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Version finale

34th Legislature, 1st Session
(November 28, 1989 au March 18, 1992)

Thursday, January 24, 1991 - Vol. 31 N° 27

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale et auditions publiques


Auditions dans le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des activités et de la gestion du Protecteur du citoyen


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Dauphin): La commission des institutions a le mandat de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des actitivés et de la gestion du Protecteur du citoyen. Je vais maintenant vous faire lecture de l'ordre du jour, pour adoption.

Nous allons, évidemment, permettre aux membres de faire des remarques préliminaires jusqu'à environ 11 heures. Ensuite de ça, nous entendrons le Comité provincial des malades, pour une durée d'une heure; nous aurons le Comité des bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard, pour une durée d'une heure. Cet après-midi, nous aurons le groupe Auto-Psy provincial, pour une durée d'une heure également; pour ensuite poursuivre avec Mme Nicole Fontaine, curatrice publique, pour une durée de 45 minutes; ensuite, nous poursuivrons avec la Fédération québécoise des associations des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale, pour une durée de 30 minutes; pour poursuivre avec Mme Micheline Lynch, ombudsman et déléguée du Protecteur du citoyen au Centre hospitalier régional de Lanaudiere, pour une durée d'une heure. Après la suspension, nous entendrons Mme Jocelyne Charbonneau, ombudsman à l'hôpital Rivière-des-Prairies, pour une durée de 45 minutes; ensuite, nous aurons Mme Francine B.-Bergeron, conseillère à la clientèle à l'hôpital Sainte-Justine, pour une durée de 30 minutes; et, finalement, nous aurons la Commission de protection des droits de la jeunesse, pour une durée de 45 minutes. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Je rappelle aux différents membres de la commission qu'au comité directeur nous avons décidé de permettre des remarques préliminaires, pour un maximum de 15 minutes, au représentant du parti ministériel, 15 minutes au représentant de l'Opposition officielle, et 10 minutes pour les deux députés indépendants. Est-ce qu'il y a, avant de débuter, des motions préliminaires? Ça va.

Alors, avant de procéder aux remarques préliminaires, j'aimerais saluer la présence de nouveaux membres à notre commission. Je commence avec l'Opposition officielle. Il y a M. François Beaulne, qui est maintenant membre permanent de notre commission, député de Bertrand. Nous avons également M. Lafrance, député d'Iberville, qui est membre de notre commission; M. Ghislain Maltais, député de Saguenay, qui remplace un des membres de la commission; et, comme nouveaux membres, nous avons un député de la Beauce, M. Jean Audet, et aussi M. Charles Messier, député de Saint-Hyacinthe; les autres étaient déjà membres de la commission.

Ce serait peut-être une bonne chose que je les présente, même s'ils sont membres de la commission, pour nos invités: M. Hamel, qui est député de Sherbrooke, M. Kehoe, qui est député de Chapleau, M. Houde, qui est député de Berthier, M. Larouche, qui est député d'Anjou; à ma gauche, le vice-président de la commission, M. Trudel, qui est député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue, Mme Louise Harel, qui est députée de Hochelaga-Maisonneuve - il ne faut pas que je me trompe - Mme Caron, députée de Terrebonne, et M. Holden, député de Westmount.

Remarques préliminaires M. Claude Dauphin

Je vais maintenant commencer les remarques préliminaires comme président et, également, comme membre du parti ministériel. Alors, Mmes et MM. les membres de la commission, la commission permanente des institutions entreprend aujourd'hui des auditions publiques dans le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des activités et de la gestion du Protecteur du citoyen. L'article 294 du règlement de l'Assemblée nationale prévoit que chaque commission examine annuellement les orientations, les activités et la gestion d'au moins un organisme public soumis à son pouvoir de surveillance. Le Protecteur du citoyen ne relève pas de la compétence de la commission des institutions, mais bien de la commission de l'Assemblée nationale qui, elle, lui a délégué, en 1989, le soin d'entendre le Protecteur du citoyen sur son rapport annuel.

C'était la première fois depuis plus de 10 ans que le Protecteur avait l'occasion de se faire entendre par une commission parlementaire. Suite à cette audition, la commission des institutions avait adopté à l'unanimité, en juin 1989, une résolution recommandant au gouvernement de revoir le mandat du Protecteur du citoyen et, plus particulièrement, premièrement, qu'il examine la possibilité et l'opportunité d'étendre la juridiction du Protecteur du citoyen aux secteurs d'activité gouvernemental, périgouvernemental et paragouvernemenal qui ne peuvent avoir recours au Protecteur ou, à défaut, que ces institutions mettent sur pied leur propre service d'ombuds-

man; deuxièmement, que le gouvernement examine à l'intérieur des ministères et des organismes sous la juridiction du Protecteur du citoyen les causes de lésion et qu'il fasse le point sur les mécanismes de règlement des litiges mis en place à l'intérieur de ces ministères et de ces organismes; troisièmement, qu'il évalue la possibilité, pour ces ministères et organismes, de se doter de nouveaux mécanismes internes de traitement des plaintes et qu'il identifie les mécanismes de règlement à l'amiable de conciliation et de médiation que les ministères et les organismes peuvent utiliser pour régler leurs différends avec les contribuables; finalement, qu'il réévalue le budget et les effectifs du Protecteur du citoyen ainsi que le rôle ambigu et délicat du Conseil du trésor dans l'octroi des crédits budgétaires à celui-ci.

C'est donc dans le prolongement de ces travaux que les membres actuels de la commission des institutions ont unanimement décidé de demander à la commission de l'Assemblée nationale de lui permettre de poursuivre plus en profondeur l'étude des questions soulevées lors de l'audition du Protecteur sur son rapport annuel et qu'on lui confie le mandat d'examiner les orientations, les activités et la gestion du Protecteur, ce qui nous a été accordé en janvier 1990.

L'importance de la protection du citoyen, des injustices, erreurs, abus, négligences de l'administration par le Protecteur du citoyen rallie tous les députés, sans distinction de formation politique. Le Protecteur du citoyen joue un rôle essentiel pour le bon fonctionnement de nos institutions démocratiques et, par son action, il contribue à maintenir la confiance que les citoyens et citoyennes doivent avoir à leur égard. Nous savons que les lois même rédigées avec la plus grande rigueur et le plus grand soin peuvent entraîner des situations non attendues. Le législateur a confié son pouvoir de contrôle et de surveillance sur l'application des lois au Protecteur en lui donnant, comme le prévoit l'article 13 de sa loi, le mandat d'intervenir sur demande ou de sa propre initiative, chaque fois qu'il a des motifs raisonnables de croire qu'une personne ou un groupe de personnes a été lésé ou pouvait vraisemblablement l'être, par l'acte ou l'omission d'un organisme public, de son dirigeant, de ses membres ou du titulaire d'une fonction, d'un emploi ou d'un office qui relève de ce dirigeant. Et, en pratique, il intervient lorsqu'un organisme public, un ministère ou l'un de ses employés ne s'est pas conformé à la loi, s'est comporté de façon déraisonnable, injuste, abusive, ou d'une manière discriminatoire, soit qu'il ait manqué à son devoir ou ait fait preuve d'inconduite ou de négligence, soit qu'il ait commis une erreur de droit ou de fait, soit qu'il ait exercé injustement un pouvoir discrétionnaire en se fondant sur des motifs qui ne sont pas pertinents. Il peut faire donc des recommandations de corrections, mais aussi de prévention. Il n'a pas de pouvoir coercitif et, pourtant, il voit ses recommandations suivies par les ministères et organismes du gouvernement dans près de 99 % des cas.

Le Protecteur du citoyen commande et recueille l'assentiment et le plus haut respect de ceux et celles de qui il relève, qui le nomment et qui reçoivent son rapport annuel. Ce même sentiment habite la citoyenne et le citoyen qui est au centre de nos travaux, puisque nous avons reçu 57 mémoires de personnes ou de groupes qui réitèrent leur confiance dans cette institution. Ceux-ci ont saisi cette occasion pour manifester leur intérêt pour cette fonction et nous faire profiter de leur expérience et de leurs réflexions sur les différents volets que la commission a soumis pour consultation et nous les en remercions. Il est normal qu'après plus de 20 ans d'existence, les parlementaires réévaluent la loi constitutive, le rôle et la juridiction de leur mandataire.

Au cours de nos travaux, nous aborderons principalement les questions suivantes. Premièrement, au cours des années, on a vu se développer l'intervention de l'État dans tous les secteurs d'activité. Nous constatons que l'administration centrale n'est pas seule génératrice de normes administratives parmi lesquelles la citoyenne et le citoyen doivent se retrouver.

Or, des limites importantes existent actuellement à l'intervention du Protecteur du citoyen. Soucieux de l'égalitéde traitement pour tous, les membres de la commission examineront la possibilité et l'opportunité d'étendre la juridiction du Protecteur du citoyen sur les organismes gouvernementaux dont le personnel n'est pas nommé et rémunéré selon la Loi sur la fonction publique, les organismes et établissements du réseau des services de santé et de services sociaux, les organismes municipaux selon un système optionnel et, enfin, les organismes et les établissements du réseau scolaire et universitaire.

L'affirmation de l'indépendance du Protecteur du citoyen est à la source même de son autorité morale. La commission a donc posé des questions dans cet esprit tout en soumettant pour examen des moyens pouvant permettre d'appuyer et de seconder l'intervention du Protecteur.

Depuis 10 ans, les demandes au Protecteur du citoyen n'ont cessé d'augmenter. Pourtant, il faut s'interroger sur l'accessibilité pour tous à ce recours et sur son efficacité compte tenu des moyens mis à la disposition de celui-ci. 42 groupes seront donc entendus au cours des cinq journées d'audition qui ont été prévues. Nous avons déjà entendu le Protecteur du citoyen le 11 avril 1990, II sera de nouveau invité au terme de nos auditions publiques. Il me faut souligner la collaboration du Protecteur du citoyen et de son personnel qui ont bien compris le mandat de surveillance de notre commission.

La commission est secondée dans ses travaux par Me Suzanne Langevin, à ma droite, qui est recherchiste à la Division de la recherche de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale, ainsi que de Me Nicole Trudeau, experte-conseil dont nous avons retenu les services, Me Trudeau qui est ici. Nous avons aussi Me Jules Vivier qui nous a été prêté par le ministère des Transports, comme recherchiste, et qui a agi comme recherchiste à la commission du budget et de l'administration sur la loi de la fonction publique.

J'aimerais aussi souligner particulièrement le travail d'organisation de nos travaux mené par la secrétaire de la commission, Me Lucie Giguère, qui, elle, est assistée de Mme Adrienne Beaure-gard, en arrière de moi.

Suite à ces auditions, la commission se réunira en séance de travail pour échanger en tenant compte des points de vue exprimés dans les différents mémoires et lors des auditions. Ces échanges donneront lieu à l'élaboration de recommandations qui seront acheminées ensuite à l'Assemblée nationale pour débat. Je remercie donc à l'avance tous ceux et celles qui, par leur contribution, apporteront un enrichissement à nos travaux. Je vous remercie beaucoup de votre attention. Il n'y a pas de membre ministériel qui aimerait faire des remarques préliminaires? Je vais maintenant reconnaître l'Opposition officielle et, en premier lieu, M. le vice-président, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je prendrai seulement quelques minutes du temps qui est réservé à notre formation politique, au niveau de l'Opposition officielle, puisque la critique, la porte-parole en matière de justice, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, complétera les remarques préliminaires pour notre formation politique.

Vous avez bien rappelé, M. le Président, l'ensemble du mandat que nous nous sommes donné en extensionnant en quelque sorte légèrement la notion de mandat de surveillance que nous avons obtenu de l'Assemblée nationale, eu égard à cette institution qui s'appelle le Protecteur du citoyen. Dans le jargon parlementaire, nous sommes donc en présence, ici, d'un quasi-mandat d'initiative, c'est-à-dire un mandat que nous nous sommes donné, tous les représentants de l'Assemblée nationale au sein de cette commission, pour examiner l'ensemble des activités du Protecteur du citoyen. Vous avez bien rappelé, M. le Président, et c'était un peu, au niveau de l'histoire, anachronique, que le Protecteur du citoyen, le représentant de cette institution ait été entendu pour une première fois, il y a quelques années, quelques mois, au niveau de l'examen de ses activités, quand on constate que c'est une institution extrêmement importante au niveau de la protection et de l'exercice des droits des citoyens au Québec, cette institution qui existe, rappelons-le, depuis 1968 maintenant.

Donc, 20 ans plus tard, la commission des institutions s'apprête à examiner l'ensemble des activités et faire des recommandations à l'Assemblée nationale en matière d'exercice des fonctions du Protecteur du citoyen au Québec. Je rappelle, cependant, comme vous l'avez dit aussi, M. le Président, j'aimerais le souligner particulièrement, et nous l'avons aussi mentionné explicitement dans le document que nous avons expédié publiquement aux groupes qui en avaient fait la demande et qui désiraient venir témoigner devant cette commission, qu'un des aspects les plus importants du travail de cette commission concerne l'extension du mandat du Protecteur du citoyen.

Le législateur, il y a 21 ans maintenant, avait inclus une définition dans la loi en termes d'opérations pour le Protecteur du citoyen qui ne couvre, à toutes fins utiles, que le travail des employés qui relèvent directement de la fonction publique du gouvernement. Et comme l'intervention de l'État s'est multipliée dans beaucoup de secteurs, de grands pans de la vie collective québécoise ne sont pas couverts par les activités, par le travail du Protecteur du citoyen et nous devons examiner s'il serait juste, s'il serait approprié d'extensionner le mandat du Protecteur du citoyen à certains secteurs névralgiques du fonctionnement des citoyens dans le quotidien et, en particulier - j'insiste là-dessus, en terminant - tout le secteur des services sociaux et des services de santé, particulièrement parce que ce qui sera entendu ici - et il faut le dire clairement - aura des échos tout de suite la semaine prochaine, puisque, au moment même où la commission des institutions entreprend ses travaux et avant qu'elle en tire ses conclusions au niveau de ces activités, au niveau de ses conclusions qu'elle dressera, la commission des affaires sociales sera appelée, à partir de la semaine prochaine, à étudier un projet de réforme de l'organisation des services de santé et des services sociaux au Québec et qui prévoit une modification au niveau du fonctionnement du traitement des plaintes et des mécanismes de recours dans tout le système de la santé et des services sociaux. Donc, sans que ce soient les conclusions de la commission, évidemment, qui auront un écho à la commission des affaires sociales, à ne pas en douter que ce sont les organismes et les personnes qui se prononceront, qui donneront leur avis sur le fonctionnement et la possible extension du mandat du Protecteur du citoyen, ou le contraire, dans le domaine de la santé et services sociaux, ces témoignages auront des échos par rapport aux travaux de la commission des affaires sociales. C'est un peu l'organisation du travail parlementaire qui fait en sorte qu'on aura cet écho immédiat.

Donc, toute la question, la principale question qui est posée au cours de cette commis-

sion - et c'est ce que disait notre document de consultation - c'est d'abord l'extension du mandat du Protecteur du citoyen, avec d'autres questions qui ne sont pas accessoires, qui sont très importantes, mais l'origine du mandat de quasi-initiative, c'est d'abord d'examiner l'extension du mandat du Protecteur du citoyen en quatre domaines particuliers: les commissions scolaires, les municipalités, santé et services sociaux, et également d'autres sociétés comme Hydro-Québec, puisque ça touche la vie quotidienne des citoyens.

Alors voilà, M. le Président, ce que je voulais rappeler brièvement. Je conclus en disant que, oui, je pense que c'est impressionnant que le mandat que nous nous sommes donné ait reçu un bon accueil dans le public, puisque 42 mémoires seront entendus ici et que 57 organismes ont répondu à l'appel de consultation, ce qui, dans la tradition des commissions parlementaires, représente un volume assez important, sans parler de la qualité des mémoires qui nous ont été présentés.

Alors, je veux, moi aussi, souhaiter une bonne session de travail à tous les membres de la commission et remercier les gens qui nous ont aidés à préparer les documents de consultation pour aider à discuter de cette question et faire en sorte que nous puissions arriver à des conclusions claires, au niveau de l'Assemblée nationale, quant au mandat du Protecteur du citoyen au Québec. Merci. Je vous demanderais de reconnaître, s'il vous plaît, la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Le Président (M. Dauphin): D'accord Merci, M. le député. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je crois comprendre que mes collègues auraient peut-être quelques mots à dire; alors, j'aimerais que vous me le rappeliez pour que je leur laisse un peu de temps.

M. le Président, je souscris aux compliments et aux remerciements que vous avez faits à l'égard de toutes les personnes qui ont travaillé à la préparation de cette commission. Je veux rappeler aux membres de la commission que, dans un système parlementaire britannique comme celui dont nous avons hérité, nous avons finalement peu d'occasions d'échapper à la dictature de la règle de parti, celle qui prévaut dans un Parlement de type parlementaire et celle qui amène l'assujettissement du législatif, donc des parlementaires, à l'exécutif, c'est-à-dire des ministériels. C'est une règle à laquelle on semble ne pas pouvoir échapper, compte tenu de l'évolution complexe des États industriels. (10 h 30)

Mais je crois que l'occasion nous est donnée - est-ce que nous saurons la saisir? - d'aller au fond des choses, indépendamment des influences ministérielles qui sont elles-mêmes souvent déterminées par les appareils administratifs. On dit que les gouvernements passent et que les administrations restent. D'une certaine façon, je pense que cette commission, cet examen, ce pouvoir de surveillance, que nous avons en vertu du règlement, nous donne cette occasion. Et j'espère, M. le Président, que nous saurons souscrire à cette philosophie qu'un droit démocratique fondamental, dans notre société, est celui de créer des recours pour les citoyens qui se sentent lésés par l'administration.

Il faut comprendre que, de plus en plus, les citoyens sentent un malaise par rapport au déséquilibre avec les forces de l'État Les États modernes, les États industriels sont de plus en plus tentaculaires, d'une certaine façon, organisés, et le citoyen n'a pas toujours le sentiment que l'administration - avec un A majuscule - est au service du citoyen, mais a souvent la conviction que l'administration est au service de l'État. Et certainement, il nous faut penser ces recours de façon que les usagers aient la conviction, le sentiment profond que non seulement justice leur sera rendue, mais également que justice a toutes les chances de l'être, c'est-à-dire que ce n'est pas simplement justice, mais toutes les apparences pour ne pas que se crée ce sentiment de méfiance, de frustration, ce sentiment d'injustice qui, une fois ressenti, évidemment, dans une société démocratique comme la nôtre, crée un déni de justice. Pour ce faire, je pense que ça exige une philosophie où I administration n'est pas juge et partie à la fois. Ça, c'est un principe qui, pour moi, devrait guider nos travaux, faire en sorte que ces recours ne fassent pas que l'usager ou le citoyen soit livré à une administration qui est à la fois juge et partie.

Je vous rappelle que, déjà, il y a maintenant presque un an et demi, le 2 mars 1989, la commission des institutions, après l'audition du Protecteur du citoyen, adoptait une résolution unanime. Cette résolution, qui était transmise au gouvernement, recommandait de revoir le mandat du Protecteur du citoyen et, plus particulièrement, sur deux aspects: l'examen de la possibilité et de l'opportunité d'étendre la juridiction du Protecteur du citoyen aux municipalités, à toutes les institutions paragouvernementales et péri-gouvernementales comme les institutions faisant partie du réseau de la santé et des services sociaux, les organismes scolaires et les sociétés d'État ou, à défaut, disait la résolution, que ces institutions mettent sur pied leur propre service d'ombudsman ou de protecteur du citoyen. Il faut se rappeler qu'en 1987-1988, l'institution du Protecteur du citoyen avait dû refuser 1775 plaintes concernant les services hospitaliers et les institutions scolaires et 715 plaintes concernant les organismes municipaux. En 1988-1989, c'est 1800 demandes qui ont dû être refusées

parce que hors la compétence, hors la juridiction du Protecteur du citoyen dans les réseaux hospitalier, municipal et scolaire et autres organismes gouvernementaux sur lesquels il n'a pas compétence. C'est donc dire que des citoyens de bonne foi ont recours au Protecteur du citoyen, par milliers, et se voient écartés de ce recours du fait que le Protecteur n'a pas compétence.

D'autre part, la commission des institutions recommandait également un examen, à l'intérieur de la juridiction du Protecteur, dans les ministères et organismes où s'exerce sa compétence, un examen des causes des lésions et la mise au point des mécanismes de règlement de litiges dans ces ministères et organismes pour évaluer la possibilité de se doter de nouveaux mécanismes internes de traitement des plaintes, identifier des mécanismes de règlement à l'amiable, de conciliation, de médiation que les ministères et organismes pourraient utiliser pour régler leurs différends avec les contribuables.

Finalement, la commission recommandait de réévaluer le budget et les effectifs du Protecteur du citoyen, ainsi que le rôle ambigu et délicat du Conseil du trésor dans l'octroi des crédits budgétaires au Protecteur du citoyen. C'est donc le mandat que la commission des institutions se donnait unanimement le 2 mars 1989.

Il faut certainement que nos travaux se fassent sous l'angle de cette importante réflexion dans l'ensemble de la société québécoise sur l'ensemble de l'accès à la justice. Vous savez peut-être que nous sommes, cette année, à célébrer le 25e anniversaire du ministère de la Justice. Nous sommes à l'heure de la réflexion et des choix en matière de justice. Il devrait, cette année, se tenir un important sommet sur la justice au Québec et la question que tout le monde se pose, eh bien, c'est celle de savoir comment réformer notre système judiciaire qui présente des signes évidents d'essoufflement, d'engorgement, comment faire en sorte que ce système de moins en moins accessible à une majorité de citoyens et de citoyennes le redevienne? Et, évidemment, c'est la recherche de solutions de rechange à la judiciarisation des conflits, qui est un défi de taille qui se pose pour l'ensemble de la société québécoise.

C'est un système de résolutions des conflits, et, à cet égard, je pense qu'il est important de rappeler ce qu'en disait le Protecteur du citoyen lui-même lors du 5e Colloque de droit comparé, lorsqu'il plaidait en faveur d'une plus grande reconnaissance de l'institution du Protecteur du citoyen, justement pour le fait que c'était là une façon de déjudiciariser les conflits, et je cite: "Parce qu'elle est hautement accessible à la population à cause de l'absence de formalisme, à cause de sa gratuité et aussi parce qu'elle peut être utilisée par tous sans distinction de statut, l'institution du Protecteur du citoyen constitue certes un recours de justice douce, qui répond aux besoins de résolution des conflits dans les rapports qu'entretiennent quotidiennement les administrés avec l'appareil de l'État. L'institution constitue également un recours fiable et efficace puisque, par son indépendance, elle garantit la liberté, l'objectivité et l'impartialité de l'intervention tant pour la population que pour la branche executive de l'État." Je pense que c'est, évidemment, à la lumière de ces objectifs que nous devons entreprendre nos travaux. Transparence, crédibilité, efficacité, impartialité, indépendance, c'est là l'esprit des recours que nous devons mettre à la disposition de nos concitoyens.

M. le Président, j'ai un certain nombre de questions que je me suis préparées et je voudrais les partager avec les membres de la commission pour, d'une certaine façon, pouvoir échanger avec les 42 organismes ou personnes qui viendront devant la commission. Entre autres, la question de savoir comment donner de la crédibilité aux mécanismes de traitement de plaintes? Comment favoriser une jurisprudence harmonisée sur tout le territoire pour qu'il n'y ait pas plus ou moins de droits, dépendamment des régions et dépendamment des institutions? Quelle distinction doit-on faire entre les interventions, les programmes d'appréciation de la qualité des services mis en place par les administrations et les mécanismes de traitement des plaintes, qui devraient plutôt être centrés non pas sur le dispensateur, mais sur le bénéficiaire? Quel formalisme doit-on introduire dans la formulation des plaintes? Est-ce que la plainte doit être obligatoirement formulée par écrit? Que fait-on des bénéficiaires inaptes ou des citoyens analphabètes? Que fait-on des plaintes informelles qui, jusqu'à maintenant, pouvaient être transmises par des bénévoles, des parents ou du personnel dévoué, à l'occasion? Faut-il des délais dans l'administration des plaintes? Quel délai serait raisonnable? Faut-il imposer la motivation des décisions? Et, évidemment, M. le Président, quel rôle entend-on accorder aux comités d'usagers, aux organismes communautaires? Et faut-il un recours à une instance décisionnelle neutre, impartiale? C'est-à-dire, faut-il un recours à une instance externe? Je pense que ça, c'est une question de fond. Faut-il un recours externe, devant une instance neutre et impartiale, qui ne soit ni directement ni indirectement impliquée dans l'organisation des services, que ce soit au niveau scolaire, que ce soit au niveau municipal, que ce soit au niveau gouvernemental, que ce soit au niveau hospitalier? Je crois que cette question est incontournable. On ne peut pas tenter de l'évacuer, et ce sera l'une des questions importantes. Je souhaite que cette commission permette un éclairage concluant sur la meilleure formule à retenir.

M. le Président, avec le consentement, j'aimerais peut-être simplement, également, vous rappeler que nous avons à nous interroger sur

les moyens les plus efficaces pour faire en sorte que le recours au Protecteur soit mieux connu. Il l'est, en tout cas, de la part d'usagers qui formulent des plaintes, mais qui ne sont pas de la compétence, mais il ne l'est pas de l'ensemble des citoyens puisqu'un sondage réalisé pour le compte du Protecteur démontre que 15 % des citoyens interrogés connaissent le rôle du Protecteur et sont au courant des services offerts. Ce sont les gens des régions de Montréal et des autres régions que Québec qui sont les moins bien informés sur ces services. Finalement, à Québec, où est l'appareil d'État, les gens le sont mieux. Alors, il faut certainement penser à des façons de faire, évidemment, à des moyens nouveaux mis à la disposition du Protecteur pour mieux faire connaître les recours qu'il offre à la population.

M. le Président, je voudrais terminer certainement en signalant la nécessité de réexaminer quel rôle l'institution du Protecteur peut jouer à l'égard d'un rapprochement et d'un dialogue avec les autochtones. Je pense que c'est là aussi une question incontournable pour la commission des institutions, à l'heure où nous avons à nous interroger sur notre coexistence, sur nos relations, à redéfinir ces relations. Je vous rappelle que les Protecteurs de toutes les provinces canadiennes avaient fait parvenir au gouvernement fédéral une proposition de nommer un Protecteur aux réclamations autochtones pour procéder à des enquêtes de façon objective et impartiale et à faire rapport périodiquement au Parlement. Je crois que nous aurions intérêt à examiner également cette hypothèse d'une vice-protecteur du citoyen, mais directement responsable des questions autochtones. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Je vous signale que le temps qui était alloué à l'Opposition est déjà dépassé de cinq minutes. Alors, je ne sais pas si vous voulez toujours faire des remarques préliminaires, peut-être très brièvement. M. le député de Bertrand.

M. François Beaulne

M. Beaulne: Simplement, M. le Président, à titre de nouveau membre de la commission, je vais vous indiquer mon intérêt lorsque j'ai appris que le premier dossier sur lequel j'allais me pencher était l'examen du rôle du Protecteur du citoyen, pour la simple raison qu'à mesure que l'administration publique devient de plus en plus complexe et à mesure, entre autres, que l'informatisation s'infiltre dans l'administration publique, la iiberté individuelle des citoyens devient de plus en plus ouverte à l'arbitraire. Dans ce sens, il m'apparaît important de réexaminer le rôle du Protecteur du citoyen puisque, comme, d'ailleurs, le Comité provincial des malades l'a indiqué en introduction, le citoyen se sent de plus en plus dans la position de David face à Goliath dans la complexité de cette administration publique. J'espère que les travaux que nous entreprendrons se feront sur une base non partisane pour que nous puissions tirer profit et tirer les leçons qu'ont à nous apprendre les intervenants qui ont bien accepté de venir témoigner. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M If-député de Bertrand Maintenant, une période de 10 minutes a été allouée aux deux députés indépendants. Je crois que les deux veulent dire quelques mots comme remarques préliminaires Lequel en premier? M. le député de Westmount

M. Larouche: Je peux commencer.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. René Serge Larouche

M. Larouche: Mais de toute façon, étant donné qu'on a cinq minutes de prises déjà sur le temps des gens qui ont présenté des mémoires...

M. Holden: M. Larouche est senior quant à son.

Le Président (M. Dauphin): Alors, on fonctionne par ancienneté. M. le député d'Anjou, à vous la parole

M. Holden: ...activité parlementaire.

M. Larouche: C'est ça. Je pense que vous avez très bien situé le sujet, M. le Président, autant au niveau de l'Opposition, des trois porte-parole de l'Opposition. Alors, il ne sert à rien, ici, que je revienne sur le mandat, les orientations, les activités et la gestion du Protecteur du citoyen ou de la façon dont je le verrais. Je vais préférer entendre les gens qui vont présenter des mémoires avant d'ajouter quoi que ce soit. (10 h 45)

Les remarques qui ont été faites, évidemment je pourrais les répéter et en prendre à mon compte, en particulier lorsque vous faites référence à certains modes de fonctionnement au niveau parlementaire, si vous savez ce que je veux dire. On pourrait parler d'exemples concrets concernant des cas qui touchent les dossiers relatifs au Protecteur du citoyen, et je pense qu'en entendant les gens qui vont présenter des mémoires, on pourra y revenir. C'est pour ça que je voudrais mettre fin immédiatement aux quelques minutes qui m'étaient consacrées, en souhaitant qu'on puisse les entendre le plus rapidement possible.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M le

député d'Anjou. M. le député de Westmount. M. Richard B. Holden

M. Holden: Merci, M. le Président. Vous savez qu'au début des années soixante, Daniel Johnson, père, quand il était chef de l'Opposition, est allé en Suède et il s'est intéressé énormément à l'institution de l'ombudsman. Quand il est revenu et qu'il a pris le pouvoir en 1966, c'est lui qui était en arrière de la législation qui a été enfin adoptée en 1968. Et le premier Protecteur du citoyen était le doyen de la Faculté de droit de Laval, qui est maintenant juge, Louis Marceau. M. Marceau m'a engagé comme adjoint et je me souviens que, quand on s'est rencontré la première fois, il a dit: Holden, on va plonger ensemble, parce que c'était le début de l'institution du Protecteur. La loi était nécessairement timide. C'était nouveau. Dans le système britannique, il y avait beaucoup d'opposition à l'idée d'une institution d'ombudsman. Alors, les fonctionnaires n'étaient pas tellement heureux de savoir que le public allait avoir un véhicule pour se plaindre. Alors, c'était nécessairement timide. M. Marceau était un homme très prudent et il me disait souvent qu'il fallait aller lentement, qu'il ne fallait pas faire trop de vagues au début. Je crois que la philosophie était bonne, mais maintenant je crois que c'est dépassé, c'est accepté. Je crois que toutes les provinces ont un ombudsman. Il n'y a que le gouvernement fédéral qui n'a pas d'ombudsman, et on en parle.

Alors, je trouve que c'est le temps. Je suis très content d'être à la commission et comme le vice-président l'a dit, il y a d'autres lois, il va falloir négocier avec d'autres lois comme le Code civil, par exemple. La question de prescription, je trouve que c'est une très bonne chose de dire que, quand on va voir l'ombudsman, surtout avec les délais qui sont nécessaires, ça interrompt la prescription, mais je n'ai pas vu ça dans le projet du Code civil.

Alors, il y aura des recommandations. Moi aussi, je veux entendre tout le monde et je nous souhaite un travail fructueux, M. le Président, et je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de le dire.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le député de Westmount, pour vos bonnes paroles d'expérience. Je vais maintenant demander au premier groupe d'invités, le Comité provincial des malades, qui est représenté par Mme Michèle Lamquin-Éthier, directrice générale. Je vais lui permettre de nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Mais juste avant de le faire, je vais rappeler les règles de nos auditions. Pour une audition d'une durée d'une heure, il est prévu une durée de l'exposé de 15 minutes. Alors, vous aurez donc 15 minutes pour faire votre exposé et une période d'échanges est prévue de 45 minutes entre les membres de la commission et le groupe invité.

Alors, Mme Éthier, je vous demanderais donc de présenter les personnes et de nous faire votre exposé.

Auditions Comité provincial des malades

Mme Lamquin-Éthier (Michèle): M. le Président, MM. les députés, mesdames, permettez-moi de vous présenter Mme Jacqueline Crochetière, qui est membre d'un comité de bénéficiaires dans un centre d'accueil. Elle est conseillère. Mme Crochetière est également membre du conseil d'administration du Comité provincial des malades; M. l'abbé Jules Parenteau est membre du conseil d'administration du Comité provincial des malades à titre de conseiller, il est adjoint au service des oeuvres de l'archevêché de Montréal; Claudette Cousineau est agente de liaison au Comité provincial des malades. Son mandat est de s'occuper des comités de bénéficiaires et d'intervenir auprès de ceux-ci, de même que d'aider les gens qui font appel à nos services. Mme Cousineau est en fonction depuis le 5 septembre.

Nous aimerions dire au préalable que nous avons soumis notre mémoire un peu à la hâte et que nous ne voudrions pas que l'on pense que le Comité provincial des malades ne reconnaît pas le caractère très important du Protecteur du citoyen quant à son rôle. Ça, c'est bien admis, c'est bien clair. Nous sommes respectueux de l'institution et nous reconnaissons que le travail effectué par Me Jacoby est très important, de même que celui qui a été fait par ses prédécesseurs, de même que nous reconnaissons l'utilité d'avoir un Protecteur du citoyen.

Nous aimerions cependant vous situer un peu le cadre de notre mémoire et peut-être l'expliciter davantage. Il y a bientôt 20 ans que le Comité provincial des malades existe. Plus qu'un organisme, un organisme sans but lucratif, un intervenant, le CPM est le résultat de la réunion de personnes malades et handicapées: Claude Brunet, Lucien Roussel, André Thérien, Louise Paré qui, pris comme une quantité négligeable dans un système centré sur lui-même, ont senti l'urgence de se faire entendre.

L'affirmation du fondateur était bien simple. Nous sommes des personnes, nous avons des droits, nous avons notre mot à dire, ne nous oubliez pas! Des revendications simples: jamais de grève, des soins de qualité, des voix pour exprimer nos revendications et laissez-nous assumer nos responsabilités en nous permettant de nous réunir en comité d'actions, d'écoute dans nos établissements. La justice "by the people, for the people".

Les choses ont évolué depuis 20 ans. Le comité des bénéficiaires existe de par la loi.

L'opinion publique est de plus en plus attentive au fait que les moyens de revendiquer des uns ne doivent pas nécessairement faire en sorte que des autres plus faibles pourraient en souffrir. Les générosités de plusieurs dans la société québécoise ont fait changer les choses. Nous voilà à l'aube d'une réforme qui, probablement, va faire du bruit; rien ne sera cependant parfait.

Voilà que pour mieux aider le citoyen malade, institutionnalisé ou non, la générosité québécoise s'interroge à l'effet de savoir s'il serait bon d'utiliser un mécanisme de plus pour l'aider. Notre point de vue a toujours été celui du concret, du terrain. Notre voix a toujours été celle des malades, et encore aujourd'hui c'est ce point de vue que nous voulons tout simplement vous exprimer.

Nous pensions important de situer ainsi le sens du mémoire qui a été déposé devant cette commission. S'il est vrai que le citoyen sera au coeur de la réforme, par, avec et pour, laissez les malades prendre leurs responsabilités, laissez-leur des choix, laissez-leur la capacité d'intervenir. Ce que nous craignons, c'est que l'on tente d'expliquer les problèmes par le système. Or, les problèmes ou les situations que vivent les malades sont multiples. Les malades n'ont pas besoin, selon nous, que l'on considère leurs problèmes ou les situations qu'ils vivent par l'abstrait, dans l'abstrait, mais qu'on les considère en tant qu'individus uniques, complexes et que l'on trouve des solutions efficaces, rapides à leurs problèmes.

Nous craignons donc qu'on oublie le malade en tant qu'individu pour voir l'ensemble du système, ce qui reviendrait en quelque sorte à gérer des plaintes, à s'éloigner du réel, à perdre de vue le sens de la réalité des malades. Ce que le Comité provincial des malades souhaite, ce n'est pas d'augmenter la capacité de régler des plaintes, mais plutôt d'aller à leur source afin d'éviter leur répétition ou leur multiplication. Nous ne croyons pas qu'il faille retenir la proposition d'élargir le mandat du Protecteur du citoyen au réseau de la santé et des services sociaux. Nous croyons plutôt à la nécessité d'instituer un système de gestion et de traitement des plaintes, qui soit véritablement efficace et crédible. Un système qui serait près des lieux d'insatisfaction qu'ont souvent à vivre et à dénoncer les bénéficiaires. Nous croyons également important de créer l'obligation pour chacune des instances ou des paliers responsables de rendre compte du traitement des plaintes, du sérieux et de la qualité qu'ils vont afficher au règlement des plaintes.

Ce que nous demandons, c'est que l'on s'attaque aux causes véritables des problèmes et non pas que l'on donne à l'usager un mécanisme additionnel qui nous paraîtrait peut-être plus dispendieux et qui risquerait, peut-être, d'avoir moins d'efficacité à long terme. Assurez-vous, MM. les élus, que les gestionnaires seront réellement imputables, que les médecins seront compétents. Voici le sens de nos préoccupations. Et nous aimerions peut-être, lorsque vous voudrez nous soumettre des questions, répondre à ce qui avait été soulevé, quant à la transparence, à la crédibilité. Pourquoi une jurisprudence centralisée, alors qu'on envoie le pouvoir vers les régions? Pourquoi tenter de centraliser, alors que certains problèmes peuvent avoir une colora tion qui est importante?

On parie de problème de contrôle de qualité et de plaintes. Effectivement, il peut y avoir certains problèmes. Ce qui nous amènerait à vous faire certains commentaires en regard du projet de loi 120. Le formalisme est effectivement très important et, comme c'a été souligné, jusqu'à quel point ça doit être formel. Les délais raisonnables. Il doit y avoir des délais, mais ceux-ci sont-ils raisonnables, on pourrait répondre à vos questions en ce sens-là. Oui, il faut que les décisions soient motivées. Oui, il faut que ce soit explicité, sinon on n'aura pas d'imputabilité, sinon les réseaux ne seront pas plus responsables, l'établissement ne sera pas plus responsable, la Régie ne sera pas plus responsable, et l'usager, au bout du compte, n'y gagnera pas. L'usager a besoin d'avoir un contrôle sur les situations et sur sa plainte.

Le comité des usagers, on voudrait vous en parler aussi. C'est important qu'on reconnaisse l'importance des comités d'usagers. Ils vivent dans les établissements. Ils sont près des situations qu'ils dénoncent. Ils peuvent souligner des recommandations qui sont importantes. C'est donc utile pour eux qu'ils gardent la capacité de s'intéresser à la protection et à la défense.

Les organismes communautaires, depuis 20 ans - et nous pourrions en souligner plusieurs qui font un travail remarquable sur le terrain auprès des usagers - ont fait un travail qui est important. Tous ces organismes-là méritent d'être reconnus. Ils méritent d'avoir des ressources. Ils devraient être capables de faire un travail valable et véritable auprès des usagers parce que c'est leur mandat, leur mandat particulier, leur mandat exclusif, de voir à ces malades-là et de faire en sorte que les conditions de vie, les droits de ces malades-là soient reconnus et respectés.

Faut-il des recours extérieurs? Le Comité provincial des malades avait pensé à une charte des droits. On croit comprendre que certains droits vont faire partie du chapitre. Bon. On aura à considérer si c'est satisfaisant. Nous voulions qu'il y ait une commission des droits des malades, pas parce qu'on pense que les malades ont besoin d'un traitement particulier. C'est parce qu'on veut un recours efficace, un recours qui soit réel, qui soit adapté aux préoccupations. C'était ça le sens de nos préoccupations et c'est encore le sens du mémoire qu'on a soumis à votre attention. Je vous laisserais sur une note importante, si on veut parler de

transparence. La question des corporations professionnelles. Est-ce qu'on va vraiment évoluer en prenant pour hypothèse qu'on élargit le mandat du Protecteur du citoyen? Est-ce qu'il y aura un contrôle véritable au niveau des corporations professionnelles? Qu'en sera-t-il de la transparence? Est-ce que l'usager va pouvoir y aller, être entendu, faire ses représentations? C'est un très gros problème à l'heure actuelle, ça.

Le Président (M. Dauphin): Vous avez terminé. Merci beaucoup. Je vais maintenant reconnaître un membre du côté ministériel. M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Merci, M. le Président. Chère madame, je dois vous féliciter d'abord de votre mémoire parce que je suis content que vous passiez en premier ce matin. Ce qui m'a frappé et ce qui me frappe aussi, en vous écoutant, c'est cette importance que vous accordez à la réalité et surtout à la personne. Vous représentez, par votre organisme, je dirais, les gens les plus touchés par le système, entre guillemets. Et c'est pour ça que je suis très très content de vous entendre revenir là-dessus. C'est la personne avant tout, finalement.

Vous nous avez suggéré plusieurs questions, chère madame. La dernière peut-être m'apparaî-trait aussi intéressante à soulever. Avez-vous des suggestions à nous faire concernant la transparence des corporations professionnelles? (11 heures)

Mme Lamquin-Éthier: Bon. Il faut comprendre que, lorsqu'un usager est pris avec un problème dans un établissement, que ce problème-là touche un acte professionnel et que celui-ci relève de la compétence d'un CMDP ou de la corporation professionnelle, ça cause de très gros problèmes. Si vous regardez l'actuel projet de loi 120... Puis là, je vous fait part de nos préoccupations, on ne vous parle pas en tant que juristes, on vous parle en tant que personnes qui sont près de la base, qui sont près des usagers. Vous avez une panoplie très impressionnante de juristes qui pourront vous aider et qui pourront pousser ces arguments-là plus à fond. Nous, ce qu'on veut vous dire, c'est le vécu du bénéficiaire, comment il voit ça, comment ça se passe.

Avec le projet de loi, à l'article 36, on dit: "Lorsque la plainte porte sur un acte professionnel sur lequel une corporation a compétence, rétablissement doit acheminer la plainte." L'utilisation du mot "établissement" nous porte à croire que ça pourra être aussi bien le responsable ou le directeur des services professionnels. On peut aussi penser que ce responsable-là va devenir une simple courroie de transmission: ou il recevra la plainte de l'usager et, voyant que ça concerne un acte professionnel, il l'acheminera directement au directeur des services professionnels qui, lui, l'enverra au CMDP et également à la corporation professionnelle; ou le responsable va faire ça de lui-même. L'usager, il n'est pas familier avec ça et il n'aura pas de présence assurée au niveau du CMDP.

Lorqu'on lit l'article dans la loi, il n'y en a pas de transparence parce que l'usager n'est pas présent, il n'est pas là. Il ne le sait pas comment ça fonctionne. Est-ce que la personne, au niveau du CMDP, va saisir le comité exécutif? Est-ce qu'on va décider de mettre un comité de discipline sur pied? Ce sont toutes des questions qui sont importantes. On ne peut pas avoir cette assurance-là en lisant le projet de loi 120. Ça nous paraît par ailleurs fondamental. C'est ça que les usagers disent, finalement, c'est que ça nous dépasse, on n'a plus de contrôle là-dessus, on ne sait pas comment ça se passe. De toute façon, on a toujours tort. Fort peu de nos plaintes sont retenues parce qu'on lutte contre un système qui est organisé, qui est puissant, et contre ça, nous, on ne fait pas le poids. Ça nous préoccupe beaucoup.

Alors, on regarde l'article 36 et on va faire, avec la permission du ministre, certaines recommandations à cet égard-là pour qu'il y ait plus de transparence. Peut-être que les usagers puissent accéder aux comités de discipline, qu'ils puissent y avoir droit. Et le CMDP d'établissement, vous allez avoir le directeur général, un médecin et une infirmière. C'est aussi un problème pour l'usager. Pourquoi est-ce qu'il n'y aurait pas des usagers? C'est dans leur intérêt. On leur dispense des services qui doivent être de qualité; c'est pour eux qu'on dispense ces services-là. L'établissement n'a pas de contrôle sur ces services-là; lui-même, ça échappe à son contrôle et ça échappe au contrôle de l'usager, alors que, finalement, ce que l'on vise et ce que les malades demandent, c'est d'avoir des services de qualité. C'est important qu'ils puissent avoir leur mot à dire à l'égard des corporations.

Maintenant, à l'égard du CMDP, à l'article 1, vous avez soulevé avec beaucoup de justesse qu'il va y avoir une certaine confusion, d'apprécier d'abord la pertinence, la qualité et l'efficacité des actes médicaux, dentaires et pharmaceutiques et d'examiner les plaintes des usagers qui nous sont acheminées. Effectivement, il peut y avoir un double palier, puis ça peut causer, dans la pratique, certaines difficultés. Nous, ce qu'on souhaite, c'est ça. Concrètement, c'est que l'usager puisse être entendu, faire des représentations, qu'il y ait de la transparence et qu'il soit présent.

M. Hamel: Vous avez très bien répondu. Maintenant, j'aurais peut-être une autre question, M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Hamel: Qu'est-ce que vous entendez par "délai raisonnable"? Qu'est-ce que vous souhaitez

comme étant des délais raisonnables? Vous avez ouvert une porte, tantôt, là-dessus.

Mme Lamquin-Éthier. Oui, puis on va mettre le pied dedans. Le projet de loi 120, c'est un projet qui est axé sur le citoyen. On veut lui donner des services de qualité, c'est la raison d'être. Et quand on lit le chapitre qui traite des recours administratifs, c'est comme si c'était de la science-fiction. Le livre blanc affirme une chose et, quand on lit le projet de loi, on reste un peu sur notre appétit. On est peut-être intransigeants, mais c'est notre rôle, au Comité provincial des malades, d'être intransigeants parce qu'on représente des usagers.

La plainte doit être formulée par écrit. Ça, c'est une méconnaissance, finalement, comme le disait Mme Harel, des difficultés concrètes qu'éprouvent les usagers, notamment les analphabètes. Il y a 283 000 analphabètes au Québec qui ne savent pas lire. Actuellement, 614 000 personnes au Québec peuvent seulement repérer des mots familiers dans un texte qui est encore très simple. Un tiers des Québécois, sort 1 453 000, sont analphabètes. À Montréal, il y en a 34 % et, dans la région de Montréal, 23 %; c'est donc important. Combien de personnes présentent des difficultés au niveau de la lecture? Les caractères sont trop petits, Hs ne les voient pas. Les mots sont trop ampoulés. Le système a des mots: procédure de traitement, d'application des plaintes... Il faut rendre ça simple, il faut qu'ils comprennent: J'"ai-tu" un recours? Je "peux-tu" l'exercer? Qui va m'aider? Quand est-ce que que je vais pouvoir l'exercer et qu'est-ce qu'il va faire? C'est ça, concrètement. Demander que ce soit par écrit, je pense que... Mais là, il faut vérifier. Est-ce que "formuler" veut dire réduire dans une formule et que l'usager pourra avoir été assisté et que la personne aura réduit dans une formule ou si ça veut vraiment dire que lui-même le fasse par écrit? Si c'est ça, on n'est pas d'accord.

Le délai? On regarde ça et on se dit: Bon Dieu! Est-ce qu'ils ont fait cette réforme-là en fonction de l'usager ou en fonction du réseau? S'ils ne l'ont pas faite en fonction de l'usager, comment se fait-il que les délais soient aussi exorbitants? C'est anormal. Un usager... C'est une autre des qualités que doit avoir le recours. Vous regarderez les interventions que le CPM fait. Il ne faut pas intervenir dans trois jours ou dans six mois. C'est tout de suite qu'il y a un problème et c'est tout de suite que l'usager demande qu'on l'aide. Alors, c'est un recours qui doit avoir de l'expertise, qui doit être efficace et précis. On dit: Dans un délai de 60 jours, c'est abusif au possible. Pourquoi pas une semaine? Ce n'est pas si compliqué que ça, finalement. Ce qui est abusif aussi, c'est qu'on reconnaisse que l'établissement qui fera défaut de communiquer par écrit ses conclusions à l'usager sera réputé avoir transmis des conclusions négatives. C'est méconnaître l'usager, ça. Encore une fois, est-ce que ce n'est pas plus aller en fonction du réseau qu'aller en fonction de l'usager? On ne pense pas que ça ait des raisons d'être. L'établissement peut rejeter, sur examen sommaire, ça aussi, on pense que... Bon. Si on veut le mettre dans une procédure interne, parfait, mais dans un texte de loi, horrible. Parce qu'au départ, ça nous donne une idée, encore une fois, que le système est pensé en fonction du système et non pas en faveur de l'usager.

Lorsque l'usager, théoriquement... Il y a la question du libre choix, à l'article 38; ça aussi, il faut en parler, c'est important. Est-ce que ce serait raisonnable de laisser ce libre choix-là? Pourquoi, moi, porterais-je plainte auprès d'un établissement s'il est tout croche, cet établissement-là, si tout ce qu'il fait, c'est tout croche, que ce sera toujours tout croche et qu'il n'est pas intéressé? Si c'est un centre d'accueil privé qui n'a pas de conseil d'administration, qu'est-ce que ça me donne? Pourquoi n'irais-je pas directement à la régie régionale? C'est important. La régie régionale, encore un autre délai: 30 jours. Mon Dieu! C'est incroyable. Et là, l'usager n'a pas encore la chance que son recours soit reçu, que ce soit compris. Il n'a pas encore la chance d'avoir un résultat. C'est exorbitant. Est-ce que la régie régionale pourra faire enquête? Est-ce que l'établissement va être obligé de collaborer avec elle? Est-ce que l'établissement va être obligé de l'informer de tout ce qu'il y a dans son dossier? C'est étonnant qu'on voie des délais aussi longs. Je pense que ça devrait être assorti de délais raisonnables: une semaine, au premier niveau, quand un usager a un problème concret, réel, qui concerne l'établissement où on est. Je pense que la direction générale, le conseil d'administration, les principaux gens qui sont là devraient avoir la capacité d'intervenir et de régler ça rapidement parce qu'ils ont cette obligation-là.

Le Président (M. Dauphin): Le temps passe très rapidement. Je vais maintenant reconnaître un représentant de l'Opposition officielle. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Moi aussi, à mon tour, je veux féliciter le Comité provincial des malades d'avoir tout de suite saisi l'occasion, parce que c'est au coeur aussi de votre mandat, de votre mission.

Mme Lamquin-Éthier: C'est le coeur.

M. Trudel: II y a des questions que nous nous posons à propos d'une autre institution qui s'appelle le Protecteur du citoyen. Je ne voudrais pas uniquement limiter les questions à propos du projet de loi 120 parce qu'il ne faut pas, non plus, dévier de l'objet du mandat et des institutions qui sont créées à l'Assemblée nationale.

C'est la commission des affaires sociales qui va étudier cette question à partir de la semaine prochaine. Cependant, comme c'est, encore une fois, au coeur de votre mission, et à l'occasion de la présentation d'un nouveau projet de loi, il faut en profiter pour examiner cette situation-là.

Mme Lamquin-Éthier: Puis-je commenter?

M. Trudel: Vous rejetez...

Mme Lamquin-Éthier: Non?

M. Trudel: Pardon? Oui. Oui, allez-y.

Mme Lamquin-Éthier: Bon. Je vais vous dire, avant de l'oublier, que c'est intimement lié, ce que vous questionnez et le projet de loi. D'ailleurs, vous-même, vous avez parlé de transparence et, vous-même, vous avez parlé de crédibilité. Si on doit examiner le réseau à l'heure actuelle et si vous voulez qu'il soit transparent et si vous voulez qu'il soit crédible, il faut que vous regardiez ce qu'il y a là. Et si ce qu'il y a là ne fait pas en sorte que c'est crédible, que les responsables sont vraiment responsables et qu'ils sont imputables, à ce moment-là, on ne traite pas les bobos, on ne va pas aux problèmes. Et même si on met un mécanisme de plus, on va avoir le même bobo, le même problème, sauf qu'il va être amené à un palier supérieur, qui sera le troisième palier.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député.

M. Trudel: Ça raccourcit mon préambule, votre commentaire. J'allais citer à peu près cela.

Mme Lamquin-Éthier: Je m'en excuse.

M. Trudel: Non, parfait, très bien, ça m'évitera de le répéter. Dans votre texte, vos commentaires et ce dernier commentaire, en réponse aux questions du député de Sherbrooke, ce que vous nous dites, c'est que le système actuel de traitement des plaintes par rapport à l'usager, il a peu de crédibilité; à la limite, il est peu utilisé parce que peu fiable. Vous venez de répéter et de dire que ce qui est prévu ici, ça n'a pas grand bon sens et qu'il va falloir y apporter des ajustements majeurs; il y a comme une contradiction dans les termes, des ajustements majeurs, c'est des modifications comme on les appelle, des modifications profondes dans le système. Cependant, vous arrivez à la conclusion que nous n'avons pas à aller vers un recours externe pour juger, même si je note surtout... J'aimerais ça vous entendre là-dessus, par rapport à deux aspects.

Dans votre texte, vous dites: Nous, les comités de bénéficiaires, on est perçu par les administrations d'établissement comme des inca- pables et des chiâleux. Comment peut-on affirmer que le recours, que la plainte peut être traitée avec justice et équité quand le pourvoyeur de services - c'est vous qui le décrivez comme ça - vous perçoit comme des chiâleux et des incapables? J'arrive mal à réconcillier vos affirmations, auxquelles j'adhère, je vous le dis tout de suite, et la conclusion à laquelle vous en arrivez au niveau des mécanismes, au niveau d'un recours externe d'une institution qui, elle, a bien démontré, pas seulement au Québec, mais partout ailleurs, ses capacités d'indépendance et d'efficacité; comme le rappelait le président de la commission au niveau du suivi aux recommandations émises par le Protecteur du citoyen, à 99 %, c'est exceptionnel, ça veut dire que ça marche, ça fonctionne. Je réconcilie mal ça. Pourquoi l'absence de ce recours externe quand vous dénoncez tous les éléments que vous venez de dénoncer?

Mme Lamquin-Éthier: Bon, on ne parle pas... Le Président (M. Dauphin): Mme Éthier.

Mme Lamquin-Éthier: ...d'absence de recours externe, on vous l'a peut-être dit de façon malhabile, on reconnaît l'importance qu'il y ait un recours externe, ce que nous avons toujours cru, le Comité provincial des malades. Cependant, c'était la nécessité qu'il y ait une charte des droits et une commission des droits des malades qui aurait un mandat exclusif de s'occuper des matières concernant les usagers. Cette commission-là relèverait de l'Assemblée nationale, aurait des pouvoirs véritables et pourrait intervenir sur le terrain.

Ce que nous vous disons par rapport au comité des usagers, c'est que c'est une question d'attitude aussi, parce que le vécu, le quotidien des bénéficiaires, c'est fait d'un tas d'éléments qui ne sont pas toujours à coloration particulière. Alors, c'est une question d'abord de perception. Alors, c'était donc important... Avant, on disait que tout établissement, qui etc.. doit mettre un comité de bénéficiaires sur pied. Ça, c'était ce que la loi disait. En pratique, il n'y en avait pas partout et, en pratique encore aujourd'hui, nous avons 309 comités de bénéficiaires qui nous sont affiliés. Quotidiennement, nous visitons des établissements. On en a visité 139 l'année passée et à beaucoup d'endroits, lors de ces visites-là, on intéresse la direction à la nécessité de mettre sur pied des comités. Alors, vous avez l'aspect théorique et l'aspect pratique. Donc, d'une part, bien que ce soit "doit", ça ne se fait pas en pratique; c'était donc nécessaire que ce soit affirmé.

Maintenant, il y a une question de mentalité, d'attitude. Les comités de bénéficiaires, compte tenu que dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, on semble... La loi précisait leurs fonctions, et, en pratique, on s'est

rendu compte qu'on avait eu plutôt tendance à les acheminer sur des voies comme le loisir et non pas à reconnaître, finalement, que l'une de leurs fonctions principales, c'était de renseigner les usagers sur leurs droits et obligations et les recours qu'ils peuvent exercer aussi. Alors, si la direction générale d'un établissement a une ouverture envers un comité de bénéficiaires... Il y en a des directions générales qui ont beaucoup d'ouverture, qui consultent les comités de bénéficiaires régulièrement, qui vont aller voir si le projet qu'ils envisagent, c'est raisonnable, qui vont aller les voir parce qu'ils reconnaissent que c'est un mécanisme qui est dans l'établissement, près des bénéficiaires et pour les bénéficiaires.

M. Trudel: Merci. J'aimerais avoir une précision, pour être très clair, parce qu'on peut avoir une divergence sur le mécanisme externe... (11 h 15)

Mme Lamquin-Éthier: C'est ça.

M. Trudel: ...de traitement des plaintes. Mais pour les fins des travaux de cette commission et en relation aussi, vous l'avez souligné, avec le projet de loi 120, là, ce que vous nous dites et je ne veux pas dire des choses que vous n'avez pas dites, vous êtes d'accord et vous dites: II nous faut un recours externe en matière de traitement des plaintes dans le système de santé et des services sociaux. C'est clairement ça que j'entends et qui est la position de votre organisme?

Mme Lamquin-Éthier: Oui. M. Trudel: Deuxièmement... Mme Lamquin-Éthier: Mais... M. Trudel: Oui.

Mme Lamquin-Éthier: ...c'est ça. On peut s'entendre sur la nécessité et là, reprenez, restituez ça... Il faut traiter la cause véritable, aller à la cause. On ne pense pas que c'est en créant des mécanismes additionnels que, fondamentalement, on va régler les causes. C'est ça qu'on veut vous dire.

M. Trudel: Très bien. Évidemment, moi, je mets ça dans une séquence des événements.

Mme Lamquin-Éthier: Oui.

M. Trudel: Si on exerce un recours à travers un mécanisme efficace et que la plainte qui est soumise, on fait droit à cette plainte-là, eh bien, évidemment, la résultante, c'est une action sur la correction des causes de cet événement ou de cette injustice.

Mme Lamquin-Éthier: Pas toujours.

M. Trudel: Non, mais je comprends ce que vous voulez dire. C'est qu'il faut se rendre jusqu'au bout. Mais si la plainte est accueillie, si on y fait droit et ce que je vous répète...

Mme Lamquin-Éthier: Oui

M. Trudel: je ne suis pas à vous dire: II faut que ce soit le Protecteur du citoyen par rapport à votre option d'une commission de protection des droits des malades. Je dis: Dans le cas du Protecteur du citoyen, dans tous les cas qu'il a traités et pour lesquels il a fait droit à la plainte et pour lesquelles plaintes, il a fait des recommandations à l'administration concernée, 99 % des torts ont été redressés.

Mme Lamquin-Éthier: Oui.

