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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, March 26, 1998 - Vol. 35 N° 113

Consultations particulières sur le rapport Pierre-F. Côté sur le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Marcel Landry, président
M. Guy Chevrette
M. Christos Sirros
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Lawrence S. Bergman
M. Roger Paquin
Mme Lyse Leduc
M. Jean-Claude St-André
M. Jean Filion
M. Normand Jutras
*M. Marc St-Pierre, RAMQ
*M. Claude Filion, CDPDJ
*M. Pierre Bosset, idem
*Mme Constance Middleton-Hope, AQ
*Mme Suzanne Martha Birks, idem
*M. Jacques Clément, idem
*M. Casper Bloom, idem
*M. Jeffrey K. Boro, CJC
*M. David Sultan, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mmes et MM. les députés, nous allons débuter notre séance. Je rappelle le mandat de la commission, de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le rapport Pierre-F. Côté sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur des modifications à des législations électorales.

M. le secrétaire, pourriez-vous nous annoncer les remplacements, s'il vous plaît?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ciaccia (Mont-Royal) est remplacé par M. Sirros (Laurier-Dorion); M. Lefebvre (Frontenac) par M. Bergman (D'Arcy-McGee).

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien, merci. Alors, voici maintenant l'ordre du jour. Ce matin, nous recevons les représentants de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. À 10 h 30, nous recevrons M. Robert Libman, accompagné de M. Julius Grey. À 11 h 30, nous recevrons la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Nous suspendrons nos travaux à 12 h 30. Nous reprendrons les travaux après la période des questions, vers 15 heures, et nous recevrons à ce moment Alliance Québec. À 16 heures, nous recevrons M. Don Donderi, professeur. À 17 heures, nous recevrons le Congrès juif canadien et nous prévoyons l'ajournement à 18 heures.


Auditions

Maintenant, nous débutons nos auditions avec les représentants de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Alors, M. St-Pierre, bienvenue, et j'aimerais, pour les fins d'enregistrement de nos échanges, que vous puissiez aussi identifier les personnes qui vous accompagnent. Vous avez une période de 20 minutes pour votre présentation, laquelle sera suivie d'échanges avec les parlementaires.


Régie de l'assurance-maladie du Québec (RAMQ)

M. St-Pierre (Marc): Bon, si vous permettez: Me Huguette Lefèvre, Me Diane Bois et M. Louis Blanchet. Maintenant, il n'y a pas de présentation de la Régie, M. le Président, nous, on est ici pour répondre aux questions des membres de la commission.

(9 h 40)

M. Chevrette: M. le Président, je pourrais commencer. Effectivement, j'ai insisté pour qu'ils viennent parce que, de part et d'autre, on a beaucoup de questions des citoyens qui nous disent que c'est contradictoire, les renseignements que l'on obtient. Il y en a qui disent que ce n'est pas fiable, vos renseignements, plus qu'il faut. Il y en d'autres qui disent qu'il y a encore des fausses cartes qui circulent. Il y en d'autres qui disent que vous renouvelez les cartes sans photo. Une fin de semaine, il y a 15 jours, lorsque je parlais de la fiabilité de la RAMQ, un bon nombre de militants de notre parti me disaient: Bien, ce n'est pas sûr, ça, ma mère a été renouvelée et elle n'a plus de photo sur le renouvellement. L'autre: Ma petite fille a deux ans, a sa carte, il n'y a pas de photo, et ils n'en exigent pas, etc. Donc, j'ai plusieurs questions, mais parlons de fiabilité, d'abord. Me Côté a toujours prétendu que le système était fiable à 95 %, 96 % ou 97 %, dépendant de... et ça, même avec le taux de déménagements qui peuvent avoir lieu au Québec. Est-ce que vous confirmez ce pourcentage de fiabilité?

M. St-Pierre (Marc): Oui, et, effectivement, on a encore une étude qui a été faite par le Service de vérification interne chez nous en janvier dernier qui démontre que le fichier d'inscription des personnes, notre fichier d'inscription des bénéficiaires à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, si on se sert de ce fichier-là pour adresser une correspondance à l'ensemble de la population du Québec, effectivement, dans 95 % des cas, on pourra rejoindre les personnes. Ce qui ne signifie pas, il faut bien le comprendre, que, en termes d'adresses, notre fichier est exact à 95 %. Quand on prend une lecture à un moment donné, si on prend l'exemple des adresses, on a la bonne adresse dans 85 % des cas. Mais il faut bien voir que, quand on se sert de l'adresse qu'on a au fichier pour envoyer une correspondance aux gens, des études sérieuses ont démontré que, dans 95 % des cas, on rejoint la personne.

M. Chevrette: Est-ce à dire que c'est qu'il y en a qui ont déménagé, mais que, avec le bureau de poste ou je ne sais pas trop quoi, le courrier suit même si l'adresse n'est pas précise?

M. St-Pierre (Marc): C'est exact, on fait suivre la correspondance.

M. Chevrette: C'est ce qui fait que la bonne adresse est constatée à 85 %, mais que la fiabilité pour rejoindre l'individu est à 95 %.

M. St-Pierre (Marc): Est à 95 %, c'est exact.

M. Chevrette: Donc, si, de plus, on ajoutait un mécanisme de recoupage, par exemple avec la Société de l'assurance automobile du Québec – il y a 4 000 000, me dit-on, de permis de conduire, grosso modo, présentement; ça varie entre 3 800 000 et 4 200 000, mettons – vous pourriez, à ce moment-là, améliorer ce système jusqu'à 95 %?

M. St-Pierre (Marc): Non. Je vais vous préciser une chose, quand je parle de 95 %, il y a déjà un recoupement qui est fait avec les adresses de la Société de l'assurance automobile du Québec. À la Régie, les sources au niveau des changements d'adresse, je vous dirais que, traditionnellement, la principale source de changement d'adresse, ça a été les adresses qui nous proviennent de la Société de l'assurance automobile, sauf que, avec le virage bénéficiaire, avec le virage client marqué de la Régie au cours des trois dernières années, particulièrement avec l'introduction du régime d'assurance-médicament, cette année, on va faire près d'un demi-million de changements d'adresses directement à la Régie à partir de gens qui communiquent leur adresse à la Régie, particulièrement au téléphone. Et on fait toujours des validations de nos adresses avec le fichier de la Société de l'assurance automobile, donc le 95 %, il tient compte des recoupements de fichiers qui sont déjà faits.

M. Chevrette: Y a-t-il un code sur la carte d'assurance-maladie pour un immigrant qui arrive au Canada ou au Québec – plus précisément au Québec – mais qui n'a pas de statut de citoyenneté? C'est une autre question.

M. St-Pierre (Marc): Il n'y a pas de code sur la carte d'assurance-maladie. Nous, quand on inscrit un nouvel arrivant à la Régie de l'assurance-maladie, les règles d'inscription font en sorte que la personne doit nous démontrer soit qu'elle est citoyenne canadienne ou qu'elle détient un droit d'être et de demeurer au Canada, donc un certificat d'immigrant reçu ou de résident permanent, et, nous, dans le fichier et sur la carte d'assurance-maladie, on sait, au moment de l'inscription, que la personne est un immigrant reçu, mais il n'y a pas de mise à jour qui est faite de cette donnée-là, et ça n'apparaît pas sur la carte d'assurance-maladie.

M. Chevrette: Donc, vous ne pouvez pas donner de statistiques? Par exemple, supposons qu'on s'entend, pour la commission, ici, on vous demanderait, de part et d'autre, pas des renseignements nominatifs, mais d'avoir quel est le nombre de cartes d'assurance-maladie en circulation à des citoyens non reçus, on ne pourrait pas avoir le nombre?

M. St-Pierre (Marc): Non.

Une voix: ...

M. Chevrette: Non, des immigrants qui n'ont pas le statut de citoyen canadien.

M. St-Pierre (Marc): Non. Je peux vous donner le nombre de gens qui sont, dans notre jargon – excusez-moi le terme – des réputés résidents, c'est-à-dire des gens qui ont une carte d'assurance-maladie, mais qui sont... Des réputés résidents, c'est, en gros, des travailleurs étrangers qui ont le droit d'être au Québec. C'est également des gens qui ont droit à une carte d'assurance-maladie parce qu'ils sont soumis aux ententes de sécurité sociale signées entre le gouvernement du Québec et différents autres pays. C'est des gens, par exemple, qui sont ce qu'on appelle des ressortissants étrangers à prime, des ressortissants étrangers qui travaillent pour le compte de leur gouvernement, mais au Québec, et qui paient une prime. Ces gens-là ont une carte d'assurance-maladie, et je peux vous dire combien il y en a, mais, concernant les immigrants reçus, je peux vous donner un chiffre au moment de l'inscription, mais, comme c'est une donnée qui n'est pas mise à jour, donc ces personnes-là obtiennent la citoyenneté fort probablement un jour, et je n'ai pas de données là-dessus. C'est par accident qu'on a des données.

M. Chevrette: Mais il n'y a pas d'entente entre, par exemple, Immigration Canada et la RAMQ pour connaître le statut de l'individu? Parce que, après deux ans ou deux ans et demi, ça dépend des cas apparemment...

M. St-Pierre (Marc): Trois ans.

M. Chevrette: Trois ans. L'individu demande, il remplit des formalités, il est reçu citoyen canadien. Ça, vous n'avez aucun renseignement?

M. St-Pierre (Marc): Non, et j'ajouterais que ce n'est pas un renseignement qui est nécessaire à l'administration de notre loi, donc ce n'est pas un renseignement qu'on peut demander. Et, effectivement, il n'y a pas de mise à jour, il n'y a pas d'entente avec Immigration Canada là-dessus. Et il faut voir également qu'il y a des immigrants reçus ou des résidents permanents qui ne demanderont jamais leur citoyenneté, hein? Il y en a quand même un bon nombre, à ma connaissance.

M. Chevrette: Je n'ai pas saisi, voulez-vous répéter, s'il vous plaît?

M. St-Pierre (Marc): Oui, je vous disais qu'il y a des immigrants reçus ou des résidents permanents qui ne demanderont jamais la citoyenneté, entre autres...

M. Chevrette: Donc, qui n'auraient jamais la qualité d'électeurs au sens de notre Loi électorale.

M. St-Pierre (Marc): Effectivement, entre autres parce qu'ils ne peuvent pas avoir la double citoyenneté, parce que, en demandant la citoyenneté canadienne, les législations de certains pays font en sorte...

M. Chevrette: Ah, ils perdraient la leur.

M. St-Pierre (Marc): ...qu'ils perdent leur citoyenneté. Je vous donne un exemple, c'est le cas avec l'Allemagne, par exemple.

M. Sirros: Les Américains aussi?

M. St-Pierre (Marc): Aux États-Unis, je n'ai pas l'information.

M. Chevrette: Pose-la donc, ça ne me dérange pas que ce soit informel si c'est sur le même sujet.

M. Sirros: Non, non, informel. Alors, allons-y.

M. Chevrette: Étant donné que c'est seulement des questions, on peut s'entendre.

M. Jolivet: La seule question qui me préoccupe est la suivante, c'est que vous transmettez, en vertu de la demande, au Directeur général des élections la liste des gens qui sont à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Vous transmettez pour qu'ils s'inscrivent à la liste permanente. De quelle façon ça marche?

M. St-Pierre (Marc): Attention, il faut voir une chose. Concernant la liste électorale permanente, nous, on a fait un recoupement massif avec le Directeur général des élections en 1996 à partir de la liste qui avait servi pour le référendum de 1995, et, par la suite, ce qu'on transmet au Directeur général des élections, c'est le nom des personnes qui ont 18 ans ou qui vont avoir 18 ans et c'est les informations concernant les gens qui acquièrent la citoyenneté canadienne quand on les a. Mais il faut voir qu'on ne les a pas de façon... Il n'y a pas de mécanisme, je le répète, qui fait qu'on l'a de façon systématique.

M. Jolivet: O.K. C'est cette partie-là que je voulais savoir. Est-ce que vous pouvez déjà enlever ceux qui n'ont pas la citoyenneté canadienne? Vous dites que vous n'avez pas les renseignements nécessaires pour le faire.

M. St-Pierre (Marc): Absolument pas.

M. Jolivet: O.K.

M. Sirros: Ils ne peuvent pas les enlever parce qu'ils ne savent pas si ceux qui ont...

M. St-Pierre (Marc): On ne sait pas qui devient citoyen canadien.

M. Jolivet: D'accord.

(9 h 50)

M. Chevrette: Non, mais ça, de ce côté-là, je crois qu'il y a une entente, maintenant, entre le DGE et Immigration Canada. Je pense que, pour la partie future, dès qu'un citoyen devient citoyen canadien, il serait inscrit automatiquement en vertu d'une entente avec Immigration Canada.

M. St-Pierre (Marc): Immigration Canada, oui.

M. Chevrette: Mais vous avez dit tantôt que vous pourriez fournir des chiffres sur les immigrants reçus.

M. St-Pierre (Marc): C'est-à-dire sur les immigrants reçus, oui.

M. Chevrette: Ou présumés, je ne sais pas quoi, là.

Une voix: Réputés.

M. St-Pierre (Marc): Ah, les réputés résidents, oui. Au niveau des réputés résidents – évidemment, c'est des lectures à un moment donné dans le fichier, là – il y a 12 000 personnes qui sont soit réputés résidents ou qui ont droit à une carte d'assurance-maladie en vertu de l'article 10 de la Loi de la santé et des services sociaux, là, les ressortissants étrangers à prime et des gens soumis aux ententes de sécurité sociale. Il y en a 12 104, pour être plus précis, au moment où on se parle.

M. Chevrette: 12 104?

M. St-Pierre (Marc): oui.

M. Sirros: Ça, c'est strictement des ressortissants étrangers qui travaillent ici, dans les ambassades, dans les consulats?

M. St-Pierre (Marc): Ou, tout simplement, qui ont un permis de travail de l'immigration fédérale et qui sont ici pour travailler pour plus de trois mois.

M. Sirros: Ce qui est très différent des résidents dans le sens d'immigrants reçus qui sont résidents.

M. St-Pierre (Marc): Absolument.

M. Sirros: Ou des réfugiés qui ont...

M. Chevrette: C'est des compagnies qui retiennent des contrats, souvent, pour trois mois, six mois, probablement.

M. St-Pierre (Marc): Oui, oui, plus de trois mois.

M. Chevrette: Bon. O.K. 12 104?

M. St-Pierre (Marc): Oui.

M. Chevrette: C'est beau. D'autres chiffres. Par exemple, à certains moments, vous devez être capable de dire: Il y a des immigrants reçus ou présumés résidents de...

M. St-Pierre (Marc): Oui. Des immigrants reçus – mais ça, c'est une mauvaise lecture, là – je peux vous dire qu'on en a à peu près 320 000 actuellement qui, au moment où ils se sont inscrits, un jour, étaient des immigrants reçus. Mais est-ce qu'ils sont devenus citoyens? On ne le sait pas.

M. Sirros: Donc, pour parler de votre 310 000, ça pourrait être des gens qui se sont inscrits il y a 15 ans.

M. St-Pierre (Marc): Absolument, oui.

M. Sirros: Et les chances sont fortes... Est-ce que vous avez la possibilité de le découper en fonction de la date d'inscription – j'imagine – donc de nous donner, par exemple, le nombre d'immigrants reçus qui ont moins que trois ans au Canada?

M. St-Pierre (Marc): Oui, ça pourrait se faire.

M. Chevrette: Ça, ça pourrait être intéressant, effectivement, par strates parce que, avec l'entente Canada-Québec, on pourrait savoir, avec l'Immigration, combien il y en a effectivement qui ont...

M. Sirros: Parce que le problème, c'est pour le présent. Donc, dans ce bassin de 310 000, est-ce qu'il y en a qui ne sont pas recoupés, par exemple, dans le 210 000 qui ont le droit de vote parce qu'ils ont acquis la citoyenneté depuis? Pour l'avenir, oui, éventuellement, ça va... C'est pour ça que je dis au ministre qu'il ne faut pas qu'il se précipite pour des mesures qui risquent de faire perdre le droit de vote aux gens. En tout cas...

M. Chevrette: Ou qui risquent de donner le droit de vote à ceux qui en ont vraiment le droit parce que, en démocratie, ça peut être l'un ou l'autre.

M. Sirros: En tout cas, je pense que vous savez ce que je veux dire.

M. Jolivet: C'est vice versa.

M. Chevrette: Non, mais ils ont compris, ils ont le sourire accroché, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Ils aiment regarder le match des fois.

M. Chevrette: Donc, 320 000, à peu près. C'est depuis combien de temps, ça, 320 000?

M. St-Pierre (Marc): C'est une lecture du fichier. C'est depuis que le fichier existe. C'est une lecture du fichier depuis 25 ans, donc il y en a qui sont certainement devenus citoyens dans ce groupe-là, hein?

M. Chevrette: Depuis 25 ans.

M. St-Pierre (Marc): Ou qui sont repartis dans leur pays.

M. Sirros: Parce qu'il faut se rappeler qu'on ne reçoit que quelque chose comme 20 000, 25 000 – dépendant des années – immigrants reçus par année. Donc, si on en a 310 000 qui sont inscrits comme immigrants reçus, c'est clair qu'ils sont là depuis un bon bout de temps sur la liste.

M. Chevrette: Oui, mais notre problème, c'est qu'on n'a aucune idée du nombre intéressé, même, à obtenir une citoyenneté. On ne le sait pas.

M. Sirros: Ah, la très grande majorité.

M. Chevrette: Règle générale, je pense bien qu'il doit y avoir une forte majorité, là, sans doute.

M. Sirros: Moi, dans mon comté, je peux vous dire...

M. Chevrette: Mais, mettez seulement 20 % de 320 000 qui ne la prendraient pas, ce serait quand même 60 000 citoyens.

M. Sirros: 3 %. Moi, mon pif... Dans le milieu des immigrants, je rencontre périodiquement des gens qui sont ici depuis 20 ans, 25 ans et qui me disent qu'ils ne sont pas citoyens. Ça arrive une fois sur 1 000. Vraiment, c'est mon estimation à moi et c'est minime, à moins qu'il y ait des situations particulières où les gens... Généralement, quand les gens décident de quitter, d'immigrer, ils prennent une décision consciente et ils viennent pour acquérir la citoyenneté du pays où ils vont, à moins qu'ils aient des raisons, soit, je ne sais pas, moi, d'empêchement puis qu'ils vont perdre des droits dans leur pays d'origine ou je ne sais pas trop quoi, mais c'est rare. Moi, mon pif me dirait que c'est rare, loin du 20 %.

M. Chevrette: Vous avez dit quelque chose?

M. St-Pierre (Marc): Non, j'ai dit des droits d'héritage, entre autres.

M. Chevrette: Des droits d'héritage?

M. St-Pierre (Marc): Oui, parce qu'ils perdent la citoyenneté de leur pays d'origine.

M. Chevrette: Mais ça, est-ce qu'on a une idée du nombre de pays, par exemple, qui ont ce genre de clause de perte d'héritage au sens où vous venez de le dire?

M. St-Pierre (Marc): Malheureusement, non, moi, je n'ai pas ces données-là, monsieur.

M. Chevrette: Il y a l'Allemagne, ça, c'était connu, mais il y en avait quelques autres. Ce serait intéressant qu'on se fasse sortir ça au niveau de la commission, quels sont les pays dont les citoyens qui deviennent immigrants ailleurs perdent leur statut s'ils adhèrent à la citoyenneté de l'autre pays? Ça serait intéressant de faire cette recherche-là, peut-être.

M. Sirros: Ce que j'essaie de souligner, c'est que, même si on savait ça, encore la grande majorité de ceux qui perdraient leur citoyenneté dans leur pays d'origine choisiraient de la perdre.

M. Chevrette: Ah, ça, je n'en doute pas, c'est juste pour voir comment...

M. Sirros: Comment c'est possible.

M. Chevrette: Comment c'est possible, parce que les Français, par exemple, conservent leur citoyenneté quel que soit le statut qu'ils obtiennent ailleurs. Un Français pourrait avoir quatre statuts de citoyen différents.

M. Sirros: La Grèce, c'est pareil.

M. Chevrette: Pardon?

M. Sirros: La Grèce, c'est pareil.

M. Chevrette: La Grèce, c'est la même chose?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Dans plusieurs pays européens.

M. Sirros: Même les descendants, ils les considèrent comme des citoyens.

M. Chevrette: Alors que, pour les Américains puis les Allemands, ça, c'est assez connu que c'est l'inverse, si j'ai bien compris. Mais j'aimerais ça qu'on puisse, en tout cas, regarder cela à un moment donné.

Maintenant, vous avez sans doute vu les différents projets. Le rapport Côté, vous l'avez lu, j'en suis convaincu. Si ce n'est pas vous, vos collègues l'ont sûrement scruté à la loupe. Vous savez qu'on a l'intention, comme législateurs, de proposer éventuellement l'utilisation d'une identification, donc d'utiliser potentiellement la photo – la photo, je dis bien – qui est sur votre carte. Pas d'autre chose, là. La même chose, peut-être, avec le permis de conduire, le passeport, etc. Et, même, si j'ai bien compris, M. Comeau pourrait peut-être nous faire éventuellement quelques suggestions suite à sa rencontre avec nous ici. Je voudrais savoir ce que vous pensez de l'affirmation d'Alliance Québec qui, dans son mémoire, va venir dire à peu près ceci: qu'il y aurait au moins 200 000 personnes à Montréal qui ne seraient pas inscrites sur des listes et qui, automatiquement, ne possèdent pas ou auraient perdu la carte de la RAMQ. Est-ce que c'est possible?

M. St-Pierre (Marc): Bon, écoutez, moi, à ma connaissance, des gens qui ne sont pas inscrits, d'abord, chez nous et qui ont les qualités nécessaires pour s'inscrire, c'est, à ma connaissance, très, très rare, O.K.? Il y a peut-être un cas ou deux par année où on va voir une personne qui est un citoyen canadien ou un immigrant reçu depuis de très nombreuses années et qui n'est pas inscrite chez nous. C'est excessivement rare, et il ne faut pas perdre de vue également que 80 % de la population consomme au moins une fois par année. Maintenant, qu'il y ait des gens qui n'aient pas en main leur carte d'assurance-maladie...

M. Chevrette: Ça, c'est une autre affaire.

M. St-Pierre (Marc): ...qui n'aient pas renouvelé leur carte d'assurance-maladie, ça, c'est une autre chose. Ça, il y en a chaque mois un certain nombre – à la fin de chaque mois – qui ont en main une carte d'assurance-maladie expirée et il y a des gens, évidemment, qui la perdent.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Il me semble, M. le Président, que la prétention d'Alliance, ce n'est pas exactement dans cette veine.

M. Chevrette: Mais qui ne la possèdent pas ou qui l'ont perdue. C'est ce que j'ai dit.

M. Bergman: Mais aussi que, s'il y a une différence entre la liste de la RAMQ et la liste permanente, ils ont été rayés de la liste permanente tant qu'il y a des preuves où étaient les défauts. Alors, il semble que la RAMQ ne peut pas répondre à cette question, ça veut dire que c'est le Directeur général des élections qui peut nous informer s'il y a à peu près 200 000 personnes qui ont été rayées de la liste permanente à cause du fait qu'il y a eu des différences entre l'information donnée par la RAMQ et l'information qui existait sur la liste permanente pour...

M. Chevrette: Je ne veux pas être mal interprété, il y a des allégations actuellement en circulation qu'au moins 200 000 personnes vivant à Montréal et en banlieue, ayant d'ailleurs la qualité d'électeurs ne sont pas présentement autorisées à voter et que, s'il y avait eu de sélections en 1998, sans des efforts acharnés pour les inscrire sur la liste, ces électeurs auraient été privés de leur droit de vote. En d'autres mots, ce qu'ils disent, c'est que, pour eux, ils ne pourraient pas se servir de la carte d'assurance-maladie.

M. Bergman: M. le Président, vous devez lire le prochain paragraphe. Si vous lisez le rapport d'Alliance Québec, lisez le prochain paragraphe qui modifie ce qui a été dit, M. le ministre.

(10 heures)

M. Sirros: Juste pour clarifier, il me semble, si je comprends bien ce qui est marqué ici, pour le ministre, parce qu'il ne faut pas... M. le ministre?

M. Chevrette: Oui, j'écoute.

M. Sirros: Moi, ce que je comprends, c'est qu'il y a des allégations à l'effet qu'il y a 200 000 personnes qui ne sont pas inscrites sur la liste électorale permanente. Alors, même s'ils avaient la carte d'assurance-maladie, s'ils n'étaient pas sur la liste électorale permanente, ils ne pourraient pas voter.

M. Chevrette: Les noms du nombre inconnu de gens domiciliés au Québec et ayant la qualité d'électeur selon la Loi électorale ne figurent pas inscrits sur cette liste parce que, pour quelque raison que ce soit, ils ne possédaient pas ou avaient perdu... Le 200 000 m'apparaît gros en Hérode comme chiffre.

M. Sirros: En tout cas, moi, les allégations que j'entends, c'est que, au moment de l'inscription, du recensement général, quand les gens se sont présentés aux domiciles, soit qu'il y a des gens qui n'étaient pas retracés parce qu'ils n'étaient pas là, soit qu'ils n'avaient pas leur carte ou une pièce d'identité, puis ils n'ont pas été inscrits. Puis il y a des gens qui disent qu'il y a 200 000 personnes qui existent au Québec avec la qualité d'électeur, mais qui ne se retrouvent pas sur la liste électorale. Alors, je pense que c'est ça, l'allégation. Alors, même si l'identification...

M. Chevrette: Prenons pour acquis que c'est vrai...

M. Sirros: Juste pour clarifier...

M. Chevrette: Oui, mais prenons pour acquis que c'est vrai, ce que vous dites, c'est-à-dire que les allégations... que ce soit plus juste ce que vous disiez que ce que je dis, ce n'est pas là-dessus que je vous posais la question parce que, eux, la question de la liste électorale, ça ne les regarde pas en soi, c'est un service de recoupage qu'offre la RAMQ. Mais c'est le 200 000 électeurs qui ne possèdent pas ou auraient perdu... Ça, ça m'apparaît charrié.

M. Sirros: Mais je pense qu'ils ne disent pas ça, M. le ministre.

M. Bergman: Lisez le prochain paragraphe à la page 8.

M. Sirros: Non pas qu'on veut nécessairement défendre Alliance Québec, mais, pour le droit des gens d'être interprétés correctement, ils ne disent pas ça.

M. Bergman: Lisez le deuxième paragraphe à la page 8.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Je voudrais vérifier quelque chose, O.K.? Quand vous avez confronté les listes, c'est vous qui avez confronté les listes, celles qui étaient proposées par le directeur des élections. Vous avez, à l'interne, pour ne pas donner de renseignements nominatifs, examiné et mis une cote ou un numéro de repère sur chaque électeur qui était repéré dans votre liste et qui était aussi dans l'autre liste. Est-ce que c'est bien ça?

M. St-Pierre (Marc): C'est exact.

M. Paquin: Ce qui fait que, si une personne n'était pas déjà sur la liste, vous ne pouviez pas la coupler?

M. St-Pierre (Marc): C'est tout à fait ça.

M. Paquin: Cependant, si la personne était sur la liste du directeur des élections et qu'elle avait perdu sa carte, elle était tout de même dans votre répertoire et vous lui donniez quand même un numéro?

M. St-Pierre (Marc): Oui, oui, absolument.

M. Paquin: Auquel cas ces gens-là ne font pas partie des gens qu'on n'a pas réussi – excusez l'expression – à «matcher».

M. St-Pierre (Marc): C'est exact, parce qu'on est partis de notre fichier et non pas du fait que la personne ait ou non une carte en main. C'est bien clair.

M. Paquin: Si tant allait être qu'il y avait 200 000 personnes qui avaient perdu leur carte d'assurance-maladie et qu'elles sont sur vos listes, il n'y a pas de problème, elles sont couplées.

M. St-Pierre (Marc): C'est exact.

M. Paquin: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Je voudrais ajouter un complément d'information. D'après ce que le Directeur général des élections nous a dit, il n'y a aucun rapport. Les 200 000 personnes qui n'ont pas été couplées demeurent sur la liste électorale. Elles ne sont pas éliminées par ce processus-là, aucunement. Alors, je comprends mal, moi aussi, la prétention ici que le fait de ne pas avoir de carte d'assurance-maladie pourrait faire qu'elles ne sont pas sur la liste électorale.

Une voix: Au moment du recensement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Si les prétentions d'Alliance Québec étaient fondées, ça voudrait dire qu'on n'a pas un problème de 217 840 personnes avec notre liste électorale, mais un problème d'au-dessus de 400 000.

M. Sirros: Ça voudrait dire qu'on a deux types de problèmes avec notre liste: un type qu'il y a des gens qui ont le droit de vote et que la liste électorale n'a pas pu repérer et un autre type de problème qu'on a des gens qui sont repérés, mais on n'a pas de façon de les suivre à l'avenir.

Mme Leduc: Mais, moi, ce que je ne comprends pas, c'est le fait qu'ils ne furent pas inscrits sur cette liste parce que, pour quelque raison que ce soit, ils ne possédaient pas ou ils avaient perdu leur carte-soleil. C'est au moment du recensement.

M. Sirros: C'est ça.

Mme Leduc: Ils n'avaient pas d'autre identification.

M. Sirros: C'est ça, ou ils n'étaient pas chez eux, possiblement. Je pense que c'est des exemples... 200 000, je trouve ça très grand, mais...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): J'aimerais qu'on revienne.

M. Chevrette: Je voudrais revenir à M. St-Pierre. La Commission d'accès à l'information est passée devant nous et nous a indiqué qu'utiliser la carte de la RAMQ pour s'identifier le jour du vote, la binette, comme j'ai utilisé comme expression, pour eux, ça constituerait un détournement de finalité. Est-ce que vous partagez ce point de vue?

M. St-Pierre (Marc): C'est très clair que, actuellement, le législateur n'a pas prévu qu'on puisse demander la carte d'assurance-maladie autrement que pour obtenir des prestations de services en santé et en services sociaux. Maintenant, le point de vue de la RAMQ là-dessus, c'est que la carte d'assurance-maladie est devenue, depuis 25 ans, une pièce d'identité, qu'on le veuille ou non. Dans les faits, c'est devenu une pièce d'identité, d'autant plus qu'on y trouve maintenant la photo et la signature du titulaire. Dans cette optique-là, évidemment, la décision ne nous appartient pas, mais on n'a pas d'objection à ce que, à sa face même, la carte puisse servir pour s'identifier, pour les fins d'application de la Loi électorale. Ça, c'est très clair.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez eu, par le passé, au niveau de la RAMQ, des plaintes d'utilisation en détournement de finalité, comme dit la Commission d'accès à l'information? Moi, j'ai trouvé ça gros. Je vous le dis comme je le pense, et je l'ai dit à M. Comeau lorsqu'il s'est présenté devant nous, d'ailleurs. Plutôt que de multiplier les cartes, tant et aussi longtemps que le débat ne sera pas fait au Québec sur, peut-être, une carte de citoyen, on ne le sait pas, mais il va falloir que le débat public se fasse sur le nombre de cartes, parce que c'est rendu qu'il y a perforation des poches de paletots ou de pantalons parce que les cartes s'accumulent. Avec les cartes de crédit, en plus, et les cartes d'appel téléphonique, etc. Est-ce que vous avez déjà eu des plaintes, vous autres, comme quoi, dans la société, on abusait de l'utilisation de la carte de la RAMQ, par exemple, ou que des groupes ou des individus se sont servis de la carte de la RAMQ pour faire des détournements de finalité?

M. St-Pierre (Marc): On a eu à quelques reprises des plaintes à l'effet qu'on demandait obligatoirement la carte d'assurance-maladie. Je vous donne un exemple: pour inscrire des jeunes à un club de hockey où on demandait la carte d'assurance-maladie parce qu'on voulait, dans les faits, vérifier la date de naissance, on a eu des plaintes à quelques reprises, mais au cours, je dirais, des 10 dernière années, ça a été quand même relativement rare.

M. Chevrette: C'est marginal?

M. St-Pierre (Marc): Oui, c'est marginal. Mais il faut bien voir une chose, c'est qu'il n'y a rien qui empêche une personne de présenter sa carte d'assurance-maladie comme pièce d'identité. Ce qui serait plus difficile pour nous, c'est qu'on exige, par exemple, le numéro d'assurance-maladie ou qu'on saisisse le numéro d'assurance-maladie à des fins d'identification. Ça, c'est plus dérangeant.

M. Chevrette: Il y a eu des expériences de carte à puce qui se sont faites chez vous. Où est-ce que c'en est rendu? Par exemple, d'avoir une carte avec photo et peut-être une puce où il serait impossible de... Parce que M. Comeau disait que ce qu'il craignait, c'est qu'on prenne les numéros, si je me rappelle bien de son témoignage. Est-ce qu'on a évolué au niveau des études de la RAMQ, par exemple, de mettre la carte photo et une puce?

M. St-Pierre (Marc): Le dossier de la carte-santé, de la carte d'assurance-maladie avec un microprocesseur, c'est un dossier, je dirais, qui suit son cours. Actuellement, à la RAMQ, il y a des études. Il appartiendrait au gouvernement de décider quand se fera le déploiement de la carte. Mais les études à date, nous, il n'est absolument pas question, par exemple, d'enlever la photo ou les identifiants qui sont sur la carte actuellement. Ce dont il est question, c'est d'y ajouter un microprocesseur, et c'est bien important pour nous, je pense. Il y a un microprocesseur qui ne devra servir que dans le domaine de la santé. Ça, la Régie a déjà fait une présentation à la commission sur la culture à cet effet-là et ça demeure un point bien important pour la RAMQ.

M. Chevrette: À ce moment-là, vous enlèveriez les numéros.

M. St-Pierre (Marc): Actuellement, il n'est pas question d'enlever les numéros. Mais les numéros pourraient effectivement... Le numéro d'assurance-maladie pourrait être dans le microprocesseur ou pourrait être remplacé par un numéro séquentiel.

M. Chevrette: Oui, c'est ça.

M. St-Pierre (Marc): Il y a des études qui se poursuivent là-dessus actuellement.

M. Sirros: Je regardais la carte d'assurance-maladie, puis je me dis: Si le numéro, c'est la clé pour ouvrir tous les dossiers... En fait, le numéro de la carte d'assurance-maladie est très facile à reconstituer. Vous avez les trois premières lettres du nom de famille, la première lettre du prénom, date de naissance et quatre chiffres. Donc, tout ce qu'on a vraiment besoin de retenir, c'est les quatre derniers chiffres. À partir d'une liste électorale, on a tout le reste. On a le nom de famille, on a le prénom, on a la date de naissance.

(10 h 10)

Alors, je présente une carte d'assurance-maladie, quelqu'un qui te connaît, qui veut en savoir un peu plus, il retient les quatre chiffres, il peut reconstituer ton numéro par la suite, puis, s'il y a d'autres façons de repérer tes dossiers, il pourra le faire. Ça, c'est une chose.

Au niveau de l'identification comme telle, c'est vrai que la carte d'assurance-maladie est souvent exigée, par exemple, même dans les magasins, en tout cas, des choses comme ça. Sauf que c'est toujours facultatif. L'hésitation que nous avons, au moins de ce côté-ci, c'est de rendre ça obligatoire pour l'exercice d'un droit aussi fondamental que le droit de vote. En tout cas, avec toutes les complications que ça peut comporter au niveau d'une perte de vote de certaines personnes qui ne vont pas avoir leur carte avec elles quand elles vont se présenter...

Vous recevez combien de cas où les gens vont chez le médecin et ils n'ont pas leur carte d'assurance-maladie? Êtes-vous capables de repérer ça?

M. St-Pierre (Marc): Oui. On remplace annuellement près de 90 000 cartes d'assurance-maladie, des gens qui ont perdu leur carte d'assurance-maladie.

M. Sirros: Quatre-vingt-dix mille personnes par année...

M. St-Pierre (Marc): Oui.

M. Sirros: ...perdent leur carte d'assurance-maladie?

M. St-Pierre (Marc): Oui.

M. Chevrette: Ou ne l'ont pas. Il faut faire attention, M. St-Pierre...

M. Sirros: Non, non. Ils remplacent...

M. Chevrette: Je pourrais aller chez le docteur de façon urgente...

M. Sirros: Un instant, là.

M. Chevrette: ...je n'ai pas perdu ma carte, mais je l'ai...

M. Sirros: Laissez-le, laissez-le...

M. Chevrette: Non, non. Je comprends, mais, s'il y a une nuance à apporter tout de suite, il faut...

M. St-Pierre (Marc): Oui, mais...

M. Sirros: Mais il tente de...

M. St-Pierre (Marc): ...quand je dis «perte», là, c'est le nombre de remplacements qu'on fait par année.

M. Sirros: Voilà, de remplacements.

M. St-Pierre (Marc): De remplacements qu'on fait par année, oui, effectivement.

M. Chevrette: Dus à des adresses?

M. St-Pierre (Marc): Non, non, non, l'adresse n'est pas sur la carte. Du à une perte, à un bris ou à un vol, perte ou vol, on en remplace effectivement... Mais il faut bien voir qu'il y a plus de 7 000 000 de cartes en circulation.

M. Chevrette: Oui, mais combien il y a de cartes – pour aller dans le même sens, d'abord – de médecins? Parce que la question que M. le député avait posée, c'étaient les médecins. C'est pour ça que je disais: Attention, il y a...

