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Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Wednesday, March 27, 2002 - Vol. 37 N° 54

Consultations particulières sur le projet de loi n° 50 - Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives (titre modifié)


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte. Je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 50, Loi modifiant le Code civil.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Dupuis (Saint-Laurent) est remplacé par M. Bergman (D'Arcy-McGee) et M. Pelletier (Chapleau) est remplacé par Mme Gauthier (Jonquière).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, bienvenue à tous les participants. Ça inclut le féminin.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Le ton est clair.

Une voix: Tenez-vous-le pour dit.

Le Président (M. Lachance): Les participants et les participantes, bon.

Une voix: Ça t'apprendra à dire n'importe quoi. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Voyez-vous, j'ai un demi-siècle d'existence, puis, à ce moment-là, «participants» incluait aussi les participantes.

Alors, nous allons procéder aujourd'hui à des consultations particulières, d'abord, cet avant-midi, avec le Barreau du Québec, la Chambre des notaires par la suite et, pour terminer nos travaux en avant-midi, avec la Fédération des caisses Desjardins du Québec. Mais, au préalable, je demanderais aux personnes qui auraient des appareils cellulaires d'ouverts de bien vouloir les fermer, s'il vous plaît, pendant la séance.

Remarques préliminaires

Et j'invite immédiatement le ministre de la Justice à nous faire part de ses remarques préliminaires. M. le ministre.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président... Excusez-moi, M. le Président.

Alors, M. le Président, chers collègues, le projet de loi n° 50, intitulé Loi modifiant le Code civil, que j'ai présenté à l'Assemblée nationale le 8 novembre dernier et à l'égard duquel j'ai déposé plusieurs amendements devant l'Assemblée le 19 décembre suivant propose d'apporter des modifications législatives à un certain nombre de matières régies par le Code civil.

Malgré la diversité des modifications proposées et, par conséquent, l'apparence d'une loi dite omnibus qui peut en résulter, il s'agit là, M. le Président, d'un projet de loi significatif pour les citoyens et les citoyennes du Québec. Mis à part quelques ajustements préventifs destinés à corriger des erreurs qui se sont glissées dans les textes, ce projet de loi propose, en effet, d'importantes mesures visant à rectifier des interprétations qui ont pu se développer dans l'application du Code civil, à préciser l'application des règles de ce Code dans des situations où l'état du droit demeure incertain ou encore à simplifier ou à faciliter l'exercice des droits qui y sont prévus. C'est d'ailleurs en raison de l'importance de chacune de ces mesures et des enjeux que certaines d'entre elles sous-tendent que j'ai annoncé, lors du dépôt des amendements, mon intention et celle du gouvernement de procéder aux présentes consultations particulières, afin de permettre aux principaux intervenants ou groupes intéressés de nous faire part de leurs commentaires et suggestions quant à ce projet de loi.

Alors qu'on s'apprête aujourd'hui à entreprendre ces consultations, il m'apparaît utile de revoir les principales modifications que le projet de loi n° 50 propose d'apporter au Code civil, des modifications qui visent toutes à adapter le Code civil aux besoins réels et immédiats des citoyens et citoyennes ou encore entreprises du Québec.

M. le Président, lors des travaux qui ont conduit à l'adoption du nouveau Code civil, entré en vigueur le 1er janvier 1994, il a maintes fois été indiqué qu'il ne fallait plus, comme par le passé, attendre des décennies avant d'apporter au Code les ajustements que pouvait requérir l'évolution sociale. Au contraire, tant le ministre de la Justice et les critiques de l'opposition du temps ont exprimé leur souhait que le Code soit modifié afin de refléter en tout temps les besoins et aspirations quotidiennes des citoyens et citoyennes ou entreprises à qui il s'adresse. Le projet de loi n° 50 participe à un objectif souhaité, un code constamment adapté aux réalités. Je tiens à souligner ce fait, car certains des intervenants ou groupes que nous allons entendre au cours des prochains jours paraissent encore douter de la légitimité de cet objectif.

Quant aux principales modifications préconisées par le projet de loi n° 50 au Code civil, elles sont variées. C'est ainsi que le projet propose, dans le domaine du droit des personnes, de clarifier le pouvoir d'appréciation du tribunal en matière de garde en établissement afin de bien indiquer que le juge peut toujours, même en l'absence de contre-expertise, refuser d'ordonner la garde d'une personne s'il n'est pas lui-même convaincu de sa nécessité. M. le Président, une telle clarification s'impose à ce moment-ci, car la jurisprudence récente tend à considérer que le tribunal, en l'absence d'une contre-expertise, demeure lié par les rapports psychiatriques présentés au soutien de la demande de garde sans pouvoir y substituer sa propre évaluation. Or, cela est contraire aux objectifs de protection poursuivis en cette matière. D'une part, les contre-expertises au profit de la personne visée par la demande sont souvent difficiles à obtenir dans les circonstances; d'autre part, il est primordial de s'assurer qu'une personne ne puisse, contre son gré, être privée de sa liberté sans la garantie fondamentale d'une appréciation et d'une décision indépendante de la part d'un tribunal. Le projet de loi que je propose, en affirmant davantage le pouvoir souverain du tribunal, viserait donc à rétablir cette garantie fondamentale à laquelle toute personne a droit.

n (9 h 40) n

Dans le domaine du droit de la famille, le projet de loi n° 50 propose de préciser les règles du Code relatives au partage du patrimoine familial, principalement pour y prévoir que le versement de cotisations au titre d'un régime de retraite emporte accumulation de droits partageables au titre de ce régime. Alors que le Code civil prévoit expressément qu'un régime de retraite émanant d'une autorité législative autre que celle du Parlement du Québec est assujetti aux règles sur le patrimoine familial, un jugement de la Cour d'appel a néanmoins décidé que le régime établi en vertu de la loi fédérale sur les juges n'était pas soumis à ces règles pour le motif qu'il ne s'y accumulait pas de droits tant que le droit à la pension ne s'ouvrait pas, et ce, même si des versements de cotisations au titre du régime avaient effectivement été faits avant l'ouverture du droit à la pension.

Cette interprétation de la Cour d'appel fait ainsi des juges de nomination fédérale les seuls participants à des régimes de retraite dont les droits au titre du régime ne sont pas partagés en cas de dissolution de leur mariage. Une telle situation, cela va sans dire, est non seulement discriminatoire et potentiellement injuste pour les conjoints des juges visés, mais elle jette aussi énormément de discrédit sur la perception que les justiciables ont de l'administration de la justice. Les précisions proposées viseraient à mettre un terme à cette situation afin que les juges de nomination fédérale soient désormais clairement assujettis aux règles du Code relatives au partage du patrimoine familial.

Toujours dans le domaine du droit de la famille, mais cette fois au sujet des actions relatives à la filiation, le projet de loi n° 50 propose d'attribuer expressément au tribunal le pouvoir d'ordonner qu'une personne se soumette à un test d'ADN, c'est-à-dire à une analyse permettant, par prélèvement d'une substance corporelle, d'établir son empreinte génétique. Jusqu'à récemment encore, de telles analyses génétiques ne s'effectuaient qu'au moyen de prises de sang, de sorte que les tribunaux hésitaient grandement à ordonner qu'une personne s'y soumette. Tel n'est cependant plus le cas aujourd'hui, puisque de telles analyses peuvent maintenant se faire par des méthodes moins intrusives comme le prélèvement de cheveux, de cellules de l'épiderme ou de salive. Aussi, les développements jurisprudentiels récents reconnaissent-ils déjà le pouvoir du tribunal d'ordonner qu'une personne se soumette aux analyses génétiques visées.

En consacrant législativement un tel pouvoir du tribunal, le projet de loi n° 50 s'inscrit donc dans le cadre de ces développements jurisprudentiels, mais il va un peu plus loin. D'abord, le projet de loi propose d'assortir le pouvoir du tribunal de restrictions propres à garantir une atteinte minimale à l'intégrité de la personne visée. Ensuite, le projet de loi propose d'autoriser le tribunal à tirer une inférence négative du refus injustifié de la personne de se soumettre à l'analyse plutôt que de la condamner pour outrage au tribunal, comme cela est possible actuellement.

M. le Président, des mesures correctives sont également proposées par le projet de loi n° 50 dans d'autres domaines régis par le Code civil en vue, cette fois, de rétablir un meilleur équilibre entre les droits et obligations de chacun. En matière de copropriété, le projet de loi propose de préciser que le créancier qui prend en paiement une fraction de copropriété est assujetti, relativement au paiement des charges communes dues par son débiteur, aux mêmes règles que celles qui sont applicables à tout autre acquéreur d'une pareille fraction. Cette précision se justifie eu égard à certaines décisions rendues par les tribunaux au cours des dernières années. Ces décisions ont, en effet, considéré que les créanciers visés n'étaient tenus qu'aux charges communes nées à compter du jugement les déclarant propriétaires de la fraction, alors que tout autre acquéreur d'une fraction est en principe tenu de toutes les charges communes impayées au moment de l'acquisition. La précision apportée par le projet de loi permettrait donc de supprimer une distinction inéquitable résultant de cette jurisprudence, d'autant plus que celle-ci conduit à faire supporter par l'ensemble des copropriétaires, à l'exclusion des seuls créanciers hypothécaires, les risques d'insolvabilité d'un copropriétaire en défaut quant au paiement des charges communes.

En matière de d'hypothèque, le projet de loi propose d'autres précisions qui témoignent du même souci de mettre un terme à une situation inéquitable découlant de l'interprétation jurisprudentielle des textes du Code afin qu'il soit clair que le créancier hypothécaire ne puisse réclamer de son débiteur en défaut au titre des frais qu'il a engagés pour recouvrer ses créances les honoraires professionnels qu'il a dû débourser à cette fin, alors que le débiteur poursuivi ne bénéficie pas du même avantage advenant qu'il ait gain de cause. M. le Président, je ne voudrais pas insister davantage à ce moment-ci sur l'opportunité de cette importante proposition du projet de loi, nous aurons l'occasion, aujourd'hui, d'entendre de nombreux groupes à ce sujet.

Je voudrais cependant vous rappeler que, sous l'empire du Code civil du Bas-Canada, les créanciers hypothécaires étaient autorisés à réclamer «tous les frais encourus» sans pourtant que ces frais aient été considérés comme couvrant les honoraires extrajudiciaires déboursés pour des services professionnels. Mais la jurisprudence considère aujourd'hui que le créancier hypothécaire a droit à ces honoraires parce que le nouveau Code civil, plutôt que de maintenir l'anglicisme «frais encourus» de l'ancien Code, parle maintenant de «frais engagés» ou «de frais légitimement engagés». Or, cette simple reformulation des textes du Code, dictée uniquement par la justesse de la langue, ne peut, à mon avis, justifier le changement de fond qu'y a vu la jurisprudence, surtout que l'interprétation donnée entraîne, M. le Président, une disparité de traitement qui m'apparaît non souhaitable entre les créanciers ordinaires et les créanciers hypothécaires, puisque seuls ces derniers se voient présentement conférer le droit de réclamer ces honoraires professionnels.

Par ailleurs, M. le Président, le projet de loi n° 50 propose, dans le domaine de la vente d'immeubles résidentiels, une modification majeure au régime actuel de la garantie du vendeur pour vice caché en limitant désormais cette garantie aux seuls vices qui se manifestent dans les cinq ans de la vente de l'immeuble. M. le Président, si la règle a été maintenue en 1991, c'est que les règles de la garantie pour vice caché n'avaient pas posé jusqu'à maintenant de difficultés importantes. Toutefois, les nombreux cas rapportés au cours des dernières année de vices dus à la présence de pyrite dans le sous-sol des garages ou des maisons ont mis en lumière la nécessité de revoir aujourd'hui la durée de la garantie prévue par ces règles en matière résidentielle. Il faut, en effet, savoir que, si le délai de prescription actuel de l'action pour faire valoir la garantie du vendeur est de trois ans, ce délai ne commence toutefois à courir qu'à compter du moment où le vice se manifeste pour la première fois. Par conséquent, il est des cas où, comme dans celui de la pyrite, le vice peut ne se manifester que 20, 30 ou 40 ans après la première vente de l'immeuble et où forcément la responsabilité de tous les vendeurs successifs de l'immeuble peut subsister pendant toutes ces années.

Or, il m'apparaît socialement inacceptable que des citoyens et citoyennes puissent, pour une aussi longue période, demeurer responsables des vices cachés qui affectent une résidence qu'ils ont vendue ou qu'ils vont vendre dans l'ignorance même de ces vices. Cela, surtout que le vice ne leur est généralement pas imputable, m'apparaît d'autant plus inacceptable lorsque l'on sait par ailleurs que les entrepreneurs en construction, qui sont les professionnels dans le domaine et qui, dans certains cas, peuvent être à l'origine des vices en question, ne sont, en principe, tenus de garantir ces vices que s'ils ne se manifestent dans les cinq ans qui suivent la fin de leurs travaux. C'est pourquoi le projet de loi que je propose suggère de limiter à cinq ans depuis la vente la garantie des vices à laquelle sont tenues les personnes qui vendent leur résidence, dans la mesure, bien sûr, où elles étaient de bonne foi lors de la vente, c'est-à-dire dans la mesure qu'elles ignoraient l'existence même du vice et n'en étaient pas la cause.

M. le Président, je sais que cette proposition préoccupe, elle aussi, plusieurs des groupes que nous allons entendre au cours des prochains jours, notamment parce qu'elle forcera les citoyens et citoyennes à être plus vigilants à l'avenir lors de l'acquisition d'une nouvelle résidence. Il s'agit pourtant là, à mon avis, d'une conséquence qui est de loin préférable, sur le plan de la sécurité des transactions et de la paix sociale, à celle qui résulte des règles actuelles en ce domaine avec les multiples recours en cascade qu'elles supposent à l'endroit de tous les vendeurs successifs de l'immeuble et la responsabilité ultime qui en découle pour le premier acquéreur de l'immeuble ou de ses héritiers.

Voilà, M. le Président, les principales modifications au Code civil que comporte le projet de loi n° 50, tel qu'il a été présenté. Il faut maintenant ajouter, comme je l'ai déjà indiqué, un certain nombre de modifications découlant des amendements à ce projet de loi que j'ai déposés à l'Assemblée nationale et qui intéressent, eux aussi, plusieurs des groupes que nous allons entendre au cours des prochains jours.

C'est ainsi qu'un amendement propose de retirer des règles du Code civil relatives au respect de la réputation et de la vie privée toute mention du droit des héritiers à la protection de la mémoire de leur auteur de manière que le droit au respect de la vie privée soit dorénavant considéré comme un droit purement personnel s'éteignant, en principe, au décès de la personne. Il m'apparaît, en effet, que seule une telle mesure permettrait de réconcilier les règles du Code en la matière avec d'autres règles de notre droit tout aussi fondamentales qui reconnaissent la liberté d'expression, la liberté de presse et le droit légitime du public à l'information. Une telle mesure, qui rejoindrait les solutions de principe admises, entre autres, sur le continent américain, laisserait par ailleurs intact le droit des héritiers à la protection de leur propre vie privée de même que le droit à la propriété des écrits et documents qui leur sont laissés par le défunt.

n (9 h 50) n

Un autre amendement d'importance propose, cette fois, d'élargir la portée des règles actuelles du Code qui concernent les célébrants compétents en matière de mariage civil afin que ces mariages puissent désormais être célébrés par les maires, les préfets et les autres membres des conseils municipaux, entre autres. Encore là, il m'apparaît que cette proposition correspondrait mieux aux attentes des citoyens et citoyennes, lesquels ressentent toujours un certain inconfort devant la perspective d'avoir présentement à consacrer leur union dans un palais de justice qui est davantage un lieu de règlement de litiges qu'un lieu de célébration de mariages.

Le Président (M. Lachance): Je m'excuse, M. le ministre, votre temps est écoulé, à moins d'un contentement pour terminer...

Mme Lamquin-Éthier: ...y en avoir beaucoup, je peux me tromper. Est-ce qu'on peut avoir une évaluation du temps, M. le ministre?

M. Bégin: Bien, j'ai pris... Combien de temps... Combien j'ai pris? Vingt-deux pages...

Le Président (M. Lachance): De deux à trois minutes. Il vous resterait, d'après ce que je peux voir, deux à trois minutes.

M. Bégin: Deux, trois minutes. C'est beau, je connais le contenu.

Le Président (M. Lachance): Très bien. De toute façon, madame, si vous voulez avoir le temps dont a disposé le ministre, vous pourrez l'avoir aussi.

M. Bégin: Merci. Encore là, il m'apparaît que cette proposition correspondrait mieux aux attentes aux citoyens et citoyennes... Excusez-moi, c'est déjà lu.

De plus, en multipliant les lieux de célébration des mariages et en rapprochant par le fait même ces lieux de la résidence effective des citoyens, je pense que cette proposition assurerait une plus grande accessibilité du mariage civil à la population, tout en réduisant les inconvénients, entre autres les coûts de déplacement que suppose un mariage au palais de justice pour ceux et celles qui demeurent en région.

Par ailleurs, un amendement proposera l'abrogation pure et simple des formalités relatives à la vente d'entreprises. Ces formalités, qui n'ont cessé de soulever des difficultés depuis leur insertion dans le Code civil au début du siècle dernier, sont généralement considérées comme étant d'une utilité marginale dans le contexte moderne du crédit. Elles ont d'ailleurs été abandonnées par la majorité des provinces canadiennes et des États américains.

D'autres amendements, encore, visent à corriger certaines lacunes qui ont été soulignées en rapport avec l'application du Code civil. L'un de ces amendements viserait ainsi à conférer expressément au tribunal, en matière de mandat en prévision de l'inaptitude, le pouvoir de rendre des ordonnances de garde et d'administration provisoires avant et pendant les procédures d'homologation du mandat, comme cela est prévu dans le cas des demandes d'ouverture d'un régime de protection.

Un autre amendement relatif, cette fois, à la publicité des droits viserait à simplifier les conditions s'attachant à la désignation d'immeubles situés en territoire non cadastré.

Enfin, un certain nombre de modifications sont proposées au texte anglais du Code civil afin de rétablir, dans les cas les plus sérieux sur le plan des conséquences juridiques pour les citoyens et citoyennes et les entreprises du Québec, la concordance entre ce texte et le texte français correspondant.

Ces modifications, je tiens à le souligner, ont été identifiées principalement sur la base des discordances notées par les professeurs Jean-Maurice Brisson et Nicholas Kasirer ? je ne sais pas si le nom est bien prononcé ? du Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec, dans leur Édition critique du Code civil, publiée par les Éditions Yvon Blais, une société Thomson. Elles devraient donc à ce titre recevoir l'assentiment de tous.

M. le Président, tous ces amendements que je viens d'exposer sommairement s'inscrivent dans le prolongement des objectifs qui sous-tendent les mesures déjà préconisées dans le projet de loi n° 50 que j'ai présenté, à savoir mieux adapter les règles du Code civil aux besoins et attentes de la population du Québec.

En terminant, je tiens à remercier, M. le Président, toutes les personnes ou groupes que nous allons entendre au cours des prochains jours d'avoir répondu à l'invitation qui leur a été faite et d'avoir bien voulu, dans des délais relativement courts pour certains, nous faire part de leurs commentaires et suggestions sur cet important projet de loi. Je vous souligne, M. le Président, que ce projet suscite certainement un intérêt, puisque nous avons ajouté une demi-journée afin de pouvoir entendre certains groupes ou organismes qui nous ont manifesté leur intérêt. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Bourassa et porte-parole de l'opposition officielle, pour vos remarques préliminaires.

Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Mes remarques préliminaires vont être brèves afin de permettre à tous les groupes qui se sont déplacés d'être entendus et de nous faire profiter de leur expérience et de leur expertise. Cela étant, permettez-moi cependant de dire en ouverture que le Code civil, comme le rappelle le Barreau du Québec, constitue la pièce législative des relations de droit privé au Québec. Son adoption s'est échelonnée sur plus de 20 années. Il s'agit donc de l'assise majeure sur laquelle repose notre tradition civiliste. Le Barreau du Québec rappelle d'ailleurs que le Code civil est considéré à juste titre comme une loi fondamentale qui ne doit être modifiée que lorsque vraiment nécessaire, et uniquement dans le cadre d'une réflexion globale bien mûrie, et après avoir bien évalué tous les impacts possibles.

Avec le projet de loi n° 50, le ministre de la Justice vient donc modifier le Code civil du Québec sur certaines questions particulières, pour ne pas dire ponctuelles. Alors, plusieurs groupes, associations et personnes ont accepté de nous rencontrer afin de nous soumettre leurs commentaires et leurs suggestions touchant les enjeux principaux du présent projet de loi. Et leurs commentaires vont certes également nous permettre de mieux évaluer l'impact des mesures sur les autres chapitres du Code, parce que je pense que l'objectif que nous devons garder en tête, c'est que cette intervention ou ces interventions ponctuelles ne viennent pas mettre en péril la structure du Code. Alors, je souhaite la bienvenue aux groupes et je vous remercie, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme la députée de Bourassa. Alors, nous allons maintenant amorcer nos périodes de rencontre avec les groupes. Bienvenue, madame, messieurs du Barreau du Québec, à cette commission parlementaire. Et j'invite immédiatement le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez une présentation de 15 minutes.

Barreau du Québec

M. Gervais (Francis): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mme et MM. les députés, je me présente, Francis Gervais. Je suis l'actuel bâtonnier du Québec. Je suis accompagné, ce matin, de personnes qui sont reconnues comme étant les expertes dans les domaines que nous allons aborder. J'ai, à ma gauche complètement, le bâtonnier Claude Masse dont la réputation, je pense, est déjà faite, un universitaire très bien connu, qui également est praticien très bien connu, auteur connu et auquel nous référons comme praticiens, auquel les tribunaux réfèrent, qui nous entretiendra particulièrement sur les questions qui touchent aux obligations et à la responsabilité civile.

À ma gauche immédiate, Me Michel Deschamps, qui a un cheminement un petit peu différent parce qu'il est plus particulièrement praticien, mais également chargé de cours depuis de nombreuses années et dont l'Université de Montréal a reconnu, cette année, par la remise de ses hommages son implication comme chargé de cours, et également un auteur bien connu dans le domaine dans lequel il s'adressera à nous, particulièrement en matière de sûretés.

Et vous connaissez tous celle qui est assise à ma droite, Suzanne Vadboncoeur, qui, malheureusement, n'est pas citée, parce que, avec le temps qu'elle met à préparer les mémoires qui nous servent et qui vous servent, et la jurisprudence n'étant rendue qu'à citer les textes des débats de l'Assemblée et non sur encore des mémoires... n'est pas encore citée, mais elle devrait l'être, qui nous parlera effectivement en droit de la famille.

Si vous permettez un très court commentaire qui, effectivement, apparaît dans notre mémoire, le Barreau du Québec a un certain inconfort concernant le projet de loi n° 50 non pas par son contenu, mais par ce qu'il représente. Parce qu'on se souviendra, comme Mme Lamquin-Éthier nous mentionnait tout à l'heure, qu'en 1991 je pense que le Barreau était d'accord, nous avions, à ce moment-là, reconnu la primauté du Code civil sur toute la législation québécoise, nous en faisions une loi fondamentale. Et on n'a qu'à se rappeler le préambule du Code civil du Québec qui en fait justement cette loi de base. Cette loi de base, nous la considérions tellement importante à cette époque que nous avions mis sur pied l'idée d'avoir un organisme ? et, quand je parle de nous, je parle de tous les intervenants dans le domaine ? un organisme indépendant voué à la réforme du Code pour ne pas que l'on fasse les erreurs qu'on avait peut-être faites dans le passé, c'est-à-dire d'y aller à la pièce, mais plutôt d'y aller d'une façon réfléchie, en voyant effectivement à toutes les conséquences de législation. La loi qui crée l'Institut de réforme du droit a été adoptée, mais, malheureusement, nous nous retrouvons encore dans une situation où, plusieurs années plus tard, nous venons à la pièce, lorsque des pressions sont faites, lorsqu'une situation se retrouve... venir modifier une loi fondamentale, celle du Code civil.

