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Version préliminaire

43rd Legislature, 2nd Session
(début : September 30, 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Thursday, October 9, 2025 - Vol. 48 N° 3

Special consultations and public hearings on Bill 112, An Act to facilitate the trade of goods and the mobility of labour from the other provinces and the territories of Canada


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Journal des débats

14 h (version non révisée)

(Quatorze heures deux minutes)

Le Président (M. Laframboise) : Bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte. Je vous souhaite la bienvenue. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi favorisant le commerce des produits et la mobilité de la main-d'œuvre en provenance des autres provinces et des territoires du Canada.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Mallette (Huntingdon) est remplacée par Mme Hébert (Saint-François), M. Beauchemin (Marguerite-Bourgeoys), par Mme McGraw (Notre-Dame-de-Grâce).

Le Président (M. Laframboise) : Merci, M. le secrétaire. Cet après-midi, nous entendrons les témoins suivants : le Commissaire à l'admission aux professions, Me Geneviève Parent, professeure titulaire à la Faculté de droit de l'Université Laval et la Confédération des syndicats nationaux.

Je souhaite donc la bienvenue au commissaire à l'administration des professions. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.

M. Gariépy (André) : Merci, M. le Président. Merci de m'accueillir aujourd'hui pour ce projet de loi qui est quand même assez important pour le Québec. Je veux saluer le ministre et le féliciter pour sa récente nomination. Mais vous me pardonnerez, M. le ministre, mais je mentionnerai aussi... je ferai des salutations particulières à la députée de Notre-Dame-de-Grâce, puisque je suis un citoyen de sa circonscription.

M. Poulin : ...

M. Gariépy (André) : Alors, voilà. J'ai vu son visage sur plusieurs pancartes pendant plusieurs semaines, il y a quelque temps. Alors, voilà. Et vous êtes ressemblante, ça va.

Alors, M. le Président, je suis André Gariépy. Je suis le Commissaire à l'admission aux professions, qui est une émanation de la... «une émanation»... une suite aux recommandations de la commission Bouchard-Taylor, imaginez-vous. Il s'est... Il s'est dit bien des choses dans Bouchard-Taylor, mais on n'a pas vu qu'il y avait cette recommandation d'avoir un surveillant spécialisé et totalement indépendant qui va regarder ce que font les ordres professionnels en matière d'admission et qui offre un recours en plainte aux individus. Alors, M. le ministre, la personne pour laquelle vous aviez eu une discussion autour de son diplôme à Toronto... et je le souligne à tous les députés, puisque je vous écris à chaque fois que vous êtes... il y a une nouvelle législature, ne vous embêtez pas avec ces dossiers-là, envoyez-les-nous. Nous savons ce qu'il en retourne. Nous pouvons distinguer le vrai, le faux, le scandale ou la bonne chose qui a été faite. Et ça me fera plaisir, M. le ministre, si vous êtes encore en communication avec cette personne, de la diriger vers nos services, et nous regarderons son dossier...

M. Gariépy (André) : ...comme nous le faisons pour tous les autres. Ne vous embêtez pas. Des fois, les cas de comté, ça peut être difficile. Quand vous avez un recours, utilisez-le, surtout un recours spécialisé qui a fait ses preuves depuis maintenant une bonne décennie.

Alors, parlant de cette bonne décennie et en passant, vous aurez noté sur le mémoire qu'il y a quand même une mention de l'Office des professions, il a été décidé pour des questions financières, j'imagine, parce que les dépenses de l'Office des professions sont payées à partir d'une cotisation des 400 quelque mille professionnels québécois que le commissaire allait être rattaché administrativement à l'Office des professions. Mais le commissaire exerce ses fonctions de façon indépendante. Il porte même un regard critique sur l'action de l'office, sur tous les ministères, les organismes, les entités et même les milieux de pratiques qui ont un rôle à jouer dans le processus de formation et d'admission des professionnels à nos... à notre cinquantaine de professions réglementées par le Code des professions. Donc, le commissaire est indépendant, et indépendant au point que, quand je parle, je ne parle pas au nom de l'office ni même du gouvernement. Et c'est bien ainsi, parce que c'est ce que voulait la commission Bouchard-Taylor pour éclairer. Parce qu'il y avait beaucoup trop de flou dans ces choses-là, et on ne savait pas à qui se fier.

Petite histoire. Ma première plainte a été le 14 septembre 2010. C'était quelqu'un venant de la Colombie-Britannique qui avait son permis de sa profession en Colombie-Britannique et qui voulait exercer au Québec. L'ordre professionnel, quelqu'un à cet ordre professionnel, que je ne nommerai pas, a comme mal qualifié le dossier et l'a envoyé par le processus d'équivalence. Peut-être que la personne n'était pas tout à fait au courant de bien des choses concernant la... Alors, la personne se plaint à nous. Et j'appelle le DG. Je n'avais même pas de bureau, ni de crayon, ni d'ordinateur, imaginez-vous, on m'a envoyé ça par messager à un moment donné parce qu'on venait tout juste de créer le poste. Alors, j'ai téléphoné au directeur général de l'ordre et je lui ai demandé : Qu'est ce que c'est? Et il regarde le dossier. Il dit : Bien, voyons donc, c'est de la..., ça. Tu vas me régler ça en combien de temps? J'ai dit : Je pourrais le faire en cinq minutes si elle m'appelle? Mais il faut que je passe par un comité, ça va prendre cinq jours. La dame maintenant est vice-présidente de cet ordre professionnel.

M. le ministre, vous avez travaillé auprès des migrants au centre jeunesse emploi, carrefour jeunesse-emploi. Vous savez. Vous savez ce que c'est. Excusez-moi, M. le Président, de m'adresser au ministre, mais il sait ce que c'est, de voir le malheur, mais aussi le sourire. Excusez-moi, j'ai été très ému de cette conversation. Et pourtant ça date maintenant d'il y a... il y a 15 ans, parce que cette personne avait tout laissé de la Colombie-Britannique. Elle était avec son jeune fils, elle avait un emploi et tout, et tout, mais elle ne pouvait pas exercer du fait de ce blocage qui était tout à fait injustifié, une bêtise bureaucratique de quelqu'un qui avait été mal formé à regarder ce type de dossiers là. Ça peut arriver. Et c'est pour ça que nous sommes là. Et ça a été la première émotion que j'ai eue comme commissaire. On aide du vrai monde. C'est sûr qu'on aide le Québec parce que ces gens-là contribuent. On aide du vrai monde. Il faut garder toujours ça à l'esprit et c'est ce que mon équipe a toujours à l'esprit.

Autre élément de... anecdotique. En 2017, je suis convié par le gouvernement fédéral au ministère des Affaires, bien des Affaires mondiales, comme ils appellent, pour participer à leur pool de conseillers techniques en vue de renégocier l'ALÉNA à l'époque du premier mandat de Trump. Pas facile. Et la première réunion que j'ai avec eux, parce qu'on parlait... Mon propos était... La raison pour laquelle ils m'invitaient, c'était de parler des dispositions de l'ALÉNA concernant la mobilité et la reconnaissance professionnelle. La première question qu'ils me posent : Qu'est ce qu'on peut faire de mieux? Qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer l'ALÉNA? Et je leur ai dit... J'ai dit : Écoutez, ça fait une vingtaine d'années que vous avez adopté ça. La première chose à faire, c'est peut-être de l'appliquer parce que ce chapitre-là n'a jamais été appliqué. On a eu des énoncés, des évocations dans deux rapports successifs de suivi de l'ALÉNA sur la reconnaissance de la mobilité. Rien, vraiment, ne s'est fait. Il y a eu une entente de reconnaissance mutuelle des comptables qui tient toujours. C'est la seule qui a émané de cet ALÉNA de 1995, la seule en 20 ans. Pourquoi? Parce qu'un accord de commerce, ça s'anime. Il faut démontrer de l'intérêt. Il faut activer les partenaires qui sont responsables d'une partie de sa mise en œuvre. Les ingénieurs ont eu un arrangement de reconnaissance mutuelle avec les États-Unis. Toutes les provinces canadiennes sont dans le lot, et seulement l'État du Texas a embarqué. Plus d'animation. Rien. J'ai participé à l'époque parce que j'étais... Je débutais ma carrière comme conseiller juridique à l'Ordre des psychologues. J'ai participé...

M. Gariépy (André) : ...des discussions tripartites Mexique, États-Unis, Canada sur une entente de mobilité. Il y avait certaines difficultés. Bon, j'ai quitté l'Ordre des psychologues à un moment donné, bon, pour de très bonnes raisons, mais j'ai reparlé aux gens de la communauté des psychologues de l'Amérique du Nord, à qui j'ai donné une conférence il y a quelques mois, et je leur ai posé la question : Qu'en est-il... Qu'est-il arrivé de cette affaire-là? Ah! On va le... on va le reprendre, on va reprendre les discussions. C'est parce que là, on est quand même pas mal d'années plus tard, des décennies.

• (14 h 10) •

La raison pourquoi je vous dis ça, c'est parce qu'il faut regarder l'humain derrière ça. Il faut regarder aussi l'erreur humaine, la bêtise quelquefois bureaucratique. Les organisations subissent des situations, ne sont pas à leur meilleur, à leur niveau. Il y a... un accord de commerce, ça s'anime. Et la raison pour laquelle je vous dis ça, c'est parce que c'est peut-être le diagnostic qu'il faut poser concernant l'ALEC. Le diagnostic, je le pose un peu pour le Québec, bien entendu. Quand je vois le rapport que je vous ai... que j'ai produit au mois de mai dernier, je me dis : Oh là, là! On a... Il y a des choses qui ont été... qui ont été comme abandonnées ou pas suffisamment animées.

J'ai des ordres professionnels qui nous ont dit qu'ils n'étaient même pas au courant du chapitre sept de l'ALEC. Alors qu'ils avaient un processus de reconnaissance permis sur permis avec le reste du Canada. Pourquoi? Parce que dans la succession des gens au sein d'une organisation, la transmission ne s'est pas faite. Alors, est-ce qu'on va disqualifier ces organisations d'avoir vécu le facteur humain dans toute organisation? Non. Par contre, il faut se resserrer... resserrer comme entité gouvernementale pour reprendre le flambeau, avoir un message clair : animer, soutenir, conseiller et s'assurer que les choses vont aboutir.

Alors, on sait qu'il y a beaucoup de choses qui se passent depuis la venue de M. Trump, mais c'est, franchement, après la pandémie, que les choses ont commencé à bouillonner au Canada. En 2021, il y a un intérêt grandissant sur les délais de traitement. Le premier ministre Jason Kenney avec... de l'Alberta avec tambours et trompettes, adopte un projet de loi pour dire : Les ordres professionnels, ça va être 30 jours pour donner une décision, puis 10 jours pour un accusé de réception. Il fait... Là, il claironnait là-dessus. Mieux que ça, il a envoyé une lettre à tous ses homologues, premiers ministres provinciaux, pour dire : Faites au moins ce que je fais. Alors, c'était de la bravade, c'était de la... Alors, je me dis : Oh là là! Là, ça commence, là.

Alors, ce que nous avons fait, je me dis : Qu'est-ce qui se passe dans les ordres professionnels? Nous avons mené... mon équipe et moi, avons mené une enquête avant même ce que l'on discute et les derniers mois, là, d'agitation autour de la venue de M. Trump. Nous avons mené une enquête sur les délais de traitement des demandes de l'ALEC. Et ce qu'on s'est aperçu...à

Le Président (M. Laframboise) : 20 secondes, monsieur... Me Gariépy.

M. Gariépy (André) : Oui. Ce qu'on s'est aperçu, c'est que la majorité, la très grande majorité des ordres professionnels traitaient les demandes en dedans de 30 jours, qui, en passant, est le nouveau standard et même la majorité en deçà de 15 jours. OK. Alors, par la suite, on a vu d'autres sujets bouillonner dans les différentes provinces. Et là je me suis dit : Que se passe-t-il au Québec? Alors, en 2024 et 2025, donc, il y a quelque temps déjà, bien, nous avons mené d'autres enquêtes sur les pratiques des ordres, et on a rafraîchi la situation des délais qui est demeurée la même, donc sensiblement très bonne.

Nous avons mené aussi l'enquête sur le... sur les frais facturés pour les candidats de l'ALEC, de même que sur les exigences et les processus administratifs. Le rapport du 5 mai dernier vous donne la réalité de tous ces enjeux. On fait dire des choses à nos travaux. J'ai vu d'ailleurs même qu'un intervenant a mentionné une recommandation que j'aurais formulée à l'Office des professions, que nous n'avons pas formulée. Il y a du vocabulaire qui nous est attribué qui donne un ton dramatique et que notre enquête ne justifie pas. Mais quand même il y a même le CIQ qui dit que... qui suggère que tout va bien alors qu'il reste quand même du travail à faire.

Et ce qui a été bien pour les frais et les... et les délais de traitement, c'est qu'en deux mois, depuis notre rapport du 5 mai dernier, mon équipe, deux personnes de mon équipe... et j'ai dû intervenir à quelques reprises pour couvrir le terrain, nous avons réglé les enjeux entourant les délais de traitement résiduaires de quelques ordres qui avaient pour toutes sortes de raisons, des délais de traitement, Plus que 30 jours, et nous avons réglé l'enjeu de similarité et d'équité dans les frais chargés entre quelqu'un qui vient du reste du Canada et quelqu'un qui vient du Québec.

Alors, dans ce dossier, il est préférable de s'en tenir aux faits et non aux préférences, aux intérêts, aux idées préconçues, voire aux postures idéologiques des uns et des autres. C'est la mission délicate puis essentielle du commissaire de vous fournir ce regard spécialisé...

M. Gariépy (André) : ...indépendant et sans complaisance. Tout ça pour éclairer les protagonistes du dossier et, maintenant, bien là, les parlementaires. Et les mesures qu'on serait appelés à prendre pour faire du Québec une terre exemplaire en matière de mobilité. Nos travaux apportent ces faits dans leur réalité d'aujourd'hui, leur ampleur et leur impact.

Il faut voir notre rapport comme un outil pédagogique, je l'ai rédigé comme tel, pour faire le tour de la question. Que personne ne puisse dire «je ne le savais pas». Tout est là, dans ce rapport du 5 mai, et les 12 recommandations que comporte ce rapport, il faut le lire comme un plan de match pour être exemplaire en matière de mobilité interprovinciale pour des professions réglementées. Et c'est un plan de match pour tous : les ordres professionnels, l'Office des professions, le ministère de l'Emploi et la coordonnatrice à la mobilité de la main-d'œuvre qui a un rôle à jouer, qui lui est attribué par le Forum des ministres du marché du travail.

Alors, bien que... bien qu'on a eu du succès, là, à régler des enjeux évidents et un peu un peu bêtes quelques fois des frais facturés puis des délais de traitement, il reste beaucoup de travail. Et ce travail devra se faire ensemble. Les rôles complémentaires interdépendants des entités que je vous ai mentionnées, ils sont là. Puis il faut faire émerger certains... de défis organisationnels, j'en conviens, il faut s'affranchir des déceptions du passé, s'investir, accorder de la compétence et de la légitimité à l'autre et faire sa part pour l'objectif commun. Le commissaire, comme c'est son rôle, et qu'il l'a déjà fait auprès des acteurs en question, sera au rendez-vous pour, au besoin éclairer, conseiller et interpeler.

Je vous remercie et je suis disponible pour les questions des parlementaires.

Le Président (M. Laframboise) : Parfait! Me Gariépy. Donc, M. le ministre... Donc, je vous remercie. Et nous allons maintenant commencer la période d'échanges, M. le ministre, vous avez laissé donc 3 min 30 s de votre temps à Me Gariépy, donc il vous reste 12 min 59 s, M. le ministre et député de Beauce-Sud.

M. Poulin : Oui, la fonction la plus importante. Vous avez raison. Merci beaucoup. M. le Président. Bonjour, M. Gariépy. Merci d'avoir participé à nos travaux. Merci de votre mémoire costaud que vous avez déposé en mai dernier, si je comprends bien. Alors, ça démontre la passion que vous avez sur ces enjeux-là.

Je suis allé relire Bouchard-Taylor à l'époque pour bien comprendre d'où on partait lors de la fondation de votre organisation. Je suis à la page 225 de rapport... du rapport Bouchard-Taylor sur le chapitre de l'insertion professionnelle. «Plusieurs études ont montré qu'une partie de la population immigrante éprouve la difficulté à trouver des emplois de qualité à la hauteur de la compétence et de l'expérience acquise. Parmi les facteurs explicatifs, on mentionne le délai d'adaptation, une résistance à reconnaître la formation et l'expérience acquise à l'étranger — entre parenthèses, nous y reviendrons — un problème de langue, les conditions trop sévères régissant d'accès aux métiers et aux professions réglementées, des profils de compétences qui ne correspondent pas aux besoins des employeurs, la concentration excessive des nouveaux arrivants dans la région de Montréal, la précarisation générale de l'emploi, la faiblesse des réseaux sociaux chez les immigrants, les barrières culturelles à l'embauche et enfin les pratiques discriminatoires qui... surtout à l'endroit des groupes racisés — on parlait de certains pays à l'époque». Et on va lire un peu plus loin, où Thomas Mulcair qui a été à l'Office des professions du Québec, dans son mémoire à Bouchard-Taylor, dénonçait à l'époque les ordres professionnels.