M. Trudel: Donc, il a travaillé sur les causes L'effet du travail du Protecteur du citoyen, c'a été, donc, de travailler sur les causes, et il faut noter très précieusement parce que, déjà, je vous le dis, dans le circuit des discussions, ce qui se répète, c'est que le Comité provincial des malades n'est pas en faveur d'un recours externe et, avec toutes les affirmations que vous nous avez faites aujourd'hui, les commentaires et aussi les précisions, il faut prendre note que, non, c'est une exigence fondamentale d'avoir ce recours externe et si on veut en arriver à votre objectif: travailler sur les causes des torts introduites par rapport aux soins...

Mme Lamquin-Éthier: Mais il ne faut pas prendre ça par la fin. Il faut prendre ça du début et non pas par la fin. Ce que nous disons...

M. Trudel: Oui.

Mme Lamquin-Éthier: ...il faut donc rendre les établissements responsables, imputables II faut donc que les mécanismes qui sont prévus à l'heure actuelle soient valables, réels, efficaces. O.K.? Bon. Ça, ça nous apparaît fondamental parce que, nous, on ne pense pas qu'en concevant des mécanismes additionnels, on réglera ces problèmes si on ne s'est pas déjà assurés de ça à la base, au point de départ. C'est ça que nous disons.

M. Trudel: Alors...

Le Président (M. Dauphin): Là, si vous me permettez, M. le député, c'est parce qu'il y a plusieurs députés qui veulent intervenir.

M. Trudel: Je m'excuse.

Le Président (M. Dauphin): Je veux essayer d'être équitable pour tout le monde. Il y a deux

députés indépendants qui veulent intervenir aussi, mais on...

M. Trudel: Je pensais qu'on devait fonctionner par groupe de 20 minutes.

Le Président (M. Dauphin): Non, pas nécessairement. Je vais essayer... C'est parce qu'à l'intérieur d'un délai de 45 minutes, il y en a déjà six ou sept qui veulent intervenir. On va y aller rapidement.

M. Trudel: O.K.

Mme Harel: II nous reste combien de temps?

Le Président (M. Dauphin): Je vais demander à la secrétaire de suivre ça attentivement, pour être équitable pour tout le monde, dans le fond.

M. Trudel: Ça va.

Le Président (M. Dauphin): Étant donné qu'on a neuf groupes à entendre aujourd'hui, c'est pour ça que je vais demander: questions courtes, réponses courtes, si possible. On a de l'expérience un peu avec la Commission Bélanger-Campeau, Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

M. Trudel: Je m'excuse, M. le Président. C'est parce que je n'avais pas compris que la règle d'alternance jouait et je pensais qu'on fonctionnait par bloc de 20 minutes. Alors, très bien, je suis...

Le Président (M. Dauphin): C'est pour essayer de passer tout le monde à l'intérieur du délai de 45 minutes. J'aurais peut-être dû être plus explicite au début.

M. Trudel: Ça va.

Le Président (M. Dauphin): Alors, M. le député d'Anjou, rapidement, s'il vous plaît.

M. Larouche: Oui, très bien. Je tiens à féliciter Mme Lamquin-Éthier. C'est ça?

Mme Lamquin-Éthier: Oui.

M. Larouche: Vous conservez une fougue. Vous devez être bien jeune pour conserver cette fougue dans la défense du Comité provincial des malades. Je pense que votre travail est admirable à ce niveau-là. J'ai beaucoup apprécié votre référence au fait qu'il y ait des problèmes reliés à l'analphabétisme.

Mme Lamquin-Éthier: Entre autres.

M. Larouche: Alors, c'est clair que c'est fondamental au niveau de la solution de certains problèmes.

Moi, j'aimerais vous poser une question très précise. Peut-être que vous pourrez ensuite soumettre à la commission ou ailleurs ce document-là. C'est la typologie des plaintes qui sont transmises par les usagers, autant au niveau des établissements qu'au niveau peut-être du comité. Parce que ça peut être une plainte, comme vous disiez tantôt, globale. Il n'y a pas de grève. S'il y en avait une, ça vous ferait peut-être soit une grosse plainte ou 25 000 petites. Alors, une typologie de ces plaintes-là. D'autre part, je vais poser juste une question, je vais faire référence, parce que vous m'avez mis l'eau à la bouche, vous disiez que c'était une question d'attitude et j'abonde totalement dans ce sens-là.

Je vous raconte une anecdote très rapidement. En juillet 1988, je descendais sur la rue du Parc et j'étais près de l'hôpital Sainte-Jeanne d'Arc. L'auto devant la mienne a frappé une personne. J'ai vu cette dame s'élever et tomber dans les marches de l'hôpital Sainte-Jeanne d'Arc. Alors, moi, je n'ai pas réalisé que c'était l'hôpital Sainte-Jeanne d'Arc. Je me suis arrêté et j'ai appelé, avec mon téléphone cellulaire, le 911 et ça a pris bien du temps à avoir quelqu'un. Je suis sorti de l'auto et je regardais les gens tout autour. J'ai vu, tout à coup, que la personne était accueillie par une infirmière. Alors, j'ai levé les yeux et j'ai vu: Hôpital Sainte-Jeanne d'Arc. J'ai dit: Entrez-la à l'hôpital. Elle a dit: Écoutez, vous, monsieur! Là, je venais d'être élu député et on se pense toujours bien fin lorsqu'on vient d'être élu. J'ai dit: Écoutez! Quand on vient d'être élu, je dis bien, après ça on s'humilie. Alors, j'ai dit: Mais entrez-la, c'est un hôpital! Elle a dit: Les règlements le disent bien, ce n'est pas vos affaires. Les règlements disent: II faut qu'elle entre par les urgences. Alors, croyez le ou non, elle a attendu et ça a pris 20 minutes pour que Urgences-santé vienne la ramasser de ce côté-là, plutôt que de la mettre sur une civière et de l'amener tout simplement.

Alors, ça, c'est une question d'attitude. Si vous ne me croyez pas pour cet événement, vérifiez. C'était en juillet 1988 et j'en ai parlé à Mme Lavoie-Roux quelques jours après. Alors, voyez-vous, il y a une question d'attitude qui peut être amenée. Ça touche, évidemment, la nature humaine, cette question d'attitude, mais une attitude bureaucratique, ce n'est pas nécessairement eu égard à la bureaucratie gouvernementale. Ça peut être aussi dans l'entreprise privée. Alors, sur ces commentaires, je sympathise avec vous et j'aimerais que vous répondiez à la première question.

Mme Lamquin-Éthier: Vous avez raison. Ce n'est pas toujours eu égard à une bureaucratie ou à un acte bureaucratique, à un geste bureaucratique. Les demandes qu'on reçoit sont multiples. Elles contiennent un tas d'éléments et ces

éléments sont reliés à ce que vivent les bénéficiaires. Ils vivent toutes sortes de choses. Les patates peuvent être mal cuites, une prothèse dentaire peut avoir été égarée, un monsieur n'a pas ses bas bruns. Ça va vous sembler ridicule, mais ce n'est pas ridicule pour ces gens qui vivent ça. S'il me reste trois paires de bas bruns quand je suis admis dans un établissement et que le mois suivant je n'en ai plus, si j'arrive avec du linge étiqueté et qu'on ne le trouve plus et qu'on nous dit: Bien, écoutez, on ne l'a pas trouvé. Si, moi, je veux recevoir mes soins intimes par quelqu'un qui est de mon sexe et que je n'ai pas ce droit, si je préfère avoir une chambre privée et que je dois cohabiter avec quelqu'un qui est confus, agressif et perturbant, ma qualité de vie est atteinte, mon intégrité physique est atteinte. Tout ce qui est personnel, à moi, usager, individu, est atteint.

Alors, nous, on reçoit toutes sortes de situations, toutes sortes de demandes et on vous a fait un cumulatif des demandes que nous avons reçues et traitées l'année dernière. On en a reçu et traité 421, à deux personnes. Elles sont d'importance variable. Habituellement, on intervient le jour même. On peut régler le plus rapidement possible. Évidemment, on recherche la satisfaction, les intérêts du bénéficiaire, mais on prend en considération l'établissement, ce qu'il a à nous dire. On est respectueux de ça. On est donc objectifs. C'est important qu'on le demeure à part ça. On reçoit des demandes sur de mauvais traitements. L'usager qui est battu par un préposé aux bénéficiaires, la dame qui prend sa douche et qui est battue à coups de débar-bouillette mouillée à l'heure de son bain, c'est sûr que si elle porte plainte au niveau de rétablissement, ça n'ira pas bien loin, parce qu'elle est seule. Alors, elle va être confrontée, un contre un. Et aller au niveau de la régie régionale, mon Dieu, quelles seront ses possibilités? Concrètement, comment va-ton faire pour que cette femme-là, on lui évite d'être maltraitée? Aura-t-on le pouvoir d'intervenir sur les syndicats? Pourra-t-on congédier? Pourra-ton, finalement, reconnaître que l'usager n'a pas le droit d'être victime de mauvais traitements? On en a des plaintes comme ça. On a des plaintes qui touchent à la propriété des biens, on en a qui touchent à l'éthique. Je me suis aperçue que les gens du public nous appellent. Ma mère s'est trouvée dans une situation qui méritait une intervention rapide. On a eu accès à son dossier et on a vu qu'il y avait un code pour ne pas la réanimer. On n'était pas au courant, le médecin ne nous en avait pas parlé. Est-ce qu'on a le droit de parler de ça? Est-ce qu'on peut exprimer que ma mère était religieuse? Est-ce que c'est important qu'on demande de rencontrer le médecin? Qu'est-ce qu'on peut faire? On a aussi des décisions, des demandes qui concernent des actions ou des décisions de l'établissement et c'est là que ça se corse quand le plaignant porte plainte et que sa plainte laisse entrevoir carré ment une décision qui aurait été prise par rétablissement. Eh bien, ce n'est pas facile. Puis si vous regardez encore une fois le projet de loi, parce qu'il faut le regarder, le responsable des plaintes, c'est un cadre supérieur qui va être nommé, d'accord, par le conseil d'administration, mais il va être au même niveau que les autres cadres. Ça va être des collègues. Alors, quand ce que l'usager va venir lui dire concernera ses collègues, pensez-vous qu'il va y avoir des coudées franches? Pensez-vous qu'il va pouvoir dire à ses collègues: Ça n'a pas d'allure? Si le responsable du traitement des plaintes, personne ne vérifie la qualité du traitement des plaintes, son sérieux à les traiter, si le rapport qu'on fait est simplement un rapport qui dénombre en termes de chiffres, de statistiques, les plaintes reçues, non pas celles acceptées, ce qui est différent, et non pas motivées, qu'est-ce que ça va donner à l'usager comme pouvoir sur son quotidien? Qu'est-ce que ça va donner au niveau de la population que la population reçoive un rapport qui lui dira qu'on a reçu, dans l'année, 795 demandes? Ce sont toutes des choses qui sont importantes et si on veut vraiment que l'usager puisse avoir contrôle sur ce qui se passe dans son établissement, il va falloir faire en sorte que le responsable des plaintes soit peut-être dissocié des autres cadres, qu'il dépende directement du conseil d'administration, qu'il soit imputable au conseil d'administration et qu'on vérifie quelque part la qualité et le sérieux de son travail.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme Éthier. M. le député d'Anjou, avez-vous d'autres questions à poser?

M. Larouche: Non, ça va, merci.

Le Président (M. Dauphin): Je vais maintenant reconnaître un représentant ministériel, M. le député d'Iberville.

M. Lafrance: Merci, M. le Président. En tant que nouveau député, nouvellement élu, et nouveau membre de cette commission et pour rassurer mon collègue d'Anjou, c'est en toute humilité que j'aimerais vous poser une question Je me réfère en particulier à la page 12 de votre mémoire et je lis: "L'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen au réseau de la santé et des services sociaux, aux institutions municipales et scolaires contribuerait, selon le CPM, à provoquer le désengagement progressif et marqué des députés, qui se considéreraient encore moins responsables du mieux-être de leurs concitoyens" Alors, si je peux en déduire, vous souhaiteriez donc des mécanismes plus grands de collaboration entre les députés et le Protecteur du citoyen Est-ce que vous pourriez nous préciser quel genre de mécanisme vous verriez?

Mme Lamquin-Éthier: Je crois que c'est très utile, très important. Vous êtes réciproquement animés d'un intérêt valable en faveur des citoyens, de vouloir les aider, les protéger. C'est donc important que vous restiez en contact étroit. On sait bien que le député comme tel n'a pas le pouvoir de régler les plaintes, mais il est près de la population, il doit être sensible aux besoins de cette population-là, et c'est lui qui doit se poser des questions comme élu de cette population: Moi, qu'est-ce que je peux faire pour que ma population ait de meilleurs services? Qu'est-ce que je peux suggérer? Comment est-ce que je peux m'impliquer? Est-ce que je peux pousser davantage? C'est ça qu'on a voulu dire et c'est les mécanismes de complémentarité auxquels on songeait entre les députés et le Protecteur du citoyen.

M. Lafrance: Si je comprends bien, vous parlez de mécanismes. Vous verriez quand même des interventions du député dans des cas précis, si besoin il y a, auprès du Protecteur du citoyen. Ce n'est pas, à ce moment-là, un mécanisme formel, c'est...

Mme Lamquin-Éthier: Là je veux être bien claire, ce qui nous apparaît important, c'est non pas de créer des mécanismes additionnels, mais de faire en sorte que le système qui est en place soit capable de faire le travail qu'il doit faire, qu'il soit responsable et imputable. Si on doit songer à un mécanisme extérieur, parce que l'usager, malgré tout ce qu'il a, malgré les droits qu'il a, ne peut pas les exercer, nous on est en faveur d'une commission des droits des malades, qui aurait le mandat exclusif de s'occuper des causes, des dossiers, des plaintes des malades. Vous, vous pensez au Protecteur du citoyen. Nous, on pense à ce que je viens d'évoquer. (11 h 30)

Le député a des préoccupations qui sont celles de sa base, de ses citoyens, de ses concitoyens. Dans l'hypothèse où vous me dites: Là, on va prendre pour acquis qu'on va élargir le mandat du Protecteur du citoyen. Ce serait tout à fait normal que vous développiez des rencontres et que vous travailliez ensemble, comme c'est normal, de toute façon, indépendamment du fait que son mandat ne soit pas élargi au secteur de la santé et des services sociaux, parce que vous êtes élus et que parmi vos premières responsabilités, vous avez la responsabilité de voir au bien-être de vos concitoyens et de faire en sorte que leur message va être... Ça peut être auprès du ministère, ça peut être auprès d'une municipalité, ça peut être auprès du Protecteur du citoyen, auprès de toute autorité qui vous semblera la plus compétente pour aider l'usager.

M. Lafrance: Très bien, merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député d'Iberville. Je vais maintenant reconnaître un représentant de l'Opposition officielle, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Ensuite de cela, je me reconnaîtrai.

Mme Harel: M. le Président, je remercie mon collègue de me permettre d'échanger avec le Comité. En regard des députés, je dois vous dire qu'il arrive très souvent à un député, à la fois de faire une intervention pour un de ses concitoyens et concurremment, en parallèle et en même temps, de lui proposer de demander l'examen de son dossier par le Protecteur du citoyen. C'est la combinaison des recours qui, d'une certaine façon, assure ou garantit l'impartialité parce que le député, quel qu'il soit... Le citoyen qui, par exemple, n'aurait pas été associé à l'élection du député peut penser qu'il ne sera pas aussi bien servi si ce n'est pas quelqu'un qui correspond à son choix ou vice versa, et dépen-damment de la place qu'on occupe à l'Assemblée du côté ministériel - et ça, c'est indépendamment des partis ou du côté de l'Opposition - les citoyens peuvent penser que leur député aura moins de voix au changement, disons, dans son dossier. Alors, c'est plus impartial, un recours comme celui de l'institution du Protecteur du citoyen, disons-le, avec toute la franchise qu'il nous faut avoir dans l'examen d'une question comme celle-là, que peut être impartial ou peut être considéré, malgré sa volonté de l'être, pour un citoyen, le député ou son bureau. Mais revenons à vous, je comprends mieux ça maintenant. J'avais lu hier soir votre mémoire. Là, vous dites: C'est le comité des bénéficiaires dans rétablissement qui devrait être chargé du traitement des plaintes.

Mme Lamquin-Éthier: Notamment. Mme Harel: Notamment? Mme Lamquin-Éthier: Bien oui.

Mme Harel: Vous voulez dire que l'établissement devrait nommer un ombudsman, un employé chargé de ça?

Mme Lamquin-Éthier: Bien ce que la loi prévoit à l'heure actuelle, c'est qu'il y ait un responsable en vertu de l'article 28: "Tout établissement doit établir une procédure d'examen des plaintes formulées par les usagers."

Mme Harel: Alors, vous, vous dites: On est d'accord avec la loi?

Mme Lamquin-Éthier: C'est-à-dire, attention, ce n'est pas ce que je vous dis.

Mme Harel: Non.

Mme Lamquin-Éthier: Je vous dis que c'est

ça que dit pour l'instant le projet de loi. Mme Harel: Vous, vous dites...

Mme Lamquin-Éthier: Je vous ai dit pour que ce mécanisme-là compense, et qu'on veut théoriquement en faveur de l'usager, soit crédible, efficace...

Mme Harel: Le mécanisme de la loi? Mme Lamquin-Éthier: Qui est prévu, oui. Mme Harel: Oui.

Mme Lamquin-Éthier: Au niveau de l'application des plaintes, de la procédure d'application des plaintes, pour que ça soit réellement crédible, efficace, il faudrait peut-être réaménager ça différemment.

Mme Harel: De quelle façon exactement?

Mme Lamquin-Éthier: Le responsable des plaintes à l'heure actuelle, tel qu'il est prévu dans le projet de loi, va être nommé par le conseil d'administration, sur recommandation du directeur général. Vous savez très bien, enfin, je pense, et je ne veux pas paraître... Là, on parle de la réalité. Bien souvent, ces nominations-là sont faites en faveur de candidats qui n'iront pas trop fortement contre l'établissement, contre les politiques de l'établissement. C'est ça, la réalité. Alors, si on veut que le premier niveau soit fort, qu'on s'organise pour que ça soit fort.

Mme Harel: Comment devrait se faire la nomination, alors?

Mme Lamquin-Éthier: Le conseil d'administration pourrait assurément consulter le directeur général, il n'y a pas de malheur à consulter, mais il faudrait peut-être qu'il consulte plus largement aussi.

Mme Harel: Mais qui, quoi, comment?

Mme Lamquin-Éthier: II pourrait très bien consulter, je ne sais pas si c'est... Il faut vérifier ça. Nous, on a des idées comme ça parce qu'on veut que les usagers aient leur mot à dire parce que c'est important, mais on pourrait très bien consulter les bénéficiaires: Vous voyez ça comment? Quelles personnes souhaiteriez-vous? Quelles fonctions aimeriez-vous lui voir faire?

Mme Harel: Une simple consultation, évidemment, ça ne donne pas des garanties nécessairement de recommandation.

Mme Lamquin-Éthier: C'est ça qui est prévu ici. C'est une recommandation. Alors, c'est pour ça que, nous, on pense que ça serait préférable, une consultation, et non pas seulement une recommandation.

Mme Harel: Vous voulez dire une consulta tion du comité des bénéficiaires?

Mme Lamquin-Éthier: Pas nécessairement. Le conseil d'administration, d'après ce qui est prévu dans la loi, à l'article 143, je vais vérifier... Ils disent: Sauf sélectionner et engager les membres du personnel, y compris les cadres autres que les cadres supérieurs et adresser au conseil d'administration des recommandations sur l'engagement. Est-ce qu'il ne serait pas préférable que le conseil d'administration recueille l'avis, consulte le directeur général, sans que ce soit formellement une recommandation?

Mme Harel: Oui, d'accord, mais de toute façon, qu'il le consulte formellement ou autrement...

Mme Lamquin-Éthier: Ça fait toute la différence au niveau pratique, parce que, s il recommande d'engager quelqu'un qui va être favorable en partant à l'établissement, qui n'ira pas contre les politiques ou les décisions de rétablissement, ça va donner quoi, ça, comme mesure concrète?

Mme Harel: Oui. Alors là, on partage la même analyse, mais on n'arrive pas à s'entendre, je crois, sur la façon d'arriver à l'impartialité. Comment arriver?

Mme Lamquin-Éthier: O.K.

Mme Harel: Parce qu'il ne faut jamais oublier comment faire en sorte que la personne qui dispense le service ne soit pas juge et partie en même temps? Parce que c'est ça, la grande grande question. Parce que vous voyez, c'est dans tous les autres aspects. La personne qui dispense le service peut, elle, avoir des motifs en disant: J'ai fait mon possible, je ne pouvais pas faire mieux. Mais la personne qui se pense lésée, elle, elle veut avoir au moins la garantie qu'un arbitre, entre elle et la personne qui dit: J'ai fait tout mon possible, puisse décider.

Peut-être que c'est vrai que tout le possible a été fait de bonne foi avec tout le dévouement Mais peut-être aussi que la personne va être satisfaite de la réponse seulement si ça ne vient pas de celle qui, en même temps, avait à donner le service. Parce que c'est finalement l'établissement, le conseil d'administration qui alloue les services, n'est-ce pas?

Mme Lamquin-Éthier: Enfin, qui dispense, qui a l'obligation de dispenser.

Mme Harel: Vous, vous dites qu'il faut avoir le choix d'aller à la régie régionale sans que ce

soit un...

Mme Lamquin-Éthier: Moi, ce que je vous dis - et là, vous me faites aller - c'est que je me sens bousculée d'aller au palier 3 avant de pouvoir vous parler complètement des paliers 1 et 2, parce qu'ils sont fondamentaux, et c'est ce qui nous permettra théoriquement d'aller au palier 3.

Mme Harel: C'est là-dessus que je vous interroge, sur le palier 1.

Mme Lamquin-Éthier: Parce que, là, je me sens obligée de vous fournir des arguments. Je veux que vous me compreniez bien. Ce que nous disons, encore une fois, c'est qu'on ne croit pas que ce soit utile et nécessaire de concevoir des mécanismes additionnels. Ce que l'on demande, à l'heure actuelle, pour les usagers, c'est que les gens qui ont des obligations les assument, soient responsables et soient imputables. Si vous me permettez de mettre ça dans la case...

Mme Harel: Mais, imputable, je pense que, là, il y a une confusion.

Mme Lamquin-Éthier: Non.

Mme Harel: Imputable, ça veut dire redevable de donner une réponse. Ça ne veut pas dire...

Mme Lamquin-Éthier: Pas seulement une réponse.

Mme Harel: Imputable, ça ne veut pas dire obligé de corriger. Imputable, là on va bien se comprendre. Quelqu'un est imputable ici, ça veut dire qu'on aimerait que les sous-ministres viennent nous expliquer. Ça ne veut pas dire qu'ils vont changer. L'imputabilité, c'est juste rendre compte de ses décisions. Ça ne veut pas dire les corriger. C'est important parce que je n'arrive pas à comprendre si vous dites: On ne veut pas rien de nouveau, mais on veut que ce soit mieux, que tout ce qui existe présentement soit mieux. Est-ce que vous en voulez un recours externe ou pas?

Mme Lamquin-Éthier: C'est ça. Vous me faites aller à ce palier-là...

Mme Harel: Parce que ce serait nouveau.

Mme Lamquin-Éthier: Bon. Ce que je vous dis, si vous me permettez de finir, au niveau du responsable de l'application du traitement des plaintes, au niveau de l'établissement, il y a un premier problème du fait que le responsable sera sur le même palier que les autres collègues. Donc, il y aura la difficulté à faire valoir lorsque la cause sera importante, de mettre ses collègues... Il relèvera du directeur général. Alors, il est en lien d'autorité qui va l'empêcher, finalement, de véritablement faire quelque chose.

Si vous regardez plus amplement le rapport qui va être fait, des décisions, il faut que ce soit modifié. C'est sûr qu'un monde idéaliste ferait en sorte que tous les problèmes seraient traités, réglés. Ce n'est pas ça qu'on demande. On demande de s'attaquer aux causes et de prévoir des moyens de rendre les choses efficaces. C'est ça qu'on veut vous dire. Si le responsable du traitement des plaintes ne relève pas du conseil d'administration, ne voit pas régulièrement le conseil d'administration et ne répond pas devant le conseil d'administration du nombre de plaintes qu'il aura reçues, acceptées, traitées, les suites qui auront été données dans les délais, c'est de ça qu'il doit répondre et non pas uniquement du nombre de plaintes qu'il reçoit.

Et c'est ce qui fait qu'au niveau du deuxième palier, si la régie régionale reçoit un rapport d'établissement qui ne fait état que des plaintes qui ont été reçues et traitées sans qu'il y ait plus d'explications ou de motivation, ça va faire quoi ça? Ça ne fera rien. Et si on ne permet pas à la régie régionale, comme on a enlevé dans la loi, en cas de besoin, lorsque le problème de l'usager fera appel à une décision de l'établissement, de s'adresser à la Commission des affaires sociales, ça n'ira pas bien loin.

Si l'usager avait accès, est-ce que ce serait envisageable de penser que l'usager ait accès à la Commission des affaires sociales?

Mme Harel: Ça se peut, mais il y a des délais. Actuellement, par exemple, le délai est de deux ans dans les plaintes en matière, par exemple, d'accidents du travail; un minimum de six mois en matière de plaintes en regard de l'aide sociale, de la sécurité du revenu, qui est pourtant l'aide de dernier recours.

Mme Lamquin-Éthier: C'est ça, puis vous avez raison.

Mme Harel: Tandis qu'à l'inverse, le Protecteur du citoyen est beaucoup plus efficace.

Mme Lamquin-Éthier: Si on élargit son mandat.

Mme Harel: C'est moins formaliste. Mme Lamquin-Éthier: Oui. Ça, c'est vrai.

Mme Harel: N'oubliez pas que c'est un tribunal quasi judiciaire, la Commission des affaires sociales; ce n'est pas de la justice douce, là.

Mme Lamquin-Éthier: Mais, parfois, il a besoin de confrontation.

Mme Harel: Ça se peut.

Mme Lamquin-Éthier: Dans le passé, si le conseil régional de la santé et des services sociaux, lorsque les droits des usagers étaient en péril ou risquaient d'être en péril, s'il était allé à la Commission des affaires sociales, même si c'était sur une base de confrontation, c'aurait été, peut-être... Pourquoi est-ce qu'ils ne l'ont pas fait? Pourquoi, à l'heure actuelle, enlève-ton cette capacité-là aux régies régionales d'aller devant la Commission des affaires sociales? Pourquoi? Où est cette justification-là?

Mme Harel: Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Je vais me permettre deux ou trois petites questions, puisqu'il nous reste environ une dizaine de minutes pour l'ensemble des membres de la commission. Quand j'ai lu votre mémoire, moi également, la semaine dernière, je me suis dit: Le Comité provincial des malades favorise le statu quo sur à peu près l'ensemble des questions posées dans notre document de consultation, et le mot "statu quo" n'a rien à voir avec l'autre commission où on siège, la Commission Bélanger-Campeau. Si j'ai bien saisi, vous dites qu'on ne favorise pas l'élargissement de la juridiction du Protecteur du citoyen pour cause de lourdeur du système. Cependant, vous nous proposez une commission des droits des malades. Alors, j'aimerais savoir, dans un premier temps, en quoi la lourdeur du système différencie entre les deux. Deuxièmement, puisque la loi actuelle prévoit un recours externe à la Commission des affaires sociales, c'est-à-dire que le conseil régional peut recourir à la la Commission des affaires sociales, actuellement, alors que, dans le projet de loi 120, il n'est plus question de recourir à un recours externe, exemple, la Commission des affaires sociales, ne croyez-vous pas qu'il serait préférable d'en avoir un? Ce sont les deux questions que j'aimerais vous poser pour le moment.

Mme Lamquin-Éthier: Quant à l'argument en faveur de la lourdeur, c'est concret, réaliste. Quand on augmente la capacité de quelqu'un de traiter et de recevoir des plaintes, à un moment donné, ça va certainement allonger les délais aussi raisonnablement. C'est ce qu'on veut dire. Si une commission des droits des malades avait un mandat exclusif de recevoir des plaintes provenant des malades et de ne s'occuper que de ça, on pense que ça pourrait être beaucoup plus efficace, rapide et adapté aux besoins et à la réalité. Cette commission-là aurait des gens qui auraient été choisis et nommés après consultation et recommandation - en tout cas, on verra - des organismes communautaires. Alors, ces organismes-là, qui sont près de la réalité, au courant dos bosoins, qui lonl du travail extraordinaire depuis des années, pourraient recommander des gens qui auraient cette expertise-là, cette connaissance, cet intérêt véritable de s'occuper des malades, pourraient donc recommander des gens qui, eux, auraient pour fonction d'intervenir sur le terrain et de régler rapidement et efficacement des plaintes qui sont tout à fait variées quant aux éléments qu'elles peuvent soulever. C'est ça qu'on souhaite parce que c'est plus adapté à la réalité des bénéficiaires qui ont besoin, finalement, d'un recours qui soit d'expertise, rapide, efficace.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Je sais que l'équipe de recherche avait préparé une série de petites questions. Il y en a une...

M. Holden: M. le Président, est-ce que vous permettez une petite question?

Le Président (M. Dauphin): Sur le même sujet?

M. Holden: Oui.

Le Président (M. Dauphin): Oui. Allez-y.

M. Holden: Madame, je ne comprends pas pourquoi vous dites que vous êtes contre l'interruption de la prescription. Ça ne peut qu'aider quelqu'un. Vous semblez dire que ça va amener des gens à faire des plaintes inutilement, je ne sais pas exactement pourquoi. Une interruption de prescription, que ce soit une plainte devant la Commission ou devant le Protecteur, ça ne peut qu'aider les bénéficiaires. Alors, pourquoi êtes-vous contre ça?

Mme Lamquin-Éthier: Si vous me le permettez, comme je l'ai souligné au tout début, on va restreindre nos arguments à ce qui nous occupe, la santé et les services sociaux. Je pense que, pour cette question-là, vous avez des juristes et des experts beaucoup plus qualifiés que nous qui pourront répondre adéquatement à cette question-là.

M. Holden: Je vois que vous citez un avocat qui a écrit un article en 1976, je crois. Vous savez ce que c'est, l'interruption d'une prescription...

Mme Lamquin-Éthier: Oui.

M. Holden: ...c'est juste le délai d'instituer des procédures. Si on n'en institue pas, ça n'ajoute ou ne diminue pas...

Mme Lamquin-Éthier: On préférerait restreindre nos arguments à la santé et aux services sociaux et à l'expertise qu'on a, mais si...

M. Holden: Oui Jo comprends que c'esl uno

question juridique.

Le Président (M. Dauphin): De toute façon, M. le député de Westmount, ce n'était pas sur le même sujet. (11 h 45)

M. Holden: Yes.

Le Président (M. Dauphin): La prochaine fois, vous me le direz et je vous reconnaîtrai plutôt que de couper la parole.

Alors, on avait une série de petites questions, bien que vous veniez de répondre que vous voulez vous concentrer sur la santé et les services sociaux; ça, je le comprends très bien. Au niveau de l'indépendance budgétaire et financière du Protecteur, vous nous dites que la situation actuelle est correcte.

Mme Lamquin-Éthier: C'est-à-dire que ce qu'on a dit, c'est qu'on ne comprenait pas. Et on a réfléchi depuis ce temps-là, aussi. C'est sûr qu'on peut comprendre. Il y a des arguments, il y a la grosse logique et il y a la pratique. Le Protecteur, ses ressources financières, il doit en discuter avec le Conseil du trésor. Et si le Conseil du trésor doit lui donner de l'argent et que cet argent-là lui permette d'exercer une certaine surveillance à l'égard des actes de la fonction publique, c'est bien sûr que si on lui en donne moins, il va intervenir moins. Le risque est effectivement là. On s'est peut-être mal exprimé. On comprend ça. On comprend aussi, et c'est pour ça que je vous dis qu'on ferait mieux de mettre le nez dans notre tarte, qu'il y a probablement d'autres éléments d'un autre ordre qui entrent aussi en ligne de compte, et on n'est pas familiers avec ces arguments-là. Normalement, si on veut être cohérents, on serait mieux de se mêler de nos affaires et laisser au Protecteur du citoyen, qui le vit et qui a déjà demandé que ce soit modifié, le soin d'exprimer ses besoins. Je pense qu'il est assez professionnel...

Le Président (M. Dauphin): Capable de se défendre.

Mme Lamquin-Éthier: Absolument. Je pense queMeJacoby...

Une voix:

Le Président (M. Dauphin): Oui, il va rester du temps. Alors, peut-être juste une dernière, au niveau de l'intervention systémique. Vous nous dites également que la situation actuelle est correcte, qu'il faut favoriser évidemment les recours individuels, ce qui est à la base même, le fondement même de son existence, sur le plan systémique, de ne pas insister là-dessus. Est-ce que j'ai bien saisi ce que vous vouliez nous dire?

Mme Lamquin-Éthier: C'est pour ça qu'on voulait vous resituer le contexte de ce mémoire-là qu'on a fait rapidement. Nous, notre préoccupation, c'est que les problèmes se règlent à la base, là où ils surviennent et là où sont les malades. On ne pense pas que les problèmes qu'éprouvent les malades méritent tous une approche systémique qui va demander des dénonciations ou d'alerter de façon plus large; c'est ça qu'on voulait dire. Nous, on favorise l'intervention auprès du bénéficiaire, pour aider le bénéficiaire.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme Lamquin-Éthier. Une dernière intervention, en reconnaissant M. le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Mme Crochetière, vous êtes membre d'un comité de bénéficiaires, actuellement, dans un centre d'accueil. Ma question est bien simple. Là, on vient parler de grande mécanique et de palier. On "va-tu" à l'externe ou est-ce qu'on reste à l'interne? Et c'"est-u" incestueux ou pas parce que c'est quelqu'un de l'administration? Vous, comme membre d'un comité de bénéficiaires, est-ce que vous sentez que les droits des gens que vous défendez sont respectés et est-ce que vous sentez, dans l'institution ou dans le type d'institution dans laquelle vous vivez, que l'on fait droit aux plaintes des bénéficiaires? Je veux avoir votre perception là-dessus parce que vous êtes une personne directement concernée.

Mme Crochetière (Jacqueline): Moi, j'appartiens au centre d'accueil René-Lévesque de Longueuil. Je puis dire que notre centre est très proche des bénéficiaires. Nos plaintes, on les règle, nos choses, on les règle nous-mêmes. Et si on a besoin - et on ne se gêne pas - du Comité provincial des malades, on le fait. Mais, en partant, on règle nos problèmes. Et si ce n'est pas réglable, là on a recours au Comité provincial des malades. Je peux dire qu'on est très bien servi.

M. Trudel: Dans ce contexte, le Comité provincial des malades devient comme votre recours externe à votre institution. Supposons une difficulté du règlement de la plainte, ce que vous venez de nous expliquer. Actuellement, votre lieu pour dire: II faut continuer parce qu'il faut que ça se règle, cette situation-là... Là, vous appelez le Comité provincial des malades qui se met au travail du traitement de plaintes. C'est juste, ça?

Mme Crochetière: Nous autres, on demande conseil, et puis, c'est ça, ils nous secondent dans nos difficultés, et on est très très satisfaits.

M. Trudel: Est-ce que je peux demander un

complément de réponse à Mme la directrice générale, rapidement, sur la mécanique, chez vous?

Mme Lamquin-Éthier: Alors...

M. Trudel: Madame, ce qu'elle vient de décrire, elle aboutit chez vous pour se faire aider, comme elle le dit.

Mme Lamquin-Éthier: O. K.

M. Trudel: Alors, comme je n'aurai plus de droit de parole, je vous remercie de vos réponses intéressantes, juste pour compléter, s'il vous plaît.

Mme Lamquin-Éthier: C'est que l'aide peut être multiple. Quand quelqu'un nous appelle, la première chose qu'on va faire, c'est d'essayer de bien comprendre le problème; c'est important de voir avec la personne, qu'elle nous précise tous les éléments de son problème, voir ce qu'elle en pense, où elle voit la solution et comment on peut l'aider. Si elle désire faire ses démarches elle-même, on va lui donner peut-être un complément d'information. Si elle veut qu'on l'accompagne, mais qu'elle veut faire ses démarches elle-même, on va respecter ça. Il y en a qui veulent qu'on les accompagne, qu'on les représente et qu'on fasse les démarches pour et en leur nom. On va donc intervenir différemment au niveau des moyens pour aider la personne.

Au niveau des moyens qu'on va utiliser, on va aussi intervenir soit directement auprès des personnes responsables de l'établissement. D'abord, le responsable du service, si madame nous rapporte un problème qui a trait à une situation qu'elle vit sur son unité, à ce moment-là, on va appeler l'infirmière responsable et on va voir avec elle à ce qu'elle nous fournisse les éléments qui manquent, voir ce qui s'est passé, comment ça se fait que c'est arrivé comme ça, si c'est vrai que c'est arrivé comme ça. On va tenter de s'entendre. On n'arrive pas en moralisateurs, on cherche une solution. C'est ce qu'on fait. On a une approche qui est respectueuse, on ne fait pas de menace.

Si ça ne se réglait pas au niveau de l'unité, on pourrait, par exemple, aller voir la directrice des soins infirmiers. On va aussi aller voir le directeur des services professionnels; on va aller voir le directeur général; et on est même allés au niveau d'un conseil d'administration, de même qu'on va aller auprès de la Commission d'accès si c'est un problème qui relève de la compétence de cette Commission-là. On va aller auprès d'une instance qui est déjà en place et qui pourrait nous aider à régler le problème, mais toujours après avoir bien compris tous les éléments, ce que le bénéficiaire souhaite, s'il veut ou pas qu'on l'aide. S'il veut qu'on l'aide, on va lui expliquer ce qu'on pourrait faire, on voit avec lui s'il est d'accord. S'il est d'accord, on va entreprendre les premières démarches, on va lui donner des nouvelles, on va lui dire: Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que vous êtes satisfait? Désirez-vous qu'on pousse plus loin? À toute étape de notre processus, on va rester en contact avec l'usager, on va l'informer de ce qu'on fait, de ce qu'on a fait, des réponses qu'on nous a faites. On va vérifier avec lui s'il veut qu'on continue. On ne fermera le dossier que lorsqu'on aura l'assurance que sa demande aura été comprise et que ses besoins auront été satisfaits. Des fois, il y a des situations qui vont demander plus de temps; on a déjà pris deux mois pour régler une situation. On est intervenus auprès du Conseil du trésor en dernier ressort, après avoir passé par tous les autres paliers, on va intervenir auprès des CLSC, on va intervenir auprès du service du contrôle de la qualité. Le CPM intervient là où il pense que l'autorité a compétence pour régler le problème et devrait être saisi du problème.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme Éthier. Alors, c'est tout le temps qui nous était alloué. Alors, au nom de tous les membres de la commission, nous aimerions vous remercier, Mme Éthier, Mme Crochetière, M. l'abbé Paren-teau, Mme Cousineau, d'avoir accepté notre invitation et d'avoir participé à nos travaux. Merci beaucoup et bon retour.

Mme Lamquin-Éthier: C'est nous qui vous remercions.

Le Président (M. Dauphin): Je demanderais maintenant au Comité des bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard à s'avancer.

Nous allons poursuivre nos travaux. Nous recevons maintenant le Comité des bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard. La personne responsable, c'est M. Rice. Est-ce exact?

Comité des bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard

Une voix: M. Samson.

Le Président (M- Dauphin): M. Samson Alors, M. Samson ou M. Rice, voulez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent? Comme l'audition est d'une durée d'une heure, vous avez 15 minutes pour nous faire votre exposé; ensuite de ça, on procédera à une période d'échanges.

M. Samson (Mario)): M. le Président, je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invités à cette commission parlementaire et de l'occasion qui nous est donnée de présenter notre point de vue.

Permettez-moi de me présenter et de présenter les personnes qui m'accompagnent.

Mario Samson, vice-président; Charles Rice, permanent; Mario Lortie, permanent. Malheureusement, les conseillers Marc-André Coulombe et Jacques Paré sont absents, et André Perreault, président, est absent lui aussi.

Le Comité des bénéficiaires représente plus de 3000 usagers admis ou inscrits au centre hospitalier Robert-Giffard. Il assume les fonctions qui lui sont attribuées par la loi, soit de défendre les droits collectifs et individuels des usagers que nous représentons. La question du mandat du Protecteur du citoyen et particulièrement l'extension de ce mandat au secteur de la santé et des services sociaux nous intéressent au plus haut point.

Notre intervention de ce matin se limitera à la question d'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen au réseau de la santé et des services sociaux. Nous n'avons donc pas l'intention de commenter l'ensemble des questions qui font l'objet de la présente consultation. Le but de notre intervention, ce matin, est plutôt de sensibiliser les membres de la commission sur la place que pourrait occuper le Protecteur du citoyen dans le secteur de la santé et des services sociaux.

Le Comité se réjouit que l'État se préoccupe des droits des usagers du système de santé et veuille mettre en place les moyens pour en assurer le respect. Le but de notre intervention, ce matin, n'est certes pas de questionner ou de remettre en cause cette volonté politique, mais plutôt de débattre les moyens à mettre en place et le modèle à privilégier. Le Comité privilégie un modèle dans lequel les organismes de base, issus du milieu, auraient une place prépondérante dans ce champ d'intervention. Selon nous, la place que le Protecteur du citoyen occupera dans le secteur de la santé devra s'articuler autour de la place qu'occupent ou devraient occuper ces organismes.

Dans un premier temps, nous allons vous présenter notre position par rapport à l'extension du mandat du Protecteur au réseau de la santé et des services sociaux. Deuxièmement, nous allons parler des ombudsmans maison, leur rôle et la place qu'ils devraient occuper dans un système intégré de défense et de protection des droits. Enfin, nous vous présenterons nos commentaires par rapport à la Commission des affaires sociales. Sans plus tarder, je céderai donc la parole à M. Rice.

Le Président (M. Dauphin): M. Rice.

M. Rice (Charles): Merci. À priori, le Comité est favorable à ce que le Protecteur du citoyen intervienne dans le secteur de la santé et des services sociaux. Le recours aux CRSSS, à lui seul, n'a pas été suffisant pour garantir le respect des droits des usagers. Depuis le début de leur existence, les CRSSS n'ont jamais démontré de volonté politique sérieuse d'assumer leurs pouvoirs face aux établissements pour tout ce qui concerne la protection des usagers. Dans ce contexte, l'ajout d'un recours indépendant du réseau de services, superposé au mécanisme de traitement de plaintes déjà en place auquel les usagers pourraient s'adresser en dernier recours est tout à fait souhaitable. (12 heures)

Le Comité estime, toutefois, qu'un système complet de promotion et de protection des droits, dans ce secteur précis d'intervention, doit fondamentalement être issu de la communauté. Un tel système devrait laisser une place importante aux organismes de promotion, d'accompagnement et de défense des droits. Les modèles d'intervention développés aux États-Unis et ailleurs au Canada, que l'on connaît sous le vocable d'"advocacy", reposent largement sur l'implication des proches et des personnes elles-mêmes dans la défense de leurs droits.

Le Comité s'oppose à ce que l'on confie à n'importe quel organisme de l'État, y compris le Protecteur du citoyen, l'exclusivité ou le monopole de la défense des droits. Une place trop importante au Protecteur du citoyen aurait non seulement pour effet de bureaucratiser indûment le système, mais aussi d'étouffer toutes initiatives locales de défense des droits contrôlées par les usagers eux-mêmes. Le Comité est favorable à la présence de recours dans le réseau de la santé et des services sociaux dans la mesure où ceux-ci sont complémentaires et accessoires à l'action que mènent les groupes de promotion, d'accompagnement et de défense des droits.

Ici, j'ouvrirais une parenthèse. C'est qu'on fait une distinction, nous, entre les ressources d'aide et d'accompagnement, incluant les comités d'usagers, et les recours formels. La question du Protecteur du citoyen, on le situe plus en termes de recours qu'en termes de ressources d'accompagnement. Je ne sais pas si ça permet d'éclairer les gens.

Le Comité préconise un système mixte dans lequel les rôles et responsabilités de chacun des acteurs seraient délimités et dans lequel les organismes de base, issus de la communauté, seraient au coeur même de ce système. L'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen au secteur de la santé et des services sociaux devra nécessairement s'inscrire dans le cadre d'un tel système.

Nous invitons donc les membres de la commission à faire preuve de prudence en confiant au Protecteur du citoyen quelque mandat que ce soit dans le secteur de la santé et des services sociaux.

Je résumerais notre position en deux mots, finalement. Ce qu'on dit, c'est oui, c'est-à-dire qu'on est favorables à ce que le Protecteur du citoyen intervienne dans le domaine de la santé, mais à certaines conditions. On dit bien à certaines conditions, parce qu'on n'est pas tout à fait convaincus que le Protecteur du citoyen

sera un recours pertinent dans ce secteur d'activité. Finalement, dans notre mémoire, on souligne un certain nombre de limites par rapport au Protecteur du citoyen.

La question des actes professionnels, je pense que ça a été soulevé, ce matin, par le Comité provincial des malades, c'est-à-dire que le Protecteur du citoyen n'aura pas juridiction sur tout ce qui touche l'acte professionnel. Nous, on sait pertinemment, parce que, quand même, on travaillé sur le terrain, qu'un bon nombre de plaintes, même je dirais, que la majorité des plaintes qu'on reçoit font référence soit directement ou indirectement à l'acte professionnel. Pour nous, finalement, le Protecteur du citoyen qui interviendrait, qui n'aurait pas juridiction par rapport aux actes professionnels, on ne voit pas vraiment l'utilité de ce recours.

L'autre limite qu'on a identifiée par rapport au Protecteur du citoyen, c'est qu'on se dit qu'il y a un certain nombre de plaintes qui sont déposées et qui ne se prêtent pas nécessairement à ce type de recours. On se pose la question à savoir si le Protecteur du citoyen ou le modèle du Protecteur du citoyen peut être exportable dans un organisme ou dans un ministère à réseaux et spécifiquement au domaine de la santé, par exemple, sur le genre de plaintes qu'on peut recevoir. Nous autres, on travaille dans un hôpital psychiatrique. Par exemple, pour une personne qui veut avoir une permission ou une passe pour circuler à l'extérieur du département, il y a un règlement qui régit ça actuellement, qui dit que c'est le médecin traitant qui autorise ces passes ou ces laissez-passer. Quant au Protecteur du citoyen, on se demandait, par rapport à des situations comme ça, ce qu'il allait faire par rapport à ça. Il va probablement communiquer avec le médecin traitant. Le médecin traitant va dire: Non, écoutez, moi, j'estime que cette personne n'est pas assez autonome pour avoir sa passe. Finalement, les craintes qu'on a par rapport à ça, c'est que le Protecteur du citoyen se réfugie derrière les lois et les règlements.

La troisième crainte qu'on a ou la troisième limite qu'on a identifiée par rapport au Protecteur du citoyen, évidemment, c'est que ça a trait à ses pouvoirs. Le Protecteur du citoyen a uniquement un pouvoir de recommandation et n'a aucun pouvoir de correction par rapport aux plaintes qu'il reçoit. Ça, c'est une des lacunes majeures qu'on a identifiées dans le système actuel. Tantôt, je parlais des recours et des services d'aide et d'accompagnement. Au niveau des recours, dans le système actuel, il y a des lacunes majeures. Ce qui est proposé dans le projet de loi 120, le projet de loi sur la santé et les services sociaux, à notre avis, il n'y a rien qui corrige ces lacunes. Le Protecteur du citoyen, ça pourrait être une possibilité, c'est-à-dire que ça pourrait être un recours intéressant, sauf que ça a quand même une certaine limite, surtout du fait que c'est simplement du pouvoir de recommandation, c'est-à-dire qu'on a des recours formels qui sont là, il n'y a absolument aucun recours qui a un pouvoir de trancher les choses. Il y en avait, c'était la Commission des affaires sociales, mais en en prenant connaissance, quand on a rédigé notre mémoire, on n'avait pas encore en main le projet de loi 120, mais on a finalement vu que le recours à la Commission des affaires sociales serait enlevé. Actuellement, il n'y a aucun recours qui a le pouvoir de trancher les litiges.

L'autre limite qu'on a identifiée par rapport au Protecteur du citoyen, ça a trait à son impufabilité, c'est-à-dire que le Protecteur du citoyen, en tant qu'institution, est imputable, repose sur un seul individu. Ça n'a rien à voir avec la personne qui occupe présentement le poste. M. Jacoby nous a très impressionnés sur la façon qu'il a assumé son mandat depuis les dernières années, particulièrement par rapport à l'aide sociale, sauf qu'au-delà des individus, évidemment, ce recours-là, vu qu'il repose sur un seul individu, puis que, finalement, M. Jacoby n'est sûrement pas immortel, nous paraît être un recours un peu fragile.

Finalement, il est donc difficile pour le Comité de se prononcer sur la pertinence et l'efficacité du Protecteur du citoyen dans un champ d'intervention où il n'a aucune expertise. Compte tenu des Iimites que nous venons de mentionner, le Comité propose que l'élargissement du Protecteur du citoyen s'inscrive dans le cadre du projet pilote. Ça, c'est notre première recommandation qu'on fait, c'est-à-dire qu'on ne voudrait pas lui donner carte blanche à ce moment-ci, on n'est pas encore convaincus. Ce qu'on vous propose, c'est que le Protecteur du citoyen soit un recours de troisième niveau, puis qu'il s'adresse à des clientèles très spécifiques. Pour l'instant, on ne voudrait pas qu'on élargisse son mandat ou qu'on assure un accès direct au Protecteur du citoyen. Ce qu'on voudrait, c'est que dans un premier temps - on parlait d'une période de trois ans - on le fasse dans le cadre d'un projet pilote, puis que, finalement, les personnes, surtout les personnes plus vulnérables comme les personnes âgées, les personnes qui ont des problèmes de santé mentale, les personnes qui ont une déficience intellectuelle et aussi les personnes qui ont un handicap physique puissent s'adresser au Protecteur du citoyen comme dernière instance, puis qu'après trois ans, on fasse un bilan de l'expérience. Après trois ans, on aimerait que la commission des institutions se penche là-dessus et qu'on fasse un bilan, puis que, finalement, on regarde à ce moment-là, si ce serait opportun d'élargir encore plus sa juridiction, à savoir s'il n'y aurait pas possibilité d'avoir un accès direct au Protecteur du citoyen.

En gros, ce qu'on dit, c'est que, finalement, on trouve qu'il ne serait pas souhaitable à ce moment-ci d'élargir son mandat à l'ensemble des

usagers, puis que ça devrait être accessible uniquement par rapport à certaines clientèles spécifiques. C'est ce qu'on vous propose.

Je demanderais à Mario de vous présenter notre chapitre du mémoire qui porte sur les ombudsmans d'hôpitaux et les ombudsmans maison.

Le Président (M. Dauphin): Allez-y.

M. Lortie (Mario): C'est ça. Concernant les ombudsmans ou communément appelés les protecteurs de bénéficiaires, notre Comité considère que chaque établissement doit avoir une part de responsabilité à l'égard de l'examen de plaintes formulées par les usagers. D'ailleurs, le projet de loi 120 portant sur la santé et les services sociaux prévoit l'instauration d'un tel mécanisme. Pour nous, il s'agit davantage de voir quelle sorte d'arrimage est privilégié quant à son fonctionnement par rapport à celui du Protecteur du citoyen, car le système de défense des droits qu'il est présentement à mettre en place dans le champ de la santé doit considérer l'ensemble de ces composantes. Il importe de bien distinguer le rôle de chacun dans l'exercice de ses fonctions repectives pour s'assurer que l'efficacité et l'intégrité ne laisseront aucun doute et qu'aucune ambiguïté ne subsistera. À cet effet, nous voyons deux aspects examinés concernant les ombudsmans maison ou protecteurs du bénéficiaire à l'intérieur des établissements que nous voulons aborder.

D'abord, concernant l'hypothèse d'un rattachement des ombudsmans maison, nous n'en voyons pas la pertinence au Protecteur du citoyen. Nous sommes d'avis qu'étant donné la position de troisième ligne que nous voulons voir assumer par le Protecteur du citoyen dans le champ de la santé, celui-ci pourra être appelé à traiter une plainte provenant notamment d'un ombudsman maison. Or, dans ce contexte, il va de soi que le Protecteur du citoyen doit avoir toute la distance requise pour que son impartialité ne puisse être remise en question. La latitude que doivent posséder ces deux instances dans l'exercice de leurs fonctions doit être totale, l'un par rapport à l'autre. En plus, l'hypothèse de ce rattachement est aussi incompatible avec la responsabilité que nous voulons voir assumer par les établissements en matière de traitement de plaintes. Il va de soi que cette volonté de responsabiliser les établissements doit se concrétiser par l'imputabilité que cet ombudsman doit avoir vis-à-vis de son propre milieu de travail.

Deuxièmement, le terme "ombudsman" ou "protecteur" doit, selon nous, être réservé exclusivement au Protecteur du citoyen. Depuis quelques années nous assistons à la prolifération du vocable "ombudsman" ou "protecteur" et cette situation peut entraîner des inconvénients majeurs, entre autres sur la crédibilité même que l'on confère à cette fonction. Dans ce contexte, nous pouvons envisager que cela risque de nuire à la réputation du Protecteur du citoyen qu'il a su construire en tant qu'institution au cours des dernières années. Rappelons que le Protecteur du citoyen lui-même faisait cette constatation lorsqu'il affirmait dans une entrevue que c'est par abus de langage que ces personnes sont désignées sous le nom d'ombudsman.

À titre d'exemple, puisque la force de l'expérience surpasse toutes les opinions que nous pourrions émettre, je citerai un extrait d'une lettre de démission d'un ombudsman d'hôpital: "J'ai compris rapidement qu'au-delà des beaux discours sur la qualité de vie, les conditions de vie et le respect des droits, toute la partie qui se joue dans cette institution repose essentiellement sur la volonté de la direction en place à ne rien changer en profondeur, à ne tolérer aucune remise en question et à évincer ou marginaliser subtilement ou non toute forme d'opposition ou de contestation interne. "J'en suis venu à la conclusion que la seule façon pour moi de préserver mon emploi était de me soumettre en jouant le jeu de la direction de l'hôpital. Plusieurs personnes dans l'entourage de la direction générale y demeurent à ce prix. Quant à moi, c'est un prix que je ne peux accepter de payer, mes convictions personnelles me l'interdisant. "C'est pourquoi, afin que l'on cesse de leurrer la population et les usagers, nous recommandons que le terme "ombudsman" ou "protecteur" soit exclusif au Protecteur du citoyen et que cette exclusivité fasse l'objet d'une disposition expresse dans sa loi habilitante."

Je remets maintenant la parole à mon collègue.

Le Président (M. Dauphin): II reste environ 30 secondes au temps qui vous était alloué.

M. Rice: Je serai très bref, M. le Président. Pour terminer, peut-être un mot sur la Commission des affaires sociales. On a parlé tantôt des recours externes. On est favorables à ce qu'il y ait un recours externe et je pense que ça s'impose. À savoir qui pourrait assumer ce recours externe-là? Le Protecteur du citoyen, évidemment, c'est une avenue à explorer. Je pense que la Commission des affaires sociales, c'est un recours externe qui devrait être maintenu. On sait que le projet de loi 120 enlève ce recours-là.

À notre avis, la Commission des affaires sociales, c'est un recours qui a été sous-utilisé et mal utilisé jusqu'à présent. Je pense qu'on devrait se pencher là-dessus, ça pourrait même faire un complément intéressant, à savoir le Protecteur du citoyen avec la Commission des affaires sociales. La Commission des affaires sociales, comme je le disais tantôt, ce n'est pas juste un pouvoir de recommandation qu'elle a;

elle écoute les parties et elle tranche. Ça, je pense que c'est un manque; ce n'est pas le Protecteur du citoyen qui va l'amener. Je pense que les deux recours, si l'on parle de recours externes, la Commission des affaires sociales et le Protecteur du citoyen, ça pourrait être un complément extrêmement intéressant, ça compléterait finalement un système complet de protection des droits. On insiste beaucoup pour que, finalement, ce système-là... On parie de système, ça suppose qu'il y a plusieurs composantes à cette affaire-là. Pour nous autres, c'est important que, finalement, il y ait plusieurs organismes qui travaillent à différents points de vue. Ce qui est important, c'est qu'on clarifie le rôle de ces différents organismes-là de manière à mettre en place un système qui puisse être très efficace et très intéressant pour les usagers. On est prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Dauphin): Alors, je vous remercie pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échanges avec le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Ensuite, je reconnaîtrai M. la député de Saint-Hyacinthe.

M. Trudel: Merci, M. le Président. C'est un mémoire extrêmement intéressant parce qu'on sent bien qu'il est ancré dans la pratique d'une institution qui est bien reconnue au Québec et, je dirais, quant au nombre, quant aux approches, quant à l'expertise - ce n'est pas français "l'expertise", c'est un anglicisme - quant à l'expérience que vous avez du secteur. On sent bien que cette espèce de sagesse transpire dans vos recommandations.

Je vais aller à la page 13 de votre mémoire sur le financement du Protecteur du citoyen et des activités de l'institution. Vous nous dites que le Comité s'oppose à ce que le Protecteur du citoyen soit financé à même ce budget, qui est le budget de la politique de santé mentale. Comment pouvez-vous dire ça? On comprend facilement que ça n'a pas de bon sens, d'aller financer les activités du Protecteur du citoyen à même les subventions, à même l'argent dévolu à la mise en place de nouvelles politiques de santé mentale. Ça se réfère à quoi ça? Est-ce que vous avez des faits précis qui nous indiqueraient, à cette commission, qu'en matière de financement des activités du Protecteur du citoyen eu égard à la santé mentale, je ne sais pas, des gens, des administrations, un ministère ont déjà posés que cela devrait se faire à même les montants d'argent pour la politique de santé mentale?

M. Rice: II faut dire que ça c'est une information qu'on a reçue du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale. Ils en font état dans leur mémoire. En tout cas, je vous invite à leur poser la question; ils sont probablement mieux informés que nous autres. Ce qu'on a entendu dire finalement... Il faut dire que la question de l'élargissement du Protecteur du citoyen, c'est arrivé beaucoup dans le décor avec la politique en santé mentale. La politique en santé mentale annonçait - à ce moment-là, c'était Mme Lavoie-Roux qui était ministre - qu'elle demanderait un élargissement du mandat pour couvrir au moins la clientèle qui était touchée par la politique de santé mentale. (12 h 15)

J'ai l'impression qu'à ce moment-là, quand le ministère est allé chercher des crédits pour actualiser la politique en santé mentale, vu que ça faisait partie d'une des actions de la politique, à ce moment-là, on pensait que, finalement, il y a de l'argent qui irait pour le Protecteur du citoyen, mais, encore là, c'est des rumeurs qu'on a entendues. Je vous inviterais à poser ia question au Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, qui sont probablement mieux informés que nous autres sur cette question. C'était juste un bémol qu'on vous disait. En tout cas, si vous avez l'intention de le faire, on aimerait qu'au moins, ce budget-là serve à implanter des services et à mettre en oeuvre la politique plutôt que financer le Protecteur du citoyen.

