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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Friday, June 13, 1997 - Vol. 35 N° 96

Consultations particulières sur le projet de loi n° 136 - Loi modifiant la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police en matière de déontologie policière


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Table des matières


Intervenants
M. Marcel Landry, président
Mme Céline Signori, présidente suppléante
M. Robert Perreault
M. Roger Lefebvre
Mme Margaret F. Delisle
*M. Yves Prud'Homme, FPCUM
*M. Tony Cannavino, APPQ
*M. Michel Martin, Fédération des policiers du Québec
*M. Jacques Meunier, bureau du Protecteur du citoyen
* M. Douglas Buckley-Couvrette, Table de concertation des lesbiennes
et des gais du Grand Montréal
*M. Michael Hendricks, idem
*M. Peter B. Yeomans, CUM
*M. Claude Gauthier, idem
*M. Denis Asselin, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, si vous voulez prendre place, nous allons débuter nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission: poursuivre des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police en matière de déontologie policière.

M. le secrétaire, pourriez-vous annoncer les remplacements, s'il vous plaît?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. MacMillan (Papineau) remplace M. Ciaccia (Mont-Royal), et Mme Delisle (Jean-Talon) remplace Mme Houda-Pepin (La Pinière).

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Merci. Alors, nous allons vous faire part de l'ordre du jour, en ajustant l'horaire dès maintenant puisqu'on a une quarantaine de minutes de retard. Nous recevons donc dès maintenant l'Association des policiers provinciaux du Québec, la Fraternité des policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal et la Fédération des policiers du Québec. Nous allons suspendre nos travaux dans une heure trente, pour le dîner. Nous reprendrons nos travaux à 14 heures, avec la présentation du Protecteur du citoyen. À 15 heures, nous recevrons la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Grand Montréal, et, à 16 heures, les représentants de la Communauté urbaine de Montréal. À 17 heures, ce sera la présentation des remarques finales.


Auditions

Alors, messieurs des association et fédération des policiers, nous vous invitons à vous identifier pour les fins de présentation et d'enregistrement de nos échanges. Vous disposez globalement d'une période de 30 minutes, tel qu'il était convenu, pour la présentation de votre mémoire conjoint, laquelle présentation sera suivie d'échanges avec les parlementaires membres de la commission. Alors, messieurs.

M. Lefebvre: M. le Président, on avait prévu une heure trente et, pour des raisons qu'on s'explique facilement, les travaux à l'Assemblée ont commencé par la période des questions avec un peu de retard. En passant, je veux m'excuser pour mon propre retard auprès de nos invités et de mes collègues.

M. le Président, est-ce qu'il faut comprendre qu'on procédera comme prévu, c'est-à-dire pour une période de 90 minutes?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Lefebvre: Et ça va décaler le programme de quelle façon?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Et voilà pourquoi j'ai annoncé dans l'horaire, M. le député de Frontenac, la suspension des travaux après une heure trente d'échanges ici. Nous reprendrions à 14 heures plutôt qu'à 13 h 30. J'ai décalé le projet d'horaire d'une demi-heure. Alors, messieurs.


Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ), Fraternité des policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal inc. (FPCUM) et Fédération des policiers du Québec

M. Prud'Homme (Yves): Bonjour, M. le Président. Pour fins d'identification, je suis Yves Prud'Homme, président de la Fraternité des policiers et policières de la CUM. Je suis accompagné de...

M. Cannavino (Tony): Tony Cannavino, président de l'Association des policiers provinciaux du Québec.

M. Martin (Michel): Et de Michel Martin. Je suis le président de la Fédération des policiers du Québec.

M. Prud'Homme (Yves): Alors, M. le Président, nous allons procéder de cette façon, c'est-à-dire que je vais introduire notre mémoire; par la suite, mes confrères et collègues vont attaquer le noeud du projet de loi en tant que tel, le coeur du projet de loi; et, par la suite, je reviendrai en conclusion pour répondre à vos questions.

Alors, sans plus tarder, j'aimerais tout d'abord remercier la présente commission de nous donner l'opportunité de vous faire part de nos remarques et commentaires afin d'améliorer pour une déontologie provinciale, uniforme, transparente, et le respect des droits des citoyens et également ceux des policiers et policières que nous représentons.

Il m'apparaît cependant important de vous rappeler que lorsque le Parlement adoptait, pour la première fois, les règles d'éthique professionnelle, c'est-à-dire les règles de déontologie provinciales, en 1988, les associations policières, la Fédération des policiers du Québec, la Fraternité et également l'APPQ, ont collaboré étroitement à la mise en place de ce nouveau système de déontologie, ce nouveau processus, et ont participé avec l'ancien ministre, aujourd'hui juge, l'honorable Herbert Marx, à l'élaboration des règles et des procédures. Je dirais aussi que, lorsque nous avons eu ces échanges avec le gouvernement, les parties syndicales renonçaient par le fait même à ce qui était fondamental, c'est-à-dire le droit de grief lorsque nous étions confrontés à des décisions injustes.

(11 h 50)

Alors, pour toutes ces raisons, après avoir analysé le projet de loi n° 136, la Fédération des policiers du Québec, la Fraternité et l'APPQ sont satisfaites de constater que celui-ci ne remet pas en question les principaux objectifs et orientations de la Loi sur l'organisation policière. Il eut été malheureux et dévastateur pour la crédibilité du système de déontologie policière de réformer en profondeur ces institutions en diluant leur rôle, voire en les faisant disparaître au profit d'un accroissement du rôle des corps de police, dans le traitement et la disposition de plaintes du public en matière de déontologie. Cette crédibilité, dont les ingrédients sont la transparence, l'universalité, l'impartialité et l'uniformité, est d'une importance telle pour les trois associations policières, qui regroupent plus de 12 000 policiers et policières, que, tel que je le mentionnais, elles renonçaient, en 1988, lors de la mise en vigueur de la loi, à leur droit au grief visant la contestation des sanctions imposées à leurs membres dans le cas de fautes déontologiques, et ce, afin de permettre la mise sur pied d'un système crédible de déontologie.

Les trois associations policières du Québec agréent au projet de loi n° 136 sous réserve des recommandations qui suivent, élaborées et transmises dans un souci de parfaire le système de déontologie en place afin de le rendre encore plus crédible et respectueux des droits de tous, dont les droits du policier et de la policière. Nous osons croire que ces recommandations seront intégrées au projet de loi n° 136 car elles sont – les associations, évidemment – persuadées de leur légitimité dans la recherche d'un système de déontologie encore plus crédible et efficace.

Sans plus tarder, je cède la parole à M. Michel Martin, qui traitera des trois premiers points du projet de loi.

M. Martin (Michel): Dans un premier temps, nous allons discuter du choix des conciliateurs et du droit pour les parties d'être accompagnées devant ceux-ci. C'est le document qu'on vous a remis, et c'est à la page 3.

L'accréditation et la formation des personnes agissant comme conciliateurs. Le projet de loi n° 136 rend obligatoire la conciliation entre le policier visé par une plainte et le plaignant. Cette conciliation a pour but de résoudre, par un règlement accepté par les deux parties, la plainte formulée à l'encontre du policier. Les travaux de conciliation relèvent d'un conciliateur provenant de la région administrative applicable et désigné par le Commissaire à la déontologie policière. La seule condition pour être conciliateur est de ne pas être ou de n'avoir pas été un policier. Comme le processus de conciliation prend désormais une importance primordiale dans le traitement et l'issue de plaintes en matière de déontologie, nous vous soumettons que le conciliateur devrait être une personne formée et accréditée pour occuper cette fonction. Ainsi, le projet de loi devrait prévoir une accréditation selon des modalités équivalentes à celles que l'on trouve dans le Règlement sur la médiation familiale. Un amendement à l'article 58, tel que remplacé dans le projet de loi, pourrait alors faire référence à cette accréditation.

Cette accréditation constituerait certes une garantie d'uniformité quant à la compétence des conciliateurs et apporterait une plus grande crédibilité au processus obligatoire auquel doivent se soumettre le citoyen et le policier qui n'ont d'ailleurs aucun droit de regard quant au choix de la personne devant agir comme conciliateur.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, nous allons devoir suspendre nos travaux pour quelques instants, puisqu'il y a un vote en Chambre, et nous reviendrons. Nous poursuivrons tout de suite après.

(Suspension de la séance à 11 h 54)

(Reprise à 12 h 11)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Nous reprenons nos travaux. M. Martin, vous avez la parole. Nous allons poursuivre.

M. Martin (Michel): Dans notre document – on est rendu à la page 4 – c'est le droit d'être accompagné devant le conciliateur. Le nouvel article 58.3 de la loi, édicté par l'article 15 du projet de loi, prévoit que les parties ne peuvent être accompagnées devant le conciliateur, sauf exception en faveur du plaignant dans le cas où le conciliateur l'estime nécessaire. Nous vous recommandons que les parties aient le droit de se faire accompagner en tout temps, à leur discrétion et par la personne de leur choix, durant les travaux de conciliation. Le nouvel article 58.3 devrait donc se lire comme suit: Dans le cadre de la conciliation, le plaignant et le policier peuvent être accompagnés de la personne de leur choix.

Il n'existe aucune raison pour priver le policier de son droit d'être accompagné par la personne de son choix durant les travaux de conciliation alors que la présence à ceux-ci est obligatoire par les parties. Au surplus, la présence de tiers, au choix des parties, favorisera sûrement la conciliation en permettant un dialogue dans un climat de plus grande confiance pour les parties obligées de se soumettre à ce processus. Au contraire, il ne me semble pas y avoir de raison de craindre que la présence de ces mêmes tiers puisse paralyser de quelque façon que ce soit le processus de conciliation. On a juste à regarder le résultat de conciliation... Vous pouvez aussi vous informer auprès du Commissaire. Les résultats sont extrêmement positifs du fait que le policier ou le plaignant soit accompagné d'une personne de confiance.

Responsabilités du membre d'un corps de police recevant une plainte du public. L'article 9 du projet de loi vient modifier l'article 51 de la loi en permettant le dépôt de plaintes à l'égard de policiers à tout corps de police. L'article 10 du projet de loi crée les articles 51.1 et 51.2 de la loi qui fixent les obligations du membre d'un corps de police recevant une telle plainte du public. Quant à ces obligations, le membre d'un corps de police recevant cette plainte se voit imposer les mêmes obligations que le Commissaire à la déontologie policière ou son personnel qui reçoit une plainte semblable.

Il doit, entre autres, selon le nouvel article 51.1 de la loi, aider le plaignant à identifier les éléments de preuve à l'appui de sa plainte et aviser celui-ci que toute plainte en déontologie sera soumise à la procédure de conciliation, à moins qu'il ne donne un avis écrit motivant son refus au commissaire dans les 30 jours de la plainte. Par ailleurs, d'autres obligations s'apparentant plus à un devoir de simple intendance incombent au membre du corps de police recevant une plainte du public: conservation de la preuve recueillie par le plaignant, envoi au commissaire et au directeur de police concerné d'une copie de la plainte et de la preuve recueillie, remise au plaignant d'une copie de cette plainte et d'une liste des documents et des éléments de preuve recueillis.

Nous vous recommandons donc que le rôle du membre d'un corps recevant une plainte devrait se limiter à recevoir la plainte, recevoir et conserver la preuve recueillie par le plaignant et acheminer le tout au Commissaire à la déontologie policière.

Ainsi, le rôle qu'on veut attribuer au membre du corps de police recevant la plainte d'assister le plaignant dans la formation de sa plainte, d'identifier les éléments de preuve que le plaignant devrait apporter à l'appui de sa plainte et d'informer celui-ci de ses droits en matière de conciliation déborde clairement le simple rôle d'intendance dont il est fait mention plus haut et constitue une intervention directe et obligatoire, de surcroît, du corps de police dans le traitement de la plainte déontologique qui devrait relever exclusivement du Commissaire à la déontologie policière et de son personnel.

La possibilité pour le plaignant de soumettre sa plainte à n'importe quel corps de police ne devrait avoir pour but que d'ajouter autant de guichets disponibles au citoyen pour soumettre sa plainte. D'ailleurs, dans son rapport, M. Claude Corbo ne recommandait pas une assistance obligatoire aussi étendue de la part du membre d'un corps de police recevant une plainte. Il entrevoyait une assistance limitée à la réception de la plainte et à la conservation de la preuve recueillie par le plaignant.

Les trois associations policières sont d'avis que ce rôle accru et obligatoire du membre du corps de police recevant une plainte est en contradiction flagrante avec les qualités de transparence et d'impartialité devant faire l'apanage du système de déontologie. Ce souci d'atteindre ces qualités est d'ailleurs bien exprimé à l'article 20 du projet de loi qui établit que, dans les cas d'enquêtes ordonnées par le commissaire, l'enquêteur ne peut appartenir ou avoir déjà appartenu au corps de police dont est membre le policier objet de la plainte. Or, donner un tel rôle obligatoire au membre d'un corps de police recevant une plainte amoindrit sérieusement cette apparence d'impartialité et de transparence qui doit exister au bénéfice du policier visé par une plainte ou du plaignant lui-même.

De plus, ces obligations risquent de devenir des sources de blâme possible à l'égard des membres du corps de police recevant une plainte. L'assistance a-t-elle été suffisante? A-t-on identifié correctement les éléments de preuve à l'appui de la plainte? La formulation de la plainte est-elle correcte? La solution optimale pour éviter ces sources de conflit possible et qui préserverait en même temps les droits du plaignant serait de constituer un formulaire indiquant précisément les droits et obligations du plaignant ainsi que toute autre information utile pour la formation de sa plainte.

L'article 51.1 de la loi, tel qu'édicté par le projet de loi, devrait donc être modifié de la façon suivante:

Les membres du personnel du commissaire doivent prêter assistance pour la formulation de la plainte à toute personne qui le requiert.

Ils doivent notamment aider le plaignant à identifier les éléments de preuve qu'il devra apporter à l'appui de sa plainte – ces deux paragraphes-là, c'est en fonction du personnel du commissaire. Le paragraphe suivant, ce serait en fonction du personnel policier.

Dans le cas de plaintes soumises au bureau du commissaire ou auprès d'un corps de police, les membres du personnel du commissaire ou ceux du corps de police assurent la conservation des éléments de preuve recueillis par le plaignant. Ils doivent remettre au plaignant une copie de la plainte ainsi qu'une liste des documents et des éléments de preuve recueillis par le plaignant. Le plaignant soumet sa plainte à l'aide d'un formulaire prescrit par règlement, lequel doit prévoir que toute plainte en déontologie policière sera soumise à la conciliation, à moins qu'il ne donne un avis écrit motivant son refus au commissaire dans les 30 jours de la plainte.

Le troisième point, c'est les membres à temps partiel pour siéger sur le Comité de déontologie policière. Les articles 30 et 31 du projet de loi prévoient des modifications aux articles 94 et 95 de la loi. Par ces modifications, il est désormais loisible au gouvernement de nommer des membres à temps partiel pour siéger sur le Comité de déontologie policière. Ces membres seraient des membres admis au Barreau depuis au moins cinq ans alors que les membres à temps plein seraient des membres admis au Barreau depuis au moins 10 ans. Dans les deux cas, les membres seront nommés pour une période maximale de cinq ans.

Tout d'abord, nous voulons vous souligner l'incongruité découlant de l'exigence différente et moindre pour un membre à temps partiel par rapport à un membre à temps plein quant aux années de Barreau requises pour occuper la même fonction de membre du Comité de déontologie policière. La fonction importante d'adjudicateur en matière de déontologie commande un même degré d'expertise quel que soit le statut, à temps plein ou à temps partiel, du décideur. Cette exigence de 10 ans de Barreau pour siéger sur le Comité de déontologie policière doit donc être la même pour tous.

Malgré ce qui précède, nous sommes sensibles à l'indépendance judiciaire dont doit bénéficier tout membre du Comité de déontologie policière. Le recours à des membres à temps partiel suscite un questionnement important auprès de ces associations. Ainsi, cette indépendance semble compromise quand un membre ne siège qu'à temps partiel, pour des mandats ponctuels ayant une durée plus ou moins longue, et qui dépend du bon vouloir du gouvernement pour obtenir d'autres mandats. De plus, par son statut de membre à temps partiel, il faut comprendre que cette personne n'allouera pas tout son temps à siéger au Comité et aura donc, possiblement en même temps qu'il siège ou délibère, d'autres activités professionnelles pouvant nuire et compromettre son indépendance à juger des mandats qui lui sont soumis. De toute façon, la simple ponctualité des mandats ébranle cette indépendance.

(12 h 20)

La Fédération des policiers du Québec, la Fraternité des policiers et policières de la CUM ainsi que l'Association des policiers provinciaux du Québec n'ont cependant aucune représentation à formuler quant aux plaintes visant des policiers autochtones et le recours, dans ces cas, à des membres à temps partiel. En conséquence, nous vous recommandons d'abolir la notion de membre à temps partiel et de ne nommer que des membres à temps plein, sous réserve des plaintes visant des policiers autochtones. Les articles 94 et 95, alinéa 2 de la loi dont il est fait état dans le projet de loi devraient donc se lire ainsi:

Le Comité est composé d'avocats admis au Barreau depuis au moins 10 ans pour les membres à temps plein et, dans le cas des membres à temps partiel visés par le deuxième alinéa de l'article 95, d'avocats admis au Barreau depuis au moins 5 ans.

L'alinéa 2 devrait se lire:

Dans le cas de plainte visant un policier autochtone, le gouvernement nomme des membres à temps partiel, qui sont membres d'une communauté autochtone, pour une période maximale de cinq ans. Leur mandat peut être renouvelé.

M. Cannavino (Tony): Nous passons maintenant à D, à la page 10 de notre mémoire: Le cloisonnement entre la déontologie et la discipline. Évidemment, ce sujet n'est pas traité dans le projet de loi. Selon les trois associations policières, il devrait l'être afin de confirmer de façon définitive le cloisonnement entre la discipline interne et la déontologie et prévoir l'exclusivité de celle-ci par rapport à l'autre. À cet effet, à titre d'argumentation au soutien de cette recommandation, nous vous référons au mémoire conjoint que les trois associations policières ont soumis à M. Claude Corbo, particulièrement aux pages 39 à 45 de celui-ci, reproduites en annexe au présent mémoire. Si vous allez à la page 42, ce qui est important, c'est: Quels étaient les objectifs visés par le législateur au moment de la présentation et de la préparation de ladite loi? Allons à la page 41 pour débuter. Vous retrouvez des extraits du Journal des débats de l'Assemblée nationale de décembre 1988 où l'honorable Herbert Marx, alors ministre de la Sécurité publique, déclarait ce qui suit:

«La seconde partie du projet de loi traite de la déontologie policière. Je propose de dissocier la discipline d'une affaire interne et rigoureusement privée qui s'exerce dans le seul intérêt de l'organisation policière, le respect du droit de gérance, de la déontologie, les devoirs et les obligations professionnelles des policiers envers la population. Ces devoirs et obligations sont contenus dans un code de déontologie applicable à tous les policiers du Québec. Ce code deviendra, en quelque sorte, le miroir de la conception que l'on se fait du service de police et des rapports que l'on veut voir entretenir entre policiers et citoyens. Je propose aussi que l'application du code uniforme de déontologie soit confiée à des personnes qui jouissent d'une pleine et entière indépendance d'action et fonctionnent d'une façon impartiale.»

Autre extrait du 5 décembre 1988, par l'honorable Herbert Marx:

«Les caractéristiques de l'organisation actuelle sont: absence d'un code uniforme de procédure et de déontologie, utilisation indistincte de la discipline et de la déontologie, imprécision quant au choix de l'organisme envers qui porter plainte, chevauchement avec les relations du travail, perte de crédibilité de la Commission de police du Québec, lenteur et lourdeur de processus, inexistence d'un code de discipline et de déontologie chez certains corps policiers. Ça, c'est l'organisation actuelle.

«Pour l'organisation proposée, on a: création d'un code uniforme de procédure et de déontologie, distinction entre discipline et déontologie, création d'un guichet unique pour les citoyens, exclusion de la déontologie du domaine des relations de travail, approche décentralisée, participation de citoyens et de policiers au processus, garantie de transparence, d'équité et d'impartialité, souplesse et rapidité d'un mécanisme d'application, les comités de déontologie seront formés en majorité de civils et il y aura des auditions publiques.»

Comme troisième extrait: «Ce projet de loi, M. le Président, permettra de doter tous les policiers du Québec d'un code de déontologie universel et uniforme; de soustraire l'application de la déontologie policière au régime des relations de travail; de confier l'application de la déontologie majoritairement à des civils; de permettre une représentation des régions au sein du Comité de déontologie; de donner plus de cohérence en permettant le regroupement des trois comités de déontologie au sein du même organisme; d'accorder des garanties d'appel des décisions rendues par le Comité de déontologie aux citoyens et aux policiers en octroyant la juridiction d'appel à la Cour du Québec; de diminuer très substantiellement les coûts d'opération des nouvelles structures en matière de déontologie.»

Donc, quand le législateur, en 1989, avait adopté cette loi, c'était dans ces objectifs-là et, évidemment, les associations policières y ont donné leur aval et ont contribué, justement, à cette bonne marche. Je vous réfère maintenant à notre mémoire, à la page 10, où M. Corbo, qui avait eu le mandat d'analyser la déontologie, en vient à une déduction et à certaines recommandations. Donc, il est à souligner que, dans son rapport, M. Corbo, après analyse de la loi et étude des représentations qui lui ont été soumises, semble être en accord total quant à la position qui lui était soumise par les trois associations policières, et il s'exprime ainsi: «De plus, à la lumière de ce qui précède, il est clair que le législateur a voulu retirer aux directions leur pouvoir de gestion quand des gestes posés par leurs policiers, dans l'exercice de leurs fonctions et à l'endroit d'un citoyen, pouvaient contrevenir aux dispositions du Code de déontologie. On peut être en accord ou en désaccord avec cette orientation, mais il apparaît avec évidence que le législateur l'a adoptée parce qu'elle lui apparaissait la plus apte, sinon la seule apte à assurer l'indépendance, l'impartialité, la transparence, l'universalité et l'uniformité que réclamait la population en matière de déontologie policière.»

Mais ce qui s'est produit, par contre, c'est que, basé sur les faiblesses dans la rédaction des textes, les directeurs de police ont continué, eux, à exercer leur pouvoir disciplinaire dans des cas qui étaient manifestement de statut déontologique, et c'est là le problème avec cette partie-là. Donc, c'est important pour nous autres que le cloisonnement de la déontologie et la discipline soient présents dans l'adoption de cette loi. Dans ce sens, M. Corbo a fait une recommandation – la recommandation 23, paragraphe 3 de la page 150 du rapport Corbo – pour confirmer de façon nette dans la loi cette exclusivité de la déontologie par rapport à la discipline interne. Les trois associations policières recommandent que, dans le sens de cette recommandation, la loi soit modifiée pour ajouter les dispositions qui suivent:

En ajoutant le paragraphe final suivant à l'article 89 de la loi:

«Nul ne peut citer devant une instance disciplinaire un policier pour tout geste, acte ou comportement qui fait l'objet, a fait l'objet ou pourrait faire l'objet d'une citation émise en vertu de la présente loi.»

Nouvel alinéa 5 à l'article 169:

«Nul règlement disciplinaire d'un service de police ne doit dupliquer le Code de déontologie des policiers du Québec ni prétendre régir des matières régies par ledit code.»

Évidemment que les arguments juridiques ont été faits à la cour, et la cour dit clairement que c'est dans la façon dont le texte est rédigé qu'il pose les problèmes qu'on vit actuellement.

Maintenant, un autre point important également pour nous, c'est la multiplicité des sanctions et citations disciplinaires. Ce qui est important, c'est un principe universel qu'autant la Cour suprême, la Cour du Québec et le Comité de déontologie reconnaissent, c'est qu'on ne peut être sentencé deux fois pour le même geste commis. L'article 111, jusqu'à maintenant, ne pose pas de problème car, lorsqu'il y a plusieurs chefs qui visent un même geste fautif, le Comité retient un chef et rejette les autres, sur la foi du même principe que je vous énonçais au préalable. L'article, tel que libellé, pourrait porter à interprétation. Donc, étant donné qu'il n'y a pas de problème actuellement avec l'article 111, nous vous suggérons tout bonnement de le retirer.