M. Sirros: Je veux savoir...

M. Chevrette: ...une différence entre perdre ta carte puis ne pas l'avoir quand tu vas chez ton médecin.

M. Sirros: Oui, mais je viens de découvrir un autre problème encore plus grave. Parce que, si 90 000 personnes par année perdent ou se font voler ou leur carte est détruite, ça veut dire qu'à tout moment donné durant l'année, quelque part, il y a un bon nombre qui n'ont pas leur carte, fort probablement des citoyens. Pourquoi? Parce que la grande majorité des gens qui sont ici sont des citoyens. Vous avez 310 000 sur 7 000 000 qui sont des... et, parmi le 310 000, il y a une grande majorité qui sont déjà des citoyens.

La question initiale, c'était un autre volet. Je vous remercie pour cette information, mais est-ce que vous avez une façon de savoir combien de fois des patients vont chez le médecin puis ils n'ont pas leur carte et le médecin vous les facture, ou je ne sais pas? Est-ce que vous avez une façon de repérer ça?

M. St-Pierre (Marc): Oui. Quand une personne se présente chez le médecin, qu'elle n'a pas sa carte d'assurance-maladie, la règle générale, c'est que la personne doit payer et se faire rembourser par nous. Donc, il y a une demande de remboursement qui nous est adressée. Là, on cherche le nombre de demandes de remboursement qu'on reçoit par année.

M. Sirros: Pendant que vous cherchez, ce chiffre-là risquerait, j'imagine, d'être un chiffre minimal, parce qu'il doit y avoir aussi des gens qui ne font pas la demande de remboursement. Probablement, on peut supposer.

M. St-Pierre (Marc): Ou des gens qui retournent – parce que c'est une pratique qui existe aussi – le lendemain chez le médecin avec leur carte et le médecin fait lui-même sa demande.

M. Sirros: Donc, le chiffre que vous allez nous donner, c'est un chiffre minimal. Ça ne peut pas être en bas de ça, mais ça peut être beaucoup plus que ça.

M. St-Pierre (Marc): Ça pourrait effectivement être plus que ça.

M. Chevrette: Je voudrais savoir... Vous permettez? Tantôt, quand j'ai introduit, j'ai dit: Quels sont ceux qui sont renouvelés sans photo? Vous avez fait un signe que oui, mais je n'ai pas reposé ma question. Donc, pourquoi il y a des renouvellements sans photo? Si c'est vrai qu'il y en a, d'abord.

M. St-Pierre (Marc): Oui. D'abord, il faut voir au niveau de la photo, c'est qu'il y a des gens qui sont exclus d'avoir une photo et il y a des gens qui sont exemptés. Les gens qui sont exclus, c'est les gens qui ont moins de 14 ans; ces gens-là sont exclus de la photo sur la carte d'assurance-maladie. Maintenant, il y a des gens qui en sont exemptés. Les gens qui en sont exemptés peuvent choisir d'avoir leur photo. Il y a d'abord les gens de plus de 75 ans qui sont exemptés d'avoir leur photo, mais je vous souligne tout de suite qu'il y en a près de la moitié qui ont quand même leur photo.

M. Chevrette: Plus de 75 ans.

M. St-Pierre (Marc): Oui, les plus de 75 ans sont exemptés. Il y a les personnes qui sont hébergées et qui sont sujettes à la contribution pour les adultes hébergés dans un établissement public ou privé conventionné. Il y a les personnes qui sont en tutelle ou en curatelle, représentées par le Curateur public. Il y a les personnes résidant dans certaines régions éloignées. Je pense à Basse-Côte-Nord et Grand Nord, il y en a 27 500 dans ces régions-là qui sont exemptées.

M. Chevrette: Est-ce qu'on pourrait avoir la liste, de votre part, ceux qui sont obligés, ceux qui sont exemptés, puis qu'on ait tout ça à la commission, ici?

M. St-Pierre (Marc): Oui, on va vous remettre une liste là-dessus. Il y a également des personnes en séjour à l'extérieur du Québec, séjour à l'extérieur du Québec autorisé. Je pense aux étudiants à l'étranger, aux travailleurs à l'étranger, aux gens des délégations du gouvernement du Québec à l'étranger. Il y a également des gens qui sont exemptés, quand ils fournissent un certificat médical, compte tenu de leur situation particulière.

M. Chevrette: Quant à être sur ce sujet-là, quelqu'un qui avait sa carte d'assurance-maladie, ici, au Québec, et puis il vend tout, il liquide tous ses avoirs, sa maison, son chalet et il s'en va. Il quitte, mais il garde la notion... Il n'a seulement qu'à déclarer qu'il a l'intention de revenir un jour. Est-ce qu'il conserve tous ses droits et privilèges au niveau de la carte d'assurance-maladie?

M. St-Pierre (Marc): Quelqu'un qui quitte le Québec pour aller s'établir à l'extérieur, il perd son droit à l'assurance-maladie à compter de la journée qu'il quitte si c'est de façon permanente. Maintenant...

M. Chevrette: S'il ne manifeste aucune intention... C'est correct.

M. St-Pierre (Marc): Même s'il manifeste l'intention de revenir un jour, il va perdre sa carte d'assurance-maladie s'il va s'établir à l'extérieur la journée où il quitte et il aura de nouveau sa carte la journée où il va revenir au Québec. Oui?

M. Sirros: Un instant. Comment est-ce que vous allez décider, à partir de quoi vous prenez la décision qu'il a quitté définitivement? Est-ce que c'est à partir d'une déclaration de non-résident au niveau de la taxation, par exemple?

M. St-Pierre (Marc): Non, non, absolument pas. Il n'y a pas de recrutement de ce genre-là.

M. Sirros: Alors, comment vous arrivez à la conclusion?

M. St-Pierre (Marc): À partir des informations, les gens sont tenus de nous aviser quand il y a soit un départ temporaire ou un départ permanent du Québec. Quand c'est un départ permanent, la personne perd sa carte d'assurance-maladie.

M. Sirros: Donc, c'est elle qui vous avise.

M. St-Pierre (Marc): Il y a deux règles, dépendant si la personne s'en va dans une autre province ou si elle quitte pour un autre pays. O.K.? Si elle quitte pour un autre pays, elle perd son droit à l'assurance-maladie la journée de son départ. Si c'est pour une autre province, c'est le premier jour du troisième mois. Il y a un échange...

M. Sirros: Donc, c'est elle qui vous avise: Moi, je quitte de façon permanente.

M. St-Pierre (Marc): Oui.

M. Sirros: Bon. Pas de problème.

M. St-Pierre (Marc): Maintenant, il y a aussi... On procède maintenant à la réinscription obligatoire à tous les quatre ans. Donc, nous, si une personne ne nous avise pas, sa carte va venir à expiration, elle va recevoir un avis de la Régie dans lequel on va lui demander de déclarer qu'elle n'est pas en séjour à l'extérieur du Québec. Si la personne ne fait aucune déclaration, il n'y a plus de carte valide en circulation.

M. Sirros: Puis c'est souvent ces cas-là qu'on reçoit au bureau de comté. Parce que vous avez un pourcentage que vous ne pouvez pas retracer. Donc, vous envoyez l'avis de renouvellement, l'avis vous revient à vous. La personne existe, elle va chez le médecin, sa carte est expirée: Vous n'existez pas, madame. En tout cas, on a eu quelques beaux cas, au comté.

M. St-Pierre (Marc): Oui. Et vous savez que, dans ces cas-là, on exige que la personne nous fournisse...

M. Chevrette: C'est ceux qui ne sont pas capables d'avancer l'argent, comme il disait.

M. St-Pierre (Marc): Si vous permettez, on exige, dans ces cas-là, que la personne nous fournisse une preuve de résidence. Si la personne ne s'est pas réinscrite dans les délais qui étaient impartis, la personne doit nous fournir une preuve de résidence au Québec.

M. Chevrette: J'ai un député qui vous écoutait puis qui nous écoutait, puis il est venu me porter une note. Il dit: Ma mère a 89 ans. Elle avait sa carte – elle a donc plus de 75 ans – avec photo. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous renouvelez sa carte sans photo, alors que c'est une liberté, vous auriez pu lui offrir avec sa photo puisqu'elle avait consenti à aller cherche sa photo? Est-ce que c'est une prérogative que vous prenez de renouveler sans photo vous autres mêmes ou si vous laissez le choix à l'individu?

M. St-Pierre (Marc): Non, absolument pas. Les gens qui ont plus de 75 ans, ils sont exemptés et ils sont avisés, sur l'avis qui leur est envoyé pour le renouvellement de leur carte d'assurance-maladie, qu'ils sont exemptés de photo, mais que, s'ils nous en fournissent une, ils vont avoir une carte avec photo. Puis ça, c'est très clair.

M. Chevrette: Donc, c'est le citoyen qui doit faire la démarche.

M. St-Pierre (Marc): C'est le citoyen qui doit faire la démarche, bien sûr, parce que la carte expire à tous les quatre ans. Donc, cette personne-là, on lui a normalement envoyé un avis de renouvellement. Sur l'avis de renouvellement, on a indiqué qu'elle était exemptée, mais qu'elle pouvait... Si elle nous fournissait une photo, on allait lui faire une carte avec photo. Mais, à ce moment-là, elle doit se présenter à l'authentification, bien sûr, parce que là, si elle nous a envoyé sa photo dans une enveloppe...

M. Chevrette: Je suppose que le 75 ans, c'est une question humanitaire. Un point c'est tout. Il n'y a pas d'autre motif?

M. St-Pierre (Marc): Le motif de 75 ans, c'était de faire déplacer les gens dans un point d'authentification. Parce que vous savez que la photo, quand on a une carte d'assurance-maladie avec photo, il faut se faire authentifier.

(10 h 20)

M. Chevrette: Mais, quand vous dites, par exemple, que les gens sous curatelle publique, puis vous dites que les gens en CHSLD, soins hospitaliers de longue durée, sont exemptés, selon ce que vous m'avez dit tantôt...

M. St-Pierre (Marc): Oui.

M. Chevrette: ...ces gens-là, ils ont beau être exemptés, il reste qu'ils ont droit de vote.

M. St-Pierre (Marc): Oui, oui, absolument.

M. Chevrette: Bon. Et on se garroche massivement, dans certains cas... J'ai vu faire voter des gens passablement amochés, entre vous et moi. Je l'ai vu faire, ça. Moi, personnellement, sur le plan humain, je trouve ça incorrect, je peux vous dire ça, que ça se fasse, de quelque parti politique que ce soit. Moi, personnellement, je trouve ça incorrect. Il n'y a pas de photo, il n'y a rien pour ces gens-là, alors que bien souvent, dans le domaine électoral, par exemple, c'est des gens qui ne connaissent pas du tout ces individus-là, qui sont soit greffiers, qui sont soit scrutateurs, représentants, même. J'ai l'impression que ces gens-là sont coupés bien souvent du public. C'est pour quelle raison? Encore là, est-ce que c'est seulement humanitaire? Pourquoi vous n'appliquez pas votre principe de photographie?

M. St-Pierre (Marc): Pourquoi ces gens-là ont été exemptés de photo? C'est que ces gens-là reçoivent des services. Il ne faut pas oublier que le but de la carte d'assurance-maladie, c'est de recevoir des services de santé et des services sociaux. Le but premier de la carte, ce n'était pas d'aller voter.

M. Chevrette: Je comprends.

M. St-Pierre (Marc): Donc, ces gens-là reçoivent des services en milieu fermé où ils n'ont pas besoin...

M. Chevrette: Ce n'est pas eux autres qui vont passer leur carte à d'autres. C'est ça. Je vous ai bien compris.

M. St-Pierre (Marc): Effectivement. Ces gens-là sont soignés en milieu fermé, donc ils n'ont pas nécessairement besoin de leur carte ni pour le médecin ni pour le pharmacien.

M. Chevrette: C'est vrai.

M. St-Pierre (Marc): Ils ont les médicaments gratuits, dans ces établissements-là.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Justement dans la même foulée. Ce qui donne droit à des soins de santé au Québec, c'est la même chose qui confère le droit d'avoir une carte pour le prouver. Ce n'est pas le fait d'avoir une carte qui fait en sorte qu'on a le droit d'avoir des soins, c'est le droit à des soins qui fait qu'on a le droit d'avoir la carte.

M. St-Pierre (Marc): La carte, c'est la gratuité des soins. Toute personne qui est un résident du Québec au sens de notre loi doit s'inscrire chez nous et, quand elle s'inscrit, on lui remet une carte, et la carte, c'est la gratuité des services.

M. Paquin: La carte, c'est ce qui authentifie que son détenteur a le droit. Mais le droit, ce n'est pas la carte. Le droit, il l'a, et, en conséquence, on lui émet une carte qui l'authentifie.

M. St-Pierre (Marc): C'est-à-dire que le droit, il l'a... En vertu de la Loi sur l'assurance-maladie, cette personne-là doit s'inscrire. Si elle n'est pas inscrite, elle n'a pas droit aux services.

M. Paquin: C'est ça. Mais la personne qui est inscrite, donc qui a le droit, à ce moment-là, on lui émet une carte et la carte authentifie que cette personne-là a le droit. Bon. Le fait d'aller chez le médecin et de présenter sa carte, c'est simplement pour identifier la personne qui prétend avoir le droit en question. Donc, le détenteur a sa photo là-dessus, dans beaucoup de cas, pour pouvoir s'identifier auprès du médecin, par exemple, comme quoi il détient une preuve qui authentifie qu'il a le droit. Est-ce que c'est bien ça?

M. St-Pierre (Marc): J'ajouterais que, en vertu de notre loi, c'est une condition pour un médecin pour avoir droit à la rémunération. La loi est ainsi faite que, pour avoir droit à la rémunération, il doit y avoir présentation d'une carte d'assurance-maladie, sauf pour certaines exceptions.

M. Paquin: En fin de compte, c'est que le médecin, pour être payé, doit avoir procédé à l'identification et à l'authentification du fait que la personne qu'il a traitée avait droit à la gratuité et auquel cas il est payé. S'il s'abstenait de le faire, bien, il se ferait payer autrement, en tout cas, ce n'est pas vous autres qui allez le payer.

M. St-Pierre (Marc): Il doit y avoir présentation d'une carte d'assurance-maladie.

M. Chevrette: Bien, il y a deux choses.

M. Paquin: Mais, quand elle est présentée, ce n'est pas ça qui donne la gratuité au patient, c'est ce qui donne la rémunération au médecin, parce que la gratuité, le patient y avait droit et c'est pour ça qu'on lui a émis une carte.

M. St-Pierre (Marc): Bien, c'est les deux, là.

M. Chevrette: Moi, je pense qu'il y a trois choses dans ça, dans ce cas-là. La carte avec photo, c'est pour enlever la fraude, il n'y a pas d'autre motif. Vous n'avez pas mis la binette pour quelque chose. Ça ne paraît pas, la binette, sur le compte...

M. St-Pierre (Marc): C'est un moyen de contrôle, c'est très clair.

M. Chevrette: Mais, sur le compte du docteur, ça ne paraît ça.

M. St-Pierre (Marc): C'est très clair que c'est un moyen de contrôle.

M. Chevrette: C'est parce qu'on ne veut pas qu'on passe notre carte à une dizaine de New-Yorkais. Pas de photo, il y en a plusieurs qui se ressemblent, là. Dans la trentaine, il peut y en avoir 1 000 000, de 30 ans. J'ai vu même un bonhomme que ça fait longtemps qu'il avait quitté mon coin de pays, puis qui est venu se faire amputer une jambe ici parce qu'il y avait une gratuité hospitalière. De toute façon, on a vu des affaires de même dans le passé, puis on a vu des gens qui avaient à peu près 30 ans, qui étaient à peu près de telle hauteur, puis qui avaient à peu près telle date de naissance, puis profiter... Je me rappelle avec Marc-Yvan Côté, en particulier, parce qu'on s'est succédé à la Santé, et on savait très bien qu'il fallait mettre une offensive et ça a abouti à la photo. Ce qui a permis, probablement, d'en éliminer plus de 200 000 à 300 000.

M. St-Pierre (Marc): Trois cent cinquante mille, à peu près.

M. Chevrette: Bon. Donc, déjà il y a eu un correctif majeur de ce côté-là. Ça, c'est une chose. Pour ce qui est de la gratuité, c'est la gratuité maintenant si tu as ta carte, parce que tu dois payer pour rembourser si tu ne l'as pas. Ça, c'est une deuxième dimension. Mais, quant au principe même de la photo, pour moins de 14 ans, vous venez de permettre à une potentielle fraude encore, quand on dit: En bas de 14 ans, il n'y a pas de photo. Parce qu'il peut y avoir des enfants de l'Ontario, ou des enfants de New York, ou des enfants de la Floride qui viennent ici et qui empruntent la carte parce qu'il n'y a pas de photo et qui se font traiter avec notre carte. Oui ou non? Ça ne résiste pas à l'analyse du principe fondamental: Si tu as mis une photo pour fins d'éviter les fraudes... On peut comprendre, dans des circuits fermés, des gens qui sont à l'hôpital puis c'est le médecin qui se sert de la carte, mais, dès que c'est à l'extérieur des institutions, la fiabilité pour le réseau n'est pas complète.

M. Sirros: C'est peut-être un problème, mais je pense qu'on glisse sur le domaine de la santé. C'est peut-être des commentaires qui peuvent être faits à votre collègue, parce que là on embarque au niveau du contrôle par rapport à l'utilisation du système de santé.

M. Chevrette: Non, non. partir des réponses sur le système, c'est la fiabilité et également les fins pour lesquelles... Parce qu'on voit bien que ce n'est pas les mêmes finalités que nous autres. Mais je suis content de les entendre dire. Ça contredit d'autres qui sont déjà venus ici et qui ont affirmé autre chose.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, j'aimerais permettre au député de Saint-Jean de continuer ses questions, mais j'aimerais qu'on puisse procéder rapidement puisque le député de Laurier-Dorion avait d'autres questions à poser. Il nous reste cinq minutes.

M. Paquin: Alors, j'en poserai seulement une. Donc, ce n'est pas le fait que la carte ait ou non la photo dessus, c'est simplement pour authentifier les cas où c'est fait et donc valider le fait que la personne avait droit aux soins gratuits et valider le fait que le médecin sera payé.

M. St-Pierre (Marc): Et que c'est bien la bonne personne.

M. Paquin: Donc, ce n'est pas la carte elle-même, sa détention ou quoi que ce soit qui authentifie du droit, c'est bel et bien si la personne est sur votre liste comme ayant acquis tous les droits. Donc, la liste de la RAMQ n'est pas nécessairement à jour, s'il y a des gens qui ont perdu la carte, si les gens n'ont pas renouvelé leur carte, mais la liste de la RAMQ, elle, contient toujours les noms des personnes ayant droit. Est-ce que c'est exact?

M. St-Pierre (Marc): Oui, oui, c'est exact.

M. Paquin: Donc, dans tous les cas où le Directeur des élections vous a présenté une liste où le nom figurait sur sa liste, s'il n'y avait pas d'erreur d'adresse, par exemple, ou des choses comme ça, il était susceptible d'être repéré par votre carte et vous étiez susceptible de lui donner un numéro de corrélation.

M. St-Pierre (Marc): Oui, un code de recoupement.

M. Paquin: Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Moi, l'intérêt que j'ai à vous questionner sur ça, c'est que je cherche à identifier ou à cerner, si vous voulez, le nombre potentiel d'électeurs qui ont le droit de vote et qui risquent de le perdre si on instaure une mesure obligatoire d'identification à partir de la carte d'assurance-maladie, en particulier. Vous venez de me dire qu'il y en a 90 000 chaque année que vous remplacez. Donc, durant toute l'année, à un moment donné, il y en a 90 000 qui n'ont pas leur carte d'assurance-maladie pendant une période x qui va entre le moment où ils l'ont perdue et le moment où vous la remplacez, chiffre que je trouve énorme.

M. St-Pierre (Marc): Bien, c'est-à-dire qu'il n'y en pas 90 000 en même temps.

M. Sirros: Non, non. C'est ça que j'ai dit, durant l'année.

M. St-Pierre (Marc): Il y en a 8 000, à peu près, en même temps.

M. Sirros: Il y a en 8 000 en même temps?

M. St-Pierre (Marc): Bien, si on divise le 90 000. Parce que ça se répartit sur l'ensemble de l'année, là.

M. Sirros: O.K. Correct. Je ne vous demande pas de réduire l'importance de l'information, j'essaie juste de la constater. Il y en a 90 000 durant l'année – et j'essaie de le faire correctement. Durant une année complète, il y a 90 000 personnes qui, à un moment donné durant cette année, n'ont pas en leur possession leur carte d'assurance-maladie, et ce, pour une période qui va du moment où elles l'ont perdue jusqu'au moment où ça a été remplacé. Dans un premier temps, pourriez-vous me dire quel est ce délai, d'abord? Combien de temps à partir du moment où vous recevez une demande de remplacement de la carte et où vous la remplacez?

(10 h 30)

M. St-Pierre (Marc): Actuellement, nos délais sont de 14 jours à partir du moment où une personne communique avec nous pour avoir le remplacement de sa carte.

M. Sirros: Donc, on peut imaginer que ça varie d'un minimum de deux semaines, peut-être un petit peu plus, à partir du moment où la personne se rend compte qu'elle a perdu... «Whatever», minimum deux semaines.

M. St-Pierre (Marc): Quand je dis 14 jours, c'est évidemment... Il faut que la personne se présente à l'authentification. Si la personne, en attendant... La personne communique avec nous; on lui envoie un document. Si la personne attend trois semaines avant d'aller à l'authentification, évidemment je ne compte pas cette période-là.

M. Sirros: Donc, ça peut être plus long.

Deuxième question. Des électeurs potentiels qui risquent de perdre leur droit de vote si la carte est obligatoire comme mesure d'identification au moment du vote, c'est un indice qu'on peut avoir à partir du nombre de personnes qui visitent le médecin et qui n'ont pas leur carte avec eux, qui l'ont oubliée. Ça pourrait être, encore une fois, une base minimale parce que, normalement, quand on va chez le médecin, on sait qu'on va chez le médecin. Alors, pouvez-vous me donner le chiffre que vous cherchiez tantôt?

M. St-Pierre (Marc): Alors, le chiffre qu'on cherchait tantôt, c'est 90 000 demandes de remboursement. Mais il faut bien voir que ce ne sont pas des individus. Ce sont des demandes de remboursement. On peut avoir, pour un même individu, plus d'une demande.

M. Chevrette: Huit, 10.

M. Sirros: C'est le nombre de fois qu'il y a des patients qui se présentent chez le médecin ou que des patients ont oublié... Non pas le nombre de patients, c'est le nombre de fois que quelqu'un va chez le médecin.

M. St-Pierre (Marc): C'est exact. C'est le nombre de demandes de remboursement qu'on reçoit. C'est exact.

M. Sirros: Correct. Et une estimation de combien de personnes? «C'est-u» possible de faire ce recoupement-là? Est-ce qu'on parle de 1 000 personnes qui, 90 fois, vont chez le médecin? Est-ce qu'on parle de... De quoi? Est-ce qu'on peut imaginer que c'est près de 90 000 personnes?

M. St-Pierre (Marc): Je pense que... Mon expérience me démontre que oui. C'est peut-être 80 000, mais je n'ai pas de données formelles là-dessus.

M. Chevrette: ...demandes. Ça va être quatre demandes de remboursement pour le même patient dans la même journée.

M. Sirros: Le questionnement va bien jusqu'à maintenant.

M. Chevrette: Bien, je vais à l'hôpital, moi, puis je peux passer quatre médecins qui vont faire quatre demandes pour le même patient si je n'ai pas ma carte.

M. St-Pierre (Marc): Effectivement, ça peut arriver, mais...

M. Chevrette: Bon. Pas 90 000, ce n'est pas vrai.

M. Sirros: La question était: Dans votre estimation, est-ce que le nombre de personnes dont on parle se situe près du 90 000, près du 50 000, près du 25 000, près du 10 000?

M. St-Pierre (Marc): Bon. Écoutez, il faudrait... Je pense qu'il y aurait une façon d'interroger le système pour le savoir de façon...

M. Sirros: Plus exacte.

M. St-Pierre (Marc): ...exacte, là. À l'oeil, ça reste difficile.

M. Sirros: Bien, une autre façon de le repérer: le nombre de fois... En tout cas. Donc, 90 000, peu importe, c'est un chiffre important. C'est ça que j'essaie de comprendre: 90 000 fois que des gens n'ont pas leur carte quand ils se présentent chez le médecin. Les autres 90 000 qui durant l'année n'ont pas de carte sur eux pour un minimum de deux semaines.

M. St-Pierre (Marc): Oui.

M. Sirros: Donc, on parle de 180 000 potentiels. C'est probablement quelque chose comme 110 000, ou 120 000, ou je ne sais pas trop quoi, mais c'est un chiffre quand même assez important. C'est ça que j'essaie de comprendre.

M. St-Pierre (Marc): Oui, mais il faut faire attention, là, quand on parle de demandes...

M. Sirros: Faisons toutes les attentions nécessaires, parce que, exactement, le droit de vote est très important, puis il faut faire attention de ne pas le faire perdre à des gens.

M. St-Pierre (Marc): ...oui, mais quand on parle de demandes de remboursement...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. St-Pierre...

M. St-Pierre (Marc): ...ce n'est pas nécessairement que la personne n'a pas sa carte chez elle ou n'a pas oublié sa carte à la maison ou... Bon. Ça, on ne le sait pas, là.

M. Sirros: Tout à fait. J'ai compris ça et je vous ai demandé...

M. Paquin: Mais ce serait peut-être intéressant qu'on ait le... Si c'est quelque chose qui ne demande pas un effort trop grand.

M. Sirros: ...est-ce que je peux compléter... Je n'ai pas de problème. Allez-y, allez-y.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): J'aimerais bien qu'on puisse poursuivre l'échange, mais on a, en fait, épuisé le temps d'échange qu'on avait, à deux minutes près. Moi, avant de conclure les travaux, j'aimerais vérifier avec M. St-Pierre s'il nous dépose aujourd'hui les renseignements auxquels il faisait référence tout à l'heure. D'autre part, si telle est la demande de la commission aussi, qu'il y a peut-être certaines ventilations des données, si c'est faisable techniquement, la demande de M. le député de Laurier-Dorion, d'avoir une information complémentaire à cet effet-là, l'espèce de recoupement. Lorsque vous parlez de 90 000 demandes de réclamation, est-ce que c'est 90 000 citoyens ou pas? D'autre part, lorsque vous parlez de 90 000 personnes dans l'année, vous nous avez donné une mention qu'il y a à peu près une moyenne de 8 000 par mois.

M. St-Pierre (Marc): Par mois.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, ces données-là, moi, j'aimerais ça, si c'était possible, les avoir.

M. St-Pierre (Marc): On va les fournir à la commission.

M. Chevrette: Avec des recoupages, comme il demandait, là. Ça peut être intéressant.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Et la liste des exemptions ou exclusions dont vous parliez tantôt, si c'était aussi possible. Pas la liste des personnes évidemment, mais la liste des types d'exclusion et le nombre approximatif.

M. St-Pierre (Marc): Oui, on va les fournir à la commission.

M. Sirros: Il y a un chiffre sur lequel on n'a pas besoin de recevoir de rapport. On peut s'entendre tout le monde ici que, durant une année complète, pendant des périodes x, il y a 90 000 personnes, durant cette année-là, qui, à des moments donnés, n'ont pas en leur possession la carte d'assurance-maladie.

M. St-Pierre (Marc): Sur une année, oui.

M. Chevrette: Sur une année...

M. Sirros: Oui, oui.

M. Chevrette: ...pas à un moment donné, sur une année.

M. Sirros: Sur une année, à un moment donné durant cette année, il y a 90 000 personnes...

M. Chevrette: Non, jamais d'un coup sec, on ne peut pas affirmer ça.

M. Sirros: Mais je viens de dire durant l'année, à un moment donné. En tout cas, je ne sais pas si je m'exprime mal, mais il y a 90 000 personnes, durant l'année, qui n'ont pas leur carte d'assurance-maladie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Au cours de l'année...

M. Sirros: Ça peut être, on nous dit, 8 000 personnes.

M. Chevrette: Un mois. Ça peut être 12, un mois, puis 8, l'autre. C'est une moyenne.

M. St-Pierre (Marc): Oui, oui, effectivement, c'est une moyenne de 8 000 par mois.

M. Sirros: Donc, si je veux être minimaliste, je peux affirmer que, à un moment donné, il y a probablement 8 000 personnes...

M. Chevrette: C'est ça. Ça, c'est vrai.

M. Sirros: ...qui ont le droit de vote qui ne vont pas pouvoir l'exercer...

M. Chevrette: Pas nécessairement.

M. Sirros: ...si la demande de produire une carte d'identité repose sur l'assurance-maladie de façon obligatoire seulement.

M. Paquin: Ça dépend si elle repose exclusivement...

M. Sirros: Combien de votes?

M. Chevrette: J'ai bien compris que, dans le 8 000, il pourrait y avoir des enfants, il pourrait y avoir des immigrants non reçus, il pourrait y avoir...

M. Sirros: Tout à fait.

M. Chevrette: ...donc, on ne peut pas affirmer ex cathedra qu'il y a un nombre précis à un moment x, c'est sur une année complète.

M. Sirros: Tout à fait.

M. Chevrette: Donc, ceci dit, je vous remercie beaucoup. Il est possible, même, que la commission, peut-être, puisse poser des questions techniques...

M. Sirros: Tout à fait, oui.

M. Chevrette: ...pas question de jugements politiques, mais, techniquement, si on s'entendait sur d'autres séries de demandes...

M. Sirros: C'est ça.

M. Chevrette: ...on pourrait vous les acheminer. Parce qu'il serait intéressant de confronter des listes, comme on parlait tantôt, pour voir... Il y a des mouvements qui se produisent, il y a des temps forts, par exemple, d'automne ou le 1er juillet. Je suppose...

Une voix: Les déménagements.

M. Chevrette: ...que ça doit être assez majestueux, le nombre. Parce que vous dites qu'il y en a eu 500 000, à un moment donné, en tout, que vous traitiez. J'aimerais ça qu'on puisse peut-être prolonger cela, même si c'est dans un forum non informel, c'est technique. Donc, je pense bien que vous serez disponibles, ou il y aura quelqu'un de votre équipe.

M. St-Pierre (Marc): Absolument, sans aucun problème.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le...

M. Sirros: Juste pour remercier également. Je trouve ça intéressant et j'aimerais peut-être, en conclusion, tourner à l'envers la question que le ministre a posée hier quand il disait combien de pourcentage de fraude est acceptable, combien de votes perdus sont acceptables? C'est une question valable.

M. Chevrette: Pas plus qu'une fraude. Pas un vote perdu, pas plus qu'une fraude. Ils trouveront un mécanisme.

M. Sirros: Correct, correct.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): L'un et l'autre ne sont pas acceptables.

M. Chevrette: Mais je trouve que la fraude est pire, je suis contre le péché, moi.

M. Sirros: La fraude, elle est punissable; la perte du droit de vote n'est pas récupérable.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, nous vous remercions de ces échanges, et j'invite maintenant MM. Libman et Grey à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Messieurs, bienvenue à cette audition de la commission des institutions. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, à la suite de quoi vous pourrez échanger avec nous à partir des questions des membres de la commission. Bienvenue.


MM. Robert Libman et Julius Grey

M. Libman (Robert): Merci, M. le Président. Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous recevoir ici, parmi vous, aujourd'hui. Ça fait du bien de retourner, de temps en temps, ici, à Québec, surtout m'asseoir dans le salon rouge.

(10 h 40)

M. le Président, pour être en mesure d'apporter des modifications à la loi référendaire québécoise à la lumière de la décision de la Cour suprême en octobre dernier, il est très important que les raisons qui nous ont motivés à amener la cause devant les tribunaux soient bien comprises. Malgré l'importance symbolique, selon le gouvernement, que cette loi revêt pour beaucoup de Québécois, elle demeure greffée de problèmes sérieux et contraignants à la liberté d'expression. À cet effet, j'aimerais vous rappeler que, lors du dépôt du projet de loi, en 1978, plusieurs organisations syndicales, associations étudiantes, groupes populaires et individus se sont prononcés contre les comités-parapluies. En effet, le 23 juin 1978, quelques jours avant l'adoption de la loi, le 49e congrès de la CSN adoptait la proposition suivante: Que la CSN s'oppose au projet de loi du gouvernement québécois sur la consultation populaire pour son caractère antidémocratique qui, entre autres, oblige les groupes désirant exprimer leur position à se regrouper sous l'une ou l'autre des options, qui limite la liberté de presse et d'expression et, en conséquence, peut empêcher la participation autonome du mouvement ouvrier sur la question nationale.

La position de la Législature face au changement ne peut être guidée par un parti pris primaire, comme la vive réaction initiale du gouvernement, suivant le jugement de la Cour suprême, qui voyait en l'occurrence une attaque contre le fruit d'un large consensus au Québec, ou encore le démantèlement, par la Cour suprême, de l'édifice bâti par René Lévesque et soutenu pour Robert Bourassa, comme le premier ministre a dit.

Je vais donc essayer ce matin de mettre en lumière les réels dilemmes et absurdités politiques auxquels j'ai été confronté en raison de la loi référendaire québécoise, les problèmes qui m'ont conduit à contester cette loi devant les tribunaux, problèmes qui ne seront guère résolus par les propositions avancées par Pierre-F. Côté. Et les enjeux politiques que je vais aborder sont très significatifs dans l'illustration des problèmes que nous avons rencontrés, et cela ne devrait pas être un débat partisan. Je n'ai pas du tout lancé cette initiative judiciaire à des fins partisanes. Ce processus a été amorcé en mai 1992, à l'aube du référendum sur l'entente de Charlottetown. À l'époque, je dirigeais un tiers parti à l'Assemblée nationale. Le parti avait été fondé en 1989 sur la base de principes spécifiques, notamment la primauté des chartes des droits et libertés, des droits des minorités au Québec ainsi que la conviction profonde que le Québec doit toujours demeurer partie intégrante du Canada. C'étaient les raisons primaires pour lesquelles nous avions fondé ce parti, et les électeurs, dans quatre comtés, nous ont mandatés à l'Assemblée nationale.

Nos attentes, avant que la rédaction de l'entente de Charlottetown ne soit finalisée, étaient à l'effet que l'accord ne pourrait être acceptable pour nous, qu'il affaiblirait le gouvernement fédéral. Et nous craignions également que la Charte des droits ne soit affadie par la présence de la clause de la société distincte. Il était clair aussi que le Parti québécois serait opposé à l'accord mais évidemment pour des raisons très différentes.

Mais la situation était telle, en vertu de la loi référendaire, que nous étions obligés de faire campagne sous le parapluie du comité du Non dirigé par le Parti québécois, un parti dont la raison d'être est un anathème à la nôtre. Avec une élection éventuelle, la perception de travailler main dans la main avec l'ennemi, si vous voulez, aurait pu nous causer bien du tort aux yeux de plusieurs de nos électeurs fédéralistes. Alors, ce dilemme politique absurde imposé par la loi nous a poussés devant les tribunaux, mais nous avons été déboutés devant la Cour supérieure. Quelques semaines plus tard, avec des modifications de dernière minute apportées au libellé de l'accord de Charlottetown, libellé atténuant la portée de la clause de la société distincte, notre caucus de députés a décidé de pencher vers le Oui, sous la houlette du Parti libéral. Mais nos problèmes, malheureusement, ne se sont pas arrêtés là. Travailler avec les libéraux était un peu plus facile, en regard de la perception politique pour nos électeurs fédéralistes, mais nous étions toujours chapeautés et obligés de suivre les diktats d'un adversaire politique en ce qui concerne un débat politique fondamental.

Nos problèmes restaient tout aussi réels: tout l'argent dépensé pour véhiculer notre message ou articuler toute nuance politique devait sortir de la location du comité du Oui, donc avec la permission du Parti libéral. Et, malgré le fait que nous appuyions la même option que lui, le message pour nos électeurs était très différent de celui des dirigeants du comité, qui cherchaient l'appui des nationalistes mous. Par exemple, ils se vantaient haut et fort de l'autonomie du pouvoir que notre province arracherait avec profit au gouvernement fédéral, si l'entente de Charlottetown était adoptée. Par contre, pour mes électeurs de D'Arcy-McGee, ce n'était pas du tout le genre de message qui aurait gagné leur appui. Notre message, par exemple, était à l'effet que la ratification de l'entente signifierait qu'enfin la signature du Québec serait apposée dans la Constitution canadienne, un geste important, renforçant l'adhérence d'une autre province dans le giron constitutionnel du Canada.

Nous avions espéré réveiller un peu le patriotisme canadien avec des messages qui soulèveraient la passion, en soulignant les avantages du Canada. Nous avions espéré avoir, au moins, un drapeau sur les imprimés du comité du Oui ou même la présence d'un petit unifolié sur les pamphlets, mais nous nous sommes butés à des obstacles sans fin. Nous avons éprouvé des grandes difficultés à avoir une plate-forme et à présenter nos points de vue dans les messages publicitaires ou dans la documentation. Il nous était illégal de dépenser de l'argent pour publier nos propres pamphlets. Ni publicité ni rien. Le seul événement, M. le Président, qui a finalement été autorisé par le comité du Oui, après beaucoup de plaintes et de négociations, a été l'organisation d'un cocktail. Ils nous ont permis 1 800 $, mais seulement à la condition que nos députés contribuent chacun 400 $ au comité du Oui.