M. Trudel: Oui. Vous comprendrez facilement, pour les fins de la commission, qu'on va d'abord vérifier auprès de l'organisme de qui vous tenez vos sources, parce que c'est assez important, l'affirmation que vous faites ici, mais là, vous nous donnez le contexte, c'est du ouï-dire que vous avez d'un autre organisme. On vérifiera, lorsqu'ils seront ici ou auprès de cet organisme-là, le fondement de cette affirmation-là, parce que, encore une fois, c'est très important. Dans une partie du mandat que s'est donné cette commission, il y a une question spécifique sur le financement des activités de l'institution qui s'appelle le Protecteur du citoyen.

Une autre question maintenant. Je vous avoue que j'ai de la difficulté un peu à comprendre la question spécifique de l'élargissement du mandat, au Protecteur du citoyen, pour les usagers, santé et services sociaux. Vous dites: Oui, mais... Et le mais - je veux vérifier ça avec vous - c'est quant à l'ampleur des clientèles qui seraient couvertes. Vous dites: Oui, mais d'abord de façon expérimentale au secteur de la santé mentale, aux personnes de 65 ans et plus, et pas les autres. Est-ce que c'est bien juste là? C'est ça, votre position?

M. Rice: C'est-à-dire que ce qu'on dit essentiellement, c'est qu'on voudrait que ce soit un projet pilote. On parle de projet pilote. On verrait mal que, finalement, on élargisse, qu'on soit large, que la porte soit grande ouverte à l'ensemble des usagers, il faut prendre en considération, finalement, le volume de demandes qu'il peut y avoir par rapport à ça. Juste

Robert-Giffard, on parle juste d'un hôpital, dans une année, les plaintes qui sont déposées là, c'est à peu près 500 à 800. Je parle juste d'un hôpital, imaginez l'ensemble du réseau de services. En termes de volume, ça peut être relativement important, surtout si on lui donne un accès direct.

Évidemment, c'est un recours de troisième niveau. Il va y avoir un filtrage qui va se faire en cours de route et le volume risque d'être moins important, mais encore là, si on l'élargit à l'ensemble des usagers de services, on peut s'attendre à ce que le volume soit relativement important. Dans le contexte où on propose un projet pilote, on ne voudrait pas l'élargir à tout le monde, tout de suite. On voudrait juste le tester, voir comment le Protecteur du citoyen fonctionne dans le concret et après trois ans, à ce moment-là, on fera le bilan. Il faut dire que nous autres on est bien placé aussi, à ce moment-là, parce que des plaintes, on va lui en envoyer et on va assurer le suivi de ces plaintes-là. On va être bien placé pour vous donner une appréciation.

M. Trudel: Encore une fois, compte tenu de ce que vous êtes comme institution et comme personnel, c'est important ce que vous nous dites lorsqu'on va arriver pour formuler nos recommandations. Quand vous dites: Ne pas étendre le recours externe au Protecteur du citoyen à l'ensemble des bénéficiaires, votre préoccupation est une préoccupation administrative. Ce n'est pas une préoccupation de l'efficacité du recours ou pas. Votre exemple, à peu près 800 plaintes par année à Robert-Giffard, imaginez si toutes les institutions de premier niveau, de premier recours, c'est au Protecteur du citoyen, on va en arriver à des délais impensables là-dessus.

Mais votre préoccupation, c'est d'abord au niveau de l'engorgement. Je veux savoir, au plan du système, si vous êtes d'accord à ce qu'il y ait, je dirais, quasiment à quelque niveau que ce soit, mais surtout au troisième niveau, un recours externe au traitement des plaintes pour les usagers des services de santé et des services sociaux au Québec. Est-ce que c'est juste, ce que je dis là, par rapport à ce que vous nous avez mentionné ce matin? Est-ce que c'est juste?

M. Rice: Oui. On est très d'accord à ce qu'il y ait un recours externe. Je pense que c'est important qu'il y en ait un. Comme je le disais tantôt, à savoir si ça devrait être le Protecteur du citoyen ou un autre recours externe, on aimerait essayer le Protecteur du citoyen, se donner le temps de voir comment ça peut marcher et c'est pour ça qu'on recommande la question du projet pilote. Ça pourrait être d'autre chose; ça pourrait être la Commission des affaires sociales aussi qu'on élargirait, puis qu'on essaierait d'améliorer et de bonifier. Nous autres, on pense que les deux, ça pourrait être un complément intéressant. Ce que le Protecteur du citoyen ne peut pas faire, je pense que la Commission des affaires sociales peut le faire; puis ce que la Commission des affaires sociales ne peut pas faire, le Protecteur du citoyen le peut parce qu'il a quand même un recours expéditif, rapide, non litigieux. Ce sont des règlements à l'amiable, hors cour, si vous voulez, puis je pense que c'est important qu'on favorise ce type de règlement là des plaintes, mais, à un moment donné, il faut trancher, puis je pense que les deux recours peuvent être intéressants. Avant qu'on donne carte blanche au Protecteur du citoyen, on aimerait voir la façon qu'il va performer, qu'il va fonctionner. On pourrait se donner une période de trois ans et l'évaluer après ça.

Le Président (M. Dauphin): O.K. Une autre... Oui. Vous voulez ajouter quelque chose?

M. Lortie: Si vous me le permettez, c'est parce que j'aimerais ajouter une nuance. Ce n'est pas juste de nature administrative qu'on voudrait voir limiter le rôle du Protecteur du citoyen, c'est la nature même des demandes. La clientèle de la santé, en général, pose beaucoup plus sa demande sur l'acte professionnel, alors que la clientèle vulnérable, elle est dans un contexte beaucoup plus institutionnalisé et ça se réfère souvent à des questions de règlement et de politique interne où, quelque part, il n'y a pas seulement l'acte professionnel qui est remis en cause. Alors que la clientèle "at large" du réseau peut beaucoup plus poser ses problèmes en termes d'actes professionnels, puis on sait que, sur ce champ-là d'action, le Protecteur du citoyen va être, à toutes fins utiles, inefficace, inopérant. Ça fait que, là aussi, il faudrait voir la considération à apporter là-dessus parce qu'il me semble qu'il y a à ouvrir tout le débat concernant les corporations professionnelles, comme l'ont soulevé tout à l'heure ceux qui sont venus avant nous autres. Ça aussi, ce n'est pas juste administratif, c'est sur la nature même des demandes qui sont à traiter.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire. Pour ceux qui viennent de l'extérieur, dont moi, de Saint-Hyacinthe, Robert-Giffard, c'est un hôpital psychiatrique strictement de longue durée ou s'il y a de la courte durée?

M. Rice: II y a de tout. Il y a quatre permis possibles, ils les ont tous les quatre. C'est de la courte durée, c'est un hôpital de longue durée, c'est aussi un centre d'accueil d'hébergement et c'est un centre d'accueil et de

réadaptation.

M. Messier: Vous avez parlé tout à l'heure de quelque 600 plaintes. Combien y a-t-il de bénéficiaires à l'hôpital?

M. Rice: À l'interne, actuellement, c'est rendu à 1700 à peu près; c'est en réduction, avec la politique de désinstitutionnalisation. Mais si on ajoute à ça les usagers externes, les gens qui sont suivis à l'externe, ça peut comprendre à peu près 3000 personnes.

M. Messier: O. K. Merci. Vous êtes du Comité des bénéficiaires, donc vous êtes des résidents à l'hôpital Robert-Giffard? Dans le mémoire, vous dites que le comité est élu. Et vous, vous êtes permanent, donc vous êtes rémunéré par...

M. Rice: C'est ça.

M. Messier: O. K. Et vos sources de financement proviennent de l'hôpital ou des bénéficiaires?

M. Rice: Avec la politique de santé mentale, puis ce qui est prévu dans le projet de loi 120, on va généraliser cette mesure-là à l'ensemble du réseau. L'hôpital est tenu de nous accorder un financement selon un pourcentage statutaire de son budget. C'est 0, 1 % de son budget qu'il doit donner au comité de bénéficiaires.

M. Messier: Avec ces sommes-là et d'autres sommes, peut-être d'autres subventions, vous arrivez à défendre adéquatement l'ensemble des bénéficiaires de l'hôpital Robert-Giffard?

M. Rice: C'est ça. Il faut dire qu'actuellement, justement, l'hôpital se trouve à être notre principal bailleur de fonds, sauf qu'il est tenu par la loi de nous donner du financement. Ça, c'est suite à des représentations qu'on a faites.

M. Messier: Est-ce que l'administration de l'hôpital a un regard direct sur l'administration du comité des bénéficiaires?

M. Rice: Encore là, c'est tout un débat, à savoir quelle est la marge de manoeuvre du Comité par rapport à l'administration? Il faut dire que, nous autres, on s'acquitte quand même assez bien de ça, sauf qu'évidemment il y a des problèmes par rapport à ça. Évidemment, c'est l'hôpital qui nous donne l'argent. On a quand même une marge de manoeuvre, c'est-à-dire que c'est nous autres qui adoptons nos priorités budgétaires. On décide ce qu'on fait chaque année, et tout ça. Sauf que ce qui avait été prévu dans la politique en santé mentale aussi, c'est qu'il y ait un protocole d'entente entre le Comité et la direction de l'hôpital, au niveau de la gestion de cet argent-là. Ça a posé un certain nombre de problèmes au début, mais, actuellement, c'est quand même résorbé.

Une voix: Mais ce n'est pas de même dans tous les comités.

M. Rice: C'est ça. Il faut dire que la façon dont on fonctionne, ça peut être très différent dans d'autres comités. Il y a d'autres comités qui, même suite à la politique en santé mentale, n'ont pas reçu leur budget ou qui ont des problèmes assez sérieux de fonctionnement qui sont liés à plusieurs raisons.

M. Messier: Mais vous, ça fonctionne relativement bien.

M. Rice: II faut dire qu'on est un Comité qui est en place depuis quand même un certain nombre d'années. Le Comité de Robert-Giffard est là depuis 1982.

M. Messier: Vous parliez tout à I heure de quelque 600 plaintes, c'est quand même beaucoup. Si vous avez jusqu'à 3000 bénéficiaires, c'est une plainte sur cinq, un bénéficiaire sur cinq fait une plainte. Est-ce que vous avez à traiter les plaintes? Est-ce que vous assurez un suivi des plaintes? Est-ce que vous avez à vous prononcer sur la plainte? Et...

M. Rice: Bon.

M. Messier: O. K. On va y aller pour un premier volet.

M. Rice: O. K. La donnée que je vous ai donnée, 600, je me référais au rapport annuel qui est déposé par l'ombudsman local. Chez nous, il y a un protocole de traitement de plaintes; c'est l'ombudsman qui reçoit des plaintes. Nous autres, notre rôle, c'est qu'on accompagne les gens la-dedans. Si vous me permettez une comparaison un peu boiteuse, c'est un peu comme les juges et les avocats Nous autres, on se situe un peu comme les avocats Et les recours. Donc, l'ombudsman - on aimerait qu'il ait un autre nom qu'ombudsman parce qu'on trouve que ça ne coïncide pas nécessairement avec ce qu'il fait - c'est un peu le juge. Selon les rapports qu'il a déposés, il y a à peu près 600, 700 plaintes, mais, là-dessus, y faut dire qu'il y a un certain nombre de demandes que nous autres on reçoit, qu'on va traiter. C'est-à-dire qu'on va aider les gens qui ne font pas nécessairement référence à des plaintes ou pour qui ça va se régler avant même que ça devienne une plainte officielle. On va appeler au département. Par exemple, une personne a un problème par rapport à un aspect de son plan de soins ou n'importe quoi. On va parler à son médecin et on va essayer de régler ça hors cour, si vous voulez, à

l'amiable. Bon. Il y a une espèce de médiation qui peut se faire, à ce moment-là. Alors, les 600, ce sont les plaintes formelles qui ont été déposées; ça peut comprendre un paquet d'affaires. Ça peut comprendre la soupe froide allant à des voies de fait. Tu as tout l'éventail de problèmes que tu peux retrouver dans un hôpital comme Robert-Giffard, là-dedans.

M. Messier: Si vous dites oui à l'extension, avec un "mais"... Je vais prendre un cas qui est arrivé à Saint-Hyacinthe, un cas de surmédicalisation. Quelqu'un était hospitalisé dans un hôpital de Montréal et il y a eu un cas de surmédicalisation. Est-ce que le Protecteur du citoyen pourrait, avec les effectifs qu'il a actuellement, régler ce type de cas-là?

M. Rice: C'est ça qu'on aimerait voir. Par rapport à des situations comme celle-là, concrètement, comment va-t-il opérer sur le terrain? Ce sont des situations extrêmement complexes et extrêmement "touchy", et, nous autres, on ne sait pas quoi faire. C'est-à-dire qu'on intervient, on s'obstine avec le médecin et on fait ce qu'on peut. Mais tout ce qui touche l'acte professionnel, je vous avoue qu'à ce niveau-là... Il faut dire que la situation du Québec est assez particulière par rapport à ça. On pourrait se demander: Est-ce que le Protecteur du citoyen devrait avoir juridiction au niveau des actes professionnels? Est-ce qu'il devrait avoir droit de regard par rapport à ça? Nous autres, on pense que oui et, même, on va plus loin que ça. On pense que les établissements devraient être imputables de la façon dont les professionnels pratiquent leur profession à l'intérieur d'une boîte. On pense que les établissements devraient avoir un droit de regard sur la façon dont les médecins exercent leur profession, au même titre qu'ils sont imputables par rapport aux autres services qui peuvent être donnés par l'hôpital. Dans ce contexte-là, si l'hôpital fait mal sa job par rapport à ça, on pense que quelque part l'usager devrait avoir un recours à la régie régionale et que la régie régionale aussi devrait avoir un droit de regard sur la façon dont l'hôpital gère les services professionnels de l'hôpital. Si la régie régionale fait mal sa job, on pense que le Protecteur du citoyen aussi devrait avoir un droit de regard par rapport à ces situations-là.

M. Messier: Ça fait quand même plusieurs paliers d'intervention pour régler peut-être un cas de plainte ou...

M. Rice: Bien, les affaires flagrantes, en tout cas, dans notre pratique, ça se règle assez...

M. Messier: De mauvais traitement, disons. M. Rice: Hein?

M. Messier: Une plainte de mauvais traitement.

M. Rice: Pardon?

M. Messier: Une plainte de mauvais traitement, un bénéficiaire qui dirait: J'ai été battu par un infirmier.

M. Rice: Oui. Des situations comme ça, ordinairement, vont se régler... Encore là, il n'y a rien de facile parce qu'évidemment, l'employé va se défendre là-dedans, il n'ira pas dire: Oui, je l'ai battu et je m'excuse. C'est tout le temps des questions de versions de faits et quelles versions... La parole d'un fou, ordinairement, dans le concret, ce n'est pas facile. Sauf que dans la mesure où on a des preuves et que le dossier est bien monté, ordinairement, ça va se régler assez vite. Où ça pose problème, c'est quand c'est des affaires plus litigieuses, surtout des affaires qui touchent l'acte professionnel, qui touchent le plan de soins, qui font référence à des décisions, pas discriminatoires, mais discrétionnaires du médecin traitant. Ce genre d'affaires là, c'est des plaintes qui sont beaucoup plus difficiles à traiter. L'expérience qu'on en a, même avec le recours interne ou au niveau de l'établissement, même au niveau du CRSSS, ordinairement, les recours qui sont là, il n'ira pas tellement se mouiller par rapport à ces situations-là. Le Protecteur du citoyen, vu qu'il est indépendant, on espère, on a hâte de voir ce qu'il va faire par rapport à ça, sauf qu'on ne se leurre pas, par ailleurs, non plus.

Le Président (M. Dauphin): Merci. On aura l'occasion d'y revenir tantôt. M. le député d'Anjou, M. le député d'Iberville m'a demandé la parole et, évidemment, il faut revenir aussi avec le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue tantôt. Alors, M. le député d'Anjou.

M. Larouche: Est-ce qu'il y a des bénéficiaires de l'hôpital, du centre hospitalier Robert-Giffard, ici?

M. Rice: Ah! il y a Mario.

M. Samson: Moi, je suis un externe.

M. Larouche: Un externe.

M. Samson: C'est-à-dire que j'ai déjà séjourné; maintenant, je vis de façon autonome, mais on me qualifie d'externe.

M. Larouche: O.K. Vous, quelle est votre profession?

M. Rice: Ah bien! moi, je suis permanent. J'ai un bac en psychologie. C'est ça. (12 h 30)

M. Larouche: Vous êtes permanent du Comité des bénéficiaires.

M. Rice: C'est ça.

M. Larouche: II y a combien de personnes qui sont bénéficiaires et qui sont membres du Comité des bénéficiaires?

M. Rice: Le Comité des bénéficiaires, c'est cinq personnes; nous autres, notre Comité, c'est tous des bénéficiaires qui en font partie.

M. Larouche: Bon! Alors, ils sont encadrés par des permanents.

M. Rice: C'est ça.

M. Larouche: Ça veut dire cinq bénéficiaires et combien de permanents?

M. Rice: Deux permanents et il y a des personnes qui travaillent à contrat aussi. Finalement, on a une équipe d'à peu près quatre. Il y a aussi un membre du Comité qui, malheureusement, n'a pas pu venir, le président, qui est là à plein temps. Il est aussi permanent, si vous voulez, parce qu'il travaille à plein temps au comité.

M. Lortie: Les deux permanents font du traitement de plaintes...

M. Larouche: O. K.

M. Lortie:... et les autres personnes de l'animation ou du secrétariat.

M. Larouche: Tantôt, vous vous référiez au fait qu'il y avait un recours, que la décision reposait sur un seul individu qui était en l'occurrence ou qui pourrait être en l'occurrence Me Jacoby, vous disiez que c'était assez fragile; quelques instants avant, vous disiez que la décision d'un médecin, il avait une décision finale sur la liberté de mouvement d'un individu. Comment comparez-vous les deux faits? Voyez-vous, un médecin va dire: Toi, tu ne peux pas sortir de ton département parce que ça ne marche pas, c'est final. Alors, c'est une décision finale, c'est un médecin qui arrive comme ça, il s'est levé pas de bonne humeur ou de bonne humeur ce matin-là et il dit: Toi, tu restes là aujourd'hui. Alors, il a décision sur la liberté de mouvement du malade. Alors, ce sont deux décisions là. Vous avez une décision interne, qui est prise par un médecin, qui a une décision finale sur la liberté de mouvement d'un individu et, d'autre part, vous avez la décision de l'ombudsman sur d'autres choses.

M. Rice: En tout cas, je ne suis pas sûr que je saisis bien votre question, mais, évidem- ment, ce qu'il faut essayer de faire, c'est essayer de limiter les arbitraires ou les décisions arbitraires qui peuvent affecter les droits des personnes. Actuellement, les médecins ou les équipes traitantes ont des pouvoirs énormes par rapport aux personnes, surtout quand elles arrivent à l'interne et qu'elles sont hospitalisées. Tout est décidé à ce niveaurlà: si tu vas sortir, l'argent que tu veux avoir, tout ce qu'on prend pour acquis et que, bon, M. et Mme Tout-le-Monde prennent pour acquis. Dans le contexte d'une institution, je parle d'une institution : psychiatrique, mais j'imagine que la situation est un peu similaire aussi dans les centres d'accueil pour personnes âgées, toutes tes décisions sont prises soit par le médecin traitant, -soit par l'équipe traitante. La personne est vraiment prise en charge par ce monde là. Nous autres, notre rôle là dedans, c'est d essayer de limiter l'arbitraire là-dedans, éviter que. finalement. ces décisions là qui se prennent soient nécessairement toujours arbitraires, toujours sur le dos du bénéficiaire ou se fassent aux dépens des désirs et des volontés de la personne.

M. Larouche: J'aurais une autre question. Tantôt, vous disiez: La parole d'un fou, ça ne vaut pas cher. Vous avez dit ça. S'il y avait un conflit, disons, entre un type de personne que vous venez de décrire et un employé, vous rendez-vous compte que l'employé, tout de suite, va voir son syndicat. L'autre, qui va-t-il voir?

M. Rice: C'est nous autres.

M. Larouche: II va voir vous autres. Qui est le plus fort?

M. Rice: Encore là, ça dépend. Je veux dire...

M. Larouche: Bon! Je veux dire, on reste toujours dans l'arbitraire. Et ma dernière question: C'est quoi, pour vous, un fou?

M. Rice: Mais là, je ne voudrais pas entrer là-dedans.

M. Larouche: Non, je veux que vous répondiez...

M. Rice: Oui

M. Larouche:... parce que je n'ai pas aimé l'expression "fou"...

M. Rice: Non, mais c'était pas...

M. Larouche: Je voudrais que vous décriviez, ou que vous retiriez votre expression, ou que vous en utilisiez une autre, parce que j'aurais aimé que vous utilisiez "bénéficiaire". Vous savez, la folie, elle se promène un peu

partout.

M. Rice: Oui.

M. Larouche: II faut avoir vécu ça. Moi, je connais des amis qui ont vécu ça. C'est pour ça que ça me touche plus particulièrement. Mais j'aimerais que vous m'expliquiez c'est quoi, parce que vous travaillez avec eux autres.

M. Rice: Oui.

M. Larouche: Avec ces bénéficiaires. J'aimerais, soit que vous retiriez votre expression, soit que vous me décriviez c'est quoi.

M. Rice: Disons que je peux la retirer volontiers, mais il faut quand même situer le contexte dans lequel je l'ai dit.

M. Larouche: Oui.

M. Rice: Dans le cadre du traitement de plaintes, ce qu'on se fait répondre: Écoute, bon, lui...

M. Larouche: C'est un fou.

M. Rice: ...il ne "file" pas ce temps-ci et bon... C'est un peu ça que je voulais décrire. Ça ne colle vraiment pas à ce que moi...

M. Larouche: O.K.

M. Lortie: Vous savez, aujourd'hui, il y a beaucoup de mots qu'on censure comme ça, mais n'empêche que dans la perception des personnes qui ont à faire face à des gens qui sont sup-posément avec des facultés réduites, on n'utilise plus le mot "folie", mais, quelque part, on leur donne beaucoup moins de crédibilité, beaucoup moins d'importance, un statut inférieur. Dans ce cadre-là, je veux dire, fou ou autre, en tout cas, en ce qui me concerne, il n'y a pas une grande différence sur le manque de respect entre traiter quelqu'un de fou et de ne pas lui accorder les mêmes droits qu'un autre individu, peu importe le vocabulaire.

M. Larouche: Juste pour terminer, c'est que vous êtes le Comité des bénéficiaires du centre hospitalier. C'est parce que j'aurais aimé que vous disiez le mot "bénéficiaire", ce n'est pas plus que ça.

M. Rice: Là, on est en train de le changer. Ça va être "usagers" maintenant.

M. Larouche: Ah! Ça va être "usagers". O.K.

Le Président (M. Dauphin): Je vous remercie. Je reconnais maintenant le député d'Iberville; ensuite, ce sera le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.

M. Lafrance: Oui, M. le Président. C'est une sous-question, en fait, à celle de mon collègue de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. C'est pour ça que je vous faisais signe, tout à l'heure. J'aurais aimé enchaîner. Selon moi, vous dites que non seulement vous voulez limiter votre projet pilote à certaines catégories de bénéficiaires, mais vous dites aussi - M. Rice a dit ça en particulier - que vous ne verriez pas un accès direct, mais que vous verriez le Protecteur du citoyen en troisième ligne, en troisième instance. C'est ça que vous avez dit. Ne voyez-vous pas dans ça une contradiction, une incompatibilité avec le mandat fondamental du Protecteur du citoyen qui est de permettre au citoyen d'avoir un accès direct?

M. Rice: Oui, mais il faut situer ça un peu par rapport à la recommandation qu'on fait, à savoir que ça s'inscrive à l'intérieur d'un projet pilote; on ne le voit pas mur-à-mur, pour l'instant, le Protecteur du citoyen. On s'est posé la question. Le Protecteur du citoyen, c'est quoi le rôle qu'il pourrait jouer? On s'est dit: Oui, mais est-ce que ça va être pertinent, cette affaire-là? On aimerait se donner le temps de voir comment il va performer sur le terrain et, à ce moment-là, on se fera une idée, à savoir si ça vaut la peine ou non. On sera ouverts, après l'expérience pilote, après les trois ans, à se pencher là-dessus, à savoir si ça vaudra la peine d'élargir encore plus et même de permettre un accès direct. On ne voit pas non plus que le Protecteur du citoyen soit partout. On pense qu'il y a quand même des limites à ça, à savoir s'il devrait y avoir des protecteurs du citoyen dans chaque établissement, par exemple. Est-ce qu'on devrait rattacher les ombusdmans actuels au Protecteur du citoyen? Ce sont toutes des questions qui ont été soulevées dans le document de consultation. On ne pense pas, en tout cas pour l'instant, que ce serait opportun et pertinent de le faire. On pense que le Protecteur du citoyen, pour l'instant, devrait rester un recours de troisième niveau, pour permettre aux deux premiers paliers d'essayer de régler les problèmes. Vu qu'il est extérieur, à ce moment-là, on va voir. Évidemment, ça va être un bon test, parce que les problèmes qui vont se retrouver chez le Protecteur du citoyen, ça va être, des dossiers extrêmement litigieux et extrêmement complexes. Cela va nous donner vraiment l'occasion de voir ce qu'il va faire par rapport à ces situations-là. Après cela, on est bien prêts à considérer la possibilité d'enlever même le deuxième recours. On n'a pas parlé beaucoup des CRSSS qui vont devenir des régies régionales, mais pour nous, on ne pense pas que ça va changer grand-chose. L'expérience qu'on a des CRSSS, je vous avoue que depuis 10 ans que

c'est là, ça n'a pas fait grand-chose par rapport au respect des droits. On se dit: On peut peut-être tes garder encore, voir ce que ça va faire, mais après trois arts et si on voit que finalement ça reste pas mal pareil à ce que c'était quand c'étaient les CRSSS, on serait même prêts à regarder pour avoir un accès de deuxième niveau, au niveau du Protecteur du citoyen.

Le Président (M. Dauphin): Vous avez quelque chose à ajouter, M. Lortie?

M. Lortie: Oui. il n'y a pas nécessairement de contradiction à la notion de la fonction du Protecteur du citoyen, c'est-à-dire que le recours direct a été prévu par rapport au Protecteur du citoyen face à une administration gouvernementale où il n'existe pas d'autres recours, alors que dans le domaine de la santé, il existe d'autres recours, dont les comités de bénéficiaires, et tout ça. Et vu l'ampleur des demandes qui peuvent arriver à son bureau, je me dis: Prenons aussi les mécanismes qui sont existants dans le domaine de la santé. Ce n'est pas d'enJever directement l'accès au Protecteur, mais c'est de le situer dans un contexte où, dans le domaine de la santé, il existe différents paliers d'intervention.

M. Lafrance: Vous voyez un nouveau rôle au Protecteur du citoyen dans ce domaine spécifique, en troisième ligne.

M. Lortie: C'est ça, dans le domaine de ia santé.

M. Lafrance: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M le député. M. le député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue, et, ensuite, je me reconnaîtrai.

M. Trudel: Je voudrais avoir encore un peu plus d'éclaircissements pour bien savoir où on s'en va avec cela. Ça marche aujourd'hui par renvoi. Je vais me rattacher à la question du député de Saint-Hyacinthe quant au cas qu'il soulevait, l'exemple de surmédicalisation, parce que, là, on est en présence d'un acte professionnel. Donc, là-dessus actuellement, c'est clair, c'est l'Office des professions, c'est la corporation professionnelle qui est responsable et le mécanisme de traitement des plaintes est à la corporation professionnelle. Nous n'avons pas soulevé cette question-là dans notre document, même si je comprends que ça fait partie du travail d'orientation des plaintes. Et on aura dans le cadre du projet de loi 120, la réforme de la santé et des services sociaux, à nous interroger sur l'efficacité de la révision, la transparence et l'efficacité de ce mécanisme-là. Il faut éliminer cela. On est toujours dans le domaine de l'administratif des institutions qui dispensent des services, si on fait Je parallèle avec un minis tère, un endroit où on a du personnel de la fonction publique qui intervient. Par ailleurs, au député d'Iberville, vous venez de dire: C'est clair, c'est un recours de troisième niveau. Je reviens là-dessus. Vous m'avez dit tantôt: Ce n'est pas seulement la préoccupation administra tive de type embourbé qui nous préoccupe là Sauf qu'on comprend que si c'est un recours de troisième niveau, on n'arrivera pas à un total de plaintes qui va être extrêmement volumineux. On ne peut pas faire une projection, une projection d'une quantité immense de plaintes qui parviendraient jusqu'au Protecteur du citoyen, éventuellement, si l'on élargit son mandat, parce que vous dites bien: c'est un organisme, le recours au Protecteur du citoyen serait de troisième niveau. Quant à moi, je suis d'accord avec vous qu'il faut absolument qu'il y ait un organisme près des usagers dans l'établissement pour traiter les plaintes qui peuvent déjà se régler - pour prendre votre mot - à l'amiable ou hors cour. Bon.

Est-ce qu'il faut aussi conclure que non seulement le recours au Protecteur du citoyen comme troisième niveau est souhaitable pour vous, mais que, dans l'état actuel de la présenta tion du ministre de la Santé et des Services sociaux, l'élimination de la Commission des affaires sociales comme tribunal quasi judiciaire, pour vous, c'est inacceptable dans le contexte que vous vivez actuellement? Est-ce que l'élimination de l'appel possible à la Commission des affaires sociales dans le projet de loi qui nous est présenté, c'est inacceptable pour vous autres, ça?

M. Rice: Je pense que oui et je pense qu'on en fait état dans notre mémoire aussi. Il faut dire que le mémoire a été rédigé avant même qu'on ait en main le projet de loi 120, mais je pense que la Commission des affaires sociales devrait être maintenue, qu'elle devrait être bonifée et qu'elle devrait être renforcée. Elle a été sous-utilisée. Évidemment, si on fait le bilan depuis les 10 dernières années, je pense qu'il y a à peu près une dizaine de cas qui se sont retrouvés là. Si on regarde ça là de l'extérieur, on peut dire: Écoutez, ça ne marche pas. Sauf qu'il faut regarder pourquoi que ça ne marche pas. Pour nous autres, c'est un peu la façon dont les CRSSS se sont acquittés de leur mandat, c'est lié à ça, en tout cas; c'est lié au libellé aussi dans la loi. Lorsque la personne est en péril, des situations comme ça, il n'y en a pas une tonne non plus. Moi, je pense que ça prend quelque part une tribune qui va regarder les deux côtés de la médaille, qui va trancher Si vous substituez le recours à la Commission des affaires sociales à celui du Protecteur du ci toyen, on en perd de ce côté-là Nous autres, on pense que les deux peuvent être des compléments très intéressants, deux recours externes. Encore

là, on ne veut pas non plus embourber la Commission des affaires sociales, on ne veut pas se retrouver dans la situation où ça prend deux ans pour entendre des plaintes. Mais encore là, si c'est un recours de troisième niveau, et encore là, on peut quand même circonscrire les cas qui peuvent aller là, je pense qu'il y a moyen d'avoir un recours qui peut être intéressant pour les usagers, et l'avantage qu'il y a avec la Commission des affaires sociales, c'est que ça peut aussi faire jurisprudence sur certaines questions.

Je pense surtout à des dossiers plus sys-témiques, à des questions au niveau de l'interprétation de la Loi sur les services de santé et les services sociaux ou des choses comme ça... Quant à moi, la Commission des affaires sociales, ça pourrait être une tribune intéressante pour trancher des questions qui sont litigieuses et qui traînent en longueur depuis des années. Ça n'enlève pas les tribunaux judiciaires, sauf que, quant à moi, dans le contexte du traitement des plaintes, la Commission des affaires sociales, ça pourrait être un ajout, peut-être pas un ajout, mais ce serait important de la maintenir.

Le Président (M. Dauphin): Dernière question, M. le député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.

M. Trudel: Je vais essayer de les regrouper et je vais en avoir trois en fait. J'aimerais, si c'est possible, que vous déposiez, M. Lortie, le témoignage de la personne qui a démissionné comme protecteur, ombudsman dans une institution, sans l'identifier. Si c'est possible, M. le Président, si vous le désirez, parce qu'on ne peut pas contraindre, j'aimerais que vous déposiez ça. Et, deuxièmement, partant de ce phénomène - et si vous acceptez, je n'ai pas de problème, si c'est confidentiel, etc. - comment réconciliez-vous le fait que ça m'apparaît, à partir de ce témoignage, relativement inefficace, le traitement des plaintes à l'interne, avec l'expression tantôt de M. Rice qui disait, pour imager votre témoignage, on se comprend, en disant: Vis-à-vis des directions d'institutions, des comités de bénéficiaires et des usagers, des malades - employez le terme que vous voulez là - finalement, on sent bien que la crédibilité est du côté des administrateurs des établissements qui, eux, sont mis en cause lorsqu'on a une plainte, en fait, sur le service qui est dispensé. Je ne parle pas des actes professionnels. (12 h 45)

Est-ce qu'en partant de cela, on peut en déduire que c'est généralisé, d'abord, ce que vous décrivez comme témoignage, c'est généralisé, à votre avis - c'est important - comme situation et comme perception dans le réseau de la santé et des services sociaux? Et pour ce seul motif, est-ce que cela n'invite pas, à tout le moins, à un recours externe, pas exclusif, n'oblige pas à un recours externe pour tout le monde? Parce que, si c'est vrai dans votre vie professionnelle que vous vivez quotidiennement, ce ne serait pas vrai pour tout le monde, pour tous les usagers en général du ministère de la Santé et des Services sociaux?

M. Lortie: Pour répondre à la deuxième, le recours externe, il m'apparaît évident qu'on ne doit pas y échapper, qu'on ne peut pas y échapper, c'est-à-dire que quelque part, ça prend quand même un mécanisme qui peut être au-dessus de tout soupçon. Et un recours externe, là-dessus, je pense qu'il peut assurer cette crédibilité-là.

Le recours interne, à savoir si c'est généralisé, l'inertie ou l'inefficacité de protecteurs de bénéficiaires, je ne pourrais pas me prononcer là-dessus. Sauf qu'il est facile de voir, de prétendre et de sentir que, quelque part... Puis il faut voir aussi que ces protecteurs de bénéfi-caires là ont été institués à la suite de la mise en place des comités de bénéficiaires. Donc, c'est un peu pour court-circuiter l'action même des usagers à la base. De sorte que, par exemple, chez nous, depuis qu'on a institué les comités de bénéficiaires, on a dit: Maintenant, on va mettre en place un protecteur des bénéficiaires. Et pour voir à s'assurer que le traitement de plaintes va se faire d'une certaine façon, on a établi un protocole de traitement de plaintes qui venait affaiblir la portée ou l'action des comités de bénéficiaires. Nous autres, on ne s'est pas laissé faire, on a négocié ça, puis on a dit: Écoutez une minute, le protecteur, si vous voulez en mettre un, c'est une chose, mais vous ne viendrez pas nous empêcher d'agir. Donc, on va le négocier, ce protocole d'entente là. Encore là, ça mériterait encore certaines améliorations.

Mais ce qui manque actuellement par rapport au protecteur des bénéficiaires, c'est un encadrement qui soit reconnu formellement, officiellement, c'est-à-dire que, là, c'est laissé à la bonne volonté des administrations. Si, dans le projet de loi, on se penche sur la responsabilité que doivent avoir les établissements dans le traitement des plaintes, à ce moment-là, on devrait donner un encadrement sur la fonction, la responsabilité, l'obligation, les pouvoirs que devra avoir l'administration dans le traitement des plaintes. Le protecteur des bénéficiaires, sa fonction, ça ne devrait pas être - comment pourrais-je dire? - décidé simplement par l'ad-mistration locale, sinon on va connaître différents protecteurs de bénéficiaires selon l'ouverture des établissements.

Dans la loi, on devrait prévoir certains barèmes, certaines normes à voir appliquées pour le fonctionnement des ombudsmans maison, à savoir les obligations qu'ils sont tenus de respecter, les fonctions qu'ils doivent occuper, la liberté d'action, peut-être mettre des principes directeurs, justement, aux fonctions qu'ils devraient occuper.

M. Rice: Peut-être un complément.

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. Rice, brièvement.

M. Rice: Non. Je pense que, nous autres, on est d'aeeord avec ça qu'il y ait un mécanisme de premier niveau, que ce soit l'établissement qui soit responsable de ça. On s'est laissé vendre ça. On achète ça, dans le but de le responsabiliser par rapport aux services qu'il dispense, sauf que qu'on appelle un chat, un chat, par exemple. C'est un peu ça, l'idée.

Ce qu'on dit aussi, pour reprendre un peu l'idée de Mario, c'est qu'on aimerait qu'il y ait un certain nombre de balises par rapport à ça. Actuellement, ce qui est prévu dans le projet de toi 120, c'est que ce soit un cadre supérieur. On aurait souhaité que ce soit rattaché davantage au conseil d'administration. En tout cas, je pense qu'il y a différentes mécaniques qu'on peut mettre en place pour essayer de mettre un certain nombre de balises pour assurer une forme d'indépendance à cette fonction-là, sauf qu'encore là, il faut qu'il y ait des recours qui s'ajoutent à ça. Il ne faut pas que ce soit le seul recours disponible. Il faut que l'usager puisse s'adresser ailleurs si jamais il n'est pas satisfait de la réponse. Le fait qu'il y en ait un, je pense qu'il y a quand même un nombre assez important de problèmes qui peuvent se régler à ce niveau-là, et ce n'est peut-être pas une mauvaise affaire que ça se fasse à ce niveau-là aussi. Si les 600 plaintes dont je vous parlais tantôt se retrouvaient à la régie régionale, je ne pense pas qu'on... De toute façon, ça se fait déjà. Actuellement, les régies régionales ou le CRSSS réfèrent les plaintes qu'ils reçoivent aux établissements. Je me dis qu'on en profite, à ce moment-là, pour mettre un certain nombre de balises sur la façon que les plaintes vont régler les affaires... Je pense que c'est tout à fait souhaitable.

M. Messier: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Brièvement, j'aurais une ou deux questions. Vous faites référence, dans votre mémoire, vous dites que vous seriez d'accord pour qu'il y ait un comité parlementaire permanent pour... En pratique, je présume que c'est pour voir aux recommandations du Protecteur, qui n'auraient pas été suivies, finalement. Un comité permanent. Le comité serait permanent, mais sûrement pas ses membres. Comme vous le savez, on a des élections tous les quatre ans. Comment est-ce que vous voyez ça? Avez-vous réfléchi un peu là-dessus, sur le comité permanent de parlementaires qui pourrait examiner les recommandations non suivies du Protecteur du citoyen, entre autres?

M. Rice: Je dois avouer qu'on ne s'est pas penché longuement là-dessus, en tout cas, sur ces aspects. Sauf qu'en lisant ça, nous autres, et il n'y avait pas juste cette proposition-là, il y avait un certain nombre de propositions, dans le document de consultation, qui nous paraissaient intéressantes. On est prêts, de bon gré, à appuyer ces mesures-là. La question du comité permanent, ce qu'on disait, c'est que c'est peut-être important, qu'il y ait un suivi qui soit donné, justement, aux recommandations du Protecteur du citoyen. Et que, finalement, orv formalise un peu cette affaire-là par le biais d'un comité permanent, on trouve que ce ne serait peut-être pas une méchante idée. Même chose en ce qui concerne les crédits du Protecteur du citoyen, que le Protecteur du citoyen fasse sa demande de crédits à l'Assemblée nationale plutôt qu'au Conseil du trésor. En tout cas, à première vue, on trouvait que c'était une idée intéressante et on est prêts à appuyer ça. On ne s'est pas vraiment penchés très longuement là-dessus. Je pense que ce n'est pas l'essentiel de notre mémoire quand même.

Le Président (M. Dauphin): O. K. Pour en revenir à la Commission des affaires sociales, vous nous dites, à un moment donné, qu'il y aurait eu six ou sept cas qui auraient été soumis à l'attention de la Commission des affaires sociales depuis son existence, depuis que le recours extete. Je présume qu'au ministère, lorsqu'ils ont vu ça, ils se sont dit: Ça ne vaut pas cinq cents, cette affaire-là, abolissons ça, on perd notre temps avec ça. Ce qui arrive, c'est qu'il y a seulement le conseil régional qui peut y recourir. Vous nous disiez tantôt que le conseil régional...

M. Rice: Je pense que le conseil régional...

Le Président (M. Dauphin):... bien souvent juge et partie, n'était pas la meilleure instance pour y aller de façon impartiale. C'est ça?

M. Rice: C'est ça. Le problème, je pense que le conseil régional filtre trop, finalement. Évidemment, la mécanique est un peu compliquée, c'est-à-dire que le conseil régional doit demander à son conseil d'administration pour y aller. Je ne sais pas si vous pouvez vous imaginer, une plainte individuelle qui doit aller au conseil d'administration du conseil régional et qu'ils vont décider s'ils vont aller à la Commission des affaires sociales, sachant qu'au conseil d'administration du conseil régional il y a quand même un certain nombre d'élus d'hôpital; j'imagine qu'eux autres, ça ne doit pas leur sourire non plus. Donc, la mécanique pour se rendre à la Commission des affaires sociales, dans la loi actuelle, est très complexe et très compliquée, sauf que nous autres, pour autant, on ne voudrait pas l'enlever non plus. Je pense qu'il faudrait la bonifier. Mario, tu avais...

M. Samson: Pour nous, la Commission des affaires sociales apparaît très efficace et même indispensable. Une des demandes bien précises qui se répète, c'est concernant les cures fermées; la cure fermée, ça équivaut à un internement forcé. Si on enlève la Commission des affaires sociales, on recule de 50 ou 70 ans en arrière, où un médecin pouvait décider librement d'interner quelqu'un pour le temps qu'il voulait. Là, présentement, la Commission des affaires sociales, c'est elle qui a le pouvoir, à la suite d'une audition, de dire au médecin: Je relève, je retire la cure fermée d'une personne à la suite de cette audition. Donc, pour nous, c'est un recul considérable, ne serait-ce que sur ce simple recours-là qui, en fin de compte, traite d'une liberté fondamentale prévue dans la Charte des droits et libertés de la personne, c'est-à-dire le droit à la liberté de circuler. La Commission des affaires sociales se penche, pour nous, régulièrement sur ce point-là, sur ce problème-là, des cures fermées. C'est seulement elle qui a juridiction pour contester la décision d'un médecin. Actuellement, les médecins, c'est difficile de les contester dans leurs actes professionnels. Ils ont une immunité totale qui est aberrante et insoutenable.

Dans ce cadre-là, je me dis que si on enlève la Commission des affaires sociales et que la personne est internée pour x temps, un mois, deux mois, trois mois, selon la bonne volonté du médecin, qu'est-ce qu'elle va faire, cette personne-là, pour essayer de faire reconnaître que, oui, elle a les facultés pour exercer sa liberté? Actuellement, ce n'est que la Commission des affaires sociales qui peut reconnaître et entendre cette personne-là. Pour moi, ça m'apparaît un recul inacceptable.

M. Larouche: Qu'est-ce que vous suggéreriez?

M. Samson: Que la Commission des affaires sociales soit maintenue. Pour nous, ce n'est pas négociable, ça doit être maintenu dans son champ de juridiction actuel et voir à l'améliorer dans le cadre de l'accès, par exemple, qu'on pourrait y voir jouer, c'est-à-dire les différents mécanismes reconnus qui pourraient peut-être justement s'adresser à la Commission, que ce ne soit pas simplement la régie régionale.

Le Président (M. Dauphin): L'accessibilité. M.Samson: C'est ça, l'accessibilité.

M. Rice: Le problème, nous autres, qu'on y voit, c'est que le CRSSS, c'est un peu comme les syndics dans les corporations professionnelles. On regarde ça, finalement, 96 % des plaintes ne se rendent pas au comité de discipline parce que les syndics considèrent qu'elles ne sont pas fondées. Mais c'est un peu la même affaire avec le

CRSSS. Le CRSSS reçoit un volume de plaintes et de demandes, sauf que la majorité de ces plaintes-là ne vont pas à la Commission des affaires sociales, alors que certaines plaintes, quant à moi, auraient eu intérêt à y aller. Je pense que c'est un peu cette mécanique-là qu'il faut plus regarder plutôt qu'enlever la Commission des affaires sociales tout d'un coup.

M. Lortie: Me permettez-vous un dernier détail?

Le Président (M. Dauphin): Oui, allez-y.

M. Lortie: La très grande majorité des demandes qu'on adresse à la Commission des affaires sociales pour faire retirer une cure fermée, la très grande majorité est accordée. C'est donc dire à quel point... Et même, une cure fermée, habituellement, c'est prévu dans la loi comme une mesure de protection face à la dangerosité qu'une personne représente pour elle-même ou pour les autres. Et on sait que les médecins en abusent parce qu'ils s'en servent à des fins de traitement thérapeutique, une cure fermée, alors que c'est interdit. Et nous, quand on s'adresse à la Commission des affaires sociales, dans la majorité des cas, elle reconnaît que la cure fermée n'est pas requise. C'est juste pour vous souligner à quel point c'est important de la maintenir, parce que, là, on parle d'une liberté fondamentale.

Une voix: Mais en attendant, qu'est-ce qu'il arrive?

Le Président (M. Dauphin): Peut-être une dernière question, si vous me permettez, relativement aux corporations professionnelles. Le groupe avant vous en a parlé. Vous en avez parlé aussi dans votre mémoire. Je sais qu'on m'a indiqué tantôt que l'Office des professions avait un projet de réforme en marche. Qu'est-ce que vous pensez de tout ça, vous? De quelle façon pourrait-on établir un système pour avoir un recours sans que ce soit la corporation elle-même qui soit, dans le fond... Pour le bénéfice de ses membres au niveau de la protection.

M. Rice: Je pense que le problème, c'est l'exclusivité qu'on en fait. On a pris connaissance des propositions de changement, des amendements, justement, auxquels le ministre responsable des corporations professionnelles veut en venir au Code des professions. Il y a des choses intéressantes là-dedans, mais il ne faut pas se leurrer. Ce n'est pas avec ça qu'on va régler le problème. Le problème, c'est au niveau de l'exclusivité, finalement. Tout ce qui touche l'acte professionnel, il faut que ça soit évalué par des pairs, et je pense que c'est ça qu'il faut remettre en question. Je ne balaierais pas toute la question des corporations professionnelles. Je

pense qu'elles ont un rôle important à jouer, sauf que, de là à leur donner le monopole et l'exclusivité du traitement des plaintes, ça, je pense que c'est un pas... En tout cas, c'est ça qu'H faudrait examiner.

À notre avis, un médecin ou... Je dis un médecin, ça peut être n'importe quel autre professionnel qui pratique dans un établissement donné, il me semble qu'il devrait avoir des comptes à rendre à l'établissement. Et même, ça se fait déjà en ce qui concerne d'autres professionnels que des médecins, un psychologue, un travailleur social ou même une infirmière. Mais encore là, avec le projet de loi 120, on a l'air de vouloir en faire une bande à part, un peu comme les médecins, mais ils ont quand même des comptes à rendre par rapport à leur employeur sur la façon dont ils vont exercer la profession et sur la façon dont ils vont travailler ou exercer leur métier dans la boîte. Ce sont juste les médecins, finalement, qui sont des intouchables. La direction de l'hôpital, le DSP lui-même n'a aucun droit de regard ou c'est assez limité, ce qu'il peut faire par rapport aux médecins. Je pense qu'il faut se pencher là-dessus. On peut bien multiplier les recours et, finalement, extensionner la juridiction du Protecteur, mais si on ne se penche pas là-dessus, on manque une partie importante des problèmes que nous autres, on volt sur le terrain.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Alors, pour le mot de la fin, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Merci beaucoup. Il est très intéressant, votre témoignage, bien ancré sur le terrain. Sur les corporations professionnelles et les recours, est-ce que vous seriez d'accord avec la formule qui dirait: II faut que les jugements sortent des corporations, mais qu'on ne sorte pas nécessairement les corporations des comités? Ce que je veux dire par là, c'est que ça se fasse à l'externe des corporations professionnelles, mais avec la participation des professionnels, cependant, que ce ne soit pas uniquement des pairs. En deux mots, si ça peut se dire: Est-ce que c'est une formule qui vous apparaît équitable?

M. Rice: Comme je l'ai dit, je pense que les amendements qui ont été annoncés vont un peu dans ce sens-là, c'est-à-dire qu'on veut qu'il y ait des représentants des citoyens aux comités de discipline. On veut essayer de régler l'affaire du syndic aussi qui filtre trop. On veut inclure... Je pense que c'est des amendements qui sont intéressants, à première vue, sauf que je pense qu'il faut aller plus loin que ça encore. Le problème, c'est l'exclusivité, et chaque fois qu'il y a une plainte qui touche à ça, il faut la référer à une corporation professionnelle ou même à un conseil de médecins et dentistes. Je pense que c'est ça qu'il faut questionner, de prime abord. Ça peut être correct, sauf que ça a des limites évidentes.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup. Au nom de tous les membres de la commission, un gros merci au Comité des bénéfi-ciares du centre hospitalier Robert-Giffard d'avoir bien voulu participer à nos travaux. J'annonce, avant de suspendre nos travaux, que M. Maltais remplaçait M. LeSage (Hull), pour les fins du secrétariat. Nous suspendons donc nos travaux jusqu'à 14 h 30 afin de reprendre avec le groupe Auto-Psy provincial.

(Suspension de la séance à 13 h 1 )

(Reprise à 14 h 36)

Le Président (M. Dauphin): La commission des institutions reprend ses travaux dans le cadre de son mandat. Je vais juste répéter le mandat qui est de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des activités et de la gestion du Protecteur du citoyen.

Cet après-midi, nous entendrons quatre groupes. D'abord, nous aurons le groupe Auto-Psy provincial; ensuite, nous aurons Mme Nicole Fontaine, curatrice publique, et après, nous poursuivrons avec la Fédération québécoise des associations des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale, pour enfin terminer avec Mme Micheline Lynch, ombudsman et déléguée du Protecteur du citoyen au Centre hospitalier régional de Lanaudière.

Je souhaite la bienvenue au groupe Auto-Psy provincial et je demanderais à Mme Laurin de présenter les personnes qui l'accompagnent à la table des invités. Je lui mentionne que nous avons en tout une durée dune heure, dont 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Groupe Auto-Psy provincial

Mme Laurin (Claudine): D'accord, merci. Nous allons présenter le mémoire au nom du groupe Auto-Psy. Par contre, présentement, Auto-Psy s'est transformé, il s'appelle maintenant l'AGIDD, c'est-à-dire l'Association des groupes d'intervention en défense des droits, et avec la nouvelle politique de santé mentale, il y a eu une transformation. Je présente les membres qui m'accompagnent: Réjean Girard, qui est membre du conseil d'administration de l'AGIDD, également coordonnâtes d'un groupe de défense de droits à Montréal, et Robert Marcoux, qui est également coordonnateur d'un groupe de promotion vigilance en Montérégie et qui est au conseil d'administration de l'AGIDD.

Pour vous situer un petit peu l'AGIDD, je vais faire la présentation de l'Association. Le mémoire va être présenté par Robert. Comme je

le disais, c'est le groupe Auto-Psy qui est un mouvement qui, depuis 10 ans fait de la défense, de la promotion et de la vigilance en droit au niveau de la santé mentale. À notre actif, déjà on a fait un guide de médicaments du système nerveux central, on a produit des documents, on a fait beaucoup de défense de droits au niveau individuel et collectif et aussi l'approche sys-témique. Depuis le 7 décembre, avec la venue de la politique en santé mentale, par la création de groupes de promotion vigilance, nous avons fait un congrès d'orientation où se sont joints 30 groupes où toutes les régions de la province de Québec sont représentées également comme membres de cette Association. Donc, Robert, si tu veux présenter...

M. Marcoux (Robert): C'est en 1989 que le Québec adoptait la politique de santé mentale. Cette politique avait pour principal objectif de remettre la personne au centre de nos préoccupations. La proposition visant à assurer la primauté de la personne a pris comme première assise la continuité de services de même que la création de mécanismes de promotion, de respect et de protection des droits.

L'exercice des droits s'est toujours avéré une entreprise difficile pour le moins hasardeuse dans le domaine des services de santé et des services sociaux.

Cependant, tous s'entendent pour dire qu'il n'y a pas absence de droits mais reconnaissent plutôt un immense fossé entre le droit adopté et le droit pratiqué. De là, plusieurs y vont de leur théorie dont nous n'en citerons que quelques-unes, soit: l'inefficacité des recours; le manque d'information sur les différents recours et mécanismes pour y avoir accès; le manque d'information et de formation sur les droits, surtout aux intervenants, lesquels sont appelés à gérer et à planifier les services; la restriction de certains recours à un type d'organisme, plus spécifiquement pour les services de santé et les services sociaux; l'herméticité de certains recours; soit le fonctionnement en vase clos des comités de discipline pour les corporations; la difficulté d'en appeler du judiciaire principalement pour la clientèle visée par la politique de santé mentale à cause des barèmes actuels d'admissibilité à l'aide juridique.

La première question à se poser devrait donc porter un éclairage sur la nécessité d'en appeler d'un autre recours pour favoriser l'exercice des droits. N'y aurait-il pas lieu de réfléchir sérieusement sur la façon de rendre opérationnel le "droit adopté".

Inefficacité des recours et herméticité de certains. À l'exception de la demande de révision de cure fermée, toute autre demande d'audition à la CAS devra être effectuée par les conseils régionaux. Les organismes communautaires, tant de défense de droits que les groupes, ne peuvent en appeler de la Commission pour une recomman- dation qu'ils jugeraient Inacceptable ou pour une plainte non réglée concernant un établissement. Ce tribunal administratif possède présentement tous les pouvoirs coercitifs pour intervenir face aux établissements.

Serait-ce par oubli que nous ne retrouvons aucune question sur les corporations?

Il faut méconnaître tes problèmes du système de services de santé et des services sociaux pour penser que seul l'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen peut être efficace comme recours sans toucher le pouvoir corporatif.

Les corporations professionnelles ont pour principal objectif de garantir la qualité des actes professionnels. Or, le mécanisme de recours qu'a présentement un citoyen mécontent d'un service professionnel est de porter plainte, si c'est un établissement, au Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, ou encore directement à la Corporation.

À titre d'exemple, citons la Corporation professionnelle des médecins. Pour l'année 1988-1989, ele a reçu plus de 765 demandes dont 12 furent déclarées recevables. Il semble d'ailleurs que ce portrait s'observe dans l'ensemble des corporations professionnelles. "Les pratiques des corporations professionnelles en matière de protection du public, et surtout celle des médecins, sont telles aujourd'hui que le grand public est amené à croire que les corporations protègent davantage leurs membres que les usagers." Me Ménard.

État-providence. Au chapitre des services de santé, le ministre Daniel Johnson parlait de l'urgence de rendre conscient le consommateur du coût requis pour les services. L'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen ne peut que menacer cette mesure de responsabilisation. Un tel élargissement de mandat se fera aux frais de quelles coupures? Une missive émanant du Conseil du trésor affirme que le financement d'un tel service ne pourra être effectué que par l'allocation de sommes provenant de l'enveloppe budgétaire de santé mentale. Comment pouvons-nous donner notre aval à une telle proposition qui menacera pour certaines régions l'application de la politique de santé mentale?

En matière de droit, nous considérons comme primordial: de ramener des régions comme, par exemple, la Montérégie, accusant un déficit de 100 000 000 $ pour le champ de santé mentale à la moyenne nationale; d'augmenter le budget de la Côte-Nord en santé mentale, budget de 4 000 000 $, somme ridicule pour dispenser la gamme dite "essentielle" de services de la politique de santé mentale; d'assurer à l'ensemble de la population, l'accessibilité à une variété de services. En ce sens, la création d'un recours ultime, extérieur au réseau, ne sera ni garant de l'exercice des droits ni garant de l'accessibilité aux services.

Si nous plaçons le Protecteur du citoyen

comme un recours couvrant les champs d'intervention individuels, collectifs et systématiques, nous acceptons dès lors de situer l'Assemblée nationale- comme un mécanisme de recours. En cas de conflit, le Protecteur du citoyen ne disposant que d'un pouvoir de recommandation, doit en appeler du Conseil des ministres en leur demandant d'intervenir. Nous ne pensons pas qu'il soit dans la mission d'un gouvernement de s'impliquer aussi activement comme mécanisme de recours. Le glissement vers une plus grande prise en charge de l'État s'effectuera très vite dans un tel système. Référons-nous aux guerres administratives et corporatives pour comprendre que tout conflit risquera de devenir vite politique. L'État se verra vite confier l'unique responsabilité de la qualité des services.

Pour conclure, nous demandons donc qu'un système "advocate" soit mis en place par des organismes sans but lucratif, et ce, pour le champ de la santé mentale, indépendant du réseau. Ce système devra nécessairement être de niveau régional et pourrait intervenir dans les cas de plaintes provenant de personnes vivant dans les établissements et dans la communauté.

L'organisme régional devra disposer de pouvoirs d'enquête (accès aux dossiers médicaux, circulation libre dans les établissements) et de recommandation. Indépendant du réseau, le champ d'intervention d'un tel organisme devrait comporter deux niveaux: les droits individuels et collectifs dans leurs dimensions légale, sociale et thérapeutique. La nature des plaintes peut également amener l'organisme à faire des représentations, soit auprès d'une cour civile ou criminelle, d'une corporation professionnelle, de la Commission des droits de la personne ou de la Commission des affaires sociales.

Le conseil d'administration de ces organismes devra être composé d'une majorité de personnes ayant, ou ayant eu, des problèmes de santé mentale. Un tel mécanisme est l'unique garantie de la primauté de la personne et du maintien d'un préjugé favorable envers la personne souffrant de problèmes de santé mentale. Il a également l'avantage de remettre aux principaux concernés la défense de leurs droits et, par le fait même, de leur permettre d'être actifs dans leurs propres requêtes.

Le Protecteur du citoyen pourrait alors être beaucoup plus impliqué dans l'approche systémi-que. Toute action de nature systémique mettant en cause le bien-fondé ou l'application d'un règlement, ou encore une politique particulière du gouvernement, pourrait alors impliquer le Protecteur. L'Assemblée nationale aurait d'ailleurs avantage à être saisie d'une telle intervention systémique, d'où le rôle du Protecteur du citoyen en collaboration avec les groupes. (14 h 45)

Le Président (M. Dauphin): Ça va? Alors, merci beaucoup pour votre exposé. Est-ce qu'il y a un membre de la commission qui aimerait débuter la période d'échanges? M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je m'excuse... Peut-être ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve, parce qu'elle a une autre activité...