Nous allons maintenant à la page 14: Sanctions pouvant être imposées par le Comité de déontologie policière. La sanction de blâme. L'article 42 du projet de loi modifie l'article 130 de la loi en créant une nouvelle sanction: le blâme. Les trois associations policières tiennent à souligner que cette nouvelle sanction est superflue car, tel que cela a été réitéré à de nombreuses reprises par le Comité de déontologie policière, la réprimande, sanction déjà prévue à l'article 130, paragraphe 2 de la loi, est de la nature d'un blâme. Donc, les associations recommandent de ne pas donner suite à l'article 42 du projet de loi, en ce qui concerne l'insertion, à l'article 130, de l'alinéa 2.1 et la création du blâme comme sanction.

(12 h 30)

L'inhabilité à exercer des fonctions d'agent de la paix. Il nous apparaît plutôt que ce serait une coquille qui serait dans le texte là-dedans. L'article 42 du projet de loi modifie également l'article 130 de la loi en ajoutant comme sanction pouvant être imposée par le Comité de déontologie une période d'inhabilité à exercer des fonctions d'agent de la paix d'au plus cinq ans. Les trois associations policières comprennent que cet ajout comme sanction vise le cas du policier démissionnaire ou retraité. Cependant, il serait nécessaire que cela soit dit clairement dans le projet de loi afin de refléter ce fait. Tel que le projet de loi est rédigé, il serait permis de croire qu'un comité de déontologie pourrait imposer une période d'inhabilité à exercer des fonctions d'agent de la paix à un policier actif. En conséquence, nous recommandons que l'article 130, à 4.1° de la loi, se lise plutôt de la façon suivante: «4.1° dans le cas d'un policier ayant pris sa retraite ou ayant démissionné, une période d'inhabilité à exercer des fonctions d'agent de la paix d'au plus cinq ans.»

À la page 16 de notre mémoire, la récupération de traitement et autres avantages dans des cas de relevés provisoires. L'article 43 du projet de loi modifie l'article 131 de la loi. Cet article prévoit que, lorsque le Comité de déontologie policière fixe la durée de la suspension sans traitement d'un policier, il doit tenir compte de toute période durant laquelle ce policier a été relevé provisoirement de ses fonctions par le directeur du corps de police dont il est membre pour les mêmes fins. Dans ce cas, le Comité peut ordonner le remboursement à ce policier du traitement et des autres avantages attachés à sa fonction – selon le projet de loi – dont il a été privé pendant la période où il a été relevé provisoirement de ses fonctions et qui excède la période pendant laquelle une suspension sans traitement lui a été imposée par le comité. Il est soumis que, tel que rédigé, l'article 131 permet la situation illogique et injustifiée où un policier acquitté en déontologie se retrouverait avec moins de droits qu'un policier écopant d'une suspension. Ainsi, si le policier ayant subi un relevé provisoire se voit imposer une suspension, il pourra possiblement être remboursé de certaines journées où il a été relevé de ses fonctions. S'il est acquitté, l'article 131 ne semble pas avoir d'application, car il manque la condition préliminaire de l'imposition d'une suspension par le Comité.

La Fédération des policiers du Québec, la Fraternité des policiers de la CUM et l'APPQ recommandent donc que l'article 131, paragraphe 2°, soit modifié de la façon suivante, en ajoutant ce qui suit immédiatement après «pendant la période où il a été relevé provisoirement de ses fonctions et qui excède la période pendant laquelle une suspension sans traitement lui a été imposée par le Comité»: «Dans le cas où la citation émise contre le policier est rejetée ou dans le cas où le Comité impose une sanction autre que la suspension sans traitement, le Comité peut ordonner le remboursement du traitement et des autres avantages attachés à sa fonction dont il a été privé pendant la période où il a été relevé provisoirement de ses fonctions.»

M. Prud'Homme (Yves): Alors, M. le Président, en guise de conclusion, nous trouvons malheureux que certaines personnes soient portées à juger de l'efficacité d'un système déontologique au nombre de têtes qui tombent et nous avons malheureusement entendu à maintes reprises certaines remarques de ce genre. Nous déplorons également que certaines organisations policières, directions de police fassent de même en venant critiquer l'actuel processus déontologique en se contentant, par un relevé statistique, de se dire et de se vanter d'être plus sévères que l'actuel processus déontologique, qu'ils ne l'étaient dans le passé, en jugeant par un nombre de culpabilités par rapport au système actuel et encore en qualifiant les sanctions au nombre de jours et aux congédiements dans plusieurs cas.

Il est remarquable, dans votre projet de loi, que la pierre angulaire de cette révision et de cette réforme soit la conciliation. Nous vous attirons et nous vous réitérons que, pour que ça fonctionne, les recommandations que nous vous avons soumises doivent être retenues, et je peux vous assurer que les représentants des 12 000 policiers et policières du Québec y croient, que nous voulons que ça fonctionne et que nous privilégions les échanges entre citoyens et policiers et policières.

En conclusion, je tiens à vous remercier, M. le Président, M. le ministre, Mmes les députées et MM. les députés, de nous avoir consenti cet ajout de 30 minutes compte tenu que nous étions les trois associations et je vous remercie de votre attention. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, MM. les présidents. Alors, je donnerai maintenant la parole à M. le ministre de la Sécurité publique pour débuter nos échanges. M. le ministre.

M. Perreault: Merci. Alors, je veux profiter de l'occasion pour saluer officiellement les trois représentants, les trois présidents des grandes associations de policiers du Québec. Je dois dire que c'est un excellent mémoire. J'ai le sentiment que vous y avez mis le temps nécessaire en termes de l'analyse de la loi et que ça souligne, bien sûr, votre intérêt pour ces questions. On est bien conscient que, lorsqu'on révise la loi qui concerne la déontologie policière, les représentants des associations de policiers sont, au premier chef, intéressées, que les policiers eux-mêmes sont, au premier chef, visés, et je comprends cet intérêt, bien sûr, et je le salue.

Vous avez dit, si j'ai bien compris, quand on lit le mémoire, pour l'essentiel, que le projet de loi n° 136 vous satisfait en émettant cependant quelques réserves importantes, en disant qu'il y a quelques conditions qui devraient être réunies. Et, notamment, vous soulignez l'importance du processus de conciliation, et c'est là-dessus que portent, entre autres, vos premières recommandations relativement au choix des conciliateurs et, deuxièmement, concernant la possibilité pour les parties d'être accompagnées devant ces conciliateurs, notamment les policiers.

Quelques questions puis, après ça, je laisserai l'opposition, M. le Président. Sur le choix des conciliateurs, dans vos recommandations, vous soulignez l'importance que ce soit des personnes accréditées, est-ce que vous avez réfléchi au profil, aux caractéristiques ou si, dans le fond, vous ne l'avez pas fait jusqu'à maintenant?

M. Prud'Homme (Yves): Alors, M. le Président, nous n'avons pas fait de profil. J'étais présent lorsque le Barreau a comparu devant vous. Ce qui est important, c'est, je pense, qu'il existe actuellement un mécanisme d'accréditation qui fait en sorte que la personne qui serait responsable de cette conciliation réponde à certaines normes, à cette impartialité et à cette compétence que doit requérir le conciliateur, et nous partageons ce point de vue. Alors, il est inutile, selon nous, de vous dire qu'on sait que ça ne doit pas être un policier. Est-ce que ça devrait être un criminologue, un avocat, un ex-juge à la retraite, etc.? Je pense que l'essentiel, c'est qu'il réponde à ces normes qui existent déjà.

M. Cannavino (Tony): Si vous permettez un petit ajout. Alors, évidemment, pour nous...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. Cannavino.

M. Cannavino (Tony): ...M. le Président, il serait évidemment exclu que ce soit également un chef de police. C'est quand même assez important quoique, des fois, des gens pourraient y penser.

M. Perreault: L'autre partie de votre recommandation là-dessus concerne le fait d'être accompagné devant le conciliateur. Évidemment, une des difficultés qu'on a, c'est de ne pas établir, au niveau du conciliateur, d'une certaine façon, un processus très lourd et de ne pas non plus placer le citoyen dans une position totalement désavantageuse non plus. Vous décrivez ça à la page 4, un peu, la façon dont vous voyez ça. J'aimerais juste que vous en parliez un petit peu. Et est-ce qu'on ne risque pas, là, de la façon dont vous le décrivez, de recréer finalement quelque chose d'assez lourd à ce moment-ci?

(12 h 40)

M. Cannavino (Tony): Au contraire, M. le ministre. Au contraire, justement, pour atteindre les objectifs que vous visez par la conciliation obligatoire, le fait d'avoir un accompagnateur – et on dit bien un accompagnateur. On ne parle pas d'un représentant, on parle d'un accompagnateur – ça va sécuriser nos policiers, justement, ce processus-là, et je pense que c'est ce qui est important. On ne voudrait pas que nos policiers arrivent en conciliation en se disant: Bon, bien, on est seuls, on ne dira pas un mot là. Il se passe quoi?

M. Perreault: Mais, M. Cannavino, mettons que votre accompagnateur, ça s'adonne à être, par hasard, l'avocat de la Fraternité ou bien le représentant syndical. S'il intervient aux débats, aux discussions, est-ce que vous ne pensez pas qu'on risque de créer une situation où les citoyens se sentent en quelque sorte un peu tassés dans le coin? Parce que le citoyen n'arrivera pas nécessairement avec son avocat, là. Le citoyen n'arrivera pas, en tout cas, avec son représentant syndical. Je ne pense pas que c'était l'esprit de la proposition.

M. Cannavino (Tony): Mais, justement, le fait de mentionner un accompagnateur, on ne parle pas d'un plaideur non plus. C'est strictement pour, justement, donner cette chance-là à la conciliation, pour sécuriser notre policier face au processus, et c'est strictement dans ce but-là. Et ça ne sera pas le représentant qui va aller plaider. Ce n'est pas lui qui va confronter ou ce n'est pas lui qui va faire la conciliation.

M. Perreault: Oui, d'accord. Mais vous n'écartez pas le fait, si je comprends bien, que cet accompagnateur intervienne aux débats, de la façon dont je comprends votre texte. Et vous reconnaissez avec moi que l'accompagnateur pourrait être, par exemple, l'avocat de l'association.

M. Cannavino (Tony): Bien sûr.

M. Perreault: Est-ce que...

M. Prud'Homme (Yves): Je comprends, M. le Président, la préoccupation du ministre. Je pense qu'il nous apparaît à tout le moins fondamental, pour qu'il y ait chance de réussite, que ces personnes soient accompagnées. Maintenant, je pourrais référer le ministre au commissaire actuellement en fonction et je lui suggère de lui poser la question sur le fonctionnement de l'actuel système, tel qu'il existe au moment où on se parle. Nous sommes convaincus qu'il vous répondrait, M. le ministre, que ce n'est pas ceux qui accompagnent les policiers qui concilient, c'est vraiment le conciliateur. Première remarque.

Deuxième remarque. Si on tient à vous le souligner et à vous le répéter, c'est parce que nous partageons les mêmes objectifs que le gouvernement et que nous voulons que ça fonctionne. Et je ne pense pas qu'il faille inclure dans le projet de loi des modalités. Laissez le soin à celui qui est le responsable de la conciliation d'établir les règles. Et vous n'avez pas, selon nous – je vous le soumets respectueusement – à prévoir des modalités de fonctionnement. Il n'y en avait pas au moment où on se parle, et je peux vous dire que, dans l'ensemble du Québec – chez nous, c'est vrai – 92 % des cas soumis à la conciliation se sont avérés un succès, une réussite. Pour quelle raison? Parce que, pour avoir aussi confiance – rappelez-vous des commentaires du Barreau – vous obligez les parties à participer à la conciliation. Et, dans un contexte – et la représentante en faisait la remarque – d'obligation, pour qu'il y ait chance de succès, il faut que ces personnes soient accompagnées pour les rassurer et pour qu'on puisse espérer que ça fonctionne. Et rappelez-vous, M. le ministre, que, même dans son mémoire, elle se questionnait sérieusement, elle se posait la question et ne pouvait pas y répondre. Je peux vous dire que nous répondons à cette question. Ce n'est pas la personne qui accompagne qui fait la conciliation. Ce n'est pas le cas au moment où on se parle. Pourquoi ça le serait?

M. Perreault: De façon générale, lorsqu'il y a conciliation et que les policiers ont avec eux des personnes, qui sont ces personnes, règle générale, actuellement?

M. Cannavino (Tony): Chez nous, ce sont nos représentants syndicaux qui accompagnent.

M. Perreault: Les représentants syndicaux.

M. Cannavino (Tony): Absolument. Et c'est dans cette forme de sécurité là, et je peux vous dire qu'on encourage fortement la conciliation. Et un petit point que je voulais ajouter également – et c'est la raison pour laquelle on insiste sur la question des conciliateurs qui soient accrédités – ce sont eux qui vont diriger, justement, la conciliation. Ils sont maîtres de la conciliation.

M. Prud'Homme (Yves): De la procédure. Mais, au niveau de la Fraternité, je peux vous dire qu'on a autant des représentants syndicaux que des avocats qui sont à temps plein chez nous, qui travaillent pour la Fraternité, qui oeuvrent au sein de notre organisation. Mais je ne pense pas que vous devriez prévoir dans votre loi une exclusion ou qualifier cette personne qui devrait accompagner.

M. Martin (Michel): M. le ministre, à la Fédération, je peux vous dire qu'à 99 % ce sont des représentants syndicaux ou des personnes très près du policier qui vont accompagner ce dernier ou cette dernière à la conciliation. Les avocats ne sont à peu près pas mêlés à cette conciliation.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Blainville...

Mme Signori: J'aurais juste une petite question.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...je pense que c'est sur le même point?

Mme Signori: Oui, c'est sur le même sujet. J'ai de la misère à comprendre que des policiers aient besoin de quelqu'un pour se rassurer autour dans une mesure de conciliation. Moi, j'ai en tête la médiation familiale ou d'autres formes de médiation. Il me semble que, s'il y a un conciliateur accrédité là... Pourquoi serait-il nécessaire d'avoir le support de son représentant syndical? J'ai un petit peu de difficulté à penser que ça serait nécessaire dans le cas spécifique des policiers. Qu'est-ce qu'il fait là? Support moral?

M. Cannavino (Tony): Il faut quand même comprendre que le rôle du policier est assez complexe et que les gestes sont toujours assez lourds de conséquences. Que ce soit dans un processus disciplinaire, donc interne, ou que ce soit en déontologie ou au criminel, évidemment que, pour les gestes qui peuvent être posés ou les allégations qui peuvent être amenées, les policiers, ils sont quand même au courant qu'il peut y avoir des conséquences. La question de la conciliation, évidemment, c'est un volet, pour nous, les associations policières, important. Donc, on le reconnaît et on y va de l'avant avec ce point-là, avec la conciliation obligatoire. Mais un point, le point à l'effet que le policier est accompagné, pour nous, c'est très important. L'accompagnateur, qui, dans certains cas, peut être le représentant syndical – chez nous, c'est le représentant syndical – ne fait qu'assister et ne fait que confirmer en plus la légitimité de cette conciliation-là et les objectifs de la conciliation. Ce n'est pas une question de confrontation, l'objectif de la conciliation. Mais, je vous le dis, pour s'assurer que ça fonctionne, pour qu'on puisse atteindre les objectifs voulus par les législateurs à la conciliation, c'est une avenue importante. Pour nous, c'est primordial. Et on fait la distinction entre accompagnateur et représentant.

Mme Signori: Oui, mais, pour le citoyen, le simple citoyen, le fait qu'il y ait le conciliateur puis l'accompagnateur du policier, c'est un peu intimidant, ça.

M. Cannavino (Tony): On l'a ajouté, mais c'est là.

M. Martin (Michel): Le plaignant aussi peut être accompagné. Dans un processus de conciliation obligatoire, si on veut avoir un succès, je pense qu'il faut créer un climat de confiance. La conciliation est obligatoire, il ne faut pas l'oublier.

Mme Signori: C'est correct, ça. Je n'ai rien contre ça.

M. Prud'Homme (Yves): Oui, mais il faut être conscient, M. le Président, que, maintenant, la conciliation est obligatoire, ce qui n'existait pas. Enlevez l'obligation de la conciliation, vous pourriez peut-être prévoir qu'il ne serait pas accompagné parce que, à ce moment-là, ça serait facultatif. Mais, lorsque vous obligez quelqu'un à concilier – et c'est ce que le Barreau vous disait – de l'obligation naît la nécessité de la confiance. Et de la confiance, nous vous suggérons de laisser le choix. Ce n'est pas une obligation. Le citoyen – là, on parle du policier – dans combien de cas s'est-il présenté accompagné et dans combien de cas désirerait-il se présenter accompagné? N'oubliez pas, l'obligation, la confiance dans le processus, ça, ça joue, c'est les deux côtés, Mme la députée. En aucun cas, à ce que je sache, dans les règles actuelles, il n'y a eu de problèmes. Mais vous changez les règles.

M. Perreault: Excusez, je ne veux pas... En tout cas, ça éclaire bien le sens de la recommandation là-dessus.

Bon, sur la plainte au public, votre texte est clair. Ça me semble clair, j'ai moins de questions. Une autre chose sur laquelle j'aimerais quand même que vous élaboriez un petit peu plus, c'est toute la question du cloisonnement entre déontologie et discipline parce que je dois dire très simplement, je le dis tout de suite aux membres de la commission, sur la question des conciliateurs, de l'accompagnement, de la responsabilité du corps de police et du membre du corps de police lorsqu'il reçoit une plainte, des membres à temps partiel, ce sont des choses sur lesquelles, en tout cas, je pense que les recommandations sont claires. Je voulais savoir exactement pourquoi, pour vous autres, elle était très importante, la question d'être accompagné. Je pense que vous avez eu l'occasion de l'expliquer. Le reste parle par lui-même pas mal, mais l'aspect nouveau de cloisonnement entre déontologie et discipline, j'aimerais vous en entendre parler un petit peu plus de même que de la notion de multiplicité de sanctions et de citations disciplinaires.

(12 h 50)

M. Prud'Homme (Yves): Alors, M. le Président, l'expérience des dernières années nous force à reconnaître que les directions de police n'acceptent pas ou acceptent difficilement le fait qu'elles n'ont plus ce contrôle ou ce pouvoir et qu'elles font des pieds et des mains pour, en principe, le contourner. Or, je vous soumets, par exemple, des cas qui pourraient être réglés en conciliation. Au niveau du SPCUM, il existe un article dans notre code de discipline, l'article 9: comportement de nature à compromettre le prestige, l'efficacité du service. De quelle façon? En effectuant une arrestation illégale. Est-ce que ce n'est pas dans les relations, rapports avec le public? Alors, c'est pour ça qu'on vous soumet qu'il nous semble obligatoire, évidemment, de redonner le sens à la déontologie provinciale. Lorsque les directions ou certaines directions de police s'aperçoivent que la déontologie en arrive à un acquittement ou encore peut-être qu'il y a eu une conciliation, elles se retranchent vers cet article-là et poursuivent le policier en vertu de l'article 9 du code de discipline du Service de police de la CUM pour les mêmes faits.

Alors, c'est pour ça, et, fondamentalement, ça va exactement dans l'esprit de la déontologie policière. Pour quelle raison? Vous avez entendu les représentants de l'ADPPQ, vous avez entendu les commentaires, vous avez entendu M. le président vous dire, écoutez, une première fois, une deuxième, une troisième fois: On va s'en rappeler et on va s'en occuper. Et, en principe, lorsqu'ils voient cela ils s'en occupent, je peux vous le dire. Et, si on ne précise pas davantage, alors que l'objectif de la loi, en 1989, était dans les relations entre le citoyen et le policier ou la policière dans l'exercice de ses fonctions, c'est malheureux à dire, il n'accepte tout simplement pas le fait qu'on lui a enlevé cette juridiction et il trouve le moyen d'arriver aux mêmes fins. Et, en ajoutant les petites modifications à l'article 89, ça viendrait renforcer, parce que nous nous sommes retrouvés, évidemment, devant les tribunaux. Nous prétendions que c'était de juridiction déontologique, et c'est vague, et c'est ce que M. Cannavino a commenté dans sa présentation.

M. Cannavino (Tony): Ce sont des principes d'universalité, de transparence, d'impartialité, et la somme de tous ces principes-là donne de la crédibilité au système. Sinon, on va retourner... Si c'est la volonté des chefs de police, ce n'est pas compliqué, ils retournent en vase clos, et, en vase clos, le citoyen ne sera pas sécurisé par cette approche-là. Et les textes des législateurs étaient quand même très clairs, et, d'ailleurs, c'est la raison pour laquelle nous les avons mis en annexe à notre mémoire. C'était très clair, mais c'est le fait que les directeurs de police, les chefs de police ont continué à exercer le même type d'approche, à s'accaparer ces pouvoirs-là de la déontologie et à se les approprier en discipline qui a compliqué le système, et, pour nous, c'est clair qu'il faut regarder cette nuance-là, M. le Président et M. le ministre.

M. Martin (Michel): Juste pour terminer, les villes créent un système de déontologie parallèle. C'est ça à quoi on fait face. Il y a deux systèmes de déontologie, un pour la ville puis un pour... On est obligé, à deux reprises, de passer en déontologie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais saluer M. Cannavino, M. Prud'Homme et M. Martin pour l'excellence du document qu'ils nous ont présenté, dans lequel – et c'est M. Martin qui donnait lecture du passage – on parle de transparence, d'universalité, d'impartialité et d'uniformité dans le système de la déontologie. C'est également un d'entre vous qui disait en introduction – sauf erreur, encore M. Martin – qu'il y a deux volets dans la déontologie – puis je me souviens d'avoir dit à peu près la même chose – protéger le citoyen, mais également protéger le policier. Il faut que le système puisse fonctionner de façon objective pour protéger les droits des deux. Tous ceux et celles qui sont venus devant nous à date nous indiquent... Et je crois que c'est M. Cannavino, tout à l'heure, qui indiquait que le coeur du projet de loi, c'est la conciliation. Vous êtes tous d'accord pour la conciliation, sur le principe, mais autant votre mémoire et votre présentation nous indiquent que, à moins que le ministre corrige son projet de loi en tenant des recommandations que vous faites, la conciliation, telle que vous la souhaitez, ne sera pas applicable, ne sera pas efficace. L'Association des directeurs de police nous a dit la même chose, et, ça, ça sera la responsabilité du gouvernement et de son ministre, il y aura à concilier les contraires. Il faut se souvenir de ce que M. Bourassa disait: La politique, c'est l'art de concilier les contraires.

Alors, vous avez des réserves sur la conciliation très bien exprimées et expliquées. L'Association des directeurs de police a des réserves très sérieuses sur la conciliation pour des motifs, dans certains cas, contraires aux vôtres. L'UMQ, l'Union des municipalités du Québec, est d'accord avec le principe de la conciliation, sauf que l'UMQ arrive à la conclusion que, essentiellement, l'objectif du gouvernement, c'est de mettre en place la conciliation pour sauver des piastres et les refiler sur le dos des municipalités. C'est ça que l'UMQ dit au ministre: Oui, M. le ministre, la conciliation, ça a du sens, mais êtes-vous capable de faire la preuve que les municipalités vont également économiser quant aux coûts de la déontologie?

