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(Quinze heures quarante minutes)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La séance de la commission des institutions est maintenant
ouverte. Je rappellerai notre mandat qui est d'entendre à nouveau cet
après-midi la Commission des droits de la personne dans le cadre du
mandat d'examen des orientations, des activités et de la gestion de cet
organisme, mandat que nous nous sommes déjà donné.
J'inviterais d'abord les membres de la commission à faire
quelques remarques préliminaires s'il y en a. De mon côté,
je voudrais simplement souhaiter la plus cordiale des bienvenues à
l'équipe de la Commission des droits de la personne ainsi qu'à
son président. Depuis notre dernière rencontre, nous avons eu des
séances de travail à huis clos si l'on veut - ces séances
de travail sont à huis clos généralement - et nous avons
déjà discuté entre nous.
Le but de la rencontre de cet après-midi est double: d'une part,
vous permettre peut-être de décanter un petit peu toute la
période d'audience durant laquelle plusieurs groupes et organismes nous
ont fait connaître leurs points de vue et permettre à la
commission de réagir avec un certain recul sur les commentaires ou sur
les points de vue qui ont été avancés et surtout en ce qui
concerne, encore une fois, l'avenir de la commission. D'autre part, on veut
permettre aux membres de la commission qui ont, dans bien des cas, certaines
préoccupations particulières de discuter avec vous sur ces
préoccupations et sur des hypothèses de recommandations qui
pourraient être déposées à l'Assemblée
nationale et, sait-on jamais, qui courraient être retenues par le
ministre de la Justice ou par l'Assemblée nationale dans le cadre d'un
projet de loi.
Donc, il y a une double utilité à cette rencontre de
l'après-midi. Je vous invite à être tout à fait
à l'aise. D'ailleurs, je pense que la salle dans laquelle nous nous
trouvons se prête fort bien à des échanges directs,
cordiaux et tout simples.
Sans plus tarder, je vous inviterais, M. le président... Je crois
comprendre que vous avez certaines remarques préliminaires et je vous
invite à présenter, bien sûr, les membres de
l'équipe qui vous accompagnent et de bien vouloir nous faire les
remarques préliminaires que vous jugez bon de porter à notre
attention.
Exposé du président de la Commission des
droits de la personne
M. La chapel le (Jacques): M. le Président, je tiens
à vous remercier de même que les membres de cette commission de
nous recevoir à nouveau. Je pense qu'il s'imposait qu'on revienne devant
vous justement après les discussions que nous avons eues la
dernière fois, comme vous le mentionnez, parce que effectivement tout
cela nous a permis de décanter ce qui a été dit. Il y a,
bien sûr, des réflexions que nous avons faites à la
commission et je pense que c'est intéressant de revenir devant vous,
d'autant plus qu'il y a des sujets qui n'ont pas été
abordés. On s'était laissés au dernier instant en disant:
il faudrait bien revenir sur telle ou telle question. Je pense qu'il s'impose,
avant que vous puissez faire des recommandations, qu'on reprenne à
nouveau certaines de ces discussions.
Bien sûr, avant de vous donner quelques remarques et
peut-être pour faire le lien avec ce qui a été dit et
certaines réflexions qu'on a eues, je voudrais vous présenter les
personnes qui m'accompagnent, soit à ma gauche, Mme Nicole Duplé,
commissaire à la Commission des droits de la personne, Mme Hector
également, commissaire à la Commission des droits de la personne,
M. Mayer-Lévy, commissaire, Mme Louise Caron, directrice des programmes
d'accès à l'égalité, Mme Sainte-Marie, directrice
des communications, M. Normand Dauphin, directeur des bureaux régionaux,
Jacques Bergeron qui est en arrière de moi, M. Marc Bilocq, directeur du
bureau de Québec et également, Mme Patry-Buisson qui est membre
de la Commission des droits de la personne et qui est, entre autres,
présidente du syndicat.
Alors, je pense qu'on reprend un peu le débat où on
l'avait laissé la dernière fois. Je dois vous dire qu'à la
Commission des droits de la personne on a longuement scruté ces
mémoires. On s'est sentis interpellés également par les
mémoires qui ont été présentés devant vous.
On a mis ensemble la réflexion des commissaires, des employés de
chacune des directions. Tout le monde a eu l'occasion de prendre connaissance
de tous ces mémoires de même que des débats et des
échanges qu'on a eus avec vous. Donc, c'est après plusieurs mois
de réflexion qu'on vient devant vous avec certaines idées et nous
espérons qu'on pourra vous faire connaître de façon assez
précise les opinions de la commission, quoique nous soyons aussi, je
dois le dire, dans une époque de réflexion. Comme je vous l'ai
déjà mentionné, la Commision des droits de la personne a
mis en place un processus de planification triennale de ses orientations et, le
15 avril prochain, on doit statuer sur les orientations de la Commission des
droits de la personne pour les prochaines années. Donc, les discussions
qu'on a actuellement, je dois vous le dire, sont véritablement au coeur
de nos préoccupations. Tout au cours de l'année également,
comme je vous l'ai déjà mentionné, nous avions mis un
effort très
particulier sur la question de l'examen de notre processus
d'enquête. Si on n'a pas terminé ces réflexions dans les
prochains mois, on devrait arriver avec des recommandations relativement
précises qu'on pourrait vous faire. Mais quand même en cours
d'année, on a mis en place des processus qui nous permettent
d'être plus efficaces en ce qui concerne nos enquêtes. On va
revenir quand même sur ces questions tantôt.
Je voudrais reprendre avec vous certains termes qu'on a abordés.
Je voudrais vous parler du traitement des plaintes, la collaboration avec les
groupes voués à la défense des droits, la
régionalisation de la commission, les programmes d'accès à
l'égalité et finalement les ressources de la Commission des
droits de la personne. L'examen du mécanisme du traitement des plaintes
- je pense qu'on en a largement parlé ici - nous a fait voir un nombre
important de problèmes reliés, d'une part, à la
philosophie d'intervention et aux modalités inscrites dans la charte,
et, d'autre part, je pense qu'il faut l'admettre, à certaines questions
organisationnel-les qui devraient pouvoir se régler sans probablement de
modification à la charte. Je pense que ce n'est un secret pour personne,
dès le début de ses activités, la commission a
tenté de baliser et de définir le rôle que le
législateur lui avait donné. On peut dire que le
législateur n'a pas été très bavard sur la
façon de remplir notre mandat. On a fait appel d'ailleurs, au cours des
années, à de nombreux experts dans le domaine et cela a fait
l'objet de plusieurs discussions à la Commission des droits de la
personne.
Je pense que, malgré les ambiguïtés qui demeurent
toujours, bien sûr, à l'intérieur de la charte - on n'a pas
réussi à établir de façon très claire ce
mandat - on a quand même établi, au cours des années, que,
si le rôle de l'enquête est de découvrir la
vérité, de statuer sur le bien-fondé d'une plainte - bien
sûr elle n'avait aucun pouvoir exécutoire - la philosophie
d'intervention de la commission, même en matière d'enquêtes,
devait demeurer un rôle d'éducation et de promotion. Je pense que
tout le monde ne voit pas ainsi le rôle de la commission. Plusieurs
d'ailleurs l'ont dit ici: La commission devrait avoir plus de dents; ses
décisions devraient être exécutoires; elle devrait
délaisser la médiation pour être davantage coercitive. Je
pense qu'il faudra choisir entre ces deux tendances. D'une part, il va falloir
faire des choix, mais nous croyons, quant à nous à la commission,
qu'il faut préserver ce rôle de promotion et d'éducation
confié à la Commission des droits de la personne et que, si des
modifications devaient être apportées, on devrait conserver ce
rôle de promotion et que cette mission, pour nous, est primordiale. Je
pense qu'une Commission des droits de la personne est un organisme qui vise
à établir la paix sociale, qui vise à aider à
l'établir, en tout cas, si on n'y arrive pas, mais on doit conserver ce
rôle d'éducation et de promo- tion des droits. /
Une fois qu'on a posé ce problème, on peut voir certaines
hypothèses, une première qui serait sans modification
législative. La Commission des droits de la personne pourrait
probablement modifier le rôle qu'elle fait jouer actuellement à
ses enquêtes et être davantage, je dirais, inquisitoire,
c'est-à-dire abandonner les règles de procédure qu'on
connaît actuellement qui sont peut-être davantage une enquête
contradictoire et faire des enquêtes inquisitoires. À ce
moment-là, je pense qu'il faudrait véritablement modifier la
charte légèrement, mais de façon que nos règles de
procédure ne soient pas des directives qu'on adresse à nos
employés, parce qu'actuelle ment ce n'est que cela, on n'a pas le
pouvoir d'émettre des règles de procédure, mais que cela
le devienne véritablement, de sorte que ce rôle que la commission
se donne de tenir des enquêtes inquisitoires ne soit pas
contesté.
On peut voir sommairement quels seraient les avantages de ce
sytème. Bien sûr, cela éviterait de remanier la charte.
Probablement que ce moyen d'enquête inquisitoire raccourcirait les
délais. Je pense que quand même cette forme d'enquête
n'offre pas toutes les garanties de respect des règles de justice
naturelle qui ont été dans le passé
réclamées par un nombre important de groupes, et c'est pour cette
raison d'ailleurs qu'on a adopté les règles qu'on connaît
actuellement. D'autre part, compte tenu du fait qu'il n'y a pas de pouvoir de
délégation des commissaires aux enquêteurs, je pense que le
problème resterait peut-être entier sous cet aspect. On
continuerait toujours à dire que les personnes ne sont pas entendues par
les commissaires.
Une autre hypothèse serait, bien sûr, qu'on amende la
charte, comme plusieurs l'ont demandé, pour constituer un tribunal des
droits de la personne. Ou encore, une autre hypothèse est que l'on
réfère les dossiers de la Commission des droits de la personne
aux tribunaux de droit commun. La première hypothèse d'un
tribunal des droits de la personne, à première vue, on a
l'impression qu'elle viendrait régler une partie des
ambiguïtés que l'on connaît présentement. Le processus
d'enquête serait sûrement moins formaliste que celui que l'on fait
à la commission. Les plaignants continueraient, bien sûr, à
bénéficier de l'assistance des procureurs de la commission
ensuite devant le tribunal. D'autre part, on considère qu'un tribunal
administratif, à cause de sa spécialisation dans le domaine des
droits, est probablement plus enclin à innover et à approfondir
les dossiers que les tribunaux de droit commun.
Je mentionnais tantôt que l'autre hypothèse pourrait
être une référence aux tribunaux de droit commun, une fois
que la commission aurait indiqué prima facie qu'il y a suffisamment de
preuves pour qu'on aille devant le tribunal; ce serait une autre façon.
Ce que l'on sait tout de même des tribunaux de droit commun, c'est
que
la procédure à cet endroit est assez formaliste et que les
délais y sont relativement longs.
Pour l'instant, nous ne faisons que dégager ces quelques
hypothèses. J'imagine qu'on aura l'occasion d'échanger nos points
de vue sur ces diverses hypothèses avec les membres de votre commission
et de tenter d'en voir ensemble les avantages et les inconvénients de
façon plus approfondie. Je l'ai dit tantôt, nous
considérons tout de même qu'il ne faudrait probablement pas se
lancer dans l'une ou l'autre de ces formules sans des études beaucoup
plus précises sur ces questions. Il y a des commissions des droits de la
personne dans le pays qui ont, entre autres, des sytèmes de tribunaux
administratifs et il serait intéressant d'aller voir, non seulement sur
papier et dans les textes de loi ce que cela donne, mais quels sont les
résultats concrets. Je pense qu'on devrait revenir sur ces
différentes hypothèses.
On a également abordé ici, autour de cette table, le
rôle de médiateur enquêteur. Plusieurs intervenants ont fait
valoir devant cette commission qu'il y avait une dichotomie dans ces
rôles, qu'il y avait risque de conflits. Et on a, tout simplement,
peut-être de façon un peu rapide, indiqué qu'en
séparant les rôles on viendrait régler le problème.
On n'en est pas tout à fait convaincus. On a justement eu l'occasion,
à la commission, d'en discuter avec les personnes qui sont les
premières impliquées, les enquêteurs et les
enquêtrices de la commission qui nous disent: Cela peut être
intéressant, cela éviterait le conflit, sauf que, d'autre part,
cela nécessite qu'un autre enquêteur soit au courant du dossier -
il y a parfois des dossiers extrêmement complexes - et que les parties
recommencent à discuter de leurs dossiers avec les enquêteurs et
les enquêtrices, ce qui pose des problèmes de délai et
aussi peut-être certaines difficultés pour les enquêteurs de
reprendre rapidement un autre dossier. Donc, cela nécessite de l'ajout
de personnel, à notre avis.
On a pensé de diviser peut-être le processus en trois
temps. Un premier temps, c'est la recevabilité des plaintes où
l'agent de recevabilité, examinant le dossier, tente de voir s'il y a
une possibilité de règlement rapide en intervenant auprès
du "mis en cause" et des plaignants. À ce moment-là, s'il
constate rapidement qu'il ne peut revenir à la solution et à un
règlement, il pourrait référer le dossier à un
enquêteur, comme on le fait actuellement. À ce moment-là,
l'enquêteur a véritablement son rôle d'enquêteur: il
ne doit pas tenter de faire de la médiation, mais se tenir disponible
aux parties qui manifesteraient le désir de régler leurs
différends. Mais ce rôle devrait être restreint; autant que
possible, il ne devrait pas intervenir dans un rôle de médiation,
véritablement, comme certains enquêteurs peuvent avoir tendance
à le faire actuellement. Dans un troisième temps, celui où
la Commission des droits de la personne a statué sur le
bien-fondé de la plainte, le véritable rôle de
médiateur de l'enquêteur devrait intervenir.
Pour éviter le conflit qui peut exister, on dit que
l'enquêteur ne devrait faire la médiation que s'il se sent
confortable lui-même. S'il dit: Moi, je suis un peu en conflit avec l'une
ou l'autre des parties, il devrait pouvoir se retirer. D'autre part, on devrait
permettre également aux parties, sans être obligées de
s'expliquer, de dire tout simplement: Moi, je voudrais qu'un autre
enquêteur intervienne dans le dossier pour faire la médiation. Il
y a de nombreuses personnes qui veulent et qui tiennent à ce que le
même enquêteur continue. Ils ne veulent pas commencer à se
réexpliquer. Ils savent que l'enquêteur ou l'enquêtrice
connaît bien son dossier. Quant à nous, cela nous semble la
façon la plus souple de régler ce conflit entre enquêteurs
et médiateurs.
On a également fait état, devant cette commission, des
règlements de la Commission des droits de la personne et on a souvent
utilisé le terme d'entente à rabais. Je dois vous dire que nous
croyons que cette assertion est fausse. D'ailleurs, il y a des mots
utilisés qui ne sont pas du tout exacts et qui démontrent bien
que souvent on ne connaît pas véritablement la nature des
règlements. On parle d'amendes, on parle de sanctions de la commission,
que la commission impose ou n'impose pas. On sait pertinemment que la
commission n'impose pas. Tout ce que l'on fait dans la médiation, c'est
qu'on explique aux parties quelles sont les modalités de
règlement, quelles sont les possibilités qu'il pourrait y avoir
devant un tribunal. Je dois avouer que, si les commissaires n'approuvent pas
actuellement les règlements, tous les règlements passent devant
la commission. Les comités d'enquête, entre autres, scrutent ces
règlements pour bien s'assurer que les parties ont été
éclairées sur les possibilités de règlement. Quant
à nous, nous ne croyons pas que la commission devrait intervenir
autrement, contrairement à ce qui a été indiqué
lors des discussions.
On a parlé devant cette commission de la collaboration de la
Commission des droits de la personne avec les différents groupes. Je
pense que de tout temps la commission s'est largement ouverte aux
différents groupes. Entre autres, je me souviens qu'en 1986 nous avions
mis dans nos objectifs de structurer davantage les rencontres avec les groupes.
On avait fait un petit inventaire et, durant cette année 1986, on avait
noté quelque cent rencontres, avec des divers groupes, non pas
simplement des rencontres d'information et des rencontres d'éducation,
mais bien des rencontres dans le but d'articuler ensemble des projets et de
faire avancer des dossiers avec ces groupes.
D'ailleurs, l'année dernière, dans cette perspective, on a
créé ce qu'on a appelé le comité sur les relations
interethniques et raciales qui regroupe quinze personnes des diverses
communautés culturelles dans la région de Montréal avec un
groupe de commissaires et d'employés de la commission, justement dans
le
but d'entendre leurs points de vue et leurs attentes face à la
Commission des droits de la personne.
Je vous ai mentionné que dans les prochaines semaines on devrait
fixer des orientations et des objectifs pour la commission. Cela fait partie de
nos objectifs d'ouvrir encore davantage la Commission des droits de la personne
aux différents groupes avec lesquels nous devons collaborer.
Je vous dis en passant quelques mots sur la régionalisation.
Peut-être simplement pour faire le point sur la situation actuelle. Vous
savez qu'on a quatre bureaux régionaux actuellement ouverts. Je dois
vous indiquer que dans les budgets de cette année, budgets que nous
avons reçus mais qui ne sont pas approuvés, bien sûr, ces
quatre bureaux dotés de personnel temporaire sont encore là, bien
sûr, mais qu'ils seront toujours dotés de personnel temporaire,
puisque nous n'avons pas reçu de postes permanents pour ces bureaux.
Quant aux quatre autres bureaux que nous aimerions ouvrir dans les autres
régions, ils ne sont pas encore dans nos budgets. La situation est
à peu près la même, si vous voulez, que l'année
dernière.
Un sujet sur lequel nous n'avons pas discuté lors de la
dernière rencontre, ce sont les programmes d'accès à
l'égalité. Il y avait quelques commentaires de la part des
députés et dans certains mémoires concernant le rôle
de la Commission des droits de la personne en matière de programmes
d'accès à l'égalité. (16 heures)
Je pense qu'il serait important de bien situer ce rôle à
partir de ce que nous indique la charte. Dans la charte, on reconnaît
trois rôles en matière de programmes d'accès à
l'égalité, un rôle-conseil, un rôle d'enquête
et un rôle de surveillance. Le rôle-conseil est très bien
inscrit dans la charte à l'article 86.2, deuxième paragraphe.
Vous vous souviendrez que, quand on a mis en application le chapitre III, on a
omis de mettre en vigueur l'article 86.2, premier paragraphe qui disait que la
commission devait approuver. Mais on a tenu tout de même à garder
ce rôle-conseil de la Commission des droits de la personne en
matière de programmes d'accès à l'égalité,
pour une raison importante, je pense, parce que cette section dit qu'on doit
établir des programmes conformes à la charte. Je pense que, si un
organisme peut suggérer ou conseiller les entreprises pour
établir des programmes conformes à la charte, c'est bien la
Commission des droits de la personne, d'autant plus que, à l'article
86.7, si ma mémoire est bonne, la commission dort conseiller le
gouvernement pour l'établissement de programmes d'accès à
l'égalité dans les organismes et dans les ministères.
Donc, ce rôle-conseil est très bien établi dans la Charte
des droits et libertés de la personne.
