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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Tuesday, April 3, 1979 - Vol. 21 N° 29

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère de la Fonction publique


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère de la Fonction publique

(Dix heures quarante minutes)

Le Président (M. Blank): A l'ordre, messieurs!

Session de la commission parlementaire de la fonction publique pour étudier les crédits budgétaires. Maintenant qu'on a le quorum, on peut commencer.

M. Bellemare: M. le Président, je déplore cette perte de 40 minutes. Le ministre pourrait peut-être nous expliquer pourquoi. Si on commence l'étude des crédits avec des retards comme celui-là, je pense que ce n'est pas respecter véritablement la démocratie et le grand parlementarisme qu'on défend. Le ministre a peut-être été avisé par quelqu'un de ce retard, mais je ne pense pas qu'un membre de la commission, quel qu'il soit, à quelque parti qu'il appartienne, puisse d'autorité retarder les travaux qui sont ordonnés par la Chambre; c'est un ordre public. Je m'élève avec beaucoup de...

M. Pagé: Véhémence.

M. Bellemare:... violence, plutôt. Véhémence, ce n'est pas un mot de trottoir. M. le Président, je vous laisse le soin de tirer au clair cette affaire.

Le Président (M. Blank): Tirer au clair cette affaire. J'ai été avisé par un fonctionnaire du Parti libéral que le porte-parole du parti était pris sur la route et qu'il serait en retard d'environ 20 minutes ou une demi-heure. J'ai pris soin d'aviser le bureau du ministre qu'on aurait un problème de quorum avant 10 h 30. A 10 h 30, le ministre, le député de Portneuf et le député de Johnson étaient ici.

M. Pagé: M. le Président, vous me permettrez d'intervenir là-dessus, évidemment, étant donné que je suis directement visé. Tout d'abord, je tiendrais à transmettre peut-être pas mes excuses, mais mes remerciements aux membres de la commission. Effectivement, ce matin, j'ai été retardé, comme cela peut arriver dans la vie d'un parlementaire, surtout lorsqu'il a terminé son bureau de comté vers minuit hier soir. D'autre part, j'ai communiqué avec vous ce matin vous demandant s'il vous serait possible d'agréer à ma requête de retarder de quelques minutes le début des travaux de cette commission. Connaissant votre délicatesse et votre ouverture d'esprit, vous avez accepté. Je vous ai d'ailleurs demandé, par la voie de mon collaborateur, M. Côté, d'aviser le ministre et ses fonctionnaires qu'on serait en retard de quelques minutes. De toute façon, je pense que l'incident est clos. J'espère tout au moins que ce retard aura permis à mon bon collègue le député de Johnson de mieux se préparer et d'être davantage ferré pour le début de l'étude des crédits.

M. Bellemare: Je n'ai pas besoin de temps supplémentaire pour me préparer. C'est clair. Gardez vos réflexions pour vous.

M. Pagé: J'en suis bien heureux pour vous.

Le Président (M. Blank): A l'ordre, messieurs! J'ai oublié de donner la liste des membres de la commission. Les membres sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. de Belleval (Charlesbourg), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Gravel (Limoilou), M. Jolivet (Laviolette), M. Mailloux (Charlevoix), M. Pagé (Portneuf). Les intervenants sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Caron (Verdun), M. Dussault (Châteauguay), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Le Moignan (Gaspé), M. Martel (Richelieu), Mme Ouellette (Hull), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Springate (Westmount).

Maintenant, on doit choisir un rapporteur; qui va être le rapporteur?

M. Lacoste: Seulement un instant. Pour être membre à part entière de la commission, remplacer M. Bisaillon.

Le Président (M. Blank): Remplacer M. Bisaillon. Le député de Limoilou a été nommé rapporteur de la commission.

Comme d'habitude, on donne la parole au ministre.

Exposés préliminaires M. Denis de Belleval

M. de Belleval: Merci, M. le Président. Avant de commencer un court exposé, j'aimeais présenter quelques-uns des fonctionnaires qui m'accompagnent ce matin, comme c'est la coutume. Tout d'abord, le président de la Commission de la fonction publique, M. Roch Bolduc; M. Raymond Gé-rin, qui en est membre, et Me Perrin, aussi, qui l'accompagne. Du côté de l'Office de la sélection et du recrutement, M. Bélanger, qui en est le président et qui est ici avec nous ce matin. Du côté du ministère de la Fonction publique, le sous-ministre, M. Lefebvre, et trois sous-ministres adjoints, MM. Conti, Lalande et Carrier, et le président-directeur de la Commission administrative du régime de retraire, M. Monfette. Nous accompagnent aussi quelques autres hauts fonctionnaires, directeurs généraux du ministère, de l'office ou de la commission. (10 h 45)

M. le Président, cette année, ou l'année qui vient de s'écouler, depuis notre dernière rencontre au mois de mai dernier, a été marquée d'événements importants pour le ministère de la Fonction publique. Comme vous le savez, nous avons adopté, à l'Assemblée nationale, au mois de juin dernier, la loi 50 sur la fonction publique qui, à

toutes fins utiles, recréait le ministère de la Fonction publique et donnait à ce ministère les pouvoirs généraux en matière de gestion du personnel de la fonction publique, pouvoirs qui, jusque-là, étaient dispersés entre plusieurs organismes et qui étaient confiés, en partie, à un organisme indépendant qui s'appelait la Commission de la fonction publique.

Je ne veux pas reprendre ici les objectifs de la loi no 50, mais souligner simplement que par cette loi, nous redonnions au pouvoir politique responsable les véritables responsabilités en matière de gestion du personnel puisque, en définitive, c'est le pouvoir politique légitimement élu qui est responsable devant la population de l'efficacité de la fonction publique, de sa productivité et aussi, dans une large mesure, de sa neutralité et de son impartialité, ainsi que de la neutralité et de l'impartialité des processus de gestion, particulièrement en ce qui concerne l'entrée dans la fonction publique et la promotion des fonctionnaires. La loi 50 vise donc à identifier un responsable politique précis chargé d'assurer l'efficacité de la fonction publique, mais aussi à créer des mécanismes précis, mieux identifiés, avec des responsabilités que je dirais moins concurrentes, mais plus juridiquement sûres, de façon à protéger ce que j'ai appelé la neutralité des mécanismes de gestion du personnel.

Nous avons créé une nouvelle Commission de la fonction publique qui a maintenant un pouvoir étendu d'enquête sur l'application de la loi et qui est chargée aussi de servir de tribunal d'appel pour des fonctionnaires qui s'estimeraient lésés sous certains rapports dans l'application de la loi. On verra, au cours des travaux de cette commission, que la Commission de la fonction publique à déjà commencé son travail à cet égard, en particulier en donnant au Conseil du trésor et en transmettant à l'Assemblée nationale ses premiers avis sur les règlements que le ministre de la Fonction publique a déjà adoptés et sur ceux qu'adoptera le nouvel office de sélection du personnel. C'est le deuxième organisme indépendant du pouvoir politique dont les membres aussi sont nommés par l'Assemblée nationale, comme la nouvelle Commission de la fonction publique, qui a été créé à la suite de la loi 50 et qui est responsable, comme son nom l'indique, de l'impartialité, de l'efficacité aussi du processus de sélection pour l'entrée dans la fonction publique et la promotion des fonctionnaires.

La loi est entrée en vigueur plus précisément le 1er avril, c'est-à-dire il y a à peine deux jours, officiellement par une proclamation à cet effet du gouvernement. Tous les articles sont donc en vigueur actuellement, sauf un seul: celui qui porte sur le droit d'appel en matière de promotion et qui entrera en vigueur le 1er septembre. Cet article entrera en vigueur un peu plus tard parce que l'Office de sélection doit adopter, donc élaborer aussi, des processus pour permettre l'application de ce droit d'appel qui n'existait pas auparavant et aussi parce que, de toute façon, les nouveaux concours qui permettront l'application de ce droit d'appel ne seront tenus que durant les prochaines semaines, durant les prochains mois.

Nous nous sommes donc mis à l'ouvrage depuis l'application de la loi pour préparer une opération extrêmement délicate et complexe qui s'appelait, au fond, le transfert des tâches de la Commission de la fonction publique et du Conseil du trésor en partie vers le nouveau ministère de la Fonction publique et vers le nouvel Office de sélection. Ceci est une opération délicate parce qu'il fallait que, dans l'intervalle du transfert de ces pouvoirs et de l'exécution des responsabilités qui en découlent, le processus de gestion du personnel se déroule sans accrocs et que les ministères puissent continuer à recevoir les services dont ils ont besoin de la part des organismes centraux chargés de leur fournir le personnel et d'assurer la réglementation qui s'applique à ce personnel.

Il a fallu, en particulier, élaborer une réglementation adéquate puisque, jusqu'à présent, une grande partie des processus reposait en partie sur la loi, en partie sur des directives, en partie sur une certaine coutume, mais n'était pas réglementée au sens strict, du moins pas toujours.

Nous nous sommes attaqués à cette tâche durant l'été et l'automne derniers et je dois dire qu'il a fallu l'implication de plusieurs dizaines de fonctionnaires dans de nombreux ministères pour faire en sorte que nous arrivions à temps le 1er avril avec la nouvelle réglementation en vigueur.

Durant les travaux de cette commission, à la fin de mon exposé, j'aimerais d'ailleurs déposer une première série de règlements adoptés par le ministre de la Fonction publique et aussi une série d'avis de la Commission de la fonction publique à l'égard de ces règlements, avis d'ailleurs qui, selon la loi, sont déposés auprès du président de l'Assemblée nationale mais qui, je pense, peuvent être étudiés adéquatement lors des travaux de cette commission.

La réforme de la fonction publique sera une tâche de longue haleine qui, au fond, commence véritablement avec la mise en vigueur de la loi. Je dois dire à cet égard que, dans une première étape, ce que nous avons voulu faire, c'est assurer un transfert cohérent et efficace des compétences, sans prétendre ignorer toute suite en matière de gestion du personnel. C'est un parti pris prudent que nous avons adopté de façon que, comme je l'ai dit, nous puissions continuer à fonctionner avec des bases solides à partir desquelles nous pourrions construire de nouveaux types, de nouveaux modes de gestion.

J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer, soit dans des entrevues, dans des journaux ou ailleurs, quelles seront les grandes lignes des principales tâches que nous entendons assumer durant les prochains mois, durant les prochaines années pour assurer cette réforme de la fonction publique. Un des premiers sujets, un des premiers centres d'intérêt de nos activités, ce sera la réforme de la gestion des cadres. Toute fonction publique, pour sa gestion courante, repose sur un certain nombre de hauts fonctionnaires qui sont

responsables, sous direction générale du pouvoir politique, qui sont les véritables responsables de l'efficacité au jour le jour de la fonction publique, de sa productivité et aussi du fait que des services auxquels la population est en droit de s'attendre sont effectivement rendus avec tous les égards, d'ailleurs, pour les citoyens en tant que citoyens auxquels on doit accorder la priorité par rapport à une gestion plutôt abstraite ou éloignée de ressources matérielles, de budgets, etc.