Cet après-midi, nous aurons l'occasion d'entendre la Communauté urbaine de Montréal, et on a le mémoire, ici, sous les yeux. Le mémoire nous a été remis, et on sait à l'avance qu'on viendra également nous indiquer qu'on a des réserves sur la conciliation, quant à la façon de vouloir la mettre en place à l'intérieur du projet de loi en question. Moi, la question que je pose à vous trois... Et vous avez tous les trois l'expérience de ce que c'est, discuter avec le gouvernement, particulièrement le gouvernement péquiste

– ce n'est pas vous qui le dites, c'est moi – soyez assuré d'une chose, MM. Cannavino, Prud'Homme et Martin, c'est que vos recommandations, s'il y en a deux qui sont retenues, vous pourrez applaudir. Moi, je suis convaincu que le ministre de la Sécurité publique qui gère la sécurité publique et la police au Québec depuis un an et demi fera semblant de vous écouter, mais il ne vous entendra pas. Alors, je vous demande, à tous les trois, de pointer deux ou trois recommandations auxquelles vous tenez à tout prix, parce que vous êtes, jusqu'à un certain point, aussi sévères que l'Association des directeurs de police, peut-être d'une façon un peu plus... Tout est dans la façon de le dire, et, dans les faits, vous dites la même chose: Nous adhérons au projet de loi n° 136 sous réserve des recommandations qui suivent. Alors, ça laisse entendre que, s'il n'y a pas de modifications, si vos recommandations ne sont pas retenues, ça ne fonctionnera pas. Vous souhaitez, vous, que votre policier soit accompagné en conciliation, les directeurs de police souhaitent le contraire. Je vous donne un exemple. C'est au ministre à trancher. C'est au ministre à décider qui a tort, qui a raison. L'opposition, on a à surveiller, on a à se souvenir des recommandations et des suggestions qui sont faites par chacun et chacune, chacun des groupes qui comparaît devant la commission des institutions.

Alors, je vous pose la question. À la page 2 de votre mémoire... Vous savez, on aurait un nombre considérable de questions à vous poser. Vous êtes des gens éclairés, vous avez de l'expérience, vous défendez, avec raison, l'intérêt de vos membres. On est obligé de se limiter aux questions les plus pertinentes ou les plus importantes. À première vue, quelles sont les recommandations que vous considérez comme étant nécessaires, sine qua non? Si les recommandations ne sont pas retenues par le ministre malgré la volonté, à date, semble-t-il, exprimée par le ministre de vouloir changer et améliorer les choses avec son projet de loi n° 136... Quelles sont les recommandations auxquelles vous tenez à tout prix qui apparaissent à la page 2? Vous en avez sept, MM. Cannavino, Prud'Homme et Martin.

(13 heures)

M. Cannavino (Tony): M. le député, moi, en tant que policier, citoyen, président de l'association policière, je crois encore aux institutions. Je crois aux commissions parlementaires, évidemment jusqu'à preuve du contraire, mais j'y crois, à ça, c'est fondamental. La journée où on va mettre en doute...

M. Lefebvre: C'est pour ça qu'on a tant insisté, du côté de l'opposition, pour que vous puissiez être entendus. On sait que vous y croyez.

M. Cannavino (Tony): Donc, à partir de ce moment-là, j'ai l'impression que tous les gens ici sont de bonne foi et qu'en plus de poser les questions ils écoutent les réponses et vont avoir la possibilité...

Une voix: C'est bien votre... C'est ça. On n'avait pas la même idée, tantôt.

M. Lefebvre: Allez-y, monsieur. Ça allait bien, là. Vous aviez un bon début de phrase.

M. Cannavino (Tony): Je ne crois pas que je sois crédule en disant ça. J'y crois, moi, à ce système-là.

Quand on parle de conciliation, l'objectif de la conciliation, moi, je crois que c'est de désengorger le système, s'il y a une possibilité entre le citoyen et le policier d'en venir à une entente. Des fois, c'est sous le coup d'une frustration. Vous savez, un citoyen qui reçoit un billet d'infraction, qui a une amende de 150 $ ou de 200 $, ça se peut qu'il le prenne difficilement. Et ça se peut que, sous un coup de frustration, il décide de se plaindre, puis c'est tout à fait normal. Mais est-ce que ce serait normal que ça suive tout le processus jusqu'au bout, qui est très onéreux, qui, évidemment, contraint un paquet de gens à se déplacer et qui alourdit le système?

La conciliation, moi, j'y crois de cette façon-là et je la vois de cette façon-là. Donc, on dit: La conciliation obligatoire, oui, mais en s'assurant d'avoir des accompagnateurs.

M. Lefebvre: Ça, pour vous, c'est fondamental.

M. Cannavino (Tony): Et je suis certain que ça devrait, normalement, si on respecte ces critères-là, désengorger le système. Parce que le système en tant que tel est bon, mais il est lourd. C'est l'objectif. Et c'est la raison pour laquelle les trois associations policières, on y croit, à cette conciliation-là. On ajoute juste quelques modalités.

M. Prud'Homme (Yves): M. le Président, j'ajouterais aux propos de mon confrère et en réponse à M. le député de Frontenac, si je ne m'abuse, que, si les patrons, les boss, les chefs de police sont contre, ce n'est pas pour les mêmes raisons. C'est la raison fondamentale, ils n'ont jamais accepté qu'on leur enlève cette juridiction. Je sais qu'ils ont proposé à M. Corbo, entre autres, que, chez nous, ça se fasse par les commandants de quartiers. Je sais qu'ils souhaitent une participation d'élus avec un commandant de quartier, peut-être, dans cette voie-là. Je peux vous dire que nos boss ont une mémoire et que la loi prévoit que, s'il y a une conciliation, il ne faut absolument pas qu'il reste une trace à quelque niveau que ce soit. Et là, ça réfère à la confiance dans la conciliation pour les policiers que nous représentons. Donc, ce n'est pas pour les mêmes raisons que les patrons ou que les chefs de police ne partagent pas l'orientation du projet de loi. Il faut faire attention.

Évidemment, les syndicats policiers, nous représentons nos membres. Je vous soumets respectueusement, M. le Président, qu'au tout début de l'introduction d'une déontologie policière – je l'ai dit dans mon introduction – les trois associations policières... Et essayez de me trouver ça quelque part, dans les autres professions, ou métiers, ou je ne sais quoi. Nous avons demandé au gouvernement, qui était libéral à l'époque, d'assurer l'uniformité, d'assurer la transparence. J'étais président de la Fraternité. Évidemment, mes deux autres collègues n'étaient pas à la tête des autres organisations. Il y avait M. Turcotte et il y avait M. Jean-Guy Rock, et nous avons dit au gouvernement que nous en avions ras le bol...

M. Lefebvre: Mais, M. Prud'Homme...

M. Prud'Homme (Yves): ...de nous faire juger par un comité dont le synonyme était «Kangaroo Court». Et trouvez-moi ça dans les professions. C'est vrai que nous représentons notre membership, mais nous avons aussi l'honnêteté de vouloir un système transparent, uniforme, qui respecte autant les droits des citoyens que ceux des policiers et des policières que nous représentons.

M. Lefebvre: M. Prud'Homme, ce que je disais tout à l'heure, je le répète, là. Puis je n'ai pas insisté sur le point de vue qui a été soulevé par les directeurs de police. Ils ont fait leur témoignage puis on en a pris note. Là, c'est à votre tour d'indiquer pour quelles raisons vous êtes d'accord sur le projet de loi n° 138, certaines parties, puis pas d'accord sur le projet de loi n° 136, pas d'accord également sur d'autres volets.

Vous savez, vous vous rejoignez quant à l'essentiel. Lorsqu'on entendait M. Laurin nous dire ceci: Le système de déontologie, c'est d'assujettir tous les policiers à un même code de déontologie, d'uniformiser le processus de déontologie policière, d'instaurer un guichet unique, de constituer un tribunal représentatif, et qu'on lit dans votre mémoire, à la page 2: «...la transparence, l'universalité, l'impartialité et l'uniformité...», sur les objectifs, je pense que tout le monde s'entend. Moi, ce sur quoi j'insiste, c'est que vous êtes d'accord sur les objectifs, mais, quant à la façon de les atteindre, vous êtes en désaccord sur des points majeurs. Je me répète, c'est au ministre à trancher en temps et lieu. Moi, je voudrais que vous partiez d'ici avec l'assurance que le ministre vous a compris sur les éléments auxquels vous tenez le plus, y compris l'opposition, M. Prud'Homme, y compris l'opposition. Et vous avez insisté beaucoup, dans vos représentations, sur la mise en place de la conciliation. La conciliation, cependant, si ça doit fonctionner, c'est conditionnel à certaines observations. Je répète ma question: Quels sont les éléments auxquels vous tenez le plus?

M. Prud'Homme (Yves): J'arrivais à ce dernier point, M. le Président. Je pense que, si vous voulez améliorer le système qui est en place, vous devriez retenir les suggestions qui vous ont été faites dans leur totalité. Pas la un, deux, trois ou quatre. L'ensemble des sept recommandations qu'on vous a soumises font en sorte...

M. Lefebvre: Tout ça se tient.

M. Prud'Homme (Yves): Exactement. Je n'ai pas lu la conclusion, mais vous allez regarder et vous allez être en mesure de voir que ça va améliorer le système actuel tout en préservant ces critères d'indépendance, de confiance et de transparence. Toutes ces suggestions, ces recommandations, je pense qu'elles vont dans le même sens que les objectifs poursuivis par le ministre de l'actuel gouvernement pour améliorer le système.

Je ne sais pas si mes confrères veulent ajouter quelque chose?

M. Cannavino (Tony): Quand vous dites que le ministre retient deux ou trois points, ça va au-delà de ça. On n'a pas ramené le projet de loi au complet.

M. Lefebvre: Je ne suis pas certain qu'il va suivre vos suggestions à la lettre et intégrer les sept recommandations dans son projet de loi. Tant mieux pour vous autres si ça arrive.

M. Cannavino (Tony): Lorsque vous lisez les sept points qu'on présente dans notre mémoire, ce qu'on retrouve là-dedans, c'est quoi? C'est enlever les coquilles, faciliter l'application du code de déontologie. Les objectifs sont là. Et, évidemment, ce que toutes les cours reconnaissent – je vous parlais de la Cour suprême, de la Cour du Québec également – quand on ne peut pas sentencer deux fois pour le même geste fautif, c'est une pure logique, une pure reconnaissance qui est faite partout. Donc, ce qu'on vous présente, c'est conséquent et cohérent. Ce n'est pas une modification substantielle ou majeure. C'est strictement une question de faciliter l'application du code. Quand on vous parlait de la conciliation, vous dites qu'on y met beaucoup d'emphase, oui, on met beaucoup d'emphase sur tous les sept points. Parce que si vous ne modifiez pas, si vous n'enlevez pas la coquille en ce qui concerne la récupération de traitement, il va arriver quoi? Ce qui va arriver à ce moment-là, si vous n'enlevez pas cette coquille-là, c'est que celui qui est suspendu va retrouver son traitement, celui qui est acquitté, lui, est vraiment sentencé parce qu'il va perdre la récupération de traitement. Donc, c'est illogique. Ça ne va pas dans le sens dans lequel le législateur veut présenter ce code-là. C'est la raison pour laquelle on vous dit que, par expérience, nous avons relevé des problèmes dans le fonctionnement si c'est appliqué de cette façon-là. Point. On ne modifie pas les objectifs du code de déontologie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. Martin.

M. Martin (Michel): M. le Président, il ne faut pas oublier non plus que les trois associations en sont venues à un accord sur le reste des modifications à apporter au code de déontologie. Certaines modifications ne faisaient pas nécessairement l'affaire des trois syndicats, sauf qu'on s'est réunis et on a fait en sorte de dire: Oui, on va vivre avec ça et, oui, ça va améliorer le système de déontologie. Les points qui nous semblent majeurs, qui pourraient améliorer et faire en sorte que le système de déontologie aille bien, ce sont les sept points qui sont ici et qu'on vous présente.

(13 h 10)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Vous savez, la conciliation obligatoire, il faut bien comprendre ce qui va arriver. Ce sera de mettre en présence un citoyen ou une citoyenne qui se plaint, à tort ou à raison, du comportement d'un policier. Alors, c'est la victime présumée en face de l'agresseur présumé. Je sais que vous êtes conscients de tout ça. Présumé, présumé. C'est ça, la conciliation obligatoire.

On verra cet après-midi quelle est l'opinion du Protecteur du citoyen quant au fait que le législateur, par le ministre de la Sécurité publique, avec ce projet de loi là, met en place la conciliation obligatoire; on insiste sur le mot «obligatoire». Ceci étant dit, en partant de l'expérience considérable que vous avez, tous les trois, de quelle façon devrait-on informer le plaignant?

C'est ce qu'on retrouve à l'article 10 du projet de loi où on dit ceci: «Les membres du personnel du commissaire [...] doivent également informer le plaignant que toute plainte en déontologie policière sera soumise à la procédure de conciliation». Il faut bien comprendre que la présumée victime, le plaignant, n'est pas familière, évidemment, avec toute cette plomberie pas mal compliquée, merci. Est-ce que vous considérez que l'information au plaignant devrait être faite de façon formelle, c'est-à-dire par écrit, avec assez de détails pour que le plaignant comprenne ce que ça veut dire, la conciliation, dans un premier temps, et comment la plainte qu'il a soumise sera traitée au niveau de la première étape, c'est-à-dire la conciliation?

Alors, en résumé, de quelle façon doit-on informer le plaignant?

M. Prud'Homme (Yves): Je pense, M. le Président, que, lorsque nous nous sommes penchés sur cette problématique, évidemment en tenant compte des intentions contenues au projet de loi, nous avons rejoint essentiellement la préoccupation ou la suggestion du Barreau. En principe, ce qu'il faut éviter, et ça, c'est une question de transparence... C'est beau de faciliter l'accessibilité, mais la réalité du territoire de la CUM, par exemple, peut offrir cet éventail. Si ça s'est passé dans le poste n° 5, peut-être que le citoyen se présentera au poste n° 6. Mais ce n'est pas partout en province la même chose. Donc, ce qu'il faut éviter à tout prix... C'est à tout le moins une question de transparence que le citoyen qui se présente et qui est en présence d'un policier, il s'en vient dénoncer quelque chose...

M. Lefebvre: Il ne faut pas qu'il soit intimidé.

M. Prud'Homme (Yves): ...il se sent un peu mal à l'aise... Donc, dans la formulation qu'on vous a suggérée, on pense à un formulaire préétabli pour éviter les échanges entre un policier du même corps ou même d'un autre corps policier, mais un formulaire préétabli, lui transmettant la totalité des informations. Si jamais il y avait un certain problème, au pis aller, il y a le bureau du commissaire. Il y a déjà des formulaires préétablis; à tout le moins, dans les organisations policières, ils en remettent. Il y a des enveloppes. S'il y a des exhibits; ils recueillent, mettent ça et acheminent. Il ne faut pas qu'il y ait un échange, une espèce de début, d'amorce d'enquête.

Aussi, une chose à considérer, et je le dis à l'ensemble des membres de la commission, c'est que, si un citoyen se présente quelque part et qu'il veut dénoncer une situation, il ne faut pas présumer qu'effectivement elle est véridique. Alors, comment voulez-vous que le policier informe le citoyen, par exemple, et dise: Écoutez, vous pourrez aller en conciliation? Il ne faut pas présumer qu'effectivement ça vient de se produire. Ce ne sont pas nécessairement toujours des faits véridiques. Or donc, il faut absolument que ce soit attaché au commissaire. Et on a rejoint exactement les mêmes préoccupations que le Barreau lorsqu'il vous sensibilisait. Il n'est pas nécessairement vrai que... Donc, ça prend une analyse des faits qu'ils ont soumis.

M. Lefebvre: M. Prud'Homme, vous en parlez à la page 7 de votre mémoire, en haut de page, et en conclusion également, lorsque vous rédigez ce que devrait être l'article 51.1.

M. Prud'Homme (Yves): Oui.

M. Lefebvre: En haut de cette page 7, vous dites: «...ainsi que toute autre information utile...» Est-ce que ça laisse entendre que les circonstances, de façon, évidemment, j'imagine, résumée, de l'incident pour lequel un citoyen ou une citoyenne se plaint devraient apparaître sur le formulaire en question?

M. Prud'Homme (Yves): Oui.

M. Lefebvre: Ça ne vous inquiète pas? Est-ce que vous ne trouvez pas ça un peu embêtant que le plaignant, à cette étape-là – peut-être que vous avez raison; je me questionne; je ne suis pas certain si c'est bon ou pas – doive immédiatement, par écrit, dans un formulaire, en présence d'un policier, rédiger l'essentiel de l'incident pour lequel il se plaint à un policier ou à une policière?

M. Cannavino (Tony): On pense que c'est tout à fait normal qu'autant le citoyen s'exprime ou dise clairement quels sont les motifs du litige que le policier qui... Écoutez, imaginez-vous combien d'interventions un policier peut faire dans une journée, multipliez-les par le nombre de mois ou d'années. C'est tout à fait normal aussi qu'il sache pour quelle raison il est cité en déontologie, raison pour laquelle on lui demande d'aller en conciliation.

M. Lefebvre: Non, non. Je comprends, là. Vous, vous réagissez, je comprends, en pensant au policier. Mais là, pour le moment, je suis à penser au citoyen, moi.

M. Cannavino (Tony): Oui, mais il faut quand même expliquer. Puis vous posiez la question, tantôt, à savoir: Est-ce que ce serait peut-être une bonne chose que d'écrire puis d'expliquer au citoyen les objectifs, et c'est quoi, une conciliation, et ce qu'on veut atteindre par une conciliation? Oui, absolument. On n'est pas réfractaire à cette partie-là. D'ailleurs, le conciliateur accrédité qui reçoit le policier et le citoyen, j'imagine qu'en préambule il va expliquer les objectifs de la conciliation.

M. Lefebvre: Je termine, M. le Président. Vous arrivez à la conclusion que ce serait souhaitable et pour le policier lui-même et également pour le citoyen, puis ça ne serait pas un embarras ni pour l'un ni pour l'autre, au contraire.

M. Cannavino (Tony): Absolument pas. La connaissance est importante, là-dedans.

M. Martin (Michel): Il faut peut-être clarifier un point. C'est que le plaignant qui va aller au poste de police pour porter plainte va remplir le formulaire. Il ne dira pas au policier en avant de lui: Je veux porter plainte contre un policier pour telle, telle, telle raison. Il va remplir le formulaire. Le policier devra prendre la preuve que le plaignant lui aura soumise et l'envoyer au commissaire. C'est ce point-là qu'il faut comprendre par rapport au policier dans un poste de police.

M. Prud'Homme (Yves): J'ajouterais, M. le Président, que le policier n'est pas présent. Le citoyen n'a pas non plus à écrire un roman. Le citoyen peut tout simplement, sur le formulaire, en quelques lignes, écrire quelques mots, ou la situation, et immédiatement il faut que ça soit mis sous enveloppe et dirigé au commissaire des plaintes.

M. Lefebvre: Avec copie au plaignant.

M. Prud'Homme (Yves): Avec copie au plaignant. Ça, c'est très facile, il n'y a aucun problème. Je peux vous dire que ça se fait chez nous au moment où on se parle. Nous n'avons aucun problème là-dessus. Évidemment, l'idéal – puis là, peut-être que je ne rejoindrai pas les préoccupations du gouvernement, mais ça impliquerait des coûts – il ne faudrait pas qu'il se présente dans un poste de police. Il faudrait qu'il y ait des bureaux du commissaire un peu partout au Québec. Dans combien de municipalités, M. le Président? Nous en avons combien?

Alors, c'est un peu impensable de songer à une telle avenue. L'idéal, ce serait qu'il ne se présente en aucun moment dans les postes de police. Ça, je partagerais votre option là-dessus. Mais il faut regarder la réalité.

M. Lefebvre: Pour le moment, je n'ai pas d'option, M. Prud'Homme, je questionne.

M. Prud'Homme (Yves): Non, non. Je dis ça de même, là. L'idéal, ce serait qu'il ne vienne pas dans les postes de police.

M. Lefebvre: On a des inquiétudes de notre côté, puis on veut s'assurer que la loi n° 136 va améliorer les choses.

M. Prud'Homme (Yves): Ah oui. Tel qu'elle le donne. Dans la formule...

M. Lefebvre: Pas embourber encore plus le système.

M. Prud'Homme (Yves): C'est ça. Mais, dans la formule actuelle, avec les amendements, avec les modifications que nous vous suggérons d'ajouter au projet de loi n° 136, je peux vous dire que ça va améliorer de beaucoup le processus déontologique. Tantôt, on se posait la question, puis je voulais ajouter cet élément-là. La conciliation, telle qu'elle est suggérée par les trois associations – et j'ai discuté avec les représentants de l'UMQ là-dessus – trois heures de conciliation peuvent éviter trois journées d'audition, et imaginons-nous un peu les coûts. Or, nous croyons fondamentalement que, si ça fonctionne et si vous retenez nos recommandations, ça va engendrer – et là, nous partageons les prétentions du ministre de la Sécurité publique – des économies importantes.

M. Lefebvre: M. le Président, mon temps est écoulé. Moi, ce que je souhaite, c'est que le ministre et les trois présidents qui sont en attente de la réponse du ministre – il y a sept recommandations pour que ça fonctionne. Je suis comme vous trois, j'écoute le ministre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le ministre, oui, il vous restait une minute et demie sur votre temps d'intervention.

M. Perreault: Je vais prendre une minute, M. le Président, pour répondre à l'opposition, qui s'inquiète, qui se dit inquiète. Elle s'inquiétait, entre autres, de savoir si j'étais capable d'entendre, si je n'étais pas sourd. Alors, je peux rassurer l'opposition: j'entends, je ne suis pas sourd, loin de là. Non. Je crois que plusieurs des recommandations... Je suis bien conscient que vous croyez à la totalité des recommandations. J'en suis bien conscient, mais je pense que, dans la plupart des cas, ces recommandations sont tout à fait recevables. On va les analyser, on va les regarder dans le détail, on va rencontrer d'autres gens cet après-midi. Mais je pense qu'elles sont recevables. Elles sont de nature, me semble-t-il, à bonifier le projet de loi qui est devant nous.

Encore une fois, je voudrais vous remercier pour la qualité du travail fait. Évidemment, vous représentez un point de vue très différent – et là, je suis bien conscient – de celui qu'on a entendu de la part des directions des corps policiers. On verra cet après-midi. Il faudra voir un peu certaines autres remarques qui nous ont été faites également. Mais je dois dire que, pour l'essentiel de votre mémoire, ça me semble un mémoire qui est bien réfléchi, et je voudrais vous remercier.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, messieurs, nous vous remercions de votre présentation. Nous nous excusons aussi des quelques contretemps qu'on a eus au niveau de l'horaire. Nous vous souhaitons un bon après-midi.

M. Cannavino (Tony): M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés, on vous remercie de votre attention. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci bien, et bienvenue à une prochaine. Maintenant, compte tenu du décalage horaire qu'on a eu, nous reprendrions plutôt nos travaux à 14 h 15. Mais je demanderais à tous les membres de la commission d'être présents pour 14 h 15.

(Suspension de la séance à 13 h 22)

(Reprise à 14 h 23)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, nous reprenons nos travaux. Alors, je rappelle le mandat de la commission: poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police en matière de déontologie policière.

Cet après-midi, nous recevons donc dès maintenant les représentants du Protecteur du citoyen; à 15 h 15, la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Grand Montréal; à 16 h 15, la Communauté urbaine de Montréal. Il y aura ensuite les remarques finales.

J'invite donc les représentants du Protecteur du citoyen. Madame, messieurs, je vous souhaite la bienvenue et je vous inviterais, pour les fins d'enregistrement de nos échanges, à vous identifier au moment où vous prenez la parole.


Protecteur du citoyen

M. Meunier (Jacques): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, le Protecteur du citoyen, Me Daniel Jacoby, me prie de bien vouloir vous demander d'excuser son absence cet après-midi. Il est présentement retenu au bureau par la visite de délégations étrangères qui ont participé, cette semaine, au premier congrès des ombudsmans et médiateurs de la francophonie à Québec. Je suis Jacques Meunier. Je suis l'adjoint du Protecteur du citoyen. J'ai, à ma gauche, ici, Me Francine Dufour et, à ma droite, Me Patrick Robardet.