La commission, depuis le temps, a développé, je pense, une
expertise extrêmement précieu- se auprès des syndicats et
des employés. Je pense qu'on reconnaît tous, effectivement, que ce
rôle est joué très adéquatement. Également,
la Commission des droits de la personne a joué un rôle de
concertation qui nous apparaît très important parce que, si on
fait la nomenclature de tous les organismes, de tous les programmes en
matière d'accès à l'égalité, ils sont
nombreux Les organismes sont nombreux et les programmes sont également
nombreux. Au gouvernement du Québec, il y a le Conseil du Trésor,
le Sécréta riat à la condition féminine, le
Secrétariat aux affaires autochtones. Au gouvernement
fédéral, il y a la Commission canadienne des droits de la
personne, la Commission de l'emploi et de l'immigration. Il y a la commission
ontarienne. Dans cette optique, la Commission des droits de la personne a
joué un rôle de concertation important dans l'élaboration
des programmes et de manière à arrimer tous ces programmes
d'accès à l'égalité. Nous avons également
joué un rôle de promotion au cours des deux dernières
années. En 1986 et en 1987, à tout le moins, on a
rencontré quelque 14 000 personnes au cours de colloques, de rencontres
organisées par divers groupes, diverses corporations professionnelles,
dans le but d'expliquer ce que c'est, des programmes d'accès à
l'égalité.
Nous avons également mentionné, malgré ce qu'on
indiquait ici, que la Commission des droits de la personne, continuait à
jouer son rôle de faire des enquêtes même si, d'autre part,
dans la section d'à côté, aux programmes d'accès
à l'égalité, on mettait des programmes volontaires en
place. Cela n'empêchait pas la commission de faire des enquêtes.
D'ailleurs, il y a cinq ou six dossiers actuellement, dans des entreprises
importantes, où la commission conseille des programmes d'accès
à l'égalité. D'autre part, il y a une plainte pour la mise
en place d'un programme d'accès à l'égalité. Je
pense que tout cela s'inscrit dans le rôle que je décrivais au
départ, que la Commission des droits de la personne n'est pas un
tribunal. La Commission des droits de la personne, bien sûr, a le
rôle d'enquêter, mais elle a le rôle d'aider, elle a le
rôle d'éduquer. Elle a, entre autres, ce rôle, qu'on a bien
inscrit dans la charte, d'aider à mettre en place des programmes
d'accès à l'égalité.
Le troisième rôle que je mentionnais tantôt, c'est
celui de surveillance. Celui-là est inscrit à l'article 86.4.
Quand on lit l'article au complet, on constate que ce rôle de
surveillance est intimement associé à la production de rapports
par les entreprises. Malheureusement, lorsqu'on a adopté la
réglementation sur les programmes d'accès à
l'égalité, on n'a pas retenu cette suggestion de la Commission
des droits de la personne de forcer les employeurs à remettre un rapport
sur la situation des effectifs dans leur entreprise, de manière à
pouvoir vérifier si, effectivement, les effectifs étaient
représentatifs de l'ensemble des travailleurs sur le marché.
Nous, nous croyons encore que de tels rapports devraient être mis
en place, si on veut que la commission joue véritablement ce rôle
de surveillance.
En conclusion sur cette question, nous croyons que, si on veut assurer
la mise en place de véritables programmes d'accès à
l'égalité et l'émergence d'une expertise dans ce domaine,
il y a lieu de maintenir cet article de la Charte des droits et libertés
de la personne qui vise à procurer conseil et assistance aux
entreprises, à ceux qui le requièrent. C'est d'autant plus
important que, actuellement, dans ce que l'on connaît en matière
de programmes d'accès à l'égalité, ceux qui mettent
en place des programmes d'accès a l'égalité, ce sont des
grandes entreprises. Sur la cinquantaine d'entreprises qui font affaire
actuellement avec la Commission des droits de la personne, ces entreprises
regroupent à peu près 160 000 employés. On constate donc,
si on fait une petite division, que ce sont des grosses entreprises et des
grosses boites. Il faudrait penser que, au Québec, 98 % des entreprises
ont moins de 100 employés. Donc, ce sont de petites boîtes qui,
probablement, ne peuvent pas se payer le luxe d'aller voir des consultants qui
pourraient les aider dans la mise en place de programmes d'accès
à l'égalité et, à brève
échéance, il va falloir développer une expertise, je
dirais très québécoise, parce que chez nous la PME est
importante. Et je pense qu'à ce moment-là la Commission des
droits de la personne aura encore un rôle extrêmement important
à jouer.
Enfin, je termine sur la gestion des ressources humaines. Jusqu'à
maintenant, nous n'avons fait qu'effleurer cette question. Pour remplir un
mandat aussi vaste, je pense que, dans un premier temps, il faut établir
des priorités. C'est ce qu'on a tenté de faire par
l'élaboration d'un plan triennal. On comprend facilement qu'on ne peut
répondre aux demandes ^e toute la population; la charte est vaste et les
ressources sont restreintes. Mais je pense qu'il faut tout de même nous
assurer d'un minimum de ressources. Et si on ne peut nous assurer ce minimum de
ressources, bien, il y aurait lieu qu'on modifie la charte, qu'on enlève
des mandats ou qu'on change quelque chose.
Tout au cours des dernières années, je dois vous dire
qu'on a mis un accent particulier pour améliorer l'efficience, les
méthodes de travail, la formation des employés, des
enquêteurs et des enquêtrices. On a tenté de compresser les
délais; on a essayé d'utiliser des meilleurs moyens de gestion et
de contrôle de notre organisation. On doit avouer que, malgré ces
efforts de rationalisation, actuellement, dans le traitement des plaintes, il
est évident que les délais que nous connaissons ne sont pas
acceptables. On le constate également en matière de
communication: ce n'est pas avec des budgets de quelque 65 000 $ qu'on peut
quadriller le Québec et faire connaître à l'ensemble de la
population la
Charte des droits et libertés. Je pense que c'est tout à
fait ridicule. Ce n'est même pas nécessaire d'aller lire les
chiffres qui nous sont suggérés par la firme Optimum.
Au cours des dernières années, nous avons voulu centrer
nos efforts sur le service à la clientèle et, par voie de
conséquence, sur la qualité de ce service. Nous sommes conscients
qu'en améliorant, d'une part, la qualité de vie au travail de nos
employés, leur participation à l'élaboration des
objectifs, leur formation, la représentativité des diverses
couches de la société au sein de la CDP, nous atteindrons cet
objectif. D'ailleurs, sur chacun des thèmes, nous avons
élaboré des objectifs précis. Avec la collaboration des
employés, nous avons préparé un plan de changement
organisationnel qui vise à assurer une meilleure qualité de vie
au travail au sein de l'organisation et à promouvoir des changements
significatifs axés sur la participation des employés.
Il convient également de mentionner que, depuis quelques
années, nous avons élaboré, avec la collaboration du
syndicat, un plan de formation des employés qui vise à les mettre
au courant des plus récents développements en matière de
droits et libertés, tout en les sensibilisant aux situations de
discrimination que vivent certains groupes et à l'apprentissage de
techniques pour mieux remplir leur travail.
En matière de programmes d'accès à
l'égalité dont il a déjà été question
ici, je crois que nous avons fait le travail préliminaire qui s'imposait
afin d'abord de faire une analyse de notre effectif et de faire ensuite le
rapport de cette analyse d'effectif sur la population active au Québec,
sur ce qu'on appelle la disponibilité de l'employé. Actuellement,
à la Commission des droits de la personne, 14 % des employés de
la commission sont nés hors du Canada, 65 % sont des femmes, 51 % des
professionnels sont des femmes, 3 % répondent à la
définition de personnes handicapées et une personne est
autochtone. Est-ce que cette situation est acceptable? Je pense qu'il faudra
terminer les études de disponibilité pour le savoir. On note
toutefois que la Commission des droits de la personne se compare
avantageusement avec la fonction publique québécoise pour ce qui
est des minorités ethniques puisque la fonction publique en compte 4,3
%. Je pense que ce sont des chiffres qu'on a vu récemment publiés
par le Conseil des communautés culturelles.
M. Boulerice: Je crois qu'il y a eu une baisse
malheureusement...
M. Lâcha pelle: il y a eu une baisse. Oui, c'est ce que
madame Westmoreland mentionnait récemment, effectivement.
Puisque nous sommes au chapitre des ressources humaines, j'aimerais
profiter de l'occasion qui m'est donnée ici de rendre un hommage
particulier aux employés de la commis-
sion. Je dois vous dire que tous, nous ressentons vivement les critiques
qui ont été adressées à la Commission des droits de
la personne. Nous aussi, nous vivons quotidiennement les ambiguïtés
et les conflits de notre mandat. Nous savons tous que la vie publique de la
Commission des droits de la personne n'est pas facile, qu'elle doit se
soumettre à la vie démocratique.
Je dois cependant ajouter, de la part de ceux et celles qui oeuvrent
avec toute leur énergie au sein de la commission, que nous aurions
effectivement espéré une petite place pour qu'on témoigne
du travail méritoire et remarquable de chacun et chacune des
employés. À défaut, je me permets de vous signaler leur
labeur incessant, leurs préoccupations constantes pour la promotion des
droits et libertés, de la part de chacun des employés et de tous
les commissaires de la Commission des droits de la personne. Or,
c'était, M. le Président, les quelques messages que je voulais
vous livrer en préliminaires, de façon à ouvrir le
débat.
Si vous me le permettez un instant, si, avant 18 heures, vous nous
donniez quelques minutes, je pourrais vous présenter le guide à
l'intention des jeunes qu'on a publié récemment. Il serait
peut-être intéressant, à titre d'exemple en matière
de communication et d'éducation, qu'on vous livre ce document. Ce ne
sera pas hors contexte, je pense bien.
Discussion générale
Le Président (M. Filion): D'accord. Je vous remercie, M.
le président. En ce qui concerne le guide des jeunes, nous en avons
discuté entre nous et nous avons hâte d'en avoir la
présentation. Si vous le voulez bien, nous allons tous nous donner la
discipline de cesser nos travaux vers 17 h 45 ou 17 h 50 pour laisser quinze
minutes pour vous permettre de nous présenter ce document qui, je dois
le dire immédiatement, pour les membres de la commission, est
extrêmement important. Cela rejoint une clientèle jeune et donc
d'avenir.
Je dois malheureusement quitter et, en ce sens-là, le
député de Marquette va me remplacer comme président pour
quelques minutes pour l'enregistrement d'une petite émission qui ne dure
pas longtemps.
Je veux simplement signaler ceci, gardant mes questions et mes
commentaires sur le fond des sujets pour tantôt et, je le
répète, j'ai eu l'occasion de vous le dire, quant à moi,
les critiques des groupes, personnes et intervenants entendus en commission
parlementaire ont été jugées peut-être par certains
et certaines comme sérieuses et graves. Ce n'est pas mon cas, vous le
savez. Comme membres de la commission, nous avons eu l'occasion d'en discuter
entre nous. Je dois vous dire que pour nous, si les critiques ont
été, dans certains cas, aiguës, c'est parce que les
expectatives sont énormes de la part de l'ensemble de la
clientèle de la Commission des droits de la personne. On s'en va
à la Commission des droits de la personne - les intervenants i nous
l'ont dit avec leurs mots - et on s'attend à ' ce qu'il y ait une
espèce de justice transcendante, mais la justice transcendante n'existe
pas. Félix Leclerc disait même que la justice n'habite pas les
palais qu'elle construit. J'ai toujours pensé que la justice est une
vertu, qu'elle devrait se retrouver partout.
En ce qui concerne la Commission des droits de la personne, quand vous
entrez dans vos bureaux, la plaque est là, les gens s'atten dent
à beaucoup. Donc, si leurs critiques ont pu paraître aiguës
et parfois négatives, en ce qui concerne les membres de la commission,
je dois vous dire que ces critiques ont été vues, au contraire,
de façon constructive, et d'aucune façon le travail
effectué par vous, vos prédécesseurs, par le personnel de
la Commission des droits de la personne n'a pu, à notre avis, avoir
été jugé de mauvaise foi ou quoi que ce soit. Chacun fait
là-dedans ce qu'il peut, avec les structures et les outils que vous
avez.
Ces remarques faites, j'invite maintenant les membres de la commission
à aborder les sujets - le président en a rappelé six ou
sept - ou les questions qui les préoccupent avec le président et
son personnel, s'il juge à propos de donner la parole à quelqu'un
d'autre. J'espère bien être de retour dans le plus bref
délai.
Je vous remercie. M. le député de Marquette agira comme
président.
Le Président (M. Dauphin): Comme le président vous
l'a mentionné... D'ailleurs, on aimerait s'excuser pour la semaine
dernière. Certains d'entre vous se sont rendus à Québec,
je ne dirais pas inutilement parce que Québec a certains avantages par
moments, mais...
Une voix: Comment par moments?
Le Président (M. Dauphin): Tout le temps! Ha, ha, ha!
Certains d'entre nous étions au service funèbre du juge en
chef de la Cour d'appel, M. Crête. D'ailleurs, certains organismes
s'étaient rendus également à Québec la semaine
dernière. Alors, on s'excuse.
Sans plus tarder, est-ce que des membres aimeraient commencer la
période de discussion? Mme la députée de Groulx. (16 h
15)
Formation du personnel de la commission
Mme Bleau: Je voudrais parier surtout de la formation de votre
personnel. Selon certains organismes consultés - cela ne veut pas dire
que mon idée est déjà faite - le personnel de votre
commission semble mal formé pour traiter certaines plaintes et peu
sensibilisé aux diverses formes de discrimination et d'exploitation.
Pourriez-vous nous parler un peu de la formation de votre personnel entre
autres?
M. Lachapelle: Je dois vous mentionner que depuis trois ans -
auparavant, je comprends qu'il existait un plan de formation, je suis mal
placé pour vous en parler - nous avons véritablement mis en place
un programme de formation annuel. Ce programme de formation est discuté,
comme le veut notre convention collective, avec un comité
patronal-syndical. Nous nous sommes fixé comme objectif d'y consacrer 1
% du budget total réservé aux salaires, ce qui donne à peu
près 35 000 $ par année, cette année, et également
trois jours par employé de formation. C'est donc à partir de ces
deux paramètres, si vous voulez, qu'on établit un plan de
formation à la Commission des droits de la personne.
Ce plan de formation est établi à partir, d'autre part,
d'une évaluation des besoins des employés. Les employés
font connaître, par l'intermédiaire de leur direction, leurs
besoins ou ce dont ils ont besoin pour travailler dans leur secteur
d'activité. Ces programmes peuvent être très vastes,
c'est-à-dire toucher à la charte. Ils peuvent aussi toucher
à des problèmes très particuliers. Récemment, des
employés ont demandé des cours pour leur permettre de faire
affaire avec ce qu'on a appelé des clients perturbés. Vous savez
qu'à la Commission des droits de la personne, bien sûr, c'est
souvent le dernier recours. Il y a bien des gens qui viennent chez nous et
souvent c'est très difficile de négocier avec eux. De
manière à pouvoir les aider, de manière aussi à
sécuriser les employés, il y a eu un cours sur ce dossier.
Également, il y a des cours sur la charte qui sont donnés
tant par des gens de l'interne que par ceux de l'externe. On a eu des cours ou
des sessions de formation sur la sensibilisation aux différents milieux,
si vous voulez, concernant les autochtones. Cette année, on va mettre un
accent particulier sur le traitement des plaintes. Une firme actuellement est
à préparer un rapport. Après avoir fait le tour de tous
les enquêteurs de la commission, des commissaires et oes personnes qui
s'occupent du domaine de l'enquête, elle nous a remis ou nous remettra
dans quelques jours un rapport sur une formation planifiée sur quelques
années pour les employés de la Commission des droits de la
personne.
Tout cela pour dire et peut-être pour répondre à
certains reproches qu'on avait faits. On ne peut pas dire que des
employés ne peuvent pas se tromper. Je pense qu'on a droit à
l'erreur et, effectivement, il y a des gens qui ont pu se tromper. Il a pu
arriver que des plaintes recevables ont été refusées. Que
voulez-vous? Je ne peux pas nier cela. Mais il ne faut pas partir de cette
question pour dire que les employés de la Commission des droits de la
personne ne reçoivent pas de formation. Je pense qu'au contraire les
indications que je voijs donne démontrent qu'on a un plan de formation
ou un programme et qu'on a bien l'intention de le faire fonctionner jusqu'au
bout. C'est le désir de la commission et de tous ses
employés.
Cas d'exploitation de personnes
Mme Bleau: Vous dites que certaines plaintes auraient pu
être retirées à certains moments ou refusées. Le
Comité provincial des malades a fait part que certains agents auraient
refusé de prendre des plaintes concernant l'exploitation dont sont
victimes les personnes âgées ou handicapées, sous
prétexte que ce n'était pas tout à fait le rôle de
la commission d'entrer dans ces plaintes. Est-ce que, de ce
côté-là, il va y avoir des améliorations? On entend
beaucoup dire, de ce temps-ci, que certaines personnes âgées, dans
certains centres, subissent des mauvais traitements ou des choses semblables.
À ce moment-là, si la plainte vient à votre commission,
est-ce que votre commission est capable de regarder cette plainte et de s'en
occuper?
M. Lachapelle: Effectivement. D'ailleurs, on a reçu
beaucoup de ces plaintes d'exploitation. On en a une qui est actuellement en
enquête. Je ne me souviens pas du nom. C'est un cas bien connu parce que,
justement, le ministère des Affaires sociales est intervenu. Même
si le dossier est réglé en ce qui concerne les Affaires sociales,
nous continuons l'enquête dans ce dossier. C'est une plainte
d'exploitation. Les plaintes d'exploitation, dans le cas des personnes
âgées, je dois vous avouer que ce ne sont pas des dossiers faciles
que de démontrer l'exploitation. Il faut que quelqu'un ait tiré
profit de... et à cause de son âge. Alors, la démonstration
n'est pas facile à faire. Je ne sais pas quel est cet exemple qui a
été donné ici. Ce sera peut-être difficile de
discuter à partir...
Mme Bleau: il y avait plusieurs exemples.
M. Lachapelle: il y avait plusieurs exemples. Je dois vous dire
que, généralement, en tout cas, ils sont acceptés et on a
bien l'intention, justement, d'aller rencontrer ces groupes et l'ensemble de
tous les groupes qui ont déposé des mémoires justement,
pour discuter avec ces personnes véritablement des problèmes
qu'ils ont soumis devant vous et qui auraient peut-être dû
être adressés à la Commission des droits de la personne. On
nous avait déjà soumis l'idée que nous devrions
enquêter sur l'ensemble des centres d'accueil du Québec.
Mme Bleau: C'est tout un ouvrage.
M. Lachapelle: Vous savez que c'est toute une entreprise.
Mme Bleau: Bien, je comprends. Je pense qu'à ce
moment-là, je ne vois pas très bien votre rôle dans une
enquête semblable. Ce serait plutôt le rôle, justement, du
ministère de la Santé et des Services sociaux. Mais je parle de
plaintes en particulier qui pourraient vous être
acheminées pour une personne donnée ou un groupe de
personnes.
