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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Wednesday, February 1, 2023 - Vol. 47 N° 3

Special consultations and public hearings on Bill n° 3, An Act respecting health and social services information and amending various legislative provisions


Aller directement au contenu du Journal des débats


 

Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures vingt-deux minutes)

Le Président (M. Simard) : Et bon mercredi matin. Je constate que nous avons quorum et nous sommes en mesure de reprendre nos travaux.

Comme vous le savez, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.

Madame le Secrétaire, Bonjour.

La Secrétaire : Bonjour.

Le Président (M. Simard) : Y a-t-il des remplacements ce matin?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Monsieur Beauchemin Marguerite-Bourgeoys est remplacé par madame Setlakwe Mont-Royal-Outremont et Monsieur Bouazzi Maurice-Richard par Monsieur Marissal Rosemont.

Le Président (M. Simard) : Bienvenue à nos collègues. Donc, nous recevons ce matin des représentantes du Conseil pour la protection des malades. Messieurs, bonjour. Bienvenue parmi nous.

M. Brunet (Paul G.) : Bonjour, M. le Président.

M. Hurteau (Pierre) : Bonjour.

Le Président (M. Simard) : Auriez-vous d'abord l'amabilité, s'il vous plaît, de vous présenter?

M. Brunet (Paul G.) : Oui. Mon nom est Paul Brunet, je suis président du Conseil de la protection des malades. L'organisme fêtera ses 50 ans l'année prochaine. J'espère que vous serez avec nous.

Le Président (M. Simard) : Je le souhaite également.

M. Brunet (Paul G.) : Et je suis accompagné de mon collègue le vice-président.

Le Président (M. Simard) : Nous vous écoutons.

M. Brunet (Paul G.) : Bien, merci de nous accueillir, M. le Président, M. le ministre et les membres de l'Assemblée nationale.

Depuis 50 ans, le CPM a probablement près d'une centaine de mémoires chez vous, toujours dans le but d'améliorer les soins et les services dans le réseau de la santé et services sociaux. L'an prochain, le conseil va fêter ses 50 ans. On aimerait ça que le gouvernement, que vous autres signaliez ça de manière à nous aider à poursuivre l'œuvre de mon frère Claude, qui fonda le CPM en 1974. Je veux fêter au mois d'août mes 25 ans comme porte-parole du conseil, sûrement avec en mémoire toutes les interventions que nous faisons et les échanges positifs que nous avons avec les membres du gouvernement.

Sans plus tarder, je cède la parole à mon collègue le vice-président, M. Pierre Hurteau, qui fera la présentation devant vous.

M. Hurteau (Pierre) : Alors, je salue tout le monde.

Et évidemment que le CPM salue l'initiative du gouvernement de doter le Québec d'un cadre juridique de la gestion des données informatiques en santé, quelque chose de moderne, ensuite de très englobant, qui touche un ensemble d'acteurs du secteur de la santé. Alors, c'est peut-être une des premières fois, là, où on touche à la fois les patients, les cliniciens et les chercheurs. Encore une fois, la pandémie a probablement permis de réaliser à quel point il y avait des déficiences, des insuffisances dans ce domaine-là, alors qu'aujourd'hui on a plein de moyens technologiques pour accéder à toutes sortes d'informations. Alors, le CPM reconnaît également la nécessité d'avoir des informations en santé mises en commun pour faciliter les avancées de la recherche scientifique. Parce qu'au fond, quand la recherche progresse, c'est les usagers, les patients qui en bénéficient au bout du compte. Le CPM constate, évidemment, là, que le projet de loi n° 3 a à peu près doublé dans son nombre d'articles par rapport au projet initial du numéro 19. Donc, pour nous, là, ça a été une tâche un peu compliquée de revoir tout l'ensemble. Donc, nécessairement, le point de vue qu'on exprime, il est quand même limité, compte tenu du temps qu'on avait pour réagir à tout ça.

En même temps, je pense qu'il faut dire que le CPM est bien positionné pour faire valoir le point de...

M. Hurteau (Pierre) : ...des usagers dans les champs d'action qui sont couverts par le projet de loi. Parce que le CPM dispose d'un réseau de plus de 200 comités d'usagers à travers toute la province. Et en plus, il y a au moins 200 citoyens qui sont des souscripteurs à son programme Protection santé. Donc, c'est en s'appuyant sur cette expérience de 50 ans, là, auprès des usagers du réseau que le CPM veut vous transmettre à la fois ses questions et ses observations.

D'abord, une observation générale s'impose, le projet de loi énonce des grands principes, mais on aurait aimé que ce soit... qu'il s'avance un peu plus davantage sur les moyens mis en œuvre pour réaliser les objectifs, notamment en ce qui concerne des mécanismes d'évaluation de la nécessité d'utiliser ou de recevoir un renseignement et la gestion sécuritaire des renseignements. À ce chapitre, tout semble avoir été délégué au pouvoir réglementaire de l'exécutif ou ce qui est appelé le dirigeant Réseau information. Alors, tout ça rend parfois un peu difficile l'appréciation détaillée du projet de loi.

Or, si on regarde la notion de consentement, évidemment, on est tout à fait d'accord avec ce qui est énoncé là-dedans. Là où on se pose certaines questions et on aimerait avoir un peu plus d'éclaircissements, même si on pense que le projet de loi actuel a certaines bonifications au niveau de ce qu'on pourrait considérer étant les balises au niveau de l'accès et du consentement ... donc, je pense qu'il répond mieux que ne le faisait le projet de loi n° 19, mais ce qui nous suscite certaines interrogations, c'est la notion de consentement élargi qu'on retrouve à l'article 6. Lorsqu'on parle de, par exemple, en matière de recherche, il peut viser des thématiques de recherche, des catégories d'activités de recherche ou des catégories de chercheurs. Alors, d'une part, on pense qu'il y a lieu de définir davantage ces notions-là de thématiques de recherche, de catégories d'activités de recherche ou de catégories de chercheurs. C'est très vaste et on ne sait pas trop, là, qu'est-ce que sa vise précisément.

• (11 h 30) •

De plus, nous estimons qu'il ne peut y avoir de consentement général à un accès vers toutes ces catégorisations. Donc, il ne devrait pas y avoir de guichet unique, ou ce qu'on appelle en anglais un "one stop shop" pour les chercheurs. Évidemment, on salue le droit de refus de retrait exprimé à l'article 7 et en lien avec ce que nous avons énoncé au paragraphe précédent, l'usager doit être en mesure d'exercer ce droit en tout ou en partie, c'est-à-dire sur certains aspects de la recherche ou certains types de recherches. Par exemple, moi, je peux être d'accord pour donner un accès à des données biomédicales tumorales, puis j'en ai, d'ailleurs, en passant, mais je peux être en désaccord pour que ces données soient transmises à des chercheurs d'une entreprise privée. Alors, ça, c'est un aspect important qu'il faudra préciser.

Ensuite, on note aussi qu'il n'y a pas tellement, sinon une absence totale, là, d'éduquer en aval l'usager sur son droit d'accès, de refus ou de rectification et sur les manières de les exercer. Ça, c'est important parce qu'on a une population vieillissante et le niveau de littératie n'est pas souvent à la hauteur. Alors, il faut pallier à ça.

Finalement, on note aussi que dans tout ça, là, il n'y a pas de distinction nette établie dans le projet, là, il aurait peut-être eu lieu de le faire, entre...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Hurteau (Pierre) : ...ce qu'est un renseignement nominalisé puis un renseignement dénominalisé. Il faudrait que ça soit clair, à la fois pour l'usager, mais aussi pour le chercheur, et aussi pour ceux qui administrent les données.

On note aussi l'absence de délais prévus, ça, c'est important, pour accéder aux données, soit par l'usager, soit par le chercheur. Nous pensons que les données devraient être accessibles par l'usager dès qu'elles sont disponibles. L'usager ne devrait pas subir de délais pour obtenir des résultats de laboratoire, ou d'imagerie, ou autres tests diagnostiques. On ne favorise pas un délai de 30 jours, comme c'est le cas dans le carnet santé. Ce n'est pas... 30 jours, là, pour beaucoup de patients, là, ce n'est pas efficace. Si j'ai à gérer des prises de médicaments en rapport avec mes résultats sanguins et tout ça, là, 30 jours, là, entre vous et moi, ça ne vaut rien.

Maintenant, l'article 55, le troisième paragraphe de l'article nous semblel d'une portée très large et suscite certaines inquiétudes. Lorsqu'on parle, par exemple, nécessaire à l'application lorsqu'on... on peut avoir accès, là, lorsque c'est nécessaire à l'application d'une loi au Québec, que cette utilisation soit ou non prévue expressément par la loi. Qu'est-ce que ça veut dire, ça? Est-ce que ça veut dire que la RRQ, la SAAQ, la CNESST, par exemple, pourraient accéder aux données de santé sans le consentement de l'usager pour déterminer son droit à des prestations? Que veut dire exactement «au bénéfice de la personne» dans cet article-là? Dans certains cas, on sait très bien que la détermination du quantum de la prestation est liée à l'état de santé de la personne concernée. Donc, c'est ça qu'on veut dire «le bénéfice de la personne» ou quoi?

Et l'article 28 où il est question de l'accessibilité aux données par le conjoint, l'ascendant direct ou le descendant direct d'une personne décédée. Nous, on pense que ça doit s'étendre à toute personne significative désignée par écrit par l'usager. De plus, l'accès ne doit pas être limité à un renseignement relatif à la cause du décès, mais doit s'entendre du dossier médical en général.

Le Président (M. Simard) : Peut-être en conclusion, M. Hurteau, s'il vous plaît.

M. Hurteau (Pierre) : Bien là, j'ai...

Le Président (M. Simard) : On pourra peut-être... On pourra peut-être revenir.

M. Hurteau (Pierre) : Peut-être qu'on pourra répondre à d'autres... d'autres sujets, là, suite aux questionnements des membres de la commission.

Le Président (M. Simard) : Très bien, merci. Merci beaucoup à vous deux. Alors je cède maintenant... Parce que, dans le fond, votre temps excédent était pris sur le temps de l'autre collègue du Parti libéral. Donc, je cède la parole à M. le ministre.

M. Caire : J'ai combien de temps?

Le Président (M. Simard) : 16 min 30 s de mémoire.

M. Caire : Merci, M. le Président. M. Brunet, M. Hurteau, merci d'être là. Présentation assez dense. Plusieurs questions. Et je vous dirais que je souhaite les aborder, oui, comme législateur, comme ministre qui porte le dossier, mais aussi comme usager du réseau de la santé. En fait, nous sommes tous, ici, des usagers du réseau de la santé. Et donc, techniquement, vous parlez en notre nom. Et je vous avoue que, dans la présentation que vous venez de faire, il y a des choses que je ne comprends pas au sens où en quoi mon intérêt comme usager va être bien servi par ce que vous nous demandez. Puis c'est sur cet angle-là, je pense, que j'aimerais qu'on ait cette discussion. Parce que les élus ne sont pas désincarnés, là, on est des usagers du réseau de la santé aussi.

Vous, vous dites au niveau de la protection, puis je reconnais là, vous avez salué le progrès au niveau de la protection des renseignements personnels, et je dois d'entrée de jeu vous dire que je suis le ministre qui a porté la loi 64, qui est devenue la loi 25, sur la réforme de la protection des renseignements personnels. Et ce que nous faisons dans le p.l. no 3 est un calque à toutes fins utiles de ce qu'on a fait dans la loi no 25. Puis juste pour établir peut-être le périmètre de la discussion...

M. Caire : ...on a fait, je vous dirais, un projet de loi un peu miroir du règlement général de protection des données européen, qui est la loi la plus sévère en matière de protection des renseignements personnels au monde. Donc, le p.l. 3 et la loi 25 nous amènent dans cette ligue-là des lois les plus sévères en matière de protection des renseignements personnels.

Donc, quand vous nous dites qu'il y a trop d'éléments qui sont laissés à la... bien, qui vont se définir par règlement, j'aimerais ça voir comment ça s'inscrit dans cette idée-là de protection des renseignements personnels, parce que je pense que... Puis je vous donne mon opinion, puis on en discute. Je pense que, législativement, on rentre dans une zone où on est extrêmement sévères. Et, dans le fond, ce que vous dites, c'est qu'on ne l'est peut-être pas encore assez. Parce qu'il faut comprendre qu'une loi, c'est toffe à modifier. Comme j'ai dit à tout le monde, on ne refera pas cet exercice-là à chaque année, là. On fait ça, puis la prochaine fois qu'on va revoir la loi, c'est peut-être dans une, deux, trois, quatre législatures, alors qu'un règlement nous donne une souplesse.

Donc, j'essaie de voir en quoi cette... Dans le cadre qu'on est en train d'installer pour la protection des renseignements personnels, qu'est-ce que cette future réglementation là vous fait craindre? Je vais le formuler comme ça.

M. Hurteau (Pierre) : Bien, écoutez, moi, je pense... Je pense d'abord... Puis je n'ai peut-être pas été bien compris, là, sur l'espèce de remarque que j'ai faite sur le fait que c'est parfois trop large. Alors, souvent, le diable est dans le détail. On n'a pas le détail des choses. Donc, c'est difficile d'apprécier à sa juste valeur, là, où est-ce qu'on s'en va. On donne beaucoup de grands principes généraux, mais il y a des choses qu'on... Ça va venir par règlement, mais on ne sait pas trop qu'est-ce qu'il y a dans ce règlement-là. Alors, c'est plus à ce niveau-là, là. On ne pense pas que le projet est trop sévère. Je ne pense pas qu'on a dit ça. On ne pense pas qu'il laisse des choses en plan, mais on a fait un certain nombre d'observations sur des choses précises pour lesquelles on aimerait avoir des réponses.

M. Caire : Je comprends, mais je reviens quand même, parce que vous dites : C'est des grands principes. Je pense qu'on va plus loin que dans les grands principes. Je pense qu'il y a des obligations, il y a des responsabilités qui sont définies, il y a des sanctions administratives qui sont prévues, il y a des sanctions pénales qui sont prévues. Vous voudriez...

Puis quand vous dites : Le règlement, bien, on ne sait pas ce qu'il y a dedans, ça, c'est... vous avez tout à fait raison, là, c'est sûr. Le propre d'un règlement, c'est de découler d'une loi. Donc, il faut adopter la loi pour... Puis on ne peut pas présumer... je l'ai dit à des intervenants hier, on ne peut pas présumer que l'Assemblée nationale va adopter la loi, évidemment. Donc... Mais, une fois... Puis, bon, j'écoute les collègues. Je vous dirais que je suis assez optimiste, là. Mais, une fois que la loi est adoptée, on fait les règlements, mais les règlements sont adoptés au Conseil des ministres et ils sont rendus publics. Donc, éventuellement, ça aussi, ça va être rendu public. Mais, si vous pensez qu'on en met trop dans la portion règlement, c'est que vous pensez, logiquement, qu'on devrait en mettre un peu plus dans la portion législative. Qu'est-ce que vous voudriez voir préciser dans la portion législative qu'on met par règlement, par exemple?

M. Hurteau (Pierre) : ...

• (11 h 40) •

Le Président (M. Simard) : M. Hurteau, excusez-moi. J'ai juste une toute petite question d'intendance. J'ai été un bien mauvais président. En vous demandant d'officialiser devant nos micros le petit délai de sept minutes supplémentaire...

M. Caire : Consentement.

Le Président (M. Simard) : ...parce que nous dépassons l'heure prévue. Toujours bien consentement?

Des voix : ...

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup pour cette précision. Veuillez poursuivre, Monsieur Hurteau, je vous prie. Merci beaucoup.

M. Hurteau (Pierre) : Bien, je pense que je vous ai donné des exemples concrets qui sont extrêmement importants pour les usagers et qu'on ne retrouve pas dans la loi, c'est la question des délais d'accès. Ça, ce n'est pas un détail, ça. Et je pense que la commissaire à la Santé vous a aussi fait un certain nombre de remarques à ce sujet-là. Et on ne trouve absolument rien, dans le projet de loi, sur les délais. Pourtant, là, ça, ça affecte quotidiennement les usagers et c'est très concret.

L'autre chose que je vous ai...

M. Hurteau (Pierre) : ...

M. Caire : Par exemple, les délais, vous voudriez les voir inscrits dans la loi. C'est ce que je comprends?

M. Hurteau (Pierre) : Absolument. Absolument, pourquoi pas? Il y a des lois qui prévoient des délais, par exemple, pour aller en appel, pour demander une révision, pour accéder à un dossier. Mais pourquoi que ça, ce n'est là?

M. Caire : O.K., je comprends. Puis je reviendrai...

M. Hurteau (Pierre) : ...la question d'élargir la notion...

M. Caire : Sur l'article 55, je reviendrai tantôt. Mais vous avez parlé, M. Hurteau, du consentement et vous avez dit... si je vous ai bien compris, vous avez dit notamment... puis je pense que ça s'adressait plus au consentement à l'utilisation des données de santé pour des projets de recherche, vous avez dit : On voudrait avoir, premièrement, non seulement un consentement... Et là je comprends que vous voudriez avoir un consentement qui est explicite et non pas implicite, comme le prévoit la loi maintenant, et vous voudriez avoir un consentement qui est explicite et qui est ventilé selon les différents usages qui peuvent être faits des données de santé dans la recherche. Est-ce que je vous ai bien compris?

M. Hurteau (Pierre) : Tout à fait.

M. Caire : O.K. Mais en même temps vous dites : On a une littératie qui est à parfaire, je vais le dire comme ça. Comment vous conciliez le fait de donner à quelqu'un une responsabilité dont vous dites qu'il n'est peut-être pas en mesure de l'assumer?

M. Hurteau (Pierre) : Bien là, c'est pour ça que je vous ai dit qu'il faut éduquer la personne. Ce n'est pas parce qu'elle ne comprend pas qu'on peut faire ce qu'on veut.

M. Caire : O.K., mais... O.K. Donc, vous, l'idée de dire que le principe général... vous dites... Parce que ce que la loi dit, c'est que, lorsqu'un renseignement de santé, son cycle de vie est terminé, cycle de vie commence au moment où je le connecte... où je le collecte, pardon, à des fins précises, lorsque son cycle de vie est terminé, je dois le détruire. Ça, c'est ce que la loi dit. Il y a une possibilité de l'anonymiser aux fins de recherches. «Anonymiser», la définition, elle est dans le cadre législatif québécois, là, ça a déjà été défini. C'est pour ça qu'on ne reprend pas des définitions qui existent déjà dans d'autres lois, puisque, quand une loi le dit, le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Donc, on ne répète pas ça. C'est le fait de ne pas pouvoir associer de l'information à un individu. Ça, ça répond peut-être à une interrogation que vous aviez : Pourquoi ce n'est pas dans la loi? Parce que c'est déjà prévu dans d'autres lois.

Mais vous, vous dites : Ça, il faudrait que ça... il ne faudrait pas que ça puisse se faire sans qu'il y ait un consentement explicite et un consentement explicite ventilé de l'usager. Puis là vous nous dites qu'en plus, parce que... vous comprenez, là, ce que vous demandez au législateur, là, c'est de prévoir dans la loi qu'on va assurer une montée en compétence de l'usager pour être capable d'assumer cette obligation-là. Je vous suis-tu dans votre raisonnement ou je suis dans le champ, là? Parce que je comprends ce que vous dites, mais là on est en train de discuter d'un projet de loi. Donc, vous, vous voudriez voir inscrire ces choses-là dans la loi, là?

M. Hurteau (Pierre) : Bien, en tout cas, ce que moi, comme usager, je ne veux pas, là, c'est que mon consentement soit absolument à n'importe quoi, au choix de qui veut bien s'abreuver à qu'est-ce qu'il y a dans mon dossier.

M. Caire : O.K., mais ça, je l'ai bien compris, M. Hurteau. Mais législativement, parce que c'est de ça qu'on discute, là, on est en train... Vous dites : Il y a trop de choses qui sont laissées aux règlements. Donc, vous ne voulez pas que le gouvernement, par règlement, assure une certaine formation des usagers, vous voulez que ce soit dans la loi. Mais vous voulez qu'on mette ça dans la loi comment? Parce que nous, comme législateur, après ça, là, on prend ce que vous nous dites puis on essaie de traduire ça par... puis je regarde ma collègue de l'opposition officielle qui est avocate, il va falloir qu'on ponde un texte législatif qui est cohérent non seulement avec le projet de loi, mais qui est cohérent avec le corpus législatif québécois, là. Ça fait que comprenez-vous, là? C'est ça que vous nous demandez aujourd'hui. Ça fait que moi, je veux bien, là, mais j'aimerais que vous m'indiquiez peut-être des pistes de solution parce que je ne sais pas comment on peut faire ça.

M. Hurteau (Pierre) : Bien, écoutez, moi, là, ce que je fais, là, c'est que je vous exprime un souci qui vient de la part des usagers. Vous-même, vous dites, vous êtes un usager comme.

M. Hurteau (Pierre) : ...tout le monde dans la salle. Alors, on veut bien comprendre. Alors, moi, là, je ne suis pas législateur, mon rôle n'est pas celui d'un législateur, mais je vous le dis, je vous exprime mes besoins. Alors...

M. Caire : O.K. Vous avez parlé de l'article 55 et c'est un article, ça, qui découle directement de ce qui est déjà prévu dans la loi 25. Donc, la loi 25, la loi sur la protection des renseignements personnels, je le rappelle aux fins de la discussion, que c'est une loi qui a une valeur quasi constitutionnelle, donc elle a préséance sur toute autre loi. Je ne me trompe pas quand je dis ça? Et voilà, je ne me trompe pas. Donc ça, c'est déjà prévu. L'idée, en fait, de cet article-là, puis c'est Dr Amyot, hier, dans le fond, qui nous en parlait. Il dit : Moi, je me présente devant mon médecin, puis là, je vous rappelle, moi, je suis un usager, et là, je m'adresse à vous à titre d'usager, je me présente devant mon médecin. Est-ce que je veux que ce professionnel de la santé là que je consulte ait un accès total aux renseignements de santé qui sont nécessaires à sa prestation de service? Ma réponse à moi comme usager, c'est oui, j'aimerais entendre la vôtre.

M. Hurteau (Pierre) : Bien, moi, je pense que le problème, ce n'est pas celui du médecin, là. Le problème, c'est celui d'un tiers qui veut accéder à des données de santé qui sont dans mon dossier pour... Je ne sais pas, est-ce que c'est... Il pourrait... C'est une question que je pose, là : Est-ce qu'il pourrait le faire pour établir mon droit de prestation?

M. Caire : Bien, en fait, ce que la loi dit, c'est ceci... bon, excusez-moi, M. Hurteau, j'ai perdu la fin de votre phrase.

M. Hurteau (Pierre) : Bien, toujours sans mon consentement, là, on parle de sans mon consentement.

M. Caire : En fait, ce que la loi dit, c'est que si cette information-là est nécessaire à la prestation de services qui lui est dévolue par la loi, il a accès à ça. Puis je vous donne un exemple, la SAAQ émet un permis de conduire. Je vois que vous portez des lunettes. La SAAQ a le droit, avant de vous émettre un permis de conduire... doit savoir s'il y a une contrainte médicale au niveau de votre vue, sinon, elle ne vous émettra pas de permis. Donc, ce que la loi dit, c'est... ce que cette loi-là dit, c'est que la SAAQ, c'est de sa responsabilité de s'assurer de ça. À partir de là, la SAAQ a deux choix, soit elle a accès à votre dossier santé et à ce moment-là,  constate que vous devez avoir des lunettes, soit elle vous... elle met le fardeau, puis c'est ça, là, que M. Amyot disait hier, soit elle met le fardeau sur vos épaules de dire : Bien, écoute, compte tenu que moi, je ne peux pas avoir accès aux renseignements que je possède déjà, je vais te poser une question comme citoyen pour laquelle j'ai déjà la réponse, mais on ne veut pas me la donner. Ça fait que, si vous me demandez, moi, comme usager, là, est-ce que je trouverais ça plus simple que ça se passe comme ça? C'est-à-dire que la SAAQ ait accès à cette information-là, et attention à cette information-là seulement, parce que ce que la loi dit, c'est que le prestataire de services a accès aux informations qui sont nécessaires à sa prestation de services. Donc, s'ils me demandent : Est-ce que j'ai le syndrome du côlon irritable? Ça, ça n'a pas rapport avec mon permis de conduire, il n'aura pas accès à ça, là, on s'entend. C'est ça que la loi dit. Donc, vous... Moi, comme usager, je pense que c'est une bonne chose parce que sinon je me transforme en commis de l'État, puis je suis obligé de répondre à des questions pour lesquelles l'État a déjà la réponse. C'est un peu la philosophie du PL trois. Vous, comme mon représentant, vous me dites quoi, à ça?

• (11 h 50) •

M. Hurteau (Pierre) : Bien, moi, je me dis : Écoutez, la question des lunettes, c'est peut-être un exemple facile, là, mais il y a peut-être des exemples qui sont un peu plus compliqués, même si on prend seulement la SAAQ, là. Moi, je veux dire, quand je renouvelle mon permis, j'ai des questions auxquelles je dois répondre, OK? Le fardeau est à moi de donner des indications claires sur, par exemple, mon état de santé. Est-ce qu'il y a des choses qui ont changé? Patati patata. Là, vous renversez ça. Est-ce que... C'est une question que je pose : Est-ce qu'on s'en va dans une situation où la SAAQ, à tout renouvellement, va vérifier dans mon dossier...

M. Hurteau (Pierre) : ...de santé, puis savoir si j'ai changé de pilule, puis dire : Ah! Oh, oh! Là, là, ça ne marche pas, là...

Le Président (M. Simard) : En conclusion, s'il vous plaît.

M. Hurteau (Pierre) : ...vous avez augmenté vos pilules de tension artérielle, ou votre antidépresseur, ou votre ci, ou votre ça, là.

M. Caire : La SAAQ va devoir poser les questions...

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Caire : Puis-je renouveler son permis de conduire? Et il y a quelqu'un qui va devoir répondre.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Alors, nous poursuivons avec Mme la députée de Mont-Royal-Outremont qui dispose de 11 minutes.

Mme Setlakwe : Merci beaucoup, messieurs. Non seulement pour votre présentation, on réalise qu'elle a été écourtée, votre présentation verbale. Mais soyez rassurés qu'on a sous les mains votre mémoire, qui est très détaillé, et donc l'ensemble de vos questionnements, vos préoccupations, là, seront pris en compte.