Après dix ans ou quinze ans de ce qu'on peut appeler la construction d'une fonction publique moderne au Québec où on a beaucoup favorisé, pendant ces années, les fonctions inventives de nos hauts fonctionnaires, leur capacité de conception. Nous arrivons à une phase de maturité où il faut maintenant privilégier sans doute davantage les capacités de gestion dans tous les domaines, l'efficacité dans la gestion des ressources, qui sont maintenant considérables, l'efficacité dans la gestion des ressources humaines, aussi, qui sont considérables, le nombre des fonctionnaires atteignant maintenant un peu plus de 70 000. En ce sens, il nous faut privilégier maintenant des capacités d'administrateurs, de gestionnaires compétents et efficaces des ressources, toujours dans un contexte de fonction publique, c'est-à-dire dans un contexte où il faut toujours avoir en tête le citoyen, le service public dont nous sommes responsables. Outre la question de la gestion des cadres et la réforme du système actuel, les accents que nous devons mettre sur les capacités de gestion, la polyvalence, la mobilité des cadres, nous devrons aussi, en général, accorder une importance accrue à l'efficacité du fonctionnarisme en général à tous les niveaux, à la productivité des effectifs qui comprennent cette fonction publique.

C'est une tâche qui est difficile dans toute grande bureaucratie, qu'il s'agisse d'une bureaucratie privée ou publique. C'est peut-être encore plus difficile dans une bureaucratie de type fonction publique, mais ce n'est pas une tâche impossible. C'est une tâche, au contraire, qui doit recevoir une haute priorité et je pense que, de ce point de vue, nous sommes mieux équipés que la plupart des autres fonctions publiques pour y arriver parce que, justement, nous avons rapatrié au sein des mêmes organismes les responsabilités véritables en cette matière au sein d'un ministère. Nous avons maintenant un ministre clairement identifié, bien responsable de cette tâche et nous avons aussi un organisme bien identifié, des fonctionnaires, dont ce sera le principal travail. Nous avons aussi, je pense, adopté dès le départ une espèce de parti pris qui nous permettra d'en arriver à des bons résultats de ce côté.

En effet, nous voulons que le ministère de la Fonction publique fonctionne, non pas comme un organisme de contrôle, non pas comme un organisme supplémentaire horizontal au-dessus des autres ministères, mais comme un lieu de rencontre, un lieu de concertation pour l'ensemble des gestionnaires des autres ministères qui, de concert avec le ministère de la Fonction publique, élaboreront eux-mêmes les critères d'efficacité, les modes de gestion nouvelles de la fonction publique.

Nous avons d'ailleurs mis cette philosophie à l'épreuve, lors de l'élaboration des premiers règlements, et je dois dire que la réponse des fonctionnaires en général, dans tous les ministères, a été enthousiaste, au niveau même des directions du personnel qui auront une tâche si importante à accomplir dans ce domaine, durant les prochaines années, mais aussi au niveau des sous-ministres. C'est par cet effort de décentralisation, à travers tout l'appareil administratif, d'une même philosophie de gestion et d'une participation importante à cet objectif qu'il sera possible, au fond, de décortiquer en petites pièces, ce qu'on perçoit peut-être au premier abord comme un monstre administratif de 70 000 personnes, de le découper en pièces bien précises et, en élaborant des objectifs particuliers pour chacune de ces pièces, pour chacun de ces sous-systèmes, d'être en mesure d'améliorer à long terme l'efficacité de l'ensemble.

Mais il s'agit, bien sûr, comme je l'ai dit, d'une tâche de longue haleine. On peut dire aussi que pour plusieurs cela peut ressembler au rocher de Sisyphe qu'on monte au haut de la montagne et qui redescend toujours. L'amélioration de la productivité, de l'efficacité d'une bureaucratie est un peu à l'image de cette légende à savoir que c'est une tâche qui est toujours à reprendre, mais, justement parce qu'elle est à reprendre, parce qu'elle est difficile, à laquelle il faut s'attaquer et à laquelle il faut apporter toute la constance nécessaire. (11 heures)

Je ne voudrais pas m'étendre trop longtemps sur un exposé préliminaire, mais avant de déposer, comme je l'ai mentionné, une première série des règlements adoptés par le ministre et une première série d'avis de la Commission de la fonction publique, je voudrais aussi mentionner que l'année a été utilisée, a été remplie par une tâche importante, parfois douloureuse mais qui, jusqu'à maintenant, en tout cas au sein de la fonction publique, s'est déroulée de façon cohérente, de façon harmonieuse: c'est le renouvellement des conventions collectives des fonctionnaires.

Depuis que je suis arrivé à la Fonction publique, j'ai dû procéder à la signature d'au moins une vingtaine, sinon plus, de conventions collectives de travail. Ces conventions ont été renouvelées, la plupart du temps, sans accrochages et d'une façon aussi assez anonyme. Il n'en reste pas moins que ce travail est très important. Comme je l'ai dit, il s'est déroulé parfois sans trop de publicité, mais il reste que cela a été dans le passé et que c'est toujours une tâche importante du ministère de la Fonction publique.

Nous avons aussi cependant, au-delà de ces quelques dizaines — deux douzaines peut-être — de conventions collectives moins connues, commencé une nouvelle ronde de négociations en particulier avec le Syndicat des fonctionnaires dirigé par M. Jean-Louis Harguindeguy, qui comprend une quarantaine de milliers de membres. Je pense que les journaux, ces jours-ci, depuis plu-

sieurs semaines d'ailleurs, rapportent que ces négociations se sont, somme toute, déroulées de façon harmonieuse et nous sommes près, au moment où je vous parle, d'un accord qui pourrait survenir durant les prochains jours.

Durant toutes ces négociations, je me suis abstenu de déclarations dans un sens ou dans l'autre de façon à respecter le jeu normal des négociations. D'ailleurs, les nouvelles qui ont paru dans les journaux récemment ne sont pas venues du ministre de la Fonction publique. Nous entreprendrons bientôt aussi d'autres négociations avec d'autres fonctionnaires, en particulier le Syndicat des professionnels. Je voudrais juste insister sur cet aspect: lors de l'adoption, de la loi 50, comme c'est normal, je suppose, dans le processus démocratique de l'approbation d'une loi, il y a eu une certaine quantité de charriage dans le débat. En particulier, vous vous souviendrez qu'on avait critiqué la loi 50 parce que, supposément, elle pourrait brimer les droits d'association.

M. Bellemare: C'est historique.

M. de Belleval: Effectivement.

M. Bellemare: La première n'était pas bonne.

M. de Belleval: Mais le charriage auquel je fais allusion, M. le député de Johnson, s'est poursuivi même à l'occasion de l'étude de la loi 50, même après certains amendements auxquels vous faites allusion.

M. Bellemare: Vous vous êtes amendé aussi, pas seulement la loi.

M. de Belleval: Quoi qu'il en soit...

Le Président (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît! Vous aurez la chance de parler aussi.

M. de Belleval: ... je voudrais souligner à cet égard que nous avons pu effectivement négocier avec le Syndicat des fonctionnaires sur tous les points des anciennes conventions collectives. Quand la nouvelle convention sera rendue publique, on pourra se rendre compte que de nombreuses améliorations ont été apportées, particulièrement du point de vue normatif. Comme je l'avais toujours prétendu aussi, la loi 50 apporte, du point de vue de la loi, dans son contenu même, des améliorations de ce côté-là et effectivement ces améliorations se sont produites dans le contenu des conventions collectives.

Je pense aussi qu'on verra que les objectifs de la loi commencent déjà à être mis en vigueur au moment où la Commission de la fonction publique donne des avis au Conseil du trésor et que ces avis sont portés à la connaissance de l'Assemblée nationale. Cette expérience est nouvelle, mais elle démontre qu'effectivement la commission entend être le chien de garde du ministre et du gouvernement dans le processus de gestion du personnel et en particulier dès le début de ce processus, c'est-à-dire au moment où l'encadrement réglementaire est mis en place.

Personnellement, je suis content de voir que, dès le début, la philosophie même qu'il y avait dans la loi, cette espèce de dynamique que j'ai voulu mettre dans la loi, commence déjà à porter ses fruits, à savoir un processus beaucoup plus ouvert, beaucoup plus transparent, beaucoup plus objectif, public, criticable et critiqué, et qui permet donc pour tous les citoyens comme pour tous les fonctionnaires, comme pour les parlementaires, de s'assurer que ce sont des critères véritablement d'efficacité qui président à la gestion de la fonction publique et non pas des critères basés sur des affinités personnelles, des convenances politiques ou du favoritisme administratif ou autre. Je pense que nous devons tous être conscients, comme parlementaires, que de ce point de vue-là, c'est tout le Québec qui profite de cette réforme, qu'elle n'appartient plus maintenant à un ministre en particulier ni à un parti politique, mais qu'elle fait partie de notre patrimoine de réformes que tous les partis politiques ont mis en application dans tous les domaines, mais en particulier dans la fonction publique, depuis maintenant, disons, Paul Sauvé, en 1959.

Pour terminer cet exposé, j'aimerais présenter aux parlementaires une première série de règlements adoptés en vertu de la loi par le ministre de la Fonction publique et vous pourrez prendre connaissance de ces règlements durant les prochaines heures, nous aurons sans doute plus d'une séance, ce qui vous permettra, je pense, de poser des questions, s'il en est, sinon sur tous ces règlements, certains sont de moindre importance, mais sur les quelques points qui pourraient nous intéresser particulièrement, surtout compte tenu des avis que nous a donnés la Commission de la fonction publique sur ces règlements.

Un premier règlement porte sur la révocation pour insuffisance professionnelle du personnel de la fonction publique. Je dépose ce projet de règlement, M. le Président, et tous les parlementaires, je pense...

Le Président (M. Blank): Ce n'est pas exactement...

M. de Belleval: Je n'ai pas à les déposer comme tels...

M. Bellemare: La commission n'est pas capable de nous les livrer...

M. de Belleval: ... mais je vous les distribue.

Le Président (M. Blank): Nous allons les distribuer pour l'utilisation des membres.

M. Bellemare: Parce qu'en vertu du règlement il ne peut pas les déposer.

M. de Belleval: J'en fais mention, M. le Président, et ils seront distribués. Vous pouvez les distribuer immédiatement aux membres de la

commission. Ces règlements seront accompagnés de l'avis de la Commission de la fonction publique.

Un deuxième règlement touche au classement des fonctionnaires, un troisième à la classification des emplois; un quatrième touche les normes de conduite et de discipline dans la fonction publique et au relevé provisoire des fonctions. Un autre touche à l'octroi de certaines rémunérations additionnelles. Un autre touche à la procédure d'appel pour les fonctionnaires qui sont non régis par une convention collective de travail. Un autre touche à la rémunération des avantages sociaux et les autres conditions de travail de certains fonctionnaires, c'est-à-dire cadres supérieurs et adjoints aux cadres supérieurs, et un autre touche à d'autres fonctionnaires sur le même sujet. Les avis de la Commission de la fonction publique à l'égard de tous ces règlements peuvent se résumer de la façon suivante. Pour la plupart d'entre eux, la commission donne l'avis que ces règlements sont sans portée sur l'application de la règle de la sélection au mérite et que, par conséquent, elle ne se sent pas, sinon obligée, disposée à donner un avis explicite. C'est le cas, par exemple, du règlement qui touche à la rémunération, aux avantages sociaux et aux autres conditions de travail de certains fonctionnaires. Cela ne touche pas comme tel au régime de mérite. C'est la même chose pour les normes de conduite et de discipline dans la fonction publique et au relevé provisoire des fonctions. C'est le cas aussi du règlement concernant la procédure d'appel pour les fonctionnaires non régis par une convention collective de travail. C'est le cas du règlement sur la rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail des cadres supérieurs. C'est le cas aussi du règlement concernant certaines rémunérations additionnelles.