Alors, comme vous pouvez le voir, en tant qu'élu à l'Assemblée nationale, ayant fondé un parti politique pour défendre des idées, j'avais les mains liées et j'étais largement exclu d'un débat aussi fondamental. Ma liberté d'exprimer mes convictions politiques a été brimée, et, à l'époque, je n'ai pas voulu aller devant le Conseil du référendum, parce que la controverse autour d'une division, dans le camp du Oui, aurait nui à la cause en général. Il est très clair que cette loi impose des contraintes aux tiers partis. Tous les Québécois ont un enjeu majeur dans leur avenir et doivent avoir le droit d'exprimer librement leur point de vue sur une question aussi fondamentale que l'avenir du Québec dans le Canada. On ne peut pas leur nier une plate-forme qui leur permettrait de s'exprimer.

Comme membre de l'Assemblée nationale, à l'époque, j'ai au moins eu la possibilité, de temps à autre, d'avoir un peu de couverture dans les journaux ou la presse locale. Cependant, le citoyen ordinaire, M. et Mme Tout-le-Monde n'ont même pas cette opportunité marginale de couverture médiatique qui est, de toute évidence, hors de leur contrôle.

Être forcé d'adhérer à seulement l'un ou l'autre des deux comités-parapluies où les deux partis politiques majeurs détiennent un contrôle absolu des dépenses et, donc, des messages véhiculés, est une grave limitation à la liberté d'expression, autant pour les groupes affiliés qui se sentent frustrés au bout d'un certain temps, comme nous l'avions été, que pour les tiers partis qui se retrouvent hors des comités-parapluies et sont complètement incapables de faire quoi que ce soit. En 1998, un plafond de 1 000 $ pour les tiers partis, tel que suggéré par Pierre-F. Côté et d'autres, est carrément insuffisant pour permettre aux Québécois de participer pleinement au débat sur leur avenir et ne réglera en rien les problèmes que nous avons eus durant le référendum de Charlottetown. Donc, si la Législature n'apporte que des petites retouches à la loi, comme permettre un plafond de 1 000 $ pour les tiers partis, sans la possibilité de s'allier à d'autres, nous serions dans l'obligation de retourner devant la Cour suprême et référer à l'avis des juges ces changements mineurs.

Alors, Me Grey tentera maintenant d'élaborer quelques pistes de solutions que nous vous offrons.

M. Grey (Julius H.): Merci. C'est un grand honneur d'être ici parmi vous. J'ai déjà distribué la petite proposition que je vous fais: Comment amender la loi. Je veux l'expliquer.

Je veux commencer par une idée que je suis sûr que nous partageons tous: l'importance inébranlable de la liberté d'expression. Je pense que c'est admis par tous les Québécois, quelle que soit leur opinion politique, et, d'ailleurs, autant au Québec, peut-être même plus qu'ailleurs au Canada, où l'emprise de la rectitude politique est plus profonde. Je pense que tous les Québécois partagent cet idéal, et ils l'ont toujours fait. À mon avis, il faut donc penser à limiter la liberté d'expression au moindre degré possible, compatible avec le but essentiel. Et j'admets, d'emblée, que le but d'égalité dans le processus électoral est important, est essentiel, est inébranlable, aussi. Cela dit, il faut se poser la question sur toutes les propositions que nous avons entendues. D'abord, la présente loi, qui a été invalidée par la Cour suprême, elle est d'une inefficacité manifeste si on veut parler d'égalité des chances.

(10 h 50)

D'abord, nous savons tous qu'il n'y a pas de relation nécessaire entre les dépenses et les résultats. Le référendum de Charlottetown nous a montré qu'au Canada anglais, où il n'y avait pas de limite, et au Québec, où il y avait toutes les limites au monde, le résultat a été sensiblement le même, pour d'autres raisons peut-être mais, néanmoins, ceux qui avaient de l'argent à dépenser n'ont pas pu influencer le résultat. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas contrôler, mais il ne faut pas s'imaginer qu'il y a une relation directe dollar par vote; ça n'existe pas.

Deuxièmement, il faut souligner que sous le système actuel, le système qui vient d'être validé, il y avait quand même des gens qui étaient privilégiés par rapport aux autres. Le gouvernement qui non seulement avait la question avant les autres et pouvait dépenser... On sait très bien que les dépenses deviennent beaucoup plus sérieuses quand on a le temps de dépenser: changer l'opinion publique en deux semaines c'est une chose; la changer en six mois, c'est beaucoup plus facile. L'opposition officielle a quand même certaines idées et peut savoir certaines choses sur ce qui va arriver, les propriétaires de journaux, des médias. Et aujourd'hui c'est devenu encore moins efficace à cause de l'Internet, qui est incontrôlable, du fait que les gouvernements à l'extérieur du Québec, qu'ils soient fédéraux, autres gouvernements provinciaux, gouvernements étrangers, même les individus à l'étranger ne peuvent pas être soumis à un contrôle. À un certain moment, on doit se poser la question si le contrôle de ce genre, dans une époque de l'Internet et de l'information incontrôlable, ne ressemble pas à une tentative par les presses de réglementer les crieurs municipaux après l'invention de l'imprimerie par Gutenberg, ça n'aurait rien donné de dire: Vous ne pouvez pas crier les nouvelles de cette façon ou d'une autre façon, parce qu'on avait un moyen beaucoup plus efficace.

Donc, j'arrivais à la conclusion non pas qu'il ne faut pas contrôler, mais qu'il ne faut pas s'imaginer que le système qui a été mis en place à la fin des années soixante-dix était parfait. Donner une égalité ne créait pas de classe privilégiée. Et je pense qu'il faut aller plus loin – c'est la triste expérience de l'humanité – que toute tentative de trouver une égalité parfaite va échouer. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas égaliser. Au contraire, moi, je suis un défenseur de tous les programmes sociaux, mais je pense qu'il ne faut pas s'imaginer que par un décret on va trouver une situation où chacun est l'égal de tous les autres, où, disons, un individu moyen devient l'égal de Conrad Black dans la distribution des renseignements. On ne peut pas le faire, et essayer de le faire nous mènera à une répression de la liberté d'expression qui va au-delà de ce qui est possible. On reste donc avec la situation suivante: Qu'est-ce qu'on peut faire? Et, à mon avis, on a déjà fait ce qu'on peut faire. Il s'agit d'amender la loi pour l'étendre au référendum. On peut limiter les dépenses aux individus et exclure les corporations, les syndicats, les groupes et, deuxièmement, stipuler un maximum pour chaque individu, mais il ne faut pas lui dire comment le dépenser. Il peut le dépenser en contribuant à un des deux groupes...

Une voix: ...

M. Libman (Robert): ... – oui – en le dépensant lui-même, en faisant autre chose. Et une remarque à noter, faire tout de suite que ce système-là élimine la possibilité des dépenses non comptabilisées, parce qu'il y aura un comité pour les dissidents, et il faudra avoir le timbre de ce comité sur chaque pamphlet, sur chaque affiche. Donc, une affiche non timbrée sera illégale, comme elle est aujourd'hui.

Mais ce que je ne veux pas, ce que je considère comme odieux et manifestement inconstitutionnel, c'est pour ce troisième comité de juger de la pertinence de la dissidence. Si quelqu'un vient dire: Je ne peux pas appartenir à un des deux groupes, il ne faut pas lui poser des questions, parce qu'à ce moment-là on viole l'argument principal de la liberté d'expression, parce qu'on n'entre pas dans le pourquoi pensez-vous ça, vous avez le droit de le penser.

D'ailleurs, Milton, le premier qui a écrit en faveur de la liberté d'expression. Sa liberté d'expression, sa liberté de religion n'étaient pas parfaites, il ne pouvait pas, lui, voir la façon de tolérer la religion catholique, malheureusement. Mais c'était un début chez Milton. Il a dit: «Il ne faut jamais prohiber d'avance.» Après, on peut juger, peut-être, mais prohiber d'avance, avoir un comité qui va essayer de décider qui peut et qui ne peut pas être dissident, c'est manifestement contraire à la liberté d'expression. Il suffit d'avoir la limite de 3 000 $ que l'individu devra enregistrer, qu'il ne pourrait pas dépenser, et ne pas se poser de question sur la pertinence de sa dissidence.

Et je vais finir avec deux ou trois exemples qui vont vous montrer jusqu'à quel point il est injuste de poser la question: Pouvez-vous ou ne pouvez-vous pas travailler ensemble? Premièrement, quelqu'un qui veut appuyer une position pour une raison satirique, est-ce que le comité du Oui ou du Non doit accepter quelqu'un qui dit: Oui, je suis pour eux mais pour une raison qui fait rire tout le monde et qui a l'effet contraire? Est-ce que c'est un comité qui va juger si l'effet de votre présentation est pour le Oui, même si vous dites que vous êtes pour le Non? Sûrement pas.

Deuxième question, qui vous montre jusqu'à quel point il ne faut pas obliger les gens. Ce qu'un groupe dit peut être odieux pour l'autre groupe. Prenez l'exemple dans un référendum pour le Oui ou le Non en matière de souveraineté. Un groupe qui est pour le Oui parce que ça va induire les anglophones à partir, je suis sûr que le Parti québécois ne voudra pas travailler avec eux. Et je suis sûr que le Parti libéral ne voudra pas travailler avec quelqu'un qui va dire: Je suis pour le Non pour angliciser le Québec. Dans les deux cas, c'est odieux. Ils ont le droit de le dire, c'est sûr, mais on ne va pas forcer une des grandes formations à travailler.

L'exemple qui vous montrera jusqu'à quel point on ne peut pas forcer les gens à travailler, ce sont les problèmes qu'a eus le président Chirac dans la dernière semaine. Faut-il l'obliger à travailler dans un référendum avec les gens du Front national s'il ne veut pas? La réponse est claire: Non. Que les uns disent ce qu'ils veulent, que les autres disent ce qu'ils veulent, mais il ne faut pas créer de groupes obligatoires.

Je veux terminer avec le dernier avertissement contre le perfectionnisme. Essayer de créer une égalité parfaite, essayer de créer les chances tout à fait égales pour tout le monde aura un coût énorme. Il n'y a pas un pays au monde – et il y en a beaucoup qui ont des référendums – où on a vu un phénomène de la création de millions de comités, des gens qui ont 3 000 $ à dépenser. Ça n'existe pas. Il ne faut pas avoir des craintes chimériques qui vont nous induire à limiter la liberté d'expression. Alors, la solution que je vous propose, c'est 3 000 $. Puis faites ce que vous voulez avec vos 3 000 $, à condition de les enregistrer et des les comptabiliser. Merci.

M. Chevrette: M. le Président...

M. Grey (Julius H.): Seul ou avec les autres, bien sûr, pour la liberté de la société.

M. Chevrette: ...tout d'abord je voudrais saluer M. Libman et M. Grey et dire que je suis surpris que M. Libman, dans son honnêteté intellectuelle habituelle, n'ait pas souligné qu'il y a déjà eu un référendum où le Parti Égalité a obtenu 50 000 $ d'un certain comité national. Je suis surpris qu'il l'ait omis, puisque le Parti Égalité, lui, il l'a dit, lorsqu'il a témoigné devant nous mardi. C'était 50 000 $. C'était loin du 2 500 $ que vous avez dénoncé aujourd'hui. Ça n'aurait pas été tellement un effort surhumain de souligner les deux côtés.

M. Libman (Robert): Comme vous le savez, il y avait une division dans...

M. Chevrette: Ce n'est pas une question, c'est un commentaire que je fais. Mais je voudrais vous dire que votre mémoire m'inquiète beaucoup, parce que, si je suivais à la trace l'argumentaire fait et le mémoire tel que rédigé, c'est tout aussi bien de dire que vous n'êtes pour aucune des règles d'encadrement, à toutes fins pratiques. C'est l'anarchie qui gérerait.

Je vais vous donner juste des exemples à partir de vos quatre petites pages. À la page 2, vous préconisez 3 000 $ mais sans aucune contrainte. Et le député de Laurier – je pense que c'est mardi – posait une question théorique mais qui peut s'avérer pratique quand on ne nous propose aucun encadrement. Il se pourrait qu'un groupe de dissidents minime ait plus de droit de parole avec 3 000 $, multipliés par 1 000 qui se cotisent. C'est 3 000 000 $. C'est 500 000 $ de plus qu'un camp ou l'autre. Ça, ça m'apparaît donc donner de la puissance non pas à la démocratie, mais à l'argent au détriment des idées.

(11 heures)

Deuxième argument, page 3 de votre petit mémoire. Aucun contingentement possible ou encadrement possible de l'argent de l'extérieur. Donc, venez manifester par la voie des airs, par train, par avion, dépensez des dizaines, des centaines de millions, vous ne serez jamais capables, juridiquement, de le régler. C'est un peu ça qu'on nous dit comme message: Laissez donc faire ça.

Page 4. Ça, c'est beaucoup plus inquiétant de la part de M. Grey. Je vais le lire parce que ça m'a frappé: «Par contre, la possibilité qu'un individu dépasse modestement son maximum permis n'est pas si inquiétante. Tous les systèmes, y compris le système actuel, peuvent être légèrement contournés.» Ce n'est pas grave, ça, de contourner les lois. Ça me surprend, ça, dans la bouche d'un grand procureur comme vous, M. Grey.

J'aimerais, comme première question, vous demander ceci: Où s'arrête la légèreté dans la législation? Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour vous faire plaisir puis que ça ne serait pas trop grave de contourner les lois?

M. Grey (Julius H.): Je ne dis pas que ce n'est pas grave de contourner les lois, je constate – et il faut être réaliste – que toutes les lois sont contournées. Pour la Loi sur l'impôt, vous pourriez essayer, par exemple, d'avoir un système parfait où il serait impossible de contourner la Loi sur l'impôt par des moyens draconiens tels que des écoutes électroniques partout, etc. On ne le fait pas. Toutes les lois, y compris la présente. Je pense que la raison pour laquelle je vous dis ça, ce n'est pas parce que je pense que ce n'est pas grave de contourner la loi, mais parce que je pense qu'il y a des limites au contrôle. C'est la même chose – je vous donne des exemples – quand les gens dépassent légèrement la vitesse permise. Le policier peut vous arrêter à un kilomètre de dépassement et vous donner une amende, mais, si on donnait l'ordre à tous les policiers et si, par crainte de cela, on installait des façons de contrôle totalement déraisonnables, on commettrait une erreur.

Donc, ce n'est pas de ma part – vous n'avez pas compris – la proposition qu'on a le droit, qu'on devrait contourner la loi, c'est la réalisation qu'il ne faut pas pécher dans, si vous voulez, un dirigisme excessif par crainte que quelqu'un va contourner la loi. Il va le faire de toute... Il y a toujours... et même sous le système que vous avez aujourd'hui, puisque c'est évident que quelqu'un peut distribuer un pamphlet et ne pas être pris. Oui, mais le coût du contrôle total, le coût social, le coût en matière de liberté, il faut équilibrer cela. Donc, ce n'est pas du tout un laisser-faire que je préconise, mais c'est un certain réalisme.

C'est la même chose pour les étrangers. Je ne vous ai pas dit qu'il ne faut pas contrôler l'argent de l'étranger, que je suis content que, par exemple, un gouvernement étranger pourrait mettre 20 000 000 $, je vous dis qu'il n'y a pas de contrôle, qu'on ne peut pas l'empêcher. Je ne vois pas comment rédiger une loi... Je serais très heureux si vous trouviez une loi qui va contrôler cela, mais c'est impossible. Et j'ai dit en plus qu'il n'est pas répréhensible pour les étrangers, comme les immigrants qui n'ont pas le droit de vote et de contribution aux partis politiques, pour les adolescents, qui n'ont pas le même droit, de s'exprimer. Ça, ce n'est pas une chose qui est... Donc, quelqu'un qui vit en Ontario qui a des choses importantes devrait pouvoir dépenser ce montant de 3 000 $ pour dire aux Québécois ce qu'il pense. Ça, c'est une autre chose, parce qu'on ne vit pas dans un vase clos.

Mais, si vous parlez de l'argent en masse qui provient de l'étranger, ce n'est pas arrivé. Ça pourrait arriver, mais il n'y a rien à faire, et c'est là-bas que je vous invite à vous poser des questions sur les moyens techniques de contrôle à l'époque de l'Internet, etc., parce que, à mon avis, les contrôles que vous avez là n'affecteront pas ceux qui ont les journaux, n'affecteront pas ceux qui sont dans les deux grands partis politiques, sûrement, au gouvernement, n'affecteront pas ceux qui ont l'accès à l'Internet, vont affecter précisément ceux qui sont démunis, qui n'ont pas de facilité à se faire entendre, qui ne peuvent pas avoir une conférence de presse. Donc, précisément ceux que vous ne voulez pas brimer, vous allez les brimer avec des contrôles semblables.

M. Libman (Robert): Est-ce que je peux toucher à l'autre point que le ministre a soulevé? C'est vrai que, en 1992, durant le référendum de Charlottetown, il y avait une division dans le Parti Égalité: le caucus des députés penchait vers le Oui, les militants du parti penchaient vers le Non et, ironiquement, le comité du Non nous a offert... je pense que c'était 40 000 $ à l'époque. Mais ça renforce...

M. Chevrette: 50 000 $.

M. Libman (Robert): ...notre position, le fait que c'est dans les mains des autres de décider du destin de leur participation dans le référendum. Le Parti québécois, à l'époque, était très généreux. Le Parti libéral, envers nous autres, n'était pas assez généreux parce que ce n'était pas, pour des raisons stratégiques, dans son intérêt. C'était dans l'intérêt du Parti québécois, à l'époque, en 1992, de donner de l'argent à ce comité des anglophones pour le Non, un comité marginal. Alors, ça nous montre le problème que c'est hors de notre contrôle, que c'est dans les mains d'un autre parti, d'un parti politique, d'un adversaire politique de décider si nous pouvons participer à ce débat ou non.

M. Chevrette: Je pense qu'il y a deux choses distinctes: la Loi sur les consultations populaires versus la Loi électorale. C'est deux choses différentes. Je pense que, quand tu poses une question aux citoyens, la grande, grande majorité des citoyens est branchée. C'est oui ou c'est non. «Oui, mais peut-être», bien au contraire, il y en a quelques-uns, mais c'est plus sur des nuances à l'intérieur de... C'est l'argumentaire qui n'est pas... Pour des raisons, par exemple, évidentes, en 1992, vous étiez contre parce que vous trouviez que c'était trop, puis, nous autres, on était contre parce qu'on trouvait que ce n'était pas assez, mais on était contre. Qu'on soit contre pour quelque raison que ce soit, tu es branché. Quand tu es contre quelque chose, tu es contre quelque chose. Quand tu es pour quelque chose, ce n'est peut-être pas pour les mêmes motifs. Mais, c'est la même chose pour ceux qui sont pour, ce n'est pas nécessairement pour les mêmes motifs qu'ils sont pour.

Je suis plus mal pris dans l'analyse non pas à cause de votre point de vue, à cause de ceux qui, pour des raisons idéologiques ou encore de religion, prôneraient l'abstention. Ça, c'est vraiment... Ils ne sont ni contre ni pour. Pour des raisons idéologiques, ou philosophiques, ou religieuses, ils disent qu'ils s'abstiennent et ils prôneraient l'abstention. Pour ce groupe-là, vis-à-vis des parlementaires qui ont à décider, c'est plus difficile de trouver une voie, mais il reste que ça se justifierait plus sur une voie qui n'est pas l'une des deux qu'une des deux. Sinon, ça serait l'anarchie.

Moi, je voudrais vous entendre, une thèse dont il y a des tenants pour et des tenants contre, êtes-vous d'accord que les moyens financiers soient similaires ou si vous vous foutez des moyens financiers d'un camp ou de l'autre? Parce que, ça, c'est un point bien important. Si on prône – je ne dirai pas l'anarchie même si le mot me viendrait facilement – la liberté totale de faire ce qu'on veut, ça veut donc dire qu'on accepte implicitement, pour ne pas dire explicitement, que l'argent joue un rôle dans la détermination d'une décision démocratique.

M. Grey (Julius H.): Pas du tout. Je pense que je suis en faveur des limites qui ont tendance à créer une égalité relative, et c'est tout ce que vous avez fait dans la loi des années soixante-dix, puisqu'il est toujours possible pour un camp d'avoir plus de succès que l'autre. Si vous vouliez une égalité parfaite, vous auriez dû dire que la contribution du gouvernement, les 3 000 000 $ sont tout et que personne ne peut dépasser. Donc, il y a une inégalité.

La question est qu'il ne faut pas permettre qu'un groupe puisse noyer, puisse détruire le message de l'autre. Et là je pense que vous tombez dans des craintes chimériques. Regardez l'historique des succès ou échecs des partis politiques au Québec à trouver des fonds, jamais on a trouvé des milliers de gens qui étaient capables de contribuer pour 1 000 $, ou 2 000 $, ou 3 000 $. C'est tout à fait irréaliste. Ce n'est pas arrivé en Europe où les questions étaient aussi importantes. En matière de Maastricht, où il n'y avait pas de restrictions semblables, on n'a pas trouvé ça.

(11 h 10)

Ce que vous faites, ce que vous imaginez, c'est un scénario de catastrophe qui n'est jamais arrivé et qui ne peut pas arriver – on peut toujours imaginer – et vous voulez restreindre la liberté d'expression, forcer, par exemple, deux groupes à travailler ensemble même s'ils s'adressent à des électorats différents, qu'ils ont besoin de fonds différents, qu'ils ont besoin... Par exemple, si, au lieu d'avoir un petit groupe qui est pour le Non pour les raisons du Parti Égalité à cette époque-là, si le Non était divisé en parties égales entre ces deux groupes-là, ce serait absurde pour eux de partager le même budget, puisqu'ils s'adressent à une clientèle tout à fait différente, même contraire. Les uns veulent prendre des clients du Oui, à la limite nationalistes, les autres veulent prendre les ultrafédéralistes. C'est ridicule de leur donner le même budget et de les obliger à travailler ensemble. Alors, l'idéal ne devrait pas être l'égalité totale des deux camps, mais la possibilité raisonnable des deux camps de faire passer leur message et de respecter la liberté d'expression, au maximum, qui serait compatible avec cet idéal.

M. Libman (Robert): Laissez-moi juste demander à M. le ministre: Est-ce que vous connaissez bien les règles des contributions au Québec? Les grandes corporations ne peuvent pas contribuer. Dans le contexte d'un débat référendaire sur l'avenir du Québec, est-ce que c'est vraiment faisable pour un côté de vraiment créer tellement d'inégalité qu'il va créer le problème que vous craignez? Est-ce que vous croyez vraiment que c'est possible, ça? On a le mouvement ouvrier, on a le mouvement...

M. Chevrette: Oui, je suis convaincu que, avec les moeurs politiques ici, au Québec, si on enlevait toutes les contraintes que vous venez de dire, il y a des compagnies...

M. Libman (Robert): Hypothétiquement, s'il n'y a pas de contrainte, il y a toujours le maximum de 3 000 $.

M. Chevrette: Vous m'avez posé une question, je vais vous répondre, M. Libman. Je vous dis que, oui, c'est possible. Quand des entreprises... Puis c'est M. Côté lui-même qui nous relatait la difficulté du contrôle du financement. Il y a à peine six mois qu'on parlait de ça, je pense, six mois à un an. On s'est interrogé comme comité national, les deux partis puis...

Une voix: ...

M. Chevrette: Le comité consultatif, c'est ça, sur les élections. Oui, c'est possible avec la manière que... Par exemple, un entrepreneur dirait: Moi, j'appuie le camp du Non et j'autorise mes cadres à donner 3 000 $ chacun à un parti ou à un camp. Oui, c'est possible qu'il vous dise ça. Puis, quand vous dites: 1 000 $, c'est impossible, M. Grey, ça pourrait être 2 000 $ – pour votre information – à 3 000 $, je suis convaincu de ça.

M. Grey (Julius H.): Mais, M. Chevrette, vous savez très bien qu'une pratique courante de cette nature aurait l'effet tout à fait contraire, mènerait à la victoire de l'autre camp. Cette pratique est illégale pour toutes sortes d'autres raisons.

M. Chevrette: Bien oui, on le sait.

M. Grey (Julius H.): Ça serait, à ce moment-là, un revenu imposable, ils ne pourraient pas le donner. C'est chimérique. C'est une crainte que vous pouvez imaginer, comme moi je peux imaginer une crainte dans l'autre sens: le syndicat fait ça, ou une autre chose. Ce n'est pas réaliste. En réalité, si vous avez les 3 000 000 $ de chaque camp, les autres vont collecter des petits montants, et il n'y a aucune preuve qu'il va y avoir une vague.

Par contre, vous avez des problèmes sérieux avec les gouvernements à l'extérieur du Québec, avec les compagnies à l'extérieur du Québec, et là il faut se pencher sur la technologie et sur les autres choses, mais non pas sur les 3 000 $, ou 2 000 $, ou quel que soit le montant qu'un individu qui n'a aucune influence va utiliser pour se faire entendre.

M. Libman (Robert): Aussi, vous parlez des entreprises, évidemment, parce que, théoriquement, leur option diffère de la vôtre. Il y a les syndicats. On ne peut pas prévoir ce qui va arriver, et je pense que vous exagérez complètement la portée de ce problème.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il nous reste quatre demandes d'intervention, soit M. le député de Laurier-Dorion, M. le député de L'Assomption, M. le député de D'Arcy-McGee et M. le député de Montmorency, alors je vous demanderais de partager le plus réalistement possible les temps d'intervention.

M. Sirros: D'accord, M. le Président. Peut-être un commentaire au préalable sur la question du financement, etc. Effectivement, c'est un problème qui se pose à l'heure actuelle au niveau du financement parce qu'on a souvent l'impression que notre loi, elle est complètement en dehors de toute... Comment je peux dire? Que c'est des dons individuels. Ça l'est, des dons individuels. Ce n'est pas des dons des compagnies, etc., mais disons que, dans le cas des partis politiques, ce qu'on constate, peu importe qui est au pouvoir, c'est que c'est probablement le parti au pouvoir qui a une certaine facilité à faire des campagnes de financement plus élevées. Et, étrangement aussi, on va constater que c'est souvent des gens qui travaillent dans des entreprises qui ont des liens, je ne sais pas, moi, des échanges avec le gouvernement qui contribuent personnellement pour des sommes d'argent de 1 000 $, 1 500 $, 2 000 $.

Donc, je pense qu'il y a un examen qu'on devrait faire si, vraiment, on a tout ce qu'on pense qu'on a au niveau de la loi ou s'il y a d'autres façons qui sont, avec de l'imagination, trouvées pour être très correct par rapport à ce qui est inscrit dans la loi, mais qui ne sont pas nécessairement celles qu'on avait imaginées il y a 20 ans maintenant.

Une brève question. Je constate, M. Libman, que vous parlez dans votre mémoire de tiers partis. La Cour suprême, elle, parle d'individus. Et la Cour suprême a été claire pour dire que le système d'affiliation est un bon système, l'a vanté même, mais elle a dit: Mais, par contre, au niveau des individus, effectivement, la loi crée un tort, empêche la liberté d'expression en limitant à 600 $ et uniquement... Ce n'est pas juste un montant, c'était aussi limité uniquement pour la tenue d'une réunion. Donc, on ne peut pas imprimer un pamphlet pour mettre de l'avant des idées, on peut juste imprimer un pamphlet pour dire: Il va y avoir une réunion où on va vous expliquer nos idées. Alors, la Cour suprême a dit: Ça, ce n'est pas correct et ça devrait être plus élevé que ça et plus large que ça. Ils ont suggéré 1 000 $, en quelque sorte en se référant au rapport Lortie, et c'est là où on en est. Mais, vous, vous insistez pour parler des tiers partis. Comment vous répliquez? Qu'est-ce que vous dites à la Cour suprême qui vous dit...

M. Libman (Robert): La réponse précise... Mais, tout d'abord...

M. Sirros: Laissez-moi juste terminer, là. Quelle est la réponse que vous donnez à la Cour suprême qui dit: Le système d'affiliation pour les tiers partis, il est valable?

M. Libman (Robert): Moi, j'irais leur dire que, dans cette partie de leur jugement, à mon avis, ils ne sont pas partis d'assez loin parce qu'il y a toujours des problèmes en ce qui concerne les groupes affiliés autant que les individus.

M. Sirros: Donc, ça prendrait une autre Cour suprême, une cour supérieure à...

M. Libman (Robert): Non, non, par rapport à...

M. Sirros: Qu'est-ce que je peux dire, moi, à la Cour suprême qui me dit: Ce que vous avez, c'est valable? Si j'accepte le système judiciaire tel qu'il est et que j'accepte que la Cour suprême, c'est l'ultime décision d'interprétation de la constitutionnalité des lois, et on me dit: Ça, c'est non seulement constitutionnel, mais c'est excellent...

M. Grey (Julius H.): Moi, je suis d'accord avec eux. Le problème, c'est que la Cour suprême n'a pas dit, en disant que le système d'affiliation est excellent, que seuls les individus peuvent s'en servir. Ils ont dit à la fin: On ne peut pas vous dire d'avance si c'est bon ou non, il ne sera pas possible de déterminer – j'ai lu le paragraphe 84 – si les avantages du régime l'emportent sur les effets préjudiciables quant aux libertés d'expression et d'association. Et, moi, je vous dis que le problème n'est pas seulement au niveau des individus, mais qu'il est également au niveau des groupes qui ne peuvent pas s'affilier parce qu'ils sont soit satiriques, soit odieux. Et, quand M. Chevrette a parlé des groupes d'abstention, il a oublié un autre groupe. Quelqu'un qui veut commencer un débat qui ne peut pas se décider, mais qui veut publier ses doutes, ses tergiversations et payer pour la publication, qui doit financer ça? Il y a toutes sortes de groupes, un groupe de débat, par exemple, qui va dans les deux sens. Ces groupes-là devront s'affilier au troisième groupe non politique.

Ce que la Cour suprême n'a absolument pas dit, c'est que le troisième comité va faire un examen de conscience de celui qui s'affilie au troisième. Êtes-vous vraiment pour l'abstention? Êtes-vous vraiment pour ça ou vraiment contre ça? Je pense qu'il faut, comme on fait en matière de dissidence religieuse, prendre la parole de cette personne-là et dire: Bon, vous êtes dissident, maintenant vous avez les limites, vous ne pouvez pas dépasser tel et tel montant.

Maintenant, sur le 1 000 $. Vous avez parlé du 1 000 $, je vais vous lire ce que la Cour suprême en a dit: «Néanmoins, on peut penser que le montant de 1 000 $ proposé par la commission Lortie, dans le contexte électoral canadien, n'est pas nécessairement le montant approprié dans le cadre d'une consultation populaire québécoise.» Ils ont dit: Ce n'est pas nécessairement le cas parce que, dans un comté, vous affrontez des adversaires locaux avec des fonds limités à 80 000 $ ou à 50 000 $. Dans un référendum, vous affrontez deux comités gigantesques, donc 1 000 $, ce n'est pas approprié. Ils ont dit: Nous aurions accepté le 1 000 $ si la solution Lortie nous avait été présentée en 1988 dans un contexte électoral. Mais ils disent précisément: Ça prend un peu plus. Puis ils disent: Il faudra déterminer par la suite si le système est suffisant. Moi, je recommande: Ne jouons pas avec 1 000 $, car ils ont déjà dit que ce n'est pas le montant approprié. 3 000 $, c'est beaucoup plus raisonnable, c'est ce que l'individu peut contribuer. Mais il faut dire: Si vous dépensez les 3 000 $, vous ne pouvez pas les contribuer en plus. Donc, vous êtes limités à 3 000 $.

(11 h 20)

M. Sirros: Hier, M. le Président, les jeunes du Parti québécois ont proposé quelque chose qui ressemble un peu à ce que vous proposez, ils ont proposé la constitution d'un troisième comité. Là où ils différaient – et c'est le but de ma question – c'était de dire: Bien, un peu comme les deux autres comités ont un maximum qui est fixé pour ce qui est des dépenses, il faudrait fixer un maximum de dépenses admissibles pour ce troisième comité. Ils ont sorti le chiffre de 10 % du montant d'un comité-parapluie, si ma mémoire est bonne, ou du montant des deux. Est-ce que vous voyez une similitude avec ce que vous proposez? Est-ce que vous avez un genre de convergence d'idées avec le Parti québécois sur ça? Les jeunes, tout au moins, du Parti québécois.

M. Grey (Julius H.): C'est très possible parce que, vous savez, mes propositions sont non partisanes. Les buts de l'égalité et de la liberté d'expression sont contrôlés. Je n'ai pas lu le mémoire des jeunes du Parti québécois, mais ça ne me choquerait pas, j'ai déjà été d'accord avec eux.

M. Sirros: C'est parce qu'eux autres parlaient des partis aussi. Non pas des partis, mais ils parlaient des...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Des groupes.

M. Sirros: Des groupes...

M. Grey (Julius H.): Oui.

M. Sirros: ...plutôt que des individus, ce que vous faites aussi.

M. Grey (Julius H.): Oui, c'est ça. Ils parlaient de groupes et ils disaient 10 %, donc ce serait... Ils disent aussi: Il y a 3 000 000 $, ce serait 300 000 $. Et, il faudrait voir, ce serait une étude à faire: Quel sera l'effet réaliste de cela? Il est impossible pour moi de répondre sans avoir de statistiques, mais je pense que ce qui est nécessaire, c'est de ne pas brimer l'individu qui veut dépenser ces 3 000 $ d'une autre façon à condition qu'il ne dépasse pas. Et, quant à une proposition d'avoir une limite totale pour les comités enregistrés séparément, ça, c'est une chose qui peut se discuter, à condition d'avoir les chiffres parce que ça prend une étude statistique.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Il y en a d'autres.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Brièvement, parce que, ensuite, j'ai le député de Montmorency.

M. St-André: Oui, je vais tâcher d'être bref. Une remarque, deux questions. D'abord, je dois dire que je suis plutôt d'accord avec l'analyse que le député de Laurier-Dorion vient de faire sur l'interprétation du jugement de la Cour suprême à l'égard du système d'affiliation. Je m'étonne même d'ailleurs, tellement le jugement est clair, que vous puissiez avoir une autre interprétation. Je vous lis simplement – pages 46 et 47 du jugement de la Cour – où ça m'apparaît clair: «Le système d'affiliation qui, par ailleurs, n'a pas été contesté par l'appelant – de mémoire, c'est vous, l'appelant...

M. Grey (Julius H.): Et c'est clair.

M. St-André: ...alors, si ça pose un problème dans votre esprit, je me demande pourquoi vous ne l'avez pas contesté – constitue un assouplissement suffisant pour conclure que l'atteinte – l'atteinte à la liberté d'expression – qui impose les dispositions contestées à ces groupes est minimale.» Moi, je me dis qu'il n'y a pas de problème là.

Ma première question: Don Donderi et Me Brent D. Tyler ont déjà dit que, peu importe ce que le législateur déciderait, ils contesteraient probablement ces dispositions-là devant les tribunaux, et j'ai cru comprendre que, probablement, vous feriez la même chose. À partir du moment où on nous annonce déjà que, quoi qu'on va faire comme législateurs, vous allez contester les nouvelles dispositions de la loi, est-ce que, à ce moment-là, comme législateurs, on ne serait pas justifiés de recourir d'avance à la clause «nonobstant»?

Ma deuxième question: J'aimerais savoir de Me Grey, entre autres, pour vous, la liberté d'expression, telle qu'elle est entendue dans les différentes chartes, ça veut dire quoi exactement?

M. Grey (Julius H.): Bien, deux choses. La première chose, sur la clause «nonobstant», absolument pas. D'abord, je ne sais pas ce que M. Donderi ou M. Tyler vous ont dit, mais ce n'est certainement pas mon intention de vous annoncer que je vais contester la loi quel que soit le contenu de la loi. Je vous dis dès le début que je suis d'accord avec la Cour suprême, les deux buts sont essentiels, la recherche de l'égalité. Et, de plus, j'ajoute que je suis d'accord avec vous que le système d'affiliation, la Cour suprême l'a approuvé à condition de laisser une place pour les dissidents. Donc, moi, je suis tout à fait dans ce cadre-là et je ne vous annonce pas que je vais contester la loi quel que soit son contenu.

Je veux cependant conseiller à des clients de la contester si cette loi crée, si vous voulez, un comité qui va examiner la conscience des individus. Pour moi, ça, ça touche directement le concept de la liberté d'expression. C'est quoi, la liberté d'expression? La Cour l'a dit à plusieurs reprises, c'est le droit de dire, que ce soit par des mots, par des gestes... Toute expression qui a un contenu d'expression est protégée parce que, dans une démocratie, il faut permettre une liberté la plus totale de critiquer, de dire non, d'être contre, d'être difficile, de dire des choses désagréables ou même parfois haineuses.

