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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, April 23, 1997 - Vol. 35 N° 75

Étude des crédits du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes


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Table des matières

Journal des débats


(Neuf heures deux minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames et messieurs, nous allons débuter la séance. Je rappelle le mandat de la commission: procéder à l'étude des crédits budgétaires des Affaires intergouvernementales canadiennes, programme 3, éléments 1 à 4, du ministère du Conseil exécutif, pour l'année financière 1997-1998.

M. le secrétaire, est-ce que vous pouvez nous annoncer les remplacements?

Le Secrétaire: Oui. M. Fournier (Châteauguay) remplace M. Ciaccia (Mont-Royal).

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Avant de passer à l'étape des remarques préliminaires, j'aimerais connaître de quelle façon vous voulez procéder à l'étude des crédits. Est-ce que nous procéderons par programme et élément selon le livre des crédits ou par discussion générale? Discussion générale? Alors, très bien. Nous essaierons, en ce sens, de procéder par alternance dans la distribution des droits d'intervention. Et, compte tenu que nous disposons de deux heures, est-ce que vous préférez que nous procédions par bloc de 20 minutes d'échanges entre l'opposition et le ministre et entre la partie ministérielle et le ministre, ou vous préférez que nous allions peut-être par bloc de 10, 15 minutes?

M. Fournier: Des blocs de 10, 15 minutes me semblent suffisants, si tout le monde est d'accord.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Parfait.

M. Brassard: C'est surtout pour procéder avec toute la souplesse requise, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Alors, M. le ministre, je vous inviterais à faire vos déclarations d'ouverture.


Déclarations d'ouverture


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Oui, M. le Président. Alors, je ne serai pas long, compte tenu du peu de temps dont on dispose. Comme vous le savez, la mission du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes, familièrement appelé le SAIC, s'inscrit au coeur des relations entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral. De par la portée de son mandat, le Secrétariat assume la responsabilité névralgique d'assurer la cohérence de l'activité intergouvernementale. Alors, je peux vous assurer d'emblée qu'il s'en est acquitté de façon exemplaire au cours de la dernière année.

Quelques mots d'abord pour vous entretenir sur le contexte politique dans lequel l'ensemble des activités reliées au Secrétariat se sont déroulées. Le contexte des relations entre le gouvernement du Québec et celui d'Ottawa est évidemment marqué par un discours fédéral qui est apparu après le référendum, discours fédéral de modernisation du fédéralisme, c'est le terme à la mode, et qui prendrait la forme d'une réforme administrative dont l'objectif avoué, je pense, viserait à démontrer que ce système politique fonctionne bien et que son efficacité est telle que le projet d'un Québec souverain, le projet souverainiste devient obsolète et caduc. Je pense que c'est l'intention qu'on peut identifier derrière ce discours.

Il y a un nouveau concept aussi qui est apparu. Dans l'histoire du régime fédéral, il y a une grande richesse de concepts et de vocables. Là, le nouveau concept qui a cours, c'est celui de rééquilibrage des responsabilités. Ce nouveau concept de rééquilibrage administratif qui a été mis de l'avant au lendemain du référendum, en 1995, et repris lors du discours du trône de février 1996, repris également lors de la Conférence des premiers ministres de juin 1996, a reçu cependant un accueil plutôt mitigé même de la part des provinces. Son introduction sur la scène politique québécoise est, à mon avis, le reflet de l'incapacité du gouvernement fédéral de répondre aux attentes des Québécois et des Québécoises et constitue une impasse additionnelle aux relations entre nos deux ordres de gouvernement. Parce que cette réforme administrative, nous l'avons bien vu, qui se définissait par le rééquilibrage des rôles et des responsabilités des gouvernements, n'a constitué, à toutes fins pratiques, qu'un vaste programme de délestage, une vaste opération de délestage de factures, aussi bien dans le financement des programmes sociaux que dans plusieurs secteurs comme les ressources naturelles ou le logement social, où les compensations financières qui sont sur la table, qui sont offertes là, parce qu'il y a des négociations en cours, sont carrément inadéquates, et on constate surtout une volonté de se débarrasser de responsabilités et de jeter des factures dans la cour du Québec.

Ce transfert des comptes à payer au Québec ne fait que renforcer le caractère cosmétique de cette opération. Qui plus est, on a parallèlement assisté à une volonté de centralisation accrue des pouvoirs vers Ottawa, notamment par la mise en place de trois nouvelles agences: une commission fédérale des valeurs mobilières, une agence d'inspection des aliments, une agence de perception des impôts et des taxes, ou encore par la volonté aussi très ferme d'imposer des normes dites nationales à respecter, comme en santé, laissant ainsi aux provinces la gestion et le financement des programmes, donc considérant en quelque sorte les provinces comme des sous-traitants. Il y a donc cette incohérence qui mérite d'être mise en relief. On tient, à Ottawa, un discours bon chic bon genre sur la décentralisation, mais, en même temps, il y a des actions et des interventions concrètes qui sont entreprises et qui vont dans le sens d'une centralisation accrue.

On comprend d'autant mal cette soi-disant volonté de rééquilibrer les pouvoirs et les rôles des provinces quand on a assisté il y a à peine quelques semaines au discours sur le budget de M. Martin qui intervient directement et encore une fois dans trois secteurs de compétence du Québec, notamment par la création d'une prestation unifiée pour enfant, la mise en place de la Fondation canadienne de l'innovation qui investira dans les infrastructures de recherche universitaire et, en matière de santé, par la volonté de mettre en place un système d'information des soins de santé.

On ne peut que constater le cynisme du gouvernement fédéral devant de telles initiatives, alors que les transferts fédéraux, en espèces, en dollars, pour la santé, l'aide sociale et l'éducation postsecondaire sont passés de 17 500 000 000 $ en 1994-1995 à 13 000 000 000 $ en 1996-1997, sans oublier qu'ils diminuent à nouveau cette année de 2 600 000 000 $. Par rapport à l'an dernier à pareille date, le contexte politique a peu évolué ni en substance ni en profondeur. Un discours peut-être rafraîchi, qu'on veut accrocheur, mais le même résultat au bout du compte qui sert d'abord la même vision et les intérêts d'un État fédéral central fort où le Québec se voit attribuer un simple rôle d'intendance.

Malgré ce contexte peu compatible avec ses revendications traditionnelles ou historiques, le gouvernement québécois a néanmoins poursuivi sa participation aux conférences intergouvernementales canadiennes, aussi bien fédérales-provinciales qu'interprovinciales. Nous ne pratiquons pas ce qu'on appelle la politique de la chaise vide, à l'exception de quelques cas, des conférences par exemple sur le conseil ministériel sur le renouvellement des politiques sociales, où nous déléguons des observateurs seulement.

(9 h 10)

La présence du Québec lors des rencontres intergouvernementales prend son ancrage dans la nécessité de s'assurer que les intérêts des Québécois et des Québécoises soient bien défendus lorsqu'ils sont mis en cause. Nous ne participerons pas aux conférences qui ont pour effet de légitimer de quelque façon que ce soit l'intrusion du fédéral dans les champs de compétence du Québec, en particulier lorsque le gouvernement fédéral s'arroge un rôle en matière de politiques sociales que ne lui reconnaît même pas la Constitution.

Un autre volet des activités du Secrétariat cette année aura été la tenue du premier Forum de francophonie canadienne, à Québec, au mois de mars dernier. Ce Forum a connu un vif succès de participation, puisque 450 personnes se sont réunies en vue de faire le bilan de la mise en oeuvre de la politique du Québec à l'égard des communautés francophones et acadiennes et de définir les pistes d'action en vue d'améliorer et de bonifier cette politique. Au terme du Forum, j'ai fait part de certaines mesures que j'allais mettre de l'avant pour que la politique puisse faire émerger de nouveaux partenariats qui soient durables et structurants. J'ai proposé aussi la formation d'un comité de suivi chargé d'analyser les recommandations issues de ce Forum et qui pourront accroître l'efficience de la politique.

Cette année aura été un moment important, voire décisif, dans deux dossiers majeurs pour le Québec: le premier touche la formation de la main-d'oeuvre, le second concerne la modification de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 pour que le Québec implante des commissions scolaires linguistiques. On pourra sans doute en discuter plus en détail.

Mais je dirais, pour conclure sur ces deux dossiers, que, pour ce qui est du premier, l'entente, vous le savez, était signée lundi dernier. Les premiers ministres ont signé cette entente après plusieurs mois de négociation et plus d'une trentaine de séances de négociation. Sans remettre pour autant au Québec sa pleine juridiction en la matière, le gouvernement du Québec a négocié une entente de principe, qu'on peut, je pense, qualifier de satisfaisante dans les circonstances, qui permettra de mettre en place une stratégie de l'emploi plus efficace, mieux adaptée au Québec et répondant mieux aux intérêts des travailleurs et surtout, évidemment, des chômeurs. Il aura fallu cependant plus de 30 ans de négociation pour en arriver à ne faire qu'une partie du chemin. On est loin du compte en cette matière.

Pour ce qui est du second dossier, les commissions scolaires linguistiques, bien, j'ose espérer qu'il ne prendra pas autant de temps à se régler. Je constate cependant qu'on n'a pas une notion semblable de la célérité à Ottawa et à Québec. Malgré l'appui unanime de l'Assemblée nationale, Ottawa a décidé de ne pas procéder avec diligence. On a décidé, comme on le sait, hier, de mettre en place une commission mixte qui fera rapport à la fin mai et qui tiendra des audiences publiques. Alors, c'est toute la société québécoise qui jugera non seulement le comportement fédéral, mais aussi de son impact sur le résultat, c'est-à-dire l'implantation des commissions scolaires linguistiques.

Voilà, M. le Président, les quelques remarques que je souhaitais faire. On pourra par la suite, au cours des deux heures qui viennent, aborder un certain nombre des sujets que je n'ai fait très rapidement qu'évoquer.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. M. le député de Châteauguay et porte-parole de l'opposition officielle.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. C'est toujours difficile de présenter des remarques préliminaires qu'on a préparées alors qu'on a à suivre un exposé. Alors, juste avant d'embarquer dans mes remarques préliminaires préparées, je voudrais faire quelques commentaires par rapport à ce que je viens d'entendre.

Peut-être prendre au vol ce dernier élément, qui s'appelle la diligence d'Ottawa qui va prendre entre deux à quatre mois à peu près, peut-être, avec ce qu'on peut regarder comme fenêtre d'action pour Ottawa, par rapport aux, quoi, deux ans et demi, si on remonte au moment où le gouvernement a pris le pouvoir, le gouvernement du Parti québécois, deux ans et demi, dont la première année il n'y en a absolument pas été question, des commissions scolaires linguistiques; dans la deuxième année, il y a eu ce discours au Centaur, où on l'a promis. Il a fallu que le Parti libéral du Québec, l'opposition pousse ce dossier-là, présente des alternatives, pour arriver en juin de l'an passé, où Mme Marois... la ministre de l'Éducation, pardon, M. le Président, disait: Bien, il n'y a pas de consensus là-dessus; on ne peut pas faire ça; ce n'est pas la bonne solution. Pour accoucher finalement au mois de février d'une position du gouvernement du Québec, après deux ans et demi, de dire: Ah! on va aller avec une modification constitutionnelle sans commission parlementaire, sans dépôt d'opinion juridique.

Alors, simplement pour rappeler au ministre qu'il n'a aucune crédibilité lorsqu'il traite de la célérité, de la rapidité d'action. On voit bien son jeu, là, qu'il s'agit de donner un petit peu d'arguments pour le Bloc québécois, mais on est au Québec et on ne va pas commencer à travailler juste à faire des arguments pour le Bloc, on pourrait peut-être travailler pour le Québec. C'est un message que je fais, en passant.

Je renote aussi qu'il dit que la modernisation du fédéralisme depuis, dit-il, le dernier référendum serait uniquement administrative. Je tiens à lui rappeler – peut-être l'a-t-il oublié – qu'à une question posée par le chef de l'opposition à Ottawa, le chef du Bloc québécois, disant au premier ministre du Canada qu'il n'avait pas constitutionnalisé la disposition sur la société distincte, le premier ministre du Canada lui a dit qu'il le ferait très rapidement, dès que le gouvernement du Québec le ferait. Ce à quoi le chef de l'opposition a été obligé de lui dire: Je m'excuse, je voulais vous taper sur les doigts, mais, finalement, je ne tiens pas à ça, moi, la société distincte. Alors, c'est toujours le double langage: on vous tape sur les doigts puis, quand c'est possible de le faire, bien, on n'en veut plus de ça. Pourtant, je me souviens que le premier ministre du Québec lui-même, il y a un mois, nous a rappelé combien il était un des plus fervents supporteurs de Meech, où on retrouvait cette clause interprétative de société distincte, le veto. Voilà, tout ça, qu'il est déjà possible de constitutionnaliser, si tant est que le gouvernement du Parti québécois cesse sa stratégie qui vise – et on va le voir durant le débat aujourd'hui – essentiellement à cacher les opportunités qui s'offrent aux Québécois de prendre encore plus de place non seulement au Canada, mais dans le monde. Et ça, malheureusement, c'est toujours cette politique du pire, d'autovictimisation, à laquelle on assiste.

