(Onze heures quarante-cinq minutes)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, je constate que nous avons quorum et nous sommes en mesure de
pouvoir reprendre et poursuivre nos travaux.
Comme vous le savez, la commission est réunie
afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur
le projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de santé et de services
sociaux.
Mme la secrétaire, bonjour. Y aurait-il des
remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Beauchemin (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par Mme Setlakwe
(Mont-Royal—Outremont)
et M. Bouazzi (Maurice-Richard), par M. Marissal (Rosemont).
Auditions (suite)
Le Président (M. Simard) : Merci.
Ce matin, nous recevons des représentants du Regroupement provincial des comités des usagers. Madame, monsieur, soyez
les bienvenus. Auriez-vous, d'abord, l'amabilité de vous présenter?
Regroupement provincial
des comités des usagers (RPCU)
M. Hamel (Pierre) : Oui, bonjour. Pierre Hamel, je suis président du CA du
RPCU.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Mme Tremblay
(Sylvie) : Sylvie Tremblay. Bonjour. Bonjour, M. le Président.
Directrice générale du Regroupement provincial des comités des usagers.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue
à vous. Et vous disposez de 10 minutes.
M. Hamel (Pierre) : Alors, M. le Président, membres de la commission, Mmes et
MM. les députés. Le Regroupement provincial des comités d'usagers a été fondé en
2004. Nous avons, sous notre gouverne, 540 comités d'usagers et de
résidents à travers la province, dans toutes les régions de la province, qu'ils
soient publics, privés, conventionnés ou autofinancés.
Nous intervenons aussi dans plusieurs enjeux
concernant la santé et les services sociaux, dans l'intérêt et du point de vue
de l'usager. Notre mission : défendre et protéger les droits des usagers,
soutenir les comités d'usagers et de résidents dans la réalisation de leur
mission, entre autres en leur offrant de la formation, et aussi d'exercer un
leadership à l'égard de l'amélioration de la qualité des soins et de la
sécurité des services de santé et services sociaux sur le vaste territoire du
Québec.
Le mandat des comités d'usagers et de résidents
est ensaché dans la Loi sur les services de santé et services sociaux aux articles 2009, 2010, 2011 et 2012.
Alors, les comités des usagers sont les gardiens des droits des usagers.
Tout au long de l'année, nous oeuvrons à supporter nos comités à la réalisation
de leur mission et de leurs objectifs. Plus particulièrement, nous avons...
nous proposons une semaine nationale des droits des usagers et des services
sociaux, qui se tient habituellement en novembre.
Alors, M. le Président, nous vous remercions de
nous donner l'opportunité de présenter les comités d'usagers à cette commission
parlementaire. Cette présentation permettra, nous l'espérons, de tenir compte
d'abord et avant tout des personnes usagères, de leurs besoins et du respect de
leurs droits, en particulier le droit d'accès à son dossier d'usager et celui
du droit à la confidentialité de son dossier d'usager.
Les travaux
de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 3 touchent l'accès aux
données, l'utilisation, la circulation, le partage des données et la
conservation et la protection des données.
• (11 h 50) •
En ce qui concerne le dossier des usagers au
niveau informatisé et le plus uniforme possible et le pouvoir de pouvoir le
partager à travers tous les établissements de la province de Québec, nous
sommes sûrs que c'est un plus pour l'usager.
Par contre, nous constatons que, pour le citoyen que nous représentons, les
avancées proposées en ce qui concerne l'accès et la confidentialité de
son dossier sont semées d'embûches et... dû à la complexité et aux différents
acteurs qui en sont touchés.
Le projet de loi contient aussi une modification
vaste, quelquefois surprenante, des cas de figure où les renseignements de
santé pourront être partagés à d'autres fins que la prestation des soins et des
services sociaux. Les brèves consultations sur invitation et le très court
préavis les ayant précédées sont loin de permettre la tenue d'une réflexion
sociétale à ce sujet. Face à un projet d'une telle ampleur qui aura des impacts
majeurs sur les usagers et sur le réseau des services... sur le réseau de la santé et des services
sociaux, nous pensons que ce serait prudent de prendre le temps voulu
pour approfondir et consulter l'ensemble des acteurs qui sont touchés par un
tel projet de loi.
La question qu'il
faut se poser : L'usager est-il servi ou desservi par ce projet de loi?
Nous pensons que le dossier de confidentialité et le dossier appartenant à nos
usagers font partie de leur vie et de toutes les étapes qu'ils ont à parcourir
d'avant la naissance jusqu'à la mort. Donc, c'est un dossier qui est
excessivement important pour nos usagers et la confidentialité et l'accès au
dossier est, pour nous, majeur.
Sur ce, je vais
laisser la parole à Mme Tremblay.
Mme Tremblay (Sylvie) : Merci,
M. Hamel. Donc, les questions posées sont les suivantes : Suis-je
bien renseignée sur les changements à venir sur le projet de loi? Est-ce
que je comprends bien les buts visés par ce projet de loi?
Les renseignements
santé sont les données les plus intimes et les plus sensibles détenues par
l'administration publique au sujet des individus. Leur protection est garantie
à la fois par l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui fait du droit de la vie privée un droit fondamental, et également
par l'article 9, qui consacre le caractère fondamental du droit de
secret professionnel.
La confiance des
usagers dans le respect de la confidentialité de leurs renseignements est une
condition essentielle au partage par ceux-ci
de l'information sensible pertinente à leur prise en charge. Cette confiance
est parfois également une condition essentielle pour qu'un usager décide
d'aller chercher des soins que requiert son état.
À la lecture du projet
de loi, on se demande comment, comment informer, accompagner, former les
usagers et leurs proches aux changements sur
l'accès et la confidentialité des données. Ainsi, nous aimerions que le
gouvernement du Québec lance une campagne de sensibilisation et
d'information sur les suites de ces travaux, ses modifications et que cette campagne soit diffusée à l'ensemble de
la population et en particulier les usagers et l'ensemble des intervenants du
réseau de la santé et des services sociaux.
Pour l'usager, son
dossier et ses renseignements est une obligation. Le fait d'avoir, de façon
informatisée, le plus uniforme possible et interportable, l'ensemble de
l'information qui le concerne doit être souligné.
Les usagers que nous
représentons demandent que ce projet de loi améliore deux aspects : la
capacité de consultation du dossier de façon
simple et interportable afin, comme nous le disons souvent, que le dossier
suive l'usager d'un établissement à l'autre et, le cas échéant, d'une
région à l'autre.
Cependant, nous avons
quelques préoccupations que nous voulons porter à votre attention,
particulièrement l'article 7. Cet
article donne la possibilité à une personne de restreindre l'accès à certains
renseignements en déterminant qu'un intervenant ou une catégorie
d'intervenants ne peut avoir accès à un ou plusieurs renseignements. C'est une mesure essentielle mais insuffisante. L'usager
devrait pouvoir également confier un renseignement à un professionnel de
la santé en demandant que ce seul professionnel ait accès à ce renseignement,
particulièrement, je vous dirais, en matière
de suivi psychosocial, dans un contexte où la confidence s'effectue dans un
temps, dans un... pardon, dans le cadre d'une relation thérapeutique
basée sur la relation thérapeutique personnelle avec cet individu.
Le projet de loi
laisse à l'usager le fardeau de prendre l'initiative de décider s'il veut
rendre certains renseignements inaccessibles à un intervenant ou à une
catégorie d'intervenants. Pourquoi laisser le fardeau sur les seules épaules de l'usager? Pourquoi avoir retiré
de la version antérieure du projet de loi la possibilité qu'un règlement prévu d'emblée des... prévoie d'emblée des
restrictions d'accès pour certaines catégories de renseignements plus
sensibles? La protection de la vie privée est essentielle. L'ouverture à
certaines données sensibles à cet égard est une ligne rouge qui ne doit
pas être... qu'on ne doit pas nécessairement franchir.
L'usager...
Le Président
(M. Simard) : En Conclusion, s'il vous plaît.
Mme Tremblay
(Sylvie) : Pardon?
Le Président
(M. Simard) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Tremblay
(Sylvie) : L'usager apte et inapte. Nous sommes interpelés pour cette
différenciation et nous aimerions que vous preniez en considération, donc, la
recommandation 3 de retirer la...
Le Président
(M. Simard) : Mme Tremblay...
Mme Tremblay
(Sylvie) : Désolée, je vais finir avec ça parce que c'est essentiel.
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Nous vous écoutons.
Mme Tremblay
(Sylvie) : Les usagers aptes et inaptes, c'est les mêmes droits. Et là
on amène une catégorie, et je vous
demanderais de regarder à la page 11... deux catégories sur le droit des
usagers, les aptes et les inaptes, et nous considérons que ce n'est pas
possible à cette étape-ci. Je vous remercie de votre attention. Merci beaucoup.
Le Président (M. Simard) : C'est
moi qui vous remercie, Mme Tremblay. Et sachez à quel point je suis désolé
de devoir vous couper comme ça. C'est un rôle bien ingrat. M. le ministre, à
vous la parole. Vous disposez de 8 min 10 s.
M. Caire :
Merci. Merci beaucoup. Bien, compte tenu du peu de temps, je vais y aller
direct avec mes questions. J'ai cru comprendre, là, vous avez parlé de cas
surprenants de partage des données, donc vous voyez, dans cette loi-là, une possibilité de partager les
données qui fait en sorte que l'information de santé va suivre le patient, mais
vous voyez aussi un partage de données qui va au-delà de ça. Vous l'expliquez
comment? Puis en quoi vous trouvez ça surprenant? Et surtout en quoi
vous trouvez ça inquiétant?
Mme Tremblay
(Sylvie) : J'aimerais revenir sur les constats que l'on fait au fur et
à mesure que nous travaillons avec les usagers. Le réseau de la santé et des
services sociaux est toujours en bouleversements. Ce qu'on se rencontre, dans ce contexte-là, c'est que
beaucoup d'intervenants qui ne sont pas membres d'ordres professionnels ont accès,
et on ne sait pas trop comment, aux dossiers des gens. Alors, on remarque que
la confidentialité est toujours mise à mal. Il y a des agences qui sont
maintenant dans le réseau et qui peuvent voir... Et on le voit quotidiennement,
particulièrement pour les clientèles vulnérables qui veulent avoir accès aux
soins ou non, et là il y a une catégorie de monde
qui peuvent avoir accès sans qu'on puisse... sans que les usagers eux-mêmes
aient droit au chapitre à ce niveau-là.
M. Caire : Mme Tremblay, si je peux me permettre, la
situation que vous décrivez, ça, c'est la situation actuelle ou c'est la
situation telle que vous la voyez après l'adoption du projet de loi?
Mme Tremblay
(Sylvie) : Nous ne pensons pas que le projet de loi, dans ce contexte,
va permettre une étanchéité. Au contraire, ce qu'on voit dans le projet de loi,
c'est qu'il y a beaucoup d'ouverture, entre autres, pour d'autres missions. Les
ordres professionnels, par exemple, pour des préposés, il n'y a pas de question
sur ça. Donc, vous ouvrez au-delà pour des catégories d'emplois où qu'ils
pourront avoir accès sans qu'on puisse, évidemment... On ne restreint pas
nécessairement la confidentialité. Au niveau des...
M. Caire : Mais,
si je peux me permettre, parce qu'il y a un article qui stipule clairement que
n'ont accès aux informations que ceux qui ont une prestation de services à
donner et n'ont accès qu'aux seules informations nécessaires à leur prestation de services... Cet article-là, pour vous,
ce n'est pas assez clair, ce n'est pas assez restrictif?
Mme Tremblay
(Sylvie) : Ce n'est pas... Bien, c'est-à-dire que ce qu'on comprend du
projet de loi, à cette étape-ci, c'est qu'il y a une ouverture plus grande pour
donner l'accès à la fois à la recherche, aux intervenants qui ne sont pas ciblés par des ordres professionnels, que
ce soit aussi dans le secteur privé, pour d'autres situations, les services
psychologiques aussi, qui ne sont pas liés directement au secteur public, où
les gens pourront, par catégorie, par exemple, pouvoir avoir accès au dossier.
Donc, on trouve que ce n'est pas assez étanche.
• (12 heures) •
M. Caire : Mais
je veux juste être clair, là, vous, pour l'usager... Bon, par exemple, moi, je
consomme des services psychologiques au privé. Vous considérez que le
psychologue au privé ne devrait pas avoir accès à l'ensemble de mes
informations dans sa prestation de services? Parce que la loi, elle est très
claire, là, elle dit que vous n'avez accès
qu'aux seules informations nécessaires à votre prestation de services. Là,
là-dessus, la loi est très claire. Donc, vous, vous trouvez que ce n'est
pas suffisamment restrictif?
Mme Tremblay
(Sylvie) : Dans le contexte actuel, les services psychosociaux... Par
exemple, si on parle de psychologie,
75 % des services en psycho sont donnés par de la pratique privée. Cette
pratique privée là est encadrée, souvent, ou pas par... soit par les...
les assureurs, par exemple. À partir du moment où vous, ou M. le ministre, ou
moi-même, ou d'autres vont voir un privé pour avoir une consultation psychologique,
c'est souvent défrayé par des assureurs ou
pas. Dans ce contexte-là, ce n'est
pas toujours au dossier du patient, et souvent les gens veulent, dans leurs
étapes de vie, garder confidentielles ces informations-là.
Ce que l'on vous dit,
c'est, dans un contexte où cela n'est pas balisé — on considère que ça ne
l'est pas tout à fait — la
personne pourrait être... on pourrait avoir accès à des données qui sont
sensibles, et qu'elle ne veut pas... elle ne veut pas qu'on ait accès. Alors,
on vous dit : Faites attention. L'Ordre professionnel des psychologues, je
ne sais pas qu'est-ce qu'ils en pensent, on
ne les a... on n'a pas entendu parler de leurs préoccupations par ailleurs,
mais ce qu'on vous dit, c'est que
beaucoup, beaucoup, beaucoup de services, particulièrement au niveau des
clientèles vulnérables, particulièrement au niveau des services sociaux,
ont été liquéfiés dans le secteur public, et on considère que, dans ce
contexte-là, il faut être excessivement prudent.
Ce n'est pas vrai
que, quand on va en privé, on veut... que les usagers veulent que tout soit...
disponible. Que le médecin traitant puisse,
dans une relation de confidentialité ou de santé, avoir accès à notre vie et
qu'un usager décide de lui en faire
part, c'est une chose, mais, pour autre chose, je pense qu'il peut y avoir des
dérives. C'est la même chose pour les personnes inaptes, d'ailleurs.
Alors, pour... l'article 22 dit : Le
tuteur ou le curateur ou... ne peut avoir à son... ne peut avoir accès au
dossier que seul sur ce quoi il est tuteur sur la personne. Alors, une personne
âgée... Quand nous serons âgés, vous et moi, on va avoir des étapes de
vie qu'on ne voudra pas dire. Et là ce que ça fait, dans l'ouverture, c'est que
votre tuteur, votre curateur peut avoir accès à des données que vous n'avez
jamais voulu dire et que, là, il va avoir accès.
Alors, ce qu'on vous
dit, c'est que, par exemple, si la personne devient inapte et que, là, le
curateur ou le protecteur dit : Aïe! Tu
as eu ça dans ta vie, toi, puis là il peut y avoir de la... il peut y avoir
même de la maltraitance, là, par
ailleurs, parce qu'on n'a pas tout divulgué. Il faut avoir des secrets dans la
vie, et on a peur, à cet égard, qu'on amène deux droits, là, au niveau des inaptes et des aptes. Alors, les droits
s'appliquent pour tout le monde, donc il ne faut pas ouvrir les choses.
J'ai...
C'est très rapide, hein, d'avoir huit minutes avec vous, là, vous comprendrez.
Vous allez lire le mémoire, de toute façon.
M. Caire : Mais on va...
M. Montigny : Très rapide.
Le Président (M. Simard) : Oui,
je cède la parole au député de René-Lévesque.
M. Montigny : Très rapide, une
petite question. Vous savez, il y a des... dans le domaine de la psychologie,
il y a certains psychologues qui travaillent à la fois au public et au privé,
par exemple, une journée au privé. Alors, si je comprends bien, pour vous, il
ne devrait pas y avoir accès quand il est au privé, mais il devrait y avoir
accès quand il est au public, aux données. C'est-tu ça?
Mme Tremblay (Sylvie) : Quand
les travailleurs sociaux travaillent au public, quand les psychologues
travaillent au public, il y a le dossier santé, le dossier est inscrit, les
gens peuvent avoir accès. Le tableau des... le tableau des travailleurs en services sociaux, les psychologues et
d'autres domaines de la santé et des services sociaux, c'est beaucoup au privé, et ils ne sont... et ils
sont de moins en moins au public. Donc, il y a déjà des... il y a déjà des
lignes, là, par rapport à ça.
Le
Président (M. Simard) : M. le ministre, pour les 30 secondes qui
restent. Ça vous va? Alors, je cède la parole à la députée de Mont-Royal—Outremont, qui dispose de
6 min 45 s.
Mme Setlakwe : Merci. Merci,
M. Hamel, Mme Tremblay. Soyez rassurés, on a votre mémoire, qui est
très détaillé, et pour lequel on vous
remercie. Vous, juste d'entrée de jeu, vous les posez, les questions
fondamentales, dans votre mémoire.
Et, soyez rassurés, vous avez raison, ce sont des enjeux tellement importants,
il ne peut pas y avoir de précipitation dans notre réflexion, il faut
s'assurer d'avoir pensé à tout et d'avoir... On va prendre notre temps, dans ce
sens-là, inquiétez-vous pas.
Vous dites aussi que le projet de loi doit
s'accompagner d'une campagne de sensibilisation, d'information. C'est noté, effectivement. Mais là, nous, notre
devoir, là, aujourd'hui, c'est de... bien, on est à l'écoute, mais on veut... on
veut voir si le projet de loi, dans son état actuel, si on a atteint
l'équilibre, là, au niveau des objectifs souhaités, tout en protégeant la
confidentialité et la protection des informations de vie privée.
À la lecture de votre mémoire et à l'écoute de
vos interventions verbales aujourd'hui, je ne peux pas m'empêcher, là, de vous
demander... J'ai de la difficulté à dégager une appréciation générale, là.
Est-ce que... Puis vous posez même la
question : Est-ce que l'usager, il est servi ou desservi? Quelle est votre
appréciation générale? Puis, c'est parce qu'on apprécie, là, que vous
entriez dans le détail, puis ça, on va y venir en étude détaillée, tout ça,
puis... mais on aimerait avoir votre
appréciation globale de est-ce que vos usagers sont généralement bien servis.
Quels sont les éléments pour lesquels on est partis dans la bonne
direction?
Mme Tremblay
(Sylvie) : Alors, d'entrée de jeu, on vous a... on a inscrit,
dans le mémoire, il y a deux aspects importants des droits, c'est-à-dire
l'accès et la confidentialité. Ce qu'on vous dit, c'est que c'est très bien
d'ouvrir l'accès interportable parce que, ce qu'on se rend compte dans le
quotidien, c'est que les usagers, dans leur dossier, quelquefois ils
vont dans une autre région, quelquefois ils sont soignés par...
essentiellement, et là le dossier ne suit pas. Et ça, on trouve que c'est une
avancée, ça va permettre un accès plus intéressant et plus simple aux
intervenants de la santé, particulièrement le médecin traitant.
Au-delà de la confidentialité, là, on est un
petit peu moins bien desservis. Dans le contexte qu'on vous résume dans le
présent mémoire, on a des questions substantielles, là, par rapport à la
confidentialité et, au-delà, je pense que le Collège des médecins en a fait
part aussi, la notion de traitement avec le professionnel de la santé avec qui
on travaille, la notion de confiance à toutes nos étapes de vie. Pierre le
disait précédemment, nous, on représente les
gens qui sont à la fois à la DPJ, ou autres, jusqu'à la fin de vie. Il y a des
étapes assez cruciales dans nos dossiers et dans... et il y a des étapes, et
des étapes de vie qui doivent rester confidentielles, particulièrement à
l'enseignement, à la recherche, et autres.
Alors, pour
ce qui est de l'accès, on est assez content, mais, pour ce qui est de la
confidentialité, là, on a beaucoup, beaucoup de questions.
Mme Setlakwe : Très
bien. Merci. Peut-être que le projet de loi... puis là je vais vous poser la
question, là, mais vous ne voyez pas que... peut-être que le projet de
loi n'est pas assez détaillé, on laisse beaucoup de... peut-être de... il y a
des notions qui sont implicites, et on laisse aussi beaucoup de... beaucoup de
rédaction, beaucoup de... Il y a une grande
partie du libellé qui va se retrouver dans des règlements à suivre. Est-ce que
vous pensez qu'il y a un manque de précision? Parce que, pour moi, il y
a des principes de base, on donne le contrôle, moi, si je l'interprète bien,
là, à l'usager. C'est l'usager qui a le
contrôle. Donc, la donnée suit l'usager, et on lui donne, il me semble, le
contrôle de qui va avoir accès et à quelles fins. Mais est-ce que... Et
là je vous... pour vous, ce n'était pas clair, est-ce qu'il manque des
éléments, peut-être des éléments de principe, des notions de base qui nous
aideraient à mieux le comprendre puis à mieux le vendre à la population? Je
vous pose la question.
Mme Tremblay
(Sylvie) : Je reviens à ce que... L'usager, il a besoin de
connaître son dossier, de voir comment il évolue et s'il est exact.
C'est de ça dont on a besoin. On n'a pas besoin d'avoir beaucoup, beaucoup
d'autres choses pour être satisfait d'avoir accès à son dossier, que l'on
puisse se faire soigner convenablement et que le médecin traitant ou l'autre...
ou d'autres intervenants puissent avoir les informations suffisantes. C'est de
ça dont on a besoin. On peut ouvrir ad
nauseam beaucoup de critères, par règlement ou autre, mais il faut revenir à
l'essentiel sur les besoins des usagers à cette étape-ci.
Pour ce qui est de... par exemple, pour les
intervenants qui ne sont pas des ordres professionnels, qui auront accès, ça, il y a vraiment un problème, ce sera
par réglementation. Alors, on considère qu'il aurait dû y avoir un petit...
un petit travail supplémentaire, là, particulièrement sur l'article 36 à
cet égard.
Alors, il y a des choses à bonifier, bien sûr,
mais revenons, donc, à l'essentiel. Oui, c'est un gros projet de loi, il y en a pour tous, mais revenons aux
besoins essentiels des usagers. Les usagers, ils veulent deux ou trois... ils
ont deux ou trois perspectives sur l'accès et la capacité d'avoir une
consultation de leur dossier, mais, à ce point élargir, ce n'est pas ce que les
usagers ont demandé, en tout cas.
• (12 h 10) •
M. Hamel (Pierre) : Vous savez déjà, actuellement, dans le réseau de la santé,
on a plusieurs plaintes au niveau de la confidentialité. Parce que, dans les
corridors, on s'échange sur la maladie de X, la maladie de Y. Nous, en tant qu'usagers, là, puis en tant que comité
d'usagers, on reçoit, je vous dis, fréquemment, par semaine, des gens qui nous
disent : Bien, la confidentialité de notre dossier n'a pas été respectée.
Et ça, là, ce n'est pas parce que les gens ne veulent pas respecter le
cadre confidentiel du dossier. Mais, dans le fil de l'action, bien, on se parle
entre confrères, on dit : Mme X a ci, M. Y a ça. Et les gens, à
ce moment-là, disent : Bien moi, mon dossier, il n'est pas protégé puis il
n'est pas confidentiel. Quand on est sur une civière, trois, quatre... trois,
quatre personnes collées sur une civière puis que le médecin nous dit qu'est-ce
qu'on a, je veux dire, il n'y a aucune confidentialité là-dedans. Et ça, on
voit ça à tous les jours. Donc, c'est pour ça qu'on a une crainte au niveau de
la confidentialité des dossiers.
Mme Setlakwe : Merci. Mais
est-ce que vous...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
Mme Setlakwe : En conclusion.
Bon, on va conclure sur ça, la notion de confidentialité, vous voyez, elle est
déjà... elle peut déjà être mise à risque, là, dans le contexte actuel et même
dans le passé, je veux dire, ce n'est pas nouveau. Vous voyez qu'on va être
plus à risque en rendant la donnée informatisée?
M. Hamel (Pierre) : Bien, en partageant...
Le Président (M. Simard) : Rapidement,
s'il vous plaît.
M. Hamel (Pierre) : ...en partageant à tout le monde, oui, moi, je pense qu'il
y a un risque.
Mme Setlakwe : ...là,
j'avais plus de questions, mais c'est... Merci beaucoup. On va poursuivre avec
un autre collègue.
M. Hamel (Pierre) : De rien.
Le Président (M. Simard) : Merci.
M. le député de Rosemont, vous disposez de 2 min 15 s.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. M. Hamel, Mme Tremblay, merci d'être là. Vous trouvez que
vous n'avez pas beaucoup de temps, croyez-moi, je sympathise et je comprends.