La limite se trouve à l'article 1 qui dit: Dans les limites raisonnables d'une société. Et quelles sont ces limites raisonnables? À ce moment-là, il ne suffit pas de penser ou d'imaginer quelque chose, la Charte dit: Manifestement nécessaire dans une société libre et démocratique. Et là il faut se poser la question: Est-ce que les restrictions, étant donné un but louable – il n'y a pas de problème au niveau du but, il n'y a pas de problème même au niveau d'une certaine proportionnalité, mais pas toute parce que, à ce moment-là il faut peser le pour et le contre – est-ce que l'atteinte à la liberté d'expression peut être justifiée par des craintes aussi vagues, des craintes qui sont largement imaginées? Est-ce qu'il n'y a pas d'autres moyens plus efficaces? Et, moi, je vous dirai une autre chose, sur la question de la liberté d'expression – pas dans l'économie, ça, je ne suis pas du tout un néolibéral quand vous je parle comme ça – moins on légifère, mieux c'est. En d'autres termes, la simplicité dans la législation. Limiter seulement ce qu'il est nécessaire de limiter, c'est un grand avantage. Donc, les 3 000 $ avec un contrôle comptable, parce qu'il faut avoir les timbres du Directeur général des élections, du troisième comité, ça a l'avantage de la simplicité, du respect des choix individuels et, également, ça limite le pouvoir des grands monnayeurs d'entrer et de dominer le débat.

M. Libman (Robert): En ce qui concerne les groupes affiliés que vous avez soulignés, essayez de vous mettre dans mes chaussures à l'époque. En 1992, le caucus des députés a voulu participer avec le comité du Oui, le Parti libéral. On a voulu s'affilier, on a voulu participer dans le débat pour obtenir un résultat du Oui. Après un bout de temps, on a trouvé que c'était très difficile de nous exprimer et de trouver une plateforme pour exprimer nos points de vue. Qu'est-ce qu'on fait à ce moment-là? Est-ce qu'on coupe notre affiliation avec eux et avec toute la controverse autour d'une décision comme ça qui pourrait nuire à la cause en général? Mais, même si on fait ça, il n'y a pas d'option pour nous. Il n'y avait aucune façon, à ce moment-là, de nous exprimer. Il n'y avait pas de possibilité de créer un tiers parti, un tiers groupe, même comme individus. C'était une porte fermée, il n'y avait rien à faire. Et c'est ça, la décision devant le gouvernement aujourd'hui, c'est clair: Doit-on museler les Québécois et condamner M. et Mme Tout-le-Monde au quasi-silence durant un futur référendum, oui ou non? C'est ça, la décision devant le gouvernement. Qu'est-ce qu'on peut faire pour permettre aux gens qui veulent participer au débat sur leur avenir pleinement, librement...

M. St-André: M. le Président, si vous me permettez simplement une remarque.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, une dernière.

M. St-André: Là-dessus, si vous choisissez de vous taire pour ne pas nuire à la stratégie d'un comité, c'est vous qui restreignez votre liberté d'expression, c'est vous qui choisissez de vous taire. Je ne vois pas en quoi les chartes des droits et les lois sont en cause avec un principe comme celui-là. C'est votre choix personnel de décider de vous insérer dans la stratégie d'un comité national ou de ne pas vous y insérer. Si ça lui nuit, c'est bien dommage, mais ça fait, encore une fois, partie de la démocratie.

M. Libman (Robert): Mais c'était déjà fait avec de la bonne volonté. Quel était le choix? S'il y avait eu, au moins, un autre choix pour nous à ce moment-là. Si on a coupé nos liens avec le parti...

M. St-André: Mais l'autre choix, M. Libman, est là.

M. Libman (Robert): Était quoi? De faire quoi?

M. St-André: Vous n'êtes pas d'accord, alors vous le dites.

M. Libman (Robert): On dit qu'on n'est pas d'accord avec votre stratégie, alors on tient une conférence de presse.

M. St-André: Et vous admettez que ça peut nuire à la stratégie du comité en question, mais ça, dans une démocratie, qu'est-ce que vous voulez...

M. Libman (Robert): Mais il n'y avait pas de plateforme pour dire même ça.

M. St-André: Bien non, je m'excuse, je m'excuse.

M. Grey (Julius H.) Mais est-ce que le député pourrait me répondre à une question? Est-ce que, lors d'un référendum, le député voudra travailler avec les gens qui vont venir dire: Votons oui pour que les anglais s'en aillent? Et est-ce que l'autre côté voudra travailler avec des gens qui diront: Votons non pour appliquer la solution de lord Durham? C'est évident qu'on ne peut pas vous obliger à travailler avec les gens qui sont odieux.

M. Chevrette: Vous êtes contre les extrémités.

M. Grey (Julius H.): Mais oui.

M. Chevrette: Bon, bien, ne questionnez pas sur les extrêmes, vous dites vous-même que ça n'a pas d'allure.

M. Libman (Robert): Il a donné ça comme exemple seulement. C'est seulement un exemple.

M. Grey (Julius H.): Mais je vous donne la question de la liberté d'expression.

(11 h 30)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Bon. Merci. Juste avant de donner la parole à M. le député de Montmorency, il y a quand même un élément, M. Grey, que je voulais soulever à la lecture de vos réflexions.

Vous dites, en préambule, que vous partagez entièrement la position du gouvernement à l'effet que le laisser-faire en matière d'élection serait injuste et que la conséquence de la déréglementation totale serait, paradoxalement, la diminution de la liberté d'expression. Les riches et les puissants jouiraient ainsi d'un avantage insurmontable. Moi, lorsque je vous entends préconiser d'augmenter la limite individuelle, d'une part, et, d'autre part, dire: Oui, mais il faut avoir la capacité, comme individu, de ne pas restreindre la liberté d'association, à coups de 3 000 $, je pense que vous pouvez, même si ce n'est pas ça que vous visez, créer à terme la contradiction du principe que vous énonciez au départ, à l'effet de donner aux riches et aux puissants un avantage insurmontable et disproportionné. Et ça, pour moi, ça m'apparaît problématique.

En démocratie, compte tenu que, dans nos démocraties, il y a différents moyens d'expression qui ne sont pas nécessairement strictement liés à l'argent, je regarde, et comme beaucoup de citoyens, l'opinion des lecteurs, j'entends des concitoyens sur des lignes ouvertes qui ont plein de moyens, dans notre démocratie, de faire entendre leur position. Et si, à ce moment-là, on dit: Il faut monter la liberté de dépense, c'est évident que vous faites en quelque sorte le choix de dire: Ceux qui ont de l'argent, on vous donne un moyen de plus d'intervenir.

M. Grey (Julius H.): D'abord, je dirais, faisons la distinction entre la limite individuelle et la question de maximum. Si les gens mettent l'argent ensemble – ça peut être la solution des gens du Parti québécois, je ne sais pas – il y a des études à faire sur le montant maximal. Mais je pense que vous avez tort de penser qu'il est si facile pour les gens de s'exprimer dans notre société. Je pense qu'il y a des études qui ont été faites – et ce n'est pas seulement chez nous, c'est également aux États-Unis, en France, en Angleterre, partout – l'homme moyen, l'homme ordinaire pense qu'il a de moins en moins de voix, qu'il ne peut pas s'exprimer, que partout c'est des professionnels, que ce soient les politiciens, que ce soient les riches, que ce soient les avocats, toutes sortes de gens qui ont accès à l'expression.

Laissons à côté un maximum total, on pourrait en parler, mais, si on ne donne pas à chaque individu un montant de dépenser librement, quitte à le comptabiliser et à le rapporter, on finira par brimer la liberté des petits et pas la liberté des grands qui l'ont de toute façon et qu'on ne peut pas empêcher de l'avoir. C'est ça, le paradoxe. C'est que parfois on peut partir. Je pense que nous partons avec les mêmes idées, tout le monde, qu'il faut légiférer et, d'autre part, il faut respecter la liberté d'expression. Mais ce que les gens oublient parfois, c'est qu'en allant trop loin dans la réglementation on peut avoir l'effet contraire et brimer les petits.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Là-dessus, Me Grey, je dois vous dire que je fais partie de la classe très moyenne PQ et que les gens qui ont généralement les moyens de dépenser 3 000 $ parce qu'ils n'ont pas les moyens d'expression... Ceux qui n'ont pas accès aux moyens d'expression, ils sont très rares, ceux qui disposent du 3 000 $, comme ça, pour le mettre, pour le plaisir de...

M. Grey (Julius H.): Il y en aura très peu.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il y en aura effectivement très peu. Alors, moi, je me demande si ce n'est pas justement ceux qui ne sont pas en moyens qui pourraient en bénéficier.

M. le député de Montmorency.

M. Filion (Montmorency): Merci. À moins que je n'aie mal compris, la question du 3 000 $, c'est un montant qui va être remboursé par le Directeur général des élections.

M. Grey (Julius H.): Non, pas nécessairement.

M. Filion (Montmorency): Pourquoi?

M. Grey (Julius H.): C'est la contribution de chaque individu. Parce que maintenant, chaque individu peut contribuer 3 000 $ au Oui ou au Non. Alors, on dit à cet individu: Au lieu de faire votre contribution... Mais il y en a très peu qui contribuent 3 000 $, et à raison. La majorité contribue 100 $, 200 $, 300 $. Le remboursement par... S'il y avait des remboursements, à ce moment-là il y aurait des stricts maximums qui seraient tout à fait justifiés parce que l'État a un budget qu'il ne peut pas dépasser. Mais la liberté de... Tout ce que j'ai dit, c'est qu'on dit à un individu: Vous pouvez mettre jusqu'à 3 000 $. On a choisi 3 000 $. On aurait pu choisir 2 500 $, on aurait pu choisir 3 500 $. Il y en a très peu qui mettent 3 000 $. Moi, je dis: Avec cette limite, il n'est pas nécessaire d'ajouter comment il peut dépenser ces 3 000 $. S'il dépense et s'il rend compte de ce qu'il a fait, ça suffit pour empêcher, bien sûr, qu'il dépense 5 000 $ ou 6 000 $. Et je suis d'accord qu'il y a très peu de gens qui vont dépenser 3 000 $, mais je pense que la conclusion est le contraire de celle suggérée. Je pense qu'il n'y a pas de danger qu'il y ait des milliards qui se retrouvent sur le marché électoral. Ça, c'est une crainte qui est plutôt, à mon avis... j'utilise le mot «chimérique»...

M. Filion (Montmorency): Non, mais, M. Grey, vous serez quand même d'accord pour dire que les seules personnes, à ce moment-là, qui vont pouvoir mettre de l'argent, c'est celles qui en ont. Et, si vous regardez la masse d'une population, ceux qui ont de l'argent, c'est un petit pourcentage qui représente peut-être, je ne sais pas, moi, 10 %...

M. Grey (Julius H.): Il y a des gens qui vont mettre 50 $. Il y a des gens qui vont mettre 100 $. Il y a des gens qui seront suffisamment excités. N'exagérons pas.

M. Filion (Montmorency): Non, mais, écoutez, mettre 50 $, 100 $, vous savez très bien que vous ne pourrez pas faire un gros débat avec ça. Ce sont les gens qui vont pouvoir mettre un 3 000 $ qui vont pouvoir passer un message davantage plus important que celui qui n'a pas l'argent.

M. Grey (Julius H.): Même à 3 000 $...

M. Filion (Montmorency): Moi, j'avais compris de votre proposition qu'effectivement vous permettiez jusqu'à 3 000 $ qui pourraient être remboursés par le Directeur général des élections dans un plafond global, applicable à l'échelle du Québec.

M. Grey (Julius H.): Moi, je serais favorable à cette solution. Mais, à ce moment-là, il faudrait avoir un plafond maximal, il faudrait dire qu'un certain montant sera réservé. Ça, c'est une solution qui serait excellente, en fait, c'est une solution additionnelle...

M. Filion (Montmorency): Oui, oui, voilà, et qui serait accessible, à ce moment-là, à tout le monde et non pas uniquement à ceux qui ont de l'argent.

M. Grey (Julius H.): À tout le monde, mais ça n'irait pas à 3 000 $ parce qu'on ne pourrait pas se permettre ce genre de montant.

M. Filion (Montmorency): Mais 1 000 $, est-ce que ce serait suffisant pour vous, à ce moment-là?

M. Grey (Julius H.): Moi, je pense que ça ne serait pas pratique. Si on disait à tout le monde: Vous pouvez dépenser jusqu'à 1 000 $, il y aurait peut-être 1 000 000 ou 2 000 000 qui viendraient dépenser 1 000 $. Je pense qu'on peut...

M. Filion (Montmorency): Non, non, parce qu'on aurait un plafond global. Mettons, moi, je prends par hypothèse qu'on lance un montant global équivalent aux formations du Oui, du Non, et il y aurait un troisième comité qui serait, mettons, les non-affiliés – parce que, moi, le mot «dissident», je n'aime pas ça – les non-affiliés. À ce moment-là, il y aurait un montant équivalent qui serait réparti à l'échelle du Québec, par comtés, et les gens pourraient se prévaloir d'un montant jusqu'à 3 000 $ maximum du montant attribuable dans le comté.

M. Grey (Julius H.): Ce serait un excellent système, mais ça implique une dépense gouvernementale. Mais, oui, ce serait un excellent système. Si je n'en ai pas parlé, c'est parce que je pensais que de nos jours les gouvernements ne sont pas rapides à dépenser. Mais c'est un excellent système, je suis d'accord avec vous.

M. Filion (Montmorency): Bon, parfait. Merci.

M. Chevrette: Il faudrait évaluer combien ça coûte, hein.

M. Filion (Montmorency): Bien, ça coûte la même chose qu'on attribuerait aux partis politiques ou aux formations.

M. Chevrette: Bien voyons! Je m'excuse, tu ne le sais pas combien ça coûte, s'il n'y a pas de plafond.

M. Filion (Montmorency): Bien oui, tu mets un plafond équivalent.

M. Chevrette: M. Grey démontre beaucoup plus de rationnel que vous.

M. Grey (Julius H.): Non, non. Il y a un plafond, il y a un plafond.

M. Filion (Montmorency): Non, non. On met un plafond, on met un plafond.

M. Chevrette: Non, mais, si M. Grey dit que... Ça suppose un plafonnement éventuel, sinon comment vous pourriez budgéter... Vous qui êtes économiste...

M. Filion (Montmorency): Oui.

M. Chevrette: ...comment vous budgéteriez l'année budgétaire d'un gouvernement s'il n'y a pas de contraintes puis s'il n'y a pas de limites?

M. Filion (Montmorency): Bien oui, il y a un plafond. C'est le même montant attribué au comité du Oui qu'au comité du Non, réparti à l'échelle du Québec par comtés. C'est ça, le plafond.

M. Grey (Julius H.): On parle de deux choses différentes: un, rembourser où il faut avoir un plafonnement, on n'a pas d'autre choix, et...

Une voix: ...contributions.

M. Grey (Julius H.): ...l'autre est individuel.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un à la fois, s'il vous plaît.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, Me Grey, M. Libman, merci de votre présentation. Au plaisir.

(11 h 40)

Nous recevons maintenant les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Alors, j'invite M. Claude Filion et Me Pierre Bosset.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, messieurs, nous allons reprendre nos travaux. M. Filion, Me Bosset, bienvenue. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de vos réflexions en regard du rapport Côté sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman. À la suite de votre présentation, nous pourrons échanger ensemble avec les groupes parlementaires. Alors, bienvenue.


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Filion (Claude): Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais présenter, à ma droite, de la Direction de la recherche de la Commission, Me Pierre Bosset qui m'accompagne.

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, l'Assemblée nationale, comme vous le savez, a confié à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse le mandat de promouvoir les principes de la Charte des droits et libertés de la personne par toute mesure appropriée, y compris l'examen des textes législatifs. C'est donc dans l'exercice de ce mandat que nous nous présentons devant vous aujourd'hui, comme on le fait très souvent à l'Assemblée nationale, dans le cadre des audiences sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman.

L'intérêt de la Commission pour les questions abordées au cours des présentes audiences ne date pas d'hier. Dès 1977, la Commission des droits formulait des observations détaillées sur le projet de loi 2 régissant le financement des partis politiques. L'année suivante, dans le cadre de l'étude du projet de loi 92 sur la consultation populaire, nous avons émis des commentaires qui ont retenu l'attention du législateur, puisqu'ils menèrent à la création, saluée par la Cour suprême, du statut de groupe affilié à un comité national. Depuis, la Commission est intervenue à d'autres reprises pour analyser divers aspects de la législation. Notre plus récente intervention remonte, on s'en souviendra, au printemps 1996 où nous présentions ici même nos commentaires sur des propositions d'amendements à la Loi électorale, soumises par le Directeur général des élections. Ces multiples interventions de la Commission témoignent de l'intérêt qu'elle porte à ces questions, intérêt qui découle des libertés fondamentales et des droits politiques reconnus par la Charte, notamment le droit de vote et la liberté d'expression.

Dans le cadre de la présente consultation, la Commission, compte tenu du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman, désire revenir sur la question de l'intervention publique des tiers dans le processus électoral et référendaire. L'intervention des tiers, ceux qui, en période référendaire ou électorale, ne veulent ou ne peuvent s'associer à l'un ou l'autre des camps en présence, requiert un arbitrage délicat, comme vous le savez, entre la liberté d'expression et d'association, d'une part, et l'équité du processus démocratique. La Commission a pris acte, à cet égard, du jugement rendu par la Cour suprême. Ce jugement renforce sa conviction à l'effet qu'il convient d'établir entre ces deux éléments un équilibre qui soit davantage respectueux de la valeur que nous accordons, en tant que société démocratique, à la liberté d'expression. C'est dans cette perspective que nous aimerions soumettre les observations suivantes à la considération des membres de la commission des institutions.

D'abord, en ce qui concerne l'intervention des tiers en période référendaire, nous souhaitons d'abord rappeler certaines de nos observations antérieures en regard de la liberté d'expression en contexte référendaire. Nous tenterons ensuite de circonscrire la portée du jugement de la Cour suprême, pour ensuite formuler quelques observations générales sur les suites à donner à ce jugement sur le plan législatif.

En ce qui concerne les observations antérieures de la Commission, dans nos commentaires sur le projet de loi 92 sur la consultation populaire, en 1978, la Commission exprimait son accord de principe avec le mécanisme des comités-parapluies en nombre égal aux options proposées et seuls autorisés à procéder à des dépenses référendaires. Sur l'atteinte aux libertés fondamentales d'expression et d'association pouvant découler de l'obligation de faire partie d'un tel comité, la Commission s'exprimait alors ainsi – ça vaut la peine, je pense, de le reprendre:

«De l'avis de la Commission des droits de la personne, l'atteinte aux libertés d'expression et d'association qui peut se dégager de cet assujettissement doit d'abord être vue à la lumière de l'objectif qui est poursuivi ici et auquel elle souscrit entièrement, à savoir assurer aux différentes options soumises à la consultation populaire une chance égale de faire valoir leurs avantages. La mise en oeuvre de l'égalité des chances entre les diverses options comporte nécessairement une part de contrainte et, jusqu'à nouvel ordre, la Commission ne demande pas mieux que de l'accepter dans son principe.» D'ailleurs, sauf erreur, je pense que c'est un passage qui a été repris dans le jugement de la Cour suprême.

La Commission n'en énonçait pas moins certaines réserves quant à l'ampleur de la contrainte alors prévue par le projet de loi. Notant qu'aucune mesure ne permettait alors d'accommoder ceux qui partagent l'opinion d'un comité-parapluie mais ne veulent pas s'associer à sa stratégie ou à son idéologie, la Commission proposa donc la création du statut d'affilié, permettant d'avoir accès à une portion des fonds mis à la disposition d'un comité-parapluie sans pour autant en faire partie.

Cette recommandation fut suivie par le législateur et se retrouve aujourd'hui à l'article 24 de la Loi sur la consultation populaire. Comme l'a souligné la Cour suprême, le mécanisme de l'affiliation assure de manière satisfaisante le respect de la liberté d'expression et de la liberté d'association des groupes concernés. L'affiliation est toutefois réservée, dans la Loi sur la consultation populaire, aux groupes et n'est pas ouverte aux individus.

Maintenant, le jugement de la Cour suprême. Le jugement que vient de rendre la Cour suprême dans l'affaire Libman porte uniquement sur l'interdiction faite à certaines catégories d'intervenants d'engager, en période référendaire, des dépenses dites réglementées, c'est-à-dire visant à favoriser ou défavoriser, directement ou indirectement, une option soumise à la consultation populaire. En pratique, sont donc visées par cette interdiction de faire des dépenses réglementées les catégories d'intervenants suivantes: d'abord, les individus isolés qui appuient l'une des options mais qui ne peuvent s'associer avec le comité-parapluie ou l'un de ses groupes affiliés parce qu'ils sont en désaccord avec leur stratégie respective, ni s'affilier, puisque l'affiliation est réservée aux groupes; deuxièmement, les individus et les groupes qui veulent participer à la campagne référendaire sans appuyer directement l'une des options. Pensons notamment aux abstentionnistes.

Or, selon la Cour suprême, la loi référendaire actuelle comporte une atteinte aux libertés fondamentales suivantes garanties par les chartes: la liberté d'expression, en raison de l'impossibilité où se trouvent les intervenants concernés d'effectuer des dépenses réglementées pour faire connaître leur position, et, deuxièmement, la liberté d'association, dans la mesure où les membres des groupes visés sont privés de la possibilité d'exercer collectivement leur liberté individuelle d'expression.

Le tribunal a jugé que cette atteinte ne constituait pas une limite raisonnable aux libertés fondamentales susdites, en raison de l'existence d'autres moyens, moins attentatoires à ces dernières, d'atteindre l'objectif de la loi, soit l'équité du processus référendaire. Finalement, le tribunal ajoute que son jugement aurait le même si le litige avait été résolu en fonction de la charte québécoise.

La Commission désire donc faire remarquer trois items en regard de ce jugement. D'abord, elle est d'accord avec la proposition voulant que le jugement eut été le même dans le contexte de la charte québécoise. Malgré certaines différences notables entre les deux chartes, il est certain que les libertés fondamentales ont, dans la charte québécoise, une portée potentielle au moins aussi étendue que dans la charte canadienne. Cela est vrai en particulier de la liberté d'expression.

Deuxièmement, la Commission relève que la critique adressée par la Cour suprême à la législation référendaire québécoise a une portée limitée. Le jugement ne porte ni sur le principe des comités-parapluies ni sur celui du plafonnement des dépenses qui peuvent être effectuées par ceux-ci.

Enfin, la Commission note que la cour reconnaît la nécessité de plafonner les dépenses référendaires des tiers. La limitation des dépenses imposée aux comités-parapluies perdrait tout son sens, souligne-t-elle à juste titre, si les dépenses des indépendants n'étaient pas, elles aussi, plafonnées. En effet, permettre aux tiers des dépenses illimitées ou avec un plafond similaire à celui des comités nationaux rendrait inefficace le système mis en place par le législateur. Il faut donc limiter ces dépenses à un niveau plus bas que celles des comités-parapluies.

(11 h 50)

Compte tenu de ce qui précède, nous ne voyons pas dans le jugement Libman une remise en question des acquis de la législation référendaire, mais une invitation à chercher un nouvel équilibre entre les libertés fondamentales et l'équité du processus démocratique, sans perdre de vue que la protection du caractère juste et équitable des campagnes référendaires est un objectif louable, légitime qui, comme la Commission l'affirmait déjà en 1978, comporte nécessairement une part de contrainte pour la liberté d'expression.

Donc, vers un nouvel équilibre. Quel pourrait être, donc, cet équilibre-là entre l'équité du processus démocratique et la protection des libertés fondamentales? Concrètement, votre défi, comme législateur, est le suivant: mieux respecter la liberté d'expression des intervenants décrits par la Cour suprême sans pour autant déséquilibrer les forces en présence dans un référendum.

L'une des solutions envisageables est l'affiliation des individus à un comité-parapluie. A priori, la Commission, qui fut à l'origine de la création du mécanisme d'affiliation des groupes, est tentée d'apporter son soutien à une telle solution. L'affiliation constitue après tout un assouplissement majeur à l'obligation de faire partie d'un comité-parapluie. Par ailleurs, l'affiliation présente l'avantage de ne pas perturber l'équilibre global des forces, puisque les fonds mis à la disposition des affiliés sont pris à même ceux du comité-parapluie.

La Commission est toutefois sensible aux préoccupations exprimées par Me Côté qui évoque le risque de conflit d'intérêts dans lequel pourraient se trouver les comités-parapluies chargés de gérer les demandes individuelles d'affiliation. Plus un nombre important d'individus s'affilient, en effet, plus le comité-parapluie perd de son importance, le débat lui échappant. Les comités-parapluies pourraient alors être tentés, souligne Me Côté dans son rapport, de resserrer, paradoxalement, leurs critères d'affiliation, restreignant ainsi la liberté d'expression plutôt que de l'étendre. Ce risque semble suffisamment sérieux à la Commission pour que celle-ci, sans exclure d'emblée la possibilité pour les individus de s'affilier, incite néanmoins le législateur à la prudence par rapport à cette solution. De toute façon, il faut noter que l'affiliation des individus ne résoudrait qu'une partie du problème identifié par la Cour suprême. Elle laisserait entier le problème de ceux qui, parce qu'ils prônent l'abstention, par exemple, ne peuvent s'affilier à un comité-parapluie.

La Cour suprême souligne, quant à elle, en se référant aux dispositions de la Loi électorale fédérale, qu'on pourrait permettre aux citoyens de dépenser de manière discrétionnaire un certain montant d'argent, en interdisant la mise en commun de ce montant. Cette solution assurerait aux tiers la possibilité de faire valoir leur point de vue ainsi qu'une certaine marge de manoeuvre dans le choix des véhicules d'expression. Par ailleurs, en accordant un montant relativement bas et en interdisant la mise en commun, on éliminerait la tentation pour les comités-parapluies de se scinder en groupuscules dans le but de se multiplier et d'augmenter artificiellement les plafonds que la loi leur impose pour faire campagne. Cette solution serait nettement moins attentatoire aux libertés fondamentales, selon la cour, que les dispositions actuelles de la loi référendaire.

En raison de la caution expresse du plus haut tribunal, ce modèle est assurément celui qui présente les meilleures garanties de sécurité juridique. Dans la mesure où le législateur fixe un plafond équitable aux dépenses des tiers, il répondra vraisemblablement aux exigences de la charte. Toutefois, ce modèle ne prévoit pas de mécanisme permettant de contrôler les dépenses des tiers. Plusieurs verront là une porte ouverte à des abus.

Dans son rapport, Me Côté met de l'avant un tel mécanisme de contrôle. Le tiers désirant faire des dépenses devrait d'abord obtenir l'autorisation du Conseil du référendum. Pour obtenir cette autorisation, le requérant devrait, entre autres: exposer les motifs de la demande d'autorisation, tel l'abstentionnisme, l'annulation du vote, le désaccord avec l'idéologie véhiculée par l'un ou l'autre des comités nationaux, le désaccord avec la stratégie de l'un ou l'autre comité telle qu'elle est connue au moment de la demande, le désaccord avec le règlement de l'un ou l'autre comité ou le désaccord avec la formulation de la question; indiquer également – une autre obligation du requérant – la somme d'argent qu'il entend débourser, jusqu'à un maximum de 1 000 $. Troisième obligation, établir sans équivoque que la somme d'argent qu'il entend débourser provient exclusivement de ses propres deniers, s'il s'agit d'un individu, ou, s'il s'agit d'un groupe, des propres deniers des individus qui sont membres de ce groupe; souscrire à l'engagement de soumettre un rapport de dépenses au Directeur général des élections au plus tard 60 jours après le scrutin; et souscrire enfin à l'engagement solennel de ne pas mettre en commun avec tout autre intervenant particulier les dépenses qu'il entend effectuer.

Ce modèle encadre les dépenses des tiers de façon nettement plus structurée. Le sens de certaines exigences mentionnées ci-haut demeure toutefois à préciser. Comment, par exemple, établira-t-on sans équivoque, comme le suppose la troisième obligation, que la somme d'argent qu'on entend débourser provient bel et bien de ses propres deniers?

Plus fondamentalement, cependant, on peut s'interroger sur l'opportunité de judiciariser le processus qui mène à l'expression d'idées politiques. Sans dire qu'un tel modèle irait nécessairement à l'encontre de la Charte, la Commission n'est pas convaincue que le modèle de l'autorisation judiciaire préalable soit tout à fait approprié à la problématique faisant l'objet du jugement Libman, soit celle d'intervenants isolés désirant dépenser des sommes relativement modestes. Un mécanisme moins lourd, comportant malgré tout des éléments permettant un contrôle des dépenses, consisterait peut-être, pour le tiers, à enregistrer auprès d'une autorité tel le Directeur général des élections son intention d'engager des dépenses réglementées. Cette déclaration comprendrait les éléments essentiels à un contrôle ultérieur des dépenses, soit: les motifs justifiant l'engagement des dépenses hors des comités-parapluie, la somme qu'on se propose de dépenser jusqu'à concurrence d'un montant maximal fixé par la loi, l'affirmation solennelle à l'effet que les fonds qu'on se propose d'engager sont les nôtres, l'engagement solennel de soumettre un rapport de dépenses à l'autorité compétente, vraisemblablement le DGE, après le scrutin et, enfin – je tiens à l'ajouter parce que c'est absent de notre mémoire et de notre texte, mais je vous prierais d'en prendre note – autre élément que la Commission verrait à ce contrôle ultérieur des dépenses, bien sûr, l'engagement solennel de ne pas mettre ces sommes en commun avec d'autres intervenants.

Le défaut de respecter ces engagements de même que toute fausse déclaration ou irrégularité révélée dans le rapport de dépenses donneraient lieu aux sanctions normalement applicables en vertu de la Loi sur la consultation populaire.

Sans exclure les scénarios décrits précédemment, qui seraient des façons légitimes pour le législateur de donner suite au jugement de la Cour suprême, la Commission souhaite que les considérations dont elle vient de faire état alimentent l'importante réflexion dans laquelle est actuellement engagée la commission des institutions.

Enfin, en ce qui concerne l'intervention des tiers en période électorale, la Commission désire faire brièvement état des réflexions que lui inspire le jugement Libman, en ce qui a trait à l'intervention des tiers en période électorale. On sait qu'en période électorale seul l'agent officiel d'un candidat ou d'un parti peut faire ou autoriser une dépense électorale. Celui qui contrevient à cette règle commet une infraction pénale. La loi définit largement les dépenses électorales et il ne serait pas utile... Je pense que vous connaissez bien la définition d'une dépense électorale: le coût de tout bien ou service qui est utilisé pour favoriser ou défavoriser l'élection d'un candidat, pour combattre ou diffuser un programme politique d'un candidat ou d'un parti, pour approuver ou désapprouver des mesures préconisées ou combattues par un candidat ou un parti et, enfin, pour approuver ou désapprouver des actes accomplis ou proposés par un parti, un candidat ou leurs partisans.

Donc, la Commission a déjà attiré l'attention du législateur sur les problèmes que pose cette disposition du point de vue de la liberté d'expression des tiers. Il n'est pas souhaitable que des personnes ou groupements non partisans qui, de bonne foi, veulent exprimer une opinion sur la chose publique, ne puissent le faire que par le truchement d'un parti politique ou d'un candidat. À cet égard, la Commission a constamment soutenu que les électeurs avaient le droit d'être informés sur tous les sujets d'intérêt public et non sur les seuls sujets traités par les partis ou les candidats.

La Commission estime que le jugement de la Cour suprême, qui ne porte, à proprement parler, que sur la loi référendaire, comporte malgré tout des implications pour la législation électorale; elle partage, à cet égard, l'analyse présentée dans les avis juridiques soumis à Me Côté.

(12 heures)

Soucieuse de l'équilibre qu'il y a lieu de rechercher entre l'exercice légitime de la liberté d'expression, d'une part, et l'équité du processus électoral, d'autre part, la Commission accueille à cet égard avec intérêt les propositions de réforme du rapport de Me Côté. Elle note cependant que ces propositions, par ailleurs inspirées de celles mises de l'avant en matière référendaire, ne visent que les abstentionnistes. Elle se permet de suggérer que le législateur se penche également sur des mesures propres à mieux assurer le respect de la liberté d'expression des personnes et des groupes qui, sans prôner l'abstention, désirent toutefois légitimement prendre part au débat public en période électorale.

Donc, en conclusion, notre commission tient à remercier les membres de la commission des institutions de lui avoir donné l'occasion de formuler ses observations sur les questions abordées dans le rapport de Me Côté, conformément au mandat que l'Assemblée nationale nous a confié. Et, compte tenu du fait que les recommandations de Me Côté ne sont pas encore en forme législative, la commission se réserve, bien sûr, la faculté de faire connaître à nouveau ses observations sur les suites à donner au jugement Libman ou sur tout autre aspect abordé dans le rapport où seraient en jeu les principes de la Charte. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. Filion. M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, je ferai très brièvement parce que je devrai m'absenter par la suite. Mes collègues questionneront. Mais je voudrais vous dire, d'entrée de jeu, que j'ai trouvé votre mémoire globalement timide. Il y a des expressions que je remarque, par exemple en page 8 de votre mémoire: «tenter d'apporter», «sensible aux préoccupations», «semble suffisamment sérieux», «le législateur est invité à la prudence», «le contrôle des dépenses consisterait peut-être». Je trouve que ce n'est pas le style habituel de la Commission. D'habitude, vous arrivez puis... En tout cas, c'est une impression qui se dégage, d'autant plus que vous ne parlez que d'un sujet ou deux, maximum. Vous ne parlez pas de l'identification de l'électeur. Je vais vous questionner sur ce dont vous ne parlez pas, pour voir. Vous avez sans doute fait des discussions, quand même, à l'intérieur de la Commission.

La Commission d'accès à l'information est venue devant nous puis ils ont dit qu'utiliser la carte d'assurance-maladie comme identification la journée du vote, c'était pour détourner la finalité. À moins que j'aie mal lu, je ne vous ai pas entendus du tout là-dessus. J'aimerais vous entendre à la fois sur l'identification de l'électeur, l'utilisation de la photo, la journée du vote, puis en regard de la Commission d'accès à l'information qui dit qu'on détourne la finalité quand on veut accoler une binette à un nom.

M. Filion (Claude): D'accord. Bien, écoutez, d'abord en ce qui concerne le premier point où vous faites part du fait que le langage employé par la Commission est un langage... Non, c'est notre langage habituel, je pense. La Commission vient éclairer l'Assemblée nationale; c'est son rôle. L'exercice auquel vous vous livrez n'est pas nécessairement un exercice facile. Vous recherchez un équilibre entre des principes qui, d'une part, ont été reconnus comme tout à fait légitimes par la Cour suprême, à savoir une égalité des chances dans une joute référendaire ou électorale, et, d'autre part, la liberté d'expression ou la liberté d'association. Alors, comme on l'a fait dans le passé, en 1977, en utilisant encore une fois notre langage mais, quand même, qui a été repris par la Cour suprême. Alors, je pense que, dans la recherche de cet équilibre-là, la commission apporte également beaucoup. C'est-à-dire qu'on vous suggère une solution qui serait mitoyenne, qui n'est pas celle qu'exprime un peu directement la Cour suprême et en même temps qui n'est pas celle du rapport de Me Côté là-dessus. Parce qu'on trouve, encore une fois, que de judiciariser un processus qui concerne l'expression d'idées politiques, ce serait peut-être un peu lourd. Du moins, on ne trouve pas d'équivalent. Donc, on suggère un contrôle a posteriori, après une série d'engagements par ces intervenants particuliers là. Je pense que c'est une voie très intéressante de réflexion pour les membres de la commission.

Maintenant, encore une fois, de trancher, M. le ministre, le litige appartient à cette commission et à l'Assemblée nationale. La Commission vient apporter son éclairage en fonction des principes de la Charte, et les solutions qui sont avancées, comme on le mentionne dans notre mémoire, nous semblent toutes, disons, entre guillemets, possibles. Alors, donc, il y a un choix à exercer: le choix doit être respectueux des deux objectifs que vous connaissez fort bien. Et cet exercice-là, la Commission n'est pas là pour trancher à la place du législateur. On est là pour vous inviter à la prudence. Dans certains cas, on est là pour attirer, peut-être, l'attention sur une nouvelle voie qui est celle que nous proposons. Mais, quant au reste, la décision sera la vôtre.

Deuxièmement, en ce qui concerne la portion du rapport de Me Côté, qui touche la loi d'autres sujets, je suis très heureux, M. le ministre, que vous souleviez la question de la carte d'identité. La Commission a déjà exprimé son avis là-dessus, ici même, à l'occasion d'une autre commission parlementaire. Et suite d'ailleurs au rapport de Me Côté, je me permets de distribuer la portion de notre avis qui concernait spécifiquement la carte d'identité. Donc, je demande à Me Bosset, peut-être, de faire circuler via les bons soins habituels du page, que je reconnais, la portion de notre avis qui concernait spécifiquement la carte d'identité, puis on va la regarder ensemble en laissant peut-être quelques secondes...

M. Chevrette: Vous parlez de la commission de la culture? Dans le cadre de la commission de la culture?

M. Filion (Claude): Oui, d'une part...

M. Chevrette: Bon. C'est là que vous avez fait connaître votre point de vue sur une carte d'identité générale.

M. Filion (Claude): ...et du mémoire qu'on a produit à la commission des institutions, cette commission-ci, également, lorsque les propositions d'amendement à la Loi électorale ont été étudiées par cette commission aussi, la commission des institutions. Donc, ce qu'on vous distribue, c'est l'opinion que nous avions déposée devant la commission des institutions, essentiellement reprise devant la commission de la culture. Et, en plus de ça, c'est un document qui avait été adopté par l'ensemble des commissaires. Alors, regardons ensemble, si vous voulez...