On a parlé tantôt du rééquilibrage et le ministre semble dire que c'est une donnée qui vient d'Ottawa, dans la foulée après le référendum. Je dois lui rappeler que, lors d'une rencontre qui s'est tenue à Terre-Neuve, et avant le référendum, le premier ministre de l'époque, Jacques Parizeau, avait quitté la salle lorsqu'on a commencé à aborder les questions de rééquilibrage, de codécisions, de nouveaux partenariats à bâtir, d'interprovincialisme, il a quitté parce que ça ne faisait pas son affaire de pouvoir démontrer, avant le référendum, que la modernisation était déjà entre les mains des provinces et se faisait avant le référendum. Et, malheureusement, Québec persiste à refuser de participer dans ces forums, où les provinces peuvent prendre plus de place, peuvent rayonner de façon accrue.

«Accrue», c'est le mot qu'utilise le ministre pour dire qu'il y a de la centralisation accrue. Il nous parle de la Commission des valeurs mobilières, de l'Agence de perception, tous des domaines où le Québec peut facilement s'en retirer, démontrant la flexibilité qu'il y a. Ce qui ne veut pas dire que Québec devrait être muet. Québec devrait prendre sa place, faire des alliances avec les autres provinces, être capable de montrer le modèle québécois aux autres plutôt que de se cacher en retrait. Ceci étant, on ne peut donc pas dire que ce sont des impositions qu'on fait au Québec, puisque le Québec peut s'en retirer, préserver ses moyens d'action. Ce n'est pas très crédible non plus de parler de centralisation accrue, à moins que le ministre ait un peu honte de la signature, mais j'imagine que, puisqu'il est ministre du SAIC, il a dû donner un avis à quelque part comme quoi il fallait la signer, cette entente-là. J'espère qu'il n'en a pas honte aujourd'hui, de l'entente sur la formation de la main-d'oeuvre. Mais pas très crédible pour nous parler de centralisation accrue lorsque au-delà de 1 000 fonctionnaires vont être transférés, lorsqu'on parle de milliards de dollars qui vont devenir sous le contrôle du Québec pour mieux aménager les façons de faire à l'égard de la formation. Il faut quand même essayer de rester dans l'ordre du réalisme, et je pense que le ministre s'en est écarté de façon assez importante.

Je veux bien qu'on en banalise les aspects, dire que ça fait 32 ans qu'on court après. Moi, je pourrais regarder – je l'ai déjà vu – le document des revendications traditionnelles que le SAIC a préparé, où on trouve les discours de Taschereau, et même avant Taschereau, en passant par tous ceux qui l'ont suivi...

Une voix: Et de Bourassa.

M. Fournier: Oui, de tout le monde. On peut regarder tout ça, puis les beaux discours. Quand est-ce qu'il y a eu une volonté d'une action concertée qui a été menée pour aller chercher, prendre sa place et aller chercher les outils à l'égard de la formation de la main-d'oeuvre? Ça a été fait sous le gouvernement de Robert Bourassa, avec André Bourbeau notamment. Et ce n'est pas il y a 32 ans. Cette action-là, concertée, a été faite pour aller chercher ça, il y a quelques années, et maintenant on en a des fruits. Il faut quand même être capable de reconnaître ces choses-là. On s'en souvient du débat qu'il y avait eu, avec André Bourbeau notamment, et je me souviens que ça a été des outils utilisés par le Parti québécois lui-même lors du référendum, il disait: Vous voyez, ils vous ont fait croire que ça arriverait puis ça n'a même jamais marché. Bien, voilà! Ça marche aujourd'hui, mais on nous dit que c'est de la centralisation accrue, alors, pas très crédible là-dessus.

(9 h 20)

Je termine avec les remarques préliminaires que j'avais préparées, et je vais être obligé de les saborder, parce que je ne veux pas prendre trop de temps. Je veux juste mentionner au ministre que l'année passée... J'ai regardé ce dont on avait discuté l'an passé et j'avais dit au ministre que je trouvais ça déplorable que le SAIC et le ministre – parce que le SAIC a dû faire son travail, peut-être que le ministre n'a pas acheminé les informations du SAIC – à l'égard des «combats extrêmes»... Il y avait eu un abandon de ses compétences par Québec, qui avait dit: L'administration de la justice à l'égard des «combats extrêmes», ça, ce n'est plus notre responsabilité, ça appartient à Ottawa. J'avais trouvé ça déplorable qu'on ne soit pas capable de prendre ses responsabilités.

Il y a eu un autre événement du même genre qui s'est produit cette année. C'était au mois de mars dernier lorsque le ministre de la Sécurité publique, dans l'affaire de la demande d'enquête sur le meurtre de François Mario Bachand, a dit: Ah! ça, ça correspond à la GRC; on n'a pas à s'impliquer là-dedans, alors que c'est toujours ce même dossier qui relève de notre compétence. Comment on peut avoir un discours où on essaie de dire: Moi, je veux avoir toutes les compétences, mais, lorsqu'on les a, on ne les applique pas? C'est assez navrant de voir ça.

Une dernière remarque que je voulais faire, c'était pour demander au ministre d'arrêter de soulever – il l'a fait en 1994 et il l'a refait cette année – les propos qu'il tient à l'égard de l'utilisation de la force pour imposer un Québec souverain. Je relisais ça, il le fait en invoquant... M. le Président, je ne comprends pas qu'il trouve ça drôle. Surtout que je vais lui parler un peu plus tard de son ministre des Relations internationales qui a fait un beau discours au mois de novembre dernier – je ne sais pas si vous avez vu ça, on aura l'occasion d'en reparler – un beau discours sur les valeurs canadiennes, les valeurs québécoises, qui sont des valeurs communes, dit-il. Et il y a dans ces valeurs-là la tolérance, le respect des minorités et de l'État de droit, enfin un bon nombre de valeurs que soulève un des collègues et qui s'y est directement attaqué par cette notion que le droit international, alors que le Québec ne serait pas encore un acteur du droit international, permettrait d'utiliser la force pour devenir un acteur du droit international. Je pense qu'il y a un petit problème dans la façon de se connecter à du droit pour dire: Nous allons imposer la force. Ce n'est pas l'héritage que nous avons au Québec. Et même des collègues du ministre ne partagent pas son point de vue là-dessus. J'aimerais que le ministre ne participe pas, dans le débat public, à créer des tensions entre les différentes communautés au Québec. Tous les Québécois qui vivent sur le territoire du Québec sont Québécois et doivent être respectés. On ne doit pas, jamais, s'écarter de l'héritage qu'on a de la vie en harmonie dans notre société et du refus, dans tous les cas, d'imposer par la force une idéologie. C'étaient les remarques que j'avais, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Merci, M. le député. Est-ce qu'un autre député désire faire des remarques préliminaires? Mme la députée de La Prairie.


Mme Monique Simard

Mme Simard: Très rapidement, M. le Président. Je voudrais rappeler à mon collègue le député de Châteauguay que je suis un peu surprise de l'entendre. Enfin, peut-être que d'autres ne le sont pas. Je le suis cependant. Il me semble qu'il y a une chose sur laquelle nous avons toujours été clairs, et le ministre des Affaires intergouvernementales, pour un, ne s'en est jamais caché, c'est que nous sommes un parti et un gouvernement qui est souverainiste. Là-dessus, il n'y a jamais eu aucune ambiguïté. Nous ne jouons pas avec les nuances. Nous le sommes. Nous le répétons, il n'y a pas d'ambiguïté, en tout cas à l'égard des Québécois...

Une voix: Nous l'affichons.

Mme Simard: ...on s'affiche et on le dit. Dans l'ensemble de nos actions, eh bien, il y a une cohérence depuis le 12 septembre 1994.

Maintenant, comme gouvernement, nous avons évidemment des responsabilités à l'égard des Québécois et des Québécoises, peu importe leur option ou leur allégeance politique, d'en arriver à réaliser un certain nombre d'ententes, et ce que nous faisons. Et je regrette, je pense qu'il y a eu une cohérence depuis le départ dans la défense des dossiers qui correspondent évidemment aux intérêts premiers des Québécois dans ceux-ci. Je pense à la formation professionnelle, je pense aux commissions scolaires linguistiques.

Parfois, je suis un peu étonnée de voir des gens comme ça qui tombent des nues. Je lisais encore un article la semaine dernière dans la Gazette où on disait: De quel droit est-ce que les membres de l'Assemblée nationale ont voté cette résolution? Ils n'étaient aucunement mandatés ni d'un côté de la Chambre ni de l'autre. Ce n'est pas vrai. Pour un, dans le Parti québécois, ça fait partie de notre programme du Parti québécois que de réaliser des commissions scolaires linguistiques. Ça fait d'ailleurs un certain temps que ça fait partie de notre programme. Il y a eu des audiences publiques qui ont été tenues à travers les états généraux de l'éducation. Alors, voilà. C'est-à-dire qu'on tente tout le temps de changer les règles du jeu pour ne pas accommoder un certain nombre de choses qui font consensus au Québec. Ceux qui changent les règles du jeu, je le regrette, ce ne sont pas ni le Parti québécois ni le gouvernement qui le forme, mais ceux qui, au contraire, ne veulent pas qu'on puisse réaliser un certain nombre d'obligations qu'on s'est fixées et qui font l'objet de consensus.

Alors, moi, M. le Président, je pense que l'entente qui a enfin été conclue lundi dernier, il y a à peine deux jours, qui a été signée il y a deux jours, eh bien, tous les observateurs du dossier – ça fait 30 ans ou 32 ans qu'on le réclame, ceux qui s'intéressent de plus près à la formation professionnelle, et j'en suis parce que j'ai oeuvré dans ce secteur-là pendant de nombreuses années... bien, c'est l'aboutissement... Bon, enfin, une chance que le ridicule ne tue pas parce que, 30 ans, c'est un peu long pour arriver à une entente de cette teneur. Je le rappelle parce qu'il s'agit de récupération de sommes qui vont être transférées ici, qui viennent de la caisse d'assurance-emploi, de notre argent, de la cotisation des employeurs et des employés. Et ça, il y a trop peu de gens qui le soulignent. Alors, je me permets ici, je profite de ces remarques préliminaires pour le resouligner, qu'il s'agit tout simplement de notre argent. C'est une entente administrative, on l'a souligné, elle nous convient, mais de là à s'en servir pour faire l'apologie d'un système, eh bien, je regrette, parce que là, pour en arriver à une entente, somme toute, assez ordinaire au plan administratif, que ça ait pris autant d'années, je comprends mal qu'il y en ait qui se réjouissent.

En ce qui concerne les commissions scolaires linguistiques, dans les dernières semaines et dans les derniers mois, Dieu merci, le cap a été maintenu par le gouvernement dans ce dossier parce que d'autres ont plutôt tergiversé quant à la formule, quant à ce qui pouvait correspondre à un consensus. Je n'en dirai pas plus, M. le Président, pour dire qu'on n'est peut-être pas loin d'une réalisation, mais encore faut-il voir ce qui se passera dans les jours et dans les semaines à venir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Est-ce qu'un autre député désire faire des remarques préliminaires? Alors, nous en sommes maintenant à la période d'intervention et de questionnement. M. le député de Châteauguay.


Discussion générale


Modification du règlement concernant la coloration de la margarine

M. Fournier: Oui, justement, dans la foulée de notre collègue de La Prairie – on parlait justement de la défense des différents dossiers – je voudrais qu'on aborde ce qu'a fait le gouvernement du Québec dans la défense de certains dossiers et notamment celui qui nous a préoccupés durant la dernière année à certaines occasions, autant en Chambre qu'en commission, celui du commerce interprovincial.

On se souvient que l'an passé, lors de l'étude des crédits, le ministre nous rappelait la responsabilité qu'a le SAIC – enfin, il y a même un groupe qui est formé là-dessus – à l'égard de l'Accord sur le commerce intérieur. Il a rappelé, à l'occasion de l'adoption du projet de loi n° 15, à plusieurs étapes, son attachement, l'attachement que le ministre délégué aux Affaires canadiennes porte à cet Accord sur le commerce interprovincial et sur les bénéfices qu'en retirent les Québécois. Il nous a même dit que c'était tellement important qu'il fallait donner dans le symbolisme un peu, il fallait que l'Assemblée fasse sien cet accord intergouvernemental parce que c'était un accord excessivement important.