Nous craignons que nous allons affecter le joyau de notre législation, le fondement de notre législation, la solidité de ce fondement-là, faisant en sorte qu'on s'interroge encore sur la raison pour laquelle on fait des modifications parcellaires. Ceci étant, vous retrouvez mes commentaires dans notre mémoire, mais je vais laisser la parole immédiatement à nos experts, parce que le texte de loi traite de plusieurs sujets, et nous avons peu de temps, et ce sont les règles, nous les connaissons. Alors, c'est vous, Me Vadboncoeur, qui s'adressera la première.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Merci, M. le bâtonnier. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je dois d'abord peut-être un petit peu déplorer le fait qu'on ait seulement 45 minutes de présentation et d'arguments sur un important projet de loi comme celui-là, compte tenu du nombre d'amendements qu'il vise. J'espère que le législateur ? et je m'adresse ici évidemment aux deux partis ? a plus de respect pour le Code civil que le temps, malheureusement, que nous devons consacrer qui est fort limité.

n (10 heures) n

Ceci étant dit, mes propos seront très brefs. D'abord, sur les expertises psychosociales, je pense que vous avez déjà les deux mémoires du Barreau en main... Sur les expertises non pas psychosociales, je m'excuse, les expertises dans les domaines de garde en établissement, il s'agit simplement d'une modification de forme que le Barreau suggère qui a pour but d'insister davantage sur la nécessité pour le tribunal d'être convaincu de la dangerosité de la personne plutôt que de mettre l'emphase sur le contenu des deux rapports médicaux.

Quant à la preuve d'ADN, l'article 535.1, le Barreau du Québec est d'accord sur la philosophie qui anime le gouvernement dans cet amendement sous réserve de quelques détails. D'abord, évidemment, il n'est pas question que... Lorsque la possession d'état est conforme au titre, il n'est pas question que le tribunal puisse autoriser une preuve d'ADN. Deuxièmement, en ce qui concerne l'établissement de la filiation, donc dans un recours en recherche de paternité, le Barreau, compte tenu du fait que c'est quand même une atteinte à l'intégrité de la personne, est d'avis qu'on devrait avoir une preuve prima facie, c'est-à-dire une vraisemblance de droit de démontrée, ce qui serait d'ailleurs conforme à l'actuel article 533 du Code civil du Québec qui assujettit le témoignage en matière d'établissement de filiation à des présomptions et d'autres indices sérieux. Donc, ce serait tout à fait conforme. Par contre, en défense, 535 actuel ouvre la porte à n'importe quel moyen de défense. Donc, cette preuve prima facie ne serait pas nécessaire en matière de défense ou en désaveu de paternité. Vous avez d'ailleurs tous ces commentaires-là, là, j'y vais vraiment très rapidement sur les points les plus importants.

Troisième élément, en matière de droit des personnes et droit de la famille, l'article 35 qui suggère d'éliminer le consentement des héritiers en ce qui concerne l'atteinte à la protection de la vie privée suite à l'injonction qui a été prononcée par la Cour supérieure dans l'affaire Michaud contre Turgeon. Je pense que ce serait une erreur que d'abolir complètement ce consentement des héritiers, d'une part, parce que ça pourrait être interprété comme voulant dire qu'il n'y absolument plus aucun frein à cette atteinte ou encore ça pourrait être interprété... Le consentement de la personne décédée étant évidemment impossible, ça pourrait être interprété, donc, comme donnant ouverture à une atteinte à la vie privée uniquement lorsque la loi l'autorise. Or, je pense que ce n'est pas ça qui est le but non plus. Alors... Et, compte tenu du respect qu'on doit avoir pendant, en tout cas, un certain nombre d'années et compte tenu du droit à l'image, qui est un concept qui n'est pas tellement véhiculé encore, mais qui commence à faire jurisprudence, je ne pense pas que n'importe qui pourrait utiliser l'image d'une personne décédée à n'importe quelle fin. Le Barreau considère donc qu'on devrait maintenir le consentement des héritiers, mais pendant une période de temps limitée, soit sept ans pour se coller au jugement déclaratif de décès qui est déjà prévu dans le Code civil, soit encore 30 ans pour se coller à la Loi sur les archives. Sept ans nous semblerait suffisant.

Finalement, le mandat en cas d'inaptitude, le Barreau du Québec est d'accord, parce qu'on l'a demandé depuis longtemps d'établir les mêmes règles quant à la garde et à l'administration provisoire des biens de la personne avant le début de l'instance en matière de mandat en cas d'inaptitude. On suggère cependant dans le mémoire, vous le verrez, un arrimage encore meilleur pour que les règles soient vraiment les mêmes, alors qu'actuellement il y a quelques points qui diffèrent. Mais, sur le fond, le Barreau est d'accord.

Alors, vu le peu de temps, je passe maintenant la parole, avec votre permission, M. le Président, au bâtonnier Claude Masse qui va nous parler de responsabilité civile.

M. Masse (Claude): M. le Président, alors, brièvement, puisque je pense que vous avez lu notre mémoire, ce qui est important pour vous, c'est la discussion après coup, nous voulons nous questionner ici sur le fait que l'article 1726, alinéa 3, réglerait le problème de pyrite. Dans le document de discussion qui semble avoir fondé le projet, le ministère de la Justice, parce qu'il semble que ce soit la source... Je réfère à la page 18 de notre mémoire, le ministère de la Justice dit lui-même que la grande majorité des problèmes de pyrite ont été réglés par le régime actuel; deuxièmement, qu'il s'agit là de problèmes davantage hypothétiques qu'autre chose; et, troisièmement, que le programme d'aide aux victimes de la pyrite a déjà réglé une bonne partie de la question.

Une remarque à cet effet-là, si le gouvernement veut s'attaquer au problème de la pyrite, il peut très bien, me semble-t-il, en faire l'objet d'une loi spéciale. Lorsqu'on a voulu régler le problème des recours internationaux en matière d'amiante, on a modifié le Code civil de façon spéciale, par une loi spéciale qui s'attaquait à l'amiante. Quand on a voulu étendre les délais de prescription dans le dossier de la MIUF, en 1981-1982, le législateur québécois a modifié le Code civil en ce qui a trait à la prescription en matière de mousse d'urée formaldéhyde. Ce n'est pas un problème particulier de modifier le Code civil pour s'attaquer à un problème spécial.

Le problème de l'article 1726, alinéa 3, qui ne s'appliquerait qu'à la vente de maisons d'habitation et de terrains destinés à la vente d'habitations ferait en sorte que les acheteurs de terrains et de bâtiments pour des fins industrielles et commerciales seraient bien mieux protégés que ne le seraient les simples consommateurs. Et, si le principe que prétend défendre le projet s'applique, pourquoi ne pas l'étendre également en matière commerciale et industrielle? De ce côté-là, quant à moi, il me semble difficile de penser qu'on ferait de la protection du consommateur à rebours.

Une autre remarque, 1726, alinéa 3, n'est clairement pas une disposition d'ordre public, c'est-à-dire que c'est clairement, selon nous, une disposition que les parties au contrat notarié de vente pourraient écarter de libre consentement. Ça veut dire ceci, le notaire qui présidera à la passation d'un tel type de contrat devra informer la partie acheteuse de son droit de négocier avec l'autre partie une exclusion à l'article 1726, alinéa 3. S'il ne le fait pas, il sera passible de poursuite en responsabilité civile, de sorte que, d'un système qui est relativement clair actuellement, on passerait à un transfert de responsabilité à d'autres intervenants. On parle des notaires, on parle des agents d'immeuble et le reste, et le reste.

Donc, il s'agit là de quelques-unes des interrogations que le projet nous amène, et on sera, nous tous, notamment sur l'article 1726, très contents de répondre à vos questions, MM., Mmes les députés.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre de la Justice.

Une voix: ...

Le Président (M. Lachance): Ah, il restait Me Deschamps qui...

M. Deschamps (Michel): Merci. Alors, je vais, quant à moi, traiter de trois dispositions du projet: tout d'abord, l'article 6 qui vise à tenir un créancier hypothécaire responsable des charges communes en matière de copropriété; en second lieu, l'article 8 du projet qui vise à amender une disposition du Code civil concernant le mandat; et, enfin, l'article 11 qui vise à interdire à un créancier hypothécaire de réclamer des honoraires extrajudiciaires.

Quant au premier article dont je veux traiter, l'article 6, eh bien, tout d'abord, il est loin d'être certain que l'objectif recherché est atteint par l'amendement. Ce n'est pas du tout évident, et, si on veut empêcher un créancier... ou plutôt rendre un créancier hypothécaire responsable des charges communes, je ne crois pas qu'on atteint vraiment l'objectif. Et, par ailleurs, comme le mémoire du Barreau le souligne, il s'agit ici d'un exemple patent d'un amendement à la pièce qui ne s'introduit absolument pas dans un plan d'ensemble et qui va créer des procès plutôt qu'il ne va en régler, parce que cet article que l'on veut amender ne peut pas être lu sans tenir compte de plusieurs autres dispositions du Code civil au chapitre des hypothèques légales qui, elles, ne sont pas modifiées. Et, donc, on lit, d'une part, le nouvel article tel qu'il se présenterait avec l'amendement projeté et, d'autre part, les articles du Code civil sur les hypothèques et les priorités, et on aboutit à des interprétations contraires. Alors, nous vous soumettons que cet article devrait être retiré du projet, tant en raison des problèmes d'application qu'il pose, des problèmes techniques et aussi au niveau de la politique juridique qui est sous-jacente à cet amendement, politique juridique dont nous discutons dans notre mémoire.

n (10 h 10) n

Concernant l'article 8, l'article 8 vise à interdire une pratique qui a lieu partout en Amérique du Nord et qui fonctionne très bien, et on se demande qui s'en plaint. L'article 8 vise à ramener le Code civil au stade où il se trouvait, sur cette question-là, avant 1994. On ne sait pas pourquoi, et le document de travail ne l'explique pas vraiment. Et, en fait, l'article 8 aura pour conséquence d'amener les parties à chercher à faire régir les contrats de mandat par le droit d'une autre province canadienne lorsque cela sera possible, et nous ne voyons pas beaucoup l'intérêt, donc, de cet article.

Enfin, l'article 11. L'article 11 veut interdire à un créancier hypothécaire de réclamer le paiement des honoraires extrajudiciaires. Le Barreau s'oppose à cet article, et, bien sûr, on dira: Le Barreau prêche pour sa paroisse. Bien, avant de porter un jugement aussi hâtif sur la position du Barreau, il faudrait, premièrement, se souvenir que l'article 11 introduirait dans le Code civil du Québec encore une fois un principe qui ne se retrouve nulle part en Amérique du Nord et qui ne se retrouve pas dans les régimes de droit des sûretés modernes que l'on retrouve à travers le monde en général. Le Québec s'intéresse, s'implique dans des projets de réforme du droit commercial. Le Québec s'intéresse à des conventions internationales qui se négocient, et qui se signent, et qui s'adoptent. Le Québec est partie prenante à ces négociations, et, dans le domaine du droit des sûretés, ces conventions prévoient, dont une dans laquelle le Québec a un intérêt particulier, qui est la convention sur le financement des avions, à titre d'exemple... Cette convention prévoit expressément qu'un créancier hypothécaire est en droit de réclamer les frais extrajudiciaires... les frais de toutes sortes qu'il a engagés pour le recouvrement de sa créance ou pour préserver le gain.

Je vous ai donné l'exemple d'un créancier hypothécaire d'un avion, et vous allez me dire: Oui, mais on est peut-être loin du texte de l'article du projet de loi. Mais non, cet article ne fait pas de distinction entre les consommateurs ou les ententes entre commerçants. Si on estime que le fait de permettre à un créancier hypothécaire de réclamer des honoraires extrajudiciaires pourrait donner lieu à des abus, ou n'est pas assujetti à un contrôle suffisant, ou encore que le consommateur aurait besoin de davantage de protection parce qu'il ne jouit pas d'un pouvoir de négociation semblable, eh bien ce n'est pas dans une disposition générale dans le Code civil que le remède devrait être apporté. Il nous apparaît que ça devrait être davantage dans la Loi sur la protection du consommateur. Mais, l'article 11 du projet de loi n'est pas limité au consommateur, il s'applique aussi aux situations de droit commercial.

Le Président (M. Lachance): Est-ce que vous voulez conclure, s'il vous plaît?

M. Deschamps (Michel): Merci. Et je voudrais terminer en mentionnant que le mémoire mentionne les frais d'avocats. Tel que rédigé, cet article empêcherait de réclamer des honoraires d'un architecte que le créancier hypothécaire aurait retenu pour pouvoir préparer des plans pour préserver un... des plans de rénovation ou de réparation pour un édifice qui aurait un besoin urgent de réparations. Alors, cet article touche non seulement les frais d'avocats, mais tous les services professionnels.

Deuxièmement, il n'est pas exact de dire que, sous l'ancien droit, il était interdit de réclamer des honoraires extrajudiciaires. Au contraire, la jurisprudence le reconnaissait par l'intermédiaire des dépenses encourues pour l'intérêt commun.

Et, enfin, il n'est pas exact, contrairement à ce que le document de travail dit, de dire que cet article... que le Code civil, à l'heure actuelle, place les créanciers hypothécaires dans une situation différente des créanciers ordinaires, qui ne peuvent réclamer de tels montants. C'est inexact, il est courant, courant dans des contrats commerciaux... En fait, c'est de pratique... c'est standard, dans des contrats commerciaux, de prévoir qu'un emprunteur, dans une situation commerciale, va s'engager à rembourser les frais professionnels encourus par son créancier même si le créancier ne détient pas d'hypothèque. Alors, nous vous soumettons que le document de travail est fondé sur des prémisses qui ne sont pas exactes. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, nous allons maintenant amorcer la période d'échange. M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Mme, MM. les avocats, je vais commencer d'abord par l'introduction que vous avez eue à l'égard des modifications au Code civil. Ceci m'apparaît important parce que je ne partage pas le point de vue que vous avez exprimé sur ces modifications apportées au Code civil. Lorsque je suis rentré à la faculté de droit, en 1964, on m'a informé qu'il y avait quelqu'un qui travaillait à une refonte du Code civil. Il s'appelait Paul-André Crépeau et il travaillait depuis quelques années déjà. Et ça s'appelait, si ma mémoire est fidèle, l'Office de révision du Code civil, et on espérait, me disait-on, qu'à la fin de mon cours je pourrais probablement prendre connaissance du nouveau Code civil et l'étudier. Alors, j'ai commencé, en 1964-1965, j'ai terminé en 1968, j'ai fait mon Barreau en 1969. Je n'ai pas connu le nouveau Code civil et je l'ai connu en 1991, 1992, 1993, 1994, juste avant de quitter le pratique, 25 ans plus tard. Je dis bien 25 ans plus tard. Avec un nouveau Code, j'ai été obligé d'assister, comme tous les avocats et avocates, à des cours de formation pour réapprendre le nouveau Code.

Vingt-cinq ans, si c'est ça qu'on doit faire, moi, je ne partage absolument pas ce point de vue là. La société évolue beaucoup, nos institutions, quelles qu'elles soient, doivent s'adapter, et je pense que, dans le domaine civil, de la vie en société, on doit le modifier. Dans certains secteurs, ça bouge plus que dans d'autres. Par exemple, je parlais, dans cette même salle hier, devant mes collègues que, en 1980, Marc-André Bédard avait déclaré à l'égard des enfants: Tous les enfants seront égaux. Il n'y aura plus de bâtards, il n'y aura plus de d'enfants qui ne seront pas des enfants comme les autres. Et, malheureusement, 20 ans plus tard, on doit constater qu'entre nos enfants il y a des divergences considérables quant à leurs droits. Qu'il soit né dans l'union de fait, qu'il soit né dans une union homosexuelle ou gaie, l'enfant est là et il n'a pas les mêmes droits. Donc, on voit que c'est important et qu'on doit tenir compte de ces choses-là, on doit modifier.

D'ailleurs, c'était la vision du ministre libéral de l'époque qui disait, le 4 juin 1991: Ce nouveau Code aura son identité propre. La culture, les valeurs et la langue qui le structureront, l'intégreront à la société ne sont plus les mêmes qu'en 1866. Le nouveau Code doit être de son temps. Il veut être adapté. Il aura aussi son devenir propre. Il devra à son tour s'ajuster aux transformations, aux mouvements de la société qu'il adviendra.

Sa vis-à-vis, la critique de l'opposition ? si je me rappelle bien, c'était Mme Harel ? disait: Une troisième leçon à tirer de cet héritage civiliste est la nécessité d'une mise à jour permanente du Code civil selon les besoins nouveaux et changeants de la société québécoise.

Je partage ce point de vue là. Ce qui manque cependant ? et ça, c'est un point important ? c'est qu'il n'y ait pas eu de suite donnée à la création de l'Institut ? je ne sais pas si c'est le nom exact, là ? de l'Institut de réforme du Code... Bon. J'ai appris moi-même l'existence de cet Institut ou qu'il avait existé récemment, parce qu'on ne m'avait jamais parlé de ça. Il n'existait pas dans nos statuts ou, en tout cas, n'était pas dans la vie courante du ministère, et c'est, je dirais, par hasard que je l'ai appris. Alors, je confesse, au nom de tous les gouvernements qui ont suivi 1991, que nous n'avons pas donné suite à ça et qu'il serait peut-être bon d'y penser sérieusement pour le faire. Mais, n'ayant pas donné suite, il faut, à mon point de vue, que la loi s'adapte aux besoins d'aujourd'hui.

Alors, c'est que ce que le projet de loi fait. C'est de deux façons, corriger certaines interprétations jurisprudentielles qui ont été données par les tribunaux suite au nouveau Code civil, ce qui est tout à fait correct... Les juges sont appelés à se prononcer sur des nouveaux textes, sur des textes anciens modifiés, restructurés et en tirent des conséquences. Le législateur peut ne pas être d'accord avec ces orientations nouvelles dans certains cas et apporter des modifications. Dans, d'autres cas, les interprétations, et c'est la très grande majorité des cas... est conforme, et le législateur ne juge pas à propos d'intervenir.

Mais il y a d'autres affaires qui bougent beaucoup. C'est ce que nous avons essayé de faire. Et je n'en fais pas grief à personne, mais le Barreau, dans son mémoire, fait état qu'il était déçu que certains mémoires qu'il avait faits il y a quelques années n'avaient pas connu de suite. J'ai interprété ça comme étant une volonté de modifier le Code civil, mais que le législateur n'avait pas bougé. Puis, par ailleurs, il y a dans le mémoire des propositions de modification nouvelles au Code civil qui m'apparaissent tout à fait correctes et qui devraient trouver une suite. Mais, pour ça, il faut accepter de modifier le Code civil.

n (10 h 20) n

Ceci étant dit, je reviendrais sur les textes, les questions qui ont été soulevées. Évidemment, on ne peut pas nécessairement se prononcer sur chacun des points, juste quelques-uns.

L'article 35, le consentement des héritiers. La recherche que nous avons faite nous indique qu'aux États-Unis ça se termine avec le décès. La personne n'a plus de droits par la suite. En France, c'est la même chose. Et, généralement, partout, nous ne retrouvons pas la disposition que nous avions dans le Code civil à l'effet que, pendant un certain temps, il fallait le consentement des héritiers afin de pouvoir faire certaines choses. Alors, il y a beaucoup de représentations qui ont été faites. Le dossier de ? comment il s'appelle? ? M. Michaud est peut-être celui qui a permis de faire ressortir le dossier, mais, dans les faits, c'est un contrat qui a été conclu entre les parties, et, quelle que soit, je pense, la décision qui sera rendue, elle n'aura pas une incidence profonde sur la suite des choses, puisque le juge aura à se prononcer sur le contrat et non pas sur les dispositions qui sont là. Nous pensons que ceci ne devrait plus continuer.

Le problème le plus important, me semble-t-il, c'est celui de la prescription concernant les habitations. D'entrée de jeu, je dirais qu'effectivement il n'est pas évident qu'on devrait avoir une règle différente pour l'habitation et les autres immeubles. Ça, ça m'apparaît peut-être une distinction inutile, on devrait placer les gens dans la même situation. Mais je crois que, au-delà du problème de la pyrite, il est nécessaire qu'on regarde cette question de la prescription, parce que, dans les faits, pour des cas qu'on n'a pas présentement devant nous, mais qui peuvent se produire, des personnes qui étaient de bonne foi, qui ont été des acheteurs dans une longue lignée de vendeurs-acheteurs, vendeurs-acheteurs, vendeurs-acheteurs se verraient poursuivre 15 ans, 20 ans plus tard, en disant: Vous savez, dans le temps, quand vous avez été propriétaire, il y a quelque chose que vous ne saviez pas, que vous ne pouviez pas voir, mais ça vous rend responsable, et, en conséquence, vous êtes poursuivi comme étant le sixième vendeur de cet immeuble. Il y en a peut-être encore d'autres au-dessus de vous, là, mais vous les poursuivrez, vous, pour être capable de vous défendre et faire en sorte de ne pas payer.

Je ne crois pas que, pour un consommateur, ça soit intéressant de vivre une situation comme celle-là. Nous savons tous qu'il est important qu'il y ait une certaine stabilité dans les droits et qu'on ne soit pas avec une épée suspendue au-dessus de la tête pendant des années et des années. C'est pourquoi, d'ailleurs, il y a des délais de prescription, c'est pour faire en sorte que, après une certaine période de temps, les choses soient acquises. Et on pense ? en tout cas, je pense ? que cinq ans, si c'est bon pour un constructeur qui bâtit l'immeuble et qui passe à vendeur de ne plus être responsable des vices qui surgissent par la suite à moins qu'ils aient commencé à se manifester dans la première période de cinq ans... Il m'apparaît que le vendeur, le simple citoyen de bonne foi, qui n'a rien vu, qui ne pouvait rien voir devrait lui-même être à l'abri d'une poursuite. C'est le sens de la démarche. Mais j'adhère à vous pour dire que ça devrait être la même chose dans l'autre domaine.

Je ferais remarquer cependant qu'il y a eu un fort débat en commission parlementaire où des entreprises ont défendu exactement le contraire de ce qu'elles défendent maintenant quand il s'agissait de rendre responsables les vendeurs ou les propriétaires d'un terrain au sol contaminé. Et il y a eu des débats très forts, très, très rudes, je dirais, en commission parlementaire pour faire sauter cette responsabilité en cascade, pour éviter que celui qui avait pollué soit tenu responsable. Je fais remarquer qu'il y a une série d'arguments qui sont exactement le contraire de ce que j'entends maintenant, qui étaient en faveur des entreprises, pour limiter leur responsabilité et qu'ils ne soient pas tenus, dans le temps, à être responsables. Je pense que là on a quelque chose, là, qui est un discours discordant. Et je ne dis pas que c'est celui du Barreau, mais je dis que j'ai des mémoires... Et j'étais ministre de l'Environnement à ce moment-là et je peux vous dire que j'en ai entendu des vertes puis des pas mûres, de sorte que je pense que, là-dessus, il est de l'intérêt des citoyens de limiter cette question-là.

Quant aux honoraires extrajudiciaires ? c'est l'article 11 ? si j'ai compris les choses et je me rappelle de ma pratique, ce n'était pas des frais couverts au moment de la vente de l'immeuble, ce n'était pas des frais réclamables. Un changement de formulation qui visait à enlever un anglicisme a fait en sorte que les tribunaux, ils ne se sont pas penchés sur la question, ils ont donné une nouvelle interprétation. Ce n'était pas, en tout cas, l'intention du législateur, et on veut revenir à ce que c'était avant. C'est le sens de cette modification législative de retourner à ce que c'était avant. Si on me dit que j'ai tort, je suis prêt à vous entendre, mais c'est ce qui sous-tend cette modification-là. Alors, je ne sais pas si vous avez une réponse là-dessus, mais c'est ce que, nous, on a comme information.

