To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, March 24, 1998 - Vol. 35 N° 111

Consultations particulières sur le rapport Pierre-F. Côté sur le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. Marcel Landry, président
M. Roger Paquin, président suppléant
M. Jean-Claude St-André
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Normand Jutras
M. John Ciaccia
Mme Lucie Papineau
M. Lawrence S. Bergman
Mme Lyse Leduc
*Mme Diane Drouin, FCSQ
*M. Guy Beaudin, idem
*M. Gilles Taillon, idem
*M. Paul-André Comeau, CAI
*M. Keith Henderson, PE
*M. Jean-Hertel Lemieux, CNJ
*M. Patrice Gobeil, idem
*Mme Isabelle Bouchard, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, bonjour, mesdames, messieurs. Nous allons débuter nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission des institutions de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le rapport Pierre-F. Côté, sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur des modifications à des législations électorales.

M. le secrétaire, pourriez-vous nous annoncer les remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, en application de l'article 130, M. Jutras (Drummond) remplace Mme Simard (La Prairie). Et pour la séance, M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace M. Lefebvre (Frontenac) et M. Sirros (Laurier-Dorion) remplace M. Mulcair (Chomedey).


Remarques préliminaires

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, merci. Alors, cet avant-midi, voici l'ordre du jour. Nous allons débuter par des remarques préliminaires et, à 10 heures, nous allons recevoir M. Pierre-F. Côté pour la présentation de son rapport. À 11 h 30, nous recevrons la Fédération des commissions scolaires du Québec, et il y a suspension des travaux prévue à 12 h 30.

Cet après-midi, nous recevrons, à compter de 15 heures, la Commission d'accès à l'information; à 16 heures, le Parti Égalité; et à 17 heures, le Comité national des jeunes du Parti québécois. Nous ajournerons nos travaux à 18 heures.

Alors, j'inviterais maintenant M. le ministre responsable à nous faire part de ses remarques préliminaires.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir que j'inaugure les auditions publiques de cette commission sur le rapport de M. Pierre-F. Côté qui porte sur les suites à donner au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman ainsi que sur des modifications suggérées à différentes législations électorales.

Permettez-moi d'abord de rappeler que la Loi sur la consultation populaire a pour objectif fondamental de garantir le caractère démocratique de la consultation en permettant que les différentes opinions ou options proposées puissent se faire valoir de façon équitable. En effet, afin que tous les points de vue soient bien représentés, la loi contient une série de dispositions visant à réglementer les dépenses en période référendaire. Ce sont ces dispositions qui ont été déclarées inconstitutionnelles par la Cour suprême, et ce, malgré le fait que deux cours du Québec, la Cour supérieure et la Cour d'appel, aient jugé ces mêmes dispositions justes et équitables.

Malgré ce revers important, il est intéressant de noter que la Cour suprême confirme néanmoins que la protection du caractère juste et équitable des campagnes référendaires est un objectif louable qui implique nécessairement certaines restrictions à la liberté d'expression et que la promotion d'un tel objectif revêt une importance urgente et réelle dans une société démocratique.

À partir de ce constat de la Cour suprême, il nous est permis de nous demander, comme le fait Me Côté, où se situe dans nos lois le problème à l'égard de la liberté d'expression et d'association. La Cour suprême définit la liberté d'expression comme étant le droit de déployer les moyens autres que la violence nécessaires à la communication. Le moyen financier constitue, selon la Cour, un moyen nécessaire à la communication. Or, il appert que l'usage de ce moyen se trouve restreint par notre loi pour deux groupes de personnes en particulier. Tout d'abord, les indépendants, c'est-à-dire les individus ou les groupes ne favorisant aucune option. Exemple: ceux qui prônent l'abstention ou l'annulation du vote. Il y a les isolés, deuxièmement, c'est-à-dire les individus qui favorisent une option mais ne veulent pas ou ne peuvent pas s'affilier aux comités nationaux. Exemple: ceux qui ne veulent pas être identifiés à un parti politique ou qui sont en désaccord avec la stratégie référendaire.

Ainsi, même si ces restrictions à la liberté d'expression ne concernent que certaines catégories limitées de personnes, la Cour suprême a balayé toutes les dispositions pertinentes de nos lois relatives à la réglementation des dépenses référendaires, ce qui a entraîné une réaction immédiate du gouvernement du Québec dans le but d'en restaurer l'intégrité.

De surcroît, il est vite apparu que l'application du jugement Libman à la Loi électorale ainsi qu'à la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités entraînerait les mêmes conséquences en ce qui a trait à la limitation des dépenses électorales. C'est la raison pour laquelle le rapport Côté suggère également, à titre préventif, des amendements à ces lois.

Parce que ces lois sont au fondement même de notre système démocratique, le gouvernement du Québec croit qu'il ne lui appartient pas d'initier unilatéralement, c'est-à-dire sans consultation ni discussion, des changements importants qui s'y imposent. C'est dans cette optique que nous avons demandé à l'ex-Directeur général des élections du Québec et expert en la matière, M. Pierre-F. Côté, de nous soumettre un rapport et de nous présenter ses recommandations.

Le rapport, qui fera au cours des prochains jours l'objet de commentaires de différents organismes ou individus qui viendront s'exprimer ici, suggère deux voies possibles. La première voie consiste à demander à l'Assemblée nationale du Québec de recourir à une disposition dérogatoire couramment appelée la clause «nonobstant». Le recours à cette disposition aurait pour effet de soustraire les dispositions déclarées inconstitutionnelles à l'effet du jugement de la Cour suprême.

La décision de recourir à cette disposition dérogatoire est une décision importante qui relève du domaine politique. Elle comporte des avantages et des inconvénients. Le principal avantage est de nature juridique puisqu'une telle décision mettrait la Loi sur la consultation populaire à l'abri de toute contestation judiciaire pendant une période de cinq ans. Par contre, le principal inconvénient du recours à la clause «nonobstant» est qu'elle ne peut s'appliquer que pour une période de cinq ans, même si c'est renouvelable cependant, et qu'elle doit également être dérogatoire à la Charte québécoise des droits et libertés.

Une deuxième voie consiste à amender nos lois pour donner suite, de façon stricte et rigoureuse, au jugement de la Cour suprême. Il s'agirait alors d'ajouter un chapitre à chacune de nos lois électorales et référendaires pour accorder le droit de dépenser, sous certaines réserves et certaines conditions, aux catégories de personnes identifiées par le jugement. Ces réserves et ces conditions touchent, entre autres, les requêtes qui doivent être présentées par les intervenants, en particulier au Conseil du référendum ou au niveau du conseil électoral, dans des délais très précis. Les réserves limitent également le montant maximum des dépenses autorisées aux électeurs à environ 1 000 $ et empêchent le regroupement des électeurs qui auraient l'intention de contourner la loi en mettant en commun les sommes maximums autorisées et, enfin, en forçant les intervenants à produire des rapports des dépenses effectuées.

(9 h 40)

J'ajouterais, quant à moi, qu'une troisième voie est possible et non explorée par Me Côté. Cette voie consiste à amender nos lois électorales et référendaires et à placer ces dispositions sous la protection d'une clause dérogatoire. Un tel amalgame des deux premières solutions aurait comme avantage d'améliorer l'aspect démocratique de nos lois tout en les plaçant à l'abri d'éventuelles contestations judiciaires. Nous aurions pu nous limiter à demander des recommandations directement reliées au jugement Libman, mais autant en profiter pour faire un petit peu plus. Notre gouvernement, je vous le rappelle, est à l'origine de l'adoption de la loi sur le financement des partis politiques ainsi que de la Loi sur la consultation populaire.

Depuis 1976, nous avons réussi à doter le Québec d'un code électoral reflétant des valeurs démocratiques partagées par tous les Québécois et les Québécoises et nous avons, à juste titre, toutes les raisons d'en être fiers. Depuis, la teneur et le fonctionnement de nos lois électorales ont constamment été améliorés. Dans cet esprit, nous avons donc également demandé à Me Côté de réfléchir aux questions suivantes: l'identification des électeurs, l'inscription automatique des électeurs de 18 ans ainsi que l'inscription des néo-Québécois, l'influence indue également, lors d'une campagne électorale ou référendaire, de certains individus, les dépenses non autorisées et la simultanéité des élections scolaires et des élections municipales. Voilà autant de sujets sur lesquels on a demandé à Me Côté de réfléchir.

Plus particulièrement, en ce qui concerne l'identification de l'électeur et l'opportunité de recourir à la clause «nonobstant», nous soumettons à cette commission et au public par votre intermédiaire, M. le Président, deux sondages réalisés, le premier, par la firme Léger & Léger, et le second par Michel Lepage, sur les deux sujets mentionnés précédemment, c'est-à-dire l'identification de l'électeur et l'opportunité de recourir à la clause «nonobstant». D'ailleurs, immédiatement après ma présentation, je vous remettrai les copies, M. le Président, pour distribuer à l'ensemble des membres de la commission.

Au-delà de 25 organismes publics pourront se prononcer sur les recommandations de Me Côté. Nous entendrons leurs commentaires au cours des prochains jours. Au terme de cet exercice démocratique, eh bien, une décision sera prise. Je souhaite que celle-ci soit consensuelle entre les parties présentées à l'Assemblée nationale du Québec. Au cours des jours qui viennent donc certains trouveront que le rapport de Me Côté va trop loin, d'autres, pas assez. La réforme des lois électorales, il ne faut pas l'oublier, est un processus qui doit être d'ailleurs en constante évolution puisque l'organisation d'une société ne saurait jamais être statique.

En terminant, j'aimerais vous rappeler que le dernier référendum que nous avons eu au Québec a entraîné un taux de participation de 94 %. Pensez-y, 94 %. Ce chiffre à lui seul veut tout dire quant au type de démocratie qui s'exerce ici, au Québec. En tenant ces audiences sur la réforme électorale, nous souhaitons préserver et améliorer encore davantage ce capital démocratique dont nous sommes si fiers.

M. le Président, je vous dépose donc copie du résultat des deux sondages qui ont été effectués à l'automne 1997 concernant précisément la loi électorale et la loi référendaire.


Document déposé

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, M. le ministre. Je vous remercie et j'accepte le dépôt de ces documents.

Alors, j'inviterais maintenant le porte-parole de l'opposition officielle à nous faire part de ses remarques préliminaires. M. le député de Laurier-Dorion.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Quelques brèves remarques pour situer un peu le contexte dans lequel nous nous trouvons puis peut-être répondre également à quelques-uns des commentaires qu'a faits le ministre dans ses remarques préliminaires.

Il s'agit, M. le Président, on va se rappeler, d'une démarche qui a été décidée unilatéralement par le ministre – qui dit: Bien sûr – et annoncée lors d'un conseil national du Parti québécois. C'est lors d'un conseil national du Parti québécois que le ministre a décidé de mandater l'ex-Directeur général des élections pour donner suite, d'une part, au jugement de la Cour suprême en apportant au gouvernement et, étant donné le système parlementaire dans lequel on vit à l'Assemblée nationale, par le biais de cette commission... et, d'autre part, de lui faire des recommandations sur un certain nombre d'autres sujets. Ces autres sujets, M. le Président, ont été choisis, encore une fois, unilatéralement, seul, par le ministre. Personne de ce côté-ci n'a été consulté quant aux autres sujets qu'on aurait pu trouver intéressant de débattre entre nous, ici, puis d'examiner quant à d'éventuels amendements à la loi électorale, une loi, je dois le rappeler, qu'on doit tenter constamment d'amender de façon consensuelle, étant donné qu'on a déjà tout l'édifice essentiel qui s'appelle la loi électorale, au niveau de l'institution démocratique qui nous régit. Et nous sommes extrêmement fiers, je pense, de part et d'autre, du fait que nous jouissons d'une qualité démocratique exceptionnelle, on dirait même.

Donc, on est dans le domaine des ajustements. Sauf que nous avons eu un jugement, suite à un recours devant les tribunaux d'un certain nombre de personnes, concernant le volet extrêmement essentiel quand on parle de démocratie: liberté d'expression. Et c'est sur ce volet de liberté d'expression que la Cour suprême a trouvé que, dans les efforts d'assurer l'équité, la transparence et l'équilibre entre les forces qui ont été au coeur de la mise en place de notre loi référendaire et de notre loi électorale, le législateur est allé un peu trop loin et a, par ses contraintes et par ses dispositions dans la loi telle qu'elle existait, telle qu'elle existe jusqu'à maintenant, enlevé la liberté d'expression à un certain nombre d'individus, à une certaine catégorie de personnes qui pourraient se trouver dans cette situation.

Je ne jouerai pas le jeu, M. le Président, que jouait le ministre tantôt en opposant la Cour du Québec à la Cour suprême. Notre système judiciaire, c'est un tout, et il y a un processus d'appel qui fait en sorte que les cours – la Cour supérieure, la Cour d'appel du Québec... Les citoyens peuvent recourir à la Cour suprême. Et il ne s'agit pas d'opposer les jugements des uns contre les autres, mais il s'agit de voir, dans l'ensemble, de quoi il s'agit. Je ne jouerai pas le jeu, parce que je pourrais jouer le jeu en disant: Oui, mais il y a eu plus de juges qui se sont prononcés de telle façon contre l'autre. Parce qu'il s'agissait de neuf juges à la Cour suprême, d'un juge à la Cour supérieure, puis de trois juges à la Cour d'appel. C'est des jeux un peu enfantins qui ne devraient pas nous amener à les apporter ici, M. le Président.

La Cour suprême a bel et bien dit que la loi du Québec sur les élections et la loi référendaire est une loi exceptionnelle qui a quand même un certain nombre d'ajustements qu'il faut faire étant donné les situations qu'on décrivait tantôt. On a vu à l'époque, M. le Président, le ministre qui est ici aujourd'hui ainsi qu'un collègue qui ne nous a pas fait le plaisir de sa présence aujourd'hui, le ministre des Affaires intergouvernementales, qui ont tellement rapidement déchiré leur chemise sur ce jugement-là qu'on comprend pourquoi aujourd'hui le ministre cherche à trouver une façon de ramener cette idée de la clause «nonobstant». Au moment où le jugement de la Cour suprême arrivait, le ministre responsable de la Réforme électorale insistait à qui voulait l'entendre que ça prenait absolument la clause «nonobstant», que ce n'était pas ce qu'on allait permettre ici, au Québec, à la Cour suprême de nous dicter comment faire les choses ici, c'est la clause «nonobstant» qui allait être évaluée très, très, très sérieusement et que le gouvernement se pencherait rapidement sur cette question-là.

Depuis ce temps-là, presque tout le monde lui avait dit, et l'opposition incluse: Du calme, s'il vous plaît. Ramenez-vous un peu de sérieux dans le dossier. Regardez comme il faut le jugement et vous allez constater qu'il ne s'agit pas d'un jugement qui dénigre ni la loi référendaire ni la loi électorale qui, au contraire, peut être vue comme une excellente publicité pour cette loi-là, mais il y a un certain nombre d'ajustements qu'il faudrait faire. C'était un genre d'indignation sur commande – on disait à l'époque – que les deux ministres exhibaient.

(9 h 50)

Alors, on comprend pourquoi aujourd'hui le ministre essaie de ramener une troisième possibilité aussi inacceptable que la première. Le ministre nous dit: Il y a deux possibilités, théoriquement, qui existent: la clause «nonobstant» pour dire: La Cour suprême, vlan! votre jugement, gardez-le, on s'en... – en tout cas, je passerai sur ce mot-là – on va garder notre loi telle quelle pour au moins les cinq ans avec l'utilisation de la clause «nonobstant». Une deuxième voie, qui est la voie raisonnable – parce que le processus judiciaire est justement là pour agir comme garde-fou, M. le Président, contre les abus d'un législateur, peu importe qui il est – nous dit: Voici un certain nombre d'éléments qu'il faut ajuster pour s'assurer que la liberté d'expression – élément fondamental s'il y en a un dans l'exercice démocratique des citoyens... cet élément-là, il est entaché en quelque sorte par certaines dispositions de votre loi. Changez-les, trouvez ce qu'il faut faire pour les changer. Donc, la voie réelle devrait nous amener à examiner ça calmement, lucidement, puis à proposer des recommandations qui, nous le croyons de bonne foi, iront dans le sens du respect de la liberté d'expression.

Se mettre dans une position où on dirait: Étant donné qu'on a cru ça, maintenant on va empêcher les tribunaux de regarder ça de nouveau, puis de nous recommander si, oui ou non, on a bien fait, ce n'est, M. le Président, qu'une façon détournée de faire indirectement ce qu'on n'a pas pu faire directement, et ce n'est qu'essayer, pour le ministre, de sauver la face, essayer de trouver une façon qui lui permettrait de justifier un peu les excès qui l'ont caractérisé quand le jugement a été amené. Ce serait totalement inacceptable, M. le Président.

Le recours qu'on doit avoir, c'est, de bonne foi, proposer des amendements à la loi, qui tiennent compte du jugement de la Cour suprême, remettre ça en application, et, si jamais il y a des citoyens qui trouvent qu'on est encore une fois allé trop loin, qui veulent recourir aux tribunaux, c'est leur droit. Je répète, dans des matières comme le processus électoral, c'est davantage plus important que les tribunaux aient tout ce recours-là. À moins que le ministre veuille se mettre dans la même situation où se retrouvait M. Klein tout récemment, qui, pour une raison complètement incompréhensible, avait songé à avoir recours à la clause «nonobstant» pour empêcher un droit fondamental des citoyens, les forcer, en quelque sorte, à accepter, dans son cas, un règlement sur un dossier litigieux qui avait amené des gens à aller devant les tribunaux.

C'est du même ordre, M. le Président, l'utilisation de la clause «nonobstant» dans des matières aussi sensibles qu'est la loi électorale. Si le ministre veut se mettre dans cette position, libre à lui de le proposer, mais je vous dis tout de suite que, de notre côté, nous comptons évaluer les amendements que nous devons apporter de bonne foi, proposer que ça soit mis en application et laisser la liberté aux citoyens d'avoir recours, si tel est leur désir, aux tribunaux pour faire valoir leur point de vue sur la législation qu'on aurait adoptée. Si jamais les tribunaux décident, de nouveau, qu'on est allé trop loin comme législateurs, bien, il faudrait reprendre le travail. C'est ce que nous devons faire normalement, M. le Président. Mais efforçons-nous de trouver des législations ou des amendements à la législation qui vont nous donner le maximum de chances que nous allons nous insérer dans le cadre de la voie qui nous a été tracée par la Cour suprême pour que justement de tels recours soient caducs devant les tribunaux, à un moment donné, si jamais il y en a.

Avec ça, M. le Président, je ne peux que conclure sur un certain nombre d'autres sujets qui ont été dictés par le ministre à M. Côté, qui est allé examiner un certain nombre de sujets qui lui ont été, soit suggérés par le ministre, soit amenés... Je ne sais pas de quelle autre façon ils auraient pu être amenés, je ne peux conclure que, que ça soit, par exemple, l'identification obligatoire des électeurs, un sujet que le ministre ramène chaque fois qu'il peut devant la commission parlementaire ou devant le Parlement, nous nous trouvons, de ce côté-ci, M. le Président, à être du même avis que la Commission d'accès à l'information, que le Protecteur du citoyen, que la Commission des droits de la personne, qu'il s'agit d'un élément non nécessaire et extrêmement dangereux. Et dans le contexte où nous nous trouvons, ça nous surprendrait de... D'ailleurs, on a de la misère à expliquer pourquoi le ministre insiste tellement sur cet élément-là. Mais ça étant dit, nous verrons au fur et à mesure des audiences sur ça et sur d'autres sujets quel serait le positionnement du gouvernement ainsi que tout le monde sur cette question-là.

Nous estimons, comme je disais au début, M. le Président, que nous disposons d'une loi qui est extrêmement bien faite dans son ensemble, une loi qui assure l'équité, qui assure la transparence, qui assure un débat démocratique quand il s'agit de choix que les citoyens doivent faire, et nous sommes dans le domaine des ajustements que nous devons apporter, non pas des grandes réformes, à ce moment-ci. Parce que les grandes réformes ont été faites. Elles ont été faites et elles ont été, comment je peux dire, acceptées à l'unanimité, elles ont été incorporées dans notre façon de penser comme Québécois et comme Canadiens au niveau de l'exercice démocratique, des exercices que nous faisons périodiquement, que ce soient des élections, que ce soient des référendums – des référendums, un peu trop souvent, M. le Président, mais, en tout cas.

Ça étant dit, il s'agit donc de chercher par la voie de cette commission les consensus qui vont nous assurer que les amendements que nous allons finalement incorporer dans notre législation vont trouver l'appui de l'ensemble des représentants de la société que constituent les députés de cette Assemblée nationale, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. M. le ministre et député de Laviolette.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: M. le Président, merci. Pour que les gens comprennent bien dans quelle situation nous sommes, il faut partir d'abord du principe qu'une loi, un jour, a été adoptée et a fait en sorte qu'elle a changé les moeurs électorales au Québec – «moeurs» est féminin.

Donc, à partir de ce moment-ci, vous avez un comité technique qui existe, un comité technique qui est formé des membres des partis politiques représentés à l'Assemblée nationale, qui sont: le Parti libéral, l'Action démocratique et le Parti québécois. C'est les gens qui, au niveau des partis, regardent l'ensemble de la loi et préparent le travail pour le comité consultatif sur lequel siègent des députés des formations politiques. À partir de cela, il y a des consensus qui interviennent à ce niveau-là. Dans certaines circonstances, la loi électorale doit être amendée, et on le fait. Puis, dans certains cas – on l'a vécu avant les Fêtes – où malheureusement on n'a pas d'entente, il faut prendre des décisions qui sont au mieux-être de l'ensemble de la collectivité et qui répondent à des demandes venant de l'ensemble de la société québécoise.

Nous avons donc aujourd'hui un examen démocratique de la loi suite à un jugement de la Cour suprême. Je me demande pourquoi des gens s'objecteraient à ce que la population soit consultée. C'est le but de la rencontre d'aujourd'hui et des jours qui vont suivre. Le but recherché est donc de voir comment on peut amender la loi, corriger certaines lacunes et répondre à un jugement qui est devant nous, et voir de quelle façon on peut préserver le droit démocratique des gens.

Moi, j'aime mieux parler à des gens qui veulent progresser qu'à des gens qui veulent régresser. La loi, à mon avis, a été, en tout cas au niveau de la loi référendaire comme de la loi du financement des partis politiques ou de la loi électorale elle-même, à quelque niveau que ce soit, un avantage marqué de la démocratie québécoise. Et, au moment où on se parle, il y a des modifications qui doivent être apportées et, comme on veut évoluer, il faut regarder aussi comment ça se passe avec une liste permanente, laquelle est informatisée et dans laquelle toute personne qui, à mon avis et de l'avis de beaucoup de monde au Québec, doit assurer le droit de vote à toute personne qui a réellement le droit de vote... Et c'est ce que nous cherchons, comment y arriver.

D'aucuns auraient pu prétendre, et fait partie de ceux-là la personne qui vous parle, que peut-être que la clause «nonobstant» a été un moyen. D'autres disent qu'il y a d'autres formules, et c'est ce qu'on va rechercher aujourd'hui avec tous les gens qui vont venir, dans les jours qui viennent, nous en parler. Mais il y a une chose qui est certaine – et ça, il ne faut pas le nier – si la clause «nonobstant» a été inscrite quelque part, elle doit être utilisée, si elle peut être utilisée. Je l'espère, en tout cas. Si on a la clause, c'est parce qu'elle peut être utilisée; puis, dans certains cas, on doit l'utiliser. Il faut savoir les raisons pour lesquelles on l'utilise et il faut savoir aussi, en même temps, les conséquences du geste qu'on posera.

Donc, on n'a pas pris de décision encore à ce moment-ci, compte tenu de l'ensemble des gens qui vont venir nous dire comment ils voient les choses. Mais, s'il y a une clause «nonobstant» qui existe, ou bien elle est là pour quelque chose ou elle est là pour rien. Et, moi, je pense qu'elle est là parce qu'elle permet certaines possibilités qui nous indiqueront que, si on l'utilise, on doit porter le poids politique de la décision qu'on prendra.

(10 heures)

L'autre chose qui concerne toute l'inscription des jeunes de 18 ans, à l'inverse de ce qui est actuellement, où on envoie à quelqu'un un avis lui disant... Le Directeur général des élections recevant de la Régie de l'assurance-maladie du Québec la liste de ceux qui vont avoir le droit de vote puisqu'ils vont atteindre 18 ans, six mois à l'avance, on lui envoie un papier, on lui demande de s'inscrire, on lui fait un rappel de s'inscrire. La même chose pour les néo-Canadiens. Et, comme vous le savez, il y a une entente entre Élections Québec et Élections Canada pour leur fournir la liste leur permettant l'inscription des personnes qui sont des néo-Canadiens. Dans ce contexte-là, le même processus que pour les gens qui atteignent 18 ans par rapport à ceux qui sont des néo-Canadiens qui ont le droit de vote, la possibilité de s'inscrire automatiquement plutôt que de le faire à rebours, alors qu'actuellement on leur envoie l'avis. Ils s'inscrivent ou ne s'inscrivent pas. Là, ce sera des discussions qu'on aura avec l'ensemble de la population qui viendra nous le dire par les intermédiaires qu'elle aura choisis.

La deuxième chose, c'est concernant l'identification de l'électeur. Il y a beaucoup de gens à travers le Québec qui le disent, ça n'a pas de bon sens: La personne qui a droit de vote doit être assurée que c'est elle-même qui l'utilise et non pas une autre personne. Les propositions qui sont faites sont de différents ordres, incluant la question du permis de conduire avec photo, de la Régie de l'assurance-maladie avec photo, du passeport canadien, qui contient toujours la photo, donc dans ce contexte-là, des moyens pour que les gens puissent obligatoirement s'identifier au moment où ils viennent voter. Je pense que personne au Québec, à ce moment-ci, ne nie la nécessité de s'assurer que les gens qui ont le droit de vote puissent l'utiliser et que personne d'autre ne l'utilise à leur place.

Alors, je pense que les propositions qui sont faites ici à partir du rapport qu'on a demandé à Me Pierre-F. Côté, par l'intermédiaire du ministre, M. Chevrette, le ministre responsable de la Réforme électorale... En vous disant qu'on est allé un peu plus loin que simplement la cause Libman qui était entendue, parce que, si on voulait aller consulter le monde, il fallait aller le consulter sur différents sujets où, là, effectivement – et le député de Laurier-Dorion est correct quand il le dit comme tel, lui ne croit pas à la nécessité de le faire comme on le prétend, nous, on prétend que ça doit être l'inverse – on aura des décisions à prendre compte tenu de ce qui viendra. Mais je pense que personne au Québec ne niera la décision qui doit être un jour prise au niveau de l'identification de l'électeur au moment où il vient voter et l'inscription automatique des jeunes de 18 ans et des néo-Canadiens.

Alors, dans ce contexte-là, je pense que les propositions que nous aurons à faire au bout de cette commission parlementaire seront pour le mieux-être de chacun des gens qui viendront voter dans le futur, en autant que la Loi électorale confirme, par les changements qu'on veut y apporter, les moyens de le faire. Alors, je dis, à ce moment-ci, que nous aurons de très bonnes discussions, que nous aurons de très bonnes questions à poser. Je suis sûr que les membres de l'opposition en auront aussi. Mais, moi, j'ai toujours pensé que, dans la Loi électorale comme la Loi du financement des partis politiques, il vaut mieux avancer que régresser.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le ministre. M. le député de Montmorency.


M. Jean Filion

M. Filion: M. le Président, je vais être quand même relativement bref, mais j'aimerais simplement ajouter la voix d'un député non affilié à un parti politique et qui, quelque part, est visé directement par l'arrêt Libman. M. le Président, je trouve intéressant que le gouvernement ait demandé à M. Côté de préparer un document aussi exhaustif, comme il l'a fait, bien détaillé, qui explique vraiment les tenants et les aboutissants de l'arrêt de la Cour suprême et qui vient situer vraiment là où c'est vraiment brimé le droit démocratique d'un élu qui voulait participer à un débat démocratique et qui, pour des raisons de réglementation et de loi, n'avait pas les instruments financiers pour le faire. M. le Président, je pense que cette commission-là, qui s'ouvre aujourd'hui, va nous permettre à nous, les parlementaires, d'aller chercher toutes les informations pour bonifier non seulement la Loi sur la consultation populaire mais également la Loi électorale.

Je pense que c'est bien beau de limiter les dépenses pour s'assurer qu'on ait vraiment un débat démocratique qui ne ressemble pas à un vote à 1 $, soit, mais il faut aussi permettre l'égalité du financement pour que les gens puissent s'exprimer avec les besoins financiers qu'ils doivent avoir pour exprimer une opinion et faire un vrai débat démocratique. Et je pense que ce qui va se faire dans cette commission-là est quelque chose de très intéressant, c'est, je pense, à l'honneur des Québécois et des Québécoises. Parce que, effectivement, au Québec, nous avons fait des gestes, dans le passé, pour vraiment donner une démocratie qui soit bien réglementée. Et je pense que cette commission-là va nous permettre d'aller encore plus loin et de vraiment bonifier l'exercice démocratique, permettre à des gens qui veulent s'exprimer de s'exprimer et qu'ils ne soient pas limités sur le plan du financement.

Si vous limitez quelqu'un dans son financement, automatiquement, il devient muet, vous ne pouvez pas lui permettre de s'exprimer sur la place publique. Et, si vous l'empêchez d'aller chercher des deniers publics pour pouvoir exercer un droit démocratique, c'est comme si, au fond, vous étiez en train de dire: On n'a pas à faire de débat démocratique avec des individus qui prônent ne pas être affiliés à une formation politique. Et je pense que, dans notre société, au Québec, on est rendu à un niveau où on peut permettre un débat démocratique bonifié, M. le Président. Et je vais participer activement à cette commission. Je pense que c'est très important pour l'avenir du Québec. Merci.


Auditions

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, les remarques préliminaires étant faites, nous allons maintenant recevoir Me Pierre-F. Côté. Alors, bienvenue, Me Côté. Bienvenue, M. Frémont. Me Côté, vous disposez d'une période de 30 minutes pour la présentation de votre rapport, laquelle présentation va être suivie de 30 minutes de part et d'autre pour des questions, échanges et commentaires. Alors, bienvenue à la commission des institutions.


MM. Pierre-F. Côté et Jacques Frémont

M. Côté (Pierre-F.): Merci, M. le Président. Très rapidement, au départ, je vais vous lire un texte qui devrait normalement vous avoir été distribué ou qui pourrait l'être présentement, qui est une courte mise au point de certains aspects de mon rapport. Je vais vous signaler tout de suite que je suis accompagné de Me Jacques Frémont, qui est professeur à l'Université de Montréal. Les deux autres conseillers qui m'ont donné un coup de main dans ce travail, Me Yves-Marie Morrissette, de l'Université McGill, et M. Guy Tremblay, de Laval, malheureusement, ne peuvent pas être des nôtres ce matin.

Alors, je vous remercie de m'avoir invité à participer à ces travaux, qui ont pour but évidemment d'étudier le rapport que j'ai remis le 16 janvier dernier, suite à un mandat confié par le Conseil des ministres. Avant d'aborder les quelques réflexions qui suivent, permettez-moi de faire quelques remarques préliminaires.

Je voudrais tout d'abord mentionner qu'il s'est glissé par inadvertance dans le rapport une omission à la liste des remerciements que j'adresse aux personnes qui m'ont porté assistance lors de la rédaction du rapport. J'aurais en effet dû souligner les conseils judicieux et l'apport fort positif de deux personnes oeuvrant chez le Directeur général des élections. Il s'agit de Mme Thérèse Fortier, directrice des communications, et de M. Octavio Soarez, adjoint intérimaire au financement des partis politiques. Je tiens à leur réitérer ici mes plus chaleureux remerciements.

Je désire également attirer votre attention sur le fait que, tout au long de la rédaction du rapport, je me suis efforcé de réaliser mon mandat en toute objectivité et en toute neutralité. Je crois y avoir réussi et j'espère que vous partagerez ce sentiment. L'accueil public et politique qui a été réservé jusqu'à ce jour au rapport me porte à croire que, si, dans certains milieux, on ne semble pas totalement l'endosser, on ne lui porte pas à tout le moins de parti pris partisan. Finalement, je suis très heureux, comme je l'ai mentionné, d'être en présence de Me Jacques Frémont, qui dira quelques mots après mon exposé et qui va m'aider pendant la période de questions.

Je souhaite maintenant vous soumettre des compléments d'information et des précisions sur certains aspects du rapport. J'aborderai tout d'abord la question de l'identification des électeurs, qui est soulevée au chapitre II, pour me concentrer davantage, par la suite, sur le chapitre I, qui traite du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman.

(10 h 10)

L'identification des électeurs. Il est important de préciser, M. le Président, que la proposition qui est faite au chapitre II, de rendre obligatoire la présentation d'une carte d'identité lors de la votation, ne permettra en aucun cas à quiconque d'avoir accès au dossier personnel de l'électeur. L'électeur ne serait requis, au moment de voter, que de présenter au personnel électoral de sa section de vote soit sa carte d'assurance-maladie, son permis de conduire ou son passeport. Il ne s'agit pas de remettre une de ces pièces d'identité, mais de la présenter, tout simplement. Ce faisant, le personnel électoral pourra s'assurer que l'électeur qui se présente en déclinant son identité est bel et bien la personne qui est inscrite sur la liste électorale. Les trois pièces d'identité qui ont été suggérées comportant une photographie, chacune d'elles permettra l'identification visuelle de l'électeur. Cette façon de procéder réduira considérablement ou même éliminera toute tentative de supposition de personne, ce qu'on appelle vulgairement les «télégraphes».

Le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman. Je crois, M. le Président, qu'il est opportun de rappeler pour les intervenants qui me suivront certaines idées exprimées dans le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman, lesquelles sont souvent inspirées du rapport de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis politiques, mieux connu sous le nom de rapport Lortie.

Il faut également mettre en exergue quelles sont les personnes visées par le jugement, la limite d'argent que ces personnes devraient pouvoir dépenser, l'empêchement qui leur est édicté de mettre des dépenses en commun et l'administration de la solution qui est proposée pour restaurer les dispositions des lois électorales québécoises sur le financement. Je terminerai en exposant le sens de l'atteinte minimale et les risques que comporte la solution privilégiée face à un éventuel recours additionnel devant les tribunaux.

La Cour suprême, dans son jugement, envoie deux messages qui, de prime abord, peuvent sembler contradictoires. D'un côté, elle louange littéralement la loi référendaire québécoise comme étant un modèle en son genre. D'autre part, elle invalide toutes ses dispositions ayant trait au financement en déclarant qu'elles briment la liberté d'expression d'un groupe très restreint de personnes, soit certains tiers désignés dans mon rapport comme des intervenants indépendants ou isolés.

De là à questionner les motifs réels de la Cour, il y a un pas que d'aucuns n'ont pas hésité à franchir. Certaines de ces personnes vont même jusqu'à prôner le recours à la disposition dérogatoire de la Charte canadienne des droits et libertés parce qu'elles croient de bonne foi que la Cour rejettera inévitablement tout amendement à la loi référendaire tant que ses dispositions sur le financement ne permettront pas à quiconque qui le désire de dépenser de l'argent de façon non contrôlée, et ce, en quantité presque illimitée.

D'autres personnes, à l'opposé, estiment que la liberté d'expression de tous et chacun est absolue et qu'elle a été reconnue comme telle par la Cour suprême. Ces mêmes personnes sont évidemment portées à penser que la Cour suprême a donné gain de cause sur toute la ligne à M. Libman. Après tout, les dispositions clés du financement n'ont-elles pas été déclarées ultra vires par la Cour, appuyant ainsi ses arguments?

Or, j'estime pour ma part que ceux qui font une telle analyse prennent leurs désirs pour des réalités. L'appelant Libman a peut-être déclaré victoire, mais la sienne est une victoire à la Pyrrhus. Je m'explique.

La Cour affirme tout simplement que les règles de financement de la loi référendaire québécoise empêchent certaines catégories de personnes d'exercer leur liberté d'expression, telle que garantie par la Charte canadienne des droits et libertés, en les obligeant soit à s'exprimer au sein du camp du Oui ou du Non ou en s'y affiliant, soit à se taire si elles sont en désaccord avec chacun des camps, soit encore à faire des dépenses non réglementées en vertu des dispositions de l'article 404, ce qui leur laisse, somme toute, peu de marge de manoeuvre. Rien de moins, mais rien de plus non plus.

La Cour a en effet dénoncé dans des termes très peu flatteurs la permissivité de la Loi électorale du Canada. Il ne saurait donc être question, selon elle, de suggérer que la loi québécoise soit modifiée afin de ressembler à la loi canadienne ou, au pire, de l'imiter. Pour ma part, je crois fermement que la Cour n'a pas entrouvert une brèche béante dans la Loi électorale québécoise pour permettre aux puissances de l'argent de venir manipuler l'issue d'un référendum ou qu'elle endosse l'idée que un dollar puisse égaler un vote. Elle s'est d'ailleurs défendue à maintes reprises d'avoir de telles intentions.

Il est important de noter que la Cour a statué que les commentaires de la commission Lortie quant à l'importance des limitations des dépenses indépendantes pour préserver le caractère juste et équitable du système électoral canadien devraient également s'appliquer. Et, comme vous le voyez dans la suite du texte que vous avez en main, aux pages 4 et 5, je cite des extraits du rapport Lortie. Je passe par-dessus pour sauver un peu de temps et aller à la page 5.

La limite de 1 000 $. En ce qui concerne le montant maximal de 1 000 $ par intervenant particulier, qui est mentionné dans le rapport, que celui-ci soit un individu ou un groupe indépendant ou encore un individu isolé, il est important de souligner qu'à mon avis ce montant n'apparaît qu'à titre indicatif. Je ne recommande pas cependant un montant supérieur. Certains ont en effet suggéré que ce montant soit élevé à 3 000 $, soit le montant que la loi permet à tout électeur de donner à un comité national. Je m'y oppose pour de multiples raisons.

Ainsi, le montant de 1 000 $ qui est mentionné est le même montant qui est également suggéré par la commission Lortie. «Néanmoins – et je cite la Cour – on peut penser que le montant de 1 000 $ proposé par la commission Lortie dans le contexte électoral canadien n'est pas nécessairement le montant approprié dans le cadre d'une consultation populaire québécoise.» Le Québec ne représente qu'environ 25 % de la population canadienne, et l'on serait, dans cette perspective, justifié de n'en autoriser que le quart, soit 250 $.

De plus, il faut bien comprendre que les individus ou groupes visés par le jugement de la Cour demeurent marginaux, faute d'un terme plus approprié, par rapport au reste des électeurs. Ainsi, à titre d'exemple, lors du dernier référendum, en octobre 1995, seulement 1,82 % des électeurs inscrits sur la liste ont délibérément choisi d'annuler leur vote ou ont vu leur bulletin rejeté par le scrutateur parce qu'il n'était pas conforme aux prescriptions de la loi; un chiffre qui, soit dit en passant, est plus bas que la moyenne des votes annulés lors d'une élection générale.

J'ouvre ici une parenthèse en disant que les nouveaux bulletins de vote – et j'espère que ce sera... j'ai pris pour acquis dans ce texte que la loi sera amendée – qui seront utilisés lors de la prochaine élection générale rendront virtuellement impossible le rejet par un scrutateur, à moins que le bulletin ne soit déchiré, carrément barbouillé ou que l'électeur lui-même ne l'ait visiblement annulé.

De plus, 6,48 % des électeurs n'ont pas exercé leur droit de vote lors de ce référendum. De ce nombre, certains ont délibérément refusé de voter soit parce qu'ils prônaient l'abstention soit parce qu'ils étaient en désaccord avec les choix qui se présentaient à eux. Ce sont les intervenants indépendants ou isolés qui font l'objet du jugement. D'autres, cependant, n'ont pas trouvé le temps d'aller voter ou étaient absents de leur domicile le jour de l'élection ou encore n'étaient tout simplement pas intéressés à exercer leur droit de vote.

Néanmoins, 93,52 % des électeurs québécois inscrits sur les listes électorales étaient suffisamment confortables avec les deux options qui s'offraient à eux pour en choisir une. Certains de ces électeurs sont désignés comme intervenants indépendants dans le rapport. Ce sont des individus – et non des groupes, puisque ceux-ci pouvaient se prévaloir du processus d'affiliation prévu dans la loi – qui, bien qu'appuyant le camp du Oui ou du Non, ne pouvaient s'exprimer au sein d'un des deux comités-parapluies et auraient peut-être voulu dépenser des sommes en dehors de la contrainte des comités-parapluies. Leur nombre est inconnu, mais qu'importe celui-ci, ces électeurs devraient tout de même être considérés comme marginaux. En effet, leur donner un statut élevé en leur permettant de dépenser d'importantes sommes d'argent – ou au même niveau que ceux qui contribuent aux comités-parapluies – aurait pu mettre en péril le principe de l'équité s'il y avait eu beaucoup plus d'individus indépendants dans un camp que dans l'autre.

De plus, cette situation aurait faussé complètement le débat sur la question qui était posée. Il faut rappeler que, lors d'un référendum, il n'y a que deux choix de réponse. L'électeur n'a pas le choix de voter «oui, mais», «non, mais» ou «aucune de ces réponses». Un référendum ne sert qu'à répondre à une question et à une question seulement; on doit répondre «oui» ou «non».

