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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, April 23, 1996 - Vol. 35 N° 5

Étude des crédits du ministère de la Sécurité publique


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Table des matières

Journal des débats


(Dix-neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): S'il vous plaît. Alors, je rappelle le mandat de la commission, qui est de poursuivre l'étude des crédits budgétaires concernant le ministère de la Sécurité publique, les programmes 1 à 4, pour l'année financière 1996-1997.

Je demanderais à M. le secrétaire de nous annoncer les remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, M. Beaulne (Marguerite-D'Youville) est remplacé par M. Morin (Nicolet-Yamaska); M. Jutras (Drummond) par M. Dion (Saint-Hyacinthe); M. Payne (Vachon) par Mme Barbeau (Vanier).

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, je vous rappelle qu'il nous reste deux heures sur l'enveloppe de sept heures consacrée pour l'étude de ces programmes. Donc, puisque nous commençons à 19 h 38, en principe nous aurions terminé à 21 h 38.

Nous en étions, hier, à l'étude du programme 2, soit la Sûreté du Québec. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. Je vous salue, je salue les membres de cette commission, particulièrement M. le ministre, qui n'est pas membre de la commission, qui est un invité de la commission, ceux et celles qui l'accompagnent, qui nous ont été présentés hier par M. le ministre, à l'occasion de l'échange que nous avons eu, hier, pour une période de cinq heures. Il nous reste deux heures, M. le Président. Je veux résumer l'objectif: c'est de s'assurer, du côté de l'opposition particulièrement, que la mission dévolue au ministre de la Sécurité publique et à son ministère, à savoir de maintenir l'ordre public et de protéger les citoyens et les citoyennes du Québec, est bien remplie. C'est essentiellement ce à quoi on s'est astreints depuis hier, et encore pour deux heures ce soir, M. le Président.

(19 h 40)


Sureté du Québec (suite)


Perquisitions concernant l'octroi de certains contrats par le Secrétariat à la restructuration

M. le Président, en décembre 1995, c'est tout récent, plein de Québécois ont suivi le débat à l'Assemblée nationale entre l'opposition et les parlementaires du gouvernement et les ministres, particulièrement l'Exécutif, sur l'affaire Le Hir. J'avais, moi, M. le Président, à un nombre considérable de reprises, demandé au gouvernement et, particulièrement, à son ministre de la Sécurité publique du temps ce qu'il a le pouvoir de faire, de demander à la Sûreté du Québec et, particulièrement, à l'Escouade des crimes économiques de la Sûreté du Québec d'enquêter, de vérifier les allégations du Vérificateur général, les commentaires du Vérificateur général, les faits soulevés par le Vérificateur général, autant dans son premier rapport que dans son deuxième et, particulièrement, lors du premier rapport déposé par le Vérificateur général, M. Breton. L'opposition, aussi, M. le Président, se fondait sur d'autres éléments, y compris, entre autres, et particulièrement, les propres commentaires faits par M. le premier ministre du temps, M. Parizeau, qui disait à qui voulait l'entendre que l'affaire était beaucoup plus grosse que ce que l'opposition aurait même pu soupçonner. Et jamais le gouvernement et son ministre n'ont consenti à donner suite à nos demandes. Jamais la Sûreté du Québec n'a été requise d'intervenir sur la demande du ministre.

La Sûreté du Québec, M. le Président, alertée par les démarches de l'opposition, a décidé proprio motu, d'elle-même, ce qu'elle a le pouvoir de faire, d'ailleurs, heureusement... C'est ce qui protège, M. le Président, les citoyens et les citoyennes du Québec. La Sûreté du Québec, les forces policières du Québec ont le devoir et la responsabilité d'agir malgré, dans certains cas, le pouvoir politique. Ça s'inscrit dans ce qu'il y a de plus fondamental pour une société démocratique, la séparation des pouvoirs: les pouvoirs policier et judiciaire, puis le pouvoir politique. Il y a une séparation qui existe pour essentiellement protéger les citoyens. Et, finalement, M. le Président, la Sûreté du Québec a décidé que, oui, il fallait aller vérifier, que la Sûreté du Québec, et la Sûreté seulement, avait le pouvoir, la possibilité de perquisitionner, de vérifier chez certains individus et également de perquisitionner certains sièges sociaux de certaines entreprises.

Ma question, M. le Président, à M. le ministre de la Sécurité publique – avant qu'il ne me soulève le 35.2°, ou 3°, sub judice; on est sous enquête, je le sais très bien, M. le Président, et je respecte cette règle – je demande à M. le ministre de me dire: Combien de mandats de perquisition ont été exécutés? Quelles sont les entreprises qui ont été perquisitionnées dans l'affaire Le Hir? Quelles sont les entreprises et les personnes physiques qui ont été perquisitionnées par l'Escouade des crimes économiques de la Sûreté du Québec, M. le Président?

M. Perreault: M. le Président, effectivement, le député de Frontenac a lui-même fait état du fait qu'il s'agissait d'une enquête de la Sûreté du Québec, que cette enquête faisait l'objet, bien sûr, de... nous oblige à certains devoirs de réserve, justement, à cause de l'article, qu'il a lui-même mentionné, de nos règlements. Je n'ai pas avec moi le détail de ces informations. Je ne sais pas si le directeur de la Sûreté les a, pour peu qu'elles puissent être rendues publiques. Je vais lui laisser le soin d'intervenir.

M. Barbeau (Serge): Je n'ai pas les réponses précises à vos questions. Je peux les obtenir. On pourra vous les faire parvenir, les informations là-dessus, sur ce qui est du domaine public, évidemment, les mandats qui ont été levés et les endroits qui ont été visités au cours des dernières semaines. Je ne l'ai pas avec moi ici, la liste.

M. Lefebvre: Le mandat, l'exécution ou non du mandat, c'est du domaine public, effectivement, on s'entend là-dessus. Le résultat de l'exécution du mandat, je n'embarquerai pas là-dedans même si, jusqu'à un certain point, on pourrait aborder la question. Ce que je voudrais, c'est la liste des entreprises perquisitionnées avec sa date et les personnes physiques, également, qui ont été visitées par l'Escouade. M. le directeur me dit qu'il n'a pas les renseignements disponibles. Est-ce qu'il pourrait me dire dans combien de temps il les aura? Ce n'est pas long, ramasser ça. Vingt-quatre heures, j'imagine, puis ce sera disponible. Alors, j'inviterais M. le directeur à procéder par la voie normale, les remettre à son ministre, puis le ministre déposera à la commission les renseignements en question, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de...


Enquête sur la culture de marijuana à Kanesatake

M. Lefebvre: M. le Président, le 30 juillet 1995, le député de Laval-des-Rapides, ex-ministre de la Sécurité publique, s'est prêté à une opération-spectacle à Kanesatake. J'ai dénoncé, moi, avec toute la vigueur possible, cette opération-là qui a consisté essentiellement à demander à la Sûreté du Québec d'accompagner le ministre pour procéder à une opération d'agriculture ou de défrichage sur la réserve de Kanesatake, puis on a procédé, devant les caméras de tous les réseaux de télévision du Québec, à la destruction d'éléments de preuve.

J'ai contesté, moi, à l'époque, avec, encore une fois, beaucoup de vigueur, le processus utilisé par le ministre, et le ministre, bien, parce qu'il voulait faire du spectacle, il s'est, jusqu'à un certain point – et je ne peux pas, évidemment, présumer de la mauvaise foi du ministre, ce serait épouvantable si je pensais ça – piégé lui-même, de sorte qu'il n'y a jamais eu de poursuites, ce qui est assez incroyable. Des centaines de milliers de plants de marijuana, M. le Président, ont été exposés au vu et au su de tous les Québécois, de tous les Canadiens, puis il n'y a jamais eu de poursuites. On a fait de la télévision, on a détruit des éléments de preuve, le ministre lui-même procédait à l'opération de destruction de la preuve, et, conséquemment, on se retrouve dans la situation suivante, où on nous dit: Il n'y a pas suffisamment d'indices qui nous permettent de procéder à des accusations.

Le ministre, en date du 3 novembre 1995, a demandé un complément d'enquête. Alors, je voudrais, M. le Président, savoir quel est le résultat du complément d'enquête. Pour quelle raison autrement... Question préalable: Pour quelle raison un complément d'enquête? Lorsqu'on demande un complément d'enquête – le ministre me corrigera, ou son directeur – c'est qu'il y a des éléments. L'enquête nous a permis de recueillir des éléments de preuve, mais à être complétés. Si je me trompe, je voudrais qu'on me corrige. Quelle est le résultat du complément d'enquête? Et, deuxième question: Est-ce que le ministre de la Sécurité... Je vais réserver la deuxième question après avoir entendu la réponse du ministre.

M. Perreault: M. le Président, d'abord, je pense qu'il y a quelques commentaires à apporter aux affirmations du député de Frontenac. Lorsqu'on dit que tous les éléments de la preuve ont été détruits, M. le Président...

M. Lefebvre: Pas tous, pas tous, pas tous. Je n'ai pas dit ça.

M. Perreault: ...je pense que certains des éléments de la preuve ont été conservés.

M. Lefebvre: Bien oui.

M. Perreault: Si l'enquête n'a pas pu aboutir au moment où elle s'est faite, c'était à cause des difficultés des enquêteurs à relier les informations, à aller chercher les éléments qui permettraient, éventuellement, de poursuivre des personnes, à faire des accusations précises, sinon la Sûreté aurait sûrement procédé. En ce qui concerne l'enquête supplémentaire, je vais laisser le directeur répondre, M. le Président.

(19 h 50)

M. Barbeau (Serge): L'enquête ou le complément d'enquête qui a été demandé ne nous a pas permis d'aller plus loin dans le dossier, essentiellement. Donc, il n'y a aucune accusation qui devrait... À moins que de nouvelles informations ne nous parviennent – ça, c'est toujours possible – il ne devrait pas y avoir de suites, pour l'instant, à ce dossier. Mais je tiens quand même à rappeler que, dans ce dossier, l'enquête de la Sûreté était en cours au moment où le reportage qui a été diffusé à Radio-Canada a fait éclater au grand jour un dossier sur lequel on travaillait, ce qui a fait en sorte que l'enquête s'est arrêtée brusquement, finalement. On a dû procéder à la destruction des plants. On a tenté, par la suite, de poursuivre l'enquête avec les informations qu'on avait et d'autres informations qui nous sont parvenues, mais, malheureusement, ça ne nous a pas permis de recueillir les éléments suffisants pour que les substituts des procureurs jugent et qu'il soit possible pour eux de porter des accusations contre certains individus.

M. Lefebvre: Est-ce que, M. Barbeau, vous jugez, vous, usuel, habituel, dans la règle, de procéder comme vous l'avez fait le 30 juillet dernier, alors que vous me dites – je le savais, d'ailleurs, vous l'aviez déjà dit au ministre du temps – que l'enquête était en marche, l'enquête était en cours depuis pas mal de temps, vous aviez des soupçons, des indices sur des individus? Est-ce que c'est habituel que de compléter l'ultime démarche en pleine télévision?

M. Perreault: M. le Président...

M. Lefebvre: Non, non, ce n'est pas à vous que je pose la question, M. le ministre. Vous avez cédé la parole au directeur.

M. Perreault: M. le Président, je pense que le député de Frontenac, qui a été aussi ministre de la Justice, va reconnaître que c'est pour le moins inhabituel de placer le directeur de la Sûreté à faire des commentaires sur l'attitude du ministre, ou d'un ministre qui était là avant, alors que nous sommes en train d'étudier les crédits. Je pense qu'il n'a pas à placer le directeur de la Sûreté dans cette situation. Maintenant, le directeur peut bien répondre s'il le souhaite, M. le Président.

M. Lefebvre: Ma question, M. le Président – et le ministre l'a très bien compris, je ne demande pas au directeur général d'évaluer le ministre – c'est sur l'opération, en pleine télévision, procéder à la destruction d'une partie de la preuve. Est-ce que c'est une façon habituelle de procéder, M. le Président? C'est ça, ma question au directeur.

M. Barbeau (Serge): Ce n'est certainement pas une façon habituelle de procéder, mais il faut se rappeler – il faut se reporter dans le contexte, M. Lefebvre – que, quand Radio-Canada a diffusé son reportage, tous les yeux étaient tournés vers l'action qui serait posée par la Sûreté du Québec, et, qu'on le veuille ou non, cette action n'aurait pas pu avoir lieu, comme il se fait habituellement, sans la présence des caméras. Ça, c'est bien clair et ce n'est pas un voeu de la direction de la Sûreté que ce soit fait ainsi. Notre voeu aurait été que l'enquête se poursuive et que la destruction se fasse au moment opportun, qui est habituellement le moment de la récolte, comme on fait partout ailleurs au Québec quand on saisit ce genre de plants.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le directeur nous confirme que le dossier a été soumis au Procureur général ou à l'un de ses substituts?

M. Barbeau (Serge): Pour être bien honnête avec vous, je devrais faire une vérification, mais mon impression est qu'il a été soumis, effectivement. D'ailleurs, je l'ai déclaré ainsi, lors de la commission parlementaire du 25 janvier. Donc, pour moi, à moins d'erreur, le cas a été soumis au substitut du procureur, mais avec les résultats qu'on connaît.