M. Deschamps (Michel): Tout d'abord, M. le ministre, sous l'ancien droit, les honoraires de professionnels ? non pas seulement les honoraires d'avocats, mais les honoraires de professionnels ? ont, à l'occasion, été réclamés, et la jurisprudence a reconnu que ces honoraires bénéficiaient d'un privilège. Et, quelle que soit la technique juridique, donc, les frais professionnels servant à protéger un bien bénéficiaient d'un privilège. Et, concernant les honoraires extrajudiciaires d'avocats, la jurisprudence était controversée.

Et, deuxièmement, il faut bien comprendre que, au-delà des avocats, tel que l'article se lirait maintenant, on interdirait de réclamer des honoraires d'évaluateurs, des honoraires de gestionnaires d'immeubles. Il ne faut pas oublier qu'on ne se trouve pas uniquement dans le domaine de la protection du consommateur ici. Et, je mentionnais que ce serait une situation unique en Amérique du Nord, il n'y a aucun système juridique qui... Ou plutôt je dirais l'inverse, tous les systèmes juridiques en Amérique du Nord reconnaissent le principe que notre nouveau Code civil reconnaissait, et il nous apparaît un peu inconcevable que le propriétaire d'une usine... ou que le créancier hypothécaire d'une usine qui, par exemple, doit utiliser les honoraires... doit retenir des spécialistes en environnement, par exemple, pour rendre l'usine conforme aux exigences environnementales ne puisse pas ajouter à sa créance les honoraires de consultants, les honoraires d'ingénieurs, les honoraires d'architectes dont il a retenu les services.

Alors, nous vous soumettons que cet article devrait être retiré et que, si l'on estime que le consommateur aurait besoin de davantage de protection sur la question ou qu'il devrait exister des balises dans le cas d'honoraires extrajudiciaires pouvant être réclamés de consommateurs, eh bien c'est dans le cadre d'une législation particulière que l'on devrait disposer de la question et non pas d'une manière générale. On aime dire que notre régime de droit et des sûretés a été modernisé, bien là-dessus on revient en arrière. Merci.

Le Président (M. Lachance): Une dernière question, M. le ministre. Rapidement, le temps file vite.

M. Bégin: Bien. Je vais laisser ma collègue, là. J'aurai peut-être à revenir sur un autre point, mais je pense que ma collègue veut prendre la parole.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Mme la députée de Bourassa, porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. M. le ministre, maître... Bonjour à vous tous, pardonnez-moi. Et je vais tenter d'être très brève pour vous donner le plus de temps possible.

M. le ministre a commencé tout à l'heure, Me Vadboncoeur, en regardant le premier amendement qui va être inséré après l'article 1 du projet de loi, soit l'article 35, et vous avez fait une recommandation quant au consentement qui pourrait obéir à... qu'il y ait une balise dans le temps, que ça serait fait aux 30 ans. J'imagine que vous avez fait, le Barreau, cette recommandation-là après un examen, vous avez donc considéré beaucoup de situations. Votre recommandation est sûrement très prudente compte tenu des circonstances, là.

n (10 h 30) n

Mme Vadboncoeur (Suzanne): La recommandation du Barreau a été faite... Écoutez, je ne peux pas, là... je vous mentirais si je vous disais qu'on a examiné toute la législation à travers le monde, là, on n'a pas eu le temps de le faire, mais le Québec est reconnu, certainement en Amérique du Nord et peut-être même aussi en Europe, pour l'importance qu'il accorde à la protection de la vie privée. C'est beaucoup plus fort au Québec que ça ne l'est dans toutes les autres provinces canadiennes et que ça ne l'est également aux États-Unis. Ça fait partie des moeurs juridiques, des moeurs sociologiques que d'insister beaucoup sur la protection de la vie privée. On l'a vu dans les journaux ce matin et aux nouvelles hier soir, là, il y a une poursuite de 1 million qui a été intentée, bon, parce que... suite à une filature. Alors, c'est une atteinte à la vie privée, là. Alors, c'est un exemple qui vous démontre à quel point on insiste énormément.

Alors, nous, c'est beaucoup plus à ce point de vue là qu'on a suggéré cette recommandation, parce qu'on se dit: Si on enlève complètement, si on laisse libre cours à toute atteinte de la vie privée non seulement ça va à l'encontre de la mémoire de quelqu'un qu'on doit protéger, mais ça ouvre la porte, là, justement, à bien des abus, et ça va vraiment à l'encontre de cette philosophie de protection de la vie privée.

Et c'est la même chose d'ailleurs pour le droit à l'image. J'insiste là-dessus parce que c'est de plus en plus invoqué, ce droit à l'image, et ce serait inclus, je pense, dans cet article 35, et je ne suis pas sûre que des gens qui sont décédés actuellement les héritiers permettraient que leur image soit utilisée en dérision ou, en tout cas, pour souligner les travers de la personne ou quoi que ce soit. Je comprends cependant que les héritiers eux-mêmes, si l'atteinte à la vie privée de la personne décédée rejaillit sur leur propre vie privée, à eux, là, aux héritiers, c'est sûr qu'eux conservent un droit d'action. Ça, ça nous apparaît évident.

Mais je pense qu'il faut quand même préserver pendant un certain temps, et nous, nous préconisons sept ans. Ce n'est quand même pas immense, sept ans, mais ça laisse le temps un peu de décanter, si vous me permettez l'expression, et c'est conforme aux autres dispositions du Code civil relatives au jugement déclaratif de décès. Sans ça, je pense qu'il y aurait des abus qui pourraient être commis de façon répétitive.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Me Vadboncoeur. Le Québec se distingue notamment au niveau de la protection de la vie privée, ce qui le distingue de ce qui se fait ailleurs, également une très grande préoccupation ici en ce qui a trait au droit à l'image. Vous proposez le maintien du consentement mais pour un temps limité, à savoir sept ans. Est-ce que vous croyez que l'utilisation dans le texte, dans la mesure où on le maintient, du mot «héritiers» devrait être balisée? Est-ce que ça devrait être ramené à des héritiers de premier niveau? Est-ce que ce critère, ce mot-là devrait être restreint également?

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Écoutez, je vous avoue que notre réflexion ne s'est pas portée là-dessus, mais si vous mettez «descendants», ça couvre beaucoup plus large que «héritiers». Je pense que «héritiers», là, il faudrait vérifier dans le Code civil, mais je pense que les héritiers, ce ne sont pas les successibles, ce sont vraiment les héritiers, donc ceux qui héritent du de cujus, là, de la personne décédée. Alors, il ne faudrait pas non plus justement perpétuer trop dans le temps cette interdiction, mais... Alors, en laissant ça avec les héritiers, bien, ce sont ceux qui ont hérité de la personne décédée. Je pense qu'il n'y a pas lieu de modifier ce mot-là.

Mme Lamquin-Éthier: Ça ne pose pas de difficulté au niveau de l'interprétation.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Non.

Mme Lamquin-Éthier: Parfait.

Maintenant, il y a un commentaire, je crois, qui a été soulevé par la Chambre des notaires en ce qui a trait à l'article 5 qui vient modifier l'article 535.1 et qui est relatif au troisième alinéa. Le texte utilise: «Le tribunal peut tirer une inférence négative du refus injustifié de se soumettre à l'analyse visée par l'ordonnance.» Est-ce que... On dit, la Chambre des notaires dit que l'utilisation «inférence négative» est un emprunt du droit pénal et... Est-ce que vous avez eu l'occasion de considérer cette utilisation-là dans le texte et quels seraient vos commentaires?

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Nous, cette expression-là ne nous a pas fait tiquer de quelque façon, je pense que l'interprétation en est claire, c'est beaucoup plus le mot «convaincu» qui nous a interpellés comme étant emprunté, justement, du droit pénal ou criminel, et on avait peur que le degré de preuve exigé par le mot «convaincu» soit supérieur à la prépondérance de preuve exigée normalement en droit civil. Mais l'expression «tirer une inférence négative», je pense que c'est clair, puis tous les juges interpréteront cette expression-là comme pouvant jouer contre la personne qui a un refus injustifié de se soumettre au test d'ADN.

Mme Lamquin-Éthier: Merci. Vous avez soulevé le terme «convaincu». Dans la deuxième ligne, on parle de «établir» pour «établir la filiation». Est-ce que l'utilisation du terme «établir»...

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Non, ça, ça ne pose pas de difficulté parce que c'est déjà dans le Code civil, là. Si vous regardez les articles 533 et suivants... 530 et suivants, mais particulièrement le 533, il n'y a pas de difficulté, les mots «établir une filiation», évidemment, nous, on se pose la question à savoir si le mot «établir» vise uniquement l'action en recherche de paternité non pas à cause du mot «établir», mais à cause de la place du nouvel article 535.1.

Parce que 535.1 étant après 535 ? c'est un peu technique, là, ce que je dis là, mais... ? 535 ne vise que la défense. Donc, ce n'est pas un établissement de filiation, au contraire, c'est la négation de l'établissement de la filiation. 535 parle de la défense et parle, en deuxième alinéa, que, bon, toutes les preuves sont admissibles, là, à quelqu'un qui veut établir que le mari n'est pas le père de l'enfant. Alors, on se place en défense, ici, ou en désaveu de paternité.

C'est pourquoi, d'ailleurs, nous, les suggestions qu'on fait, c'est d'établir une vraisemblance de droit, et on suggère de déplacer 535.1 tout de suite après 533 pour que ce soit limité dans les cas où on veut vraiment établir la filiation, donc dans une demande en recherche de paternité, notamment.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Me Vadboncoeur.

Le Président (M. Lachance): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: M. le Président, merci. M. le bâtonnier Gervais, M. le bâtonnier Masse, Me Vadboncoeur, Me Deschamps, je suis d'accord que cet amendement au Code civil n'a pas de bout et que le problème avec la pyrite pourrait être réglé par une loi spéciale. En ce qui concerne le temps alloué, c'est impossible pour avoir un échange qu'on doit avoir avec les modifications qui apportent au Code civil, et j'entends prendre avantage de votre générosité pour vous consulter hors de cette commission parlementaire pour avoir vos idées sur les amendements apportés au Code civil. J'ai l'impression que nous sommes ici pour une formalité, mais on ne peut pas échanger toutes les questions qu'on veut soulever.

En ce qui concerne l'amendement à l'article 1726, le ministre dit qu'il veut apporter un peu de stabilité dans cette question de vice caché, et moi, je pense qu'on apporte un sens de confusion. Vous avez dit que vous n'êtes pas certain si cet article est d'ordre public ou non, mais vous êtes d'avis que ce n'est pas d'ordre public. Alors, si ce n'est pas d'ordre public, je peux voir une grande confusion entre le vendeur, l'acheteur et l'agent d'immeuble au temps de la signature des offres qui sont faites au bout d'une table, à la cuisine, et je peux voir beaucoup de confusion.

Aussi, je vous demande... Vous avez soulevé dans votre document la question d'équité; le vendeur qui a reçu la pleine valeur pour sa propriété et l'acheteur est victime innocente, cinq ans plus tard, et perd quelque chose qu'il a payé, et le vendeur a reçu de l'argent qu'il ne devait pas recevoir à cause ce vice caché.

Vous avez soulevé la question d'habitation et le domaine commercial, et je me demande: Dans la vente d'un terrain qui est zoné résidentiel, est-ce qu'on peut dire que ça s'applique? L'amendement devant nous parle d'un immeuble à usage d'habitation.

Aussi, les questions de sol contaminé qui est vraiment un vice caché. Qu'est-ce qui va arriver, cinq ans plus tard, si l'acheteur d'un terrain ou d'une maison d'habitation a découvert qu'il y a une contamination? Est-ce qu'il peut utiliser son recours contre son vendeur? On a d'autres lois qui sont devant l'Assemblée maintenant. Alors, est-ce qu'on prend connaissance de ces autres lois?

n (10 h 40) n

Finalement, vous avez parlé des mécanismes de contournement et qui me font très appréhensif, vous avez parlé des modifications des clauses contractuelles, de l'émergence dans l'industrie d'inspecteurs du bâtiment, etc. Alors, c'est mes problèmes avec cet amendement. Et je voulais, si le temps me permet, vous questionner sur la copropriété, la question des mandats et aussi la question de vente des commerces.

M. Masse (Claude): M. le député, vous avez tout à fait raison de craindre qu'on aille beaucoup plus loin que la pyrite. Un terrain contaminé va faire l'objet de la disposition. Et, quand on vend un terrain, on n'est dans plusieurs cas pas nécessairement devant une vente de terrain pour des fins résidentielles, ça le devient après coup. Alors, comment est-ce qu'on va pouvoir qualifier rétroactivement une vente d'un terrain qui n'était pas nécessairement zoné résidentiel et qui a obtenu un dézonage par après?

La question est d'autant plus délicate que nous ne sommes pas en présence d'un délai de prescription. Un délai de prescription, contrairement à ce qui a été dit tantôt, c'est un délai qui court à partir du moment où on connaît l'existence d'un recours. Ici, on est en présence d'un délai de déchéance, ce qui est très rare dans le Code civil du Québec, c'est-à-dire que vous perdez votre droit avant même de connaître son existence. Et ce genre de pratique est à éviter. Dans l'immense majorité des cas, c'est vraiment une mesure tout à fait exceptionnelle que, dans cette salle même, où on a travaillé pendant six mois à la rédaction finale du Code civil, avec les deux parties en présence ici, les députés ont décidé, à juste titre dans certains cas, dans la plupart des cas même, d'écarter les délais de déchéance.

Alors, ce n'est pas exact de dire que le constructeur-vendeur, actuellement, il n'a qu'une responsabilité de cinq ans. On ne doit pas confondre les dispositions du Code civil en matière de contrat d'entreprise avec les dispositions sur le contrat de vente. En matière de vice de construction, il est tenu à une garantie de cinq ans mais, comme vendeur, actuellement, il est tenu à la garantie du vendeur en vertu des règles de la vente. Et il ne faut pas confondre vice caché et vice de construction. Alors, de ce côté-là, je pense qu'il y a vraiment une ambiguïté qu'il faut lever.

Dernière remarque simplement anecdotique, M. le ministre de la Justice, l'Office de révision du Code civil a eu mandat, à ma connaissance, en 1966 et a remis un rapport final en 1978. Le gouvernement du Parti québécois à l'époque a décidé de passer la réforme à la pièce, livre par livre, et 13 ans plus tard, c'est le ministre Rémillard, il faut lui rendre justice, qui a décidé d'aller de l'avant avec une réforme globale. Mais ce n'est pas l'Office de révision du Code civil qui a, je dirais, pris un temps excessif de 25 ans. Ils ont fait un travail remarquable en 12 ans. Merci.

Le Président (M. Lachance): Quelques secondes à peine, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: En ce qui concerne l'article 6 du projet de loi, en ce qui concerne les copropriétés, vous avez demandé que l'article soit retiré. Premièrement, vous avez indiqué que, si le législateur veut atteindre un but, il y a des confusions dans le «drafting» de cet article.

Mais je ne comprends pas pourquoi vous voulez que l'article soit retiré quand on doit en fait protéger les copropriétaires. Ici, vous prenez l'exemple d'une copropriété avec trois propriétaires qui a un défaut de paiement des charges par un copropriétaire. Certainement, il y a un préjudice qui serait subi, si un créancier hypothécaire de cette unité exclusive reprend l'immeuble sans être sous l'obligation de payer les charges de copropriété. Alors, je me demande pourquoi le Barreau veut, disons, ou nous dit que le créancier hypothécaire qui reprend l'immeuble ne serait pas responsable des charges impayées sur une copropriété. J'aurais d'autres questions mais je vais les demander à vous dans un autre moment, un autre temps.

M. Deschamps (Michel): Le Code civil a établi une structure de collocation et a établi le rang des créanciers au chapitre des sûretés, et le chapitre des sûretés prévoit que les hypothèques prennent rang selon leur inscription. Et le Syndicat des copropriétaires jouit d'une hypothèque légale. Si son hypothèque légale est inscrite après l'hypothèque du créancier hypothécaire, le Syndicat des copropriétaires prend rang après le créancier hypothécaire, et l'amendement projeté ne change pas cela.

M. Bergman: Je suis d'accord que l'amendement n'atteint pas son but, mais je demande l'opinion du Barreau: Est-ce que le créancier hypothécaire qui reprend son immeuble doit être responsable pour les charges impayées nonobstant quand ces charges étaient impayées, si c'est avant ou après l'enregistrement de son hypothèque? À mon avis, pour protéger les autres copropriétaires, le créancier hypothécaire doit être responsable car, au moment où il met son hypothèque, il peut avoir l'information des charges impayées, et c'est sa responsabilité, de la même manière qu'il doit vérifier les taxes municipales et scolaires. Les charges d'une copropriété sont dans le même esprit, n'est-ce pas?

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Pour répondre, peut-être que Michel pourra compléter, la vérification des taxes, je suis d'accord avec vous, mais sauf qu'il y a un registre public où il peut vérifier si les taxes sont payées ou pas, tandis que les frais de copropriété, les frais de condos, il n'y a aucun mécanisme qui sert à aviser le preneur en paiement ou le créancier hypothécaire qu'ils sont impayés. Et, contrairement à l'acquéreur, l'acheteur de gré à gré qui négocie avec son vendeur, il va lui demander à son vendeur: Est-ce que toutes tes charges ont été payées? Si le vendeur lui dit non, bien, évidemment, il va négocier son prix d'achat à la baisse. Il peut, il est en mesure de le faire, pas le preneur en paiement, c'est un recours hypothécaire. Alors, lui, il prend l'immeuble en paiement, il n'a aucune possibilité de négocier quoi que ce soit, il n'est pas du tout dans la même situation qu'un acheteur. C'est pour ça d'ailleurs que l'article actuel limite l'application de cet article-là à l'acheteur et non pas au preneur en paiement.

Le Président (M. Lachance): Alors, nous avons déjà dépassé de près de quatre minutes le temps imparti aux députés de l'opposition. M. le ministre, il vous restait une minute.

M. Bégin: Oui. Je veux en profiter, M. le Président, juste pour rappeler quand même certaines choses. En 1955, le gouvernement du Québec entreprenait la réforme du Code civil par l'adoption de la Loi concernant la révision du Code civil, 1954-1955. Alors, ça a commencé là, ça a pris beaucoup de temps avant que ça démarre de façon efficace, mais c'est effectivement en 1978 que le rapport a été remis et, par la suite, les gouvernements ont successivement adopté morceau par morceau, chapitre par chapitre ? je ne sais pas si c'est les appellations exactes ou les titres ? et ils l'ont fait et, en plus, c'est Gilles Rémillard qui le souligne dans son texte introductif au nouveau Code, il souligne que, pendant que tout ça se faisait, se sont ajoutés des secteurs complets nouveaux qui n'existaient pas, comme toute la question de la copropriété, le droit international privé qui a été remodelé complètement, d'autres secteurs également qui sont apparus. Alors, on voit qu'on a affaire à deux phénomènes de durée dans le temps, à la fois pour concevoir et, deuxièmement, pour mettre en vigueur le tout.

Alors, je réitère que nous ne devons pas attendre des grandes réformes qui prennent des temps fous pour retravailler, il faut travailler régulièrement et adapter le Code et le faire, dans certains cas, très ponctuellement, dans d'autres cas, un peu plus globalement, mais je pense qu'il faut qu'on vive avec la société dans laquelle nous sommes.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Alors, merci, madame, messieurs du Barreau, pour votre participation aux travaux de la commission parlementaire ce matin. Alors, j'invite les représentants de la... Oh! on va suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 50)

 

(Reprise à 10 h 52)

Le Président (M. Lachance): Alors, la commission des institutions reprend ses travaux. Nous en sommes à entendre les représentants de la Chambre des notaires du Québec ? deux fois en deux jours ? sur d'autres sujets. Alors, bienvenue, madame, messieurs, et j'invite M. Marsolais à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Chambre des notaires du Québec (CNQ)

M. Marsolais (Denis): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Je suis accompagné ce matin, à ma gauche, par Me Pierre Ciotola, notaire et professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université de Montréal, auteur de nombreux ouvrages en droit et titulaire de la nouvelle chaire universitaire du notariat; à mon extrême gauche, Me François Brochu, notaire, professeur à la Faculté de droit et à la Faculté de géodésie à l'Université Laval; et, à ma droite, Me Brigitte Lefebvre, notaire et professeur au Département de sciences juridiques à l'Université du Québec et à Montréal. Ces trois notaires, M. le Président, sont tous détenteurs d'un Doctorat en droit.

Alors, le projet de loi n° 50 aborde plusieurs aspects du droit civil. Diverses modifications sans lien les unes avec les autres y sont proposées afin de corriger certaines situations ou d'apporter des éclaircissements à certaines dispositions. Aux fins de la présente commission, nous avons choisi de commenter quatre des sujets touchés par le projet de loi n° 50. Nous aborderons donc, premièrement, la vente d'entreprise; deuxièmement, l'impossibilité pour le créancier hypothécaire qui prend une fraction en copropriété en paiement de se prétendre libéré des charges communes impayées; troisièmement, des vices cachés; et finalement, quatrièmement, au risque de paraître un peu opportuniste, la question du célébrant compétent pour la célébration du mariage civil.

Alors, la vente d'entreprise. Le premier point que nous souhaitons aborder est l'abrogation des dispositions du Code civil portant sur la vente d'entreprise. Au début de l'automne dernier, lors d'une rencontre de travail réunissant le ministère de la Justice et la Chambre des notaires, nous avons fait la démonstration de la nécessité d'abroger ces dispositions. La Chambre des notaires a en effet procédé à une analyse critique des dispositions actuelles sur la vente d'entreprise. Cette analyse nous a confirmé que les articles 1767 et suivants du Code civil du Québec représentent des difficultés d'application majeures pour les juristes qui, dans la pratique, sont appelés à procéder à des ventes d'entreprise. De plus, il appert que ces articles ne protègent pas de façon efficace les créanciers et que la lourdeur des formalités prévues risque de retarder considérablement, voire même de compromettre de nombreuses ventes d'entreprises. Et l'analyse de la situation démontre également que de nouvelles lois permettent de rencontrer, et ce, de façon beaucoup plus efficace les objectifs qui, à l'origine, étaient poursuivis par ces dispositions du Code: j'entends la protection des créanciers.

Instigateurs de cette modification, les notaires du Québec ne peuvent qu'appuyer la position du ministre de la Justice, puisqu'il propose, tel que nous l'avions demandé, d'abroger ces dispositions. Il ne fait aucun doute que les notaires professionnels du droit immobilier commercial se réjouiront de la disparition des articles 1767 et suivants. En conséquence, nous dirions qu'il est inutile de s'étendre davantage sur ce sujet.

J'aimerais, M. le Président, céder immédiatement la parole à Me Pierre Ciotola qui nous entretiendra du deuxième point, notamment de l'article 6 du projet de loi n° 50. Alors, Me Ciotola.

M. Ciotola (Pierre): M. le ministre, mesdames, messieurs. L'article 6 du projet de loi qui modifie l'article 1069 du Code civil vise essentiellement à mettre un terme à la possibilité pour le créancier hypothécaire de se prétendre libéré des charges non acquittées lors d'une prise en paiement d'un bien faisant partie de la copropriété.

Soulignons que les déclarations de copropriété récentes comportent généralement des stipulations destinées à contraindre le créancier hypothécaire à acquitter les charges communes impayées et ainsi à ne pouvoir prétendre à une décharge en ce cas.

