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Etude des crédits du ministère de la
Fonction publique
(Dix heures quarante minutes)
Le Président (M. Blank): A l'ordre, messieurs!
Session de la commission parlementaire de la fonction publique pour
étudier les crédits budgétaires. Maintenant qu'on a le
quorum, on peut commencer.
M. Bellemare: M. le Président, je déplore cette
perte de 40 minutes. Le ministre pourrait peut-être nous expliquer
pourquoi. Si on commence l'étude des crédits avec des retards
comme celui-là, je pense que ce n'est pas respecter véritablement
la démocratie et le grand parlementarisme qu'on défend. Le
ministre a peut-être été avisé par quelqu'un de ce
retard, mais je ne pense pas qu'un membre de la commission, quel qu'il soit,
à quelque parti qu'il appartienne, puisse d'autorité retarder les
travaux qui sont ordonnés par la Chambre; c'est un ordre public. Je
m'élève avec beaucoup de...
M. Pagé: Véhémence.
M. Bellemare:... violence, plutôt. Véhémence,
ce n'est pas un mot de trottoir. M. le Président, je vous laisse le soin
de tirer au clair cette affaire.
Le Président (M. Blank): Tirer au clair cette affaire.
J'ai été avisé par un fonctionnaire du Parti
libéral que le porte-parole du parti était pris sur la route et
qu'il serait en retard d'environ 20 minutes ou une demi-heure. J'ai pris soin
d'aviser le bureau du ministre qu'on aurait un problème de quorum avant
10 h 30. A 10 h 30, le ministre, le député de Portneuf et le
député de Johnson étaient ici.
M. Pagé: M. le Président, vous me permettrez
d'intervenir là-dessus, évidemment, étant donné que
je suis directement visé. Tout d'abord, je tiendrais à
transmettre peut-être pas mes excuses, mais mes remerciements aux membres
de la commission. Effectivement, ce matin, j'ai été
retardé, comme cela peut arriver dans la vie d'un parlementaire, surtout
lorsqu'il a terminé son bureau de comté vers minuit hier soir.
D'autre part, j'ai communiqué avec vous ce matin vous demandant s'il
vous serait possible d'agréer à ma requête de retarder de
quelques minutes le début des travaux de cette commission. Connaissant
votre délicatesse et votre ouverture d'esprit, vous avez accepté.
Je vous ai d'ailleurs demandé, par la voie de mon collaborateur, M.
Côté, d'aviser le ministre et ses fonctionnaires qu'on serait en
retard de quelques minutes. De toute façon, je pense que l'incident est
clos. J'espère tout au moins que ce retard aura permis à mon bon
collègue le député de Johnson de mieux se préparer
et d'être davantage ferré pour le début de l'étude
des crédits.
M. Bellemare: Je n'ai pas besoin de temps supplémentaire
pour me préparer. C'est clair. Gardez vos réflexions pour
vous.
M. Pagé: J'en suis bien heureux pour vous.
Le Président (M. Blank): A l'ordre, messieurs! J'ai
oublié de donner la liste des membres de la commission. Les membres
sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette
(Joliette-Montcalm), M. de Belleval (Charlesbourg), M. Gendron (Abitibi-Ouest),
M. Gravel (Limoilou), M. Jolivet (Laviolette), M. Mailloux (Charlevoix), M.
Pagé (Portneuf). Les intervenants sont: M. Beauséjour
(Iberville), M. Caron (Verdun), M. Dussault (Châteauguay), M. Lacoste
(Sainte-Anne), M. Le Moignan (Gaspé), M. Martel (Richelieu), Mme
Ouellette (Hull), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M.
Springate (Westmount).
Maintenant, on doit choisir un rapporteur; qui va être le
rapporteur?
M. Lacoste: Seulement un instant. Pour être membre à
part entière de la commission, remplacer M. Bisaillon.
Le Président (M. Blank): Remplacer M. Bisaillon. Le
député de Limoilou a été nommé rapporteur de
la commission.
Comme d'habitude, on donne la parole au ministre.
Exposés préliminaires M. Denis de
Belleval
M. de Belleval: Merci, M. le Président. Avant de commencer
un court exposé, j'aimeais présenter quelques-uns des
fonctionnaires qui m'accompagnent ce matin, comme c'est la coutume. Tout
d'abord, le président de la Commission de la fonction publique, M. Roch
Bolduc; M. Raymond Gé-rin, qui en est membre, et Me Perrin, aussi, qui
l'accompagne. Du côté de l'Office de la sélection et du
recrutement, M. Bélanger, qui en est le président et qui est ici
avec nous ce matin. Du côté du ministère de la Fonction
publique, le sous-ministre, M. Lefebvre, et trois sous-ministres adjoints, MM.
Conti, Lalande et Carrier, et le président-directeur de la Commission
administrative du régime de retraire, M. Monfette. Nous accompagnent
aussi quelques autres hauts fonctionnaires, directeurs généraux
du ministère, de l'office ou de la commission. (10 h 45)
M. le Président, cette année, ou l'année qui vient
de s'écouler, depuis notre dernière rencontre au mois de mai
dernier, a été marquée d'événements
importants pour le ministère de la Fonction publique. Comme vous le
savez, nous avons adopté, à l'Assemblée nationale, au mois
de juin dernier, la loi 50 sur la fonction publique qui, à
toutes fins utiles, recréait le ministère de la Fonction
publique et donnait à ce ministère les pouvoirs
généraux en matière de gestion du personnel de la fonction
publique, pouvoirs qui, jusque-là, étaient dispersés entre
plusieurs organismes et qui étaient confiés, en partie, à
un organisme indépendant qui s'appelait la Commission de la fonction
publique.
Je ne veux pas reprendre ici les objectifs de la loi no 50, mais
souligner simplement que par cette loi, nous redonnions au pouvoir politique
responsable les véritables responsabilités en matière de
gestion du personnel puisque, en définitive, c'est le pouvoir politique
légitimement élu qui est responsable devant la population de
l'efficacité de la fonction publique, de sa productivité et
aussi, dans une large mesure, de sa neutralité et de son
impartialité, ainsi que de la neutralité et de
l'impartialité des processus de gestion, particulièrement en ce
qui concerne l'entrée dans la fonction publique et la promotion des
fonctionnaires. La loi 50 vise donc à identifier un responsable
politique précis chargé d'assurer l'efficacité de la
fonction publique, mais aussi à créer des mécanismes
précis, mieux identifiés, avec des responsabilités que je
dirais moins concurrentes, mais plus juridiquement sûres, de façon
à protéger ce que j'ai appelé la neutralité des
mécanismes de gestion du personnel.
Nous avons créé une nouvelle Commission de la fonction
publique qui a maintenant un pouvoir étendu d'enquête sur
l'application de la loi et qui est chargée aussi de servir de tribunal
d'appel pour des fonctionnaires qui s'estimeraient lésés sous
certains rapports dans l'application de la loi. On verra, au cours des travaux
de cette commission, que la Commission de la fonction publique à
déjà commencé son travail à cet égard, en
particulier en donnant au Conseil du trésor et en transmettant à
l'Assemblée nationale ses premiers avis sur les règlements que le
ministre de la Fonction publique a déjà adoptés et sur
ceux qu'adoptera le nouvel office de sélection du personnel. C'est le
deuxième organisme indépendant du pouvoir politique dont les
membres aussi sont nommés par l'Assemblée nationale, comme la
nouvelle Commission de la fonction publique, qui a été
créé à la suite de la loi 50 et qui est responsable, comme
son nom l'indique, de l'impartialité, de l'efficacité aussi du
processus de sélection pour l'entrée dans la fonction publique et
la promotion des fonctionnaires.
La loi est entrée en vigueur plus précisément le
1er avril, c'est-à-dire il y a à peine deux jours, officiellement
par une proclamation à cet effet du gouvernement. Tous les articles sont
donc en vigueur actuellement, sauf un seul: celui qui porte sur le droit
d'appel en matière de promotion et qui entrera en vigueur le 1er
septembre. Cet article entrera en vigueur un peu plus tard parce que l'Office
de sélection doit adopter, donc élaborer aussi, des processus
pour permettre l'application de ce droit d'appel qui n'existait pas auparavant
et aussi parce que, de toute façon, les nouveaux concours qui
permettront l'application de ce droit d'appel ne seront tenus que durant les
prochaines semaines, durant les prochains mois.
Nous nous sommes donc mis à l'ouvrage depuis l'application de la
loi pour préparer une opération extrêmement délicate
et complexe qui s'appelait, au fond, le transfert des tâches de la
Commission de la fonction publique et du Conseil du trésor en partie
vers le nouveau ministère de la Fonction publique et vers le nouvel
Office de sélection. Ceci est une opération délicate parce
qu'il fallait que, dans l'intervalle du transfert de ces pouvoirs et de
l'exécution des responsabilités qui en découlent, le
processus de gestion du personnel se déroule sans accrocs et que les
ministères puissent continuer à recevoir les services dont ils
ont besoin de la part des organismes centraux chargés de leur fournir le
personnel et d'assurer la réglementation qui s'applique à ce
personnel.
Il a fallu, en particulier, élaborer une réglementation
adéquate puisque, jusqu'à présent, une grande partie des
processus reposait en partie sur la loi, en partie sur des directives, en
partie sur une certaine coutume, mais n'était pas
réglementée au sens strict, du moins pas toujours.
Nous nous sommes attaqués à cette tâche durant
l'été et l'automne derniers et je dois dire qu'il a fallu
l'implication de plusieurs dizaines de fonctionnaires dans de nombreux
ministères pour faire en sorte que nous arrivions à temps le 1er
avril avec la nouvelle réglementation en vigueur.
Durant les travaux de cette commission, à la fin de mon
exposé, j'aimerais d'ailleurs déposer une première
série de règlements adoptés par le ministre de la Fonction
publique et aussi une série d'avis de la Commission de la fonction
publique à l'égard de ces règlements, avis d'ailleurs qui,
selon la loi, sont déposés auprès du président de
l'Assemblée nationale mais qui, je pense, peuvent être
étudiés adéquatement lors des travaux de cette
commission.
La réforme de la fonction publique sera une tâche de longue
haleine qui, au fond, commence véritablement avec la mise en vigueur de
la loi. Je dois dire à cet égard que, dans une première
étape, ce que nous avons voulu faire, c'est assurer un transfert
cohérent et efficace des compétences, sans prétendre
ignorer toute suite en matière de gestion du personnel. C'est un parti
pris prudent que nous avons adopté de façon que, comme je l'ai
dit, nous puissions continuer à fonctionner avec des bases solides
à partir desquelles nous pourrions construire de nouveaux types, de
nouveaux modes de gestion.
J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer, soit dans des
entrevues, dans des journaux ou ailleurs, quelles seront les grandes lignes des
principales tâches que nous entendons assumer durant les prochains mois,
durant les prochaines années pour assurer cette réforme de la
fonction publique. Un des premiers sujets, un des premiers centres
d'intérêt de nos activités, ce sera la réforme de la
gestion des cadres. Toute fonction publique, pour sa gestion courante, repose
sur un certain nombre de hauts fonctionnaires qui sont
responsables, sous direction générale du pouvoir
politique, qui sont les véritables responsables de l'efficacité
au jour le jour de la fonction publique, de sa productivité et aussi du
fait que des services auxquels la population est en droit de s'attendre sont
effectivement rendus avec tous les égards, d'ailleurs, pour les citoyens
en tant que citoyens auxquels on doit accorder la priorité par rapport
à une gestion plutôt abstraite ou éloignée de
ressources matérielles, de budgets, etc.