Donc, je vais y aller avec une question, puis on n'aura jamais le temps de
répondre, mais ce n'est pas grave, on va mettre la balle en jeu, là. Vous dites
qu'apte, pas apte, mêmes droits. Le problème, c'est, quand on est inapte, on ne
peut pas exercer nos droits. Est-ce que vous voyez un mécanisme, genre, DMA
mais qui serait DDA, donc demande de divulgation anticipée? Parce qu'une fois qu'on n'est plus apte on n'est pas
capable de passer nos demandes, nos commandes, nos refus, nos objections.
Comment vous voyez que ça peut se... Allez-y.
Mme Tremblay (Sylvie) : Ce que
je dis, c'est que les mêmes droits doivent s'appliquer pour les... Ce que l'on
voit, ce que l'on voit dans le projet de loi, c'est qu'on ouvre le critère de
nécessité. Alors, quand vous nommez quelqu'un... que vous devenez inapte, quand
vous nommez quelqu'un, la personne doit être votre répondant, votre gardien sur
la nécessité. Là, vous allez... la personne pourrait avoir, si on enlève la
notion de nécessité, la personne pourrait
avoir accès, parce que, là, vous êtes inapte, à tout un pan de votre vie que
vous n'avez jamais divulgué, ce que vous n'avez pas... ce qui n'est pas
le cas quand vous êtes apte. Alors, il n'y a pas deux droits dans cette
affaire-là. Alors, tout doit être protégé,
excepté la notion de nécessité. Et c'est ce qu'ont dit, l'article 22
précédent et l'article 26. Alors, revoyez un peu l'ensemble pour
qu'on garde la notion de nécessité sur la protection des... du dossier...
M. Marissal : Oui,
mais nécessité, donc, dans ce cas-ci... la nécessité, dans ce cas-ci,
sous-traitée à quelqu'un d'autre, tuteur ou curateur. Donc, ce n'est pas
le même droit, ce n'est pas le même droit, là, on s'entend.
Mme Tremblay
(Sylvie) : C'est-à-dire que le curateur ou le tuteur doit... et
maintenant, si vous êtes inapte, à l'article 22,
c'est sur ce qui est nécessaire que vous allez exercer ce droit. Là, on ouvre
un peu sur la nécessité, et là on trouve
qu'il pourrait y avoir une plus large divulgation de votre dossier qui n'est
pas nécessaire si vous devenez curateur ou tuteur.
M. Marissal : Oui,
mais, Mme Tremblay, donc, cette personne ou cette entité, tuteur ou
curateur, devient donc gardien et l'expression de vos droits que vous
n'êtes plus en mesure...
Mme Tremblay (Sylvie) : Par
nécessité, par nécessité.
M. Marissal : D'accord. Donc,
c'est le juge de la nécessité ou l'arbitre de la nécessité.
Mme Tremblay
(Sylvie) : C'est le juge de la nécessité. Oui, mais on
n'ouvre pas sur d'autres affaires qui étaient dans le dossier, parce que
ce n'est pas nécessaire sur le rôle que vous allez jouer.
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Marissal : Je comprends.
Bien, merci. Dites-le pas, mais le président nous a laissé plus de temps, ça
fait qu'on a... on le remercie.
Le
Président (M. Simard) : Aux deux, aux deux partis de l'opposition, oui.
Alors, Mme Tremblay, M. Hamel, merci beaucoup pour la qualité
de votre présentation. Merci d'avoir répondu à l'appel.
Sur ce, nous allons suspendre nos travaux. Et,
et, et je vous laisse entre de très bonnes mains, ma collègue la
vice-présidente de notre commission, la députée de Bourassa-Sauvé, qui va
poursuivre, donc, la présidence de ces auditions. Au plaisir.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
(Reprise à 12 h 19)
La
Présidente (Mme Cadet) : Bonjour à tous. Nous allons reprendre les travaux.
Merci beaucoup de m'accueillir à titre de présidente pour la première
fois de cette...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Cadet) : Merci.
Merci. Je l'espère. Je souhaite, donc, la bienvenue aux représentants de l'Institut
national de santé publique du Québec.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé,
puis nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite, donc, à vous présenter
et à commencer votre exposé. Merci.
Institut national de
santé publique du Québec (INSPQ)
M. Forest
(Pierre-Gerlier) : Merci beaucoup. Bonjour, Mme la Présidente, chers
membres de la commission. Mon nom est Pierre-Gerlier Forest. Je suis le
président-directeur général de l'Institut national de santé publique. Puis je
suis accompagné de trois excellents collègues, Mme Valérie Émond, qui est
la directrice scientifique du Bureau d'information
et d'études en santé des populations, elle est aussi responsable de
l'Infocentre, qui est hébergé par l'INSPQ, le Dr Éric Litvak, qui est vice-président adjoint aux affaires
scientifiques de l'institut, et puis Mme Maude Chapados, qui est
conseillère scientifique en analyse de politiques publiques puis qui a piloté
notre groupe de réflexion sur ce projet. Ils ont, donc, tous participé très activement à nos travaux
de réflexion autour du projet de loi n° 3 et peuvent tous
répondre à vos questions pendant la période de questions.
• (12 h 20) •
Je pense que
le point de départ, c'est de vous dire que l'INSPQ salue avec enthousiasme
l'intention gouvernementale
d'élargir, de démocratiser, de pérenniser l'accès sécuritaire aux
renseignements de santé. Nous pensons que
le projet de loi n° 3 jette les assises d'une gestion de la donnée qui
sert bien notre vision d'une santé publique moderne, d'une santé
publique performante.
Il n'y a pas de santé publique sans donnée. Vous
savez peut-être que l'acte de naissance de la santé publique au milieu du
XIXe siècle, c'est un médecin anglais qui a l'idée de croiser des données
de distribution d'eau potable... (interruption) pardon, de distribution d'eau
potable avec les cas de choléra dans la population à Londres, qui, pour la
première fois, donc, va utiliser des modèles qui vont permettre des
interventions. Alors, vous vous imaginez aussi que cette façon de voir les choses, d'utiliser les données, ça a encore
plus de force et de pertinence au XXIe siècle pour des gens comme
nous.
On vous remercie, Mme la Présidente, de
l'occasion qui nous est donnée de clarifier certaines dispositions, d'apprécier
davantage leur impact, leur implication pour un organisme de santé comme le
nôtre, mais peut-être que ça vaut la peine de présenter l'INSPQ. Nous sommes le premier centre
d'expertise et de référence en santé publique au Québec. Nous soutenons le ministre de la Santé, les autorités régionales
de santé et puis les établissements du réseau. Dans tous les problèmes,
les cas de santé publique, nous leur fournissons de l'expertise, des conseils.
Il se trouve qu'un de
nos rôles essentiels, c'est d'informer la population sur son état de santé et
de bien-être, sur les problèmes en émergence et sur une chose qu'on a vue avec
beaucoup de plaisir dans le projet de loi, à l'article 3, les facteurs
déterminants de la santé. C'est un des rôles de l'institut d'informer la
population sur ce sujet.
Vous vous demandez
peut-être quand même ce que ça signifie, les données, concrètement, pour
l'INSPQ. Je vais vous donner quelques exemples. C'est nous qui avons soutenu le
développement du passeport vaccinal, le développement du registre de
vaccination pendant la pandémie de COVID-19. Tous les jours, l'INSPQ alimente
les tableaux de bord du ministre pour l'Infocentre de façon à documenter ces
tableaux de bord autour des problèmes de santé publique. Et puis on génère des
données sans arrêt sur les comportements de santé des Québécoises et des
Québécois. On vous raconte ce qu'ils mangent, ce qu'ils boivent, ce qu'ils
fument et puis, depuis quelques années, on s'intéresse aussi à ce qu'ils
regardent parce que ça a aussi un impact sur leur santé.
Je
pourrais continuer longtemps, mais je voudrais me concentrer sur trois grands
objectifs aujourd'hui, qui sont les trois grands objectifs que nous avons
poursuivis dans notre mémoire. La première chose, je pense, c'est d'essayer de
montrer comment une perspective de santé publique... le projet de loi a
essentiellement, et c'est très normal, une vision
clinique, une vision de gestion, mais comment une perspective de santé publique
permet d'utiliser des données de santé non seulement pour mesurer les
états de santé, mais aussi pour avoir la capacité d'éclairer les facteurs qui
déterminent l'utilisation des services et la consommation de soins.
C'est... avec les
bons algorithmes, avec les développements actuels de l'intelligence
artificielle, avec des données accessibles,
avec des données accessibles de bonne qualité, nous pensons que la santé
publique de l'avenir va être capable de mesurer l'effet croisé de ces facteurs
déterminants, le logement, l'éducation, le travail, la structure familiale, le
contexte social, l'environnement, et déterminer ce que ça implique non
seulement pour la santé publique, mais pour la demande pour des
programmes de santé et pour la consommation de soins, y compris la consommation
médicale.
C'est un domaine
stratégique pour le Québec. Partout en Amérique du Nord, il y a des gens qui
travaillent sur ce problème-là, et il ne faudrait pas qu'on se laisse distancer
par les gens qui ne partagent ni notre vision ni nos objectifs en matière de
santé et de services sociaux.
Le deuxième objectif
qu'on poursuit dans notre mémoire, c'est de plaider pour que soit préservée
l'expertise unique de l'INSPQ en matière d'hébergement, d'analyse et
d'utilisation des données, notamment en ce qui concerne, je viens d'en parler, l'appariement des données,
le jumelage des données, parce que c'est ce qui nous permet de remplir
nos mandats de soutien aux décisions en épidémiologie, en environnement, en
matière de comportements à risque. C'est ce qui nous permet de parler de façon
informée du cancer du sein, des suicides, de la consommation d'alcool, de l'exposition aux polluants atmosphériques, des
blessures à vélo, des virus respiratoires, c'est le quotidien de l'INSPQ, utiliser
des données pour documenter, pour comprendre et, évidemment, pour expliquer.
Si
on arrivait à clarifier un certain nombre des dispositions qui se retrouvent
dans le projet de loi, nous pensons que ce projet devrait mettre fin,
pour un organisme comme le nôtre, à la course à obstacles pour accéder aux
données de santé et donc remplir notre mission.
On
ne voudrait pas être soupçonné de profilage, c'est dans l'article 15,
quand on identifie un risque particulier pour une communauté. On ne
voudrait pas faire la file pendant des mois ou pire quand on veut obtenir ou
traiter des données qui sont nécessaires
pour les interventions. Regardez les articles 45 et 55, qui créent des
possibilités de délais. On ne voudrait pas voir des informations qui sont
essentielles tomber dans l'oubli parce qu'elles ne sont pas accessibles ou
parce qu'elles ne sont plus accessibles à cause des... par exemple, de
l'article 16 sur la conservation des données.
En fait, l'INSPQ
soutient le projet de loi mais voudrait qu'on l'aménage pour donner à la Santé
publique la chance de continuer le travail
qu'elle fait. L'institut existe depuis 25 ans. Depuis 25 ans, on
fournit de l'expertise et des conseils aux autorités publiques.
Le troisième point, c'est
de plaider pour une période de transition plus substantielle pour la mise à
niveau des politiques et des systèmes d'information. Je ne veux pas m'étendre
sur ce sujet, mais... parce qu'on ne questionne pas les mesures de sauvegarde
qui sont dans... et les mesures de précaution qui sont dans l'article... dans
le projet de loi n° 3, bien au
contraire, mais la réalité d'une organisation comme la nôtre, qui a un budget
et des ressources calculées, c'est
qu'on ne peut pas tout arrêter pour mettre en place le nouveau régime. Il va
quand même falloir, demain, fournir des
données pour le tableau de bord, continuer à faire les études que nous faisons.
Et, en plus, comme vous le savez sans doute, on est engagé, en ce
moment, dans le transfert des banques de données que nous possédons, de nos
centres de données dans l'infonuagique. C'est extrêmement compliqué, ça demande
beaucoup de ressources, ça pose des défis techniques et sécuritaires
importants. On trouve que les périodes de temps qui sont prévues dans le projet
de loi sont un peu trop courtes, un peu trop
serrées pour une organisation comme la nôtre. Puis, encore une fois, ce n'est
pas parce qu'on ne veut pas le faire, ce n'est pas parce qu'on veut se traîner
les pieds, c'est simplement pour nous donner la chance de ne pas travailler
dans la précipitation. Quand on travaille dans la précipitation, comme vous le
savez, on travaille mal.
En conclusion, bien,
on espère que... ces considérations, elles sont appuyées par notre réflexion,
par une longue expérience, encore une fois, d'utilisation des données, on
espère qu'elles vont vous être utiles, qu'elles vont alimenter votre propre
réflexion. Et, avec grand plaisir, on va accueillir vos questions et
remercions, encore une fois, Mme la Présidente pour votre attention. Merci
beaucoup.
La Présidente
(Mme Cadet) : Merci beaucoup. Donc, aucune autre intervention des
autres représentants? Merci. Donc, merci énormément pour votre exposé. Nous
allons maintenant commencer la période d'échange. Donc, le gouvernement dispose
de 9 min 30 s pour intervenir. M. le ministre, la...
M.
Caire :
...ma collègue de Huntingdon qui va ouvrir le feu.
La Présidente (Mme Cadet) : Ah!
Mme la députée de Huntingdon, alors la parole est à vous.
Mme Mallette : Bonjour. La
question, je vais aller rapidement, on n'a pas beaucoup de temps : Selon
vous, si le projet de loi n° 3 avait été en place lors de la COVID-19 ainsi que les systèmes
inhérents, naturellement, qu'est-ce que ça aurait eu comme impact sur vous et
sur les décisions du ministère de la Santé et des Services sociaux? Donnez
des exemples concrets, s'il vous plaît.
M. Forest
(Pierre-Gerlier) : ...fourni une grande partie de l'analyse de
données pour le ministère. Puis Valérie, évidemment, tient le registre
de ces données-là.
M. Litvak (Éric) : J'ai un peu
l'impression que c'est une question piège.
Mme Mallette : Pas du tout.
M. Litvak (Éric) : Mais je
pense que c'est, d'abord, très difficile de retourner en arrière puis d'essayer
de se demander, à chacune des phases, et des
étapes, et des périodes qu'on a vécues, en quoi ça aurait été différent, là.
Donc, honnêtement, je ne m'aventurerais pas trop loin à essayer de
répondre à ça. Puis je pense que, dans le contexte d'urgence qu'on a vécu, il y
a beaucoup d'aménagements qui ont été pris pour qu'on ait accès aux données
dont on avait besoin. Mais ce qu'on peut dire, c'est, en rétrospective,
beaucoup de ces choses-là n'étaient pas très bien prévues, pas très bien organisées, puis on a dû un peu les construire
puis les développer au fur et à mesure. Et je pense qu'avec un... ce projet de loi là puis tous les
aménagements qu'il amène, bien, une prochaine fois, ce serait sans doute encore
un peu plus facile et un peu plus fluide. Je n'irais pas jusqu'à dire que nos
décisions auraient été différentes, en rétrospective,
dans ce qu'on a vécu, parce que je pense qu'on est quand même arrivé, malgré
tout, mais avec beaucoup plus d'efforts, et ça a été beaucoup plus
laborieux.
Mme Mallette : Parfait. Merci.
La Présidente (Mme Cadet) : M.
le ministre.
• (12 h 30) •
M. Caire : Merci.
Bienvenue à vous quatre. Merci beaucoup pour la présentation. Vous parlez, vous
avez parlé, puis vous le dites aussi dans votre mémoire, de l'individualisme
des données. Vous avez dit, au niveau du consentement, avoir de la souplesse sur la gestion, bien, ce que
moi, j'appelle le cycle de vie utile de la donnée. Vous semblez vouloir avoir
des aménagements, une souplesse aussi. Vous parlez de jumelage des données.
Moi, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce qu'on a aussi, et les
collègues, on a entendu des gens venir nous dire : Bien, moi, je ne veux
pas que mes renseignements servent à d'autres fins que les soins. Est-ce que
vous pensez qu'on doit respecter ça? D'autres nous ont dit : Oui, mais il
y a un comité de chercheurs qui devrait quand même être consulté avant qu'on
détruise des données.
Le
croisement, on en a entendu parler abondamment, et je vous dirais que, s'il y a
une chose qui suscite la crainte, c'est
le fait de pouvoir croiser les données. Vous, vous dites : Non, il faut
aller vers ça. Et la notion de ce que j'appellerais l'«opting in»
versus l'«opting out», on vient encore de l'entendre avec le comité des
usagers, qui est à l'autre bout du spectre
de ce que vous nous dites, là, qui, eux, semblent dire qu'il y a une... il y
aurait une possibilité d'une utilisation par trop cavalière des renseignements de santé prévue par le projet de
loi. Eux voudraient qu'on resserre, au contraire, le consentement, qu'il
soit beaucoup plus explicite, individualisé à chaque finalité de la donnée.
Donc, comment
on concilie votre monde, la santé publique, donc la protection de la santé des
Québécois, et les usagers qui disent : Non, mais là ne venez pas
jouer dans mon dossier puis dans ma vie privée? Comment, nous, législateurs, on
concilie ce qui semble être irréconciliable?
M. Forest
(Pierre-Gerlier) : Ce que je
peux faire, je vais... parce que je ne veux pas monopoliser les réponses, peut-être
sur l'«opting out», ça me paraît probablement la solution préférable,
d'abord, parce qu'elle me semble très bien fondée aussi dans le reste de notre
régime de protection des renseignements avec l'idée que les données
appartiennent aux gens. De la même façon qu'on peut refuser les soins même
quand les autres pensent que ce n'est pas
dans notre intérêt, on devrait avoir la possibilité de se retirer de ces
banques de données même si les autres pensent que ce n'est pas dans
notre intérêt, même si l'INSPQ voudrait y avoir accès. Donc, je comprends assez
bien la logique «d'opting out», compte tenu du contexte philosophique, disons,
dans lequel, au Québec, on a traité...
M.
Caire : ...
M. Forest (Pierre-Gerlier) :
Mais «l'opting in», non, parce que ça, ça rend la vie, je pense, de tout le
monde vraiment très compliquée.
Pour ce qui est de la conservation des données,
je pense que le plus simple, c'est... Je vais essayer d'être vraiment très,
très concret, là. C'est... Vous savez, on travaille, nous, sur les projets dans
la très longue durée. Si je veux mesurer l'effet d'un programme de soutien à la
petite enfance sur l'employabilité des gens et leur état de santé 20 ans plus tard, j'ai besoin d'avoir accès et de
pouvoir conserver ces données-là. Sinon, c'est horriblement compliqué et
coûteux, puis on n'arrive jamais à obtenir les réponses que l'on cherche.
Alors, c'est ça qu'on essaie de faire en
santé publique, c'est de continuellement situer nos interventions non
seulement, là, demain, faire une politique ou une autre, mais aussi se
poser la question : Est-ce que la politique en question a obtenu les
effets attendus? Est-ce qu'elle a des objectifs à long terme?
Je pourrais
vous donner, là, trois heures de cours sur les effets à long terme de certaines
interventions qu'on fait. Changer la diète des adolescentes à
13 ans, vous aurez des effets sur leurs enfants et vous aurez un effet
mesurable sur leurs petits-enfants. Mais,
ça, j'ai besoin de pouvoir le mesurer. Si je ne peux pas le mesurer, je ne le
saurai jamais et je n'aurai jamais la capacité d'imaginer des programmes qui
nous permettent de diminuer la pression sur la consommation de soins.
M.
Caire : Mais, si je peux me permettre, parce que je reviens
à votre mémoire, vous parlez de l'individualisme des données. Je vous
entends puis j'aurais envie de vous reposer la question : Est-ce que vous
ne trouvez pas, justement, que le projet de loi trouve cet équilibre entre la
règle de base, qui est qu'à la fin de son cycle de vie on doit détruire la donnée, ou, s'il n'y a pas cet «opting out»
qui a été manifesté, l'anonymiser, l'archiver et s'en servir aux fins de données? Donc, c'est ce que la
loi prévoit actuellement, c'est comme ça qu'elle est construite. Est-ce
que vous ne trouvez pas, donc, à la lueur de ce que vous me dites, que c'est le
bon équilibre entre ceux qui nous disent : Non, non, ça prend un
consentement explicite à chaque finalité et ce qu'on fait dans la loi?
M. Litvak (Éric) : Bien, je
peux peut-être compléter sur cette question-là. Probablement que le principe
est bon, mais, dans le type d'utilisation
qu'on peut faire en santé publique, il faut comprendre que le cycle de vie, je
pense, ce qu'on essaie de dire, c'est qu'il peut être assez long puis
peut-être étonnant par rapport à une utilisation qu'on fait plus dans une
prestation de soins et services cliniques.
M. Caire : J'aimerais ça que
vous précisiez ce que vous voulez dire par là, par exemple. Parce que, dans le cycle vie, moi, j'entends : La donnée est
collectée à une finalité précise, pour laquelle l'utilisateur, l'usager a
consenti. Lorsque cette finalité-là est atteinte, le cycle vie est
atteint, on la détruit ou on anonymise et on peut se servir, à ce moment-là...
Ça, c'est ce que la loi...
Alors, moi, dans le fond, ce que je vous
demande, c'est : Est-ce que, par rapport à la situation actuelle que vous décrivez, peut-être, est-ce que, justement,
la loi ne nous amène pas dans une fourche où on peut quand même aller
vers la continuité dont vous parliez tout à l'heure, ce qu'on se fait reprocher
par certains groupes, là, ceci étant dit.
M. Litvak (Éric) : Oui. Bien,
j'ai un peu de mal à être capable, vraiment, de me prononcer puis de juger
là-dessus. Je pense que l'idée, là, c'est juste de sensibiliser au fait que
l'utilisation qu'on fait de renseignements de santé à des fins de santé publique,
c'est un peu différent, incluant dans le cycle de vie ou la durée pendant
laquelle ces données-là peuvent être pertinentes puis utiles.
Puis j'aurais peut-être voulu aussi revenir...
Vous avez posé des questions sur les croisements. Pour nous, c'est des choses qui sont excessivement
importantes, parce qu'en fait ce qu'on doit faire, nous, c'est essayer de
comprendre ce qui crée de la santé à
l'échelle de la population ou, au contraire, ce qui nuit à la santé puis de
voir comment, éventuellement, d'abord,
on peut faire un diagnostic populationnel, mais aussi où sont les endroits où
on peut intervenir puis apporter des différences.
M. Caire : Pour que tout le
monde comprenne, là, vous voulez dire : Moi, je veux avoir accès à des
données de santé, puis je veux avoir aussi accès à des données financières, je
veux avoir accès à des données sur le niveau d'éducation, et je veux être
capable de dresser un portrait à partir de ça.
M. Litvak (Éric) : Nous, on a
besoin de ça pour travailler. Ça fait qu'il y a deux choses. Donc, on a
besoin...
M. Caire : Mais... Parce que
mon temps est court et... Mais ce dont vous avez besoin, ce n'est pas... Parce que ça, c'est la grande crainte qu'on
entend : Je ne veux pas que vous ayez accès à mes données. Mais, dans la
mesure où ces données-là, elles sont anonymisées...
M. Litvak (Éric) : C'est ça.
M. Caire : ...est-ce que vous
êtes capables de garantir cette... le secret à la vie privée, le droit à la vie
privée et l'irréversibilité d'une donnée qui est anonymisée? Parce que, ça, on
l'a entendu aussi : Oui, mais... Puis je suis informaticien, là. Je peux
vous dire que c'est vrai que, tu sais, l'irréversibilité totale et absolue,
là... Mais, dans un contexte très précis, puis peut-être nous parler un peu des
cas de risque aussi, là, qui sont un contexte où on peut amener, je pense, un niveau de garantie
supplémentaire, est-ce qu'on peut se fier que l'INSPQ va être capable, un, de
se servir de données dénominalisées, deux, garantir la vie privée et,
trois, des finalités de service public?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Oui,
la réponse est oui, hein, sans aucune hésitation. Et puis on... Je pense que le
passé de l'institut est garant du présent et du futur là-dessus, enfin, parce
qu'on travaille déjà avec des données, on croise
déjà des données. On a des problèmes d'accès, mais ce n'est pas vrai qu'on
n'est pas déjà engagé dans ce travail.
La
Présidente (Mme Cadet) : Voilà. Donc, je dois, malheureusement,
vous interrompre. Donc, c'est tout le temps
que nous avions pour la partie des échanges gouvernementaux. Donc, les échanges
sont absolument captivants. Je cède maintenant la parole à la députée de
Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe :
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Cadet) : Vous avez 7 min 7 s.
Mme Setlakwe :
On va poursuivre rapidement la discussion avec moi. Merci pour votre
mémoire. Merci pour vos interventions. Vous nous aidez vraiment à donner vie au
projet de loi. Vous êtes clairement un acteur important dans ces
changements-là, dans ce changement de régime dans le projet de loi, et vous
êtes spécifiquement nommé, là, comme un des organismes en annexe.
On a entendu, plus
tôt cette semaine, la commissaire venir et, un peu comme vous, là, tu sais,
plaider pour une fluidité des données pour
qu'elle puisse, tu sais, remplir sa mission. C'est la même chose pour vous. On
apprécie la mission que vous avez à accomplir, là, pour le bénéfice de la
population. Est-ce que vous, vous avez un souci, en fait, de l'élément discrétionnaire à certains endroits
dans le projet de loi où est-ce qu'on dit que certains organismes doivent
partager l'information avec les autres,
alors que, dans certains cas, on utilise la terminologie «peut»? Tu sais, le
«peut» versus «doit», c'est assez fondamental.
