To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Version finale

34th Legislature, 1st Session
(November 28, 1989 au March 18, 1992)

Thursday, October 24, 1991 - Vol. 31 N° 56

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 147, Loi modifiant la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus et la Loi sur la probation et sur les établissements de détention


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante et une minutes)

Le Président (M. Gauvin): J'inviterais les membres de ia commission à prendre place, s'il vous plaît. Je déclare la séance ouverte. Le mandat de la commission est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 147, Loi modifiant la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus et la Loi sur la probation et sur les établissements de détention. M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements ce matin?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gautrin (Verdun) remplacera M. Benoit (Orford).

Loi sur les services correctionnels

Le Président (M. Gauvin): Sur ça, j'aimerais d'abord saluer les membres de la commission, M. le ministre et ses collaborateurs, M. le député d'Ungava, représentant de l'Opposition. Au moment où nous avons laissé, on était à l'étude de l'article 10. C'est bien ça?

Fonds au bénéfice des personnes incarcérées (suite)

M. Claveau: On était à l'article 10, M. le Président, vous avez raison, et le directeur des services correctionnels du Québec s'apprêtait à nous expliquer comment fonctionnait... qu'est-ce que c'était, finalement, ces fonds-là qui étaient gérés par un comité entre la direction et des détenus et pourquoi il valait mieux que ça ne soit pas nécessairement les détenus qui nomment eux-mêmes leurs deux représentants, mais plutôt qu'ils ne fassent que des propositions consultatives.

Le Président (M. Gauvin): M le ministre, est-ce que...

M. Ryan: Si M. Carrier voulait fournir ses explications, je pense que ça serait Intéressant pour tout le monde.

Le Président (M. Gauvin): M. Carrier.

M. Carrier (Normand): M. le Président, d'abord je vais tenter d'être bref pour expliquer ce que sont les fonds des personnes incarcérées. Ça pourrait être une histoire longue, mais je vais tenter d'être très bref. Le gouvernement a voté une loi en 1988 qui permet d'instituer des fonds des personnes incarcérées. Il y a un fonds des personnes incarcérées dans chacun des établissements de détention du Québec et il y a un fonds central qui régit le tout. Pour faire une comparaison, c'est un peu comme la Fédération des caisses populaires qui établit des politiques générales et chacune des caisses populaires est indépendante.

Alors, le fonds des personnes incarcérées a la responsabilité de planifier, d'organiser et de financer les activités de travail, les activités de loisirs et les activités d'éducation, dans chacun des centres de détention du Québec. C'est le directeur général qui nomme les personnes qui sont sur les fonds locaux et c'est le ministre qui nomme les personnes qui sont sur le fonds central, à titre de conseil d'administration.

Uniquement pour vous donner certaines statistiques: En 1990, les fonds ont géré des opérations pour 4 800 000 $. Il y a 790 postes de travail rémunérés dans les établissements de détention du Québec et à l'extérieur et il y a, sur une base annuelle, 457 postes permanents. Le salaire moyen qui est versé aux personnes incarcérées est autour de 2,50 $à3 $.

De plus le fonds s'occupe des loisirs et de la formation. Donc, les loisirs à l'intérieur des établissements de détention, ce n'est pas le gouvernement qui paie cela. C'est le travail des détenus qui permet de payer les instruments sportifs comme les haltères, les télévisions, etc. C'est le fonds des personnes incarcérées qui finance ces activités-là. Par ailleurs, il y a aussi 711 places de formation et 464 places en permanence pour la formation des personnes incarcérées à l'intérieur des établissements de détention. Je pourrais vous donner d'autres statistiques et d'autres détails. Si jamais ça vous intéresse, on a des rapports d'activités qui peuvent résumer cela.

Je voudrais vous donner uniquement un exemple, pour le Centre de détention de Québec où on a des activités de buanderie, 18 postes de travail en permanence; menuiserie, 15 postes de travail; imprimerie, 10 postes; l'Atelier 109, qui a des contrats avec la Société immobilière de Québec, 10 postes de travail; des contrats d'entretien à la SIQ... Donc, la peinture qui se fait dans les établissements de détention par la Société immobilière du Québec, ce sont des contrats qui sont donnés aux détenus qui font eux-mêmes les travaux d'entretien dans les centres de détention. Ce sont les détenus, par exemple, qui s'assurent de sécuriser les fourgons cellulaires. Ça peut paraître paradoxal, mais l'Atelier 109 s'assure de sécuriser les autos de la Sûreté du Québec et les fourgons cellulaires de détention. Au niveau académique, on a 50 places disponibles au Centre de détention de Québec. Le bilan du Centre de détention de Québec est autour de 500 000 activités par année.

Alors, comme je le disais tout à l'heure, ça pourrait être long d'expliquer tout le fonctionnement, mais, grosso modo, c'est ça. Pour finir sur la deuxième partie de votre question qui était: Pourquoi voulez-vous changer la loi, au lieu de dire "sur la proposition" pour en arriver à "après consultation"? comme M le ministre l'a expliqué hier, compte tenu de la rotation rapide des détenus dans les centres de détention, qui ont des sentences, en moyenne, de trois à quatre mois - ça veut dire à peu près 100 jours de moyenne de sentence - il était difficile d'obtenir de la part des détenus des propositions formelles.

D'autre part, il peut arriver que certaines personnes s'imposent à d'autres détenus pour être nommées sur le conseil d'administration. C'est un phénomène qui s'est déjà produit. Alors, pour éviter cela, en disant "après consultation", ça exige de l'adminitrateur de consulter les comités des détenus. Il y a des comités des détenus dans à peu près tous les centres de détention au Québec. Alors, l'administrateur consulte le comité des détenus et lui demande de proposer une personne ou lui demande son avis sur une personne. Souvent, on essaie d'impliquer des gens qui se sont impliqués dans les activités de travail ou d'éducation.

M. Claveau: Ce comité des détenus...

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava

M. Claveau: Oui, je parlais du comité des détenus. Lui, il est nommé comment? Est-ce que ce sont vraiment les détenus entre eux autres?

M. Carrier: Ce sont les détenus entre eux qui se nomment des représentants. Dans les petits établissements, nous n'avons qu'un seul comité des détenus. Dans les grands établissements comme Bordeaux où il y a cinq ailes d'à peu près 180 détenus, il y a un comité des détenus par aile, et ce sont les détenus eux-mêmes qui nomment des représentants.

M. Claveau: Donc, à ce moment-là, cette espèce de pression peut jouer aussi. La pression de certains individus sur les autres pour se faire nommer peut jouer au niveau du comité des détenus, de la nomination ou, enfin, de la représentation au comité des détenus.

M. Carrier: Le comité des détenus, c'est un avis... L'administrateur va demander au comité des détenus, en lui suggérant peut-être une série do noms: Est ce que vous êtes d'accord pour que cette personne-là soit nommée9 Alors, le comité des détenus, ce n'est pas une seule personne, c'est un groupe de personnes qui donne son avis. À ce moment-là, le groupe est plus représentatif. C'est ce qu'il y a de plus représentatif dans les établissements de détention.

M. Claveau: Là où je voulais en venir, c'est que vous nous expliquez qu'il y a un taux de roulement énorme sur une moyenne de 100 jours, qu'il y a des pressions indues qui sont faites, à l'occasion, de certains individus sur d'autres. Ça pourrait être le cas ou on soupçonne qu'éventuellement ça puisse arriver. Mais c'est tout aussi vrai pour le comité des détenus Si c'est le comité des détenus qui fait des recommandations, je suppose qu'il est pris avec le même problème, à moins que ce soient les cas lourds qui se retrouvent au comité des détenus.

M. Carrier: C'est la seule structure un peu démocratique - entre guillemets - qu'on peut avoir dans les établissements de détention. Alors, si on veut consulter, on ne peut guère consulter une autre structure que le comité des détenus. Sinon, ce serait une consultation formelle de l'ensemble des détenus. Alors, je conviens avec vous que le comité des détenus, ce n'est pas un processus électif comme on peut avoir dans d'autres structures, mais c'est la seule structure qui est représentative. Et l'administrateur, quand il y a des négociations ou des discussions à avoir avec les détenus quand il peut y avoir des risques d'émeutes, etc., s'adresse toujours au comité des détenus.

M. Claveau: Mais est-ce que vous avez vraiment eu des problèmes? Vous pouvez peut-être nous donner des exemples de problèmes précis qui ont pu survenir historiquement avec l'application de la loi comme elle est, c'est-à-dire une nomination formelle ou une proposition formelle de deux représentants pour le fonds.

M. Carrier: Oui, il y a eu des problèmes puis les problèmes sont reliés à deux éléments dont on vous a parlé. C'est la rapidité du changement des personnes qui sont sur le fonds, parce que les sentences, comme on le disait... la moyenne des sentences est toujours de 100 jours. Alors, si on demande une proposition, si ça prend un mois à avoir une proposition, la personne va être partie et il n'y aura pas de représentant des détenus. Alors, il y a le problème de la rapidité. Si on les consulte, on leur dit: On a identifié telle personne qui était déjà impliquée dans le travail ou déjà impliquée dans les programmes de formation. Est-ce que vous êtes d'accord pour quelle soit sur le conseil d'administration? S'ils nous répondent oui, le problème est réglé. Si on leur demapde une proposition, c'est généralement plus lent.

Et puis il y a l'autre problème qu'on disait - le problème d'influence - qui peut arriver. Mais ça a posé des problèmes, effectivement, parce que la loi était inappliquable, à tel point qu'au cours des derniers mois et même des dernières années on ne respectait pas de façon intégrale le libellé de la loi.

M. Claveau: C'est-à-dire que vous nommiez des représentants sans trop consulter?

M. Carrier: On consultait, mais on n'attendait pas toujours les propositions, parce que les propositions ne venaient pas toujours.

M. Claveau: J'imagine que, de toute façon, quel que soit le libellé de la loi, à la limite, l'intérêt de l'individu est pour six mois, parce qu'un cas de deux ans est admissible à une libération conditionnelle après six mois. C'est à peu près ça, hein?

Une voix: Le tiers.

M. Claveau: Le tiers. Ça donne huit mois. J'imagine qu'une fois que tu es admissible à une libération conditionnelle et que tu peux sortir ou que tu es libéré, le comité de détenus puis le fonds, ils t'intéressent plus ou moins. Alors, ça reste toujours quand même quelque chose de marginal ou quelque chose d'excessivement rapide, à moins que les personnes nommées soient vraiment les cas... Encore là, même si c'est un cas de 23 mois ou 24 mois moins un jour d'emprisonnement, il n'en reste pas moins qu'après huit ou neuf mois il peut se retrouver sur le trottoir et puis c'est fini. Donc, on ne peut pas imaginer, quel que soft le libellé de la loi, que ça va établir plus de pérennité dans le personnel qui va représenter les détenus sur le fonds.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Ryan: Oui mais, on ne peut pas passer notre temps à faire des élections dans les prisons, ce n'est pas la place. Avec ceci... Je pense que la disposition était un petit peu angélique comme elle était inscrite dans la loi en 1987; autant revenir à un peu de réalisme. C'est ça que ça veut dire.

Le Président (M. Gauvin): Suite à ces explications-là, M. le député d'Ungava, est-ce que vous êtes en mesure d'adopter l'article 10? L'explication, d'ailleurs, est très intéressante, M. Carrier. Vous nous avez appris une partie du fonctionnement qu'ignoraient peut-être plusieurs d'entre nous.

M. Claveau: C'est adopté.

Le Président (M. Gauvin): L'article 10 étant adopté, j'appelle l'article 11, M. le ministre.

M. Ryan: L'article 11 est un article de concordance, M. le Président. On remplace les mots "au service" par les mots "aux services correctionnels", conformément à des choix que nous avons déjà faits antérieurement.

M. Claveau: Ça va.

Le Président (M. Gauvin): L'article 11 est adopté. On appelle l'article 12. M. le ministre.

M. Ryan: L'article 12 est exactement de la même nature. Au milieu du premier alinéa de l'article 22.0.31, on a les mots "parmi les fonctionnaires du service". On écrirait plutôt "parmi les fonctionnaires des services correctionnels" par souci de concordance.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: C'est une question de concordance, j'en conviens, puis il n'y a pas de problème avec ça, sauf que les administrateurs nommés du fonds, est-ce que ce sont des postes bénévoles? Ce sont des postes pour un certain nombre d'années? C'est quoi, les mandats de ces gens-là, enfin?

Le Président (M. Gauvin): M. Carrier.

M. Carrier: Toutes les personnes qui ne sont pas les administrateurs. Je peux vous donner... Les fonds locaux sont formés par... Il y a deux personnes de l'administration du centre de détention, il y a deux bénévoles de la société, dont un représentant du milieu des affaires, et il y a le directeur de l'établissement, du centre, qui est, de par la loi, nommé sur le fonds et il y en a deux autres. Il y a deux personnes incarcérées qui sont là-dessus.

M. Claveau: Mais là, c'est le fonds central.

M. Ryan: C'est le fonds central.

M. Claveau: À 22.0.31, c'est le fonds central.

M. Ryan: Sept membres nommés pour deux ans.

M. Claveau: Sept membres nommés pour...

M. Ryan: Nommés pour deux ans avec mandat renouvelable.

M. Claveau: II n'y a pas de détenus, là. Il n'y a personne du milieu...

M. Carrier: Non. Sur le fonds central, il n'y a pas de détenus.

M. Claveau: Est-ce qu'on peut avoir la liste de ceux qui siègent actuellement, le personnel qui compose actuellement le fonds central?

M. Carrier: Absolument.

M. Claveau: Juste à titre d'information.

M. Carrier: Oui. Je le sais par coeur. Si vous voulez le savoir, je peux vous le donner tout de suite.

M. Ryan: Vous remettrez une liste au cours de la matinée.

M. Claveau: ...déposée devant la commission. M. Ryan: Faites donc une liste. O.K.? M. Carrier: O.K.

Le Président (M. Gauvin): Donc, est-ce que...

M. Ryan: Ici, on ne fait pas de changement à la loi, on la laisse telle quelle. Cet article-là demeure tel quel, sauf les deux mots dont nous avons parlé.

M. Claveau: C'est de la concordance, j'en conviens.

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Gauvin): L'article 12 est adopté?

M. Claveau: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): J'appelle l'article 13.

Absence temporaire M. Ryan: À l'article 13, M. le Président... Le Président (M. Gauvin): Oui.

M. Ryan: ...nous arrivons à la substance des choses. Ici, je pense que c'est bon de voir l'ensemble du projet dans sa formulation la plus simple qu'on puisse imaginer et on pourra prendre les dispositions, une à une, à commencer par celle-ci, évidemment.

Essentiellement, l'objet du projet de loi, c'est ceci: Pour les contrevenants appelés à purger une peine de moins de six mois, ils sont admissibles à une absence temporaire entre le sixième et les deux tiers de leur peine. Ça va, ça? Pour les contrevenants devant purger une peine de six mois et plus, mais inférieure à vingt-quatre mois, là, ils sont admissibles à une absence temporaire entre le sixième et le tiers de la sentence. Après le tiers, uniformément, ils relèvent de la Commission des libérations conditionnelles. Il n'y a plus de dédoublement d'interventions ou le surétagement d'interventions qui s'est produit à de nombreuses reprises dans le passé. Les choses sont clairement définies. La Direction des services correctionnels assume la gestion des absences temporaires suivant les normes définies dans le projet et la Commission des libérations conditionnelles conserve et même récupère en entier la compétence qui est la sienne pour les détenus ayant purgé le tiers de leur peine.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava.

M. Ryan: Ici, au premier article - j'en viens seulement à ceci - nous disons "est admissible à une absence temporaire un détenu qui est incarcéré dans un établissement de détention pour une peine d'emprisonnement à la suite d'une condamnation." Ça fart qu'on enlève une peine d'emprisonnement inférieure à six mois parce qu'il pourrait être admissible également pour une peine d'emprisonnement supérieure à six mois dans les conditions que j'ai mentionnées. Ça fait que le but de l'article, ici, c'est de supprimer les mots "inférieure à six mois" dans la disposition actuelle.

M. Claveau: Actuellement, c'est: "inférieure à six mois".

M. Ryan: Oui.

M. Claveau: Le problème... Premièrement en ce qui me concerne, il y a une couple de problèmes qui sont liés à ça. C'est toute la question de la durée des peines comme telle. On parle de libérations, d'absences temporaires à un sixième du temps. Qu'est-ce que signifie une peine d'incarcération? Si on dit que ça ne veut rien dire, bien, fermons les prisons. J'imagine que, si un juge prétend qu'un individu est admissible ou condamnable à trois mois d'emprisonnement, il ne l'a pas condamné à quinze jours, il l'a condamné à trois mois. S'il avait voulu le condamner à quinze jours, il l'aurait fait. Éventuellement, s'il veut le condamner à trois mois et s'assurer qu'il fasse ses trois mois, il va le condamner à dix-huit mois pour être certain qu'il va en faire trois. La définition, c'est quoi? C'est quoi la valeur? C'est quoi le sens de la sanction qu'on appelle peine d'emprisonnement, d'une part? D'autre part, c'est quoi la définition stricte ou l'intérêt? Quand on sait ce que c'est une peine d'emprisonnement et pourquoi un juge donne telle peine, à ce moment-là, on peut dire: Oui, dans des conditions extrêmes, pour des raisons humanitaires et autres, il peut y avoir des exceptions. (10 heures)

Alors, ces exceptions-là, on les appelle des absences temporaires. La loi les prévoit. Maintenant, on les utilise comment? Est-ce qu'il est normal, par exemple, que dans une seule journée il y ait quelque chose comme 789 détenus sur 3142 condamnés à six mois et plus... Non, non, c'est dans les six mois et plus, pour prendre un exemple... Est-ce que c'est normal qu'il y en ait

au-delà de 50 % ou à peu près 50 % qui soient en dehors de la prison? Est-ce que ce sont tous des cas qui sont justifiables en raison de principes humanitaires ou c'est parce qu'ils sont tous tombés malades en même temps? À moins que vous me disiez qu'il y a une épidémie de choléra à la prison. Ça peut peut-être arriver, ça se voit dans d'autres pays, mais ici, en tout cas, on n'en a pas eu vent. Alors, toute la notion est là. C'est là que ça me crée des problèmes.

D'autre part, connaissant l'économie générale de la loi actuelle, la façon dont la loi actuelle a été gérée, est-ce qu'on peut imaginer que, même si on change la loi, ça va continuer à être géré de la même façon? Dans la loi actuelle, il n'est pas supposé y avoir de libération avant un certain nombre de mois ou un certain pourcentage de temps effectif fait en dedans. On regarde les chiffres comme si ça n'existait pas. Les six mois et plus qui, normalement, n'y ont pas droit, le 22 mars 1991, à 23 h 59, il y en avait - en absence temporaire - 229 plus 173 sur 789, alors que, dans la loi, il ne devait pas y en avoir un. Est-ce que le fait de changer la loi nous garantit qu'elle va être mieux respectée? Ça, c'est un autre problème que j'ai, en ce qui me concerne.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, je vais demander tantôt à M. Carrier d'expliquer un petit peu comment ça fonctionne concrètement puis de discuter des constatations qui ont été faites par des personnes là-dessus. Mais, avant qu'on en vienne là, je voudrais qu'on s'entende clairement sur le bien-fondé du système d'absence temporaire. Moi-même, je me suis posé des questions comme tout le monde là-dessus puis j'ai demandé qu'on me renseigne sur la manière dont ça fonctionne en Ontario. Vous nous reprochez souvent de faire des comparaisons avec l'Ontario, une province plutôt conservatrice en matière sociale. L'Ontario s'est libéralisée un petit peu sous le régime de M. Peterson, et là, avec M. Rae, ça va s'ouvrir encore au point de vue social.