Moi, je regarde tout ça, et je suis obligée de prendre un pas de recul puis de vous demander... Vous soulevez une série, puis on l'apprécie, là, de préoccupations très précises. Mais, dans l'ensemble, où est votre niveau de satisfaction par rapport au projet de loi, vous? Puis là j'ai une sous-question, on dirait que... Parce qu'il va falloir se pencher là-dessus aussi, dans l'exercice de bonification de la loi, pour se garder une marge de manœuvre, tu sais, quel élément est pour vous... Quels sont les éléments les plus problématiques?

Donc, il y a deux choses. Quelle est votre appréciation générale du projet de loi, tu sais, sachant, je pense, qu'on veut tous une efficacité, une fluidité efficace des données en gardant un équilibre, là, au niveau de la protection des renseignements personnels? Je pense, c'est cette appréciation-là, moi, qui me manque dans l'ensemble. Puis peut-être une...

M. Hurteau (Pierre) : Bien, je pense que...

Mme Setlakwe : Oui, allez-y.

M. Hurteau (Pierre) : Bien, je pense qu'au début, là, je l'ai dit clairement que nous sommes absolument d'accord à l'échange d'informations. Il n'y en a pas assez et on en souhaite davantage, même on veut que ça débouche. Écoutez, là, à plusieurs reprises, on a manifesté notre impatience de voir le registre du cancer mis à jour. Moi, j'ai été un patient du cancer. On dépend de la recherche. Et, quand ces choses-là, là, ne sont pas mises à jour, bien, ça nuit à la recherche, ça ne facilite pas la recherche. Donc, oui, on est absolument contre l'échange de renseignements, faciliter les choses, avoir un accès plus général. On l'a dit d'emblée, c'est bien que... Écoutez, là, le réseau, là, les systèmes informatiques qui ne se parlent pas, là, ça doit finir, ça, ça nuit à la santé des gens. Ça doit terminer. Sauf que ce qu'on essaie d'exprimer dans des choses bien concrètes, c'est que, dans tout ça, il faut protéger la vie privée de l'usager. Ça ne devient pas un marché ouvert, là, à un échange de renseignements, là, pour toutes sortes de personnes qui pourraient aller piger dans le plateau de bonbons, y compris l'entreprise privée, les assureurs, etc.

Alors, je pense que c'est... comme vous l'avez dit, nous sommes d'accord avec ça. Je pense que le fait qu'on ait fait des remarques précises, ça ne veut pas dire qu'on est contre le projet. On est pour le projet, mais il y a certaines choses qu'on aimerait, avoir des réponses claires et des améliorations. La question, là, de limiter, par exemple, au conjoint ou à... ça, là, quotidiennement, là, quand on est dans des comités d'usagers, au CPM, un peu partout, là, il y a des... L'accès aux données d'une personne quand on est proche aidant, là, ce n'est pas évident, on se bute constamment à toutes sortes de : Ah! c'est, la confidentialité, on ne peut pas rien vous dire, là. Écoutez, là, moi, je le vis quotidiennement, là, je suis proche aidant d'un homme de 101 ans et ce n'est pas évident tout ça.

Alors, c'est ça, là, c'est des choses comme ça. Nous, on se base, on vous l'a dit au début, sur notre expérience terrain, sur ce qu'on vit au quotidien. Et c'est ça qu'on veut voir améliorer.

Mme Setlakwe : C'est bien compris. Me Brunet, aviez-vous quelque chose à ajouter? Je vous...

M. Brunet (Paul G.) : ...Bien, mon collègue a raison. Mais surtout durant la COVID, là, des centaines de personnes nous ont demandé de les aider à obtenir une copie du dossier médical de leurs proches qui étaient morts apparemment de la COVID, mais quand on confronte ces causes de décès là avec la directive ministérielle de la docteure Opatrny du 16 avril 2020 dans laquelle elle disait, elle instruisait les directeurs médicaux d'établissements de soins que quand quelqu'un meurt durant cette période-ci, pas de diagnostic, pas de test, vous écrivez : Cause de décès, COVID. Alors, les gens voulaient savoir de quoi étaient morts leurs proches, et c'étaient des batailles en règle avec le réseau pour savoir et obtenir copie. On aimerait ça que cela cesse, quand des gens proches, sans exiger autant de documentation et de détails... C'est comme si, et parfois c'est par pure ignorance. J'ai entendu des soignants dire : On ne peut pas vous dire le dossier, c'est confidentiel. Non, mais c'est parce que vous ne comprenez pas que le contenu du dossier médical, ça m'appartient, c'est moi, l'usager. Il y a des gens qui, par ignorance, pensent qu'ils n'ont pas le droit de le dire à personne, même pas aux patients et encore moins à leurs proches. Ça fait qu'il y a quand même probablement plus d'éducation que de législation qui est en cause ici.

Mme Setlakwe : Votre point est très clair à ce niveau-là. Merci beaucoup.

Là, je vous amènerais sur la recherche. Parce que, moi, je le sais, je pense qu'il y a encore du travail à faire, mais je pense qu'il y a une bonne connaissance dans la population de la valeur de la recherche. C'est vraiment la clé, là, pour accélérer l'efficacité des traitements, et vous l'avez mentionné. Là, toutefois, quand on se penche sur le projet de loi, sur le concept de consentement élargi, là, vous semblez vouloir préciser. Puis, les précisions que vous demandez au niveau, là, des thématiques de recherche, des catégories d'activité et de recherche, catégories de chercheurs, moi, ça me fait craindre que... on ne va peut-être pas nuire aux objectifs du projet de loi trois. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Vous voulez qu'on soit plus précis, tu sais, même, on veut circonscrire. Vous souhaitez qu'on restreigne finalement les catégories, les types de recherche, tout ça, mais, moi, ça, ça me fait peur. J'ai peur qu'on n'atteigne pas les résultats souhaités.

M. Hurteau (Pierre) : Écoutez, je ne pense pas, là, qu'on veut une liste exhaustive, là, de toutes les catégories, de tout ça, là. Mais on aimerait... Je comprends aussi qu'une loi, là, c'est général. Mais, en tout cas, Chose certaine, puis comme vous l'avez dit, là, il va y avoir un gros travail d'éducation à faire. Ça ne se fait peut-être pas dans une loi, mais, au moins, la loi devrait reconnaître que les administrateurs et que tous ceux qui vont être en charge de ces projets-là, ils ont une obligation d'éduquer la population par rapport à ça. C'est ce n'est pas au projet de loi d'éduquer la population, mais au moins reconnaître que les administrateurs ont une obligation de le faire.

Et sur la question de ce que vous venez d'énoncer, là, écoutez, c'est vague, là, les... C'est quoi, une thématique de recherche, là? Expliquez-moi c'est quoi.

• (12 heures) •

Mme Setlakwe : Oui. Là, je vais lire l'article en détail. Mais je pense qu'il va falloir réfléchir sérieusement, là, pour atteindre l'équilibre souhaité. On vous entend.

Est-ce que, Me Brunet, vous avez quelque chose à ajouter au niveau de ces dispositions-là? Non. Sinon...

M. Hurteau (Pierre) : Je voudrais... aussi que peut-être qu'on a une sensibilité particulière, là. Mais le domaine de la santé, là, ça touche quelque chose de très intime à la personne, de très précieux pour la personne. Ce n'est pas la même chose que mon permis de conduire, ce n'est pas fait la même chose que ma prestation de, je ne sais pas, moi, d'accidenté du travail, tu sais. C'est quelque chose qui est très intime, qui concerne ma vie propre. Et c'est pour ça que, nous, on comprend, là, qu'il peut y avoir des miroirs avec d'autres lois, d'autres... Mais on vous demande d'avoir...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Hurteau (Pierre) : ...une sensibilité particulière par rapport à ce projet de loi, qui touche la santé.

Mme Setlakwe : C'est noté. On nous... On reproche souvent au système de ne pas être efficace. Comment se fait-il que le bras gauche ne parle pas au bras droit? Tu sais, on l'entend régulièrement, puis, bon, clairement, ce sera un pas dans la bonne direction, ce projet de loi là.

Et là vous mentionnez spécifiquement vos craintes par rapport à certains organismes que vous nommez, là, RRQ, la SAQ, CNESST. On en a parlé avec la question du ministre Caire, qui a soulevé l'exemple de la SAQ. Hier, le ministre faisait lieu d'un autre exemple, là. Disons, tu sais, s'il y a un crédit d'impôt qui serait disponible pour un bénéficiaire, un patient, en lien avec une condition médicale, puis que le nouveau système permettait à Revenu Québec, tu sais, de ne pas avoir à refaire, tout un exercice ou, en tout cas, que Revenu Québec, soit informé, soit au courant, et qu'ultimement ça puisse bénéficier au patient, qu'est-ce que vous pensez de ça? Tu sais, c'en est un, un exemple peut-être probant.

M. Hurteau (Pierre) : Bien, moi, je pense que c'est une bonne chose, mais est-ce qu'il n'y a pas moyen d'obtenir le consentement de la personne?

Mme Setlakwe : Oui, c'est parce que, là, je pense qu'on veut... oui, on veut éviter un fardeau administratif, on veut que ce soit fluide, que ce soit... Oui, il va falloir trouver le juste équilibre. Je voulais simplement qu'on évoque cet exemple-là aussi, en conclusion.

Bien, j'ai terminé, je vous remercie, puis, encore une fois, on a l'ensemble de vos... Me Brunet, vous voulez ajouter quelque chose, je pense?

M. Brunet (Paul G.) : Je veux juste compléter. Quand je reçois mon renouvellement de permis de conduire, on me demande : Devez-vous porter des lunettes? Je marque : Oui. Je n'ai pas besoin de la SAAQ qui a accès à mon dossier, c'est moi qui déclare, puis, si j'ai fait une mauvaise déclaration, je serai poursuivi pour ça. Ça, c'est la première chose, comprenez-vous? C'est cet exemple-là que je voulais apporter, madame.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Je dois, malheureusement, vous arrêter, mais merci beaucoup. M. le député de Rosemont.

M. Marissal : ...M. le Président. Bonjour, MM. Hurteau et Brunet. M. Brunet, si vous m'envoyez une invitation, là, pour le 50e, je vous promets que je vais être là. J'apprécie beaucoup le travail que vous faites, et le travail que vous faites sans aucune complaisance, au risque, parfois, d'être un peu abrasif, mais c'est mieux ça que de ne rien dire. Alors j'apprécie beaucoup votre travail. M. Hurteau, je ne vous connais pas, mais vous m'avez l'air, aussi, assez dédié à la cause.

M. Brunet, je reviens rapidement, là... Vous avez dit quelque chose, tantôt, qui a accroché mon oreille. On est un petit peu à côté de la track, mais ce n'est pas grave, on va y arriver pareil. La directive de la sous-ministre sur la question des causes des décès, où il fallait automatiquement écrire «COVID», avez-vous fait des démarches auprès de certains organismes pour faire la lumière là-dessus? J'avoue que c'est intrigant.

M. Brunet (Paul G.) : Oui, on s'est plaints au ministère de la Santé, on n'a pas eu de nouvelles. Et ce sont des médecins qui m'ont signalé cette directive-là, qu'ils considéraient, au mieux, à la limite de leur droit de pratique et de leur liberté professionnelle. Mais elle est bel et bien datée du 16 avril 2020 et elle instruisait, avec le ton qu'on connaît, les directeurs médicaux, de dire : Non, non, si quelqu'un meurt, là, dans cette période-ci, là, c'est «COVID», si... vous n'avez pas besoin de faire de diagnostics, pas de test, la personne... Alors là, les gens nous revenaient en disant : Moi, je ne suis pas sûr que mon père est mort de la COVID, il était très bien il y a deux semaines, puis là, soudainement, il meurt. Et parfois - on l'a vu dans l'enquête de Mme Kamel - il y a des gens qui sont morts par déshydratation, et je n'ai pas déposé une plainte pour négligence criminelle, qui n'a pas été retenue, pour rien.

Alors, il y a tout un mystère autour des causes de décès, malheureusement, et ce fut une lutte qui, parfois, s'est révélée positive pour des familles, mais, parfois, où on est demeurés dans le mystère, et c'est bien triste.

M. Marissal : J'en conviens. À suivre, probablement, donc. Revenons sur le sujet dont on vient de parler, notamment avec ma collègue de Mont-Royal-Outremont. L'article 55, il dit une chose et son contraire, me semble-t-il, là, puis vous me donnerez votre appréciation. On dit, deuxième alinéa : «Elle est manifestement au bénéfice de la personne concernée.» On parle de la décision, là. Troisième : «Elle est nécessaire à l'application d'une loi au Québec, que cette utilisation soit ou non prévue expressément par la loi.» Bon, là, on va s'entendre, vous l'avez dit, là, je suis assez d'accord avec vous que c'est assez large, merci, là, comme... il n'y a pas beaucoup de balises ici...

M. Marissal : Mais, si elle est manifestement au bénéfice de la personne, mais qu'elle sert aussi à l'application de la loi, lequel des deux alinéas prime? Parce que, parfois, l'application de la loi n'est pas nécessairement perçue comme étant au bénéfice de la personne. Vous êtes avocat, M. Brunet, je pense que vous comprenez.

M. Hurteau (Pierre) : J'espère que c'est... Oui, mais, écoutez, j'espère que ce n'est pas à moi de poser la question, parce que j'ai posé la question, je n'ai pas plus la réponse que vous.

M. Brunet (Paul G.) : Oui.

M. Marissal : Bon.

M. Brunet (Paul G.) : Tu sais, si le renseignement sert à empêcher quelqu'un d'avoir son permis de conduire, je ne suis pas sûr que ce soit à son bénéfice. Peut-être à celui de la société, mais pas à son bénéfice à elle, cette personne-là, on s'entend.

M. Marissal : Je comprends. À suivre, ça aussi, donc, à l'étude article par article. J'en prends bonne note. On m'a noté que... Des gens qu'on consulte, vous savez, ad hoc, là, quand on étudie les projets de loi, des gens du milieu de la santé m'ont dit : Faites attention, petit drapeau rouge! Et, s'il y a une trop grande divulgation ou une divulgation trop large des dossiers directement aux patients ou aux personnes, il ne faudrait pas se retrouver dans un cas que quelqu'un apprenne qu'il a le cancer sans avoir parlé d'abord avec l'équipe traitante. Vous en pensez quoi?

Le Président (M. Simard) : Très rapidement, s'il vous plaît.

M. Hurteau (Pierre) : ...c'est un sujet très complexe, là. Mais, moi, je peux vous dire que depuis plusieurs années, à titre de patient qui a eu le cancer, j'ai accès à l'intérieur d'une heure à tous mes résultats de laboratoire très facilement...

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Hurteau (Pierre) : ...parfois avant le médecin. Et nous, on considère, comme usagers, que c'est important, ça fait partie de notre droit...

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Hurteau (Pierre) : ...d'être informés de ce qui se passe avec notre état...

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Hurteau (Pierre) : ...de santé et de participer à nos soins. Alors...

Le Président (M. Simard) : Merci, M. Hurteau. Malheureusement, c'est ici que notre... que nos échanges doivent s'arrêter. Alors, M. Hurteau, M. Brunet, merci beaucoup pour votre participation et votre contribution à nos travaux, ce fut fort apprécié.

Sur ce, nous allons suspendre nos travaux, et on se retrouve à 15 heures au même endroit. Au plaisir!

(Suspension de la séance à 12 h 08)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 03)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers amis, bon après-midi à toutes et à tous. Nous voilà de retour. Je constate que nous avons quorum. Nous pouvons reprendre nos travaux.

Comme vous le savez, nous poursuivrons la consultation particulière et les auditions publiques sur le projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.

J'aurai besoin, avant de débuter nos travaux, que nous puissions avoir un consentement puisqu'il y aura certains députés qui devront être remplacés dans le courant de l'après-midi parce que des fonctions les appellent au Salon bleu. Donc, le député de Rosemont serait remplacé en temps et lieu par le député de Jean-Talon, qui lui-même à son... Jean-Lesage, pardon, qui lui-même, à son tour, relaisserait sa place au député de Rosemont quelques minutes plus tard. Est-ce que j'ai donc votre consentement? Consentement.

Merci pour votre collaboration. Nous avons la chance de recevoir des représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Alors, messieurs, bonjour. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter?

M. Oliva (Vincent) : Bonjour. Donc, je suis docteur Vincent Oliva, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec...

Le Président (M. Simard) : Bienvenue, monsieur.

M. Oliva (Vincent) : ...accompagné de... Tu es en «mute».

M. Desgagné (Pierre-Luc) : Pardonnez-moi. Bonjour à tous et à toutes. Pierre-Luc Desgagné, je suis directeur général de la fédération.

Le Président (M. Simard) : Bienvenue à vous deux. Nous vous écoutons.

M. Oliva (Vincent) : Parfait. Bien, merci, M. le Président. M. le ministre, Mesdames et Messieurs les parlementaires, bonjour à toutes, bonjour à tous. Nous voulons remercier la commission pour l'invitation que nous avons reçue. Encore une fois, je suis Dr Vincent Oliva, président de la fédération mais aussi radiologiste d'intervention.

Et la fédération, je vous rappelle que c'est plus de 10 000 médecins spécialistes répartis en 59 spécialités, toutes les disciplines médicales, chirurgicales, d'imagerie et de laboratoire qui sont disponibles 24 heures sur 24, 5 millions de patients québécois soignés chaque année, 30 millions de consultations médicales. Les médecins spécialistes, ce sont des professionnels de la santé qui sont présents et mobilisés pour soigner, mais aussi réorganiser les soins au sein d'un réseau aux fragilités multiples, amplifiées par la récente pandémie. C'est dans ce contexte difficile, connu de tous que nous rappelons notre volonté de collaboration et de dialogue pour améliorer tout ce qui peut l'être, afin de permettre un meilleur accès et une qualité des soins offerts à nos patients.

Nous accueillons ainsi favorablement le principe d'un tel projet de loi. Nous pensons que l'accès et l'utilisation de données probantes sont nécessaires au bon fonctionnement du réseau de santé. Nous croyons qu'une circulation rapide, efficace et sécuritaire des renseignements de santé au sein du cercle de soins du patient est la clé pour lui offrir une prestation de soins de qualité. Nous souscrivons ainsi à la création d'un nouveau régime de gestion des renseignements de santé qui doit prioritairement prendre en compte les besoins du patient. Nous saluons les avancées contenues dans ce texte en comparaison au projet de loi n° 19, notamment le meilleur encadrement du principe de consentement implicite. Toutefois, nous sommes d'avis que la solution proposée, bien que nécessaire et perfectible, en ce qu'elle contient de nombreux écueils. Nous rappelons que, dans toute réforme qui touche le système de santé, l'intérêt du patient doit primer.

Aujourd'hui, je vous entretiendrai de quatre éléments principaux sur lesquels nous tenons à exprimer de fortes inquiétudes. Premièrement, la protection.

M. Oliva (Vincent) : ...Du droit à la vie privée de nos patients. La relation de confiance entre un patient et son médecin est tributaire du fait que le patient soit assuré que le droit à sa vie privée et le droit au secret professionnel soient respectés, que ses renseignements de santé demeurent confidentiels et qu'ils ne soient divulgués qu'aux seules personnes qui le requièrent dans le cadre de la prestation des soins.

Le PL trois suggère un encadrement général de la protection des données, vraiment consolider au sein d'une seule et même loi toutes les règles en matière de protection, d'utilisation et d'accès aux renseignements de santé. Or, la consolidation proposée dans le texte a pour effet de supprimer les balises bien spécifiques qui préexistaient afin que les renseignements soient exclusivement encadrés par le cadre général.

Aussi, nous sommes particulièrement préoccupés par l'étendue des pouvoirs que se donne l'État en matière de renseignements en santé, qui sont sans limites, qu'il s'agisse de la nature des informations ou des fins pour lesquelles ces renseignements pourraient être utilisés ou communiqués. L'État semble se donner carte blanche, ce qui surprend quand on pense au cadre de la relation thérapeutique qui unit le médecin à son patient. Telles que libellées, les règles prévues dans ce texte ne... (panne de son) ...le respect du droit à la vie privée du patient ni la protection du secret professionnel, des principes pourtant au cœur de la prestation des soins. Comme médecin, je ne veux pas avoir à me retenir quant aux renseignements que j'inscris sur le dossier patient de peur qu'il se retrouve dans des mains inopportunes. Si le projet de loi mise sur une simplification des règles encadrant l'accès aux renseignements de santé et un principe de consentement implicite, encore faut-il qu'il comporte des garanties suffisantes de protection du droit à la vie privée. La préservation de la relation de confiance entre le professionnel de la santé et son patient en dépend.

Deuxièmement, des renseignements nominatifs. La fédération est ouverte au partage de renseignements entre la régie ou les établissements et le ministre afin qu'il puisse exercer efficacement ses fonctions au bénéfice des patients. Toutefois, nous ne pourrons souscrire à ce que ces renseignements soient nominatifs et utilisés au détriment des médecins à des fins coercitives, notamment dans le cadre du contrôle de leur facturation ou de l'exercice de leur pratique. Nous sommes en effet déçus de constater qu'à l'instar du PL onze le gouvernement persiste et signe dans sa volonté de s'arroger des informations au sujet des professionnels de santé sans aucune consultation des partenaires du milieu. Notre lecture du présent projet de loi nous apprend que le ministère de la Santé aurait accès à une foule de renseignements provenant de diverses entités, la Régie de l'assurance maladie du Québec, les établissements, et cetera. Cela pourrait potentiellement lui être présenté sous une forme nominative permettant d'identifier les médecins. La Fédération réitère ainsi son opposition au dévoilement de renseignements nominatifs sur ses membres. Encore une fois, nous soulevons l'absence de balises claires et définies encadrant l'accès du ministère de la Santé et des organismes de santé à de tels renseignements et le risque que ces derniers soient nominatifs et utilisés à toutes fins utiles. La fédération souhaite un encadrement strict et explicite de ces renseignements, particulièrement lorsqu'il est question des conditions d'exercice des médecins, de planification des exercices médicaux, des effectifs médicaux et de facturation médicale. Seuls les renseignements nécessaires à la collaboration interprofessionnelle et à l'organisation des soins devraient être partagés.

• (15 h 10) •

Troisièmement, le déséquilibre de l'information disponible. Toujours dans ce cadre, la Fédération déplore le déséquilibre de l'information disponible entre le gouvernement et les organismes représentatifs causé par l'étendue des pouvoirs que s'arroge le gouvernement dans ce texte. Nous rappelons que les associations professionnelles ont justement été créées dans un esprit de réciprocité et de collaboration dans l'organisation des soins, qu'en l'espèce et de la façon dont le PL trois est rédigé, il met en péril l'équilibre entre les forces en présence. Si, malgré tout, le projet de loi trois devait être adopté sans amendement, il nous apparaît incontournable que la FMSQ puisse aussi avoir accès aux données et informations qui seront ainsi recueillies.

Quatrièmement, l'efficacité des systèmes d'information en santé et la lourdeur administrative. Comme partenaires, vous êtes témoins tous les jours des problèmes de santé auxquels sont confrontés vos concitoyens. Nos systèmes technologiques ne permettent pas actuellement de colliger de manière uniforme les renseignements de santé des patients. Ils sont consignés sous de multiples formes et supports et dispersés au sein de plusieurs systèmes d'information tous différents. En conséquence, il n'est pas possible d'accéder aux informations consolidées d'un usager, rendant ainsi...

M. Oliva (Vincent) : ...la consultation du dossier patient extrêmement difficile pour le professionnel de la santé. Cet état de fait peut avoir un impact réel sur la qualité et la continuité des soins.

Nous croyons que le projet de loi ne portera pas ses fruits sans uniformisation et interconnexion de l'ensemble des systèmes d'information. Aussi, nous pensons utile de souligner que ce nouveau régime ne doit en rien venir alourdir et complexifier les tâches médico-administratives des médecins. En effet, la vocation première des médecins est de soigner. Toute réforme doit maximiser l'accès aux soins et non le remplacer par des démarches administratives. Pas plus tard que ce lundi, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a révélé, dans un rapport, que les médecins consacraient plus de 18 millions d'heures par année à des tâches administratives superflues, l'équivalent de 55 millions de consultations par année.

Aussi, nous avons évalué que seulement pour les organismes de santé dans lesquels pratiquent les médecins spécialistes, pas moins de 2109 responsables de la protection des renseignements de santé devront être nommés. Nous avons également compté pas moins de 52 occurrences du terme «règlement» dans ce texte. Nous mettant en garde quant à la complexité qu'une telle réglementation pourrait générer dans la pratique quotidienne de nos membres. Plus encore, nous vous rappelons à la prudence quant à votre rôle de législateur qui pourrait bien être fragilisé par le renvoi de la réglementation de questions ou d'enjeux significatifs aux employés d'un ministère.

En conclusion, M. le Président, il est important de rappeler que la Fédération est toujours ouverte à discuter des mesures qui peuvent favoriser l'accès aux soins de santé. Les médecins sont pleinement mobilisés, ils veulent travailler, ils veulent opérer, ils veulent soigner. Ce projet de loi nous invite toutefois à la plus grande prudence en ce qu'il comporte des risques réels, notamment pour le respect du secret professionnel et par conséquent pour la relation de confiance avec le patient.

À la fédération, nous croyons à un juste équilibre entre le respect de la vie privée et de la confidentialité et le droit de gérance du ministre comme premier responsable de l'administration gouvernementale en matière de santé. La fédération vous invite dès lors à resserrer certains volets du texte et souhaite que les réserves qu'elles expriment soient prises en compte. Nous demeurons disponibles pour répondre à vos questions et espérons que notre contribution à la bonification du projet de loi aura été utile. Merci à tous.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci à vous, cher docteur. Je cède maintenant la parole au ministre.

M. Caire : Oui, merci, Dr Oliva, M. Desgagné. Bonjour, merci d'être là. Une présentation encore une fois dense. J'espère qu'en seize minutes j'aurai le temps de faire le tour des préoccupations et des points que vous soulevez. Vous en soulever de très nombreux.

Je vais faire... parce que je prends pour acquis que vous ne suivez pas nécessairement toutes les consultations que nous avons faites. Donc, je m'excuse auprès des collègues, je vais répéter des choses que j'ai déjà dites à plusieurs reprises.