Alors, là-dessus, j'aurais un seul sujet pour aujourd'hui. J'ai vu, M. le Président, dans le cahier explicatif des crédits que j'ai reçu hier à 10 heures – merci aux gens de l'autre côté de nous l'avoir fait parvenir avant qu'on vienne ce matin, c'était très gentil – j'ai vu là-dedans qu'il y avait des rencontres en 1995 et 1996, 1996 et 1997 qui s'étaient tenues, il y avait différents forums interprovinciaux, puis j'ai vu aussi les rencontres que le ministre a eues lui-même, je pense qu'il y a quatre ou cinq cas qui sont mentionnés. Et je voudrais savoir à quelle occasion le Québec a parlé avec ses partenaires durant ces deux années du dossier de l'harmonisation des règles concernant la coloration distincte beurre-margarine.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

(9 h 30)

M. Brassard: Bien, ça, c'est costaud comme question, hein. Il faut le faire. Parce que les signatures qu'on retrouve au bas de l'entente concernant de façon précise la coloration de la margarine, c'est celles de M. Daniel Johnson, qui était premier ministre, et M. Gérald Tremblay, qui était ministre de l'Industrie et du Commerce. C'est ces deux signatures-là qu'on retrouve au bas de l'entente. Et, contrairement à certaines dispositions de l'Accord où il y a comme une marge de manoeuvre – si on peut s'exprimer ainsi – des possibilités par consensus de repousser dans le temps la mise en application d'une mesure, dans le cas de la coloration de la margarine, c'est clair, d'une clarté, d'une limpidité, c'est qu'il y a une date. M. Johnson, M. Tremblay ont négocié une entente en stipulant qu'à telle date, le 1er septembre 1997, l'automne qui vient, le Québec et toutes les provinces se seront harmonisées en matière de coloration de la margarine. Et, évidemment, le gouvernement du Parti québécois doit prendre en compte cette entente, qui fait partie intégrante de l'Accord sur le commerce intérieur, qui ne peut être modifiée de façon unilatérale. On ne peut pas modifier de façon unilatérale. Les modifications qui peuvent survenir sur des éléments de l'Accord sur le commerce intérieur doivent se faire par voie de consensus. S'il y a un consensus, bon... Mais c'est clair que, dans le cas de la margarine, le consensus n'existe pas. Actuellement, la seule province, à ma connaissance, qui ne s'est pas conformée, c'est le Québec. Les autres n'ont pas attendu le 1er septembre 1997, elles l'ont fait. Alors, c'est évident qu'il n'est pas possible de modifier cette disposition-là, cette partie de l'entente, le Québec étant le seul à ne pas s'être conformé.

Donc, je sais qu'il y a beaucoup... J'en ai rencontré, moi aussi, des producteurs agricoles de mon comté – la production laitière occupe une place importante dans ma région – plusieurs de mes collègues aussi. C'était au coeur, avec d'autres sujets, de la manifestation qui a eu lieu devant le parlement, ici, la semaine dernière. Mais il faut quand même dire et répéter que ce n'est pas le gouvernement actuel qui a négocié et signé cette entente-là, c'est le gouvernement précédent, le gouvernement qui était dirigé alors par le chef de l'opposition officielle actuel, M. Johnson, et, comme ça fait partie de l'Accord sur le commerce intérieur et comme tout changement à cet Accord doit se faire par consensus, c'est évident que là il y a comme une contrainte incontournable que le gouvernement du Québec se doit de respecter. Si on ne le fait pas, supposons que le 1er septembre 1997 on ne respecte pas cet engagement, cette entente-là, bien là c'est clair qu'à ce moment-là ce qui risque de se produire, c'est que d'autres provinces pourront avoir recours à des dispositions qu'on retrouve dans l'entente, dans l'Accord sur le commerce intérieur, déposer des plaintes, et même possibilité par la suite, également, de prendre des mesures qu'on appelle des mesures de rétorsion à l'égard de la province qui ne respecterait pas certaines dispositions de l'Accord sur le commerce intérieur, des mesures de rétorsion qui pourraient s'appliquer dans le secteur laitier. Je ne suis pas sûr que le Québec a intérêt à se retrouver avec des mesures de rétorsion dans le domaine du lait par les temps qui courent. Alors donc, on est placé dans un contexte ou dans une situation où nous n'avons guère le choix.

Le député de Châteauguay peut bien dire: Reprenez les pourparlers puis les discussions. Est-ce que je dois comprendre à ce moment-là que l'opposition officielle ou le Parti libéral est en désaccord avec la position adoptée par le gouvernement libéral précédent, qu'ils ne sont plus d'accord? Je suppose qu'il y a eu un caucus là-dessus, j'imagine, et que là ils ont maintenant décidé de revenir sur leur position et qu'ils demandent maintenant au gouvernement du Parti québécois de renier la signature du chef de l'opposition officielle? Il faudrait savoir qu'est-ce qu'il y a comme position derrière ce genre de question là. Est-ce que l'opposition officielle, après réflexion, a maintenant décidé de se dissocier de cette entente sur la margarine, ou c'est le cas uniquement du député de Châteauguay? Est-ce que le chef de l'opposition officielle aussi est maintenant de cet avis-là et qu'il est prêt à renier sa signature, comme on dit? Il faudrait le savoir parce qu'ils ont été étrangement silencieux jusqu'à maintenant. C'est la première fois qu'on a, de la part de l'opposition officielle, des questions sur la margarine, c'est la première fois. Est-ce qu'ils ont été étrangement silencieux sur cette question-là? Je suis content de voir qu'il aborde cette question-là, mais il faudrait maintenant aller plus loin puis savoir vraiment si, derrière ces questions, il y a une position de l'opposition officielle à l'effet que le Québec devrait renoncer à cette entente et ne pas appliquer ces dispositions sur la margarine avant le 1er septembre 1997. Je veux savoir, M. le Président...

M. Fournier: Formidable!

M. Brassard: ...le gouvernement veut savoir.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: M. le Président, le ministre va savoir. Le ministre feint, évidemment, de ne pas comprendre la question, la déforme; on déforme la réalité, on déforme les questions. On va y aller, on va expliquer des choses au ministre. D'abord, il est faux de dire que c'est la première fois que c'est soulevé. Ça a été soulevé notamment en Chambre le jour même qu'on a adopté à l'Assemblée nationale le projet de loi n° 15, que le ministre a présenté comme étant une consécration par l'Assemblée nationale, y inclus le gouvernement du Parti québécois, de cet Accord dont nous parlons en ce moment. Et ça a été soulevé au ministre de l'Agriculture qui se distanciait, lui, de l'Accord. Alors, je pense qu'il n'était pas au courant; le ministre a dû lui dire par la suite: Fais attention, l'Accord, on l'a fait nôtre, on a même mis du symbolisme là-dedans pour que l'Assemblée nationale se saisisse de cet Accord-là. Et nous avons tous les deux, et plusieurs, mais tous les deux, entre autres, nous avons discuté et approuvé cet Accord qui avait été signé. Mais le ministre dénature l'Accord, il nous dit... Parce que je lui ai posé la question: Quand est-ce qu'on a parlé de ça? Quand est-ce qu'on a tenté d'amener les autres provinces dans différents forums? J'ai fait le tour. J'ai demandé au ministre: Quand, depuis la prise du pouvoir par le Parti québécois, le ministre de l'Agriculture ou le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes a fait des représentations aux autres gouvernements pour les amener à harmoniser leur façon de faire à la nôtre?

Il n'y a pas que la politique du pire, il n'y a pas que l'abdication de ses responsabilités, il n'y a pas que la force du silence – pour reprendre un peu l'expression utilisée par le parti frère du Bloc québécois. Il faut à un moment donné prendre en main nos responsabilités. Or, à l'égard de l'agriculture, à l'égard du dossier de la margarine et du beurre, l'obligation qui était faite aux différents gouvernements, c'est de s'entendre entre eux pour qu'il y ait une harmonisation. Et je reprends les arguments de ceux qui nous parlent en ce moment de la coloration. Le premier argument qui est soulevé: l'Accord prévoit l'harmonisation, ce qui peut se faire en appliquant une seule réglementation de coloration distincte beurre-magarine à travers le Canada. Le ministre déforme la réalité lorsqu'il dit que le gouvernement libéral qui l'a précédé a forcé, en 1997, à abandonner la réglementation de coloration distincte. Il ne le lit pas comme il faut, l'Accord. L'obligation qui est faite, et je suis déçu de voir... et c'est ça, la position du Parti libéral du Québec, une dénonciation de la démission que le ministre et le ministre de l'Agriculture ont eue à l'égard de la défense des Québécois et des Québécoises notamment dans le secteur du lait et du beurre. Ils n'ont rien fait, jamais ils ne l'ont soulevée.

Si je comprends bien, c'est en juillet 1997 qu'il va y avoir, créée par le ministre de l'Agriculture qui saisit à bras-le-corps la défense des intérêts du Québec, la première rencontre là-dessus. J'ai demandé au ministre quand est-ce que c'était arrivé, quand est-ce que le Québec avait fait des représentations. Zéro, aucune. Dans nos champs de compétence, on se ferme, on ne défend pas l'intérêt des Québécois. Et il ne s'agit pas de dénaturer la question, essayer de faire croire que le Parti libéral aurait changé de position. Au contraire, nous, nous voulons prendre notre place, au Canada et dans le monde, mais en parlant, en rayonnant, en prenant tous les forums qui existent, pas en abandonnant, pas en se taisant pour, après ça, dire: On nous a imposé telle chose.

Alors, je repose ma question au ministre: Peut-il me dire si, oui ou non, il a été question – et je n'ai pas besoin d'une longue réponse qui déforme tout – oui ou non... Est-ce que je dois partir d'ici en me disant: Le gouvernement du Québec formé par le Parti québécois, depuis qu'il est en poste, a-t-il, oui ou non, et à quelle occasion, soulevé le débat pour amener les autres provinces à harmoniser leur façon de faire à la nôtre, de manière à ce qu'il y ait une seule réglementation, deux colorations distinctes beurre-margarine à travers le Canada?

(9 h 40)

M. Brassard: Vraiment, il faudrait le demander au ministre de l'Agriculture si ça a été abordé dans des conférences. Les ordres du jour des conférences réunissant les ministres de l'Agriculture ne comportaient pas ce sujet-là. Ils vont sans doute comporter cependant, pour la suite des choses, ce qu'on appelle les oléobeurres, parce que là il y a une marge, il y a une marge de manoeuvre, il y a un espace pour la négociation, les oléobeurres. Mais, dans la question de la margarine, la marge n'existe pas. Ce que vous avez signé, ce que le gouvernement précédent a signé est très clair, il n'y a pas de marge de discussion. Il faut que le Québec se conforme et les neuf autres provinces l'ont fait. Seul le Québec, actuellement, attend l'échéance qui apparaît dans l'entente, qui est le 1er septembre 1997.

Mais, encore une fois, je répète ma question: Est-ce que ça veut dire, ça, que l'opposition officielle n'est plus d'accord avec le contenu de cette entente, qu'elle n'est plus d'accord pour que, en matière de coloration de la margarine, le Québec se conforme à des normes pancanadiennes? Il faudrait le savoir, là. Parce qu'il y a un petit côté un brin démagogique dans les propos du député de Châteauguay. L'indignation après coup, ça ne m'impressionne pas beaucoup, moi, là. Vraiment, il y a une entente qu'ils ont conclue, eux, puis qui ne laisse pas de marge de discussion. Il y en a, de la marge, pour les oléobeurres, puis on va l'utiliser, cette marge-là, pour défendre les intérêts des producteurs laitiers québécois. Mais, dans le cas de la margarine, il n'y en a pas, de marge.

Le Président (M. Paquin): Mme la députée de La Prairie.

M. Fournier: Une petite dernière question, M. le Président, juste une petite dernière là-dessus, pour clore.

Le Président (M. Paquin): O.K. On avait convenu 15 minutes.

M. Fournier: Oui, je sais. Mais juste une petite dernière.

Le Président (M. Paquin): Alors, on peut aller jusqu'à 20, disons.

M. Fournier: Oui, oui. Juste une petite dernière pour qu'on se comprenne comme il faut sur ce sujet-là.

Tous les intervenants au Québec notamment dans le domaine de la margarine et du beurre, tout le monde a compris – et d'ailleurs le ministre lui-même l'admet – les autres provinces ont emboîté le pas, et c'est comme si elles avaient toutes copié une règle inexistante, en quelque part. Mais, dans le fond, ce qu'elles ont fait, c'est qu'elles ont décidé de s'entendre entre elles. Mais le Québec, lui, selon le ministre, attend. Il n'a pas participé à ces débats-là. Ce que le ministre reconnaît quand il dit: Les autres provinces ont agi, c'est que les autres provinces ont convenu ensemble d'une règle.