Mais, même avant ça... lis ont un système d'absence temporaire qui est très bien conçu et qui est plus libéral que celui que nous pratiquons ici et que nous envisageons; je ne dis pas dans son application - on le verra tantôt - mais dans ses principes. En Ontario, une personne qui est condamnée à la prison peut avoir accès à l'absence temporaire n'importe quand après son entrée en prison, pour différentes raisons. Il n'y a pas d'un tiers et d'un sixième et tout ça. Elle peut avoir accès n'importe quand. Une des raisons qu'on peut invoquer pour donner une absence temporaire, c'est la raison d'emploi. Il y a des gens qui vont être autorisés à aller travailler le jour. Ils trouvent un employeur qui est intéressé à recevoir une personne qui a été l'objet d'une sentence et la personne peut être autorisée à résider en dehors, elle peut être obligée de revenir à l'établissement tous les soirs, elle peut être obligée d'aller se rapporter dans un établissement communautaire qui a un contrat d'accueil avec les services correctionnels là-dessus. Ça, c'est la première raison, la raison d'emploi, et je pense que nous convenons tous que c'est fort important.

Ça peut être des motifs éducatifs également. Une personne peut être appelée à aller suivre un cours à l'extérieur, d'accord avec une institution de formation. Surtout en matière de formation professionnelle, la très grande majorité des cours ne peuvent pas être donnés dans les établissements. Ils vont avoir des fois quelques ateliers pour des métiers de base, mais une personne qui serait bonne en électronique ou dans un autre domaine, ça, il y a des arrangements qui peuvent être faits également.

Il y a évidemment les visites familiales, il y a les visites pour raisons médicales ou humanitaires. Médical et humanitaire, on peut les exclure de la discussion parce que ça reste tel que c'était, ça. Ça peut être accordé. Il n'y a pas de changement qui est fait dans le projet de loi là-dessus.

Mais les autres, c'est des motifs très nombreux: aller consulter un professionnel, un psychiatre, un psychologue, un avocat ou, des fois, un comptable ou quelqu'un qui a des affaires à mettre en ordre, et tout. Alors, il y a toutes sortes de motifs. Il faut qu'on donne une très grande latitude au responsable de l'établissement.

Le deuxième point qu'il faut peut-être souligner, c'est que, lorsque la personne va en absence temporaire, elle n'est pas libérée de sa peine; elle est toujours porteuse de sa peine. Elle continue de l'accomplir sous des formes qui sont rendues plus humaines pour des fins de réinsertion sociale, mais les services correctionnels demeurent responsables de cette personne-là tout comme la Commission des libérations conditionnelles demeure responsable de la personne qui est mise en liberté conditionnelle. C'est une forme de gestion de la peine qui vise la réinsertion sociale.

Une chose qu'il est peut-être important de souligner là-dedans, c'est qu'une fois que le magistrat a rendu sa sentence toute la pratique établie au Canada indique qu'il ne faut pas le rentrer dans le dossier. Il a donné son verdict; il a indiqué la peine que doit subir la personne condamnée. Ensuite, la gestion de la peine est confiée aux services correctionnels, aux autorités compétentes, et qu'elles l'accomplissent de leur mieux avec une certaine possibilité d'erreur. Évidemment, on est dans une pâte humaine fragile, faillible aussi et je ne pense pas qu'on puisse demander... avoir une performance à cent pour cent. Mais, s'il y a des imperfections, je pense qu'il faut les signaler et les corriger. À ce

moment-ci, moi, ayant Indiqué...

Ça, c'est le fond, et moi-même, s'ils m'avaient proposé qu'on adopte le système de l'Ontario, j'aurais été prêt à le regarder. Ils n'allaient pas aussi loin que ça. Malgré leur humanitarisme, ils sont un petit peu conservateurs, je les en félicite. Ça rassurera la population et l'Opposition. Mais ce qu'ils nous proposent me paraît fort raisonnable, fort modéré. Ça ne veut pas dire qu'ils ne prendront pas des décisions stupides. If peut y en avoir, et on les blâmera à ce moment-Jà. Mais, dans l'ensemble, les orientations qui sont proposées m'apparaissent fort tempérées.

Maintenant, en pratique, si vous avez des points précis pour M. Carrier ou Mme Colette concernant les libérations conditionnelles, je pense que c'est le temps de regarder ça ensemble. On est là, nous autres, pour regarder ça dans un esprit... Je pense qu'ils sont très ouverts. Je transige avec eux depuis un an et je n'ai qu'à me féliciter de leur attitude d'ouverture.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava, la proposition du ministre est de permettre à deux de ses... à un ou l'autre de ses collaborateurs...

M. Claveau: Oui, oui. Moi, je suis tout à fait d'accord pour avoir le maximum d'information possible là-dessus. J'en reviens tout le temps à la notion du pourquoi de la sentence. Je dois dire que ce n'est pas une question d'être libéral ou non, conservateur ou NPD à la Bob Rae. L'idée, c'est de savoir quelle est la valeur d'une sentence. Est-ce qu'il est probable, plausible de penser que, dans la mesure où on est de plus en plus ouverts aux libérations conditionnelles ou aux sorties de toutes sortes, aux autorisations pour sortir des cadres de la prison, eh bien, en contrepartie, si le système n'est pas rebalancé en conséquence, le juge qui, lui, veut donner une sentence, quelque chose de punitif à un individu, va forcer sur la sentence et on va se retrouver avec des sentences plus longues? J'imagine qu'il doit y avoir, quelque part, un effet de balancier, un contrepoids qui fait en sorte que, connaissant la société, quand tu libéralises d'un côté, eh bien, il y a toujours un autre aspect de l'autre côté qui réapparaît. J'imagine que ça doit se passer dans ce secteur aussi. Est-ce que la coercition est plus forte à l'intérieur de la prison durant ie temps où le gars est là? J'aimerais ça...

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, oui.

M. Ryan: Juste une petite remarque que je voudrais faire, M. le Président. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on donne des Informations, mais je ne voudrais pas qu'on engage de débats philosophiques avec les collaborateurs qui sont ici. Je pense que ce n'est pas la tribune pour ça, on en convient tous, puis de le faire avec le ministre le débat philosophique, je ne pense pas qu'on puisse donner un cours complet non plus sur le fonctionnement des services correctionnels en commission parlementaire. Nous arrangerons très volontiers les rencontres d'information avec le ou les députés intéressés, avec les autorités des services compétents pour faciliter des visites, des rencontres avec des fonctionnaires compétents aussi. On fera tout ça, mais je voudrais simplement vous indiquer, M. le Président, que, si on peut rester assez proche des articles du projet de loi qu'on discute tout en fournissant des informations volontiers, et simplement... Je ne veux pas poser de précédent non plus parce que j'ai peut-être sept, huit projets de loi qui s'en viennent d'ici la fin de la session. Et, tout en reconnaissant à 100 % les droits de l'Opposition, je mentionne juste ça pour les fins de... l'efficacité de l'institution parlementaire.

M. Claveau: Pas de problème, M. le Président. Je comprends très bien l'intervention du ministre. Mais enfin, moi, j'ai développé une habitude au cours des années en commission parlementaire que, toujours dans le cadre du temps qui nous est imparti pour nos interventions, plutôt que de l'utiliser éventuellement à des propos futiles, eh bien, je préfère l'utiliser pour des propos qui alimentent notre information générale sur les dossiers.

Le Président (M. Gauvin): J'aimerais apporter une précision à ce moment-ci. Je pense que M. le ministre a raison. Ses collaborateurs ou ses conseillers sont peut-être bienvenus de nous aider au niveau de l'Information pour mieux comprendre l'article que nous débattons à ce moment-ci. Si on pouvait se limiter à tenter d'aller chercher de l'information en rapport avec l'article cité, je pense que ça aiderait les débats de cette commission.

M. Ryan: J'ajoute juste un point, si vous me permettez, M. le Président. La commission a aussi le privilège, le droit de convoquer à des sessions spéciales un organisme qui relève de la compétence du ministre pour l'interroger sur ses orientations, discuter de sa philosophie, ses modalités d'intervention. Si jamais les députés de la commission sont intéressés à demander une rencontre ou des rencontres soit avec la Commission des libérations conditionnelles, soit avec les services correctionnels ou avec les deux, nous faciliterons, évidemment, ces rencontres avec toute l'ouverture nécessaire.

Le Président (M. Gauvin): Donc, M. le député d'Ungava, pour revenir à l'article 13...

M. Claveau: Oui.

Le Président (M. Gauvin): ...est-ce que vous avez besoin d'information additionnelle pour vous permettre de l'adopter?

M. Claveau: Oui, j'ai besoin d'Information additionnelle. C'est que j'essaie de comprendre. Pourquoi ouvrir ça à tout le monde d'une façon large, à tous les détenus de moins de deux ans, alors qu'actuellement c'est inférieur à six mois? C'est pour augmenter à huit mois en réalité parce que tout détenu qui va être admissible aux libérations conditionnelles à partir de huit mois de détention ne pourra plus avoir accès, semble-t-il, au programme de l'absence temporaire si sa libération conditionnelle lui est refusée - c'est bien ce que je comprends. Eh bien, à ce moment-là, on monte de six à huit mois. Dans le fond, c'est quoi l'intérêt de vouloir l'ouvrir à tout le monde? C'est d'établir un principe général ou, sinon, il y a des aspects administratifs très précis là-dedans?

Le Président (M. Gauvin): M. Carrier.

M. Carrier: Je vais tenter en quelques minutes de répondre à quelques éléments de vos questions. Vous avez raison de dire que le système n'était pas parfait et que le système a fait l'objet de critiques. C'est d'ailleurs un des... Un des objectifs principaux de la loi, c'est de rendre le système plus clair, plus précis et plus transparent et c'était ce type de critiques qui pouvait nous être fait par les gens du système judiciaire.

Alors, un des objets, et probablement le principal, c'est de clarifier la situation. On clarifie la situation à deux niveaux. On dit ce que c'est qu'une absence temporaire et on dit ce que c'est que la libération conditionnelle et on clarifie le rôle de la Commission québécoise des libérations conditionnelles et le rôle du directeur général. C'était un système qui fonctionnait depuis 1979, qui n'avait pas du tout été retouché depuis ce temps-là, et, compte tenu de l'évolution des événements, il est apparu qu'on devait le retoucher.

Alors, je reviens sur la distinction de l'absence temporaire et de la libération conditionnelle. On dit qu'une absence temporaire c'est une courte période de liberté, accordée pour des motifs très précis et à des conditions très strictes. Alors, ce n'est pas une libération totale comme la libération conditionnelle l'accorde avec, évidemment, un certain nombre de conditions. Le concept, c'est de permettre à un individu de se préparer à une libération conditionnelle, lui donner l'occasion de se chercher un emploi, lui donner une occasion de travailler sur le fonds des personnes incarcérées. Lorsqu'un individu s'en va travailler pour tondre le gazon, par exemple, pour le fonds des personnes incarcérées dans des édifices de la SIQ, il a une absence temporaire le matin, de 9 heures à 17 heures, et, pour ça, il faut accorder l'absence temporaire qui est accordée par l'administrateur sur recommandation d'un comité formé de trois personnes, et qui doit respecter les 8 critères de l'article 22.7. (10 h 15)

M. Claveau: J'ai un cas très précis en tête. O.K.? On va essayer de s'entendre pour savoir si c'est ça. J'ai un cas très précis, le nom, les dates, tout ce que vous voulez.

M. Carrier: Oui.

M. Claveau: O.K.? Une personne qui travaille va être condamnée pour une raison x à à peu près un an de prison. La personne n'a jamais perdu son emploi. Elle fait acte de présence du vendredi soir au dimanche soir dans la prison où elle est désignée. Sa peine se purge comme ça, alors qu'elle continue le même boulot qu'elle faisait avant pour le même employeur, comme si de rien n'était. La seule différence c'est qu'elle n'a plus ses fins de semaine. Est-ce que c'est une absence temporaire au sens de la loi?

M. Carrier: Bon, j'ai un peu de difficulté à parler d'un cas précis. Je n'ai pas le dossier devant moi, mais je peux vous dire en principe ce qui se passe quana il y a une absence temporaire. Une absence temporaire est accordée uniquement lorsqu'il y a une demande du détenu. Elle est accordée par l'administrateur, suite à une étude qui est faite par un comité formé de trois personnes: un professionnel de l'établissement de détention, un administrateur dans l'établissement de détention et un agent correctionnel. Alors, ces personnes-là étudient et font une recommandation au directeur.

La loi précise qu'une absence temporaire - et actuellement on le précise - peut être accordée à compter du sixième de la sentence. Alors, c'est clair, net et précis, il n'y a pas d'absence temporaire avant le sixième de la sentence, sauf pour des raisons médicales, quelqu'un qui s'en va à l'hôpital, etc. C'est un point dans la loi qui est clair.

Donc, pour le cas dont vous parlez, normalement, il ne devrait pas y avoir d'absence temporaire d'accordée avant le sixième de la sentence. Si vous parlez... Vous parlez probablement d'une sentence intermittente. Si l'individu a été condamné à 90 jours à être purgés les fins de semaine, ce n'est pas la même chose. Là, c'est le Code criminel. Ce n'est pas une question d'absence temporaire, là. C'est le Code criminel qui prévoit qu'un juge peut condamner un individu jusqu'à 90 jours à être purgés les fins de semaine. On en a à peu près 500 à travers la province actuellement. Ces gens-là sont libres d'aller occuper leur emploi du lundi au vendredi, et se rapportent au centre de détention les fins de semaine. Alors, ce n'est pas du tout la même chose, là. C'est une autre sentence.

M. Claveau: C'est un autre service.

M. Carrier: C'est le même service, mais il n'est pas question d'absence temporaire, ni de libération conditionnelle. C'est le Code criminel qui prévoit ça. C'est la peine qui est donnée par le juge et le juge dit qu'elle doit être purgée uniquement les fins de semaine, souventefois pour permettre à la personne d'occuper un emploi.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce qu'on a suffisamment d'éclairage sur la... Oui.

M. Claveau: Ici on dit que, dans tous les cas, il n'y a personne qui a moins d'un sixième de sa sentence qui peut sortir.

M. Ryan: Sauf s'il y a une sentence intermittente.

M. Claveau: Non, mais... M. Ryan: O.K.?

M. Claveau: Non, mais dans le cas des absences temporaires - c'est une sentence continue, je présume - on avait, toujours en date du 22 mars 1991, puisque c'est la date étalon qu'on utilise, on en avait 12 de 6 mois et plus - et avec moins d'un sixième de la peine - sur 613 qui étaient à l'extérieur. Et, pour les six mois et moins, on en avait 25 sur 266. Ça fait pas mal de monde ça. Pourtant, il me semble qu'à moins d'un sixième la raison devrait être relativement grave, j'imagine. Probablement que ce n'est pas pour une égratignure sur le gros orteil. Ça ne doit pas être suffisant pour justifier une absence pour raison de maladie.

Alors, est-ce qu'il y a moyen de savoir, en gros, sans entrer dans le détail des dossiers, comment il se fait que les 25, par exemple, de 6 mois et moins de sentence, qui étaient dehors avec moins d'un sixième de leur peine, là... C'était quoi les raisons majeures qui faisaient qu'on avait le droit de les sortir?

M. Carrier: Les motifs, dans ce cas-là, sont des motifs... La plupart des cas sont pour des raisons médicales. À titre d'exemple, des gens qui ont besoin de traitements psychiatriques, des gens qui ont besoin de traitements médicaux parce qu'ils ont le sida et qu'on n'a pas les ressources à l'intérieur pour leur donner les soins, des gens qui ont besoin d'interventions spécifiques, chirurgicales ou autres. Alors, la majorité de ces cas-là...

M. Claveau: Ils ne reviennent pas coucher en dedans, si je comprends bien.

M. Carrier: Ils ne reviennent pas coucher en dedans et ils sont à l'établissement hospitalier et, la plupart du temps, avec un surveillant, avec qui on a un contrat, qui les surveille. Alors, ce sont des absences temporaires pour raison médicale. Il y a aussi des absences temporaires pour raison humanitaire. À titre d'exemple, un détenu dont le père décède peut demander une absence temporaire pour aller aux funérailles. Parfois l'absence temporaire est accordée sans escorte et parfois elle est accordée avec escorte, dépendant du dossier qui est évalué par le comité d'absence temporaire.

M. Ryan: Alors, le scandale diminue. Ça veut dire que la lumière se fait.

Le Président (M. Gauvin): M. Carrier, quand quelqu'un est référé à un établissement hospitalier...

M. Carrier: Oui.

Le Président (M. Gauvin): ...est-ce que l'établissement c'est le choix du centre de détention ou si c'est le...

M. Carrier: C'est le choix du centre de détention, dépendamment du type de besoin. Alors, on réfère l'individu à l'établissement hospitalier qui est le plus susceptible de fournir les soins adéquats.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava, est-ce que ça complète l'information que vous souhaitiez avoir à l'article 13?

M. Claveau: Le problème, dans le fond... L'article 13 est un article qui nous permet de discuter un peu globalement de la situation. On demande d'extensionner à tout le monde l'admissibilité aux absences temporaires. C'est ça qu'on nous propose.

M. Ryan: Sauf ceux qui ont plus de deux ans.

M. Claveau: Mais on légalise une situation de fait et quand le ministre dit: Le scandale diminue... Éventuellement, imaginons..

M. Ryan: Se dissipe.

M. Claveau: ...que, sur les 613 détenus qui étaient normalement à moins d'un sixième de leur peine de six mois et plus, il y en avait 12 qui étaient en dehors. Éventuellement, disons qu'on peut penser que toutes les raisons peuvent être bonnes. Mais quand on est rendu avec un total de 789 détenus de six mois et plus qui, à la même heure, même date, même jour étaient dehors alors que, normalement, selon la loi, il n'y en avait aucun qui devait être admissible parce que c'étaient tous des six mois et plus alors que l'article 21.1 dit: inférieur à six

mois - il n'était pas supposé y en avoir un seul et il y en avait 789 - là, ça commence à frôler un peu le ridicule.

C'est ça qui est le problème. Ce n'est pas une question de chercher des scandales. On ne court pas après, on ne fait pas de chasse aux sorcières, sauf qu'on sait que la loi a été administrée, avec tous les chiffres qui nous sont disponibles, avec un certain laxisme. Le moins qu'on puisse dire c'est que ça a été administré avec un esprit très large. S'il fallait qu'on administre toutes les lois au Québec avec le même esprit, probablement qu'on s'en irait vers l'anarchie.

Maintenant, on nous dit: On légalise ça, ce ne sera plus pareil et là on va être "tough". Et la preuve qu'on va être "tough" c'est qu'on va élargir les cadres à l'intérieur du fonctionnement, mais après ça on va l'administrer d'une façon très rigide. Ça va même s'appeler maintenant les services correctionnels. Moi, je regarde ça un contre l'autre et je me dis: Le passé étant garant de l'avenir, il n'y a rien qui me garantit que ça va être administré avec beaucoup plus de rigueur que de la façon dont on l'a administré au cours des dernières années, avec les chiffres qui nous sont disponibles. Quoi qu'on en dise, il y a des chiffres qui nous permettent de croire... Moi, en tout cas, je ne suis pas capable de penser que 37 % des détenus soient en même temps admissibles pour toutes sortes de raisons, d'ordre humanitaire et autre.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Ryan: Regardez, il y a une situation qu'on essaie de corriger. Ce n'est pas pour rien qu'on propose les modifications qui sont Ici. Il faut penser au bien des personnes qui sont concernées. Premièrement, la légalité c'est une chose, c'est très important, ce n'est pas la valeur suprême. La valeur suprême c'est l'objectif de réinsertion des personnes qui ont commis l'erreur de s'écarter de l'observance des lois.