Après dix ans ou quinze ans de ce qu'on peut appeler la
construction d'une fonction publique moderne au Québec où on a
beaucoup favorisé, pendant ces années, les fonctions inventives
de nos hauts fonctionnaires, leur capacité de conception. Nous arrivons
à une phase de maturité où il faut maintenant
privilégier sans doute davantage les capacités de gestion dans
tous les domaines, l'efficacité dans la gestion des ressources, qui sont
maintenant considérables, l'efficacité dans la gestion des
ressources humaines, aussi, qui sont considérables, le nombre des
fonctionnaires atteignant maintenant un peu plus de 70 000. En ce sens, il nous
faut privilégier maintenant des capacités d'administrateurs, de
gestionnaires compétents et efficaces des ressources, toujours dans un
contexte de fonction publique, c'est-à-dire dans un contexte où
il faut toujours avoir en tête le citoyen, le service public dont nous
sommes responsables. Outre la question de la gestion des cadres et la
réforme du système actuel, les accents que nous devons mettre sur
les capacités de gestion, la polyvalence, la mobilité des cadres,
nous devrons aussi, en général, accorder une importance accrue
à l'efficacité du fonctionnarisme en général
à tous les niveaux, à la productivité des effectifs qui
comprennent cette fonction publique.
C'est une tâche qui est difficile dans toute grande bureaucratie,
qu'il s'agisse d'une bureaucratie privée ou publique. C'est
peut-être encore plus difficile dans une bureaucratie de type fonction
publique, mais ce n'est pas une tâche impossible. C'est une tâche,
au contraire, qui doit recevoir une haute priorité et je pense que, de
ce point de vue, nous sommes mieux équipés que la plupart des
autres fonctions publiques pour y arriver parce que, justement, nous avons
rapatrié au sein des mêmes organismes les responsabilités
véritables en cette matière au sein d'un ministère. Nous
avons maintenant un ministre clairement identifié, bien responsable de
cette tâche et nous avons aussi un organisme bien identifié, des
fonctionnaires, dont ce sera le principal travail. Nous avons aussi, je pense,
adopté dès le départ une espèce de parti pris qui
nous permettra d'en arriver à des bons résultats de ce
côté.
En effet, nous voulons que le ministère de la Fonction publique
fonctionne, non pas comme un organisme de contrôle, non pas comme un
organisme supplémentaire horizontal au-dessus des autres
ministères, mais comme un lieu de rencontre, un lieu de concertation
pour l'ensemble des gestionnaires des autres ministères qui, de concert
avec le ministère de la Fonction publique, élaboreront
eux-mêmes les critères d'efficacité, les modes de gestion
nouvelles de la fonction publique.
Nous avons d'ailleurs mis cette philosophie à l'épreuve,
lors de l'élaboration des premiers règlements, et je dois dire
que la réponse des fonctionnaires en général, dans tous
les ministères, a été enthousiaste, au niveau même
des directions du personnel qui auront une tâche si importante à
accomplir dans ce domaine, durant les prochaines années, mais aussi au
niveau des sous-ministres. C'est par cet effort de décentralisation,
à travers tout l'appareil administratif, d'une même philosophie de
gestion et d'une participation importante à cet objectif qu'il sera
possible, au fond, de décortiquer en petites pièces, ce qu'on
perçoit peut-être au premier abord comme un monstre administratif
de 70 000 personnes, de le découper en pièces bien
précises et, en élaborant des objectifs particuliers pour chacune
de ces pièces, pour chacun de ces sous-systèmes, d'être en
mesure d'améliorer à long terme l'efficacité de
l'ensemble.
Mais il s'agit, bien sûr, comme je l'ai dit, d'une tâche de
longue haleine. On peut dire aussi que pour plusieurs cela peut ressembler au
rocher de Sisyphe qu'on monte au haut de la montagne et qui redescend toujours.
L'amélioration de la productivité, de l'efficacité d'une
bureaucratie est un peu à l'image de cette légende à
savoir que c'est une tâche qui est toujours à reprendre, mais,
justement parce qu'elle est à reprendre, parce qu'elle est difficile,
à laquelle il faut s'attaquer et à laquelle il faut apporter
toute la constance nécessaire. (11 heures)
Je ne voudrais pas m'étendre trop longtemps sur un exposé
préliminaire, mais avant de déposer, comme je l'ai
mentionné, une première série des règlements
adoptés par le ministre et une première série d'avis de la
Commission de la fonction publique, je voudrais aussi mentionner que
l'année a été utilisée, a été remplie
par une tâche importante, parfois douloureuse mais qui, jusqu'à
maintenant, en tout cas au sein de la fonction publique, s'est
déroulée de façon cohérente, de façon
harmonieuse: c'est le renouvellement des conventions collectives des
fonctionnaires.
Depuis que je suis arrivé à la Fonction publique, j'ai
dû procéder à la signature d'au moins une vingtaine, sinon
plus, de conventions collectives de travail. Ces conventions ont
été renouvelées, la plupart du temps, sans accrochages et
d'une façon aussi assez anonyme. Il n'en reste pas moins que ce travail
est très important. Comme je l'ai dit, il s'est déroulé
parfois sans trop de publicité, mais il reste que cela a
été dans le passé et que c'est toujours une tâche
importante du ministère de la Fonction publique.
Nous avons aussi cependant, au-delà de ces quelques dizaines
deux douzaines peut-être de conventions collectives moins
connues, commencé une nouvelle ronde de négociations en
particulier avec le Syndicat des fonctionnaires dirigé par M. Jean-Louis
Harguindeguy, qui comprend une quarantaine de milliers de membres. Je pense que
les journaux, ces jours-ci, depuis plu-
sieurs semaines d'ailleurs, rapportent que ces négociations se
sont, somme toute, déroulées de façon harmonieuse et nous
sommes près, au moment où je vous parle, d'un accord qui pourrait
survenir durant les prochains jours.
Durant toutes ces négociations, je me suis abstenu de
déclarations dans un sens ou dans l'autre de façon à
respecter le jeu normal des négociations. D'ailleurs, les nouvelles qui
ont paru dans les journaux récemment ne sont pas venues du ministre de
la Fonction publique. Nous entreprendrons bientôt aussi d'autres
négociations avec d'autres fonctionnaires, en particulier le Syndicat
des professionnels. Je voudrais juste insister sur cet aspect: lors de
l'adoption, de la loi 50, comme c'est normal, je suppose, dans le processus
démocratique de l'approbation d'une loi, il y a eu une certaine
quantité de charriage dans le débat. En particulier, vous vous
souviendrez qu'on avait critiqué la loi 50 parce que,
supposément, elle pourrait brimer les droits d'association.
M. Bellemare: C'est historique.
M. de Belleval: Effectivement.
M. Bellemare: La première n'était pas bonne.
M. de Belleval: Mais le charriage auquel je fais allusion, M. le
député de Johnson, s'est poursuivi même à l'occasion
de l'étude de la loi 50, même après certains amendements
auxquels vous faites allusion.
M. Bellemare: Vous vous êtes amendé aussi, pas
seulement la loi.
M. de Belleval: Quoi qu'il en soit...
Le Président (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît!
Vous aurez la chance de parler aussi.
M. de Belleval: ... je voudrais souligner à cet
égard que nous avons pu effectivement négocier avec le Syndicat
des fonctionnaires sur tous les points des anciennes conventions collectives.
Quand la nouvelle convention sera rendue publique, on pourra se rendre compte
que de nombreuses améliorations ont été apportées,
particulièrement du point de vue normatif. Comme je l'avais toujours
prétendu aussi, la loi 50 apporte, du point de vue de la loi, dans son
contenu même, des améliorations de ce côté-là
et effectivement ces améliorations se sont produites dans le contenu des
conventions collectives.
Je pense aussi qu'on verra que les objectifs de la loi commencent
déjà à être mis en vigueur au moment où la
Commission de la fonction publique donne des avis au Conseil du trésor
et que ces avis sont portés à la connaissance de
l'Assemblée nationale. Cette expérience est nouvelle, mais elle
démontre qu'effectivement la commission entend être le chien de
garde du ministre et du gouvernement dans le processus de gestion du personnel
et en particulier dès le début de ce processus,
c'est-à-dire au moment où l'encadrement réglementaire est
mis en place.
Personnellement, je suis content de voir que, dès le
début, la philosophie même qu'il y avait dans la loi, cette
espèce de dynamique que j'ai voulu mettre dans la loi, commence
déjà à porter ses fruits, à savoir un processus
beaucoup plus ouvert, beaucoup plus transparent, beaucoup plus objectif,
public, criticable et critiqué, et qui permet donc pour tous les
citoyens comme pour tous les fonctionnaires, comme pour les parlementaires, de
s'assurer que ce sont des critères véritablement
d'efficacité qui président à la gestion de la fonction
publique et non pas des critères basés sur des affinités
personnelles, des convenances politiques ou du favoritisme administratif ou
autre. Je pense que nous devons tous être conscients, comme
parlementaires, que de ce point de vue-là, c'est tout le Québec
qui profite de cette réforme, qu'elle n'appartient plus maintenant
à un ministre en particulier ni à un parti politique, mais
qu'elle fait partie de notre patrimoine de réformes que tous les partis
politiques ont mis en application dans tous les domaines, mais en particulier
dans la fonction publique, depuis maintenant, disons, Paul Sauvé, en
1959.
Pour terminer cet exposé, j'aimerais présenter aux
parlementaires une première série de règlements
adoptés en vertu de la loi par le ministre de la Fonction publique et
vous pourrez prendre connaissance de ces règlements durant les
prochaines heures, nous aurons sans doute plus d'une séance, ce qui vous
permettra, je pense, de poser des questions, s'il en est, sinon sur tous ces
règlements, certains sont de moindre importance, mais sur les quelques
points qui pourraient nous intéresser particulièrement, surtout
compte tenu des avis que nous a donnés la Commission de la fonction
publique sur ces règlements.
Un premier règlement porte sur la révocation pour
insuffisance professionnelle du personnel de la fonction publique. Je
dépose ce projet de règlement, M. le Président, et tous
les parlementaires, je pense...
Le Président (M. Blank): Ce n'est pas exactement...
M. de Belleval: Je n'ai pas à les déposer comme
tels...
M. Bellemare: La commission n'est pas capable de nous les
livrer...
M. de Belleval: ... mais je vous les distribue.
Le Président (M. Blank): Nous allons les distribuer pour
l'utilisation des membres.
M. Bellemare: Parce qu'en vertu du règlement il ne peut
pas les déposer.
M. de Belleval: J'en fais mention, M. le Président, et ils
seront distribués. Vous pouvez les distribuer immédiatement aux
membres de la
commission. Ces règlements seront accompagnés de l'avis de
la Commission de la fonction publique.
Un deuxième règlement touche au classement des
fonctionnaires, un troisième à la classification des emplois; un
quatrième touche les normes de conduite et de discipline dans la
fonction publique et au relevé provisoire des fonctions. Un autre touche
à l'octroi de certaines rémunérations additionnelles. Un
autre touche à la procédure d'appel pour les fonctionnaires qui
sont non régis par une convention collective de travail. Un autre touche
à la rémunération des avantages sociaux et les autres
conditions de travail de certains fonctionnaires, c'est-à-dire cadres
supérieurs et adjoints aux cadres supérieurs, et un autre touche
à d'autres fonctionnaires sur le même sujet. Les avis de la
Commission de la fonction publique à l'égard de tous ces
règlements peuvent se résumer de la façon suivante. Pour
la plupart d'entre eux, la commission donne l'avis que ces règlements
sont sans portée sur l'application de la règle de la
sélection au mérite et que, par conséquent, elle ne se
sent pas, sinon obligée, disposée à donner un avis
explicite. C'est le cas, par exemple, du règlement qui touche à
la rémunération, aux avantages sociaux et aux autres conditions
de travail de certains fonctionnaires. Cela ne touche pas comme tel au
régime de mérite. C'est la même chose pour les normes de
conduite et de discipline dans la fonction publique et au relevé
provisoire des fonctions. C'est le cas aussi du règlement concernant la
procédure d'appel pour les fonctionnaires non régis par une
convention collective de travail. C'est le cas du règlement sur la
rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de
travail des cadres supérieurs. C'est le cas aussi du règlement
concernant certaines rémunérations additionnelles.