Enfin, un vote référendaire étant une décision foncièrement personnelle au terme d'un grand débat d'idées et d'arguments, il existe peut-être autant de raisons de voter oui ou de voter non qu'il y a d'électeurs. De la même façon, les comités-parapluies sont, par définition, des coalitions de gens qui, tout en militant sous une même bannière et en appuyant une même option, peuvent également avoir des motifs différents et même parfois divergents pour ce faire.

La mise en commun. Certains ont critiqué la solution privilégiée en affirmant qu'elle était trop restrictive, non seulement au niveau du montant maximal permis qui est suggéré, mais aussi à l'égard de l'interdiction qui y est faite de mettre des sommes d'argent en commun. Or, n'en déplaise à ces personnes, la Cour suprême a endossé, voire embrassé la suggestion de la commission Lortie suggérant d'interdire aux intervenants indépendants et isolés de mettre leurs ressources financières en commun. Et j'ai dans mon texte, ici, une citation de la Cour suprême.

L'administration de la solution privilégiée. La solution proposée au chapitre I du rapport visant à confier à des juges de la Cour du Québec la responsabilité d'autoriser les intervenants particuliers repose, entre autres, sur le fait que les juges sont répartis dans tout le Québec. Cela présente l'avantage d'une rapidité d'exécution. S'adresser directement, en personne, à un juge permet au demandeur d'obtenir rapidement l'autorisation sollicitée ou de connaître tout aussi rapidement les raisons justifiant le refus de sa requête. La preuve du droit à une autorisation ne devrait pas se faire sous l'écran de procédures judiciaires complexes et onéreuses. L'objectif d'un juge allant de soi, la décision qui sera prise ne pourra donner une impression de partialité, ce qui ne serait pas automatiquement le cas si c'est un fonctionnaire, même un fonctionnaire du Directeur général des élections ou celui-ci en personne, qui se voyait confier cette responsabilité.

Ainsi, le rapport affirme que ni le Directeur général des élections ni son personnel n'a ni le temps ni les ressources pour juger du bien-fondé d'une demande d'autorisation et pour l'accorder. Mais il y a plus. Je vous rappellerais la campagne électorale de 1985, où certains se sont efforcés de donner une allure politique à l'application d'une disposition électorale pour distraire l'électorat des véritables enjeux. Ce fut le débat sur le débat. Il ne faudrait pas que le Directeur général des élections soit à nouveau placé dans une telle situation, versant délibérément sa fonction et son bureau dans la controverse.

L'atteinte minimale. La solution préconisée est donc celle d'un juste milieu et ne peut, par conséquent, plaire à tous et chacun. La Cour suprême en est elle-même consciente lorsqu'elle évoque le principe de l'atteinte minimale.

En terminant, je suis personnellement convaincu que la solution privilégiée dans le rapport, si elle devenait loi, ne pourrait en aucune façon être contestée avec succès devant les tribunaux, et ce, même si une cause la concernant se rendait jusqu'en Cour suprême. D'une part, elle respecte méticuleusement en tous points la lettre et l'esprit du jugement de la Cour suprême. Il s'ensuit donc que, pour renverser cette solution, la Cour suprême devrait ni plus ni moins revenir sur sa décision et contredire son propre jugement. D'autre part, le principe de l'atteinte minimale forcerait la Cour suprême à respecter cette solution, tant cette dernière est fidèle à son jugement, et ce, même si elle trouvait discutables certains de ses décrets ou certaines de ses modalités.

(10 h 20)

Sur ce, je vous remercie de votre attention. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions. Mais, si vous permettez, M. le Président, avant de procéder aux questions, j'aimerais, avec votre autorisation, passer la parole à Me Jacques Frémont, pour quelques commentaires.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Merci, Me Côté. Me Frémont.

M. Frémont (Jacques): Merci, M. le Président. Alors, merci de la possibilité qu'on m'offre de m'exprimer ainsi, en marge de Me Pierre-F. Côté et de son rapport. Je tiens à dire que je suis évidemment tout à fait en accord avec le rapport qui a été déposé il y a quelques semaines par Me Côté. Je n'ai certainement pas son expérience pour ce qui est de l'application de la Loi électorale et de la loi référendaire et, donc, je voudrais tout simplement dire quelques mots davantage plus techniques. C'est le constitutionnaliste, donc, qui parlera.

La seule façon de comprendre l'affaire Libman, le jugement de la Cour suprême, et la seule façon de comprendre les solutions qui peuvent être apportées par cette Chambre, c'est à travers le prisme des droits et des libertés qui sont en cause et qui étaient soulevés par l'affaire Libman. On le sait, Libman a invoqué son droit à la liberté d'expression et à la liberté d'association. On le sait, la Cour suprême lui a donné jusqu'à un certain point raison, en disant que ses droits et libertés individuels étaient violés par la loi – appelons-la la loi actuelle. Il s'agit, je le répète, de droits et de libertés individuels.

Or, la Cour suprême, si vous avez bien lu le jugement, met en parallèle avec ces droits et libertés individuels, un principe très important qui, lui aussi, a des assises constitutionnelles très fortes. Il s'agit du principe de l'équité électorale et de l'équité référendaire et il s'agit, évidemment, d'un principe qui a des ramifications qui relèvent davantage de droits collectifs. Donc, tout le défi qu'avait à remplir la Cour suprême et qu'a cette Chambre maintenant, c'est de peser ces droits individuels et ces droits collectifs et d'essayer d'atteindre un point d'équilibre où, on le sait, le test de la Cour suprême, c'est d'atteindre l'atteinte minimale, c'est-à-dire d'imaginer une solution qui va être la moins attentatoire aux droits et libertés individuels en présence, mais qui vont respecter le principe, lui aussi, constitutionnel, de l'équité électorale et référendaire.

On va vous parler beaucoup, dans les prochains jours, de la liberté d'expression et de la liberté d'association. Il y a une autre partie dans l'équation et c'est la partie des droits collectifs, c'est la partie que la Cour suprême appelle «de l'équité», et cette partie-là ne doit jamais être perdue de vue. Ce n'est pas un exercice uniquement de droits individuels, ici, c'est un exercice d'équilibrage.

Donc, le rapport Côté, je pense, vise à rétablir le système référendaire et électoral dans son intégrité et non pas dans son intégralité, tout en respectant les enseignements du jugement. Je pense que c'est tout à l'honneur du rapport Côté d'essayer d'être aussi généreux que possible dans l'application des droits et libertés individuels et aussi des droits et libertés collectifs qui sont en cause.

Je crois en toute sincérité que ce rapport colle de très près, et je ne vois pas comment il pourrait coller de plus près aux enseignements de la Cour suprême dans l'affaire Libman. Je pense que tous les principes qui sont mis de l'avant par la Cour suprême sont intégralement respectés par la solution qui est mise de l'avant. Et, tout comme Me Côté vient de l'indiquer, j'aurais fort à parier que ça va résister à toute contestation judiciaire. Je serais extrêmement surpris que les tribunaux... Si les tribunaux vont à l'encontre, carrément, de la solution Côté, ils vont aller à l'encontre du jugement de la Cour suprême, et ça va certainement être rétabli. La solution colle de très près.

Je voudrais rappeler que cette solution maintient la liberté intégrale des individus de s'exprimer et de s'associer. N'est en cause que la question, que le droit de ces individus, au-delà de leur liberté de s'exprimer, de dépenser de l'argent, d'effectuer des dépenses réglementées. C'est ce dont il s'agit. Et, je le rappelle, la Cour suprême a dit: C'est le droit des individus d'effectuer des dépenses et non pas le droit de groupes d'individus à effectuer des dépenses.

Ce qui est important pour la Cour suprême, la valeur qui est mise de l'avant, c'est que les idées circulent et que les individus puissent faire valoir leur point de vue, les individus dont le point de vue n'est pas autrement présent dans le débat. Et c'est uniquement à cet égard qu'on a trouvé que le système antérieur violait la liberté d'expression.

La règle, donc, je pense, doit très clairement demeurer le contrôle des dépenses, la Cour suprême l'a très bien dit. Et, donc, les dépenses réglementées doivent rester dans les deux camps. Et il ne s'agit qu'exceptionnellement qu'on donnera à certains individus la permission de dépenser à l'extérieur des mécanismes officiels bien établis et avalisés par le Cour suprême.

On s'est plaint, dans certains milieux, que la solution est un peu trop directive, qu'on exigeait d'avoir la permission d'un juge avant de pouvoir effectuer des dépenses. Je soumets à cette commission que l'alternative, c'est que tout individu peut s'autoproclamer individu isolé ou indépendant et qu'à ce moment-là tout individu pourrait, dans son salon ou dans son sous-sol, décider qu'il a le droit de dépenser 1 000 $. On le sait, dans un contexte référendaire, je vous le rappelle, ça prend à peine 1 000 individus qui dépensent 1 000 $ pour faire 1 000 000 $ de dépenses. Quand vous savez que le total autorisé est d'environ 3 000 000 $, je pense, pour chaque camp...

Une voix: ...

M. Frémont (Jacques): ...5 000 000 $, ça ne prendrait pas beaucoup d'individus dans leur sous-sol ou dans leur salon pour débalancer complètement le système électoral. Donc, je pense que l'autoproclamation des individus qui s'attribueraient le droit de dépenser ou le statut d'indépendant ou d'isolé, ça n'a pas de bon sens dans le système actuel. Il faut un mécanisme qui autorise cet individu et qui vérifie si l'individu est effectivement un individu indépendant et isolé.

Deux mots sur la clause «nonobstant». Et là, vous permettrez, c'est vraiment à titre personnel que je parle. C'est une question qui est très importante, c'est une question qui est très difficile. Je suis tout à fait d'accord qu'il y a une clause, qu'elle est là pour être utilisée, et que c'est la latitude la plus complète, je pense, de cette Assemblée, de choisir de le faire. Cependant – en tout cas, c'est mon opinion personnelle – je pense que, surtout dans un contexte référendaire, si c'est fait dans un contexte référendaire sur l'avenir politique du Québec, on va ouvrir la porte aux répliques les plus démagogiques qui soient, alors que tout le monde va savoir que, évidemment, les droits et libertés ont été protégés, que cette commission aura fait un exercice de réflexion intense sur l'équilibrage des droits et libertés en présence. On va charrier – je m'excuse – on va carrément utiliser ça comme un argument politique majeur à l'encontre probablement de la légitimité du référendum. Et, à cet égard – et encore une fois, c'est mon opinion personnelle mais très ferme – certes, on peut l'utiliser, certes, on peut l'utiliser pour protéger la loi actuelle, on peut l'utiliser pour protéger la solution qui sera mise de l'avant, mais je dirais, si on a assez confiance dans les mécanismes qui sont là, jouons le jeu de la démocratie. Le jeu de la démocratie, c'est aussi de permettre à M. Libman ou à d'autres de reprendre la solution que vous voterez et de la resoumettre aux tribunaux. S'ils pensent que ça n'a pas de bon sens, il sera toujours temps, à la rigueur, si jamais ça chire devant les tribunaux – et là encore, je suis prêt à gager ma chemise ou pas mal de mes chemises – de revenir et d'invoquer à ce moment-là la clause «nonobstant». Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Oui. Je vais commencer par la fin...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: ...en vous disant que j'ai mis dans mon exposé de départ une troisième hypothèse, à la fois le correctif et la clause «nonobstant». Pourquoi je l'ai mise sur la table? Parce que, sur le plan théorique, tout le monde a le droit de la discuter, y compris non seulement ce que vous mettez dans votre rapport, mais je pense que les gens ont le droit de s'exprimer sur au moins trois options. Parce qu'elle est possible, la troisième option. Et je suis très surpris qu'il y en aient qui sont attachés à la Constitution canadienne comme à la prunelle de leurs yeux et qui ne voudraient pas que les Québécois puissent au moins discuter de façon très sérieuse et faire un débat de fond sur l'utilisation d'une clause qui a été imposée dans une constitution rapatriée unilatéralement, sans que le Québec n'y adhère, en plus.

Donc, sur le plan théorique, vous me permettrez de le faire sans aucune gêne, visière levée, de dire que c'est un débat de fond. Et ça fait partie du débat de fond, l'utilisation d'une clause insérée dans une constitution qu'on nous a fait avaler de la façon que vous connaissez encore mieux que moi, en fonction de votre position depuis des années, vous qui défendez les droits publics, entre autres dans le cas de M. Frémont et de M. Côté, qui avez vécu à peu près toute la ribambelle des jugements de la Cour suprême en ce qui regarde nos droits fondamentaux, des droits démocratiques.

(10 h 30)

Mais je commencerai par faire un commentaire sur l'identification de l'électeur. Je suis content de voir que vous adhérez assez spontanément à la possibilité de l'identification de l'électeur. Et le député de Laurier me disait tantôt: Comment ça se fait qu'il revient souvent avec ça et qu'il y tient tant que ça? J'y tiens pour les raisons contraires auxquelles il tient de ne pas l'avoir du tout. «C'est-u» clair?

M. Sirros: M. le Président, attribuer des motifs....

M. Chevrette: L'identification de l'électeur, M. Côté, à mon point de vue...

M. Sirros: M. le Président, question de règlement.

M. Chevrette: ...c'est une progression...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant. C'est quoi, votre question de règlement?

M. Sirros: Il me semble qu'on ne doit pas attribuer des motifs à des députés. Le ministre ne connaît pas mes motifs...

M. Chevrette: Ah bien! il m'en a attribué tout le temps. Tout le temps de son exposé, il m'en a attribué.

M. Sirros: J'ai posé une question, moi.

M. Chevrette: Enlevez vos culottes courtes, là, vous êtes en commission parlementaire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs! Un instant, messieurs! On n'est pas sur une question de règlement actuellement, mais vous pourrez revenir si vous avez des commentaires.

M. Chevrette: Je disais donc à M. Côté que l'identification de l'électeur... La France, un pays assez démocratique, assez évolué sur le plan des moeurs démocratiques, ils ont une carte d'électeur. L'Allemagne, la Suisse, la Suède, voilà des pays probablement totalitaires, des pays qui sont dénoncés quotidiennement sans doute pour le respect des droits et libertés des personnes. Franchement, quand on ne tient pas à évoluer dans un système qui est reconnu et qui s'instaure à peu près partout dans les pays démocratiques, ce n'est pas à nous à faire la preuve du pourquoi on est pour quelque chose, c'est à ceux qui sont contre cette évolution à s'expliquer. J'ai hâte d'entendre les libéraux québécois dire pourquoi ils sont contre l'identification des électeurs quand deux sondages, un de Léger & Léger, à 89 %, dit: Il est normal, c'est urgent que ça se fasse puis qu'on puisse progresser dans l'amélioration de nos lois démocratiques, et Lepage, 85 % de la population, à peu près dans les mêmes temps... 85 %, 89 %, on voit que c'est une volonté populaire d'en arriver à resserrer nos règles démocratiques et permettre l'expression d'opinion.

J'ai lu, bien sûr, très attentivement l'ensemble de votre rapport sur l'ensemble des points et je vous dirai qu'il y en a un qui me laisse plutôt interrogateur dans ma lecture. C'est celui de votre jugement que vous portez sur la non-application possible d'une clause «nonobstant» sur les lois électorales. J'ai l'impression qu'il y a deux concepts puis j'aimerais vous entendre, surtout M. Frémont parce que c'est sans doute vous qui avez fouillé l'aspect du droit là-dessus. Je pense que le vote, poser le geste de voter, c'est un droit qu'on ne peut pas accepter une clause «nonobstant», si on l'encadrait. Mais la Loi électorale, il y a l'expression d'opinion, puis le droit d'association, lui, il pourrait être encadré en vertu du jugement de la Cour suprême, parce qu'on réfère à 2 et 2b, rappelez-vous. Pouvez-vous me justifier juridiquement comment vous en arrivez à dire que cette clause-là ne serait pas reliée au droit de vote dans la Loi électorale alors que c'est deux volets nettement distincts? Je serais d'accord avec vous sur l'analyse du droit de vote, mais je tombe en désaccord avec vous sur le droit d'expression d'opinion parce que n'importe qui pourrait se présenter indépendant s'il n'est pas d'accord – ce n'est pas pareil comme en référendum. Je me demande pourquoi vous ne pourriez pas transposer la logique sur l'association et la communication par rapport au droit de vote, poser le geste de voter.

M. Frémont (Jacques): Pour un vote lors d'élections.

M. Chevrette: Oui.

M. Frémont (Jacques): O.K. C'est tout simplement que... écoutez, votre point de vue se plaide, ça se défend, il y a quand même deux jugements de cour d'appel au Canada... ça fait longtemps que je n'ai pas regardé ça, mais il y a au moins deux jugements qui incluent, qui imbriquent... finalement, on parle de l'article 3, techniquement, c'est l'article 3 de la Charte canadienne qui garantit les droits démocratiques et qui garantit donc le droit de vote et le droit de se présenter devant les Législatures. Cet article 3, techniquement, n'est pas soumis à la clause «nonobstant», puisque la clause «nonobstant» ne vise que les articles 2 et 7 à 15. Alors, une fois qu'on a dit ça, donc, effectivement, on sait qu'on ne peut pas «nonobstanter» le droit de vote.

Maintenant, est-ce que ça se limite au droit de vote ou est-ce que ça doit être plus large que le droit de vote? Et c'est là où il y a au moins deux cours d'appel canadiennes qui ont décrété que tout le processus électoral autour du droit de vote doit... sont imbriqués des éléments de liberté d'expression et des éléments de respect du droit à l'égalité, parce qu'on dit: S'il n'y a pas moyen de s'exprimer lors d'une campagne électorale, à ce moment-là il n'y a pas moyen d'avoir un vote éclairé. Donc, pour exercer le droit de vote de façon... en anglais, on dirait «meaningful», de façon où il y a un sens, où le droit de vote veut véritablement dire quelque chose, à ce moment-là ces deux jugements-là – puis ce n'est pas des jugements de la Cour suprême – ont dit: Écoutez, sont imbriqués dans le droit de vote de l'article 3 le respect du droit à l'égalité, le respect du droit à la liberté d'expression et le respect du droit à la liberté d'association. Si, donc, on prolonge cette logique-là, à ce moment-là il n'y a pas moyen de divorcer; finalement, il n'y a pas moyen de saucissonner le processus électoral en disant: Il y en a une partie, c'est pour l'expression, une partie pour l'association, puis une partie pour le droit de vote. Ils disent: Il faut...

M. Chevrette: Je vous arrête 30 secondes.

M. Frémont (Jacques): Oui.

M. Chevrette: Ce n'est pas comme dans un référendum où il y a deux camps. Quelqu'un qui serait en désaccord avec tous les partis existants pourrait se présenter Rhinocéros puis il va avoir le droit, s'il prend tant de pourcentage du vote et dépendant des règles de financement... il y a une liberté d'expression totale, il n'y a aucune contrainte de qui que ce soit. On a même aboli le nombre... on a diminué, au cours des ans, le nombre de signatures, on a enlevé le dépôt d'argent pour permettre à l'individu de s'exprimer lors d'une campagne électorale. Et si je suis la logique du document – peut-être que je le comprends mal aussi, vous me l'expliquerez – mais, si je suivais la logique, on ne pourrait pas, à la rigueur, utiliser la clause «nonobstant» pour contrôler le financement même du plus farfelu qui voudrait se présenter, il peut. Comment vous pouvez en arriver à dire qu'on ne pourrait pas faire respecter intégralement une loi sur le financement électoral, pour la Loi électorale et non pas la loi des consultations populaires? J'ai de la misère à vous suivre là-dessus?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Côté.

M. Côté (Pierre-F.): Peu importe la formation politique qui se présente, c'est la grande liberté qui est accordée et, par l'autorisation des partis politiques, par l'autorisation des dépenses qu'ils peuvent effectuer, par les rapports, il y a un contrôle qui s'effectue sur les partis politiques. Par la suite, bien, le contrôle trouve son efficacité également dans les contributions ou l'aide qui est apportée par l'État au prorata des votes. Alors, finalement, le contrôle, il s'exerce comment? Il s'exerce par les électeurs qui jugent de la bonté ou de la moins bonne présentation que peut faire un parti politique. C'est le grand jeu démocratique, la très grande liberté qui existe. Alors, que le parti soit farfelu... Je vais donner juste un petit exemple, si vous permettez. Dans le domaine municipal, il y a quelques années, il y a une madame qui se présentait absolument partout, puis, à un moment donné, elle a présenté son bulletin de présentation dans une municipalité de la région de Montréal où il y aurait eu une élection par acclamation. Bien, ça a coûté près de 50 000 $ ou 75 000 $, cette élection-là. La madame, on la connaissait, on savait quelle sorte de personne c'était, on aurait été mieux de prendre cet argent-là puis la faire soigner.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Pierre-F.): Mais, la liberté étant ce qu'elle est, elle s'est présentée. Alors, évidemment, l'autre candidat a été élu haut la main, mais, étant donné la très grande liberté qui existe, elle avait la possibilité de le faire.

M. Chevrette: Vous référez les isolés ou les indépendants aux juges de la Cour provinciale, comme suggestion. Est-ce que ça ne pourrait pas être, en autant qu'on donne au Directeur général des élections les ressources nécessaires, à l'intérieur de la structure de la direction générale des élections au lieu d'être des juges de la Cour provinciale?

M. Côté (Pierre-F.): Une des difficultés qui se présentent, en pratique, est la suivante. C'est que la demande d'autorisation d'un indépendant ou d'un isolé doit se faire dans une période de quelques jours après l'adoption – je parle d'un référendum, c'est les mêmes délais, aussi courts, dans le domaine électoral – des règlements d'un comité-parapluie, parce que la personne doit décider si elle va être membre d'un groupe qui va s'affilier ou qui va s'associer à un comité-parapluie. Alors, comme la période de temps est très courte, ça suppose – puis on n'a aucune idée combien il peut y avoir de gens qui vont vouloir se prévaloir de ces dispositions-là... Supposons, par hypothèse, qu'il y en a un grand nombre, puis ça suppose la mise sur place d'une organisation administrative assez considérable. Par exemple, une des solutions qui a été envisagée, ça a été de dire: Pourquoi on ne confierait pas ça aux 125 directeurs ou directrices et à leurs adjoints? Alors, il faut savoir qu'à cette période-là, quand le décret est émis, ils en ont par-dessus la tête, ils ont du travail à ne plus savoir quoi en faire. Si c'était une solution, vous savez, qui était retenue, il faudrait vraiment former à l'avance un certain nombre de personnes, à l'avance, avant que soit déclenchée une élection, ou un référendum, pour qu'un certain nombre de personnes soient habilitées à exercer ce pouvoir d'autorisation.

(10 h 40)

Alors, moi, ce que je trouvais le plus simple, c'était de dire: Bien, on a 259 juges sur le territoire du Québec; pendant quatre à cinq jours, qu'ils suspendent un petit peu ou qu'ils partagent autrement leur travail puis qu'ils donnent ces autorisations. Or, ils sont répartis partout – vous irez voir dans le tableau de l'annexe II – à travers le Québec, donc ils sont très très facilement accessibles, et des personnes indépendantes, et on évite... Parce qu'il ne faut pas oublier que, déjà, la Cour du Québec joue un certain rôle dans le mécanisme électoral. Alors, ça ne fait qu'un rôle supplémentaire qui leur est confié et qui assure beaucoup d'impartialité également et qui évite – moi, je pense que c'est le gros point – qui va éviter – je l'ai mentionné dans le petit texte de ce matin – d'impliquer le Directeur général des élections ou son personnel dans des polémiques politiques. Vous savez, j'ai référé à 1985, j'ai vécu assez durement le débat sur le débat. C'est une façon de faire une divergence qui se porte sur le dos de quelqu'un d'autre. Il faut pas que ça se produise dans le cas d'un référendum ou de l'autorisation des individus indépendants ou isolés.

M. Chevrette: Une petite dernière question, pour l'alternance, un peu. C'est à M. Frémont ou à vous, mais je m'adresse à M. Frémont parce qu'il a voulu déchirer plusieurs chemises, on va essayer qu'il en garde une. Vous dites que vous êtes moralement ou, en tout cas, politiquement... vous vous êtes fait un jugement que c'est à peu près impossible que la Cour suprême ne se rende pas à des correctifs tels que suggérés dans le rapport Côté. Mais je vous rappellerai les déclarations de Julius Grey puis de Libman lui-même, qui disaient: S'ils disent 1 000 $, on en appelle tout de suite. Comment pouvez-vous être aussi certain quand ceux-là même qui ont eu recours à la Cour suprême, jusqu'à la Cour suprême, pour aller chercher le jugement que vous connaissez... comment vous pouvez être aussi sûr de vous de ne pas perdre la dernière de vos chemises?

M. Frémont (Jacques): Écoutez, c'est tout simplement que la Cour suprême a une tradition et les tribunaux ont une tradition de ne pas se dédire dans les mois ou les années immédiates qui suivent leur jugement, en général, sinon c'est une question de crédibilité. Et, croyez-moi, la Cour suprême, malgré tout ce qu'on en pense, surveille de très près sa crédibilité et sa légitimité. On aura sans doute l'occasion de le voir dans les prochains mois, à moins qu'elle se dédise complètement.

Mais, pour ce qui est de la question du 1 000 $, écoutez, il y a des arguments quand même très forts. Lorsque Lortie a écrit ça, à la fin des années quatre-vingt, je pense, les technologies n'étaient pas ce qu'elles sont aujourd'hui. N'oublions pas qu'avec 1 000 $ un site Internet, le courrier électronique, avec l'impression qui est facile... on va beaucoup plus loin actuellement avec 1 000 $, il faut s'en rendre compte, qu'on allait à la fin des années quatre-vingt avec 1 000 $. Mais j'en conviens que 1 000 $, en soi, ce n'est pas énorme, mais il s'agit de s'exprimer individuellement, il s'agit du droit de la personne de s'exprimer individuellement. Il ne s'agit pas du droit d'Alliance Québec ou de quiconque de regrouper les 1 000 $ pour en faire un groupe de pression ou un lobby. Et la Cour est extrêmement claire là-dessus, il faut exclure de tout système d'application des individus ou des groupes qui peuvent se regrouper autrement. On parle des gens, des «lone cow-boys» qui sont restés sur le carreau.

Donc, en tout cas, c'est un jugement... Vous savez, la Cour suprême, moi, je les lis pas mal, ses jugements. Souvent, ça «fudge» et puis c'est à mi-chemin. Dans cette affaire-là, ils vont très fort pour défendre la légitimité de la loi québécoise. Donc, je pense qu'on peut facilement parier que la Cour suprême maintiendrait la solution Côté. Et, enfin, si la clause «nonobstant» – elle est toujours disponible au lendemain d'un jugement de la Cour suprême – si jamais ce deuxième essai-là ne marche pas, là, il y a moyen, très rapidement, de passer à la clause «nonobstant».

M. Chevrette: Je veux juste vous référer à la page 11 du document de M. Don Donderi, et puis à la page 11, dernier paragraphe, du mémoire, et vous verrez que ce que je vous pose comme hypothèse, c'est très clair. Mais il sera – je pense que c'est aujourd'hui ou demain, je ne sais pas...

Une voix: C'est la semaine prochaine.

M. Chevrette: Je sais qu'ils viennent, et ils nous disent très clairement: «My client asserts that any attempt to restrict his participation in a referendum or an election will result in immediate judicial challenge and, if relief cannot be obtained in time, civil desobedience.»

M. Frémont (Jacques): Je ne pense pas qu'il faut être naïf. C'est bien clair que la loi, quelle qu'elle soit, va être contestée. Mais là il s'agit de voir.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, M. le Président. M. le Président, permettez-moi de revenir sur la question de règlement que je posais tantôt. Je ne veux pas faire un débat de procédure ou de quoi que ce soit. J'ai réagi, M. le Président, parce que le ministre disait, sur la question de la carte d'identité, que les raisons qui le poussent à la vouloir, c'est l'inverse des raisons qui m'incitent à ne pas la vouloir, disait-il. Et il disait que c'était pour assurer que seulement ceux qui ont la qualité d'électeur puissent voter. Alors, la supposition étant donc que je voulais, moi, ne pas avoir cette identification obligatoire pour pouvoir permettre à des gens qui n'ont pas la qualité d'électeur de voter. J'ai bien dit: l'inférence. Et c'est pour ça que j'ai réagi, M. le Président.

J'aimerais tout de suite indiquer au ministre le pourquoi des réserves que nous avons de ce côté-ci. Ça n'a rien à faire avec ce que dit le ministre. Premièrement, M. le Président, généralement on amène notre voiture chez le mécanicien pour la réparer quand il y a quelque chose qui ne marche pas. Ce n'est pas quand tout va bien puis que la voiture marche parfaitement qu'on va au garage puis qu'on dit au mécanicien: Ouvrez le capot, trouvez un problème qui n'existe pas, puis réparez-le. On fait de l'entretien peut-être, mais on ne répare pas des choses. Alors, quand on commence à nous démontrer qu'il y a un problème, je n'ai pas vu une seule étude, nulle part, qui nous dit que nous avons un problème de télégraphe, de votes frauduleux par des gens qui n'ont pas le droit de voter, etc., avant qu'on chambarde notre mentalité qui, je vous rappelle, part du concept que le citoyen – comment je peux dire – est de bonne foi. Puis il ne s'agit pas d'avoir des culottes courtes, ou d'être naïf, ou quoi que ce soit. Mais, s'il y a un problème qui va nous amener à changer quelque chose, qu'on me démontre qu'il y a un problème.

Et d'ailleurs c'est exactement, et je résume brièvement les raisons, dès le début, qui incitent la prudence la plus évidente, il me semble, sur cette question-là, qui ont été amenées non pas par l'opposition, mais par la Commission d'accès à l'information qui disait exactement ce que je viens de dire: «La nécessité d'obliger les électeurs à s'identifier le jour d'un scrutin n'a pas été démontrée.» Qu'on commence à me le démontrer. Puis ce n'est pas un sondage, M. le Président, qui peut servir de preuve. Les sondages, on le voit, quand ça ne fait pas l'affaire de quelqu'un, on dit: Bien, ça dépend de la façon dont la question est posée, c'est une question hypothétique, qu'il s'agit d'un chef ou de quoi que ce soit, M. le Président. On n'en tient pas compte quand on ne veut pas. Il ne faudrait pas donc qu'on amende la loi référendaire et la Loi électorale sur la foi de sondages qui ont été faits. La Commission nous dit donc: «La nécessité d'obliger [...] n'a pas été démontrée.»

L'utilisation obligatoire de la carte d'assurance-maladie ou du permis de conduire à des fins d'identification de l'électeur constituerait un détournement de finalités. Et ça a été un autre concept qu'on a mis dans la législation, que, chaque fois qu'on a mis une carte pour un service gouvernemental, par exemple, c'est pour les fins de ce service, et on ne devrait pas détourner. C'est un des principes qui constituent le fondement de la Commission d'accès à l'information. C'est un des éléments dont ils tiennent compte quand ils analysent les lois.

Troisième élément de réserve sur cette question d'identification obligatoire de l'électeur. Des modifications législatives à la Loi sur l'assurance-maladie et au Code de la sécurité routière permettant au Directeur général des élections d'exiger la carte d'assurance-maladie ou le permis de conduire à des fins d'identification pourraient avoir comme effet d'instaurer un mécanisme d'identification obligatoire au moyen d'une carte avec photo. On connaît l'argument: quand on ouvre la porte, on traverse le seuil. À un moment donné, quelqu'un va le faire, M. le Président. Il y a eu une commission de cette Assemblée nationale qui s'est penchée précisément sur la question suite à la recommandation de la Commission d'accès à l'information, entre autres, à l'effet que cette question de la carte obligatoire devrait faire l'objet d'un examen en soi. C'est une question importante et très large. C'est à ce moment-là que et la Commission d'accès à l'information, et le Protecteur du citoyen, et la Commission des droits de la personne ont dit qu'ils étaient très, très, très, très, très réservés par rapport à l'utilisation d'une carte d'identification. Et, à ce que je sache, ce n'est pas parce qu'ils veulent voir des gens qui n'ont pas le droit de voter de pouvoir voter, M. le Président, eux autres non plus. Alors, au moins sur cette question-là, qu'on ait un débat correct comme on devrait l'avoir sur tous les autres éléments.

(10 h 50)

Cela étant dit, pour replacer les choses au niveau de la carte d'identification, M. le Président, je ne prendrai pas trop de temps afin de permettre à d'autres collègues qui veulent aussi poser des questions, étant donné que nous sommes en commission pour essayer d'avoir le maximum d'informations, une question seulement au Directeur... à l'ancien Directeur général des élections – vous voyez le réflexe, hein. Le 20 octobre, ce qui m'avait d'ailleurs surpris à l'époque – très rapidement – vous avez dit que c'était presque impossible d'appliquer la recommandation de la Cour suprême, qu'il fallait absolument envisager donc l'autre possibilité qui existait, c'était l'utilisation de la clause «nonobstant». Je suis un des plus heureux de vous voir trouver, après mûre réflexion, les façons d'appliquer le jugement de la Cour suprême, de telle façon qu'elles vous amènent même à dire que même cette hypothèse théorique qui pourrait exister – et on n'est pas ici nécessairement pour faire les débats théoriques; j'imagine que c'est plus au niveau des milieux universitaires qu'on peut examiner ça; peut-être que le ministre pourrait suivre un des cours à un moment donné afin d'exposer des éléments théoriques potentiels – que même la possibilité théorique d'une utilisation préventive de la clause «nonobstant» vous paraît non nécessaire. Pouvez-vous juste nous commenter sur ce cheminement, si vous voulez?

M. Côté (Pierre-F.): Certainement. Le texte que j'ai, je dirais, spontanément publié le 20 octobre, c'était quelques jours après le jugement de la Cour suprême, et je disais, entre autres, dans ce texte que j'espérais... moi, je n'avais pas à ce moment-là trouvé de solution pour la mise en application du jugement de la Cour suprême, et j'espérais que quelqu'un en trouverait ou qu'on en trouverait une, ce qui éviterait le recours à la clause, à la disposition dérogatoire. Donc, il y a des gens qui ont eu l'impression à ce moment-là – il faudrait avoir le texte du 20 octobre – que je préconisais de façon définitive le recours à la disposition dérogatoire.

Évidemment, par la suite, j'ai lu et relu le jugement très attentivement. Je dois vous signaler que je pense que ce jugement est extrêmement bien rédigé, plus qu'il ne paraît, je dirais, de prime abord. Il est rédigé dans un excellent français, mais il est pensé selon une autre culture, ce qui le rend un peu difficile de lecture, pour moi en tous les cas. Par exemple, pour comprendre le paragraphe 74, il faut recourir au paragraphe 34. Alors, on joue constamment avec... la logique de toute la présentation n'est pas évidente de prime abord, mais elle s'impose aussi; il y a une logique et il y a une constance dans le jugement.

Alors, face à ça, tout ce que j'ai fait, très honnêtement, je dirais le plus honnêtement possible, c'est de dire: Est-ce qu'il y a des solutions possibles? Et en décortiquant ce qu'il y a dans le jugement, les éléments essentiels, ce que vise le jugement, là, je me suis aperçu que ça ne visait que certaines catégories de personnes. Une des grandes craintes que j'avais et que j'ai encore, mais qui me semble atténuée par la proposition que je fais, atténuée considérablement, c'est le principe de la non-intervention des tiers. Moi, la première réaction que j'ai eue, j'ai dit: Bien, c'est la porte grande ouverte, on va permettre à n'importe qui de dépenser n'importe quand et n'importe comment. Or, ce n'est pas tout à fait ça que dit le jugement.

Mais je reconnais que j'ai vraiment évolué dans ma pensée à partir du 20 octobre, c'est bien évident, et que, dans le rapport que je soumets, je crois que la façon de donner suite au jugement selon la recommandation que je fais est très, très près et colle, même dans le vocabulaire, colle de très près au jugement lui-même. Parce que l'autre aspect qui est assez extraordinaire, je dirais, de la part de ce jugement, c'est que, tout au long, il y a un éloge qui est fait – et on aurait pu s'attendre à quelque chose de différent – de la législation québécoise, de la législation référendaire et de la Loi électorale, par voie de conséquence de la Loi électorale. À ce moment-là, on nous dit: Bien, il y a quelques accrocs, il y a quelque chose qu'il faut corriger, corrigez-le. Mais la solution que vous allez trouver... Quelque part, il est dit dans le jugement: Ça revient au législateur de trouver la solution. On pourrait peut-être en imaginer d'autres meilleures, mais c'est au législateur de voir de quelle façon on peut tout mettre ça en application, finalement.

M. Sirros: Deuxième question, mais juste un commentaire. Je ne peux que souhaiter que votre cheminement, M. Côté, serve d'exemple à d'autres sur cette question de l'applicabilité du jugement, mais...

M. Chevrette: ...

M. Sirros: C'est un souhait que j'exprime, M. le Président. Sur la question de la carte obligatoire, à votre connaissance, est-ce qu'il y a des études? Est-ce qu'il y a quelque chose qui démontre l'envergure d'un problème réel? Est-ce que cette proposition se base sur un pif subjectif? Sur quoi se base cette proposition, de façon objective et concrète? Est-ce qu'il y a des études? Quelle est l'envergure de ce phénomène qui devrait nous amener, selon vous, à modifier notre Loi électorale de cette façon-là?

M. Côté (Pierre-F.): Si vous permettez, je vais d'abord vous donner une remarque plus générale et, après ça, je vais aborder la question des études, s'il y en a.

L'impression générale. J'ai envie de prendre une figure que vous avez prise tout à l'heure quand vous avez parlé d'une automobile qu'on ne répare pas nécessairement. Mais, si on peut ajouter l'air climatisé dans l'automobile, c'est merveilleux. Et d'ajouter l'identité de l'électeur le jour du vote, c'est une opération qui, à mon avis, ne peut que bonifier notre système électoral, parce que...

M. Sirros: ...ça, ça dépend d'un jugement qui serait à l'effet que cette façon-ci serait une amélioration à notre système de valeurs à l'heure actuelle, étant donné qu'il y en a beaucoup qui le voient comme une régression.

M. Côté (Pierre-F.): Bien, je ne suis pas d'accord avec vous, parce que je pense que c'est une amélioration. Je vais préciser pourquoi. Vous savez, il y a quelques années, on a étudié la possibilité d'avoir une carte d'électeur, et cette idée a été rejetée parce que la liste électorale permanente informatisée répond... Ça ne va pas à vous, ça? Je m'excuse. Alors, ayant rejeté la carte d'électeur, M. le ministre, tout à l'heure, a référé à certains pays où ils ont une carte d'électeur. Ici, on a rejeté cette idée parce que la liste, de la façon dont elle a été organisée, est suffisante. Cependant, il reste comme fait – et, là-dessus, j'aborde la question des études, à laquelle vous avez référé tantôt – il reste comme fait que je suis convaincu d'une chose: il y a encore des suppositions de personnes. Il n'y a pas d'études réalistes parce qu'on n'a pas de mécanisme de contrôle adéquat sur le fait qu'une personne veut voter à la place d'une autre.

M. Sirros: À votre connaissance, est-ce qu'il y a eu des gens qui se sont penchés sur la question, qui ont essayé de cerner l'envergure du problème? Est-ce qu'il y a quelque chose, quelque part, autre que «je pense que»?

M. Côté (Pierre-F.): Je ne crois pas, et je ne crois pas qu'il y ait possibilité dans l'état actuel de le faire. Et j'ajouterais même que, si on a une carte d'identité de l'électeur, à ce moment-là, des études vont pouvoir être faites parce que, là, on va pouvoir réaliser s'il y a des personnes qui ont essayé de voter à la place d'autres. Qu'est-ce que c'est, l'avantage de la carte d'identité de l'électeur? Son nom, son prénom, son adresse, son sexe, sa date de naissance, c'est inscrit sur la liste. Or, quel est le principal avantage de présenter sa carte? Tout le monde l'a sur lui. C'est la photographie qu'il y a dessus. C'est l'identification. C'est identique: le nom, l'inscription sur la liste et la personne qui se présente. À ce moment-là, je pense qu'il pourrait y avoir des mécanismes très sophistiqués qui pourraient être développés, pour savoir s'il y a des essais de supposition de personne. Actuellement, il n'y en a pas, d'études. On a envisagé, quand j'étais en poste, différentes façons de le faire. Mais vous savez que c'est presque impossible à déceler. On n'a que quelques aventures qui se sont passées les années antérieures. Mais il faudrait être naïfs, je pense, pour croire qu'il n'y en a plus jamais, de suppositions de personnes. Et je dis que la façon la plus sûre de se prémunir contre cette possibilité-là, et surtout, et je fais référence à ce que vous avez dit tout à l'heure, que la Commission d'accès qui, je pense, va se présenter devant vous, la Commission d'accès à l'information a comme préoccupation première d'assurer la protection de la vie privée des gens. Or, il n'est pas question, dans la proposition qui est soumise, d'aucune façon, d'avoir accès de quelque manière que ce soit à quelque dossier que ce soit. C'est de prendre la carte qu'on a dans ses poches et de la présenter pour voir juste la similitude d'identité entre le nom, le prénom puis la photo. C'est ça. Il ne s'agit pas d'avoir accès aux dossiers. On n'a accès à aucun dossier en montrant, comme tout le monde le fait, tous les jours, dans n'importe quelle occasion... On passe notre temps à nous demander une carte d'identité quelque part, et on sort ça, la carte d'assurance-maladie. Écoutez, je suis arrivé tout à l'heure ici, à la sécurité. J'ai dit: Quelle carte voulez-vous? J'ai demandé à la personne ici, en bas, pour avoir mon laissez-passer, j'ai dit: Est-ce que la carte d'assurance-maladie fait? Elle a dit: Bien, habituellement, c'est celle qu'on accepte. J'ai simplement présenté ma carte. Mais c'est ce qu'on fait ici, à l'Assemblée nationale. Alors, je me dis, c'est monnaie courante partout, pour être bien certain que la personne qui se présente est bien celle qu'elle prétend être.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de L'Assomption, puisqu'on va procéder par alternance. Alors, je vais donner, pour permettre à tout le monde de s'exprimer, l'ordre d'intervention. Alors, il y a M. le député de L'Assomption; il y a Mme la députée de La Pinière; il y a M. le député de Drummond; il y a M. le député de Mont-Royal. Ensuite, j'avais une demande d'intervention de M. le ministre. Il y a M. le député de D'Arcy-McGee et M. le député de Montmorency. Alors, je vous demanderais d'être concis. M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais d'abord remercier M. Côté de venir partager avec nous, ce matin, son immense expérience acquise au fil des années à titre de Directeur général des élections.