Mme Harel: Bon. Je vous remercie. C'est que je vais avoir à quitter parce qu'il y a un caucus, et mon collègue de Rouyn-Noranda-Témiscamingue me permet donc de débuter l'échange avec vous. D'abord, vous saluer et vous remercier de participer à notre réflexion et à nos travaux. Dans votre mémoire, notamment, lorsque vous abordez, à la page 17, "Une proposition: un modèle déjà expérimenté", vous faites, entre autres, référence à un organisme que je connais bien, la FATA, la Fondation d'aide aux travailleurs accidentés. Et je crois comprendre dans la proposition que vous faites, qu'il y a en quelque sorte une sorte de confusion, je dirais, dans le rôle de l'institution du Protecteur du citoyen qui le fait. Mais ce n'est pas là le rôle du Protecteur du citoyen.

On ne peut pas lui faire grief. Il faut voir que, dans le domaine des recours qu'on doit souhaiter être en place dans une société démocratique, il y a, d'une part, les rôles dévolus aux comités d'usagers, aux organisations communautaires qui sont justement des rôles afférents à la promotion et à la défense des droits. Puis c'est autre chose, finalement, dans le cas du Protecteur. C'est plus comme l'examen, dans un cas particulier, de l'adéquation entre le service qui est supposé être donné et celui qui l'a été en réalité, ce qui a donné lieu à la plainte. Comme ça, en faisant des distinctions, on peut voir que chacun a un rôle à jouer et ne pas reprocher à l'un de ne pas faire le travail de l'autre, et vice versa. Mais vous revenez très souvent dans votre mémoire sur le rôle moral du Protecteur, et je vous pose la question en regard d'un dossier que je connais mieux que celui de la santé - mon collègue de Rouyn en est plus l'expert - celui de l'aide sociale. À l'aide sociale, vous avez des mécanismes de révision. La loi, ce qu'on pourrait souhaiter qui soit formalisé dans fa loi sur la santé mentale ou sur la santé et les services sociaux est prévu. Une révision possible devant un agent, mais pas celui-là même qui a pris la décision, un autre. Ensuite, il y a un autre recours qui est l'appel devant la Commission des affaires sociales, mais, parallèlement à ça, il y a la possibilité aussi de demander un examen du dossier par le Protecteur du citoyen. Puis, il y aura toujours la possibilité de venir voir son député, vous comprendrez, ou d'aller voir son organisme qui est, disons, un organisme de défense des droits. Vous voyez, il y a une sorte d'éventail d'interventions possibles. Si la personne pense qu'elle est lésée en vertu d'un des motifs de discrimination interdits dans la Charte, il y aurait, éventuellement...

Une voix: La Commission.

Mme Harel:... la Commission des droits de la personne ou le tribunal, mais ça, c'est pour des motifs bien spécifiques. Il n'y a personne qui, dans le fond, se pile sur les pieds là-dedans parce que chacun joue un rôle qui est différent. Le Protecteur du citoyen, examinant finalement la manière dont le service a été rendu ou sa conformité aussi avec le règlement ou avec la loi, la Commission des affaires sociales, elle, remettant, éventuellement, le... Mais c'est un tribunal quasi judiciaire, il y a beaucoup de formalisme. Vous voyez, le Protecteur du citoyen, ça se fait par téléphone. La personne n'a pas besoin d'écrire sa plainte, elle n'a pas besoin de se déplacer, tandis que le tribunal, nécessairement, c'est un formalisme qui exige des délais. Les délais sont de six mois pour l'aide sociale, un an pour la Régie des rentes, deux ans pour les accidentés du travail. Alors, est-ce qu'on n'aurait pas besoin d'un recours externe différent de celui qui dispense les services, mais qui soit plus léger? Moi, je le vois plus dans le sens, oui, d'une justice - comment est-ce qu'on peut dire, un peu comme quand on parle de la médecine douce-Une voix: Une justice douce. Mme Harel:... une justice douce, oui.

Mme Laurin (Claudine): Je vais me permettre de répondre à une partie. Si mes collègues veulent, après ça, continuer... Pour le rôle du Protecteur du citoyen, pour nous, c'était très clair. Si on cite la FATA, c'était clair pour nous que le Protecteur n'avait pas le même rôle que la FATA. Mais on le citait pour montrer que le Protecteur a le rôle de voir s'il y a eu erreur de droit dans le dossier. Il est là non pas pour défendre les droits; c'est pour ça qu'on le citait. Si on a appuyé aussi fort là-dessus, c'est que, pour nous, les recours, et on le dit dans le mémoire... Le droit adopté, pour nous, est complet; c'est le droit pratiqué qui manque. C'est là où on dit: Un recours de plus... On ne peut pas être contre la vertu. Moi, je veux bien. Je trouve qu'on a l'air un peu fou, des groupes de défense des droits, de dire: Non, on ne veut pas un autre recours. Effectivement que, pour la vertu, on peut en ajouter un autre. C'est un recours de plus dont la population peut se servir, mais c'est aussi un piège de plus de laisser croire qu'il va se faire une défense de droits alors que ce qui manque présentement, c'est beaucoup plus des mesures de défense de droits pour justement rendre le droit adopté prati-quable. Les gens, les recours...

À la CAS, c'est un délai effectivement long, mais on s'en est peu servi parce qu'elle est peu ouverte aussi. Il y aurait peut-être lieu d'aménager la CAS plutôt que de faire appel à un autre recours qui, lui, aura un pouvoir de recommandation, mais pas de pouvoirs coercitifs. C'est peut-être la CAS qu'il faut aménager plutôt que de nous mettre un autre recours, pour les services de santé. J'ai beaucoup de difficulté à parler pour l'aide sociale, parce que je connais les groupes de défense de droits. Pour eux, le Protecteur a été utile dans certains cas, oui, mais il n'en demeure pas moins que, pour la défense de droits, ils se battent encore avec. Ça n'a pas donné nécessairement beaucoup plus que s'il y avait eu un tribunal administratif d'ouvert et qu'ils auraient monté le dossier de la plainte. C'est dans ce sens-là qu'on voulait démontrer que c'est l'accessibilité aux recours et non pas un recours de plus qui nous manque présentement, dans le système.

Mme Harel: Si mon collègue me le permet, une seconde. J'avais pris connaissance, à la page 6 de votre mémoire, de cette conception que vous avez du fait qu'il faut rendre opérationnel le droit adopté. Et vous dites le "droit adopté". Mais vous vous référez à la politique de santé mentale, ce n'est pas un droit, ça.

Mme Laurin (Claudine): Non, non.

Mme Harel: Le droit n'existe pas. Le droit adopté, c'est encore un voeu pieux, là, parce que ça ne fait pas référence à aucune loi ou règlement. La manière de parler de droit ici, c'est en adoptant une loi ou des règlements. Le reste, c'est des voeux, comme les politiques, les livres blancs, etc. Si je comprends bien, je vous en remercie, mais vous nous citez des déclarations faites dans les politiques de santé mentale, pages 33 et 34, etc., qui n'ont rien à voir avec le droit adopté.

Mme Laurin (Claudine): On est très conscients. Ce qu'on veut dire, c'est que dans la politique... La référence à la politique, c'est pour appuyer les groupes de défense de droits. On sait très bien qu'une politique n'a pas force de droit. Si on s'y réfère, c'est parce que justement on a remarqué, si on a fait de la politique dans des groupes de droits, qu'il était pratiquement impossible d'appliquer le droit adopté tel que les Chartes canadiennes, les Chartes fédérales pour cette clientèle-là, tel que les recours à la Commission des affaires sociales pour tout autre cas, si ce n'est la cure fermée. Parce que, pour la CAS, il faut quand même laisser que l'individu en appelle de la cure fermée. Là-dessus, on s'en est amplement servi de ce recours-là.

Si on faisait référence à la politique, ce n'est pas parce que, pour nous, la politique est un droit, c'est qu'elle avait reconnu justement l'absence - c'est pour ça qu'elle a mis au monde des groupes, du moins on le pensait, c'était présenté comme ça - qu'elle reconnaissait qu'il manquait de paliers qui pourraient faciliter aux

gens l'accessibilité aux mécanismes de recours pour l'application des lois adoptées. C'est pour ça qu'on cite la politique, dans ce sens-là, pas parce qu'on veut que la politique ait force de droit, mate pour justement dire que c'est peut-être plus là encore qu'il nous manque un recours, qu'un recours ultime où on n'aura qu'un pouvoir de recommandation mais qui, à toutes fins pratiques, ne réglera rien entre l'application de mon droit adopté et de mon droit pratiqué. Je veux dire que c'est correct, ça donne un recours de plus à là population, mais pour la personne, les mécanismes, il va falloir aussi qu'elfe les suive, ça ne lui donne pas plus d'accessibilité pour toutes les raisons.

On parle des corporations professionnelles, ça ne règle absolument rien du problème des corporations professionnelles qui, je pense, dans le domaine de la santé, permettez-moi de vous le dire, c'est là que le bât blesse plus souvent qu'ailleurs, Bien, les corporations professionnelles étant des corporations très fermées - en santé mentale, tout devient de l'ordre de l'acte professionnel - la tentation, le nombre de cigarettes que tu fumes par jour, tout devient vite du traitement professionnel prescrit sous forme thérapeutique. Donc, que le recours du Protecteur soit là, moi, je me heurte encore à un pouvoir beaucoup plus fort. C'est là où je dis que c'est beaucoup plus pour nous, là, le problème que d'un autre recours.

M. Girard (Réjean): L'an passé, en tout cas, j'ai eu le plaisir de participer à un comité de travail au ministère de la Santé et des Services sociaux. D'ailleurs, le Protecteur du citoyen était très bien représenté à cette table-là; on a travaillé ensemble de façon, je pense, assez intéressante et où il y a eu une grande collaboration. À ce moment-là, on avait fait venir deux experts qui sont sûrement connus de vous, je pense à Me Molinari, je pense à Me Ménard. Me Molinari, qui est un académicien, est un individu quand même reconnu au Québec comme un expert en la matière. Me Ménard est plus praticien, mais aussi reconnu. D'ailleurs, il enseigne aussi. Tous les deux nous disaient: Tout est là. Les deux, on les a rencontrés à une table bien différente ou à une journée bien différente et tous les deux nous disaient: Peut-être que ça ne transpire peut-être pas assez à l'intérieur de ça. Mais moi, je pense que ça transpire dans le sens que tous les éléments sont là.

Nous, l'an passé, on s'était penchés, au fond, sur tout le système, que ce soit le recours à l'intérieur du système, quand on parlait des groupes d'aide et d'accompagnement et aussi du Protecteur du citoyen. À ce moment-là, on se rendait compte que ce qui est là présentement n'est pas utilisé à son maximum, d'une part. D'autre part, II y a une autre petite chose qui nous chatouille en tant que groupe communautaire. En santé mentale, vous connaissez sûrement la dynamique qui peut se passer à l'intérieur des groupes et comment ça peut fonctionner. Une chose qu'on avance, nous: l'individu doit prendre pouvoir sur sa vie. Il a passé un moment dans sa vie où il a flanché, il doit prendre pouvoir. Dans le cas de l'élargissement du Protecteur du citoyen, où ça ne nous fascine pas du tout, c'est un rôle extrêmement passif que le client a. Je ne dis pas qu'il ne peut pas corriger des choses. Je pense, qu'au Québec, cette institution a prouvé, en tout cas antérieurement, qu'elle avait fait avancer certains dossiers, mais, en santé mentale, on trouve que ce côté passif-là nous agace un peu. Et, dans votre comté, je pense que vous connaissez sûrement la problématique parce que vous êtes dans Hochelaga-Maisonneuve, si je me rappelle bien. Alors, de ce côté-là, nous, on dit: Bien, la participation de notre fille, de notre gars, qui est aux prises avec une problématique et qui fait déjà une démarche pour prendre du pouvoir sur sa vie, la bureaucratie part avec ça et l'individu reste quand même... Il ne fait pas vraiment, là... Il pose seulement l'acte de départ, mais il ne suit pas toute l'opération. De là aussi, ça, ça nous posait beaucoup de questions.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Si j'essaie de bien résumer votre mémoire, ce que vous proposez essentiellement, c'est d'améliorer, évidemment, le système actuel. C'est un peu vos propos de tantôt.

M. Girard: Oui.

Le Président (M. Dauphin): Également, modifier le système de plaintes à l'égard des corporations professionnelles, qui est un problème majeur.

Mme Laurin (Claudine): Oui.

Le Président (M. Dauphin): Ensuite de ça, vous proposez un système d'"advocacy" faisant référence à une loi fédérale américaine.

Dans le projet de loi 120, qui est public maintenant et qui sera étudié à partir de la semaine prochaine, évidemment, le recours à la Commission des affaires sociale n'existe plus. Chaque établissement a l'obligation d'établir des mécanismes de plaintes avec possibilité d'appel à une éventuelle régie régionale. Maintenant, si je comprends bien l'essence de votre mémoire, la Commission des affaires sociales n'existant plus, et vous plaidez qu'à cette commission-là, étant donné qu'elle a un pouvoir coercitif, vous trouvez ça encore plus fort qu'un pouvoir de recommandation d'un autre recours, notamment le Protecteur, qu'est-ce que vous pensez, en quelques minutes, du projet de réforme, le projet de loi 120? (15 heures)

Mme Laurin (Claudine): Je suis contente qu'on nous le demande. Je pense qu'on va être

très contents. Apparemment, il n'y a pas de commission parlementaire, ça nous donnera la tribune, au moins. Ce qu'on en pense, c'est que, pour nous, vraiment, qu'il n'y ait plus de recours, ça va être déjà un gros manque au niveau du respect de la promotion et du respect des droits qu'il n'y ait plus de recours à la CAS. Je dis la CAS comme je dirais... C'aurait pu être un autre modèle, mais un tribunal administratif avec mesures coercitives. Non pas qu'on ne croit pas au pouvoir de recommandation, sauf que... Bon, il y a certains hôpitaux pour en nommer... Je ne le nommerai pas, mais on est dans une salle de ce même nom... Ça fait deux fois, lui, qu'il vit des crises. Je pense que le pouvoir de recommandation a peut-être ses limites en soi aussi. C'est un net recul pour nous. Dans le projet de loi 120 aussi, on parle de mettre, justement, des groupes d'"advocates". Ce ne sont pas tout à fait des groupes d'"advocates" parce qu'il ne leur donne pas le pouvoir d'enquête. Il faut comprendre que la loi fédérale américaine qui a mis sur pied les "advocates" a été jusqu'à donner aux groupes de consommateurs le pouvoir d'enquête. Le modèle "advocate" va jusqu'au pouvoir d'enquête. il élargit les groupes de défense de droits à tous les individus.

Encore là, pour nous, ça cause problème, parce que si on regarde, l'OPHQ a été mis sur pied pour défendre des droits. Les droits des personnes en santé mentale n'ont pas été défendus avant la venue de la politique en 1989. Il y a eu beaucoup de groupes de pression qui se sont mis sur pied. La défense des droits des personnes handicapées a été faite par l'OPHQ, mais celle de la clientèle de santé mentale n'a pas été faite. Ce sont les adultes les plus vulnérables qui se retrouvent finalement dans un système où les méthodes de recours sont de plus en plus sophistiquées ou, si elles ne sont pas sophistiquées, elles sont élargies à toutes clientèles. C'est l'adulte vulnérable, le plus vulnérable, qui paie le plus au bout. Il n'a pas d'accessibilité à ces recours-là, il ne s'en sert pas et c'est encore lui qui paie la note.

Ça fait que le projet de loi 120 aurait à être aménagé en mettant un recours administratif coercitif, un tribunal administratif coercitif, et en ciblant des clientèles pour les groupes de défense de droits, si on ne veut pas noyer toute la clientèle d'adultes vulnérables dans un même...

Le Président (M. Dauphin): Vous comprendrez qu'il fallait - en tout cas, ça saute aux yeux - modifier le système actuel, parce qu'on nous a dit ce matin que, depuis plusieurs années, je pense, il y a eu sept appels à la Commission des affaires sociales, parce que seul le conseil régional peut en appeler, justement.

Mme Laurin (Claudine): Oui, et encore là, on n'a pas créé l'obligation. J'ai participé au même groupe de travail que M. Réjean Girard, et nous, dans le groupe de travail du ministère des Affaires sociales qui s'est penché sur le système de défense des droits, on créait l'obligation au conseil régional, lorsqu'une de ses recommandations n'était pas suivie, d'en appeler à la CAS. C'est que, dans l'ancienne loi, le conseil régional avait le droit d'en appeler à la CAS, mais il n'avait pas l'obligation d'en appeler. Donc, il y avait certains conseils régionaux moins revendicateurs que d'autres qui n'en appelaient pas. Je pense qu'il y avait des choses à aménager, soit de créer l'obligation qu'ils en appellent et, en même temps, d'ouvrir aux groupes la possibilité d'en appeler. C'est ce qu'on recommandait dans le comité de travail du ministère.

Le Président (M. Dauphin): L'autre question. Vous dites, à un moment donné, relativement à l'élargissement du mandat du Protecteur, que le financement de tels services ne pourra, selon le Conseil du trésor - et ça revient un peu à la question de mon collègue de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue, ce matin - être effectué que par l'allocation de sommes provenant de l'enveloppe budgétaire de santé mentale. Est-ce exact?

Mme Laurin (Claudine): Est-ce que vous voulez avoir le nom de qui on a reçu la missive? Non. C'est qu'on a vu une directive du Conseil du trésor qui est sortie, dans laquelle on disait que l'élargissement du mandat pourrait se faire par l'enveloppe budgétaire de santé mentale. C'est évident que, pour nous, il fallait absolument le mettre, parce que c'est un enjeu pour nous. De créer un recours en coupant des services, alors que, comme je vous le démontre, je pense, assez clairement, il y a un écart flagrant. Et, pour une fois, santé mentale venait d'avoir une supposée promesse d'argent, il fallait absolument dire que, pour nous, c'était déjà là un vice de droit.

Le Président (M. Dauphin): Vous dites que c'est une note de service.

Mme Laurin (Claudine): Une directive. Le Président (M. Dauphin): Une directive. Mme Laurin (Claudine): Oui.

Le Président (M. Dauphin): L'avez-vous avec vous?

Mme Laurin (Claudine): Je vais vous l'envoyer confidentiellement.

Le Président (M. Dauphin): II vous l'a envoyée confidentiellement?

Mme Laurin (Claudine): Oui.

M. Trudel: Ma question est la suivante. Suivant votre bonne volonté, si vous vouliez la déposer devant cette commission, ce serait très utile;

Mme Laurin (Claudine): D'accord. Je le ferai après, avant?

Le Président (M. Dauphin): On s'en parfera tentôt, parce qu'il faut que je prenne une décision là-dessus.

Mme Laurin (Claudine): II n'y a pas de nom dessus de toute façon.

Le Président (M. Dauphin): II n'y a pas de nom dessus.

Mme Laurin (Claudine): Non. Bien, il y a le nom du Conseil du trésor, mais je veux dire, il n'y a pas-

Le Président (M. Dauphin): Peut-être une dernière, avant de redonner la parole, céder le micro à mon collègue de Rouyn, juste une petite dernière.

M. Trudel: Ah! je m'excuse.

Le Président (M. Dauphin): Allez, allez-y, je reviendrai après.

M. Trudel: Non, non, allez-y. Je n'étais même pas sûr que j'allais poser cette question sur le Conseil du trésor parce qu'on a l'impression dans votre mémoire, que vous dites non au recours du Protecteur du citoyen, parce que ça augmenterait de façon assez significative le risque d'amoindrir le rôle d'autres organismes de défendre cette promotion des droits. La directive ou la missive, comme vous le dites dans votre texte ici du Conseil du trésor, ça vous amène à avoir cette réaction-là. C'est pour ça que c'est important pour la commission, d'abord de vous entendre, bien sûr, de nous dire ça et d'avoir les informations nécessaires, sous réserve de la décision du président, parce qu'il y a une question de droit là-dedans pour recevoir cette pièce-là, pour que nous puissions juger de la pertinence même, à la face même du problème, d'avoir un recours externe en matière d'exercice des droits ou des services reçus dans le système de la santé et des services sociaux, particulièrement.

J'ai envie à cet égard de procéder un peu par hypothèse et de vous dire: Si les organismes de défense des droits en santé mentale étaient pourvus de fonds adéquats et des responsabilités adéquates, et de tout ce que vous avez énuméré il y a quelques instants pour exercer votre rôle de façon, je vais employer le mot "sécuritaire", par rapport aux objectifs que vous poursuivez; si, deuxièmement, au niveau des établissements et de la régie régionale, nous avons effectivement un bon mécanisme de plaintes et de traitement des plaintes, est-ce que vous ne convenez pas que ces deux conditions étant respectées, il serait nécessaire par ailleurs, au niveau du respect des droits, qu'il y ait quelque part un recours externe, là je dis du type du Protecteur du citoyen? C'est pour ça que je veux procéder par hypothèse, parce que si vous nous répondez: Nous, on n'y va pas tellement sur la proposition d'élargir le mandat, parce que ça prendrait la place d'autres, alors on va procéder comme ça. Si ces conditions étaient présentes, ce serait quoi la réponse à ce moment-là?

Mme Laurin (Claudine): Ce serait toujours non. Ce qui nous manque, comme je le disais tantôt, c'est des pouvoirs, c'est un tribunal avec des mesures coercitives. Je pense que j'ai soulevé un problème qui est très crucial, puis ce ne sera pas l'élargissement du mandat du Protecteur qui va le régler, c'est le problème des corporations professionnelles. Au contraire, la loi 120 dans ce sens-là a créé le conseil des infirmières qui va avoir quasiment le même pouvoir que le CMDP, donc qui me ramène encore à un alourdissement. Pour nous, c'est clair que c'est un peu - bon, je ne voudrais pas blesser personne - leurrer la population que de penser que le recours du Protecteur du citoyen va apporter quelque chose de plus au niveau de la défense des droits dans le service de la santé et des services sociaux, de un, surtout beaucoup pour les corporations. Je veux dire qu'il est surtout là, le nerf de la guerre et que, bon, ça ne régie en rien ce problème.

En plus, ce qu'on dit, c'est remettre un pouvoir de plus, comme je vous l'ai dit tantôt, on ne peut pas être contre la vertu de remettre un recours de plus, mais ça n'en serait que là. Pour nous, c'est clair que ce n'est pas du tout le rôle du Protecteur du citoyen d'avoir tout l'élargissement du mandat. On lui en laisse un au niveau systémique, je pense qu'il est de son devoir, puis ça pourrait être très intéressant pour l'Assemblée nationale, que dans les politiques que vous mettez en place, le Protecteur soit collé sur des groupes et sur des comités de bénéficiaires pour voir ce que les politiques ont fait, ce que les règlements ont pu faire dans la pratique, conseiller l'Assemblée nationale et faire une approche critique systémique. Mais aux autres niveaux, pour nous, ce serait mettre un recours de plus, point. Mais il n'est pas nécessaire, et ce n'est pas une question de dire si ça nous enlève de quoi ou pas. Si on a émis la directive, c'était peut-être parce qu'on l'avait eue. Je pense que c'est important de sensibiliser le monde, mais l'argumentation n'était pas du tout appuyée dans ce sens-là.

M. Trudel: Je vais insister encore en ajoutant une autre condition dans mon hypothèse.

Si, premièrement, les organismes de défense et de promotion des droits étaient bien articulés, bien financés, bien supportés etc., si, deuxièmement, on avait un bon système de traitement des plaintes dans les établissements et au niveau des éventuelles régies régionales, je vais rajouter maintenant - je procède comme ça parce que, malheureusement, c'est ailleurs qu'il faut traiter la question des corporations professionnelles, sachant que oui, il y a d'énormes problèmes, d'énormes situations qui se prennent dans ce secteur-là - si les mécanismes des corporations professionnelles, quant aux actes professionnels, étaient adéquats - je pose ça dans un monde idéal - est-ce que les usagers du système de santé et des services sociaux ne seraient pas encore justifiés d'avoir un recours externe? Je ne parle pas simplement de ceux des personnes, particulièrement, dans le milieu de la santé mentale.

M. Girard: Je vais répéter un peu ce que je vous disais tout à l'heure. Pour ce qui est du mécanisme du Protecteur du citoyen par rapport à notre clientèle, du fait que ce soit un rôle passif, idéalement à partir de votre hypothèse, tout irait bien. Moi, je vois encore moins là, je veux dire, un élargissement, si vraiment tout fonctionnait de cette façon, que, dans les conseils régionaux, les mécanismes soient, disons, mieux rodés et qu'ils soient avantageux. Je ne verrais pas idéalement à partir de ça et que les groupes minoritaires soient bien financés et aient vraiment toute la marge de manoeuvre pour traiter les plaintes, pourquoi l'élargissement? Selon moi, en tout cas, ça vient alourdir la chose. Pour mon client, je vais vous dire de quoi, d'abord, ça veut dire un bureau régional ça. Le conseil régional quand on va en réunion pour eux autres, quand on commence à parler de CSS, de CRSSS, et là on va ajouter le Protecteur du citoyen. Je veux dire, c'est très compliqué; dans notre société, il y a tellement d'institutions. Est-ce que l'usager va être plus près? Moi, je dois vous dire qu'à partir de ce qui existe déjà, au niveau du traitement des plaintes au CRSSS, les usagers, les bénéficiaires au Québec, la majorité des gens ne connaissent même pas ce mécanisme-là, ils ne le connaissent même pas. Vous allez demander même à des gens qui ont eu une faiblesse dans le cours de leur vie, qui ont été - je ne sais pas - six mois, un an, deux ans dans une institution d'être encore plus vigilants que le citoyen ordinaire. J'en doute fort. Moi, je pense que l'élargissement du Protecteur du citoyen en tout cas dans ce dossier, nous apparaît et continue à m'apparaître à moi à de nous apparaître à tous, indépendamment de tout ce qu'on pourrait avoir comme régime idéal, pas nécessaire et que ça viendrait alourdir la machine.

Mme Laurin (Claudine): Aussi, il faudrait comprendre que, quand on vous dit que c'est une question de choix de société, à un moment donné dans le mémoire, c'est que, pour nous, le droit existe, il y a assez de lois pour se défendre. Il faut savoir si on veut mettre un autre mécanisme pour autorégulariser le système. Le mécanisme de traitement de plaintes en régie régionale est nécessaire, oui, pour la surveillance de la qualité des services, etc., mais, pour moi, ce n'est pas un mécanisme de protection des droits, c'est un mécanisme d'autorégulation. Dans ce sens-là, pour nous, le Protecteur en est un aussi qui est peut-être un peu plus large parce qu'il peut critiquer plus toute l'approche du système mais ça demeure une approche d'autorégulation quand même. Ou si l'on veut vraiment créer une place pour que la défense des droits puisse avoir son canal? C'est là, quand on vous parle de choix de société. Pour nous, le dilemme est vraiment là, et, nous, on s'est positionné en fonction de dire: C'est beaucoup plus le canal de la défense des droits qui reste à faire au Québec que le canal d'autorégulation. On a des tribunaux administratifs qui ont des pouvoirs coercitifs et on en a d'autres qui ont des pouvoirs de recommandation. Les mécanismes d'autorégulation sont en place. Ce qui manque, c'est beaucoup plus des places de défense des droits.

M. Trudel: Vous avez raison là-dessus. C'est plutôt un mécanisme d'autorégulation des droits que de défense des droits en soi. C'est une bonne précision là-dessus. Je reviendrai plus tard si... (15 h 15)

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Sur le même sujet, il y a certains groupes qui nous ont dit qu'avec des groupes de défense des droits des usagers, étant donné que leur rôle même, c'est de défendre les droits des usagers, donc dans un système d'"adversariat", si vous me permettez l'expression, certains nous ont dit que, face aux établissements, aux directions, ils se buteraient à plus de résistance que le Protecteur du citoyen, par exemple, qui est vu plutôt Impartial dans son rôle qu'un groupe de défense des droits qui, tout de suite en partant, et ça va de soi, est là pour défendre les droits des usagers. Il y aurait peut-être un parti pris et, de fait, une résistance accrue comparativement au Protecteur du citoyen qui, lui, de par son rôle impartial... Je ne sais pas si vous comprenez ma question, si je m'explique mal?

Mme Laurin (Claudine): Oui, je la comprends. C'est évident que ça crée... Bon, c'est vrai que c'est un système d'adversaires plutôt qu'un... Par contre, je veux dire, ce n'est pas le groupe de défense qui aura à juger. Le Protecteur se doit d'être impartial parce qu'il émet une recommandation. Le groupe de défense, nous, ce qu'on dit, c'est: Ouvrez les mécanismes qu'il y a là et donnez l'accessibilité aux groupes de

défense pour aller chercher le jugement. On ne demande pas de juger. On ira à la CAS, on ira à la Commission des droits de la personne, on Ira là où il faut aller pour que le client puisse faire valoir ses droits. Je ne pense pas que, dans ce sens-là, il y ait de... Je ne vois pas de problème comme te). Si j'avais le rôle, si vous donnez le rôle du Protecteur du citoyen aux groupes de défense, c'est-à-dire que eux, en plus de défendre la personne, de l'aider à se défendre, vont jusqu'à faire le jugement, mais là, je comprends qu'on prenne... Mais c'est là où j'appelle ça plus un mécanisme d'autorégulation, par exemple, parce que tu fais l'enquête et tu fais la recommandation. Moi, je trouve en tout cas qu'il y a un problème.

Le Président (M. Dauphin): Quelle est votre évaluation relativement aux recours actuels internes d'ombudsman? Et où (es situez-vous dans l'ordre des recours?

M. Girard: II y a un problème, dès le départ. C'est un peu juge et partie dans le sens que l'employeur est l'institution. Donc, l'ombudsman relève de son employeur qui est l'institution. À partir de ce fait-là, je pense que ça aussi, c'est un mécanisme d'autorégularisation, ça donne bonne gueule. On dit: Bah! Il y a un ombudsman. Je pense qu'il y a des gens à l'intérieur de ça qui font cette fonction-là, qui la font très bien et qui sont le plus intègres possible. Mais quand le directeur général vous fait venir à son bureau pour vous faire taire ou pour vous dire... Et ça, ça s'est passé au Québec où le directeur général, ou je ne sais qui, a fait venir la personne pour dire: Écoute, les sorties, c'est fini. Les sorties dans le sens d'aller siéger sur tel comité ou faire ces choses-là, là, c'est à l'intérieur de l'institution. Donc, parce que cette personne-là siégeait à plusieurs endroits... Ça, ça s'est passé dans une des institutions. Alors, on voit... Et pourtant, cette personne-là m'avait dit deux ans auparavant: Ah! ils sont ouverts dans notre institution, c'est extraordinaire, ils nous laissent aller. Non, non, je lui avais dit, moi: C'est drôle, parce que, en somme, vous devez aller contre votre employeur dans votre travail. Ça me pose question. Et la personne m'avait dit: II n'y a aucun problème. Cette année, en décembre, où j'étais dans une formation où cette personne-là était, bien j'avais la confirmation que ce que j'avais affirmé, il y a deux ans, était très très pertinent. C'est qu'on avait tout simplement dit d'aller plus mollo.

Mme Laurin (Claudine): La recommandation que le groupe de travail du ministère avait faite, on l'avait faite nôtre aussi. C'est que, pour nous, il est important que les hôpitaux, que les établissements aient la responsabilité de la gestion de leur qualité de services. Donc, qu'à ce titre-là, il y ait un responsable administratif du traitement de plaintes, pour nous, ça va de soi et ça en prend un. L'ombudsman est ce responsable administratif. Il faudrait qu'il change de nom, parce qu'il y a comme confusion face aux gens. Ombudsman, c'est un protecteur et ce n'est pas tout à fait ça, son rôle, Mais que chaque établissement ait son responsable administratif, pas seulement du traitement des plaintes, mais de la surveillance de la qualité de services, c'est là où on situe, nous, la fonction du rôle d'ombudsman qui était beaucoup plus claire et qui, je pense... L'établissement a quand même à être imputable de la qualité de ses services. Pour nous, c'était...

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Trudel: Là-dessus, toujours, mesdames et messieurs... Mais là, vous êtes bien conscients que si c'est normal et souhaitable qu'il y ait un mécanisme de qualité des services dans l'établissement qui les dispense, dans le projet qui nous est présenté en termes de modification de la loi de la santé et des services sociaux, il n'y a plus d'appel à la Commission des affaires sociales. Ce que vous soulevez, c'est que ça vous apparaît légèrement incestueux comme processus suite au témoignage ou au vécu que vous avez là-dessus. L'ensemble du processus qui est maintenant prévu ne sort pas de l'interne puisque la régie régionale est celle qui dispense les budgets ou donne les budgets à l'établissement, et l'établissement est redevable à cette régie régionale là.

C'est tout le même monde qui joue dans le petit carré de sable, hein? Alors, où on va après, si on veut faire vraiment... Si on dit: Bon, ça ne peut pas fonctionner parce que c'est du monde qui est en conflit, entre guillemets, de responsabilités. Où va-t-on après ça, compte tenu de ce qui nous est proposé?

M. Girard: On a l'impression que vous allez faire votre job, non? Vous allez aller... À l'Assemblée nationale, j'imagine que vous allez la poser la question. Il n'est pas adopté. C'est un avant-projet de toi, j'imagine, en ce qui concerne la CAS. Alors, on espère que vous allez faire les représentations compte tenu, effectivement, de ce que vous venez de décrire en "petit carré de sable", que vous allez faire aussi, à l'intérieur de la Chambre, cette revendication par rapport à ça. Mais est-ce que l'élargissement, par rapport à ça, du Protecteur du citoyen va venir beaucoup changer les choses?

Moi, je pense que la CAS, c'est important de la maintenir. Il paraîtrait qu'il va y avoir quand même un débat autour de la question de la nouvelle loi qui nous est présentée. Je ne parle pas de celle-ci, mais de l'autre, celle de la santé et des services sociaux. Nous, c'est sûr que notre position, que la disparition de la CAS est monumentalement terrible pour tout le monde. Je veux dire qu'il est bien sûr qu'il ne faut pas, je pense, la laisser glisser comme ça. Mais par

rapport à l'élargissement du Protecteur...

Mme Laurin (Claudine): Moi, je suis tout à fait...

M. Trudel: ...perplexe. Ça va. J'avais demandé: II faut qu'il y ait une suite du monde là-dedans quelque part, parce qu'effectivement... D'abord, soyons précis dans le langage. Il n'y a pas abolition de la Commission des affaires sociales. Il y a abolition de la possibilité d'avoir un recours pour les usagers de la santé et des services sociaux. On s'entend bien là-dessus. Mais, à ce que je comprends comme message, c'est que, pour le mécanisme qui est prévu actuellement dans le projet de loi, vous dites: Ça ne fonctionne pas parce que c'est trop incestueux, c'est trop à l'interne. Il faut que soit rétablie la possibilité d'avoir - je le dis carrément - un jugement devant un tribunal quasi administratif, qui s'appelle, le cas échéant, la Commission des affaires sociales, et non pas comme recours externe, le Protecteur du citoyen.

Sur le Protecteur du citoyen, vous ajoutez: On ne peut pas être contre un autre organisme qui nous permettrait, probablement, d'avoir une meilleure vérification, une meilleure adéquation entre la prestation des services à rendre et ceux qui sont effectivement rendus, sauf que ça ne vous apparaît pas essentiel dans les circonstances actuelles. Ça vous apparaît beaucoup plus essentiel d'avoir le recours de type quasi judiciaire devant la Commission des affaires sociales que d'aller au Protecteur du citoyen. C'est bien ça?

Mme Laurin (Claudine): Oui. Autre chose aussi, c'est que, pour nous, c'a toujours l'air fou de dire non à un recours, mais la politique et le droit pour nous n'ont pas toujours fait bon ménage. À ce moment-là, c'est là où on se dit: Quand on a recours à des tribunaux, je pense qu'on évite certaines... Mais la politique est le... Le Protecteur étant nommé par l'Assemblée nationale, nous, on croyait que c'était beaucoup plus de garder les tribunaux qui ont des mesures coercitives. Laisser au Protecteur le systémique, ça va. Mais, pour le reste...

M. Trudel: Je vous avoue là-dessus qu'il y a comme une difficulté. Si on veut laisser le systémique au Protecteur du citoyen, il faut bien lui donner le champ de compétence.

Mme Laurin (Claudine): Ce qu'on veut dire, c'est qu'il pourrait faire rapport à l'Assemblée nationale. Deuxièmement, les groupes pourraient lui faire rapport pour qu'il fasse... Bon, comme là, si la loi 120 était sortie, elle serait en application et il pourrait, à ce moment-là, avoir le mandat de faire le rapport à l'Assemblée nationale ou, nous, venir faire rapport à l'Assemblée nationale. Mais ce qu'on voulait dire, c'est qu'au niveau du système, au niveau de la politi- que du bien-être social, je pense qu'il a déjà juridiction, il a fait rapport. Mais il ne peut pas gérer. C'est là où on disait, le systémique, il peut le gérer, mais pas au niveau...

M. Trudel: Je terminerai là-dessus, M. le Président. J'ai l'impression qu'on a encore un peu de confusion sur les mots. Pour reprendre la comparaison de ma collègue, députée de Hochela-ga-Maisonneuve, par rapport à l'aide sociale, le Protecteur du citoyen n'a pas, en soi, de juridiction sur le contenu.

Mme Laurin (Claudine): Non.

M. Trudel: C'est sur les processus...

Mme Laurin (Claudine): L'application.

M. Trudel: ...et le processus administratif qu'il a droit de regard parce que la loi est administrée par du personnel qui fait partie de la fonction publique. C'est d'ailleurs la seule chose qui fait que tout le réseau de la santé et des services sociaux est exclu. Ce personnel-là ne dépend pas, n'est pas engagé, n'est pas relié à l'État par la Loi sur la fonction publique. C'est pour ça que je dis: II me semble qu'il y a encore un peu de confusion sur le... Quand on dit: Extensionner le droit de recours externe au Protecteur du citoyen, ce n'est pas, en soi, par rapport aux droits de la personne, c'est par rapport aux services qui lui sont administrés par la loi qui prévoit l'organisation de ces services-là, s'il y a adéquation ou pas.

Mme Laurin (Claudine): Ça, c'est très clair. C'est d'ailleurs pour ça qu'on dit non.

M. Trudel: Dans ce sens-là, je comprends que, dans le secteur de la santé mentale, votre préoccupation d'approche domine quant au rôle actif parce que, pour vous, ça fait comme partie du processus de reprise en main. "Se donner du pouvoir", que vous avez employé comme expression, j'ai trouvé ça beau.

M. Girard: C'est de prendre du pouvoir sur sa vie. De reprendre le pouvoir sur sa vie.

M. Trudel: Prendre du pouvoir sur sa vie.

Mme Laurin (Claudine): Ce n'est pas juste pour la santé mentale. Me Ménard nous faisait remarquer, au comité de travail, qu'il n'y a pas présentement de lieu où la plainte appartient au plaignant. Puis moi, ça, je pense aussi que c'est un vice quelque part, dans un système de défense de droits ou de protection des droits. Dès qu'on porte plainte, la plainte n'appartient plus au plaignant. Ça peut s'adresser autant aux personnes âgées, pas juste en santé mentale. Je pense qu'il pourrait y avoir une place où la plainte

appartienne au plaignant.

M. Trudel: Dernière petite question, j'avais oubliée celle-là. J'ai l'impression que, dans certains milieux ou dans certaines institutions, on est relativement, entre guillemets, bien organisés sur l'accompagnement des plaignants quant aux services qu'ils reçoivent ou quant aux droits qui sont bafoués ou pas. Vous n'avez pas l'impression que, par ailleurs, dans beaucoup de régions du Québec, on est loin d'avoir vu jouer dans ce secteur d'activité là. Vous travaillez dans ce secteur d'activité, vous n'avez pas l'impression que, dans beaucoup de régions du Québec, ça n'existe pas ce minimum-là de ressources pour accompagner les personnes qui n'ont pas reçu des services auxquels elles pensent avoir droit ou dont on pense qu'il y a eu un droit qui a été lésé?

Mme Laurin (Claudine): Les ressources existent, mais elles sont souvent au minimum. Dans l'ensemble du Québec, les ressources existent, que ce soient des ressources qui se sont formées par volontariat, comme les ADDS pour défendre les droits des assistés sociaux. En santé mentale, il s'en est formé aussi partout. Ce qui manque, c'est beaucoup plus de l'équipement, au niveau tant des ressources financières qu'humaines, mais je pense que, dans l'ensemble du Québec, les territoires sont assez bien couverts par des organismes communautaires qui n'ont malheureusement pas la force pour pouvoir amener à faire vraiment de l'infiltration.

M. Trudel: Ça va. Merci. C'est complet pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Peut-être juste une dernière question, si vous me le permettez, concernant les corporations professionnelles. Lorsque vous nous dites qu'il faudrait trouver des mécanismes de recours différents, souples et efficaces, à quoi faites-vous référence exactement pour être plus précis?

Mme Laurin (Claudine): On s'est penchés longtemps là-dessus. Pour nous, d'en appeler au CMDP - c'est le Conseil des médecins, des dentistes et des pharmaciens - n'est pas un mécanisme en soi. De un, le plaignant n'est pas entendu. La plainte est étudiée, si elle est recevable, après, il y a un comité de discipline. Pour nous, ce n'est pas un mécanisme qui est accessible pour les usagers. C'est là où on mettait le responsable administratif, avec le conseil d'administration de l'établissement, responsable également des plaintes qui pouvaient se traiter en établissement. C'est un mécanisme qui, pour nous... Puis le traitement de la plainte était unique, c'était souple, que ce soit parce que tes heures de sortie ont été brimées ou que ce soit parce que tu trouves que le médecin a fait une erreur dans ton traitement, c'est la même procé- dure. En plus, avec le projet de loi 120, la commission des infirmières, il va y avoir un mécanisme de plus, ce qui va faire, bon, un mécanisme de traitement de plaintes pour quoi? Pour tout ce qui est administratif, gestion de vie courante, qualité de vie? Pour le traitement professionnel des infirmières, on va aller au conseil des infirmières de l'établissement, puis pour ce qui est d'un médecin, on va aller Conseil des médecins et dentistes? Moi, je pense que ce n'est pas très clair pour l'usager quand il entre dans une boite. (15 h 30)

M. Girard: Que l'usager soit représenté et qu'il puisse présenter sa plainte. En fait, la personne qui pourrait s'occuper de la régularisation pourrait être présente. Mais dans l'incorporation professionnelle, le client... C'est entre pairs. Quand on regarde la moyenne qu'on présente dans notre mémoire, on le dit très bien, sur 700 - on peut se poser des questions - 12 ou 13, ça laisse à désirer.

Le Président (M. Dauphin): Alors, c'est terminé. J'aimerais, au nom de tous les membres de la commission, vous remercier, M. Girard, M. Marcoux et Mme Laurin, pour votre participation à nos travaux. Je vous remercie encore une fois, ce fut très intéressant.

Mme Laurin (Claudine): On espère que vous ferez cheminer les recommandations à la bonne commission parlementaire pour ce qui ne vous regardait pas, mais qui regardait plutôt l'autre.

Le Président (M. Dauphin): Ah oui, oui!

M. Trudel: Merci beaucoup. On essaiera de faire cheminer, mais si vous pouvez écrire, écrivez aussi.

Mme Laurin (Claudine): Ah! Ça va être fait.

Le Président (M. Dauphin): Alors, nous allons prendre juste une minute avant de débuter avec la curatrice publique, Mme Fontaine qui est accompagnée de Me Boivin.

Curateur public

Mme Fontaine (Nicole): C'est ça, Me Boivin. On est accompagnées également de François St-. Cyr qui est responsable, chez nous, du service des plaintes.

Le Président (M. Dauphin): Bienvenue à nos travaux. Si vous nous permettez, juste une minute pour permettre aux membres de revenir à leur place.

Ça va? Alors, encore une fois, bienvenue, Mme Nicole Fontaine, curatrice publique. Comme vous le savez, nous avons une période de 45 minutes qui nous est allouée. Vous avez donc

environ 15 minutes pour présenter votre exposé. Ensuite, on procédera à une période d'échanges d'environ 30 minutes.

Mme Fontaine: Merci, M. Dauphin. Mesdames, messieurs, ça nous fait bien plaisir, le Curateur public, d'avoir l'occasion de nous exprimer sur un sujet, un organisme qui, pour nous, est d'importance au Québec, qui joue un rôle très important. D'ailleurs, il y a des similitudes importantes entre le rôle du Curateur public et le rôle du Protecteur du citoyen. Nous avons tous les deux, entre autres, la mission de la protection des droits, la protection et la défense des droits et des intérêts des personnes.

Peut-être pour remémorer un peu notre mission, au Curateur public, je rappelle que nous devons protéger les droits et les biens des personnes inaptes, les personnes réellement inaptes et les biens délaissés, c'est-à-dire les biens dont les propriétaires sont introuvables ou qui ont été abandonnés, les successions vacantes, ce genre de biens là. Quelques chiffres pour illustrer: Nous représentons directement, nous sommes tuteur ou curateur, actuellement, à 16 000 personnes majeures au Québec; nous supervisons 5000 tuteurs et curateurs aux majeurs; également, nous supervisons 12 000 tuteurs aux mineurs. Alors, c'est notre - peut-être pour reprendre une expression un peu cavalière de tout à l'heure - "carreau de sable", c'est notre champ d'action.

Pour les fins de l'application de la Loi sur le Protecteur du citoyen, le Curateur public est assimilé à un organisme et, conséquemment, on peut faire l'objet d'une plainte effectivement auprès du Protecteur du citoyen, ce qui a été le cas aussi. Une collaboration dans les dernières années s'est développée entre le Protecteur du citoyen et le Curateur public et elle nous a permis d'améliorer grandement notre propre système de traitement de plaintes, d'ajuster nos services dans le sens des recommandations qui nous avaient été transmises par le Protecteur. Nous avons trouvé ça très utile. Quelques chiffres aussi pour vous illustrer cette situation. En 1989, 36 % des plaintes soumises au Curateur public concernant ses services provenaient du Protecteur du citoyen. Nos chiffres sont maintenant disponibles pour l'année 1990; cette année, c'est seulement 20 %. Nous avions prévu, effectivement, une diminution des plaintes provenant du Protecteur du citoyen. C'est le cas. On pense que la collaboration instituée entre nos deux organismes et peut-être l'amélioration aussi de notre service des plaintes ont permis cette diminution. Également d'autres chiffres intéressants: nos plaintes, pour l'année 1990 par rapport à l'année 1989, des plaintes globales, générales reçues au Curateur public, ont diminué de 32 %. On est très heureux de ces chiffres-là, mais on pense qu'on a encore beaucoup de travail à faire, en ce sens qu'on devrait viser aucune plainte.

À titre de représentant légal, le Curateur public peut être appelé aussi à recourir aux services offerts par le Protecteur, c'est-à-dire que comme le Curateur public représente personnellement les 16 000 majeurs qui sont sous un régime de protection, c'est comme si on agissait en leur nom. Donc, à ce titre-là, on peut porter plainte pour la personne qu'on représente personnellement auprès du Protecteur. On ne l'a pas fait vraiment jusqu'à maintenant, on a pu régler beaucoup de situations. L'occasion aurait pu nous en être donnée dans un prochain avenir dans la perspective qui existait ou qui est encore présente, d'une éventuelle juridiction du Protecteur sur le réseau de la santé et des services sociaux. Un bon nombre de difficultés rencontrées par la clientèle du Curateur public sont reliées à l'organisation des services de ce réseau. Effectivement, notre clientèle est en très grande majorité hébergée ou reçoit des services du réseau santé et social. Je rappelle notre quatre grands types de clientèle. Ce sont les gens qui ont des troubles mentaux, donc tout le secteur de la santé mentale nous touche de très près; ce sont également les gens qui ont des déficiences intellectuelles, donc ce secteur-là aussi nous intéresse beaucoup; ce sont les personnes âgées qui, à cause de problèmes organiques, deviennent inaptes, donc aussi, c'est très proche du réseau santé-social; et enfin, toutes les personnes qui ont des troubles de traumatismes crâniens. Alors, comme vous voyez, on est très proche, on est les proches collaborateurs de ce réseau-là, tout en étant plutôt dans le réseau de la justice. Donc, vous comprendrez notre intérêt à venir dire nos commentaires sur les propositions ou les questions qui sont soulevées quant au Protecteur du citoyen.

Je passerai donc tout de suite aux commentaires. D'abord, l'indépendance du Protecteur du citoyen. Le mode de nomination actuel, à notre avis, garantit l'impartialité et l'objectivité qui sont nécessaires dans l'exercice des fonctions, de sorte qu'il ne nous semble pas pertinent de proposer de changer. Étant des élus, les députés de l'Assemblée nationale chargés d'entériner sa nomination ont pour mandat de représenter les citoyens et citoyennes de leurs comtés respectifs et de défendre leurs intérêts. En ce sens, le choix du Protecteur du citoyen devrait refléter aussi leur volonté.

Par ailleurs, nous ne sommes pas convaincus que la nomination de plusieurs vice-protecteurs du citoyen aurait pour effet, aux yeux du public, d'améliorer l'accessibilité et la qualité des services offerts par le Protecteur du citoyen. Selon nous, on pourrait voir là un alourdissement des structures qui ne produirait pas nécessairement l'effet recherché, à savoir assurer aux usagers un recours plus personnalisé. Le vice-protecteur risquerait d'être perçu comme un intermédiaire additionnel entre l'usager et le Protecteur lui-même. Par ailleurs, si cette proposition-là, si la nomination des vice-protec-

teurs vise la régionalisation des services dans la perspective de rapprocher le Protecteur des citoyens, le but pourrait être légitime, mais peut-être qu'un moyen différent pourrait être plus approprié. Par exemple, ça pourrait être par un moyen plus léger, tel que la désignation d'agents de liaison ou de certains adjoints plutôt régionaux, directeurs régionaux, on peut les appeler de différentes façons. Je pense que ça, c'est plus dans le plan d'organisation des structures de l'organisme que d'être mis dans une loi. C'est plus une question d'organisation de services chez le Protecteur du citoyen.

L'indépendance budgétaire du Protecteur du citoyen. Ce n'est pas là une question, peut-être, prioritaire, mais on tient à se dire favorables à la proposition voulant que le Protecteur puisse soumettre ses demandes d'effectifs et de budget directement à l'Assemblée nationale. Ça nous semble approprié. Il y a deux autres organismes qui sont financés de cette façon-là, et on serait en accord avec ça.

L'accessibilité au Protecteur du citoyen, maintenant; l'accessibilité pour tous les citoyens. Nous partageons l'opinion à l'effet que le Protecteur du citoyen, malgré l'augmentation des demandes qui lui sont adressées, demeure malheureusement peu et mal connu de bon nombre de Québécois, particulièrement de ceux qui résident peut-être en dehors des grands centres et peut-être de certains groupes socio-économiques plus défavorisés, qui n'ont pas vraiment accès ou qui ne sont pas habiles à gérer ce genre d'information là. On pense qu'il devrait se publiciser davantage auprès du grand public, mais peut-être plus particulièrement auprès de publics cibles, peut-être plus sujets à avoir besoin de ces services-là, éventuellement, et aussi vers des régions plus cibles qui, justement, méconnaissent le Protecteur et ne peuvent pas recourir à cette instance-là pour les aider.

L'apport du député, maintenant. Il est vrai, comme vous l'affirmez dans votre document de consultation, que le député joue en quelque sorte un rôle d^ombudsperson" dans son comté, en se faisant le porte-parole des citoyens qui lui expriment leur mécontentement, ou leurs besoins d'aide, ou leurs plaintes à l'égard de différents aspects de l'administration gouvernementale. Ce rôle s'avère essentiel dans l'ensemble des fonctions du député. Toutefois, à notre avis, il faut éviter de faire en sorte que les plaintes destinées au Protecteur du citoyen soient d'abord acheminées au député, comme ça peut se faire dans d'autres systèmes, dans d'autres pays. Les pays sont différents, donc des systèmes différents.

Le Protecteur doit être dégagé de tout lien politique et doit, à notre avis, demeurer impartial aux yeux de la population. Que le député se fasse un devoir d'informer la population de son comté de l'existence et du mandat du recours possible au Protecteur du citoyen et de le diriger vers celui-ci, de lui faciliter cette démarche la, pour les plaintes qui sont de son ressort ou qui lui sont adressées, nous serions d'accord avec ce type de démarche ou de collaboration, mais nous sommes d'avis de ne pas mettre le député dans une position où c'est lui qui ferait le triage et qui devrait acheminer les plaintes au Protecteur du citoyen.

L'efficacité du recours au Protecteur du citoyen, qui est un élément important, la prévention et l'approche systémique. À ce chapitre, nous partageons l'avis de ceux qui estiment qu'il est de la raison d'être du Protecteur du citoyen de favoriser l'approche individuelle. Le citoyen ou la citoyenne aux prises avec un problème relié à l'appareil gouvernemental et qui se considère lésé dans ses droits doit pouvoir continuer à faire appel sans réserve au Protecteur, pour y trouver une écoute personnalisée et éventuellement, avec la collaboration du ministère ou de l'organisme concerné, la solution à son problème, et ce, tant que chacun des ministères et organismes n'aura pas mis sur pied un système de traitement des plaintes, et on sait qu'elles sont en très grand nombre présentement. Si on regarde les recommandations qui ont été adressées récemment à toute la fonction publique, il y a donc une étape importante à faire. C'est important de conserver le mécanisme du Protecteur du citoyen pour l'adresse individuelle et le traitement individualisé des plaintes tant que tous les autres services de plaintes, par organisme ou ministère, ne seront pas mis en place. (15 h 45)

On pense que ce service individualisé n'est pas une entrave à la mise en application d'une approche systémique, celle-ci pouvant, d'ailleurs, en être le prolongement. Et c'est presque inséparable, comme vous l'expliquez dans votre document. Le Protecteur du citoyen doit, au surplus, être encouragé à agir de cette façon lorsque les circonstances s'y prêtent. C'est d'ailleurs par le biais d'une telle approche que l'occasion lui est fournie d'intervenir de manière préventive, en étant collé sur les problèmes que les gens lui présentent, et en recommandant, par exemple, des changements à une directive, à une orientation ou à un règlement, ou encore une loi afin de corriger une injustice qui est subie par plusieurs personnes. On peut voir que c'est plus un problème de système qu'un problème seulement individuel.

Également, toujours dans une perspective de prévention, le Protecteur du citoyen, lorsque témoin d'une injustice, et bien que celle-ci n'ait pas été portée à son attention par l'intermédiaire d'une plainte, devrait prendre l'initiative de faire enquête et, s'il y a lieu, de prendre les moyens appropriés pour voir à faire redresser la situation. Il demeure que nous aurions des réticences à ce que le Protecteur du citoyen réoriente complètement ses activités afin de privilégier seulement l'approche systémique au détriment de

l'approche individuelle qui semble correspondre aux besoins de la majorité des usagers, présentement et, on pense, pendant encore un bon laps de temps.

En fait, les deux ne s'excluent pas: elles peuvent être complémentaires et s'appliquer indépendamment l'une de l'autre, selon les circonstances. On pense, par exemple, qu'une approche systémique transitoire qui pourrait être intéressante pour le Protecteur du citoyen, ce serait, par exemple, d'être: support, information, conseil à la mise sur pied des différents systèmes, service de plaintes qui devra, dans les prochaines années, être mis sur pied par tous les organismes et ministères du gouvernement. Ça pourrait être un rôle intéressant, parce qu'il y a sûrement un savoir-faire, là, relié aux plaintes et à la qualité des services qui est à développer. Il n'est pas acquis, on le sait.

Le pouvoir de recommandation. Nous verrions plusieurs avantages à ce que l'expérience actuellement vécue en Ontario soit transposée au Québec et que, par conséquent, soit créé un comité parlementaire permanent. On trouve que c'est une bonne idée. Un tel comité aurait très certainement pour effet de renforcer les pouvoirs du Protecteur du citoyen,, quant à l'exécution de ses recommandations, en exerçant une pression additionnelle sur les organismes et ministères récalcitrants à les appliquer. Ceux-ci, d'ailleurs, se verraient contraints d'y répondre de leurs omissions ou inactions, ou encore y trouveraient un lieu pour justifier les fondements de leur position. En bout de ligne, ce sont les citoyens et citoyennes qui bénéficieraient des retombées d'une intervention, dès lors devenue plus énergique et plus visible, du Protecteur du citoyen.

Par ailleurs, nous pourrions éventuellement nous montrer favorables à ce que le Protecteur du citoyen soit autorisé à entreprendre des poursuites devant les tribunaux au nom de la personne lésée, mais, dans l'immédiat, nous croyons qu'il est préférable d'éviter cette judiciarisation et de privilégier la mise en place du comité parlementaire permanent, ce qui nous apparaîtrait aussi efficace sans une judiciarisation accrue. Celui-ci devrait, nous l'espérons, se révéler suffisant pour amener les parties à une plus grande volonté de régler un litige. Toutefois, si la création de ce comité, le cas échéant, ne produisait pas les effets escomptés, l'hypothèse du recours devant les tribunaux par le Protecteur, au nom des usagers, pourrait à nouveau être envisagée à titre de démarche de dernier ressort. Également, le rapport annuel du Protecteur devrait être déposé à cette instance.

Le recours aux médias. L'on pense que ça doit demeurer un moyen dont peut disposer le Protecteur du citoyen lorsqu'il est indiqué de sensibiliser l'opinion publique quant à la résistance d'un ministère ou d'un organisme, mais on pense aussi que le recours à ce moyen pourrait servir à d'autres fins éminemment intéressantes, qui seraient, justement, de souligner les améliorations qui ont été apportées à un système ou à un organisme suite à son intervention. En même temps, la population pourrait constater davantage la nécessité du Protecteur du citoyen, autant par les moyens publics que par les médias qu'il prendrait pour amener une organisation à se réformer, mais aussi en soulignant les efforts intéressants, les résultats intéressants qui auraient pu émaner.

L'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen: le coeur, dans le fond, de vos questions. Les organismes non visés par la Loi sur le Protecteur du citoyen. Le Curateur public a déjà eu l'occasion de manifester son approbation quant à une éventuelle extension du mandat du Protecteur du citoyen à l'endroit des organismes ou établissements du réseau de la santé et des services sociaux. Nous avons fait état de cet accord lors de notre mémoire présenté à cette commission parlementaire, compte tenu, particulièrement, des besoins de notre clientèle et des difficultés particulières auxquelles nos clients sont confrontés.