Alors, votre organisation a été un chapeau, a été mise en place comme étant un chapeau pour, comme vous l'avez dit d'entrée de jeu, dénouer des nœuds au niveau des ordres professionnels. En quoi le projet de loi que nous présentons aujourd'hui, sous sa mouture, projet loi n° 112, va nous permettre de dénouer les nœuds qui étaient la raison d'être même de votre organisation?

M. Gariépy (André) : Alors, premièrement, le commissaire n'est pas impliqué dans les décisions, ni dans les opérations, ni dans le processus réglementaire, c'est un surveillant, un gardien du sens qui n'est pas dans les opérations. Donc, c'est sûr que... et il est bien dit dans le Code des professions, que le commissaire n'a pas compétence sur les décisions. Donc, je ne peux pas arriver, là, puis dire «bien là, tu fais ça de telle façon, telle façon. Par contre, il n'y en a pas un qui a résisté à implanter les recommandations que nous avons formulées. Bon il y en a un qui a résisté, mais, bon, il a cédé pour toutes sortes de raisons, notamment juridiques, et il était sous tutelle, alors, imaginez-vous, ça n'a pas aidé pour eux. Alors donc, oui, ce qu'il faut dire, c'est qu'au moment de Bouchard-Taylor il y a aussi un autre rapport qui est arrivé à la même époque, qui est le rapport... et qui est le rapport du groupe de travail sur l'intégration des personnes immigrantes aux œuvres professionnelles. Il y avait dans ce rapport des recommandations assez complètes et qui ont été mises en place dans les années qui ont suivi. L'arrivée du...

M. Gariépy (André) : ...bien entendu, a fait en sorte qu'on s'assure qu'il y a un gardien du sens spécialisé là-dessus pour rappeler qui les ordres, qui l'office, qui même l'OQLF, qui même le ministère de l'Immigration, qui même le ministère de l'Emploi à une espèce de convergence puis une meilleure efficacité pour atteindre des objectifs et une meilleure équité pour les personnes qui veulent exercer leurs professions. Alors, le commissaire, ça a été une façon de mettre l'enjeu sur le haut de la pile ou, en tout cas... d'une égale pile que les autres.

• (14 h 20) •

Et votre projet de loi, ce qu'il amène, c'est qu'au fond vous rendez explicite ce qui était implicite. Il y a déjà des mécanismes dans le système professionnel, dans le Code des professions, pour mettre en œuvre une entente gouvernementale ou mettre en œuvre le parcours permis sur permis. D'ailleurs, je pense que c'est la seule législation dans les différents domaines qui a ce point précis d'avoir un parcours légiféré avec un règlement qu'approuvent les autorités publiques pour aménager ce parcours simplifié. Alors... Et nous, nous surveillons ça, nous surveillons ces parcours-là. Et, au fond, votre projet loi, il rend explicite le message gouvernemental pour dire : Si vous n'aviez pas compris que c'était un engagement politique parce qu'on a signé la lettre, vous allez maintenant comprendre que c'est une obligation juridique.

M. Poulin : Oui. Eh bien, votre lecture, elle est bonne. Puis on a un article, quand même, l'article 12, qui vient également donner des outils importants, et je vais vous le lire dans les prochaines secondes : «Le gouvernement peut, à la place du conseil d'administration d'un ordre professionnel et s'il l'estime nécessaire pour se conformer à ses engagements intergouvernementaux, prendre un règlement en application du paragraphe du premier alinéa à l'article 94 du Code des professions ou modifier un tel règlement.» Alors, cet article 12 là vient enchâsser également dans la loi cette possibilité légale, juridique de pouvoir, d'une certaine façon, avoir un leadership sur un ordre professionnel.

M. Gariépy (André) : Bien, moi, je vais vous dire, ce que vous... ce que vous avez mis là dans l'article 12, premièrement, il existe déjà dans le Code des professions, mais il n'est pas tout à fait applicable pour une question conceptuelle et technique, là, et, écoutez, je vous fais grâce de ça. Il n'est pas applicable au règlement...

M. Poulin : Faites-moi-z-en pas en grâce. Dites-moi donc pourquoi l'article 12 est meilleur que ce que vous venez de me dire.

M. Gariépy (André) : Parce que, dans le Code des professions, la capacité de... supplétive pour que le gouvernement adopte à la place d'un ordre professionnel un règlement, il n'est... ce n'était applicable que pour les règlements d'adoption obligatoire comme les règlements d'équivalence, et tout, et tout. Et, comme il est possible que certaines professions n'existent pas dans d'autres provinces, on ne peut pas forcer à un ordre professionnel d'adopter un règlement alors que la profession n'est pas réglementée ailleurs. Alors donc, par le fait que c'est un règlement facultatif, un légiste quelque part... je suis désolé pour les légistes dans la salle, mais un légiste... il est à sa retraite, là, alors, un légiste quelque part, puis on parle des années, peut-être, 80... 70, 80, là, donc il est peut-être mort, même, tant mieux pour nous, mais... alors un légiste s'est dit : Bien, comme c'est d'adoption facultative, on ne peut pas mettre un pouvoir péremptoire du gouvernement de le faire à la place de l'ordre. Moi, ça fait plusieurs... une dizaine d'années que je critique cette affaire-là. Alors, ce que...

M. Poulin : ...est bon. Donc, l'article 12...

M. Gariépy (André) : Bien, l'article 12, je l'ai souhaité.

M. Poulin : Parce qu'il y a une clarté, il y a une clarté dans l'article 12, quand même.

M. Gariépy (André) : Oui, mais je le souhaite pour tous les autres règlements d'adoption facultative, M. le ministre. Il faudrait mettre ça dans le Code des professions puis que ce soit pour tous les règlements. Je l'ai demandé il y a une dizaine d'années, mais là arrivent des réformes du Code des professions, on change les pharmaciens, on change ci, on change ça, puis là arrive ce petit point technique : Ah! on n'a pas le temps d'analyser ça. Bien, voilà, là, vous le faites, mais tant qu'à... tant qu'à y être, faites-le donc pour tous les règlements.

M. Poulin : Excellent! Monsieur, je... Gariépy, je veux absolument vous entendre sur la page 22 de votre mémoire, sur le français, parce qu'on a entendu beaucoup de choses depuis le début de nos travaux. Deuxième paragraphe, vous dites : «Une impression erronée circule voulant que la Charte de la langue française constitue un obstacle à l'établissement des professionnels des autres provinces et à leur admission aux professions réglementées au Québec. Or, cela est faux. Il est désolant qu'on alimente ainsi les préjugés sur le Québec et sa spécificité, avec le possible effet de fausser la perspective d'une personne quant à un projet de s'établir et d'exercer sa profession au Québec.» Et je suis convaincu, la députée de Notre-Dame-de-Grâce, on se rejoint là-dessus, parce que tous les deux, on a intérêt à partager le fait français puis on veut promouvoir la langue française, mais on ne veut pas que ça empêche des gens de venir faire leurs carrières professionnelles au Québec si jamais ils le souhaitent. Pouvez-vous nous expliquer l'esprit de ce que vous avez rédigé?

M. Gariépy (André) : C'est que les ordres professionnels ne se sont pas aidés, n'ont pas aidé le Québec à certains égards, et d'autres aussi qui exposent ces questions-là. On dit : Bien, il faut savoir le français pour exercer une profession...

M. Gariépy (André) : ...il faut connaître le français, une connaissance appropriée, c'est un peu trop court, ça, là, là. Ce que ça veut dire, ce que les gens comprennent, c'est qu'avant même d'avoir ton permis il va falloir que tu... quelque permis que ce soit, il va falloir prouver que tu as la connaissance du français. Or, c'est faux, M. le ministre, depuis même avant la Charte de la langue française. La première loi qui a traité des obligations de connaissance appropriée de la langue française pour les professions réglementées, elle date de la fin des années 60 ou peut-être début des années 70, là. Il faudrait que je vérifie. Ça a été un accord unanime des partis. Et j'ai vu même des députés plus d'ascendance anglophone ou de la communauté anglophone être tout à fait d'accord avec ça. Il faut lire les transcriptions de commissions parlementaires, c'est assez incroyable, le consensus. Ça a été reconduit dans la Charte de la langue française. Et, ce que dit la Charte de la langue française, c'est que vous devez connaître le français pour exercer une profession, mais si vous ne le connaissez pas dès votre demande d'admission et si vous satisfaisez à toutes les exigences de fond pour avoir ce permis, la compétence, l'expérience, et tout, et tout, on va quand même vous donner un permis tout de suite, et vous avez jusqu'à quatre ans pour démontrer votre connaissance de la langue française en réussissant l'examen de l'OQLF. Donc, quand on dit : Il faut connaître le français pour exercer, on oublie de dire que, si vous ne le savez pas dès le début, ce n'est pas grave, vous avez jusqu'à quatre ans pour l'apprendre. Et, ça, c'est une mesure d'intégration puis de facilitation. Quand on ne le dit pas, on se fait critiquer.

Moi, j'ai beaucoup réagi quand j'ai vu des choses autour de la mobilité interprovinciale, de nous critiquer. Quand j'entends des gens qui viennent devant vous pour dire : Oui, mais on comprend l'intention, mais, mais, je n'aime pas le «mais» qui se passe et qui se dit. Il y a derrière ça des petits coups de sape. Alors que le Québec, pour ce qui est des professions réglementées, il a la flexibilité, l'humanité de dire à quelqu'un :Tu ne sais pas le français, tu as jusqu'à quatre ans pour l'apprendre et c'est... et tu vas avoir ton permis tout de suite, regardez ce qui se passe dans le reste du Canada. Il n'y a pas de Charte de la langue française dans le reste du Canada parce que... Puis, c'est tellement facile de viser une loi qui crée une contrainte comme ça, et on se le fait servir souvent. Mais, dans le reste du Canada, il y a les mêmes exigences pour la connaissance de l'anglais. Et on l'exige avant de délivrer tout permis que ce soit. Mon homologue commissaire à l'équité au Manitoba s'est battu pendant des années contre l'Ordre des infirmières du Manitoba, qui avait des niveaux d'exigence d'anglais beaucoup trop élevés pour la réalité de la pratique. Ça devenait un obstacle. Alors, moi, quand je me fais servir des critiques comme ça du Canada, des provinces canadiennes, je dis : Un instant, moi, j'ai peut-être le désavantage d'avoir une loi qui rend visible l'enjeu et qui me soumet aux critiques, mais vous n'êtes pas mieux, vous êtes pires.

M. Poulin : Non. C'est ça. Il reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Laframboise) : Une minute 53 s.

M. Poulin : OK. Très, très, très rapidement. Page huit de votre mémoire, vous dites : «Les constats tirés des données recueillies montrent que la grande majorité des ordrees traite les dossiers complets du parcours de la mobilité interprovinciale dans un délai moyen de 30 jours ou moins, la majorité en moins de 15 jours.» Et là, encore une fois, peut-être que c'est une légende urbaine mais plusieurs cas sont portés à notre attention. On nous dit : C'est long, les ordres, c'est long puis c'est long! Vous nous dites que ce n'est pas le cas?

M. Gariépy (André) : Bien, ça dépend ce qu'on met dans le calcul. Si, ah, bien là, moi, j'ai mis... Parce que des ordres nous ont répondu un peu par-dessus la jambe : Ah bien, ça prend trois mois. Un instant! Trois mois! Comment ça se fait que ça prend trois mois? C'est supposé d'être automatique ça, là, là. Il y a... de papier, et tout, et tout. Ah bien, il faut que la personne fasse la mesure de compensation, qui est par ailleurs justifiée par des exceptions de la... là, mais là, tu n'inclus pas ça. La norme que les premiers ministres ont adoptée en juin dernier, c'était les dossiers complets. Quand le dossier complet, c'est-à-dire que la personne a tout fait ce qu'elle avait à faire, combien ça prend de temps. Et c'est même la norme de toutes les législations provinciales, qui, en passant, se sont copiées l'une l'autre depuis Jason Kenny, là, en Alberta, alors c'est le dossier complet.

Alors, moi, j'ai fait réaliser aux ordres professionnels que je demandais le dossier complet, pas toute la démarche, parce que, c'est sûr, toute la démarche, si tu as des mesures de compensation, des cours, des examens, le temps file un peu. D'ailleurs, ce temps, il faut toujours le réduire, en passant, peu importe, là.

M. Poulin : Non. Puis, souvent, c'est même le demandeur... il ne sait même pas si son dossier est complet, par moments, fait un dépôt, et là... C'est ça. Dans plein de demandes qui sont faites au gouvernement du Québec, on n'est jamais capables de savoir si notre dossier est complet par analyse. Je veux vous remercier, M. Gariépy. Je suis allé voir votre LinkedIn, parcours très, très chargé. Tout à l'heure, on a fait des blagues sur la retraite. Vous, ce n'est pas pour tout de suite?

M. Gariépy (André) : J'ai-tu l'air d'un gars qui va... qui va aller à la retraite?

M. Poulin : Non. C'est ce que j'en ai compris.

• (14 h 30) •

M. Gariépy (André) : J'ai-tu de l'air d'un gars fini dont on a extrait tout le jus?

M. Poulin : Non! Bien, des fois, on n'a pas besoin d'être finis pour notre retraite.

M. Gariépy (André) : Merci.

M. Poulin : Mais merci pour votre passion. C'est ce que je voulais dire.

Le Président (M. Laframboise) : Merci.

M. Gariépy (André) : Très bien. Merci.

Le Président (M. Laframboise) : Merci...


 
 

14 h 30 (version non révisée)

Le Président (M. Laframboise) : ...M. le ministre. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce pour 16 min 30 s.

Mme McGraw : Merci, M. le Président. Je ne sais pas si le ministre avait d'autres questions, parce que vous avez généreusement partagé votre temps avec mon concitoyen. Donc, vous allez reprendre...

M. Poulin : Oui, exact. Vous avez raison. Vous alliez dire, M. Gariépy?

M. Gariépy (André) : J'ai rencontré à quelques reprises M. Bouchard, M. Taylor, au début, là, de... C'est émouvant de voir comment, pour eux, en tout cas, un des bébés a survécu. Voilà.

M. Poulin : Non, non, tout à fait. Tout à fait, parce que ça a été... À l'époque, le rapport, il y avait tellement d'éléments et... Bien, nous, on a pris le relais lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, mais somme toute, vous avez raison, c'était très clair dans les pages du rapport Taylor, cette recommandation-là.

M. Gariépy (André) : Je n'étais pas là, moi, du temps, là. J'ai déjà travaillé au Vietnam. J'arrive...

M. Poulin : Oui, oui, c'est ça. Toute une histoire, vous allez voir.

M. Gariépy (André) : Puis me voilà... Me voilà avec un h7éritage des deux... des deux grands que sont Bouchard et Taylor.

Le Président (M. Laframboise) : Merci du résumé. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. La parole est à vous.

Mme McGraw : Merci, M. le Président. Vous voyez à quel point les concitoyens de Notre-Dame-de-Grâce sont animés, pour utiliser vos bons mots. Le professeur Taylor aussi était un concitoyen de Notre-Dame-de-Grâce, oui. Sa famille est encore là. Écoutez, merci beaucoup pour la présentation et aussi de votre présence. Beaucoup de questions. Il y a une chose que je viens juste de comprendre. Donc, permettez-moi de bien clarifier. Est ce que ça représente donc une barrière que les francophones québécois ou les francophones au sein du Canada, ils n'ont pas de permis. Du début, ils doivent apprendre l'anglais. Moi, je trouve ça intéressant, comme... Est-ce que c'est vraiment le cas, que le permis, on le reçoit seulement lorsqu'on démontre qu'on n'est pas capable de parler en anglais ailleurs au Canada, mais qu'ici au Québec, on reçoit le permis, puis on a jusqu'à quatre ans pour apprendre le français si ce n'est pas le cas. Est ce que c'est bien ça la situation actuelle?

M. Gariépy (André) : Vous avez là une belle occasion de vous amuser à faire une leçon d'ouverture linguistique au reste du Canada.

Mme McGraw : Ça fait que ça représente une barrière peut-être pour les francophones québécois et les francophones ailleurs au Canada, de ne pas avoir accès à ce permis sans donner le temps d'apprendre l'anglais.

M. Gariépy (André) :

Mme McGraw : OK. Merci. Donc, plusieurs questions. Vous avez... Là, il y a 12 recommandations. Laquelle, selon vous, est la... Quelle est la recommandation prioritaire? Puis je vous donne le temps d'élaborer.