La commission a aussi donné un avis sur le règlement
relatif aux normes de conduite et de discipline dans la fonction publique et au
relevé provisoire des fonctions, qui parle par lui-même et qui ne
pose pas de problème particulier. Cependant, il y a deux
règlements importants sur lesquels la commission a jugé bon de se
pencher tout particulièrement et de nous donner un avis assez
extensible. C'est le règlement qui touche la dotation, le classement des
fonctionnaires, la rétrogradation ou la révocation pour
insuffisance professionnelle et le règlement concernant la
classification des emplois. En ce qui concerne le règlement relatif
à la dotation, la commission a fait certaines remarques que nous avons
décidé d'agréer. Nous avons donc, compte tenu de ces
remarques de la commission, décidé de procéder à la
rédaction d'un nouveau règlement qui a été
présenté aujourd'hui même au Conseil du trésor,
règlement sur la dotation qui respecte les observations que nous avait
faites la commission. Par conséquent, le premier règlement que
j'ai adopté à cet égard ne sera pas adopté par le
Conseil du trésor et ne sera pas publié dans la Gazette
officielle; c'est la deuxième version qui sera éventuellement
approuvée par le Conseil du trésor, celle qui respecte au fond
les remarques de la commission.
Un autre règlement très important est celui qui concerne
la classification des emplois. Sur celui-ci, un certain nombre de remarques que
nous a faites la commission nous apparaissent pertinentes d'un certain point de
vue, mais nous ne pensons pas pouvoir donner suite aux avis de la commission,
pour des raisons pratiques, en particulier sur deux points. Un avis de la
commission porte sur la question de la promotion ou de l'avancement des
fonctionnaires professionnels de la classe 3 à la classe 2. (11 h
15)
La pratique, à cet égard, jusqu'à maintenant,
était que ces fonctionnaires passaient de la classe 3 à la classe
2 à la suite d'un simple examen plutôt qu'à la suite d'un
concours entre tous les fonctionnaires. Depuis plusieurs années, cette
pratique est en vigueur et, en attendant que des modifications soient
apportées à la classification des fonctionnaires professionnels
de la classe 3 ou de la classe 2, dans un sens ou dans l'autre, nous devrons
continuer à observer la pratique actuelle, c'est-à-dire faire
passer les fonctionnaires de la classe 3 à la classe 2 à la suite
d'examens d'avancement et non pas à la suite d'un concours,
c'est-à-dire une compétition entre tous les fonctionnaires de ce
rang.
La commission nous a fait une autre remarque importante concernant la
classification des emplois. Je vais demander un avis à M. Lefebvre.
L'autre point important, c'était le règlement qui concerne
les conditions d'admission au corps des administrateurs, des cadres, que la
commission souhaiterait voir resserrer davantage. Là encore, ce que nous
avons fait dans le règlement adopté, c'est de respecter la
pratique en vigueur depuis de nombreuses années, en particulier de
permettre l'admission à une promotion dans les cadres de classe 1, 2, 3
ou 4, de rendre ces promotions accessibles à tous les cadres,
indistinctement de leur niveau. En ce qui concerne l'admission même du
coprs des adjoints aux cadres supérieurs ou des administrateurs de
classe 4, de permettre aussi l'admission des professionnels de classe 1 ou des
professionnels de classe 2 admissibles à la classe des professionnels de
classe 1; donc, de permettre l'admission de ces candidats aux concours pour les
adjoints aux cadres supérieurs et les cadres.
Il s'agit, comme je l'ai dit, dans tous ces cas, de pratiques actuelles
qu'il ne serait pas possible de modifier à court terme, compte tenu des
délais qui sont en cause, mais il s'agit de questions auxquelles nous
accordons une importance, compte tenu des avis de la commission, et pour
lesquelles nous entendons agir durant les prochains mois.
Voilà, en gros, M. le Président, ce que je voulais dire
comme exposé préliminaire. Je pourrai, je le suppose, donner
davantage d'explications sur ce dont je viens de parler et sur d'autres points,
bien sûr, que soulèveront les parlementaires.
Le Président 'M. Blank): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président, Si je comprends
bien, vous demandez l'adoption des crédits de $407 065 300.
M. de Belleval: Cela me ferait plaisir si, M. le
député, vous acceptiez de m'accorder ces crédits.
M. Pagé: On va les accepter, mais moyennant certaines
questions. M. le Président, tout d'abord, je tiens à transmettre
mes salutations et mes hommages aux collaborateurs, aux sous-ministres, aux
présidents d'office ou de commission, aux directeurs et à tous
ceux qui accompagnent le ministre ce matin. Je vais tenter d'être bref,
quitte à ce que, par la suite, lorsque mon collègue et bon ami,
le député de Johnson, aura fait ses commentaires
généraux du début, on puisse passer une ou deux
séances je le fais à titre de suggestion sur des
questions générales pour que, à la fin de nos travaux, on
puisse aborder chacun des programmes l'un après l'autre.
M. le Président, j'entendais annoncer les travaux de cette
commission, ce matin, avec beaucoup de sérénité. Je vais
vous dire pourquoi. Je prévoyais que le ministre de la Fonction publique
serait en mesure, au début de l'étude des crédits de la
commission, au lendemain de l'adoption de la loi 50, de nous fournir une
déclaration, de nous donner des informations, de nous faire ses
commentaires sur les perspectives d'avenir au sein de la fonction publique avec
beaucoup plus de contenu. Je pense que c'est la première fois que j'ai
à déplorer une telle situation. J'entreprends, quant à
moi, ma sixième année; c'est la sixième année que
j'assiste aux crédits et c'est la première fois qu'il m'a
été donné et je pèse bien les mots de
prendre connaissance, à l'ouverture de l'étude des crédits
d'un ministère, d'une déclaration aussi floue, aussi
évasive, aussi incertaine et aussi improvisée de la part d'un
ministre.
M. le Président, c'est explicable que le ministre, dans ses
commentaires, dans ses propos, réfère à la loi 50 qui a
été adoptée en juin 1978. Je conviens que la loi est en
application suite à la proclamation depuis le 1er avril dernier, depuis
quelques jours et que certains articles seront en vigueur seulement au mois de
septembre prochain. On aurait été en droit de s'attendre à
une déclaration nous permettant de voir ce qui s'applique dans la loi 50
actuellement, comment tout cela va fonctionner, quels sont les
échéanciers, quelles sont les réactions, quelles sont les
probabilités, les prévisions et tout cela. Au contraire, on a eu
droit à un résumé de la loi, on a eu droit à des
commentaires tout à fait gratuits, à savoir que la loi semblait
être bien reçue par le milieu. On a eu droit à une
distribution de documents qui contiennent les règlements adoptés
en vertu de la loi, et Dieu sait s'il y en a. Nous allons prendre le temps de
prendre connaissance de ces règlements cet après-midi et ce soir
et il va de soi que nous pourrons revenir avec des questions bien
spécifiques demain, à la prochaine séance. Je dois quand
même vous faire part que cela a été, c'est le moins qu'on
puisse dire, très général et très vague.
J'aurais aimé que le ministre de la Fonction publique
parce que vous êtes titulaire de la Fonction publique, vous êtes
responsable de la gestion du personnel, des ressources humaines au sein de la
fonction publique nous parle de perspectives, des intentions du
gouvernement à l'égard de la gestion, à l'égard du
fonctionnement, si vous avez des projets particuliers pour les années
quatre-vingt, pour la décennie qu'on abordera l'année prochaine.
On sait que la loi 50 n'est qu'une première étape; on sait aussi
que le gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti
québécois a des intentions bien particulières au chapitre
de la décentralisation. On sait qu'il y a différentes
réformes qui s'en viennent. On en a eu un écho assez bref, quand
même, qui reflète non seulement une réalité, mais
une certaine possibilité, dans le discours du budget, lorsque le
ministre des Finances a annoncé le début de la réforme de
la fiscalité municipale. On sait qu'il y a des études
actuellement en cours au sein du gouvernement du Québec pour en arriver
à une véritable décentralisation, à un nouveau
partage des pouvoirs entre le palier de gouvernement provincial et un nouveau
palier de gouvernement municipal ou supramunicipal. Je me serais attendu, quant
à moi, et je m'y attendais, que le ministre précise un tant soit
peu ces aspects de la question parce que cela aura des impacts
considérables de la gestion du personnel au sein de la fonction
publique.
J'aurais apprécié que le ministre soit peut-être un
peu plus éloquent sur la question combien importante de la
négociation au sein de la fonction publique. Le ministre y a
touché très peu. Je conviens qu'il est lié par la
déclaration qu'il faisait assez récemment dans des journaux de la
région. Je conviens que le ministre de la Fonction publique n'a pas
jusqu'à maintenant il nous apparaît en tout cas
été intimement lié à tout ce processus de
négociation dans le secteur public et surtout dans le secteur
parapublic, mais on aurait été en droit de s'attendre qu'il
aborde cette question et qu'il accepte de faire face à la musique de
front.
Il a touché un peu la négociation avec le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux. Il s'est abstenu évidemment de quelque
référence que ce soit avec le Syndicat des professionnels du
gouvernement du Québec. Nous aurons des questions sur ces
différents aspects. Nous aurons des questions sur d'autres conventions
collectives qui ont été signées ou qui devront être
signées entre le gouvernement du Québec et ses fonctionnaires.
Qu'il me suffise, M. le Président, de vous donner comme exemple le
fameux dossier de la traverse Matane-Godbout qui a eu des impacts
négatifs, des impacts énormes dans l'Est du Québec. On se
rappellera que cela a été une négociation qui a
entraîné une grève prolongée, qui a eu des
effets sur la vie économique de ces deux régions. On sait que mes
informations, quant à moi, et je l'ai soutenu ici à
l'Assemblée nationale, sont que certaines erreurs, au niveau du
gouvernement du Québec, auraient été commises. On aura
l'occasion de revenir là-dessus.
Je voudrais, quant à moi, que lorsque nous aborderons ces
questions, le ministre de la Fonction publique accepte de les aborder, accepte
de regarder ce que je soutiens à cet égard de façon bien
ouverte, de façon bien libérale. J'ose croire qu'il ne se
retranchera pas derrière un règlement qui est survenu trop
longtemps après le début de la grève et qu'il ne nous dira
pas tout simplement: C'est réglé, purement et simplement. Il y a
eu des erreurs commises dans ce dossier, et vous le savez, à part cela.
Quand je l'aborderai pendant l'étude des crédits de la commission
du ministère de la Fonction publique, c'est non pas dans le but de faire
un procès d'intention à ceux qui seraient responsables, mais pour
que de telles erreurs ne puissent plus se reproduire.
On abordera, évidemment, la question de la nouvelle structure qui
est implantée en fonction de la loi 50 en tenant pour acquis que nous
aurons le temps de prendre connaissance des projets de règlement qui ont
été déposés. Nous parlerons de choses assez
spécifiques, comme les concours au sein de la fonction publique, les
concours d'avancement, les concours ouverts au public. J'entends aborder la
question de la fameuse liste d'admissibilité et ce que cela peut
impliquer.
J'ai l'intention, de plus, M. le Président, d'aborder la question
qui aurait dû être abordée ce matin par le ministre de la
Fonction publique: la qualité de vie au sein de la fonction publique.