Le système actuel de traitement des plaintes dans le réseau avant, bien sûr, ce qui est proposé dans la réforme, ne permet pas toujours, et on le sait tous, aux conseils régionaux d'assurer l'application de leurs recommandations. Il arrive que des conflits demeurent et que les gens n'aient pas vraiment de solution à leurs problèmes. Il y a aussi la situation potentielle de conflit d'intérêts, bien sûr. On pense que, dans le projet de loi 120, présentement, il y a des propositions très intéressantes, à notre avis, qui sont quasiment des préalables importants ou des premières instances indispensables à toute étendue du rôle du Protecteur du citoyen. Je pense aux services des plaintes qui doivent être mis sur pied localement dans chacun des établissements. Je pense que c'est un pas extrêmement important. Ça existe déjà, avant même la loi, dans certains établissements, mais ça devra être généralisé et, également, la responsabilisation des régies régionales avec les services des plaintes. Cependant, le rôle des régies régionales à cet effet-là pourrait être augmenté, par exemple, voir non seulement que les services de plaintes soient mis sur pied dans les institutions, mais être responsables quant à l'évaluation de ces services pour s'assurer que c'est efficace.

L'intervention ultime du Protecteur du citoyen, compte tenu de sa neutralité et des moyens dont il dispose, pourrait permettre dans les cas non résolus d'être la dernière instance, finalement. Si la personne s'est présentée à rétablissement, n'a pas été satisfaite, qu'elle se présente à la régie régionale et qu'elle n'est pas non plus satisfaite, il nous apparaîtrait intéressant, toujours, d'avoir une dernière instance. Est-ce que ce serait la Commission des affaires sociales qui existait? On ne sait pas si elle va encore exister. Est-ce que ce serait le Protecteur

du citoyen? Je pense qu'il y a là un sujet à débattre. On pense qu'il est absolument essentiel qu'il y ait peut-être une dernière instance, soit l'un, soit l'autre, ou peut-être les deux.

En fait, tous les ministères, établissements et organismes devraient se doter d'un mécanisme rigoureux de traitement de plaintes et le Protecteur du citoyen, comme je le disais tout à l'heure, pourrait jouer un rôle de support et d'incitation à ce que ça se fasse rapidement et bien.

Les "ombudspersons", là où leur présence est possible, constituent un mécanisme qui est approprié dans un système interne de traitement de plaintes. Leur utilité ne fait plus de doute, notamment dans les établissements du réseau santé-social, là où il y en a. Dans ia perspective d'un système interne, efficace et complet de traitement de plaintes, les "ombudspersons" devraient en faire partie intégrante. Toutefois, étant donné la marge de manoeuvre et l'indépendance dont elles ont besoin dans l'exercice de leurs fonctions, les "ombudspersons" devraient dépendre d'une instance autre que la direction générale de l'établissement ou de l'organisme. On pense, par exemple, au conseil d'administration. Ça nous semble toujours important. On voit que le projet de loi ne va pas tout à fait dans ce sens-là, mais déjà, il y a un pas très important dans ce sens-là, par la proposition qu'ils font que ce soit rattache à la direction supérieure de rétablissement. On pense aussi que les "ombudspersons" devraient demeurer une entité distincte du Protecteur du citoyen. Ça nous apparaît très important.

Les autres limitations à la compétence du Protecteur du citoyen. On pense à la possibilité d'une éventuelle juridiction sur les mérites des décisions des tribunaux administratifs. On est d'avis qu'une telle possibilité devrait être écartée. Il y a d'autres instances, et on pense que ces instances-là devraient être séparées. On ne retient pas cet aspect. Il nous semblerait pertinent que le Protecteur du citoyen puisse avoir compétence, par ailleurs, sur les contractants qui sont reliés aux ministères et organismes par des contrats de services dans l'exercice de leurs fonctions. Mais on pense que les recommandations devraient être adressées aux ministères et organismes qui devront voir à leur mise en application et s'occuper eux-mêmes de leurs contractants.

L'interruption de la prescription. C'était une autre question que, peut-être, vous pourrez lire. Je pense à l'obligation des fonctionnaires d'informer les citoyens et citoyennes de la possibilité d'un recours au Protecteur du citoyen. On est portés à donner une réponse affirmative à cette question que vous posez. Il semble aller de soi que les employés des ministères et organismes recevant des plaintes directement des citoyens - ce qui devrait être le cas généralement -aient l'obligation de les informer d'un recours possible auprès du Protecteur du citoyen. Des amendements pourraient être apportés dans ce sens à la Loi sur la fonction publique. Des protocoles pourraient être faits, par ailleurs, entre ces ministères et organismes avec le Protecteur du citoyen tel que cela existe déjà entre le ministère du Revenu et le Protecteur du citoyen.

Mais avant tout, je pense que le point principal que nous faisons c'est que les premiers éléments à mettre sur pied, ce sont vraiment d'avoir un système de traitement des plaintes dans chacun des ministères, organismes et chacun des établissements si l'on pense au réseau qui est le plus proche, notre partenaire principal, le réseau santé et social.

Je pense que l'expérience a montré au Québec l'utilité du Protecteur du citoyen au sein de la société québécoise. On a pu entendre plusieurs commentaires. Le rôle n'est peut-être pas parfaitement joué, il y a place à amélioration, mais ça, je pense que plusieurs ministères et organismes sont aussi dans ce cas-là.

Le Curateur public approuve toutes les propositions allant dans le sens d'accroître l'efficacité et l'accessibilité des services de plaintes. En bout de ligne, on pense que ce sont les citoyens et les citoyennes qui en bénéficieront puisque les ministères, les organismes et les établissements devront être plus vigilants quant à la qualité des services, et peut-être être amenés à prendre le virage clientèle, service de qualité à la clientèle. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons débuter la période d'échanges avec M. le député d'Iberville.

M. Latrance: Merci, M. le Président. Si je comprends bien, madame, le rôle de la curatelle, c'est une entité administrative et même, peut-être, vous agissez comme conseillers légaux aussi de façon à vous occuper des personnes qui deviennent ou qui sont reconnues inaptes pour s'occuper d'elles-mêmes. Dans un tel cas, vous allez vers un tuteur, vous allez aider à trouver un tuteur ou le gouvernement par votre organisme va prendre cette personne-là en charge. Dans quelle mesure est-ce que vous vous impliquez pour la défense des droits des personnes que vous prenez à votre charge, que le gouvernement prend à sa charge?

Mme Fontaine: Le Curateur public - c'est comme ça que l'organisme s'appelle - est d'abord et avant tout une personne nommée pour être à la place des personnes qu'il représente, les 16 000 personnes qu'il représente. C'est donc la personne qui est nommée, le Curateur public, qui se substitue à la personne qui est devenue inapte, c'est-à-dire que le Curateur public exerce les droits civils de cette personne-là qui sont temporairement suspendus et confiés au Curateur

public. C'est notre fonction. Comment on défend les droits de ces personnes-là? Lorsque nous les représentons, donc, lorsque je les représente ces personnes-là, elles sont dans le réseau de la santé et des services sociaux, je dois voir à ce qu'elles aient accès à des services appropriés, je dois voir à ce que leurs biens soient gérés dans l'intérêt de ces personnes-là toujours, je dois voir à ce que tous les actes de la vie quotidienne: rapports d'impôt, consommation de services, contrat qui a à être passé avec une autre personne soient toujours faits dans l'intérêt de la personne que je représente personnellement. Dans ce contexte-là, on est appelés à défendre les droits de ces personnes-là, à les représenter et à s'assurer que leurs droits civils sont respectés.

M. Lafrance: Est-ce que c'est fréquent que vous ayez à intervenir pour justement protéger ces droits-là, que vous remarquez qu'il y a des choses anormales qui peuvent se passer?

Mme Fontaine: Tous les jours, monsieur. Nous faisons ça tous les jours. Le Curateur public s'entoure d'une équipe. On est 300 personnes à faire ça quotidiennement, tous les jours, représenter les droits, s'occuper d'exercer les droits de ces personnes-là. Je vous donne un exemple. Vous connaissez tout le problème des urgences au Québec. À l'automne on s'est retrouvés avec une personne que nous représentons qui était stationnée, entre parenthèses, dans une urgence de la région de Montréal, qui était là depuis deux ou trois mois. Comme la personne est inapte et qu'elle n'a pas de proches, elle est isolée, personne ne l'avait vraiment avertie de ça. On a fini par se rendre compte que, oui, on avait quelqu'un qu'on représentait qui était là. Ce qu'on a fait, on a tout mis en oeuvre, on a pu discuter avec l'établissement en question, la régie régionale, le service des plaintes de la régie régionale et la sous-région pour que cette personne-là ait accès à des services appropriés pour elle et ne soit plus à l'urgence. C'est inacceptable d'être deux mois dans une urgence. La personne n'était pas dérangeante. Elle ne parlait pas, ne se défendait pas. Donc, elle est restée là. Ça vous donne un exemple de la représentation de cette personne-là pour laquelle on a voulu... Il y en a d'autres. Je pense que mes collègues ont peut-être d'autres cas. (16 heures)

Mme Boivin (Marie): J'essaie de voir comment on ouvre ça. Je prendrais comme exemple le consentement à l'acte médical. Vous savez que les personnes qu'on représente, qui sont inaptes à consentir, doivent être représentées par le Curateur public dans l'exercice de ce droit. Je n'ai pas de statistiques avec moi, mais vous parlez de fréquence finalement. Je pense qu'on peut recevoir quelque chose comme une vingtaine de demandes sur une base quotidienne, une demande de consentement concernant les personnes qu'on représente. Alors, chacune de ces demandes-là est étudiée individuellement à la lumière d'un certain nombre de critères et le Curateur public prend la décision qui est la plus opportune, compte tenu des intérêts de la personne. Alors, on parle de consentement, mais ça peut également être un refus de soins. Si le Curateur public estime que la personne représentée n'a pas besoin des soins pour lesquels on lui fait une demande, le Curateur public pourra se permettre, en tant que représentant légal, de refuser ces soins-là.

Tout ça pour dire que s'il est une unité qui est extrêmement concrète en termes de représentation quotidienne, c'est bien l'unité des consentements au bureau du Curateur public. Ça vous situe un peu en tout cas sur la représentation des personnes parce que c'est un aspect très important que cette représentation.

M. Lafrance: Si j'ai bien compris votre mémoire, vous êtes fondamentalement satisfaits des procédures qui existent et qui vont être renforcées avec la nouvelle loi, le projet de loi 120, des services de santé et des services sociaux. Vous verriez peut-être la possibilité que le Protecteur du citoyen devienne un autre recours, final, si on peut employer ce terme?

Mme Fontaine: Oui, effectivement. C'est ce que nous avons dit. Mais je répète que nous sommes très satisfaits présentement des propositions contenues dans le projet de loi 120, particulièrement du fait que tous les établissements devront se doter d'un service de plaintes. Ça, je pense que c'est extrêmement important.

L'autre point qui m'apparaît très intéressant, c'est que les établissements devront faire rapport des plaintes au conseil régional et, également, lors des assemblées publiques. Ils devront faire rapport non seulement pour dire: Bon, nous avons reçu tant de plaintes, tant étaient fondées, et tout ça. C'est plus que ça. C'est la nature, ce que les gens ont fait pour répondre à ces plaintes-là, lesquelles étaient fondées, lesquelles ne l'étaient pas. Je pense qu'ayant travaillé longtemps dans le réseau santé-social, je pense que c'est un pas très important à faire faire à ce réseau-là que le fait d'avoir des services de plaintes dans les établissements. Je pense que c'est important parce que ça responsabilise l'autorité locale et, aussi, je pense qu'on aura avec ça un traitement de plaintes beaucoup plus rapide et efficace à mon avis, parce que, souvent, les plaintes, ce n'est pas toujours de grosses affaires. C'est des choses souvent peut-être assez simples mais très importantes pour les personnes.

M. Lafrance: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le

député. M. le député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.

M. Trudel: Merci. J'allais dire quasiment comme d'habitude, Mme la curatrice publique qui occupez la responsabilité du Curateur public au Québec, d'une très bonne présentation, d'une excellente qualité. Vous avez raison quand vous êtes passée sur l'extension de la juridiction du Protecteur du citoyen. Vous avez dit que c'est une des questions principales, mais les autres également sont très importantes puisqu'on a posé quelques questions sur la juridiction du secteur de la santé et des services sociaux. Juste une toute petite précision. Dans votre réponse, vous dites: Oui, on est satisfaits - parce que ça a été écrit, votre mémoire, avant le dépôt du projet 120 - on est satisfaits des améliorations des mécanismes de plaintes qui sont apportées dans le projet de loi 120. Est-ce que vous dites: On est satisfaits quant aux deux instances dans l'établissement au niveau de la responsabilisation et aussi dans la régie? Le jugement inclut-il aussi: Nous souhaitons un recours de dernière ligne auprès du Protecteur du citoyen? On met ça ensemble?

Mme Fontaine: Effectivement, il nous apparaît toujours souhaitable d'avoir ce dernier recours de troisième ligne pour les plaintes qui n'auraient pas pu être traitées de façon satisfaisante aux deux paliers précédents. Également, le rôle du Protecteur pourrait être de faciliter l'implantation de ces services de plaintes, mais, à ce moment-là, si leur rôle est de dernière ligne, il faudra vraiment qu'il agisse à des niveaux régionaux. La question qui se pose c'est: Est-ce que c'est le rôle du Protecteur du citoyen de faire ça, d'être facilitates, ou est-ce le rôle du ministère santé-social? Il y a une question là.

Bon. Pour dire, c'est plus intéressant d'avoir quelqu'un à l'extérieur de ce réseau-là, le réseau incluant le ministère santé-social. C'est vrai théoriquement. En pratique, c'est un immense réseau, le réseau santé-social, et on voit que ce n'est pas le seul en cause. On voit qu'il y a d'autres réseaux, peut-être où le Protecteur pourrait avoir une certaine juridiction: municipal, éducation. La question qui se pose alors, c'est: Comment un organisme, quel qu'il soit, pourra-t-il développer des connaissances appropriées pour pouvoir être efficace et crédible dans des réseaux aussi importants et complexes?

N'y a-t-il pas là danger de mettre une seule instance de troisième ligne, supervisant tous ces grands réseaux et de créer une bureaucratie très lourde dont l'efficacité peut-être... En tout cas, on se pose la question. Tout en étant d'accord avec une troisième instance, il y a des dangers à ça aussi.

M. Trudel: À mon avis personnel, c'est une très bonne question que vous posez. Effective- ment, si le mécanisme était le mécanisme unique de recours, et le mécanisme pour tout le système au grand complet, où nous pourrions dire oui à ce recours, mais c'est un recours de dernière instance en matière de traitement de plaintes. C'est tellement immense et complexe comme réseau, je pense qu'on ne répondra pas à la question pour vous. Mais la question que vous posez est pleinement justifiée en disant: Comme dernier recours, comme recours de dernière instance, ça fait du sens que le Protecteur du citoyen puisse, comme instance externe à ce réseau, avoir le droit de regarder les plaintes qui n'auraient pas reçu une réponse satisfaisante au niveau de l'établissement ou de la régie régionale.

J'aimerais ça aussi, Mme la curatrice publique, toucher quelques autres aspects parce que, encore une fois, vous nous avez donné de bons avis sur d'autres aspects du travail ou de l'organisation de l'institution. Sur l'accessibilité du Protecteur du citoyen, vous dites: Si la connaissance de l'institution est plus faible dans les régions, eh bien, qu'on y fasse une espèce d'offensive publicitaire, qu'on publicise cette institution dans les régions à faible connaissance Est-ce que vous n'avez pas plutôt l'impression que c'est l'absence qui nous amène au phénomène de la méconnaissance de l'institution et que, finalement, j'allais dire sans y aller trop fort, il y aurait comme deux catégories de citoyens face a l'accessibilité au Protecteur du citoyen. La preuve étant que plus on est près, plus il y a une grande proximité physique, plus on est accessible, plus on l'utilise, et, donc, à l'inverse pour les gens des régions. La réponse dans cette séquence-là serait plutôt la présence, la proximité d'installations parce que actuellement, même si le Protecteur est très accessible sur le plan téléphonique et que c'est on ne peut plus simple, il y a cette dimension de: Je ne sais pas c'est quoi le Protecteur du citoyen, je n'ai aucune incarnation souvent dans les régions.

Vous n'avez pas l'impression que ce serait plutôt la proximité physique qui amènerait la correction?

Mme Fontaine: Je pense qu'il y a toujours plusieurs facteurs reliés à une situation. Je pense que vous en évoquez deux et je vais aller dans votre sens. Je pense que la question de publiciser davantage, de faire connaître davantage par divers moyens, peut-être de cibler aussi le genre d'information et le marché de l'information. On ne s'adresse pas de la même façon à tous les publics et on sait qu'il y a un certain public qui peut être plus vise par des services que le Protecteur du citoyen pourrait lui rendre. Ça, c'est une chose.

L'autre chose: être visible dans une région. Effectivement, je vais dans votre sens que ce serait peut-être intéressant qu'il y ait des bureaux, des comptoirs régionaux possiblement

avec des agents de liaison, des personnes qui puissent travailler sur place. Mais nous ne voyons pas là la nécessité d'avoir un vice-protecteur du citoyen. Je pense que le Protecteur du citoyen, c'est une personne qui est nommée. C'est un peu la même chose que pour le Vérificateur général et qu'il ne faut pas diluer cette notion-là. C'est important. Par contre, dans l'organisation du Protecteur du citoyen, il y a moyen de régionaliser des services. Nous l'avons fait récemment au Curateur public. Nous avons tenté l'expérience. Nous avons un bureau à Québec mais nous avons aussi trois bureaux régionaux maintenant, et c'est un agent de liaison. Je dois dire que l'expérience est en cours, depuis quoi?, six mois, huit mois, et, à date, les populations concernées, Sherbrooke, Chicoutimi et Trois-Rivières, apprécient beaucoup qu'il y ait quelqu'un, effectivement, sur place qui puisse agir comme agent de liaison. Ils voudraient avoir un peu plus. Est-ce un modèle qui... Je pense que L'OPHQ aussi a des représentants régionaux. Je pense que, dans l'organisation des ressources du Protecteur, ça se fait. Je ne pense pas qu'on ait besoin de légiférer pour ça.

M. Trudel: Tout à fait. Alors, vous avez répondu à un autre aspect de ma question parce que je vous avais entendu dans des communications publiques: Monsieur fait bien son travail. Sur vos bureaux régionaux, j'allais vous demander un petit bilan parce que vous avez... Comme il y a presque un lapsus en disant: Le Curateur public, non, le Protecteur du citoyen. Effectivement, ce sont deux institutions qui se ressemblent quelque part en termes de services aux citoyens, de défense des droits et, dans votre cas, d'exercer le droit de ces personnes par délégation. Je pense qu'il faut retenir, à titre indicatif pour les membres de la commission, lorsque nous aurons à porter un jugement sur les questions et les recommandations que nous ferons éventuellement, l'expérience du Curateur public au Québec, en souhaitant - je vais ajouter le mot du commanditaire - que, si ça va très bien, ça va être le printemps prochain en Abitibi-Témiscamingue, je pense, ou quelque chose du genre.

Mme Fontaine: J'en prends note. Ma collègue me faisait remarquer que nous ne les appelons pas des vices-curatrices.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Ça aussi, ce ne sont pas des vices-curatrices au Québec. Sur la possible compétence du Protecteur, de l'ombudsman - d'ailleurs vous dites "ombudsperson" dans votre texte, ça aussi il faut vous féliciter pour employer ce langage-là - sur le mérite des décisions des tribunaux administratifs, vous nous dites juste: Écoutez, ça n'a pas lieu; une telle possibilité doit être écartée; la Cour supérieure, le tribunal supérieur exerçant déjà le rôle de surveillance et de réforme ou d'appel des décisions prises par les tribunaux administratifs.

J'aimerais ça, d'abord, que vous nous motiviez un peu. Vous dites: On n'est pas d'accord, il y a quelque chose qui fait ça, actuellement. J'aimerais que vous motiviez un petit peu plus à partir de l'observation suivante. Quand on parle de la possibilité de reconnaître au Protecteur du citoyen d'étudier le mérite des décisions des tribunaux administratifs, on ne veut pas dire de créer une nouvelle instance d'appel, c'est d'étudier la motivation et, enfin, le mérite des tribunaux administratifs - ça, c'est une traduction, c'est un anglicisme ou, enfin, une traduction anglaise - de la décision qui en résulte et du processus qui a été utilisé. Est-ce qu'on a à respecter l'ensemble des règles généralement reconnues pour donner droit? Ou la décision est-elle proportionnelle? Est-ce qu'on peut étudier? Le Protecteur pourrait étudier le mérite de la décision sans établir évidemment de jurisprudence et que ce soit un tribunal d'appel des tribunaux administratifs.

Vos commentaires aussi eu égard à une situation que, je pense, vous connaissez bien, c'est l'accessibilité aux tribunaux de droit commun. On le sait, on a un problème immense au Québec. Pas seulement au Québec, dans les sociétés occidentales. Au Québec, chez nous, on a un immense problème d'accès à ces tribunaux-là. Alors, avec ces deux commentaires que j'apporte, est-ce que vous pourriez motiver un peu plus votre recommandation de ne pas recommander, pour votre part, d'élargir le champ de compétence du Protecteur du citoyen à l'étude sur le mérite des décisions des tribunaux administratifs? (16 h 15)

Mme Boivin: L'impression que l'on a finalement en admettant, par exemple, que le Protecteur du citoyen ait un tel droit de regard sur des décisions rendues par les tribunaux administratifs, donc des décisions à caractère judiciaire ou quasi judiciaire. C'est une intrusion, finalement, de la part du Protecteur du citoyen, d'une certaine manière, dans ce que l'on considère comme le judiciaire. Or, le Protecteur du citoyen se définit comme étant une alternative à tout ce qui est judiciaire, une solution de rechange à tout ce qui est judiciaire. En ce sens-là, on pense que le Protecteur du citoyen doit préserver cette vocation à l'abri de ce qui est judiciaire. C'est un peu cela, finalement, le fondement de notre pensée, c'est un peu de garder le Protecteur du citoyen à l'écart de tout ce qui s'appelle judiciarisation. C'est en ce sens-là également que nous ne sommes pas favorables, pour le moment, à ce que le Protecteur du citoyen puisse prendre fait et cause pour une personne qui a porté plainte et poursuivre devant les tribunaux de droit commun. Encore là, c'est

une incursion dans le judiciaire, et nous croyons que le Protecteur du citoyen doit demeurer à l'abri d'une telle éventualité.

C'est en ce sens-là également que l'on favorise... Et là, je vais faire référence à une partie de notre mémoire que Mme Fontaine a passée sous silence, à savoir l'interruption de la prescription, par exemple, en regard des recours qui peuvent être intentés devant les tribunaux administratifs. Dans la mesure où une personne fait appel au Protecteur du citoyen, c'est qu'elle ne porte pas préjudice au recours dont elle dispose devant les tribunaux administratifs. C'est un encouragement à faire appel au Protecteur du citoyen. On dit que les recours, enfin, le recours, si l'on peut dire, le processus de plainte devant le Protecteur du citoyen peut être rapide, soit, mais rapide, dans la mesure où les recommandations du Protecteur du citoyen sont suivies, dans la mesure où il n'a pas à suivre toute la filière des étapes qui le conduisent éventuellement au règlement d'une plainte. Alors, je ne sais pas, moi, ça peut donner peut-être trois, quatre mois, en bout de ligne. Or, on sait qu'il y a des recours devant les tribunaux administratifs qui sont échus après six mois, par exemple. Alors, le citoyen qui a peur de perdre ses avantages devant les tribunaux administratifs, donc un droit de recours devant les tribunaux administratifs, pourrait peut-être éventuellement s'empêcher de faire appel au Protecteur du citoyen, sachant que, si ça prend trois ou quatre mois, il aura un laps de temps d'autant plus court pour intenter un recours devant un tribunal administratif, dans la mesure où ça échoue avec le Protecteur du citoyen. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Trudel: Ah oui! tout à fait. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Pour une courte question. Vous avez mentionné la présence du Protecteur du citoyen dans différentes régions. Est-ce que ce sont plutôt des projets pilotes ou une tentative d'implanter ça dans différents secteurs de la province de Québec? Qui exerce la fonction? Est-ce que ce sont des personnes à plein temps? Y a-t-il des bureaux? Comment est-ce que ça fonctionne? Quelle est l'expérience vécue jusqu'à date?

Le Président (M. Dauphin): M. St-Cyr.

M. St-Cyr (François): Bonjour. Pour répondre à votre question, dans le cas de notre organisation, le Curateur public, on est actuellement à tenter de régionaliser nos services par une première étape qui est d'aller voir, dans la région de Chicoutimi, dans la région de Trois-

Rivières et dans la région de Sherbrooke, de quelle façon notre clientèle se comporte et quels sont, de façon concrète, les besoins en région dont nos clientèles ont nécessairement besoin à proximité. Actuellement, nous, on fonctionne par un principe d'agent de liaison. Alors, il s'agit d'un représentant ou d'une représentante régionale qui tâte concrètement, sur le terrain, ce dont notre clientèle a besoin. On pense peut-être que le Protecteur du citoyen, sans la constitution d'un vice-protecteur dans chacune des régions administratives du Québec, pourrait tout au moins procéder d'une façon beaucoup plus souple, beaucoup plus près des gens et en première ligne avec les besoins concrets des gens, qui sont souvent très simples. Ce n'est peut-être pas nécessairement essentiel d'avoir des structures administratives ou des structures organisation-nelles lourdes, mais des structures qui nous permettent de s'assurer que le client qui a un besoin concret, rapidement, avec un objectif à très court terme - parce que, quand il y a plainte, il y a priorité, nécessairement, la plupart du temps - que, rapidement, ce soit réglé et qu'on puisse donner satisfaction à cette personne-là.

M. Kehoe: Mais, actuellement, y a-t-il un budget? Ces personnes-là sont-elles envoyées de Québec, des employés de votre bureau du Protecteur du citoyen à Québec qui sont envoyés dans les régions, qui n'ont pas de bureau, pas de téléphone, rien? C'est juste une étude qu'ils font, plus qu'autre chose?

M. St-Cyr: C'est beaucoup plus précis, pour vous donner un petit peu plus de renseignements. Notre principe, quant à nous, de représentation régionale, nous avons pignon sur rue indirectement dans chacune des régions. Nous avons une ressource de façon concrète, à temps plein, qui travaille dans la région et, dans notre cas précis, nous sommes associés avec l'Office des personnes handicapées du Québec, à proximité, pour s'assurer qu'on soit facilement visible pour la population et donner un rendez-vous à une adresse bien précise. Donc, quant à nous, ce sont des ressources de notre organisation sur une base permanente et à même notre budget d'opération.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci J'aurais deux petites questions avant de terminer. Vous avez dit tantôt qu'il devrait y avoir un recours externe, soit à la Commission des affaires sociales, soit avec le Protecteur du citoyen. Ne voyez-vous pas une distinction entre les deux, c'est-à-dire que la Commission des affaires sociales, évidemment, ça va de soi, a un pouvoir décisionnel, le Protecteur n'en a pas, il a un pouvoir de recommandation. La Commission des affaires sociales ne peut intervenir que sur la légalité, le Protecteur peut intervenir en

termes d'équité. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur la distinction entre les deux, ou votre premier choix.

Mme Boivin: Bon. Est-ce qu'il faut faire un choix nécessairement? Je pense que les deux devraient pouvoir cohabiter dans la mesure où, quand on parle du pouvoir coercitif d'une décision rendue par un tribunal, on parle d'un jugement exécutoire. Alors, c'est sûr que le Protecteur du citoyen a un pouvoir de recommandation. Tant et aussi longtemps qu'il n'a qu'un pouvoir de recommandation, les décisions qu'il rend ou les recommandations qu'il fait ne seront pas nécessairement suivies. Alors, je pense qu'il faut plutôt parler de cohabitation. Je pense qu'il est important de garder le recours au Protecteur du citoyen comme étant un recours ultime, après le recours aux instances internes dans les établissements, par exemple. Si l'on parle d'abolir les appels à la Commission des affaires sociales, je pense que c'est, ma foi, je ne dirai pas dramatique, mais ça l'est presque d'une certaine manière pour ce que je viens de dire, en fin de compte. Je pense que les deux devraient pouvoir cohabiter, les deux, finalement, étant consultés, si l'on veut, dans des buts différents. On sait fort bien que, quand on fait appel au Protecteur du citoyen, on va chercher une recommandation, mais en sachant qu'on fait appel à une série de pouvoirs qui sont quand même inhérents au Protecteur du citoyen. Mais quand on s'en va devant un tribunal, c'est autre chose, on judiciarise finalement sa demande. Alors, les deux ne sont pas incompatibles, je dirais.

Le Président (M. Dauphin): Les délais ne sont peut-être pas nécessairement les mêmes.

Mme Boivin: Les délais ne sont pas nécessairement les mêmes non plus, ça ira plus vite, sans doute, avec le Protecteur du citoyen.

Le Président (M. Dauphin): II dit qu'il a un taux de réussite de 99 %.

Mme Boivin: Voilà!

Le Président (M. Dauphin): Ç'a peut-être baissé un petit peu dernièrement, mais...

Mme Boivin: Alors qu'on ne sait pas si devant un tribunal, on gagnera sa cause et il y a des coûts, également. Je pense que le citoyen et la citoyenne doivent pouvoir avoir le choix.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Une dernière question. Vous dites, à la page 10, que "le Protecteur du citoyen devrait pouvoir exiger la mise sur pied d'un mécanisme rigoureux de traitement de plaintes, etc., dans les ministères, établissements, etc., pouvoir exercer un rôle d'évaluation à cet égard". Un peu plus loin, lorsque vous pariez des "ombudspersons", vous dites qu'idéalement, ces personnes ne devraient pas relever du Protecteur du citoyen. Alors, en référence à la page 10, par quel mécanisme le Protecteur du citoyen pourrait, en pratique, exercer son rôle d'évaluation et de contrôle des systèmes de plaintes?

Mme Fontaine: Je ne pense pas qu'il soit nécessaire, pour pouvoir exercer cette évaluation-là, d'avoir une personne sur place directement, quotidiennement. Je pense qu'il y a d'autres moyens. Comme tous les ministères et organismes se questionnent de plus en plus et se donnent des moyens pour évaluer la qualité de leurs services, évaluer les résultats donnés, l'efficience et l'efficacité, de la même façon, finalement, les établissements devront vérifier si leurs services des plaintes sont efficaces chez eux. Les régies régionales devraient pouvoir vérifier ça aussi auprès des établissements. C'est pour ça que je disais que ce serait intéressant que les régies régionales, au-delà d'avoir la responsabilité de voir à ce que les établissements se dotent de ces services-là, aient également la responsabilité d'évaluer la qualité de ces services-là et les services qui sont rendus. Maintenant, le Protecteur pourrait, lui, avoir peut-être la responsabilité d'évaluer la qualité des différents mécanismes de plaintes, des différents organismes du gouvernement et peut-être des établissements aussi pour s'assurer... Par exemple, je vous donne peut-être une façon qui pourrait être faite. Mettons que le Protecteur du citoyen qui vérifie chez nous, le Curateur public, comment on traite nos plaintes, qu'est-ce qu'on fait, il le fait, d'ailleurs. Ce qu'il pourrait faire, c'est faire un échantillonnage des plaintes qu'on a eues et venir vérifier, je ne sais pas, 5, 10 ou 30, comme on veut, venir vérifier tout le cheminement de dossier qui a été fait, interviewer le client, est-ce qu'il a vraiment été satisfait. Il y a moyen de faire ça comme ça, mais ce n'est pas nécessaire qu'on ait quelqu'un chez nous, dans l'établissement, quotidiennement. C'est ce qu'on veut dire.

Le Président (M. Dauphin): Alors, Mme la curatrice publique, Mme Fontaine, Me Marie Boivin, M. St-Cyr, au nom de tous les membres de la commission des institutions, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation, et à bientôt.

Des voix: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Je demanderais ensuite à la Fédération québécoise des associations des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale de s'approcher. Pendant que vous allez vous installer, nous allons suspendre deux minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 27)

(Reprise à 16 h 34)

Le Président (M. Dauphin): J'aimerais souhaiter la bienvenue à la Fédération québécoise des associations des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale représentée par M. Paul-Émile Poirier, qui est président. Alors, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Et je vous dis tout de suite que nous avons une période de 30 minutes, dont 10 minutes pour présenter votre exposé et 20 minutes de période d'échanges par après. Alors, M. Poirier.

Fédération québécoise des associations

des familles et amis de la personne

atteinte de maladie mentale

M. Poirier (Paul-Émile): Merci. À ma droite, Mme Thérèse Marseille-Poirier, membre de La Boussole, et à ma gauche, M. Gilles Dupont, président de La Boussole. La Boussole est un regroupement de parents et amis des personnes atteintes de maladie mentale pour le secteur de Québec.

Le Président (M. Dauphin): Bienvenue.

M. Poirier: Alors, notre fédération fut incorporée en 1985 - alors c'est une jeune corporation - pour répondre, entre autres, à un besoin d'entraide des associations et de leur représentation auprès des organismes publics et communautaires qui militent dans le champ de la maladie mentale. Notre fédération compte actuellement 17 associations affiliées. Ces associations regroupent environ 2000 familles qui se retrouvent dans plusieurs régions de la province.

Selon les chiffres officiels - selon les chiffres de l'OMS - 1 % de la population serait atteinte de maladie mentale sévère. Alors, ce qui voudrait dire qu'au Québec, environ 60 000 personnes sont atteintes de maladie mentale sévère. À peu près 50 % vivent en institution et 50 % vivent dans ce qu'on désigne comme milieu naturel.

En ce qui nous concerne, il est difficile de parier des droits parce que la famille n'a que des responsabilités. Alors, s'il y en a qui connaissent des droits en ce qui concerne la famille, je serais heureux de les connaître. Depuis la désinstitutionnalisation, dans la majorité des cas, la famille est la seule ressource de la personne gravement malade.

L'objet de ce mémoire. Vu le rôle important que devrait jouer le Protecteur du citoyen auprès des personnes atteintes de maladie mentale, nous jugeons de notre devoir de répondre à quelques-unes des questions posées dans le document soumis.

Les quelques fois que nous avons, par appel téléphonique, posé des questions au bureau du Protecteur du citoyen, nous nous sommes fait répondre que les faits décrits ne relevaient pas de son autorité. Nous nous référons parfois à la Commission des droits de la personne. Or, cette Commission a des principes très rigides, ce qui est bien dans le cours normal des litiges. Elle agit souvent, dans la défense des droits de la personne atteinte de maladie mentale, comme si cette personne avait toujours pleine conscience de ses gestes, et ce, trop souvent au détriment des droits humains de sa famille et de ses proches.

La Commission des services juridiques nous réfère souvent à la Loi sur la protection du malade mental. Cette loi prête à des interprétations différentes entre les professionnels de la santé et les juges lorsqu'il s'agit d'émettre une ordonnance de cour pour aider la personne malade à se faire soigner en situation de crise. C'est qu'en situation de crise, le seul recours qu'a la famille, très souvent, lorsqu'un malade refuse d'être hospitalisé, c'est l'ordonnance de cour.

En vertu de l'article 4 de cette loi, les juges disent qu'il leur faut l'avis d'un médecin pour émettre une ordonnance de cour. Les spécialistes de la santé répliquent que les juges ont toute autorité, je crois que c'est en vertu de l'article 21 plutôt que de l'article 15 qui est indiqué au rapport. Cette discussion a pour conséquence que plusieurs juges refusent d'émettre une ordonnance. De plus, en vertu de quel principe une personne malade, une personne atteinte de maladie mentale doit être violentée pour être hospitalisée? C'est que justement, cet article-là, c'est ce qu'on appelle le principe de dangerosité qui permet apparemment aux juges d'émettre une ordonnance de cour sans qu'il y ait référence médicale.

Un autre problème: l'on nous dit que c'est la personne pour qui nous faisons une demande d'ordonnance qui est responsable des frais. Comme ces personnes sont pour la plupart couvertes par le bien-être social, leur cas relève de l'aide juridique. Or, dans quelques régions de la province, l'on nous dit que c'est la personne qui fait la demande qui est responsable des frais, ce qui représente un coût de 250 $ à 500 $ pour chaque hospitalisation. Et, parfois, il peut y en avoir jusqu'à quatre par année. Ces frais peuvent totaliser...

La politique de santé mentale. Cette politique émise en 1988 par le ministère de la Santé et des Services sociaux à la suite du rapport du comité de politique de santé mentale (rapport Harnois) dit, dans la troisième partie - Des moyens d'action - ce qui suit: "II est aujourd'hui nécessaire d'avoir accès à un mécanisme de recours ultime, indépendant du réseau de service et doté de pouvoirs d'enquêtes et d'intervention quant à l'application des lois et à la prestation de services. Dans cette optique, le ministère demandera l'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen pour y

inclure désormais le règlement de dossiers de personnes éprouvant des troubles mentaux. Le dépôt à l'Assemblée nationale du rapport du Protecteur du citoyen pour le secteur de la santé mentale devra faire l'objet d'une présentation par région. "

Conclusion. Pour toutes les raisons mentionnées, nous croyons que le mandat du Protecteur du citoyen devrait être élargi pour inclure les personnes atteintes de maladie mentale.

C'est pour les raisons citées que nous répondons à quelques-unes des questions posées dans le document de concertation, espérant justifier l'urgence de l'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen.

Mode de nomination. Le recours du citoyen étant perçu... Je m'en vais passer le titre.

Commentaire. Nous croyons que oui, tout au moins en ce qui concerne le secteur de la maladie. Le champ de la maladie étant très vaste, les relations du citoyen avec les médecins, avec leur corporation, sont très difficiles, ne serait-ce que du fait que le représentant d'une corporation est juge et partie.

Dans le champ spécifique de la maladie mentale, le manque de connaissances sur ce que ce sont les maladies mentales, sur le comportement de la personne malade qui revient vivre dans son milieu naturel depuis la désinstitution-nalisation, le manque de ressources pour aider la famille et ses proches, laissent la personne malade et ses proches très seuls avec la maladie.

De plus, ce manque de connaissances sur cette maladie donne libre cours à des interprétations préjudiciables à la santé du malade. C'est que le stress étant considéré comme un facteur déclenchant des crises, toute situation de stress, nécessairement, peut déclencher une crise, ce qui devient nécessairement préjudiciable au malade. La personne atteinte de maladie mentale est une personne d'intelligence normale, qui perçoit l'incompréhension du public et les préjugés qui la concernent.

La médecine est un domaine spécialisé où les droits de la personne relatifs au traitement doivent être interprétés à la lumière des symptômes de la maladie. Par exemple, le droit d'accepter ou de refuser un traitement s'applique difficilement pour un accidenté en état d'inscon-cience. Pour le malade mental en situation de crise - que nous définissons comme en état de psychose - il faut souvent un jugement de la cour pour autoriser l'hospitalisation. Comme nous l'avons vu, cette autorisation est parfois refusée. Cette situation est préjudiciable au malade et, par ricochet, à ses proches, puisqu'elle prive le malade de soins ponctuels. De plus, une telle interprétation de ce droit dispense la société de chercher d'autres recours pour aider ce malade. Seule une personne compétente est en mesure de comprendre et d'évaluer cette situation. Nous pourrions également parler des préjugés de violence exprimés à l'égard de la personne atteinte de maladie mentale et que la loi de protection du malade mental a tendance à perpétuer. 2. 2. Le député est plus près du citoyen que le Protecteur du citoyen. Ceci pourrait aider certaines gens à exprimer leurs doléances. Ce serait une façon de démocratiser davantage le rôle du Protecteur. 3. 1. Dans le domaine de la santé, nous croyons que oui, puisque la prévention est un facteur important d'économie et de bien-être.

En santé mentale, malgré les recommandations du rapport Harnois et la politique de santé mentale, les services de prévention sont lents à s'implanter, l'on a peine à définir ce qu'est la santé mentale.

Il faudrait, à l'intérieur de chaque CLSC, des intervenants aptes à faire l'éducation du public, à informer la personne malade des symptômes de sa maladie, à informer les familles pour qu'elles puissent déceler la maladie à ses débuts et avoir recours à des services aptes à répondre aux besoins de la famille et de la personne malade.

Parfois, il s'agit tout simplement de quelques informations pour aider énormément le malade, surtout lorsque le malade connaît les symptômes de sa maladie et ce qui peut l'aider à prévenir des situations de crise. 4. 1. Veut-on parler d'un ombudsman attaché à l'institution? Si oui, cette formule ne donne pas la meilleure garantie d'objectivité lorsque l'ombudsman est nommé par l'institution. Ou veut-on dire un ombudsman spécialisé en maladie, ou mieux, en maladie mentale? Nous nous référons alors à notre commentaire sur la question 1. 1 Mode de nomination. 4. 2. Le Protecteur du citoyen devrait-il avoir la juridiction également sur le mérite des décisions des tribunaux administratifs? Pourquoi pas? En raison de la grande expertise que pourra développer le vice-protecteur, ceci garantirait une meilleure justice en permettant une autre évaluation, un autre aperçu des problèmes des citoyens dans des domaines particuliers. 5. 2. À notre avis, tous les citoyens doivent être informés le plus et le mieux possible de leurs droits. Informer la personne qui se juge lésée de la possibilité d'un autre recours est un geste à encourager.

Conclusion. Malgré les humbles moyens qui lui sont octroyés, notre Fédération demeure à votre disposition pour toute demande additionnelle de renseignements.

Justement, notre Fédération n'a même pas droit à une subvention. Alors...

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci beaucoup, M. Poirier. Est-ce qu'il y a un membre qui veut débuter? M. le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.

M. Trudel: Merci, M. le Président. C'est

d'autant plus méritoire, votre représentation, avec les derniers mots que vous nous avez dits de cette présentation, c'est-à-dire que vous êtes vraiment un regroupement bénévole...

M. Poirier: C'est ça.

M. Trudel: ...et votre motivation de base, c'est d'abord l'appui et l'aide, comme amis ou comme familles de la personne atteinte de maladie mentale, et, pour cela, il faut vous féliciter d'avoir pris le temps de présenter votre position, de venir aujourd'hui ici pour nous donner, à nous, un coup de main, pour augmenter en quelque sorte la protection des droits des personnes qui sont atteintes de maladie mentale et, par la même occasion, de toujours faire de la sensibilisation. Il faut vous féliciter pour cela.

Quelques questions sur vos recommandations plus précises que les questions que nous posions dans notre document public sur le mandat de la commission. Sur la question principale de l'extension de la juridiction, vous y allez très clairement. Vous dites oui, nous devrions élargir la juridiction du Protecteur du citoyen pour y inclure les personnes atteintes de maladie mentale. Il nous faudrait être un peu plus précis. Actuellement, au strict sens des mots de la réalité, les personnes atteintes de maladie mentale sont couvertes par le Protecteur du citoyen. Là où elles ne sont pas couvertes, ce sont ces personnes lorsqu'elles ont ou pensent avoir des recours et qu'elles portent plainte pour des services qu'elles reçoivent dans le réseau de la santé et des services sociaux.

La question est un peu différente, si vous comprenez bien, d'inclure la personne, tous les citoyens du Québec sont inclus, si on prenait cet angle-là, dans le mandat du Protecteur du citoyen. Mais, sous certains aspects, tout ce qui dépend... En d'autres termes, si une personne atteinte de maladie mentale avait de la difficulté avec le ministère du Revenu, le Protecteur du citoyen peut très bien prendre charge de cette difficulté. C'est lorsqu'elle a affaire, lorsqu'elle a des services, lorsqu'elle prend des services dans le secteur de la santé et des services sociaux, que là, elle ne peut avoir recours au Protecteur du citoyen. Je comprends, par ailleurs, d'après votre illustration, que la réponse que vous citez comme étant celle que vous recevez le plus souvent du Protecteur du citoyen, c'est que probablement, c'est eu égard à des services que ces personnes ont ou n'ont pas dans le secteur des services de la santé et des services sociaux. Alors, je vais vous reposer la question au sens où il nous faut, nous, préparer des recommandations.

Est-ce que vous êtes en faveur du fait que le Protecteur du citoyen ait un mandat d'examiner et de faire des recommandations sur les plaintes quant aux services reçus dans le secteur de la santé et des services sociaux? Est-ce que vous êtes d'accord avec cela et est-ce que nous devrions en faire une recommandation positive? (16 h 45)

M. Poirier: C'est exactement le point de vue que nous avions à l'esprit parce qu'en ce qui concerne la personne atteinte de maladie mentale sévère, ordinairement cette personne-là est âgée, lorsque la maladie se développe, entre 15 et 25 ans. Alors, pour ses autres droits, très souvent elle est en mesure de les défendre. Mais, en ce qui nous concerne, nous autres, ce sont les droits spécifiquement à sa santé, aux ressources concernant sa maladie.

M. Trudel: Très bien. Alors, en tout cas, ça éclaircit quant à la question que nous posions dans notre document. Sur la nomination de ce que nous avons appelé nous, et c'était une question du Protecteur du citoyen lui-même, la nomination d'un vice-protecteur du citoyen ou la nomination, entre guillemets, d'"ombudspersons", d'ombudsmans dans les institutions, vous n'êtes pas d'accord avec cela. C'est bien ce que j'ai compris. Vous n'êtes pas d'accord avec la nomination d'ombudsmans dans les institutions de la santé et des services sociaux, vous n'êtes pas d'accord avec ça.

M. Poirier: On n'est pas d'accord. Remarquez bien qu'on n'est pas beaucoup juges en ce qui concerne ce qui se passe en institution, sauf que, sur certaines remarques qu'on peut recevoir de la personne qui a son congé de l'institution, très souvent le rôle du Protecteur est assez minime. D'ailleurs, juste le simple fait qu'il soit à l'emploi, et je crois, payé par l'institution, lui donne, le met dans une situation...

M. Trudel: De conflit d'intérêts. M. Poirier: ...de conflit d'intérêts.

M. Trudel: Donc, vous n'avez pas... Si vous avez pris connaissance... Je vais poser la question autrement. Vous savez que le projet de loi qui a été déposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux...

M. Poirier: Pour la réforme, oui.

M. Trudel: ...pour la réorganisation, la réforme, prévoit la nomination de telles personnes ou de tels responsables dans les établissements et les régies régionales. Je veux poser la question clairement. Le mécanisme qui est prévu, que les plaintes, le mécanisme des plaintes et que les plaintes seraient reçues, administrées, analysées et que la réponse au nom de l'institution serait faite par une personne payée par l'institution elle-même, vous n'êtes pas d'accord avec ce mécanisme-là?

M. Poirier: Non, on n'est pas d'accord II y

a peut-être un point et c'est qu'en ce qui nous concerne, nous autres, on ne touche pas beaucoup, si vous voulez, le secteur des institutions. Voyez-vous, c'est que la personne vit en dehors de l'institution, et elle vit très souvent proche de sa famille ou dans sa famille. Alors, ce qui nous intéresse, de façon particulière, c'est les ressources que doit avoir cette personne lorsqu'elle vit dans son milieu naturel, ce que nous appelons le milieu naturel. Ce que nous appelons le milieu naturel, c'est hors l'institution, lor-qu'elle vit dans sa famille. Tout simplement, c'est qu'elle reçoit son congé de l'hôpital, sans même que la famille, très souvent, en soit informée. Lorsqu'elle est en dehors d'une période de psychose, eh bien, la vie peut être acceptable, mais lorsque cette personne-là est en psychose, c'est surtout là que le problème se pose. Cette personne-là, très souvent, en ce qui concerne l'hospitalisation, on lui fait valoir ses droits légaux, mais, par contre, on ne lui donne pas grande information en ce qui concerne sa maladie, sa médication, tout ce qui s'ensuit et les séquelles. Alors, nous jugeons que c'est une situation qui est un peu abracadabrante. Sa famille elle-même, qui en a la garde, eh bien, très souvent, au nom même de la confidentialité, on refuse de lui dire de quoi souffre un de ses membres avec lequel elle vit. Alors, ceci crée des situations parfois dramatiques. La relation entre le malade et sa famille devient très difficile puisque ni l'un ni l'autre n'ose aborder le problème à cause des préjugés et de tout ce qui s'ensuit. Alors, nous avons des situations, des fois, trois ans, quatre ans, cinq ans, où les malades sont suivis, et, après cinq ans, on va dire au malade: Toi, tu souffres de dépression. La famille se rend compte que c'est réellement les symptômes d'une schizophrénie. En association, parfois, il nous arrive de nous faire demander, justement, le malade et sa famille, et demander au malade: De quoi tu souffres, toi? On m'a dit que je souffrais de dépression, mais je crois effectivement que c'est de la schizophrénie. Alors, il y a des situations très difficiles à vivre.

M. Trudel: Juste une observation. Évidemment, là-dessus, vous soulevez là un problème quasi d'éthique parce que vous soulevez le problème aussi - je veux savoir si j'ai bien compris - de l'information transmise par un professionnel qui donne des services de santé à une personne, que ces informations-là soient, le plus souvent possible, disons, transmises à la famille ou au groupe de personnes dans lequel retourne vivre cette personne, appelons-le son milieu naturel. C'est de ça que vous parlez?

M. Poirier: Exactement.

M. Trudel: Là, ça déborde un peu, peut-être, le mandat que nous avons à examiner, mais je suis bien heureux de vous entendre sur cette question, sur ce problème des ressources et de l'information quand on retourne la personne souffrant de maladie mentale dans son groupe, entre guillemets, dit naturel. Pour vous autres qui êtes regroupés au sein d'une association de familles et d'amis de la personne, ça pose un problème vraiment grave ce manque de transparence, en quelque sorte, ou ce manque de confiance, si on pouvait l'appeler comme ça, envers le groupe qui reçoit la personne ou dans lequel la personne retourne vivre. C'est un problème grave pour vous autres, ça?

Mme Marseille-Poirier (Thérèse): Oui. Il y a un autre problème grave aussi. Assez souvent, le malade commence à sentir venir une crise, mais il est quand même assez bien, assez conscient. Il se rend de lui-même à l'hôpital et l'hôpital refuse de l'admettre. Alors là, il revient, puis il tombe en psychose. Il ne veut plus y aller, là, il est trop tard; il ne veut plus y aller, il dit qu'il n'est pas malade. Mais c'est l'hôpital qui refuse de lui donner les soins. Là, je trouve qu'il y aurait un recours à faire. C'est un refus de soins.

Ou encore, ils vont les garder, si vraiment la psychose est très grave, 24 heures, 48 heures, puis ils les mettent dehors. Ce ne sont pas des soins, ça. Il faudrait qu'ils soient peut-être, des fois, hospitalisés un mois. L'hôpital ne le fait pas. Ça, ça arrive assez souvent.

M. Trudel: C'est là que vous nous ramenez, entre autres, au problème, en vertu de la Loi sur la protection du malade mental, de l'espèce de jeu de ping-pong où on est parfois obligé d'aller devant un juge des tribunaux de droit commun pour avoir une ordonnance, et le juge répond: Déjà, on a le pouvoir de l'hospitaliser. Tandis que l'intervenant, lui, ou le médecin dit: Non, ça me prend un jugement de cour pour pouvoir être là. Pendant tout ce temps-là, évidemment, il y a quelqu'un, il y a une personne qui est concernée, qui est justement entre deux, et qui vit une situation probablement assez désespérante et encore plus désespérante pour la famille concernée. C'est ça?

Mme Marseille-Poirier: Oui. Et il faut bien que la commission réalise que, quand une famille se voit obligée d'avoir recours à l'ordonnance de cour, c'est toujours une situation extrêmement tragique. C'est très très dur. Et puis, il n'y a aucun des professionnels qui favorise la procédure.

M. Trudel: C'est important, ce dernier commentaire. Merci, je vais laisser la chance à mes collègues de poser...

Le Président (M. Dauphin): Merci. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. Mes premières paroles seront pour vous féliciter pour le magnifique travail que vous avez fait et le bénévolat que vous faites. Le bénévolat, il n'y a pas de prix pour ça. J'en ai fait passablement, du bénévolat. Quand bien même on est député et qu'on a un salaire, on en fait encore du bénévolat. Félicitations pour votre travail.

M. Poirier: Merci.

M. Houde: J'aimerais une courte question. À quel mécanisme la Fédération fait-elle allusion quand elle écrit, et je cite: "Ce serait une façon de démocratiser davantage le rôle du Protecteur"?

M. Poirier: En ce qui concerne le rôle du député?

Des voix: Oui.

M. Houde: Le député et le Protecteur parce que c'est vous...

M. Poirier: On n'avait pas à l'esprit un mécanisme précis.

M. Houde: Non?

M. Poirier: Tout simplement, si on se réfère à la question et sachant que chaque député a un bureau dans son comté et que le député est plus proche des citoyens que le Protecteur peut l'être actuellement, ça facilite, si vous voulez, l'expression du litige et ça précise le point du citoyen.

M. Houde: Merci. C'est tout.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? Alors, de mon côté. Je pense que mon collègue a très bien fait le point tantôt, relativement à la juridiction du Protecteur du citoyen. Évidemment, c'est lorsqu'il y a des problèmes dans le réseau avec le service de santé et de services sociaux, au niveau des services, qu'à ce moment-là, le Protecteur n'a pas juridiction. Ça, on l'a très bien compris. Dans un paragraphe, au niveau de l'extension de la juridiction, vous dites que, dans certaines régions, la Commission des services juridiques refuse de payer les frais d'une demande d'ordonnance faite pour une personne atteinte de maladie mentale, qui est admissible à l'aide juridique, alléguant que la personne qui fait la demande est responsable des frais. Vous savez qu'il y a toujours une possibilité de révision. Est-ce que vous allez en révision dans ces cas-là? Vous êtes-vous déjà essayés en révision?

M. Poirier: Ça fait à peu près un an qu'une des associations travaille sur le sujet. Je crois comprendre qu'il y a grève de zèle en ce qui concerne les membres de l'aide juridique. Alors, ceci, actuellement, nous rend la réponse difficile. Ce qui arrive très souvent... Maintenant, il y a un autre problème en ce qui concerne l'ordonnance de cour, c'est que le but premier de la Loi sur la protection du malade mental -a été d'empêcher les hospitalisations abusives. Alors, le climat de cette loi-là ou le contexte de cette loi-là se perpétue parce qu'il n'y a pas eu de modification majeure à l'esprit de la loi. Aujourd'hui, vu les changements qu'il y a en ce qui concerne la politique des hôpitaux, en ce qui concerne la politique du ministère, eh bien, les hospitalisations abusives sont réduites à leur plus simple expression. Par contre, la loi - et ça, c'est un des points précis - met des bâtons dans les roues lorsqu'on a besoin d'un service ou d'une ressource ponctuelle pour répondre à une urgence qui est la situation de crise. Alors, c'est un des problèmes qu'on vit assez fréquemment.

Le Président (M. Dauphin): Justement, dans ces cas-là, on a travaillé là-dessus. Ce serait peut-être un cas où le Protecteur pourrait intervenir en équité, dans un cas comme celui-là. Changement de propos, vous avez dit tantôt que les "ombudspersons" ou les ombudsmans de maisons spécialisées, sectoriels, ça n'apportait pas nécessairement la meilleure garantie d'objectivité, d'impartialité ou éliminant toute forme de conflit d'intérêts. Il y a d'autres groupes qui nous ont présenté des mémoires, nous disant que, si le Protecteur du citoyen avait des délégués dans la plupart des établissements, peut-être que, si le Protecteur du citoyen était retenu comme un recours externe, exemple, de troisième niveau, à ce moment-là aussi, il y aurait un conflit d'intérêts ou un potentiel conflit d'intérêts entre le délégué du Protecteur qui travaille dans l'établissement, qui reçoit les plaintes et qui essaie de faire son possible pour faire un bon travail... Et s'il y a un recours au Protecteur du citoyen - il y en a plusieurs qui nous disent ça dans leur mémoire - il y aurait également une relation délicate entre le Protecteur auquel on a recours en appel, si vous me permettez l'expression, et son délégué qui travaille là comme "ombudsperson". Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous? (17 heures)

M. Poirier: Ça dépend du mandat de ce délégué-là. Si le mandat est de représenter le Protecteur du citoyen dans l'institution, le conflit d'intérêts se pose tout simplement sur une incompréhension, à mon avis. C'est comme ça que je vois le problème, moi. Remarquez bien, la question est très théorique en ce qui me concerne, actuellement. Il me semble justement que ce serait peut-être une situation acceptable, de prime abord. Comme je vous le disais...

Le Président (M. Dauphin): Alors, vous préféreriez ça, si je comprends bien.

M. Poirier: Bien oui. Ça me paraît, si vous voulez, même, peut-être, une situation idéale parce que le Protecteur du citoyen serait représenté d'une façon plus immédiate sur les lieux. Il serait peut-être plus en mesure de juger également les situations ou les problèmes qui peuvent se poser à l'intérieur d'une institution.

Le Président (M. Dauphin): O. K. Quand vous parlez d'une nomination de vice-protecteur, vous faites référence à des vice-protecteurs spécialisés. Il y aurait un vice-protecteur qui s'occuperait, exemple, de la santé mentale, un autre, un autre domaine.

M. Poirier: C'est ça, oui.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Merci beaucoup.

M. Trudel: Je voudrais avoir encore une précision, s'il vous plaît, sur cette conception du traitement des plaintes dans le réseau de la santé et des services sociaux. On comprend tous, M. le Président vient de vous faire répéter, que, pour vous, des personnes nommées par les institutions elles-mêmes pour traiter des plaintes sur les services dispensés par ces institutions, vous avez des problèmes de crédibilité avec ça, vous. Vous avez des problèmes sur l'équité des décisions, etc.

Est-ce que, par ailleurs, pour aller au bout du raisonnement, compte tenu de la grandeur du réseau et que c'est peut-être difficile, dans les circonstances actuelles, de penser que le Protecteur du citoyen en arriverait à avoir la possibilité d'avoir un représentant dans chacun des établissements, c'est peut-être difficile d'y penser à court terme comme meilleur système, est-ce qu'il ne vous apparaît pas qu'un mécanisme de traitement de plaintes dans l'établissement et à la régie régionale, avec la possibilité d'aller au Protecteur du citoyen à l'externe donc des institutions, n'est pas une garantie suffisante de l'équité de la décision ou du recours quant aux services qu'on reçoit dans le système? Vous comprenez ce que je veux dire. Est-ce qu'au troisième niveau, je m'en vais au Protecteur du citoyen, supposons, théoriquement, ça ne vous apporterait pas la garantie suffisante quant aux difficultés que vous avez de concevoir que, dans certains établissements, on va peut-être fonctionner en termes de conflits ou encore s'il y en avait des conflits, le Protecteur, lui, pourrait les voir comme ressource externe? Ce ne serait pas suffisant comme mécanisme de garantie sur l'équité des décisions?

M. Poirier: Dans notre réponse, nous autres, on parlait plus spécifiquement d'une personne spécialisée...

M. Trudel: Oui.

M. Poirier:... au plan de la maladie mentale.

M. Trudel: J'inclus ça. Je m'excuse, j'inclus ça comme possibilité, c'est-à-dire que je suppose, comme condition, que chez le Protecteur du citoyen, évidemment, il y a quelqu'un qui connaît ce secteur. Je peux donner une illustration. Actuellement, par exemple, eu égard à tout le zonage agricole, je ne parle pas des décisions de la Commission de protection du territoire agricole, mais il y a, au Protecteur du citoyen, une personne qui est spécialisée plus spécifiquement dans ce secteur-là. Lorsqu'il y a des plaintes qui arrivent dans le domaine de la protection du territoire agricole, eh bien, c'est cette personne.

