Journal des débats (Hansard) of the Committee on Public Finance
Version préliminaire
43rd Legislature, 2nd Session
(début : September 30, 2025)
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Thursday, October 9, 2025
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Vol. 48 N° 3
Special consultations and public hearings on Bill 112, An Act to facilitate the trade of goods and the mobility of labour from the other provinces and the territories of Canada
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14 h (version non révisée)
(Quatorze heures deux minutes)
Le Président (M. Laframboise) : Bonjour
à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
finances publiques ouverte. Je vous souhaite la bienvenue. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
appareils électroniques.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de loi n° 112, Loi favorisant le commerce des produits et la mobilité de la
main-d'œuvre en provenance des autres provinces et des territoires du Canada.
M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Mallette (Huntingdon) est remplacée par Mme Hébert (Saint-François),
M. Beauchemin (Marguerite-Bourgeoys), par Mme McGraw
(Notre-Dame-de-Grâce).
Le Président (M. Laframboise) : Merci,
M. le secrétaire. Cet après-midi, nous entendrons les témoins suivants :
le Commissaire à l'admission aux professions, Me Geneviève Parent, professeure
titulaire à la Faculté de droit de l'Université Laval et la Confédération des
syndicats nationaux.
Je souhaite donc la bienvenue au commissaire
à l'administration des professions. Je vous rappelle que vous disposez de 10
minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec
les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à
commencer votre exposé.
M. Gariépy (André) : Merci, M.
le Président. Merci de m'accueillir aujourd'hui pour ce projet de loi qui est
quand même assez important pour le Québec. Je veux saluer le ministre et le
féliciter pour sa récente nomination. Mais vous me pardonnerez, M. le ministre,
mais je mentionnerai aussi... je ferai des salutations particulières à la
députée de Notre-Dame-de-Grâce, puisque je suis un citoyen de sa
circonscription.
M. Poulin : ...
M. Gariépy (André) : Alors,
voilà. J'ai vu son visage sur plusieurs pancartes pendant plusieurs semaines,
il y a quelque temps. Alors, voilà. Et vous êtes ressemblante, ça va.
Alors, M. le Président, je suis André
Gariépy. Je suis le Commissaire à l'admission aux professions, qui est une émanation
de la... «une émanation»... une suite aux recommandations de la commission
Bouchard-Taylor, imaginez-vous. Il s'est... Il s'est dit bien des choses dans
Bouchard-Taylor, mais on n'a pas vu qu'il y avait cette recommandation d'avoir
un surveillant spécialisé et totalement indépendant qui va regarder ce que font
les ordres professionnels en matière d'admission et qui offre un recours en
plainte aux individus. Alors, M. le ministre, la personne pour laquelle vous
aviez eu une discussion autour de son diplôme à Toronto... et je le souligne à
tous les députés, puisque je vous écris à chaque fois que vous êtes... il y a
une nouvelle législature, ne vous embêtez pas avec ces dossiers-là, envoyez-les-nous.
Nous savons ce qu'il en retourne. Nous pouvons distinguer le vrai, le faux, le
scandale ou la bonne chose qui a été faite. Et ça me fera plaisir, M. le
ministre, si vous êtes encore en communication avec cette personne, de la
diriger vers nos services, et nous regarderons son dossier...
M. Gariépy (André) :
...comme nous le faisons pour tous les autres. Ne vous embêtez pas. Des fois,
les cas de comté, ça peut être difficile. Quand vous avez un recours,
utilisez-le, surtout un recours spécialisé qui a fait ses preuves depuis
maintenant une bonne décennie.
Alors, parlant de cette bonne décennie et
en passant, vous aurez noté sur le mémoire qu'il y a quand même une mention de
l'Office des professions, il a été décidé pour des questions financières,
j'imagine, parce que les dépenses de l'Office des professions sont payées à
partir d'une cotisation des 400 quelque mille professionnels québécois que
le commissaire allait être rattaché administrativement à l'Office des
professions. Mais le commissaire exerce ses fonctions de façon indépendante. Il
porte même un regard critique sur l'action de l'office, sur tous les
ministères, les organismes, les entités et même les milieux de pratiques qui
ont un rôle à jouer dans le processus de formation et d'admission des
professionnels à nos... à notre cinquantaine de professions réglementées par le
Code des professions. Donc, le commissaire est indépendant, et indépendant au
point que, quand je parle, je ne parle pas au nom de l'office ni même du
gouvernement. Et c'est bien ainsi, parce que c'est ce que voulait la commission
Bouchard-Taylor pour éclairer. Parce qu'il y avait beaucoup trop de flou dans
ces choses-là, et on ne savait pas à qui se fier.
Petite histoire. Ma première plainte a été
le 14 septembre 2010. C'était quelqu'un venant de la Colombie-Britannique
qui avait son permis de sa profession en Colombie-Britannique et qui voulait
exercer au Québec. L'ordre professionnel, quelqu'un à cet ordre professionnel,
que je ne nommerai pas, a comme mal qualifié le dossier et l'a envoyé par le
processus d'équivalence. Peut-être que la personne n'était pas tout à fait au
courant de bien des choses concernant la... Alors, la personne se plaint à
nous. Et j'appelle le DG. Je n'avais même pas de bureau, ni de crayon, ni
d'ordinateur, imaginez-vous, on m'a envoyé ça par messager à un moment donné
parce qu'on venait tout juste de créer le poste. Alors, j'ai téléphoné au
directeur général de l'ordre et je lui ai demandé : Qu'est ce que c'est?
Et il regarde le dossier. Il dit : Bien, voyons donc, c'est de la..., ça.
Tu vas me régler ça en combien de temps? J'ai dit : Je pourrais le faire
en cinq minutes si elle m'appelle? Mais il faut que je passe par un comité, ça
va prendre cinq jours. La dame maintenant est vice-présidente de cet ordre
professionnel.
M. le ministre, vous avez travaillé auprès
des migrants au centre jeunesse emploi, carrefour jeunesse-emploi. Vous savez.
Vous savez ce que c'est. Excusez-moi, M. le Président, de m'adresser au
ministre, mais il sait ce que c'est, de voir le malheur, mais aussi le sourire.
Excusez-moi, j'ai été très ému de cette conversation. Et pourtant ça date maintenant
d'il y a... il y a 15 ans, parce que cette personne avait tout laissé de
la Colombie-Britannique. Elle était avec son jeune fils, elle avait un emploi
et tout, et tout, mais elle ne pouvait pas exercer du fait de ce blocage qui
était tout à fait injustifié, une bêtise bureaucratique de quelqu'un qui avait
été mal formé à regarder ce type de dossiers là. Ça peut arriver. Et c'est pour
ça que nous sommes là. Et ça a été la première émotion que j'ai eue comme
commissaire. On aide du vrai monde. C'est sûr qu'on aide le Québec parce que
ces gens-là contribuent. On aide du vrai monde. Il faut garder toujours ça à
l'esprit et c'est ce que mon équipe a toujours à l'esprit.
Autre élément de... anecdotique. En 2017,
je suis convié par le gouvernement fédéral au ministère des Affaires, bien des
Affaires mondiales, comme ils appellent, pour participer à leur pool de
conseillers techniques en vue de renégocier l'ALÉNA à l'époque du premier
mandat de Trump. Pas facile. Et la première réunion que j'ai avec eux, parce
qu'on parlait... Mon propos était... La raison pour laquelle ils m'invitaient,
c'était de parler des dispositions de l'ALÉNA concernant la mobilité et la
reconnaissance professionnelle. La première question qu'ils me posent :
Qu'est ce qu'on peut faire de mieux? Qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer
l'ALÉNA? Et je leur ai dit... J'ai dit : Écoutez, ça fait une vingtaine
d'années que vous avez adopté ça. La première chose à faire, c'est peut-être de
l'appliquer parce que ce chapitre-là n'a jamais été appliqué. On a eu des
énoncés, des évocations dans deux rapports successifs de suivi de l'ALÉNA sur
la reconnaissance de la mobilité. Rien, vraiment, ne s'est fait. Il y a eu une
entente de reconnaissance mutuelle des comptables qui tient toujours. C'est la
seule qui a émané de cet ALÉNA de 1995, la seule en 20 ans. Pourquoi?
Parce qu'un accord de commerce, ça s'anime. Il faut démontrer de l'intérêt. Il
faut activer les partenaires qui sont responsables d'une partie de sa mise en
œuvre. Les ingénieurs ont eu un arrangement de reconnaissance mutuelle avec les
États-Unis. Toutes les provinces canadiennes sont dans le lot, et seulement
l'État du Texas a embarqué. Plus d'animation. Rien. J'ai participé à l'époque
parce que j'étais... Je débutais ma carrière comme conseiller juridique à
l'Ordre des psychologues. J'ai participé...
M. Gariépy (André) : ...des
discussions tripartites Mexique, États-Unis, Canada sur une entente de mobilité.
Il y avait certaines difficultés. Bon, j'ai quitté l'Ordre des psychologues à
un moment donné, bon, pour de très bonnes raisons, mais j'ai reparlé aux gens
de la communauté des psychologues de l'Amérique du Nord, à qui j'ai donné une
conférence il y a quelques mois, et je leur ai posé la question : Qu'en
est-il... Qu'est-il arrivé de cette affaire-là? Ah! On va le... on va le
reprendre, on va reprendre les discussions. C'est parce que là, on est quand
même pas mal d'années plus tard, des décennies.
• (14 h 10) •
La raison pourquoi je vous dis ça, c'est
parce qu'il faut regarder l'humain derrière ça. Il faut regarder aussi l'erreur
humaine, la bêtise quelquefois bureaucratique. Les organisations subissent des
situations, ne sont pas à leur meilleur, à leur niveau. Il y a... un accord de
commerce, ça s'anime. Et la raison pour laquelle je vous dis ça, c'est parce
que c'est peut-être le diagnostic qu'il faut poser concernant l'ALEC. Le
diagnostic, je le pose un peu pour le Québec, bien entendu. Quand je vois le
rapport que je vous ai... que j'ai produit au mois de mai dernier, je me
dis : Oh là, là! On a... Il y a des choses qui ont été... qui ont été
comme abandonnées ou pas suffisamment animées.
J'ai des ordres professionnels qui nous
ont dit qu'ils n'étaient même pas au courant du chapitre sept de l'ALEC. Alors
qu'ils avaient un processus de reconnaissance permis sur permis avec le reste
du Canada. Pourquoi? Parce que dans la succession des gens au sein d'une
organisation, la transmission ne s'est pas faite. Alors, est-ce qu'on va
disqualifier ces organisations d'avoir vécu le facteur humain dans toute
organisation? Non. Par contre, il faut se resserrer... resserrer comme entité
gouvernementale pour reprendre le flambeau, avoir un message clair : animer,
soutenir, conseiller et s'assurer que les choses vont aboutir.
Alors, on sait qu'il y a beaucoup de
choses qui se passent depuis la venue de M. Trump, mais c'est, franchement,
après la pandémie, que les choses ont commencé à bouillonner au Canada. En
2021, il y a un intérêt grandissant sur les délais de traitement. Le premier
ministre Jason Kenney avec... de l'Alberta avec tambours et trompettes, adopte
un projet de loi pour dire : Les ordres professionnels, ça va être
30 jours pour donner une décision, puis 10 jours pour un accusé de
réception. Il fait... Là, il claironnait là-dessus. Mieux que ça, il a envoyé
une lettre à tous ses homologues, premiers ministres provinciaux, pour
dire : Faites au moins ce que je fais. Alors, c'était de la bravade, c'était
de la... Alors, je me dis : Oh là là! Là, ça commence, là.
Alors, ce que nous avons fait, je me
dis : Qu'est-ce qui se passe dans les ordres professionnels? Nous avons
mené... mon équipe et moi, avons mené une enquête avant même ce que l'on
discute et les derniers mois, là, d'agitation autour de la venue de M. Trump.
Nous avons mené une enquête sur les délais de traitement des demandes de
l'ALEC. Et ce qu'on s'est aperçu...à
Le Président (M. Laframboise) :
20 secondes, monsieur... Me Gariépy.
M. Gariépy (André) : Oui. Ce
qu'on s'est aperçu, c'est que la majorité, la très grande majorité des ordres
professionnels traitaient les demandes en dedans de 30 jours, qui, en
passant, est le nouveau standard et même la majorité en deçà de 15 jours.
OK. Alors, par la suite, on a vu d'autres sujets bouillonner dans les
différentes provinces. Et là je me suis dit : Que se passe-t-il au Québec?
Alors, en 2024 et 2025, donc, il y a quelque temps déjà, bien, nous avons mené
d'autres enquêtes sur les pratiques des ordres, et on a rafraîchi la situation
des délais qui est demeurée la même, donc sensiblement très bonne.
Nous avons mené aussi l'enquête sur le...
sur les frais facturés pour les candidats de l'ALEC, de même que sur les
exigences et les processus administratifs. Le rapport du 5 mai dernier
vous donne la réalité de tous ces enjeux. On fait dire des choses à nos
travaux. J'ai vu d'ailleurs même qu'un intervenant a mentionné une
recommandation que j'aurais formulée à l'Office des professions, que nous
n'avons pas formulée. Il y a du vocabulaire qui nous est attribué qui donne un
ton dramatique et que notre enquête ne justifie pas. Mais quand même il y a
même le CIQ qui dit que... qui suggère que tout va bien alors qu'il reste quand
même du travail à faire.
Et ce qui a été bien pour les frais et
les... et les délais de traitement, c'est qu'en deux mois, depuis notre rapport
du 5 mai dernier, mon équipe, deux personnes de mon équipe... et j'ai dû
intervenir à quelques reprises pour couvrir le terrain, nous avons réglé les
enjeux entourant les délais de traitement résiduaires de quelques ordres qui
avaient pour toutes sortes de raisons, des délais de traitement, Plus que
30 jours, et nous avons réglé l'enjeu de similarité et d'équité dans les
frais chargés entre quelqu'un qui vient du reste du Canada et quelqu'un qui
vient du Québec.
Alors, dans ce dossier, il est préférable
de s'en tenir aux faits et non aux préférences, aux intérêts, aux idées
préconçues, voire aux postures idéologiques des uns et des autres. C'est la
mission délicate puis essentielle du commissaire de vous fournir ce regard
spécialisé...
M. Gariépy (André) : ...indépendant
et sans complaisance. Tout ça pour éclairer les protagonistes du dossier et,
maintenant, bien là, les parlementaires. Et les mesures qu'on serait appelés à
prendre pour faire du Québec une terre exemplaire en matière de mobilité. Nos
travaux apportent ces faits dans leur réalité d'aujourd'hui, leur ampleur et
leur impact.
Il faut voir notre rapport comme un outil
pédagogique, je l'ai rédigé comme tel, pour faire le tour de la question. Que
personne ne puisse dire «je ne le savais pas». Tout est là, dans ce rapport du
5 mai, et les 12 recommandations que comporte ce rapport, il faut le
lire comme un plan de match pour être exemplaire en matière de mobilité
interprovinciale pour des professions réglementées. Et c'est un plan de match
pour tous : les ordres professionnels, l'Office des professions, le
ministère de l'Emploi et la coordonnatrice à la mobilité de la main-d'œuvre qui
a un rôle à jouer, qui lui est attribué par le Forum des ministres du marché du
travail.
Alors, bien que... bien qu'on a eu du
succès, là, à régler des enjeux évidents et un peu un peu bêtes quelques fois
des frais facturés puis des délais de traitement, il reste beaucoup de travail.
Et ce travail devra se faire ensemble. Les rôles complémentaires
interdépendants des entités que je vous ai mentionnées, ils sont là. Puis il
faut faire émerger certains... de défis organisationnels, j'en conviens, il
faut s'affranchir des déceptions du passé, s'investir, accorder de la
compétence et de la légitimité à l'autre et faire sa part pour l'objectif
commun. Le commissaire, comme c'est son rôle, et qu'il l'a déjà fait auprès des
acteurs en question, sera au rendez-vous pour, au besoin éclairer, conseiller
et interpeler.
Je vous remercie et je suis disponible
pour les questions des parlementaires.
Le Président (M. Laframboise) : Parfait!
Me Gariépy. Donc, M. le ministre... Donc, je vous remercie. Et nous allons
maintenant commencer la période d'échanges, M. le ministre, vous avez laissé
donc 3 min 30 s de votre temps à Me Gariépy, donc il vous reste
12 min 59 s, M. le ministre et député de Beauce-Sud.
M. Poulin : Oui, la fonction
la plus importante. Vous avez raison. Merci beaucoup. M. le Président. Bonjour,
M. Gariépy. Merci d'avoir participé à nos travaux. Merci de votre mémoire
costaud que vous avez déposé en mai dernier, si je comprends bien. Alors, ça
démontre la passion que vous avez sur ces enjeux-là.
Je suis allé relire Bouchard-Taylor à
l'époque pour bien comprendre d'où on partait lors de la fondation de votre
organisation. Je suis à la page 225 de rapport... du rapport
Bouchard-Taylor sur le chapitre de l'insertion professionnelle. «Plusieurs
études ont montré qu'une partie de la population immigrante éprouve la
difficulté à trouver des emplois de qualité à la hauteur de la compétence et de
l'expérience acquise. Parmi les facteurs explicatifs, on mentionne le délai
d'adaptation, une résistance à reconnaître la formation et l'expérience acquise
à l'étranger — entre parenthèses, nous y reviendrons — un
problème de langue, les conditions trop sévères régissant d'accès aux métiers
et aux professions réglementées, des profils de compétences qui ne
correspondent pas aux besoins des employeurs, la concentration excessive des
nouveaux arrivants dans la région de Montréal, la précarisation générale de
l'emploi, la faiblesse des réseaux sociaux chez les immigrants, les barrières
culturelles à l'embauche et enfin les pratiques discriminatoires qui... surtout
à l'endroit des groupes racisés — on parlait de certains pays à
l'époque». Et on va lire un peu plus loin, où Thomas Mulcair qui a été à
l'Office des professions du Québec, dans son mémoire à Bouchard-Taylor,
dénonçait à l'époque les ordres professionnels.