(11 heures)

M. le Président, j'ai lu avec beaucoup d'attention le rapport de M. Côté et j'ai également lu avec, je dois dire, beaucoup d'intérêt aussi ses réflexions et ses interrogations suite au jugement de la Cour, qu'il a publiées le 20 octobre dernier. À la page 7 de ce rapport-là, M. Côté, vous disiez: «On peut s'interroger d'emblée, à savoir si c'est vraiment la liberté d'expression qui est brimée par la Loi sur la consultation populaire québécoise ou si c'est plutôt la liberté de tout citoyen de dépenser son argent comme il l'entend et quand il l'entend.» Pour moi, je dois vous admettre que toute la question est là et c'est là-dessus que devrait porter le débat de fond. Et je dois vous admettre que, quand on regarde les décisions qui ont été rendues par les tribunaux depuis que les chartes existent, il me semble que, quelque part, il y a eu un dérapage. Je m'explique.

Quand on en est rendu à confondre la liberté d'expression avec la liberté d'un citoyen de dépenser son argent quand il peut et quand il veut, quand on en est rendu à confondre la liberté d'expression avec la liberté pour un commerçant d'afficher dans la langue de son choix, je me dis qu'il y a quelque chose qui ne marche plus, et c'est pousser un peu loin le concept de la liberté d'expression. C'est une impression dont je vous fais part. Je ne suis pas convaincu de ça. Mais je ne suis pas convaincu que le législateur, quand il a adopté ces chartes-là, c'est une portée qu'il voulait lui donner. Pour moi, la liberté d'expression, ça ne va pas aussi loin que ça. Mais les juges en sont arrivés à ces conclusions-là. Il me semble que, comme législateurs, on a peut-être une responsabilité, également, de refaire un débat sur ce que veut dire concrètement la liberté d'expression. Moi, je trouve que, en tout cas, dans vos réflexions dont vous nous faisiez part le 20 octobre, vous posez la question clairement.

Et, dans le rapport que vous nous avez soumis récemment, je n'ai pas senti, en tout cas, que vous réfléchissiez à cet aspect de la chose. J'ai plutôt senti, au contraire, que vous essayiez de concilier les objectifs poursuivis par le jugement de la Cour suprême avec la liberté d'expression et la liberté pour un citoyen de dépenser son argent quand il veut et quand il peut. Et ça, pour moi, en démocratie, ça m'apparaît dangereux. Et vous poursuiviez plus loin, d'ailleurs, dans vos réflexions, en disant que, si cette tangente-là se poursuit, on pourrait se retrouver en ploutocratie. J'aimerais ça savoir un petit peu ce qui a fait cheminer votre réflexion à ce niveau-là puis ce que vous pensez de ça.

M. Côté (Pierre-F.): ...M. le Président, si vous permettez. Il est bien certain que j'aurais préféré que le jugement de la Cour suprême soit autre. J'aurais préféré que le jugement de la Cour suprême soit conforme au jugement de la Cour supérieure et de la Cour d'appel et dise que, dans une société libre et démocratique, on puisse avoir certaines restrictions. Or, la Cour en a décidé autrement. Et je pense qu'elle en a décidé autrement à partir de la primauté qu'accorde la Cour suprême aux individus plutôt qu'aux groupes ou aux associations ou aux communautés. C'est dans la Charte. C'est la façon de voir de la Cour suprême.

On a le choix. Ou bien on dit: Le jugement de la Cour suprême, on le balaie, on ne le reconnaît pas puis on s'en débarrasse, et on n'en tient pas compte puis on réétablit les dispositions actuelles de la loi, avec une disposition dérogatoire avec tout ce que ça comporte. Ou bien on essaie de voir ce qu'il y a moyen de faire avec le jugement de la Cour suprême. C'est ce que j'ai essayé de faire. Et, pour éviter que ce soit le règne d'une ploutocratie plutôt que d'une démocratie, c'est la raison principale pour laquelle vous allez trouver dans le rapport, d'abord, une limite de dépenses. Il sera libre à vous de déterminer un maximum de 1 000 $ ou, enfin, moins que ça, parce que, le 1 000 $, il ne faut pas oublier que ça s'applique à tout le Canada. Donc, au Québec, on pourrait dire que c'est 250 $. Ça, ce serait une question à déterminer par vous. Mais il y a une limite de dépenses à faire.

Et il y a des contraintes très, très sévères. Si vous regardez les recommandations que je fais, il faut remplir un certain nombre de critères puis il faut rencontrer un certain nombre de conditions avant d'être autorisé à effectuer une dépense, pour un individu seulement, c'est-à-dire par individu et non pas par groupe ou par regroupement.

Alors, à partir de là, je me dis: c'est un moindre mal. Le jugement aurait pu aller plus loin; il est allé seulement jusque-là, fort heureusement. Et, si on veut appliquer le jugement, la seule façon – une des seules façons, il y en a peut-être d'autres – c'est celle que je recommande, en disant: Très bien, il y a des individus, des intervenants isolés qui vont pouvoir dépenser de l'argent comme tels, en autant qu'ils sont autorisés et qu'ils rencontrent un certain nombre de conditions puis qu'ils font rapport de leurs dépenses électorales. Je pense qu'en le limitant comme cela on empêche que la brèche soit grande ouverte pour que ce soit une ploutocratie. Parce que, en définitive, c'est ce qu'on appelle dans notre jargon l'intervention des tiers qui est en cause, qui était prohibée.

Vous avez des exemples assez récents. Je peux peut-être vous en rappeler rapidement. Quant à ceux des référendums, celui de 1992, par exemple, j'ai pris des poursuites contre des grandes entreprises du Canada puis contre les syndicats. Bien, ça a donné gain de cause.

C'est parce qu'il ne faut pas perdre de vue une autre chose. Dans une disposition légale qui se rapporte à la consultation populaire ou à la Loi électorale, on pourrait avoir n'importe quelle disposition, la plus restrictive, la plus compliquée, la plus difficile qui soit ou la plus sévère, avant tout, ce qui importe, c'est que les gens soient convaincus du bien-fondé des dispositions et acceptent de s'y conformer.

Il y a un problème d'éducation, et je dirais que ce problème de formation et d'éducation doit transcender la population québécoise. Je n'ai pas besoin d'aller très loin là-dessus pour vous faire savoir qu'à mon avis notre façon de procéder au Québec, qui est unique au monde, doit être propagée, doit être connue non seulement à travers le monde, mais à travers le Canada, avec ce que ça sous-tend comme exigences, comme concept puis comme consensus social. Moi, je crois qu'il y a un très gros travail à faire, quels que soient les amendements que vous allez apporter à la loi, il y a un très gros travail à faire d'information à travers le monde, mais d'abord à travers le Canada, pour leur dire: Écoutez, nos règles du jeu maintenant sont celles-ci, ayez au moins le respect des règles du jeu.

M. St-André: M. le Président, juste une brève question.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, mais, M. le député...

M. St-André: J'aimerais savoir précisément, pour vous, M. Côté, est-ce que la liberté pour un citoyen de dépenser son argent quand il veut et comme il veut, c'est une composante essentielle de la liberté d'expression?

M. Côté (Pierre-F.): Il faut bien voir que, d'abord, en dehors d'une campagne référendaire ou d'une campagne électorale, qui est de 33 jours, cette liberté-là existe, personne ne la nie et personne ne la met en cause. La seule chose qui est mise en cause, c'est que, pendant une période de quelque 30 jours, il y a des restrictions d'imposées.

Et comment s'exprime la liberté d'expression? On avait, autrefois, la possibilité d'aller au coin de la rue puis de faire un grand discours ou de s'asseoir sur une boîte de beurre puis de faire un discours. Ce n'est plus des modes de communication. Pour communiquer sa pensée et sa façon de voir, ça suppose certains déboursés.

Alors, moi, je pense que la liberté d'expression qui serait autorisée par ces amendements à la loi ne ferait que permettre à des personnes d'avoir une grande liberté d'expression, mais contrôlée et non pas «at large» et faire comme on veut, dépenser n'importe quelle somme d'argent et de n'importe quelle façon.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Je vous remercie, M. le Président. M. Côté et M. Frémont, merci beaucoup pour la présentation. J'aimerais revenir, M. Côté, sur l'identification obligatoire des électeurs, à la page 2 de votre mémoire. Je crois que, lorsque vous étiez Directeur général des élections, vous n'avez jamais manqué l'occasion, en public et devant les parlementaires, de vanter les mérites de notre système, de notre liste électorale. Et je suis un peu étonnée de voir que vous dites dans votre mémoire qu'en instaurant une carte obligatoire pour s'identifier au niveau des électeurs qui vont voter cette façon de procéder réduira considérablement ou même éliminera toute tentative de supposition de personne. Et, en réponse à une question qui vous a été posée par mon collègue, j'étais d'autant plus surprise que vous ayez répondu que c'est parce que c'est l'impression générale. C'est à dire que, si cette réponse m'avait été donnée par quelqu'un d'autre, je ne l'aurais pas considérée, mais, venant de vous, je suis très étonnée de voir qu'un ancien directeur général des élections se base sur l'impression générale pour faire une proposition de telle nature.

M. Côté (Pierre-F.): La difficulté est la suivante. Deux choses, d'abord. Quand j'ai exercé ces fonctions de Directeur général des élections, j'ai déjà présenté devant la commission parlementaire – je pense que c'est celle-ci – l'idée d'avoir une carte d'identité de l'électeur. Ce n'est pas la première fois. Dans mon rapport, je l'ai déjà fait, je ne peux pas vous donner la référence, je l'ai déjà proposé devant la commission de la culture, je pense. Quand je dis que ça diminuerait considérablement, je parle de mon expérience. Mais la difficulté vient du fait qu'il est pratiquement impossible de le quantifier de façon certaine et d'avancer des chiffres.

Supposons, par exemple, que je vous dis: Moi, à mon avis, il y a 1 %, 2 %, 5 % des électeurs qui font des suppositions de personnes. Bien, donnez-nous des preuves, donnez-nous des éléments qui permettent cette assertion-là! Quand je dis que ça peut diminuer considérablement, supposons, par hypothèse, qu'il y en a 10 puis que ça en fait disparaître huit, c'est considérable. Mais, à partir de mon expérience, je suis convaincu d'une chose sans être capable de l'étayer – je l'ai dit tout à l'heure – sans être capable d'arriver avec des chiffres très précis puis des enquêtes très concrètes, qu'il y en a tant qui le font. Il y a un x nombre de personnes qui le font.

(11 h 10)

Par ailleurs, à partir de ce que je sais, à partir de l'expérience que j'ai puis de ce que je connais, il y en a, mais il n'y a pas de possibilité, il n'y a jamais eu de possibilité – on a essayé, quand j'étais en fonction – vraiment de cerner cette question-là, d'être capable de la cerner de façon à ce qu'on puisse établir des chiffres de façon très claire, très nette et très significative, parce que, moi, je pense que l'habilité s'est développée au fil des ans. Mais je crois encore – je répète ce que j'ai dit tantôt – qu'il serait naïf de croire qu'il n'y en a pas; je pense qu'il y en a. De là à dire que... Puis vous avez raison de me poser la question: Il y en a combien? Vous faites des affirmations gratuites. Bien, je fais juste des affirmations à partir de mon expérience, parce qu'il n'y a pas de méthode, on n'en a pas trouvé.

Moi, je me rappelle que, dans les premières années où j'étais en fonction, il y a, un jour, une personne qui se présente dans un bureau de vote puis qui dit: Moi, je m'appelle monsieur – peu importe le nom – disons Laframboise. Bien, il y en a une qui me demande, du personnel électoral, qui le regarde, elle dit: Je regrette infiniment mais ce M. Yves Laframboise, c'est mon cousin germain, vous n'êtes pas mon cousin germain. On l'a fait arrêter, et – à ce moment-là, il pouvait être condamné à la prison – il a été condamné à la prison. Quelque temps après, il y a une autre personne qui fait le même jeu dans une autre élection. Et la loi ayant été amendé, il a été poursuivi puis il a été condamné à une amende. Il n'y en a pas un grand nombre de cas comme ça. Il y a eu quelques poursuites, mais il n'y a pas un très grand nombre de cas, parce que la difficulté, c'est d'attraper la personne qui...

Qu'est-ce qui arrive à une personne qui se présente dans un bureau de vote puis qui prétend être quelqu'un, puis, tout d'un coup, les gens commencent à douter ou lui posent des questions? Elle file à l'anglaise, passez-moi l'expression, elle file au plus vite puis avant qu'on puisse l'attraper. Elle n'a pas exercé son droit de vote, mais elle est disparue. Si, par chance, elle réussit à passer un vote comme celui-là, tout le monde serait attrapé: Oui, je suis M. Untel...

C'est parce que la difficulté, vous savez – il y a un point que j'ai oublié de mentionner – me semble aussi être la suivante. Dans les grandes agglomérations urbaines, les membres du personnel électoral ne connaissent pas nécessairement tous les électeurs. C'est vrai dans le monde semi-urbain et rural, mais, dans les grandes agglomérations, ce n'est plus vrai, que les gens connaissent les 300 et quelques électeurs de la section de vote. Alors, je pense qu'il n'y a rien de répréhensible à ce qu'on dise aux gens, surtout dans les grandes agglomérations: Écoutez, présentez-vous automatiquement.

Je vais vous donner un exemple de la bonne volonté des gens pour poser un geste comme celui-là. Quand on a fait le recensement de septembre 1995, on devait demander une pièce d'identité aux gens. Savez-vous quelle a été une de nos plus grandes surprises? C'est la spontanéité marquée, par les gens, en particulier sur l'île de Montréal, de la présenter d'eux-mêmes. Ils attendaient les recenseurs et ils avaient leur pièce d'identité en main puis ils la présentaient spontanément. Ça n'a créé aucun problème nulle part. Les gens sont habitués à ce qu'on leur demande de s'identifier, et on n'a pas accès à des dossiers encore. Mais je dis: pourquoi ne pas se donner une sécurité maximale d'être certain qu'il n'y aura pas d'exercice du droit de vote qui sera fait par une autre personne que celle qui a le droit de le faire?

Mme Houda-Pepin: Justement, vous donnez le bon exemple que je voulais citer, celui du recensement de 1995, où les citoyens qui ont été recensés ont présenté leur carte d'identification spontanément. Il faut dire qu'on a été quelque part pour quelque chose parce que c'est le message qu'on a envoyé dans nos circonscriptions électorales, de dire aux gens: Pour faciliter le recensement, pour s'assurer d'être sur une liste électorale, pour s'assurer que vous êtes la bonne personne qui doit aller voter, présentez vos cartes d'identité. Moi, j'en ai fait un communiqué qui est paru dans mon hebdo, pour faciliter justement cet exercice du droit de vote.

Et mon inquiétude à moi, c'est de voir que, dans une société libre et démocratique, connue justement pour ces grandes valeurs-là, on va instaurer une mentalité de contrôle. Et pourtant ce n'est pas les mécanismes qui manquent. Déjà, au niveau du recensement porte à porte, les gens se sont identifiés, et deux fois plus qu'une.

Deuxièmement, il y a eu également, d'après ce qu'on a vu la semaine dernière avec la rencontre qu'on a eue avec le Directeur général des élections, M. Casgrain, la réussite du couplage des fichiers avec la RAMQ, qui va bon train, et tout ça. Alors, instaurer un mécanisme avec une carte d'identité obligatoire au niveau du vote, moi, je trouve que c'est ouvrir la porte à des mécanismes de contrôle. D'ailleurs, on n'est pas les seuls à dire ça.

Et je voudrais, en terminant, revenir à l'exemple que vous avez donné tantôt, quand vous disiez que vous êtes rentré ici à l'Assemblée nationale et que vous avez dû présenter une carte d'identité. Il faut se rappeler qu'avant les gens rentraient à l'Assemblée nationale sans problème. Le jour où il y a eu un problème, à l'Assemblée nationale, dans l'affaire Lortie, on a instauré un contrôle. Alors, dans le cas qui est devant nous, on n'a aucune analyse qualitative ou quantitative qui nous démontre que ce genre de contrôle est nécessaire et encore moins pour le rendre obligatoire. Alors, je trouve que votre analyse, M. Côté, elle vaut ce qu'elle vaut, pour votre opinion, mais elle ne repose sur aucune donnée vérifiée et vérifiable.

M. Côté (Pierre-F.): Oui, c'est peut-être une question d'opinion. Puis c'est une question aussi d'opinion politique; vous échangerez là-dessus, je ne veux pas entrer dans ce genre de débat. Je voudrais peut-être juste apporter une précision parce que je ne voudrais pas qu'il y ait d'équivoque. Quand j'ai dit, tout à l'heure, que je me suis présenté en bas et qu'on m'a demandé ma carte d'identité, je dois bien dire que je suis le premier à être très heureux qu'on procède comme ça à l'Assemblée nationale. C'est dans cette salle-ci qu'un de mes employés a été tué et que moi-même j'ai passé proche de me faire tuer, puis il y en a quatre qui ont été blessés dans l'affaire Lortie. Alors, là-dessus, à partir du moment où on a des mécanismes de sécurité, je suis le premier, dans n'importe quel édifice public, à m'y soumettre, et je le fais avec beaucoup de plaisir. Qu'on me demande n'importe quelle carte, c'est une question de sécurité d'abord.

Sur la question de l'identité de la personne, même s'il n'y avait pas de problèmes de sécurité dans les édifices du gouvernement, ça me semblerait correct qu'on me demande mon identité, pour ne pas que n'importe quel... Je vous assure qu'on en a vu quelques-uns. Si on avait eu, par exemple, cette possibilité-là, à certaines audiences publiques que j'ai tenues pour la commission, on n'aurait pas eu certaines difficultés qu'on a rencontrées. Vous savez, quand on donne une audience publique et que quelqu'un vous met en cause et, parce qu'on l'oblige à se taire, s'assoit et dit à son voisin: «Shoot him!» on est un petit peu craintif. Bon, passons sur ces événements. Mais je reviens à la liste au moment du vote. Au moment du vote...

Mme Houda-Pepin: C'est une comparaison...

M. Côté (Pierre-F.): Non, non. Ça vaut ce que ça vaut.

Mme Houda-Pepin: Mais vous comparez des incomparables, M. Côté.

M. Côté (Pierre-F.): Ça vaut ce que ça vaut. Ce que je veux signaler, par cet exemple-là, c'est que l'identification d'une personne est de plus en plus demandée et de plus en plus requise. Tout ce que je prétends, et vous pouvez diverger d'opinions – c'est absolument votre droit d'être contre, c'est bien évident – c'est que ça ne peut qu'améliorer le système électoral.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Drummond. Mais je vous rappelle que le temps disponible pour la partie gouvernementale, incluant la réponse de Me Côté, est de quatre minutes seulement, alors...

M. Jutras: Alors, on va essayer, Me Côté, de procéder rapidement. Je veux enchaîner avec ce que vient de dire la députée de La Pinière concernant la carte d'électeur. Elle donne comme argument la réussite, elle parle de la réussite du recoupement des électeurs qui sont inscrits à la liste électorale avec le fichier de la RAMQ. Cependant, on a eu une présentation, les parlementaires, la semaine dernière, par Me Casgrain, votre ex-adjoint mais qui est encore au DGE, qui nous disait qu'à l'heure où on se parle ou, en tout cas, rendu en mars 1998 il y a encore sur la liste électorale 217 894 électeurs que nous n'avons pas réussi à recouper avec le fichier de la RAMQ.

Et, moi, je vais vous dire. La députée de La Pinière trouve que c'est une réussite. Oui, on a réussi à recouper beaucoup d'électeurs, mais, qu'il y ait encore 217 894 électeurs non recoupés et qui sont sur la liste électorale, moi, au contraire, j'y vois un argument disant qu'il va falloir, aux prochaines élections, qu'on puisse davantage procéder à l'identification des gens qui viennent voter. Ça m'apparaît un argument majeur. Je ne sais pas ce que vous en pensez, Me Côté, si vous êtes au courant de cette donnée-là. Elle est récente, elle est de mars 1998. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

M. Côté (Pierre-F.): Le fait qu'il y a au moins 200 000 et quelques?

M. Jutras: 217 000, qui sont sur la liste électorale et non recoupés, à l'heure où on se parle.

M. Côté (Pierre-F.): Oui, mais on a dû vous faire état, j'imagine – je n'étais pas présent à cette rencontre – qu'il y avait deux mécanismes pour contrôler ou perfectionner cette liste. Le premier, c'est ce qui doit être adressé à tout électeur au moment d'un scrutin, la carte qui doit lui être adressée à son domicile pour vérifier la personne qui est domiciliée à cet endroit, dont le nom est inscrit sur la liste électorale. C'est un nouveau mécanisme qui va être dans la loi, à ce qu'on m'a dit. Et le deuxième, c'est la commission de révision, également. Alors, il ne faut pas perdre de vue que la perfection absolue de la liste électorale permanente informatisée... Jamais personne n'a affirmé, je pense bien – moi, je n'ai jamais affirmé ça et je suis responsable de la mise sur pied de cette liste-là – et c'est impossible d'affirmer qu'elle est d'une perfection absolue. Mais qu'on tende à ce qu'elle se perfectionne, tant mieux.

Mais je trouve que vous avez raison, par ailleurs, qu'il peut échapper encore des gens sur la liste. Puis c'est un mécanisme supplémentaire de contrôle que la carte d'identité. Vous savez, j'irais même jusqu'à dire que, si un jour un député était élu, si un candidat était élu avec une majorité d'une seule voix puis qu'il n'y ait eu qu'une seule supposition de personne, je vous assure que, là, tout le monde serait mal à l'aise. Où est-ce que serait le jeu démocratique? Puis, si on avait pu éviter cette supposition de personne là par une carte identifiant l'électeur, je pense qu'on le regretterait beaucoup.

M. Jutras: Je pense que le député de Saint-Jean comprend très bien vos propos.

Des voix: Ha, ha, ha!

(11 h 20)

M. Jutras: Une deuxième question, rapidement, Me Côté. Je vois que vous retenez la solution du 1 000 $. Et je trouve que la Cour suprême, son jugement à ce sujet-là est très embarrassant et, au contraire, nous soulève un problème, moi, qui m'apparaît pratiquement insoluble. Vous dites que vous retenez le 1 000 $ et, avec raison, vous dites, ce matin: La Cour suprême n'indique ce montant-là qu'à titre indicatif. Et ça, c'est tout à fait vrai parce que, dans un cas, au paragraphe 78, la Cour suprême semble dire: Le montant de 1 000 $, le risque n'est toutefois pas suffisant pour justifier une limite inférieure, on semble dire: Oui, on va dans le sens du 1 000 $, par contre, au paragraphe 81, on dit: «Si le législateur retient cette solution, il lui appartiendra de le faire. Néanmoins, on peut penser que le montant de 1 000 $ proposé par la commission Lortie n'est pas nécessairement le montant approprié.» Alors, à un paragraphe, la Cour suprême semble aller dans le sens du 1 000 $, et un peu plus loin, elle dit: Ah! bien, non, on ne se prononce pas, on donne une indication, mais on ne se prononce pas. Alors, nous, les législateurs, on est pris avec ce problème-là.

Vous l'avez examiné, le problème, en fonction du 3 000 $ qu'on peut souscrire à la caisse électorale et qui est un montant maximum. Mais la Cour suprême aussi, ajoutant à l'embarras qu'elle cause au législateur, et là je vous réfère au paragraphe 76, et ça, vous ne l'avez pas discuté, où la Cour suprême dit qu'avec le montant de 600 $ qui existait avant c'était impossible de payer pour faire imprimer des dépliants, des brochures ou des affiches. Et la Cour suprême dit: On a déjà souligné l'importance de ces moyens de communication.

Nous, comme députés puis avec nos organisateurs politiques sur le terrain, on sait bien que des affiches, des dépliants, ça coûte cher non seulement de les faire imprimer, mais de les distribuer aussi. Et on peut aisément parler, dans un comté, à l'occasion d'une campagne électorale, d'une dépense qui va varier aisément entre 3 000 $ à 5 000 $. Alors, si on retient le montant de 1 000 $, est-ce qu'on ne se retrouvera pas tout de suite avec – puis d'ailleurs, il y a des gens qui nous l'annoncent dans leur mémoire, qui vont contester quel que soit le montant – une contestation immédiate disant: Mais qu'est-ce que vous faites du paragraphe 76, où la Cour suprême dit: C'est important, les dépliants? Puis là ils vont faire la preuve qu'un dépliant, ça coûte aisément de 3 000 $ à 6 000 $.

M. Côté (Pierre-F.): Avec votre permission, M. le Président, je vais demander à Me Frémont de répondre à la question. Il a des chances d'être plus court que moi, c'est un autre avantage.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je vous demanderais effectivement d'être concis.

M. Frémont (Jacques): O.K. Il s'agit, je le répète, d'une liberté d'expression individuelle, donc il s'agit des dépenses que l'individu peut faire. Je rappelle que la Cour suprême a dit, au paragraphe 78, que le montant devait être relativement bas puis, au paragraphe 81, même minimal, la Cour a dit, et, en tout cas, pas suffisamment limité pour ne pas être incompatible avec l'objectif de la loi. Il semble qu'il y a, et je suis d'accord avec vous, une certaine contradiction entre 78 et 81. Ça, c'est la réalité des jugements qui se barguinent entre les bureaux de juges, lorsqu'ils circulent. C'est très clair que 81, c'est une excroissance, c'est quelqu'un qui a dit: Je vais signer ton jugement si tu mets ça. Et il faut vivre avec cette contradiction très claire.

Maintenant, je vous rappelle que 81 ne dit pas que le montant doit nécessairement être supérieur à 1 000 $. Il pourrait très bien être inférieur à 1 000 $. Et je pense que Me Côté, avec raison, a dit: Si c'est 1 000 $ pour le Canada en entier, ce ne serait pas déraisonnable que ce soit 250 $ pour le Québec. Et, dans ce contexte-là, si on le fixait à 1 000 $, on serait trois fois trop généreux ou quatre fois plus généreux que ce qu'une certaine logique voudrait dire.

Maintenant, ce qui est clair, c'est qu'au paragraphe 76 on faisait référence au mécanisme de 404 qui permettait de payer 600 $, mais uniquement pour la réservation de locaux. Et là la Cour, en toute logique avec le reste de son jugement, dit: C'est trop restrictif, il faut que vous ouvriez ça et il faut que vous soyez plus généreux parce que vous ne pouvez pas faire autre chose que de réserver une salle, avec ces 600 $. Alors, là, c'est une question de preuve, si jamais ça se rend devant les tribunaux, c'est: Où est-ce qu'on va avec 1 000 $?

Mais la question qui est sous-jacente, en autant que c'est 1 000 $, c'est: De combien on a besoin pour s'exprimer individuellement? Moi, je peux bien vous dire que j'ai besoin de 30 000 $ parce que je veux faire passer des spots au téléjournal, et, à ce moment-là, ça va être 300 000 $ ou ça va être 1 500 000 $ pour mon expression individuelle, moi, Jacques Frémont. Et je pense que c'est là où il y a une balance et il y a une question de raisonnabilité à faire. Je pense que, quand Jacques Frémont aura dépensé 1 000 $ pour dire qu'il n'y a personne qui devrait voter... Parce que Jacques Frémont n'a pas le droit de dépenser 1 000 $, selon la Cour suprême, pour soutenir un camp ou l'autre, n'oubliez pas ça. C'est uniquement pour l'individu isolé qui ne peut pas et dont le point de vue n'est pas représenté autrement par les autres camps, c'est uniquement cet individu qui va avoir le droit de dépenser 1 000 $.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je pense qu'il serait intéressant et utile de rappeler les critiques sur cette loi, quand elle a été adoptée en 1978. Dans les dernières années, on a tous accepté que la loi respectait tous les droits, que c'était une loi très démocratique. Mais, en 1978, l'opposition libérale de l'époque avait voté contre la loi. Et je voudrais juste porter à votre attention, ce qui peut-être pourrait être utile pour trouver les solutions que vous proposez ou pour les juger...

Parmi les critiques, il y en a deux qui nous intéressent aujourd'hui. La première, c'était le 16 juin, et je vais citer: «Ce que vous faites – en parlant au gouvernement – c'est plus qu'empêcher des individus de dépenser un certain montant, vous empêchez la participation de groupes qui vont être mis de côté ou d'individus et qui ne pourront pas participer au référendum. La liberté d'expression et la liberté d'association et même les représentations que vous avez reçues des différentes associations apolitiques qui ne veulent pas s'associer avec les partis politiques, cela n'est pas une question de dépenses, c'est une question de principe.» Alors, ça, c'était une des critiques que nous avions faites en 1978. On ne touchait pas, pour le moment, la question de dépenses – parce que, ça, c'est une autre question – c'était juste le principe de s'associer, le principe de s'exprimer.

Et la deuxième, le 22 juin, et je cite: «Je crains que ces contraintes – en parlant de la constitutionnalité – soient antidémocratiques, contre la Charte des droits et libertés de la personne. Et j'entretiens – c'est Jean-Noël Lavoie, l'ancien président de l'Assemblée nationale, qui parlait – des doutes qu'elle soit même illégale et attaquable devant les tribunaux. Les tribunaux décideront éventuellement des contraintes imposées dans le projet de loi n° 92 aux droits et libertés fondamentales d'expression, d'opinion ou d'association.» Ça a pris presque 20 ans pour que quelqu'un aille devant les tribunaux pour qu'éventuellement... Et le Parti libéral avait voté contre cette loi pour ces raisons.

Alors, il y a deux principes fondamentaux. Et, quand on parle du «nonobstant» et on fait référence à la Constitution canadienne, vous savez, je pense, moi, que, même s'il n'y avait pas de Constitution canadienne, le droit d'association, c'est un droit fondamental. Avec ou sans Constitution canadienne, c'est un droit fondamental. C'est un droit fondamental, le droit d'expression, le droit d'association dans tous les pays démocratiques civilisés. Alors, dire qu'on se base seulement sur la Constitution pour ça... C'est vrai que c'est dans nos lois, mais je pense que ça va au-delà d'une constitution ou de certains mots dans une constitution, c'est un droit fondamental des individus.

Et ce que je crains, dans vos propositions... Premièrement, la limite dans les dépenses, je pense que ça, ça a été accepté par la Cour suprême, et personne ici ne questionne certaines limitations qui doivent être mises. Quoique quelqu'un pourrait dire: On limite les individus, on limite les comités, mais on ne dit rien vis-à-vis nos gouvernements, les dépenses des gouvernements. Et, moi, je me souviens, en 1980, en 1979, le gouvernement avait fait imprimer un pamphlet: «Minute, Ottawa!», ça disait. Ce n'était pas comptabilisé parce que c'était avant le référendum. Alors, vous savez, il faut regarder aussi de l'autre côté de la... Je ne questionne pas, pour le moment, la question de dire: Il faut limiter les dépenses. Mais on voit les possibilités d'abus d'un gouvernement qui, lui, n'a pas de limite, de contrainte. Il n'a pas de contrainte, il n'en a pas eu, il a fait imprimer ce pamphlet-là...

Des voix: ...

(11 h 30)

M. Ciaccia: Mais, pour revenir à vos propositions, la question que je me pose: Est-ce que les délais que vous imposez pour le système, que vous imposez pour limiter les individus... Je parle de deux choses: la question de limiter le droit de dépenses, je pense que tout le monde accepte ça, mais les délais: après un certain délai, la personne n'aura pas ce droit-là. Est-ce que ça peut être une contrainte?

La deuxième question. Je pense que votre collègue a déjà parlé de la clause «nonobstant», et je regarde les sondages que le ministre nous a présentés. Croyez-vous que le droit fondamental, ça peut être déterminé par des sondages? C'est parce qu'à la dernière question – la Cour suprême a invalidé la loi – on dit ici: 43 % sont en faveur d'utiliser la clause «nonobstant». Pensez-vous que ça devrait être le critère pour déterminer? Parce que la clause «nonobstant» touche les droits des individus et les droits des collectivités.

Je sais que notre temps est limité, je voudrais... J'aurais préféré que, dans l'approche à cette loi, parce qu'on voit beaucoup de contraintes, peut-être, on aurait eu, si je pourrais dire, un esprit un peu plus ouvert. Je voudrais plutôt un esprit, mettons, l'esprit de Voltaire...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: ...qui avait dit: «Je ne suis pas d'accord avec vos idées, mais je vais défendre à mort votre droit de les exprimer.» J'aimerais que cette philosophie soit exprimée, soit démontrée, soit reflétée aussi dans nos lois.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, Me Côté.

M. Côté (Pierre-F.): Si vous permettez, très rapidement, je vais d'abord citer Voltaire, si vous permettez, aussi. Il a dit – je l'ai répété souvent, il faut se méfier de ses expressions: «Donnez-moi deux lignes d'une personne et je me charge de vous la faire pendre.» Alors, il s'agit de tirer des lignes d'un contexte pour pouvoir faire dire à quelqu'un n'importe quoi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Pierre-F.): Mais c'est sans référence à ce que vous avez dit, c'est juste pour m'amuser à citer Voltaire. Là, je veux être très clair, je ne vous vise pas. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Pierre-F.): Ça n'a aucune référence à ce que vous venez de dire, c'est juste pour m'amuser à citer Voltaire.

Pour être plus sérieux, dans ce que vous avez mentionné, vous parlez de deux questions: la contrainte des délais, et la deuxième, la question de l'importance des sondages. Je pense que c'est bien ça, les deux questions que vous avez posées à la fin. Sur le premier commentaire que vous avez fait, je veux juste vous rappeler que la Cour a avalisé, était d'accord avec toute la législation québécoise qui a été adoptée en 1978.

Mais, pour la contrainte des délais, je pense qu'elle s'impose de la façon suivante. C'est qu'il y a une période de temps pour un référendum pendant laquelle les membres de l'Assemblée nationale doivent s'inscrire à l'un ou l'autre des comités. On peut peut-être dire que c'est encore trop court, mais il y a une période de temps pour qu'on sache de quel côté de la barrière les gens sont. Et je pense qu'il faut avoir une courte période de temps pour autoriser les individus isolés ou les indépendants de la même façon, parce que, si on n'a pas une période de temps déterminée et assez courte, on pourrait aller jusqu'à la veille du référendum puis il y aurait encore des gens qui seraient autorisés qui se réveilleraient tout d'un coup et qui diraient: Bien, moi, je veux préconiser l'abstention – tout d'un coup. Je pense que le jeu, qui se joue pendant une campagne référendaire, de la vente d'une idée ou de l'autre, elle doit être balisée de quelque façon. Elle l'est pour les comités-parapluies; elle doit l'être, je pense, pour les individus.

Quant à la question de savoir si on doit s'appuyer sur des sondages pour faire valoir des droits fondamentaux ou non, je pense que, là, je pourrais exprimer une opinion très personnelle, mais elle vaut ce qu'elle vaudrait. Alors, je vais m'abstenir d'en exprimer une.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Montmorency.

M. Chevrette: Parlez-vous?

M. Filion: Oui, oui, je vais parler, monsieur.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Allez-y.

M. Filion: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais poser une couple de questions à M. Côté. C'est que vous avez deux points dans votre partie de mémoire... Si on regarde tout le texte que vous avez publié, il y a beaucoup d'autres choses qui ont été dites et écrites dans votre rapport. Moi, j'aimerais aller un peu plus loin sur la question de l'opinion juridique que vous avez incluse dans votre rapport, qui vient soutenir un peu la thèse à l'effet que, non seulement la Cour suprême a invalidé les articles précis de la Loi sur la consultation populaire, mais également elle invalide indirectement, par association ou par analogie, beaucoup d'autres dispositions de la Loi électorale et de la loi dans les municipalités, la loi municipale. Et là où je suis un peu perplexe face à cette affirmation-là, c'est que, tout à l'heure, on disait qu'on ne pourrait pas non plus utiliser la clause «nonobstant» pour une loi électorale. Alors, conscient que beaucoup d'autres articles sont invalidés dans la Loi électorale actuellement, vous ne faites aucune mention, dans votre document d'aujourd'hui, à l'effet qu'on devrait également en profiter pour corriger tous ces articles-là qui sont indirectement invalidés dans la Loi électorale. Et c'est dans cet esprit-là que j'aimerais savoir... Par exemple, si je regarde l'annexe II de votre rapport, vous indiquez plusieurs articles et vous faites vraiment le parallèle entre les différentes lois. Je pense, entre autres, à l'article 417 de la Loi sur la consultation populaire, à 417 de la Loi électorale, à 461 et 428 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, ce sont des articles qui, à toutes fins pratiques, sont inopérants. J'aimerais savoir vraiment, comme parlementaire: Est-ce qu'on doit en même temps refaire une réforme électorale? Parce que, quelque part, si ces articles-là sont invalidés par analogie, je pense qu'on se doit de se pencher également sur la question de la Loi électorale.

M. Côté (Pierre-F.): Si vous me permettez, M. le Président. Je vous avoue que j'ai de la difficulté un peu à comprendre votre réaction, parce que, dans le rapport, le tome I – j'espère que c'est là-dessus qu'on se base pour étudier le rapport, qui est le tome I, et non pas les résumés...

M. Filion: Non, moi, j'ai le tome II.

M. Côté (Pierre-F.): Non, le tome II donne la référence à l'opinion juridique, mais, dans le tome I, à la page 44, je touche à la Loi électorale et on doit l'amender. Je vais résumer ce que je dis.

Le jugement de la Cour suprême dit, déclare inopérantes un certain nombre de dispositions de la version spéciale de la Loi sur la consultation populaire. Or, cette version spéciale de la Loi sur la consultation populaire vient de la Loi électorale. Même genre de dispositions analogues, puis il y a des tableaux dans l'annexe qui le démontrent, on les retrouve dans la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Par voie de conséquence, c'est mon opinion puis c'est ce que mes conseillers juridiques me disent, ce qui est déclaré inopérant dans la Loi sur la consultation populaire l'est également dans la Loi électorale et dans la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Ce que je dis, c'est deux choses. La première: Rendons à nouveau opérantes ces mêmes dispositions; ce n'est pas nécessaire de les modifier, rendons-les opérantes, mais ajoutons un chapitre dans lequel on va donner des pouvoirs au Conseil du référendum, ce dont il a été mention ce matin, puis les mêmes pouvoirs, on va les donner, dans le domaine électoral, au Conseil électoral, qui est à créer, le Conseil électoral analogue au Conseil du référendum, qui – ce que je suggère également – aura aussi le pouvoir d'étudier toutes les causes se rapportant au domaine électoral.

Alors, je pense que, dans le rapport... et je fais la même proposition pour la loi, et ça, c'est au chapitre... je vais vous donner la référence de la page, je fais la même chose à la page 53 de mon rapport, la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Donc, je pense avoir couvert dans le rapport et la Loi sur la consultation populaire, et la Loi électorale, et la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Alors, la recommandation que je fais sur la Loi sur la consultation populaire, appliquons-la, en les adaptant, aux deux autres.

M. Filion: Je suis d'accord avec vous, M. Côté, sauf que le jugement a soulevé le principe de l'équité au niveau des dépenses électorales, mais il y a aussi le principe de l'équité au niveau du financement électoral qui, à quelque part, est remis en cause par ce jugement-là. Alors, comment vous voyez qu'on puisse... parce que, là, vous donnez uniquement une solution au niveau d'une limitation d'une dépense, mais vous n'amenez pas de solution au niveau d'une équité dans le financement. Pourquoi certains individus ou des indépendants ne peuvent pas se financer quand des formations politiques peuvent se financer? Il y a des périodes qui sont différentes, etc., le principe d'équité est remis également, à mon point de vue, et j'aimerais vous entendre ou avoir votre opinion sur ça. Comment peut-on rétablir l'équité également au niveau du financement? Vous avez suggéré une équité au niveau de la dépense, la restriction de la dépense – à quelque part, il faut le contrôler, on ne peut pas avoir «un vote égale un dollar»...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Brièvement, M. le député, on a déjà excédé le temps imparti, y incluant le vôtre.

