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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, October 7, 1998 - Vol. 35 N° 144

Étude détaillée du projet de loi n° 450 - Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Étude détaillée


Intervenants
M. Marcel Landry, président
M. Guy Chevrette
M. Christos Sirros
Mme Fatima Houda-Pepin
M. John Ciaccia
M. Lawrence S. Bergman
M. Robert Kieffer
M. Michel Rivard
Mme Lucie Papineau
M. Normand Jutras
M. Jean-Claude St-André
Mme Céline Signori
M. Guy Lelièvre

Journal des débats


(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mesdames, messieurs, nous allons débuter nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission: poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, pourriez-vous nous annoncer les remplacements pour ce matin?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Leduc (Mille-Îles) est remplacée par M. Rivard (Limoilou); M. Paquin (Saint-Jean) par M. Jutras (Drummond); M. Lefebvre (Frontenac) par M. Sirros (Laurier-Dorion); et M. Mulcair (Chomedey) par M. Bergman (D'Arcy-McGee).


Étude détaillée


Loi électorale


Dispositions pénales (suite)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. Alors, nous en étions à l'article...

M. Chevrette: M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Chevrette: Pour essayer de situer le débat, si je me souviens bien, nous avons eu un amendement à l'article 85 qui a été sous-amendé par la formation libérale. Nous avons voté en faveur de leur sous-amendement. Ils se sont abstenus de voter sur leur sous-amendement. Nous en sommes à l'amendement sous-amendé.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre, il y a eu effectivement le vote sur le sous-amendement, il y a eu un vote sur l'amendement, il y a eu un second amendement et nous en sommes à un troisième amendement qui se lit ainsi: Le projet de loi n° 450 est modifié par l'ajout, à la fin de l'article 557.1, tel qu'introduit par l'article 85, l'alinéa suivant:

«Cette disposition n'a pas pour effet d'empêcher quiconque d'exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin.»

Et nous en étions à cet amendement à l'article 85.

M. Sirros: Et qui avait la parole, M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Si je ne m'abuse, M. le député de Châteauguay intervenait à ce moment-là.

M. Sirros: Donc, je peux peut-être, à mon tour, resituer un peu le débat pour donner suite à ça, M. le Président. Comme vous le constatez bien, l'amendement ou le sous-amendement – je ne me rappelle pas exactement la procédure dans laquelle on se trouve – a comme but de réitérer un principe fondamental qui est entaché par cette modification que le ministre veut apporter à cet article de la loi.

Le but de l'amendement, c'est de réaffirmer la totale liberté d'expression qui doit exister lors de tout scrutin, M. le Président. Aucune disposition d'une loi, surtout quand ça peut soulever des interprétations aussi vastes que celle qui a été proposée et qui est proposée par le ministre avec l'introduction, à la loi n° 450, de cette modification qui fait en sorte que maintenant ça va être quelque chose de pénalisable – une pénalité, si on utilise de l'influence indue ou l'intimidation, etc., avec les exemples qui ont été donnés – nous semble poser des problèmes quant à l'interprétation possible.

Afin de parier à cette interprétation-là, nous voulons qu'on réaffirme ici, dans la loi, et précisément à cet article-là, M. le Président, parce que c'est l'article qui soulève les questions dont nous avons fait état, le fait que cette disposition ne doit pas avoir comme effet de contraindre la liberté d'expression, d'empêcher qui que ce soit d'exprimer quelque opinion que ce soit sur les enjeux d'un scrutin.

Il me semble que c'est l'évidence même que, comme parlementaires, ça serait assez inusité qu'on vote contre une affirmation de cette nature-là, M. le Président. Si, de l'autre côté, on accepte, bien là on pourra voir la suite de cet article-là. Mais il nous semble essentiel, à cause de la sensibilité de cet article, qui, on doit se rappeler, dans sa forme initiale laisse une marge de manoeuvre très, très grande à tous ceux qui veulent utiliser cet article-là pour intimider des gens face à des affirmations, ou à des positions, ou à des points de vue qu'ils peuvent exprimer, les intimider avec des possibles recours devant les tribunaux, ça serait important qu'on réaffirme que rien dans cet article n'empêche l'expression d'une opinion sur les enjeux d'un scrutin.

On se rappelle qu'il y a deux semaines le ministre nous faisait état d'un certain nombre d'expressions d'opinion – que lui jugeait étant du domaine du chantage, de l'intimidation – et qu'il visait, par l'introduction de cet article, à rendre pénalisables par la loi, donc de soumettre des gens à des pressions par rapport à de possibles poursuites judiciaires parce qu'ils auraient exprimé une opinion. On se rappelle que le ministre nous a déposé aussi un certain nombre de lettres qui étaient venues, par exemple, d'employeurs vis-à-vis de leurs employés qui faisaient état de leurs craintes, dans l'éventualité de la sécession du Québec, quant à l'impact économique que ça pourrait avoir sur leur industrie, sur leurs propres entreprises et, par conséquent, possiblement sur les emplois en question, et le ministre jugeait que ça faisait du chantage d'expliquer par cette forme-là les enjeux qu'une personne identifiait comme étant des enjeux de l'élection.

Nous estimons, M. le Président, que nous n'avons pas à juger, comme parlementaires, de la qualité des interventions de chacun; nous devons tout simplement juger qu'on garantisse l'accès libre au vote, qu'on garantisse le secret du vote et qu'on laisse par la suite les gens décider et évaluer, eux, comme des électeurs matures, la validité ou non des arguments qui leur sont soumis.

(9 h 40)

De l'autre côté, s'il s'agit des intimidations que le sens commun comprend, par des prétextes ou des ruses qui tentent de faire croire à un électeur que, je ne sais pas, moi, le vote n'est pas secret, qu'on va savoir ce qu'il a fait et qu'on va le pénaliser par la suite, nous sommes prêts à faire un bout de chemin, mais il faut réitérer ici, à cet article, la nécessité de garantir la liberté d'expression.

Parce qu'il y a beaucoup de soupçons que nous avons par rapport à des changements que le gouvernement veut introduire à la loi n° 450 à la veille d'un scrutin, M. le Président, quand il y a la possibilité d'aller de l'avant avec des modifications qui sont nécessaires afin de tenir le scrutin, qui découlent du jugement de la Cour suprême, en sortant de la loi tous les éléments qui font l'objet d'un consensus immédiat au niveau des suites à donner au jugement de la Cour suprême; et même, on pourrait ajouter un certain nombre d'autres éléments qui, aussi, ont fait l'objet de consensus, qui facilitent le droit de vote.

Alors, c'est dans ce contexte-là que nous avons proposé au ministre d'ajouter à la fin de cet amendement qu'il veut introduire cette notion que vous avez lue tantôt, M. le Président, réaffirmant la liberté d'expression qu'on entend consacrer à cet article, qui, à sa face même, soulève des craintes au niveau de cette liberté fondamentale.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. M. le ministre.

M. Chevrette: J'ai peut-être une suggestion à faire au député de Laurier-Dorion et à son équipe. Étant donné que cet amendement cause problème entre les deux formations politiques, est-ce qu'on pourrait le suspendre, comme on l'a fait pour d'autres, et passer aux articles qui font consensus?

M. Sirros: Si le ministre me dit, M. le Président, que c'est la voie qu'il entend suivre, dans le sens de faire adopter tous les articles qui font consensus et laisser de côté les articles qui ne font pas consensus et qu'on va traiter de ces articles-là dans un projet de loi séparé après les élections, moi, j'en conviens. Mais si l'idée, ici, M. le Président, c'est tout simplement d'essayer d'éviter de voter sur cet amendement-là tout de suite...

M. Chevrette: ...évité ce matin, parce que j'ai dit carrément hier devant la presse que j'allais au Conseil des ministres aujourd'hui faire rapport de l'état d'avancement du projet de loi. Et c'est dans ce sens-là. Il n'y a aucun attrape-nigaud. Soyez sans crainte. On peut voter, si vous voulez voter, ça ne me dérange pas là, sauf que, si je le mets en suspens, c'est parce que j'ai l'intention de relater carrément au Conseil des ministres les points d'accrochage du projet de loi. C'est tout. Et je pense qu'ils sont assez bien identifiés, là.

De toute façon, je pense que vous voulez une loi. Vous voulez des élections à très court terme; donc, vous voulez une loi. Mais moi aussi... Puis, comme vous voulez une loi puis que votre autobus est déjà en marche, il faut absolument qu'on arrive à une loi, parce que le jugement Libman nous oblige à avoir au moins une loi sur le financement.

M. Sirros: M. le Président, ce que le ministre est en train de me dire, c'est qu'il veut aller au Conseil des ministres faire rapport. Moi, je lui suggère ceci: Qu'on arrête nos travaux, qu'il aille au Conseil des ministres avec la proposition suivante: Pour qu'on ait une loi pour garantir la sécurité juridique de notre Loi électorale en fonction des élections, que l'opposition donne son accord immédiatement à ce qu'une loi précise, qui donne des suites, que toutes les suites au jugement de la Cour soit adoptées aussitôt que la Chambre sera convoquée et que le reste... On ne perd rien pour attendre la suite des élections, M. le Président. Alors, il pourra dire ça au Conseil des ministres puis on verra par la suite si le Conseil des ministres veut vraiment avoir une loi en fonction des besoins juridiques ou si c'est des astuces, que le gouvernement essaie de jouer.

Alors, ça, on lui propose d'arrêter nos travaux pour lui permettre de faire rapport au Conseil des ministres que l'opposition donne son accord pour scinder la loi, adopter tous les changements nécessaires pour donner suite au jugement de la Cour suprême et remettre à plus tard l'étude des choses qui sont litigieuses pour qu'on puisse effectivement évoluer avec le consensus qu'on a toujours eu dans les modifications à nos lois électorales.

D'ailleurs, j'attire l'attention du ministre sur un excellent éditorial dans Le Devoir d'aujourd'hui qui, je pense, fait exactement le point sur comment on doit traiter la Loi électorale. Les modifications que le ministre veut apporter n'ont jamais été démontrées au niveau d'un problème réel.

M. Chevrette: Je pourrais peut-être parler.

M. Sirros: J'arrêterai là parce que la proposition, je pense, elle est claire et sur la table: Scindons la loi, que le ministre retourne au Conseil des ministres et qu'on ne perde pas notre temps à discuter juste pour discuter.

M. Chevrette: Mais on a du temps, dans ce cas-là, parce que, si j'ai bien compris les déclarations de votre chef hier, il est moins pressé qu'il ne l'a déjà été. Donc, étant donné que M. Charest semble moins pressé qu'il ne l'a déjà été, que son autobus est en marche, il va falloir qu'il arrête son autobus. Nous, on va continuer notre projet de loi. C'est beau.

M. Sirros: M. le Président...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, on a amorcé ce débat sur l'article 85 et on a clairement indiqué – les porte-parole, mes collègues et moi-même – qu'il s'agit là d'une question fondamentale qui touche la liberté d'expression qui est un droit fondamental. Et M. le Président, ce matin, mon collègue a fait une proposition qui est tout à fait raisonnable: De dire, pour déboucher sur quelque chose de concret...

M. Chevrette: M. le Président, question de règlement. Juste 30 secondes. Je veux bien que madame parle, mais là, on va parler du projet de loi. C'est correct? Je n'accepte pas la proposition de suspendre nos travaux. Donc, vous pouvez parler sur le fond des amendements. Je veux bien l'entendre mais je ne veux pas me laisser endormir. La motion, c'est une motion d'amendement sur le droit d'expression et non pas sur scinder la loi et revenir. J'ai juste tendu une perche sur un mode de fonctionnement. On a suspendu quelques articles à date, là. Donc, on parle puis ça fait l'affaire du député de Mont-Royal, à part de ça. Allez-y! Parlons sur le fond.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de...

Mme Houda-Pepin: M. le Président, moi, je n'interromps pas le ministre.

M. Chevrette: C'est une question de règlement.

Mme Houda-Pepin: L'argumentation a été faite et la démonstration a été faite, preuve à l'appui. On s'est même servi de la preuve que le ministre a déposée en lui disant qu'on ne peut pas se baser sur des documents de ce genre pour bâillonner les gens qui veulent s'exprimer et qui peuvent expliquer les enjeux liés à un scrutin ou à un référendum.

M. le Président, si le ministre n'a rien à nous offrir qu'une preuve de cette nature, cela ne peut, encore une fois, qu'attiser nos inquiétudes. Et on décide de dire au ministre – je pense que la proposition de ce matin, le ministre la rejette du revers de la main mais elle est très raisonnable – de dire: On va scinder le projet de loi de façon à ce que tous les articles qui touchent aux suites à donner au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman, on va en disposer et on va en disposer pratiquement à l'unanimité, après avoir discuté de tous ces articles du projet de loi, et on va procéder, et tous les articles litigieux qui soulèvent des questions fondamentales comme celles qu'on a soulevées en rapport avec l'article 85, qu'on puisse les inclure dans un autre projet de loi.

Il n'y a pas urgence. Il n'y a pas de feu dans la demeure. On peut, à ce moment-là, à tête reposée, après les élections, disposer de ce projet de loi. Parce que, là, ce qui est évident, c'est que le gouvernement profite justement des suites à donner au jugement de la Cour suprême pour mettre dans le projet de loi des choses, des petites vites qui pourraient éventuellement porter même préjudice au processus démocratique que nous connaissons au Québec.

M. le Président, c'est très important que le ministre puisse entendre les arguments qui sont devant lui, au-delà de toute partisanerie politique. Parce que, ce que l'opposition officielle souhaite, c'est qu'on puisse renforcer la Loi électorale pour la rendre plus efficace, plus transparente, plus démocratique et plus accessible aux citoyens qui vont voter. Pour cela, il faut que le ministre accepte d'entendre raison.

C'est ça l'argument qu'on veut apporter ce matin, et la proposition qui a été faite de scinder le projet de loi est tout à fait justifiée, est tout à fait légitime, est tout à fait acceptable. Ça va nous permettre de procéder rapidement à l'étude du projet de loi, de façon à ce qu'on puisse l'adopter avec l'accord des parties au lieu de rester accrochés à certains articles qui sont des articles fondamentaux, qui n'ont absolument rien à voir avec les suites à donner au jugement de la Cour suprême, mais qui posent problème.

Lorsque le ministre nous dit, pour justifier l'article 85, qu'il se base sur un document de Jack Spratt, qui écrit ceci: «La compagnie manufacturière Jack Spratt emploie 800 personnes au Québec. 10 % de ses ventes se font au Québec. 90 % de ses ventes se font hors Québec, dans le reste du Canada. Il est dans l'intérêt de Jack Spratt que le Québec ne se sépare pas du Canada. Il est dans l'intérêt de votre sécurité d'emploi que le Québec ne se sépare pas du Canada.»

Le gouvernement, si on accepte l'article 85, va rendre Jack Spratt passible d'une amende jusqu'à 10 000 $ parce qu'il a écrit ceci, parce qu'il a pu communiquer son point de vue sur les enjeux touchant le référendum à ses employés. Ce qui est en jeu ici, c'est un droit fondamental, c'est la liberté d'expression. Qu'on soit d'accord ou pas d'accord avec le contenu, c'est une chose. Qu'il nous plaise ou qu'il ne nous plaise pas, c'est une chose, mais les citoyens du Québec, jusqu'à nouvel ordre, ont le droit d'exprimer leurs opinions et c'est un droit qui est fondamental et qui est au-dessus de tout. Voilà, M. le Président.

(9 h 50)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci.

M. Chevrette: M. le Président, voilà le discours chloroformant que j'attendais pour pouvoir dire ce que j'ai à dire là-dessus. On a annoncé nos couleurs au lendemain du jugement Libman. On a annoncé nos couleurs en déposant les résultats de deux sondages scientifiques sur la question de l'identité de l'électeur. On a annoncé nos couleurs en disant que c'était fini d'enfermer un travailleur dans un cabanon puis lui dire: Toi, là, si tu ne votes pas correct, ta job, tu es dehors, le lendemain matin. Du terrorisme intellectuel. On a annoncé nos couleurs là-dessus très clairement.

Et ceux qui ne veulent pas, par exemple, l'identité de l'électeur, ils cachent quoi, eux? Qu'est-ce qu'on veut cacher? On vient de vivre à Québec une consultation populaire. Cent cinquante mille citoyens se sont exprimés avec une carte d'identité. Quel drame ça a fait sur les droits et libertés de la personne, ça? J'ai hâte de voir le rapport parce qu'on me dit que ça a très bien fonctionné; ça n'a créé aucun problème et il y a 150 000 électeurs qui ont dû présenter précisément une carte d'identification, d'identité.

La France a une carte d'électeur avec photo. En quoi on vient enlever, brimer des droits et libertés, si ce n'est que d'assurer précisément la sauvegarde du droit fondamental qu'est le droit de vote? Vous ne voulez pas? Il faudrait que vous argumentiez de façon rationnelle et intelligente sur le pourquoi de votre opposition systématique à la carte d'identité et sur le pourquoi de votre opposition systématique contre l'intimidation, ces deux principes qui sont reliés à la liberté expresse du droit le plus fondamental qu'est le droit de vote.

Ceci dit, M. le Président, je comprends. Je comprends que le vent a changé de bord – les vents dominants ne semblent plus souffler dans le sens du messie – et qu'on est à veille de garer l'autobus. Puis que la presse, la hâte et l'empressement qu'on avait il y a à peine un mois sont devenus une voie de garage. Et on va invoquer le 2 décembre, le 7 décembre, le 15 décembre, alors que la dernière élection la plus tardive qui s'est faite au Québec s'est faite par les libéraux, au mois de décembre. Et pourtant, on n'en a pas parlé. Je me souviens, moi, de l'élection du 2 décembre qu'on a eue au Québec, il y a à peine deux élections. On a été désassermentés le 12 janvier seulement. Je m'en rappelle. C'est en 1985 qu'on a eu une élection le 2 décembre. Personne ne parlait des personnes âgées en Floride, à ce moment-là.

Puis là, on parle de rumeur d'élections et on est après paniquer. On va prendre de le temps de l'étudier d'abord, le projet de loi. On n'est pas pressé, ça a l'air de faire votre affaire. Donc, on va le prendre, le temps, très sérieusement, de l'étudier. Ne plaidez plus sur le scindage des propositions, plaidons sur le fond des articles. Plaidons sur le fond des articles puis n'essayons pas de camoufler notre désarroi.

M. Sirros: M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Pour quelqu'un qui veut plaider sur le fond, M. le Président, le ministre vient de démontrer que, lui, il ne veut pas parler sur le fond. Quant au fond, M. le Président, et la question des élections puis de la hâte, etc., nous réitérons: Demain matin, si ça prend une sécurité juridique, nous sommes prêts à l'assurer pour avoir une loi qui nous permet d'aller en élection tout de suite. Le 7 décembre, si c'est ça que le premier ministre décide pour ses calculs à lui. Libre à lui, c'est son droit. C'est sa façon d'agir, c'est son droit, et c'est correct. On pourrait adopter ces éléments-là tout de suite, M. le Président. Sur toutes les autres questions des cartes d'identité, etc., n'essayons pas de faire croire aux gens qu'il y a quoi que ce soit qui est caché.

Simple question au ministre: Où est-ce qu'on nous a démontré qu'il y a un problème? À part des ragots que le ministre raconte quant à un mort qui a voté dans son comté, où est-ce qu'on a une étude quelque part qui nous démontre que nous avons un problème? Nous pourrions, M. le Président, profiter des élections qui s'en viennent, qu'on pourrait tenir avec la sécurité juridique nécessaire, ayant donné suite au jugement de la Cour suprême, pour s'assurer qu'on pourra tenir, pour une fois – parce que ça n'existe pas – un registre qui nous permettra de voir combien de fois est-ce qu'il y a des gens qui se sont présentés ou que quelqu'un d'autre est allé voter en leur nom.