M. Gariépy (André) : Moi, je vous le dis, là, je pense que c'est la dernière. La dernière emportera tous les autres. La dernière, c'est la collaboration entre les acteurs publics de ce dossier-là, les ordres professionnels, parce que ce sont des acteurs publics. L'Office des professions et le ministère de l'Emploi, tout particulièrement, par sa coordonnatrice à la mobilité de la main d'oeuvre, qui est chargée d'animer et de conseiller les acteurs de sa province sur les enjeux et les tenants et aboutissants de la... Je pense que si on... Et je vous informe en tout cas que j'ai fait un peu de médiation pour relancer les affaires parce que, bon, on a dit des choses sur l'office, sa capacité d'agir. Je remarque aussi qu'un peu partout, il y a eu du relâchement ou du manque de capacité pour le faire. Je sens qu'il y a... Ils se sont rencontrés. Je ne suis pas là... Je ne les suis pas, là... Je ne leur souffle pas dans cou, mais je me tiens informé de temps à autre. Je sens que, là, c'est sérieux. Et même à l'Office des professions, on vous a dit des choses sur l'office, d'ailleurs, que je...

C'est vrai que l'Office a eu des défis organisationnels dans les dernières années, de leadership aussi, d'orientation et de leadership. Et il a encore des défis organisationnels en termes de ressources humaines. Il y a une nouvelle présidente qui a été nommée au mois de mars. Je ne suis pas là pour décerner, moi, des certificats de bonne conduite. Ce n'est pas ma job comme commissaire, mais j'ai espoir. Et j'ai espoir de voir tous les gens, dont certains sont dans la salle. En fait, à peu près tous sont dans la salle, des acteurs gouvernementaux avec qui j'interagis, que j'ai fait une médiation douce pour rétablir des ponts, si des ponts et une certaine distance s'étaient instaurés. Je pense que cette recommandation-là, la dernière, la 12, là... Et quand vous regardez dans le mémoire, pas le mémoire, mais le rapport de mai 2025, je dresse l'espèce de feuille de route ou de terme de référence pour cette collaboration interministérielle pour que, de façon résolue, on ne se perde... on ne se perde plus de vue, qu'on regarde les vraies affaires et que tout le monde mette l'épaule à la roue et apporte sa contribution.

Et je pense que c'est sur la bonne voie. Et en passant, je ne vois pas toujours ça dans les autres provinces. Vous savez que j'ai huit autres homologues dans les provinces canadiennes. Nous avons formé un forum, d'ailleurs. À mon instigation, il y a plusieurs années, nous avons formé un forum de la surveillance de l'admission, où tous les...

M. Gariépy (André) : ...les équivalents de commissaires de surveillance de l'admission dans les... ces provinces canadiennes se réunissent pour se coordonner, et, si ça va bien, si on continue avec ce bon état d'esprit, à oublier le passé puis à travailler ensemble pour l'avenir, bien, je pense qu'on va y arriver. Donc, la 12, là, si elle n'est pas là, le reste ne se fera pas. C'est pour ça que je la cible. Alors, il ne s'agit pas que chacun devienne le patron de l'autre, que quelqu'un arrive jupitérien et décide d'un acte d'autorité vertical l'un sur l'autre. Non, chacun a son expertise propre et d'une contribution la pièce du casse-tête pour arriver aux objectifs. Donc, il faut se reconnaître entre eux... il faut qu'ils se reconnaissent entre eux, leurs compétences, leur légitimité, leur complémentarité, ils sont interdépendants pour atteindre cet objectif pour le Québec.

Mme McGraw : Très clair, merci. Le Québec a recours à des dérogations pour certaines professions, par exemple les avocats, les denturologistes. Est-ce que vous pensez que ces exceptions sont encore justifiées ou devraient-elles être révisées?

M. Gariépy (André) : Il faut toujours réviser ce qu'on a mis comme... parce que ces avis de dérogations datent. En passant, là, la plupart des choses, là... même le groupe de coordonnateurs de la mobilité pancanadien et le Forum des ministres du marché du travail n'ont rien produit comme études depuis 10 ans, ils n'ont même pas donné, depuis 10 ans... sur la mobilité en vertu de la... Et il y a des choses qui... et on a même eu de la difficulté à trouver des documents pour dire : Bien, qui a fait quoi? Quels genres d'exceptions? On a même de la difficulté à retrouver certains documents pour retracer un certain historique. Alors, oui, il faut toujours avoir, et c'est une de nos recommandations d'ailleurs du mois de mai, il faut que les ordres professionnels revoient les choses. Il se peut qu'une profession... parce qu'il y a des lobbys pour créer et dupliquer une profession qui est dans une province, dans l'autre, et donc il faut reconnaître cette réalité, il faut établir le parcours permis sur permis. Donc, il faut revoir les choses.

Là, les avis de dérogation, on en a deux. Les denturologistes, écoutez, je n'en ai jamais consulté, un denturologiste, je n'en ai pas eu besoin, je fais partie de la branche de la famille où on a une bonne dentition, mais peut-être qu'il va falloir qu'ils regardent ça. Les avocats c'est une autre chose. Les avocats, là, c'est : pas touche parce que c'est une question constitutionnelle. Le droit civil emporte beaucoup de choses et qu'il n'est pas opportun de dire... et ça, ce n'est pas moi qui le dit, c'est le ministère de la Justice qui a tranché à plusieurs reprises là-dessus, mais aussi la Cour suprême dans l'arrêt Nadon qui a dit : Écoutez... le juge Nadon qui voulait devenir membre de la Cour suprême, mais qui n'a pas vraiment un passé civiliste assez costaud pour faire la chose, la Cour suprême a dit : La différence d'un régime juridique au Québec emporte des conséquences.

Et donc l'une des conséquences, c'est qu'un avocat en Ontario ne peut pas... qui fait de la common law ne peut pas venir ici. Même si on lui dit : Je te donne un permis, mais ne fais pas de... promets-nous que tu ne feras pas de droit civil, non, non, ça ne marche pas, ce n'est pas une lisibilité de protection du public, ça. Il y a, en ce moment, un permis restrictif, comme on l'appelle, un permis spécial, où l'avocat de l'Ontario pourra venir ici exercer en droit canadien, ou en droit de common law, ou en droit criminel et tout, et tout au Québec, mais il ne pourra pas faire de droit civil. Ça fonctionne très bien, il n'y a aucun problème avec ça. On ne va pas commencer à dénaturer et dévoyer la spécificité québécoise par rapport à son... à sa tradition juridique qui, en passant, est partagée par 60 autres pays pour accommoder quoi, là? Donc, cette exception-là, elle n'est pas de l'ordre du commercial, elle est de l'ordre du Constitutionnel.

Les autres, la seule autre exception pour le système professionnel québécois, les denturologistes, il va falloir, à la fois sur le plan commercial, mais peut être aussi sur le plan des différences et de l'évolution de la pratique s'il en est dans d'autres provinces, voir si c'est toujours la bonne chose. Et en passant, on en a juste deux dans le système professionnel. Allez voir ce qui se passe ailleurs. Et le Pr Gagné qui est venu vous voir, très intéressant son rapport. Il dit : Regardez, là, il y a un gros problème avec les hygiénistes dentaires à travers le Canada. Et savez-vous, les hygiénistes dentaires du Québec sont rejetés par la plupart des provinces au Canada. Pourquoi? Parce que les hygiénistes dentaires du Québec n'auraient pas la formation pour tenir en toute autonomie une clinique d'hygiène dentaire. Or, on a changé ça il y a plusieurs... quatre ans, quatre ou cinq ans, que, maintenant, les hygiénistes dentaires ont cette autonomie. Donc, c'est à nous de prendre le bâton de pèlerin puis de dire à toutes ces autres provinces : Aïe, ton exception ne doit... ne tient plus la route, change ton exception. On a des griefs, nous aussi. Mais quand vous regardez parmi toutes les provinces, et le Pr Gagngé l'a documenté...

M. Gariépy (André) : ...Québec est le moins pire, c'est sûr que La FCEI rajoute plein d'affaires puis lui donne une mauvaise note, mais quand on regarde pour les professions réglementées, franchement, les avocats, c'est une question constitutionnelle. Denturologiste, bien, à voir, mais il n'y a rien d'autre, il n'y a rien d'autre.

• (14 h 40) •

Mme McGraw : Vous mentionnez aussi que certains ordres imposent des frais nettement plus élevés que d'autres, sans justification convaincante. Est-ce que... est-ce qu'il faudrait encadrer légalement les frais dans ce projet pour... ou ailleurs pour éviter... bien, dans ce projet, pour éviter des abus ou... et garantir l'équité?

M. Gariépy (André) : Écoutez, dans d'autres provinces où il n'y a pas d'offices des professions, qu'il n'y a pas de pouvoir d'autorité morale et administrative pour orienter les choses dans le système professionnel, eux ont peut-être besoin d'une loi puis d'un règlement, mais ici, on a fait des coups de téléphone. En deux mois, c'était réglé. Et là, professionnel en question, c'était bête un peu puis je le dis dans le mémoire, il dit : Bien, ça me coûte cher parce que j'ai beaucoup de documents à regarder. Oui, mais ces documents-là, sous d'autres aspects de l'ALEC, tu n'as même pas à les demander. Ah! bon, bien, voilà. Ça fait que tout le château de cartes s'est défait et tout est réglé maintenant. Il n'y a plus aucun ordre professionnel qui a des frais au-delà de l'équité avec les candidats d'ici , si on ne charge pas plus aux candidats du Canada que les candidats du Québec.

Mme McGraw : Merci.

M. Gariépy (André) : Deux mois, en passant. Quand je dis, M. le Président, que quand on est actif sur le terrain, ça se règle, quand on utilise notre autorité morale d'acteur publique pour dire à ses partenaires que sont les ordres professionnels : Regarde, là, ça s'en va là-dedans, ça s'en va dans cette direction, ça marche. Bien, il faut être actif... il faut activer ses habiletés politiques, il faut activer son pouvoir de la parole et son pouvoir moral d'autorité publique, pas seulement par la loi.

Mme McGraw : Vous avez commencé votre présentation, vous avez parlé d'une... Je pense que c'est une femme avec son fils qui sont venus de la Colombie-Britannique. Je ne sais pas si elle était infirmière?

M. Gariépy (André) : Non.

Mme McGraw : Non. Donc, j'avais... OK... Je me suis dit...

M. Gariépy (André) : Ah! Bien, je vais vous le dire, parce que les... si vous fouillez, vous allez trouver, acupuncteur.

Mme McGraw : Bon, la raison pour laquelle je pose la question, c'est que le deux tiers des demandes de mobilité interprovinciale, ça relève des infirmières. Je me suis dit : Elle est peut-être infirmière, mais ce n'est pas le cas.

M. Gariépy (André) : Mais attention, les deux dernières... les deux derniers exercices, il y a une montée spectaculaire des demandes du reste du Canada. Nos vérifications et les hypothèses qu'accrédite même quelqu'un à l'ordre des infirmières, c'est... puis peut-être que cette personne-là n'aurait pas dû nous parler, mais bon, c'est que vous... vous avez connu le dossier de l'examen des infirmières, la grosse enquête que nous avons menée il y a quelques années. Non, excusez-moi, c'est désolant, je suis déçu, mais bon. Il y a... il y a un phénomène que les incertitudes à l'égard de la qualité de l'examen des infirmières ont fait en sorte que plusieurs... puis nous, on a documenté avec des noms parce qu'on a fait le tour des registres des infirmières à travers le Canada. Il y a un phénomène que je m'en vais obtenir mon... faire mon examen, va obtenir mon permis en Ontario, et je reviens au Québec et hop, j'ai mon permis. De là cette hausse vertigineuse où on passe en 2022-2023, de 165 par année, à 588 l'année suivante et de 613 le dernier exercice. Alors là, là, il se passe quelque chose, là.

Mais en fait, habituellement, habituellement, le gros, ce sont les ingénieurs. Et le reste, un chapelet... un chapelet. Et dans le tableau que vous avez en annexe du mémoire sur le projet de loi, vous avez les chiffres. Étonnamment. Et d'ailleurs il y a quelqu'un dans la salle qui m'a envoyé un courriel pour dire : Je tombe sur ma chaise pour ne pas dire autre chose. Je tombe de ma chaise pour ne pas dire autre chose, zéro médecin l'année... l'année dernière du Canada qui sont venus au Québec, zéro par le mécanisme de permis sur permis.

Mme Garceau : Donc, ça... bien, la question, ça relève du système de santé. Donc là, je parlais des infirmières, mais il y a aussi les médecins, mais il y a... les demandes ne sont pas là, si je comprends bien, de la part des médecins, elles sont là de la part de la profession d'infirmière. Quelles seraient les implications pour... de ça pour la gestion des ordres professionnels et pour le système de santé québécois, le fait que les deux tiers des demandes... Est-ce qu'il y a des implications à prendre en considération au sein du projet de loi?

M. Gariépy (André) : Non, dans le sens où... si elles sont compétentes, ces personnes, elles ont été validées dans une autre province. Donc, on reconnaît automatiquement. C'est le cas des infirmières, sauf pour l'examen de déontologie, là, c'est une affaire qu'on suit en ligne, là, puis c'est presque une formalité. Bien, ça va bien, il y a une fluidité, là. Donc, il n'y a pas... il n'y a pas d'implication qu'elle passe par un moyen détourné parce qu'elles ont peur de l'examen encore, ou autrement. Bien... bien, voilà.

Mme McGraw : Peut-être une...

Mme McGraw : ...dernière question. Vous avez parlé des bêtises bureaucratiques, des erreurs humaines. Il faut reconnaître l'humain... l'humanité de la personne, mais aussi les erreurs humaines. Mais, en même temps, vous parlez d'un délai maximum de 30 jours pour traiter les demandes de mobilité interprovinciale. Est-ce que vous pensez qu'un délai pourrait créer plus de bêtises ou d'erreurs? Ou, au contraire, quels moyens concrets devraient être mis en place pour atteindre cette cible de 30 jours? Et que pensez-vous du rôle du projet de loi n° 112 à cet égard?

M. Gariépy (André) : Écoutez, le problème est réglé. On est dans la norme que les premiers ministres ont adoptée au mois de juin, là. On a tout réglé en deux mois, là. Et il y a un ordre professionnel qui avait un enjeu juridique, j'ai appelé la DG, j'ai dit : Regarde, je vais te proposer un problème, mais c'est le fun, j'ai aussi une solution. Elle a adoré l'expérience de se faire livrer un problème et une solution, et la solution est en place. Alors, tout le monde va être en dedans de 30 jours. Mais je vous signale que, selon nos enquêtes, avant même qu'on en fasse un enjeu sur la place publique, la majorité des ordres professionnels et la très grande... la majorité était en dedans de 15 jours. Et, quand on ajoute les en dedans de 30 jours, c'était déjà la très grande majorité. C'est quelques cas, des bêtises, là, d'envoyer au CA, après à un comité, de retourner au CA après. J'ai dit : Tu ne pourrais pas enlever le CA quelque part dans une des deux étapes? Il fait juste de l'estampille pour savoir : Ah! ça, c'est un dossier qu'on peut envoyer à tel comité. Bien, l'ordre professionnel a réglé le problème. Puis elle est contente, elle dit : Moi, ça va m'alléger. Mais vous savez...

Le Président (M. Laframboise) : Merci.

M. Gariépy (André) : ...les organisations roulent sur leurs habitudes, elles roulent sur leurs habitudes. Quelquefois, elles ne s'aperçoivent pas...

Le Président (M. Laframboise) : Merci, M. le commissaire. Le... C'est tout...

M. Gariépy (André) : ...mais on leur rappelle ça. C'est pour ça que le commissaire est là.

Le Président (M. Laframboise) : C'est tout le temps que nous avions. Donc, merci beaucoup, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Merci, M. le commissaire, Me André Gariépy, commissaire à l'admission des professions.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 14 h 47)

(Reprise à 14 h 49)

Le Président (M. Laframboise) : Donc, je souhaite maintenant la bienvenue à Maître Geneviève Parent, professeure titulaire à la Faculté de droit à l'Université Laval. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à présenter les personnes qui vous accompagnent puis à commencer votre exposé. Merci.

Mme Parent (Geneviève) : Merci. Donc, bonjour. Je vous remercie de l'invitation à témoigner devant vous aujourd'hui. Tel qu'il a été mentionné, je suis professeure titulaire à la Faculté de droit de l'Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche en droit sur la diversité et la...

Mme Parent (Geneviève) : ...la sécurité alimentaire, et je suis accompagné aujourd'hui de ma collègue Me Geneviève Geneau.

Alors, pour rendre ce témoignage aujourd'hui, nous avons évidemment consulté les différentes lois qui ont été adoptées par les autres provinces ainsi que la loi fédérale et nous les avons analysées au regard de notre expertise en droit international, économique et en droit national et international de l'agroalimentaire.