Alors, votre organisation a été un
chapeau, a été mise en place comme étant un chapeau pour, comme vous l'avez dit
d'entrée de jeu, dénouer des nœuds au niveau des ordres professionnels. En quoi
le projet de loi que nous présentons aujourd'hui, sous sa mouture, projet loi n° 112,
va nous permettre de dénouer les nœuds qui étaient la raison d'être même de
votre organisation?
M. Gariépy (André) : Alors,
premièrement, le commissaire n'est pas impliqué dans les décisions, ni dans les
opérations, ni dans le processus réglementaire, c'est un surveillant, un
gardien du sens qui n'est pas dans les opérations. Donc, c'est sûr que... et il
est bien dit dans le Code des professions, que le commissaire n'a pas
compétence sur les décisions. Donc, je ne peux pas arriver, là, puis dire «bien
là, tu fais ça de telle façon, telle façon. Par contre, il n'y en a pas un qui
a résisté à implanter les recommandations que nous avons formulées. Bon il y en
a un qui a résisté, mais, bon, il a cédé pour toutes sortes de raisons,
notamment juridiques, et il était sous tutelle, alors, imaginez-vous, ça n'a
pas aidé pour eux. Alors donc, oui, ce qu'il faut dire, c'est qu'au moment de
Bouchard-Taylor il y a aussi un autre rapport qui est arrivé à la même époque,
qui est le rapport... et qui est le rapport du groupe de travail sur
l'intégration des personnes immigrantes aux œuvres professionnelles. Il y avait
dans ce rapport des recommandations assez complètes et qui ont été mises en
place dans les années qui ont suivi. L'arrivée du...
M. Gariépy (André) : ...bien
entendu, a fait en sorte qu'on s'assure qu'il y a un gardien du sens spécialisé
là-dessus pour rappeler qui les ordres, qui l'office, qui même l'OQLF, qui même
le ministère de l'Immigration, qui même le ministère de l'Emploi à une espèce
de convergence puis une meilleure efficacité pour atteindre des objectifs et
une meilleure équité pour les personnes qui veulent exercer leurs professions.
Alors, le commissaire, ça a été une façon de mettre l'enjeu sur le haut de la
pile ou, en tout cas... d'une égale pile que les autres.
• (14 h 20) •
Et votre projet de loi, ce qu'il amène,
c'est qu'au fond vous rendez explicite ce qui était implicite. Il y a déjà des
mécanismes dans le système professionnel, dans le Code des professions, pour
mettre en œuvre une entente gouvernementale ou mettre en œuvre le parcours
permis sur permis. D'ailleurs, je pense que c'est la seule législation dans les
différents domaines qui a ce point précis d'avoir un parcours légiféré avec un
règlement qu'approuvent les autorités publiques pour aménager ce parcours
simplifié. Alors... Et nous, nous surveillons ça, nous surveillons ces
parcours-là. Et, au fond, votre projet loi, il rend explicite le message
gouvernemental pour dire : Si vous n'aviez pas compris que c'était un
engagement politique parce qu'on a signé la lettre, vous allez maintenant
comprendre que c'est une obligation juridique.
M. Poulin : Oui. Eh bien,
votre lecture, elle est bonne. Puis on a un article, quand même, l'article 12,
qui vient également donner des outils importants, et je vais vous le lire dans
les prochaines secondes : «Le gouvernement peut, à la place du conseil
d'administration d'un ordre professionnel et s'il l'estime nécessaire pour se
conformer à ses engagements intergouvernementaux, prendre un règlement en
application du paragraphe du premier alinéa à l'article 94 du Code des
professions ou modifier un tel règlement.» Alors, cet article 12 là vient
enchâsser également dans la loi cette possibilité légale, juridique de pouvoir,
d'une certaine façon, avoir un leadership sur un ordre professionnel.
M. Gariépy (André) : Bien,
moi, je vais vous dire, ce que vous... ce que vous avez mis là dans l'article
12, premièrement, il existe déjà dans le Code des professions, mais il n'est
pas tout à fait applicable pour une question conceptuelle et technique, là, et,
écoutez, je vous fais grâce de ça. Il n'est pas applicable au règlement...
M. Poulin : Faites-moi-z-en
pas en grâce. Dites-moi donc pourquoi l'article 12 est meilleur que ce que vous
venez de me dire.
M. Gariépy (André) : Parce
que, dans le Code des professions, la capacité de... supplétive pour que le
gouvernement adopte à la place d'un ordre professionnel un règlement, il
n'est... ce n'était applicable que pour les règlements d'adoption obligatoire
comme les règlements d'équivalence, et tout, et tout. Et, comme il est possible
que certaines professions n'existent pas dans d'autres provinces, on ne peut
pas forcer à un ordre professionnel d'adopter un règlement alors que la
profession n'est pas réglementée ailleurs. Alors donc, par le fait que c'est un
règlement facultatif, un légiste quelque part... je suis désolé pour les
légistes dans la salle, mais un légiste... il est à sa retraite, là, alors, un
légiste quelque part, puis on parle des années, peut-être, 80... 70, 80, là,
donc il est peut-être mort, même, tant mieux pour nous, mais... alors un légiste
s'est dit : Bien, comme c'est d'adoption facultative, on ne peut pas
mettre un pouvoir péremptoire du gouvernement de le faire à la place de
l'ordre. Moi, ça fait plusieurs... une dizaine d'années que je critique cette
affaire-là. Alors, ce que...
M. Poulin : ...est bon. Donc,
l'article 12...
M. Gariépy (André) : Bien,
l'article 12, je l'ai souhaité.
M. Poulin : Parce qu'il y a
une clarté, il y a une clarté dans l'article 12, quand même.
M. Gariépy (André) : Oui,
mais je le souhaite pour tous les autres règlements d'adoption facultative, M.
le ministre. Il faudrait mettre ça dans le Code des professions puis que ce
soit pour tous les règlements. Je l'ai demandé il y a une dizaine d'années,
mais là arrivent des réformes du Code des professions, on change les
pharmaciens, on change ci, on change ça, puis là arrive ce petit point
technique : Ah! on n'a pas le temps d'analyser ça. Bien, voilà, là, vous
le faites, mais tant qu'à... tant qu'à y être, faites-le donc pour tous les règlements.
M. Poulin : Excellent!
Monsieur, je... Gariépy, je veux absolument vous entendre sur la page 22 de
votre mémoire, sur le français, parce qu'on a entendu beaucoup de choses depuis
le début de nos travaux. Deuxième paragraphe, vous dites : «Une impression
erronée circule voulant que la Charte de la langue française constitue un
obstacle à l'établissement des professionnels des autres provinces et à leur
admission aux professions réglementées au Québec. Or, cela est faux. Il est
désolant qu'on alimente ainsi les préjugés sur le Québec et sa spécificité,
avec le possible effet de fausser la perspective d'une personne quant à un
projet de s'établir et d'exercer sa profession au Québec.» Et je suis
convaincu, la députée de Notre-Dame-de-Grâce, on se rejoint là-dessus, parce
que tous les deux, on a intérêt à partager le fait français puis on veut
promouvoir la langue française, mais on ne veut pas que ça empêche des gens de
venir faire leurs carrières professionnelles au Québec si jamais ils le souhaitent.
Pouvez-vous nous expliquer l'esprit de ce que vous avez rédigé?
M. Gariépy (André) : C'est
que les ordres professionnels ne se sont pas aidés, n'ont pas aidé le Québec à
certains égards, et d'autres aussi qui exposent ces questions-là. On dit :
Bien, il faut savoir le français pour exercer une profession...
M. Gariépy (André) : ...il
faut connaître le français, une connaissance appropriée, c'est un peu trop
court, ça, là, là. Ce que ça veut dire, ce que les gens comprennent, c'est
qu'avant même d'avoir ton permis il va falloir que tu... quelque permis que ce
soit, il va falloir prouver que tu as la connaissance du français. Or, c'est
faux, M. le ministre, depuis même avant la Charte de la langue française. La
première loi qui a traité des obligations de connaissance appropriée de la
langue française pour les professions réglementées, elle date de la fin des
années 60 ou peut-être début des années 70, là. Il faudrait que je
vérifie. Ça a été un accord unanime des partis. Et j'ai vu même des députés
plus d'ascendance anglophone ou de la communauté anglophone être tout à fait
d'accord avec ça. Il faut lire les transcriptions de commissions
parlementaires, c'est assez incroyable, le consensus. Ça a été reconduit dans
la Charte de la langue française. Et, ce que dit la Charte de la langue
française, c'est que vous devez connaître le français pour exercer une
profession, mais si vous ne le connaissez pas dès votre demande d'admission et
si vous satisfaisez à toutes les exigences de fond pour avoir ce permis, la
compétence, l'expérience, et tout, et tout, on va quand même vous donner un
permis tout de suite, et vous avez jusqu'à quatre ans pour démontrer votre
connaissance de la langue française en réussissant l'examen de l'OQLF. Donc,
quand on dit : Il faut connaître le français pour exercer, on oublie de
dire que, si vous ne le savez pas dès le début, ce n'est pas grave, vous avez
jusqu'à quatre ans pour l'apprendre. Et, ça, c'est une mesure d'intégration
puis de facilitation. Quand on ne le dit pas, on se fait critiquer.
Moi, j'ai beaucoup réagi quand j'ai vu des
choses autour de la mobilité interprovinciale, de nous critiquer. Quand
j'entends des gens qui viennent devant vous pour dire : Oui, mais on
comprend l'intention, mais, mais, je n'aime pas le «mais» qui se passe et qui
se dit. Il y a derrière ça des petits coups de sape. Alors que le Québec, pour
ce qui est des professions réglementées, il a la flexibilité, l'humanité de
dire à quelqu'un :Tu ne sais pas le français, tu as jusqu'à quatre ans pour
l'apprendre et c'est... et tu vas avoir ton permis tout de suite, regardez ce
qui se passe dans le reste du Canada. Il n'y a pas de Charte de la langue
française dans le reste du Canada parce que... Puis, c'est tellement facile de
viser une loi qui crée une contrainte comme ça, et on se le fait servir
souvent. Mais, dans le reste du Canada, il y a les mêmes exigences pour la
connaissance de l'anglais. Et on l'exige avant de délivrer tout permis que ce
soit. Mon homologue commissaire à l'équité au Manitoba s'est battu pendant des
années contre l'Ordre des infirmières du Manitoba, qui avait des niveaux
d'exigence d'anglais beaucoup trop élevés pour la réalité de la pratique. Ça
devenait un obstacle. Alors, moi, quand je me fais servir des critiques comme ça
du Canada, des provinces canadiennes, je dis : Un instant, moi, j'ai
peut-être le désavantage d'avoir une loi qui rend visible l'enjeu et qui me
soumet aux critiques, mais vous n'êtes pas mieux, vous êtes pires.
M. Poulin : Non. C'est ça. Il
reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Laframboise) : Une
minute 53 s.
M. Poulin : OK. Très, très,
très rapidement. Page huit de votre mémoire, vous dites : «Les constats
tirés des données recueillies montrent que la grande majorité des ordrees
traite les dossiers complets du parcours de la mobilité interprovinciale dans
un délai moyen de 30 jours ou moins, la majorité en moins de 15 jours.» Et là,
encore une fois, peut-être que c'est une légende urbaine mais plusieurs cas
sont portés à notre attention. On nous dit : C'est long, les ordres, c'est
long puis c'est long! Vous nous dites que ce n'est pas le cas?
M. Gariépy (André) : Bien, ça
dépend ce qu'on met dans le calcul. Si, ah, bien là, moi, j'ai mis... Parce que
des ordres nous ont répondu un peu par-dessus la jambe : Ah bien, ça prend
trois mois. Un instant! Trois mois! Comment ça se fait que ça prend trois mois?
C'est supposé d'être automatique ça, là, là. Il y a... de papier, et tout, et
tout. Ah bien, il faut que la personne fasse la mesure de compensation, qui est
par ailleurs justifiée par des exceptions de la... là, mais là, tu n'inclus pas
ça. La norme que les premiers ministres ont adoptée en juin dernier, c'était
les dossiers complets. Quand le dossier complet, c'est-à-dire que la personne a
tout fait ce qu'elle avait à faire, combien ça prend de temps. Et c'est même la
norme de toutes les législations provinciales, qui, en passant, se sont copiées
l'une l'autre depuis Jason Kenny, là, en Alberta, alors c'est le dossier
complet.
Alors, moi, j'ai fait réaliser aux ordres
professionnels que je demandais le dossier complet, pas toute la démarche,
parce que, c'est sûr, toute la démarche, si tu as des mesures de compensation,
des cours, des examens, le temps file un peu. D'ailleurs, ce temps, il faut
toujours le réduire, en passant, peu importe, là.
M. Poulin : Non. Puis,
souvent, c'est même le demandeur... il ne sait même pas si son dossier est
complet, par moments, fait un dépôt, et là... C'est ça. Dans plein de demandes
qui sont faites au gouvernement du Québec, on n'est jamais capables de savoir
si notre dossier est complet par analyse. Je veux vous remercier, M. Gariépy.
Je suis allé voir votre LinkedIn, parcours très, très chargé. Tout à l'heure,
on a fait des blagues sur la retraite. Vous, ce n'est pas pour tout de suite?
M. Gariépy (André) : J'ai-tu
l'air d'un gars qui va... qui va aller à la retraite?
M. Poulin : Non. C'est ce que
j'en ai compris.
• (14 h 30) •
M. Gariépy (André) : J'ai-tu
de l'air d'un gars fini dont on a extrait tout le jus?
M. Poulin : Non! Bien, des
fois, on n'a pas besoin d'être finis pour notre retraite.
M. Gariépy (André) : Merci.
M. Poulin : Mais merci pour
votre passion. C'est ce que je voulais dire.
Le Président (M. Laframboise) : Merci.
M. Gariépy (André) : Très
bien. Merci.
Le Président (M. Laframboise) : Merci...
14 h 30 (version non révisée)
Le Président (M. Laframboise) :
...M. le ministre. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce pour 16 min 30 s.
Mme McGraw : Merci, M. le
Président. Je ne sais pas si le ministre avait d'autres questions, parce que
vous avez généreusement partagé votre temps avec mon concitoyen. Donc, vous
allez reprendre...
M. Poulin : Oui, exact. Vous
avez raison. Vous alliez dire, M. Gariépy?
M. Gariépy (André) : J'ai
rencontré à quelques reprises M. Bouchard, M. Taylor, au début, là, de... C'est
émouvant de voir comment, pour eux, en tout cas, un des bébés a survécu. Voilà.
M. Poulin : Non, non, tout à
fait. Tout à fait, parce que ça a été... À l'époque, le rapport, il y avait
tellement d'éléments et... Bien, nous, on a pris le relais lorsque nous sommes
arrivés au pouvoir, mais somme toute, vous avez raison, c'était très clair dans
les pages du rapport Taylor, cette recommandation-là.
M. Gariépy (André) : Je n'étais
pas là, moi, du temps, là. J'ai déjà travaillé au Vietnam. J'arrive...
M. Poulin : Oui, oui, c'est
ça. Toute une histoire, vous allez voir.
M. Gariépy (André) : Puis me
voilà... Me voilà avec un h7éritage des deux... des deux grands que sont
Bouchard et Taylor.
Le Président (M. Laframboise) :
Merci du résumé. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. La parole est à vous.
Mme McGraw : Merci, M. le
Président. Vous voyez à quel point les concitoyens de Notre-Dame-de-Grâce sont
animés, pour utiliser vos bons mots. Le professeur Taylor aussi était un
concitoyen de Notre-Dame-de-Grâce, oui. Sa famille est encore là. Écoutez,
merci beaucoup pour la présentation et aussi de votre présence. Beaucoup de
questions. Il y a une chose que je viens juste de comprendre. Donc, permettez-moi
de bien clarifier. Est ce que ça représente donc une barrière que les francophones
québécois ou les francophones au sein du Canada, ils n'ont pas de permis. Du
début, ils doivent apprendre l'anglais. Moi, je trouve ça intéressant, comme...
Est-ce que c'est vraiment le cas, que le permis, on le reçoit seulement lorsqu'on
démontre qu'on n'est pas capable de parler en anglais ailleurs au Canada, mais qu'ici
au Québec, on reçoit le permis, puis on a jusqu'à quatre ans pour apprendre le
français si ce n'est pas le cas. Est ce que c'est bien ça la situation actuelle?
M. Gariépy (André) : Vous
avez là une belle occasion de vous amuser à faire une leçon d'ouverture
linguistique au reste du Canada.
Mme McGraw : Ça fait que ça
représente une barrière peut-être pour les francophones québécois et les
francophones ailleurs au Canada, de ne pas avoir accès à ce permis sans donner
le temps d'apprendre l'anglais.
M. Gariépy (André) : …
Mme McGraw : OK. Merci. Donc,
plusieurs questions. Vous avez... Là, il y a 12 recommandations. Laquelle,
selon vous, est la... Quelle est la recommandation prioritaire? Puis je vous
donne le temps d'élaborer.