Cet amendement et ces stipulations dans les déclarations de copropriété divise veulent mettre fin à un courant jurisprudentiel majoritaire. Effectivement, la tendance actuelle est de libérer le créancier hypothécaire qui prend le bien en paiement des charges communes impayées soit à compter du préavis d'exercice du droit hypothécaire ou soit en disant, s'il y a eu, disons, inscription d'une hypothèque légale du syndicat des copropriétaires, que cette hypothèque légale du syndicat des copropriétaires étant généralement inscrite après celle du créancier hypothécaire qui prend le bien en paiement, elle doit nécessairement disparaître en raison des dispositions du Code à 2782 et 2783.

À la lecture du projet de loi n° 50, il faut se poser la question suivante: La modification suggérée règle-t-elle les difficultés soulevées en jurisprudence? Avec respect, nous nous permettons d'en douter.

Cette modification soulève de façon plus générale la protection conférée aux charges communes. Il est loisible de se demander si l'hypothèque légale du syndicat des copropriétaires ne devrait pas être abrogée et remplacée par une priorité pour la protection des charges communes. Cette priorité pourrait être prévue dans le cadre d'un nouvel alinéa à l'article 2651 du Code civil du Québec. Elle pourrait également être constitutive d'un droit réel pour accorder une protection efficace en cas de faillite et d'insolvabilité du copropriétaire en défaut. Si tel était le cas, elle devrait avoir un rang inférieur aux créances des municipalités pour impôts fonciers, et l'hypothèque légale du syndicat des copropriétaires serait ainsi abolie.

Les modalités de la réclamation de ces charges communes à titre de créance prioritaire seraient précisées au Code civil du Québec. Le syndicat des copropriétaires devrait pouvoir se prévaloir de la priorité en fonction des recours de droit commun reconnus aux créanciers prioritaires mais aussi se prévaloir des droits hypothécaires compte tenu des adaptations nécessaires. Ici, il ne faudrait pas permettre au syndicat des copropriétaires d'invoquer la prise en paiement. Une telle exception assurerait une meilleure protection des droits des créanciers hypothécaires conventionnels. En effet, le financement hypothécaire conventionnel s'accommode difficilement des créanciers hypothécaires de rang antérieur, notamment en ce qui concerne l'exercice d'une prise en paiement. Une telle exception assurerait également une protection adéquate des droits du copropriétaire en défaut. Le syndicat des copropriétaires ne pourrait pas exercer ce recours de façon intempestive et malicieuse à l'encontre d'un copropriétaire en défaut d'acquitter des charges communes et ainsi le dépouiller injustement de la propriété de sa fraction.

Il faut rappeler ici que le législateur a déjà prévu pour d'autres créanciers la possibilité d'exercer des droits hypothécaires, compte tenu des adaptations nécessaires, sans pour autant leur conférer d'hypothèque. C'est l'objet des articles 1263 et 1743 du Code civil. Cette suggestion peut également se justifier par un raisonnement fondé sur une analogie entre les impôts fonciers et les charges communes de la copropriété divise.

n (11 heures) n

Premièrement, ces réclamations dans l'un et l'autre cas visent des dépenses faites dans l'intérêt de la collectivité. Deuxièmement, les modalités de réclamation pour les impôts fonciers sont déterminées par le droit statutaire. Les modalités de réclamation pour les charges communes seraient donc fixées au Code civil du Québec. Troisièmement, la priorité suggérée pour les charges communes de la copropriété divise serait beaucoup plus simple dans son fonctionnement et moins complexe que l'hypothèque légale du syndicat des copropriétaires. Quatrièmement, cette priorité ne nécessiterait aucune inscription au registre foncier, étant conférée par la loi. Et, cinquièmement, cette priorité pour les charges communes serait colloquée après celle des impôts fonciers. Je vous remercie.

M. Marsolais (Denis): Alors, concernant le troisième sujet que nous désirons vous entretenir, soit les vices cachés, permettez-moi, M. le Président, de céder la parole à Me Brigitte Lefebvre.

Mme Lefebvre (Brigitte): M. le ministre, madame, messieurs, mon intervention porte sur l'article 8 du projet de loi qui modifie l'article 1726 du Code civil. Cet article vise à restreindre la responsabilité du vendeur d'un immeuble à usage d'habitation en matière de vices cachés. Nous réitérons devant les membres de la commission notre approbation à l'égard de cette modification.

Nous reconnaissons que la modification proposée fait suite à la problématique reliée à la présence de pyrite dans le remblai sous dalle chez de nombreuses propriétés immobilières de la région de Montréal. Cependant, nous sommes d'avis qu'elle ne vise pas uniquement à apporter une réponse juridique à cette seule situation. En effet, aujourd'hui, la présence de pyrite occasionne des poursuites judiciaires et des négociations serrées entre le gouvernement et diverses associations de propriétaires relativement à une aide financière. Il faut se rappeler qu'hier il s'agissait de la présence de la mousse isolante d'urée formaldéhyde et, demain, ce sera d'autres choses. Il est donc opportun d'apporter un correctif satisfaisant à la fois pour les acheteurs et pour les vendeurs dans toutes les situations mettant en péril la sécurité des transactions. De nouveaux types de matériaux de construction et de rénovation sont mis en marché constamment sans que nécessairement leurs méfaits ou leurs bienfaits soient connus à moyen et long terme. Il est donc normal, dans ce contexte, qu'une protection juste et raisonnable soit offerte tant à l'acheteur qu'au vendeur et qu'au-delà du délai de cinq ans prévu l'État puisse intervenir, comme il a choisi de le faire dans le cas de la pyrite.

Le régime de la garantie contre les vices cachés a très certainement démontré son utilité au fil des ans, et il est vrai par ailleurs qu'il n'a pas été décrié pour ses injustices. Il n'en demeure pas moins, cependant, qu'il est difficilement justifiable de faire porter sur les épaules des seuls vendeurs la responsabilité de vices qu'ils ignorent eux-mêmes. En effet, pourquoi exigerait-on d'un vendeur de bonne foi davantage que ce que nous exigeons des professionnels tels l'architecte, l'ingénieur, le constructeur en la matière? Pourquoi les vendeurs de bonne foi auraient-ils à assumer cet énorme fardeau sur une période aussi longue?

Il ne faut jamais perdre de vue que, si l'acheteur est protégé par la garantie légale de qualité qui lui accorde le pouvoir de s'en prévaloir advenant la découverte d'un vice jusqu'alors inexistant, il s'insurgera de la même durée de cette garantie lorsqu'il deviendra lui-même le vendeur de sa propriété. Le sort commun des vendeurs laissés des années durant dans l'expectative d'une poursuite pour vice caché mérite qu'on recherche une solution privilégiant le caractère raisonnable de la durée pendant laquelle ces mêmes vendeurs demeurent responsables.

On pourrait reprocher au ministre de la Justice d'être tombé dans la démesure en modifiant le régime des vices cachés pour ne solutionner qu'un seul problème, celui de la pyrite. En réponse à cet argument, la Chambre des notaires serait tentée d'invoquer la justice sociale, soit le difficile équilibre entre les obligations du vendeur et les droits de l'acquéreur. Dans la mesure où le vendeur est de bonne foi, le bien-fondé d'une règle qui a pour effet de le maintenir aussi longtemps dans l'attente d'une éventuelle poursuite judiciaire doit être questionné. Par ailleurs, il demeure que l'acheteur, lui-même de bonne foi, n'a pas à supporter le poids financier résultant de la présence d'un vice qui n'avait pas été porté à sa connaissance.

Ne sommes-nous donc pas ici en présence de deux victimes innocentes? Or, jusqu'à maintenant, le législateur a fait un choix entre ces deux victimes potentielles, et c'est le vendeur qui a été désigné. Nous pensons qu'il est temps maintenant non pas de modifier ce choix, car il est normal que le vendeur ayant obtenu un prix de vente supérieur à celui qu'il aurait eu si le vice avait été connu s'acquitte de son obligation de garantie. Mais nous croyons qu'il est temps de modifier la durée de l'obligation au terme de laquelle le vendeur cessera d'être l'assureur de tout vice caché pouvant affecter l'immeuble.

La Chambre des notaires ne croit pas, contrairement à d'autres, que la nouvelle prescription de cinq ans mènerait à une multiplication des recours contre de nouveaux défendeurs tels les agents d'immeuble, les inspecteurs en bâtiment et les représentants municipaux. Nous sommes plutôt d'avis que cette modification aura pour effet de mieux sensibiliser les acheteurs aux avantages de rechercher un maximum d'information concernant la propriété qu'ils comptent acquérir. Les acheteurs, en étant beaucoup plus vigilants dans la cueillette d'information, éviteront probablement de mauvais achats en découvrant, avec l'aide des inspecteurs en bâtiment, des vices auxquels ils pourront remédier plus rapidement. Il en découlera sans doute une plus grande conscientisation de l'importance de faire procéder à l'inspection de la propriété convoitée, bien que celle-ci n'ait pas pour objet de découvrir des vices qui, par définition, sont cachés. Nous croyons qu'en réunissant le maximum d'information émanant de diverses sources, dont celle de l'inspecteur, les acheteurs seront davantage en mesure d'évaluer le risque que comporte l'achat d'une propriété immobilière. Je vous remercie.

M. Marsolais (Denis): Je souhaite maintenant vous entretenir du dernier sujet qui retient aujourd'hui notre attention, soit le célébrant compétent pour la célébration du mariage civil. La modification proposée par le projet de loi n° 50 vise une meilleure adaptation des modalités de la célébration du mariage civil quant au lieu de célébration et quant à l'officier compétent.

Nous sommes d'accord avec le fait que les modalités de la célébration puissent prévoir divers lieux pour la cérémonie autres que les palais de justice et les endroits retenus pour les projets-pilotes. Nous croyons cependant qu'un minimum de décorum... et les lieux de la célébration doivent être énumérés de façon limitative, tels les mairies, les conseils d'arrondissement, les sites présentant un attrait indéniable tels que les endroits retenus pour les projets-pilotes.

Quant au célébrant compétent, nous ne surprendrons personne en déclarant que nous croyons que le notaire serait la personne appropriée pour accomplir cette fonction. De ce fait, cela assurerait une application uniforme des règles de la célébration du mariage sur l'ensemble du territoire québécois. Quant à la modification suggérée de donner compétence aux conseillers d'arrondissement et aux fonctionnaires municipaux, nous ne croyons pas opportun d'y donner suite.

Diverses raisons motivent cette recommandation. Nous pensons tout d'abord au statut d'officier public du notaire. Lors de la réception des actes authentiques, il vérifie l'identité et leur capacité ou pouvoir d'agir. De plus, le notaire est présent sur l'ensemble du territoire québécois, ce qui assure un accès facile à ce service pour toute la population. Nous pensons ensuite à l'importance de maintenir une uniformité dans les modalités de la célébration du mariage et dans le choix des lieux de cette célébration. À cet égard, le notaire, à titre d'officier public et de juriste, est en mesure d'assurer le maintien de normes identiques pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises. De plus, le notaire est tenu de se conformer à un code sévère de déontologie professionnelle, et tout manquement à ses devoirs peut être sanctionné, outre les lois civiles et criminelles, par un recours en discipline conformément aux diverses lois professionnelles, notamment au Code des professions. De plus, de par son rôle d'auxiliaire de justice, le notaire collabore étroitement avec le système judiciaire dans le cadre des diverses procédures non contentieuses et dans le cadre des procédures en vérification de testament, d'homologation de mandat d'inaptitude et d'ouverture de régime... de révision, de protection. Confier, M. le ministre, au notaire le mandat d'agir à titre de célébrant lors d'un mariage civil ne nécessite pas de modifications législatives complexes. De plus, cette recommandation, tel que nous le démontrons dans notre mémoire, ne représente pas de coûts additionnels pour le contribuable.

Je vous remercie, et nous sommes maintenant disponibles, M. le Président, à répondre à vos questions.

Le Président (M. Lachance): Je vous remercie d'avoir respecté de façon intégrale le temps qui vous était imparti. M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Mme, MM. les notaires, je voudrais aborder deux questions sur les quatre que vous avez abordées. La première concerne l'article 6, sur 1069. Nous avons eu l'occasion tout à l'heure d'en parler avec le Barreau. Je ne suis pas certain d'avoir suivi parfaitement votre raisonnement. Mais j'aimerais donc vous demander d'abord: Est-ce que vous êtes d'accord avec l'objectif de fond que nous avons énoncé, que celui qui prend en paiement un bien ou une partie doit payer les charges communes impayées? Est-ce que sur ce principe-là vous êtes d'accord?

M. Ciotola (Pierre): M. le ministre, sur le principe en question, nous sommes pleinement d'accord que le créancier hypothécaire qui prend le bien en paiement devrait être tenu responsable des charges communes impayées.

M. Bégin: Excusez, vous permettez? Ceci étant dit, j'ai compris que vous aviez une autre approche que celle que nous proposons. Et là je vous avoue candidement que je ne suis pas certain de vous avoir bien suivi, mais j'ai eu l'impression que ce serait une sûreté ou une garantie qui ne serait pas très visible. Et je sais la position de la Chambre des notaires de ne pas très favoriser ou favoriser grandement les sûretés, je dirais, occultes, celles qui ne sont pas visibles, alors pouvez-vous me préciser ça? Parce que j'ai eu un sentiment d'ambivalence.

M. Ciotola (Pierre): M. le ministre, vous avez très bien compris que la priorité...

M. Bégin: Ha, ha, ha! Qu'est-ce que j'ai bien compris? Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): Pas le «occulte», là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsolais (Denis): Ça a été utilisé une fois, ça, le mot «occulte», mais on ne voudrait pas le réutiliser.

M. Ciotola (Pierre): Il est vrai que la priorité ne serait pas...

M. Bégin: O.K. O.K. Bien, c'est pour ça, je voulais être sûr que c'était l'autre partie, là. Ha, ha, ha!

n (11 h 10) n

M. Ciotola (Pierre): Je ne modifierais pas l'article 1069 ? l'article qui serait modifié, c'est l'article 1069, de mémoire ? mais j'irais par une autre technique, c'est-à-dire que les charges communes de copropriété seraient protégées par une priorité qui serait donc immédiatement après celle de la priorité pour les impôts fonciers, à 2651. Et, comme elle serait constitutive de lois réelles et comme on a affaire à une copropriété d'immeuble, tout le monde sait qu'en achetant une copropriété d'immeuble il y a des charges communes. Donc, ces charges communes là peuvent être vérifiées facilement, et ce ne serait pas nécessaire qu'elles soient inscrites au registre foncier. En ce sens-là, il n'y a pas de coûts. Il n'y a pas... C'est sûr qu'il y a un élément d'occulte...

M. Bégin: ...je veux bien comprendre. Vous voulez que ce soit la même chose que les taxes...

M. Ciotola (Pierre): C'est ça, la même chose que les taxes.

M. Bégin: ...qui n'apparaissent pas au registre, mais que tout le monde sait affecter l'immeuble prioritairement. C'est ce que vous dites. O.K.

M. Ciotola (Pierre): C'est ça. Donc, exactement... Donc, je compare des charges communes à des taxes foncières. Les charges communes, sur une base beaucoup plus réduite, là, sur un immeuble, c'est les dépenses qui sont faites pour l'entretien de l'immeuble, etc.

M. Bégin: Et vous avez prévu quelque chose pour ne pas qu'il y ait un exercice intempestif de la copropriété à l'égard de celui qui est délinquant, parce que là, si vous le permettez, vous le faites passer avant le créancier hypothécaire. Ce n'est plus... Vous renversez le problème, là.

M. Ciotola (Pierre): Non, je le fais passer avant le créancier hypothécaire parce que je lui confère un droit prioritaire, exactement. Et, je lui confère un droit prioritaire qui est un droit réel, donc on évite tous les problèmes qu'il y avait eu en matière de discussion sur les impôts fonciers. C'est pour cette raison-là que le Code avait été changé, pour accorder un droit réel aux impôts fonciers. Alors, à ce moment-là, disons, il va passer nécessairement avant tous les créanciers hypothécaires et nécessairement les créanciers ordinaires.

Deuxièmement, comme les recours hypothécaires sont dans le Code, accordent une priorité au point de vue exercice à ceux qui sont... l'inscription prioritaire au registre foncier, en enlevant la prise en paiement au syndicat des copropriétaires, on évite tout le problème. Le seul recours qui pourrait exister, c'est peut-être la vente sous contrôle de justice. Et, à ce moment-là, le créancier hypothécaire ne devrait rien craindre, là, dans l'exercice de ses droits.

M. Bégin: Bien, il a juste à payer les frais.

M. Ciotola (Pierre): Il a seulement à payer ses frais.

M. Bégin: Sa créance est protégée. O.K.

M. Ciotola (Pierre): Alors donc, sans lui dire directement qu'il...

M. Bégin: Je comprends votre affaire. Donc, on s'entend sur le principe, mais la modalité choisie n'est peut-être pas celle que vous auriez préférée. En tout cas, on va regarder cette question-là, voir si vous avez raison ou non.

Le mariage. Vous savez que la proposition est à l'effet d'élargir aux maires et certaines personnes, avec l'autorisation du conseil... du ministre de la Justice, qui pourraient célébrer le mariage. Vous nous dites: Non, enlevez ces personnes-là, mais nommez-nous comme étant ceux et celles qui peuvent faire la célébration du mariage. J'ai quelques questions là-dessus. Quelle est la compatibilité entre le célébrant du mariage, le notaire qui fait le contrat de mariage et éventuellement, si on l'étend à l'union civile, qui va dissoudre l'union civile?

M. Marsolais (Denis): Écoutez, le notaire, peu importe le rôle qu'il joue aux termes d'une transaction, aux termes de ses activités professionnelles, est soumis, comme je le mentionnais dans mon allocution... est soumis à un code de déontologie et est soumis de faire en sorte que, dans chaque cas, dans chaque geste professionnel qu'il posera... ne pas se situer dans un cadre de conflit d'intérêts, entre autres. Alors, je ne vois aucun problème à ce qu'un notaire puisse agir à titre de célébrant pour unir, par exemple, civilement un couple et de procéder par la suite ou précédemment aux conseils reliés au lien qui les unira au niveau civil. Alors, contrairement, je vous dirais... Et, j'apporterais peut-être une nuance à ce que vous avez dit, on n'est pas d'accord avec les gens que vous avez énumérés. Vous avez probablement remarqué qu'au terme de l'allocution j'ai déclaré qu'il ne serait pas opportun concernant les conseillers d'arrondissement et les fonctionnaires municipaux...

M. Bégin: Je suis parti du texte et non pas de ce que vous avez dit.

M. Marsolais (Denis): O.K. Alors, moi, je pense que de donner... Puis, je n'ai absolument rien contre les maires, contre les conseillers d'arrondissement et contre les fonctionnaires municipaux, c'est juste dans un but d'uniformité, de faire en sorte que... De donner à des mêmes individus soumis à des règles, soumis à une procédure va favoriser une uniformité au niveau de la célébration des mariages qui va faire en sorte que, dans tous les cas, la célébration du mariage ou de l'union civile pourra être faite de la même façon et dans un cadre, avec des gens qui sont responsables. Et c'est à ce niveau-là que je suggérais que ce soient les notaires qui soient les... compétents.

M. Bégin: Alors, cette nuance étant apportée... Et je voulais vous mentionner que, pour nous, le maire nous apparaissait comme étant vraiment quelqu'un qu'on devait conserver comme officier de célébration, mais il y a les problèmes spécifiques, je dirais, aux moyennes et grandes villes. On ne peut pas demander à un maire d'une municipalité comme Montréal ou Québec d'assister tous les samedis... à célébrer 10 mariages, là. Il y a un problème, comme on dit, de trafic à la porte, là, ça n'a pas de bon sens. Donc, il faut prévoir qu'il y ait possibilité d'avoir d'autres personnes.

Cependant, on s'est posé la question: Qui sont ces autres personnes? Spontanément, au départ, c'étaient les conseillers. Mais, encore là, pour les motifs que vous soulevez, on dit: Un instant, il faudrait peut-être quand même voir à ce qu'il y ait un certain statut rattaché à ce geste-là, et on a limité aux présidents d'arrondissements qui... Je vous le rappelle, si on comprend bien la dynamique actuelle, c'est à peu près l'équivalent du maire de la municipalité, parce que l'arrondissement comprend une municipalité, une ville ancienne, à peu près. Un petit peu plus, mais généralement pas moins. Donc, c'est comme si on disait: C'est le maire de la municipalité. En termes juste sociologiques, là, ça équivaut à peu près à ça. Donc, il nous apparaît minimalement opportun d'avoir ces gens-là.

Il y a une question que je me suis posée. Quand ce sera autre que le maire, ce sera désigné par le conseil, d'abord. Et, deuxièmement, le ministre de la Justice devra donner son accord. Ce qui veut dire qu'il y a un certain jugement qui pourra être porté sur l'opportunité que telle ou telle, telle personne soit célébrante. Mais, je pense aux notaires, je n'ai pas le nombre de notaires que vous êtes au Québec, mais...

M. Marsolais (Denis): 3 200.

M. Bégin: Comment?

M. Marsolais (Denis): 3 200 notaires.

M. Bégin: 3 200, ça fait pas mal de célébrants qui apparaissent dans le décor tout d'un seul coup, là, si on dit que les notaires peuvent le faire. Est-ce que vous dites qu'on devrait limiter le nombre, faire en sorte que ce soit tant par municipalité, pour éviter qu'il y ait quasiment 5, 6 000 personnes qui fassent des célébrations du mariage? Non, mais c'est ça que vous me dites, là.

M. Marsolais (Denis): Vous faites accroître la natalité avec ça.

M. Bégin: Les maires... Bien, au Québec, des maires, là, il y en a 1 000. On vient d'en faire 1 000 d'un coup. Il y a les greffiers. Après ça, si on ajoute 3 000 notaires, ça fait du monde. Vous ne trouvez pas qu'il y en a beaucoup?

M. Marsolais (Denis): Écoutez, notre demande, que les notaires soient retenus des célébrants compétents, vous comprendrez que ce n'est pas nécessairement une panacée pour les notaires.

M. Bégin: ...

M. Marsolais (Denis): Ce n'est pas nécessairement une panacée pour les notaires. La relation de confiance qui existe entre le client et le notaire va faire en sorte que je pense qu'on devrait permettre à l'ensemble, en tout cas, des membres de la Chambre d'avoir l'opportunité de célébrer des mariages, évidemment, en pratique privée, sauf qu'il faut laisser le choix au couple d'avoir l'opportunité de choisir. Et, peut-être juste une précision, il y a 3 200 notaires inscrits au tableau de l'Ordre, mais il y a 2 100 notaires qui sont en pratique privée. Donc, ça réduit un peu le nombre. Mais je pense que la discrétion du choix devrait être laissée entièrement aux conjoints et, à ce moment-là, bien, de donner l'opportunité aux Québécois et Québécoises de choisir le célébrant qui...

M. Bégin: Je comprends très bien, mais il faut être bien conscient, là, actuellement, il y a environ 400 greffiers au Québec qui peuvent célébrer le mariage. Là, on nomme les maires, c'est ? on me donne le chiffre, là ? 1 168 au dernier décompte. Bien sûr qu'il faut ajouter tous les prêtres, tous les pasteurs. Ça fait pas mal de monde, ça, au Québec. Et puis, si l'on ajoute 3 000 notaires, à supposer qu'il n'y a pas d'objection, et là-dessus je n'ai pas de... En tout cas, je n'ai pas entendu d'arguments à date, mais je pose la question quand même. Vous ne trouvez pas que ça fait beaucoup d'endroits pour tenir le registre du mariage?

M. Marsolais (Denis): Bien, je présume qu'il va y avoir la centralisation du registre et que le notaire qui procédera à la célébration de l'union civile devra acheminer les informations à un registre central.