• (14 h 50) •

Donc, d'emblée, je tiens à dire que nous sommes clairement en faveur du principe d'adopter une loi visant à fluidifier les échanges de produits et de services et la mobilité de la main-d'œuvre au Canada, oui, en raison des pressions économiques américaines, mais je dirais également et peut-être même principalement compte tenu de l'incertitude et des tensions dans l'ordre mondial actuellement. Il est donc important et même urgent d'accroître la résilience économique du Canada et de réduire sa dépendance quelle qu'elle soit.

Cela étant dit, évidemment, le diable est dans les détails, et c'est particulièrement le cas quand on parle de droit. Et nous souhaitons donc vous partager quelques réflexions quant au contenu du projet de loi n° 112, d'une part, quant à la nécessité, à notre avis, d'inclure certaines balises plus clairement dans le texte même de la loi et, d'autre part, en formulant quelques commentaires au sujet des règlements qui seront adoptés sous l'égide de cette loi.

Donc, quant aux balises à inscrire dans le texte de la loi, comme je viens de dire, l'adoption du projet de loi n° 112 est essentielle, même urgente, mais il faut être extrêmement prudents dans la manière dont on le fait, bien entendu, puisque ce que le Québec fait, et vous me direz que les autres provinces le font et le fédéral également, et vous avez raison, mais quand même... ce que le Québec fait avec cette loi, c'est d'annoncer qu'il s'engage à se limiter, dans le fond, dans sa capacité à légiférer dans ses propres champs de compétence. C'est donc loin d'être banal, d'autant que le Québec, en plus de sa spécificité linguistique, est souvent très innovant dans la manière de légiférer et d'encadrer certains secteurs d'activités.

Donc, dans ce contexte-là, il est, à notre avis, dangereux de s'appuyer essentiellement sur les règlements d'exception pour poser certaines balises ou affirmer certaines valeurs ou intérêts fondamentaux du Québec. En légistique, il faut que l'essence de la loi se retrouve dans le texte de la loi et non dans ses règlements. On le sait, en principe, le législateur soumet le moins fréquemment possible à des exceptions les principes qu'il a adoptés. Et donc, pour l'avoir entendu, je pense que M. le ministre sera heureux de m'entendre le répéter, oui, il faut moins d'exceptions, le moins d'exceptions possible, mais, pour cela, il faut que l'essence de la loi se retrouve bien dans le texte de la loi.

Et, à cet effet, nous pensons que le texte du projet de loi n° 112 peut être bonifié pour au moins référer plus clairement à deux éléments, d'abord, au principe de réciprocité et à ce que sous-tend le principe qu'on appelle le principe de traitement national et, ensuite, pour référer plus clairement, donc, aux intérêts essentiels que le Québec continuera d'encadrer et d'assurer tout en procédant à cette libéralisation. Donc, je m'explique, faciliter le commerce intérieur dans un grand pays comme le Canada, c'est nécessairement faire des parallèles avec les accords internationaux de libéralisation, et il est utile de s'inspirer des enseignements, des échanges internationaux pour nous guider, comme les accords internationaux, donc le projet de loi n° 112, doivent s'appuyer sur des grands principes reconnus en matière de libéralisation, comme le principe de réciprocité et celui de traitement national. En résumé, en vertu de ces principes-là, à l'international, les pays s'engagent à ouvrir leurs frontières, mais uniquement au profit des pays qui s'engagent à le faire également, et donc les avantages doivent être réciproques.

Ensuite, dans ces accords internationaux, les pays prévoient la possibilité d'évaluer si une réglementation étrangère est équivalente à la leur afin d'autoriser ou faciliter l'entrée des produits étrangers. Donc, les lois des autres provinces ainsi que la loi fédérale que nous avons analysées réfèrent toutes à ces principes beaucoup plus précisément dans le texte même de leurs lois. Elles s'ouvrent uniquement aux provinces et territoires dits réciproques, c'est-à-dire qui ont adopté une loi similaire au projet de loi n° 112, et, dans le texte de la loi, elles prévoient toute la possibilité d'évaluer si une réglementation des provinces et territoires réciproques est comparable à la leur. Et comment elles le font, elles le font soit en référant dans la loi à un processus de reconnaissance mutuelle qu'elles entendent préciser par règlement ou encore, beaucoup plus clairement, comme le fait le gouvernement fédéral, en créant une autorité qui sera chargé d'évaluer cette équivalence.

Or, nous sommes d'avis que le projet de loi n° 112 doit être bonifié à cet effet, tel que rédigé... hein, l'article 2, ouvre le marché du Québec à tous les provinces ou territoires sans exiger qu'ils adoptent une loi similaire au projet de loi n° 112. Et, en plus, le Québec ne réfère...

Mme Parent (Geneviève) : ...aucunement à un processus de reconnaissance mutuelle qui lui permettrait, donc, éventuellement d'évaluer si des réglementations d'autres provinces ou territoires sont comparables aux siennes. Donc, nous recommandons que le Québec s'engage uniquement envers les provinces et territoires réciproques, que le Québec aussi, dans le texte de sa loi, réfère à un processus d'évaluation d'exigences comparables ou de reconnaissances mutuelles qui pourraient être précisées par règlement.

De plus, nous sommes d'avis que les intérêts fondamentaux, que le Québec continuera d'encadrer quoi qu'il en soit tout en procédant à cette libéralisation, doivent être mentionnés dans le texte de la loi, à l'instar de la protection de la langue française. Le gouvernement fédéral le fait en affirmant, dans l'objet de sa loi, qu'il effectuera cette libéralisation, et je cite, «tout en continuant à protéger la santé, la sécurité, le bien-être social et économique des Canadiens ainsi que l'environnement.» Ce sont généralement les intérêts que l'on retrouve également mentionnés dans les accords internationaux. Donc, nous recommandons également que le Québec ajoute à la protection de la langue française d'autres intérêts fondamentaux comme la santé, la sécurité, l'environnement et la protection du consommateur.

Quelques mots sur le deuxième pan de notre exposé, donc, sur les exceptions réglementaires. Et nous nous concentrerons ici sur le secteur agroalimentaire, non seulement en raison de notre expertise, mais parce que, comme vous le savez, c'est un secteur qui est particulièrement sensible aux impacts de la libéralisation des échanges, hein? En effet, les échanges agricoles et alimentaires, c'est généralement la pierre d'achoppement... sont généralement la pierre d'achoppement des négociations internationales. Bon. Il en est ainsi pour plusieurs raisons, mais particulièrement pour... en raison du fait que la sécurité alimentaire d'une population, elle est... c'est intrinsèquement lié à la sécurité nationale, hein? Affamer une population, c'est la plus ancienne tactique de guerre du monde, donc il y a là une importance singulière.

Donc, tout ceci nous enseigne que nous devons, à notre avis, porter une attention toute particulière aux secteurs agricole et alimentaire dans le projet de loi n° 112. Et cela se traduira nécessairement par certains règlements d'exception. Les exceptions prévues à l'accord de libre-échange canadien couvrent, à mon sens, les sujets à transcrire en termes d'exception dans le projet de loi n° 112. Mais, au minimum, au minimum, il faudra impérativement protéger les deux piliers fondamentaux du secteur agroalimentaire québécois que sont le régime de protection du territoire et des activités agricoles et la mise en marché collective. Et, en plus, en raison de sa spécificité, il faudra également protéger le régime des appellations réservées et termes valorisants.

Le régime de la protection du territoire et des activités agricoles, bien, c'est le socle de la sécurité alimentaire des Québécois et des Québécoises, et donc de leur sécurité, point, hein? Nous avons la chance de bénéficier, je le rappelle, d'un des régimes les mieux ficelés au monde à ce sujet, le plus efficace au Canada. Et l'importance d'assurer, de protéger et même de développer un territoire nourricier, là, nous a été rappelée de manière criante lors de la COVID-19, bien entendu.

Quant à la mise en marché collective, oui, elle fonde la gestion de l'offre, mais en plus, elle organise la majorité de la production agricole au Québec, notamment des secteurs qui sont de grands exportateurs comme le porc et le sirop d'érable.

Enfin, les appellations réservées doivent également être protégées, non pas parce que les producteurs québécois pensent que les fromages ontariens vont les empoisonner, ce que j'ai entendu dans un témoignage devant vous il y a quelques jours, mais plutôt parce que c'est un régime de propriété intellectuelle inédit dans le reste du Canada et qu'il permet l'exportation de produits québécois à haute valeur ajoutée vers des marchés européens qui utilisent ce même type de propriété intellectuelle. Et aussi, évidemment, parce que plusieurs producteurs, transformateurs, acteurs du milieu y ont placé beaucoup, non seulement d'argent, mais beaucoup d'efforts collectifs. J'ajoute que ce genre de régime fait également figure d'exception dans les accords internationaux, donc nous pensons qu'il doit être protégé.

En conclusion, quant aux règlements d'exceptions, évidemment, il ne faudrait pas qu'une libéralisation des échanges canadiens aille à l'encontre de l'objectif du gouvernement Legault, objectif que je salue d'ailleurs et qui a encore été réaffirmé en août dernier dans la politique bioalimentaire, qui est l'objectif d'accroître l'autonomie alimentaire du Québec. Il ne faudrait pas non plus que cet engagement dans la libéralisation désorganise le secteur agroalimentaire québécois en mettant à risque la mise en marché collective ou encore même fragilise notre position comme pays à l'international, en lien avec la gestion de l'offre, si on mettait à risque la mise en marché collective.

Le Président (M. Laframboise) : Merci, merci, Me Parent.

Mme Parent (Geneviève) : Merci.

Le Président (M. Laframboise) : Merci beaucoup. Je vous remercie. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre et député de Beauce-Sud, la parole est à vous pour 16 minutes 30 secondes.

• (15 heures) •

M. Poulin : Merci beaucoup, M. le...


 
 

15 h (version non révisée)

M. Poulin : ...Président. Bonjour, madame Parent. Merci pour votre contribution à nos travaux ainsi que la personne qui vous accompagne, dont je ne vois pas le nom de famille, c'est madame Garneau? Gareau?

Une voix : Geneau.

M. Poulin : Geneau. Excellent! Parfait! Alors, merci pour votre présence. Je tente de réconcilier deux éléments d'à la fois de votre littérature scientifique mais également dans les propos que vous venez nous mentionner. Je le traduis, puis n'hésitez pas à me corriger à la toute fin. Vous êtes en faveur évidemment du projet de loi. Vous croyez qu'il faut effectivement avoir le moins de barrières commerciales possible dans la mesure où on souhaite que les provinces entre eux, on puisse faire du libre-échange. Vous... vous dites à mots couverts que la santé et sécurité, parfois, pourraient être des excuses pour ne pas faire entrer certains produits chez nous. Je vois que vous hochez de la tête, alors je le traduis bien.

Et, au même moment, vous nous dites : Bien, dans votre... Vous devriez renforcer votre loi pour mettre des mesures qui rendent qui... qui viennent réaffirmer la spécificité québécoise dans son modèle agricole. Vous nous dites ça quand vous parlez de la protection du territoire agricole, la mise en marché collective notamment.

Alors, comment je fais pour réconcilier les deux comme législateurs? Et évidemment, c'est important de le mentionner, la gestion de l'offre, elle est canadienne, elle est défendue par le gouvernement fédéral, défendue par le gouvernement du Québec. Les spécificités québécoises de mise en marché collective, la loi sur la CPTAQ, tout ça n'empêche jamais aucune province de légiférer, que ce soit sur l'utilisation d'un bien, sur le fonctionnement d'un bien ou sur son système intérieur de province, sur le plan agricole ou autre. Alors, je veux bien comprendre, parce que l'objectif de notre loi est certainement de jouer un rôle de leader dans le libre-échange entre les provinces et rien n'empêche le Québec d'être maître de son territoire chez eux en termes de réglementation. Alors, pourquoi je l'inscrirais dans une loi si j'ai déjà des lois, et où mon rôle est d'être un libre-échangiste?

Mme Parent (Geneviève) : Bon, alors tout est conciliable, déjà d'emblée, je vous le mentionne, mais effectivement, voyez-vous, la sécurité, vous l'avez dit en début de l'intervention, la sécurité, la santé, même l'environnement, la protection de l'environnement peuvent être effectivement des... des obstacles techniques qu'on appelle au commerce, aux échanges, mais elles peuvent parfois aussi être justifiées.

Et effectivement, je l'ai mentionné, je pense, dans mon intervention, mais on est assez innovants au Québec, à plusieurs niveaux, en agroalimentaire notamment, mais également en termes de protection de l'environnement. On s'est engagés à protéger également la biodiversité, etc. Donc, il y a parfois des raisons légitimes pour lesquelles on souhaite protéger ou continuer, en fait, parlons plutôt positivement, là, continuer à mettre en œuvre ces réglementations, ces législations-là que l'on a adoptées, puis dans lesquelles le Canada... le Québec s'est engagé. Donc, tout ça et compatible puisque quand on indique, comme l'a fait le fédéral d'ailleurs, hein, qu'on ouvre nos frontières, qu'on veut être un leader en matière de libéralisation des échanges au Canada, intérieurs, on le fait, mais quand on indique certains intérêts fondamentaux pour le Québec qui, comme je vous l'ai mentionné dans mon intervention, ne sortent pas d'un chapeau, là, sont des intérêts fondamentaux que l'on retrouve aussi dans les accords internationaux, donc ils sont à peu près les intérêts fondamentaux de tous les pays du monde, bien, ça démontre aussi aux citoyens citoyennes, qu'on l'a faite, cette ouverture-là, on est leaders en matière d'ouverture des marchés et de fluidité des marchés au Canada, mais on le fait en connaissance de cause. On se garde la possibilité, et on le dit, de légiférer et d'intervenir si toutefois, hein, il y avait des réglementations, que ce soit en matière de production, des réglementations techniques qui viendraient véritablement contrevenir à un élément essentiel, là, de la réglementation québécoise. Donc, c'est en fait la façon dont fonctionnent les accords internationaux. Alors, que le Québec mentionne ses intérêts fondamentaux, là, d'emblée, dans la loi, moi, j'y vois plutôt une espèce de sécurité pour les citoyens, citoyennes. Et le fait d'annoncer en fait qu'on sera, oui, leaders, mais en connaissance de cause. Évidemment, la langue française, ça ne pose aucune question, c'est essentiel, mais les questions de sécurité peuvent l'être tout autant. Et dans sécurité, là, on peut évidemment aussi inclure sécurité alimentaire.

M. Poulin : D'accord. Évidemment qu'une loi comme celle-là se fait aussi en conformité avec les lois...

M. Poulin : ...le système en vigueur dans la province dite. Alors, à aucun moment on ne vient se soustraire à nos lois québécoises. On le campe spécifiquement sur le fait français parce qu'il y a des éléments sur le permis, sur permis, il y a des éléments sur les biens. Alors, on mentionne, on le note, mais somme toute, on laisse évidemment... Ça va de Queen's Park à d'autres juridictions provinciales, laisser le droit de décider sur l'utilisation d'un bien ou autre. J'aimerais vous entendre un petit peu plus globalement sur le MAPAQ, parce que nous avons donc laissé une possibilité d'exclure des produits et des catégories de produits dans la loi. Ça, nous l'avons bien enchâssé. Évidemment, nous consultons les ministères et organismes du gouvernement du Québec. Vous, avec votre expertise que vous avez dans le secteur depuis plusieurs années, est-ce que d'emblée, si vous étiez le MAPAQ, vous recommanderiez à nous, à moi d'exclure plusieurs produits provenant des autres provinces, ou vous nous dites : M. le ministre, c'est... C'est assez exceptionnel, là. Votre liste devrait être courte, courte, courte, là?

Mme Parent (Geneviève) : Bien, écoutez, ça, c'est une question-piège, je le conçois très bien. Moi, je pense que d'y aller par exclusion produit, ça peut être une tâche laborieuse. Il y a certainement... Bon, vous avez bien évidemment discuté avec le MAPAQ, certainement, des produits qui sont peut-être plus sensibles que d'autres, mais dans le fond, ce qu'on vous proposait dans le cadre de ma présentation, c'est davantage d'y aller selon certains régimes, hein, protéger des produits qui sont peut-être sous mise en marché collective ou des régimes de mise en marché collectifs, et les produits qui sont d'appellations réservées, termes valorisants. Ça, si je puis me permettre, là, c'est un... c'est un élément sur lequel j'aimerais revenir puisque c'est loin d'être si clair que ça, puis ça... Il y a possibilité que ça devienne assez confus, là, par la suite. Si on le comprend bien, là, comme je vous le disais, ce que j'ai entendu, là, de d'autres présentations m'inquiétait un peu, là. L'idée de vouloir protéger le régime qui donne des appellations réservées, des termes valorisants à des produits québécois, donc, au lieu de protéger ces produits spécifiques là, on dirait, pour la protection du régime dans son ensemble, parce que... on pourrait en avoir d'autres produits comme ça.