M. Gariépy (André) : Moi, je
vous le dis, là, je pense que c'est la dernière. La dernière emportera tous les
autres. La dernière, c'est la collaboration entre les acteurs publics de ce
dossier-là, les ordres professionnels, parce que ce sont des acteurs publics. L'Office
des professions et le ministère de l'Emploi, tout particulièrement, par sa
coordonnatrice à la mobilité de la main d'oeuvre, qui est chargée d'animer et
de conseiller les acteurs de sa province sur les enjeux et les tenants et
aboutissants de la... Je pense que si on... Et je vous informe en tout cas que
j'ai fait un peu de médiation pour relancer les affaires parce que, bon, on a
dit des choses sur l'office, sa capacité d'agir. Je remarque aussi qu'un peu
partout, il y a eu du relâchement ou du manque de capacité pour le faire. Je sens
qu'il y a... Ils se sont rencontrés. Je ne suis pas là... Je ne les suis pas,
là... Je ne leur souffle pas dans cou, mais je me tiens informé de temps à
autre. Je sens que, là, c'est sérieux. Et même à l'Office des professions, on
vous a dit des choses sur l'office, d'ailleurs, que je...
C'est vrai que l'Office a eu des défis
organisationnels dans les dernières années, de leadership aussi, d'orientation
et de leadership. Et il a encore des défis organisationnels en termes de
ressources humaines. Il y a une nouvelle présidente qui a été nommée au mois de
mars. Je ne suis pas là pour décerner, moi, des certificats de bonne conduite.
Ce n'est pas ma job comme commissaire, mais j'ai espoir. Et j'ai espoir de voir
tous les gens, dont certains sont dans la salle. En fait, à peu près tous sont
dans la salle, des acteurs gouvernementaux avec qui j'interagis, que j'ai fait
une médiation douce pour rétablir des ponts, si des ponts et une certaine
distance s'étaient instaurés. Je pense que cette recommandation-là, la
dernière, la 12, là... Et quand vous regardez dans le mémoire, pas le mémoire,
mais le rapport de mai 2025, je dresse l'espèce de feuille de route ou de terme
de référence pour cette collaboration interministérielle pour que, de façon
résolue, on ne se perde... on ne se perde plus de vue, qu'on regarde les vraies
affaires et que tout le monde mette l'épaule à la roue et apporte sa
contribution.
Et je pense que c'est sur la bonne voie.
Et en passant, je ne vois pas toujours ça dans les autres provinces. Vous savez
que j'ai huit autres homologues dans les provinces canadiennes. Nous avons
formé un forum, d'ailleurs. À mon instigation, il y a plusieurs années, nous
avons formé un forum de la surveillance de l'admission, où tous les...
M. Gariépy (André) : ...les
équivalents de commissaires de surveillance de l'admission dans les... ces
provinces canadiennes se réunissent pour se coordonner, et, si ça va bien, si
on continue avec ce bon état d'esprit, à oublier le passé puis à travailler
ensemble pour l'avenir, bien, je pense qu'on va y arriver. Donc, la 12, là, si
elle n'est pas là, le reste ne se fera pas. C'est pour ça que je la cible.
Alors, il ne s'agit pas que chacun devienne le patron de l'autre, que quelqu'un
arrive jupitérien et décide d'un acte d'autorité vertical l'un sur l'autre.
Non, chacun a son expertise propre et d'une contribution la pièce du casse-tête
pour arriver aux objectifs. Donc, il faut se reconnaître entre eux... il faut
qu'ils se reconnaissent entre eux, leurs compétences, leur légitimité, leur
complémentarité, ils sont interdépendants pour atteindre cet objectif pour le
Québec.
Mme McGraw : Très clair,
merci. Le Québec a recours à des dérogations pour certaines professions, par
exemple les avocats, les denturologistes. Est-ce que vous pensez que ces
exceptions sont encore justifiées ou devraient-elles être révisées?
M. Gariépy (André) : Il faut
toujours réviser ce qu'on a mis comme... parce que ces avis de dérogations
datent. En passant, là, la plupart des choses, là... même le groupe de coordonnateurs
de la mobilité pancanadien et le Forum des ministres du marché du travail n'ont
rien produit comme études depuis 10 ans, ils n'ont même pas donné, depuis
10 ans... sur la mobilité en vertu de la... Et il y a des choses qui... et
on a même eu de la difficulté à trouver des documents pour dire : Bien,
qui a fait quoi? Quels genres d'exceptions? On a même de la difficulté à
retrouver certains documents pour retracer un certain historique. Alors, oui,
il faut toujours avoir, et c'est une de nos recommandations d'ailleurs du mois
de mai, il faut que les ordres professionnels revoient les choses. Il se peut
qu'une profession... parce qu'il y a des lobbys pour créer et dupliquer une
profession qui est dans une province, dans l'autre, et donc il faut reconnaître
cette réalité, il faut établir le parcours permis sur permis. Donc, il faut
revoir les choses.
Là, les avis de dérogation, on en a deux.
Les denturologistes, écoutez, je n'en ai jamais consulté, un denturologiste, je
n'en ai pas eu besoin, je fais partie de la branche de la famille où on a une
bonne dentition, mais peut-être qu'il va falloir qu'ils regardent ça. Les
avocats c'est une autre chose. Les avocats, là, c'est : pas touche parce
que c'est une question constitutionnelle. Le droit civil emporte beaucoup de
choses et qu'il n'est pas opportun de dire... et ça, ce n'est pas moi qui le
dit, c'est le ministère de la Justice qui a tranché à plusieurs reprises
là-dessus, mais aussi la Cour suprême dans l'arrêt Nadon qui a dit :
Écoutez... le juge Nadon qui voulait devenir membre de la Cour suprême, mais
qui n'a pas vraiment un passé civiliste assez costaud pour faire la chose, la
Cour suprême a dit : La différence d'un régime juridique au Québec emporte
des conséquences.
Et donc l'une des conséquences, c'est
qu'un avocat en Ontario ne peut pas... qui fait de la common law ne peut pas
venir ici. Même si on lui dit : Je te donne un permis, mais ne fais pas
de... promets-nous que tu ne feras pas de droit civil, non, non, ça ne marche
pas, ce n'est pas une lisibilité de protection du public, ça. Il y a, en ce
moment, un permis restrictif, comme on l'appelle, un permis spécial, où
l'avocat de l'Ontario pourra venir ici exercer en droit canadien, ou en droit
de common law, ou en droit criminel et tout, et tout au Québec, mais il ne
pourra pas faire de droit civil. Ça fonctionne très bien, il n'y a aucun
problème avec ça. On ne va pas commencer à dénaturer et dévoyer la spécificité
québécoise par rapport à son... à sa tradition juridique qui, en passant, est partagée
par 60 autres pays pour accommoder quoi, là? Donc, cette exception-là,
elle n'est pas de l'ordre du commercial, elle est de l'ordre du
Constitutionnel.
Les autres, la seule autre exception pour
le système professionnel québécois, les denturologistes, il va falloir, à la
fois sur le plan commercial, mais peut être aussi sur le plan des différences
et de l'évolution de la pratique s'il en est dans d'autres provinces, voir si
c'est toujours la bonne chose. Et en passant, on en a juste deux dans le système
professionnel. Allez voir ce qui se passe ailleurs. Et le Pr Gagné qui est venu
vous voir, très intéressant son rapport. Il dit : Regardez, là, il y a un
gros problème avec les hygiénistes dentaires à travers le Canada. Et
savez-vous, les hygiénistes dentaires du Québec sont rejetés par la plupart des
provinces au Canada. Pourquoi? Parce que les hygiénistes dentaires du Québec
n'auraient pas la formation pour tenir en toute autonomie une clinique
d'hygiène dentaire. Or, on a changé ça il y a plusieurs... quatre ans, quatre
ou cinq ans, que, maintenant, les hygiénistes dentaires ont cette autonomie.
Donc, c'est à nous de prendre le bâton de pèlerin puis de dire à toutes ces
autres provinces : Aïe, ton exception ne doit... ne tient plus la route,
change ton exception. On a des griefs, nous aussi. Mais quand vous regardez
parmi toutes les provinces, et le Pr Gagngé l'a documenté...
M. Gariépy (André) : ...Québec
est le moins pire, c'est sûr que La FCEI rajoute plein d'affaires puis lui
donne une mauvaise note, mais quand on regarde pour les professions
réglementées, franchement, les avocats, c'est une question constitutionnelle.
Denturologiste, bien, à voir, mais il n'y a rien d'autre, il n'y a rien
d'autre.
• (14 h 40) •
Mme McGraw : Vous mentionnez
aussi que certains ordres imposent des frais nettement plus élevés que
d'autres, sans justification convaincante. Est-ce que... est-ce qu'il faudrait
encadrer légalement les frais dans ce projet pour... ou ailleurs pour éviter...
bien, dans ce projet, pour éviter des abus ou... et garantir l'équité?
M. Gariépy (André) : Écoutez,
dans d'autres provinces où il n'y a pas d'offices des professions, qu'il n'y a
pas de pouvoir d'autorité morale et administrative pour orienter les choses
dans le système professionnel, eux ont peut-être besoin d'une loi puis d'un
règlement, mais ici, on a fait des coups de téléphone. En deux mois, c'était
réglé. Et là, professionnel en question, c'était bête un peu puis je le dis
dans le mémoire, il dit : Bien, ça me coûte cher parce que j'ai beaucoup
de documents à regarder. Oui, mais ces documents-là, sous d'autres aspects de
l'ALEC, tu n'as même pas à les demander. Ah! bon, bien, voilà. Ça fait que tout
le château de cartes s'est défait et tout est réglé maintenant. Il n'y a plus
aucun ordre professionnel qui a des frais au-delà de l'équité avec les
candidats d'ici , si on ne charge pas plus aux candidats du Canada que les
candidats du Québec.
Mme McGraw : Merci.
M. Gariépy (André) : Deux
mois, en passant. Quand je dis, M. le Président, que quand on est actif sur le
terrain, ça se règle, quand on utilise notre autorité morale d'acteur publique
pour dire à ses partenaires que sont les ordres professionnels : Regarde,
là, ça s'en va là-dedans, ça s'en va dans cette direction, ça marche. Bien, il
faut être actif... il faut activer ses habiletés politiques, il faut activer
son pouvoir de la parole et son pouvoir moral d'autorité publique, pas
seulement par la loi.
Mme McGraw : Vous avez
commencé votre présentation, vous avez parlé d'une... Je pense que c'est une
femme avec son fils qui sont venus de la Colombie-Britannique. Je ne sais pas
si elle était infirmière?
M. Gariépy (André) : Non.
Mme McGraw : Non. Donc,
j'avais... OK... Je me suis dit...
M. Gariépy (André) : Ah!
Bien, je vais vous le dire, parce que les... si vous fouillez, vous allez
trouver, acupuncteur.
Mme McGraw : Bon, la raison
pour laquelle je pose la question, c'est que le deux tiers des demandes de
mobilité interprovinciale, ça relève des infirmières. Je me suis dit :
Elle est peut-être infirmière, mais ce n'est pas le cas.
M. Gariépy (André) : Mais
attention, les deux dernières... les deux derniers exercices, il y a une montée
spectaculaire des demandes du reste du Canada. Nos vérifications et les
hypothèses qu'accrédite même quelqu'un à l'ordre des infirmières, c'est... puis
peut-être que cette personne-là n'aurait pas dû nous parler, mais bon, c'est
que vous... vous avez connu le dossier de l'examen des infirmières, la grosse
enquête que nous avons menée il y a quelques années. Non, excusez-moi, c'est
désolant, je suis déçu, mais bon. Il y a... il y a un phénomène que les
incertitudes à l'égard de la qualité de l'examen des infirmières ont fait en
sorte que plusieurs... puis nous, on a documenté avec des noms parce qu'on a
fait le tour des registres des infirmières à travers le Canada. Il y a un
phénomène que je m'en vais obtenir mon... faire mon examen, va obtenir mon
permis en Ontario, et je reviens au Québec et hop, j'ai mon permis. De là cette
hausse vertigineuse où on passe en 2022-2023, de 165 par année, à 588 l'année
suivante et de 613 le dernier exercice. Alors là, là, il se passe quelque
chose, là.
Mais en fait, habituellement,
habituellement, le gros, ce sont les ingénieurs. Et le reste, un chapelet... un
chapelet. Et dans le tableau que vous avez en annexe du mémoire sur le projet
de loi, vous avez les chiffres. Étonnamment. Et d'ailleurs il y a quelqu'un
dans la salle qui m'a envoyé un courriel pour dire : Je tombe sur ma chaise
pour ne pas dire autre chose. Je tombe de ma chaise pour ne pas dire autre
chose, zéro médecin l'année... l'année dernière du Canada qui sont venus au
Québec, zéro par le mécanisme de permis sur permis.
Mme Garceau : Donc, ça...
bien, la question, ça relève du système de santé. Donc là, je parlais des
infirmières, mais il y a aussi les médecins, mais il y a... les demandes ne
sont pas là, si je comprends bien, de la part des médecins, elles sont là de la
part de la profession d'infirmière. Quelles seraient les implications pour...
de ça pour la gestion des ordres professionnels et pour le système de santé
québécois, le fait que les deux tiers des demandes... Est-ce qu'il y a des
implications à prendre en considération au sein du projet de loi?
M. Gariépy (André) : Non,
dans le sens où... si elles sont compétentes, ces personnes, elles ont été
validées dans une autre province. Donc, on reconnaît automatiquement. C'est le
cas des infirmières, sauf pour l'examen de déontologie, là, c'est une affaire
qu'on suit en ligne, là, puis c'est presque une formalité. Bien, ça va bien, il
y a une fluidité, là. Donc, il n'y a pas... il n'y a pas d'implication qu'elle
passe par un moyen détourné parce qu'elles ont peur de l'examen encore, ou
autrement. Bien... bien, voilà.
Mme McGraw : Peut-être une...
Mme McGraw : ...dernière
question. Vous avez parlé des bêtises bureaucratiques, des erreurs humaines. Il
faut reconnaître l'humain... l'humanité de la personne, mais aussi les erreurs
humaines. Mais, en même temps, vous parlez d'un délai maximum de 30 jours pour
traiter les demandes de mobilité interprovinciale. Est-ce que vous pensez qu'un
délai pourrait créer plus de bêtises ou d'erreurs? Ou, au contraire, quels moyens
concrets devraient être mis en place pour atteindre cette cible de 30 jours? Et
que pensez-vous du rôle du projet de loi n° 112 à cet égard?
M. Gariépy (André) : Écoutez,
le problème est réglé. On est dans la norme que les premiers ministres ont adoptée
au mois de juin, là. On a tout réglé en deux mois, là. Et il y a un ordre
professionnel qui avait un enjeu juridique, j'ai appelé la DG, j'ai dit :
Regarde, je vais te proposer un problème, mais c'est le fun, j'ai aussi une
solution. Elle a adoré l'expérience de se faire livrer un problème et une
solution, et la solution est en place. Alors, tout le monde va être en dedans
de 30 jours. Mais je vous signale que, selon nos enquêtes, avant même qu'on en
fasse un enjeu sur la place publique, la majorité des ordres professionnels et
la très grande... la majorité était en dedans de 15 jours. Et, quand on ajoute
les en dedans de 30 jours, c'était déjà la très grande majorité. C'est quelques
cas, des bêtises, là, d'envoyer au CA, après à un comité, de retourner au CA
après. J'ai dit : Tu ne pourrais pas enlever le CA quelque part dans une
des deux étapes? Il fait juste de l'estampille pour savoir : Ah! ça, c'est
un dossier qu'on peut envoyer à tel comité. Bien, l'ordre professionnel a réglé
le problème. Puis elle est contente, elle dit : Moi, ça va m'alléger. Mais
vous savez...
Le Président (M. Laframboise) :
Merci.
M. Gariépy (André) : ...les
organisations roulent sur leurs habitudes, elles roulent sur leurs habitudes.
Quelquefois, elles ne s'aperçoivent pas...
Le Président (M. Laframboise) :
Merci, M. le commissaire. Le... C'est tout...
M. Gariépy (André) : ...mais
on leur rappelle ça. C'est pour ça que le commissaire est là.
Le Président (M. Laframboise) : C'est
tout le temps que nous avions. Donc, merci beaucoup, Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce. Merci, M. le commissaire, Me André Gariépy, commissaire à
l'admission des professions.
Je suspends les travaux quelques instants
afin de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 14 h 47)
(Reprise à 14 h 49)
Le Président (M. Laframboise) :
Donc, je souhaite maintenant la bienvenue à Maître Geneviève Parent,
professeure titulaire à la Faculté de droit à l'Université Laval. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite donc à vous présenter et à présenter les personnes qui vous accompagnent
puis à commencer votre exposé. Merci.
Mme Parent (Geneviève) : Merci.
Donc, bonjour. Je vous remercie de l'invitation à témoigner devant vous
aujourd'hui. Tel qu'il a été mentionné, je suis professeure titulaire à la
Faculté de droit de l'Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche
en droit sur la diversité et la...
Mme Parent (Geneviève) : ...la
sécurité alimentaire, et je suis accompagné aujourd'hui de ma collègue Me
Geneviève Geneau.
Alors, pour rendre ce témoignage aujourd'hui,
nous avons évidemment consulté les différentes lois qui ont été adoptées par
les autres provinces ainsi que la loi fédérale et nous les avons analysées au
regard de notre expertise en droit international, économique et en droit
national et international de l'agroalimentaire.