Alors, j'imagine qu'en matière de santé mentale, le secteur qui vous préoccupe, je suppose que chez le Protecteur du citoyen, en ayant cette responsabilité, on va instituer une personne plus spécifiquement compétente dans ce secteur. On suppose ça, que ça existe. Est-ce que la garantie ne serait pas suffisante à ce moment-là pour conserver, en quelque sorte, ou instituer un premier mécanisme de plaintes par l'interne dans les établissements et, au deuxième niveau, dans les régies régionales?

M. Poirier: En ce qui nous concerne, oui, parce que, nous, on s'occupe plus spécifiquement de la personne malade en dehors de l'hôpital...

M. Trudel: O. K.

M. Poirier:... et les problèmes qui se posent en ce qui concerne la famille, parce que l'hospitalisation est presque une période de répit pour la famille. C'est la seule ressource souvent que nous avons. Alors, c'est peut-être pour ça qu'on la rend si sévère, aussi difficile.

Il y a peut-être un autre commentaire, si vous permettez, pour préciser. C'est que nous autres, on représente, si vous voulez... Jusque dans une certaine mesure, des fois, on parle au nom de la personne malade. C'est parce que, lorsqu'une personne est atteinte de maladie mentale, ça n'affecte pas son intelligence, mais ça affecte, si vous voulez, sa facilité d'expression et toute situation de stress peut créer un blocage. C'est pour ça que, très souvent, les familles parlent beaucoup au nom de cette personne. C'est que le dialogue peut s'établir, le dialogue s'établit même très difficilement avec un professionnel, parce que le professionnel, premièrement, en ce qui concerne les psychiatres, il en manque 50 % au Québec, au minimum, alors ils vont accorder une entrevue de 20 minutes, et les questions précises, très souvent, peuvent créer un blocage. Alors, l'image que le professionnel va se faire en ce qui concerne le malade est parfois complètement différente de celle que la famille vit d'une façon régulière, 24 heures par jour, 7 jours par semaine, et ceci particulièrement en ce qui concerne la mère.

Le Président (M. Dauphin): D'accord... M. Trudel: Très bien, merci beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): Alors le temps est écoulé, M. Poirier, Mme Poirier, M. Dupont. Nous tenons, au nom de tous les membres de la commission des institutions, à vous remercier de votre participation à nos travaux et à vous souhaiter un bon retour.

Des voix: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Je demanderais par la suite à Mme Micheline Lynch, qui est ombudsman et déléguée du Protecteur du citoyen au Centre hospitalier régional de Lanaudière, de s'approcher.

Encore une fois, bienvenue, Mme Lynch. La façon dont la procédure fonctionne, nous avons droit à une période d'une heure, c'est-à-dire 15 minutes pour votre exposé et 45 minutes pour la période d'échanges entre les membres de la commission et vous-même, par après. Si vous voulez débuter.

Ombudsman et déléguée du Protecteur

du citoyen au Centre hospitalier

régional de Lanaudière

Mme Lynch (Micheline): Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais peut-être apporter une précision de départ. Au moment où j'ai présenté mon mémoire à la commission des institutions, j'étais effectivement ombudsman du CHRDL, ce que je ne suis plus depuis janvier 1991. J'ai choisi d'orienter ma vie différemment et j'ai entrepris une maîtrise en droit de la santé à l'Université de Sherbrooke. Me Giguère a consenti à ce que je sois entendue malgré tout, puisque l'expérience que j'ai acquise demeure.

Ceci étant dit, j'ai choisi de vous résumer un petit peu mon mémoire puisqu'on le lisant, ça me prenait 45 minutes. Pour respecter les directives de M. le Président, c'est-à-dire 15 minutes, j'ai choisi certains points, de mettre en exergue certains points qui me semblaient les plus intéressants. Évidemment, parmi les interrogations que la commission nous a soumises, j'ai touché à la section 4, c'est-à-dire l'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen au réseau de la santé et des services sociaux. J'ai répondu oui immédiatement quant à l'élargissement du mandat, ce qui campe un peu ma présentation future. Aujourd'hui, la clientèle dont je souhaite vous entretenir concerne principalement les personnes hébergées. Je ne nie pas que les personnes ambulatoires, c'est-à-dire les personnes qui utilisent les services de santé, comme vous et moi, de façon cyclique ou lorsqu'un besoin particulier se présente, ont aussi certaines problématiques, éprouvent certaines problématiques avec le réseau, mais j'ai choisi d'axer ma présentation beaucoup plus sur les personnes qui vivent quotidiennement dans le réseau, c'est-à-dire qui ont besoin des professionnels du réseau pour l'expression de chacune de leurs activités de ia vie quotidienne. Ce sont souvent des personnes vulnérables et démunies, des personnes dépendantes de ce même réseau, et qui ont souvent à vivre des décisions prises par des tiers et qui les concernent dans chacune des expressions de leurs besoins. Alors, ça inclut les utilisateurs des services de santé mentale, les personnes handicapées intellectuelles, les personnes âgées en hébergement ou les personnes âgées utilisant les services de longue durée.

Lorsque j'ai entrepris ma fonction d'om-budsman, il y a presque huit ans, j'ai eu le privilège, je dirais, de travailler dans un établissement qui reconnaissait son imputabilité face aux gestes commis envers ses usagers, c'est-à-dire qui souhaitait rendre compte des décisions qu'il prenait à ses usagers, d'entendre leur insatisfaction et d'y répondre autant que faire se pouvait. Alors, il choisissait donc qu'un ombudsman agisse comme médiateur entre les usagers et l'administration. Malgré que j'aie bénéficié de ce privilège, je constatais ou je me questionnais sur certaines situations qui prévalaient, c'est-à-dire que les usagers du réseau, lorsqu'ils avaient à requestionner des décisions prises par les dispensateurs de services, ne pouvaient que voir leurs plaintes entendues par des pairs ou par les personnes mêmes qui avaient pris des décisions. Ça me préoccupait et ça soulevait des questions pour moi, dans un pays où on a une charte qui est certainement la plus belle au monde et qui dit que toute personne a le droit que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant qui ne soit pas préjugé et qui agisse dans la détermination de ses droits.

Ça présentait, en ce qui me concerne, certains problèmes. Je constatais aussi que le simple fait d'être hébergées dans un établissement de santé, à certains égards, pouvait dénier des droits à des personnes hospitalisées. Parce que pour moi, un bénéficiaire hébergé n'est pas un être désincarné, il continue à avoir des interrelations avec le reste du monde. Il pouvait éprouver des problèmes avec la Régie des rentes du Québec, la Société de l'assurance automobile, la Sécurité du revenu, la CSST, l'impôt provincial, par exemple, et je me rendais compte que, compte tenu de l'isolationnisme des établissements, ces plaintes-là restaient à l'interne et ne sortaient pas malgré que le Protecteur du citoyen avait juridiction. La personne avait besoin d'être aidée pour que sa plainte ressorte de l'établissement, et je constatais que ça ne se faisait pas.

Il ne restait très souvent aux usagers qui étaient capables de le faire, compte tenu de ce que je viens de dire précédemment, qu'un recours aux tribunaux, pour les personnes, encore une fois, qui étaient capables d'exercer ce recours-là. Dans la majorité des plaintes que je pouvais

traiter, je me rendais compte que le recours aux tribunaux était souvent la réparation la moins appropriée. Je constatais également que le rapport de force ou l'équilibre entre les usagers et les gestionnaires était souvent déséquilibré. Il m'apparaissait qu'il manquait un équilibrage pour que les pouvoirs des uns soient entendus ou soient traités de façon tout à fait équitable. Je constatais également une absence d'expertise des usagers et une absence de connaissance des employés du réseau des droits des personnes. Souvent, de bonne foi, on dénie des droits ou on ne les respecte pas en étant convaincu qu'on agit dans l'intérêt de la personne.

Donc, je me suis tournée vers le Protecteur du citoyen qui, suite à plusieurs discussions, a choisi de me donner un pouvoir de déléguée lorsque les usagers de l'établissement éprouvaient certains problèmes de fonctionnement ou d'échanges avec les fonctionnaires de la Sécurité du revenu et avec les gens du Curateur public. Il me donnait aussi accès à son contentieux et à l'expertise de son personnel pour les autres champs d'activité sur lesquels il avait juridiction et pour lesquels un usager de l'établissement pour lequel je travaillais pouvait éprouver certaines difficultés. On pourra y revenir, je suis certaine que vous allez sûrement avoir des questions.

J'aimerais répéter que je considère que le recours interne, local, près de la personne, exercé par des ombudsmans ou des responsables administratifs de traitement de plaintes, doit exister. Il est essentiel et fondamental, c'est un recours qui, généralement, trouve des solutions à beaucoup de problématiques, mais qui connaît des limites importantes.

Les difficultés pour les usagers. Je parlais, tout à l'heure, de l'équilibre qui est souvent précaire. Il est souvent difficile pour un usager de voir ou de faire modifier des règles adoptées par des gestionnaires. J'aimerais aussi rappeler qu'il relève souvent du casse-tête chinois, actuellement, pour un gestionnaire ou un décideur d'établir un équilibre entre une saine gestion et une saine clinique dans le respect des droits de la personne. Alors, c'est difficile et ça amène souvent certaines situations difficiles. J'aimerais en regarder quelques-unes avec vous, si vous me permettez. (17 h 15)

Les personnes hébergées, au Québec, paient des frais d'hébergement. On sait, dépendemment de l'avoir ou du revenu des personnes, que ça va de 600 $ à 1000 $, compte tenu des revenus. Plusieurs directives ou, en tout cas, à tout le moins une directive du ministère qui a été diffusée dans les établissements à partir de 1980, concernant l'allocation pour les dépenses personnelles, indiquait bien ce qui était à la charge de rétablissement et ce qui était à la charge du bénéficiaire. Il y a quelques années j'ai eu un bénéficiaire qui s'est présenté dans mon établis- sement parce qu'il venait d'être transféré. Il était dans un établissement d'hébergement de ia région, il était maintenant en longue durée. Il est venu me dire qu'il était très heureux d'être à rétablissement. Comme c'est très rare dans ma fonction que les gens viennent me dire qu'ils sont contents, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce qu'il avait à me dire. Finalement, il m'a dit: Depuis que je suis ici, je ne paye plus ma pâte à dents, je ne paye plus ma crème à barbe. Je me disais: Bon, c'est normal, on suit la directive du ministère. Or, comme je suis d'un naturel curieux, j'ai vérifié avec l'ex-directeur général de l'établissement dans lequel il était. Il a commencé par me dire qu'il ne connaissait pas la circulaire du ministère, finalement, il m'a dit qu'il la connaissait, mais qu'il ne pouvait pas l'appliquer parce qu'il n'arriverait pas. Or, suite à une étude un petit peu plus poussée des autres établissements de la province, je me suis rendue compte que cette directive-là n'était pas suivie dans plusieurs établissements et de gros établissements. C'est donc dire que des personnes à qui on octroie 125 $ de prestations doivent en plus payer des choses qui normalement devraient être payées par leurs frais d'hébergement. C'est connu, le conseil régional est au courant, et quand j'ai vérifié avec le ministère, on m'a dit que cette directive ou cette circulaire qui date de 1980 était à l'étude. Donc, depuis 1980, des personnes sont perdantes dans le réseau, et ce sont les personnes les plus démunies. C'est un exemple de gestion des biens.

J'aborderais peut-être maintenant la sectorisation en psychiatrie. Au Québec, on a le libre choix de son médecin, semble-t-il, et du professionnel qu'on veut rencontrer, le libre choix de son établissement et de son médecin. C'est d'autant plus fragile en santé mentale où on a, dans le cadre d'une thérapie, à présenter à un psychiatre des problèmes éminemment personnels. Le choix d'un psychiatre est une chose très importante. Il y a quelques années le Conseil régional de la santé et des services sociaux du Montréal métropolitain avait choisi d'étudier ou de se pencher sur la situation faite aux personnes - ce qu'on appelle dans notre jargon des portes tournantes - ces personnes qui réagissent mal aux thérapies ou à la médication, qui utilisent de façon cyclique les ressources de santé mentale et qui ne sont jamais guéries, entre guillemets. Or, au Conseil régional, parce que ces patients-là faisaient énormément de tours d'ambulance d'un établissement à l'autre, on ne les voulait pas, et c'était considéré comme des patients pas très intéressants. Le Conseil régional a établi une règle qui voulait que l'établissement du secteur où vit le bénéficiaire soit obligé de le prendre. Ce qu'on a vu dans le réseau depuis plusieurs années, c'est la règle contraire. La règle du Conseil régional partait d'un bon principe: s'assurer que chacun des bénéficiaires en difficulté ait les services auquel il a droit. Ce

qu'on applique dans le réseau maintenant, et qu'on a appelé la sectorisation, c'est uniquement l'établissement de sa région qui doit le recevoir et le traiter. Or, le bénéficiaire a perdu son libre choix et lorsqu'il veut l'exercer c'est beaucoup de luttes et de guerres. Ça pose le problème suivant: le secteur, le lieu d'hébergement ou d'hospitalisation, dépendamment de la région où il reste, lui associe également le médecin et l'équipe. Cette règle est connue dans le réseau. Elle est connue des établissements. On a même étendu cette règle-là en disant qu'il fallait que ça fasse six mois que la personne reste dans telle région pour être admissible à tel établissement. Ceci, pour éviter que des établissements envoient dans d'autres régions des bénéficiaires et que l'autre établissement soit obligé de le prendre en charge. C'est une des règles du réseau, c'est-à-dire que c'est une pratique administrative à laquelle on a donné force de loi.

Il y a aussi un troisième exemple que je vous apporterais, l'utilisation des foyers clandestins, clandestins dit d'une façon non péjorative, foyers qui n'ont pas de permis. Le ministère s'est cru obligé d'envoyer une directive aux établissements pour leur dire qu'il était tout à fait inadéquat qu'ils acheminent des bénéficiaires vers des ressources qui ne sont pas accréditées ou qui n'ont pas de permis. Cette situation-là existait. Lorsque les établissements veulent désengorger les urgences, très souvent, ils vont faire des ententes avec des familles qui ne sont pas des familles d'accueil, des familles qui sont prêtes à accepter des bénéficiaires. Généralement, ça se passe bien, il n'y a pas de problème. Mais si la famille est inadéquate ou que la ressource est inadéquate, il n'y a plus aucun recours puisque personne n'a juridiction sur cette famille-là. Lors du colloque sur la violence faite aux personnes âgées tenu récemment, plusieurs intervenants dans chacun des ateliers en ont parlé finalement de cette règle qui est connue de tous et qui perdure. Le projet de loi vient corriger cette situation.

Le dernier exemple que je souhaiterais vous apporter... Lorsque j'ai pensé ou que j'ai dit aux personnes près de moi que je parlerais de la dyskinésie tardive aujourd'hui, elles m'ont dit: C'est "touchy", es-tu certaine que tu vas aller parler de ça? J'ai dit: Oui, c'est peut-être la dernière chance qu'on a pour plusieurs années de venir en commission parlementaire parce qu'on est venus pour à peu près tous les sujets dernièrement, ces dernières années. Il existe dans notre réseau de la santé un droit pour les personnes d'être informées des conséquences d'un traitement. On s'entend sur ça lorsque le médecin a une obligation de traiter. Le médecin a aussi un privilège thérapeutique par son code de déontologie qu'il peut utiliser, c'est-à-dire taire certaines informations qui pourraient causer un préjudice au patient. La dyskinésie tardive, c'est la manifestation d'effets secondaires physiques importants et permanents chez des personnes à qui on administre des psychotropes. Dans les orientations du ministère, on avait prévu un comité se penchant sur l'utilisation des psychotropes. Ce comité-là, on n'en a pas réentendu parler. Ce n'est pas illégal pour les raisons quo je vous disais tout à l'heure, sauf que c'est un débat éthique qu'on n'a pas fait sur la place publique. Tous les professionnels sont au courant. On sait les manifestations que ça apporte, mais ça reste en vase clos dans notre réseau.

C'étaient quatre exemples que je souhaitais vous apporter aujourd'hui pour étayer un petit peu ma prémisse de départ, c'est-à-dire que, oui, le réseau peut traiter ces plaintes, mais il n'en reste pas moins un certain nombre qui posent certains problèmes et qui doivent être entendues à une autre instance. Il est difficile pour un usager de faire invalider une directive adoptée par un établissement.

Le règlement d'application sur l'organisation et l'administration des établissements indique également que les conseils d'administration doivent voter des règlements dans l'intérêt de la personne qui est hébergée ou qui vit dans son établissement. Par exemple, sur l'isolement et les contentions, les heures de visite, les congés temporaires des personnes, les modes d'administration de l'allocation d'un bénéficiaire, les modalités d'adoption et de révision des plans d'intervention. On doit adopter ces règlements-là. Quand on essaie de comparer notre règlement et qu'on appelle dans la majorité des établissements pour faire venir lesdits règlements, on se rend compte qu'ils ne sont pas adoptés partout. On se rend compte que certains de ces règlements-là, en plus, viennent nier des droits aux bénéficiaires. Il n'y a personne qui est chargé de contrôler ou de regarder la validité de ces règlements-là.

Ceci étant dit, je terminerai peut-être rapidement en répondant à la question: Pourquoi le Protecteur du citoyen devrait-il avoir juridiction en santé et services sociaux? Premièrement, pour favoriser la transparence, pour sortir l'isolationnisme dans lequel les établissements et les usagers sont. Le réseau de la santé travaille en vase cfos, et il m'apparaft essentiel qu'une bouffée d'air frais entre dans ce réseau-là et qu'on sorte de l'isolationnisme dans lequel on est.

Il m'apparaît aussi important de reconnaître que le Protecteur du citoyen a de l'expertise dans plusieurs domaines qui touchent la vie des bénéficiaires hébergés. Il a déjà juridiction et, très souvent, son champ d'expertise s'arrête à la porte de l'établissement. Dans beaucoup de situations, j'ai vu des bénéficiaires qui avaient finalement un demi-droit. À partir du moment où ça mettait en cause un établissement, le recours au Protecteur s'arrêtait à la porte.

Il y a aussi finalement que, financière-

mont... J'onhHKliils Mme la jugo Rivost, lors de sa nomination, qui pariait du Tribunal des droits de la personne, qui disait que c'était peut-être un peu gênant, dans le contexte actuel, de nommer un nouveau tribunal. Le Protecteur du citoyen est déjà là, il a déjà l'expertise et toute l'infrastructure voulue. Ce n'est pas le motif le plus important, mais if mérite quand même d'être souligné.

Il m'apparaît aussi important d'éliminer la discrimination selon le lieu de vie où vivent les bénéficiaires. Si on a un problème avec son locateur, on peut facilement avoir accès à la Régie du logement, à d'autres régies ou à une autre instance, mais si on est bénéficiaire d'un établissement et qu'on veut se plaindre des services offerts dans l'hôpital, on doit se plaindre à la personne qui nous donne le service. Ça me semble actuellement inéquitable et souffrir de discrimination.

Si la personne vit des conflits de droits et des relations humaines à l'intérieur même de l'établissement où elle est, elle n'a pas de médiateur ou de personne qui peut l'assister ou l'aider, indépendamment de la bonne foi et de la volonté des établissements de régler la majorité de leurs plaintes.

En conclusion, je vous dirai que je crois à l'importance de la reconnaissance de l'imputabi-lité des dispensateurs de services. Je pense qu'ils vont traiter et qu'ils traitent la majorité de leurs plaintes de façon adéquate, mais je crois principalement l'usager. J'ai connu et vécu les difficultés des usagers du réseau à voir leurs droits appliqués, à se voir traités comme des êtres égaux malgré la charte. J'ai pu vivre avec eux des souffrances et des colères qui ne trouvaient pas de solution. J'ai choisi d'inventorier des moyens ou de mettre à ma disposition le plus de moyens possibles par un projet pilote dont on pourra reparler.

Je souhaite donc la création d'un système de protection des droits complet et intégré, d'un système de traitement en établissement local près du bénéficiaire, mais avec un recours non judiciaire en appel des décisions et qui sera axé sur le citoyen. Mon espoir est donc que, dans une réforme axée sur le citoyen, il le soit véritablement, lui reconnaissant le droit à la protection de ses droits par un recours efficace, qui possède un pouvoir de commissaire-enquêteur, qui possède un pouvoir de regarder à la source les modalités de traitement de la plainte et qui aura le pouvoir de regarder les deux parties ou les deux côtés de la médaille pour en arriver à une décision équitable. Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup, Mme Lynch, pour votre présentation qui est très intéressante. On va maintenant débuter avec M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Oui, effectivement, vous êtes la première personne que nous recevons ici, qui a une expérience très concrète de ce que c'est que d'être "ombuds-person" dans une institution, dans un établissement du réseau de la santé et des services sociaux. C'est le premier aspect qui m'intéresserait ici, en termes de question. Sur la fonction que vous occupiez au Centre hospitalier régional de Lanaudière. D'abord, vous étiez là en vertu d'une entente avec le Protecteur du citoyen. Oui, c'est ça?

Mme Lynch: J'étais premièrement ombudsman d'un centre hospitalier. Je le disais un petit peu tout à l'heure. C'est-à-dire que l'établissement avait choisi, le conseil d'administration avait choisi d'engager un ombudsman, c'est-à-dire une personne responsable du traitement des plaintes. Dans le cadre de mes fonctions, j'ai, à partir de certaines difficultés rencontrées, sollicité le Protecteur du citoyen pour obtenir une certaine expertise dans certains dossiers. Les limites que je vivais m'ont fait me retourner vers le Protecteur du citoyen. Dans les champs d'application ou les champs sur lesquels il avait juridiction, il a choisi de circonscrire mon mandat, c'est-à-dire de me donner en plus de ma fonction d'ombudsman, un rôle de déléguée du Protecteur du citoyen lorsque les employés de l'établissement avaient des problèmes avec le Curateur public, par exemple, ou avec la Sécurité du revenu.

J'avais deux chapeaux très distincts. Je relevais du Protecteur du citoyen uniquement lorsque mon pouvoir, comme ombudsman de rétablissement, s'arrêtait à la porte de l'établissement. Je n'avais pas juridiction sur le Curateur public ou sur la Sécurité du revenu pour donner ces deux exemples-là. C'était vraiment deux mandats spécifiques qui se sont faits dans le cadre d'un projet pilote, dans le cadre d'une entente de gré à gré entre la direction de l'établissement et le Protecteur actuel qui considérait que les citoyens pour lesquels je travaillais étaient finalement les citoyens les plus démunis du Québec, qui avaient peut-être intérêt à être entendus et écoutés.

M. Trudel: Alors, je comprends bien que pour certaines fonctions que vous exerciez pour des personnes dans le centre hospitalier, et qui étaient en quelque sorte des éléments externes, là vous aviez une espèce de délégation de pouvoirs du Protecteur du citoyen du Québec. Pour ce qui est de l'interne dans l'établissement, vous étiez une employée.

Mme Lynch: Exactement.

M. Trudel: J'aimerais savoir si, pour l'intérieur de l'institution, le fait que... D'abord vous deviez vous présenter comme cela, j'imagine,

puisque c'était réel, vous deviez vous présenter comme étant l'ombudsman de l'institution et déléguée du Protecteur du citoyen. Est-ce que cela augmentait de façon notable - c'est vous qui l'avez vécue l'expérience - ce que je pourrais appeler la crédibilité, votre crédibilité, en termes de mécanisme de traitement des plaintes?

Mme Lynch: Le fait que je puisse avoir cette délégation-là augmentait effectivement la crédibttKé à l'interne. La crédibilité du Protecteur du citoyen est acquise et les gens considérant qu'il m'octroyait cette délégation-là a ajouté, c'est évident, et c'a aidé à l'interne dans le traitement de la plainte. C'a eu des effets peut-être un peu négatifs pour certaines personnes, mais 4a majorité des personnes qui étaient axées sur l'intérêt des bénéficiaires pour lesquels on devait dispenser des services étaient tout à fait favorables à ce qu'ils soient assistés, aidés et entendus.

M. Trudel: Mais donnez-moi donc, s'il vous plaît, un exemple si vous en avez à la tête, d'aspect négatif?

Mme Lynch: Je m'excuse, je n'ai pas compris.

M. Trudel: Je m'excuse. Donnez-moi donc un ou des aspects négatifs qui ont pu se présenter de par le statut que vous aviez de représentante du Protecteur du citoyen.

Mme Lynch: La peur. La peur de certaines personnes que le pouvoir du Protecteur du citoyen soit utilisé, même s'il n'avait pas juridiction dans les établissements. La délégation n'a pas été nécessairement toujours facile à vivre et à comprendre à cet égard-là. Je vais vous donner un exemple très concret. Il est arrivé dans certaines situations qu'on a pu constater qu'un bénéficiaire avait un certain problème, semble-t-il, avec le Curateur public. Lorsqu'on a évalué la plainte et vérifié avec le Curateur public ce qui se passait, on se rendait compte que c'était peut-être l'établissement qui avait un certain problème. Alors, c'était où enlever le chapeau et où le laisser. Pour moi, il y a des principes importants quand on travaille pour un établissement, c'est la solidarité qu'on doit avoir envers notre employeur. Pour moi, c'est un principe fondamental auquel je crois et je continue à croire. C'est là qu'il n'était pas nécessairement facile de faire le partage. On y allait toujours dans l'intérêt de la personne et, comme il y avait une administration qui était ouverte à l'intérêt de ces bénéficiaires-là, on pouvait toujours trouver un terrain d'entente, mais ça a créé chez certaines personnes, je dirais, une certaine peur. C'était nouveau: Pourquoi chez nous?

Comme l'ombudsman du CHRDL était très proactif dans la promotion et la défense des droits, ça a comme insécurisé certaines personnes, mais les effets positifs ont été très grands. (17 h 30)

M. Trudel: Insécuriser certaines personnes pas parmi les usagers, c'est le contraire.

Mme Lynch: Absolument pas. M. Trudel: C'est le contraire.

Mme Lynch: Oui. C'est ce que je veux bien faire comprendre.

M. Trudel: C'est plutôt vers les responsables de l'organisation des services. C'est extrêmement important ce que vous nous dites là parce qu'un projet de loi vient d'être déposé à l'Assemblée nationale - vous y avez fait allusion il y a quelques minutes, on l'étudiera en commission parlementaire à partir de la semaine prochaine - où précisément la loi va obliger les établissements et les régies régionales à nommer un de leurs cadres supérieurs responsable du traitement et du mécanisme de traitement des plaintes. Là, vous allez probablement vous montrer très sceptique vis-à-vis ce mécanisme-là, vous qui avez l'expérience?

Mme Lynch: Non. Je l'ai dit au départ, je crois au traitement local des plaintes, et une majorité de plaintes peuvent être traitées à ce niveau-là. Ce mécanisme-là peut être profitable, à la condition que le mécanisme externe existe. Je ne voudrais pas qu'on associe la peur du réseau au Protecteur du citoyen. L'expérience que j'ai vécue, je veux bien la cibler; cette peur-là était vécue parce que c'était nouveau, les juridictions étaient... Dans tout projet pilote les objectifs étaient clairs mais, dans l'application, ce n'est pas nécessairement toujours facile à vivre. Je ne voudrais pas qu'on pense que c'est un recours qui pourrait faire peur d'une façon indue; c'était vraiment la nouveauté et le rôle proactif que... Personnellement, il faut détacher les choses aussi.

Mais pour répondre à votre question de façon plus précise, il y a certains commentaires, effectivement, qu'on pourrait apporter sur les modalités techniques qui sont prévues dans le projet de loi. Qu'on reconnaisse l'imputabilité à une personne ou à l'établissement, ou qu'on reconnaisse l'imputabilité de l'établissement et qu'on oblige les établissements à nommer une personne responsable du traitement des plaintes, ça me semble fondamental. Le rattachement de cette personne-là, on peut en reparler. À mon point de vue, elle devrait relever du conseil d'administration et avoir à rendre compte aux administrateurs de l'établissement. Le projet de loi a choisi une autre optique: le faire relever du directeur général. À mon point de vue, ça ajoute à la difficulté.

M. Trudel: Vous, nommément, dans votre fonction, en ce qui regardait votre travail auprès de l'établissement, dans l'établissement, vous releviez du conseil d'administration et non de la direction générale?

Mme Lynch: Je relevais du président du conseil d'administration et non pas du président du conseil, mais évidemment que mon lien fonctionnel était avec le directeur général, c'est évident. Si le contact avec le directeur général n'est pas à la collaboration, il est tout à fait...

M. Trudel: Très bien. Je reviendrai s'il reste quelques instants tantôt. Merci beaucoup.

Le Président (M. Dauphin): II va rester du temps. Aucun problème. Alors, c'est très intéressant. Pour en revenir, vous dites au début, évidemment, qu'on constate une absence de recours sérieux et crédible pour les personnes utilisant le réseau de la santé et des services sociaux. Vous parlez, à un moment donné, du conseil régional. Vous dites, à un moment donné, qu'il faudrait modifier tout ça, toujours dans le contexte qu'il manque de crédibilité et de sérieux. À ce niveau-là, toujours en tenant compte, évidemment, du projet de loi 120, quelle modification précise y verriez-vous pour que ça devienne plus sérieux, plus crédible et qu'il y ait une confiance au système?

Mme Lynch: Quand on a un système local comme on avait dans l'établissement pour lequel je travaillais, le recours au conseil régional était très peu utilisé, effectivement, surtout dans une région étendue comme celle où je travaillais et où le conseil régional était bien loin et non connu. La première grande difficulté qu'on constatait lorsqu'une plainte était adressée au conseil régional, c'est que le conseil avait juridiction uniquement en cas d'absence de service. Généralement, les usagers, ce n'est pas nécessairement de ça dont ils veulent se plaindre. Mon prédécesseur a parlé des établissements qui refusent de traiter des bénéficiaires ou d'admettre des bénéficiaires; c'est une partie des plaintes. Les usagers qui vivent en établissement les ont, les services. La qualité des services, le conseil régional n'a même pas juridiction sur cette qualité de services-là.

Je disais tout à l'heure que je croyais à l'imputabilité des établissements, je crois aussi à l'imputabilité du conseil régional, mais je continue à penser que c'est un recours interne. C'est un recours qui est valable, à la condition qu'un recours externe existe.

Le Président (M. Dauphin): Vous nous suggérez, à un moment donné, dans le chapitre des "ombudspersons" - si vous me permettez l'expression - qu'elles ne devraient pas relever du Protecteur du citoyen. Par contre, dans la fiche technique vous concernant, dans votre ancien rôle, étant déléguée du Protecteur du citoyen, vous aviez, à ce moment-là, des pouvoirs et l'immunité des commissaires-enquêteurs. Mais un "ombudsperson" ne relevant pas du Protecteur du citoyen n'a pas cette immunité-là, n'a pas ce pouvoir-là.

Mme Lynch: II faut bien comprendre que le pouvoir de commissaire-enquêteur - que je n'ai jamais utilisé, soit dit en passant, puisque tes relations avec le Curateur public ou la Sécurité du revenu ont été harmonieuses et n'ont jamais nécessité l'utilisation du pouvoir de commissaire-enquêteur malgré que j'aie relevé, dans ces dossiers-là, du Protecteur du citoyen - ça ne me donnait pas un pouvoir de commissaire-enquêteur dans l'établissement pour lequel je travaillais. Je n'ai même jamais eu accès aux dossiers des bénéficiaires de l'établissement dans lequel j'étais, comme ombudsman d'hôpital. C'était peut-être une des difficultés. Comme Protecteur du citoyen, j'avais juridiction, mais pas comme ombdusman de l'établissement.

Si j'ai bien compris le sens de votre question, vous souhaitez peut-être qu'on aborde la question: Est-ce que l'ombudsman d'établissement devrait relever du Protecteur du citoyen? Je considère que la fonction d'ombudsman dans un établissement de santé est une tâche très difficile. On est toujours entre l'arbre et l'écor-ce. Les usagers, souvent, nous reprochent de ne pas en faire trop et les responsables ou les administrateurs nous disent qu'on en fait toujours trop. C'est difficile d'établir un partage et un équilibre, d'avoir le ton et la démarche dans chacune des plaintes et chacun des dossiers. Quand on est animé de valeurs qui nous font donner un préjugé favorable aux bénéficiaires, le partage n'est pas nécessairement facile. Mais à mon point de vue, il est éminemment important de ne pas mêler les niveaux de recours. Encore une fois, je crois à l'imputabilité de l'établissement, je crois à son obligation de donner des services de qualité et de faire en sorte, par tous les moyens à sa disposition, de donner des services de qualité. Mais ça demeure un recours de premier niveau. Le recours ne doit pas être fait pour protéger ou faciliter la tâche de l'ombudsman. Même si c'est une job difficile, ça fait partie, c'est inhérent à la fonction, que ce soit difficile. Le recours doit être au profit des usagers, il doit leur appartenir et il doit faire en sorte qu'ils puissent avoir une audition impartiale d'une situation qui ne vient pas d'un prestataire de services.

Le Président (M. Dauphin): Dans le rôle important que vous avez joué à cet hôpital régional de Lanaudière, au Centre hospitalier de Lanaudière, avez-vous déjà été témoin d'usagers ou de bénéficiaires qui vous auraient dit qu'ils ne faisaient pas de requête ou de plainte de peur

de représailles?

Mme Lynch: Oui. C'est une des difficultés que, moi, je n'ai pas vécue, mais que plusieurs ombudsmans d'autres établissements ont vécue, de pouvoir agir de sa propre initiative sans avoir à donner les sources. Dans l'établissement où je travaPlais, je n'ai jamais eu à le faire, à dévoiler mes sources. J'ai eu fréquemment des usagers qui sont venus me rencontrer et me dire: Je te dis ce que j'ai à te dire parce qu'il faut que je le dise à quelqu'un, mais je ne veux pas que tu fasses rien avec parce que j'ai trop peur des représailles. Alors, ce que je peux répondre à l'usager, à ce moment-là: C'est difficile pour moi de t'akJer si tu ne peux pas t'identtfier. À ce moment-là, on pouvait développer, à partir du moment où je ne suis pas obligée de dévoiler mes sources, des moyens où on pouvait taire la plainte un certain temps et la remettre sur le tapis sans identifier la personne, quand c'était possible. Mais, effectivement, vous avez tout à fait raison, dans beaucoup de situations, les usagers vont se taire parce qu'ils se disent: La correction que je souhaite ne me sera pas donnée et ça va être pire après.

Un autre élément très important quand on peut agir de sa propre initiative, c'est que les employés souvent viennent nous parler de situations que vivent les bénéficiaires parce qu'ils ont très peu d'endroits, dans notre réseau, pour pouvoir apporter ce genre d'information.

Le Président (M. Dauphin): Vous dites, un peu plus loin, si vous me permettez, aux pages 7 et 8 de votre mémoire, qu'on doit cesser de reconnaître dans la loi les comités de bénéficiaires comme un recours car ils sont et doivent demeurer des mécanismes d'aide et d'accompagnement. Vous dites, un peu plus loin dans le mémoire, qu'il faut un support et un rôle accru aux comités de bénéficiaires pour leur permettre de jouer un rôle critique déterminant. Qu'est-ce que vous entendez par un rôle accru pour ces comités de bénéficiaires?

Mme Lynch: C'est qu'on a constaté qu'on a souvent, autant auprès des usagers que de certains de ces mécanismes-là, confondu les rôles et les responsabilités de chacun. Il y a une différence, pour moi, entre être un mécanisme d'aide et d'accompagnement et assister une personne à exercer un droit. C'est toute la distinction entre la promotion et la défense par rapport à la protection des droits. Pour moi, un comité de bénéficiaires est l'instance qui aide le bénéficiaire, qui l'achemine et l'accompagne dans sa démarche, si besoin est, ou qui le fait à sa place s'il est incapable de le faire, qui l'accompagne dans sa démarche face à un recours. C'est ce que je voulais dire dans ce texte-là. Quand on dit qu'il y a des comités de bénéficiaires, que tout va baigner dans l'huile si les comités de bénéficiaires sont renforcés, oui, l'aide et l'accompagnement vont être là, mais ça ne fait pas pour autant qu'on intensifie ou qu'on améliore nos recours. C'est les recours qui sont responsables de la protection des droits des personnes, ce que le Protecteur du citoyen fait.

Le Président (M. Dauphin): O.K. Je vais maintenant reconnaître M. le député d'Iberville, ensuite, je reconnaîtrai M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Lafrance: Oui. Merci, M. le Président. Ma question touche le rôle du Curateur public. Tout à l'heure, j'ai demandé au Curateur public de me préciser comment il pouvait s'assurer de la défense des droits des personnes qui sont complètement démunies, qui sont prises en charge par le Curateur public d'une façon permanente et quotidienne, si on veut, dans nos institutions? On m'a répondu que la fréquence était très grande, que, tous les jours, on s'occupait de ça. Or, vous qui avez oeuvré sur les lieux mêmes d'un centre hospitalier, je vois en page 28, ici, que vous marquez: "II serait faux de prétendre qu'actuellement le Curateur public est présent auprès de ses administrés et qu'il les assiste ou les représente dans chacun des actes importants qui les concerne. Le Curateur public fait confiance aux établissements et n'a, pour l'instant, aucun mécanisme de contrôle sur la qualité des services offerts à ses administrés." En page 29, vous mentionnez que, par contre, avec la nouvelle loi, vous souhaitez que cette situation-là soit améliorée. Ce qui me laisse des doutes, moi. Comment vous envisagez un mécanisme de collaboration entre le Curateur public et, éventuellement, le Protecteur du citoyen dans le milieu?

Mme Lynch: Je pense qu'il faut distinguer le Curateur public en deux phases, l'ancien et le nouveau temps, je dirais. Par tradition, le Curateur public s'était préoccupé davantage de gestion de patrimoine ou de protection de l'argent des personnes. Depuis plusieurs années, on constate un vent contraire, et je pense que le Curateur est très intéressé aux droits des personnes, à la protection des usagers ou des personnes dans le réseau, puisque, majoritairement, 85 % ou à peu près 85 % de sa clientèle se retrouve en hébergement ou en établissement. On a vécu, par la délégation du Protecteur du citoyen que j'avais, des contacts, on a vécu des contacts privilégiés ensemble, et je pense que le Curateur était très intéressé à être informé de la situation qui prévalait dans les établissements. Ça lui a permis d'entendre certaines situations et d'apporter des modifications à ses pratiques de gestion. Pour moi, ce n'est qu'un début, et la régionalisation, le Curateur souhaite se régionaliser, se rapprocher de ses usagers. Il a ciblé trois régions administratives, il nous informe que

c'est un projet pilote. J'ai la conviction qu'il va l'étendre à la majorité des régions. Mais le partenariat, qui est un mot très utilisé dans notre réseau depuis quelque temps, me semble être la solution que le Curateur a envisagée avec les différents partenaires du réseau. Le Protecteur en est un privilégié, et je considère, en tout cas, à partir de l'expérience positive que j'ai vécue, que c'est un indice important et intéressant à l'effet que le Curateur et le Protecteur peuvent collaborer.

M. Lafrance: Autrement dit, vous verriez un mécanisme par lequel, plus ou moins automatiquement, dès qu'une personne serait sous la curatelle, on ferait appel au Protecteur du citoyen pour avoir un oeil sur ses droits...

Mme Lynch: Oui...

M. Lafrance: ...comme patient, comme bénéficiaire.

Mme Lynch: ...mais il faut comprendre que les bénéficiaires qui sont en curatelle sous la juridiction du Curateur public dans les établissements de santé n'ont pas une étiquette sur le front où il est indiqué qu'ils sont sous ce régime de protection.

M. Lafrance: Non.

Mme Lynch: II y en a plusieurs qui devraient y être et qui ne le sont pas et il y en a plusieurs qui ne devraient pas y être et qui y sont. Quand les gens adressent une plainte... Très souvent, je traitais une plainte, comme ombudsman d'hôpital, pour me rendre compte, finalement, que c'était une personne qui était sous la juridiction du Curateur public. Alors là, je devais changer de chapeau, mettre mon chapeau de... Ce que je veux dire, c'est que les gens s'adresseront soit au Curateur public, lorsqu'ils sont... Les mécanismes d'aide et d'accompagnement accompagneront un bénéficiaire, ils ne s'adresseront pas nécessairement au Curateur public, ils pourront d'emblée s'adresser au Protecteur du citoyen. Ce n'est pas le fait du lieu d'hébergement ou du fait qu'il soit représenté ou assisté qui devra lui donner le droit d'être entendu dans sa plainte. Cependant, lorsque le Curateur public aura à intervenir ou à être informé des problématiques que vit la personne, des mécanismes devront effectivement exister comme il y en a actuellement.

M. Lafrance: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. M. le député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.

M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président.

Je veux revenir un tout petit peu sur cet aspect de l'entre-deux de votre travail. Vous avez eu une belle expression en disant que c'est un travail extrêmement difficile parce que généralement, du côté des usagers, vous viviez avec beaucoup de plaintes ou de remarques. Vous en faisiez peut-être trop peu. Du côté de l'administration des services hospitaliers, probablement que vous en faisiez beaucoup trop, tout simplement.

Ce que ça traduit, pour moi, là, ça veut dire qu'au moment où on désignera un cadre supérieur, tel que le prévoit le projet de loi, pour administrer le système de plaintes et administrer les plaintes elles-mêmes, ça va être invivable pour cette personne. Ça sera invivable - ça dépend du point de vue où je me place, bien sûr, je comprends ça - pour la personne si, vraiment, elle adopte la philosophie que vous nous indiquez dans votre document et que vous semblez avoir adoptée, c'est-à-dire un préjugé favorable en faveur de l'usager. Ce sera invivable. Donc, c'est un système qui est appelé, j'allais dire, à s'éteindre lui-même, puisqu'il n'y aura pas de liens de confiance qui vont s'établir. C'est impossible à vivre, ce système-là, pour quelqu'un qui est, au surplus, un cadre supérieur. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela? (17 h 45)

Mme Lynch: Je suis tout à fait d'accord avec vous. La relative indépendance des ombuds-mans qui relèvent des conseils d'administration, actuellement, est sûrement la chance de survie. On souhaitait qu'un comité de vigilance du conseil d'administration soit sur pied pour aider, assister et encadrer cette personne-là et qu'elle ne soit pas en lien direct ou relevant directement du dispensateur de services. Je vois mal un directeur général adjoint - puisqu'on peut peut-être penser que ça pourrait être lui qui traitera ces plaintes-là - dans un comité de direction, mettre son chapeau de responsable du traitement des plaintes et "clencher" le directeur des soins infirmiers en face de lui quand c'est son client dans la majorité de ses autres dossiers. Effectivement, j'ai énormément de difficultés à voir comment il va vivre son rôle. Je vous avoue que je vais le regarder d'un oeil amusé et critique. Dans le projet de loi, ce n'est pas très clair; on ne sait pas si ce cadre supérieur va pouvoir déléguer la fonction à un ombudsman actuellement. On ne sait pas ce qui va arriver des ombudsmans ou des conseillères à la clientèle, peu importe le nom qu'elles portent. Je dis "elles" parce que c'est majoritairement des femmes. On a peut-être une personnalité différente capable d'absorber l'insatisfaction des gens à long terme, mais comment ces personnes vont s'en sortir? On ne sait pas ce qui va arriver finalement des ombudsmans qui existent actuellement, qui étaient en poste et qui faisaient malgré tout un travail de Titan dans certaines circonstances.

M. Trudel: Oui, parce que, effectivement, vous avez raison, on ne sait pas actuellement en détail si on pourra déléguer...

Mme Lynch: Non.

M. Trudel: ...cette fonction à une personne ou à l'inverse?

Mme Lynch: Exactement.

M. Trudel: Là, ce serait d'enfermer la personne dans une sécurité maximale. Je vous dirais de nommer l'ombudsman cadre supérieur, de nommer T'ombudsperson" en place cadre supérieur pour être capable de lui donner la responsabilité au niveau du texte de la loi.

Mme Lynch: On ne le sait pas, sauf que ça ne semble pas, en tout cas, aller dans le respect du préjugé favorable à l'usager, ça ne semble pas aller dans ce sens-là, peu importe la solution qu'on prendra.

M. Trudel: Sur le mécanisme à établir pour le traitement des plaintes dans les établissements du réseau de la santé et des services sociaux, vous suggérez dans votre mémoire que ce mécanisme devrait recevoir une espèce d'appréciation quant à sa validité par le Protecteur du citoyen. Au niveau de la Loi sur la santé et les services sociaux, est-ce que vous pensez que nous devrions aller jusqu'à inscrire ça dans la loi? C'est-à-dire qu'il y a l'imputabilité du ministre qui joue tout le temps, c'est lui qui est le responsable devant l'Assemblée nationale, devant le Parlement, de ce secteur d'activité, mais en particulier, vous, vous dites: On devrait s'obliger - parce que c'est un phénomène social dont on parle ici - à recevoir une espèce de sceau de validité du Protecteur du citoyen quant au mécanisme, quant au processus pour le traitement des plaintes.

Mme Lynch: Quant au protocole ou aux modalités de fonctionnement.

M. Trudel: C'est parce que vous craignez que l'on adopte des procédures trop sommaires, que l'on soit expéditifs, et vous...

Mme Lynch: Dans certains établissements on a choisi, par exemple, d'adopter une charte des droits des malades ou un code d'éthique des employés qu'on fait laminer, qu'on met à l'entrée des établissements, et ça reste là. C'est un petit peu ce à quoi je faisais référence, que ce soit un mécanisme utilise, utilisable. Dans le mémoire, je dis que même le responsable devrait voir son nom inscrit dans un calendrier comme la Commission d'accès fait pour que tout le monde sache qui est la personne responsable du traitement des plaintes. Ce que je voulais, c'était de responsabiliser les établissements par rapport à ce rôle-là et que leur procédure de traitement des plaintes prévoie, en plus de principes intéressants, une application simple, facile et proche des personnes pour lesquelles elle est faite finalement. C'était un petit peu pour ça que je souhaitais qu'il y ait un peu un regard extérieur à partir d'une expertise que le Protecteur a développée quant au traitement des plaintes, et pour favoriser aussi une espèce d'uniformisation. On a constaté depuis plusieurs années dans notre réseau, même si le conseil régional avait, par exemple, une petite juridiction sur le traitement des plaintes, des disparités énormes d'une région à une autre.

Il me semble qu'il est important qu'on uniformise et qu'on bonifie, qu'on fasse profiter aux établissements un peu plus faibles des acquis des établissements plus forts. Je constate dans notre réseau qu'on réinvente constamment la roue. Ce serait peut-être intéressant qu'on partage les bons coups des établissements et qu'on en fasse profiter tout le monde.

M. Trudel: Le Protecteur du citoyen, semble-t-il, n'avait pas beaucoup tort, avant les fêtes, lorsqu'il écrivait au ministre de la Santé et des Services sociaux et déclarait qu'il y aurait dorénavant 17 sortes de justice, compte tenu des 17 régions "sociosanitaires", qu'il y aurait une régie régionale et qu'il serait chargé, dorénavant, d'administrer les plaintes. Vous dites que même à l'intérieur de votre propre région, vous avez observé dans votre travail des disparités énormes allant du mécanisme le plus sommaire jusqu'à un mécanisme que je pense quand même assez développé dans le centre hospitalier dans lequel vous viviez. Je pense qu'on ne doit pas trouver beaucoup beaucoup d'équivalents au Québec - il y en a, je le sais - au niveau du mécanisme et de la responsabilité du traitement des plaintes.

Donc, le Protecteur, là-dessus... C'est extrêmement intéressant ce que vous suggérez, qu'à tout le moins, si cette commission n'en arrivait pas à recommander l'extension du mandat du Protecteur, il y ait ici une suggestion extrêmement importante: au moins, faire la recommandation de l'approbation du processus, compte tenu de l'expertise. C'est le minimum.

Mme Lynch: J'ai de la misère à vous suivre parce que mettre un "rubbing stamp" sur une procédure sur laquelle on n'a pas juridiction et sur laquelle on ne peut pas analyser dans le quotidien ou utiliser un pouvoir de commissaire-enquêteur pour aller voir, vérifier justement, ça me semble un petit peu sommaire. La règle du "rubbing stamp", on la connaît bien dans notre réseau. Alors, ce serait peut-être intéressant qu'on aille un peu plus loin.

M. Trudel: Comprenez-moi bien, madame. Ce que je disais, ce n'est pas d'aller d'abord vers

cette recommandation. Mais, comme la manifestation actuelle en matière de santé et de services sociaux, ce n'est pas d'aller vers un recours externe au Protecteur du citoyen, le minimum, le strict minimum vers lequel on doit aller, c'est l'uniformisation et la crédibilité du processus de traitement des plaintes. Ça me semble minimum.

J'ai oublié tantôt une petite question et ça aussi je pense que c'est important. Dans la fiche signalétique qu'on nous a distribuée suite à la présentation de votre mémoire, on nous fait une distribution en pourcentage du nombre de plaintes que vous avez reçues ou administrées pendant une année. 42 % des 643 plaintes que vous avez reçues, administrées et traitées, disons, étaient en provenance de bénéficiaires, et 36 % en provenance du personnel. C'est énorme?

Mme Lynch: Oui. Je vais vous expliquer. D'abord, pour clarifier certaines... Ce n'était pas 643 plaintes, mais plaintes et demandes d'assistance, je pense que c'est important. Ça semble gros quand on dit ça. Je ne voudrais pas que vous pensiez, que vous reteniez que l'établissement était à ce point inadéquat, qu'on recevait autant de plaintes. Très souvent, c'est le contraire. Quand il y avait des unités de soins pour lesquelles je ne recevais jamais de plainte, c'est là que je me préoccupais, beaucoup plus que pour celles qui favorisaient la transparence et l'exercice de l'expression des personnes.

Votre question est intéressante. Je l'ai soulevée rapidement tout à l'heure. Je suis contente que vous me donniez la chance d'y revenir. Effectivement, 43 % des plaintes provenaient des usagers et je ne me souviens plus de mes statistiques, mais la majorité n'étaient pas écrites, puisque la majorité des usagers du réseau ont certaines difficultés. Dans le projet de loi, on parle d'écrire sa plainte. 36 % venaient du personnel, effectivement, pourquoi? À cause de la crédibilité développée au fil des ans par le service, à cause de l'indépendance relative - mais indépendance tout de même - dont je disposais, et aussi parce que je n'avais pas besoin de dévoiler mes sources. J'en faisais état tout à l'heure à la question de M. le Président. Les employés n'ont pas beaucoup d'endroits dans notre réseau de la santé pour venir verbaliser les dysfonctions qu'ils constatent.

Il n'y a pas beaucoup d'endroits où les personnes qui sont animées de valeurs, qui respectent les droits de la personne, où ils peuvent venir la déposer, la plainte, en étant protégés, en sachant qu'ils ne seront pas... Je vais peut-être essayer, ça va peut-être être plus facile en vous donnant un exemple que j'ai vécu, qui a été corrigé. C'est pour ça que je vous en parle. Mon ex-directeur général ne me chicanera pas...

M. Trudel: II n'a plus autorité sur vous.

Mme Lynch: Une éducatrice qui n'est pas attitrée à une unité de soins, c'est-à-dire qui se promène d'une unité à l'autre et qui, sur consultation, lorsqu'elle est appelée, constate une règle, une façon de procéder pour donner des bains à des personnes âgées, qui est tout à fait inacceptable.

Elle descend dans mon bureau en colère, dépassée par les événements. C'est évident. J'ai pris le téléphone, j'ai appelé le chef de service pour vérifier la validité. C'était vrai. Ça se passait comme ça, mais on n'a pas de moyens, mais on n'a pas ci... Bon. Alors, la deuxième démarche a été d'appeler le directeur général pour l'informer de ça. C'est évident que, dans la semaine, des budgets ont été votés, un bain hydraulique a été acheté, et on a changé les techniques. Sauf que l'employée concernée a été prise à partie par son syndicat ou par les syndicats, parce qu'elle avait dénoncé le comportement d'autres employés. Le chef de service de l'unité a parlé à l'autre chef de service de l'employée pour lui dire: Elle aurait dû venir me voir avant. C'était une situation qui perdurait depuis longtemps. Finalement, l'employée est partie en "burnout" et n'est jamais revenue. Ça m'a permis de mettre sur pied ou de bonifier ma procédure pour éviter, justement, ce genre de situation là et ce genre de représailles... Procédure de protection, finalement, des employés. Ça a permis, ça, pour éviter, justement, que les employés se privent de venir transmettre de l'information. C'est un exemple que je donne parce que les employés se sont sentis pris en faute, puisqu'on a questionné leur façon d'intervenir, ils se sont sentis... Et tout le monde était un peu défensif. L'ombudsman s'est mis le nez là-dedans et s'est rendu au conseil d'administration. Finalement, aujourd'hui, si vous leur rappelez cette situation-là, ils ne s'en souviennent plus que c'est parti d'une plainte. Ils sont contents, ils ont eu un bain, ils ont eu d'autres techniques et ils ne se souviennent plus qu'ils ont agi de cette façon-là, sauf que, pour une employée, ça a été difficile.

C'est ça que je veux dire quand je parle d'autorégulation dans notre réseau qui n'existe pas. Il n'y a pas beaucoup de place où on peut, de façon anonyme, faire une délation - j'emploie le mot, mais très positivement - dans l'intérêt des personnes démunies qui n'ont souvent personne pour les représenter. Ça a été la même chose pour certaines familles où c'était moins évident parce qu'elles ne travaillaient pas dans rétablissement.

J'apporte cet exemple là. Je n'étais pas préparée à vous l'apporter, je vous le livre comme ça pour vous démontrer, finalement, la difficulté, dans ce réseau-là, de vivre des situations difficiles.

M. Trudel: Avec cette belle illustration, vous n'aviez pas besoin davantage de préparation.

Imaginez, encore une fois, dans ce qui est prévu au niveau de la nouvelle loi, si ce même employé devait faire le même geste par rapport à un cadre supérieur de l'établissement.

Mme Lynch: II ne le fera pas.

M. Trudel: C'est dans un monde irréel, ça ne se passera pas.

Mme Lynch: C'est pour ça que ça prend un recours extérieur qui garantit les sources.

M. Trudel: Compte tenu de la proportion, à titre indicatif, de plaintes que vous avez reçues de cette catégorie de personnes dans l'établissement, écoutez, c'est quasi le même nombre de plaintes que les bénéficiaires eux-mêmes. C'est fondamentalement important.

Mme Lynch: Oui, et c'est précieux, hein! M. Trudel: Est-ce que j'ai le droit de...

Le Président (M. Dauphin): Sur le même sujet, si vous me permettez.

M. Trudel: Excusez-moi.

Le Président (M. Dauphin): C'est parce que...

M. Trudel: Allez-y.

Le Président (M. Dauphin): Ou allez-y. Est-ce que c'est sur le même sujet encore?

M. Trudel: Non. Ce n'est pas le même sujet.

Le Président (M. Dauphin): Non. Sur le même sujet, dorénavant, le projet de loi 120 exige une plainte par écrit, s'il est adopté un jour. Il y a toujours possibilité de modification. Avec votre expérience et voyant votre fiche technique à 36 % des plaintes portées par le personnel, croyez-vous que les employés vont continuer de porter plainte comme avant?

Mme Lynch: Non.

Le Président (M. Dauphin): Non?

Mme Lynch: Peut-être que je vous répondrais qu'avant de quitter l'établissement, avant les fêtes, j'ai rencontré les comités de bénéficiaires et je leur ai expliqué un petit peu le contenu du projet de loi, et les bénéficiaires en psychiatrie on souhaité que le ministre soit hébergé une semaine. Ils sont convaincus qu'il va modifier beaucoup de choses dans son projet de loi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lynch: C'était une proposition que les bénéficiaires faisaient. Alors, je vous la transmets en leur nom.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de

Rouyn-Noranda-Témiscamingue pourrait utiliser la période de questions, justement, pour poser la question plus tard.

M. Trudel: En précisant toujours, M. le Président, parce que je ne veux quand même pas dire des choses in absentia du ministre qui aura l'occasion de répondre à sa commission parlementaire, là où ça doit se discuter. On pourra rapporter ces propos pour lui donner la chance de répliquer, bien sûr. Est-ce que j'ai la...

Le Président (M. Dauphin): Allez-y, continuez.

M. Trudel: C'est tout le secteur des plaintes concernant les actes professionnels. Là, on touche au gros morceau des services, de l'administration des services et des droits à recevoir des services prévus à la loi ou dans les règlements. Mais quant aux actes professionnels, vous avez l'air de nager en plein désespoir. Est-ce juste?

Mme Lynch: Oui.

M. Trudel: J'ai envie de vous poser carrément la question. Encore une fois, vous avez une longue expérience de travail et vous avez dû probablement, à moult occasions, repousser des plaintes parce que, étant hors de votre compétence, c'est-à-dire qu'elles étaient, eu égard à des actes professionnels réalisés par des professionnels ou des actes médicaux réalisés par des professionnels, et qu'elles devaient donc être adressées - si on me permet l'anglicisme - au comité disciplinaire des corporations professionnelles. Vous n'avez plus l'air de croire à ça du tout. (18 heures)

Mme Lynch: Dans le déroulement quotidien des activités, lorsque j'informais un bénéficiaire qu'il pouvait être entendu par le directeur des services professionnels ou par le président du conseil des médecins et dentistes, mais que je ne pouvais pas l'accompagner parce que ça se passe entre pairs et que l'ombudsman n'est pas invité, ou qu'il pouvait aller à la corporation professionnelle, en général, l'usager quittait mon bureau pas très heureux, je dirais, et ne poursuivait pas sa demande. Pour un usager, le fait de déposer sa plainte à un conseil des médecins et dentistes, par exemple, à partir du moment où il dépose sa plainte et qu'il la perd, c'est-à-dire qu'il n'est pas informé du suivi, il n'est pas entendu parce que ce n'était pas essentiel que la personne soit entendue, il ne peut pas être représenté, il ne peut pas être assisté, il n'a pas

nécessairement le préjugé favorable en partant. La majorité des clients laissent tomber. Quand on leur dit qu'ils peuvent recourir aux corporations professionnelles, c'est... À ma connaissance, j'ai travaillé presque six ans au CHRDL, j'ai vu deux comités de discipline du Conseil des médecins et dentistes et une fois, une plainte à la Corporation des médecins. Ce n'était pas trois plaintes en huit ans que j'ai reçues, ça s'éteint, effectivement. On laisse au bénéficiaire un seul et unique recours, le recours judiciaire, je le disais tout à l'heure, et les médecins ont peur des poursuites, mais je n'ai pas encore entendu, en tout cas, d'ouverture à une médiation ou à un autre fonctionnement qui éviterait et qui réglerait la plainte à la base, qui éviterait qu'elle prenne les proportions qu'elle prend lorsqu'elle aboutit devant les tribunaux.