Si le Québec avait pris sa place, et il n'est pas trop tard, si le Québec avait pris sa place, le Québec aurait pu faire entendre sa voix. D'ailleurs, déjà, les agriculteurs de l'Ontario se plaignent de cette chose-là. Il faudrait créer des liens, il faudrait prendre notre place. Or, ils n'ont rien fait. Au contraire, le ministre essaie d'interpréter l'entente comme disant qu'on n'a pas à s'harmoniser à rien, on n'a qu'à copier quelque chose qui existe. Ce n'est pas dans l'entente du tout, du tout, ça. Dans l'entente, c'est qu'il y ait des règles harmonisées. On ne précise pas quelle est la règle à laquelle il faut s'harmoniser. On dit qu'il y ait des règles harmonisées. Et la règle pourrait être une coloration distincte. Le ministre le sait. Si le ministre nie cela, que la règle harmonisée pourrait être la coloration distincte, s'il nie cela, a-t-il une opinion juridique qui lui confirme ça et peut-il la déposer? Non, mais c'est parce que là, les cachettes, on aimerait ça, nous autres, que ça finisse. A-t-il une opinion juridique? Il est le seul qui dit ça. Alors, s'il a une opinion juridique, sur quoi se base-t-il pour dire le contraire de ce que tout le monde sait? L'harmonisation à des règles, ça veut dire qu'on ait des règles communes, mais qu'on définit ensemble. Et, si le Québec attend pendant que les autres agissent, je comprends qu'il puisse dire: Je suis pris pour copier les autres. Mais, dans ce cas-ci, quelle est son opinion juridique, qu'il est le seul à détenir, qui dit qu'il ne peut pas faire autrement que de copier les autres, il doit rester muet?

Le Président (M. Paquin): M. le ministre.

M. Brassard: M. le Président, je répète que, en juin 1994, il y a un accord qui a été négocié et conclu entre les ministres de l'Agriculture du fédéral et de toutes les provinces qui portait sur la margarine. Cet Accord stipule que, dans toutes les provinces, d'ici le 1er septembre 1997, les règles ou les règlements portant sur la coloration de la margarine seront supprimés. C'est ça, le sens de l'Accord.

Et je reviens encore une fois sur la position du Parti libéral. Au moment où cette négociation a eu lieu, au moment où cette entente a été signée, j'aimerais savoir – je pense que ce serait important de le savoir – si le ministre de l'Agriculture du Québec a consulté ses partenaires. Parce que c'est une entente qui avait des conséquences, qui avait des impacts. On le voit aujourd'hui par le tollé de protestations qu'on retrouve dans le milieu agricole à cet égard. Est-ce que le ministre de l'Agriculture de l'époque a jugé utile de consulter ses partenaires? Est-ce qu'il a consulté l'UPA, est-ce qu'il a consulté la Fédération des producteurs de lait avant de signer? Ce serait bon de le savoir, ça, avant de signer s'il a consulté. Je ne sais pas si le député de Châteauguay est au courant de ça: Est-ce que le ministre de l'Agriculture à l'époque a consulté ses partenaires?

M. Fournier: Simplement pour répondre au ministre, de la même façon que, pour les commissions scolaires linguistiques, je peux lui répondre qu'il y a eu un consensus à l'Assemblée nationale. Le ministre lui-même est porteur du projet de loi n° 15 qui met en vigueur l'Accord dont on parle en ce moment. Alors, juste pour qu'on se comprenne bien, l'Accord, il est là, il en a chanté les louanges. Moi, tout ce que je dénonce, c'est le fait que depuis deux ans et demi le gouvernement n'ait absolument rien fait pour défendre les Québécois à l'égard de cette entente-là.

M. Brassard: Là, vraiment, M. le Président, je renonce. C'est vraiment de la mauvaise foi, là. Vraiment de la mauvaise foi.

Le Président (M. Paquin): M. le ministre, puisque vous renoncez, ça tombe bien, le premier bloc de 20 minutes est terminé. Mme la députée de La Prairie.


Négociations avec le fédéral relativement aux congés parentaux prévus dans la nouvelle politique familiale

Mme Simard: Merci, M. le Président. M. le ministre, on va changer de sujet. Dans la politique familiale qui a été déposée, qui a été présentée d'ailleurs par le premier ministre lui-même en janvier dernier, il y a un volet qui concerne évidemment des négociations, qu'il va y avoir des discussions avec le fédéral, et c'est tout le volet qui concerne les congés parentaux. J'aime à le dire, cette proposition de la politique familiale recueille un appui très large, sinon unanime, je pense, au Québec. Il n'y a personne qui s'est objecté à cela; au contraire, on a salué ça. Ça faisait très, très longtemps que les mères et les pères du Québec attendaient d'avoir un programme de congés parentaux complet au niveau du Québec. Ça fait au moins 15 ans, si ce n'est pas plus, que c'est demandé. Alors, comme il s'agit évidemment d'un régime qui touche à ce qu'on appelle aujourd'hui le régime d'assurance-emploi, parce que les congés de maternité et les congés d'adoption, généralement, l'indemnisation était versée par la caisse d'assurance-emploi, moi, je voudrais savoir où en sont les discussions sur ce dossier-là au moment où on se parle.

M. Brassard: M. le Président, ce que je dois dire sur cette question, c'est que les négociations se sont amorcées. Il y a eu deux séances de négociation jusqu'à maintenant. Il y a une autre séance qui est fixée pour le 2 mai, je pense, également. C'est M. Charland, Gilbert Charland, qui est le chef de la délégation québécoise. C'est clair qu'on s'appuie sur une disposition même de la loi de l'assurance-emploi. Cette position du gouvernement du Québec est, je pense, reconnue par le gouvernement fédéral. Ça, c'est, on peut dire, un acquis, le gouvernement fédéral reconnaît qu'il y a des dispositions dans la loi de l'assurance-emploi qui rendent possible la mise en place par le Québec d'un régime distinct de congés parentaux. Maintenant, le gros de la discussion doit porter sur le niveau de financement. Sur quel niveau de financement nous pourrions compter pour assurer le financement de ce régime d'assurance, de congés parentaux? Alors, là, ça se poursuit. Je peux dire que c'est bien enclenché, les négociations sont bien enclenchées. Les deux parties convenaient qu'il faudrait s'efforcer de conclure une entente d'ici la fin juin.

(9 h 50)

Maintenant, est-ce que les élections vont perturber la négociation ou la retarder? J'espère que non, mais c'est toujours possible. Il y avait comme un accord pour que, d'ici la fin juin, on puisse en arriver à une entente. Oui, il y a évidemment un calendrier qu'on s'est fixé. Nous, on souhaite, le Québec souhaite que ce nouveau régime là entre en vigueur dès le début de l'année 1998. Alors, il faut à ce moment-là qu'il y ait assez rapidement une entente avec le gouvernement fédéral pour que la Régie des rentes, qui serait l'institution qui mettrait en oeuvre le régime, puisse s'y préparer pendant un certain nombre de mois avant de... Alors, c'est pour ça que, si on ne conclut pas en juin, si c'est reporté à plus tard, évidemment, il va y avoir des difficultés. On va quand même essayer de respecter nos échéances, mais ça va être plus difficile.

Mme Simard: Oui, parce que c'est dès le mois de janvier. Lorsque la politique familiale a été présentée dans le livre blanc déposé par Mme Marois, je pense bien que c'est le 1er janvier 1998 qui était indiqué comme date d'entrée en vigueur du régime pour les congés de paternité, de maternité, etc. Alors, bon, souhaitons que ça ne prenne pas 30 ans, M. le ministre, hein, parce que le temps d'avoir quelques générations d'enfants... Ha, ha, ha! Mais...

M. Brassard: Disons que...

Mme Simard: Ça va bien.

M. Brassard: Soyons francs, puis disons que ça va bien. Je pense qu'on peut dire que ça va bien, que l'accueil est favorable et qu'il y a une reconnaissance de la part du gouvernement fédéral qu'effectivement la disposition dans la loi sur laquelle on s'appuie tout cela est parfaitement légitime.

Mme Simard: Donc, souhaitons qu'effectivement on puisse réaliser le programme parce que je pense que, de part et d'autre, il n'y a pas de contestation sur la pertinence de rapatrier, d'abord, les congés parentaux ici, au Québec, et de les bonifier. Parce qu'on sait qu'actuellement ce qui est offert par le régime d'assurance-emploi, c'est quelque chose qui est très, très limité et, comme on sait que désormais, avec la nouvelle réforme, l'accessibilité à recevoir des prestations de la part de ce régime-là est encore plus limitée qu'elle ne l'était auparavant... C'est qu'il y a beaucoup de travailleuses québécoises, aujourd'hui, qui doivent quitter pour un congé de maternité parce qu'elles doivent, bon, arrêter quelques semaines pour avoir un enfant, qui ne sont plus éligibles à un congé de maternité. C'est incroyable. C'est qu'au lieu d'avoir avancé de ce côté-là on a reculé, alors qu'on pense qu'on va toujours de l'avant du côté des droits des femmes sur le marché du travail, notamment au chapitre des congés de maternité. Bien, la réforme de l'assurance-emploi qui a rendu l'accessibilité au régime beaucoup plus difficile, eh bien, s'applique aussi dans le cas des congés de maternité. Alors, vivement qu'on rapatrie ça au niveau du Québec pour permettre aux travailleuses et aux travailleurs québécois d'avoir des congés parentaux convenables. M. le Président...

M. Brassard: Je voudrais juste dire une chose.

Mme Simard: Oui.

M. Brassard: C'est vrai que ce qu'on envisage va être pas mal plus généreux puis va couvrir aussi les travailleurs autonomes et les travailleuses autonomes, ce qui n'est pas rien non plus. Je dirais aussi, Mme la députée, qu'on a là encore une fois une preuve que le gouvernement du Québec, à l'égard du gouvernement fédéral, ne pratique pas et ne veut pas pratiquer la politique du pire. Notre position, notre projet collectif, comme vous le disiez au tout début, on l'affiche avec fierté de façon très claire: nous sommes souverainistes et nous souhaitons que le Québec devienne souverain. Mais, d'ici là, la politique du gouvernement, ce n'est pas la politique du pire et, si on peut... Puis je pense que c'est la meilleure preuve, là, il y a une disposition dans la loi fédérale de l'assurance-emploi, on veut s'en servir, on veut s'appuyer sur cette disposition pour implanter et mettre en oeuvre au Québec un meilleur régime, un régime plus généreux de congés parentaux.

Mme Simard: Merci d'avoir souligné l'aspect qui concerne les travailleurs autonomes, effectivement, parce que la proportion de ce que sont les travailleurs autonomes augmente constamment sur le marché du travail.


Harmonisation de la TPS et de la TVQ

M. le ministre, pourriez-vous faire le point un peu sur un des dossiers qui concerne tous les Québécois et qui doit nous préoccuper parce que le manque à gagner est évidemment considérable? C'est évidemment tout le dossier de l'harmonisation de la TPS qui fait en sorte que ce manque à gagner nous force évidemment à faire un certain nombre de choix budgétaires qui sont difficiles pour nous tous. Alors, où est-ce qu'on en est là-dessus et dans les discussions justement, et avec le fédéral, et...

M. Brassard: On n'est pas rendu très loin. Autant sur la question des congés parentaux on est en progrès, autant sur la question de l'harmonisation TPS-TVQ ça piétine, on fait du surplace. Pourtant, la revendication québécoise est parfaitement justifiée, bien fondée et même reconnue par plusieurs provinces, y compris notre voisin l'Ontario qui considère comme tout à fait légitime et justifiée la revendication, la réclamation québécoise.

Évidemment, tout cela découle du fait que le gouvernement fédéral a décidé de faire un cadeau aux Provinces maritimes pour leur harmonisation. Il y avait en même temps une volonté du gouvernement fédéral, des libéraux surtout, d'essayer de se dépêtrer de leur engagement ou de leur promesse d'abolir la TPS. Ils ont généreusement récompensé les Provinces maritimes pour leur permettre de prétendre qu'ils ont respecté leurs engagements du livre rouge. On ne réclamait rien jusqu'à maintenant. Même si on avait – ça s'est fait sous le gouvernement précédent – harmonisé les deux taxes, on ne réclamait rien. Mais, à partir du moment où on fait ce cadeau-là aux Provinces maritimes, c'est clair que le gouvernement du Québec a fait un examen de tout ça. Pourquoi ce cadeau? Selon quelles normes? Selon quels critères? Les analyses faites au ministère des Finances sont formelles: si on appliquait les mêmes critères, les mêmes paramètres, c'est 1 900 000 000 $ que le Québec devrait recevoir du gouvernement fédéral pour l'harmonisation des deux taxes, qu'il a déjà faite.