• (14 h 50) •
Donc, d'emblée, je tiens à dire que nous
sommes clairement en faveur du principe d'adopter une loi visant à fluidifier
les échanges de produits et de services et la mobilité de la main-d'œuvre au
Canada, oui, en raison des pressions économiques américaines, mais je dirais
également et peut-être même principalement compte tenu de l'incertitude et des
tensions dans l'ordre mondial actuellement. Il est donc important et même
urgent d'accroître la résilience économique du Canada et de réduire sa
dépendance quelle qu'elle soit.
Cela étant dit, évidemment, le diable est
dans les détails, et c'est particulièrement le cas quand on parle de droit. Et
nous souhaitons donc vous partager quelques réflexions quant au contenu du
projet de loi n° 112, d'une part, quant à la nécessité, à notre avis,
d'inclure certaines balises plus clairement dans le texte même de la loi et,
d'autre part, en formulant quelques commentaires au sujet des règlements qui
seront adoptés sous l'égide de cette loi.
Donc, quant aux balises à inscrire dans le
texte de la loi, comme je viens de dire, l'adoption du projet de loi
n° 112 est essentielle, même urgente, mais il faut être extrêmement
prudents dans la manière dont on le fait, bien entendu, puisque ce que le
Québec fait, et vous me direz que les autres provinces le font et le fédéral
également, et vous avez raison, mais quand même... ce que le Québec fait avec
cette loi, c'est d'annoncer qu'il s'engage à se limiter, dans le fond, dans sa
capacité à légiférer dans ses propres champs de compétence. C'est donc loin
d'être banal, d'autant que le Québec, en plus de sa spécificité linguistique,
est souvent très innovant dans la manière de légiférer et d'encadrer certains
secteurs d'activités.
Donc, dans ce contexte-là, il est, à notre
avis, dangereux de s'appuyer essentiellement sur les règlements d'exception
pour poser certaines balises ou affirmer certaines valeurs ou intérêts
fondamentaux du Québec. En légistique, il faut que l'essence de la loi se retrouve
dans le texte de la loi et non dans ses règlements. On le sait, en principe, le
législateur soumet le moins fréquemment possible à des exceptions les principes
qu'il a adoptés. Et donc, pour l'avoir entendu, je pense que M. le ministre
sera heureux de m'entendre le répéter, oui, il faut moins d'exceptions, le
moins d'exceptions possible, mais, pour cela, il faut que l'essence de la loi
se retrouve bien dans le texte de la loi.
Et, à cet effet, nous pensons que le texte
du projet de loi n° 112 peut être bonifié pour au moins référer plus
clairement à deux éléments, d'abord, au principe de réciprocité et à ce que
sous-tend le principe qu'on appelle le principe de traitement national et,
ensuite, pour référer plus clairement, donc, aux intérêts essentiels que le
Québec continuera d'encadrer et d'assurer tout en procédant à cette
libéralisation. Donc, je m'explique, faciliter le commerce intérieur dans un
grand pays comme le Canada, c'est nécessairement faire des parallèles avec les
accords internationaux de libéralisation, et il est utile de s'inspirer des
enseignements, des échanges internationaux pour nous guider, comme les accords
internationaux, donc le projet de loi n° 112, doivent s'appuyer sur des
grands principes reconnus en matière de libéralisation, comme le principe de
réciprocité et celui de traitement national. En résumé, en vertu de ces
principes-là, à l'international, les pays s'engagent à ouvrir leurs frontières,
mais uniquement au profit des pays qui s'engagent à le faire également, et donc
les avantages doivent être réciproques.
Ensuite, dans ces accords internationaux,
les pays prévoient la possibilité d'évaluer si une réglementation étrangère est
équivalente à la leur afin d'autoriser ou faciliter l'entrée des produits
étrangers. Donc, les lois des autres provinces ainsi que la loi fédérale que
nous avons analysées réfèrent toutes à ces principes beaucoup plus précisément
dans le texte même de leurs lois. Elles s'ouvrent uniquement aux provinces et
territoires dits réciproques, c'est-à-dire qui ont adopté une loi similaire au
projet de loi n° 112, et, dans le texte de la loi, elles prévoient toute
la possibilité d'évaluer si une réglementation des provinces et territoires
réciproques est comparable à la leur. Et comment elles le font, elles le font
soit en référant dans la loi à un processus de reconnaissance mutuelle qu'elles
entendent préciser par règlement ou encore, beaucoup plus clairement, comme le
fait le gouvernement fédéral, en créant une autorité qui sera chargé d'évaluer
cette équivalence.
Or, nous sommes d'avis que le projet de
loi n° 112 doit être bonifié à cet effet, tel que rédigé... hein,
l'article 2, ouvre le marché du Québec à tous les provinces ou territoires
sans exiger qu'ils adoptent une loi similaire au projet de loi n° 112. Et,
en plus, le Québec ne réfère...
Mme Parent (Geneviève) : ...aucunement
à un processus de reconnaissance mutuelle qui lui permettrait, donc,
éventuellement d'évaluer si des réglementations d'autres provinces ou
territoires sont comparables aux siennes. Donc, nous recommandons que le Québec
s'engage uniquement envers les provinces et territoires réciproques, que le
Québec aussi, dans le texte de sa loi, réfère à un processus d'évaluation
d'exigences comparables ou de reconnaissances mutuelles qui pourraient être
précisées par règlement.
De plus, nous sommes d'avis que les
intérêts fondamentaux, que le Québec continuera d'encadrer quoi qu'il en soit
tout en procédant à cette libéralisation, doivent être mentionnés dans le texte
de la loi, à l'instar de la protection de la langue française. Le gouvernement
fédéral le fait en affirmant, dans l'objet de sa loi, qu'il effectuera cette
libéralisation, et je cite, «tout en continuant à protéger la santé, la
sécurité, le bien-être social et économique des Canadiens ainsi que
l'environnement.» Ce sont généralement les intérêts que l'on retrouve également
mentionnés dans les accords internationaux. Donc, nous recommandons également
que le Québec ajoute à la protection de la langue française d'autres intérêts
fondamentaux comme la santé, la sécurité, l'environnement et la protection du
consommateur.
Quelques mots sur le deuxième pan de notre
exposé, donc, sur les exceptions réglementaires. Et nous nous concentrerons ici
sur le secteur agroalimentaire, non seulement en raison de notre expertise,
mais parce que, comme vous le savez, c'est un secteur qui est particulièrement
sensible aux impacts de la libéralisation des échanges, hein? En effet, les
échanges agricoles et alimentaires, c'est généralement la pierre
d'achoppement... sont généralement la pierre d'achoppement des négociations
internationales. Bon. Il en est ainsi pour plusieurs raisons, mais
particulièrement pour... en raison du fait que la sécurité alimentaire d'une
population, elle est... c'est intrinsèquement lié à la sécurité nationale,
hein? Affamer une population, c'est la plus ancienne tactique de guerre du
monde, donc il y a là une importance singulière.
Donc, tout ceci nous enseigne que nous
devons, à notre avis, porter une attention toute particulière aux secteurs
agricole et alimentaire dans le projet de loi n° 112. Et cela se traduira
nécessairement par certains règlements d'exception. Les exceptions prévues à
l'accord de libre-échange canadien couvrent, à mon sens, les sujets à
transcrire en termes d'exception dans le projet de loi n° 112. Mais, au
minimum, au minimum, il faudra impérativement protéger les deux piliers
fondamentaux du secteur agroalimentaire québécois que sont le régime de
protection du territoire et des activités agricoles et la mise en marché
collective. Et, en plus, en raison de sa spécificité, il faudra également
protéger le régime des appellations réservées et termes valorisants.
Le régime de la protection du territoire
et des activités agricoles, bien, c'est le socle de la sécurité alimentaire des
Québécois et des Québécoises, et donc de leur sécurité, point, hein? Nous avons
la chance de bénéficier, je le rappelle, d'un des régimes les mieux ficelés au
monde à ce sujet, le plus efficace au Canada. Et l'importance d'assurer, de
protéger et même de développer un territoire nourricier, là, nous a été
rappelée de manière criante lors de la COVID-19, bien entendu.
Quant à la mise en marché collective, oui,
elle fonde la gestion de l'offre, mais en plus, elle organise la majorité de la
production agricole au Québec, notamment des secteurs qui sont de grands
exportateurs comme le porc et le sirop d'érable.
Enfin, les appellations réservées doivent
également être protégées, non pas parce que les producteurs québécois pensent
que les fromages ontariens vont les empoisonner, ce que j'ai entendu dans un
témoignage devant vous il y a quelques jours, mais plutôt parce que c'est un
régime de propriété intellectuelle inédit dans le reste du Canada et qu'il
permet l'exportation de produits québécois à haute valeur ajoutée vers des
marchés européens qui utilisent ce même type de propriété intellectuelle. Et
aussi, évidemment, parce que plusieurs producteurs, transformateurs, acteurs du
milieu y ont placé beaucoup, non seulement d'argent, mais beaucoup d'efforts
collectifs. J'ajoute que ce genre de régime fait également figure d'exception
dans les accords internationaux, donc nous pensons qu'il doit être protégé.
En conclusion, quant aux règlements
d'exceptions, évidemment, il ne faudrait pas qu'une libéralisation des échanges
canadiens aille à l'encontre de l'objectif du gouvernement Legault, objectif
que je salue d'ailleurs et qui a encore été réaffirmé en août dernier dans la
politique bioalimentaire, qui est l'objectif d'accroître l'autonomie
alimentaire du Québec. Il ne faudrait pas non plus que cet engagement dans la
libéralisation désorganise le secteur agroalimentaire québécois en mettant à
risque la mise en marché collective ou encore même fragilise notre position
comme pays à l'international, en lien avec la gestion de l'offre, si on mettait
à risque la mise en marché collective.
Le Président (M. Laframboise) : Merci,
merci, Me Parent.
Mme Parent (Geneviève) : Merci.
Le Président (M. Laframboise) : Merci
beaucoup. Je vous remercie. Nous allons maintenant commencer la période
d'échange. M. le ministre et député de Beauce-Sud, la parole est à vous pour
16 minutes 30 secondes.
• (15 heures) •
M. Poulin : Merci beaucoup,
M. le...
15 h (version non révisée)
M. Poulin : ...Président.
Bonjour, madame Parent. Merci pour votre contribution à nos travaux ainsi que
la personne qui vous accompagne, dont je ne vois pas le nom de famille, c'est
madame Garneau? Gareau?
Une voix : Geneau.
M. Poulin : Geneau.
Excellent! Parfait! Alors, merci pour votre présence. Je tente de réconcilier
deux éléments d'à la fois de votre littérature scientifique mais également dans
les propos que vous venez nous mentionner. Je le traduis, puis n'hésitez pas à me
corriger à la toute fin. Vous êtes en faveur évidemment du projet de loi. Vous
croyez qu'il faut effectivement avoir le moins de barrières commerciales
possible dans la mesure où on souhaite que les provinces entre eux, on puisse
faire du libre-échange. Vous... vous dites à mots couverts que la santé et sécurité,
parfois, pourraient être des excuses pour ne pas faire entrer certains produits
chez nous. Je vois que vous hochez de la tête, alors je le traduis bien.
Et, au même moment, vous nous dites :
Bien, dans votre... Vous devriez renforcer votre loi pour mettre des mesures
qui rendent qui... qui viennent réaffirmer la spécificité québécoise dans son
modèle agricole. Vous nous dites ça quand vous parlez de la protection du
territoire agricole, la mise en marché collective notamment.
Alors, comment je fais pour réconcilier
les deux comme législateurs? Et évidemment, c'est important de le mentionner,
la gestion de l'offre, elle est canadienne, elle est défendue par le
gouvernement fédéral, défendue par le gouvernement du Québec. Les spécificités
québécoises de mise en marché collective, la loi sur la CPTAQ, tout ça
n'empêche jamais aucune province de légiférer, que ce soit sur l'utilisation
d'un bien, sur le fonctionnement d'un bien ou sur son système intérieur de
province, sur le plan agricole ou autre. Alors, je veux bien comprendre, parce
que l'objectif de notre loi est certainement de jouer un rôle de leader dans le
libre-échange entre les provinces et rien n'empêche le Québec d'être maître de
son territoire chez eux en termes de réglementation. Alors, pourquoi je
l'inscrirais dans une loi si j'ai déjà des lois, et où mon rôle est d'être un
libre-échangiste?
Mme Parent (Geneviève) : Bon,
alors tout est conciliable, déjà d'emblée, je vous le mentionne, mais
effectivement, voyez-vous, la sécurité, vous l'avez dit en début de
l'intervention, la sécurité, la santé, même l'environnement, la protection de
l'environnement peuvent être effectivement des... des obstacles techniques
qu'on appelle au commerce, aux échanges, mais elles peuvent parfois aussi être
justifiées.
Et effectivement, je l'ai mentionné, je
pense, dans mon intervention, mais on est assez innovants au Québec, à
plusieurs niveaux, en agroalimentaire notamment, mais également en termes de
protection de l'environnement. On s'est engagés à protéger également la
biodiversité, etc. Donc, il y a parfois des raisons légitimes pour lesquelles
on souhaite protéger ou continuer, en fait, parlons plutôt positivement, là,
continuer à mettre en œuvre ces réglementations, ces législations-là que l'on a
adoptées, puis dans lesquelles le Canada... le Québec s'est engagé. Donc, tout
ça et compatible puisque quand on indique, comme l'a fait le fédéral
d'ailleurs, hein, qu'on ouvre nos frontières, qu'on veut être un leader en
matière de libéralisation des échanges au Canada, intérieurs, on le fait, mais
quand on indique certains intérêts fondamentaux pour le Québec qui, comme je vous
l'ai mentionné dans mon intervention, ne sortent pas d'un chapeau, là, sont des
intérêts fondamentaux que l'on retrouve aussi dans les accords internationaux,
donc ils sont à peu près les intérêts fondamentaux de tous les pays du monde, bien,
ça démontre aussi aux citoyens citoyennes, qu'on l'a faite, cette ouverture-là,
on est leaders en matière d'ouverture des marchés et de fluidité des marchés au
Canada, mais on le fait en connaissance de cause. On se garde la possibilité, et
on le dit, de légiférer et d'intervenir si toutefois, hein, il y avait des
réglementations, que ce soit en matière de production, des réglementations
techniques qui viendraient véritablement contrevenir à un élément essentiel,
là, de la réglementation québécoise. Donc, c'est en fait la façon dont
fonctionnent les accords internationaux. Alors, que le Québec mentionne ses
intérêts fondamentaux, là, d'emblée, dans la loi, moi, j'y vois plutôt une
espèce de sécurité pour les citoyens, citoyennes. Et le fait d'annoncer en fait
qu'on sera, oui, leaders, mais en connaissance de cause. Évidemment, la langue
française, ça ne pose aucune question, c'est essentiel, mais les questions de
sécurité peuvent l'être tout autant. Et dans sécurité, là, on peut évidemment
aussi inclure sécurité alimentaire.
M. Poulin : D'accord.
Évidemment qu'une loi comme celle-là se fait aussi en conformité avec les lois...
M. Poulin : ...le système
en vigueur dans la province dite. Alors, à aucun moment on ne vient se
soustraire à nos lois québécoises. On le campe spécifiquement sur le fait
français parce qu'il y a des éléments sur le permis, sur permis, il y a des
éléments sur les biens. Alors, on mentionne, on le note, mais somme toute, on
laisse évidemment... Ça va de Queen's Park à d'autres juridictions
provinciales, laisser le droit de décider sur l'utilisation d'un bien ou autre.
J'aimerais vous entendre un petit peu plus globalement sur le MAPAQ, parce que
nous avons donc laissé une possibilité d'exclure des produits et des catégories
de produits dans la loi. Ça, nous l'avons bien enchâssé. Évidemment, nous
consultons les ministères et organismes du gouvernement du Québec. Vous, avec
votre expertise que vous avez dans le secteur depuis plusieurs années, est-ce
que d'emblée, si vous étiez le MAPAQ, vous recommanderiez à nous, à moi
d'exclure plusieurs produits provenant des autres provinces, ou vous nous
dites : M. le ministre, c'est... C'est assez exceptionnel, là. Votre liste
devrait être courte, courte, courte, là?
Mme Parent (Geneviève) :
Bien, écoutez, ça, c'est une question-piège, je le conçois très bien. Moi, je
pense que d'y aller par exclusion produit, ça peut être une tâche laborieuse.
Il y a certainement... Bon, vous avez bien évidemment discuté avec le MAPAQ,
certainement, des produits qui sont peut-être plus sensibles que d'autres, mais
dans le fond, ce qu'on vous proposait dans le cadre de ma présentation, c'est
davantage d'y aller selon certains régimes, hein, protéger des produits qui
sont peut-être sous mise en marché collective ou des régimes de mise en marché
collectifs, et les produits qui sont d'appellations réservées, termes
valorisants. Ça, si je puis me permettre, là, c'est un... c'est un élément sur
lequel j'aimerais revenir puisque c'est loin d'être si clair que ça, puis ça...
Il y a possibilité que ça devienne assez confus, là, par la suite. Si on le
comprend bien, là, comme je vous le disais, ce que j'ai entendu, là, de
d'autres présentations m'inquiétait un peu, là. L'idée de vouloir protéger le
régime qui donne des appellations réservées, des termes valorisants à des
produits québécois, donc, au lieu de protéger ces produits spécifiques là, on
dirait, pour la protection du régime dans son ensemble, parce que... on
pourrait en avoir d'autres produits comme ça.