M. Trudel: Sur la base de votre expérience, vous, vous dites qu'il faut souhaiter la disparition pure et simple de ces recours.

Mme Lynch: Ce n'est pas ce que je dis, je dis que ce serait un réaménagement souhaitable à beaucoup d'égards par rapport au traitement des plaintes en établissement; je ne parle pas des corporations professionnelles, je me suis préoccupée beaucoup plus dans l'établissement. À partir du moment où ce qu'on aurait peut-être souhaité, c'est un mécanisme de traitement des plaintes relevant du conseil d'administration qui aurait pu entendre une personne relativement indépendante, qui aurait pu indépendamment entendre ces plaintes-là aussi qui concernent l'acte professionnel, qu'on ne fasse pas une chasse gardée et qu'on ne la traite pas entre pairs, on aurait peut-être souhaité ça dans un premier temps.

M. Trudel: Ce serait quoi, le mécanisme correctif, à votre avis, pour pas que ce soit traité uniquement entre pairs.

Mme Lynch: À partir du moment où les ombudsmans ou, en tout cas, appelons-les comme on veut, ne sont pas des cadres supérieurs, relèvent du conseil d'administration, ils sont dans un comité de vigilance et ils peuvent entendre ces plaintes-là. J'imagine qu'une grande majorité des plaintes pourraient être entendues. Si le responsable administratif du traitement des plaintes avait aussi juridiction sur les plaintes concernant... Je ne parle pas du système qui est proposé dans la loi 120, je parle d'un système un peu plus orienté sur ce qu'on connait maintenant, Pombudsmanship", finalement, où la personne relève du conseil d'administration; elle peut entendre la plainte et assister le bénéficiaire. Qu'on ne fasse pas deux protocoles de traitement des plaintes, mais qu'il y en ait un, et que les plaintes concernant l'acte professionnel soient aussi entendues par l'administration de l'établis- sement.

Tout le débat entre le médecin travailleur autonome versus le mandataire, l'établissement, ce débat-là a encore cours actuellement, mais, de plus en plus, le contrat entre le bénéficiaire et le médecin est inexistant, c'est-à-dire que, quand vous arrivez à l'hôpital, vous ne choisissez pas votre médecin, on vous en assigne un compte tenu des privilèges dans l'établissement et compte tenu du champ d'expertise que vous nécessitez. Donc, l'établissement est partie à la décision, vous ne négociez plus directement avec votre médecin. Les médecins travaillent de plus en plus en pool; vous avez six médecins, vous pouvez voir l'un, l'autre ou l'autre. Alors ce n'est plus une relation vraiment privilégiée et contractuelle. À mon point de vue, les établissements ont des responsabilités face aux actes qui s'y posent et il y a certains champs d'expertise sur la compétence médicale qui doivent appartenir aux pairs, mais il y a une partie de comportement, d'attitude qui doit être traitée, à mon point de vue, comme n'importe quelle autre plainte. Majoritairement, les usagers que je décrivais tout à l'heure, en santé mentale, bon, se plaignent principalement de l'attitude, de la présence, de l'absence ou des comportements, beaucoup plus que de l'erreur médicale. Ce n'est pas ça, généralement, que les usagers nous apportent comme problématique. Je pense que si on veut établir la compétence d'un médecin, oui, l'analyse entre pairs est essentielle, mais il y a... Ça va? Vous comprenez ce que je veux dire?

M. Trudel: Je veux juste une précision. Ce que vous nous dites, c'est: II devrait y avoir un seul mécanisme de traitement des plaintes... Un idéal, enfin, souhaitable...

Mme Lynch: Oui.

M. Trudel: Un seul mécanisme de traitement des plaintes, que ce soit à l'égard des actes professionnels commis par certains professionnels couverts par etc. ou par rapport aux autres dimensions. D'autre part, étant reçue au même endroit et traitée au même endroit, en ce qui concerne la responsabilité professionnelle au niveau de l'acte, ce pourrait être le Protecteur ou la personne chargée de traiter les plaintes qui serait chargée, si vous voulez, de faire le suivi auprès du CMDP. C'est ça?

Mme Lynch: Oui.

M. Trudel: Que ce ne soit pas, tout simplement, comme c'est actuellement: tu fais ta plainte au CMDP. Ce que vous nous avez cité comme statistique où à peu près, dans 99 % des cas, c'est repoussé, et c'est un processus très fermé.

Mme Lynch: Les personnes abandonnent leur

plainte. Oui, c'est ça.

M. Trudel: Alors vous dites: Là, ce serait la personne responsable qui devrait être chargée de porter, si vous voulez, le processus de la plainte, ou comme quelqu'un nous a dit cet après-midi, dès le moment où on signale cette plainte au CMDP, la plainte n'appartient plus au plaignant, il est dépossédé de sa plainte.

Mme Lynch: Exactement.

M. Trudel: Là, vous agiriez, en quelque sorte, pour et au nom de, et le plaignant ne serait plus dépossédé de sa plainte, dans ce processus-là.

Mme Lynch: II pourrait la reporter à un recours extérieur, si ce sont les corporations qu'on maintient, mais en toute connaissance de cause, en ayant vu l'élaboration du...

M. Trudel: Est-ce que j'ai le droit à une toute dernière, M. le Président?

Le Président (M. Dauphin): Vous avez largement dépassé votre temps, mais étant donné que la présidence est très souple, je vais vous en laisser une dernière, mais j'en aurais une, moi aussi, par exemple...

M. Trudel: Allez-y avant, parce que votre souplesse va peut-être vous coûter cher autrement.

Le Président (M. Dauphin): Vous êtes bien gentil. C'est parce que c'est embêtant pour moi de couper la parole, quand je veux parler moi-même, mais, à tout événement... La curatrice publique est venue juste avant vous, tantôt. On parlait de recours externe à un troisième niveau, elle nous disait soit devant le Protecteur du citoyen ou devant la Commission des affaires sociales, mais avec un véritable recours et non pas une fois par 10 ans, comme c'est le cas actuellement. Vous, de votre côté, quel serait le meilleur choix? Médecine douce, ou bien donc tribunal, en souhaitant que les délais ne soient pas trop longs, avec un pouvoir c?rcitif?

Mme Lynch: Bien, c'est évident. Je pense que ma démonstration favorise une justice proche des personnes, souple, déjudiciarisée. Encore une fois, le recours aux tribunaux, souvent, n'est pas la réparation, n'est pas l'instance privilégiée pour obtenir la réparation souhaitée. A mon point de vue, même si la Commission des affaires sociales n'existe plus dans le projet de loi, il devrait peut-être y exister... Mais, pour moi, on ne devrait pas mixer le pouvoir de relation entre les deux. Le Protecteur du citoyen doit demeurer un recours non judiciaire, c'est ce qui fait sa force et ce qui favorise sa rapidité d'intervention.

Le Président (M. Dauphin): Excellent Aile/ y, M. le député

M. Trudel: On pourra traiter, donc, un peu de la plainte en institution au niveau des CMOP. C'est votre opinion que je veux avoir, là, sur les corporations professionnelles. Ça aussi, vous y avez forcément touché, je veux dire au sens où vous avez été appelée, probablement, à vous faire un jugement là-dessus. C'est quoi votre évaluation de ce processus-là de traitement des comités disciplinaires dans les corporations professionnels.

Mme Lynch: Mon jugement est à peu près le même que celui des CMDP. Je n'ai pas d'autre élément à ajouter: l'absence de transparence, les jugements entre pairs, l'écrémage des informations, la difficulté pour l'usager ou la personne d'avoir un préjugé favorable au départ. Ce qui est simple et facile, les plaintes pas très graves ou pas très importantes, se règle normalement très facilement. Mais les plaintes un peu plus importantes, en général, on les voit disparaître. Il y a aussi la réparation, lorsqu'un bénéficiaire... La corporation peut recommander la suppression de privilèges, la radiation... Ce n'est pas ça que l'usager veut. La réparation que la corporation peut apporter n'est pas celle que l'usager veut. Ça n'amène pas nécessairement des modifications de comportement ou la prestation d'une façon différente d'un service. Je comprends les usagers de ne pas utiliser le recours à la corporation professionnelle pour les raisons qu'on a énumé-rées mais aussi pour celle-là. Ce n'est pas un vrai système de médiation où on va s'assurer que, dans l'établissement, l'usager va obtenir le service de qualité.

M. Trudel: Ça prendrait une autre heure, là, hein?

Le Président (M. Dauphin): Alors, malheureusement, c'est tout le temps qui nous était alloué, mais, Mme Lynch, au nom de tous les membres de la commission, nous vous remercions sincèrement pour votre très intéressant témoignage.

Mme Lynch: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci et bon retour. Alors la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30, alors que nous entendrons Mme Jocelyne Charbonneau, ombudsman à l'hôpital Rivière-des-Prairies.

(Suspension de la séance à 18 h 10)

(Reprisée 19 h 35)

Le Président (M. Dauphin): La commission

des institutions reprend les travaux de son mandat qui est de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'examen du mandat, des orientations, des activités et de la gestion du Protecteur du citoyen.

Alors, ce soir, nous entendrons trois groupes, trois invités, à commencer par Mme Jocelyne Charbonneau, ombudsman à l'hôpital Rivière-des-Prairies, pour 45 minutes; ensuite de ça, nous entendrons Mme Francine B. Bergeron, conseillère à la clientèle à l'hôpital Sainte-Justine; et finalement, nous terminerons avec la Commission de protection des droits de la jeunesse.

Alors Mme Charbonneau, bienvenue à notre commission sur les institutions. Si vous voulez bien présenter les personnes qui vous accompagnent.

Ombudsman à l'hôpital Rivière-des-Prairies

Mme Charbonneau (Jocelyne): Avec plaisir.

Le Président (M. Dauphin): Et je vous dis tout de suite, si vous me le permettez, que vous avez droit à 15 minutes pour votre exposé.

Mme Charbonneau: Alors bonsoir, M. le Président, bonsoir MM. les commissaires, Mme la commissaire. Je suis accompagnée ce soir de deux membres du comité de bénéficiaires de l'hôpital Rivière-des-Prairies, qu'il me fait plaisir de vous présenter. Mme Françoise Laurin, qui est la présidente du comité et Mme Andrée Frechette, qui est la vice-présidente du comité de bénéficiaires.

Je vais vous expliquer la composition du comité de bénéficiaires à l'hôpital Rivière-des-Prairies, qui est fort différente des comités de bénéficiaires ailleurs. L'élection des membres du comité est faite en fonction de l'article 118.3 de l'actuelle Loi sur la santé et les services sociaux qui prévoit que, dans les institutions, les établissements où la clientèle est en quasi-totalité inapte, incapable de se gérer elle-même, soit nommé un comité composé de leurs représentants. Et dans ce cas-ci, ce sont les parents qui sont formés en association de parents, qui élisent chaque année un comité exécutif qui devient, de facto, avec l'approbation du CRSSS, le comité de bénéficiaires.

Alors, les personnes qui siègent au comité de bénéficiaires siègent comme représentants des bénéficiaires mais aussi comme parents. Alors, c'est une particularité.

Je voudrais vous parler un petit peu aussi de la clientèle qui est celle de l'hôpital de Rivière-des-Prairies. C'est une clientèle majoritairement composée d'adultes qui ont des psycho-pathologies psychiatriques associées avec une déficience intellectuelle ou des maladies neurologiques importantes. Il y a une clientèle de courte durée qui est une clientèle de pédopsychiatrie et qui est en plus petit nombre. En tout, il y a 588 personnes hospitalisées à l'hôpital Rivière-des-Prairies, dont 377 sont une clientèle de psychiatrie adulte. Il y a des clients de clinique externe qui sont majoritairement des clients mineurs. Alors, disons que la clientèle que je dessers est autant celle des internes et des externes, mais plus particulièrement celle de l'interne. Et, à 97 %, c'est des personnes qui sont sous un régime de protection; donc, ça explique à la fois la composition du comité de bénéficiaires et ma position dans le mémoire.

Je vais présenter très brièvement les parties qui me paraissent les plus importantes. Par la suite, je vais céder la parole à Mme Laurin qui va présenter la position du comité de bénéficiaires qui, comme vous le savez, a appuyé mon mémoire; mais elle a aussi accepté de parler à la commission aujourd'hui pour expliquer leur position. Et, par la suite, même si les 15 minutes n'étaient pas écoulées, je pense que ce serait intéressant qu'on échange au niveau des questions. Je ne sais pas si cette solution vous paraît acceptable?

Le Président (M. Dauphin): D'accord.

Mme Charbonneau: Alors, dans le mémoire, la partie qui nous paraît la plus intéressante à vous rappeler, c'est la position que j'ai prise à l'effet que le recours externe au Protecteur du citoyen me semble la solution la meilleure pour la clientèle avec laquelle je travaille. Pour moi, ça ne fait aucun doute que ce recours doit exister et pas nécessairement en troisième ligne.

J'aborde cette question à partir de la question qui a été posée au sujet des ombuds-mans spécialisés, quand on demande quelle serait la fonction des ombudsmans spécialisés. J'étais ici aujourd'hui; je suis la première à dire que les ombudsmans spécialisés devraient être à la fois soutenus et intégrés dans le mécanisme de traitement de plaintes du Protecteur du citoyen; donc, ils deviennent des délégués.

Cette réflexion-là, je l'ai faite à partir des besoins de la clientèle, que je vous expliquais tantôt. C'est une clientèle qui a peu de moyens, finalement, de s'exprimer, d'aller chercher de l'aide, d'aller chercher des recours. Donc, la proximité du recours est très importante; la cohabitation du recours est très importante. Et quand il y a trop de paliers, les clients n'iront pas chercher. Ils vont voir la personne qui leur semble être la personne la plus neutre. Actuellement, c'est la protectrice du bénéficiaire, mais ils s'imaginent qu'à partir de là, tout va être réglé. C'est-à-dire que je représente à la fois le Protecteur du citoyen et le CRSSS. Ils ne veulent pas aller vers d'autres recours par la suite.

Maintenant, quand je parle du bénéficiaire, il y en a, des bénéficiaires, qui peuvent faire cette démarche-là. Mais, la plupart du temps, ce sont les parents ou le personnel qui font la

démarche pour les bénéficiaires. Parce que la capacité de s'apercevoir que les droits sont lésés ou même de formuler une demande d'aide, comme je le disais tantôt, c'est la quasi-totalité des gens qui ne peuvent pas le faire. Ils ne peuvent pas en faire, de démarche, dans ce sens-là. Alors, ce sont vraiment des représentants des bénéficiaires qui font la démarche en leur nom.

Ça peut vous paraître curieux, que je sois la seule personne qui présente cette position-là, mais je pense que c'est à cause du vécu à l'intérieur de l'établissement, avec une clientèle très spécifique, qui n'est pas la majorité de celle des autres établissements. Peut-être qu'elle ressemble plus à celle des centres d'accueil en déficience intellectuelle où les personnes qui seraient nommées là n'auraient pas plus de contact avec la clientèle. Dans le mandat que j'ai à l'intérieur de l'hôpital, j'ai le droit de recevoir et de traiter des plaintes, mais je n'ai pas le mandat d'enquêter de ma propre initiative, ce qui fait qu'il y a beaucoup d'événements qui peuvent se passer, sur lesquels je ne peux pas avoir, je n'ai pas le mandat de poser des questions ou de pouvoir avoir l'information. Il faut vraiment que le dossier parte d'une plainte.

Mme Lynch mentionnait tantôt que l'anonymat pouvait être une condition qui permette de faire des enquêtes de sa propre initiative, même si tu n'as pas le mandat de les faire. Mais le problème qui se pose, c'est que, dans un milieu fermé, très facile d'identifier qui a pu t'apporter une plainte, quand tu n'as pas le mandat d'enquêter de ta propre initiative, parce que les gens se doutent bien que c'est quelqu'un qui a pu te l'apporter. Alors, ils essaient d'identifier qui est cette personne, et ça, ça mêle les cartes parfois, parce qu'on est plus à la recherche de qui a osé porter plainte plutôt que de dire comment on solutionne le problème.

Alors mol, je considère qu'être la déléguée du Protecteur du citoyen, ce que ça amène comme avantages pour la clientèle, c'est justement cette possibilité de recevoir les plaintes et de les traiter à la demande du client, mais aussi de pouvoir enquêter de ta propre initiative, d'être indépendant de l'établissement, c'est-à-dire d'avoir un statut différent, de ne pas être salarié de l'établissement, de ne pas être associé à l'établissement, mais d'être associé à un recours externe. Ce qui fait que, comme je l'ai mentionné plus tôt, le personnel qui, lui, porte la majorité des plaintes, se sent en confiance par rapport à ta crédibilité devant l'établissement. Parce qu'il y a toujours un doute quand tu es payé par l'établissement, et vous l'avez entendu plusieurs fois aujourd'hui, à savoir: La crédibilité de cette personne-là, c'est quoi? Est-ce qu'elle va mordre la main qui la nourrit? C'est la question qui est à la base de la crédibilité qui est mise en doute.

Ensuite, il y a tout le pouvoir de recommandation qui est accru, parce que la transpa- rence du Protecteur du citoyen est très différente de celle d'un ombudsman à l'intérieur d'un établissement, qui apporte... Moi, je relève du conseil d'administration; j'apporte les dossiers au conseil d'administration, mais à partir du moment où le conseil d'administration dit qu'il juge que la plainte est soit non fondée ou fondée mais qu'ils ne peuvent rien faire, ça s'arrête là. Les bénéficiaires ne verront aucun changement dans un laps de temps et souvent, pour des raisons budgétaires ou des raisons systémiques, on va occulter le problème en disant que c'est bien triste mais qu'on ne peut rien faire pour ça. Alors, si c'était un recours externe, je pense qu'il y aurait une autre façon de procéder. Alors, je passe la parole à Mme Laurin. (19 h 45)

Mme Laurin (Françoise): Alors, M. le Président, Mmes et MM. les commissaires, je suis très heureuse que vous m'accordiez ce soir l'opportunité de vous exprimer ce qu'un parent, représentant des bénéficiaires, pense de la situation. Nous aimerions vous causer avec des mots professionnels comme ceux que j'ai entendus aujourd'hui, mais ce sera plutôt, pour moi, le langage du coeur.

En premier, je voudrais vous faire part de notre déception de constater, en consultant la loi 120, que, dans la réforme, il est question que ce soit un cadre qui occupe la fonction de protecteur des bénéficiaires. Notre comité aurait espéré que M. le ministre Marc-Yvan Côté, lors de la présentation de notre mémoire, ait saisi et compris nos aspirations. Notre directeur général m'a tout simplement déclaré qu'il trouvait le projet de loi satisfaisant. Alors, lui dis-je, notre protectrice n'acceptera jamais un rôle de cadre. Alors, dit-il, elle deviendra son adjointe. Alors, si cela était, je vois plutôt une régression qu'une acquisition.

Notre comité aimerait, comme l'ex-ombuds man Mme Lynch le disait tout à l'heure, inviter M. le ministre Marc-Yvan Côté à résider chez nous une semaine; mais nous nous sommes contentés de l'inviter à venir visiter notre établissement et nous espérons sa réponse et sa visite prochainement. Selon nous, le rôle de la protectrice ou ombudsman, ou un autre nom qu'on lui trouvera, aurait beaucoup plus de poids si elle dépendait d'une autre instance. Elle serait, de ce fait, beaucoup plus respectée par les autorités en place et se sentirait libre d'agir d'une façon beaucoup plus directe. Il ne faut pas oublier que nos jeunes bénéficiaires ne pouvant s'exprimer, pour la plupart, ce sont souvent des employés qui apportent les plaintes. Et souvent, ces mêmes employés, par peur des représailles de leur supérieur, étoufferont la plainte au détriment de l'usager. Donc, vous comprendrez que nos usagers ont besoin d'un système où ils seront beaucoup plus protégés.

Le comité de bénéficiaires préconise donc l'élargissement du rôle du Protecteur du citoyen

au réseau hospitalier. Nos jeunes sont très vulnérables. Ne pouvant, pour la plupart, ni écrire, ni parler, alors comment nos usagers peuvent-il formuler une plainte? Ces jeunes doivent donc être traités avec beaucoup de respect et de dignité.

Pour nous, qui sommes le premier palier, soit le comité de bénéficiaires, notre devoir, avant tout, c'est d'aimer le bénéficiaire; le devoir de le comprendre, le devoir de le défendre.

Et pour nous, le deuxième palier, c'est notre protectrice, cette personne, avec qui nous travaillons beaucoup et qui tient un grand rôle à l'intérieur de notre comité. Mais cette personne-là aurait besoin que son mandat soit élargi afin de pouvoir enquêter de sa propre initiative, afin de pouvoir régler le plus de situations préjudiciables possible.

Et pour nous, le troisième palier, c'est que nous espérons fermement que le Protecteur du citoyen obtiendra l'élargissement de son mandat et nous souhaitons que nos ombudsmans deviennent des délégués du Protecteur du citoyen. De ce fait, ils obtiendront la reconnaissance législative, le mandat et les pouvoirs de même que l'indépendance du réseau des affaires sociales. Bien entendu, les plaintes portées au Protecteur du citoyen seraient celles qu'on aurait tout d'abord tenté de solutionner avec les autorités hospitalières du conseil d'administration de l'hôpital.

Alors, je peux vous donner un exemple. Un bénéficiaire, par exemple, couche au salon de son unité depuis plusieurs mois parce qu'il n'y a pas de chambre disponible. Alors on discute, on apporte ça au conseil d'administration, et la réponse: pas de budget. Alors moi, je crois que, dans un tel cas, le Protecteur du citoyen aurait été la personne toute désignée pour étudier la situation et voir à sa correction dans le plus bref délai. Je pourrais vous citer beaucoup d'autres exemples. C'est pourquoi nous, parents et membres du comité de bénéficiaires, nous croyons fermement que ce que nous demandons est essentiel pour la défense des droits des bénéficiaires de notre établissement. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, Mme Laurin. Nous procéderons maintenant à la période d'échanges. Est-ce qu'un membre voudrait commencer cette période?

Mme Harel: Avec plaisir.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Très bien. Alors bienvenue à vous, Mme la protectrice et à la présidente et, je crois, à un membre également du comité de bénéficiaires de Rivière-des-Prairies. Dans votre mémoire, Mme la protectrice, vous dites que les administrateurs du centre hospitalier qui vous emploie ne partagent pas nécessairement le même point de vue et vous les remerciez d'avoir respecté le droit à la libre expression. Par ailleurs, vous avez reçu l'appui du comité de bénéficiaires de l'établissement. C'est donc dire que vous avez aménagé, au fil des années, une certaine marge de manoeuvre, si on peut conclure qu'il en est ainsi. Mais il n'en demeure pas moins que vous êtes, donc, employée salariée de l'établissement. C'est bien le cas?

Mme Charbonneau: Oui, je suis syndicable, non syndiquée, à contrat. Mon contrat est renouvelable chaque année, une année à la fois. Alors, c'est ma position au niveau de l'établissement. Je ne suis pas employée de l'établissement, je suis à contrat. Pour les gens qui voient d'où sort mon chèque de paye, c'est comme si j'étais employée de l'hôpital. Il y a des gens pour qui je ne suis pas crédible du tout, et il y a des situations, comme je le disais tantôt, qui, même si elles sont fondées, ne sont pas corrigées. Puis ça s'arrête là; les gens s'attendent à ce que ça aille plus loin, mais je ne peux pas. Mon mandat ne me permet d'aller qu'au conseil d'administration, et les plaignants sont référés ailleurs. Je leur dis quels recours ils ont, mais ils ne veulent pas aller ailleurs; ils ont une attente par rapport à... Ça doit se régler avec... C'est déjà un effort très grand pour un employé, ou même pour un bénéficiaire qui en a la capacité, ou même pour un parent, de faire cette démarche-là à l'intérieur de l'établissement parce que la crainte de représailles est toujours présente. Alors... Elle n'est pas nécessairement réelle, mais je veux dire que c'est la crainte. C'est un milieu fermé, comme je le disais tantôt. Les clients ont peu de contact avec l'extérieur, donc les gens qui les entourent ont peur de ce qui pourrait arriver si leur enfant était pris en grippe, par exemple, et le bénéficiaire aussi. Alors, quand ils font des démarches, c'est beaucoup pour eux, c'est beaucoup de s'adresser à quelqu'un pour demander de l'aide.

Mme Harel: Hiérarchiquement, vous relevez de qui, dans l'établissement?

Mme Charbonneau: D'un point de vue fonctionnel... On dit dans mon protocole que l'autorité fonctionnelle, c'est le directeur général. Mais je suis engagée par le conseil d'administration et je dois faire rapport au conseil d'administration.

Mme Harel: Et donc, vous préconisez que ce poste soit occupé par une personne qui ne soit pas salariée de l'établissement. Vous-même, ou quelqu'un d'autre que vous qui occuperait le poste, avez-vous l'impression que si vous vouliez faire carrière dans l'établissement, vous ne

procéderiez pas avec la même liberté de manoeuvre que vous le faites présentement?

Mme Charbonneau: Vouloir faire carrière...

Mme Harel: Carrière.

Mme Charbonneau: ...dans l'établissement?

Mme Harel: C'est-à-dire que... Oui. Ça veut dire, éventuellement, vouloir occuper un poste autre que celui de protectrice, donc un poste qui ouvre a un moment donné. Est-ce que ça vous amène à être en conflit avec l'établissement, le poste que vous occupez?

Mme Charbonneau: D'abord, le poste en lui-même, c'est toujours un poste où il y a des conflits potentiels. Et dans les cas où la perception n'est pas la même, c'est sûr que ça amène des conflits ouverts comme, admettons... Tantôt, vous apportiez la question de la présentation du mémoire. Il est certain que j'ai dû négocier la liberté du droit d'expression, parce que les positions que j'amène là ne sont pas celles de l'établissement. Alors, c'est sûr que ce n'est pas... En tout cas, c'est la tournure qui était la plus facile, pour rallier la position, qu'on me laisse exprimer ce que je pensais, mais ce n'est pas évident que ça se serait fait autrement.

Mme Harel: Et vous avez une expertise personnelle importante. Qu'est-ce que vous pensez des modifications qui sont introduites avec le projet de loi 120?

Mme Charbonneau: Pour moi, je trouve ça complètement inapproprié par rapport à la clientèle desservie, pour les mêmes raisons que je disais tantôt: la clientèle, d'abord, ne peut pas formuler de plaintes par écrit, pour la quasi-totalité, pour ne pas dire la complète clientèle; ensuite, il y a la question que le personnel ne viendra jamais voir un cadre supérieur pour porter plainte parce qu'à prime abord, c'est comme se couper le cou.

Mme Harel: C'est une trahison par rapport à son supérieur immédiat.

Mme Charbonneau: Pardon?

Mme Harel: C'est une trahison par rapport à son supérieur immédiat.

Mme Charbonneau: C'est ça. Parce que, en principe, la directive qui est donnée aux employés, c'est de suivre la hiérarchie à l'intérieur de rétablissement avant d'arriver à la protectrice du bénéficiaire. Parfois, les gens hésitent à le faire, justement parce qu'ils ne veulent pas être identifiés comme étant les personnes qui ont porté plainte à la protectrice du bénéficiaire. Parfois, les gens l'ont fait, ils sont insatisfaits et ils viennent me voir. Mais il reste que c'est difficile pour eux d'aller voir un cadre, parce qu'ils veulent garder l'anonymat souvent, même si cet anonymat n'est pas nécessairement toujours possible.

Mme Harel: Et vous recommandez un pouvoir d'intervention proactive.

Mme Charbonneau: Voilà. Vous avez un terme qui me plaît beaucoup. Proactif...

Mme Harel: Je le prends d'ailleurs à la page 7 de votre mémoire.

Mme Charbonneau: Je vous le dis, c'est un terme que j'aime beaucoup parce que, justement, quand on ne fait que recevoir et traiter des plaintes, ça veut dire qu'on réagit toujours à un événement malheureux qui s'est passé. Et on ne peut pas intervenir d'une façon préventive, ou c'est très rare qu'on puisse le faire. Donc, quand tu as un mandat proactif, c'est que tu peux enquêter sur des situations qui paraissent litigieuses et voir à leur correction avant qu'il arrive des événements ou avant même que la plainte soit acheminée, ou corriger une situation pour laquelle tu n'aurais pas eu de plainte parce que personne n'aurait osé t'en apporter. Alors, c'est des éléments qui sont importants pour la protection de la clientèle.

Mme Harel: Je peux poursuivre? Ah! vous voulez interroger, M. le Président? Allez-y, parce que j'ai d'autres questions, mais j'aurai du temps plus tard.

Le Président (M. Dauphin): Oui, c'est qu'il y a d'autres membres aussi, qui m'ont demandé la parole.

Mme Harel: D'accord.

Le Président (M. Dauphin): Mais on va répartir ça équitablement.

Mme Harel: Tout à fait, je poursuivrai.

Le Président (M. Dauphin): Alors, M. le député de Nelligan, et nous reviendrons tantôt avec Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve

Mme Harel: C'est ça.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation ce soir. Pour le premier mémoire que j'écoute - parce que j'ai manqué ce matin et cet après-midi parce que j'étais avec le ministre Côté sur la question d'un forum à Montréal, et nous étions en train de discuter cette question et plusieurs autres questions avec quelques

personnes - je trouve vos remarques intéressantes. Je voudrais peut-être continuer un peu sur la question de Mme la députée de Maisonneuve, sur la question du rôle proactif. Je voudrais savoir si vous pensez que le rôle de protectrice des citoyens dans votre hôpital peut être de faire les interventions avant qu'un conseil d'administration adopte une politique dans l'établissement, étudier l'impact de ça et faire une recommandation? Est-ce que vous pensez que votre rôle proactif est comme ça?

Mme Charbonneau: Pour certaines politiques qui touchent directement la clientèle, ça pourrait arriver, effectivement. C'est déjà arrivé dans le passé. Une politique qui était au regard des agressions entre pairs ou des agressions d'un membre du personnel contre un client; il y avait une politique qui avait été émise et on m'avait consultée pour savoir quelle démarche me semblait la plus appropriée pour le comité qui devait siéger. Mais, en général, je ne suis pas consultée sur les politiques qui...

M. Williams: Est-ce que vous pensez que ça va être une bonne étape? Est-ce que vous pensez que ça va vous aider dans votre travail d'avoir le droit dans votre mandat? Parce que vous avez discuté de l'enchâssement du rôle dans la loi, d'avoir le droit, légalement, de faire des interventions sur les politiques d'un établissement avant que cette politique soit passée. Je pose la question parce que le Protecteur du citoyen a demandé d'avoir le droit de faire des interventions sur le projet de loi. C'est le même type, avant que ce soit implanté comme politique. Comment ça va changer le rôle d'ombudsman dans votre établissement? (20 heures)

Mme Charbonneau: Justement, sur cette partie-là du mémoire, moi, j'avais répondu que c'était une bonne chose pour le Protecteur du citoyen d'avoir cette possibilité-là, en autant que c'était basé sur des expériences et non pas sur une théorie. Parce que c'est dangereux aussi que, théoriquement, le Protecteur du citoyen ou le protecteur du bénéficiaire s'imagine que ce pourrait être ça qui soit la meilleure solution. Il faut aller vérifier auprès de la clientèle ou partir de dossiers vécus. Alors, c'est pour ça que, dans le cas dont je parlais tantôt, au niveau de la politique, finalement, il y avait déjà eu une utilisation d'une politique et je savais où étaient, pas les erreurs, mais les choses à corriger ou à améliorer. C'était plus facile parce qu'il y avait du vécu. C'est sûr que je peux donner une opinion sur ce qui me paraît être le mieux, mais c'est à la fois devenir juge et partie. Et des fois, ça peut être mal interprété.

M. Williams: Vous avez mentionné, dans votre mémoire, l'importance de l'indépendance du Protecteur du citoyen, de ce rôle qu'il a. Et vous avez aussi, si j'ai bien compris vos remarques, trouvé le système proposé dans la loi 120 inapproprié. D'après vos autres remarques, vous avez mentionné que ce n'était pas assez indépendant. Est-ce que c'est vrai?

Mme Charbonneau: Bien, il y a plusieurs choses. Il y a la question de l'indépendance et il y a la question du statut hiérarchique. Pourquoi syndicable et non syndiqué? C'est que je n'appartenais ni au personnel syndiqué, ni au personnel des cadres. Il y avait quand même une certaine indépendance par rapport à des groupes de pression qui vivent à l'intérieur de l'hôpital. Quand tu fais partie d'un groupe ou d'une association, c'est encore plus difficile de composer, parce que les gens jouent parfois sur cet aspect-là. Bien, tu fais partie des cadres, tu devrais comprendre que la gestion, ça se fait comme ça. Alors, il y a tout un jeu au niveau de la solidarité avec l'association des cadres et la solidarité avec , l'établissement de ton employeur. Mais, moi, je ne perçois pas le rôle de la protectrice des bénéficaires comme ça. La solidarité, c'est avoir un préjugé favorable aux bénéficiaires. C'est d'abord la protection et la défense des droits des personnes qui sont lésées, ce qui disparaît complètement dans le recours administratif. Le recours administratif, c'est strictement pour voir à ce que l'établissement s'autorégule, mais sans tenir compte de l'aspect défense ou promotion des droits du bénéficiaire.

M. Williams: Merci. Quand on parle des protecteurs et protectrices des citoyens, on parle souvent de l'imputabilité. Et je voudrais savoir si, au niveau régie régionale, nous avons attaché un système d'imputabilité, peut-être avec un groupe de citoyens encadré par la loi, qui peut être attaché avec ce cadre en charge des questions de plaintes. Est-ce que ça répondrait à vos questions sur la réforme? Est-ce que nous pourrions, avec ce modèle, trouver l'équilibre entre le besoin d'être impliqué dans le réseau mais aussi d'avoir un équilibre avec les citoyens et la population?

Mme Charbonneau: Vous parlez d'un groupe de pression, comme un groupe de défense?

M. Williams: Non, non. Peut-être, je ne sais pas exactement, mais un groupe bien identifié dans la loi, qui peut être un groupe spécial sous le conseil de la régie régionale, ou peut-être établi là par le gouvernement pour aider ce protecteur du citoyen au niveau de la régie régionale. Est-ce que ça répond aux questions que vous avez eues sur la réforme?

Mme Charbonneau: Un bureau de défense des droits qui serait attaché, auquel serait attaché, ou serait en relation avec le protecteur du citoyen ou le cadre protecteur du bénéficiaire, le

cadre qui occuperait le recours administratif, j'ai des doutes sur l'applicabilité d'une pareille organisation, parce que, déjà, sans avoir le statut de cadre, il m'est arrivé d'avoir à travailler avec le comité de bénéficiaires sur des dossiers de défense des droits, avec des groupes extérieurs, et le fait que je sois payée par rétablissement a fait que j'ai été évincée de ces groupes-là. C'était indépendant du choix que faisait le comité de bénéficiaires, que je les accompagne à leur demande. Alors, c'est pour ça que...

M. Williams: Selon votre opinion, qui contrôle le Protecteur du citoyen du Québec? Qui rend le Protecteur du citoyen imputable? Parce que nous avons parlé de cette question; nous avons tout le système des plaintes. Qui contrôle ce niveau de protection pour les citoyens?

Mme Charbonneau: Vous parlez du Protecteur du citoyen?

M. Williams: Oui.

Mme Charbonneau: C'est l'Assemblée nationale qui contrôle.

M. Williams: Mais est-ce que vous pensez que c'est assez bien protégé avec le système que nous avons maintenant?

Mme Charbonneau: Actuellement, tout dépend, comme je le disais dans mon mémoire, du nombre d'élus qui sont à l'Assemblée nationale. Il est certain qu'il peut y avoir des contraintes politiques, mais je pense que c'est le système le plus indépendant qui soit actuellement au Québec, le Protecteur du citoyen, parce qu'il est nommé par une Assemblée nationale qui est élue par le peuple.

M. Williams: Merci. Y a-t-il d'autres questions?

Le Président (M. Dauphin): Une petite dernière, M. le député.

M. Williams: Qui donne l'information à vos clients, à votre service? Comment l'usager peut-il savoir s'il a le droit d'utiliser vos services et les mécanismes, les choses comme ça? Comment informez-vous la clientèle à votre hôpital?

Mme Charbonneau: C'est par le bouche à bouche...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Charbonneau: C'est par du bouche à oreille, pardon.

M. Williams: Mais vous avez un code, aussi?

Mme Charbonneau: II y a un code d'éthique qui a été émis, mais c'est à la toute dernière page qu'on mentionne que, si vous avez utilisé tous les recours hiérarchiques à votre disposition et que vous n'avez pas eu de réponse, vous pouvez vous adresser à la protectrice du bénéficiaire.

M. Williams: O.K. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Alors, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Ensuite de ça, je reconnaîtrai M. le député d'Iberville.

Mme Harel: Alors, M. le Président. Vous nous disiez tantôt remettre en question les dispositions dans le projet de loi 120 qui prévoient notamment que le bénéficiaire lui-même doive porter plainte, qu'il doive le faire par écrit, et puis, évidemment, il en va de même pour la régie régionale. Mais, à la régie régionale, je ne sais pas si vous aviez pris connaissance de cette disposition qui dit confier à un organisme communautaire - c'est peut-être à ça que faisait référence le député de Nelligan - le mandat d'assister et d'accompagner sur demande les usagers qui désirent porter plainte auprès d'elle ou de l'établissement. La régie désigne cet organisme après consultation, notamment des comités des usagers et des associations intéressées. En tout cas, pour votre information, ce serait l'article 46 du projet de loi. Mais vous, ce que vous dites, c'est qu'il faut que le recours soit disponible sur les lieux mêmes d'hébergement.

Mme Charbonneau: Oui Ça, c'est une particularité qui n'est peut-être pas nécessaire dans les hôpitaux de courte durée où les clients, repartent chez-eux et peuvent entreprendre des démarches. Ils sont moins tributaires de l'établissement pour la qualité de leur vie quotidienne Les gens qui vivent dans un établissement de longue durée, finalement, ils font confiance à ceux qui les entourent et la proximité fait que l'apprivoisement se fait. Mais ils ne sont pas portés, de même que ceux qui les représentent, comme les parents, à téléphoner à l'extérieur, à quelqu'un qu'ils ne connaissent pas, pour porter plainte. Ça ne fait pas partie du...

Mme Harel: Ça ne fait pas partie de leur univers. Vous dites que même ceux qui en sont capables vont être résistants à faire appel à une instance qui est absente de leur quotidien.

Mme Charbonneau: C'est ça.

Mme Harel: Dans votre mémoire, donc, pour vous, c'est important qu'il y ait cette présence surtout dans les établissements... Comment pourrions-nous les identifier ceux qui, comme le

vôtre, ont des clientèles...

Mme Charbonneau: À vocation psychiatrique ou les centres d'accueil. Personne n'est plus vulnérable, finalement. Ce matin, il y avait le comité de support qui proposait un projet pilote de l'élargissement du Protecteur du citoyen, seulement pour la clientèle des personnes vulnérables. Moi, je suis pour l'élargissement du Protecteur du citoyen à tout le réseau, sauf que je me dis que peut-être le projet pilote devrait se faire au niveau de la délégation aux ombudsmans spécialisés, aux ombudsmen hospitaliers, pour une période de temps, puis réévaluer par la suite si c'est vraiment ça le recours qui doit être fait. Mais ça pourrait être une solution.

Mme Harel: Dans votre mémoire, à la page 6, j'aimerais un peu plus d'explications quand vous nous dites que, lors de la commission parlementaire sur l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux, la pertinence de la fonction d'ombudsman au sein de chaque établissement à vocation psychiatrique a été clairement démontrée; et là, vous citez le mémoire L'Ombudsman hospitalier, décembre 1989, et vous dites qu'il a été recommandé à la commission: "Que le mandat et les pouvoirs de l'ombudsman hospitalier soient enchâssés dans la loi, que le titulaire du poste soit rattaché administrativement et financièrement à un organisme dont le principal mandat serait d'assurer la promotion et la défense des droits et qui serait indépendant du réseau des services de santé et des services sociaux." C'est là votre position, essentiellement; c'est ce que vous souhaiteriez, par exemple, voir adopter dans le projet de loi 120?

Mme Charbonneau: Oui, c'était ce qu'on avait demandé. On n'avait pas, à ce moment-là... Le mémoire qu'on avait présenté, on l'avait conclu en disant qu'on ne présentait pas une affiliation, à cet instant-là, parce que la principale préoccupation qu'on avait, c'était la reconnaissance législative, la standardisation du mandat dans tous les centres hospitaliers. Ça, c'était un élément qui était important pour assurer une qualité de service aux bénéficiaires. Parce qu'il y a plusieurs personnes qui portent des vocables différents et qui ont des tâches différentes, qu'on peut aussi appeler "ombudsmans", mais qui ne font pas la même chose d'un centre hospitalier à un autre; et elles n'ont pas le même mandat ni les mêmes pouvoirs.

Alors, en le reconnaissant dans la loi, on espérait qu'en même temps, il y aurait un mandat et des pouvoirs qui seraient enchâssés dans la loi. Maintenant, l'indépendance, c'était relié à un bureau de défense des... À un bureau, un organisme préoccupé par la défense des droits. On avait envisagé le Protecteur du citoyen; on avait envisagé la création d'un bureau comme en Ontario où il y a un bureau de défense des droits. Mais on n'avait pas arrêté notre choix. On se disait: La première chose, c'est une reconnaissance qui a besoin d'être rattachée à un organisme indépendant. Et on présumait qu'il y aurait une commission sur le Protecteur du citoyen et qu'à ce moment-là, on pourrait se positionner si on le désirait. Et c'est ce que j'ai fait, moi, cette fois-ci.

Mme Harel: Si tant est que la commission recommandait la présence d'ombudsmans hospitaliers - en tout cas, tout au moins dans les établissements où les personnes sont vulnérables, de manière à assurer l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de son mandat - mais si tant est que ce n'était pas retenu comme moyen correctif, que ce ne serait pas ce que vous souhaitez, pensez-vous que, tout au moins, l'ombudsman qui est prévu dans le projet de loi 120 devrait être choisi par le comité de bénéficiaires ou par le conseil d'administration, sur recommandation du comité de bénéficiaires, plutôt que sur recommandation du directeur général? Comment voyez-vous... Vous allez me dire que, finalement, si ce n'est pas ce que vous souhaitez, vous ne voulez même pas envisager d'autres mesures "remédiatrices". Mais comment voyez-vous la façon de corriger les lacunes les plus importantes contenues dans le projet de loi 120?

Mme Charbonneau: La lacune majeure, c'est justement de nommer un cadre pour faire le travail. À ce moment-là, ça ne devrait pas s'appeler "protecteur du bénéficiaire", ça ne devrait pas s'appeler "ombudsman", ça devrait s'appeler "conseiller à la clientèle" ou "service des plaintes" ou... Mais toute la notion de protection de la clientèle, elle serait disparue, à ce moment-là, puisque c'est un recours administratif. Il n'y a pas ce volet de protection des bénéficiaires.

Maintenant, ça ne veut pas dire que la personne qui serait nommée là ne serait pas préoccupée par ça. Peut-être que ce serait quelqu'un qui serait autant préoccupé, sauf que c'est leurrer la clientèle, selon moi, que d'appeler "protecteur du bénéficiaire" quelqu'un qui a plutôt une mission d'autoréguler le système que de protéger, que de défendre les droits des bénéficiaires.

Dans ce que vous dites, au niveau de la consultation du comité de bénéficiaires, je pense que c'est important. Même si c'est un recours administratif, ce serait important qu'il soit consulté parce que ça va être un des paliers qui vont être le plus souvent mis en contact avec cette personne-là - si jamais c'était ce choix-là qui était fait - pour, justement, régler les problèmes qui sont de nature collective ou de nature individuelle.

Mme Harel: Me permettez-vous de vous poser une question? Vous êtes présidente du comité de bénéficiaires et, à ce titre-là, vous avez à coeur la promotion et la défense et vous avez à coeur l'amour des bénéficiaires. Et même, vous avez dit: La défense de leurs droits. En quoi votre rôle se distingue-t-il ce celui de la protectrice? (20 h 15)

Mme Laurin (Françoise): Eh bien, moi, je vais vous dire que je suis beaucoup pour la protectrice, mais je suis quand même près, aussi, du conseil d'administration. Il ne faut pas penser que le comité de bénéficiaires marche quand même en désaccord avec le conseil d'administration. Je fais moi-même partie du C.A. de l'hôpital Rivière-des-Prairies, je peux expliquer mes doléances. Je peux même leur faire savoir, sans me cacher, que je ne suis pas pour, justement, que ce soit un cadre. Je l'ai dit devant tout le conseil d'administration.

Notre rôle, nous, en premier, on reçoit les appels des parents, c'est le premier appel, le premier recours; et souvent, les parents ne voudront pas aller plus loin par peur de représailles. Et moi, bien entendu, ce que je fais, c'est essayer de les réconforter, de leur donner le plus que je peux comme parent, et, bien entendu, je les informe, à ce moment-là, qu'on a, à l'intérieur de l'hôpital Rivière-des-Prairies, une personne-ressource qui est là cinq jours par semaine.

Parce que, comme parent, je suis là souvent. Peut-être des fois, trois ou quatre jours par semaine mais j'ai quand même une famille, un mari. Alors, bien entendu, on est temporaires, mais on fait tout ce qu'on peut. On est toujours disponibles. Les autorités peuvent nous appeler, on y est toujours, dans la mesure du possible. L'importance de notre rôle est là. Mais son rôle, à elle, est encore beaucoup plus important, je calcule. Parce qu'elle est là cinq jours par semaine et c'est une personne dont moi, je sais, que les bénéficiaires sont proches. C'est un peu une mère à l'intérieur de l'hôpital. Autant les jeunes bénéficiaires masculins que féminins vont la trouver dans son bureau pour lui conter leurs inquiétudes, leurs peines, un problème qui arrive dans l'unité, tout ça, dans leur groupe.

Mais vous savez aussi qu'on a, comme comité de bénéficiaires, un sous-comité. On a quand même cinq bénéficiaires. Ça c'est quelque chose de spécial. Ça n'existait pas. C'est une première. Cinq bénéficiaires qu'on reçoit une fois sur deux à nos comités de bénéficiaires, et là, on peut les interroger, justement, sur des aspects. On va choisir, par exemple, les vacances de Noël: Avez-vous été satisfaits? Avez-vous été satisfaits des repas, des collations? On entre dans leur quotidien. Quand les vacances arrivent: Avez-vous eu des camps? Ainsi de suite. Et de ça, on part de la base pour essayer, justement, d'améliorer leur qualité de vie le plus possible; et on est à l'écoute de ces jeunes-là.

Mme Harel: Juste en terminant, M. le Président, il faut comprendre que c'est un milieu de vie. C'est comme si ça devenait leur chez-soi, leur famille, et c'est vraiment, peut-être pour toute leur vie, leur résidence, là où ils seront, où ils passeront l'essentiel de leur vie. C'est ça qu'il faut comprendre.

Mme Laurin (Françoise): C'est entendu que ces jeunes-là, c'est leur maison. Ça, c'est entendu.

Mme Harel: Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Vous voulez parier... Oui. Ensuite de ça, je reconnaîtrai M. le député d'Iberville parce qu'il ne reste que trois minutes. Allez-y, madame.

Mme Frechette (Andrée): Bien, je voulais juste ajouter un petit mot, quelque chose qui n'a pas été dit quand j'écoutais les autres aujour d'hui. La plupart des comités de bénéficiaires ont des permanences. Nous, on n'a pas de permanence ce n'est que du bénévolat. Alors, c'est pour ça que notre protectrice est si importante pour nous. C'est notre conseillère, notre collaboratrice et tout. C'est important qu'on le sache, ça, qu'on n'a pas de permanence.

Le Président (M. Dauphin): D'accord, merci M. le député.

M. Lafrance: Oui, merci M. le Président. Une question très brève parce que je remarque qu'il ne reste pas beaucoup de temps. Il y a quelque chose qui m'a frappe, Mme Laurin, quand vous avez dit un peu plus tôt que les plaintes étaient étouffées dans le système au détriment, évidemment, des bénéficiaires. Et je pense que Mme Charbonneau y a fait allusion après, que le personnel sur place, les employés, n'achemineraient jamais une plainte. Bien que je puisse, évidemment, comprendre et réaliser que ça peut se faire, là, je trouve quand même quelque chose d'alarmant dans ça. Surtout si on cherche, peut-être, à amener des responsabilités extérieures supplémentaires pour aider directement les bénéficiaires.

Ne croyez-vous pas qu'on devrait plutôt regarder du côté du personnel dans les institutions pour normaliser ou rendre plus naturel, si je peux employer le terme, d'acheminer les plaintes? Ou si eux-mêmes, ces employés-là, remarquent quelque chose qui va au détriment des bénéficiaires, s'ils n'ont pas un syndicat ou une organisation quelconque qui va s'en prendre à leur carrière ou par des représailles directes, comme on peut le comprendre, pensez-vous qu'il y aurait une façon d'éduquer, de sensibiliser ou d'ouvrir les esprits dans ce sens-là?

Mme Charbonneau: Déjà, depuis quelques années - pas la première année que j'étais là mais les trois dernières années - quand il y a des sessions de formation du personnel, soit du nouveau ou des anciens membres du personnel, sur l'approche au bénéficiaire, je participe. Je fais une session de formation pour expliquer les droits et pour expliquer le recours à la protectrice du bénéficiaire. Ça a aidé certains membres du personnel à prendre leur courage à deux mains et à faire la démarche de saisir qu'il y a une situation litigieuse.

Mais if reste que la pression est très forte au niveau de l'administration. Je ne parlerai pas nécessairement de la direction mais de l'administration générale. Le reproche qu'on peut faire à quelqu'un de la base d'avoir informé quelqu'un en dehors de l'équipe d'un problème qui se vit dans l'équipe, ou de la base elle-même, de quelque chose... Un peu comme Mme Lynch vous racontait cet après-midi. Je ne sais pas si vous vous souvenez. Quand la dame est descendue ou est montée la voir à la course parce qu'elle n'en pouvait plus de l'histoire du bain et que ça ne se pouvait pas. La personne a réagi; elle n'en pouvait plus et elle est allée la voir. Ça, ça demande d'abord une proximité, pour faire cela. Ça demande une confiance dans la personne; que tu ne seras pas mise au ban. Mais, après ça, elle a eu des reproches de ses... Ça a été difficile pour elle. Et après ça, elle a fait un "burnout" et, finalement, elle est partie.

Alors, ce sont des événements que les employés vivent, ça. Ce n'est pas facile pour eux autres. On parle de quelque chose qui a rapport avec un bain, mais quand ce sont des choses qui sont encore plus litigieuses, comme des attitudes, alors les autres employés peuvent être très fâchés contre l'employé qui a porté plainte. Ce n'est pas facile à vivre entre employés non plus.

Alors, de là, je disais que le mandat du Protecteur du citoyen doit donner le pouvoir d'enquête de sa propre initiative. Il y a plein de choses que tu peux observer. Au début, j'allais dans les unités, je voyais des choses; mais tu ne peux pas intervenir, ce n'est pas ton domaine, tu n'a pas eu de plainte. Est-ce que le client est vraiment lésé? Je veux dire, c'est tout un... Alors, j'ai cessé d'aller dans les unités. J'y vais pour les plaintes, mais je ne vais plus visiter parce que j'avais l'impression de venir comme partie prenante. Il y a des choses que je voyais que je trouvais inconfortables.

Le Président (M. Dauphin): Oui, Mme Laurin. Allez-y.

Mme Laurin (Françoise): Moi, ce que j'aimerais ajouter, c'est que justement, dans notre sous-comité, on a des gens qui viennent au comité. Et j'ai déjà vu un bénéficiaire, par exemple, lorsqu'on lui posait une question, devenir tout nerveux et dire; On m'a averti, dans mon unité, que je ne viens pas au comité de bénéficiaires pour rapporter des choses et de faire attention à ce que je disais. Alors, un bénéficiaire n'a pas la notion, directement, et il est inquiet. Alors, quand on le questionne, il veut nous rapporter des choses, mais il n'ose pas trop parce qu'il a peur, justement, de l'employé qui lui a dit: Fais attention à ce que tu vas dire. Et même, on avait un bénéficiaire qui faisait partie d'un atelier de travail, qui avait des conditions qui étaient réellement pas bien. On a travaillé avec lui. Et ce bénéficiaire, qui apportait réellement quelque chose de très bien au comité de bénéficiaires, s'est retiré justement à cause de représailles. Bien entendu, on a obtenu une amélioration extraordinaire sur ce plateau de travail-là, grâce à son témoignage et aux interventions qu'il apportait. On ne peut pas croire comment un bénéficiaire, même s'il n'est pas en pleine connaissance, et tout, comment il peut apporter au comité de bénéficiaires quand on se penche et qu'on prend la peine de l'écouter.

Mme Charbonneau: C'est très insidieux, la façon dont on peut influencer ou terroriser, finalement, tant les bénéficiaires que les employés. Ce n'est pas nécessairement par des actes de violence.

M. Lafrance: Mais vous êtes d'accord, si je comprends bien, qu'il y ait une éducation continuelle, une sensibilisation continuelle vis-à-vis des employés.

Une voix: Absolument. M. Lafrance: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député. Alors, malheureusement, le temps qui nous était alloué est terminé. Mais je terminerais peut-être sur une note d'humour. Vous nous dites, au tout début, au niveau de la garantie d'objectivité, de neutralité et d'impartialité: Qu'arrive-t-il lorsqu'un parti politique forme plus des deux tiers des membres de l'Assemblée nationale?

Mme Charbonneau: Vous allez me dire que c'est la situation actuelle?

Le Président (M. Dauphin): Comment aller à rencontre de la volonté populaire? Est-ce que vous avez des suggestions pour un autre mode de nomination?

Mme Charbonneau: Non. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Charbonneau: On va attendre à la fin de la Commission Bélanger-Campeau.

Le Président (M. Dauphin): Alors, au nom de tous les membres de la commission, nous aimerions remercier sincèrement Mme Charbon-neau, Mme Laurin et Mme Frechette pour leur excellent témoignage et vous souhaiter un bon retour.

Mme Charbonneau: Merci.

Le Président (M. Dauphin): Je demanderais à Mme Bergeron, qui est conseillère à la clientèle à l'hôpital Sainte-Justine, de s'avancer.

Bonjour, Mme Bergeron, bienvenue à nos travaux. Si vous voulez bien présenter les personnes qui vous accompagnent.

Conseiller à la clientèle à l'hôpital Sainte-Justine

Mme Bergeron (Francine B.): Oui. Mme Du-fresne, qui est adjointe au directeur général, Programme de la gestion de la qualité et des risques, et à ma gauche, Mme Légaré, qui est présidente du comité de bénéficiaires.

Le Président (M. Dauphin): Alors, bienvenue. Je vous signale que nous avons une période de 30 minutes qui nous est allouée, dont 10 minutes pour la présentation de votre mémoire et 20 minutes pour une période d'échanges.

Mme Bergeron: Parfait. Alors, j'y vais, merci, M. le Président. Nous apprécions l'occasion de vous faire part de nos 12 années d'expérience d'ombudsman à l'hôpital Sainte-Justine, (-'ombudsman a des liens particuliers avec certaines personnes dans l'organisation, et c'est la raison pour laquelle j'ai invité Mme Légaré et Mme Dufresne à se joindre à ma présentation, pour vous faire part un peu de leur point de vue à elles aussi.

Je pourrais peut-être vous faire part un petit peu de l'historique et du mandat du poste à Sainte-Justine. C'est un poste qui a été créé en 1978, à la suite d'un désir de la direction de l'hôpital de se doter d'un service de plaintes, c'est-à-dire d'avoir une personne-ressource dans l'hôpital pour offrir aux bénéficiaires la possibilité d'avoir un recours immédiat pour faire valoir leurs intérêts et leurs droits.

Mon mandat, principalement, c'est: entreprendre les démarches nécessaires en vue de répondre à un besoin non satisfait, un problème, un commentaire ou une plainte exprimée par le bénéficiaire ou sa famille et en assurer le suivi; évaluer la satisfaction de la clientèle et formuler des recommandations à la direction, au département ou au service concerné; susciter l'intérêt et promouvoir la collaboration du bénéficiaire, de la famille et du personnel; expliquer au bénéficiaire et à la famille le fonctionnement de l'hôpital, les politiques et procédures; veiller au respect de leurs droits et de leurs responsabilités; et enfin agir comme intermédiaire et assurer la direction de l'hôpital d'un lien de rétroaction en la satisfaction de la clientèle.

Peut-être qu'à ce moment-ci, je pourrais vous faire un bref résumé de la façon dont je traite les plaintes dans mon milieu. Habituellement, les plaintes sont déposées, bon, directement à mon bureau; soit que la personne se présente, ou ça peut être par lettre ou par appel téléphonique. À ce moment-là, il y a toujours, suite à la plainte déposée, une enquête avec les personnes concernées, soit le chef de service, soit le médecin, soit le directeur de l'hôpital. Et suite à l'enquête, il y a toujours une réponse qui est faite au plaignant, par téléphone, lettre ou rencontre. Très souvent, le problème peut être traité dans l'immédiat. Souvent, il arrive que les parents soient un peu pris de panique dans un hôpital comme Sainte-Justine, avec des maladies importantes chez leurs enfants. C'est souvent de les écouter puis peut-être de les diriger au bon endroit aussi. (20 h 30)

Et, depuis quelques années, on a centralisé toutes les plaintes qui pouvaient être acheminées à Sainte-Justine, que ce soit à la direction générale, à la direction des soins infirmiers ou à la direction des services professionnels, pour qu'on ait vraiment un suivi par une seule personne qui est vraiment libre à toute heure de la journée pour recevoir la clientèle.

Il y a également certaines plaintes qui sont dirigées au conseil régional de la santé et des services sociaux. Et avec les années, aussi, on a établi des contacts au moyen de réunions avec les ombudsmans de la région de Montréal. Et souvent, suite à une plainte déposée au conseil régional, peut-être que la plainte peut se régler facilement par téléphone au lieu d'attendre les délais de correspondance, etc.

Depuis 1982, on a un comité de bénéficiaires à l'hôpital Sainte-Justine et le conseiller à la clientèle, ou l'ombudsman, est invité à participer aux rencontres du comité. Il se charge principalement des dossiers qui auraient trait à des plaintes ou à des besoins exprimés par les membres.

De plus, l'ombudsman, à l'hôpital Sainte-Justine, siège sur des comités tels que l'humanisation des soins, le comité d'éthique à la recherche ou tout autre comité où on favorise quand même la présence d'une personne qui est un peu la représentante des bénéficiaires.