Et puis, juste pour
terminer — donc,
c'est ça, mon intervention, je vais vous laisser répondre — c'est...
nous, ce qu'on est en train de faire, puis le ministre l'a bien mentionné,
c'est un jeu d'équilibre, là. On veut... Je pense qu'on s'entend sur le
principe, tout ça, mais on doit, à la fin de notre analyse, oui, se... tu sais,
utiliser les exemples concrets qui auront été mentionnés, mais, ultimement,
nous, ce qu'on veut, c'est de... bien, atteindre l'équilibre pour, justement,
servir le bien commun. Donc, j'aimerais vous entendre.
Mme Émond
(Valérie) : Puis tout à fait. On est... Merci pour cette question-là.
On est tout à fait dans cet équilibre-là aussi, nous, entre le... avec le but,
toujours, de répondre à notre mission, répondre à notre loi puis avec
l'objectif d'améliorer l'état de santé de la population par les études que l'on
fait.
Puis, pour votre
première question, moi, je pense que ce qui est important, c'est de travailler
aussi avec l'article 65 puis avec le gestionnaire des données aussi, là,
qui est plus... qui est la question de... le gestionnaire des... les renseignements qu'ils vont nous communiquer,
les renseignements dont on... qu'on n'a pas déjà. Puis l'important, je
pense que c'est de travailler, du point de vue opérationnel aussi, à s'assurer
qu'on a une fluidité dans l'information qu'on reçoit puis qu'on a des
mécanismes qui nous permettent peut-être de reconduire ces ententes-là d'année
en année, avec une reddition de comptes, par
exemple, qui nous permettrait... Nous, on justifie les renseignements dont on a
besoin. Donc, on continue à les justifier,
mais dans une perspective peut-être plus globale qu'à la pièce, que... de la
façon dont c'est fait présentement.
Mme Setlakwe :
Merci.
Mme Émond
(Valérie) : Je ne sais pas si c'était assez clair.
• (12 h 40) •
Mme Setlakwe :
Oui.
Mme Émond
(Valérie) : Oui? Merci.
Mme Setlakwe :
Merci. Je vais aller... oui, enchaîner. J'ai deux, trois questions. Vous
avez évoqué, donc, au niveau de vos trois grands objectifs, le troisième, la
période de transition. Ça se comprend. Est-ce que... Là, moi je comprends de
vos propos qu'à moyen, long terme, tout ça va vous simplifier la vie. Mais,
dans la mise en application immédiate, bon, vous avez un souci de budget de
main-d'oeuvre, de bras. Est-ce qu'on a un enjeu sérieux de pénurie de main-d'oeuvre, là, chez vous? Est-ce qu'on doit
vraiment s'inquiéter, là, de la mise en application de la loi, pour vous,
là, l'impact pour vous?
M. Forest
(Pierre-Gerlier) : Oui. Je peux vous dire, on est à 126 postes
affichés à l'institut en ce moment.
Mme Setlakwe :
Voilà.
M. Forest (Pierre-Gerlier) : C'est
un problème concret, réel. Mais on n'est pas les seuls, là. Mais, évidemment,
dans ce monde-là, tout le monde est en
concurrence pour recueillir, accueillir des talents, les conserver. On est dans
la même situation, tout le monde.
Mme Setlakwe :
Est-ce que... Là, ce que... Puis, je suis désolée, le ministre l'a évoquée
aussi, la question, là, de la...
d'anonymiser les données, moi, je ne suis pas informaticienne, mais est-ce que
vous, dans votre... Donc, moi, ma question est plus d'ordre
général : Pour remplir votre mission, vous n'avez pas vraiment besoin
d'avoir les données nominales qui permettent d'identifier ou...
Mme Émond
(Valérie) : Exactement. On n'a pas besoin d'avoir
l'information spécifique — le
nom, prénom, par exemple, de la personne. On a... Ce qu'on a aussi,
parce qu'on parle beaucoup de jumelage aussi, là, c'est d'avoir de
l'information, on a une clé qui nous permet de dire que c'est la même personne
qu'on peut retrouver d'un fichier à l'autre, mais on n'a pas l'information, ce
qui nous permet d'identifier la personne comme telle, sauf qu'il y a un potentiel, si on veut être transparents, il y a un
potentiel parce qu'on a de l'information sur des renseignements de santé,
par exemple, avec des dates d'hospitalisation qui peuvent éventuellement nous
permettre... Mais ce que je veux dire, c'est qu'on est habitué de travailler
avec ces données-là. On a des mécanismes en place pour assurer la sécurité de
la donnée, la confidentialité aussi. On est
tenu à la protection des renseignements personnels. On a en place des mesures
physiques, administratives puis
technologiques pour assurer la confidentialité. Puis, quand on diffuse cette
information-là, il y a une notion aussi de traiter l'information, mais
aussi, quand on la diffuse, on fait du masquage, on s'assure qu'on ne peut pas aller dans les tableaux
statistiques qu'on produit, qu'on ne peut pas identifier la personne par la
suite. Il y a des méthodes, là, qui sont reconnues, puis on les
applique, là, on les applique de façon rigoureuse aussi.
Mme Setlakwe : Merci.
Est-ce que... Une partie importante de la loi, c'est les chercheurs. Tu sais,
on s'entend que la recherche nous permet de faire des avancées tellement
importantes. Est-ce que vous, vous avez des relations avec les
chercheurs? Et à quelle... dans quelle mesure est-ce que le projet de loi va
avoir un impact là, à ce niveau-là, pour vous?
M. Litvak (Éric) : On a des
liens avec des chercheurs puis on a aussi certaines personnes qui sont des
chercheurs qui sont dans la boîte. Comme un peu c'est souligné dans le mémoire,
pour nous, le projet de loi, il est très aidant parce qu'il facilite leur
travail puis il leur donne aussi un certain avantage : dans la mesure où
ils font des travaux de recherche qui sont alignés avec notre mission puis avec
les priorités de notre organisation, bien, ils peuvent avoir un accès facilité aux données. Ça fait que, ça, cet
aspect-là, pour nous, il est extrêmement aidant puis il aide à rendre
notre milieu plus attirant aussi pour des personnes qui ont des compétences en
recherche puis qui aimeraient travailler, par exemple, chez nous.
Puis il y a tout un autre volet, bien, pour des
chercheurs qui ne sont pas dans notre organisation, avec qui on peut aussi
collaborer à l'occasion, bien, assez régulièrement, en fait. Puis, dans ce
cas-là, bien, eux, ils tombent dans une autre catégorie dans le projet de loi,
mais pour lesquels je pense que c'est aussi facilitant pour le travail qu'ils
peuvent faire puis qu'on peut vouloir faire en collaboration avec eux. Ça fait
qu'essentiellement, pour les aspects liés à la recherche, c'est très soutenant,
je crois.
Mme Setlakwe : Merci. Est-ce
que j'achève, moi...
La Présidente (Mme Cadet) : Oui.
Bien, par courtoisie, donc, je vous informe, vous disposez de moins de
45 secondes pour conclure.
Mme Setlakwe : Merci.
Honnêtement, on n'embarquera pas dans une autre question. Je vais, tout de
suite, céder la parole, avec l'autorisation de la présidente, à mon
collègue de Rosemont.
La
Présidente (Mme Cadet) : Parfait. Donc, je cède la parole au député de
Rosemont. Vous disposez maintenant de 2 min 22 s pour
conclure.
M. Marissal : Merci. 126 postes
sur combien?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Pardon?
M. Marissal : 126 postes sur
combien?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : On
a, l'institut, à peu près 800 personnes.
M. Marissal : OK.
C'est pas mal. Je suis content que vous vous soyez frayé un chemin jusqu'à
nous, hein? On a réussi à vous trouver une place. Je suis très, très, très
content. Malheureusement, on n'aura pas beaucoup de temps.
J'ai lu votre mémoire en diagonale. Je vais le
relire en fin de semaine. Mais vous êtes une pièce majeure, là, sans flagornerie, là, pour ce qu'on est en train
de faire là, puis on n'a pas de temps, là. J'ai un devoir à vous soumettre.
Vous n'avez pas formulé de recommandations.
Par contre, vous ciblez notamment et nommément plusieurs articles, là, huit ou 10. Est-ce que c'est trop vous demander,
peut-être dans les prochains jours, de nous pondre des recommandations
sous forme, même, d'amendements possibles, faites ça comme vous voulez, mais
pour faciliter le travail, compléter votre mémoire, qui est excellent, mais qui
formule des recommandations en prose? On en aurait besoin sous forme légale, ou
le plus près possible, si... Je pense que ça vous aiderait. Ça va nous aider,
en tout cas. En tout cas, moi, je parle pour moi, ça m'aiderait assurément que
vous le fassiez ainsi.
Par ailleurs,
avez-vous une définition, vous, à l'INSPQ, de ce qui est le bien public, de ce
qui est l'intérêt public?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : L'intérêt
général, oui. En fait, c'est une des valeurs affirmées par l'institut, à la fois
de façon générale dans son travail, mais aussi dans les grandes valeurs
dominantes de l'institut, c'est clair. Puis on ne peut
pas imaginer la santé publique sans cette préoccupation de l'intérêt général.
Les gens de santé publique, c'est des gens qui essaient de sauver des vies,
mais 1 million de vies à la fois, hein? C'est ça, l'objectif. Et, vous
l'avez vu au concret pendant la pandémie.
M. Marissal :
La Ligue des droits et libertés nous disait hier : «Il convient, selon
nous, de limiter les autorisations d'accès aux recherches, poursuivant le bien
commun.» Comment on fait ça, le bien commun, dans un projet de loi? Ça me
paraît... L'idée est noble, là, mais vous, vous avez une idée? Vous, vous êtes
le bien commun, mettons, là. Comment vous limitez votre carré de sable?
M. Forest
(Pierre-Gerlier) : Rapidement, moi, je pense que, dans l'univers,
encore une fois, philosophique dans lequel nous travaillons au Québec, cette
question-là, elle a été confiée au comité d'éthique qui règle l'accès à la
recherche. C'est eux qui sont chargés de débattre, de dialoguer, de peser,
soupeser l'intérêt, justement, d'un projet puis de vérifier qu'il se fait bien
dans l'intérêt commun. Et cet encadrement-là, il est prévu par le projet de
loi, puis évidemment toutes les grandes organisations auxquelles vous allez
parler vont vous dire qu'elles ont en place des systèmes qui permettent à ces
comités d'éthique de débattre, de dialoguer et, finalement, d'évaluer l'intérêt
commun dans les projets qui sont entamés. Et
c'est comme ça que le Québec a réglé cette question. Je trouve que ça
fonctionne. Il ne faut pas changer ce qui fonctionne.
M. Marissal : C'est fascinant. Je n'ai
plus de temps, mais peut-être qu'un jour j'irai postuler chez vous pour un
poste.
M. Forest
(Pierre-Gerlier) : Ça va nous faire plaisir.
M. Marissal :
C'est vraiment fascinant, l'idée que vous amenez ici, les idées que vous
avez...
M. Forest
(Pierre-Gerlier) : 125 postes seulement, c'est fantastique.
M.
Caire :
...
La Présidente (Mme Cadet) : Non,
non, essentiellement parce que le groupe n'a pas utilisé ses 10 minutes au
complet, donc, en début de séance. Donc, le temps était réputé écoulé.
Donc...
M. Caire :
Puis on ne peut pas, par consentement, donner quelques minutes de plus au
député de Rosemont?
La Présidente (Mme Cadet) : Bien,
j'entends que, par consentement, on peut tout faire. Donc, je comprends
que c'est la...
Des voix : ...
M. Caire : Bien,
on finissait à et 50.
La Présidente
(Mme Cadet) : On finissait à et 50, donc vous...
M. Marissal :
Bien, pourquoi, pourquoi je vous parle...
Merci. Merci de la
collaboration. D'autant qu'on a fait venir ces gens-là puis...
Je
réitère ma proposition de recommandations sous forme précise. La raison pour
laquelle je vous parle de ça... parce
que vous savez qu'il y a un débat ici depuis quelques années sur qu'est-ce
qu'on fait avec les données, qui valent de l'or, qui sont très
recherchées. Je dis souvent à la blague, puis ce n'en est pas une tant que ça,
que la RAMQ, c'est le Fort Knox des données au Québec, là. Où est-ce qu'on
trace la ligne pour que vous, vous ne deveniez pas non plus des expérimentateurs à tout crin, là, qu'on ne
devienne pas des cobayes, autrement dit, de l'INSPQ, mais que nos données
soient protégées aussi, notamment de la... mercantilisation? Pardon.
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Je
vais commencer, puis peut-être, Éric, tu veux intervenir sur ça, Valérie aussi.
La première chose, c'est de placer les données publiques derrière une
muraille de Chine. Puis c'est ce que le projet de loi fait, au fond, et c'est
ce qu'on a toujours fait. C'est la question aussi de votre collègue de tout à
l'heure, là. L'institut, c'est un
coffre-fort. Vous seriez surpris des mesures vexatoires qui sont appliquées
tous les jours pour protéger, justement,
les données et la sécurité des données. Donc, il faut que ces travaux-là se
fassent derrière cette muraille. Ça, c'est essentiel.
L'autre
chose que je vous ai dite tout à l'heure, c'est que c'est absolument essentiel
pour le Québec de prendre de vitesse les grands acteurs privés qui
travaillent dans ce domaine-là.
M. Marissal :
Pourquoi?
M. Forest
(Pierre-Gerlier) : Parce qu'ils auront des algorithmes à vendre. Parce
qu'ils vont décider du marché. On l'a vu
dans d'autres domaines en santé. C'est un domaine dans lequel nous avons les
données, nous avons les compétences, je pense que nous devrions être les
maîtres d'oeuvre de cette transformation numérique.
M. Marissal :
OK. Mais vous ne fabriquez pas de médicaments, par exemple?
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Non.
M. Marissal : Vous ne... Donc,
vous n'êtes pas dans la même ligue que les Pfizer de ce monde, là.
M. Forest (Pierre-Gerlier) : C'est
sûr.
M. Marissal : OK.
Mais, néanmoins, il y a une concurrence, et vous souhaitez avoir les outils
pour être au-devant de la parade.
M. Forest (Pierre-Gerlier) : Oui.
Parce que, comment dire ça, les approches de santé publique, nos modèles, nous
permettent de pondérer l'importance des facteurs qui déterminent la demande de
soins. Et, ça, c'est un savoir extraordinaire que, je peux vous dire, les
grands acteurs du monde des données ne possèdent pas. Et nous, nous l'avons, et
je pense qu'il devrait rester dans le domaine public, là où il est en ce
moment.
M. Marissal : Je vous remercie.
La Présidente (Mme Cadet) : Voilà.
Merci beaucoup. Donc, là, c'est véritablement tout le temps que nous avions.
Merci beaucoup aux représentants de l'Institut national de santé publique pour
votre participation. Merci aux parlementaires pour ces travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 50)
(Reprise à 14 h 01)
La
Présidente (Mme Mallette) :
La Commission des finances
publiques reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la
salle de bien vouloir éteindre sonneries et les appareils électroniques.
Nous poursuivons les consultations particulières
et auditions publiques sur le projet de loi n° 3, Loi sur les
renseignements de santé et de services sociaux et modifiant diverses
dispositions législatives.
Je souhaite, donc, la bienvenue aux représentants
de BioQuébec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite, donc, à
présenter... à vous présenter et à commencer votre exposé.
BioQuébec
Mme
Toussaint (Emmanuelle) : Merci beaucoup. Alors, je suis Emmanuelle
Toussaint. Je suis avocate, mais ce
n'est pas à ce titre-là que je suis ici aujourd'hui, mais bien à titre de
directrice générale de BioQuébec, qui est le réseau québécois des
biotechnologies et des sciences de la vie.
M. Le
Bouthillier (Alexandre) : Et Alexandre Le Bouthillier. Je suis chercheur et
entrepreneur en optimisation et intelligence artificielle. J'ai fait mon
doctorat en informatique à l'Université
de Montréal et postdoc à l'Université
de Genève, mais, outre cet aspect très structuré, ce qui m'anime vraiment, ce
qui me passionne, c'est l'environnement et l'humain, donc son bien-être et son
avenir.
Et, petite histoire personnelle, depuis huit
ans, j'ai décidé de me consacrer à la lutte contre le cancer par la montée en puissance de l'IA, et ça coïncidait avec
le diagnostic de cancer de mon père. Il lui restait quelques semaines à
vivre. C'est sûr qu'en rétrospective, bien, il y avait des outils diagnostiques
en recherche qui existaient mais qui n'étaient pas disponibles ici, qui
auraient permis son diagnostic beaucoup plus tôt, mais, grâce à des programmes d'exemption et de compassion, il a pu avoir accès
à des nouveaux traitements. Il a vécu pendant près de deux ans et il a
pu terminer son dernier roman, qui est un récit de reconnaissance à tous ceux
qu'il aime.
Donc, je suis
fondateur de Linearis, un fonds d'investissement responsable en IA santé. J'ai
très hâte qu'on vous présente ces recommandations, qui ont été coconstruites
avec plusieurs acteurs de l'écosystème. Merci de l'invitation.
Mme Toussaint (Emmanuelle) : Alors,
merci, Mme la Présidente et chers membres de la Commission des finances
publiques.
BioQuébec, on
représente 170 membres dans l'écosystème des sciences de la vie. Donc, on
compte des organisations de recherche
contractuelle. On a des sociétés de recherche clinique et préclinique. On a
également plusieurs biotechs, donc, des petites entreprises qui
représentent vraiment tous les maillons de la chaîne de l'innovation, qui
travaillent à développer et à rendre disponibles des nouveaux tests, des
médicaments, des vaccins et d'autres produits innovateurs qui sont liés au
domaine de la santé, et ce, pour le bien-être de la population.
Donc, BioQuébec soutient le projet de loi
n° 3, qui aura des répercussions positives tangibles pour le système de
santé au Québec ainsi que pour l'ensemble de la population du Québec. Nos
organisations de recherche et nos chercheurs ont besoin
d'avoir un accès aux données médicales tout en comprenant le besoin que ce soit
bien encadré. Je crois que c'est important de rappeler que la recherche
scientifique, c'est une démarche qui est rigoureuse, qui est vraiment bien ordonnée, qui a pour but de
comprendre et d'étudier les processus biologiques pour produire des nouvelles
connaissances, et le partage et la diffusion des résultats de ces
recherches-là, c'est un fondement qui est vraiment fondamental de la démarche.
Donc, au Québec, on est chanceux, on a un
système des sciences de la vie qui est intégré. Il y a plusieurs collaborations entre différents acteurs dans
l'écosystème. On peut penser, évidemment, aux chercheurs universitaires,
aux organisations de recherche clinique, donc, entre autres, nos membres, et
c'est vraiment tous ensemble qu'on peut travailler
pour produire des nouveaux résultats, des nouveaux traitements. Et, on le sait,
au Québec, on excelle vraiment en recherche, mais, trop souvent, les
innovations ne se rendent pas nécessairement jusqu'au patient, et c'est un des points qui est vraiment important. Donc, la
recherche collaborative nous apparaît vraiment comme étant un des éléments clés
pour que ces découvertes-là se rendent jusqu'aux patients et pour que ceux-ci
puissent recevoir des soins qui sont adéquats.
Et une des choses aussi qu'on note, c'est que,
souvent, les meilleurs traitements ne sont pas disponibles au Québec en premier parce qu'ils sont développés à
l'extérieur du Québec. Un autre élément, c'est qu'il n'y a pas assez d'études cliniques locales qui permettent aux
patients de bénéficier des dernières avancées en matière de santé et également
de trouver les traitements qui fonctionnent
le mieux pour notre population, donc, qui sont les mieux adaptés, et le manque
d'accès aux données, c'est préjudiciable à plusieurs patients québécois qui
sont aux prises avec des maladies rares ou avec
des cancers, et, on le voit aussi, le Québec est fréquemment exclu de certaines
données annuelles canadiennes sur les taux d'incidence de certaines
maladies parce que les données ne sont pas à jour.
Puis il faut se rappeler, je pense, que le
secteur des sciences de la vie, des biotechs, au Québec, compte
700 organisations, et on parle de 36 000 Québécois et
Québécoises qui sont hautement spécialisés, mais ils font face à différentes
embûches, et je pense qu'on en a entendu parler au cours des deux derniers
jours, et on a des exemples réels chez
BioQuébec de membres qui... Ça démontre que l'accès aux données est vraiment
compliqué, et cet accès-là, c'est
crucial pour la viabilité de nos organisations, pour la compétitivité, la
croissance de ces organisations-là, de beaucoup de PME en biotech, et, si on prend des exemples... On le sait, le
Québec, c'est un des joueurs clés en matière d'intelligence
artificielle. On a des sommités, et pourquoi ne pas utiliser davantage cette
expertise-là pour que ça soit au bénéfice de la santé?
Donc, en ce
moment, on a des membres qui doivent se tourner vers des banques de données qui
sont européennes, ou américaines, ou encore de d'autres provinces, comme
par exemple l'Ontario, le Manitoba et l'Alberta, parce que les données ici sont difficilement accessibles. Ce
n'est pas qu'elles ne sont pas disponibles, il y en a de disponibles, mais
c'est très fragmentaire, et on sait que les délais sont très longs. Donc, pour
les différents acteurs qui font de la recherche, c'est important de
savoir, dès le début du développement d'un médicament, si la protéine, ou le
gène, ou le processus est approprié pour au moins un groupe de patients de la
population québécoise et aussi de connaître la taille de ce groupe-là, même
chose pour certains de nos membres qui font des recherches cliniques, donc, on
parle des essais de phase 1 à 4, des
étapes qui sont cruciales pour prouver qu'une molécule est efficace, par
exemple, et qu'elle est sécuritaire pour la prévention et le traitement
d'une condition de santé.
Donc, tous ces
éléments-là démontrent vraiment, là, que l'accès aux données, c'est un élément
qui est important. Ça doit être bien
encadré. C'est là pour sauver des vies. C'est là pour améliorer la santé de
notre population. Et ces entreprises-là qui nous aident, et les autres
organisations de recherche, on a des PME en biotech, ce sont nos PME,
notre fierté, nos chercheurs. Ils collaborent, ils contribuent à former les
chercheurs de demain. Alors, il ne faut pas l'oublier. Le cadre juridique, en
ce moment, fait en sorte, comme je l'ai dit, que ça peut être très long. On
voit des délais jusque... de 18 à 24 mois, au Québec, pour avoir accès à
des données, alors que, dans d'autres provinces, comme en Ontario, on parle
davantage d'un délai de quatre mois. Alors, ça, bien, ça fait que c'est
difficile d'être compétitif, et, BioQuébec,
on est d'avis que les principes juridiques du projet de loi doivent être très
clairs, précis et sans ambiguïté, tout en tenant compte des évolutions
technologiques.
Alors, on a, donc, six recommandations à
présenter, et je vais laisser la parole à mon collègue.
M. Le
Bouthillier (Alexandre) : Merci. Donc, six recommandations pour bonifier le
projet de loi, la première concernant les redditions de comptes. Ça a
été mentionné plusieurs fois en commission, ce qu'on veut, c'est que ces
redditions-là... ces redditions de comptes comprennent non seulement des
statistiques, mais également des mesures à mettre
en place afin de favoriser l'amélioration continue, et aussi un rapport
d'impact. Donc, on veut voir qu'est-ce que ça a apporté à la population
et au développement, tous ces projets de recherche là. Ce rapport annuel
devrait être rendu public par souci de
transparence. Cette obligation devrait couvrir les demandes d'accès émanant de
tous les types de chercheurs et
inclure les métadonnées brutes concernant les demandes d'accès, incluant les
délais, donc on va pouvoir s'améliorer
sur ces délais, ainsi qu'une analyse visant à évaluer le processus et l'impact
sur la recherche. Cette démarche sensibiliserait
le public à l'importance des travaux réalisés grâce à l'accès aux données
encadré par le présent projet de loi.
La deuxième recommandation, une déclaration de
principe sur des délais d'accès qui soient raisonnables. La recherche, comme vous le savez, est très
compétitive. Il est primordial pour nos organisations d'avoir un accès rapide
aux données encadrées. Les projets de
recherche du milieu académique ainsi que des projets d'études cliniques doivent
débuter rapidement après qu'ils ont été
approuvés et non pas deux ans plus tard. Le Québec devrait, dans le PL n° 3, avoir cette déclaration de principe à cet effet.
Troisième recommandation... Juste avant la
troisième recommandation, il serait également préférable que la Commission
d'accès à l'information ait un rôle de surveillance complémentaire aux autres
mécanismes en place au lieu
d'un rôle de révision afin d'alourdir le processus d'accès aux données. C'est
déjà prévu à l'article 104, je le souligne.