Je pense bien que le député d'Ungava va convenir avec moi que la personne ait été deux mois ou trois mois en prison, ça ne change rien au problème de fond en matière d'absence temporaire. Ce n'est pas parce qu'il y a une limite de six mois. Ça a été fixé par le législateur il y a quelques années. On convient que ce n'est pas réaliste. Il a une peine de huit mois. Ça veut dire qu'il ne sera pas admissible du tout à une absence temporaire pour des fins autres que médicales ou humanitaires. C'est ça qu'est le régime actuel.

Il y a des gens qui ont agi autrement. Il y avait un autre facteur qui a joué ces dernières années: une surpopulation des établissements carcéraux. Il n'y avait pas de place pour mettre tout le monde. Qu'est-ce que vous auriez fait? Les auriez-vous mis dans le grenier, dans la cave? Vous n'aimez pas le trou. Ils ont agi avec humanité. Moi, je vais vous dire franchement, je trouve qu'ils ont agi... Ça concerne mes prédécesseurs parce que... Moi-même, je vais passer à l'histoire comme étant celui qui apporte un correctif à ça, si modestes que soient mes prétentions.

Moi, je trouve qu'en plus on a corrigé le problème des places. Comme je l'ai dit dans mon discours l'autre jour, on ne l'a pas corrigé définitivement, mais on a apporté des correctifs. Le mot "correctif" n'est pas nécessairement péjoratif à ma connaissance. On a apporté des correctifs qui permettent d'assurer qu'on ait un certain surplus de places dans l'immédiat. Comme on l'a dit, je pense que le nombre total de places est à peu près 3400, puis on avait 3200 places occupées selon les statistiques les plus récentes. C'est excellent qu'il en soit ainsi quand on considère tout ce que c'est. Les hôtels qui fonctionneraient à ce rythme-là, ils passeraient pour être très prospères. Avec le temps on aura d'autres améliorations à apporter parce qu'il y a des améliorations qui sont seulement temporaires, transitoires. On va en avoir d'autres. On a des projets, je les ai tous énumérés l'autre jour.

C'est dans ce contexte-là que se situent les modifications que nous voulons apporter. Je n'adresse pas de blâme pour ce qui a été fait. Il y avait une situation qui est préoccupante parce que c'est évident qu'on est en dehors de la loi dans bien des décisions pratiques qui ont été prises. Avec ceci, je pense qu'on va être capable de gérer beaucoup plus proprement, sans laisser entendre en aucune manière qu'il aurait pu y avoir des choses de nature de corruption. Ça, pas du tout. Je crois qu'on donne un cadre qui répond mieux à la situation d'aujourd'hui.

M. Claveau: Tout à l'heure vous avez fait une démarcation assez importante entre le rôle du juge qui donne la sentence et l'administration de cette sentence. Même si, semble-t-il, c'est la façon normale de fonctionner, enfin, c'est la façon de fonctionner qui s'est accréditée avec le temps, j'imagine que, lorsque l'on veut changer des choses pour améliorer des choses aussi, bon, il y a des comportements qu'il faut changer. J'imagine que dans l'esprit du juge il y a une relation entre la peine qu'il va donner et la façon dont cette peine-là va être administrée. Moi, si je me mets à la place du juge et que je pense qu'un individu en particulier a besoin d'une peine un peu substantielle et que je sais que la gestion de cette peine-là risque de lui rendre les choses assez commodes, finalement, assez faciles, c'est possible que je trouve un moyen de rendre la peine un peu plus dure. Peut-être que tous les juges ne penseront pas comme ça, mais il y en a sûrement quelques-uns qui vont penser comme ça.

Alors, j'imagine qu'en contrepartie pour contrer cette espèce de phénomène qui peut apparaître - parce qu'à ce moment-là ça consiste

à quoi le rôle du juge? - ça serait de faire participer d'une façon ou d'une autre la magistrature à la gestion de ces mesures-là. J'aimerais savoir, moi, si vous avez l'idée, je ne sais pas, du juge en chef, ou enfin de quelques-uns des juges du Québec... si vous avez leur opinion sur ce genre de mesures que vous nous proposez là?

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, oui.

(10 h 30)

M. Ryan: Évidemment, il y a même des jugements qui ont traité de ces questions-là. On n'a pas consulté le Conseil de la magistrature en bonne et due forme sur ceci. Mais II y a des jugements qui établissent les principes dont on doit se guider et qui vont dans le sens de ce dont j'ai parlé plus tôt. Je vais donner un extrait d'un jugement qui a été rendu par le juge Beauregard de la Cour d'appel du Québec dans une affaire qui remonte à 1989. Le jugement a été rendu en novembre 1989, c'est assez récent. La cause Meehan versus la reine. Voici un extrait de sa déclaration. C'est Intéressant, ça fait partie de son jugement. "Le juge qui a à déterminer la durée d'un emprisonnement doit tenir pour acquis que l'accusé sera effectivement emprisonné durant tout le temps fixé par le juge. Celui-ci n'ignore pas que l'accusé pourra obtenir une remise de peine ou une libération conditionnelle mais cela ne le concerne pas comme juge. Logiquement, et dans le temps, la remise de peine ou la libération fait l'objet d'une décision qui est rendue par les autorités compétentes après celle du juge et à partir de celle du juge. Si le juge module sa décision d'après ce que les autres autorités pourraient décider, il fausse le système, qui commence alors à tourner en rond. Le Code criminel n'exige pas et, de fait, ne permet pas que le juge fixe la période d'un emprisonnement après avoir tenu compte d'autres dispositions législatives qui peuvent, dans les faits, influencer en plus ou en moins la période de temps durant laquelle l'accusé sera emprisonné. Au contraire, c'est la période d'emprisonnement déterminée par le juge qui sert de base à l'application des autres dispositions législatives pertinentes. "

Un autre extrait d'un jugement ici, le juge McLachlin, qui remonte à 1990, c'est l'affaire Shubley. Il y a un commentaire du juge ici qui est intéressant qui complète ce qu'on a entendu. "La réduction de peine - et je cite - ne raccourcit pas une sentence d'emprisonnement. Cela ne peut se réaliser que par voie d'appel. Elle permet plutôt au détenu qui a participé assidûment aux programmes de l'établissement carcéral de purger une partie de sa sentence en dehors de la prison. Le privilège de la réduction de peine, qui n'est pas un droit, relève de l'ad-ministration de la prison afin d'encourager les détenus à se réhabiliter et à coopérer au bon fonctionnement de la prison. " Voilà des...

Une voix:...

M. Ryan: On porte à mon attention également une consultation qui a été faite récemment auprès de 400 juges canadiens par un groupe de recherche au service de la Commission canadienne sur la détermination de la peine et on dit que, parmi les constatations qu'a permis de recuefllir cette consultation, il y a les deux suivantes: 77 % des magistrats consultés croient que la libération devrait continuer à relever d'un organisme comme la Commission québécoise des libérations conditionnelles et 86 % se montrent plutôt favorables à ce que la décision de libération soit basée sur la conduite du détenu pendant son Incarcération et sur les prévisions de sa conduite pendant sa libération.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava, est-ce que ça...

M. Ryan: C'est un principe fondamental, je pense, de partage des compétences qu'il faut absolument respecter. Le juge fait son travail et après ça il passe à d'autres causes.

M. Claveau: Évidemment, durant ce temps-là la criminalité augmente parce que les peines sont de moins en moins dures et de plus en plus simples à subir et puis on s'en va, on augmente les commissaires dans les structures administratives et on a besoin de plus en plus de monde parce qu'il y a de plus en plus de criminalité et les juges donnent des sentences que plus personne ne respecte. Moi, je sais bien que dans un contexte semblable je vais te dire qu'être juge c'est un peu comme, je ne sais pas, si le directeur d'école donne un devoir ou une obligation à un élève en particulier et quand il arrive à la maison ses parents disent: Bon, bien, envoie-le promener ton directeur, tu lui diras qu'il va avoir affaire à mol si ça ne fait pas. Bien, imaginez-vous qu'il ne réussira pas à faire grand-chose avec l'enfant à l'école. C'est un peu le même principe. Moi, je pense qu'au-delà de tout ça le législateur a le droit aussi de penser. Le législateur a le droit d'imaginer des choses nouvelles et a le droit, même si ça ne fait pas l'affaire, les structures existantes, même si ça ne fait pas l'affaire... le zonage agricole ne faisait pas l'affaire des structures existantes, la CSST n'a jamais fait l'affaire des employeurs. Bon, si c'était juste du monde de l'entreprise, le syndicat, les lois sur la syndicalisation n'auraient jamais existé. À un moment donné il faut mettre ses culottes et il faut regarder les problèmes et dire: II y a peut-être des nouvelles solutions et de nouvelles avenues à évaluer.

Moi, je pense qu'on devra aller un jour ou l'autre vers une certaine responsabilisation du rôle du juge dans la gestion de la peine, sinon on sépare tout et c'est le directeur d'école qui dit quelque chose ou le professeur à l'école qui

dit quelque chose et le parent à la maison qui dit complètement le contraire au même enfant. Ça fait que ça fait quelqu'un qui ne sait pas où se brancher. Il faut qu'il y ait, là, une espèce de connivence, une interrelation entre les deux, sinon ça devient une gestion strictement et hautement bureaucratique, où le détenu devient un numéro. On a des belles lois, on a des beaux principes, on a des choses extraordinaires, on a des belles prisons chromées à 115 000 $ du lit, mais, en bout de piste, il n'y a rien qui marche avec des gestions comme ce qu'on a vu là, parce que ce n'est pas applicable, etc., et les peines augmentent. C'est bien clair, c'est sûr. Moi, j'imagine qu'à 115 000 $ du "bed" dans une prison - vous me passerez l'expression -115 000 $ du lit, ça commence à être définitivement une résidence, les prisons.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre. Excusez!

M. Claveau: Plus on va faciliter la détention ou, enfin, faciliter le fait de purger une peine, moins ça va devenir contraignant pour le criminel de s'essayer, surtout quand on regarde les taux... Je regardais dans le rapport de la Sûreté du Québec, en plus, les taux de résolution des cas, des délits. Moi, que si j'étais un criminel, je commencerais à magasiner là-dedans pour savoir quel genre de délit je devrais commettre en premier. J'imagine, par exemple, quand on sait que les vols avec... On dit: Le vol de 1000 $ et plus, 16,3 % de taux de solution et un vol de moins de 1000 $ est à 24 %. Bien, ça veut dire que tu as quasiment avantage à voler pour plus de 10 000 $ que pour moins de 10 000 $. Tu as 8 % ou 10 % moins de chances de te faire pincer. Et en plus, si tu te fais pincer, bien, tu vas probablement faire juste 15 jours de prison parce qu'il y a un paquet de programmes et, à part de ça, tu as un lit à 115 000 $ qui t'attend. Tu es logé, nourri et tu vas, éventuellement, avoir une chance de te recycler, d'avoir quelqu'un qui va te donner un coup de main. Durant ce temps-là, au pire aller, s'il fait trop froid en hiver... J'ai droit à 20 minutes, M. le Président, et je vais les prendre. À ce moment-là, on volt les choses tellement faciles...

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: ..que, dans le fond, le criminel est mieux couvert que le pauvre diable qui est sur l'aide sociale dans un centre-ville, qui ne sait pas quoi faire et qui va passer l'hiver au froid et il n'y a personne qui va s'occuper de lui parce qu'on ne lui donnera pas 115 000 $ de subvention pour se payer un lit.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava, tout ce que je vous demandais, c'était que le ministre semblait anxieux d'ajouter à ses réponses.

M. Claveau: Bien, j'ai quand même le droit à mon temps...

Le Président (M. Gauvin): Oui, évidemment.

M. Claveau: ...et après, quand j'aurai fini, le ministre pourra prendre le sien.

Le Président (M. Gauvin): J'ai démontré, depuis le début, que j'étais en mesure d'accorder à la commission ou aux membres de la commission beaucoup de souplesse dans le débat. M. le ministre.

M. Ryan: Je ne sais pas. Vous m'avez peut-être mal compris, M. le Président, mais je ne manifestais pas d'impatience, à ma connaissance. Je m'inquiétais légèrement de la pertinence, mais, pour le reste, je respecte le droit du député de prendre 20 minutes. On est proche de ça maintenant, je pense bien, sur cet article-ci. Indépendamment de ça, je voudrais peut-être le mettre en garde contre certaines tendances à juger facilement de ces choses-là. Tout d'abord, le but du projet de loi, ce n'est pas de garder les gens au chaud en prison. C'est justement de les inciter à une conduite, dans les établissements, qui va permettre de les renvoyer dans les circuits de la vie ordinaire, dans des conditions qui vont favoriser leur réinsertion sociale. Par conséquent, on veut, justement, réduire ces dépenses de frais de fonctionnement à 115 $ par jour du lit. C'est aussi un des buts de ce programme-ci aussi. On ne veut pas que des personnes moisissent en prison si elles peuvent être socialement améliorées ou heureuses en dehors de la prison. C'est le but fondamental de ceci. De ce côté-là, on rencontre parfaitement, je pense, l'objectif que vous définissez.

Maintenant, si vous voulez soutenir que nous devrions durcir les orientations à l'endroit des délinquants ou des auteurs de crimes, susceptibles de peines qui sont à accomplir dans les établissements provinciaux, là, vous soulevez une grosse question. C'est l'orientation qu'on a employée aux États-Unis depuis 20 ans. On a multiplié les places de prison. Je pense qu'ils sont rendus, aux États-Unis, avec 1 000 000 de places en prison et ils ont été très sévères. Tu sais, ils ont dit: Ça va être "the hard line". Et, aujourd'hui, j'ai pris connaissance - parce que nos services me les ont communiquées - de communications qui ont été présentées à un congrès de criminologie qui a eu lieu à Ottawa, un colloque international au mois de juin dernier, tout récemment. Des spécialistes américains sont venus dire: On a fait fausse route. On a gaspillé de l'argent, on a fait fausse route. On a pensé que ces méthodes-là nous conduiraient à quelque chose. Et vous savez comme moi que les crimes

violents aux États-Unis ont une incidence cinq fois supérieure à celle que nous avons au Canada. Ils ont pris ces moyens-là. Il y a d'autres facteurs qui jouent là-dessus. Ce n'est pas seulement le facteur de la sentence et du régime correctionnel; il y a tout le contexte de civilisation et de culture dans lequel nous vivons. C'est évident qu'aussi longtemps que nous allons avoir une télévision où on présente chaque soir peut-être 50, 60, 100 coups de feu tirés librement par n'importe qui contre n'importe qui il y a des gens qui sont assez fragiles au point de vue psychologique pour être influencés par ça Ça, ça ne relève pas de M. Carrier, ce n'est pas de la faute de M. Carrier ni du ministre de la Sécurité publique, c'est parce qu'on a un régime de grande liberté de communication qui a une richesse supérieure aux inconvénients qui en découlent selon le jugement que nous avons tous porté ensemble, y compris le parti que vous représentez.

Alors c'est ça qui est le choix fondamental, mais ici j'ajoute que nous n'adoucissons en aucune manière... La peine, ça relève du Code criminel et de la discrétion des juges, on n'y touche en aucune manière. Mais l'administration de la peine, ça, ça relève des établissements correctionnels et on apporte ici, je ne dirais pas que ce sont des adoucissements, ce sont des assouplissements. Et il ne faut pas oublier que, selon les statistiques récentes dont nous disposons ensemble, sur une population carcérale disons de 3000 personnes, il y en avait 72 % qui étaient en dedans, une journée donnée d'un mois récent, le mois dernier et il y en avait seulement 28 % qui étaient en absence temporaire. Ce n'est pas gros, 28 % sur l'ensemble. Si le programme veut dire quelque chose, ce n'est pas gros. S'il y en a qui étalent au travail et qu'il y en a qui étalent à suivre des cours, sortis pour des événements...

Une voix: ...des malsons de transition.

M. Ryan: ...des maisons de transition également, il faut juger là-dessus.

Dernier point. On a des données sur le taux de réussite de ces programmes-là. Le taux de réussite, moi, j'ai été assez agréablement étonné d'en prendre connaissance. Dans le cas des libérations conditionnelles, c'est autour de 84 % et, dans le cas des absences temporaires, c'est du 85 %. Là, n'allez pas penser que le reste, l'autre 15 %, c'est un échec; souvent, c'est parce qu'il y a des conditions qui ont été mises à la libération conditionnelle. On dit: Tu vas te rapporter à telle heure au poste de police, par exemple. Le gars n'est pas allé à telle heure, II est allé à 9 heures ou bien il a oublié d'y aller un soir. Là, il est rappelé... C'est un motif de révocation, une affaire comme ça ou d'avertissement sérieux. Alors, ça fait partie des 16 % qui sont dans vos statistiques, mais ce n'est pas un cas de récidive pour autant. Les cas de récidive, combien est-ce que c'est?

Une voix: 8 %.

M. Ryan: 8 %, les cas de récidive. Et, dans le cas des absences temporaires, je ne sais pas si vous avez des données là-dessus.

M. Carrier: C'est à peu près du même ordre, mais ce n'est pas la majorité.

M. Ryan: Si on avait la garantie - là, une chose qu'il faut pas oublier - que, si on ne leur avait jamais donné une absence temporaire ou une libération conditionnelle, il n'y aurait plus jamais de récidive, là, on pourra peut-être faire l'autre thèse, mais tout le monde sait que si on les laisse traîner trop longtemps en prison, au pénitencier, ce n'est pas la place nécessairement d'où ils vont sortir indemnes contre toute tentation. C'est un régime qui reste humain, qui a ses côtés positifs, qui a des côtés qui soulèvent des interrogations aussi. Mais 'all in ail" comme on dit, compte tenu de tous les facteurs, je pense qu'il n'y a pas d'autres orientations qu'on pourra prendre raisonnablement que celle dans laquelle on est orienté.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava.

M. Ryan: Je suis convaincu que le député d'Ungava, au fond de lui-même, ne veut pas qu'on verse dans un régime dont nos voisins ont donné l'exemple. Je pense que ce n'est pas son tempérament...

M. Claveau: M. le ministre, vous allez me faire brailler.

M. Ryan: ...ni l'attitude de son parti.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Le ministre ne me fera pas passer pour le matamore des...

Des voix: Ha, ha, ha!

(10 h 45)

M. Claveau: ...incarcérés en territoire québécois, ce n'est pas vrai. De toute façon, je pense qu'effectivement le régime pénitentiaire, le régime d'incarcération et de détention a besoin de beaucoup de modifications. Il y a certaines choses en tout cas qui méritent d'être évaluées, mais vous avez dit vous-même qu'il y a un nouveau concept, une notion de société nouvelle, des choses qui n'existaient pas au XIXe siècle, et qu'on est dans un monde où il y a de nouvelles visions et qu'on essaie de nouvelles

choses, c'est vrai. Mais il reste qu'à travers tout ça il faut quand même que le régime de l'incarcération, la notion de l'incarcération garde aussi son sens, ou bien, sinon, abolissons carrément les prisons; c'est ce que je me dis. C'est certain, c'est évident, c'est clair que 20 ans de prison ferme, ça ne fait rien que de démolir un individu; il n'y a personne qui va ressortir de là correct. Ça, c'est clair comme de l'eau de roche dans ma tête.