M. Lachapelle: Nous l'avons fait dans plusieurs cas pour des
personnes âgées et, très souvent, ce que l'on constate, et
je dois vous dire que ce n'est pas facile, les personnes souvent se refusent
même à avoir une enquête. Il y a des CLSC qui sont venus
chez nous pour nous dire: Telle personne est exploitée. On va voir ces
gens dans la crainte de voir qu'un fils qui les exploite va sortir de la
maison, mais ils se retranchent. Dans un cas, je dois même vous dire
qu'on a pris une injonction pour forcer la personne à sortir. Cela a
été la seule façon parce que la personne ne voulait pas
collaborer, et on constatait une situation d'exploitation. Je pense qu'on a
encore un dossier de ce genre. Mme Duplé aimerait ajouter quelque
chose.
Mme Duplé (Nicole): C'est plus généralement
que je voudrais parler. Je crois qu'il est important de comprendre quand
même que les agents de recevabilité sont enfermés dans un
cadre très strict, la charte. La notion de discrimination est une notion
fermée, bien cernée par la charte. Souvent, les personnes
viennent déposer des plaintes. Elles se prétendent
discriminées. Elles sont toutes surprises lorsqu'un agent de
recevabilité leur dit: Mais non, vous n'êtes pas victime de
discrimination; d'après les faits que vous me rapportez, il n'y a pas de
discrimination. La personne se sent bouleversée. Elle dit: Je suis
absolument incomprise; moi, je sais que j'ai été
discriminée. L'agent de recevabilité aurait peut-être
dû lui dire: Écoutez, cela ne rentre pas dans un cas de
discrimination. C'est très long. C'est presque donner un cours de
droit.
La notion même d'exploitation est une notion qui parie
d'elle-même. Il faut que vraiment la personne qui exploite en retire un
bénéfice. Des mauvais traitements en soi, cela ne constitue pas
de l'exploitation. C'est tout aussi scandaleux, mais cela ne relève pas
de la juridiction de la commission.
Il y a bien des dossiers qui probablement sont rejetés par
l'agent de recevabilité. Ils ne sont pas acceptés par l'agent de
recevabilité parce que les faits qui ont été amenés
devant lui ne suffisent pas pour permettre de penser qu'il pourrait y avoir
discrimination. Alors, quand un agent de recevabilité dit: Est-ce que
vous avez d'autres faits? Non.. On ne peut rien pour l'instant, c'est cela.
Parce que des cas d'exploitation, je crois qu'on en a traité un certain
nombre. Pour ceux que l'on a traités, je dois le dire, les
enquêteurs ont fait un travail parfois absolument incroyable et cela
aboutit toujours à quelque chose, enfin.
M. Lachapelle: J'aimerais peut-être ajouter une petite
chose. Suivant nos règles de procédure, les employés ne
statuent pas sur la recevabilité. À partir du moment où,
effectivement, il y a un motif de discrimination où un préjudice
est subi, les agents de recevabilité doivent ouvrir un dossier.
Évidemment, ce que l'on demande aux agents de recevabilité, c'est
de pousser un peu plus loin et de dire: Écoutez, en cas d'exploitation
surtout, pouvez-vous quand même nous donner certains
éléments qui vous font croire qu'il y a exploitation? Et dans ce
cas, il y a quand même des éléments assez précis
qu'il faut conjuguer pour s'assurer que, véritablement, on pourra faire
enquête.
Il ressort que, lorsqu'on commence à poser des questions, les
gens nous disent: Écoutez, vous refusez la plainte. Ce qui n'est pas le
cas. Ce qu'on demande, c'est de poser au moins des questions
préliminaires et ce n'est pas nécessairement un refus d'une
plainte parce qu'on pose certaines questions au moins pour étayer le
dossier et orienter ensuite l'enquêteur. Je pense que dans ces
cas-là, c'est probablement ce qui est arrivé.
Mme Bleau: Devant la situation qui s'aggrave un peu, est-ce que
vous songez à donner, peut-être, des directives spéciales
à vos enquêteurs pour vraiment se pencher sur l'exploitation qui
peut avoir lieu auprès des personnes âgées? Je pense que ce
sont des dossiers un peu spéciaux, et on en entend tellement parler de
ce temps-là, d'un côté ou de l'autre, qu'il doit y avoir du
vrai quelque part. Je me dis qu'il y a certainement du vrai quelque part.
Est-ce que vous avez l'intention de porter une attention spéciale
à ces dossiers?
M. Lachapelle: Tout à fait, madame, Et je dois vous dire
que, dans la région de Québec, si vous me permettez de
vérifier... M. Bilocq m'indique justement qu'ils ont rencontré
les D.G. de l'ensemble de la région pour parler de ces questions
d'exploitation.
Mme Bleau: Vous comprenez que cela m'intéresse, avec
l'âge qui avance.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bleau: Je me sens...
Une voix: C'est vrai pour tout le monde.
Mme Bleau: ...tout à fait concernée par ces
problèmes et je vous remercie de vos réponses.
Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la
députée de Groulx.
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Louis-Hébert et ensuite M. le député de Shefford.
Règlement des plaintes
M. Doyon: Merci, M. le Président. D'abord quelques mots
pour souligner que la présentation
qui nous est faite par la commission est extrêmement
appréciée. Je dois rendre hommage ici et le faire en même
temps pour la commission... Nous nous sommes penchés pendant de
nombreuses heures sur tout ce qui concerne la commission. Je suis
député depuis un certain nombre d'années et je peux vous
dire que le travail accompli par mes collègues est absolument
remarquable. Je profite de l'occasion pour vous le dire. Je pense qu'on oublie
très souvent cet aspect du travail des députés. C'est
souvent négligé et passé sous silence. Mais c'est un
travail important et, quand on parle de la Commission des droits de la
personne, cela prend une importance particulière.
J'ai eu l'occasion de signaler que j'ai déjà
été un utilisateur des services de la Commission des droits de la
personne et j'ai pu me rendre compte que les gens qui ont travaillé sur
mon cas à ce moment-là l'ont fait avec professionnalisme, avec
équité et avec justice en autant qu'ils pouvaient le faire, avec
objectivité, avec les moyens dont ils disposaient. Et, dans bien des
cas, ces situations sont des situations où le rapport de forces, bien
souvent, n'est pas égal. Je pense qu'il faut faire attention d'oublier
cet aspect des choses. Dans la plupart des cas que je pourrais identifier, en
tout cas, les gens qui ont recours à la Commission des droits de la
personne le font dans une situation de faiblesse, alors qu'ils sont assaillis,
attaqués, se sentent diminués et disposent de peu de moyens
finalement. La commission doit servir jusqu'à un certain point à
rétablir l'équilibre et a permettre qu'un rétablissement
des choses puisse se faire, et très souvent cela intervient à la
toute fin, alors qu'il y a proposition de règlement, acceptation de
règlement ou pas. La personne qui se voit proposer un règlement
n'est pas toujours aussi bien placée qu'elle le voudrait pour
apprécier la valeur de ce règlement, premièrement, et,
deuxièmement, même si elle juge qu'il "'est pas suffisant pour
demander quelque chose qui serait plus adéquat.
Je me demande si votre commission a réfléchi à cet
aspect des choses. On conçoit très bien que les gens soient
capables de signer des ententes et qu'ils soient capables d'en accepter les
conséquences, mais, très souvent, ils le font dans des
circonstances où ils n'ont pas toujours la complète
liberté d'agir, même si, légalement, c'est parfaitement
correct. Je me demande si la commission se verrait un rôle
d'appréciation concernant les règlements qui sont acceptés
par les parties. Ou considérez-vous que des parties majeures qui sont en
état de contracter et de tester et qui sont, pour la plupart du temps,
vaccinées devront tout simplement accepter les conséquences des
actes qu'elles posent? Est-ce que vous avez réfléchi à ce
dilemme, à cette question?
M. Lachapelle: Ce que nous demandons aux enquêteurs, c'est
de présenter à chacune des parties les possibilités de
règlement, quelle est, si vous voulez, la jurisprudence des tribunaux de
manière à éclairer les gens et à leur dire:
Écoutez, ce que vous attendez là, il n'y a pas un tribunal qui va
vous l'accorder si jamais on devait aller plus loin en bout de course. Les
enquêteurs tentent de faire état de la force ou de la faiblesse de
la preuve qu'on a aussi entre les mains parce que c'est quand même
important. Et il y a aussi un élément très important.
Souvent, les parties, parce qu'elles veulent régler leur dossier, sont
prêtes à régler à rabais. Je dois vous dire
là-dessus que souvent on intervient pour leur dire: Non, il ne faudrait
pas accepter ce règlement; il ne nous semble pas acceptable. C'est un
peu le rôle de médiation que l'on joue auprès des parties.
(16 h 30)
D'autre part, pour chacun des règlements, on a un comité
d'enquête de trois commissaires qui examinent chacun des dossiers et
aussi chacun des règlements. On veut s'assurer dans chacun des cas,
d'abord, prima facie, si les montants qui sont là ou les ententes qui
sont là sont acceptables et, si cela ne nous apparaît pas tout
à fait acceptable, on discute du dossier et on demande aux
enquêteurs si les parties sont bien informées et connaissent bien
l'ensemble du dossier. On intervient même au niveau de la preuve
présentée afin de savoir pour quelle raison ce règlement a
été accepté et, dans chacun des cas, cela se fait. Il y a
des gens qui nous disent carrément: Moi, une lettre d'excuse, cela me
suffit; je ne veux pas en savoir davantage. C'est très difficile
à apprécier dans chacun des cas quelle est la motivation
véritable des gens pour accepter ces règlements.
Récemment, un aveugle nous disait: Moi, j'accepte un montant de quelques
centaines de dollars, mais je ne le veux même pas pour moi; vous allez le
donner à la fondation Mira. Je pense que c'est là un
règlement acceptable. On règle des dossiers de harcèlement
sexuel pour 500 $ ou 600 $ parce qu'il y a des gens qui disent: Je veux en
finir avec ce dossier; ce que je veux, c'est qu'il y ait un montant de
payé qui est peut-être symbolique. Par contre, la semaine
dernière, il y en a eu un qui a été réglé
pour 14 000 $.
Pouvoirs de la commission
M. Doyon: Est-ce qu'il serait concevable dans l'opinion de la
commission qu'elle ait un pouvoir qui lui permette d'entériner, de
ratifier, de valider des règlements? Est-ce que c'est un pouvoir qui
vous paraît bonifier l'action de la commission ou si c'est quelque chose
qui vous paraît nettement exorbitant et qui n'est pas, d'après
vous, nécessaire ou utile?
Mme Duplé: Si vous me le permettez. Je crois que votre
question se situe vraiment au coeur du problème que nous vivons
actuellement à la commission. Si la commission recevait le
pouvoir de déterminer, de décider du montant du
règlement qui serait adéquat pour qu'il y ait vraiment
réparation dans les circonstances, nous nous trouverions à donner
à la commission un pouvoir décisionnel. D'accord? Tout ce qui a
été enquête de la commission et qui doit aboutir
normalement à une recommandation servant de base à la
conciliation deviendrait une enquête qui aboutirait à une prise de
décision. Alors, ce serait une transformation radicale du rôle de
la commission parce que le législateur a envisagé que la
commission était avant tout un organisme de promotion des droits,
d'éducation par conséquent et également, ce qui est tout
à fait dans sa vocation première, dans son prolongement, un
organisme de conciliation. C'est pourquoi, lorsqu'on arrive avec une demande de
règlement, lorsque la partie qui s'est plainte de discrimination par
exemple, demande tel montant, on a assez peu, à la commission, de
possibilités pour imposer à l'autre partie un montant
supérieur. On peut négocier, et c'est ce qui se fait, une
négociation, amener les parties à régler leur
problème. Mais on ne peut pas imposer, car la commission n'est pas un
organisme avec des pouvoirs coercitifs. C'est cela, le problème.
M. Doyon: Oui. Je suis d'accord avec vous. Tant qu'à y
être, la porte est ouverte, on peut y aller, toute l'organisation, la
structure. Est-ce que vous voyez une commission qui pourrait se transformer, se
métamorphoser en un tribunal et qui se scinderait probablement en deux
parties, une partie de promotion, de défense, et qui jouerait un
rôle qui ne serait pas un rôle neutre, et, à part cela,
probablement un tribunal qui, lui, aurait un pouvoir d'adjudication?
Après, on pourrait discuter de toute l'exécution de
l'adjudication qui serait accordée par ce tribunal. Je comprends que,
là, on entre dans des décisions politiques, à savoir ce
qu'on veut faire de la Commission des droits de la personne et comment on veut
protéger les droits et libertés de la personne au Québec.
Est-ce que vous avez déjà eu l'occasion - cela ne me surprendrait
pas trop - de réfléchir à cela et pouvez-nous nous dire
quel est le résultat de cette réflexion?
M. Lachapelle: Je veux juste revenir sur la question des
règlements pour en terminer. La commission canadienne entérine
les règlements. Ce que l'on en sait, c'est qu'à peine 1 % des
règlements ne seraient pas acceptes où l'on dit. Bah! cela ne
nous semble pas tout à fait assez; vous devriez renégocier.
Finalement, le contexte de la commission canadienne est un peu différent
parce qu'on fait affaire avec des organismes publics, des organismes
fédéraux qui sont peut-être plus en mesure d'offrir des
règlements monétaires plus importants.
Je reviens à la question que vous soulevez et qui est, je pense,
au coeur des débats. Je pense que nous constatons des lacunes
importantes au chapitre du traitement des plaintes, probablement à cause
d'une ambiguïté dans la charte qui donne à la commission
à la fois un rôle de promotion, un rôle de règlement
des plaintes par la médiation, un rôle d'enquête en
même temps où on voudrait à la fois jouer un rôle de
promotion, mais un rôle d'enquête impartiale et, à la
limite, un rôle de tribunal. On attend beaucoup de nous sous cet aspect
et, finalement, les groupes nous ont demandé de mettre en place
même des règles de procédure assez rigides qui nous donnent
l'allure d'un tribunal, ce que nous ne sommes pas. Après un long
processus, on arrive devant nous, on agit comme si on était un tribunal
et tout à coup on dit: Voici, nous croyons que votre plainte est bien
fondée, mais si vous voulez en savoir plus long, allez devant un juge.
Effectivement, il va falloir corriger cette situation.
Je dois vous dire que nous en sommes à des réflexions
là-dessus et probablement que, pour régler ces
ambiguïtés, il faudrait vraisemblablement arriver à une
formule, je ne sais pas si cela s'appelle un tribunal, mais à une
formule où on consacrerait véritablement le rôle
d'éducation de la commission, de promotion, d'enquête de
manière à nous permettre d'établir prima facie s'il y a
véritablement une situation de discrimination et, ensuite, de porter le
dossier soit devant un tribunal de droit commun ou devant un tribunal des
droits de la personne. Cela nous semblerait - en tout cas, on n'a pas d'analyse
plus poussée, on est en train de le faire - probablement une voie
intéressante.
Ailleurs au pays, la commission ontarienne, la commission canadienne a
ce genre de tribunal, mais on ne connaît pas le degré de
succès, si l'on veut, de ces tribunaux. Mais il nous apparaît, en
tout cas à première vue, que sur papier cela pourrait être
une formule intéressante. Je ne sais pas si des collègues
aimeraient ajouter quelque chose.
Mme Duplé: Je voudrais simplement ajouter que c'est pour
assurer le succès du règlement éventuel qu'on a
été amenés à judiciariser de plus en plus.
Finalement, quand une plainte est déposée devant la commission,
immanquablement, il y a une personne qui prétend qu'une autre personne a
commis un acte illicite qui lui porte préjudice. Même si la
commission ne se prononce pas à l'issue de son enquête par une
décision, elle va examiner si vraiment, à son avis, une personne
a effectivement posé un acte illicite.
Le succès du règlement éventuel repose sur la
conviction de cette personne qui est accusée, entre guillemets, sur la
conviction qu'effectivement son cas a été vraiment
évalué à son mérite comme un tribunal pourrait le
faire éventuellement. Si on a suivi la règle audi alteram partem
vraiment dans toute sa splendeur, il est certain qu'on a davantage de chances
que le règlement se fasse. Sauf que, quand on a suivi la règle
audi alteram partem, cela a été long et compliqué, on
s'est bagarré à coup d'avocats et de procédures.
On arrive au moment où le règlement va avoir lieu et la
partie mise en cause dit: Ah, non! Moi, cela ne me convient pas. Et là
on dit au plaignant: Vous savez, on ne peut rien faire. On a envisagé
que la commission soit un organisme qui dispense le citoyen d'aller devant les
tribunaux pour qu'ils aient gain de cause finalement sans aller devant un
tribunal et là on lui dit: Vous avez dépensé autant
d'argent et autant d'énergie que si vous étiez devant le
tribunal, et voilà, il va falloir tout recommencer.
Je suis sûre personnellement qu'il y a certainement moyen, en
faisant une réflexion évidemment très approfondie, de
trouver quelque chose, un moyen pour sauvegarder le rôle de conciliation
qui, à mon sens, et je crois que tout le monde à la commission
partage cet avis, fait corps avec ce rôle de promotion des droits et que
l'on devrait sauvegarder. Il faudrait peut-être aussi donner un peu de
dents à la commission si jamais ces pouvoirs de conciliation ne
fonctionnaient pas. Cela va être le fruit d'une réflexion
peut-être dans quelques jours.
Orientations de la commission
M. Kehoe: Justement, la solution proposée par certains
intervenants, c'est la création d'un tribunal. Vous avez
mentionné tantôt que l'on fait des études plus approfondies
dans les autres provinces du Canada. Je pense que cela existe dans la plupart
des autres provinces du Canada et que cela existe au fédéral.
Je me demande si jusqu'à maintenant vous n'avez pas
étudié les autres systèmes ou si vous n'êtes pas
allés plus loin. Est-ce juste depuis que la commission a
été créée et que nous avons commencé nos
travaux que vous avez poussé la réflexion du côté de
la possibilité de créer un tribunal? Est-ce depuis un certain
temps que vous étudiez cette possibilité ou que vous
étudiez comment cela fonctionne dans les autres provinces ou les autres
endroits au Canada? Où en sont vos réflexions dans ce
domaine?
M. Lachapelle: Déjà en 1986, on s'était
donné comme objectif de regarder tout le mécanisme de traitement
des plaintes à la commission, en étant particulièrement
attachés à la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne. Du même souffle, on s'était dit
qu'il fallait bien regarder ce qui se fait ailleurs. On a un certain nombre
d'évaluations de faites de la commission québécoise. On
connaît vraisemblablement où sont nos embûches. Il nous
reste à voir exactement comment cela se fait ailleurs dans les autres
provinces et quel est le résultat. Évidemment, sur papier, on a
bien sûr examiné les législations. Cela apparaît
relativement bien. Cela semble être une mécanique qui fonctionne.
Reste à aller voir quels sont les résultats concrets.
Mais on a commencé avant. Je dois vous dire que depuis environ
dix ans à la commission, c'est la question qui revient continuellement.
Au départ, on était dans un système inquisitoire, mais on
nous indiquait qu'il y aurait lieu d'appliquer à la Commission des
droits de la personne l'article 23 qui indique qu'on doit entendre... Et on
nous considérait comme un tribunal. Alors, à ce moment-là,
on a mis en place des règles de procédure relativement rigides,
on est devenus un peu comme un tribunal. On entend les parties. Chacune des
personnes témoigne en présence l'une de l'autre, tant et si bien
qu'on utilise également le subpoena. Les tribunaux nous ont dit: Bien
sûr, vous êtes quasi judiciaires. Évidemment, d'un
événement à l'autre, on s'est donné une
espèce d'apparence de tribunal. Ce n'est peut-être pas cela qu'il
faudrait faire. Il faudrait peut-être revenir à un système
inquisitoire.