M. Lefebvre: Vous m'aviez répondu, M. le Président, M. le directeur général: Quant à moi, M. Lefebvre, l'enquête, elle va toujours être pendante.

M. Barbeau (Serge): C'est ça.

M. Lefebvre: Dans la mesure... Ça, c'est usuel. On n'a pas l'intention de cesser de continuer notre information et notre enquête là-dedans. Évidemment, on va faire la demande des procureurs. Je comprends que vous vouliez dire – je ne veux pas vous interpréter: On va pousser plus loin notre enquête, mais on tend aussi des perches à l'interne. On fait de la recherche. C'est ce que vous avez voulu dire. Il n'y a rien qui m'indique très clairement, ni en janvier ni aujourd'hui, parce que vous me répondez de façon correcte, prudente, vous ne savez pas... Je suis surpris que vous ne le sachiez pas, remarquez bien. Je suis surpris que vous ne sachiez pas, aujourd'hui, le 25 avril, si le dossier a été, comme ça doit être fait, soumis au Procureur ou à un de ses substituts. Il n'appartient pas à la Sûreté du Québec, il n'appartient pas au ministre de la Sécurité publique de faire l'évaluation ultime, ça appartient au Procureur général ou à un de ses substituts. Alors, la question que je pose à M. le directeur: Est-ce que le dossier a été soumis à un substitut du Procureur général, sinon au Procureur général lui-même? C'est une démarche qui doit être faite.

M. Barbeau (Serge): M. Lefebvre, vous m'avez posé la même question au mois de janvier, vous m'avez fait le même reproche, et je vous ai dit, à l'époque, que, non, ce n'était pas la Sûreté du Québec qui avait à apprécier si on avait suffisamment de preuves là-dedans ou non, c'est un substitut du Procureur. C'est ce que j'ai dit, c'est ce que je répète aujourd'hui.

M. Lefebvre: Oui. Et, dans ce sens-là, jusqu'à un certain point, vous êtes en désaccord avec le député de Laval-des-Rapides, ex-ministre de la Sécurité publique, qui, lui, a commis souvent l'imprudence d'évaluer, en pleine télévision, la preuve qu'il avait en main. Ceci étant dit, est-ce que la preuve a été soumise? C'est ça, ma question.

M. Perreault: M. le Président, je...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, juste un instant. Pour la suite des choses, pour la mémoire des temps, ce serait important de rappeler qu'on est le 23 avril et non le 25 avril.

M. Lefebvre: D'accord, 23 avril.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est un détail technique.

M. Lefebvre: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Perreault: Bien, M. le Président, je suis un peu perdu par rapport au déroulement de nos travaux. Nous sommes à l'étude des crédits du ministère. Je ne veux pas empêcher l'opposition, au contraire, de poser ses questions, c'est son plein droit. Mais il me semble qu'on est dans une démarche d'interrogatoire du directeur sur des gestes passés. On essaie de le mettre en contradiction, je veux dire, avec des décisions ou des gestes du ministre. Il me semble qu'on... Honnêtement, je fais appel, encore une fois, à la collaboration du député de Frontenac pour, peut-être, me semble-t-il, qu'on revienne à l'objet de nos travaux.

M. Lefebvre: Je suis parfaitement d'accord avec ça, M. le Président, sauf que je rappelle au ministre que, lorsqu'on discute des crédits de son ministère ou de n'importe quel autre ministre, la pertinence est très large. Non seulement on a le droit, mais on a le devoir de questionner le ministre et ceux et celles qui l'accompagnent, d'autant plus que c'est le ministre qui a cédé la parole au directeur, M. Barbeau, pour qui j'ai le plus grand respect, et il le sait, je lui ai déjà dit. La pertinence est très large. Et je demande la collaboration effectivement du ministre et de son directeur. Ma question est très simple, très simple: Est-ce que la preuve, le dossier a été soumis à un substitut du Procureur général? Je parle de Kanesatake. C'est très simple.

M. Perreault: M. le Président, je ne dispose pas de cette information à ce moment-ci. Je peux la vérifier.

M. Lefebvre: Mais, quand on décide de fermer le dossier, tout en sachant qu'éventuellement on pourrait ramasser des renseignements inespérés, entre-temps on soumet le fruit de notre travail. Je ne comprends pas, M. le Président. Je dois vous avouer que je ne comprends pas. Lorsque le ministre me dit: Je ne sais pas si cela a été soumis au Procureur général, je ne comprends pas. Un dossier qui a fait les délices des Québécois et des Québécoises, parce que c'était spectaculaire, puis ça n'a rien donné, finalement, puis il y a des criminels qui courent, qui n'ont même pas été en danger d'être poursuivis parce que non soumis à celui qui décide, le Procureur général. Ces gens-là vous regardent, puis ils sifflent, puis ils trouvent ça drôle. Ils n'ont même pas été en danger d'être poursuivis. Ils ont commis un crime et le dossier n'a pas été soumis à celui qui décide, le Procureur général. Alors, je demande au ministre, M. le Président, de vérifier et de me revenir. Il ne peut pas revenir à l'Assemblée nationale parce qu'un complément de réponse à une commission, ça ne se donne pas à l'Assemblée nationale.


Enquête sur un présumé cartel dans l'industrie du béton

M. le Président, j'ai questionné le ministre, la semaine dernière, sur le cartel du béton et le ministre – je résume très rapidement – en réponse, le lendemain, après avoir pris avis, m'a indiqué que, oui, la Sûreté du Québec avait reçu... Je ne veux pas l'interpréter, je vais questionner autrement. Je veux juste lui rappeler qu'on s'est interrogés, on a posé des questions, à l'Assemblée nationale, sur le cartel du béton. Je veux savoir quel est le mandat précis – parce qu'il y en a eu un, mandat, puisqu'on sait maintenant que la Sûreté du Québec a fait du travail dans ce dossier-là – quel est le mandat qui a été confié par M. le ministre, l'ex-ministre, député de Laval-des-Rapides, à la Sûreté du Québec? Sauf erreur, c'est à l'Escouade des crimes économiques. Quel est le mandat précis?

(20 heures)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Perreault: Oui. M. le Président, M. le directeur étant ici, il pourra apporter des précisions s'il y a lieu. À ma connaissance, là-dessus, les informations sont les suivantes. Dans les médias du Québec, particulièrement de la région de Québec, à l'été 1995, il y a eu des articles qui faisaient référence à un possible cartel des compagnies de béton. La Sûreté du Québec a fait enquête, le ministre de la Sécurité publique de l'époque s'en est inquiété, la Sûreté du Québec a fait enquête. Mes informations sont à l'effet qu'il y a eu – comme c'est un peu normal dans des situations similaires – des contacts de pris avec Industrie Canada, particulièrement en fonction de la loi fédérale sur la concurrence déloyale. Il y a eu diverses étapes de communication et il a été convenu, à un moment donné, qu'Industrie Canada travaillerait davantage l'aspect concurrence déloyale et que les gens de la Sûreté feraient davantage la vérification, vérifieraient des allégations, s'il y en avait, à l'effet qu'il puisse y avoir eu malversation ou subordination de fonctionnaires ou des choses semblables, donc qui relevaient plus, en quelque sorte, de l'ordre du Code criminel. C'est un peu normal, dans ces circonstances, qu'il y ait un tel partage des responsabilités et des fonctions puisque, dans un cas, il s'agissait d'une loi pénale fédérale et, dans l'autre cas, il s'agit de manquements possible au Code criminel.

À ce que je sache, au moment où on se parle – et, si c'est le contraire, on me le dira – il n'y a pas eu, du côté criminel, d'allégations de preuves, d'éléments de preuves qui permettaient à la Sûreté d'aller plus avant dans son enquête et de porter des accusations. La Sûreté et Industrie Canada demeurent en contact dans ce dossier, le dossier demeure ouvert, mais, au moment où on se parle, il n'y a pas eu d'allégations de nature criminelle qui auraient amené la Sûreté à procéder plus avant.

M. Lefebvre: Quand le ministre me dit que le dossier progresse, est-ce que le dossier, au moment où on se parle, est toujours actif, du côté de la Sûreté du Québec?

M. Perreault: À ma connaissance, oui, il est toujours ouvert.

M. Lefebvre: Actif? On enquête, on travaille sur le dossier, M. le ministre? Est-ce que l'enquête suit son...

M. Perreault: Oui. On me dit que oui.


Sondage sur le système de détention

M. Lefebvre: M. le Président, je voudrais aborder rapidement le dossier des centres de détention. Aux renseignements généraux, à la page 76, on nous indique, M. le Président...

(Consultation)

M. Lefebvre: M. le Président, on nous dit... C'est Renseignements généraux, comme je viens de l'indiquer, requis par l'opposition: «Enquête sur la connaissance du régime correctionnel pour les contrevenants», sondage effectué au Québec, au coût de 10 334 $. Rapidement: L'objectif est de vérifier les connaissances générales de la situation correctionnelle au Québec, de vérifier si la population est d'accord avec les décisions qui doivent être annoncées.

M. le Président, je me souviens qu'on a déjà reproché à Robert Bourassa de gouverner par sondages, mais, ça, c'est assez spectaculaire comme démarche. Il n'y a pas plus évident, comme décision politique dirigée par un sondage, que ce cas-ci. Je n'ai jamais vu ça, moi. «De vérifier si la population est d'accord avec les décisions qui doivent être annoncées.» Alors, on fait un sondage et, si on trouve que ça a du bon sens, on ferme cinq, peut-être six prisons. Je voudrais savoir du ministre comment on a procédé. Qui a été appelé à soumissionner? Quels sont les experts en cette matière, au Québec? Alors, comment on a procédé, les appels d'offres, les soumissions, quelle maison a fait le sondage. Et d'autres questions vont suivre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Perreault: Oui. M. le Président, d'abord, il faut replacer un peu les choses dans leur contexte, les décisions n'ont pas été prises en fonction des sondages. Ce sondage visait à vérifier diverses façons à partir desquelles la population appréhende, comprend le système québécois, quelles sont ses réactions à diverses situations. On ne visait pas, au sens strict, à vérifier si la population était pour ou contre une mesure aussi spécifique – bien qu'effectivement on le vérifiait également, on le vérifiait – mais il s'agissait de bien comprendre l'état d'esprit de la population à l'égard de notre système de détention, la compréhension qu'ont les gens de la lourdeur des peines, de la difficulté de l'exercice de ces questions, la façon dont les gens réagissent par rapport à divers types de peines, par rapport aux mesures intermédiaires, bref leurs réactions globales à l'égard d'un certain nombre de ces phénomènes.

Alors, ça me fait plaisir, M. le Président, puisque la question m'est posée, c'est le groupe Léger & Léger qui a fait...

M. Lefebvre: Je suis tout surpris d'entendre ça, tout surpris d'entendre que c'est Léger & Léger.

M. Boulerice: Ah! il ne faut pas tout donner à National et Beauregard.

M. Perreault: On me dit, M. le Président... On ne fera pas de débat là-dessus comme ça. On me dit, M. le Président, qu'il y a eu un appel...

M. Lefebvre: Combien est-ce qu'il y a eu de maisons?

M. Perreault: On me dit, M. le Président, qu'il y a eu un appel d'offres sur invitation, comme il est de coutume pour ce genre de...

M. Lefebvre: Ha, ha, ha!

M. Perreault: ...ou comme il est possible de le faire pour ce genre de sondage, compte tenu des coûts, etc. Et, M. le Président, ça me permet peut-être d'en profiter pour donner certaines des données de ce sondage. Par exemple, le sondage indiquait que 61 % des Québécois se montraient ouverts à une utilisation accrue des mesures sentencielles autres que l'incarcération pour les personnes qui ont été trouvées coupables de délits mineurs. Et là on pense, par exemple, à des choses comme la suspension du permis de conduire, des dédommagements; par exemple, la possibilité d'aller dans des dédommagements de victimes ou des travaux communautaires; donc, dans d'autres formules que la formule de détention pour des délits mineurs. Et puis, une autre...

M. Lefebvre: M. le Président, je ne veux pas interrompre M. le ministre. Oui. Je ne veux pas vous interrompre, M. le ministre. C'est juste pour peut-être aller au coeur de deux ou trois questions là-dessus.

M. Perreault: Bien, si vous me permettez, je vais continuer un peu. Je n'abuse pas beaucoup, je pense, honnêtement, de mon droit de réplique, et, puisque vous m'avez posé la question, je vais essayer quand même de vous donner... C'est intéressant, ce que ce sondage disait, et vous avez raison, non pas, je pense, M. le Président, le député, lorsqu'il dit que le gouvernement décide en conséquence des sondages, sauf que le gouvernement tient quand même à pouvoir s'assurer que la population comprend bien ses gestes et, éventuellement, à pouvoir intervenir et à s'ajuster, également, aux préoccupations de la population.

Alors, il y a une deuxième donnée qui est intéressante dans ce sondage. Non seulement 61 % des Québécois, donc, se montraient ouverts à une utilisation accrue des mesures sentencielles autres que l'incarcération...