C'est un aspect important, je pense. C'est une obligation à laquelle est
convié non seulement le gouvernement, mais à laquelle seront
conviés les gouvernements: faire en sorte que les gens soient un peu
plus heureux au sein de la fonction publique. C'est un aspect qui n'a pas du
tout été abordé ce matin par le ministre de la Fonction
publique et cela s'explique: ce n'est pas une préoccupation pour le
gouvernement du Québec. On se rappellera que ce gouvernement qui a
été élu le 15 novembre a joué la carte de
l'innovation, a joué la carte du parti qui se sentait capable et
c'est ce qu'il présentait à la population d'humaniser une
boîte comme celle-là, de faire en sorte que les gens soient un peu
plus heureux quand ils se rendent travailler le matin. Faire en sorte que les
gens puissent non seulement avoir l'impression, mais puissent vraiment
participer davantage à la gestion de la fonction publique et des
responsabilités inhérentes à chacun des ministères.
Faire en sorte que les gens soient un peu plus heureux et un peu plus
satisfaits lorsque la journée de travail est complétée.
Cela n'a pas du tout été abordé cet aspect, cette
question, ce volet de la négociation et de la relation entre le patron
qui est le gouvernement et ses employés, depuis novembre 1976.
M. le Président, j'aurai l'occasion aussi de revenir sur les
déclarations que le ministre a faites lui-même. J'étais
déçu et ce n'est pas un reproche que je veux vous faire.
J'étais déçu quand j'ai pris connaissance, dans le Soleil
d'il y a trois semaines, à peu près, que vous vous identifiiez au
concierge du Parlement du Québec. Vous avez un rôle qui est
beaucoup plus important. Comme titulaire, comme membre du gouvernement, vous
vous devez d'avoir des responsabilités plus importantes que
celles-là. Vous vous devez de participer non seulement
étroitement, mais être directement impliqué dans la gestion
et dans tout ce qui se passe au sein de la négociation. (11 h 30)
Je conviens que le ministre des Finances et président du Conseil
du trésor a accaparé beaucoup de choses, beaucoup de pouvoirs. On
en discutera ici. On en discutera aussi à la commission parlementaire
chargée d'étudier les crédits du ministère des
Finances et nous aborderons, évidemment, la question de la
négociation, brièvement, dans sa relation avec ce qui est offert,
ce qui est demandé du secteur privé, cela va de soi. Mais je
présume d'ores et déjà que le ministre de la Fonction
publique me référera au ministre des Finances, parce que c'est
lui qui a le gros bout du bâton actuellement.
M. le Président, dans les déclarations que le ministre a
faites, ou ses collègues, je me devrai aussi d'aborder certaines
questions. Vous savez qu'il y a beaucoup d'enthousiasme dans l'air. Vous savez
que même si les membres du gouvernement du Québec ont
été peut-être sept ou huit mois, c'est-à-dire
à la fin de l'année 1977... On se rappellera que, dans la
première année de l'élection du governement,
c'était un gouvernement qui déclarait beaucoup, c'étaient
des ministres qui parlaient, qui disaient bien souvent n'importe quoi, mais qui
parlaient. On se rappellera entre autres, entre parenthèses, la
déclaration concernant la flotte maritime du ministre de la Fonction
publique. Sept ou huit mois après l'année 1977, on a eu droit
à un peu moins de déclarations, on était un peu plus
prudent, on était un peu plus sérieux. Voilà probablement
que l'enthousiasme des troupes fait en sorte que les ministres se mettent
à faire d'autres déclarations.
Qu'il me suffise, M. le Président, de vous référer
à la déclaration du collègue du ministre de la Fonction
publique, soit le ministre des Travaux publics, qui déclarait encore
tout récemment que le gouvernement du Parti québécois, une
fois le référendum sur la souveraineté adopté sur
l'indépendance, était disposé à accepter, au sein
de la fonction publique du Québec, les fonctionnaires
fédéraux, purement et simplement, déclaration tout
à fait gratuite, sans aucun document à l'appui, sans aucune
étude, à ce qu'il nous paraît, parce que cela n'a pas
été déposé, et Dieu sait si cela n'a pas
été repris par le ministre de la Fonction publique; on aura
l'occasion de discuter de cela.
J'aimerais, entre autres, dire ceci, et peut-être que cela vous
permettra de vous préparer pendant les heures ou les quelques jours qui
viendront ou qui suivront. Si vous êtes un gouvernement responsable, vous
avez fait des études avant de parler comme cela. Vous allez nous
déposer ou, tout au
moins, distribuer vous semblez être en mal de distribution
ce matin, 150 à 200 pages de distribution de documents, vous êtes
capable d'en distribuer d'autres les études, ce sur quoi vous
vous êtes fondés, les probabilités, comment cela
s'effectuera, comment cela va se faire, et cela implique beaucoup, vous savez.
Cela implique que vous présumez déjà de ce que vous allez
prendre, en termes de responsabilités. Cela implique, une
déclaration comme celle-là, qu'on présume
déjà et que pour le gouvernement la question de l'association est
déjà réglée, parce que vous êtes d'ores et
déjà prêts à reprendre tous les fonctionnaires
fédéraux qui oeuvrent au Québec. Cela veut donc dire, si
on extrapole un peu, si on va un peu plus loin que la déclaration, que
l'association, vous n'y croyez pas plus qu'il faut. On va regarder ces aspects
bien concrets et bien spécifiques qui seront autre chose que des
déclarations-fleuves, floues et incertaines comme celles que vous nous
avez servies ce matin.
La loi 50, vous l'avez abordée, c'était votre rôle,
mais vous en avez fait un résumé. Vous ne nous avez donné
aucun échéancier, aucune perspective. Vous ne nous avez pas dit
comment cela irait, comment vous prévoyez que cela pourrait aller,
quelles étaient les études qui étaient faites. Au
contraire, un bref résumé et des règlements
déposés en vrac. Et vous autres, les parlementaires, surtout ceux
de l'Opposition, mon collègue de Johnson et moi-même,
arrangez-vous avec cela et, si vous avez des questions, vous nous les
poserez.
Ce n'est pas comme cela que cela va se passer. Cela va se passer
autrement. Ce qui explique ma déception de ce matin. Le ministre
trouvera peut-être que je suis agressif, c'est explicable et c'est
normal, suite à la déclaration qu'il vient de nous servir.
C'est là l'essentiel des commentaires et des propos que j'avais
à vous formuler. Je vais laisser la parole à mon bon ami le
député de Johnson pour sa déclaration
générale d'ouverture et par la suite, immédiatement, nous
serons disposés à aborder des questions très
spécifiques. Mais je tiens à apporter à l'attention du
ministre que j'apprécierais et je pense que cela serait tout
à fait justifié de sa part qu'il accepte que nous
abordions la loi 50 seulement à la séance de demain, compte tenu
de la série de documents qu'il vient de nous servir.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Johnson.
M. Maurice Bellemare
M. Bellemare: Contrairement à mon collègue de
Portneuf, je ne voudrais pas politiser le débat ce matin. Je ne suis pas
content de certains points de la déclaration de l'honorable ministre,
mais, sur d'autres points, je ferai des remarques construc-tives et
positives.
D'abord, je voudrais saluer les nouveaux membres de la Commission de la
fonction publi- que: MM. Bolduc, Gérin, Perrin, Hutchison ainsi que les
membres de l'Office du recrutement: M. Bélanger, Mlle Fournier, M.
Mercier. Je suis très heureux que le ministre ait mis la main sur des
gens dont la valeur politique est de loin celle qu'on aurait cru possible. Il y
a eu là véritablement un "fair play" qui donne une
crédibilité aux deux organismes: l'office et la commission.
Connaissant la plupart de ces membres qui ont été nommés,
qui ont été élus par un vote aux deux tiers de la Chambre
le 19 novembre 1978, je peux dire que cela a apporté un caractère
sérieux, après bien des appréhensions qu'on avait
manifestées lors de l'étude du bill 50.
Particulièrement, j'avais été assez dur pour le
ministre et j'avais demandé que certaines choses soient regardées
de près. Je suis fier, ce matin, de voir qu'ils sont ici pour la plupart
et que la nomination a produit sur l'opinion publique une certaine
crédibilité qui permettra à la commission de continuer
à aller de l'avant.
Je remercie aussi le ministre des documents qu'il a bien voulu nous
transmettre sur les sous-ministres dernièrement. Les salaires des
sous-ministres, on ne les comparera pas aux salaires des députés,
c'est sûr, mais j'ai remarqué que c'étaient des documents
très intéressants dont je vais me servir tout à l'heure
pendant le débat.
Le ministre s'est étendu particulièrement sur
l'élément 1 du budget, sur les nouveaux règlements qu'il
vient de déposer. Je n'ai pas eu le temps de les regarder, sauf que j'en
ai vu un en diagonale, parce que cela va faire mon affaire tout à
l'heure, au sujet de la participation des employés fonctionnaires au
référendum ou aux choses politiques. J'ai eu le temps de regarder
cela en coin et j'en citerai un passage tout à l'heure pour demander
où est le vrai.
Au cours de l'année dernière, nul doute que le dossier
clé du ministère de la Fonction publique a été la
présentation et l'adoption du projet de loi no 50 sur la fonction
publique. On a mené, je pense, une bataille qui a produit des effets. Le
premier projet de loi no 50 a été retiré pour en
présenter un autre. On s'est aussi aperçu que le ministre
lui-même s'est grandement amélioré. Je ne sais pas si c'est
parce qu'on a montré les dents, qu'on est devenu un peu plus pressant,
mais on a dit au ministre: Arrêtez cette arrogance, vous vous faites tort
et vous faites tort à la fonction publique. Il est revenu à de
meilleurs sentiments. Je peux vous dire, M. le Président, que ses
relations publiques sont, avec l'Opposition, parsemées de bonnes
choses.
Cette loi, la loi 50 sur la fonction publique ce sujet qui
était très important n'a rien perdu de son acuité,
surtout dans l'actualité d'aujourd'hui, c'est-à-dire dans les
négociations; bien au contraire, compte tenu du fait, comme l'a dit le
ministre lui-même tout à l'heure, que cette loi vient à
peine d'entrer en vigueur le 1er avril, il y a deux jours.
Nous aurons l'occasion, au cours de l'étude des crédits,
de revoir ce dossier plus en détail, je l'espère,
particulièrement en ce qui concerne la
Commission de la fonction publique dont les pouvoirs ont
été énormément réduits et je vous
dirai pourquoi ainsi que l'Office du recrutement et de la
sélection du personnel de la fonction publique. On semble
détecter un certain diktat du ministre qui veut contrôler, qui
veut gérer, qui veut s'approprier même certaines décisions.
La preuve, il l'a faite tout à l'heure par le dépôt de
certains documents qui n'ont pas été acceptés par lui, qui
devront être révisés.
Ce que je retiens surtout de cette réforme, c'est le changement
de vocation du ministère de la Fonction publique qui est devenu, pour
employer une expression si chère au ministre, le véritable
gestionnaire de la fonction publique. La Commission de la fonction publique est
le tribunal d'appel. On peut, par règlement, en vertu de la loi 50,
premièrement quand il s'agit du ministère qui est gestionnaire,
faire de l'évaluation, du classement, de la promotion, de l'affectation,
de la mutation, du reclassement et même de la rétrogradation.
Quant à l'office, par la loi 50, par règlement, il peut s'occuper
de recrutement, de reclassement, de promotion du fonctionnaire. La commission,
comme tribunal d'appel, règle la sélection au mérite. J'en
avais énormément peur, mais je pense qu'entre les mains de la
commission d'aujourd'hui qui me plaît énormément quant aux
membres qui sont nommés, cela nous donne une certaine garantie.