M. Filion: Oui, ce ne sera pas long, M. le Président, mais c'est important, je pense, dans le débat.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Elles sont toutes importantes, les questions.

M. Chevrette: C'est important, mais il ne pourra pas parler.

M. Filion: Oui, je comprends, sauf que je viens juste de soulever une question, et j'en soulève une deuxième. On essaie de donner une voix aux indépendants, M. le Président, je vous demanderais un petit peu de...

M. Chevrette: Ah! c'est aux isolés dans votre cas. Ha, ha, ha! Il y a deux catégories.

M. Filion: Les indépendants, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Il y a deux catégories.

M. Filion: Alors, M. le Président, ce ne sera pas très long.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Terminez.

(11 h 40)

M. Filion: Alors, c'est au niveau vraiment du principe d'équité soulevé par la Cour suprême, et ce principe d'équité là au niveau de la Loi électorale joue à deux niveaux: au niveau de la dépense puis au niveau également du financement. Et cette partie-là, elle est ignorée ou elle n'est pas vraiment traitée actuellement. Et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. Côté (Pierre-F.): En fait, je pourrais élaborer, mais je voudrais vous référer aux pages 46 et 47 de mon rapport. Je pense que, d'une part, dans le domaine électoral, la mécanique actuelle est prévue pour apporter une réponse normalement à cette question d'équité en offrant la possibilité à une personne d'être candidat indépendant, si elle n'est pas dans un parti politique, de former un parti politique, et toutes les règles du jeu se trouvent à être rencontrées. Alors, il y a seulement les personnes qui prônent l'abstention ou l'annulation d'un vote, pour donner suite au jugement de la Cour suprême, pour l'appliquer dans le domaine électoral, qui pourraient être autorisées. En fait, je peux approfondir, si vous voulez, cette question-là et y repenser davantage. Mais ma première réaction est à l'effet que je pense que l'équité, de la même façon qu'elle l'est dans la solution sur la Loi sur la consultation populaire, l'est également dans le domaine électoral, à moins que je saisisse très mal vos points de vue. Mais je pense que les règles du jeu sont plus précises, sont plus circonscrites en appliquant le jugement à la Loi électorale ou à la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.

M. Filion: C'est que le jugement, au fond...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, monsieur. Là, on a déjà dépassé le temps, M. le député de Montmorency.

M. Filion: Ça devenait intéressant, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous ferez l'exercice de concision.

M. Chevrette: C'est de l'autojugement que vous faites, M. le député?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Toutes les questions sont importantes. Maintenant, on a aussi convoqué des gens, et je pense qu'on doit un certain respect aux groupes qu'on convoque devant nous. Et on a là-dessus, comme exercice, à titre de membres de la Chambre, à faire un exercice de concision.

M. Chevrette: Donc, merci, M. Côté et M. Frémont. Merci de votre rapport.

M. Sirros: On vous remercie.

M. Côté (Pierre-F.): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci de vos réponses à nos interrogations. Alors, nous allons, sur ce, recevoir les membres de la Fédération des commissions scolaires du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, j'invite maintenant les représentants de la Fédération des commissions scolaires du Québec à prendre place immédiatement. Alors, nous recevons Mme la présidente générale, Mme Diane Drouin; M. André Caron, qui est le premier vice-président; M. Gilles Taillon, le directeur général de la Fédération; et M. Guy Beaudin, qui est conseiller à la recherche et à l'analyse. Alors, bienvenue à la commission des institutions. Vous disposez d'une période, Mme Drouin, de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, laquelle sera suivie d'échanges répartis entre le parti gouvernemental et l'opposition, de périodes de 20 minutes respectivement. J'inviterais les membres de la commission aussi à être très concis dans leur questionnement, puisqu'on a des gens de part et d'autre, tout à l'heure, qui n'ont pu adresser leurs questions, et je suis convaincu qu'elles étaient tout aussi pertinentes. Alors, Mme Drouin, vous avez la parole et bienvenue chez nous.


Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ)

Mme Drouin (Diane): Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, les gens qui m'accompagnent: M. Gilles Taillon, qui est le directeur général; M. Clermont Provencher, qui est le secrétaire général; et, à ma droite, M. Guy Beaudin, qui est le conseiller au dossier. Alors, merci de nous recevoir.

Avant de vous présenter le point de vue de la Fédération des commissions scolaires du Québec sur le rapport Pierre-F. Côté sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur des modifications à des législations électorales, je voudrais énumérer un certain nombre d'éléments qui permettront aux membres de la commission des institutions de mieux comprendre le point de vue que nous apportons.

La Fédération des commissions scolaires du Québec regroupe les 135 commissions scolaires pour catholiques du Québec et une commission scolaire à statut particulier. À la suite de la restructuration des commissions scolaires actuelles en commissions scolaires linguistiques, notre organisation représentera plus particulièrement l'ensemble des commissions scolaires francophones. Comme vous le savez, il y a un an aujourd'hui, le 24, la ministre de l'Éducation, Mme Pauline Marois, annonçait que, le 1er juillet 1998, les 153 commissions scolaires confessionnelles du Québec allaient être transformées en quelque 70 commissions scolaires linguistiques. Depuis cette date, le monde scolaire québécois est en pleine effervescence. On a eu la loi n° 109 qui précisait les diverses dispositions de l'implantation des commissions scolaires linguistiques, la loi n° 180 qui transformait les rapports entre les écoles et les dirigeants des commissions scolaires et, enfin, la loi n° 185 qui accroissait le rôle du Directeur général des élections dans l'organisation des premières élections scolaires. Faut-il rappeler que ces lois auront un impact majeur sur ceux et celles qui assurent quotidiennement à la population québécoise des services éducatifs auxquels elle a droit.

Donc, depuis le mois de septembre, les conseils provisoires s'activent dans une course contre la montre pour préparer la future commission scolaire linguistique qui devra être opérationnelle à compter du 1er juillet. N'oublions pas que près de 55 % des commissions scolaires seront rayées de la carte et dans la même proportion les élus scolaires et principaux dirigeants des commissions scolaires. Incidemment, malgré l'empressement qu'on démontrait à faire adopter ces lois, on ne connaît même pas encore la date des élections où seront élus les dirigeants des commissions scolaires qui devront être en poste le 1er juillet. Malgré les intentions louables du rapport que l'on soumet présentement à la consultation, il ne faudrait pas oublier qu'à l'occasion il y a peut-être aussi certains calculs politiques plus ou moins avouables qui tiennent lieu de motifs pour prendre ou s'abstenir de prendre une décision. On ne peut que s'étonner à ce moment-ci de ne même pas connaître encore la date des élections scolaires.

Le rapport Pierre-F. Côté sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur des modifications à des législations électorales comporte certaines recommandations, notamment celles sur la simultanéité des élections scolaires et municipales ayant une telle incidence sur les commissions scolaires qu'il nous est apparu essentiel d'obtenir le point de vue de nos membres avant de les commenter. Toutefois, il ne nous est pas apparu opportun à ce moment-ci, tant à cause du court délai dont nous disposions qu'à cause du contexte que je viens d'énumérer, de procéder à une telle consultation auprès de nos membres. C'est pourquoi nous nous abstiendrons de commenter actuellement la pertinence de tenir simultanément les élections scolaires et les élections municipales, mais nous nous engageons à tenir auprès des nouveaux commissaires qui seront en fonction à compter du 1er juillet une consultation à cet effet.

Le rapport de l'ex-Directeur général des élections, M. Côté, contient plusieurs recommandations afin de tenir compte du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman. Les dispositions de la loi remises en cause par le jugement ne concernent pas les commissions scolaires et la Fédération ne veut pas commenter l'ensemble des recommandations mises de l'avant. Toutefois, la recommandation 48 relative à l'adaptation de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités aux dispositions prévues à la Loi électorale nous apparaît cependant acceptable parce qu'elle respecte une orientation que la Fédération des commissions scolaires du Québec a fait valoir à plusieurs occasions devant la commission des institutions de l'Assemblée nationale. Nous sommes toujours d'avis que les lois électorales du Québec doivent être le plus possible harmonisées.

Le suffrage universel implique que seuls les électeurs et les électrices qui ont le droit de votre à une élection puissent voter. Les règles qui régissent l'exercice du droit de vote doivent donc protéger l'intégrité du système électoral. Lorsque la légitimité du résultat électoral est contestée, c'est souvent relié au faible contrôle de l'identité des personnes qui se présentent pour voter. Le personnel électoral est souvent démuni surtout en milieu urbain où souvent les électeurs ne connaissent même pas leurs voisins immédiats.

La supposition de personnes est sûrement plus rare qu'on ne le laisse entendre dans certains milieux. Maintenant que la liste électorale ne repose plus sur le recensement effectué par des personnes engagées à cette fin lors d'une élection, le seul moyen qu'il reste pour le personnel électoral lors du vote, c'est souvent de se fier à la physionomie de la personne qui se présente pour voter. La recommandation 49 voudrait que l'on exige de tout électeur la présentation d'une carte d'identité le jour des élections. Nous sommes d'avis que cette mesure est souhaitable parce qu'elle permettrait d'accroître l'intégrité de notre système électoral.

(11 h 50)

La recommandation 50 prévoit comme pièce justificative l'utilisation d'une carte d'identité d'usage courant pour l'ensemble des citoyens, comme la carte d'assurance-maladie, le permis de conduire ou le passeport canadien, et nous partageons ce point de vue. Cette solution nous apparaît préférable à l'ajout d'une carte spécifique aux élections. Les deux premières cartes sont habituellement portées constamment par leur détenteur. Pour ne pas priver indûment un électeur de son droit de vote, le Directeur général des élections devra toutefois procéder à une campagne d'information adéquate afin de publiciser cette exigence. La privation du droit de vote est au moins aussi importante que la supposition de personnes. Il est donc très important que ce droit puisse s'exercer.

L'inscription sur la liste électorale étant une condition essentielle à l'expression du droit de vote, il nous apparaît essentiel que toutes les mesures doivent être prises pour s'assurer que tous les ayants droit puissent y être inscrits, et les précautions relatives à l'approbation de la Commission d'accès à l'information nous apparaissent suffisantes.

Quant à l'influence indue et certaines dépenses non autorisées, les recommandations 55 à 64 relatives à certaines personnes qui enfreignent l'esprit de la loi au cours d'une campagne électorale nous apparaissent raisonnables. Cependant, il ne faudrait pas que, sous le prétexte d'éliminer ce genre de pratique, on en vienne à tomber dans une espèce de chasse aux sorcières où la suspicion serait continuellement présente.

Comme nous l'avons souligné au début, nous ne voulons pas nous prononcer maintenant sur les recommandations 65, 69, 72 et 73 qui traitent particulièrement de la tenue simultanée des élections scolaires et municipales. Nous partageons cependant l'objectif d'accroître la participation populaire aux élections scolaires. L'harmonisation des lois électorales est une mesure susceptible d'accroître cette participation. Nous avons d'ailleurs déjà indiqué notre accord quant aux dispositions de la loi n° 185 relatives au rôle du Directeur général des élections, quant à son autorité lors de l'élection scolaire et quant au personnel électoral.

La Fédération des commissions scolaires du Québec est d'accord avec la recommandation 71 sur la nécessité d'établir des exigences concernant le financement des élections scolaires, des exigences analogues à celles prévalant pour les municipalités de 20 000 habitants et plus.

Et, en conclusion, je vous dirais que le milieu scolaire a démontré au cours des dernières années qu'il acceptait de modifier ses pratiques électorales afin que le processus électoral soit plus crédible. En plus des mécanismes électoraux, d'autres mesures sont également susceptibles de favoriser la participation dans les scrutins locaux. Il faut aussi que le gouvernement laisse suffisamment de marge de manoeuvre aux instances locales et que le partage de responsabilités entre le gouvernement central et les gouvernements locaux permette aux citoyens de déceler les enjeux lors d'une élection locale.

La démarche prévue pour la révision du pacte fiscal permettra de constater jusqu'à quel point le gouvernement veut améliorer la participation des citoyens locaux aux décisions qui les concernent en matière d'éducation. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci, Mme Drouin. J'inviterais maintenant M. le ministre.

M. Chevrette: Oui. Mme Drouin, tout d'abord, je vous remercie, malgré les délais, de nous avoir présenté votre point de vue. Et j'observe, d'ailleurs, que vous êtes d'accord en principe sur l'harmonisation des lois électorales. Vous êtes également d'accord sur l'identification des électeurs. J'ai hâte de voir, par exemple, quel est le pourcentage de ceux qui n'en veulent pas ou qui disent que la nécessité n'a pas été prouvée. Ils vont nous dire sans doute quel pourcentage ils verraient avant que la nécessité s'impose. Parce que, moi, chez nous, il y a des morts qui ont voté, puis il y a des gens qui étaient en voyage en Italie qui ont voté, il y en a d'autres qui étaient complètement à l'hôpital puis qui ont voté. Quel est le pourcentage que ça prend avant de prouver une nécessité, ou si ce n'est pas l'intégrité totale du système? Et l'utilisation d'une carte comme le permis de conduire, on ne lui demandera pas combien il a perdu de points de démérite, on ne lui demandera pas quel est son dossier médical s'il utilise la carte de l'assurance-santé, puis on ne lui permettra pas de dire en quelle année il a obtenu son passeport. C'est la photo qu'on veut voir. C'est de même qu'on agit dans certains pays où les lois démocratiques sont complètement toutes observées.

D'ailleurs, je lisais un article de l'époque où Marc-Yvan Côté était ministre responsable de la Réforme électorale, et il lançait ce débat-là, qu'aujourd'hui on fait nous-mêmes. Et je suis même surpris, d'ailleurs, que le Parti libéral actuel relate des discours qu'ils ont faits en 1978. Ils ont utilisé deux fois la Loi électorale depuis, ils ont eu neuf ans pour la corriger dans le sens de leur débat d'aujourd'hui et ils trouvaient qu'elle était parfaite à l'époque.

Ceci dit, je continue. Vous êtes d'accord également avec l'inscription des 18 ans et des néo-Canadiens et vous êtes d'accord avec les dispositions... En général, oui, c'est à peu près l'ensemble des consensus, en tout cas, auxquels vous êtes arrivés entre vous autres. Mais vous ne vous prononcez pas sur la simultanéité des élections. «C'est-u» parce que vous avez peur qu'il n'y ait pas consensus ou si c'est parce que... Donc, ce serait une première question. Deuxième question. Je vais toutes vous les poser d'un coup. La clause «nonobstant», vous n'en dites pas un mot dans votre mémoire. Également, il y a un autre point dont vous ne parlez pas, c'est le quantum, le 600 $ qui a été défait par le jugement, vous ne parlez pas du quantum éventuel admissible. J'aimerais ça vous entendre là-dessus pour voir ce que... Je comprends, comme Fédération des commissions scolaires, que vous pouvez ne pas avoir d'idées, mais, comme présidente, vous avez des idées personnelles. J'aimerais vous entendre.

Mme Drouin (Diane): Je vais répondre d'abord à votre première question. Si on ne se prononce pas sur la simultanéité des élections municipales et scolaires, ce n'est pas parce qu'on a peur, c'est que vous comprenez qu'avec le contexte actuel, je vous mentionnais tout à l'heure qu'on avait près de 55 % des commissions scolaires qui disparaissent, et des commissaires d'écoles par le fait même. Alors, vous comprenez que le bassin actuel de commissaires sera de beaucoup diminué à compter du 1er juillet. Il y aura eu élections – on ne sait pas quand, mais on attend – avant le 1er juillet, et, à partir de ce moment-là, on a jugé préférable d'attendre que ces gens-là soient déjà en poste pour faire la consultation. Mais on juge que c'est une question très importante et on veut consulter nos gens là-dessus pour être sûrs de vous donner une réponse qui répond justement à ce que nos gens souhaitent.

On est conscients aussi que cette disposition-là s'appliquerait pour 2002. On est conscients également que, peut-être, le gros du travail est à faire du côté des municipalités, parce que, déjà, au scolaire, on a l'uniformisation, si vous voulez, de la date des élections pour toutes les commissions scolaires à une même année, alors que ce n'est pas encore le cas pour les municipalités. Donc, tout ça nous fait dire qu'on n'était pas prêts à répondre à ça aujourd'hui. Mais vous aurez une réponse quand on aura eu le temps de consulter nos gens, et surtout les gens qui seront directement intéressés, donc ceux qui seront élus après le 1er juillet. Ça, c'est la première question.

Pour ce qui est de l'autre question, la clause «nonobstant» et le quantum, vous comprenez que ça ne touche pas le scolaire. Alors, on n'a pas souhaité répondre à cette partie-là. Et même si je suis présidente et j'ai des idées personnelles, je suis ici à titre de représentante des commissions scolaires. Alors, je veux bien véhiculer ce que les commissions scolaires souhaitent véhiculer. Alors, je ne sais pas si M. Beaudin aurait des choses à ajouter.

M. Chevrette: On peut s'essayer pareil. Ha, ha, ha!

Mme Drouin (Diane): Ha, ha, ha! Vous pouvez toujours vous essayer. Vous avez une réponse, de toute façon.

M. Chevrette: Je voudrais peut-être vous demander... Actuellement, quand vous avez fait vos brèves consultations – vous avez sans doute un comité élargi; je ne sais pas à quel niveau vous avez fait vos consultations pour...

Mme Drouin (Diane): Conseil d'administration en fin de semaine dernière.

M. Chevrette: Bon. Et ils ont ratifié l'ensemble de votre mémoire?

Mme Drouin (Diane): Oui.

M. Chevrette: Bon. Mais vous avez suivi le débat au Québec, quand même, suite au jugement de la Cour suprême, et l'essence du jugement portait sur le quantum, parce qu'on encensait la loi dans plusieurs paragraphes, vous l'avez suivi. Est-ce que vous avez lu le jugement de la Cour suprême et est-ce que vous le partagez?

Mme Drouin (Diane): Écoutez, moi, j'ai regardé la version abrégée. Peut-être que M. Beaudin peut vous donner plus de renseignements à ce chapitre-là; il est plus au courant, ayant fouillé davantage ce dossier-là. M. Beaudin.

M. Beaudin (Guy): Mme la présidente, M. le Président, je pense que, traditionnellement, la Fédération des commissions scolaires ne s'est jamais impliquée dans les débats politiques de cette nature et, respectant, dans le fond, cette tradition de non-implication dans ces types de débats, on a puis on continue à prétendre qu'on n'a pas d'opinion à ce sujet, nonobstant les opinions qu'on pourrait avoir individuellement. Mais, en ce qui concerne...

M. Chevrette: Mais vous l'utilisez très bien dans vos réponses.

Mme Drouin (Diane): Ha, ha, ha! Les conséquences ne sont pas les mêmes.

(12 heures)

M. Chevrette: Nonobstant votre abstention à vouloir répondre, comment... À la page 2 de votre mémoire, vous vous prononcez en disant, si ma mémoire est fidèle, les mots exacts: «Certains calculs politiques plus ou moins avouables». C'est parce que ça sort de nulle part dans le texte. Puis ça veut dire quoi? Parce que je pense bien que, quand on lit votre texte, on dirait que vous voulez faire allusion à quelque chose mais vous ne dites pas le quelque chose, donc on peut sombrer dans l'ignorance et on voudrait très bien que vous nous éclairiez. Une Fédération des commissions scolaires, c'est là pour l'information, la formation et l'éducation des membres. Pourriez-vous contribuer à notre éducation?

Mme Drouin (Diane): On peut essayer. Écoutez, vous comprenez que ce paragraphe-là a rapport à la date des élections scolaires. Et, c'est ce qu'on déplore, le fait que la loi est votée depuis décembre et qu'on est toujours en attente d'une date.

M. Chevrette: O.K. On est allé aux informations. Je vous arrête tout de suite, on est allé aux informations – mon collègue – et, à mi-avril, la date sera déterminée. C'est nécessairement juin parce qu'il y a l'obligation officielle du 1er juillet pour être en fonction.

Mme Drouin (Diane): Absolument.

M. Chevrette: Donc, ce sera quelle semaine de juin? C'est ça qui sera décidé à la mi-avril.

Mme Drouin (Diane): Mais vous comprenez que c'est quand même très tard quand on sait qu'on avait 90 jours, 75 jours. Et souvent, à la dernière élection, il y a eu des gens qui ont dit que, bon, au niveau des élections scolaires, au niveau participation et le reste, c'est que la date avait été connue trop tard.

M. Chevrette: Mais c'est connu...

Mme Drouin (Diane): Comprenez que quand vous prônez une...

M. Chevrette: Mme Drouin...

Mme Drouin (Diane): ...participation accrue de la population aux élections puis que vous faites connaître la date...

M. Chevrette: Mme Drouin...

Mme Drouin (Diane): ...à peine deux mois avant, on n'a pas beaucoup de temps pour s'organiser.

M. Chevrette: Mme Drouin, il y en a qui sont partis, depuis l'adoption de la loi, en campagne électorale scolaire, et vous le savez.

Mme Drouin (Diane): Il y en a.

M. Chevrette: Vous vivez sur le terrain pareil comme nous. Vous savez de toute évidence que c'est le 1er juillet que vous êtes en fonction, oui ou non? Ça, c'est connu depuis que la loi est adoptée.

Mme Drouin (Diane): Oui, mais on sait que vous êtes un gouvernement, vous pouvez modifier la loi quand vous voulez.

Une voix: Non, non, non.

Mme Drouin (Diane): Non, non, c'étaient des inquiétudes que nos gens ont exprimé. On sait que nos gens doivent entrer en fonction pour le 1er juillet mais on a hâte de connaître la date exacte pour une meilleure organisation.

M. Chevrette: Moi, je peux vous dire que, sur le terrain, il y en a qui savent tellement que c'est le 1er juillet qu'ils s'activent déjà. Puis, le jour où on va déclencher... La date va être connue par décret. Il y en a qui vont avoir des longueurs d'avance sur certains. Mais ceux qui ont peur d'avoir peur devraient avoir commencé.

Mme Drouin (Diane): M. Taillon veut ajouter.

M. Taillon (Gilles): Oui, merci, M. le Président. Un complément d'information important là-dessus. Je pense qu'on s'est fait reprocher la dernière fois, par le juge Beaulieu, que les élections avaient été organisées à la dernière minute. Nos commissions, particulièrement à Montréal, se sont fait reprocher ça, que ce n'était pas connu à l'avance, qu'il n'y avait pas eu de publicité, que c'était un peu le fouillis, et on a beaucoup de pression de ces gens-là qui nous disent: De grâce, obtenez la date des élections qu'on puisse s'organiser et qu'on ne subisse pas le même type de reproches après. Voilà le sens de notre...

M. Chevrette: Bon, bien, on va essayer d'abord, nous, de vous sécuriser. Le 1er juillet, il y aura eu des élections au Québec. Le 15 avril, il y aura connaissance de la date précise qui sera en juin. Il faut croire que, en tout cas, on est dans les carottes, on pensait que tout le monde savait ça parce que, moi, dans mon comté, déjà, ils ont commencé à s'effervescer sur le terrain. Il y en a qui songe à se présenter puis ils réfléchissent, certains réfléchissent dans les médias d'information, ils testent.

M. Taillon (Gilles): Le problème n'est pas au niveau...

M. Chevrette: Je suis convaincu que c'est plutôt l'expression peut-être d'une petite frustration, dans ce petit paragraphe, ou d'une petite méfiance, mais vous savez très, très bien que c'est impossible même de reculer dans les circonstances, je suis sûr de ça.

M. Taillon (Gilles): Le problème n'est pas politique, le problème est organisationnel. Et c'est un peu le reproche qu'on nous avait fait la dernière fois. On se dit, cette fois-ci, de grâce, donnez-nous la date au plus tôt.

M. Chevrette: O.K. C'est beau, en ce qui me concerne, et je voudrais vous remercier de votre contribution à la commission.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci. Tout en ayant ri un peu avec cette expression spontanée de la méfiance envers le gouvernement qui peut tout faire, même changer la date de mise... En tout cas, ça étant dit, moi aussi, j'étais sous l'impression que la date était quelque part au mois de juin et je pensais même que la date était choisie puis j'étais surpris de vous voir dire que, non, la date précise n'est pas choisie. Je pense que c'est tout à fait raisonnable de vouloir la connaître, surtout dans un contexte de changement aussi important que celui qu'on vit actuellement.

Et, en parlant de changement, le ministre disait, dans son introduction, au niveau de la carte d'identité, etc., combien, c'est quoi le pourcentage, etc. Je voudrais juste souligner que ce n'est pas tout le monde, d'ailleurs, et surtout certaines clientèles. Je pense aux personnes âgées qui sont souvent susceptibles de ne pas avoir un permis de conduire; elles ne sont pas susceptibles nécessairement d'avoir un passeport non plus. Alors, les gens sont réduits à avoir une carte d'assurance-maladie possiblement sur eux le jour où ils vont aller voter. Et l'équilibre qui semble manquer, c'est d'avoir aussi le souci des problèmes qu'on pourrait créer aux gens qui se présenteraient pour voter sans une carte qui aurait été obligatoire.

Et ça se peut qu'il y ait des clientèles particulières qui soient plus touchées. Et, si le hasard faisait en sorte que ces clientèles-là soient des clientèles qui traditionnellement, selon les sondages d'opinion, etc., ont tendance à voter d'une certaine façon plutôt que d'une autre, il ne faudrait pas nous reprocher d'avoir le même genre de suspicion vis-à-vis des possibles effets, pour ne pas parler des motifs de changements comme ça.

Et, s'il y a eu un mort qui a voté à Joliette ou quelqu'un qui était en Italie et qui a voté sans envoyer son bulletin par la poste comme c'est prévu, je ne sais pas si le ministre aurait le même réflexe si, dans l'éventualité des changements qu'il propose, il y avait des personnes dans son comté qui auraient été privées de leur droit de vote à cause des mesures que, sans raison valable, on veut introduire. Parce que je prétends qu'il faudrait d'abord démontrer qu'il y a un véritable problème. Ce n'est pas par la façon anecdotique d'apporter ici des cas de personnes mortes qui ont voté ici et là... Il s'agit de quoi? De trois sur 5 000 000? S'agit-il de 10 % de tous les votes qui sont exercés? C'est quoi, le problème?

Est-ce qu'on pourrait avoir d'abord un examen sérieux de la situation pour voir si on devrait aller à l'encontre des recommandations qui sont faites par la Commission d'accès à l'information, par la Commission des droits de la personne, par le Protecteur du citoyen, qui disent: Attention, avant de changer fondamentalement cette relation entre le citoyen et l'État dans l'exercice de son droit de vote, vous risquez aussi d'ouvrir la porte à l'instauration d'une identification obligatoire pour toutes sortes d'autres choses. Et, à moins qu'on ait décidé au Québec de se donner comme modèle, je ne sais pas, moi, la France, ou la Suisse, ou d'autres pays qui, eux, ont une carte d'identité obligatoire, où la police serait en droit même de s'arrêter sur la rue pour voir si vraiment... Je ne sais pas si c'est le cas exactement, mais je sais que c'est une pratique qui existe dans plusieurs pays européens qui ont une mentalité différente... Je ne pense pas que c'est le modèle, nécessairement, qu'on veut avoir. Ici, on a développé dans un autre contexte.

Ça étant dit, moi comme le ministre, j'aurais aimé vous entendre sur cette simultanéité des élections scolaires avec les élections municipales, à la limite même avec les élections provinciales. Vous dites, et je le comprends fort bien, que vous n'avez pas pu consulter vos membres dans le contexte où on se trouve. Est-ce que je dois prendre pour acquis – et je m'attends à ce que vous répondiez par l'affirmatif – que ça serait quand même essentiel pour vous qu'avant d'opérer un changement de cette nature-là cette consultation puisse se faire, et donc nécessairement vous aimeriez avoir l'opportunité de consulter vos membres avant que quelque modification à la loi électorale soit amenée à ce niveau-là? Est-ce que je vous lis bien en vous disant ça?

Mme Drouin (Diane): Oui. Écoutez, premièrement, pour reprendre la première partie de votre intervention sur l'identification obligatoire, nous, ce qu'on veut, on veut avoir le processus le plus démocratique possible et le plus transparent possible. On veut que tous les ayants droit, tous ceux qui ont droit de vote puissent exercer leur droit de vote. Je pense que c'est ça qui est le principe de base.

Et, à partir de ce moment-là, la carte d'identité nous apparaît intéressante, de présenter une carte d'identité, parce que, quand on ne veut priver personne de son droit de vote... Moi, je me verrais mal me présenter à un bureau de votation et que quelqu'un ait déjà utilisé mon nom sans s'être identifié et que je ne puisse pas voter. C'est aussi possible. Donc, je pense que ça permet une intégrité du système, et c'est ce qu'on souhaite en partant. Et il ne faut pas oublier qu'on a demandé qu'il y ait une publicité qui soit faite. Maintenant que le Directeur général des élections s'occupe de l'ensemble des élections, qu'il y ait une publicité qui soit faite. Je comprends que la personne peut peut-être oublier sa carte d'identité, mais elle pourrait tout aussi bien oublier là où elle doit aller voter. Alors, le moment où elle reçoit l'endroit où elle doit aller voter, elle peut voir en même temps le fait que c'est indiqué qu'elle doit apporter une pièce d'identité. Je pense que ce n'est pas plus compliqué, une ou l'autre, pour permettre justement l'intégrité du processus électoral.

(12 h 10)

Pour ce qui est de la deuxième partie, effectivement, pour nous, c'est essentiel d'avoir du temps pour consulter les gens après le 1er juillet avant de se prononcer sur la simultanéité des élections scolaires et municipales. Bon, possiblement qu'il y aura un projet de loi. On pourrait se prononcer à ce moment-là, c'est ce qu'on souhaite. Mais je pense que c'est important parce que, même si, techniquement, ça peut être possible d'organiser ces élections-là pour 2002, il faut voir si, politiquement, c'est souhaitable. Alors, vous comprenez qu'à ce moment-là on tombe dans une consultation beaucoup plus élargie.

Quand vous avez ajouté d'aller même jusqu'en même temps que des élections provinciales, je ne sais pas si vous seriez heureux ou vous accepteriez tout de suite de vous prononcer si on vous disait que les élections provinciales doivent être à date fixe. Je pense que vous demanderiez un petit peu de temps pour consulter si, politiquement, c'est souhaitable. Alors, c'est la même chose pour nous. Le fait qu'on devrait arriver avec des dates fixes simultanément, en même temps que le municipal, partout au Québec, je pense que ça prend vraiment un délai pour avoir le temps d'approfondir la question. Et c'est ce qu'on souhaite. Et, effectivement, on veut avoir du temps, un délai suffisamment long pour pouvoir consulter et analyser sous tous ses aspects cette politique-là pour voir... Et, comme je le disais tout à l'heure, si jamais il y a un projet de loi dans l'air, bien, on se prononcera à ce moment-là, ça nous aura permis de consulter les personnes plus directement concernées, c'est-à-dire celles qui seront élues après le 1er juillet.

M. Sirros: D'accord. Juste pour vous donner un peu d'information, parce que vos commentaires me laissent comprendre que vous connaissez peu ou pas assez en tout cas le processus actuel qui ferait en sorte que personne ne pourrait vous priver, à l'heure actuelle, de votre droit de vote, même si quelqu'un d'autre est allé voter à votre place frauduleusement. Parce que le système actuel prévoit que le citoyen qui se présente pour voter s'identifie en disant qui il est, où il demeure. On regarde sur la liste électorale, on trouve le nom puis l'adresse, puis on le laisse voter. Si, pour une raison quelconque, il y a un doute, les gens à la table peuvent lui demander de s'assermenter puis d'affirmer sous serment que c'est bel et bien lui. Puis il y a des peines prévues qu'on pourrait augmenter possiblement, pour des faux serments, etc. Si quelqu'un, de toute façon, le fait puis que vous vous présentez après, puis que vous dites: Non, non, c'est moi, bien, on vous donne le même droit. Vous vous assermentez puis vous exercez votre droit de vote. On aura eu clairement l'identification d'un problème: quelqu'un a voté frauduleusement.

Ça ne devrait pas être compliqué non plus – c'est pour ça que je posais la question ce matin – d'avoir un indice de combien de fois c'est arrivé qu'il y a eu deux personnes qui se sont présentées en disant que c'est elles, Diane Drouin, à cette adresse-là, parce qu'on a un registre du nombre de personnes à qui c'est arrivé que, pour le même électeur, il y a eu deux votes. C'est assez rare, laissez-moi vous dire.

Moi, je reviens à une possibilité qui est évoquée également pour faciliter le citoyen dans son exercice du droit de vote tout en assurant qu'il puisse voter, qu'on garde le système actuel de l'assermentation volontaire, mais qu'on donne aussi à l'électeur le loisir, le choix, s'il est contesté, au lieu de s'assermenter, de dire: Bien, tiens, j'ai ici une carte qui prouve ça. Mais à son choix, ne pas le rendre obligatoire. Garder le système tel qu'il est, qui, il me semble, garantirait à la fois que tout le monde pourrait exercer son droit de vote – et, jusqu'à preuve du contraire, il me semble qu'on n'a pas un système où l'élection est une passoire pour les gens qui veulent voter frauduleusement – puis on n'aurait rien privé.

Parce que ma crainte, c'est que – si on est dans de l'anecdote – on connaît plein de gens qui se présentent à un hôpital sans leur carte d'assurance-maladie ou chez le médecin sans leur carte d'assurance-maladie. S'il y a une place où on doit penser que ça nous prend notre carte d'assurance-maladie, c'est bel et bien quand on va chez le médecin. Alors, il se pourrait que ça arrive aussi dans le cas de se présenter pour voter. Je préfère avoir une prudence, faire des erreurs du côté de la prudence pour protéger le droit de vote de ceux qui l'ont plutôt que d'essayer de chambarder les choses pour se prémunir contre des prétendues fraudes que je n'ai pas vues et ainsi priver d'autres de leur droit de vote. Alors, c'est juste le commentaire que je voulais faire sur cette question-là. Je ne sais pas si vous avez une réaction.

Mme Drouin (Diane): Je pourrais peut-être réagir dans le sens que, jusqu'à maintenant, comme on le mentionne, le fait qu'il y ait des recenseurs qui passaient porte à porte, alors, ils pouvaient visualiser, identifier quelques centaines d'électeurs, en tout cas un nombre plus restreint, et, à ce moment-là, on retrouve les mêmes personnes qu'on connaît, qui sont aux tables, et souvent vont pouvoir plus facilement visualiser les personnes. Alors, maintenant qu'on a des listes permanentes, qu'il n'y a plus de recensement, c'est un moyen de moins, si vous voulez, pour pouvoir identifier les gens. Alors, c'est pour ça que, nous, on est favorables à ce qu'il y ait une carte d'identité. M. Beaudin, vous voulez ajouter?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. Beaudin.

M. Beaudin (Guy): Je pense qu'une loi électorale, pour être crédible, doit être rigoureuse mais aussi apparaître rigoureuse. Je pense qu'il y a les deux aspects, ici. Ce n'est pas uniquement si elle est rigoureuse mais il faut aussi qu'elle soit perçue comme rigoureuse.

On a un exemple: la dernière élection scolaire, en 1994, dans la région de Montréal. On a eu toute une série d'interventions publiques démontrant ou alléguant plutôt qu'il y avait eu, justement, des suppositions de personnes, du monde qui allait voter sans... Ça se faisait à la bonne franquette, semble-t-il. Les faits ont révélé, à la suite, que ce n'était pas nécessairement le cas, sauf que la rumeur était telle, la perception était telle qu'il a fallu mettre une commission sur pied, la commission Beaulieu. Lui, en faisant ses recherches, a démontré que ce n'était pas si grave que ça. Sauf que, quand on parle d'élection, pour que ça soit perçu comme rigoureux... Tu sais, il ne faut pas juste que ça soit rigoureux, il faut aussi que ça soit perçu comme rigoureux. Je pense qu'il y a ces deux volets-là qu'il faut chercher à atteindre.

Puis, quand on parle de est-ce que c'est déjà arrivé, jeune étudiant, des fois, je sautais des cours à l'université, ici, à Québec, puis je venais suivre l'enquête Salvas. Et là on nous a raconté ce qui se faisait à l'époque. Et ça, il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Je veux dire, où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Et, à ce moment-là, ce sont des choses qui peuvent se produire. C'est ce qu'on pense, c'est notre conviction que le régime électoral serait mieux servi si ceux qui ont le droit de vote et seuls ceux qui ont le droit de vote puissent voter. Et, pour ça, il faut prendre peut-être les moyens qu'il faut pour s'en assurer.

M. Sirros: Juste pour compléter, puis je vais terminer sur ça.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Une dernière.

M. Sirros: Il me semble que je comprends un petit peu mieux parce que, votre perspective, c'est des élections scolaires où vous avez à peine 10 % qui votent.

Mme Drouin (Diane): Hum! On peut vous reprendre là-dessus?

M. Sirros: Bien 11 %, 12 %, 13 %...

Mme Drouin (Diane): 28 % en moyenne à la dernière élection. Peut-être plus faible du côté de Montréal, entre 15 % et 18 %, mais dans certaines régions comme la Gaspésie, on a eu 73 %, 45 % en Mauricie. La moyenne est de 28 %. Il faudrait rectifier ces chiffres-là, je pense.

M. Sirros: Correct. La moyenne de chaque commission scolaire... je ne sais pas sur le nombre total, si on faisait le nombre total... De toute façon, ce n'est pas ça. Mon point de référence...

Mme Drouin (Diane): C'est Montréal qui a fait baisser la moyenne.

M. Sirros: Bon, mon point de référence, j'avoue, était Montréal où, effectivement, c'est très bas, où il y a aussi le plus grand nombre d'électeurs. Mais, ce que je dis, je comprends un peu mieux parce que là le problème est un problème de participation qui laisse la porte plus ouverte, si vous voulez, à des problèmes de contrôle, etc., et il faudrait peut-être qu'on se penche plus sur ce qu'on peut faire pour augmenter la participation. Mais ma question était: Est-ce qu'il faut que ça soit obligatoire ou est-ce qu'une procédure facultative, telle que je vous décrivais, pourrait faire afin de trouver cet équilibre entre la protection du droit de ceux qui ont le droit de voter, qui ne devraient pas le perdre pour des raisons administratives non plus, ou techniques... Est-ce qu'il faut absolument que ça soit obligatoire ou est-ce qu'une procédure telle que je la décrivais, comme une procédure facultative, pourrait faire avec les deux façons de contrôler l'assermentation et la présentation facultative par l'électeur?

Mme Drouin (Diane): Écoutez, si on parle de rigueur, comme on vient de mentionner, je pense que, si on veut y aller avec rigueur, il faut qu'il y ait une obligation parce que, facultatif, on se retrouverait avec les mêmes situations qu'on a actuellement, et on veut améliorer, on veut que ça soit plus transparent, que ça soit plus démocratique. Alors, là-dessus, pour nous, oui, c'est important qu'il y ait une obligation que les gens soient clairement identifiés.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Mme la députée de Prévost.

Mme Papineau: Merci, M. le Président. Mme la présidente, ma question s'adressera à vous, et je me réfère à la page 6 de votre mémoire, troisième paragraphe, où vous dites: «Il faut aussi que le gouvernement laisse suffisamment de marge de manoeuvre aux instances locales et que le partage des responsabilités entre les deux gouvernements permette aux citoyens de déceler les enjeux lors d'une élection locale.» Ma question va être simple: Pouvez-vous m'expliquer ce paragraphe?

(12 h 20)

Mme Drouin (Diane): Écoutez, je pense que, si on veut augmenter la participation à des élections, il faut que les électeurs connaissent vraiment les enjeux des élections et votent pour la personne qu'ils pensent va répondre le mieux à ces besoins-là dans un milieu donné. Alors, ce qu'on veut dire là-dessus, c'est que, quand on parle de partage de responsabilités, qu'on définisse clairement – et c'est ce qu'on est en train de faire avec la loi actuelle au niveau de l'instruction publique – quelles sont les responsabilités qui relèvent du gouvernement, du ministère de l'Éducation, quelles sont les responsabilités qui sont vraiment locales à la commission scolaire, et surtout qu'il n'y ait pas d'ingérence dans ce qui doit être réglé localement.

Le jour où le citoyen sait que, exemple, la fermeture de l'école, ça, c'est la responsabilité de la commission scolaire, il va s'organiser lors de l'élection. Il connaît l'enjeu, il va savoir que ça, c'est un enjeu qui est vraiment local. Alors, les personnes qui vont être là, qu'ils vont nommer, pour qui il va aller voter à la commission scolaire, c'est elles qui auront à prendre cette décision-là. Parce que souvent... Bon, je dis «souvent». On va entendre à l'occasion dire: Écoutez, les gens du scolaire ne décident peut-être pas grand-chose, le député s'en mêle, le ministre s'en mêle, et le reste et le reste. Alors, c'est ce qu'on voudrait qu'il soit établi.

Alors, à ce moment-là, les deux paragraphes qui suivent, quand on dit que c'est des mesures qui peuvent favoriser, justement, la participation aux élections scolaires, qu'on définisse dans le partage des responsabilités ce qui revient au palier local et qu'on laisse les gens, localement, décider, prendre ces décisions-là. Les électeurs, ils vont être intéressés à savoir qui va prendre les décisions vraiment et pour qui ils vont vouloir voter au niveau de ces décisions-là.