À ce moment-là, si on veut vraiment modifier l'affaire, qu'on donne non pas des peines de 20 ans, mais des peines de 5 ans ou des peines de 8 ans, avec certaines mesures. Si vous donnez une peine de 20 ans avec 15 ans de libération conditionnelle, ça ne fait rien que de faire l'affaire de la bureaucratie, ça permet de l'administration et ça crée des jobs administratives; mais qu'on donne une peine de 5 ans qui a de l'allure et avec des mesures de réinsertion. Après 5 ans, au lieu de le mettre en libération conditionnelle, on le met en libération, si c'est ça. Ou bien, si on veut vraiment se débarrasser d'un individu, l'emprisonner à vie, bien, on l'emprisonne à vie, mais qu'on le fasse. Vous savez, il y a quand même certaines notions... Moi, j'ai toujours dans la tête... Quand je regarde ces affaires-là - vous allez peut-être me dire que je véhicule des préjugés populaires, vous l'avez déjà dit - j'ai des problèmes.

M. Ryan: J'avais raison.

M. Claveau: Je vois des choses. Ça fait longtemps que je regarde passer un paquet de choses.

J'ai un exemple en tête. Un bon monsieur de chez nous sort de son travail à minuit, le soir - parce qu'il travaillait de quatre à minuit - avec sa boîte à lunch. Il se fait frapper par un gars rond comme une bine qui sort d'un club, sur le coin de la lumière, juste avant d'arriver à la maison, chez lui. C'est en 1982 que c'est arrivé. À ce moment-là, l'alcool au volant, ce n'était pas encore du domaine du criminel, etc. Le type qui le frappe n'arrête même pas. Il s'en va dans sa cour, il entre dans sa maison, il se couche et il dort. Finalement, c'est juste au niveau des "grafignes" de voiture, des peintures et tout ça qu'à l'enquête on a su que c'était lui. Cet individu-là, rond comme une bine, qui frappe un pauvre diable qui sort de travailler, il n'a rien, lui, il n'a jamais rien eu. Il n'a jamais rien eu, il n'a même pas une trace sur la conscience. Alors que l'autre, depuis ce temps-là, n'a quasiment plus jamais retravaillé. Il est en problème avec la CSST. Il est en problème avec l'assuran-ce-automobile. Il est en problème partout. Il est en problème avec l'aide sociale. Il est en problème avec ses assurances personnelles. Il a perdu sa maison. Il a quasiment tout perdu parce qu'il y a un fou rond comme une bine qui l'a frappé. Il n'a jamais rien eu. Mais savez-vous ce que le gars a derrière la tête? Il est en train de chavirer là-dessus. C'est d'aller planter, d'aller tirer une balle dans la tête de l'autre qui l'a frappé. Ça devient une obsession pour lui, pas parce qu'il le hait, parce qu'il trouve que c'est absolument injuste que, lui, il ait tout perdu parce qu'il y a un gars saoul, à la sortie de l'hôtel, qui l'a frappé alors qu'il revenait de son ouvrage, et que le gars saoul a eu raison devant la justice, n'a jamais perdu sa job et n'a jamais eu de problème, alors que, lui, il a tout perdu à cause de ce gars-là.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava...

M. Claveau: Aujourd'hui, ça devient une obsession dans sa tête. Ce n'est pas un criminel, le gars. Mais là il est en train de lui monter une obsession dans la tête d'aller planter l'autre.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava, je vous invite...

M. Claveau: C'est malheureux, mais c'est comme ça que ça se passe.

Le Président (M. Gauvin):... à conclure, le temps est...

M. Claveau: Je continuerai à un autre article, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin):... largement dépassé. Je m'excuse.

M. Claveau: Quand on parle de gestion de la justice, c'est quoi? Il y a des choses fondamentales à repenser dans tout ça. Il y a des choses fondamentales à repenser dans tout ça. Moi, je veux bien qu'on offre de meilleures conditions aux détenus, mais il y a aussi la question de la valeur de la notion de la peine qu'on donne à ce détenu-là...

Le Président (M. Gauvin): En conclusion, M. le député d'Ungava.

M. Claveau:... qui doit être respectée aussi.

Le Président (M. Gauvin): Merci. Donc, c'était le temps qui était alloué pour le débat sur l'article 13. Est-ce que l'article 13 est adopté?

M. Claveau: L'article 13? Sur division.

Le Président (M. Gauvin): Sur division? Adopté sur division. J'appelle l'article 14.

M. Ryan: L'article 14, M. le Président, est la continuation logique de ce que nous venons de discuter. On dit simplement, à l'article 14, en

premier alinéa: "Le détenu est admissible à l'absence temporaire s'il a purgé ie sixième de la peine d'emprisonnement, inférieure à deux ans, imposée par le tribunal." Deuxièmement, on dit que "le détenu qui purge une peine d'emprisonnement de six mois et plus cesse d'être admissible à l'absence temporaire lorsqu'il a purgé le tiers de cette peine."

Je pense que, là, nous tournons un petit peu en rond. Ce sont des choses que nous avons énoncées clairement à maintes reprises. Au-delà du tiers de la peine, le détenu relève de la Commission des liberations conditionnelles. C'est clair. Il ne peut plus avoir d'absence temporaire. Ce qu'on discutera dans son cas, ça va être la libération conditionnelle ou qu'il reste en dedans. C'est un des deux. Il n'y a pas de... Sauf qu'il y a toujours les motifs humanitaires ou médicaux, évidemment. O.K.? Et, en bas de ça, c'est ce que nous avons dit. Celui qui a purgé le sixième de la peine devient admissible à l'absence temporaire. Puis, quand sa peine est au-delà de six mois, il est également admissible à l'absence temporaire entre le sixième et le tiers.

M. Claveau: Pendant deux mois à peu près, maximum, dans la mesure où il a une peine de deux ans.

M. Ryan: Et qu'est-ce que ça va faire? Ça va éviter le marchandage. Il y a des détenus qui faisaient du marchandage. Ils regardaient ça puis se disaient: Sals-tu, je suis quasiment aussi bien avec une absence temporaire. Je ne suis pas pour m'embarrasser de la libération conditionnelle, avec toutes les conditions qu'ils vont me mettre. L'autre comporte des avantages. Je reste sous ce régime-là et je n'aurai pas le carcan que voudraient m'imposer les libérations conditionnelles.

M. Claveau: Ce que je ne comprends pas dans la gestion de la loi, M. le ministre, c'est que, théoriquement, ils n'y avaient même pas droit quand ils avaient plus de six mois puis ils s'en servaient pour magasiner, comme vous dites. Comment ça se fait qu'on a permis ça? Ce n'est pas parce que ce n'était pas gérable. C'est parce que, si tu as plus de six mois, tu n'y as pas droit, point final, puis va-t-en en libération conditionnelle.

M. Ryan: Vous, vous n'étiez pas ici en... C'est en 1987 que ça a été adopté, ça, ou plus tôt?

Une voix: En 1979.

M. Ryan: Alors, là, on comprend tout! 1979, on comprend tout!

M. Claveau: Ce que je comprends, c'est qu'il y avait un chef de l'Opposition à ce moment-là qui est rendu ministre de la Sécurité publique aujourd'hui.

M. Ryan: Pardon? Oui, nous autres, on était dans l'Opposition. C'est une loi qui a été proposée par le parti qui formait le gouvernement à l'époque. Je ne veux pas faire de partisanerie, mais on était dans une période... On était vers la fin de notre âge des lumières. Là, on est entré dans l'âge de la réalité depuis quelques années. On a vécu dans un âge de lumières pendant 15 ans. On pensait que tout était possible. Il n'y avait de limite à rien. On pouvait faire une confiance indéfinie à la nature humaine puis à la sagesse des technocrates. C'était ça qui était la philosophie de notre âge des lumières.

Il y a eu des bons côtés, mais il y a eu des prêts à payer aussi puis on le sait, nous autres, par les dettes dont on a hérité.

M. Claveau: Mais qu'est-ce que ça veut dire par rapport à loi actuelle?

M. Ryan: Ça veut dire que vous dites: Qui a fait cette loi-là, qui a mis ça comme ça? Je vous donne la réponse. Elle a été faite en 1979. Là, on le corrige. Ce n'est pas moi qui...

M. Claveau: Ce n'est pas ça que je vous ai dit. J'ai dit: Qui l'a administrée comme ça pour faire en sorte, par exemple, que si tu n'y avais pas droit après...

Des voix: Ha, ha, hal

M. Claveau: Ne détournez pas mes propos, M. le ministre, parce que vous allez voir qu'on peut s'obstiner longtemps. Ça ne me dérange pas, j'ai du temps en masse. Puis je ne suis pas le genre à me faire charrier non plus sur ce que je dis. J'ai demandé comment ça se fait qu'on ait permis qu'elle soit administrée de cette façon, la loi. Je n'ai pas demandé pourquoi on avait mis ça dans la loi en 1979, mais comment ça se fait, par exemple...

M. Ryan: Oui, mais on a expliqué...

M. Claveau: Vous nous avez dit vous-même... Vous venez de me dire que les détenus de plus de six mois se servaient de ça comme marchandage et disaient: Plutôt que de prendre la libération conditionnelle avec toutes les technicalités que ça a, peut-être que je vais être obligé de passer devant une commission avec deux ou trois commissaires, je m'en vais laisser faire. J'ai 10 mois d'emprisonnement à vivre, il y a quatre de différence. Donc, je vais m'en aller sur les absences temporaires. O.K. Ça, vous l'avez dit La loi disait: 6 mois et moins. Bien, écoute, c'est ça, 6 mois et moins. Si la loi disait 6 mois et moins, comment ça se fait qu'on a permis, dans la gestion de la loi, qu'il se fasse du magasinage pour les 6 mois et plus?

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre voudrait vous expliquer justement.

M. Ryan: M. le Président, j'ai expliqué... Regardez, c'est parce qu'on a discuté ça. La question a été posée il y a une demi-heure. J'ai donné la réponse. J'ai expliqué les problèmes d'encombrement qui ont existé dans les prisons pendant plusieurs années. Ça a été une plaie pendant 10 ans puis qu'on ait pris des décisions contestables objectivement dans son contexte, moi, encore une fois, j'essaie de corriger aujourd'hui, mais je ne condamne pas et je ne fais pas semblant de me scandaliser, parce que, quand on tient compte de tout le contexte, ce n'est pas le genre de réaction qui me paraît justifié. Puis on dit: II y avait des Incongruités, il y avait des illogismes, il y a eu même de l'illégalité. Mais, notre tâche, c'est de corriger ça pour que ça marche convenablement.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava, c'est l'explication...

M. Claveau: À ce moment-là, dans la mesure où ça n'existe plus ces problèmes-là d'encombrement et tout ça, même en gardant la loi actuelle ou les six mois...

M. Ryan: Non...

M. Claveau: ...juste sur une question sur le principe, il ne peut plus s'en faire de magasinage non plus. Mais le ministre dit: On change ça parce que ça va empêcher le magasinage entre la libération conditionnelle et la libération temporaire. Il a juste à appliquer la loi comme elle est là aujourd'hui et il ne s'en fera pas de magasinage.

M. Ryan: Non. Si ce n'était pas clair... La période de trois à six mois, c'est important qu'on clarifie ça parce qu'on peut aider à préparer des gens de manière que, quand ils vont arriver à la libération conditionnelle, au Heu de se cabrer et dire: Non, ils vont dire: Oui, j'ai hâte à ça parce que ça va être l'étape qui va me permettre de compléter ma réinsertion. Je pense qu'il faut penser à ça.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: O.K. On va prendre un cas bien précis, sans donner de nom, où une personne est incarcérée. Elle a le droit à des absences temporaires - mettons une peine de 18 mois - et lorsque arrive le moment du tiers de sa peine, à ce moment-là, elle peut faire sa demande de libération conditionnelle. Supposons que cette demande-là lui soit refusée. Alors, ça veut dire, parce qu'on sait qu'il y a 51 %, vous nous avez dit, je pense, des cas qui sont acceptés, ou c'est dans les chiffres du ministre... M. Ryan: C'est ça.

M. Claveau: Ça veut dire que s'il y en a 51 % d'acceptées sur l'ensemble des demandes de libération conditionnelle - je suppose que la moyenne devra rester à peu près la même, je ne vois pas pourquoi la loi changerait les pourcentages - ça veut dire qu'il y a des gens qui sont admissibles aux absences temporaires, mais qui n'ont pas été admissibles aux libérations conditionnelles... qui ont été refusés, dont les libérations conditionnelles ont été refusées.

M. Ryan: S'ils ont été refusés pour la libération conditionnelle, d'après ce que je comprends, ils ne pourront pas être admissibles pour une absence temporaire après ça.

M. Claveau: Non, mais je veux dire que, s'ils étaient admissibles avant à l'absence temporaire et qu'on leur refuse la libération conditionnelle, ça veut dire qu'ils n'auront plus le droit à l'absence temporaire non plus.

M. Ryan: C'est ça, sauf pour des motifs médicaux et humanitaires.

M. Claveau: Oui. Si d'un côté, par exemple, on dit: Oui, on leur donne des absences temporaires, donc, on suppose que c'est quelqu'un qui a des chances de se réinsérer socialement parlant, pour le moins, et que, d'un autre côté, on dit non à une libération conditionnelle après coup, parce que j'imagine que les libérations conditionnelles ne sont pas données... - on est un peu plus suspect ou, enfin, on scrute plus à la loupe les dossiers - j'essaie de voir la logique dans tout ça.

M. Ryan: Peut-être qu'on pourra demander à Mme Collette de nous donner quelques mots d'explication sur le processus de la libération conditionnelle. L'absence temporaire, on l'a expliquée en masse. On ne peut pas répéter les choses 25 fois, mais une libération conditionnelle, je pense qu'il serait bon qu'on explique comment ça se produit.

M. Claveau: Oui, mais je voudrais juste, juste, juste savoir une affaire avant...

M. Ryan: Très bien.

M. Claveau: ...et ça va me faire plaisir après d'avoir les explications.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava, oui.

M. Claveau: C'est que si tous les détenus de plus de six mois qui auront droit, supposément, à

une libération conditionnelle au tiers de leur peine sont admissibles aux absences temporaires dans la mesure où on leur accorde des absences temporaires, si on suit la logique du système, ça veut dire qu'ils auraient droit presque automatiquement à une libération conditionnelle.

M. Ryan: Ce n'est pas la même chose.

M. Claveau: Bien, ce n'est pas la même chose...

M. Ryan: Ce n'est pas la même chose du tout.

M. Claveau: ...mais disons qu'on leur permet de sortir, on leur permet de se recycler, on leur permet toutes sortes de choses.

M. Ryan: Non. Là, ce n'est pas la même chose du tout.

M. Claveau: II y a un genre de préjugé favorable qui s'établit envers la libération conditionnelle.

M. Ryan: J'espère que ça prépare à ça, c'est notre but, mais il n'y a pas de lien automatique et peut-être que Mme Collette pourrait expliquer, encore une fois, qu'est-ce qui arrive, comment est-ce qu'on arrive à la libération conditionnelle et comment ils traitent ces cas-là.

Le Président (M. Gauvin): Mme Collette, si vous voulez ajouter à l'information.

Mme Collette (Renée): D'abord, les gens ne font pas de demande. Toutes les personnes qui ont six mois et plus de sentence sont admissibles de façon statutaire ou de façon légitime prévue par la loi. Donc, à moins qu'ils ne se désistent par écrit, ils vont être rencontrés par la Commission. Ils ne font pas de demande comme telle et il y a un taux de désistement, à l'heure actuelle, d'à peu près 16 % à cause de ce dont M. Ryan parlait, du magasinage, à un moment donné.

M. Claveau: Des gens qui se désistent. (11 heures)

Mme Collette: Bien oui, parce que ça devient... La libération conditionnelle, quand on l'accorde, elle va jusqu'au trois tiers de la sentence. À cause du programme de remise de peine qui existe et qui est légal, la peine finit aux deux tiers. Donc, le choix, actuellement, en vertu du magasinage qui se fait, pour certains détenus c'est de renoncer à la libération conditionnelle. C'est un point que je voulais juste apporter.

L'objectif de la gestion de la sentence et la philosophie de la libération conditionnelle, c'est de favoriser la réinsertion de la personne incarcérée dans la société à moins qu'elle ne présente un préjudice grave de risque pour la société. Donc, au moment où nous, on fait l'examen en libération conditionnelle, on souhaite pouvoir avoir des projets de sortie qui se tiennent debout et on souhaite pouvoir être capables de dire oui, mais on a aussi l'obligation de dire non, si les projets de sortie n'ont pas d'allure ou si la personne ne s'est pas reprise en main. Les critères qui prévalent à l'étude de la libération conditionnelle, à l'examen en vue d'une libération conditionnelle, ils sont dans la loi et ce sont les mêmes critères que pour l'absence temporaire. On étudie les mêmes choses. On regarde les mêmes choses. Il y a une notion de complémentarité et de progressivité dans la réinsertion sociale, qui est là.

Je pourrais peut-être ajouter aussi que la possibilité de sortir, elle existe, elle est déjà prévue dans les lois existantes au Canada, même à partir du sixième. La façon dont on le fait au Québec, c'est en séparant le pouvoir discrétionnaire entre les absences temporaires et la libération conditionnelle. On n'invente pas quelque chose de nouveau, ça existe déjà.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, mais ça ne répond pas à mon propos. Je m'en excuse, mais ce n'est pas dans ce sens que je voulais faire mon intervention. Je n'ai peut-être pas été assez clair. Je vais essayer de l'être plus. Un individu qui a une peine d'emprisonnement de 24 mois à purger est admissible au programme d'absence temporaire, selon la nouvelle loi, après 4 mois d'emprisonnement au sixième de sa peine, et est admissible à la libération conditionnelle au tiers de sa peine, donc, après 8 mois. Ça, ça veut dire qu'après 4 mois d'emprisonnement il peut participer à des programmes de réinsertion sociale, sortir pour aller suivre des cours et se spécialiser, et un paquet de choses, et faire, je ne sais pas moi, un cours de mécanique, de chauffeur de "bulldozer", n'importe quoi. O.K.? Entre 4 et 8 mois.

Si on lui accorde ça, on présuppose qu'il va nécessairement avoir sa libération conditionnelle au huitième mois. Sinon, où serait la logique? C'est qu'on lui donne une formation, on lui permet de sortir sur la base du programme de libération conditionnelle, entre le quatrième et le huitième mois, et, rendu au huitième mois, on lui refuse sa libération conditionnelle, et là on le plante en dedans entre les murs et il ne peut plus sortir du tout parce qu'il n'a plus droit au programme d'absence temporaire, jusqu'au 24e mois ou jusqu'au 20e mois, selon un programme de remise de peine ou quelque chose de semblable.

Il n'y a plus de logique dans le système, là. Si on lui permet une absence temporaire entre le quatrième et le huitième mois pour des raisons

de réinsertion sociale, on ne peut pas imaginer qu'on va lui refuser, au huitième mois, la libération conditionnelle. Donc, à ce moment-là, comme ils sont tous admissibles, en principe, au programme d'absence temporaire, ça veut dire que la libération conditionnelle devient presque automatique pour toutes les sentences de six mois et plus. À moins de ça, il n'y a plus de logique dans le système.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, oui.

M. Ryan: Ce que la Commission des libérations conditionnelles est autorisée à faire, elle va définir les conditions dans lesquelles une libération conditionnelle sera accordée. Elle peut dire: Oui, on accorde une libération conditionnelle moyennant telle, telle, telle condition. Ça, la présidente pourrait peut-être élaborer.

M. Claveau: Les mêmes conditions s'appliquent aux absences temporaires, si c'est pour fins de réinsertion sociale.

M. Ryan: II y en a des conditions pour les absences temporaires également. Il y en a. Ça dépend de chaque dossier, ça. Encore une fois, l'absence temporaire ne sera pas donnée à tout le monde. C'est la prérogative de la direction de l'établissement. Ce n'est pas un droit strict, ça, c'est un privilège.

