé.
Mme Setlakwe : Le fait que
l'information suit le patient, peu importe où il est allé chercher ses... où il
a fait ses tests, où il est allé chercher
ses soins, où il a fait des consultations, le fait que ça le suit, qu'il n'a
pas besoin d'aller faire des photocopies à gauche, à droite puis de...
Vous avez illustré assez... de façon assez éloquente, là, à quel point ça peut
devenir... Il y a des... La confidentialité peut être mise à péril, mais vous
parlez, là, ici, dans votre... Donc, vous voyez... Juste pour finir mon idée,
vous voyez, dans le projet de loi... Puis là je rejoins ma collègue de l'autre
côté. Vous voyez, dans le projet de loi... Autant on est inquiets, là, de la
protection de la donnée, vous voyez aussi, par
rapport à l'ancien système, qu'on va probablement hausser la sécurité. OK. Vous
mentionnez, dans votre mémoire, qui
est très détaillé, ça m'a fait sursauter... Bon, ça nous prend des solutions
créatives; faute de solutions technologiques homologuées, accréditées et
reconnues, certains gestionnaires vont créer eux-mêmes certains documents pour
assurer le suivi des patients ou pour faciliter les suivis avec d'autres
intervenants.
Mme Lavoie (Annick) : Oui,
bien, c'est un petit peu... Vous savez, il y a un comité au ministère, là, qui
est le comité de normalisation des formulaires, et ce comité-là, bon, établit
des standards sur lesquels tous les hôpitaux ou tous les centres vont inscrire,
là, des données, mais, parfois, on n'a pas accès à toutes ces informations-là.
Donc, un gestionnaire, bien, il va se faire un tableau Excel, il va se faire
une espèce de formulaire maison. C'est là le problème, là, que ces formulaires
maison là, bien, c'est bon pour juste eux autres, là. Alors, si tu transfères
ça dans un autre hôpital ou dans un autre CHSLD, on regarde le document puis on
ne sait pas... Ce n'est pas un standard. Donc, c'est pour ça que je mentionnais
tout à l'heure... C'est important d'avoir des documents qui sont standards pour
qu'on puisse se parler, peu importe, et qu'un employé travaille à un endroit ou
à un autre endroit, bien, c'est toujours à la même place, l'information se
retrouve à la bonne place.
Mme Setlakwe : Oui, c'est un
bon exemple. J'aimerais ça que vous nous donniez d'autres exemples concrets
puis pas... puis ça peut être... difficile de faire abstraction de la pandémie
parce que c'est un contexte dans lequel on
continue d'évoluer, ce n'est pas complètement derrière nous, mais les irritants
majeurs, là, dans les dernières années, tu sais, pandémie et même hors
pandémie...
Mme Lavoie (Annick) : Je vous
dirais, un des irritants majeurs, c'est de ne pas avoir toute l'information en temps opportun. C'est un très grand risque pour la
sécurité du résident. Je vous donne un exemple. Vous avez un résident qui a fait une chute, a eu une fracture de la
hanche, a un remplacement avec une prothèse de Moore, et, dans sa feuille
sommaire, ça dit que le patient a également, en 2018, fait un AVC, bon, tout
ça, la liste de médicaments, etc. Le patient arrive. Nous, ce qu'on a comme
premier diagnostic, c'est un remplacement de hanche, Donc, il a un besoin de
réadaptation, mais il n'y a rien qui dit, dans le dossier, que le patient est
dysphagique suite à son AVC. Il arrive, on
lui donne... S'il arrive à l'heure du repas, on lui donne un repas régulier,
c'est très dangereux. Il peut mourir, là. Il peut s'étouffer puis mourir. Donc, c'est ce genre
d'irritant là, c'est de dire : Bien, on n'a pas toute l'information pour
prendre les décisions cliniques importantes et cruciales en temps
opportun.