Donc, écoutez, c'est l'idée de dire que ce
régime, il est inédit dans le reste du Canada, hein? On utilise un système de
protection de propriété intellectuelle qui est équivalent à ce qui se passe en
Europe et dans des pays comme la France, l'Italie, l'Espagne, la Grèce. Et donc
on a décidé, nous, au Québec, d'y aller avec une protection intellectuelle qui
est collective, qui n'appartient pas à une seule personne. Alors, aussitôt
qu'un producteur québécois respecte, ou un transformateur respecte le cahier
des charges, il peut bénéficier de l'appellation réservée ou du terme
valorisant. Et ça demeure une propriété de l'État québécois, contrairement au
reste du Canada, qui fonctionne davantage sous un système de propriété
intellectuelle classique, on va dire, de marque de commerce. Et donc il y a
plusieurs raisons pour lesquelles on doit protéger ce régime-là, parce qu'il
est inédit, parce que ça nous ouvre des marchés internationaux sur l'Europe,
mais aussi parce qu'on s'est engagé comme pays, le Canada, à protéger les produits
européens qui vont rentrer chez nous avec des appellations réservées et des
termes valorisants. Donc, nous, au Québec, avec ce régime-là, on est certains
d'assurer cet engagement-là que l'on a pris face aux pays européens. Donc, il y
a plusieurs raisons économiques et juridiques qui font qu'on doit protéger ce
régime et donc, par le fait même, les produits qui en sont issus.
M. Poulin : Mais juste
pour bien comprendre, Mme Parent, prenons le sirop d'érable, par exemple.
D'ailleurs, la Journée nationale de l'érable, il y a,
dimanche 19 octobre prochain, suite à l'adoption de la loi, porte
ouverte dans 30 érablières au Québec. On a déjà une réserve mondiale de
sirop d'érable et on est le grand joueur exportateur de sirop d'érable partout
à travers le monde. Rien n'empêche présentement, lorsqu'on va au Métro ou au
IGA, de retrouver une canne de sirop d'érable du Québec et des sirops provenant
d'ailleurs au Canada ou, par moment, des États-Unis, qui ne sont pas des vrais
sirops, qui sont des sirops de maïs ou peu importe, mais qui, des fois, peuvent
être aussi du sirop d'érable. Alors, il faut avoir les yeux avisés. Donc, déjà
dans notre système, malgré la mise en marché collective, on laisse entrer sur
notre territoire des produits pour lesquels on a déjà une certaine
appellation...
M. Poulin : ...quelle est la
nuance en ce qui se fait maintenant et ce qui se pourrait se faire? Vous, ce
que vous me dites, c'est, de façon législative : Renforcez-le à
l'intérieur de votre véhicule 112. Est-ce que c'est ce que je comprends?
• (15 h 10) •
Mme Parent (Geneviève) : Oui,
de s'assurer de protéger le régime des appellations réservées qui... ce qui est
différent de la mise en marché sous le cadre de laquelle est produit le sirop
d'érable dont vous parlez. Donc, tout ça ne limite pas... le fait de protéger
la mise en marché n'empêche pas, vous avez raison, là, le commerce intérieur
d'être plus fluide. Le fait de protéger le régime de protection des terres...
des activités agricoles puis de s'assurer encore une fois de la force de notre
loi, notamment sur l'acquisition des terres agricoles par des non-résidents, ou
le fait de protéger le régime des appellations réservées qui incite nos
producteurs transformateurs à être innovants puis à créer des produits agricoles
à haute valeur ajoutée, tout ça n'empêche pas le Québec d'être ouvert sur le
reste du Canada et de faire entrer des produits canadiens. Là où ça peut être
un peu plus problématique, c'est de faire entrer, disons, un produit qui aurait
une indication géographique issu... et là c'est très complexe, c'est très
technique, mais issu des marques de commerce et qui arriveraient chez nous face
à un produit qui détient une appellation réservée, là, il y a possibilité
d'avoir certains défis juridiques ou conflits juridiques.
M. Poulin : Puis il y a toute
une sensibilisation à faire auprès des consommateurs aussi, là...
Mme Parent (Geneviève) :
Absolument.
M. Poulin : ...qui, pour moi,
est la clé qui est en amont. On travaille évidemment avec aliments du Québec,
produits du Québec, on prépare un certain rehaussement à ce niveau-là parce
qu'heureusement les Québécois, notamment lors de la crise sanitaire, mais aussi
avec la crise économique que nous vivons, se tournent vers des produits
québécois, mais il y a encore un affichage supplémentaire à faire. Puis vous
avez raison, même actuellement, là, même sans le projet loi n° 112,
par moments, on peut se confondre assez vite entre quelque chose qui est du
Québec ou des États-Unis et on ne touche même pas aux appellations d'origine.
Alors, là-dessus, je vous comprends et je vous entends, je veux juste revenir
sur les exceptions du MAPAQ... une question piège, mais ce n'est pas une
question piège. Est-ce qu'il devrait y avoir 200 exceptions ou il devrait
y en avoir 17?
Mme Parent (Geneviève) : Bien,
écoutez, moi, je vais vous ramener au principe de base, là, le moins
d'exceptions possible, c'est le mieux.
M. Poulin : D'accord,
parfait. Excellent.
Mme Parent (Geneviève) : Plus
il y a d'exceptions, plus notre loi peut... la norme est chambranlante. Donc,
évidemment, il faut viser le moins d'exceptions possible. Je pense que c'est
possible dans l'état des choses, comme vous le dites, on est déjà en lien avec
le reste du Canada, il y a des... hein, il y a un échange qui se passe, qui se
produit déjà. Vous l'avez dit, la gestion de l'offre, elle est en partie gérée
par le fédéral, donc il n'y a pas en soi de risque, à moins de ne pas protéger la
mise en marché collective, évidemment. Mais sinon, il n'y a pas... il n'y a pas
de danger particulier. L'enjeu juridique, potentiellement... qui peut
potentiellement amener des affaires devant les tribunaux, c'est vraiment le
régime des appellations réservées par rapport au régime canadien qui tente de
s'en aller vers des indications géographiques, là, par le biais des marques de
commerce, donc... et je n'entrerai pas dans le détail de tout ça aujourd'hui,
mais ça... Mais au-delà de ça, je pense qu'il faut viser le moins d'exceptions
possible.
M. Poulin : Oui, et dans
l'enjeu de l'appellation réservée, il y a l'enjeu du cahier de charges aussi,
qui, même par le consommateur, parfois, est peu connu également. Alors, on peut
prendre l'étiquette, sans étiquette, avec étiquette. Alors, il y a plusieurs
éléments, des fois, qui restent beaucoup de sensibilisation à faire. Il nous
reste combien de temps?
Le Président (M. Laframboise) :
2 min 35 s.
M. Poulin :
2 min 35 s. Est-ce que vous avez une question, les collègues?
Alors, bien, je veux vous remercier pour votre contribution, c'est franchement
très, très, très intéressant. Bravo aussi pour votre parcours parce qu'il est
costaud et c'est un secteur qui est en constante évolution sur une base
mensuelle, annuelle. Et je prends bonne note de vos suggestions,
recommandations et notamment votre appui au projet de loi. Alors, merci
beaucoup.
Le Président (M. Laframboise) :
Merci. Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce pour 16 min 30 s
Mme McGraw : Merci, M. le
Président. Merci à vous pour votre présentation. Est-ce qu'on s'attend à
recevoir éventuellement un mémoire ou quelque chose par écrit? On a pris
beaucoup de notes, mais juste une question pour commencer.
Mme Parent (Geneviève) : Oui,
on va vous envoyer le... un document écrit, là, de ce qu'on aura présenté
aujourd'hui.
Mme McGraw : Excellent. C'est
parce qu'on comprend que les délais sont très courts...
Mme Parent (Geneviève) : Exactement.
Mme McGraw : ...puis ce n'est
pas tout le monde qui a pu présenter un mémoire, mais c'est bien de savoir
qu'on va éventuellement recevoir quelque chose avant qu'on entreprenne l'étude
détaillée dans deux semaines, je crois...
Mme McGraw : ...après la
semaine en circonscription. Donc, si je comprends bien… Donc, dans un premier
temps, vous avez parlé de… des règlements. Puis justement, il faut que la loi…
la loi soit plus claire ou que le sens de la loi se retrouve dans la loi. Nous,
on ne cache pas le fait qu'on… une des critiques qu'on amène vis-à-vis le
gouvernement, qu'il y a beaucoup, beaucoup qui se fait par règlement et ça ne
permet pas la… aux législateurs de faire leur meilleur travail, ça nous empêche
de faire notre travail. Donc, nous aussi, on aimerait voir plus dans le projet
de loi et moins par règlement. Est-ce que vous avez… à ce sujet-là, est-ce
qu'il y a des des aspects en particulier, là, vous… Je pense que vous avez
parlé du principe de réciprocité, que ce soit… Est-ce que… avant de parler de
la réciprocité, parce que j'ai plusieurs questions là-dessus, est-ce qu'il y a
d'autres éléments que vous voulez voir de façon explicite dans le projet de
loi?
Mme Parent (Geneviève) : Bien,
vous l'avez dit, hein, je… vous l'avez bien compris, le projet de loi, en fait,
c'est le socle, hein? Alors, sur cette base de… de la loi, on peut adopter des
règlements, mais évidemment, idéalement, le moins de règlements possible, le
moins d'exceptions possible. Ici, quand on est obligé d'adopter plusieurs,
plusieurs règlements, souvent, c'est que le corps de la loi n'était peut-être
pas assez assez clair.
Ceci dit, on comprend qu'on est un petit
peu tous… et les autres provinces quand on lit les projets de loi également,
là, tout le monde est un peu bousculé et tout le monde a… je pense, a rédigé… a
rédigé rapidement et s'est engagé donc rapidement dans ce mouvement nécessaire
de libéralisation des échanges intérieurs.
Donc… Mais ce qui… je pense que ce qui est
essentiel, comme je l'ai dit dans la présentation, de retrouver, je le répète,
parce que pour nous, c'est très important… je pense que les intérêts
fondamentaux, ça… on peut penser que ça va de soi, mais en fait, non. On peut…
Et là-dessus, éventuellement, au besoin, on pourra capitaliser puis adopter des
règlements s'il le faut pour exclure certaines choses qu'on n'aurait peut-être
pas vues venir dans notre rétroviseur.
Ensuite, la possibilité pour le Québec
d'évaluer à un moment ou un autre… parce que cette nécessité-là, ce besoin-là,
va venir incontestablement, là, d'évaluer : Est-ce que la réglementation
de la province X est comparable ou non à la nôtre? Est-ce qu'on… et donc est-ce
qu'on accepte ce produit-là? Est-ce qu'on accepte qu'il entre chez nous? Donc,
ça, cette capacité à pouvoir analyser l'équivalence, là… mais, dans la loi
fédérale, on ne parle plus de… de réglementation comparable, c'est essentiel.
Alors, il faut… après, on pourra prendre le temps peut-être d'analyser
exactement comment faire cette… mettre sur pied cette évaluation-là, mais il
faut que ce soit quelque part mentionné dans la loi, dans le texte de la loi,
sans aucun doute.
Mme McGraw : Est-ce que vous
avez… Bien, peut-être ça va se retrouver dans le mémoire, où exactement, je ne
sais pas si c'était l'article… vous allez suggérer…
Mme Parent (Geneviève) : …autour
de la… oui, vous vouliez dire où dans le projet de loi, c'est sûr que ce
serait dans le cas de l'article deux, dans les lois… la loi de l'Ontario, c'est
dans ces… dans ce type d'article là qu'on l'a mentionné. Et je reviens… Ça me
permet de rebondir aussi sur une question qui m'a été posée un peu plus tôt,
mais qui est… sur laquelle je n'ai peut-être pas répondu complètement. Quand
même, mentionner que, oui, ça va de soi que le produit, une fois rentré chez
nous, devra respecter les règles québécoises. Mais mentionnons que l'Ontario a
pensé que c'était nécessaire de le préciser, hein? Dans justement son article,
l'équivalent de l'article deux du projet de loi n° 112, L'Ontario, elle, a
soumis d'abord… a parlé de cette procédure de reconnaissance mutuelle, qu'elle
définirait davantage par règlement. Mais elle a aussi dit : oui, on
laissera entrer les produits des autres provinces réciproques et territoires réciproques
qui respectent les… les… les normes de cette province… autre province
réciproque, territoire réciproque, mais a précisé aussi que ces produits-là
devront respecter les lois ontariennes une fois rentrés sur le territoire.
Donc, on peut se dire : Parfois oui, ça va de soi, c'est normal, mais en
fait, hein, trop fort casse pas. Pourquoi ne pas l'indiquer dans le… dans la
loi plus clairement.
• (15 h 20) •
Mme McGraw : ...vous avez dit
que… suite à… Dans le contexte, dans le nouveau contexte dans lequel on se
trouve…
Mme McGraw : ...vis-à-vis le
président Trump. On voulait aller assez vite. Par contre, le Québec est parmi
les dernières provinces à proposer un projet de loi. Est-ce qu'on pourrait
profiter du fait qu'il y a d'autres provinces qui sont en avant de nous? Est-ce
qu'il y a des... Est-ce qu'il y a des leçons? Là, vous citez beaucoup le
Canada, l'international aussi. Mais est-ce qu'il y a des leçons apprises des
meilleures pratiques, des choses qui pourraient... dont on pourrait s'inspirer
avec notre projet de loi ici, au Québec, Ontario, Nouveau-Brunswick, etc.?
Mme Parent (Geneviève) : La
loi... Oui. Bien, comme je vous l'ai dit dans la présentation, toutes les lois
font référence à la réciprocité. Je sais que vous voulez en reparler. Mais
toutes les provinces font référence à la réciprocité et toutes les provinces
réfèrent, d'une manière ou d'une autre, de façon plus ou moins exhaustive, à
cette capacité qu'ils... qu'elles s'accordent à pouvoir évaluer l'équivalence
ou le fait que les réglementations d'autres provinces soient comparables à la
leur ou non.
Donc, la plus développée à ce niveau-là,
c'est clairement la loi ontarienne. Et ce n'est pas rare, hein, que soit
l'Ontario regarde ce qu'on fait ou que nous, on regarde comment l'Ontario
légifère sur certaines questions. Mais il y a là quand même une... peut-être un
regard à jeter sur ce que l'Ontario a précisé parce que c'est vraiment la loi
provinciale la plus détaillée.
Finalement, pour la loi fédérale, bien,
elle fait... ne fait ni un ni deux, là, dans le sens où elle crée une autorité
qui va être clairement vouée à l'évaluation de l'équivalence des
réglementations. Donc, ça, c'est très clair. Mais, l'Ontario, c'est un peu plus
nébuleux. On comprend que l'Ontario va préciser sa procédure par règlement,
mais clairement, elle fait état de plusieurs... elle pose plusieurs balises, la
province de l'Ontario, dans sa loi dans sa forme actuelle.
Mme McGraw : Donc, si je
comprends bien, toutes les autres provinces qui ont déjà présenté un projet de
loi ou même une loi qui a été adoptée ont été explicites sur l'enjeu de la...
pas juste l'enjeu, mais le principe de la réciprocité, de façon explicite.
Mme Parent (Geneviève) : La
réciprocité et de mettre sur pied un processus de reconnaissance mutuelle. Oui.
Mme McGraw : Ces deux-là.
Parfait.
Mme Parent (Geneviève) : Ces
deux-là. Oui.
Mme McGraw : Donc, ça, c'est
les balises. Là, vous... dans votre présentation, vous avez aussi parlé des...
bien, des exceptions ou des.... je pense que vous n'avez pas utilisé ce mot-là,
donc je ne veux pas mettre des mots dans... mais, bon, libéralisation. Donc, on
est en faveur du principe de libéralisation. Pas surprenant, en tant que
libérale. Et... Oui, c'est le principe fondamental, d'être libéral. Mais vous
avez aussi parlé beaucoup de... à part de la question linguistique, surtout
santé, environnement, sécurité, dont la sécurité alimentaire. Et on sait qu'au
Canada, on a vraiment tardé à aller de l'avant avec le commerce
interprovincial. Est-ce que ce n'est pas en partie à cause de ces enjeux-là
que... C'est une question que je vous pose : Si chaque province commence à
mettre toutes ces exceptions-là, à quel... c'est où le juste milieu? Puis le Québec
est déjà perçu... je ne sais pas si c'est vrai ou non, mais perçu comme étant
la province le plus protectionniste au Canada. Donc là, vous favorisez la
libération, mais en même temps, vous nommez plein de...
Mme Parent (Geneviève) : Oui.
Non, dans ce cas-là, je me suis expliquée. Je n'ai pas été assez claire. Parce
que, ce qu'on dit, ce n'est pas de poser clairement la santé, l'environnement,
la sécurité comme des exceptions, mais comme des intérêts fondamentaux. Et,
s'il arrivait un problème, s'il arrivait à une situation, là on a la base, dans
le cadre de la loi, hein, pour dire : Woups! Adoptons un règlement
d'exception ou... bon, éventuellement, selon ce qui se présentera. C'est...
Donc, ce n'est pas des exceptions au projet de loi. Parce que vous avez raison
de dire que, si on le faisait en termes d'exception, là on bloquerait à peu
près tout. Donc, ce n'est pas du tout l idée ici, mais c'est plutôt l'idée de
témoigner, comme le gouvernement fédéral le fait dans sa loi, tout simplement
en disant : Nous allons libéraliser, mais on va continuer à protéger,
évidemment, à assurer la sécurité, à assurer la santé des... Et, en fait,
toutes les provinces, qu'elles l'écrivent ou pas, là, évidemment, vont... ont
ces intérêts fondamentaux à cœur parce... Et puis il y a une raison pour
laquelle ça se retrouve toujours dans les accords internationaux, hein? C'est
que les États veulent se garder ces appuis, hein...