M. Bégin: On me signale que c'est une déclaration qui est dorénavant envoyée... Voyons, à l'État civil.

M. Marsolais (Denis): L'État civil, oui.

M. Bégin: Oui, c'est ça. Très bien.

Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Pour continuer dans le même ordre d'idées, bon, votre demande pour que les notaires puissent célébrer, est-ce qu'il y aurait selon vous nécessité d'une exigence quant au domicile des époux ou du domicile de l'un des époux? Comment voyez-vous ça?

M. Marsolais (Denis): Écoutez, on n'a pas poussé notre réflexion jusqu'à cette question-là, mais je présume qu'en pratique, comme il existe une répartition... En tout cas, au niveau des notaires, il y a des notaires dans tout le territoire québécois, je présume qu'un couple de Sept-Îles va intuitivement faire appel à son notaire pour lui demander de célébrer le mariage.

n (11 h 20) n

Et, comme je disais tantôt, au niveau de la relation de confiance, on trouvait tout à fait normal que le notaire puisse offrir ce service-là et dans le cadre... Parce que les conjoints vont consulter le notaire pour leur convention matrimoniale, et il est tout à fait normal que le notaire poursuive non seulement au niveau du conseil, là... Et ça serait même heureux que le notaire puisse célébrer le mariage.

Mme Lamquin-Éthier: Et, quant à la tarification, est-ce que ça serait celle qui prévaut ou, pour des raisons x, y, z, les notaires considéreraient opportun sinon nécessaire de voir à établir leur propre tarification, et ce, en raison de ce que ça leur demanderait, là, pour...

M. Marsolais (Denis): Pour les notaires, vous n'êtes pas sans savoir que, depuis 1991, il n'existe plus de tarif. Pour tous les gestes et les actes professionnels que le notaire pose, le tarif a été aboli. Alors donc, il s'agira... Et, c'est comme ça depuis 20 ans, il s'agira, dans chaque cas ? et c'est l'entente entre le client et le notaire lors du mandat qui est accordé au notaire ? d'établir les honoraires que le notaire chargera pour aller célébrer le mariage, entre autres.

Mme Lamquin-Éthier: Parce que, actuellement les droits, lorsqu'un célébrant procède à la célébration des mariages... Les droits sont fixés par règlement du gouvernement. Alors donc, vous, la situation pourrait être différente, là.

M. Marsolais (Denis): Écoutez, c'est au choix du client, là, puis je suis convaincu, encore une fois, qu'en pratique ça ne sera sûrement pas un obstacle. Il y a bien des couples, moi, que j'ai reçus pour, entre autres, faire un contrat de mariage où ils se mariaient civilement qui auraient préféré que leur notaire, qui est souvent en quelque part leur ami, puisse aller célébrer leur mariage non pas dans l'enceinte... Parce que ça a été un des arguments majeurs que le mariage civil ne soit plus célébré dans le cadre du palais de justice, que le notaire puisse se déplacer et aller célébrer à un endroit déterminé par eux. Alors, je pense que c'est dans la négociation qu'il pourrait y avoir avec le client et le notaire, et je ne vois absolument pas de problème à ce chapitre-là.

Mme Lamquin-Éthier: Merci beaucoup. Dans votre mémoire, vous faites des commentaires sur les dernières modifications qui sont apportées au projet de loi n° 50, notamment l'article 1.1 qui se rapporte au droit du défunt à la protection de sa réputation et de son nom. Alors, vous rappelez que l'article 35 va être modifié par le remplacement, dans le deuxième alinéa, des mots «ou ses héritiers y consentent» par les mots «y consentent». Donc, à toutes fins pratiques, le consentement des héritiers disparaîtrait.

Est-ce que vous êtes d'accord avec cette modification-là? Et quels commentaires celle-ci soulève-t-elle?

M. Marsolais (Denis): Permettez-moi de céder la parole à Me Ciotola.

M. Ciotola (Pierre): Je pense que, dans le mémoire, la Chambre a exprimé ses réserves sur la modification proposée. Je pense qu'en ce domaine nous préférerions demeurer dans le statu quo pour des raisons qui nous semblent évidentes. C'est des questions de protection, ici, de vie privée, protection aussi du nom, protection de la réputation et au point de vue de la famille, hein? Et, en ce sens, je pense que ces droits sont primordiaux, et, dans l'équilibre des droits, parce qu'il est question ici de choc de droits fondamentaux, soit une liberté d'expression ou encore la réputation, nom de la personne, et on pourrait même dire aussi une protection aussi de l'intérêt de la famille, hein... Et, dans ce sens-là, la Chambre penche plus dans la protection de ces droits fondamentaux que le premier. S'il devait y avoir arbitrage de ces droits, bien peut-être à ce moment-là s'en référer aux tribunaux.

M. Marsolais (Denis): ...si vous permettez.

Mme Lefebvre (Brigitte): J'ajouterai un petit complément d'information. Je pense qu'il faut quand même tenir compte que le Code civil, dans son préambule, exprime la volonté de s'arrimer à la Charte des droits et libertés de la personne. Alors, faire fi de ce droit-là pour un défunt, ça m'apparaît offenser, là, cette prémisse de base.

Et, dans un deuxième temps, l'amendement qui est proposé ne parviendrait pas peut-être nécessairement à ses fins compte tenu du fait qu'au chapitre des successions, à l'article 625, on inscrit expressément que les droits d'action d'un défunt contre l'auteur de toute violation d'un droit à la personnalité sont transmis à ses représentants. Alors, si on ne modifie qu'un, probablement qu'on n'aura pas réglé le problème. Et, de toute façon, je crois que ça n'enlèverait pas nécessairement... ça n'allégerait pas nécessairement les poursuites judiciaires, parce que comme, je crois, vous l'avez souligné tantôt, il va sans dire que l'atteinte à la réputation du défunt est souvent beaucoup plus large et porte également atteinte à ses héritiers qui lui sont... en leur personne propre, et là il y aurait également des poursuites qui seraient intentées.

Mme Lamquin-Éthier: O.K. Mon collègue... Pardonnez-moi, monsieur.

M. Ciotola (Pierre): ...ajouter en additionnel à une question que vous avez posée tantôt, de limiter ça aux héritiers de premier rang, je ne suis pas d'accord, parce que «héritier», là, c'est «héritier global», la succession dans son ensemble.

Le Président (M. Lachance): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Me Marsolais, Me Ciotola, Me Brochu, M. Lefebvre, merci pour votre présentation. J'aurais quelques petites questions, premièrement, dans la questions de vente d'entreprises. Dans la question de vente d'entreprises, vous avez dit que vous êtes d'accord avec l'abrogation des articles en question en vertu de l'article 8 du projet de loi, et, oui, je suis d'accord avec vous, dans la loi mobilière, ce n'est pas pratique, et l'application, c'était vraiment difficile et presque impossible.

Mais, moi, qu'est-ce que je vous demande, et ça me concerne beaucoup, c'est dans la vente d'entreprises et vraiment les petites entreprises. Et je pense que, à ce moment et même avant le nouveau Code, c'était une manière de protection pour l'acquéreur et pour l'homme de droit qui rédigeait les contrats pour savoir qu'il donnera une protection à l'acquéreur par une déclaration assermentée identifiant les créanciers du vendeur pour l'entreprise en question, pas tous les créanciers du vendeur, comme le dit l'article maintenant. Et, deuxièmement, généralement, on parle d'un vendeur solvable ou insolvable, mais le Code civil nous dit qu'on doit faire présomption de bonne foi.

Alors, est-ce que vous n'êtes pas d'accord que la grande portion des personnes qui signent un affidavit savent les conséquences personnelles en signant un affidavit qui est faux? Et est-ce que vous n'êtes pas d'accord que l'acheteur d'une petite entreprise... Et vous avez tellement des ventes d'entreprises qui se font que c'est la seule manière qu'on peut vérifier que toutes les dettes du vendeur sont payées.

J'aurai des questions dans d'autres domaines, mais...

M. Marsolais (Denis): Écoutez, il y a plusieurs motifs qui nous ont incités à présenter une demande au ministre de la Justice concernant l'abolition des dispositions concernant la vente d'entreprises. On avait, Me Bergman, procédé à une étude exhaustive par l'intermédiaire de Me Charlaine Bouchard, qui est docteur en droit à l'Université Laval et qui a un doctorat en droit commercial, et elle a constaté rapidement ? et vous allez convenir avec moi qu'en pratique c'est comme ça ? que les juristes, autant les notaires que les avocats, s'appliquent plus actuellement à trouver des façons de détourner l'application de ces dispositions-là que de les appliquer parce qu'il y a une difficulté réelle d'application dans plusieurs cas.

Vous faisiez référence notamment aux ventes de petites entreprises, et c'est particulièrement dans ces dossiers-là où ça devient un peu aberrant que... Les exigences que commandent ces articles-là actuellement au professionnel du droit qui a à procéder à une transaction semblable sont telles que souvent les honoraires qui sont reliés à l'exécution d'un travail semblable, en respectant les dispositions des articles actuels, sont disproportionnés par rapport, souvent, à la valeur même de... Je vous donne, écoutez, l'exemple, là, qui arrive plus d'une fois. Que ce soit la vente d'un salon de coiffure, d'un dépanneur du coin, d'un garage, on ne parle pas, nous autres, de grandes entreprises, là, et ce sont les mêmes dispositions qui s'appliquent pour ces entreprises-là, et la difficulté d'application de ces dispositions-là a fait en sorte ? puis je l'ai mentionné dans mon allocution d'ouverture ? a fait en sorte qu'en certains cas la transaction a avorté parce qu'il y avait... Les dispositions sont tellement complexes, elles sont tellement difficiles d'application que souvent les transactions ont avorté. Ça, c'est la première raison.

n (11 h 30) n

Deuxième raison, c'est que, comme ? je le disais tantôt ? les juristes s'appliquent plus maintenant de trouver des façons de ne pas appliquer ces dispositions-là, bien c'est un peu bête de maintenir les dispositions.

Troisième raison. On réalise notamment depuis le nouveau Code civil que... Il faut savoir que les objectifs de ces dispositions-là étaient, à l'origine, de bien protéger les créanciers dans le cadre d'une vente d'entreprise. Il y a de nouvelles dispositions maintenant, il y a de nouvelles protections qui existent, notamment les hypothèques immobilières qui protègent adéquatement les créanciers. Alors, avec l'analyse qui a été préparée par Me Bouchard, elle est arrivée à la conclusion que l'ensemble des dispositions qui régissent les créanciers actuellement, notamment au niveau du Code civil, accordaient une protection adéquate, et nous sommes vite arrivés à la conclusion de l'inutilité des articles de la vente d'entreprise. Et c'est la raison pour laquelle nous avons demandé carrément que ces dispositions-là soient abrogées.

Je vous avoue bien honnêtement que, à l'origine, le sujet nous intéressait parce que c'est un problème en pratique pour les juristes, et on n'avait pas anticipé notre conclusion, là. On n'avait pas donné comme objectif à Me Bouchard d'arriver à la conclusion qu'il faut abroger ces dispositions-là, mais c'était tellement patent comme étude et les conclusions étaient tellement évidentes qu'on ne pouvait pas arriver à d'autres conclusions que celle-ci. Je ne sais pas si je réponds bien à votre question.

M. Bergman: Oui, bien, je pensais plutôt au casse-croûte au coin d'une rue avec un simple affidavit, pas quelque article très compliqué, mais un simple affidavit qu'il doit fournir au moment de la vente pour les dettes qui s'appliquent. Alors... Et cette méthode était très effective pour pousser le vendeur du casse-croûte pour qu'il donne une liste de ses dettes pour l'entreprise en question.

M. Marsolais (Denis): Juste... si vous permettez...

M. Bergman: Et j'aurais juste une petite autre question.

M. Marsolais (Denis): Juste ouvrir une petite parenthèse. La loi a été modifiée en 1994 et la lourdeur des dispositions a été augmentée. Dans le cas du casse-croûte où la personne, par exemple, était propriétaire, elle devait, aux termes de l'affidavit, déclarer les frais de garderie qu'elle n'avait pas payés, là, puis sa carte de crédit, là. Ça devenait aberrant.

M. Bergman: Mais qu'est-ce qui va... les dettes qui s'appliquaient aux entreprises mêmes?

M. Marsolais (Denis): Mais, souvent, ces entreprises-là, elles sont détenues personnellement par l'individu, de telle sorte que l'ensemble des cartes de crédit, les frais de garderie, l'ensemble des dettes devaient être déclarées dans l'affidavit, et là, ça devenait un peu aberrant.

Le Président (M. Lachance): Très rapidement, M. le député.

M. Bergman: La révocation unilatérale d'un mandat, est-ce que le législateur a le droit pour se mêler dans des conventions entre les parties? Et est-ce que ça va forcer beaucoup de personnes pour choisir une autre juridiction, une autre loi du droit québécois, si elles ne veulent pas être assujetties à cet article qui vraiment... on mêle dans les conventions entre les deux parties de bonne foi?

M. Marsolais (Denis): Si vous permettez, M. Ciotola va répondre.

M. Ciotola (Pierre): Je pense que... Je peux me tromper, mais la modification qui est suggérée à 2179, c'est strictement, à mon avis, là, pour faire un équilibre entre le premier paragraphe qui parle du mandant, le deuxième paragraphe qui parle du mandataire, puis le troisième paragraphe qui parle de la renonciation ou de la révocation unilatérale faite par le mandataire. Alors, est-ce qu'il y a eu omission de traiter le mandant? Si c'est vraiment une disposition de concordance, dans ce sens-là, il n'y a aucun problème.

M. Marsolais (Denis): Est-ce que c'est clair, M. Bergman?

M. Bergman: Non.

M. Marsolais (Denis): Voulez-vous répéter? Répétez.

M. Bégin: Permettez-vous, M. le Président? Me reste-t-il du temps, d'abord?

Le Président (M. Lachance): Oui, il vous restait du temps, M. le ministre, il vous restait trois minutes.

M. Bégin: Bon. Alors, ça va nous permettre de régler cette question-là. Effectivement, Me... vient de... excusez, votre nom m'échappe, là...

M. Ciotola (Pierre): Ciotola.

M. Bégin: ...Ciotola a raison. C'est qu'on disait que le mandataire pouvait mettre un terme au mandat, mais le mandant ? il me semble que ça va de soi, mais des fois ça va mieux en le disant ? peut mettre fin aussi au mandat. Et c'est le seul objectif, c'est de combler cette lacune qui a été constatée. D'ailleurs, c'était dans un projet de loi omnibus qui est là depuis longtemps mais qui n'a pas été traité. C'est une pure coquille qu'on a découverte dans la loi. Il n'y a aucune idée cachée ou secret là-dessous. S'il y en a un effet qu'on ne soupçonne pas, il faudrait nous le dire parce que, nous, on ne l'a pas dans l'esprit.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, merci, madame, messieurs de la Chambre des notaires du Québec, pour votre participation aux travaux de la commission, ici, ce matin. Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 36)

 

(Reprise à 11 h 41)

Le Président (M. Beaumier): Alors, la commission reprend ses travaux avec la présence des représentants de la Fédération des caisses Desjardins du Québec. Alors, j'invite, et je salue, M. Morency à présenter les personnes qui l'accompagnent. Et puis vous auriez un quart d'heure pour faire votre présentation et des échanges de 30 minutes de part et d'autre qui suivraient. Alors, bonjour, M. Morency, c'est à vous.

Fédération des caisses Desjardins du Québec

M. Morency (Yves): Parfait! Je vous remercie. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, nous vous remercions de nous recevoir ce matin pour nous permettre de vous faire part des commentaires que nous avons à l'égard de certains articles, je dis bien «certains» articles, sur le projet de loi n° 50.

Alors, comme vous l'avez dit, je suis Yves Morency; je suis vice-président aux relations gouvernementales. À ma droite, à mes côtés, il y a M. Pierre Dugal qui est notaire et conseiller juridique et, à ma gauche, Me Luc Savard qui est conseiller en relations gouvernementales. Nous sommes tous de la Fédération des caisses Desjardins du Québec

Nous vous exposerons brièvement l'essentiel de nos recommandations et commentaires à l'égard du projet de loi n° 50 modifiant le Code civil. Nous ne ferons pas la lecture intégrale du document que nous avons adressé l'année dernière au ministère de la Justice, nous insisterons plutôt sur les préoccupations que nous jugeons essentielles.

D'abord, vous n'êtes pas sans savoir que le Mouvement des caisses Desjardins est la première institution financière au Québec et la sixième au Canada. Il détient aussi la première place au Québec en tant que prêteur hypothécaire résidentiel, d'où son intérêt à surveiller toute modification législative qui pourrait venir influencer directement ou indirectement ce marché et avoir des conséquences pour ses membres.

De plus, nous vous soulignons notre implication importante dans le financement d'entreprises, notamment auprès des petites et moyennes entreprises du Québec.

Notre examen s'est limité, par ailleurs, aux modifications qui pourraient être apportées aux articles 1069, 2666 et 2762 du Code civil. D'abord, l'article 6 du projet qui propose que l'article 1069 du Code civil soit modifié.

Alors, pour nous, l'objectif poursuivi par cet amendement ferait en sorte que le créancier hypothécaire qui devient propriétaire d'une fraction de copropriété par prise en paiement soit tenu au paiement des charges communes dues par le copropriétaire dépossédé. Nous sommes en désaccord avec la modification proposée pour les raisons que je vais vous exposer présentement.

Nous estimons d'abord que le législateur devrait prendre en considération les décisions des tribunaux qui interprètent les charges communes comme une dette personnelle du copropriétaire. C'est ce dernier qui les doit parce qu'elles visent en grande partie des services dont il a profité personnellement et qui n'ont aucunement augmenté la valeur de l'immeuble. Il apparaît également difficile à justifier qu'un créancier hypothécaire ait à payer une partie des frais, par exemple, de déneigement, d'entretien du terrain et d'autres frais semblables dont le copropriétaire seul a profité au cours des années précédentes mais qu'il n'a pas acquittés. Nous ne voyons donc pas pourquoi le créancier hypothécaire qui prend la fraction en paiement y serait tenu.

De plus, rappelons que, conformément à l'article 1062, le créancier hypothécaire qui prend la copropriété en paiement de sa créance n'est tenu au paiement de ces charges impayées que si la déclaration de copropriété prévoit qu'elles sont exigibles du propriétaire subséquent et si le créancier hypothécaire a signé la déclaration.

La situation d'un créancier hypothécaire reprenant un immeuble en paiement est fort différente de celle d'un acheteur. En effet, l'acheteur peut, directement ou par l'entremise du notaire instrumentant, connaître le montant des charges communes impayées et déduire ce montant du prix de vente. Cela se fait couramment pour d'autres charges comme les taxes municipales ou les taxes scolaires. L'obligation de payer les charges communes impayées ne cause donc aucun préjudice à l'acheteur. Contrairement à ce que l'on serait porté à croire, la prise en paiement entraîne, dans une proportion très importante de cas, une perte pour le créancier hypothécaire. Nous croyons que cette situation risque d'être plus fréquente si le créancier hypothécaire devait, en plus, acquitter les charges communes impayées.

Nous remarquons par ailleurs que le projet de loi ne comporte aucune disposition obligeant le syndicat des copropriétaires à communiquer au créancier hypothécaire le montant des charges communes impayées. Plusieurs syndicats de copropriétaires refuseront de communiquer l'information au créancier pour le motif qu'il s'agit de renseignements confidentiels. Cette décision empêchera donc le créancier d'avoir à sa disposition l'information nécessaire à une gestion éclairée et, par conséquent, saine et prudente de ses prêts hypothécaires et des risques qui en découlent également. À cet égard, je vous rappelle que toutes les institutions financières, tant à charte québécoise qu'à charte canadienne, sont assujetties à des règles de plus en plus contraignantes qui ont été convenues au niveau international en matière de gestion de tous risques, quels qu'ils soient.

La modification législative aurait également comme résultat de créer une nouvelle catégorie de priorités qui s'ajouterait à l'hypothèque légale du syndicat des copropriétaires. De plus, il se pourrait que les syndicats de copropriétaires ne modifient leur approche à l'égard des copropriétaires en défaut. La responsabilisation de ces syndicats est, selon nous, un point sensible à considérer. Nous croyons que le statu quo, plus que la modification proposée, les inciterait à assumer leurs responsabilités et à exercer leurs droits et recours, notamment l'hypothèque légale et la vente en justice qui y est associée.

On pourrait même s'interroger à savoir quel serait l'intérêt pour un syndicat de copropriétaires de suivre attentivement les copropriétaires en défaut et de s'assurer du paiement des charges communes. Favoriserions-nous ainsi une gestion moins rigoureuse? Si elle est adoptée, la modification législative pourrait inciter les créanciers hypothécaires à modifier leurs actes hypothécaires afin que le non-paiement des charges communes à leur échéance devienne un cas de défaut. Les préavis d'exercice de recours hypothécaires risquent ainsi d'être émis beaucoup plus rapidement qu'à l'heure actuelle. De plus, il se pourrait même que les taux hypothécaires soient revus à la hausse pour tenir compte de ce risque additionnel.

Le projet de loi ne comporte par ailleurs aucune disposition limitant la période couverte par la réclamation du syndicat et, par conséquent, le montant des charges communes pouvant être réclamé au créancier hypothécaire. Le créancier ne peut non plus compter sur la prescription en raison des dispositions du Code civil relatives à la renonciation, à la suspension et à l'interruption de la prescription.

Finalement, nous notons que le projet de loi ne comporte aucune disposition transitoire pour les situations juridiques passées ou celles qui sont en cours. Une application immédiate des articles modifiés entraînera certes des coûts supplémentaires, lesquels demeurent difficiles à estimer car les sommes dues en frais de copropriété s'élèvent souvent à plusieurs milliers de dollars.

Nous avons aussi, M. le Président, des commentaires à l'égard des articles 10 et 11 du projet de loi, modifiant les articles 2667 et 2762 du Code civil. Ces articles proposent une modification de façon à exclure spécifiquement de l'expression «frais engagés» les honoraires extrajudiciaires dus par le créancier pour des services professionnels qu'il a requis pour recouvrer le capital et les intérêts garantis par l'hypothèque ou pour conserver le bien.

n (11 h 50) n

Nous sommes, une fois de plus, en désaccord avec l'amendement proposé pour les raisons suivantes. La jurisprudence des dernières années établit des principes reconnus. Notamment, la Cour d'appel du Québec, en 1998, indique clairement que les honoraires extrajudiciaires garantis par l'hypothèque doivent être légitimes et raisonnables et que le montant réclamé peut être soumis aux tribunaux à défaut d'entente entre les parties. Cela permet aux emprunteurs de contester le quantum des frais réclamés par le créancier. Et ils l'ont fait à de nombreuses reprises. La jurisprudence rapporte également que nos tribunaux n'hésitent pas à réduire les frais abusifs ou non justifiés. Soulignons que les honoraires extrajudiciaires se limitent souvent à ceux que le créancier a dû payer pour l'accomplissement de formalités préalables à l'exercice d'un recours hypothécaire.

Ces formalités sont simples et ne génèrent habituellement pas des honoraires importants. Les honoraires ont toutefois un caractère dissuasif à l'égard des emprunteurs qui ont tendance ou pourraient avoir tendance à se retrouver fréquemment en situation de défaut. Il est à noter que le créancier ne peut récupérer les honoraires légitimes et raisonnables que si la valeur marchande de l'immeuble lui permet de rembourser le capital, les arrérages d'intérêts, les frais judiciaires et les autres frais et qu'il reste encore de l'équité sur l'immeuble pour les honoraires extrajudiciaires. Notre expérience nous apprend par ailleurs que c'est une situation peu fréquente lors de prise en paiement. Dans ces cas, c'est le créancier qui, finalement, doit assumer ces honoraires. Si le créancier hypothécaire était empêché de réclamer le remboursement de ses honoraires, cela aurait comme conséquence de les faire supporter indirectement par les autres clients ou membres de l'institution financière. Dans le cas d'une caisse, par exemple, les ristournes à l'ensemble des membres pourraient se voir diminuer.