• (18 heures) •
Mme Setlakwe : Moi, je trouve,
c'est un exemple qui parle beaucoup puis je vous remercie, parce qu'à la
lecture du projet loi puis en... et entendu des intervenants venant de milieux
divers puis ayant... tu sais, représentant des
intérêts ou, en tout cas... ça nous amène à réfléchir puis à s'assurer qu'on
atteigne le bon équilibre entre, c'est ça, tu sais, protéger les droits et
libertés, protéger la donnée, tout ça, et, en même temps, assurer la sécurité
puis dans quel moment c'est... Il faut avoir des exemples concrets à l'esprit
qui nous amènent à dire : OK, oui, cet exemple-là, c'est pour ça qu'on a
ce libellé-là, pour couvrir telle situation. Tu sais, on agit, nous, dans le
bien commun, dans l'intérêt public, et c'est
un exercice assez délicat, là, d'atteindre l'équilibre parfait dans un... avec
un projet de loi superimportant, tu
sais, qui soulève des enjeux multiples. Donc, merci. Si vous avez d'autres
exemples, allez-y. Moi, j'ai encore un peu de temps. Sinon, je n'ai pas
d'autre question. Donc, si...
M. Nadon (Jean) : Des exemples?
Je sais qu'on a parlé, un petit peu, des documents qu'on est en train... Le
bleu, ça va... C'est effrayant, aujourd'hui, quand on est encore en train
d'écrire des documents avec des feuilles de couleur, que ça va à un endroit
versus l'autre. Puis aussi, là, tu sais, quand je parlais du temps d'attente,
la plupart du temps, les documents que... Si un résident, ça prend, exemple, un
an avant d'aller dans un centre d'hébergement, bien, souvent, le dossier n'est
pas à jour du tout aussi. Ça fait que c'est... Je pense que ça... Avec une
fluidité, bien, on va pouvoir avoir des dossiers à jour. C'est comme si on
prend le résident un peu à froid. Il faut tout réévaluer. Ça, c'est majeur pour
la sécurité de nos résidents. C'est ce qu'on prône.
Mme Setlakwe : Je vous
remercie. C'est tout pour moi. Ça nous aide vraiment, tu sais, vous donnez vie,
là, vous apportez de la couleur à un texte de loi qui est un cadre puis...
Merci.
M. Nadon
(Jean) : Ce qu'on voulait vous dire, c'est vraiment le côté terrain,
puis aussi de ne pas oublier, dans le projet de loi, je l'ai dit tantôt, mais
que de penser... Des fois, c'est fait pour... même si nous, on donne des
services publics, les CHSLD privés conventionnés, mais des fois, je ne sais pas
si ça vient des projets de loi, mais on a toujours une difficulté à avoir
l'information. Des fois, le public va l'avoir, mais le public, juste de penser,
dans le projet de loi, d'inclure, parce qu'on offre un
service public et, si on n'a pas l'information, soit il y a... il y a comme
souvent des barrières à ce niveau-là, mais peut-être en tenir compte, parce
que, bon, on n'est pas les seuls privés qui donnent des services publics.
Pensez-y, parce que, souvent, on se bat avec les CISSS, et tout ça, pour avoir
certains... certaines informations ou certains accès. Entre autres, on a parlé
de la pandémie, mais c'était flagrant qu'on n'avait pas accès à certains
logiciels, puis, bien, c'est pour la sécurité.
Mme Setlakwe :
Alors que, dans le fond, vous agissez pour des personnes hébergées, là.
M. Nadon
(Jean) : Oui, mais vous n'êtes pas surpris qu'on fait une différence
entre le service public et le service privé. C'est juste ça, je pense, c'est...
Mme Setlakwe :
C'est compris. Merci. C'est tout pour moi.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous. Je cède la parole au député de
Rosemont.
M. Marissal :
Merci, M. le Président. Merci, M. Nadon, Mme Lavoie. J'ai
plusieurs questions, notamment sur l'imputabilité puis sur l'éthique, on en a
beaucoup parlé, là, depuis hier. Je vais aller dans le vif du sujet, là, vous,
vous voyez... Parce que vous êtes des privés puis vous donnez un service
public, vous réclamez beaucoup de données pour faciliter les soins à vos
usagers, à vos résidents. Je comprends l'idée. Vous voyez comment votre rôle
dans la protection des données puis dans l'imputabilité s'il y a un pépin?
Donc, on est ici, là, dans le département de l'imputabilité, de l'éthique.
Est-ce que c'est vous qui êtes ultimement responsables?
M. Nadon
(Jean) : Je vous dirais, puis Annick, tu me diras si j'ai raison,
c'est qu'on peut avoir toute l'information requise, mais avec de la difficulté.