J'ai eu, à la dernière législature, le privilège de piloter le projet de loi n° 95, qui fait essentiellement, pour l'ensemble de l'administration publique, ce que le projet de loi n° 3 fait pour le réseau de la santé. Donc,  il y a des commentaires que vous avez faits qui vont... On va jaser docteur là. Et j'ai aussi eu le privilège de piloter la loi 64 sur la refonte de la protection des renseignements personnels. Vous avez souligné les ajouts qui ont été faits au PL 3 qui sont des calques de ce qui est maintenant la loi 25, la loi 25 est elle-même fortement inspirée du règlement général de protection des données européen, et c'est à ce jour le régime de protection des renseignements personnels le plus sévère au monde. Donc, quand vous parlez de menace à la vie privée, je vais être très intéressé que vous m'expliquiez comment le régime le plus sévère au monde peut représenter une menace pour les renseignements personnels et pour la vie privée. Alors, ce sera ma première question, Dr Oliva, parce que vous semblez dire que le pouvoir du gouvernement est sans limites et que c'est donc une menace à la vie privée potentiellement dans un contexte où le Québec se distingue en Amérique en ayant adopté le régime de protection des renseignements personnels le plus sévère au monde.

Comment peut-on concilier ces deux choses qui, moi, m'apparaissent un peu inconciliables?

M. Oliva (Vincent) : Bien, écoutez, merci pour votre question. Évidemment, un régime, c'est une chose, puis l'application, c'est une autre. Vous savez très bien que les fuites existent. On est à l'ère de la cybersécurité qui n'est pas infaillible, et puis je pense que tout le monde est au courant qu'il y a eu des fuites dans certains milieux d'affaires, dans les assurances entre autres. Donc...

M. Oliva (Vincent) : ...en plus, dans un contexte où... Vous savez sûrement qu'on a pris un retard technologique en santé qui est très important, là, puis je ne dirai pas qu'on est dans l'âge... à l'âge de pierre, mais c'est une analogie qui n'est pas complètement exagérée, dans le sens qu'on fonctionne encore beaucoup par les fax. Donc, d'ici à ce qu'on mette en place un système informatique, une architecture efficace pour bien protéger ces renseignements-là, on a des inquiétudes, et... la nature sensible des renseignements qui circulent à travers un cercle de soins, c'est évidemment des informations qu'on ne voudrait pas qu'ils se retrouvent dans des mains inopportunes.

M. Caire : ...permettre... Parce que, dans le fond, vous dites deux choses, puis je vais essayer de les concilier. D'un côté, vous saluez le projet de loi, qui donne une mobilité à la donnée qui va permettre aux professionnels de la santé d'avoir accès à plus d'informations, mais, de l'autre côté, vous dites : Ça, ça représente une menace, parce que, dans un contexte informatique faillible, on donne donc un plus grand accès aussi à ceux qui vont passer à travers ces systèmes-là.

Ceci étant dit, je tiens quand même à souligner pour les collègues : le projet de loi n°3 est technologiquement neutre. Donc, c'est un cadre législatif. Il y a, au gouvernement du Québec, d'autres volontés au niveau de la protection des systèmes d'information.

Et je voudrais vous entendre sur un élément, parce que la loi amène quand même quelque chose de nouveau... qui sont, d'un, une responsabilité quant à la protection des renseignements personnels, mais aussi une possibilité de sanctions extrêmement sévères au niveau administratif et au niveau pénal qui n'existaient pas dans le cadre législatif québécois et qui font en sorte qu'il y a des entreprises, organisations, sans les nommer, qui ont effectivement été au cœur de fuites de données sans qu'il y ait de conséquences, ce qui ne sera plus le cas. Donc, est-ce que vous ne pensez pas qu'au contraire, ça, c'est de nature à responsabiliser tout le monde quant à la protection des renseignements personnels au point de vue technologique?

M. Oliva (Vincent) : Bien, je vais vous dire bien honnêtement, les sanctions, c'est bien, mais on veut surtout éviter que ce genre de fuites arrivent. Une fois qu'elles sont arrivées, que les gens soient sanctionnés ou pas... C'est normal qu'il y ait des sanctions. Mais nous, ce qu'on veut surtout, c'est que ces renseignements soient disponibles pour les gens pour qui ça va être utile. Puis le constat que je me fais en regardant le projet de loi, c'est de me demander : Pourquoi est-ce qu'on fait tout ça? Dans le fond, on fait ça pour le patient. Et ce qu'on veut, c'est que les informations suivent le patient, et c'est principalement les professionnels de la santé qui doivent avoir accès à ces informations-là pour le bénéfice du patient. Or, le projet de loi ne touche pas l'accès des professionnels de la santé au bénéfice du patient, il touche l'accès de plusieurs organismes, dont l'État. Et en quoi est-ce que ça va être bénéfique à l'État, tous ces renseignements-là? Vous ne trouvez pas qu'on a assez de tableaux de bord? Les listes d'attente, vous les avez.

M. Caire : Là, je... Vous me permettrez d'avoir un désaccord profond ou je dirais même d'être diamétralement opposé, parce que, vous avez raison, l'information appartient au patient, mais les informations seront accessibles à ceux qui en ont besoin pour exercer leurs fonctions. Et je vous suis tout à fait, là. C'est... L'objectif du projet de loi n° 3, c'est dire : L'information suit le patient et ne reste pas au niveau soit de l'établissement soit du professionnel qui a donné le soin. Ça, là-dessus, on est tout à fait d'accord. Ce que la loi dit, c'est que sont accessibles les informations à ceux qui en ont besoin dans l'exercice de leur fonction, fonction qui est prévue par une loi. Donc, de toute façon, ceux qui doivent avoir accès à ces informations-là vont y avoir droit. Puis ça, ça m'apparaît être juste du gros bon sens, non?

• (15 h 20) •

M. Oliva (Vincent) : Oui. Bien, écoutez, je pense qu'on... Sur le principe du projet de loi, on s'entend, la fluidité des informations. Donc, on ne remet pas en question la nécessité ou le bien-fondé du projet. Ce qu'on dit, c'est que tout est dans la nuance et dans le balisage. Nous, ce qu'on dit, c'est que les bons renseignements devraient être disponibles pour les bonnes personnes, pour que ce soit utile pour les patients.

M. Caire : Mais...

M. Oliva (Vincent) : Quand il y a des usages qui sont collatéraux, ça nous inquiète un petit peu.

M. Caire : Parce que, docteur... Ce que vous dites là, docteur, c'est au cœur de notre discussion. Les bonnes informations doivent être disponibles aux bonnes personnes. L'intention du législateur, c'est exactement ça. La façon dont le...

M. Caire : ...le projet de loi est écrit, c'est exactement pour aller dans cette direction-là. Or, vous semblez voir, dans le libellé des articles, quelque chose qui ne nous amène pas là. C'est peut-être là où je voudrais vous entendre, parce qu'on a peut-être un dialogue de sourds, parce que, dans le fond, on dit la même chose, mais on a juste une perception différente, là.

M. Oliva (Vincent) : ...oui, bien... je laisserai la parole à Me Desgagné, mais, encore une fois, tout est dans le niveau de resserrement des renseignements. On trouve que les balises sont trop larges, c'est ce qu'on trouve, et que les renseignements, on ne voit pas les limites. Et vous comprenez qu'un patient, par exemple, qui se fait enlever des pierres dans la vésicule biliaire, c'est une chose, mais un patient qui a eu un avortement, qui a été agressé sexuellement ou qui a eu... qui a consulté pour usage de cannabis, bien, c'est des renseignements extrêmement sensibles, et puis ça, il n'y a pas de...

M. Caire : Tout à fait, et c'est la raison pour laquelle le projet de loi autorise l'individu à refuser qu'on divulgue ces informations-là. Donc, pour le patient, il y a, et c'est prévu dans la loi, le droit de refuser que des informations soient divulguées à qui que ce soit, y compris, y compris au professionnel de la santé, s'il le désire, là. Ça fait que c'est pour ça que je... Vous me dites «un resserrement». O.K., mais à quel niveau, docteur? Parce que je ne vois pas, législativement... Parce que, nous, après ça, vous comprenez, là, il faut pondre un texte législatif cohérent, non seulement cohérent avec le projet de loi, mais cohérent avec l'ensemble du corpus législatif québécois, là. Et comment on... En tout cas... Puis l'idée, c'est, justement, de voir comment on peut le bonifier, ça fait que je suis en mode écoute. Mais comment... de quel resserrement parle-t-on, en fait?

M. Oliva (Vincent) : Peut-être, je peux laisser Me Desgagné compléter, là.

M. Desgagné (Pierre-Luc) : M. le ministre, il y a trois éléments, je pense... Puis on comprend très bien l'objectif, qui est légitime, mais d'abord, quand l'État se met à vouloir gérer les renseignements personnels, ça devrait être... ça devrait tous nous allumer une lumière rouge, dans le sens qu'il faut...

M. Caire : Bien, maître, je m'excuse, mais, si ce n'est pas le rôle de l'État, c'est le rôle de qui, là?

M. Desgagné (Pierre-Luc) : Bien non, mais ce que j'allais dire, c'est... L'encadrement, ça va. Ce qu'on constate ici, ce qu'on vous souligne, M. le ministre... Je veux juste aller au bout de mon idée puis, si j'étais parlementaire, moi, je me questionnerais.

Premièrement, l'article 2 reconnaît que les renseignements qui vont circuler pourront permettre d'identifier indirectement une personne. Avec les outils d'intelligence artificielle qui existent, je pense que le mot «indirectement» pourrait devenir «directement» assez facilement. Alors, moi, il me semble que... je me questionnerais sur l'utilisation du mot «indirectement» dès l'article 2. C'est une suggestion que je vous fais.

Deuxièmement, il y a énormément de renvois à la réglementation. Moi, si j'étais parlementaire, et qu'il y a autant d'occurrences et de renvois à de futurs règlements, je serais préoccupé, parce que, ça, ça veut dire que le législateur abandonne une grande partie de son rôle de législateur pour renvoyer ça à l'administration. Je serais extrêmement prudent quand il y a autant de renvois réglementaires.

Puis, troisièmement, vous le savez, ça vise à assurer une certaine vélocité au sein de l'État et permettre la transmission des renseignements de santé entre les différentes institutions. Le Dr Oliva vous le mentionne, votre priorité absolue... peut-être pas la vôtre personnellement, mais celle du législateur, ça devrait être de faire en sorte que soit ciblée la relation patient-médecin, et non pas de donner accès à toute une foule d'organisations gouvernementales. Là, vous allez me répondre : Je le fais dans le cadre d'une mission, l'organisme qui voudra avoir accès à ça devra le justifier dans le cadre d'une mission. Je vous donne un exemple. La RAMQ, par exemple, la Régie de l'assurance maladie pourrait décider, elle, que, dans le cadre de sa mission, elle a un pouvoir d'enquête, alors, étant donné mon pouvoir d'enquête, moi, je veux avoir accès à toutes les données que vous avez rassemblées, parce que, pour mes enquêtes, ça va m'aider. Ça, ça peut amener un dérapage.

M. Caire : Maître, vous savez bien que ça ne marche pas de même, là, voyons donc, voyons...

M. Desgagné (Pierre-Luc) : Bien...

M. Caire : Maître, maître, maître, voyons, vous savez que ce que vous dites là ne correspond pas à la réalité législative du Québec, là.

M. Desgagné (Pierre-Luc) : Bien, M. le ministre, vous m'avez vous-même affirmé... puis vous le faites bien... vous m'avez vous-même affirmé qu'une organisation qui agirait dans le cadre de sa mission... c'est ce que vous avez dit...

M. Caire : Oui, prévue par la loi.

M. Desgagné (Pierre-Luc) : Prévue par la loi. Bien, le pouvoir d'enquête de la RAMQ, il est prévu par la loi.

M. Caire : Oui.

M. Desgagné (Pierre-Luc) : Bon, alors, la RAMQ...

M. Caire : Oui, mais ça, ça ne veut pas dire... non, mais, un instant, maître... ça ne veut pas dire... Puis c'est intéressant que vous ameniez ce point-là parce qu'on avait, justement, le débat avec la commissaire à la santé, et qui, justement, disait... bien, dans l'article, il est dit qu'elle voudrait qu'on remplace le «peut» par le «doit». Je ne sais pas si vous avez suivi ce débat-là. Parce que l'article prévoit qu'il peut divulguer des informations, et non pas «il le doit», et, justement, parce qu'on veut qu'il y ait ce devoir de réserve, de dire : Un instant, est-ce que, de par la nature de tes fonctions, tu peux avoir accès à ces informations-là?

Donc, on a la commissaire qui dit...

M. Caire : ...ça devrait être obligatoire. Vous, vous dites : Non, ça devrait être... bien, peut-être pas interdit, là, je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche que vous n'avez pas prononcés, mais je pense que le compromis, il est justement dans la loi en disant : Bien, il ne faut pas raisonner dans l'absolu, mais il faut permettre... Puis la Commissaire à la santé nous disait : Écoutez, là, à cause de ça, moi, ça m'a pris un an, un an, puis ça a même fait l'objet d'un article aujourd'hui, un an pour obtenir des renseignements pour être capable de faire mon travail. Bon, ça, c'est le premier point. Donc, je pense que l'article, justement, s'assure de circonscrire aux seules données qui sont nécessaires à l'exercice des fonctions.

Et puis vous dites que ça devrait... le projet de loi devrait, bon, pas exclusivement mais privilégier la relation patient-professionnel de la santé. Bien, non, parce que le projet de loi vise aussi à s'assurer d'avoir une saine administration du réseau de la santé. Puis ça, je pense que le contribuable québécois va être content de savoir que ces administrateurs ont accès à des informations qui leur sont nécessaires, ni plus ni moins, mais qui leur sont nécessaires pour avoir une saine gestion du réseau de la santé puis s'assurer qu'on va, justement, chercher cette efficience dont le Dr Oliva faisait mention à travers des systèmes informatiques déficients. Parce que ça aussi, ça contribue à miner la relation ou, je dirais, le temps qui est... Puis vous parliez de l'étude de la Fédération canadienne indépendante : 18 millions d'heures à faire de l'administration pour des médecins, c'est inacceptable. On est tous d'accord, mais, si je n'améliore pas ma capacité à gérer le système, à gérer le réseau, et donc... et si vous ne me donnez pas accès à des informations, vous ne m'aidez pas avoir la capacité à le faire, vous ne m'aidez pas à avoir la capacité à le faire, bien, les médecins vont continuer à faire des choses qu'ils ne devraient pas faire. CQFD.

M. Oliva (Vincent) : D'abord, juste pour reprendre un point, là, c'est qu'on en est tout à fait en accord avec le rôle puis les fonctions de la commissaire, là. Donc, tu sais, nos propos ne visaient pas son rôle ni ses fonctions. Nous, en essence, ce qu'on dit, c'est que... Puis je comprends que vous dites, ça ne fonctionne pas comme ça dans la vie, mais ce qui est écrit, c'est qu'il y a pas mal de monde qui pourrait avoir accès à pas mal de données, et c'est ça qui nous inquiète.

Puis, quand on parle de la relation patient-médecin, je disais tantôt, si le patient commence à retenir des renseignements parce qu'il sait qu'ils peuvent se retrouver un petit peu partout dans le réseau... Et la gestion, c'est une chose, mais, tu sais, pour nous, le bénéfice principal de ce projet de loi, c'est de favoriser la circulation fluide de ces données-là pour que le patient évite de courir à droite, à gauche pour ramasser ses renseignements, c'est le continuum de soins, puis c'est là-dessus qu'il faut se concentrer. Après ça, oui, comme outil de gestion, mais vous comprenez que, sous prétexte qu'on veut gérer, ça donne accès à beaucoup, beaucoup de renseignements qui sont très sensibles. Et, si on se met à refuser que ces données soient partagées parce que justement on a peur qu'elles se retrouvent à droite, à gauche, bien, ça va revenir un petit peu contredire l'objectif de la loi. Ce qu'on ne voudrait pas, c'est justement que les patients puis les médecins commencent, disons, à exercer leur option de sortie.

Donc, encore une fois, nous, c'est notre angle. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on le vit quotidiennement. Les outils qu'on a actuellement ne nous permettent pas d'exercer notre travail comme il faut ou de façon très fluide. On l'a dit tantôt, le continuum de soins, les outils qu'on a actuellement, comme le DSQ, sont imparfaits. Donc, pour ça, on est très en faveur. Pour le reste, la facilité potentielle avec la... et le nombre de personnes qui ont potentiellement accès à ces renseignements, c'est ça qui nous inquiète.

• (15 h 30) •

M. Caire : Bien, puis je vais vous donner un exemple...

Le Président (M. Simard) : Excusez-moi, M. le ministre, mais le temps passe si vite.

M. Caire : O.K., ça, c'est un genre de c'est fini?

Le Président (M. Simard) : Oui, c'est un... et ça finit très poli. Vous voyez, presque poétique.

M. Caire : Docteur, désolé, il semblerait que...

Le Président (M. Simard) : J'aurais dû vous faire signe avant.

M. Caire : ...contrairement à moi, mon temps est expiré.

Le Président (M. Simard) : Oui. Merci. Alors, je cède maintenant la parole à notre collègue de Mont-Royal-Outremont.

Mme Setlakwe : Bonjour, Messieurs, et merci pour votre présentation. Vos réticences sont bien entendues, vos craintes, vos inquiétudes. J'ai trouvé percutant, là, le moment où vous avez mentionné que vous ne voulez pas vous ramasser dans une situation où, comme médecin...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Setlakwe : ...spécialiste, vous alliez vous retenir d'indiquer certaines informations dans le rapport du patient, de peur que cette information-là se... tu sais, vous l'avez dit même plusieurs fois, se retrouve à droite, à gauche, entre les mains de... tu sais, pour quelles fins entre les mains de tiers. Ça, j'ai trouvé ça assez percutant et ça m'amène à... Vos réticences sont tellement... je ne dirais pas exagérées, elles ne sont pas exagérées, mais elles sont bien entendues, elles sont fortes. Et j'aimerais que vous précisiez un petit peu, là, ce que vous... quand vous avez dit ça... Qu'est-ce qui vous amène à dire ça? Il me semble que là, tu sais, j'enlève un peu mon chapeau de législateur puis je mets mon chapeau d'utilisatrice aussi du système de santé.   On veut que ce soit... On veut que, quand on va devant un médecin spécialiste, qui est une denrée rare, une denrée rare, puis on n'a pas beaucoup de temps, on veut que l'information soit là, on veut que l'échange d'information soit efficace de part et d'autre. Alors, juste un peu... Je comprends que vous... Élaborez un petit peu.

M. Oliva (Vincent) : Oui, merci. Bien, vous savez, la relation entre un médecin et son patient, c'est une relation extrêmement intime, extrêmement privilégiée et qu'on doit respecter. Et on ne veut pas de filtre, parce qu'on veut l'heure juste, O.K. Pas de filtre, ça veut dire qu'il y a des renseignements très sensibles qui sortent, et ces renseignements sensibles, encore une fois, je comprends qu'on veuille gérer un réseau, mais, pour moi, en fait, ce n'est pas ça qui limite la gestion du réseau parce que les problèmes du réseau sont connus. On les a, les listes d'attente, on sait combien de patients attendent. Les problèmes sont connus, c'est la mise en œuvre qui est déficiente pour améliorer la fluidité du réseau.

Les renseignements, c'est une chose, mais, pour moi, les renseignements doivent surtout servir à ce que tous les professionnels de santé qui sont impliqués dans ce continuum de soins aient un accès fluide, pour ne pas avoir à recommencer à chaque fois, pour être sûr que, par exemple, le chirurgien ait tous les tests préopératoires, pour être sûr que le médecin à qui le patient est référé ait toute l'information. Pour moi, c'est ça, l'essence des besoins. Et tant que ça reste dans les mains des professionnels de santé, je suis assez rassuré, mais, quand ça va dans les mains des gestionnaires, j'ai le droit de me poser des questions. Puis je pense que les gens vont se poser des questions, parce que les fuites, ça existe, on l'a vu, on l'a vécu.

Mme Setlakwe : Vous avez mentionné également - merci - un déséquilibre, au niveau de l'information disponible, que la relation, avec le ministère, si j'ai bien compris, avec l'État, doit se faire dans un esprit de réciprocité, de collaboration. Pouvez-vous me donner des exemples concrets, là, de ce qui vous inquiète par rapport à... Vous protégez vos membres, ça se comprend, mais qu'est-ce qui vous inquiète précisément?

M. Oliva (Vincent) : Oui, je peux peut-être... Desgagnés.

M. Desgagné (Pierre-Luc) : Merci. Merci, M. le Président, Mme la députée de Mont-Royal-Outremont. Merci de votre question, parce que ça, c'est un point important et un élément important du mémoire que nous présentons, là. Ce qu'on veut dire par là, c'est que, comme vous le savez, on est l'organisme représentatif, et c'est donc nous qui négocions avec le gouvernement. Comme vous le savez, dans le cadre des relations de travail entre le gouvernement et des instances représentatives comme la nôtre, bien, le droit à une négociation, bien, il est rendu quasi constitutionnel maintenant. L'État a l'obligation de négocier de bonne foi, mais, pour que la négociation ait lieu, il faut également qu'il y ait une certaine forme de réciprocité.

Notre crainte, c'est que, si le projet de loi devait être adopté tel quel, l'État va avoir, en sa possession, tout un lot de nouvelles informations, de nouvelles données qui vont participer à un certain déséquilibre entre les parties qui doivent négocier et pourraient mettre en péril, disons, notre pouvoir de négociation. C'est ce qu'on indique. Soyons prudents parce que s'il y a un déséquilibre dans l'accès à cette information-là, ça vient déséquilibrer un pouvoir de négociation, puis ça, bien entendu, c'est quelque chose qu'on ne pourra pas accepter.

Mme Setlakwe : Sur un autre sujet. Merci. La recherche, on ne vous a pas entendus sur la recherche. Il me semble que c'est un élément, à mes yeux, là, important, capital dans le projet de loi. On sait que la recherche nous amène à atteindre des nouveaux sommets, des avancées dans les traitements. Comme médecins spécialistes, comment vous voyez l'apport de ce projet de loi là? Est-ce qu'on s'en va dans la bonne direction? Est-ce que vous pensez qu'on va atteindre les objectifs? Est-ce que vous avez des réticences, des craintes par rapport au volet chercheur?

M. Oliva (Vincent) : C'est effectivement du côté de la recherche...

M. Oliva (Vincent) : ...Certains déchirements entre le désir de garder ces informations confidentielles et le besoin de les partager pour faire des avancées, puis trouver des moyens de traiter ou d'investiguer qui soient meilleurs. Il y a là une question de compromis. Mais ce qui est implicite dans votre question, c'est que plus on ouvre sur la recherche et plus on laisse ces renseignements-là, disons, courir vers faire des lacs de données, par exemple, bien, plus les informations personnelles et nominatives des patients pourraient potentiellement être compromises. Alors, ce que je vous dirais là-dessus, c'est qu'on ne peut pas empêcher le progrès. Puis je pense que la recherche est extrêmement utile et c'est ça qui fait progresser la médecine, mais il faut que ce soit encadré de façon extrêmement rigoureuse. Je pense que le processus de dénominalisation, il faut qu'il soit extrêmement rigoureux. À voir l'état technologique de notre réseau, j'ai des doutes qu'on puisse faire ça aujourd'hui de façon sécuritaire.

Mme Setlakwe : Merci. J'ai peut-être deux autres questions. Justement, au niveau des tâches administratives, on sait que vous en avez déjà trop, là, sur votre assiette. Et il me semble que l'objectif, c'est justement de simplifier. Je comprends qu'il y a peut-être, à court terme, dans la mise en œuvre, il va y avoir, bon, un aspect nouveauté, il va y avoir une charge additionnelle. Mais est-ce que vous voyez d'un bon oeil, à moyen et long terme, que ça va faciliter la tâche? Ou... Oui.

M. Oliva (Vincent) : Oui. Je ne pense pas que ça va faciliter la tâche. Je pense que ça va alourdir la tâche. Mais, mais, si c'est pour des fins utiles, tant mieux, ça va... Donc, si... Autrement dit, si cette charge additionnelle, que représente le fait d'avoir à transmettre ces données, à les encadrer comme il faut, fait en sorte que, à l'autre bout, on retrouve des gains d'efficience, parce que, dans le fond, le patient perd moins de temps, puis le médecin perd moins de temps à courir après ses données, bien, c'est là qu'on va retrouver un équilibre. Alors, si vous parlez d'améliorer les choses, au total, oui. Il faut juste être conscients que le fait de devoir transmettre et encadrer la transmission de ces données-là, c'est une charge additionnelle. Assurons-nous que cette charge se transforme en quelque chose d'utile à l'autre bout.

Mme Setlakwe : Merci. Et vraiment la dernière question, et c'est un sujet qui est revenu à quelques reprises dans les consultations précédentes, la question du patient qui a comme trop d'informations entre les mains. Mais on sait que de plus en plus, le patient, l'utilisateur, prend le contrôle de son état de santé, et tout ça, et c'est une bonne chose, je pense qu'on s'entend là-dessus. Et, bon, on peut utiliser des termes qui ne m'étaient pas familiers et qui le sont plus maintenant, là, tu sais, la trajectoire de soins, là, vous avez parlé de continuum de soins, et tout ça, est-ce que c'est une bonne chose? Est-ce qu'à un moment donné vous avez une crainte que le patient reçoive trop d'informations, et même, tu sais, que ce ne soit pas accompagné d'une explication? Tu sais, recevoir un rapport, recevoir des résultats de laboratoire, là... C'est ça qui est en train de circuler. Et est-ce qu'à un moment donné on pourrait se retrouver avec des problèmes?

• (15 h 40) •

M. Oliva (Vincent) : Oui. Écoutez, c'est clair que ça implique des fois un petit peu plus de travail, là, de la part des professionnels pour expliquer comme il faut. Cependant, je pense que c'est une bonne orientation. Je pense que le fait d'impliquer le patient dans sa trajectoire, de lui donner plus de renseignements, c'est une bonne chose. Évidemment, il y a des patients qui interprètent ça eux-mêmes, qui vont sur Google. Nous, dans le jargon, on dit «doctor» Google. Et des fois, il y a des patients qui arrivent puis qui ont fait leur diagnostic puis qui disent : voici, j'ai besoin de ça, et on doit désamorcer un peu puis dire : Bien, regardez, on va reprendre des choses, là, parce que la théorie, c'est une chose, la pratique, c'est une autre. Mais globalement, je pense que c'est quand même une bonne chose. Moi, le fait que les renseignements du patient lui soient transmis, oui, ça nécessite un ajustement de la part des professionnels, mais je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. Je pense que les patients sont de plus en plus éduqués et devront de plus en plus s'éduquer.

Mme Setlakwe : Merci. Rassurez-nous, là, qu'il n'y a pas une bombe, une mauvaise nouvelle, là, qui est livrée par un système informatique sans accompagnement d'un coup de téléphone. On espère ne pas être rendus là, là, à recevoir des mauvaises nouvelles par un dépôt de documents. Je dis ça un peu à la blague.