La commission a aussi donné un avis sur le règlement relatif aux normes de conduite et de discipline dans la fonction publique et au relevé provisoire des fonctions, qui parle par lui-même et qui ne pose pas de problème particulier. Cependant, il y a deux règlements importants sur lesquels la commission a jugé bon de se pencher tout particulièrement et de nous donner un avis assez extensible. C'est le règlement qui touche la dotation, le classement des fonctionnaires, la rétrogradation ou la révocation pour insuffisance professionnelle et le règlement concernant la classification des emplois. En ce qui concerne le règlement relatif à la dotation, la commission a fait certaines remarques que nous avons décidé d'agréer. Nous avons donc, compte tenu de ces remarques de la commission, décidé de procéder à la rédaction d'un nouveau règlement qui a été présenté aujourd'hui même au Conseil du trésor, règlement sur la dotation qui respecte les observations que nous avait faites la commission. Par conséquent, le premier règlement que j'ai adopté à cet égard ne sera pas adopté par le Conseil du trésor et ne sera pas publié dans la Gazette officielle; c'est la deuxième version qui sera éventuellement approuvée par le Conseil du trésor, celle qui respecte au fond les remarques de la commission.

Un autre règlement très important est celui qui concerne la classification des emplois. Sur celui-ci, un certain nombre de remarques que nous a faites la commission nous apparaissent pertinentes d'un certain point de vue, mais nous ne pensons pas pouvoir donner suite aux avis de la commission, pour des raisons pratiques, en particulier sur deux points. Un avis de la commission porte sur la question de la promotion ou de l'avancement des fonctionnaires professionnels de la classe 3 à la classe 2. (11 h 15)

La pratique, à cet égard, jusqu'à maintenant, était que ces fonctionnaires passaient de la classe 3 à la classe 2 à la suite d'un simple examen plutôt qu'à la suite d'un concours entre tous les fonctionnaires. Depuis plusieurs années, cette pratique est en vigueur et, en attendant que des modifications soient apportées à la classification des fonctionnaires professionnels de la classe 3 ou de la classe 2, dans un sens ou dans l'autre, nous devrons continuer à observer la pratique actuelle, c'est-à-dire faire passer les fonctionnaires de la classe 3 à la classe 2 à la suite d'examens d'avancement et non pas à la suite d'un concours, c'est-à-dire une compétition entre tous les fonctionnaires de ce rang.

La commission nous a fait une autre remarque importante concernant la classification des emplois. Je vais demander un avis à M. Lefebvre.

L'autre point important, c'était le règlement qui concerne les conditions d'admission au corps des administrateurs, des cadres, que la commission souhaiterait voir resserrer davantage. Là encore, ce que nous avons fait dans le règlement adopté, c'est de respecter la pratique en vigueur depuis de nombreuses années, en particulier de permettre l'admission à une promotion dans les cadres de classe 1, 2, 3 ou 4, de rendre ces promotions accessibles à tous les cadres, indistinctement de leur niveau. En ce qui concerne l'admission même du coprs des adjoints aux cadres supérieurs ou des administrateurs de classe 4, de permettre aussi l'admission des professionnels de classe 1 ou des professionnels de classe 2 admissibles à la classe des professionnels de classe 1; donc, de permettre l'admission de ces candidats aux concours pour les adjoints aux cadres supérieurs et les cadres.

Il s'agit, comme je l'ai dit, dans tous ces cas, de pratiques actuelles qu'il ne serait pas possible de modifier à court terme, compte tenu des délais qui sont en cause, mais il s'agit de questions auxquelles nous accordons une importance, compte tenu des avis de la commission, et pour lesquelles nous entendons agir durant les prochains mois.

Voilà, en gros, M. le Président, ce que je voulais dire comme exposé préliminaire. Je pourrai, je le suppose, donner davantage d'explications sur ce dont je viens de parler et sur d'autres points, bien sûr, que soulèveront les parlementaires.

Le Président 'M. Blank): Merci, M. le ministre. M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président, Si je comprends bien, vous demandez l'adoption des crédits de $407 065 300.

M. de Belleval: Cela me ferait plaisir si, M. le député, vous acceptiez de m'accorder ces crédits.

M. Pagé: On va les accepter, mais moyennant certaines questions. M. le Président, tout d'abord, je tiens à transmettre mes salutations et mes hommages aux collaborateurs, aux sous-ministres, aux présidents d'office ou de commission, aux directeurs et à tous ceux qui accompagnent le ministre ce matin. Je vais tenter d'être bref, quitte à ce que, par la suite, lorsque mon collègue et bon ami, le député de Johnson, aura fait ses commentaires généraux du début, on puisse passer une ou deux séances — je le fais à titre de suggestion — sur des questions générales pour que, à la fin de nos travaux, on puisse aborder chacun des programmes l'un après l'autre.

M. le Président, j'entendais annoncer les travaux de cette commission, ce matin, avec beaucoup de sérénité. Je vais vous dire pourquoi. Je prévoyais que le ministre de la Fonction publique serait en mesure, au début de l'étude des crédits de la commission, au lendemain de l'adoption de la loi 50, de nous fournir une déclaration, de nous donner des informations, de nous faire ses commentaires sur les perspectives d'avenir au sein de la fonction publique avec beaucoup plus de contenu. Je pense que c'est la première fois que j'ai à déplorer une telle situation. J'entreprends, quant à moi, ma sixième année; c'est la sixième année que j'assiste aux crédits et c'est la première fois qu'il m'a été donné — et je pèse bien les mots — de prendre connaissance, à l'ouverture de l'étude des crédits d'un ministère, d'une déclaration aussi floue, aussi évasive, aussi incertaine et aussi improvisée de la part d'un ministre.

M. le Président, c'est explicable que le ministre, dans ses commentaires, dans ses propos, réfère à la loi 50 qui a été adoptée en juin 1978. Je conviens que la loi est en application suite à la proclamation depuis le 1er avril dernier, depuis quelques jours et que certains articles seront en vigueur seulement au mois de septembre prochain. On aurait été en droit de s'attendre à une déclaration nous permettant de voir ce qui s'applique dans la loi 50 actuellement, comment tout cela va fonctionner, quels sont les échéanciers, quelles sont les réactions, quelles sont les probabilités, les prévisions et tout cela. Au contraire, on a eu droit à un résumé de la loi, on a eu droit à des commentaires tout à fait gratuits, à savoir que la loi semblait être bien reçue par le milieu. On a eu droit à une distribution de documents qui contiennent les règlements adoptés en vertu de la loi, et Dieu sait s'il y en a. Nous allons prendre le temps de prendre connaissance de ces règlements cet après-midi et ce soir et il va de soi que nous pourrons revenir avec des questions bien spécifiques demain, à la prochaine séance. Je dois quand même vous faire part que cela a été, c'est le moins qu'on puisse dire, très général et très vague.

J'aurais aimé que le ministre de la Fonction publique — parce que vous êtes titulaire de la Fonction publique, vous êtes responsable de la gestion du personnel, des ressources humaines au sein de la fonction publique — nous parle de perspectives, des intentions du gouvernement à l'égard de la gestion, à l'égard du fonctionnement, si vous avez des projets particuliers pour les années quatre-vingt, pour la décennie qu'on abordera l'année prochaine. On sait que la loi 50 n'est qu'une première étape; on sait aussi que le gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti québécois a des intentions bien particulières au chapitre de la décentralisation. On sait qu'il y a différentes réformes qui s'en viennent. On en a eu un écho assez bref, quand même, qui reflète non seulement une réalité, mais une certaine possibilité, dans le discours du budget, lorsque le ministre des Finances a annoncé le début de la réforme de la fiscalité municipale. On sait qu'il y a des études actuellement en cours au sein du gouvernement du Québec pour en arriver à une véritable décentralisation, à un nouveau partage des pouvoirs entre le palier de gouvernement provincial et un nouveau palier de gouvernement municipal ou supramunicipal. Je me serais attendu, quant à moi, et je m'y attendais, que le ministre précise un tant soit peu ces aspects de la question parce que cela aura des impacts considérables de la gestion du personnel au sein de la fonction publique.

J'aurais apprécié que le ministre soit peut-être un peu plus éloquent sur la question combien importante de la négociation au sein de la fonction publique. Le ministre y a touché très peu. Je conviens qu'il est lié par la déclaration qu'il faisait assez récemment dans des journaux de la région. Je conviens que le ministre de la Fonction publique n'a pas jusqu'à maintenant — il nous apparaît en tout cas — été intimement lié à tout ce processus de négociation dans le secteur public et surtout dans le secteur parapublic, mais on aurait été en droit de s'attendre qu'il aborde cette question et qu'il accepte de faire face à la musique de front.

Il a touché un peu la négociation avec le Syndicat des fonctionnaires provinciaux. Il s'est abstenu évidemment de quelque référence que ce soit avec le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec. Nous aurons des questions sur ces différents aspects. Nous aurons des questions sur d'autres conventions collectives qui ont été signées ou qui devront être signées entre le gouvernement du Québec et ses fonctionnaires. Qu'il me suffise, M. le Président, de vous donner comme exemple le fameux dossier de la traverse Matane-Godbout qui a eu des impacts négatifs, des impacts énormes dans l'Est du Québec. On se rappellera que cela a été une négociation qui a

entraîné une grève prolongée, qui a eu des effets sur la vie économique de ces deux régions. On sait que mes informations, quant à moi, et je l'ai soutenu ici à l'Assemblée nationale, sont que certaines erreurs, au niveau du gouvernement du Québec, auraient été commises. On aura l'occasion de revenir là-dessus.

Je voudrais, quant à moi, que lorsque nous aborderons ces questions, le ministre de la Fonction publique accepte de les aborder, accepte de regarder ce que je soutiens à cet égard de façon bien ouverte, de façon bien libérale. J'ose croire qu'il ne se retranchera pas derrière un règlement qui est survenu trop longtemps après le début de la grève et qu'il ne nous dira pas tout simplement: C'est réglé, purement et simplement. Il y a eu des erreurs commises dans ce dossier, et vous le savez, à part cela. Quand je l'aborderai pendant l'étude des crédits de la commission du ministère de la Fonction publique, c'est non pas dans le but de faire un procès d'intention à ceux qui seraient responsables, mais pour que de telles erreurs ne puissent plus se reproduire.

On abordera, évidemment, la question de la nouvelle structure qui est implantée en fonction de la loi 50 en tenant pour acquis que nous aurons le temps de prendre connaissance des projets de règlement qui ont été déposés. Nous parlerons de choses assez spécifiques, comme les concours au sein de la fonction publique, les concours d'avancement, les concours ouverts au public. J'entends aborder la question de la fameuse liste d'admissibilité et ce que cela peut impliquer.