Il ne faut pas oublier également que ces changements s'appliqueraient autant aux entreprises qu'aux particuliers. Si l'objectif poursuivi est de protéger ces derniers, nous croyons que l'amendement aurait des incidences plus étendues. De plus, en qualifiant d'ordre public cette exclusion, ni l'emprunteur ni le créancier ne pourraient bénéficier de la liberté contractuelle, laquelle, vous n'êtes pas sans le savoir, est un principe de base reconnu dans notre Code civil. Nous sommes d'avis que tous ces motifs devraient inciter le législateur à maintenir le statu quo pour les articles 2667 et 2762 du Code civil.

Alors, ce sont, M. le Président, les principaux commentaires que nous voulions porter à votre attention sur le projet de loi n° 50. Alors, mes collègues et moi sommes à votre disposition pour répondre à vos questions ou encore vous fournir des éclairages additionnels.

Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup, M. Morency. Pardon?

Une voix: ...

Le Président (M. Beaumier): Oui. Merci, M. Morency. Alors, la parole est à M. le ministre.

M. Bégin: Merci, messieurs de la Fédération. Vous avez abordé deux points très spécifiques, alors on va s'y limiter. Je pense que ça vous concerne... ça vous intéresse en tout cas, ça vous concerne aussi. Ha, ha, ha! Je disais à ma collègue que j'avais pris connaissance, il y a quelques instants, de la lettre que vous aviez transmise, à l'époque, à Me Michel Bouchard, sous-ministre à la Justice. Ma collègue n'avait pas pris connaissance de ça. Alors, je l'informais que ce que vous veniez de dire me semblait à peu près la même chose que dans la lettre. Alors, je l'ai appris à peu près en même temps que vous. Je suis désolé.

Bon, le premier point, les frais communs, les charges communes. Vous nous dites: Nous ne devrions pas, compte tenu de la jurisprudence qui s'est développée au cours des dernières années, devoir, comme créancier hypothécaire, assumer les charges communes au moment de la prise en paiement, disant que c'est des services qui ont été rendus aux personnes qui étaient là. Mais le 1069 lui-même dit: Pour l'acheteur de l'immeuble, ça devrait être les mêmes considérations. «Celui qui achète une fraction de copropriété divise peut demander au syndicat des copropriétaires un état des charges communes dues par le copropriétaire vendeur; il ne peut être tenu au paiement de ces charges s'il n'a pas obtenu l'état dans les dix jours...» parce qu'il va devoir les payer. Qu'est-ce qui justifie que le créancier hypothécaire qui prend, par hypothèse, la place du propriétaire antérieur... qu'est-ce qui justifie qu'il soit dans une position différente de l'acquéreur, qui, lui, devrait payer des frais communs?

M. Morency (Yves): M. Pierre Dugal va répondre.

Le Président (M. Beaumier): Oui, M. Dugal.

M. Dugal (Pierre): M. le ministre, M. le Président, ce qu'on dit, nous autres, c'est que...

M. Bégin: Pouvez-vous parler un petit peu plus fort, s'il vous plaît?

M. Dugal (Pierre): Oui.

M. Bégin: Non, non, plus fort seulement.

M. Dugal (Pierre): O.K. Ce que l'on dit, c'est qu'au niveau de l'acheteur, lui, il a la possibilité au moment de l'achat de vérifier les charges communes, alors qu'au niveau du créancier qui devient propriétaire par prise en paiement il est trop tard, le recours hypothécaire a eu lieu, on a été déclaré propriétaire, l'institution financière a été déclarée propriétaire. Et, à ce moment-là, on vérifie puis on s'aperçoit qu'il y a des montants élevés qui sont dus. C'est à ce niveau-là qu'on voit qu'il y a une différence entre l'acheteur puis le créancier propriétaire par la prise en paiement, là.

M. Bégin: Est-ce que ce n'est pas usuel, pour le créancier hypothécaire, lorsqu'il y a certains risques, de s'assurer que ça ne se produise pas, par exemple, en demandant mensuellement ou régulièrement s'il a, par exemple, payé ses assurances? Ou encore, est-ce qu'il ne serait pas possible de lui demander qu'il verse mensuellement un pourcentage des charges communes en même temps qu'il fait les autres paiements? Est-ce que vous ne pourriez pas vous assurer, de cette façon-là, qu'elles sont payées et que vous n'aurez pas de vilaines surprises?

M. Dugal (Pierre): Bien, c'est évident que, à ce moment-là, on commence à augmenter les conditions supplémentaires au contrat de prêt hypothécaire ou de la garantie hypothécaire du client. Ça nous oblige aussi à courir encore après les consentements de l'emprunteur pour pouvoir avoir de l'information personnelle sur son dossier, car le syndicat de copropriété va refuser de nous donner l'information, contrairement au registre public, comme le mentionnait le Barreau tout à l'heure, au niveau des taxes municipales. Oui?

M. Bégin: Parce qu'il y a beaucoup de similitudes avec les taxes, là, sauf ce volet que vous soulevez, là. Si, par exemple, la copropriété devait vous informer comme le registre public des taxes vous donne automatiquement l'information, vous savez que monsieur ou madame doit 2 200 $, 2 400, pour faire des chiffres faciles, annuellement, donc 200 $ par mois ? c'est bien ça, oui, 200 $ par mois ? vous vous assurez mensuellement que les taxes sont bien payées en demandant une provision égale au pourcentage. Si vous saviez les charges communes, ce qu'elles sont, vous pourriez vous assurer d'être payés. Parce que là-dedans l'idée n'est pas de priver quelqu'un de ses revenus, mais de s'assurer que tout le monde contribue. Parce que si vous dites que vous le perdez, il reste que la copropriété aussi le perd. Alors, l'avantage pour eux autres, ce serait peut-être d'agir avec beaucoup plus de diligence pour exiger le paiement des frais communs, ce qui se ferait à ce moment-là au détriment de bien du monde, parce qu'ils seraient obligés d'agir très rapidement.

M. Dugal (Pierre): Au départ, la responsabilité de percevoir les charges communes, c'est le syndicat de copropriété qui a la responsabilité de le faire. Ce qu'il semble à l'heure actuelle, c'est qu'on laisse traîner, on laisse traîner pour x raisons, et, nous autres, on se ramasse devant un fait accompli. Vous faisiez la similitude avec les taxes. Les taxes, en ce qui me concerne, c'est des priorités qui garantissent des créances qui sont dues par l'ensemble des services dont la population bénéficie. Là, on assimile à des taxes, dans le fond, des charges communes qu'un groupe d'individus particulier n'est pas capable de percevoir lui-même ou ne prend pas les mesures lui-même pour les percevoir, puis on refile la facture aux créanciers hypothécaires. C'est un peu là qu'on a de la difficulté.

M. Bégin: ...pas beaucoup de nuance entre la municipalité qui laisse accumuler les taxes pendant trois ans ou d'une copropriété qui laisse accumuler les charges communes pendant trois ans, parce que le délai de prescription, à moins d'erreur de ma part, est le même: trois ans. Donc, laisser traîner beaucoup... Trois ans, c'est long puis c'est court. Mais, inversement, si on dit qu'on va dans le sens que vous allez là, la copropriété ne prendra pas de chance et là va se mettre non seulement à vouloir percevoir, mais à être très agressive au niveau de la perception. Et là on renverse la proposition. On cause peut-être un peu de perturbation dans le fonctionnement normal d'une équipe qui s'appelle les copropriétaires.

M. Dugal (Pierre): Ce que vous dites aussi, c'est que, à l'inverse, vous transférez le fardeau aux créanciers hypothécaires d'avoir à faire le rôle du méchant pour dire: À tous les mois, cher emprunteur, vous allez devoir me payer un douzième de vos taxes municipales, un douzième de vos charges communes, un douzième des charges du fonds de prévoyance...

M. Bégin: Mais je pense qu'on dit la même chose dans les deux cas, sauf qu'on ne voit pas le même personnage.

M. Dugal (Pierre): C'est ça.

M. Bégin: Parce que, quand vous faites ça, vous protégez votre créance. Quand vous demandez qu'il soit assuré, vous protégez votre créance; quand vous demandez que les taxes soient payées régulièrement en vous en versant un pourcentage, vous protégez votre créance. Si vous demandiez qu'il vous paie un douzième de ses frais communs, vous protégeriez votre créance. Dans tous les cas, c'est ce rôle-là.

Est-ce qu'il n'est pas normal qu'un créancier hypothécaire qui prend le risque ? au sens noble du terme ? de prêter de l'argent qui n'est pas son argent, mais qui est l'argent de tous les gens de la caisse ou de la banque... d'obtenir certaines garanties? Certaines sont données par la loi, d'autres sont obtenues parce que le créancier dit: Moi, la condition pour mon prêt, c'est que tu fais ça. Est-ce que ce n'est pas légitime, ça, que ça soit fait de cette façon-là?

M. Morency (Yves): Encore faut-il qu'on nous donne la possibilité d'avoir l'information. C'est ce qu'on vous dit.

M. Bégin: Ça, là-dessus, je le prends par hypothèse. Si ça manque, à mon point de vue, vous avez un bon point.

n (12 heures) n

M. Morency (Yves): Bien, écoutez, je ne dirais pas qu'on se cache, mais, quand même, on prend pour acquis qu'il y a des lois qui protègent les renseignements personnels, et on ne nous fournit pas l'information. Donc, au niveau quand même des taxes municipales, si nous, comme institution financière, nous n'exerçons pas un suivi rigoureux de voir s'il a payé ses taxes... Ça, c'est possible, il y a des registres qui sont disponibles et accessibles, mais il n'y a rien qui nous dit, quand même, que cette personne-là paie ses charges communes. Et, si le syndicat ne veut pas nous les divulguer, alors...

M. Bégin: Excusez-moi, là, c'est vraiment de l'information. Est-ce que le syndicat actuellement ne peut pas ou si c'est une question de volonté? C'est quoi le...

M. Morency (Yves): Ne peut pas...

M. Bégin: Ne peut pas?

M. Morency (Yves): En vertu de la Loi sur les renseignements personnels dans le secteur privé, à moins qu'on ait le consentement du client. Encore faut-il l'avoir.

M. Bégin: Oui, là, c'est une autre paire de manches.

M. Morency (Yves): C'est une autre paire de manches.

M. Bégin: Non, mais je comprends votre nuance, elle est importante. Elle est importante.

M. Morency (Yves): L'autre aspect, M. le ministre, si vous permettez, c'est qu'on voit la création ici d'une... ou, si on suit le raisonnement de la Chambre des notaires tout à l'heure, mes collègues, nous voyons la création d'une priorité avec un droit de suite, mais là pour favoriser encore là un groupe d'individus particulier. Qu'est-ce qui va empêcher après ça les constructeurs ou ceux qui participent à la construction des immeubles, qui ont une hypothèque légale mais qui passent avant les hypothèques suivant toute une procédure, de ne pas venir exiger du législateur une priorité, eux autres aussi, pour protéger leurs intérêts avec un droit de suite qui fait en sorte que le créancier hypothécaire, au bout de la run, est toujours le dernier dans la liste de ceux qui peuvent être colloqués ou être obligés d'assumer les coûts de tout le monde?

M. Bégin: Je comprends. Je comprends aussi qu'ils peuvent le demander, mais ce n'est pas toujours qu'ils l'obtiennent. Ça, c'est autre chose. O.K.

M. Morency (Yves): Il ne faudrait pas non plus arriver à l'ultime, puis je ne vous dis pas que c'est ce qui va arriver essentiellement, que les institutions financières soient obligées, en raison de la gestion des risques que nous encourons, d'avoir deux types de taux hypothécaires, pour les gens qui sont en condo ou les gens qui ont leur maison unifamiliale. Puis je ne pense pas que c'est l'objectif du ministère et de cette Chambre, ici, de poursuivre, mais il faut que vous compreniez qu'une institution financière doit gérer des risques. Et, de plus en plus, on nous demande de gérer des risques de façon très serrée et, si on vient nous donner des risques encore additionnels, on n'aura pas le choix que de revoir notre tarification.

M. Bégin: Je comprends ce que vous dites, mais il reste que l'évolution dans la société fait en sorte que des choses changent. Par exemple, il y a 25 ans, une institution bancaire ne demandait pas un certificat environnemental pour le terrain qui était acheté, puis c'était pris pour acquis. Aujourd'hui, ce n'est pas possible parce qu'il s'est développé beaucoup de choses depuis 25 ans. Et maintenant vous n'oseriez même pas penser de faire un prêt sans avoir une garantie à ce niveau-là. Il y a des changements comme ça. La copropriété, elle a été adoptée, ça fait quoi, 30 ans à peu près, 35 ans?

Une voix: 1969.

M. Bégin: 1969. Bon. Alors, ça fait 32 ans, 33 ans. Ce n'est quand même pas vieux en termes d'institution, ça a dû certainement entraîner des changements de pratique au niveau des banques et des caisses. D'abord, est-ce qu'on prête? Est-ce qu'on est bien garanti? Est-ce que les lois sont bien faites? Quand c'est une institution nouvelle, quelles sont les conséquences? Donc, on a une évolution comme ça.

J'aimerais maintenant aller sur votre deuxième point, celui de... Mon Dieu, c'est quoi donc?

M. Morency (Yves): Des frais extrajudiciaires.

M. Bégin: Pardon? Des frais... C'est ça que je disais, oui. Excusez-moi. Merci. J'ai mentionné dans mon discours que, jusqu'à la modification au Code civil, qu'on a adoptée en 1991-1992, ces frais-là n'étaient pas couverts. Il y avait une expression que l'on jugeait fautive, puisque c'était du français, mais c'était une expression anglaise qui était mal formulée pour le français. Alors, le texte a été changé mais pas dans l'esprit de changer les règles, mais dans l'esprit d'avoir une expression plus française. Lorsque la loi est adoptée, elle appartient à tout le monde, chacun peut la faire discuter, et la jurisprudence des tribunaux se sont penchés sur la question et ont conclu que le changement d'expression indiquait de la part du législateur une volonté de changer les choses, et ils l'ont interprété comme ça et ont renversé la jurisprudence.

On est bien conscient de ça, mais il faut se demander: Est-ce que c'était l'intention du législateur à l'époque? Il semble bien que non, et nous revenons à ce qui était l'ancienne disposition. Vous leur dites: Le statu quo maintenant, le nouveau statu quo devrait être conservé. Et quels sont les problèmes que vous rencontrez maintenant qu'il n'y avait pas il y a sept, ou huit ans, ou neuf ans alors que cette nouvelle interprétation n'existait pas?

M. Dugal (Pierre): Je vous dirais, de plus en plus... Tantôt, je vous écoutais parler, vous parliez de la protection du consommateur entre autres, puis je trouvais ça intéressant parce que c'est quand même une préoccupation de Desjardins de protéger le consommateur. Mais nous voyons aussi une différence entre la protection du consommateur et la déresponsabilisation aussi du consommateur. Quand il vient emprunter dans une institution financière ? on va parler des caisses parce qu'on s'occupe des coopératives des caisses ? l'individu... nous autres, on prête de l'argent qui nous est confié par d'autres membres. Lui, en contrepartie, il a des obligations, c'est de voir à respecter les conditions de son prêt puis de rembourser.

La journée qu'il ne rembourse pas, à ce moment-là, on est obligé de... puis, avant d'arriver au recours hypothécaire, je devrais vous dire aussi, c'est qu'on est quand même tolérant. Le recours hypothécaire, là, quand un créancier hypothécaire sort le recours hypothécaire, là, c'est parce qu'on a essayé, on a communiqué avec, on a essayé de trouver un terrain d'entente. Je pourrais vous dire même qu'en pratique les gens font faillite puis on leur laisse leur maison pareil, parce qu'il y a une volonté puis il peut y avoir eu des «bad lucks» dans... bon, excusez l'expression anglaise, là. Mais, quand il ne veut pas respecter ses obligations puis qu'on est obligé de prendre des recours, à ce moment-là, je ne vois pas pourquoi ce serait l'ensemble, encore là, des membres de la coopérative qui auraient à supporter ça déjà qu'il bénéficie de l'avantage de la coopérative en ayant son prêt puis à des conditions avantageuses, mais encore faut-il qu'il soit responsable aussi de rembourser à qui de droit ce qui est dû.

M. Bégin: Quand j'ai pratiqué, j'ai peut-être, c'était peut-être erroné, mais j'avais retenu que c'était dans un seul domaine où la règle qui m'apparaissait comme étant la règle naturelle existait, c'est-à-dire qu'un créancier ne devait pas être plus pauvre par rapport à ses créances après avoir exercé son recours qu'avant. Autrement dit, il fallait que, si on lui devait 100 $, qu'il lui reste 100 $ dans ses poches après avoir exercé son recours. Il n'y a qu'un seul domaine où ça existe, c'est dans le domaine de l'expropriation. Dans l'expropriation, lorsque vous êtes dépossédé de votre bien non seulement va-t-on vous payer la valeur de ce terrain-là et vous avez la possibilité de la faire déterminer par le tribunal, si vous n'acceptez pas la valeur, mais en plus le tribunal va condamner l'expropriant à rembourser les frais normaux d'un évaluateur, les frais normaux de l'avocat qui a travaillé au dossier. C'est la seule place où il y a vraiment cette règle-là. Quant au reste, c'est des tarifs judiciaires, et l'avocat est payé selon le tarif, et la partie qui perd doit payer un certain montant qui est prévu, et c'est ça les frais judiciaires.

Mais, dans notre système, donc on est jamais totalement semblable après qu'avant. Là, vous me demandez, en fait, de faire en sorte que ce soit comme dans l'expropriation que, si vous avez une créance de 20 000 $ sur la valeur, le prêt hypothécaire puis 3 000 de frais pour percevoir, vous voulez avoir droit à 20 000 et 3 000. Ce serait la seule place où ça existerait à part l'expropriation. Est-ce que je suis correct en disant ça ou bien si, à votre connaissance, je suis dans l'erreur?

M. Dugal (Pierre): Je ne pourrais pas vous dire s'il y a d'autres choses, si vous êtes dans l'erreur ou pas. Ce que je peux vous dire, par contre, c'est que les gens doivent... on a tendance à vouloir déresponsabiliser les gens alors que, dans le fond, sous le prétexte de la protection... Mais je pense qu'il faut qu'ils soient conscients que les engagements... puis les engagements, c'est, à partir du moment où que tu ne respectes pas ton contrat puis tu ne négocies pas pour trouver un terrain d'entente entre les parties, je ne vois pas pourquoi encore ce serait toujours l'ensemble des citoyens ou des groupements qui auraient toujours à supporter. On va le prendre à l'inverse: Pourquoi que les syndicats de copropriété tantôt ne pouvaient pas supporter la perte des charges communes? Aujourd'hui, nous autres qui représentons les membres d'une coopérative, on devrait supporter la perte due à quelqu'un qui ne paie pas. C'est bon pour le syndicat de copropriétaires qui va passer en avant de tout le monde. Pourquoi que la coopérative, celui qui a prêté l'argent, n'a pas le droit de récupérer son montant d'argent parce qu'il y a... quelqu'un n'a pas respecté ses obligations? Je joue d'un bord et de l'autre, mais...

M. Bégin: C'est parce que mon temps est terminé. Je ne peux pas vous répondre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Ah, non, je vais lui permettre de répondre. Pas de problème.

M. Bégin: Dans des procédures, chaque partie paie ses frais, et ça, c'est la règle.

M. Dugal (Pierre): ...

M. Bégin: Pardon?

M. Dugal (Pierre): Le droit évolue. Vous le disiez tout à l'heure que le droit évolue.

M. Bégin: Ah, bien, là, là, non, non, vous voulez le faire évoluer, c'est différent.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dugal (Pierre): Comme vous.

M. Bégin: Non, non, écoutez, ce n'est pas une chicane, là, comme telle. J'explique ce qui en est selon les règles que je conçois. J'entends bien ce que vous me dites. On va avoir à évaluer tout ça, là, mais, si on veut être capable d'aller chercher le fond de la vérité, il faut tester chacun des points et c'est pour ça qu'on se parle.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Bourassa, porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Pour rester avec l'article 11 qui vient modifier l'article 2762, pour vous, la modification proposée, est-ce que ça équivaut à un retour en arrière?

M. Dugal (Pierre): Oui.

Mme Lamquin-Éthier: Pouvez-vous expliciter davantage?

M. Dugal (Pierre): Bien, je pense que... Oui, dans le sens qu'on venait... par l'interprétation que les tribunaux en ont tirée et par la protection aussi que le consommateur a, parce qu'il reste... c'est quand même c'est des frais légitimes et raisonnables. Puis les juges, il y a beaucoup de jugements où on a diminué de beaucoup les honoraires extrajudiciaires qui étaient exigés parce qu'il y avait des abus. Mais, à quelque part aussi, on passait le message à l'individu: Tu dois respecter les obligations que tu contractes.

n (12 h 10) n

À partir du moment où chacun fait ce qu'il veut puis se fout de l'entente, bien, à ce moment-là, les règles du jeu sont toutes chambardées, puis ce n'est pas la manière, je pense, dans une société de fonctionner. Il faut responsabiliser les gens. Je comprends qu'on doit les protéger puis je pense que les dispositions du Code, quand même, ont fait le travail. Les tribunaux ne se sont pas gênés, à plusieurs reprises, à diminuer les montants puis de façon substantielle, parce qu'il y avait eu des abus. Puis il faut dire aussi... Il faut peut-être distinguer aussi, en pratique, les recours hypothécaires. Lorsqu'on envoie un préavis d'exercice, il y a des frais, mais ces frais-là au départ ne sont pas élevés. L'individu a 60 jours pour remédier au défaut de ses paiements, les défauts qu'il peut avoir eus sur les paiements des taxes, et tout ça, et de payer ces frais-là, qui, au départ, ne sont pas élevés.

C'est sûr que, s'il perçoit à ne pas vouloir rembourser, à ne pas vouloir rembourser puis ne pas aller jusqu'au bout ou qu'il ne veut même pas remettre, mettons, le délaissement volontaire puis il faut y aller sur un délaissement forcé, c'est sûr que les frais s'accumulent, mais s'accumulent à cause de qui, encore là? Ce n'est pas le créancier nécessairement qui est en défaut, c'est lui qui est en défaut. S'il veut collaborer... Pour le créancier hypothécaire, là, il n'a pas intérêt à reprendre des immeubles puis à les vendre. On n'est pas des courtiers immobiliers, on n'est pas des propriétaires fonciers non plus. Puis, ce qu'on a intérêt, c'est que le client garde sa propriété puis rembourse.

Mme Lamquin-Éthier: Donc, finalement, pour vous, la modification proposée, vous la jugez inopportune, mais vous êtes pour le statu... on ne change pas les règles.

M. Dugal (Pierre): On ne change pas.

Mme Lamquin-Éthier: O.K. Parfait. Maintenant, vous avez évoqué tout à l'heure... Je m'excuse, j'ai oublié de... Pardonnez mon impolitesse, je ne vous ai pas salués chacun d'entre vous. Me Morency, M. Dugal et Me Savard, permettez-moi de vous...

M. Dugal (Pierre): Excusez-moi, Me Dugal, M. Morency et Me Savard. Ha, ha, ha!

Mme Lamquin-Éthier: Alors, attendez, moi, j'ai Me Morency.

M. Morency (Yves): Non, il y a une erreur.

Mme Lamquin-Éthier: Ah! c'est sur la feuille telle que je l'ai devant moi. Alors, pardonnez-moi.