• (14 h 10) •
Troisième
recommandation, la création du centre d'accès en amont de l'entrée en vigueur
de la loi. Donc, considérant que ces données sont cruciales pour l'innovation
et que leur utilisation doit être encadrée avec grand soin afin que la vie
privée des patients soit respectée, BioQuébec recommande qu'un tel centre soit
identifié ou les tels centres soient identifiés le plus tôt possible et que
cette organisation ou ces organisations disposent de ressources financières et
humaines nécessaires à son bon fonctionnement en amont, à l'entrée de la... à
l'entrée en vigueur de la présente loi. Il serait également important que la
gouvernance de ces centres d'accès soit de nature collaborative et impartiale
en incluant des différents acteurs de l'ensemble de l'écosystème.
Quatrième
recommandation, des clarifications quant à la conservation des données. Il y
aurait lieu de prévoir la possibilité
de conserver les données pour... dans leur forme initiale pour certaines fins
secondaires, dont celle réglementaire.
La Présidente
(Mme Mallette) : ...pour conclure. Je suis désolée.
M. Le Bouthillier (Alexandre) : C'est
parfait. Cinquième recommandation, c'est ce qui a lieu aux certifications. Je
ne vais pas m'étendre, mais il y a un mémoire qui va être déposé par Medtech
Canada, qui va être plus exhaustif à ce sujet, mais c'est important qu'on n'ait pas des certifications locales
au Québec. On doit se reposer sur des certifications internationales
lorsque c'est possible.
Et le dernier point,
c'est sur le retrait au consentement. En ce qui a trait plus spécifiquement au
paragraphe 3° de l'article 8, pour les chercheurs non liés, on aimerait
une plus grande granularité sur ces retraits de consentement; entre autres, par exemple, un patient voudrait ne
pas se retirer et vouloir faire partie d'une étude clinique. Donc, il y a déjà quelques
conditions de retrait qui sont permises, mais on aimerait une plus grande
granularité.
La Présidente (Mme Mallette) : Bien,
je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.
Donc, je vais céder maintenant la parole à M. le ministre.
M. Caire :
Merci, Mme la Présidente. Mme
Toussaint, bonjour, M. Le Bouthillier, bonjour. Là, si je comprends bien, M. Le
Bouthillier, vous êtes informaticien puis vous travaillez en intelligence
artificielle. C'est bien ça?
M. Le Bouthillier
(Alexandre) : ...appliqué à la santé depuis huit ans.
M. Caire :
OK. Je vais vous poser une question puis je ne vous demande pas
nécessairement de me répondre immédiatement, là, vous pouvez prendre le temps
d'y réfléchir, mais est-ce que vous êtes ouvert à changer d'emploi?
M. Le Bouthillier (Alexandre) : En
fait, moi, ce que je trouve stimulant, c'est d'aviser plusieurs PME québécoises
à travers du mentorat. Il y a plusieurs accélérateurs au Québec, puis, bien, ça
me fait plaisir de les aider.
M. Caire : Non,
mais, comme je ne vous dirai pas de... ne me dites pas non tout de suite, c'est
correct. Bon, écoutez, non, plus
sérieusement, vous amenez un certain nombre d'éléments qui ont déjà été
entendus, puis pour lesquels je vais
vouloir vous entendre, puis je vais y aller assez succinctement si possible.
Délai d'accès raisonnable. Qu'est-ce qu'un délai d'accès raisonnable? Parce
qu'il faut bien comprendre que, si on met un délai d'accès dans la loi, ça
devient une obligation légale d'y répondre, et, considérant que le
processus d'acceptation d'un protocole de recherche ne relève pas
nécessairement que d'une seule entité, il y a différents intervenants, ça
devient peut-être compliqué de légiférer sur un délai d'accès. Donc, j'aimerais
ça peut-être vous entendre là-dessus dans ce contexte-là.
M. Le Bouthillier
(Alexandre) : C'est bien compris. C'est pour ça que la reddition de
comptes devient importante puisqu'on va être capable de suivre, on espère,
l'amélioration de ces délais d'accès. Donc, ça, ça peut être une façon d'y
répondre, mais, pour les délais d'accès, ce qui est important, c'est... À
partir du moment où le dossier est jugé recevable, il est déposé. Bien, c'est
peut-être un peu là que le temps commence, et il y a peut-être des délais administratifs
qui peuvent être contrôlés. Donc, je comprends que d'avoir un délai raisonnable
pour l'ensemble du processus, ça peut être difficile à légiférer, mais, sur des
délais administratifs, c'est certain qu'on peut...
M. Caire :
Si je traduis ce que vous dites,
des délais concernant ce qui relève de la décision gouvernementale, de
l'administration publique?
M. Le Bouthillier
(Alexandre) : Ce que le PL peut contrôler.
M. Caire :
Parfait. Vous parlez d'un centre d'accès et vous souhaitez qu'il entre en
vigueur avant la loi. En fait, la question,
c'est pourquoi, puisque la loi créant ce centre d'accès lui donne des pouvoirs
qu'un centre d'accès créé avant la loi n'aura pas, donc, une entité
administrative qui va gérer l'accès dans le contexte législatif actuel. Puis en
quoi ça, ça améliorerait les choses, dans les faits?
Mme Toussaint
(Emmanuelle) : Je peux répondre. Dans le fond, l'idée, c'est vraiment
d'avoir un centre d'accès qui est opérationnel dès l'entrée en vigueur de la
loi, alors qu'il y a déjà une façon... qu'il y ait déjà les ressources,
comme on a mentionné, financières et humaines. Alors, on s'entend que le centre
d'accès, ce n'est pas une question de l'avoir opérationnel énormément avant
l'entrée en vigueur de la loi, mais, si on veut éviter de créer un goulot
d'étranglement, dans le fond... Donc, au moment où le projet de loi n° 3
devient une loi, on doit s'assurer que les centres d'accès soient quand même
fonctionnels, donc, que tout soit bien planifié. C'est vraiment...
M. Caire : Bien, je m'excuse, maître, c'est parce que, là, ça
nous pose, nous, comme parlementaires, un problème, à savoir le ministère de la Santé crée un centre
d'accès avant que la loi soit adoptée... ça s'appelle un outrage au Parlement.
Mme Toussaint (Emmanuelle) :
Non. On parle vraiment de l'entrée en vigueur, si je peux me permettre,
c'est-à-dire que, lorsque la loi est en place, s'il y a des mesures
transitoires ou quoi que ce soit, c'est juste que tout soit bien harmonisé.
M. Caire :
Je comprends. Ce que vous souhaitez, c'est qu'on accélère les
choses dans le processus de mise en place.
Mme Toussaint
(Emmanuelle) : Puis que tout soit bien planifié.
M. Caire :
Je vous entends bien. Bien, en fait, mon collègue de la Santé vous entend
bien parce que moi, je me contente de faire
adopter la loi. Là, vous abordez un sujet qui a été abordé de façon et sous des
angles très différents, qui est toute la conservation des données. Ce
que la loi prévoit, c'est que la donnée, à la fin de son cycle de vie utile,
doit être détruite, sinon anonymisée à des fins de recherche. J'aimerais que
vous me disiez, dans ce contexte-là, qu'est-ce qu'on devrait faire de plus ou
de mieux pour répondre à cette préoccupation que vous avez quant à la
conservation des données.
M. Le Bouthillier (Alexandre) : Il
y a deux aspects, l'usage primaire, donc, qui est un bénéfice clinique pour
le patient, mais l'usage...
M. Caire :
Ce pour quoi la donnée a été collectée?
M. Le Bouthillier
(Alexandre) : Exactement, et ce pour quoi elle pourrait être détruite.
Par contre, il y a l'usage secondaire qu'il
ne faut pas oublier, c'est-à-dire que, si, par exemple, un nouveau traitement
est disponible et aide la population,
si on efface les données qui ont servi à la production de cette innovation-là,
bien là on enfreint des exigences réglementaires fédérales ou certaines
exigences d'organismes subventionnaires provincial et fédéral. Donc, il y a
tout cet aspect, peut-être, qu'on ne veut
pas anonymiser les données en deuxième temps. On peut les dépersonnaliser de
façon à respecter les exigences réglementaires. Donc, ça, c'est la
préoccupation des chercheurs en termes de reproductibilité des
expériences et de respecter les lois en vigueur.
M. Caire : Oui,
OK, je vous entends, ce qui m'amène à la granularité du retrait du
consentement, ce qui... parce que, bien, en fait, les deux se chevauchent
puisque les données qui seraient anonymisées, et donc disponibles à la
recherche, sont des données qui n'auraient pas fait l'objet d'un «opting out».
Là, je veux être... Dans un premier temps,
je veux être sûr qu'on parle de la même chose. Quand vous parlez de la
granularité du retrait du consentement, est-ce que vous parlez d'un
«opting in» ou d'un «opting out» plus détaillé?
M. Le Bouthillier (Alexandre) : Oui,
je fais «oui» de la tête. Donc, c'est un «opting out» plus détaillé pour les chercheurs
non liés. Donc là, c'est-à-dire que, dans le projet de loi...
M. Caire :
Les chercheurs non liés sont des chercheurs qui ne sont pas attachés à un
centre hospitalier?
M. Le Bouthillier
(Alexandre) : C'est ça, qui peuvent être des chercheurs universitaires
ou qui peuvent être des chercheurs de PME. Et là, actuellement, les patients
peuvent se retirer en fonction du type de projet de recherche ou de catégorie, de thème de recherche. Donc, il y
a déjà une certaine granularité. Par contre, peut-être qu'un patient peut vouloir
se retirer de certaines recherches, mais, s'il y a des recherches qui
impliquent une étude clinique où le patient pourrait potentiellement avoir un
bénéfice... Je suis très malade, je me suis retiré, je ne pourrais pas en
bénéficier. Donc, ce serait d'explorer, peut-être, cette granularité pour que
le patient puisse choisir jusqu'où il veut se retirer : Est-ce que je veux
me retirer de tout ou j'accepterais de, justement, participer à ces études
cliniques?
M. Caire :
Je vous entends, sauf que ça présuppose que le patient est informé de façon
granulaire que ses données de santé pourraient servir à un projet de recherche
en particulier. Est-ce que vous ne craignez pas que, là, on inverse le fardeau,
et donc que nous devions exiger, dans les protocoles de recherche, que les
chercheurs s'assurent d'avoir le
consentement des patients dont on va utiliser les informations, ce qui... puis
je le lance dans l'univers, là, ce qui,
à mon sens, aurait pour conséquence de rendre beaucoup plus complexe
l'élaboration du protocole de recherche? S'il y a une autre façon de
faire, je vous entends, là, puis je...
• (14 h 20) •
M. Le Bouthillier (Alexandre) : Je
vais clarifier, si je peux me permettre. Donc, ce qu'on veut permettre, ce
n'est pas l'«opting out» pour les projets de recherche d'études cliniques,
c'est dire : Si un patient ne veut pas participer, là, il pourrait faire
l'«opting out» plus granulaire.
M. Caire : Non,
là, je vous avoue que je ne vois pas la différence. Moi, je dis : Je ne
veux pas participer à des études.
Actuellement, là, moi, je fais un «opting out», je ne veux pas que mes données
de santé servent à des projets de recherche sur le cancer, c'est un retrait du
consentement général, c'est ce que la loi prévoit actuellement. Vous,
vous dites : Oui, mais peut-être qu'en
ce qui concerne un cancer de la prostate, là, la personne voudrait pouvoir faire
partie de ce protocole de recherche là.
M. Le Bouthillier (Alexandre) : Il y
a deux cas de figure. Il y a une recherche rétrospective sur des données et il y a une recherche prospective sur des
données à venir, donc, une étude clinique qui peut avoir un chevauchement
entre des données passées puis des données
futures, et là la loi, elle n'a pas cette subtilité-là. Donc, les patients qui
veulent se retirer pourraient être pénalisés.
M. Caire : Oui,
c'est juste qu'il faut trouver un texte législatif qui dit ça, là. Ça commence
à être effectivement très, très
granulaire, mais comment on pourrait... Comment, dans un texte législatif...
Puis là je me tourne vers ma collègue de Mont-Royal—Outremont
qui, en cette matière, est nettement plus compétente que moi, là. Comment on
pourrait aller dans ce niveau de granularité là dans le consentement? Puis, en
plus, puis je vous le soumets parce que ça nous a été dit en commission, ça, est-ce que ça ne présuppose pas un niveau
de littératie que tout le monde ne peut pas avoir? Et donc jusqu'à quel
point, si on va dans ce niveau-là de granularité, peut-on parler d'un
consentement valide? Là, je m'adresse peut-être à vous, maître.
Mme
Toussaint (Emmanuelle) : Bien, c'est sûr que c'est une des questions, de
s'assurer que le consentement est éclairé, donc, qu'il y ait vraiment
aussi tout un rôle des professionnels qui sont, entre autres, dans le domaine
de la santé, qui seront en mesure de bien expliquer les différents niveaux de
consentement. Donc, il faut que ce soit bien compris et qu'il y a une partie
d'éducation, mais l'idée, encore une fois, c'est de vraiment s'assurer que ce
ne soit pas nécessairement un rejet en bloc. C'est-à-dire que, s'il y a certaines
choses qui les concernent davantage... qu'il puisse y avoir une certaine...
encore une fois, là, de se garder une certaine latitude, comme patients, là, de
décider à quoi ils veulent participer.
M. Caire : OK. Vous parlez
qu'il faudrait, autant que faire se peut, éviter les homologations ou les
certifications locales. J'aimerais ça que vous m'expliquiez un peu ce que ça
veut dire, ça, pour les chercheurs. Puis, en termes de données, en termes de
mouvement de la donnée, ça, je pense que le projet de loi le prévoit par des ententes qui seraient de nature contractuelle pour
assurer des régimes de protection des renseignements personnels qui sont
équivalents à ce qu'on fait au Québec, parce qu'on a un régime qui est
nettement plus sévère que ce qu'il se fait ailleurs.
Donc, la transposition, on la fait contractuellement, mais, pour ce qui est des
certifications, homologations, là, je vous avoue que ça, c'est peut-être un
univers où je suis moins familier. Qu'est-ce que vous voulez dire exactement?
M. Le Bouthillier (Alexandre) : En
fait, le projet de loi semble présupposer qu'il va y avoir une certification
locale ou une homologation locale. Donc, ces mots-là... On ne veut pas
remplacer des certifications internationales ISO ou en cybersécurité, comme le
NISTCSF, qui existent déjà. Donc, dans l'évaluation des facteurs de risque, si on veut qualifier un produit ou un
organisme qui fait un logiciel, bien, on ne veut pas recertifier l'organisme,
on fait juste regarder l'ensemble des facteurs. Donc, on ne doit pas refaire un
processus de certification. S'il y a une certification qui existe déjà, bien,
elle aide beaucoup le processus d'évaluation du...
M. Caire : OK. Donc, si je suis
ce que vous me dites, les certifications internationales, est-ce qu'elles
devraient s'appliquer là où il n'y a pas de certification locale déjà, ou
d'homologation locale, ou vous dites : Elles devraient avoir préséance
sur...
M. Le Bouthillier (Alexandre) : Dans
une perspective de collaboration internationale, on veut éviter le travail en double. Donc, s'il y a un effort de
certification qui a été fait et que c'est une certification internationalement
reconnue, le Québec devrait reconnaître, par exemple, la certification
ISO 27001 et dire : Bien, ça ne fait pas partie de la totalité de
notre évaluation, mais, si on a déjà cette certification-là, bien, ça coche
déjà beaucoup de cases.
Mme Toussaint (Emmanuelle) : Et, si
je peux ajouter, c'est vraiment, là, l'idée d'éviter d'isoler le Québec, et de
s'assurer que les technologies qui sont disponibles le soient également au
Québec, et que ça ne soit pas vu comme étant
une étape additionnelle à faire ou d'autres critères, parce que ça devient
vraiment complexe, donc, encore une fois, c'est... Lorsqu'il y a déjà
des certifications ou des homologations qui existent dans d'autres juridictions
ou qui sont de nature plus internationale, comme mon collègue vient de le dire,
c'est de s'assurer d'être capable de reconnaître ces certifications-là ou ces
homologations-là et éviter d'arriver avec un deuxième niveau, qui peut être
d'autres critères, et tout, et, en bout de ligne, ce ne serait pas pour le
bénéfice, là, de la population au Québec.
M. Caire : Je comprends, mais, en
même temps, est-ce que... Puis là je me fie plus à votre expérience qu'à la
mienne, évidemment, mais est-ce que ces certifications-là, homologations
locales, n'ont pas pour but, justement, de pallier au fait qu'à
l'international, généralement, il n'y en a pas? Vous parliez de la norme ISO,
là, qui est... ça, c'est un univers que je connais peut-être un peu plus, là,
justement, quand il y a des normes internationales... En tout cas, le petit
carré de sable dans lequel moi, j'ai travaillé, là, c'est une norme
internationale. Que ce soit une norme ISO ou d'autres... il y a d'autres normes en matière de
cybersécurité et de sécurité de l'information, il n'y a pas vraiment d'intérêt
à aller chercher des normes locales. On va rester avec... Donc, est-ce que,
dans le domaine de la recherche, ce n'est pas le même principe qui s'applique?
C'est-tu ça que vous êtes en train de nous dire, que...
M. Le Bouthillier (Alexandre) : Non,
pas du tout, c'est juste que, dans le libellé du projet de loi, il y a les
mots... On va avoir une certification, et là on suppose que c'est une
certification locale. Donc, c'est plus...
M. Caire : OK, sans déterminer que, si une homologation
reconnue est de niveau international, on va s'en contenter.
M. Le Bouthillier (Alexandre) : Exact.
M. Caire : OK, je comprends...
parce que je ne dois pas avoir beaucoup de temps. Vous avez parlé de la
reddition de comptes. Je vous dis, je suis quand même agréablement surpris,
parce que, généralement, les gens trouvent
qu'il y en a trop. Vous, vous dites : Il n'y en a pas assez, et, en ce
sens, vous nous recommandez d'ajouter quoi, exactement, dans la loi au
niveau de la reddition de comptes? Parce qu'il y a quand même des publications
Internet qui sont obligatoires. Il y a des
homologations qui sont obligatoires au niveau des protocoles de recherche,
notamment, parce qu'on parle,
évidemment, de la recherche. Donc, il y a quand même déjà un encadrement sur la
reddition de comptes. Vous dites : Ce n'est pas suffisant. Vous
iriez jusqu'où exactement, là?
M. Le
Bouthillier (Alexandre) : En fait, il manque un mot. Donc, il faut que la
reddition de comptes qui soit remise
au ministre soit aussi... une version de cette reddition de comptes soit remise
au public. Notre compréhension, c'est que ce petit élément là devrait être
ajouté au projet de loi et...
M. Caire : Si vous me
permettez, M. Le Bouthillier, parce que c'est très intéressant, ce que vous
dites, surtout que vous travaillez dans le secteur privé, donc, ce que vous
dites, c'est que le secteur privé devrait rendre publiques les conclusions de
ses recherches, mais on va jusqu'où avant de se faire dire : Aïe! Wo, un
instant, là, il y a le secret de la recherche là-dedans, là, puis...
La Présidente (Mme Mallette) : Ça
va être 30 secondes pour conclure.
M. Caire : C'est
en masse.
Mme Toussaint (Emmanuelle) : Oui, si
je peux me permettre, et, Alexandre, tu pourras compléter, mais ce n'est pas
nécessairement de rendre publics tous les résultats, c'est vraiment dans une
perspective d'amélioration continue, donc,
dans une perspective... oui, c'est bien, d'avoir des données qui sont rendues
publiques sur les délais d'accès, par exemple, sur différentes choses,
mais vraiment de s'assurer que tout le processus continue de s'améliorer, alors
ce n'est pas tant, là, sur tout le résultat des recherches, mais sur le
fonctionnement. Si tu veux compléter...
M. Le Bouthillier (Alexandre) : Exact,
c'est ça.
La
Présidente (Mme Mallette) :
Bien, merci beaucoup, M. le
ministre. Donc, maintenant, je cède la parole à la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Merci,
Mme la Présidente. Merci à vous deux. Là, il y a peut-être certaines de mes
questions qui vont paraître redondantes,
mais, posées d'une façon différente, ça va juste nous permettre de continuer la
discussion, mais, d'entrée de jeu, mon commentaire général, si je vous
entends bien, c'est que vous êtes non seulement très enthousiastes, mais vous
êtes... On vous sent pressés et impatients de voir tout ça, tous ces
changements-là, être mis en oeuvre.
Mme Toussaint (Emmanuelle) : ...entend
vraiment dans le domaine de la recherche, encore une fois, c'est que c'est difficile en ce moment, et ces
étapes-là, que ce soit dans le domaine de la recherche, par exemple,
universitaire ou autres, ça peut être difficile. S'il y a des étudiants
qui attendent après des autorisations pour pouvoir compléter leurs travaux, c'est difficile de prendre part à
certaines recherches qui peuvent être pancanadiennes et de se démarquer
à l'international.
Donc, ça, c'est dans un des secteurs, et, dans
d'autres types de recherches également, les délais, et le fait que les données
ne sont pas nécessairement à jour, et tout, c'est une situation qui perdure
quand même depuis longtemps. Alors,
effectivement, on voit d'un bon oeil ce projet de loi là qui peut permettre de
faire avancer la recherche, là, d'une façon,
encore une fois, bien encadrée, et avec des règles qui sont rigoureuses, et des
comités d'éthique qui sont déjà en place, et qui vont rester là. Alors, oui,
c'est sûr qu'il y a un souhait que le tout soit vraiment, là, plus... je vous
dirais, que les délais soient plus courts dans les processus
d'approbation.
M. Le Bouthillier (Alexandre) : Si
on se compare aussi, par exemple, aux pays du G7, on est en dernière position, et, dans l'OCDE, 19, position, sur
20 sur l'accès à des médicaments. Vous avez entendu l'histoire de mon père, mais
elle n'est pas unique. Donc, c'est sûr que, si on faisait nos développements
locaux d'innovation, bien, peut-être qu'on aurait plus
accès aux propres innovations qu'on a développées. Donc, c'est pour ça que ça
doit commencer, d'abord, par des innovations locales.
Mme Setlakwe : Pensez-vous qu'il y a un
manque d'éducation ou de sensibilisation dans la population? Est-ce
qu'il y a de la désinformation qui nuit à vos membres?
• (14 h 30) •
Mme Toussaint
(Emmanuelle) : Bien, il y a définitivement... une meilleure
communication, oui, c'est un des éléments,
et c'est pour ça, quand on parlait de la reddition de comptes aussi, que ce
soit une reddition de comptes qui soit publique, c'est que, oui, il doit
y avoir... sans parler de désinformation, c'est davantage, là... de vraiment
expliquer les bienfaits, et que, lorsque les familles, les collègues, amis ont
accès à des traitements, bien, il y a tout un processus qui a permis d'en
arriver là. Alors, une plus grande transparence et une meilleure communication,
c'est définitivement quelque chose qui va devoir continuer à se faire et que...
de se faire de plus en plus.
Mme Setlakwe :
J'allais vous demander si vous... généralement, le projet de loi vous
impose un fardeau additionnel, puis là je
crois comprendre qu'il faut faire certaines distinctions... en général, non,
mais... ce que je comprends, c'est
que non, mais même... Vous semblez même offrir des... Par exemple, la question
de la reddition de comptes, vous semblez proposer que des... ce soit
resserré ou qu'il y ait des ajouts qui soient faits.
Mme Toussaint
(Emmanuelle) : Bien, encore une fois, il y a des recommandations,
effectivement, qu'on recommande. Et, du côté de la reddition de comptes, là,
encore une fois, j'y reviens beaucoup, c'est dans une perspective
d'amélioration et de communication au public.
M. Le Bouthillier
(Alexandre) : Un aspect aussi qui est très difficile, lorsqu'on fait
de la recherche, c'est ne pas faire de la recherche biaisée. Donc, si c'est
très difficile d'avoir accès à des données, pour un chercheur dans un hôpital,
donc, là, ce n'est pas représentatif de la population. Je dois le faire dans
plusieurs hôpitaux et, idéalement, je dois le faire à travers plusieurs
provinces ou d'autres juridictions. Donc là, c'est sûr que le projet de loi va
favoriser l'harmonisation de ces processus d'accès avec le centre d'accès. Il
faudra voir les détails. Mais, une chose qui n'est pas couverte, c'est des
juridictions que le Québec pourrait reconnaître, ayant des protections
adéquates. Donc, on veut favoriser des collaborations avec nos pairs en
Ontario, au Manitoba. Ça, ce n'est pas le cas actuellement, donc ça, c'est une
petite amélioration qu'on aimerait voir.
Mme Setlakwe :
Oui, c'est ça. Dans le fond, le partage d'information puis la réciprocité
ne peuvent que servir la population, ultimement. C'est comme ça que je le
comprends. Revenons à la question, là, de l'article 8 puis la... de votre
demande d'y insérer une plus grande... granularité — moi, ce n'est pas un
terme que je connais si bien. Mais, si je ramène ça au point de vue... de la
façon dont moi, je le comprends, puis point de vue, tu sais... mon chapeau
d'avocate, est-ce que je vous ai bien compris que vous aimeriez que... C'est
trop noir ou blanc, là? Les gens disent... c'est ça, disent oui ou non puis il
n'y a rien entre les deux, tu sais, si on le simplifie à l'extrême?