Encore une fois, à l'occasion de commentaires au sujet d'un projet de loi à l'étude devant l'Assemblée nationale, le Protecteur du citoyen doit déplorer le fait que le projet en cause, présenté l'avant-veille de l'échéance du 15 mai, soit, en toute hâte, soumis à des consultations publiques sélectives à travers les multiples activités parlementaires d'une fin de session. Compte tenu de l'autorité et des pouvoirs exceptionnels démocratiquement conférés aux policiers, la déontologie policière et le contrôle de son application à l'égard des citoyens constituent des éléments essentiels de la qualité du fonctionnement de notre organisation en société. Il importe donc que tout soit mis en oeuvre non seulement pour former des policiers conscients de leur devoir envers les citoyens, mais également pour établir des mécanismes de contrôle de leur conduite crédibles, efficaces et susceptibles de contribuer avantageusement au développement de la confiance la plus entière que tout citoyen devrait pouvoir avoir envers ces personnes garantes de sa sûreté ou officiers de justice. La voix du citoyen étant bien peu organisée en cette matière, les parlementaires qui les représentent ont ici un devoir majeur de bien soupeser, à l'aune des droits fondamentaux des citoyens, chaque aspect de la réforme du système de déontologie policière proposée par le projet de loi n° 136. Le Parlement, assisté du plus grand nombre d'intervenants, doit prendre les moyens de rassurer les citoyens quant à la confiance qu'ils doivent pouvoir accorder aux forces policières.

Dans son rôle de réformateur en matière de protection des droits des citoyens, le Protecteur du citoyen a toujours porté un intérêt attentif à la déontologie, c'est-à-dire aux règles et devoirs qui gouvernent la conduite des professionnels, des fonctionnaires, des policiers et des dirigeants publics dans leurs rapports avec ceux et celles qui leur font confiance. En matière de déontologie policière, le Protecteur du citoyen, sur la base de son expérience des plaintes qui lui avaient été adressées, profitait du cinquième anniversaire du Comité de déontologie policière, en 1996, pour exprimer le point de vue du citoyen sur le régime. Il reprenait ses commentaires quelques mois plus tard à l'invitation de M. Claude Corbo à qui le ministre de la Sécurité publique avait confié le mandat de lui faire des propositions de réforme.

Très sommairement, soulignons que, du début de l'année 1991 à l'automne 1996, le Protecteur du citoyen a été saisi 111 fois de difficultés en matière de déontologie policière. Ces plaintes ont révélé cinq grands sujets de préoccupation des citoyens: d'abord, les lacunes de l'information en la matière; l'accessibilité réduite aux mécanismes de déontologie policière – on pense à la brièveté et la rigueur des délais accordés aux citoyens; ensuite, les retards et lenteurs du système; la faible crédibilité de celui-ci; et l'insatisfaction de plaignants à l'égard des décisions rendues. 52,2 % des plaintes considérées fondées portaient sur les délais, 30 % sur le manque de crédibilité du processus et 17 % sur le caractère inaccessible du mécanisme. Au sujet de l'insatisfaction à l'égard des décisions rendues, il ne nous a pas été possible d'en apprécier le bien-fondé, puisque le Protecteur du citoyen ne peut siéger en révision des décisions du Commissaire ou du Comité. Quant aux problèmes liés aux lacunes de l'information, ils ont pu être constatés par la nature et la fréquence des demandes de renseignements qui nous ont été adressées par des personnes qui ignoraient l'existence du recours au Commissaire ou la procédure à suivre pour le saisir d'une plainte.

Dans l'ensemble, la solution aux diverses préoccupations des citoyens en matière de déontologie policière devra venir avant tout de la réelle volonté gouvernementale d'accorder au régime les moyens de devenir connu, accessible, efficace et plus apte à répondre aux attentes légitimes des citoyens. À cet égard, le projet de loi n° 136 que nous nous apprêtons à commenter plus en détail semble, malgré de sérieuses lacunes, inspiré par un tel objectif. D'importantes questions se posent cependant quant au fonctionnement éventuel du régime, et nous avons de sérieuses raisons de craindre que le traitement des plaintes ne puisse encore s'effectuer à distance raisonnable des corps de police et, tout particulièrement, des corps de police en cause. Une indépendance réelle, visible même, demeurera toujours l'élément fondamental d'un système de recherche de la vérité.

Même amélioré comme nous espérons qu'il le sera après analyse et modification du projet, le système n'aura en outre ses véritables crédibilité et efficacité que si l'État consent à y consacrer les ressources financières qu'il exige. En effet, non seulement le ministre de la Sécurité publique devrait-il prendre des mesures afin de mieux faire connaître au public les règles déontologiques applicables aux policiers et les moyens d'en contrôler le respect, mais il devrait aussi accorder au Commissaire, représentant du citoyen, les fonds lui permettant d'affronter d'égal à égal les procureurs du policier visé par une plainte. Le déséquilibre des forces à cet égard contribue au doute qui perdure chez les citoyens quant à la possibilité que la vérité puisse voir le jour lorsqu'une enquête porte sur la conduite d'un policier.

Un autre élément du déséquilibre des forces en présence, élément lui aussi générateur de scepticisme sinon de scandale à l'endroit du régime, se trouve dans le droit au silence dont bénéficie le policier visé par une plainte. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet, à l'occasion des commentaires particuliers que nous entreprendrons maintenant de faire sur les principales dispositions du projet de loi et les quelques additions que nous souhaiterions y voir. Certains de ces commentaires particuliers seront d'ordre technique, mais, dans l'ensemble, nos commentaires visent la substance des dispositions du régime de déontologie policière.

(14 h 30)

L'article 1 du projet a pour effet de réduire de trois à un le nombre de commissaires adjoints pouvant être nommés par le gouvernement. Même si, selon l'ensemble des modifications proposées, il nous faut conclure que le Commissaire et son adjoint n'effectueront des enquêtes qu'à la demande du Comité de déontologie ou, possiblement, du ministre, nous avons de sérieux doutes que ces deux personnes ne puissent suffire à l'ensemble de la tâche qui leur sera désormais confiée par la loi. Ceci pourrait avoir pour effet d'amoindrir la qualité et l'efficacité du travail accompli par ces personnes et ainsi porter sérieusement atteinte aux attentes légitimes des citoyens en cause dont le rôle est limité à porter plainte, à participer obligatoirement à une conciliation et, éventuellement, à agir comme témoin dans le processus d'enquête.

L'article 8 du projet de loi vise notamment la non-contraignabilité des enquêteurs et des conciliateurs en matière de déontologie policière sous réserve des règles de preuve en matière criminelle, dont la Loi sur la preuve au Canada. On s'étonnera de cette non-contraignabilité quand, d'autre part, les enquêteurs et les conciliateurs de même que les membres de leur personnel ne sont en aucun endroit tenus de prêter le serment de confidentialité imposé au Commissaire et à son adjoint. En d'autres mots, ils ne peuvent être contraints à témoigner, mais ils peuvent tout révéler, ce qui est tout à fait incompatible avec leurs fonctions.

L'article 9 se veut innovateur en permettant désormais à toute personne d'adresser sa plainte relative à la conduite d'un policier dans l'exercice de ses fonctions soit au Commissaire à la déontologie policière, soit à tout corps de police. Selon l'article 51.1 proposé par l'article 10 du projet, les membres du personnel du Commissaire et ceux du corps de police devront prêter leur assistance pour la formulation de la plainte, aider le plaignant à identifier les éléments de preuve qu'il devra apporter à l'appui de sa plainte et assurer la conservation des documents et des éléments de preuve recueillis par le plaignant. Ne serait-il pas plus prudent de réserver ce rôle uniquement au Commissaire et à son personnel, quitte à faire obligation à tout corps de police et à son personnel d'informer le plaignant du recours au Commissaire et des moyens de l'en saisir? Toute possibilité d'intervention du corps de police intéressé dans la plainte et la preuve du plaignant risque de mettre en péril les droits du plaignant et de miner gravement la confiance de celui-ci à l'égard du traitement éventuel de sa plainte. Sans doute le plaignant peut-il adresser sa plainte directement au Commissaire, mais, si la disposition proposée est retenue, on peut facilement imaginer que les corps de police s'en prévaudront et même que le bureau du Commissaire pourrait trouver administrativement plus simple d'inviter le plaignant à s'adresser au corps de police en cause. Voilà pourquoi, considérant qu'il ne saurait en résulter des complications particulières pour le citoyen, nous estimons que toute plainte devrait être adressée uniquement au tiers indépendant que constitue le Commissaire.

L'article 51.1 proposé par l'article 10 devrait prévoir que l'obligation de porter assistance au plaignant s'applique également au Commissaire et à son adjoint. Je réfère ici à des précédents qui existent même dans la Loi sur le Protecteur du citoyen à l'article 21. De plus, l'information prévue au dernier alinéa de l'article 51.1 devrait être corrigée afin de tenir compte de l'important devoir du Commissaire de réserver à sa juridiction certaines catégories de plaintes, auquel cas la plainte ne sera pas soumise à la conciliation.

L'article 51.2 proposé par l'article 10 prévoit que la personne qui reçoit la plainte doit, dans les cinq jours de sa réception, en acheminer copie au commissaire ainsi qu'au directeur du corps de police concerné avec copie de la preuve recueillie. Quelques questions se posent ici. Cinq jours suffiront-ils à la cueillette des documents et éléments de preuve à transmettre au Commissaire? Quelle sera la sanction du défaut de respecter ce délai? Pourquoi une copie de la plainte n'est-elle pas acheminée à l'employeur concerné? À tout le moins, lorsque le policier ou constable spécial ne relève pas d'un directeur, l'employeur du policier a, certes, intérêt à être informé de cette plainte, d'autant plus qu'il sera appelé à défrayer certains honoraires et dépenses.

L'article 51.3 proposé par l'article 10 prévoit que le Commissaire saisi d'une plainte doit désigner le conciliateur s'il y a lieu. Aucune disposition de la loi ou du projet ne nous indique qui pourra agir ainsi comme conciliateur. Quelles qualifications seront exigées de celui-ci et comment se fera cette désignation? De plus, même si l'article 58.5 établit un délai en fonction de la date de transmission de la plainte par le Commissaire, rien ne prévoit cette transmission ni ne précise si les documents et éléments de preuve recueillis sont également transmis au conciliateur. De plus, on aura noté – et là c'est une question de terminologie – l'utilisation du terme «juridiction», alors que, ailleurs dans la loi, on fonctionne avec le terme «compétence», ce qui peut entraîner des discussions d'interprétation.

L'article 51.5 proposé par l'article 10 impose la conciliation, sauf lorsque le Commissaire réserve la plainte à sa juridiction, comme il doit le faire en vertu de l'article 51.4. Comme en matière de séparation ou de divorce, la conciliation portant sur une plainte en matière de déontologie policière peut difficilement être imposée, notamment au plaignant, qui peut avoir de bonnes raisons de craindre l'affrontement du policier dont il se plaint de la conduite. Puisque, en vertu de l'article 17 du projet, le Commissaire pourra rejeter la plainte du plaignant qui refuse de participer à la conciliation sans motif valable, il serait important que le législateur indique expressément au Commissaire et au plaignant en quoi peut consister un tel motif valable de refuser la conciliation. Toute rigueur dans l'application de cette règle, d'autant plus que les parties n'auront pas le choix du conciliateur, pourrait avoir pour effet d'éliminer des plaintes sérieuses ou de favoriser l'organisation de conciliations vouées à l'échec.

On doit également s'interroger à savoir comment se déroulera la conciliation lorsque la plainte d'un citoyen aura pour objet le comportement de plusieurs policiers. Un tel cas ne devrait-il pas être visé par l'article 51.4 et être réservé à la juridiction du Commissaire? De plus, la loi ne devrait-elle pas prévoir que le policier ou constable spécial doit se présenter à la conciliation en tenue civile, comme cela est prévu pour les comparutions devant le Comité de déontologie policière en vertu de l'article 26 de ses règles de preuve, de procédure et de pratique? Enfin, la transparence du système ne voudrait-elle pas que le plaignant soit informé avant la conciliation des conséquences du règlement pouvant résulter d'une conciliation, notamment en ce qui concerne la disparition de la plainte, aussi fondée soit-elle, du dossier du policier en cause? Ce fait non seulement peut s'avérer inquiétant pour le plaignant, mais est peu susceptible de contribuer au contrôle futur du comportement du policier en cause.

L'article 11 a pour objet de réduire de deux ans à un an la prescription du droit de porter plainte et de préciser que ce délai court à compter de la date de l'événement donnant lieu à la plainte. Si le législateur juge bon de réduire ce délai, il devrait en profiter pour préciser qu'il court à compter de la date de la connaissance de l'événement. On peut penser, par exemple, à des situations où un policier a dévoilé illégalement des informations concernant le plaignant ou d'autres situations où le plaignant ne peut facilement identifier le policier en cause.

Au sujet de l'article 58 proposé par l'article 15 du projet, nous rappelons le commentaire que nous faisions plus haut concernant l'absence de précisions sur les qualifications attendues d'un conciliateur en matière de déontologie policière. Des personnes sont exclues de la possibilité d'exercer cette fonction – les policiers et les ex-policiers – mais qui pourra agir comme conciliateur?

Je passe à l'article 17 qui propose l'article 65. Cet article autorise le Commissaire à refuser de tenir une enquête si, à son avis, le plaignant refuse sans motif valable de participer à la conciliation. Je soulignais tantôt que la notion de «motif valable» n'est nulle part précisée, et il y a lieu de rappeler ici le commentaire que je faisais justement plus haut et la nécessaire souplesse dont devra faire preuve le Commissaire dans l'appréciation du motif, d'autant plus que, selon le projet, et à tort selon nous, comme nous le soulignerons ci-après, il sera le seul à en décider.

L'article 18 du projet instaure l'autorévision par le Commissaire de ses décisions de refuser de tenir une enquête ou de mettre un terme à celle-ci. Le pouvoir, jusqu'ici attribué au Comité de déontologie, de réviser ces décisions du Commissaire disparaît. De plus, le plaignant ne pourra désormais demander la révision de ces décisions que s'il soumet des faits ou des éléments nouveaux. Puisque le Commissaire n'aura ni vu ni entendu les témoins et aura pris sa décision sur la base du rapport de l'enquêteur désigné et puisqu'il s'agit ici de décisions portant sur la possibilité qu'une plainte soit traitée, il nous apparaît essentiel que le recours soit confié à un tiers indépendant, d'autant plus que ce recours devrait maintenant s'étendre à l'appréciation du motif invoqué par le plaignant pour ne pas vouloir participer à la conciliation qui lui est imposée.

Au sujet des enquêteurs, maintenant, le projet prévoit que, dans les 15 jours de sa décision de tenir une enquête, le Commissaire désigne une personne pour agir à titre d'enquêteur. Cette disposition s'applique à tous les cas où le Commissaire a décidé de la tenue d'une enquête, y compris au sujet des plaintes qu'il a réservées à sa juridiction en vertu de l'article 51.4. C'est donc dire que, contrairement à ce que prévoit l'article 67 actuel, d'ailleurs modifié par l'article 19 du projet, le Commissaire n'assume plus la tenue d'enquêtes. La crédibilité des enquêtes dépendra donc de la crédibilité des enquêteurs éventuellement désignés. Or, ici encore, comme pour les conciliateurs, le projet de loi se limite à exclure certaines personnes, c'est-à-dire un policier ou un ex-policier du service de police impliqué, et n'indique pas quelles seront les qualifications d'un enquêteur et qui lui reconnaîtra ce statut. De plus, ces enquêteurs ne devraient-ils pas bénéficier des pouvoirs et de l'immunité d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête?

(14 h 40)

Je passe rapidement sur certains autres commentaires, puisque je vois le temps passer plus vite encore. Vous avez les commentaires devant vous. J'insisterais peut-être, en passant, sur l'article 26 du projet en ce qui concerne le délai pour la demande de révision. Nous estimons qu'il devrait être porté à 30 jours, et les motifs pour lesquels nous faisons cette recommandation-là sont exprimés dans notre mémoire.

Je m'arrête rapidement sur ce que nous considérons la faille gigantesque que constitue l'article 87 de la loi en matière de déontologie policière. En effet, alors que l'article 85 interdit à toute personne d'entraver le travail du commissaire ou d'un enquêteur, de les tromper, de refuser de leur fournir un renseignement ou un document, de refuser de leur laisser en prendre copie, de cacher ou de détruire un tel document et alors que les articles 84 et 86 affirment les pouvoirs d'enquête des enquêteurs et du commissaire, l'article 87 édicte que ces articles 84 à 86 ne s'appliquent pas à l'encontre d'un policier qui fait l'objet d'une plainte. En somme, le policier visé par une plainte a droit au silence le plus complet et il pourrait impunément entraver l'enquête, tromper l'enquêteur et cacher ou détruire des documents. Cette situation privilégiée du policier, sans précédent en matière de déontologie, fausse complètement l'équilibre du système. On ne saurait sérieusement viser l'amélioration d'un système de déontologie policière tout en maintenant semblables dispositions diamétralement opposées à toute recherche de vérité. M. le Président, il me reste...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il reste deux minutes.

M. Meunier (Jacques): Deux minutes, oui. Dans mes commentaires particuliers, j'insisterais peut-être aussi sur l'article 30 du projet de loi concernant les avocats admis au Barreau depuis au moins 10 ans pour les membres à temps plein. Et on permet que les membres à temps partiel n'aient qu'une expérience de cinq ans au Barreau. Nous nous étonnons que les qualifications exigées, aussi minimes soient-elles selon les dispositions de la loi, varient en fonction du caractère de la nomination, alors, pourtant, que la fonction, sauf pour le président et le vice-président, est la même. Tous les membres devraient avoir été admis au Barreau depuis au moins 10 ans. La crédibilité et l'autorité du Comité en dépendent, d'autant plus que, selon l'article 107.1, le Comité siégera toujours à un seul membre.

Je conclus. Après l'analyse du projet de loi n° 136, nous reconnaissons volontiers les efforts entrepris et manifestés en vue de remédier à certains des problèmes que nous avons pu constater, comme l'ont d'ailleurs également fait M. Corbo et plusieurs autres, dans l'application de notre système de déontologie policière. Cependant, soucieux avant tout de la crédibilité de ce système, nous devons déplorer que le projet de loi ne nous renseigne pas mieux sur certains de ces principaux acteurs, les conciliateurs et les enquêteurs.

De plus, nous souhaitons vivement que certaines autres corrections soient apportées au projet de loi dans le sens de nos propositions afin que, lorsqu'il se trouve dans une situation donnant ouverture à l'application du régime de déontologie policière, le citoyen ne soit pas indûment dissuadé d'exercer ses droits par des contraintes ou des embûches déraisonnables mais, au contraire, puisse plus facilement éprouver le sentiment de transparence et de justice auquel il aspire. La grande majorité des policiers comprennent et assument bien leur rôle de serviteurs publics, mais, quand le citoyen vit des circonstances qui le mettent en contact direct avec des policiers déviants, il est fondamental pour la survie de la démocratie qu'il dispose de moyens facilement accessibles, crédibles et efficaces pour faire reconnaître et corriger cette déviance. Même en période de ressources financières restreintes, un engagement réel de l'État s'impose à cette fin, car la surveillance civile des personnes composant la force publique est, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'une des conditions essentielles de la garantie des droits de l'homme et du citoyen. Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci, Me Meunier. J'inviterais maintenant M. le ministre à débuter cet échange.

M. Perreault: Oui, M. le Président. Alors, d'abord remercier les représentants du Protecteur du citoyen d'être ici, aujourd'hui, avec nous. Effectivement, c'est un mémoire qui aborde plusieurs questions, plusieurs articles du projet de loi. Je vais essayer d'y aller par les quelques notes que j'ai prises. D'abord, est-ce que je comprends bien votre position concernant la question des plaignants et de l'endroit où ils peuvent loger leurs plaintes? Vous avez comme position le principe qui dit: le plus loin possible du service policier. Est-ce que je comprends bien? Parce que, tantôt, on a également entendu les policiers, et ils proposaient un certain nombre d'amendements au projet de loi pour bien distinguer le rôle, en quelque sorte, de boîte à lettres d'un rôle plus important que pourrait leur confier, en tout cas, le projet de loi au service d'accueil du corps de police. Est-ce que je dois comprendre que vous n'êtes pas nécessairement opposés à l'idée que le poste de police puisse servir éventuellement de boîte à lettres pour le Commissaire?

M. Meunier (Jacques): C'est-à-dire que nous ne souhaitons pas ça. Tout ce que l'on voudrait, c'est que le poste de police serve à des renseignements si, par exemple, le citoyen s'adresse à son directeur de police ou à un autre policier ou même à du personnel du poste de police, à savoir à qui je peux m'adresser pour me plaindre de la conduite de tel ou tel policier de ce service-là. Et il nous semble que ces personnes devraient avoir l'obligation de donner les informations adéquates au citoyen en cause.

D'autre part, de là à prévoir que le poste de police puisse servir de porte d'entrée, en fait, des plaintes du citoyen à l'endroit des corps de police, d'autant plus que la loi prévoit justement que le citoyen a droit à ce moment-là à, un peu, monter le dossier avec le policier à qui il s'adresse pour porter sa plainte, nous pensons que ça devrait se faire directement auprès du Commissaire et de son personnel. On ne pense pas qu'il y ait là des complications particulières pour le citoyen qui auraient pour effet de le dissuader de porter sa plainte et on pense que c'est une saine prudence, ne serait-ce que pour éviter qu'un citoyen, éventuellement, se plaigne à tort ou à raison, en fait, que les policiers qui ont manipulé ou qui l'ont aidé à préparer sa plainte lui ont peut-être joué des tours ou ont peut-être contribué à la disparition de documents.

M. Perreault: O.K. Merci. La deuxième question que j'ai, c'est à la page 6 de votre mémoire. Vous dites: Est-ce que la transparence du système ne voudrait pas que le plaignant soit informé avant la conciliation que, parmi les conséquences pouvant résulter d'une entente, c'est la disparition de la plainte également du dossier du policier? Pourquoi c'est important que le plaignant le sache?

M. Meunier (Jacques): Parce qu'on les connaît, les citoyens et on sait ce dont ils ont l'habitude de se plaindre. Le citoyen qui se plaint contre un policier et qui, tout à coup, apprend par la suite que c'est ça qui est survenu après la conciliation, une fois sur deux, il viendra s'en plaindre. Quel mal y a-t-il à ce qu'il le sache? C'est sûr que, s'il le sait, ça ne favorisera peut-être pas nécessairement la conciliation, mais je pense que ça fait partie de la transparence d'un système. Le citoyen qui porte une plainte, il ne porte pas la plainte pour que, nécessairement, tout s'efface après même, en fait, que les faits ont été démontrés. Vous allez avoir certains citoyens qui n'y verront peut-être pas d'objection, mais, d'autre part, il y aura d'autres citoyens qui en ont long à redire sur le policier à qui ils ont eu affaire et qui n'accepteront pas facilement de constater tout à coup que, après s'être prêtés le plus bénévolement et avec la plus grande ouverture à une conciliation, ça mène tout simplement à faire en sorte qu'on n'en parle plus jamais.

M. Perreault: M. le Président, d'emblée, je dois dire que certaines des suggestions que vous faites méritent, je pense, d'être regardées. Par exemple, vous parlez de la question du costume, bon, des choses semblables. D'autres gens avant vous l'ont souligné également. Par contre, je vais aller à ce que vous avez appelé le coeur de vos préoccupations. Le projet de loi actuel ne modifie pas l'article 85 de la loi...