M. Lefebvre: C'est quoi, la question précise là-dessus, M. le Président? La question précise là-dessus, M. le Président, c'est quoi?

M. Perreault: Bien...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre...

M. Perreault: Vous avez la question, monsieur...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous avez la parole.

M. Perreault: On va vous la trouver.

M. Lefebvre: Ça, c'est l'aspect sécurité, M. le Président?

M. Perreault: On va vous la trouver, ce ne sera pas long. On va vous la trouver. Alors, M. le Président, c'est un assez bon sondage. Je pense qu'on pourrait même en donner des copies à nos collègues à un moment donné, pas de problème.

Mais, pendant qu'on trouve la question, M. le Président, je vais continuer un petit peu.

Une voix: Ce n'est pas important.

M. Perreault: C'est la grippe qui me... Donc, non seulement 61 % des Québécois se montraient ouverts à l'utilisation accrue de mesures sentencielles autres que l'incarcération – encore une fois, pour les personnes qui sont trouvées coupables de délits mineurs – mais près de 83 % des personnes interrogées disaient que, dans la mesure où les peines imposées impliqueraient une forme d'encadrement: contrôle, surveillance, etc., donc, l'appui de la population à l'égard de l'utilisation de mesures sentencielles qui sont autres que l'incarcération monte même jusqu'à 83 %. Autrement dit, M. le Président, ce que ce sondage démontre...

(20 h 10)

Évidemment, il y a d'autres dimensions. C'est évident que la population a parfois des craintes à l'égard de l'application de toutes sortes de mesures, à l'égard des mesures alternatives. Je ne prétends pas, M. le Président, que le sondage ne va que dans un sens tout le temps, je dis simplement ceci: Ce que le sondage démontre, c'est qu'il y a une corrélation entre l'état d'esprit de la population et les décisions et les mesures gouvernementales, et, ça, je pense qu'il faut s'en réjouir. Je pense qu'il y a là l'indication du fait que le gouvernement gouverne non pas par sondages, mais que le gouvernement est bien ancré sur les perceptions, les préoccupations et les valeurs de la population au Québec. Et ça me permet, M. le Président, de dire qu'on a la chance, au Québec, actuellement, de pouvoir éviter la situation que connaissent nos voisins, aux États-Unis. J'ai eu l'occasion de le dire, je le répète: Nous devons, me semble-t-il, éviter de nous retrouver dans l'espèce de cul-de-sac où se retrouvent les gens au sud de nos frontières, où on sait que, vers l'an 2000, dans certains États, notamment l'État de la Californie, on va se retrouver avec autant de prisonniers que d'étudiants, avec des budgets consacrés aux centres de détention qui atteignent et dépassent ceux consacrés à l'éducation. C'est un cul-de-sac, M. le Président. Donc, ce qui est intéressant c'est de voir que la population du Québec, à travers ces sondages, est ouverte à envisager des mesures différentes.

Le sondage, entre autres, révèle que près de 90 % de la population du Québec se sent, en général, en sécurité, de façon générale. Évidemment, il y a des nuances. Par rapport à la question très précise qui m'a été soulevée, à savoir: C'était quoi, la question qui a permis de répondre 61 %? la question était la suivante: «Actuellement, il existe une attitude, à l'égard des personnes condamnées pour de petits délits, qui consiste à remplacer la peine de prison par d'autres mesures, tels la suspension du permis de conduire, le dédommagement des victimes et les travaux communautaires non rémunérés. De façon générale, pensez-vous qu'on devrait utiliser davantage cette approche? Qu'on devrait la conserver comme maintenant? Qu'on devrait l'utiliser moins souvent?» Et, à cette question, M. le Président, plus de 61 % des gens ont répondu qu'on devrait l'utiliser davantage.

Alors, en résumé, pour répondre aux questions du député, c'est la firme Léger & Léger. Ça s'est fait par soumission sur invitation. C'est un sondage, M. le Président, qui, donc, nous a permis de conclure que nous visions juste et que, par les décisions que nous prenions, nous rejoignions l'essentiel des valeurs, des préoccupations et des aspirations de la population du Québec.

M. Lefebvre: M. le Président...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. M. le député de Frontenac, ensuite M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. J'ai demandé à M. le ministre de déposer le sondage en question. Il m'a dit que c'était faisable et que ce serait fait.

M. Perreault: Oui, avec plaisir. Je n'en ai peut-être pas suffisamment de copies avec moi, M. le Président, mais on pourra le faire sans faute, le déposer officiellement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien.

M. Lefebvre: Un instant, M. le Président.

M. Perreault: Mais c'est un bon sondage, M. le Président. Des résultats intéressants.


Fermetures de centres de détention

M. Lefebvre: M. le Président, questionner toute la décision du gouvernement de procéder à la fermeture de centres de détention et l'aborder dans le détail, c'est un débat de plusieurs heures. Ça touche toutes sortes de questions fondamentales – j'allais dire accessoires, mais on aura très bien compris ce que je veux dire – extrêmement importantes, et accessoires dans le sens que, lorsqu'on parle de fermeture de centres de détention... J'écoutais, hier, le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques à une émission de télévision locale, communautaire, «Ici votre député». Un bon texte. Vous lisiez un très bon texte. Vous m'avez impressionné, M. le député.

M. Boulerice: C'était mon but, d'ailleurs.

M. Lefebvre: J'ai compris que le ministre... C'était bien lu. Il y avait plein de choses avec lesquelles j'étais d'accord, lorsque j'écoutais le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, et des commentaires que vous avez déjà faits dans ce dossier-là. Bon. J'ai des réserves sur la fermeture des centres de détention, tel que vous l'avez annoncé, M. le ministre. J'ai des réserves sur les échéanciers, des réserves énormes. J'ai également, M. le Président... Je suis en contradiction sur certaines données, sur certaines statistiques. La diminution du crime en général. Il faut bien préciser quel est le crime qui diminue... Le crime contre la personne ne diminue pas, malheureusement. On vit une période économique extrêmement difficile. Tous les experts s'entendent, ça peut créer une augmentation du crime, malheureusement.

Mais la question que je veux aborder avec le ministre ce soir, pas nécessairement très longtemps, M. le Président, c'est les alternatives: la réinsertion, la réhabilitation. Et je ne veux pas toucher ce à quoi le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques faisait allusion, hier, dans son entrevue télévisée, les peines de fin de semaine. Il y a un fouillis indescriptible, dans ce dossier-là. On sait très bien, tout le monde sait, ceux qui suivent le dossier, qu'il y a des gens qui sont condamnés à des peines de prison et, à cause de la surcharge dans les centres de détention, on n'exécute pas une heure, souvent pour des crimes sérieux, M. le Président.

Alors, je veux savoir du ministre: Comment a-t-il mis en parallèle sa décision de procéder à la fermeture de centres de détention, cinq centres, éliminer plus ou moins 10 % des places, avec des mesures aussi timides, quantifiées à 1 500 000 $? On a ajouté 1 500 000 $, pas plus pas moins, pour la réinsertion, la réhabilitation, l'action du milieu communautaire. Il me semble, M. le Président, que le milieu communautaire qui s'occupe de ce genre de problème là aurait dû recevoir une meilleure attention du ministre. Si le ministre avait été conséquent avec sa décision, dans son virage carcéral, il aurait dû démontrer que, oui, le message avait été compris des groupes communautaires qui s'occupent de la réhabilitation, de la réinsertion. On va vous donner les munitions nécessaires pour vous permettre d'opérer le virage. Mais on procède un petit peu, jusqu'à un certain point, comme dans le dossier de la santé, M. le Président. On ferme les prisons et les alternatives ne sont pas prêtes et ne seront pas prêtes le 1er juillet qui vient.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Perreault: D'abord, vous comprendrez, M. le Président, que je ne partage pas du tout l'analyse qui a été faite par le député. Il faut savoir que le ministère – et c'est dans les crédits, M. le Président – va ajouter 1 500 000 $ dans les ressources déjà consenties au milieu communautaire pour, en quelque sorte, permettre et faciliter les changements. On parle de 1 500 000 $ pour 300 personnes. Nous consacrons déjà 8 000 000 $ à ces ressources, donc ce qui va faire 9 500 000 $. De fait, nous consacrons tout près de 16 000 000 $, au total, dans la communauté, en termes d'investissement dans diverses mesures d'ordre communautaire, diverses mesures dans la communauté pour, en quelque sorte, trouver des alternatives à la détention ou venir en complémentarité des activités de la détention.

Donc, 1 500 000 $ pour faire face à une demande accrue d'à peu près 300 personnes, c'est un ordre de grandeur qui est quand même assez important, M. le Président, puisqu'on consacre actuellement 8 000 000 $ et 16 000 000 $, dépendamment des enjeux, pour la totalité des cas dont on s'occupe. Mais il faut savoir, M. le Président, que même là il faut replacer ça dans le contexte. Il y a des mesures qui vont venir qui sont de nature à changer la façon dont l'ensemble des peines sont décidées. C'est un fait public qu'il y a eu des modifications au code pénal québécois, notamment pour permettre au percepteur de pouvoir récupérer les amendes relativement, par exemple, aux infractions au Code de la sécurité routière. Il y a un projet de modification au Code criminel canadien, le projet de loi C-41, c'est bien ça, C-41, qui va permettre aux juges, qui va donner aux juges un outil supplémentaire dans leur panier de décisions et qui s'appelle le sursis d'exécution des sentences de détention. C'est une méthode qui est utilisée dans d'autres pays, M. le Président, et cette méthode a pour effet de réduire de façon importante le nombre de personnes qui purgent leur peine dans un centre de détention. Ça ne veut pas dire qu'elles ne purgent pas leur peine, mais ça réduit de façon importante le nombre de personnes qui purgent leur peine dans les centres de détention.

(20 h 20)

D'autre part, il faut savoir que la criminalité est en baisse, au Québec. C'était le paradoxe de la situation. On avait assisté, au cours des dernières années, à une augmentation importante du nombre de places dans nos centres de détention, mais la criminalité est en baisse. Par exemple, depuis 1992, le nombre total d'infractions au Code criminel est en baisse de 13 %, le nombre de délits avec violence est en baisse de 8 %, le nombre de délits contre la propriété est également en baisse. Donc, il y a une baisse de la criminalité. Alors, il y a, et c'est un peu normal, une volonté à la fois de s'ajuster à la nouvelle situation, de tenir compte également de l'opinion publique, bien sûr, dans ses valeurs et dans sa compréhension de la façon dont les peines doivent être purgées, de tenir compte des nouveaux outils dont vont disposer les intervenants dans le secteur au cours des tout prochains mois. Déjà, dans le cas des modifications au code pénal, c'est en vigueur depuis le début du mois de mars. Dans le cas de la loi C-41, ce sera en vigueur à l'automne. Toutes ces données, M. le Président, font en sorte qu'il nous semble... C'est bien sûr qu'il pourrait y en avoir davantage, mais il nous semble que la volonté d'injecter 1 500 000 $ d'argent neuf dans le réseau communautaire, compte tenu de l'ordre de grandeur des problèmes, sans parler également de la volonté d'ajouter 1 000 000 $ – je pense que c'est 1 000 000 $, oui – pour permettre l'application des effets de la loi C-41... Nous, on pense, M. le Président, que ça va nous permettre de faire face à la situation correctement.

Encore une fois, je comprends que, en théorie et si les ressources étaient illimitées, si les ressources publiques étaient illimitées, bien, je comprends qu'effectivement il pourrait toujours y en avoir encore davantage, mais je veux dire, M. le Président, que j'ai eu l'occasion de rencontrer les principaux intervenants du secteur communautaire avant d'annoncer ces décisions et je ne sais pas si le député de Frontenac a eu l'occasion de lire certains commentaires dans les médias, y compris ceux d'un certain nombre de personnes qui connaissent assez bien le secteur... Je pense, entre autres, à un article paru dans La Presse , sous la plume de M. Normandeau, qui est un ex-directeur du Département de criminologie de l'Université de Montréal, qui est une figure bien connue dans le secteur, je pense qu'on ne peut pas douter de sa connaissance du secteur, M. le Président, et qui félicitait le ministre, donc le gouvernement, je l'ai pris comme ça, de son courage et de sa détermination pour aller dans le sens de ce que tout le monde, finalement, souhaitait.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Plusieurs questions sont soulevées par la détention. Je vais essayer de les prendre une par une.

D'abord, un des aspects qui avaient été soulevés par le ministre lors d'une rencontre avec les intervenants de la région du KRTB au sujet de la fermeture du centre de détention de Rivière-du-Loup, et ça semblait être un argument important, je suppose, dans une politique de régionalisation ou de changement de la philosophie utilisée par le ministre, c'était de ramener, de dire: Il n'y aura plus, à l'avenir, deux centres de détention dans la même région. On va ramener ça à un centre de détention par région. Il nous expliquait que, pour la région Bas-Saint-Laurent, ça le plaçait dans une difficile situation. Il y avait deux centres, les deux étaient neufs, celui de Rimouski étant le plus gros, le plus petit devait disparaître. On pouvait être d'accord ou pas avec cette argumentation-là, mais c'était une argumentation.