La même chose dans le dernier paragraphe, quand on parle du pacte fiscal; là aussi, on veut que ce soit clairement défini, parce que les élus scolaires ont à percevoir une taxe locale. Alors, là aussi, si on l'écarte, à ce moment-là, le citoyen... Entre nous, s'il paie 100 $ de taxes locales, il ne sera peut-être pas intéressé à aller voter pour savoir qui va décider de l'utilisation de ce 100 $, mais s'il paie 1 000 $, il va peut-être vouloir savoir comment ça va être dépensé et ce qui va être fait.

Alors, quand on parle d'un partage de responsabilités, quand on parle d'enjeux locaux, je pense que c'est important. En tout cas, nous, on le voit comme une façon d'augmenter l'intérêt des citoyens envers les élus scolaires, et pourquoi aller voter et pour qui aller voter, surtout.

Mme Papineau: Parfait.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Ça va? Ça va. M. le ministre.

M. Jolivet: Alors, merci. Moi, d'abord, je sens, du côté du parti d'en face, qu'ils commencent à glisser sur le fait qu'ils ne voulaient aucune forme d'identification quelconque. J'ai compris. Alors, là, ils commencent à dire: Peut-être que si on l'avait facultatif... Vous avez bien répondu, à mon avis, que ça ne changeait rien au système actuel, parce que le but recherché n'est pas de dire: Quelqu'un a perdu un droit de vote. La personne, comme il l'expliquait tout à l'heure, qui croit que quelqu'un est venu voter à son nom – parce qu'elle arrive et qu'il y a déjà quelqu'un qui a voté – s'assermente comme quoi c'est bien elle, ce n'est pas ça qui est en jeu. C'est quand on fait des vérifications et qu'on s'aperçoit qu'il y a des gens qui, pour toutes sortes de raisons, ne sont pas là. Ils sont décédés, ils sont des gens qui disent: Moi, je ne vais pas voter parce que je suis de tel groupe religieux et je ne voterai jamais; ils sont sur la liste quand même, malgré qu'aujourd'hui ils peuvent s'en désister. Mais dans le temps du recensement, on s'en souvient... Des choses comme celles-là, qu'est-ce qui arrive? C'est que les gens vont voter à la place d'une personne qui ne va pas voter. C'est ça qu'il faut regarder comme il faut.

Et, dans ce contexte-là, ce n'est pas la question de faire confiance ou de ne pas faire confiance, c'est de faire en sorte que le système démocratique tel qu'il est, c'est la personne, Jean-Pierre Jolivet, à telle adresse, qui a vraiment voté et que ce n'est pas quelqu'un d'autre, même si en plus je dois m'assermenter pour dire que c'est bien moi. Et ça, c'est ça qui est en jeu à ce moment-ci.

La deuxième, c'est la question de la carte. Avec toute l'information qui devra être faite en conséquence, je suis sûr que les partis politiques qui ont une job à faire, s'ils veulent faire voter leur monde, vont s'assurer que la personne arrive là-bas avec une carte qui va l'identifier, quelle que soit la formule. Et, dans ce contexte-là, je suis d'accord avec vous autres qu'il est évident que le processus électoral, dans sa base même démocratique, doit être le plus clair possible et le plus juste possible, et c'est dans ce sens-là, je pense, que vous avez répondu tout à l'heure au niveau de l'identification de la personne de façon obligatoire. Je comprends bien ce que vous avez dit?

Mme Drouin (Diane): C'est exact. Vous avez bien compris.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce que ça va?

M. Jolivet: Ça va.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Oui. Je ne peux pas laisser ça comme ça, M. le Président. Je ne sais pas si M. le ministre a réussi à convaincre la présidente; tant mieux pour elle ou pour lui. Mais, au contraire, l'argumentation du ministre ferait en sorte que, nécessairement, une personne qui oublie sa carte serait privée de son droit de vote; nécessairement, dans l'argumentation que vous apportez. Et les exemples qu'il donne m'amènent à lui rappeler que le but de la liste permanente était justement d'avoir un instrument beaucoup plus à point. Les décès sont automatiquement rayés de la liste électorale, dorénavant. Les gens qui sont en curatelle sont automatiquement signalés puis rayés de la liste électorale. Alors, les possibilités de télégraphes sur les morts disparaissent, sur les gens en curatelle disparaissent. Alors, le bassin de fraudes potentielles vient de se rétrécir avec la liste électorale permanente, au même moment où le gouvernement nous propose – avec lequel vous êtes d'accord – d'instaurer un mécanisme obligatoire de présentation d'une pièce d'identité, laquelle, je vous souligne, pour certaines clientèles plus fragiles, peut avoir des conséquences, nécessairement avec l'argumentation, et la vôtre et du ministre, d'être privées de leur droit de vote.

Alors, est-ce qu'on n'est pas en train d'essayer de tuer une mouche avec un canon? Est-ce qu'il n'y a pas d'autres façons de trouver cet équilibre qui a toujours caractérisé une société démocratique, entre la présomption de la bonne foi de l'électeur, son exercice démocratique et la nécessité d'avoir les yeux ouverts quant à la fraude, mais de ne pas avoir une mentalité de... tu sais, on voit des fraudeurs partout? De grâce! Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la présidente, avez-vous quelques commentaires?

Mme Drouin (Diane): Pas du tout. Écoutez, je pense que, dans notre mémoire, vous avez l'essentiel de ce que nous voulions vous dire. Bien sûr que, pour nous, on va suivre ça de près. Lors d'un dépôt d'un projet de loi, on vous reviendra, comme on disait, sur, particulièrement, la question de la simultanéité des élections. Alors, à ce moment-là, on pourra vous donner une réponse plus précise.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Avant de conclure, j'aurais peut-être un commentaire, suite aux derniers échanges qu'on a eus de part et d'autre.

Lorsqu'on parle de démocratie, je pense qu'en démocratie tous les citoyens doivent avoir le droit de vote et avoir leur droit de vote reconnu, et juste seulement ces citoyens. Alors, pour moi, la démocratie, c'est un peu comme la vérité. Quand on essaie d'en rajouter ou qu'on en soustrait, on les viole dans les deux cas. Alors, je pense que c'est sur cette base-là qu'on doit essayer de bonifier notre système électoral.

Sur ce, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Paquin): La commission des institutions reprend ses travaux de consultations particulières et d'auditions publiques sur le rapport de Pierre-F. Côté, sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur les modifications des législations électorales.

Nous aurons à reprendre une dizaine de minutes sur l'ensemble de l'après-midi, donc j'en avise tout le monde. À ce moment-ci, nous allons entendre la Commission d'accès à l'information, Paul-André Comeau, le président. Je vous demanderai tantôt, avant de prendre la parole, s'il vous plaît, de présenter les personnes qui vous accompagnent pour les fins de l'enregistrement.

D'abord, je voudrais mentionner que vous avez rendu disponible aux membres de cette commission un document qui s'appelle Document de réflexion sur la question des cartes d'identité au Québec . Ce document a déjà été déposé à la commission de la culture à l'occasion d'un travail sur les cartes d'identité. Donc, il est déjà déposé, et, donc, il n'est pas nécessaire d'en faire un dépôt formel à ce moment-ci, puisque tout le monde l'a à sa disposition. Alors, M. Comeau, la parole est à vous.


Commission d'accès à l'information (CAI)

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie, M. le Président. Je tiens à vous exprimer au nom de la Commission d'accès à l'information notre reconnaissance pour nous permettre de participer à ces discussions publiques sur les recommandations formulées par l'ancien Directeur général des élections. Évidemment, notre intervention portera sur un aspect précis de ces recommandations.

Alors, j'en profite pour vous présenter, à ma droite, le secrétaire et directeur du service juridique de la Commission, Me André Ouimet, et, à ma gauche, Me Simon Lapointe, qui est directeur intérimaire à l'analyse et à l'évaluation.

Alors, notre intervention, donc, est sur le point très précis des identités, de l'identification et, bien sûr, des cartes qui y sont reliées. D'entrée de jeu, la Commission doit évidemment, et le «doit» est une obligation morale, reconnaître la compétence et l'expertise du Directeur général des élections, aussi bien l'ancien que l'actuel, en matière de législation, de techniques et de procédures électorales. Dans ce domaine, la Commission n'entend sûrement pas se substituer à eux ni faire preuve d'une plus grande sagesse qu'eux.

Mais, du même souffle, je dois vous avouer notre embarras. La Commission et sans doute un bon nombre de Québécois sont dans l'attente du rapport et aussi, vraisemblablement, des orientations que la commission de la culture de l'Assemblée nationale devrait faire connaître à la suite des audiences publiques qui ont commencé il y a tout juste un an et qui se sont terminées fin septembre dernier, audiences publiques consacrées à la problématique des cartes d'identité et des identifiants.

Or, dans les circonstances, pour vous donner une idée de la position dans laquelle nous nous trouvons, je me sens obligé, dans un premier temps, de vous rappeler la chronologie des événements qui expliquent la position de la Commission et, ensuite, de vous expliciter précisément comment la Commission se positionne à l'égard des propositions du rapport Côté en matière d'identification et de carte d'identité.

Il y a un peu plus de deux ans, en fait, en janvier il y a deux ans, nous étions réunis dans cette même salle, et la Commission avait été amenée à donner son point de vue sur l'important projet qui était soumis par le Directeur général des élections de l'époque, M. Côté, sur la constitution d'une liste permanente et aussi sur l'émission possible d'une carte d'électeur. À cette occasion, je vous ai fait part de notre embarras à la pensée de créer une nouvelle carte. Et notre embarras reposait sur l'incertitude que j'ai affichée depuis quelques années sur la position des Québécois à l'égard des cartes d'identité, ce qui nous a amenés, depuis ce temps, à maintenir une position de conservation, une position dite traditionnelle.

Alors, devant cette déclaration en commission parlementaire, la vôtre, nous avons décidé de procéder à une consultation et nous avons élaboré un document qui d'ailleurs vous a été remis il y a un instant, un document qui a largement circulé, qui a été installé sur le site Web d'un certain nombre d'organismes, donc qui a joui d'une bonne diffusion. Et puis la commission de la culture de l'Assemblée nationale a pris en charge les consultations publiques basées partiellement sur ce document et sur d'autres questions qui retenaient l'attention des parlementaires.

Alors, ces audiences se sont terminées fin septembre dernier par ce qui était, semble-t-il, un précédent à l'Assemblée nationale, une table ronde, où le Protecteur du citoyen, le président de la Commission des droits de la personne et moi-même, donc trois personnes nommées par l'Assemblée nationale, avons été amenés à prendre position et à définir une norme minimale en ce qui concerne le problème des cartes d'identité. Et tous les trois, nous avons souscrit à la proposition d'une carte d'identité facultative qui comporterait la photo avec un minimum de renseignements, ce qui est nécessaire pour identifier les personnes.

La Commission, à la suite de ces travaux, a maintenu sa position que j'appelle conservatoire et a dégagé dans son rapport quinquennal soumis à l'Assemblée nationale en juin dernier des conclusions provisoires de cette commission parlementaire. Alors, vous me permettrez de me citer: «À la faveur des audiences tenues par la commission parlementaire de la culture, la Commission retient qu'une question ressort d'entre toutes: Avons-nous réellement besoin d'un nouvel identifiant, facultatif ou non? Existe-t-il des situations où un citoyen est dans l'incapacité d'établir son identité? Les travaux de la commission parlementaire ne permettent pas de répondre par l'affirmative à ces deux questions. À court terme, la voie du statu quo semble être la seule issue qui offre la meilleure garantie de protection des renseignements personnels.»

Il ne s'agit pas ici d'un faux-fuyant ou d'un respect qui serait obséquieux de la part de la Commission à l'égard de l'Assemblée nationale. Il y a, derrière cette position, l'expression d'une nécessaire cohérence dans les actions et dans les initiatives dans ce domaine. Nous croyons que toute démarche en matière de carte d'identité repose sur une double appréciation: d'abord, sur la nécessité de recourir à l'identification et la technique utilisée à cette fin, ce qui est évident, mais aussi sur la culture de la société. Il faut aussi rappeler ce qui est, me semble-t-il, fondamental: une carte d'identité et tout le système d'identification est un geste administratif qui repose avant tout sur des normes culturelles.

L'exemple le plus frappant, évidemment, c'est l'opposition flagrante entre les Français et les Britanniques sur le sujet. Les Français justifient la carte d'identité, par exemple, comme étant le moyen par excellence de combattre le terrorisme. Les chefs de police de Grande-Bretagne ont déclaré récemment, dans un débat à la Chambre des communes, que la carte d'identité ne permettait pas du tout de combattre le terrorisme. Et puis il y a une série d'arguments qui sont excessivement culturels de part et d'autre. Et je pense que la Grande-Bretagne comme la France sont deux démocraties exemplaires.

Alors, la ligne de notre part est claire à ce sujet et elle permet, dans les circonstances actuelles, d'aboutir à des standards différents pour une même fin. C'est d'ailleurs ce que nous croyons déceler en comparant la législation électorale actuelle avec ce qui résulterait de l'adoption du projet tel qu'il a été soumis par M. Côté. Il y aurait, aux fins électorales, deux façons de s'identifier: d'abord en vue d'obtenir l'inscription sur la liste électorale, où on prévoit que l'on doit présenter deux types de pièces, dont par exemple le certificat de naissance ou la facture d'Hydro-Québec; et puis il y aurait une deuxième façon de s'identifier au moment de voter, c'est-à-dire les propositions actuelles, donc la présentation de l'une ou l'autre des trois cartes, c'est-à-dire le passeport, le permis de conduire ou la carte d'assurance-maladie.

Alors, il y a donc là une réflexion à faire, qui découle de l'absence de prise de position, ou de recommandations, en tout cas, par la commission de la culture de l'Assemblée nationale à la suite des audiences du printemps et de l'automne dernier. Alors, je vous redis donc notre embarras à cet égard, parce qu'il n'y a pas eu de ligne de tranchée, et nous avons espéré et nous espérons toujours avoir des orientations en cette matière.

(15 h 20)

Je dois cependant vous exposer notre position à l'égard des propositions dites «Côté». Au point de départ, une déclaration de principe, même un acte de foi, si vous voulez: la Commission souscrit évidemment et entièrement aux principes à la base de ces recommandations qui visent avant tout l'amélioration de notre vie démocratique. Nous sommes conscients des dangers et des problèmes causés par la substitution des personnes. L'histoire pas très ancienne du Québec – 40 ans, dans l'histoire d'un peuple, ce n'est pas la préhistoire – est riche d'exemples malheureusement tristement éloquents à cet égard. Et nous souscrivons évidemment à l'objectif poursuivi par le rapport, comme, sans doute, l'ensemble des citoyens du Québec.

Mais vous me permettrez de vous dire un mot sur le sens des propos. Les membres de la Commission sont désignés par l'Assemblée nationale, et, en tant que porte-parole de la Commission, j'ai l'obligation de vous signaler les problèmes pratiques et légaux que peut soulever l'adoption des propositions du rapport Côté, du moins selon notre lecture. La Commission a dû, comme pour tout autre projet qui lui est soumis et qui porte sur les renseignements personnels, soumettre les propositions Côté au test du critère de la nécessité qui est inscrit dans la loi constitutive de la Commission, loi prépondérante sur l'ensemble des législations.

Critère de la nécessité. Établir ou mesurer la nécessité d'une mesure, ce n'est pas évident ni mathématique. En ce qui concerne la nécessité d'identification à des fins électorales, l'expertise des deux directeurs généraux et les démonstrations qui pourront être faites au cours de ces consultations pourront peut-être contribuer à l'établir; la Commission en est bien consciente, tout en insistant sur le fait qu'à la lecture du document pareille démonstration ne lui a pas paru évidente.

En fait, la Commission, dans l'état actuel des choses, est mal à l'aise en ce qui a trait aux moyens retenus pour réaliser l'identification des électeurs. En fait, il s'agit de propositions concrètes formulées par M. Côté dans son rapport. Or, ces propositions concrètes auraient comme conséquence première de limiter plus de 60 % des électeurs à un choix qui va à l'encontre de la loi. C'est une constatation qui découle du fait que seulement 35 % des Québécois ont un passeport, d'où, dans les faits, l'obligation pour les électeurs de présenter ou leur permis de conduire ou la carte d'assurance-maladie.

Or, cette situation, si elle était adoptée telle quelle, va à l'encontre de ce que l'Assemblée nationale a expressément interdit dans deux lois. On ne peut exiger la présentation de ces deux cartes s'il s'agit de fins, d'objectifs différents de ceux pour lesquels elles ont été établies: les fins relatives à la sécurité routière, en ce qui concerne le permis de conduire; et les services de santé, en ce qui concerne la carte d'assurance-maladie. Les électeurs, 60 % d'entre eux, seraient donc obligés de présenter le permis ou la carte de santé. En somme, si le projet est adopté, on ferait de la main gauche aujourd'hui ce qu'on a interdit hier à la main droite de faire.

La Commission, dans l'état actuel des choses, ne peut recommander de s'engager dans cette voie pour des raisons qui ne sont pas théologiques ou bêtement légalistes, mais en raison du gros bon sens et aussi, je le signale, de l'évolution prévisible des technologies de l'information. La Commission se trouve, à la lecture qu'elle fait, incapable d'accepter les propositions au sujet du moyen de réaliser l'identification au nom du gros bon sens, c'est-à-dire que les cartes d'identité sont établies en fonction d'un rôle, en fonction d'un but précis. Je pense que c'est évident de le constater. Essayez de présenter votre carte d'assurance-maladie à l'agent de la Sûreté du Québec qui vous arrête et vous aurez la réponse très nette de ce que c'est qu'une finalité de carte.

Le gros bon sens s'est traduit depuis longtemps au Québec par la mise en place et par le respect des principes de finalité, pour donner un peu plus dans des termes juridiques, des principes qui sont inscrits dans les lignes directrices de l'OCDE, qui régissent depuis 1980 la plupart des législations occidentales en matière de protection des renseignements personnels. Ce principe de finalité est à la base des décisions qui ont été prises par l'Assemblée nationale en ce qui concerne le permis de conduire et la carte d'assurance-maladie.

La conséquence immédiate de l'adoption de l'une ou l'autre de ces deux cartes, puisque nous devons exclure le passeport pour la grande majorité des Québécois, est simple: on créerait de facto une carte d'identité qui serait la carte d'assurance-maladie. Il ne faut pas être devin pour imaginer le scénario: si la carte d'assurance-maladie est bonne pour les élections, elle est bonne pour d'autres choses. Et là on pourrait imaginer une foule d'exemples sérieux, comme, par exemple, pour pénétrer dans certains palais de justice, où il faudrait montrer la carte d'assurance-maladie, étant donné les incidents auxquels on a fait face ces derniers temps. Et puis l'entreprise privée, elle aussi, pourquoi se priverait-elle d'une carte qui est reconnue comme fondamentale et excellente? Les entreprises privées, qui ont accepté ces derniers temps d'avoir recours à un choix de cartes.

Évidemment, certains vont dire: Et puis? Qu'est-ce que ça fait? Or, c'est malheureusement la carte d'assurance-maladie, si elle était retenue, le pire scénario qu'on puisse imaginer. La carte d'assurance-maladie donne accès aux renseignements les plus sensibles au sujet de chacun de nous. Le danger, évidemment, ce n'est pas la carte en tant que telle, c'est le numéro qui y figure, le NAM, le numéro d'assurance-maladie, qui, lui, évidemment, donne accès à des informations.

Et c'est là qu'on retrouve un élément qui est d'ailleurs souligné à juste titre par M. Côté dans sa présentation, c'est tout le problème de la confiance. Est-ce que les citoyens vont conserver confiance à une carte qui sert à d'autres choses? Et là c'est un problème qui n'est pas théorique. Je vous rappelle que les Québécois sont très méfiants à l'égard du gouvernement en ce qui concerne la protection des renseignements personnels. En 1992-1993, deux sondages, l'un fait par la maison Ekos, l'autre, par la maison Gallup, démontraient que c'est au Québec où les citoyens sont le plus méfiants à l'égard du gouvernement en ce qui concerne la protection des renseignements personnels. Peut-être les choses ont-elles changé, mais elles étaient ainsi il y a cinq ans.

Enfin, et toujours à l'égard de la carte d'assurance-maladie, il faut signaler les conséquences des changements technologiques, à la suite des décisions annoncées par le ministre de la Santé il y a 18 mois, c'est-à-dire l'introduction d'une carte à microprocesseur. Or, cette carte à microprocesseur risque – c'est du moins le projet – de ne contenir que la photo, puisque les renseignements d'identité seraient inscrits sur la puce, sur le microprocesseur, c'est-à-dire qu'on aurait une carte avec une photo, sans nom et sans autre identification. C'est le projet qui est développé pour le moment. Alors, je pense qu'il est nécessaire, dans l'évolution actuelle des choses, de tenir compte de la technologie avant de faire un choix définitif.

En guise de conclusion, la Commission est incapable, en fonction du critère de nécessité qui la gouverne, de recommander une solution qui présente des inconvénients majeurs et surtout qui va à l'encontre de deux lois. La Commission aurait évidemment souhaité disposer du rapport de la commission de la culture pour faire part de ses souhaits et de ses recommandations. Mais je vous répète que la Commission souhaite et est assurée que le Québec va continuer d'être exemplaire et progressiste comme il l'est depuis un quart de siècle en ce qui a trait à la législation électorale et au financement des partis politiques.

Le Président (M. Paquin): Merci beaucoup. Alors, pour le groupe parlementaire formant le gouvernement, d'abord, M. le député de Joliette. M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le président, en tout cas, à moins que je ne comprenne rien, je considère qu'il y a une mauvaise perception de la Commission d'accès à l'information sur les objectifs de l'identification de l'électeur. Le gouvernement aurait pu décider carrément qu'il y a une carte spécifique d'électeur avec photo, mais vous savez très, très bien que, dans la conjoncture actuelle, s'il n'y a pas un débat sur la notion de carte au Québec, notion de carte de citoyen, avec peut-être des puces, comme vous parliez, représentant les différents secteurs, il risque d'y avoir une prolifération de cartes d'identification.

La seule question qui a été demandée et qui est traitée par M. Côté, c'est de savoir: il y a une photo sur une carte, sur deux cartes, puis sur trois outils – parce que le passeport aussi, il a une photo – quand on demandera, la journée du vote, au citoyen Guy Chevrette de présenter une de ces trois cartes avec photo, ils ne me demanderont pas, si je présente ma carte d'assurance-maladie, moi, quel est mon dossier médical, si j'aurais eu des maladies honteuses dans le passé. C'est juste pour voir si ma binette, si ma face correspond à mon nom, c'est tout.

La même chose pour le permis de conduire. On ne demandera pas: Combien tu as de points de démérite? C'est pour identifier la figure de l'individu, avec son nom qui est inscrit sur une liste électorale, qui aurait été recoupé de toute façon, en vertu de nos lois, avec la RAMQ. Le nom aurait été recoupé avec la RAMQ. C'est tout simplement une identification de figure, pas une utilisation, du tout, pour des fins détournées, comme vous dites dans votre mémoire.

(15 h 30)

Je suis même surpris des termes utilisés, «détournement de finalités». Le gouvernement peut, en tout temps... Si on se fout des déficits, on pourrait dire: Carte d'électeur! Puis 100 000 000 $! Puis, aïe! ti-caille! Rien de trop beau pour la classe ouvrière! Mais, si on utilise un moyen qui est déjà à notre disposition, qui ne brise en rien la nature des dossiers, je ne vois pas en quoi il y a un péché mortel à faire ça.

Et ma question est double: Quel pourcentage, d'après vous, ça prendrait de fausses déclarations de vote afin d'en arriver à utiliser une identification des figures? Pourquoi je pose la question? Parce qu'il y a 217 000 personnes, déjà – je ne sais pas si on vous a mis au courant du dossier – qu'on n'est pas capable de recouper avec la RAMQ. 217 000 électeurs!

Des voix: ...

M. Chevrette: Est-ce que je peux continuer, s'il vous plaît? Je ne vous avais pas du tout dérangé. Non? Je serai très coi quand vous parlerez. 217 000 électeurs! Dans mon comté, aux dernières élections – c'est un petit milieu, M. Comeau, un tout petit milieu, Joliette, 16 000 de population, on n'est pas dans le 1 000 000, on n'est pas dans le 600 000, dans les villes de 50 000 ou de 300 000 – on a réussi à faire voter des morts, puis on a réussi à faire voter des gens qui étaient en Italie puis qui n'ont pas voté du tout. Qu'est-ce que ça prend, pour la Commission d'accès à l'information, comme pourcentage prouvant la nécessité? On sait que ça se fait puis que la notion – je vais le dire ici, moi, puis je n'ai pas honte de le dire, je sais que ça chatouille certaines chastes oreilles – mais la notion de serment «Je déclare solennellement que je suis bien Guy Chevrette», ça n'a plus à peu près de bon sens. Vous savez que c'est pris à la légère dans le milieu électoral, cette notion-là. Puis ceux qui disent non... je m'excuse, c'est pris à la légère. Moi, je l'affirme, sans aucune crainte de me tromper à part de ça, parce que je l'ai vécu, ça fait 21 ans que j'en vois, des élections puis des référendums, cinq élections, trois référendums, puis on sait très, très bien ce qui se passe dans les faits.

On veut améliorer la démocratie en ajoutant une dimension qui est déjà admise dans plusieurs grands pays démocratiques. La France, je suis convaincu, M. Comeau, que vous considérez que c'est un pays fort démocratique. L'Allemagne, c'est un pays démocratique. La Suède, c'est un pays démocratique. La Suisse, c'est très démocratique. J'ai eu la chance d'étudier les quatre régimes. Ils ont ça, l'identification de l'électeur, puis personne ne fait de l'acné pour ça, personne ne fait une jaunisse pour ça, personne ne nous traite d'antidémocratiques, personne ne les traite de violeurs des droits individuels. J'aimerais vous entendre de façon plus précise parce que je n'en ai aucune conviction après la lecture de votre document.

M. Comeau (Paul-André): Vous avez annoncé une deuxième question, M. Chevrette.

M. Chevrette: La deuxième, je vous la poserai tout de suite après.

M. Comeau (Paul-André): Parfait. Bon, alors, je pense vous avoir dit, dans mes notes tout à l'heure, que c'est évident que mesurer la nécessité, ce n'est pas quelque chose de mathématique. Dans certains cas, ça se mesure, oui, mais, dans la plupart des cas, c'est une appréciation et, dans la démonstration qui était faite chez M. Côté, malheureusement, elle n'était pas là. M. Côté nous a affirmé, selon lui, que c'est un problème. C'est pourquoi je vous dis qu'il nous faut reconnaître l'expertise des deux DGE et ce qui va se passer ici, parce que, pour le moment, on n'a pas de critères qui nous permettent de répondre à la nécessité. Et l'obligation que vous nous faites en vertu de la loi, ça devrait répondre en vertu de ce critère-là. Or, comment le traduire? Je suis d'accord avec vous que de se lancer dans une étude sur les télégraphes, comme on disait à l'époque, c'est à peu près impossible parce que, dans ma vie antérieure, ma spécialité, c'était la sociologie électorale, et je comprends ça, c'est à peu près impossible. Alors, on se remet à ce moment-là à l'appréciation. Mais, en fonction de la loi, il n'y a pas eu de démonstration. Et c'est pourquoi je vous ai dit tout à l'heure que ce qui sera dit ici, et ce qui a été dit par M. Côté, et ce qui sera sans doute dit par le nouveau Directeur général, ça fait partie de la démonstration de la nécessité. Mais, pour le moment, à nos yeux, elle n'est pas établie.

Vous avez raison de me dire aussi que la France, l'Allemagne, la Suisse et d'autres pays du genre sont foncièrement démocratiques, mais il y a aussi les États-Unis et la Grande-Bretagne qui sont aussi, je pense, relativement démocratiques et qui n'en veulent pas et qui, eux, grimpent dans les rideaux dès qu'on parle de carte d'identité. C'est une notion culturelle, M. le ministre, c'est pour ça que... On peut se lancer un grand débat, mais c'est une notion culturelle et, pour le moment, quand nous avons, il y a deux ans, lancé cette question, nous avons lancé l'idée d'une consultation qui a été prise en charge par la commission de la culture.

M. Chevrette: Si c'est une notion culturelle, la culture, ça appartient à un peuple.

M. Comeau (Paul-André): Tout à fait.

M. Chevrette: Nous avons fait deux sondages pour voir s'ils trouvaient normal qu'on identifie l'électeur. Dans un premier temps, 89 % des électeurs, des citoyens, nous disent, dans le cas de Léger & Léger, ils nous disent: C'est tout à fait normal que quelqu'un s'identifie. Lepage, qui est renommé comme un sondeur sérieux, professionnel, 85 %. Est-ce que vous considérez que, si c'est culturel, on doit véritablement à ce moment-là s'orienter dans le sens de ce que voudrait le peuple?

M. Comeau (Paul-André): Alors, la dernière question, c'est à vous que je laisse la réponse; ça, c'est le rôle des députés. Mais je vais répondre avant cela.

M. Chevrette: O.K. Moi, je vais vous répondre vite, vous allez voir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Comeau (Paul-André): Bon. Vous dites que 89 %, et j'ai oublié l'autre chiffre, mais, enfin, un chiffre très élevé également, favorisent l'identification là-dessus. Moi, je pense que c'est évidemment normal qu'on se présente et qu'on s'identifie. Là, il n'y a pas de problème. Le problème cependant, c'est qu'à la consultation de la commission de la culture la majeure partie des intervenants, qu'ils soient représentatifs ou non de l'ensemble de la population – c'est une autre question – se sont prononcés contre. Alors, il y a une expression de la culture d'un côté, il y a un sondage de l'autre, et il faut trancher.

M. Chevrette: C'est sur la carte d'électeur, ça.

M. Comeau (Paul-André): Sur les cartes en général, les gens ne veulent pas de nouvelle carte...

Une voix: Mais ce n'est pas pareil. Ce n'est pas ça, la question.

M. Comeau (Paul-André): ...et ne veulent pas d'utilisation des cartes à des fins autres que celles pour lesquelles elles sont prévues.

M. Chevrette: Mais vous êtes en train de me dire ce que je vous ai dit, dans le fond.

M. Comeau (Paul-André): Non, non, non.

M. Chevrette: Oui, oui.

Une voix: ...

M. Chevrette: S'il vous plaît, vous parlerez à votre tour.

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Chevrette: Je serai respectueux de vos questions, mais laissez-moi aller avec mon affaire. Je pense que, effectivement, les citoyens sont tannés de défoncer leurs poches avec le nombre de cartes. Ça, c'est une chose. Il y a même des citoyens qui sont rendus bien plus loin, ils disent: Une seule carte de citoyen avec des puces: puce pour la santé, puce pour la conduite, puce pour une autre chose. Ce n'est pas grave, ça. Moi, j'ai tendance vers ce réflexe-là, moi aussi, arrêter la prolifération des cartes. Mais ça, c'est différent, être contre la prolifération des cartes par rapport à l'identification de l'électeur. Est-ce que vous avez des suggestions pour nous permettre de bien identifier l'électeur?

M. Comeau (Paul-André): Bon. Alors, je dois dire que je suis d'accord. C'est une des conclusions qui se dégagent des travaux de la commission de la culture. Mais la deuxième, c'est que les gens qui se sont présentés là – je dis bien ceux-là – ne veulent pas qu'on mélange les cartes à d'autres fins pour lesquelles elles ont été établies.

M. Chevrette: Je comprends bien, mais, si on est contre la prolifération, il va falloir se rallier à quelque chose.

M. Comeau (Paul-André): Oui, je vais vous donner un cas précis...

M. Chevrette: Tout le monde veut aller au ciel, personne ne veut mourir. Ça, je sais ça.

M. Comeau (Paul-André): Ah! ça, malheureusement, oui.

M. Chevrette: Mais, sur le plan pratique, qu'est-ce qu'on doit faire?

M. Comeau (Paul-André): Je vais vous donner un exemple. Quand on se présente à l'Assemblée nationale, il faut s'identifier. Alors, moi, je présente la carte de service de la Commission qui m'identifie avec une photo...

M. Chevrette: Mais c'est votre photo.

M. Comeau (Paul-André): C'est ma photo.

M. Chevrette: Bon. On pourrait peut-être marquer elle dans la loi aussi. Vous irez voter avec votre carte.

M. Comeau (Paul-André): Il y a d'autres cartes, il y a des cartes de crédit avec photo et, à ce moment-là, on offre le choix aux citoyens. C'est la conclusion, nous, qu'on dégage des travaux de la commission de la culture, offrir le choix.

M. Chevrette: Mais c'est ce qu'on veut faire.

M. Comeau (Paul-André): Non, vous limitez le choix...

M. Chevrette: Bien non, je suis prêt à l'élargir sur votre recommandation.

M. Comeau (Paul-André): Ah bien! alors, M. le ministre, je vous félicite.

M. Chevrette: Mais il faut que la binette... vous savez ce que je veux dire...

M. Comeau (Paul-André): Oui.

M. Chevrette: ...puis je veux que les citoyens comprennent ce qu'on veut dire. Je veux que la figure, la photo corresponde à celui qui sollicite un bulletin de vote pour aller se prononcer. C'est ça, le principe fondamental qu'on lance. Il n'y a pas d'autre chose, il n'y a rien de caché, M. Comeau, dans ça.

M. Comeau (Paul-André): Ah non! là-dessus...

M. Chevrette: Absolument pas. Si vous nous faites la suggestion d'ajouter le nombre de cartes, on va l'ajouter, mais il faut que la photo corresponde à celui qui demande le bulletin pour aller dans l'isoloir. C'est juste ça qu'on dit. Et il me semble que, vouloir être contre ça, ça n'améliore pas notre processus démocratique. Ceux que la Commission de la réforme électorale n'est pas capable d'identifier, de recouper dans des listes, qui vont solliciter une révision, mais qu'ils se présentent ils vont avoir au moins la photo. Et je ne peux pas prendre la photo, moi, du député de Laurier pour aller voter. On ne se ressemble pas trop. Ah! non, non, non.

Une voix: Certainement pas.

M. Chevrette: C'est justement, et dans tous les sens en plus. Je leur permettrais de lire à l'intérieur en plus, moi. Ceci dit, je voudrais bien que vous me fassiez des recommandations très précises, si vous en avez, sur la nature des cartes qu'on pourrait ouvrir.

M. Comeau (Paul-André): Ça, M. le ministre, il n'y a pas de problème. Je vais y réfléchir et je vais vous transmettre une note là-dessus avant la fin de nos travaux.

M. Chevrette: Mais là on se comprend mieux, par exemple. Ce n'est pas sur le principe ou la finalité, c'est vraiment l'identification de la figure de la personne.

(15 h 40)

M. Comeau (Paul-André): Moi, je reviens à ce que je vous ai dit aussi. Je vous ai dit une chose très précise, c'est que pour le moment, à la lecture du document, le principe de la nécessité n'est pas établi. Nous attendons les résultats ici et nous nous fions à l'expertise des deux DGE pour aller au-delà d'une expression bébête et mathématique de la nécessité. Alors, nous allons vous entendre et nous allons voir ce qui va en résulter, et on fera des recommandations en conséquence.

Le Président (M. Paquin): Ça va?

M. Chevrette: Ça va.

Le Président (M. Paquin): Alors, du côté du groupe parlementaire qui forme l'opposition, M. le député de Laurier-Dorion, M. le critique.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. À entendre ce débat, j'avais le goût, au début, de dire au ministre: Revenons au calme. À chaque fois que quelqu'un n'est pas d'accord, le ministre monte le ton puis commence à...

Une voix: ...

Le Président (M. Paquin): S'il vous plaît!

M. Sirros: S'il vous plaît!

Le Président (M. Paquin): Article 32.

M. Sirros: En tout cas, M. le Président, je constatais que, quand il s'agit de...

Une voix: ...

Le Président (M. Paquin): Non, mais, s'il vous plaît, on va s'en tenir à l'article 32 le mieux possible. On a déjà un petit peu de temps à récupérer cet après-midi, alors on va s'écouter. On connaît la position respective des uns et des autres. Et allons-y.

M. Sirros: Bon. Permettez-moi de me reprendre. En écoutant la passion avec laquelle le ministre défendait ses positions, je me disais: Mon Dieu! il y a un problème épouvantable quelque part ici, au Québec, au niveau du processus électoral; il y a toutes sortes de gens qui votent quand ils n'ont pas le droit de voter; il y a toutes sortes de gens qui votent à la place d'autres; le Québec, c'est une république de bananes; il faut vite vite vite instaurer une carte d'identité obligatoire pour l'exercice du droit de vote, pour qu'on puisse vraiment sentir que notre démocratie, elle est saine et sauve. Moi, je n'ai jamais senti ça, M. le Président. Je n'ai jamais senti ça. J'ai vu des problèmes sur le terrain au niveau du déroulement du droit de vote des fois, parce qu'il y avait des retards dans le processus, des fois les gens, on leur demandait de s'assermenter de façon systématique. On peut identifier un certain nombre de problèmes quant au déroulement de l'exercice du droit de vote, mais jamais depuis... en tout cas, si ma lecture de l'histoire est bonne, quelque part avant les années soixante, depuis ce temps-là, à ma connaissance, la notion de télégraphe de vote de personnes est quasiment disparue de la réalité politique québécoise.

Si on est pour instaurer un système qui, effectivement, est un choix – et je suis très heureux d'entendre le président de la Commission d'accès à l'information le dire – une valeur de société, moi, je ne veux pas me retrouver – et c'est ça, un des problèmes – dans une situation ultimement... Parce que le ministre, vous savez, il dit: Mais je ne demande pas ça, moi, une carte d'identité obligatoire, je demande juste une obligation pour la personne de s'identifier avec photo lors de l'élection. Mais c'est un premier pas, M. le Président. Un autre ministre, après, dans quatre ans, va aller un peu plus loin, parce que, comme le disait le président de la Commission d'accès à l'information: Pourquoi, si c'est bon là-bas, ça ne serait pas bon quelque part ailleurs? Et un autre ministre, après, même un ministre libéral, à un moment donné – qui sait? – va trouver qu'il faudrait peut-être être cohérent et logique et avoir une carte d'identité obligatoire. Et là on pourrait, à ce moment-là, faire comme les pays que le ministre citait en exemples: l'Allemagne, où la carte d'identité est obligatoire, elle est émise par une autorité locale, les policiers peuvent l'exiger en tout temps, que les citoyens produisent leur carte d'identité ou leur passeport; même chose en Espagne, même chose au Danemark, même chose en Autriche, en France, etc. Et, moi, je ne veux pas me retrouver là, M. le Président. Je pense qu'il y a une différence fondamentale dans la façon dont on a évolué comme société et, effectivement, on a attaché une valeur supérieure à la protection de la vie privée vis-à-vis les autorités au pouvoir, en Amérique du Nord et vous avez mentionné l'Angleterre, donc, tout ce qui découle un peu du système britannique. C'est le régime que nous avons ici, nous avons un Parlement de cette nature-là et nos institutions sont normalement imprégnées de ces valeurs. Et un des problèmes que je vois tout de suite avec ça, c'est au niveau du principe: je ne veux pas ouvrir la porte. Si le ministre veut ouvrir la porte, qu'il ait au moins la capacité de prouver qu'il y a un problème réel qu'on doit régler au niveau du vote. Là, on va l'écouter.

Mais il me parle des morts qui votent dans son comté. Je lui rappelle, M. le Président, que la liste électorale permanente que, lui, il a introduite, le principe avec lequel nous étions d'accord fait en sorte que jamais plus les morts ne pourront voter, ils sont automatiquement rayés de la liste. Après ça, il nous parle des 280 000 personnes qui n'ont pas été recoupées. Mais, M. le Président, de deux choses l'une: si 280 000 personnes constituent un bassin potentiel de fraudeurs à cause de la constitution de la liste électorale permanente, nous avons fait un mauvais choix. La liste électorale permanente n'est pas bonne si c'est le cas. Au lieu d'essayer de reconnaître ça, le ministre utilise ça comme argument pour défendre une position, pour faire en sorte qu'on ait une carte d'identité obligatoire lors de l'exercice du droit de vote. Moi, il me semble que ce n'est pas le cas. Le non-recoupement n'est pas un indice du bassin possible de fraudeurs. C'est un indice d'un problème, pour l'instant, au niveau du premier recoupage, avant qu'il y ait eu une élection générale, et ça va diminuer dramatiquement après la période de révision, après tout l'exercice du déroulement d'un vote général, et, si ce n'est pas le cas, nous avons un problème. Mais nous avons un problème qu'on ne devrait pas essayer de corriger avec une carte d'identité. Il faudrait revoir ça, au fond. Et si on a instauré la liste afin de justement éliminer le potentiel de problèmes par le fait qu'il aurait pu y avoir des morts qui se retrouvent sur la liste, etc., bien là, l'argument du ministre à l'effet qu'il y a des morts qui ont voté dans son comté, comme argument pour soutenir la nécessité d'une carte obligatoire, il tombe. Alors, on ne peut pas parler des deux côtés en même temps.