M. Meunier (Jacques): C'est vrai.

(14 h 50)

M. Perreault: ...telle qu'elle a été faite. Je n'étais pas là au moment où ça a été fait. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance du rapport de M. Corbo sur la question. Dans le fond, votre principale préoccupation, c'est de dire que le policier n'est pas tenu, en quelque sorte, de s'expliquer au moment où il est convoqué. Vous considérez ça comme tout à fait discutable. Par contre, au rapport Corbo, à la page 77, celui-ci disait ceci: «Le policier doit, d'une part, être obligatoirement présent dans le processus de conciliation qu'on met de l'avant, mais il doit également être assuré de toutes les garanties nécessaires à la sauvegarde de ses droits. En d'autres termes, nul policier ne doit être obligé de s'incriminer dans le cadre du processus de conciliation.» J'aimerais vous entendre sur comment, vous autres, vous voyez ça.

M. Meunier (Jacques): Je répondrai très rapidement là-dessus. Si vous prenez la situation du pire malfrat qui est convoqué à comparaître devant un coroner et qui fait ou fera l'objet de plaintes au criminel, rien dans la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès ne va lui accorder le droit de se taire, et il témoignera à ce moment-là sous la protection de la loi. La situation du policier dans le régime de déontologie policière est une situation unique, et il y a certainement des moyens de protéger les droits du policier dans notre système de droit, comme ça existe dans d'autres domaines. Il pourrait tout simplement être appelé à témoigner sous la protection de la loi, comme les autres le font. Et c'est d'un paradoxe incroyable, en fait, que le Commissaire, ou que le Comité de déontologie, ou que la Cour du Québec soient appelés à étudier un dossier dans la recherche de la vérité, alors que la principale personne impliquée, qui fait l'objet de la plainte, a le pouvoir de se taire complètement et pourrait même – je dis bien pourrait même – se permettre de détruire des preuves, faire des choses qui ne sont absolument pas permises à personne. Mais c'est surtout son silence qui compte.

M. Perreault: Je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas quand même d'autres lois qui pourraient jouer. Cela dit, est-ce que vous aviez fait des représentations en 1988, le Protecteur du citoyen, au moment de l'adoption de la loi? Parce que la loi a été adoptée, je pense, en 1990. Parce que, dans le fond, il s'agit de dispositions qui sont déjà dans la loi. Quelle était la position du Protecteur du citoyen au moment où toutes ces questions ont été débattues?

M. Meunier (Jacques): Si ma mémoire est fidèle, je ne me souviens pas qu'on soit intervenu sur cette question. Mais là je me réfère simplement à ma mémoire, c'est une chose que je n'ai pas vérifiée.

M. Perreault: C'est tout pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, je voudrais saluer Me Meunier, Mme Dufour et monsieur qui est à la gauche de Me Meunier...

Une voix: Me Robardet.

M. Lefebvre: ...vous saluer tous les trois et, encore une fois, vous remercier du travail que vous avez fait et du mémoire que vous avez remis à l'attention des membres de la commission. C'est extrêmement important, évidemment, que le Protecteur du citoyen soit entendu dans le cadre d'une discussion comme celle-là. S'il y a un intervenant, quant à nous, qui est extrêmement important quant à son expertise et à ses commentaires, c'est le Protecteur du citoyen, pour s'assurer que, en tout temps, les citoyens et citoyennes du Québec verront leurs droits protégés, surtout lorsque le législateur intervient pour modifier des structures existantes. Ce qu'on souhaite, du côté de l'opposition, c'est améliorer, évidemment, la situation.

Vous avez, Me Meunier, avec raison, et ça apparaît dans votre texte, et vous en avez donné lecture, du premier paragraphe où vous déplorez le fait que – et, d'ailleurs, j'ai eu l'occasion de le reprocher au ministre et à son gouvernement – tout juste avant l'échéance du 15 mai, le projet de loi n° 136 est tombé. Du côté de l'opposition on sait pourquoi, M. le Président. Peut-être que le ministre de la Sécurité publique ne l'avait pas réalisé, mais le ministre des Finances puis le président du Conseil du trésor, eux, ils le savaient puis ils l'avaient compris. Et, dès le moment où le président du Conseil du trésor et son complice, le ministre des Finances, ont eu cinq minutes pour prendre connaissance de ce qu'il y avait au menu législatif ou des intentions quant au menu législatif, dès le moment où on a jeté un coup d'oeil sur le projet de loi n° 136, du côté du Trésor et des Finances, on a compris que ce projet de loi, s'il devenait loi, aurait un impact budgétaire positif pour le gouvernement du Québec et négatif pour les municipalités du Québec. On a compris que, en mettant en place la conciliation en matière de déontologie policière, ça permettrait au gouvernement du Québec de refiler une bonne partie de la note à laquelle sont confrontés et les municipalités et le gouvernement du Québec dans le système actuel.

Alors, on institue, on met en place la conciliation obligatoire, avec nécessité pour les employeurs que sont les municipalités... Puis ça apparaît à l'article 58.1. Alors, l'article 15 vise à ajouter 58.1 à 58: «Les honoraires et les dépenses des conciliateurs sont remboursés par l'employeur du policier visé par la plainte selon les taux établis par le ministre.» Alors, le ministre, M. le Président, fait d'une pierre deux coups. Il met en place le processus de conciliation, et non seulement il met en place la conciliation, mais il la rend obligatoire. Alors, c'est d'une pierre trois coups: conciliation, conciliation obligatoire et coûts de la conciliation absorbés par l'employeur que sont les municipalités.

Alors, imaginez-vous, quand le ministre des Finances puis le président du Conseil du trésor ont eu cinq minutes pour prendre connaissance du projet de loi n° 136. Le ministre de la Sécurité publique n'était pas trop pressé, lui, il se traînait les bottines un peu. On l'a réveillé comme il faut puis on lui a dit: On veut le n° 136 parce que ça a des impacts financiers à l'avantage du gouvernement du Québec puis ça va tomber encore une fois dans la cour des municipalités. Est-ce que ça s'ajoutera au 500 000 000 $, tout comme le transport des prisonniers? Le ministre a rassuré les municipalités ce matin, là. On verra s'il ne se fera pas rappeler à l'ordre par le président du Conseil du trésor et le ministre des Finances. Mais, à l'intérieur du projet de loi n° 136, il y a définitivement une intention du gouvernement de refiler la facture, pour encore quelques millions, de la conciliation aux municipalités du Québec.

Vous, Me Meunier, faites un parallèle, lorsque vous traitez de la conciliation à la page 5 de votre mémoire, entre la conciliation en matière de séparation et de divorce et la conciliation en déontologie policière. Vous le reprochez au ministre avec politesse, puis je le comprends, de rendre la conciliation obligatoire. Je voudrais – c'est ma première question, Me Meunier – j'aimerais que vous me résumiez quelles sont vos appréhensions quant au fait que la conciliation soit obligatoire. Si, en matière de divorce et de séparation, la conciliation doit être volontaire parce qu'on comprend que de mettre face à face des conjoints qui ont eu souvent des difficultés extrêmement difficiles à vivre, à plus forte raison, d'imposer à un plaignant, en matière de déontologie policière, le processus de la conciliation face au policier ou à la policière avec lequel ou laquelle ce citoyen-là a eu des problèmes très sérieux... Alors, vous faites un parallèle parce que vous arrivez à la conclusion que c'est que ou ce sera invivable pour la victime présumée. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus et je conclus ce volet-là de mon intervention en vous disant: Me Meunier, ne comptez pas sur le ministre pour modifier le cours des choses. La conciliation, elle est obligatoire, puis , malheureusement, il ne changera pas d'idée parce qu'il y a des questions d'argent là-dedans.

Ceci étant dit, prenez pour acquis qu'il ne modifiera pas le projet de loi et dites-moi, dans les circonstances, si on doit vivre avec la conciliation obligatoire, ce qu'on pourrait introduire dans le projet de loi qui rendrait la situation vivable, à tout le moins pour les victimes qui auront à subir la conciliation, sauf exception, et, d'ailleurs, vous en parlez dans votre mémoire, qui apparaît au bon vouloir du Commissaire. C'est la conciliation obligatoire avec le pouvoir arbitraire du Commissaire qui l'utilisera, j'en suis convaincu, de façon extrêmement, extrêmement parcimonieuse. Ça va être la conciliation obligatoire. Je voudrais vous entendre sur les conséquences de ce nouveau mécanisme qu'on introduit. Tout le monde est d'accord pour la conciliation, mais tout le monde a des réserves quant à la façon de la mettre en place puis de l'amener comme on le fait dans le projet de loi n° 136.

(15 heures)

M. Meunier (Jacques): Je m'empresse tout de suite de préciser que le Protecteur du citoyen est favorable à la conciliation. Dans un premier temps, les problèmes qui se règlent par conciliation sont certainement recherchés par le Protecteur du citoyen, c'est-à-dire que nous sommes d'accord avec la conciliation.

Notre inquiétude par rapport au caractère obligatoire, c'est, entre autres, parce que c'est relié au fait que la plainte pourra être rejetée par le commissaire parce que le citoyen n'aura pas eu un motif valable de s'y opposer. La loi telle qu'elle est présentement, la Loi sur l'organisation policière, les recours qui existent en matière de déontologie policière sont plutôt favorables à permettre que le commissaire cite un policier devant le Comité, c'est-à-dire qu'il y a une certaine ouverture, quand même, à ça qui existe présentement. Mais, si le commissaire peut rejeter la plainte parce qu'il estime que le citoyen n'a pas de motif valable de refuser de participer à la conciliation, je pense qu'il faut se poser de sérieuses questions, à savoir: Qu'est-ce que sera ce motif valable? Parce qu'il y en aura certainement. Et c'est là que je donnais un peu l'exemple de la médiation en matière familiale. Et on peut même y ajouter là-dessus, en disant que deux conjoints sont un peu deux personnes égales, plus égales, mais un citoyen et un policier, ce ne sont pas deux personnes égales. Aux yeux du citoyen, le policier...

M. Lefebvre: Il est en autorité.

M. Meunier (Jacques): ...est toujours plus fort que lui...

M. Lefebvre: Il est en autorité.

M. Meunier (Jacques): ...et, aux yeux du policier, le policier se considère plus fort que le citoyen. Alors là, il y a un rapport de force qui se prête mal à une conciliation, à moins qu'il n'y ait quand même une certaine volonté de la part des parties de la faire réussir.

Ce que nous craignons, c'est que la conciliation obligatoire, d'une part, mène peut-être à des opérations – passez-moi l'expression – de conciliation vouées à des échecs, et justement parce qu'il manque de prérequis pour donner des chances que ça fonctionne, ou que, d'autre part, des gens perdent vraiment leur droit de se plaindre parce qu'on aura été peut-être trop rigoureux quant à l'appréciation du motif valable qu'ils ont de refuser de participer à la conciliation. Mais, je le répète, nous sommes favorables à la conciliation, nous voudrions que la conciliation marche, mais nous ne voulons pas que les citoyens qui ont des plaintes à porter risquent trop sérieusement, en fait, de perdre des droits simplement parce qu'on aura peut-être abouti à une application un peu trop rigide de cette conciliation obligatoire.

M. Lefebvre: Me Meunier, on est d'accord, du côté de l'opposition également, qu'on introduise la conciliation. Ce sur quoi on a des réserves et des inquiétudes, c'est sur le fait que la conciliation soit obligatoire. Et ce serait effectivement faire de l'opposition négative que de refuser de vérifier la conciliation comme processus nouveau, plus moderne, pour désengorger, à tout le moins – parce qu'il y a plus ou moins 1 000 plaintes en suspens au moment où on se parle – le système. C'est le caractère obligatoire avec, entre autres, les conséquences auxquelles vous faites référence, qui nous rend inquiets du côté de l'opposition.

Dans votre mémoire, vous concluez, Me Meunier, avec un sommaire de vos propositions; il y a 21 propositions, que l'on peut évidemment lire dans le détail à l'intérieur de votre texte et que vous résumez à la toute fin. Alors, moi, ce que je comprends, la lecture que je fais de votre mémoire, c'est que vous reconnaissez que le législateur, par le biais du ministre de la Sécurité publique, a un objectif louable. Cependant, vous indiquez, à la page 2, qu'il y a de sérieuses lacunes. Et les lacunes auxquelles vous faites référence, moi, je les retrouve à l'intérieur des 21 propositions qui apparaissent à la fin de votre document.

Est-ce à dire, Me Meunier, que si l'ensemble des propositions que vous faites, des recommandations, des modifications que vous faites au projet de loi n° 136 n'étaient pas retenues par le ministre, on se retrouvera finalement avec quelque chose qui ne veut rien dire: un peu de blabla à l'intérieur d'une trentaine d'articles ou d'une quarantaine d'articles, des bonnes intentions, un objectif qui ne sera pas atteint si l'ensemble de vos propositions ne sont pas retenues par M. le ministre? Vous y tenez, autrement dit, à vos propositions. Vous y tenez, Me Meunier.

M. Meunier (Jacques): Il est évident que, parmi ces propositions, certaines sont plus fondamentales les unes que les autres.

M. Lefebvre: Lesquelles, entre autres?

M. Meunier (Jacques): Par exemple, il nous apparaît important que l'article 87 soit modifié, même si ce n'est pas dans le projet. J'ajouterai peut-être... Tantôt, quand j'ai répondu au ministre, il y a peut-être un élément que j'ai oublié de mentionner, qui pourrait être un argument additionnel pour l'abrogation de cet article-là. Quand on regarde l'expérience des cinq ou six dernières années en matière de déontologie policière, partant de plus de 6 000 plaintes qui ont été portées et regardant, en bout de ligne, le nombre de plaintes qui ont fini par aboutir et dans lesquelles la plainte du citoyen a finalement été trouvée fondée, je pense qu'il y a lieu de s'inquiéter. Et c'est assez facile, je pense, il n'y a qu'un pas à conclure que cet article 87 a pu être en cause, dans ce sens que, si les policiers n'ont pas été contraints de témoigner, comme tout autre témoin qui a comparu devant les enquêteurs, ça a peut-être contribué au fait que des plaintes ont été rejetées alors qu'elles n'auraient pas dû l'être.

Alors, pour terminer, en ce qui concerne l'ensemble des recommandations qui sont faites, d'abord, nous avons l'espoir que certaines d'entre elles seront retenues. Je pense, entre autres, qu'il serait impensable de donner suite au projet de loi sans apporter des précisions, notamment en ce qui concerne...

M. Lefebvre: Motif valable.

M. Meunier (Jacques): ...les personnes qui pourront être conciliateurs ou les personnes qui pourront être enquêteurs. C'est quand même assez fondamental dans ces modifications.

M. Lefebvre: Motif valable. Je m'excuse.

M. Meunier (Jacques): Aussi, sous l'angle du motif valable, en fait, de rejeter une plainte si, par hasard, le Parlement décidait d'adopter le régime d'une conciliation obligatoire. Évidemment, on a ajouté aussi certaines propositions qui ne sont pas dans le projet de loi, comme, par exemple, soit la création d'un conseil consultatif en matière de déontologie policière, notre objectif étant à ce moment-là de permettre au citoyen d'effectuer un certain retour dans le processus, puisque, avec la réduction du nombre de membres siégeant au Comité de déontologie policière, le citoyen n'apparaît plus autrement que comme plaignant, à l'origine, et, comme je l'ai dit, partie à la conciliation ou témoin lors des enquêtes, étant donné que c'est le Commissaire qui fait le travail.

Il y a aussi certaines dispositions du projet de loi qui concernent l'autorévision des décisions par le Commissaire et, par conséquent, la suppression de certains droits de révision du Comité qu'on aurait bien voulu voir prises en considération, que nos positions soient prises en considération. On pense quand même que les décisions du commissaire devraient pouvoir être soumises en révision à un tiers indépendant, que ce soit le Comité ou quelqu'un d'autre, mais quand même un tiers indépendant qui n'a aucun lien avec le Commissaire.

M. Lefebvre: Le projet de loi, Me Meunier, réduit la prescription de deux ans à un an. Vous commentez cette intention du législateur, mais strictement au niveau de la date à compter de laquelle la prescription devrait courir. Est-ce que vous ne reconnaissez pas que de réduire la prescription de deux ans à un an, c'est une façon pour le législateur de diminuer les droits des citoyens? Parce que la prescription, c'est un droit, ça, c'est un droit de faire valoir, pour le citoyen, un recours, à l'encontre d'un autre citoyen ou à l'encontre de l'État. Comment se fait-il que vous sembliez être relativement d'accord avec la réduction de la prescription de deux ans à un an?

(15 h 10)

M. Meunier (Jacques): C'est-à-dire qu'on peut toujours s'opposer à tout. Dans le cas présent, la réduction de deux ans à un an, surtout si cette année tenait compte du moment de la connaissance de l'événement en cause pour le citoyen, à bien regarder les choses, on en est venu à la conclusion que, bon, il est peut-être vrai qu'il y a peut-être certaines personnes retardataires qui n'auront peut-être pas exercé leur droit, mais que le citoyen qui a un an de la date où il a connaissance d'un événement pour exercer son recours, ça nous apparaît quand même raisonnable. On laisse au Parlement le soin de juger s'il doit effectivement donner suite à la proposition que contient le projet de loi. En ce qui concerne la réduction à un an seulement, nous insistons beaucoup que ça ne soit pas de la date de l'événement, parce que, de la date de l'événement, ça, c'est susceptible de priver de droits.

M. Lefebvre: De la date de la connaissance du plaignant.

M. Meunier (Jacques): Exactement.

M. Lefebvre: Comment interprétez-vous ou est-ce que vous l'interprétez, cette décision suggérée par le législateur de réduire de deux ans à un an la prescription?

M. Meunier (Jacques): Il y a des questions d'efficacité à travers tout ça, de la même façon qu'on veut que le citoyen puisse obtenir des décisions rapidement. On ne connaît pas le fond des intentions du ministre lorsqu'il propose ça dans son projet de loi, mais ça ne nous apparaît pas déraisonnable à partir du moment où il s'agit d'une année de la connaissance de l'événement.

M. Lefebvre: Ça va, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Signori): Merci. M. le ministre, est-ce que vous voulez conclure? Avez-vous d'autres questions?

M. Perreault: Une question qui mériterait peut-être une précision. Vous dites: Il serait peut-être intéressant, dans le cas du Comité, qu'on puisse éventuellement nommer un membre pour enquête...

M. Meunier (Jacques): Un assesseur?

M. Perreault: Non. Qui soit de la communauté autochtone.

M. Meunier (Jacques): Ah oui. O.K.

M. Perreault: Très simplement, vous comprenez, dans le fond, que c'est une mesure d'exception au projet de loi. La difficulté bien réelle, c'est que la réalité parmi les ressources en milieu autochtone, évidemment, et compte tenu de l'histoire, elles sont limitées. Ça va changeant avec les années mais, pour l'instant, ce n'est pas le cas. Alors, est-ce que vous ne croyez pas que de ce point de vue là la loi essaie de tenir compte de la situation telle qu'elle est tout simplement?

M. Meunier (Jacques): Je ne sais pas si je saisis bien la question. Nous n'avons pas d'objection à ce qu'un membre du Comité provienne de la communauté autochtone intéressée par la plainte concernant le policier autochtone. Ici, il s'agit plutôt de la question des qualifications exigées de ce membre-là. Si la réalité des choses fait en sorte que les membres de provenance autochtone, membres du Comité de déontologie, devraient peut-être avoir des qualifications différentes, ça on pourrait le comprendre. Sauf que, comme le projet de loi est rédigé, on prévoit des exigences particulières, c'est-à-dire 10 ans d'appartenance au Barreau pour les membres à temps plein et cinq ans pour les membres à temps partiel, ce qui vise beaucoup plus large que les membres autochtones, en tout cas, du moins, apparemment.

M. Perreault: Mais, entre deux considérations, qu'ils aient des qualifications comme celle d'avoir cinq années d'expérience par rapport à l'exercice de la fonction versus d'être de la même communauté, s'il faut choisir compte tenu des réalités, qu'est-ce que vous privilégiez?

M. Meunier (Jacques): Bien, c'est-à-dire que ce qu'on suggérera à ce moment-là, c'est que le membre puisse être pris dans la communauté autochtone mais qu'on aille chercher quelqu'un qui, par sa séniorité, par sa sagesse, par son expérience, a la crédibilité qu'il faut. Au fond, notre commentaire là-dessus ne vise que cet objectif, l'objectif de crédibilité du membre qui siège pour entendre une plainte de déontologie policière. Que cette personne-là soit quelqu'un, je ne sais pas, de 25 ans, qui a cinq ans de Barreau, ça ne nous apparaît pas souhaitable. On souhaite que, dans les cas ordinaires, comme règle générale, ce soit quelqu'un qui ait au moins 10 ans de Barreau, comme on l'exige en fait pour les juges. Et si, dans les milieux autochtones, on ne peut pas parvenir à répondre à cette condition-là, qu'on en trouve d'autres conditions, mais qui visent toujours ce même objectif de crédibilité.

M. Perreault: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Signori): Ça va? Alors, pas d'autres questions. Merci beaucoup, Me Meunier, Me Dufour et Me Robardet. Nous allons suspendre quelques minutes pour permettre à l'autre groupe de se joindre à nous: la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Grand-Montréal.

(Suspension de la séance à 15 h 15)

(Reprise à 15 h 16)

La Présidente (Mme Signori): Je demanderais à la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Grand Montréal de prendre place, s'il vous plaît! Si vous voulez bien vous présenter et présenter les personnes qui vous accompagnent. Merci.


Table de concertation des lesbiennes et des gais du Grand Montréal

M. Buckley-Couvrette (Douglas): M. le Président, bon après-midi, chers membres, je m'appelle Douglas Buckley-Couvrette, je suis le porte-parole du Comité sur la violence ainsi que le président de la corporation Dire enfin la violence et membre de la Table de concertation des gais et lesbiennes du Grand Montréal.

Je vous présente Mme Claudine Metcalfe, qui est la directrice générale de Dire enfin la violence, la rédactrice en chef de la revue lesbienne Gazelle , aussi membre du Comité sur la violence, et M. Michael Hendricks, qui est l'ancien coordonnateur général de la Table de concertation des gais et lesbiennes du Grand Montréal, membre du Comité sur la violence ainsi que le trésorier du conseil d'administration de Dire enfin la violence. M. Roger Le Clerc ne pouvait pas être avec nous cet après-midi, il est occupé ailleurs dans la lutte contre le sida.

Un bref historique sur la Table de concertation des gais et lesbiennes du Grand Montréal, organisme qui existe depuis 1992, formé d'une soixantaine de groupes gais et lesbiennes de la région du Grand Montréal, qui a pour but de favoriser l'échange des informations entre les groupes, favoriser la prise de positions politiques et aussi favoriser le socioculturel, si tu veux, de la communauté gaie et lesbienne.

Le Comité sur la violence de la Table de concertation a été formé en 1992 en réponse au nombre élevé des homicides faits aux hommes gais dans la région métropolitaine. On peut compter 38 meurtres depuis huit ans chez les hommes gais dans la région métropolitaine et aussi un petit peu à l'extérieur de la région de Montréal. Le Comité sur la violence a également été derrière les audiences publiques qui ont été tenues par la Commission des droits de la personne sur la violence et la discrimination faites aux gais et lesbiennes, dont tout à l'heure on va voir une des recommandations qui s'adresse à la déontologie policière.

Nous avons de plus créé l'organisme Dire enfin la violence qui existe depuis maintenant 20 mois, qui travaille à l'amélioration des relations avec les corps policiers, à la prévention de la violence faite aux gais et lesbiennes et à la quantification de la problématique de la violence qui est faite aux gais et lesbiennes dans la société québécoise.

(15 h 20)

Alors, sans plus tarder, je vais vous lire nos commentaires plus particuliers sur le projet de loi sur la déontologie policière, processus sur lequel nous sommes intervenus depuis 1990. Comme je vous ai dit, le Comité sur la violence de la Table de concertation des gais et lesbiennes du Grand Montréal oeuvre depuis déjà cinq ans à la prévention de la violence exercée à l'endroit des gais et lesbiennes ainsi qu'à l'amélioration des relations entre celle-ci et les corps policiers par le biais de la sensibilisation et de la formation. Nous avons de plus participé au débat sur la déontologie policière et son impact sur notre communauté.