Mais si on revient à un système inquisitoire, il faudrait
peut-être oublier le subpoena à ce moment-là parce
qu'à partir du moment où vous utilisez le subpoena et qu'une
personne est assignée et doit répondre sous serment, c'est
évidemment toute la batterie qui commence. On dit: Bien oui, si vous
voulez que je réponde sous serment à l'accusation, entre
guillemets, de harcèlement sexuel, vous allez me permettre d'avoir mon
avocat. Et je veux entendre la partie adverse aussi. Hé bien! Ça
y est. On est devant une audience publique et on vient de lancer le
tribunal.
Je remarque qu'à la commission canadienne on ne peut utiliser,
sauf erreur, le subpoena et à la commission ontarienne également
depuis 1982. À moins que ce soit l'inverse? Non. Depuis 1982, à
la commission ontarienne, on a aboli l'utilisation du subpoena justement
à cause de ces contraintes parce que, dès qu'on fait cela, on
enclenche un processus à tout le moins quasi judiciaire.
M. Kehoe: C'est le débat fondamental qui est de savoir
quelle orientation vous allez continuer de prendre. C'est la solution la plus
spectaculaire peut-être de suggérer la création d'un
tribunal de droit. C'est vraiment là que le débat de fond doit se
faire pour savoir quelle orientation prendre.
M. Lachapelle: C'est-à-dire que je pense qu'en fin de
compte c'est au législateur à prendre ces orientations. Quant
à nous, on veut bien essayer de vous éclairer sur ce que l'on
connaît et surtout sur nos difficultés vécues depuis dix
ans. Le constat que je faisais tantôt, c'est qu'il y a un changement
à faire.
Un changement serait que la commission elle-même décide
d'aller vers un système inquisitoire mais, encore une fois, avec la
possibilité d'utiliser le subpoena. Je ne vois pas pourquoi on ne
l'utiliserait pas s'il est là. On va nous dire: il faudrait faire
témoigner le "mis en cause" et il ne veut pas venir. Bien oui, mais
utilisez le subpoena. Enfin, on enclenche rapide-
ment... Je ne vois pas pourquoi on ne se servirait pas du pouvoir qui
est là.
À ce moment-là, il faudrait assurément faire
quelques petites modifications à la charte si on disait qu'on ne
crée pas un tribunal, mais qu'on utilise strictement les pouvoirs qui
sont là. (16 h 45)
Le Président (M. Filion): La parole a été
donnée, je crois, au député de Louis-Hébert. Le
député de Chapleau était sur le même sujet. C'est
ça, c'était sur le même sujet. Cela va, M. le
député de Louis-Hébert? On peut peut-être passer...
Il a quitté, de toute façon. Bon!
Une voix: il a dit qu'il quitterait très vite.
Le Président (M. Filion): D'accord. Je vais laisser la
parole au député de Shefford.
M. Paré: Si vous ne suiviez pas l'ordre, M. le
Président, j'étais pour me plaindre à la Commission des
droits de la personne.
M. Boulerice: Comme représentant d'une minorité
invisible, je vais me plaindre du traitement qu'on me réserve de me
faire passer après le député de Shefford.
M. Paré: Cela dit, sérieusement, c'est vrai que
parfois on pense qu'il y a des ententes qui ne semblent pas acceptables ou on
en dénonce: l'aveugle, par exemple, qui a une bouteille de Champagne ou
un lunch pour régler son problème. Je dois dire: Je comprends
cela et j'accepte' cela. Je dois dire que le plus grand gain de l'aveugle au
moment où il obtient cela, c'est d'être accepté dans le
restaurant et faire accepter le principe par ce restaurateur et les autres
restaurateurs. Il n'a pas besoin d'autre chose. Il y a le principe qui est
accepté. Si on réussissait à régler tous les cas de
cette façon, j'accepterais cela.
Maintenant, juste quelques questions pour permettre à mes
collègues d'en poser, ils semblent nombreux à vouloir le faire.
Sans vous demander de dévoiler des secrets d'État, vous avez
commencé votre intervention en parlant du plan triennal qui va
être déposé le 15 avril. Cela veut dire qu'on devra se
réunir en commission et finalement étudier le plan qui va
être déposé. Je pose quand même une question. Vous
n'êtes pas obligés d'y répondre. Est-ce que, dans le plan
qui va être déposé, les recommandations, les suggestions
pour améliorer finalement le fonctionnement sont faites en fonction des
critiques que vous avez entendues lors de l'audition ou sont-elles
orientées en fonction des budgets que vous avez et de la loi actuelle,
c'est-à-dire à l'intérieur des moyens qui vous sont
donnés et qui sont limités?
Faites-vous des recommandations en fonction des structures actuelles, ou
en faites-vous en demandant plus de pouvoirs qui pourraient aller
jusqu'à un tribunal?
M. Lachapelle: Les orientations qu'on se donne, bien sûr,
sont - on espère aussi que cette commission de l'Assemblée
nationale fera des suggestions pour améliorer la Commission des droits
de la personne - les orientations que l'on prend, pour être très
réalistes, seront dans le cadre des pouvoirs que l'on connaît
actuellement à la Commission des droits de la personne. Cela ne nous
donne pas grand-chose, sachant combien de temps on peut mettre pour modifier
les lois, de tenter des orientations au-delà des pouvoirs qu'on a
actuellement ou des budgets qu'on a à la Commission des droits de la
personne. Il est bien sûr que la commission dans ses recommandations
verra sûrement à aller au ministère de la Justice, qui est
l'interlocuteur pour demander des effectifs supplémentaires pour nous
aider, entre autres, dans le traitement des plaintes. On pense que ce qu'on
connaît actuellement n'est pas acceptable.
M. Paré: il y a un rôle fondamental chez vous:
l'éducation, l'information à la population. C'est souvent
là qu'on exempte beaucoup de problèmes parce qu'on a
prévenu les gens. Là où c'est fondamental, je pense, de
donner l'information ou l'éducation, c'est d'abord chez les jeunes si on
ne veut pas que la société plus tard se retrouve avec beaucoup de
problèmes. Donc, c'est au niveau de la jeunesse. La jeunesse, on la
rejoint spécialement et de façon directe au niveau du
ministère de l'Éducation. On enseigne, et c'est bien aussi, un
lot de matières pour que notre jeunesse soit préparée
à faire face à toutes les facettes de la vie un peu plus tard. On
a décidé comme société que l'éducation
était quelque chose de fondamental.
Donc, le jeune, qui est un adulte en devenir, apprend à compter,
à calculer, à lire et à écrire; il apprend aussi
les règles morales, les règles religieuses, une foule de choses
et il va être un consommateur plus tard. Donc, le ministère
responsable de la protection du consommateur a réussi à faire
inclure une matière intégrée... comme un consommateur.
Mais avant d'être un consommateur, moi, je dis que c'est d'abord un
citoyen qui doit être accueillant, qui accepte au moins quelque chose de
fondamental, la loi fondamentale finalement de la reconnaissance de
l'égalité des citoyens entre eux. Avez-vous des contacts au
ministère de l'Éducation et seriez-vous favorables à ce
qu'il y ait un programme intégré et global pour que notre
citoyen, lorsqu'il va sortir de l'école, soit d'abord un citoyen qui
respecte les autres citoyens dans la société?
M. Lachapelle: On aura peut-être l'occasion d'en reparler
en traitant de ce document "Pour mieux vivre ensemble". Je ne sais pas si vous
étiez arrivé à ce moment. On indiquait que tantôt,
en dernière minute, on voulait vous
présenter ce document et vous parler en même temps du
travail que fait la Commission des droits de la personne. Si vous retenez votre
question jusqu'à ce moment, on pourra en parler; si vous voulez que j'y
réponde tout de suite, on pourrait le faire et peut-être qu'on
pourrait parler immédiatement de ce guide.
Le Président (M. Filion): Je pense que la question du
député de Shefford - peut-être que le guide s'inscrit dans
cette réponse - porte plus particulièrement sur la
possibilité d'inclure une formation de base en matière de droits
de la personne, à titre de cours, de matière
intégrée à l'enseignement.
M. Lachapelle: De fait, c'est dans ce cadre qu'on a
préparé le document, "Pour mieux vivre ensemble", qui est un
exposé de la charte axé - je pense que le titre l'indique - sur
la vie en société et l'apprentissage des droits et
libertés, mais illustré de façon très quotidienne.
Actuellement, au ministère de l'Éducation - on me corrigera si on
a des informations plus précises - il n'y a pas de temps
spécialement consacré à la Charte des droits et
libertés de la personne.. Il y a tout de même certaines
périodes de cours, des cours de morale, des cours de civisme, où
j'ai compris qu'il y avait une heure de consacrée par année - ce
n'est pas beaucoup - pour l'exposé de la charte.
On a demandé au ministère de l'Éducation qu'il
puisse utiliser ce guide et je dois vous dire que nous avons eu une
réponse très favorable de la part du ministre de
l'Éducation. Il a écrit - malheureusement, je n'ai pas la lettre,
mais on pourra peut-être vous la fournir - à chacun des directeurs
généraux des commissions scolaires leur parlant de ce guide et
leur demandant de l'utiliser dans les cours. Il n'y a pas de période
spéciale qu'on consacre à l'étude de la Charte des droits
et libertés, ce qui serait très ' léressant et qui
pourrait constituer un cours probablement aussi important que les
mathématiques. On pourrait même apprendre la langue avec ces
équipements. Pourquoi pas?
Mme Bleau: Ce serait une bonne manière pour les
intéresser.
M. Paré: Je pense que l'école, c'est l'endroit
où il faut diffuser la charte, à mon avis, et ce n'est pas avec
une heure par année qu'on peut faire de bons catholiques, de bons
mathématiciens ou autre chose, mais il faut faire avant tout de bons
citoyens et, si on respecte la charte, on sera un bon citoyen.
Un autre point avant qu'on me retire la parole...
Le Président (M. Filion): M. le député de
Shefford.
Programmes d'accès à
l'égalité
M. Paré: Dans un autre dossier que vous avez touché
tantôt, les programmes d'accès à l'égalité,
vous avez parlé de chacun des rôles que vous aviez: conseil,
enquête et surveillance. Vous êtes revenus sur l'un d'eux qui vous
semble primordial pour la commission, celui de conseil et assistance. Pour moi,
oui, c'est important, c'est de la formation et si on veut que ce grand principe
d'accès à l'égalité soit une réalité,
il faut que quelqu'un s'en occupe. Mais pensez-vous vraiment que ce rôle
d'assistance et de conseil vous revienne? Est-ce que cela ne devrait pas
relever du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu ou du ministère du Travail d'implanter ce service ou
d'implanter cette nécessité de reconnaître l'accès
à l'égalité, alors que votre rôle, ce serait de
vérifier et de vous asssurer ensuite... surtout dans les deux autres
rôles d'enquêteur et de surveillant? Si vous aviez à choisir
entre les deux... Mais je pense que vous ne pouvez pas choisir entre les deux
parce que votre rôle, c'est de vous assurer que la charte est
respectée. Comme on dit dans la charte que c'est votre rôle de
surveiller pour que toutes les facettes de la charte soient respectées
et qu'en même temps on a mis un article sur l'accès à
l'égalité, est-ce que l'accès ne devrait pas être
implanté par les ministères sectoriels responsables pour que vous
en ayez la surveillance par la suite?
M. Lachapelle: Je ne dis pas qu'un ministère sectoriel ne
pourrait pas le faire. Effectivement, il pourrait le faire, mais il doit y
avoir un organisme chargé de la mise en application des programmes
d'accès à l'égalité. Il y a une raison primordiale,
à mon avis, c'est qu'il faut s'assurer qu'ils sont conformes à la
charte, et je dois vous dire que ce n'est pas si simple que cela. J'avais cru
au départ que, avec les programmes d'accès à
l'égalité, on pouvait tout simplement arriver dans un organiPTime
et dire: il y a 15 % de minorités visibles; vous avez 3 % chez vous; 15
% moins 3 %, 12 %; vous devez augmenter cela à 12 %. Ce n'est pas si
simple que cela. Mme Caron est ici; elle pourra peut-être nous en parler,
si vous voulez, parce que c'est intéressant de connaître la
mécanique pour comprendre ensuite comment s'établit
véritablement un programme d'accès à
l'égalité à partir des analyses de disponibilité,
etc.
Je pense donc qu'il faut un organisme qui voit à ce que ce soit
véritablement établi suivant des normes précises sans
tomber dans une bureaucratie trop lourde. D'autre part, on a enlevé -
c'était beaucoup plus pressant comme obligation - l'article 86.2: "Tout
programme d'accès à l'égalité doit être
approuvé par la commission, à moins qu'il ne soit imposé
par le tribunal". Je pense qu'on voyait à ce moment-là, quand on
a fait le chapitre III, que c'était complexe, qu'on ne voulait pas avoir
de program-
me bidon, qu'on voulait être sûr qu'on respectait
également les principes de la charte parce qu'on pourrait faire des
programmes d'accès à l'égalité qui, à
certains égards, pourraient être à l'en-contre de certaines
prescriptions de la charte. Donc, on avait indique alors qu'ils devaient tous
être approuvés. Alors, on allait bien plus loin que cela, bien
plus loin que strictement la partie conseil. Quand on l'a mise en application,
on n'a pas mis le premier paragraphe de l'article 86.2 en vigueur, on n'a
laissé que "La commission, lorsqu'elle en est requise, doit prêter
son assistance". Nous, nous disons: À tout le moins, en tout cas, on est
conformes à la charte, on répond à cette obligation.
Maintenant, est-ce qu'il est opportun et est-ce qu'il ne le serait pas
de modifier la charte pour enlever ce rôle à la Commission des
droits de la personne? Je dis que non. Je dis que tout cela est dans
l'économie et dans la philosophie de la charte. Cela fait partie de la
promotion des droits, de la même manière que lorsqu'on va dans une
école et qu'ils connaissent un problème de discrimination
raciale, d'aller avec les autorités scolaires, peut-être pas pour
mettre en place un programme d'accès à l'égalité -
peut-être oui, cela pourrait corriger un problème de
discrimination - mais pour mettre en place un programme d'éducation
antiraciste, par exemple, un programme d'acceptation mutuelle de tous les
Québécois qui sont dans cette école. Alors, de la
même manière, je pense que ce n'est pas abusif de penser qu'une
Commission des droits de la personne, qui doit faire de l'éducation et
de la promotion des droits, puisse non seulement parler en l'air de programmes
d'éducation et de promotion, puisse arriver avec un programme
très spécifique, car c'est ce qu'on fait, finalement, c'est un
programme très spécifique, c'est un programme d'accès
à l'égalité dans une entreprise. Je pense que ce doit
être à la Commission des droits de la personne de le faire; son
rôle global l'y amène tout naturellement.
C'est quand on commence à penser que la Commission des droits de
la personne est un tribunal qu'on dit que cela ne va plus. C'est là que
cela ne va pas. C'est quand on fait de nous un tribunal; on dit: Bien non, on
verrait mal les juges de la Cour supérieure aller implanter des
programmes d'accès à l'égalité quelque part dans un
cégep ou dans une entreprise, à la Reynolds ou ailleurs. Quand on
est un organisme de promotion, on comprend plus facilement.
M. Paré: Mais vous allez admettre avec moi que, dans la
tête de la plupart des Québécois, la commission est un peu
un tribunal. On va à la commission au moment où on a des
problèmes, au moment où on pense que la charte n'est pas
respectée ou que quelqu'un ne la respecte pas. Donc, dans la tête
des gens, c'est cela, c'est pour s'assurer de l'application de la charte, du
respect de la charte, alors que dans ce domaine précis du programme
d'accès à l'égalité, c'est l'inverse, c'est pour
l'implanter.
Qu'est-ce qui justifie que, dans ce seul domaine, vous ayez le
rôle de l'implanter par rapport à un ministère qui devrait
le faire, alors que pour le respect de la charte, dans le domai ne de
l'éducation, dans le domaine - pas du travail parce qu'on n'a pas
d'exemple - de l'habitation, dans les autres domaines, il y a des gens
responsables pour faire en sorte qu'il y ait des règles, des
critères ou quelque chose qui s'applique et vous quand vous êtes
appelés, vous intervenez si ce n'est pas fait? Vous faites de
l'information aussi, mais pour l'application, vous exercez plutôt les
deux autres rôles d'enquêteur et de surveillant, alors que, dans ce
domaine précis, vous êtes les gens qui l'implantez et en
même temps les gens qui allez devoir enquêter.
Qu'est-ce qui, selon vous, justifie que vous ayez dans ce domaine et ce
seul domaine - à moins que vous n'ayez d'autres exemples à me
donner - les deux rôles à jouer? (17 heures)
M. Lachapelle: Encore une fois, je pense que c'est son devoir qui
est inscrit à l'article 66: "La commission doit promouvoir, par toutes
mesures appropriées, les principes contenus dans la présente
charte." C'est un rôle de promotion, très appliqué,
très précis, mais c'en est un, qui est la mise en place d'une
mécanique de programmes d'accès à l'égalité.
À mon avis, c'est le seul point de repère qu'on a.
Encore une fois, quand on en vient à la conclusion que la
commission est un tribunal et, si dans la tête des gens la commission est
un tribunal, bien sûr qu'on a une difficulté là. Il
faudrait peut-être corriger cela, cependant. On a mentionné
tantôt une certaine façon de faire qui serait de diviser
vraisemblablement ce rôle de promotion, de bien le camper, qu'il se fasse
par des programmes d'accès à l'égalité, par des
enquêtes, par toutes sortes de moyens, sauf bien sûr de statuer
à la manière d'un tribunal sur une plainte. Qu'on divise ce
rôle-là. Peut-être qu'à ce moment-là on
éclaircirait dans l'idée de la population le véritable
rôle d'une Commission des droits de la personne.
M. Paré: Vous ne risquez pas, à un moment
donné, si quelqu'un dans une grande entreprise va se plaindre du fait
que finalement son droit d'accès à l'égalité n'est
pas respecté, que la charte est violée, d'avoir de la part de
l'employeur la réponse: Avec la commission, je n'ai pas eu toute
l'assistance technique, toute lin-formation nécessaire pour
l'implantation, on n'est pas encore rendu là.
Le Président (M. Filion): Uniquement pour compléter
la question. D'ailleurs, vous avez signalé tantôt qu'il y avait
cinq ou six entreprises où vous étiez à la fois conseiller
et enquêteur. Dans le sens de mon collègue de Shefford, dans ces
entreprises comment pouvez-
vous véritablement enquêter alors que vous êtes i
conseiller? C'est cela, la question.