M. Le Bouthillier
(Alexandre) : Exactement.
Mme Setlakwe :
OK. Et est-ce que... Là, je relis le paragraphe, là. Est-ce qu'une personne
aussi se prononce, à un moment x de sa vie, là, avec... mais il se prononce pour
aujourd'hui et pour le futur? Puis ça, c'est un problème, aussi. Donc là, si,
dans quelques années, il développe une maladie, il développe un cancer et là,
soudainement, veut participer à un projet de recherche, là, la loi ne... c'est
ça, renverse le fardeau. En tout cas, juste préciser un peu ce que vous
souhaitez voir. C'est peut-être dans le mémoire, puis là je m'en excuse, là, si
je n'ai pas lu en détail, mais comment on pourrait y arriver, à une
meilleure... à un meilleur libellé?
M. Le Bouthillier
(Alexandre) : Alors, on a proposé un libellé très spécifique, là...
Mme Setlakwe :
OK, vous l'avez fait. Je suis désolée.
M. Le Bouthillier
(Alexandre) : ...je ne veux pas le lire, mais... «être exercé si
l'accès envisagé est à des fins de sollicitation». Donc, en fait, si la
personne ne veut pas être dérangée pour un projet de recherche ou une étude
clinique, là, il faudrait qu'il coche, il dit : Moi, je ne veux pas être
dérangé. Donc, ça, c'est quelque chose qui serait l'équilibre entre le blanc et le noir. Et ce qu'on voit un peu sur les
sites Internet, lorsqu'on choisit les options, souvent, il y en a trop,
mais là c'est peut-être un juste équilibre entre un retrait complet et partiel.
Mme Setlakwe :
Très bien. Mais on va certainement se pencher en détail sur votre mémoire.
Ah! moi, j'ai peut-être une question qui sort un peu du champ gauche, mais ça
me trotte dans la tête depuis qu'on discute de ça, depuis lundi. Est-ce qu'il y a... Puis je comprends que la loi fait une
distinction, là, les mineurs, plus ou moins de 14 ans, tout ça. Mais, juste généralement, dans le monde
de la recherche, est-ce qu'il y a des distinctions à faire au niveau du milieu
pédiatrique versus le reste? Tu sais, dans
les énoncés que vous avez faits, est-ce que ça se passe mieux, moins bien?
Est-ce qu'il y a une meilleure collaboration? Tu sais, je ne sais pas si
vous comprenez ce que je veux dire.
Mme Toussaint
(Emmanuelle) : De mon côté, je comprends la question, ce n'est pas
quelque chose qu'on a couvert, de vraiment, là, venir traiter de ce sujet-là en
particulier. Je ne sais pas si, Alexandre...
M. Le
Bouthillier (Alexandre) : Non. Tout ce que je peux dire, bien, c'est le
tuteur, mais, souvent, les enfants malades, on n'aime pas ça puis on veut avoir
des traitements de dernier cri pour nos enfants. Donc, généralement, les
tuteurs vont être les maîtres d'oeuvre du consentement pour leurs enfants.
Mme Setlakwe : Oui.
Je demandais juste si, dans la vraie vie, il y a des choses qui avançaient plus
vite au niveau pédiatrique parce que, je ne le sais pas, il y aurait...
Non? J'imagine que...
M. Le
Bouthillier (Alexandre) : Bien, ça revient un peu sur les collaborations
internationales. Alors, lorsqu'on veut faire de la recherche, même si on prend
des grandes maladies, puis là je vais revenir aux adultes, là, mais
cancer du poumon, on a des sous-classes de maladies pour lesquelles il y a des
traitements spécifiques. Et là je regarde dans un hôpital, j'ai
25 patients; évidemment, ce n'est pas assez pour être capable de faire
avancer la science. Donc, c'est la même chose au niveau pédiatrique, il y a des
maladies rares, donc je dois faire des collaborations avec d'autres centres,
donc, si je n'ai pas une reconnaissance d'autres juridictions, avec des
protections équivalentes, le fardeau va être mis sur le chercheur qui devra
justifier par les articles de loi. C'est un peu ce qui est demandé : Bien
voilà, l'Ontario... Il va faire référence. On ne peut pas demander à chaque
chercheur de justifier l'équivalence. Donc, nous, on pense que ce serait bien
d'avoir une liste qui est publiée, peut-être, annuellement, non exhaustive, par
le centre d'accès qui établirait des juridictions amies.
Mme Setlakwe : Oui. Je pense,
c'est quelque chose auquel il faut réfléchir, parce qu'on espère, comme parent, puis juste pour parler des enfants, mais
que Sainte-Justine, qui est notre fleuron, là... Puis on espère qu'ils se
parlent, puis je pense qu'ils le font, qu'ils parlent aux centres, tu
sais, universitaires de recherche à travers le monde, et on espère qu'il n'y a pas, tu sais... qu'il n'y a pas
de fardeau exagéré, là, en termes de fluidité. Pour moi, ça va, je n'ai pas
d'autre question. Merci.
La Présidente (Mme Mallette) : Bien,
merci. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont. Vous avez
8 min 12 s.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Mme Toussaint, M. Le Bouthillier, merci, merci d'être là.
Il y a une question qui me trotte dans la
tête, là, plus j'entends des témoins ici, là, puis vous êtes le 10e ou
11e groupe depuis hier, là. En fait, ça me trotte dans la tête depuis que
j'ai eu un échange légendaire, ici, je dirais, avec le ministre de l'Économie sur la possibilité pour les
pharmaceutiques d'avoir accès aux données de santé. Mon biais est connu
là-dessus, là, on ne se cachera pas, là, mais ma question est tout à
fait sincère et objective : Qu'est-ce que vous voulez obtenir, comme
données?
Mme Toussaint (Emmanuelle) : Sur
cette question-là, je pense que c'est très clair que, du côté des privés... du
privé, c'est vraiment un écosystème, hein, chaque partie prenante a un rôle à
jouer. Et le privé n'est absolument pas intéressé à avoir des données qui sont
personnalisées, là. Donc, ce qui est important, c'est que les données soient
soit dépersonnalisées, ou encore anonymisées, ou agrégées, mais vraiment de
pouvoir faire avancer la science. Et je pense que c'est... le privé est un des
joueurs, comme j'ai dit, qui est important dans l'histoire.
Et j'aimerais peut-être juste faire une petite
parenthèse. On s'est rendu compte, Alexandre et moi, qu'on avait une histoire
un peu similaire, et je crois qu'on a tous des histoires de gens, de nos
familles, nos amis, qui ont passé à travers des expériences, qui ont bénéficié
de la recherche. De mon côté, moi, mon père est décédé d'un cancer à
60 ans, il y a maintenant 22 ans. Ma mère est décédée d'un cancer, il
y a 16 ans, à 60 ans pile aussi. Je peux continuer comme ça, ma
belle-mère, il y a six ans également. Donc, on en a tous, de ces histoires-là.
Et, grâce au traitement, déjà, de l'époque,
d'il y a cinq, 10, 20 ans, il y avait déjà des traitements qui étaient
disponibles, ça a permis de prolonger
et peut-être pas d'avoir une rémission, dans ces cas-là, mais quand même
d'avoir une prolongation. Et, en ce qui me concerne, mon père, ça lui a
permis également, pendant ces cinq années-là, d'écrire un livre qui était ses mémoires. Et je ne peux pas faire autrement que de
me dire : Si, à cette époque-là, il y avait des recherches qui avaient déjà été faites, qui permettaient soit des
traitements ou encore... encore une fois, de prolonger un peu l'espérance de
vie, mais que ces recherches-là n'étaient pas disponibles pour les patients, je
ne suis pas sûre que c'est un baume vraiment à avoir.
Alors, il faut garder en tête, je pense, que, du
côté du privé, encore une fois, tout le monde travaille dans le même objectif,
c'est-à-dire d'améliorer la santé des patients, de guérir, si c'est possible,
des patients. C'est vraiment dans un intérêt
public. Et il y a tellement aussi de processus qui sont déjà en place, et ce
projet de loi là vient définir des... harmoniser aussi des processus.
Donc, il ne faut pas oublier qu'il y a des comités d'éthique qui sont là. Et on
est chanceux, au Québec, encore une fois,
d'avoir beaucoup de petites organisations en biotechnologie, des organisations de
recherche contractuelle qui travaillent en collaboration avec le privé. Alors,
il faut s'en souvenir.
• (14 h 40) •
Et une des expériences professionnelles aussi
que j'ai, j'ai travaillé pendant quelques années au vice-rectorat à la
recherche de l'Université Laval, où je m'occupais notamment des travaux de la
Faculté de médecine, pharmacie, et les
chercheurs veulent, évidemment, diffuser leurs connaissances, ils veulent faire
avancer la science, mais, encore une fois, l'objectif commun est toujours de
s'assurer que ça se rend jusqu'aux patients. Alors, le privé veut la même
chose, encore une fois, c'est le bien commun. Et,
avec tous les moyens qui sont en place, on est vraiment... et qui vont être mis en place avec ce projet de loi là, on est
vraiment confiant que c'est possible de le faire d'une manière bien encadrée
et pour le bénéfice de tous.
M. Marissal : Bien, désolé pour
vos pertes, là. Puis on ne fera pas un palmarès, mais j'ai perdu moi-même deux
de mes frères, dont un à l'âge de 57 ans, en septembre dernier, d'un
cancer qui l'a affligé pendant 15 ans. Ce n'est pas moi qui vais me mettre
dans le chemin de la recherche mais, comme parlementaire, je vais mettre dans
le chemin de la... propagation, pardon, des renseignements personnels à des
fins purement mercantiles et commerciales, parce que je pense que ce n'est pas
pour ça, notamment, que la RAMQ collige et garde nos renseignements.
Supposons que nos données personnelles, c'est
une ressource naturelle, c'est une ressource première puis qu'elles sont exploitées comme on exploite nos ressources
naturelles au Québec, c'est-à-dire qu'il y a des extracteurs qui arrivent, qui
font un trou, parfois même on le fait pour eux, prennent les ressources puis
ils s'en vont avec les ressources et les
profits, puis, nous, il reste deux, trois granules ici, pour rester dans le
thème, là. Est-ce qu'on ne risque pas ça avec nos données?
Vous dites «le bien commun», je comprends, là,
personne n'est contre la vertu, mais les pharmaceutiques, c'est des entreprises capitalistes qui font un
paquet de fric, là. Puis elles sauvent des vies, j'en conviens, j'en conviens.
Mais où est-ce qu'on met la borne, là, où on s'arrête pour dire : Là, on
n'est plus dans l'intérêt public, on est dans la marchandisation et dans la
capitalisation d'entreprises qui font de l'argent puis qui vont peut-être même
partir du Québec?
Mon exemple, là, des mines, c'est ça aussi, la
PME, là, qui se crée ici. Je connais personnellement, là, des génies qui ont
lancé des petites PME dans le domaine de la santé qui ont été rachetées par des
géants des Pays-Bas, par exemple. On a tout perdu, là. On a mis de l'argent
là-dedans, Investissement Québec a mis de l'argent là-dedans, on a formé ces gens-là à l'université, ils ont
créé quelque chose de superbien. Pfizer ou un autre est débarqué, l'a rachetée,
puis c'est parti. Comment on... Mettons, là,
qu'on dit ça, là, qu'on fait un pacte, là, comment on garde ça puis qu'on a un bénéfice
pour nous, ici?
Mme Toussaint (Emmanuelle) : Bien, je
ne crois pas qu'on a lieu de s'inquiéter, parce qu'encore une fois... Puis vous
donnez l'exemple du côté des ressources naturelles, et tout. Ce n'est pas dans
les ressources elles-mêmes, c'est qu'est-ce qu'on en fait, c'est la
transformation qui en est faite. Et, dans ce cas-ci, ce sont des solutions pour
les patients. Alors, encore une fois, je ne
pense pas que c'est une question, pour des sociétés privées, de venir prendre
des données. Leur intérêt, encore une
fois, n'est pas d'utiliser des données qui sont personnalisées, c'est vraiment,
là, de pouvoir utiliser les données qui sont... qui deviennent publiques et qui
sont... Il faut le rappeler, là, on parle de données anonymisées ou
dépersonnalisées, alors cet aspect-là est vraiment important.
Et il y a des collaborations qui se font aussi.
Comme, on est très heureux d'avoir de la recherche qui se fait dans le secteur académique. Mais il faut
comprendre que le privé est important aussi de ce côté-là. Donc, évidemment,
il y a un financement également qui se fait. Alors, je pense qu'à partir du
moment où on a un très bon encadrement, et
c'est ce qu'on est confiants avec ce projet de loi là, ce n'est pas le scénario
que vous avez décrit, je ne crois pas que c'est un scénario qui peut se
réaliser, encore une fois, que ce soit avec... par le biais des comités
d'éthique qui sont là et qui jouent un rôle extrêmement important. Et, par la
suite, c'est vraiment de pouvoir avoir accès à des données.
Et, si on n'avait pas d'exemple, ailleurs dans
le monde, où ça se fait déjà, peut-être qu'on pourrait se poser certaines de
ces questions-là. Mais on le voit que, dans d'autres juridictions, entre autres
en Europe, il y a déjà un hub, là, qui est
en train de se créer, il y a déjà 10 États qui sont signataires, et le but,
c'est vraiment de pouvoir avoir des banques de données qui sont
globales, encore une fois, et qui ont toute l'information.
La Présidente (Mme Mallette) : Environ
30 secondes pour conclure.
M. Marissal : Bien,
ma question est vraiment de comment on garde à nous, chez nous, ce qu'on a créé
nous-mêmes à partir de nos propres
données. On ne peut pas empêcher une entreprise de se faire vendre. Vous l'avez
dit vous-même, la concurrence est immense là-dedans. Où est-ce qu'on
trace la ligne?
M. Le Bouthillier (Alexandre) : ...ce
qu'il faut, je vais continuer votre analogie, il ne faut pas exporter nos
ressources, il faut les transformer localement. Donc, c'est ce qu'on cherche à
faire. On veut transformer ces données en
innovation. Et pourquoi c'est si difficile de le faire localement? On le voit
un peu entre l'écart avec les autres pays...
La Présidente (Mme Mallette) :
Je vais devoir...
M. Le
Bouthillier (Alexandre) :
Donc, c'est ce qu'on veut soutenir, cette transformation, puis on veut la faire
ici.
La
Présidente (Mme Mallette) :
Je vais devoir vous interrompre,
malheureusement, c'est tout le temps qu'on avait, parce qu'on a d'autres
groupes à rencontrer. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution à cette
commission.
Donc, je
suspends les travaux pour quelques instants afin de permettre aux prochains
témoins de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 45)
(Reprise à 14 h 52)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers amis, nous pouvons poursuivre nos travaux. Avant de procéder, je tenais à
remercier ma collègue pour la présidence de séance qu'elle vient d'assumer avec
brio.
Nous sommes, en ce moment, en compagnie de
représentants du Consortium Santé Numérique. Monsieur, mesdames, auriez-vous,
d'abord, l'amabilité, s'il vous plaît, de vous présenter?
Consortium Santé
Numérique
M. Joanette (Yves) : Oui,
merci. Yves Joanette, je suis professeur-chercheur à l'Université de Montréal,
à la Faculté de médecine, mais également à l'institut de gériatrie, mais je
suis ici à titre de directeur du Consortium Santé Numérique.
Le Président (M. Simard) : Soyez
le bienvenu, M. le directeur.
Mme Motulsky (Aude) : Bonjour,
Aude Motulsky, professeure-chercheure à l'École de santé publique de
l'Université de Montréal et directrice adjointe du Consortium Santé Numérique.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue,
madame.
Mme Alary (Flamine) : Flamine
Alary, directrice des opérations du Consortium Santé Numérique.
Le
Président (M. Simard) : Bienvenue à vous également. Et nous vous écoutons.
Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes.
M. Joanette
(Yves) : Merci. Je vais, donc, commencer par vous rappeler
ou vous informer que le consortium, c'est
une organisation universitaire assez unique, c'est 28 membres
institutionnels, qui regroupe les facultés, les écoles affiliées comme
HEC, Polytechnique et les établissements de santé et de services sociaux
affiliés comme le CHUM, Sainte-Justine, les
CIUSSS, de même que des organisations importantes pour la santé numérique comme
Mila, Ivado et l'IRIC également.
Alors, l'objectif du consortium, c'est de favoriser les liens entre ses membres
à travers tout l'écosystème de
l'Université de Montréal, et même au-delà, pour soutenir, coordonner, planifier
la recherche et l'enseignement dans le domaine de la santé numérique.
Alors, dans
un premier temps, on aimerait vraiment dire que le consortium et ses membres
aimeraient souligner les avancées importantes que permettrait l'adoption du
projet de loi n° 3, et ça permettrait au Québec, comme l'ont
dit plusieurs autres intervenants, je crois, de rattraper un retard important
en matière d'accès aux données de santé pour améliorer les soins de services.
En fait, avec l'évolution de la science et les avancées en sciences des
données, on pourra en parler si vous le
souhaitez, il est probablement désormais plus risqué de se priver des
connaissances issues des données massives que d'en faciliter l'accès.
Ceci dit, on
aimerait souligner quatre points qui mériteraient attention et on a quatre
recommandations à proposer pour optimiser le projet de loi n° 3.
Le premier point, c'est la question de
l'arrimage de la loi n° 25 et du projet de loi n° 3 ou de la loi qui pourrait en découler. Alors, on note que les
articles 39, 43 du projet de loi n° 3 précisent que, pour les chercheurs liés aux établissements
du réseau de la santé, que ce soit la plus haute instance de l'organisation,
par exemple le président-directeur ou la présidente-directrice générale d'un établissement, qu'il ait l'autorité pour
autoriser l'accès à ces renseignements ou aux renseignements et que
l'entente complétée doit être transmise à la Commission d'accès à l'information, la CAI. Ce dernier point mériterait
clarification, car l'intention derrière cette transmission à la CAI ne semble
pas limpide complètement, elle n'est pas claire, et nous recommandons que
l'intention de transmission de l'entente à la CAI soit explicitée et qu'elle se
limite à des fins d'information.
En fait, au moment où on se parle, la loi n° 25
se déploie, vous le savez très bien, et elle a introduit de nouvelles exigences
pour les chercheurs qui accèdent à des informations personnelles. Des documents
doivent être complétés, lesquels doivent être transmis à la CAI pour
approbation. Et, à l'heure actuelle, il y a plusieurs projets, dans un des
établissements associés au consortium, qui sont différés à cause de... à la
suite de l'envoi des premières demandes à la CAI. Alors, on comprend que, si le
projet de loi n° 3 devait devenir une loi qui serait particulière, elle
aurait peut-être... elle aura probablement préséance sur la loi générale, qui
est la loi n° 25, et que ce seraient les procédures
du projet de loi n° 3 qui prévaudraient. Si c'est le cas, nous
aimerions voir préciser ces choses et limiter la transmission à la CAI à
titre d'information.
Le deuxième
point qu'on voulait souligner, c'est la question de l'accès équivalent à
l'ensemble des chercheurs universitaires.
La section II du projet de loi n° 3 décrit les procédures d'accès aux renseignements
pour les chercheurs universitaires en, on va dire, deux groupes distincts,
hein, on représente l'université, là : alors, il y aurait les liés et les
non-liés, enfin, les autres. Or, il y a deux points ici. Le projet de loi ne
définit pas ce qu'est un professeur-chercheur lié. Est-ce que ce sont les professeurs-chercheurs — et
évidemment, ici, j'emploie au sens générique «les professeurs» — les
professeures-chercheuses qui ont des privilèges de recherche dans les
établissements affiliés ou... Et, si c'était le cas, bien, les autres chercheurs universitaires qui ne sont pas nécessairement,
au quotidien, liés à des établissements de santé, pourraient avoir des
difficultés à avoir accès à ces données ou seraient soumis aux procédures plus
longues et plus complexes, alors qu'ils ont le potentiel
superimportant de contribuer à l'amélioration du système de santé et des soins de santé. Je prendrai comme exemple le Pr
Yoshua Bengio, bien connu en intelligence artificielle, il n'est pas lié, au
sens des privilèges de recherche, à un établissement de santé, mais il pourrait
y contribuer de manière significative.
Donc, nous
recommandons que les modalités d'accès aux renseignements de santé des services
sociaux s'appliquent à l'ensemble des chercheurs universitaires dans la mesure
où l'université avec laquelle... ou laquelle... où sont ces
professeurs-chercheurs est une université... auxquels les établissements sont
affiliés. Et ça pourrait être précisé dans les contrats d'affiliation.
Le troisième point
que l'on voulait souligner, c'est la question de s'assurer que la science
moderne contribue bien ou puisse contribuer au bénéfice des Québécoises et des
Québécois. La science moderne, ça implique la science des données, c'est la
science de... qui permet d'explorer toutes ces données de santé pour trouver
des nouvelles choses, des nouvelles
réalisations. Et, à cet égard, il y a des principes de la science moderne
dont... qui sont rassemblés sous, par exemple, l'acronyme FAIR,
c'est-à-dire des données facilement trouvables, accessibles, interopérables et
réutilisables. Le «R» de FAIR, c'est «réutilisables». Or, les articles 45,
77 et 103 réfèrent à des obligations de... soit de destruction ou d'anonymisation des données extraites, ce qui va à
l'encontre du principe de réutilisation de ces données. Je souligne
également que la plupart... bien, toutes les universités au Canada, au Québec
et tous les établissements de santé universitaires auront à publier, le
1er mars, une stratégie institutionnelle de gestion des données de
recherche, selon la politique des trois conseils de recherche fédéraux, et qui
est une politique qui est appuyée par le Scientifique en chef, où les principes
FAIR priment, ce qui fait que la question de la réutilisabilité, si je peux me
permettre, de ces données est absolument importante.
Donc, nous proposons
que les articles 45, 77 et 103 soient remplacés par un cadre qui puisse
soutenir l'évolution des méthodes et principes de recherche modernes en
conformité avec les meilleures pratiques à travers le monde, dans le respect, bien sûr, du droit à la vie privée et dans le
respect de la protection des renseignements personnels. Et nous
proposons aussi que le cadre d'accès, et ça se trouve dans le mémoire que nous
avons... les quelques pages que nous avons déposées... que le cadre d'accès et
d'usage des renseignements de la santé et des services sociaux, prévu par le projet de loi n° 3, balise
l'accès aux données aux fins de la recherche pour la rendre plus efficiente et
fluide, par exemple en permettant l'accès par Internet depuis les
centres d'accès.
Pour ces points,
j'aimerais souligner qu'avec sa richesse de savoir dans toutes les facultés et
établissements affiliés le consortium offre,
éventuellement, de pouvoir accompagner une réflexion dans ce sens et pourrait
contribuer, si cela pouvait être utile.
• (15 heures) •
Le dernier point,
quatrième que je voulais souligner, est une caractéristique des universités qui
est peut-être moins connue, c'est que les
universités ont des cliniques universitaires. Ce sont, en fait, des lieux où on
allie formation académique et recherche pour former les futurs
professionnels. Il y a beaucoup de ces cliniques; l'Université de Montréal est
probablement l'université qui en dispose le plus. Il y a neuf cliniques
universitaires dans le domaine de la santé,
par exemple en clinique dentaire, une clinique de la vision, une clinique en
orthophonie et audiologie. Le nombre de consultations n'est pas banal,
hein, ça va de 400 à 30 000 consultations annuelles par clinique,
pour un nombre de consultations d'environ 84 000 par an par clinique.
Donc, à la lecture de
l'article 4, chapitre I, Dispositions générales, il n'est pas tout à fait
clair si les cliniques universitaires sont
considérées comme une personne ou un groupement visé par l'annexe II du projet
de loi. Alors, afin de soutenir l'usage secondaire des données issues
des activités de ces cliniques, puis notamment pour l'amélioration continue de
la... et pour la recherche, il nous semble important d'inclure explicitement
les cliniques universitaires comme un organisme
du secteur de la santé et des services sociaux, d'autant que plusieurs des
cliniques, et encore plus dans un avenir rapproché, pourront et
seront... auront leurs données connectées à l'ensemble du reste du réseau de la
santé et des services sociaux.
Donc, la
recommandation : que les cliniques universitaires soient incluses comme
organisme visé par le projet de loi. Et on pourrait simplement les nommer
explicitement à l'annexe II, ça rajouterait simplement une ligne :
les cliniques universitaires.
Donc, merci au
ministre, à son équipe. Encore une fois, on aimerait féliciter le travail pour
ce pas en avant important. Merci aussi de tenir compte de ces quatre points sur
lesquels nous offrons notre aide pour l'identification de solutions et
éventuellement adapter le projet de loi n° 3. Je
m'arrête ici et je vous remercie.
Le Président
(M. Simard) : C'est nous qui vous remercions, M. Joanette.
On a très, très hâte de pouvoir entreprendre avec vous une période d'échange,
mais, avant de ce faire, nous allons devoir suspendre temporairement nos
travaux parce qu'on a un petit problème de communication, et votre image est un
peu comme gelée.
Alors, on suspend momentanément,
on rétablit correctement la communication et on reprend nos travaux.