Une voix : absolument.

Mme Setlakwe : Merci beaucoup, messieurs...

Le Président (M. Simard) : …merci à vous, cher collègue. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Lesage qui dispose d'environ six minutes.

M. Zanetti : Merci beaucoup, M. le Président. Merci pour votre présentation. J'ai des questions à vous poser par rapport à votre recommandation numéro dix, de mettre en place un régime particulier d'application pour certains renseignements de santé à caractère sensible, notamment les renseignements quant aux événements de santé mentale, de nature sexuelle, et incluant les changements de sexe et les interruptions volontaires de grossesse. Donc, vous dites : Ce régime pourrait entre autres, restreindre ou interdire l'accès de certains intervenants à des données spécifiques. Ce que je voudrais comprendre, c'est comment est-ce que ça, ça pourrait s'opérationnaliser plus concrètement. Puis aussi qu'est-ce qui fait qu'en ce moment ces renseignements-là sont protégés et que vous craignez que tout à coup, ils ne le soient plus, au fond?

M. Oliva (Vincent) : Bien, c'est une question complexe. Nous, en fait, on soulève des drapeaux, on ne prétend pas qu'on a toutes les réponses. On a des pistes, quand même, de réponses. Vous comprenez que ce n'est pas nous qui avons écrit le projet de loi, nous, on regarde où est-ce qu'il y a des... où il y a des failles potentielles. Mais je pense qu'il y a certaines pathologies qui effectivement sont plus sensibles. Et, par exemple, il pourrait y avoir des niveaux différents, disons, d'information ou de facilité d'accès à l'information parce qu'il y a des informations qui ne devraient jamais divulguées, autre qu'au personnel soignant, par exemple. Alors, ils pourraient y avoir une gradation dans le niveau d'informations qui sont disponibles et c'est là que le balisage est nécessaire. Donc, je pense que... L'expression populaire dit que le diable est dans les détails, je pense qu'il faut qu'il y ait un niveau de granularité assez important pour pouvoir justement encadrer la transmission de certaines informations, dont celles que vous avez nommées pour s'assurer que ce soient effectivement les bonnes personnes qui aient accès à ces informations-là.

M. Zanetti : Puis, en ce moment...

M. Desgagné (Pierre-Luc) : Est-ce que je peux ajouter quelque chose? Ah! excusez-moi.

M. Zanetti : Ah! oui, allez-y, oui, oui.

M. Desgagné (Pierre-Luc) : M. le député de Jean-Lesage, juste pour aller... abonder dans le même sens et peut-être ajouter une information intéressante, là. La réponse à votre question est en partie dans la section qui précède la recommandation, où on donne des exemples, mais on vous souligne aussi que, quant à nous, il y aurait sans doute lieu de faire une réflexion, que les parlementaires fassent une réflexion à cet égard-là parce qu'il s'agit de... tout renseignement personnel est sensible, mais dans le cas qui nous occupe, où, en fonction de cette section-là qui est dans notre mémoire, on vous... On attire votre attention sur des résultats ou des renseignements ultrasensibles. Et je pense que, comme parlementaire, on attire votre attention qu'à l'intérieur même de la transmission des informations, on devrait restreindre l'accès à des informations de cette nature-là qui sont ultrasensibles. On donne l'exemple de l'IGT. Je peux vous dire une chose, des médecins qui pratiquent une IGT, pas besoin de crier au loup, tout le monde le sait, ça peut créer du remous, ils peuvent faire l'objet, bien entendu, de menaces. Donc, prenons l'exemple d'une fuite ou d'un accès non autorisé. Bien, vous avez accès assez facilement à des informations permettant d'identifier le professionnel de la santé. Ça fait que l'idée derrière ça, c'est de vous demander ou de vous suggérer de faire une réflexion puis de profiter de la commission parlementaire pour peut-être vous interroger sur des renseignements ultrasensibles. C'est tout.

M. Oliva (Vincent) : Et je m'excuse. Juste pour précision, l'IGT, c'est une interruption de grossesse tardive. C'est une interruption de grossesse au troisième trimestre, là, alors que le fœtus est quasiment viable, là. O.K.. Donc évidemment, ça soulève toutes sortes de problèmes éthiques, et donc c'est ce genre d'information qu'on veut certainement protéger.

M. Zanetti : Et, à l'heure actuelle, comment est-ce que ces renseignements-là sont protégés? Est-ce que ça peut arriver à l'heure actuelle, par exemple, qu'un renseignement comme ça fasse l'objet d'une fuite ou...

M. Oliva (Vincent) : Bien, écoutez, c'est le secret professionnel. Donc, je veux dire, à partir du moment où il n'y a pas de politique de transmission implicite de ces renseignements-là,... BOn, une fuite est toujours possible, mais évidemment, vous comprenez qu'avec le projet de loi qui est proposé, où il y a une transmission implicite de ces informations, bien, le risque augmente forcément.

M. Zanetti : Donc, au fond, c'est la question, je comprends, du risque qui augmente. Bien, merci, c'est toutes les questiona que j'avais.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, Monsieur Oliva, Me Desgagné, merci beaucoup d'avoir participé aux travaux. Ce fût fort instructif. On espère vous recevoir sous peu...

Le Président (M. Simard) : ...Ceci étant dit, nous allons suspendre nos travaux afin de faire place à nos prochains invités. À nouveau, merci.

(Suspension de la séance à 15 h 46)

(Reprise à 15 h 51)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous sommes en mesure de poursuivre nos travaux. Et nous avons l'honneur de recevoir des représentants de la Ligue des droits et libertés. Mesdames, bienvenue parmi nous. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter, s'il vous plaît?

Mme Khelil (Lynda) : Oui. Bonjour. Je me présente, Lynda Khelil, porte-parole de la Ligue des droits et libertés. Et je suis accompagnée aujourd'hui de madame...

Mme Khelil (Lynda) : ...Anne Pineau, membre de la Ligue des droits et libertés.

Le Président (M. Simard) : Alors, nous sommes à votre écoute, et vous disposez de dix minutes.

Mme Khelil (Lynda) : Merci. Donc, bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mme et M. les Députés. La Ligue des droits et libertés remercie la Commission des finances publiques de cette invitation à participer aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.

Quelques mots sur la Ligue des droits et libertés. Fondée en 1963, la Ligue célèbre cette année ses 60 ans de lutte pour les droits humains au Québec et au Canada en tant qu'organisation indépendante et non partisane. La Ligue des droits et libertés a contribué à la création d'instruments de protection des droits humains, dont la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, adoptée en 1975.

Donc, je vais présenter brièvement le contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi n° 3, puis madame Pineau poursuivra par la suite pour le reste de la présentation. Donc, brièvement, en juin 2019, le gouvernement du Québec publiait sa Stratégie de transformation numérique gouvernementale pour la période 2019-2023. Premier jalon en vue d'une numérisation des services publics de bout en bout, la Stratégie affirme vouloir placer les citoyens et citoyennes au centre de l'évolution des services, des programmes et des politiques. Depuis, les projets de loi se bousculent pour donner forme à cette stratégie, notamment par une révision des régimes de protection des renseignements personnels en vigueur au Québec. Donc, on parle ici du projet de loi n° 14, du projet de loi n° 95 puis du projet de loi n° 64. Une constante se dégage par ailleurs. Ces lois libéralisent l'utilisation et la communication de renseignements personnels sans consentement, ce qui n'est pas, tel que le note la Commission d'accès à l'information dans son mémoire sur le projet de loi n° 64, de nature à accroître le contrôle du citoyen sur les renseignements qui le concernent. Cette effervescence législative se poursuit maintenant avec le dépôt du projet de loi n° 3, que nous sommes appelées aujourd'hui à commenter.

La protection des renseignements personnels devient encore plus névralgique à l'heure actuelle. Le développement de l'intelligence artificielle et l'extension du modèle... du modèle d'affaires, pardon, qui est fondé sur l'exploitation des données ne vont pas sans risques, et les gouvernements n'échappent pas à cet engouement pour les données. Il apparaît donc crucial, dans ce contexte, de rehausser les protections, particulièrement concernant les renseignements de santé et de services sociaux, qui sont parmi les plus sensibles et les plus intimes.

Concernant le projet de loi n° 3, on constate que le projet de loi n° 3 concerne les renseignements de santé et de services sociaux détenus par les organismes du secteur de la santé et des services sociaux, que l'article 2 définit très largement les renseignements de santé et de services sociaux. Il inclut l'état de santé physique ou mentale d'une personne, ses facteurs déterminants, ses antécédents médicaux familiaux, tout matériel prélevé, les implants et orthèses, les services reçus et leurs résultats, et cetera. La liste est extensible, d'autres types de renseignements pouvant s'ajouter par voie réglementaire. Et on aura l'occasion d'aborder cet aspect plus tard.

Quant à la notion d'organisme de santé, elle dépasse de loin le réseau de santé au sens habituel du terme. Sont notamment concernés le ministère de la Santé et des Services sociaux, de nombreux organismes liés à la santé mentionnés en annexe au projet de loi n° 3. Je ne vous ferai pas la liste pour gain de temps. À cela s'ajoutent la personne et le groupement qui concluent une entente pour la prestation de services de santé et de services sociaux pour le compte de certains organismes de santé. Nous comprenons, d'autre part, que ce nouveau périmètre mêle le public et le privé, s'applique sans égard au fait que les soins et services prodigués soient assumés par l'État.

Le propos aujourd'hui de la Ligue des droits et libertés, là, la perspective d'analyse que met de l'avant la Ligue quant au projet de loi n° 3 est celle d'une préoccupation quant aux droits et libertés. Donc, les lois de protection des renseignements personnels mettent en œuvre des droits fondamentaux garantis par la Charte des droits et libertés du Québec, dont le droit à l'égalité, le droit à la dignité, le droit à la vie privée et le droit au secret professionnel. Évidemment, toute limitation à ces droits est soumise au texte... au test, pardon, exigeant de l'article 9.1 de la Charte. Donc, on parle d'un objectif légitime et important, mesure proportionnelle à l'objectif et d'une atteinte minimale au droit.

Donc, sur cette introduction, je vais céder la parole à madame Pineau pour la suite de la présentation.

Mme Pineau (Anne) : Oui...

Mme Pineau (Anne) : …merci beaucoup de nous recevoir. Donc, au cœur des lois de protection des renseignements personnels, se trouve le droit à la vie privée, et le droit à la vie privée est particulièrement important en matière de renseignement de santé. On assimile souvent le droit à la vie privée à une question de protection des informations, de sécurité, de confidentialité. Mais de façon plus fondamentale, la vie privée, c'est aussi le droit de contrôler l'information qui me concerne. Le droit de la donnée à une finalité précise et qu'on respecte cette finalité-là, sauf consentement évidemment. Donc, au cœur de ce droit-là, on trouve le droit à l'autonomie, à la dignité et le droit à la vie privée.

Selon le projet de loi, la personne doit être informée des fins précises pour lesquelles ses renseignements sont reconnus. Pourtant, à de multiples occasions, le projet de loi permet l'utilisation ou la communication de ces renseignements à de tout autre fin et sans consentement. Donc, je n'énumérerai pas, mais on pourra y revenir. Ces dérogations ne remplissent pas, selon nous, le test exigeant de la charte. Par ailleurs, le projet de loi aménage une autorisation générale d'usage des renseignements à d'autres fins administratives et sans qu'il n'y ait une distinction dans le type de renseignements qui pourraient être utilisés. La notion de renseignements de santé est extrêmement large. Elle inclut des renseignements particulièrement intimes sur les personnes, et on comprend la nécessité que les professionnels de la santé puissent obtenir des historiques de traitement, des radiographies, des tests, des analyses, toutes sortes d'éléments de ce type-là qui sont très, très intimes, mais à des fins de gestion administrative, on comprend mal que la même notion de renseignement aussi large puisse être utilisée. Donc, on devrait limiter strictement le type de renseignements accessibles à des fins administratives ou de gestion.

Un autre enjeu, le secret professionnel qui n'est pas abordé comme tel dans le projet de loi. Contrairement à ce qu'on avait dans la loi sur le partage de certains renseignements de santé. Alors, on se demande un peu comment va s'articuler la question du secret professionnel. Parce que les renseignements de santé sont presque par définition, des renseignements visés par le secret professionnel. En matière de recherche, on prône un régime unifié d'autorisation d'accès et on substituerait à… le critère déraisonnable de requérir le consentement par une impossibilité pratique de l'obtenir.

• (16 heures) •

Le système national de dépôt de renseignements soulève des inquiétudes dans la mesure où on semble concentrer énormément de renseignements à un seul point d'entrée et ce qui pourrait soulever des convoitises au niveau, là, des rançongiciels et du piratage informatique.

La communication de renseignements hors Québec, qui est présente un peu partout dans ce projet de loi là, limite ou permet la communication dans un pays qui a un régime adéquat et non un régime équivalent, ce qui est pour nous une problématique. Et on s'inquiète aussi un peu, en terminant, sur l'utilisation qu'on veut faire des données pour lesquelles le gouvernement se donne beaucoup de possibilités d'accès. Et nous craignons qu'un recours aveugle aux données mène à une standardisation des pratiques au détriment d'une approche décentralisée. Nous appréhendons le profilage de consommation, le contrôle des pratiques professionnelles, l'imposition d'outils d'évaluation supplantant le jugement professionnel et l'introduction du financement des hôpitaux par activités.

Donc, en conclusion, le projet de loi aménage l'accès à une masse imposante de renseignements. L'emprise du gouvernement sur ces données s'étendra bien au-delà du système de santé traditionnel. Ces renseignements de santé ont été fournis en vue de recevoir des soins et pourront être utilisés à de tout autres fins. Le projet de loi brouille les frontières entre le public et le privé. Nous craignons que ce périmètre élargi ne soit l'occasion d'une privatisation accrue du régime public de santé. Alors, voilà.

Le Président (M. Simard) : Ah! bon, bien, pile dans les temps. Merci beaucoup, beaucoup. Je cède...


 
 

16 h (version non révisée)

Le Président (M. Simard) : ...maintenant la parole au ministre.

M. Caire : Merci, M. le Président. Bon. En fait, vous parlez de la loi 14, de la loi 95 et la loi 64, ça adonne bien, parce que je suis le ministre qui a été au cœur de l'adoption de ces trois projets de loi qui ont été adoptés à l'unanimité à l'Assemblée nationale, je tiens quand même à le souligner. Vous parlez d'une libéralisation des renseignements personnels, je vais vous poser un peu... Puis là, les collègues, allez prendre un café, là, parce que je vais être redondant.

Alors que le Québec se dote d'un régime de protection des renseignements personnels qui est le plus sévère en Amérique, et de loin, alors qu'on adopte un régime de protection des renseignements personnels qui est l'équivalent du régime de protection... le régime général de protection des données européen qui est le plus sévère au monde, vous nous parlez de libéralisation des renseignements personnels. Comment est-ce que c'est conciliable, ces deux univers qui, semble-t-il, ne sont pas dans le même fuseau horaire, là? Je ne comprends pas, je ne comprends pas votre démarche qui vous amène à cette conclusion-là. 

Mme Pineau (Anne) : Je vais répondre. M. le ministre, nous, on avait participé à la consultation sur le projet de loi n° 64. On a fait valoir les mêmes commentaires à ce projet de loi là que ceux qu'on vous soumet aujourd'hui. Je pense qu'on ne peut pas... on ne peut pas ignorer qu'il y a un changement de modèle. On avait une loi de protection des renseignements personnels qui précisait chaque finalité pour lesquels un renseignement pouvait être utilisé. Et, faute de cette précision à la loi, il n'y avait pas possibilité, sauf consentement de la personne. Je pense que ce n'est pas une nouveauté de dire que le projet de loi n° 14, 95, 64 ont tendu à changer de ce modèle-là, pour dire : Il faut qu'on cesse de travailler en silo, il faut cesser de ne pas pouvoir utiliser les informations pour d'autres fins.

Or, on a, de plus en plus, établi des modalités d'accès qui permettent d'autres utilisations que celles pour lesquelles, au départ, la personne a donné son renseignement. Par exemple, le projet de loi n° 3 nous dit que, quand je recueille le consentement, je dois indiquer pour chacune des finalités. Et vous avez ensuite l'article 14, qui nous dit que, lorsque je recueille des renseignements, je dois indiquer la finalité pour laquelle ces renseignements-là sont utilisés... Seront utilisés. Mais il est un fait que, malgré tout, on pourra les utiliser à d'autres fins. Je pense que c'est ce que vous avez voulu, c'est ce que l'ensemble des législations qui ont été adoptées...

M. Caire : Mais si je peux me permettre, si je peux me permettre, tout ce que vous dites est vrai, mais, je pense, doit être précisé. On peut les utiliser à d'autres fins lorsque c'est manifestement dans l'intérêt de la personne. Et on a eu cette discussion-là, en commission parlementaire, avec les collègues. Il n'est pas question d'utiliser des renseignements personnels à des fins qui n'ont rien à voir avec ce pour quoi ils ont été collectés, c'est ce que la loi dit, et si ce n'est pas manifestement dans l'intérêt. Et on a statué d'ailleurs, justement, vous parliez de la loi 64, que la cour avait bien... la Cour suprême, je pense, avait bien balisé ce qui était... la notion de «manifestement dans l'intérêt de».

Donc, oui, vous avez raison, on reprend, on reprend ce principe-là ici, mais je vous amène dans une situation concrète, puis ça va peut-être nous aider, là, à comprendre, effectivement, ce que l'on veut. Puis je vais reprendre les propos du docteur Amyot, Docteur Amyot qui dit :  Bon. Moi, quand je vois un patient, je veux avoir accès à toute l'information. Or, moi, je peux avoir un dossier à l'Hôpital Chauveau, Je peux avoir un dossier au CHUL. Je peux avoir un dossier à la Cité verte, mais je peux aussi, ou, dans le cours de vacances, avoir...

M. Caire : ...consulter un médecin dans l'extraordinaire région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Bien, le médecin qui me soigne veut avoir accès à tout ça. Or, si je vous suis bien, il faudrait que je donne mon consentement pour que chacune des informations de chacun de ces professionnels de la santé que j'ai consultés, pour chacun des établissements, des lieux physiques, il faudrait que je donne mon consentement à chaque fois, alors que manifestement, c'est ce que je veux, que le médecin, il aille accès à toute l'information. Donc l'idée de l'article, c'est ça. C'est ça, l'idée de l'article. Puis, en quoi ça, pour vous, ça représente une violation de la vie privée ou des droits et libertés d'un individu, alors que c'est manifestement dans l'objectif de mieux le servir, là?

Mme Pineau (Anne) : Oui, merci pour la question. Effectivement, je pense que dans un contexte de soins, c'est particulièrement approprié que les renseignements puissent circuler et puissent être utilisés par l'ensemble des professionnels qui ont pour charge de soigner le patient. On n'en a pas vraiment à ce niveau-là, je pense qu'on peut même dire que ça, c'est comme une utilisation à une fin incompatible avec la finalité pour laquelle j'ai donné le renseignement au départ. Tu sais, je fournis des renseignements à mon médecin. Je pense que c'est une fin compatible que de faire suivre quand je suis soigné par un autre médecin. Ceci dit, je ne vois pas pourquoi on ne permettrait pas à la personne de carrément et précisément dire : Oui, je consens à ce que l'ensemble des professionnels qui auront à traiter mon dossier puissent y avoir accès. On en a par contre...

M. Caire : Si je peux me permettre, parce que c'est important ce que vous venez de dire là, la loi prévoit que la personne peut refuser son consentement à ce que les informations soient transmises, même à un professionnel de la santé. Donc, ce que vous nous dites là, la loi le fait, on peut, n'importe quel citoyen peut refuser que ces renseignements de santé soient transmis à qui que ce soit, là. Je voulais juste contextualiser, là, parce que ça semble être le sens de votre propos, là, si j'ai bien compris.

Mme Pineau (Anne) : Oui, en fait, on comprend que les renseignements circulent. Ils ont été recueillis à des fins de soigner la personne et il apparaît normal qu'ils puissent circuler dans le cadre de l'épisode de soins. Et effectivement, vous avez raison, l'article sept vient restreindre éventuellement l'accès de certains intervenants à certains renseignements si la personne le juge essentiel. Et ça, on n'a pas de problèmes non plus avec ça. Moi... nous, on en a plus sur l'utilisation à des fins administratives par une foule d'autres organismes. Là, je parle particulièrement des cas où c'est le gestionnaire délégué aux données numériques qui sera appelé à trancher des demandes d'un peu tout le monde. Alors vous avez les organismes de santé, les organismes publics, des ordres professionnels, des organismes de d'autres gouvernements qui pourront demander l'accès à des renseignements de santé en faisant valoir que c'est pour l'application d'une loi, alors que ce n'est pas prévu à la loi, remplir ma mission, pour l'objet de mes activités, pour remplir mes fonctions, pour mettre en œuvre un programme ou encore si c'est manifestement au bénéfice de la personne ou en cas de circonstances exceptionnelles. Alors là, on a quand même tout plein d'organismes qui peuvent venir chercher des renseignements de santé. Et, bon, évidemment, on pense que dans un cas comme ça, le consentement n'est pas là. D'ailleurs, ça sera le travail du gestionnaire de dire dans quels cas il pourra autoriser malgré qu'il n'y ait pas eu de consentement. Et donc on a là quand même une utilisation possible de beaucoup de renseignements à des fins que la personne, elle n'a pas pu prévoir.

• (16 h 10) •

M. Caire : Mais si je peux me permettre, la discussion est super intéressante, mais en fait, vous dites : Ce n'est pas prévu à la loi. Je dois corriger ça parce que la loi dit manifestement que vous n'avez accès aux renseignements que dans le cadre de votre fonction, fonction qui est prévue par une loi. Donc quand vous parlez du gestionnaire de données, puis là, il faut lire aussi dans le contexte de la loi 95, là, qui amène au niveau de la protection des renseignements personnels, des obligations supplémentaires. En fait, le gestionnaire est l'arbitre, bon, en tout cas, pas le seul, là, parce qu'il y aura le centre d'accès aux données, mais qui va justement avoir...

M. Caire : ...bien, non, je ne peux pas vous donner accès à ces informations-là parce que, dans le cadre de votre... de l'exécution de votre mandat, vous n'avez pas besoin de ça, vous n'avez pas besoin de ces renseignements-là. Et c'est là tout le... bien, pas tout là mais une partie du mécanisme de protection qui fait en sorte que je pense que vos craintes... puis je les entends, mais peut-être que ça, ça va vous rassurer, de dire que, justement, son rôle, c'est de faire en sorte que, si, dans l'exécution d'un mandat prévu par la loi, vous n'avez pas besoin d'avoir ces informations-là, vous ne les aurez pas.

Et c'est intéressant parce que c'est un peu la discussion qu'on avait avec la Commissaire à la santé et au bien-être qui voulait remplacer le «peut» par un «doit». Et là je pense que nous, on a émis des réticences justement parce que, si c'est une obligation de transmettre les renseignements personnels, là j'aurais tendance à vous donner raison, mais comme ce n'est pas une obligation, qu'il y a cette possibilité-là de les donner ou non, il y a quand même un jugement qui s'exerce en fonction de l'ensemble du contexte législatif québécois. Ça fait que je pense, en tout cas, que ça va dans le sens peut-être d'un plus grand... d'un meilleur contrôle aux renseignements personnels.

Mais je vais revenir sur l'aspect gestion, parce que les représentants de la FMSQ avaient un peu les mêmes craintes. Ne trouvez-vous pas qu'une organisation qui vient chercher 43 % du budget du Québec devrait faire l'objet d'une gestion rigoureuse, extrêmement rigoureuse, devrais-je dire? Et, si oui, comment un gestionnaire peut-il faire une gestion extrêmement rigoureuse de son organisation s'il n'a pas accès à l'information nécessaire pour remplir son mandat?

Mme Pineau (Anne) : Oui, nos préoccupations sont de deux ordres. D'abord, le fait qu'on va quand même permettre l'accès à des renseignements pour une fin qui n'avait pas été précisée au départ. C'est vrai que le gestionnaire délégué aux données numériques va intervenir et décider dans quel cas ce sera possible ou pas. Le gestionnaire est quand même partie de l'appareil gouvernemental, et notamment il est... il fonctionne dans le cadre de la loi sur la gouvernance, et on pense qu'il est possible que la circulation de la donnée pour lui soit plus importante que le test qu'il devra faire de vérifier l'impact sur la vie privée et l'intérêt public. Donc, on sait que plusieurs de ces cas de figure là étaient autrefois l'objet d'un avis de la Commission d'accès à l'information. Ça, ça tombe avec la loi 25, et c'est maintenant le gestionnaire qui doit remplir cette fonction. Donc, on a quand même des préoccupations de ce type-là.

Mais l'autre préoccupation qu'on a, c'est qu'il y a des renseignements de santé qui sont tellement intimes, tellement névralgiques et tellement, comment dire, précieux pour les gens que... Et la loi, le renseignement... la définition privée à la loi ne distingue pas. Il y a... On pourrait utiliser n'importe quel type de renseignements de santé à d'autres fins, notamment pour évaluer le fonctionnement ou l'organisation du système. Or, on trouve qu'il y a certains renseignements qui sont tellement critiques qui ne devraient pas pouvoir servir à autre chose qu'à des traitements de santé.

M. Caire : Je vous suis là-dessus, mais, si je peux vous rassurer, d'une part... En fait, les renseignements de santé font l'objet d'un régime particulier. Je veux dire la loi 3 est un régime particulier pour les renseignements de santé. Donc, on vous suit tout à fait quand vous dites que ce sont des renseignements hautement sensibles.

Ceci étant dit, lorsqu'on dit que le professionnel qui exerce son mandat doit avoir accès seulement aux informations dont il a besoin, je ne vois pas comment on pourrait conclure qu'un gestionnaire a besoin de savoir quel est l'état de mon cancer pour prendre une décision de gestion. Je caricature, là, mais vous comprenez l'exemple que je veux donner. Alors, oui, il peut avoir accès au nombre de chirurgies, il peut avoir accès aux délais dans les urgences, il peut avoir accès à des informations qui relèvent de son mandat de gestionnaire, mais...