Alors, le premier élément, c'est: je ne veux pas ouvrir la porte à un changement aussi radical qui va nous amener nécessairement, ultimement là, parce que c'est la nature de l'animal... une fois qu'on va le faire ici, on va le faire là-bas, puis là-bas, puis là-bas, puis là on va se retrouver à un moment donné où quelqu'un va dire: Mais écoutez, là, pourquoi nos policiers ne devraient pas avoir le droit de demander si c'est bien celui-là, le ministre de Joliette – il veut voir sa photo – dans la rue, comme ça? Actuellement, un policier, ici, ne peut pas m'arrêter dans la rue pour me demander de prouver que je suis qui je suis – et c'est comme ça que je veux que ça reste – et le ministre propose un premier pas qui va vers ça. En Allemagne, en France, ils peuvent le faire, dans la rue, comme ça, parce que le policier a de la suspicion. Alors, c'est une question de valeurs.

Deuxième élément. Si on va créer un problème... pour corriger un problème, si on va créer des problèmes, moi, je pense que, encore une fois, il faudrait au moins qu'on m'ait démontré qu'il y a un réel problème auquel on doit s'adresser. Parce que je prétends qu'il va y avoir des clientèles fragiles, je pense aux personnes âgées et à d'autres, et probablement pas les groupes... en tout cas, je n'embarquerai pas dans ça, mais les clientèles fragiles qui vont oublier d'amener leur carte d'assurance-maladie, probablement les mêmes qui n'ont pas de permis de conduire, je pense aux personnes âgées qui, après un certain âge, n'ont plus de permis de conduire, pas de passeport non plus, parce que ce n'est pas tout le monde qui a un passeport. Alors, il va y avoir une carte possible, à moins qu'on inclut aussi la carte du Club Price, ou la carte de Zellers, ou je ne sais pas trop quoi. Mais les cartes officielles auxquelles on peut penser, c'est les trois qu'on a énumérées. Et si c'est le cas, ça va être une clientèle fragile qui va se retrouver, lors de l'exercice de son droit de vote, à trouver son vote nié parce qu'elle aurait oublié sa carte. Est-ce qu'on est confortable à dire: Bien, tant pis! s'ils ne sont pas capables de se rappeler d'amener leur carte, bien, tant pis! Parce que l'assermentation, ça ne vaut rien; c'est la carte ou rien. C'est ça, la position que j'entends ici. Moi, je ne suis pas prêt à dire ça. Moi, je ne veux pas dire ça. Je veux continuer à fonctionner dans un système où on présume de la bonne volonté des citoyens puis on met en place des mécanismes pour essayer de contrer des problèmes potentiels. Et quand on constate qu'il n'y a pas de problèmes réels qui minent la crédibilité de notre système, bien, je n'introduis pas des mesures qui vont au-delà de ce dont on a besoin pour vivre avec.

(15 h 50)

Alors, ça, c'est les commentaires que j'avais, M. le Président, face à cet échange que je viens d'entendre avec le ministre. Et, moi, j'aimerais inciter le président de la Commission d'accès à l'information à insister avec véhémence sur la nécessité de protéger contre d'éventuels amenuisements ou changements... parce que c'est le premier pas qui compte. Une fois qu'on l'a franchi, après ça, le deuxième, le troisième et le quatrième, ça vient plus facilement. Et une fois qu'on a abandonné la première position de défense, on peut plus difficilement défendre la deuxième ou la troisième. Alors, je ne sais pas si l'exercice – si vous allez soumettre d'autres possibilités de cartes au ministre – est un exercice d'un appel des sirènes, en quelque sorte. Alors, un peu comme Ulysse, attachez-vous bien au mât, même si vous entendez un peu l'appel qui est fait. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Ça va? Ça n'appelle pas de commentaires ou de réponses à ce moment-ci? M. Comeau? Ça va.

M. Chevrette: S'il vous plaît.

Le Président (M. Paquin): J'ai déjà quelqu'un.

M. Chevrette: Non, je me suis organisé avec madame.

Le Président (M. Paquin): Une minute.

M. Chevrette: Moi, je vais revenir à la Commission d'accès à l'information, qui a toujours dénoncé le fait que ça prenait du temps énormément pour les votations, il y a des files d'attente. On en a déjà discuté avec vos représentants puis ils trouvent inconcevable que, les journées de votation, par exemple, l'assermentation soit littéralement demandée. Ce n'est pas au niveau des vôtres comme tels, c'est surtout au niveau des travailleurs de la Commission qui trouvent que c'est inconcevable, ça. Le Protecteur du citoyen nous dit la même chose. Il y a des files d'attente de trois heures, des personnes âgées debout qui sont obligées d'être assermentées parce que, dans un camp... on peut se retrouver tous au Lac-Saint-Jean, alors qu'on connaît tout le monde, mais, pour retarder le vote, délibérer par stratégie, tu peux tous les assermenter. On nous reprochait, à certaines formations politiques, de faire de même dans certaines parties de Montréal. Ça règle tout ça: tu arrives avec ta photo, tu passes, tu votes. C'est ça, fondamentalement. Il n'y a pas du tout de fins de détournement de finalité, c'est l'amélioration du système lui-même pour permettre aux citoyens, rapidement, de voter sans qu'il y ait discrimination dans l'approche des greffiers ou des représentants, sans qu'on retarde le vote indûment parce qu'un nom n'a pas une consonance bien connue dans le milieu. C'est pour éviter tout ça, ces choses-là, qu'on fait ce qu'on fait présentement. Il n'y a pas du tout l'empiétement des droits puis tout ce qu'on fait miroiter présentement.

Au contraire, c'est beaucoup plus une question fonctionnelle, puis une question à laquelle la Commission ne répond pas d'ailleurs, et je vais revenir avec cette petite question là, puis c'est la seule que je vais vous poser: En quoi l'identification d'une figure d'une personne lors d'une votation enlève des droits fondamentaux à une personne et brime la liberté et les droits individuels d'une personne? En quoi? Moi, j'aimerais l'entendre parce que c'est ça, la clé fondamentale. Puis je voudrais vous entendre parce qu'on peut restreindre dans des lois, et je l'ai vu à plusieurs reprises, M. Comeau: Cette photo ne peut être utilisée que pour les fins d'un vote, par exemple, si j'avais une carte électorale. Puis c'est accepté dans certains pays, je l'ai vu; des clauses, noir sur blanc, d'écrites. Ce n'est pas ça que je vous demande, moi. Je ne vous demande pas d'avoir accès à des dossiers. Je vous demande en quoi l'identification d'une photo indiquant que c'est la bonne personne empiète sur les droits individuels d'une personne et en quoi on vient faire un accroc fondamental au principe des libertés et droits individuels.

M. Comeau (Paul-André): Bon. Alors, je vais vous répondre là-dessus par analogie, puisque, pour le moment, il n'y a pas de carte d'électeur. Donc, on ne peut pas donner des exemples concrets. Quand on se présente – et c'est mon cas, je vais l'avouer humblement – pour aller chercher un colis chez Parbus, on vous demande votre carte d'identité. Donc, on vous offre un choix, c'est indiqué. Vous présentez votre carte si vous voulez avoir votre colis, sinon vous ne l'avez pas. Et là qu'est-ce qu'on fait? On a votre photo, vous êtes devant lui, il a votre nom, et là ce qu'on fait, on copie votre numéro d'assurance-maladie, votre numéro de permis de passeport, si c'est le cas, ou votre numéro de permis de conduire, si c'est le cas, et ça, on nous dit que c'est pour des fins d'identification. Or, pour moi, l'identification, c'est comparer une photo avec, pour employer votre expression, la binette du gars qui est devant moi. Mais ce n'est pas ce qui se fait dans notre société. Et le danger, c'est de collecter ces numéros-là qui, eux, donnent accès. La carte n'est pas inquiétante, c'est les numéros qui sont inquiétants parce qu'ils ouvrent l'accès à des dossiers. Ces numéros-là, on sait que ça représente des problèmes. Et c'est là, après avoir travaillé avec vos collègues de la commission de la culture, le président de la Commission des droits de la personne, le Protecteur du citoyen et moi-même avons réclamé une carte facultative pour répondre à des besoins d'identification. Alors, les gens sont libres d'utiliser leur carte d'assurance-maladie, leur permis de conduire, mais une carte facultative pour ceux qui veulent protéger leur vie privée, pour toutes sortes de raisons. C'est exactement ce que j'ai à vous répondre là-dessus.

M. Chevrette: J'en prends acte et je vous remercie du fait qu'il y a une ouverture, en tout cas, à quelque chose de positif, mais sans empiéter sur les droits. Merci.

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le député de Montmorency, suivi de la députée de La Pinière, du député de Mont-Royal et de D'Arcy-McGee, pour ce côté-là. Il reste une minute du côté de l'autre groupe parlementaire. D'abord, M. le député de Montmorency. Il y a 10 minutes pour l'ensemble de ce côté-là.

M. Filion: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais, bien sûr, poser une question, mais, avant, j'aimerais en même temps vérifier le processus pratique. Pourquoi aller jusqu'à demander de s'identifier avec une photo lorsque la façon de faire actuellement des électeurs, c'est que tout le monde reçoit par la poste l'endroit où il doit aller pour voter, etc., son poll, etc.? Est-ce qu'on ne pourrait pas penser simplement, dans la procédure informatique d'envoi systématique à l'électeur, à lui remettre une espèce de coupon où ce serait écrit son nom, point, et son adresse et qu'il pourrait remettre sans photo pour voter? Et si besoin il y a et s'il n'avait pas ce petit coupon là – parce qu'il le reçoit par la poste de toute façon, dans le processus normal des élections – là on pourrait lui demander de s'identifier avec une photo. Mais jusqu'où on doit aller dans un système aussi lourd? Et c'est là le danger d'ouvrir et, dans ce sens-là, je suis un petit peu en accord avec les commentaires précédents. Pourquoi ouvrir un système lourd de carte additionnelle quand on a déjà un système très bien rodé sur le plan informatique qui envoie à l'électeur l'endroit où il doit aller voter? Alors, ce serait simplement d'avoir un petit coupon qui est avec, qui est détachable et qu'il présentera lorsqu'il votera, sans être obligé de s'identifier avec une photo. Je pense qu'il faut être prudent avant d'aller trop loin dans l'identification systématique avec photo. Je pense que ce serait plus rapide également lors du vote si la personne présentait son coupon qu'elle reçoit par courrier; un coupon d'identification, que j'appelle, pas une carte électorale, un coupon d'identification qu'elle reçoit du Directeur général des élections lorsqu'on lui dit d'aller voter à tel endroit tel jour. Si jamais la personne n'avait pas ça, à ce moment-là, bien, peut-être qu'on pourrait penser à une alternative de carte. Mais je pense qu'on pourrait d'abord et avant tout penser à une façon simple d'identifier les gens sans être obligé de faire une carte pour tout le monde avec photo. Et je voudrais savoir de la part, bien sûr, de la Commission d'accès à l'information si ce genre d'approche là serait acceptable.

M. Comeau (Paul-André): Ce que vous énoncez comme technique. la technique postale, c'est ce que j'ai connu lorsque j'ai vécu en Belgique, où les citoyens reçoivent... Mais ça suppose – c'est important de le savoir – un registre de la population, d'adresses à date, et ça suppose une déclaration de changement d'adresse, ainsi de suite. Là, c'est tout un changement de culture qui se met en branle. Là, on débouche sur un autre problème pas mal grave: Est-ce qu'on est prêt à ce que, demain matin, on soit obligé de déclarer notre changement d'adresse à la police du lieu? Ça, c'est un problème dont il faut tenir compte.

L'autre problème – et je réponds très spontanément parce que je n'avais pas envisagé cela – il est lié au fait qu'il y a un nombre important de suppositions de personnes – et pas seulement dans le domaine électoral, mais dans le domaine des chèques et autres – qui se font par le vol de courrier dans les grands immeubles, où on saisit les choses. Là, il y a un problème pour lequel je ne suis pas un expert, mais les cas qu'on a, par exemple, de vols d'identité à partir des cartes d'assurance sociale fédérales qui arrivent... c'est comme ça que ça se produit deux fois sur trois: on vole les cartes dans le courrier et on les distribue ailleurs. Donc, il y a des problèmes.

M. Filion: Je comprends, on ne peut pas empêcher les voleurs, à quelque part. Ça, je pense qu'on ne peut pas aller jusque-là. Mais il reste que, de toute façon, dans le courrier, il y a un système, actuellement, informatique qui tient à jour une banque de données où on essaie effectivement d'éliminer les gens qui décèdent, au fur et à mesure, et il y a un recensement qui est fait avant l'élection pour ajuster toutes les listes électorales. Mais, une fois que tout est ajusté, cette transmission par courrier là pourrait être une façon simple, à mon point de vue à moi, d'une première identification. Vous avez quelque chose de plus, où la personne va devoir le présenter pour pouvoir voter; si elle ne l'a pas, elle devra s'identifier. Mais, à mon point de vue à moi, c'est beaucoup plus simple de fonctionnement.

M. Comeau (Paul-André): Vous avez peut-être raison, mais je ne me suis pas préparé du tout à cela et on a plutôt fait face aux recommandations de M. Côté. Je ne voudrais pas vous induire en erreur en vous répondant au-delà de cela parce que, vraiment, ça me dépasse, là.

M. Filion: Mais est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être envisageable?

M. Comeau (Paul-André): Probablement oui, parce que c'est une technique qui existe, je vous dis que ça existe quelque part, je l'ai vécu. Mais ça suppose tout un arrière-plan administratif auquel on n'est pas habitué et auquel on n'a pas adhéré de façon culturelle jusqu'ici.

Le Président (M. Paquin): Alors, ce sera le tour de Mme la députée de La Pinière, suivie du député de D'Arcy-McGee. Alors, vous avez cinq minutes ensemble.

M. Chevrette: À vous deux.

(16 heures)

Mme Houda-Pepin: D'accord. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, je voudrais vous remercier pour l'excellente présentation, dans le mémoire, et les échanges édifiants qu'on a avec vous. Je tiens aussi à joindre ma voix à mon collègue de Laurier-Dorion, qui a exprimé des réserves assez claires concernant l'identification obligatoire via les cartes d'identité, que ça soit le passeport ou que ça soit la carte d'assurance-maladie, ou autre, parce que, effectivement, comme vous l'avez dit si bien, ça ouvre la voie à beaucoup d'autres choses qu'on ne contrôle pas. Effectivement, les objectifs de la carte d'assurance-maladie, du passeport et du permis de conduire sont totalement différents par rapport à une carte d'identité qui servirait à identifier les personnes le jour du vote. Et vous l'avez très bien dit aussi dans votre mémoire, à la page 6, quand vous dites que «le personnel d'un bureau de vote ou les représentants des candidats disposent de moyens pour s'assurer que la personne qui se présente pour voter est bien la bonne personne». Et, donc, les doutes sont levés parce que les gens des deux côtés, des deux parties veillent, via leurs représentants, à ce qu'on soit sûr que la personne qui vote, c'est vraiment la personne qui a la qualité d'électeur et qui a le droit de vote.

Je voudrais aussi rectifier un peu ce que le ministre a dit quand il a parlé des 217 000 personnes non recoupées. Lors de la présentation qui nous a été faite par le Directeur général des élections, M. Casgrain, il nous a clairement expliqué que ce 217 000 personnes non recoupées, ça comprend beaucoup de personnes pour toutes sortes de raisons, d'abord, parce qu'il y a eu des retours pour mauvaises adresses, il y a eu des erreurs dans les noms, des erreurs dans les prénoms, des erreurs dans la date de naissance, et ainsi de suite, ce qui fait qu'on n'a pas encore fait le tour de cette question-là pour les 217 000 électeurs. De là jusqu'à les associer à des fraudeurs, moi, je trouve que la marche est très haute, parce que ce n'est pas évident.

Et il faudrait quand même que ça soit clairement dit, d'autant plus que les mécanismes qui sont mis en place en ce moment, par rapport aux décès – les morts qui votent dans le comté de Joliette, chez le ministre – d'après ce qu'on nous a expliqué, notamment le DGE, avec le couplage des fichiers avec la RAMQ, les décès sont supprimés automatiquement sur la liste d'électeurs. Ça, c'est une information qu'on a eue la semaine dernière, c'est très frais. C'est la même chose pour les 18 ans, ils sont automatiquement mis à jour sur la liste. Donc, ça aussi c'est un problème de moins.

Et, pour ce qui est des nouveaux électeurs issus de l'immigration, les néo-Canadiens, il y a un protocole d'entente qui est signé avec le ministère canadien de la Citoyenneté et de l'Immigration justement pour obtenir les coordonnées, les noms de ces personnes, la date de naissance, le sexe, et tout ça, des nouveaux citoyens canadiens, au fur et à mesure. Donc, toutes ces mesures-là sont prises, et je ne vois pas pourquoi le ministre s'énerve beaucoup avec cette question-là. De là jusqu'à proposer des mesures comme des cartes d'identité pour le jour de votation, on trouve que c'est assez exagéré.

Alors, je terminerai là-dessus, M. le Président, puisqu'on n'a pas beaucoup de temps. J'abonde un peu dans le sens de la Commission et j'apprécie beaucoup les commentaires et l'éclairage que vous nous avez apportés. Merci.

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le député de Mont-Royal ou de D'Arcy-McGee, en une minute et demie, au total. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: M. Comeau, en relation avec les inscriptions des électeurs de 18 ans et des néo-Canadiens, vous dites que l'inscription automatique sur une liste électorale est acceptable en autant que les procédures décrites pour assurer le libre choix de ces catégories de personnes soient respectées intégralement. Quelle procédure est-ce que vous voyez qui doit être respectée? Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas mettre ces personnes sur une liste automatiquement sans avoir leur consentement?

M. Comeau (Paul-André): Écoutez, je ne sais pas comment ça se fait actuellement, mais je me rappelle, quand nous nous sommes présentés au moment de l'adoption du projet de liste permanente, ça faisait partie de nos recommandations. Nous recommandions qu'un avis soit transmis à ces personnes-là du transfert de ces renseignements-là en provenance de la RAMQ ou du ministère de l'Immigration et on leur demandait s'ils tenaient à ce que leur nom figure sur la liste permanente. C'est la recommandation qu'on a faite à l'époque. Je pense que ça a été suivi. J'avoue que je ne le sais pas, M. le député.

Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Mille-Îles, une dernière petite question.

Mme Leduc: Oui, alors, je vais aller à l'essentiel de mon questionnement, laisser faire les préliminaires, d'ailleurs on en a discuté. Moi, je pense que, si on demande l'obligation obligatoire, c'est que... Vous avez parlé du principe de nécessité que vous auriez souhaité voir plus amplement démontré. Mais je pense que, quand on demande ça, c'est que le poids d'un vote, il doit demeurer. Le citoyen qui exprime son choix, il ne veut pas voir par d'autres manoeuvres faire qu'il va pouvoir exprimer son choix, même si quelqu'un a utilisé son droit de vote, mais son poids doit demeurer dans le choix qu'il a exprimé. Et, compte tenu des résultats souvent serrés qu'on peut avoir dans des élections, des référendums, ici, au Québec, c'est très important que, quel que soit le nombre de personnes à qui ça s'adresse, on protège ce poids-là. Maintenant, ce que je voudrais aussi...

Le Président (M. Paquin): Le temps étant épuisé, je vais remercier, au nom des membres de la commission...

Mme Leduc: O.K., je vais garder ça pour la prochaine.

Le Président (M. Paquin): ...les gens de la Commission d'accès à l'information. Merci de votre collaboration.

J'inviterais maintenant le Parti Égalité à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Paquin): Alors, s'il vous plaît! M. Keith Henderson, chef du Parti Égalité, accompagné de M. David Wood, avocat, je vous indique que la commission doit récupérer un peu de temps, donc la présentation totale sera de 56 minutes. Alors, vous avez une vingtaine de minutes, et chaque groupe parlementaire dispose d'un temps équivalent pour poser les questions. Merci de votre présence, de votre collaboration à la commission. La parole est à vous.


Parti Égalité (PE)

M. Henderson (Keith): Merci beaucoup. Donc, bonjour, mesdames et messieurs. Le Parti Égalité a fait le référendum de 1992 aux côtés de M. Parizeau et des péquistes. Il a failli faire celui de 1995 aux côtés de M. Johnson et des libéraux. Dans les deux cas, il sollicitait un rôle de groupe affilié avec le comité national pour le Non, affilié avec un groupe qui s'appelle les Fédéralistes pour le Non, en 1992, et avec celui qui s'appelle le Comité spécial pour l'unité canadienne, en 1995. Il a été bien reçu en 1992 par les péquistes, qui lui ont accordé un budget de plus de 50 000 $, et mal reçu en 1995 par les libéraux, qui refusaient l'affiliation, jusqu'à ce que le Conseil du référendum ordonne l'acceptation quelques jours seulement avant le vote.

De ce fait, le Parti Égalité a acquis une expérience unique en matière référendaire, à laquelle aucune autre formation ne peut prétendre. Non seulement a-t-il une contribution sérieuse à proposer aujourd'hui, il est la seule formation à avoir déjà, à son conseil général, en 1996, proposé des amendements aux lois référendaires et électorales, dont des copies avaient été expédiées aux premier ministre et au chef de l'opposition du Québec.

La question de base tourne autour du degré de crédibilité que le gouvernement veut accorder au référendum. L'ancien ministre péquiste Rodrigue Tremblay avait déjà fait remarquer devant la commission sur l'avenir du Québec quelques mois avant le dernier référendum qu'on ne peut donner d'effet légal ou contraignant au référendum. Il a cité le cas du Manitoba, dont la loi référendaire a été annulée par les tribunaux en 1919, citation que la commission a choisi de taire dans son rapport final au gouvernement.

Un référendum n'est jamais plus qu'un sondage ultrasolennel et ultradispendieux. Inutile, donc, d'élaborer ici sur les débats futiles quant au pourcentage de votes nécessaire ou souhaitable pour le gagnant. Un gouvernement peut gagner avec 90 % des votes et laisser tomber, ou il peut perdre avec 10 % et aller quand même de l'avant, en supposant évidemment que le projet soit légal, ce qui, soit dit en passant, n'a pas toujours été le cas.

(16 h 10)

Il n'en demeure pas moins que des référendums puissent avoir une portée symbolique importante. En termes pratiques, il s'agit, pour le moment, de leur donner le maximum de crédibilité possible. Et je me limite ici à quelques questions fondamentales.

2. La participation de tous les intéressés. L'économie de la loi actuelle donne la plupart des pouvoirs au premier ministre et au chef de l'opposition du Québec. Si la question référendaire suppose une dévolution de pouvoirs fédéraux, le chef de l'opposition se trouvera automatiquement en conflit d'intérêts. La soif du pouvoir incite tout politicien à vouloir maximiser les pouvoirs de son gouvernement. Le chef de l'opposition est donc mal placé pour défendre les intérêts du gouvernement fédéral. Le tout risque de tomber en comédie loufoque.

En matière de sécession, sujet de deux des trois référendums depuis 1980, le fédéral insiste maintenant sur une question claire, et le provincial insiste encore sur son pouvoir exclusif d'en formuler le texte. Je me contente aujourd'hui de rappeler que rien n'empêche le fédéral, s'il est mécontent, de tenir sa propre campagne référendaire, en vertu de la loi fédérale, en même temps que la campagne provinciale. La confusion serait totale. Impossible de savoir si un discours ou une dépense tomberait sous la loi fédérale ou sous la loi provinciale ou les deux à la fois. Si on voulait qu'un référendum en telle matière soit crédible, il serait souhaitable que les deux paliers se mettent d'accord sur la question et les modalités de l'exercice.

3. L'élimination de tout soupçon d'illégalité. Le provincial boycotte actuellement le renvoi fédéral à la Cour suprême, renvoi afin de déterminer si la sécession unilatérale du Québec sera légale ou illégale. Le provincial risque ainsi non seulement de perdre par défaut, malgré la présence d'un amicus curiae, mais de donner l'impression que ses propres avocats lui ont dit: Ne perdez pas votre temps et votre argent, vous n'avez pas de cause.

D'autres ont parlé longuement de la confusion qui régnerait advenant une tentative illégale de sécession par un gouvernement provincial. Je me contente de souligner deux possibilités: l'annulation de la proclamation unilatérale par les tribunaux à la demande de n'importe quel citoyen; deuxièmement, la mise en tutelle de ce gouvernement provincial par Ottawa. D'ailleurs, c'est ce que Washington a fait en 1867, avec le gouvernement des États sécessionnistes américains, par trois lois dites de reconstruction.

4. La disposition des débats préliminaires avant la campagne. Les aventures du comité spécial pour l'unité canadienne devant le Conseil du référendum parlent pour elles-mêmes. En juillet 1995, le comité demandait auprès des libéraux un statut de groupe affilié. En septembre, la demande a été refusée oralement après trois rencontres, refus confirmé par écrit après le début de la campagne référendaire. À peine quelques jours avant la fin de la campagne, le Conseil du référendum a ordonné l'affiliation et l'octroi d'un budget. Le comité national pour le Non a offert 2 500 $, assez pour environ 90 secondes à la télévision de Montréal, un montant confirmé par le Conseil du référendum quelques jours plus tard. Le comité spécial a refusé l'offre et s'est abstenu de participer. C'était dommage, car les documents déposés avec les libéraux par le comité spécial montraient qu'il allait parler d'illégalité et de partition, deux sujets qui n'ont fait surface qu'après le référendum, deux sujets que les deux comités dits nationaux voulaient tacitement exclure du débat. Comment donner de la crédibilité au référendum, si on essaie de garder le public dans l'ignorance de toute possibilité déplaisante?

5. L'utilisation de fonds publics pour des dépenses préréférendaires. Le Parti Égalité a supprimé un texte à ce sujet comme probablement trop difficile d'application. Je me permets cependant d'attirer votre attention sur un article paru dans Le Soleil du 2 décembre 1995. On fait état de dépens de fonds publics pour aider le Oui dans les semaines et les mois précédant la campagne référendaire, dont 8 500 000 $ pour la Commission sur l'avenir du Québec et 9 400 000 $ pour les études Le Hir. Comment donner 2 400 000 $, par la suite, à chacun des comités dits nationaux et prétendre sans faire rire le monde qu'il y a partage égal?

6. Nettoyage des règlements des comités nationaux. Les règlements sont faits de nouveau pour chaque référendum, ce qui fait perdre un temps précieux aux parties et laisse trop d'occasions pour des abus de dernière minute.

Les libéraux ont pris pour le Non en 1995, presque sans changement, les règlements qu'ils avaient adoptés pour le Oui en 1992. Ils auraient mieux fait d'emprunter les règlements que les péquistes avaient adoptés pour le Non en 1992. Ces derniers prévoyaient et permettaient une collaboration effective entre des gens aussi variés que MM. Pierre Elliott Trudeau, Jacques Parizeau et moi-même. Avouez qu'ils ne sont pas des alliés naturels.

Le problème, c'est que les règlements pour le Oui existent pour un groupe unifié derrière la proposition du gouvernement. Ceux pour le Non doivent tenir compte d'une plus grande diversité. Il serait opportun que la loi exige davantage quant aux conditions de base, surtout en ce qui a trait aux groupes affiliés, à leur financement et à leur droit de participer à la dissémination gratuite des informations dont bénéficient déjà les comités dits nationaux.

7. Partage du financement public. La concentration du pouvoir entre les mains du premier ministre et du chef de l'opposition a déjà été mentionnée. Notons que leurs deux partis politiques, même mis ensemble, n'auraient jamais eu 100 % du vote populaire. S'ils ont, disons, 90 % du vote, il serait raisonnable de mettre à part 90 % du fonds référendaire pour le diviser également entre les comités nationaux. Le reste pourrait être mis à part pour être divisé également entre les groupes affiliés avec le Oui et le Non. En pratique, il faudrait sans doute des modalités plus détaillées, pour lesquelles je réfère au texte de l'ébauche d'amendement en annexe, surtout le 38.

8. Meilleure définition des dépenses référendaires. Il faut prévoir, entre autres choses, la position de ceux qui veulent exprimer des opinions ni pour ni contre, car ces opinions peuvent influencer indirectement le vote. Par exemple, si quelqu'un prône un boycott du vote ou prétend que le tout est illégal, cela pourrait aider le Non plus que le Oui.

Alors quel est le statut d'une opinion juridique? S'il y a raison de croire qu'il s'agit d'un projet de sécession unilatérale contraire au droit constitutionnel, contraire au droit international et même, dans son application, contraire au droit criminel – exemple, sédition ou trahison – peut-on prétendre taire ces opinions au nom de la démocratie?

Ce n'est pas pour rien que la Cour suprême a invalidé l'article de la loi qui faisait semblant de contrôler équitablement les dépenses. Le besoin de crédibilité exige de ne jamais donner l'impression que ce contrôle équitable n'est que de la frime.

9. Meilleure administration du votre référendaire. Il est bizarre que les seuls scrutateurs soient ceux nommés par le parti au pouvoir. Je me permets de référer ici à l'article publié dans Cité libre de janvier-février 1996. Il fait état des constatations des chercheurs Jaunsz Kaczorowski et Maurice Pinard de McGill et de William Steinberg de Concordia, ce dernier ayant conclu: «Je pense pouvoir prédire qu'une enquête minutieuse exposera une fraude très répandue.» Il sera important pour tout gouvernement futur de ne plus vivre sous l'ombre de pareils soupçons.

Finalement, commentaire sur l'affaire Libman. L'expérience du comité spécial pour l'unité canadienne en 1995 aurait surtout révélé à la Cour suprême deux failles fondamentales dans le texte actuel de la loi référendaire quant aux règles d'affiliation, notamment celles résumées ci-haut sous les numéros 6 et 7. Le langage employé par les juges de la Cour suprême à l'égard de ces règles dans l'affaire Libman laisse croire que la Cour verrait d'un bon oeil le renforcement et la clarification de ce texte. L'omission de ce faire, selon le Parti Égalité, risque de retourner la loi devant la Cour suprême pour connaître de nouveau le même sort que dans l'affaire Libman. Il convient de les élaborer davantage afin de corriger surtout l'impression tout à fait fausse que les dispositions de la loi quant à l'affiliation sont adéquates.

M. Pierre-F. Côté a tort quand il dit: «Le mécanisme d'affiliation des groupes est manifestement suffisant, à la lumière de la décision de la Cour suprême, pour assurer adéquatement les libertés d'expression et d'association de ces groupes, et il n'y a clairement pas lieu de le modifier.»

(16 h 20)

La première faille majeure en matière d'affiliation est l'imprécision à savoir comment les règlements des comités dits nationaux doivent traiter les demandes d'affiliation. Les règlements peuvent leur donner assez de discrétion pour refuser des demandes à leur guise, obligeant ainsi les requérants à se présenter devant le Conseil du référendum, ce qui peut prendre jusqu'à deux ou trois semaines pour l'audition et la décision. Ces délais excluent effectivement les requérants du processus référendaire, car ils ne peuvent légalement dépenser sans se faire accorder le statut de groupe affilié avant la campagne référendaire.

Le Parti Égalité note que la Cour suprême a fait les observations suivantes à l'égard de la discrétion des comités nationaux en ce qui a trait à l'octroi de statut de groupe affilié, et je cite: «Les règlements concernant l'affiliation ont plutôt comme objectif de circonscrire le plus possible cette atteinte aux libertés d'expression et d'association. La discrétion qui est accordée aux comités nationaux en matière d'affiliation ne doit donc pas être utilisée pour restreindre les libertés d'expression et d'association, mais plutôt pour étendre ces libertés en favorisant l'expression politique la plus large possible.

«Ainsi, le principe – et je continue la citation parce que c'est très important – qui doit guider les comités nationaux dans l'élaboration de règlements concernant l'affiliation est la promotion et la diffusion de la liberté d'expression des groupes voulant s'affilier. En tenant pour acquis que les demandes d'affiliation sont faites de bonne foi, c'est-à-dire que les groupes désireux de s'affilier veulent réellement promouvoir l'option que représente le comité, ce dernier ne saurait refuser l'affiliation à ces groupes en raison du contenu du message qu'ils cherchent à diffuser.»

Une façon de s'assurer que les comités nationaux n'abusent pas de leur autorité discrétionnaire sur les groupes affiliés serait d'amender la loi référendaire, de sorte que tout litige résultant de demandes non dilatoires d'affiliation référées au Conseil du référendum doivent être résolues avant que ne procède la campagne référendaire. Nous recommandons fortement que le gouvernement considère un amendement dans ce sens.

La deuxième faille majeure en matière d'affiliation a trait au financement équitable. Selon le financement actuel, les comités nationaux sont responsables, par leurs règlements, du financement adéquat des groupes affiliés. Ici encore, le Parti Égalité soumet que la discrétion accordée aux comités est trop large et que l'expérience récente du comité spécial en fait la preuve.

Après avoir nié au comité spécial le droit d'affiliation et avoir subi les foudres du Conseil du référendum, le comité pour le Non a procédé à l'imposition d'une limite de 2 500 $ au comité spécial, le muselant effectivement pour la dizaine de jours qu'il restait dans la campagne. Le Conseil du référendum a ajouté l'insulte à l'injure en trouvant que la limite de 2 500 $ était raisonnable.

Le Parti Égalité soumet deux arguments pour démontrer pourquoi la limite était déraisonnable et pourquoi les deux comités nationaux ainsi que le Conseil du référendum lui-même ont besoin de directives législatives quant au financement équitable des groupes affiliés.

Premièrement, la loi référendaire permet aux particuliers de contribuer jusqu'à 3 000 $ pour appuyer l'option de leur choix. Il est, selon nous, déraisonnable de permettre aux particuliers de contribuer jusqu'à 3 000 $, mais de leur nier la liberté soit de dépenser l'argent eux-mêmes soit de le consigner au groupe affilié de leur choix.

Deuxièmement, la Cour suprême a décrété ce qui suit en matière de financement de groupes affiliés. Les comités nationaux, dit la Cour – et je termine là-dessus, M. le Président – doivent «accorder des montants suffisants pour que chaque groupe ait la possibilité de se faire entendre, bien que ce soit à des degrés divers. En effet, il serait tout à fait inéquitable qu'un petit groupe se voie accorder un montant si infime qu'il lui soit pratiquement impossible de faire valoir son point de vue de quelque façon que ce soit».

Le Parti Égalité soumet qu'une limite de 1 000 $ pour les particuliers, tel que suggéré par la Cour suprême, est déraisonnable, étant donné que les particuliers sont déjà autorisés par la loi à contribuer pour 3 000 $. Une limite de 3 000 $ serait beaucoup plus appropriée.

Le Parti Égalité soumet, de plus, qu'une limite de 2 500 $ pour un groupe affilié comme le comité spécial est ipso facto déraisonnable, étant donné que la Cour a qualifié 1 000 $ comme raisonnable pour un particulier agissant seul. Le Parti Égalité recommande fortement qu'à l'égard des groupes affiliés les amendements en matière de financement équitable qu'il propose en annexe – et je réfère au paragraphe 38 de l'annexe – soient adoptés par le gouvernement du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paquin): Merci beaucoup. Alors, pour le groupe parlementaire formant le gouvernement, M. le député de Joliette. M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais vous remercier d'abord de reconnaître qu'en 1992 on a été assez équitables.

M. Henderson (Keith): Oui, c'était le cas.

M. Chevrette: Je vous remercie de reconnaître ce fait. Mais j'ai de la difficulté à percevoir votre mémoire et je vais vous expliquer où réside ma difficulté. J'ai lu à plusieurs reprises, comme plusieurs de mes collègues ici, sans doute, autour de cette table, le jugement de la Cour suprême. Et, à mon point de vue, tout votre argumentaire porte sur le soutien à des groupes, alors que le jugement de la Cour suprême parle du droit d'un individu de pouvoir s'exprimer. Ou bien j'ai mal lu et j'ai mal compris le jugement de la Cour suprême, ou bien vous allez bien au-delà du jugement de la Cour suprême, parce que vous demandez des contributions financières pour des groupes, alors que le jugement dit qu'il n'est pas question de mise en commun des sommes dégagées pour l'expression d'opinion de l'individu. J'ai peine à comprendre et j'aimerais vous entendre là-dessus parce que, ou bien j'ai mal compris, j'ai mal interprété...

M. Henderson (Keith): Vous avez mal compris. Parce que la Cour suprême parle des individus, c'est vrai, et des groupes, mais à part des groupes affiliés. Et c'est précisément la question des groupes affiliés. La Cour suprême parle aussi des groupes affiliés; j'ai donné des citations. Les amendements que nous proposons réfèrent spécifiquement aux groupes affiliés et aux dispositions de la loi référendaire qui portent sur cette question. Et c'est une question très, très importante, et je vais vous dire pourquoi. La Cour suprême a dit clairement que la seule chose qui sauve la loi d'une violation des droits et libertés d'expression et d'association, c'est l'existence même de ces dispositions sur les groupes affiliés, donc c'est essentiel pour la loi.

Ce que nous disons, c'est que le pouvoir discrétionnaire donné aux comités, ou le Oui ou le Non, ce pouvoir est trop large. Il faut le redéfinir de façon à ne jamais répéter ce qui s'est produit en 1995: le fait que nous étions privés de nos droits de participer dans un référendum. Donc, c'est pour cette raison que je souligne la différence. On parle ici des dispositions sur les groupes affiliés, qui sont à part des dispositions qui ont trait à un groupe particulier. Les groupes affiliés doivent demander l'affiliation et il doivent être acceptés, et il doit leur être accordé un budget.

M. Chevrette: Mais, en vertu de la Charte des droits et libertés, la Cour suprême répond à un droit qui est rattaché à l'individu. Moi, j'ai l'impression que, comme parti politique, vous autres – parce que vous vous présentez ici comme parti politique – ...

M. Henderson (Keith): Et on a fait partie d'un autre groupe.

M. Chevrette: ...vous êtes oui à un référendum ou vous êtes non pour des raisons qui peuvent être diamétralement opposées. Parce que je m'en rappelle, de 1992. Nous autres, on trouvait que ce n'était pas assez, puis, vous autres, vous trouviez que c'était trop. On se comprend bien? C'est à peu près ça, le portrait de 1992?

M. Henderson (Keith): Oui.

M. Chevrette: On vous a donné 50 000 $, comme formation politique, à l'époque, pour vous exprimer en faveur de notre option, sachant que c'était diamétralement opposé comme...

Une voix: ...

(16 h 30)

M. Chevrette: C'est-à-dire qu'on a prouvé qu'on était démocrates en mosus, en tout cas. Il y a au moins ça que vous pouvez reconnaître. Mais, ceci étant dit, ce que je comprends de la Cour suprême, c'est de dire ceci: Vous pouvez vous exprimer... Quand vous voulez vous exprimer, à l'intérieur d'un camp ou d'un comité-parapluie, vous pouvez dire tout ce que vous voulez en autant que ça se situe dans le cadre d'un budget identifié à un groupe. Mais, si vous êtes «ni pour, ni contre, bien au contraire», c'est de ça que parle, d'une certaine façon, le jugement de la Cour suprême, parce que ce n'est peut-être pas le but de M. Libman, mais, en invoquant la Charte, il s'est fait répondre sur l'invocation qu'il a faite. Probablement qu'il avait le même désir que vous, de se faire dire que ça n'avait pas d'allure d'être collé aux libéraux dans un référendum ou d'être collé au PQ dans un autre référendum, parce que c'est un parti politique tiers, en l'occurrence. Mais la Cour suprême, à mon point de vue, à moins que je comprenne très mal le jugement, ne parle pas de parti politique au sens... Quand elle parle de la Loi sur la consultation populaire, elle parle de deux camps possibles, puis elle dit: Ceux qui n'ont pas d'opinion mais qui voudraient s'exprimer, pourquoi ils n'en ont pas – l'abstentionnisme, par exemple – ou encore qui seraient en faveur d'un Non, mais pas pour les mêmes raisons, ou ils n'acceptent pas la stratégie – moi, c'est de même que j'ai compris ça – elle, elle pourra s'exprimer, cette personne-là, avec un montant qui est jugé déraisonnable dans les circonstances, qui est de 600 $. C'est ça que j'ai compris. Vous, vous m'arrivez ici dans un mémoire comme parti politique, et là vous ne parlez plus de la Loi sur la consultation populaire, vous dites: Comme parti politique, nous autres, il faudrait qu'il y ait une tranche à l'intérieur du 5 000 000 $ qui soit dédiée aux groupes. Mais vous ne définissez pas «groupes». Moi, je comprends que votre parti pourrait aller chercher un motton.

M. Henderson (Keith): Non, non, non.

M. Chevrette: Je finis et je vous donne toute la parole. Il pourrait aller chercher une part de ça. Ce n'est pas l'esprit, à mon point de vue, du jugement de la Cour suprême. Moi, je vous donne bien humblement mon point de vue, je pense que non.

Mais, quand vous allez reprendre la parole, dites-moi donc, comme parti politique: Avez-vous des idées sur l'identification des électeurs? Vous n'en parlez pas du tout dans votre mémoire. Avez-vous des idées sur l'inscription automatique des 18 ans et des néo-Québécois? Avez-vous des idées sur les influences indues? Avez-vous des idées sur les dépenses non autorisées et la simultanéité des élections municipales et scolaires? Quelles sont vos idées, comme parti politique, pour les Québécois qui voteraient pour votre parti?