(Suspension de la séance à
15 h 03)
(Reprise à 15 h 04)
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à l'équipe technique pour sa précieuse collaboration. Je cède maintenant
la parole au ministre, qui dispose de 16 minutes...
Une voix : ...
Le Président
(M. Simard) : Ah! chère collègue, nous sommes à votre écoute.
Mme Mallette : Oui.
Dites-moi si j'ai bien compris, afin, bon, d'accélérer l'accès aux données,
j'ai entendu d'avoir accès via Internet à ces données. Je me pose
la question : Quel type de données? Puis est-ce que vous ne voyez pas des
enjeux de sécurité?
M. Joanette (Yves) : Eh bien,
vous avez raison qu'il y a toujours des enjeux de sécurité, et il s'agit ici de
gérer les risques de la meilleure manière possible. Il y a plusieurs
juridictions où l'accès aux données de santé sont possibles par l'Internet. Il
me semble que c'est une possibilité qui devrait être explorée pour faciliter le
travail. À l'heure actuelle, en dehors du projet de loi n° 3,
il y a des lieux où les chercheurs doivent se rendre pour avoir accès à des données publiques. Il faut comprendre que
l'accès à ces lieux n'est pas simple, il y en a un petit nombre, et, en fait,
les chercheurs ne peuvent même pas souvent apporter des appareils de
l'extérieur dans ces lieux. Donc, c'est même difficile, il n'y a pas de
communication.
Alors, vraiment, je pense que, si on regarde ce
qu'il se passe dans des pays européens qui ont des systèmes de santé publics et pour lesquels des chercheurs,
des collègues peuvent avoir accès aux données, à mon avis, c'est une
visée qu'on devrait avoir. Est-ce qu'il y a des problèmes de sécurité? Bien, je
veux dire, il faudra s'assurer qu'on aura les meilleurs contrôles pour assurer
la sécurité, bien sûr.
Mme Mallette : Mais, à ce
moment-là, ce serait quel type de données, toutes données... anonymisées?
M. Joanette (Yves) : Bien,
c'est-à-dire que pour, disons, contribuer à la sécurité, peut-être qu'on
devrait faire un «phase in», si vous me permettez l'expression
anglo-saxonne, voir à faire en sorte que, si jamais les données ne sont... sont
saisies d'une manière inopportune, bien, qu'ils soient anonymisés,
probablement. Est-ce qu'on devrait aller jusqu'à des données qui sont... qui
permettent l'identification de la personne? Je pense que c'est un débat à avoir
avec les experts. Et le consortium, vraiment, offre éventuellement la
possibilité de réfléchir là-dessus avec ses experts dans ce domaine, qu'ils
soient du monde de la santé numérique, ou de la Faculté de droit, ou
d'ailleurs...
Mme Mallette : Merci.
M. Joanette (Yves) : ...ou de l'informatique.
Le Président (M. Simard) : Je
cède maintenant la parole au député d'Orford.
M. Bélanger : Merci, M. le
Président. Moi, j'ai une question, parce qu'on parle de données de santé, puis évidemment il y a tout l'aspect sécurité. Puis je
vais utiliser un terme anglophone, je ne sais pas c'est quoi en français,
mais «edge computing», lorsqu'on a de l'intelligence artificielle qui travaille
avec des données, c'est... j'apparente ça un
peu comme des chercheurs qui sont dans une bibliothèque, ça fait qu'à ce
moment-là on n'utilise pas un réseau externe, un réseau Internet, on
travaille directement avec un accès au serveur.
Est-ce que vous voyez qu'au niveau des données
de la santé, qui sont des données qui sont peut-être... qui requièrent une certaine... une certaine sécurité,
un niveau de sécurité, est-ce que vous voyez ce profil-là ou cette solution-là comme étant plus applicable pour le Québec,
c'est-à-dire d'avoir des centres de données, on verra qui va les détenir, et
puis d'avoir l'expertise en intelligence artificielle qui est au-dessus, dans
le fond, au-dessus des serveurs puis qui travaille directement à partir de ces
données-là?
M. Joanette (Yves) : Ma
collègue, Pre Motulsky, pourrait peut-être commenter.
Mme Motulsky (Aude) : Oui, tout
à fait, là, on ne propose pas que les données quittent nécessairement les
établissements. Vous m'entendez bien?
Des voix : Oui.
Mme Motulsky (Aude) : Donc,
effectivement, là, qu'on mobilise les technologies modernes pour que les données restent à l'intérieur des établissements
mais qu'on puisse y accéder, que ce soit pour faire rouler des algorithmes
à distance. Mais le défi décrit précédemment faisait référence aux centres
d'accès qui, en ce moment, sont un peu comme
des bunkers à l'intérieur desquels on doit rentrer et, une fois qu'on est
rentrés, nous-mêmes, on ne peut même pas
accéder à Internet. Au-delà des données qui transigent, là, c'est l'humain qui
a un défi. Donc, je pense, tout à fait, là, que l'idée de laisser les
données là où elles sont étant donné leur sensibilité est l'avenue à
privilégier par la majorité des chercheurs qui mobilisent ces données très
personnelles.
M. Bélanger : Puis ma dernière
question serait au niveau... Parce que je sais que dans certains domaines,
comme les... les véhicules autonomes, la question de latence, lorsqu'on fait
travailler les algorithmes, est un enjeu, donc on veut être à proximité de,
justement, ces données-là. Est-ce qu'au niveau de la santé c'est un enjeu, la
latence, c'est-à-dire d'avoir une base de données en Norvège, exemple, qui
prendrait quelques millisecondes de délai, mais ça représenterait beaucoup de
temps en termes d'algorithmes, de calcul?
Mme Motulsky
(Aude) : Il y aurait des collègues plus experts pour répondre à cette
question, mais très certainement qu'on a des enjeux de capacité d'infrastructure
par lesquels nos fonds de recherche arrivent à compenser via des
infrastructures complémentaires.
• (15 h 10) •
M. Joanette
(Yves) : Et j'aimerais juste ajouter que sur la question des... par
exemple, de l'analyse par intelligence artificielle des données massives, on va
dire, de plusieurs établissements, il n'est plus nécessaire, grâce à des
avancées d'algorithmes, de devoir rassembler en un seul lieu l'ensemble des
données. Il y a des approches en apprentissage fédéré qui permettent de faire
les analyses successivement dans chacun des établissements sans que les données
ne soient repositionnées dans un lieu commun pour qu'elles soient massivement
analysées. Et ça, c'est des choses qui
sont... qui ont été développées... qui sont développées ici et qui sont bien
connues. Par exemple, le Pr Michaël Chassé, au CHUM, est très au
courant de ces... et utilise cette approche.
M. Bélanger :
Mais vous parlez de même juridiction, par contre, ce n'est pas entre des
pays.
M. Joanette
(Yves) : Pour l'instant, ce n'est pas entre des pays. En fait, le
Consortium Santé Numérique a accueilli la proposition du gouvernement du Québec
de représenter le Québec au Regional Leaders' Summit en santé numérique à
Munich, l'automne dernier, et il y a actuellement un livre blanc qui se... est
en train de s'écrire sur la possibilité d'utiliser l'apprentissage fédéré
par-delà les juridictions, au moins d'un point de vue technique.
M. Bélanger :
Merci.
Le Président
(M. Simard) : M. le ministre.
M. Caire :
Oui, merci. Je dois dire que vous êtes probablement le groupe qui nous a
amenés le plus loin dans le libre accès à la
donnée. Vous avez parlé de la continuité, je ne me souviens plus comment...
vous avez parlé de FAIR, je ne me souviens plus de l'expression que vous
avez utilisée, docteur. Comment on concilie ce que vous dites, donc une
non-anonymisation de la donnée... Parce qu'il faut comprendre que le projet de
loi dit : La collecte... la donnée, initialement, elle est collectée à des
fins de prestation de services de santé, on s'entend, c'est pour ça qu'elle a
été collectée et à aucune autre fin. Donc,
quand son cycle de vie est atteint, donc ce pour quoi la donnée a été
collectée, le principe est : on doit la détruire.
Ce que la loi dit, c'est
que si le détenteur... le possesseur de la donnée, c'est-à-dire le citoyen, n'a
pas... ne s'est pas retiré... n'a pas retiré
son consentement, on peut anonymiser la donnée et s'en servir à des fins de
recherche. Vous, vous dites, d'une part, le consentement, vous semblez remettre
en question la notion de consentement là-dessus, si j'ai bien compris. Non? OK. Parfait. Donc, vous
êtes d'accord avec le consentement. Mais, une fois que le consentement
implicite est maintenu, vous dites : On ne devrait pas anonymiser la
donnée, on devrait pouvoir s'en servir.
Et vous remettez
aussi en question l'utilisation des CADRISQ, donc qui sont les espèces de
«sandbox» dans lesquels on envoie ces données-là, coupés de tout, c'est vrai.
Soit dit en passant, c'est un modèle qui a été importé de la France, parce que
la France fonctionne de cette façon-là pour ses centres de recherche, et qui
assure un plus haut niveau de sécurité. Parce que ce qu'on ne veut pas, c'est
désanonymiser la donnée et qu'on puisse s'en servir d'une façon plus personnalisée, c'est ce qu'à peu près
tous les groupes nous ont dit. Donc, vous, vous nous amenez ailleurs.
Et là je vais vous
ramener et, après ça, je vous laisse répondre, une longue question, mais je
vais vous laisser répondre, parce que vous dites : C'est plus risqué de
nous priver à cet accès-là à la donnée que de nous le donner. Convainquez-moi
que de ne pas anonymiser les données, de ne pas vous permettre... vous obliger
à travailler dans un contexte hypersécurisé, dans un objectif de protection des
renseignements personnels que sont les CADRISQ, que c'est la meilleure chose à faire pour les Québécois. Je vous avoue, là,
puis je vais être très honnête, puis je pense que les collègues vont
être un peu à la même place que moi, là, vous avez une pas pire côte à
remonter.
M. Joanette
(Yves) : Nous comprenons complètement ce que vous dites. On a aussi,
je pense, au Québec, une côte à remonter en termes d'accès aux données. Donc, je
pense qu'on est tous sur la même côte, mais je vous comprends, je vous
comprends.
Juste
avant de laisser peut-être ma collègue Aude Motulsky commenter, parce qu'elle
connaît bien ces questions, j'aimerais juste souligner que les principes
FAIR auxquels j'ai fait référence, et donc dans le «R» du FAIR, c'est la réutilisabilité des données, ça va devenir, ça, et
c'est en train de devenir, là, c'est en train d'être déployé, une condition
essentielle pour les organismes qui subventionnent la recherche. Et donc ce
n'est pas une loi au sens... comme telle, mais c'est une conformité à une bonne
pratique en recherche. Et les organismes subventionnaires qui soutiennent la
recherche vont exiger des plans de gestion des données de recherche, avant même
d'envoyer l'argent, qui vont prévoir ou non cette réutilisabilité des données.
Et, si elle n'est pas... elles ne sont pas réutilisables, ça pourrait
compromettre le soutien à la recherche.
Alors, je suis
d'accord avec vous, là, on est dans un monde qui change beaucoup et rapidement.
Ceci dit, on ne dit pas, je crois, qu'il
faut désanonymiser l'ensemble des données ou les... pas du tout. Je pense qu'on
pourrait conserver les données
anonymisées. Mais ma collègue, peut-être, pourrait vous dire que, dans certains
cas, certaines informations pourraient être importantes pour la...
contribuer à la qualité de vie puis à la santé des Québécoises, des Québécois
puis du système. Aude.
Mme Motulsky
(Aude) : Oui, bien, il y a plusieurs cas, par exemple, le cas de
maladies rares, le cas de maladies émergentes desquelles on ne connaît pas
encore les caractéristiques et surtout, étant donné la quantité de ressources
investies dans des projets de recherche, où on fait énormément de travail sur
des cohortes, et en fait, à la fin, on doit
tout détruire. Donc, c'est l'investissement public des Québécois, des
Québécoises, qui doit se trouver «reset».
Donc, ce qu'on dit,
ce n'est pas garder toutes les données avec toutes les informations
personnelles, mais qu'elles soient archivées
de manière sécuritaire, mais que, quelque part, l'option demeure possible de
pouvoir jumeler à nouveau ces données
et de les réutiliser dans le cadre de d'autres projets qui vont se poser
d'autres questions pour demain.
Donc,
juste à penser à la COVID, par exemple, on était tellement dans l'urgence, on
avait tellement rapidement besoin de comprendre une nouvelle maladie, on n'est
pas sur la conservation ici, mais on est dans la rapidité de l'accès.
Les données qui sont sorties très rapidement au début mai 2020 venaient de
cohortes au Royaume-Uni, venaient de cohortes de d'autres juridictions que les
nôtres, parce qu'on était organisés pour pouvoir avoir accès très rapidement à
ces données extrêmement granulaires au niveau clinique.
M. Caire : Mais je fais du pouce là-dessus, est-ce qu'un
archivage des données dont vous parlez dans un CADRISQ... parce que...
puis là je rejoins peut-être, puis ça n'arrivera pas souvent, là, mais je
rejoins un peu mon collègue de Rosemont, il y a quand même...
Des voix :
...
M. Caire :
Non, je le dis à la blague parce que, lui et moi, on a une complicité que
certains jugeraient de douteuse. Mais, dans
les faits, il arrive souvent que les projets de recherche sont des partenariats
public-privé. Et moi, comme... comme ministre, comme membre du Parlement, comme
personne qui a la responsabilité de ça, ce que le CADRISQ nous apporte
comme sécurité, c'est que vous rentrez avec des questions, vous sortez avec des
réponses, et ça, c'est parfait, mais c'est
tout. Si Pfizer et autres ont accès à nos données, du moment où ça sort du
périmètre sécurisé du gouvernement du
Québec, moi, je n'ai aucune espèce d'idée de ce qui peut être fait avec ça. Où
est-ce que ça va aller? Entre les mains de qui ça va tomber? Je ne peux
le garantir, je ne peux en assurer la sécurité.
Alors, je vous avoue,
là, que... en tout cas, je me répète, là, mais convainquez-moi, là, parce que
ce n'est pas très sécurisant dans cette perspective-là de protection des
renseignements personnels. Je comprends que, pour la... la souplesse, l'agilité
des recherches, je vous comprends. Mais mettez-vous à la place de celui qui a
la responsabilité, surtout dans un contexte numérique où c'est à grande
échelle, les fuites de données, là, vous m'enlevez à peu près tous mes outils
de protection et de contrôle. Comment je fais ça?
M. Joanette
(Yves) : Bien, dans un premier temps, on parlait des chercheurs
universitaires. Alors, on a déjà proposé qu'il y avait les chercheurs liés,
ceux qui sont liés. Et, encore une fois, le projet de loi n'est pas clair,
précis, disons, sur la définition de «lié». Mais il y a donc cet... ce premier
point. Donc, on n'a pas impliqué ici, là, le public-privé, là, on était au niveau des chercheurs universitaires, non, mais
ici, pour ce qui est du commentaire qu'on a offert.
M. Caire :
Non, je comprends, mais vous
admettrez, docteur, que ce n'est pas exceptionnel dans les protocoles de recherche que ce soient des partenariats
public-privé. Sans dire que c'est la norme, ce n'est pas non plus exceptionnel,
donc il faut le prévoir, d'une part. D'autre part, et là je m'en vais... je
mets un autre chapeau, le fait que vous soyez un universitaire ne me garantit
pas l'intégrité de l'individu de façon absolue. Donc, qu'est-ce qui me dit,
moi, qu'il n'y aurait pas la tentation d'une petite clé USB qui pourrait...
Alors, comprenez-vous, il y a aussi... on a aussi cette obligation-là. Je vous
vois, là, qui... Allez-y, allez-y, je vous écoute.
M. Joanette (Yves) : Bien, c'est-à-dire qu'on
est soumis à des règles, on est soumis très rapidement, puis Aude complétera,
mais on est soumis, là, les chercheurs universitaires, à des règles de sécurité
et d'éthique extrêmement rigoureuses, extrêmement rigoureuses. Aude,
est-ce que tu veux compléter?
• (15 h 20) •
Mme Motulsky
(Aude) : Bien, exactement, là, je pense que, dans la finalité du
projet, ça peut se baliser. Puis, au niveau de la transparence, on a une
reddition de comptes extrêmement importante à faire. Donc, que la finalité soit
l'avancement des connaissances, une approbation par un comité d'éthique qui
vient certifier qu'il y a eu une évaluation
scientifique de la pertinence, et tout ça se balise en toute transparence,
là... Mais on ne vous dit surtout pas qu'on veut que les chercheurs se
promènent avec des données sur des clés USB, là, non.
M. Caire : Non, mais je vous entends, c'est parce qu'il y a...
vous me dites : Il y a des moyens législatifs, il y a des moyens
réglementaires. Je vous entends, vous avez raison, puis c'est l'objet du projet
de loi. Comme législateur, je ne vous
dirai jamais que c'est une mauvaise chose, mais il y a aussi des moyens
physiques qui doivent soutenir tout ça. Or, il y a dans ces idées-là du
contrôle physique de la donnée, il y a aussi une idée de s'assurer qu'on a
différents mécanismes. Donc, l'anonymisation... Puis là j'entends que j'avais
mal interprété vos propos, et je m'en excuse, vous
ne souhaitez pas qu'il y ait une désanonymisation des données. Ça, c'est un
exercice de diction en soi, là. Mais je vais... d'abord, je vais vous
demander peut-être d'élaborer un peu plus là-dessus, parce que c'est ce que
j'avais compris. Donc, la donnée anonymisée,
tel que prévu dans le projet de loi, ça, ça vous satisfait. Ce que vous
souhaitez, comme meilleur accès, dans le fond, c'est de sortir du cadre
physique qui est en place actuellement et d'avoir une mobilité non seulement
pour les chercheurs au Québec, mais d'avoir une mobilité aussi plus large, en
dehors des frontières du Québec.
Le Président
(M. Simard) : Alors, très rapidement, s'il vous plaît.
M. Joanette
(Yves) : Oui, si je peux me permettre, il y a... Tout ce
que vous dites est juste, en termes de résumé, là, et je vous remercie.
M. Caire : ...il a dit que tout
ce que je disais était juste, arrêtez ça là.
Des voix : ...
Le Président (M. Simard) : Malheureusement,
je... on doit poursuivre, et je lance la balle ou cède la parole à ma collègue
de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Vous
allez voir qu'on travaille de façon constructive. Moi, je suis prête à vous
laisser répondre, s'il vous plaît. La question, elle est bonne, et la
réponse, elle est pertinente pour nous tous. Alors, allez-y, c'est extrêmement
utile. On pourra continuer la discussion.
M. Joanette (Yves) : Bien, je
pense que les... là où on s'en va, et si le projet de loi n° 3 s'en va là où la rondelle
sera, là, pas où la rondelle était, là, si on prend le hockey comme exemple, eh
bien, je veux dire, là où la rondelle sera, c'est une capacité à pouvoir
réutiliser des données et pas uniquement dans... pas uniquement de rentrer dans
un endroit, de pouvoir poser une question, d'en ressortir et qu'après ça ces
données-là ne soient plus réutilisables. Donc, je crois que les pays qui représentent un exemple... et les systèmes qui
représentent un exemple à cet égard permettent la réutilisation de ces données
anonymisées, bien sûr.
Mme Setlakwe : Merci.
Non, ça a été bien précisé, donc il n'y a plus de confusion. Je voulais vous
remercier. Juste revenir un peu à... propos introductifs, merci pour votre
présentation, merci pour votre mémoire. Vous avez, en particulier,
apporté un éclairage sur les cliniques universitaires. On vous en remercie. On
va relire ça à tête reposée, mais il y a peut-être effectivement lieu d'ajouter
à l'annexe II.
Vous avez mentionné que vous avez représenté le
gouvernement du Québec en Allemagne récemment. Donc, ça m'amène à... vous avez
retiré quoi de cette expérience-là? Et, en vous comparant à d'autres chercheurs
universitaires dans le monde, qu'est-ce que
vous pouvez nous relater comme état de la situation où, si on se compare, on se
console ou on est plutôt déçu et découragé?
M. Joanette (Yves) : Bien, je
pense que non, je pense que la... d'abord, c'est une... c'est une organisation qui a un nom anglophone, qui s'appelle Regional
Leaders' Summit, auquel le gouvernement du Québec adhère, et c'est de la
collaboration avec d'autres régions fortes comme la Bavière et d'autres régions
dans d'autres pays en Amérique du Sud, en Asie et même en Afrique. Et je pense
que ce que l'on a tiré de cet... de ces échanges, c'est qu'on est tous un peu
au même endroit pour ce qui est de là où on veut aller. L'exemple, c'est que,
collectivement, il a été décidé qu'on
pourrait réfléchir sur un livre blanc, sur comment procéder à de
l'apprentissage fédéré, là, ce que j'avais décrit au niveau de comment
appliquer de l'intelligence artificielle à des groupes de données qui sont
physiquement séparés dans des endroits
séparés, dans des établissements séparés, et comment peut-être faire ça
par-delà les juridictions. Alors, je pense que ça montre cela.
Ça montre aussi que... et là il y a des regards
tournés vers nous, que le Québec a un potentiel au niveau de l'application, de
l'analyse des sciences des données, qui est envié par les autres régions, et
c'est conforme avec notre force en
intelligence artificielle ici, au Québec. Et donc c'est... je pense qu'on a là
un potentiel énorme de pouvoir utiliser ces outils pour pouvoir mieux
comprendre certains défis de santé et certains défis du système de santé ici,
au Québec.
Mme Setlakwe : Merci. Puis je
terminerai avec une question générale, là, je fais du pouce sur une question du ministre Caire, mais en fait c'est une
question, c'est une réflexion qu'on a en continu à travers tout ce
processus-là. Il est... il y a des craintes, et elles sont légitimes, et
pour nous, les législateurs, il serait peut-être tentant de pencher du côté de la... d'une plus grande prudence.
Alors, on a des experts devant nous, on a des acteurs sur le terrain, si vous
souhaitez nous rassurer, rassurer la population davantage, c'est le temps de le
faire.
M. Joanette (Yves) : Bien,
d'abord, si on voulait, disons, donner suite à une crainte absolue, on
dirait : Bien, aucun accès aux données, mais je pense que, là, on va y
perdre collectivement. Et je sais que ce n'est pas ce que le projet de loi
n° 3 dit.
Mme Setlakwe : J'aurais dû dire
aussi : Sachant que le risque zéro n'existe pas.
M. Joanette (Yves) : C'est ça.
Mais, en termes de gestion de risques, je pense que les... le passé a montré qu'on n'a pas fait d'étude absolue là-dessus, mais
on n'est pas au courant, nous, de cas de pertes de données personnelles
majeures issues d'un regard sur la... par la recherche. En fait, à l'Université
de Montréal, il y a même la chaire en cybersécurité par le Pr Benoît
Dupont, qui est, en fait, sur les dimensions humaines de la cybersécurité plus
que sur les dimensions technologiques. Et la plupart des problèmes de sécurité
qui ont été rapportés dans les médias sont souvent reliés à des problèmes
humains. Or, le monde de la recherche est soumis à des règles d'éthique et de
bonne conduite en recherche qui font qu'il y a énormément
de contraintes et de vérifications à ce niveau-là, comme le disait ma collègue
Motulsky.
Mme Setlakwe : Merci.
Je suis fière de vous avoir entendus, je suis une ancienne de l'Université de
Montréal, qui se trouve dans ma circonscription. Je vous remercie pour
votre participation aujourd'hui.
M. Joanette (Yves) : Merci,
madame.
Le Président (M. Simard) : Il
n'y a pas un brin de chauvinisme là-dedans, là, non?
Mme Setlakwe : Je me suis
permis ce petit écart.
Une voix : ...
Le Président (M. Simard) : Tout
à fait. Bien entendu. Je cède la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci. J'ai
combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Simard) : En
fait, 11 minutes.
M. Marissal : Merci. Je voulais
voir si vous suiviez.
Le Président (M. Simard) : J'essaie,
mais ce n'est pas toujours évident.
M. Marissal : Blague à part,
merci d'être là, c'est intéressant, nos discussions qu'on a ici, mais
intéressant est un euphémisme, c'est plus qu'intéressant, ça nous éclaire
beaucoup. Je vais y aller d'abord sur vos réflexions sur la CAI, sur la Commission d'accès à l'information, puis il n'y a pas de pression, là, mais ils passent après vous, ça fait
qu'ils doivent être en train d'écouter, ça fait qu'allez-y librement. Éclairez
donc ma lanterne, là, vous voulez quoi, comme rôle pour la CAI? Ce n'est pas
clair, pour moi, ce que vous souhaitez qu'elle fasse ou qu'elle ne fasse pas.
M. Joanette
(Yves) : Je pense que, comme on l'a écrit dans notre
mémoire, nous pensons que le projet de loi n° 3
devrait favoriser et exiger que les ententes d'accès qui seront autorisées par
les plus hautes instances d'un établissement, par exemple un PDG d'un
établissement comme le CHUM, que ces ententes-là soient transmises à la CAI,
mais je crois que le projet de loi devrait préciser quel serait
l'objectif de cette transmission. Nous pensons que l'objectif devrait être une
transmission pour information.