J'ai l'intention, de plus, M. le Président, d'aborder la question qui aurait dû être abordée ce matin par le ministre de la Fonction publique: la qualité de vie au sein de la fonction publique. C'est un aspect important, je pense. C'est une obligation à laquelle est convié non seulement le gouvernement, mais à laquelle seront conviés les gouvernements: faire en sorte que les gens soient un peu plus heureux au sein de la fonction publique. C'est un aspect qui n'a pas du tout été abordé ce matin par le ministre de la Fonction publique et cela s'explique: ce n'est pas une préoccupation pour le gouvernement du Québec. On se rappellera que ce gouvernement qui a été élu le 15 novembre a joué la carte de l'innovation, a joué la carte du parti qui se sentait capable — et c'est ce qu'il présentait à la population — d'humaniser une boîte comme celle-là, de faire en sorte que les gens soient un peu plus heureux quand ils se rendent travailler le matin. Faire en sorte que les gens puissent non seulement avoir l'impression, mais puissent vraiment participer davantage à la gestion de la fonction publique et des responsabilités inhérentes à chacun des ministères. Faire en sorte que les gens soient un peu plus heureux et un peu plus satisfaits lorsque la journée de travail est complétée. Cela n'a pas du tout été abordé cet aspect, cette question, ce volet de la négociation et de la relation entre le patron qui est le gouvernement et ses employés, depuis novembre 1976.

M. le Président, j'aurai l'occasion aussi de revenir sur les déclarations que le ministre a faites lui-même. J'étais déçu et ce n'est pas un reproche que je veux vous faire. J'étais déçu quand j'ai pris connaissance, dans le Soleil d'il y a trois semaines, à peu près, que vous vous identifiiez au concierge du Parlement du Québec. Vous avez un rôle qui est beaucoup plus important. Comme titulaire, comme membre du gouvernement, vous vous devez d'avoir des responsabilités plus importantes que celles-là. Vous vous devez de participer non seulement étroitement, mais être directement impliqué dans la gestion et dans tout ce qui se passe au sein de la négociation. (11 h 30)

Je conviens que le ministre des Finances et président du Conseil du trésor a accaparé beaucoup de choses, beaucoup de pouvoirs. On en discutera ici. On en discutera aussi à la commission parlementaire chargée d'étudier les crédits du ministère des Finances et nous aborderons, évidemment, la question de la négociation, brièvement, dans sa relation avec ce qui est offert, ce qui est demandé du secteur privé, cela va de soi. Mais je présume d'ores et déjà que le ministre de la Fonction publique me référera au ministre des Finances, parce que c'est lui qui a le gros bout du bâton actuellement.

M. le Président, dans les déclarations que le ministre a faites, ou ses collègues, je me devrai aussi d'aborder certaines questions. Vous savez qu'il y a beaucoup d'enthousiasme dans l'air. Vous savez que même si les membres du gouvernement du Québec ont été peut-être sept ou huit mois, c'est-à-dire à la fin de l'année 1977... On se rappellera que, dans la première année de l'élection du governement, c'était un gouvernement qui déclarait beaucoup, c'étaient des ministres qui parlaient, qui disaient bien souvent n'importe quoi, mais qui parlaient. On se rappellera entre autres, entre parenthèses, la déclaration concernant la flotte maritime du ministre de la Fonction publique. Sept ou huit mois après l'année 1977, on a eu droit à un peu moins de déclarations, on était un peu plus prudent, on était un peu plus sérieux. Voilà probablement que l'enthousiasme des troupes fait en sorte que les ministres se mettent à faire d'autres déclarations.

Qu'il me suffise, M. le Président, de vous référer à la déclaration du collègue du ministre de la Fonction publique, soit le ministre des Travaux publics, qui déclarait encore tout récemment que le gouvernement du Parti québécois, une fois le référendum sur la souveraineté adopté sur l'indépendance, était disposé à accepter, au sein de la fonction publique du Québec, les fonctionnaires fédéraux, purement et simplement, déclaration tout à fait gratuite, sans aucun document à l'appui, sans aucune étude, à ce qu'il nous paraît, parce que cela n'a pas été déposé, et Dieu sait si cela n'a pas été repris par le ministre de la Fonction publique; on aura l'occasion de discuter de cela.

J'aimerais, entre autres, dire ceci, et peut-être que cela vous permettra de vous préparer pendant les heures ou les quelques jours qui viendront ou qui suivront. Si vous êtes un gouvernement responsable, vous avez fait des études avant de parler comme cela. Vous allez nous déposer ou, tout au

moins, distribuer — vous semblez être en mal de distribution ce matin, 150 à 200 pages de distribution de documents, vous êtes capable d'en distribuer d'autres — les études, ce sur quoi vous vous êtes fondés, les probabilités, comment cela s'effectuera, comment cela va se faire, et cela implique beaucoup, vous savez. Cela implique que vous présumez déjà de ce que vous allez prendre, en termes de responsabilités. Cela implique, une déclaration comme celle-là, qu'on présume déjà et que pour le gouvernement la question de l'association est déjà réglée, parce que vous êtes d'ores et déjà prêts à reprendre tous les fonctionnaires fédéraux qui oeuvrent au Québec. Cela veut donc dire, si on extrapole un peu, si on va un peu plus loin que la déclaration, que l'association, vous n'y croyez pas plus qu'il faut. On va regarder ces aspects bien concrets et bien spécifiques qui seront autre chose que des déclarations-fleuves, floues et incertaines comme celles que vous nous avez servies ce matin.

La loi 50, vous l'avez abordée, c'était votre rôle, mais vous en avez fait un résumé. Vous ne nous avez donné aucun échéancier, aucune perspective. Vous ne nous avez pas dit comment cela irait, comment vous prévoyez que cela pourrait aller, quelles étaient les études qui étaient faites. Au contraire, un bref résumé et des règlements déposés en vrac. Et vous autres, les parlementaires, surtout ceux de l'Opposition, mon collègue de Johnson et moi-même, arrangez-vous avec cela et, si vous avez des questions, vous nous les poserez.

Ce n'est pas comme cela que cela va se passer. Cela va se passer autrement. Ce qui explique ma déception de ce matin. Le ministre trouvera peut-être que je suis agressif, c'est explicable et c'est normal, suite à la déclaration qu'il vient de nous servir.

C'est là l'essentiel des commentaires et des propos que j'avais à vous formuler. Je vais laisser la parole à mon bon ami le député de Johnson pour sa déclaration générale d'ouverture et par la suite, immédiatement, nous serons disposés à aborder des questions très spécifiques. Mais je tiens à apporter à l'attention du ministre que j'apprécierais — et je pense que cela serait tout à fait justifié de sa part — qu'il accepte que nous abordions la loi 50 seulement à la séance de demain, compte tenu de la série de documents qu'il vient de nous servir.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blank): M. le député de Johnson.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare: Contrairement à mon collègue de Portneuf, je ne voudrais pas politiser le débat ce matin. Je ne suis pas content de certains points de la déclaration de l'honorable ministre, mais, sur d'autres points, je ferai des remarques construc-tives et positives.

D'abord, je voudrais saluer les nouveaux membres de la Commission de la fonction publi- que: MM. Bolduc, Gérin, Perrin, Hutchison ainsi que les membres de l'Office du recrutement: M. Bélanger, Mlle Fournier, M. Mercier. Je suis très heureux que le ministre ait mis la main sur des gens dont la valeur politique est de loin celle qu'on aurait cru possible. Il y a eu là véritablement un "fair play" qui donne une crédibilité aux deux organismes: l'office et la commission. Connaissant la plupart de ces membres qui ont été nommés, qui ont été élus par un vote aux deux tiers de la Chambre le 19 novembre 1978, je peux dire que cela a apporté un caractère sérieux, après bien des appréhensions qu'on avait manifestées lors de l'étude du bill 50.

Particulièrement, j'avais été assez dur pour le ministre et j'avais demandé que certaines choses soient regardées de près. Je suis fier, ce matin, de voir qu'ils sont ici pour la plupart et que la nomination a produit sur l'opinion publique une certaine crédibilité qui permettra à la commission de continuer à aller de l'avant.

Je remercie aussi le ministre des documents qu'il a bien voulu nous transmettre sur les sous-ministres dernièrement. Les salaires des sous-ministres, on ne les comparera pas aux salaires des députés, c'est sûr, mais j'ai remarqué que c'étaient des documents très intéressants dont je vais me servir tout à l'heure pendant le débat.

Le ministre s'est étendu particulièrement sur l'élément 1 du budget, sur les nouveaux règlements qu'il vient de déposer. Je n'ai pas eu le temps de les regarder, sauf que j'en ai vu un en diagonale, parce que cela va faire mon affaire tout à l'heure, au sujet de la participation des employés fonctionnaires au référendum ou aux choses politiques. J'ai eu le temps de regarder cela en coin et j'en citerai un passage tout à l'heure pour demander où est le vrai.

Au cours de l'année dernière, nul doute que le dossier clé du ministère de la Fonction publique a été la présentation et l'adoption du projet de loi no 50 sur la fonction publique. On a mené, je pense, une bataille qui a produit des effets. Le premier projet de loi no 50 a été retiré pour en présenter un autre. On s'est aussi aperçu que le ministre lui-même s'est grandement amélioré. Je ne sais pas si c'est parce qu'on a montré les dents, qu'on est devenu un peu plus pressant, mais on a dit au ministre: Arrêtez cette arrogance, vous vous faites tort et vous faites tort à la fonction publique. Il est revenu à de meilleurs sentiments. Je peux vous dire, M. le Président, que ses relations publiques sont, avec l'Opposition, parsemées de bonnes choses.

Cette loi, la loi 50 sur la fonction publique — ce sujet qui était très important — n'a rien perdu de son acuité, surtout dans l'actualité d'aujourd'hui, c'est-à-dire dans les négociations; bien au contraire, compte tenu du fait, comme l'a dit le ministre lui-même tout à l'heure, que cette loi vient à peine d'entrer en vigueur le 1er avril, il y a deux jours.

Nous aurons l'occasion, au cours de l'étude des crédits, de revoir ce dossier plus en détail, je l'espère, particulièrement en ce qui concerne la

Commission de la fonction publique dont les pouvoirs ont été énormément réduits — et je vous dirai pourquoi — ainsi que l'Office du recrutement et de la sélection du personnel de la fonction publique. On semble détecter un certain diktat du ministre qui veut contrôler, qui veut gérer, qui veut s'approprier même certaines décisions. La preuve, il l'a faite tout à l'heure par le dépôt de certains documents qui n'ont pas été acceptés par lui, qui devront être révisés.

Ce que je retiens surtout de cette réforme, c'est le changement de vocation du ministère de la Fonction publique qui est devenu, pour employer une expression si chère au ministre, le véritable gestionnaire de la fonction publique. La Commission de la fonction publique est le tribunal d'appel. On peut, par règlement, en vertu de la loi 50, premièrement quand il s'agit du ministère qui est gestionnaire, faire de l'évaluation, du classement, de la promotion, de l'affectation, de la mutation, du reclassement et même de la rétrogradation. Quant à l'office, par la loi 50, par règlement, il peut s'occuper de recrutement, de reclassement, de promotion du fonctionnaire. La commission, comme tribunal d'appel, règle la sélection au mérite. J'en avais énormément peur, mais je pense qu'entre les mains de la commission d'aujourd'hui qui me plaît énormément quant aux membres qui sont nommés, cela nous donne une certaine garantie.