Parce qu'on sait, M. le Président, que, quand la personne arrive pour voter puis on trouve que quelqu'un a déjà rayé son nom parce que, supposément, quelqu'un d'autre aurait voté, il maintient son droit de vote en s'assermentant qu'il est bien celui qu'il dit qu'il est, qu'il n'a pas voté et il vote. Donc, on pourrait, cette élection-ci, s'assurer que, chaque fois que ça arrive, on va le noter dans un registre et, après les élections, on va avoir un portrait réel du problème, si problème il y a, M. le Président. Et là on pourra effectivement, si on constate qu'il y a un problème, corriger. On pourra parler avec connaissance de cause, M. le Président. On pourra parler en se basant sur des faits et non pas sur des préjugés, non pas sur des perceptions partisanes, sans aucune suspicion autour de la démarche de la modification de notre Loi électorale.

Pourquoi le ministre insiste tellement pour adopter des modifications dans un contexte on ne peut plus partisan, qui est à la veille d'une élection, et entacher par ce fait même le climat qui doit régner au niveau des modifications à notre Loi électorale? Pourquoi? Alors, profitons des élections pour faire l'étude que ça nous permettrait de faire pour identifier l'étendue du problème, si problème il y a, et là on pourra voir. Parce qu'il s'agit quand même d'une modification qui change la façon dont les élections se déroulent depuis des décennies, ici, M. le Président, et on n'a jamais eu vent, jusqu'à maintenant, qu'il y avait quelque problème que ce soit. Personne ne nous a démontré ça.

La Commission des droits de la personne s'est prononcée farouchement contre l'instauration de cette mesure, très clairement contre cette mesure en commission parlementaire, par la voix de son président. Le Protecteur du citoyen émet des réserves sérieuses, etc. Alors, pourquoi, sans qu'on n'ait jamais eu la démonstration qu'il y a un problème...

Alors, réitérons encore une fois: Scindons le projet de loi pour qu'on adopte les mesures nécessaires pour la tenue d'une élection. Pas de problème là. On ne se gêne pas pour aller en élection. On est prêt. Comme vous avez bien dit, la campagne est partie. Alors, faites de même. Partons-la ensemble, à ce moment-là, et, deuxièmement, profitons de la tenue de l'élection pour identifier le problème, et là on pourrait revenir, peu importe qui sera au gouvernement, puis on examinera les faits pour identifier s'il y a vraiment un problème de télégraphe, et de vol, et de fraude, etc., et quelle est l'étendue. Et là on pourra, en Législature responsable, identifier les mesures qu'il faut prendre.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Chevrette: ...là, je voudrais rectifier des données. La Commission des droits de la personne est venue dire que, si la carte d'identité devait servir à autre chose qu'à l'identification de la figure, elle serait contre. La Commission d'accès à l'information dit la même chose, si bien que même M. Comeau était prêt à évaluer d'autres types de cartes, à part ça. Vingt-et-un groupes sont venus témoigner devant nous, 15 groupes ont dit oui à l'identification. Et pas les moindres: la Corporation des officiers municipaux; le Congrès juif canadien est venu dire qu'il était d'accord.

Qui est contre de façon acharnée? Le Parti Equality, M. Rob Libman et M. Julius Grey, MM. Donderi et Tyler, le Parti libéral et l'Association des commissions scolaires. Ce sont les gens qui sont contre. Tous les autres se sont exprimés en faveur de l'identification de l'électeur.

(10 heures)

Deux sondages scientifiques, un à 90 % et l'autre à 88 %, disent que c'est normal qu'on exige une identification de l'électeur. Bien ici, je ne sais pas, moi, il faudrait donner raison aux 20 % de la collectivité. Quelle est la crainte de voir bonifier un système électoral par identification? Quelle est cette crainte morbide au point d'utiliser des méthodes parlementaires pour retarder l'adoption? Quelle est cette peur? Cette crainte est fondée sur quel principe? En vertu de quoi on s'objecte à améliorer notre système pour s'assurer que la bonne personne vote sous le bon nom? Je vous avoue, c'est à n'y rien comprendre.

Quand on dit qu'on change les règles du jeu, ça fait un an qu'on est là-dessus. On a engagé M. Pierre F. Côté au lendemain du jugement Libman. On a eu un rapport. Le président-directeur général des élections est d'accord avec l'identification de l'électeur. Il y a seulement le Parti libéral et le Parti Equality, et quelques-uns qui s'amusent devant les tribunaux, qui ne veulent pas voir... Ça doit être beau de voir ça sur une carte, le visage de chacun d'entre vous. Il n'y a pas de honte à afficher sa photo. On ne dit pas le dossier médical, on ne dit pas le dossier de désobéissance au Code de la route, on ne parle pas du dossier criminel, du dossier de santé d'un individu, on dit: La figure et le nom vont-ils ensemble? C'est tout.

Obstruction systématique. Ça cache quoi, ça? Ça cache quoi? Je comprends que... Vous pouvez ne pas être contre, c'est votre droit, mais il n'y a aucun mal, il n'y a aucune entrave aux droits et libertés de la personne. Il y a des pays beaucoup plus avancés que nous sur le plan des institutions publiques, qui ont un passé, qui ont une histoire, qui ont adopté ce processus-là. Sur d'autres points, on est beaucoup plus avancés en termes de financement, par exemple, que certains pays, mais on cherche à avoir la meilleure loi possible sur tous les plans et c'est un pas de plus que le parti au pouvoir, que le gouvernement représentant, le Parti québécois, a voulu mettre sur la table comme mesure pour améliorer notre système démocratique.

On peut avoir certains éditoriaux qui sont pour, bien sûr. Il y en a qui sont contre, bien sûr. Il y en a qui, pour des principes qui sont bien à eux, sont pour des droits individuels seulement puis qui ne voient aucun droit collectif dans la société. Il y en a d'autres qui ont le respect des droits individuels mais qui reconnaissent qu'il y a des droits collectifs qui existent aussi dans une société dite démocratique.

Donc, face à tout ça, moi, je n'ai pas de problème. On a avancé cela comme gouvernement, on l'a piloté. On respecte beaucoup le Congrès juif canadien qui nous appuie. On respecte beaucoup la COMAQ qui nous appuie. On accepte le DGE. Et je pourrais continuer, tous les autres qui sont venus. Il y a seulement le Parti libéral qui a bien peur de ça, une photo.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais revenir à la discussion du sous-amendement.

Une voix: Sur le fond.

M. Ciaccia: Sur le fond, sur le sous-amendement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, allez-y, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je pense que c'est un sous-amendement, si je me...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est un nouvel amendement.

M. Ciaccia: Un nouvel amendement. Je voudrais le relire juste pour qu'on rétablisse les discussions ici. «Cette disposition n'a pas pour effet d'empêcher quiconque d'exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin.» Quelque chose de plus simple puis plus démocratique que cela, M. le Président, vous n'allez pas le trouver. Quand j'entends le ministre qui nous dit qu'il veut suspendre l'étude de ce sous-amendement parce que c'est litigieux, ça, ça m'inquiète. Si ça, c'est litigieux, à quoi je peux m'attendre du gouvernement dans cette loi, dans l'interprétation de sa loi? Il n'y a rien de plus démocratique, plus simple que le sous-amendement, même ça ne serait pas nécessaire s'il n'y avait pas eu un autre amendement contre, qui pourrait mettre en jeu ou qui pourrait rendre difficile que quelqu'un s'exprime.

Quand le gouvernement dit... ils veulent être contre les menaces. Les menaces, c'est une chose. Il y a un sous-amendement contre les menaces, l'intimidation. Mais exprimer une opinion, ça en est tout à fait une autre. J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi le gouvernement s'acharne – lui, là; ce n'est pas nous qui nous acharnons sur d'autres articles, parce que les autres articles ne sont pas devant nous pour être discutés présentement. Quand ils vont venir, on les discutera – je ne comprends pas pourquoi le gouvernement, le ministre ne peut pas accepter ce sous-amendement qui exprime seulement le droit démocratique de quelqu'un de s'exprimer.

Savez-vous, on a livré dans mon bureau ce matin – le ministre, je ne sais pas le titre de son ministère – on a livré la Charte des droits, tout encadrée...

Une voix: Le ministère des Relations avec les citoyens.

M. Ciaccia: Le ministère des Relations avec les citoyens. Il a livré à mon bureau une Charte des droits encadrée. Mais est-ce qu'on parle avec deux côtés de la bouche, ce gouvernement-ci? On nous donne la Charte des droits puis on s'oppose à un sous-amendement qui dit: Cette disposition de menace, d'intimidation, tout le reste, n'a pas pour effet d'empêcher quelqu'un d'exprimer une opinion. On est contre quelqu'un qui s'exprime, qui exprime une opinion, et la raison pour laquelle c'est encore plus inquiétant, c'est parce que les exemples que le ministre et le côté ministériel ont donnés en ce qui concerne l'intimidation... Parce qu'ils ont voulu présenter un article contre les menaces. Mais les exemples qu'ils ont donnés, quand vous les regardez, ce ne sont pas des menaces.

Alors, dans leur idée – je me demande comment ils arrivent à cette conclusion-là – exprimer une opinion contre la leur, c'est une menace. Ça, c'est inquiétant, M. le Président. Si on exprime une opinion qui est contre l'opinion de certains, alors ça veut dire que ça, c'est une menace, parce que de dire... Je ne veux pas reciter et reciter encore l'exemple qu'on nous a donné, mais de nous dire que, dans certaines conditions, il est dans l'intérêt de quelqu'un de vouloir maintenir un certain régime, une certaine liberté de discussion, M. le Président, c'est inquiétant, et c'est pour cette raison que nous avons devant nous ce sous-amendement qui est clair et, lui, je ne pense pas qu'il s'ouvre à interprétation; l'autre s'ouvre à interprétation à des menaces, à du harcèlement.

Et quand le ministre parle de terrorisme intellectuel, M. le Président, le terrorisme intellectuel, on l'a vu, nous, après le référendum. Pour préparer le prochain? Je ne le sais pas. Pour préparer la prochaine élection? On l'a vu, le terrorisme intellectuel. Les déclarations contre les groupes ethniques, qui ont été répétées par non seulement ceux qui avaient quitté le gouvernement, mais par ceux qui sont dans le gouvernement présentement, ça, c'est du terrorisme intellectuel. Ce n'est pas du terrorisme intellectuel de porter à l'attention de la population que 10 % des ventes d'une compagnie se font au Québec, 90 % se font hors Québec, alors, il est dans l'intérêt de garder le Québec à l'intérieur du Canada pour préserver les emplois. Ça, ce n'est pas une menace, ce n'est pas une intimidation et...

Une voix: Ce n'est pas du chantage, ça!

M. Ciaccia: Bon, voyez-vous? On répète: Ça, c'est du chantage. Ça, c'est inquiétant, M. le Président, parce que là on voit le genre de démocratie qu'on nous propose de l'autre côté de cette table. Et de dire que la proposition qui est devant nous: «Cette disposition n'a pas pour effet d'empêcher quiconque d'exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin», de dire que ça, c'est litigieux, M. le Président, je ne comprends pas. C'est inquiétant. Le ministre doit faire rapport à son Conseil des ministres. J'espère qu'il y a des gens au Conseil des ministres qui voient un peu la démocratie d'un autre oeil que les propos que nous avons entendus ici aujourd'hui, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais répéter l'argumentaire pourquoi on s'est prononcés contre: c'est que les deux chartes, canadienne et québécoise, prévalent sur toute législation. Il ne s'agit pas de vouloir teinter, donc, un article et d'en diminuer la portée. On est contre l'intimidation. C'est aussi simple que ça.

(10 h 10)

Les exemples qu'on vous a donnés ne sont pas assez forts? Pour vous autres, c'est possible. Mais même Laurent Beaudoin, qui fait du chantage sur les jobs ici, investit en Irlande du Nord. Voyons! on n'est pas des caves par ici, on n'est pas fous! On sait bien que c'est un chantage économique qui veut intimider tout simplement sur le vote; n'importe qui comprend ça, sauf vous autres. On va arrêter de se laisser charrier. Le même entrepreneur investit en Irlande du Nord, où il y a une guerre de religions, imaginez-vous! Il n'y a pas pire guerre qu'une guerre de religions, puis on va essayer d'endormir les Québécois sur leur devenir ou leur besoin de souveraineté politique. Ce n'est pas grave pour vous autres, les libéraux. Ce n'est pas grave pour vous autres. Vous vivrez avec votre conscience élastique, on vivra avec notre conscience à nous. Mais on veut donner la chance à un individu qui se sent intimidé dans son choix fondamental de pouvoir porter plainte. Ce n'est pas le Parti libéral qui va juger si c'est bien fondé, sa plainte, ou pas, ce n'est pas le Parti québécois, c'est un juge, si vous croyez au système de justice.

Nous, ce qu'on dit par cet article, on donne la chance à l'individu de faire valoir son point de vue devant le juridique. On vit dans une société de droits, et le droit existe. Vous parlez de droit individuel, c'est ce qu'on veut accorder, un droit individuel à la pleine liberté de conscience vis-à-vis le vote. C'est ça qu'on dit. Ce n'est pas malin et ça ne demande pas... Il n'y a pas une question de démocratie dans ça; c'est justement pour permettre la plus grande démocratie possible, qu'il n'y ait pas un autre Laurent Beaudoin qui «squeeze» les travailleurs un après l'autre puis qui menace, par écrit ou bien verbalement, de la perte d'emploi. Y «a-tu» plus intimidant que de jouer avec le droit au travail d'un individu? Père de famille, deux enfants, lui dire: Écoute, si tu votes dans tel sens, ton emploi est compromis. C'est quoi, ça, dans un processus démocratique? Comment ça se fait que le lendemain matin ton emploi est florissant si tu as voté dans le sens du boss, qu'il n'y a plus de danger pour l'emploi? Voyons! Si ce n'est pas assez fort pour vous autres, bien, vous plaiderez devant la cour que ce n'est pas assez fort, puis le juge décidera que ce n'est pas assez fort. Mais ce n'est pas à nous autres à décider si c'est fort ou si ce n'est pas fort. Nous autres, c'est de décider si on donne un droit fondamental de plainte vis-à-vis l'intimidation. C'est ça qu'on dit par l'article. Puis on n'atténuera pas la portée parce que – on n'a pas à l'écrire – les chartes prévalent, y compris la Charte canadienne à laquelle vous êtes attachés comme à la prunelle de vos yeux, et y compris la Charte québécoise qui est aussi forte, sinon plus, qui protège les individus, protège les droits fondamentaux, et ça prime sur toute législation.

Il ne faudrait tout de même pas... L'esprit de tout cet article-là, si vous le lisez comme il faut, protège l'individu pour sa liberté de travailler pour une formation politique ou pas. Regardez les deux, trois articles, 456, 457, etc.: protège l'individu contre l'intimidation dans l'exercice de son droit de vote, 457. C'est un tout, ça. Vous aimeriez, vous autres, protéger les intimideurs; nous autres, on veut protéger les intimidés.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de Laurier-Dorion, il vous reste trois minutes sur cet article.

M. Sirros: Ce sera très court, M. le Président. Le ministre ne comprend vraiment pas c'est quoi, le sens de la démocratie. Il ne comprend pas qu'on peut ne pas être d'accord avec un message, mais on ne peut pas l'interdire pour autant. Ça, c'est fondamental dans la démocratie. Son discours fait la démonstration que sa compréhension est assez primaire de ce qu'est la démocratie. Merci.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, mais je n'ai quitté aucune démocratie, par exemple...

M. Sirros: Franchement là!

M. Chevrette: ...puis des systèmes dictatoriaux pour se faire des leçons de démocratie au Québec. «C'est-u» clair? S'il y a un pays ici où la liberté de conscience est acquise puis sans contrainte de quelque nature que ce soit, c'est bien au Québec, M. le député de Laurier-Dorion. On va arrêter de se faire traiter comme des empêcheurs d'exercice de la démocratie. On a une loi sur le plan démocratique qui est la plus complète en Amérique du Nord. C'est la loi qui est citée en exemple à la grandeur de la planète, puis on va continuer à l'améliorer. Puis ce n'est pas par un chantage qu'on va se faire arrêter ou se faire taxer d'antidémocratique parce qu'on veut améliorer le système. Avez-vous honte de montrer votre figure à côté de votre nom? Si vous n'avez pas honte, acceptez donc la loi immédiatement.

M. Sirros: M. le Président, il me reste encore quelques secondes. Je répète: Le ministre ne comprend pas qu'on peut ne pas être d'accord avec un message, qu'on ne doit pas être capable de l'interdire pour autant. C'est ça, la démocratie, le choc des idées. Alors, le ministre a beau ne pas aimer ce que Laurent Beaudoin ou d'autres disent, il doit quand même accepter qu'en démocratie les idées se confrontent. Tant pis si, lui, il juge que c'est une attaque contre le Québec. Ce n'est pas une attaque contre le Québec, c'est une attaque contre la compréhension du ministre sur la démocratie, M. le Président.

M. Chevrette: M. le Président, je m'excuse...

M. Sirros: Franchement!

M. Chevrette: ...mais le droit à la liberté de conscience appartient à un individu. Et ni un Laurent Beaudoin, ni quelque employeur que ce soit, ni quelque fanatique que ce soit n'ont le droit d'intimider ou d'influencer la conscience de l'individu dans son choix. Comme il y a eu la dernière fois où des gens ont été pris à part puis à leur dire: Tu as une femme, tu as deux enfants, si tu votes oui, ta job, il n'y en aura plus, on va fermer nos portes ici, on va déménager à l'extérieur. Si, pour le Parti libéral du Québec, c'est ça, la liberté de conscience et le respect du droit démocratique de s'exprimer, ils vivront avec... L'autobus a bien tendance à prendre la voie de garage, et je le comprends.

M. Sirros: M. le Président, «c'est-u» très différent de quelqu'un qui dit: Si tu ne votes pas pour, c'est parce que tu n'aimes pas ton pays, tu n'as pas de couilles. C'est quoi, ça? C'est ça, tu sais. On met de l'avant des arguments puis les gens décident. C'est ça, la démocratie, M. le ministre. Et je répète, je n'attaque pas le Québec auquel j'appartiens, comme le ministre et comme tous les autres, mais j'attaque la compréhension du ministre de c'est quoi le sens de la démocratie réellement. Et s'il n'est pas capable de voter pour un amendement qui réitère cette liberté d'expression, bien, franchement, où est-ce qu'on est, M. le Président?

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Chevrette: Le député dit: Se faire traiter de manquer de colonne vertébrale. Ça peut être insultant, surtout quand c'est vrai, mais ce n'est pas brimer la liberté de conscience, ça. Je «peux-tu» vous dire ça? Moi, qu'il me dise que je n'ai pas de colonne, je vais montrer que j'en ai plus que lui. Ça, je n'ai pas de trouble avec ça. Mais, si, par exemple, je suis dans un état de vulnérabilité, j'ai une femme, j'ai deux enfants, je gagne à peine 8 $ de l'heure, et je me fais menacer que, le lendemain matin, mon emploi, les portes sont fermées... puis tu sais très bien que c'est artificiel. Tu sais très bien, par exemple, que, dans le temps des libéraux, il y a eu moins 19 % d'investissement privé, puis, avec un parti souverainiste, il y a eu plus 32 %. Puis c'est tout à fait contraire, parce que «money talks», comme on dit en anglais. Puis c'est un chantage économique pour brimer le droit de liberté de conscience. C'est admissible pour eux autres. Vous avez le droit de penser ça, je vous respecte, mais vous ne nous empêcherez pas de penser que c'est du terrorisme intellectuel. C'est du chantage économique sur le dos, sur la conscience, sur le droit de la liberté de conscience. Gardez-la, votre opinion. Ça ne me dérange pas, moi. Mais vous ne nous ferez pas accroire de ce côté-ci de la Chambre que le chantage individuel, et même collectif, dans certaines petites entreprises, ne frise pas carrément du terrorisme intellectuel. C'est clair, ça. Puis on en a parlé à des travailleurs, puis on a fait peur à des personnes âgées assez dans le passé. Vous avez pris, vous prenez... les trois quarts du temps, ces adeptes-là... j'ai dit «vous», je m'excuse, parce que je suis sûr que vous ne partagez pas le point de vue de ces gens-là. Mais les spécialistes du terrorisme, qu'est-ce qu'ils font? Ils prennent les clientèles faibles, les clientèles vulnérables, puis ils essaient de les faire chanter. Bien, pour eux autres, c'est admissible.