Mme Parent (Geneviève) : ...pour
éventuellement être capable d'adopter un règlement au besoin, s'il arrivait
quelque chose.
Mme McGraw : Donc, vous
citez, justement, le fédéral. Aussi, à l'international, c'est... c'est le cas
souvent, dans les...
Mme Parent (Geneviève) : C'est
la même... oui. Absolument, absolument.
Mme McGraw : ...les traités
commerciaux, de citer... justement... Donc, pour bien comprendre, à part...
Donc, vous voulez... vous proposez qu'on ajoute dans les intérêts
particuliers...
Mme Parent (Geneviève) : Bien,
par exemple, ça, ça...
Mme McGraw : ...à part de la
protection et la promotion de la langue française, environnement, santé
publique, sécurité et spécifier aussi sécurité alimentaire?
Mme Parent (Geneviève) : Bien,
écoutez, la sécurité comprend la sécurité alimentaire, là, mais...
Mme McGraw : Donc, pas de
façon explicite, sécurité...
Mme Parent (Geneviève) : Pas
nécessairement de façon... explicite puisqu'un comprend l'autre. Mais ce que je
voulais dire, c'est que le gouvernement fédéral, dans sa loi, le fait à
l'article 4 dans l'objet de la loi, donc exactement, là, comme vous le
dites, où vous mentionnez la protection de la langue française. Donc, oui, ce
qu'on propose, c'est de... Comme je le dis, c'est hyperimportant, là, de bien
comprendre ce que nous proposons, c'est-à-dire, ce n'est pas des exceptions,
mais plutôt d'affirmer des intérêts comme on le fait avec la langue française.
C'est sûr que, comme M. le ministre le disait, la langue française, bien, on
sait bien que ça va... ça va ressortir davantage, là, dans le cadre de... bon, de
l'étiquetage des produits, dans les... entre les offices de professions, etc.,
il y a là un enjeu particulier dans le cadre de la libéralisation
pancanadienne, mais... mais ça n'empêche pas qu'il y ait d'autres intérêts
fondamentaux pour le Québec. Et là nous, on suggère... bien entendu, ce sera à
l'Assemblée de décider, ce qui en est, là, mais le fait de les mentionner, ce
ne sont pas des exceptions, ce sont vraiment les intérêts fondamentaux qui sont
compris, et avec lesquels la loi sera interprétée, parce que c'est dans l'objet
de la loi, hein?
Mme McGraw : Donc, si je
comprends bien, un équilibre que vous cherchez entre le principe de la
libéralisation, principe de réciprocité, mais qu'il y a ces... d'autres
intérêts qui sont fondamentaux, et ça, vous voulez retrouver de façon explicite
dans la loi, et pas juste dans les...
Mme Parent (Geneviève) : Idéalement,
oui.
Mme McGraw : OK. Peut-être
une dernière question. On a retardé au Canada. Justement, on a une belle
opportunité ici, une belle volonté, je pense, politique au sein du Canada,
l'ensemble du Canada et ici, au Québec, d'aller de l'avant avec le commerce
interprovincial. Par contre, ça fait des décennies qu'on parle de ça. Donc,
selon vous, parce que vous avez une belle vue d'ensemble, pourquoi ça a
tellement tardé? C'est un manque de volonté politique? Est-ce qu'il y a des
leçons qu'on pourrait... pour nous informer, pour nous éclairer dans nos
démarches au sein de ce projet de loi, à éviter ou à... Pourquoi c'est... on a tellement
tardé?
Mme Parent (Geneviève) : Bien,
je pense qu'on ne peut pas dire que c'est un manque de volonté politique,
puisque l'accord sur le commerce intérieur existait avant l'accord sur le
libre-échange canadien. Donc, il y a toute... il y a cette volonté. Il y a
probablement plusieurs raisons qui expliquent peut-être cette difficulté à
libéraliser, probablement parce qu'on avait un voisin au sud qui était
facilement accessible, puis, en raison de l'étendue géographique aussi, c'est
peut-être plus naturel d'échanger...
Mme McGraw : ...
• (15 h 30) •
Mme Parent (Geneviève) : ...c'est
ça, avec certaines provinces plus proches qu'avec d'autres. Donc... Et on
peut... Je ne sais pas à quel point finalement, malgré la volonté politique,
là, qui est affichée par les provinces et le fédéral... provinces et
territoires et le fédéral, est-ce qu'on va vraiment arriver à bouger tant que
ça les choses. Là, ce qui arrive de nouveau, c'est le contexte économique,
hein, les pressions du gouvernement américain, la fermeture de ses frontières,
l'imposition de droits de douane puis notre réalité, là, où il faut
qu'effectivement on retrouve... on trouve des débouchés pour nos produits et
qu'on réfléchisse au-delà de ce partenaire financier traditionnel qu'on avait.
Donc, ça va probablement nous aider à fluidifier les échanges, à voir, là, à
quel point on arrivera à faire bouger les choses. Mais, chose certaine, il
faut... il faut y réfléchir, il faut tenter le coup puis il faut... il faut
s'ouvrir, donc, au reste du Canada, pas qu'on... moi, je ne pense pas qu'on
l'était... on était si fermé que ça, le Québec, là, mais... Mais donc tentons
de l'être davantage, puis voyons ce qui se passe, puis aussi profitons de... je
reviens sur les régimes québécois que l'on a, mais qui nous ouvrent la porte...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Parent (Geneviève) : ...aux
pays européens, hein, qui ont les mêmes réglementations, notamment en matière
de propriété intellectuelle, donc qui nous permettent de... peut-être d'exporter
des produits à haute teneur ajoutée dans ces produits... dans ces pays
européens avec lesquels, bien, ce serait avantageux de commercer dorénavant.
Le Président (M. Laframboise) : Parfait.Merci.
Mme McGraw : Merci.
Le Président (M. Laframboise) :
Merci, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Merci, Me Parent, Me Geneau, de
votre contribution aux travaux de la commission. Vous êtes les dignes
représentantes de la Faculté de droit de l'Université Laval. Merci beaucoup.
Je suspends les travaux de... quelques
instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 31)
(Reprise à 15 h 36)
Le Président (M. Laframboise) :
Merci. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la
Confédération des syndicats nationaux, plus communément appelée la CSN. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite donc à vous présenter et à présenter les personnes qui vous accompagnent
puis à commencer votre exposé. Merci.
Mme Senneville (Caroline) : Bonjour.
Alors, je m'appelle Caroline Senneville, je suis présidente de la CSN. Je suis
accompagnée de M. Julien Laflamme, qui est conseiller politique auprès du
comité exécutif de la CSN, et de M. Jean Dalcé, qui est conseiller syndical au
service de recherche et de condition féminine de la CSN.
Alors, merci de nous recevoir. Et on
espère continuer, les syndicats, à faire partie du processus démocratique
malgré les projets de loi annoncés par le ministre du Travail. On trouve ça
important d'ajouter notre voix, justement, à la démocratie du Québec et on
souhaite continuer le faire.
Évidemment, le projet de loi n° 112
s'inscrit dans un... dans un contexte, pardon, économique incertain. On a eu
l'élection de M. Trump, l'imposition de tarifs qui changent... qui changeaient
même, des fois, deux fois dans la même journée. Et évidemment ça nous a forcés,
partout à travers le pays, à vouloir revoir certaines règles économiques. Même
certains ont dit : Il faut repenser notre économie, donc, d'où le projet
de loi qu'on a devant nous.
En ce qui nous concerne, par ailleurs, on
a probablement des attentes exagérées par rapport à ce projet de loi là et au
fait que l'ouverture tous azimuts du marché canadien constitue une réponse
complète et importante face aux tarifs américains. Il faut d'abord dire que le
marché intérieur canadien, ce n'est pas un marché qui est fermé, c'est un
marché qui est ouvert grâce à l'Accord de libre-échange canadien, et c'est une
part importante, là. 18 % du PIB du Canada sont des échanges
interprovinciaux.
Et ensuite, bien, les réglementations
provinciales des 10 provinces canadiennes et des territoires, c'est... ce ne sont
pas les seules barrières pour que les entreprises puissent commercer plus avec
les autres provinces canadiennes. Nous avons des barrières qui sont
géographiques, de langue et de culture. Et ce n'est pas les mêmes marchés
aussi. On a un grand pays, et ce n'est pas les mêmes... les mêmes conditions de
marché, ce n'est pas les mêmes études de marché.
De plus, bien, si on pense qu'il faut
revoir notre commerce interne à la lumière des tarifs par rapport aux
États-Unis, bien, il faut comprendre que ce n'est pas le même type de commerce.
63 % de nos exportations canadiennes vers les États-Unis sont constituées
d'intrants intermédiaires qui sont destinés aux entreprises américaines. Donc,
ce qu'on va exporter au... du Québec vers les États-Unis, c'est l'aluminium
primaire, le cuivre, l'or, l'énergie électrique, le bois d'oeuvre, beaucoup,
donc, de produits de base, tandis que le commerce interprovincial, lui, est
surtout constitué d'échanges dans le secteur des services. Donc... Et
évidemment on ne parle pas de la même grosseur de marché, hein? Le marché
américain est plus de 10 fois plus gros que le marché de ce qu'on appelle
communément le ROC. Et donc, outre l'importance du marché, mais la constitution
de ce qui représente chacun de ces marchés-là, ça fait en sorte que le marché
intérieur canadien n'a pas la capacité d'absorber tous les produits qu'on
envoie aux États-Unis, et on n'a pas non plus les entreprises au Canada pour
transformer ces produits de base là. Donc, c'est vraiment... c'est loin d'être
une panacée, les... de vouloir faire tomber les barrières non tarifaires entre
les provinces.
Ceci étant, nous, ce qu'on va souhaiter, à
la CSN... on vous a quand même fait une liste de certaines recommandations,
pour nous il est important que, dans nos échanges interprovinciaux... il faut
renforcer l'obligation de respecter nos lois linguistiques dans les rapports
commerciaux et en termes de mobilité de main-d'oeuvre, que ce soit, bien sûr,
en termes du... des provinces canadiennes ou des partenaires internationaux.
Donc, on veut vraiment que les exigences du français, par exemple pour faire
partie d'un ordre professionnel ou pour venir au Québec... il ne faut pas
lésiner sur cette protection-là. Et, je vous dirais, il y a beaucoup d'autres
projets de loi qui émanent du présent gouvernement qui vont dans le sens de...
Mme Senneville (Caroline) :
...renforcer la présence du français au Québec, et on va souhaiter que, dans le
commerce interprovincial, on ne fasse pas l'inverse.
• (15 h 40) •
La deuxième chose qu'on souhaite dire,
c'est que oui, l'Accord de libre-échange canadien et le fameux ALEC, il y a une
liste dedans qui prévoit des exclusions. Et des exclusions font partie à notre
avis de secteurs qui sont stratégiques. Je pense à celui de l'agriculture, à
celui du bois d'oeuvre, les services sociaux, les pêches et les monopoles
publics tels qu'Hydro-Québec, la SAQ ou la SQDC. Dans plusieurs de ces
secteurs-là, il en va de la vitalité de nos régions, de notre autonomie
alimentaire pour tout ce qui est dans la chaîne agroalimentaire. Et on pense
que ce n'est pas du tout une bonne idée de libéraliser à outrance, surtout pour
aller chercher des miettes de marché ailleurs. Ce qu'on aimerait dire aussi,
c'est qu'au moment où on se parle, le Canada est en train de... le Québec est
en train de discuter de... est engagé, pardon, dans une négociation
multilatérale qui implique les autres gouvernements du Canada, qui vise à
conclure un accord de reconnaissance mutuelle. Et ça, bien, la fin des travaux
de ces... de ces négociations multilatérales, c'est la fin de
l'année 2025.
Alors, le principal défaut, je dirais,
qu'on trouve au projet de loi n° 112, c'est qu'il est prématuré. On pense
qu'on devrait vraiment attendre la fin de ces négociations-là de reconnaissance
mutuelle et que, lors de ces négociations-là, bien, ça va être basé sur des
analyses, des comparaisons des mesures réglementaires partout au Canada et que
ça va nous être utile après ça pour dire, bien, quelles sont les barrières non
tarifaires qui existent dans le commerce interprovincial et que nous souhaitons
garder, puis quelles sont celles que nous souhaitons faire tomber. Et on trouve
qu'on met peut-être un peu la charrue avant les bœufs en ce qui concerne donc
le projet de loi n° 112, étant donné qu'on est déjà engagés dans des
négociations multilatérales.
Finalement, bien, presque finalement, on
demande que le secteur de la construction soit exclu... projet de loi n° 112.
Il faut savoir qu'il existe au Canada un système de reconnaissance de qualifications
qu'on appelle le Sceau rouge, là, qui permet déjà la mobilité. Le Québec a des
ententes de mobilité de main-d'œuvre avec trois provinces canadiennes, dont la
plus grosse qui est notre voisine immédiate, qui est l'Ontario. Mais force est
de constater que les travailleurs, travailleuses de la construction au Québec
ne remplissent déjà pas leurs heures. Ils ne travaillent déjà pas à temps
plein. Et pour nous, bien, c'est un contexte d'emploi qui fait en sorte qu'on
ne doit pas ouvrir les vannes de ce secteur-là à des travailleurs qui ne sont
pas au Québec, alors qu'on n'est pas... on ne fait pas le plein des heures ici.
Plus fondamentalement, plus globalement,
je vous dirais que c'est sûr que tout le monde parle de choc, de choc
tarifaire. Tout le monde parle d'électrochoc à notre économie par rapport à ce
qui se passe de l'autre côté de la frontière. Et c'est normal qu'on repense
notre économie. C'est normal qu'on se pose des questions sur les barrières qui
peuvent exister à l'intérieur des... du Canada. Mais on croit aussi qu'on
pourrait vraiment s'attaquer à des... à des... prendre... avoir une vision
beaucoup plus macroéconomique pour la suite des choses. Parce que la
problématique qu'on a en ce moment, elle est beaucoup plus large que juste les
tarifs ou les barrières non tarifaires entre le... entre les provinces
canadiennes. Nous avons un problème de productivité. On a un problème
d'investissement technologique. On doit absolument prendre... faire une
transition juste, aller vers des énergies de plus en plus vertes qui sont les
énergies de l'avenir. Nous avons grandement besoin d'une politique industrielle
que nous n'avons pas, une politique industrielle qui se base sur ce qui se fait
dans nos régions, qui appuient les PME, qui sont déjà présentes sur le
territoire, et basée sur une vision à long terme et une vision 360. Et je
vous donne un exemple d'une politique macroéconomique sur laquelle on est en
attente depuis longtemps. Tout ce qui a trait à la forêt, c'est un secteur qui
est en danger depuis plusieurs années. Les tarifs nous font particulièrement
mal. Il y a des... Il faut soutenir ce secteur-là et soutenir ce secteur-là par
une politique, oui, d'aménagement, mais une politique de réinvestissement, puis
une politique d'aide aux entreprises qui tarde à venir de la part du
gouvernement. Donc, on pense que c'est beaucoup plus de ce type de politique
là, macroéconomique, que va venir, je vous dirais, notre changement, notre
transition économique pour faire face à la...
Mme Senneville (Caroline) :
...nouvelle réalité des tarifs. Et, bien sûr, comme je le disais, c'est ça qui
va être garant de repenser notre économie. Mais une chose qui est difficile de
changer, c'est notre géographie, hein? La Beauce, elle sera toujours plus près
de l'État de New York que de la Colombie-Britannique et il faut s'assurer
d'avoir des... aussi des politiques de libre-échange avec les États-Unis et de
faire vivre les politiques de libre-échange qu'on a avec une bonne
demi-douzaine de pays au Canada et de profiter... de maximiser ces traités-là
aussi, ça doit faire partie d'une politique macroéconomique pour que notre
économie soit revitalisée et vitale dans toutes nos régions. Alors, je vous
dirais, c'est pas mal ça pour ce qui est de notre présentation, et on est prêts
à répondre à vos questions.
Le Président (M. Laframboise) : Merci,
Mme Senneville, pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la
période d'échange. M. le ministre et député de Beauce-Sud, la parole est à
vous.
M. Poulin : Merci beaucoup,
M. le Président. Bonjour, Mme Senneville. Un plaisir de vous retrouver et
de pouvoir échanger avec vous sur cet enjeu qui est fort important. Vous l'avez
noté, on est présentement dans une situation économique extrêmement difficile.
Elle est difficile pour les travailleurs, mais elle est également difficile
pour nos entrepreneurs. Présentement, nos entreprises n'investissent pas. Elles
ont pourtant des projets dans leurs tiroirs et on les accompagne du mieux
possible et, Investissement Québec a fait des interventions avec eux,
25 000 entreprises que nous avons aidées au Québec depuis 2018. On
est au rendez-vous, on a créé des emplois, on en a consolidé, mais on fait
quand même face à une situation économique où l'imprévisibilité devient maître
et où, en soi, l'imprévisibilité est un tarif parce que ça fait en sorte qu'on
est... le tout est extrêmement difficile.