M. Lachapelle: Dans les faits, cela ne pose pas de
problème. Il y a des dossiers très... On peut les nommer sur la
place publique, les autres dossiers étant confidentiels: les dossiers de
la STCUM, la Commission de transport où il y a 40 femmes qui viennent
porter plainte chez nous à l'embauche et qui disent qu'il y avait des
règles discriminatoires qui les ont exclues à l'embauche. La
commission enquête sur ces sujets et a conseillé, dans un
programme d'accès à l'égalité tout autre, la mise
en place d'un programme d'accès à l'égalité. Un
programme d'accès à l'égalité, ce n'est pas si
mystérieux finalement. C'est une analyse des effectifs, une analyse des
disponibilités et une analyse également du système
d'embauché pour en venir à des moyens pour redresser la situation
de discrimination. L'autre cas est quand même différent. Il faut
aller voir si effectivement on peut prouver que cette règle dite
discriminatoire, en apparence en tout cas, a créé de la
discrimination pour ces employés en particulier. Concrètement, en
tout cas, cela ne pose pas de problème. Les deux sont différents
de la même manière dans la même entreprise. Il y a
même une plainte de discrimination à rebours. Si on reçoit
une plainte de la part d'un groupe de femmes qui se disent victimes de
discrimination, on ne devrait pas recevoir la plainte d'un homme qui, lui
aussi, se dit victime de discrimination à cause d'un plan d'emploi.
Pourquoi pas? Cela semble aussi contradictoire. Il y a un homme qui vient nous
dire: Si je n'ai pas été embauché à la STCUM, c'est
parce qu'il y a là un programme d'accès à
l'égalité discriminatoire à mon égard, et vous
allez enquêter. On a eu la même chose dans la fonction publique
québécoise. Il y avait là un programme d'accès
à l'égalité qui ne visait qu'à embaucher des femmes
comme géologues ou ~.:eique chose comme cela, et on a eu une plainte de
la part d'un homme disant: On m'a exclu. Ce programme d'accès à
l'égalité n'était pas acceptable. Il a fallu
enquêter sur les deux.
Le Président (M. Filion): Cela va.
M. Lachapelle: C'est sûr qu'il faut être consistant
jusqu'au bout. Il ne faut pas que les programmes d'accès à
l'égalité soient contradictoires. C'est pour cela qu'ils doivent
être établis conformément à la charte aussi.
Le Président (M. Filion): Sur le même sujet, Mme la
députée de Groulx.
Mme Bleau: Certains groupes se sont plaints entre autres de la
lourdeur du processus imposé par la commission dans le programme
d'accès à l'égalité. Une proposition avait
été faite par Action-travail des femmes qui aurait aimé
que l'on permette l'implantation de ce programme par secteur d'entreprise.
Est-ce qu'il serait possible que ce soit fait dans ce genre-là? Cela
irait peut-être plus vite à ce moment-là.
M. Lachapelle: Est-ce que vous me permettez de céder la
parole à Mme Caron qui pourrait peut-être nous éclairer sur
le sujet?
Mme Caron (Louise): C'est tout à fait possible, Mme la
députée, et c'est ce que nous faisons avec bien des entreprises.
Ce que, d'autre part, nous disons aux entreprises quand elles font l'analyse de
leur situation - un programme d'accès à l'égalité
est un outil de plus que fournit la charte pour contrer la discrimination; ce
n'est pas quelque chose qui se surimpose à quelque chose d'autre; c'est
un outil supplémentaire que la charte permet d'utiliser et qui n'est pas
discriminatoire - ce que nous disons, d'autre part, aux entreprises, c'est de
bien regarder tout l'ensemble de leur système pour être bien
sûres qu'elles ne se retrouvent pas aussi à faire des ghettos
d'emploi et qu'on regarde bien ce que cela peut vouloir dire dans
l'accès à l'égalité. Mais en tout temps nous
permettons, pas nous permettons... Je voudrais bien ajouter aussi qu'il faut
bien comprendre que l'économie de la partie III de fa charte, ce sont
les programmes établis sur une base volontaire. Donc nous disons,
d'autre part, aux entreprises: Bien sûr, si vous avez des emplois
où il y a effectivement de la sous-représentation ou de la
sous-utilisation, soit de femmes ou de groupes visés par la charte, bien
sûr que vous pouvez faire des programmes d'accès à
l'égalité, nommément pour ces corps d'emplois et de
façon, comment dirais-je, non pas ponctuelle, mais spécialement
pour ces corps d'emploi, certainement.
Le Président (M. Filion): Cela va? Mme Bleau: Bien,
merci.
Le Président (M. Filion): Je vais rester sur le même
sujet et très concret, la Société de I transport de la
communauté urbaine de Montréal, I le cas que vous avez
évoqué tantôt. Dans le mémoire d'Action-travail des
femmes, on fait état de ce que vous avez souligné, mais on dit un
petit peu plus loin que plusieurs femmes s'étaient adressées
à la Commission des droits de la personne avant de faire appel à
Action-travail des femmes qui, je pense, est l'espèce de regroupement
qui a servi à conseiller ces femmes dans leur demande. On dit ici, je
cite le mémoire III, page 6: "Le service d'accueil de la commission a
refusé de prendre leur plainte sous prétexte que la STCUM mettait
sur pied un programme d'accès à l'égalité en
collaboration avec la commission". Bref, ce qu'on semble nous dire, c'est que
le rôle-conseil était déjà amorcé. Une ou des
plaintes sont arrivées. À ce moment, la commission aurait dit
à ce groupe de femmes: Bien, écoutez, on a déjà
notre rôle de conseil, alors
on va oublier les plaintes.
M. Lachapelle: Je sais pertinemment que, lors d'un premier appel
téléphonique, les agents de recevabilité auraient
mentionné que cette plainte n'était pas recevable, mais, à
ma connaissance, ce n'est pas sur cette base. Ils ne voyaient peut-être
pas le problème de discrimination. Je dois vous dire que dans la
même journée, par exemple, j'avais appelé Mme Roy justement
pour lui parler de ce problème ou de cette question où on
exigeait cinq années d'expérience dans la conduite de camions
lourds. J'avais parlé à Mme Roy très tôt le matin et
je me souviens qu'elle m'avait annoncé qu'il y avait une panne du
métro, vers 9 heures le matin. Alors, on n'a pas retardé beaucoup
pour parler à Mme Roy et justement pour redire ensuite aux gens: On est
prêts à accepter la plainte. Je me souviens même que quand
le groupe était venu porter la plainte - c'était quelque temps
plus tard - on avait discuté avec les représentants de ce groupe
et on avait dit qu'il n'y avait pas de difficultés, qu'on recevait la
plainte et qu'on enquêterait. D'ailleurs, l'enquête achève,
je pense. C'est une question de mois avant que le rapport final ne soit...
Effectivement, je ne nierai pas qu'au départ il peut y avoir une
ambiguïté sur la recevabilité de la plainte.
Le Président (M. Filion): Mais qui est maintenant
réglé au niveau de la commission?
M. Lachapelle: Oui, oui.
Le Président (M. Filion): Ce qui est important dans les
programmes d'accès à l'égalité, finalement, c'est
que ça marche, qu'il y en ait le plus possible et que cela fonctionne.
Vous nous dites cet après-midi: On a l'expertise qui est
concentrée à la commission. C'est un sujet qui est excessivement
complexe. J'ai déjà eu l'occasion de le signaler publiquement. Ce
n'est pas une matière simple. Le président lui-même a
donné un exemple tantôt qui est fort évocateur des
problèmes cornéliens que pose la femme ou l'homme qui vient
après qu'il y a eu un programme d'accès à
l'égalité en faveur des femmes. Je sais qu'aux États-Unis
ils se sont cassé les cheveux en quatre, même à la Cour
suprême.
M. Lachapelle: Cela fait vingt ans et on vient d'avoir les
premiers jugements de la Cour suprême.
Le Président (M. Filion): Voilà, alors.
Apparemment, pour le jugement aussi, le cheveu est en huit. Ce n'est pas simple
à saisir. Mais au Québec, les programmes sont jeunes. Il faut que
cela marche en été comme en hiver, puis le plus rapidement
possible. Vous nous dites: On a l'expertise, on peut donner conseil. Le
rôle de surveillance ne pose pas de problème, je pense.
Vous l'aviez mentionné tantôt au sujet des rapports. |
M. Lachapelle: il n'est pas joué actuellement, parce que
justement nous n'avons pas ces rapports. Il est difficile d'aller beaucoup plus
loin, à moins évidemment de nous lancer dans des enquêtes
de notre propre initiative. Encore une fois, là-dessus, je vous dirais
qu'on n'a pas d'objection, sauf qu'on partirait un peu dans le vague, on irait
chercher quelle entreprise, au fait? Actuellement, on agit sur plainte. Si on
avait ces rapports et qu'on pouvait les examiner, on pourrait peut-être
jouer un rôle différent.
Le Président (M. Filion): Mais tout cela finalement est
attribuable au fait que tout le mécanisme d'accès à
l'égalité est relativement jeune au Québec. Là, on
regarde cela. Certains articles sont entrés en vigueur il y a à
peine 18 mois, mais lorsque la commission ou lorsque les programmes
d'accès à l'égalité auront atteint une vitesse de
croisière et quand cela décollera comme train, j'ai l'impression
que cela va soulever beaucoup de poussière. Là, vous avez cinq ou
six cas, mais quand il y en aura plusieurs, concrètement j'aimerais
qu'en terminant vous essayiez de m'expliquer - c'est ce qui me chicote -
comment on peut arriver à faire une enquête objective J'allais
dire une enquête complète dans un système inquisitoire,
alors que vous aurez été partie vous-mêmes par votre
rôle-conseil à l'élaboration, à la mise sur pied,
à l'implantation, aux discussions, etc. Peut-être que vous allez
me dire: Les informations que j'aurai reçues dans mon rôle-conseil
vont juste m'aider pour l'enquête.
M. Lachapelle: Ah non! pas du tout.
Le Président (M. Filion): Non? À ce
moment-là...
M. Lachapelle: Non. C'est très clair, à ce
moment-là, on ne peut négocier aucun contrat avec un employeur
qui dira: Vous allez transférer les informations d'un secteur à
l'autre. C'est évident qu'avec un employeur on ne se sert pas des
informations qu'on a recueillies de la même manière que certaines
compagnies ne transfèrent pas des informations à la Commission
des droits de la personne, sauf sur subpoena.
Le Président (M. Filion): À ce moment-là,
est-ce que la commission ne se retrouve pas dans une espèce de
rôle schizophrénique où elle oublie ce que le bras droit a
fait pour laisser le bras gauche agir dans tel dossier? Je pose la question. A
partir du moment où cela devient étanche dans la transmission
d'information, je me pose la question: Comment la commission pourrait
véritablement ignorer ce que sa main droite fait? Parce que c'est sa
main gauche qui enquête et c'est sa main droite qui conseille. Je ne
connais
pas d'exemple semblable.
Mme Duplé: Je crois qu'il y a une réponse vraiment
très partielle, c'est que les programmes d'accès à
l'égalité, comme madame l'a signalé
précédemment, ce sont des programmes volontaires. Si l'employeur
ne les met pas en application, c'est peut-être là qu'il y aura des
cas de discrimination qui seront signalés à la commission. Cela
peut se produire. Si l'employeur les met en application, je dois vous avouer
qu'effectivement c'est un cas où la commission aura de la
difficulté à dire: Ah oui! c'est tout à fait conforme aux
programmes d'accès que la commission a conçus et dont elle a
conseillé l'application, mais c'est de la discrimination.
Évidemment, c'est difficile. Ce sont deux directions différentes
qui font les enquêtes et qui bâtissent les programmes
d'accès à l'égalité, mais c'est toujours la
commission qui agit. Alors, évidemment, on est dans une situation
difficile dans ce cas. Mais est-ce qu'on ne peut pas penser que, si les
programmes d'accès à l'égalité aboutissent, s'il y
a de la discrimination à la suite de l'implantation d'un programme
d'accès à l'égalité, c'est parce que, très
probablement, le programme n'a pas été mis en place. Justement,
il ne faut jamais perdre de vue qu'un programme d'accès à
l'égalité vise à corriger une situation de discrimination
passée. En fait, on part d'un constat de discrimination. Il faut partir
de ce constat que l'on vise à enrayer, enfin, à supprimer. On
vise à le supprimer et à rétablir l'égalité
et après on tombe à l'égalité de tous. Cette
fois-ci, à partir du moment où tout le monde est égal, il
n'y a plus de privilèges donnés à l'un ou à
l'autre. C'est fini.
Le Président (M. Filion): Juste un dernier commentaire
là-dessus avant de laisser le député de Chapleau et
ensuite le député de Marquette. Le problème, ce n'est pas
après l'implantation. Je Dense bien que, s'il y a discrimination
après i implantation... Cela peut toujours arriver, mais quand
même, ce sont des cas plutôt rares. Le problème est
plutôt pendant l'implantation, après un premier contact, pendant
l'étude qui n'est pas facile et qui est extrêmement longue. Cela
prend un inventaire de la main-d'oeuvre, etc. Alors, c'est juste un
commentaire.
M. le député de Chapleau. (17 h 15)
Délais dans le traitement des plaintes
M. Kehoe: Donc, étant le quatrième ou
cinquième à prendre la parole, plusieurs des sujets ou des
questions que j'avais à poser ont déjà été
posés, mais il y a deux sujets en particulier que j'aimerais
aborder.
Vous avez mentionné, M. le Président, quand vous avez fait
votre intervention au commencement, que les délais ne sont pas
acceptables. C'est sûr qu'ils ne sont pas acceptables. Je me souviens,
qu'il y a quatre ou cinq ans, on avait eu, en Cour supérieure à
Montréal, un délai de cinq à sept ans pour des causes qui
duraient plus d'une semaine et qu'il y avait un délai jusqu'à
deux ou trois ans, pour des causes ordinaires en Cour supérieure; en
Cour provinciale, c'était un délai de tout près de deux
ans.
Il y a eu un comité formé avec les juges en chef de la
Cour supérieure et de la Cour provinciale; il y a eu un travail
exceptionnel de fait par les juges et les avocats. Enfin, avec l'incitation du
ministre de la Justice, la situation a dramatiquement changé, non
seulement à Montréal, mais ailleurs dans les différentes
régions, dans les différents districts judiciaires de la province
de Québec.
Chez vous, je ne sais pas exactement quels sont les délais et si
c'est une question de plusieurs années ou plusieurs mois, surtout dans
le cas des problèmes qui relèvent de votre juridiction, que ce
soit le harcèlement sexuel ou la plainte d'un malade ou quoi que ce soit
- il peut être mort avant qu'il y ait audition de la cause, je pourrais
en parler longtemps - mais je veux en venir à vous demander ce que
concrètement vous pouvez faire ou faites actuellement pour tenter de
régler le problème. Parce que, effectivement, si ce
problème n'est pas réglé, vous perdez beaucoup de
crédibilité. J'ai eu la plainte, personnellement, dans mon bureau
de comté, à maintes reprises, que, au moment où vous
étiez prêts à entendre la cause, c'était
réglé, les parties étaient mortes, un tas de choses
était arrivé. Je pense que c'est un problème
sérieux. Et je me demande quelles démarches vous avez prises ou
vous allez prendre pour tenter de régler le problème.
M. Lachapelle: Bien, le dossier que vous évoquiez
tantôt, celui des délais devant les tribunaux, c'est un dossier
que j'ai connu dans une vie antérieure, n'est-ce pas?
M. Kehoe: On a tous vécu cela.
M. Lachapelle: J'ai eu l'occasion de travailler beaucoup et je me
souviens, à l'époque, que vous posiez également des
questions sur les délais de la Cour supérieure.
Effectivement, le cas que vous soulevez est intéressant comme
approche. Ce qu'on a fait à la Cour supérieure, c'est qu'on a
émondé les rôles d'un nombre de causes qui, effectivement,
bloquaient l'ensemble du système, qui n'étaient pas prêtes
à procéder tout simplement et qui ne faisaient que retarder des
causes prêtes. Alors, la méthode utilisée en Cour
supérieure fut celle-ci. On a dit: Tous ceux qui ne sont pas
prêts, s'il vous plaît, laissez votre place. Et il y a eu une
espèce de méthode qui était ce qu'on peut appeller un peu
la justice sur rendez-vous: J'ai une cause qui est prête; avez-vous un
juge pour m'entendre? Je trouve que cette méthode est justement faite de
telle sorte que ceux qui
bloquaient le système sont sortis du système et maintenant
on n'entend que les causes qui sont prêtes. C'est très profitable
et les délais sont passablement raccourcis.
La différence, à la Commission des droits de la personne,
je pense, c'est qu'il y a trois façons d'agir. Il faudrait
peut-être agir sur l'entrée, justement, des dossiers - je vais
reprendre ensuite les trois façons, l'une après l'autre - bien
sûr, sur nos méthodes de travail et d'enquête. Quant
à la troisième, il faudra peut-être se pencher sur la
question des effectifs de la commission.
Sur le premier point, vous savez que toute personne qui a raison de
croire... elle vient porter une plainte à la commission, elle dit: Moi,
j'ai un des motifs de l'article 10, j'ai subi un préjudice. Vous
enquêtez. Parfois, vous savez, les faits qu'on nous énonce sont
très minces. On n'a pas beaucoup de choix. On a des règles de
procédure qui nous permettent d'émonder un peu, en disant que, si
vous n'avez pour raison de croire que le motif et pas d'autre fait
d'accroché à cela, ne vous attendez pas à ce que l'on
enquête. Sauf qu'il y a des gens qui sont venus ici dire: il devrait
même y avoir un droit d'appel de cela. Très souvent, les agents de
recevabilité essaient de convaincre: Si vous n'avez pas d'autre fait que
strictement la couleur, on ne se rendra pas loin; donnez-nous des dates;
dites-nous où; avez-vous un numéro de téléphone?
Avez-vous le nom du propriétaire ou du concierge? Avez-vous d'autres
éléments? Très souvent, il n'y a rien de cela.
Il reste que la commission enclenche quand même une enquête.
Elle a cette obligation de faire enquête. Donc, il faudrait
peut-être agir à ce niveau et nous permettre d'émonder un
peu, dès le départ. Jusqu'à présent, l'entonnoir
était large. Il ne faut pas se demander pourquoi il y a tant de
désistements. On amorce une enquête et, au bout de quelque temps,
on dit: Vous n'avez rien, regardez ce que vous avez dans votre dossier; on ne
peut pas se rendre bien plus loin que cela. Alors, cela crée un certain
nombre de désistements, mais il reste qu'en attendant on a tout de
même investi du temps dans l'enquête. Donc, je dis que, sur
l'entrée, il y aurait peut-être quelque chose à faire.
Maintenant, il faudrait amender la charte de façon assez importante.
Est-ce qu'on devrait donner à la commission le pouvoir de refuser dans
certains cas des enquêtes qui ne nous semblent pas assez consistantes et
de nous permettre dans certaines occasions de choisir même les
enquêtes? C'est peut-être un peu inquiétant, justement, dans
l'optique d'une charte des droits et libertés où justement ce
sont des gens qui sont victimes, qu'ils n'ont pas de moyens. Alors, on l'a
élargie. Bon, il faut peut-être vivre avec cela et avec les
conséquences à savoir qu'il faut investir du temps.
En ce qui concerne les méthodes de travail, cette année on
a investi énormément d'énergie.
D'abord, on a informatisé nos activités. C'est important
pour pouvoir travailler et faire ce qu'on pourrait appeler du "caseload
management" pour pouvoir travailler avec des ensembles de dossier plutôt
que des cas particuliers. Cela nous permet, bien sûr, de suivre davantage
les dossiers et les délais, de travailler davantage avec les
enquêteurs et de travailler aussi à ce qu'on pourrait appeler des
délais qui seraient compressibles. Il y en a qui sont incompressibles,
mais il y en a d'autres qu'on peut ramasser et qu'on peut couper, des
délais entre des placements de dossiers, etc.