La liberté d'expression, avez-vous entendu ça? La liberté d'expression. La liberté d'expression, tout ce qui peut améliorer le système, tout ce qui peut assurer le plein droit à l'expression d'opinion claire, tout ce qui peut assurer le plein exercice du droit démocratique, avez-vous remarqué qu'ils sont toujours contre ça? Je pourrais vous donner des exemples, là. Depuis le début, ils étaient contre la liste électorale permanente, rappelez-vous. Pourquoi? On entrecoupait les noms, on voulait véritablement mettre de l'ordre dans cela, on voulait avoir une liste parfaite. Qui a fait un filibuster ou des mesures dilatoires pour empêcher l'adoption? Le Parti libéral du Québec, appuyé par le Parti Equality. Qui est contre l'identification de l'électeur? 90 % de la population est d'accord avec ça. Même Québec, dans une consultation populaire, vient de faire l'exercice. Qui est contre ça? Equality, Parti libéral du Québec. Qui est contre les mesures d'intimidation réelle, en laissant aux tribunaux le soin de juger si c'est de la réelle ou de l'artificielle? Le Parti libéral du Québec, le Parti Equality. Vous allez aller loin avec ça, vous autres. Vous pouvez bien avoir le goût de serrer votre autobus.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Nous sommes aussi, M. le Président, contre l'intimidation. Mais ce débat, c'est un débat sur la liberté d'expression dans une société ouverte, démocratique et libre. Le ministre parle de chantage. Je lui demande de parler sur les questions de fond, les questions de liberté d'expression et d'arrêter ses attaques personnelles sur des personnes qui ont grandement contribué à la société québécoise.

(10 h 20)

Si je lis cet amendement, qui dit que «cette disposition n'a pas pour effet d'empêcher quiconque d'exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin», «this position does not have for effect to prevent anyone from expressing an opinion concerning the challenge of an election», in my opinion, Mr. President, rejection of this subamendment is rejection of freedom of expression, freedom of speech in a free, open and democratic society. Rejection of this subamendment is rejection in itself of a free, open and democratic society. Rejection of this subamendment is to encourage fear in a society, fear to speak freely. Rejection of this subamendment is to encourage a controlled society. Nous devons examiner ce sous-amendement. Ce sous-amendement encourage la liberté d'expression, encourage une société qui est libre, qui est ouverte et qui est démocratique. Ce sous-amendement nous encourage à avoir le droit pour avoir la liberté d'expression. Si on rejette ce sous-amendement, on encourage une société qui est enfermée, qui n'est pas libre. Et je demande au gouvernement d'accepter ce sous-amendement et cet article. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le ministre... Non. C'est beau. Alors, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Ce sera très court, M. le Président. Je reconnais l'orientation que prend l'argumentaire du parti de l'opposition d'ancrer les principes les plus fondamentaux de la démocratie comme étant des principes qui permettent l'expression totale et absolue des idées. Et le député de Laurier-Dorion l'a bien souligné tantôt en disant au ministre: Vous n'avez rien compris à la démocratie; la démocratie consiste justement à pouvoir permettre l'expression des idées d'autrui même si on n'est pas d'accord avec l'expression de ces idées-là. C'est à peu près l'essentiel du discours tenu par le député de Laurier-Dorion. Je m'inscris, évidemment, complètement en faux là-dessus, puis je vais vous dire pourquoi.

Les tribunaux canadiens, les deux chartes canadiennes, ont clairement déterminé les limites à l'expression des idées dans toute une série de jugements qui, depuis la mise en place des chartes, il y a maintenant 20 et 30 ans, 25 ans, ont effectivement fixé les paramètres. On peut se rappeler, par exemple, du révisionnisme prôné par un certain nombre de porteurs de ballons dans le reste du Canada vis-à-vis la question allemande, la Deuxième Guerre mondiale. On a vu la Cour suprême clairement juger que l'expression de ces idées-là allait à l'encontre des principes les plus fondamentaux de la démocratie. Alors, quand on dit que nos chartes... Écoutez-moi, M. le député de Laurier-Dorion. Quand on dit que nos chartes et la démocratie doivent absolument permettre l'expression de toutes les idées, c'est faux. Ce que fait, et vous pourrez réprimer... Les tribunaux ont déterminé des limites très claires à ça. O.K. On se comprend. Ce que fait et ce que veut faire la nouvelle Loi électorale, c'est de dire que, dans le contexte spécifique des élections, il puisse...

Une voix: ...

M. Kieffer: Non. Vous n'avez pas le droit de parole. C'est à mon tour. Merci. Je vous ai écouté tantôt.

Dans le contexte d'une campagne électorale, il apparaît nécessaire, et les tribunaux seront chargés d'évaluer la pertinence de la loi et la pertinence des plaintes qui seront déposées, mais la Loi électorale doit prévoir des contingences qui font en sorte que l'expression de certaines idées à ce moment précis va à l'encontre des principes plus fondamentaux qui sont l'exercice du droit de vote par les citoyens. C'est ça qu'elle dit, la loi. Alors, ça découle du principe fondamental que la démocratie se fixe des limites par elle-même, en fonction de la volonté de ses citoyens; ces limites-là évoluent avec le temps parce que les communautés et les sociétés évoluent avec le temps. Donc, lorsque vous dites que la démocratie permet l'expression de toutes les idées, c'est faux. C'est faux. Les sociétés évaluent leurs capacités à s'exprimer par elles-mêmes, et la démocratie s'inscrit dans ces capacités-là. Dans l'Allemagne nazie, par exemple, la démocratie impliquait effectivement qu'on puisse dire que le peuple juif était un peuple qu'il fallait disparaître. On n'est pas d'accord, vous et moi, avec ça, hein, puis on ne sera jamais d'accord avec ça. O.K. Puis quelqu'un qui viendrait me signifier ça, je le traînerais devant les tribunaux. O.K.

Une voix: ...

M. Kieffer: Non, non, ce n'est pas ce que je dis, moi. M. le député, ce n'est absolument pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est que chaque société fixe des limites à l'expression de la liberté de parole, à l'expression des idées. Alors, quand vous dites qu'il n'y a pas de limites à l'expression des idées, vous avez tort. Il y en a, des limites.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il vous reste 1 min 30 s.

M. Sirros: Il me reste 1 min 30 s. M. le Président, je n'arrive pas à comprendre les arguments de l'autre côté. Si on veut mettre dans le même bain l'incitation à la haine puis la violence, parce que c'est ça, la limite que nous avons choisie d'imposer... Il y a une limite à la liberté d'expression quand cette expression-là incite à la violence puis à la haine, comme l'extermination du peuple juif, etc. Mais le député est en train d'argumenter que c'est donc normal qu'on puisse étendre ces limites à inclure aussi des opinions sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord. Selon les arguments qu'a donnés le ministre, ça voudrait dire que Laurent Beaudoin ou quelqu'un d'autre qui dirait que ça serait mauvais pour nous, pour l'économie, pour mon industrie, d'être séparés du reste du Canada, ça serait assimilable à l'incitation à la violence puis à la haine, parce que ça devrait être traitable devant les tribunaux, ça aussi. Nous, on ne veut pas vivre dans un régime où, quand tu parles, en démocratie, tu risques de te faire traiter devant les tribunaux. «C'est-u» clair? Ce n'est pas ça, notre conception de la démocratie. Alors, nous, nos limites à la liberté d'expression: Oui, des limites à l'incitation à la violence; oui, une limite à l'incitation à la haine. Mais non, aucune limite sur l'expression d'opinion sur un enjeu électoral.

M. Kieffer: Et la violence économique, ce n'est pas une forme de violence, pour vous, M. le député.

M. Sirros: Ah! voilà.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le ministre.

M. Chevrette: Je voudrais dire un mot ici. M. le Président, la liberté d'expression, elle doit être la moins limitée possible, effectivement. Je suis d'accord avec ça. Mais les moyens utilisés peuvent constituer carrément, carrément une violation d'autres droits. Et la liberté d'expression ne donne pas le droit à un individu d'utiliser un poste, de par son autorité ou de par son influence, ne lui donne aucun droit d'exercer du terrorisme intellectuel. Ça, c'est clair et net. Et si ce n'est pas ça que le Parti libéral a entre les deux oreilles, je m'excuse, ils sont dans le clan des anarchistes et non pas dans le clan des démocrates.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, je suis estomaquée par ce que j'entends, d'accuser le Parti libéral d'être anarchiste...

M. Chevrette: Non, non, je constate.

Mme Houda-Pepin: ...M. le Président, au lieu d'être...

M. Chevrette: Je n'accuse pas, je constate.

Mme Houda-Pepin: Le Parti libéral est le parti qui a marqué l'histoire du Québec. Et l'histoire du Québec, jusqu'à nouvel ordre, c'est une histoire qui s'est bâtie sur les principes fondamentaux de la démocratie. Je dis bien «jusqu'à nouvel ordre», parce qu'il faut bien qu'on protège justement cette démocratie.

Ce qui est en cause ici, et j'aimerais le rappeler, l'article 85 dit ceci: «Est passible d'une amende de 1 000 $ à 10 000 $ quiconque – on dit «quiconque» – par intimidation, contrainte ou quelque prétexte ou ruse, tente d'influencer – tente d'influencer – le vote d'un électeur.» Alors, si, par exemple, un éditorialiste ou un journaliste décidait, face à un enjeu électoral ou référendaire, de prendre position dans les pages de son journal et de dire: Moi, je considère que telle option est plus viable que telle autre, doit-on considérer ça comme l'exercice d'une influence devant inciter les gens à voter dans telle ou telle direction? Doit-on considérer cela comme étant de l'intimidation? M. le Président, ce qu'on est en train de dire, c'est que, fondamentalement, cet article est vicieux, cet article comporte un danger réel pour la démocratie. Et on propose quelque chose d'extrêmement acceptable...

M. Chevrette: M. le Président...

Mme Houda-Pepin: ...qui dit ceci...

(10 h 30)

M. Chevrette: Juste 30 secondes, madame! Je m'excuse de vous madame. Je voudrais vous dire que vous venez de qualifier votre propre amendement. Parce que c'est vous qui l'avez fait.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, est-ce que je peux continuer de parler? Le ministre ne suit même pas ce qu'on dit.

M. Chevrette: Ha, ha, ha! Elle traite son amendement de vicieux.

Mme Houda-Pepin: L'amendement qui est proposé, par rapport à cet article-là, M. le Président...

M. Chevrette: Brillante!

Mme Houda-Pepin: ...c'est de dire ceci: «Cette disposition...

M. Chevrette: C'est eux autres qui ont fait l'amendement.

Mme Houda-Pepin: ...n'a pas pour effet d'empêcher quiconque d'exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin.» Ça veut dire qu'on laisse la porte ouverte à la liberté d'opinion, à la liberté d'expression. Que ce soit Gérald Larose qui s'adresse à ses membres, que ce soit Laurent Beaudoin qui s'adresse à ses employés, même si on n'est pas d'accord avec le message qu'ils transmettent, on doit leur laisser la liberté de l'exprimer, c'est ça que ça veut dire. C'est ça que ça veut dire. Et on ne doit pas considérer cela comme étant de l'intimidation quand il s'agit des enjeux majeurs d'une élection ou d'un référendum, M. le Président. Tous les citoyens du Québec doivent avoir la liberté d'exprimer leur opinion quant à ces enjeux-là.

Pour ce qui est du ministre, qui a dit que la Charte des droits est au-dessus de tout ça, et c'est un argument qu'il utilise pour rejeter cet amendement, M. le Président, la Loi de la presse comporte un amendement identique et elle a été modifiée en 1982, après l'adoption de la Charte. Cette loi, à l'article 10, dit ceci: «La présente disposition n'affecte cependant ni ne diminue les droits de la presse en vertu du droit commun.» Donc, on peut, dans une loi, M. le Président, avoir une disposition qui précise et qui cerne davantage les enjeux pour permettre à la liberté d'expression de se poursuivre librement dans un pays démocratique comme le Canada, dans une société démocratique comme le Québec.

Et, lorsque le ministre nous apporte des feuilles de chou comme ça pour dire que c'est là-dessus qu'il se base pour limiter la liberté d'expression, une lettre qui a été envoyée par M. Jean-Noël Lavoie, qui est président du comité du Non, le 16 octobre 1995, ça, c'est un document public, avec quelqu'un qui est clairement identifié comme faisant partie du comité du Non. Est-ce qu'on doit bâillonner les gens, à ce point-ci, M. le Président? C'est inacceptable. On ne peut pas souscrire à cet article-là tel que libellé, à moins que le ministre accepte l'amendement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée, juste un instant, une précision. Cet article-là, tel que vous l'avez lu, il est déjà amendé.

Mme Houda-Pepin: Je sais, mais je parle de l'amendement qui suit, l'autre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais l'amendement, je pense qu'il était quand même important de le mentionner, on a ajouté «dans un sens, comme dans l'autre».

Mme Houda-Pepin: Tout à fait.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Et on parle de...

Mme Houda-Pepin: Je parle de l'amendement, M. le Président, qui dit...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...«force, incite ou engage quelque personne».

Mme Houda-Pepin: Je parle, M. le Président, de l'amendement qui est devant nous, qui dit: «Cette distinction n'a pas pour effet d'empêcher quiconque d'exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin.» Nous sommes en train de discuter de cet amendement-là. Je plaide en faveur de cet amendement et je le mets en relation avec l'article initial pour le contexter, pour qu'on puisse avoir une compréhension que, si on adopte le texte tel qu'il est, sans cet amendement, ça veut dire qu'un éditorialiste d'un journal peut être accusé d'intimidation, d'exercice d'influence, et ça, il ne faut pas l'accepter, M. le Président.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant, M. le ministre. En termes de démarche, je pense qu'il faut quand même indiquer que l'amendement que vous apportez n'est pas à l'article initial, mais à l'article tel qu'amendé.

Mme Houda-Pepin: Oui, tout à fait.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Et, en ce sens-là, je pense que la question du contexte que vous soulevez n'est plus appropriée.

M. Sirros: M. le Président.

Mme Houda-Pepin: Non, non...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le... C'est parce que...

M. Sirros: Cette intervention, c'est en fonction de quel article du règlement pour que le président décide de corriger un député sur son intervention? Non, vraiment, là, parce que je ne comprends pas l'intervention.

Mme Houda-Pepin: O.K. Excusez-moi. M. le Président, puis-je vous demander de lire l'article 85 avec tous les amendements et où on est rendu dans le moment?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui. Je pense que, pour les fins...

Mme Houda-Pepin: Ce n'est pas pour moi, M. le Président, pour le bénéfice de tous.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Bien, voilà.

Mme Houda-Pepin: Puisque vous intervenez là-dessus. Allez-y.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est pour ça, Mme la députée de La Pinière...

Mme Houda-Pepin: Je vous écoute.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): ...et je voulais que le député de Laurier-Dorion l'entende aussi. Le but de mon intervention était de situer votre amendement en rapport avec l'article qui a déjà été amendé et non pas... Parce que l'ajout qui a été proposé par votre parti ne s'inscrit pas par rapport au libellé original, mais à un article qui a déjà été amendé. Voilà, l'objet de la rencontre...

Mme Houda-Pepin: On a ajouté «dans un sens ou dans l'autre».

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, c'est une des fonctions aussi, M. le député de Laurier-Dorion, de situer le débat où il est rendu. Voilà.

M. Chevrette: M. le Président, moi, je voudrais...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mais je peux, si vous le souhaitez, le relire tel qu'amendé.

Mme Houda-Pepin: Ça ne change rien, M. le Président, ça ne change absolument rien parce que l'enjeu est toujours là. Ce qui est devant nous, c'est un amendement qui est refusé. Et cet amendement, c'est celui qui dit: «Cette disposition n'a pas pour effet d'empêcher quiconque d'exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin.»

Nous sommes en train de disposer de cet amendement. Nous sommes en faveur de cet amendement. Le parti gouvernemental refuse cet amendement. Et mon intervention était en rapport avec cette disposition-là, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Très bien.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Chevrette: Pour le bénéfice de ceux qui suivent nos travaux, je vous ferai remarquer que l'article 85 a été amendé par le Parti libéral. Un coup qu'ils ont eu amendé 85, M. le Président...

M. Sirros: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Pour corriger les paroles du ministre, nous n'avons pas amendé, nous n'avons pas voté en faveur de l'amendement qu'effectivement nous avons proposé, mais on a dit au ministre que le tout dépendra... Nous nous sommes abstenus en lui disant très bien que le tout dépendra de son attitude sur l'ultime amendement qui fera en sorte qu'on pourrait effectivement voter pour l'ensemble de l'article, s'il accepte d'insérer dans cet article cette garantie sur la liberté d'expression. Alors, ne faussons pas les choses.

M. Chevrette: M. le Président, «j'ai-tu» le droit de parole?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le ministre.

M. Chevrette: Ce qui est arrivé, M. le Président, ce n'est pas ça. La presse est ici, puis on va leur dire ce qui est arrivé. Ce qui est arrivé, c'est que le député de Laurier-Dorion a fait un amendement. Le député de Mont-Royal est tombé en désaccord avec son collègue. Là, ils ont demandé une suspension des règles du jeu. Ils étaient mêlés entre eux. Là, ils ont dit: Il faudrait amender notre proposition d'amendement, puis ils sont arrivés avec la loi fédérale. À leur grande surprise, on l'a prise, on l'a acceptée, puis on a ajouté «dans un sens comme dans l'autre».

Mme la députée de La Pinière vient de traiter son propre amendement de vicieux. Là, ce n'est pas de ma faute. S'ils ne comprennent même pas ce qu'ils proposent, ils ont un grave problème. Ce n'est même plus un problème d'harmonie, c'est un problème de compréhension totale. Traiter son propre amendement de vicieux, franchement! Où est-ce que vous vous en allez? En élection?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je crois qu'il y a une différence fondamentale ici sur le sens de la démocratie, une différence fondamentale entre le parti ministériel et l'opposition. Et c'est beaucoup plus inquiétant, les propos du ministre sur le sous-amendement que nous avons devant nous, que les propos sur la carte d'identification. La différence fondamentale, c'est que nous proposons de dire que la disposition...

Oublions les technicalités, comment nous sommes devant l'amendement ou le sous-amendement, nous avons devant nous un sous-amendement qui dit: «Cette disposition n'a pas pour effet d'empêcher quiconque d'exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin.» Il me semble que ça, c'est un droit fondamental de notre démocratie. Quand on cite les tribunaux, on dit: Bon, vous pouvez aller devant les tribunaux. Oui, mais, quand on crée des harcèlements, peut-être que des fois ça peut être... On donne l'occasion, on ouvre la porte à des harcèlements, on ouvre la porte à des menaces à l'inverse, c'est ça qui est dangereux.

(10 h 40)

Et j'entendais un des députés ministériels qui disait: Écoutez, les tribunaux ont déjà délimité le droit d'expression. C'est vrai qu'ils l'ont délimité. Et, si les tribunaux l'ont délimité, quel est le besoin de l'intervention artificielle de l'État? Parce qu'elle est artificielle, cette intervention de l'État. Les contraintes que l'État veut mettre, c'est que l'État prône une option plutôt qu'une autre. Alors, c'est clair, le but de cette attitude du gouvernement, de l'amendement du gouvernement et de son refus – son refus! – d'accepter le sous-amendement. Parce que c'est clair que le gouvernement donne l'impression qu'il veut museler. Il veut museler les personnes en dehors des droits que les tribunaux ont déjà exprimés, ont déjà donnés. C'est clair qu'on doit tous respecter les droits et les contraintes que les tribunaux ont déjà mis de l'avant. Mais, ici, on veut aller beaucoup plus loin, on veut ajouter d'autres contraintes. Et c'est à cela qu'on s'objecte, M. le Président.