M. Marissal : C'est-à-dire? Par
rapport à?
M. Joanette (Yves) : Par...
bien, je veux dire, un autre type de transmission, ce serait une transmission
pour décision. Or, s'il y a une transmission pour décision, bien là, ça va
impliquer beaucoup de travail pour la CAI, ce qui demande beaucoup de
ressources, ça va induire probablement des temps de... des délais beaucoup plus
allongés, etc. Donc, je pense qu'étant donné
qu'il y aura déjà un processus mis en place pour la plus haute instance de
l'établissement qui donnera accès, je... on ne pense pas qu'il soit
pertinent de doubler le processus, mais que la CAI soit informée, absolument.
M. Marissal : Le rôle de la
CAI, dans le projet de loi n° 3, vous le voyez comment?
M. Joanette (Yves) : Comme
étant informée des ententes qui seront convenues avec...
M. Marissal : Non,
ça... Non, non, ça, c'est votre proposition. Comment vous le lisez dans le
projet de loi n° 3 en ce moment? Quel rôle est-il dévolu à
la CAI, selon ce que vous lisez dans le projet de loi n° 3?
M. Joanette (Yves) : Bien, il
n'est pas clair, selon nous, justement. Comme on l'a dit dans notre mémoire, ce n'est pas clair quel sera ce rôle, parce qu'on
dit que ce sera transmis à la CAI, mais on ne sait pas dans quel objectif,
c'est pour ça qu'on demande à ce que ce soit précisé.
M. Marissal : Mme Motulsky,
allez-y, s'il vous plaît. Non, c'est complet?
Mme Motulsky (Aude) : Ça a été
dit.
• (15 h 30) •
M. Marissal : OK. Mais à quoi
bon informer la CAI de quelque chose qui, de toute façon, est déjà réglé? Où
est son rôle d'arbitre puis de gardien qui lui est conféré par la loi? Je
comprends qu'elle est peut-être imparfaite, la CAI, là, puis moi-même je me
mets sur le «hot spot», parce qu'ils vont être ici tantôt, là, mais peut-être
qu'on peut poser des questions à la CAI, je veux bien, là, mais son rôle, c'en
est un de gardien, c'est un de nos chiens de garde, dans
le jargon. À quoi bon lui envoyer des demandes qui sont déjà approuvées de
toute façon? Pourquoi le DG ou la DG du
CIUSSS d'une région enverrait, le vendredi, une pile d'enveloppes en
disant : J'ai autorisé tout ça cette semaine, si la CAI n'a rien
d'autre à faire que de dire : Bien, c'est très bien, merci?
M. Joanette (Yves) : Bien, à ce
moment-là, on revient à la situation actuelle, où tout passe par la CAI pour
autorisation. Je croyais... on croyait, nous, en tant qu'académiques, en tant
qu'universitaires, que le projet de loi n° 3 avait une intention de faciliter l'accès et d'accélérer la rapidité
d'accès à des données de santé. Ma collègue Motulsky l'a mentionné
précédemment, dans le cas de, par exemple, de la survenue de la COVID, on n'a
pas eu accès à ces données-là, on a dû avoir... on a dû prendre des données qui
venaient de l'extérieur, donc, du Royaume-Uni, parce que le processus était beaucoup
trop long. Si on... si la CAI était équipée de manière telle que le processus
serait aussi rapide que le... à ce moment-là, c'est : Si on envoie
la CAI pour confirmation ou pour décision, pourquoi demander à la plus haute instance de l'établissement de
l'autoriser? Donc, à la limite, c'est l'un ou l'autre, c'est pour ça qu'on
dit : Pourquoi il y aurait deux autorisations?
M. Marissal : Donc,
ni la CAI ni aucun autre mécanisme de surveillance ou de contre-vérification...
Ma DG du CIUSSS, ça suffit, à votre avis, c'est la plus haute instance,
elle dit : C'est bon, on y va.
M. Joanette (Yves) : Je crois
qu'il y aura à préciser quelles seront les instances de contrôle et de
vérification pour que les plus hautes instances institutionnelles puissent
effectuer leur rôle dans les bonnes pratiques et avec imputabilité, là, bien sûr, mais, si on met deux mécanismes en place, je
crois qu'on ne va pas vraiment avancer vers là où la rondelle sera,
comme je le disais tantôt.
M. Marissal : C'est Gretzky qui
disait ça, en fait, en tout respect pour vous.
M. Joanette (Yves) : Oui,
exactement, le philosophe canadien, oui, c'est ça.
M. Marissal : Oui, ça lui a
bien servi sur la glace, en effet. Bien, ça mérite réflexion, probablement plus
de questions là-dessus, parce que, moi, le rôle de la CAI... Comme je vous dis,
là, ce n'est pas une religion, la CAI, là, ça peut être... Ça fait deux jours,
là, qu'on reçoit des groupes ici, là, puis qu'on se dit : Ça prend soit un
comité d'éthique soit une vérification, c'est qui, la personne la plus haute en
autorité dans un environnement. Ajoutez à ça que le gouvernement, je ne fais
pas de politique ici, là, c'est factuel, veut créer une agence santé qui
chapeautera le DG. Le DG chapeautera peut-être quelqu'un d'autre. On commence à
s'éloigner d'une imputabilité d'État ici, là, puis
il n'y a pas de double vérification par un de nos chiens de garde, que ce soit
la Vérificatrice générale, bon, ce n'est pas du tout dans ses attributions, là, je dis ça par fins de
compréhension, ou la Commission d'accès à... la bien nommée mais mal
équipée, Commission d'accès à l'information.
Mme Motulsky
(Aude) : Bien, si je peux ajouter la préoccupation
principale des chercheurs, là, c'est évidemment de pouvoir mener les recherches,
donc, l'avancement des connaissances en temps opportun, et des délais allant
de plusieurs mois à plusieurs années sont vraiment un défi pour la
compétitivité de nos chercheurs et...
M. Marissal : Je comprends ça,
mais moi, je ne suis pas de votre école, qu'il vaut mieux tout faire que ne
rien faire parce qu'on va être plus perdants. Il me semble que ça, c'est le
principe de précaution inversé, là. Je ne suis pas convaincu, là. Le ministre
ne l'était pas non plus. Je le suis encore moins, je pense, là, mais je dis ça
parce que je pense qu'on a besoin de mécanismes. Qui est imputable, en cas
d'incident, dans votre formule?
M. Joanette
(Yves) : C'est ce qu'on... Je crois que, dans le projet de
loi n° 3, il y aura à préciser quel sera les... Bien, peut-être,
dans l'application des règlements ou la détermination des règlements qui
découleraient de l'adoption de ce projet de loi, il faudra préciser, bien sûr,
cette imputabilité. Des comités d'éthique de la recherche existent dans les
établissements. Il y a plein de mécanismes qui pourraient être mis en oeuvre.
Il faut simplement savoir si on veut aller
vers du parallélisme d'approbation ou si on veut s'assurer que l'imputabilité
soit bien faite à l'endroit où le projet de loi le précise.
M. Marissal : Et,
comprenez-moi bien, là, je ne remets pas en question l'éthique, l'intégrité
puis le professionnalisme de vous trois ou de vos équipes. Cela dit, là,
Desjardins ne se lève pas la nuit pour savoir comment faire fuiter nos données
non plus, là, puis, normalement, moi, je fais confiance à Desjardins,
normalement, et c'est arrivé pareil qu'il y
a eu des fuites que vous connaissez. Si on manipule des données qui, selon tout
le monde, vaut de l'or, de l'or, ça
se revend. Ça fait que, tu sais, j'essaie de voir qui surveille, mais, surtout,
en tant que parlementaire, qui est imputable à la fin, «where the buck
stops», comme on dit en anglais.
M. Joanette (Yves) : Bien,
encore une fois, le consortium... Nous, on n'est pas là en tant qu'équipe de recherche, là. On représente 28 organisations
sur le campus, les établissements affiliés, et tout, et cette préoccupation,
elle est là de la part de l'ensemble des membres, là. On exprime... Les
membres, on les a consultés. On exprime les préoccupations des membres. La
transformation du projet de loi en loi, qui exigera des règlements, devra
aborder sa mise en oeuvre parce que, là, dans le projet de loi, il y a un
certain nombre de points qui ne sont pas d'une clarté précise en termes des processus. J'imagine que ça
viendra avec les règlements qui en découleront, et, à cet égard, je pense
que la... on peut vous dire que la communauté est prête à contribuer pour identifier
les mécanismes qui permettront d'identifier le contrôle et l'imputabilité,
comme vous le souhaitez et comme on le souhaite tous, moi aussi, en tant que
Québécois.
M. Marissal :
Et votre intervention va dans le sens de nous aider à faire la meilleure loi.
Je vous en remercie. Je n'ai pas d'autre question.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, mesdames, monsieur, un énorme merci pour votre contribution
à nos travaux. Vos éclairages nous seront fort précieux, et au plaisir de se retrouver.
M. Joanette
(Yves) : Un grand merci.
Le Président
(M. Simard) : À nouveau, merci. Au revoir.
Sur ce, nous allons
suspendre momentanément nos travaux afin de faire place à nos prochains
invités.
(Suspension de la séance à
15 h 37)
(Reprise à 15 h 42)
Le Président
(M. Simard) : Alors, chers amis, nous sommes en mesure de
reprendre nos travaux et nous avons l'honneur de recevoir les représentants de
la Commission d'accès à l'information du Québec. Mme Poitras, bonjour. Bien que vous soyez familière à nos
travaux et très connue du grand public, auriez-vous à nouveau l'amabilité,
s'il vous plaît... l'amabilité, donc, de vous présenter?
Commission d'accès à l'information du Québec (CAI)
Mme Poitras
(Diane) : Bonjour. Je suis Diane Poitras,
présidente de la Commission d'accès à l'information.
Le Président
(M. Simard) : Et vous êtes accompagnée par...
Mme Poitras
(Diane) : Je suis accompagnée par Me
Jean-Sébastien Desmeules, qui est secrétaire général et directeur des affaires
juridiques.
Le Président
(M. Simard) : Alors, bienvenue à vous deux, et vous disposez
d'une période de 10 minutes.
Mme Poitras (Diane) : Merci. Alors, d'abord, merci pour cette occasion de partager avec vous
nos commentaires au sujet du projet de loi portant sur les
renseignements de santé et de services sociaux.
D'emblée, la
commission salue l'approche d'adopter un cadre législatif uniforme comme l'ont
fait d'autres pays et presque tous les provinces et territoires au Canada.
Transformer la courtepointe formée par les lois actuelles protégeant les
renseignements de santé en un régime juridique unifié et cohérent, applicable à
tous les acteurs de ce réseau, est, en soi, tout un défi, mais le projet de loi
va plus loin. On y propose aussi un changement de paradigme au sujet de
l'utilisation et de la communication de ces renseignements.
En effet, le projet
de loi prévoit plusieurs situations où il sera permis d'utiliser des
renseignements de santé et de services
sociaux à des fins secondaires, c'est-à-dire autres que celles pour lesquelles
ils ont été recueillis. On pense à la gestion du réseau public de santé,
à l'évaluation de la qualité des soins ou à la recherche, bien évidemment. Le
projet de loi prévoit aussi une plus grande circulation de ces renseignements
sans qu'il ne soit nécessaire d'obtenir le consentement du patient, notamment
parmi tous les intervenants du nouveau vaste réseau. On prévoit aussi créer un
système national de dépôt de renseignements pour y regrouper toute
l'information de santé et de services sociaux d'une
personne, notamment afin de faciliter ce partage d'information. Les objectifs
poursuivis par le projet de loi sont légitimes.
Toutefois, sur
l'échelle de la confidentialité des renseignements de santé et des exceptions,
la commission considère que le projet de loi
place parfois le curseur beaucoup trop loin en faveur d'une utilisation et
d'une circulation maximale sans qu'on ait à demander l'autorisation de
la personne qu'il concerne. Il faut se rappeler qu'en matière de santé et de
services sociaux les citoyens acceptent de partager leurs renseignements avec
les intervenants dans le seul but de
recevoir des services et des soins, avec l'attente que ces renseignements
seront protégés. L'un des fondements de la relation de confiance entre un usager et un professionnel repose sur
l'assurance que les renseignements qu'il lui confie vont rester
confidentiels.
Rappelons
que le droit au secret professionnel et le droit au respect de la vie privée
sont garantis par la charte. Le partage accru de renseignements de santé
et de services sociaux touche aux renseignements les plus intimes d'une
personne. Une perte de confiance envers le professionnel ou la capacité du
système à protéger ses renseignements est susceptible
de limiter ce qu'un usager voudra partager avec un intervenant ou de l'inciter
à ne pas recourir à des services dont
il a besoin. La qualité des soins et des services sociaux est, donc, intimement
liée à la confiance que les gens auront dans la confidentialité de leurs
renseignements.
Quant à la protection des
renseignements personnels, rappelons qu'elle comprend un ensemble de principes
visant à donner au citoyen le contrôle sur ses renseignements, principalement
par le biais du consentement. Le consentement n'est donc pas qu'un simple
fardeau administratif. Il est l'expression d'un droit fondamental. Bien sûr, ces droits ne sont pas absolus, et une loi qui
poursuit des objectifs légitimes peut les limiter, à condition qu'elle n'y
porte atteinte que dans la mesure nécessaire. La commission rappelle que
le Québec vient de mettre en place un régime avant-gardiste
en matière de protection des renseignements personnels. Il serait dommage qu'il
adopte une loi accordant moins de protection aux renseignements les plus
sensibles et intimes que sont les renseignements de santé.
Pour
apprécier toute la portée des exceptions permettant l'utilisation ou la
communication des renseignements de
santé qui sont prévues au projet de loi, il est utile de rappeler sa portée
très étendue tant par la nature des renseignements que par la quantité
et la variété des organismes qui seraient visés.
Alors,
voyons, d'abord, les renseignements. Seront inclus tous les renseignements
concernant la santé physique et
mentale d'une personne, peu importe le type de professionnel ou de service
consulté. On vise les notes professionnelles, les renseignements
psychosociaux ou ceux relatifs aux facteurs déterminants. Ces derniers couvrent
un large éventail d'informations, comme l'éducation, le revenu, le statut
social, travail, environnement physique, habitudes de vie et de consommation et
les antécédents médicaux et familiaux. Sont aussi inclus tout matériel prélevé
sur une personne, comme les échantillons de
sang ou de tissu, donc les biobanques, et les renseignements génétiques. Il
faut aussi considérer les nouvelles
façons de recueillir, de conserver ou d'utiliser ces renseignements, comme les
objets connectés, la génomique, l'intelligence artificielle, qui a aussi
le potentiel d'inférer de nouveaux renseignements à notre sujet.
Maintenant, parmi les milliers d'organismes qui
formeront ce très, très vaste réseau, on trouve, évidemment, en plus des établissements du réseau actuel, des
organismes comme la RAMQ, la Commissaire
à la santé et au bien-être et
l'Office des personnes handicapées. On trouve plusieurs organisations du
secteur privé, comme les RPA, les services ambulanciers, les
laboratoires et les centres de procréation assistée, les regroupements de
professionnels, comme les médecins, bien sûr,
mais aussi les psychologues, les physiothérapeutes, les travailleurs sociaux,
les dentistes, les pharmaciens, etc.
On trouve
toutes les cliniques qui se spécialisent dans certains domaines, comme le
traitement des dépendances, les troubles psychotiques, la chirurgie
esthétique, l'avortement ou les ITSS, et on trouve même les entreprises de
services funéraires. Les intervenants qui auront un accès élargi aux
renseignements de santé incluent ceux qui offrent des services de santé ou
sociaux, mais aussi les personnes qui leur fournissent un soutien technique ou
administratif. Cela inclut, donc, des centaines de milliers de personnes.
Enfin, il ne faut pas oublier la convoitise que
suscitent les renseignements de santé et les risques accrus qui viennent
nécessairement avec une plus grande circulation de ces informations ou par leur
centralisation dans un système national. Les meilleures mesures de sécurité ne
peuvent contrer tous les risques, mais surtout pas le facteur humain, souvent
responsable des incidents de confidentialité.
C'est dans ce
contexte que la commission formule plusieurs recommandations dans son mémoire,
afin de trouver cet équilibre entre une plus grande utilisation et
circulation des renseignements de santé et leur confidentialité. Par exemple, si l'accès par les différents
intervenants faisant partie du cercle de soins d'une personne fait plutôt
consensus, la rédaction de la disposition qui le permet va beaucoup trop
loin. Les règles entourant l'accès par les intervenants ne sont pas
suffisamment définies et balisées, surtout dans un contexte d'un éventuel
dossier numérique unique.
La commission s'inquiète, d'ailleurs, du peu de
détails prévus au projet de loi au sujet du système national de dépôt de
renseignements. Sans précision suffisante quant à son contenu ou sa
gouvernance, aux exigences relatives à son développement, sa gestion ou les
mesures de protection et de sécurité qui seront mises en place, il est
difficile d'évaluer tous les enjeux que soulève ce nouveau système. Il s'agit,
pourtant, d'une orientation majeure, qui définira plusieurs aspects de la
prestation de soins et de la gestion des renseignements de santé à l'avenir.
• (15 h 50) •
La commission constate aussi que plusieurs
aspects visant la protection des renseignements seront précisés par règlement
du gouvernement ou du ministre. Comme le soulignait le Barreau au sujet du
projet de loi n° 19, un pouvoir réglementaire ne devrait pas avoir pour
objet de définir les concepts fondamentaux en vertu desquels une loi sera
appliquée, surtout en matière de protection de renseignements personnels, un
droit protégé par la charte. Ces éléments
essentiels devraient donc être définis dans la loi et débattus par les
parlementaires. Ils permettraient aussi à tous de mieux apprécier l'ensemble des mesures qu'on souhaite mettre en
oeuvre par ce projet de loi, comme l'ont souligné plusieurs
intervenants.
En matière d'accès à des fins de recherche, les
processus d'autorisation diffèrent... différents, pardon, se multiplient et
posent des enjeux d'efficacité et de responsabilité. Enfin, la commission
recommande de hausser les montants des
pénalités prévues au projet de loi. Compte tenu de la nature particulièrement
sensible des renseignements visés et des préjudices importants qui
peuvent résulter, pour le citoyen, d'une contravention aux règles établies, des
sanctions conséquentes et dissuasives devraient être prévues.
Avant de
conclure, la commission tient à souligner l'inclusion au projet de loi de
principes et de droits importants pour
le citoyen, qu'elle salue d'ailleurs, d'abord, la possibilité pour une personne
de restreindre l'accès aux renseignements la concernant par un ou
plusieurs intervenants. Ensuite, une personne pourra aussi refuser qu'un
renseignement la concernant soit accessible à certaines catégories de
chercheurs ou à des fins de sollicitation en vue de sa participation à un
projet de recherche. La commission salue aussi le fait qu'une personne pourra
avoir accès gratuitement aux renseignements qui la concernent.
La commission reconnaît le travail colossal
ayant mené au dépôt du projet de loi. Toutefois, elle constate que plusieurs
éléments devraient être bonifiés afin de permettre la réalisation des objectifs
légitimes du projet de loi tout en limitant l'atteinte
aux droits des citoyens. Elle souhaite que les discussions qui suivront la
présente consultation, incluant l'étude
détaillée du projet de loi, permettent de trouver cet équilibre. Elle offre,
d'ailleurs, toute sa collaboration aux ministères et aux parlementaires
pour les prochaines étapes. Je vous remercie. Il me fera plaisir d'échanger
avec vous dans les prochaines minutes.
Le
Président (M. Simard) : Merci à vous, Mme Poitras. Je cède maintenant
la parole à M. le ministre, qui dispose de 15 min 30 s.
M. Caire : Merci. Bien,
rebonjour, Me Poitras, ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas vus, Me
Desmeules.
D'entrée de jeu, j'aimerais vous entendre parce
que vous avez commencé votre intervention en disant que cette loi-là, si je
vous comprends bien, là, pourrait représenter un problème au niveau du secret
professionnel et du droit à la vie privée,
et ça pourrait même avoir pour conséquence de rendre insécures soit les
patients soit les médecins. Puis je vous avoue, là, très candidement que
la FMSQ avait sensiblement le même discours quant à l'enregistrement des
informations dans une banque de données. Qu'est-ce qu'il y a dans la loi qui
vous amène à cette interprétation-là ou qu'est-ce qu'il manque à la loi qui
fait que vous en arrivez à cette conclusion-là?
Mme Poitras (Diane) : Oui, en fait, il y a plusieurs exceptions, tant le secret
professionnel, qui prévoit, dans le fond, la confidentialité des informations
avec le professionnel que je consulte et non l'ensemble des professionnels ou
des intervenants, que la protection des renseignements personnels, qui vise à
protéger un espace privé ou intime, les deux prévoient, au fond, que je peux
consentir et décider si j'accepte de partager ou non. Le projet de loi prévoit
plusieurs exceptions, vous en conviendrez, pour lesquelles ce n'est pas
nécessaire de demander mon consentement manifeste et... bon, bien que, comme je
l'ai mentionné, et que c'est indiqué au projet de loi, on convient que, dans
certaines situations, il y a un consentement implicite, qui semble faire
consensus, comme par exemple la circulation des informations autour de l'équipe
de soins. Les dispositions telles qu'elles sont rédigées vont... ne mettent pas
la balise ou ne mettent pas le curseur au
bon endroit. C'est comme ça que je le dirais. Et il y a plusieurs exceptions où
on parle... quand c'est à l'extérieur du système de soins de santé et de
services sociaux, pour lesquelles on s'interroge, bref, c'est toutes ces
exceptions au contrôle ou au consentement manifeste du citoyen qui est
susceptible de poser ce problème d'atteinte, dans le fond, au secret
professionnel ou au droit à la vie privée.
M. Caire : Je
vous entends. Je vais poser ma question différemment. Les exceptions dont on
parle sont souvent... ont souvent
découlé de la loi n° 25, qui prévoit aussi des exceptions où on peut
transmettre un renseignement personnel sans
le consentement, notamment lorsque c'est manifestement dans l'intérêt, bon,
du... bon, dans le cas de la loi n° 25, c'est du citoyen, dans le cas de la loi n° 3, c'est le patient, mais il y a aussi cette balise, puis je veux vous
entendre là-dessus parce que je me... est-ce que ce n'est pas
suffisamment fort ou est-ce que ce n'est pas suffisamment compris, je ne le
sais pas, où on dit qu'on donne accès à un renseignement lorsque c'est requis
pour une prestation de services. Ce n'est pas comme ça que la loi le libelle,
je vous l'accorde. Et donc il ne peut être question d'avoir accès à un renseignement de santé si la prestation de
services à donner ne nécessite pas l'accès à ce renseignement-là, d'une part.
Et, d'autre part, et vous l'avez souligné, je le dis, le citoyen peut refuser
le fait qu'on transmette ses renseignements de santé. Alors, il peut se
prévaloir d'un «opting out», là, ce qu'on appelé l'«opting out», pour soit un
professionnel de la santé ou certains types de recherches. Donc, il y a cette
possibilité-là pour le citoyen de refuser son consentement. Ces balises, cet
ensemble de balises là, ne vous semblent pas suffisantes?
Mme Poitras (Diane) : Non, en effet. Peut-être pour y aller concrètement, là, si
on prend l'espèce de consentement implicite, c'était le principe, dans la loi
sur le partage des renseignements de santé, qu'on avait mis, mais il y avait
quand même des domaines et des informations limités qui étaient dans le Dossier
santé Québec, puis c'était divisé par domaine, ce qui... et on pouvait, donc,
gérer l'accès et bloquer l'accès à certains professionnels pour lesquels
c'était évident. Pourquoi un dentiste aurait accès à mon dossier chez mon
psychologue? Ça me semble assez évident. Vous allez me dire : Oui, mais la
loi, elle le dit, ce n'est pas nécessaire à l'exercice de ces soins.
La question qu'on se pose, c'est comment on
va empêcher... comment va être dessiné le système s'il n'y a pas une autre balise que celle-là, ce qui est...
ce qu'on voit, là, dans la loi sur l'accès ou la loi sur... Dans la loi sur
l'accès, entre autres, on parlait d'avoir qualité pour recevoir
l'information, de le faire dans l'exercice de ses fonctions, seulement quand
c'est nécessaire, puis d'être dans une catégorie de personnes... Bref, il y
avait comme trois niveaux de balises. Je vais simplifier. Il y avait trois
niveaux de balises. Là, on en garde une, et ce n'est pas juste pour l'accès à
l'intérieur du même organisme, c'est dans l'ensemble du réseau.
Alors, pour
nous, c'est... Comment on va faire, par exemple, pour mettre la loi du moindre
privilège? Comment on va déterminer... Qu'est-ce qui nous assure qu'on
va empêcher certains professionnels ou certains intervenants, devrais-je dire,
qui n'ont pas besoin d'avoir accès aux dossiers de... C'est clair qu'ils n'ont
pas besoin d'avoir accès à ces informations-là. Ça, pour moi... pour nous, ce
n'est pas clair dans le projet de loi.