M. Henderson (Keith): Mais on est ici seulement pour une heure.

M. Chevrette: Oui. Ha, ha, ha!

M. Henderson (Keith): On a beaucoup d'idées, mais on veut partager nos idées sur une question très particulière, parce qu'on a juste une heure, et cette question-là, c'est la question des groupes affiliés, et j'essayais de souligner pourquoi c'est important. J'accepte très bien, très facilement que le montant accordé par les péquistes en 1992 était équitable, mais comprenez très bien ce que je viens de dire: En 1995, nous avons eu une expérience complètement le contraire. Nous nous sommes présentés devant les libéraux, nous avons demandé nos droits selon la loi, de nous accorder le statut de groupe affilié, le statut qui sauve la loi... de brimer la liberté d'expression, et on a été refusés. On a été obligés de se présenter devant le Conseil du référendum et de perdre trois semaines d'une campagne référendaire, de se taire pendant que le Conseil du référendum n'arrive à sa décision. Ce n'est pas juste, et c'est la loi qui l'a permis. Donc, voilà l'occasion, mesdames et messieurs, d'amender cette loi pour éviter que cette situation ne se reproduise encore.

M. Chevrette: Pour ne pas que les libéraux fassent encore la même chose.

M. Henderson (Keith): Non, non.

M. Chevrette: Ha, ha, ha!

Une voix: Oui, oui.

M. Chevrette: Non, non, mais blague à part.

M. Henderson (Keith): Non, non, c'est...

Une voix: Non, non, mais c'est ça, c'est le comité du Non.

M. Chevrette: C'est parce qu'elle se passait bien. Ha, ha, ha!

M. Henderson (Keith): Je comprends. Mais, pour nous autres, c'est une situation assez sérieuse, parce que nous avions des idées en 1995 que, nous, nous maintenons maintenant. Ce ne sont pas vos idées, M. Chevrette, je comprends, mais, quand même, ce sont des idées qui ont une valeur et qui doivent être exprimées pendant une campagne référendaire si nous sommes des démocrates. Donc, avoir vécu cette expérience, qu'on brime nos droits fondamentaux – et on les brime selon la loi – et, après qu'on ait accordé le statut d'un groupe affilié, on nous donne un montant de 2 500 $, moins que le 3 000 $ que, moi, personnellement, je peux donner à un comité, c'est complètement ridicule. Donc, comment est-ce qu'on peut vivre avec une loi? Il y a des gens dans le Parti libéral qui disent que cette loi-là est une loi réputée mondiale. Mais cette loi-là a permis à un groupe comme le nôtre d'être privé de ses droits et d'être «silencé» pendant une campagne référendaire sur l'avenir de notre pays. Ça, ce n'est pas juste. Et je vous demande, d'une manière sérieuse: Revisitez cette loi, surtout ces dispositions de la loi sur l'affiliation; essayez donc de les faire plus claires pour que cette expérience ne se reproduise pas encore. Et, selon nous, ce n'est pas facile mais c'est possible de le faire. Accordez immédiatement au groupe affilié son statut qui est demandé. Pourquoi pas? Il y a de la bonne foi. Accordez un budget minime, si c'est nécessaire, mais au moins plus que 3 000 $, que je peux personnellement donner à un comité ou à un autre.

M. Chevrette: Qui pourrait, par exemple... Je vous suis, là. Supposons qu'on dise: Il y a – je ne sais pas, moi – x cent milliers de dollars pour les groupes affiliés. Qui va distribuer ça? Si vous ne voulez pas vous asseoir puis discuter, qui va être le leader de la distribution à des groupes affiliés qui ne veulent pas... qui partagent la même réponse, mais qui ne sont pas d'accord avec le groupe? Ils ne veulent pas être à côté de Johnson ou ils ne veulent pas être à côté de Bouchard. Qui va distribuer ça?

M. Henderson (Keith): Il y a une loi qui peut donner un mécanisme pour la distribution d'un montant. On a proposé un mécanisme, ici, dans l'annexe. Ce n'est pas nécessairement le bon mécanisme; il peut y en avoir d'autres. Mais, si la loi prévoit un mécanisme auquel le comité est obligé... voilà la loi: quand il y a un groupe affilié qui se présente, voilà comment il faut agir parce que la loi le stipule. Donc, on peut le faire si vraiment on le veut.

Le Président (M. Paquin): Alors, pour le groupe parlementaire formant l'opposition, M. le critique, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Je vais revenir tantôt, mais mon collègue de D'Arcy-McGee va prendre la parole.

Le Président (M. Paquin): D'accord. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. Henderson, sur un autre sujet. Le jugement de la Cour suprême a rendu l'article 404 de la version spéciale inopérant. Cet article parle des dépenses non réglementées comprenant cinq types de dépenses, en particulier un montant de 600 $ maximum engagé pour la tenue d'une réunion, y compris la location de la salle, les convocations des participants. En lisant le mémoire de M. Côté, je ne vois pas ses commentaires sur les dépenses non réglementées, y compris spécialement le montant de 600 $. Est-ce que c'est votre opinion que ces dépenses non réglementées restent comme elles sont? Alors, si oui, le montant accordé aux individus ou groupes indépendants sera de 1 000 $ plus 600 $ ou est-ce que le montant de 600 $ mentionné dans la sous-section 5 de l'article 404 est compris dans le 1 000 $, et alors, il y a une augmentation de 400 $ seulement à des groupes ou des individus indépendants?

M. Henderson (Keith): Premièrement, il faut souligner la différence entre des groupes de particuliers et les groupes affiliés. C'est important de souligner la différence entre les deux.

M. Bergman: Ma question a trait à un individu ou un groupe indépendant pas affilié.

M. Henderson (Keith): Indépendant. Donc, on parle d'un groupe indépendant...

M. Bergman: Oui.

M. Henderson (Keith): ...pas un groupe affilié, comme dans notre mémoire.

M. Bergman: Pas affilié, indépendant.

M. Henderson (Keith): Nous autres, on souligne aussi le fait que, comme je l'ai dit tout à l'heure, il est possible, selon la loi, pour un individu de donner 3 000 $ au comité de son choix. Donc, je vois une chose déraisonnable quand la loi indique, stipule que c'est possible de donner 3 000 $ et qu'on pense limiter les dépenses d'un individu à 1 000 $.

M. Bergman: Non, ma question est sur les dépenses non réglementées qui sont visées par l'article 404 de la version spéciale de la loi, maintenant que la Cour suprême, dans ses conclusions, a déclaré inopérant.

M. Henderson (Keith): Oui.

(16 h 40)

M. Bergman: Alors, en étudiant le mémoire déposé par M. Pierre-F. Côté, je ne vois pas le sujet des dépenses non réglementées, et je me demande si ces dépenses seront comptabilisées dans le 1 000 $ qui est accordé à un groupe indépendant ou à un individu indépendant ou si ces dépenses non réglementées seront applicables dorénavant.

M. Henderson (Keith): Mais ce dont vous parlez, M. Bergman, c'est peut-être une contradiction, une lacune dans le rapport de M. Côté, si je comprends bien...

M. Bergman: Oui, je voulais votre opinion sur combien la nouvelle loi doit accorder aux dépenses non réglementées. Est-ce que vous pensez que le même type de provisions doit être applicable dorénavant, après une addition du montant de 1 000 $ accordé à un individu ou à un groupe indépendant, ou si ces dépenses non réglementées doivent être comptabilisées dans le montant de 1 000 $ accordé à un individu ou un groupe indépendant?

M. Henderson (Keith): Mais, vous savez, nous n'acceptons pas le montant de 1 000 $, pour commencer. Nous ne l'acceptons pas. Nous trouvons que le montant de 1 000 $ est trop minime. Il faut l'élargir, pour commencer; au moins 3 000 $. Mais vous demandez si le chiffre doit être comptabilisé ou non. Nous avons suggéré des amendements spécifiques à la section 404. C'est sur la dernière page, à peu près, de notre annexe. Je ne veux pas parler de tout ça, je veux juste dire que, pour nous autres, la seule chose qui est importante est de maximiser la liberté. Si on accorde le droit, par la loi, de donner 3 000 $ à un comité ou un autre, il faut donner le même montant à l'individu pour dépenser, d'une manière ou d'une autre, comme il voudra. C'est la liberté. Et c'est la raison. Parce qu'un montant de 3 000 $ est maintenant inclus dans la loi, je ne comprends pas pourquoi on parle de 1 000 $. Et si, par exemple, un individu peut dépenser 3 000 $, il pourra tenir une réunion pour 600 $, il peut faire d'autres choses avec son 3 000 $. Et peut-être qu'on peut, si c'est nécessaire, dire comment ces 3 000 $ doivent être utilisés, je ne sais pas. Mais ce que je n'accepte pas, c'est l'idée que 1 000 $, c'est suffisant.

M. Bergman: M. Henderson, sur un autre sujet. Dans le chapitre 1 du rapport de M. Côté, à la recommandation 7, M. Côté dit: «Loger la requête dans les délais requis, soit un délai de cinq jours qui suit l'adoption des règlements par les comités nationaux.» Est-ce que vous trouvez que ce délai de cinq jours n'est pas assez large pour qu'une personne fasse l'application d'être un individu, un groupe indépendant, ou est-ce qu'il pourrait ne pas y avoir de délai du tout, qu'une personne puisse faire une demande plus tard que le cinq jours pour être une personne indépendante ou un groupe indépendant? Est-ce que ce délai est trop raccourci?

M. Henderson (Keith): Oui, c'est trop raccourci. Cinq jours, ce n'est pas assez. Donc, je ne sais pas exactement ce qu'il faut faire, mais cinq jours pour faire tout ce qu'il faut faire pour participer à un référendum, ce n'est pas grand-chose, ça. Donc, il faut élargir ce chiffre. C'est certain, cinq jours, ce n'est pas assez.

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le député de L'Assomption.

M. St-André: En ce qui concerne la limitation des dépenses, vous demandiez tantôt des citations du jugement de la Cour suprême qui, moi, m'apparaissent très éloquentes. Entre autres, au paragraphe 50, on dit: «Tout en reconnaissant leur droit de participer au processus électoral, les individus et les groupes indépendants ne peuvent être assujettis aux mêmes règles financières que les candidats, candidates ou partis politiques ou les comités nationaux et se voir allouer le même plafond de dépenses.» Ça me paraît clair. «La limite financière permise aux indépendants doit donc être plus basse et plus sévère.» C'est ce que la Cour suprême dit. Ce n'est pas nous autres qui le disons, c'est le jugement de la Cour suprême.

D'autre part, et je reviens sur les propos du ministre, votre mémoire porte beaucoup sur le système d'affiliation et vous semblez voir encore une fois, dans les intentions, dans le jugement de la Cour, que, moi, en tout cas, je n'ai pas vu puis que, manifestement, Pierre-F. Côté n'a pas vu non plus... Pages 41, 42, 43, 44, 45, les juges décrivent précisément comment le système d'affiliation fonctionne. Moi, quand je lis ça, bien, j'ai quasiment l'impression qu'ils en font l'éloge et ils concluent en disant la chose suivante: «Pour les groupes qui souhaitent appuyer l'une ou l'autre option soumise à la consultation populaire, mais qui ne veulent pas s'associer parce qu'ils sont en désaccord avec la stratégie du comité national, le système d'affiliation qui, par ailleurs, n'a pas été contesté par l'appelant – votre ancien chef, Robert Libman – constitue un assouplissement suffisant pour conclure que l'atteinte qu'imposent les dispositions contestées à ces groupes est minimale.» Ça me paraît clair, ça. «La structure mise en place par le législateur permet à la très grande majorité des personnes ou des groupes qui favorisent une option ou une autre de participer activement à la campagne référendaire en s'associant ou en s'affiliant au comité national qui chapeaute l'option. En outre, les individus isolés qui sont en désaccord avec la stratégie du comité pourraient s'associer à un groupe affilié en accord avec leur position.» Mais là, évidemment, si vous avez des problèmes avec nos amis d'en face pour vous affilier avec eux autres, ça, c'est une autre question. De notre côté, on a fait la preuve qu'on était capable de le faire à l'intérieur des règles et des lois qui sont permises.

M. Henderson (Keith): Attendez. On ne doit pas juger la loi selon les interprétations d'un comité ou d'un autre. On a eu une expérience assez positive avec les péquistes, c'est vrai, mais la loi permet une expérience très abusive. Et on l'a vécue avec les libéraux trois ans après. Donc, si c'est la loi qui permet ça, je répète, il faut revisiter la loi pour éviter que ça se reproduise.

En ce qui concerne la Cour suprême, la citation que je vous ai donnée est très importante parce que ce n'est pas tout à fait seulement le fait que les dispositions quant à l'affiliation existent, la Cour suprême nous donne une interprétation positive de l'application de ces dispositions sur l'affiliation et indique clairement que ces dispositions doivent être interprétées d'une manière libérale – avec un petit l – d'une manière libérale et juste. Donc, si la loi permet des abus, est-ce que c'est déraisonnable de demander, de suggérer des amendements pour clarifier, donner plus de souplesse à la loi pour éviter que cette situation soit la même dans un, deux ou trois ans? Parce qu'il faut le souligner, hein, c'est très possible qu'on ait un troisième référendum – le premier ministre le promet. C'est très possible qu'on se présente devant le comité du Non demandant exactement la même chose. Est-ce que c'est possible pour nous autres, là, de prôner nos principes sur l'illégalité, etc.? Et c'est possible que les libéraux fassent exactement la même chose. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire pour éviter que ça soit possible? C'est ça, la question. Et nous avons suggéré des mécanismes. Je ne sais pas si ce sont des bons mécanismes, mais il faut faire quelque chose parce que, comme parti, et pas seulement comme parti, comme groupe... parce que le comité spécial n'était pas un parti politique, c'était un groupe, des individus, avec le Parti Égalité qui faisait une affiliation avec. Ces personnes, ces individus ont été privés de leur droit, et c'est la loi du Québec qui l'a permis. Donc, faites donc quelque chose.

Le Président (M. Paquin): Ça va? Alors, M. le député de Laurier-Dorion et critique de l'opposition.

(16 h 50)

M. Sirros: Oui, merci, M. le Président. Moi, je voudrais juste revenir sur la limite des dépenses qu'on discute. Vous suggérez qu'on doit admettre une certaine cohérence et logique au niveau du montant maximal. Vous dites: Si un individu peut contribuer à un groupe jusqu'à concurrence de 3 000 $ pour promouvoir ses idées à l'intérieur d'un groupe, pourquoi il ne devrait pas être capable lui-même de dépenser 3 000 $? J'admets qu'il y a une certaine cohérence. Par contre, vous ne parlez pas de l'autre côté du problème, et l'autre côté du problème découle du fait qu'on sait pertinemment – et ça a été soulevé ce matin – que, pour l'ensemble des électeurs du Québec, 5 000 000 de personnes, il y a une dépense totale de quelque chose comme 6 000 000 $, 3 000 000 $ à peu près par comité. Alors, si on permet jusqu'à 3 000 $, bien, 1 000 personnes indépendantes dépenseraient 3 000 000 $, autant que... disons, coupons la poire en deux, selon le résultat du référendum... en tout cas, la moitié de la population. Moi, je ne trouve pas ça raisonnable. Je trouve qu'à partir du moment où on accepte qu'il faut qu'il y ait une certaine balise, un peu comme la Cour suprême le suggère, il faut quand même tenir compte du fait que la dépense d'argent influence le débat. Quel est l'équilibre que, vous, vous trouvez?

M. Henderson (Keith): Il faut être réalistes. Qu'est-ce qu'on peut faire vraiment, véritablement, dans une société moderne avec 3 000 $? Qu'est-ce qu'on peut faire? On peut produire combien de pamphlets avec ça? Combien de secondes à la télévision avec 3 000 $? Presque rien. Mon Dieu! c'est une petite goutte dans un océan. Donc, je n'ai pas peur du tout du fait qu'un individu peut dépenser 3 000 $ parce que c'est presque rien. C'est vrai que M. Côté parle de l'Internet, ça existe, mais est-ce que Internet est assez pour le Parti québécois ou le Parti libéral? Non, ça prend 2 000 000 $ pour les partis politiques. Et, à part de ça, des dépenses préréférendaires. Donc, en comparaison avec ça, 3 000 $, c'est presque rien. Il ne faut pas prétendre qu'on va influencer d'une manière néfaste le résultat du vote avec un montant comme ça.

On vient de m'indiquer que, par exemple, pour être raisonnable aussi, le Parti libéral, le Parti québécois ont recueilli presque 80 % du vote total, donc c'est très évident que c'est les deux formations les plus importantes du Québec. Mais il y a aussi 10 % des votes qui ont été exprimés pour d'autres personnes, même des individus, hein. Donc, est-ce que c'est possible, par exemple, d'utiliser ce fait pour créer un montant au centre du montant global pour donner aux gens, des individus, par exemple, ou des groupes affiliés, pour être vraiment équitable et juste? Parce que c'est évident que le Parti libéral, le Parti québécois ne parlent pas pour tous les gens du Québec.

M. Sirros: Là, vous soulevez un autre genre de problème, parce qu'à partir de votre suggestion il y aurait un montant fixe pour des individus qui ne peuvent pas s'affilier. Comment est-ce que vous allez décider à ce moment-là, à partir du moment où le montant serait épuisé, qui l'aurait eu au préalable? Ce que je comprends que la Cour suprême suggère, c'est de dire: Bien, gardez le montant minimal, 1 000 $, mais il n'y a pas de limite. Bien, s'il y a 10 000 personnes qui vont dépenser 1 000 $ de leurs poches de façon individuelle pour s'afficher, elles vont le faire, tandis que, pour les autres comités-parapluies, il y a une limite maximale au montant qu'on peut dépenser.

M. Henderson (Keith): J'accepte ça, mais dans la limite, à l'intérieur de la limite globale. C'est très facile de dire que, O.K., 10 % de cette limite-là, on va l'accorder aux groupes affiliés. Et je souligne la différence, il faut comprendre la différence. Les groupes affiliés sont importants, comme le nôtre.

M. Sirros: Mais, vous, vous parlez des groupes. C'est ça, on fait un peu un dialogue de sourds, là.

M. Henderson (Keith): Non, non, non, pas du tout.

M. Sirros: Parce que vous parlez de groupes affiliés. Moi, je vous parle d'individus isolés.

M. Henderson (Keith): Non, non, on parle d'individus isolés, je comprends très bien. Et, moi, je dis, je répète, une limite de 3 000 $ pour ces individus, je ne trouve pas ça déraisonnable et je ne trouve pas que ça va influencer le vote d'une manière néfaste. Mais, à part de ça, pour être sûr qu'on est juste, il faut regarder, revisiter cette disposition sur les groupes affiliés, accorder un financement approprié avec un mécanisme acceptable pour tous.

M. Sirros: Peut-être, juste en terminant, M. le Président, je ne sais pas si c'est une question à nos invités ou une question au ministre ou au personnel, je ne suis pas certain, en tout cas, je ne crois pas être certain de comprendre. Le 600 $ qu'on permettait avant était un 600 $ pour un individu, uniquement pour la tenue d'une réunion. Ça, c'était assez clair, il me semble. Ce que je voudrais comprendre: Est-ce que ce 600 $ existe toujours et, donc, le 1 000 $ viendrait – et ça, ça pourrait être une façon de trouver un compromis – pour permettre à un individu de s'exprimer de tout autre façon, en plus de la tenue de réunion?

M. Chevrette: Le 600 $...

M. Sirros: Ce qui ne me semblait pas déraisonnable.

M. Chevrette: Non, mais le 600 $ est un déboursé personnel d'un individu qui veut s'exprimer, et c'était pour des locations de salles...

M. Sirros: Oui.

M. Chevrette: ...ou bien pour un pamphlet, un dépliant. Mais, moi, je prétends qu'on ne parle pas de la même chose quand le Parti Égalité dit...

M. Sirros: Est-ce que ça a été invalidé, ça? Le 600 $ a été invalidé?

M. Chevrette: Lui, il parle de l'argent pris à même les deux parapluies, pris sur les deux parapluies.

Le Président (M. Paquin): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: M. le Président, si je peux m'adresser au ministre. Ce n'est pas tellement clair, avec le rapport de M. Côté, où se trouve maintenant le 600 $. Si le 600 $ n'est pas applicable maintenant, alors, on vient d'augmenter par 400 $ les droits de l'individu pour la participation.

M. Chevrette: C'est de même que je le comprends, moi. C'est l'autorisation à un individu de pouvoir présenter des dépenses additionnelles au 600 $ existant. Il a dit: Jusqu'à 1 000 $, par exemple, là. Il y en a qui vont parler de 1 250 $ tantôt. Je pense que c'est vraiment à l'individu et non pas aux groupes affiliés, comme le demande le Parti Égalité.

M. Bergman: M. le Président, le ministre a raison. Mais on doit accorder un peu de temps pour débattre la question des dépenses non réglementées. Car, si vous voyez l'article 404 de la version spéciale, les sections I, II, III, IV sont très importantes, c'est des dépenses non réglementées, et M. Côté n'y fait aucune référence dans son rapport. Je pense qu'on doit avoir une référence à ces dépenses, qui sont des dépenses indirectes, mais difficiles à éviter des fois. Alors, on ne doit pas les comptabiliser dans le 1 000 $, si ce n'est pas possible. Alors, je pense qu'on doit corriger cette lacune. Aussi, si vous annulez le 600 $, vous venez d'augmenter le montant, à des personnes indépendantes, de seulement 400 $. Alors, c'est une décision qui doit être débattue. Mais c'est deux sujets qui ne sont pas compris dans le rapport de M. Côté.

M. Sirros: En tout cas, tout ça, M. le Président...

Le Président (M. Paquin): Il vous reste une couple de minutes.

M. Sirros: Je voulais simplement, pour conclure, vous dire que je suis sensible à l'argument d'une certaine cohérence. Mais, par contre, je suis également sensible à la nécessité de trouver le juste équilibre. Ce que pose mon collègue, c'est: Est-ce que c'est en augmentant de 400 $ qui est l'équilibre qu'on cherche? Est-ce qu'on devrait songer à quelque chose de plus, peut-être en balisant le fait qu'on peut garder des dépenses qui existaient pour la tenue d'une réunion, puis ajouter un montant x, peut-être 1 000 $, pour d'autres types d'information que la personne veut faire? En tout cas, je soumets ça, comme ça, avant de conclure. Et je tiens également à rassurer notre invité qu'il n'y aura pas de troisième référendum. On va essayer de s'arranger avec ça aux élections qui s'en viennent. Ne vous inquiétez pas.

Le Président (M. Paquin): Alors, juste avant de vous permettre de compléter, M. Henderson, vous avez un commentaire sur ça?

M. Henderson (Keith): Oui...

M. Chevrette: Bien, moi, je pense qu'il ne faut pas prendre ses rêves pour des réalités. On traverse le pont quand on arrive à une rivière. Vous le savez, vous autres? Vous pensiez être bien reçus par les libéraux, puis c'est par les péquistes que vous l'avez été. Donc, vous voyez comment ça peut être embêtant dans la vie.

Ceci dit, moi, je pense qu'on ne corrige pas tout, même avec ce que le député de D'Arcy-McGee dit, parce qu'on corrige le jugement de la Cour suprême en fonction des droits individuels. Les grands amendements demandés par le Parti Égalité, c'est comment répartir les argents attribués à un comité-parapluie à des groupes qui sont de même nature? Je pense qu'on ne répondrait pas à leur question ou à leur volonté. En tout cas, moi, j'interprète que votre mémoire n'est pas nécessairement pour ajouter de l'argent de la part de l'État. C'est beaucoup plus sur comment le distribuer, par rapport à des groupes qui ne seraient pas nécessairement d'accord avec les stratégies, mais qui, comme groupes, voudraient dorénavant qu'on prévoie des mécanismes de règlements plus précis dans la distribution de l'enveloppe réservée à un comité-parapluie. Je pense que c'est deux choses nettement distinctes.

Le Président (M. Paquin): Alors, M. Henderson, un commentaire là-dessus?

M. Henderson (Keith): Juste pour souligner le fait qu'on ne veut pas vivre encore l'expérience qu'on a vécue en 1995, qu'il faut faire quelque chose. Et je vous laisse avec une question: Que voulez-vous qu'on fasse si, pour une deuxième fois, nous nous présentons devant un comité seulement pour entendre qu'on est refusés, qu'on est obligés de se présenter devant le Conseil du référendum encore pour un autre trois semaines, pour une décision, et, après ça, qu'on va nous accorder une somme minime? Que voulez-vous qu'on fasse?

(17 heures)

M. Chevrette: À votre question, nous devons répondre que vous aurez découvert où est l'intolérance.

Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Combien de temps me reste-t-il, M. le Président?

Le Président (M. Paquin): Ah! 2 min 22 s.

Mme Leduc: Bon. Bien, ça va être suffisant, parce que je voudrais quand même rappeler qu'on est ici pour s'assurer du caractère le plus démocratique de la Loi sur la consultation populaire, puis c'est suite au jugement de la Cour suprême, suite à l'affaire Libman, puis que ce jugement-là reconnaît la valeur démocratique, je pense, de la Loi sur la consultation populaire, et en en invalidant quelques dispositions, puis on est ici pour voir comment on peut répondre à ce jugement sans détruire l'esprit que souhaite maintenir, finalement, la Loi sur la consultation populaire quant à l'équité des moyens pour les options en présence. Je pense que c'est le grand objectif des consultations que nous menons.

J'aurais peut-être voulu vous poser une question, comme vous êtes un parti politique, concernant votre position sur l'obligation d'identification des électeurs, mais vous avez clairement dit que votre réflexion... en tout cas, que vous ne souhaitiez pas nous faire part à ce moment-ci de votre réflexion là-dessus. Je vais d'abord vous demander, concernant justement le montant de 3 000 $, comment pourraient être organisés les individus, ou le montant qu'ils doivent faire... Il y a un groupe, qui vous suivra tantôt, qui propose, lui, la formation d'un troisième comité où seraient réunis tous ces individus-là. Mais, justement pour aller dans le sens de l'intervention du député de Laurier-Dorion, pour ne pas, finalement, que ce groupe, ce troisième comité d'individus puisse dépenser plus que les deux comités-parapluies, on le limite à un certain pourcentage. Ces individus-là ne pourraient pas dépenser plus qu'un certain pourcentage de ce qui est alloué aux deux grands comités, soit du Oui, soit du Non, si on parle de la loi référendaire. Quelle serait votre réaction à ce type de proposition?

M. Henderson (Keith): Ma réaction est qu'il y a une grande différence entre un 3 000 $ dépensé par un individu et un 2 400 000 $ dépensé par un parti politique ou un comité national, une grande différence, parce que c'est une question de montant. Avec des millions de dollars, on peut faire des choses, vraiment des choses modernes, on le sait très bien, soit avec la télévision, etc. Avec 3 000 $, même répandu... avec 10 000 personnes au Québec, avec 3 000 $ chacun, sans la capacité de mettre ces 3 000 $ ensemble, il n'y a pas grand-chose qu'on peut faire.

Mme Leduc: Vous considérez que ça n'aurait aucune influence sur le résultat du vote?

M. Henderson (Keith): Peu d'influence. On ne doit pas s'inquiéter toujours de ces choses-là, parce que je ne trouve pas que c'est vraiment une chose qui est déterminante dans une campagne référendaire.

Le Président (M. Paquin): Alors, là-dessus, M. Wood, M. Henderson, merci beaucoup de votre contribution à cette commission.

M. Henderson (Keith): Merci.

Le Président (M. Paquin): J'inviterais maintenant le dernier groupe pour aujourd'hui, qui disposera également de 56 minutes, le Comité national des jeunes du Parti québécois, à bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, bienvenue, M. Lemieux, félicitations pour votre élection comme nouveau président. Vous disposez donc d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous demanderais aussi d'identifier les gens qui vous accompagnent.


Comité national des jeunes du Parti québécois (CNJ)

M. Lemieux (Jean-Hertel): Oui. Merci bien. Tout d'abord, à ma gauche, M. Patrice Gobeil, qui est conseiller sur notre Comité, et, à ma droite, Mme Isabelle Bouchard, qui est la vice-présidente au contenu au Comité national des jeunes du Parti québécois.

Alors, tout d'abord, en même temps, je voudrais aussi vous remercier de nous permettre de nous exprimer sur cette question importante pour les jeunes. D'entrée de jeu, je vais vous expliquer un petit peu ce que c'est que le CNJ. On regroupe environ 25 000 membres jeunes au Québec, répartis dans 17 régions, des jeunes préoccupés par l'avenir du Québec, préoccupés aussi par l'avenir démocratique du Québec. Donc, évidemment, ce projet de loi là et les événements qui se produisent actuellement au Québec au niveau électoral nous préoccupent beaucoup.

Dans le cadre de cette présentation, nous allons aborder trois thèmes: évidemment, l'exercice du droit de vote, l'inscription automatique ainsi que le jugement de la Cour suprême et les conséquences de ce fameux jugement.

Au niveau du droit de vote, l'exercice du droit de vote, les jeunes du Parti québécois ont unanimement décidé et ont demandé à ce qu'il y ait une carte électorale permanente, une carte pour le scrutin, qui permettrait à quelque part d'identifier les électeurs de façon plus adéquate. On a vu aux dernières élections, à plusieurs reprises, des gens qui ont voté qui n'avaient pas droit de vote, où, à ces endroits-là aussi, très souvent, l'identification était un peu boiteuse. Alors, c'est évident que, nous, ce qu'on préconise, c'est une carte de l'électeur qui permettra justement une meilleure identification de celui-ci pour éviter à quelque part les fraudes ou les problèmes que ça a occasionnés. Cette carte-là, évidemment, elle serait fixe. Elle serait aussi contrôlée via le registre de l'assurance-maladie du Québec et aussi par le registre de l'état civil du Québec. Alors, évidemment, cette carte-là, on la veut simplement et seulement... surtout pour le vote finalement, une carte pour le vote, de façon à ne pas nécessairement divulguer les autres renseignements confidentiels. Donc, on voudrait que la carte de l'électeur serve uniquement pour le vote. C'est ça.

Alors, je passe la parole maintenant à Patrice Gobeil pour ce qui est de l'inscription.

M. Gobeil (Patrice): Au niveau de l'inscription, c'est la méconnaissance de l'importance du droit de vote par les jeunes, parce qu'ils n'ont pas nécessairement reçu de formation à ce sujet, qui constitue une cause du problème rencontré par le Directeur général des élections suite à l'avènement de la liste permanente. En effet, ce qu'on constate, c'est qu'il y a peu d'électeurs qui atteignent l'âge de 18 ans, et qui donc obtiendraient le droit de vote, qui donnent suite aux demandes du DGE. Parce que l'effort doit présentement venir d'eux autres. Ils reçoivent une première correspondance puis il doivent y donner suite.

Dans le souci de préserver la démocratie, nous croyons qu'il est nécessaire que le droit de vote soit accessible à un maximum de citoyens répondant aux conditions nécessaires à l'obtention de la qualité d'électeur. De même, la radiation des citoyens qui perdent cette qualité d'électeur soit par le décès, par l'incapacité ou par l'émigration devrait se faire aussi automatiquement. Il s'agit de renseignements extrêmement pointus et extrêmement ponctuels qui devraient être transmis. Alors, quant à cet aspect-là, nous avons dégagé cinq propositions qui se lisent comme suit.

La première proposition. Il est proposé que soit instaurée l'inscription automatique des citoyens obtenant la qualité d'électeur par l'atteinte de la majorité ou l'acquisition de la citoyenneté.

Deuxièmement, il est proposé que les électeurs inscrits automatiquement puissent, selon les formalités à être établies par le Directeur général des élections, demander la radiation de leur inscription sur la liste électorale permanente.

Troisièmement, il est proposé que la radiation des électeurs pour cause de décès, d'incapacité ou d'émigration soit automatique et qu'elle soit faite en collaboration avec le registre de l'état civil, le Curateur public du Québec et la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Quatrièmement, il est proposé que soit instauré un cours d'éducation à la citoyenneté, formation du citoyen, afin de combler le manque d'information des jeunes sur la vie démocratique québécoise.

Et, cinquièmement, il est proposé que soit mise sur pied une commission permanente nationale de révision afin d'assurer la mise à jour continue de la liste électorale.

(17 h 10)

Dans la deuxième partie de notre mémoire, nous traitons sommairement du jugement de la Cour suprême suite à l'arrêt Libman. Alors, la décision de la Cour suprême, ce qu'elle vient dire en gros, elle vient en quelque sorte – et puis il ne faut pas se le nier, puis il faut voir aussi les décisions de la Cour supérieure et de la Cour d'appel, les décisions qui sont précédentes à cela – l'on vient nous dire que cette législation repose sur un principe d'équité, met en phase l'égalité politique des citoyens, et qu'elle permet à une très grande majorité de Québécois de s'exprimer et de s'associer librement. Même que les deux tribunaux dits inférieurs n'y voyaient pas de problème, à cette loi-là, et n'ont pas accueilli le pourvoi des appelants.

Le problème mis en relief par la décision de la Cour suprême, il est extrêmement limité. Seuls les individus ou les groupes indépendants ou, aussi, ce qu'on peut aussi appeler, d'un autre côté, les «individus isolés», on veut dire les individus ou groupes ne favorisant aucune des options en présence mais ayant un intérêt à participer à la consultation – abstentionnistes, prodémocrates, allons-y, ceux qui ont un intérêt à participer à la consultation – ou ceux qui, tout en favorisant une option, ne peuvent s'associer à l'un des comités ou groupes affiliés, notamment pour des questions de stratégie ou pour des questions d'argumentaire, ce seraient ces individus ou ces groupes-là qui seraient brimés par les dispositions de la loi, bien entendu en admettant que la Charte soit applicable à des groupes, ce qui n'est pas nécessairement juridiquement le cas pour le moment. C'est pour ceux-ci que des modifications doivent être apportées à la législation, tout en ne perdant pas de vue l'objectif premier de la loi.

Alors, les problèmes qui doivent être identifiés, on les a posés en deux questions, et il faut mettre l'emphase... Quand vous avez lu les deux questions, vous avez dû saisir l'affrontement des principes. On dit: Comment garantir aux individus et groupes brimés par les dispositions de la loi référendaire le respect de leur liberté d'expression et d'association, dans un premier temps? Et, si on donne suite à cette question-là, comment ne pas brimer le principe d'équité mis en place par la Loi sur la consultation populaire, malgré le problème posé précédemment? Quant aux solutions élaborées, je cède la parole à ma collègue Isabelle Bouchard.

Mme Bouchard (Isabelle): Le Comité national des jeunes a deux avenues à vous proposer: la première est l'utilisation de la clause dérogatoire et la seconde, une solution alternative.

L'utilisation de «nonobstant». Le Comité national des jeunes du Parti québécois est favorable à l'utilisation de la clause dérogatoire afin de préserver l'intégralité des dispositions de la Loi sur la consultation populaire du Québec. Premièrement, il s'agit d'une loi qui fait l'envie de plusieurs pays, et on a pu voir son efficacité et son principe d'équité. Deuxièmement, cette loi permet d'assurer un caractère juste et équitable à la consultation en empêchant une influence disproportionnée des éléments les plus fortunés de la société. Troisièmement, le jugement de la Cour suprême n'assure plus l'égalité entre les options soumises à la population. Quatrièmement, utiliser la clause dérogatoire ne signifie pas pour autant que la loi référendaire est antidémocratique et ne prive aucun individu de l'expression de ses idées. Cinquièmement, la loi référendaire québécoise peut avoir des objectifs différents des valeurs individuelles promues par la Charte canadienne des droits et libertés et l'utilisation de la clause dérogatoire peut être nécessaire à la promotion de ces objectifs. Et je rajouterais: L'utilisation de «nonobstant» clôt le débat et empêche qu'à chaque fois, pour quelque disposition légale ou réglementaire, la consultation fasse l'objet d'une contestation.

Mais, par contre, on a une solution alternative; on est quand même ouvert d'esprit. La loi existante ne tient compte que de deux points de vue, soit le Oui et le Non. Tel que formulé dans le jugement de la Cour suprême, il appert qu'aucune place n'est réservée pour les individus ou les groupes prônant d'autres options. Un troisième comité-parapluie permettrait l'encadrement de ces opinions divergentes. Ce comité serait formé des individus isolés, des groupes indépendants isolés ne pouvant s'affilier ainsi que de ceux étant en faveur d'une option tout en étant en désaccord avec la stratégie utilisée par le comité. Cette alternative permettrait à des individus ou groupes d'avoir des dépenses réglementées. Comme le souligne le jugement de la Cour suprême, il serait important de réglementer ces dépenses de façon à ne pas nuire au plafonnement et à l'équilibre des ressources entre les options. En conséquence, le budget de ce troisième comité devrait nécessairement être inférieur à celui des deux autres comités. Comme on sait que le comité du Oui et le comité du Non ont des budgets de 2 500 000 $, alors, nous, on recommande 10 % du budget, soit 250 000 $.

De plus, nous recommandons, dans le cas de ce comité, que la gestion des montants d'argent soit placée, comme pour les autres comités, sous l'autorité d'un agent officiel, mais cette fois-ci nommé par le Directeur des élections pour chaque référendum. Cet agent officiel peut cependant nommer lui-même ses adjoints pour assurer une représentativité sur l'ensemble du territoire. Il est important de signaler que le rôle de l'agent officiel serait uniquement d'être le gestionnaire des fonds alloués aux individus ou groupes à l'intérieur du comité.

Pour ce qui est de l'enregistrement des tiers, il nous semble important que celui-ci se fasse dans les 10 jours suivant l'adoption des règles de procédure dudit référendum. Les requérants devront alors déposer les demandes auprès du Conseil du référendum en indiquant la somme d'argent qui sera dépensée, jusqu'à un maximum de 1 250 $. Le jugement de la Cour suprême mentionnait que 600 $, ce n'était pas assez, mais laissait sous-entendre que 1 000 $ pourrait quand même être acceptable, et M. Pierre-F. Côté a lui aussi mentionné dans son rapport que 1 000 $, ça pourrait être une somme à considérer. Nous, on y va pour 1 250 $. Le Conseil du référendum pourrait déléguer son pouvoir à la Cour du Québec pour autoriser les autorisations. Nous tenons à préciser qu'advenant le droit d'accréditation de la part du Conseil du référendum ou de la Cour du Québec, nous sommes en accord avec le principe d'interdire le regroupement entre les différents individus ou groupes.

Je vais laisser Jean-Hertel Lemieux conclure.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Oui, merci. Bien là, vous voyez honnêtement que, nous, on croit que la Loi électorale actuelle québécoise, elle est reconnue dans le monde, c'est une bonne loi. Évidemment, on devrait la modifier. On trouve aussi, à quelque part, qu'il y a un peu de laxisme, un peu trop de facilité, et les jeunes du Québec, souvent, se sentent lésés par cela parce que c'est leur avenir qui en dépend très souvent. Alors, on est sensibles au jugement de la Cour suprême. D'ailleurs, on propose le troisième comité. On n'exclut pas non plus, par contre, le recours à la clause dérogatoire. C'est un mandat que nous avons de nos membres, de nos jeunes membres du Parti québécois.

Ce qu'on veut aussi, ce qu'on préconise absolument, c'est la fameuse carte de l'électeur. Ça, on y tient beaucoup à la carte de l'électeur parce qu'on veut qu'il y ait une équité, une question aussi de justice pour les gens qui ont vraiment le droit de vote et qui votent de façon raisonnée. On préconise aussi évidemment l'inscription automatique des jeunes atteignant l'âge de la majorité. Aussi, finalement, les gens qui décèdent devraient être retirés de la liste électorale permanente. Alors, on préconise effectivement l'inscription automatique.

Puis, nous, ce qu'on demande tout simplement, c'est un peu d'équité, un peu de justice, et puis on préconise évidemment un renforcement des règles de contrôle de cette fameuse liste électorale là pour permettre une équité entre tous. C'est important. Puis les jeunes du Québec aimeraient aussi des fois pouvoir avoir réellement leur mot à dire et on constate très souvent que, à cause de ce laxisme-là, leur vote peut être carrément rayé de la carte par un vote qui n'aurait pas lieu d'être. Alors, on préconise un renforcement des mesures de contrôle. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le ministre.

M. Chevrette: J'ai une petite clarification, d'abord, de compréhension puis quelques questions. Mais la clarification de compréhension, ça fait depuis quatre heures... j'ai plutôt l'impression... ou c'est moi qui ne comprends pas. Puis il y a des juristes ici; vous pourrez peut-être nous le dire en passant. Je pense qu'il y a une nette distinction entre le pouvoir de dépenser d'un citoyen qui veut exprimer son droit de contestation à sa façon. Par exemple, je peux recevoir des gens puis je dépense jusqu'à 600 $. Je n'ai aucun rapport à faire, je n'ai aucune permission à demander. Mais, si j'investis plus que 600 $ dans la loi actuelle, là, il faut que...

Une voix: C'est illégal.

M. Chevrette: Je peux être en dérogation à la loi. Votre 1 250 $, à la page 8 de votre document, tel que stipulé là, c'est un 1 250 $ que vous allez chercher dans le pool global divisé dans les trois parapluies, c'est-à-dire divisé entre trois parapluies. Si c'est 5 000 000 $... Avant, c'était 2 500 000 $, 2 500 000 $. Là, vous dites: Prenez 10 %, mettez-le dans un troisième parapluie, ce qui fait 250 000 $. Donc, il reste 4 750 000 $ à diviser dans les deux camps du Oui et du Non. Moi, c'est la compréhension que j'ai de votre mémoire. «[...] Conseil du référendum en indiquant la somme d'argent qui sera dépensée jusqu'à un maximum de 1 250 $», c'est de l'argent que vous prenez où?