À la veille d'une élection, on ne veut pas ajouter des contraintes pour exprimer un point de vue qui n'est pas une intimidation et qui ne sera pas des menaces, mais qui va être un point de vue. Et ça, il faut que ça soit clair. À la veille d'une élection, il faut que ça soit clair que nous voulons maintenir à l'intérieur des contraintes qui existent déjà, déjà définies par les tribunaux, le droit de s'exprimer. Et c'est inquiétant que le gouvernement ne veuille pas accepter ça et nous donne toutes sortes d'arguments. Des fois, c'est encore plus inquiétant de faire de la culpabilité par association. Il associe le Parti libéral à d'autres individus, à d'autres partis. Oublions ce qu'ils disent, eux autres, regardons ce qu'on dit ici aujourd'hui.

Quand on parle de sondage, savez-vous, M. le Président, moi, je ne crois pas qu'on peut déterminer des droits fondamentaux par sondage. Je regrette, les droits fondamentaux... Ce n'est pas: 80 % de la population peut enlever des droits fondamentaux à l'autre 20 %. Les sondages, je n'y crois pas là-dessus. Et je crois encore moins à la question qui a été posée pour arriver à certains sondages. Regardons le mérite, le fond du problème. Et le fond du problème que nous regardons maintenant, aujourd'hui, c'est le sous-amendement qui dit que quelqu'un peut exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin.

Puis on nous dit ça à la veille d'une élection. Puis n'utilisez pas l'excuse qu'il faut adapter la loi au jugement Libman. Ça, c'est une excuse. Le jugement Libman n'a rien à faire avec ça. Nous parlons ici d'une contrainte majeure contre la liberté d'expression. Les contraintes existent déjà. Les contraintes des tribunaux, ça existe, le monde le sait ça. On ne fera pas de haine, on ne fera pas de menace, de violence. Et on accepte même qu'il n'y aura pas d'intimidation d'un côté ou de l'autre. Mais il faut maintenir le droit de s'exprimer et de donner une opinion concernant les enjeux.

M. le Président, on donne l'exemple, nous sommes l'exemple dans le monde entier. Oui, c'est vrai, nous le sommes, l'exemple, parce que nous l'avons, la loi maintenant qui garantit ce droit d'expression à l'intérieur des contraintes qui ont déjà été imposées par les tribunaux. Et c'est un exemple qu'on peut donner au monde entier. Et on l'a fait et ça a été reconnu. Et ce que nous vous disons: Ne changez pas ça, maintenez l'exemple que nous avons donné, n'ajoutez pas des contraintes, du harcèlement, le pouvoir de museler, le pouvoir de causer du harcèlement, de traîner les gens devant les tribunaux parce qu'ils veulent exprimer une opinion concernant les enjeux. Ils ne veulent pas exprimer des menaces. Ils ne veulent pas faire des menaces, ils ne veulent pas faire de l'intimidation, ils veulent exprimer une opinion. Alors, si vous n'êtes pas d'accord avec cette opinion, donnez-en une autre.

C'est ici qu'on est vraiment diamétralement opposé au sens de la démocratie. Nous savons que la démocratie a des contraintes. Dans tout pays vraiment démocratique, il y a des contraintes. Une personne dans une salle pleine de personnes, comme un juge de la Cour suprême des États-Unis a dit, la liberté d'expression ne lui donne pas le droit de crier: Feu! et de causer l'anarchie dans un théâtre où il y a des foules. La liberté d'expression n'est pas ça. Mais les contraintes existent déjà. On n'a pas besoin d'en ajouter d'autres pour des raisons électorales, pour des raisons partisanes. Les contraintes qui existent, on les respecte, et le monde le sait.

On vous dit: Maintenons cette loi, cet aspect de la loi. Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'autres conditions de la loi qui ne peuvent pas être améliorées, mais l'aspect de la loi qui nous donne cette réputation internationale, respectons-le. Parce que, n'oubliez pas, ne pensez pas que les yeux de l'international ne seront pas sur nous, sur cette loi-ci. Ils vont la scruter, ils vont le voir, spécialement, qu'elle est faite à la veille d'une élection où on n'a même pas le temps de dire...

On veut changer les coutumes électorales, on veut changer les coutumes de tout un processus électoral qui a bien fonctionné, et on veut ajouter maintenant ici des contraintes à l'expression, des contraintes qui vont plus loin que les contraintes qui existent. Je suis le premier à avouer que, oui, il y a des contraintes, la liberté d'expression, on ne peut pas dire n'importe quoi, il y a des limites. Mais il y a des limites très, très définies, très bien encadrées; autrement, on ne serait pas une démocratie. C'est ça qu'on veut dire par des «démocraties contrôlées».

Dans d'autres pays, qu'on ne nommera pas, il y a eu des contraintes au droit de s'exprimer qui allaient au-delà des contraintes qui ont été exprimées par la Cour suprême du Canada ou la Cour suprême des États-Unis. Et ce qu'on dit, c'est: si vous nous dites que vous n'êtes pas capables d'accepter, comme sous-amendement, que «cette disposition n'a pas pour effet d'empêcher quiconque d'exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin», là, M. le Président, je vous dis qu'on s'en va à l'encontre des principes fondamentaux de la démocratie et on le fait à la veille d'une élection, et c'est inacceptable.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le ministre, ça va? Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement?

M. Sirros: Est-ce que j'ai encore droit de parole, M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Votre temps est écoulé, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Mon temps est écoulé. Mais je suis sûr que je n'aurai pas le consentement pour éclairer l'autre côté, M. le Président.

M. Chevrette: Non, non. Vous avez bien deviné, M. le député.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Sirros: Je me suis essayé.

M. Chevrette: Il s'est essayé. Ce n'est pas dilatoire pantoute, ça n'a pas l'air de ça. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant. M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez...

M. Bergman: J'aimerais retourner, M. le Président... On a reçu la feuille d'une compagnie, Jack Spratt, qui a fait beaucoup l'enjeu à cette commission. Et j'aimerais être très, très clair, les deux messieurs qui ont signé ces lettres sont des commettants de moi-même, du comté de D'Arcy-McGee. Et j'aimerais être très, très clair, M. le Président, ces deux messieurs sont des hommes d'affaires et des citoyens bien respectés non seulement dans le comté de D'Arcy-McGee, mais partout au Québec, des commettants qui ont contribué beaucoup à la vie sociale et économique de notre province.

Pour que je lise ces lettres, je dois vous dire que, moi, je suis d'accord avec les propos qui étaient exprimés dans ces lettres, des propos qui étaient exprimés en vertu de notre Charte des droits et libertés de la personne, à l'article 3, qui se lit: «Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association.» Ces expressions sont faites carrément sous la proposition de cet article, «liberté d'expression». Et, moi, je vous dis que les propos de ces lettres, personnellement, je les ai répétés tant de fois pendant ma campagne électorale, pendant la campagne référendaire, et je vous dis ici que j'entends répéter ces paroles pendant la campagne électorale qui vient et sous mes droits à la liberté d'expression. Aucune des restrictions qui sont imposées aux citoyens de la province de Québec ne sont des restrictions contre la liberté de parole et les libertés fondamentales que nous avons dans notre société.

Alors, moi, comme député à cette Assemblée, je plaide avec cette Assemblée pour accepter le sous-amendement, que je vous lis encore: «Cette disposition n'a pas pour effet d'empêcher quiconque d'exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin.» Quiconque a le droit de s'exprimer dans une société libre et ouverte, et une «rejection» de cet amendement, c'est une «rejection» d'une société ouverte, d'une société libre. Une «rejection» de cet amendement, c'est un appui à une société enfermée. M. le Président, je plaide pour l'acceptation de cet amendement. Merci.

M. Chevrette: M. le Président.

(10 h 50)

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Chevrette: Je pense que le député ne comprend pas l'esprit de l'article. L'esprit de l'article, ce n'est pas qu'un politicien utilise son droit de libre expression, c'est d'empêcher une personne en autorité avec une influence indue sur celui dont le droit au travail dépend. C'est très différent.

Moi, j'ai le droit de dire que ce beau et grand Canada, avec un traité de libre-échange, ça va être complètement faux, ce que M. Spratt dit. Mais, si je prends mon employé, je l'emmène à part et je lui dis: Si tu ne votes pas dans tel sens, tu es dehors demain matin, je «peux-tu» vous dire qu'il y a une différence, parce que l'employeur a le droit de vie ou de mort sur un citoyen quant à son droit au travail. On ne comprend pas ça, de l'autre côté. C'est votre droit. Mais c'est de même qu'il faut l'expliquer. Ce n'est pas un député qui utilise son droit d'expression durant une campagne électorale pour dire: Voici notre thèse.

Moi, à votre allégation, je vais répondre que vous ne comprenez pas ce que c'est qu'un traité de libre-échange. Puis, quand bien même vous vendriez 95 % au reste du Canada ou 99 %... Il y a des compagnies québécoises qui vendent 99 % aux États-Unis, puis ça change quoi? Le statut politique, c'est «money talks», si tu as un bon produit puis s'il est bon marché. Puis, ça, on va s'obstiner puis on va faire une thèse puis on va se parler. Mais c'est différent de l'esprit de l'article qu'on veut mettre. C'est de protéger l'individu dans sa liberté de conscience. C'est très différent, on est à deux mondes.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: M. le Président, est-ce que le ministre accepterait une question?

M. Chevrette: Bien sûr!

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Bergman: Est-ce que, dans votre opinion, un candidat à une élection ou un chef d'un parti politique, avec cet article et sans le sous-amendement, sera empêché d'aller faire un discours dans une place d'affaires, une manufacture, comme on voit toujours les candidats, les chefs y aller et faire des discours?

M. Chevrette: Non. Vous pourrez y aller, vous pourrez...

M. Bergman: Alors, si, voilà, il peut s'exprimer comme il veut...

M. Chevrette: Vous pourrez y aller, mais les gens ne sont pas obligés de vous croire.

M. Bergman: ...alors vous acceptez qu'il y a liberté d'expression.

M. Chevrette: Non, non, non. Comprenons-nous, là!

M. Bergman: C'est vous qui ne comprenez pas les enjeux de cet article.

M. Chevrette: Non, non, mais comprenons-nous! Que M. Bergman, député de D'Arcy-McGee, aille faire un discours dans une usine ou sur une tribune, je peux le suivre puis dire le contraire. Ça, pas de problème, les travailleurs sont libres de vous croire ou pas. Mais, si je suis employeur puis je prends mes travailleurs un après l'autre puis je leur dis: Si tu ne votes pas dans tel sens, ton emploi est out, trouvez-vous qu'il y a une différence entre les propos de M. Bergman, député candidat libéral qui est pour les droits individuels, par rapport...

Une voix: ...

M. Chevrette: Pardon! Je ne vous ai jamais arrêté, depuis le matin, monsieur. Correct?

Une voix: ...

M. Chevrette: Non, pas ce matin. Je réponds à M. le député de D'Arcy-McGee. C'est deux mondes, on ne parle pas de la même chose. Parce que, vous, les gens pourront dire: C'est une thèse proposée par une formation politique, mais l'autre thèse est défendue, le contraire est défendu. Mais jouer, à cause de ton statut d'influence et d'autorité, sur la liberté de conscience par la menace ou l'intimidation, c'est ça qu'on veut contrer dans la loi. Les exemples ne sont pas bons? Changez les exemples. Ce n'est pas vous, comme députés, qui allez juger du bien-fondé d'une plainte d'intimidation, ce n'est pas moi, ce n'est pas des formations politiques, c'est notre système judiciaire. C'est un droit que l'on donne, en vertu de la présente loi, à un individu d'être protégé contre les abus par l'intimidation.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ne pouvais pas laisser sans commentaire les propos du ministre, la référence au libre-échange. Il dit que, les propos de Jack Spratt, il y a le libre-échange, alors il n'y a rien à s'inquiéter. Mais le libre-échange, c'est un «two-way street»: on a le droit de vendre, mais il n'y a pas l'obligation d'acheter de l'autre côté. Et il y a beaucoup de compagnies... Et tout ce que Jack Spratt dit, c'est: Écoutez, là, si on ne fait pas partie du Canada – eux autres, ils achètent au Canada – on risque de perdre des ventes. C'est clair de même. Puis il a raison. Puis il y a 35 compagnies, allez les voir, qui sont installées, du Québec, de Montréal, à Plattsburg. Elles ont investi 750 000 000 $ à Plattsburg parce qu'il y a le libre-échange, parce que, de Plattsburg, elles peuvent vendre au Québec. Comprenez-vous? Mais ça, ça fait partie...

Vous pouvez être en désaccord avec moi. Si j'étais au gouvernement, je ne mettrais pas une loi vous empêchant de parler contre ça, je ne vous mettrais pas une loi disant aux syndicats qu'ils n'ont pas le droit de contester ça puis qu'ils n'ont pas le droit de dire ce que le ministre vient de dire puis tout ce qu'il a dit ce matin. Oui, il a le droit de le faire, même si je suis en complet désaccord avec. Puis, même, s'il mettait cet aspect-là de ses propos dans la loi, ça ne serait plus une démocratie qu'on aurait, ici, ce serait les démocraties du «people's democracy» – comprenez-vous? – qui existaient dans l'Europe de l'Est, où le droit de parole était contrôlé à différentes étapes. On recommence, ici, à certaines étapes. Alors, qu'on ne cite pas le libre échange pour... Mais on est prêt à la faire, cette discussion-là.

Et en termes d'interprétation par les tribunaux, les tribunaux s'il y a un doute, ils peuvent regarder au Journal des débats pour voir l'intention du législateur, pour interpréter une clause. Puis, s'ils voient cette intention-là telle qu'elle a été exprimée ici, je vous dis que ça ne donne pas beaucoup de chance à celui qui va être amené devant les tribunaux.

Mais, à part de ça, c'est qu'on ne peut pas museler le monde, on ne peut pas le faire parce qu'on n'est pas d'accord. Là, on a décrit un autre terme, le «terrorisme économique». Quand on donne les faits, c'est du terrorisme économique. Est-ce que c'est du terrorisme économique de dire: Oui, mais, écoutez, il y a 400 000 personnes qui sont parties du Québec puis elles sont allées ailleurs, puis, dans ces 400 000, il y avait des francophones, des anglophones, et il y a eu des problèmes? On peut le dire, ça. Ça fait partie du débat. C'est ça, une saine démocratie.

Puis, si vous n'êtes pas d'accord avec ça, bien, donnez d'autres chiffres, donnez d'autres raisons. Mais ne nous accusez pas, quand on parle, chaque fois qu'on s'ouvre la bouche sur l'économie, puis quand on donne des chiffres... Parce que, je regrette, le pourcentage en termes d'investissements étrangers au Québec a baissé, on n'a pas le même pourcentage que les autres parties du Canada. Mais ça, c'est des débats... Ce n'est pas ici à le faire, ce débat-là. Ici, par exemple, c'est de s'assurer qu'on a tous le droit de le faire, le débat, qu'à la veille d'une élection on a le droit de dire ce qu'on veut dire pour apporter notre point de vue à la population.

Et c'est pour ça qu'on dit: «Ces dispositions...» pour éclairer même le tribunal dans son interprétation de «par intimidation, contrainte ou quelque prétexte – aïe! c'est large, ça, "quelque prétexte" – tente d'influencer le vote d'un électeur» d'un côté ou de l'autre. C'est large, ça. Cet article-là, ça n'a pas de bon sens, dans une démocratie. Alors, on veut dire, correct, on a mis «dans un sens ou l'autre». Mais on veut s'assurer que «cette disposition n'a pas pour effet d'empêcher quiconque d'exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin». Puis, si on ne veut pas accepter cet amendement-là, bien, là, c'est grave puis c'est inquiétant pour la population du Québec puis pour la démocratie telle qu'on la connaît.

M. Chevrette: M. le Président, c'est tellement grave que le député de Mont-Royal va pouvoir continuer à dire tout ce qu'il veut dire, même les pires niaiseries, s'il veut, il a le droit, on ne veut pas brimer ça. On dit que les chartes existent puis que les chartes protègent les droits individuels au-dessus de toutes les lois, puis que, par une diminution, on ne teintera pas cet article-là qui donne un droit à un individu. C'est un droit qu'on donne à un individu. Qu'est-ce que il y a de grave à donner un droit à un individu? C'est qu'on «préjuge-tu» des jugements qu'il pourrait y avoir? Les tribunaux vont être assez sérieux pour trancher sur ce que c'est, un acte d'intimidation ou pas.

Ce qui est bien plus grave, c'est d'essayer de tout faire pour diminuer ce droit de l'individu à la liberté de conscience. Ça, c'est très grave. C'est des manoeuvres dilatoires pour empêcher que le droit qu'on veut donner ici contre l'intimidation soit teinté d'une diminution. Ce n'est pas vrai. Les tribunaux jugeront. Et le député de Mont-Royal est un avocat, à part ça, il le sait très bien que c'est une assise légale qu'on donne. Le député de D'Arcy-McGee est un notaire, il sait très bien ce que ça veut dire, donner une assise juridique, un droit. Pourquoi...

À part de ca, écoutez, ce n'est pas tout. Voulez-vous que je vous dise? C'est eux autres qui ont proposé l'amendement. Ils ont proposé la clause du fédéral. On l'a prise, à leur grande surprise. Ils sont tout démantibulés. Ils ont déposé eux autres mêmes les amendements de la loi fédérale, leur enfant chéri paternel...

M. Sirros: Question de règlement.

M. Chevrette: ...et puis, là, ils sont pris avec leur bébé. Ils ont proposé ça puis ils ne savent plus quoi faire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Un instant, M. le ministre.

M. Sirros: Question de règlement.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Quel article, M. le député?

M. Sirros: L'article qui me permet de corriger une interprétation, suite aux paroles qui auraient été prononcées, M. le Président. Je n'ai pas le numéro.

M. Chevrette: Il n'y en a pas.

M. Sirros: Oui, il y en a de ça. Mais, M. le Président, ce n'est pas vrai ce que le ministre dit. La loi fédérale n'a pas été reprise telle quelle. Elle n'a pas été reprise telle quelle. L'amendement...

Une voix: C'est votre amendement.

M. Chevrette: L'amendement, à ce moment-là, c'est tous vos amendements.

(11 heures)

Une voix: C'est votre amendement.

M. Sirros: Mais ce n'est pas la loi fédérale. On aurait dit au ministre, dès le départ, de prendre la loi fédérale telle quelle, puis ça ne posait pas problème parce que la loi fédérale parlait juste au niveau de l'intimidation quant au secret du vote puis d'inciter quelqu'un à voter pour ou contre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Monsieur le...

M. Sirros: On a dit au ministre qu'on pourrait ajouter «dans un sens ou dans l'autre», en autant que, par la suite...

M. Chevrette: Question de règlement.

M. Sirros: ...on adopte cet article, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Laurier-Dorion...

M. Chevrette: D'abord, le règlement ne lui permet pas d'intervenir. C'est après mon intervention s'il veut corriger.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Voilà.

M. Chevrette: Et je n'ai pas fini.

M. Sirros: O.K. Je vais le faire après.

M. Chevrette: Parce que je veux montrer que c'est encore plus stupide. Parce que tous les amendements sur cet article viennent d'eux autres. Amendement, sous-amendements, on a tout accepté. Là, ils ont trouvé qu'ils avaient donné un droit, ils ont découvert a posteriori qu'ils avaient donné un droit à l'individu contre l'intimidation. Ils veulent le réduire, alors que les chartes existent. Vous ne nous embarquerez pas dans votre petite galère. C'est correct?

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Monsieur, oui, il vous reste 35 secondes.

M. Ciaccia: J'ai deux choses à dire au ministre: Arrête de t'attacher sur les technicalités puis parle donc sur le fond de l'article, premièrement; puis, deuxièmement, oui, c'est vrai... les assises juridiques, comme avocat je le donne, et des assises juridiques que lui fournit, il fournit au juge le droit par ça de museler le monde. C'est ça, une assise juridique qu'il donne, parce qu'il refuse d'accepter...

Des voix: ...

M. Ciaccia: J'ai le droit de parole. Imaginez-vous, ils ne veulent pas que je parle maintenant en commission parlementaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Qu'est-ce qu'ils vont faire durant une élection, eux autres, à des individus? Pas à un député. Un bon exemple. Alors, l'assise juridique, qu'il la donne au tribunal. Il cause le harcèlement parce quelqu'un va dire: Bon, je vais pouvoir utiliser la loi pour harceler – ceux qui sont de mauvaise foi, puis il y en a qui sont de mauvaise foi. Puis la loi ne doit pas donner ces assises-là, la loi ne doit pas avoir d'ambiguïtés, ne doit pas créer des ambiguïtés et avoir des doutes. Et c'est pour ces raisons-là...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Vous avez utilisé tout votre temps de parole sur cet article-là.