La surprise – bien, surprise, le mot est faible – la stupéfaction de tout le monde, probablement même de certains membres du côté ministériel, de s'apercevoir que la règle du deux centres de détention par région voyait une des régions être placée dans une bulle. Peut-être que c'est une bulle qui se confirmera dans l'ensemble des ministères dans l'avenir, la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean est mise un petit peu en dehors de ce qui semble être des règles que le ministre s'est données. Ma question va être assez simple. C'est: Est-ce qu'il y a des raisons, en termes de sécurité publique, évidentes, claires, qui justifient que les centres de Roberval et de Chicoutimi, si je ne me trompe pas, demeurent ouverts et que, finalement, ce que le ministre a dit devant une dizaine de porte-parole, d'intervenants, et M. l'attaché politique était présent à la rencontre, donc témoin de ce que je cite, ce principe qui nous a été énoncé comme étant la base des décisions ou une des bases, du moins, des décisions, d'avoir un centre par région ne s'appliquait pas dans le cas d'une des régions?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Perreault: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui. Juste un instant, M. le ministre.

M. Perreault: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Compte tenu des éléments qui ont été évoqués hier, en début de séance, par M. le député de Saint-Jean, je nous inviterais tous à être plus que prudents sur les sujets en cours, compte tenu qu'il y a... Même si ce n'est pas matière criminelle, il y a des éléments...

M. Lefebvre: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je vous invite à la prudence. Donc, pour des questions... Sur les sujets dont on discute actuellement, il y a une démarche juridique d'entreprise et, en ce sens-là, je pense qu'on doit garder toute la limite nécessaire pour ne pas porter atteinte à la notion d'indépendance du judiciaire par rapport au politique.

M. Dumont: Mais, en respectant vos recommandations quant à la prudence, à la rigueur votre argument signifierait qu'on ne pourrait pas voter les crédits, parce que le fait de voter les crédits vient intervenir dans le processus judiciaire en cours. Je pense que, tout en respectant les recommandations de prudence que vous nous supposez, on va laisser le ministre répondre à la question.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il y a une distinction majeure, M. le député de Rivière-du-Loup, entre le vote des crédits et de commenter largement une situation qui se retrouve devant les tribunaux. Alors, je pense qu'il faut savoir distinguer le processus.

M. Dumont: Vous avez tout à fait raison, M. le Président...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ceci étant dit, je ne vous interdis pas d'en parler, mais je vous rappelle le devoir de prudence. M. le député de Saint-Jean, brièvement.

M. Boulerice: ...le journaliste, M. Morin, donnerait des conseils.

M. Paquin: Disons que, sur la question du vote des crédits eux-mêmes, ils sont péremptoires à la fin de la période d'étude et je pense qu'on n'a pas à y échapper. C'est au moment d'en débattre qu'il nous faut effectivement, comme vous l'avez souligné, être prudents. Maintenant, ce à quoi je référais hier et que je rappelle aujourd'hui, c'est que c'est le ministre qui est intimé là-dedans, le ministre lui-même, M. Robert Perreault, ès qualités de ministre de la Sécurité publique...

M. Lefebvre: Qui est demanderesse ou requérante?

M. Paquin: Il y a Danielle Laferrière, André Hénault, Georges Manseau, Robin Dubé et Réjean Lagarde...

M. Lefebvre: Mme Laferrière est mairesse de la ville de Joliette; le codemandeur, c'est le député de Joliette. Il ne veut pas qu'on le sache?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Il ne veut pas qu'on ferme sa prison.

Une voix: Qu'est-ce que vous avez contre ma ville natale, vous là?

M. Paquin: Mais, sur la question, M. le Président, strictement sur la question de règlement, je ne veux pas entrer sur le fond, il reste que les prisons, au moins une des prisons qui ont été mentionnées par le député de Rivière-du-Loup dans sa question est nommément dans les deux déclarations qui sont requises. Quant à l'ordonnance, où le nom de cette prison figure aussi, il est indiqué... le motif serait d'avoir de la difficulté à se conformer à toutes les ordonnances d'incarcération. Or, la question portait aussi sur les mesures alternatives, tantôt. Ce qui fait que je me posais la question, compte tenu de la jurisprudence qui dit notablement ici qu'on ne peut discuter d'affaires qui sont devant les tribunaux... Pour les affaires civiles, on doit le faire de façon minutieuse.

M. Dumont: Le plaidoyer est un peu long sur la question de règlement, M. le Président.

M. Boulerice: Non, non. C'est à l'usage du président de déterminer...

M. Lefebvre: M. le Président, on s'entend tous, là. Je ne sais pas ce que le député de Saint-Jean plaide, on est tous d'accord. Il va charger des honoraires à je ne sais qui, là, puis il plaide pour rien, là, on est tous d'accord, M. le Président.

M. Dumont: Ma question, je vais la reformuler.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un à la fois, s'il vous plaît. M. le député...

M. Dumont: Je vais la formuler pour répondre aux exigences du député de Saint-Jean, M. le Président.

M. Lefebvre: On lui donne raison. Consentement.

M. Dumont: Voilà. Et je reformule ma question: Combien y aura-t-il de centres de détention dans ces plans, par région, et combien dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean? Ce n'est sûrement pas devant les tribunaux.

(20 h 30)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, loin de moi l'idée de ne pas apporter ma collaboration à cette commission, mais les avis que j'ai, c'est que toute réponse à des questions qui ont trait à la fermeture des établissements risquerait effectivement d'empiéter sur les règles, les rôles, les fonctions entre le législatif et la justice. Ces questions sont maintenant portées à l'attention de la justice et, dans le contexte présent, les avis que j'ai, M. le Président, sont à l'effet de ne pas répondre à des questions qui, de près ou de loin, se rapportent à la fermeture, à la comptabilisation de la fermeture, aux raisons de la fermeture, aux circonstances des fermetures ou à tout fait lié aux fermetures, M. le Président. On peut parler de la criminalité au Québec, on peut parler de l'ensemble des mesures, des interventions en milieu communautaire, des choses semblables, mais les avis que j'ai sont à l'effet qu'il serait inapproprié, même inacceptable, que, comme ministre qui est intimé dans une situation semblable, je réponde à des questions qui pourraient par la suite être interprétées. Puis, évidemment, quand on répond aux questions, bien, le jeu des questions-réponses peut nous amener parfois un peu à donner des faits, exprimer des opinions, qui peuvent être évoqués, et, dans ce contexte-là, M. le Président, je dois dire au député de Rivière-du-Loup que je préfère ne pas répondre à sa question.

Je ne sais pas, M. le Président, si le député a eu une copie de l'action en question. Moi, je suis tout à fait disposé à ce qu'il l'ait. Je pense qu'on en a remis une copie à l'opposition officielle. Je ne sais pas s'il l'a eue. Je pense qu'on l'a informé de ces faits avant la tenue de la commission; le député de Saint-Jean y a fait référence. Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, je préfère ne pas répondre à des questions qui ont trait à des questions de fermeture.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, j'ai trois demandes d'intervention: M. le député de Rivière-du-Loup, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques et M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dumont: J'aurais trois questions, dans le fond, qui ne sont pas du tout reliées à la fermeture d'un centre de détention ou d'un autre, dans le respect du sub judice.


Administration des sentences

Ma première question, elle est très générale: Est-ce que le ministre ou ses adjoints peuvent nous confirmer qu'à l'heure actuelle, dans les circonstances actuelles, il est vrai que des avocats communiquent avec des gens des centres de détention, par exemple, à l'approche des fins de semaine, pour évaluer les niveaux de risques, pour être bien sûrs que la prison est pleine, que certains centres de détention sont pleins à capacité, pour être bien sûrs que, si leurs personnes comparaissent à tel ou tel moment, il n'y a aucun risque qu'elles fassent de la détention, qu'ils sont certains qu'elles vont aller passer devant la porte, faire un bye-bye au personnel et puis s'en retourner chez elles? Alors, je voudrais vérifier si lui a entendu – on entend ça – le même genre de chose, puis est-ce que ça le préoccupe.

Ma deuxième question. Je vois qu'il y a des augmentations au niveau des services communautaires. Quels que soient les résultats de ce qui est devant les tribunaux et qui nous empêche de parler du fond du sujet, est-ce que, par exemple – j'en prends un au hasard – pour un centre comme l'Arc-en-soi, à Rivière-du-Loup, on peut s'attendre à ce qu'il y ait des augmentations de budget qui proviennent de ces augmentations-là au niveau de l'ensemble du Québec ou au niveau communautaire?

Ma troisième question, elle est fort simple et tout à fait dissociée des décisions qui pourraient émaner des tribunaux et des décisions qu'a pu prendre le ministre: Est-ce qu'il a visité le centre de détention de Rivière-du-Loup pour savoir de quoi on parle?

M. Perreault: Alors, je vais commencer par la dernière question, M. le Président. Je n'ai pas visité le centre de Rivière-du-Loup, le député de Rivière-du-Loup le sait très bien. J'ai eu l'occasion de rencontrer les gens de Rivière-du-Loup à plusieurs reprises, de discuter de la situation. Mais, encore une fois, M. le Président, je ne veux pas embarquer... le député de Rivière-du-Loup m'amène sur un des centres qui font l'objet de fermetures. Je pense qu'il serait inapproprié que j'aille plus loin dans ce secteur-là, dans cette direction-là.

Quant aux deux autres questions qu'il a posées, M. Carrier, qui m'accompagne, qui est le directeur des services correctionnels, tout en tenant compte, bien sûr, des procédures qui sont pendantes, peut peut-être apporter des éléments de réponse d'ordre général.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. Carrier.

M. Carrier (Normand): M. le Président, je vais y aller en deux volets, parce que la question du député de Rivière-du-Loup porte à la fois sur les sentences intermittentes et sur la façon dont les sentences sont administrées au Québec. Lorsqu'on parle de l'administration des sentences au Québec, on parle beaucoup plus souvent des sentences qui ne seraient pas administrées. Alors, je vais essayer de situer cela dans son contexte général. Les tribunaux au Québec condamnent des individus à approximativement 1 900 000 jours-séjours en détention. Sur 1 900 000 jours-séjours en détention, il y a 1 300 000 jours-séjours qui sont purgés dans les 3 500 places que nous avons au Québec, et nous avons 65 000 admissions. C'est pour ça que, quand j'entends ou quand je lis dans les journaux: «les sentences au Québec ne sont pas purgées», puis que je constate que ça coûte 180 000 000 $ au Québec, puis qu'il y en a 1 300 000 qui sont purgées, je me dis: Il y a un problème quelque part.

L'autre volet de la question, c'est les absences temporaires. Il y a un tiers des personnes qui sont en absence temporaire. Donc, il y a 630 000 jours-séjours qui sont purgés en absence temporaire. Selon la loi, à l'article 22, le directeur général peut accorder des absences temporaires pour des raisons de réinsertion sociale, pour des raisons humanitaires ou pour des raisons médicales. Alors, ces gens-là sont mis en absence temporaire en vertu de ces trois volets-là et en vertu du pouvoir du directeur général. Chacun des cas est étudié par un comité de trois personnes qui fait une recommandation au directeur de l'établissement de détention. Ça, c'est pour le premier volet.

Le deuxième volet, sur les sentences discontinues. Les sentences discontinues sont données par les juges à des individus qui ne sont pas jugés dangereux, puisqu'ils sont en liberté la semaine, et ils purgent leur sentence les fins de semaine. Nous avons approximativement 1 400 personnes par fin de semaine qui purgent leur sentence. La façon dont on les fait purger... On avait une décision à prendre, c'était: Est-ce qu'on construit, pour les samedis soir, 1 400 cellules? Et construire une cellule, ça coûte 125 000 $. Alors, la décision qui a été prise, ça a été de faire purger la première fin de semaine à l'établissement de détention pour que la personne contrevenante sache ce que c'est qu'un établissement de détention, et les autres fins de semaine sont purgées comme des retenues, du samedi matin à 8 heures jusqu'au samedi soir à 17 heures; à ce moment-là, il y a une absence temporaire qui est donnée jusqu'au lendemain matin, et elle continue à purger sa sentence le lendemain matin. Ces sentences-là sont purgées, ou bien dans des centres de détention, ou bien... Parfois même, comme ici à Québec, c'est dans les quartiers cellulaires du palais de justice, ou dans des centres communautaires.

J'ai informé personnellement la magistrature de la façon dont les sentences intermittentes étaient purgées et j'ai informé aussi les procureurs de la couronne.

M. Dumont: Il y avait un volet sur les augmentations des sommes aux organismes communautaires dans ma question, aussi. C'est sûrement le ministre qui est celui qui décide de l'utilisation des budgets.