Cette réforme a suscité beaucoup d'appréhensions de ma part et de la part de certaines autres personnes, beaucoup d'inquiétudes surtout de la part des fonctionnaires — le ministre s'en souviendra — au printemps dernier, à tel point qu'il n'y a pas si longtemps nous avions raison de croire que cette nouvelle façon d'agir compromettrait le succès des négociations dans les secteurs public et parapublic.

Ce n'est pas terminé, mais c'est en bonne voie. On a peut-être eu tort mais, d'un autre côté, nous avions des appréhensions, des inquiétudes. Or, les faits récents indiquent que ces difficultés ont été aplanies ou, tout au moins, temporairement mises de côté. Mais n'allez pas croire à une grande victoire parce que, en 1975-1978, M. Har-guindeguy s'était vanté d'avoir signé la première convention et Dieu sait comment cela a été un pilier, une espèce de convention pilote pour toutes les autres. Et cela peut arriver encore cette année, que vous signiez avec les fonctionnaires, mais que cela devienne un point de départ plutôt qu'une fin.

C'est votre collègue, l'honorable ministre des Finances, qui vous disait ceci: II y a trop de monde dans la fonction publique! Il y a trop de personnes qui n'y font rien. Il faut réduire les effectifs de 2,5% au cours des douze prochains mois. Il allait plus loin que cela, il disait: Cela n'a pas de bon sens. Aussi, le gouvernement a décidé de jouer dur avec les fonctionnaires. C'est votre honorable ministre qui a dit cela, il n'y a pas si longtemps. Le message est donc clair, précis et n'endurera pas de discussions. Québec n'a pas les moyens d'offrir un pont en or aux fonctionnaires de Québec; c'est vous et moi, les contribuables, qui allons payer. D'ailleurs, les députés savent très bien que l'opinion publique — c'est encore l'honorable ministre des Finances qui parlait — ne veut plus entendre parler de grèves dans les hôpitaux ou dans les écoles. On veut la paix! Et c'est ici qu'on doit, ce matin, essayer de reprendre ces idées pour les passer à la fonction publique puisqu'on est à l'étude du budget. "En fait, le Québec est au bout de sa corde. On ne peut plus aller plus loin. Depuis 20 ans, on a fait des efforts inouïs en énergie, en argent, pour développer tous les secteurs de notre société et on est essoufflés. On manque d'argent. Il faut que cela finisse. C'est cela qu'il faut comprendre". Je pense que je n'ai pas besoin de citer M. Parizeau, le ministre des Finances, qui a déclaré dans son discours du budget cette inquiétude qu'il avait envers les négociations futures.

Les fonctionnaires ont signé les premiers en 1975. Faites attention, M. le ministre que cela ne soit pas la répétition des mêmes gestes qui ont eu lieu en 1975-1978. Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, ce n'est pas avec les employés que le ministère aura des problèmes pour l'application et le bon fonctionnement de la loi 50, mais c'est au niveau des centres de décisions supérieurs du gouvernement. Et, là, il sait à quelle bébelle je fais allusion. C'est avec certains ministres que vous allez avoir de la misère!

J'aimerais que le ministre nous explique comment il entend coordonner les activités, premièrement, du ministère de la Fonction publique qui s'occupe de la gestion du personnel, deuxièmement du Conseil du trésor qui s'occupe de la détermination des effectifs de la fonction publique, troisièmement du Conseil exécutif qui s'occupe de la nomination des sous-ministres et des sous-ministres adjoints et qui comprend le nouveau groupe dirigé par M. Pierre Martin, ancien sous-ministre de l'Education, chargé non pas par le ministre de la Fonction publique, mais chargé par l'honorable premier ministre de proposer une réforme administrative de l'appareil de l'Etat. (11 h 45)

La question que je me pose et qui me paraît extrêmement importante, compte tenu que la loi 50 est maintenant en vigueur, est la suivante: Quelle sera la coordination qui existera entre ces trois centres de décision? Que vient faire M. Martin? C'est peut-être un homme qui possède une expérience extraordinaire, mais pourquoi mettre le ministre de la Fonction publique en sandwich? Je le vois mal réagir parce que je connais son tempérament. Je sais qu'il est bouillant. Il est porté à faire certaines déclarations sur la conciergerie qui ne sont pas trop évaluées par le Conseil des ministres. D'ailleurs, dans une entrevue livrée au journal Le Soleil, au cours du mois de février, le ministre lui-même disait ceci, et je cite: "Des décisions devraient être prises probablement après les négociations dans les secteurs public et parapublic." Et c'est un écrit de M. Paul Bennett.

Je crois qu'il est important, à ce stade-ci, avant qu'on entre dans les détails des différents programmes, que le ministre nous explique quelles seront ses décisions et pourquoi elles ne peuvent être prises avant d'avoir terminé les négociations dans les secteurs public et parapublic. En par-

lant des négociations dans les secteurs public et parapublic, force est de constater que ce sujet sera sûrement le plus important et le plus explosif au niveau politique pour le gouvernement au cours de la présente année financière. Nous avons connu au pouvoir, nous autres, une convention collective qui nous a fait du mal. Le gouvernement Bourassa s'est servi de la prison pour venir à bout de certains meneurs, mais je pense que le ministre a été plus prudent en commençant il y a quelques mois les négociations qui semblent vouloir achopper sur certains points, mais qui, malgré tout, ont dépassé certaines appréhensions.

D'ailleurs, sur ce point, je n'ai que de la sympathie pour le ministre. Il a admis lui-même, dans le Soleil, que dans ce dossier des négociations, il avait un rôle ingrat à jouer, de concierge fatigué. Je n'ai pas besoin, M. le Président, de montrer de nouveau au ministre cette belle annonce que le Soleil avait enrubannée. "De Belleval, le concierge fatigué." J'ai lu avec attention tous ces commentaires et je suis arrivé à une phrase: "A cette époque, raconte le ministre, Lévesque m'a dit de m'occuper uniquement de la fonction publique et en priorité de l'élaboration de la politique salariale parce que je passais "au bat" le premier. On parle des offres de M. Parizeau, dit le ministre. Ce sont tout de même des offres qui ont été préparées ici pour ensuite les appliquer à l'ensemble du réseau. Là encore, conclut le ministre, sur ce sujet, j'ai fait le concierge plus que les autres ministres parce que mes offres — et je termine — servent maintenant de base à l'ensemble." C'est ce que je disais tout à l'heure; quand celle-là sera réglée, elle servira sûrement de base, mais je ne sais pas en équivalence si ce sera en haut ou en bas. Les difficultés du ministre comme concierge ne sont pas terminées. Il deviendra ahuri plutôt que fatigué. Je trouve que cette dernière affirmation du ministre est extrêmement intéressante, sympathique même parce qu'on est porté à aimer le ministre, à l'apprécier. Qu'on dise ce qu'on voudra il a une tangente de compromis qui me convient. Compte tenu des révolutions très récentes des négociations avec les 36 000 fonctionnaires provinciaux, il y a eu véritablement un pas en avant.

Au sujet de ces négociations avec les fonctionnaires, je voudrais retourner un peu dans le passé au mois de septembre 1978. Je m'excuse auprès du ministre si je cite continuellement des articles de journaux, mais il semble n'y avoir aucun autre moyen d'obtenir des renseignements convenables sur le déroulement des conventions collectives, le fameux comité d'information prévu dans la loi 59 n'ayant même pas été formé. On est obligé de prendre des articles de journaux pour suivre. Le ministre ne m'en voudra pas de lui citer cette petite anicroche en passant, j'aimerais bien que le ministre nous indique si, un jour, ce comité va prendre vie. Il a été inclus dans la loi comme protection probablement. Son collègue, M. Parizeau, avait dit: Nos livres sont ouverts; venez les voir; vous serez à même de juger par vous-mêmes, de l'opportunité qu'il y a de changer ou d'aller plus loin. Si je me souviens bien, ce comité devait être formé, conformément à la loi 59, avant le 1er janvier 1979. On accuse quelques semaines de retard. Je comprends que plusieurs choses sont sur le métier, mais en passant.

Pour revenir au syndicat des fonctionnaires, je fais référence à un article de journal du 12 septembre 1978 dans lequel il est dit ceci: "A ce moment, on avait presque finalisé les clauses normatives, mais on ne s'entendait pas sur le deuxième bloc de demandes des syndicats concernant les plans de carrière des fonctionnaires." On s'entendait pour presque finaliser les clauses normatives, mais concernant les plans de carrière des fonctionnaires, on ne s'entendait pas. C'est ce que l'article du 12 décembre que j'ai ici disait. "On a presque finalisé l'entrevue sur les clauses normatives", disait le ministre le 12 décembre dans un grand article. "Il n'est pas question de grève générale, hausse des cotisations syndicales des fonctionnaires de façon à faire mal au gouvernement, non au public." C'était le 12 septembre, pas le 12 décembre. "On a presque finalisé l'entente des clauses normatives premier bloc. On ne s'entend pas sur le deuxième bloc, soit sur le plan de carrière dont l'Etat, se retranchant derrière la nouvelle loi 50 de la fonction publique, considère plusieurs éléments non négociables. On n'a toujours pas reçu les offres monétaires de l'Etat bien qu'on les négocie depuis près de sept mois." C'était le 12 décembre.

Il y avait un autre petit article à ce chapitre. "Les fonctionnaires réclament, pour ces 27 324 membres classifiés, fonctionnaires qui gagnent en moyenne $10 500 par année pour une semaine de 35 heures, des augmentations de 15,5% pour la première année de la convention, pourcentage inclus." Le reste de la page...

M. le Président, je continue et je reviens au plan de carrière des fonctionnaires compte tenu du fait que le gouvernement semblait considérer plusieurs éléments négociables en vertu de la loi 50. Dans le Journal de Québec de samedi dernier, le 31 mars 1979, on apprenait qu'une entente était imminente entre le gouvernement et le syndicat des fonctionnaires à la suite de nouvelles offres du gouvernement présentées comme globales et finales. Voici les questions que j'aimerais poser au ministre de la Fonction publique sur ce deuxième sujet d'intérêt public et général.

Premièrement, est-ce qu'il faut comprendre que ces offres globales et finales présentées par le gouvernement répondent aux revendications syndicales en matière du plan de carrière? Parce qu'il était bien dit ici, dans le petit article, que pour l'unité des fonctionnaires, les propositions gouvernementales accordent des augmentations de 10,9% la première année, 3,8% la seconde et 1,8% la troisième. En dollars, ce sont des montants de $37 millions, $14 500 000 et $4 800 000. Dans le camp des ouvriers, Harguindeguy soutient qu'environ 11 000 fonctionnaires sur 28 000 ne recevront aucune augmentation en 1978 dont 9119 dans la catégorie des agents de bureau. Ma première question est la suivante: Est-ce que le gouvernement répond aux revendications syndicales

en matière du plan de carrière? Est-il exact que les dernières offres patronales au niveau salarial comprenaient une augmentation moyenne de 20,9% pour les trois prochaines années pour les 28 000 fonctionnaires et 24,9% pour les 8000 ouvriers membres du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec? C'est une bonne question. Est-ce que c'est vrai? Si ces chiffres sont exacts, le gouvernement aurait augmenté ses offres initiales de 4,4% pour trois ans, de 16,5% à 20,9%, pour les fonctionnaires et de 2,8% pour les ouvriers, de 23,1% à 25,9%!