Cette réforme a suscité beaucoup d'appréhensions de
ma part et de la part de certaines autres personnes, beaucoup
d'inquiétudes surtout de la part des fonctionnaires le ministre
s'en souviendra au printemps dernier, à tel point qu'il n'y a pas
si longtemps nous avions raison de croire que cette nouvelle façon
d'agir compromettrait le succès des négociations dans les
secteurs public et parapublic.
Ce n'est pas terminé, mais c'est en bonne voie. On a
peut-être eu tort mais, d'un autre côté, nous avions des
appréhensions, des inquiétudes. Or, les faits récents
indiquent que ces difficultés ont été aplanies ou, tout au
moins, temporairement mises de côté. Mais n'allez pas croire
à une grande victoire parce que, en 1975-1978, M. Har-guindeguy
s'était vanté d'avoir signé la première convention
et Dieu sait comment cela a été un pilier, une espèce de
convention pilote pour toutes les autres. Et cela peut arriver encore cette
année, que vous signiez avec les fonctionnaires, mais que cela devienne
un point de départ plutôt qu'une fin.
C'est votre collègue, l'honorable ministre des Finances, qui vous
disait ceci: II y a trop de monde dans la fonction publique! Il y a trop de
personnes qui n'y font rien. Il faut réduire les effectifs de 2,5% au
cours des douze prochains mois. Il allait plus loin que cela, il disait: Cela
n'a pas de bon sens. Aussi, le gouvernement a décidé de jouer dur
avec les fonctionnaires. C'est votre honorable ministre qui a dit cela, il n'y
a pas si longtemps. Le message est donc clair, précis et n'endurera pas
de discussions. Québec n'a pas les moyens d'offrir un pont en or aux
fonctionnaires de Québec; c'est vous et moi, les contribuables, qui
allons payer. D'ailleurs, les députés savent très bien que
l'opinion publique c'est encore l'honorable ministre des Finances qui
parlait ne veut plus entendre parler de grèves dans les
hôpitaux ou dans les écoles. On veut la paix! Et c'est ici qu'on
doit, ce matin, essayer de reprendre ces idées pour les passer à
la fonction publique puisqu'on est à l'étude du budget. "En fait,
le Québec est au bout de sa corde. On ne peut plus aller plus loin.
Depuis 20 ans, on a fait des efforts inouïs en énergie, en argent,
pour développer tous les secteurs de notre société et on
est essoufflés. On manque d'argent. Il faut que cela finisse. C'est cela
qu'il faut comprendre". Je pense que je n'ai pas besoin de citer M. Parizeau,
le ministre des Finances, qui a déclaré dans son discours du
budget cette inquiétude qu'il avait envers les négociations
futures.
Les fonctionnaires ont signé les premiers en 1975. Faites
attention, M. le ministre que cela ne soit pas la répétition des
mêmes gestes qui ont eu lieu en 1975-1978. Contrairement à ce
qu'on aurait pu penser, ce n'est pas avec les employés que le
ministère aura des problèmes pour l'application et le bon
fonctionnement de la loi 50, mais c'est au niveau des centres de
décisions supérieurs du gouvernement. Et, là, il sait
à quelle bébelle je fais allusion. C'est avec certains ministres
que vous allez avoir de la misère!
J'aimerais que le ministre nous explique comment il entend coordonner
les activités, premièrement, du ministère de la Fonction
publique qui s'occupe de la gestion du personnel, deuxièmement du
Conseil du trésor qui s'occupe de la détermination des effectifs
de la fonction publique, troisièmement du Conseil exécutif qui
s'occupe de la nomination des sous-ministres et des sous-ministres adjoints et
qui comprend le nouveau groupe dirigé par M. Pierre Martin, ancien
sous-ministre de l'Education, chargé non pas par le ministre de la
Fonction publique, mais chargé par l'honorable premier ministre de
proposer une réforme administrative de l'appareil de l'Etat. (11 h
45)
La question que je me pose et qui me paraît extrêmement
importante, compte tenu que la loi 50 est maintenant en vigueur, est la
suivante: Quelle sera la coordination qui existera entre ces trois centres de
décision? Que vient faire M. Martin? C'est peut-être un homme qui
possède une expérience extraordinaire, mais pourquoi mettre le
ministre de la Fonction publique en sandwich? Je le vois mal réagir
parce que je connais son tempérament. Je sais qu'il est bouillant. Il
est porté à faire certaines déclarations sur la
conciergerie qui ne sont pas trop évaluées par le Conseil des
ministres. D'ailleurs, dans une entrevue livrée au journal Le Soleil, au
cours du mois de février, le ministre lui-même disait ceci, et je
cite: "Des décisions devraient être prises probablement
après les négociations dans les secteurs public et parapublic."
Et c'est un écrit de M. Paul Bennett.
Je crois qu'il est important, à ce stade-ci, avant qu'on entre
dans les détails des différents programmes, que le ministre nous
explique quelles seront ses décisions et pourquoi elles ne peuvent
être prises avant d'avoir terminé les négociations dans les
secteurs public et parapublic. En par-
lant des négociations dans les secteurs public et parapublic,
force est de constater que ce sujet sera sûrement le plus important et le
plus explosif au niveau politique pour le gouvernement au cours de la
présente année financière. Nous avons connu au pouvoir,
nous autres, une convention collective qui nous a fait du mal. Le gouvernement
Bourassa s'est servi de la prison pour venir à bout de certains meneurs,
mais je pense que le ministre a été plus prudent en
commençant il y a quelques mois les négociations qui semblent
vouloir achopper sur certains points, mais qui, malgré tout, ont
dépassé certaines appréhensions.
D'ailleurs, sur ce point, je n'ai que de la sympathie pour le ministre.
Il a admis lui-même, dans le Soleil, que dans ce dossier des
négociations, il avait un rôle ingrat à jouer, de concierge
fatigué. Je n'ai pas besoin, M. le Président, de montrer de
nouveau au ministre cette belle annonce que le Soleil avait enrubannée.
"De Belleval, le concierge fatigué." J'ai lu avec attention tous ces
commentaires et je suis arrivé à une phrase: "A cette
époque, raconte le ministre, Lévesque m'a dit de m'occuper
uniquement de la fonction publique et en priorité de
l'élaboration de la politique salariale parce que je passais "au bat" le
premier. On parle des offres de M. Parizeau, dit le ministre. Ce sont tout de
même des offres qui ont été préparées ici
pour ensuite les appliquer à l'ensemble du réseau. Là
encore, conclut le ministre, sur ce sujet, j'ai fait le concierge plus que les
autres ministres parce que mes offres et je termine servent
maintenant de base à l'ensemble." C'est ce que je disais tout à
l'heure; quand celle-là sera réglée, elle servira
sûrement de base, mais je ne sais pas en équivalence si ce sera en
haut ou en bas. Les difficultés du ministre comme concierge ne sont pas
terminées. Il deviendra ahuri plutôt que fatigué. Je trouve
que cette dernière affirmation du ministre est extrêmement
intéressante, sympathique même parce qu'on est porté
à aimer le ministre, à l'apprécier. Qu'on dise ce qu'on
voudra il a une tangente de compromis qui me convient. Compte tenu des
révolutions très récentes des négociations avec les
36 000 fonctionnaires provinciaux, il y a eu véritablement un pas en
avant.
Au sujet de ces négociations avec les fonctionnaires, je voudrais
retourner un peu dans le passé au mois de septembre 1978. Je m'excuse
auprès du ministre si je cite continuellement des articles de journaux,
mais il semble n'y avoir aucun autre moyen d'obtenir des renseignements
convenables sur le déroulement des conventions collectives, le fameux
comité d'information prévu dans la loi 59 n'ayant même pas
été formé. On est obligé de prendre des articles de
journaux pour suivre. Le ministre ne m'en voudra pas de lui citer cette petite
anicroche en passant, j'aimerais bien que le ministre nous indique si, un jour,
ce comité va prendre vie. Il a été inclus dans la loi
comme protection probablement. Son collègue, M. Parizeau, avait dit: Nos
livres sont ouverts; venez les voir; vous serez à même de juger
par vous-mêmes, de l'opportunité qu'il y a de changer ou d'aller
plus loin. Si je me souviens bien, ce comité devait être
formé, conformément à la loi 59, avant le 1er janvier
1979. On accuse quelques semaines de retard. Je comprends que plusieurs choses
sont sur le métier, mais en passant.
Pour revenir au syndicat des fonctionnaires, je fais
référence à un article de journal du 12 septembre 1978
dans lequel il est dit ceci: "A ce moment, on avait presque finalisé les
clauses normatives, mais on ne s'entendait pas sur le deuxième bloc de
demandes des syndicats concernant les plans de carrière des
fonctionnaires." On s'entendait pour presque finaliser les clauses normatives,
mais concernant les plans de carrière des fonctionnaires, on ne
s'entendait pas. C'est ce que l'article du 12 décembre que j'ai ici
disait. "On a presque finalisé l'entrevue sur les clauses normatives",
disait le ministre le 12 décembre dans un grand article. "Il n'est pas
question de grève générale, hausse des cotisations
syndicales des fonctionnaires de façon à faire mal au
gouvernement, non au public." C'était le 12 septembre, pas le 12
décembre. "On a presque finalisé l'entente des clauses normatives
premier bloc. On ne s'entend pas sur le deuxième bloc, soit sur le plan
de carrière dont l'Etat, se retranchant derrière la nouvelle loi
50 de la fonction publique, considère plusieurs éléments
non négociables. On n'a toujours pas reçu les offres
monétaires de l'Etat bien qu'on les négocie depuis près de
sept mois." C'était le 12 décembre.
Il y avait un autre petit article à ce chapitre. "Les
fonctionnaires réclament, pour ces 27 324 membres classifiés,
fonctionnaires qui gagnent en moyenne $10 500 par année pour une semaine
de 35 heures, des augmentations de 15,5% pour la première année
de la convention, pourcentage inclus." Le reste de la page...
M. le Président, je continue et je reviens au plan de
carrière des fonctionnaires compte tenu du fait que le gouvernement
semblait considérer plusieurs éléments négociables
en vertu de la loi 50. Dans le Journal de Québec de samedi dernier, le
31 mars 1979, on apprenait qu'une entente était imminente entre le
gouvernement et le syndicat des fonctionnaires à la suite de nouvelles
offres du gouvernement présentées comme globales et finales.
Voici les questions que j'aimerais poser au ministre de la Fonction publique
sur ce deuxième sujet d'intérêt public et
général.
Premièrement, est-ce qu'il faut comprendre que ces offres
globales et finales présentées par le gouvernement
répondent aux revendications syndicales en matière du plan de
carrière? Parce qu'il était bien dit ici, dans le petit article,
que pour l'unité des fonctionnaires, les propositions gouvernementales
accordent des augmentations de 10,9% la première année, 3,8% la
seconde et 1,8% la troisième. En dollars, ce sont des montants de $37
millions, $14 500 000 et $4 800 000. Dans le camp des ouvriers, Harguindeguy
soutient qu'environ 11 000 fonctionnaires sur 28 000 ne recevront aucune
augmentation en 1978 dont 9119 dans la catégorie des agents de bureau.
Ma première question est la suivante: Est-ce que le gouvernement
répond aux revendications syndicales
en matière du plan de carrière? Est-il exact que les
dernières offres patronales au niveau salarial comprenaient une
augmentation moyenne de 20,9% pour les trois prochaines années pour les
28 000 fonctionnaires et 24,9% pour les 8000 ouvriers membres du Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec? C'est une bonne question. Est-ce
que c'est vrai? Si ces chiffres sont exacts, le gouvernement aurait
augmenté ses offres initiales de 4,4% pour trois ans, de 16,5% à
20,9%, pour les fonctionnaires et de 2,8% pour les ouvriers, de 23,1% à
25,9%!