M. Caire : Et je pense que, dans le libellé de la loi, de la façon dont la loi est construite, il ne serait pas... il serait difficilement justifiable pour qui que ce soit de donner accès à des renseignements de santé sensibles d'un individu en particulier, à un gestionnaire qui n'a pas pour fonction de soigner les gens. Puis je dirais même, je vais aller plus loin que ça, si vous me permettez, je ne vois pas comment on pourrait donner des renseignements de santé très précis à un professionnel de la santé dont ce n'est pas le mandat, de soigner cette pathologie-là en particulier. Alors, c'est ça la... Je pense que... Puis je comprends votre inquiétude parce que le libellé est effectivement générique, mais dans l'interprétation, puis c'est pour ça qu'on est quand même en cohérence avec ce qu'on a fait avec 95 et 64, et les définitions, et les jugements de la Cour suprême qui en découle. Et je vous invite aussi à revoir 95 parce que sur le... sur les sources de données numériques, là, il y a des... et il y a une obligation de faire des évaluations de facteurs relatifs à la vie privée. Il y a des règles de gouvernance qui doivent être établies, qui doivent être validées par CAI. Donc, on... On travaille en cohérence avec les autres lois du Québec. Et je pense que ça, en tout cas, ça devrait être de nature à vous rassurer, je l'espère.

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

1caiJ'ai-tu assez conclu à ton goût?

Le Président (M. Simard) : Ah! C'est très bien conclu, M. le ministre.

M. Caire : Je suis un maître de la conclusion.

Le Président (M. Simard) : Alors, mesdames, nous allons poursuivre nos échanges, cette fois-ci avec la députée de Mont-Royal-Outremont, qui dispose de 12 min 20 s.

Mme Setlakwe : Merci, M. le Président. Merci, mesdames, pour votre intervention très, très pertinente, très importante. La protection des droits et libertés, c'est fondamental, c'est extrêmement important. Et les principes que vous défendez sont importants et il faut en tenir compte. On va certainement relire le libellé pour s'assurer qu'on a... Tu sais, vous allez nous amener finalement à trouver le juste équilibre dans ce dossier-là par rapport aux objectifs, là, qui sont visés et qui sont louables. Parce que, nous, on est dans la recherche du bien commun, du bien public. Donc, on vous entend, et je ne veux pas refaire toute la discussion, puist vous avez soumis un mémoire détaillé, mais dites-nous quand même sur quelles pistes est-ce qu'on est dans la bonne direction, tu sais, sur quels... sur quels aspects est-ce que vous pensez qu'on va faire des progrès et que le projet de loi va être bénéfique, là, pour l'ensemble des utilisateurs?

• (16 h 20) •

Mme Pineau (Anne) : Si je peux me permettre, il y a quand même des aspects, là, qui... qui sont intéressants dans le sens de prévoir un régime unifié de façon de traiter les renseignements de santé de la même façon, peu importe où ils sont éparpillés. Nous, on pense aussi que... Je pense que par rapport à la loi no 25, ce qu'on amène du côté de la recherche, il y a quand même des... des éléments intéressants dans ça, notamment toute la question du Centre d'accès à la recherche qui, malheureusement, n'est pas désigné à la loi, malheureusement, parce que ça ne nous permet pas vraiment de discuter de l'expertise de cet organisme-là ou de comment il va fonctionner. Tu sais, je veux dire, ça, c'est quelque chose que nous regrettons, là, qu'on n'ait pas l'identité de ce centre d'accès à la recherche. Mais bon, je pense que dans la mesure où ça sera une organisation qui a vraiment une expertise, qui sera préoccupée par non seulement la recherche, mais aussi le droit à la vie privée et l'intérêt public en matière de recherche, je pense qu'il y a, là, une procédure qui peut être intéressante. Mais je vous avoue que, nous, on voudrait un régime unifié, c'est-à-dire que tout, toute demande pour utilisation de renseignements sans consentement en matière de recherche devrait faire l'objet d'une autorisation par le Centre d'accès à la recherche, plutôt que d'avoir une procédure double. Parce que ce que le projet de loi prévoit, c'est que, si vous êtes un chercheur lié à un établissement de santé...

Mme Pineau (Anne) : ...ou à un établissement, là, de l'annexe un, dans ce cas-là, vous faites votre demande à l'établissement de santé ou à l'organisme de l'annexe un, et c'est lui... c'est la plus haute autorité de cet organisme-là qui va autoriser l'accès à des renseignements de santé sans consentement. Et on a une difficulté, parce que ces organismes-là embauchent... Un chercheur lié, c'est quelqu'un qui est embauché par un CIUSSS, par exemple, pour faire de la recherche. Alors, on peut s'attendre que, dès que le chercheur va demander à la plus haute autorité, j'aurais besoin de tel, tel, tel renseignement, bien, on peut... Nous, on craint que ça soit du rubber stamp et que l'étape qui consiste à vraiment vérifier s'il était impossible d'obtenir le consentement et si c'est vraiment d'intérêt public par rapport à l'impact sur la vie privée, ce test d'équilibrage des droits risque, bon, d'être plus ou moins appliqué avec sévérité. Alors que, si on avait un seul organisme qui dispose de l'ensemble des autorisations, on pourrait s'assurer que le test d'équilibrage des droits puisse être appliqué de façon constante.

Mme Setlakwe : Merci. Vous avez parlé de l'importance de contrôler l'information, donc vous ne voyez pas dans la loi un encadrement assez... un encadrement suffisant, adéquat. Vous ne voyez pas que... une possibilité pour le patient de cesser, tu sais, ou de retirer son consentement ou de le baliser adéquatement. Vous avez parlé de ça, là, de l'importance de contrôle et, si je vous entends bien, vous n'êtes pas rassurés à la lecture du projet de loi?

Mme Pineau (Anne) : Bien, c'est certain que le contrôle de l'information, c'est le contrôle de l'utilisation qui en est fait. Alors, à partir du moment où je consens à vous donner un renseignement à des fins de soins, et que ce renseignement là, ensuite, peut être utilisé sans mon consentement à d'autres finalités, bien là, il y a une perte de contrôle, c'est fatal. Alors ça, c'est le modèle qui est proposé, mais qui est le même qui a été adopté avec 95 et avec la loi 25. Donc, ça, pour nous, c'est... ça demeure une problématique.

Mme Setlakwe : Au niveau, donc, de la protection - puis je terminerais avec ça, là - des renseignements personnels, évidemment, on est tous préoccupés par cet aspect-là, sachant aussi que le risque zéro n'existe pas. Vous pensez, donc, que le projet de loi n'est pas assez strict, n'offre pas un encadrement adéquat pour bien protéger le renseignement personnel.

Mme Pineau (Anne) : Bien, le projet de loi reprend le modèle qui a été adopté et qu'on a très critiqué dans le cadre notamment du projet de loi n° 64. Donc, à cet égard là, la possibilité d'utiliser à d'autres fins les renseignements, pour nous, c'est un problème, c'est une approche qui ne nous satisfait pas.

Mme Setlakwe : On va regarder attentivement votre mémoire. J'imagine, vous avez proposé... Je n'ai pas eu la chance de le lire en détail, mais vous proposez, j'imagine, des amendements au libellé pour... qui vous rassurerait.

Mme Pineau (Anne) : À plusieurs endroits, oui.

Mme Setlakwe : O.K. Excellent. Je vous remercie beaucoup mesdames.

Le Président (M. Simard) : Merci, à vous, chère collègue. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont, qui disposera de neuf minutes.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être là. Merci pour le mémoire, qui est quand même assez exhaustif. Je vais essayer de le prendre en deux parties, là, question de compartimenter ma pensée là-dessus, là. De un, je vais parler des patients ou des personnes parce qu'on n'est pas toujours un patient dans la vie, là. On l'est à partir du moment où on est traité, suivi ou malade, et ça ne veut pas dire qu'on n'a pas besoin de notre dossier de santé, même si on n'est pas patients, là, ce pourquoi je fais la distinction. Le but, là, évidemment, ici, ce pourquoi je serais en principe d'accord avec une idée générale qui est dans le projet de loi... Et je n'ai pas dit que j'ai fait... je n'ai pas dit que le projet de loi était adopté puis que je vais l'adopter. Je dis qu'en principe, l'idée générale, c'est de faciliter la fluidité et le transfert de l'information au bénéfice du patient ou de la personne. On conviendra, je pense, tout le monde ici que parfois c'est un peu kafkaïen, c'est un peu compliqué, là, d'avoir des données de...

M. Marissal : ...de santé, ça ne circule pas nécessairement, on n'est pas tout le monde arrivé au XXIᵉ siècle, là. Alors, ça, c'est la prétention du projet de loi qui est déposé ici, de servir d'abord et avant tout la personne, le patient et les citoyens. Vous, vous voyez des éléments dans ce projet de loi qui vont en ce sens? On parlera de vos craintes après, elles sont bien exprimées. Mais est-ce que vous retrouvez, dans ce que vous avez lu, le principe de servir d'abord et avant tout les citoyens et les citoyennes en matière de données personnelles?

Mme Pineau (Anne) : Effectivement, en ce qui concerne les soins de santé, je pense que ça permet à l'intervenant professionnel qui en a besoin d'obtenir communication des renseignements qui lui sont nécessaires pour procéder aux soins qu'il a à prodiguer. Ça, c'est... Notre problème n'est pas là. Notre problème, il est lorsque... un organisme public, mettons, un ministère, ou la SAAQ, ou n'importe quel autre organisme public, il faut s'adresser aux gestionnaires délégués aux données numériques, lui dire : Moi, j'ai besoin de telle information de santé pour remplir la mission et que le gestionnaire va dire : Effectivement, précise-moi la finalité pour laquelle tu en as besoin, et éventuellement fera droit à cette demande-là, sans que moi, j'aie donné mon consentement à cette utilisation-là qui n'a rien à voir avec les soins de santé.

M. Marissal : Vous, vous faites le postulat que ça pourrait se faire... donc je vais le dire comme je le pense, là, dans mes mots, ça peut se faire dans le dos du citoyen.

Mme Pineau (Anne) : Bien, ce que dit 72, là, c'est que le gestionnaire délégué aux données numériques autorise les communications de toute une section. Cette section-là permet à un organisme de santé, à un organisme public, à un ordre professionnel ou à un organisme d'un autre gouvernement de demander l'autorisation de recevoir des renseignements de la part d'un organisme détenteur de renseignements, et là il y a une mécanique. Et c'est pour des fins imprécises, là, l'application de la loi, alors que ce n'est pas prévu pour ma mission, mon objet, ma fonction, parce que c'est au bénéfice de la personne... Mais là on comprend qu'on est plus dans l'utilisation des fins de soins de santé, là. Alors, ça, c'est 72, 60...  et suivants. C'est plus là qu'on a des problèmes.

• (16 h 30) •

M. Marissal : Je comprends. Je comprends bien votre point. Prenons-le maintenant sous l'angle de la recherche, là. J'ai bien lu, là, les sections de votre mémoire là-dessus, là, je comprends vos craintes. Il y a une crainte un peu, là... depuis le début qu'on parle de fluidité des renseignements personnels de santé, là, puis ça doit faire trois ans, on a commencé ça dans la dernière législature, là, il y a clairement toujours la crainte ou le spectre, selon notre niveau d'anxiété, que le privé, le «Big Pharma» notamment... ou qu'à un moment donné ça deviennent des données tellement valorisées, tellement commerciales, tellement chères aussi, tellement cherchées, recherchées, prisées qu'on va l'échapper puis qu'à un moment donné ça va servir à ça aussi. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Pineau (Anne) : Bien, nous, on voudrait qu'on définisse d'abord qu'est-ce que l'intérêt public qui justifie une recherche. On sait que le test qui sera appliqué, c'est... D'abord, on fournit les renseignements sans consentement si on estime que c'est déraisonnable d'exiger le consentement, premier élément, et si le projet est dans l'intérêt public, qui l'emporte... l'objectif du projet l'emporte sur l'impact sur la vie privée. Alors, nous, d'abord, on aimerait que soit défini la question de l'intérêt public, qu'est-ce qu'on entend par l'intérêt public. Alors, pour nous, ça devrait être des recherches qui poursuivent le bien commun, qui visent l'amélioration de la santé, du bien-être, qui servent des fins socialement utiles puis qui assurent le partage des résultats et des bénéfices. Donc... et en conséquence de...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

Mme Pineau (Anne) : ...cette vision-là qu'on a de l'intérêt public, on permettrait aux chercheurs liés à des organismes de santé d'utiliser la mécanique et aussi à des chercheurs qui relèvent du monde académique, O.K., qui sont attachés à une université qui fonctionne en fonction de subventions dans des institutions agréées, mais on ne permettrait pas les demandes en provenance d'entités commerciales...

M. Marissal : C'est clair.

Mme Pineau (Anne) : ...parce que...

M. Marissal : C'est bon. C'est clair. Il me reste peu de temps, là, j'accélère et j'abrège, il y a, dans votre dernier paragraphe, une série d'appréhensions qui sont assez lourdes, là, je vais essayer d'y aller dans l'ordre, on ne pourra malheureusement pas toutes les passer parce que je n'ai pas assez de temps, «la Ligue des droits et de libertés s'inquiète d'une utilisation des données qui mènerait à une standardisation des pratiques dans le réseau», pouvez-vous m'expliquer ce que vous entendez par «une standardisation des pratiques dans le réseau»? Quelle est votre crainte à ce sujet?

Mme Pineau (Anne) : Bien, à partir du moment où on s'en remet à des données, fatalement, on va essayer de trouver les meilleures pratiques supposément attachées à telle ou telle façon de fonctionner, et, la crainte, c'est que la donnée qui est un portrait d'une situation, mais qui ne rend pas toujours compte de l'ensemble ou d'autres aspects de la situation qui... dont elle ne tient pas compte, donc on se fie un peu aveuglément à ces données-là et qu'on omette de tenir compte qu'il y a toutes sortes de réalités dans toutes sortes de milieux qui font qu'adopter telle pratique, bien, ça ne conviendra pas nécessairement dans tous les milieux.

M. Marissal : D'accord. Et ensuite, «nous appréhendons aussi le profilage de consommation de soins - ça, ça va, je comprends bien - et le contrôle des pratiques professionnelles». Allez-y là-dessus, puis je verrai si ça correspond à quelque chose qu'on a entendu aussi hier d'un autre groupe. Je veux juste vous entendre, d'abord.

Mme Pineau (Anne) : Mais, en fait, c'est... ça aussi, à partir du moment où on automatise des choses, vous avez, là, par exemple, des systèmes de décision entièrement automatisés, là, qui sont mentionnés dans ce projet de loi là comme une des possibilités qu'on dépossède peu à peu des professionnels dans leur fonction de juger d'un cas, non pas à partir seulement de données, ou en cochant des cases, et en ayant un résultat au bout de la ligne, O.K., il faut laisser aux professionnels la marge de manoeuvre pour utiliser les données qui peuvent être tout à fait utiles, mais ne pas compromettre leur jugement professionnel pour autant, là.

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Marissal : Merci.

Le Président (M. Simard) : Alors, mesdames Khelil et Pineau, merci beaucoup pour la qualité à la fois de votre présentation et de vos réponses, nous espérons vous retrouver sous peu parmi nous. Cela dit, nous allons suspendre nos travaux afin de faire place à vos prochains invités. Au revoir, mesdames.

(Suspension de la séance à 16 h 35)

(Reprise à 16 h 41)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous reprenons nos travaux. Nous avons l'honneur de recevoir parmi nous l'Association des gestionnaires de l'information de la santé du Québec. Madame, monsieur, soyez les bienvenus! Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter?

M. Allard (Alexandre) : Oui, bonjour, je suis Alexandre Allard, le président du conseil d'administration de l'AGISQ, la voix des archivistes médicaux du Québec.

Mme Chagnon (Lise) : Et à mon tour, je suis Lise Chagnon, qui est la directrice générale de la même association.

Le Président (M. Simard) : Nous vous écoutons. Vous disposez de 10 minutes.

M. Allard (Alexandre) : Excellent...

M. Allard (Alexandre) : ...M. le ministre, chers députés, merci de nous recevoir aujourd'hui. C'est un plaisir d'être avec vous en réel pour pouvoir vous présenter notre mémoire.

Déjà, d'emblée, on mentionne que d'adopter tel quel PL 3, sans intégrer une stratégie par rapport aux archivistes médicaux du Québec, ne permettrait pas d'atteindre ses objectifs tels qu'ils sont décrits, tels qu'ils sont entendus. Pourquoi? Tout simplement parce qu'on est une profession qui a besoin d'un petit peu d'air, on est une profession qui a besoin d'un peu de soutien.

Et qu'est-ce qu'on est, en fait, comme archiviste médical? Souvent, quand on se réfère à des métiers, on va se référer à la racine des mots. Un mécanicien va faire de la mécanique, un pharmacien, de la pharmacie, un médecin, de la médecine. Un archiviste médical, ça ne classe pas de papiers, pas du tout. On n'est pas là pour ça. On est là avec la même formation que les infirmières. Mais enlevez le côté clinique de la chose auprès du patient, remplacez ça par de la formation au niveau légal et par rapport à de la codification d'information pour générer toutes les statistiques de santé sur la planète, et vous venez de bâtir un profil d'archiviste médical.

Alors, l'Association des gestionnaires de l'information de la santé, la voix des archivistes médicaux, c'est ce que nous sommes. Et on est partout en province, partout dans les organisations. On est 1600 au Québec. Notre force, c'est l'intérêt, clairement, la circulation de l'information, la confidentialité, la sécurité, l'exploitation des données. On est là pour ça, et d'ailleurs, dans le réseau depuis plus de 60 ans. 63 ans, je pense, hein, Lise, c'est bien ça?

Mme Chagnon (Lise) : Oui.

M. Allard (Alexandre) : Donc, ça fait deux décennies, en fait, qu'on tente de lancer des alertes, on tente de lancer des signaux auprès des décideurs, auprès des institutions, sur l'état du réseau. Et je pense que la pandémie, on pense qu'au niveau de la pandémie... tout simplement venue mettre un coup de surligneur sur des problématiques de circulation de l'information de santé. Et, pour nous, on y voit une opportunité.

Alors, sur ce, Lise.

Mme Chagnon (Lise) : Alors, nous avons préparé un mémoire qui vous a été déposé dans le cadre des consultations particulières qui sont faites aujourd'hui dans le cadre du projet de loi. Alors, l'an dernier, on en avait préparé un aussi dans le sillage du dépôt du projet de loi n° 19 qui a été malheureusement... qui est malheureusement mort au feuilleton et qui n'a pu être adopté par l'Assemblée générale.

Alors, aujourd'hui, ce qu'on veut vous dire, c'est qu'on vous recommande d'intégrer une stratégie de gestion rigoureuse des données ainsi que l'architecture informationnelle au projet de loi trois, qui est la Loi sur des renseignements de santé et de services sociaux modifiant certaines dispositions législatives de plusieurs lois. On vous recommande aussi de bonifier le texte du projet de loi trois afin de minimiser le recours éventuel aux règlements et de pérenniser ses assises dès le départ, d'intégrer les obligations en matière de la qualité des données pour assurer l'imputabilité des organismes et permettre la valorisation intégrale des données, d'introduire le rôle des techniciens en information clinique dans le projet de loi trois, chose que nous n'avons pas vue en lisant le projet de loi trois, et, par le fait même, de réformer l'encadrement de la profession d'archiviste médicale pour la faire évoluer vers celle de technicien en information clinique. Parce qu'on juge que l'appellation «archiviste médical» ne nous caractérise plus du tout. Nous sommes vraiment des techniciens en information clinique.

Alexandre va vous expliquer la suite.

M. Allard (Alexandre) : Alors, clairement, on est dans le réseau de la santé. On est là depuis longtemps. Alors, comme on dit dans le jargon, vous voulez savoir comment une information circule, demandez à un archiviste médical, il va vous l'expliquer. Le réseau de la santé est basé sur entre 500 à 700 systèmes d'information. Et, un peu comme dans tous les domaines de la société, l'informatique a pris de plein fouet le réseau de la santé. Mais, pour nous autres, oui, c'est vrai qu'il y a des pénuries, des pénuries postpandémies, mais, moi, ma religion à moi, c'est l'information. Alors, la problématique du réseau de la santé, c'est la mauvaise circulation de l'information.

Et d'ailleurs, quand on parle de réelle stratégie de flux de données et quand on regarde ce qui est écrit par rapport aux articles sur le dépôt national de données, on fait parfois le lien entre des vestiges qu'il pourrait y avoir par rapport à un DSQ qui déciderait suite à l'adoption d'un projet de loi comme celui-là versus des intentions de dépôt national de données. Un dépôt de données devrait être un dépôt de données et non pas des moyens de rattacher toutes sortes de besoins pour donner des services à la population.

Donc, selon nous, et après avoir eu des très bonnes discussions avec un éminent chercheur en information, monsieur Daniel Caron, titulaire de la Chaire de recherche en l'information de l'ÉNAP, ce qu'il faut voir dans une stratégie comme celle-là, quand on parle de flux d'information, c'est que le dépôt de données devrait être l'équivalent d'une boule et que, peu importe les utilisateurs qu'on va rattacher à ça...

M. Allard (Alexandre) : ...les fournisseurs, des chercheurs, c'est des profils d'utilisation avec de la journalisation. C'est ça qui est question.

Alors, dans le cadre de la commission parlementaire, vous allez recevoir toutes sortes de groupes, des syndicats, des groupes de pression, qui, chacun à leur tour, vont vous dire : Ah! bien, moi, l'usager devrait être au cœur de la préoccupation. On est pour ça. Les médecins vont avoir leurs préoccupations, les infirmières et tout le monde, en fait. Vous allez recevoir également le groupe des chercheurs. Mais le vrai enjeu ici, c'est l'information. Parce que, si on met le coeur... on met l'objectif d'information au cœur des prochaines décisions, tous les autres besoins vont pouvoir se rattacher, et on va pouvoir amener de... je m'excuse, de l'efficacité dans le réseau de la santé.

Et, si vous regardez tous les grands de ce monde, regardez à la bourse, le top dix, tous ceux qui sont là ont compris une affaire, c'est que la stratégie pour faire de la business, c'est de l'information. Donc, je fais un petit parallèle avec la business, mais c'est la même affaire. On est assis sur une très grande business d'information au Québec par rapport à la santé et on la sous-utilise. Et la sous-utilisation a un impact budgétaire important parce que c'est 50 % du budget du gouvernement.

On tient à reconnaître les efforts, le courage du ministère, ministère de la Santé, bien sûr, ministère de la Cybersécurité, pour enfin doter le Québec de modifications législatives qui correspondent aux aspirations de sa population et des cliniciens, bien entendu. Basé sur la circulation de l'information, le Québec se dotera enfin d'une loi ou de lois qui permettra de se doter des technologies des plus avant-gardistes. Du courage pour annoncer au réseau de la santé qu'on doit faire un virage de l'information coûte que coûte, incluant les archivistes médicaux à devenir des techniciens en information clinique. Du courage pour changer le focus de la médecine et soins infirmiers pour faire un focus sur l'information, qui est le nerf de la guerre. Du courage pour faire de l'information la pierre angulaire sur le plus gros chantier en santé depuis 1978.

Il faut également avoir le courage d'annoncer aux Québécois puis Québécoises que le projet DSN, ça ne va pas coûter 700 millions, mais qu'il y en a pour 12 milliards à investir. Tout ça pour faire quoi? Pour informatiser l'ensemble du réseau de la santé sous peu importe ses coutures et éviter de faire du bricolage de données quand vient le temps de rassembler de l'information qui correspond à des visions du passé de notre réseau de la santé. Parce qu'à l'heure actuelle, quand je vous parle de 500, 700 systèmes d'information, ces systèmes d'information là sont souvent reliés aux façons de faire du passé. Il y a deux fusions de ça. Donc, on parle de CHSLD. Il y a un système pour les CHSLD. On parle des CLSC. Il y a un système... Puis, d'ailleurs, ces systèmes-là remontent à 1992. Alors, ça vous donne une idée de la vétusté des systèmes. Quand arrive la maison des aînés... on est pour ça, on veut prendre soin de nos âgés, mais, si ça arrive avec des nouvelles préoccupations par rapport à des nouvelles intentions de systèmes d'information, il faut inventer quelque chose d'autre. Sinon, si ça n'existe pas, il faut le bricoler.

Alors, c'est ce que le projet de loi n° 3 nous permettra de passer outre. Mais clairement ça va prendre des professionnels de l'information de santé, des professionnels qui connaissent l'information, qui sont au cœur de cette circulation-là. Et oui, on parle de confidentialité et de sécurité, mais, pour nous, c'est beaucoup plus que ça. Les gens, c'est de l'information, et, si on veut traiter les gens, c'est par l'information qu'on va pouvoir les traiter.

Alors, nous ne sommes pas peu fiers qu'entre les deux projets de loi... parce que nous, on trouve certaines similitudes, p.l. 19 et p.l. 3, de voir des mots apparaître, qui étaient très peu présents ou pas présents dans l'ancienne mouture. On parle de communication, de sécurité, de confidentialité, de journalisation, de conservation et de règles de gouvernance. Et il y en a un qui a disparu, peut-être pour les bonnes raisons, il s'agit de l'intelligence artificielle. Ça a disparu. C'était très limitatif auparavant. Mais là il a complètement disparu du projet de loi. Et ça, c'est soit que ça amène des préoccupations ou soit peut-être une opportunité de créer une loi spécifique pour l'utilisation de l'intelligence artificielle en santé.

• (16 h 50) •

Vous le savez, le réseau de la santé québécois, c'est 80 % à 85 % des hôpitaux et de toutes les autres missions du réseau qui sont papier. Alors, oui, il y a parfois des préoccupations par rapport à l'utilisation du fax, mais, si on remplace le fax par un fax Web, ça demeure un fax. Et, si on remplace le fax Web par un courriel ou par un Teams, souvent, le fax est plus efficace que le courriel. Donc, on parle de moyens, encore une fois, alors qu'ici c'est de l'objectif dont il est question.

Le Président (M. Simard) : ...s'il vous plaît.

M. Allard (Alexandre) : Certainement.

Mme Chagnon (Lise) : Juste pour vous dire que nous sommes parfaitement en accord avec le projet de loi. Nous y voyons cependant quelques éléments qu'il, pour nous, serait important de regarder de plus près. Et actuellement...

Mme Chagnon (Lise) : ...on a beaucoup, beaucoup d'informations sur papier, on est très d'accord à ce que la circulation de l'information se fasse au niveau informatisé, mais avec certaines balises.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous deux. M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Caire : Merci M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci de votre présentation. D'entrée de jeu, j'aimerais revenir sur un commentaire que vous avez fait initialement dans la présentation où vous avez dit : Il faudrait minimiser le recours au règlement et pérenniser le cadre. Donc je comprends que vous voudriez voir des éléments ajoutés à la loi plutôt que de les voir aller du côté réglementaire. Donc pouvez-vous nous préciser votre pensée là-dessus? Vous pensez à quoi exactement? De quelle façon ça s'articulerait?