M. Perreault: Toutes les décisions, M. le Président, ne sont pas prises à ce moment-ci. Il y a une enveloppe. Cette enveloppe sera répartie en fonction d'un certain nombre de critères, et qui sont des critères d'équité, qui tiennent compte des besoins de chacune des régions et des ressources existantes, déjà. Et c'est sur cette base-là que les décisions seront prises. Je n'ai pas, au moment où on se parle, vu un plan précis, détaillé de répartition. C'est l'exercice auquel se livre la direction. Et, encore une fois, bien, cette répartition sera fondée région par région, toutefois, en tenant compte des besoins, des ressources, et en essayant de viser des principes d'équité.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Je vous remercie, M. le Président. Notre société se remet en question quant à sa façon de traiter la criminalité. On parle de diminution de recours à l'incarcération par l'utilisation maximale d'autres mesures sentencielles. On parle de réinsertion sociale des contrevenants, et ceci, on parle de le faire avec les citoyens, on parle également de le faire avec les organismes qui sont issus du milieu communautaire. Si on en arrivait à l'établissement d'une telle attitude au Québec quant au traitement de la criminalité, est-ce que le ministre peut nous indiquer l'ordre de grandeur – je ne vais pas lui demander au sou près – l'économie exacte que son ministère pourrait réussir à faire? Combien sauverions-nous? Finalement, on économiserait?

(20 h 40)

Je me suis laissé dire, M. le ministre, et on me l'a tellement bien dit que je l'ai répété, que, dans une certaine prison, l'incarcération d'un prisonnier coûtait près de 120 $ de plus que la chambre la plus luxueuse au Ritz-Carlton, à Montréal. Je n'ai jamais été partisan de traiter de façon médiévale les prisonniers et d'adopter la méthode américaine qui consiste à les enchaîner, mais c'est un peu difficile de défendre devant l'opinion publique qu'une incarcération puisse coûter plus cher que le plus grand hôtel de luxe de notre ville. Quand je dis «notre ville», je pense à vous et à moi, M. le ministre, je parle donc de Montréal, donc de la métropole, disons.

M. Perreault: M. le Président, je suis encore un peu embêté. Le député fait référence indirectement au même centre de détention auquel l'autre député faisait référence.

M. Boulerice: Non, non, non, non. Je n'ai jamais mentionné de centre de détention, M. le ministre.

M. Perreault: C'est parce que tout ce qui tourne, M. le Président, autour des économies engendrées – donc, qui est une des dimensions, bien sûr, une des dimensions des décisions du gouvernement, c'est une des dimensions, donc, qui est prise en compte – évidemment, ça fait partie un petit peu du débat et des éléments de preuve que certaines parties... ou, enfin, de l'argumentation que certaines parties voudront invoquer devant la cour. Moi, à ce moment-ci, M. le Président, je pense que je préfère, encore une fois, ne pas entrer dans tout ce qui tourne, si j'ai bien compris la question du député, autour d'économies reliées aux décisions sur la fermeture... bref, tout ce qui tourne autour de la fermeture des centres de détention. Je comprends, M. le Président, que c'est difficile parce que les centres de détention sont au coeur des crédits des services correctionnels, mais, en même temps, M. le Président, je préfère ne pas trop commenter.

Il y a des chiffres qui ont été rendus publics, qui sont publics, le chiffre de 16 000 000 $ d'économies. Mais, encore une fois, je pense qu'il n'y a pas intérêt à trop approfondir ce sujet.

M. Boulerice: M. le Président, sans parler d'économies monétaires, il y a quand même une économie sociale qui est importante. J'aimerais connaître la pensée du ministre à ce sujet.

M. Perreault: Oui, et ce qui est clair, M. le Président, c'est...

M. Boulerice: Je le sais progressiste.

M. Perreault: Oui. Indépendamment de toute question de fermeture d'un centre ou d'un autre, il est clair, M. le Président, qu'en termes de philosophie, d'approche en matière de peines, il est clair là-dessus qu'il y a des choix de société. On sait, on connaît l'expérience de la société québécoise. On voit ce qui se passe aux États-Unis. On sait également ce qui se passe en Europe. Et, donc, on peut analyser, apprécier la façon dont le système de peines est organisé, l'utilisation ou non des centres de détention, le rôle des mesures intermédiaires, des mesures communautaires, des mesures de rechange. Encore une fois, c'est pour ça que le gouvernement du Québec a corrigé le code pénal, notamment pour pouvoir faire face à tout ce problème des gens qui ne paient pas leurs amendes, pour pouvoir y faire face par des méthodes différentes que la détention, pour donner au percepteur des outils, des instruments pour être capable, en quelque sorte, de percevoir l'amende, pour donner également des outils pour... On avait jusqu'à maintenant l'expérience, bien sûr, des travaux compensatoires, mais il y a également, dans les modifications du législateur fédéral au Code criminel canadien, avec le projet de loi C-41, j'en ai parlé, il y a une orientation qui vise à utiliser les centres de détention comme mesure ultime, comme mesure de dernier recours, que le juge s'assure, dans le fond, que tous les autres moyens ont été épuisés dans le cas, évidemment, des délits mineurs, de ceux qui ne posent pas de problèmes pour la sécurité du public. Et il faut rappeler qu'effectivement les centres de détention du Québec... que nos responsabilités sont relatives à des délits moins graves, puisque ce sont des délits qui encourent des peines de moins de deux ans de prison.

Alors, c'est clair que le gouvernement se dissocie d'une certaine façon, puis avec une certaine fierté, d'un traitement qu'on pourrait appeler plutôt répressif de la criminalité, d'une approche plutôt répressive de la criminalité. Non pas que la détention ne doit pas demeurer comme un élément important des mesures de protection qu'une société se donne. C'est bien évident que ceux qui représentent des dangers pour notre société vont devoir continuer, enfin on le pense, c'est comme ça depuis que le monde est monde, et je pense que ce sera encore comme ça, malheureusement, longtemps... Probablement que les juges vont continuer à utiliser les possibilités de la détention. Malheureusement, ça fait partie un peu de la condition humaine, mais on sait que, dans le cas de bien des délits, il y a d'autres solutions possibles. L'expérience est là, elle le démontre.

Il y a un écart en termes de taux d'utilisation des mesures de détention, mettons, entre certains pays européens, qui sont considérables par rapport même à notre expérience ou à celle américaine – on peut réduire de beaucoup, c'est par 10, par 15, au moins par 10, je pense – entre le taux d'utilisation des centres de détention aux États-Unis versus certains pays d'Europe.

Un pays comme la France, qui est beaucoup plus grand que le Québec, avec une population beaucoup plus importante, utilise, je pense que c'est... Par exemple, on me donne un taux: au Canada, le Québec est proche, on utilise à 27 % la détention dans l'ensemble des mesures, si on compare ça à des taux comme 5 % en Angleterre. C'est donc dire qu'il y a effectivement des approches différentes. Et, pourtant, la criminalité est comparable entre ces pays. La criminalité est comparable. Il y a donc des approches différentes. Et c'est dans cet esprit-là que nous travaillons, parce que notre conviction, c'est que, encore une fois, d'utiliser la détention comme principal et comme seul moyen mène vers des culs-de-sac. Et je le dis en tout respect, bien sûr, des responsabilités des juges, mais les juges disposeront dorénavant – ils disposent déjà d'outils, ils s'en servent – d'outils différents – d'ailleurs, c'est l'expérience québécoise – mais ils vont disposer également, lorsque la loi C-41 sera adoptée, encore une fois, d'autres outils dans leur panier de solutions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, une dernière question, et toute dernière, M. le Président, parce que le ministre, dans sa réponse, vraiment m'invitait à la poser. Il se peut que la réponse soit non et ce serait dans la normalité quand même également. Est-ce que, M. le ministre, votre ministère a déjà reçu – il aurait pu en recevoir des différentes facultés, soit de criminologie ou de psychologie, ou de différentes universités – ou a fait faire lui-même des études sur l'impact psychologique de l'incarcération eu égard au caractère mineur d'un délit?

M. Perreault: Bien, écoutez, je suis convaincu que la littérature, là-dessus, est nombreuse. Les études en criminologie sont sûrement nombreuses. J'imagine que les experts chez nous en ont consulté plusieurs. Je n'ai pas eu, dans le cadre de mes fonctions – ça ne fait pas encore 13 semaines, je pense que ça fait moins, ça fait une douzaine de semaines – l'occasion de commander de telles études, mais je sais que la littérature est importante. J'ai vu – encore une fois, je le rappelle – l'article d'un spécialiste de ces questions, M. Normandeau...

Une voix: Ah!

M. Perreault: ...tout le monde a pu le lire, qui est un expert en criminologie. J'ai lu son article, il était fouillé, bien documenté. Et il avait l'air de considérer que la démarche gouvernementale était la bonne.

M. Boulerice: Je vais remercier le ministre, M. le Président, si vous me le permettez, en lui conseillant peut-être la lecture de L'Événement du jeudi d'il y a deux mois, où il y a eu une étude comparée des taux d'incarcération des pays de l'OCDE. Il y aurait des avantages à tirer effectivement de l'expérience venant d'autres pays, dans le cas du continent nord-américain.

M. Perreault: Je suis certain, M. le Président, que, si le député l'avait, il pourrait m'en lire certains passages.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de Frontenac, ensuite M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Lefebvre: M. le Président, je veux, quant à moi, conclure cette discussion sur la fermeture des centres de détention en rappelant au ministre qu'il a toujours refusé d'admettre qu'il y avait des objectifs mercantiles dans sa démarche, récupérer des sous. Son sous-ministre, M. Carrier, je ne sais pas, il n'a pas à rendre compte à qui que ce soit, lui. J'imagine qu'il se permet, puis je l'apprécie, de dire tout haut ce que le ministre pense tout bas.

(20 h 50)

Je veux rappeler ce que disait M. Carrier: «Si ce n'étaient pas des compressions budgétaires nécessaires, c'est-à-dire 16 000 000 $ – a admis hier le sous-ministre Carrier – nous aurions aimé bénéficier d'une plus longue période de transition.» Moi, j'ai apprécié le commentaire de M. Carrier, qui rejoint un peu ce que je disais tout à l'heure, que le virage carcéral, vous le prenez trop vite, ce n'est pas prêt, les alternatives ne sont pas prêtes. Puis j'espère me tromper, puis qu'on ne fera pas face, qu'on ne lira pas des incidents malheureux parce qu'il y en a qui ne sont pas incarcérés puis qui devraient l'être. J'espère que je me trompe, M. le Président. Et je rappelle au ministre que son propre sous-ministre l'a mis en garde, il l'a dit publiquement.

Et ma dernière question, j'aimerais savoir du ministre, qui n'a pas visité le centre de détention de Rivière-du-Loup, quel centre de détention parmi ceux qu'il s'apprête à fermer a-t-il visité? Joliette, Cowansville, Waterloo, Saint-Hyacinthe? Lequel a-t-il visité?

M. Perreault: M. le Président, encore une fois, on me pose une question par rapport à la fermeture. Je n'y répondrai pas.

M. Lefebvre: Non, non, par rapport à la visite.

M. Perreault: M. le Président...

M. Lefebvre: Quelle visite avez-vous faite?

M. Perreault: M. le Président, j'ai la parole?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Allez-y, M. le ministre.

M. Lefebvre: La visite, la visite.

M. Perreault: J'ai la parole, M. le Président? M. le Président, j'ai eu l'occasion de rencontrer les représentants de tous les centres concernés. Encore une fois...

M. Lefebvre: Non, non. Est-ce que vous êtes allé visiter les centres de détention...

M. Perreault: Encore une fois, M. le Président...

M. Lefebvre: ...oui ou non?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Frontenac...

M. Perreault: M. le Président, si on me permet de répondre...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...laissez-le finir, s'il vous plaît.

M. Perreault: ...comme je le souhaite, à la question. M. le Président, j'ai eu l'occasion longuement de rencontrer les personnes concernées et je pense que j'ai eu l'occasion, oui, d'apprécier les circonstances et les événements.

Je veux quand même revenir un peu sur les commentaires du député au début de son intervention, M. le Président, parce que c'est exact que les objectifs que nous poursuivons comme gouvernement et comme ministère de la Sécurité publique sont des objectifs qui doivent être les objectifs de toute une société. Le ministère de la Sécurité publique seul ne dispose pas de la totalité des outils d'une telle réforme. Une telle réforme implique l'ensemble des intervenants du système judiciaire, implique également les ressources de la communauté et fait appel très largement à l'attitude générale du public et de la population. Il ne serait pas possible de réaliser une telle réforme, d'atteindre nos objectifs si nous n'avions pas l'appui du public, M. le Président, et de l'ensemble des intervenants. Alors, je tiens à le dire et je pense très honnêtement que, tout en étant conscient que ce sont des objectifs qui sont exigeants, il ne s'agit pas, contrairement aux affirmations du député, d'objectifs mercantiles. Bien sûr que, dans toute opération gouvernementale, la dimension des finances publiques doit être prise en compte. Je me souviens, enfin, j'ai eu l'occasion, peut-être pas de visiter la prison de Cowansville, mais...

M. Lefebvre: Vous n'en avez pas visité une seule, M. le ministre.

M. Perreault: ...je me souviens, M. le Président, d'avoir lu certaines interventions de députés qui formaient le gouvernement d'alors, et ce que j'ai lu à l'époque ne relevait que de l'ordre des considérations budgétaires et financières. Je pense qu'on doit se réjouir aujourd'hui, M. le Président, que le gouvernement essaie dans cette opération et souhaite dans cette opération rejoindre les préoccupations fondamentales de la population.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: M. le ministre, c'est bien sûr que je n'ai pas l'intention de me servir de la commission pour essayer de régler des questions purement de comté personnel, puis je pense qu'il y a...