M. Ciaccia: Et, ici, de bonne foi, on devrait accepter ce sous-amendement. Oui, M. le Président.

M. Chevrette: M. le Président, c'est plaider quoi, ça, ce qu'il vient de faire? On a adopté leur amendement, on a adopté leurs sous-amendements, puis ils nous prêtent des intentions sur leur amendement et leurs sous-amendements. Franchement! M. le député, ça commence à faire pitié, là. C'est plaider sa propre turpitude, comme on dit en bon français. On plaide notre propre turpitude.

M. Ciaccia: Arrête tes technicalités.

M. Chevrette: Vous avez voté, vous vous êtes abstenu sur votre sous-amendement en plus.

M. Ciaccia: La turpitude est de l'autre bord de la salle.

M. Chevrette: M. le Président, il ne me laisse pas parler, à part de ça. Voulez-vous lui demander de respirer par le nez?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Une personne à la fois, s'il vous plaît. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Chevrette: Oui, puis j'ai droit à cinq minutes puis j'ai l'intention de leur en donner un peu. Quand je propose quelque chose, moi... c'est bien regrettable, quand je propose quelque chose, je suis cohérent avec ce que je propose. Quand c'est rendu qu'il faut que j'amende ce que j'ai proposé parce que ce n'est pas tout à fait ce que je voulais dire, puis quand je suis rendu à sous-sous-amender ce que je voulais dire parce que ce n'est pas tout à fait ce que je voulais dire, bien, je m'excuse, M. le Président, mais ça fait pitié un petit peu. On se prépare avant de venir ici, là. Parce que c'est sérieux, cette histoire-là, ce processus-là. On a adopté vos propres amendements. On a pris presque totalement la loi fédérale, je suis d'accord avec le député de Laurier-Dorion, puis on a ajouté «dans un sens comme dans l'autre», un petit sous-amendement.

M. Sirros: C'est pour ça que le reste va suivre, M. le ministre.

M. Chevrette: Mais, M. le Président, en démocratie, on propose des amendements, des sous-amendements, et puis, je m'excuse, je ne pensais pas que vous aviez ces intentions-là quand vous avez proposé ces sous-amendements. J'étais convaincu que vous vouliez au départ donner un droit fondamental contre l'intimidation et que vous faisiez confiance aux tribunaux pour juger du bien-fondé ou non d'une plainte d'intimidation. Là, c'est rendu que ceux-là mêmes qui proposent un droit contre l'intimidation ne sont pas sûrs que l'intimidation va être interprétée par les juges dans le sens qu'ils voudraient que ça soit interprété. Entre vous et moi, là, c'est du nouveau droit. Je donne un droit, mais je l'atténue, le droit. On n'a pas à atténuer un droit. Les chartes existent, sont de portée générale; elles priment sur l'ensemble de nos législations, la Charte canadienne et la Charte québécoise. Et, automatiquement, je dois vous dire que, nous, on est prêts à voter.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Oui, M. le Président. Vous m'avez signifié qu'il restait une minute?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Non, il vous reste neuf minutes.

Mme Houda-Pepin: Neuf minutes. Très bien. Merci beaucoup, M. le Président.

M. Chevrette: Oui, puis vous avez le droit de vous autoconvaincre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Alors, M. le Président, moi, quand le ministre parle, même s'il parle pour ne rien dire, je l'écoute, par respect.

Ceci étant dit, M. le Président, je voudrais rappeler ici puis corriger ce que le ministre a dit, quand il a dit qu'il a accepté, en fait, la proposition de l'amendement pour s'harmoniser avec le fédéral. Alors, juste pour la compréhension de tous, l'article 253 de la Loi électorale fédérale dit ceci: «Est coupable d'une infraction quiconque, par intimidation, contrainte ou quelque prétexte ou ruse – alors, très important de se rappeler ceci – soit force, incite ou encourage quelque personne à voter ou à s'abstenir de voter à une élection.» L'encourage ou l'empêche de voter; nous parlons ici du processus électoral, de l'exercice du droit de vote, alors que ce que l'article 85 nous propose, c'est un vague «tente d'influencer le vote». C'est tout à fait diamétralement opposé. Aussi, au niveau de l'article 253, le troisième alinéa: «soit tente de faire croire à une personne que le scrutin ou le vote à une élection n'est pas secret»... Donc, vraiment, ce qui est ici en cause, c'est l'exercice du droit de vote, c'est le secret du vote, alors que ce qui est en cause dans l'article 85 qui nous est proposé, tel que libellé, c'est la remise en question, une remise en question fondamentale de la liberté d'expression. Et ça, c'est extrêmement grave, c'est lourd de conséquences, puis on n'est pas prêt, M. le Président, à suivre le ministre dans cette direction.

Les arguments qui ont été apportés, les arguments et les sous-amendements qui ont été présentés par mon collègue le député de Laurier-Dorion, il a clairement dit qu'il voulait qu'on puisse avoir une présentation complète, qu'on voulait avoir une... Par processus, on suivait uniquement la technicalité de la présentation des amendements, qu'on procédait par étapes. Mais, si, M. le Président, de bonne foi, en voulant améliorer un projet de loi, on décide de dire qu'on va arrêter le processus de discussion parce que ça ne fait plus l'affaire du gouvernement, ça, c'est autre chose. Mais il ne faut pas imputer à l'opposition des motifs qui ne sont pas vrais.

Alors, M. le Président, l'amendement qui est devant nous – puis je voudrais insister là-dessus, M. le Président – c'est un amendement qui vise à assurer à toute personne dans une société démocratique la liberté d'expression, plus particulièrement lorsqu'il s'agit d'un enjeu électoral ou d'un enjeu référendaire. Et les preuves que le ministre nous a déposées et cette hantise qu'il a, à chaque fois, de revenir sur des patrons qui influencent les travailleurs dans un rapport d'autorité, ça, M. le Président, la liberté d'expression permet à quiconque, justement, de donner son opinion sur un enjeu quelconque en rapport avec l'élection. Que cet enjeu soit économique, culturel, social, que ça touche les aînés, que ça touche les travailleurs, que ça touche les jeunes, les gens ont le droit d'entendre les différents points de vue. Et lorsqu'on est en campagne électorale ou en campagne référendaire, tous les points de vue peuvent se faire entendre en démocratie.

Or, si on va avec l'article tel que libellé, M. le Président, et si on s'en tient au refus du ministre d'accepter l'amendement qui est devant nous, qui est un amendement qui dit que «cette disposition – ici, on fait référence à la disposition 557.1 reliée à l'article 85 – n'a pas pour effet d'empêcher quiconque d'exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin», qu'est-ce qu'il y a à être contre un libellé comme ça, M. le Président? Je ne comprends pas pourquoi le ministre refuse d'ajouter cet amendement de façon à ce qu'on puisse compléter les différentes propositions qui ont été faites par mon collègue le député de Laurier-Dorion.

(11 h 10)

Et on est là, M. le Président, comme législateurs pour parfaire un projet de loi, pour le bonifier, pour voir à ce que les règles fondamentales ne soient pas sacrifiées, ne soient pas remises en cause. Or, ce que le projet de loi nous propose, si le ministre continue de refuser l'amendement qui est devant nous, c'est vraiment une remise en question d'un droit fondamental. Et ça, on n'est pas capable d'aller dans cette direction et de suivre le ministre. C'est clair et net, M. le Président. C'est une divergence fondamentale. Ce n'est pas une question de processus, ce n'est pas une question de technicalité, c'est fondamental.

Moi, M. le Président, je souhaite que le ministre accepte enfin l'amendement qui est devant nous pour qu'on puisse procéder et aller plus loin dans l'étude du projet de loi.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, j'espère que la députée aura contribué à s'autoconvaincre.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Oui, M. le Président. Je me demande pourquoi le ministre essaie de nous prendre sur les technicalités et pas avoir un débat sur le fond. Le fond ici, c'est la liberté d'expression. Pourquoi est-ce que le ministre essaie de semer, avec la rédaction de cet amendement, la peur dans la population de participer dans le débat électoral? Pourquoi est-ce qu'il y aurait deux classes de citoyens: ceux qui peuvent participer dans le débat électoral et ceux qui sont dans les bureaux des ministres, des personnes en autorité? Est-ce que les chefs des syndicats sont, dans l'opinion du ministre, des personnes en autorité? Est-ce que cet article vise les chefs des syndicats? Pourquoi est-ce qu'on essaie de limiter les personnes qui peuvent participer dans ce débat électoral? Moi, encore, je pense que cet amendement qu'on essaie d'apporter à cet article apportera un sens correct à la liberté d'expression, un sens de protection pour l'individuel, un sens pour éviter l'intimidation et un sens pour avoir une société ouverte, démocratique et libre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci. M. le ministre, des commentaires? Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Chevrette: Il reste trois minutes.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il reste 2 min 30 s à Mme la députée de La Pinière.

M. Chevrette: Moi, il me reste combien de temps sur mon temps? Moi, M. le Président, je vais prendre mon temps de 20 minutes et non pas mon droit de réplique.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il vous restait...

Une voix: C'est la même banque.

M. Chevrette: C'est la même banque? O.K.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): C'est la même banque.

M. Chevrette: Donc, moi, M. le Président, dans ce cas-là, je vais intervenir en disant ceci...

Une voix: Un filibuster.

M. Chevrette: Non, il n'est pas filibuster, c'est pour mettre le point final à l'amendement. Dans toutes législations, M. le Président, quelles qu'elles soient, dans quelque domaine que ce soit, aucun législateur n'a le droit d'empiéter sur les droits prescrits dans les chartes. C'est automatique, c'est une loi de portée générale où les chartes priment. D'ailleurs, dans les trois quarts maintenant des procès, on invoque les chartes. Ce qu'on a voulu par cet amendement qu'on a accepté, de la part du Parti libéral... on a accepté d'amender, M. le Président, l'article 85 dans le sens qu'ils ont voulu le faire en nuançant, d'un côté comme de l'autre, l'article qu'on retrouve dans la loi canadienne sur la Loi électorale. Et on se retrouve donc avec une législation, un article, qui nous permet donc de pouvoir compter sur un article permettant la pleine liberté de conscience contre toute tentative d'intimidation indue qui sera jugée par nos tribunaux, pas par les partis politiques. Ce n'est pas aux politiciens à juger si telle chose... puis ça peut très bien être, pour nous, une intimidation. Un exemple. Vous allez donner d'autres exemples d'intimidation, mais vous allez arriver en bout de course... ce n'est pas vous autres qui allez trancher, ce n'est pas nous qui allons trancher, ce sont les tribunaux. On vit dans une société de droits et on donne le droit à la pleine liberté de conscience lorsque arrive le temps des élections. C'était déjà le cas dans l'article qui permettait à un individu de pouvoir travailler pour une formation politique. C'était déjà le cas dans un autre article où on n'a pas le droit d'acheter un vote par monnaie. Donc, on ajoute le droit à la liberté de conscience par le chantage, l'intimidation, par quelqu'un qui est en autorité qui peut jouer avec le droit au travail d'un individu, par exemple, menacer. C'est ça que dit l'article, pas plus, pas moins, et les chartes s'appliquent continuellement. On ne veut pas diminuer la portée de ce droit-là. Et c'est pour ça que nous allons voter contre, et j'en appelle au vote nominal.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Alors, M. le secrétaire, si vous voulez procéder au vote.

Le Secrétaire: Sur l'amendement de...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Sur l'amendement déposé...

Le Secrétaire: Par M. le député de Laurier-Dorion.

Une voix: ...

Le Secrétaire: On peut procéder au vote, M. le Président?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Chevrette: Il s'est absenté pour un téléphone. Faites-le, puis on le comptera. Quand il rentrera, il le lui demandera, puis on l'ajoutera.

Le Secrétaire: D'accord. Alors, M. Sirros (Laurier-Dorion)?

M. Sirros: Pour.

Le Secrétaire: Mme Houda-Pepin (La Pinière)?

Mme Houda-Pepin: Pour.

Le Secrétaire: M. Bergman (D'Arcy-McGee)?

M. Bergman: Pour.

Le Secrétaire: M. le ministre?

M. Chevrette: Contre.

Le Secrétaire: M. Rivard (Limoilou)?

M. Rivard: Contre.

Le Secrétaire: Mme Papineau (Prévost)?

Mme Papineau: Contre.

Le Secrétaire: M. Jutras (Drummond)?

M. Jutras: Contre.

Le Secrétaire: M. St-André (L'Assomption)?

M. St-André: Contre.

Le Secrétaire: Mme Signori (Blainville)?

Mme Signori: Contre.

Le Secrétaire: M. Lelièvre (Gaspé)?

M. Lelièvre: Contre.

Le Secrétaire: M. Kieffer (Groulx)?

M. Kieffer: Contre.

Le Secrétaire: M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

M. Chevrette: Il est pour.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Vous l'aurez voulu.

M. Ciaccia: Je suis solidaire avec mes collègues.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Secrétaire: 8 contre, 4 pour.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Puis je n'ai pas voté.

Le Secrétaire: Excusez, je ne vous ai pas appelé. M. Landry (Bonaventure)?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Contre.

Le Secrétaire: 9 contre, 4 pour. M. le Président, l'amendement est rejeté.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): L'amendement est rejeté. Alors, nous revenons à l'article 85 tel qu'amendé. Oui, monsieur...

M. Sirros: On revient sur l'article, M. le Président, tel qu'amendé?

M. Chevrette: Tel qu'amendé.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Tel qu'amendé.

M. Sirros: Alors, M. le Président, inacceptable! L'article, tel qu'amendé, est totalement inacceptable. M. le Président, on a beau jouer les petits jeux tactiques, les petites astuces, etc., ça a toujours été clair dès le départ que ce n'est que tous les amendements ensemble qui auraient fait en sorte que l'amendement que nous avions proposé aurait été acceptable. C'est pour ça d'ailleurs qu'on s'est abstenu au départ, pour se permettre d'avoir le droit de voter pour l'ensemble de l'article si le dernier amendement avait été adopté. On vient de constater que le gouvernement a voté contre un article qui garantissait la liberté d'expression parce qu'il a voulu prendre juste la partie qui lui convenait de l'ensemble des amendements proposés par l'opposition et pouvoir jouer aux petits jeux astucieux, de tacticiens, etc., en disant: Oui, mais c'est votre amendement, etc.

M. le Président, sur le fond des choses, nous, dès le départ, c'était clair que cet article qui parlait de l'influence indue, qui parlait de l'intimidation, de ruse, etc., découlait directement d'une position partisane, des préjugés qui ont été véhiculés abondamment par la partie ministérielle durant ce débat, et il est clair qu'on aurait aimé beaucoup mieux ne pas toucher du tout à cette question, dans la réforme qu'on est en train de faire de la Loi électorale, à la veille d'une élection, ne pas y toucher du tout, point. À partir du moment où on a entamé ces discussions, où il y a eu, de bonne foi, des tentatives d'essayer d'arriver à un équilibre de nos préoccupations respectives, on a effectivement proposé des choses en se réservant le droit de proposer tout ce qu'on avait à proposer et que le tout soit accepté pour qu'on puisse effectivement sauvegarder cet équilibre.

Mais, une fois de plus, le ministre et le gouvernement, à l'heure actuelle, à la veille d'une élection, trouvent que c'est plus important d'utiliser de ruses et d'astuces que de profondément respecter nos institutions et surtout la Loi électorale. Ils ont voté contre un amendement qui garantissait la liberté d'expression au niveau des enjeux électoraux, la liberté d'exprimer une opinion sur un enjeu électoral lors d'un scrutin. Je n'en reviens pas. Les arguments qu'on a entendus faisaient en sorte qu'il y avait même des députés du côté ministériel qui disaient: C'est correct, c'est la même chose, si Laurent Beaudoin parle à ses employés pour leur indiquer quelles sont les possibles difficultés que, lui, il rencontrera dans son entreprise advenant telle ou telle situation, que les gens qui disent: Exterminons une telle minorité, et que les gens devraient avoir le droit de le traîner devant les tribunaux, sans autres balises. M. le Président, c'est du jamais vu en démocratie, à la veille du XXIe siècle, au Québec qui se vantait jusqu'à maintenant d'avoir la Loi électorale la plus évoluée. Là, on est en train de régresser, M. le Président, on est en train de retourner à une ère où le gouvernement décidait ce qui était bon pour les citoyens d'entendre.

(11 h 20)

Dorénavant – on le voit déjà se pointer à l'horizon, le ministre a été assez clair dans ses exemples – aussitôt que quelqu'un en autorité, aussitôt qu'un employeur va se lever puis va dire: Écoutez, moi, je trouve que ça serait mieux pour moi, mon entreprise, l'économie, la sécurité d'emploi, etc., tel ou tel résultat, il va être traîné devant les tribunaux. Il va y avoir déjà une école de formation des traîneurs devant les tribunaux du Parti québécois, M. le Président, comme il y a eu des gens qui ont été entraînés à comment frauder les gens au niveau du vote lors du référendum, M. le Président, et de voler des votes.

Des voix: ...

M. Sirros: Il y a eu effectivement, M. le Président... oui, franchement, c'est le contexte devant lequel on se trouve. On se trouve, M. le Président, à la veille d'une élection et on a un gouvernement qui n'hésite pas à invoquer la possibilité d'adopter par bâillon si nécessaire, en utilisant sa majorité, des amendements à la Loi électorale.

Une voix: Effrayant!

M. Sirros: Effrayant de dire des affaires de même, M. le Président, à la veille d'une élection, de dire qu'on peut même songer à utiliser le bâillon, la majorité, pour modifier les règles du jeu à la veille du scrutin. Qui a peur d'une élection claire, M. le Président? Une élection comme on en a toujours faite. Quand est-ce qu'on a eu un problème?

Et d'ailleurs, j'aimerais juste rappeler au ministre, ce matin, dans Le Devoir ... Je vais lui lire quelque chose.

Une voix: Ce n'est pas un journal libéral.

M. Sirros: Qui n'est pas un journal libéral, effectivement: «La Loi électorale est un matériau très délicat car il définit les règles du jeu démocratique dans une société.» Je cite Michel Venne, dans Le Devoir de ce matin, en éditorial. «C'est pourquoi, par tradition, l'unanimité des partis est recherchée. L'unanimité n'est pas toujours indispensable. Mais, lorsqu'elle n'a pas été obtenue, le parti gouvernemental porte le fardeau de défendre la crédibilité et la légitimité des modifications imposées unilatéralement. Or, pour toutes les modifications proposées et qui sont en litige, le gouvernement n'a pas fait ses devoirs. Ni sur l'identification des électeurs, ni sur l'influence indue des tiers, il n'a produit l'ombre du début d'une preuve documentée de l'existence d'un problème grave qu'il faille régler au prix d'une division de l'Assemblée nationale.»

L'ombre du début d'une preuve n'existe pas, M. le Président, mais dans la tête du ministre, dans la tête du député de Groulx et de tous les autres députés qui se sont prononcés ici, c'est clair, il n'y a pas de doute. Quand quelqu'un va dire quelque chose qui ne fait pas leur affaire, devant les tribunaux. Devant les tribunaux! Et on se lave les mains, comme si le législateur ne doit pas légiférer en tenant compte du fait que ce n'est pas vrai qu'on réfère tout devant les tribunaux en faisant une obstruction, une intervention qui brouille les cartes au niveau de l'expression démocratique des opinions lors d'un scrutin. C'est du jamais vu, effectivement, M. le Président.