Il y a d'abord quelques grands principes auxquels nous souscrivons: Premièrement, la transparence de tout système de déontologie qui permet à tout citoyen le droit d'intervenir, d'y participer et de veiller sur son bon fonctionnement. Et nous ne pouvons ici que déplorer l'évacuation du rôle des citoyens du présent projet de loi sur la déontologie policière. Le citoyen a été évacué complètement du processus.

Deuxièmement, que la composition des instances décisionnelles dans la déontologie reflète en tout temps la mosaïque de la société québécoise. Ici, encore une fois, nous ne trouvons nulle part à l'intérieur du projet de loi de la déontologie policière quelque garantie ou quoi que ce soit qui permette et qui reflète les différentes communautés culturelles, les gais et lesbiennes. On parle du comité autochtone, mais on ne parle pas vraiment de la représentativité, d'une sélection de la mosaïque de la société québécoise. Et, un des problèmes fondamentaux, je pense, dans beaucoup de forces policières est la méfiance que beaucoup de communautés culturelles ont envers l'ensemble des corps policiers parce que ça manque de refléter la mosaïque de la société.

On parle aussi d'un autre principe, c'est la responsabilisation des élus municipaux et en charge du financement des services policiers, et les directeurs de service de police en matière de déontologie ainsi que la participation accrue de ces derniers dans ce processus. Là, nous parlons, surtout dans notre cas, de la Commission de la sécurité publique de la Communauté urbaine de Montréal qui a seulement le rôle de financer les corps policiers, mais non pas de veiller sur les actions, surtout en matière de déontologie, du corps policier de sa région. Nous, nous trouvons inacceptable que des élus municipaux ne soient pas tenus responsables des dérogations en matière de déontologie policière par un corps policier qu'il finance.

Nous parlons aussi ici du rôle accru des directeurs de service de police. Nous avons, nous, la Communauté gaie et lesbienne, travaillé très étroitement avec la direction de la SPCUM quant à l'amélioration des relations avec eux. Nous avons eu des succès énormes avec l'amélioration des relations avec les corps policiers et l'instauration du programme de police de quartier. Nous pensons ici que le directeur de service de police, dans chaque région, devrait dorénavant avoir la première responsabilité de discipline et de dérogation en matière de déontologie de ses membres. Nous avons pu établir une relation avec la direction policière et, pour nous, ça a marché. Il y avait une porte ouverte et la volonté était là d'améliorer des choses sans passer par le processus trop long de déontologie qui existe déjà. Alors, nous aimerions voir plus une responsabilisation des directeurs de service de police.

On parle aussi du droit de l'individu d'être accompagné en tout temps, tout au long du processus en matière de déontologie. Ici, dans le projet de loi, c'est à la discrétion du commissaire qu'une personne puisse être accompagnée lors du processus. L'histoire de la Communauté gaie et lesbienne, c'est que les gais et lesbiennes ne portent pas plainte au système de déontologie policière parce qu'ils ne font nullement confiance. Deuxièmement, parfois, à cause de la discrimination faite contre les homosexuels dans la société, les gens ne sont pas nécessairement prêts à assumer leur homosexualité et prêts non plus à l'assumer devant les tribunaux, ni devant les instances de déontologie policière. Alors, nous croyons que c'est très important – et nous l'avons vu surtout dans le projet Dire enfin la violence – qu'on puisse accompagner quelqu'un dans un processus de déontologie policière.

On peut aussi parler de l'imposition de délais fixes et raisonnables à toutes les étapes du processus en matière de déontologie. Ici, nous devons applaudir qu'il y ait des délais qui ont été inscrits à l'intérieur du projet de loi, des délais fixes quant au temps, quant à la réception des documents, quant à l'avis envoyé au directeur de service de police et les avis qui sont envoyés aussi au plaignant. Mais, par exemple, nous aimerions bien voir que les délais soient aussi accordés au niveau de l'appel, au niveau de la Cour du Québec où les délais ne sont pas inscrits, en ce moment, à l'intérieur du projet de loi. C'est d'ailleurs une des choses qui étaient remarquées dans le rapport Corbeau: le temps trop long ou le temps énorme, surtout quand on arrive en question d'appel.

On parle ici aussi d'un principe qui s'appelle la responsabilisation des policiers cités en déontologie par la cessation de l'État d'assumer les frais de représentation de ceux-ci et l'instauration d'un système d'assurance responsabilité professionnelle chez les policiers. Nous croyons qu'un policier, à titre de professionnel, agit comme tout autre professionnel et doit se doter d'assurance-responsabilité. Ça sauverait énormément d'argent à l'État et les frais de représentation d'un policier cité en déontologie ne seraient pas, à ce moment-là, versés par l'État.

On parle aussi ici du but du Code de déontologie et je vais arrêter pour vous lire un extrait du rapport De l'illégalité à l'égalité , publié par la Commission des droits de la personne, qui parle de la déontologie policière. C'est marqué ici, la recommandation no 22:

«Que le commissaire à la déontologie policière mette sur pied de manière proactive des activités d'information à l'intention des communautés gaies et lesbiennes et qu'il distribue du matériel d'information portant sur le Code de déontologie policière et les divers services et mécanismes de son organisme qui constituent des recours en cas de traitement discriminatoire ou abusif par la police.»

Je veux vous dire que nous avons reçu, depuis cette date-là, une visite de Mme Marlene Jennings qui nous a expliqué le processus, et c'est tout.

Alors, on pense ici que le but du Code de déontologie policière soit non seulement axé sur la discipline des policiers, mais davantage sur la prévention des dérogations et la formation des policiers et du public en matière de déontologie. Après avoir étudié le projet de loi modifiant la Loi sur l'organisation policière et la Loi sur la déontologie policière, nous vous ferons les commentaires suivants: Aux articles 48, 51, 63, 66, 82 et 83 de la présente loi, nous notons l'absence du rôle accru que peuvent jouer les directeurs de service de police ainsi que leur responsabilisation en matière de déontologie. Ici, je répète encore une fois, beaucoup de problèmes de déontologie policière peuvent être réglés au niveau de la direction policière.

Deux. À l'article 58 de la présente loi, nous remarquons une absence de transparence dans les choix des conciliateurs proposés ainsi que le manque de participation des citoyens à cette étape. Ici aussi on parle d'une évacuation complète du rôle du citoyen à l'égard de la déontologie policière, on parle de commissaires nommés par le gouvernement, on parle du commissaire adjoint nommé par le gouvernement, on parle des conciliateurs nommés par le gouvernement ainsi que le Comité de déontologie policière. Il n'y a pas de transparence dans ce processus. Où est la voix des citoyens à l'égard des forces policières, les contribuables? Ils ne sont pas présents. Nulle part, dans le projet de loi, peut-on retrouver la volonté de voir la représentation de la mosaïque de la société ni la participation des citoyens au choix du comité de déontologie. Autrement, si je me souviens bien, les citoyens étaient choisis pour siéger au sein du Comité de déontologie. Nous ne voyons pas cette volonté, à ce moment-ci, dans le projet de loi.

Les mandats du commissaire à la déontologie policière et son adjoint ainsi que le Comité de déontologie, les directeurs des services de police, doivent inclure un volet d'éducation aux policiers et au grand public. Nous pensons que, par l'éducation, on peut prévenir beaucoup de dérogations en matière de déontologie policière.

Nous suggérons que l'article 60 de la présente loi soit amendé afin de permettre au directeur de service de police de tenir un registre à caractère confidentiel des policiers ayant fait l'objet d'une plainte en déontologie policière. Dans votre projet de loi ou dans la loi actuelle, s'il y a un avis à la conciliation ou s'il y a règlement en conciliation, le dossier du policier n'est pas marqué. Mais, nous avons remarqué, nous, que si le policier ne respecte pas le Code de déontologie ni la Charte des droits et liberté et qu'il y a eu conciliation mais qu'il retourne à plusieurs reprises en conciliation et qu'il y a règlement, on ne saura jamais qui sont les «bad apples», si tu veux, des forces policières.

(15 h 30)

Alors, nous croyons que la direction policière devrait tenir un registre confidentiel de ces policiers ayant fait l'objet de plaintes en déontologie policière.

Nous proposons ainsi que soit établi au sein de chaque direction de police un conseil composé majoritairement de citoyens afin d'aviser le directeur quant à l'application du Code de déontologie et de faire de l'éducation auprès des policiers et du grand public.

En conclusion, nous devons nous réjouir des délais fixes qui ont été apportés à la loi afin de réduire le temps du processus en déontologie. Nous notons l'absence de la participation des citoyens au choix des commissaires ainsi que des membres du Comité de déontologie. Notre communauté a pu bénéficier de relations plus ouvertes avec la direction policière en matière de déontologie et nous avons pu résoudre plusieurs de nos inquiétudes avec eux. Nous croyons que la direction policière doit assumer une responsabilité plus concrète en cas de déontologie où la plainte n'est pas de caractère grave ou criminel.

Enfin, nous vous remercions de l'opportunité que vous nous avez accordée afin de vous présenter nos commentaires sur l'amélioration du processus en déontologie policière. Et, moi, je ne peux pas passer ici sans dire le mot suivant: Le projet Dire enfin la violence, l'organisme Dire enfin la violence, qui oeuvre depuis maintenant 20 mois, et le Comité sur la violence, malgré tout, a fermé ses portes le 9 juin dernier à cause du manque de financement du gouvernement péquiste en ce moment pour assumer et encore continuer le travail, le beau travail de notre projet. Alors, nous devons vous dire aujourd'hui malheureusement: Ce sera notre dernière représentation politique devant vous parce que nous allons nous adresser sous peu à la Commission des droits de la personne pour régler notre problème avec le gouvernement du Québec. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Perreault: Oui, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier les gens d'être venus faire leurs commentaires sur ce projet de loi. Une ou deux choses d'abord, dire que certaines de vos suggestions font déjà l'objet de ce qu'on appelle des papillons en préparation parce qu'on a entendu plusieurs intervenants qui allaient un peu dans le même sens que vous, notamment le droit d'être accompagné, des choses semblables. Donc, je peux vous dire que déjà ce sont des choses auxquelles on est sensible.

Il y a une suggestion intéressante, l'assurance-responsabilité professionnelle. Malheureusement, je pense que ça ouvre un débat qu'on ne réglera pas dans le cadre de ce projet de loi. Ce qui me frappe dans votre intervention, je vais essayer de le dire un peu comme je la comprends, puis peut-être que je la comprends mal, alors vous pourrez peut-être me corriger. Sauf l'Association des directeurs de police, peu de gens nous ont fait des représentations qui vont dans le sens de confier aux directions des corps policiers l'essentiel de l'application du Code de déontologie. Il y a quelque chose d'un peu étonnant à ce que des représentants d'une association de citoyens, de droits de citoyens, propose que l'application du code relève, à toutes fins pratiques, de la direction des corps de police.

Est-ce que vous ne trouvez pas qu'on doit faire une distinction entre deux choses, qu'une direction d'un service policier soit sensible, par exemple, aux droits des minorités, qu'elle tente par toutes sortes de programmes de favoriser que les membres du corps policier y soient sensibles, c'est un travail normal et qui permet de corriger toutes sortes de situations, y compris des situations qui, dans le passé, se seraient retrouvées devant la déontologie. Évidemment, à partir du moment où les mentalités changent, bien, elles ne s'y retrouvent plus parce que justement une partie des problèmes se sont corrigés.

Mais, autant cela soit-il louable, est-ce qu'on ne doit pas distinguer ça, cette action nécessaire, de ce que j'appelle l'encadrement, l'organisation des étapes d'un processus déontologique comme tel? Et je voudrais un peu vous entendre, parce que vous avez l'air de ne pas faire cette distinction. Dans le fond, vous saluez, puis c'est tout à l'honneur de ceux qui vont vous suivre, vous savez un peu les efforts faits par le service de police de la Communauté urbaine de Montréal dans ce sens-là. C'est tout à l'honneur de ceux qui vont vous suivre, mais est-ce qu'on ne devrait quand même pas faire une distinction entre l'action nécessaire de corps policiers pour sensibiliser leurs membres aux droits de divers groupes minoritaires et l'organisation, l'articulation des responsabilités pour suivre le processus?

Spontanément, on pourrait se dire, vu d'un autre point de vue, que ce n'est pas si évident que ça pour un citoyen que ce soit le directeur de police qui ait la responsabilité. La position qui nous a été présentée, c'est que c'est le directeur de police, à toutes fins pratiques, qui devrait assumer l'essentiel de la conciliation. Enfin, on ne l'a pas dit exactement en ces termes-là, d'autres avant vous l'ont presque dit dans ces termes-là. J'aimerais vous entendre.

M. Buckley-Couvrette (Douglas): L'historique des relations de notre communauté, premièrement, n'est pas tellement si harmonieux avec les forces policières. Nous avons essayé toutes sortes de moyens et nous avons essayé toutes sortes de chemins, si tu veux, pour améliorer les relations avec les services policiers, soit la Commission des droits de la personne, soit, au début, des comités un peu farfelus du corps policier. Et nous avons vu au fil des années qu'une intervention auprès du directeur du service de police nous a permis, nous, de régler beaucoup de problèmes que les gais et lesbiennes avaient surtout avec les services de police de la région de Montréal et que s'il y avait une ouverture au niveau de la direction de voir au respect du Code de déontologie...

Là, on ne parle pas non plus ici des infractions graves ou qui causent la mort ou des blessures graves, je pense qu'on est d'accord qu'il existe un commissaire à ces fins-là, mais pour ce qui est de la poutine régulière, dont beaucoup se situe au niveau du non-respect par les policiers de différents aspects, en tout cas, en parlant de notre communauté, nous avons bénéficié, je pense, d'une ouverture de la direction policière et aussi d'actions beaucoup plus vites en termes de discipline des policiers concernés.

M. Perreault: Simplement une remarque ou une question. En Ontario, on a fait des changements récemment. Je le dis un peu comme je le comprends, il me semble qu'on joue avec des concepts différents. Vous dites: Dans le fond, il est peut-être plus efficace qu'une direction de police investisse des ressources pour sensibiliser ses membres, par exemple, aux droits des minorités, c'est peut-être plus efficace, ça, que n'importe quel système de déontologie qu'on pourrait avoir pour changer les choses. Là-dessus, j'ai tendance à vous croire et à partager ce point de vue.

Mais, cela dit, ça prendra quand même un système de déontologie, et, qui dit un système de déontologie dit qu'il doit y avoir minimalement une forme d'impartialité, de transparence. Comment, si c'est la direction même du corps de police qui chapeaute tout ça, cette impartialité est encore maintenue?

M. Buckley-Couvrette (Douglas): Bien, si vous voyez à l'intérieur de ce qu'on propose ici, c'est un conseil aviseur au directeur qui est composé majoritairement de citoyens, et de citoyens qui reflètent la mosaïque de la société. Et, ce que nous avons proposé à la Commission de la sécurité publique de la Communauté urbaine de Montréal, c'est un comité de citoyens qui, avec le directeur du service de police, dans le respect du caractère «police communautaire», traite des problèmes de déontologie policière et en même temps joue un rôle de prévention et d'éducation auprès de ses propres forces policières, qui responsabilise le directeur, les citoyens avec qui ils travaillent et les policiers.

M. Perreault: Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci, M. le ministre. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, on peut remercier Mme Metcalfe, M. Buckley et M. Hendricks également d'avoir voulu venir donner leur point de vue à la commission des institutions, de nous avoir remis un mémoire qui m'amène très rapidement à poser certaines questions qui touchent plusieurs volets du projet de loi n° 136. Je vais tout de suite questionner en partant de la conclusion.

Vous dites dans votre mémoire: «Notre communauté a pu bénéficier des relations plus ouvertes avec la direction policière en matière de déontologie et nous avons pu résoudre plusieurs de nos inquiétudes avec eux.» Depuis quand, M. Buckley, sentez-vous qu'il y a plus d'ouverture, que la relation avec les policiers est plus facile, que vous avez pu, comme vous le dites, résoudre plusieurs de vos inquiétudes avec les policiers?

M. Buckley-Couvrette (Douglas): Moi, je pense que ça doit dater maintenant de deux ans, deux ans et demi. On a commencé par une expérience avec un poste dans un quartier gai, si tu veux, de la région de Montréal, et ça, ça s'est répandu au plus large. Mais à peu près deux ans.

(15 h 40)

M. Lefebvre: Vous avez tout à l'heure indiqué que la communauté gaie et lesbienne ne faisait pas confiance au système de la déontologie, de sorte qu'il y a des gens dans votre communauté, si je comprends bien, qui auraient raison, selon vous, de se plaindre, de porter des plaintes en regard d'altercations avec les policiers et de gestes qui auraient été posés par des policiers, et qui ne le font pas parce qu'ils ne font pas confiance au système.

Je ne vois pas de contradiction avec ce que vous venez de m'expliquer, votre conclusion, où il y a de l'amélioration, plus de confiance au niveau des forces policières, mais est-ce que c'est encore vrai que la communauté refuse de porter plainte parce que ne faisant pas confiance au système? Est-ce que ça a changé, ça, cette vision qu'a la communauté du système de déontologie ou si ça s'améliore en même temps que la relation en général avec les forces policières s'améliore?

M. Buckley-Couvrette (Douglas): Je vais laisser mon collègue, M. Hendricks, répondre à cette question-là.

M. Hendricks (Michael): Nous avons confronté la police de Montréal devant le poste 25 en juillet 1990 quand, devant les caméras de télévision, la communauté gaie et lesbienne a été battue, matraquée par la police. C'était avant l'entrée en vigueur du nouveau système de déontologie. Alors, la situation a été confiée à la gestion de la police de l'époque et le système était extrêmement opaque et non transparent.

Alors, la communauté s'est réjouie de l'entrée en vigueur de la déontologie. Mais, pas longtemps après, les membres de la communauté ont trouvé que, un, ce n'était pas transparent, deux, c'était très long, et finalement ils ne savaient jamais le résultat concret. Depuis que nous avons commencé à travailler de plus proche avec la gestion au poste 33, n'importe quel gai ou lesbienne de la ville de Montréal peut rapporter son problème déontologique directement à la police, on a eu, un, la rapidité de service, deux, la transparence, et finalement, à chaque instance, notre communauté est informée de la disposition du cas. Alors, finalement, pour nous, c'était beaucoup plus rapide et c'était discret, sans toute la complication de la bureaucratisation qu'est le système déontologique en ce moment.

M. Lefebvre: Est-ce que la mise en place du processus de conciliation, mais de conciliation obligatoire, est considéré par votre communauté comme étant une amélioration quant au système de déontologie? Autrement dit, est-ce que vous êtes d'accord avec la conciliation obligatoire de façon générale?

M. Buckley-Couvrette (Douglas): Moi, je vais faire la comparaison avec une autre instance, la Commission des droits de la personne. Il y a aussi là, dans le processus, après vérification de l'enquête, une étape de conciliation. Moi, je pense que c'est une étape très importante. Nous avons pu dernièrement résoudre un problème avec deux lesbiennes en conciliation policière. Ce n'était pas tout à fait facile au début, mais je pense que les parties se sont, à la fin... Ça a été réglé au mieux, si tu veux. Alors, le processus de conciliation, c'est aussi en même temps un processus de confrontation, si tu veux, avec les citoyens et le policier, devant la personne. En même temps, ça permet au policier de faire des excuses, s'il y a lieu. Ça permet aussi aux gens, si tu veux, d'exprimer un peu leur désagrément avec le policier lui-même dans une instance neutre.

Alors, je pense qu'à ta question de conciliation, oui, on est favorable à ça comme étape obligatoire. Pas dans toutes les circonstances. S'il y a des circonstances graves, comme le prévoit la loi, à ce moment-là, le commissaire prend charge du dossier, je pense qu'on est aussi d'accord avec ça, mais la conciliation d'abord, on pense que c'est une bonne idée.

M. Lefebvre: Vous recommandez une modification à l'article 60 de la loi. Je vais vous le lire: «En cas de règlement d'une plainte, le dossier du policier visé – la loi actuelle – ne doit comporter aucune mention de cette plainte ni de ce règlement.» Vous proposez que l'article 60 soit amendé afin de permettre au directeur des services de police de tenir un registre à caractère confidentiel des policiers ayant fait l'objet d'une plainte en déontologie policière. Qu'est-ce qui vous amène à faire une proposition comme celle-là?

M. Buckley-Couvrette (Douglas): Nous avons pu remarquer des tendances chez quelques policiers, et des tendances qui permettent que le même nom revient des fois chez nous, de différents policiers, pas tous les policiers mais quelques policiers, qu'ils soient attribués à un poste ou même transférés à un autre poste, des noms qui nous reviennent. Et on s'est dit que, si la direction policière avait quand même été saisie chaque fois qu'un de ses policiers est cité en déontologie, ils pourraient peut-être prévenir de futures dérogations en traitant directement la matière avec le policier ou avec le commandant du poste d'où vient le policier.

M. Lefebvre: Et que la plainte ait été retenue ou pas?

M. Buckley-Couvrette (Douglas): Exactement.

M. Lefebvre: Merci.

M. Hendricks (Michael): Vous comprenez que nous avons vu que le directeur de police a perdu certains pouvoirs importants pour «gestionner»: l'un, c'est les renseignements, et l'autre, c'est la capacité d'agir directement. À ce moment-là, M. Duchesneau regarde les dilemmes déontologiques ici, à la commission, puis ses mains sont liées.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Bonjour, madame, messieurs. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt votre intervention. J'aimerais qu'on revienne sur une de vos propositions qu'on retrouve à la page 3, qui mentionne que: «Nulle part dans le projet de loi on ne peut retrouver la volonté de voir la représentation de la mosaïque de la société québécoise ni la participation des citoyens au choix du Comité de déontologie». Est-ce que vous pourriez élargir un petit peu là-dessus? Jusqu'où verriez-vous cette représentation-là? J'imagine que vous aimeriez très certainement y être représentés, mais ça se limite où, ça arrête où, ça?

M. Buckley-Couvrette (Douglas): Moi, je pense que ça doit refléter aussi... Quand on parle d'une grande région métropolitaine comme Montréal ou peut-être d'autres régions métropolitaines où existe en ce moment une grande mosaïque de la société québécoise, ça devrait être reflété dans toutes les institutions publiques. Quand on parle des services de l'ordre et que, historiquement – et je dis «historiquement» – ils ont eu de la misère, plus de misère avec les communautés culturelles que d'autres communautés, nous pensons que, avec une composition qui reflète la mosaïque de la région et surtout quand on parle en même temps du caractère maintenant communautaire de beaucoup de nos forces policières, ça peut aider à l'amélioration des relations avec les communautés et en même temps établir une confiance plus accrue aux forces policières, en déontologie policière, parce qu'ils vont refléter plus les gens de la société ou de la région mosaïque ou métropolitaine.

Mme Delisle: Je trouve ça fort intéressant. Une opinion strictement personnelle: est-ce que vous n'y voyez pas, par contre, une espèce de caractère un peu restrictif dans la mesure où, à un moment donné, il va falloir que ça s'arrête? Je comprends qu'on parle évidemment... Vous vivez dans la grande région de Montréal, c'est une réalité qui est totalement différente de l'ensemble du Québec. Ça, évidemment, je fais cette distinction-là. La difficulté que j'y verrais pour l'ensemble des organismes qui souhaiteraient y être inclus, c'est justement là «where does it stop», où est-ce que ça arrête? C'était juste cette réflexion-là.

M. Buckley-Couvrette (Douglas): On pourrait aussi penser que peut-être dans une région où se trouvent plus de vieillards ou plus de femmes ces gens-là seront aussi représentés au sein d'un tel comité ou processus de déontologie. Ce qu'on veut dire, c'est que les avocats, et seulement des avocats sur des commissions de déontologie policière, ce n'est pas suffisant. Il faut des citoyens et des citoyens qui reflètent la mosaïque de la société dans toutes les régions du Québec.