M. Caire : Je trouve ça
intéressant, ce que vous amenez, mais le contexte... Parce que, bon, vous le
savez, là, c'est moi qui a porté la loi n° 64,
la loi n° 25. Est-ce que vous ne pensez pas que
le contexte est différent, dans le sens où
la loi n° 25, c'est une loi générale? Donc, c'est un cadre
général qui parle des renseignements au sens très large du terme, alors
qu'ici on est en train d'établir, et vous l'avez salué, d'ailleurs... on est en
train d'établir un régime particulier parce
qu'on se concentre exclusivement sur les renseignements de santé. Donc, on peut
penser que les intervenants qui ont accès à ces renseignements-là
sont des intervenants du réseau de la santé pour peut-être amener une réflexion
sur est-ce qu'ils ont la qualité pour le recevoir. Donc, dans... Est-ce que
vous ne pensez pas que, dans un régime particulier, on peut penser
effectivement que les individus ont la qualité pour recevoir ces
informations-là, alors que, dans un régime
général, ne sachant pas à qui on s'adresse, ça devient peut-être d'une autre
nature de le préciser?
• (16 heures) •
Mme Poitras
(Diane) : En fait, l'accès... Comme je
l'exprimais, il y a peut-être des centaines de milliers de personnes,
d'intervenants qui vont se qualifier comme intervenants dans le réseau, puis,
je reprends l'exemple, ça va viser... C'est
parce que, souvent, dans les exemples où on va dire : Bien oui, c'est
normal, on va penser aux médecins, à l'examen de laboratoire, ils vont
m'envoyer voir un spécialiste. Bref, trajectoire de soins, cercle de soins, là,
c'est... je pense que ce n'est pas ça qui
est remis en question, mais pourquoi, a priori, on devrait même permettre qu'un
dentiste puisse avoir la possibilité de consulter un dossier de
psychologue?
M. Caire :
Bien, si je peux...
Mme Poitras
(Diane) : Pourquoi mon...
M. Caire :
Je m'excuse, mais je vais vous interrompre parce que je pense que c'est ça, le
coeur de mon questionnement. Comment est-ce
que vous en arrivez à la conclusion que la loi, puis je pose ma question très
candidement, là, le permet dans la mesure où... Je pense que vous venez de situer le contexte, là, on
parle, évidemment, d'une trajectoire de
soins, on parle d'un régime particulier sur les lois de santé, on s'entend
qu'on... les intervenants seront majoritairement membres d'un ordre
professionnel, bon, bien... tout ça, là, mais une fois qu'on a contextualisé
tout ça et que la loi stipule que vous n'avez accès qu'aux seuls renseignements
dont vous avez besoin dans la prestation de services et qu'il y a quand même... puis vous avez posé cette question-là, puis c'est
intéressant, parce qu'il y a le centre de données, oui, mais il y a aussi le gestionnaire de la
donnée qui a, lui, pour mission de s'assurer que les permissions sont allouées
de la bonne façon. Donc, ce contexte-là, ce que j'entends, c'est qu'il ne vous
rassure pas ou vous ne le trouvez pas suffisamment précis.
Mme Poitras
(Diane) : En fait, si la balise est dans
la loi, on est sûr que les règles qui vont en découler et qui vont être gérées par les gestionnaires
opérationnels puis ceux qui vont dessiner les... soit le système national de
dépôt ou soit qu'ils vont voir comment les systèmes actuels peuvent
peut-être être connectés pour qu'on puisse avoir ces informations-là. C'est si
la règle est dans la loi que ça va nous permettre de mettre cette balise.
Quand on posait la
question au ministère de la Santé, on nous a dit : Bien, on compte sur
l'autorégulation et la journalisation des accès. Donc, le citoyen pourra voir
si quelqu'un qu'il pense qui n'avait pas d'affaire à voir son dossier a utilisé l'information. Ça, ce n'est pas
de nature à nous rassurer, là. Ce n'est pas parce qu'on est professionnel,
membre d'un ordre professionnel... Puis il ne faut pas... on ne peut pas
présumer que, parce que j'ai accepté de me confier...
Je vais reprendre l'exemple du psychologue. Hier, on vous a donné des exemples
d'interruption de grossesse, d'agression
sexuelle, etc. Ce n'est pas parce que j'accepte de me confier à mon
professionnel que j'accepte implicitement que tout autre intervenant du
réseau puisse avoir accès à ces informations. Et c'est pour ça que nous, c'est
important que la balise soit dans la loi pour nous assurer que, quand on va
dessiner ce fameux système, quand on va décider de ces droits d'accès, il y ait une balise plus claire qui permet d'éviter
ces situations-là et qu'on se restreigne à ce qu'on peut appeler cercle
de soins, trajectoire de soins.
M. Caire : Bien, si je peux me permettre, vous serez d'accord
avec moi pour dire qu'il faut aussi interpréter... Puis là je comprends,
là... en fait, je ne comprends pas, mais j'entends ce que... ce que vous me
dites par rapport à la réponse du ministère de la Santé et des Services
sociaux, mais le PL n° 3 va quand même
s'inscrire dans la lignée de la loi n° 95. Je sais
que vous n'êtes pas une inconditionnelle de la loi n° 95,
mais il n'en demeure pas moins que les sources
de données officielles devront faire l'objet d'une évaluation des facteurs
relatifs à la vie privée et de règles de gouvernance que vous aurez à
approuver aussi. Donc, le gestionnaire de la donnée numérique de la santé, dans
l'interprétation et dans les accès qu'il pourra octroyer ou non... Et,
là-dessus, je ne sais pas si vous avez entendu l'échange qu'on a eu avec la Commissaire
à la santé, mais le «peut», pour
nous, est très important, parce que, justement, il fait en sorte que le gestionnaire a cette
possibilité-là de dire non à l'accès aux données, selon les règles de
gouvernance que vous approuverez.
Donc, si on trace ce
portrait-là plus large, est-ce que vous ne pensez pas qu'on a quand même la
ceinture et les bretelles, là, au niveau d'un accès qui va se faire par les
professionnels de la santé et pour lequel, effectivement, la journalisation n'est pas la seule mesure mais
est une mesure qui va nous permettre de... Alors, le gestionnaire travaille
en amont puis la journalisation permet le travail en aval. Donc, on a vraiment
une continuité de vérification dans qui a accédé à quoi et pourquoi. Et ça...
vous me dites : Ce n'est pas suffisant, il faudrait qu'on... peut-être
préciser que c'est le professionnel qui... en fait, le statut de qui accède à
la donnée devrait faire partie prenante de la loi.
Mme Poitras
(Diane) : Oui, ou un autre critère. Nous,
on dit juste que le critère qui est actuellement à cette disposition-là, dont
je ne connais pas l'article par coeur, là, mais est insuffisant. Puis on est
prêt à travailler à essayer de trouver un
critère suffisant. Mais, pour moi, la LGGRI à laquelle vous faites référence,
moi, pour moi, le peut-être, là, qui... il n'y a rien qui m'indique que
quelqu'un va être désigné source officielle de données. Et ce n'est pas parce
qu'il y a cette... mais même si c'est le cas, la règle... il reste que c'est
la... c'est la règle qui serait incluse au projet de loi qui va déterminer
comment les accès vont être... vont être accordés. Donc...
M. Caire : Mais,
si je peux me permettre, Me Poitras, là, dans la loi, il est stipulé que
la LGGRI... et le gestionnaire de la donnée numérique gouvernementale a quand
même son mot à dire, là, sur ce qu'il se passe et sur... Donc, ça, ça va être soumis quand même au cadre
qui est prévu par la LGGRI, d'où le fait que je vous dis : Vous allez
devoir... la CAI va... je dis... pas devoir,
excusez, c'est un... vous allez avoir autorité pour valider les règles de
gouvernance, là. Donc, vous aurez, vous, cette autorité-là de
dire : Bien, est-ce que les règles d'accès sont de nature à protéger les
renseignements personnels? C'est pour ça, je vous dis : Est-ce que ça, ce
n'est pas de nature à vous rassurer, dans le fond, là?
Mme Poitras (Diane) : La manière... en fait, la règle... Pour nous, c'est clair
qu'il faut que la règle soit dans la loi. Il
y a un processus à la LGGRI, mais il reste que, si... nous, ça ne nous donne
pas le pouvoir de dire : Non, non, non, ça ne fonctionne pas, les
règles d'accès. On... Si la règle permet... si ce qui est mis en place respecte
la règle, on n'a pas de pouvoir de dire à la commission : Non, vous allez
trop loin, vous ne respectez pas la règle. Et, en fait, quand on regarde
l'essence du commentaire, c'est de dire : Comment présumer... parce que
c'est ça, là, on parle d'un consentement présumé, mais comment présumer qu'il y
a un consentement implicite du citoyen à partager avec l'ensemble des
intervenants, pas juste les professionnels, hein, il y a d'autres intervenants.
Le Président (M. Simard) : Alors,
en conclusion, s'il vous plaît.
M. Caire : Merci. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Mme la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Merci. Merci
pour votre présentation. Merci surtout, là, pour tout le travail que vous avez
investi, là, dans la préparation du mémoire qui est très étoffé, très détaillé.
Est-ce que je vous entends bien, il manque de viande dans la loi, vous avez de
la difficulté à bien saisir toute l'ampleur du changement instauré? Est-ce
qu'on ne devrait pas ramener plus de... plus de détails dans la loi? Puis là je
prends en exemple le système national de dépôt de renseignements à venir, pour
lequel vous semblez manquer d'infos.
Mme Poitras (Diane) : Oui, en effet, c'est un bon exemple. Il y a
peut-être deux éléments essentiels où on trouve qu'il manque de viande, comme
vous dites...
Mme Setlakwe : Je suis désolée.
Vendredi après-midi.
Mme Poitras (Diane) :
...ça va, il y a... pour le système national de dépôt. Alors, évidemment, parmi
les recommandations qu'on fait, le système national de dépôt va jouer un rôle
central. On comprend qu'à terme c'est par là...
en tout cas, si on a bien compris, que c'est par là que vont passer l'ensemble
des communications ou les possibilités pour
les différents intervenants d'avoir accès puis peut-être même certaines autres
communications. Donc, c'est important qu'on ait déjà une idée de
qu'est-ce qu'on exige, de quels sont... Parce que, là, on dit : Le système
doit permettre de, mais il n'y a pas :
Il doit permettre de protéger les renseignements. Il n'y a pas : Il doit
permettre de ne donner accès qu'aux renseignements nécessaires à
l'exercice des fonctions de... Bref, il manque beaucoup de détails pour être en
mesure d'évaluer l'ampleur des enjeux.
Sur l'autre
aspect sur lequel il manque de détails, selon nous, dans le projet de loi... et
j'ai perdu mon idée, alors je vais arrêter là ma question.
• (16 h 10) •
Mme Setlakwe : Ça va vous
revenir, puis vous continuerez, il n'y a pas de souci. J'imagine que vous ne
manquez pas de travail, là, vous, Me Poitras et votre équipe, avec le
statut actuel et les responsabilités qui relèvent de la CAI, en ce moment.
Est-ce que...
Mme Poitras (Diane) : Non, en effet.
Mme Setlakwe : J'aimerais ça
vous entendre sur cette charge additionnelle à venir. Vous allez être... Vous avez été désignés dans le projet de loi comme
étant responsables de la surveillance notamment. Mais est-ce que vous êtes...
je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, là, à quel point
êtes-vous... Quelles sont vos appréhensions, là, spécifiques quant à cet ajout
de charge de travail, sachant que, déjà, par moments, les délais sont dépassés?
Vous avez probablement... Je vais m'arrêter
là puis je vais vous laisser élaborer, je pense, vous avez compris le... vous
avez saisi ma question.
Mme Poitras
(Diane) : En fait, c'est sûr qu'on est au coeur d'une
réforme très importante qui requiert beaucoup de ressources et d'énergie
pour mettre en oeuvre toutes les nouvelles responsabilités qui nous ont été
confiées par la loi n° 25. Et c'est sûr que mettre une autre réforme,
c'est préoccupant, et c'est sûr que c'est quelque chose qui va devoir être
considéré quand va venir le temps d'étudier le budget de la commission.
Mme Setlakwe : Est-ce
que, déjà, vous êtes en mesure de quantifier vos besoins, là, en termes de
main-d'oeuvre ou de budget additionnel?
Mme Poitras
(Diane) : Non, absolument pas, à ce
stade-ci. C'est sûr que, si le projet de loi est adopté, nous le ferons avec toute la rigueur nécessaire, comme
on l'a fait la dernière fois, mais, évidemment, on a... je l'ai déjà indiqué,
là, à la dernière étude des crédits, déjà on
considère ne pas avoir les ressources suffisantes pour être capable d'assurer la
mise en oeuvre de la dernière réforme, soit la loi n° 25.
Alors, voilà. Ce n'est pas qu'on ne veut pas. Tu sais, oui, je pense que la
commission est tout à fait l'organisme désigné pour faire ça, on a déjà la
responsabilité d'assurer la protection des
renseignements personnels des organismes qui sont visés par cette réforme, mais
je pense qu'il faut être réaliste aussi dans les ressources que ça prend
pour que l'organisme de surveillance puisse bien faire son travail.
Mme Setlakwe : Merci. Vous avez
évoqué la question des pénalités. Il n'y a pas assez de mordant?
Mme Poitras (Diane) : Non, en effet... excusez-moi.
Mme Setlakwe : Non, allez-y,
j'aimerais ça vous entendre sur la question des sanctions.
Mme Poitras (Diane) : En effet, ce que je comprends, c'est qu'on a mis à peu près
les sanctions pénales qui étaient dans la loi sur l'accès, alors qu'on a quand
même des organismes du secteur privé. Mais peu importe, si on se compare à
d'autres provinces comme l'Ontario ou la Saskatchewan, je pense, de mémoire, il
y a quand même des pénalités, pour une
organisation, qui peuvent aller jusqu'à 1 million de dollars. On pense
aussi que ce serait tout à fait pertinent de mettre un régime de
sanctions administratives pécuniaires, ne serait-ce que pour certaines
infractions ou certaines contraventions à la
loi, comme c'est le cas en Ontario, c'est tout nouveau, mais c'est quand même
possible. On pense que ça a un caractère dissuasif, la hauteur des pénalités,
et le fait que ce soit une pénalité, ça a un caractère dissuasif.
Malheureusement, moi, quand je regarde les...
les autres provinces ont des statistiques, ça fait plus longtemps qu'ils ont
des lois de cette nature-là dans leur province et ils colligent des
statistiques sur les déclarations d'incidents qui leur sont faits. Moi, je
pense que ça prend un caractère dissuasif. La commissaire ontarienne a fait un
mot sur son blogue il n'y a pas longtemps,
dans lequel on apprend qu'en Ontario 20 % des déclarations d'incidents de
confidentialité qui sont faits, c'est ce qu'elle appelle du «snooping»
en anglais, là, c'est-à-dire que c'est de l'accès par des intervenants qui ont des accès, mais qui y vont par simple
curiosité. Donc, ce n'est pas banal, et ça explique un peu aussi pourquoi
on tient à ce que la règle soit dans la loi par rapport à l'accès aux
intervenants et qu'on diminue la possibilité d'avoir accès à de l'information.
Donc, c'est clair que ces professionnels-là, dans telle région, ou tel type de
professionnels n'auront pas besoin d'avoir accès même en consultation.
Mme Setlakwe : Il y
a beaucoup de... il y a beaucoup d'éléments dans votre mémoire, on va en prendre connaissance en détail, mais, si je vous
demandais, là, tu sais, de résumer le top trois, là, tu sais, de ce qui vous
préoccupe le plus en termes d'éléments manquants en ce moment, ce serait quoi,
manquants, ou à préciser, ou à ajouter dans la loi?
Mme Poitras (Diane) : Le système... plus d'éléments pour le système national de
dépôt, s'assurer qu'on a la balise au bon
endroit pour l'ensemble des communications sans consentement, parce que c'est
vraiment là qu'on écarte le contrôle du citoyen. Le troisième, il serait
temps qu'on... j'hésite entre chercheurs et les pénalités.
Mme Setlakwe : On en aura
quatre alors. Pour les chercheurs...
Mme Poitras (Diane) : Et diminuer les pouvoirs réglementaires pour que ce soit
dans la loi, ce serait quand même assez important aussi, là.
Mme Setlakwe : Est-ce que votre
idée, tout à l'heure, est revenue?
Mme Poitras
(Diane) : Non, malheureusement, par contre, je tiens à
souligner que la LGGRI, dont on a parlé tout à l'heure, ça ne s'applique
pas dans le secteur privé, puis on aura plusieurs organismes du secteur privé.
Des voix : ...
Le Président (M. Simard) : Bien.
À l'ordre, s'il vous plaît. Madame.
Mme Setlakwe : Merci.
Je vous remercie. Pour moi, ça va, on va prendre connaissance en détail de
votre mémoire. Puis juste vous rassurer que nous on accueille
favorablement le concept, là, mais il faut y aller avec... puis ça, ça a été dit d'entrée de jeu, il faut y aller avec...
on n'est pas... il ne faut pas y aller dans la précipitation, il faut quand
même prendre le temps de bien évaluer
les impacts de ce projet de loi vraiment costaud et qui soulève des enjeux
extrêmement importants. Donc, on va
faire le travail, il y a énormément d'informations qui nous ont été livrées
cette semaine, incluant les vôtres. Je vous en remercie.
Le
Président (M. Simard) : Alors, merci à vous, chère collègue. Je cède la
parole au député de Rosemont, qui dispose de 16 min 40 s.
Une voix : ...
Le Président
(M. Simard) : Pardon?
M. Marissal : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Simard) : J'ai
dit combien, moi? 16?
M. Marissal : 16. Qui dit
mieux?
Le Président (M. Simard) : Non,
mais, qui dit mieux, c'est vraiment 6 min 40 s, grâce à...
M. Marissal : 18, 18, six.
Le Président (M. Simard) : Six,
oui.
Des voix : ...
Le Président (M. Simard) : On
peut ajourner, si vous préférez.
M. Marissal : Non,
non, non, vous me faites des fausses joies, comme ça, en fin de journée, ce
n'est pas cool, ce n'est pas cool.
Me Poitras, Me Desmeules, merci. Merci
d'être là. De toute évidence, vous trouvez que ce n'est pas assez clair, qui pourrait être intervenant ou avoir
accès. Vous dites que ça va se faire après par règlement, que ce n'est pas
clair, ça, je suis assez d'accord
avec vous. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois, dans un projet de loi...
dans cette législature, oui, mais,
dans la précédente, on a souvent critiqué la façon de fonctionner par
règlement, là. Ce n'est pas ici qu'on va régler ça aujourd'hui, là,
surtout pas à cette heure-ci, mais vous dites que c'est... c'est mal défini, mais
je comprends que vous pensez qu'il y en a trop. Mettons qu'on les définisse,
là, vous pensez que c'est trop large puis qu'on devrait rétrécir un peu le bec
de l'entonnoir.
Mme Poitras (Diane) : Exactement, c'est pour ça que je prenais l'image du curseur,
là. Le curseur, on pense qu'on a été un petit peu trop vers la communication
puis l'utilisation sans qu'on demande au citoyen s'il est d'accord ou non. Dans
certaines situations, ça va, mais on l'a placé un petit peu trop loin puis on
n'a pas mis les balises au bon endroit, selon nous.
M. Marissal : OK.
Cela dit, ils ne sont pas définis, parce que ce sera fait par règlement, ça
fait qu'on présume, là.
Mme Poitras (Diane) : Bien oui. La seule balise, si on parle des intervenants,
c'est nécessaire pour donner des soins, des services de santé ou services
sociaux, je crois. Mais, comme je l'expliquais, c'est un petit peu large, puis
le nécessaire va pouvoir être défini par règlement. Puis, pour les
intervenants... ça, c'est pour les professionnels; pour les intervenants, c'est
un règlement encore du gouvernement qui va déterminer.
M. Marissal : Certains groupes
avant vous, dans les trois derniers jours, nous ont dit aussi que ça ratissait
beaucoup trop large. Je pense, par exemple, à la Ligue des droits et d'autres,
là. Vous serez indulgente, là, vous êtes le
17e groupe, là, ça se peut que mon disque dur soit plein, là, mais
certains groupes nous ont dit que ça ratissait trop large puis que ça
ouvrait la porte, par exemple, à ce que la police puisse avoir des données, le
DPCP, par exemple. On peut imaginer d'autres corps judiciaires ou quasi
judiciaires. Vous pensez quoi de ça?
Mme Poitras (Diane) : Sûrement qu'il y a des exceptions de... que j'essaie de
penser rapidement, là, qui pourraient être invoquées. Est-ce que... Il faudrait
voir dans quelle situation pour voir si ça correspond aux critères. Mais, effectivement, c'est un des commentaires
qu'on fait. Quand on parle d'avoir accès à des renseignements en dehors de...
pour prodiguer des soins, je pense qu'il faut être encore plus... le mot ne me
vient pas, mais être encore plus prudent et limiter ces situations-là.
Peut-être que, dans certains cas, c'est justifié.
M. Marissal : Plus restrictif,
oui.
Mme Poitras (Diane) : Oui, c'est ça.
M. Marissal : Plus restrictif.
D'accord, je comprends bien. Pouvez-vous... Non, ça, ça va, vous avez couvert. Juste, juste avant vous, vous avez peut-être
entendu, là, je ne veux pas tourner le fer dans la plaie de personne, là, mais
on avait un groupe, là, le Consortium de Santé numérique. Vous avez entendu ou
non? Ah! vous avez manqué quelque chose.
• (16 h 20) •
Mme Poitras (Diane) : Excusez-moi. Non.
M. Marissal : Non, non, mais
ils disaient essentiellement que vous devriez être écartés du... du décor ou,
en tout cas, que vous devriez être le
réceptacle des demandes déjà acceptées par la plus haute autorité désignée.
Autrement dit,
vous êtes une boîte postale, là, si je comprends bien, là, mais, si ce n'est
pas vous, là, mettons, là... Non, je reformule ma question : Est-ce que ça
prend un chien de garde, que ce soit vous ou un autre groupe, là? Est-ce que ça
prend autre... un autre niveau de protection, de sécurité, de
surveillance que la personne en autorité, par exemple, dans un CIUSSS, le DG ou
la DG du CIUSSS?
Mme Poitras (Diane) : Je pense que je sais à quoi ils ont peut-être fait
référence. En fait, notre rôle actuel... Avant, on les autorisait, maintenant,
on ne les autorise plus. Ce qu'on fait, c'est que l'entente nous est envoyée,
et nous, tout ce qu'on fait, c'est qu'on surveille que le processus qui est
prévu par la loi a été respecté. On ne refait pas l'analyse. Mais je vous donne
un exemple. On a reçu dernièrement, depuis l'entrée en vigueur du nouveau
processus, des documents où le processus, à notre avis, n'a pas été conforme.
On dit qu'il faut que ce soit une entente, ce n'est pas une entente qu'on nous
a envoyée. Et on trouvait que l'EFVP... excusez-moi, l'évaluation des facteurs
relatifs à la vie privée, il y avait une ligne. Donc, pour nous, c'est ça
qu'on... on s'assure de la conformité du processus.
La deuxième chose que je vais vous dire, je vous
invite à regarder dans notre mémoire, on convient tout à fait que les organismes qui ont une mission principale
et importante de recherche, on pourrait trouver un processus allégé.
Nous, à la commission, on pourrait regarder si leur processus est conforme,
adopter... approuver le processus qu'ils ont mis en forme, puis les laisser
puis ne plus recevoir... justement, être une boîte postale pour recevoir des
ententes par la suite, mais avoir juste un pouvoir de surveiller le processus,
de l'approuver puis de le surveiller aux trois ans.
M. Marissal : C'est bien. Vous
dites, vous n'autorisez pas, mais vous vérifiez. Puis là, dans le cas que vous
nous donnez, pas besoin de plus de détails que ça, vous levez quand même le
drapeau rouge quand ça ne respecte pas les normes minimales de protection des
renseignements personnels. Donc, vous n'autorisez pas, mais vous flaguez, en
bon français, donc vous avez quand même un rôle de chien de garde, là.
Mme Poitras (Diane) : Oui, on a toujours le pouvoir de surveiller que la loi est
respectée, donc on s'assure que le processus est respecté, mais on ne refait
pas l'analyse de la personne qui a autorisé, là...
M. Marissal : Je comprends.
Mme Poitras (Diane) : ...on regarde juste est-ce qu'elle a fait ce qu'elle avait
à faire.
M. Marissal : Je comprends.
Merci à vous deux. Merci.
Mme Poitras (Diane) : Merci.
Le
Président (M. Simard) : Alors, M. Desmeules, Mme Poitras, merci
pour votre contribution à nos travaux. On espère vous retrouver sous
peu. Sur ce, chers collègues, à nouveau, merci pour la très belle journée et
votre précieuse habituelle collaboration.
Nous allons, donc, ajourner nos travaux. Et on
se retrouve mardi prochain, le 7, à 10 heures.
Au revoir, bon
week-end, et n'oubliez pas que le Carnaval de Québec commence demain soir.
Profitez-en. À bientôt!
(Fin de la séance à 16 h 24)