Une voix: Consentement.

M. Dion: Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dion: Dans ce sens-là, je pense que ce n'est pas tout à fait ni la place ni le moment.

Une voix: Bien!

M. Dion: Mais autant je trouve intéressante...

Une voix: L'occasion fait le larron. Ha, ha, ha!

M. Dion: ...autant je trouve intéressante la question de M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques et la réponse du ministre, autant je suis un peu embêté avec cette fameuse poursuite qui est devant nous. Je vais en parler en des termes que je peux en parler, je pense. C'est que, vous savez, on a un rôle à remplir. On est les seuls dans toute la société qui avons à rendre compte vraiment de nos décisions et à en payer le prix. On a comme pouvoir législatif un rôle et une responsabilité. Je veux bien que le pouvoir judiciaire soit libre, mais je voudrais bien que le pouvoir législatif le soit aussi, c'est donnant donnant. Avec la Charte des droits, évidemment, on a rétréci pas mal la patinoire, le champ d'action, la patinoire des gens qui répondent de leurs décisions. On l'a rétrécie pas mal. Et, s'il faut maintenant que n'importe qui puisse intenter des poursuites pour empêcher le gouvernement d'exercer ses fonctions quand c'est le temps, bien, je pense que ça peut devenir très grave. Je le dis parce que je me dis, au fond, que notre rôle et notre indépendance, si, nous autres, on n'y veille pas, il n'y a personne qui va y veiller à notre place. Alors, évidemment, je suis mal placé pour aller plus loin aujourd'hui, mais je l'affirme, M. le Président, et j'aimerais qu'on y réfléchisse.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Saint-Hyacinthe, je tiens, à ce sujet, à vous rappeler que ce sont des règles que les parlementaires...

M. Lefebvre: La séparation des pouvoirs.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...eux-mêmes se sont données et, en ce sens-là, je peux y réfléchir, évidemment, et il faut à ce moment-là y réfléchir très profondément, parce qu'on touche, justement, dans nos institutions démocratiques, des règles qui sont adoptées chez nous, dans notre société, mais qui ne sont pas exclusives à notre démocratie, mais qui sont dans les fondements de nos démocraties aussi. Et, en ce sens-là, je crois qu'on peut effectivement y réfléchir. Mais, de là à dire qu'il faudrait absolument les modifier, je pense qu'il y a peut-être loin...

M. Dion: Je suis tout à fait d'accord, M. le Président, avec la séparation des pouvoirs. C'est avec la non-séparation des pouvoirs que je ne suis pas d'accord. Alors, si on ne peut pas exercer les nôtres ici, ça devient un problème. Mais c'est un problème d'équilibre qui est toujours à refaire, sans doute, mais je ne veux pas aller plus loin, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ceci étant dit, compte tenu qu'il est déjà bientôt 21 heures, j'aurais une intervention de M. le député de Rivière-du-Loup. Est-ce que, M. le député de Saint-Jean, vous vouliez aussi intervenir?

M. Paquin: Non, c'était simplement pour parler d'une option qu'on avait si on tenait absolument à en parler, parce qu'il y a une option qui existe. Mais il semble que les gens sont résolus à passer à d'autres questions, alors...

M. Fournier: M. le Président, l'option, ce serait de passer aux autres programmes. Moi, j'ai des interventions concernant les autres programmes.

M. Paquin: Oui, ce serait très bien. J'en ai aussi.

M. Fournier: Alors qu'on en finisse puis qu'on passe à d'autres choses.

M. Paquin: J'en ai aussi.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien.

M. Fournier: On parlera de séparation des pouvoirs une autre fois.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.


Le plan de 1989 de planification de la détention

M. Dumont: Une dernière intervention, en ce qui me concerne, sur ce programme 3, et elle concerne le fonctionnement du ministère de la Sécurité publique, évidemment, et plus particulièrement de ce département-là. Essentiellement, j'ai deux questions concernant le fonctionnement de ce secteur-là, du secteur Services correctionnels dans le ministère de la Sécurité publique.

D'abord, je comprenais jusqu'à tout récemment que l'ensemble des décisions et des politiques qui étaient mises de l'avant par le ministère de la Sécurité publique en matière de services correctionnels l'étaient en fonction d'une planification de la détention, qui datait de 1989, et que les investissements qui étaient consentis et tout ce qui s'ensuivait suivaient ce plan d'action, ce plan d'organisation des services de 1989.

Ma question: Dans le fond, est-ce que le ministre, dans l'ensemble de ce qu'il nous annonce, que ce soit pour des considérations budgétaires ou pour des considérations véritablement liées aux services correctionnels, nous annonce un virage à 180 degrés par rapport au plan d'organisation de 1989? Est-ce qu'il a l'intention de présenter un nouveau plan d'orientation en ce sens-là? Et, s'il y a un virage à 180 degrés, est-ce qu'on doit s'attendre à ce que les mêmes personnes dans son entourage procèdent à la mise en application de ça?

Ma deuxième question concerne le fonctionnement de son ministère. Est-ce que le ministère juge possible, est-ce qu'il pense que ça pourrait arriver, avant même que lui prenne des décisions, avant même que lui annonce des décisions, qu'à l'intérieur de son ministère des gens prennent la liberté – et je sais que, pour les parlementaires, ça peut paraître inconcevable – mais je ne sais pas si le ministre juge possible dans son ministère que des gens prennent la liberté de passer des commandes, d'aller rencontrer des employés, de laisser entendre à des gens que des choses pourraient arriver avant même que le ministre, lui, n'ait pris une décision dans un dossier? Est-ce que, dans le fonctionnement, lui, de son ministère, il juge que ces choses-là sont de l'ordre du possible, ou est-ce qu'il a la conviction, dans la maîtrise qu'il a de ce qui l'entoure dans son ministère, que ces choses-là ne peuvent pas se produire?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Perreault: Je vais répondre à la dernière partie de la question et, puisqu'on fait référence à un plan d'action qui date de 1989, je vais laisser le sous-ministre associé, M. Carrier, répondre.

(21 heures)

M. le Président, j'ai eu l'occasion avec les fonctionnaires de mon ministère de m'entendre sur diverses façons pour eux de travailler avec le milieu concerné, avec l'ensemble des milieux concernés, de répondre aux questions qui étaient posées, aux demandes de rencontres qui étaient souhaitées, et je suis convaincu, M. le Président, que les gens de mon ministère l'ont fait tout à fait dans le respect des règles, dans le respect des orientations et des mandats qu'ils avaient reçus. Là-dessus, il n'y a aucun doute dans mon esprit.

Il faut dire que le député a raison, c'est important, dans des opérations comme celle-là, d'établir des contacts avec le milieu; c'est important de rencontrer les gens, que ce soit le personnel ou que ce soit le milieu. Je pense l'avoir fait. Je sais que la direction l'a fait également, et c'est une façon normale, je pense, de procéder et de travailler. Lorsque ce n'est pas suffisamment fait, je pense que ce doit être encouragé. Il existe, par exemple, divers mécanismes de consultation dans le ministère et, donc, c'est un processus courant, constant, normal. Pour ce qui est de la première partie de la question, je vais laisser le sous-ministre répondre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. Carrier.

M. Carrier (Normand): M. le Président, le député de Rivière-du-Loup a tout à fait raison. En 1989, il y a eu l'élaboration d'un cadre de planification qui visait deux objectifs: qui visait, comme premier objectif, à corriger le problème de vétusté de certains établissements de détention au Québec, et qui visait, comme deuxième objectif, à corriger le problème de la surpopulation dans les établissements de détention. De 1989 à 1995, il y a eu 194 000 000 $ qui ont été investis par le gouvernement du Québec dans la construction et la rénovation des établissements de détention, et on a ajouté 700 places, en passant de 2 700 places à 3 500. On a donc réussi à corriger le problème de vétusté. Quant au problème de surpopulation, dans les périodes de pointe, on est exactement au même niveau qu'on était en 1989, alors qu'on avait 2 700 places.

Alors, l'analyse qu'on avait à faire en 1995, pour continuer à répondre au député de Rivière-du-Loup: est-ce qu'on continue le cadre de planification? D'ailleurs, la première phase du cadre de planification est terminée, nous en étions à la deuxième phase, et Rivière-des-Prairies va être terminée au cours du mois de juin, qui va remplacer Parthenais.

Mais notre analyse que nous faisons maintenant nous porte à croire qu'on est rendu à une stabilité et qu'on s'en va vers une diminution de la demande en détention, basée sur les facteurs suivants. Le ministre en a énuméré certains, tout à l'heure: une diminution importante de la criminalité de l'ordre de 14 % au cours des dernières années; une diminution, au cours des deux dernières années, de 27 % des comparutions; un changement, par le chapitre 22 ou C-41 du Code criminel, qui est un changement absolument majeur, qu'on n'a pas vu au cours des 50 dernières années dans le Code criminel, où on va changer les principes et les objectifs de la détermination de la peine et où on va instituer une ordonnance d'emprisonnement avec sursis, ce qui a permis à la Finlande et ce qui a permis à l'Allemagne de diminuer leur taux d'incarcération.

Par ailleurs, un des facteurs importants aussi, dont on ne parle pas souvent, qui affecte tous les secteurs de la société au Québec, c'est la démographie. On constate qu'actuellement, dans les hôpitaux, il y a une augmentation des personnes âgées. On constate une diminution du ski au Québec. Pourquoi? Parce que la population est vieillissante. On constate une augmentation, dans certains secteurs d'activité commerciale, qui est reliée à la démographie. Or, la clientèle des services de détention, c'est à 80 % une clientèle entre 18 et 35 ans. Cette clientèle-là a commencé à diminuer en 1992. Alors, est-ce qu'on va construire des établissements de détention qui, dans cinq ans, vont être vides?

Troisième élément, la stabilisation des admissions. On a constaté que, de 1985 à 1995, il y a eu une augmentation de 100 % des admissions en détention; de 1985 à 1995. Entre 1990 et 1991, il y a eu 15 %; 1991-1992, 18 %. Au cours des trois dernières années, il y a eu une stabilité, une augmentation de 1 %. Donc, on s'en va vers une diminution des références, notamment à cause des changements dans les lois, à cause des facteurs démographiques et à cause d'une diminution de la criminalité. Alors, tout cela étant mis ensemble, on se dit: on n'est pas dans une époque où on doit continuer à construire. Alors, là, je ne parle pas de fermeture, je parle de construction.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci, M. Carrier. Je vais... Oui?

M. Carrier (Normand): J'aurais juste un autre élément. Concernant les rencontres avec le personnel, c'est par respect pour ces personnes-là, et à leur demande, que nous les avons rencontrées pour ce qu'on a appelé des «rencontres au cas où», pour les informer de ce qui arriverait à ces personnes-là s'il y avait des fermetures. Et c'est le syndicat et c'est eux qui ont demandé d'être informés parce que ça crée, chez eux et chez leur famille, beaucoup d'inquiétude.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Monsieur, aviez-vous une autre question sur le même sujet?

M. Dumont: Oui. Juste pour souligner que les rencontres «au cas où» étaient sûrement faites par des gens qui se sentaient capables de présumer des décisions qu'allait prendre subséquemment le ministre, parce qu'ils ne se sont pas trompés d'endroit.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Saint-Jean. Ensuite, j'ai deux demandes d'intervention: M. le député de Châteauguay et M. le député de Frontenac.


Sécurité et prévention


Formation et embauche des pompiers

M. Paquin: Alors, il m'apparaît raisonnable d'aborder le quatrième programme, si vous n'avez pas d'objection. Et j'irais sur la question que j'ai évoquée hier dans mes remarques préliminaires, sur la question des pompiers. J'ai indiqué les préoccupations que j'avais en protection civile et aussi en gestion de crise en milieu municipal et en milieu régional, mais, compte tenu de l'heure et pour laisser à l'opposition la possibilité de poser plusieurs questions dans ce domaine-là, je me contenterai d'une question sur les pompiers.

Les étudiants de l'IPIQ se sont manifestés récemment et il y a aussi le fait que c'est de notoriété publique que la formation et les cours pour les pompiers, c'est un problème. Je rappelais, hier, que M. Ryan s'était engagé, en 1993, à régler ça durant l'année, puis, finalement, ça n'a pas été le cas. Sans doute qu'il y a eu des obstacles insurmontables, mais il reste qu'à ce moment-ci ça devient criant et nécessaire de prendre une décision.

Moi, je vous demanderais, M. le ministre: Pourriez-vous nous exposer quelles sont les orientations que vous avez l'intention de privilégier dans le secteur de la formation de sécurité incendie, et ça, au cours des mois à venir?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Perreault: Oui, merci, M. le Président. Effectivement, à mon arrivée au ministère, lorsque j'ai regardé un peu, avec les principaux responsables, ces dossiers-là, il y a deux grandes dimensions du dossier qui m'ont frappé: d'une part, le dossier de la formation – c'est le sens de la question du député – et, d'autre part, aussi, bien sûr, la nature, la qualité de l'offre de service sur l'ensemble du territoire, donc de quelle façon l'ensemble de nos concitoyennes et concitoyens au Québec sont protégés, couverts par les services.