M. Allard (Alexandre) : O.K. Par rapport à l'utilisation des règlements, tout simplement, ce qu'on vient mentionner ici, c'est que si on vient définir la majorité des moyens à mettre en place par règlement, ça pourrait faire en sorte que d'une gestion... d'un gouvernement à l'autre, qu'on vienne qu'à dénaturer le réseau de la santé au complet, dépendamment, dépendamment de dans quelle situation qu'on est. Alors, à ce niveau-là, il y a des éléments qui méritent un peu plus d'attention, par exemple le consentement à l'utilisation des données. Mais par rapport à ça, et il nous semble que si on veut y aller dans la transparence, si on veut donner par exemple l'opportunité aux usagers de choisir dans quels projets de recherche ils veulent que leurs données soient utilisées, bien, qu'on prévoie des éléments comme celui-là. Certains parlent d'opting out, partiel ou total. Mais dans certains cas, si on redonne par exemple la responsabilité aux établissements de faire cette collecte de données là, moi, je me demande bien à quelle étape du parcours de soins, quand on est malades, on va commencer à prendre le temps de décoder tout ce que ça veut dire. Et le principe de consentement libre et éclairé pour nous a sa place.

Quand on parle de gouvernance, des règles de gouvernance, présentement au Québec, suite à une petite analyse suivant nos contacts dans l'ensemble des établissements, les règles de gouvernance sont très mal comprises par rapport aux technologies de l'information dans le réseau. Certains établissements y voient un intérêt. Certains établissements ont mis de l'énergie, mais ont mis au rancart tout le beau travail qui était fait par rapport à ça. Donc ce n'est pas quelque chose où un établissement devrait décider quel bout fait son bonheur, mais beaucoup plus de savoir qu'on se rallie tout alentour des mêmes préoccupations. Donc, ce n'est pas quelque chose qu'on devrait remettre dans les mains des établissements, mais beaucoup plus alentour d'un ministère, par exemple. C'est deux exemples.

M. Caire : Bien, en fait, est-ce que justement, ce n'est pas l'objectif d'un règlement de s'assurer d'une pérennité? Parce que là, je me fais l'avocat du diable, vous comprenez que quand on légifère, le processus d'adaptation d'une loi est beaucoup plus rigide que d'un règlement. Puis je comprends ce que vous me dites. Le côté négatif de légiférer, c'est que si on se rend compte qu'une règle est mal adaptée, le processus pour la changer devient beaucoup plus lourd, long et complexe. Donc je vous repose ma question, parce que là, vous semblez dire au niveau des établissements, mais le règlement, il est adopté par le Conseil des ministres. Donc les établissements n'ont pas le choix de se conformer au règlement. Ne pensez-vous pas, à la lueur de l'exemple que vous venez de me donner, que le règlement est peut-être, je ne dirai pas : La meilleure solution, mettons, le moindre mal?

M. Allard (Alexandre) : Un bon point à débattre. Un bon point à débattre. Je pense que pour être en mesure, on pense que c'est quelque chose qu'on pourrait analyser sous cet angle-là et peut-être en fournissant aux parlementaires de l'information supplémentaire pour étayer notre position. Je pense que ça pourrait être bien, mais on est... Dans ces principes-là, on est également dans des principes par rapport à tout le volet de la confidentialité. Moi... On pense qu'il y a avantage à être le plus transparent possible.

M. Caire : Alors, vous avez parlé des... Et ça, ce sont des mots que je fais miens, là, des trop nombreux systèmes qui paralysent le réseau. Et là vous êtes archivistes, je suis informaticien. À quelque part, on va se retrouver, je suis sûr. Ne croyez-vous pas justement que cette pluralité de systèmes, qui en plus ont le défaut de ne pas se parler, évidemment, tu sais, pour être bien sûr d'être dysfonctionnels, là... Ne croyez-vous pas que ça, c'est le fait justement d'une information qui a été collectée, traitée et conservée en silo, et donc que le projet de loi en ce sens-là va favoriser l'avènement de l'unicité ou l'uniformité, devrais-je dire des systèmes?

M. Allard (Alexandre) : Très bénéfique, hein, puis on le dit, on est pour quelque chose comme ça. Et enfin, un coup d'air frais dans le réseau de la santé pour améliorer les...

M. Allard (Alexandre) : ...on travaille avec des trucs avec la vétusté du système et souvent, sans égard aux gens qui sont assis, ici, parfois, les ministères ne savent plus quelles informations ils possèdent. Alors, vient des moments où on doit réinventer le bouton à quatre trous. Il y a des systèmes ou des situations où on doit ressaisir la même information, et il y en a tout plein. Je pourrais vous bombarder d'exemples — mon temps est limité — mais je pense qu'il y a beaucoup...

M. Caire : On passe une belle journée jusqu'à date.

M. Allard (Alexandre) : Non, non, non, mais dans le sens qu'il y a des belles d'initiatives, mais la problématique, c'est que les systèmes ne se parlent pas. Vous êtes en informatique, l'interopérabilité du système. L'identification unique de l'usager, le Québec fait bande à part du reste du Canada, alors pour y avoir été à l'extérieur du Canada. Donc, clairement, il faut identifier notre patient de façon unique au Québec, première des choses. Donc, vivement une identification numérique de l'usager incluse dans la santé. Souhaitons-le. Mais clairement, oui, retirer des systèmes d'information de façon massive dans le réseau de la santé. Mais il faut garder une petite étoile à la tête parce que, dans le réseau de la santé, une technologie qui va faire 100 % de ce que le réseau de la santé doit faire, impossible va trouver. Ça ne se peut pas.

M. Caire : Je vais vous poser une question parce que jusqu'à date j'entends ce que vous me dites. Donc on s'entend que ça prend de la mobilité de la donnée, le p. l. 3 le fait. Et cette mobilité-là va nous permettre d'asseoir un système informatique uniformisé. Là, on parle de changement de culture, la culture du changement. On parle d'adapter ces façons de faire au système et non pas le contraire si on veut rester dans l'uniformité. Comment les archivistes peuvent? Technicien en informations médicales, s'il vous plaît.

M. Allard (Alexandre) : L'information clinique.

M. Caire : L'information clinique.

M. Allard (Alexandre) : Étant donné qu'on est dans toutes les missions du réseau de la santé.

M. Caire : Comment, comment pouvez-vous contribuer à ça?

M. Allard (Alexandre) : En fait, les archivistes médicaux, les techniciens en information clinique sont partout dans les systèmes d'information, souvent dans le pilotage des données, dans l'accompagnement des gestionnaires, des intervenants pour effectuer la saisie d'informations dans les systèmes, la tenue de dossiers, les règles de conservation et d'utilisation de données. Encore ce matin, je parlais à une cheffe par rapport... en néphrologie ou son équipe conserve des informations avant de les mettre en circulation. Mais clairement un impact sur elle, mais sur toute l'équipe, sur le monde médical. Donc, on peut aider l'ensemble du réseau à ce que l'information circule. Ce sont les meilleures personnes pour vous aider parce qu'elles sont déjà les deux mains sur l'électricité. Donc, si vous a besoin de jouer dans l'électricité, vous appelez un électricien. Mais, si vous avez besoin de jouer dans les données, vous appelez un archiviste médical.

M. Caire : Un informaticien.

M. Allard (Alexandre) : Ou un informaticien, mais l'informaticien...

M. Caire : Non, non, je vous taquine. Je prêche pour ma paroisse.

M. Allard (Alexandre) : Non, non, non, puis on a toujours une bonne collaboration. Mais je me permets de vous relancer, l'informaticien, lui, est très bon dans la coquille et est très bon dans l'échange. S'occupe.

M. Caire : Mais il ne s'occupe pas de la ligne d'affaires, non, non, vous avez raison.

M. Allard (Alexandre) : Mais le contenu, l'archiviste, on est le spécialiste du contenu, alors.

M. Caire : Vous avez amené un concept que je n'ai pas compris, puis ça, j'aimerais ça que vous m'apporter des précisions parce que vous avez parlé d'un dépôt de données.

M. Allard (Alexandre) : Oui.

M. Caire : Et évidemment, à travers le prisme du p. l. 3, on s'entend, là, je ne vois pas où on conçoit la notion, là, du dépôt de données ou en tout cas pas dans le sens où je l'entends.

M. Allard (Alexandre) : En fait... Bien, en fait ça va m'amener une question. Mais, bon, système national de dépôt de renseignements, donc on peut y mettre un paquet d'affaires là-dedans. D'ailleurs, j'ai une préoccupation très personnelle là-dessus. À notre avis, ça en prendrait deux.

M. Caire : Je vous laisserai...

M. Allard (Alexandre) : Mais, bon, au travers de ça, une des choses qui n'est pas claire dans le p. l. 3, c'est : Qui est propriétaire de la donnée?

M. Caire : Le patient.

M. Allard (Alexandre) : Donc, s'il y a une problématique de journalisation, donc j'abuse de son dossier, c'est le patient qui va mettre les mesures coercitives en place?

M. Caire : Non. O. K. Là, vous parlez du fiduciaire.

M. Allard (Alexandre) : Le propriétaire?

M. Caire : Le propriétaire. C'est le patient qui en est le fiduciaire.

M. Allard (Alexandre) : Le fiduciaire, c'est qui?

• (17 heures) •

M. Caire : Sur le... Bien, alors, voilà, qu'est-ce que le p. l. 3 vous dit?

M. Allard (Alexandre) : Le p. l. 3 dit que ce n'est pas clair.

M. Caire : Mais encore?

M. Allard (Alexandre) : En fait, dépendamment où est-ce qu'on est, parfois ça va être le dépôt national de données, parfois ça va être l'établissement, parfois il va y avoir des entreprises tierces.

M. Caire : Le plus haut responsable.

M. Allard (Alexandre) : Oui. Mais, étant donné que l'information circule, la propriété de l'information, on ne peut pas l'asseoir en quelque part. Parce que si, mettons, on se donne un exemple : Je suis dans une GMF de l'autre bord de la rue et j'abuse de mes accès parce que, par exemple, je suis père d'une fille et je... dans à son dossier d'une mineure de 17 ans avec avortement. Déjà, c'est problématique en partant avec les lois actuelles. Si j'abuse de l'accès, qui va dire au médecin : Ça ne fonctionne pas du tout?

M. Caire : Donc, vous, ce que vous dites, c'est que vous ne... la ligne...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Caire : ...hiérarchique, la ligne de responsabilité...

M. Allard (Alexandre) : Ce n'est pas clair.

M. Caire : ...vous ne la retrouvez pas suffisamment clairement?

M. Allard (Alexandre) : Exactement, parce que les endroits où on va retrouver de l'information sont multiples, ils ne sont pas uniques.

M. Caire : Mais là vous n'avez pas répondu, vous êtes un bon politicien, hein, vous n'avez pas répondu à ma notion de dépôt de données, je n'ai toujours pas compris. Ceci étant dit, votre commentaire est pris en compte, sachez-le, je ne veux pas faire de la diversion, là.

M. Allard (Alexandre) : Mais le dépôt de données, on y voyait dans le dépôt national de données, mais dépôt de données, aussi, locales dans un établissement, dans un CISSS, dans un CIUSSS...

M. Caire : Je comprends, je comprends. C'est beau.

M. Allard (Alexandre) : ...parce que la notion de flux d'information va aller alentour d'une notion de...

M. Caire : Parce que, moi, j'ai, en référence, la loi 95 qui nous amène sur les sources officielles de données. Donc là, c'est un autre modèle de gestion dans lequel, éventuellement, la santé va s'inscrire, dans le respect, évidemment, du p.l. 3, là. Mais c'est pour ça qu'il n'y a pas de... il n'y a pas de velléité de faire une espèce d'entrepôt de données gouvernementales.

M. Allard (Alexandre) : Non, non, non, ce n'est pas...

M. Caire : C'est parce que j'ai entendu, puis ça, je veux le dire au micro, là, j'ai entendu : Ah! vous allez centraliser la donnée.  Ce n'est pas l'objectif du gouvernement. On en avait discuté d'ailleurs avec le collègue de Rosemont. Ce n'est pas dans cette idée-là que ces projets-là, 95 et p.l.3 sont faits dans cette espèce de gros rassemblement de données à un seul endroit. Ce n'est pas du tout, du tout du tout ça, le modèle qu'on veut mettre en place. C'est le club des ex.

Une voix : ...

M. Caire : Je m'excuse.

M. Allard (Alexandre) : Il n'y a pas de faute.

M. Caire : Bon. Vous avez parlé d'intelligence artificielle, vous avez dit : L'intelligence artificielle a été retirée du projet de loi n° 3, il était dans le 19. En fait, je vais faire un commentaire puis, après ça, je vais vous poser une question. Le commentaire c'est qu'on veut un projet de loi qui est technologiquement neutre. Ce qui était la philosophie qu'on avait quand on a adopté aussi la loi 64, qui est devenue maintenant la loi 25, et compte tenu que la loi 3 instaure un régime de protection qui est hérité de la loi 25 avec les adaptations nécessaires. Il était donc nécessaire qu'il devienne technologiquement neutre.

Ceci étant dit, vous avez dit : Ça prendrait une loi. Il y a une stratégie d'intégration et d'intelligence artificielle au sein du gouvernement, qui est pilotée par mon ministère, évidemment. Mais vous, vous parlez d'une loi, pourquoi?

M. Allard (Alexandre) : Pour encadrer son utilisation au gouvernement, comme en santé, parce qu'on peut faire plein de choses avec ça.

M. Caire : Alors là, je vais... Oui. Bien, en fait...

M. Allard (Alexandre) : Plein de choses.

M. Caire : ...oui et non. Mais je vais relancer la discussion sur la prémisse de ce que je vous ai dit : Une loi, c'est difficile à changer, une stratégie, un règlement, il y a plus de souplesse dans un contexte où on dit qu'on peut faire plein de choses avec l'intelligence artificielle. Mais qu'est-ce qu'on peut faire avec l'intelligence artificielle? La vérité, c'est qu'il n'y a pas de réponse précise à ça, parce que ça évolue tellement rapidement que... Est-ce que vous ne pensez pas qu'on devrait justement se donner des mécanismes de contrôle? Oui, mais avec de la souplesse qui nous permet de s'adapter. Parce que le temps qu'on adopte la loi, l'intelligence artificielle va être rendue plus loin.

M. Allard (Alexandre) : Effectivement, on n'est pas contre votre enlignement par rapport à... faire une différence entre le législatif et le réglementaire. Par contre, d'installer un mécanisme, un mécanisme de contrôle éthique d'une technologie similaire, peu importe comment on va l'appeler, aujourd'hui, elle s'appelle comme ça, elle s'appellera une autre chose demain, serait de bon augure. Parce que oui, on peut faire des choses très belles avec l'intelligence artificielle, comme on pourrait faire des choses très laides.

M. Caire : Absolument.

M. Allard (Alexandre) : Alors, de l'intégrer dans la loi, justement parce que c'est difficile de le changer, il y aurait avantage de mettre quelque chose qui oblige la soumission d'un dossier pour mettre ça en place à un comité d'éthique particulier.

M. Caire : Bien, c'est parce qu'à ce moment-là, et ma question n'était pas anodine, à ce moment-là, je vous ramène au projet de loi qui, dans le volet protection des renseignements personnels, a quand même des éléments qui viennent encadrer notamment l'utilisation pour des processus décisionnels de technologies, toujours dans un contexte technologiquement neutre. Évidemment, on n'a pas ciblé l'intelligence artificielle, mais on parle d'outils technologiques qui viennent en soutien à la décision et qui amènent des obligations, quant à la façon de communiquer, de gérer, de, etc.

Donc, est-ce que ça, compte tenu de ce que la loi a à faire... Parce que l'idée de la loi n'est pas de prescrire l'utilisation de telle ou telle technologie ou le déploiement, donc c'est vraiment de faire un cadre législatif. Est-ce que vous ne pensez pas qu'avec les paramètres que je viens de vous mentionner...

M. Caire : ...fait ce que la loi doit faire, c'est-à-dire s'assurer que, si on utilise des technologies, on les encadre, le facteur humain est pris en compte, et cetera. Ce que la loi, donc, dans sa version actuelle, fait quand même.

M. Allard (Alexandre) : On continue de penser qu'une obligation de soumettre à un comité éthique devrait être écrite dans la loi, tout comme les chercheurs doivent. Il y a plein de chapitres de la loi qui sont écrits par les chercheurs.

M. Caire : Quand vous parlez d'un comité éthique, vous parlez d'un comité éthique au moment où on fait le déploiement d'une technologie qui inclut l'intelligence artificielle?

M. Allard (Alexandre) : absolument.

M. Caire : Puis vous en feriez une obligation légale?

M. Allard (Alexandre) : Absolument.

M. Caire : O.K.

M. Allard (Alexandre) : Et quand vous dites que le règlement... la loi, je m'excuse, est technologiquement neutre, quand vous allez dans les règles par rapport au système national de dépôt de renseignements, ce n'est pas technologiquement neutre. Parce qu'on parle de système de rendez-vous, de prise de rendez-vous, ça, c'est de la technologie, on parle d'utilisation de communication simplifiée...

M. Caire : Pas nécessairement, pas nécessairement. Le système, ce n'est pas nécessairement technologique. Ça va se faire au téléphone.

M. Allard (Alexandre) : On parle de comment trouver un professionnel de la santé. On parle un petit peu de technologie au travers de ça. Et, à la limite, c'est un peu limitatif parce qu'il y a plein d'affaires qu'on n'a pas mentionnées là-dedans : le Registre des implants du Québec, le registre des allergies, le registre des intolérances, le registre des traumas, qui pourraient être là, le registre d'oncologie. Alors, il manque plein de choses. Puis on reste à la base sur plein de petits éléments. Je comprends qu'ils vont améliorer la vie des citoyens, mais c'est des moyens, c'est des outils, que des outils pour donner des services. Ce n'est rien d'autre que ça. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci. Merci. Je cède parole à la députée de Mont-Royal-Outremont.

Mme Setlakwe : Merci à vous deux. Moi, je ne suis pas informaticienne comme le ministre, je suis avocate. Mes questions vont être d'ordre plus général.

Si je vous entends bien, là, votre... Vous n'êtes pas contre le projet de loi, là, dans son principe, pas du tout, au contraire. Mais je pense que votre doléance principale, si j'ai bien compris, c'est : où sommes-nous, nous avons un rôle à jouer, et la loi n'a pas tenu compte de ce que nous, on doit... On va forcément... On devrait apporter ou on va apporter dans ce nouveau système là. Est-ce que c'est ce qu'on entend?

M. Allard (Alexandre) : Exactement, exactement. On aimerait faire partie du changement, de la solution.

Mme Setlakwe : Puis là, en plus, on voit que, puis, ça, ça déborde un peu de la loi, mais on entend que clairement, votre rôle a évolué, puis pas juste avec ce projet de loi là, depuis des années. Donc, on va vous appeler les techniciens en information clinique. Donc, ça, c'est une chose, là. Et là, ça reste à voir, est-ce que... Ça m'amène à mon deuxième point aussi, qui semble être votre doléance aussi importante, c'est : vous restez sur votre appétit, là. En lisant la loi, il manque des... On comprend que ça va prendre des règlements, mais vous pensez qu'il y a trop de transferts de cadre... ou, en tout cas, d'encadrement qui est transféré vers les règlements, là. Il faudrait quand même ramener certains principes, certaines procédures dans la loi elle-même.

• (17 h 10) •

M. Allard (Alexandre) : Oui, exactement. Donc, un peu comme on disait tantôt, on va revenir avec des documents supplémentaires pour avoir une position complète et détaillée. Je pense que, à brûle-pourpoint comme ça, on se serait peut-être limités dans notre capacité de répondre adéquatement. Mais vous avez raison.

Et, plus loin encore, il y a trois professions qui vont être complètement atteintes dans le réseau de la santé, si PL trois est adopté tel quel demain matin, les premiers, en informatique, clairement, sur la gestion de la coquille. Les avocats devront absolument se refaire une tête par rapport à tout ça parce que ça change la donne. Mais ceux qu'on change les couteaux puis les fourchettes à la table, c'est les archivistes médicaux. Parce que leur travail, c'est 100 % de l'information. On vous branche à l'ordinateur et vous gérez de l'information toute la journée, alors que le médecin, on peut changer les moyens, on peut changer la façon dont on va faire les choses. Mais, de la médecine va rester de la médecine.

Alors, certains disent : Ah, ça va augmenter la charge de travail. Non, DSN va améliorer la charge de travail parce qu'on va faire de la réutilisation de l'information. Tu sais, présentement, quand qu'un patient décède au Québec, vous savez que le médecin va écrire minimum trois fois la même information dans un dossier, minimum : donc, ils vont l'écrire sur le bulletin de décès, on reprend la même chose dans un autre système, sur une feuille sommaire, et on va reprendre la même chose dans les notes évolutives. Donc, l'objectif de ça, c'est de faire de la réutilisation de l'information. Mais, pour faire ça, ça prend des techniciens en information qui sont spécialisés pour les accompagner. Pas parce que Pierre décide quelque chose et Jacques décide quelque chose d'autre. Ça prend des gens qui vont accompagner, amener les gens dans la transition. Et les archivistes seront des personnes de transition dans le réseau de la santé. Alors, sans ces gens-là, c'est se priver d'une force de main-d'oeuvre qui permettra d'atteindre ces objectifs.

Mme Setlakwe : Est-ce que vous avez des appréhensions vis-à-vis, là, les bras, là, la main-d'oeuvre? Est-ce que déjà il y a un manque? Est-ce qu'on va manquer de gens...

M. Allard (Alexandre) : C'est un enjeu. C'est un enjeu, mais un peu comme on le disait d'entrée de jeu, ma religion à moi, c'est l'information. Alors, plus vite on va amener de la réutilisation de l'information pour le bienfait d'un patient, pour le bienfait d'un établissement et d'un réseau de la santé, plus vite on sera en mesure de contribuer positivement à limiter l'impact de la pénurie actuelle. Donc, on est... on est des fervents des «quick wins», des gains rapides pour pouvoir le faire. Donc, le secret est dans la sauce. Les cuisiniers sont aux commandes avec les appels d'offres de DSN et compagnies parce que le p.l. no 3 permet de mettre ces choses-là en place. Mais clairement, on a besoin des archivistes médicaux pour être capables de faire la transition et de passer à la prochaine étape. C'est ce qu'on souhaite.

Mme Setlakwe : On n'a pas terminé nos consultations, là, mais votre intervention est assez unique que ça amène vraiment une autre perspective, une autre réflexion. Je vous en remercie. Puis j'ai presque fini. Je vous laisserais peut-être avec une dernière question. Il y a des choses qui, selon moi, sont vraiment de base, là, qui ont été questionnées, demandées, comme qui est propriétaire de la donnée. Mais ça, ce n'était pas clair selon vous?

M. Allard (Alexandre) : Non, ce n'est pas clair. Puis c'est un petit peu comme les pénalités si on abuse. Donc, par exemple, je vous donne un accès. Vous abusez? C'est une pénalité financière. Je devrais vous en retirer les accès, peut-être. Vous passez au bureau, au conseil de discipline, peu importe. Je comprends qu'il y a une partie, l'ordre professionnel, mais le règlement présentement se base sur la bonne foi des utilisateurs et sur les ordres professionnels pour donner les consignes d'utilisation aux intervenants. Donc, le concept de la nécessité. Donc, moi, je suis physiothérapeute. J'ai besoin d'avoir les informations de votre dernière opération à l'estomac. Je suis physiothérapeute, là. Est-ce que c'est vraiment pertinent? Qui va juger de la nécessité?

Moi, je pense que ces raisons d'être là doivent être encadrées ou doivent être validées. Peut-être que dans ce cas-là, la nécessité, peut-être que des règlements vont faire l'affaire, mais on pense sérieusement qu'il faut mettre peut-être une table de concertation avec des spécialistes en données, genre les archivistes médicaux. Nous autres, on peut être là pour aider les ministères à mettre des choses comme ça en place, mais clairement, la nécessité, c'est élastique, hein? Une infirmière qui a besoin d'avoir accès à l'information de santé concernant ses enfants, elle est infirmière, elle comprend tout ça. Donc, sa nécessité à elle est différente. Donc, oui, les établissements sont en mesure de gérer, avec parfois des mesures et tout ça. Encore faut-il être en mesure de mettre des mesures en place. Et quand on a quatre 85 % du réseau qui est papier, les mesures, ça... On ne peut pas bricoler ça sur le coin d'une table, là.

Mme Setlakwe : Non. Ça va pour moi. Pas d'autre question. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci, madame. Je cède la parole au député de Rosemont qui dispose d'environ 12 minutes.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bien, merci d'être là. Je ne suis pas informaticien non plus, loin s'en faut. Je serais même dans mon ancienne vie et dans celle-ci ce que les techniciens informatiques appellent un code 18. Je suis le problème à 18 pouces en arrière de l'écran. Ça fait qu'inutile de dire que vous m'avez perdu à quelques occasions, vous et le ministre. Vous avez du fun, c'est déjà ça, là, mais...

Une voix : ...

M. Marissal : Oui. En tout cas, si on vous dérange, vous nous le direz. On va essayer de démêler tout ça pour le profane que je suis, là. Puis on va continuer sur ce que vous disiez avec ma collègue, là, de Mont-Royal-Outremont, on va finir pas l'avoir. Qui va juger de la nécessité? On est pas mal dans le cœur de l'affaire, là. Votre exemple est parlant, là. C'est vrai qu'un physiothérapeute puis l'estomac... Bon, je suis sûr qu'il y a un lien quelque part à un moment donné, là, mais à première vue, ça n'a pas l'air évident, là, de vous faire replacer l'épaule si vous avez eu un problème. O.K. Vous, vous comprenez quoi du projet de loi en ce moment? Qui décide de qui donne le go? Qui surveille?

M. Allard (Alexandre) : Présentement?

M. Marissal : Oui. De ce que vous comprenez du projet de loi.

M. Allard (Alexandre) : Présentement, c'est avec le consentement de l'usager que ça se fait. Par rapport au projet de loi? O.K. O.K.