Il n'en demeure pas moins que plusieurs
entreprises, et ils l'avouent, c'est le cas chez nous, c'est le cas dans
d'autres régions du Québec, elles ne se sont pas suffisamment tournées vers le
marché canadien, notamment comme vous l'avez signifié, avec l'enjeu
géographique. Donc, des entreprises n'ont jamais appelé le Bureau du Québec à
Toronto, j'en discutais pas plus tard qu'hier soir avec des entrepreneurs. Ils
ont dit : C'est vrai qu'il faut développer le marché canadien. Je viens de
perdre un client aux États-Unis. Les tarifs la semaine prochaine pourraient
avoir un impact chez nous. Et encore, là, demain, je serai sur le terrain en
train de visiter des entreprises, dans la région des Laurentides notamment, qui
pourraient vivre des tarifs dans les prochaines semaines. Alors, c'est une
réalité auquel on fait face et auquel les travailleurs également, qui parfois
sont membres chez vous, peuvent être confrontés.
Vous dites quand même que notre projet de
loi, il est prématuré. À une des pages, vous nous dites, là, que ce projet de
loi là, bien, ça ne changera rien. Vous nous dites, et je cite au texte :
Crois que les attentes créées autour du projet loi n° 112
sont exagérées. Contrairement à ce qui est véhiculé, le marché intérieur avec
l'ALEC est déjà très ouvert. Mais plus tard, vous nous dites, dans les
conclusions : Néanmoins, les bénéfices reliés aux faibles barrières
commerciales du marché canadien ont été récoltés, puis vous nous partagez les
craintes, vous dites : Concernant l'ouverture du marché intérieur, des
améliorations comme la reconnaissance des titres de compétence des travailleurs
et travailleuses pourraient être apportées pour favoriser une plus grande
mobilité interprovinciale.
Alors... Et dans les conclusions, vous
dites : Le Québec doit par ailleurs se rappeler que s'il ouvre de manière
inconsidérée son économie aux autres provinces et au territoire canadien, l'ensemble
de ses partenaires internationaux pourrait y avoir accès. Donc, ça sert à
quelque chose ou ça ne sert à rien, ce projet de loi là?
Mme Senneville (Caroline) : Bien,
d'abord, il est prématuré parce qu'on pense que les négociations
multilatérales, là, on devrait attendre que ça, ça se fasse avant de le...
avant de s'engager dans d'autres voies. Après ça, ce qu'on dit, c'est que ça a
un effet... ça n'aura pas un effet structurant sur l'économie. Puis il faut...
il faut analyser les barrières barrières, «barrières». Les réglementations qui
existent maintenant, elles existent pourquoi? On part d'un a priori en
disant : Il y a des barrières, c'est nuisible, il faut les enlever.
Maintenant, elles existent pourquoi? Qu'est-ce qu'on a voulu protéger en les mettant?
Est-ce que ça vaut encore la peine de protéger ça? Est-ce que c'est la
meilleure façon de les protéger, les barrières non tarifaires qui peuvent
exister? Et c'est tout ça... c'est tout ça qu'il faut regarder.
Nous, ce qu'on dit, outre que c'est prématuré
puis outre que le fait que ça ne sera pas un miracle, oui, il y a des choses
qui peuvent être faites, mais attention, danger parce qu'il ne faut pas, nous,
s'ouvrir les flancs alors que les autres provinces ne le feront peut-être pas.
Puis effectivement, à partir du moment où ils ont le pied... il y a des... on
ne peut pas, dans les accords internationaux qu'on a signés à l'égard de la
demi-douzaine d'accords internationaux qu'on a signés, la demi-douzaine
d'accords internationaux qu'on a signés, on ne peut pas discriminer les pays
par rapport à ce qui se fait à l'interne. Alors, des fois, on peut dire :
Ah! c'est le fun, il se passe ça avec l'Ontario, on pourra enlever telle
barrière. Mais, oups, on n'a pas vu que derrière, le Japon, par exemple, pouvait
arriver et dire : Non, non non, si vous avez enlevé cette barrière-là à
l'interne, bien, moi aussi, je dois en bénéficier parce que vous ne pouvez pas
me...
Mme Senneville (Caroline) :…
traité comme pays étranger différemment de… que vous traitez les gens à
l'intérieur. Alors, on place, je vous dirais, les limites et les dangers.
• (15 h 50) •
M. Poulin : Il n'en demeure
pas moins, Mme Senneville, que… et peut-être c'est le cas pour vous également.
Moi, je suis d'abord Beauceron, ensuite Québécois et ensuite Canadien. Et ces
barrières-là que nous laissons, qui sont sur la notion permis sur permis, vous
dites : ce n'est pas structurant, mais je pense que tout le volet permis
sur permis avec une possibilité d'assujettir les ordres professionnels à
davantage de mobilité sur certains métiers entre les provinces… Je pense que
c'est structurant, cette politique-là, vous ne trouvez pas?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, écoutez, il y a un article de la loi qui nous inquiète, je pense que
c'est le 12, là, je ne veux me tromper dans mes numéros, mais il y a un article
qui nous inquiète particulièrement, où le gouvernement peut passer outre un
avis d'un ordre professionnel pour la mobilité de la main-d'œuvre. Les ordres
professionnels existent pour la protection du public. Alors, quand je vous
disais : Il existe… quand il y a des… quand il y a des règles qui
existent, elles existent pour des raisons. Un ordre professionnel, c'est fait
pour protéger le public. Alors, le gouvernement va passer outre un avis d'un
ordre professionnel… (Panne de son)… alors, pour nous, c'est une crainte. Et
une fois que, disons, la protection du public va être mise en danger, est-ce
que les gains escomptés sont réels ou pas réels? Alors, c'est ça qu'il faut
voir.
M. Poulin : Je veux vous… je
veux quand même vous rassurer. Aujourd'hui, il n'y a personne qui ne veut
mettre la vie en danger de personne, là. On est… Le Québec est une société
responsable, est une société qui fait bien les choses. Et cet article-là, en situation
exceptionnelle où on pense qu'on doit améliorer la mobilité dans certains
secteurs… Alors, je pense que c'est correct. Tout comme on se laisse un pouvoir
réglementaire sur les biens, sur des enjeux de sécurité, sur des enjeux de
santé, pour le commerce entre les provinces. Donc, ça, je pense qu'il faut le
noter et qu'il faut mentionner qu'à aucun moment, le gouvernement du Québec ne
se donne des pouvoirs de mettre en danger la vie des gens, là. Nos ordres
professionnels sont aussi régis par des lois. Et je ne crois pas qu'il faut
voir la mobilité entre provinces comme étant quelque chose de terrible. Les
gens en Ontario, les gens en Alberta, les gens en Colombie-Britannique servent
très bien leur population et j'inclus là-dedans les métiers de la construction,
là.
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, écoutez, l'article est là. Alors, vous savez, ce n'est pas ma première
commission parlementaire, là…
M. Poulin : Moi non plus.
Mme Senneville (Caroline) :
...mais ce n'est pas le premier ministre ou le premier gouvernement que
j'entends dire : Bien, non, on n'a pas l'intention de faire ci, mais le
texte de la loi est clair. Le texte du projet de loi est clair. Alors, je vous
manifeste l'inquiétude. L'autre inquiétude qu'on a comme syndicat, c'est tout
ce qui a trait en matière de santé-sécurité. Donc, il y a… quand on… il y a
des… il y a de la main-d'œuvre qui est mobile, laquelle… quelle est la
qualification? Et ce n'est pas toujours clair de connaître les équivalences de
qualifications. Et après ça, quand on a rajoute à ça la non-maîtrise du
français, bien, je vous le dis, on met les gens en danger en termes de
santé-sécurité. L'industrie la plus meurtrière au Québec, c'est l'industrie de
la construction. Année après année, le plus grand nombre de morts qu'on a. En
termes de santé-sécurité du travail, les chiffres de la CNESST sont clairs à
cet égard-là, c'est dans l'industrie de la construction, et là je ne parle pas
d'autres lésions qui sont vraiment handicapantes, qui ne résultent pas à la mort.
Alors, ça fait partie de nos inquiétudes.
M. Poulin : Bien, c'est
intéressant. Premièrement, le français, on le place très bien dans le premier
article de la loi. Ça ne change rien aux règles du français. Très conscient des
enjeux de santé-sécurité sur les chantiers. Est-ce qu'ils sont toujours causés
par des gens de l'extérieur du Canada? Je n'en suis pas certain. Je n'ai pas
ces statistiques-là. Est-ce qu'il est toujours causé par le fait que quelqu'un
ne maîtrise pas le français? Je n'ai pas cette certitude-là, mais nos lois sur
le français demeurent. Je sens vos craintes sur une possibilité que des gens
d'autres provinces viennent travailler ici. De qui avez-vous le plus de
craintes? Vous nous parlez de l'industrie de la construction sur la notion du
français notamment, mais il n'en demeure pas moins que dans d'autres provinces,
vous savez, ils connaissent leurs fonctions, ils connaissent leur… ils ont été
formés également. Alors, il y a quand même une structure d'organisation dans
les métiers ailleurs au Canada, là.
Mme Senneville (Caroline) :
Oui, ça sceau rouge. Alors, ça existe déjà. Donc, travailleurs qualifiés de la
construction, s'il se fait accréditer, bien, il est mobile à travers partout…
le Canada, là, alors. Et l'autre chose, nos travailleurs de la
construction » en ce moment, ils ne font pas leurs heures.
M. Poulin : Ils ne font pas…
Bien, exact, parce que… Bien, pour…
Mme Senneville (Caroline) :
Donc, ils vont… Exact. Donc là, on va leur dire : Vous… On va faire venir
de la main-d'œuvre de l'extérieur du Québec, alors que vous ne travaillez pas
nécessairement à temps plein.
M. Poulin : Mais vous savez
qu'il y en a certains qui ne font pas leurs heures parce que les chantiers ne
peuvent pas démarrer, parce qu'il manque de main-d'œuvre aussi. Et ça, c'est le
cas. Et c'est l'enjeu du décloisonnement…
M. Poulin : ...une profession
qui a été traitée dans le passé et pour laquelle il faut toujours avoir un œil
attentif. Nombre de gens, et j'en suis comme député, qui me disent : Je ne
réussis pas à faire mes heures, le chantier ne peut pas commencer, notamment
parce qu'il manque de personnel dans certains corps de métier. Alors, la
mobilité de la main-d'œuvre permet également cet enjeu économique de pouvoir
démarrer des chantiers et de pouvoir atteindre nos objectifs. Donc par moment,
ça peut être l'oeuf et la poule également.
Mme Senneville (Caroline) :
Oui, mais encore une fois, ça existe. Sceau rouge existe. On a des ententes
avec trois autres provinces dont la plus grosse qui est à côté de nous pour que
les travailleurs puissent s'en venir. Alors, c'est ce que je dis, l'effet
marginal. Quand bien même on signerait quelque chose sur la construction, étant
donné l'existence qu'il y a de reconnaissance de qualifications d'un océan à
l'autre, étant donné les ententes qu'on a avec notre province voisine. Puis tu
sais, il y a combien de travailleurs de la construction en tout respect, là,
pour... dans une province comme la Saskatchewan qui est peu peuplée, ou l'Île-du-Prince-Édouard?
Alors les faits pour nous, là, c'est... ÇCa illustre bien pour nous ce qu'est
ce qu'on appelle comme un effet marginal.
M. Poulin : OK. Ça ne serait
pas des nouveaux membres pour votre syndicat?
Mme Senneville (Caroline) :
Ah! bien, possiblement, mais en même temps, s'ils ne travaillent pas, je veux
dire, les gens payent des cotisations syndicales sur les heures qu'ils font.
Alors, bien, c'est ça, il faut travailler pour payer des associations
syndicales.
M. Poulin : D'accord. Il nous
reste combien de temps?
Le Président (M. Laframboise) :
Six minutes.
M. Poulin : OK. J'aimerais
vous entendre plus, plus généralement, même sur les corps de métier. On a parlé
de la construction, beaucoup. Et je comprends que c'est une industrie,
évidemment, que vous maîtrisez parce que vous avez des membres. On a toute la
notion des ordres professionnels, vous l'avez vu, où l'Office des professions
vient mentionner l'importance que chaque ordre professionnel puisse alléger sa
mobilité entre les provinces. Mais il n'y a pas... Il n'y a pas un corps de
métier dont vous seriez d'accord. Vous dites : Oui, ça c'est bon. On va
travailler sur le permis, permis, puis je pense que vous devez mettre une
emphase là-dessus. Puis je pense que l'expertise canadienne peut être bonne. Je
pense que de faire tomber les barrières à son maximum entre les provinces peut
être positive. Il n'y a pas un corps de métier où vous nous dites : Oui,
ça, c'est vrai, vous avez raison.
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, il y en a probablement plus qu'un. On peut-tu attendre de finir nos
négociations multilatérales avec le reste du Canada, puis voir et, à ce
moment-là...
M. Poulin : On n'est pas... On
n'est pas fermé. Un peu peut se faire et l'autre également peut se faire dans
la mesure où la renégociation de la..., nous la menons. Nous y travaillons.
Mais il y a également d'autres provinces à travers le Canada qui ont fait ce
genre d'exercice là, qui ont dit : On doit avoir un leadership en
barrières commerciales. Et moi, je trouve même... Vous nous dites qu'on est
prématurés. Moi, je trouve que le Québec est en retard, Mme Senneville, dans
les barrières commerciales puis je trouve qu'on doit assumer ce leadership-là à
l'avance. Puis rien ne nous dit que la... ne sera pas un outil de plus pour
pouvoir faire vivre le projet loi et faire vivre la... également. Vous nous
dites plusieurs métiers sur lesquels vous serez en accord. Avez-vous des
exemples de métiers où vous nous dites : Nous sommes en accord?
M. Laflamme (Julien) : Bien,
dans notre... Dans nos propositions, là, on n'est pas fermés à ce qu'il y ait
des progrès au niveau des ordres professionnels, au niveau des ordres
professionnels, notre crainte est particulièrement à l'égard du français. La
deuxième crainte qu'on a. Nos membres sont d'abord préoccupés par la question
de la réciprocité. Donc, ce n'est pas une opposition à la question de
l'accroissement de la mobilité, mais nos gens trouvent important de considérer
le critère de la réciprocité. Et également on doit adresser des questions dans
des cas particuliers, soit où il y a des écarts de niveau de scolarité, comme
il existe par exemple pour la profession d'infirmière, mais également il y a
d'autres... d'autres métiers, là, régis par un ordre professionnel, où les
critères de scolarité ont évolué au fil du temps. Par exemple, un métier où
faire partie d'un ordre exigeait par le passé une maîtrise, maintenant, c'est
un doctorat. Donc il y a certaines personnes qui bénéficient de... si on veut,
là, dans notre jargon, d'une clause grand-père. Donc, comment... Comment va
s'appliquer la réciprocité pour ces gens-là? Donc, c'est le genre de questions
qu'on a, ce n'est pas... pour ce qui est de la mobilité, là, de manière plus
large, là, à l'exception de la construction, ce n'est pas une fermeture totale
qu'on a, c'est plutôt des craintes dans des... dans des contextes particuliers.
• (16 heures) •
M. Poulin : Bien, j'apprécie
votre... vraiment votre ouverture et je le note, à cette mobilité entre les
provinces. Vous nous soulevez des points de vigilance et c'est pour cette
raison-là que la façon dont le projet de loi est bâti, il y a... je dis tout le
temps l'Office des professions. Mais est-ce que c'est vraiment le bon libellé?
C'est le... Oui, hein, c'est ça, OK, l'office. Il y a les ordres et l'office.
Excusez-moi, des fois je disais l'Ordre des professions, l'Office des
professions, et qui aura ce rôle-là à jouer auprès des ordres. Alors, on aurait
pu dire...
16 h (version non révisée)
M. Poulin : ...on change, dans
la loi, le fonctionnement des ordres. Mais, l'Office des professions, il a une
expertise qui se fait de paire avec les ordres professionnels. Et, vous le
savez, on en a parlé un peu plus tôt tout à l'heure, des fois, c'est dans le
dossier de l'Ordre, est-ce qu'il est complet, lorsque quelqu'un le dépose, le
délai de réponse. Et il y a tous ces... ces éléments-là qu'on veut harmoniser
et sur lesquels on veut travailler et, au bout du compte, qui va aussi
améliorer, nous pensons, la mobilité et aider à l'économie du Québec. Même si
je suis convaincu, et vous avez raison là-dessus, Mme Senneville, qu'il n'y
aura, dans l'industrie de la construction, peut-être pas beaucoup de gens de la
Saskatchewan qui vont venir. On en est conscients. Mais il n'en demeure pas
moins que, d'assumer ce leadership canadien là, dans le cadre de l'ALEC puis
auprès de nos confrères des autres provinces, on pense que ça peut être
positif.
Alors, bien, je vous remercie pour vos...
votre travail, votre contribution et ce mémoire, qui est également assez
costaud, qui va nous permettre de pouvoir avancer et progresser. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Laframboise) : Merci.
Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Pour encore?
Juste pour vérifier.
Le Président (M. Laframboise) : Seize
minutes 30 secondes. Oui.
Mme McGraw : 16 minutes.
Merci, M. le Président. Et merci à vous d'être... de participer en virtuelle
aussi pour votre mémoire et votre présentation.
Donc, plusieurs questions. Bon. Je
comprends que vous avez des inquiétudes, des préoccupations. J'aimerais
peut-être, dans un premier temps... Vous avez fait certaines recommandations.
Quel sera... Quelle serait votre recommandation prioritaire?
Mme Senneville (Caroline) : Le
français.
Mme McGraw : OK. Le français.
Mme Senneville (Caroline) : ...réponse
à... Oui.