M. Chevrette: Oui, mais juste 30 secondes. C'est parce que je ne veux pas empiéter sur le temps que j'ai voulu laisser à mes collègues. Je pense que je connais ce document. Je pense que la question est plus pointue.

M. Filion (Claude): O.K.

M. Chevrette: On n'a pas le temps d'émettre une carte d'électeur à très court terme ou une carte d'identité générale. On dit: Temporairement, jusqu'à temps que le débat se fasse correctement, en fonction de tous les avis qu'on peut avoir, la commission de la culture, la commission des institutions, temporairement. La question est très pointue, celle que je vous pose. C'est: Est-ce qu'on peut utiliser des cartes existantes exclusivement pour l'identification le jour du vote, soit: le permis de conduire, photo; RAMQ, photo; passeport, photo. Et même M. Comeau disait que peut-être il y aurait d'autres moyens à suggérer. Est-ce que vous y voyez un problème majeur? C'est ça que je veux savoir.

M. Filion (Claude): Votre question est bien pointue.

M. Chevrette: Très pointue.

M. Filion (Claude): Mais oui, votre question est pointue. Ma réponse ne le sera peut-être pas autant, mais je vais quand même vous répondre au meilleur de ma connaissance et surtout au meilleur du mandant que m'a confié l'Assemblée des commissaires de notre commission, qui s'est penchée sur le sujet à l'époque.

D'abord, le principe général, vous savez, les cartes doivent être utilisées pour les fins pour lesquelles elles ont été conçues et émises. Ça, c'est le principe général que la Commission des droits défend, d'une part. D'autre part, il y a, à notre sens, une absence d'évaluation préalable des besoins puis une absence d'une analyse coûts-bénéfices qui a été faite relativement à l'utilisation d'une autre carte. Et là-dessus, je pourrais quand même noter ceci: dans le rapport de Me Côté, lui-même, je pense, admet que le phénomène auquel on veut répondre, c'est-à-dire le phénomène de supposition de personne, est un phénomène qui est en voie de régression, les cas étant de moins en moins fréquents. Et il y a, autour de cette commission et également chez celui qui vous parle, suffisamment de connaissances dans ce secteur-là pour vous dire que les moeurs politiques québécoises ont suffisamment évolué depuis 30 ans pour qu'on puisse dire que le phénomène de supposition de personne auquel veut répondre, en bonne partie, une carte d'identité obligatoire. Ce phénomène-là est en régression.

(12 h 10)

On a évolué d'une façon extraordinaire et on n'a rien, absolument rien, aucun chiffre qui nous dirait, aucune évaluation qui nous dirait: Écoutez, il y a un phénomène que le législateur veut contrer, puis on veut imposer une carte d'identité. Non, au contraire, encore une fois, les rapports qui existent au niveau des tables de scrutin, regardez par exemple les rapports des représentants des partis politiques, regardez les rapports des scrutateurs et des greffiers et regardons également votre expérience à vous, comme parlementaires, et donc impliqués dans des luttes électorales. Est-ce qu'il existe un phénomène suffisamment important pour que, comme législateurs, vous vouliez imposer une contrainte à 3 000 000 de personnes? C'est peut-être possible, M. le ministre, mais peut-être faudrait-il y avoir, à la base, une évaluation préalable de la situation puis également une analyse coûts-bénéfices. Puis, dans cette analyse coûts-bénéfices, il ne faudrait pas oublier une chose: c'est qu'il ne faudrait pas oublier, vous le recherchez, la libre expression des votes. Mais qu'est-ce qui arrive aux personnes qui n'ont pas de permis de conduire – chez les personnes âgées, il y en a un assez bon nombre; qui n'a pas de passeport? encore là, il y en a un assez bon nombre qui n'en ont pas, et ça coûte des sous, faut-il le rappeler, avoir des passeports – et qui ont égaré leur carte d'assurance-maladie le jour du scrutin?

M. Chevrette: Ça, ce n'est pas une mécanique, je vous arrête là-dessus. Une mécanique... On a questionné la RAMQ juste avant vous, ce matin. Il y a effectivement un certain nombre qu'il y a quelque chose là. Il y a des pays démocratiques, comme la France, l'Allemagne, la Suisse, la Suède, qui ont tous une carte d'identification électorale. Puis, nous, on dit: Ne mettons pas une carte, pour l'instant, obligatoire électorale. Parce que, si c'est une carte obligatoire électorale, tu n'as pas d'identification autre que ça, tu n'as pas droit de vote. N'oubliez pas ça.

Nous, on dit: Il en existe trois: il y a 4 000 000 de personnes au Québec qui ont des permis de conduire, il y a 7 000 000 de personnes qui ont la carte de la RAMQ puis il y a quelques centaines de milliers qui ont un passeport. Puis peut-être qu'on aura d'autres possibilités en plus.

Ce n'est pas la question de bénéfices-coûts, M. Filion, que je veux savoir. Ce que je veux savoir, c'est en quoi, sur le plan de la démocratie ou sur le plan des droits et libertés fondamentaux des individus, la France... D'être un pays assez évolué sur le plan démocratique, sur le plan des respects des chartes, ce n'est pas des pays dénoncés, puis ils ont l'identification de l'électeur à peu près partout.

J'ai de la misère à vous suivre en disant: La question de bénéfices-coûts. Ce n'est pas une question de bénéfices-coûts, c'est d'améliorer notre système pour que seules les personnes qui ont le droit de vote puissent voter.

M. Filion (Claude): D'accord. Alors, primo, si on regarde les expériences étrangères, il ne faut pas oublier que, je veux dire, un pays auquel on ressemble beaucoup, l'Angleterre, on est quand même dans les plus vieilles démocraties parlementaires du type Westminster, donc, on a beaucoup de ressemblances institutionnelles avec l'Angleterre, il n'y a pas de carte d'électeur...

M. Chevrette: C'est une réaction de latin! On est d'origine latine.

M. Filion (Claude): Je veux bien. Mais, si on regarde également ce qui se passe chez nos voisins du Sud, bon, là aussi c'est une démocratie avec ses forces et ses faiblesses. Je veux juste mentionner ça au niveau des expériences internationales, parce qu'il en existe de toutes les sortes.

Deuxièmement, la vraie question, M. le ministre, c'est la suivante: Avant d'imposer une contrainte à 3 000 000 ou 4 000 000, je ne sais pas exactement le nombre d'électeurs au Québec, je le soupçonne être dans ces chiffres-là, 5 000 000, avant d'imposer une contrainte à 5 000 000 de personnes, parce que c'est une contrainte qui n'existe pas aujourd'hui, est-ce qu'il ne faudrait pas, comme législateur, se poser au préalable la question: À quoi voulons-nous répondre? À quelle situation voulons-nous répondre de façon précise? Et là je me base sur, encore une fois, ce que le Directeur général des élections vous dit à l'effet que c'est un phénomène qui est en régression, qu'il ne peut pas calculer. Mais est-ce qu'on ne peut pas chercher à le préciser, ce phénomène-là? Et là-dessus, je fais appel à votre expérience.

M. Chevrette: On a fait deux sondages, M. Filion, Léger & Léger, auprès de la population, 89 % ne considèrent pas ça comme une contrainte mais comme une chose allant de soi. Lepage, que vous connaissez également, fait que 85 % de la population considèrent que c'est une chose qui va de soi pour améliorer notre système démocratique, parce qu'il y a 217 000 électeurs qu'on ne recoupe même pas. Ne serait-ce que 10 000, ne serait-ce que 5 000, je demande à la Commission des droits et libertés de la personne quel est le pourcentage raisonnable pour suivre sa ligne ou bien pour suivre la nôtre?

M. Filion (Claude): D'abord, la Commission est là pour éclairer l'Assemblée nationale. Nous sommes une créature de l'Assemblée nationale. Alors, nos commentaires constituent en fonction des principes de la Charte des droits et libertés, en fonction des principes, également, de droit à la vie privée, et vous savez que les questions d'identification sont importantes. La commission de la culture a fait une étude en profondeur. Nous avons eu l'occasion non seulement de présenter un mémoire, mais également d'échanger avec eux là-dessus.

Alors, ce qu'on vous soumet, c'est qu'il existe des principes qui méritent d'être examinés au-delà de... Vous faites appel à des sondages, je ne doute pas, vous savez, les gens, en général, quand on leur pose des questions de ce style-là... Mais ça peut changer vite le jour où votre frère ou, je ne sais pas, moi, a oublié son permis de conduire et puis ne peut pas, ce jour-là, aller voter, qui est un geste éminemment important. Alors, moi, ce que je vous soumets, je ne vous dis pas et je ne voudrais pas que mes propos soient interprétés comme signifiant que la Charte interdit le fait d'exiger la présentation d'une carte d'identité obligatoire, pas du tout. Mais, par contre, les principes qui la sous-tendent invitent le législateur à énormément de prudence avant d'instaurer une nouvelle mesure qui imposerait une contrainte à 5 000 000 d'individus à tous les deux ans ou quelque chose de semblable. Et j'inviterais Me Bosset à compléter ma réponse, M. le ministre.

Une voix: Avec votre...

M. Chevrette: Non, mais ce n'est pas parce que je ne veux pas, mais c'est parce qu'il n'y a plus de temps de notre côté.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de...

M. Chevrette: J'avais promis à un de mes collègues de questionner, et les réponses sont longues. Il va falloir que...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...Laurier-Dorion.

M. Sirros: Je voudrais honnêtement remercier le président de la Commission des droits de la personne d'avoir mis de l'avant exactement mes préoccupations, sans avoir l'entachement que peuvent avoir les soupçons de partisanerie quand je les mets de l'avant. Je pense qu'il n'y a personne de l'autre côté qui peut vous soupçonner de partisanerie quand vous mettez de l'avant exactement les mêmes arguments. Le problème n'a pas été démontré. Et, à la question du ministre: Quel est le pourcentage ou quel est le nombre de personnes qu'on pourrait accepter en termes de fraude... L'autre question, c'est: Quel est le nombre de personnes qu'on trouverait acceptable qu'elles perdent leur droit de vote parce qu'elles auraient oublié une... Je veux dire, s'il y a un problème, examinons-le. Mais... tout à fait. En tout cas, j'arrête là, parce que vous avez vraiment repris de façon très éloquente l'ensemble de mes positions sur ça.

Et un autre point que je voulais juste souligner. Sur la question des dépenses, au niveau des suites à donner au jugement de la Cour suprême, là encore je reconnais les principes qui doivent nous guider dans ces affaires-là, et c'est un principe de présomption de bonne foi du citoyen avec des contrôles subséquents. C'est le pendant, dans les relations État-citoyen, du principe de l'«innocent jusqu'à preuve du contraire», en fin de compte, il me semble. Vous, vous dites: Il ne s'agit pas d'avoir à prouver au préalable, il s'agit d'affirmer et, peut-être, des gestes comme l'assermentation solennelle, pour exprimer le fait qu'on ne peut pas s'associer et qu'on ne s'associe pas avec d'autres personnes. Alors, ça aussi, je trouve que c'est une voie très intéressante qu'on devrait examiner un peu plus loin.

La véritable question que je veux poser, par contre – et peut-être qu'il y aura du temps pour d'autres également par la suite – c'est au niveau du plafond des dépenses. On parle tous autour du 1 000 $ comme quelque chose qui... En tout cas, on ne le remet pas beaucoup en question, je trouve. Et, vous, vous ne vous prononcez pas spécifiquement sur le montant. J'ai reconnu avec d'autres intervenants, je pense, avant-hier, qu'il y a une certaine cohérence dans l'argumentation, et j'ai le même problème, je cherche la même solution quant à l'équilibre à trouver entre les dépenses et la liberté d'expression. On dit normalement qu'on peut contribuer à un parti politique, qu'un individu peut contribuer jusqu'à 3 000 $ à un parti politique. Et il y en a qui nous disent: Donc, normalement, si on peut contribuer 3 000 $ à un parti politique, si on veut, on devrait être capable de dépenser 3 000 $ pour mettre de l'avant une idée d'un individu isolé, sans pouvoir le mettre en commun, etc. Le 1 000 $ est un point de référence qui a été évoqué par la Cour suprême à partir du rapport Lortie, tout en disant que ce n'était pas nécessairement le montant qui pourrait assurer la liberté d'expression. Et, si on est en train de voter des amendements pour donner effet au jugement de la Cour suprême, on veut se donner le maximum de sécurité par rapport aux amendements qu'on va adopter.

Est-ce que vous avez une suggestion pour nous éclairer sur ce qui donnerait le maximum de chances, en tout cas, vis-à-vis d'éventuelles contestations tout en gardant l'équilibre? Parce qu'on faisait rapidement le calcul: s'il y avait 3 000 $ de plafond et s'il y avait 1 000 personnes qui dépensaient 3 000 $, on est rendu vite à 3 000 000 $. Même si ce n'est pas mis en commun, ça peut avoir une incidence au niveau du contexte global. Avez-vous un éclairage pour notre lanterne?

M. Filion (Claude): On en a discuté d'ailleurs à l'intérieur de la Commission. Écoutez, de façon générale, une somme de l'ordre mentionné par celui de la Cour suprême nous apparaît raisonnable. Maintenant, on ne tranchera pas entre 1 000 $ et 1 500 $ ou ces choses-là, je pense que ça appartient au législateur de le faire. Mais, encore une fois, de façon générale, ça nous semblait équitable, mais je vais quand même laisser la parole à Me Bosset.

(12 h 20)

M. Bosset (Pierre): Oui, effectivement, je ne pense pas que ce soit à la Commission de fixer le montant. Je ne suis pas non plus convaincu que ce soit à la Cour suprême de le faire, parce que, dans le jugement de la Cour suprême, il est vrai que le tribunal reconnaît que le montant de 1 000 $, en contexte électoral fédéral, n'est peut-être pas nécessairement approprié dans le cadre d'un référendum québécois. Elle dit ça, la Cour, mais elle dit aussi qu'il ne revient pas à la Cour de déterminer quel montant devrait être accordé. En d'autres termes, le tribunal relance la balle au législateur, mais je pense que c'est la responsabilité des législateurs que vous êtes de choisir le montant.

M. Sirros: On peut donc pourtant présumer que le 1 000 $ dont il est question représente un seuil vraiment minimal en bas duquel ce serait évident que ça ne concorde pas à la possibilité, à la réalité d'un référendum et que le 3 000 $, inversement, serait le maximum logique. Mais plus on tend vers le 3 000 $ – là, je fais un raisonnement – plus on tend peut-être aussi à débalancer l'équilibre qu'on chercher à garder. Donc, il y a une fourchette, finalement, entre 1 000 $ et 3 000 $, quelque part, qu'on devrait peut-être, nous, ici examiner. C'est ce que je comprends de votre réponse.

M. Bosset (Pierre): À part le montant de 1 000 $ qui a été mentionné à titre de référence par la Cour suprême, il n'y a aucun autre montant qu'on retrouve dans le jugement. On peut penser que le 1 000 $ est effectivement un plancher.

M. Sirros: Et on peut imaginer que le 3 000 $ peut être un plafond, étant donné que c'est la limite d'une contribution individuelle à un parti politique. Il y aurait peut-être une transposition qu'on peut faire au niveau de la logique.

M. Bosset (Pierre): Mais là la Cour suprême ne mentionne pas ce montant.

M. Sirros: O.K. Il y avait une question, je pense de l'autre côté? Allez-y.

M. Jutras: Moi, je voulais revenir. Vous dites dans votre mémoire que vous retenez un peu la formule qui est proposée par Me Côté à l'effet que quelqu'un qui voudrait s'exclure devrait exposer les motifs de la demande d'autorisation. Et vous précisez un peu, en allant plus loin, vous dites: La déclaration comprendrait les éléments essentiels à un contrôle ultérieur des dépenses tel que les motifs justifiant l'engagement de dépenses hors des comités-parapluies.

Moi, je veux vous poser la question par rapport à ce que Me Grey nous a dit quelques minutes auparavant. Me Grey nous a dit: Quelqu'un devrait pouvoir s'exclure, oui, mais sans préciser les motifs. Et ce qu'il disait au soutien de cette affirmation-là, c'est que, quand, par exemple, au niveau religieux, quelqu'un veut s'exclure, il n'a pas à aller plus loin que dire: Je veux m'exclure. Et sans aller plus loin que ça. Il n'a pas à dire: Dans ma religion, on dit telle chose, il y a tel précepte, ou il y a tel principe. La personne, il lui suffit de dire cela. Alors, je voudrais savoir ce que vous en pensez, de ça, parce que, moi, ça m'apparaît, d'un autre côté, si on suivait la formule que propose Me Grey, être une porte à bien des abus. La personne dirait, viendrait tout simplement soit devant le DGE ou devant le tribunal et dirait: Moi, je demande d'être exclu. Sans dire les motifs. Là, est-ce qu'il n'y aurait pas, comme je le disais, ouverture à bien des abus? Alors, j'aimerais ça savoir ce que vous en pensez, surtout à la lumière de ce que Me Grey disait. Il faisait référence même, semble-t-il, à certains jugements à cet effet-là. Qu'est-ce que vous en pensez, de cela?

M. Bosset (Pierre): De façon générale, le commentaire qu'on fait quant à la proposition du rapport Côté, on sait que dans le rapport Côté, il y a également cette obligation de justifier les motifs qui expliquent le fait qu'on veuille faire des dépenses autrement que via un comité-parapluie. Sauf que, dans la perspective et dans l'esprit du rapport de Me Côté, le Conseil du référendum porte un jugement sur la réalité de ces motifs, entre autres, parce que c'est lui qui autorise les dépenses, en dernière analyse. Selon nous, ce mécanisme-là n'est pas approprié dans le contexte dont on parle ici. Ce que nous proposons, nous, c'est que les motifs devront être exposés mais qu'ils ne devront pas... On ne devra pas se prononcer sur la réalité ou la véracité de ces motifs à ce stade-là, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas d'autorisation préalable à la liberté d'expression. Ce sera un contrôle ultérieur qui sera fait notamment par le biais des rapports de dépenses qui devront être déposés après le scrutin. Et, lorsqu'on se rendra compte, si on se rend compte, qu'il y a effectivement eu des abus dans ce mécanisme-là, on aura toujours le loisir de recourir aux sanctions qui sont prévues de toute façon dans la loi référendaire. Mais c'est un contrôle qui va s'exercer a posteriori plutôt que de façon préalable à l'exercice de la liberté d'expression.

M. Jutras: Oui, mais là est-ce que le mal ne sera pas fait si vous l'examinez a posteriori? Par exemple, vous avez quelqu'un qui se présente soit devant le tribunal ou le DGE – on verra quelle formule nous retiendrons – la personne dit, bon: Bien, moi, je ne veux pas me joindre au comité du Oui. Mais, par contre, quand on analyse ses motifs, on s'aperçoit que c'est futile et on s'aperçoit qu'en fait, par exemple, c'est quelqu'un qui est tout à fait pour le Oui, et il n'a pas de raison de l'exclure. Est-ce qu'il ne faut pas à ce moment-là dire à cette personne-là: Non, vous n'êtes pas autorisée à faire des dépenses, et c'est regrettable mais vous pouvez très bien vous retrouvez sous le parapluie du Oui?

Là, si je comprends bien, ce que vous proposez, vous dites: On le laisse faire, puis, a posteriori, les sanctions. Mais là, moi, je pense que le mal va être fait, comme je le disais au tout début.

M. Filion (Claude): Mais, quand même, il demeure que l'autorisation doit comporter la signature d'une déclaration assermentée ou d'un engagement, laquelle déclaration assermentée va comporter l'expression ou l'énoncé des considérations puis des motifs. Alors, je suis d'accord avec vous, tout de même. Je n'en disconviens pas que d'une certaine façon c'est vrai que, si jamais la situation devient absolument inconcevable, mais, en tout cas, si jamais ça va très, très, très, très loin, il y a une certaine partie des dommages qui auront été causés. Cependant, c'est un peu la même chose aussi pour d'autres items dans la Loi sur la consultation populaire puis dans la Loi électorale. Par exemple, le plafonnement des dépenses, sauf erreur, là, supposons que le plafond est dépassé, c'est un contrôle a posteriori qui s'exerce. Et ce n'est pas un contrôle qui s'exerce au fur et à mesure que les dépenses s'effectuent. Et donc, dans ce sens-là aussi, c'est un contrôle a posteriori qui s'exerce pour d'autres items, d'autres conditions d'exercice des dépenses réglementées. Mais ce que vous soulevez fait quand même partie de la réalité, en tout cas, de l'éventail des possibilités.

Par contre, notre solution a quand même l'avantage, je pense, de chercher à responsabiliser l'ensemble des intervenants particuliers qui ont – je pense que le résultat de vos discussions le démontre – droit au chapitre. Bon. Alors, responsabiliser au maximum en quelque sorte l'ensemble des intervenants sans pour autant les laisser tout à fait – passez-moi l'expression, entre guillemets – dans le décor. Il y a une certaine forme de contrôle qui ne serait pas judiciaire a priori mais qui, a posteriori, s'exercerait. Donc, nous vous soumettons le tout pour alimenter vos réflexions.

M. Jutras: Est-ce que je peux poser une autre question?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Une dernière.

(12 h 30)

M. Jutras: Moi, je veux revenir sur la question de l'identification de l'électeur. Vous avez dit tantôt: Pourquoi aller dans le sens de l'identification de l'électeur en se basant sur le phénomène des télégraphes? En fait, on s'aperçoit que nos moeurs politiques ont évolué, se sont améliorées – je pense qu'on va le reconnaître, tout le monde – et qu'on ne sait pas quelle est l'ampleur du problème. Moi, là-dessus, je dis deux choses. Je dis: C'est vrai qu'on ne connaît l'ampleur du problème, mais tous s'entendent pour dire que le problème est encore là, peut-être pas à une hauteur qu'on a déjà connue, mais le problème est encore là.

Le ministre a donné des exemples qui sont survenus dans son comté. Je pense que, comme organisateur politique ou comme député, on a toujours certains cas en tête qui sont troublants. Et le problème qui existe, c'est d'évaluer, de savoir combien il y en a. Puis c'est à peu près impossible d'aller dénombrer ça, entre autres parce que, une fois que la campagne électorale est terminée, si vous avez gagné avec 3 000 ou 5 000 voix, quand bien même vous doutez de cinq, six télégraphes, bien des fois le livre se ferme puis on passe à autre chose, surtout qu'il y a une difficulté de preuve, puis tout ça. Tout le monde reconnaît que la difficulté de preuve, elle est énorme. Puis, celui qui a perdu aussi, s'il a perdu par 2 000, 3 000 voix, lui aussi il ferme le livre puis il se dit: On passe à autre chose. Peut-être que, quand on est à une voix ou deux voix... Comme le député de Saint-Jean, lui, il serait allé plus loin dans cette démarche-là pour savoir ce qui en était. Alors, moi, je me dis: il y a quand même un problème qui est là.

Et, par ailleurs, moi, ce que je trouve très troublant et qu'on a appris au cours des derniers jours parce que les parlementaires, on a eu une rencontre avec des représentants du DGE, c'est que, vous savez que depuis que nous avons la liste électorale permanente, qui a été confectionnée au référendum de 1995, suite à cela, la liste électorale permanente a été jumelée, recoupée avec le fichier de la RAMQ. Et après cet exercice-là, après qu'on ait fait les recoupements, il demeure que, à l'heure où on se parle – c'était à la mi-mars, ça, que le DGE nous disait ça – il y a encore 217 000 personnes qui sont sur la liste électorale du Québec et qu'on n'a pas réussi à recouper avec le fichier de la RAMQ. Moi, en tout cas, je me dis – s'ajoutant au premier argument que je donnais – que le phénomène des télégraphes, il est encore là. Mais, ça, ça m'apparaît très troublant, et là je me dis: Comment se fait-il que ces gens-là...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Drummond, je vous inviterais à écourter parce qu'on a déjà dépassé le temps imparti.

M. Jutras: ...oui. Mais, en tout cas, là, on a un problème sérieux. Et devant le fait qu'on a 217 000 personnes qui sont sur la liste électorale, est-ce que, ça, ça ne justifie pas de demander l'identification des électeurs le jour du vote?

M. Filion (Claude): Oui. Le problème des suppositions de personne, probablement – c'est ce que je vous soumets à titre personnel; la Commission n'a pas étudié ça, c'est évident – est infinitésimal, de mon point de vue, de la même façon qu'il peut y avoir, dans la confection de la liste électorale permanente, aussi des problèmes. Mais il faut mesurer comme il faut l'ampleur du problème, comme je vous disais tantôt, avant d'arriver avec une réaction qui soit de l'ordre de créer une obligation nouvelle dans la Loi électorale.

Maintenant, le phénomène que vous soulevez est quand même – je l'ai aperçu également dans les journaux – un phénomène qui demande une attention immédiate. Il faut savoir qu'est-ce qui se passe là exactement. Mais la réponse à ça n'est probablement pas nécessairement la présentation d'une carte. Il faut vérifier pourquoi cette disproportion. Maintenant, je sais que Me Bosset veut ajouter à ce que je viens de dire.

M. Bosset (Pierre): Si vous permettez, brièvement, j'aimerais ça, simplement, faire quelques remarques au sujet de la question du détournement de finalité dont on avait commencé à parler au début de notre présentation.

C'est vrai que le principe est qu'on ne doit pas utiliser une carte d'identité à des fins autres que celles pour lesquelles elle a été émise. La Commission a toujours défendu ce principe-là, avec d'autres d'ailleurs. Et, par exemple, quand on a créé un permis de conduire avec photo, on est intervenus pour que ce permis avec photo ne soit utilisé qu'à des fins d'identification pour le Code de la sécurité routière. C'est même prévu dans le Code de la sécurité routière, et c'est une excellente chose. Même chose pour la carte d'assurance-maladie. Le législateur pourrait effectivement décider d'attribuer une deuxième finalité à ces cartes-là, en disant qu'il sera permis de les utiliser à des fins d'identification d'électeur. Cependant, le danger de ça, c'est que ça légitime l'utilisation de ces cartes-là dans d'autres contextes dans la vie de tous les jours. Si le propriétaire d'un magasin de cassettes vidéo s'aperçoit que le législateur exige maintenant la carte d'assurance-maladie pour pouvoir voter, inévitablement il va se dire: Bien, je suis justifié également de l'exiger lorsqu'une personne désire louer une cassette vidéo. Et, insidieusement, on arrive effectivement à un détournement de finalité et à la création d'une carte d'identité avant la lettre, avant même qu'on ait pu faire un vrai débat sur cette question-là.

M. Filion (Claude): Et dans ce sens-là, on peut continuer. Quel signal périlleux à envoyer pour le législateur à l'ensemble de la société. Pensons aux activités commerciales. Pensons à nos activités de loisir. Et c'est une partie du débat que nous avons eu d'ailleurs, cette fois-ci à une autre commission, à la commission de la culture. Et c'est pour ça que le principe est sage d'arriver à ce que les cartes soient utilisées pour les fins pour lesquelles elles ont été conçues. Et, encore une fois, il faut étudier comme il faut avant d'en arriver à une réaction qu'impliquerait la création d'une nouvelle obligation de cette ampleur-là pour un exercice qui est au coeur de la démocratie, c'est-à-dire pour l'exercice d'une expression d'intention électorale ou référendaire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais, en quelque sorte, M. le président, si je suivais cette logique-là, et pour éviter toute forme de détournement de finalité de quelque carte que ce soit, ultimement, ce qui serait le plus simple, c'est que chaque personne ait sa carte d'identité et qui n'a qu'une fonction: être une carte d'identité où on sait que cette personne est bien celle-là et seulement celle-là. Et à ce moment-là, elle remplirait pleinement sa fonction, ce qui empêcherait d'utiliser des cartes qui ont été créées pour certaines fins et qu'elle soit utilisée à d'autres.

M. Filion (Claude): Là-dessus, une réponse serait longue un peu. Et puis je réfère à l'ensemble du débat que nous avons eu, en commission de la culture, sur les cartes d'identité. Les cartes d'identité, pour être utilisées, doivent répondre à un certain nombre de critères. Quant à nous, ils ont été exprimés d'une façon très claire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, messieurs, je veux vous remercier de votre présentation, des échanges, des éclairages que vous nous avez fournis aujourd'hui. Alors, sur ce, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

(Reprise à 15 h 1)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames et messieurs, si vous voulez prendre place, nous allons débuter notre séance. Nous recevons cet après-midi les représentantes et représentants d'Alliance Québec. Bienvenue, mesdames et messieurs. La commission des institutions va vous entendre pendant une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, à la suite de quoi nous procéderons à des échanges avec les membres des groupes parlementaires présents. Bienvenue.


Alliance Québec (AQ)

Mme Middleton-Hope (Constance): Merci, M. le Président. Tout d'abord, je m'appelle Constance Middleton-Hope. Je suis présidente de l'Alliance et j'aimerais vous présenter nos avocats qui sont ici avec moi aujourd'hui: à ma gauche, Me Casper Bloom, Me Suzanne Birks, qui en est peut-être l'auteure de ce rapport, et Me Jacques Clément.

Alors, mesdames et messieurs – je cherche les dames; oui, il y en a une – le rapport de M. Côté sur le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur d'autres amendements aux lois électorales traite de certains aspects de la Loi électorale ainsi que de la Loi sur la consultation populaire. Il semble porter, notamment, sur les dépenses électorales et les groupes de pression, l'identification des électeurs et l'inscription sur la nouvelle liste électorale permanente des électeurs dits potentiels.

S'il y avait eu des chances que les réformes proposées atteignent les buts recherchés, nous aurions eu le plaisir de les appuyer. Malheureusement, le rapport n'a pas abordé certains problèmes fondamentaux qui existent dans les versions actuelles des lois électorales et des lois sur la consultation populaire, des problèmes, il faut le dire, qui risquent de porter atteinte aux fondements démocratiques du régime électoral. On peut même constater que les dispositions dont il est question dans notre mémoire ont déjà provoqué de graves atteintes au droit de vote au Québec. De plus, si les recommandations relatives à l'identification des électeurs et à l'inscription des nouveaux électeurs étaient intégrées au régime électoral, elles n'auraient pour effet que l'aggravation des problèmes déjà existants dans les lois électorales et la Loi sur la consultation populaire.

Alors, nous allons faire état, dans cette intervention, de la nature et des origines de ces questions, et, par conséquent, nos commentaires porteront sur certains chapitres ainsi que sur les recommandations qui sont pertinentes. Et nous espérons que vous nous donnerez toute l'attention voulue parce que nous pensons bien que ce que nous allons apporter pourrait quand même être bénéfique à tous les Québécois et Québécoises de quelque provenance soient-ils.

Je vais demander à Me Suzanne Birks de faire un peu état de la question.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme Birks.

Mme Birks (Suzanne Martha): Merci, M. le Président. J'aimerais ajouter mes remerciements à ceux de Mme Middleton-Hope. Merci de nous avoir invités ici aujourd'hui. Je vais faire un petit tour d'horizon de nos préoccupations parce qu'on n'a pas le temps, évidemment, de lire l'intervention, le rapport que nous avons déposé devant vous.

Alors, nous avons en effet deux préoccupations majeures. D'abord, il s'agit de l'administration de la nouvelle liste électorale permanente, y compris l'identification des électeurs le jour du scrutin. Et, deuxièmement, il s'agit de l'administration ou l'application et du fonctionnement de la Loi électorale et de la Loi sur la consultation populaire parce que, en effet, les deux agissent ensemble pendant une période référendaire, et il est inutile de vous le dire, parce que vous le savez déjà, que, pendant la période référendaire, il y a une version spéciale de la Loi électorale. Alors, c'est deux problèmes sur lesquels nous aimerions adresser la parole.

Il y a des problèmes, disons, sérieux avec le système actuel, le régime électoral actuel. Et, lorsque je parle du régime électoral, je fais référence à la fois à la Loi électorale et à la Loi sur la consultation populaire, mais nos prétentions sont à l'effet que les réformes proposées dans le rapport Côté vont créer un régime électoral encore plus politisé, encore plus partisan et un régime qui risque de priver des milliers d'électeurs québécois du droit de vote. Et le gouvernement, s'il accepte ces recommandations sans modification, va risquer d'implanter un régime électoral politisé qui limitera démesurément l'accès au vote des Québécois et qui, en d'autres façons, enfreindra leurs droits fondamentaux.

Pourquoi est-ce que nous faisons ces commentaires? Nos commentaires sont basés sur nos expériences pendant le référendum de 1995. Je ne veux pas revenir sur les résultats ou les problèmes de ce référendum, mais c'est à ce moment qu'il est devenu évident que la Loi électorale, conjuguée à la Loi sur la consultation populaire, avait rendu le régime électoral gravement défectueux.

Alors, la possibilité existe, par exemple, que 200 000 personnes ayant la qualité d'électeur ne soient pas présentement sur la liste électorale permanente, et il nous semble qu'il n'y a aucun moyen proposé par le Directeur général ou par le rapport Côté pour les mettre sur la liste, pour les inscrire sur la liste. Voilà le problème. On nous dit que, oui, probablement, il y aura des moyens de le faire. Selon nous, nous ne voyons pas les moyens pour le faire. C'est évident que, dans le rapport Côté – et j'ai beaucoup de respect pour Me Côté et pour Me François Casgrain, le directeur général par intérim – on a mis l'emphase sur le contrôle des «télégraphes», par exemple, ou le contrôle des personnes, des gens ayant accès au droit de vote, ou l'influence indue. Alors, on comprend les préoccupations de Me Côté, mais il y a d'autres préoccupations qui sont aussi importantes, peut-être plus importantes, et le but de toute loi électorale, c'est de faciliter l'accès au droit de vote des électeurs, sans trop les restreindre et, selon nous, c'est le problème des contraintes qui est évident dans le rapport Côté.

Il faut aussi mettre l'emphase sur l'établissement d'un régime électoral non politisé. Alors, il faut tenter, au moins, d'établir ou d'implanter un personnel électoral non politisé. C'est quelque chose qui a des avantages pour n'importe quel citoyen du Québec. Il n'est pas question d'un certain groupe ou d'une certaine communauté, c'est quelque chose qui va affecter, qui implique tous les Québécois.

(15 h 10)

Alors, j'aimerais passer à nos recommandations. Étant donné qu'il y a probablement 200 000 électeurs, peut-être un peu moins, un peu plus, on ne le sait pas exactement – ce sont des électeurs, ce ne sont pas des gens qui sont venus d'ailleurs et qui vont tenter de bouleverser le système électoral ou le régime électoral – qui ne sont pas, présentement, sur la liste électorale, alors nous avons fait la recommandation – et ça se trouve à la page 22, selon ma copie – que le Directeur général des élections devrait, dans un très bref délai, faire en sorte que les électeurs qui n'ont pas le droit de vote actuellement malgré leur qualité d'électeur soient réinscrits sur la liste.

Et la Loi électorale, présentement, prévoit une période de révision qui, à notre avis, est beaucoup trop courte. La période courte, c'est quelque chose qui a été établi pendant les années où il y avait un recensement avant chaque élection. Alors, s'il y a un recensement avant chaque élection, la période de révision, normalement, est pas mal courte, mais, lorsqu'il s'agit d'une liste électorale permanente, il y a d'autres moyens de faire la révision et il y a d'autres moyens de faire l'identification des électeurs, par exemple. Selon nous, il n'y a pas moyen de faire inscrire 200 000 personnes dans la période de 15 jours ou une période très courte de révision avant la prochaine élection, alors il va falloir jumeler, avec les dispositions qui établissent une liste permanente d'électeurs, des dispositions à l'effet que la période de révision va continuer tout au long de l'année.

Nous sommes préoccupés également – et c'est quelque chose qui est lié à l'établissement de la liste permanente des électeurs – par la carte d'identité, le besoin de présenter une carte d'identité le jour du scrutin, une carte d'identité avec photographie. Et uniquement trois cartes d'identité vont être acceptables ou admissibles – la carte soleil, par exemple – mais on sait très bien qu'il y a des jours, n'importe quel jour de l'année, où il y aura 8 000 personnes, peut-être, qui ont perdu la carte-soleil, qui n'ont pas renouvelé la carte-soleil. Moi, j'ai une associée, chez moi, de vieille souche, qui, toujours, est en bonne santé, alors elle, elle n'a jamais renouvelé sa carte-santé, sa carte-soleil. Et ce n'est pas universel. Peut-être l'idée, en théorie, dans l'abstrait, tout le monde porte une carte-soleil, mais ce n'est pas la vérité. Et tout le monde n'est pas riche, tout le monde n'a pas une carte ou un permis de conduire, et très peu de gens détiennent un passeport canadien.

Alors, il faut toujours qu'il existe un moyen omnibus, une disposition omnibus à l'effet que tout électeur pourrait faire la preuve de sa qualité d'électeur le jour du scrutin en utilisant d'autres moyens. Il ne devrait pas être plus difficile de s'identifier le jour du scrutin que de se faire inscrire sur la liste permanente électorale, et j'ose dire que cette réforme proposée va à l'encontre des dispositions de la Loi électorale actuelle portant sur la qualité d'électeur et même à l'encontre du Code civil du Québec et peut-être contre les Chartes. Si le gouvernement insiste qu'il doive exister une carte d'identité, la liste actuelle est beaucoup trop limitative.