Alors, n'essayez pas de trouver confort dans des petites affaires tactiques en disant que c'est votre amendement, etc. Le fond de la chose, c'est que vous avez choisi d'intervenir au niveau de l'expression des opinions lors d'un enjeu selon la possibilité que vous voulez vous donner pour intimider les gens quand ils vont effectivement vouloir donner leur interprétation des faits. Vraiment, de l'autre côté, ils ne comprennent pas que le principe fondamental de la démocratie, c'est que, même quand on n'est pas d'accord avec ce que l'autre dit, on ne l'empêche pas de le dire. On ne l'intimide pas avec des mesures devant les tribunaux. On ne lui dit pas que, si tu dis telle chose, on va te traîner devant les tribunaux, parce que, pour nous, c'est du chantage. Duplessis faisait peut-être ça. Je ne sais pas si le nouveau messie du Parti québécois qui est en train de transformer son propre parti en un parti qui ressemble de plus en plus au parti de Duplessis, M. le Président, qui, lui, décrétait même des cadenas, à un moment donné, sur des gens qui avaient des opinions différentes de ce qui était acceptable dans le temps... Il cadanessait les magasins. Ici, on va cadenasser la liberté d'expression, M. le Président. On va leur dire: C'est du chantage économique, du terrorisme économique si vous dites telle chose.

M. le Président, on «prend-u» les électeurs du Québec pour des caves? Est-ce que les gens ne sont pas capables d'évaluer les arguments qu'ils vont entendre? Est-ce qu'on n'a pas confiance au peuple du Québec, à la population, aux électeurs pour qu'ils évaluent, à partir du moment où le secret de leur vote est garanti, où le déroulement du scrutin est étanche et garanti, où l'accès au vote est libre, quel est le problème? Même quand on n'aime pas les arguments qu'on entend, on doit les permettre. Le gouvernement vient de faire un pas qui se rapproche à des régimes non pas fascistes, mais des anciens régimes communistes qui réglaient la liberté de parole en disant: Oui, oui, oui, vous pouvez parler dans ce contexte-ci, vous êtes libres; vous êtes libres même à voter, mais il n'y avait qu'un parti à l'époque, mais tout le monde votait, et on disait: C'est la démocratie populaire. Est-ce que c'est à ça qu'on veut aller?

Est-ce qu'on veut se créer une situation au Québec où, quand on va vouloir mettre de l'avant une opinion qui est contraire à celle que les autorités en place trouveront inacceptable, ils vont pouvoir dire aux gens: Vous allez vous trouver devant les tribunaux parce que nous avons une loi qui vous défend de dire telle ou telle chose. Et c'est fièrement que les députés ont voté contre un amendement qui aurait permis de garder l'équilibre au niveau de la Loi électorale, à la veille d'une élection, en permettant de boucler la boucle. Oui, d'avoir introduit des sous-amendements, mais à condition que l'ensemble de nos amendements soient acceptés, parce qu'on n'a pas pris exactement ce qu'il y a dans la loi fédérale, qui ne parle pas d'influencer le vote dans un sens ou dans un autre, qui parle juste et simplement de protéger le secret du vote et d'inciter quelqu'un à voter ou à s'abstenir. Si ça avait été de ça, pas de problème. Mais, comme on a voulu garder l'équilibre, on a proposé une série d'amendements. Donc, le gouvernement ne peut pas prendre seulement ceux qui font son affaire en disant: Mais c'est les amendements de l'opposition. Le fond, c'est que le gouvernement a décidé de s'opposer à la liberté complète d'expression et veut se donner des instruments d'intimidation à la veille d'une élection en modifiant les règles du jeu de façon complètement inacceptable en démocratie, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. M. le député de Mont-Royal.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, M. le ministre.

M. Chevrette: ...je m'excuse. J'ai le droit d'intervenir?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui.

M. Chevrette: M. le Président, je n'ai jamais entendu autant de choses si désagréables, personnellement, par rapport à l'attitude que l'on a. Nous savons, M. le Président, que les chartes existent. Nous sommes pour les chartes des droits et libertés des personnes. Nous sommes pour le droit à la non-intimidation, et je voudrais m'expliquer.

À écouter le député de Laurier-Dorion, lui, il est d'accord qu'un employeur – je voudrais bien qu'on écoute ce que je veux dire – n'ait pas le droit d'empêcher un de ses travailleurs de travailler pour une formation politique. Il est d'accord pour qu'on n'achète pas le vote, la conscience d'un individu par l'argent. Mais ils sont devenus en accord avec l'intimidation ou l'entrave à la liberté complète d'expression de vote, et ça, c'est très grave. C'est ça qui est grave. Quand on essaie de jouer aux sépulcres blanchis puis qu'on accepte de dire: C'est une cause, devant les tribunaux, valable et c'est bien fondé, quelqu'un qui se verrait empêché de travailler pour une formation politique. Mais un droit plus fondamental que celui de travailler pour une formation politique, c'est bien celui de l'expression de son vote. Si on regarde en termes de valeurs, c'est beaucoup plus important comme droit. Si on veut prioriser les droits, le premier droit en tête de liste, c'est la liberté de conscience totale pour l'expression de son vote. Je le mets le premier. Le deuxième, c'est d'avoir à monnayer son vote. Et le troisième, c'est de travailler en toute liberté pour la formation politique que l'on veut. On a les deux autres, et le droit le plus fondamental, les libéraux s'y objectent. Les libéraux s'y objectent. M. le Président, que cachent-ils?

(11 h 30)

Ils ont voulu se montrer fins fins dans des amendements de reconnaître le droit, mais ils veulent tout de suite l'atténuer, ce droit-là. Ce n'est pas à nous, parlementaires, à juger du bien-fondé d'une plainte d'un citoyen. C'est à nous, parlementaires, à donner le droit à ce citoyen, par exemple, d'exercer en toute liberté son droit. Et c'est ça qui est fondamental. Et, quand on s'y objecte, M. le Président, parce qu'on diverge d'opinions, de leur côté, entre eux, on manque le bateau.

Je vous avoue très honnêtement que le premier droit en démocratie, c'est le droit d'expression libre, sans entraves. C'est le droit aussi de pouvoir travailler pour la formation que tu veux et c'est d'empêcher tout monnaiement, si vous me permettez l'expression, de monnayer un vote, d'acheter la conscience par l'argent. Et on ne serait pas complet si on n'avait pas ce triumvirat de droits dans notre loi, sachant très bien que, d'abord, M. le Président, il est indispensable, je crois, qu'on reconnaisse la liberté de conscience comme premier droit fondamental.

Deuxièmement, on parle de consensus. Pour un consensus, il faut être deux. Ils ont commencé, ils n'acceptaient pas notre article 85. Bon, bien, on a dit: Peut-être qu'on a charrié un peu sans le vouloir, c'est une technique... Qu'est-ce que vous proposez? Ils proposent l'assise du droit. Ils reconnaissent un droit. Ils ont dit: On va prendre le fédéral. Prenons le fédéral. On était deux. Ils ont réussi à s'abstenir de voter contre leur propre amendement sur l'assise du droit. Et, maintenant qu'on lui donne une assise du droit, nos légistes nous disent: Ce n'est pas à nous de diminuer ou de teinter à la baisse ou en importance l'assise juridique qu'on vient de donner, c'est aux tribunaux de juger. Tu ne t'en vas pas devant un tribunal de façon farfelue.

Donc, je peux vous dire, l'individu pourrait travailler... Si on suivait la logique libérale, voici ce qui arriverait. Je pourrais aller travailler pour le Parti québécois, par exemple, mais je pourrais me plaindre devant les tribunaux si mon employeur m'empêchait de travailler pour une formation politique; puis ça, c'est voté. Mais le même employeur qui me prend puis qui me dit: Si tu ne votes pas dans tel sens, tu es dehors, là, tu ne pourrais plus le poursuivre. C'est dans leur logique, ça. Alors que le droit le plus fondamental, c'est d'abord de dire: Comment je peux voter? Tu pourrais faire des contraintes au travail en disant: Tu travailles sur deux chiffres, tu travailles 12 heures par jour, tu...

Les libéraux reconnaissent, mettent l'équivalent de l'intimidation sur le même pied que le droit d'expression, que la libre expression. Pour eux, s'exprimer librement peut vouloir dire intimider, ce n'est pas grave, c'est l'interprétation qu'ils lui donnent. Nous autres, ce n'est pas ça. Nous on dit: La liberté de conscience, ça sera aux tribunaux de juger. Puis la liberté de conscience, vous qui déchirez vos chemises à chaque fois sur les droits individuels, vous n'êtes pas prêts à donner à l'individu le droit à liberté de conscience? S'il est brimé par quelqu'un qui est en autorité, vous n'êtes pas prêts à laisser les tribunaux juger si la liberté de conscience de cet individu-là a été brimée ou pas? C'est où, l'application des chartes? C'est de l'hypocrisie pure et simple.

Le droit fondamental, M. le Président, on le donne comme assise. On a accepté même que cette assise-là soit la formulation libérale et non pas la nôtre. Bien, avoir su qu'ils s'en allaient où ils s'en vont, on aurait gardé notre thèse parce qu'elle était beaucoup plus claire, effectivement. Mais, par consensus, on a voulu en arriver à avoir une position unanime. Et là, bien, ils nous prêtent des intentions atroces. Je dois vous avouer que je ne sais pas où vous allez.

Vous viendrez dans les usines avec nous autres, côte à côte, puis on va expliquer nos deux points de vue, puis on va expliquer aux travailleurs que c'est la liberté d'expression de leur patron de les faire venir dans un coin puis de les traumatiser quant à leur droit au travail. On va aller leur dire que ça, c'est de la liberté d'expression pour le Parti libéral. Et, moi, je vais expliquer, ou d'autres, de notre côté, on va expliquer pour nous c'est quoi, de l'intimidation, ce qu'on pense. Mais on dit: Ce n'est même pas à nous autres de juger, à part de ça, ça sera aux tribunaux. Vous êtes prêts à faire le tour? On va le faire en autobus. On va donner une raison à votre autobus de rouler. On va le faire.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je suis surpris des propos du ministre, qui se fait le défenseur des droits des individus dans cette loi. Je pense que c'était le ministre, quand le jugement de la Cour suprême a été rendu public la première fois, qui avait dit qu'il était prêt à utiliser la clause «nonobstant» pour que la loi s'applique. Alors, vous savez, sa grande déclaration pour les droits d'aujourd'hui me laisse un peu suspect sur, vraiment, la façon dont il pense, je ne dirai pas sur ses intentions parce qu'on ne peut pas prêter d'intentions, M. le Président, vous le savez.

Mais je voudrais expliquer au ministre la loi fédérale. Je pense qu'il ne l'a pas comprise, la loi fédérale. S'il pouvait la comprendre, il pourrait comprendre ce que nous faisons ici aujourd'hui avec notre sous-amendement. La loi fédérale veut garantir certaines choses. Le ministre, il dit: Écoute, vous donnez le droit à quelqu'un de travailler pour le personnel électoral. Le droit libéral, M. le Président, veut faire qu'une personne soit garantie d'avoir accès au processus électoral. Alors, pour y avoir accès, il faut absolument que du monde puisse travailler pour le personnel électoral.

Deuxièmement, la loi fédérale veut garantir qu'une personne puisse exercer son droit de vote. Alors, c'est pour ça qu'il y a des contraintes contre des menaces physiques, pour que cette personne puisse l'exercer.

Troisièmement, la loi fédérale veut s'assurer que le vote soit secret. Mais aucunement, dans la loi fédérale, il n'y a des contraintes contre la liberté d'expression. Parce que le coeur de la démocratie, ce sont ces droits-là: que le processus fonctionne, qu'une personne ait le droit de participer, que la personne puisse se rendre en toute liberté et qu'elle puisse exercer son droit de vote par voie secrète.

Mais le ministre, lui, il veut ajouter des contraintes à la liberté d'expression. On ne parle plus maintenant, ici, de menaces violentes ou de tenter de ne pas faire voter quelqu'un. On parle ici des contraintes à la liberté d'expression. Et je vais vous montrer à quel point ça peut aller. On a parlé souvent de la lettre de Jack Spratt. Le ministre dit: Écoute, cette personne-là, avec le libre-échange, personne ne l'aurait dit, elle pourrait le faire pareil.

Savez-vous ce que la lettre de Jack Spratt dit, M. le Président? Elle dit: 10 % des ventes se font au Québec, 90 % se font dans le reste du Canada. Savez-vous pourquoi ce 90 % se fait dans le reste du Canada puis pas aux États-Unis? Parce qu'on est dans le domaine des vêtements et, aux États-Unis, il y a des quotas, même avec le libre-échange. Et, même si le Québec a 50 % des quotas, Jack Spratt ne peut pas vendre aux États-Unis sans être assujetti à ces quotas. Il vend dans le reste du Canada parce qu'il n'y a pas de quotas puis il n'y a pas douanes puis il n'y a pas de cotisations. Alors, Jack Spratt dit: Écoutez, là, si, moi, je sors du Canada, même si je tombe dans le libre-échange, je ne pourrai pas vendre 90 %.

Savez-vous ce qui est triste, M. le Président? Puis on a donné ça comme un exemple d'intimidation. Ce qui est triste, M. le Président, c'est que je dois expliquer ici aujourd'hui ce que cette lettre de Jack Spratt voulait dire, qu'on n'accepte pas que c'est une liberté d'expression. C'est la vérité. C'est la vérité de ce qui pourrait arriver. Puis on veut causer des harcèlements, on veut dire: Non, cette personne-là ne pourra plus dire ça.

Alors, l'intimidation, qui la fait? C'est le gouvernement qui la fait, l'intimidation. Il veut empêcher le monde de s'exprimer librement dans une démocratie. C'est ça, de la vraie intimidation. C'est de l'intimidation légale en mettant une loi qui a des ambiguïtés, qui a des contraintes, qui va empêcher le monde de s'exprimer librement.

(11 h 40)

Tout ce qu'on dit, on dit: Oui, c'est correct, on va accepter. Puis oublions les astuces puis les technicalités. On a dit: C'est correct, on va accepter que l'article puisse dire: Par intimidation, contrainte ou quelque prétexte ou ruse, tente d'influencer d'un côté ou de l'autre le vote d'un électeur, mais ceci ne doit pas empêcher qu'une personne puisse s'exprimer librement, donner son opinion.

La lettre de Jack Spratt, il ne pouvait pas faire une thèse sur le libre-échange, dans cette lettre-là. Il ne pouvait pas dire: Écoute, moi, je ne peux pas vendre aux États-Unis parce qu'il y a un quota. La raison pour laquelle 90 %, je vends dans le reste du Canada, c'est parce qu'il n'y en a pas, de quotas, et parce qu'il n'y a pas de douanes et il n'y a pas de taxes. Mais, si je sors du Canada, il va y en avoir. Puis, même si je tombe dans le libre-échange, ça va m'affecter. Et ça va affecter quoi? Ça va affecter la sécurité d'emploi, parce que, si je ne peux plus vendre dans le reste du Canada, il va falloir que j'aie moins de monde. Et là on dit: Non, non, on ne peut pas dire ça.

Savez-vous, il me semble que je suis au Moyen Âge, ici. Je suis au Moyen Âge, où je dois défendre le droit de s'exprimer. Galilée a eu ce problème-là et, finalement, il a dû dire: Oui, c'est accepté aux autorités. Et il a regardé au ciel et il a dit: Oui, mais «eppur', si muove!» Oui, mais la terre tourne quand même! C'est à ça qu'on veut revenir? On veut revenir au Moyen Âge, empêcher le monde de parler? Si vous avez des problèmes avec la liberté d'expression et si vous voulez contraindre et vous voulez faire de l'intimidation... Parce que, oui, ça, c'est de l'intimidation légale.

Mme Signori: Ça, c'est de l'intimidation!

M. Ciaccia: Bon. Vous n'avez rien compris, madame.

Mme Signori: Bien non, bien non! Vous n'avez pas lu jusqu'au bout.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Ça fait une demi-heure que je parle...

Mme Signori: Oui, mais vous n'avez pas lu jusqu'au bout.

M. Chevrette: Vous devriez avoir fini, parce que vous avez droit à 20 minutes.

M. Ciaccia: «Il est dans l'intérêt de votre sécurité d'emploi que le Québec ne se sépare pas du Canada.»

Mme Signori: Ce n'est pas de l'intimidation, ça?

M. Ciaccia: C'est la vérité. Parce qu'ils l'ont dit!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Ils n'ont pas le droit de le dire. Je vais vous expliquer encore. Je vais vous l'expliquer...

Mme Signori: Non, non, non!

Une voix: Le député de Mont-Royal, il sait ce que c'est, la vérité, lui.

Une voix: On l'écoute.

M. Ciaccia: Je vais vous l'expliquer, madame, juste à vous...

Mme Signori: Non, non!

M. Ciaccia: ...pour que vous puissiez....

Mme Signori: C'est inutile. Ça fait une demi-heure que je vous écoute, et vous...

M. Ciaccia: Juste à vous.

Une voix: Adressez-vous au président.

M. Ciaccia: Jack Spratt, M. le Président, madame...

Mme Signori: Il peut bien s'appeler Jack Strap!

M. Ciaccia: ...vend 90 % de ses produits dans le reste du Canada. Pourquoi il ne les vend pas aux États-Unis? Parce qu'il y a le traité de libre-échange, il y a des quotas, il ne peut pas vendre aux États-Unis. Alors, lui, il dit: J'ai un marché dans le reste du Canada, je m'en vais vendre là. Si le Québec se sépare du Canada...

M. St-André: Le marché canadien va disparaître, c'est ça qu'il est en train de dire. Le marché canadien va disparaître?

M. Ciaccia: Il va y avoir le libre-échange.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): M. le député de L'Assomption, un à la fois.

M. Ciaccia: Il va y avoir des douanes, il peut y avoir des taxes d'accise. S'il tombe dans le libre-échange, il ne pourra pas non seulement vendre... Parce que votre ministre, votre vice-premier ministre dit: Le libre-échange va se continuer. Alors, il ne pourra pas. Il a le droit de le dire, ça, c'est son opinion. Il a le droit de le dire.

Mme Houda-Pepin: Ce n'est pas de l'intimidation.

M. Ciaccia: Ce n'est pas de l'intimidation, c'est son opinion, à lui. Si vous n'êtes pas d'accord, parlez contre, montrez, démontrez que, même si le Québec se sépare, lui, même avec le traité de libre-échange – parce que le Québec va avoir un traité de libre-échange – il va pouvoir vendre. Montrez-le. Vous avez le droit de faire ça.

Mais ce qui est triste, c'est qu'ici on doit défendre le droit de s'exprimer. C'est ça qui est triste. Je dois le défendre, à vous... Je peux comprendre pour certaines personnes, mais vous êtes des parlementaires, vous faites partie d'une démocratie et, moi, je dois défendre le droit de s'exprimer. Bien, ça, je suis très inquiet, spécialement quand...

Tu sais, le ministre est après mettre la clause «nonobstant». Et là il a trouvé un autre moyen: Pas besoin de mettre la clause «nonobstant», on va mettre des clauses qui vont de toute façon brimer le droit d'expression. Je n'ai pas besoin de la clause «nonobstant», je vais la mettre dans la loi, ça va faire partie de l'assise juridique.

Parce que, l'assise juridique, il peut y avoir des contraintes, des façons d'interpréter la Charte des droits, et ça, ça va être une façon de l'interpréter, si nous n'acceptons pas le sous-amendement, parce que le juge va pouvoir regarder au Journal des débats et dire: Quelle était l'intention? Est-ce que c'était l'intention vraiment d'empêcher Jean-Noël Lavoie d'écrire une lettre comme membre du parti du Non et de donner son opinion? Il semble que ça, c'est l'intention du législateur parce que le ministre l'a dit. Le ministre a donné en exemple, la lettre de Jean-Noël Lavoie comme étant une lettre d'intimidation pour influencer le monde, qu'il serait sujet à une amende, qu'il pourrait être harcelé, qu'il devrait être retiré, ce qui pourrait empêcher une personne comme Jean-Noël Lavoie de s'exprimer – et il faisait partie du comité du Non – et ça, à la veille d'une élection.

M. le Président, on est ici en commission parlementaire avec le ministre. J'espère que votre Conseil des ministres voit un peu plus loin que vous, qu'il voit exactement les enjeux, ici. Je ne peux pas croire que votre premier ministre va permettre une telle entrave à la démocratie. Je ne peux pas croire ça.

Une voix: Moi, je peux le croire.