Donc, écoutez, c'est l'idée de dire que ce régime, il est inédit dans le reste du Canada, hein? On utilise un système de protection de propriété intellectuelle qui est équivalent à ce qui se passe en Europe et dans des pays comme la France, l'Italie, l'Espagne, la Grèce. Et donc on a décidé, nous, au Québec, d'y aller avec une protection intellectuelle qui est collective, qui n'appartient pas à une seule personne. Alors, aussitôt qu'un producteur québécois respecte, ou un transformateur respecte le cahier des charges, il peut bénéficier de l'appellation réservée ou du terme valorisant. Et ça demeure une propriété de l'État québécois, contrairement au reste du Canada, qui fonctionne davantage sous un système de propriété intellectuelle classique, on va dire, de marque de commerce. Et donc il y a plusieurs raisons pour lesquelles on doit protéger ce régime-là, parce qu'il est inédit, parce que ça nous ouvre des marchés internationaux sur l'Europe, mais aussi parce qu'on s'est engagé comme pays, le Canada, à protéger les produits européens qui vont rentrer chez nous avec des appellations réservées et des termes valorisants. Donc, nous, au Québec, avec ce régime-là, on est certains d'assurer cet engagement-là que l'on a pris face aux pays européens. Donc, il y a plusieurs raisons économiques et juridiques qui font qu'on doit protéger ce régime et donc, par le fait même, les produits qui en sont issus.

M. Poulin : Mais juste pour bien comprendre, Mme Parent, prenons le sirop d'érable, par exemple. D'ailleurs, la Journée nationale de l'érable, il y a, dimanche 19 octobre prochain, suite à l'adoption de la loi, porte ouverte dans 30 érablières au Québec. On a déjà une réserve mondiale de sirop d'érable et on est le grand joueur exportateur de sirop d'érable partout à travers le monde. Rien n'empêche présentement, lorsqu'on va au Métro ou au IGA, de retrouver une canne de sirop d'érable du Québec et des sirops provenant d'ailleurs au Canada ou, par moment, des États-Unis, qui ne sont pas des vrais sirops, qui sont des sirops de maïs ou peu importe, mais qui, des fois, peuvent être aussi du sirop d'érable. Alors, il faut avoir les yeux avisés. Donc, déjà dans notre système, malgré la mise en marché collective, on laisse entrer sur notre territoire des produits pour lesquels on a déjà une certaine appellation...

M. Poulin : ...quelle est la nuance en ce qui se fait maintenant et ce qui se pourrait se faire? Vous, ce que vous me dites, c'est, de façon législative : Renforcez-le à l'intérieur de votre véhicule 112. Est-ce que c'est ce que je comprends?

• (15 h 10) •

Mme Parent (Geneviève) : Oui, de s'assurer de protéger le régime des appellations réservées qui... ce qui est différent de la mise en marché sous le cadre de laquelle est produit le sirop d'érable dont vous parlez. Donc, tout ça ne limite pas... le fait de protéger la mise en marché n'empêche pas, vous avez raison, là, le commerce intérieur d'être plus fluide. Le fait de protéger le régime de protection des terres... des activités agricoles puis de s'assurer encore une fois de la force de notre loi, notamment sur l'acquisition des terres agricoles par des non-résidents, ou le fait de protéger le régime des appellations réservées qui incite nos producteurs transformateurs à être innovants puis à créer des produits agricoles à haute valeur ajoutée, tout ça n'empêche pas le Québec d'être ouvert sur le reste du Canada et de faire entrer des produits canadiens. Là où ça peut être un peu plus problématique, c'est de faire entrer, disons, un produit qui aurait une indication géographique issu... et là c'est très complexe, c'est très technique, mais issu des marques de commerce et qui arriveraient chez nous face à un produit qui détient une appellation réservée, là, il y a possibilité d'avoir certains défis juridiques ou conflits juridiques.

M. Poulin : Puis il y a toute une sensibilisation à faire auprès des consommateurs aussi, là...

Mme Parent (Geneviève) : Absolument.

M. Poulin : ...qui, pour moi, est la clé qui est en amont. On travaille évidemment avec aliments du Québec, produits du Québec, on prépare un certain rehaussement à ce niveau-là parce qu'heureusement les Québécois, notamment lors de la crise sanitaire, mais aussi avec la crise économique que nous vivons, se tournent vers des produits québécois, mais il y a encore un affichage supplémentaire à faire. Puis vous avez raison, même actuellement, là, même sans le projet loi n° 112, par moments, on peut se confondre assez vite entre quelque chose qui est du Québec ou des États-Unis et on ne touche même pas aux appellations d'origine. Alors, là-dessus, je vous comprends et je vous entends, je veux juste revenir sur les exceptions du MAPAQ... une question piège, mais ce n'est pas une question piège. Est-ce qu'il devrait y avoir 200 exceptions ou il devrait y en avoir 17?

Mme Parent (Geneviève) : Bien, écoutez, moi, je vais vous ramener au principe de base, là, le moins d'exceptions possible, c'est le mieux.

M. Poulin : D'accord, parfait. Excellent.

Mme Parent (Geneviève) : Plus il y a d'exceptions, plus notre loi peut... la norme est chambranlante. Donc, évidemment, il faut viser le moins d'exceptions possible. Je pense que c'est possible dans l'état des choses, comme vous le dites, on est déjà en lien avec le reste du Canada, il y a des... hein, il y a un échange qui se passe, qui se produit déjà. Vous l'avez dit, la gestion de l'offre, elle est en partie gérée par le fédéral, donc il n'y a pas en soi de risque, à moins de ne pas protéger la mise en marché collective, évidemment. Mais sinon, il n'y a pas... il n'y a pas de danger particulier. L'enjeu juridique, potentiellement... qui peut potentiellement amener des affaires devant les tribunaux, c'est vraiment le régime des appellations réservées par rapport au régime canadien qui tente de s'en aller vers des indications géographiques, là, par le biais des marques de commerce, donc... et je n'entrerai pas dans le détail de tout ça aujourd'hui, mais ça... Mais au-delà de ça, je pense qu'il faut viser le moins d'exceptions possible.

M. Poulin : Oui, et dans l'enjeu de l'appellation réservée, il y a l'enjeu du cahier de charges aussi, qui, même par le consommateur, parfois, est peu connu également. Alors, on peut prendre l'étiquette, sans étiquette, avec étiquette. Alors, il y a plusieurs éléments, des fois, qui restent beaucoup de sensibilisation à faire. Il nous reste combien de temps?

Le Président (M. Laframboise) : 2 min 35 s.

M. Poulin : 2 min 35 s. Est-ce que vous avez une question, les collègues? Alors, bien, je veux vous remercier pour votre contribution, c'est franchement très, très, très intéressant. Bravo aussi pour votre parcours parce qu'il est costaud et c'est un secteur qui est en constante évolution sur une base mensuelle, annuelle. Et je prends bonne note de vos suggestions, recommandations et notamment votre appui au projet de loi. Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Laframboise) : Merci. Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce pour 16 min 30 s

Mme McGraw : Merci, M. le Président. Merci à vous pour votre présentation. Est-ce qu'on s'attend à recevoir éventuellement un mémoire ou quelque chose par écrit? On a pris beaucoup de notes, mais juste une question pour commencer.

Mme Parent (Geneviève) : Oui, on va vous envoyer le... un document écrit, là, de ce qu'on aura présenté aujourd'hui.

Mme McGraw : Excellent. C'est parce qu'on comprend que les délais sont très courts...

Mme Parent (Geneviève) : Exactement.

Mme McGraw : ...puis ce n'est pas tout le monde qui a pu présenter un mémoire, mais c'est bien de savoir qu'on va éventuellement recevoir quelque chose avant qu'on entreprenne l'étude détaillée dans deux semaines, je crois...

Mme McGraw : ...après la semaine en circonscription. Donc, si je comprends bien… Donc, dans un premier temps, vous avez parlé de… des règlements. Puis justement, il faut que la loi… la loi soit plus claire ou que le sens de la loi se retrouve dans la loi. Nous, on ne cache pas le fait qu'on… une des critiques qu'on amène vis-à-vis le gouvernement, qu'il y a beaucoup, beaucoup qui se fait par règlement et ça ne permet pas la… aux législateurs de faire leur meilleur travail, ça nous empêche de faire notre travail. Donc, nous aussi, on aimerait voir plus dans le projet de loi et moins par règlement. Est-ce que vous avez… à ce sujet-là, est-ce qu'il y a des des aspects en particulier, là, vous… Je pense que vous avez parlé du principe de réciprocité, que ce soit… Est-ce que… avant de parler de la réciprocité, parce que j'ai plusieurs questions là-dessus, est-ce qu'il y a d'autres éléments que vous voulez voir de façon explicite dans le projet de loi?

Mme Parent (Geneviève) : Bien, vous l'avez dit, hein, je… vous l'avez bien compris, le projet de loi, en fait, c'est le socle, hein? Alors, sur cette base de… de la loi, on peut adopter des règlements, mais évidemment, idéalement, le moins de règlements possible, le moins d'exceptions possible. Ici, quand on est obligé d'adopter plusieurs, plusieurs règlements, souvent, c'est que le corps de la loi n'était peut-être pas assez assez clair.

Ceci dit, on comprend qu'on est un petit peu tous… et les autres provinces quand on lit les projets de loi également, là, tout le monde est un peu bousculé et tout le monde a… je pense, a rédigé… a rédigé rapidement et s'est engagé donc rapidement dans ce mouvement nécessaire de libéralisation des échanges intérieurs.

Donc… Mais ce qui… je pense que ce qui est essentiel, comme je l'ai dit dans la présentation, de retrouver, je le répète, parce que pour nous, c'est très important… je pense que les intérêts fondamentaux, ça… on peut penser que ça va de soi, mais en fait, non. On peut… Et là-dessus, éventuellement, au besoin, on pourra capitaliser puis adopter des règlements s'il le faut pour exclure certaines choses qu'on n'aurait peut-être pas vues venir dans notre rétroviseur.

Ensuite, la possibilité pour le Québec d'évaluer à un moment ou un autre… parce que cette nécessité-là, ce besoin-là, va venir incontestablement, là, d'évaluer : Est-ce que la réglementation de la province X est comparable ou non à la nôtre? Est-ce qu'on… et donc est-ce qu'on accepte ce produit-là? Est-ce qu'on accepte qu'il entre chez nous? Donc, ça, cette capacité à pouvoir analyser l'équivalence, là… mais, dans la loi fédérale, on ne parle plus de… de réglementation comparable, c'est essentiel. Alors, il faut… après, on pourra prendre le temps peut-être d'analyser exactement comment faire cette… mettre sur pied cette évaluation-là, mais il faut que ce soit quelque part mentionné dans la loi, dans le texte de la loi, sans aucun doute.

Mme McGraw : Est-ce que vous avez… Bien, peut-être ça va se retrouver dans le mémoire, où exactement, je ne sais pas si c'était l'article… vous allez suggérer…

Mme Parent (Geneviève) : …autour de la… oui, vous vouliez dire où  dans le projet de loi, c'est sûr que ce serait dans le cas de l'article deux, dans les lois… la loi de l'Ontario, c'est dans ces… dans ce type d'article là qu'on l'a mentionné. Et je reviens… Ça me permet de rebondir aussi sur une question qui m'a été posée un peu plus tôt, mais qui est… sur laquelle je n'ai peut-être pas répondu complètement. Quand même, mentionner que, oui, ça va de soi que le produit, une fois rentré chez nous, devra respecter les règles québécoises. Mais mentionnons que l'Ontario a pensé que c'était nécessaire de le préciser, hein? Dans justement son article, l'équivalent de l'article deux du projet de loi n° 112, L'Ontario, elle, a soumis d'abord… a parlé de cette procédure de reconnaissance mutuelle, qu'elle définirait davantage par règlement. Mais elle a aussi dit : oui, on laissera entrer les produits des autres provinces réciproques et territoires réciproques qui respectent les… les… les normes de cette province… autre province réciproque, territoire réciproque, mais a précisé aussi que ces produits-là devront respecter les lois ontariennes une fois rentrés sur le territoire. Donc, on peut se dire : Parfois oui, ça va de soi, c'est normal, mais en fait, hein, trop fort casse pas. Pourquoi ne pas l'indiquer dans le… dans la loi plus clairement.

• (15 h 20) •

Mme McGraw : ...vous avez dit que… suite à… Dans le contexte, dans le nouveau contexte dans lequel on se trouve…

Mme McGraw : ...vis-à-vis le président Trump. On voulait aller assez vite. Par contre, le Québec est parmi les dernières provinces à proposer un projet de loi. Est-ce qu'on pourrait profiter du fait qu'il y a d'autres provinces qui sont en avant de nous? Est-ce qu'il y a des... Est-ce qu'il y a des leçons? Là, vous citez beaucoup le Canada, l'international aussi. Mais est-ce qu'il y a des leçons apprises des meilleures pratiques, des choses qui pourraient... dont on pourrait s'inspirer avec notre projet de loi ici, au Québec, Ontario, Nouveau-Brunswick, etc.?

Mme Parent (Geneviève) : La loi... Oui. Bien, comme je vous l'ai dit dans la présentation, toutes les lois font référence à la réciprocité. Je sais que vous voulez en reparler. Mais toutes les provinces font référence à la réciprocité et toutes les provinces réfèrent, d'une manière ou d'une autre, de façon plus ou moins exhaustive, à cette capacité qu'ils... qu'elles s'accordent à pouvoir évaluer l'équivalence ou le fait que les réglementations d'autres provinces soient comparables à la leur ou non.

Donc, la plus développée à ce niveau-là, c'est clairement la loi ontarienne. Et ce n'est pas rare, hein, que soit l'Ontario regarde ce qu'on fait ou que nous, on regarde comment l'Ontario légifère sur certaines questions. Mais il y a là quand même une... peut-être un regard à jeter sur ce que l'Ontario a précisé parce que c'est vraiment la loi provinciale la plus détaillée.

Finalement, pour la loi fédérale, bien, elle fait... ne fait ni un ni deux, là, dans le sens où elle crée une autorité qui va être clairement vouée à l'évaluation de l'équivalence des réglementations. Donc, ça, c'est très clair. Mais, l'Ontario, c'est un peu plus nébuleux. On comprend que l'Ontario va préciser sa procédure par règlement, mais clairement, elle fait état de plusieurs... elle pose plusieurs balises, la province de l'Ontario, dans sa loi dans sa forme actuelle.

Mme McGraw : Donc, si je comprends bien, toutes les autres provinces qui ont déjà présenté un projet de loi ou même une loi qui a été adoptée ont été explicites sur l'enjeu de la... pas juste l'enjeu, mais le principe de la réciprocité, de façon explicite.

Mme Parent (Geneviève) : La réciprocité et de mettre sur pied un processus de reconnaissance mutuelle. Oui.

Mme McGraw : Ces deux-là. Parfait.

Mme Parent (Geneviève) : Ces deux-là. Oui.

Mme McGraw : Donc, ça, c'est les balises. Là, vous... dans votre présentation, vous avez aussi parlé des... bien, des exceptions ou des.... je pense que vous n'avez pas utilisé ce mot-là, donc je ne veux pas mettre des mots dans... mais, bon, libéralisation. Donc, on est en faveur du principe de libéralisation. Pas surprenant, en tant que libérale. Et... Oui, c'est le principe fondamental, d'être libéral. Mais vous avez aussi parlé beaucoup de... à part de la question linguistique, surtout santé, environnement, sécurité, dont la sécurité alimentaire. Et on sait qu'au Canada, on a vraiment tardé à aller de l'avant avec le commerce interprovincial. Est-ce que ce n'est pas en partie à cause de ces enjeux-là que... C'est une question que je vous pose : Si chaque province commence à mettre toutes ces exceptions-là, à quel... c'est où le juste milieu? Puis le Québec est déjà perçu... je ne sais pas si c'est vrai ou non, mais perçu comme étant la province le plus protectionniste au Canada. Donc là, vous favorisez la libération, mais en même temps, vous nommez plein de...

Mme Parent (Geneviève) : Oui. Non, dans ce cas-là, je me suis expliquée. Je n'ai pas été assez claire. Parce que, ce qu'on dit, ce n'est pas de poser clairement la santé, l'environnement, la sécurité comme des exceptions, mais comme des intérêts fondamentaux. Et, s'il arrivait un problème, s'il arrivait à une situation, là on a la base, dans le cadre de la loi, hein, pour dire : Woups! Adoptons un règlement d'exception ou... bon, éventuellement, selon ce qui se présentera. C'est... Donc, ce n'est pas des exceptions au projet de loi. Parce que vous avez raison de dire que, si on le faisait en termes d'exception, là on bloquerait à peu près tout. Donc, ce n'est pas du tout l idée ici, mais c'est plutôt l'idée de témoigner, comme le gouvernement fédéral le fait dans sa loi, tout simplement en disant : Nous allons libéraliser, mais on va continuer à protéger, évidemment, à assurer la sécurité, à assurer la santé des... Et, en fait, toutes les provinces, qu'elles l'écrivent ou pas, là, évidemment, vont... ont ces intérêts fondamentaux à cœur parce... Et puis il y a une raison pour laquelle ça se retrouve toujours dans les accords internationaux, hein? C'est que les États veulent se garder ces appuis, hein...