Ce n'est pas, tout simplement, qu'on s'objecte à la carte d'identité en soi ou à la liste permanente en soi, parce que c'est une façon d'administrer une élection, mais c'est l'application de cette disposition ou l'administration de cette liste qui va poser des problèmes. Et peut-être que ce n'est pas évident présentement, aujourd'hui devant vous, mais imaginez-vous des gens qui sont des vieillards, qui sont pauvres, qui ont perdu leur carte, finalement, est-ce que vous allez les priver du vote? Moi, je dirais non et, évidemment, je suis certaine que vous êtes d'accord avec moi qu'il faut faciliter l'accès au vote.

Pour ce qui est du problème de la politisation du personnel électoral, voilà un problème grave qui existe présentement dans la loi et qui, en partie, remonte à un amendement de 1989, et je fais référence en particulier aux articles 183, 184 et 310 de la Loi sur la consultation populaire, Annexe V, Appendice 2. Alors, ces dispositions qui se trouvent à l'Appendice 2 viennent remplacer des dispositions portant exactement les mêmes chiffres dans la Loi électorale, et, lors d'une élection ordinaire, le personnel, dans chaque circonscription, est nommé en fonction des résultats de la dernière élection. Alors, le président d'une commission de révision, c'est la personne ou le parti qui a gagné le plus de votes dans la circonscription. Même chose pour ce qui est du personnel de la journée du vote. Mais, lors d'un référendum ce n'est pas dans chaque circonscription qu'on va établir les nominations de ce personnel-là, c'est en fonction du parti qui va proposer la question. En effet, le Québec devient une grosse circonscription lors d'un référendum. Alors, on propose que cet amendement soit, en effet, tout simplement abrogé et de retourner à la loi qui a réglé le référendum de 1980.

Alors, la dernière recommandation, c'est qu'il y a eu des abus de pouvoir pendant le dernier référendum découlant de cette Annexe V, et, à part d'abroger cet amendement, on propose l'abrogation également de l'article 207 qui prévoit la dénonciation d'un électeur par un autre – pas besoin de l'avoir lorsqu'il existe une liste permanente d'électeurs, c'est un non sequitur – et, dernièrement, de prévoir, dans la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire, des pénalités pour le personnel électoral qui commet des abus de pouvoir.

Alors, je vous remercie, M. le Président, et j'aimerais vous assurer que les recommandations sont faites dans le but d'attirer votre attention sur les lacunes qui se trouvent actuellement dans les lois électorales du Québec, et c'est tout simplement avec l'espoir qu'on peut travailler, que vous allez travailler simplement pour améliorer ce qui est la pierre angulaire de la démocratie du Québec. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, Mme Birks. M. le ministre.

(15 h 20)

M. Jolivet: Merci. Je vous remercie d'être ici présents cet après-midi pour venir nous donner vos expertises. Mais, au départ, je vous indiquerai que la Régie de l'assurance-maladie du Québec, ce matin, nous indiquait qu'il est faux de prétendre qu'il y aurait 200 000 personnes qui ne seraient pas inscrites parce qu'elles ne possédaient pas ou avaient perdu leur carte-soleil. Dans la mesure où leur inscription était faite par la liste de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, pour elles, c'est impossible. Si la personne a perdu sa carte-soleil, elle est toujours sur la liste, donc elle a été intégrée à la liste permanente. Qu'une personne qui ne possédait pas la carte l'ait fait après, ça, c'est autre chose. C'est l'inscription qui se fait, et on a des mécanismes qu'on veut prévoir pour les jeunes qui atteignent 18 ans ou pour les néo-Canadiens, dans le contexte de la négociation qu'on a eue et de l'entente qu'on a eue avec Élections Canada, d'intégrer à la liste permanente les néo-Canadiens. Et ce qu'on propose, c'est que ça se fasse de façon automatique. Donc, il y a des choses qui vont se corriger à ce niveau-là.

Mais, sur la question de l'identification, je vais m'attarder à ce point-là dans la mesure où c'est illégal ou ça ne l'est pas. Et vous dites: Peut-être par rapport aux chartes, mais vous n'avez pas dit explicitement si ça l'était. Mais je vous dirai que, à ce niveau-là, il y a une partie de votre texte qui dit: Il ne faudrait pas que le droit de vote, à son utilisation, le jour du vote, soit plus dur que son inscription. Je vous rappellerai que, pour s'inscrire, il est possible... Quand on a fait la liste permanente, à l'époque, par le recensement national qu'on a fait, il fallait prouver dans certains cas, si les gens le demandaient, avec deux preuves, en identifiant la résidence en plus, avec l'adresse, indiquant donc qu'il était bien dans la circonscription une telle, dans le poll un tel. Alors, ça, c'est l'inscription, et, quand une personne va aller s'inscrire parce qu'elle désire s'inscrire à la liste, à moins qu'elle devienne – pour les néo-Canadiens et les jeunes de 18 ans – automatique, il est évident qu'elle devra présenter deux objets pour s'identifier, soit le permis de conduire, soit le certificat de naissance, soit la carte de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Et je vous rappellerai que, dans bien des cas... Et, j'étais tout surpris parce que j'ai reçu ça sur mon bureau cette semaine, il y a une collecte de sang que le président de l'Assemblée nationale, pour la première fois, va faire ici le 8 avril prochain, et regardez bien ce que la Croix-Rouge nous indique: Donner du sang est le plus beau des cadeaux. J'étais surpris de voir que, à côté de ça – parce que les gens s'offusquent de bien des choses – c'est marqué: Toute personne doit dorénavant présenter en collecte une pièce d'identité comportant son nom et sa signature ou sa photo pour pouvoir effectuer un don de sang. Ils nous demandent ça ici, à l'Assemblée nationale – c'est la Croix rouge qui demande ça – pour éviter des problèmes qui ont déjà existé. Mais les gens ne s'offusquent pas de ça. Moi, c'est évident que, s'ils me la demandent, moi, n'importe quand, je vais la présenter. Vous êtes entrés ici, à l'Assemblée nationale, on vous a demandé une preuve montrant que c'était bien vous. Donc, il y a des moyens qui sont actuellement à notre disposition et que les gens utilisent. Maintenant, en regard de ça, vous dites: Oui, on serait contre. Puis vous dites dans le texte que c'est illégal, vous prétendez ça, mais, en contrepartie, vous dites: Si jamais vous décidez de le faire, on voudrait que ce soit plus que juste ces trois pièces demandées dans le texte de M. Côté qui sont le permis de conduire, le passeport canadien ou la Régie de l'assurance-maladie du Québec avec photo.

Alors, moi, j'aimerais vous entendre sur cette question-là parce qu'il y a des gens qui sont venus voter au référendum dont vous parlez et qui ont été poursuivis, à Lennoxville, à Bishop en particulier, pour avoir voté sans avoir le droit de voter. Moi, ce que je cherche, et, vous aussi, vous cherchez ça, j'en suis sûr, c'est que la personne qui vient voter soit la bonne personne et que personne ne se substitue à elle. Ou encore qu'on soit obligé, même si elle est venue avec serment me donner un deuxième vote, parce que, moi aussi, je vais être obligé de me faire assermenter... Vous cherchez la même chose que moi, j'en suis sûr.

Mme Birks (Suzanne Martha): Je suis d'accord. Tout simplement, pourquoi limiter les cartes d'identité à ces trois-là? Alors, moi, j'ai une carte d'identité du Barreau émise par le Barreau du Québec, et c'est beaucoup plus difficile d'obtenir une carte d'identité du Barreau du Québec que d'obtenir un permis de conduire, peut-être.

M. Jolivet: C'est vrai. Mais je vous rappelle...

Mme Birks (Suzanne Martha): Parfois pas. Pour moi, au moins, parce que, moi, j'ai appris mon français en Ontario et puis j'ai une formation en «common law». Alors, j'étais pas mal vieille lorsque je me suis inscrite au Barreau du Québec, ce n'était pas facile. Alors, est-ce que je peux présenter cette carte? Non. Tout simplement, le problème, c'est trop limitatif, c'est ça.

M. Jolivet: Mais prenons pour acquis que vous répondez de la même façon que M. Comeau qui nous a dit la même chose et pour lequel on a pris, avec le ministre Chevrette, responsable de la réforme, bonne note de ce que vous dites. Est-ce qu'on devrait élargir le nombre de possibilités avec photo?

Mme Birks (Suzanne Martha): Oui.

M. Jolivet: Et c'est peut-être une suggestion, disons, qu'on va regarder avec beaucoup d'attention. Entre-temps, il est évident que ce qu'on veut, c'est que la personne qui a le droit de vote soit bien identifiée au moment où elle vient voter, et, dans ce contexte-là, c'est moins dur que l'inscription.

Mme Birks (Suzanne Martha): C'est ça. C'est tout simplement que le remède qu'on apporte à la maladie ne devrait pas être plus dur que la maladie elle-même. C'est tout. Tout simplement, on trouve que c'est beaucoup trop limitatif. Avec respect, c'est ça.

M. Jolivet: La dernière chose avant de laisser à d'autres le soin de poser des questions, c'est la question de la révision. Il est évident que, si on demeure dans le contexte actuel de 35 à 37 jours au niveau électoral qu'on envisage... Et je pense qu'aller dans ce sens-là, de dire: Peut-être qu'une période de révision plus longue devrait être possible... Deuxièmement, peut-être de plus nombreux bureaux de révision. Et l'autre aussi pour lequel je pense qu'il faut s'interroger, et plusieurs s'interrogent, comme on a une liste permanente, pourquoi il n'y aurait pas un commission permanente de révision? Et la question est posée, et on prend bonne note de vos suggestions.

Mme Birks (Suzanne Martha): C'est ça. C'est ça, exactement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Peut-être juste un commentaire rapide sur la question de l'identité. Votre suggestion à l'effet qu'on devrait étendre possiblement les cartes ou les pièces d'identité à d'autres cartes également, moi, je vous suggère que, si on est pour rendre l'identification obligatoire, il faut presque nécessairement que ce soit une carte avec un statut officiel. Je prenais la carte du Barreau tantôt, il me semble que n'importe qui peut la falsifier assez facilement. Est-ce qu'une carte du Club Zellers, ça pourrait faire, etc.? Alors, moi, ce que je préfère au départ...

Mme Birks (Suzanne Martha): Je ne suis pas du Club Zellers.

M. Sirros: ...c'est de poser la question suivante: Est-ce qu'il y a véritablement un problème qu'on doit corriger...

Mme Birks (Suzanne Martha): Oui.

M. Sirros: ...par l'identification obligatoire quand le Directeur général des élections lui-même nous disait que le problème, s'il en existait un, était en régression, quand, en même temps, on est en train d'instituer une liste électorale permanente qui va éliminer automatiquement un bassin de fraudes potentielles? Parce que, par exemple, ceux qui ne seront plus en vie seront automatiquement enlevés de la carte par le recoupage avec l'assurance-maladie, etc. Donc, pendant qu'on diminue tout ça sans qu'on ait établi un problème, on risque de créer beaucoup d'autres problèmes parce que, ce matin, la Régie de l'assurance-maladie nous a dit qu'il y a chaque année 90 000 – 90 000! – cartes qui sont perdues, volées ou détruites qui doivent être remplacées. Un autre 90 000 situations qui peuvent peut-être... Moi, au pif, je dirais que ça représente 60 000 personnes – je ne sais pas, là, je prends les deux tiers – qui se présentent chez leur médecin sans leur carte. Extrapolation, ça pourrait être le nombre – moi, je penserais que ce serait plus parce que, quand on va chez le médecin, c'est pour une raison médicale, on pense à la carte d'assurance-maladie – sans leur carte d'assurance-maladie dans leur poche au moment du vote.

Alors, moi, je vous mets en garde, un peu, contre la volonté d'avoir des pièces obligatoires qui soient autre chose...

Mme Birks (Suzanne Martha): Je suis d'accord.

M. Sirros: ...qu'une pièce officielle. Et, si c'est une pièce officielle, moi, il me semble qu'il y a des problèmes réels.

Cela étant dit, pour le reste de vos commentaires, vous vous êtes restreints pas mal au niveau des commentaires qui ont été dans le rapport de M. Côté, vous avez repris ça. Est-ce qu'il y avait d'autres sujets que vous auriez aimé voir traiter qui n'ont pas été traités?

Mme Birks (Suzanne Martha): Vous faites référence au rapport Côté. C'est en partie le fonctionnement de la Loi électorale conjuguée à la Loi sur la consultation populaire, et c'est sur le niveau de la politisation du personnel électoral et c'est quelque chose qui nous préoccupe encore plus avec la publication du rapport de Me Côté parce que moi et Me Casper Bloom, lui aussi, nous avons représenté des individus qui n'avaient pas le droit de voter et qui n'étaient pas inscrits sur la liste, le recensement. Vous savez très bien que la première liste permanente a été constituée à partir du recensement fait pour les fins du référendum de 1995, alors les lacunes qui existent dans la loi actuelle sont devenues très, très évidentes pendant la période du référendum de 1995.

(15 h 30)

Alors, le problème était au niveau de l'absence de recours pour des électeurs qui se trouvaient devant une commission de révision qui n'avait aucun intérêt à inscrire un électeur qu'elle croyait être un électeur qui voulait voter non. Malheureusement, je dois vous avouer que, moi, j'étais là comme témoin et j'étais l'avocate qui représentait... La cause était Harry Wong et al. c. Le Directeur général des élections et al. Et un juge de la Cour supérieure, l'honorable juge Danielle Grenier, a donné raison à tous les faits que nous avons présentés, à l'effet que quelqu'un qui n'avait pas de carte-soleil... Le Dr Harry Wong, par exemple, est quelqu'un originaire du Manitoba, de race chinoise évidemment, qui a fait toutes ses études ici, au Québec, qui vit au Québec, à Montréal, depuis 12 ans maintenant. Il paie ses taxes, ses impôts au gouvernement du Québec. Puis, lui, il avait un permis de conduire du Québec, mais il fut refusé, rejeté. Il n'a même pas eu d'audition devant la Commission de révision spéciale. Pourquoi? Parce qu'on croyait qu'il n'était pas un vrai Québécois. Il n'avait pas de carte-soleil, alors il n'était pas Québécois. Mais il était médecin, alors ses amis s'occupaient de sa santé; il a toujours eu une bonne santé.

Alors, pourquoi ces abus? Oui, il y a des individus qui ont agi de façon très, très abusive. Mais pourquoi? Et on n'a pas à recourir à des thèses de complot, on a uniquement à examiner la structure de la Loi électorale en période référendaire. Lorsque tous les présidents de commissions de révision, tous les scrutateurs le jour du scrutin sont nommés par un seul parti, c'est une invitation à des sales trucs. Et ce n'est pas parce qu'il y a un gros complot émanant du Québec ou du parti un tel ou du gouvernement, c'est tout simplement parce qu'on invite des gens à abuser du pouvoir, parce qu'il n'y a pas... Maintenant, on est entré dans un territoire tout à fait partisan et l'aspect d'une élection qui est absolument essentiel est que cet élément de politisation soit contrôlé. On ne peut pas l'éviter, mais il faut empêcher certains éléments. C'est une question de balance et c'est une question d'équité. C'est une question, en effet, de logique. C'est tout simplement une question de logique.

Une voix: Si vous me permettez, je vais demander à M. Clément peut-être d'ajouter à cette notion, M. le Président.

M. Clément (Jacques): Oui. Voici ma position. Je pense qu'il faut bien se rappeler concrètement ce que c'est que le vote puis la démocratie. La démocratie, c'est: une personne a un droit de vote si elle est domiciliée, etc., si elle a plus de 18 ans, etc. Et là, cette personne-là a un droit: elle a le droit de le faire valoir. On a des chartes de liberté, qu'elle soit fédérale ou provinciale, qui nous disent: Attention, vous avez le droit de vous exprimer, etc., et vous pouvez exercer votre droit de vote. Dans le concret, quand on veut l'exercer, il faut avoir son nom sur la liste électorale et il faut pouvoir se présenter et remplir son bulletin de vote et, ensuite, que son bulletin soit tout à fait protégé et qu'il soit accepté, à moins de quelque chose de grave.

Alors, on devrait toujours partir du principe que l'électeur a droit de vote et peut l'exprimer facilement et sans contrainte. On n'a pas besoin de savoir lire ni écrire, on n'a pas besoin de ce genre de chose-là pour voter. C'est un droit fondamental et c'est là-dessus qu'à l'échelle internationale on bâtit la bonne réputation de la démocratie. Or, vous le savez tous, tous les scrutateurs, dans tous les polls, quand arrive le temps d'un référendum, sont nommés à même la liste du parti au pouvoir qui a décrété le référendum. Alors, qui décide que mon vote est valable ou doit être rejeté? C'est ce scrutateur-là, il a tous les pouvoirs. Et c'est ainsi dans tous les comtés et à toutes les tables de scrutin de la province.

Ça, c'est énormément inéquitable et, à première vue, ça peut entraîner les pires situations. Parce qu'il suffit que le parti qui veut avoir un oui dise, dans les comtés qu'on présume qui donneront des non: Soyez bien stricts puis éliminez-en le plus possible. On n'a même pas besoin de leur dire. Et il ne s'agit pas de dire qu'il y a eu un complot au dernier référendum, ce n'est pas ça. Mais, de facto, dans des comtés ciblés, finalement, par l'action des scrutateurs qui sont les juges qui décident, il y a eu inversion, disons, du résultat; 260 pour le Non puis 6 pour le Oui, bien, ç'a été inversé. Bon. Une fois, oui, deux fois, oui, trois fois, bien... Comment se fait-il que ça, c'est arrivé? En tout cas, c'est arrivé comme ça. Il est arrivé que, dans Chomedey, par exemple, il y a eu 11,6 % des bulletins qui ont été rejetés. Est-ce que les citoyens de Chomedey, quoi, ils font des x tout de travers, ou je ne sais quoi? Est-ce qu'il y a quelque chose, un problème comme ça qui se pose ou si ce n'est pas plutôt un problème qu'on pensait peut-être que, dans Chomedey, ça voterait d'un côté, puis, bien, on se montrait particulièrement strict? C'est peut-être ça aussi, et ainsi de suite. C'est simple. On peut corriger ça. Et la meilleure façon de le corriger, c'est de dire: Voici, les scrutateurs seront nommés, par exemple, à la suggestion du parti qui a remporté le comté aux dernières élections, comme dans la Loi électorale. Ça pourrait être réglé comme ça et ça éviterait cette présomption que tous les juges des bulletins sont nommés par le comité qui veut le Oui.

M. Jolivet: Mais là vous m'incitez à vous répondre. La première chose, quand je suis arrivé, moi, au niveau de la première élection que j'ai vécue dans ma vie comme citoyen et à celles qui ont suivi jusqu'à ce que le Parti québécois prenne le pouvoir, vous le savez très bien que c'était le parti au pouvoir qui nommait tous les responsables électoraux. Le Parti québécois dont je faisais partie à l'époque de 1976 et pour lequel j'ai fait partie du comité de travail de député, nous avons instauré la possibilité que, désormais, dans les comtés électoraux, le parti au pouvoir nommait le scrutateur et le greffier était nommé par le deuxième parti, comme ça.

Quand est arrivé le référendum sur une question comme celle-là... Là, vous partez d'un principe où vous dites: Parce qu'il est là, il est politisé. Moi, je vais me comprendre avec vous autres: où vous allez avoir un langage, il risque d'en avoir deux. Ce que j'ai compris, on a dit de ne pas politiser. Et, quand on dit de ne pas politiser, puis le faire de la façon dont vous le faites, ça reste politique, que vous le vouliez ou pas. Qu'est-ce que l'on veut, dans le fond? J'ai essayé de comprendre ça tout à l'heure, ça a été peut-être de dire: Peut-être que les gens devraient être nommés en dehors des partis politiques. C'est ce que j'ai compris de Mme Birks tout à l'heure.

Deuxièmement, quand je regarde le droit de vote, moi, Jean-Pierre Jolivet, dans Laviolette, à travers le Québec, au moment d'un référendum, mon vote doit être un vote puis je ne veux pas que personne vienne prendre mon vote. Puis vous savez très bien que, dans certains cas, il y en a qui sont venus le prendre – je ne parle pas du mien, là – dans les circonstances, il a fallu que je m'assermente pour avoir un deuxième vote, ce qui veut dire que mon vote était, comprenez-le bien, annulé. Puis, pendant ce temps-là, on parle de complot, on parle d'abus. Mais, moi, je vais vous en parler comme citoyen québécois, d'un abus d'un jeune qui est à Lennoxville, qui est condamné par le juge, en plus, pour avoir voté alors qu'il n'avait pas le droit de voter. Vous allez, s'il vous plaît, faire attention à la façon dont vous parlez quand vous parlez d'abus, parce que, moi aussi, je considère que c'est un abus d'avoir utilisé un droit de vote qu'il n'avait pas le droit d'avoir.

Qu'est-ce que l'on recherche? Puis je pense qu'on est tous d'accord avec ça, ce qu'on recherche, c'est que la personne qui est inscrite à la liste et qui a le droit d'être inscrite à la liste et qui a le droit de voter, ce soit bien celle-là qui aille voter. Trouvons les moyens pour y arriver puis on se comprendra très bien.

Quant à la question, maintenant, du bulletin de vote, vous savez très bien qu'il y a des expériences qui ont été faites dans des élections complémentaires où là on a décidé, et d'un commun accord avec le Parti libéral ou le parti de l'Action démocratique, d'avoir un bulletin de vote qui va éviter tous les problèmes dont vous faites mention. Et ça, je pense que c'est des façons plus positives de régler le problème que d'accuser tout le monde de complot ou d'abus. Je pense que ce n'est pas le but recherché, mais je ne voudrais pas me faire accuser d'abuser de quelque chose quand je sais très bien que, de part et d'autre, il y a peut-être eu des accrocs mais qu'il faut les éviter. Et de quelle façon devons-nous les éviter? Avoir un bulletin de vote qui permette de ne pas avoir les rejets dont vous faites mention, s'assurer que la personne qui a le droit de vote vote, mais que ça ne soit pas quelqu'un d'autre. Si on s'entend bien sur ça, on va s'entendre facilement.

(15 h 40)

M. Clément (Jacques): On s'entend très bien, il n'y a aucun doute là-dessus.

M. Jolivet: Parfait.

M. Sirros: Juste pour donner une information avant que la réponse soit donnée au ministre. Il me semble qu'à Lennoxville il ne s'agit pas de vote illégal, il s'agissait d'inscriptions illégales sur la liste. Donc...

M. Jolivet: Ils ont voté.

M. Sirros: Oui, parce qu'ils étaient inscrits sur la liste.

M. Jolivet: Non, non. Je le sais. Ne jouez pas sur les mots.

M. Sirros: Non, non, je ne joue pas sur les mots...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Me Clément.

M. Sirros: En tout cas, pensez-y deux secondes, c'est très différent. Si tu es sur la liste, tu votes.

M. Bloom (Casper): M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, Me Bloom. Un instant. J'aime une personne à la fois, et seulement une. Me Bloom.

M. Bloom (Casper): J'aimerais adresser deux sujets. D'abord, un qui a été soulevé par M. Sirros. Il nous posait la question si la carte d'identité, tel que proposé par Me Côté, était nécessaire. Ce n'est pas une question tout simplement si ces trois cartes-là, officielles ou non, devraient être obligatoirement présentées, mais la question plus fondamentale: Est-ce qu'il y a lieu d'avoir une carte d'identité lorsqu'on se présente devant la table de scrutin?

M. Jolivet: La réponse, c'est oui, pour nous.

M. Bloom (Casper): Bon. Vous, vous dites oui. Avec respect, moi, je vous dis non, et je m'explique. Jusqu'à date, avant qu'on ait un système de recensement ou une liste permanente, on n'avait pas le droit... même le scrutateur n'avait pas le droit de vous poser la question, de vous demander la preuve. C'était illégal, par un scrutateur. Les gens qui arrivent avec un coupon ou le talon, qui le présentent, c'est seulement pour fins d'identité, pour faciliter le vote, mais ce n'est pas une preuve en soi.

La preuve dont, vous, vous avez parlé, lors du recensement, les pièces d'identité que le recenseur avait le droit de demander, ce n'était pas obligatoire. Le recenseur avait le droit de vous demander la preuve de votre identité. Les exemples dans la loi – d'ailleurs, c'était dans les directives de l'ancien Directeur général en chef – c'était à titre d'exemple seulement, je le sais. C'était seulement à titre d'exemple. Il y avait cinq suggestions, mais n'importe quel item qui faisait la preuve de l'identité de la personne servira le même but. Donc, la personne ne pouvait pas insister soit sur un ou l'autre de ces documents qui étaient dans la loi, c'était strictement à titre d'exemple.

D'ailleurs, Me Birks vous a parlé tantôt du problème de M. Wong, Harry Wong. On lui avait demandé obligatoirement la carte-soleil, ce qu'il n'avait pas. Même s'il était électeur, il était domicilié ici depuis 10, 11 ans, il n'en avait pas, tout simplement. Combien de gens ont ces trois documents-là, le passeport canadien ou la carte-soleil ou le permis de conduire? Il y en a beaucoup. Je peux vous suggérer qu'il y a des dizaines de milliers de personnes qui n'ont ni l'un ni l'autre de ces documents-là. Alors, vous, vous semblez être prêts à élargir la liste, ce qui est bien en soi. Cependant, je vous suggère qu'il n'y a pas de raison d'avoir aucune pièce d'identité à la table, lorsqu'on arrive pour voter, parce qu'il n'y a rien, dans la nouvelle liste permanente, qui change quoi que ce soit.

Avant, on avait le recensement, et la personne avait un petit talon. Lors du recensement, on pouvait – ce n'était pas obligatoire – demander à la personne des pièces d'identité, n'importe quelle pièce d'identité. Et, une fois que cette personne-là avait été recensée, à ce moment-là, lorsqu'elle se présentait pour voter, personne n'avait le droit de contester son droit de voter. Alors, avec l'arrivée d'une liste permanente, il n'y a rien qui est changé. Autrefois, on avait le recensement; aujourd'hui, on a la liste permanente. L'une est l'équivalent de l'autre, il n'y a rien qui a changé. C'est la même personne soit qui était recensée autrefois ou qui, aujourd'hui, arrive, qui est sur la liste permanente. Elle arrive, elle n'a pas besoin d'avoir une carte d'identité.

Dans la loi, on prévoit la possibilité, si quelqu'un à la table veut le contester, il peut le faire assermenter. Ça a toujours été le cas – toujours – à ma connaissance, ça n'a pas changé et on peut toujours le faire assermenter. Et combien de personnes ont fraudé le système actuel? Je n'ai pas le nombre, mais je vous suggère avec respect qu'il y a très, très peu de gens qui ont fraudé le système.

Moi, j'ai travaillé pendant 20, 25 élections au moins et je suis bien au courant de ce qui se passe et de ce qui s'est passé, et je vous dis que, depuis les années soixante – je ne parle pas des années avant soixante parce qu'on sait tous ce qui s'est passé – très peu de gens ont essayé de frauder le système de la manière que vous suggérez.

Donc, en réponse à la question, maintenant, de M. Sirros, je vous dis que, pour cette raison-là, on n'a pas besoin d'une carte d'identité. D'ailleurs, la population du Québec, depuis longue date, on a refusé, rejeté l'idée d'avoir une carte d'identité. Parce que ce n'est pas la première fois qu'on propose une carte d'identité et ça a toujours été rejeté.

M. Jolivet: ...

M. Bloom (Casper): Pardon?

M. Jolivet: Vous parlez de la carte de citoyenneté?

M. Bloom (Casper): Carte de citoyenneté. Carte d'identité quelconque qui servirait à toutes fins, et à la question de prix...

M. Jolivet: Mais vous savez qu'il y a une différence entre une carte d'identité et s'identifier avec une carte existante.

M. Bloom (Casper): Absolument.

M. Jolivet: O.K.

M. Bloom (Casper): Maintenant, le deuxième sujet que je voulais adresser. Je vous ai dit qu'il y avait deux sujets. L'autre, c'est la question primordiale des scrutateurs qui était soulevée par mon collègue Jacques Clément. Il vous a dit qu'une des grosses inquiétudes que nous avons, qui est un des gros accrocs au système actuel... Le système actuel n'est pas pourri d'aucune manière, il n'est pas parfait non plus.

Ce qu'on propose à ce sujet, c'est de retourner ou d'adopter le système qui est utilisé actuellement lors des élections ordinaires. Donc, la personne qui serait le scrutateur, qui est la personne toute puissante – et je le dis en toute connaissance de cause – la personne qui est scrutateur, qui était lors du référendum, à la base même, à l'origine d'au moins 90 % des problèmes, que ce soit en tant que réviseur ou en tant que scrutateur, lors de la journée même de l'élection... que, si on peut remédier à ce problème, on va remédier à 90 % des problèmes qui ont surgi lors du référendum, parce que le scrutateur décide tout. Il décide si la personne va être admise, avoir un bulletin, pour commencer; deuxièmement, il va décider si le bulletin est correct ou non, si ça devrait être rejeté; et, troisièmement, lors du dépouillement également, tout ce qui va être compté et tout ce qui ne sera pas compté.

Alors, cette personne... Et, lorsqu'on voit les conséquences des décisions prises par le scrutateur, on sait que cette personne-là doit être neutre. J'abonde dans le sens que vous avez proposé, que cette personne idéalement serait neutre, ne serait pas ni d'un parti ni de l'autre. Cependant, ce qui est idéal n'est probablement pas réalisable. Donc, on doit choisir ce qui est en deuxième préférence, c'est-à-dire que, comme le système électoral actuel, dans chaque comté, celui qui a remporté le plus de votes devrait être en mesure de suggérer de quelle liste les gens vont être choisis comme scrutateurs et celui qui est deuxième serait le secrétaire. C'est un système qui n'est pas idéal, mais qui est beaucoup mieux que ce qui existe actuellement pour les référendums.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee. Puis il nous reste huit minutes. Alors...

M. Bergman: Merci, M. le Président. Mme Middleton-Hope, je pense que ce serait normal que tous les problèmes que vous avez soulevés comme groupe auraient été rectifiés avant ce jour. Pourquoi, dans votre opinion, est-ce que nous sommes face encore à ces vieux problèmes qui n'ont pas été rectifiés, d'après moi?

Deuxièmement, vous mentionnez, dans votre rapport, qu'il y a à peu près 200 000 personnes ayant la qualité d'électeur qui ne sont pas sur les listes à cause du fait qu'elles n'étaient pas sur la liste préparée pour le référendum de 1995 ou qu'il y avait des contradictions entre leur nom et celui soumis par la RAMQ. Qu'est-ce que nous devons faire pour que ces 200 000 personnes soient mises sur la liste électorale avant la prochaine élection? Comme vous savez, quand les brefs seront émis, c'est une période qui est trop courte... Comment est-ce qu'on pourra être certain que ces 200 000 personnes sont remises sur la liste électorale? Alors, les deux questions... Après, j'aurai une question pour M. Bloom.

(15 h 50)

Mme Middleton-Hope (Constance): Tout d'abord, je pense que ce qu'on doit dire, c'est qu'on nous a affirmé qu'il y a toujours un processus dans lequel on révise ces listes et, évidemment, on corrige certaines lacunes. Mais c'est difficile de s'assurer que ça, en effet, c'est ce qui arrive. Parce que, 'au moment même où on va faire face à une élection prochaine, c'est bien sûr que c'est là où la personne qui n'est pas sur la liste va se rendre compte qu'elle n'est pas sur la liste. Et je pense qu'il faudrait avoir une assurance très claire que ces gens-là sont remis sur les listes, mais qu'il y a une façon de faire preuve de la façon dont ça va se faire.

Dans le moment, il n'y a pas de mesures qui permettent que ça se fasse, enfin, il n'y en a pas dans ce qu'on a vu dans le rapport. Et je pense que ça, c'est quelque chose qui, quand même, est fort important, parce qu'il reste quand même que ces personnes-là, que ce soit 200 000, que ça en soit 100 000, 150 000, disons que c'est quand même une bonne proportion de la population, et ce n'est pas nécessairement que ça s'adresse à tout le monde.

Il y a peut-être des raisons temporaires pour lesquelles il y a des changements de carte-soleil, des changements de domicile. Ça, on comprend. Parce que, même en parlant avec la RAMQ, on se rend compte qu'on nous dit que, souvent, il y a une lacune de temps entre le temps où la personne s'est domiciliée ailleurs, et ça, bien, à ce moment-là, elles ne sont pas sur la liste de la carte-soleil. Parce que c'est ça qui est la base. Je pense qu'il va falloir trouver un bon moyen.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Sur cette question-là – excusez-moi, Mme Middleton-Hope – vous parlez d'allégation de 200 000, et là on affirme qu'il y a au-delà de 200 000. Moi, cette préoccupation-là qui me vient... Sur quelle base avez-vous établi ce chiffre de 200 000? Du côté du Directeur général des élections, on nous a parlé de 217 000 personnes non recoupées, et ça n'a rien à voir; c'est des gens qui sont sur les listes, et non pas des gens qui sont exclus des listes. Au contraire. Et là vous nous parlez de 200 000 qui ne seraient pas inscrits et qui ont, effectivement, qualité d'électeur. D'où viennent-ils, ces 200 000?

Mme Middleton-Hope (Constance): Ce que nous avons dit, en effet, si je ne m'abuse, c'est que ces gens-là ne sont pas sur la liste permanente électorale. Ils sont sur une liste, mais laquelle? C'est ça qui est peut-être le hic. Je pense qu'il faut quand même... Le droit de vote va être basé sur la permanence de la liste électorale parce que c'est là où nous en sommes. Je pense que c'est à ce moment-là qu'il va falloir qu'il y ait une façon de procéder qui permette un éclaircissement à ce sujet-là. Que ce soit très transparent, la façon dont ces gens-là ne sont pas sur la liste.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais, actuellement, Mme Middleton-Hope, les 217 000 dont on parle, ils ont le droit de vote, alors que les allégations que vous faites dans votre mémoire sont à l'effet inverse. Ce ne sont pas des gens qui n'ont pas le droit de vote; ils ont le droit de vote. Le seul problème qui se pose pour les identifier sur la liste permanente, c'est: Où sont-ils, en quelque sorte? C'est souvent des problèmes d'adresse et les retrouver, mais ils sont effectivement inscrits.

Alors, c'est tout l'inverse de ce que vous énoncez dans votre mémoire. Si ce sont les mêmes 200 000, les 217 000 qui ont circulé... Alors, je pense que ça méritait d'être relancé, parce qu'on parle de 200 000 personnes, depuis quelque 50 minutes, comme s'il y avait 200 000 personnes qui étaient privées du droit de vote. C'est tout le contraire. C'est qu'il y a 217 000 personnes qui ont effectivement un droit de vote, mais on n'arrive plus nécessairement à savoir qui elles sont et où elles sont, surtout.

Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: M. Bloom, dans le rapport de M. Côté, chapitre 1 des recommandations pour les individus indépendants, les groupes indépendants, à la recommandation 7, M. Côté dit qu'on doit loger une requête dans les délais requis, soit dans un délai de cinq jours qui suit l'adoption des règlements par les comités nationaux. Alors, c'est un délai qui est très court pour demander l'autorisation pour être un individu indépendant ou un groupe indépendant.

Aussi, il dit que la seule autorité qui confère l'autorisation est le Conseil du référendum qui a le pouvoir exclusif et sans appel d'émettre une autorisation, et que ce Conseil a le pouvoir d'émettre une autorisation – pas qu'il doit émettre – lorsque la demande respecte les critères exigés. Aussi, il dit que le Conseil a l'obligation de ne pas émettre plus d'une autorisation à un même type d'intervenant. Qu'est-ce que vous pensez que M. Côté veut dire par «à un même type d'intervenant»? Est-ce que des personnes qui sont indépendantes, différentes, sont du même type si elles résident dans le même comté, ou quoi? Alors, j'aimerais avoir votre opinion sur ces quelques recommandations qu'on trouve dans le rapport de M. Côté.

M. Bloom (Casper): Oui, ces recommandations de Me Côté pour satisfaire à la décision de la Cour suprême me semblent quelque peu farfelues, mais farfelues parce que je ne les comprends pas. C'est aussi simple que ça. Les limitations qu'il impose ne sont pas réalisables, ne sont pas administrables. Ce qui va arriver, c'est qu'on aurait le Conseil du référendum qui passerait... Même si on met tous les juges de la Cour du Québec à travailler là-dessus, ils vont passer toute la période en essayant de définir qu'est-ce que c'est, un particulier isolé, qu'est-ce que c'est, un particulier indépendant, qui peut travailler avec qui. Il me semble qu'il y a beaucoup de non-sens, et je le dis en toute connaissance de cause. J'ai beaucoup de respect pour M. Côté, mais cette recommandation n'a aucun sens. Ce n'est pas logique parce que c'est quelque chose qui n'est pas réalisable.

Ce qu'on devrait faire, ce que Me Côté aurait dû recommander, c'est que, en premier lieu, les gens, les individus qui ont la liberté d'expression, comme tous les citoyens du Québec, auraient dû avoir la possibilité de s'exprimer. S'il veut mettre un plafond sur le montant qu'une personne peut dépenser, ça, c'est à la Cour suprême qu'il a dit, qu'il avait suggéré 1 000 $, je pense, versus 600 $. C'est tellement minime que j'aurais suggéré un autre montant, peut-être 2 000 $, 3 000 $. Je n'ai pas de suggestion à cet effet-là sauf de dire que 1 000 $ me semble être minime.