M. Claveau: Oui, mais...

M. Ryan: La libération conditionnelle est un privilège également qui est accordé après examen et moyennant bonne conduite, moyennant une garantie raisonnable de conduite responsable. Évidemment, le dossier du détenu, pendant la période prélibération conditionnelle, va être un facteur souvent déterminant, j'Imagine, dans l'examen que vous faites du dossier. Si la personne s'est bien comportée en absence temporaire, pendant une période de quatre à huit mois, il y a des grosses chances que la décision lui soit favorable.

On voit qu'on est loin du laxisme sur le système actuel, parce qu'il y a 51 % des dossiers qui donnent lieu à une décision favorable. Et, dans plusieurs cas, vous avez plus d'une décision dans une année. On regarde le cas de nouveau, c'est une réalité qui évolue continuellement, ça. Et...

Le Président (M. Gauvin): M. le député... M. le ministre, oui.

M. Ryan: Non, c'est correct pour l'instant. Je pense qu'on a...

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président. À ce moment-là, pour qu'il y ait un minimum de logique dans le système, il me semble que, dans tous les cas de six mois et plus de sentence, ça devrait se faire... Au quatrième mois, on devrait avoir au moins l'avis de la Commission des libérations conditionnelles sur l'individu, de façon à savoir vers où ça s'oriente pour un suivi. Sinon, on prend le même individu et on le fait passer par trois stades différents: d'abord, on le met en prison; les quatre premiers mois, on dit: Tu ne peux pas sortir; les quatre mois qui suivent après, on dit: Tu peux sortir; et après ça, le restant de la sentence: Tu peux sortir ou tu ne peux pas sortir. Si tu ne peux pas sortir, tu es obligé de revenir en dedans. Il faut qu'il y ait une continuité quelque part et if me semble qu'à ce moment-là - surtout que là on va avoir des commissaires en masse, on s'est voté 12 commissaires à la Commission des libérations conditionnelles, on devrait avoir plus de monde - on peut imaginer que dans le cas de tous les détenus ayant des sentences de six mois et plus, de façon à éviter ou à minimiser les risques d'incongruité dans le suivi de leur dossier, à ce moment-là qu'on puisse leur donner des absences temporaires, mais à partir d'un avis de la Commission des libérations conditionnelles.

Le Président (M. Gcuvin): Suite à ces informations, M. le député d'Ungava, est-ce que vous êtes prêt à adopter l'article 14?

M. Claveau: On n'a pas eu de réponse à la fin pour savoir si c'était... Il y a quelque chose de pas logique dans le fonctionnement de ça.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, est-ce qu'on a de l'information à ajouter?

M. Ryan: On a pas mal donné toute l'information qui est raisonnablement disponible. Si vous voulez proposer qu'on modifie le système et que la Commission des libérations conditionnelles commence à intervenir au troisième ou au quatrième mois, d'abord ce n'est pas ça qui est la proposition gouvernementale du tout. On peut le discuter, je suis prêt...

M. Claveau: On reviendra dans deux ans pour légaliser une situation de fait qui va s'être créée à partir de la gestion de cette loi-là.

M. Ryan: Je ne crois pas que ce sera l'Intérêt du gouvernement de faire intervenir un mécanisme comme la Commission des libérations conditionnelles prématurément. Il faut qu'un certain délai soit écoulé, qu'on ait connu la personne concernée, accumulé certaines données sur elle et après ça il pourra y avoir un jugement plus éclairé. Ça demande un petit peu de maturation sous le régime de la détention avant qu'on passe à la Commission des libérations

conditionnelles. En tout cas, il n'est pas du tout question de ça dans le projet de loi.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava, oui.

M. Claveau: Ce qui arrive aussi là-dedans, c'est que dans le fond, à partir du huitième mois, à partir de l'admissibilité à la libération conditionnelle, si la Commission dit non, il n'y a pas de libération conditionnelle, donc il n'y a pas d'absence temporaire non plus. On s'entend bien, là. Donc, c'est une façon aussi pour la Commission des libérations conditionnelles de gérer le programme d'absences temporaires dans la mesure où elle dit: C'est fini, tu n'en as plus. À ce moment-là, qu'on mette la gestion des absences temporaires entre les mains de la Commission des libérations conditionnelles dès le début, ça pourrait être une alternative aussi.

M. Ryan: Bien non, ce serait parfaitement ridicule et Irresponsable.

M. Claveau: Bien, pas plus ridicule que de passer...

M. Ryan: La personne qui arrive en prison, vous allez l'obliger de parader devant un comité de trois, quatre ou cinq personnes continuellement à partir du premier jour de la détention. C'est parfaitement irresponsable. Mathématiquement, savez-vous combien il y a de personnes qui passent dans nos prisons dans une année? Il y en a 50 000 en tout.

M. Carrier: 50 000 admissions.

M. Ryan: Vous voudriez tout faire passer ça par la Commission des libérations conditionnelles chaque fois qu'il va s'agir d'une sortie? Pardon? C'est ridicule.

Le Président (M. Gauvin): On me demande une suspension de quelques minutes.

M. Ryan: Pour aller faire vos calculs? Volontiers.

M. Claveau: Je suis d'accord.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava, vous demandez la suspension?

M. Claveau: Je demande une suspension des travaux pour quelques minutes.

Le Président (M. Gauvin): Nous allons suspendre pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 9)

(Reprise à 11 h 15)

Le Président (M. Gauvin): La commission reprend ses travaux. M. le ministre, oui.

M. Ryan: Vous avez raison, on ne s'en va pas avec des certitudes complètes. On s'en va avec des certitudes probables et il y aura lieu de revenir là-dessus éventuellement. On parlait tantôt de la possibilité que la commission, si elle s'intéresse vraiment au sujet, tienne des séances spéciales et s'accorde un mandat d'initiative pour examiner tout ce problème des mises en liberté temporaires et des libérations conditionnelles. On ne demande pas mieux nous autres. Je pense que nous profitons d'un contexte spécial pour essayer de clarifier ça. C'est qu'il n'y a pas de chicane entre les deux services. Ils s'entendent bien, ils collaborent ensemble, ils ont des philosophies qui sont convergentes au lieu d'être divergentes. C'est peut-être le temps d'essayer ae clarifier des champs d'intervention et de compétence de chacun.

Une voix:...

M. Ryan: Oui, c'est ça. Merci, M. Grenier. Revenez, hein!

Le Président (M. Gauvin): Donc, j'appelle l'article 14. Si vous me permettez on va donner quelques secondes au député d'Ungava pour vérifier sa position. O.K. Est-ce que les membres de cette commission sont en mesure d'adopter l'article 14? M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Sur division.

Le Président (M. Gauvin): Sur division.

L'article 14 est adopté sur division. J'appelle l'article 15. M. le ministre. L'article 15 est un article qui vient abroger.

M. Ryan: Je pense que ceci c'est une conséquence logique de ce que nous venons de discuter. Il va tomber sous la compétence de la Commission des libérations conditionnelles après avoir purgé le tiers de sa sentence.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que le député d'Ungava est en mesure d'adopter l'article 15?

M. Claveau: Sur division aussi.

Le Président (M. Gauvin): L'article 15, adopté sur division.

M. Claveau: A partir des mêmes principes.

M. Ryan: C'est de valeur, c'est bien de valeur.

M. Claveau: Pardon?

M. Ryan: Mais, au fond, vous pensez comme nous autres.

M. Claveau: II y a des questions dans la gestion, dans la technicalité de tout ça peut-être où on diverge. Mais le principe est intéressant.

M. Ryan: Oui, sur le principe, je pense qu'on va se rejoindre.

M. Claveau: On verra.

Le Président (M. Gauvin): J'appelle l'article 16. M. le ministre.

M. Ryan: II faut que la conversion suive son cours normal.

M. Claveau: On sera peut-être en position d'améliorer ça dans les années qui viennent.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gauvin): J'appelle l'article 16.

M. Ryan: On avait une clause, là. L'article actuel dit: "Malgré l'article 22.1 le directeur général peut..." On enlève ces mots-là: "Malgré l'article 22.1" parce qu'avec les changements que nous apportons il n'a plus sa raison d'être.

M. Claveau: Le directeur général peut.

M. Ryan: C'est ça. C'est une modification de pure concordance.

Le Président (M. Gauvin): Ça, c'est à l'article 16.1?

M. Claveau: C'est l'article 16.

Le Président (M. Gauvin): C'est à l'article 16, excusez.

M. Ryan: Oui, c'est l'article 16, excusez. Puis à l'autre on remplace l'article 22.2 par l'article 22.3.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que l'article 16 est adopté?

M. Claveau: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): Adopté.

M. Claveau: Les motifs humanitaires, on est pour ça.

Le Président (M. Gauvin): Vous aviez de part et d'autre présenté des amendements possibles, c'est-à-dire introduire un article 16.1. C'est ce que nous avons compris. Si vous me permettez, nous allons présenter l'amendement présenté par le député d'Ungava en premier pour être conséquents, c'est-à-dire pour avoir un meilleur suivi. Je sais que M. le ministre avait l'intention aussi d'apporter un amendement dont nous avons pris connaissance. Si les membres de la commission sont d'accord, j'aimerais lire l'amendement qui a été présenté par le député d'Ungava. Vous permettez que je le lise? M. le ministre, vous êtes d'accord pour qu'on procède de cette façon? L'amendement présenté par le député d'Ungava, comme je vous le mentionnais, se lit comme suit: Le projet de loi 147 est modifié par l'Insertion, après l'article 16, de l'article suivant: L'article 22.6 de cette loi est modifié par l'adoption, à la fin, de l'alinéa suivant...

M. Claveau: L'addition, M. le Président, et non pas l'adoption.

Le Président (M. Gauvin): L'addition, excusez-moi, merci de me corriger. Vous avez raison. Et je reprends: "Avant de rendre sa décision, le directeur général doit également donner au juge qui a imposé la peine d'emprisonnement l'occasion de lui faire les représentations qu'il juge appropriées." M. le député d'Ungava, est-ce que vous voulez commenter davantage votre proposition d'amendement?

M. Claveau: Oui, si vous me permettez, M. le Président, quelques minutes. C'est dans le sens de ce que j'argumentais tout à l'heure quant à la responsabilisation de celui qui donne la peine dans la gestion de cette peine-là. C'est qu'il me semble que, tout en maintenant une saine division des responsabilités ou des compétences administratives et légales de chacune des parties, il n'en demeure pas moins que je pense qu'il va falloir tranquillement aller vers une intégration au niveau de la pensée ou finalement au niveau des préoccupations des différents intervenants sur un cas en particulier. Chaque fois, par exemple, qu'on traite le cas d'un prisonnier, eh bien, à ce moment-là, la personne qui a à traiter son cas et la personne qui a donné la peine doivent - je pense que c'est normal dans le nouveau contexte et la nouvelle philosophie qu'on a - s'entendre au minimum sur certaines bases communes. Et je pense que malgré ce qu'on nous dit du Conseil de la magistrature et malgré ce que pensent 87 % des juges - je ne sais trop, les chiffres que nous donnait le ministre tout à l'heure - il n'en reste pas moins qu'il me semble que, dans le cas où un juge donne une sentence, il a sûrement de bonnes raisons pour donner cette sentence-là et, dans le cas où cette sentence-là est gérée par un directeur qui, lui aussi, a sûrement de bonnes raisons pour établir ses mécaniques de gestion et appliquer au mieux

de sa connaissance la loi qui encadre ses activités, eh bien, il est normal qu'il y ait un terrain d'entente ou des possibilités d'entente, des possibilités d'échange entre le juge et le directeur. C'est ce qu'on propose là. Quand il sera question de donner une absence temporaire à un cas qui peut être plus ou moins lourd, eh bien, à ce moment-là, il faudra que ça se fasse après avoir au moins permis au juge de s'exprimer, de lui avoir donné l'occasion de donner son point de vue. Il nous semble que c'est normal.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, oui.

M. Ryan: Je dois vous prévenir que cet amendement est inacceptable à mes yeux, pas irrecevable. Il est recevable, mais il est inacceptable pour deux raisons. Tout d'abord, parce qu'il est en contradiction avec la philosophie que j'ai exposée tantôt, qui découle de notre Code criminel. C'est ça que notre Code criminel nous amène à faire. Il faudrait modifier tout le Code criminel pour faire ce que le député propose. On n'a pas le pouvoir de le faire et on n'a pas non plus l'intention ni l'intérêt.

Deuxièmement, au strict plan pratique, ce serait une chose impossible. Savez-vous combien il y a de décisions qui ont été rendues, la dernière année, touchant des absences temporaires? Il y en a eu 62 000 qui ont affecté à peu près 13 500 détenus.

M. Carrier: 13 973.

M. Ryan: 13 973 détenus. S'il fallait que le directeur de l'établissement soit obligé d'avoir une conversation avec le juge qui a imposé la sentence avant de rendre ces décisions-là, on serait obligés de mettre sur pied une nouvelle bureaucratie qui n'aurait pas d'allure. Même si c'était très bon, ce ne serait pas gérable.

Une voix: Les juges n'en voudraient pas non plus.

M. Ryan: Je pense que c'est incompatible avec la fonction judiciaire, pour être franc. Une fois que le juge a rendu sa sentence... Je vais prendre rien qu'un exemple. Il peut arriver que la personne soit incarcérée et qu'il y ait des procédures de toutes sortes qui soient engagées par la suite, qu'elle reste en prison et tout. Va-t-on ramener le magistrat dans le dossier? C'est impensable, pour moi.

Le Président (M. Gauvin): M le député d'Ungava.

M. Claveau: D'abord, les sentences dont il a été question, là, ça n'a pas tout été donné par le même juge. Il y a quand même plusieurs juges qui interviennent là-dedans. Quoiqu'on dise que la loi dit que le directeur général peut, c'est le directeur général au sens de la définition légale. Quand on dit: Le ministre peut et le ministre doit, ce n'est pas nécessairement le ministre lui-même qui le fait. On saft très bien comment ça se passe. C'est la même chose au niveau du directeur général. Il y a des responsables de chacun des établissements, il y a des comités, il y a toutes sortes de choses. Les téléphones, ça existe. Les fax, ça existe. Les juges ne travaillent pas tout seuls non plus; ils ont du personnel. Je veux dire, qu'on donne la chance, un coup de téléphone pour dire: J'ai tel dossier, j'ai tel cas entre les mains, M. le juge, qu'est-ce que vous en pensez? Aimerlez-vous nous donner votre point de vue là-dessus?

Écoutez, ce n'est pas une question de haute bureaucratie. On ne demande pas de rapport écrit, mais on dit que le juge devrait avoir l'occasion, on devrait lui donner l'opportunité de donner son point de vue sur certains cas, pour le moins, qui sont peut-être des cas lourds ou difficiles. Il peut y avoir un détenu... Si c'est la cinquième fois qu'il est emprisonné, il ne sera peut-être pas toujours dans la même prison et II n'aura peut-être pas toujours affaire au même directeur de prison, mais il y a un dossier qui le suit quelque part. Il peut arriver aussi que quelqu'un soit emprisonné pour une peine très légère ou ait été pris sur le fait, la main dans le sac, comme on dit, pour une offense très mineure qui lui donne une petite peine, mais la même personne peut, en même temps, être déjà sous enquête pour une chose beaucoup plus importante, mais pour laquelle on ne peut pas la condamner parce que ce n'est pas pour ça qu'on l'a coincée la main dans le sac au moment où on l'a poignée. Quand il y a des doutes ou, enfin, des raisons de croire, comme on dit - comme on va l'utiliser plus tard, d'ailleurs, dans un autre article - qu'un individu peut avoir un cas plus compliqué que ça semble l'être au départ ou à première vue; à ce moment-là, moi, il me semble que, sans chambarder tout le système judiciaire, il pourrait être au moins prévu que le juge qui l'a condamné ait l'occasion d'exprimer un point de vue tout à fait personnel sur le cas.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre. Est-ce que les membres de la commission sont en mesure de se prononcer sur cet amendement-là? M. le député d'Ungava. Dans une situation comme celle-là, on appelle le vote. Vote enregistré, oui. M. le secrétaire, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: M. Claveau (Ungava)? M. Claveau: Pour.

Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil)? M. Ryan: Contre

Le Secrétaire: M. Gautrin (Verdun)?

M. Gautrin: Contre.

Le Secrétaire: M. Hamel (Sherbrooke)?

M. Hamel: Contre.

Le Secrétaire: M. Gauvin?

Le Président (M. Gauvin): Je m'abstiens.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Secrétaire: Alors, un pour, trois contre, une abstention.

Le Président (M. Gauvin): L'amendement est rejeté. À ce moment-ci, j'inviterais M. le ministre peut-être à présenter sa proposition d'amendement à l'article 16. 1. C'est-à-dire de présenter un article 16. 1.

M. Ryan: Avec votre permission, je demanderais à M. Saint-Laurent d'expliquer cet amendement et peut-être en même temps de nous rappeler que nous avions laissé l'article 2 en suspens, à propos duquel un lien peut être établi ici.

Le Président (M. Gauvin): Donc on va inviter M. Saint-Laurent à nous expliquer le but de cet amendement.

M. Saint-Laurent (Jacques): Merci, M. le Président. Effectivement, l'amendement proposé à l'article 16. 1 et l'amendement proposé à l'article 2. 1 qui avait été suspendu ont le même objet. Il s'agit, par mesure de cohérence avec d'autres dispositions dans la loi, de s'assurer que le refus d'accorder l'absence temporaire fait déjà l'objet d'une possibilité d'appel à la Commission québécoise des libérations conditionnelles. La façon avec laquelle on avait introduit la modification jusqu'à maintenant, lorsqu'il s'agissait de révoquer une absence temporaire, il n'y avait pas de droit d'appel prévu de cette décision-là à la Commission québécoise des libérations conditionnelles. (11 h 30)

Alors, il s'agit d'avoir la même mécanique dans les deux situations; que ce soit au niveau du refus d'accorder l'absence temporaire ou au niveau de la révocation d'une absence temporaire, il s'agit de s'assurer que les droits des détenus soient les mêmes, qu'ils aient, dans les deux cas, la possibilité d'en appeler à la Commission québécoise des libérations conditionnelles. C'est pour cette raison-là qu'à l'article 40 de la loi sur les libérations conditionnelles on ajoute le droit d'appel en référant à l'article 22. 14. 1. C'est pour cette raison-là qu'on vient modifier également l'article 22. 12 de la Loi sur la proba- tion et sur les établissements de détention pour ajouter une référence à 22. 14. 1. Alors, c'est...

M. Ryan: II y a juste une difficulté, c'est que l'article 22. 14. 1, on ne l'a pas adopté encore.

Une voix: Non, c'est ça.

M. Ryan: On va y venir un petit peu plus tard. Peut-être qu'on est aussi bien de reporter ceci, après qu'on aura adopté l'article 22. 14. 1, à moins que le député d'Ungava veuille l'adopter tout de suite.

Le Président (M. Gauvin): Donc, M. le député d'Ungava, la proposition de M. le ministre, c'est de suspendre l'amendement présenté pour en faire un article 16. 1, après avoir adopté l'article 22. 14.

M. Claveau: O. K. Et on ramènera l'article 2. 1 aussi, à ce moment-là.

M. Ryan: C'est ça.

Le Président (M. Gauvin): Donc, l'amendement présenté est suspendu. On passe à l'article 17, M. le ministre. J'avais cru comprendre, M. le ministre, que vous avisz l'intention de présenter un amendement à l'article 17.

M. Ryan: C'est exact, M. le Président. C'est exact. Il s'agirait de remplacer l'article 17 du projet de loi par l'article suivant. Alors, 17... Voulez-vous en donner lecture, M. le Président?

Le Président (M. Gauvin): Je peux le faire, à votre demande.