Mme McGraw : Et, ça, c'est
déjà, donc... On avait une discussion, une bonne discussion avec des
professeurs de l'Université Laval, la faculté de droit. Déjà, à l'article deux,
on souligne l'importance de protéger le français. Donc, je pense que c'est un
acquis. Elle a souligné l'importance de se baser sur les traités, au Canada et
à l'international, qui soulignent la santé et sécurité et environnement. Si je
comprends bien, c'est aussi... Est-ce que vous voulez voir ça de façon
explicite dans la loi ou se concrétiser en règlement ou... donc, le français?
Mme Senneville (Caroline) : Bien,
une préoccupation pour la santé, oui, mais une préoccupation pour la santé et
sécurité des travailleurs explicite dans la loi serait certainement un plus.
Mme McGraw : Et, au niveau du
français, à part de la reconnaissance explicite à l'article deux, je... tu
sais, je n'oublie pas, est-ce qu'il y a autre chose à faire pour promouvoir,
protéger au sein... le français au sein de ce projet de loi? Que
recommandez-vous de façon plus spécifique?
Mme Senneville (Caroline) : Non.
Mais, nous, à la... Non. Mais c'est important. À la CSN, on a... c'est nos
racines, hein? On a été créé en 1921, là. On est un syndicat... le n de «national»,
là... syndicat vraiment basé au Québec. Et ça a toujours été dans notre ADN de
travailler très fort pour travailler en français, que le français soit vraiment
la langue de travail, qu'on puisse, dans tous les... tu sais, à partir du
moment où tu mets les pieds au travail jusqu'à tant que tu quittes, que tout se
fasse en français, et le droit aussi de négocier sa convention collective en
français. Pour nous, c'est des droits qui sont vraiment importants. Alors, c'est...
ça... c'est essentiel. Puis on... L'érosion arrive. Quand il y a des personnes
qui ne maîtrisent pas très bien la langue commune, qui est le français, bien,
woups!, dans le milieu de travail, ça change. Puis, je l'ai dit tout à l'heure,
je le répète, mais ça a toutes sortes d'enjeux, y compris en santé et sécurité.
Parce que, si on n'est pas capables de comprendre les consignes, s'assurer....
ça aussi, c'est s'assurer que sur tout l'équipement, la formation soit faite en
français, que les consignes en santé et sécurité soient données en français. On
a vu, on a vu un cas d'un accident mortel à Montréal où les consignes de l'équipement
étaient en anglais seulement, et ça a causé un accident mortel. Donc, il faut s'assurer
que partout, le français comme langue de travail, dans tous ses aspects, soit
respecté.
Mme McGraw : Le commissaire à
l'admission aux professions nous a confirmé ou a clarifié que ça... après le
permis, en termes du français, on peut recevoir le permis, mais les
travailleurs ont jusqu'à quatre ans pour pour passer l'examen effectivement,
mais que dans les autres provinces, le permis... on reçoit seulement le permis
lorsqu'on démontre qu'on est capables de parler en anglais. Selon vous,
premièrement, est-ce que vous êtes au courant de... Moi, ça m'a... c'est un
apprentissage aujourd'hui. Donc, je ne sais pas si vous étiez au courant.
Quelle est la meilleure approche? Est-ce que vous voulez que le permis soit
seulement donné...
Mme McGraw : ...lorsque le
français... il y a un nouveau... un niveau de français qui est assez... qui est
adéquat pour faire le travail.
Mme Senneville (Caroline) : Bien,
écoutez, je n'étais pas au courant de la législation dans d'autres provinces,
mais c'est très logique. Ce qui était important, puis nous, on a toujours prôné
ça aussi, si l'employeur embauche des personnes dont le français n'est pas la
langue maternelle, ça relève aussi de la responsabilité de l'employeur à
faciliter cet apprentissage-là. Donc, si on veut mettre des obligations par
rapport à la connaissance du français, il faut que le milieu, y compris
l'entreprise, fasse en sorte qu'il puisse y avoir des formations sur les lieux
de travail et en partie aussi sur le temps de travail. Et ça fait partie, pour
nous, là, des responsabilités de l'employeur s'il veut faire, s'il veut
utiliser une main-d'œuvre dans la langue maternelle n'est pas le français. Donc,
c'est peut-être plus vers là que j'irais. Si l'obligation est faite au
travailleur avant de faire son permis, il faut lui... avant de lui octroyer son
permis, il faut lui donner les moyens d'atteindre cet objectif-là.
Mme McGraw : Il faut mettre en
place les conditions gagnantes pour que les gens apprennent le français et non
les conditions perdantes. Je suis tout à fait d'accord.
Mme Senneville (Caroline) : Exact.
Puis au niveau dont ils ont besoin pour l'emploi qu'ils occupent, là.
Mme McGraw : Tout à fait.
Donc, pour moi, moi, je pense que l'approche est bonne, juste pour être claire,
parce que j'ai regardé les collègues de l'autre côté sourirent, pour moi, cette
approche-là de donner le temps de, justement, apprendre le français, c'est
l'approche positive, inclusive et aussi efficace. Peut-être, regarder l'autre
côté des autres provinces, peut-être qu'ils ont un travail à faire de leur
côté, mais je pense qu'au Québec on a le bon... une bonne formule à ce
niveau-là.
D'autres questions. Donc, priorité
français, mais vous soulignez, c'est de l'importance santé, sécurité,
environnement, etc. Est-ce que vous voulez que ces principes-là ou ces intérêts
fondamentaux soient explicites au sein de... du... de la loi?
Mme Senneville (Caroline) : Je
dirais oui.
Mme McGraw : Parfait.
Mme Senneville (Caroline) : Mais
votre question était simple, ma réponse, elle est tout à fait.
Mme McGraw : Ça me surprend.
Oui, oui, non, vous avez été assez claire.
Mme Senneville (Caroline) : Non,
non, puis effectivement ça... Puis, quand on va en commission parlementaire, on
a toujours le souci aussi que la loi soit claire puis qu'elle soit autoportante
aussi, parce qu'un projet de loi qui annonce certaines choses puis qui
dit : Mais ça, ça va être par règlement, ça, ça va être par règlement, ça,
ça va être un règlement, là on se dit : Bien, on parle de quoi au juste?
Donc, ça fait partie toujours de... je dirais, globalement, quand on regarde
les projets de loi, ça fait partie des choses qu'on regarde, nous, à la CSN,
mais c'est sûr que, quand vient le temps d'interpréter la loi ou d'appliquer la
loi, quand il y a des principes comme ça qui sont mis dès le préambule de la
loi, souvent, c'est dans le préambule, mais ça aide pour la suite des choses,
là, puis... Oui?
M. Laflamme (Julien) : Si
vous me permettez, pour poursuivre, une des inquiétudes qu'on a, c'est que,
compte tenu que la mécanique du projet de loi actuel fait en sorte que c'est
des exclusions qui sont gérées par règlement, une des craintes qu'on a, c'est
que là, les ministères et les organismes vont faire leurs représentations au
ministère de l'Économie pour obtenir une exemption réglementaire. Et là le
ministère va avoir un arbitrage à faire entre les bénéfices économiques que lui
perçoit et les atteintes à des enjeux de santé, de sécurité ou d'autres types
d'enjeux sociaux que les ministères perçoivent, et on a peur, à cause de la
mécanique du projet de loi qui est prévu actuellement, que cet arbitrage là
entre deux ministères, il se fait derrière des portes closes et que la seule
chose qu'on va voir, c'est les projets de règlements qui auront passé la
barrière du ministère de l'Économie. Alors, à cet enjeu-là, on... on pense que
la mécanique manque un petit peu de transparence.
Mme McGraw : Merci. Vous vous
demandez qu'une... Mais il y a un échange avec le ministre sur... vous trouvez
qu'on va trop vite. Le ministre... On partage justement cette perspective qu'on
est un peu en retard ici au Québec et qu'on est en... on est en crise
commerciale, et il faut agir, et on est en retard par rapport aux autres
provinces. On pourrait regarder qu'est-ce qu'on... quelles seraient les
meilleures pratiques, on peut s'inspirer peut-être d'autres lois dans d'autres
provinces pour nous alimenter. Donc, on ne partage pas nécessairement cette
perspective-là.
Ceci étant, on aimerait mieux comprendre.
Par exemple, vous demandez une analyse d'impact économique, qu'elle soit
réalisée avant... avant l'adoption du projet de loi. Quels indicateurs clés,
emploi, productivité, investissements, services publics devraient absolument y
figurer pour bien éclairer les parlementaires dans leur travail?
• (16 h 10) •
Mme Senneville (Caroline) : On
va vous répondre en deux temps. Peut-être que le Québec a du retard puis
peut-être...
Mme Senneville (Caroline) : ...qu'on
aurait dû travailler là-dessus il y a x années, ça, c'est une chose, mais là,
en ce moment, il se passe des négociations multilatérales qui vont se terminer
dans quelques mois, dont on ne connaît pas toutes les ramifications. Alors,
dans l'ordre des choses, peut-être qu'on est mieux de voir ce qui va être
négocié là. Les études... Parce qu'il faut faire ces négociations-là. On...
Quand on se présente à la table de négociation, on s'appuie sur des
argumentaires, sur des études, sur... et tout ça va être fourni dans le cadre
de ces négociations-là. Puis nous, on dit : Bien, c'est comme si ça
n'existait pas, puis on va faire notre projet de loi à côté, puis peut-être
qu'il va y avoir des interactions puis... Alors, c'est ça qu'on se dit. Voilà.
Puis peut-être je laisserais M. Laflamme répondre, là, sur la deuxième partie.
M. Laflamme (Julien) : Bien,
en fait, ce qu'on souhaite, ce n'est pas seulement une analyse des impacts économiques,
mais une analyse de l'ensemble des impacts, incluant, là, les impacts sur la
sécurité des personnes, sur la santé et sécurité, un ensemble de critères
sociaux qu'on puisse faire vraiment une analyse coût-bénéfice sur l'ensemble
des impacts que cette reconnaissance-là aurait, et non pas seulement les
impacts économiques.
Mme McGraw : Je suis tout à
fait d'accord que c'est toujours mieux d'avoir les données, d'avoir des
analyses, des rapports pour bien faire notre travail, c'est clair. Puis
pourquoi ça n'a pas été fait? Ça fait des décennies qu'on parle du commerce
intérieur. Ceci étant, d'autres provinces sont allées de l'avant. On se
retrouve en retard face aux autres provinces, c'est-à-dire les partenaires,
dans ce... dans ce commerce interprovincial. Lorsque vous parlez de
négociations multilatérales, vous parlez au sein du Canada, mais aussi en
Amérique du Nord. Mais là vous parlez au sein du Canada? Juste pour être clair.
Mme Senneville (Caroline) : Oui.
Oui, oui, oui. Au sein du Canada, oui, oui.
Mme McGraw : Donc, c'est ça,
là, on se trouve dans une situation où les autres provinces, elles ont procédé.
Ça ne serait pas un désavantage de, si on... d'attendre encore plus longtemps,
d'être la seule grande province au Canada qui n'a pas négocié ou qui n'a pas sa
propre loi en amont... ou juste pour avoir, au moins, un terrain plus
équilibré.
Mme Senneville (Caroline) : On
va être plus agiles. On est plus agiles. Parce que, si la loi est...
Mme McGraw : Il y a des avantages
puis des...
Mme Senneville (Caroline) : Oui,
voilà. Parce que, si la loi est adoptée, c'est quand même un processus, là,
changer de loi, là, donc...
Mme McGraw : On est d'accord
pour dire que...
Mme Senneville (Caroline) : Si
on se rend compte dans un mois, woups, on n'avait pas pensé à ça, woups, on
n'avait pas vu telle étude, woups... voilà.
Mme McGraw : Écoutez, on est
d'accord pour dire que c'est toujours mieux d'avoir... de se baser sur des
faits, des données, des rapports, des analyses. Ça, c'est clair de notre côté.
Vous recommandez de maintenir les
exclusions stratégiques de l'ALECC, agriculture, énergie, SAQ, Hydro-Québec.
Comment évaluer si une exclusion est nécessaire et sur quels critères le Québec
devrait se baser pour protéger certains secteurs?
Mme Senneville (Caroline) : Mais,
je vous dirais, tout ce qui touche... tout ce qui touche l'agriculture, la
chaîne agroalimentaire, là, pour nous, c'est bien important. Après ça, c'est
des choix de société qu'on a faits. Nous, on a fait le choix de société, il y a
plusieurs décennies, d'avoir un monopole d'État pour l'électricité. Bien, ça
prend des débats assez... je veux dire, c'est la même chose pour la SAQ, la
même chose... Alors, il ne faudrait pas que l'objectif de faciliter le commerce
entre les provinces, pour notre avis, à certains égards, dans des bénéfices
marginaux, vienne à requestionner, à ébranler des choix de société qu'on a
faits, de ne pas faire... ne pas passer par la porte de derrière pour déconstruire
des choses qui ont... qui relèvent du débat public et de choix de société. Je
ne sais pas si tu veux...
M. Laflamme (Julien) : Bien,
si on... Puis, si on veut prendre des exemples, par exemple l'industrie
forestière, il y a une exemption qui oblige de vendre les produits du bois issu
des terres publiques à des scieries québécoises. Ce serait terrible dans le
contexte actuel de lever cette exemption-là, ça ferait en sorte que, là, nos
scieries, qui sont déjà très à mal, qui sont en crise, se verraient compétitionner
avec des scieries d'autres provinces pour s'approvisionner en bois.
Évidemment, on peut penser que ça aurait un impact à la hausse sur les prix.
Dans le contexte actuel, il est clair qu'on souhaite, là, le maintien de cette
exclusion-là.
Mme McGraw : Juste pour
répéter, la ministre dit que c'est déjà le cas. Je répète juste que la ministre
vient de le dire, parce qu'il est hors...
Mme Senneville (Caroline) : Oui,
c'est déjà le cas, puis on voudrait que ça soit maintenu.
Mme McGraw : Parfait. Là,
vous avez aussi une perspective un peu à contre-courant de ce qu'on dit. On a
les médias, beaucoup d'experts. Vous dites que vous... Vous affirmez, à moins
que j'aie mal compris, que le marché intérieur canadien est déjà largement ouvert
grâce à l'ALECC et que les...
Mme McGraw : ...les bénéfices
du libre-échange ont déjà été récoltés. Est-ce que c'est votre position?
M. Dalcé (Jean) : Donc,
permettez-moi de donner quelques éléments de réponse à cette question.
Premièrement, il y avait l'accord du commerce intérieur qui n'avait rien donné.
Donc, on l'a modifié pour avoir l'ALEC, on l'a modifié quand... après avoir
signé l'AECG, on a constaté que les Européens avaient des avantages qu'on
n'avait pas sur le marché intérieur. Mais le problème qu'on a au... et notre
présidente l'a bien dit, ce n'est pas un problème d'accès au marché à
l'intérieur, c'est un problème de... dans le cas du Québec, c'est un problème
peut-être de productivité, c'est un problème de structure économique. Les PME,
c'est-à-dire au Québec, pour faire affaire avec l'Alberta ou avec la
Colombie-Britannique, ça représente des coûts énormes pour eux. Donc, elles
n'arrivent pas à compétitionner des entreprises internationales sur ces marchés
qui ont déjà des contraintes structurelles comme la géographie ou encore comme
la taille de ces marchés qui n'est pas assez importante.
Alors, c'est pour cette raison qu'on dit
que, bon, on a fait déjà l'expérience avec... on a fait l'expérience avec
l'ALEC, donc ouvrir davantage, nous, nous pensons que ça n'en rapportera pas
plus sur le plan économique au Québec, ou encore, les avantages qu'on va avoir,
c'est des avantages marginaux. Donc, c'est un peu ça notre compréhension. Et
puis ce n'est pas... on n'est pas les seuls, en fait, à avoir cette
compréhension-là. Dans plein d'interventions scientifiques, on parle du vrai
problème du Québec et du Canada. C'est le problème de la productivité qui fait
en sorte qu'on n'arrive même pas, par exemple, à avoir une place sur le marché
international. C'est le même cas avec l'AECG, on a un... avec les Européens.
Mais quand on regarde l'évolution des échanges avec les Européens, eh bien elle
n'a pas progressé tant que ça, c'est parce que, tout simplement, on a un
travail à faire en amont qui n'a pas été fait. Donc, c'est ça notre position,
et voilà.
Mme McGraw : Je pense qu'il
reste 30 secondes. On est d'accord pour dire qu'il y a d'autres enjeux,
productivité, bien qu'on trouve que faire avancer le libre-échange, c'est
important. La question aurait été : Quelles d'autres... quelles autres
mesures économiques vous auriez voulu mettre en place pour justement un
contexte plus macro? Mais là je pense que... macroéconomique, mais...
Mme Senneville (Caroline) : Oui,
la productivité, les technologies, les technologies vertes, la formation de la
main-d'œuvre.
Mme McGraw : Mais elles ne
sont pas... exclusives de...
Mme Senneville (Caroline) : Non,
non. Mais c'est parce que, là, on met beaucoup d'énergie pour quelque chose qui
va nous rapporter 0,05 $, alors que le 0,95 $, on n'y travaille pas.
Le Président (M. Laframboise) : Merci.
Merci, Mme la députée Notre-Dame-de-Grâce. Je vous remercie,
Mme Senneville, présidente de la CSN, avec vos collaborateurs,
M. Laflamme, M. Dalcé, pour votre contribution à nos travaux.
Avant de conclure les auditions, je
procède au dépôt des mémoires, des mémoires des personnes et des organismes qui
n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.
Je vous remercie pour votre contribution à
nos travaux. Ayant accompli son mandat, la commission ajourne ses travaux au
vendredi 24 octobre 2025, à 10 heures, où elle entreprendra un
autre mandat. Merci. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 16 h 18)