Quand on parle de manque de fluidité, c'est juste parce qu'on... soit qu'on les
ait papier, on ne les a pas à jour ou... C'est plus ça, l'information. En tant
que privé, on n'est pas ici pour demander plus de données, on va les avoir,
sauf que ce n'est pas facile à avoir. Ça fait que c'est ce côté-là, parce que
normalement, bien, oui, on...
M. Marissal :
On se comprend mal, là, j'ai mal formulé ma question.
M. Nadon
(Jean) : Parfait.
M. Marissal :
Je parle évidemment dans le contexte du projet de loi n° 3, à supposer
qu'il soit adopté, là, et que vous
dites : Je vais avoir les données de toute façon. Bon, ça, je débattrais
de ça, là, mais... dans la deuxième section de mes questions. Mais mettons que vous les avez, là, vous voyez votre
rôle comment, de... en protection des données, vu que vous les avez? Dans votre hypothèse, vous les avez, le projet de
loi est adopté, vous les avez, ça facilite votre travail. C'est bon.
Votre rôle éthique et d'imputabilité, vous le voyez comment?
Mme Lavoie
(Annick) : Mais évidemment on fait affaire avec des professionnels,
donc ils ont eux-mêmes un code d'éthique et de déontologie qu'ils doivent
respecter. Donc, ça, c'est déjà une première barrière à la diffusion générale.
Et évidemment on a des gens qui sont aux archives également qui vont surveiller
l'utilisation des données. Et je pense que
le fait d'avoir la traçabilité de qui a eu accès et qui a fait... a écrit dans
un dossier, c'est une mesure de protection.
Alors, s'il arrive quoi que ce soit, on peut retourner à cet endroit-là, en
tant que gestionnaire, puis dire : OK, bon, qui était dans le dossier au
moment où est arrivé un bris de confidentialité, donc on peut prendre action à
ce moment-là.
M. Marissal :
OK. Mais mettons, là, que, cas hypothétique, la résidence, le CHSLD
conventionné privé, Les Lilas fleuris — j'espère que ça n'existe pas,
là, parce que j'essaie de donner un exemple fictif, là — il y
a une fuite de données, il y a un vol de données, vous en êtes les... pas les
propriétaires... ou les gardiens, à tout le moins. Je repose ma question. Vous
me direz que ça peut arriver que quelqu'un parte avec un dossier papier aussi,
là, mais c'est un peu plus compliqué, ça se fait assez vite, là, un transfert
de données, ou vous êtes victime d'une attaque, une cyberattaque, là, les
cyberattaques, ils ne volent pas des dossiers papier, là. Ça fait que comment
vous voyez votre responsabilité là-dedans?
Parce qu'avec plus de moyens vient plus de responsabilités, là, pour
paraphraser Spider-Man, là. Si vous
avez plus de données qui vous arrivent en temps réel, puis c'est ce que vous
demandez, puis beaucoup de données qui rentrent, là, vous avez comme une
information entre les mains, là.
Mme Lavoie
(Annick) : C'est sûr et certain qu'il y a une sécurité au niveau des
systèmes informatiques. Et, si c'est un
système qui va parler avec le réseau de la santé, il y aura cette préoccupation
également du réseau d'avoir des mécanismes de... antihameçonnage, et
tout le reste. Le risque zéro n'existe pas, donc ça peut toujours être... il
peut toujours y avoir des vols de données,
d'informations. Mais, chose certaine, ça pourrait difficilement être par
l'intérieur. Nos employés, on peut voir... Tu sais, si tu mets
800 pages d'informations sur une clé USB, bien, dans le traçage, on va voir qu'il y a eu 800 pages qui sont
parties, puis ça va sonner une cloche. Puis on a des systèmes informatiques, on
a des informaticiens qui travaillent pour nous, donc c'est sûr et
certain que ça va se faire comme : Oh! il y a un petit problème ici. Qui
est parti avec 800 pages? Donc, c'est un moyen, là, de sécurité.
M. Marissal :
OK. Vous dites que vous voudriez avoir les données, là, pour obtenir des
données de santé publique en temps réel pour mieux gérer les crises et
pandémies futures. Je comprends que vous avez fait référence à la COVID, là, puis l'exemple est bon, là. Temps
réel, est-ce que vous envisagez, par exemple, là-dedans, des mesures en
biométrie? Est-ce que c'est à ce point le temps réel?