À l'évidence, M. le Président, le dossier sur lequel, en tout cas, j'ai décidé d'intervenir en premier, c'est celui de la formation. C'est un vieux dossier. De fait, c'est un dossier qui, à toutes fins pratiques, n'est pas réglé à la satisfaction des parties depuis maintenant plus de 30 ans. C'est ce que les membres, les principaux directeurs des grands corps d'incendie du Québec qui se regroupent, qui se réunissent régulièrement au sein d'une table de concertation, qu'a mise sur pied le ministère, c'est ce qu'ils m'ont dit. C'est le dossier qui, pour eux, est le dossier prioritaire. Dans le dossier de formation, il y a, à mon avis, deux aspects qui sont assez différents: le premier concerne l'Institut, en quelque sorte, le centre de formation intégrée, ce qui est actuellement le centre qu'on appelle l'IPIQ; et l'autre dossier, c'est celui de la reconnaissance des diplômes et des exigences des municipalités en matière d'embauche des pompiers.

L'état de la démographie au Québec fait en sorte qu'on se retrouve, finalement, avec peu de corps de pompiers qui sont des corps constitués de pompiers à plein temps. Il y a une très grande partie de nos corps de pompiers qui sont formés de ce qu'on appelait des volontaires, autrefois, mais qui sont, dans le fond, maintenant, de plus en plus des employés à temps partiel. Les exigences de formation comme prérequis à l'exercice de la fonction de pompier n'existent pas comme telles. Il existe bien sûr des programmes de formation qui sont donnés, mais il n'y a pas d'exigences préalables à l'embauche.

(21 h 10)

Effectivement, même les 36 villes, qui, au Québec, ont des corps de pompiers structurés à temps plein, même sur ces 36 villes là, si on parle de la question des prérequis à l'embauche, peu de ces municipalités exigent comme prérequis à l'embauche d'une personne – c'est surtout des hommes, dans les faits, avec quelques femmes maintenant – que ces personnes-là détiennent un diplôme en bonne et due forme de l'IPIQ. Alors, évidemment, les étudiants sont venus nous voir; j'ai eu l'occasion de les rencontrer après avoir rencontré les directeurs des corps policiers. J'ai l'intention aussi d'aborder ces questions-là avec les municipalités: je me prépare à signer une lettre à l'ensemble des municipalités concernées pour les inviter à davantage faire appel aux diplômés de l'IPIQ dans leur embauche.

C'est bien clair qu'il y a un problème là, parce qu'on ne peut pas maintenir un système de formation des pompiers puis, en même temps, se désintéresser de la reconnaissance dans les critères d'embauche des diplômes obtenus et de la formation reçue. Alors, il y a là, à mon avis, un virage à prendre. Je vais avoir l'occasion d'en discuter avec les municipalités, l'ensemble des municipalités concernées. Évidemment, c'est un virage qui doit tenir compte du fait qu'on part d'une situation de fait, que la réalité, c'est qu'une grande majorité des municipalités n'ont pas de corps de pompiers à plein temps. Alors, c'est une préoccupation que j'ai.

L'autre dimension – et je ne veux pas être trop long – c'est concernant le centre lui-même, le centre intégré de formation. Je pense qu'une des façons, peut-être, d'accélérer, dans ce secteur, les décisions, c'est peut-être d'isoler de la décision la question de la construction d'un édifice, du bâtiment. Souvent, on s'arrête, on ne procède pas, on ne bouge pas parce que, dans le fond, on se laisse arrêter par l'importance des coûts reliés aux immobilisations et au béton. Alors, on a discuté avec les directions des corps policiers et, à l'évidence, leur préoccupation, c'est d'abord qu'on crée une corporation, une structure légère qui permettrait d'encadrer le processus de formation. C'est dans cet esprit-là qu'on travaille justement pour hâter les décisions, pour éviter qu'on s'empêche d'agir justement parce qu'on se laisse en quelque sorte obnubiler par les coûts d'immobilisation.

Maintenant, il y a quand même des coûts importants. Il faut, avec la ministre de l'Éducation – et on connaît les difficultés budgétaires, les difficultés financières – bien sûr établir des étapes, un processus qui va permettre, puisque les crédits en matière de formation viennent du ministère de l'Éducation, donc, de rendre possible de franchir les étapes qui sont devant nous. Mais, en tout cas, je pense que, si on pouvait s'entendre pour isoler le problème du béton du problème de la formation, on pourrait aller plus vite.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay.


Responsabilité du gouvernement à l'égard de l'inondation de janvier 1996 à Châteauguay

M. Fournier: Merci beaucoup, M. le Président. Sur le sujet de la sécurité civile, j'aimerais intervenir. À ce moment-ci, au moment où on se parle, la ville de Châteauguay tient une conférence de presse, rend publique une opinion juridique sur la responsabilité du gouvernement à l'égard de l'inondation qui a eu lieu au mois de janvier. Ma question – enfin, j'ai deux questions, dépendamment de la réponse à la première – est pour rappeler au ministre ses responsabilités en vertu de la Loi sur la protection des personnes et des biens en cas de sinistre. D'abord, le ministre a pour fonction, à l'article 11, «d'élaborer et de proposer au gouvernement une politique de prévention des sinistres et de mesures d'urgence à prendre en cas de sinistre, de mettre en oeuvre cette politique et d'en coordonner l'exécution». À l'article 12, on dit aussi que le ministre doit effectuer «des inventaires, des enquêtes et des études sur les risques et les moyens de prévention des sinistres»; ça va de soi qu'on parle ici, entre autres, d'aéroglisseurs. Et, au point c, lui ou ses représentants ont le devoir d'informer «la population sur les mesures d'urgence».

À l'égard de deux devoirs, celui de faire l'inventaire et de savoir quel est le matériel disponible et celui de l'information de la population, il semble y avoir eu, dans le cas de l'inondation sur la Châteauguay, une responsabilité du gouvernement qui est impliquée.

Ma première question concerne les formulaires qu'on a fait signer ou qu'on fait encore signer aux citoyens pour recevoir l'aide qu'on qualifie de dernier recours, malgré qu'il y ait une responsabilité gouvernementale. Sur ces formulaires, on demande aux citoyens de renoncer à la possibilité d'entamer d'autres recours contre le gouvernement. Je voudrais savoir, de la part du ministre, si cette renonciation affecte le droit pour un citoyen ou pour une ville d'invoquer la responsabilité du gouvernement et d'aller chercher un dédommagement qui sera plus substantiel, enfin qui va représenter le véritable coût des dommages et non pas un solde suite à un fonds d'aide humanitaire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, je vais essayer d'être bref, parce que je veux donner le temps aux députés de peut-être poser d'autres questions. Je sais que le temps est de plus en plus limité, mais quand même dire une ou deux choses. Je pense que c'est important à cette étape-ci.

Le député a évoqué la Loi sur la protection des personnes et des biens en cas de sinistre. Rappeler quand même qu'il s'agit d'un programme d'aide du gouvernement, d'un programme d'aide de dernier recours en cas de sinistre. Il y a des sinistres qui sont, dans le fond, des événements dont on peut prévoir d'une certaine manière qu'ils peuvent se produire, mais dont, dans bien des cas, on ne peut jamais prévoir de façon certaine les circonstances dans lesquelles ils vont se produire. Et le Québec peut s'enorgueillir à juste titre d'avoir, en cette matière, un programme d'aide, d'assistance, qui est parmi les meilleurs en Amérique du Nord.

Le député, et je veux le dire également – après ça, je vais céder la parole sur l'aspect plus technique de sa question – a soulevé la question concernant des responsabilités ou enfin des gestes qui n'auraient pas été suffisamment posés par le gouvernement ou par ses représentants. Moi, là-dessus, je veux juste faire état du procès-verbal, M. le Président, du comité municipal sur les mesures de sécurité civile de la ville de Châteauguay, le procès-verbal d'une réunion tenue le 6 mars. La réunion visait à faire le bilan de l'ensemble des événements qui s'étaient passés. Et je veux juste signaler que M. Paul Brunet, qui est directeur général adjoint, coordonnateur des mesures d'urgence à Châteauguay, prend la parole pour dire ceci, et je cite le procès-verbal: «M. Paul G. Brunet prend la parole en félicitant tout le monde, le gouvernement du Québec et les autres partenaires suite aux travaux et opérations effectués lors de l'inondation. M. Brunet se fie, entre autres, sur les félicitations reçues des citoyens et des divers représentants des gouvernements pour transmettre ses félicitations à tous ceux et celles qui ont oeuvré aux opérations reliées à l'inondation.»

Alors, je tenais à le dire, M. le Président. Je le dis en toute simplicité, dans ce genre d'événements, qui sont effectivement des situations de crise et d'urgence, il y a des décisions à prendre, des décisions rapides. Il faut rappeler que les premiers responsables sont les autorités municipales, que nous venons en aide aux autorités municipales, que nous les conseillons du mieux que nous pouvons. Je suis heureux de constater, à la lecture du procès-verbal, que, de l'avis du directeur général adjoint lui-même de la ville de Châteauguay, dans le fond, il reconnaît qu'il y a eu, de la part des représentants, des fonctionnaires, toute la collaboration souhaitée.

Maintenant, sur l'aspect plus spécifique des formulaires, je dois signaler que, dans le cas de l'aide apportée aux citoyens, je pense que c'est parmi les démarches les plus rapides qui ont été faites jusqu'à date: les chèques sont rentrés dans bien des cas; le gouvernement a agi avec beaucoup de célérité. Mais sur la question très spécifique des responsabilités, je vais laisser le sous-ministre associé, M. Côté, vous donner la réponse.

M. Côté (Charles): M. le Président, les programmes d'assistance financière, suite aux inondations survenues au mois de janvier 1996, c'est un programme standard du gouvernement qui vise à venir en aide, à apporter une aide de dernier recours aux citoyens qui sont l'objet d'une inondation et dont leurs biens ne sont pas assurables.

Ce programme prévoit que les citoyens doivent, pour obtenir l'aide du gouvernement, faire une déclaration de sinistre, remplir des formulaires, et il existe une clause standard dans tous ces programmes-là à l'effet que, à partir du moment où un citoyen désire bénéficier de l'aide du gouvernement, consent à formuler sa réclamation, est d'accord avec l'évaluation des dommages, est d'accord pour bénéficier du programme, c'est évident que ce citoyen ou cette corporation renonce à poursuivre le même gouvernement qui lui vient en aide. Sans ça, on administrerait des programmes d'assistance financière et, après avoir reçu le chèque, nous serions l'objet de poursuites pour différentes raisons.

(21 h 20)

Le citoyen ou la citoyenne qui estime que les montants d'aide financière qui lui sont versés ne correspondent pas à ses dommages pourront toujours s'adresser au ministre, qui a un droit de révision de ces dossiers. Pour ce faire, le ministre a constitué un comité de révision, comité composé d'un des représentants du ministre, qui est un de ses attachés politiques, composé d'un représentant du Vérificateur général, composé d'un représentant du Contrôleur des finances. Alors, ce sont des gens, à l'extérieur du ministère, qui regardent de quelle façon on a traité la demande du citoyen et qui peuvent faire une recommandation au ministre. Et le ministre a le loisir, le cas échéant, d'accepter cette recommandation, de décider de donner raison au sinistré ou encore de bonifier cette demande, et ça se fait d'une façon courante.

Par ailleurs, déjà plus de 600 personnes se sont prévalues du décret d'assistance financière, ont formulé des requêtes d'indemnisation au ministère; 1 200 000 $ ont déjà été versés à des citoyens et des citoyennes qui ont été victimes de ces inondations; au-dessus de 50 % des réclamations sont traitées. On va entrer dans la phase, dans les semaines à venir, de traitement de réclamations de la municipalité de Châteauguay. La semaine dernière, nos analystes, spécialistes dans l'application de ce décret, étaient à Châteauguay, rencontraient les autorités et étaient à faire le bilan des efforts financiers fournis par la municipalité et qui peuvent être comptabilisés à l'intérieur du programme.

Par ailleurs, M. le Président, il est important de signaler que les opérations de sécurité civile au Québec sont encadrées à l'intérieur d'un manuel de base de sécurité civile, sont codifiées dans ce manuel, que ce manuel a été distribué à toutes les municipalités du Québec et qu'il reçoit une grande adhésion du monde municipal.

On a souligné tantôt la question des inventaires. Oui, le ministère de la Sécurité publique a un inventaire des différentes ressources qui peuvent venir en aide aux municipalités, à des sinistrés. Je suis certain que M. le député de Châteauguay fait référence à toute la question de la disponibilité de l'aéroglisseur. Il faut bien se rappeler que cet équipement est un équipement fédéral qui opère dans la Voie maritime pour installer des bouées et pour donner différents services dans la Voie maritime, et ce n'est que de façon accessoire qu'il est disponible pour déglacer les battures et pour des opérations de sécurité civile.