Depuis janvier 1988, on a un protocole de règlement de plaintes, et, de plus, chaque année, les objectifs du conseil à la clientèle sont définis et un rapport trimestriel des plaintes et des besoins des bénéficiaires est remis à la direction générale.

Quant à l'information auprès de notre clientèle, à savoir que, oui, il y a un endroit où on peut se plaindre dans l'hôpital, à l'intérieur d'un feuillet qu'on remet à l'entrée du patient,

on décrit brièvement le rôle de l'ombudsman. Et prochainement, on doit, à la demande de certains parents, particulièrement le comité de bénéficiaires, afficher dans chaque chambre de bénéficiaire le rôle de l'ombudsman.

Bon, il y a aussi toutes les autres tâches qui se rattachent au poste. En tout cas, nous, avec les années, on a senti qu'il n'y avait pas juste des plaintes, mais qu'il y avait des besoins concernant l'hébergement, le transport, des problèmes financiers. On a aussi les patients qui nous viennent de l'extérieur, donc non éligibles à l'assurance-maladie.

Aussi, depuis l'arrivée des différentes ethnies, on a, à Sainte-Justine, une banque de langues qui est composée de différentes personnes qui offrent leurs services pour être traducteurs auprès de nos clientèles. Et, évidemment, des contacts ont aussi été faits avec des organismes extérieurs.

Finalement, concernant le point par rapport à l'élargissement du mandat du Protecteur du citoyen, mes commentaires, moi, étaient les suivants:

Que l'ombudsman à l'hôpital doit être, pour le bénéficiaire, un recours efficace pour assurer un règlement immédiat des plaintes et des insatisfactions et pour combler des besoins. De plus, l'ombudsman a un pouvoir de recommandation à la direction de l'établissement. Et en troisième lieu, l'ombudsman doit être en mesure de traiter et d'évaluer les plaintes sans intermédiaire et avec toute la collaboration de ia direction.

Alors, moi, je voyais plutôt qu'il serait plus avantageux pour les bénéficiaires que la fonction d'ombudsman soit reconnue et probablement étendue dans tous les services de santé et services sociaux. Et je verrais que l'élargissement de la Loi sur le Protecteur du citoyen, ce serait un autre intermédiaire, finalement, quand il y en a déjà. On a, dans le centre hospitalier même, une personne, et on a quand même des gens au conseil régional.

Alors moi, c'était un peu ma position. J'aimerais peut-être ça que Mme Dufresne nous parle un petit peu de la satisfaction de la clientèle et comment on travaille avec la clientèle sur ça.

Le Président (M. Dauphin): Mme Dufresne. Mme Bergeron: Mme Dufresne.

Mme Dufresne (Paulette): Peut-être pour vous démontrer un peu les liens qui existent entre le conseiller à la clientèle et moi, comme responsable des programmes de gestion de la qualité et des risques. D'abord, nous avons toujours regardé nos rôles respectifs sous l'angle de la complémentarité et de la coordination en visant un but commun: la qualité de nos soins et de nos services et la satisfaction de la clientèle.

Le conseiller à la clientèle est vraiment la personne mandatée à Sainte-Justine pour communiquer avec le bénéficiaire s'il y a plainte ou insatisfaction.

Par contre, nos programmes de gestion de la qualité et des risques, ça comporte différentes facettes où, à l'occasion, on doit avoir des interventions directes avec la clientèle. À ce moment-là, je me réfère à Mme Bergeron, notre conseillère à la clientèle, pour faire cette démarche auprès des bénéficiaires. Par exemple, je recueille auprès de la direction générale les questionnaires de satisfaction de la clientèle, j'en fais l'analyse, et tous les questionnaires qui comportent des plaintes, des insatisfactions ou des problèmes sont remis immédiatement au conseiller à la clientèle qui communique avec les signataires des questionnaires, assure le suivi et la satisfaction ou le règlement des problèmes qui sont mentionnés.

Également, plus en regard du programme de gestion des risques, les plaintes adressées au conseiller à la clientèle peuvent faire ressortir qu'il s'agit d'un accident ou d'un incident chez le bénéficiaire. Alors, nous collaborons, à ce moment-là, pour essayer d'analyser ce qui s'est passé pour éviter que, dans le futur, ça puisse se reproduire, essayer de prévenir le plus possible ces accidents et incidents là et, à ce moment-là, s'il y a lieu, d'assurer aussi le lien avec nos assurances. C'est moi qui l'assure, mais toujours en collaboration avec Mme Bergeron. Il y a également un rapport qui est présenté de façon trimestrielle au conseil, qui en assure un suivi. C'est une partie des liens que nous avons à l'hôpital, dans nos rôles respectifs, mais qui se complètent.

Mme Bergeron: Mme Légaré.

Mme Légaré (Judith): Bien, le comité de bénéficiaires, à l'hôpital Sainte-Justine, est composé strictement de parents bénévoles. Ce ne sont pas des bénéficiaires à proprement parler; on est les parents des bénéficiaires, des usagers des services, en tout cas, des enfants malades. Donc, on n'est pas sur les lieux, dans l'établissement tout le temps. Ça prend quelqu'un qui est... Mme Bergeron assure donc le suivi et est la "personne référence" immédiate pour un individu parent qui a des besoins à exprimer ou une plainte à formuler. Le comité de bénéficiaires a un rôle complémentaire à ça en ce sens que sa vision de la défense des intérêts de bénéficiaires est plus une vision collective, c'est-à-dire des intérêts collectifs des bénéficiaires de l'hôpital.

Si, à certains moments, il arrive qu'il y ait des plaintes individuelles formulées au niveau du comité de bénéficiaires, ce qui est extrêmement rare, on va examiner si cette plainte-là est un cas unique ou... Bon, de toute façon, on l'achemine à Mme Bergeron. Si ce n'est pas un cas

unique, bien, elle va nous le dire que ce n'est pas un cas unique, et là, on va voir quelles ramifications il y a avec d'autres cas possibles et si on peut développer des moyens d'action plus globaux pour modifier la situation à l'hôpital. On travaille dans un esprit de collaboration avec l'hôpital pour améliorer. On a une vision vraiment positive de la chose. On n'est pas un comité de plaintes; on est un comité qui est là pour améliorer la qualité de vie des enfants à l'hôpital, et donc, on se veut proactif.

Et une des façons pour nous de s'assurer qu'on est au courant, qu'on est vraiment en contact avec les intérêts plus larges des bénéficiaires de l'hôpital, c'est qu'on a fait des démarches pour associer les associations de parents d'enfants qui fréquentent l'hôpital Sainte-Justine à nos rencontres au comité de bénéficiaires et aux démarches conjointes qu'on peut développer avec l'hôpital à certains moments. On a des projets conjoints d'association avec certains services de l'hôpital, par exemple, qui traitent les mêmes clientèles, parce que le comité de bénéficiaires est un comité composé de cinq personnes qui représentent les bénéficiaires, mais qui ne peuvent pas connaître les besoins et les attentes de tous les types de clientèle de l'hôpital.

Donc, on a un lien étroit avec les associations qui participent beaucoup au travail du comité, qui proposent beaucoup d'actions, et qui, dans certains cas, vont, elles, recevoir des plaintes de parents faisant partie de leur association ou dont l'enfant a une maladie qui relève de certaines associations, et vont, à un moment donné, arriver au comité des bénéficiaires et dire: Écoutez, on a un dossier chaud ici; il y a quelque chose qui ne marche pas à l'hôpital. Mme Bergeron est toujours aux réunions du comité. Les actions immédiates, c'est toujours elle qui les met en branle, c'est elle qui a les contacts, qui connaît le milieu de façon quotidienne, qui connaît les gens. Nous, ce qu'on va faire, c'est que pour ce dossier-là, on va essayer de mettre les représentants des parents des associations plus spécifiques en contact avec les bonnes personnes pour que le dossier se règle un petit peu à un niveau politique ou stratégique dans l'hôpital, qu'il y ait vraiment quelque chose qui soit fait de façon claire et qu'il y ait une volonté de faire quelque chose à un niveau plus haut. Donc, c'est toujours à un niveau collectif.

Le Président (M. Dauphin): Si vous permettez, on va débuter la période d'échanges, parce que le temps défile rapidement.

Mme Légaré: O. K.

Le Président (M. Dauphin): Alors, je vais vous poser une ou deux questions; ensuite de ça, je reconnaîtrai d'autres membres.

De quelle façon êtes-vous nommée, Mme

Bergeron? Est-ce que c'est par le conseil d'administration ou par la direction?

Mme Bergeron: Non, c'est par la direction générale de l'hôpital. C'est ça.

Le Président (M. Dauphin): Alors, vous relevez...

Mme Bergeron: Je relève de la direction générale.

Le Président (M. Dauphin): Alors, vous relevez du directeur général, de la direction générale.

Mme Bergeron: C'est ça.

Le Président (M. Dauphin): Puis quel genre de plaintes avez-vous à régler?

Mme Bergeron: Oh! là, là. Toutes sortes de plaintes. Ça peut être l'insatisfaction concernant le traitement, les soins. Ça peut être une plainte contre le médecin parce qu'il n'est pas disponible quand le parent aimerait le rencontrer, on veut changer de médecin. Ça peut être les attentes aux cliniques externes. Ça peut être, le parent qui attend une intervention chirurgicale pour son enfant, qu'il y a déjà six mois que cette intervention est prévue et qu'il n'y a pas de disponibilité, ce médecin, sur sa liste d'attente, ça peut retarder. À ce moment-là, il y a des démarches à faire auprès du médecin par rapport à cette intervention chirurgicale, pour voir s'il y a des délais qu'on peut encore... Est-ce qu'on peut dire aux parents qu'il n'y a pas de danger si on attend encore.

Le Président (M. Dauphin): C'est très varié.

Mme Bergeron: Alors, ce peut être ce que vous imaginez, les plaintes...

Le Président (M. Dauphin): J'imagine que la majorité des plaintes sont verbales?

Mme Bergeron: Je dirais 50 % verbales... Oh! je ne sais pas. Non, moi, je dirais plus 30 % verbales, 30 % de rencontres à mon bureau et 40 % de téléphones et correspondance.

Le Président (M. Dauphin): Parce que, dans le projet de loi 120, il est question que toute plainte doit être faite par écrit.

Mme Bergeron: Oui, ça...

Le Président (M. Dauphin): Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Bergeron: Non, moi, je ne suis pas du tout d'accord parce que, là, vous allez avoir

encore d'autres délais. Et nous, ce qu'on essaie de faire à Sainte-Justine, quand on a une plainte... D'ailleurs, dans le protocole qu'on a rédigé, on dit bien que notre plainte doit être réglée à l'intérieur d'un mois. Et, quand vous êtes dans un hôpital, que vous avez un problème directement à l'hôpital, vous ne pouvez pas demander aux gens de vous écrire une lettre. Je pense que vous pouvez... Vous avez une personne qui est devant vous, ou que ce soit par téléphone, également, c'est très délicat de dire aux gens qui prennent la peine de vous téléphoner, bien, écoutez, écrivez-moi donc. Dans certains cas, je peux demander une lettre, suite à la conversation téléphonique, s'il y a une implication importante.

Le Président (M. Dauphin): Plusieurs personnes sont venues dire aux commissaires aujourd'hui qu'un "ombudsperson" ou ombudsman maison, au niveau de la garantie d'indépendance, que ce n'était pas facile d'en faire la démonstration. Alors, de quelle façon voyez-vous ça, vous? Par quels moyens assurer l'indépendance d'une conseillère à la clientèle, par exemple, nommée par la direction et puis relevant de la direction?

Mme Bergeron: Oui, oui. Mais si on a un mandat précis de la direction, ça peut être soit de la direction de l'hôpital ou ça peut être du conseil d'administration. Si la direction d'un hôpital veut créer un poste avec une personne qui va se préoccuper des plaintes de la clientèle, je pense que cette personne-là n'est pas là pour plaire à la direction. La direction la nomme pour, justement, qu'elle soit la personne ressource de la clientèle. Il y a une plainte, il y a une insatisfaction; je pense que, quand on est dans le milieu, on sait comment traiter cette insatisfaction par des rencontres.

Il est même arrivé à l'occasion que, soit avec le parent ou la personne, j'aie eu à rencontrer les différents intervenants. Et moi, je me sens très à l'aise là-dedans. Et puis, je pense que les gens, avec les années, commencent à comprendre que la personne qui s'appelle ombudsman, conseillère à la clientèle, n'est justement pas là pour défendre les intérêts de la direction. Elle est là pour défendre leurs intérêts. Et d'ailleurs, je pense qu'avec de la publicité, si on essaie de publiciser de plus en plus le rôle de l'ombudsman, on peut dire aux gens ce que la personne fait. Moi, je pense que les gens se sentent quand même très à l'aise là-dedans.

Le Président (M. Dauphin): Ça ne vous a jamais occasionné de conflit d'intérêts?

Mme Bergeron: Non. Jamais les parents ne m'ont dit: Ah bon! écoutez, vous êtes payée par l'hôpital, ou vous dépendez de la direction de l'hôpital ou du conseil d'administration. Jamais. Les gens qui sont venus, qui viennent à mon bureau, sentent que je suis là pour les aider.

Le Président (M. Dauphin): Et puis, un recours ultime à une institution comme le Protecteur du citoyen, vous ne voyez pas ça d'un bon oeil? (20 h 45)

Mme Bergeron: Bien, ça n'est pas que je le vois d'un mauvais oeil non plus mais je me dis qu'on va créer d'autres structures. Il y en a déjà, des structures en place. Tantôt, je parlais du conseil régional qui, par la loi, a quand même un mandat. Et je pense qu'au cours des années, on a établi, comme je le disais tantôt, des liens avec le conseil régional; et c'est quand même intéressant, on peut avoir des rencontres avec ces gens-là. Il y a des expertises qui peuvent nous être apportées. Non, moi, je me dis, là, qu'on va avoir tellement de structures que les gens ne sauront plus où se plaindre. Et, bon, ce que je crains aussi, je le disais tantôt: Quand vous avez une personne devant vous, vous réglez la plainte peut-être à l'intérieur d'une heure ou deux. Si les gens doivent aller à l'extérieur pour porter plainte, ça ne prendra pas un mois, ça en prendra deux et trois.

Le Président (M. Dauphin): Ce qui est prévu dans le projet de loi 120, en gros, là, que chaque établissement doive prévoir un mécanisme de plaintes, trouver une personne qui va s'occuper de ça, avec possibilité de recours à la régie régionale...

Mme Bergeron: Ça, je suis tout à fait d'accord.

Le Président (M. Dauphin): ...un cadre, vous êtes tout à fait d'accord avec ça. Puis, le fait qu'il n'y ait pas d'autre recours, évidemment, vous y avez répondu. C'est suffisant selon vous?

Mme Bergeron: Bien, il me semble. Parce que vous avez toujours, finalement aussi, le recours judiciaire. Et ça, ça existe et ça existera encore. S'il y a un patient qui consulte un avocat à un moment donné suite à une erreur, je pense que ça existera encore, qu'il y ait le Protecteur du citoyen ou pas ou une autre instance. Ça, je pense qu'on ne pourra sortir de cette loi par rapport à des poursuites, si vous voulez.

Le Président (M. Dauphin): D'accord, merci. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, ensuite M. le député d'Iberville.

Mme Harel: Alors, merci. Alors, bienvenue Mme Bergeron, Mme Dufresne et Mme Légaré. Donc, c'est un établissement surtout de courte durée. Et vous, Mme Légaré, les bénéficiaires qui sont membres de votre comité le sont pour des enfants qui sont là pour une plus longue durée, habituellement?

Mme Légaré: Jusqu'à récemment, jusqu'au printemps dernier, on avait un parent d'enfant en soins prolongés; maintenant on n'en a plus, puis c'est une lacune importante. On amorce des démarches pour trouver un parent d'enfant en soins de longue durée.

Mme Harel: Peut-être, vous, avez-vous encore un enfant qui est hospitalisé?

Mme Légaré: Bien, qui est hospitalisé sporadiquement.

Mme Harel: Sporadiquement. Donc, ce sont plutôt des parents dont les enfants ont à utiliser sporadiquement les services de l'hôpital.

Mme Légaré: D'où l'importance que moi, en tout cas, j'ai toujours accordée à associer les associations...

Mme Harel: D'accord.

Mme Légaré: ...de parents à notre démarche parce qu'on ne peut pas...

Mme Harel: J'ai pris connaissance avec intérêt, Mme Bergeron, du rapport d'activités pour l'année, notamment des besoins de la clientèle. Par exemple, l'hébergement, vous nous dites que 415 personnes se sont adressées à vous en regard du problème d'hébergement parce qu'elles avalent un problème pour s'héberger à Montréal pendant que leur enfant était hospitalisé...

Mme Bergeron: Voilà.

Mme Harel: ...c'est ce qu'il faut comprendre?

Mme Bergeron: Oui, on en discutait justement un peu plus tôt. Il faut vous dire qu'à Sainte-Justine, la clientèle qui vient de l'extérieur de Montréal - puis là, quand je dis ça, l'extérieur de Montréal, je compte 50 milles et plus - on a à peu près 40 % de notre clientèle, si ce n'est pas plus, 40 %, 45 %. Vous avez l'Abitibi, toute la province, finalement. Donc, il y a de gros problèmes d'hébergement.

Mme Harel: J'avais l'impression en lisant votre rapport d'activités que vous étiez véritablement une conseillère à la clientèle plus qu'une ombudsman. Est-ce que vous faites une distinction entre les deux?

Mme Bergeron: Non.

Mme Harel: Non. C'est-à-dire que les personnes qui ont un problème d'hébergement, ce n'est pas un problème avec la "dispensation" d'un service à l'établissement. C'est un problème comme parent d'un enfant; c'est donc un problème de clientèle. Ce n'est pas nécesairement un problème lié à un service.

Mme Bergeron: C'est ça, oui, oui. Nous, en fait, à Sainte-Justine, on utilise... Bon, je me rends compte que les gens vont utiliser de plus en plus le terme "ombudsman". Mais quand on a créé le poste il y a 12 ans, "ombudsman", ce n'était pas tellement connu. Alors, c'est pour ça que le poste est plus connu à Sainte-Justine comme conseillère à la clientèle.

Mme Harel: Parce que, en fait, il est de commune renommée que le poste de conseiller ou de conseillère à la clientèle soit en quelque sorte distinct de celui d'ombudsman, dans le sens où les deux ne nécessitent peut-être pas le même degré d'impartialité ou d'indépendance par rapport à l'établissement. Celui d'ombudsman exige en général beaucoup plus de distance pour pouvoir, d'une certaine façon, avoir peut-être toute l'apparence de l'impartialité ou de l'indépendance. Mais pour vous, l'un et l'autre...

Mme Bergeron: L'un et l'autre... En fait, comme je vous le dis, nous autres, à l'époque, on se disait: "Ombudsman", ce n'est pas tellement connu. Donc "conseiller à la clientèle", peut-être que les gens vont se dire: Bon, bien, c'est peut-être une personne qui peut nous venir en aide. Mais moi, je dis non. Pour moi, c'est tout à fait la même chose, que ce soit le chapeau de conseiller à la clientèle ou ombudsman...

Mme Harel: Vous dites qu'il serait plus avantageux pour les bénéficiaires que la fonction d'ombudsman soit reconnue. Comment envisagez-vous cette reconnaissance?

Mme Bergeron: Bon. Soit reconnue dans le sens que, tantôt, je disais - et M. le Président, d'ailleurs, m'a posé la question - ce qui est suggéré dans l'avant-projet de loi, qu'il y ait des personnes responsables du traitement des plaintes dans chaque centre hospitalier et que ce soit reconnu à l'intérieur d'une loi comme celle-là. C'est dans ce sens-là.

Mme Harel: Est-ce qu'il est arrivé que, malgré tous les efforts dont on vous sait capable, les parents aient pu vouloir malgré tout aller plus loin parce que vous n'arriviez pas, malgré toute votre bonne volonté, à faire changer les choses par l'établissement? Que les parents aient pu souhaiter, par exemple, que ça puisse être porté à un recours externe pour qu'il y ait une connaissance plus générale de la nécessité d'un changement? Est-ce que, ça, c'est intervenu? Parce que j'ai aussi d'autres questions. Les corporations. Et certains sont venus aujourd'hui nous dire que c'est essentiel et qu'il faut réexaminer toute la question des traitements

de plaintes dans les corporations. J'ai ces deux questions-là.

Mme Bergeron: O.K. Pour répondre à votre première question - ça va peut-être sembler prétentieux de ma part, là - non, j'ai l'impression qu'il y a une plainte, il y a un problème, il faut le régler, il faut aller jusqu'au bout. Moi, je n'ai pas senti, suite à des interventions que j'ai faites, que les gens auraient voulu aller ailleurs. Admettons que ce soit arrivé, qu'on m'ait dit: Écoutez, moi, à Sainte-Justine, je n'aime pas ça, la manière dont vous travaillez. Y a-t-il un autre endroit? Ou bien, très très souvent - ça, ça se fait partout, dans tous les milieux d'ailleurs - on nous menace d'un avocat. Parce qu'on est très insatisfait, on est très fâché, on va communiquer avec notre avocat. Alors moi, ça, je n'ai pas à dire aux gens de communiquer ou pas avec un avocat. C'est quand même leur choix; ils sont libres.

Mais moi, pour en revenir à votre question, je me dis, admettons que ce soit arrivé, j'aurais eu tendance à dire aux gens: Écoutez, oui, il y a un autre recours. Il y a le conseil régional à Montréal qui a un service de plaintes qui est, à mon avis, bien structuré et qui aurait été un recours extérieur pour moi, qui demeurait quand même à l'intérieur des services de santé et des services sociaux. Donc, ces gens-là ont quand même une connaissance du milieu, de ce qui se fait peut-être dans chaque hôpital. Ça, ça me serait apparu, en tout cas... Parce que je ne pense pas que nous, on doive dire aux gens: Bon, bien, il faut que vous soyez satisfaits parce qu'on est là. Non, je ne le pense pas. S'ils ne sont pas satisfaits, bien, essayons de leur donner satisfaction. Et s'ils veulent avoir de l'information pour l'extérieur, où ils pourraient aller, on peut la leur donner.

Mme Harel: Et quant aux corporations?

Mme Bergeron: Bon, pour les corporations, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites. Maintenant, moi, à l'intérieur du centre hospitalier, c'est bien entendu que s'il y a une plainte... Admettons qu'on va prendre un psychologue. On a un chef de service, à Sainte-Justine, que je rencontre. J'ai eu une plainte contre tel psychologue; il est arrivé telle ou telle chose. Le chef de service va rencontrer le psychologue et c'est à lui, à ce moment-là - s'il attache une importance à la plainte et que ça doit aller à la corporation - c'est à lui de faire la démarche. Peut-être que, là, vous avez raison, ce serait peut-être intéressant que l'ombudsman puisse, directement, dans un cas, je vous dis, un cas majeur, avoir un contact direct avec la corporation. D'autant plus que si la plainte était faite par des personnes différentes, toujours contre la même personne, à l'intérieur d'une année, il y a de grosses questions à se poser.

Mme Harel: Je puis vous dire une chose. Je trouve ça assez rafraîchissant, ce soir. Je nous regardais, je vous regardais, derrière, et puis, depuis qu'on a débuté les travaux de cette commission et qu'on traite des questions relatives aux bénéficiaires, aux services de santé et aux services sociaux, il n'y a pratiquement que des femmes dans la salle d'audience. Et puis, on vient de terminer la Commission Bélanger-Cam-peau; il n'y avait pratiquement que des hommes parmi les experts. Alors, je ne sais pas si c'est l'attribution des rôles selon les sexes, mais de constitution... Je ne sais pas si c'est parce qu'ils sont de constitution plus faible, mais ils ne font qu'en parler.

Mme Bergeron: Peut-être. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci, Mme la députée. Je vais maintenant reconnaître M. le député d'Iberville.

M. Lafrance: Oui. J'aimerais, tout d'abord, M. le Président, faire une remarque. Est-ce que je suis correct en disant que votre institution est quand même spéciale dans le sens qu'elle s'adresse aux enfants, en premier lieu? Jusqu'à quel âge?

Mme Bergeron: De 0 à 18 ans. Bien, 18... Excusez, jusqu'à 21 ans. Je dis 18, mais on peut dire jusqu'à 21 ans. Et vous avez également les patientes en obstétrique et gynécologie. Alors, on a des patientes et des enfants.

M. Lafrance: O.K. Alors, le traitement des plaintes est quand même sensiblement différent dans le sens que les parents sont là et que les enfants, normalement, vont se plaindre à leurs parents en premier. Et c'est beaucoup plus facile pour un parent de venir transmettre cette plainte-là après, je pense. Je pense que c'est quand même une nuance importante avec d'autres institutions. Combien avez-vous de bénéficiaires annuellement et combien de plaintes traitez-vous?

Mme Bergeron: Annuellement... Je ne veux pas me tromper dans mes chiffres; Mme Dufresne a son grand cahier; aux cliniques externes, services ambulatoires, il y a 220 000 patients selon le dernier rapport. Les patients hospitalisés: 35 000 hospitalisés.

M. Lafrance: Et les plaintes?

Mme Bergeron: Les plaintes, l'année dernière, j'ai fait le bilan, c'était 550 plaintes.

M. Lafrance: 550 plaintes.

Mme Bergeron: Ce qui fait une moyenne de

deux à trois plaintes par jour.

M. Lafrance: Et, finalement, j'ai vu que vous faites remplir trois documents qui sont rédigés. Tout d'abord, un questionnaire sur la satisfaction de la clientèle; ensuite, il y a un protocole de règlement des plaintes qui fut rédigé en 1988; et, finalement, vous faites un rapport trimestriel des plaintes et des besoins des bénéficiaires. Est-ce que ce serait possible que vous déposiez à la commission copie de ces documents-là?

Mme Bergeron: La satisfaction... Ce serait peut-être possible. En tout cas, c'est un feuillet maison. Nous, on s'est penchés... On a eu un comité, à un moment donné, pour évaluer la satisfaction de la clientèle. On avait eu un premier document; on s'est inspirés évidemment, comme tout le monde, des documents qui existaient. Avec les années, on s'est penchés à nouveau sur notre questionnaire en disant: Bon, il y a peut-être des questions qui sont moins pertinentes ou d'autres qu'on avait oubliées. Et nous, c'est un genre de feuillet maison. Je pense bien qu'on pourrait sûrement transmettre ce genre d'information.

M. Lafrance: Oui, ça pourrait nous aider dans nos travaux.

Mme Bergeron: Si c'est à la satisfaction...

Mme Dufresne: II est distribué durant le séjour des gens qui sont à l'hôpital et, ordinairement, il est complété aussi durant le séjour. On le fait par échantillonnage, une fois par année chez les hospitalisés, deux fois par année chez les externes. Et les corrections immédiates... Lorsqu'il y a des problèmes, ceux-ci sont transmis à Mme Bergeron qui communique avec le bénéficiaire. On s'est donné un barème, et toutes les réponses qui sont en bas de ce barème-là sont remises aux directions qui les reprennent l'année suivante dans les objectifs pour essayer d'améliorer les situations qui nous ont été décrites.

Mme Bergeron: Pour le protocole, oui, c'est possible. Pour le rapport trimestriel, ce serait peut-être plus intéressant de le faire par rapport au rapport que j'ai produit. Quand je dis 550 plaintes, sûrement que je pourrais vous faire le pourcentage. Moi, je l'avais un peu fait, parce que j'attendais peut-être ce genre de question. Je me disais: Les plaintes qui reviennent le plus souvent...

M. Lafrance: Les types de plaintes.

Mme Bergeron:... les types de plaintes, c'est ça: manque d'information, attente aux cliniques externes, attente pour la chirurgie, attitude du personnel, insatisfaction quant aux soins ou traitements et incidents ou accidents. Alors, sûrement qu'on pourrait vous faire parvenir le genre de plaintes avec le pourcentage par rapport au rapport.

M. Lafrance: D'accord, je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Alors, merci beaucoup. Vous pourriez peut-être l'expédier à Me Giguère qui est secrétaire de la commission. Alors, c'est tout le temps qui était disponible. Alors, Mme Bergeron, Mme Dufresne et Mme Légaré de l'hôpital Sainte-Justine, nous tenons, au nom de tous les membres de la commission, à vous remercier très sincèrement de votre participation à nos travaux et vous souhaiter un bon retour. Ensuite, nous suspendrons trois minutes pour revenir avec M. Dowie.

(Suspension de la séance à 21 heures)

(Reprise à 21 h 11)

Le Président (M. Dauphin): Nous reprenons les travaux avec notre dernier groupe, si vous me permettez l'expression, la Commission de protection des droits de la jeunesse, représentée par son président M. Vaughan Dowie. Une période de 45 minutes a été prévue. Alors, vous avez une quinzaine de minutes pour votre exposé et ensuite, nous aurons une période d'échanges avec vous. Allez-y.

Commission de protection des droits de la jeunesse

M. Dowie (Vaughan): M. le Président, Mme la députée, MM. les députés, c'est un grand défi de prendre 15 minutes pour présenter une lettre de deux pages. Alors, je vais juste résumer le mandat de la Commission pour essayer de vous situer la Commission vis-à-vis les interventions qu'elle a faites et donner un bref sommaire des points qu'on a soulevés.

La Commission de protection des droits de la jeunesse est un organisme créé en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, qui a comme mandat principal de s'assurer que les droits des jeunes, prévus par la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur les jeunes contrevenants soient respectés. Pour ce faire, la Commission détient des pouvoirs d'enquête pour s'assurer que les droits attribués aux jeunes en vertu des deux lois que j'ai mentionnées auparavant soient effectivement respectés.

La Commission détient des pouvoirs; elle a des commissaires et des enquêteurs pour faire des enquêtes. Et la Commission a la possibilité, si elle trouve que les droits d'un enfant ont été effectivement lésés, de faire les recommandations nécessaires pour la correction de la situation

dans un délai imparti. Et si la recommandation n'est pas suivie dans le délai imparti, la Commission peut saisir le tribunal pour demander que les mesures soient ordonnées.

On a fait uniquement deux points dans ce que je ne peux pas appeler un mémoire mais une lettre, adressée au secrétaire de la commission, vis-à-vis du document de consultation qu'on a reçu. Le premier point était de répéter une recommandation qu'on a faite à l'époque de l'étude du projet de loi 107, la Loi sur l'instruction publique, à l'époque, sur la possibilité de recours en vertu des droits qui sont accordés dans la Loi sur l'instruction publique. À l'époque, on a eu l'occasion de rencontrer la commission de l'éducation qui était à l'étude de ce projet de loi; et on a indiqué à la commission de l'éducation nos désirs de voir intégrer dans la loi un recours indépendant et clair pour les droits qui sont reconnus aux élèves en vertu de la Loi sur l'instruction publique. Je pense que la loi, par la suite, a été amendée. Je dois dire, juste pour ouvrir une parenthèse, qu'on a fait ça conjointement avec l'Office des personnes handicapées et la Commission des droits de la personne du Québec. Le projet a été amendé par la suite, mais uniquement pour donner la possibilité à une commission scolaire de se saisir d'une situation où c'était impossible pour les gens de loi; quelque chose qui, selon nous, n'était pas adéquat comme recours indépendant pour des droits reconnus en vertu de la Loi sur l'instruction publique.

Le deuxième point qu'on a soulevé concernait la demande que la commission parlementaire a faite vis-à-vis de notre avis sur l'extension des pouvoirs du Protecteur du citoyen sur le réseau de la santé et des services sociaux. En gros, si je peux vulgariser, la réponse de la Commission est qu'il faut avoir une certaine prudence dans ça, juste pour éviter qu'il y ait une duplication des mandats, par exemple, avec nous. La Commission de protection des droits de la jeunesse, par exemple, comme je vous l'ai mentionné, intervient en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse. Et pour le faire, elle intervient souvent dans le réseau de la santé et des services sociaux, par exemple, avec ce qu'on appelle actuellement les centres de services sociaux, avec les centres d'accueil pour jeunes mésadaptés socio-affectifs, des fois dans des centres hospitaliers, des fois dans des CLSC, des fois dans des centres d'accueil pour déficience intellectuelle, pour en nommer quelques-uns.

Et on veut juste porter à votre attention que vous devez avec une extension éventuelle des pouvoirs du Protecteur du citoyen, éviter qu'il y ait deux recours possibles au même moment pour des personnes, pas sur des questions de chasse gardée de la Commission mais pour éviter qu'il y ait des recommandations contradictoires faites par deux organismes gouvernementaux ou publics à un établissement, au même moment.

Je vous donne un exemple. SI une personne décide que ses droits ont été lésés en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse et porte plainte chez nous et que la même personne porte plainte au même moment au Protecteur du citoyen pour exactement les mêmes faits, il y a deux enquêtes indépendantes qui se passent au même moment. Les deux institutions, les deux organismes viennent à la conclusion qu'effectivement, le droit de l'enfant a été lésé et disent à l'établissement: Parce qu'on détient tous deux des pouvoirs de recommandations... Et un organisme recommande à l'établissement un correctif et un autre organisme recommande un autre correctif tout à fait contradictoire. Il me semble que c'est d'abord un gaspillage d'argent et d'énergie, et ce n'est peut-être pas dans le meilleur intérêt de la solution des problèmes.

Comme ça, on a voulu uniquement attirer votre attention sur le fait qu'il y a d'autres acteurs qui jouent sur ce terrain-là, des acteurs qui sont reconnus en vertu des lois adoptées par l'Assemblée nationale. Un certain nombre, comme nous, détiennent des pouvoirs équivalents ou même supérieurs à ceux du Protecteur du citoyen. Comme ça, on a voulu juste porter ça à votre attention pour votre réflexion sur les questions que vous avez posées.

En gros, M. le Président, ça résume la position de la Commission, et je suis tout à fait ouvert pour répondre aux questions.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Dowie. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, ensuite M. le député de Nelligan.

Mme Harel: Très bien, merci, M. le Président. Bonsoir, M. Dowie. Il y a plusieurs années que l'on se connaît, et ça me fait plaisir de pouvoir tout de suite vous demander de nous décrire, pour le bénéfice de la commission, comment se fait le traitement des plaintes à la Commission de protection des droits de la jeunesse. Vous nous rappelez avoir, en vertu de la loi actuelle, à traiter le recours, les plaintes en vertu du recours qui est accordé aux parents qui se croient lésés, ou également aux jeunes qui se croient lésés. Alors, comment c'est acheminé? Combien en recevez-vous par année? Parlez-nous un peu de ce mécanisme-là, que vous gérez.

M. Dowie: La porte d'entrée chez nous, c'est nos bureaux régionaux. Comme vous le savez peut-être, la Commission a à sa disposition 12 bureaux à travers le Québec, dans chacune des régions administratives, sauf la région de la Gaspésie. Comme ça, une personne porte plainte chez nous. Et si je peux juste faire une précision, ce n'est pas uniquement le jeune ou ses parents qui peuvent porter plainte, on reçoit des plaintes des jeunes, des parents, des profession-

neis dans le réseau, des voisins, des tantes, oncles, grands-pères, grands-mères, etc. Comme ça, n'importe qui, qui a une raison de croire que le droit d'un enfant reconnu en vertu de la loi n'a pas été respecté, peut porter plainte chez nous. La plainte est reçue dans un de nos bureaux régionaux.

La politique, chez nous, est qu'on veut essayer... La première étape est évidemment de voir si on a juridiction. Comme ça, si on n'a pas juridiction, on va aider la personne à faire la demande à l'organisme reconnu approprié pour le faire. On ne demande pas - parce qu'il y a eu beaucoup de questions sur cette question ce soir - de plaintes par écrit. Étant donné qu'on fait affaire avec des jeunes, il me semble tout à fatt normal qu'on reçoive la plainte de la façon dont elle est portée. Comme ça, ça peut être en personne, ça peut être par téléphone, ça peut être par écrit. Et on a aussi la possibilité de se saisir de situations; on peut faire des enquêtes de notre propre initiative.

Comme ça, la personne nous appelle ou nous écrit, on fait les premières vérifications pour voir si on a la juridiction qu'il faut, et, après ça, on donne les instructions administratives à chacun de nos bureaux et on donne à peu près 10 jours, ou on donne 10 jours, pour essayer de régler la plainte par conciliation. Comme ça, on essaie de saisir l'établissement qui a été mis en cause devant nous par la plainte et on essaie de trouver un règlement à l'amiable entre les personnes.

Je dois dire que même s'il y a un règlement à l'amiable, et ça représente, je pense, à peu près 40 % des plaintes chez nous - et j'ai lu, mais je ne l'ai pas apporté avec moi, le rapport d'activités de la Commission; comme ça, je ne peux pas vous donner des chiffres précis - mais on se réserve le droit, même si on a un règlement à l'amiable, de toujours présenter la plainte à ce qu'on appelle, chez nous, le comité d'examen des plaintes.

Le comité d'examen des plaintes, je dois l'admettre, n'est pas vraiment un comité. C'est un peu comme moi, je suis un groupe ici, ce soir. Le comité d'examen des plaintes est une réunion hebdomadaire présidée par le président et dont le président est le seul membre. Mais le président, évidemment, est appuyé par un certain nombre de membres du personnel. Et ça, c'est en vertu de la loi, des amendements à la Loi sur la protection de la jeunesse en 1989, où il est question de recevabilité des plaintes. Là où il y avait auparavant trois commissaires, c'était éliminé ou c'était réduit à un pour qu'on puisse traiter les plaintes de façon hebdomadaire, sans faire appel aux commissaires qui sont partout au Québec, et essayer de donner une réponse rapide à la plainte.

Comme ça, même si c'est réglé à l'amiable, la situation est portée à l'attention du comité d'examen des plaintes. Si on trouve que le dossier a été fermé en conciliation ou réglé à l'amiable, on se réserve un droit si la plainte peut toucher d'autres personnes qui n'ont pas porté plainte. Comme ça, si la situation est de nature collective, on peut faire enquête de notre propre initiative. Ou on peut régler le dossier tout de suite en disant: Étant donné que la plainte a été réglée, on va fermer le dossier. Si on trouve qu'effectivement, il y a une loi qui a été... Si après deux jours, on n'est pas capable de régler la plainte ou la situation ne se prête pas à une conciliation - il y a un certain nombre de situations qu'il est impossible de régler par conciliation - on va décider si on a raison de le croire. C'est ça, le test qui est dans la loi pour nous: Est-ce qu'on a une raison de croire que le droit d'un ou des jeunes a été lésé par un établissement mis en cause.

Si on en vient à la conclusion qu'on a raison de croire qu'il y a un droit qui a été lésé, la Commission émet un avis d'enquête et l'avis d'enquête est envoyé au requérant ou à la requérante de la Commission et à l'établissement mis en cause. Par la suite, la Commission fera enquête. Nos enquêtes sont des enquêtes inquisitoires. Comme ça, elles ne sont pas des enquêtes contradictoires mais des enquêtes inquisitoires où toutes les personnes susceptibles d'apporter un éclairage sur une situation sont rencontrées. Et la Commission a effectivement accès aussi à tous les dossiers pertinents à un jeune qui est en besoin de protection ou doit être en besoin de protection.

Après, une investigation est menée par un membre de notre personnel. Il y a un groupe de trois commissaires qui est constitué pour prendre une décision sur la plainte qui est devant nous. Et, à ce moment-là, les commissaires décident s'ils pensent que le droit de l'enfant a été lésé et, si oui, quelles sont les recommandations nécessaires pour corriger la situation et quels sont les délais qu'ils vont donner à la mise en cause pour effectuer ces corrections-là.

En gros, ça marche comme ça. En termes de nombre de plaintes qu'on reçoit par année, le nombre de plaintes de l'année passée, je pense que c'était aux alentours de 500 à 600 ou quelque chose comme ça. Ça ne touche pas toutes les questions, par exemple, d'information, consultation, référence, etc., qui représentent une grande partie de notre travail. Il y a aussi des personnes qui nous téléphonent pour nous dire: Moi, je connais un enfant qui a besoin de protection, où dois-je m'adresser, etc.?

Mme Harel: Et une fois que cet examen inquisitoire, que cette enquête est faite, quelle est la recommandation, le pouvoir que vous avez?

M. Dowie: Le pouvoir de recommandation. La Commission peut recommander les choses ou les actes qu'elle désire qu'un établissement fasse pour corriger la situation des gens. Comme ça,

on peut demander qu'une évaluation d'un enfant soit refaite, que la politique d'un établissement soit modifiée ou qu'un enfant soit changé d'un centre d'accueil à un autre, dépendant évidemment de la situation.

Si la recommandation n'est pas suivie dans le délai imparti, comme ça - la Commission, par exemple, donne un délai de 30, 60 ou 90 jours pour accomplir l'acte qu'on a demandé - la Commission a le pouvoir de saisir le tribunal et de refaire l'exercice. Comme ça, on doit faire la preuve devant le tribunal qu'effectivement, un droit de l'enfant est lésé et que notre recommandation est appropriée ou on laisse le tribunal trouver une autre recommandation qu'il trouve plus adaptée pour corriger la situation.

Mme Harel: Alors, dans quel pourcentage des cas saisissez-vous le Tribunal de la jeunesse que vos recommandations ne sont pas suivies?

M. Dowie: La Commission, entre la date où elle a obtenu ces pouvoirs-là, qui étaient dans la réforme de la Loi sur la protection de la jeunesse en 1979 jusqu'à 1988, n'a jamais saisi le Tribunal. Je dois admettre, pour les années après 1986, je dois imaginer que c'est parce que toutes nos recommandations ont été suivies parce que je n'étais pas là à l'époque.

Depuis 1988, on a saisi le Tribunal à une reprise en 1988. Cette année, nous avons deux dossiers actuellement devant les tribunaux, et j'imagine, à un moment donné, entre 5 et 10 mises en demeure qui sont sur la voie. On a changé un peu la teneur de la Commission depuis 1988 en disant qu'on tient à ce que nos recommandations soient respectées dans le délai imparti. Comme ça, on n'a plus l'habitude de nous retrouver devant le Tribunal, actuellement.

Mme Harel: Et lorsqu'il y a, par exemple, omission? Là, je pense, de la part d'un directeur de la protection de la jeunesse ou d'un délégué de protecteur, pour un geste, disons... J'ai en tête un dossier, je crois que c'était à Saint-Jérôme. La Commission était intervenue, je crois, et dans un cas où ce qui est en cause, c'est peut-être la négligence, là. À ce moment-là, quel est le moyen à votre disposition pour faire les changements appropriés?

M. Dowie: Je pense que la situation que vous avez en tête, c'est l'obligation de signaler qui n'a pas été respectée - selon ce que j'ai lu dans un certain nombre de journaux - par une personne à l'emploi de la direction de la protection de la jeunesse. Dans des situations d'omission de signaler, on a un certain nombre de recours possibles devant nous.

Le premier recours qu'on a souvent utilisé avec les établissements de santé, par exemple, où on a trouvé que le médecin était saisi du dossier d'un enfant qui avait été victime d'un abus physique ou sexuel, disons, et avait omis de signaler la situation, la Commission avait auparavant la politique de demander à l'établissement d'établir une politique. Comme ça, on donne une chance au coureur de dire que, peut-être, l'établissement ne connaissait pas ses obligations en vertu de la loi. Et on demande à l'établissement d'avoir une politique qui inclut souvent ce qu'on appelle un comité PEM, protection d'enfant... quelque chose, mais qui va aider un médecin, par exemple, à bien situer les situations qu'il doit signaler. Par exemple, on va avoir sur ce comité-là des travailleurs sociaux d'un hôpital, ou quelque chose comme ça, quelqu'un qui peut aider le médecin ou l'infirmière à bien situer la situation où il y a une obligation de signaler.

On a toujours la possibilité comme recours, qui n'est pas un recours à nous, de faire des recommandations au Procureur général. L'omission de signaler, effectivement, est une infraction à la Loi sur la protection de la jeunesse en vertu de l'article 134. Donc, le Procureur général a la possibilité de prendre des poursuites en vertu des mesures pénales prévues par la loi. Ça, c'est une autre possibilité.

Des fois - et je ne veux pas parler d'un cas particulier - on ne trouve ni l'un ni l'autre ni le recours approprié. Disons d'une façon hypothétique que le défaut de la personne n'est pas un défaut systématique ou un défaut du système. Un hôpital, par exemple, ne connaît pas son obligation de signaler, mais une personne à son emploi ne doit pas quand même faire ça. Et on trouve, par exemple, que, par la suite, dès que la direction a été informée, elle a pris des mesures pour destituer cette personne de son emploi. La Commission peut décider, étant donné que la personne est congédiée, que traîner la personne devant le Tribunal pour une amende de 500 $ ne mérite pas une recommandation de nous-autres au Procureur général, par exemple, pour une poursuite éventuelle; ou de dire à rétablissement en question: Vous devez changer vos politiques parce qu'il nous semble que la politique en question a été bien connue. Mais en terme de recours possible, c'est le seul recours possible. (21 h 30)

Mme Harel: On comprend donc que l'amende pour une telle infraction d'omission de signaler, c'est 500 $.

M. Dowie: À peu près, je pense que c'est 500$.

Mme Harel: Alors, votre conclusion, c'est que vous nous dites que la Commission...

M. Dowie: Mais si je peux juste dire quelque chose, il y a des fois que 500 $ peut coûter beaucoup plus cher pour une personne que 500 $. Si je vous donne l'exemple d'un médecin qui omet de signaler, qui est condamné par le

Tribunal, il pale ses 500 $ mais la vraie pénalité est que les frais d'assurance pour cette personne-là vont augmenter beaucoup parce que c'est une faute professionnelle qui a été prouvée devant un tribunal.

Mme Harel: Est-ce que c'est arrivé, déjà? M. Dowie: Pas encore.

Mme Harel: Vous nous dites, vous nous faites un scénario...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Vous nous dites donc que la Commission de protection des droits de la jeunesse a déjà la juridiction en matière de protection de la jeunesse, a déjà, dans la loi actuelle, à gérer un recours pour les jeunes ou leurs parents qui estimeraient que les droits qui leur sont reconnus dans la Loi sur la protection de la jeunesse ou la Loi sur les jeunes contrevenants sont lésés. Et vous nous dites, vous le dites en termes élégants, là, mais ça revient à dire qu'il ne faut pas faire de duplication et confier à quelqu'un d'autre ce qui vous est déjà confié. Est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre?

M. Dowie: Oui Mme Harel: Bon.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? Alors merci beaucoup. Maintenant, je reconnais M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Bienvenue à M. Dowie à notre commission. Vous êtes bien connu pour votre passion et votre compétence dans la protection des droits des jeunes. Vous avez une longue expérience communautaire et aussi pour notre gouvernement, et je vous félicite pour votre travail sur la question de la protection des droits de la jeunesse.

Vous avez discuté la question d'une façon très précise, et je voudrais vous demander peut-être une question qui n'est pas dans votre lettre. Votre Commission, si je me souviens bien, a un conseil d'administration nommé par le gouvernement, avec les membres qui viennent... Peut-être pourriez-vous décrire quel type de membres? Le Protecteur du citoyen n'a pas ce type de conseil d'administration. Je voudrais, si vous êtes capable, que vous décriviez l'avantage d'avoir un type de conseil d'administration communautaire, attaché à votre mandat, s'il vous plaît?

M. Dowie: L'avantage pour la Commission, évidemment, est que la loi prévoit que les commissaires nommés par le gouvernement sont nommés parmi des personnes avec une expertise dans les dossiers de jeunesse en général. La loi le dit d'une façon plus élégante que je ne peux le dire.

Ça nous donne la possibilité... Jusqu'à maintenant, on a reçu des personnes, comme commissaires, qui viennent de beaucoup de différentes disciplines. Comme ça, on a des avocats, on a des psychologues, on a des crimi-nologues, on a des travailleurs sociaux et des administrateurs d'établissements. Comme ça, ça nous donne la possibilité d'examiner d'une façon multidisciplinaire les questions devant nous.

La loi, comme je vous l'ai dit auparavant, exige qu'il y ait trois commissaires qui prennent une décision sur les plaintes. Et comme ça, ça nous donne la possibilité, à ces occasions-là, d'avoir la contribution de plus d'une discipline sur une situation donnée.

Ça devient important parce qu'un bon nombre des droits auxquels on se réfère sont des droits que je décris comme des droits assez subjectifs. Par exemple, la majorité de nos plaintes résident, ou sont basées, ou sont fondées, sur l'article 8 de la loi qui dit qu'un jeune, un enfant, a le droit de recevoir un service adéquat, à la fois scientifique, personnalisé, individualisé, etc. C'est exactement le même concept qu'on trouve dans la Loi sur la santé et les services sociaux, compte tenu des ressources de l'établissement.

Mais ia question devient.. Qu'est-ce que c'est, un service adéquat? Un service adéquat, on n'a pas beaucoup de lignes directrices dans la législation et on est pris aussi avec le contenu à la fin de ça. Et comme ça, avoir des personnes qui viennent d'autres disciplines, pour nous autres, ça donne des possibilités que les questions d'adéquation de services soient vues avec l'angle de plus d'une discipline. Et on trouve souvent, par exemple, que ce qui est adéquat pour un avocat ne l'est pas pour un psychologue et vice versa. Et comme ça, pour ce genre de droits qui sont assez subjectifs, où on n'a pas de balises claires par la voie législative, ça nous donne la possibilité d'avoir des contributions de personnes avec différentes optiques sur la question.

M. Williams: Merci. Souvent, quand on parie de protection des droits, on parie - particulièrement quand on parie avec des avocats et avocates - de choses légales, de recours au tribunal, de recours aux instances indépendantes; et je pense qu'ils ont raison de discuter à ce niveau. Mais il y a aussi un autre niveau peut-être plus informel. Quel moyen pensez-vous que la loi vous donne? La loi vous donne-t-eile assez de clarté dans votre mandat pour prévenir l'abus, un rôle d'éducation? Vous avez mentionné dans votre lettre que vous avez fait une intervention sur un projet de loi devant une autre commission. Avec ça, je retourne un peu à la question du rôle proactif de ce type de commission. Pensez-

vous que c'est un rôle important et quel autre moyen prenez-vous pour prévenir l'abus dans le réseau? Ou est-ce que vous pensez que ce n'est pas votre rôle?

M. Dowie: Non, effectivement. Il me semble tout à fait difficile de comprendre qu'une commission comme la nôtre puisse attendre que le droit des personnes soit lésé avant de venir. Il me semble qu'une partie importante de notre rôle est de s'assurer qu'on ait de moins en moins de clients. Et comme ça, il y a moins de lésions. Pour le faire, notre présence n'est pas habituelle mais, de temps en temps, devant les législateurs, sur une question précise, pour les éclairer sur nos points de vue sur une question. Moi, je n'ai pas parlé du programme de traitement de plaintes auparavant, mais je peux vous parler de deux autres programmes qu'on a, rapidement. Je sais qu'il se fait tard pour vous.

On a un programme de vérification de l'exercice des droits, et qu'est-ce qu'on fait? En gros, chaque année, pour un des droits qui est reconnu par la loi, on va faire une vérification de chacune des régions. Par exemple, l'année passée, on a pris l'article 56 de la Loi sur les jeunes contrevenants et l'article 5, je pense, de la Loi sur la protection de la jeunesse. Pour le traduire, l'article 56 de la loi dit, déjà en 1981, que, dès qu'un enfant est arrêté, le policier doit l'informer de ses droits, l'informer de son droit d'avoir un avocat présent, l'informer pourquoi il est arrêté, et tout ça. Et l'article 5 dit que les personnes qui interviennent avec un enfant et ses parents en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse ont l'obligation de l'informer de ses droits et des gestes qu'on va poser pour mettre fin à la situation de protection.

Comme ça, ce qu'on a fait dans ça, si je prends l'article 5 par exemple, on a regardé toutes les politiques dans tous les CSS pour voir quels sont les moyens pour que leurs délégués soient informés des droits que les personnes détiennent. Comme ça, on compte sur les délégués de protection pour informer les personnes de leurs droits, mais si, eux autres, ne connaissent pas les droits de la clientèle, c'est difficile pour eux d'expliquer au monde quels sont leurs droits.

Et après ça, on rencontre dans chacune des régions à travers le Québec - dont on a fait un échantillon au hasard - un certain nombre d'enfants et un certain nombre de parents pour voir s'ils ont été effectivement informés de leurs droits. On ne fait pas une enquête là-dessus; il n'y a pas de sanction à la suite à ça mais, à la fin de ça, on fait un rapport qui est inclus dans le rapport d'activités qui est déposé devant le législateur, mais qui fait partie aussi de nos rapports d'activités dans chacune des régions.

Avec ça, on passe au deuxième programme, si je peux le dire rapidement, qui est le programme de médiation de l'exercice des droits.

Comme ça, on prend les constats qu'on trouve dans le programme vérification et on essaie de travailler avec le réseau parce qu'on n'a pas le pouvoir d'exiger qu'ils travaillent avec nous; mais on essaie d'avoir une consultation pour essayer de remédier à un certain nombre de choses qu'on voit dans les problèmes d'application. Par exemple, cette année, on travaille sur l'article 5, la vérification de l'article 5. Il y a un groupe de travail, entre nous autres, et l'Association des centres de services sociaux du Québec pour créer un document destiné aux délégués de la protection de la jeunesse, qui les informe des droits que les clients détiennent, pour que ces personnes-là puissent effectivement informer les clients. Comme ça, la prévention, en gros, pour être court, il me semble que c'est la partie la plus importante de notre rôle, malgré que ce soit la partie peut-être la moins connue.

M. Williams: Merci. Juste une question, vite. On parle de l'augmentation de la violence, de l'abus d'enfants, de l'abus des drogues. Nous voulons privilégier les jeunes par la réforme de la santé. J'ai discuté de ça avec M. Côté aujourd'hui. S'il vous plaît, c'est quoi votre budget et c'était quoi le taux d'augmentation, environ, pendant les cinq dernières années de la Commission?

M. Dowie: Merci pour la question, M. le député.

M. Williams: C'est pour la question.

M. Dowie: Le budget de la Commission est d'à peu près 3 000 000 $. Le budget de la Commission est moindre aujourd'hui qu'il l'a été en 1983, je pense. Comme ça, je pense, le budget de la Commission était d'environ 3 500 000 $ en 1983, mais suite à une tentative de fusion de la Commission avec la Commission des droits de la personne - un dossier, je pense, qui est bien connu par la commission parlementaire, ici - il y a un certain ajustement de nos budgets qui a été fait en prévision de la fusion. Effectivement, le gouvernement a décidé de laisser tomber le projet de loi en question, mais le problème, c'est qu'on a perdu des ressources à ce moment-là, des ressources qu'on essaie toujours de retrouver, quelque part dans le fonds consolidé.

Mais en gros, juste pour dire qu'on est assez fiers du travail, les 3 000 000 $, ça semble être beaucoup. Pour moi, comme citoyen, 3 000 000 $, c'est beaucoup. Mais il ne faut pas oublier qu'avec ça, la Commission a 12 bureaux à travers le Québec et même un à Kuuraapik. Et si vous n'avez jamais vu les frais de voyage d'une personne entre Kuuraapik et Montréal, vous allez comprendre comment 3 000 000 $, juste pour les frais de déplacement de nos employés, les frais de déplacement de nos commissaires et les salaires, tout ça, ce n'est effectivement pas

beaucoup d'argent avec le travail qu'on fait.

M. Williams: Merci. C'est mon point que nous pourrons avoir tous les meilleurs établissements et les lois au monde, si nous n'avons pas les moyens de mettre les programmes en place et de protéger la clientèle, ça ne sera bon à rien. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Juste avant de terminer, j'aurais une question. Dans votre lettre, vous faites mention que la Commission de protection des droits de la jeunesse avait recommandé, lors du débat entourant l'adoption du projet de loi 107, qui reconnaissait pour la première fois aux élèves des droits, qu'il prévoie en même temps une possibilité de recours indépendant. La Loi sur l'instruction publique prévoit, à son article 9, qu'un élève visé par une décision du conseil ou par le comité exécutif ou le titulaire d'une fonction ou d'un emploi peut demander au conseil des commissaires de réviser cette décision. Je présume que cet article-là ne vous satisfait pas.

M. Dowie: La question devient, M. le Président: est-ce que l'assemblée des commissaires de la commission scolaire est un recours indépendant vis-à-vis des décisions prises par les administrateurs à l'emploi de la même commission scolaire? Je pense que c'est une amélioration sur ce qui était là auparavant parce qu'il n'y avait rien auparavant. Et on se réjouit de ça.

Mais, par exemple, le genre de situations présentées chez nous... Par exemple, si on parle des élèves et la question de la suspension d'un élève par le directeur d'école; le directeur d'école décide de suspendre l'élève, même pour une période indéterminée. Et quel est le recours pour ça? L'enfant a le droit à l'éducation. Il y a une décision prise par l'administrateur de la commission scolaire, et, comme ça, la commission scolaire devient le seul recours. Les commissaires de cette commission scolaire deviennent le seul recours possible pour ce droit, le droit d'accès à l'éducation. Comme ça, le mot-clé, pour nous, c'est la question de l'indépendance du recours.

Mais on se réjouit du fait qu'il y ait un recours parce qu'avant l'intervention de différentes personnes devant la commission parlementaire, il n'y avait aucun recours prévu. Comme ça, on doit admettre que c'est une amélioration sur ce qui était dans la première version du projet de loi. Mais je vous rappelle, M. le Président, que dans le projet de loi 3, qui a été, je pense, le deuxième essai de ça, qui a été l'enfant, je pense, du projet de loi 40 sur la Loi sur l'instruction publique, le recours au Protecteur du citoyen a été Inscrit.

Le Président (M. Dauphin): En tout cas, vous avez fêté un anniversaire cette semaine. Est-ce que vous pourriez indiquer aux membres de la commission... Ou c'était plutôt le lancement d'un livre cette semaine.

M. Dowie: Oui, on a eu l'occasion de lancer, lundi passé, la loi annotée, un autre programme de la Commission, la loi annotée sur la Loi sur la protection de la jeunesse, qui était neuve, qui était faite par nos conseillers juridiques. On parle de nos contentieux mais c'est une personne. Et ça a été lancé cette semaine. C'est un outil qui, pour le grand public, n'est d'aucune importance, mais pour les personnes qui pratiquent... Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'aller devant le Tribunal de la jeunesse, mais vous allez trouver que tous les avocats, les juges et même les intervenants sont équipés avec un petit livre vert qui est le genre de bible pour la protection de la jeunesse. Et ça, c'est la loi annotée dont nous sommes très fiers.

Le Président (M. Dauphin): Alors, M. Dowie, au nom de tous les membres de la commission, nous tenons à vous remercier sincèrement de votre participation à nos travaux, de vous être déplacé, ce soir, et nous vous en sommes reconnaissants. Merci beaucoup et bon retour.

Alors, la commission des institutions ajourne ses travaux jusqu'à demain matin 9 h 30. Alors, il est important de noter que nous reprenons nos travaux ici même à 9 h 30.

(Fin de la séance à 21 h 47)

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