Le 1 000 000 000 $ qui a été versé aux Maritimes, il y en a, on peut dire, 25 % qui sont constitués d'impôts puis de taxes des Québécois, 250 000 000 $. Alors, on a fait un cadeau de 250 000 000 $ aux Provinces maritimes. Avec ça, on sait ce que M. McKenna fait. Il fait du maraudage, il paie des pleines pages de publicité dans les journaux du Québec pour entraîner, débaucher des entreprises québécoises pour les faire s'établir dans sa province. Donc, avec notre propre argent, comme le dit souvent le ministre des Finances du Québec, il fait du tort ou, en tout cas, il a une volonté... C'est clair que, si ça réussit, c'est ça qui va arriver, il fait des torts, il cause des dommages à l'économie québécoise.

Il n'y a pas eu vraiment de négociations. On a fait cette réclamation à maintes reprises dans des rencontres bilatérales, dans des conférences fédérales-provinciales. On a réitéré cette revendication qui a été considérée – encore une fois, je le répète, ce n'est pas une lubie québécoise, ce n'est pas une invention des vilains séparatistes québécois... Ça a été reconnu comme parfaitement justifié par des gouvernements des autres provinces, dont le gouvernement de l'Ontario, l'Alberta, la Colombie-Britannique. Oui, c'est fondé, cette réclamation-là. Ça devrait être, donc, considéré sérieusement par le gouvernement fédéral, mais sans succès jusqu'à maintenant. J'espère que ça va être au coeur du débat électoral qui vient.

(10 heures)

Mme Simard: D'autant plus que, comme vous dites, il y a 250 000 000 $, donc à peu près le quart de l'argent qui a été versé, qui provient évidemment de l'impôt des Québécois et des Québécoises.

M. Brassard: Absolument.

Mme Simard: Merci, M. le ministre.

M. Brassard: J'ajoute une dernière remarque, c'est que non seulement d'autres provinces considèrent que c'est une réclamation pleinement justifiée, mais, au Québec même – ce n'est pas juste le Parti québécois, là, ce n'est pas juste le gouvernement du Parti québécois – au Québec même, il y a un consensus également, de tous les partenaires. Ça a été reconnu unanimement au dernier Sommet de Montréal comme étant une revendication pleinement justifiée.

Mme Simard: Et donc, dans le consensus, l'opposition officielle...

M. Brassard: Ah! ils étaient là, en tout cas.

Mme Simard: ...on l'espère, aussi...

M. Brassard: Ils étaient là puis ils n'ont pas soulevé de...

Mme Simard: ...d'accord avec ce consensus. Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay.


Négociation de l'après-souveraineté


Secrétariat temporaire pour l'examen des relations économiques après la souveraineté

M. Fournier: M. le Président, je voudrais aborder un autre dossier, qu'on a découvert très, très, très récemment, au mois de mars dernier, dans L'actualité , celui du comité secret des négociations. Selon L'actualité de mars dernier, le secret dans la préparation et la vente de la séparation était plus étendu qu'on l'imaginait. On a appris durant la fin de l'année 1996 qu'il y avait un plan O. Ça, on savait ça. Même si ça avait été nié par le ministre des Finances, son sous-ministre responsable de l'accès à l'information nous a confirmé, à la fin de décembre, je pense que c'était le 17, qu'il y avait effectivement un plan O qui consistait à mettre 20 000 000 000 $ de nos épargnes pour soutenir les obligations du Québec après le choc éco-nomique d'un oui. Ce qui n'a pas empêché d'ailleurs le ministre des Finances, même si on sait qu'il y avait un tel projet de prendre 20 000 000 000 $ de nos épargnes suite aux impacts économiques d'un oui, ça n'a pas empêché le ministre des Finances, dernièrement, de reprendre la propagande en main, en disant que, si on avait voté oui, on serait tellement riche qu'on n'aurait pas assez d'imagination pour inventer des programmes pour dépenser tout cet argent. Je vais vous dire qu'en termes d'imagination et d'invention le ministre des Finances est quand même difficile à battre.

En tout cas, on apprend qu'en avril 1995, en même temps qu'on avait d'ailleurs l'étude des crédits, en avril 1995, a été lancé un secrétariat temporaire pour l'examen des relations économiques après la souveraineté. Et on nous dit que François Geoffrion, alors secrétaire général associé au SAIC, avait été recruté et était secondé par différentes directions du SAIC. Simple question au ministre: Est-ce que le ministre peut faire la lumière sur ce comité secret, sur le rôle de M. Geoffrion, le rôle du SAIC, et, si des documents en ont été produits, de quel type et peuvent-ils être déposés?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Simplement pour signaler, M. le Président, que c'était un comité qui n'était pas présidé par M. Geoffrion, mais par Carl Grenier, et comité qui relevait et qui a été créé essentiellement par l'Exécutif. Donc, ce n'est pas une instance ou un groupe de travail qui relevait du Secrétariat aux affaires intergouvernementales. Nous, au Secrétariat, nous n'avons entre nos mains aucun document – est-ce qu'il y en a? je l'ignore – qui pouvait provenir de ce comité, qui était, encore une fois, sous la direction d'une personne relevant de l'Exécutif, M. Grenier. Alors, voilà. De toute façon, on pourrait faire de la procédure puis dire qu'on n'est pas vraiment dans le bon exercice financier, mais c'est ça, la réalité. Moi, je n'en sais pas plus sur cette question. Au Secrétariat, on n'a pas de document issu qui est le fruit des cogitations ou des réflexions de ce comité.


Rôle du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes

M. Fournier: M. le Président, est-ce que le ministre ne va pas convenir avec moi que c'est assez étonnant... Bon, le débat sur le bon exercice financier, moi, je peux vous dire qu'aujourd'hui même, dans notre exercice financier, ou il y a six mois, dans l'exercice financier qu'on regarde: Comment se fait-il que le SAIC n'a pas porté une attention? Si je prends les paroles du ministre pour avérer, comment se fait-il que le SAIC n'a pas suivi ce comité-là qui a à faire, qui a fait, en fait, la mission du SAIC? Ou il y a dédoublement puis le SAIC s'est fait passer sur le côté par un petit comité secret, ou bien le SAIC a pris ses responsabilités, le ministre a pris ses responsabilités et a suivi le dossier, que ce soit la ministre avant lui ou le ministre actuel. Si le ministre n'était pas au courant, il l'est depuis le mois de mars, il a dû prendre des renseignements s'il a agi en termes responsables. Qu'est-ce qui s'est passé avec ce comité-là? Qu'est-ce qu'en pense le SAIC des documents qui ont été produits? Est-ce que le ministre me dit que le SAIC a complètement abandonné son rôle, qui lui est dévolu de par la loi, à un petit comité secret formé par l'Exécutif où le SAIC n'a pas pris part, et ne s'est pas informé, et n'a pas pris connaissance des documents? Est-ce qu'il est en train de me dire que le SAIC a abandonné ses responsabilités là-dedans aussi?

M. Brassard: Bien, ce que je vous dis, c'est que le SAIC n'a pas reçu un pareil mandat. Ça a été accordé, ce mandat-là, octroyé, ce mandat-là, à un comité qui relevait de l'Exécutif. Alors, s'il y a des questions à poser à cet égard, bien, c'est à l'occasion de l'examen des crédits de l'Exécutif. Je vais laisser le député avec son point de vue sur la mise au rancart ou la mise à l'écart du SAIC, ça le regarde. Mais, effectivement, ça ne faisait pas partie, ça ne fait pas partie des mandats, ou ça n'a pas fait partie des mandats du SAIC.

M. Fournier: O.K. Une dernière question concernant ce sujet-là, M. le Président. Juste avant de la poser, je peux peut-être rappeler les propos que M. Geoffrion tenait lui-même, en avril 1995, soit de manière concomitante à la création de ce comité-là où il reconnaissait bien que le Secrétariat avait pour rôle de s'assurer que, si l'intention gouvernementale d'aller de l'avant avec le projet de souveraineté et d'aller en référendum et que ce projet-là devienne une loi qui s'applique... il faut s'assurer que le gouvernement a en main tous les outils nécessaires pour en assurer l'application correctement. Et, évidemment, tout le monde sait que le SAIC est là – d'ailleurs, c'est écrit un peu partout dans le document que vous m'avez remis hier, 24 heures avant qu'on vienne ici aujourd'hui – où c'est la mission du SAIC de préparer la position du gouvernement du Québec à l'égard de son avenir, quel qu'il soit. Alors, il est bien évident que, confirmé par M. Geoffrion, confirmé par les papiers du SAIC, c'est le rôle du SAIC. Si j'en tire une conclusion... je comprends que le ministre peut en tirer une conclusion différente, on est chacun libre de nos opinions, mais je pense bien qu'en regardant quel est le mandat du SAIC et l'abandon de ce dossier-là à un petit comité secret ma conclusion à moi a une certaine valeur.


Étude d'impact sur la constitution d'une zone de libre-échange

Maintenant, si on revenait à ce texte de L'actualité où on fait état de ce passage: «Advenant une situation de crise dans les négociations Québec-Canada, le Secrétariat – il s'appelle le STERES, c'est le Secrétariat temporaire pour l'examen des relations économiques après la souveraineté – envisageait l'adoption d'une position minimale: la constitution d'une zone de libre-échange – Québec-Canada, il faut s'entendre ici – l'équivalent de la situation qui prévaut avec les États-Unis depuis 1989.»

Bon, la première chose à dire, évidemment, lorsqu'on lit ça, c'est de voir, de se rendre compte que ce comité-là, au même titre que le plan O, prévoyait des jours bien différents que ce que le gouvernement, que ce que le Parti québécois mettait sur la place publique comme étant les lendemains d'un oui. On se souvient que la position du Parti québécois, c'était de dire: On va avoir la même union économique canadienne, c'est dans l'intérêt de tout le monde. Et là on s'aperçoit qu'en secret il y avait ici un comité qui disait que, non, on pouvait arriver avec une zone minimale, une position minimale: zone de libre-échange.

Quand on sait qu'il y a des études, McCallum, entre autres, qui expliquent que le fait qu'il y ait une zone beaucoup plus intégrée d'union économique nous amène à avoir 20 fois plus de commerce entre des provinces canadiennes qu'entre des États américains similaires, quand on sait que John L. Wells a écrit, lui, un texte qui parle, pour le Québec, de 25 fois plus d'échanges entre les provinces que des États similaires, on est en train de découvrir, ici, qu'en même temps qu'il y avait aussi le plan O où on perdait 20 000 000 000 $ de nos épargnes pour des chocs économiques, que le PQ disait: Il n'y en aura pas, ça va être le bonheur total, on s'aperçoit par après que ce n'est pas vrai. On nous disait que l'union économique canadienne serait maintenue, et on s'aperçoit qu'on pouvait descendre à une zone de libre-échange, donc que les impacts allaient être beaucoup plus graves et longs que ceux prévus même par le plan O.

Moi, ce que je veux savoir, c'est, une fois que, ça, ça a paru – parce que, là, je comprends que le SAIC n'a pas suivi le dossier – depuis que c'est paru au mois de mars dernier et que le SAIC a vu ça, est-ce que le SAIC a préparé une étude d'impact à l'égard de cette position minimale? Qu'est-ce qui serait arrivé à l'économie du Québec avec une simple zone de libre-échange, donc une désintégration de l'union économique canadienne pour se rendre à une zone de simple libre-échange? Est-ce que le SAIC a préparé une étude d'impact et peut-il la déposer?

(10 h 10)

M. Brassard: Non. Le SAIC n'a pas préparé d'étude d'impact. Alors donc, je ne suis pas en mesure de déposer une étude qui n'existe pas.

Ceci étant dit, M. le Président, je vous rappellerais et je rappellerais à cette commission que la position et le programme et du gouvernement et du parti qui le constitue, c'est évidemment la souveraineté, tous nos impôts, toutes nos lois, tous nos traités, mais c'est aussi une offre de partenariat avec le Canada, et partenariat qui comporte effectivement l'utilisation d'une même monnaie et qui pourrait aussi prévoir la mise en place d'un certain nombre d'institutions très légères, qui ne sont pas lourdes, pour gérer un traité de partenariat. C'est ça, la position du gouvernement, c'est la position du parti qui le constitue. C'est ce projet-là, avec tous ces éléments, qu'on a proposé aux Québécois en octobre 1995.

Et je peux vous dire – puis ça, ce n'est pas une grande nouvelle que je vous annonce là – que, lors du prochain référendum, qui aura lieu peu de temps après l'élection générale qui nous aura, je pense, je l'espère, reportés au pouvoir, à l'occasion de ce prochain référendum, que nous allons gagner, celui-là, c'est essentiellement le même projet, la même proposition que nous avons faite aux Québécois et aux Québécoises qui sera de nouveau présentée: souveraineté et offre de partenariat. Voilà.


Entente fédérale-provinciale sur le développement régional

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, on a eu, au cours des 25 dernières années, je devrais dire, des ententes – même au-delà de ça, les premières ont été faites à la fin des années soixante – des ententes fédérales-provinciales de développement régional. Venant d'une région dite périphérique au Québec, la question des ententes de développement régional m'apparaît particulièrement importante dans le contexte actuel. À quel niveau sommes-nous rendus dans les négociations sur le développement régional?