Mme Delisle: Actuellement, il n'y a pas de citoyens là, de toute façon, de prévus?

M. Buckley-Couvrette (Douglas): Non. Dans le présent projet de loi, les citoyens sont évacués, oui.

Mme Delisle: Je vous remercie bien.

M. Buckley-Couvrette (Douglas): De rien.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce qu'il y a d'autres questions de la part des membres de la commission? M. le ministre.

M. Perreault: Moi, M. le Président, je n'ai pas d'autres questions, à moins qu'il y ait d'autres commentaires à formuler. Je ne sais pas s'il y en a de mes collègues qui en ont. Je pense que c'est clair comme position. Merci beaucoup.

(15 h 50)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, madame, messieurs, nous vous remercions de votre présentation.

Nous recevons maintenant les représentants de la Communauté urbaine de Montréal: M. Yeomans, Me Asselin et M. Gauthier. Alors, bienvenue. Messieurs, vous avez une période de vingt minutes pour la présentation de votre mémoire, à la suite de quoi nous allons faire un échange avec les membres de la commission.


Communauté urbaine de Montréal (CUM)

M. Yeomans (Peter B.): Très bien, M. le Président, merci. M. le ministre, M. le vice-président de la commission, Mmes, MM. les membres de la commission, comme mes deux collègues ont été présentés, je vais aller directement à un petit texte, sachant que nous ne sommes pas ici pour juste lire un texte, mais afin d'avoir un dialogue, je pense que c'est ça qui est important. Par la suite, je pense que nous aurons quelques items à dialoguer ensemble.

Au nom de la Communauté urbaine de Montréal, je remercie le ministre de la Sécurité publique du Québec ainsi que les membres de la commission parlementaire des institutions de nous avoir accommodés pour nous permettre de soumettre nos commentaires sur le projet de loi n° 136, visant à modifier la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police en matière de déontologie policière.

La Communauté urbaine de Montréal s'est impliquée à fond dans le processus de consultation que le ministre de la Sécurité publique a lancé en décembre dernier et dont il a confié la réalisation à M. Claude Corbo en vue de réviser le système de déontologie policière du Québec. Outre une rencontre avec M. Corbo, la Commission de la sécurité publique a tenu une séance publique le 12 novembre 1996 pour recueillir le point de vue de notre service de police ainsi que des citoyens et des citoyennes et des organismes sur les modifications apportées au système de déontologie policière.

La CUM a donc pris connaissance avec empressement du projet de loi n° 136 qui paraît traduire une réelle volonté de la part du ministre de modifier le système de déontologie afin d'en réduire les délais et les coûts et de le rendre plus efficace. Et je devrais dire peut-être plus transparent. Toutefois, si plusieurs modifications recueillent notre assentiment, certaines suscitent d'importantes réserves, voire même un certain désaccord.

Dans son ensemble, le projet de loi n° 136 répond à plusieurs des recommandations faites par la CUM, soit: favoriser la conciliation – quoique nous ayons d'importantes réserves sur le processus, sujet sur lequel je reviendrai tout à l'heure – et conserver le Code de déontologie ainsi que le commissaire à la déontologie policière et le Comité de déontologie; faciliter le dépôt des plaintes – ça, je reviens sur la question de la transparence; offrir un soutien au plaignant et confier l'enquête et l'examen des cas les plus graves au commissaire ou au Comité de déontologie policière.

Par contre, le projet de loi n° 136 ne répond pas à trois recommandations que la Commission de sécurité publique de la Communauté urbaine jugeait particulièrement importantes. Vous savez, nous recherchons, dans tout cet exercice, un «win-win». Alors, celle qui portait sur le rôle accru de la direction du service de police dans la mise en oeuvre de la déontologie, particulièrement en matière de conciliation – et on parlera, tout à l'heure, dans le dialogue, d'une période de temps pour un examen approfondi de ces approches – celle sur la présence d'un représentant civil et d'un officier de direction au Comité de déontologie, et finalement des frais de conciliation quand l'officier est acquitté de ses accusations.

La CUM a aussi des réserves sur la formulation des plaintes, le processus d'enquête et la réduction des coûts, tel que je l'ai indiqué.

Avant d'aller plus loin, je peux peut-être demander à mon collègue, l'inspecteur-chef Gauthier, de juste toucher une couple de sujets à cet égard et, par la suite, si vous êtes d'accord, on pourra aller dans un dialogue au niveau des éléments que j'ai mentionnés.

M. Gauthier (Claude): M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, j'ai le plaisir, au nom du directeur du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, M. Jacques Duchesneau, de vous présenter la position du Service de police concernant le projet de loi n° 136 touchant la déontologie policière. Nous remercions la commission de nous accueillir aujourd'hui et de bien vouloir nous entendre relativement à notre réflexion en matière de déontologie policière, réflexion qui est le fruit de nombreuses années de pratique policière en milieu urbain auprès de 1 800 000 résidents de la Communauté urbaine de Montréal.

(16 heures)

Tel que l'indiquait M. Yeomans, nous partageons son opinion ainsi que celle des membres de la Communauté urbaine de Montréal à l'effet qu'il nous fallait apporter certaines modifications à la loi actuelle et nous entendons, tout comme les membres de la Communauté urbaine de Montréal, commenter certains aspects. Nous aurons, certes, l'occasion, dans le dialogue, d'échanger certaines idées, et plus particulièrement au niveau du processus de conciliation qui est un des éléments essentiels du projet de loi au niveau du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal. Il est essentiel parce que nous croyons que cet aspect de la conciliation doit relever des commandants de quartier, que nous appelons les chefs de police de quartier, et qu'ils sont les personnes les plus près des citoyens et dont le rôle est celui de viser un rapprochement entre le citoyen et la police. Si ce commandant de quartier est éloigné du problème dès que le problème se pose, à ce moment-là nous nous interrogeons, à savoir comment ce dernier pourra corriger certaines situations.

Nous avons également un certain questionnement au niveau des enquêtes qui seront effectuées par des enquêteurs du Commissaire, et ce, par l'abolition des unités administratives. On doit vous dire qu'au niveau du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal nous effectuons environ 120 à 150 enquêtes par année pour le Commissaire à la déontologie et qu'à date nous n'avons reçu aucune plainte de la part du Commissaire à l'effet que les échéances ne sont pas respectées. Notre point d'interrogation est de savoir si des personnes de l'extérieur, ne connaissant pas le système ou les systèmes au niveau du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, pourront réaliser leurs enquêtes dans un délai moindre que celui dans lequel nos enquêteurs effectuent leurs enquêtes actuellement.

Au niveau de l'aspect de la conciliation, nous avons également un point de questionnement, à savoir: Le fait que le policier ne puisse être représenté par un représentant syndical au moment de la conciliation, est-ce que ce fait ne fera pas en sorte que le taux de conciliation que l'on vise ira en diminution plutôt qu'en augmentant?

Ce sont là les principaux points que je voulais apporter, et je laisserai à M. Yeomans le soin, dans sa conclusion, de vous présenter les recommandations quant aux modifications qui devraient être apportées au projet de loi. Je vous remercie.

M. Yeomans (Peter B.): Très bien. Merci. Alors, M. le Président, en conclusion, nous demandons au gouvernement de modifier la loi n° 136 pour permettre aux commandants des postes de quartier situés sur le territoire de la Communauté urbaine d'être les premiers intervenants dans le processus de conciliation, quitte à faire l'essai de cette avenue sous forme d'un projet-pilote d'une durée de trois ans; aussi, de faire assumer au gouvernement des frais de conciliation et d'enquête lorsque le policier ne fait pas l'objet d'une citation en déontologie ou lorsqu'il est par la suite acquitté par le Comité, le cas échéant, par un juge de la Cour du Québec en appel ou une décision rendue par le Comité de déontologie; et de maintenir la composition du Comité de déontologie à trois personnes, comme c'est le cas présentement, en conservant le membre policier, voulant dire la direction, et le membre représentant les citoyens.

Alors, c'est ça, grosso modo, nos recommandations. Sachant que vous êtes, on peut dire, à court un peu au point de vue du temps, je ne voudrais pas dépasser les 20 minutes allouées. Si vous voulez passer aux questions, nous sommes disponibles.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Maintenant, M. Yeomans. vous n'avez pas épuisé, à date, vos 20 minutes de présentation. S'il y a d'autres éléments, avant les questions, que vous voulez aborder en regard de la...

M. Yeomans (Peter B.): Je pense, M. le Président, que ça peut sortir lors de notre dialogue ensemble.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, très bien. Merci de votre présentation. J'inviterais maintenant M. le ministre à débuter cet échange.

M. Perreault: Oui. Alors, je salue officiellement M. Yeomans, avec qui j'ai eu l'occasion de travailler à la Communauté urbaine dans le passé, ainsi que les personnes qui l'accompagnent. Il me fait plaisir de vous voir à Québec. Merci de votre mémoire également. Je pense qu'il est clair, il est simple, il va aux choses qui vous préoccupent. Merci également pour l'appui, en tout cas, à certaines de ces dispositions. Je ne veux pas tirer au-delà de votre position, loin de là, je sais que vous avez des réserves importantes, mais vous avez souligné des points d'accord. Je pense que vous avez raison de dire que nous avons accordé une place plus grande à la conciliation que ce qu'il y avait dans l'actuel projet de loi et que c'est effectivement une dimension sur laquelle on souhaite miser. Maintenant, vous soulignez un certain nombre de points de divergence; alors, c'est peut-être plus là-dessus qu'on pourrait discuter.

Dans vos recommandations, vous dites: On devrait faire en sorte que les commandants des postes de quartier... Les commandants des postes de quartier à la Communauté urbaine sont-ils des cadres maintenant?

M. Yeomans (Peter B.): Oui.

M. Perreault: Oui, c'est des cadres.

Une voix: ...

M. Yeomans (Peter B.) Non, c'est les cadres, des officiers de direction.

M. Perreault: Soit les premiers intervenants dans le processus de conciliation. Puis vous dites: Bon, bien, à la limite, on pourrait peut-être le faire sous forme d'une expérience-pilote. J'imagine que c'est parce que vous savez sans doute, vous êtes informé sans doute de certaines réserves, notamment des gens du milieu syndical. Moi, la question que j'aurais le goût de vous poser là-dessus bien simplement, parce qu'il y a deux grands points de vue qui s'affrontent: d'abord, pourquoi c'est très important et, deuxièmement, est-ce que vous avez discuté de cette question d'une expérience-pilote avec les représentants de la Fraternité?

M. Yeomans (Peter B.): M. le ministre, je pense qu'il faut retourner à notre thèse de l'évolution des services de police dans les grands centres urbains et surtout dans la Communauté urbaine de Montréal. Ça fait quelques années que la Commission – laquelle, dans le temps, je présidais; maintenant je suis vice-président – et aussi le comité exécutif de la Communauté ont donné leur appui, le conseil évidemment, finalement, au complet, à la nouvelle approche. C'est une approche de rapprochement, une approche de résolution de problèmes dans son ensemble, pas seulement au niveau criminel, mais au niveau des comportements, les comportements de citoyens et aussi les comportements des agents, des officiers comme tels. Alors, dans cet esprit-là de bon père de famille, comme je peux dire, le commandant, c'est lui qui est le chef local du quartier, il a un mot à dire puis il a certainement un intérêt à ce que les citoyens et ses officiers s'accordent puis travaillent conjointement et positivement ensemble.

Comme un des architectes de cette nouvelle approche, nous cherchons à diffuser ou à dégager des pressions puis à ramener le monde ensemble, et que le citoyen qui a autant de responsabilités que le policier pour le bon contact et le dialogue entre les deux... et le fait même que, par la convention collective avec les policiers, nous avons une situation où les policiers vont demeurer dans le quartier pour une période plus longue que deux ans, j'espère – nous avons tous des espoirs – où nous aurons la situation où les deux vont se confronter, peut-être, à d'autres occasions, si c'est dans le même quartier. Sinon, bien, peut-être, si l'événement a eu lieu à l'extérieur du quartier où la personne demeure, c'est toujours dans le même esprit que la conciliation devrait être faite.

Autrement dit, nous cherchons, comme je l'ai mentionné au début, un «win-win» pour changer le comportement, s'il y a un changement à amener, et que le commandant, comme coach de son monde, puisse s'assurer que ça ne se répète pas, s'il y a une vraie plainte. Mais l'idée, c'est un rapprochement. Et si j'ai une recommandation à vous faire, M. le ministre, c'est peut-être dans le préambule de la loi, pour parler de ce que la loi essaie de véhiculer auprès de la population. Parce que ce n'est pas seulement une loi pour le Service de police et aussi la Communauté, mais aussi pour les citoyens. Alors, nous cherchons à modifier, à corriger, puis à améliorer la vie locale. C'est ça.

M. Perreault: Je vais vous lire – ça me semble important – à la page 82 du rapport de M. Corbo, puis je pense que la Communauté a eu l'occasion de le rencontrer, puis déjà de travailler, le Service de police, avec M. Corbo. Il dit ceci: «En cette matière, cependant, il faut procéder avec beaucoup de prudence. La confiance des citoyens dans la capacité de la police de se policer elle-même, selon les témoignages reçus, non seulement des groupes de citoyens, mais de personnes pleinement crédibles et occupant, dans la société, des postes de très grande autorité morale et de très grande responsabilité, cette confiance demeure limitée et fragile.»

(16 h 10)

Dans le fond, vous nous décrivez des efforts. Tout le monde les a salués, les efforts du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal pour avoir une approche plus communautaire, et je pense que c'est tout à son honneur. Mais comment vous réagissez à cette remarque de M. Corbo, à cette phrase de M. Corbo? Parce qu'il expliquait... Dans le fond, ce qu'il dit un petit peu, c'est: Pour que le public ait confiance dans un système de déontologie, si ce système, dès le départ, est un peu piloté par la direction de la police, ce n'est pas spontanément évident, là.

M. Yeomans (Peter B.): Je ne voudrais pas suggérer pour une minute que la direction de la police aura une ingérence dans le processus puis décourager le citoyen de continuer avec la plainte en question. Mais, au point de vue des premières instances, c'est de bien comprendre la situation. Et M. Corbo a raison parce que lui cherchait une loi qui couvrait toute la province et non pas une exprès pour la Communauté urbaine. Mais je pense qu'il faut voir le service de base et le processus d'évolution du service policier à travers la province et avoir une loi qui puisse prévoir une modification, une amélioration à cet égard. Je suis d'accord qu'il y a des situations qui sont fragiles, il y a des émotions impliquées, mais les commandants, les chargés de relève et même les officiers sont de plus en plus conscients de leur rôle, et le mot «professionnalisme» entre en ligne de compte.

Alors, parlons d'une évolution, parlons d'une façon de permettre... Je crois que, s'il y a des préoccupations auprès de M. Corbo, ça peut être parce que c'est une minorité de situations. Et je pense que nous avons une éducation à faire auprès de la population aussi. Il y a eu très peu d'éducation faite auprès de l'ancien système. Mais ce que vous prévoyez – puis je trouve que c'est très souhaitable – c'est une promulgation assez longue et large auprès de la population pour bâtir cette meilleure confiance et compréhension entre les deux parties. C'est ça que nous essayons de faire. Parce qu'on ne veut pas avoir des causes à la Cour suprême à chaque fois. Il y a certainement des choses... Et la présence de la Fraternité, du représentant syndical, est importante aussi parce que eux aident à changer le comportement ou aident à la résolution du problème, conjointement avec l'officier de direction. Et je pense que la plupart des citoyens, avec le temps, vont comprendre et que ça mérite une approche à cet égard. Je pense qu'ils sont assez matures.

M. Perreault: Ma deuxième question: Est-ce que l'hypothèse de l'expérience-pilote a été testée avec la Fraternité?

M. Gauthier (Claude): Non, elle n'a pas été testée. Par contre, ce que l'on vise actuellement, c'est que le Service de police, lors d'une conciliation, n'est aucunement impliqué. Son policier a eu un comportement et le Service de police ne peut rien faire pour corriger le comportement, ou discuter ou faire de la formation. Il est complètement ignorant de ce qui s'est passé lors de cette conciliation-là.

Le commandant de district qui serait là, son rôle actuel comme chef de police de quartier, il a un rôle relativement au comportement de ses policiers à l'égard des citoyens et il a le rôle de rapprocher la police des citoyens. Donc, on y voit là un citoyen qui vient porter plainte et il faut comprendre que, dans la majeure partie des cas, les plaintes qui sont portées en déontologie et que l'on vous dit qu'elles n'ont pas de suite... Ces gens-là, tout ce qu'ils demandent, c'est que le policier soit rencontré et qu'il y ait des explications de données. Ils ne demandent pas des mesures, ils demandent cette chose-là. On n'a pas fait l'approche encore avec la Fraternité relativement à savoir: Est-ce que ce serait possible? Mais on pourrait faire l'expérience.

M. Perreault: Est-ce que je dois comprendre que votre préoccupation, c'est moins d'être au coeur de la conciliation que d'être informé, d'être au courant des dossiers? Est-ce qu'il y a des propositions dans ce sens-là?

M. Gauthier (Claude): Non, je crois que ce qui est important, c'est que le commandant de quartier soit impliqué, puisque son rôle actuellement dans la philosophie qu'on a mise en place est celui d'un rapprochement. C'est l'article pour lui permettre de se rapprocher. C'est le comportement d'un de ses policiers. S'il est tenu à l'écart, à ce moment-là, il y a une bonne partie de son rôle qui vient de tomber face au comportement de ses policiers.

M. Perreault: Une remarque et une dernière question, puis je vais laisser la parole à mon vis-à-vis, je reviendrai peut-être. D'abord, je dois dire que vous avez souligné, je pense, si j'ai bien compris tantôt, l'importance de maintenir l'accompagnement notamment du policier lors de la conciliation, que vous considérez ça, finalement, comme plus utile qu'autre chose.

M. Gauthier (Claude): Nous, on considère que la présence du représentant syndical...

M. Perreault: Va faciliter les choses.

M. Gauthier (Claude): ...va faciliter....

M. Perreault: D'accord.

M. Gauthier (Claude): ...et ces gens-là vont parler à leurs policiers de façon à ce que... s'il y a des attitudes à changer, ils vont le faire, et ce sont des choses où la Communauté n'encourt aucuns frais au niveau de la...

M. Perreault: D'accord. Je vous annonce tout de suite que vous n'êtes pas le seul à avoir fait cette remarque et que j'aurai sans doute un papillon qui ira dans ce sens-là.

Je veux également vous dire que vous faites des remarques concernant toute la responsabilité d'informer le plaignant. Il y en a eu d'autres de faites dans le même esprit, et on va en tenir compte.

Moi, j'ai peut-être une dernière question qui concerne toute la question des sous, des mouvements de capitaux impliqués là-dedans, parce que c'est quasiment des mouvements de capitaux, à 10 000 000 $. Est-ce que vous avez fait une analyse... L'analyse qui est celle du gouvernement est la suivante: Les municipalités encourront sûrement des frais supplémentaires au moment de la conciliation, mais devraient y gagner quant aux procédures qui se déroulaient, et qui se déroulent actuellement, par la suite. Quelle est l'analyse que vous faites de ces questions?

M. Gauthier (Claude): À ce niveau-là, il faut remarquer que maintenant, avec le système où la plainte est déposée directement, on va avoir 100 % des plaintes, ce qui va causer une augmentation du nombre de plaintes actuel. Je m'explique. Actuellement, on remet aux citoyens la lettre ainsi que le formulaire et il y a environ 15 % à 20 % de ces lettres-là qui ont une suite au niveau de la déontologie comme étant une plainte. Avec le nouveau système, dès que la personne se présente au poste de police, c'est une plainte. Je dois vous dire que, souvent, des gens appellent au téléphone, par exemple, 9-1-1. Le lendemain, quand ils sont rencontrés, ils disent: Oubliez ça, ça ne valait pas la peine. Mais ça, si c'est fait immédiatement, c'est déjà une plainte d'entrée. Donc, on va avoir une augmentation. Et là, au niveau de la conciliation, comme je le disais, si on y ajoute que le représentant syndical va être présent, moi, je pense que, oui, on devrait obtenir une augmentation du nombre, ce qui reviendrait à peu près à la même chose sur les plaintes qui, finalement, se rendront au bout du système. Je ne m'attends pas à ce qu'il y ait une augmentation des plaintes transmises au Comité de déontologie, mais peut-être un plus grand nombre réglées au niveau du Commissaire suite à l'enquête et un plus grand nombre, à ce moment-là, au niveau de la conciliation effectivement.

M. Yeomans (Peter B.): C'est plus lourd.

M. Gauthier (Claude): C'est plus lourd.

M. Yeomans (Peter B.): Beaucoup plus lourd.

M. Perreault: Est-ce que vous ne croyez pas que vous allez éliminer une partie des plaintes qui, jusqu'à maintenant, suivent le processus plus long et qui coûtent des sous aussi? Non?

M. Gauthier (Claude): Nous ne le croyons pas. À l'étude que nous avons faite, nous ne le croyons pas. Je crois qu'on va toujours constater que le Commissaire va régler, à son niveau, 70 % et qu'il y aura environ 10 % à 15 % qui vont aller... puis l'autre 5 % va s'en aller au Comité de déontologie. C'est à peu près 20 % qui va au Comité, puis il reste environ 5 % où il y a une reconnaissance de culpabilité.

M. Perreault: Je vais laisser l'opposition poser des questions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Alors, j'inviterais maintenant M. le député de Frontenac à prendre la parole.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. MM. Yeomans, Gauthier et Asselin, au nom de l'opposition officielle, je veux vous saluer et vous remercier d'avoir, dans un premier temps, préparé un document qui touche les questions extrêmement importantes en regard du projet de loi n° 136 et d'être là avec nous cet après-midi pour pouvoir échanger sur ces éléments qui apparaissent dans votre document.

M. le ministre, en date du 13 mai, au moment où il annonçait son intention de moderniser la déontologie de façon un petit peu audacieuse, avait dit que les municipalités, si on adoptait le projet de loi n° 136, pouvaient réduire de 35 % – pas 30 %, pas 40 %, pas 38 %; 35 %, je me demande encore où il a pris ça – les coûts de la déontologie pour l'ensemble des municipalités évalués à quelque part autour de 3 100 000 $. Je ne sais pas où il a pris le 35 %, le ministre. Et tous les intervenants qui ont à payer évidemment le coût de la déontologie, que ce soit l'Union des municipalités du Québec, l'UMQ, la Communauté urbaine de Montréal ou les associés des municipalités, je pense à l'Association des directeurs de police et pompiers du Québec, questionnent beaucoup le gouvernement et le ministre sur l'économie pour les municipalités à être réalisée avec le projet de loi n° 136. Je veux vous rappeler, messieurs, les commentaires de l'UMQ. Sauf erreur, toutes les municipalités de la Communauté urbaine sont membres de l'UMQ. Est-ce que j'ai raison, M. Yeomans?

(16 h 20)

M. Yeomans (Peter B.): Oui.

M. Lefebvre: L'Union des municipalités du Québec, par son président, M. Laframboise, a adressé, en date du 3 juin 1997, une lettre indiquant au ministre qu'il se questionnait sur la prise de position du ministre, à savoir que les municipalités allaient réaliser des économies substantielles, et on demandait au ministre d'en faire la démonstration.

M. Frigon, de l'Association des directeurs de police et pompiers, est allé plus loin lorsqu'il a comparu avec ses associés, sauf erreur, le 4 juin. Il a mis carrément le ministre au défi, et je le cite: «Vous affirmez qu'il y aura ou qu'il va y avoir 35 % d'économies en frais pour les municipalités et 20 % pour l'État.» Alors, c'est M. Frigon qui parle. «On vous met au défi d'en faire la démonstration, parce que la conciliation va coûter même plus cher que ce qu'elle coûte aujourd'hui, parce que, d'abord, on veut miser beaucoup sur cette conciliation-là et on implique une main-d'oeuvre sûrement beaucoup plus dispendieuse que celle d'un membre du Comité de déontologie et, deuxièmement, on n'a pas déjudiciarisé.»