Or, le gouvernement fédéral, la Garde côtière canadienne a, dans son plan de travail, et ce, depuis quelques années, précisé que la période de janvier est la période de remise en ordre, de réparation de cet équipement. Cet équipement a été acquis par la Garde côtière canadienne en Angleterre et, cette année, certaines des pièces devaient être réusinées par le manufacturier. Alors, quand il a fallu l'utiliser rapidement, ce qui aurait pu peut-être nous être utile, bien, force était de constater qu'il n'était pas disponible. Mais déjà on le savait: les intervenants du milieu étaient au courant de la situation, la municipalité était parfaitement au courant de ça.

M. Fournier: Oh mon Dieu! M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Fournier: Oui. Il s'est dit beaucoup de choses, dont le bonheur, de courte durée sans doute, du ministre... Je ne suis pas convaincu que la note à laquelle il faisait référence peut amener tous les sinistrés à être heureux de la façon dont le gouvernement du Québec s'est comporté là-dedans.

Dans la suite des événements après le sinistre, il est vrai que les intervenants de la communauté de Châteauguay ont été extraordinaires dans la façon dont ils ont été capables d'encadrer les sinistrés, ce qui ne veut pas dire qu'il faut lancer des fleurs aux représentants du gouvernement, qui ont omis d'aviser correctement la ville sur le véritable état de la rivière, ni non plus de féliciter le gouvernement, qui a la responsabilité – et je lis à l'article 11 – de proposer au gouvernement... Le ministre a pour fonction d'élaborer et proposer au gouvernement une politique de prévention des sinistres et de la mettre en oeuvre.

Alors, quand on me dit que, depuis quelques années, c'est bien connu que l'utilisation de l'aéroglisseur à cette période-là n'est pas possible... Je comprends que ce soit un équipement fédéral. Ça pourrait être un équipement provincial si le gouvernement décidait d'en acheter ou décidait de se donner d'autres moyens. On ne viendra pas nous dire que c'est par cette porte-là qu'on va échapper à notre responsabilité. Le ministre a ces responsabilités-là. Il sait que cet outillage-là, qui permet de briser la glace là où elle provoque l'embâcle et crée l'inondation, il savait et le gouvernement savait qu'il n'était pas disponible. C'est à lui de trouver, puisqu'il a depuis quelques années, qu'on vient de nous dire, le pouvoir et le devoir de faire l'inventaire et d'établir le matériel. Il a certainement là, à l'égard de ces deux niveaux de responsabilité, l'information sur l'état de la situation concernant la rivière le jour même du sinistre. Et les informations concernant l'inventaire, je peux vous dire une chose, M. le Président, ce qui a été dit ici, à savoir que la municipalité de Châteauguay était très au courant que l'aéroglisseur était en pièces détachées, a été infirmé par tout le monde durant tout le temps que ça s'est passé, personne ne savait ça. Au contraire, on courait encore après l'aéroglisseur le samedi matin, c'est-à-dire une fois que l'inondation avait déjà causé ses dommages. Donc, ce qu'on vient de nous dire, c'est complètement à côté de ce qui est reconnu comme étant la réalité sur le terrain.

Je reviens à cette question sur la renonciation au recours. Là, on vient de me dire que, comme c'est un fonds de dernier recours, on fait signer pour finalement blanchir le gouvernement au cas où, après, on trouverait une responsabilité. Alors, ma question est la suivante: Quels sont les avis, explications, commentaires? Comment le citoyen qui vient rencontrer le représentant du gouvernement est-il avisé qu'en acceptant pour peu de biens – parce que les biens essentiels, ce n'est pas beaucoup, et seulement pour 70 % – comment est-il avisé qu'il libère le gouvernement de toute responsabilité qui aurait pu être commise, que ce soit par ses représentants, concernant l'information de la rivière, ou que ce soit par le gouvernement, qui fait défaut de respecter son obligation de fournir l'équipement? S'il ne l'a pas, il doit évidemment être responsable des conséquences. Les conséquences, les gens qui ont perdu leurs meubles et leur immeuble, eux, ils les connaissent très bien.

Alors, je veux savoir quels sont les avis, comment on dénonce au citoyen qu'il abandonne tous ses recours avant même qu'il n'ait eu le temps d'obtenir une opinion juridique pour savoir s'il y a effectivement une responsabilité et qu'il pourrait aller la chercher.

M. Perreault: M. le Président, compte tenu de l'heure, parce que je pense qu'on va finir à 21 h 30, je vais essayer de donner une réponse assez brève. D'abord, on ne peut quand même pas rendre responsable le gouvernement de l'existence d'embâcles sur la rivière Châteauguay.

M. Fournier: Oui, M. le Président.

M. Perreault: M. le Président...

M. Fournier: M. le Président, s'il y avait eu un aéroglisseur...

M. Perreault: M. le Président...

M. Fournier: ...il n'y aurait pas eu d'embâcle.

M. Perreault: M. le Président, le député de Châteauguay est probablement le seul à penser que...

M. Fournier: Ouf!

M. Perreault: ...le gouvernement a dans son programme la réalisation d'embâcles sur les rivières! C'est un phénomène extrêmement rare.

M. Fournier: Ce n'est pas tellement drôle.

M. Perreault: C'est un phénomène extrêmement rare à cette période de l'année.

M. Fournier: Tous les mois de janvier.

M. Perreault: Ça faisait plus de 23 ans qu'il n'y avait pas eu de phénomène semblable, M. le Président.

M. Fournier: Il y a des redoux à toutes les années.

M. Perreault: Sur sa question plus spécifique, je répète qu'il s'agit d'un programme d'aide, d'un programme généreux par rapport à ce qui se passe ailleurs. Les citoyens sont rencontrés et il y a plusieurs assemblées d'information; les autorités municipales sont également au courant. Lors de ces assemblées d'information, des représentants du ministère informent la population sur les possibilités qu'offre le programme, les avantages qu'offre le programme, les limites du programme aussi – bien sûr, il y a des limites à ce programme – et les conditions dans lesquelles les citoyens peuvent exercer ce droit et, en même temps, ce privilège qui est accordé par les ressources de l'ensemble de la société de compenser pour une partie des inconvénients et des dépenses.

Il y a des situations difficiles et il y a des possibilités d'appel, et on me dit que, pour les citoyens qui ont même parfois de la difficulté à s'y retrouver et à bien comprendre, on les aide, M. le Président, à faire leurs demandes et leurs requêtes.

M. Fournier: La question précise: Quel est le moyen utilisé pour expliquer au citoyen qui remplit son formulaire qu'il renonce à tout recours concernant la responsabilité éventuelle du gouvernement?

M. Côté (Charles): Si vous me permettez, M. le ministre.

M. Perreault: Oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. Côté.

M. Côté (Charles): La renonciation du citoyen apparaît en noir, là, sur un formulaire jaune. C'est bien écrit que le citoyen renonce, et ça apparaît en termes... Ce n'est pas comme une police d'assurance, en petits caractères tout petits, là, c'est vraiment au coeur du programme, c'est manifestement rédigé dans le formulaire.

M. Fournier: Est-ce que les représentants font une explication verbale? Est-ce qu'on dénonce ça aux citoyens? Parce que c'est écrit parmi un tas d'autres articles. Ce n'est pas vrai que c'est si clair que ça, que ça saute aux yeux. Est-ce qu'il y a des représentations verbales qui sont faites pour expliquer que les gens renoncent à leurs droits?

(21 h 30)

M. Perreault: M. le Président, j'imagine que les représentants du gouvernement expliquent d'abord aux citoyens les avantages du programme et les possibilités qu'ils ont d'y avoir recours. Je pense que c'est d'abord ça. Il faut replacer les choses dans leur contexte, on n'est pas en situation de signer, au sens strict, là, un contrat d'affaires pour l'avenir; on est dans le cadre de l'application d'un programme d'aide qui a effectivement ses limites et, parmi les contraintes, bien, c'est que le citoyen qui reçoit une aide accepte en quelque sorte de considérer que c'est le choix qu'il a fait et il vit avec. Et puis on le lui dit, on ne s'en cache pas; il y a des échanges, il y a des questions de la salle, il y a des interventions. Alors, M. le Président, il n'y a pas une batterie d'avocats pour expliquer au citoyen tout ce qui pourrait arriver, mais je pense que l'esprit général de la démarche, c'est une démarche ouverte, franche, transparente, qui vise à aider, et non pas à nuire à nos concitoyens; au contraire, à les aider. Puis je pense que, dans le cas de Châteauguay, ça a été fait, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. Il nous reste exactement sept minutes et quelques secondes. Alors, je permettrai deux dernières questions très brèves, et aussi des réponses très brèves du ministre, puisque nous devrons procéder, par la suite, à l'adoption des crédits. Alors, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, vous allez mettre aux voix l'adoption des crédits de la Sécurité publique pour un montant, tel que ça apparaît aux livres, de 691 563 000 $. Dans le cahier que j'ai ici sous les yeux, M. le Président, «Budget 1996-1997, Crédits», pour l'ensemble des activités du gouvernement, on retrouve tous les crédits de chacun des ministères. À B-3, je voudrais savoir de M. le ministre...

Avant de poser la question, il y a un autre élément que je veux souligner, évidemment. Le gouvernement prévoit récupérer en cours d'année, M. le Président, 275 000 000 $ par les actions suivantes. Mesures d'économie à réaliser en cours d'année: dépenses de fonctionnement, 150 000 000 $; coût de main-d'oeuvre dans la fonction publique, 100 000 000 $; allégement des structures gouvernementales, 25 000 000 $; total, 275 000 000 $. Ce que je voudrais savoir de M. le ministre: Quelle est la proportion de ce 275 000 000 $ qui sera adressée à la Sécurité publique? Est-ce que vous avez eu votre commande du Trésor? Quel est le montant que vous devrez retourner au Trésor pour permettre l'économie de 275 000 000 $ que veut réaliser le gouvernement en cours d'année?

M. Perreault: 5 700 000 $, M. le Président.

M. Lefebvre: Pardon?

M. Perreault: 5 700 000 $.

M. Lefebvre: J'ai de la misère, moi, à comprendre l'approche gouvernementale. Vous avez déjà, M. le ministre, une commande très ferme de retourner au Trésor 5 700 000 $, à même les crédits qu'on s'apprête à voter dans cinq minutes, le 691 000 000 $. Mais, en même temps, vous vous apprêtez, avec la complicité du ministre des Affaires municipales, aussi responsable de la Régie de la sécurité dans les sports, vous vous apprêtez à aller chercher dans les poches des contribuables, au Québec, 25 000 000 $. Autrement dit, vous ne dépenserez pas tout ce qu'on vous donne, puis, en même temps, vous allez chercher 25 000 000 $ pour combler, là, les déficits que vous avez pour financer, entre autres, la Sûreté du Québec.

C'est quoi qui gouverne? Qu'est-ce qui chapeaute toute cette espèce de contradiction? Comment expliquer cette contradiction-là? C'est quoi votre opinion là-dessus, M. le ministre?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, brièvement.

M. Lefebvre: On vous en enlève et, en même temps, vous allez en chercher dans les poches des contribuables? Je ne comprends pas, là.

M. Perreault: M. le Président, je pense qu'il n'y a absolument aucune contradiction dans tout ça. Au contraire, c'est le signe évident de la volonté du gouvernement de rester aligné sur ses objectifs de rigueur administrative, de contrôle des dépenses de l'État. C'est sa volonté de rester dans le cadre des balises pour lesquelles il a pris des engagements à l'égard du public en ce qui concerne les dépenses du gouvernement. Et il demande donc, en conséquence, à chaque ministère de faire un exercice de rigueur supplémentaire. Il l'inscrit en toutes lettres dans le livre des crédits.

Quant au reste, bien, je veux dire, on soulève d'autres questions, d'autres considérations reliées au partage des responsabilités, à plus d'équité entre les contribuables québécois dans le financement des activités et de certains services, notamment ceux de la Sûreté du Québec. Je pense que c'est d'un autre ordre, M. le Président.

M. Lefebvre: Quelle est la ventilation du 5 700 000 $?

M. Perreault: Il y a une partie de cette somme, qui est de 3 100 000 $, qui sera assumée par la Sûreté du Québec, au prorata des budgets. L'autre partie sera assumée par le ministère de la Sécurité publique, les autres programmes. La ventilation détaillée de ces sommes n'est pas faite au moment où on se parle.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Nous allons maintenant procéder à l'adoption des programmes.


Adoption de l'ensemble des crédits

Est-ce que le programme 1, Gestion interne du ministère et encadrement des activités reliées à l'alcool, aux courses et aux jeux, est adopté?

M. Lefebvre: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que le programme 2, Sûreté du Québec, est adopté?

Une voix: Adopté.

M. Lefebvre: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que le programme 3, Garde des détenus et réinsertion sociale des délinquants, est adopté?

Une voix: Adopté.

M. Lefebvre: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que le programme 4, Sécurité et prévention, est adopté?

M. Lefebvre: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que l'ensemble des crédits du ministère de la Sécurité publique, pour l'année 1996-1997, sont adoptés?

M. Lefebvre: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, messieurs, nous ajournons les travaux au mercredi 24 avril 1996, à compter de 10 heures.

M. Lefebvre: Vous avez fait un excellent travail, M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Vous vous êtes fort bien comportés, messieurs.

(Fin de la séance à 21 h 36)


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