Compte tenu du fait, comme nous l'avons précédemment dit,
que les offres faites par la fonction publique, dans la fonction publique,
semblent servir de base à l'ensemble du secteur public et parapublic,
doit-on croire que les augmentations constitueront dorénavant un minimum
ou bien un maximum pour les autres secteurs d'activités dont les
conventions collectives arrivent à échéance à la
fin du mois de juin 1979?
Je n'ai pas besoin de vous citer, puisque l'office n'est pas
formé. Nous allons chercher dans les journaux ce que nous avons lu.
J'aimerais que le ministre nous indique de plus si ces nouvelles offres
salariales comprennent aussi une indexation au cours des première,
deuxième et troisième années de la convention collective.
Il semblerait que, pour la troisième année de la convention
collective, on aurait laissé le choix au syndicat entre les
augmentations prévues et une clause de réouverture de
négociation sur les clauses salariales, mais, nulle part, dans cet
article, est-il question d'indexation du salariat. Comme je le disais tout
à l'heure, cela pourrait peut-être servir de minimum pour les
autres services, les autres fonctionnaires qui sont en négociation pour
leur convention collective.
J'aimerais bien que le ministre nous donne plus de détails
à ce sujet, compte tenu de l'importance de la question de l'indexation
et du fait que les ententes conclues au niveau de la fonction publique
serviraient vraisemblablement de base aux négociations dans les autres
secteurs de l'administration publique et parapublique.
J'arrive au point le plus important, j'en ai saisi le ministre tout
à l'heure, la politisation de la fonction publique. Avant de terminer,
je me dois d'attirer l'attention du ministre sur une autre question tout aussi
importante, qui est celle de la loi 50 sur les négociations de
conventions collectives. Il s'agit, à mon avis, d'un
phénomène général qui affecte le bon fonctionnement
de l'administration publique et qui risque de prendre des proportions
inquiétantes à mesure que nous approchons, premièrement,
du fameux référendum et, deuxièmement, de la prochaine
élection générale. Je fais allusion à cette
nouvelle moralité publique, qu'on décrit comme moralité
politique, qui s'installe, petit à petit, au sein de l'administration
publique. Je prends trois exemples pour illustrer le bien-fondé de cette
inquiétude que je ne suis pas le seul à partager. D'abord, la
déclaration du plus haut fonctionnaire du Québec, M. Louis
Bernard, secrétaire général du Conseil exécutif.
Vers la fin du mois de janvier 1979, M. Bernard invitait les fonctionnaires, et
je le cite "à mieux intégrer la dimension politique de notre
processus décisionnel." Cela ne vient pas de l'importe qui. On sait
quelle allégeance il avait avant d'aller au Conseil exécutif; il
était très proche d'un ministre. Il disait, entre autres, ceci:
"Le fonctionnaire doit être ouvert à la réalité
politique, confiant dans le processus démocratique et faisant
équipe avec les dirigeants élus dans le but d'assurer à
tous les Québécois les services publics et les instruments de
développement dont ils ont besoin." Dans le Soleil du 24 janvier 1979,
grande conférence de M. Bernard sur la fonction publique et sur les
avantages qu'il y aurait pour les fonctionnaires de faire de la politique. Ce
n'est pas tout, je continue. Dans son allocution, M. Bernard faisait mention de
plusieurs développements récents qui vont dans le sens d'une
collaboration plus étroite entre l'homme politique et le fonctionnaire.
Il mentionne, entre autres, les nouvelles structures du Conseil
exécutif, avec les ministres d'Etat, les tournées
ministérielles sur les projets de loi ainsi que le développement
du cabinet ministériel, où l'on joue un rôle assez
évident au point de vue politique et partisan.
Deuxième remarque: Sur ce point des cabinets ministériels,
dans un article du 20 janvier dernier, le journal La Presse, sous la plume
très recherchée de Lysiane Gagnon je n'ai pas besoin de
vous dire qu'elle a fait une épopée assez extraordinaire a
fait des recommandations qui pourraient peut-être, si le ministre ne les
avait pas vues, attirer son attention comme moi-même, j'ai gardé
cela dans mes dossiers comme un précieux document. Qu'est-ce qui arrive?
Mlle Lysiane Gagnon nous parlait de ces fameux cabinets ministériels et
de la structure partisane mise sur pied par le gouvernement pour le
référendum. (12 heures)
Je cite quelques passages de cet article. Mais avant de citer, je
voudrais vous dire que les ministres, dans chacun des ministères de la
province, m'ont remis officiellement, en Chambre, la liste de tout ce personnel
qui a été ajouté. Il y en a que c'est douze, il y en a que
c'est quinze, il y en a que c'est six, il y en a que c'est huit. J'ai cela en
main, si le ministre veut les avoir; vous pourrez les retrouver au 21
décembre, dans la réponse à certaines questions que j'ai
posées. Je dirai, par exemple, que les salaires sont de $29 000 à
$54 000 pour plusieurs. Cela commence à être une bonne
organisation bien ferrée, surtout un nid bien chaud pour certains
partisans qui vont réchauffer le ministre, probablement de très
près.
Mlle Gagnon, puisque c'est elle dont il est question actuellement,
disait ceci: Consacrant formellement et amplifiant un système qui
existait déjà, soit la liaison entre le gouvernement et le parti,
système qui a été considérablement critiqué
sous le régime libéral, le gouvernement Lévesque a
instauré la structure partisane des agents de liaison chargés de
faire le lien entre l'administration publique, le parti, les régions,
les clientèles cibles, bref, de s'occuper des intérêts
électoraux du PQ avant le référendum.
Ce n'est pas moi qui le dis. Le ministre pourra peut-être me taxer
de répéter, d'être le perroquet, mais, devant des allusions
qui sont aussi significatives, je pense que le ministre peut non seulement
entendre, mais peut-être comprendre la portée de ces critiques.
Cette structure a été aménagée sous la direction de
l'ex-chef de cabinet du ministre Jocelyne Ouellette, M. Bertrand
Bélanger, muté depuis au bureau du PM. Il y a actuellement un
agent de liaison dans l'entourage immédiat de chaque ministre. Il y en a
sept au bureau du premier ministre, tous payés par les fonds publics.
Mlle Gagnon, qui a fait des recherches, dit au ministre aujourd'hui:
Halte-là! on commence à comprendre que vous faites de la
partisanerie à un haut degré.
Leur rôle, dit-elle, pour l'instant, est un peu flou. C'est dans
la Presse du 20 janvier 1979 et je pourrais vous citer des extraits pour le
notaire Yves Gauthier, une recrue qui connaît bien le tabac; Robert
Normand, un poste stratégique; Michel Carpentier, le projet collectif
à plein temps. Mais, madame, il y a une critique contre le ministre qui
est assez... Je crois que le ministre ne l'a pas lue. S'il l'avait lue, il
aurait déjà répondu ce matin à toute cette critique
qu'on fait. En tout cas, M. le Président, je lui fais part de la bonne
volonté qu'il a de nous donner tous les renseignements. Mais est-ce
qu'on peut imaginer qu'actuellement, il y a un agent de liaison à chacun
des ministres, qu'il y en a sept au bureau du premier ministre, simplement
comme agents de liaison, qui sont payés en vertu des budgets, des taxes
qu'on impose au peuple? Pour servir quoi et qui? Un parti politique qui fait
seulement de la propagande actuellement, qui va devant le peuple pour lui dire:
Ecoutez, ne vous énervez pas, il n'y a rien de dangereux, on a des
agents de liaison partout qui vont vous expliquer tout cela. Le bon nanan qu'on
vous promet avec la souveraineté-association, vous allez y goûter,
vous allez l'avaler, vous n'en aurez presque pas connaissance. C'est
payé avec l'argent de l'Etat, avec l'argent des taxes.
Maintenant, pour revenir à l'autre chose, M. le Président,
qui est très importante, j'aimerais bien savoir du ministre quel
rôle peuvent bien jouer ces nombreux agents de liaison payés
à même les fonds publics qui semblent vouloir donner à la
partisanerie, ses plus belles lettres de noblesse.
Enfin, troisième exemple qui me porte à croire qu'on se
dirige vers une politisation de la fonction publique, c'est à la suite
de l'allégation du ministre de la Fonction publique qui a laissé
entendre que les employés de l'Etat pouvaient participer à la
campagne référendaire et qu'il s'engageait à se pencher
sérieusement avec ses collègues sur cette question, de
façon à être en mesure d'émettre des directives plus
précises sur ce sujet à l'approche du référendum.
Est-il dans l'intention du ministre de nous présenter un code
d'éthique pour les fonctionnaires pour le référendum et
comment entend-il concilier cette participation partisane avec le code
d'éthique de la fonction publique qui fait référence
à la fonction de discrétion ou de réserve que doit avoir
tout fonctionnaire en matière politique?
Je vois ici, M. le Président, à la page 2, les devoirs de
service public. Le membre du personnel de la fonction publique doit accomplir
son service avec désintéressement et impartialité. Je vais
un peu plus loin au paragraphe 9: Dans l'accomplissement de son service, le
membre du personnel de la fonction publique doit faire preuve complète
de neutralité politique. C'est vous qui me donnez cela. Les membres du
personnel de la fonction publique doivent, lors d'une élection
fédérale ou provinciale, s'abstenir il n'est pas question
de référendum de tout travail partisan, depuis
l'émission d'un bref d'élection fédérale ou
provinciale, selon le cas, jusqu'à la date du retour d'un tel bref.
Onzièmement écoutez bien, M. le ministre En
tout temps, le membre du personnel de la fonction publique doit faire preuve de
la réserve qu'impose son poste dans la hiérarchie lors de la
manifestation publique d'opinion politique.
Donc, on n'a pas le droit d'assister à des assemblées. On
n'a pas le droit d'être "sur le théâtre". On n'a pas le
droit d'être dans l'assemblée même. C'est un geste
posé, ce matin, dans un document qui s'intitule: Règlements
relatifs aux normes de conduite, de discipline de la fonction publique aux
relevés provisoires des fonctions. C'est vous qui me l'avez remis ce
matin.
Je me demande si c'est dans l'intention du ministre d'établir un
code d'éthique spécial? Parce qu'il a fait certaines
déclarations qui, à mon sens, mériteraient qu'on les cite.
D'après le ministre, cela vaudrait moins que les sous-ministres qui
travaillent à un niveau où la politique et le travail
d'administration se compénètrent. Quant au ministre, il offrirait
sa démission au prochain gouvernement si le PQ devait être
défait aux élections et il trouverait normal que les
sous-ministres s'attendent à être relevés de leurs
fonctions en pareil cas, tant il est important qu'ils soient sur la même
longueur d'onde que leur ministre respectif.
M. de Belleval: Ce n'est pas moi.
M. Bellemare: Non, ce n'est pas vous, c'est une
déclaration faite par Mme Claire Bonenfant.
Ce n'est pas vous en titre, mais c'est peut-être vous
intelligemment dans votre mémoire, parce que connaissant le ministre,
pour ce qu'il a été et ce qu'il est, je sais que la
stratégie est loin d'être néfaste à son parti. Je
pense qu'il faudra qu'entre ce qui est dit dans le règlement qui nous
est déposé ce matin et le code d'éthique professionnelle,
on sache véritablement... On a destitué dans la province de
Québec des gens qui avaient signé le bulletin de
présentation d'un candidat. On a destitué, je me souviens de
certains cas bien précis, des gens parce qu'ils avaient signé le
bulletin de présentation d'un candidat élu et même d'un
candidat à venir.