M. Brassard: Nous avons demandé au gouvernement fédéral d'amorcer des négociations pour en arriver à une nouvelle entente sur le développement régional pour remplacer celle qui a pris fin. Nous souhaitons que cette entente – c'est ça essentiellement la demande – comporte une masse budgétaire, une enveloppe budgétaire à consacrer au développement régional et gérée un peu comme l'ex-entente, un peu comme le programme d'infrastructures, par un comité paritaire, un comité conjoint. C'est ça essentiellement la demande.

Il y a eu une première séance de négociations, mais, manifestement, on n'est pas sur la même longueur d'onde. Je ne sais pas si on va réussir à combler l'écart et le fossé entre nous. Le fédéral, jusqu'à maintenant en tout cas... Il y a eu une séance. Il y en aura une autre bientôt; je ne sais pas si la date est prévue. C'est quand? Cette semaine. Bon, il y en aura une autre cette semaine, à la fin de la semaine, une nouvelle rencontre. Mais, jusqu'à maintenant, la position du gouvernement fédéral, c'est uniquement de faire un effort d'harmoniser les programmes fédéraux et les programmes québécois en matière de développement régional. Jusqu'à maintenant en tout cas, la position du gouvernement fédéral ou des porte-parole fédéraux, ça s'est limité à ça. Ils sont prêts à s'asseoir pour regarder comment harmoniser les programmes fédéraux en matière de développement régional puis les programmes québécois, mais non pas de conclure – c'est l'état de situation jusqu'à maintenant – une véritable entente, comme ce fut le cas précédemment, qui prévoit une gestion conjointe d'une enveloppe budgétaire précise sur un certain nombre d'années.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Pour avoir été impliqué...

M. Brassard: Ils en ont pourtant signé avec les Provinces maritimes.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, effectivement.

M. Brassard: Vous êtes le député de Bonaventure, vous le savez très bien, vous êtes tout proche. Ils en ont signé quand même, des ententes de même nature que celle qu'on souhaite, l'été dernier, ils en ont signé. D'ailleurs, on s'est appuyé là-dessus dans notre offre au fédéral pour amorcer des négociations, on s'est appuyé sur ces ententes-là. On a dit au fédéral: Écoutez, vous venez de conclure avec le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse des ententes portant sur le développement régional prévoyant des enveloppes budgétaires précises avec une gestion conjointe; on est intéressés; y a-t-il possibilité d'amorcer des négociations évidemment avec comme objectif que les ressources monétaires, les ressources budgétaires qu'on mettrait sur la table dans le cadre de cette entente soient ce qu'on appelle de l'argent neuf? On verra à la prochaine séance: Est-ce que le fédéral maintient ses positions ou veut uniquement s'en tenir à des efforts d'harmonisation de programmes?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est parce que, auparavant, les ententes qu'on avait étaient au-delà d'harmonisation ou de gestion conjointe. Il y avait des fonds qui venaient avec, et des fonds quand même importants, même si, d'une entente à l'autre, le fédéral ne les utilisait jamais complètement et réannonçait dans l'étape subséquente des fonds non utilisés dans l'entente précédente. Les ententes quinquennales, qui, finalement, se renouvelaient à peu près un an et demi, deux ans plus tard, finissaient par faire trois plans quinquennaux qui avaient duré 20 ans, ou à peu près, mais avec à peu près des fonds prévus pour 15 ans, mais étirés sur 20. Mais, à tout le moins, il y avait des fonds qui étaient consentis au développement régional.

Une des problématiques... Pour avoir siégé sur des comités consultatifs d'ententes Canada-Québec par le passé, reliés à certains secteurs d'intervention, agriculture, forêts et pêcheries, il y avait effectivement des secteurs qui pouvaient être d'ordre de juridiction commune où, je pense, ça ne posait pas trop de problèmes. Là où c'était un peu plus difficile, c'est lorsque c'étaient des parties qui étaient plus strictement de juridiction fédérale et où on réclamait des interventions plus massives en termes de rattrapage économique des régions dites défavorisées. Je me souviens aussi vers la fin des années quatre-vingt où on parlait d'un différentiel majeur en termes de fonds consacrés au développement régional, on parlait d'une moyenne de 64 $ per capita par le gouvernement fédéral dans des volets du développement régional pour ce qui est du Québec, alors que ça allait jusqu'au-delà de 2 000 $ dans certaines provinces, de fonds dédiés au développement régional.

M. Brassard: Per capita.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Brassard: Oui, tout à fait.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Et on ne prend pas juste le per capita des régions dites défavorisées là, sur l'ensemble. Et c'est pour l'ensemble dans les autres provinces aussi. Alors, il y avait des disproportions de ratio presque de 30 à un.

M. Brassard: S'il n'y a pas d'entente, bien là les écarts vont être aussi accentués.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui. Là, ils deviennent infinis.

(10 h 20)

M. Brassard: On l'a vu avec la TPS. On le voit avec la position fédérale en matière de développement régional. Il semble que l'approche fédérale, c'est de faire en sorte que l'équité, ça s'arrête aux frontières du Québec. Le territoire du Québec est interdit à la pratique de l'équité, interdiction d'équité. On est équitable au Nouveau-Brunswick, on est équitable en Nouvelle-Écosse, on leur donne de l'argent neuf. Mais le Québec, pas question.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Maintenant, au-delà d'une notion d'harmonisation d'intervention – c'est une chose, ça – est-ce qu'il y a des secteurs ciblés en regard du développement régional qui ont été abordés à date?

M. Brassard: Il y a eu juste une séance de négociations, alors on n'a pas vraiment avancé beaucoup. On a surtout constaté qu'on était pas mal loin l'un de l'autre puis qu'il va falloir faire beaucoup d'efforts si on veut combler le fossé. Moi, je vous dirais que, si le fédéral maintient, reste sur ses positions, ça n'ira pas loin, on n'ira pas loin là-dedans.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est parce qu'on a perdu des investissements en termes d'aménagement forestier, entre autres, et c'était quand même majeur pour toutes les régions dites périphériques au Québec.

M. Brassard: On est perdant, c'est évident. On est perdant. Puis, en plus, on se retrouve avec le Bureau fédéral de développement régional qui multiplie les interventions sur le territoire – vous le savez très bien, ceux qui vivent en région le savent très bien – qui multiplie toutes sortes d'interventions, qui initie toutes sortes de programmes qui, dans bien des cas, ne tiennent pas compte des priorités du Québec, des priorités du gouvernement québécois. Il y a un beau fouillis dans les régions. En matière d'interventions de développement régional, il y a un joli fouillis, le gouvernement fédéral étant extrêmement actif, mettant en place des organisations, finançant des organisations, initiant des programmes, multipliant toutes sortes d'interventions sans se préoccuper beaucoup des priorités puis des objectifs du gouvernement québécois en cette matière, c'est ça, la situation. Nous, on voudrait y mettre de l'ordre et, pour nous, la meilleure façon d'y mettre de l'ordre, c'est une nouvelle entente fédérale-provinciale sur le développement régional.

Encore une fois, on ne veut pas pratiquer la politique du pire – je reviens là-dessus – ce n'est pas notre politique. D'ici l'accession du Québec à la souveraineté, on n'a pas intérêt à pratiquer la politique du pire. Donc, on souhaite que, dans ce domaine-là aussi, on mette de l'ordre puis qu'on mette de la cohérence, puis la meilleure façon, c'est une entente fédérale-provinciale en matière de développement régional.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): En tout cas, vivant, M. le ministre, dans une région limitrophe des Maritimes, je pense que des problèmes d'un sous-développement économique et des mesures d'adaptation et de transfert technologiques sont aussi importants de notre côté de la Baie des Chaleurs que de l'autre côté. Et, en ce sens-là...

M. Brassard: Vous constatez cruellement l'absence d'équité à l'égard du Québec en cette matière...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Effectivement.

M. Brassard: ...étant tout près de provinces qui ont bénéficié des largesses du gouvernement fédéral.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Et les gens chez nous aspirent autant à de l'aide au développement des nouvelles technologies que nos voisins d'à côté.

M. Brassard: De façon légitime.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Voilà. M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je voudrais aborder une question, et simplement noter... bon, on saura transmettre le message, M. le Président, de votre intervention et celle du ministre. Vous dénoncez finalement le peu de poids et le travail mal fait, j'imagine, du Bloc québécois qui amènent, comme dit le ministre, cette inéquité, le Bloc québécois qui se dit fier de dire avec le Parti québécois qu'ils ont arraché l'entente sur la main-d'oeuvre et puis, en même temps...

Une voix: ...

M. Fournier: Ah! mais vous parlez pour toutes les régions. Alors, je pense qu'il y a un contre-argument que vous soulevez à l'égard du Bloc québécois qui, prétendant à la force de la parole – je pense que c'est ça, ou la puissance de la parole, ou je ne sais pas trop... On s'aperçoit que dans certains dossiers, comme ceux que vous mentionnez, M. le Président, si vous avez raison, bien, le Bloc québécois n'a sûrement pas fait son travail. Mais, nous, ce n'est pas...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay...

M. Fournier: Oui, oui.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...je tiens à vous souligner que mon député fédéral est libéral.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Alors, je comprends que ce que vous soulevez d'inéquité ne s'applique qu'à votre comté et que, pour le reste du Québec, vous jugez que vous n'êtes pas d'accord avec le ministre qui dit que c'est à la grandeur du Québec. Alors, s'il y a une différence entre vous deux, je veux bien l'admettre. Alors, on voit, et là c'est la force de la parole, ce que ça donne. Moi, je suis, ce matin, sur la force du silence et sur ce que le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales n'a pas fait, ou sur les silences qu'il continue de perpétuer.


Rapport Courchene sur le renforcement des pouvoirs provinciaux

Il y avait une question posée, dans les questions particulières, qu'on retrouve à la question 29, où nous cherchions à savoir, et je lis la question, concernant le rapport Courchene: «Dresser la liste des avis, opinions, analyses ou recommandations préparés par le Secrétariat, indiquer sommairement le sujet principal de l'avis, opinion, analyse ou recommandation, la teneur et les conclusions.» Or, M. le Président, la réponse du SAIC: «Le SAIC ne peut pas transmettre ses analyses portant sur le rapport Courchene car elles comportent des incidences sur la conduite des affaires intergouvernementales du gouvernement du Québec.»

Non, mais là c'est le comble, M. le Président, là. C'est le comble. Il y a un rapport qui est rendu public et puis, nous, on veut savoir ce que le gouvernement en pense, les impacts que ça a sur le Québec, de ce rapport Courchene, lequel rapport d'ailleurs, doit-on dire, duquel rapport le premier ministre lui-même disait, et je cite, dans Le Devoir du 23 août: «D'emblée, hier matin, Lucien Bouchard affirmait qu'il aurait aimé continuer à discuter du rapport Courchene sur le renforcement des pouvoirs provinciaux, bien que ce rapport, commandé par le gouvernement ontarien, eût été rejeté par les autres premiers ministres la veille.» Alors, moi, je me demande pourquoi on n'est pas capable de nous donner les avis du SAIC là-dessus, à moins que les avis nous amènent à comprendre qu'il y a du positif dans le rapport Courchene, que les pistes qui s'ouvrent sur l'interprovincialisme, dans le rapport Courchene, seraient à l'avantage du Québec. C'est peut-être encore la petite game souveraineté, là, qui joue là-dedans. Mais on a un premier ministre qui dit, à Jasper, et je le recite: «Il aurait aimé continuer à discuter du rapport Courchene.» Bien bon Dieu! M. le Président, qu'est-ce qui l'empêche de le faire?

S'«il aurait aimé», ma première question, pourquoi ne l'a-t-il pas ramené sur le tapis? On avait déjà l'Ontario et l'Alberta qui appuyaient cette démarche-là. Si la voix du Québec s'était faite entendre à ce moment-là, on aurait eu pas mal de monde dans le bateau. Pourquoi il ne l'a pas fait à ce moment-là? Et là on va me dire: C'est parce qu'il n'a pas fait le voyage en train, M. le Président. Bien justement, il aurait dû prendre le train avec les autres, le premier ministre, il aurait dû s'impliquer et il aurait dû mettre son poids là-dedans. Pourquoi il ne l'a pas remis sur le tapis à ce moment-là? La force du silence.