Mme Parent (Geneviève) : ...pour éventuellement être capable d'adopter un règlement au besoin, s'il arrivait quelque chose.

Mme McGraw : Donc, vous citez, justement, le fédéral. Aussi, à l'international, c'est... c'est le cas souvent, dans les...

Mme Parent (Geneviève) : C'est la même... oui. Absolument, absolument.

Mme McGraw : ...les traités commerciaux, de citer... justement... Donc, pour bien comprendre, à part... Donc, vous voulez... vous proposez qu'on ajoute dans les intérêts particuliers...

Mme Parent (Geneviève) : Bien, par exemple, ça, ça...

Mme McGraw : ...à part de la protection et la promotion de la langue française, environnement, santé publique, sécurité et spécifier aussi sécurité alimentaire?

Mme Parent (Geneviève) : Bien, écoutez, la sécurité comprend la sécurité alimentaire, là, mais...

Mme McGraw : Donc, pas de façon explicite, sécurité...

Mme Parent (Geneviève) : Pas nécessairement de façon... explicite puisqu'un comprend l'autre. Mais ce que je voulais dire, c'est que le gouvernement fédéral, dans sa loi, le fait à l'article 4 dans l'objet de la loi, donc exactement, là, comme vous le dites, où vous mentionnez la protection de la langue française. Donc, oui, ce qu'on propose, c'est de... Comme je le dis, c'est hyperimportant, là, de bien comprendre ce que nous proposons, c'est-à-dire, ce n'est pas des exceptions, mais plutôt d'affirmer des intérêts comme on le fait avec la langue française. C'est sûr que, comme M. le ministre le disait, la langue française, bien, on sait bien que ça va... ça va ressortir davantage, là, dans le cadre de... bon, de l'étiquetage des produits, dans les... entre les offices de professions, etc., il y a là un enjeu particulier dans le cadre de la libéralisation pancanadienne, mais... mais ça n'empêche pas qu'il y ait d'autres intérêts fondamentaux pour le Québec. Et là nous, on suggère... bien entendu, ce sera à l'Assemblée de décider, ce qui en est, là, mais le fait de les mentionner, ce ne sont pas des exceptions, ce sont vraiment les intérêts fondamentaux qui sont compris, et avec lesquels la loi sera interprétée, parce que c'est dans l'objet de la loi, hein?

Mme McGraw : Donc, si je comprends bien, un équilibre que vous cherchez entre le principe de la libéralisation, principe de réciprocité, mais qu'il y a ces... d'autres intérêts qui sont fondamentaux, et ça, vous voulez retrouver de façon explicite dans la loi, et pas juste dans les...

Mme Parent (Geneviève) : Idéalement, oui.

Mme McGraw : OK. Peut-être une dernière question. On a retardé au Canada. Justement, on a une belle opportunité ici, une belle volonté, je pense, politique au sein du Canada, l'ensemble du Canada et ici, au Québec, d'aller de l'avant avec le commerce interprovincial. Par contre, ça fait des décennies qu'on parle de ça. Donc, selon vous, parce que vous avez une belle vue d'ensemble, pourquoi ça a tellement tardé? C'est un manque de volonté politique? Est-ce qu'il y a des leçons qu'on pourrait... pour nous informer, pour nous éclairer dans nos démarches au sein de ce projet de loi, à éviter ou à... Pourquoi c'est... on a tellement tardé?

Mme Parent (Geneviève) : Bien, je pense qu'on ne peut pas dire que c'est un manque de volonté politique, puisque l'accord sur le commerce intérieur existait avant l'accord sur le libre-échange canadien. Donc, il y a toute... il y a cette volonté. Il y a probablement plusieurs raisons qui expliquent peut-être cette difficulté à libéraliser, probablement parce qu'on avait un voisin au sud qui était facilement accessible, puis, en raison de l'étendue géographique aussi, c'est peut-être plus naturel d'échanger...

Mme McGraw : ...

• (15 h 30) •

Mme Parent (Geneviève) : ...c'est ça, avec certaines provinces plus proches qu'avec d'autres. Donc... Et on peut... Je ne sais pas à quel point finalement, malgré la volonté politique, là, qui est affichée par les provinces et le fédéral... provinces et territoires et le fédéral, est-ce qu'on va vraiment arriver à bouger tant que ça les choses. Là, ce qui arrive de nouveau, c'est le contexte économique, hein, les pressions du gouvernement américain, la fermeture de ses frontières, l'imposition de droits de douane puis notre réalité, là, où il faut qu'effectivement on retrouve... on trouve des débouchés pour nos produits et qu'on réfléchisse au-delà de ce partenaire financier traditionnel qu'on avait. Donc, ça va probablement nous aider à fluidifier les échanges, à voir, là, à quel point on arrivera à faire bouger les choses. Mais, chose certaine, il faut... il faut y réfléchir, il faut tenter le coup puis il faut... il faut s'ouvrir, donc, au reste du Canada, pas qu'on... moi, je ne pense pas qu'on l'était... on était si fermé que ça, le Québec, là, mais... Mais donc tentons de l'être davantage, puis voyons ce qui se passe, puis aussi profitons de... je reviens sur les régimes québécois que l'on a, mais qui nous ouvrent la porte...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Parent (Geneviève) : ...aux pays européens, hein, qui ont les mêmes réglementations, notamment en matière de propriété intellectuelle, donc qui nous permettent de... peut-être d'exporter des produits à haute teneur ajoutée dans ces produits... dans ces pays européens avec lesquels, bien, ce serait avantageux de commercer dorénavant.

Le Président (M. Laframboise) : Parfait.Merci.

Mme McGraw : Merci.

Le Président (M. Laframboise) : Merci, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Merci, Me Parent, Me Geneau, de votre contribution aux travaux de la commission. Vous êtes les dignes représentantes de la Faculté de droit de l'Université Laval. Merci beaucoup.

Je suspends les travaux de... quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 31)

(Reprise à 15 h 36)

Le Président (M. Laframboise) : Merci. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Confédération des syndicats nationaux, plus communément appelée la CSN. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à présenter les personnes qui vous accompagnent puis à commencer votre exposé. Merci.

Mme Senneville (Caroline) : Bonjour. Alors, je m'appelle Caroline Senneville, je suis présidente de la CSN. Je suis accompagnée de M. Julien Laflamme, qui est conseiller politique auprès du comité exécutif de la CSN, et de M. Jean Dalcé, qui est conseiller syndical au service de recherche et de condition féminine de la CSN.

Alors, merci de nous recevoir. Et on espère continuer, les syndicats, à faire partie du processus démocratique malgré les projets de loi annoncés par le ministre du Travail. On trouve ça important d'ajouter notre voix, justement, à la démocratie du Québec et on souhaite continuer le faire.

Évidemment, le projet de loi n° 112 s'inscrit dans un... dans un contexte, pardon, économique incertain. On a eu l'élection de M. Trump, l'imposition de tarifs qui changent... qui changeaient même, des fois, deux fois dans la même journée. Et évidemment ça nous a forcés, partout à travers le pays, à vouloir revoir certaines règles économiques. Même certains ont dit : Il faut repenser notre économie, donc, d'où le projet de loi qu'on a devant nous.

En ce qui nous concerne, par ailleurs, on a probablement des attentes exagérées par rapport à ce projet de loi là et au fait que l'ouverture tous azimuts du marché canadien constitue une réponse complète et importante face aux tarifs américains. Il faut d'abord dire que le marché intérieur canadien, ce n'est pas un marché qui est fermé, c'est un marché qui est ouvert grâce à l'Accord de libre-échange canadien, et c'est une part importante, là. 18 % du PIB du Canada sont des échanges interprovinciaux.

Et ensuite, bien, les réglementations provinciales des 10 provinces canadiennes et des territoires, c'est... ce ne sont pas les seules barrières pour que les entreprises puissent commercer plus avec les autres provinces canadiennes. Nous avons des barrières qui sont géographiques, de langue et de culture. Et ce n'est pas les mêmes marchés aussi. On a un grand pays, et ce n'est pas les mêmes... les mêmes conditions de marché, ce n'est pas les mêmes études de marché.

De plus, bien, si on pense qu'il faut revoir notre commerce interne à la lumière des tarifs par rapport aux États-Unis, bien, il faut comprendre que ce n'est pas le même type de commerce. 63 % de nos exportations canadiennes vers les États-Unis sont constituées d'intrants intermédiaires qui sont destinés aux entreprises américaines. Donc, ce qu'on va exporter au... du Québec vers les États-Unis, c'est l'aluminium primaire, le cuivre, l'or, l'énergie électrique, le bois d'oeuvre, beaucoup, donc, de produits de base, tandis que le commerce interprovincial, lui, est surtout constitué d'échanges dans le secteur des services. Donc... Et évidemment on ne parle pas de la même grosseur de marché, hein? Le marché américain est plus de 10 fois plus gros que le marché de ce qu'on appelle communément le ROC. Et donc, outre l'importance du marché, mais la constitution de ce qui représente chacun de ces marchés-là, ça fait en sorte que le marché intérieur canadien n'a pas la capacité d'absorber tous les produits qu'on envoie aux États-Unis, et on n'a pas non plus les entreprises au Canada pour transformer ces produits de base là. Donc, c'est vraiment... c'est loin d'être une panacée, les... de vouloir faire tomber les barrières non tarifaires entre les provinces.

Ceci étant, nous, ce qu'on va souhaiter, à la CSN... on vous a quand même fait une liste de certaines recommandations, pour nous il est important que, dans nos échanges interprovinciaux... il faut renforcer l'obligation de respecter nos lois linguistiques dans les rapports commerciaux et en termes de mobilité de main-d'oeuvre, que ce soit, bien sûr, en termes du... des provinces canadiennes ou des partenaires internationaux. Donc, on veut vraiment que les exigences du français, par exemple pour faire partie d'un ordre professionnel ou pour venir au Québec... il ne faut pas lésiner sur cette protection-là. Et, je vous dirais, il y a beaucoup d'autres projets de loi qui émanent du présent gouvernement qui vont dans le sens de...

Mme Senneville (Caroline) : ...renforcer la présence du français au Québec, et on va souhaiter que, dans le commerce interprovincial, on ne fasse pas l'inverse.

• (15 h 40) •

La deuxième chose qu'on souhaite dire, c'est que oui, l'Accord de libre-échange canadien et le fameux ALEC, il y a une liste dedans qui prévoit des exclusions. Et des exclusions font partie à notre avis de secteurs qui sont stratégiques. Je pense à celui de l'agriculture, à celui du bois d'oeuvre, les services sociaux, les pêches et les monopoles publics tels qu'Hydro-Québec, la SAQ ou la SQDC. Dans plusieurs de ces secteurs-là, il en va de la vitalité de nos régions, de notre autonomie alimentaire pour tout ce qui est dans la chaîne agroalimentaire. Et on pense que ce n'est pas du tout une bonne idée de libéraliser à outrance, surtout pour aller chercher des miettes de marché ailleurs. Ce qu'on aimerait dire aussi, c'est qu'au moment où on se parle, le Canada est en train de... le Québec est en train de discuter de... est engagé, pardon, dans une négociation multilatérale qui implique les autres gouvernements du Canada, qui vise à conclure un accord de reconnaissance mutuelle. Et ça, bien, la fin des travaux de ces... de ces négociations multilatérales, c'est la fin de l'année 2025.

Alors, le principal défaut, je dirais, qu'on trouve au projet de loi n° 112, c'est qu'il est prématuré. On pense qu'on devrait vraiment attendre la fin de ces négociations-là de reconnaissance mutuelle et que, lors de ces négociations-là, bien, ça va être basé sur des analyses, des comparaisons des mesures réglementaires partout au Canada et que ça va nous être utile après ça pour dire, bien, quelles sont les barrières non tarifaires qui existent dans le commerce interprovincial et que nous souhaitons garder, puis quelles sont celles que nous souhaitons faire tomber. Et on trouve qu'on met peut-être un peu la charrue avant les bœufs en ce qui concerne donc le projet de loi n° 112, étant donné qu'on est déjà engagés dans des négociations multilatérales.

Finalement, bien, presque finalement, on demande que le secteur de la construction soit exclu... projet de loi n° 112. Il faut savoir qu'il existe au Canada un système de reconnaissance de qualifications qu'on appelle le Sceau rouge, là, qui permet déjà la mobilité. Le Québec a des ententes de mobilité de main-d'œuvre avec trois provinces canadiennes, dont la plus grosse qui est notre voisine immédiate, qui est l'Ontario. Mais force est de constater que les travailleurs, travailleuses de la construction au Québec ne remplissent déjà pas leurs heures. Ils ne travaillent déjà pas à temps plein. Et pour nous, bien, c'est un contexte d'emploi qui fait en sorte qu'on ne doit pas ouvrir les vannes de ce secteur-là à des travailleurs qui ne sont pas au Québec, alors qu'on n'est pas... on ne fait pas le plein des heures ici.

Plus fondamentalement, plus globalement, je vous dirais que c'est sûr que tout le monde parle de choc, de choc tarifaire. Tout le monde parle d'électrochoc à notre économie par rapport à ce qui se passe de l'autre côté de la frontière. Et c'est normal qu'on repense notre économie. C'est normal qu'on se pose des questions sur les barrières qui peuvent exister à l'intérieur des... du Canada. Mais on croit aussi qu'on pourrait vraiment s'attaquer à des... à des... prendre... avoir une vision beaucoup plus macroéconomique pour la suite des choses. Parce que la problématique qu'on a en ce moment, elle est beaucoup plus large que juste les tarifs ou les barrières non tarifaires entre le... entre les provinces canadiennes. Nous avons un problème de productivité. On a un problème d'investissement technologique. On doit absolument prendre... faire une transition juste, aller vers des énergies de plus en plus vertes qui sont les énergies de l'avenir. Nous avons grandement besoin d'une politique industrielle que nous n'avons pas, une politique industrielle qui se base sur ce qui se fait dans nos régions, qui appuient les PME, qui sont déjà présentes sur le territoire, et basée sur une vision à long terme et une vision 360. Et je vous donne un exemple d'une politique macroéconomique sur laquelle on est en attente depuis longtemps. Tout ce qui a trait à la forêt, c'est un secteur qui est en danger depuis plusieurs années. Les tarifs nous font particulièrement mal. Il y a des... Il faut soutenir ce secteur-là et soutenir ce secteur-là par une politique, oui, d'aménagement, mais une politique de réinvestissement, puis une politique d'aide aux entreprises qui tarde à venir de la part du gouvernement. Donc, on pense que c'est beaucoup plus de ce type de politique là, macroéconomique, que va venir, je vous dirais, notre changement, notre transition économique pour faire face à la...

Mme Senneville (Caroline) : ...nouvelle réalité des tarifs. Et, bien sûr, comme je le disais, c'est ça qui va être garant de repenser notre économie. Mais une chose qui est difficile de changer, c'est notre géographie, hein? La Beauce, elle sera toujours plus près de l'État de New York que de la Colombie-Britannique et il faut s'assurer d'avoir des... aussi des politiques de libre-échange avec les États-Unis et de faire vivre les politiques de libre-échange qu'on a avec une bonne demi-douzaine de pays au Canada et de profiter... de maximiser ces traités-là aussi, ça doit faire partie d'une politique macroéconomique pour que notre économie soit revitalisée et vitale dans toutes nos régions. Alors, je vous dirais, c'est pas mal ça pour ce qui est de notre présentation, et on est prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Laframboise) : Merci, Mme Senneville, pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre et député de Beauce-Sud, la parole est à vous.

M. Poulin : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Senneville. Un plaisir de vous retrouver et de pouvoir échanger avec vous sur cet enjeu qui est fort important. Vous l'avez noté, on est présentement dans une situation économique extrêmement difficile. Elle est difficile pour les travailleurs, mais elle est également difficile pour nos entrepreneurs. Présentement, nos entreprises n'investissent pas. Elles ont pourtant des projets dans leurs tiroirs et on les accompagne du mieux possible et, Investissement Québec a fait des interventions avec eux, 25 000 entreprises que nous avons aidées au Québec depuis 2018. On est au rendez-vous, on a créé des emplois, on en a consolidé, mais on fait quand même face à une situation économique où l'imprévisibilité devient maître et où, en soi, l'imprévisibilité est un tarif parce que ça fait en sorte qu'on est... le tout est extrêmement difficile.