Compte tenu du fait, comme nous l'avons précédemment dit, que les offres faites par la fonction publique, dans la fonction publique, semblent servir de base à l'ensemble du secteur public et parapublic, doit-on croire que les augmentations constitueront dorénavant un minimum ou bien un maximum pour les autres secteurs d'activités dont les conventions collectives arrivent à échéance à la fin du mois de juin 1979?

Je n'ai pas besoin de vous citer, puisque l'office n'est pas formé. Nous allons chercher dans les journaux ce que nous avons lu. J'aimerais que le ministre nous indique de plus si ces nouvelles offres salariales comprennent aussi une indexation au cours des première, deuxième et troisième années de la convention collective. Il semblerait que, pour la troisième année de la convention collective, on aurait laissé le choix au syndicat entre les augmentations prévues et une clause de réouverture de négociation sur les clauses salariales, mais, nulle part, dans cet article, est-il question d'indexation du salariat. Comme je le disais tout à l'heure, cela pourrait peut-être servir de minimum pour les autres services, les autres fonctionnaires qui sont en négociation pour leur convention collective.

J'aimerais bien que le ministre nous donne plus de détails à ce sujet, compte tenu de l'importance de la question de l'indexation et du fait que les ententes conclues au niveau de la fonction publique serviraient vraisemblablement de base aux négociations dans les autres secteurs de l'administration publique et parapublique.

J'arrive au point le plus important, j'en ai saisi le ministre tout à l'heure, la politisation de la fonction publique. Avant de terminer, je me dois d'attirer l'attention du ministre sur une autre question tout aussi importante, qui est celle de la loi 50 sur les négociations de conventions collectives. Il s'agit, à mon avis, d'un phénomène général qui affecte le bon fonctionnement de l'administration publique et qui risque de prendre des proportions inquiétantes à mesure que nous approchons, premièrement, du fameux référendum et, deuxièmement, de la prochaine élection générale. Je fais allusion à cette nouvelle moralité publique, qu'on décrit comme moralité politique, qui s'installe, petit à petit, au sein de l'administration publique. Je prends trois exemples pour illustrer le bien-fondé de cette inquiétude que je ne suis pas le seul à partager. D'abord, la déclaration du plus haut fonctionnaire du Québec, M. Louis Bernard, secrétaire général du Conseil exécutif. Vers la fin du mois de janvier 1979, M. Bernard invitait les fonctionnaires, et je le cite "à mieux intégrer la dimension politique de notre processus décisionnel." Cela ne vient pas de l'importe qui. On sait quelle allégeance il avait avant d'aller au Conseil exécutif; il était très proche d'un ministre. Il disait, entre autres, ceci: "Le fonctionnaire doit être ouvert à la réalité politique, confiant dans le processus démocratique et faisant équipe avec les dirigeants élus dans le but d'assurer à tous les Québécois les services publics et les instruments de développement dont ils ont besoin." Dans le Soleil du 24 janvier 1979, grande conférence de M. Bernard sur la fonction publique et sur les avantages qu'il y aurait pour les fonctionnaires de faire de la politique. Ce n'est pas tout, je continue. Dans son allocution, M. Bernard faisait mention de plusieurs développements récents qui vont dans le sens d'une collaboration plus étroite entre l'homme politique et le fonctionnaire. Il mentionne, entre autres, les nouvelles structures du Conseil exécutif, avec les ministres d'Etat, les tournées ministérielles sur les projets de loi ainsi que le développement du cabinet ministériel, où l'on joue un rôle assez évident au point de vue politique et partisan.

Deuxième remarque: Sur ce point des cabinets ministériels, dans un article du 20 janvier dernier, le journal La Presse, sous la plume très recherchée de Lysiane Gagnon — je n'ai pas besoin de vous dire qu'elle a fait une épopée assez extraordinaire — a fait des recommandations qui pourraient peut-être, si le ministre ne les avait pas vues, attirer son attention comme moi-même, j'ai gardé cela dans mes dossiers comme un précieux document. Qu'est-ce qui arrive? Mlle Lysiane Gagnon nous parlait de ces fameux cabinets ministériels et de la structure partisane mise sur pied par le gouvernement pour le référendum. (12 heures)

Je cite quelques passages de cet article. Mais avant de citer, je voudrais vous dire que les ministres, dans chacun des ministères de la province, m'ont remis officiellement, en Chambre, la liste de tout ce personnel qui a été ajouté. Il y en a que c'est douze, il y en a que c'est quinze, il y en a que c'est six, il y en a que c'est huit. J'ai cela en main, si le ministre veut les avoir; vous pourrez les retrouver au 21 décembre, dans la réponse à certaines questions que j'ai posées. Je dirai, par exemple, que les salaires sont de $29 000 à $54 000 pour plusieurs. Cela commence à être une bonne organisation bien ferrée, surtout un nid bien chaud pour certains partisans qui vont réchauffer le ministre, probablement de très près.

Mlle Gagnon, puisque c'est elle dont il est question actuellement, disait ceci: Consacrant formellement et amplifiant un système qui existait déjà, soit la liaison entre le gouvernement et le parti, système qui a été considérablement critiqué sous le régime libéral, le gouvernement Lévesque a instauré la structure partisane des agents de liaison chargés de faire le lien entre l'administration publique, le parti, les régions, les clientèles cibles, bref, de s'occuper des intérêts électoraux du PQ avant le référendum.

Ce n'est pas moi qui le dis. Le ministre pourra peut-être me taxer de répéter, d'être le perroquet, mais, devant des allusions qui sont aussi significatives, je pense que le ministre peut non seulement entendre, mais peut-être comprendre la portée de ces critiques. Cette structure a été aménagée sous la direction de l'ex-chef de cabinet du ministre Jocelyne Ouellette, M. Bertrand Bélanger, muté depuis au bureau du PM. Il y a actuellement un agent de liaison dans l'entourage immédiat de chaque ministre. Il y en a sept au bureau du premier ministre, tous payés par les fonds publics. Mlle Gagnon, qui a fait des recherches, dit au ministre aujourd'hui: Halte-là! on commence à comprendre que vous faites de la partisanerie à un haut degré.

Leur rôle, dit-elle, pour l'instant, est un peu flou. C'est dans la Presse du 20 janvier 1979 et je pourrais vous citer des extraits pour le notaire Yves Gauthier, une recrue qui connaît bien le tabac; Robert Normand, un poste stratégique; Michel Carpentier, le projet collectif à plein temps. Mais, madame, il y a une critique contre le ministre qui est assez... Je crois que le ministre ne l'a pas lue. S'il l'avait lue, il aurait déjà répondu ce matin à toute cette critique qu'on fait. En tout cas, M. le Président, je lui fais part de la bonne volonté qu'il a de nous donner tous les renseignements. Mais est-ce qu'on peut imaginer qu'actuellement, il y a un agent de liaison à chacun des ministres, qu'il y en a sept au bureau du premier ministre, simplement comme agents de liaison, qui sont payés en vertu des budgets, des taxes qu'on impose au peuple? Pour servir quoi et qui? Un parti politique qui fait seulement de la propagande actuellement, qui va devant le peuple pour lui dire: Ecoutez, ne vous énervez pas, il n'y a rien de dangereux, on a des agents de liaison partout qui vont vous expliquer tout cela. Le bon nanan qu'on vous promet avec la souveraineté-association, vous allez y goûter, vous allez l'avaler, vous n'en aurez presque pas connaissance. C'est payé avec l'argent de l'Etat, avec l'argent des taxes.

Maintenant, pour revenir à l'autre chose, M. le Président, qui est très importante, j'aimerais bien savoir du ministre quel rôle peuvent bien jouer ces nombreux agents de liaison payés à même les fonds publics qui semblent vouloir donner à la partisanerie, ses plus belles lettres de noblesse.

Enfin, troisième exemple qui me porte à croire qu'on se dirige vers une politisation de la fonction publique, c'est à la suite de l'allégation du ministre de la Fonction publique qui a laissé entendre que les employés de l'Etat pouvaient participer à la campagne référendaire et qu'il s'engageait à se pencher sérieusement avec ses collègues sur cette question, de façon à être en mesure d'émettre des directives plus précises sur ce sujet à l'approche du référendum. Est-il dans l'intention du ministre de nous présenter un code d'éthique pour les fonctionnaires pour le référendum et comment entend-il concilier cette participation partisane avec le code d'éthique de la fonction publique qui fait référence à la fonction de discrétion ou de réserve que doit avoir tout fonctionnaire en matière politique?

Je vois ici, M. le Président, à la page 2, les devoirs de service public. Le membre du personnel de la fonction publique doit accomplir son service avec désintéressement et impartialité. Je vais un peu plus loin au paragraphe 9: Dans l'accomplissement de son service, le membre du personnel de la fonction publique doit faire preuve complète de neutralité politique. C'est vous qui me donnez cela. Les membres du personnel de la fonction publique doivent, lors d'une élection fédérale ou provinciale, s'abstenir — il n'est pas question de référendum — de tout travail partisan, depuis l'émission d'un bref d'élection fédérale ou provinciale, selon le cas, jusqu'à la date du retour d'un tel bref.

Onzièmement — écoutez bien, M. le ministre — En tout temps, le membre du personnel de la fonction publique doit faire preuve de la réserve qu'impose son poste dans la hiérarchie lors de la manifestation publique d'opinion politique.

Donc, on n'a pas le droit d'assister à des assemblées. On n'a pas le droit d'être "sur le théâtre". On n'a pas le droit d'être dans l'assemblée même. C'est un geste posé, ce matin, dans un document qui s'intitule: Règlements relatifs aux normes de conduite, de discipline de la fonction publique aux relevés provisoires des fonctions. C'est vous qui me l'avez remis ce matin.

Je me demande si c'est dans l'intention du ministre d'établir un code d'éthique spécial? Parce qu'il a fait certaines déclarations qui, à mon sens, mériteraient qu'on les cite. D'après le ministre, cela vaudrait moins que les sous-ministres qui travaillent à un niveau où la politique et le travail d'administration se compénètrent. Quant au ministre, il offrirait sa démission au prochain gouvernement si le PQ devait être défait aux élections et il trouverait normal que les sous-ministres s'attendent à être relevés de leurs fonctions en pareil cas, tant il est important qu'ils soient sur la même longueur d'onde que leur ministre respectif.

M. de Belleval: Ce n'est pas moi.

M. Bellemare: Non, ce n'est pas vous, c'est une déclaration faite par Mme Claire Bonenfant.

Ce n'est pas vous en titre, mais c'est peut-être vous intelligemment dans votre mémoire, parce que connaissant le ministre, pour ce qu'il a été et ce qu'il est, je sais que la stratégie est loin d'être néfaste à son parti. Je pense qu'il faudra qu'entre ce qui est dit dans le règlement qui nous est déposé ce matin et le code d'éthique professionnelle, on sache véritablement... On a destitué dans la province de Québec des gens qui avaient signé le bulletin de présentation d'un candidat. On a destitué, je me souviens de certains cas bien précis, des gens parce qu'ils avaient signé le bulletin de présentation d'un candidat élu et même d'un candidat à venir.