M. Marissal : Oui, oui. Bien sûr. Bien sûr.

M. Allard (Alexandre) : Bien. En fait, par rapport à ça, la nécessité, tout est dans les mains de l'intervenant. Donc, de ce qu'on en comprend, Lise, corrige-moi si je dis des niaiseries, mais c'est qu'on donne les outils. Parce que vous êtes physiothérapeute, je vous donne... Puis ce n'est pas principalement les physiothérapeutes, ça pourrait être n'importe quel autre. Prenons un ergothérapeute ou un TS. Je vous donne les accès et à vous de vous contrôler. Grosso modo, c'est comme ça que ça marche. Et on demande à l'ordre professionnel, bien, produisez des «guidelines» que vous allez publier à vos membres pour dire : Bien, voici comment vous devriez vous tenir par rapport à l'accès de l'information. Vous savez à qui, dans un établissement, les intervenants se réfèrent pour savoir qu'est-ce qu'ils ont le droit de faire ou pas? Nous. L'ordre professionnel? Bien sûr, mais parfois pour venir décoder ce que l'ordre professionnel veut dire, ils viennent nous voir. Et comme président, ça m'est arrivé d'appeler le président de l'ordre des physio puis des IPS en disant : Ce que tu as écrit dans ton...

M. Allard (Alexandre) : ...règlement, ça ne s'applique pas. Moi, je n'écrirais pas ça comme ça. Ah! je vais changer mon règlement. Génial. Et, quand qu'on parle de passer de réflexe papier à électronique, c'est de ça qu'il est question. Pour les physiothérapeutes, on demande, par exemple d'initialiser chaque page d'un document remis à un usager, chaque page. Quand qu'on est rendus à l'écran, ça veut dire quoi? Signé chaque écran? Ça ne fonctionne pas. Alors, on a besoin de professionnels en information pour être en mesure de guider les gens sur le terrain, pour être en mesure de guider le réseau, pour mettre en place des trucs qui sont efficaces, et, un peu comme le ministre Caire disait, oui, à un certain point de permettre l'adaptation, O.K., des équipes à des meilleures pratiques. Mais, dans certains cas, il va falloir avoir l'humilité de dire : La meilleure pratique, ce n'est peut être pas tout à fait celle qu'on est après jaser présentement. Et, tu sais, quand qu'on parlait de pénurie tantôt, vous le savez que présentement, il y a des centaines d'infirmières au Québec, que leur travail, c'est de s'assurer, par exemple dans les médecines de jour, que votre protocole, parce que je vous diagnostique une bosse à l'aisselle, leur travail, c'est de s'assurer que j'aie une prise de sang, j'aie une radiographie, j'aie un scan, et tout ça, leur travail, c'est ça principalement. Un ordinateur est capable de faire ça.

Donc, quand qu'on parle de pénurie, il y a du monde dans le réseau de la santé, et la réutilisation de l'information va juste permettre de rendre ça plus fluide. Et on n'est pas d'accord au fait que ça va rajouter de la lourdeur administrative aux gens, ça va en enlever 30, 40 % de lourdeur administrative chez les gens.

Mme Chagnon (Lise) : Ça va permettre aussi aux usagers d'arrêter de répéter, répéter, répéter toujours leurs histoires. Alors, le fondement du projet de loi, pour nous autres, il est vraiment important et essentiel. Maintenant, c'est ça, il y a quand même un certain niveau de... je ne dirais pas de coercition, mais un certain niveau de jugement qu'il faut apporter pour s'assurer que les gens qui y ont accès, ils ont accès à ce qu'ils ont droit d'avoir accès. C'est le petit bout qui nous dérange un petit peu.

M. Marissal : Oui. O.K. Mais, en ce moment, là, malgré les fax puis les méthodes cléricales assez archaïques, là, tout le monde comprend son sens de responsabilité, là, il me semble, ou, en tout cas, j'espère.

Mme Chagnon (Lise) : Pas toujours. Pas toujours.

M. Allard (Alexandre) : Tu sais, ça dépend. Le fax, ce qu'il a de génial, le fax, là, c'est que tu as une alerte. Vous connaissez le poka-yoke ou les principes de gestion où on crée des détrompeurs. Le petit cordon sur votre bouchon à essence pour ne pas perdre le bouchon, ça s'appelle... c'est du poka-yoke. Je ne veux pas aller trop loin là-dedans. C'est juste un détrompeur pour... vous oubliez de l'éviter. Le détrompeur du fax, c'est le papier qui arrive dans la machine. C'est un détrompeur pour les agentes administratives puis les infirmières de dire : Ah! il faut que je m'occupe de ça, j'ai du papier dans le fax. Un courriel, ça n'avise pas. Je veux dire, tu as quelque chose de très urgent qui rentre, là... Ah! tu peux te mettre une alerte. Quand vous êtes sur une unité de soins, 50 alertes le matin, 50 l'après-midi, ce n'est pas une option, donc tu enlèves l'alerte de courriel. Tu ne le sais pas que ton document important vient de rentrer. Donc, quand qu'on parle de mécanique de communication, comme il est écrit à une place dans le document, c'est une vraie mécanique de communication que ça prend en place.

M. Marissal : O.K. Ça fait qu'on continue avec les fax, puis ça ne coûtera pas 12 milliards, là, si je vous suis bien. Non, c'est une blague, ne répondez pas à ça.

M. Allard (Alexandre) : Vous me...

M. Marissal : Ne répondez pas à ça. On va perdre du temps pour rien avec mes niaiseries, là. Bien, je ne le sais pas, j'ai l'impression que vous surcomplexifiez l'affaire un peu. C'est peut-être dû à votre métier. Tu sais, vous dites par exemple les feuilles... chaque feuille du physio, il faut qu'elles soient paraphées.

M. Allard (Alexandre) : Oui.

M. Marissal : Bon, je vous l'ai dit, là, en toute franchise, là, je suis un peu technotwit, mais pas tant, là. Je suis capable de parapher des documents hypothécaires pendant que je vous parle, par mon téléphone. Ça fait que ce n'est pas si compliqué non plus, là. Il ne faut pas... Je ne sais pas, vous avez l'air de trouver que ça a l'air bien compliqué.

M. Allard (Alexandre) : Bien, en fait, il faut juste savoir que des documents comme ça, c'est un gabarit d'impression seulement. Votre document pourrait avoir un kilomètre de long, ça ne change rien. Donc, vous allez initialer quoi sur un document d'un kilomètre de long, une fois à chaque 100 mètres?

Donc, les réflexes papier, c'est des réflexes qui nous amènent là. Les façons dont vous utilisez vos applications sur votre téléphone intelligent a des réflexes électroniques. Il faut amener la santé aux réflexes électroniques et lâcher les réflexes papier. L'objectif est très clair, p.l. trois doit remplacer le papier puis le crayon des intervenants sur le plancher, des infirmières, et tout ça.

Donc, c'est bien de rajouter des agentes administratives, là, dans les établissements, ils ne peuvent rien faire du travail des infirmières, rien comme dans rien. J'allais dire, rien comme dans... mais ça ne marche pas.

• (17 h 20) •

M. Marissal : Est-ce qu'il y en a d'abord tant que ça...

M. Allard (Alexandre) : Pardon? Des agentes?

M. Marissal : ...dans les établissements, oui, qui sont arrivées?

M. Allard (Alexandre) : Bien, il y en a des agentes, mais leur travail est très différent, il est complémentaire. On en a besoin. C'est clair qu'on en a besoin, mais ce n'est pas en saupoudrant plus d'agentes administratives qu'on arrive à faire plus de travail.

M. Marissal : On est d'accord.

Mme Chagnon (Lise) : ...le pourquoi de nos appréhensions, c'est aussi qu'on voit tellement de choses sur le terrain, si vous saviez tout ce qu'on voit, que c'est... On a raison, je pense, de vouloir s'assurer qu'il y a des balises claires qui sont mises pour que certains...

M. Marissal : Allez-y, on vous écoute...

M. Marissal : ...allez-y, on vous écoute. Vous parlez de quoi quand vous dites, vous voyez plein d'affaires sur le terrain?

Mme Chagnon (Lise) : Mon Dieu! Un médecin qui va vouloir consulter, pendant qu'il est en vacances, le dossier de ses enfants, des gens qui circulent de l'information... On en voit des choses qui ressortent dans les médias, mais pas toutes les choses qui ressortent dans les médias.

M. Allard (Alexandre) : Pas toujours. Donc, une infirmière qui prend une photo de plaie puis qui envoie la photo de plaie au médecin. La photo est sur deux téléphones cellulaires, pas de consentement d'usager. Puis le vendredi soir, avec une petite coupe de vin, vous pensez qu'on jase de quoi? Ces gens-là cliniques, ils jasent de ça : Tu n'as pas vu ce que j'ai vu en fin de semaine...

M. Marissal : O.K., mais là il faudrait avoir une loi sur la conscience morale. Ça n'arrivera pas, là.

M. Allard (Alexandre) : Bien, clairement. Si on met...

M. Marissal : Il n'y a rien qui va empêcher ça avec l'informatique. D'ailleurs, les policiers qui fouillent dans le... ça arrive, là, aussi, là.

Mme Chagnon (Lise) : Ça arrive aussi, oui, oui.

M. Allard (Alexandre) : Oui. Puis déjà qu'on a déjà une obligation, qui est tout à fait récente... les choses, tranquillement, se mettent en place sur un registre des incidents de confidentialité. Clairement, c'est sous-déclaré au Québec. Donc, vivement quelque chose comme celle-là, c'est un pas dans la bonne direction. Mais, en quelque part, c'est à partir du moment qu'on donne des outils technologiques aux gens dans leurs mains pour faire leur travail. Les gens se trouvent plein de façons de faire les trucs. Un jour, j'ai déjà enlevé le droit d'impression à une infirmière. Elle était... c'était une CEPI. Donc, c'est une infirmière à l'école qui était là pour faire ses stages. Elle, elle voulait prendre des images du dossier pour être capable de faire une belle présentation à l'école, sans égard à la confidentialité. Des dizaines et des dizaines de pages du dossier. Alors, on apprend ça, on lui enlève les droits. Vous savez ce qu'elle a fait? Elle a pris son téléphone, puis elle a pris des photos du dossier, puis elle l'a sacré dans sa présentation à l'école. Nous, il a fallu faire un retour à la maison d'enseignement, à l'université pour faire en sorte qu'il y ait une conséquence de fait. Donc, si le propriétaire de l'information, c'était nous, si ça n'avait pas été nous, le propriétaire, on n'aurait jamais fait de retour par rapport à l'infirmière, on aurait dit : Fais tes trucs puis...

M. Marissal : Je prends la balle au bond ici, M. Allard. Outre le fait de changer votre nom puis de vous encadrer dans le projet de loi, c'est votre demande puis elle est légitime, vous voyez quoi, vous, comme rôle? Voyez-vous un rôle de... je ne dirai pas shérif, là, parce que ça a déjà été employé pour quelqu'un d'autre ici, là, mais...

M. Allard (Alexandre) : Je comprends. Bien, tu sais, souvent...

M. Marissal : Oui... bien, de contrôle.

M. Allard (Alexandre) : Je comprends. Mais souvent les médecins nous appellent la police des dossiers, alors on est capable de jouer ce rôle-là. Mais, clairement, dans la journalisation, on a des «assets», on a des compétences particulières par rapport à ça. Les contrôles de sécurité, par rapport à la gestion des profils d'accès, par rapport à la circulation de l'information, ce qu'on... dans le jargon, on appelle les trajectoires cliniques, vous l'avez peut-être déjà entendu, notre gang connaît ça, les trajectoires cliniques. Donc, encore ce matin, j'avais une cheffe de service qui a fait une revue de dossiers puis elle se demandait pourquoi les données du ministère puis les siennes ne fittaient pas...

Le Président (M. Simard) : ...

M. Allard (Alexandre) : ...Ils ont fait une analyse dans les dossiers médicaux, ils n'ont pas invité d'archivistes médicales. Donc, ce qui se sont... ce qu'ils n'ont pas réalisé, c'est la raison pour laquelle on leur disait qu'ils n'étaient pas corrects, ils ont analysé la mauvaise affaire. Ça, c'est ce matin, ça.

M. Marissal : O.K. Je n'ai plus de temps, mais on va vous réinviter. Vous êtes passionnants...

M. Allard (Alexandre) : Je suis passionnant.

M. Marissal : ...passionnant les deux, je veux dire. Puis, M. le ministre, on a trouvé un autre shérif, un nouveau shérif ici...

Le Président (M. Simard) : Bon, bon, bon. Alors, très bien...

M. Marissal : Alors, je vous invite à prendre des notes. Merci de votre présentation.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, M. Allard, Mme Chagnon, merci beaucoup pour votre présence parmi nous, ce fut fort apprécié.

Sur ce, nous allons suspendre momentanément nos travaux.

(Suspension de la séance à 17 h 25)

(Reprise à 17 h 30)

Le Président (M. Simard) : Chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, chers collègues! Nous sommes en ondes.

Nous avons le plaisir de recevoir des représentants de l'Association des établissements privés conventionnés. Madame, monsieur, soyez les bienvenus. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter, s'il vous plaît?

M. Nadon (Jean) : Jean Nadon, président de l'Association des établissements privés conventionnés.

Le Président (M. Simard) : Bienvenue.

Mme Lavoie (Annick) : Annick Lavoie, directrice générale de l'Association des établissements privés conventionnés.

Le Président (M. Simard) : Bienvenue à vous aussi.

Mme Lavoie (Annick) : Merci.

Le Président (M. Simard) : Alors, nous vous écoutons, et vous disposez de 10 minutes.

M. Nadon (Jean) : Je suis Jean Nadon, président, et Annick Lavoie, directrice générale. Au nom de tous les membres de l'association, je vous remercie de nous donner l'occasion de nous prononcer sur ce projet de loi. Une fois adopté, il aura pour effet d'améliorer nos façons de faire sur une base quotidienne.

D'abord, permettez-moi de vous faire un bref topo. L'AEPC regroupe 28 propriétaires gestionnaires qui représentent 59 établissements et installations, 57 centres d'hébergement et de soins de longue durée et deux centres de réadaptation, incluant une unité de soins palliatifs répartie dans 11 régions au Québec...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Nadon (Jean) : ...la mission de l'AEPC est de promouvoir l'excellence des soins et des services de proximité offerts par nos membres, de soutenir la place de l'entreprise privée conventionnée dans le domaine de la santé et des services sociaux, et de mettre en valeur les intérêts de nos membres et leur contribution essentielle. Les établissements privés conventionnés offrent des services publics qui sont gérés par le privé, c'est donc dire que les usagers qui sont admis dans nos établissements de santé proviennent du mécanisme d'accès à l'hébergement et ont la même contribution de l'usager que dans un établissement public. Nos établissements sont régis par les mêmes lois, normes, règlements et conventions collectives que les établissements publics. Les EPC sont reconnus pour offrir des soins et des services de qualité supérieure dans des environnements sécuritaires et agréables, ce sont des experts en soins et services de longue durée avec hébergement, et en réadaptation physique. Ce modèle a fait ses preuves puisqu'un des engagements pris par le premier ministre lors de son discours inaugural en 2021 est celui de conventionner tous les CHSLD privés du Québec afin d'assurer des soins de qualité à tous les aînés.

Pendant les éclosions, dans les milieux d'hébergement pour aînés, les EPC se sont démarqués positivement par leur gestion de proximité, leur agilité et la détermination de leur personnel engagé qui ont contribué ensemble à limiter l'impact des éclosions sur les résidents. Un autre constat partagé par plusieurs, à la suite des enquêtes menées après le drame dans les CHSLD, la coroner Khamel, la Commissaire à la santé et au bien-être ainsi que la Protectrice du citoyen ont été très claires en disant qu'on avait un déficit d'informations et que ceci avait contribué largement aux difficultés observées. Pendant la pandémie, le manque d'information en temps réel était critique. On a vraiment un rattrapage à faire dans la collecte d'informations, à en faire largement... mais je vous rappelle qu'il existe trop souvent un mur de Chine entre l'hôpital et le CHSLD, ce qui fait en sorte que nous avons reçu des clients contaminés qui ont été à l'origine d'éclosion et de décès.

Mmes et MM. les députés, lors de l'étude détaillée du projet de loi, je vous invite à reconnaître l'importance d'une meilleure fluidité de l'information à travers l'ensemble du réseau de la santé, peu importe si c'est un organisme public ou privé. Nous sommes tous mobilisés pour offrir des soins de qualité et sécuritaires, mais encore faut-il nous donner les moyens de le faire.

On ne peut passer sous silence le tsunami créé par le vieillissement de la population. Le Vérificateur général a mis en lumière, en mai dernier, le manque de planification pour répondre aux besoins des aînés en grande perte d'autonomie. Selon le Vérificateur général, il est alors nécessaire d'établir un portrait juste de la demande future des aînés en grande perte d'autonomie pour des soins de longue durée en tenant compte de l'évolution démographique ainsi que de l'état de santé de ses aînés et en assurer régulièrement la mise à jour. Comment établir un portrait juste de la situation si on se prive de 25 % des lits en CHSLD, soit ceux qui sont opérés par les partenaires privés? De plus, de suivre l'évolution de la demande actuelle et future, il importe d'analyser les besoins de la clientèle hébergée qui s'alourdit de façon significative afin d'adapter les soins et le milieu de vie et de prévoir des ressources nécessaires. Nous partageons ces recommandations et voilà pourquoi nos commentaires sur le projet de loi ne visent pas à en faire une analyse juridique, mais plutôt à vous convaincre du bien-fondé d'une telle réforme. Le Québec est en retard sur ce front et notre mémoire témoigne d'une multitude d'exemples où un meilleur partage de l'information bénéficierait autant aux résidents, aux familles, qu'aux membres de nos équipes soignantes. Je laisse le soin à Mme Lavoie de vous illustrer quelques-uns des exemples.

Mme Lavoie (Annick) : Merci, monsieur Nadon. L'accessibilité aux renseignements de santé et de services sociaux est un virage nécessaire que le Québec ne peut se permettre de manquer, il en va de l'intérêt du résident et de ses proches, puisqu'un partage d'informations plus fluide entre les établissements permet aux professionnels de la santé de prendre d'importantes décisions cliniques avec justesse et de manière sécuritaire. Il est fort regrettable de constater encore aujourd'hui que des informations cruciales permettant d'assurer la sécurité des résidents ne sont pas transmises en temps opportun ou que le dossier papier n'est tout simplement pas à jour, il me fera plaisir de vous donner un exemple si le temps nous le permet.

Encore aujourd'hui, lors d'un transfert d'un patient vers un CHSLD ou un hôpital, une infirmière a la tâche de rassembler une multitude de copies du profil, des rapports, des évaluations diverses du patient. Ces documents sont remis à ce dernier qui devra à son tour les remettre à son arrivée. Non seulement ce processus est loin d'assurer...

Mme Lavoie (Annick) : ...la confidentialité des renseignements contenus dans l'enveloppe, mais il est... et, en plus, il monopolise une ressource à une tâche qui n'est nullement à valeur ajoutée.

L'informatisation des données de santé permettra une meilleure fluidité de l'information entre professionnels et un accès plus rapide à des données critiques. Le fardeau des patients et des proches aidants à dire et redire les mêmes informations sera allégé, et leur confiance dans le système de la santé sera d'autant plus grande.

Pour permettre une telle avancée, certaines balises seront nécessaires, dont notamment le traçage de l'accès à l'information. Le p.l. 3 vient modifier le Code des professions, et il reviendra aux ordres professionnels de la santé d'encadrer l'accès aux différentes données de leurs membres afin d'assurer la protection du public. L'utilisation d'outils communs et standards devra être préconisée pour faciliter l'élaboration des tableaux de bord, le suivi des données, le repérage des informations et la continuité des soins.

Autre clé de succès : l'interopérabilité des systèmes informatiques. Personnellement, il n'y a rien de plus frustrant, en 2023, que des entraves causées par l'informatique. Est-ce que la solution passe par un système unique dans l'ensemble des établissements? À vous de voir. Mais minimalement tous les systèmes devraient pouvoir communiquer entre eux.

Avant de conclure, je réitère que nous sommes en accord avec l'intention du législateur voulant que l'information circule plus aisément et que les barrières actuelles soient levées. Ceci aura un impact direct sur la lourdeur administrative actuelle et permettra une meilleure utilisation des ressources humaines au bénéfice de l'ensemble des patients du Québec. Dans un contexte où nous sommes confrontés à une pénurie de personnel de la santé, il est inacceptable d'imposer des évaluations à répétition, alors qu'une communication plus fluide entre établissements viendrait alléger le fardeau en plus de favoriser une plus grande collaboration.

Nous encourageons donc le législateur à mettre en place un cadre rigoureux et sécuritaire pour toutes les organisations en possession de renseignements de santé et de services sociaux. En plus de favoriser la confiance des patients, ce projet de loi imposera de nouveaux standards et une plus grande uniformité des pratiques en ce qui concerne le partage de renseignements. En balisant adéquatement l'accès et le partage de renseignements de façon sécuritaire, nous serons à même de contribuer à un rehaussement de la qualité et de la sécurité des soins aux aînés, sans compter que le personnel pourra s'y retrouver plus aisément, peu importe l'endroit où il aura à travailler.

Alors, nous sommes prêts à prendre vos questions.

Le Président (M. Simard) : Alors, M. le ministre, à vous la parole. Mme la députée d'Huntingdon, alors, sinon...

M. Caire : Bien, je vais... Oui, bien, vas-y, vas-y, vas-y.

Le Président (M. Simard) : Allez-y, chère collègue.

M. Caire : Vas-y. J'enchaînerai.

Mme Mallette : Vous enchaînerez. Parfait.

Le Président (M. Simard) : Vous disposez de 16 min 20 s.

• (17 h 40) •

Mme Mallette : Bonjour. Ça va bien? Dans le fond, j'aimerais juste valider avec vous ma compréhension. Vous avez dit que la confidentialité d'un dossier, quand il est papier, parce que, bon, il y a des photocopies, après ça il est donné, ça pouvait avoir des enjeux de sécurité. Donc, est-ce que, selon vous, le projet de loi n° 3 va augmenter la confidentialité des dossiers des patients?

Mme Lavoie (Annick) : ...très certainement la sécurité par rapport à la confidentialité. Parce que, quand je mentionne ça... Je vous donne un exemple. Vous avez un patient qui est en CHSLD, qu'on transfère à l'hôpital pour un examen. Il part avec sa petite enveloppe. Bon, il oublie l'enveloppe dans l'autobus de transport adapté, bien, l'enveloppe, elle est là. Alors, quelqu'un peut l'ouvrir et regarder les données, qui sont strictement confidentielles. Donc, c'est un accès qui est quand même relativement facile. Donc, effectivement, dans un accès électronique où on doit avoir peut-être un jeton ou quelque chose qui nous permet d'y accéder, avec un traçage, on sait que... qui est allé dans le document et à quel endroit il est allé, on a une sécurité qui est augmentée.

Mme Mallette : Merci.

Le Président (M. Simard) : M. le ministre.

M. Caire : Vous avez parlé de balises par rapport au partage des données, donc s'assurer qu'il y a un cadre qui est...

M. Caire : ...je paraphrase, là, mais rigoureux. Est-ce à dire que vous trouvez que le projet de loi de ce côté-là, n'est pas suffisamment clair ou suffisamment restrictif?

Mme Lavoie (Annick) : Non. Ce que je dis, c'est qu'il faut s'assurer que sur le terrain, on fasse vraiment ces accès limités, qu'on encadre vraiment bien l'accès.

M. Caire : O.K., donc ça m'amène... Ça amène la question suivante, parce qu'on écoutait tout à l'heure les archivistes nous raconter des histoires d'horreur, là, sur une utilisation pour le moins cavalière des renseignements de santé, qui ne sont évidemment pas permises par la loi. Donc on s'entend, là, qu'il y a tout un processus qui doit être mis en place de contrôle. Mais j'aimerais ça vous entendre là-dessus par rapport à ce que vous voyez dans le projet de loi, par rapport à ce qui sont les responsabilités des uns et des autres et des obligations. Est-ce que vous pensez que le cadre législatif favorise la mise en place de ces balises-là par une bonne compréhension de qui fait quoi, quand, où? Je ne sais pas si vous comprenez ma question. Est-ce que c'est suffisamment clair? Parce que tout à l'heure, là, les archivistes nous disaient : Bien, qui est le propriétaire de la donnée, oui, mais qui est le fiduciaire, qui est responsable. Puis eux semblaient dire qu'il y avait peut-être des précisions à apporter. Vous, comme gestionnaires d'établissement, est-ce que ce que vous voyez dans le projet de loi, ça vous rassure par rapport... on est clair par rapport à la ligne d'autorité? Je vais le dire comme ça.

Mme Lavoie (Annick) : Écoutez, ce que je vous répondrais, c'est ça va être une responsabilité qui est imposée à plusieurs groupes. Donc, je mentionnais, bon, les autres professionnels auront à faire leur bout de chemin, qu'ils ont d'ailleurs parce qu'ils ont des règlements qui permettent d'aller dans telle section du document. Chaque ordre a son accès au dossier. Alors, bon, ils mentionnaient tout à l'heure un physiothérapeute. Bien, un physiothérapeute n'a pas nécessairement accès à la liste de médicaments parce que ça n'a pas rapport avec l'action qu'il doit prendre, le soin qu'il doit faire. Par contre, vous avez une nutritionniste qui, elle, a accès à beaucoup plus de sections dans le dossier parce que ça a beaucoup plus d'impact. Alors ce genre de choses là existe déjà par des règlements dans chacun des ordres professionnels. Et il faudra s'assurer que dans un dossier électronique, il y ait des accès qui ne soient pas accessibles. Je ne suis pas informaticienne, mais je suis sûre qu'il y a des technologies qui nous permettent de bloquer des sections et qu'on pourra utiliser ça.

M. Caire : Mais, sans entrer dans les considérations technologiques, je vais laisser le soin à mon collègue de Rosemont d'adopter cette ligne-là, puisque... Non, mais plus sérieusement dans la perspective d'un projet de loi qui est technologiquement neutre. Parce que je comprends... puis vous avez une préoccupation quand on va déployer une application, est-ce que cette application-là peut faire de la gestion de permission? La réponse à ça, c'est oui. Mais restons au niveau du projet de loi, parce que justement, cette question-là a été soulevée, puis je vais faire un lien avec ma prochaine question parce que vous avez parlé de la fluidité. Puis moi, je veux vous entendre là-dessus. Est-ce que ces restrictions-là qui sont prévues, est-ce qu'elles sont, selon vous, facilement transposables sur le terrain. Comme gestionnaire, là, est-ce que... dit : Moi j'ai à assumer cette responsabilité-là dans mon établissement. Est-ce qu'on vous impose un fardeau trop lourd? Est-ce que vous comprenez bien quelles sont vos responsabilités? Est-ce que les responsabilités sont au bon endroit, aux bonnes personnes? Parce que par rapport à la balise dont vous parliez, là, je pense que c'est plus cet angle-là qui serait intéressant compte tenu que la loi n'aborde pas les questions technologiques. Voilà.