Aujourd'hui, est-ce qu'on a le droit d'aller dans les assemblées
publiques, oui ou non? Est-ce qu'un fonctionnaire a le droit d'accepter
d'être recenseur, d'être au bureau de scrutin comme scrutateur?
Est-ce qu'on a le droit, oui ou non? Il y a certaines écoles qui ont
prétendu que oui. Il y a
d'autres écoles qui ont dit non, "non licet", ce n'est pas
permis. Si vous faites cela, monsieur, surtout si vous appartenez à un
parti différent du mien, vous allez sauter. Est-ce que, d'après
le ministre, avec la prise du pouvoir du Parti québécois, c'en
est fini de la neutralité de la fonction publique, que le gouvernement
s'apprête à une mobilisation générale de la fonction
publique pour le référendum? Le ministre va me répondre:
II n'est pas question de cela. Le député de Johnson cherche des
poux ce matin pour essayer de me faire des peurs épouvantables. Non,
c'est moi-même qui ai écrit, le 6 décembre 1978, au
président des élections: "La présente est pour vous
demander si des fonctionnaires de l'Etat pourront participer à la
campagne référendaire. Présentement, la Loi du
ministère de la Fonction publique ne permet pas à un
fonctionnaire de s'occuper d'élection. Avec mes remerciements, M. le
Président, pour la bonne attention que vous apporterez à la
présente, je vous prie d'agréer, cher monsieur, l'expression de
mes sentiments distingués".
Je vais voir sa réponse qui est datée du 21 février
et qui me dit ceci j'ai pris mes précautions parce que c'est
très important "Conclusion. En conclusion, je suis d'avis que les
fonctionnaires peuvent se livrer à un travail de partisan politique
à l'occasion d'un référendum pourvu que ce soit en dehors
de leurs services, et pourvu que ce référendum n'ait pas lieu en
même temps qu'une élection".
C'est le témoignage du président des élections.
Avec plusieurs "considérant", il dit: Oui, pourvu que ce ne soit pas sur
le temps du travail et que ce ne soit pas pendant une élection. Il a le
droit de s'occuper du référendum. Est-ce que le ministre partage
cette opinion aujourd'hui? Le ministre est-il prêt à nous dire que
tous les fonctionnaires auront le droit de s'occuper du
référendum? Publiquement? N'y aura-t-il pas une clause, dans le
Code d'éthique professionnelle dont il est question de faire la
refonte?
Ce sont là, M. le Président, des questions sur lesquelles
nous devons nous pencher très sérieusement et qui méritent
des éclaircissements assez vigoureux de la part du ministre dans
l'étude de chacun des programmes qui vont nous être soumis.
Merci.
Le Président (M. Blank): M. le ministre. M. Denis de
Belleval
M. de Belleval: Oui, M. le Président, merci. Je pense
qu'en politique, il doit y avoir un adage anglais qui s'applique plus
qu'ailleurs et qui veut que "the proof of the pudding is in the eating". Cela
s'applique particulièrement quand, après une douzaine
d'années dans la Fonction publique, on se voit projeter non seulement
député, mais ministre et ministre de la Fonction publique. Il y a
une transition à faire et je suis certain que mes collègues ici
savent l'apprécier.
Le député de Johnson a souligné que de ce point de
vue certaines des appréhensions, certains des problèmes qui ont
été soulignés durant les deux premières
années doivent être vus maintenant sous un éclairage
nouveau. Il faut bien voir qu'en ce qui concerne la fonction publiaue et la Loi
de la Fonction publique je veux terminer sur ces deux points, la loi et
les négociations je ne suis pas le premier ministre de la
Fonction publique à vouloir faire des changements de ce
côté. Plusieurs ministres qui m'ont précédé,
tant de l'Union Nationale que du Parti libéral d'ailleurs, auraient
voulu procéder à un certain nombre de changements fondamentaux
qui paraissaient nécessaires compte tenu de l'évolution du
Québec et de l'évolution d'une fonction publique moderne.
Au fond, pour ceux qui connaissent bien l'histoire de ces
réformes qui n'ont pas eu lieu, on sait la raison pour laquelle
finalement cela n'a pas pu être fait soit sous M. Masse, soit sous M.
Garneau, soit sous M. L'Allier, par exemple. C'est sûr qu'on touche
à un aspect délicat de nos institutions, je dirais, politiques;
aussi les urgences politiques qu'on retrouve un peu partout dans un
gouvernement se prêtent assez mal à donner une haute
priorité à un dossier qui est toujours litigieux, difficile,
délicat, qui peut donner lieu à des controverses et qui ne
paraît pas d'une première urgence dans l'opinion publique.
Là-dessus, j'ai pensé que si c'était, au fond, la
dernière chance qu'un gouvernement avait pour longtemps de
procéder à une réforme de la fonction publique et de
refaire la Loi de la Fonction publique, c'était de saisir le taureau par
les cornes et de le faire, le plus tôt possible, dès le
début du mandat du gouvernement, sinon, là encore, on manquerait
une occasion et probablement que cette fois-là on la manquerait pour
longtemps et que les fonctionnaires, en particulier, en tout cas ceux qui
étaient le plus au fait de la question, seraient
découragés définitivement de ce point de vue-là et
cesseraient de conseiller leur ministre respectif ou leur gouvernement
respectif. (12 h 15)
J'ai voulu le faire. Je pense, comme ancien fonctionnaire, que
j'étais en mesure d'évaluer, peut-être davantage que
d'autres, l'opportunité du contenu. J'avoue qu'en ce qui concerne
l'opportunité sur le plan proprement politique, je ne me suis pas
attardé trop longtemps parce que, comme les autres, je pense que je
n'aurais rien fait. Effectivement, il y a des dangers politiques à cela;
les collègues qui m'ont précédé l'ont perçu
et ils n'ont pas eu besoin d'une grande argumentation, de la part des premiers
ministres du temps, pour finalement mettre les projets de réforme qu'ils
avaient sur le brûleur d'en arrière comme on dit.
Le premier ministre m'a appuyé jusqu'au bout, il m'a
appuyé même jusqu'à l'occasion d'un incident
désagréable pour tout le monde, qui a été
l'occupation du parlement, et nous avons effectué la réforme en
question, du moins sur le plan légal; nous avons adopté la loi.
Je pense que cela a été un baptême assez difficile pour
celui qui a dû faire cela après, comme je l'ai dit, dix ans de
fonction publique, qui n'a que quelques mois pour se retourner pour appprendre
ce que c'est que la
politique, d'une certaine façon. On l'apprend comme
fonctionnaire, mais c'est une autre chose de l'apprendre de l'autre
côté de...
M. Bellemare: Surtout dans un cercueil!
M. de Belleval: ... la patinoire. Mais j'avoue que,
jusqu'à maintenant en tout cas, j'aime l'expérience et je pense
que le pouding n'est pas si mauvais maintenant qu'on commence à le
déguster.
Cela m'amène aussi aux négociations et aux relations avec
les syndicats de fonctionnaires. Je pense que, de ce point de vue-là
aussi, j'ai été étrenné assez vite. On se
rappellera la fameuse protestation sur les frais de voyage et ensuite, bien
sûr, sur la loi 53, la loi 50, le début des négociations.
Le député de Johnson citait certains articles de journaux qui
étaient plutôt incendiaires de ce côté-là. On
se préparait à des grèves, au moins des grèves
tournantes, etc. Ma position, depuis le début, a été de ne
pas chercher une politique d'affrontement avec le syndicat des fonctionnaires,
avec aucun syndicat en particulier. J'ai même, à l'occasion,
plutôt préféré répondre d'une façon
relativement neutre, assez technique, en faisant les comparaisons qu'il
fallait, en utilisant l'argumentation logique qu'il fallait, mais en n'essayant
pas d'exacerber les passions et en ne prêtant pas de motifs aux
oppositions. Je pense que, dans un sens, cette politique-là aussi, ce
pouding-là, est en train de maturer et de porter des fruits. Je pense
qu'on voit aussi que c'est une politique qui, peut-être à court
terme, semble déconcertante mais à un peu plus long terme donne
des résultats. Les représentants syndicaux, dans la fonction
publique, j'ai réussi à maintenir avec eux les canaux ouverts et,
en ce qui concerne les négociations avec les fonctionnaires, nous en
arrivons à un règlement au cours de négociations
où, comme je l'ai dit, j'ai maintenu le profit le plus neutre possible
et le plus silencieux possible, pensant que c'était la meilleure
politique. Evidemment, cela amène une certaine frustration qui donne
lieu parfois à certains titres dans les journaux, des titres qu'on ne
fabrique pas toujours nous-mêmes d'ailleurs, mais auxquels on peut donner
lieu, légitimement ou non.
Je pense que, dans l'ensemble, comme je l'ai dit, l'important est le
résultat et nous en arrivons à de bons résultats. Pour
répondre, à ce point de vue, au député de Portneuf,
je pense que la meilleure garantie d'une réforme dans la fonction
publique, ce ne sont pas des prises de position fracassantes, ce ne sont pas
des conférences de presse qui ouvrent de grands horizons nouveaux, qui
appellent des projets, quand on sait, en fait, dans ce domaine, qu'ils ne
peuvent pas se matérialiser avec le même point de vue dramatique
ou le même aspect dramatique que celui qu'on retrouve dans d'autres
politiques. Quand on fait une réforme qui porte, par exemple, sur le
zonage des terres agricoles, c'est quelque chose de dramatique, c'est quelque
chose de concret, c'est quelque chose qui donne lieu à une loi
précise et à des gestes précis.
Quand on parle de quelque chose qui s'appelle l'amélioration de
la gestion du personnel dans la fonction publique, l'amélioration de
l'efficacité de l'appareil administratif, l'humanisation de l'appareil
administratif, l'amélioration, entre autres, des plans de
carrière des fonctionnaires, on sait que, de ce point de vue, cela ne se
décrète pas par une loi, par une conférence de presse, par
des grandes déclarations d'intention. Cela se fait d'abord à
partir d'un instrument législatif qu'il fallait avoir. Il fallait
d'abord avoir un responsable. Et cela se fait ensuite au jour le jour,
évidemment, par des documents qui ont l'air rébarbatif à
première vue, mais qui tracent des cadres bien précis, qui ont un
contenu pédagogique très précis et, pour les
spécialistes de la question, qui veulent dire quelque chose de ce point
de vue sur le plan de la pédagogie de leurs fonctions et sur le plan de
leur mission à eux. C'est à travers tous ces documents qu'on
retrouve, dans le concret, ce que, finalement, au jour le jour, on doit faire
pour améliorer notre potentiel humain, insuffler un certain
enthousiasme, parce que rien ne se fait dans ce domaine sans un état
d'esprit, sans un certain enthousiasme.
Je pense que nous avons réussi à le faire, au fond; d'une
façon discrète, mais nous avons réussi à le faire.
J'en prenais pour témoignage tantôt la bonne centaine de
fonctionnaires un peu partout, dans une quinzaine de ministères, qui ont
participé à cette première élaboration de
règlements et qui admettent eux-mêmes que leurs propres fonctions
s'en trouvent revalorisées et les perspectives d'avenir s'en trouvent
revalorisées. C'est à partir de cette base solide qu'on va
construire petit à petit et qu'on construira non pas à partir du
ministère, mais avec tous les ministères ensemble. Cela n'a
peut-être pas le caractère flamboyant d'autres aspects des
réformes que le Parti québécois a mises en place depuis
deux ans, mais je pense qu'à long terme, c'est quelque chose qui
constituera comme je l'ai dit tantôt un acquis, un
patrimoine public qui ira au-delà du gouvernement actuel, qui ira
au-delà du ministre actuel et sur lequel tous mes successeurs pourront
bâtir éventuellement. C'est cela, au fond, la philosophie que j'ai
voulu mettre en place depuis deux ans et je m'y suis tenu du mieux possible,
comme je l'ai dit, avec aussi les frustrations que cela comporte parfois sous
certains aspects.