Cependant, plus fondamental, il ne devrait pas y avoir ces restrictions. On ne devrait pas être obligé d'aller demander au Conseil du référendum la permission de demander quelques centaines de dollars pour faire valoir ses idées. Quel genre de démocratie est-ce, où je dois payer, où je dois demander au gouvernement la permission de m'exprimer librement, que ce soit lors d'une élection, lors d'un référendum ou tout autre chose? Alors, tout simplement pour répondre à votre question, je ne trouve aucun sens dans cette recommandation-là.

Au sujet, M. le Président – un instant – des 200 000 personnes, ces gens-là, à notre connaissance... Il se peut qu'on se trompe. Ça se peut. Cependant, on pense, de bonne autorité, qu'il y a 200 000 personnes, à peu près. Et ces gens-là, malgré ce que vous dites, ne sont pas sur la liste électorale, mais ne le sont pas. Ils sont sur d'autres listes, mais actuellement, s'il y avait une élection ou un référendum aujourd'hui, il n'auraient pas le droit de vote. Tout ce que je peux vous proposer, parce que vous avez un meilleur accès que nous, c'est d'aller consulter vous-même, personnellement, de voir, d'être convaincu vous-même, personnellement, que ces gens-là ont le droit de vote. Si, vous, vous êtes convaincu, moi, je serai convaincu. Mais, en cet instant-ci, je suis loin d'être convaincu, d'après tous les renseignements qu'on a eus.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais, Me Bloom, si vous nous dites que vous avez des listes qui font au-delà ou près de 200 000 personnes qui n'ont pas le droit de vote, qui ont qualité d'électeur mais qui sont privées de leur droit de vote, je pense que ça urge que vous nous les fassiez parvenir, entre autres, aux membres de la commission des institutions. On va se faire un devoir de travailler avec le Directeur général des élections pour y remédier. Comme démocrate, je pense qu'il est fondamental que tous les citoyens qui ont le droit de vote aient effectivement le droit de vote, et seulement ceux-là. Ça, je pense que c'est notre devoir, tous tant que nous sommes, comme citoyens ou comme élus, peu importe, que nous nous assurions tous que le droit de vote, qui est un droit sacré dans une démocratie, parce qu'il est le fondement même de la démocratie, soit respecté. Alors, si vous avez effectivement ces listes de gens qui sont exclus du droit de vote, je pense qu'il faut nous les fournir le plus vite possible.

(16 heures)

M. Bloom (Casper): M. le Président, comme je vous l'ai dit, nous n'avons pas de telles listes. Cependant, ce sont des fonctionnaires qui nous ont dit qu'il y avait à peu près 200 000 personnes qui ne sont pas inscrites sur la liste permanente. Alors, nous n'avons pas les moyens de le vérifier. Il me semble que, vous, vous avez le moyen, la possibilité de le vérifier.

M. Jolivet: Une minute, là. Il faut faire attention. M. le Président, il faut faire attention, là. Des accusations comme celles-là, sans aucun fondement, on ne sait pas qui est le fonctionnaire, on ne sait pas dans quelle place que c'est, moi, je ne le prends pas.

Une voix: Pourquoi...

M. Jolivet: Non, je ne le prends pas dans la mesure où on sait qu'il y a un problème, qui est le problème du 217 000 dont on a parlé tout à l'heure, mais pas de celui dont vous parlez.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais si jamais il existe.

M. Jolivet: Non, mais il faut avoir des preuves, là.

M. Sirros: ...la parole.

M. Jolivet: Bien, je ne sais pas, ce n'est pas moi qui donne la parole, c'est le président.

M. Sirros: M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Écoutez, on a des gens qui viennent devant nous.

M. Jolivet: Oui.

M. Sirros: Il ne faut pas que ce qu'ils disent soit interprété tout le temps comme des accusations. Ils ont le droit de dire ce qu'ils veulent.

M. Jolivet: Je n'accuse pas.

M. Sirros: Mais vous avez traité ça d'accusations: «Des accusations comme ça, je ne les prends pas.» Ce sont des affirmations comme ça, vous pouvez les estimer erronées, pas fondées, mais je veux dire, franchement, il ne faut pas qu'on s'inscrive dans une dynamique où chaque fois qu'on dit quelque chose avec laquelle on n'est pas d'accord, ça devient des adversaires, des opposants, des épouvantails qui nous accusent de quoi que ce soit. C'est tout, M. le Président.

M. Jolivet: M. le Président. Est-ce que je pourrais faire un correctif justement à ce que disait le député tout à l'heure? J'ai fait sortir le procès, la discussion qu'il y a eue avec le juge. On disait: «...d'avoir voté sans droit parce qu'il n'avait pas la qualité d'électeur, n'étant pas domicilié au Québec.» La réponse du juge: «Ils ont voté illégalement.» Alors, la seule conclusion qui s'impose à partir de ce raisonnement est la culpabilité de l'accusé. Ça fait que je veux simplement vous donner la vraie réponse.

Deuxièmement, concernant toute la question de la politisation des gens qui travaillent au niveau référendaire, j'aurais juste une question, qui est bien simple, c'est: En quoi, si c'était la Parti libéral qui les nommait, ils seraient meilleurs que ceux du Parti québécois? Et pourquoi ne pas aller plutôt dans la logique que Mme Birks disait tout à l'heure, dans ce contexte-là: est-ce qu'il est possible d'avoir des gens qui s'occuperaient de la campagne référendaire, en dehors des partis politiques? C'est la question qui serait peut-être plus facile à poser.

Deuxièmement, en espérant que ces gens-là ne soient pas des anges. J'espère, parce qu'il y a des gens qui vont prendre pour un bord ou pour l'autre, ou bien donc ils sont des gens qui ne sont pas dans la société. Alors, il va falloir à un moment donné que le Directeur général des élections, si c'était ses travailleurs d'élection, qu'ils le fassent... On va avoir le même problème qu'on va avoir au moment où l'État dit, dans un contexte électoral: C'est celui qui a eu le plus de votes dans un comté qui nomme le recenseur, avec un greffier à côté, avec des représentants des candidats. La même chose se reproduit au niveau du référendum où, là, ce sont des gens qui sont nommés comme recenseurs avec un greffier de l'opposition à la question posée, avec des représentants qui regardent ces choses-là fonctionner.

Donc, il y a quand même des garanties de s'assurer que ça se fasse dans les meilleures conditions possible.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Maintenant, on a déjà excédé, mesdames, messieurs, le temps qu'on avait d'imparti. Un dernier élément, en conclusion, que j'aimerais vous souligner avant de vous remercier.

Vous nous dites, vous n'avez pas accès à ces listes, Me Bloom, mais il y a des fonctionnaires que vous connaissez qui y ont accès et qui pourraient nous donner l'information. Moi, je ne demande pas mieux, comme membre de la commission des institutions, que vous puissiez, le cas échéant, nous donner le nom des gens qui pourraient nous aider à faire cette correction-là. L'objectif qu'on a, c'est d'éviter que quelque citoyen que ce soit qui a le droit de vote au Québec soit privé de son droit de vote, et que seulement ceux qui ont droit de vote au Québec et tous ceux qui ont droit de vote puissent voter, puissent exprimer leur droit de vote. Je pense que c'est la préoccupation de l'ensemble des membres de cette commission. Alors, sur ce, si vous avez des noms de gens ou des moyens que vous pouvez nous suggérer, ça nous fera plaisir de les entendre, comme membres de la commission. Nous pourrons partager, entre nous, l'information pour s'assurer que ce soit fait correctement.

Alors, sur ce, je vous remercie de la qualité des échanges que nous avons pu avoir. Merci.

Mme Middleton-Hope (Constance): Merci, M. le Président... Alliance Québec. Et n'oublions pas que le droit de vote, c'est un droit sacré...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

Mme Middleton-Hope (Constance): ...et c'est le membre le plus important, disons, de la social-démocratie. Je pense qu'il faut toujours avoir le droit de dire qu'il y a une ouverture toujours pour que la personne ait son droit de vote, ce qui nous permet de vivre démocratiquement ensemble. On vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci bien. Au plaisir.

Nous recevons maintenant M. Don Donderi et M. Brent Tyler. Alors, bienvenue, messieurs, à la commission des institutions. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, laquelle présentation sera suivie des échanges avec les membres de la commission. Nous vous demandons aussi, pour les fins de l'enregistrement de nos échanges, de vous identifier au moment où vous prenez la parole. Alors, bienvenue.


MM. Don Donderi et Brent D. Tyler

M. Donderi (Don): Merci. Je suis M. Don Donderi, président de la Fondation CIT-CAN, et mon compatriote, M. Brent Tyler, Me Brent Tyler. Je commence en vous remerciant pour ma présence, ici, aujourd'hui. C'est une chambre avec une certaine ambiance, une ambiance un peu de l'Ancien Régime, je crois, et j'espère un peu balayer les idées de l'Ancien Régime, des activités de la commission électorale que vous avez présentées comme «rapport Côté».

Aujourd'hui, je suis préparé pour faire une brève discussion d'environ sept minutes, suivi par M. Tyler, qui dispose de l'artillerie lourde chez nous. Au commencement, j'ai préparé mes remarques en anglais et je vais continuer en anglais avec mes remarques préparées. Je suis préparé évidemment à répondre aux questions en français et en anglais. Et maintenant, pour quelque chose de totalement différent.

Thank you very much for inviting me to testify before your committee. I am going to discuss the respective duties of government and of voters in elections and referendums. The duty of government in elections and in referendums is to make sure that everyone who is eligible to vote can vote, and that no one who is ineligible to vote does vote. Another duty of government is to make sure that the votes are fairly counted. The Government of this province failed to carry out these duties during the last referendum. Eligible voters in federalist areas were kept waiting for hours and were then kept from voting for trivial reasons like wearing a Remembrance Day poppy. After the vote, valid ballots were rejected for partisan reasons. By denying eligible voters the right to vote and by allowing ballots to be rejected for partisan reasons, this Government condoned electoral corruption. This is disgrace to so-called Québec democracy. Electoral fraud undermines democracy and attacks the rule of law.

(16 h 10)

The role of the Québec Legislature with respect to future elections and referendums is very, very simple: You should pass laws that will prevent this or other kinds of electoral fraud from ever happening again in this province. But that is all you should do. The Québec Legislature has no business trying to control the political activities of any of its citizens at any time, and particularly not during a referendum or an election. Informed and active citizens are the heart of representative democracy. To assure that government represents the public will, every active citizen must be able to freely participate in political debate, and everyone must be able to try to influence public opinion at any time. Referendum or election campaigns are the most important time when every citizen should be free to try and influence the vote of every other citizen. There can never be a privileged source of information in a representative democracy, and certainly during a referendum or election campaign. There must never be an oligarchy of political parties, unions, churches or corporations that has the exclusive right to present political information during an election or a referendum.

If you restrict political expression during a campaign to just a few authorized groups, you prevent the public from reading or hearing all the options that might be expressed. You prevent the public from making a fully informed choice. Restrictions on political expression transform a representative democracy into a representative oligarchy, where only the few can express political opinions during a campaign, and therefore only the few control the political options available to the public when they vote. A fully informed public is the only effective judge of the issues in a referendum or an election. So that the public can be fully informed, there must be no prior restraint on the kind or variety of information that members of the public either produce or receive. The free expression of political opinion is the only way to insure that the public can make an informed choice during a referendum or during an election campaign.

The ultimate power in our system of government is in the thoughts and mind of every citizen who is eligible to vote. Every citizen hears and reads the arguments of the day and responds with thoughts, arguments and opinions of his or her own. Those opinions can be expressed personally or through groups and associations. In a free country, we make up our own minds about political and personal matters. In a free country, it is always a good thing to express our own ideas, and to hear the ideas of others. In a free country, there is never any reason to censor political ideas expressed by people or by associations. Every person and every third party should be completely free to express their points of view during an election and a referendum campaign. Every member of the public must be trusted to hear and decide among all the alternatives for himself or for herself.

In politics as is in the rest of life, there is no such thing as too much information. And it is each citizen's own responsibility to deal with the information that he or she receives. No one forces you to read La Presse or The Gazette . No one forces you to turn on CBC or CTV. No one forces you to read this book or that book. You get the information you want and you should always be able to get all the information you want any time you want it. In Québec, there are so many ways to communicate with the public during a campaign that no one group and no one person can control most or all of them. The only way to prevent the public from having free access to all political information during a campaign is for you to create a monopoly by restricting freedom of expression. The Legislature can prevent the free flow of political information during a campaign, but nothing you can do will improve that flow. Therefore, you should leave it alone.

Information is our most precious mental product, and political information in a free society should always be free and unregulated. Information overload may be a personal problem, but it is not a problem for the Québec Legislature. Pierre Trudeau said that the State had no place in the bedrooms of the nation. I say that the State has no place in the minds of its citizens before, during or after an election or a referendum campaign. It should never be the State's business to decide when or what any group of people can or cannot say to any other group of people in order to persuade them how to vote. Therefore, I believe that the Québec Legislature should never limit the freedom of a person or of a group to express a political opinion.

I thank you for your interest and for inviting us to testify today. Here is a concise summary of what I have said. It is your duty to legislate to prevent electoral fraud of the kind that was perpetrated in the last referendum with the connivance of election officials. It is your duty to prevent this and other kinds of fraud from ever happening again in this province. The Québec Legislature should never limit freedom of political expression or association, never before, never during and never after any referendum or election campaign.

Merci, MM., Mme, j'ai des copies de ce discours pour vous, après. Et M. Tyler...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. Donderi, vous allez nous le déposer à la fin de notre échange. Très bien. M. Tyler.

M. Donderi (Don): Oui, certainement, à la fin de la session.

M. Tyler (Brent D.): Alors, bonjour, M. le Président. Nous sommes tous ici évidemment à cause du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman. Et c'est notre prétention que la Cour suprême a rendu une décision précise à l'égard de certains faits, mais qu'il y avait beaucoup de faits, beaucoup de preuves qui auraient dû être soumis devant la Cour suprême, qui n'ont pas été devant la cour. Avant la décision dans l'affaire Libman, mon client a déposé une requête en jugement déclaratoire qui visait les restrictions sur les tiers de dépenser dans une campagne électorale. Et, suite à des représentations du Procureur général du Québec, nous avons remis notre requête advenant les amendements que vous êtes en train d'étudier devant cette commission. Mon client invoquait non seulement son droit à la liberté d'expression et son droit à la liberté d'association, mais également son droit de vote en vertu de l'article 3 de la Charte canadienne. Devant la Cour suprême, dans l'affaire Libman, il n'était pas question de l'article 3, le droit de vote, parce que la Cour suprême avait déjà décidé, dans l'affaire Haig, que le droit de voter dans un référendum n'était pas protégé par la Charte. Mais c'est protégé dans le cas d'une élection provinciale. Alors, nous avons invoqué non seulement le droit de M. Donderi à sa liberté d'expression, d'association, mais également son droit de vote.

C'est important, je pense, de souligner que, même avant l'adoption de la Charte, il y avait au Canada une tradition concernant la libre circulation des idées. Et je fais référence à l'arrêt de la Cour suprême qui a été rendu en 1938 dans le dossier des lois de l'Alberta. Évidemment, le jugement a été rendu en anglais, et je vais le citer brièvement.

The BNA Act shows plainly enough that the Constitution of the Dominion is to be similar in principle to that of United Kingdom. The statute contemplates a parliament working under the influence of public opinion and public discussion. There can be no controversy that such institutions derive their efficacy from the free public discussion of affairs, from criticism and answer and countercriticism, from attack upon policized administration and defense and counterattack, from the freest and foulest analysis and examination from every point of view of political proposals. The right of public discussion is, of course, subject to legal restrictions, those based upon considerations of decency and public order, and others conceived for the protection of various private and public interests, with which, for example, the laws of defamation and sedition are concerned. But, even within its legal limits, it is liable to abuse and grave abuse, and such abuse is constantly exemplified before our eyes. But it is axiomatic that the practice of this right of free public discussion of public affairs, notwithstanding its incidental mischiefs, is the breath of life for parliamentary institutions.

Dans le même arrêt, il y avait aussi un commentaire du juge Cannon. Under the British system which is ours, no political party can erect a probatory barrier to prevent the electors from getting information concerning the policy of the Government. Freedom of discussion is essential to enlighten public opinion in a democratic state. It cannot be curtailed without affecting the right of the people to be informed through sources independent of the Government concerning matters of public interest. There must be an untrammeled publication of the news and political opinions of the political parties contending for a sentence. Democracy cannot be maintained without its foundation, that is to say, free public opinion and free discussion within a limit set by the Criminal Code and the Common Law.

Alors, même avant l'adoption de la Charte, qui prévoit évidemment expressément le droit à la liberté d'expression, il y avait cette tradition en vertu du droit constitutionnel canadien qu'on devrait avoir une circulation libre sans restriction quelconque d'un gouvernement.

(16 h 20)

Alors, je n'ai pas l'intention de répéter l'argumentation juridique qui est contenue dans notre mémoire. Vous avez, j'espère, eu le temps, avec tous les autres intervenants, de prendre connaissance de notre mémoire. Je pense que nous avons démontré que l'arrêt Libman n'est pas le dernier mot sur les restrictions, sur le pouvoir des tiers de dépenser.

Et ce serait une erreur, pour les membres de cette commission, de prétendre, comme a fait M. Côté dans son rapport, que l'arrêt Libman, c'est le dernier mot; ce n'est pas le dernier mot. Et, advenant des amendements qui empêchent mon client de s'exprimer librement dans une prochaine campagne, que ce soit référendaire ou électorale, il a l'intention d'amender ces procédures qui sont déjà pendantes devant la Cour et d'introduire en preuve la preuve qui, selon lui, aurait dû être faite dans le dossier Libman, pour contester ces restrictions-là. Alors, nous n'avons pas l'intention de discuter en détail les propositions de M. Côté parce que, pour nous, quelque restriction que ce soit va résulter immédiatement en amendement aux procédures pendantes, et ce serait attaqué devant les tribunaux.

Pour nous, la Cour suprême aurait dû suivre le raisonnement qu'a fait la Cour d'appel de l'Alberta dans l'arrêt Somerville. L'arrêt Somerville avait dans le dossier de la Cour, devant elle, une preuve à l'effet qu'il n'y a aucun lien, que ça n'a jamais été prouvé par quelque cour que ce soit, que ce soit au Canada, au États-Unis, ou ailleurs, ça n'a jamais été prouvé qu'il y ait un lien quelconque entre le pouvoir de dépenser d'un tiers et le résultat d'un vote. Il n'y a aucune preuve à cet effet. Et la Cour suprême et le rapport Côté, les deux, présument que, si quelqu'un a le pouvoir de dépenser puis c'est illimité, ah, ça va nécessairement affecter le vote. C'est faux. Non seulement c'est faux, mais la preuve disponible est à l'effet contraire. Et je fais référence, comme d'ailleurs l'a fait la Cour d'appel d'Alberta, à l'étude qui a été faite par l'Université de Chicago sur l'expérience américaine. Aux États-Unis, depuis l'arrêt de Buckley contre Valeo aux États-Unis, il n'y a aucune restriction quant aux tiers de dépenser pendant une campagne électorale. Est-ce que les membres de cette commission sont prêts à prétendre que toutes les élections qui ont eu lieu dans les 50 États des États-Unis sont toutes des élections injustes? Est-ce que vous pouvez prétendre cela? Je ne pense pas.

Il y a seulement trois provinces au Canada qui ont des limites sur le pouvoir de dépenser des tiers. Comment doit-on décrire les élections dans les sept autres provinces? Est-ce que c'est, selon vous, toutes des élections qui sont injustes? Comment expliquez-vous que les élections, tous les trois, quatre ans, cinq ans dans ces juridictions, sans aucune accusation, aucune preuve que le vote a été affecté de quelque façon que ce soit?

Alors, je vous invite à lire l'argumentation juridique concernant l'arrêt Somerville, notre critique de l'arrêt Libman et surtout le fait que la Cour s'est basée sur une preuve erronée. Puis ça a été démontré que c'est une preuve erronée dans l'arrêt de la Cour d'appel d'Alberta.

Il faut nous situer dans le contexte factuel. Le référendum d'octobre 1995 prévoyait qu'un vote de 50 % plus un, dans un référendum québécois, pouvait justifier une déclaration unilatérale d'indépendance. Le Parti québécois et le Parti libéral du Québec étaient d'accord sur le principe, et le gouvernement canadien n'a pas manifesté d'opposition à cette présomption de base, pendant la campagne. On sait tous qu'ils se sont réveillés par la suite avec le renvoi à la Cour suprême. Mais, pendant la campagne, personne, sauf nous, n'osait parler de cette question de légalité. Le 8 septembre 1995, le juge Robert Lesage a rendu son jugement dans l'affaire Bertrand. Il a déclaré qu'un référendum ne peut pas être que consultatif. C'est clairement indiqué dans la Loi sur la consultation populaire qu'un référendum ne peut être que consultatif. Alors, le juge Lesage a aussi indiqué que le processus référendaire, en octobre 1995, prévoyait une rupture avec l'ordre constitutionnel canadien, une tentative illégale d'amender la Constitution canadienne, sans passer par la formule d'amendement, et, dans les faits, cela constituait une atteinte aux droits et libertés prévue par la Charte canadienne.

Alors, le référendum d'octobre 1995 a eu lieu, et, depuis cette date, les membres du Parti québécois et les membres du Parti libéral du Québec ont tous voté en faveur d'une déclaration unilatérale d'indépendance. Et je fais référence à la résolution de l'Assemblée nationale de mai 1997 ainsi qu'à une déclaration ministérielle prononcée peu de temps par la suite.

Alors, le processus référendaire, M. le Président et MM. les membres de la commission... On continue d'invoquer le processus référendaire québécois comme étant une justification pour une déclaration unilatérale d'indépendance, sans aucun précédent dans le monde occidental et sans votre propre loi référendaire.

J'aimerais parler brièvement de la clause «nonobstant». L'utilisation de la clause «nonobstant» aura comme conséquence inévitable la continuation des procédures en contestation que mon client a déjà entamées, basées sur l'article 3 qui n'est pas assujetti à la clause «nonobstant», ainsi qu'une plainte devant le Comité des droits de l'homme de l'ONU.

Alors, si vous êtes vraiment des démocrates, MM. les membres de la commission, je vous invite à recommander que le projet de loi sur les changements aux deux lois, ça veut dire la Loi sur les consultations populaires et la Loi électorale, soit soumis à la Cour d'appel par le biais d'un renvoi. C'est une loi de cette Assemblée, l'Assemblée nationale. C'est prévu qu'on peut référer un projet de loi à la Cour d'appel pour avoir son opinion sur la légalité ou non de cette loi. À moins que vous soyez prêts à déclarer que la Cour d'appel du Québec n'a aucune légitimité parce que les membres de cette Cour sont nommés par le gouvernement fédéral, un argument véhiculé par le Parti libéral du Québec et le Parti québécois concernant la Cour suprême. Il me semble qu'un renvoi devant la Cour d'appel serait opportun afin de clarifier si oui ou non les amendements proposés sont conformes à la Charte. Et si la réponse de la Cour s'avère négative, le gouvernement pourrait décider, à ce moment-là, d'invoquer la clause «nonobstant» avec toutes les conséquences internationales inhérentes à cette décision. À notre avis, il serait irresponsable politiquement et moralement de procéder autrement.

Alors, je vous invite à nous poser des questions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien. Merci, Me Tyler. M. le ministre.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je vais être bref parce que, dans le fond, ce que M. Tyler vient de nous dire, c'est bien simple – je le comprends comme tel, à moins que je me trompe – c'est que... La façon dont vous présentez le projet, c'est bien simple, c'est que, peu importent les amendements qu'on pourrait apporter, vous êtes pour l'ouverture complète. Donc, il ne devrait pas y en avoir. Donc, si je posais la question: Seriez-vous prêt à considérer que les recommandations de Me Côté sont suffisantes pour régler le problème? Vous allez me dire non, j'imagine.

M. Tyler (Brent D.): Oui, je pense que vous avez bien présumé. Oui.

M. Jolivet: Et, à ce moment-là, si vous me dites non, peu importe ce que je vais apporter comme argumentation, ça va être encore non. Donc, dans le fond, c'est que, s'il n'y en avait pas, de règles, ça ferait votre affaire. Et si ça fait votre affaire, je ne vois pas pourquoi on continuerait à discuter de cette question-là. Vous avez une opinion qui est tellement claire, tellement bien campée qu'on la comprend très, très vite, mais on n'est pas d'accord. Alors, à partir de cela, on pourrait discuter longuement, mais on vous dit que... À ce moment-là, je n'ai pas plus de question que de vous dire: Bien, vous avez votre opinion puis vous allez agir en conséquence, dépendant des décisions qu'on prendra ici à l'Assemblée nationale. Parce qu'il y a des groupes qui sont venus ici, devant la commission, qui ont dit qu'il devrait y avoir des changements, quels sont les types de changements. Ils sont d'accord avec une partie, ils sont en désaccord, ils demandent des amendements à ce qu'on propose, mais, au moins, ils parlent du document en disant: Il devrait y avoir des changements. Ce que vous dites, vous autres, c'est: Les changements que vous devez apporter, c'est abolissez toute loi, laissez-nous agir puis fonctionnez de même, puis on verra. Je vais aussi large que ça, là. Je caricature, je le sais, mais c'est un peu la compréhension que j'en ai.

M. Tyler (Brent D.): Mais je pense que vous avez peut-être mal compris le sens de nos commentaires. Premièrement, on vise, dans notre présentation, un seul sujet: c'est la restriction quant aux tiers de dépenser.

M. Jolivet: Je le sais.

(16 h 30)

M. Tyler (Brent D.): Alors, dans le rapport Côté, on traite de toutes sortes de questions qui ont besoin d'être traitées par cette commission, bien sûr. Mais, quant aux restrictions pour les tiers de dépenser... Si vous êtes capable de prouver, et je vous invite à le faire, le lien entre le pouvoir de dépenser d'un tiers et le résultat d'un vote... Ça n'a jamais été fait dans le monde occidental, M. le ministre, ça n'a jamais été fait. Pourquoi? Parce que, selon nous, le lien n'existe pas. Tout le monde présume: Ah! Si un homme riche veut dépenser de l'argent, ça peut avoir un effet sur le vote. C'est faux! L'expert le plus connu au Canada, c'est le Dr Richard Johnston, et le Dr Richard Johnston a conclu... Et c'est le «leading expert», comme on dit, dans l'analyse quantitative des résultats d'élections et de référendums. Il a conclu que le «total coefficient is zero». Si vous êtes capable de prouver le contraire devant une cour de justice, je vous invite à le faire. Le problème, c'est que ça n'a jamais été fait. Ça n'a pas été fait devant la Cour suprême dans l'affaire Libman. Cependant, ça a été fait dans le sens contraire, devant la Cour d'appel de l'Alberta, avec le résultat que vous connaissez.

M. Jolivet: Mais je vais vous poser une petite question bien simple. Je vais me baser sur ce que vous venez de dire. Quelle est la raison pour laquelle vous vous objectez avec tant de vigueur et d'ardeur à contester nos lois qui encadrent les dépenses des tiers si, de toute façon – vous semblez me le dire – qu'elles soient faites ou non, ces dépenses-là, ça n'aura aucun effet sur les électeurs? Pourquoi vous vous objectez à ça? Nous autres, on prétend l'inverse.

M. Tyler (Brent D.): Bien, évidemment, c'est pour ça que nous avons des tribunaux. Vous prétendez que vous avez raison; vous allez adopter votre loi. On prétend que c'est carrément à l'encontre de la Charte et à l'encontre de la pratique internationale. Ça ne vous a pas troublés, le fait que vous êtes dans la minorité, dans le monde occidental, les pays qui réglementent des dépenses par les tiers.

La démocratie québécoise, monsieur, n'existe pas dans un vacuum. Il y a des traditions, des standards internationaux. Et, si vous pouvez justifier votre loi devant la cour d'opinion publique, devant une cour de justice, devant une cour internationale, bien, faites-le.

M. Jolivet: Je vous rappellerai simplement... parce qu'on a lu le dossier de la Cour suprême qui nous indique qu'elle était très bonne, notre loi. Il y avait quelques objections, quelques affaires à régler, qu'on est en train de chercher à régler, mais jamais elle n'a contesté notre décision d'avoir fait des lois comme celle-là. Jamais. Puis c'est la Cour suprême du Canada.

M. Tyler (Brent D.): Oui.

M. Donderi (Don): Dans le contexte des élections, c'est une chose différente parce que les élections sont protégées par la Charte et pas par la clause «nonobstant». Alors, nous croyons que nous pouvons justifier un libre-échange des idées entre les personnes, les associations, et, en effet, sans restriction, au moins pendant les élections.

M. Tyler (Brent D.): Est-ce que vous êtes en train de me dire, M. le ministre, que vous êtes prêt à invoquer un jugement de la Cour suprême quand ça fait votre affaire et, quand ça ne fait pas votre affaire, vous allez l'ignorer? Plus que l'ignorer, vous allez dire: Nous n'avons pas l'intention de le respecter?

M. Jolivet: Non. Jamais, jamais. Là, vous allez un peu trop loin, parce que, à toutes les fois que la Cour suprême a donné des directives avec les décisions qu'elle a prises, le gouvernement du Québec, quel qu'il soit, s'est conformé à des décisions que d'autres contestent, que vous êtes parmi ceux-là, mais ne venez pas me dire que... On n'a jamais, en aucune façon, été...

Dans la décision qui a été rendue, on cherche des moyens de régler certains problèmes. Mais là n'accusez pas de cette façon-là, parce que ce n'est pas vrai. Tout gouvernement quel qu'il soit, ici ou de l'autre côté, s'est mis au travail pour régler les problèmes que la Cour suprême avait décelés. Et je n'invoque pas que ça me fait plaisir ou pas, je vous dis simplement la réalité des choses.

M. Tyler (Brent D.): Oui, mais la réalité des choses, c'est qu'à maintes reprises depuis le renvoi à la Cour suprême les membres du Parti québécois ainsi que les membres du Parti libéral du Québec ont dit que le jugement ne vaut rien. Et ils sont allés plus loin, ils ont dit: Nous n'avons pas l'intention de respecter la décision. Alors, je fais référence au renvoi. Et c'est vrai que vous avez dit... Les membres de votre parti, de votre formation politique, ont dit à maintes reprises: Nous n'avons pas l'intention de respecter le jugement de la Cour suprême. Donc, je conclus...

M. Jolivet: Ce n'est pas tout à fait ça. Vous avez un peu raccourci les coins. Mais je vous dirai juste une chose, il y a des décisions qui sont des décisions politiques qu'on prendra, quand ça sera des décisions politiques, puis il y a des décisions pour lesquelles on est ici aujourd'hui, sinon on ne serait pas ici.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, M. le Président. De ce côté-ci également, j'ai trouvé la présentation limpide. Elle repose sur des fondements avec lesquels je ne peux pas être d'accord. J'ai trouvé le jugement travesti. Dans ce cas-ci, je n'ai vraiment pas de questions, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Je voudrais savoir c'est quoi, la Fondation CIT-CAM.

M. Donderi (Don): C'est quoi, la Fondation CIT-CAM? C'est très simple. C'est un organisme à charte fédérale, une corporation à but non lucratif qui s'engage dans la promotion de la nature multiculturelle et multiethnique du Canada. C'est une fondation à but non lucratif. Pas de charité. Une corporation. Et je suis le président.

M. Paquin: Est-ce qu'il y a beaucoup de monde?

M. Donderi (Don): Nous avons un comité de direction de cinq membres. Est-ce que vous connaissez notre affaire au Québec? Je pourrais vous envoyer ou bien vous montrer quelque chose qui pourrait vous intéresser. C'est ça. Est-ce que vous êtes familier avec ça? C'est un autocollant qui s'ajoute à une affiche bilingue, mais qui ne se conforme pas au règlement de la loi 86. Cet autocollant, avec un achat de cette affiche par notre fondation, une fondation fédérale qui a le droit, sous la loi 86, d'afficher un message politique en n'importe quelle langue et qui a fait cette affiche légale.

Nous avons fait cette affaire pendant six ans et, pendant cette loi, aucun jugement contre nous n'a été rendu par les cours au Québec.

M. Tyler (Brent D.): Mais, plus que ça, c'est que le Procureur général du Québec, non seulement ce gouvernement mais l'ancien gouvernement sous Robert Bourassa, ils ont été très réticents à poursuivre mon client. Pourquoi? Parce que ça va résulter en une contestation judiciaire.

Donc, mon client se comporte manifestement illégalement, selon la réglementation actuelle, et vous avez tous peur de le poursuivre parce que ça va créer une contestation judiciaire et vous avez peur des tribunaux. C'est malheureux, mais c'est le cas.

M. Paquin: Alors donc, cinq membres. Et le financement se fait comment?

M. Donderi (Don): C'est par les contributions des citoyens privés.

M. Paquin: J'ai une dernière question, M. le Président. À la page 11 de votre mémoire, vous indiquez votre intention que... Je le lis: «Mon client indique que toute tentative pour restreindre sa participation dans un référendum ou dans une élection résulterait immédiatement dans une poursuite judiciaire – j'imagine jusqu'à la Cour suprême – et, si un résultat n'est pas obtenu en temps, à la désobéissance civile.»

M. Tyler (Brent D.): C'est exact.

M. Paquin: Et avec un résultat où la Cour suprême vous donnerait tort.

M. Tyler (Brent D.): Mais ce serait autre chose. Si la Cour suprême nous disait...

M. Paquin: Donc, vous êtes pour l'obéissance civile.

M. Tyler (Brent D.): Oui, dans le cas précis que mon client vient de vous expliquer.

M. Paquin: Mais pas dans les autres.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tyler (Brent D.): Je suis très content que vous ayez soulevé la question de désobéissance civile, parce que mon client est prêt à payer le prix pour son comportement. Si vous ignorez le jugement de la Cour suprême dans le renvoi, est-ce que vous êtes prêt à payer le prix de votre non-respect du jugement de la Cour suprême dans ce cas-là? Mon client est prêt à payer le prix. Si vous voulez imposer une amende, allez-y. Si vous voulez le mettre en prison, allez-y. Il est prêt à payer le prix. Est-ce que vous êtes prêt à payer le prix si vous voulez désobéir au jugement de la Cour suprême?

M. Paquin: Alors, je pense que c'est une position limpide, M. le Président. Je n'ai plus d'autres questions.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, merci, M. Donderi. Merci, M. Tyler.

M. Donderi (Don): Merci.

M. Tyler (Brent D.): Merci.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Au plaisir. Nous recevons maintenant M. Jack Jedwab, directeur général du Congrès juif canadien. Alors, bienvenue.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Bonjour. Alors, vous avez une période de 20 minutes, M. Jedwab, pour votre présentation...


Congrès juif canadien (CJC), région du Québec

M. Boro (Jeffrey K.): Je vous corrige tout de suite. Je ne suis pas M. Jedwab. Je suis Me Jeff Boro. À mon côté, c'est David Sultan. Alors, M. Jedwab, il est à Montréal et il m'a envoyé pour le remplacer. J'espère que je vais être à la hauteur de la tâche.

Nous avons 20 minutes. Nous avons envoyé notre mémoire et je vais passer outre à quelques passages. Mais je dois, comme mention préliminaire, vous dire que le Congrès juif canadien, région du Québec, est la branche régionale de l'organisme national, Congrès juif canadien. À ce titre, le Congrès juif canadien, région du Québec, met en oeuvre les politiques nationales au niveau régional et agit à titre de porte-parole officiel, et je le souligne, de la communauté juive du Québec sur toute question de politique publique.

(16 h 40)

J'imagine que vous savez tous que la présence de la communauté juive au Québec remonte à plus de deux siècles, alors que les premiers Juifs s'installaient à Ville-Marie au cours des années 1750. Tout au long de leur présence au Québec, les membres de la communauté juive ont joué un rôle important dans la création et la promotion des institutions économiques, culturelles, sociales et politiques du Québec.

Je dois dire que, en sautant quelques paragraphes que j'ai ici, je dois souligner que l'esprit dans lequel s'inscrit le rapport Côté étant fort louable, il nous semble cependant que certains de ses éléments pourraient être mieux adaptés à la poursuite de l'objectif recherché, soit l'amélioration des conditions d'exercice de la démocratie lors des élections et des consultations provinciales, municipales et scolaires.

Je veux aborder tout de suite le problème de l'intervention des tiers. La question de l'intervention des tiers dans le cadre des élections et des référendums préoccupe le Congrès juif canadien, région du Québec depuis déjà un bon moment. Il ne fait aucun doute que la législation électorale québécoise se classe aisément parmi les plus progressistes du monde occidental au plan de la réglementation des revenus et des dépenses des partis politiques. Animée d'un profond souci de préserver l'équité entre tous les candidats et de permettre un exercice honnête de la démocratie, la Loi électorale fournit aux Québécois un rempart contre les excès auxquels se prêtent certaines organisations politiques ailleurs dans le monde. Néanmoins, en 1996, nous appelions à la vigilance du législateur afin de s'assurer que les dispositions de la loi, tout en préservant le principe d'équité, n'aient pas pour effet indirect de porter une atteinte indue à la liberté d'expression des citoyens.