Mme Lavoie (Annick) : Je laisserais peut-être mon collègue de répondre étant donné qu'il est déjà propriétaire.

M. Nadon (Jean) : Écoutez, on est ici... Quand on parle de fluidité, je veux juste d'un exemple, quand un résident arrive dans un établissement, peu importe... d'un CHSLD à l'autre, comme de raison, normalement, c'est les mêmes informations. On reçoit par courriel environ 50 à 70 pages scannées et on reçoit ça. Et une des raisons pourquoi on est ici aussi, c'est pour essayer d'avoir une fluidité. Et quand on pense, c'est une infirmière qui va rentrer toutes ces informations-là et en plus que ces informations-là, la plupart...

M. Nadon (Jean) : ...du temps, ne sont pas à jour. Encore une plus grande... c'est... nous autres, c'est sûr, c'est un côté de terrain qu'on vous parle. Côté technologique, des fois, je vous laisse la sécurité, et tout ça. Parce qu'on sait qu'on connaît le DSQ, je pense qu'il y a des accès, et tout ça. C'est bien. Mais, par rapport aux centres d'hébergement, si on regarde depuis la pandémie, je pense que, tu sais, il n'y a pas eu de fluidité. Et, avec le manque de personnel, je pense qu'on est à l'heure d'actualiser soit des informations communes ou de... Par rapport à l'hôpital versus un CHSLD. Quand on parle... On est encore en train de partir avec... La dame part avec son enveloppe puis elle revient avec une enveloppe, puis on n'a même pas le portrait global. On parle de sécurité. On parle aussi de... avec la pénurie d'infirmières, et tout ça, c'est un des grands enjeux qu'on vise, pourquoi qu'on est là en ce moment.

M. Caire : Mais, au niveau de la fluidité, parce que, je pense que c'est au début de l'intervention, vous avez dit : ça va être important de reconnaître le besoin de fluidité, j'aurais envie de vous dire : Bien oui, on dépose le PL trois parce qu'on le reconnaît, donc... Mais est-ce que le PL trois, parce qu'il y a un volet, bon, puis je pense qu'on l'a abordé, il y a un volet Protection des renseignements personnels qui est quand même très important, mais il y a aussi comme objectif de rendre plus accessible, je vais le dire de cette façon-là, puis de s'assurer d'une mobilité de la donnée, donc je pense que ça répond à votre préoccupation. Est-ce qu'on le fait bien, est-ce qu'on le fait suffisamment? Et est-ce que ce qui est prévu comme mobilité de la donnée par le PL trois à l'intérieur du réseau de la santé, est-ce que ça répond aux problèmes, est-ce que ça corrige les problèmes que vous avez rencontrés, auxquels vous avez fait face, notamment pendant la pandémie?

Mme Lavoie (Annick) : À première vue, ça semble combler les attentes, effectivement. Et je parle pour le réseau des CHSLD, là, je ne suis pas du tout dans les hôpitaux ou quoi que ce soit. Mais, pour nous, c'est une façon de régler beaucoup d'incohérence et de manque, si on veut, oui.

M. Caire : O.K. On a entendu à quelques reprises que le PL trois, c'était c'est une bonne idée, mais devrait se limiter à la... la Fluidité de l'information devrait se limiter aux professionnels de la santé versus les patients, que d'avoir cette possibilité-là, au niveau des gestionnaires, ce n'était pas une bonne idée, ça pouvait entraver la confidentialité et la vie privée, voire même... Je ne me souviens plus comment, comment ça nous a été dit, là, mais la pratique de l'acte médical ou la confidentialité de l'acte médical. J'aimerais ça que vous, du point de vue des gestionnaires, vous nous disiez ce que vous pensez de ça et ce que cette mobilité-là de la donnée peut faire pour vous, comme gestionnaires. Est-ce que ça peut amener de l'efficience, si oui, de quelle façon, et qui va en bénéficier?

• (17 h 50) •

Mme Lavoie (Annick) : Bien, en fait, si on y va avec l'utilité de la donnée, je ne suis pas certaine qu'un gestionnaire a nécessairement besoin d'avoir accès à toute l'information qui va être contenue dans ce dossier-là. Par contre, certaines informations vont être cruciales. Comme si, par exemple, on nous transfère un patient qui a de l'obésité morbide, bien, c'est important que le gestionnaire puisse savoir, bien, parce qu'on n'a pas des chambres pour ce genre de patient là en quantité industrielle, alors, il va falloir qu'il soit capable, en mesure de dire : oui, est-ce que j'ai une place, non, je n'ai pas de place, est-ce que j'ai besoin d'un équipement. Ce genre de choses-là peut être importantes, mais d'avoir tout le détail de ce que le patient a comme complexité médicale, je pense que ce n'est pas nécessairement utile.

M. Caire : Bien, mon point n'était pas évidemment d'avoir tout le détail parce que ce n'était pas... Mais, entre tout le détail puis entre tout ou pantoute, j'imagine qu'il y a comme un juste milieu?

Mme Lavoie (Annick) : Tout à fait.

M. Caire : Puis, en fait, M. Nadon, je pense que c'est vous qui avez abordé la question de la surcharge de travail pour des fins administratives. De quelle façon Le PL trois peut faire partie d'une solution pour réduire cette charge de travail là, libérer des ressources pour d'autres tâches? En quoi ça, ça va faire...

M. Caire : ...parce que vous semblez dire que ça peut faire partie de la solution. En quoi ça peut faire partie de la solution?

M. Nadon (Jean) : Je pense que c'est d'encadrer les données pour que la fluidité entre les établissements, je pense que c'est un... en gros, c'est ça. Quand on sait aussi qu'en ce moment, les CHSLD, on a environ 4 500 places en attente et on voit que le roulement est de plus en plus rapide dans les CHSLD, bien, il faut... Donc, on reçoit de plus en plus. Le roulement de résidents est de plus en plus rapide. Donc, c'est... En ayant cette fluidité là, bien, les gens vont passer beaucoup moins de temps et beaucoup moins d'erreurs. Et quand on parle aussi de sécurité, c'est à ce moment où on laisse les établissements un peu, avec des fois des logiciels un peu maison. Quand on parlait un peu de recevoir ça par courriel et puis, après ça, là on met ça sur l'ordinateur. Est-ce que c'est... tu sais, avec une... tu sais, on est tous beaucoup plus vulnérables avec une clé et tout ça. Ça fait qu'il faut juste faire attention aussi parce que ces informations-là, on les a dans les centres. Ça fait que c'est pour ça que je parle, on est réellement... Dans le réseau de la santé, on est réellement la... c'est vraiment une base, là, qu'est ce qu'on a. Quand on a... Si on n'est pas capable de paramétrer des logiciels communs en hébergement, ce qui est quand même très précis avec des paramètres, on est loin. Puis, de laisser les établissements chacun pas bonifier mais avoir leur propre logiciel, parce que oui, il y en a plusieurs et il y a beaucoup de choses maison, bien, je pense que la sécurité, c'est... Pas besoin de vous expliquer le pourquoi que le projet de loi, si on encadre ça, ça, ça va être beaucoup plus sécuritaire.

M. Caire : Merci.

Mme Lavoie (Annick) : Est-ce que je pourrais donner un petit complément d'information?

M. Caire : Laissez-moi y penser.

Des voix : Ha, ha, ha! 

M. Caire : Je vous en prie.

Mme Lavoie (Annick) : Et je vous dirai que, quand on reçoit des données qui sont papier, on mentionnait tout à l'heure, et qu'elles ne sont pas toujours à jour, donc on a besoin d'avoir une infirmière, que ce soit la DSI ou une infirmière clinicienne, qui doit communiquer avec l'autre hôpital et dire : Telle affaire, est-ce que c'est toujours d'actualité? Est-ce que le patient a changé? Est-ce que son état est toujours stable? C'est beaucoup de temps. Donc, c'est l'utilisation d'une ressource très particulière, une infirmière, pour une activité qui n'est pas à valeur ajoutée du tout. Donc, c'est vraiment le fait de pouvoir avoir accès rapidement au dossier et à la donnée, l'infirmière n'aura pas besoin d'appeler pour valider. Donc là, ça vient d'enlever une certaine lourdeur administrative, puis une utilisation de ressources beaucoup plus adéquate.

M. Caire : Mais ça m'amène une autre question parce que ce que vous décrivez là avec le papier : Est-ce qu'on ne le vit pas aussi avec des systèmes d'information qui vont colliger chacun de leur côté des informations puis se désynchroniser? Alors, dans ce sens-là, est-ce que le projet de loin n° 3 amènerait aussi cette capacité là de s'assurer que, même dans nos systèmes d'information, on n'a pas une information qui n'est plus intègre parce que M. ou Mme Untelle a consulté à telle date, plus tard reconsulte à un autre endroit? Mais là, j'ai dit deux fois la même personne, mais à des endroits différents, avec des informations différentes. Donc, cette désynchronisation-là, est-ce que vous la vivez aussi dans les systèmes informatiques?

Mme Lavoie (Annick) : Mais c'est la raison pour laquelle je disais que tout à l'heure, les systèmes doivent se parler. L'interopérabilité entre les systèmes est importante pour que justement, il y ait un système, on ne soit pas en phase avec deux systèmes. L'importance est là.

M. Caire : Merci.

Mme Lavoie (Annick) : De rien.

Le Président (M. Simard) : Merci. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Mont-Royal—Outremont.

Mme Setlakwe : Merci, M. le Président. Merci à vous deux. Vous êtes assez clairs dans vos propos là. On entend que vous accueillez favorablement ce projet de loi là. En fait, vous semblez l'attendre avec impatience.

Moi, je suis plus à la recherche d'exemples concrets puis je vais poser une question plus générale avant de vous offrir l'opportunité de nous donner des exemples concrets, là, d'irritants. Mais pour vous, le projet de loi... parce que là, vous vous hébergez des aînés qui sont dans des des CHSLD conventionnés, et donc le bénéfice du projet de loi, il est surtout pour... Comment vous le voyez, le gestionnaire, donc pour vous, pour l'infirmière, vous parlez souvent des infirmières, et ça, ça m'interpelle beaucoup, et/ou le patient ou tu sais, c'est de façon égale les trois acteurs?

Mme Lavoie (Annick) : J'aurais tendance à vous dire que c'est vraiment le résident pour sa sécurité, pour être sûr qu'on lui offre les bons soins et le personnel... les professionnels de la santé.

Mme Setlakwe : Le fait que l'information suit le patient, peu importe où il est allé chercher ses... où il a fait ses tests, où est allé chercher ses soins, où il a fait des consultations, le fait que ça le suit, qu'il n'y a pas besoin d'aller faire des photocopies à gauche et à droite puis de... Vous avez illustré assez... de façon assez éloquente, là, à quel point ça peut devenir... il y a des petits...

Mme Setlakwe : ...la confidentialité peut être mise en péril.

Mais vous parlez, là, ici, dans votre... Donc, vous voyez... juste pour finir mon idée, vous voyez dans le projet de loi... puis là je rejoins ma collègue de l'autre côté, vous voyez dans le projet de loi... Autant on est inquiets, là, de la protection de la donnée, vous voyez aussi, par rapport à l'ancien système, qu'on va probablement hausser la sécurité. O.K.

Vous mentionnez dans votre mémoire, qui est très détaillée, ça, ça m'a fait sursauter, bon, ça nous prend des solutions créatives, c'est : «Faute de solution technologique homologuée, accréditée et reconnue, certains gestionnaires vont créer eux-mêmes certains documents pour assurer le suivi des patients ou pour faciliter les suivis avec d'autres intervenants.»

Mme Lavoie (Annick) : Oui, bien, c'est un petit peu... Vous savez, il y a un comité au ministère, là, qui est le comité de normalisation des formulaires, et ce comité-là, bon, établit des standards sur lequel tous les hôpitaux ou tous les centres vont inscrire, là, des données, mais parfois on n'a pas accès à toutes ces informations-là. Donc, un gestionnaire, bien, va se faire un tableau Excel, il va se faire une espèce de formulaire maison. C'est là, le problème, là, c'est que ces formulaires maison là, bien, c'est bon pour juste eux autres, là. Alors, si tu transfères ça dans un autre hôpital ou dans un autre CHSLD, on regarde le document puis on ne sait pas, ce n'est pas un standard. Donc, c'est pour ça que je mentionnais tout à l'heure : C'est important d'avoir des documents qui sont standards pour qu'on puisse se parler, peu importe, et qu'un employé travaille à un endroit ou un autre endroit, bien, c'est toujours à la même place, l'information se retrouve à la bonne place.

Mme Setlakwe : Oui, je trouve que c'est un bon exemple. J'aimerais ça que vous nous donniez d'autres exemples concrets, puis pas... puis ça peut être... c'est difficile de faire abstraction de la pandémie parce que c'est un contexte dans lequel on continue d'évoluer, là, ce n'est pas complètement derrière nous, mais les irritants majeurs, là, dans les dernières années, tu sais, pandémie et même hors pandémie.

Mme Lavoie (Annick) : Bien, je vous dirais, un des irritants majeurs, c'est de ne pas avoir toute l'information en temps opportun. C'est un très grand risque pour la sécurité du résident. Je vous donne un exemple. Vous avez un résident qui a fait une chute, a une fracture de la hanche, a un remplacement avec une prothèse de Moore, et, dans sa feuille sommaire, ça dit que le patient a également, en 2018, fait un AVC, bon, tout ça, la liste de médicaments, etc. Le patient arrive, nous, ce qu'on a comme premier diagnostic, c'est un remplacement de hanche, donc il a besoin de réadaptation, mais il n'y a rien qui dit dans le dossier que le patient est dysphasique suite à son AVC. Il arrive, on lui donne... s'il arrive à l'heure du repas, on lui donne un repas régulier, c'est très dangereux, il peut mourir, là, il peut s'étouffer puis mourir. Donc, ce genre d'irritant là, c'est de dire : Bien, on n'a pas toute l'information pour prendre les décisions cliniques importantes et cruciales en temps opportun.

• (18 heures) •

Mme Setlakwe : Je trouve que c'est un exemple qui parle beaucoup puis je vous remercie. Parce qu'à la lecture du projet loi, puis... entendu des intervenants venant de milieux divers puis ayant... tu sais, représentant, bon, des intérêts, ou en tout cas, ça nous amène à réfléchir puis à s'assurer qu'on atteigne le bon équilibre entre, c'est ça, tu sais, protéger les droits et libertés, protéger la donnée, tout ça, et en même temps assurer la sécurité puis dans quel moment c'est... Il faut avoir des exemples concrets à l'esprit qui nous amènent à dire : O.K., oui, cet exemple-là, c'est pour ça qu'on a ce libellé-là, pour couvrir telle situation. Tu sais, on agit, nous, dans le bien commun, dans l'intérêt public. Et c'est un exercice assez délicat, là, d'atteindre l'équilibre parfait avec un projet de loi superimportant, tu sais, qui soulève des enjeux multiples. Donc, merci. Si vous avez d'autres exemples, allez-y. Moi, j'ai encore un peu de temps. Sinon, je n'ai pas d'autres questions, donc si...

M. Nadon (Jean) : Des exemples. Je sais qu'on a parlé un petit peu des documents qu'on est en train... Le bleu... Tu sais, c'est effrayant aujourd'hui, quand on est encore en train d'écrire des documents avec des feuilles de couleurs, que ça va à un endroit versus l'autre. Puis aussi, là, tu sais, quand je parlais du temps d'attente, la plupart du temps, là, les documents que... Si un résident, ça prend, exemple, un an avant d'aller dans un centre d'hébergement, bien, souvent le dossier n'est pas à jour du tout aussi. Ça fait que je pense que ça... avec une fluidité, bien, on va pouvoir avoir des dossiers à jour. C'est comme si on prend le résident un peu...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Nadon (Jean) : ...à froid. Il faut tout réévaluer, ça, c'est majeur pour la sécurité de nos résidents. C'est ce qu'on prône.

Mme Setlakwe : Je vous remercie. C'est tout pour moi. Ça nous aide vraiment, tu sais. Vous donnez... vous donnez vie, là, vous apportez de la couleur à un texte de loi qui est un cadre puis... Merci.

M. Nadon (Jean) : Ce qu'on voulait vous dire, c'est vraiment le côté terrain, puis aussi de pas oublier, dans un projet de loi, je l'ai dit tantôt, mais que de penser, des fois, c'est fait pour... même si nous, on donne des services publics, les CHSLD privés conventionnés. Mais, des fois, je ne sais pas si ça vient des projets de loi, mais on a toujours une difficulté à avoir l'information. Des fois, le public va l'avoir, mais le public, juste de penser, dans le projet de loi, d'inclure, parce qu'on offre un service public et... On n'a pas l'information, soit il y a comme souvent des barrières à ce niveau-là, mais peut-être en tenir compte. Parce que bon, on n'est pas les seuls privés qui donnent des services publics.

Pensez-y, parce que, souvent, on se bat avec les CISSS, et tout ça, pour avoir certaines informations, certains accès. Entre autres, on a parlé de la pandémie, mais c'était flagrant qu'on n'avait pas accès à certains logiciels, puis c'est pour la sécurité...

Mme Setlakwe : Donc, dans le fond, vous, vous agissez pour des personnes hébergées.

M. Nadon (Jean) : Oui, mais vous n'êtes pas surpris qu'on fait une différence entre le service public et les services privés. C'est juste ça, je pense.

Mme Setlakwe : C'est compris. Merci. C'est tout pour moi.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. Je cède la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Merci, monsieur Nadon, madame Lavoie. J'ai plusieurs questions, notamment sur l'imputabilité puis sur l'éthique. On en a beaucoup parlé depuis hier. Je vais aller dans le vif du sujet, là. Vous, vous voyez... Parce que vous êtes des privés puis vous donnez un service public, vous réclamez beaucoup de données pour faciliter les soins à vos usagers, à vos résidents. Je comprends l'idée. Vous voyez comment votre rôle dans la protection des données puis dans l'imputabilité, s'il y a un pépin? Donc, on est ici, là, dans le département de l'imputabilité, de l'éthique. Est-ce que c'est vous qui êtes ultimement responsables?

M. Nadon (Jean) : Je vous dirais, puis Annick, tu me diras si j'ai raison, c'est qu'on peut avoir toute l'information requise, mais avec de la difficulté. Quand on parle de manque de fluidité, c'est juste parce que, soit qu'on les aide papiers, on ne les a pas à jour ou... C'est plus ça, l'information. En tant que privé, on n'est pas ici pour demander plus de données, on va les avoir, sauf que ce n'est pas facile à avoir. Ça fait que c'est ce côté-là, parce que, normalement, bien oui...

M. Marissal : On se comprend mal, là, j'ai mal formulé ma question.

M. Nadon (Jean) : Parfait.

M. Marissal : Je parle évidemment dans le contexte du projet de loi n° 3, à supposer qu'il soit adopté, et que vous dites : Je vais avoir les données de toute façon. Bon, je débattrais de ça, là, mais... dans la deuxième section de mes questions. Mais mettons que vous les avez, là, vous voyez votre rôle comment en protection des données, vu que vous les avez? Dans votre hypothèse, vous les avez, le projet de loi est adopté, vous les avez, ça facilite votre travail. C'est bon. Votre rôle éthique et d'imputabilité, vous le voyez comment?

Mme Lavoie (Annick) : Mais évidemment on fait affaire avec des professionnels, donc ils ont eux-mêmes un code d'éthique et de déontologie qu'ils doivent respecter. Donc ça, c'est déjà une première barrière à la diffusion générale. Et évidemment on a des gens qui sont aux archives également, qui vont surveiller l'utilisation des données. Et je pense que le fait d'avoir la traçabilité de qui a eu accès et qui a fait... a écrit dans un dossier, c'est une mesure de protection. Alors, s'il arrive quoi que ce soit, on peut retourner à cet endroit-là, en tant que gestionnaire, puis dire : O.K. Bon. Qui était dans le dossier au moment où il est arrivé un bris de confidentialité? Donc, on peut prendre action à ce moment-là.

M. Marissal : O.K. Mais, mettons, là, que, cas hypothétique, la résidence, un CHSLD conventionné privé, Les lilas fleuris - j'espère que ça n'existe pas, là, parce que j'essaie de donner un exemple fictif, là - il y a une fuite de données, il y a un vol de données, vous en êtes les... pas les propriétaires... ou les gardiens, à tout le moins. Je repose ma question. Vous me disiez que ça peut arriver que quelqu'un parte avec un dossier papier aussi, là, mais c'est un peu plus compliqué, ça se fait assez vite, là, un transfert de données, ou vous êtes victime d'une attaque, une cyberattaque, là. Les cyberattaques...

M. Marissal : ...ne vous vole pas les dossiers papier, là. Ça fait que, vous, comment vous voyez votre responsabilité là-dedans? Parce qu'avec plus de moyens viennent plus de responsabilités, là, pour paraphraser Spiderman, là. Si vous avez plus de données qui vous arrivent en temps réel, puis c'est ce que vous demandez, puis beaucoup de données qui rentrent, là, vous avez comme une information entre les mains, là.

Mme Lavoie (Annick) : C'est sûr et certain qu'il y a une sécurité au niveau des systèmes informatiques, et, si c'est un système qui va parler avec le réseau de la santé, il y aura cette préoccupation également du réseau d'avoir des mécanismes de... antihameçonnage et tout le reste. Le risque zéro n'existe pas, donc ça peut toujours être... il peut toujours y avoir des vols de données, d'informations. Mais, chose certaine, ça pourrait difficilement être par l'intérieur. Nos employés, on peut voir... Tu sais, si tu mets 800 pages d'information sur une clé USB, bien, dans le traçage, on va voir qu'il y a eu 800 pages qui sont parties, puis ça va sonner une cloche. Puis on a des systèmes informatiques, on a des informaticiens qui travaillent pour nous, donc c'est sûr et certain que ça va se faire comme : Oh! il y a un petit problème ici. Qui est parti avec 800 pages? Donc, c'est un moyen, là, de sécurité.

M. Marissal : O.K. Vous dites que vous voudriez avoir les données, là, pour obtenir des données de santé publique en temps réel pour mieux gérer les crises et pandémies futures. Je comprends que vous avez fait référence à la COVID, là, puis l'exemple est bon, là. Temps réel, est-ce que vous envisagez par exemple là-dedans des mesures en biométrie? Est-ce que c'est à ce point, là, temps réel?

Mme Lavoie (Annick) : Bien, quand on mentionne «en temps réel», ce qu'on avait comme problématique durant la pandémie, c'étaient les... nos employés faisaient des tests COVID, puis on avait peut-être cinq, six, sept, huit jours plus tard le résultat. Mais, pendant ce temps-là, l'employé n'était pas sur le terrain, on l'avait mis en retrait, donc ce qui causait une problématique pour les soins et les services. Donc, ça, pour nous, c'était une problématique. Même chose avec nos résidents, on mettait les résidents en isolation pendant des jours et des jours, alors que ce n'était pas nécessaire, parce que finalement ils étaient négatifs. Mais on ne l'avait pas, le....

C'est dans ce sens-là que ça nous prend en temps réel. Temps réel, on s'entend, là, tu sais. Quelques heures, une journée, ce n'est pas grave. Mais, plus que ça, c'est... C'est là où c'était problématique, là.

M. Marissal : Je lis la recommandation 3, la fin, là, de votre paragraphe : «Dans le cas de résidents admis en CHSLD, l'ensemble des renseignements de santé sont nécessaires aux intervenants pour offrir des soins et des services de qualité et sécuritaires. Il importe donc d'y avoir accès de façon conviviale et en temps opportun.» D'un, vous dites : «Dans le cas de résidents admis... l'ensemble des renseignements de santé...». C'est beaucoup, ça, l'ensemble, c'est beaucoup, puis vous avez dit un peu le contraire, Mme Lavoie, tout à l'heure en disant : Pas besoin d'avoir tous les détails.

Mme Lavoie (Annick) : Bien, l'ensemble des renseignements de santé vont être importants. Je mentionnais tout à l'heure dans mon exemple... par rapport à quelqu'un qui vient pour un problème de hanche, mais qui a un problème de diabète et d'AVC avec de la dysphagie. Bien, ça nous prend l'ensemble du portrait.

M. Marissal : Je comprends. Vous avez probablement suivi un peu nos travaux, là il est question beaucoup d'«opting out», d'«opting in». Est-ce que les gens devraient être automatiquement réputés volontaires à faire circuler leurs données, ou au contraire devraient-ils être réputés pas volontaires tant qu'ils se portent volontaires? Ça, c'est l'«opting out». Vous êtes où là-dedans? Parce que vos résidents, là, par définition, sont plus vieux, hein, c'est des aînés, peut-être pas superhabiles avec les nouvelles technologies, pas branchés, pas nécessairement de famille proche non plus. Bien, je ne vous apprends rien, vous savez tout ça, là, c'est votre clientèle, là. Vous êtes où là-dedans, vous?

• (18 h 10) •

Mme Lavoie (Annick) : Bien, je pense que c'est important que la personne puisse donner son consentement de façon éclairée et comprenne vraiment les impacts de ce consentement-là, parce que c'est le minimum, c'est son droit.

M. Marissal : Puis dans le cas de quelqu'un qui n'est pas apte...

Mme Lavoie (Annick) : Bien, à ce moment-là, c'est son répondant.

M. Marissal : ...et qui n'a pas de répondant ou qui n'a pas de mandataire? C'est parce que ça se pose beaucoup, beaucoup. Moi, j'ai passé beaucoup, beaucoup de jours et de mois à travailler sur le projet de loi sur l'aide médicale à mourir, la dernière session... la dernière législation. Il y a beaucoup de gens qui sont inaptes, qui n'ont pas de... Est-ce qu'on devrait les déclarer d'emblée «out»?

Le Président (M. Simard) : Très bien. Très rapidement, s'il vous plaît.

Mme Lavoie (Annick) : Bien, je vous dirais, ces gens-là ont la...

Mme Lavoie (Annick) : ...curatelle pour prendre soin d'eux, là, ils ont une protection.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, Monsieur Nadon, madame Lavoie, merci pour votre très belle présentation. On espère vous revoir sous peu parmi nous.

Sur ce, compte tenu de l'heure, nous allons ajourner nos travaux. Et je tiens à vous remercier pour la très, très, très belle journée et votre précieuse collaboration à tous. On se retrouve demain, au revoir.

(Fin de la séance à 18 h 12)


 
 

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