Aujourd'hui, est-ce qu'on a le droit d'aller dans les assemblées publiques, oui ou non? Est-ce qu'un fonctionnaire a le droit d'accepter d'être recenseur, d'être au bureau de scrutin comme scrutateur? Est-ce qu'on a le droit, oui ou non? Il y a certaines écoles qui ont prétendu que oui. Il y a

d'autres écoles qui ont dit non, "non licet", ce n'est pas permis. Si vous faites cela, monsieur, surtout si vous appartenez à un parti différent du mien, vous allez sauter. Est-ce que, d'après le ministre, avec la prise du pouvoir du Parti québécois, c'en est fini de la neutralité de la fonction publique, que le gouvernement s'apprête à une mobilisation générale de la fonction publique pour le référendum? Le ministre va me répondre: II n'est pas question de cela. Le député de Johnson cherche des poux ce matin pour essayer de me faire des peurs épouvantables. Non, c'est moi-même qui ai écrit, le 6 décembre 1978, au président des élections: "La présente est pour vous demander si des fonctionnaires de l'Etat pourront participer à la campagne référendaire. Présentement, la Loi du ministère de la Fonction publique ne permet pas à un fonctionnaire de s'occuper d'élection. Avec mes remerciements, M. le Président, pour la bonne attention que vous apporterez à la présente, je vous prie d'agréer, cher monsieur, l'expression de mes sentiments distingués".

Je vais voir sa réponse qui est datée du 21 février et qui me dit ceci — j'ai pris mes précautions parce que c'est très important — "Conclusion. En conclusion, je suis d'avis que les fonctionnaires peuvent se livrer à un travail de partisan politique à l'occasion d'un référendum pourvu que ce soit en dehors de leurs services, et pourvu que ce référendum n'ait pas lieu en même temps qu'une élection".

C'est le témoignage du président des élections. Avec plusieurs "considérant", il dit: Oui, pourvu que ce ne soit pas sur le temps du travail et que ce ne soit pas pendant une élection. Il a le droit de s'occuper du référendum. Est-ce que le ministre partage cette opinion aujourd'hui? Le ministre est-il prêt à nous dire que tous les fonctionnaires auront le droit de s'occuper du référendum? Publiquement? N'y aura-t-il pas une clause, dans le Code d'éthique professionnelle dont il est question de faire la refonte?

Ce sont là, M. le Président, des questions sur lesquelles nous devons nous pencher très sérieusement et qui méritent des éclaircissements assez vigoureux de la part du ministre dans l'étude de chacun des programmes qui vont nous être soumis. Merci.

Le Président (M. Blank): M. le ministre. M. Denis de Belleval

M. de Belleval: Oui, M. le Président, merci. Je pense qu'en politique, il doit y avoir un adage anglais qui s'applique plus qu'ailleurs et qui veut que "the proof of the pudding is in the eating". Cela s'applique particulièrement quand, après une douzaine d'années dans la Fonction publique, on se voit projeter non seulement député, mais ministre et ministre de la Fonction publique. Il y a une transition à faire et je suis certain que mes collègues ici savent l'apprécier.

Le député de Johnson a souligné que de ce point de vue certaines des appréhensions, certains des problèmes qui ont été soulignés durant les deux premières années doivent être vus maintenant sous un éclairage nouveau. Il faut bien voir qu'en ce qui concerne la fonction publiaue et la Loi de la Fonction publique — je veux terminer sur ces deux points, la loi et les négociations — je ne suis pas le premier ministre de la Fonction publique à vouloir faire des changements de ce côté. Plusieurs ministres qui m'ont précédé, tant de l'Union Nationale que du Parti libéral d'ailleurs, auraient voulu procéder à un certain nombre de changements fondamentaux qui paraissaient nécessaires compte tenu de l'évolution du Québec et de l'évolution d'une fonction publique moderne.

Au fond, pour ceux qui connaissent bien l'histoire de ces réformes qui n'ont pas eu lieu, on sait la raison pour laquelle finalement cela n'a pas pu être fait soit sous M. Masse, soit sous M. Garneau, soit sous M. L'Allier, par exemple. C'est sûr qu'on touche à un aspect délicat de nos institutions, je dirais, politiques; aussi les urgences politiques qu'on retrouve un peu partout dans un gouvernement se prêtent assez mal à donner une haute priorité à un dossier qui est toujours litigieux, difficile, délicat, qui peut donner lieu à des controverses et qui ne paraît pas d'une première urgence dans l'opinion publique.

Là-dessus, j'ai pensé que si c'était, au fond, la dernière chance qu'un gouvernement avait pour longtemps de procéder à une réforme de la fonction publique et de refaire la Loi de la Fonction publique, c'était de saisir le taureau par les cornes et de le faire, le plus tôt possible, dès le début du mandat du gouvernement, sinon, là encore, on manquerait une occasion et probablement que cette fois-là on la manquerait pour longtemps et que les fonctionnaires, en particulier, en tout cas ceux qui étaient le plus au fait de la question, seraient découragés définitivement de ce point de vue-là et cesseraient de conseiller leur ministre respectif ou leur gouvernement respectif. (12 h 15)

J'ai voulu le faire. Je pense, comme ancien fonctionnaire, que j'étais en mesure d'évaluer, peut-être davantage que d'autres, l'opportunité du contenu. J'avoue qu'en ce qui concerne l'opportunité sur le plan proprement politique, je ne me suis pas attardé trop longtemps parce que, comme les autres, je pense que je n'aurais rien fait. Effectivement, il y a des dangers politiques à cela; les collègues qui m'ont précédé l'ont perçu et ils n'ont pas eu besoin d'une grande argumentation, de la part des premiers ministres du temps, pour finalement mettre les projets de réforme qu'ils avaient sur le brûleur d'en arrière comme on dit.

Le premier ministre m'a appuyé jusqu'au bout, il m'a appuyé même jusqu'à l'occasion d'un incident désagréable pour tout le monde, qui a été l'occupation du parlement, et nous avons effectué la réforme en question, du moins sur le plan légal; nous avons adopté la loi. Je pense que cela a été un baptême assez difficile pour celui qui a dû faire cela après, comme je l'ai dit, dix ans de fonction publique, qui n'a que quelques mois pour se retourner pour appprendre ce que c'est que la

politique, d'une certaine façon. On l'apprend comme fonctionnaire, mais c'est une autre chose de l'apprendre de l'autre côté de...

M. Bellemare: Surtout dans un cercueil!

M. de Belleval: ... la patinoire. Mais j'avoue que, jusqu'à maintenant en tout cas, j'aime l'expérience et je pense que le pouding n'est pas si mauvais maintenant qu'on commence à le déguster.

Cela m'amène aussi aux négociations et aux relations avec les syndicats de fonctionnaires. Je pense que, de ce point de vue-là aussi, j'ai été étrenné assez vite. On se rappellera la fameuse protestation sur les frais de voyage et ensuite, bien sûr, sur la loi 53, la loi 50, le début des négociations. Le député de Johnson citait certains articles de journaux qui étaient plutôt incendiaires de ce côté-là. On se préparait à des grèves, au moins des grèves tournantes, etc. Ma position, depuis le début, a été de ne pas chercher une politique d'affrontement avec le syndicat des fonctionnaires, avec aucun syndicat en particulier. J'ai même, à l'occasion, plutôt préféré répondre d'une façon relativement neutre, assez technique, en faisant les comparaisons qu'il fallait, en utilisant l'argumentation logique qu'il fallait, mais en n'essayant pas d'exacerber les passions et en ne prêtant pas de motifs aux oppositions. Je pense que, dans un sens, cette politique-là aussi, ce pouding-là, est en train de maturer et de porter des fruits. Je pense qu'on voit aussi que c'est une politique qui, peut-être à court terme, semble déconcertante mais à un peu plus long terme donne des résultats. Les représentants syndicaux, dans la fonction publique, j'ai réussi à maintenir avec eux les canaux ouverts et, en ce qui concerne les négociations avec les fonctionnaires, nous en arrivons à un règlement au cours de négociations où, comme je l'ai dit, j'ai maintenu le profit le plus neutre possible et le plus silencieux possible, pensant que c'était la meilleure politique. Evidemment, cela amène une certaine frustration qui donne lieu parfois à certains titres dans les journaux, des titres qu'on ne fabrique pas toujours nous-mêmes d'ailleurs, mais auxquels on peut donner lieu, légitimement ou non.

Je pense que, dans l'ensemble, comme je l'ai dit, l'important est le résultat et nous en arrivons à de bons résultats. Pour répondre, à ce point de vue, au député de Portneuf, je pense que la meilleure garantie d'une réforme dans la fonction publique, ce ne sont pas des prises de position fracassantes, ce ne sont pas des conférences de presse qui ouvrent de grands horizons nouveaux, qui appellent des projets, quand on sait, en fait, dans ce domaine, qu'ils ne peuvent pas se matérialiser avec le même point de vue dramatique ou le même aspect dramatique que celui qu'on retrouve dans d'autres politiques. Quand on fait une réforme qui porte, par exemple, sur le zonage des terres agricoles, c'est quelque chose de dramatique, c'est quelque chose de concret, c'est quelque chose qui donne lieu à une loi précise et à des gestes précis.

Quand on parle de quelque chose qui s'appelle l'amélioration de la gestion du personnel dans la fonction publique, l'amélioration de l'efficacité de l'appareil administratif, l'humanisation de l'appareil administratif, l'amélioration, entre autres, des plans de carrière des fonctionnaires, on sait que, de ce point de vue, cela ne se décrète pas par une loi, par une conférence de presse, par des grandes déclarations d'intention. Cela se fait d'abord à partir d'un instrument législatif qu'il fallait avoir. Il fallait d'abord avoir un responsable. Et cela se fait ensuite au jour le jour, évidemment, par des documents qui ont l'air rébarbatif à première vue, mais qui tracent des cadres bien précis, qui ont un contenu pédagogique très précis et, pour les spécialistes de la question, qui veulent dire quelque chose de ce point de vue sur le plan de la pédagogie de leurs fonctions et sur le plan de leur mission à eux. C'est à travers tous ces documents qu'on retrouve, dans le concret, ce que, finalement, au jour le jour, on doit faire pour améliorer notre potentiel humain, insuffler un certain enthousiasme, parce que rien ne se fait dans ce domaine sans un état d'esprit, sans un certain enthousiasme.

Je pense que nous avons réussi à le faire, au fond; d'une façon discrète, mais nous avons réussi à le faire. J'en prenais pour témoignage tantôt la bonne centaine de fonctionnaires un peu partout, dans une quinzaine de ministères, qui ont participé à cette première élaboration de règlements et qui admettent eux-mêmes que leurs propres fonctions s'en trouvent revalorisées et les perspectives d'avenir s'en trouvent revalorisées. C'est à partir de cette base solide qu'on va construire petit à petit et qu'on construira non pas à partir du ministère, mais avec tous les ministères ensemble. Cela n'a peut-être pas le caractère flamboyant d'autres aspects des réformes que le Parti québécois a mises en place depuis deux ans, mais je pense qu'à long terme, c'est quelque chose qui constituera — comme je l'ai dit tantôt — un acquis, un patrimoine public qui ira au-delà du gouvernement actuel, qui ira au-delà du ministre actuel et sur lequel tous mes successeurs pourront bâtir éventuellement. C'est cela, au fond, la philosophie que j'ai voulu mettre en place depuis deux ans et je m'y suis tenu du mieux possible, comme je l'ai dit, avec aussi les frustrations que cela comporte parfois sous certains aspects.