Article 17. L'article 22. 13 de cette loi est remplacé par le suivant: "Le directeur général peut, pour des raisons médicales, aux conditions qu'il détermine, autoriser une personne incarcérée à s'absenter temporairement de l'établissement de détention, quelle que soit la durée de son emprisonnement et même si elle n'est pas admissible à l'absence temporaire visée à l'article 22. 2. " M. le ministre.

M. Claveau: Ça, M. le ministre... M. Ryan: Pardon?

Le Président (M. Gauvin): C'est-à-dire que M. le ministre est après tenter d'évaluer, de comparer les deux.

M. Ryan: Ce qu'il conviendrait de faire, c'est de lire l'article actuel, de voir la différence exacte. Voulez-vous? Je vais lire l'article actuel. On va voir la différence exacte ensemble.

On disait: "Malgré l'article 22. 1 - là, on n'en a plus besoin - le directeur général peut, pour des raisons médicales, aux conditions qu'il

détermine, autoriser une personne incarcérée à s'absenter temporairement de l'établissement de détention, quelle que soit la durée de son emprisonnement et même si elle n'est pas admissible à l'absence temporaire visée à l'article 22. 2. " On disait: Même si la condition de l'article 22. 3 n'est pas respectée. Là, il dit: On se réfère au nouveau texte qu'on va avoir, "même si elle n'est pas admissible à l'absence temporaire visée à l'article 22. 2".

M. Claveau: Dans le fond, c'est exactement la même formulation, excepté à partir du "même si".

M. Ryan: C'est ça. C'est de la concordance. Et il y a une petite faute de français qui a été corrigée.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que l'amendement, tel que présenté par M. le ministre, est adopté?

M. Claveau: Vous parlez d'une faute de français corrigée.

M. Ryan: "Quelle que soit" était écrit avec une apostrophe; c'était avant le ministre actuel de la Charte de la langue française, évidemment.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gauvin): J'aimerais préciser que l'amendement, tel que présenté par M. le ministre, vient corriger l'article 17, a pour but de corriger l'article 17. Est-ce que c'est adopté, cet amendement?

M. Claveau: C'est adopté.

Le Président (M. Gauvin): Adopté. L'article 17, tel qu'amendé, est-il adopté? Adopté?

M. Ryan: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): J'appelle l'article 18, M. le ministre.

M. Ryan: II y a un amendement, encore, ici.

Le Président (M. Gauvin): Oui, vous avez raison. Vous nous aviez indiqué que vous aviez l'intention de présenter un amendement. Est-ce que je peux le lire?

M. Ryan: Oui, s'il vous plaît.

Le Président (M. Gauvin): 1° ajouter, à la fin de l'article 22. 14, l'alinéa suivant: "La personne incarcérée doit être informée par écrit, dans les meilleurs délais, des motifs de cette révocation. " 2° ajouter, à la fin du paragraphe 22. 14. 1, l'alinéa suivant: "La personne incarcérée a le droit, si elle en fait la demande, d'être entendue avant que le directeur général ne rende sa décision. "

M. Ryan: Nous avons clarifié les pouvoirs du directeur de l'établissement et les droits du détenu en matière de révocation d'une absence temporaire. On dit que le directeur général... D'abord, je reviens au fond de l'article pour mieux comprendre l'amendement. L'article que nous proposons est: "Le directeur générai peut, s'il a un motif raisonnable de croire que la personne incarcérée a violé une condition de son absence temporaire ou qu'il est nécessaire d'Intervenir pour prévenir une telle violation, révoquer l'absence temporaire et aviser la personne qu'elle doit réintégrer l'établissement de détention dans le délai qu'il détermine. "

Là, on ajouterait un alinéa ici et c'est l'essence de l'amendement: "La personne incarcérée doit être Informée par écrit, dans les meilleurs délais, des motifs de cette révocation. " Et, plus loin, je vais expliquer l'autre partie de l'amendement proposé. Dans l'autre, on dit qu'une fois qu'il a pris sa décision de révoquer l'absence temporaire "le directeur général doit réexaminer les faits dans les meilleurs délais et peut maintenir sa décision de révoquer l'absence [... ] ou réviser sa décision et annuler la révocation. " Puis, là, on dit: "La personne incarcérée - c'est le sens de l'ajout que nous proposons - a le droit, si elle en fait la demande, d'être entendue avant que le directeur général ne rende sa décision. "

Alors, dans les deux cas, on précise les droits du détenu. Dans le premier cas, il a droit d'être informé par écrit des motifs de la révocation. Puis, deuxièmement, en cas de révision, il a droit d'être entendu. Au moment de la révision, il a le droit d'être entendu.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que l'amendement à l'article 18 est adopté? M. le député d'Ungava.

M. Claveau: II n'y a pas de problème avec ça.

Le Président (M. Gauvin): L'amendement à l'article 18 étant adopté, est-ce que l'article 18, tel qu'amendé, est adopté? L'article 18, monsieur...

M. Claveau: Oui. Dans l'article 18, comme tel, la modification à l'article 22. 14, dans le fond, il y a une inversion, une espèce d'Inversion de la notion, si vous vouiez. Là, on dit dans le nouvel article. Le directeur général peut, s'il a des motifs raisonnable de croire, etc. On définit le fait que le directeur général peut prévoir qu'il y a eu violation ou peut déterminer qu'il y a eu une violation et que cette violation amène

un certain nombre de restrictions, alors que, dans l'article original, dans 22.14, on disait, on affirmait que la violation d'une condition ou d'une absence temporaire impose un retour immédiat du détenu à l'établissement de détention ou l'application de mesures appropriées pour le ramener à cet établissement. Dès que l'administrateur en est informé, il doit en aviser le directeur général qui indique la nature de la sanction à prendre.

Il y a une espèce d'inversion de la notion. Dans le texte de départ, lé premier texte qu'on avait, il était innocent jusqu'à preuve du contraire. Si on pensait qu'il avait fait une violation, on le ramenait. Mais, là, c'était le directeur qui, après, prenait les mesures de sanction nécessaires après avoir étudié le cas. Là, on ne présume plus de son innocence. On dit, finalement: Le directeur le présume coupable jusqu'à ce qu'il ait eu la chance de... Là, il devient coupable jusqu'à preuve du contraire.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Ryan: Regardez, c'est parce que, là, on peut se trouver en face d'une Infinité de situations. À supposer que le directeur soit informé que le détenu qui est en absence temporaire a eu des contacts avec des anciens complices de crimes, par exemple, ou que d'autres renseignements lui ont été apportés indiquant qu'il s'en va vers une violation ou qu'il va être placé dans une situation où il peut récidiver, à ce moment-là, il a le pouvoir de le rappeler et de lui dire: Tu vas revenir. Il va l'informer. Il va lui dire: Tu as été vu à tel restaurant, à tel endroit, puis c'est de nature à te ramener dans le sentier du crime. Ça lui donne plus de latitude, à ce moment-là, et je pense que c'est important. Ce n'est pas un drort, encore une fois, c'est un privilège qu'il a d'avoir une absence temporaire moyennant bonne conduite, et garantie raisonnable de bonne conduite aussi.

M. Carrier: II est toujours considéré comme détenu.

M. Ryan: Oui, c'est ça. C'est toujours un détenu; il ne faut pas oublier ça. Et, d'autre part, il a le droit d'être informé des motifs de cette décision et II va les recevoir par écrit, ce qui n'était pas prévu sous le régime actuel. Après avoir pris la décision...

Moi, je m'imagine que, comme directeur d'établissement, je reçois un appel. Il peut même arriver que la police, faisant de l'écoute électronique à propos d'un autre cas, apprenne que celui-là a été mêlé à des contacts qu'on ne connaît pas, qu'il y ait une information qui soit communiquée, à ce moment-là: Viens-t-en. Et il va être informé par écrit qu'on a eu des raisons de croire ceci. Deuxièmement, le directeur est obligé, ayant agi vite, de réviser sa décision, de la réexaminer et, là, le détenu a le droit d'être entendu et de fournir ses explications. Je trouve que c'est une amélioration sensible. Ça peut devenir plus exigeant pour un détenu qui a des arrière-pensées ou des penchants vers la récidive.

M. Claveau: Mais ça augmente les capacités ou les pouvoirs du directeur. Ça augmente les pouvoirs du directeur dans son interprétation du comportement du détenu.

M. Ryan: Mais là c'était bien large, la violation d'une condition d'une absence temporaire. Ça allait loin. Et il n'était même pas obligé de rendre des comptes; il n'avait qu'à soupçonner que le gars avait tenu une compagnie qu'il n'était pas supposé tenir.

M. Claveau: Oui, c'est ça. On dit: La violation d'une condition. Donc, on doit établir la preuve qu'il y a une condition qui a été violée. Si on définit que la violation de cette condition entraîne un certain nombre de choses, donc il faut qu'il y ait une définition, il faut avoir établi la preuve qu'il y a une condition qui a été violée, alors que, dans le nouvel article, on dit: À partir du moment où il y a des raisons raisonnables de croire qu'il pourrait y avoir peut-être une condition qui aurait éventuellement été violée, eh bien, là, j'ai le droit de t'enlever ton privilège et non pas ton droit, qui est l'absence temporaire.

Il n'y a plus de définition de la nécessité d'identifier ou de prouver qu'il y a violation effective d'une condition, alors que, dans la formulation antérieure de 22.14, il y a la notion de la nécessité d'identifier les conditions violées.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Ryan: Sous le régime actuel, le directeur n'a de preuve à faire à personne, sinon à lui-même ou à ses supérieurs. Il dit: II y a eu violation. Viens-t-en. Il impose la rentrée immédiate du détenu, tandis que, là, il y a des conditions plus précises et il va être obligé de fournir des explications écrites au détenu lui-même. On améliore l'affaire considérablement de ce point de vue. Puis, en même temps...

M. Claveau: Dans les circonstances actuelles, au moment où on se parle...

M. Ryan: ...il faut absolument laisser au directeur une liberté de manoeuvre très grande parce qu'il peut être pris avec un cas à minuit du soir.

M. Carrier: II doit agir rapidement.

M. Ryan: Oui, oui. il faut qu'il agisse immédiatement.

M. Carrier:... les cas de drogue dans les maisons de transition, il faut agir rapidement.

M. Ryan: M. Carrier me souligne, disons, des cas de drogue dans des maisons de transition où des détenus vont se retrouver. Ils ne reviennent pas nécessairement de l'oratoire Saint-Joseph.

M. Carrier: II faut révoquer rapidement puis, après, lui donner le droit d'être entendu.

Le Président (M. Gauvin): Suite à ces explications, M. le député d'Ungava, est-ce que ça...

M. Claveau: Ils n'ont pas tous le coeur du frère André.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Ce n'est pas toujours de l'huile du frère André.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que ça a éclairé votre questionnement, ce qui nous permettrait d'adopter l'article 18 tel qu'amendé?

M. Claveau: Çava.

M. Ryan: Je vois que l'exemple religieux a tout de suite éclairé notre collègue.

M. Claveau: Oui, çava.

Le Président (M. Gauvin): Adopté. L'article 18, tel qu'amendé, est adopté. J'appelle l'article 19.

M. Claveau: M. le Président, est-ce qu'on pourrait adopter les amendements 2. 1 et 16. 1?

Le Président (M. Gauvin): Oui, c'est ce qu'on tente de faire. Est-ce qu'on revient, M. le ministre? On est prêt à revenir à l'article qu'on avait suspendu, 16. 1.

M. Carrier: D'accord.

M. Ryan: Je pense que les explications ont été fournies tantôt par M. Saint-Laurent; elles valent encore.

Le Président (M. Gauvin): Oui, justement. Donc, l'article 16. 1 va être considéré comme un nouvel article à la suite de l'article 16.

M. Claveau: Les deux amendements en question, dans ma tête, c'est adopté, il n'y a pas de...

M. Ryan: II n'y a pas de problème. (11 h 45)

M. Claveau: On ne discutera pas là-dessus. C'est des concordances de chiffres et de points d'articles.

Le Président (M. Gauvin): Pour clarifier, est-ce que vous me permettez d'en faire la lecture?

M. Claveau: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): L'article 16. 1: L'article 22. 12 de cette loi est modifié par le remplacement, dans la première ligne, de "le cas prévu par l'article 22. 2" par "les cas prévus par les articles 22. 2 et 22. 14. 1". Donc, l'article 16. 1 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): Adopté. M. le ministre, est-ce qu'il est souhaitable qu'on aille à l'article 19? 2. 1. M. le ministre propose l'article 2. 1 qui nous avait été présenté et cet article se lisait comme suit. C'est un projet d'amendement. 2. 1 se lit comme suit, dis-je: L'article 40 de cette loi est modifié par le remplacement, dans la quatrième ligne, de "de l'article 22. 2" par "des articles 22. 2 et 22. 14. 1". Ça va? M. le député d'Ungava, est-ce que...

M. Claveau: L'amendement? On est sur l'amendement?

Le Président (M. Gauvin): L'amendement, oui, à l'article 2. 1.

M. Claveau: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): L'amendement à l'article 2. 1 est adopté. J'appelle l'article 19. M. le ministre, à l'article 19.

Isolement préventif

M. Ryan: À l'article 19, nous avons un amendement qui prévoit de modifier le sous-paragraphe 4° du paragraphe d. 1 remplacé par le suivant... dont vous allez donner lecture.

Le Président (M. Gauvin): Donc, nous allons débattre l'amendement à l'article 19. C'est ce que vous souhaitez?

M. Ryan: Oui, c'est ça. Voulez-vous donner lecture de l'amendement que nous proposons, M. le Président?

Le Président (M. Gauvin): Volontiers. L'amendement tel que présenté par M. le ministre à l'article 19 se lit comme suit: Au paragraphe 1° de l'article 19, il s'agit de remplacer le sous-paragraphe 4° du paragraphe d. 1 par le suivant: "4° préciser les règles de procédure relatives à

l'imposition d'une mesure d'isolement préventif, notamment au droit pour la personne incarcérée d'être entendue et d'être informée par écrit, dans les meilleurs délais, des motifs de cette décision." 2° supprimer, dans les cinquième et sixième lignes du sous-paragraphe 5° du paragraphe d.1, les mots "et d'être représentée devant lui par un avocat ou d'en être assistée". M. le ministre, est-ce que ça semble conforme?

M. Ryan: La lecture est absolument conforme au texte.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava, est-ce que vous êtes...

M. Ryan: M. le Président, me permettez-vous d'expliquer l'amendement pour commencer?

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, oui.

M. Ryan: Peut-être aussi d'expliquer brièvement la portée de l'article 19. L'article 19 a pour objet d'habiliter le gouvernement à définir par voie de règlement les conditions dans lesquelles il peut être recouru à des mesures d'isolement préventif dans le cas de détenus qui sont en possession d'objets qui ne doivent pour aucune considération être en circulation dans des établissements de détention, sauf à des conditions qui doivent être réalisées sous le contrôle immédiat des autorités: les médicaments, par exemple. Je pense que nous comprenons tous qu'il ne doit pas y avoir de trafic de médicaments dans les établissements de détention. Il ne doit pas y avoir davantage de trafic de drogues, à plus forte raison non plus de circulation d'objets qui sont prohibés par la loi.

Alors, l'article 19 du projet de loi vise essentiellement à habiliter le gouvernement à préciser, par règlement, les conditions dans lesquelles les personnes qui s'adonneraient à ces trafics ou à la possession d'objets défendus pourraient être détenues en isolement préventif. Ceci a l'air de durcir la loi mais, en fait, ce n'est pas exactement le cas parce qu'il y a des choses qui se pratiquent déjà. Quand on examine la teneur actuelle du Règlement sur les établissements de détention, il est question de mesures disciplinaires au sens large, mais il n'y a rien de précis qui traite de l'isolement préventif, recours qui est nécessaire dans un établissement de détention, je pense que nous en convenons tous.

Le Protecteur du citoyen, qui suit attentivement le comportement des responsables d'établissements de détention envers les détenus, pour une raison que vous devinerez facilement, M. le Président, parce qu'il y a un bon nombre de détenus qui se plaignent... Il y a bien des détenus qui sont conseillés par des avocats; il y a des avocats qui leur disent: Tu as un recours au Protecteur du citoyen. La direction ne veut rien comprendre, adresse-toi là. Le Protecteur du citoyen reçoit chaque année de nombreuses plaintes. Et, à un moment donné, il a fait des recommandations. J'en ai une qui découle d'un document de travail qu'il avait déjà soumis à la Direction des services correctionnels au mois de juin de cette année. Je vais vous en donner lecture parce que ça fait partie du dossier: "Le Protecteur du citoyen recommande que le Règlement sur les établissements de détention soit modifié dans les meilleurs délais pour régulariser cette pratique administrative qui perdure. Le Protecteur du citoyen recommande au ministère de la Sécurité publique de se doter de mécanismes administratifs qui pourraient lui permettre de procéder, au besoin, à des modifications législatives ou réglementaires sur une base biannuelle. Une telle mesure pourrait permettre au ministère de régulariser, dans des délais plus raisonnables, plusieurs pratiques administratives qui répondent à des besoins de gestion courante."

Évidemment, le Protecteur du citoyen, j'ai énormément de respect pour lui et de sympathie aussi, mais, s'il était législateur, il se rendrait bien compte qu'on ne peut pas avoir des mécanismes de révision biannuelle pour une législation comme celle-ci, même d'aucune autre législation. C'est un rêve vertueux mais qui n'a aucun caractère réaliste, à mon humble point de vue. J'ai toujours été d'avis, moi... J'ai eu des rapports nombreux avec le Protecteur du citoyen et, quand une chose n'est pas possible, je le lui dis immédiatement. Je ne veux pas qu'on traîne les discussions pendant deux ou trois ans de temps. Sur ce point-ci, il n'aura jamais de problème avec moi, ma position est connue à compter de maintenant.