M. Morency (Yves): Je ne paie pas de cotisations au Barreau, alors...

Mme Lamquin-Éthier: Alors, cette erreur-là n'est pas la mienne. Merci, mais je suis déjà bien assez malheureuse avec la première.

Vous avez mentionné tout à l'heure, vous avez évoqué... Je crois que vous étiez présents lorsque la Chambre des notaires est venue soumettre leur mémoire et notamment une proposition ou une suggestion qu'ils faisaient, et on disait: «Il est loisible de se demander si l'hypothèque légale du Syndicat des copropriétaires ne devrait pas être abrogée et remplacée par une priorité légale.» Alors, je voulais voir: Est-ce que vous trouvez ça intéressant, quitte à regarder comment ça pourrait... la mécanique, là, ou les modalités, ou, pour vous, cette proposition-là n'est pas intéressante?

M. Dugal (Pierre): Pour moi, cette proposition-là n'est pas intéressante pour la raison suivante, c'est que ? puis je reviens toujours sur le même sujet ? ça déresponsabilise ceux qui ont un devoir à faire.

Mme Lamquin-Éthier: Ça déresponsabilise?

M. Dugal (Pierre): Oui, parce que, à partir du moment que vous savez que vous allez être payé, peu importe par qui, vous n'avez pas nécessairement d'intérêt à percevoir les sommes ou à prendre les recours tout de suite. Vous allez laisser traîner les choses. De toute façon, vous savez qu'il y a quelqu'un au bout de la course qui va la payer, la facture. C'est dans ce sens-là que je dis que ça déresponsabilise.

Prenez le créancier qui... On parle à l'heure actuelle, là, parce que, dans le contexte, s'il était tel quel, là, la personne est trois ans sans payer ses charges, ça peut peut-être monter à 6, 7 000 $, le créancier hypothécaire reprend en paiement la propriété, doit payer une facture de 7 000 $ qu'il n'était pas au courant. Pour quel motif de service qu'il n'a pas reçu, pourquoi que le syndicat de copropriété n'a pas commencé à percevoir, je dirais, la première année, les montants en retard? C'est dans ce sens-là que je dis que ça déresponsabilise. Puis en mettant une priorité avec un droit de suite, comme proposé par la Chambre des notaires, bien là, dans le fond, ils n'ont pas intérêt à courir puis à se donner du trouble, il y a quelqu'un qui va la payer, la facture, au bout de la course.

Puis je reviens sur un point important. Les priorités qu'on retrouve au Code civil présentement, la plupart des priorités, ce n'est pas la... de mémoire, c'est la majorité, ça vise des cas pour protéger des créances qui ont rapport à l'État ou au citoyen dans un contexte de vie en collectivité. Là, on veut transposer le même principe pour un groupe déterminé d'individus, que je trouve dangereux.

Mme Lamquin-Éthier: Ça ne pourrait pas nécessairement se faire?

M. Dugal (Pierre): C'est ça.

Mme Lamquin-Éthier: Bon. Puis vous avez dit tout à l'heure, si j'ai bien compris, que vous n'avez pas nécessairement accès aux charges communes parce que, en vertu de la loi, c'est une information...

M. Dugal (Pierre): Confidentielle.

Mme Lamquin-Éthier: O.K. Donc, vous ne le savez pas du tout. Puis, s'il vous la demandait, on ne peut pas la donner en raison...

M. Dugal (Pierre): À moins d'avoir le consentement du débiteur...

Mme Lamquin-Éthier: De la personne.

M. Dugal (Pierre): ...du copropriétaire, qui peut le retirer n'importe quand aussi. C'est pour ça qu'un copropriétaire pourrait nous donner son consentement pour le faire un bout de temps. Il nous enlève le consentement, il avise le Syndicat de copropriétés de ne plus donner l'information, puis on n'est plus capable de le savoir, puis c'est le cercle vicieux, là.

Mme Lamquin-Éthier: O.K. Et je suis désolée, hein, je ne sais pas si vous avez parlé d'un document, en ouverture, que vous aviez transmis au ministre.

M. Morency (Yves): C'est une lettre que nous avions... une invitation du sous-ministre l'an dernier. À sa demande, nous lui avons envoyé une lettre concernant ces aspects-là. Alors...

Mme Lamquin-Éthier: O.K. Parce que je ne l'ai pas eue, reçue.

M. Morency (Yves): On s'excuse, là.

Mme Lamquin-Éthier: Non, non, ce n'est pas de votre faute à vous.

M. Morency (Yves): Je pourrais vous la faire parvenir.

Mme Lamquin-Éthier: Oui. Je pourrais la lire avec intérêt. Je vous en remercie à l'avance. Quant à moi, je crois que je n'aurai pas d'autres questions, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Merci, Mme la députée de Bourassa. Alors, MM. Savard, Dugal et Morency, je vous remercie pour avoir participé aux travaux de notre commission. Et là-dessus, je suspends les travaux jusqu'à cet après-midi après les affaires courantes, où nous allons entendre tour à tour l'Association des banquiers canadiens, l'Association des syndicats de copropriété du Québec, l'Association des consommateurs pour la qualité de la construction et l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.

(Suspension de la séance à 12 h 17)

 

(Reprise à 15 h 26)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance ouverte. La mandat de la commission des institutions est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 50, Loi modifiant le Code civil.

Alors, cet après-midi, nous entendrons les représentants, d'abord, de l'Association des banquiers canadiens. Alors, bienvenue, messieurs. Et, sans plus de préambule, étant donné qu'on a pris pas mal de retard sur notre agenda, nous allons maintenant procéder, et je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les deux personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires.

Association des banquiers canadiens (ABC)

M. Hébert (Jacques): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mon nom est Jacques Hébert. Je suis ici en ma qualité de directeur à la Direction du Québec de l'Association des banquiers canadiens qui regroupe toutes les banques à charte faisant affaire au Québec.

Et permettez-moi évidemment de vous présenter les gens qui m'accompagnent: à ma droite, Me Mario Langlois, avocat en chef pour le Québec à la Banque CIBC; et, sur ma gauche, Me Daniel Ferron, conseiller juridique de l'ABC pour le Québec. Tous deux se feront un plaisir, en tant que juristes, de répondre à vos questions les plus pointues, pour utiliser une expression chère à nos amis les fonctionnaires.

Alors, d'entrée de jeu, je voudrais préciser que, même si nos propos paraîtront marqués au coin du négativisme, notre intention se veut d'abord et avant tout une autre forme d'appui à l'amélioration des relations entre le législateur, le consommateur et les institutions prêteuses.

Ce projet de loi, vous le savez, propose plusieurs modifications au Code civil, dont certaines risquent, à notre avis, d'affecter non seulement nos membres, mais également l'ensemble des institutions prêteuses oeuvrant au Québec. Nos commentaires porteront plus précisément sur trois aspects spécifiques du projet de loi, à savoir l'obligation aux charges communes du créancier hypothécaire qui prend en paiement une fraction de copropriété, la responsabilité du vendeur en matière immobilière et, enfin, le droit du créancier hypothécaire aux frais qu'il a engagés.

Notre premier sujet de préoccupation, donc, a trait à l'obligation aux charges communes du créancier hypothécaire qui prend en paiement une fraction de copropriété. Actuellement, l'article 1069 du Code civil stipule que l'acheteur d'une fraction de copropriété est responsable du paiement des charges communes dues par le copropriétaire vendeur. Toutefois, certains jugements rendus au cours des dernières années ont, à juste titre et pour des raisons tout à fait valables, écarté ce principe à l'endroit des créanciers hypothécaires qui acquièrent une fraction de propriété à la suite de l'exercice de leur droit de prise en paiement.

Contre toute attente, l'article 6 du projet de loi n° 50 propose de renverser la tendance jurisprudentielle. L'industrie bancaire s'oppose à l'approche privilégiée dans le projet de loi et croit, au contraire, qu'il y aurait lieu de maintenir le statu quo. Au soutien de notre point de vue, nous avons appelé en page 3 de notre mémoire les grands principes énoncés par la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Peluzo contre Crédit industriel Desjardins inc. pour appuyer sa décision. Comme le temps nous manque pour les revoir en détail, nous invitons les membres de la commission à s'y référer pour mieux comprendre les motifs qui sous-tendent le jugement de la Cour d'appel.

Compte tenu de ces principes, nous croyons que trois arguments importants militent en faveur du maintien du statu quo. Notre premier argument est à l'effet que l'acquéreur d'une fraction de copropriété est dans une position différente du créancier qui devient propriétaire suivant l'exercice d'une prise en paiement. En effet, bien que l'article 1069 du Code civil semble créer une obligation personnelle au paiement des charges communes, il permet néanmoins au proposant acheteur de ne pas contracter l'obligation ou encore d'ajuster son prix en conséquence. Le créancier hypothécaire n'a pas cette faculté, il a déjà payé le prix, c'est-à-dire la somme prêtée, avant même que les charges communes n'aient été encourues.

n (15 h 30) n

Notre second argument s'appuie sur le fait que l'obligation aux charges communes diffère de l'hypothèque légale de la construction en ce qu'elle n'apporte pas de plus-value à l'immeuble. L'hypothèque légale de la construction est, pour cause et en principe, le seul droit réel qui n'est pas purgé en raison de la prise en paiement. La personne ayant participé à la construction ou à la rénovation d'un immeuble apporte à cet immeuble, que ce soit par les travaux, matériaux ou services fournis, une plus-value qui profite au créancier hypothécaire ayant acquis celui-ci suite à une prise en paiement. Ce n'est pas le cas des charges communes qui n'apportent aucune plus-value à l'immeuble.

Enfin ? c'est notre troisième argument ? il n'y a pas d'injustice entre les copropriétaires et le créancier hypothécaire. Toutefois, étendre la responsabilité des créanciers hypothécaires à une période antérieure à la date du jugement les déclarant propriétaires créerait une injustice. En effet, comme l'a souligné la Cour d'appel dans l'affaire Peluzo, le créancier hypothécaire ne peut faire valoir de droits sur l'immeuble avant qu'il ne soit déclaré propriétaire.

En pratique, les créanciers ne peuvent donc exercer leurs droits et ne peuvent prendre de décisions quant à la fraction de copropriété sur laquelle porte l'hypothèque et même à l'égard de l'ensemble de la copropriété tant et aussi longtemps qu'ils se sont pas déclarés propriétaires. Il serait donc inéquitable de leur imputer des obligations alors qu'ils ne peuvent faire valoir leurs droits.

Compte tenu de ces trois arguments et des principes énoncés dans l'affaire Peluzo, nous croyons qu'il serait nettement préférable de maintenir le statu quo. C'est pourquoi nous recommandons que l'article 6 du projet de loi n° 50 proposant la modification de l'article 1069 du Code civil soit retiré.

Notre deuxième commentaire sur le projet de loi n° 50 concerne la responsabilité du vendeur en matière immobilière. En raison des problèmes résultant, depuis quelques années, du phénomène du gonflement de la pyrite, le projet de loi propose de revoir le régime de responsabilité actuel en matière de vices cachés en réduisant la durée de la garantie de qualité. Toutefois, cette intervention se limiterait aux seuls immeubles à usage d'habitation, ce qui créerait un double régime de responsabilité en matière de vices cachés.

Notre Association ne partage pas le point de vue du législateur sur cette question. Tout au contraire, les dispositions législatives actuelles sont, à notre avis, parfaitement adéquates, et nous croyons qu'aucun changement ne devrait être apporté au principe énoncé à l'article 1726 du Code civil. Et, puisque les vices peuvent être cachés sous l'enveloppe du bâtiment, il nous apparaît hautement souhaitable que le vendeur ayant construit ou fait construire un immeuble demeure responsable tant et aussi longtemps que le vice n'est pas connu du propriétaire. De même, un vendeur qui n'a pas conçu l'immeuble doit être tenu responsable du vice qui existait alors qu'il était propriétaire.

À notre avis, ces règles sont absolument nécessaires afin de responsabiliser les propriétaires-constructeurs de même que les simples propriétaires d'immeubles et de les inciter à être diligents dans la construction, dans l'entretien et dans l'inspection de leur immeuble. La responsabilité du vendeur immobilier est une sûreté supplémentaire dont bénéficient les propriétaires et indirectement les créanciers hypothécaires. Cette responsabilité peut éviter qu'un débiteur cesse de remplir ses obligations et délaisse l'immeuble au profit du créancier qui verrait sa créance menacée. Pour un créancier hypothécaire, la responsabilité du vendeur en matière immobilière est essentielle, d'autant plus qu'elle répond à un objectif social visant la responsabilisation de chacun des individus, ce sur quoi nos collègues caissiers populaires ont insisté ce matin.

Le débat entourant le gonflement de la pyrite demeure un problème tout à fait particulier, unique et strictement ponctuel. De plus, seules quelques municipalités, notamment sur la Rive-Sud de Montréal, sont touchées par ce fléau. Une modification législative visant à changer complètement le régime de responsabilité de la vente des immeubles n'est pas souhaitable pour cette seule raison qui nous apparaît de surcroît isolée. En effet, des programmes gouvernementaux spécifiques ont été mis sur pied afin de régler de tels problèmes et, selon nous, ces programmes ainsi que la mise en place de mesures de contrôle appropriées pour éviter à l'avenir la répétition des problèmes reliés à la pyrite sont amplement suffisants pour corriger la situation, cette situation particulière entourant la présence de ce matériau.

Par ailleurs, nous croyons que la qualité de la construction des bâtiments à usage d'habitation pourrait être diminuée si la responsabilité du vendeur disparaissait après trois ou cinq ans de la vente de l'immeuble, alors que la responsabilité actuelle du vendeur force les acheteurs d'un bâtiment existant à être diligents et oblige les propriétaires constructeurs à respecter les normes de qualité minimales.

Enfin, nous sommes convaincus qu'il n'est ni pertinent ni justifié de faire une distinction entre les immeubles résidentiels et les immeubles non résidentiels en matière de responsabilité pour vices cachés. Pour ces raisons, nous recommandons le maintien du statu quo en matière de garantie de qualité et le retrait de l'article 8 du projet de loi qui propose de modifier l'article 1726 du Code civil.

Notre troisième et dernière préoccupation au sujet du projet de loi n° 50 concerne les droits du créancier hypothécaire aux frais qu'il a engagés. Nous nous inquiétons de constater que le projet de loi propose d'enlever au créancier hypothécaire le droit au remboursement des honoraires extrajudiciaires encourus pour des services professionnels qu'il a requis afin de recouvrer le capital et les intérêts garantis par l'hypothèque ou pour conserver le bien grevé. L'industrie bancaire s'oppose vivement à l'approche préconisée par le ministère. Nous croyons, au contraire, qu'il y a lieu de maintenir le statu quo et de ne pas exclure de ces articles le coût des services professionnels requis pour recouvrer le capital et les intérêts garantis par l'hypothèque ou pour conserver le bien grevé.

Historiquement, sous le Code civil du Bas-Canada, seuls les frais judiciaires taxables pouvaient être réclamés des débiteurs dans le cadre d'un litige entourant la prise en paiement de l'immeuble. Par contre, un créancier hypothécaire ayant perçu des loyers en vertu d'une clause de transport de loyers pouvait, lors d'une reddition de comptes, déduire des dépenses reliées à sa gestion. En 1994, le législateur introduit dans le Code civil la notion de frais légitimement engagés à son article 2667 et de frais engagés à l'article 2762 dans le contexte de l'exercice de recours hypothécaires.

Certains auteurs ont expliqué l'introduction de la notion de frais engagés par le fait que, sous le Code civil, plusieurs droits ou recours s'exercent extrajudiciairement. Le créancier peut notamment percevoir les loyers hypothéqués, prendre possession pour fins d'administration et même vendre lui-même l'immeuble hypothéqué. Dans tous les cas, le tribunal n'est saisi d'aucune procédure judiciaire alors que des frais extrajudiciaires sont nécessairement engagés. Le Code civil actuel garantit donc à la fois les frais extrajudiciaires et également les frais engagés pour la conservation d'un bien.

La jurisprudence majoritaire a confirmé l'interprétation selon laquelle les frais engagés dans l'exercice d'un recours hypothécaire incluent les honoraires des professionnels mandatés par le créancier pour exercer ces recours hypothécaires. Encore ici, nous invitons les membres de la commission à examiner, en page 6 de notre mémoire, les principes énoncés par la Cour d'appel dans l'affaire 164618 Canada inc. contre la compagnie Montréal Trust.

À notre avis, le principal argument militant en faveur du maintien du statu quo est de nature essentiellement économique. D'abord, la jurisprudence majoritaire actuelle a confirmé le droit du créancier hypothécaire de recouvrer les frais légitimement engagés. Ensuite, il apparaît tout à fait équitable que le créancier puisse recouvrer les frais des professionnels qu'il a légitimement engagés pour se faire rembourser sa créance. Actuellement, il en coûte aux créanciers hypothécaires en moyenne plusieurs milliers de dollars en frais extrajudiciaires de professionnels, avocats, notaires, gestionnaires, courtiers, huissiers et autres experts pour exercer le recours hypothécaire à l'égard des immeubles qu'ils détiennent en garantie. Les coûts peuvent encore être plus élevés lorsqu'il s'agit d'immeubles commerciaux ou d'immeubles comportant des problèmes de titres importants.

Il y a lieu de rappeler que ce sont les débiteurs qui, volontairement ou involontairement, provoquent leurs défauts et qu'ils sont responsables des frais encourus par les créanciers hypothécaires pour réaliser leur garanties et se faire rembourser leurs créances. L'obligation pour le débiteur de payer les frais légitimement engagés pour faire échec à l'exercice du droit hypothécaire s'insère donc dans une justice sociale équitable tant pour le créancier hypothécaire que pour le débiteur. En effet, si l'exclusion des frais extrajudiciaires des professionnels était ajoutée aux articles 2667 et 2762 du Code civil, tel que proposé, nul doute que le législateur encouragerait alors les nombreux abus et la mauvaise foi possible des débiteurs qui pourraient alors aisément contester les recours hypothécaires des créanciers et obtenir des délais sans jamais avoir à assumer les frais extrajudiciaires engagés pour lesquels, de surcroît, ils sont responsables.

D'autre part, comme l'a souligné la Cour d'appel dans l'affaire Montréal Trust précitée, nous insistons sur le fait que les débiteurs peuvent toujours contester la légitimité ou la raisonnabilité des frais engagés, comme ils l'ont fait dans plusieurs cas ayant fait l'objet de jugements de la Cour supérieure. Ainsi, les tribunaux pourront toujours contrôler soit le bien-fondé des frais engagés par les créanciers hypothécaires ou encore le quantum de ceux-ci. Et, pour ces motifs, donc, nous recommandons le maintien du statu quo et le retrait pur et simple des articles 10 et 11 du projet de loi n° 50.

En terminant, nous espérons que nos commentaires, bien sûr, seront pris en considération dans l'élaboration finale du projet de loi n° 50 et nous demeurons à l'entière disposition des membres de la commission et, bien sûr, des représentants du ministère de la Justice pour toute discussion ou information ultérieure en regard de ce dossier important pour nos membres et aussi pour les consommateurs. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre de la Justice, pour entreprendre la période d'échange.

n (15 h 40) n

M. Bégin: Merci, M. le Président. Merci, messieurs. Vous avez abordé trois volets très importants. Cependant, je dois dire que, ce matin, quand on est plusieurs à venir pour parler des mêmes sujets, bien sûr, qu'on a déjà traités à deux reprises, chacun des points que vous avez soulevés, ça n'enlève aucun mérite à ce que vous avez dit, sauf que c'est peut-être plus facile d'aller directement au but à partir de maintenant. Donc, je vais parler de deux des points que vous avez soulevés, laissant peut-être à ma collègue le soin de faire... Sans lui donner aucune instruction, mais c'est parce qu'on va parler des mêmes choses.

Vous avez d'abord parlé des charges communes. Vous savez que 1069 prévoit que le syndicat de copropriétaires qui ne fournit pas à un acheteur éventuel les charges communes qui sont dues ne peut plus réclamer ces charges. Advenant que vous ayez la même possibilité, en tant que banquiers, d'obtenir du syndicat... qui ne pourrait pas vous le refuser parce qu'on aurait modifié le Code pour s'assurer que cette information-là peut être transmise, auriez-vous des objections ou continueriez-vous à avoir des objections à la disposition que nous avons proposée?

M. Langlois (Mario): Mario Langlois. Je pense que ce que vous proposez, la modification que vous proposez, qui n'est pas dans le projet de loi actuellement, viendrait changer tout le portrait. C'est-à-dire que, en ce moment, ce qu'il n'est pas possible de faire pour un créancier hypothécaire, c'est de savoir quelles sont ces charges communes, parce que, bien entendu, lorsqu'un créancier hypothécaire exerce son recours, il n'a pas la collaboration de son débiteur. Et, s'il doit vérifier auprès des administrateurs, eux autres n'ont pas non plus le droit de fournir les renseignements personnels qui concernent le débiteur à moins d'avoir son consentement. Donc, c'est évident qu'une telle modification changerait...

M. Bégin: Parce que, ce matin, je crois que c'est la Fédération des caisses populaires, mais je peux me tromper... Je pense que c'est la Fédération, oui, avec qui on a discuté et qui disait: Bien sûr, on ne peut pas l'avoir, le renseignement. Donc, on ne peut pas en être tenu responsable. Et c'est pour ça que je vous pose la question, parce que, semble-t-il... Je ne veux pas les faire parler, ils ne sont pas ici, là, mais il m'a semblé comprendre que, s'ils avaient accès à cette information-là, il serait possible, donc, pour eux, avant de procéder, de s'assurer que les charges communes ont été acquittées sinon de s'assurer que votre débiteur les assume, de sorte que votre créance soit protégée. Alors, je voudrais savoir ça, parce que ça peut peut-être nous donner une réponse, soit dans un sens soit dans l'autre, par rapport à ce problème qui est soulevé pour 1069.

Deuxième question, les frais encourus. Sans reprendre la terminologie précise, là, ce que j'ai donné ce matin comme explication, c'est que, au moment de la réforme du Code civil, il y avait une expression... Je ne suis pas un linguiste, là, mais il y avait une expression qui était utilisée et qu'on considérait comme étant un anglicisme. Alors, le législateur, à l'époque, a voulu corriger cet anglicisme pour utiliser des termes évidemment nouveaux, puisque ça avait été les autres qui avaient toujours été utilisés et que l'on retrouve maintenant au Code civil. Il n'y avait pas d'intention de modifier la loi. Cependant, les tribunaux, comme c'est possible de le faire, ont vu là une interprétation différente de l'expression qui était antérieurement consacrée, et graduellement on s'est éloigné de ça et on en arrive avec la jurisprudence qui prévaut actuellement. Alors, ce n'est... En tout cas, nous soumettons qu'il ne s'agit pas d'une volonté législative, mais d'une interprétation jurisprudentielle qui va dans le sens inverse de ce qui existe par ailleurs.

Vous savez, je pense... Et, je dis, c'est un hasard, mais ce lundi, cette semaine, Journal de Québec, page 20, c'était Le petit guide juridique ? remarquez que c'est curieux ? Réclamation des frais d'avocat, et là-dedans on donnait comme nouvelle: «On hésite souvent à entamer des procédures judiciaires en raison des frais d'avocat parfois élevés qui peuvent en découler. Cette hésitation est sûrement due en grande partie à la règle voulant que chaque partie, même celle qui gagne sa cause, doive supporter ses propres frais d'avocat.» Et là ils disaient: Heureusement, ça l'a certaines exceptions, et on parlait évidemment de l'abus de droit, des conduites malicieuses et lorsqu'on porte atteinte aux droits, et moi, j'ajouterais «en matière d'expropriation». La règle, c'est que quand on gagne, quand on perd, il y a des frais, ce sont les frais judiciaires. Et, quant au reste, chacun assume. Autrement dit, quand on exerce devant les tribunaux son droit d'être payé de sa créance, on sort possiblement aussi riche que notre créance moins les frais qu'on a dû payer à notre procureur, au-delà des frais que l'autre partie doit payer. Quelle est la raison pour laquelle on devrait diverger à l'égard de cette créance-là par rapport aux autres?