En ce qui concerne un certain nombre de questions qu'a posées le
député de Johnson, cela rejoint l'entrée en matière
peut-être la deuxième entrée en matière
que je viens de faire. C'est, entre autres, ce que sera la place du
ministre de la Fonction publique et du ministère de la Fonction publique
dans l'ensemble du dossier de la gestion politique du gouvernement.
Il y a, entre autres, ce que j'ai appelé l'arrimage entre le
ministère de la Fonction publique, le Conseil du trésor et le
Conseil exécutif qui doit maintenant survenir. On a créé
un ministère, un vrai ministère cette fois-ci. Le Conseil du
trésor a conservé des fonctions résiduelles de ce
côté-là qui sont liées à l'approbation de la
politique budgétaire comme telle, le niveau des effectifs
et le classement des postes supérieurs. Même dans ce
domaine d'ailleurs, déjà le ministère de la Fonction
publique participe directement aux travaux qui touchent ces deux aspects. On
l'a vu en particulier dans le cas de la réduction des effectifs de 2,5%,
dans la méthode qui sera employée pour effectuer cette
révision qui doit viser autrement qu'à supprimer des postes
vacants, c'est-à-dire des postes non remplis, qui sont
déjà vacants ou qui deviendront vacants durant l'année,
mais qui doivent constituer une occasion pour les ministères de faire la
revue de leur structure administrative, de faire la revue des ressources
humaines qu'ils ont à leur disposition pour effectuer cette fonction
plutôt que d'agir d'une façon que j'appellerais bête et
méchante, c'est-à-dire tout simplement aller au plus facile et
annuler des postes qui ne sont pas remplis pour réduire un effectif
globalement, mais sans toucher vraiment au coeur de l'utilisation de leurs
ressources.
M. Bellemare: Le ministre croit sincèrement qu'il sera
capable d'enlever 6000 postes cette année.
M. de Belleval: 2,5%, ce n'est pas 6000 postes. Sur 70 000
employés, cela donne 3500 postes environ. Oui, parce que, entre autres,
le taux de roulement dans la fonction publique est d'environ 5% et je pense
que, pour une première étape, 2,5% est une étape qui
m'apparaît prudente et qui donnera lieu, là encore, à la
mise sur pied d'un processus, d'un état d'esprit, à savoir
remettre en question la façon dont on gère des ressources. Une
fois qu'on aura cet esprit, une fois qu'on aura appris le jeu de ce que veut
dire une ponction d'effectifs qui va au-delà comme je l'ai dit
de la simple abolition de postes non remplis, mais qui remet en cause le
stock existant, à partir de cela on va pouvoir continuer dans les
années à venir.
M. Bellemare: Est-ce que le ministre sera prêt...
M. de Belleval: Cela aussi est un bon exemple du fait...
M. Bellemare: ... à accepter, l'année prochaine
quand on reviendra, de nous donner le véritable chiffre?
M. de Belleval: Oui, on va le faire. M. Bellemare: Oui,
vous allez l'avoir.
M. de Belleval: D'ailleurs, je ne me fais pas d'illusion. Le
député de Johnson sera le premier à me demander le
chiffre.
M. Bellemare: Ah!
M. de Belleval: D'ailleurs, dans les documents que vous avez,
vous avez l'évolution de ces chiffres dans les quatre dernières
années. Vous verrez que déjà, l'an dernier, on avait
commencé à serrer le robinet d'une façon assez importante.
Mais cet arrimage, comme j'ai dit, du ministère de la Fonction publique
avec les deux autres grands secteurs va se faire, je pense, très
bientôt et non pas, comme il est mentionné dans l'article du
journal, après les négociations collectives en vigueur,
c'est-à-dire après toute la ronde des négociations, en
particulier avec le front commun, mais dans les semaines qui viennent. Fort
probablement, nous mettrons sur pied un groupe de travail sur la réforme
administrative qui s'occupera de l'ensemble de la structuration de l'appareil
administratif du gouvernement, conjointement avec le Conseil du trésor,
le Conseil exécutif et le ministère de la Fonction publique.
Au niveau des fonctionnaires, le sous-ministre de la Fonction publique
sera placé au même niveau que le secrétaire du Conseil du
trésor et le secrétaire du Conseil exécutif et, au niveau
ministériel, il en sera de même en ce qui concerne le ministre de
la Fonction publique, le premier ministre et le président du Conseil du
trésor. En pratique, comme on le sait, compte tenu des fonctions du
premier ministre et du président du Conseil du trésor, c'est de
toute évidence, là encore, sur le ministre de la Fonction
publique qu'on comptera pour donner l'orientation et la stimulation au jour le
jour aux travaux de cette commission ou de ce comité.
A partir de cela, je pense que le ministère de la Fonction
publique servira certainement de cheville ouvrière de l'ensemble des
opérations en cette matière. Pour ce qui concerne le contenu des
négociations, je m'abstiendrai de fournir les renseignements que m'a
demandés le député de Johnson relativement au contenu
même des offres parce que il comprendra lui-même
actuellement il y a des négociations qui ne sont pas encore
terminées, il n'y a pas encore d'accord de principe et je ne peux pas
préjuger du résultat des négociations qui sont encore en
cours actuellement et qui se dérouleront de façon intensive
durant les prochains jours, qui devraient aboutir, je le crois, dans le cours
de la semaine prochaine, compte tenu de l'échéancier que les deux
parties se sont elles-mêmes donné.
M. Bellemare: On ne parle pas de dévoiler, on demande
simplement de dire si oui ou non l'augmentation de 4,4% est vraie?
M. de Belleval: Si je donne une réponse à la
question que vous me posez...
M. Bellemare: C'est dans les journaux.
M. de Belleval:... automatiquement, je donne une
réponse...
M. Bellemare: Cela ne vient pas de l'office d'information.
M. de Belleval: ... je donne un contenu et je pense que ce n'est
pas productif de faire cela à ce moment-ci, au moment où il y a
des discussions très importantes qui se déroulent, et vous
savez
comme c'est crucial les discussions de dernière minute quand on
règle une convention collective. D'ailleurs, le comité
d'information auquel vous faites référence, je pense qu'il se
justifie d'autant plus par les questions mêmes que vous posez. Ce
comité d'information, qui vient de la loi 59, ne s'applique pas
cependant aux négociations qui avaient été entreprises en
vertu des conventions collectives qui venaient à échéance
en juin 1978, mais celles qui viennent à échéance en juin
1979.
M. Bellemare: C'est à 44.
M. de Belleval: On se rend compte que ce comité sera utile
en temps et lieu pour les négociations qui viennent à
échéance.
M. Bellemare: II n'est qu'en retard. Il va être
formé pareil.
M. de Belleval: C'est le ministre du Travail, par le truchement
du juge en chef du Tribunal du travail, qui est responsable de la mise sur pied
de ce comité, par conséquent, je m'abstiendrai de faire des
commentaires plus avant là-dessus.
M. Bellemare: La loi est là.
M. de Belleval: II reste que la loi est là et qu'il doit
être formé éventuellement. Je pense que le genre de
questions que vous posez illustre bien l'utilité d'un tel comité
en temps et lieu. Quant au cabinet politique, je pense que la loi 50, de ce
côté, apporte une réforme importante puisqu'elle met une
frontière étanche que n'avait pas l'ancienne loi entre le
personnel politique et la fonction publique régulière.
C'est-à-dire que, désormais, il ne sera plus possible
d'accéder à la fonction publique dans un poste permanent en
passant par un poste dans un cabinet politique. Les fonctionnaires, ou, enfin,
le personnel qui entrera dans un cabinet ministériel à l'avenir,
n'aura plus la permanence automatiquement au bout d'un mois et ne pourra plus
être admissible à un poste permanent à la fonction
publique. Il sera sur le même pied que le ministre à ce point de
vue, il entrera et il partira avec le ministre à moins que, par les
mécanismes réguliers de l'office de sélection du
personnel, il postule un poste dans la fonction publique et se voie accorder un
tel poste à la suite d'un concours comme tout le monde. (12 h 30)
Je pense que c'est une réforme importante aussi, qui met une
meilleure frontière entre les cabinets politiques et la fonction
publique et qui contribue à dépolitiser la fonction publique. Sur
la relation entre le fonctionnaire et le politique de ce côté, je
pense que M. Bernard a fait à ce sujet un exposé très
classique, d'ailleurs, et très correct en ce sens qu'il est normal que
la fonction publique soit au fait des processus politiques, du processus de
décision politique, mais qu'elle conserve, par ailleurs, à
l'égard de ce processus et à l'égard de ces contenus,
toute la réserve qu'elle doit conserver et qu'elle conserve la
liberté de conseiller le gouvernement et le ministre à partir de
sa compétence propre qui est essentiellement une compétence
technique.
De ce point de vue, je ne crois pas que la loi 50 ou que le gouvernement
actuel change les pratiques qui, là encore, constituent l'acquis de
plusieurs gouvernements qui nous ont précédés, à
savoir cette meilleure séparation des choses entre la fonction publique
et le pouvoir politique. Cela constitue encore un acquis sur lequel il s'agit
tout simplement de continuer de construire et d'amplifier, s'il le faut.
M. Bernard, dans son article, si vous l'aviez cité au complet,
dit très bien d'ailleurs, malgré certains commentaires qu'on a pu
entendre, insiste beaucoup sur le fait que la nouvelle façon de
fonctionner du gouvernement, de ce point de vue, c'est-à-dire
l'implication des députés dans toutes sortes de travaux
ministériels, la place même des cabinets politiques, surtout dans
le contexte de la loi 50, devrait au contraire rendre les fonctionnaires
beaucoup plus libres vis-à-vis du pouvoir politique, dans le sens qu'ils
seront en mesure de conseiller le gouvernement d'une façon encore plus
ouverte, d'une façon encore plus franche, tout en tenant compte, comme
je l'ai dit, c'est normal, du contexte social et politique dans lequel ils
oeuvrent. Ils n'oeuvrent pas dans une entreprise privée, ils oeuvrent
dans un système politique et, s'il leur manque les perceptions minimales
de ce côté, il leur manque une partie de leur
compétence.
M. Bellemare: M. le Président, est-ce que le ministre
pourrait garder le reste de ses réponses pour cet après-midi?
Parce qu'à 13 heures, nous avons un caucus et il faut aller manger.
Le Président (M. Blank): II n'y a pas de séance cet
après-midi, demain matin.
M. Bellemare: II n'y a pas de séance, il y a trois
commissions.
Le Président (M. Blank): Pas celle-là. Une Voix:
Demain matin.
M. Bellemare: Mais vous suspendez les travaux à trois
heures?
M. Pagé: Le programme de la semaine, c'est que la Chambre
siège cet après-midi.
M. Bellemare: Oui, je l'ai ici.
M. de Belleval: Je pense qu'on reprend demain matin, à 10
heures.
Le Président (M. Blank): Demain matin, à 10
heures.
M. Pagé: Demain matin, à 10 heures, ici.
M. de Belleval: Oui. J'espère que la température
sera plus clémente, à ce moment, pour le député de
Portneuf.
M. Pagé: Ne soyez pas inquiet, on va être ici,
préparez-vous.
M. Bellemare: ... prenez vos précautions, je ne pense pas
que vous ayez à vous plaindre.
M. Pagé: On a été sage, ce matin. M.
Bellemare: Cela a été très calme.
Le Président (M. Blank): La commission de la fonction
publique ajourne ses travaux sine die.
Fin de la séance à 12 h 34