Mais je suis d'accord qu'il faut avoir quelque chose sur l'isolement préventif. Ça ne peut pas être laissé à la discrétion absolue des directeurs d'établissements de détention. Mais, pour faire ça, il faut que le gouvernement soit habilité par la loi à le faire. C'est le but de l'article 19 d'habiliter le gouvernement à définir par règlement un certain nombre d'objets gravitant autour du thème de l'isolement préventif. Inutile de vous dire que nous reviendrons plus tard, dans les meilleurs délais, avec un projet de règlement qui devra faire l'objet d'un examen attentif. C'est le projet de règlement qui va être important. C'est lui qui va ouvrir la porte à des abus possibles ou qui devra faire l'objet de mesures de précaution. Mais, tout ce que nous disons ici, c'est: Nous proposons, par le projet de loi, que le gouvernement soit rendu habile à édicter un règlement devant régir la conduite des responsables d'établissements de détention en matière d'isolement préventif. Et peut-être que ça va être la manière la plus sûre de mettre fin à la pratique du trou que dénonçait le député d'Ungava. Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur des faits dans ce dossier-là. Je

pense que, si on a un règlement qui est bien établi, raisonnable, qui a été l'objet d'un tamisage public avant son adoption, on aura une situation beaucoup plus claire que la situation indéfinie d'aujourd'hui qui, elle, ouvre la porte à l'arbitraire.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président, deux ou trois commentaires. D'abord, si j'ai bien compris le Protecteur du citoyen, il s'agit là, dans la lecture de l'extrait de la lettre que le ministre vient de nous faire, de mesures administratives de toutes sortes nécessaires pour la saine gestion du milieu carcéral. Donc, l'isolement préventif est considéré comme une mesure administrative parmi tant d'autres. Il parlait de mesures administratives. J'ai compris que c'était au pluriel. Donc, il y en a d'autres, des mesures administratives de ce type-là, qui pourraient éventuellement faire l'objet aussi de règlement. J'avais presque envie de dire, avec un sourire ironique, qu'on risque de retrouver un amendement à la loi prochainement pour que la mesure administrative dite de l'annuaire téléphonique devienne aussi encadrée par une structure législative. C'est qu'en réduisant ou en faisant en sorte de... Enfin, je dis ça d'une façon ironique, vous comprendrez, mais je dis ça... C'est qu'on légalise, on encadre, on institutionnalise une pratique qui est considérée, je pense, comme une des pratiques les plus rétrogrades dans le domaine de l'incarcération, qui s'appelle l'isolement préventif, et ça me semble aller à l'en-contre de la philosophie générale de la loi et des grands principes que le ministre nous a énoncés en Chambre lors de son magnifique discours de présentation du projet de loi, où il était plein de grandes notions humanitaires. On en avait tous la larme à l'oeil. Et là, tout à coup, il institutionnalise, il légalise, il encadre dans une pratique et sous le dénominatif de "mesure administrative" un des éléments les plus rébarbatifs, les plus rétrogrades, les plus dénoncés des agissements en milieu carcéral qu'on appelle le "trou", l'isolement préventif. Alors, moi, en tout cas, il y a quelque chose là qui fait comme choquer. Je veux dire, d'un côté, on a le gant de velours et, de l'autre côté, on a la main de fer. Et quand on met les deux ensemble, bien, ça donne le dicton: Une main de fer dans un gant de velours.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Claveau: C'est l'image que j'ai. C'est ça que ça donne.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Vous avez déclenché un rire spontané chez le président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Claveau: On a un extérieur, on veut donner une image extérieure veloutée du type administratif, de l'administration qu'on veut avoir dans notre milieu carcéral et, dans le même souffle, dans le même projet de loi, on introduit, on rend légal ou on rend administrativement acceptable, on institutionnalise une pratique que tout le monde sait qui se fait, qui est dénoncée, qui est considérée comme des plus rétrogrades et alors, au lieu d'essayer peut-être de la modifier ou de l'enlever carrément, de la changer par d'autres mesures éventuellement, bien, là, on l'institutionnalise. Et, malgré les beaux principes, malgré les idées géniales qu'on peut avoir, on peut éventuellement faire des trous en velours, si vous voulez, mais de l'isolement, ça reste de l'isolement. C'est ça, là.

Moi, ce qui va m'amener nécessairement à voter contre cet article-là et contre tous les amendements, d'autant plus que l'amendement, encore là, est plus dur par rapport à l'article original qui nous était proposé... parce que, là, le détenu n'a plus le droit, dans l'amendement, d'après ce que je comprends ou n'a plus formellement la possibilité de se faire représenter par un avocat au moment où on décide de l'isoler d'une façon préventive. Dans le texte original, il pouvait être représenté par un avocat ou être assisté par un avocat, et là on va peut-être me dire: Bien, dans les mesures qu'on va déterminer, éventuellement, on pourra prévoir qu'il y ait un avocat qui l'assiste, mais... En tout cas, pour le moins, ce n'est pas aussi clair, ou ce n'est vraiment pas clair du tout alors que, dans le premier article, dans l'article 19 tel que rédigé à l'origine, au moins, il y avait la possibilité d'avoir un avocat qui prenne la part du détenu, mais là il n'y a plus personne qui peut prendre la part du détenu. C'est une question entre le directeur de la prison et le détenu lui-même et, des fois, il peut y avoir des incompatibilités de caractères. Le gars, ça fait trois grimaces qu'il fait au directeur de prison et le directeur de prison, bien, c'est un gars qui n'aime pas les grimaces, ça fait que..

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, est-ce que vous voulez apporter des précisions?

M. Ryan: Oui, je voudrais fournir peut-être...

M. Claveau: II y a de l'arbitraire partout.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre. (12 heures)

M. Ryan: Je pourrais peut-être fournir quelques explications. D'abord une sur l'objet général de cet article-là. Ensuite, je vais en venir aux amendements qui ont été déposés tantôt. Les pratiques actuelles ne sont pas des

pratiques illégales. Il y a toutes sortes de modalités dans le régime qui est fait au détenu dans un établissement, dont certaines consistent à éloigner un détenu des autres pendant un temps plus ou moins long, tantôt pour sa protection, tantôt pour la protection des autres détenus, tantôt pour la protection des uns et des autres.

Cette détention se fait dans des conditions qui ne sont pas celles qu'a décrites le député d'Ungava. Ce ne sont pas des conditions médiévales, mais des conditions qui sont fort convenables, tout compte fait. Le détenu n'est pas envoyé dans un trou, mais il est envoyé dans une cellule, qui est à une distance raisonnable des autres, évidemment. Il n'y en a pas des grosses quantités. Il y a quelques cas par semaine qui se présentent dans l'ensemble. Dans l'ensemble des établissements au cours de la dernière année, il y a eu à peu près 250 cas, sur 50 000 personnes, qui sont passés là. Alors, ça réduit singulièrement la portée. Il pourrait arriver qu'il y ait des cas d'abus quand même. Il pourrait arriver.

Mais ce n'est pas illégal actuellement, à moins qu'un juge dise: Tu as commis un acte criminel en faisant de la violence à l'endroit d'un détenu. À part cela, ce n'est pas illégal. Ce sont des pratiques administratives comme il s'en érige dans tous les secteurs de l'administration gouvernementale. Il faut avoir été ministre pour savoir que, des fois, les pratiques administratives sont plus importantes que le texte de la loi ou même le texte du règlement. C'est pour ça qu'on essaie de les circonscrire. Et le Protecteur du citoyen, dans ce cas-ci, nous rend un service honorable en nous demandant de préciser par voie de règlement ce que nous pouvons faire là-dedans. Alors, par conséquent, on ne veut pas légaliser une chose qui aurait été illégale; ce n'est pas ça. On veut ériger à l'état de règlement des choses qui, actuellement, sont à l'état de pratiques administratives, sans que ce soit une violation de la loi.

Deuxièmement, j'en viens aux deux paragraphes de l'amendement. Savez-vous, M. le Président, contrairement à l'impression qu'on peut avoir en faisant une lecture première du texte, au lieu de rétrécir les droits du détenu, nous les élargissons avec les amendements que nous proposons? C'est assez curieux, hein? C'est assez curieux et c'est paradoxal. Et ça a fait l'objet de longues discussions avec les services juridiques du ministère de la Justice, qui ont vu le texte. Et en lisant le texte que nous avions, ça pourrait être interprété, ça: "[...] notamment le droit pour la personne incarcérée d'avoir recours sans délai ou, en cas d'urgence, dans un délai raisonnable, à l'assistance d'un avocat et son droit d'être entendue et d'être informée par écrit, dans les meilleurs délais, des motifs de cette décision..." tout ça, les conditions comme un cas d'urgence, dans un délai raisonnable, dans les meilleurs délais, en fait, aurait tendu à limiter le droit de recours aux services d'un avocat, lequel est déjà garanti dans la Charte des droits et libertés de la personne et puis dans la Charte des droits et libertés du Canada, à part ça. En ne commençant pas à faire de raffinement, on maintient intégralement le droit aux services d'un avocat et on se trouve à prévoir un régime plus large. Il n'est pas de mise, il n'est pas de bonne convenance de réitérer dans un texte de loi des choses qui sont déjà affirmées clairement dans une charte de droits.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, vous avez fini? Excusez, je ne veux pas vous couper la parole, M. le ministre. Je ne voudrais pas...

M. Ryan: Non, non, vous me la coupez, mais je suis prêt à me faire Interrompre si c'est pour des raisons constructlves.

M. Claveau: Ce sont des raisons extrêmement constructhves, M. le ministre. La Charte des droits et libertés est une charte qui prête à interprétation et c'est pour ça que la Cour suprême est toujours en train de trancher sur quelque chose, parce qu'on interprète de toutes sortes de façons. Je veux bien, moi, que le détenu soit protégé par la Charte des droits et libertés mais j'imagine, par exemple, un détenu qui est là, je ne sais pas moi, pour 18 mois ou 20 mois et puis, pour une raison ou une autre, en tout cas, il se retrouve en isolement préventif. Il veut avoir droit à un avocat. La direction, pour toutes sortes de raisons, d'hypothèses qu'on peut imaginer dans le quotidien d'un milieu pénitentiaire, lui refuse le droit à un avocat, et il dit: La Charte des droits et libertés me le permet. On dit: On dit: Bon, O.K., prends-toi un avocat et poursuis-nous jusqu'en Cour suprême. Tu sais... Écoutez, si ce n'est pas prévu dans la loi, ça veut dire que c'est au détenu à poursuivre le directeur de l'établissement pour l'application de la Charte des droits et libertés. C'est ça que ça veut dire. Ça veut dire que le détenu peut se rendre, contre le directeur de l'établissement, Jusqu'en Cour suprême pour faire appliquer un droit alors qu'il est en prison. Imaginez-vous la belle affaire! Si on ne le prévoit pas...

Écoutez, on a juste la loi 65 pour l'accès aux documents, à l'information, la loi sur l'accès à l'information, O.K., et moi j'ai eu des cas où, pour avoir accès au salaire d'un représentant d'une société d'État, salaire qui normalement devait être public mais qu'on refusait de rendre public, ça m'a pris à peu près huit mois devant la Commission d'accès à l'information avant d'avoir droit d'accès à ce salaire-là. Alors, le gars savait qu'il devait me le donner. Bien, il a dit: Bon, je ne te le donne pas. Va devant la

Commission d'accès à l'information, tu vas peut-être l'avoir. Ça, c'a pris huit mois avant que je ne l'aie. Imaginez-vous! Imaginez le cas d'un prisonnier, devant un directeur de prison, qui doit se prévaloir de la Charte des drafts et libertés pour avoir droit à un avocat. Il va l'avoir dans 20 ans son avocat, après avoir dépensé 100 000 $ et s'être rendu en Cour suprême.

C'est quoi ses possibilités de se prévaloir de la Charte des droits et libertés? Allez donc! Il ne faut quand même pas... Vous l'avez dit tantôt, ce n'est pas vraiment un milieu angélique, le secteur pénitentiaire. Ce n'est pas tout du bois de calvaire, comme on dit. Bien, j'imagine que, si ce n'est pas un milieu angélique, il ne faudrait pas essayer de nous prendre, nous autres aussi, pour moins intelligents qu'on est et puis de nous faire accroire que ça va être géré ou que les textes de loi vont être gérés de façon angélique. Ce n'est pas vrai. On sait comment ça se passe dans le quotidien, dans le vrai monde, dans la vraie vie, là. On est tous du monde à l'extérieur des murs d'une prison et ça prend tout des fois pour faire respecter nos droits, alors qu'on sait qu'on y a droit, et il faut se prévaloir de chartes et il faut se prendre des avocats et il faut se payer des poursuites souvent pour faire reconnaître des droits qui sont évidents. Imaginez-vous quand vous êtes le petit prisonnier contre le gros directeur de prison et que vous voulez avoir un avocat pour éviter l'isolement préventif) Si ce n'est pas prévu dans le texte de loi, tel que vous y aviez pensé d'ailleurs, M. le ministre, dans votre première version du texte de la loi, si ce n'est pas prévu là, ça va prendre... il va l'avoir en 2018 son avocat pour un cas qui est arrivé la semaine passée.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Ryan: Oui, je vais demander tantôt à M. Saint-Laurent de donner une explication, mais, d'abord, je voudrais rappeler le contexte dans lequel cet amendement a été conçu. Nous avions rédigé une première version dont on nous a signalé, à juste titre à mon point de vue, au ministère de la Justice, qu'elle aurait pour effet de limiter ce droit dont vous voulez préserver le caractère intégral. Et on nous a dit: Si, au Heu de faire de la redondance, de redire dans cette loi-ci des choses qui sont déjà dites ailleurs, vous énoncez ce que vous voulez faire exactement, tout le reste va jouer. Quand on dit "le droit d'être entendu", ça comprend le droit d'être entendu avec son avocat, avec l'aide de son avocat. Et, à ce moment-là, comme on récrivait, ça c'est clair. C'est clair. C'est entendu. M. Carrier me disait tantôt que c'est une pratique qui est déjà courante dans les établissements de détention et, mol, je n'ai jamais reçu une plainte ou une lettre depuis un an d'un détenu qui m'aurait écrit - et il y en a plusieurs qui m'écrivent - pour dire: Moi, là, j'ai été l'objet d'une certaine mesure. J'aurais voulu avoir mon avocat et Ils m'ont empêché de le voir. Au contraire, on trouve des fois qu'ils y vont trop souvent. On se demande quelle sorte de conseils certains vont donner là. Mais, moi, je vais vous dire franchement, ce n'est pas un problème et il est couvert, selon les meilleurs experts du gouvernement. Si c'était moi tout seul... Et j'ai discuté l'affaire au Comité de législation encore cette semaine et on a eu l'avis de tout ce qu'il peut y avoir de bons experts dans le gouvernement et Ils nous disent: Voici la version la plus sûre, la plus disciplinée pour exprimer exactement ce que vous voulez préserver, et nous aussi.

M. Claveau: Si c'est les mêmes experts que ceux qui pensent les programmes de relance économique, on peut avoir des doutes sur leur efficacité. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gauvin): On va permettre à M. le ministre de continuer. Est-ce que vous vouliez ajouter de l'information?

M. Ryan: Malheureusement, j'ai perdu le cours de mon idée. L'interruption a été tellement soudaine!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gauvfn): Vous nous proposiez de permettre à M. Saint-Laurent de...

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Gauvin): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent: En fait, il s'agit d'abord et avant tout d'une difficulté de rédaction de textes au niveau des droits garantis par les chartes. Que ce soit la Charte québécoise ou la Charte canadienne, les deux prévoient de façon absolue le droit d'être représenté par avocat dans des circonstances comme celle-là. Et ces chartes-là ont préséance sur l'ensemble des législations générales comme celles qui nous concernent actuellement dans la Loi sur la probation. À ce moment-là, la technique de tégislation qui nous est prescrite est la suivante. SI vous voulez que le droit à l'avocat ou le droit d'être entendu et les autres droits s'appliquent, comme Ils sont garantis dans la Charte, vous n'avez pas besoin d'en faire une mention spécifique. Il suffit simplement de laisser les Chartes s'appliquer. Par contre, si vous croyez devoir y apporter des restrictions, là, vous devez faire des inscriptions particulières. Et à la lecture du paragraphe 4°, tel qu'il était rédigé dans la version qui a été déposée au printemps dernier,

l'interprétation que nous donnaient ces gens-là, c'était de dire: Écoutez, vous risquez non pas de garantir le droit absolu à l'avocat, mais d'apporter des restrictions. Est-ce bien ça que vous souhaitez? Et la réponse qui a été donnée par le ministre, c'est de dire: Non, nous voulons garantir le droit absolu à l'avocat au même titre que pour les autres législations. Par exemple, dans la loi sur les libérations conditionnelles, il n'y a rien de prévu et l'avocat peut être présenté.

Une dernière explication que je pourrais peut-être donner, c'est qu'il ne s'agit pas du droit de demander l'avocat, il s'agit d'un droit de contacter son avocat lorsqu'on en a besoin. Il n'y a pas de permission à demander. Ce que ça veut dire, c'est que les services correctionnels, lorsqu'un individu fait l'objet d'une mesure d'Isolement préventif, II devra pouvoir prendre un téléphone pour contacter son avocat. Alors, II n'y a pas de demande, il n'y a pas de décision judiciaire à rendre. C'est une procédure strictement administrative et les services correctionnels nous ont affirmé qu'ils vont donner - d'ailleurs, ils le font déjà - tous les moyens requis pour que la personne contacte son avocat, comme elle le fait lors d'une arrestation par un policier. C'est exactement la même procédure.

M. Claveau: M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Comme on le disait, hier, dans le cas de l'assermentation des commissaires aux libérations conditionnelles, trop fort casse pas. Dans des cas semblables, il vaut mieux avoir un peu de redondance plutôt que de risquer d'avoir des problèmes. La préséance des Chartes, c'est tout vrai. Philosophiquement, les grandes notions, c'est tout vrai que les Chartes ont préséance sur les lois, mais elles ont préséance dans la mesure où tu as les moyens de les faire appliquer. Ça, c'est comme les conventions avec les autochtones. Ils n'ont jamais eu les moyens de les faire appliquer et il n'y a jamais personne qui les a respectées.

Si tu penses que tu es lésé dans tes droits, tu peux avoir recours à une Charte, mais il faut que tu fasses la preuve de ça. Vous savez, on a juste à regarder dans le monde du travail, par exemple. Il y a la Commission des normes du travail qui existe pour défendre les gens qui sont non syndiqués et qui travaillent depuis plus de cinq ans pour le même employeur. Je peux vous dire, moi, pour voir des cas de comté, que ce n'est pas n'importe qui, même s'il y a droit, qui peut aller devant la Commission des normes du travail parce que le gars qui l'a "claire", il dit: Probablement que je vais te réengager dans six mois, mais, si tu vas devant la Commission des normes du travail, je ne te réengagerai plus et tu ne trouveras plus jamais personne pour t'engager. As-tu compris? Oui, M. le boss. O. K. Je n'irai pas.

C'est comme ça que ça se passe dans le vrai monde, sur le vrai terrain, sur le terrain des vaches. C'est là que ça se passe, ça. C'est comme ça que ça marche dans le milieu. Si ça marche comme ça dans le milieu civil, à la lumière du jour, sur les trottoirs, en dehors des cadres des prisons, imaginez-vous comment ça peut marcher à l'intérieur des murs isolés d'une prison. Je n'ai pas de difficulté à me faire d'images parce que je n'ai qu'à regarder comment ça fonctionne, par exemple, dans les cas avec la CSST. Il y a des gars qui, jamais, ne vont déclarer un accident à la CSST parce qu'ils ont peur de leur employeur, qu'il dise: Si jamais tu le déclares, je trouverai bien un moyen de te mettre dehors et, après ça, tu vas finir ta vie sur l'aide sociale. C'est comme ça que ça se passe dans le vrai monde, supposément respectueux des lois et qui ne fait pas l'objet de sentences pénitentiaires. Imaginez-vous comment ça se passe à l'intérieur des cadres de la prison! J'aimerais bien ça, moi, me voir petit oiseau, de temps en temps, pour aller voir comment ça se passe sans qu'il y ait personne qui me voie. Tu sais, ce n'est pas le député qui arrive, puis on chrome et on "shine" les murs.

Je travaillais dans les mines, en dessous de la terre, M. le Président. Je sais comment ça se passe. À chaque fois qu'il y avait un inspecteur de la CSST qui venait, on passait trois jours à "shiner" les tuyaux, à nettoyer et tout, mais une fois que l'inspecteur avait le dos viré, par exemple, c'était: Envoie! "rock boit" pas "rock boit", ce n'est pas grave, avance! Mais, quand arrivait un inspecteur, quand on savait que l'inspecteur était annoncé, vous pouvez être sûrs qu'on "shlnait" les tuyaux et qu'on avait affaire à ce qu'ils aient tous des "rock bolts" et que tout soit bien beau partout. Il y avait de la broche partout. Quand l'inspecteur était passé, la broche disparaissait, ne craignez pas. C'est comme ça. Si ça marche comme ça dans le vrai monde, on ne ne fera pas accroire que ça ne marche pas comme ça non plus dans d'autres sortes de mondes peut-être un petit plus isolés. Moi, je dis que c'est la même chose. (12 h 15)

Tant et aussi longtemps que l'isolement préventif est une mesure administrative pour assurer la saine gestion, mais qui se fait sur une base plus ou moins acceptée, bien, là, on sait que ça se fait, mais le Protecteur du citoyen dit: Oui, vous devriez réglementer ça un peu. Il a droit à un avocat ou pas? Théoriquement, il y a peut-être droit. Dans la pratique, est-ce qu'il y a toujours un téléphone? Je peux vous dire que, quand on vous arrête pour n'importe quelle raison puis qu'on vous amène à un poste, tu n'as pas toujours un téléphone à la portée de la main. Quoi qu'on en dise, il n'y a pas toujours un

téléphone à la portée de la main quand tu as besoin d'appeler ton avocat parce qu'on t'a fait souffler une balloune. Ça arrive, ça aussi.