Mme Lavoie (Annick) : Bien,
quand on mentionne «en temps réel», ce qu'on avait comme problématique durant
la pandémie, c'étaient les... nos employés faisaient des tests COVID, puis on
avait peut-être cinq, six, sept, huit jours
plus tard, là, le résultat. Mais, pendant ce temps-là, l'employé n'était pas
sur le terrain, on l'avait mis en retrait, donc ce qui causait une problématique pour les soins et les services.
Donc, ça, pour nous, c'était une problématique. Même chose avec nos résidents,
on mettait les résidents en isolation pendant des jours et des jours, alors que
ce n'était pas nécessaire, parce que,
finalement, ils étaient négatifs, mais on ne l'avait pas, le... C'est dans ce
sens-là que ça nous prend en temps réel. Temps réel, on s'entend, là, tu
sais, quelques heures, une journée, ce n'est pas grave, mais plus que ça, c'est
là où c'était problématique, là.
M. Marissal : Je
lis la recommandation 3, la fin, là, de votre paragraphe : «Dans le
cas de résidents admis en CHSLD,
l'ensemble des renseignements de santé sont nécessaires aux intervenants pour
offrir des soins et des services de qualité et sécuritaires. Il importe donc
d'y avoir accès de façon conviviale et en temps opportun.» De un, vous
dites : Dans le cas de résidents
admis... l'ensemble des renseignements de santé. C'est beaucoup, ça,
l'ensemble, c'est beaucoup, puis vous avez dit un peu le contraire,
Mme Lavoie, tout à l'heure, en disant : Pas besoin d'avoir tous les
détails.
Mme Lavoie (Annick) : Bien,
l'ensemble des renseignements de santé vont être importants. Je mentionnais,
tout à l'heure, dans mon exemple... par rapport à quelqu'un qui vient pour un
problème de hanche, mais qui a un problème de diabète ou... et d'AVC avec de la
dysphagie, bien, ça nous prend l'ensemble du portrait.
M. Marissal : Je comprends.
Vous avez probablement suivi un peu nos travaux, là, il est question beaucoup
d'«opting out», d'«opting in». Est-ce que les gens devraient être
automatiquement réputés volontaires à faire circuler leurs données ou, au
contraire, devraient-ils être réputés pas volontaires tant qu'ils se portent
volontaires? Ça, c'est l'«opting out». Vous
êtes où là-dedans? Parce que vos résidents, là, par définition, sont plus
vieux, hein, c'est des aînés, peut-être pas superhabiles avec les
nouvelles technologies, pas branchés, pas nécessairement de famille proche non
plus, là. Bien, je ne vous apprends rien, vous savez tout ça, là, c'est votre
clientèle, là. Vous êtes où, là-dedans, vous?
• (18 h 10) •
Mme Lavoie (Annick) : Bien, je
pense que c'est important que la personne puisse donner son consentement de façon éclairée et comprenne vraiment les
impacts de ce consentement-là. Je
pense que c'est le minimum, c'est son
droit.
M. Marissal : Puis, dans le cas
de quelqu'un qui n'est pas apte...
Mme Lavoie (Annick) : Bien, à
ce moment-là, c'est son répondant.
M. Marissal : ...et qui n'a pas
de répondant ou qui n'a pas de mandataire? C'est parce que ça se pose beaucoup,
beaucoup. Moi, j'ai passé beaucoup, beaucoup de jours et de mois à travailler
sur le projet de loi sur l'aide médicale à
mourir, la dernière session... la dernière législation. Il y a beaucoup de gens
qui sont inaptes, qui n'ont pas de... Est-ce qu'on devrait les déclarer,
d'emblée, «out»?
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Très rapidement, s'il vous plaît.
Mme Lavoie
(Annick) : Bien, je vous dirais, ces gens-là ont la curatelle
pour prendre soin d'eux, là, ils ont une protection.
Le
Président (M. Simard) : Très bien. Alors, M. Nadon, Mme Lavoie,
merci pour votre très belle présentation. On espère vous revoir sous peu
parmi nous.
Sur ce,
compte tenu de l'heure, nous allons ajourner nos travaux. Et je tiens à vous
remercier pour la très, très, très belle journée et votre précieuse
collaboration à tous. On se retrouve demain. Au revoir.
(Fin de la séance à 18 h 12)