Je dois vous dire que, sur les délais d'enquête, il y a
aussi, bien sûr, le fait que notre système est davantage
judiciarisé, bien sûr. La présence des avocats est
peut-être un mal nécessaire, mais cela prend un peu plus de temps,
n'est-ce pas? Il y a des remises. Les gens ne sont pas toujours disponibles,
etc. Alors, il faut comprendre que cet aspect a allongé d'une certaine
façon les délais.
Donc, nous travaillons énormément actuellement à
compresser ces délais et à nos méthodes d'enquête
pour aller beaucoup plus rapidement. On travaille aussi à une autre
méthode connue aux Étals-Unis et à la commission
canadienne. Il y a quelques études. Je ne sais pas si vous les avez eues
ici en commission. On pourrait peut-être vous les fournir. Cela s'appelle
"Règlement rapide des plaintes". C'est une méthode de travail -
je ne sais pas si c'est à votre disposition - mais on pourra vous
fournir cette documentation qui a été faite par la Commission
canadienne en collaboration avec d'autres groupes, avec une firme, en tout cas.
C'est intéressant et on a tenté...
M. Kehoe: J'aimerais l'avoir.
M. Lâcha pelle: On a tenté, au bureau de
Québec, de faire ce travail. Ce que l'on fait, c'est ceci: dès la
réception de la plainte, on examine immédiatement, dans les
heures qui suivent, les possibilités de règlement, en faisant
deux ou trois appels téléphoniques. On constate que, dans un cas,
le "mis en cause" ne savait pas. Il a dit: C'est discriminatoire, je ne le
savais pas; je suis bien prêt à régler, à discuter.
Je dois vous dire qu'on a eu passablement de succès. Dans le document
qu'on a présenté à l'époque, il y en a des exemples
intéressants.
Je pense qu'il faut investir du temps dans cette forme d'enquête
rapide qui nous permet d'intervenir le plus vite possible. On l'essaie, entre
autres, dans le cas du logement. On dit aux parties: Vous nous appelez. On
n'attend pas trois mois parce que la personne est sur le palier et attend
d'avoir un logement. Trois mois ou un an plus tard, c'est trop tard. Ce qu'on
essaie de faire, ce sont des téléphones immédiats au
propriétaire pour lui dire: Écoutez, vous venez de refuser M.
Untel; il semble bien que ce soit discriminatoire; vous avez encore un logement
à
louer et on va vous retourner cette personne. On essaie ce genre de
règlement. Cela a permis de dégager des cas à
Québec, et on devrait appliquer cette méthode à
Montréal. Il faut dire que, dans une région
métropolitaine, c'est peut-être plus difficile, ce genre de
mécanique. Les gens se connaissent moins, alors que dans une petite
ville, des endroits comme Sherbrooke et Hull, ces méthodes sont plus
faciles.
L'autre élément que je voulais vous mentionner est celui
des effectifs. Actuellement, nous avons quelque 1200 dossiers d'enquête.
Depuis un certain nombre d'années, nous avons ces 1200 dossiers
d'enquête. Si vous divisez cela par quelque 25 enquêteurs, cela
donne un ratio de 40 ou 45. C'est beaucoup. Je dois vous dire que le ratio dans
les autres commissions, à la commission canadienne et en Ontario, je
pense que c'est de 25 ou 30. On règle à peu près 600
à 700 dossiers par année. C'est facile de comprendre que les
délais s'étirent à deux ans; ce n'est pas un gros calcul.
On pense qu'avec les effectifs qu'on a actuellement, même en
contraignant, en ramassant tout cela, on n'y arrivera pas. il ne faut pas se
faire d'illusions non plus.
M. Kehoe: Est-ce que la meilleure solution serait d'avoir plus
d'effectifs, plus d'enquêteurs, plus de commissaires? Est-ce que c'est
l'une des...
M. Lachapelle: Ce n'est probablement pas plus de commissaires.
Depuis quelques années, on avait seulement une équipe de
commissaires qui travaillait à ce qu'on appelle les enquêtes.
Avant d'être présentés en commission, les dossiers sont
présentés à un petit comité d'enquête
composé de commissaires. Ce comité fait le tour des dossiers,
scrute pour être bien sûr que toute la preuve a été
ramassée et, ensuite, cela va en commission. Depuis quelque temps, on a
trois comités qui siègent. Alors, cela a quand même
accéléré passablement et on traite beaucoup plus de
dossiers de cette façon.
M. Kehoe: Est-ce que la situation va en s'aggravant ou en
s'améliorant dans l'ensemble? Est-ce qu'avec les initiatives que vous
avez prises et les différentes procédures que vous avez
tenté de mettre en marche...
M. Lachapelle: On ne fera... Si les dossiers continuent à
entrer au même rythme, et il y a tout lieu de croire que cela va
continuer au même rythme. Même si, en nombre, les plaintes n'ont
parfois pas l'air d'augmenter, elles sont de plus en plus complexes. C'est de
plus en plus long. La discrimination se fait subtile. Pour aller chercher des
éléments de discrimination, il faut fouiller davantage. Ce n'est
plus la petite annonce dans le journal où on disait: Homme
demandé. Ce n'est pas si simple que cela. Cela allait bien: personne
demandée. On ne demande plus personne.
Des voix: Ha. ha. bat
M. Kehoe: il reste une dernière question fapide. C'est la
question de la commission en régions. Selon l'expérience que vous
avez vécue à. ce jour, quatre bureaux sont déjà
établis. Il y a une possibilité de quatre autres dans les
différentes régions. Pour ma part, je pense que c'est un besoin
absolu. Je sais que dans notre région, l'Outaouais, dans Hull, il y a
une personne qui s'en occupe et je vous assure qu'il est débordé.
Je lui ai parlé souvent. Il est venu me voir à maintes reprises.
À toutes fins utiles, le travail qu'il fait est admirable. Mais il reste
que c'est impossible pour lui.
Mais voici où je veux en venir. Je sais que vous avez
mentionné votre position, mais, dans l'ensemble, est-ce que vous croyez
que, dans l'avenir, cela va continuer? Que vous allez garder les bureaux qui
existent actuellement dans les quatre régions et que vous allez en
ajouter?
Le Président (M. Filion): On a répondu un peu
à cela.
M. Kehoe: Oui.
Le Président (M. Filion): Ceia relève du
gouvernement. Le président a mentionné tantôt le fait que,
d'abord, on a le livre des crédits qui a été
déposé et que, avec les discussions qu'il y a eues on confirme le
fait que le budget permettra le maintien de ces quatre personnes dans les
quatre bureaux régionaux maintenant existants, mais ne permet pas
l'expansion de la présence régionale de la commission.
M. Lachapelle: Et ce sont encore des employés
occasionnels.
Le Président (M. Filion): En plus de ceia. M. Jolivet:
Pas de permanents!
Le Président (M. Filion): M. le député de
Laviolette.
Plaintes au nom d'une tierce personne
M. Jolivet: M. le Président, je suis arrivé en
retard, je m'excuse, parce que j'avais justement un cas qui deviendra
peut-être un cas de discrimination. À propos des effectifs dont
vous avez fait mention tout à l'heure, je vous donne un exemple qui
s'est produit. Une personne est venue me voir, car l'Office des personnes
handicapées qui est dans notre région lui a dit: Je ne peux plus
ouvrir de nouveaux dossiers; avant d'en ouvrir, il faut que je règle
tous les dossiers antérieurs au 1er avril 1987 ou 1986. Juste en
passant, justement parce que c'est une question d'effectif. J'espère que
ce n'est pas le
but recherché de dire: On va d'abord régler tous les
dossiers passés avant d'en ouvrir d'autres. Je vous dis que cette
formule n'a pas de bon sens. Vous le dites, il y a des dossiers de plus en plus
complexes. Cela veut dire que cela prend de plus en plus de temps.
Des formules de règlement rapide de griefs comme on en a connues
- moi, je viens du milieu syndical - pour nous aussi, à l'époque
des années 1972, c'était épouvantable, cela n'avait pas de
bon sens. On s'est donné un moyen rapide de régler des griefs,
non pas en faisant de la jurisprudence, mais en regardant ce qui avait
été fait dans le passé pour voir si on pouvait
régler les autres de cette façon. Cela s'est reproduit ailleurs.
On a vu arriver les procédures sommaires qui ont permis d'arriver
à des règlements rapides. (17 h 30)
Cependant, quand je regarde la façon dont les gens ont
conçu la commission et comment elle est rendue aujourd'hui, entre le
moment où les gens disaient: La Commission est peut-être le lieu
où je vais aller m'informer de mes droits. Sont-Hs respectés? Et
après, je prendrai les moyens nécessaires pour les faire
respecter. Ce qu'on a vu, c'est un glissement vers un processus judiciaire
selon lequel finalement vous agissez à ce niveau, comme vous le disiez
tout à l'heure, en disant rendus au bout: Malheureusement, je ne peux
rien pour toi. Mais on a quand même fait un processus judiciaire, avec
les avocats, qui viennent s'installer parmi les parties, alors que,
normalement, à mon avis, cela aurait dû être
séparé de façon à ce que l'enquête indique:
Oui, il y a eu par rapport à la Charte des droits et libertés de
la personne quelque chose qui n'a pas été correct et là,
après cela, tu prendras les procédures qui s'imposent. Si les
gens étaient bien conscients de cela, on n'aurait pas les
problèmes qu'on a actuellement. Donc, la distinction des deux
rôles est importante: l'enquête et la prise de moyens pour
régler si vraiment il y a eu un grief correct qui permet d'en arriver
finalement à présenter devant les juges une décision qui
devrait être prise en vertu de la charte. Ceci est simplement pour faire
une entrée en matière.
Sur l'autre partie, je viens vous donner d'autres griefs potentiels.
Tout cela pour vous dire que cela va vous occasionner d'autres problèmes
parce que cela va être un peu plus, à mon avis, quelque chose de
sensible. On a ici une personne qui porte une plainte. Elle doit la porter
elle-même. Cette plainte, à part les personnes âgées
et les personnes handicapées, à ma connaissance, une tierce
personne qui peut être un organisme syndical ou un organisme du milieu,
ne peut pas la porter au nom d'une personne qui ne veut pas. Dans nos bureaux
de comté, on a des gens qui disent: Penses-tu que je vais aller au
bureau des normes du travail? Mon patron va me faire perdre mon emploi. Moi, je
lui dis: Écoute, c'est une chose... Le gars ou la fille dit: Je m'en
vais. Là, je dis: C'est peut-être le temps de faire ton grief
parce que le patron ne pourra pas revenir contre toi. Mais, on apprend,
après, que le patron a fait de mauvais rapports à d'autres
employeurs qui veulent embaucher cette personne. Là, la personne ne veut
plus bouger parce qu'elle dit: Je me suis fait prendre une fois, je ne me ferai
pas prendre deux fois. Cela existe dans bien des endroits: dans les
restaurants, dans les petites places. J'ai vu un cas dernièrement
où on a parlé avec la personne et on réglé le
problème. On lui avait dit: Pendant trois mois, tu vas faire ton
apprentissage; pendant trois mois, tu ne recevras pas aucun salaire. J'ai dit:
Cela n'a pas de bon sens, il y a quelque chose qui ne va pas. En plus de
travailler dans un restaurant, il y avait une jeune fille qui lui aidait et qui
lui montrait comment faire, et elle recevait les pourboires. On a
réglé cela en discutant avec les gens et en leur expliquant ce
qu'étaient les normes minimales à ce sujet. Il reste quand
même que, en fin de compte, il n'y a personne qui pourrait agir en son
nom si elle a peur de porter plainte. Comment voyez-vous cela pour l'avenir?
Est-ce que vous voyez qu'une tierce personne pourrait porter, dans le cas d'un
système organisé, des plaintes pour et au nom d'une personne?
M. Lachapelle: La charte prévoit à l'article 70:
Tout organisme voué à la défense des droits et
libertés de la personne ou au bien-être d'un groupe de personnes,
qui a raison de croire que s'est commise une atteinte à un droit
visé dans l'article 69, peut, également, par écrit, faire
une demande d'enquête au nom d'autrui, pourvu que la personne au nom de
qui elle est faite y ait consenti par écrit".
M. Jolivet: Oui, c'est cela. C'est la question du consentement
qui...
M. Lachapelle: Je comprends que c'est là que vous nous
amenez.
M. Jolivet: C'est cela.
M. Lachapelle: Je ne sais pas comment vous avez pu
réussir, dans d'autres organismes, à faire des enquêtes
lorsqu'on ne peut pas avoir le nom de la personne et comment demander au "mis
en cause" d'avoir une défense, je dirais, pleine et entière, si
on ne peut identifier une victime et on ne peut lui dire: Bien, c'est face
à cette personne. On en a longuement discuté à la
commission et je vous avoue qu'on en est venus à la conclusion que
c'était...
M. Jolivet: Dans d'autres provinces, on a la possibilité
qu'une tierce personne le fasse sans le consentement; dans d'autres, on dit:
À moins que la commission n'indique qu'il doit y avoir consentement,
cela peut être sans consentement. Je sais que, dans un organisme
syndical, on peut
faire des enquêtes souvent à partir du fait que c'est le
système qui n'est pas bon et sans nommer personne, et finalement on
obtient gain de cause pour l'ensemble. C'est quelque chose qui est plus
systémique là. Je ne prends pas un cas particulier.
M. Lachapelle: À ce moment-là, c'est cela. On
disait, nous, qu'il n'est peut-être pas nécessaire de modifier
l'article 70, mais on pourrait se servir de l'article 73: "La commission peut
faire enquête de sa propre initiative". Encore une fois, sur un cas
particulier, cela devient compliqué. Comme vous le dites de façon
plus globale, si effectivement on peut cerner l'ensemble du problème
sans avoir de victime en particulier, c'est probablement possible en nous
servant de l'article 73. Il y avait des suggestions visant à faire
modifier la charte pour permettre qu'il n'y ait pas cette obligation d'avoir un
écrit. Cela ne nous apparaît probablement pas nécessaire.
On a eu un cas récemment où c'était une plainte anonyme.
Effectivement, on n'avait aucune "poignée" pour enquêter avec cela
et même de notre popre initiative, plus globalement, ce n'était
pas possible. Alors, que voulez-vous? On est face a une
impossibilité.
M. Dauphin: Pour les enquêtes de votre propre initiative,
avez-vous des statistiques là-dessus? Avez-vous des chiffres? Combien de
fois avez-vous utilisé ce pouvoir?
M. Lachapelle: il n'y a pas beaucoup... M. Dauphin: il n'y
a pas beaucoup de cas.
M. Lachapelle: Ça ne prend pas de grandes colonnes.
M. Jolivet: Je peux vous donner un exemple de ce qui
arrive...
Une voix: Vous ne manquez pas de travail, d'ailleurs.
M. Lachapelle: C'est cela. C'est un peu ce qui arrive.
Écoutez, il y a des cas où on nous dit qu'on devrait intervenir.
On parlait des centres d'accueil, tantôt. On a déjà une
petite étude à la commission qui démontrait que,
effectivement, des personnes âgées étaient
exploitées. On devrait intervenir. Est-ce qu'on ne devrait pas
intervenir dans les "sweatshops" de la rue Saint-Laurent où il y a
là, semble-t-il, du personnel qui est exploité et qui est aussi
victime de discrimination? On se dit que oui, il faudrait, mais on ne se sent
pas capables d'y aller. Et il y a tellement d'autres secteurs où,
effectivement, on devrait intervenir, mais on n'ose pas, étant
donné le "caseload" qu'on connaît actuellement.
M. Jolivet: En tout cas, je vous donne juste un exemple qui nous
arrive souvent dans nos bureaux de comté. Là, c'est en dehors de
vous, mais c'est pour vous indiquer comment on pourrait, nous aussi,
déposer des plaintes pour des gens, mais si on n'a pas le pouvoir, cela
ne sert à rien. Des gens nous disent: À telle place, il se passe
telle chose. Prenons quelqu'un sur l'aide sociale qui travaille, qui gagne de
l'argent et, en plus, qui vit avec une femme qui reçoit des prestations
d'aide sociale. Personne ne veut déposer la plainte, mais à un
moment donné le député a un rôle, un travail
à faire, c'est d'avertir le bureau de l'aide sociale de faire la
vérification de tel ou tel cas, mais sans nommer la personne qui me l'a
dit, parce qu'elle ne veut pas - et moi, je la connais, elle est venue dans mon
bureau - que je la nomme; elle ne veut pas avoir de représailles contre
elle. Dans ce sens-là, je me dis que, si on avait des cas de
discrimination, est-ce que nous, comme responsables dans un milieu donné
- je me nomme souvent l'om-budsman du milieu - nous ne devrions pas vous
transmettre cette cause et vous dire: Je ne peux pas vous donner les noms des
personnes, mais je sais qu'il y a telle ou telle chose; pouvez-vous faire une
vérification? Se pourrait-il qu'on fasse cela?
Mme Duplé: Lorsqu'il s'agit d'une situation de
discrimination globale qui ne nécessite pas que l'on mette en jeu la
situation particulière d'une personne, il suffit de passer par l'article
70, de le signaler à la commission et, si la commission en a les moyens
matériels et qu'elle estime qu'effectivement cela vaut la peine de faire
une enquête de sa propre initiative, là on a la solution. Mais je
répugnerais assez à accepter une solution - ce n'est pas à
moi à l'accepter - je ne la trouverais pas tellement acceptable cette
solution qui consisterait à prendre le cas particulier d'une personne
et, sans son consentement, se servir de ce cas à des fins qu'elle ne
souhaite pas finalement. Moi, je trouve que c'est une utilisation de cette
personne qui n'est pas très souhaitable dans un contexte comme celui de
la charte, peut-être dans d'autres domaines. Mais dans le domaine de la
charte, on travaille avec tout ce qui constitue le fondement même de la
dignité humaine. C'est vraiment chacun qui détient ce droit
à la dignité. On n'a pas à le réclamer pour cette
personne sans son consentement. Je ne suis pas sûre que ce soit...
Le Président (M. Filion): Non. Je pense que le
député de Laviolette parlait de discrimination systémique,
c'est-à-dire une situation....
M. Jolivet: Oui, c'est cela.
Le Président (M. Filion): ...je ne pense pas qu'il voulait
intervenir...
M. Jolivet: Cela va.
Le Président (M. Filion): ...au niveau des plaintes
individuelles touchant une atteinte individuelle et très
particularisée à un droit. Cela va?
M. Jolivet: Cela va pour moi.
Le Président (M. Filion): Oui. Y a-t-il d'autres...? Oui,
vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Lachapelle: Je voulais seulement ajouter ceci. Vous demandiez
dans combien de cas la commission était intervenue de sa propre
initiative. Il y a deux cas, à ma connaissance. C'est le cas de la
discrimination dans l'industrie du taxi...
Le Président (M. Filion): Oui.
M. Lachapelle: ...et, actuellement, le cas des relations entre la
police et les minorités. Ce sont deux cas où, de notre propre
initiative, on fait enquête.