Il n'en demeure pas moins que plusieurs entreprises, et ils l'avouent, c'est le cas chez nous, c'est le cas dans d'autres régions du Québec, elles ne se sont pas suffisamment tournées vers le marché canadien, notamment comme vous l'avez signifié, avec l'enjeu géographique. Donc, des entreprises n'ont jamais appelé le Bureau du Québec à Toronto, j'en discutais pas plus tard qu'hier soir avec des entrepreneurs. Ils ont dit : C'est vrai qu'il faut développer le marché canadien. Je viens de perdre un client aux États-Unis. Les tarifs la semaine prochaine pourraient avoir un impact chez nous. Et encore, là, demain, je serai sur le terrain en train de visiter des entreprises, dans la région des Laurentides notamment, qui pourraient vivre des tarifs dans les prochaines semaines. Alors, c'est une réalité auquel on fait face et auquel les travailleurs également, qui parfois sont membres chez vous, peuvent être confrontés.

Vous dites quand même que notre projet de loi, il est prématuré. À une des pages, vous nous dites, là, que ce projet de loi là, bien, ça ne changera rien. Vous nous dites, et je cite au texte : Crois que les attentes créées autour du projet loi n° 112 sont exagérées. Contrairement à ce qui est véhiculé, le marché intérieur avec l'ALEC est déjà très ouvert. Mais plus tard, vous nous dites, dans les conclusions : Néanmoins, les bénéfices reliés aux faibles barrières commerciales du marché canadien ont été récoltés, puis vous nous partagez les craintes, vous dites : Concernant l'ouverture du marché intérieur, des améliorations comme la reconnaissance des titres de compétence des travailleurs et travailleuses pourraient être apportées pour favoriser une plus grande mobilité interprovinciale.

Alors... Et dans les conclusions, vous dites : Le Québec doit par ailleurs se rappeler que s'il ouvre de manière inconsidérée son économie aux autres provinces et au territoire canadien, l'ensemble de ses partenaires internationaux pourrait y avoir accès. Donc, ça sert à quelque chose ou ça ne sert à rien, ce projet de loi là?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, d'abord, il est prématuré parce qu'on pense que les négociations multilatérales, là, on devrait attendre que ça, ça se fasse avant de le... avant de s'engager dans d'autres voies. Après ça, ce qu'on dit, c'est que ça a un effet... ça n'aura pas un effet structurant sur l'économie. Puis il faut... il faut analyser les barrières barrières, «barrières». Les réglementations qui existent maintenant, elles existent pourquoi? On part d'un a priori en disant : Il y a des barrières, c'est nuisible, il faut les enlever. Maintenant, elles existent pourquoi? Qu'est-ce qu'on a voulu protéger en les mettant? Est-ce que ça vaut encore la peine de protéger ça? Est-ce que c'est la meilleure façon de les protéger, les barrières non tarifaires qui peuvent exister? Et c'est tout ça... c'est tout ça qu'il faut regarder.

Nous, ce qu'on dit, outre que c'est prématuré puis outre que le fait que ça ne sera pas un miracle, oui, il y a des choses qui peuvent être faites, mais attention, danger parce qu'il ne faut pas, nous, s'ouvrir les flancs alors que les autres provinces ne le feront peut-être pas. Puis effectivement, à partir du moment où ils ont le pied... il y a des... on ne peut pas, dans les accords internationaux qu'on a signés à l'égard de la demi-douzaine d'accords internationaux qu'on a signés, la demi-douzaine d'accords internationaux qu'on a signés, on ne peut pas discriminer les pays par rapport à ce qui se fait à l'interne. Alors, des fois, on peut dire : Ah! c'est le fun, il se passe ça avec l'Ontario, on pourra enlever telle barrière. Mais, oups, on n'a pas vu que derrière, le Japon, par exemple, pouvait arriver et dire : Non, non non, si vous avez enlevé cette barrière-là à l'interne, bien, moi aussi, je dois en bénéficier parce que vous ne pouvez pas me...

Mme Senneville (Caroline) :… traité comme pays étranger différemment de… que vous traitez les gens à l'intérieur. Alors, on place, je vous dirais, les limites et les dangers.

• (15 h 50) •

M. Poulin : Il n'en demeure pas moins, Mme Senneville, que… et peut-être c'est le cas pour vous également. Moi, je suis d'abord Beauceron, ensuite Québécois et ensuite Canadien. Et ces barrières-là que nous laissons, qui sont sur la notion permis sur permis, vous dites : ce n'est pas structurant, mais je pense que tout le volet permis sur permis avec une possibilité d'assujettir les ordres professionnels à davantage de mobilité sur certains métiers entre les provinces… Je pense que c'est structurant, cette politique-là, vous ne trouvez pas?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, écoutez, il y a un article de la loi qui nous inquiète, je pense que c'est le 12, là, je ne veux me tromper dans mes numéros, mais il y a un article qui nous inquiète particulièrement, où le gouvernement peut passer outre un avis d'un ordre professionnel pour la mobilité de la main-d'œuvre. Les ordres professionnels existent pour la protection du public. Alors, quand je vous disais : Il existe… quand il y a des… quand il y a des règles qui existent, elles existent pour des raisons. Un ordre professionnel, c'est fait pour protéger le public. Alors, le gouvernement va passer outre un avis d'un ordre professionnel… (Panne de son)… alors, pour nous, c'est une crainte. Et une fois que, disons, la protection du public va être mise en danger, est-ce que les gains escomptés sont réels ou pas réels? Alors, c'est ça qu'il faut voir.

M. Poulin : Je veux vous… je veux quand même vous rassurer. Aujourd'hui, il n'y a personne qui ne veut mettre la vie en danger de personne, là. On est… Le Québec est une société responsable, est une société qui fait bien les choses. Et cet article-là, en situation exceptionnelle où on pense qu'on doit améliorer la mobilité dans certains secteurs… Alors, je pense que c'est correct. Tout comme on se laisse un pouvoir réglementaire sur les biens, sur des enjeux de sécurité, sur des enjeux de santé, pour le commerce entre les provinces. Donc, ça, je pense qu'il faut le noter et qu'il faut mentionner qu'à aucun moment, le gouvernement du Québec ne se donne des pouvoirs de mettre en danger la vie des gens, là. Nos ordres professionnels sont aussi régis par des lois. Et je ne crois pas qu'il faut voir la mobilité entre provinces comme étant quelque chose de terrible. Les gens en Ontario, les gens en Alberta, les gens en Colombie-Britannique servent très bien leur population et j'inclus là-dedans les métiers de la construction, là.

Mme Senneville (Caroline) : Bien, écoutez, l'article est là. Alors, vous savez, ce n'est pas ma première commission parlementaire, là…

M. Poulin : Moi non plus.

Mme Senneville (Caroline) : ...mais ce n'est pas le premier ministre ou le premier gouvernement que j'entends dire : Bien, non, on n'a pas l'intention de faire ci, mais le texte de la loi est clair. Le texte du projet de loi est clair. Alors, je vous manifeste l'inquiétude. L'autre inquiétude qu'on a comme syndicat, c'est tout ce qui a trait en matière de santé-sécurité. Donc, il y a… quand on… il y a des… il y a de la main-d'œuvre qui est mobile, laquelle… quelle est la qualification? Et ce n'est pas toujours clair de connaître les équivalences de qualifications. Et après ça, quand on a rajoute à ça la non-maîtrise du français, bien, je vous le dis, on met les gens en danger en termes de santé-sécurité. L'industrie la plus meurtrière au Québec, c'est l'industrie de la construction. Année après année, le plus grand nombre de morts qu'on a. En termes de santé-sécurité du travail, les chiffres de la CNESST sont clairs à cet égard-là, c'est dans l'industrie de la construction, et là je ne parle pas d'autres lésions qui sont vraiment handicapantes, qui ne résultent pas à la mort. Alors, ça fait partie de nos inquiétudes.

M. Poulin : Bien, c'est intéressant. Premièrement, le français, on le place très bien dans le premier article de la loi. Ça ne change rien aux règles du français. Très conscient des enjeux de santé-sécurité sur les chantiers. Est-ce qu'ils sont toujours causés par des gens de l'extérieur du Canada? Je n'en suis pas certain. Je n'ai pas ces statistiques-là. Est-ce qu'il est toujours causé par le fait que quelqu'un ne maîtrise pas le français? Je n'ai pas cette certitude-là, mais nos lois sur le français demeurent. Je sens vos craintes sur une possibilité que des gens d'autres provinces viennent travailler ici. De qui avez-vous le plus de craintes? Vous nous parlez de l'industrie de la construction sur la notion du français notamment, mais il n'en demeure pas moins que dans d'autres provinces, vous savez, ils connaissent leurs fonctions, ils connaissent leur… ils ont été formés également. Alors, il y a quand même une structure d'organisation dans les métiers ailleurs au Canada, là.

Mme Senneville (Caroline) : Oui, ça sceau rouge. Alors, ça existe déjà. Donc, travailleurs qualifiés de la construction, s'il se fait accréditer, bien, il est mobile à travers partout… le Canada, là, alors. Et l'autre chose, nos travailleurs de la construction » en ce moment, ils ne font pas leurs heures.

M. Poulin : Ils ne font pas… Bien, exact, parce que… Bien, pour…

Mme Senneville (Caroline) : Donc, ils vont… Exact. Donc là, on va leur dire : Vous… On va faire venir de la main-d'œuvre de l'extérieur du Québec, alors que vous ne travaillez pas nécessairement à temps plein.

M. Poulin : Mais vous savez qu'il y en a certains qui ne font pas leurs heures parce que les chantiers ne peuvent pas démarrer, parce qu'il manque de main-d'œuvre aussi. Et ça, c'est le cas. Et c'est l'enjeu du décloisonnement…

M. Poulin : ...une profession qui a été traitée dans le passé et pour laquelle il faut toujours avoir un œil attentif. Nombre de gens, et j'en suis comme député, qui me disent : Je ne réussis pas à faire mes heures, le chantier ne peut pas commencer, notamment parce qu'il manque de personnel dans certains corps de métier. Alors, la mobilité de la main-d'œuvre permet également cet enjeu économique de pouvoir démarrer des chantiers et de pouvoir atteindre nos objectifs. Donc par moment, ça peut être l'oeuf et la poule également.

Mme Senneville (Caroline) : Oui, mais encore une fois, ça existe. Sceau rouge existe. On a des ententes avec trois autres provinces dont la plus grosse qui est à côté de nous pour que les travailleurs puissent s'en venir. Alors, c'est ce que je dis, l'effet marginal. Quand bien même on signerait quelque chose sur la construction, étant donné l'existence qu'il y a de reconnaissance de qualifications d'un océan à l'autre, étant donné les ententes qu'on a avec notre province voisine. Puis tu sais, il y a combien de travailleurs de la construction en tout respect, là, pour... dans une province comme la Saskatchewan qui est peu peuplée, ou l'Île-du-Prince-Édouard? Alors les faits pour nous, là, c'est... ÇCa illustre bien pour nous ce qu'est ce qu'on appelle comme un effet marginal.

M. Poulin : OK. Ça ne serait pas des nouveaux membres pour votre syndicat?

Mme Senneville (Caroline) : Ah! bien, possiblement, mais en même temps, s'ils ne travaillent pas, je veux dire, les gens payent des cotisations syndicales sur les heures qu'ils font. Alors, bien, c'est ça, il faut travailler pour payer des associations syndicales.

M. Poulin : D'accord. Il nous reste combien de temps?

Le Président (M. Laframboise) : Six minutes.

M. Poulin : OK. J'aimerais vous entendre plus, plus généralement, même sur les corps de métier. On a parlé de la construction, beaucoup. Et je comprends que c'est une industrie, évidemment, que vous maîtrisez parce que vous avez des membres. On a toute la notion des ordres professionnels, vous l'avez vu, où l'Office des professions vient mentionner l'importance que chaque ordre professionnel puisse alléger sa mobilité entre les provinces. Mais il n'y a pas... Il n'y a pas un corps de métier dont vous seriez d'accord. Vous dites : Oui, ça c'est bon. On va travailler sur le permis, permis, puis je pense que vous devez mettre une emphase là-dessus. Puis je pense que l'expertise canadienne peut être bonne. Je pense que de faire tomber les barrières à son maximum entre les provinces peut être positive. Il n'y a pas un corps de métier où vous nous dites : Oui, ça, c'est vrai, vous avez raison.

Mme Senneville (Caroline) : Bien, il y en a probablement plus qu'un. On peut-tu attendre de finir nos négociations multilatérales avec le reste du Canada, puis voir et, à ce moment-là...

M. Poulin : On n'est pas... On n'est pas fermé. Un peu peut se faire et l'autre également peut se faire dans la mesure où la renégociation de la..., nous la menons. Nous y travaillons. Mais il y a également d'autres provinces à travers le Canada qui ont fait ce genre d'exercice là, qui ont dit : On doit avoir un leadership en barrières commerciales. Et moi, je trouve même... Vous nous dites qu'on est prématurés. Moi, je trouve que le Québec est en retard, Mme Senneville, dans les barrières commerciales puis je trouve qu'on doit assumer ce leadership-là à l'avance. Puis rien ne nous dit que la... ne sera pas un outil de plus pour pouvoir faire vivre le projet loi et faire vivre la... également. Vous nous dites plusieurs métiers sur lesquels vous serez en accord. Avez-vous des exemples de métiers où vous nous dites : Nous sommes en accord?

M. Laflamme (Julien) : Bien, dans notre... Dans nos propositions, là, on n'est pas fermés à ce qu'il y ait des progrès au niveau des ordres professionnels, au niveau des ordres professionnels, notre crainte est particulièrement à l'égard du français. La deuxième crainte qu'on a. Nos membres sont d'abord préoccupés par la question de la réciprocité. Donc, ce n'est pas une opposition à la question de l'accroissement de la mobilité, mais nos gens trouvent important de considérer le critère de la réciprocité. Et également on doit adresser des questions dans des cas particuliers, soit où il y a des écarts de niveau de scolarité, comme il existe par exemple pour la profession d'infirmière, mais également il y a d'autres... d'autres métiers, là, régis par un ordre professionnel, où les critères de scolarité ont évolué au fil du temps. Par exemple, un métier où faire partie d'un ordre exigeait par le passé une maîtrise, maintenant, c'est un doctorat. Donc il y a certaines personnes qui bénéficient de... si on veut, là, dans notre jargon, d'une clause grand-père. Donc, comment... Comment va s'appliquer la réciprocité pour ces gens-là? Donc, c'est le genre de questions qu'on a, ce n'est pas... pour ce qui est de la mobilité, là, de manière plus large, là, à l'exception de la construction, ce n'est pas une fermeture totale qu'on a, c'est plutôt des craintes dans des... dans des contextes particuliers.

• (16 heures) •

M. Poulin : Bien, j'apprécie votre... vraiment votre ouverture et je le note, à cette mobilité entre les provinces. Vous nous soulevez des points de vigilance et c'est pour cette raison-là que la façon dont le projet de loi est bâti, il y a... je dis tout le temps l'Office des professions. Mais est-ce que c'est vraiment le bon libellé? C'est le... Oui, hein, c'est ça, OK, l'office. Il y a les ordres et l'office. Excusez-moi, des fois je disais l'Ordre des professions, l'Office des professions, et qui aura ce rôle-là à jouer auprès des ordres. Alors, on aurait pu dire...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Poulin : ...on change, dans la loi, le fonctionnement des ordres. Mais, l'Office des professions, il a une expertise qui se fait de paire avec les ordres professionnels. Et, vous le savez, on en a parlé un peu plus tôt tout à l'heure, des fois, c'est dans le dossier de l'Ordre, est-ce qu'il est complet, lorsque quelqu'un le dépose, le délai de réponse. Et il y a tous ces... ces éléments-là qu'on veut harmoniser et sur lesquels on veut travailler et, au bout du compte, qui va aussi améliorer, nous pensons, la mobilité et aider à l'économie du Québec. Même si je suis convaincu, et vous avez raison là-dessus, Mme Senneville, qu'il n'y aura, dans l'industrie de la construction, peut-être pas beaucoup de gens de la Saskatchewan qui vont venir. On en est conscients. Mais il n'en demeure pas moins que, d'assumer ce leadership canadien là, dans le cadre de l'ALEC puis auprès de nos confrères des autres provinces, on pense que ça peut être positif.

Alors, bien, je vous remercie pour vos... votre travail, votre contribution et ce mémoire, qui est également assez costaud, qui va nous permettre de pouvoir avancer et progresser. Merci beaucoup.

Le Président (M. Laframboise) : Merci. Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Pour encore? Juste pour vérifier.

Le Président (M. Laframboise) : Seize minutes 30 secondes. Oui.

Mme McGraw : 16 minutes. Merci, M. le Président. Et merci à vous d'être... de participer en virtuelle aussi pour votre mémoire et votre présentation.

Donc, plusieurs questions. Bon. Je comprends que vous avez des inquiétudes, des préoccupations. J'aimerais peut-être, dans un premier temps... Vous avez fait certaines recommandations. Quel sera... Quelle serait votre recommandation prioritaire?

Mme Senneville (Caroline) : Le français.

Mme McGraw : OK. Le français.

Mme Senneville (Caroline) : ...réponse à... Oui.