Puis, là, on légalise le procédé. On le rend adminlstrativement acceptable, on l'Institutionnalise. En Institutionnalisant, il faut aussi faire en sorte que le détenu qui peut en souffrir les inconvénients... Parce que, là, le ministre dit: Mesures d'isolement pour le protéger. Oui, je veux bien, mais aussi pour punir, hein? Aussi pour faire en sorte, peut-être, qu'un individu, pour une raison ou une autre, on le met de côté pendant un bout de temps. Il y a des raisons. Puis l'isolement, ça reste de l'isolement. Et on dit souvent: Les cages dorées, mettre dans une cage dorée. Ça reste une cage pareil. L'Isolement, c'est de l'Isolement. Puis de l'isolement préventif, le mot "préventif, il peut peut-être avoir toutes sortes de raisons. Mais le mot "Isolement", II dit bien ce que ça veut dire. Tu es isolé, tu es tout seul, puis tu auras beau être à 500 pieds ou à 5000 pieds de l'autre cellule la plus proche, tu es tout seul, tu es isolé. Puis tu es Isolé pour combien de temps? Tu ne le sais pas trop.

Ça fait que, que tu dises que tu as droit à un avocat en vertu de la préséance de la Charte fédérale des droits et libertés puis de la Charte québécoise puis de tout ce que vous voulez, je veux bien, mais, quand tu es tout seul dans ton trou depuis quatre jours puis qu'il n'y a personne qui est venu te parler, tu essayeras de faire valoir la préséance de la Charte fédérale! Puis surtout si on ne t'a pas donné la chance d'appeler un avocat. Puis tu essayeras d'expliquer que tu avais droit à un avocat une fois que tu vas être sorti de là puis que tu auras fini de purger ta peine de deux ans et que tu vas revenir à travers du vrai monde. Tu essayeras de faire comprendre à quelqu'un que tu avals droit à un avocat parce que, six mois avant la fin de ta peine, on t'a isolé pendant huit jours. Aïe! Ça va aller à l'an 2018 avant que vous ayez votre avocat, M. le Président, dans ces conditions.

On sait comment ça se passe. Ça se passe comme ça dans l'ensemble des instances administratives au gouvernement, pourquoi ça ne se passerait pas comme ça non plus dans le milieu carcéral? Écoutez, la Commission des droits de la personne puis la commission d'appel de la CSST puis les instances en droit du travail puis tout ça, il y a plein de monde qui voudrait bien y aller, mais on sait comment ça marche dans la vraie vie, en dehors des cadres chromés du parlement. On sait comment ça marche puis on sait qu'il y a plein de monde qui ne peut pas le faire, parce qu'ils ont peur, parce qu'on leur fait des menaces, parce qu'on leur dit qu'ils vont crever s'ils y vont. C'est comme ça que ça se passe sur le vrai terrain, à travers le vrai monde.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais résumer la discussion en ce qui regarde le gouvernement. Souvent, quand nous légiférons, nous constatons qu'en voulant définir nous limitons. C'est un obstacle de base auquel nous avons affaire continuellement. Puis quand on veut garder les droits puis les libertés larges, on essaie, le moins possible, de tripoter ça par des définitions puis des conditionnements. Ici, il n'est pas question de garantir des libertés, c'est l'isolement préventif. On ne s'en cache pas, on le dit franchement. On dit: Au lieu de cacher ces choses-là, on va les réglementer à l'avenir.

Mais le droit dont nous discutons, le droit à l'aide d'un avocat est garanti dans les deux Chartes, canadienne et québécoise, des droits et libertés. Il est là. Chaque fois qu'on veut le définir d'une manière un petit peu plus circonscrite dans un texte de loi, on se trouve à le limiter. On ouvre la porte à des décisions judiciaires éventuelles qui pourraient comporter des limites qui n'existent pas tant qu'on le garde à l'état général. Mais nous ne voyons aucune raison de verser là-dedans. C'est vraiment une mesure qui donne plus de garanties pour l'objectif que veut défendre le député d'Ungava, suivant l'avis de nos conseillers et suivant ma conviction à titre de ministre. Je respecte l'autre point de vue, mais ne saurais l'accepter. Et j'ai fourni les explications raisonnables qu'on est en droit d'attendre dans un contexte comme celui-ci.

M. Claveau: Juste à titre d'exemple, M. le Président, le ministre se souviendra sûrement des guerres épiques que certains citoyens francophones de l'Ouest canadien ont menées jusque devant la Cour suprême pour avoir le droit d'avoir des écoles francophones garanties par la Chatte des droits et liberté, et on leur a donné raison. Mais il a fallu qu'ils aillent en Cour suprême et ç'a duré des années, et c'était pour des causes très publiques et très connues, comme le fait de vouloir avoir des écoles francophones.

Imaginez-vous le prisonnier qui est condamné au trou par un directeur qui ne lui aime pas la gueule et qui doit se prévaloir de la même préséance, de la même Charte pour avoir un avocat, parce qu'on dit: La Charte a préséance sur les lois. Eh bien, si on regarde les guerres que ça a amenées pour que fa Charte ait préséance sur les lois de certaines provinces pour avoir le droit d'avoir des écoles en français dans l'Ouest canadien, imaginez-vous qu'on n'a pas fini de se débattre s'il faut compter exactement sur la même préséance de la même Charte pour qu'un prisonnier ait le droit à un avocat quand le directeur de prison dit: Non, tu n'y auras pas droit, tu t'en vas au trou et tu vas rester là. Ferme ta gueule parce que, au lieu d'y être pendant deux jours, tu vas y être pendant quinze Jours, si tu gueules trop.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.

M. Ryan: Ça, c'est un point de fait.

M. Claveau: Alors, qu'il ait droit à un avocat. C'est rien que normal qu'un avocat soit prévu dans la loi.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava, s'il vous plaît.

M. Ryan: Un détenu qui n'est pas content des conditions qui lui sont faites peut en appeler à diverses instances, en particulier au Protecteur du citoyen, et ils sont parmi les clientèles les plus abondantes du Protecteur du citoyen. Vous regarderez le rapport du Protecteur du citoyen. Il y a, chaque année, plusieurs centaines de cas qui sont soumis à son attention par des détenus. La Direction des services correctionnels entretient des rapports assidus avec le Protecteur du citoyen en vue de régler tous ces cas-là. Il y a un climat de collaboration excellente qui s'est établi, surtout au cours des deux dernières années, d'après ce que je comprends. M. Carrier me disait tantôt que, dans les plaintes qui ont été portées auprès de l'ombudsman, il n'y en a pas qui portent sur ce sujet-là. Ça, c'est respecté presque automatiquement partout. Il n'y en a pas qui traitent de ça. Des refus de permettre à un détenu d'avoir accès aux services de son avocat, il n'y a pas de plaintes sur ce sujet-là. On peut bien créer toutes sortes d'appréhensions, mais je pense que, d'abord, au niveau des textes eux-mêmes, nous répondons à l'attente du député. Au niveau des faits, je pense qu'il n'y a pas de problème.

M. Claveau: M. le Président, tant et aussi longtemps que ce n'est pas inscrit dans la loi, disons que le détenu est peut-être un peu mal placé pour se plaindre. Il n'est pas comme le plus fort, en prison, lui, là; il y en a d'autres plus forts que lui. Mais à partir du moment où c'est inscrit dans la loi qu'on institutionnalise cette mesure-là d'isolement préventif, là, il a une poigne légale pour se plaindre, le gars. Et s'il veut se plaindre au Protecteur du citoyen...

J'imagine, par exemple, moi, qu'on vienne me sortir de ma cellule, cet après-midi, et qu'on m'amène au trou. On m'Isole pour une raison x, parce qu'on pense que, peut-être, j'aurais un couteau sur moi. Vous n'avez pas trouvé le couteau, mais, éventuellement, c'est un objet qu'il est défendu d'avoir. Et j'aurais peut-être un couteau. Et il y a trois autres prisonniers qui ont dit: Peut-être bien qu'il a un couteau sur lui. Le directeur a des raisons de croire que j'ai un couteau? On vient me chercher, on m'isole. On va dire: On va te mettre là pendant 10 jours, ou bien, non... J'ai beau avoir le droit de recours au Protecteur du citoyen, je ne pourrai toujours bien pas avoir droit de recours avant d'être sorti, avant 10 jours; je suis isolé complètement pendant 10 jours, là.

D'autre part, en sortant de là, si je dis au directeur de prison: À cette heure, je vais me plaindre de ce que tu m'as fait, il n'y a rien qui dit que je n'aurai pas le genre de réponse du style: Oui, bien, plains-toi et tu vas aller repasser un autre 15 jours en dedans. Ça ne sera pas écrit dans les galées, ça, ni dans les procès-verbaux des assemblées, et ça ne sera pas mis sur enregistreuse, probablement, mais ça peut se dire. Ça se dit, dans le privé, dehors, dans la rue.

J'ai des cas, moi, de gens qui auraient droit à la Commission des normes du travail pour des mises à pied illégales, mais qui n'y vont pas parce qu'ils ont des menaces de leurs employeurs qui leur disent: Fais attention parce que, si jamais tu t'ouvres la trappe, plus jamais tu ne vas retravailler pour moi, même s'il y avait un poste, plus jamais. Toutes les fois que quelqu'un va me demander une référence du travail que tu as fait chez nous, ça va être négatif. Tu n'auras plus de bonnes références, tu ne te trouveras plus jamais d'ouvrage ailleurs. Et ils se ferment la trappe, ils restent chez eux et ne font pas les plaintes, ils ne veulent pas. Ça arrive, dans le quotidien, à travers le vrai monde. J'en ai, des cas, comme ça. Vous en avez sûrement dans vos bureaux de comté et aussi comme ministre.

Bien, vous ne me ferez pas accroire que ce ne sont pas des choses qui peuvent se dire dans le tuyau de l'oreille, aussi dans un corridor de prison, vous savez. Vous ne me le ferez pas accroire! Il faut que ce soit inscrit très clairement dans la loi, sinon, il n'y en aura pas, de recours. On aura toujours beau dire qu'il y en a à l'extérieur, ce n'est pas tout le monde qui va se promener pour voir ce qui se passe dans les corridors d'une prison. Il n'y a pas de visites ouvertes aux touristes tous les dimanches après-midi, là-dedans. C'est beau, une fois que c'est fait, de venir nous dire: Ah! ça marche, ça marche, vous voyez, c'est bien chromé. Mais ce qui se passe dans le quotidien... Moi, je n'ai rien qu'à prendre, en tout cas, ce qui se passe à travers le vrai monde, dans la vraie vie, sur le terrain des vaches, sur le trottoir, au soleil. Je regarde comment c'est géré et quel genre de "gimmicks" s'installent. Imaginez-vous ce que ça doit être en dedans des murs. Ah! Mon Dieu, Seigneur! Je n'ai pas de misère à me faire une image.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'ibervllle.

M. Claveau: Ou bien c'est écrit dans la loi ou bien, non, il n'y en aura jamais. Il n'y en aura jamais, de droits qui vont être reconnus, nonobstant la préséance de la Charte des droits et libertés.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Iberville.

M. Lafrance: Oui, M. le Président. Je considère qu'on a fait le tour de la question et, avec le consentement de M. le ministre, j'aimerais proposer le vote sur cet article.

Le Président (M. Gauvin): On a une proposition pour appeler le vote sur ce projet d'amendement. M. le député d'Ungava, est-ce que vous êtes prêt à disposer?

M. Claveau: On peut bien voter. On est contre.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que c'est adopté sur division ou si vous appelez le vote?

M. le député d'Ungava, est-ce que vous l'adoptez sur division?

M. Claveau: On va l'adopter sur division. Ça ne sert à rien d'étirer le temps. De toute façon, on va consentir pour finir le projet de loi.

Le Président (M. Gauvin): Donc, l'amendement au projet de loi, c'est-à-dire l'amendement à l'article 19 est adopté sur division. J'appelle l'article 19 tel qu'amendé. Est-ce que l'article 19, tel qu'amendé, est adopté? M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Sur division.

Le Président (M. Gauvin): Adopté sur division. M. le ministre, j'appelle l'article 20.

M. Ryan: L'article 20 est un article de concordance, M. le Président, qui se dispense d'explications, je croirais.

Une voix: C'est une disposition transitoire. M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava, je pense que M. le ministre vient de nous faire part que c'était...

M. Claveau: C'est des affaires de concordance effectivement, 20 et 21.

Le Président (M. Gauvin): Vous avez raison. Donc, l'article 20 est adopté?

M. Claveau: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): Adopté. J'appelle l'article 21. M. le ministre.

M. Ryan: Alors, l'article 21, c'est également une disposition de concordance pour faciliter le passage d'un régime à l'autre, pour assurer qu'il n'y aura pas d'hiatus. On dit que celui qui s'appellera dorénavant le directeur général des services correctionnels sera partie à toute

Instance à laquelle le directeur général du

Service de la probation et des établissements de détention était partie jusqu'à l'adoption de la loi. On assure la grande continuité administrative.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que l'article 21 est adopté?

M. Claveau: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): Adopté. J'appelle l'article 22 et je pense qu'il se définit par lui-même.

M. Claveau: Pas nécessairement, M. le Président.

Le Président (M. Gauvin): Excusez.

M. Claveau: II y a un problème à 22. C'est qu'il y a de la réglementation qui va avec ça. On a parlé de réglementation à bien des égards...

Le Président (M. Gauvin): Question d'interprétation!

M. Claveau: ...sur les éléments préventifs, entre autres. Est-ce que la loi va entrer en vigueur juste une fois qu'on aura connu la réglementation, ou bien on la met en vigueur et, après ça, tapons sur le monde et on réglementera après, quand ça sera le temps?

M. Ryan: On n'a pas plus de pouvoirs d'agir. Tant qu'un règlement n'aura pas été adopté, la situation actuelle reste ce qu'elle est. On peut marcher par pratique administrative, ça finit là. Mais le gouvernement ne va pas être seulement habilité, mais tenu par ce texte-ci d'adopter un règlement dans les meilleurs délais, autrement, il va payer un prix politique élevé. Et on ne peut pas adopter le règlement avant d'avoir adopté la loi. Mais je peux vous dire une chose - alors, vous êtes bien parti - nous avons un projet de règlement en préparation là-dessus qui devra suivre les échéances prévues par la Loi sur les règlements. Il sera l'objet d'une prépublication pendant au moins 45 jours et on prendra l'avis de tous les milieux intéressés, y compris, évidemment, l'Opposition. Mais, tant qu'il n'y a pas de règlement, il ne pourra pas s'appliquer, ça saute aux yeux.

M. Claveau: Ça veut dire que l'entrée en vigueur va se faire comme ça peut se faire dans certaines lois, étape par étape: Tel article, tel article sont en vigueur, tel article...

M. Ryan: On va déterminer à ce moment-là. Peut-être que tous les paragraphes...

M. Claveau: Mais est-ce que vous avez une...

M. Ryan: ...de l'article 19 pourront donner lieu à des déterminations réglementaires. Là, je ne le sais pas pour l'instant.

M. Claveau: Mais, au moment où on se parle, vous n'avez pas de date prévue.

M. Ryan: Non.

M. Claveau: Ce n'est pas nécessairement le jour de la sanction.

M. Ryan: Non, non, non. Pour le règlement? C'est impossible pour le règlement. Pour le règlement, il va s'écouler au moins trois, quatre mois.

M. Claveau: Ah oui! C'est compliqué ce règlement-là.

M. Ryan: Regardez, avant qu'on l'ait examiné au ministère attentivement... il n'est pas venu à l'examen à mon niveau encore. Ensuite, il faut aller aux comités ministériels, il y en a quatre ou cinq qui examinent ces projets-là. Il faut que ça revienne, qu'il y ait des échanges de vues, tout, et avant qu'on ait passé le comité qui surveille ça..; Il y a le Conseil des ministres également. Ça fait que mettez trois, quatre mois, je ne vous trompe pas.

Le Président (M. Gauvin): M. le député d'Ungava.

M. Ryan: La période de prépublication, un mois et demi en partant.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que vous êtes disposé, M. le député d'Ungava, à adopter l'article 22?

M. Claveau: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): L'article 22 étant adopté, M. le ministre... On est d'accord pour adopter l'article 22, oui?

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Gauvin): Adopté. J'appelle, pour adoption, le titre du projet de loi. Est-ce que le titre est adopté?

M. Ryan: Adopté.

M. Claveau: Le nouveau titre.

M. Ryan: Oui. Ah oui!

Le Président (M. Gauvin): Le titre du projet de loi.

M. Claveau: Sur division. On l'avait adopté déjà, je pense.

Une voix: Oui.

M. Claveau: Adopté.

Le Président (M. Gauvin): Adopté.

M. Claveau: Ah oui, c'est le titre de la loi actuelle, le titre du projet de loi.

Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, est-ce que vous êtes en mesure de nous présenter une motion de renumérotation du projet de loi?

M. Ryan: Je propose que le projet de loi soit renuméroté pour tenir compte des modifications apportées.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Est-ce que cette proposition est adoptée?

M. Claveau: C'est adopté, M. le Président. Il faut dire qu'on est des gens faciles.

Le Président (M. Gauvin): Est-ce que le projet de loi dans son ensemble, tel qu'amendé, est adopté?

M. Claveau: Sur division.

Le Président (M. Gauvin): Sur division. Je remercie la commission. Est-ce que M. le ministre aurait des commentaires avant d'ajourner?

M. Ryan: Peut-être un bref, M. le Président, pour vous remercier tout d'abord, pour remercier également les députés, tant du côté ministériel que du côté de l'Opposition, pour leur excellente collaboration. Je remercie de manière particulière les collaborateurs qui m'entouraient: la présidente de la Commission des libérations conditionnelles, Mme Collette; le directeur des services juridiques du ministère de la Sécurité publique, Me Jacques Saint-Laurent, et M. Normand Carrier, sous-ministre associé en charge des services correctionnels au ministère. Il y a d'autres personnes qui accompagnaient ces collaborateurs que je salue également et que je remercie de leur excellente collaboration. Nous avons eu un climat... J'ai pu constater que le député d'Ungava s'intéresse sincèrement à l'amélioration de la situation des détenus, surtout à l'amélioration de la protection de la société contre le crime, deux soucis que nous partageons et que nous essayons de réaliser dans un équilibre de mesures qui répondent à des besoins très diversifiés. On aura l'occasion de reprendre ces choses-là, c'est une entrée en matière.

Le Président (M. Gauvin): M. le député

d'Ungava, avez-vous quelques mots en conclusion?

M. Claveau: Oui, M. le Président. Moi aussi, j'en profite pour remercier le ministre et tout son personnel: le sous-ministre, madame la présidente de la Commission des libérations conditionnelles, M. le nouveau directeur général...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Claveau: Et, enfin, je suis satisfait du climat dans lequel s'est déroulée l'étude du projet de loi. Je veux aussi remercier mon collaborateur qui a beaucoup travaillé sur la préparation du projet de loi. Il faut dire que pour lui aussi ce sont des dossiers qui sont tout à fait nouveaux. J'ai l'Impression qu'après cette première expérience ça nous donne un peu l'Idée ou la façon dont on va avoir à travailler dans les prochains mois et je pense que ça augure très bien.

Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le député d'Ungava. Je remercie tout le monde de sa collaboration. La commission des institutions ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 34)

Document(s) related to the sitting