M. Ciaccia: Non, moi, je ne le crois pas. Mon collègue le croit; moi, je ne le crois pas.

M. Chevrette: Je sais que vous êtes en désaccord.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Oui, il y a une saine démocratie, on ne pense pas tous de la même façon, on n'est pas des robots. On n'est pas des robots. O.K.?

M. Chevrette: On a vu ça.

M. Ciaccia: On peut penser pour nous-mêmes.

M. Chevrette: Mais vous vous réajustez sur la même longueur d'onde quant à vos arguments, par exemple.

M. Ciaccia: On se réajuste sur les droits fondamentaux de la démocratie.

M. Chevrette: Oui, oui, bien sûr.

M. Ciaccia: Ça, par exemple, nous y sommes.

M. Chevrette: Je vais vous en parler.

M. Ciaccia: Puis vous ne pouvez pas accuser le Parti libéral de ne pas défendre les droits démocratiques. Comprenez-vous? Mais l'intimidation légale, l'intimidation d'un gouvernement, ça, c'est de l'intimidation légale. Vous avez le pouvoir, vous voulez imposer votre point de vue. Vous voulez imposer votre point de vue, vous voulez empêcher le monde de parler, vous voulez empêcher le monde de s'exprimer. C'est ça que vous voulez faire. Mais on vous dit non. Et ne vous surprenez pas quand le monde va au Forum international se plaindre de vous. Ne vous surprenez pas de ça. Ne soyez pas...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ciaccia: Ah! Vous riez, parce que ça ne vous touche pas.

M. Chevrette: Il faut bien être rentré de...

M. Ciaccia: Savez-vous le travail qu'on fait à l'international pour démontrer la démocratie au Québec, pour démontrer comment nous sommes vraiment une dimension spéciale, que nous avons des choses que d'autres n'ont pas, que nous pouvons attirer ici des cerveaux du monde, des investissements, que nous pouvons avoir des échanges culturels, institutionnels? Le savez-vous?

Une voix: ...

M. Ciaccia: Non, c'est vous qui avez aboli le ministère des Affaires internationales, pas nous autres. Nous autres, on le faisait, ça; vous, vous ne le faites plus. O.K.? C'est vous qui l'avez aboli. Moi, j'ai fait 40 pays pour vendre le Québec, ses institutions, sa culture.

Une voix: Ça a donné...

M. Ciaccia: Oui? Ça a donné qu'on avait un déficit commercial puis maintenant on a un déficit... Regardez toutes les ententes. Écoutez, je ne suis pas pour commencer à essayer de réparer l'ignorance de ceux qui ne savent pas. Juste à regarder toutes les ententes culturelles qu'on a signées avec les différents pays, qu'on a faites quand on était au pouvoir, avec l'Amérique latine, avec le Viêt-nam. On est la première province canadienne qui est allée en Europe de l'Est. On était là quand le mur de Berlin est tombé. On était là avec nos institutions, nos représentants culturels. On était à Budapest, on était à Varsovie, on était au Viêt-nam. On a été les premiers à ouvrir les portes en Amérique latine. C'est ça qu'on a fait. Puis on en était fiers.

Puis on n'avait pas besoin de loi de même, là, pour nous en empêcher puis pour être devant nous pour dire: Vous faites ça ici, vous voulez vendre vos institutions, faire des échanges de votre culture, mais que faites-vous dans votre pays pour brimer les droits démocratiques? On ne se faisait pas dire ça. Bien, vous allez vous le faire dire. Vous allez vous le faire dire!

Puis on veut éviter ça parce qu'on est autant, sinon plus concernés que vous de l'avenir du Québec, de l'avenir des Québécois. Ne pensez pas autrement. Et on veut que ce qu'on a établi de peine et de misère pendant des années et des années ne soit pas détruit par vous, par des lois mesquines de même, par des lois qui enlèvent le droit de parole, par des lois qui veulent brimer la démocratie. C'est ça, ces lois-là. Vous pouvez rire tant que vous voulez, vous pouvez essayer de trouver des astuces puis des technicalités sur les amendements, mais le fond de la chose, tenez-vous en au fond. Et, moi, j'espère...

M. Chevrette: On va parler du fond.

M. Ciaccia: ...pour la démocratie au Québec que votre Conseil des ministres réalise qu'est-ce qui se passe ici, réalise que ce n'est pas le temps, que ce soit à la veille ou après un élection, ce n'est même pas le temps qui est important, de brimer le droit... Si vous n'êtes pas d'accord avec des gens, avec certaines personnes avec leur point de vue, vous avez tous les moyens, vous avez l'appareil gouvernemental, vous avez des personnes qui peuvent s'exprimer, vous avez des appuis, faites-le, parlez, donnez votre point de vue, mais n'empêchez pas les autres de donner le leur. Parce que c'est ça, la démocratie, M. le Président.

M. Chevrette: M. le Président, j'ai mon voyage d'entendre des conneries puis des âneries! Puis je vais le dire, ce que je pense. Il y a des limites! S'il y a une terre d'accueil, c'est bien le Québec. Les lois démocratiques du Québec sont tout à fait existantes et sont prouvées.

Des voix: ...

(11 h 50)

M. Chevrette: S'il vous plaît, s'il vous plaît! Je vous ai laissé parler? M. le Président, ce n'est pas vrai qu'on va essayer de nous culpabiliser. Ce n'est pas vrai! Il y a des limites! On est en train de faire croire au monde, ici, parce qu'on n'accepte pas un amendement libéral suite à un amendement qu'eux-mêmes ils ont fait... Ils sont en train de nous culpabiliser vis-à-vis la démocratie. Aïe! Y «a-tu» des limites!

Le jugement Libman est venu faire tomber carrément notre Loi sur le financement des partis politiques. Et on a dit ceci: Ce n'est pas vrai que le vote va être synonyme de piastres. C'est ça, fondamentalement, le projet de loi qu'il y a là. On aurait pu effectivement mettre la clause «nonobstant» puis dire: On ne permettra pas à une formation politique qui veut l'anarchie au niveau démocratique... Parce que c'est ça qui les avantagerait. Ils ne veulent pas de carte d'identité; non, ça permettrait un meilleur contrôle sur l'utilisation du droit de vote. Ils ne veulent pas l'intimidation; non, c'est de la liberté d'expression. C'est ça qu'on entend, de l'autre bord, depuis le matin. J'ai mon voyage, M. le Président!

On n'accepte pas la clause libérale simplement parce qu'on veut que la clause contre l'intimidation ait une portée. Si les exemples ne vous plaisent pas, je vais vous en poser une, moi: Êtes-vous d'accord, oui ou non, avec un patron qui prend un employé, qui le met dans un coin puis qui dit: Si tu ne votes pas de même, ta job, tu es «out», tu es dehors? Êtes-vous d'accord avec ça? C'est de la liberté d'expression, pour vous autres? Nous autres, non. Puis c'est de même qu'on va le dire aux citoyens du Québec.

Suivez-nous avec votre autobus. On va le dire puis on va en parler partout. Puis vous allez voir le dégonflement de l'hélium se faire, comme il se fait depuis deux mois. Pourquoi? Parce que vous n'êtes pas sérieux. Vous faites des amendements, vous voulez donner un droit, puis vous voulez l'atténuer par la suite. On fait confiance, nous, aux tribunaux. Ce n'est pas au député de Mont-Royal de juger si des paroles d'un employeur intimident ou pas, c'est l'individu à qui on donne un droit qui, lui, va décider ou pas de se prévaloir des tribunaux.

Et tout autant, pour vous autres, le droit à la liberté totale de conscience pour exprimer son vote, ce n'est pas correct, mais la liberté, par exemple, pour travailler pour une formation politique, ça, c'est correct. Pour vous montrer comment ils ont le sens des valeurs, nos chers amis d'en face. Ils ont le sens des valeurs. Tu pourrais aller en cour pour avoir le droit de travailler pour le Parti libéral, pour avoir le droit de travailler pour le Parti québécois...

Une voix: ...

M. Chevrette: S'il vous plaît, M. le Président. Je n'ai interrompu personne. Puis on va continuer à dire ce qu'on a à dire, s'il vous plaît. Ils auraient le droit de poursuite là-dessus puis ils n'auraient pas le droit de poursuite... C'est une liberté d'opinion, d'expression! Si jamais tu votes dans tel sens, tu es dehors! C'est la pleine liberté de conscience, la non-intimidation pour le vote! Choisissez donc l'exemple que vous voudrez, mais ne soyez pas sépulcres blanchis!

Carrément, qu'est-ce qu'on vient de donner, à l'article 85? C'est le droit à l'individu d'exercer son vote en toute liberté, c'est le protéger contre une influence indue et une intimidation. L'autre article, qui est voté depuis longtemps, c'est qu'il a le droit de travailler pour une formation politique de son choix. Et, plus que ça, il y a un autre article qui est déjà voté, puis je le répète, on n'a pas le droit de monnayer un vote. Donc, c'est les trois dimensions.

Vous voulez atténuer le plus important, c'est celui d'avoir la liberté totale de dire: Je vote oui, ou je vote non, ou je vote pour lui, ou je vote contre lui. C'est ça qu'ils nous disent. Puis ils déchirent leur chemise, sur le plan démocratique.

Je suis allé en Chine deux fois, au Vietnam une fois, en Russie. Moi aussi, j'ai vendu le Québec, puis je n'ai pas vendu le Québec à partir des quétaineries de droits atténués. S'il y en a qui se battent pour des droits individuels, c'est bien vous autres, puis je suis d'accord avec ça, moi. Mais ce n'est pas vrai qu'on va atténuer la portée du droit le plus fondamental qu'est l'expression d'opinion en toute liberté de conscience. Puis ce n'est pas vrai qu'on va donner à des patrons le pouvoir indu de faire du chantage par rapport à un vote qui est basé sur la liberté totale de conscience. «C'est-u» correct?

C'est ça qu'on a voté. On a accepté votre amendement. Vous êtes pris avec votre amendement. Vous avez dit: Non, mais tout d'un coup que ça pourrait vouloir dire qu'un employeur n'aurait pas le droit de poigner son employé, de le mettre dans le coin, puis de dire: Tu vas être dehors, si tu ne votes pas dans tel sens. Vous êtes contre ça? Vous n'êtes pas pour que le travailleur ait le droit de se plaindre devant les tribunaux? Vous êtes contre ce fait-là? Bien, où allez-vous, vous autres? Vous autres qui vous vous targuez d'une grande démocratie. La grande démocratie, c'est d'abord la liberté, ici, entre les deux oreilles, sans peur, sans reproche, sans contrainte, sans intimidation. Ça, c'est clair. C'est ça, fondamentalement, l'article de la loi. Mais vous autres, vous voudriez que les tribunaux interprètent – et c'est ça, votre jeu – que ce droit qu'on a donné ne peut pas vouloir dire grand-chose parce que, dans le fond, la liberté d'expression ou de dire n'importe quoi doit primer sur le droit à l'intimidation. Ce n'est pas vrai qu'on va donner un droit de dire n'importe quoi qui constituerait une intimidation. C'est clair? C'est ça qu'on dit.

Puis c'est la loi fédérale qu'on a acceptée: dans un sens comme dans l'autre, en plus. On a permis ça, nous autres: dans un sens comme dans l'autre, pas d'intimidation ni sur un bord ni sur l'autre. On a tout dit ça. Vous les avez faits, vos amendements. On a voté pour. Vous n'en atténuerez pas la portée. Puis les tribunaux vont trancher. Ce n'est pas à vous autres, ce n'est pas à nous autres de trancher, dans une société de droit. Nous, on est ici pour accorder un droit, puis c'est aux tribunaux de juger si c'est valable ou si ce n'est pas valable. Prenez n'importe quel exemple puis, pour vous autres, avec votre élasticité de conscience par rapport au droit à la liberté d'expression, ça peut ne pas être de l'intimidation pantoute, pour nous autres, ça peut en être. Puis ce n'est pas nous autres qui allons trancher, c'est les tribunaux. On vit dans un système de droit.

Mais ce n'est pas vrai que vous allez nous culpabiliser avec vos petites montées oratoires, avec vos flambées pour nous parler de démocratie, parce que la terre d'accueil qu'est le Québec, avec ses lois de système démocratique, on a la preuve hors de tout doute raisonnable, on a des preuves vivantes, en plus, qu'on est probablement dans une des belles démocraties, puis qu'on est en train d'améliorer notre système, pour respecter, par exemple, le droit fondamental de l'individu à une liberté de conscience totale. Ne culpabilisez pas les Québécois, parce qu'on va leur en parler, nous autres aussi, puis beaucoup, puis on va le crier haut et fort, à part de ça. Puis on va expliquer.

On va expliquer par exemple qu'il y a de plus en plus de communautés qui adhèrent à cela. Quand le Congrès juif canadien vient nous dire que la carte d'identité, c'est quelque chose qui est valable, quand on vient nous dire: On a le droit à la liberté complète d'expression dans notre vote, sans contrainte de qui que ce soit, pas de se servir de son poste d'influence pour terroriser quelqu'un à la veille de poser un choix démocratique, c'est ça qu'on dit. Mais on dit plus que ça, on va l'écrire à quatre places, si vous voulez, au début de la loi: Cette loi n'a pas pour objet – s'il faut le marquer par la négative – d'enlever ou de brimer un droit individuel. On nous dit que ça ne se fait pas en technique législative parce que les chartes priment, transcendent nos lois. Donc, c'est ça qu'on dit.

Mais là vous vous êtes accrochés à un amendement parce que vous avez le regret d'avoir consenti un autre amendement qui donnait un droit à des individus de se plaindre. C'est ça qui est votre bebite. Vous avez un petit problème, entre vos deux oreilles, d'agencement d'idées et d'agencement de raisonnements. Je ne peux pas comprendre que vous puissiez proposer le droit à la liberté de conscience, le droit à la poursuite, puis qu'après vous vouliez tourner ce droit d'intimidation là en un droit d'expression. Il y a des expressions que je ne peux pas dire ici, mais ça me fait penser à quelqu'un qui a posé un geste puis qu'il est beaucoup trop tard pour se retenir quand il est fait.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Mme la députée de La Pinière.

M. Sirros: M. le Président, avant la députée, j'aimerais poser une question au ministre, s'il le permet.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Il vous reste 25 secondes. C'est le temps qu'il vous reste.

M. Sirros: Non. Il y a un article qui me permet de poser une question suite à une intervention d'un député.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, 212. Allez-y.

M. Sirros: M. le Président, le ministre nous donnait l'exemple de l'employeur qui prend son employé dans le coin puis qui lui dit: Si, mon vieux, tu ne votes pas comme ça, tu es dehors. C'est ça qu'il veut empêcher. Est-ce qu'il est d'accord avec moi que cet employeur-là n'est pas en train d'exprimer une opinion sur un enjeu électoral et que ça n'aurait pas empêché de le traîner devant les tribunaux s'il avait accepté notre amendement? Ce n'est pas ça qu'on vise. Est-ce qu'il est d'accord pour qu'au moins ce débat se fasse sur le fond et non pas sur les perceptions démagogiques? Est-ce que cet employeur...

M. Chevrette: Avez-vous fini? C'est une question, ce n'est pas un discours.

M. Sirros: ...est en train d'exprimer une opinion sur un enjeu de l'élection? Dans l'exemple qu'il nous a donné...

M. Chevrette: C'est une question ou une affirmation?

M. Sirros: ...est-ce que l'employeur est en train d'exprimer une opinion sur l'enjeu électoral? Et c'est ça que nous voulons protéger, pas l'exemple que donne le ministre.

M. Chevrette: C'est une question ou un discours? M. le Président, s'il vous plaît.

M. Sirros: Bien, c'est une question, mais je veux clarifier ça comme il faut parce que le ministre est en train de nous imputer toutes sortes de motifs.

M. Chevrette: M. le Président, je vais répondre à la question. Le député de Mont-Royal a fait ça pendant 20 minutes, nous imputer des motifs antidémocratiques. S'il vous plaît! Puis je vais dire ce que je pense haut et fort. «C'est-u» correct?

Une voix: Oui, oui, c'est correct.

M. Chevrette: Ce n'est pas le député de Laurier-Dorion qui va, surtout lui, m'intimider verbalement. Les exemples que je donne il peut en prendre selon l'élasticité de sa conscience, ce n'est pas lui qui aura à trancher. Je peux en donner 10 exemples, pour moi, qui peuvent être de l'intimidation puis que le juge considérera que ça n'en est pas. Improvisez-vous pas juges. Vous avez de la misère à vous improviser parlementaires juste à faire vos amendements entre vous autres.

M. Sirros: Donc, ce n'était pas une opinion? C'est une opinion sur l'enjeu électoral?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Alors, Mme la députée de La Pinière.

(12 heures)

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Je dois vous avouer, M. le Président, que je suis très triste...

M. Chevrette: Très triste?

Mme Houda-Pepin: ...extrêmement triste...

M. Chevrette: Sors les kleenex, je vais aller lui en porter une boîte.

Mme Houda-Pepin: ...face à un débat important.

Des voix: ...

Mme Houda-Pepin: M. le Président, si les députés de l'autre bord ont des choses à dire, qu'ils s'inscrivent et qu'ils prennent leur droit de parole et qu'on entende noir sur blanc sur les galées ce qu'ils ont à nous dire, parce que c'est important que ce soit entendu et compris de tous. Ceci étant dit, j'ai le droit de parole et, donc, je voudrais continuer de m'exprimer, M. le Président, avec votre permission.

Je disais donc que je suis profondément triste aujourd'hui de voir la tournure de ce débat autour de l'article 85 parce que ce qui est en jeu, c'est un débat fondamental. Nous sommes en train d'étudier un projet de loi, la Loi électorale, qui est, en fait, le fondement même de notre démocratie. Et entendre ce que je viens d'entendre du ministre, M. le Président, ça ne me rassure pas. Ça ne me rassure pas parce que, de notre côté, de bonne foi, et dès l'ouverture de la session, mon collègue a proposé que l'on puisse scinder le projet de loi de façon à ce que tous les articles qui donnent suite au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman soient analysés et discutés.

M. Chevrette: M. le Président, question de règlement.

La Présidente: C'est «Mme la Présidente».

M. Chevrette: Mme la Présidente, le président de l'Assemblée nationale a tranché la question de scission du projet de loi. C'est réglé. On ne peut pas remettre en question cet amendement.

M. Sirros: Question de règlement, Mme la Présidente. Le président de l'Assemblée nationale a tranché sur une motion que le parti de l'opposition avait présentée à l'Assemblée nationale. Il n'y a rien qui empêche le gouvernement de revenir, lui, de sa propre initiative, avec deux projets de loi qu'il aurait déposés.

Mme Houda-Pepin: Quoi qu'il en soit, donc, Mme la Présidente, j'aimerais poursuivre. Pour contexter, de bonne foi, on est en train de discuter d'un débat de fond. Le ministre s'enfarge dans les technicalités, et je voudrais le rappeler à l'ordre pour lui dire que ce qui est en jeu ici, c'est un droit démocratique.

Quand vous lisez l'article du Devoir publié aujourd'hui sous la signature de Michel Venne, Éviter la suspicion , cet article-là, Mme la Présidente, précise avec justesse d'ailleurs la nature de l'enjeu. Et qu'est-ce qu'il dit, Michel Venne? Je le cite, Mme la Présidente, au texte: «Comme les élections s'en viennent, il est urgent de donner suite au jugement de la Cour suprême afin que le scrutin se déroule en toute sécurité juridique. Tout le monde s'entend là-dessus. Par contre, rien ne force le gouvernement à adopter dans la précipitation les autres propositions qu'il met de l'avant. Aussi, il serait sage, à la veille du scrutin, qu'il scinde le projet de loi n° 450 en deux. D'un côté, il réunirait l'ensemble des dispositions qui donnent suite au jugement. Ce projet de loi serait rapidement adopté par l'Assemblée nationale avec la collaboration de l'opposition officielle. Les autres dispositions seraient réunies dans un second projet de loi que le gouvernement devrait laisser mourir au feuilleton, quitte à reprendre son étude après les élections s'il est réélu.»

Voici, Mme la Présidente, le point de vue d'un journaliste qui suit nos débats, qui voit aussi comment tourne cette discussion, et je trouve que c'est tout à fait raisonnable de procéder de cette façon-là. Le fait est que le ministre refuse d'entendre raison. Il refuse aussi de compter sur notre volonté, sur notre bonne foi de pouvoir avancer dans ce débat.