Mme McGraw : Et, ça, c'est déjà, donc... On avait une discussion, une bonne discussion avec des professeurs de l'Université Laval, la faculté de droit. Déjà, à l'article deux, on souligne l'importance de protéger le français. Donc, je pense que c'est un acquis. Elle a souligné l'importance de se baser sur les traités, au Canada et à l'international, qui soulignent la santé et sécurité et environnement. Si je comprends bien, c'est aussi... Est-ce que vous voulez voir ça de façon explicite dans la loi ou se concrétiser en règlement ou... donc, le français?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, une préoccupation pour la santé, oui, mais une préoccupation pour la santé et sécurité des travailleurs explicite dans la loi serait certainement un plus.

Mme McGraw : Et, au niveau du français, à part de la reconnaissance explicite à l'article deux, je... tu sais, je n'oublie pas, est-ce qu'il y a autre chose à faire pour promouvoir, protéger au sein... le français au sein de ce projet de loi? Que recommandez-vous de façon plus spécifique?

Mme Senneville (Caroline) : Non. Mais, nous, à la... Non. Mais c'est important. À la CSN, on a... c'est nos racines, hein? On a été créé en 1921, là. On est un syndicat... le n de «national», là... syndicat vraiment basé au Québec. Et ça a toujours été dans notre ADN de travailler très fort pour travailler en français, que le français soit vraiment la langue de travail, qu'on puisse, dans tous les... tu sais, à partir du moment où tu mets les pieds au travail jusqu'à tant que tu quittes, que tout se fasse en français, et le droit aussi de négocier sa convention collective en français. Pour nous, c'est des droits qui sont vraiment importants. Alors, c'est... ça... c'est essentiel. Puis on... L'érosion arrive. Quand il y a des personnes qui ne maîtrisent pas très bien la langue commune, qui est le français, bien, woups!, dans le milieu de travail, ça change. Puis, je l'ai dit tout à l'heure, je le répète, mais ça a toutes sortes d'enjeux, y compris en santé et sécurité. Parce que, si on n'est pas capables de comprendre les consignes, s'assurer.... ça aussi, c'est s'assurer que sur tout l'équipement, la formation soit faite en français, que les consignes en santé et sécurité soient données en français. On a vu, on a vu un cas d'un accident mortel à Montréal où les consignes de l'équipement étaient en anglais seulement, et ça a causé un accident mortel. Donc, il faut s'assurer que partout, le français comme langue de travail, dans tous ses aspects, soit respecté.

Mme McGraw : Le commissaire à l'admission aux professions nous a confirmé ou a clarifié que ça... après le permis, en termes du français, on peut recevoir le permis, mais les travailleurs ont jusqu'à quatre ans pour pour passer l'examen effectivement, mais que dans les autres provinces, le permis... on reçoit seulement le permis lorsqu'on démontre qu'on est capables de parler en anglais. Selon vous, premièrement, est-ce que vous êtes au courant de... Moi, ça m'a... c'est un apprentissage aujourd'hui. Donc, je ne sais pas si vous étiez au courant. Quelle est la meilleure approche? Est-ce que vous voulez que le permis soit seulement donné...

Mme McGraw : ...lorsque le français... il y a un nouveau... un niveau de français qui est assez... qui est adéquat pour faire le travail.

Mme Senneville (Caroline) : Bien, écoutez, je n'étais pas au courant de la législation dans d'autres provinces, mais c'est très logique. Ce qui était important, puis nous, on a toujours prôné ça aussi, si l'employeur embauche des personnes dont le français n'est pas la langue maternelle, ça relève aussi de la responsabilité de l'employeur à faciliter cet apprentissage-là. Donc, si on veut mettre des obligations par rapport à la connaissance du français, il faut que le milieu, y compris l'entreprise, fasse en sorte qu'il puisse y avoir des formations sur les lieux de travail et en partie aussi sur le temps de travail. Et ça fait partie, pour nous, là, des responsabilités de l'employeur s'il veut faire, s'il veut utiliser une main-d'œuvre dans la langue maternelle n'est pas le français. Donc, c'est peut-être plus vers là que j'irais. Si l'obligation est faite au travailleur avant de faire son permis, il faut lui... avant de lui octroyer son permis, il faut lui donner les moyens d'atteindre cet objectif-là.

Mme McGraw : Il faut mettre en place les conditions gagnantes pour que les gens apprennent le français et non les conditions perdantes. Je suis tout à fait d'accord.

Mme Senneville (Caroline) : Exact. Puis au niveau dont ils ont besoin pour l'emploi qu'ils occupent, là.

Mme McGraw : Tout à fait. Donc, pour moi, moi, je pense que l'approche est bonne, juste pour être claire, parce que j'ai regardé les collègues de l'autre côté sourirent, pour moi, cette approche-là de donner le temps de, justement, apprendre le français, c'est l'approche positive, inclusive et aussi efficace. Peut-être, regarder l'autre côté des autres provinces, peut-être qu'ils ont un travail à faire de leur côté, mais je pense qu'au Québec on a le bon... une bonne formule à ce niveau-là.

D'autres questions. Donc, priorité français, mais vous soulignez, c'est de l'importance santé, sécurité, environnement, etc. Est-ce que vous voulez que ces principes-là ou ces intérêts fondamentaux soient explicites au sein de... du... de la loi?

Mme Senneville (Caroline) : Je dirais oui.

Mme McGraw : Parfait.

Mme Senneville (Caroline) : Mais votre question était simple, ma réponse, elle est tout à fait.

Mme McGraw : Ça me surprend. Oui, oui, non, vous avez été assez claire.

Mme Senneville (Caroline) : Non, non, puis effectivement ça... Puis, quand on va en commission parlementaire, on a toujours le souci aussi que la loi soit claire puis qu'elle soit autoportante aussi, parce qu'un projet de loi qui annonce certaines choses puis qui dit : Mais ça, ça va être par règlement, ça, ça va être par règlement, ça, ça va être un règlement, là on se dit : Bien, on parle de quoi au juste? Donc, ça fait partie toujours de... je dirais, globalement, quand on regarde les projets de loi, ça fait partie des choses qu'on regarde, nous, à la CSN, mais c'est sûr que, quand vient le temps d'interpréter la loi ou d'appliquer la loi, quand il y a des principes comme ça qui sont mis dès le préambule de la loi, souvent, c'est dans le préambule, mais ça aide pour la suite des choses, là, puis... Oui?

M. Laflamme (Julien) : Si vous me permettez, pour poursuivre, une des inquiétudes qu'on a, c'est que, compte tenu que la mécanique du projet de loi actuel fait en sorte que c'est des exclusions qui sont gérées par règlement, une des craintes qu'on a, c'est que là, les ministères et les organismes vont faire leurs représentations au ministère de l'Économie pour obtenir une exemption réglementaire. Et là le ministère va avoir un arbitrage à faire entre les bénéfices économiques que lui perçoit et les atteintes à des enjeux de santé, de sécurité ou d'autres types d'enjeux sociaux que les ministères perçoivent, et on a peur, à cause de la mécanique du projet de loi qui est prévu actuellement, que cet arbitrage là entre deux ministères, il se fait derrière des portes closes et que la seule chose qu'on va voir, c'est les projets de règlements qui auront passé la barrière du ministère de l'Économie. Alors, à cet enjeu-là, on... on pense que la mécanique manque un petit peu de transparence.

Mme McGraw : Merci. Vous vous demandez qu'une... Mais il y a un échange avec le ministre sur... vous trouvez qu'on va trop vite. Le ministre... On partage justement cette perspective qu'on est un peu en retard ici au Québec et qu'on est en... on est en crise commerciale, et il faut agir, et on est en retard par rapport aux autres provinces. On pourrait regarder qu'est-ce qu'on... quelles seraient les meilleures pratiques, on peut s'inspirer peut-être d'autres lois dans d'autres provinces pour nous alimenter. Donc, on ne partage pas nécessairement cette perspective-là.

Ceci étant, on aimerait mieux comprendre. Par exemple, vous demandez une analyse d'impact économique, qu'elle soit réalisée avant... avant l'adoption du projet de loi. Quels indicateurs clés, emploi, productivité, investissements, services publics devraient absolument y figurer pour bien éclairer les parlementaires dans leur travail?

• (16 h 10) •

Mme Senneville (Caroline) : On va vous répondre en deux temps. Peut-être que le Québec a du retard puis peut-être...

Mme Senneville (Caroline) : ...qu'on aurait dû travailler là-dessus il y a x années, ça, c'est une chose, mais là, en ce moment, il se passe des négociations multilatérales qui vont se terminer dans quelques mois, dont on ne connaît pas toutes les ramifications. Alors, dans l'ordre des choses, peut-être qu'on est mieux de voir ce qui va être négocié là. Les études... Parce qu'il faut faire ces négociations-là. On... Quand on se présente à la table de négociation, on s'appuie sur des argumentaires, sur des études, sur... et tout ça va être fourni dans le cadre de ces négociations-là. Puis nous, on dit : Bien, c'est comme si ça n'existait pas, puis on va faire notre projet de loi à côté, puis peut-être qu'il va y avoir des interactions puis... Alors, c'est ça qu'on se dit. Voilà. Puis peut-être je laisserais M. Laflamme répondre, là, sur la deuxième partie.

M. Laflamme (Julien) : Bien, en fait, ce qu'on souhaite, ce n'est pas seulement une analyse des impacts économiques, mais une analyse de l'ensemble des impacts, incluant, là, les impacts sur la sécurité des personnes, sur la santé et sécurité, un ensemble de critères sociaux qu'on puisse faire vraiment une analyse coût-bénéfice sur l'ensemble des impacts que cette reconnaissance-là aurait, et non pas seulement les impacts économiques.

Mme McGraw : Je suis tout à fait d'accord que c'est toujours mieux d'avoir les données, d'avoir des analyses, des rapports pour bien faire notre travail, c'est clair. Puis pourquoi ça n'a pas été fait? Ça fait des décennies qu'on parle du commerce intérieur. Ceci étant, d'autres provinces sont allées de l'avant. On se retrouve en retard face aux autres provinces, c'est-à-dire les partenaires, dans ce... dans ce commerce interprovincial. Lorsque vous parlez de négociations multilatérales, vous parlez au sein du Canada, mais aussi en Amérique du Nord. Mais là vous parlez au sein du Canada? Juste pour être clair.

Mme Senneville (Caroline) : Oui. Oui, oui, oui. Au sein du Canada, oui, oui.

Mme McGraw : Donc, c'est ça, là, on se trouve dans une situation où les autres provinces, elles ont procédé. Ça ne serait pas un désavantage de, si on... d'attendre encore plus longtemps, d'être la seule grande province au Canada qui n'a pas négocié ou qui n'a pas sa propre loi en amont... ou juste pour avoir, au moins, un terrain plus équilibré.

Mme Senneville (Caroline) : On va être plus agiles. On est plus agiles. Parce que, si la loi est...

Mme McGraw : Il y a des avantages puis des...

Mme Senneville (Caroline) : Oui, voilà. Parce que, si la loi est adoptée, c'est quand même un processus, là, changer de loi, là, donc...

Mme McGraw : On est d'accord pour dire que...

Mme Senneville (Caroline) : Si on se rend compte dans un mois, woups, on n'avait pas pensé à ça, woups, on n'avait pas vu telle étude, woups... voilà.

Mme McGraw : Écoutez, on est d'accord pour dire que c'est toujours mieux d'avoir... de se baser sur des faits, des données, des rapports, des analyses. Ça, c'est clair de notre côté.

Vous recommandez de maintenir les exclusions stratégiques de l'ALECC, agriculture, énergie, SAQ, Hydro-Québec. Comment évaluer si une exclusion est nécessaire et sur quels critères le Québec devrait se baser pour protéger certains secteurs?

Mme Senneville (Caroline) : Mais, je vous dirais, tout ce qui touche... tout ce qui touche l'agriculture, la chaîne agroalimentaire, là, pour nous, c'est bien important. Après ça, c'est des choix de société qu'on a faits. Nous, on a fait le choix de société, il y a plusieurs décennies, d'avoir un monopole d'État pour l'électricité. Bien, ça prend des débats assez... je veux dire, c'est la même chose pour la SAQ, la même chose... Alors, il ne faudrait pas que l'objectif de faciliter le commerce entre les provinces, pour notre avis, à certains égards, dans des bénéfices marginaux, vienne à requestionner, à ébranler des choix de société qu'on a faits, de ne pas faire... ne pas passer par la porte de derrière pour déconstruire des choses qui ont... qui relèvent du débat public et de choix de société. Je ne sais pas si tu veux...

M. Laflamme (Julien) : Bien, si on... Puis, si on veut prendre des exemples, par exemple l'industrie forestière, il y a une exemption qui oblige de vendre les produits du bois issu des terres publiques à des scieries québécoises. Ce serait terrible dans le contexte actuel de lever cette exemption-là, ça ferait en sorte que, là, nos scieries, qui sont déjà très à mal, qui sont en crise, se verraient compétitionner avec des  scieries d'autres provinces pour s'approvisionner en bois. Évidemment, on peut penser que ça aurait un impact à la hausse sur les prix. Dans le contexte actuel, il est clair qu'on souhaite, là, le maintien de cette exclusion-là.

Mme McGraw : Juste pour répéter, la ministre dit que c'est déjà le cas. Je répète juste que la ministre vient de le dire, parce qu'il est hors...

Mme Senneville (Caroline) : Oui, c'est déjà le cas, puis on voudrait que ça soit maintenu.

Mme McGraw : Parfait. Là, vous avez aussi une perspective un peu à contre-courant de ce qu'on dit. On a les médias, beaucoup d'experts. Vous dites que vous... Vous affirmez, à moins que j'aie mal compris, que le marché intérieur canadien est déjà largement ouvert grâce à l'ALECC et que les...

Mme McGraw : ...les bénéfices du libre-échange ont déjà été récoltés. Est-ce que c'est votre position?

M. Dalcé (Jean) : Donc, permettez-moi de donner quelques éléments de réponse à cette question. Premièrement, il y avait l'accord du commerce intérieur qui n'avait rien donné. Donc, on l'a modifié pour avoir l'ALEC, on l'a modifié quand... après avoir signé l'AECG, on a constaté que les Européens avaient des avantages qu'on n'avait pas sur le marché intérieur. Mais le problème qu'on a au... et notre présidente l'a bien dit, ce n'est pas un problème d'accès au marché à l'intérieur, c'est un problème de... dans le cas du Québec, c'est un problème peut-être de productivité, c'est un problème de structure économique. Les PME, c'est-à-dire au Québec, pour faire affaire avec l'Alberta ou avec la Colombie-Britannique, ça représente des coûts énormes pour eux. Donc, elles n'arrivent pas à compétitionner des entreprises internationales sur ces marchés qui ont déjà des contraintes structurelles comme la géographie ou encore comme la taille de ces marchés qui n'est pas assez importante.

Alors, c'est pour cette raison qu'on dit que, bon, on a fait déjà l'expérience avec... on a fait l'expérience avec l'ALEC, donc ouvrir davantage, nous, nous pensons que ça n'en rapportera pas plus sur le plan économique au Québec, ou encore, les avantages qu'on va avoir, c'est des avantages marginaux. Donc, c'est un peu ça notre compréhension. Et puis ce n'est pas... on n'est pas les seuls, en fait, à avoir cette compréhension-là. Dans plein d'interventions scientifiques, on parle du vrai problème du Québec et du Canada. C'est le problème de la productivité qui fait en sorte qu'on n'arrive même pas, par exemple, à avoir une place sur le marché international. C'est le même cas avec l'AECG, on a un... avec les Européens. Mais quand on regarde l'évolution des échanges avec les Européens, eh bien elle n'a pas progressé tant que ça, c'est parce que, tout simplement, on a un travail à faire en amont qui n'a pas été fait. Donc, c'est ça notre position, et voilà.

Mme McGraw : Je pense qu'il reste 30 secondes. On est d'accord pour dire qu'il y a d'autres enjeux, productivité, bien qu'on trouve que faire avancer le libre-échange, c'est important. La question aurait été : Quelles d'autres... quelles autres mesures économiques vous auriez voulu mettre en place pour justement un contexte plus macro? Mais là je pense que... macroéconomique, mais...

Mme Senneville (Caroline) : Oui, la productivité, les technologies, les technologies vertes, la formation de la main-d'œuvre.

Mme McGraw : Mais elles ne sont pas... exclusives de...

Mme Senneville (Caroline) : Non, non. Mais c'est parce que, là, on met beaucoup d'énergie pour quelque chose qui va nous rapporter 0,05 $, alors que le 0,95 $, on n'y travaille pas.

Le Président (M. Laframboise) : Merci. Merci, Mme la députée Notre-Dame-de-Grâce. Je vous remercie, Mme Senneville, présidente de la CSN, avec vos collaborateurs, M. Laflamme, M. Dalcé, pour votre contribution à nos travaux.

Avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires, des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.

Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Ayant accompli son mandat, la commission ajourne ses travaux au vendredi 24 octobre 2025, à 10 heures, où elle entreprendra un autre mandat. Merci. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 16 h 18)


 
 

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