Et mon autre question, puisque ça l'intéressait à l'époque puis les autres ne voulaient pas en parler: Est-ce que le ministre a tenu informé le premier ministre sur ce que ça pouvait ouvrir comme possibilités d'avenir, le rapport Courchene, si le Québec décidait de s'en faire le promoteur? Puisque le premier ministre dit que ça l'aurait intéressé, est-ce que les avis du SAIC ont été cheminés vers le premier ministre là-dessus? Et quelle est, et c'est ma dernière question, l'incidence sur la conduite des affaires intergouvernementales du Québec qui seraient affectées... Quelles seraient les incidences si on nous donnait copie des avis du SAIC? En quoi ça fait mal au gouvernement du Parti québécois le fait que les Québécois soient au courant des voies qui s'ouvrent dans le rapport Courchene sur l'interprovincialisme? C'est quoi l'idée de tout cacher? On a vu le comité secret tantôt, on a vu l'abandon des responsabilités sur la désintégration économique, on a vu l'abandon des agriculteurs à l'égard de ce que le Québec devait faire pour l'harmonisation margarine-beurre. Là, on s'aperçoit qu'il y a une game où on ne veut même pas nous dire quelle est la tête du Québec sur le rapport Courchene parce que ça a des incidences. Moi, je veux savoir: C'est quoi les incidences qu'envisage le ministre quand il me répond ça?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le ministre.

(10 h 30)

M. Brassard: Bien, d'abord, M. le Président, je vous dirais ceci, c'est que, quand un gouvernement est en négociations sur plusieurs fronts et sur plusieurs dossiers avec le gouvernement fédéral, il n'est pas pertinent de rendre publics des avis qui ont un lien direct avec ces négociations. Donc, on a eu des avis sur le rapport Courchene, mais ce ne sera pas rendu public.

Deuxièmement, le rapport Courchene, il est tombé dans l'oubli, il n'y a que le député de Châteauguay pour nous le rappeler, pour s'en rappeler. Parce que, quand les premiers ministres, après un périple en train vers Jasper, sont arrivés à Jasper, M. Tobin, premier ministre de Terre-Neuve, a déclaré qu'en cours de promenade ils avaient décidé de jeter du train le rapport Courchene. C'est ça qu'il a déclaré: Le rapport Courchene, on l'a jeté en bas du train. Romanow a confirmé ça aussi. De sorte que le rapport Courchene, pour le moment, actuellement, gît dans une crevasse des montagnes Rocheuses et pourrit doucement, puis il a passé un dur hiver sans aucun doute. C'est là qu'il est, le rapport Courchene. C'est les premiers ministres des provinces, Terre-Neuve et en particulier Saskatchewan, qui ont réglé le sort de ce rapport.

Ceci étant dit, le rapport Courchene, il faut se le rappeler, reconnaissait au gouvernement fédéral des compétences majeures que le gouvernement du Québec n'a jamais reconnues au gouvernement fédéral, jamais, des compétences en matière sociale, en matière de santé. La position du gouvernement du Québec, pas seulement de celui qui est au pouvoir actuellement, mais de tous les gouvernements du Québec, ça a été de ne jamais, en aucun temps, reconnaître de façon formelle au gouvernement fédéral des pouvoirs en matière sociale et de santé. Au contraire, nous avons toujours affirmé, au gouvernement du Québec, qu'il s'agissait là de compétences du Québec, de compétences exclusives du Québec, et que le gouvernement fédéral devrait se retirer. Or, le rapport Courchene vient confirmer et reconnaître cette compétence au gouvernement fédéral. Par conséquent, c'est clair que ça ne pouvait pas nous agréer, les points de vue et les propositions du rapport Courchene.

Je comprends l'enthousiasme du député de Châteauguay pour le rapport Courchene parce que ça va dans le sens de la nouvelle bébite constitutionnelle du Parti libéral du Québec qu'on appelle l'interprovincialisme. L'interprovincialisme, qui s'appuie sur la reconnaissance de compétences jamais reconnues par le gouvernement du Québec au gouvernement fédéral, je ne pense pas que ce soit une bonne orientation pour le Québec. Dans le fond, je comprends le député de Châteauguay, j'essaie de comprendre ses positions, puis je les comprends d'une certaine façon parce que c'est à la fois un fédéraliste reconnu et affiché et un provincialiste. C'est un provincialiste. Nous, ce n'est pas notre position. Nous sommes souverainistes, tout simplement, et non pas fédéralistes et non plus provincialistes. Le Parti libéral, c'est un parti provincialiste. Je comprends qu'il ait trouvé quelques attraits ou qu'il ait été un peu séduit par le rapport Courchene; ce n'est pas le cas du gouvernement du Québec. Puis, de toute façon, ça appartient désormais à l'histoire; il a eu une vie très courte, très brève, et il est mort dans les belles montagnes Rocheuses.

M. Fournier: M. le Président, juste pour reprendre dans la foulée des propos du ministre. Il n'est pas mort. Je comprends que le ministre souhaite sa mort, parce que c'est une piste qui s'ouvre, qui suscitait même chez Lucien Bouchard un désir. Alors, même son premier ministre, qui aimait l'idée – et là je ne parle pas d'il y a 10 ans, je parle du mois d'août passé... Je rappelle ceci, et je pense que c'est le point important: Lucien Bouchard affirmait qu'il aurait aimé continuer à discuter du rapport Courchene. Moi, quand je lis ça et quand j'entends ça, je me dis: Si le premier ministre du Québec aimerait discuter du rapport Courchene, on ne viendra pas me dire qu'on est rendu à accepter: Terre-Neuve ne veut pas en parler, donc on n'en parlera pas. Ce gouvernement du Parti québécois est en train de battre tout ce que les gouvernements au Québec ont fait avant lui: Plier devant Terre-Neuve – c'est ça que le ministre vient de nous dire – alors que ce rapport était soutenu par l'Ontario et par l'Alberta. Et, si le premier ministre avait été sérieux, il aurait mis sa voix là-dedans et il en aurait parlé à ce moment-là. Et même il aurait pu en parler depuis. Toutes les questions sont là-dessus. Puisque le premier ministre du Québec s'y intéressait, pourquoi est-ce qu'on n'en a pas parlé depuis? Pourquoi se soumettre à ce que Terre-Neuve dit? Ça, c'est une première question.

Deuxièmement, je pense que le ministre devrait aller relire le rapport Courchene. La question n'est peut-être pas si banale que ça, finalement. Ça va peut-être remettre le Secrétariat... peut-être que le Secrétariat devrait les rendre publics, M. le Président, les avis. Si le Secrétariat a donné l'avis au ministre que ce que le rapport Courchene propose, c'est de confirmer pour l'avenir perpétuel des compétences au fédéral qui appartiennent aux provinces actuellement, je lui dis que c'est le contraire qu'il y a dans le rapport Courchene. C'est de la codécision transitoire fédérale-provinciale pour aller à la codécision interprovinciale. Et c'est justement pour être capable d'encadrer ce que faisait le fédéral, pour permettre une plus grande marge d'autonomie. Si le ministre me dit qu'il a des avis qui disent le contraire, je lui demande de les déposer, encore une fois, et d'arrêter des cachettes. Qu'on sache sur quoi il se base pour déformer la réalité pour, après ça, laisser entendre que c'est lui qui a la vérité. Lorsqu'on regarde réellement ce qu'il y a dans ce rapport-là, c'est une marge d'autonomie accrue pour les provinces et, donc, pour le Québec, pour les Québécois.

Ma question est la suivante. Le ministre nous a dit: Je ne peux pas rendre publics des avis sur le rapport Courchene qui est dans les Rocheuses en ce moment en train de pourrir, je ne peux pas les rendre publics parce que ça a des incidences sur nos négociations avec le fédéral. Alors, je veux savoir quelles sont les négociations avec le fédéral actuellement qui seraient mises en péril par l'avis qu'il y a sur Courchene.

M. Brassard: M. le Président, même le gouvernement de l'Ontario, qui a commandé le rapport Courchene, ne lui a pas donné son appui formel. Le premier ministre Harris...

M. Fournier: Il était contre.

M. Brassard: ...a déclaré qu'il s'agissait d'un document de travail et non pas de la position du gouvernement de l'Ontario, d'une part. D'autre part, quand le train s'est arrêté à Jasper, il y avait neuf premiers ministres sur 10 qui avaient convenu que le rapport Courchene ne serait pas à l'ordre du jour, y compris le premier ministre de l'Ontario, qui a commandé le rapport, qui était d'accord pour dire: Ce n'est pas à l'ordre du jour. Alors, le premier ministre du Québec a bien pu manifester de l'intérêt pour en parler, ça a été éliminé de l'ordre du jour de Jasper.

Puis, c'est clair que ce que propose Courchene ne peut pas convenir au Québec et ne convient pas au Québec, va à l'encontre des positions traditionnelles du Québec. Il y a dans Courchene un mécanisme intergouvernemental pour prendre des décisions dans des compétences qui sont réputées exclusives au Québec sur la base de la formule 7-50, sept provinces-50 % de la population. Vous vous rendez compte? Le Québec va se placer dans une pareille situation où un mécanisme intergouvernemental à 7-50 pourrait lui imposer des choses dans des domaines de sa compétence exclusive? C'est évident que ça n'a pas trouvé preneur au Québec.

(10 h 40)

Il y a aussi dans le rapport Courchene, même s'il est dans la foulée de ce qu'on appelle le rééquilibrage, l'obligation de respecter des standards pancanadiens, des normes, ce que le Québec n'a jamais accepté. C'est pour ça d'ailleurs qu'on ne participe pas aux travaux sur la réforme du système de santé et des politiques sociales. C'est pour ça qu'on n'y participe pas. C'est parce qu'il y a, à la base même de cette initiative et de ces discussions, le postulat, qu'on a toujours rejeté, qu'il est tout à fait normal et légitime de prévoir et d'imposer des normes et des standards dits nationaux ou pancanadiens. Ça, c'est confirmé dans le rapport Courchene. On n'est pas d'accord avec ça, c'est clair. Et il y a une répartition aussi per capita des transferts qui n'est pas acceptable pour le Québec. Enfin, ça...

C'est évident que le rapport Courchene n'est pas acceptable au Québec, compte tenu de ses positions historiques en ce qui a trait au partage des compétences. Et puis, en plus, il n'a pas fait long feu. Il est mort de sa belle mort dans sa prime jeunesse. Il a été carrément mis de côté, y compris par le gouvernement qui l'a commandé. Mais il n'en reste pas moins que les avis qui ont pu être rédigés sur le rapport Courchene au Secrétariat n'ont pas à être rendus publics et ne le seront pas, c'est évident, parce qu'il y a des négociations actuellement. On n'est pas partie prenante. On a des observateurs parce qu'on n'est pas d'accord, pas du tout, avec les postulats de base. Mais il y a des négociations en matière de politiques sociales. Il y en a également en matière de logement social; il y a une table sur le logement social. Il y a des négociations amorcées en ce qui a trait à la politique familiale. Il y en a une, dont on parlait tantôt, en matière de développement régional. Bref, il y a toute une série de tables de négociation qui sont en cours et actives présentement, qui ont des incidences avec un certain nombre d'éléments qu'on peut retrouver dans le rapport Courchene et qu'on retrouve également dans les avis préparés par le SAIC. Alors, c'est clair qu'il n'y a pas pertinence de rendre ça public.

M. Fournier: Une courte, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Une très courte. Juste pour partager avec le ministre ceci, puis pour l'avenir. Il n'est pas mort, le rapport Courchene. C'est quelque chose qui existe, c'est une réflexion qui existe, qui a été produite par l'Ontario. Si l'Ontario était contre, elle ne l'aurait pas emmené; elle ne l'aurait pas rendu public. Et, si le premier ministre du Québec avait été dans le train, avait pris sa place, avait fait entendre sa voix puis avait dit à ce moment-là: Moi, je veux qu'on en parle – comme il l'a dit le lendemain puis après ça on n'en a plus entendu parler – s'il avait pris sa place, on en parlerait de ce rapport-là. On en parlerait des pistes qui permettent de moderniser le système.

Moi, je partage avec le ministre sur les notions de per capita. Je partage avec lui. On serait ensemble là-dedans. On se battrait là-dedans. Si on ramène ça à l'ordre du jour, on va développer des positions. D'abord, si on connaît celle du SAIC, ça va nous aider. On va développer des positions puis on va défendre le Québec plutôt que d'être silencieux tout le temps, comme on l'a vu dans la margarine puis dans les autres dossiers depuis le début. On va se battre.


Entente de partenariat entre un Québec souverain et le Canada

Il parle d'un des éléments. Ça, ça me chicote, puis c'est ma question très brève. Un des éléments dans ces ententes intergouvernementales que le ministre rejette, c'est l'idée du processus décisionnel. Là, il dit: Ce qu'on voyait là-dedans, c'était du 7-50, puis, évidemment, on ne peut pas embarquer là-dedans, parce qu'il y a une majorité qui va prendre le dessus sur nous. Je veux juste le lui rappeler, puis j'aimerais ça avoir ses commentaires. Ça, je suis sûr qu'il a dû lire ça. Je comprends que ce n'était pas bien, bien intéressant, le comité secret des négociations, mais ça fait moins longtemps, le 1er novembre 1996.