En ce qui concerne un certain nombre de questions qu'a posées le député de Johnson, cela rejoint l'entrée en matière — peut-être la deuxième entrée en matière — que je viens de faire. C'est, entre autres, ce que sera la place du ministre de la Fonction publique et du ministère de la Fonction publique dans l'ensemble du dossier de la gestion politique du gouvernement.

Il y a, entre autres, ce que j'ai appelé l'arrimage entre le ministère de la Fonction publique, le Conseil du trésor et le Conseil exécutif qui doit maintenant survenir. On a créé un ministère, un vrai ministère cette fois-ci. Le Conseil du trésor a conservé des fonctions résiduelles de ce côté-là qui sont liées à l'approbation de la politique budgétaire comme telle, le niveau des effectifs

et le classement des postes supérieurs. Même dans ce domaine d'ailleurs, déjà le ministère de la Fonction publique participe directement aux travaux qui touchent ces deux aspects. On l'a vu en particulier dans le cas de la réduction des effectifs de 2,5%, dans la méthode qui sera employée pour effectuer cette révision qui doit viser autrement qu'à supprimer des postes vacants, c'est-à-dire des postes non remplis, qui sont déjà vacants ou qui deviendront vacants durant l'année, mais qui doivent constituer une occasion pour les ministères de faire la revue de leur structure administrative, de faire la revue des ressources humaines qu'ils ont à leur disposition pour effectuer cette fonction plutôt que d'agir d'une façon que j'appellerais bête et méchante, c'est-à-dire tout simplement aller au plus facile et annuler des postes qui ne sont pas remplis pour réduire un effectif globalement, mais sans toucher vraiment au coeur de l'utilisation de leurs ressources.

M. Bellemare: Le ministre croit sincèrement qu'il sera capable d'enlever 6000 postes cette année.

M. de Belleval: 2,5%, ce n'est pas 6000 postes. Sur 70 000 employés, cela donne 3500 postes environ. Oui, parce que, entre autres, le taux de roulement dans la fonction publique est d'environ 5% et je pense que, pour une première étape, 2,5% est une étape qui m'apparaît prudente et qui donnera lieu, là encore, à la mise sur pied d'un processus, d'un état d'esprit, à savoir remettre en question la façon dont on gère des ressources. Une fois qu'on aura cet esprit, une fois qu'on aura appris le jeu de ce que veut dire une ponction d'effectifs qui va au-delà — comme je l'ai dit — de la simple abolition de postes non remplis, mais qui remet en cause le stock existant, à partir de cela on va pouvoir continuer dans les années à venir.

M. Bellemare: Est-ce que le ministre sera prêt...

M. de Belleval: Cela aussi est un bon exemple du fait...

M. Bellemare: ... à accepter, l'année prochaine quand on reviendra, de nous donner le véritable chiffre?

M. de Belleval: Oui, on va le faire. M. Bellemare: Oui, vous allez l'avoir.

M. de Belleval: D'ailleurs, je ne me fais pas d'illusion. Le député de Johnson sera le premier à me demander le chiffre.

M. Bellemare: Ah!

M. de Belleval: D'ailleurs, dans les documents que vous avez, vous avez l'évolution de ces chiffres dans les quatre dernières années. Vous verrez que déjà, l'an dernier, on avait commencé à serrer le robinet d'une façon assez importante. Mais cet arrimage, comme j'ai dit, du ministère de la Fonction publique avec les deux autres grands secteurs va se faire, je pense, très bientôt et non pas, comme il est mentionné dans l'article du journal, après les négociations collectives en vigueur, c'est-à-dire après toute la ronde des négociations, en particulier avec le front commun, mais dans les semaines qui viennent. Fort probablement, nous mettrons sur pied un groupe de travail sur la réforme administrative qui s'occupera de l'ensemble de la structuration de l'appareil administratif du gouvernement, conjointement avec le Conseil du trésor, le Conseil exécutif et le ministère de la Fonction publique.

Au niveau des fonctionnaires, le sous-ministre de la Fonction publique sera placé au même niveau que le secrétaire du Conseil du trésor et le secrétaire du Conseil exécutif et, au niveau ministériel, il en sera de même en ce qui concerne le ministre de la Fonction publique, le premier ministre et le président du Conseil du trésor. En pratique, comme on le sait, compte tenu des fonctions du premier ministre et du président du Conseil du trésor, c'est de toute évidence, là encore, sur le ministre de la Fonction publique qu'on comptera pour donner l'orientation et la stimulation au jour le jour aux travaux de cette commission ou de ce comité.

A partir de cela, je pense que le ministère de la Fonction publique servira certainement de cheville ouvrière de l'ensemble des opérations en cette matière. Pour ce qui concerne le contenu des négociations, je m'abstiendrai de fournir les renseignements que m'a demandés le député de Johnson relativement au contenu même des offres parce que — il comprendra lui-même — actuellement il y a des négociations qui ne sont pas encore terminées, il n'y a pas encore d'accord de principe et je ne peux pas préjuger du résultat des négociations qui sont encore en cours actuellement et qui se dérouleront de façon intensive durant les prochains jours, qui devraient aboutir, je le crois, dans le cours de la semaine prochaine, compte tenu de l'échéancier que les deux parties se sont elles-mêmes donné.

M. Bellemare: On ne parle pas de dévoiler, on demande simplement de dire si oui ou non l'augmentation de 4,4% est vraie?

M. de Belleval: Si je donne une réponse à la question que vous me posez...

M. Bellemare: C'est dans les journaux.

M. de Belleval:... automatiquement, je donne une réponse...

M. Bellemare: Cela ne vient pas de l'office d'information.

M. de Belleval: ... je donne un contenu et je pense que ce n'est pas productif de faire cela à ce moment-ci, au moment où il y a des discussions très importantes qui se déroulent, et vous savez

comme c'est crucial les discussions de dernière minute quand on règle une convention collective. D'ailleurs, le comité d'information auquel vous faites référence, je pense qu'il se justifie d'autant plus par les questions mêmes que vous posez. Ce comité d'information, qui vient de la loi 59, ne s'applique pas cependant aux négociations qui avaient été entreprises en vertu des conventions collectives qui venaient à échéance en juin 1978, mais celles qui viennent à échéance en juin 1979.

M. Bellemare: C'est à 44.

M. de Belleval: On se rend compte que ce comité sera utile en temps et lieu pour les négociations qui viennent à échéance.

M. Bellemare: II n'est qu'en retard. Il va être formé pareil.

M. de Belleval: C'est le ministre du Travail, par le truchement du juge en chef du Tribunal du travail, qui est responsable de la mise sur pied de ce comité, par conséquent, je m'abstiendrai de faire des commentaires plus avant là-dessus.

M. Bellemare: La loi est là.

M. de Belleval: II reste que la loi est là et qu'il doit être formé éventuellement. Je pense que le genre de questions que vous posez illustre bien l'utilité d'un tel comité en temps et lieu. Quant au cabinet politique, je pense que la loi 50, de ce côté, apporte une réforme importante puisqu'elle met une frontière étanche que n'avait pas l'ancienne loi entre le personnel politique et la fonction publique régulière. C'est-à-dire que, désormais, il ne sera plus possible d'accéder à la fonction publique dans un poste permanent en passant par un poste dans un cabinet politique. Les fonctionnaires, ou, enfin, le personnel qui entrera dans un cabinet ministériel à l'avenir, n'aura plus la permanence automatiquement au bout d'un mois et ne pourra plus être admissible à un poste permanent à la fonction publique. Il sera sur le même pied que le ministre à ce point de vue, il entrera et il partira avec le ministre à moins que, par les mécanismes réguliers de l'office de sélection du personnel, il postule un poste dans la fonction publique et se voie accorder un tel poste à la suite d'un concours comme tout le monde. (12 h 30)

Je pense que c'est une réforme importante aussi, qui met une meilleure frontière entre les cabinets politiques et la fonction publique et qui contribue à dépolitiser la fonction publique. Sur la relation entre le fonctionnaire et le politique de ce côté, je pense que M. Bernard a fait à ce sujet un exposé très classique, d'ailleurs, et très correct en ce sens qu'il est normal que la fonction publique soit au fait des processus politiques, du processus de décision politique, mais qu'elle conserve, par ailleurs, à l'égard de ce processus et à l'égard de ces contenus, toute la réserve qu'elle doit conserver et qu'elle conserve la liberté de conseiller le gouvernement et le ministre à partir de sa compétence propre qui est essentiellement une compétence technique.

De ce point de vue, je ne crois pas que la loi 50 ou que le gouvernement actuel change les pratiques qui, là encore, constituent l'acquis de plusieurs gouvernements qui nous ont précédés, à savoir cette meilleure séparation des choses entre la fonction publique et le pouvoir politique. Cela constitue encore un acquis sur lequel il s'agit tout simplement de continuer de construire et d'amplifier, s'il le faut.

M. Bernard, dans son article, si vous l'aviez cité au complet, dit très bien d'ailleurs, malgré certains commentaires qu'on a pu entendre, insiste beaucoup sur le fait que la nouvelle façon de fonctionner du gouvernement, de ce point de vue, c'est-à-dire l'implication des députés dans toutes sortes de travaux ministériels, la place même des cabinets politiques, surtout dans le contexte de la loi 50, devrait au contraire rendre les fonctionnaires beaucoup plus libres vis-à-vis du pouvoir politique, dans le sens qu'ils seront en mesure de conseiller le gouvernement d'une façon encore plus ouverte, d'une façon encore plus franche, tout en tenant compte, comme je l'ai dit, c'est normal, du contexte social et politique dans lequel ils oeuvrent. Ils n'oeuvrent pas dans une entreprise privée, ils oeuvrent dans un système politique et, s'il leur manque les perceptions minimales de ce côté, il leur manque une partie de leur compétence.

M. Bellemare: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait garder le reste de ses réponses pour cet après-midi? Parce qu'à 13 heures, nous avons un caucus et il faut aller manger.

Le Président (M. Blank): II n'y a pas de séance cet après-midi, demain matin.

M. Bellemare: II n'y a pas de séance, il y a trois commissions.

Le Président (M. Blank): Pas celle-là. Une Voix: Demain matin.

M. Bellemare: Mais vous suspendez les travaux à trois heures?

M. Pagé: Le programme de la semaine, c'est que la Chambre siège cet après-midi.

M. Bellemare: Oui, je l'ai ici.

M. de Belleval: Je pense qu'on reprend demain matin, à 10 heures.

Le Président (M. Blank): Demain matin, à 10 heures.

M. Pagé: Demain matin, à 10 heures, ici.

M. de Belleval: Oui. J'espère que la température sera plus clémente, à ce moment, pour le député de Portneuf.

M. Pagé: Ne soyez pas inquiet, on va être ici, préparez-vous.

M. Bellemare: ... prenez vos précautions, je ne pense pas que vous ayez à vous plaindre.

M. Pagé: On a été sage, ce matin. M. Bellemare: Cela a été très calme.

Le Président (M. Blank): La commission de la fonction publique ajourne ses travaux sine die.

Fin de la séance à 12 h 34

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