Le Président (M. Filion): Bien que, dans le
deuxième cas, le ministère de la Justice, le ministre, le
gouvernement et l'actualité constituent de belles impulsions.
M. Lachapelle: il est bien évident que, s'il n'y avait pas
eu de problème, on n'aurait pas enquêté. Mais on ne peut
pas dire qu'on n'a pas été incités non plus.
Le Président (M. Filion): Oui. Cela va, M. le
député de Laviolette?
M. Jolivet: Oui.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie. Je vais
reconnaître maintenant, M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le président, pour reprendre un peu votre
idée de tantôt et sans refaire la fable de la Lafontaine, je vais
vous dire que ce mal que le ciel envoya pour punir les animaux de la terre ne
m'a pas atteint. Donc, je ne vous poserai pas une question d'avocat, je n'en
suis pas un, je vais plutôt vous poser une question de quelqu'un qui est
beaucoup plus relié à la psychologie qu'au droit, sans vouloir
dénigrer la compétence de mes collègues qui sont avocats.
Je vois votre plan annuel de formation ici, dans le document qui m'est remis et
que j'ai devant moi, et selon les groupes qui sont intervenus et selon les
discussions que j'ai eues avec les personnes qui fournissent les groupes, on a
souvent fait état, d'après eux, d'un manque de connaissances
sociologiques des groupes ou des individus qui sont les plus susceptibles
d'être victimes de discrimination en disant: On ne comprend pas nos
comportements, nos habitudes, nos attitudes. On a le sentiment de ne pas
être compris. Donc, il peut exister, non pas
délibérément mais de fait, un certain
préjugé à notre égard parce qu'il n'y a pas cette
intimité de connaissances qui existe entre le groupe auquel j'appartiens
et la personne avec qui je traite à la commission.
Tantôt, vous avez fait allusion aux "sweatshops", comme on dit en
latin, de la rue Saint-Laurent où, effectivement, il y a
énormément de femmes immigrantes. Ce dossier me préoccupe
puisque c'est un dossier dont j'ai la responsabilité. On sait fort bien
qu'il y a une psychologie de la femme immigrante, une sociologie dans ses
comportements et son attitude, etc. Donc, dans le plan formation que vous avez,
est-ce que c'est un plan pour améliorer les connaissances dites
juridiques des membres de la commission ou bien avez-vous l'intention d'aller
dans le sens que je vous indique par ma question?
M. Lachapelle: Effectivement, jusqu'à maintenant, il y a
eu quelques sessions, appelons-les des sessions de sensibilisation, plus que
d'information. Il y a eu quelques sessions de sensibilisation, entre autres sur
la problématique autochtone. Il y a également à la
commission des rencontres, peut-être un peu sporadiques, avec des
personnes particulièrement impliquées dans leur milieu, qui
viennent nous donner des conférences ou des exposés de
situation.
Dans le plan de formation, pour l'année prochaine, nous
prévoyons de telles sessions de sensibilisation des employés
à diverses problématiques que des groupes victimes de
discrimination peuvent vivre. Ce n'était pas, jusqu'à ce jour,
systématique, mais nous voulons, dans les années à venir,
rattraper ce retard et donner de telles sessions de sensibilisation.
Le Président (M. Filion): Est-ce que vous avez d'autres
questions?
M. Boulerice: Non, cela va.
Le Président (M. Filion): ...M. le député de
Saint-Jacques? Cela va. Mme la députée de Groulx.
Mme Bleau: J'ai hâte...
M. Boulerice: Vous avez bien fait, d'ailleurs, cela.
Une voix: Oui.
M. Boulerice: On pourrait être quêteux et vous en
demander plusieurs. Cela mérite d'être distribué.
M. Lachapelle: On va les vendre.
Mme Bleau: Est-ce que tout cela a été
préparé par un groupe, par une personne ou par...
M. Lachapelle: Cela a été préparé
par... Je ne sais pas si c'est le moment de parler de ce document.
Le Président (M. Filion): Non.
M. Lachapelle: On a eu l'impression...
Le Président (M. Filion): Je pense que le
député de Marquette et moi avons peut-être d'autres
questions.
M. Lachapelle: D'accord.
Le Président (M. Filion): Je me suis réservé
pour la fin. M. le député de Marquette.
Droit d'appel dans l'hypothèse de la
création d'un tribunal
M. Dauphin: Merci, M. le Président. C'est vrai que le
temps passe rapidement et on pourrait passer plusieurs heures ensemble. Sans
présumer de l'orientation des recommandations que prendra la commission
des institutions - si recommandations il y a, puisque le règlement de
l'Assemblée nationale n'oblige aucunement la commission à faire
des recommandations, sauf qu'on peut présumer qu'on va en faire - on
parlait tantôt de la séparation des juridictions en créant
un tribunal administratif avec pouvoir exécutoire.
J'ai eu l'occasion d'en parler avec plusieurs personnes dans mon coin.
La question suivante se posait souvent. En ce qui concerne un droit d'appel,
disons que le tribunal des droits et libertés de la personne
décide de condamner une entreprise à 200 000 $ d'amende, la
victime, qui depuis un an, par exemple, n'a pas son emploi, est-ce que ce ne
serait pas la "préjudicier" que de permettre un droit d'appel et
entraîner d'autres délais qui, évidemment, entraînent
d'autres préjudices, présumons-le? Par contre, il y a des
entreprises - les PME, par exemple - pour qui être condamnées
à 250 000 $ d'amende, c'est quand même considérable. Il
peut y avoir des répercussions énormes sur leur situation.
J'aimerais avoir votre son de cloche là-dessus, avoir votre
opinion dans l'éventualité où, effectivement, il y aurait
une séparation des juridictions avec les modifications
législatives qu'il peut y avoir. Deuxièmement, comment
verriez-vous le rôle des commissaires avec une séparation des
juridictions puisque, à ce moment-là, évidemment, la
commission continuerait de faire enquête? Peut-être qu'un bureau de
commissaires pourrait décider si, effectivement, on saisit le tribunal
en question. J'aimerais vous entendre là-dessus. (17 h 45)
M. Lachapelle: Votre première question essaie de situer
s'il devrait y avoir appel?
M. Dauphin: Oui, tout en sachant également qu'il est
toujours question de brefs d'évocation dans ces cas.
M. Lachapelle: Oui.
M. Dauphin: Mais est-ce que, de droit, il devrait y avoir un
appel à la Cour supérieure, par exemple?
M. Lachapelle: J'ai l'impression que vous avez avec vous des
batteries d'experts qui vont vous éclairer sur toutes ces questions.
Quant à moi, il me semble qu'il devrait y avoir un droit d'appel et j'ai
l'impression, que s'il n'y en avait pas, on aurait probablement des
problèmes de droit administratif à conclure qu'il ne devrait pas
y avoir de droit d'appel en telle matière ou même à bloquer
l'évocation, ce qui m'apparaîtrait quasi impossible, à
première vue.
Je pense que ce sont des sujets éminemment importants avec des
répercussions importantes et qu'on ne peut pas bloquer cela comme un
tribunal des petites créances, pensant bien qu'on va en rester
là. À mon avis, il devrait y avoir un droit d'appel. Je ne sais
pas si Mme Duplé peut ajouter quelque chose.
Mme Duplé: il y a peut-être une autre solution.
C'est de ne pas prévoir d'appel comme tel, mais de ne pas prévoir
non plus de clauses privatives, c'est-à-dire qu'on ouvre
l'évocation avec tous les cas d'ouverture possibles ou envisageables. Je
crois que, dans le contexte dans lequel travaille la commission, on n'a pas
pensé au droit d'appel dans ces termes, mais je ne suis pas sûre
que je trouve ça très bien, parce que, finalement, cela
entraîne, comme vous l'avez signalé, des délais, etc.
Si, finalement, il y a un mécanisme adéquat pour permettre
à la Cour supérieure de vérifier qu'il n'y ait pas
d'excès de juridiction ou qu'on n'ait pas erré en droit, il me
semble que la procédure est plus expéditive; elle est
discrétionnaire. Donc, il me semble que ce serait peut-être le
procédé adéquat. Si on transforme la commission en
tribunal administratif, c'est bien parce qu'on a en tête l'idée
qu'il faut une juridiction spécialisée, que vraiment la
commission a tous les outils ou s'est donné tous les outils dans le
passé et qu'elle est peut-être la plus à même de
porter le jugement le plus adéquat sur une situation de
discrimination.
Refaire tout le travail en Cour d'appel, vraiment, à ce
moment-là, cela ne change rien avec ce qui se passe à l'heure
actuelle. On n'a qu'à aller directement en Cour supérieure. Je ne
sais pas, c'est une question de choix.
Le Président (M. Filion): Oui, c'est le comité
Ouellet qui étudie également la question du droit d'appel. Il y a
également le fait que le pouvoir de surveillance et de contrôle de
la Cour supérieure, sauf erreur, s'exerce avec ou sans
clause privative, c'est-à-dire que...
Mme Duplé: Oui, mais quand il y a une clause privative,
ça bloque...
Le Président (M. Filion): C'est un peu plus restreint,
oui.
Mme Duplé: Oui, cela restreint le pouvoir au
contrôle de la compétence, grosso modo, disons.
Le Président (M. Filion): Oui, voilà. Mais qui a
été élargi au fil des ans.
Mme Duplé: Mais, le contrôle de la
compétence, de toute façon, il restera toujours.
M. Lachapelle: il y avait peut-être l'autre question que
vous aviez soulevé tantôt...
M. Dauphin: Oui.
M. Lachapelle: Quel serait maintenant le nouveau rôle des
commissaires.
M. Dauphin: J'aimerais avoir votre son de cloche
là-dessus.
M. Lachapelle: Oui, mon impression est la même que celle
que vous mentionnez. Votre question contenait quasiment la réponse, vos
réflexions, à tout le moins. Effectivement, je pense que le
rôle des commissaires viserait probablement plus simplement à
examiner prima facie s'il y a suffisamment d'éléments pour qu'on
aille devant un tribunal, et le rôle du contentieux serait le même,
c'est-à-dire assister les parties, c'est-à-dire le plaignant
devant le tribunal de droit commun ou le tribunal administratif.
Quant à moi, j'ai l'impression que ce serait là un
rôle beaucoup plus restreint pour les commissaires.
Mme Duplé: Je me demande même si ça
changerait beaucoup le rôle que nous jouons. Au lieu de rendre une
recommandation, on rendrait une décision. Finalement...
Le Président (M. Filion): Mais cela
déjudi-ciariserait un processus antérieur à la prise de
décision.
Mme Duplé: Cela le judiciariserait...
Le Président (M. Filion): Cela le
déjudicia-riserait dans l'hypothèse d'un tribunal.
Mme Duplé: Ah oui! du tribunal?
Le Président (M. Filion): Oui, d'un tribunal.
Mme Duplé: C'est ça. Vous permettrez...
M. Lachapelle: J'allais dire: Je comprends qu'à la
commission canadienne les commissaires ne font qu'une évaluation
beaucoup plus sommaire que la nôtre, c'est-à-dire beaucoup plus en
termes suivants: E:st-ce qu'il y a suffisamment d'éléments pour
qu'on puisse continuer la cause devant un tribunal, alors que, nous, nous
allons vraiment jusque dans l'évaluation très précise des
faits?
Le Président (M. Filion): D'accord. Toujours dans cette
hypothèse de la création d'un tribunal spécialisé
des droits de la personne, où la commission avancerait les dossiers,
est-ce qu'à votre avis on devrait maintenir la possibilité pour
la victime de recourir aux tribunaux de droit commun?
M. Lachapelle: Ou en faire une juridiction exclusive d'un
tribunal.
Le Président (M. Filion): ...ou en faire une juridiction
exclusive. Le choix serait entre ces deux branches de l'alternative.
M. Lachapelle: Je dois vous avouer que, sur cette question, je
n'ai pas d'idée.
Le Président (M. Filion): Avez-vous des statistiques sur
le nombre de dossiers ou de plaintes...
Une voix: ...qui vont directement...
Le Président (M. Filion): ...oui qui vont aux tribunaux de
droit commun? Il n'y a pas un inventaire qui aurait été fait?
M. Lachapelle: Non. On pourrait peut-être en obtenir
à partir des ordinateurs du ministère. Mais ce serait très
difficile de voir parce que ce sont souvent des cas jumelés avec
d'autres où on invoque la charte, où on invoque la discrimination
et où on plaide en même temps d'autres choses. Alors, ce serait
très difficile de le savoir.
Le Président (M. Filion): À votre avis, M. le
président, toujours dans l'hypothèse de la création d'un
tribunal administratif, est-ce que cela pourrait permettre à la
commission de jouer à 150 % son rôle, si on veut, d'ouvrir les
soupapes, d'ouvrir la vapeur sur son rôle de promotion évidemment,
sous réserve des problèmes budgétaires, des
problèmes d'effectifs, etc.? Mais est-ce que, à votre avis,
uniquement en termes de vie intérieure de la commission, cela
permettrait à la commission de lever le voile carrément sur son
rôle de promotion et sur son rôle d'enquête, bien sûr?
C'est déjà dans mon esprit avec ce que vous avez dit plus
tôt, mais dans son rôle de promotion, est-ce que cela donnerait une
marge de manoeuvre plus grande à la commission?
M. Lachapelle: Effectivement, je pense que le conflit qu'on
connaît actuellement serait moins contraignant parce que, actuellement,
on sent que, lorsqu'on est dans un processus d'enquête qui souvent dure
beaucoup de temps, on évite d'intervenir à l'intérieur
d'un dossier où effectivement on est en processus d'enquête. On ne
se prononce pas publiquement. On n'ose pas, je dirais même, faire de
pressions dans certains dossiers, donc de faire cette promotion qui est une des
missions importantes de la commission. D'autre part, je pense qu'avec les
moyens que nous connaissons, nous avons joué ce rôle de promotion
des droits d'éducation et d'information. C'est peut-être
l'intervention ponctuelle qui nous serait ouverte davantage si ce rôle
était plus démarqué.
Le Président (M. Filion): Oui, d'accord.
M. Lachapelle: Mais, quant à la promotion, il me semble
que cela ne nous empêche pas actuellement de faire ce rôle
d'éducation et d'information.
M. le Président, je ne sais pas si... Vous aviez posé une
question.
Le Président (M. Filion): Oui.
M. Lachapelle: Mme Duplé avait peut-être un
élément de réponse sur votre première question.
Mme Duplé: Je ne me souviens plus de la question...
Le Président (M. Filion): La dernière question?
M. Lachapelle: L'autre avant, c'était sur...
Le Président (M. Filion): L'hypothèse d'un
tribunal, le recours aux tribunaux communs.
M. Lachapelle: Oui, c'est cela. Sur le recours aux tribunaux
communs, vous avez dit: J'aurais peut-être un élément de
réponse.
Mme Duplé: Oui, je crois que les cas de discrimination
sont vraiment très difficiles. La preuve à faire sur ces cas de
discrimination devient quelquefois extrêmement complexe. Je ne dirais pas
que cela requiert des connaissances, par exemple, aussi
spécialisées que les personnes qui siègent à la
Commission des affaires sociales. Dans certains secteurs, elles doivent avoir
une connaissance technique des données en présence qui
peut-être ne sont pas exigées d'une personne qui siégerait
à un tribunal des droits de la personne. Mais on a, par exemple, des cas
de maux de des, de handicaps qui sont quelquefois vraiment très
complexes. Est-ce que c'est vraiment la tâche d'un tribunal, d'une Cour
supérieure, par exemple, d'entendre toute cette preuve? Je pense qu'un
tribunal spécialisé serait peut-être plus adéquat
avec une juridiction exclusive.
Le Président (M. Filion): D'accord.
Mme Duplé: Mais cela peut être vu autrement aussi
avec d'autres arguments.
Médiation
Le Président (M. Filion): En ce qui concerne le volet
enquête et médiation, j'ai eu l'occasion également de
relire le mémoire de la commission à ce sujet, de lire une partie
de votre entrevue. Cela a l'air intéressant. On va diviser cela, mais
est-ce qu'il va falloir recommencer? Je ne sais pas, mais je vous soumets cela
à brûle-pourpoint. J'ai vécu une expérience au
ministère du Travail où, dans certains cas, on avait un service
de médiation. On y faisait appel dans certains cas. Dans d'autres cas,
on prenait celui qui avait enquêté sur le dossier et on le
transformait en médiateur. En deux mots, il y avait une certaine
souplesse, mais une souplesse au niveau du choix, des moyens qui impliquait
quand même une boîte très spécifique de
médiation à laquelle on avait recours. Des fois, cela
dépendait des parties, des fois, cela dépendait d'un jugement qui
était posé, etc. Est-ce qu'une formule souple, mais où on
retrouve de façon distincte l'existence d'un service de médiation
différent, vous apparaît peut-être envisageable ou pratique
selon votre expérience?
M. Lachapelle: On a soumis quelques accommodements tantôt
et il m'apparaîtrait que cela devrait être très souple dans
le sens qu'on devrait laisser énormément de liberté
à l'enquêteur qui ne se sentirait peut-être pas à
l'aise. Parfois, cela nous arrive. Il y a des enquêteurs qui disent: Moi,
je ne voudrais pas faire la médiation. Écoutez, c'est comme cela.
Allons-y. C'est à vous à faire la médiation. Je pense
qu'il faudrait être très souple. L'enquêteur qui dirait:
Moi, je ne veux pas intervenir dans ce dossier, je ne me sens pas capable
d'arriver à une médiation entre les parties, on devrait... De la
même manière, une des parties qui viendrait nous dire sans raison:
Écoutez, je pense qu'on devrait changer. Cela devrait être clair
au départ. Je pense que cela apporterait peut-être cette souplesse
dont vous parlez. Actuellement, je dois vous dire qu'on est un peu rigides sur
les questions de médiation et de séparation entre
médiateur et enquêteur. Effectivement, celui qui a fait
l'enquête continue. À mon avis, il faudrait apporter cette
souplesse. Quant à aller mettre sur pied une équipe de
médiateurs comme cela existe d'ailleurs à la commission
canadienne... À la commission canadienne, les rôles sont
véritablement divisés. Celui qui fait l'enquête ne
fait
pas la médiation. M. Carrier, qui, malheureusement, n'est pas
avec nous et qui est un nouveau commissaire à la Commission des droits
de la personne, avait une expérience comme médiateur. Il a
été enquêteur et il est devenu par la suite
médiateur. Cela aurait été intéressant. Il aurait
pu nous parler de son expérience. Quant à lui, c'était une
expérience heureuse que de diviser carrément ce rôle.
Procédure pénale
M. Dauphin: J'aimerais vous entretenir sur l'utilisation de la
procédure pénale. On nous a indiqué que, depuis cinq ans,
cela n'a jamais été utilisé par la commission.
M. Lachapelle: Non, cela a été utilisé.
M. Dauphin: Cela a été utilisé?
M. Lachapelle: Oui, dans le cas d'enquêtes sur le taxi, je
pense. Il y en a eu quelques-unes. C'est peu nombreux, mais effectivement, il y
en a eu quelques-unes.
M. Dauphin: Alors, je me demandais dans le cas - je sais que
c'est toujours subjectif - de violation extrêmement grave, si ne verriez
pas d'un bon oeil d'utiliser cette formule de plainte au pénal
peut-être plus fréquemment parce que cela vous est permis de par
la législation.