«Le ministre des Relations internationales, Sylvain Simard, à l'occasion d'un colloque sur Le partenariat dans l'ordre juridique et politique interna-tional ...» J'imagine que le SAIC a participé à la rédaction de ce discours-là. Je lis ceci à la page 16. C'est un discours sur le partenariat.

M. Brassard: Un beau texte, très beau texte.

M. Fournier: Le partenariat postsécession. Et là il nous dit là-dedans: «Les modalités de prise de décision intergouvernementales dans ce partenariat-là devraient être inédites également. Peut-on envisager, par exemple, de tenir compte des performances économiques des États dans la pondération des voix, plutôt que d'asseoir uniquement ces modalités sur le poids démographique ou le principe de la parité?» Aïe! là, on est rendu bas. On est en dessous du 25 %. On descend à 22 %. Ça, c'est le collègue du ministre qui dit ça. Et là il me dit aujourd'hui: Moi, Courchene, je ne peux pas analyser ça; on rejette ça, nous autres, Courchene. Qu'est-ce que tu veux? Il y aurait une majorité qui pourrait nous imposer des vues. Pendant ce temps-là, ils font des bulles avec un partenariat où ils envisagent que le Québec veut être encore moins défendu qu'actuellement.

Alors, deux choses que je lui demande. Comment il réagit à ça, là, son collègue qui envisage un futur partenariat? J'espère que les Québécois vont refuser parce que c'est contre nos intérêts d'en avoir encore moins, de poids? Comment il réagit à ça? Et comment peut-il me dire que Courchene, il refuse ça parce que c'est un processus intergouvernemental où on n'aurait pas la majorité pour nous, alors qu'il nous propose, à moins que ce soit un écran de fumée, un partenariat où on va avoir moins que notre poids démographique? Comment il répond à ça?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Juste un dernier mot sur le rapport Courchene. Il est peut-être vivant au Parti libéral, mais ailleurs au Canada il est mort. Vous avez un bon équipement de respiration artificielle chez vous, au Parti libéral, pour le maintenir vivant, ce rapport-là, parce qu'il est mort peu de temps après sa naissance. Et puis on n'avait pas à faire beaucoup d'efforts pour l'inscrire à l'ordre du jour. Le premier ministre du Québec a dit: Bon, oui, il serait peut-être intéressant d'en parler. Mais, comme les positions de fond qu'on retrouve dans ce rapport-là sont tout à fait contraires à celles que le gouvernement du Québec a défendues de tout temps, bon, écoutez, pensez-vous qu'on avait un intérêt très, très fort à insister pour qu'il soit à l'ordre du jour? Les neuf autres disaient: On ne regarde pas ça. Bon, bien, très bien. Il n'est plus à l'ordre du jour, on n'en fera pas un scandale puis on ne mourra pas d'indignation. Il n'est plus là.

Quant au partenariat, il faut d'abord bien préciser que le partenariat sera issu d'un traité, négocié, conclu et signé par deux États souverains d'égal à égal, et donc sera le fruit d'un consensus unanime. Il faudra que les deux États soient d'accord avec le contenu du traité de partenariat. C'est donc dire que la règle, c'est l'unanimité, finalement, c'est ça, hein, comme les traités qui ont donné naissance à la Communauté économique européenne sont le fruit d'une négociation et de signatures unanimes de tous les États. Alors, ce sera le cas du traité de partenariat, le fruit de l'unanimité et d'une négociation de deux États souverains d'égal à égal.

Maintenant, les institutions qui seront prévues dans le traité pour gérer le traité de partenariat, surtout économique, bien, ces institutions-là, on se sera entendu aussi dans le traité, ça fera partie du traité, on se sera entendu, les deux États ensemble, sur leur mode de fonctionnement. Il m'apparaît évident que tout changement le moindrement substantiel qu'on pourrait apporter au traité lui-même devra être le fruit d'un accord unanime. C'est l'unanimité qui va devoir s'appliquer, c'est la règle de l'unanimité.

(10 h 50)

Est-ce que pour l'opérationalisation du traité, des dispositions du traité, on pourra prévoir des modes de fonctionnement originaux? Ça reste à voir. Ce que mon collègue a indiqué, je dirais, c'est une hypothèse, c'est une piste. Il faudra regarder ça. Actuellement, quand on regarde ce qui se passe dans la Communauté économique européenne, il y a au niveau des instances, des autorités, que ce soit le Conseil des ministres ou la Commission, différentes règles de fonctionnement. La règle de l'unanimité est encore présente très largement au sein des institutions de la Communauté. Oui, oui, il y a encore la règle de l'unanimité dans beaucoup de cas. Dans certains cas, il y a ce qu'on appelle des majorités qualifiées. Bon. Oui, c'est exact. Les pays européens ont inventé des modes de fonctionnement de leurs institutions communes à leur convenance. Dans le fond, ce que mon collègue des Relations internationales nous dit, c'est qu'il faudra faire la même chose aussi, nous, dans la négociation d'un traité de partenariat. Il faudra inventer ou s'entendre sur des modes de fonctionnement qui nous conviennent, puis qui soient adaptés au contexte, puis qui soient adaptés aussi au fait qu'on sera deux États, alors qu'en Europe ils sont maintenant rendus combien? 17. Alors donc, il ne faudra pas copier des modes de fonctionnement d'un regroupement à 17. Il faudra notre propre dynamique de négociation.

Moi, je n'ai pas de boule de cristal, et, même si j'en avais une, je ne pourrais pas vous dire quel sera le fruit puis toutes les dispositions du traité de partenariat qui va être issu de la négociation entre le Québec souverain et le Canada. Ce serait, à mon avis, prétentieux d'affirmer ça. Mais ce qu'on a dessiné et ce qu'on retrouve dans notre programme puis ce qu'on retrouve dans le projet qu'on a proposé aux Québécois, c'est les grandes lignes, je dirais, l'architecture de ce que pourrait être un partenariat, une entente de partenariat entre le Québec et le Canada. Mais il y a bien des détails, là, qui n'apparaissent pas et qui vont être générés, en quelque sorte, par la négociation elle-même.

M. Fournier: Je veux juste...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Mille-Îles.

M. Fournier: M. le Président, juste pour terminer. Même pas une question, juste une phrase pour dire au ministre que je comprends qu'il n'a pas de boule de cristal, mais, dans notre boule à nous, je peux juste vous dire: Nous, on n'ira jamais en bas, comme prévoit le ministre des Relations internationales, d'aller au poids économique dans un quelconque partenariat. Ce n'est pas le cas actuellement puis on serait contre ça, puis on va être contre ça après. On est capable de se dire ça aujourd'hui, nous, que jamais on va descendre aussi bas, alors que le ministre dit: C'est une des pistes qu'on peut envisager.

Mme Leduc: M. le Président, question de...

M. Fournier: Les Québécois y perdraient dans ce partenariat qui n'est pas encore défini, là, et qu'on veut vendre aux Québécois.

Mme Leduc: M. le Président, s'il vous plaît! On avait convenu, M. le Président, de l'alternance, je crois, en début de cette session. Alors, je pense que l'alternance devrait être rendue à mon tour de parole. Oui?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

Mme Leduc: Alors, M. le ministre, on a, au cours de cette session, parlé de différents dossiers que vous aviez discutés dans le cadre du Secrétariat aux affaires canadiennes, aux affaires intergouvernementales avec le Canada. On a parlé du dossier de la formation sur lequel on a convenu qu'il y avait eu une entente, mais qui est qualifiée ce matin par un éditorialiste de semi-tutelle pour le Québec. Vous nous avez donné des informations sur le congé parental, un autre dossier qui, vous nous dites, devrait aboutir en juin. Il n'y a pas vraiment d'entente, mais ça va bien, mais ce n'est pas abouti. On a parlé des commissions scolaires, ce qui devait aboutir, et là on voit que ça retarde, donc ça peut nous permettre de douter un peu, en tout cas d'avoir des appréhensions quant au résultat des autres négociations qui vont bien, parce que celle-là aussi allait bien, et, normalement, on devait avoir une entente assez rapide là-dessus. On a parlé aussi de la régionalisation et, dans ce dossier, vous nous aviez dit que, bon, oui, il y avait eu seulement une séance, mais que, en tout cas, les positions étaient loin. Donc, là, on peut difficilement parler de réel progrès pour le moment. Et on a parlé aussi de la TPS. Je reviendrai sur cette question, parce que ma question porte là-dessus.

Alors, moi, je ne peux pas faire autrement que de constater que, même si on a une attitude d'ouverture et qu'on souhaite, dans le cadre politique actuel, défendre des intérêts des Québécois, c'est long et les résultats tangibles se font attendre dans plusieurs dossiers. Maintenant, c'est évident que, même si on veut continuer dans ce cadre-là, on ne se cache pas que, pour nous, on pense que la défense des intérêts des Québécois et l'utilisation des ressources à meilleur escient, ça serait dans un cadre souverainiste. Je pense que ça, c'est clair.


Harmonisation de la TPS et de la TVQ (suite)

Maintenant, si on revient à la TPS, moi, j'aimerais avoir un peu plus d'information. Vous nous avez dit que c'était difficile, et tout ça, il n'y avait pas de réponse positive. Vous avez étudié les ententes qui ont eu lieu entre les autres provinces et le fédéral. À la lumière de cette étude-là, est-ce que vous avez pu conclure qu'il y a des principes ou des raisons qui ont mené à cette entente qui pourraient s'appliquer au Québec, ou est-ce que, finalement, il y a certaines bases qui... Ou comment peut-on justifier finalement ce qui est, pour moi, l'attitude du deux poids, deux mesures du gouvernement fédéral dans ce dossier même de la TPS? Les enjeux sont tellement importants quand on connaît la situation financière du Québec que je crois qu'il y aurait lieu à ce moment-là, si on veut parler d'équité et de fédéralisme qui peut fonctionner, que les négociations s'accélèrent. Est-ce que les études que vous avez faites à partir des données dans ces ententes-là, qui vont sont disponibles, peuvent permettre de bien étayer ou comprendre la situation actuelle?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Le problème qui est apparu dans ce dossier-là, c'est que le ministère des Finances, à partir des données qu'il avait, a fait un calcul, une évaluation où on arrive à la conclusion que le fédéral devrait nous donner 1 900 000 000 $. Mais on a beaucoup insisté, à maintes reprises, particulièrement évidemment mon collègue des Finances, M. Landry, on a beaucoup insisté à plusieurs reprises auprès du gouvernement fédéral pour qu'il nous donne l'ensemble des données sur lesquelles il s'est appuyé pour faire ce cadeau-là aux Provinces maritimes et le mode de calcul qu'il a utilisé pour y arriver. Vainement, vainement. On a insisté à maintes reprises. On a essayé d'obtenir du Nouveau-Brunswick ces données-là; on en a obtenu quelques-unes, mais insuffisantes. Et, de la part du fédéral, jamais rien.

Mme Leduc: On peut parler de secret, là.

M. Brassard: En tout cas, c'est très suspect, c'est vraiment très suspect, le comportement du gouvernement fédéral. Manifestement, il y a à tout le moins une absence de transparence évidente. Et, si ce qu'il a fait à l'égard des Provinces maritimes n'était pas, au fond, un véritable cadeau arbitraire, il nous donnerait l'ensemble des données sur lesquelles il s'est appuyé et la façon de calculer cette récompense. On l'aurait eue depuis longtemps. On ne l'a jamais eue, puis, jusqu'à maintenant, c'est non, M. Martin se refuse à nous donner tout cela. Donc, évidemment, aux Finances, on a fait avec ce qu'on avait entre les mains, mais on souhaiterait toujours, puis on le souhaite encore, obtenir de la part du fédéral sa façon d'en arriver à accorder 1 000 000 000 $ aux Provinces maritimes pour les récompenser de l'harmonisation TPS et leur taxe de vente. Ça n'a jamais été le cas.

Mme Leduc: Si je comprends bien, vous me dites que des données statistiques simples, etc., ne vous sont pas accessibles, et on ne vous permet pas d'avoir accès à de l'information, somme toute, qui est statistique.

M. Brassard: Ce dont on aurait besoin pour à la fois comprendre la façon dont le fédéral a fait son calcul pour accorder cette subvention généreuse aux Provinces maritimes puis qu'on puisse, à partir de là, nous, du Québec, refaire nos devoirs, je dirais, pour voir si vraiment on arrive à 1 900 000 000 $, ou moins ou plus, ça, on n'a rien de tout cela.

Mme Leduc: Je vous remercie, M. le ministre.


Adoption des crédits

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je m'excuse d'avoir à vous interrompre parce qu'il nous reste un dernier devoir, soit l'adoption du programme. Est-ce que le programme 3, Affaires intergouvernementales canadiennes, du ministère du Conseil exécutif pour l'année financière 1997-1998 est adopté?

M. Fournier: Sur division.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, mesdames, messieurs, je vous remercie de votre participation et nous ajournons la séance sine die.

(Fin de la séance à 11 heures)


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