Dans votre mémoire, vous en parlez à la page 6, du 35 %, que, selon le ministre, les municipalités et nécessairement la Communauté urbaine de Montréal pourraient récupérer. À combien avez-vous évalué... M. Yeomans, est-ce que vous avez fait une évaluation des coûts que représentera la mise en place de la conciliation, laquelle conciliation sera, en totalité – en totalité – assumée par vos municipalités? Est-ce que vous avez, M. Yeomans, avec vos associés, que sont l'ensemble des municipalités de la Communauté urbaine, est-ce que vous avez évalué les coûts que ça pourrait représenter, cette conciliation?

M. Yeomans (Peter B.): M. le Président, M. le député, nous sommes aussi préoccupés avec la question des supposées réductions de coûts. Les coûts sont en fonction du volume de plaintes, mais aussi de la lourdeur du processus. C'est très difficile de faire ce calcul. Sachant, par exemple, que la plupart des plaintes sont appelées à aller plus haut ou à procéder plus loin dans le système, ça, ça veut dire un engorgement, et puis un engorgement veut dire des coûts additionnels. Il y aura aussi les coûts que, nous, nous n'aurions pas à faire si la loi est adoptée telle quelle. C'est au niveau de la présence policière, au point de vue de la direction. Mais je pense que la question des coûts laisse un point d'interrogation. C'est à revoir après un an pour voir vraiment si les chiffres sont exacts. Deuxièmement, je ne pense pas que c'est ça qui est le plus important. Je pense que ce qui est le plus important, c'est d'avoir un système, si je peux l'appeler de même, qui soit efficient et efficace et que le citoyen, et le policier, et l'employeur trouvent qu'il y a eu une amélioration. Alors, on peut dire: Le jury n'a pas rendu de décision au sujet des coûts encore, sauf qu'on ne voit pas nécessairement les mêmes chiffres, si le volume demeure le même.

M. Lefebvre: Dans vos recommandations, à l'intérieur de votre conclusion, M. Yeomans, vous suggérez – d'autres ont fait des suggestions dans ce sens-là – de maintenir la composition du Comité de déontologie à trois personnes, comme c'est le cas présentement, en conservant le membre policier puis le membre représentant les citoyens.

M. Yeomans (Peter B.): Oui.

M. Lefebvre: Pour quelle raison pensez-vous que c'est important de maintenir cette représentativité?

M. Yeomans (Peter B.): Premièrement, pour la transparence, et pour les raisons démocratiques. Il faut absolument que le citoyen soit à l'aise avec le processus, soit intégral dans le dialogue, ait la chance d'intervenir et puis d'apporter des précisions. Et je rebondis – parce que je suis l'employeur aussi, pas seulement le représentant de la population – il faut absolument que l'employé ait, on peut dire, justice devant une accusation. Alors, il faut absolument que les deux parties soient là pour au moins avoir un mot à dire, une meilleure précision, et je pense que ça rend le travail de conciliation beaucoup plus efficace. Puis, comme je l'ai dit, ce que nous recherchons, c'est une amélioration et une correction à une situation, si vraiment il y a eu une situation où il était nécessaire d'avoir une intervention semblable. Alors, c'est pour la bonne conduite.

J'ai amené un autre exemple. Au niveau des travaux publics, mettons que j'ai un opérateur de charrue qui agresse un citoyen pour une raison ou une autre, parce qu'il remplit l'entrée avec de la neige, puis il fait signe au citoyen de... «you know what». Et, finalement, le citoyen n'aime pas le comportement. Quand il porte plainte, ça peut aller jusqu'au niveau de la direction du Service des travaux publics pour régler le problème de comportement, mais il y a des fois où ça aboutit dans le bureau du maire, et je suis le bon père de famille qui est appelé à concilier les deux parties, puis c'est intéressant, ça finit toujours avec une poignée de main, on s'en va, puis les affaires sont corrigées. C'est ça que nous recherchons. Sauf que, avec le Service de police, c'est un peu plus formel, parce que la loi sur la police est impliquée directement et indirectement, au point de vue de l'assermentation, et il y a un professionnalisme qui est un peu différent d'autres services municipaux.

M. Lefebvre: Vous dites, à la page 3 de votre mémoire, qu'il vous apparaît difficile de fonctionner à l'intérieur du délai de 45 jours pour régler une plainte de déontologie, ou le travail de conciliation, c'est-à-dire. Vous faites l'analyse de l'article 58.5 qui dit: «Le travail de conciliation doit être terminé dans un délai de 45 jours à compter de la date de transmission de la plainte par le commissaire. Celui-ci peut autoriser une prolongation et en fixer les modalités.» Sur la base des expériences que vous vivez à la Communauté urbaine, quel est le délai qui vous apparaîtrait raisonnable plutôt que 45 jours?

M. Yeomans (Peter B.): Quarante-cinq est louable. Mais de dire que tout ça peut se faire à l'intérieur de 45 jours avec les corps de travail que nous avons, avec la disponibilité, on questionne la «practicalité» de cette période de temps ou ce délai. On réalise que c'est très court; 45 jours, c'est vite passé. Auriez-vous des commentaires?

M. Gauthier (Claude): C'est qu'il faudrait penser également que le conciliateur, tel que prévu dans la loi, est une personne de l'extérieur. Donc, il va falloir agencer les agendas tant du policier, puisque, dans la conciliation, sa présence est obligatoire, que du citoyen. Dans la proposition qu'on fait, on dit que ça va être difficile de respecter ce 45 jours là. Quarante-cinq jours, comme M. Yeomans l'a dit, est très louable. Si on en arrive à la conclusion que le commandant de quartier peut faire cette conciliation-là, on vient de réduire énormément, puisqu'il est direct avec cette personne-là, il n'a qu'à agencer un seul agenda, soit celui du citoyen qui devrait se présenter. Et le commandant de quartier étant le chef de police, c'est un membre non syndiqué, il est là autant le soir que le jour pour pouvoir régler ces problèmes-là, alors que le conciliateur, normalement, aura d'autres occupations et devra composer avec son agenda. C'est dans ce sens-là qu'on a parlé.

Quant aux coûts évalués pour la conciliation, il nous était difficile d'essayer d'évaluer ces coûts-là puisqu'on ne connaît pas les honoraires; on ne connaissait pas ces choses-là. Mais on dit que ça va nous coûter plus, puisque, à date, ça ne nous coûte rien. C'était la façon que je le voyais. À date, la conciliation, le policier s'y rend sur les heures de travail, et il coûte de quoi au gouvernement mais pas à nous autres.

M. Yeomans (Peter B.): Je vois le ministre, il réalise que «time is money», bien sûr. Alors, il y a certainement des coûts indirects.

M. Perreault: Je voulais m'assurer qu'il me restait un peu de temps, j'avais quelques précisions à apporter là-dessus.

M. Lefebvre: M. le Président, moi, il me reste un peu de temps, je suis même prêt à le laisser au ministre pour qu'il puisse répondre à des questions aussi pertinentes et logiques.

(16 h 30)

M. Perreault: Mais, sur ces questions de coûts, je suis un peu étonné de la façon de voir les choses. Regardez, vous avez parfaitement raison qu'à l'étape de la conciliation ça va vous coûter plus cher; ça, je n'ai aucun doute là-dessus. Écoutez, actuellement, il y a à peine... C'est quoi, le pourcentage des choses qui vont en... 10 %. Il va y en avoir, on le souhaite, 70 %, 80 %, puis ça va vous coûter au moins 500 $ à chaque fois. Ça me semble évident, ça va coûter ça pour faire la conciliation. Donc, de ce point de vue-là, ça va coûter plus cher à la conciliation. Je ne vois pas comment ça peut ne pas vous coûter des sous. Mais trois heures de conciliation, quatre heures de conciliation, cinq heures de conciliation, c'est quand même moins cher que deux jours, trois jours de procès.

Donc, de ce point de vue-là... Regardez, si je pars d'un calcul simple, actuellement, ça coûte aux employeurs tout près de 4 300 000 $ par année pour à peu près 1 000 plaintes – M. Corbo l'a démontré dans son analyse – ce qui veut dire à peu près 4 300 $ par plainte. Le système, tel qu'on le souhaite, va diriger une part de plus en plus grande du règlement de ces plaintes à la conciliation; mettons, 500 $, 600 $, 700 $ à la conciliation. C'est bien sûr que, lorsqu'on va aller devant le commissaire, ça va continuer de coûter à toutes fins pratiques la même chose. Déjà, d'ailleurs, les municipalités en payent un peu, d'une certaine manière. Donc, ça va continuer à coûter la même chose puis, lorsqu'on ira plus loin également, en procès, ça coûtera la même chose. Mais, si on pousse une partie plus grande des plaintes vers l'étape de la conciliation, fusse-t-elle obligatoire, est-ce qu'on ne risque pas qu'au total le coût total du système diminue?

M. Gauthier (Claude): Avec l'hypothèse que vous amenez, effectivement, oui. Si on règle 70 % des plaintes à la conciliation, ce sur quoi vous me permettrez d'être sceptique, je ne crois pas. Actuellement, on en règle 15 %, et il y a des plaintes qui ne se régleront pas en conciliation. C'est sûr que, si on va à 70 %, la Communauté va économiser sur les frais d'avocats mais, si on maintient le même nombre, la Communauté n'économisera rien. Je ne suis pas sûr qu'on pourra passer de 15 % à 70 %.

M. Perreault: Quand on regarde ce qui se passe, il y a quand même actuellement tout près de 70 % à 80 % des cas qui sont, comment on pourrait appeler ça, des candidats à la conciliation. Donc, j'ai de la difficulté à...

M. Gauthier (Claude): Mais elle existe, M. le ministre, actuellement. Les candidats à la conciliation, actuellement, se voient offrir la conciliation, et elle est faite au niveau du commissaire à la déontologie.

M. Perreault: Oui, mais, quand ça arrive là, c'est cher, ce que ça coûte au commissaire à la déontologie.

M. Gauthier (Claude): Oui, au commissaire à la déontologie, je suis d'accord; mais, au niveau du Service de police, il n'y a aucun frais qui est encouru, excepté celui de la présence du policier. Et une conciliation, on me dit, c'est environ une heure, au niveau du bureau du commissaire; ça prend à peu près une heure, une heure trente, en moyenne, à moins que je ne me trompe, pour une conciliation. C'est sur le temps du policier. Il n'y a pas de représentant...

M. Perreault: Mais est-ce qu'il n'y a pas une partie importante des frais du commissaire qui est payée indirectement par les divers corps policiers du Québec?

M. Gauthier (Claude): Je l'ignore, je ne crois pas.

M. Perreault: Pour les enquêtes?

M. Gauthier (Claude): Ah! pour les enquêtes, actuellement, effectivement, l'unité administrative qui est en place occasionne des frais, sauf qu'on va les retrouver dans les frais qui vont être transposés par les enquêteurs du commissaire, qui vont être chargés; ça va revenir à peu près au même. Mais, actuellement, on évalue à environ 1 200 $ une plainte que l'on enquête pour le commissaire à la déontologie, les frais.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, Me Asselin.

M. Asselin (Denis): Suivant son rapport, M. Corbo indique que, bon an mal an, il y a à peu près 1 000 plaintes de déposées et que, pour la Communauté urbaine, c'est 34 %, donc 350, 340 et quelques plaintes. Mais on vous a indiqué qu'avec la nouvelle façon de formuler une plainte on va en perdre moins. On risque que de 350 on puisse passer à 600, 700 plaintes contre des policiers du Service de police de la CUM. Et toutes ces plaintes, obligatoirement, sauf quand le commissaire les réserve dans des circonstances spéciales à sa juridiction, vont faire l'objet d'une conciliation aux frais de la municipalité.

Or, 600 plaintes – vous avez indiqué que ça coûte 500 $ par séance de conciliation – on peut donner une moyenne de deux heures de conciliation à 150 $ l'heure. Vous avez indiqué 500 $. Donc, 500 fois 600...

M. Perreault: J'en ai mis plus que moins.

M. Asselin (Denis): ...plaintes, c'est 300 000 $ de plus pour la Communauté urbaine. Je sais qu'on peut économiser s'il y a un règlement. Vous pariez sur le fait qu'il y aura 80 %, peut-être 90 %... S'il n'y a pas de règlement, notre position, c'est qu'en l'absence du délégué syndical, probablement, le policier hésitera peut-être à s'engager dans un règlement. Et, s'il n'y a pas règlement, il y aura une somme nécessairement de 300 000 $ assumée par une municipalité. Et là, en plus, s'il n'y a pas ou très peu de règlements, il va y avoir les frais de l'enquête qui devront être assumés. Et, s'il y a une audition, un procès devant le Comité de déontologie, il y aura encore les frais de 4 000 000 $ d'honoraires d'avocats. Donc, on peut se retrouver avec une facture beaucoup plus élevée.

M. Perreault: Deux remarques. D'abord, j'ai indiqué que, là-dessus, la suggestion que vous faites, vous n'êtes pas les premiers à la faire, la Fraternité l'a faite également avant vous, et je pense que nous partageons... je partage maintenant cette analyse, je veux le dire tout de suite.

Il y a quelque chose, dans ce que vous dites, qui est un peu étonnant. Dans le fond, vous me dites: On ne fera pas d'économies parce que les plaintes vont doubler. C'est un peu ça. Dans le fond, ce que vous dites, c'est: Dans le cadre du système actuel, on a x plaintes puis, avec ce qu'on met sur la table, on n'aura pas les économies. On les aurait, mais on ne les aura pas parce que les plaintes vont doubler. Moi, vous allez m'expliquer pourquoi les plaintes doubleraient. Ou bien le problème, c'est que le système actuel décourage les gens...

M. Asselin (Denis): Non. C'est parce que le citoyen, souvent, s'adresse au poste de police et c'est à ce niveau-là qu'il veut que ça se règle. Et quand on lui dit: Ce n'est pas ici que les problèmes se règlent entre nos policiers puis vous, c'est ailleurs, c'est des gens de l'extérieur. Allez à l'extérieur voir le commissaire à la déontologie. Bien, si vous n'êtes pas capables de régler vos problèmes avec vos policiers, si vous n'êtes pas plus intéressés que ça... Alors, les gens abandonnent, ils n'y vont pas parce qu'ils perdent confiance. Alors, on dit: On va les conserver, ces plaintes-là, puis on veut les conserver.

Et quand M. Corbo, à la page 82 de son rapport, que vous avez cité, met en doute la transparence ou l'objectivité du système parce que c'est la police qui police la police, on partage en partie ces inquiétudes-là au niveau de l'enquête, au niveau de l'audition en déontologie, au niveau du procès lorsqu'on juge le policier, lorsqu'on l'enquête, mais on partage moins ces inquiétudes au niveau de la conciliation où le plaignant, le citoyen, n'est pas lié par cette conciliation-là. Il peut refuser d'accepter un règlement ou encore la loi peut prévoir, dans certaines circonstances exceptionnelles, qu'il est préférable que la conciliation se fasse par un tiers, un représentant du commissaire; elle pourra se faire par ce tiers-là. Mais, dans bien des cas, les citoyens accepteraient que la conciliation se fasse entre le commandant de quartier, lui et le policier. Pourquoi éliminer cette option-là, pourquoi l'écarter définitivement dans les cas où les policiers seraient satisfaits?

M. Perreault: Mais, d'un point de vue de coûts? Je comprends les autres préoccupations, c'est pour ça que j'ai posé ma question, pour comprendre si c'était lié à des questions, lié à l'organisation, la gestion des policiers ou des choses semblables. Mais, d'un point de vue de coûts, d'une certaine façon, vous savez, si c'est les directions des postes de quartier, il y a un coût pareil pour la communauté. Je comprends qu'on peut toujours dire qu'il s'intègre dans l'ensemble des coûts de personnel, mais il reste quand même que, dans l'organisation de travail, dans les charges de travail, si c'est concrètement des ressources humaines du Service de police de la Communauté qui font ce rôle de conciliateur, théoriquement, ils vont y passer les mêmes heures, le même temps que des conciliateurs. Vous ne pouvez pas dire qu'il n'y a pas de coût là-dedans.

Évidemment, c'est peut-être une façon que la Communauté préfère comme façon d'aborder ces coûts-là, mais, si c'est le directeur du poste qui est le conciliateur, il va falloir qu'il entende les gens, il va passer du temps là-dessus. Il est payé, ce président-là... pas ce président, ce...

M. Asselin (Denis): Pour nous, c'est un placement, c'est un investissement.

M. Perreault: O.K. C'est un choix de moyen.

M. Asselin (Denis): Ça permet au commandant de quartier de savoir ce qui se passe dans son quartier entre un citoyen et son policier. Ça permet de détecter les comportements dérogatoires et lui a intérêt plus que tout autre à ce qu'il y ait une solution.

M. Perreault: O.K. Mais ça, je peux comprendre et respecter, je veux dire comprendre votre point de vue et respecter cette préoccupation, mais on faisait un débat sur les coûts. Dans le fond, tout ce que je veux dire, c'est que je suis un peu surpris quand la Communauté nous dit que ça va doubler. Les analyses qu'on a ne vont pas dans ce sens-là. Je comprends cependant...

M. Asselin (Denis): Ça peut doubler.

M. Perreault: ...que ce n'est pas tout à fait les mêmes postes budgétaires qui vont jouer. Ça, je peux comprendre ça, mais il y a un coût dans tous les cas. Vous reconnaissez que, si c'est votre personnel qui fait la conciliation, à moins de mal la faire, il devra consacrer le même effort, la même énergie que si les gens payaient.

(16 h 40)

Mais je terminerais tout simplement: si on revenait au-delà des questions des coûts? Vous dites: On aimerait pouvoir faire une expérience-pilote. Je vous ai posé une question tantôt. Est-ce que vous avez un peu abordé cette question avec la Fraternité? Et je vous pose la question pour la raison suivante: On est en matière de déontologie policière. C'est évident que tout système de déontologie policière, si on veut qu'il soit viable, il faut qu'on puisse établir un projet de loi qui, d'une certaine façon, a l'accord pour l'essentiel. On peut être en désaccord sur certains aspects, mais l'accord des policiers eux-mêmes, qui sont au coeur de ce projet... Je pense qu'on peut toujours imposer des règles de déontologie, mais je pense que l'intérêt public passe plutôt par la recherche d'un accord des parties. Quelles chances y a-t-il ou comment voyez-vous la possibilité qu'une expérience-pilote puisse être agréée par la Fraternité?

M. Yeomans (Peter B.): Je peux vous dire qu'au point de vue de l'atmosphère, l'environnement au niveau local du travail... Et je ne suis pas, on peut dire, en dehors de la réalité quand je dis que l'expérience, jusqu'à date, au niveau quartier, il y a des endroits que ça va mieux qu'ailleurs, c'est sûr, avec l'implantation, mais tout va dans la bonne direction. Je parle comme élu maintenant. Nous étions très encouragés avec l'engagement de la Fraternité de comprendre les enjeux, de véhiculer le message à ses membres et aussi, du côté de la direction, de voir, on peut dire, l'élément important dans cette approche qui est une évolution, comme je l'ai dit et le fait que toute la thèse a évolué à l'intérieur du service et a finalement abouti avec le livre vert que vous avez à votre disponibilité, ça indique la direction dans laquelle on veut aller.

Alors, parlons de l'atmosphère, d'un engagement de la part des parties, et finalement de la formation, de la formation et du professionnalisme au niveau de l'officier en question, et finalement une éducation auprès du public. Chaque quartier, chaque communauté va faire son travail à cet égard. Comme maire, j'ai le rôle de renseigner mon public, mes citoyens, sur leurs responsabilités et la nouvelle approche.

M. Perreault: Je vais m'essayer avec une autre question. C'est parce qu'avant de vous entendre on a eu l'occasion d'entendre les représentants des associations de policiers qui émettent beaucoup de réserves, évidemment, vous le savez, à cette approche. J'ai déjà indiqué un peu que le projet de loi tel qu'il est là préserve pour l'essentiel l'architecture actuelle du système.

Par rapport à votre préoccupation – je ne sais pas si on est en mesure de modifier à ce point le projet – qui est celle de dire de quelle façon la direction des corps policiers peut être davantage, comment dire, proche de ce qui se passe à travers ce processus de telle sorte que les objectifs que vous recherchez... Dans le fond, au niveau des principes, je pense que tout le monde s'entend, ce que vous recherchez, c'est de faire en sorte qu'il y ait une meilleure dynamique au plan local et que le travail se fasse comme il faut dans l'intérêt des citoyens. De ce point de vue, bien sûr que les directions ont une responsabilité; ça, je le partage.

Alors, est-ce qu'il y aurait dans le projet de loi, de ce point de vue, des choses qui pourraient être faites? Bon, il y a l'expérience-pilote que vous proposez. Avez-vous d'autres pistes?

M. Yeomans (Peter B.): M. le ministre, j'avais suggéré quelque chose dans le préambule de la loi pour dresser le portrait auprès de la population dans l'immédiat, pour bien comprendre ce que nous voulons faire. Nous voulons le dire ensemble parce que c'est un travail d'équipe, voulant dire le législateur et la scène locale. Et les élus locaux ont un rôle à jouer, comme le commandant et surtout comme tous les policiers qui sont en devoir.

Alors, je pense que, si la loi donne cette opportunité de nourrir la base et de renforcer les approches, vous êtes en train de nous donner un outil et une marge de manoeuvre pour l'évolution de la société locale, si je peux dire, de la bonne façon. Il va sans dire que nous avons un défi au niveau culturel et des ethnies sur l'île de Montréal; le reste de la province n'a pas nécessairement les mêmes défis. Et nous avons à composer avec ces attitudes et ces préoccupations. Et je pense que, jusqu'à maintenant, avec les interventions au niveau local dans les districts auparavant, et même dans les quartiers maintenant, nous avons un rapprochement. On le voit à Côte-des-Neiges, on le voit ailleurs. Et puis, c'est important et c'est dans le service public.

Je peux même prendre le cas des chauffeurs d'autobus. Vous vous souvenez, dans Outremont, auparavant, il y a eu une question de composer avec des attitudes, puis là, maintenant, je peux vous dire que je suis convaincu que les attitudes sont en train de changer et puis tout le monde est impliqué. Alors, à l'intérieur de la loi, je pense qu'il y a des moyens d'indiquer cette approche puis de nous laisser un champ afin de faire preuve pas seulement de bonnes intentions, mais de capacité de produire quelque chose qui a de l'allure.

M. Perreault: Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Ça va? M. Yeomans, Me Asselin, M. Gauthier, nous vous remercions de votre présentation.

M. Perreault: M. le Président, je voudrais faire la proposition que nous ajournions nos travaux à lundi, le 16, à 11 heures. Avec l'accord de l'opposition, si j'ai bien compris.

M. Lefebvre: M. le Président, en souhaitant, avant d'adopter la motion d'ajournement, que le ministre soit inspiré en fin de semaine et qu'il prenne bonne note de toutes les suggestions qui lui ont été faites par plein d'intervenants qui ont comparu et le 4 et le 13 juin, de sorte qu'on se retrouve avec un projet de loi qui fasse ce qui n'est pas le cas aujourd'hui... Non seulement il n'y a pas d'unanimité, il n'y a même pas de consensus. Et, dans ce sens-là, l'opposition va collaborer, si c'est le cas, si le ministre propose des modifications, des amendements, s'il tient compte des suggestions qui lui ont été faites. On le verra lundi, lorsqu'on procédera à l'étude du projet de loi article par article. J'espère que le ministre a bien compris les messages qu'on lui a faits depuis deux jours, et le 4 et aujourd'hui, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mmes, MM. les membres de la commission et le personnel aussi, je voudrais vous remercier pour cette collaboration à la tenue de nos consultations particulières. Alors, nous ajournons donc nos travaux à lundi, 16 juin, 11 heures.

(Fin de la séance à 16 h 48)


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