Alors, de quoi s'agit-il depuis le début, quand on a entamé la discussion autour de cet article? On a expliqué à la partie ministérielle que nous allons procéder par le dépôt d'un certain nombre de propositions parce que cet article-là nous semble problématique et qu'on allait procéder à l'analyse de ces propositions et à leur étude par étapes. Le ministre décide de mettre fin au processus et de prendre ce qui lui convient et de rejeter le reste. Ce qui est en jeu au moment où on se parle, c'est un amendement sur lequel, d'ailleurs, le ministre a demandé qu'on vote, et il a voté contre, qui dit que «cette disposition n'a pas pour effet d'empêcher quiconque d'exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin». Je ne comprends pas que le ministre, Mme la Présidente, puisse voter contre un tel libellé qui vient, en fait, cerner, encadrer l'article 85 de façon qu'on puisse le lire et l'interpréter correctement, aussi bien le législateur que les tribunaux, parce que le ministre veut nous envoyer devant les tribunaux.

Les arguments qui ont été apportés de l'autre côté nous ont dit: Bien, écoutez, la liberté d'expression, de toute façon, elle est limitée. Oui, la liberté d'expression, elle est limitée dans des contextes bien précis. L'exemple qui nous a été donné du révisionnisme, on est évidemment conscient de ça, parce que, lorsqu'il s'agit de propagande haineuse ou de violence à caractère raciste, c'est interdit. D'ailleurs, le Code criminel lui-même a des dispositions interdisant ce type de comportement et ce type d'actes en particulier.

Mais, lorsqu'on demande au ministre sur quoi il se base pour amener cet article-là et soutenir qu'il faudrait pénaliser et soumettre à l'amende quiconque tenterait d'influencer le vote d'un électeur, il nous exhibe des pièces à conviction de ce genre. J'ai entendu le ministre et ses collègues nous dire que le papier qu'il nous a déposé ici, de Jack Spratt, dans lequel, de bonne foi, une entreprise ou des entrepreneurs expliquent la situation de leur compagnie dans le contexte référendaire en disant que la plupart de leurs ventes se font avec le reste du Canada et que la séparation pourrait avoir un impact sur leur activité économique ici et que cela pourrait avoir pour effet des pertes d'emplois au Québec – c'est une opinion, librement exprimée... je ne vois pas comment on peut considérer ce document-là comme étant l'exercice d'une influence indue, d'une intimidation, d'une contrainte ou d'une ruse quelconque.

Alors, lorsqu'on m'exhibe ça, M. le Président, je suis très inquiète, parce que, moi, je me dis: La liberté d'opinion est fondamentale. Que je sois d'accord ou contre cette opinion-là, cela m'appartient, à moi, de corriger les faits si j'estime que les faits sont erronés, ou de présenter une autre opinion si j'estime que mon opinion est la bonne. Mais de là jusqu'à soumettre à l'amende quelqu'un qui s'exprimerait sur un enjeu électoral ou référendaire, c'est là une différence fondamentale entre nous, du Parti libéral, et la partie ministérielle.

Deuxième pièce à conviction qui a été exhibée devant nous, un document émanant du comité du Non – quoi de plus réglementaire et démocratique que d'avoir un comité du Non et un comité du Oui; la loi même le stipule; il n'y a absolument rien là-dedans – avec un président qui écrit un document dans lequel il exprime son opinion, le plus démocratiquement possible. Là encore, le ministre estime qu'il faut bâillonner quelqu'un qui peut exprimer une opinion sous le chapeau du comité du Non. C'est inacceptable. C'est inadmissible en démocratie.

(12 h 10)

Troisième document qui est la troisième pièce à conviction, un autre document émanant de Laurier, une entreprise de meubles, et, là-dedans – c'est très important de le présenter au texte – on peut lire: Pourquoi nous votons non . Là, il y a trois personnes qui expriment des préoccupations. C'est exactement le terme qui est utilisé dans ce document-là: Pourquoi nous votons non . Permettez-moi de le citer au texte. Ça va vous donner une idée de pourquoi, nous, on s'oppose à cette disposition de l'article 85.

Alors, les signataires de ce feuillet – finalement, c'est un feuillet, un genre de circulaire – disent ceci: «Nous croyons être de notre devoir de vous informer de nos préoccupations et des risques encourus par notre entreprise advenant la séparation du Québec du reste du Canada. Ce qui nous préoccupe – et là je souligne encore, ils parlent de préoccupations – ce n'est pas de savoir si le Québec sera reconnu comme société distincte ou encore qu'un Québec séparé pourra faire toutes ses lois, collecter ses impôts, etc., mais bien de savoir si nous pourrons encore survivre comme fabricant de meubles dans un Québec séparé et conserver tous nos emplois.» C'est tout à fait légitime pour une entreprise de dire comment l'enjeu référendaire l'affecte. Comment cela va-t-il affecter les employés de cette entreprise?

Et je continue de citer au texte le document Pourquoi nous votons non émanant de Laurier, compagnie de meubles. «Nous nous inquiétons quand nous constatons que 49 % de notre production est vendue à l'extérieur du Québec (25 % aux États-Unis et 24 % au reste du Canada). En effet, au lendemain d'un Oui, nous devrons faire les frais de l'incertitude liée au fait que le Québec sera devenu un pays souverain. Pendant que les politiciens provinciaux passeront leur temps à s'occuper du divorce, le climat d'incertitude continuera et les consommateurs retarderont leurs achats de meubles, si bien que nous aurons amplement le temps de subir des pertes assez importantes qui compromettraient la survie de notre entreprise. Nous n'avons pas les moyens de courir ce risque.» Encore une fois, dans ce paragraphe, il n'y a pas d'intimidation, il n'y a pas de ruse, il n'y a pas de contrainte. Il y a une opinion qui est exprimée et qui dit clairement que l'incertitude politique émanant d'un contexte référendaire va avoir un impact sur les activités de l'entreprise.

Alors, en tout cas, M. le Président, on peut lire le texte au complet, il n'y a absolument rien dans ce document, qui a été déposé par le ministre comme une preuve à conviction à l'appui de l'article 85, qui justifierait qu'on bâillonne les gens. Qu'ils soient des travailleurs, ou qu'ils soient des employeurs, ou qu'ils soient des syndicats, n'importe qui a la liberté de s'exprimer sur les enjeux touchant un scrutin ou touchant un référendum.

Autre pièce à conviction déposée par le ministre à l'appui de son argument, un document émanant d'Emballages Mitchel-Lincoln. Et qu'est-ce qu'il dit, ce document? «Saviez-vous que, si le Québec se sépare du reste du Canada, il y aura beaucoup moins d'activités dans le domaine des affaires au Québec. Notre chiffre d'affaires dépend du succès auprès de nos clients. Je suis dans le doute, à savoir si notre compagnie peut survivre dans un Québec indépendant. Cela signifie que votre emploi et mon emploi peuvent peut-être disparaître.»

Alors, ça encore, c'est un document qui témoigne des inquiétudes exprimées par des gens d'affaires, par des entrepreneurs qui, eux, sont aux prises avec les vrais problèmes et les conséquences de la séparation. Et dans une démocratie, un citoyen, une citoyenne peut avoir le droit de dire ce qu'elle pense, de dire comment les enjeux électoraux et les enjeux référendaires peuvent l'affecter dans son activité économique ou dans son activité professionnelle.

Le ministre dit: Oui, mais vous avez présenté l'amendement concernant la loi électorale fédérale et on l'a accepté. Faux! Parce que l'amendement, tel qu'on l'a proposé... On a demandé d'amender, en fait, le terme «d'influencer le vote d'un électeur» par les dispositions de la loi électorale fédérale, notamment l'article 253 qui dit ceci:

«Est coupable d'une infraction quiconque, par intimidation, contrainte ou quelque prétexte ou ruse:

«1° soit force, incite ou encourage quelque personne à voter ou à s'abstenir de voter à une élection;

«2° soit tente de faire croire à une personne que le scrutin ou le vote à une élection n'est pas secret.»

L'article 253 de la loi électorale fédérale parle d'une influence indue dans le sens de toucher au secret du vote et à l'exercice du droit de vote. On ne parle pas ici vaguement et largement d'une influence indue au sens large du terme. Si on veut prendre le dictionnaire pour regarder c'est quoi, l'influence. L'influence, c'est un pouvoir par lequel on peut exposer des opinions sur la place publique. Et «quiconque» ici, dans l'article, quand le ministre le restreint à Laurent Beaudoin parce que c'est l'exemple qu'il a en tête, ou qu'il parle de l'intimidation des employeurs vis-à-vis des travailleurs, mais le libellé du texte, il s'applique à tout le monde. Et «quiconque», ça peut être, comme je l'ai expliqué tantôt, un journaliste qui prend position dans un journal et qui exerce une influence. Tout le monde le sait que les médias ont de l'influence. Tout le monde sait que les médias ont de l'influence. Tout le monde sait que les médias façonnent, d'une certaine manière, l'opinion publique. Tout le monde sait que les gens s'informent dans les journaux, à ce qu'ils entendent, les images qu'ils consomment à la télévision.

Donc, si on laisse l'article tel qu'il est et qu'on ne le balise pas par la disposition qu'on a proposée et qui dit que «cette disposition n'a pas pour effet d'empêcher quiconque d'exprimer une opinion concernant les enjeux d'un scrutin», bien, on va se retrouver dans une situation dramatique où il faut bâillonner les gens qui disent ou qui expriment des opinions avec lesquelles on n'est pas d'accord. Moi, je peux accepter que quelqu'un exprime une opinion avec laquelle je suis en total désaccord, mais je me battrai pour que cette personne l'exprime, surtout en ce qui concerne un enjeu électoral, surtout en ce qui concerne un référendum et surtout dans un article de loi qui est inscrit à la Loi électorale, qui est une loi quand même extrêmement importante, qui est à la base de notre système de démocratie.

J'ai également allégué que la Loi de la presse elle-même contient une disposition de ce genre, et que cette loi-là a été amendée après l'adoption de la Charte des droits et libertés du Québec, et que la disposition subsiste toujours. Donc, on peut baliser un article de loi par la disposition que nous avons introduite. D'où ma déception de voir que le ministre refuse d'entendre raison, refuse de comprendre, finalement, l'impact d'un tel article dans la loi. Et il dit: C'est aux tribunaux de trancher. Moi, je plains le juge qui aura à trancher à partir d'un texte aussi imprécis, aussi large, aussi lourd de conséquences. Parce que le ministre, lui, s'est fait son opinion à partir d'un exemple précis. Mais le texte, tel qu'il est libellé, il s'adresse à tout le monde et il s'adresse à l'exercice de l'influence. Or, c'est vaste, l'exercice de l'influence.

Ce qui est en jeu ici, c'est la liberté d'expression et, comme je l'ai dit, les journalistes, les médias ont le droit d'exercer des opinions, de les exprimer, et on ne peut pas les mettre à l'amende jusqu'à 10 000 $ parce qu'ils vont écrire des articles qui vont aller dans un sens ou dans l'autre. Qu'on soit d'accord ou en désaccord, cela va de soi, c'est la liberté d'expression qui prime. Et ça, M. le Président, c'est un article fondamental; la liberté d'expression est centrale au débat sur la démocratie. On ne peut pas sacrifier ce droit-là, on ne peut pas le sacrifier sous quelque prétexte que ce soit, et j'ose espérer que, si le ministre, lui, n'est pas convaincu ou ne veut pas se laisser convaincre, au moins que le Conseil des ministres qui va disposer de ce projet de loi puisse comprendre la portée de l'article 85, où ça peut nous mener.

Alors, M. le Président, je suis encore dans l'expectative et j'espère que le Conseil des ministres va nous éclairer, à défaut d'avoir l'éclairage du ministre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Merci, Mme la députée de La Pinière. M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. D'abord, j'espère que la ministre, à force de se... la députée, à force de se répéter...

M. Sirros: Bientôt, bientôt.

M. Chevrette: ...va s'autoconvaincre. Soyez sans crainte...

(12 h 20)

Mme Houda-Pepin: Bien, je ne...

M. Chevrette: Je suis convaincu que non, et je vous dirai personnellement pourquoi...

Mme Houda-Pepin: Je suis convaincue.

M. Chevrette: ...M. le député de Laurier-Dorion. Ha, ha! Ah! son cas, s'il regarde son cas, pas le vôtre.

Mme Houda-Pepin: Je suis convaincue.

M. Chevrette: Que vous ne serez jamais là? Vous avez bien raison.

Ceci dit, M. le Président, je voudrais riposter un petit peu à Mme la députée, qui s'autoconvainc à chaque intervention qu'elle fait, qu'elle ne parle même pas du fond, elle ne comprend même pas ce qu'elle a proposé. Ce n'est pas des farces pour un député. Ils ne comprennent même pas ce qu'ils ont proposé. Elle a commencé par traiter, tantôt, de vicieux un amendement qu'elle a déposé. Là, elle traite l'amendement d'évasif, dangereux, qu'il ne veut dire. Mais c'est eux autres qui l'ont proposé. C'est eux autres qui l'ont proposé, M. le Président. Franchement, là, des fois, il vaut mieux se taire et passer pour pas trop fin fin que d'ouvrir la trappe puis le prouver, M. le Président. Il y a un proverbe qui dit ça. Et ça, je pense que, dans le cas de la députée de La Pinière, c'est en l'ouvrant qu'elle a prouvé qu'elle ne comprenait même pas ce qu'ils proposaient.

Mme Houda-Pepin: M. le Président...

M. Chevrette: Donc, ce que les libéraux ont proposé, c'est vicieux, c'est évasif, puis ça n'a pas d'allure.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, le ministre est en train de prêter des intentions, M. le Président.

M. Chevrette: Et ils nous reprochent...

Une voix: Ils sont fidèles à eux-mêmes.

Mme Houda-Pepin: Je n'ai jamais dit ça, M. le Président.

Une voix: Liberté d'expression, madame, liberté d'expression.

Mme Houda-Pepin: Je n'ai jamais dit ce que le ministre me prête, m'interprète.

M. Chevrette: Ma liberté d'expression, Mme la députée de La Pinière. S'il vous plaît, laissez-moi m'exprimer!

Mme Houda-Pepin: Alors, si vous avez des idées, exprimez-les, mais n'interprétez pas les idées des autres.

M. Chevrette: C'est ce que je fais. Vous avez dit que le texte était vicieux. Qui l'a dit? Ce n'est pas moi, M. le Président.

Mme Houda-Pepin: J'ai dit que l'article tel que vous l'avez libellé est vicieux.

M. Chevrette: M. le Président, voulez-vous lui demander de rentrer sagement dans son fauteuil puis de me laisser parler?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Allez-y, M. le ministre.

M. Chevrette: La liberté d'expression, M. le Président, ils plaident ça depuis le matin. Est-ce qu'elle pourrait me laisser parler?

Mme la députée a dit que l'amendement qui était sur la table, c'était vicieux. M. le Président, c'était proposé par eux. Le sous-amendement était vicieux; c'était proposé par eux. Cet amendement amendé et sous-amendé est flou, imprécis et dangereux; ça a été proposé par eux. M. le Président, il y aurait un avantage, je pense, très sérieux à ce que la députée se relise parce qu'elle va s'autoconvaincre de ne plus parler sur son amendement. Il faudrait qu'elle s'autoconvainque de ne plus parler de son amendement parce que là c'est devenu vicieux et dangereux. Ce qui est vicieux et dangereux, ce n'est donc pas présentable. Pourquoi l'ont-ils présenté? Je fais des syllogismes, on pourrait s'amuser, là.

M. le Président, manifestement, les libéraux sont contre le droit à la liberté totale de conscience. Ils veulent absolument limiter – limiter, M. le Président – le droit à la liberté de conscience, ce que l'on ne fera jamais. Il y a deux chartes qui existent: il y a la Charte canadienne puis il y a la Charte québécoise. Les deux chartes transcendent complètement tout amendement qu'on peut faire ici, tout article qu'on peut faire ici. On aurait beau y dire qu'on limite tel droit, si on n'utilise pas le mot «nonobstant», comme vous avez dit tantôt, ça ne sert à rien; les chartes priment. Et c'est heureux que ce soit ainsi à part ça. Et la preuve que c'est heureux que ce soit ainsi, c'est qu'on est à légiférer suite au jugement Libman. Mais on a dit qu'on ne laisserait pas un vide juridique puis qu'on ne permettrait pas que le signe de piastre soit synonyme d'un poids démocratique. C'est ça qu'on a dit.

Déjà qu'on a assez des banderoles, puis des manifestations d'amour, puis des autobus qui partent de Vancouver, puis des avions qui partent d'un peu partout à travers le Canada pour venir nous dire qu'ils nous aiment et qui viennent dépenser des dizaines de milliers de dollars, des millions de dollars pour débalancer les dépenses électorales. C'est ça qui s'est passé concrètement. Je sais que ça fait l'affaire de nos amis d'en face. Ils aimeraient ça, M. le Président, eux, que tout l'argent qui peut venir dans les airs, par train, par avion, par autobus, parce qu'ils sont forts en autobus de ce temps-ci... l'hélium se promène en autobus.

Donc, M. le Président, nous, personnellement, on est pour l'assise juridique du droit fondamental contre l'intimidation. On l'a votée. On est prêt à voter sur le fond de l'article lui-même. Ce n'est pas vrai qu'on va diminuer ce droit. Ce n'est pas vrai que les chartes sont mises de côté, contrairement à ce que disent les députés d'en face. La députée de La Pinière, je ne sais même pas si elle est consciente que, quand elle nous taxe d'antidémocratiques... je ne sais même pas si elle est consciente, elle, puis j'ai plutôt la conviction contraire, qu'elle ne comprend pas qu'une charte puisse transcender des lois. Ils ne comprennent pas ça. S'ils sentent le besoin de le dire, c'est parce qu'il y a quelque chose derrière la tête. Moi, je vous avoue, M. le Président, elle, elle peut s'autoconvaincre de quoi que ce soit, mais, nous, on dit: On légifère, on donne une assise juridique au droit contre l'intimidation...

Une voix: ...son droit de réplique...

M. Chevrette: Bien, je suis sur mon 20 minutes. Vous n'aurez pas la chance de parler d'ici à et demi, «c'est-u» correct? C'est clair.

Des voix: ...

M. Chevrette: M. le Président, je «peux-tu» parler?

Le Président (M. Landry, Bonaventure): Oui, continuez, M. le ministre.

M. Chevrette: Merci. C'est sûrement agréable d'entendre le député de Joliette parler à la députée de La Pinière. On a été 20 minutes sur le point de s'endormir; on «peux-tu» au moins se réveiller un peu?

M. Sirros: M. le Président, est-ce que je peux suggérer au ministre qu'on pourrait peut-être ajourner nos travaux trois minutes avant la fin? J'ai un appel que je dois faire, puis le ministre aussi, j'imagine...

M. Chevrette: Oui, vous faites Le Midi-15 à midi et demi, je suis au courant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Non, pas à midi et demi.

M. Chevrette: Y «a-tu» d'autres choses que vous voulez savoir?

M. Sirros: Pas à midi et demi. Vous le faites avec moi?

M. Chevrette: Je le fais à 12 h 40.

M. Sirros: Hein?

M. Chevrette: Je le fais à 12 h 40, mais vous le faites à midi et demi.

M. Sirros: Non, je ne le fais pas...

M. Chevrette: Si ça peut vous aider, je vous dirai juste une chose...

M. Sirros: Je ne le fais pas à midi et demi, je le fais à 12 h 40 avec vous.

M. Chevrette: Non.

M. Sirros: Mais j'ai un autre appel à faire avant ça, alors, j'aimerais...

Des voix: ...

M. Sirros: J'aimerais proposer l'ajournement, et tout en réitérant au ministre: Pour ce qui est de l'assise juridique, revenez avec un projet de loi qui donne suite à ça.

M. Chevrette: Non, ne plaidez pas.

Une voix: Pas de discours.

Le Président (M. Landry, Bonaventure): À l'évidence, nous allons ajourner nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 27)


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