M. Gobeil (Patrice): Dans le budget dudit comité-parapluie.

(17 h 20)

M. Chevrette: Bon. Vous ne vous prononcez donc pas sur la question du 600 $ par rapport au 1 000 $ ou 1 200 $, qui, lui, était une dépense personnelle, même sans autorisation jusqu'à 600 $. Parce que le Parti Égalité vient de passer devant nous, puis eux autres, c'était un budget d'associé qu'ils demandaient. J'ai essayé de leur faire définir la compréhension de la loi actuelle. Si j'ai, comme individu, le pouvoir de m'exprimer puis le pouvoir de dire: Je ne suis pas d'accord pour une location de salle ou bien pour un dépliant, j'ai le droit jusqu'à 600 $, ça n'amputait pas... le droit individuel n'amputait pas les budgets des deux parapluies, des deux comités-parapluies. Ce que je veux bien comprendre... est-ce qu'on se comprend bien que, ce que vous proposez, vous autres, jusqu'à 1 250 $, ça serait pris à même le 250 000 $ que vous dégagez en vertu du 10 % que vous préconisez pour le troisième parapluie? Et, à mon point de vue, on vient de diminuer – puis je vous donne mon opinion bien personnelle – à ce moment-là, de beaucoup ce qui existait avant. Parce qu'ils pouvaient être 10 000 personnes à dépenser 600 $, 20 000 personnes pouvaient dépenser 600 $... C'est pour bien le clarifier parce qu'il me semble qu'on discute de deux choses depuis ce matin puis on n'a pas cerné cela, puis il faut peut-être le cerner.

Moi, je dis: La loi actuelle, pour un individu, en vertu des chartes, ce que la Cour suprême dit: 600 $, ce n'est pas assez. Mais ce 600 $ là n'avait aucun effet sur les budgets du comité du Oui ou du comité du Non. Vous proposez un troisième parapluie. Ce que vous faites à ce moment-là, je pense que vous répondez à la question d'Égalité. Ils seraient fiers en mosus, eux autres. Mais je ne suis pas certain que vous proposez la même chose parce que vous proposez 1250 $, en comparant à 600 $, alors que ce n'était pas budgété. Et j'aimerais que vous me clarifiez cela pour qu'on dise vraiment la même chose. Est-ce qu'on comprend bien la question?

M. Gobeil (Patrice): Je n'en suis pas certain, quant à la compréhension.

M. Chevrette: Bien, je contribuerai à le clarifier. Continuez, allez-y, en tout cas.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Le fameux 1250 $ dont on parle ici, nous, c'est évidemment budgété à l'intérieur du fameux 10 %. D'accord?

M. Chevrette: Oui, exact.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Et puis, c'est clair que, nous, on est absolument contre des budgets propres aux individus, liés aux individus. On veut absolument que ce soit réglementé.

M. Chevrette: Ah! il n'y en a plus. O.K.

M. Lemieux (Jean-Hertel): C'est réglementé à l'intérieur d'un comité.

M. Chevrette: Donc, tous ceux qui veulent parler, qui veulent s'exprimer, ils iront dans ce pool-là.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Dans le troisième chapeau.

M. Chevrette: O.K. Là, je comprends mieux.

M. Lemieux (Jean-Hertel): C'est directement lié à ça.

M. Chevrette: Donc, ne référez plus au 600 $, d'abord, parce que ça, c'est un droit individuel.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Non, c'est un remplacement, ça remplace.

M. Chevrette: O.K., je comprends. Ça affecte le budget, mais de 125 000 $ de chaque camp...

M. Lemieux (Jean-Hertel): Exact.

M. Chevrette: ...pour créer ce droit de parole à 10 %...

M. Lemieux (Jean-Hertel): Tout à fait.

M. Chevrette: ...pour ceux qui sont ni pour ni contre, bien au contraire, ou qui ne seraient pas d'accord avec une stratégie quelconque, ou tous ceux qu'on appelle «indépendants» et «isolés».

M. Lemieux (Jean-Hertel): Tout à fait.

M. Chevrette: Mais vous allez autant dans les individus que dans les groupes, si je comprends bien.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Aussi.

M. Gobeil (Patrice): Mais, dans ce sens-là, M. Chevrette...

M. Chevrette: Pourquoi vous allez aux groupes, alors que la Cour suprême n'y va même pas? Deuxième question.

M. Gobeil (Patrice): On va aux groupes notamment parce que c'est un état de fait que certains groupes n'ont pas cette chance-là, c'est un état de fait. C'est pour répondre à l'état de fait. Il ne faut pas nécessairement se limiter à ce qu'une cour de justice nous dit quand on fait une constatation qui peut s'étendre plus loin que ça.

M. Chevrette: C'est vrai, je reconnais ça.

M. Gobeil (Patrice): Tout à l'heure, vous avez fait la mention, dans votre première question, de la différence entre l'expression et la dépense. C'est mentionné à un endroit dans notre mémoire, je n'ai pas réussi à le retrouver, mais vous avez effectivement raison: dépenser de l'argent, c'est une chose; avoir un point de vue, c'en est une autre.

M. Chevrette: Deuxième question. J'aimerais vous entendre sur la radiation automatique. Ça pourrait être interprété que quelqu'un se donne raison alors que, dans la lecture de votre mémoire, vous dites: La radiation a lieu après confrontation avec la RAMQ, le registre civil, puis...

M. Gobeil (Patrice): Les deux.

M. Chevrette: Bien, je suppose, la liste permanente existante, de départ.

M. Gobeil (Patrice): Ce sont les deux registres qui doivent être confrontés dans l'établissement de la liste permanente, en ce que le registre de l'état civil est un registre qu'on dit fixe, il enregistre les naissances, les citoyennetés, les décès; c'est un registre qui fait le tour des états civils, mais qui, malheureusement, ne suit pas nécessairement les gens dans leur mobilité. L'assurance-maladie, pour les citoyens Québécois, c'est un registre qui suit les gens dans leur déménagement, dans leur déménagement de circonscription, puis peut-être même dans leur déménagement plus rapproché que ça. On fait, par contre, quant à la radiation, intervenir deux autres intervenants, ou un autre intervenant...

M. Chevrette: Le Curateur.

M. Gobeil (Patrice): ...qui est le Curateur public du Québec, exactement, parce que c'est dans les cas de radiation pour cause d'incapacité. C'est une cause bien précise. Seulement, on sait qu'au Québec... ce n'est pas nécessairement le cas dans la législation fédérale, mais, chez nous, il faut comprendre ce qu'on fait quand on va voter. Et puis, d'ailleurs, on a déjà vu dans des polls de vote un scrutateur refuser à un électeur le droit de voter pour des causes de confusion ou pour des choses comme ça. Dans l'établissement de la liste permanente, on pourrait faire une partie de l'effort des scrutateurs – parce que ce n'est pas toujours évident à une table d'empêcher quelqu'un – en combinant la simple information de l'état d'incapacité sans qu'on puisse dire s'il s'agit d'une curatelle, d'une tutelle, d'un conseiller au majeur, de ci, de ça, uniquement une mention «incapacité» fournie par le Curateur public qui n'a pas à donner d'autres renseignements sur l'état de l'individu, l'état de son patrimoine ou la gestion du patrimoine. Ça n'a aucun lien.

M. Chevrette: Vous proposez un cours d'éducation à la citoyenneté. Vous avez réfléchi un peu au contenu, aux grandes lignes... je ne parle pas du détail, mais aux grandes lignes de ce que pourrait être ça?

Mme Bouchard (Isabelle): Oui, il y a déjà dans la réforme de l'éducation de Mme Marois une proposition sur les cours de droits civiques, et puis, c'était, dans cette mesure-là, pour apprendre aux jeunes ce que ça veut dire être citoyen, ce que ça implique comme devoir, ce que c'est d'aller voter, ce que ça peut avoir comme conséquence sur la société dans laquelle on vit. C'est pour ça qu'on l'a inscrit. Étant donné que, dans la réforme actuelle de l'éducation, il n'est pas tout à fait défini, on s'est dit que, si ça venait de plus d'une place, ça serait intéressant. Parce que les jeunes ont besoin de prendre conscience de ce que ça implique que d'être citoyen dans une société. C'est un choix qu'on a d'appartenir à une société même si on... Puis, comme M. Chrétien nous dit: On n'a pas besoin d'y penser, à un pays, on en a déjà un, il est là. Mais ça se vit, ça, c'est un choix qu'on fait, puis les jeunes n'ont plus ce choix-là, puis ça explique, en gros, le gros désintéressement qu'ils ont vis-à-vis de la politique. Tout est là; de toute façon, on ne peut rien changer. Mais, en ayant des cours de cet ordre-là, bien, ils apprendraient que la politique, c'est fait par des individus, les lois aussi, puis que ça se change par des individus.

M. Chevrette: Vous parlez également d'une commission permanente nationale de révision. Je suis personnellement, je ne dirais pas inquiet outre mesure, mais je suis un petit peu inquiet personnellement, vu qu'on aura une première fois à utiliser... au prochain événement, c'est la première fois qu'on utilisera la liste électorale permanente. Je suis allé en Abitibi, je suis allé dans plusieurs régions, et on me parle de commission permanente, ou encore il y a des gens qui me disent: Si tu ne vas pas vers une commission permanente, il faut que tu prévois un mécanisme, en tout cas assez permanent pour qu'on puisse ne pas arriver... parce que les élections, c'est rendu très court, c'est rendu 32 ou 33 jours. J'ai deux types de propositions devant moi, ou trois même, je dirais. Il y en a qui nous proposent une commission permanente – vous êtes officiellement le premier groupe ici, mais il y en a d'autres qui m'en ont parlé à d'autres niveaux aussi. Il y en a qui me disent de prolonger dans le cas d'une première élection au moins de quatre, cinq jours pour une révision vraiment majeure potentielle, ce qui n'est pas fou non plus. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Quelles sont les grandes motivations pour me proposer une commission permanente?

M. Gobeil (Patrice): Qu'une partie du travail soit d'emblée faite lors de l'arrivée du scrutin, parce que je pense que les élections partielles ont révélé un travail énorme à faire sur la liste électorale permanente. Elle a déjà été utilisée... elle sera utilisée pour la première fois dans un scrutin général. Mais, d'après ce qu'on a vu ou ce qu'on a pu voir aux partielles, en faisant le travail de façon permanente ou en permettant que le travail soit fait de façon permanente, on va faire une bonne partie ou on pourra faire une bonne partie du travail des réviseurs qui va pouvoir apparaître... en tout cas, qui est apparu ou qui a laissé pressentir qu'il serait colossal à la prochaine élection générale.

M. Chevrette: Merci pour tout de suite. Je reviendrai.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Oui, merci, M. le Président. J'aimerais pour ma part vous accueillir, vous souhaiter la bienvenue. Je trouve ça formidable que des jeunes s'impliquent dans le processus politique, peu importe si je ne partage pas le choix que vous avez fait quant au parti. Si jamais vous changez d'idée, il y a d'autres partis qui... Mais ne vous inquiétez pas, vous aurez évolué.

M. Chevrette: On vous dira la même chose, nous aussi.

(17 h 30)

M. Sirros: En tout cas, ils diront la même chose au nôtre. Alors, tu sais, on peut le dire. On peut le dire.

Cela étant dit, j'aimerais vous dire tout de suite qu'il y a une couple de propositions. D'abord, sur l'idée du troisième comité-parapluie – évidemment, c'est de ça dont il s'agit – je riais un peu dans ma barbe quand je voyais ça parce que je me rappelle d'un premier échange au vif que j'avais eu avec le ministre où, sans avoir vraiment réfléchi longuement sur la question, je me disais, après avoir rapidement lu le jugement de la Cour suprême: Il me semble que ça serait possible d'avoir un troisième comité-parapluie. Pas question! de l'autre côté, probablement très à froid aussi. En tout cas, c'est intéressant, c'est une idée qui... En vous écoutant, j'essayais de voir quels seraient les problèmes, avec un troisième comité-parapluie. Parce que vous prenez un peu le principe qui existe déjà, vous dites: Il y a des cas marginaux ou des cas particuliers où ils ne peuvent pas s'exprimer. Il faudrait que ces gens-là – dites-moi si je comprends bien le sens de votre proposition – aillent s'afficher au comité-parapluie troisième type, et là ils vont recevoir un budget et ça va être plafonné – à 1 250 $, dans votre cas; vous l'augmentez par rapport au 1 000 $, c'est intéressant aussi – et ils vont aller le dépenser individuellement pour exprimer ce qu'eux autres ils ressentent.

La première question qui m'est venue à l'esprit, c'est le financement de ça. Dans les deux autres situations, le Oui et le Non, c'est la moitié de l'argent qui est dépensé qui est remboursé par l'État. Il y a donc une obligation sur les parties en cause d'aller chercher l'argent. Est-ce que vous voyez le même type de participation au niveau de ce troisième comité, dans le sens de dire: Allez dépenser 1 250 $, une fois que vous aurez été reconnus, et, quand vous l'aurez dépensé, on va vous rembourser la moitié? Comment vous voyez le rôle de l'État dans les dépenses référendaires, dans le cas de ce troisième comité que vous préconisez?

M. Gobeil (Patrice): À prime abord, je vous dirais que ce n'est pas abordé. Vous nous posez une très bonne question. Seulement, si des gens ont intérêt à contribuer à la caisse électorale d'un comité ou à la caisse électorale d'un parti politique, des gens pourraient avoir intérêt à contribuer à l'activité d'un sans-opinion ou d'un prodémocrate, ou de quelque chose comme ça. À ce moment-là, quant aux contributions, quant au financement, ce n'est pas nécessaire que ça ne vienne que de sa poche. En tout cas, on ne vient pas le limiter, dans le mémoire. Quant au remboursement, le troisième comité-parapluie, on n'a pas fait d'exception. Si on n'a pas fait d'exception à prime abord, on pourrait dire que, lui aussi, il aurait droit à la moitié de ses dépenses.

M. Sirros: O.K. Vous mettez de l'avant deux hypothèses qui me semblaient, à première vue, un peu comme... Sans vouloir être méchant, je disais, en le lisant: Est-ce qu'ils sont ni pour ni contre? Bien au contraire, parce que vous dites, finalement: On reconnaît qu'il y a un problème, on ne veut pas que les gens soient brimés dans leurs droits, mais on préfère la clause «nonobstant».

Si la clause «nonobstant» est utilisée, à ce moment-là, les gens sont brimés dans leurs droits, parce que la clause «nonobstant» a comme effet de dire: La loi reste telle quelle, peu importe ce que la Cour suprême a dit. Là, vous élaborez un deuxième scénario, que je trouvais intéressant comme recherche de solution, pour appliquer des solutions quant aux problèmes que la Cour suprême avait trouvés. Si vous aviez à choisir vraiment, si on vous mettait devant le défi, l'un ou l'autre, lequel vous choisiriez?

M. Gobeil (Patrice): Est-ce qu'utiliser «nonobstant» ça veut automatiquement dire empêcher et freiner et arrêter toute modification ou toute réforme à notre loi?

M. Sirros: Si vous prenez...

M. Gobeil (Patrice): On peut très bien faire les deux, pour ne pas prendre de chance. Ha, ha, ha!

M. Sirros: En tout cas, à moins que vous embarquiez dans le scénario théorique du ministre, qui dit: Faisons des amendements puis, après ça, mettons ces amendements à l'abri des cours, avec la clause «nonobstant». Mais, si vous faites ça, pourquoi ne pas le faire dès le début? Si vous dites que la loi, elle est bonne comme elle est... En tout cas, ce que je veux dire, utiliser la clause «nonobstant» telle qu'elle a été préconisée au départ par le gouvernement, ça veut dire exactement ça, ça veut dire la laisser telle quelle au niveau de ces éléments-là.

Je comprends, de votre exposé, donc, que vous aimeriez qu'on amende la loi, quitte à examiner la possibilité que soulevait le ministre de passer à la clause «nonobstant» pour la suite des choses, d'enlever la possibilité à des personnes, une fois ces amendements faits, de les recontester, si tel était leur désir. Et là je poserais la question: Pourquoi? Si vous acceptez que la première contestation a fait en sorte qu'on a découvert de véritables problèmes, que vous reconnaissez, pourquoi vous voudriez, après ça, enlever le droit à des citoyens d'aller tester leur point de vue devant les tribunaux?

M. Gobeil (Patrice): Ce qu'on a découvert, c'est un affrontement de valeurs.

M. Sirros: Pardon?

M. Gobeil (Patrice): Ce qu'on a découvert, c'est un affrontement de valeurs. Ce qu'on a découvert, c'est un affrontement entre les libertés garanties par les chartes, qui sont des droits fondamentalement individuels et individualistes, et un principe d'équité ou d'égalité du citoyen qui peut avoir une tendance plus collective, plus collectiviste aussi. Le problème posé par la Cour suprême, c'est un affrontement de valeurs. Si on n'est pas sûr puis si les valeurs dont la promotion est faite dans la loi référendaire, c'est-à-dire des valeurs qui sont peut-être plus collectivistes ou qui tendent à mettre des groupes ou des comités sur un pied d'égalité, si on n'est pas sûr qu'on peut passer le test, ma foi, il faudra regarder pour utiliser «nonobstant» uniquement pour l'affrontement de valeurs, si les chartes venaient donner une chance aux valeurs collectives de s'exprimer.

M. Sirros: Ça, c'est parce que je comprends que votre choix quant aux valeurs, ce serait un choix collectiviste.

M. Gobeil (Patrice): Bien, il faut voir...

M. Sirros: Parce que vous dites que, si les valeurs individuelles – de liberté d'expression, dans ce cas-ci – sont brimées par la nécessité d'affirmer certains droits collectifs, qui ne sont pas vraiment exprimés dans le principe de l'équité... Je ne pense pas que le principe de l'équité, c'est un droit collectif. Mais vous dites: Si les deux s'affrontent, nous, on choisirait de protéger les droits collectifs en utilisant la clause «nonobstant» pour brimer les droits individuels, si la Cour suprême trouve qu'ils sont brimés. Moi, je trouve ça un peu dangereux. Je vous inviterais à réfléchir davantage sur ça.

Mais j'aimerais passer peut-être à un autre aspect de votre mémoire qui nous trouve d'accord, tout à fait. Je trouve que, sur la question, par exemple, de l'inscription automatique des 18 ans puis des nouveaux citoyens, etc., il s'agit de trouver un mécanisme qui permettra de ne pas violer la question des informations privées pour les gens puis de s'assurer, après ça, que ça puisse se faire; c'est ce qu'on recherche.

Vous dire également que je trouve votre idée d'une commission permanente nationale de révision, je dirais tout simplement une commission permanente de révision... Pourquoi nationale? Pourquoi pas régionale, par exemple, ou même locale, à la limite? Probablement, une question de coût nous empêcherait de le faire localement. Comment vous voyez ça? Est-ce que ce serait possible, selon vous, d'avoir des bureaux de révision permanents – je ne sais pas, moi, quatre ou cinq à Montréal, un ou deux en Abitibi, etc. – où les gens peuvent, durant l'année, quand ils déménagent et avec une éducation qu'on pourrait faire au niveau de la publicité, les encourager à aviser la Régie de l'assurance-maladie ou, à défaut, le bureau de révision? Est-ce qu'il faut que ce soit juste un bureau ou est-ce que vous voyez ça comme une possibilité de l'étendre à travers... où les gens peuvent localement ou physiquement se rendre?

Mme Bouchard (Isabelle): Oui, oui, il n'y a pas de problème. On n'a pas pensé que ce serait un bureau qui serait situé à un endroit. C'est juste que ça serait comme, si je peux employer l'expression, un bureau-chef, mais il pourrait y avoir, dans les régions, peut-être pas cinq à Montréal, mais deux, un dans l'Est, un dans l'Ouest, Laval, Longueuil, pour que les gens... Oui, ce serait plus facile, mais pas juste un endroit. D'ailleurs, je sais que c'est dans une autre partie du mémoire, mais pour aider l'agent officiel du troisième comité, on a dit qu'il pourrait se nommer des adjoints, justement pour pouvoir en répartir sur le territoire, de sorte que ce serait plus facile pour les gens, ils n'auraient pas nécessairement besoin d'aller dans un des grands centres, soit Montréal ou Québec.

M. Sirros: O.K. Merci beaucoup. Je vous encourage à continuer votre cheminement. Qui sait, à un moment donné, vous allez réaliser des choses.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Chevrette: Vous allez réaliser que vous êtes dans la bonne voie.

Des voix: Ha, ha, ha!

(17 h 40)

M. Chevrette: Plus vous allez approfondir, d'ailleurs, plus vous allez tirer de leur côté vers le nôtre. Ceci dit, je voudrais revenir sur la notion de la clause «nonobstant» que le député de Laurier soulevait. Si la Cour suprême juge que 600 $ peuvent être insuffisants... C'est la seule raison. Parce que toute l'expression d'opinion, dans le reste, c'est sur le quantum. Si c'est le quantum puis qu'on modifie le quantum et qu'on modifie les quelques aspects – comment dirais-je – qui égratignent au passage, en tout cas, les droits en vertu des chartes, les articles 2b, après que tu l'as fait, puis quand tu entends certains avocats comme Julius Grey, comme Donderi nous dire d'ores et déjà qu'ils ne se satisferont pas du tout du correctif demandé par la Cour suprême en nous indiquant quasiment la voie vers où aller, la commission Lortie... Et il dit: Non, non, c'est 3 000 $, pas moins. Puis, donc, si on met 1 200 $, il faudrait encore dépenser de gros sous pour aller devant la Cour suprême: Cour du Québec, Cour supérieure, Cour suprême, dépenser des gros sous. D'ores et déjà, on le sait d'avance.

Je ne suis pas certain, moi non plus, que je n'adhère pas à votre conception. Parce qu'on n'est pas là pour s'amuser, faire les fous. À un moment donné, quand on le sait d'avance qu'il y a des individus qui nous annoncent même ce qu'ils vont faire, est-ce qu'on n'est pas en droit de dire: Tu pourras t'amuser si tu veux, mais, nous autres, on ne dépensera pas de sous des Québécois et des Québécoises, alors que la Cour suprême nous a dit: Gardez une proportion raisonnable, puis votre loi, elle est bonne. Moi, je ne suis pas du genre à jouer au fou tellement longtemps, surtout quand on me télégraphie la folie qu'on veut faire. Tu sais, moi, je suis fait de même. C'est pour ça que j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Bouchard (Isabelle): Oui, justement, pourquoi on l'a écrite, la clause «nonobstant», puis en même temps on propose quelque chose? C'est exactement pour ça. Parce que, là, la Cour suprême, on la voit, on l'a, on va être rendu qu'on va aller la voir... On va se demander, pour une simple question... puis il va falloir qu'on fasse référence à la Cour suprême tout le temps. Et puis, dans peut-être la possibilité où, ici, à l'Assemblée nationale, vous ne seriez pas capables de vous entendre entre libéraux et péquistes sur ce sur quoi on a discuté, c'est pour ça qu'on a gardé la clause dérogatoire. Parce que, à un moment donné, on va arrêter de jouer au fou. On a quelque chose à faire, on a quelque chose à faire avec le Québec, on veut l'emmener quelque part. On ne veut pas s'en aller dans le «nowhere», comme le Canada semble nous y emmener d'ici 10, 15 ans. Donc, il faut qu'on puisse pouvoir agir. C'est pour ça qu'on l'a gardée, la clause dérogatoire.

M. Gobeil (Patrice): J'aimerais compléter la réponse de ma collègue en disant: j'aime bien plaider de belles et bonnes causes, c'est mon métier, mais, quand je peux régler un problème avant ou d'une autre façon, c'est peut-être dans mon intérêt ou dans l'intérêt de mon client ou dans l'intérêt des gens en général de le faire comme ça.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Si vous me permettez une question, même si je n'ai pas l'habitude de le faire lorsque je préside...

M. Chevrette: Vous avez le droit.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): J'ai entendu, à la présentation précédente, soit celle du Parti Égalité, un plaidoyer assez long sur la question des groupes alternatifs...

Une voix: Affiliés.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Groupes affiliés mais alternatifs, en quelque sorte. On nous parle d'une hypothèse et, entre autres, vous faites référence à une troisième comité-parapluie. En quelque sorte, pourquoi pas un quatrième et une multiplication de comités? Moi, j'ai l'impression que ce qu'on essaie de transposer dans un processus référendaire, c'est un système électoral multipartiste, lequel, moi, je suis profondément d'accord qu'au plan des partis politiques on puisse l'avoir. Mais, lorsqu'on arrive sur une question référendaire ou un enjeu, qu'on décide de sonder la population dans un cadre référendaire, on veut savoir si, oui ou non, les gens sont d'accord. Et là forcément, ça amène peut-être à créer en quelque sorte des communautés d'intérêts. Mais ça nous amène à dire oui ou non. On ne peut pas être «ni non, si oui, oui mais», il faut être l'un ou l'autre. Alors, moi, je me demande si la proposition que vous amenez là n'est pas en quelque sorte une espèce de «ni non, oui mais», ou quelque chose d'équivalent.

M. Gobeil (Patrice): Si des gens veulent dépenser de l'argent pour faire valoir «ni non, oui mais» ou... Le cas des abstentionnistes est patent aussi, il est cité partout. Il y a des gens qui vont dire que, dans un autre contexte, ils auront un point de vue, mais que, dans le contexte de la présente consultation, vu le libellé de la question, ça ne fait pas leur affaire. Et, au lieu de faire tort à une option ou à une autre, eux, ils s'engagent ou font la promotion de l'abstention.

D'autres vont dire: Le libellé de la question, ce n'est pas important, ce qui est important, c'est le fond de l'affaire. Puis nous autres, on fait la promotion de: Exprimez-vous, votez. Peu importe de quel point de vue vous votez, peu importe si vous êtes Oui ou si vous êtes Non, mais votez donc parce que c'est important.

D'autres vont arriver en disant – puis je pense qu'ils font partie du troisième parapluie: Votez non. Mais l'argumentaire va être à ce point différent de celui du comité du Non, ou inversement pour le Oui aussi, que, dans le comité du Non ou dans le comité du Oui, cet argumentaire-là aurait été à ce point dilué qu'ils n'auraient pas eu la chance de s'exprimer.

Là où on arrête le débat, c'est quand, disons, on en fait un troisième. On n'en fait pas huit, 10, 12, on en fait un troisième. On les regroupe, on nomme l'agent officiel gestionnaire – pas un agent directeur, un agent gestionnaire – avec un budget réglementé. Puis, quand on réglemente le budget, quand on dit: À 10 %, à 15 % ou à 20 %, c'est qu'on est conscient que, dans ce troisième comité-parapluie là, il va y avoir des Oui puis il va y avoir des Non, mais pour d'autres raisons. Puis il faut que ça fasse un peu – puis je sais que la métaphore, elle est grosse puis elle n'est peut-être pas au point – ce que le lithium fait sur l'humeur de certaines personnes: empêcher de passer d'un «high» à un «low», donc empêcher que ce troisième comité-parapluie là vienne servir d'otage ou vienne accaparer un budget supplémentaire pour une option. Alors, on le limite à 10 %, on vient limiter l'écart qui peut avoir lieu, on vient, en quelque sorte, donc, préserver le principe d'équité en limitant leurs dépenses.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais ce que vous soulevez là, en quelque sorte... Oui, je veux bien croire que c'est seulement 10 %, mais, dans un cas comme dans l'autre, le déplacement de 10 %... Si vous prenez 5 % sur chacun des comités-parapluies, en fait, 10 % de leur propre enveloppe, pour faire un 10 % total, et si on s'en sert pour avantager une option, en quelque sorte, on désavantage l'autre aussi, de sorte qu'on finit par recréer indirectement ce que la loi a voulu éviter et a voulu parer, soit toute disproportion.

Mme Bouchard (Isabelle): Non, parce que, si une personne s'inscrit au troisième comité, elle est Non, mais pas pour les mêmes arguments que le Non, mais elle ne peut pas s'affilier avec les autres. Donc, elle ne peut pas mettre ses arguments, elle ne peut pas se montrer, elle ne peut pas du tout s'affilier avec le comité du Non. Dans la mesure où elle s'affilie avec le comité du Non, ici, on n'a pas défini quelles seraient pour être les pénalités, mais il pourrait y avoir des pénalités autant pour le comité qui accepte de s'affilier avec quelqu'un qui est déjà inscrit que pour la personne qui décide de s'inscrire. Parce que c'est justement pour ne pas... Parce que c'est clair que c'est surtout des gens qui vont être contre la question que le gouvernement du Québec va poser qui vont vouloir pouvoir s'exprimer. Donc, c'est ça qu'on voulait limiter: les invasions des comités fantômes venant directement de l'argent des fonds d'Ottawa. C'est pour ça qu'on voulait les limiter. Mais la loi, en tout cas, ne devrait pas permettre que ces groupes-là inscrits dans le troisième comité s'allient avec un comité ou un autre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais, en quelque sorte, le résultat devient le même, c'est de consentir à une option ou à l'autre l'équivalent de 55-45, même si l'argumentaire ou la stratégie n'est pas la même. Si, moi, par exemple, je dis: Je suis «oui, mais» et je demande d'être dans une troisième voie parce que je suis «mais» au bout de mon oui, ça veut dire que je viens de consentir... si c'est un comité-parapluie d'une telle nature, je viens de consentir à un déséquilibre en faveur du Oui. Si, à l'inverse, je suis Non, je viens de consentir à un déséquilibre de moyens. Et c'est là où je trouve, moi, que sur l'aspect de comité à caractère collectif, on pose un problème. Que des individus soient abstentionnistes ou soient en quelque sorte militants d'une position, disons, qui diverge de l'un et l'autre des comités et qu'on les autorise à dépenser jusqu'à 1 000 $ ou 1 200 $, ou peu importe le montant, mais un montant modeste, moi, je pense que c'est acceptable au nom de la liberté, de la liberté de pensée, et tout ça. Mais je pense que, lorsqu'on l'aborde sous l'angle collectif, on peut en quelque sorte créer un déséquilibre. Je ne vous dis pas qu'il est automatique. Il peut y avoir des «oui, mais» et des «non, car». En tout cas...

(17 h 50)

Mme Bouchard (Isabelle): 1 250 $ sur un budget total de 250 000 $, ça fait 200 groupes. Ce qu'on pourrait vous proposer, c'est: sur 200, tu en prends 100, tu en mets 50 qui sont «oui, mais», 50 qui sont «non, mais», et les 100 autres sont des «abstenez-vous», «ne votez pas». De cette façon-là, on vient d'équilibrer le déséquilibre des options. Ça, c'est une possibilité.

M. Gobeil (Patrice): Et puis, d'un autre côté, ce que vous voyez, M. le Président, comme possibilité, c'est effectivement quelque chose qui, dans les faits, pourrait arriver. Mais là on vient justement limiter le financement pour que ça arrive, mais pas dans des proportions ou pas dans une implication désastreuse, mais dans des proportions ou dans un caractère de raisonnabilité, pour utiliser le même critère que celui utilisé par les tribunaux dans l'appréciation des limitations aux droits garantis par la Charte.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Juste pour terminer. Peut-être, un problème que je peux voir un peu avec votre proposition, c'est que, vous l'avez dit tantôt, 10 %, si c'est 10 %, c'est 200 personnes. Parce que vous ne voulez pas qu'on parle d'individus ici.

Mme Bouchard (Isabelle): 200 inscriptions.

M. Sirros: 200...

Mme Bouchard (Isabelle): Ça fait 200 inscriptions.

M. Sirros: Correct. Et là, s'il y a 250 000 $, il y a 250 personnes qui appliquent, qu'est-ce que vous faites avec la 251e?

Mme Bouchard (Isabelle): Eh bien, comme on l'a mentionné ici, il y a 10 jours. Donc, le 251e, il avait juste à y aller peut-être la 8e journée à la place de...

M. Sirros: Et, s'il y était allé avant, à ce moment-là, qu'est-ce qui arrive? Vous divisez le montant total par le nombre total d'inscriptions et vous réduisez le montant qui...

Mme Bouchard (Isabelle): Pardon?

M. Sirros: Vous comprenez ce que je veux dire? Supposons qu'il y a 250 000 $ dans le pot.

Mme Bouchard (Isabelle): Oui.

M. Sirros: Et, pendant les cinq jours ou 10 jours, il y a – je ne sais pas, moi – disons 1 000 personnes qui se présentent, O.K.?

Mme Bouchard (Isabelle): 1 000 personnes? Oui.

M. Sirros: 1 000 personnes qui se présentent et qui disent: Moi, je... Bon. Qu'est-ce qu'elles ont à dépenser chacune?

Mme Bouchard (Isabelle): 1 000 personnes qui se présentent...

M. Sirros: Ça ferait 250 $.

Mme Bouchard (Isabelle): Oui.

M. Sirros: À moins que vous disiez: Les premiers 250, on donne 1 000 $ et les autres, on donne zéro ou... En tout cas, vous trouvez une formule quelconque. C'est un des problèmes que je trouve au niveau du principe. C'est peut-être préférable de dire, comme le suggère la Cour suprême: Écoutez, c'est un phénomène marginal quand même, jusqu'à preuve du contraire, tout au moins, alors il s'agit d'individus isolés, ils sont libres de dépenser jusqu'à 1 000 $ – ou ça pourrait être 1 250 $ – qu'ils s'arrangent, point à la ligne. C'est ce qui est suggéré.

Alors, pourquoi essayer de tout réglementer et contrôler pour un phénomène qui, normalement, devrait être marginal, qui touche la liberté d'expression? Alors, tu dis à la personne: Si tu veux vraiment, effectivement, t'inscrire dans ce débat-là et que tu n'es pas capable de t'inscrire à l'intérieur de tout ça, tu peux dépenser jusqu'à 1 000 $. Trouve-le dans ta poche ou que tes amis te le donnent, mais ne demande pas de remboursement à l'État, et tu t'arranges avec tes troubles et tu prends ta publicité.

Mme Bouchard (Isabelle): Pourquoi on cherche à réglementer comme ça? C'est peut-être dû à une petite paranoïa aiguë de ce qui s'est...

M. Sirros: Une petite...

Mme Bouchard (Isabelle): Une petite paranoïa aiguë de notre part de ce qui s'est passé au...

M. Sirros: Vous être trop jeunes pour être paranoïaques, encore.

Mme Bouchard (Isabelle): C'est nous, là. Je ne vous dis pas... Je vous explique pourquoi on cherche à réglementer tant que ça.

M. Sirros: Lui, il peut l'être, mais pas vous.

Mme Bouchard (Isabelle): Donc, c'est ça, c'est peut-être à cause de ça, à cause de ce qu'on a vu au dernier référendum, comment on l'a vu. C'est pour ça qu'on veut la carte d'électeur aussi, quand on sait qu'à l'université Bishop il y a plein de monde qui a voté et qui n'avait pas le droit de vote. Le référendum, on ne l'a pas perdu fort. Et, si tout le monde qui avait eu le droit de vote avait voté, je ne suis pas sûre que...

M. Sirros: Oh! Et, si tous les votes avaient été bien comptabilisés également et pas annulés... N'embarquons pas dans ça.

Mme Bouchard (Isabelle): Non, on n'embarquera pas là-dedans.

M. Sirros: O.K.? Parce que...

Mme Bouchard (Isabelle): Mais c'est pour ça que je crois que...

M. Sirros: Certainement pas.

Mme Bouchard (Isabelle): C'est une des raisons pourquoi on cherche à réglementer autant que ça: c'est pour éviter qu'on se fasse... Parce que nous, on se retrouve avec beaucoup d'adversaires, on se retrouve avec le Canada au complet qui veut jouer dans notre game, alors que les tenants du Non, les seuls adversaires qu'ils ont, c'est le parti au pouvoir à Québec.

M. Sirros: En tout cas...

Une voix: C'est une question d'équité.

M. Sirros: ...juste pour terminer, je tiens à avoir le dernier mot. Là, je comprends pourquoi vous êtes dans le Parti québécois. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Je vais te jouer un tour, en quelque sorte. M. le ministre.

M. Chevrette: Moi, je pense que, sur cette question précise, il y a trois choses qu'il faut regarder. Un individu qui fait cavalier seul puis qui veut faire une action seul, je pense qu'on est personnellement mieux avec le jugement de la Cour suprême en modification parce que ce n'est pas comptabilisé.

Le deuxième cas, c'est les groupes affiliés. Je dois vous avouer, j'ai écouté Equality, tantôt – le Parti Égalité – puis ça ne m'a pas convaincu. C'est plutôt une règle de distribution à l'interne d'un parapluie, parce qu'ils sont du même dire, mais ils veulent avoir leur propre stratégie. Ça, c'est comme on a fait en 1992, on leur a dit: Nous autres, on donne tant, puis suivez la stratégie que vous voudrez.

Il y a un groupe qui me laisse perplexe puis auquel on ne répond pas: si vraiment c'était un groupe qui avait une option d'abstentionniste. Eux autres, ils se distinguent vraiment du Oui et du Non parce qu'ils préconisent quelque chose qui est une troisième voie, dans les circonstances, par exemple, et ce n'est pas «oui, mais» ou «non, mais». «Oui, mais» peut se corriger par des règles administratives, «non, mais» peut se corriger par des règles administratives, mais l'abstentionnisme est une voie.

Remarquez bien que, moi, personnellement, des «ni pour, ni contre, bien au contraire», dans un référendum, j'ai de la misère avec ça. Personnellement, j'ai toujours eu de la misère avec ça. Mais il y en a qui, pour toutes sortes de principes... ça peut être un principe de religion, ça peut être des principes qu'on peut respecter, de toute façon, mais qui ne cadrent pas, en tout cas, avec les deux options. C'est avec ceux-là que je ne sais pas quoi faire trop, trop, à proprement dire.

Mais je pense qu'on ferait une erreur – je vous le dis comme je le pense – en ce qui regarde les cas individuels, d'embarquer avec des sommes parce que, s'ils sont plus nombreux que prévu, on peut devenir, au point de vue du droit de l'expression, inférieur au 600 $ du jugement, s'il y a un nombre trop grand. C'est dans ce sens-là qu'il faudrait peut-être réviser les choses. En tout cas, j'ai écouté comme il faut...

M. Lemieux (Jean-Hertel): Oui. M. le ministre, nous, au niveau des individus seuls, c'est simplement qu'on veut s'assurer qu'il y a un financement juste et équitable. Très souvent, les individus seuls, ils ont des financements qui peuvent provenir, et malheureusement, encore une fois – il ne faut pas le dire, semblerait-il, parce que ça paraît mal – d'Ottawa. Alors, c'est une question d'équité et de justice. On sait fort bien qu'il y a de l'argent, il mouille de l'argent, c'est incroyable, au Québec, lors d'un référendum et même d'élections très souvent. Alors, c'est une question de justice et d'équité. On veut que l'argent provienne vraiment de la poche de l'individu et qu'il soit réglementé. C'est pour ça qu'on veut ça.

M. Sirros: ...que le ministre semble être moins paranoïaque que les jeunes.

M. Chevrette: On n'est pas paranoïaque, on essaie de regarder... Ce que j'observe, là...

M. Lemieux (Jean-Hertel): Ce n'est pas une question de paranoïa, c'est une question de justice.

M. Chevrette: C'est ça. On veut...

M. Lemieux (Jean-Hertel): On sait qu'il y a des individus qui ont intérêt à ce que le financement provienne de sources, je ne sais pas...

M. Chevrette: Mais, quand ça vient par avion, dans les airs, c'est bien embêtant, ça.

Une voix: C'est ça.

M. Chevrette: C'est parce que je veux qu'on regarde chaque cas, qu'on catégorise les cas, c'est peut-être la meilleure manière de trouver une solution à chaque cas, à ce moment-là. Mais on va continuer à fouiller cette chose-là, parce qu'il y a de quoi, pour un groupe, contrairement à ce que, par exemple – je le dis – l'Égalité nous a présenté, à mon point de vue... Ce n'est quand même pas la même chose. Vous avez raison, l'abstentionnisme, ce n'est pas une thèse avec laquelle je diffère d'opinions au sein d'un même comité. Ça, il faut le regarder comme tel. Et l'individu, il faut regarder... Puis qu'il y ait justice, je suis d'accord. Mais il faut faire attention parce qu'on pourrait se trouver dans une formule avec un budget fermé, où l'individu a moins de moyens de s'exprimer encore qu'il en avait antérieurement. Il faut regarder cette position-là.

Depuis le début, je cherchais à vouloir faire plutôt un portrait assez global, mais en vous écoutant et en écoutant le questionnement du député de Laurier, je me suis dit: Oui, il y a beaucoup de choses qui peuvent se régler par des mécaniques administratives, mais il reste un point de vue très important, c'est que celui qui ne partagerait la thèse ni de l'un ni de l'autre... Là, on aurait l'air fin. Donc, on va le regarder dans ce sens-là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. Lemieux, Mme Bouchard et Me Gobeil, nous vous remercions de votre présentation.

Sur ce, nous allons ajourner nos travaux. Et, demain matin, je rappelle aux membres de la commission que nous sommes en réunion à la salle Louis-Joseph-Papineau, à compter de 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 heures)


Document(s) related to the sitting