Il s'agit là de la préoccupation principale du jugement de la Cour suprême et, conséquemment, du rapport Côté. Il nous semble toutefois que certaines recommandations du rapport Côté à l'égard des dispositions entourant l'intervention des tiers sont parfois imprécises et, dans quelques cas, impossibles à respecter en pratique. Ainsi, le rapport propose d'introduire de nouvelles catégories d'intervenants dans le cas d'une consultation publique, soit les individus et les groupes indépendants, et de leur permettre d'engager certaines dépenses. Toujours selon le rapport, un groupe indépendant doit être composé d'individus indépendants, c'est-à-dire de personnes physiques qui n'appuient aucune des options et qui ne peuvent s'associer à un comité national, notamment pour trois raisons: ils sont des abstentionnistes; ils prônent l'annulation du vote; et ils sont en désaccord avec la formulation de la question, dans le cas d'une consultation populaire.

Or, cette définition nous apparaît imprécise à cause de l'utilisation du terme «notamment». Existe-t-il d'autres raisons qui pourraient permettre à un groupe d'être déclaré indépendant? Et j'ajoute: Je l'espère. Si cela est le cas, il nous apparaît nécessaire de les énumérer. Si, par contre, ces trois motifs sont les seuls que le législateur entend permettre, il nous semble que la liste est trop restrictive. En effet, selon de telles dispositions, le Congrès juif canadien ne pourrait se qualifier en tant que groupe indépendant dans le cadre d'une consultation populaire ou d'une élection. Pourtant, il s'agit d'un organisme non partisan qui a toutefois le devoir de se prononcer, au nom d'une communauté, sur des questions d'ordre politique. Un organisme tel que le nôtre ne peut s'affilier à un comité-parapluie ou s'associer directement à une formation politique sans porter atteinte à la nature même de sa mission. Mais il serait tout aussi contraire à notre mission de rester muets et inactifs durant une campagne électorale ou référendaire. Je dirais qu'il y a d'autres associations qui se trouvent exactement dans la même position que la nôtre et je ne sais pas si elles ont été invitées à faire des présentations, mais, pour nous, c'est un problème assez important.

D'autres qualités doivent également être rencontrées en vue de se qualifier en tant que groupe indépendant. Parmi celles-ci, deux nous apparaissent particulièrement problématiques au plan de l'application. Il s'agit de l'obligation d'être constitué de personnes qui ne font pas partie d'un groupe affilié et ne peuvent en faire partie; d'être constitué de personnes qui n'ont pas effectué et n'entendent pas effectuer une contribution en argent à l'un ou l'autre comité national.

À notre avis, ces exigences seraient excessivement difficiles à remplir. Et je vais passer à travers les raisons, mais, pour moi, c'est assez évident.

L'objectif fondamental de la législation électorale québécoise est de permettre l'enrichissement du débat démocratique. Or, les dispositions légales actuelles ont pour effet de décourager un grand nombre d'organismes non partisans à participer aux débats qui animent notre société, et les recommandations du rapport Côté n'apportent pas de solution pratique à cet égard. Il est certes souhaitable que le gouvernement permette enfin à des groupes qui refusent les données fondamentales d'un débat référendaire ou électoral de se faire entendre. Mais nous sommes d'avis qu'il est possible d'élargir un peu plus les critères des qualification des groupes indépendants sans pour autant menacer le principe d'équité qui est à la base de la législation.

Il s'agit là d'un enjeu très important pour les organismes non partisans tels que le Congrès juif canadien, région du Québec. En effet, tant les dispositions législatives actuelles que les modifications proposées dans le rapport Côté nous obligent à faire appel à de multiples opinions légales afin d'arriver à mener toute initiative d'une quelconque envergure en période référendaire ou électorale. Et, en l'absence de la possibilité pour des organismes tels que le nôtre de pouvoir se qualifier en tant que groupes indépendants, il devient nécessaire de se plier aux autres dispositions légales touchant l'intervention des tiers.

Or, les choses ne sont pas nécessairement plus limpides de ce côté. Il n'existe toujours pas de définition claire de ce qui constitue une activité organisée directement ou indirectement pour le compte d'un comité ou d'un parti. Doit-on en effet considérer les conclusions auxquelles arrivent les intervenants qui défendent les intérêts d'une communauté ou d'un groupe particulier comme étant le résultat d'une activité tenue pour le compte d'un comité ou d'un parti? Cette question demeure fondamentale et déterminante à l'égard de la place que les organismes issus de la société civile peuvent occuper dans la vie démocratique québécoise.

Par ailleurs, et nonobstant la réponse à la question précédente, la législation électorale doit absolument voir à une définition plus claire des éléments devant être inclus dans le calcul du coût réel d'une activité, particulièrement lorsque l'organisateur est également propriétaire des lieux et de l'équipement utilisés lors d'une activité. À cet égard, l'application de la règle de la valeur marchande des biens est parfois difficile, voire impossible. La clarification de ces dispositions ne pourrait avoir, à notre avis, qu'un effet bénéfique sur la participation des organismes non partisans à la vie démocratique.

Concernant les autres dispositions dans la loi qui nous préoccupent beaucoup, il y a le problème de l'identification et de l'inscription des électeurs. Contrairement à d'autres personnes qui se sont présentées cet après-midi, le Congrès juif canadien, région du Québec souscrit à l'idée d'exiger que les électeurs s'identifient à l'aide d'une pièce d'identité le jour du vote. Nous désirons toutefois insister, comme le fait d'ailleurs l'auteur du rapport, sur la nécessité d'informer adéquatement les électeurs en vue des prochains scrutins et d'assurer l'application uniforme de la directive par le personnel électoral. À cet égard, il incombe au Directeur général des élections de veiller à l'impartialité complète du personnel électoral et au gouvernement de prévoir des sanctions sévères pour ceux qui contreviendraient à leur devoir par des comportements ou des attitudes discriminatoires.

(16 h 50)

Et je vais passer tout de suite à quelque chose qui, je trouve, est beaucoup plus important, c'est l'influence indue. Le rapport Côté fait état de la nécessité de réglementer toute influence indue de la part de certains électeurs à l'égard des autres et, de manière générale, le Congrès juif canadien, région du Québec appuie cet objectif. Il nous semble toutefois que les recommandations 55 et 56 du rapport ne sont pas assez précises pour permettre l'atteinte de l'objectif tout en protégeant la liberté d'expression. Ainsi, par exemple, le rapport Côté recommande d'interdire à tout employeur ou personne en autorité de se servir de leur pouvoir ou de leur influence pour inciter leurs subordonnés à voter conformément à leur choix. En principe, cela est certes souhaitable. Cependant, la formulation de la recommandation est problématique. En effet, comment est-il possible de déterminer le moment où l'intervention légitime d'un employeur dans un débat politique se transforme en tentative d'exercer une influence indue? Est-ce que la preuve de la faute résiderait dans l'intention du contrevenant lorsqu'il a pris la parole ou bien dans la perception des individus qui se diraient victimes d'une influence indue?

La recherche de l'équilibre des forces dans un débat politique est une opération délicate, qui exige une attention minutieuse afin de ne pas rompre un autre équilibre tout aussi fondamental entre les droits collectifs et individuels. Parce qu'elles ouvrent la porte à des atteintes potentiellement graves à la liberté d'expression individuelle et parce que, en dernière analyse, le vote de chaque individu demeure secret peu importe l'influence que des personnes en situation d'autorité pourraient tenter d'exercer, nous recommandons au gouvernement du Québec de voir à ce que les recommandations 55 et 56 relatives à l'influence indue ne soient pas adoptées dans un texte législatif sans que des modifications et des précisions majeures y soient apportées, de manière à respecter les droits fondamentaux des citoyens.

Je pense que la prochaine section concerne la tenue simultanée des élections municipales et scolaires, qui parle par elle-même, et je vais sauter à la conclusion.

Le Congrès juif canadien, région du Québec oeuvre depuis plus de 75 ans à la protection des droits de la personne. Depuis leur adoption, les Chartes canadienne et québécoise des droits et libertés de la personne ont codifié, à travers un cadre législatif, les valeurs et fondements de notre société. À cet effet, nous pensons que tout citoyen, tout groupe, a le devoir de s'intéresser et de participer au processus démocratique tel que garanti par les institutions parlementaires de la société québécoise.

Nous pensons que notre participation aux consultations relatives au rapport Côté se veut constructive. Les commentaires formulés dans le cadre de ce mémoire s'inscrivent dans les traditions de participation et de contribution à l'épanouissement de notre société qu'ont développées les membres de la communauté juive du Québec au cours de leur histoire. Les recommandations contenues dans le rapport Côté ont le mérite de tenter de corriger et de bonifier le cadre législatif afin que le processus électoral et référendaire, qui est garant de notre système démocratique, fonctionne avec équité et transparence. À cet égard, le Congrès juif canadien, région du Québec partage l'objectif du gouvernement visant à garantir un fonctionnement juste et équitable de notre système électoral.

D'autre part, nous désirons souligner de nouveau l'importance que nous accordons au principe de liberté d'expression dans le cadre du processus électoral. À notre sens, il demeure vital qu'aucun citoyen québécois ne voie ses droits fondamentaux restreints par de quelconques procédures dans le cadre desquelles la forme l'emporterait sur le fond. C'est pourquoi nous exhortons la commission des institutions à se pencher sur la possibilité d'assouplir les aspects de la loi traitant de ces questions.

L'objet de ce mémoire consistait à soulever certaines des difficultés auxquelles pourraient se buter les citoyens, les groupes de citoyens et les autorités compétentes dans le respect et l'application de la loi. En ce sens, notre devoir en tant qu'organisme responsable consistait à assister le gouvernement dans la recherche d'un cadre de fonctionnement permettant à tous les citoyens du Québec de se prévaloir de leurs droits démocratiques afin de garantir la viabilité, l'efficacité et l'équité de nos institutions. C'est ce que nous espérons avoir fait dans le cadre de notre démarche. Je vous remercie.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. Boro. M. le ministre.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Merci d'être venus à la commission. Je vais commencer par la question de l'identification. Vous avez eu des gens qui se sont présentés. Il y a d'autres groupes qui sont venus aussi présenter dans le même sens que vous et dire: Oui, c'est à regarder. Mais on parlait de trois: le permis de conduire avec photo, la Régie de l'assurance-maladie avec photo et le passeport canadien qui possède toujours une photo. Dans ce contexte-là, est-ce que vous croyez, comme d'autres l'ont mentionné, qu'il pourrait y avoir d'autres ajouts ou bien si ça devrait rester comme les trois présentés ou, selon la position d'autres qui disent: Ni l'un, ni l'autre, on pense qu'il ne devrait pas y en avoir?

M. Sultan (David): Écoutez, il est sûr que ces trois documents, M. le ministre, sont des documents importants, effectivement, quant à l'établissement de l'identité de la personne. Ce qu'on dit simplement, et puis on suit un petit peu ce que disait Alliance Québec, bien qu'ils se distançaient de ce que vous proposez... Nous, ce qu'on dit, c'est: Oui, effectivement, nous sommes pour que des documents soient présentés, mais pourquoi les restreindre simplement à ces documents? S'il y a d'autres documents qui pourraient être valables et qui pourraient être identifiés comme tels, nous n'avons aucune difficulté à ce que la liste soit élargie. Alors, dans le principe, nous sommes d'accord, mais nous pensons que, s'il y a d'autres documents qui pourraient être établis comme étant des documents – comment dire – significatifs, il faudrait éventuellement les inclure, pour inclure, en fait, le plus de monde possible dans le processus.

M. Boro (Jeffrey K.): J'aimerais ajouter une petite anecdote qui m'est arrivée la semaine passée. Un avocat de mon cabinet est venu me voir pour me faire signer un document – un affidavit – comme quoi il existait vraiment, parce que ça fait sept ans qu'il n'a pas sa carte d'assurance médicale sociale et la Commission ou le fonctionnaire ne voulait pas émettre une autre carte parce que ça fait sept ans puis il a disparu dans la brume. Et c'est un avocat. Alors, qu'est-ce qu'on fait avec les personnes qui peut-être sont moins instruites et n'ont pas besoin des services de santé? C'est assez surprenant.

M. Jolivet: Vous savez, j'ai eu ça, comme député, moi, quelqu'un qui perdait sa carte d'assurance-maladie continuellement, puis je m'étais organisé avec lui et avec la Régie pour dire qu'à toutes les fois je signerais pour qu'elle soit sûre que c'était bien lui. Mais le personnage perdait toujours sa carte. À tous les ans, il me revenait, il n'avait plus sa carte. Ça arrive, ça, des gens comme ça, mais c'est des exceptions, ce n'est pas l'ensemble de toute la population.

La deuxième, c'est concernant les modifications et des précisions majeures qui doivent être apportées aux recommandations concernant l'influence indue. Est-ce que vous avez des exemples à nous donner? Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire à ce niveau-là?

M. Sultan (David): Écoutez, quant à la question de l'influence indue, c'est une question qui, en fait, touche une zone grise, finalement. Vous avez des zones blanches où on sait d'avance qu'il pourrait y avoir influence indue lorsque... Je prends l'exemple d'un employeur qui forcerait un de ses employés à voter pour une telle option et qui assortirait, si vous voulez, ce tordage de bras à des sanctions ou à autre chose. On sait que la question est claire à ce niveau-là.

D'autre part, on sait également qu'un employeur qui pourrait simplement prôner sa position politique ne pourrait pas être accusé d'influence indue. Mais il existe des zones assez difficiles, des zones grises, finalement. Je vous donne un exemple très rapidement. Un employeur qui dirait à ses employés: Écoutez, si jamais le prochain vote référendaire remporte une telle option, je vais être obligé de fermer mon entreprise. Qu'est-ce qu'on en fait? Certains pourraient dire que c'est de l'influence indue, d'autres pourraient dire que ça ne l'est pas puisque c'est une situation de fait qui lui appartient, c'est une perception qu'il a. Certains employés pourraient croire que le patron ou l'employeur tente de les influencer. À notre sens, je pense qu'en termes de zone grise il faut toujours évaluer les choses de la façon la plus large possible et c'est un petit peu ce qu'on essaie de dire dans notre mémoire: mettre en garde contre certaines zones grises qui pourraient être tranchées de façon à enlever la liberté d'expression d'une personne. Il faut faire attention à ces choses-là.

M. Jolivet: N'étant ni abstentionnistes, n'étant ni des gens qui veulent annuler le vote, n'étant ni des gens qui sont en désaccord avec la formulation de la question...

Une voix: Ah!

M. Jolivet: ...en quoi vous ne pourriez pas vous affilier à un comité Oui ou à un comité Non, compte tenu de votre mission? Première chose.

Une voix: Oui.

M. Jolivet: La deuxième, d'aucuns ont prétendu la possibilité – en tout cas, on examine tout ça, là – d'avoir un troisième groupe où là un montant d'argent serait préservé pour eux et ils pourraient faire la preuve qu'ils s'inscrivent dans cette partie-là. Comment vous voyez ça?

(17 heures)

M. Boro (Jeffrey K.): Disons que, nous autres, dans la nature même de notre mandat, nous ne pouvons pas nous inscrire dans un parapluie ou dans l'autre. Nous sommes un organisme non partisan. Il y a sûrement, dans la population juive de Québec, des personnes qui votent oui et il y en a d'autres qui votent non. Alors, comment voulez-vous, comme porte-parole de la communauté en général, que nous nous inscrivions, d'un côté comme de l'autre, dans un débat semblable? C'est impossible, c'est non tenable pour nous.

M. Jolivet: Mais je vais vous poser la question autrement, d'abord, parce que je pourrais prendre... Chez moi, comme partout ailleurs au Québec, vous avez une organisation qui s'appelle l'Association féminine pour l'éducation et l'action sociale, l'AFEAS, vous avez des clubs de l'âge d'or, vous avez des clubs ici, ils pourraient prétendre de la même façon que vous autres qu'ils ne s'affilieront pas, mais ils vont avoir à voter quelque part. Donc, dans ce contexte-là, je sais que votre mission est différente, mais j'essaie de voir comment des gens comme eux pourraient dire: Moi, je suis dans tel groupe, je ne veux pas être ni pour ni contre, bien au contraire, si on prend l'expression, mais arriver à se placer quelque part. Donc, dans ce contexte-là, vous n'êtes pas des gens qui disent: On ne veut pas s'abstenir, on ne veut pas être pour ou contre la question, on ne veut pas être en désaccord avec la question. Vous ne voulez pas annuler votre vote, mais vous allez probablement voter oui ou voter non. Mais vous ne serez ni Oui ni Non.

M. Sultan (David): En fait, il faut comprendre que le mandat du Congrès juif canadien est assez particulier dans la mesure où il vise d'abord et avant tout à sensibiliser les membres – en fait, les membres de la communauté juive – aux questions politiques qui touchent l'ensemble de la province. Donc, nous avons d'abord et avant tout un devoir académique, si vous voulez, à faire auprès des membres de la communauté juive, mais nous avons également un devoir de représentation de notre communauté qui vise, si vous voulez, à colporter les positions de la vaste majorité de notre communauté. Alors, en l'occurrence, lors du dernier référendum, entre autres, nous avions de la difficulté à nous inscrire dans un parapluie ou dans un autre, puisque nous ne sommes pas un organisme partisan, bien que nous ayons certaines positions qui représentent et reflètent en fait les positions de notre communauté. Mais, d'autre part, nous avions également le mandat de tenter, si vous voulez, de mettre au courant les membres de notre communauté quant aux enjeux importants des élections ou bien des référendums.

Alors, à ce niveau-là, nos mandats sont assez différents, si vous voulez, à l'intérieur même du même organisme, et, comme le disait Me Boro, bien que la majorité ou la vaste majorité de notre communauté soit en faveur d'une option ou d'une autre, il y a également des gens qui ne le sont pas. Il faut respecter également ce fait-là même si nous avons le devoir de représenter la vaste majorité de nos membres. Alors, on se place dans une position où on ne se retrouve dans aucun des trois tableaux qui sont proposés ici.

M. Boro (Jeffrey K.): Et je dois ajouter que c'est de même pour la communauté grecque, la communauté italienne, tous les groupes ethniques, probablement, qui sont les porte-parole de leur communauté.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais, je vous dirais, Me Boro et M. Sultan, qu'il y a d'autres organismes qui, dans les faits, sont concernés, en quelque sorte, par ces questions d'intérêt public, je vous donnerai l'exemple de chambres de commerce, qui vont, en quelque sorte, dans une période référendaire, à titre d'exemple, ou dans une période électorale, pour faciliter le débat chez leurs membres et la réflexion chez leurs membres, procéder à l'organisation de rencontres, de soupers ou d'assemblées où ils vont permettre aux gens de s'exprimer et d'exprimer différentes positions pour que les membres puissent juger des tenants et aboutissants de chacune des positions, et je pense que c'est profondément démocratique.

M. Sultan (David): Et c'est ce que nous faisons en première partie de mandat, si vous voulez. Ça, c'est le devoir de sensibilisation et, si vous voulez, d'éducation, entre guillemets, que nous avons envers notre communauté. Mais, d'autre part, il existe un deuxième volet à notre mandat finalement, c'est celui de représenter les positions majoritaires de notre communauté.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Sauf que, lorsqu'on a, à une seconde étape, à dire: Je choisis, dans un camp ou dans l'autre, une position, que ce soit pour le Oui ou pour le Non, peu importe, je comprends que vous n'êtes pas un organisme partisan au sens de parti politique, mais, à cette étape-là vous prenez parti et, dans ce sens-là, vous vous retrouvez, d'une façon ou d'une autre, sous l'un ou l'autre des parapluies. Je comprends que ce soit un peu délicat pour un organisme qui a à se trouver, dans le cadre d'une loi référendaire, sous un parapluie ou sous un autre.

M. Boro (Jeffrey K.): Mais je vais vous donner un exemple concret qui est arrivé il y a quelques semaines dans les médias anglophones. Il y a quelqu'un qui a critiqué le premier ministre d'une façon que nous n'avons pas trouvé acceptable, et nous avons fait une sortie de presse, nous avons envoyé des communications et nous avons pris le côté du premier ministre. Si un tel incident arrivait durant la partie critique d'un référendum puis que nous voulions, à ce moment-là, envoyer des dépliants qui nécessiteraient certains coûts, à ce moment-là, comment est-ce que c'est, disons, comme exemple – parce que je suis parti avec l'exemple que je prends pour le premier ministre – si je suis dans le parapluie du non, je vais avoir des fonds pour défendre mon premier ministre, alors que, eux autres, ils sont contre? Et le vice versa peut arriver, et c'est ça, notre problème, et c'est un problème réel pour toutes les communautés parce que nous répondons, comme le gouvernement, à des crises qui arrivent à tous les jours et, dépendant, nous, de ce que nous pensons d'une telle situation, nous réagissons et, de ce fait-là, nous pouvons affecter le résultat d'une l'élection, c'est clair. Aussi clair qu'une personne qui va prendre le droit de ne pas voter, elle, elle affecte l'élection. Si le Congrès juif prend pour un côté comme pour l'autre et veut envoyer une publicité, il va affecter le résultat de l'élection, et nous serions, à ce moment-là, en défaut de la loi.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Juste une question: Le chapitre 4 du rapport de M. Côté, l'influence indue, vous avez un commentaire dans votre mémoire et vous dites que les sections 55 et 56 doivent être adoptées, mais avec des modifications, des précisions à apporter à ces sections. Mais, avant que vous me disiez quelles modifications ou quelles précisions que vous aimeriez voir apportées à ces sections, je me demande si vous pensez qu'il y a une omission dans le rapport de M. Côté. Je vois, dans le chapitre 4 et l'influence indue, qu'il n'y a aucune référence au rôle qu'ont joué les syndicats dans un référendum avant l'émission des brefs ou après. Est-ce que vous pensez que les syndicats ont eu une influence indue sur leurs membres? Est-ce que les syndicats ont dépensé de l'argent qui n'a pas été comptabilisé dans le camp qu'ils appuyaient? Et est-ce que vous pensez que M. Côté devrait avoir des recommandations qui s'appliqueraient à des syndicats? Et, dans votre rapport, vous n'avez aucune mention de ce rôle que jouent les syndicats dans ce type de consultation populaire, alors j'aimerais avoir votre opinion.

M. Sultan (David): Merci, M. Bergman. Écoutez, je pense que, lorsqu'on rentre dans cette question-là, il faut comprendre, d'abord et avant tout, qu'on parle d'une question de liberté d'expression. C'est une question qui est importante pour toutes les chartes, qu'elle soit canadienne ou québécoise. C'est une question qui touche la vie même des gens.

Je vais d'abord répondre à votre premier aspect de la question, si vous le permettez. Quand vous parlez de quel changement on ferait, d'abord et avant tout, il faut définir les termes, et, lorsque le rapport Côté nous parle d'interdire à tout employeur, aux personnes en autorité de se servir de leurs pouvoirs ou de leur influence pour inciter leurs subordonnés, etc., leurs pouvoirs, c'est quoi? Leur influence, c'est quoi? Inciter, c'est quoi? D'abord et avant tout, qu'est-ce que ça veut dire, ça? Alors, comme je le disais à M. Jolivet, où commencent les choses et où s'arrêtent les choses? C'est là qu'il est important, pour nous, d'interpréter les termes et d'assurer, justement, que les termes soient compris de la même façon par tous. Parce que, si les termes ne sont pas compris de la même façon par tous, on en arrive à une situation où, bien sûr, chacun essaiera de tirer la couverte de son côté, et on n'aura pas réglé la situation, finalement. Ça, c'est le premier élément.

Deuxième élément, quant aux syndicats et quant, en fin de compte, à l'ensemble du jeu politique, je pense, d'abord et avant tout, que le jeu politique, on ne se le cache pas, est un jeu d'influence. Lorsque quelqu'un fait une déclaration, il essaie d'avoir une influence sur l'électeur. Lorsqu'un organisme comme le nôtre fait une déclaration, c'est évident qu'il représente un ensemble d'une communauté, mais qu'il a également une influence. Lorsqu'un syndicat parle au nom de ses membres, il a également une influence. La question est de savoir jusqu'où porte cette influence. Est-ce que l'affiliation d'un travailleur à un syndicat peut être suffisante pour que ce soit une influence indue ou non? C'est les questions qu'on se pose nous-mêmes et c'est pour ça qu'on met en garde contre l'adoption de ce type de recommandation, à moins que, bien sûr, les terrains soient définis et entendus par tous, que les règles du jeu soient définies par tous et soient déterminées afin d'avoir un consensus sur l'interprétation que l'on donne aux termes. Voilà, en ce qui concerne la question des syndicats ou autres qui sont également des joueurs politiques comme nous le sommes, comme vous l'êtes, finalement.

(17 h 10)

M. Boro (Jeffrey K.): J'aimerais également ajouter à cette problématique ce que la Cour suprême dit dans la décision Libman, à la page 13 du jugement, où le juge dit: «Il est difficile d'imaginer une liberté garantie qui soit plus importante que la liberté d'expression dans une société démocratique. En effet, il ne peut y avoir de démocratie sans la liberté d'exprimer des nouvelles idées et des opinions sur le fonctionnement des institutions publiques.» Et, plus loin, dans la même page, il ajoute: «L'État ne saurait, en conséquence, entraver l'expression d'une opinion politique ni la condamner sans nuire jusqu'à un certain point au caractère ouvert de la démocratie canadienne et au principe connexe de l'égalité de tous.» Alors, moi, ma position comme avocat et comme, également, conseiller juridique au Congrès juif, je crois que ces propositions 55 et 56 risquent d'avoir des problèmes juridiques, soit des débats judiciaires à un moment donné s'ils restent dans le contexte actuel.

M. Bergman: Juste une autre petite question. Vous avez, dans votre mémoire, demandé qu'on élargisse un peu les critères de qualification des groupes indépendants. De quelle manière est-ce que vous voulez élargir les qualifications des groupes indépendants pour être acceptés par le Conseil...

M. Sultan (David): Bien, écoutez, on parlait de nous, finalement, et on parlait des organismes qui, comme le nôtre, ne se retrouvent pas dans l'un ou l'autre des parapluies et qui ne se retrouvent pas dans ce qui est défini par le rapport Côté. On pense qu'il pourrait exister... Et, d'ailleurs, il y a un terme qui est assez dérangeant dans le document quand on parle de personnes physiques qui n'appuient aucune de ces options et qui ne peuvent s'associer à un comité national, notamment pour trois raisons. Alors, «notamment», ce n'est pas restrictif. Donc, est-ce que ces trois raisons-là sont les seules raisons pour lesquelles on peut faire partie d'un troisième groupe, finalement, ou bien est-ce que ça devrait être élargi? Alors, c'est des questions qu'on se pose et c'est des questions, en fait, qu'on vous pose à des termes d'étude de votre commission.

M. Bergman: Disons que ces qualifications seraient élargies pour inclure votre groupe, est-ce que le montant de 1 000 $ serait suffisant pour votre groupe pour une campagne référendaire?

M. Sultan (David): Bien franchement, c'est une question sur laquelle on a nos opinions personnelles. Je dois vous dire que 1 000 $, c'est très peu pour représenter une position, je pense, quoique la Cour suprême ait déterminé que 1 000 $ était une norme acceptable. En ce qui nous concerne, en ce qui concerne, si vous voulez, l'ensemble d'une communauté, je pense qu'il serait assez difficile de pouvoir représenter une position ou une opinion munis d'un 1 000 $, mais, bien sûr, si la loi et si la Cour suprême décident qu'il en est ainsi, on devra malheureusement ou heureusement, souscrire à ce type de limite, finalement.

M. Bergman: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Jolivet: M. le Président, juste une petite question pour la question du «notamment» parce que c'est vrai que ça pouvait avoir l'air un peu restrictif. J'essaie de voir comment on dit «notamment» dans les trois genres. Ordinairement, il y en a, quand on a un oui ou un non à donner, ou bien ils s'abstiennent ou bien ils sont des gens qui... Comme on décide de dire: Je suis en désaccord parce que je suis en désaccord avec la question. Ou je veux annuler mon vote. C'est à peu près ça quand on arrive dans un système électoral. Dans ce contexte là, vous autres, vous dites: Compte tenu de notre mission, on voudrait peut-être être dans ce groupe là, mais on ne semble pas être inclus – c'est ce que j'essaie de bien comprendre – parce que ce que vous dites, vous dites: Dans certaines circonstances, on pourrait avoir une idée sur ce que disent les gens du Non et ce que disent les gens du Oui puis on voudrait le mettre en quelque part. Et j'essaie de voir, donc, si jamais il y avait quelque chose qui était ouvert dans ce sens-là, à quelle place vous vous situeriez. Et je posais la question, il y a des gens qui ont dit: Peut-être qu'il y a un troisième pot, si on prend de l'argent, là, qui pourrait être installé justement pour ces gens là, mais selon certaines conditions qui permettraient l'utilisation des argents.

M. Sultan (David): Bien, si vous le permettez, je vous renvoie la question: Que se passerait-il si, par exemple, un organisme comme le nôtre – et puis c'est une hypothèse – était en désaccord avec la formulation de la question et, donc, choisissait un camp, le Non? Est-ce qu'on devrait s'inscrire sur le deuxième parapluie, sur le tiers comité, puisqu'il est prévu que ce sont des organismes ou des individus qui sont en désaccord avec la formulation de la question?

M. Jolivet: Je pense, au départ, que vous choisissez votre camp. Si, parce que vous êtes contre la question, vous voulez être Non, si, parce que vous voulez annuler votre vote, vous êtes Non ou parce que vous voulez faire... Disons, s'abstenir, ça serait autre chose...

M. Sultan (David): Et, si notre mandat est hybride dans ces cas-là, il y a toute une question qui se pose, et puis c'est justement la question qu'on vous soumet. Dans le cas d'organismes comme le nôtre dont le mandat peut être hybride, en fait un mandat d'éducation, de sensibilisation et puis de présentation des options, mais également un mandat de représentation, où se situe-t-on?

M. Jolivet: Mais c'est parce que, le président le disait comme tel, il y a des gens qui sont à la Chambre de commerce, comment font-ils les choses? Ils invitent les deux groupes à venir présenter devant leurs membres puis, après ça, décider. C'est le lieu d'information, mais ils ne prennent pas position, ils ne s'impliquent pas dans les comités. Mais ils ont fait objet de discussion, du sujet qui était en discussion.

M. Sultan (David): Oui, comme je le disais, c'est une première partie de notre mandat, mais nous avons également une deuxième partie essentielle, c'est-à-dire représenter la vaste majorité de notre communauté.

M. Jolivet: Oui, mais c'est parce que votre représentation, à ce niveau-là, doit se faire soit dans le comité du Oui, ou dans le comité du Non, ou dans la troisième partie si jamais ça existait, mais il y a une chose qui est certaine, c'est que vous auriez une sorte de choix de décision.

M. Sultan (David): C'est évident, mais là on fait face au troisième problème. Et je m'excuse de revenir là-dessus, mais c'est important pour nous. Nous sommes des organismes qui ne sont pas partisans. En fait, notre organisme n'est pas un organisme partisan, et certains pensent que se placer sous l'influence, entre guillemets, d'un parapluie ou d'un autre pourrait donner au moins la perception – et je n'irai même pas plus loin que la perception – qu'on partage une option politique dans son ensemble plutôt qu'une question politique sur un sujet donné.

M. Jolivet: Parce que, je vais vous donner un exemple, vous avez vos façons de voir les choses, moi, je suis catholique pratiquant. J'ai vécu...

M. Sultan (David): Moi aussi.

M. Jolivet: Ça n'enlève... O.K. Je le sais. Mais je regarde par rapport à catholique, là, au niveau de ce qui s'est passé à Trois-Rivières où, dans l'exercice de l'information, sans dire: Je prends pour, je prends contre, il y a eu des organisations, même à l'évêché de Trois-Rivières, au sous-sol de la cathédrale. Donc, je dis ça simplement dans la mesure où des gens ont décidé de s'informer, mais jamais de prendre position pour ou contre à moins de s'affilier à un des comités-parapluies existants.

M. Sultan (David): Oui, je comprends, M. Jolivet, mais, d'autre part, il y a eu, comme le disait M. Bergman, des organisations comme les syndicats, comme d'autres regroupements qui, parce qu'ils partageaient des points communs, ont décidé de prendre position. Alors, ça fait le pour et le contre. Le Congrès juif canadien ne représente pas, en tant que tel, seulement une religion. Nous ne sommes pas une entité religieuse, nous sommes une entité qui représente l'ensemble d'une communauté qui est très diversifiée et dont, si vous voulez, les pratiques religieuses sont également très diversifiées. Alors, on n'a pas un mandat religieux seulement en tant que tel, on a également un mandat de représentation politique.

M. Jolivet: O.K.

M. Boro (Jeffrey K.): Également, je peux ajouter comme une petite blague à part que les Juifs sont habitués d'être dans la troisième catégorie. Catholiques, protestants, les autres, c'est nous autres, ça.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: En complément, c'est que, effectivement, dans la mesure où vous êtes en quelque part une société nationale, moi, je suis membre de deux sociétés nationales, celle de la Société nationale des Québécois, où se retrouvent un grand nombre de francophones du Québec, et dans l'Alliance autochtone du Québec aussi. Dans les deux cas, il y a des informations qui sont données, et, au moment d'un référendum, je pense que la Société nationale des Québécois ou le Mouvement national des Québécois a pris position dans son ensemble, et la presque totalité de ses membres étaient du même avis. Dans le cas de l'Alliance autochtone du Québec, c'était beaucoup plus nuancé, et, à ce moment-là, il y a eu des assemblées d'information, comme vous dites, et il y a eu des positions très nuancées, et on ne s'est pas aligné sur l'une ou l'autre des options dans le cadre d'un référendum.

Je ne sais pas ce que c'est, mais, dans certaines communautés aussi où il y a des sociétés nationales, soit pour les Grecs, ou les Italiens, ou d'autres nationalités dont des représentants fort nombreux existent au Québec et puis qui fonctionnent comme ça, qui se donnent une société nationale, certains se sont alignés, d'autres ne se sont pas alignés et ainsi de suite. Alors, je pense que, une fois la mission éducative et l'agora permise pour que les gens échangent les idées, il appartient de faire un équilibre au niveau de la société nationale en question et de déterminer s'il y a lieu de s'affilier ou non en prenant en compte des considérations comme celles que vous avez évoquées, notamment sur l'apparence d'adoption d'un parti plutôt que d'un autre.

(17 h 20)

Mais il demeure que, au moment d'un référendum, qui est un bref moment de l'histoire d'un peuple où on se pose une question sur un sujet quelconque à laquelle il faut répondre par oui ou par non, bien, il faut que la porte soit ouverte, ou fermée, ou qu'on dise qu'on ne veut pas prendre la porte. Donc, c'est le Oui, le Non ou s'abstenir. Ce qu'il reste à peaufiner, c'est peut-être comment on peut s'abstenir, mais il demeure que je pense que, avec la description que vous m'avez donnée et que je vois dans votre mémoire et que j'ai écoutée de vos propos, vous avez tous les paramètres qu'il faut pour savoir où vous devez loger en tout respect pour votre mission et vos membres.

M. Sultan (David): Oui. Juste une petite nuance, si vous le permettez. Moi, j'ajouterais à ce que vous disiez: Dans quelle mesure est-ce qu'on répond oui ou non? Et c'est ce qui nous préoccupe, beaucoup plus que prendre position, comme vous le dites. C'est évident que nous avons pris position lors du dernier référendum et que, à tout référendum éventuel sur une quelconque question, comme vous le dites si bien, nous prendrons également position au nom de notre communauté, dépendamment bien sûr de ce que notre communauté pensera, c'est évident, mais dans quelle mesure est-ce qu'on prend position et puis quels sont les paramètres qui nous permettent de nous inscrire sous un tel parapluie ou sous un autre parapluie? Ce sont des questions qui nous préoccupent, particulièrement au niveau de la perception.

M. Jolivet: Il n'y a rien qui empêche un groupe de prendre position. La seule chose, c'est de dépenser pour influencer.

M. Boro (Jeffrey K.): Oui, mais justement c'est ça, le problème parce que, durant cette période, si courte qu'elle soit, mais si importante qu'elle pourrait l'être pour tout le monde, il peut arriver des moments où nous ne sommes pas d'accord avec les propos qui sont faits par l'un ou l'autre des côtés. Exemple très simple, là, on va traiter quelqu'un de raciste. Nous autres, nous connaissons l'individu en question, et il nous envoie, par voie de fax, de dépliants ou quoi que ce soit, durant cette période-là, toutes les raisons pourquoi nous ne pensons pas que l'individu en question, c'est un raciste. À ce moment-là, moi, je prétends que nous sommes en défaut de la loi durant cette période-là. Nous avons dépensé, nous avons défendu un individu, et les personnes qui ont pu penser que c'était un raciste vont dire: Non, ce n'est pas un raciste, c'est quelqu'un qui a du bon sens, je vais voter pour son côté. Je vais être en défaut de la loi à ce moment-là, et c'est ça, notre problème.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, Me Boro, M. Sultan, nous vous remercions de votre mémoire, d'une part, et, d'autre part, des échanges que nous avons pu avoir ensemble en regard du rapport Pierre-F. Côté et des modifications éventuelles à nos lois électorales. Alors, sur ce, je vous remercie, et, MM. les membres de la commission présents, je voudrais vous souligner que, mardi matin, nous reprenons nos travaux à 10 h 30. Alors, sur ce, nous ajournons. Merci beaucoup et bonne fin de semaine.

(Fin de la séance à 17 h 23)


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