M. Lachapelle: Oui. Jusqu'à maintenant, la commission, se
voyant un rôle plutôt éducatif, n'a pas utilisé cette
méthode, sauf dans les quelques cas qu'on a mentionnés
tantôt. Effectivement, il y aurait peut-être lieu maintenant,
après un certain nombre d'années... Je pense par exemple aux cas
de discrimination dans les annonces, dans les journaux. Cela fait assez
longtemps que c'est connu maintenant. Je pense qu'il n'est plus le temps de
téléphoner ou d'appeler comme on le fait encore ou
d'écrire pour dire: Vous savez, vous avez mis une petite annonce, il
faudrait peut-être la corriger. Cela a du succès, cela corrige.
Mais lisez les journaux et vous allez en voir encore. Il y aurait
peut-être lieu dans ces cas d'intervenir au moyen de poursuites
pénales et de leur dire: Maintenant, c'est fini. Vous avez compris. Cela
fait dix ans que c'est écrit là. Il y aurait peut-être lieu
qu'une amende soit imposée. Il y a probablement des cas comme cela
où...
M. Dauphin: Où cela pourrait être plus
utilisé.
M. Lachapelle: Oui. Récemment, on avait un cas flagrant
où les commissaires discutaient de la possibilité justement de
porter une plainte pénale. L'enquêteur au dossier nous dit: Si
vous faites cela, on aura peut-être des problèmes à avoir
un règlement négocié, car là on vient de braquer
les parties, on les amène devant une autre cour et on recommence.
M. Dauphin: À ce moment-là, il n'y a presque pas de
règlement possible à moins de retirer la plainte.
M. Lachapelle: Bien oui, c'est cela. Mais il ne faut pas faire ce
jeu non plus de retirer une plainte. Il appartiendra au Procureur
général ensuite... Mais on comprend fort bien que pour la
personne qui irait négocier un règlement et ensuite le poursuivre
au pénal, je pense que ce serait un peu malhabile, vous l'admettrez avec
moi.
M. Dauphin: Je pense qu'on s'entend sur le fait de cas, comme
vous le disiez tantôt.
M. Lachapelle: Oui. C'est peut-être dans ces...
Le Président (M. Filion): Juste un commentaire
là-dessus. Je pense que j'ai déjà eu l'occasion de vous
sensibiliser à ce que je croyais être l'effet éducatif
colossal qu'entraîne à l'occasion un recours pénal et une
condamnation devant un tribunal.
M. Lachapelle: Oui.
Représentativité de la
commission
Le Président (M. Filion): Évidemment, il y a des
choix à faire, etc. Je pense qu'il y a beaucoup... La charte est connue
un peu. On était civilisés avant et on l'est encore plus. Mais il
y a des cas de discrimination qu'on lit dans les rapports annuels et qui font
littéralement bondir les parlementaires et les gens en
général. (18 heures)
Un autre commentaire sur le caractère de
représentativité du personnel, à savoir si les
minorités sont bien représentées ou non. Vous avez,
à très juste titre, signalé tantôt à ce sujet
que le dossier de la commission n'était pas ni plus blanc ni plus noir
que celui de la fonction publique en général. Cependant, il
demeure qu'à cause de sa vocation la commission est probablement un peu
plus la cible de demandes des groupes pour faire en sorte que le
caractère de représentativité soit présent à
tous les niveaux. Je pense qu'au niveau des commissaires on ne peut pas faire
de miracle. Il y en a qui voudrait avoir un commissaire de telle
minorité, pour telle région. Cela donne lieu à beaucoup de
blagues que vous connaissez fort bien. Cela n'a pas de sens, si on a à
choisir six, huit ou dix personnes, d'arriver avec un tableau absolument
parfait. Il demeure, cependant, qu'au niveau du personnel, je vous le
signale...
M. Lachapelle: Je n'accepte pas votre comparaison.
Le Président (M. Filion): Ah!
M. Lachapelle: Vous disiez: Dans la fonction publique
actuellement...
Le Président (M. Filion): C'est vous-même. J'ai cru
comprendre cela de vos propos tantôt.
M. Lachapelle: Non, non.
Le Président (M. Filion): Peut-être avais-je mal
saisi. Allez-y.
M. Lachapelle: Peut-être que je l'ai mal exprimé
aussi. Je vous donne les chiffres. Actuellement, 3, 6 % dans la fonction
publique représentent les diverses communautés culturelles
à la commission, 14 %.
Le Président (M. Filion): Ah, bon! J'avais compris 4
%.
M. Lachapelle: Je pense qu'on est très
représentatifs du milieu de la main-d'oeuvre.
Une voix: Moi aussi, j'avais compris comme vous.
Le Président (M. Filion): Je vous avoue, il y a un
malentendu que vous dissipez fort bien.
M. Lachapelle: Quant au sexe, 65 % des femmes et 51 % sont des
professionnelles. Chez les cadres...
Une voix: C'est trop. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lachapelle: Oui, c'est trop. Chez les cadres, il y en a 40 %;
je pense que c'est presque la moitié des femmes; 9 % sont des
minorités ou des groupes ethniques.
M. Jolivet: Ce qui est arrivé, c'est que vous aviez dit 14
%, mais vous avez dit 4, 6 % à la fonction publique et M. Boulerice vous
a dit 3, 6 %.
M. Lachapelle: C'est cela. Vous avez dit 3, 6 %. C'est pour cela
que...
M. Jolivet: C'est pour cela qu'il y a eu confusion.
Le Président (M. Filion): il y a eu un malentendu qui est
bien dissipé. Donc, cela va. Mais, pendant qu'on est sur le personnel,
j'ai lu les documents que vous avez remis. J'ai cru noter que le personnel
recevait une formation vous me corrigerez encore une fois - de trois jours par
année. J'ai l'impression que cela veut dire qu'une personne a trois
jours de recyclage, si l'on veut, ou de formation. Ce n'est pas beaucoup,
à mon avis.
M. Lachapelle: J'aimerais avoir des exemples dans la fonction
publique québécoise et savoir combien. Je ne suis pas sûr.
Cela dépend des endroits.
Le Président (M. Filion): Je suis convaincu que vous avez
raison, sauf que le sujet évolue rapidement et que les dossiers sont
complexes. J'ai étudié également le programme de
formation. Il y a une bonne dose de psychologie qui entre en ligne de compte
pour le personnel de la commission qui est énorme. Ce n'est pas facile.
C'est une remarque, tout simplement.
M. Lachapelle: C'est une remarque que j'accepte tout à
fait. Évidemment, dans les circonstances, vous savez que ce n'est pas
facile de dire aux gens qui appellent à la commission: Vous savez, nos
employés sont en formation, on ne peut pas entendre votre plainte...
Le Président (M. Filion): On retombe un peu dans le
problème d'effectif que vous avez bien soulevé.
M. Lachapelle:... revenez dans trois jours.
Le Président (M. Filion): C'est cela. Votre comparaison
avec l'Ontario au sujet du problème d'effectif est intéressante.
D'autant plus que lorsqu'on regarde les délais de soumission des
dossiers en Ontario, on a un autre critère. En somme, cela prend du
monde pour faire marcher la meilleure structure au monde.
Dernière question - parce qu'il est déjà 18 heures
- avant de prendre quelques minutes sur le guide qu'on a eu l'occasion de
feuilleter, je pense. Vous avez dit que la plupart des règlements
passent entre les mains des commissaires - un groupe de commissaires?
M. Lachapelle: Oui. Ils passent les deux étapes.
Le Président (M. Filion): lis passent les deux
étapes.
M. Lachapelle: il faut dire que rendus en commission, quand les
trois commissaires ont regardé attentivement les dossiers,
évidemment...
Le Président (M. Filion): Est-ce qu'il est
déjà arrivé que les commissaires retournent un
règlement qui s'amorçait ou qui était plus
qu'amorcé entre deux parties?
M. Lachapelle: On en discute largement. Qu'on ait demandé
de reprendre un règlement... La difficulté qu'on a c'est qu'on
n'a pas de
pouvoir d'intervention ou d'entériner les règlements. Mais
souvent, lors de l'enquête, quand on donne un mandat de médiation,
les commissaires insistent pour dire: Écoutez, dans ce cas-là, il
nous apparaît que les dommages sont très importants, il faudrait
bien les quantifier et vous assurer que le règlement va avoir pour
base... Normalement, quand les commissaires disent que la plainte est
fondée, on n'indique pas de montant. Souvent, on demande au service du
contentieux et aux enquêteurs de nous indiquer quels sont les montants,
pour être bien sûrs que les montants vont être clairement
établis et que les parties vont savoir autour de quel montant cela
devrait se négocier.
Guide "Pour mieux vivre ensemble"
Le Président (M. Filion): C'est bien. Est-ce qu'il y a
d'autres interventions de la part des membres de la commission? J'ai
l'impression qu'on aurait aimé passer une heure de plus avec vous. Je
vous laisse.
On a distribué le guide Tour mieux vivre ensemble".
M. Lachapeile: Ce n'était pas pour vous distraire, si on
vous l'a distribué avant...
Une voix: C'est très bien fait.
Le Président (M. Filion): Est-ce que la charte est
reproduite?
M. Lachapeile: Oui.
Le Président (M. Filion): À quelle page?
M. Lachapeile: À la fin.
Une voix: Non, c'est la déclaration.
M. Lachapeile: il y a la déclaration et la charte aussi
à la fin.
Le Président (M. Filion): il y a la charte, vous avez
raison.
M. Lachapeile: Oui, à la page 139 ou 138. On voit que des
étudiants ont fait des graffitis avec cela, une présentation
pédagogique du...
M. Boulerice: il aurait peut-être été
intéressant que la charte ait le même traitement photographique et
graphique que celui-ci. D'ailleurs je serais partisan que tous les
Québécois reçoivent une copie de la Charte des droits et
libertés de la personne.
M. Lachapeile: À l'époque, il y avait eu une vaste
distribution de la charte.
M. Boulerice: Comme il y a de nouveaux Québécois,
heureusement, ce serait peut-être un cadeau de bienvenue à leur
remettre.
Le Président (M. Filion): Cela est une bonne
idée.
M. Lachapeile: Peut-être.
M. Boulerice: Parce que la déclaration appuie la charte et
le fondement.
M. Lachapeile: Ce document, seulement pour prendre quelques
instants... Vous ne savez peut-être pas. À l'époque, on
avait préparé un document qui s'appelait "Jeunes égaux et
responsables". Un document qui a été distribué dans les
écoles à quelque 300 000 à 400 000 exemplaires, pendant
plusieurs années et qui - vous vous en souviendrez peut-être -
à l'origine avait créé certains petits problèmes,
parce qu'il n'avait pas été accepté dans toutes les
écoles, dans toutes les commissions scolaires. Comme il y avait eu
beaucoup de critiques publiques, cela avait grandement aidé à la
distribution, car ensuite tout le monde se l'arrachait pour voir ce qu'il
pouvait y avoir de si scabreux dans ce document sur la Charte des droits et
libertés de la personne. Cela avait fait beaucoup parler. Il faut dire,
tout de même, que dans ce document, à l'époque, il y avait
probablement une certaine présentation de la charte qui était
axée davantage - et c'était le reproche qu'on faisait - sur les
droits et on oubliait peut-être de parler des responsabilités.
Je pense que le titre du document est très évocateur.
"Pour mieux vivre ensemble" est axé davantage sur les relations entre
les individus, entre les groupes, et beaucoup plus axé sur un contrat de
vie en société qu'est la Charte des droits et libertés.
C'est de cette façon qu'on a voulu le présenter. On a voulu le
présenter également de façon quotidienne de sorte que les
gens puissent se retrouver. Cela s'adresse particulièrement aux
étudiants avec des situations très précises dans la vie
des étudiants. En l'axant, au départ - ce n'est peut-être
pas comme cela que les chartes sont construites -sur des besoins fondamentaux
pour ensuite déboucher vers des droits. C'est beaucoup plus facile pour
les étudiants de comprendre ensuite ce que c'est qu'un droit. Je
parlais...
Mme Bleau: Est-ce que chaque étudiant va avoir le droit
d'avoir son livre ou est-ce que c'est seulement le professeur?
M. Lachapeile: Le premier document avait été
distribué à 400 000 exemplaires. Malheureusement, on ne peut pas
donner celui-ci et le fournir à chacun des élèves. Il est
vendu à un prix vraiment minime, qui est de 8 $. Pour les
éditeurs, c'était vraiment primordial, on avait fixé un
prix. On avait dit: il ne faut pas que cela se vende plus que 8 $, et 6 $ aux
commissions scolaires. Ce n'est pas gratuit, bien sûr,
mais je pense que les commissions scolaires ont suffisamment de budget
pour le matériel pédagogique. Payer 8 $ pour un document
semblable, je pense...
M. Jolivet: Ce n'est pas certain non plus. M. Lachapelle:
Pardon?
M. Jolivet: il peuvent s'être fait couper, eux aussi.
M. Lachapelle: il peuvent peut-être s'être fait
couper.
Nous pensions qu'on pouvait investir au Québec quelque 8 $ pour
un document semblable - il y a des revues qui se vendent pas mal plus cher que
cela - si on voulait justement lui donner une présentation le
moindrement acceptable. L'autre document était terne, n'était pas
agréable, n'était pas attirant pour les élèves. Je
pense que celui-ci est beaucoup plus imagé, beaucoup plus facile,
communique davantage le message que l'ancien document. Dans sa facture
visuelle, il est beaucoup plus agréable.
On a fait affaire avec un certain nombre d'éditeurs, entre
autres, l'Éditeur officiel qui n'était pas capable de
concurrencer notre éditeur. On pense que ce montant n'est pas un montant
exorbitant. Les commissions scolaires et les enseignants nous disent que c'est
un document qu'ils vont voir à obtenir. Je dois vous dire qu'à ce
jour on a vraiment de la part de... J'ai participé à quelques
lancements, Mme Duplé également, je pense aussi, et le document
est très bien reçu de la part des enseignants. Pour une chose,
entre autres, c'est qu'ils n'ont rien entre les mains pour étudier, pour
enseigner, pour éduquer au civisme et à la morale. J'ai vu entre
les mains de mes enfants quelques documents épouvantables reproduits
à bras et avec des textes incompréhensibles. Je pense que ce
document est bienvenu et on devrait faire rapidement le tour du Québec
pour en assurer la promotion. Je vous mentionnais tantôt que le ministre
de l'Éducation avait écrit à chacun des directeurs
généraux pour leur indiquer qu'il connaissait ce document et
qu'il les encourageait fortement à l'utiliser.
Il resterait peut-être bien sûr que dans les écoles,
on puisse, non seulement enseigner, mais éduquer également
à la charte. C'est peut-être le voeu qu'on pourrait formuler.
M. Boulerice: On va le promouvoir et, à la deuxième
édition, on réaménagera la première page. Sans
aucun doute que les bureaux des députés en achèteront pour
remettre comme prix à certains élèves
méritants.
Le Président (M. Filion): Je pense qu'on n'a pas besoin de
manger tout un oeuf pour savoir qu'il est bon.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Filion): Je viens de feuilleter ce guide
et j'ai lu rapidement les pages 124 et suivantes en particulier et je trouve
cela extraordinaire. J'ai vu la table des matières et la façon
dont cela est présenté. Or, je pense que c'est une bonne ponte.
Les auteurs sont mentionnés, etc. Je pense qu'on n'a pas besoin de
manger tout un oeuf pour savoir qu'il est bon. Je félicite les pondeurs
de ce coco.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lachapelle: Effectivement, il a été produit par
des employés de la commission avec évidemment beaucoup de
consultations, je dois vous le dire....
Le Président (M. Filion): J'ai vu des...
M. Lachapelle: ...et beaucoup de transpiration aussi.
Le Président (M. Filion): Sûrement.
M. Lachapelle: Les commissaires ont approuvé chacune des
pages de ce document...
Le Président (M. Filion): Oui.
M. Lachapelle: ...et chacun des mots. Cela a été
même laborieux parce que ce n'est pas facile de présenter la
charte. Cela prend les gens aux tripes dans chacune de ces phrases, on le sait
bien. On n'a qu'à regarder les exemples, on n'a qu'à regarder les
photos, etc.
Le Président (M. Filion): Une remarque cependant et cela
ne change pas... À la page 136, vous avez reproduit la
déclaration du gouvernement du Québec qui a été
faite sur les relations interethniques et interraciales. On sait que c'est
l'Assemblée nationale qui a voté la charte. On sait aussi - on me
corrigera d'un côté ou de l'autre - mais il me semble qu'à
l'Assemblée nationale on a voté la déclaration. Or, je me
demande pourquoi on retrouve ici la déclaration, non pas de
l'Assemblée nationale, mais du gouvernement du Québec. Les
gouvernements passent, l'Assemblée nationale demeure,
espèrons-le. Je m'interroge.
M. Lachapelle: C'était le texte imprimé qui
était distribué.
Le Président (M. Filion): Pardon?
M. Lachapelle: C'était le texte qui était
imprimé et distribué.
Le Président (M. Filion): Mais, à
l'Assemblée nationale, on a eu l'occasion de... Ce n'est pas uniquement
une déclaration gouver-
nementale, c'est une déclaration de l'Assemblée nationale.
Peut-être qu'à une deuxième édition...
M. Doyon: M. le Président, il y a un
précédent. Quand la Charte des droits et libertés de la
personne a été distribuée dans les foyers, elle
était signée par le premier ministre de l'époque.
Le Président (M. Filion): Oui, mais je vous ferai
remarquer, sans faire de politique, M. le député de
Louis-Hébert que...
M. Doyon: Non, non, je ne fais pas de politique. Je signale la
chose.
Le Président (M. Filion): ...dans la copie actuelle de la
charte, n'apparaît aucune inscription de temporel, quel premier ministre,
etc. Dans les premières copies, c'est vrai. C'est pour cela que je le
disais. Ce n'est pas un reproche que je fais. Mais lors d'une deuxième
édition - espérons qu'il y aura plusieurs éditions
à ce bouquin - ou lors d'éditions ultérieures, il serait
bon de vérifier parce que tous les députés ensemble, nous
avons voté à l'Assemblée nationale, sans aucune
espèce de partisanerie quelle qu'elle soit, une déclaration qui
reprend essentiellement le document qui avait été soumis au
gouvernement du Québec. J'attire tout simplement votre attention
là-dessus.
En terminant, j'invite toutes les personnes autour de cette table et
toute votre équipe à se joindre à nous. Étant
donné qu'on s'en va au salon du président, je pense que la
Chambre est fermée...
M. Kehoe: Non, on peut faire le tour.
Le Président (M. Filion): Oui, on va faire te tour du
corridor pour se rendre à l'endroit où nous attend un modeste
buffet.
Juste avant de lever la séance, j'effectue le dépôt
du mémoire de la CSN. Est-ce que vous l'avez reçu?
M. Lachapelle: Oui, on l'a reçu.
Le Président (M. Filion): C'est sous la cote 15M.
Nos travaux sont ajournés sine die.
M. Lachapelle: J'aimerais remercier à mon tour les
députés pour leur grande disponibilité, leur
réceptivité à notre égard et la
sérénité avec laquelle vous avez abordé ces
questions.
Le Président (M. Filion): Merci de votre
présence.
(Fin de la séance à 18 h 15)