M. Langlois (Mario): Essentiellement, dans l'institution de l'hypothèque, on veut protéger le créancier, et la raison, sans doute, en arrière de tout ça, c'est probablement que, en protégeant le créancier, le créancier va pouvoir consentir un prêt avec un taux moindre que s'il n'y avait aucune protection. C'est un élément de l'institution de l'hypothèque dont le créancier peut bénéficier depuis 1994, plus précisément depuis les jugements qui ont confirmé leur droit à récupérer ces frais-là engagés. Ce n'est pas...

M. Bégin: Excusez-moi, là, je ne veux pas jouer au fin finaud, mais êtes-vous en train de me dire que, depuis 1994, les consommateurs bénéficient de taux moindres qu'avant ou qu'avant ils bénéficiaient de taux supérieurs parce qu'il n'y avait pas cette possibilité-là?

M. Langlois (Mario): C'est-à-dire que le débiteur bénéficie d'un taux moindre de l'institution de l'hypothèque dans son ensemble, et notamment le principal élément de l'institution de l'hypothèque, c'est la garantie qui est offerte par l'immeuble. Je ne dis pas que, du seul fait de pouvoir récupérer les frais extrajudiciaires, ça joue beaucoup sur le taux hypothécaire, mais ça fait partie quand même de l'institution hypothécaire, de l'hypothèque. Si on considère ça dans l'institution, il est évident que ça peut avoir un effet dissuasif, d'une part, c'est-à-dire que le débiteur qui veut contester pour contester va faire payer finalement les débiteurs qui paient leurs dettes à échéance.

M. Hébert (Jacques): En somme, si vous me permettez, M. le ministre ? et, d'ailleurs, Desjardins l'a souligné ce matin ? on ne voudrait pas se retrouver dans une situation où le Québec serait à contre-courant à l'égard du reste de l'Amérique du Nord. Il est certain que si les frais en question doivent être absorbés par les banques, les banques vont refiler ces frais-là à quelqu'un d'autre, et ce quelqu'un d'autre là, ça va être le client, j'en ai bien peur. Alors, moi, je souhaite d'aucune façon que le Québec se retrouve avec des taux hypothécaires plus élevés ? ne serait-ce que de façon mince, là ? que le reste du Canada. Ça ne serait pas souhaitable. Et on ne vous dit pas que ça arriverait nécessairement, mais il y a un danger, il y a un danger là. Et on pense que le statu quo actuel est préférable pour l'ensemble des débiteurs, parce que ce que la loi semble indiquer entre les lignes, c'est qu'effectivement les bons payeurs vont payer pour les mauvais payeurs, et ça, je ne pense pas que ce soit souhaitable.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Bourassa, porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'avoir accepté de venir éclairer les travaux de la commission. En regard du premier article, à savoir l'article 6 qui vient modifier l'article 1069, vous avez bien relaté la tendance jurisprudentielle et les problèmes, évidemment, que ça sous-tend. Maintenant, pouvez-vous me dire... Vous recommandez le statu quo, ce qui, en somme, n'est pas une solution à proprement parler, mais je comprends et prends bonne note que vous avez recommandé le statu quo. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de réfléchir à des solutions. Notamment, j'aimerais vous faire part d'une solution qui avait été avancée ce matin par la Chambre des notaires où ils disaient de remplacer l'hypothèque légale du syndicat des copropriétaires, c'est-à-dire de l'abroger et de la remplacer par une priorité légale. Quel serait votre point de vue à ce sujet?

M. Ferron (Daniel): Je peux peut-être répondre là-dessus. Nous, ce qui nous inquiéterait beaucoup avec ça, comme l'a mentionné d'ailleurs la Fédération du Mouvement Desjardins, c'est que les priorités, actuellement, elles sont à peu près strictement réservées aux créances de l'État, et, à ce moment-là, on ouvre une porte qui risque d'être très dangereuse pour l'avenir. C'est que si on accorde une priorité à ce genre de situation là, bien là tout le monde va en demander à ce moment-là, et on va se ramasser dans une situation extrême. Alors, pour nous, ce n'est pas une solution idéale ou, en tout cas, ce n'est pas une solution à envisager en ce qui nous concerne.

Mme Lamquin-Éthier: Je reçois bien votre commentaire. J'ai en main l'article 2651 du Code civil qui dresse la liste des créances prioritaires, et ils énoncent:

«1° les frais de justice [...];

«2° la créance du vendeur impayé pour le prix du meuble vendu [...];

«3° les créances de ceux qui ont un droit de rétention sur un meuble [...];

«4° les créances de l'État [...] ? effectivement; et

«5° les créances des municipalités.»

Donc, il y a plus d'une créance qui est priorisée, et l'énumération le démontre. Vous ne croyez pas qu'il y aurait lieu d'ajouter aux créances qui sont actuellement énumérotées à l'article 2651? Je ne vois pas qu'il y ait plus particulièrement de créances réservées à l'État, là. Je ne comprends pas, là.

n(15 h 50)n

M. Ferron (Daniel): Du moins, en tout cas, en ce qui nous concerne, ça ne serait pas une solution idéale, parce que, en ayant une priorité, à ce moment-là, les syndicats de copropriétaires seraient peut-être moins enclins, justement, à faire valoir leurs droits auprès du propriétaire, et, à ce moment-là, c'est le créancier, au bout de la ligne, qui risquerait de payer les frais de tout ça. C'est un peu ça qui nous inquiète.

M. Hébert (Jacques): Si la liste n'est pas tellement longue, c'est peut-être justement que le législateur a fait preuve de prudence. Parce que, si on ouvrait, comme mon collègue a dit tantôt, la porte grande ouverte à ce genre de réclamation, vous pourriez vous retrouver justement avec un article dont ? excusez-moi, je ne me souviens pas du numéro ? la liste serait sans fin. Et là c'est impossible de satisfaire tout le monde à ce moment-là, puis ça créerait des problèmes judiciaires importants.

M. Ferron (Daniel): D'ailleurs, je rajouterais à ça que la plupart des priorités qui sont mentionnées datent d'ailleurs de très, très longtemps, elles remontent au début du Code civil, alors...

Mme Lamquin-Éthier: Dois-je comprendre, toujours pour suivre la recommandation ou la suggestion émise par la Chambre des notaires, que cette créance-là ne pourrait pas être placée après la créance des municipalités, par exemple, donc avoir un rang inférieur...

M. Ferron (Daniel): Bien, quant à nous, ça ne changerait rien. Le rang ne changerait pas grand-chose, parce que ça demeure une priorité.

Mme Lamquin-Éthier: Parfait. Merci beaucoup. Françoise.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Oui. Merci, M. le Président. Moi, à l'instar de M. le ministre, je voudrais avoir plus de précisions sur vos prétentions concernant les frais engagés. Je vous avoue que j'ai un peu de misère à vous suivre, parce que, dans notre système de droit, évidemment, comme l'a exprimé M. le ministre, chacun paie ses avocats, et je dirais même que la jurisprudence en matière de réclamation en responsabilité civile... la jurisprudence a fait en sorte de rescinder le droit d'une victime d'abus... une victime d'abus de n'importe quelle sorte de réclamer les honoraires professionnels dans sa procédure.

Et, votre position, j'aimerais que vous me l'expliquiez davantage, qu'est-ce qui justifie que, pour le créancier hypothécaire, vous continueriez d'avoir ce droit-là? Parce qu'on se rappelle que ce droit-là vous a été accordé par la jurisprudence qui a vu, par un amendement à la loi, la possibilité de vous accorder des honoraires professionnels.

M. Hébert (Jacques): Un des problèmes qui se posent pour nous, c'est ceci, c'est que si on va de l'avant avec la recommandation, dans la réalité des choses, on va se trouver à récompenser la personne qui s'est placée en défaut, et nous, on pense que ce n'est pas une bonne voie à suivre. La personne qui ne fait pas ses paiements hypothécaires, c'est comme une personne qui ne fait pas ses paiements sur une carte de crédit. Ce n'est pas le créancier, là, qui est en défaut, c'est la personne qui a fait l'emprunt. Alors, vous nous dites: La personne peut cesser de faire ses paiements, et on va la récompenser, parce que, en plus, là, tous les frais que vous encourrez comme prêteur, bien vous allez du même souffle les absorber. On pense qu'il y a une forme, là, d'injustice qui ne nous apparaît pas souhaitable.

Mme Gauthier: J'ai de la misère à vous suivre, M. le Président. Si vous permettez, je vais vous donner juste... De façon parallèle, en matière élémentaire, par exemple, celui qui va multiplier les procédures, les requêtes en modification de mesures provisoires, requêtes en modification... Tu sais, je veux dire, la partie qui subit la vendetta judiciaire, elle assume ses honoraires professionnels.

M. Hébert (Jacques): Mais ça, ce sont deux parties qui n'ont pas pris d'engagement préalable, là, ils discutent d'un problème comme tel. Nous, on vous dit: Voici, on vous fait un prêt, et, en retour, vous vous engagez comme emprunteur à respecter telle ou telle norme, par exemple à faire une remise de tant de dollars par mois selon votre emprunt. Et là vous me dites que vous pouvez cesser de payer et qu'on doit partager les frais pour la saisie de l'immeuble s'il y a lieu. Je pense que votre comparaison... En tout cas, j'ai de la difficulté, moi aussi, à mon tour, à vous suivre, mais on pourra peut-être en parler plus longuement tantôt.

Mme Gauthier: Non, mon propos, c'était vraiment de dire: J'aimerais savoir pourquoi le créancier hypothécaire continuerait de bénéficier d'un avantage que pas d'autres justiciables au Québec ont, à savoir que c'est nous qui sommes responsables du paiement de vos honoraires professionnels.

M. Hébert (Jacques): Bien, c'est parce que c'est le créancier... Pas le créancier, mais c'est le débiteur hypothécaire qui s'est placé dans une situation inconfortable, et on pense qu'il et normal qu'il en paie les coûts.

Mme Gauthier: Je vous dirais, moi, j'ai fait beaucoup de droit syndical, à chaque fois que... Aïe! J'ai vu des employeurs qui ne respectaient pas une convention collective, et c'est le syndicat qui assumait mes honoraires.

M. Hébert (Jacques): Je pense qu'on s'écarte du sujet un peu, là.

Mme Gauthier: Non, non, mais, je veux dire par analogie. Je veux dire, à chaque fois que quelqu'un, là... Vous n'êtes pas les seuls qui sont dans une situation où ils sont face à un bris de contrat. Pourquoi vous autres, vous auriez un traitement particulier par rapport à n'importe quelle autre situation où on est victime d'un bris de contrat?

M. Hébert (Jacques): Écoutez, on a mentionné ce matin et on l'a mentionné aussi dans nos propos plus tôt que, partout en Amérique du Nord, la situation était telle comme on vous l'a décrite. Ce que vous nous dites, c'est qu'on doit modifier la situation au profit d'un choix social qui fait en sorte que la personne qui se place en situation de défaut devrait, ma foi, s'en aller allègrement vers une nouvelle transaction sans avoir payé le prix, parce qu'on laisse derrière soi un paquet de choses, et les autres vont ramasser les coûts.

Mme Gauthier: Je n'ai pas compris.

M. Hébert (Jacques): Vous voulez placer la personne dans une situation où elle pourrait laisser de côté ses obligations, donc cesser de faire ses paiements et s'en aller vaquer à d'autres occupations en laissant aux autres le soin de payer. Parce qu'il est certain que si les institutions prêteuses, que ce soient les banques ou les caissiers populaires, ramassent la facture, ils vont refiler la facture à l'ensemble des emprunteurs hypothécaires, puis on dit que ça, ce n'est pas souhaitable, que la personne qui se place en défaut, doit être celle qui paie le prix du défaut.

Mme Gauthier: Je comprends de votre argument que, si le législateur allait de l'avant dans sa modification, qu'on verrait les taux augmenter, les taux hypothécaires augmenter?

M. Hébert (Jacques): Ce que Desjardins vous a dit ce matin et ce qu'on vous dit également, c'est qu'il y a effectivement un danger, parce que, si on va dans cette voie et qu'il y a un problème majeur à un certain moment, il est certain que les taux pourraient être affectés. Ça, il faut se le dire en toute honnêteté. Ce n'est pas demain matin la veille, bien sûr, mais théoriquement ça peut arriver.

M. Langlois (Mario): Si je peux intervenir deux secondes.

Mme Gauthier: Oui.

M. Langlois (Mario): À ça je pourrais rajouter que l'expérience pratique lors de la réalisation hypothécaire est à l'effet suivant, c'est-à-dire sachant que les frais extrajudiciaires sont récupérables du débiteur, le débiteur, bien souvent, constate qu'il a intérêt de réduire et de ne pas contester pour contester. Là où il y a motif pour contester, ce n'est pas ça qui va le déranger, là, mais généralement ça a un effet dissuasif. Et ça a un effet encourageant, c'est-à-dire, pour que les fins de la justice soient servies, c'est-à-dire être plus rapide, expéditif dans les recours, parce que les créanciers collaborent lorsqu'ils constatent qu'ils vont avoir cette charge à assumer. Et c'est, à mon avis, un élément important qu'il ne faut pas négliger. Autrement, c'est certain que les frais risquent d'être augmentés artificiellement du simple fait... parce que les débiteurs n'auront plus cette charge-là potentielle sur leur tête, là.

Mme Gauthier: Ne craignez-vous pas... C'est terminé?

Le Président (M. Lachance): Rapidement, à moins que... Ça va? Allez-y.

Mme Gauthier: Ne craignez-vous pas effectivement l'effet pervers aussi du débiteur qui pourrait avoir effectivement une bonne défense, mais qui, devant une opinion légale qui dit: C'est 50-50, tu devras assumer et tes honoraires et les honoraires de la partie adverse, dise: Bien, c'est «no way», et il paie sans jamais aller devant le tribunal?

M. Langlois (Mario): D'expérience, je n'ai pas vu de situation de ce type. Il faudrait que les associations de consommateurs viennent en témoigner pour vous le dire, je ne peux pas vous répondre là-dessus.

Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs de l'Association des banquiers canadiens, pour votre participation aux travaux de cette commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): ...les représentants de l'Association des syndicats de copropriété du Québec à bien vouloir prendre place à la table.

n(16 heures)n

Alors, bienvenue, messieurs. Je vous rappelle les règles qu'on s'est données. Vous avez une présentation de 15 minutes et, par la suite, une période d'échange, en commençant par une présentation du porte-parole et des personnes qui l'accompagnent.

Association des syndicats
de copropriété du Québec (ASCQ)

M. Charlebois (Michel): Merci, M. le Président. Mmes, MM. les membres de la commission, M. le ministre. Alors, nous sommes honorés d'avoir été invités à soumettre nos commentaires sur une partie de l'important projet de loi n° 50 qui a été soumis et qui a été déposé par le ministre de la Justice.

Je suis Michel Charlebois, je suis le président-directeur général de l'Association pour la province ? c'est une association provinciale. À ma droite ? à gauche et à droite pour vous ? à ma droite, ici, c'est Michel Paradis, avocat de Québec qui est le conseiller juridique de la section de Québec, et, à ma gauche, M. Jacques Lamarche qui est le président de la section de Québec.

Alors, la copropriété divise, quoique nous soyons des personnes morales, comme syndicats de copropriétaires, c'est quand même des consommateurs. Alors, on aime se qualifier d'association de consommateurs parce que nous parlons d'argent déjà taxé. Nos grands partenaires viennent de vous laisser, ce sont des créanciers hypothécaires. Si on n'avait pas les banquiers, on n'aurait peut-être pas de copropriétés. D'un autre côté, eux, quand ils font des dépenses, c'est toujours avant taxes. Petite nuance. C'est important dans l'analyse de tout ce qu'on va vous faire.

M. Bégin: ...

M. Charlebois (Michel): Oui, j'espère. La copropriété divise, au Québec, regroupe un nombre inconnu de copropriétaires et un nombre inconnu de syndicats de copropriété à cause de notre système de dépôt au Bureau de la publicité des droits. Mais notre expertise, appuyée par plusieurs recherches, entre autres celles de la Société d'habitation du Québec, semble laisser savoir qu'il y aurait entre 300 et 350 personnes vivant en copropriété divise au Québec dans quelque chose comme 10 à 15 000 syndicats de copropriété. Nous avons beaucoup, beaucoup de petites copropriétés au Québec. Beaucoup. Petites de moins d'une vingtaine d'unités, nous en avons des quantités très importantes. Alors, le projet de loi n° 50, pour nous, est quelque chose de très important. Et, de prime abord... Nous représentons, comme on dit, 5 % de la population.

Alors, de prime abord, j'inviterais notre conseiller juridique à vous présenter nos commentaires sur les trois points, en fait, du projet de loi, les mêmes que tout le monde, à ce que je comprenne actuellement, et surtout l'article 1069 qui nous touche beaucoup. Me Paradis.

M. Paradis (Michel): Oui. Alors, point n'est besoin de dire que nous sommes très favorables à la modification envisagée pour l'article 1069. Depuis des années, les syndicats consultent l'Association et les avocats qui travaillent pour eux pour savoir quoi faire lorsqu'une institution financière est en procédure de reprise de possession et que les frais communs ne sont pas payés par la personne défaillante depuis plusieurs mois. Il y a eu un débat jurisprudentiel sur ces questions-là et finalement il y a eu des arrêts qui ont décidé que les banques n'avaient pas à payer ces charges en retard, mais il est à notre connaissance que généralement les institutions financières payaient les arrérages, souvent suite à un simple coût de téléphone d'un administrateur ou de l'avocat du syndicat.

Même après les arrêts qui ont renversé la situation et qui ont déterminé que les créanciers hypothécaires n'avaient pas à payer, certaines institutions financières ont quand même continué à payer les arrérages, parce que les institutions financières savent bien que ces charges servent à préserver le bien qui garantit leur créance, hein, comme si le copropriétaire ne payait pas le chauffage ou les assurances du logement que la banque s'apprête à reprendre. Évidemment, les charges communes servent à préserver le bien que les créanciers s'apprêtent à reprendre, donc il est important qu'elles soient payées à un moment donné par quelqu'un.

Alors, évidemment, nous sommes entièrement en faveur d'un amendement qui rendrait un créancier hypothécaire responsable de toute charge commune impayée d'un copropriétaire dont l'unité est reprise par ce créancier dans le cadre d'une dation en paiement. Certaines déclarations de copropriété récentes le prévoient d'ailleurs. Les notaires maintenant prévoient ces situations dans des déclarations de copropriété.

Il y a des situations ? on en a vu ? où les institutions financières peuvent faire traîner les procédures de reprise de possession pendant des mois. Les créanciers hypothécaires, qui sauront évidemment, avec le nouveau texte, que les charges communes sont impayées et quel est le montant de ces charges communes impayées, sauront qu'ils ont intérêt à procéder rapidement à redevenir propriétaires pour pouvoir louer ou revendre les appartements et donc ainsi éviter qu'une somme trop importante de charges communes impayées ne s'accumule.

Il arrive aussi des situations où les créanciers hypothécaires ont loué les appartements. Les appartements sont loués, les créanciers hypothécaires encaissent les loyers mais ne paieraient pas les charges communes, ce qui est tout à fait injuste envers les copropriétés.

Alors, comme je le disais, les charges sont essentielles à la conservation de l'immeuble afin de préserver les droits du créancier hypothécaire. Alors, on n'est pas nécessairement d'avis avec ce qu'on a entendu à l'effet que ça donnait... C'est sûr que ça ne donne pas une plus-value à l'immeuble, mais ça donne... c'est essentiel à la préservation de l'immeuble. Et pour cette raison-là, les créanciers hypothécaires devraient avoir à payer ces charges et ce ne serait pas... ça n'appartient pas aux autres copropriétaires de payer pour un des leurs qui est défaillant. Mettre à la charge cette obligation, en plus des frais légaux aux autres copropriétaires, est une implication qui n'est pas prévisible et pas souhaitable de la vie en copropriété.

Soit dit en passant, au niveau de la question de savoir si... C'est un grand débat de savoir si le créancier hypothécaire est en droit de voir si les charges sont impayées. À ma connaissance, à titre d'avocat, il ne m'est pas arrivé de donner un conseil à un syndicat de copropriété de ne pas révéler à un créancier hypothécaire quelles sont les charges impayées de son débiteur. Beaucoup de déclarations de copropriété prévoient des droits aux créanciers hypothécaires, et j'en ai ici une préparée à Québec où effectivement le créancier hypothécaire s'est réservé le droit d'être informé de tout défaut du paiement des frais communs de la part de son débiteur. Alors, cette question de la connaissance des créanciers hypothécaires des frais impayés est un faux problème. Alors, ce sont nos remarques sur l'article 1069.

Sur l'article 1726, évidemment, c'est très difficile pour nous d'intervenir. On souligne que, évidemment, les problèmes de garantie de vice sont déjà suffisamment complexes actuellement sans nécessairement les complexifier davantage. Nous soulignons qu'en copropriété les problèmes sont encore plus complexes. Comme vous le savez, il y a les parties communes et les parties privatives. Il y a des vices aux parties communes, aux parties privatives. À qui appartient la responsabilité de poursuivre pour chacun de ces vices-là? C'est déjà un problème.

Il y a un article spécifique qui prévoit la responsabilité du syndicat en première ligne pour les vices de conception et de construction. C'est l'article 1077 du Code civil. Et nous tenons principalement à rappeler le deuxième alinéa de l'article 81 du Code civil actuellement qui prévoit une appréciation du délai raisonnable des vices cachés spécifique pour les copropriétés avec lequel, peut-être, le texte envisagé de l'article 1726 pourrait poser problème. Je cite le deuxième alinéa de l'article 1081:

«Le défaut de diligence que peut opposer le défendeur à l'action fondée sur le vice caché s'apprécie, à l'égard du syndicat ou d'un copropriétaire, à compter du jour de l'élection d'un nouveau conseil d'administration, après la perte de contrôle du promoteur sur le syndicat.»

Alors, si on imagine des situations où la perte de contrôle du promoteur du syndicat se produit quatre ans, ou quatre ans et demi, ou cinq ans après l'apparence du vice et que le nouvel article est adopté, il y aurait peut-être un problème, à ce moment-là, de contradiction entre les deux articles. Alors, ça, c'est un élément qu'on tenait à souligner à la commission.

Relativement aux articles 2667 et 2762, évidemment, nous, ce n'est pas relativement au droit des créanciers hypothécaires d'obtenir les frais engagés, mais plutôt au droit du syndicat d'obtenir les frais engagés s'il exerce son hypothèque légale du syndicat des copropriétaires.

Alors que les copropriétaires d'un même immeuble sont généralement tous au même niveau économique, contrairement à la situation entre une institution financière et un individu, il nous apparaît juste et raisonnable que la charge du défaut d'un copropriétaire défaillant ne revienne pas aux autres copropriétaires. Il n'y a pas de raison pour le législateur d'intervenir pour modifier les termes conventionnels de la déclaration de copropriété. Nous sommes en désaccord avec l'affirmation justificative de la mesure qui parle de la disparité de traitement justifiée entre les créanciers chirographaires et les créanciers hypothécaires. Cette disparité est au contraire justifiée par le fait qu'un contrat est intervenu entre le créancier et le débiteur qui prévoit à l'avance que le non-paiement entraînera une responsabilité de payer les frais et honoraires extrajudiciaires encourus.

n(16 h 10)n

À notre avis, cette question devrait être, comme actuellement, laissée à la discrétion du tribunal dans tous les cas. D'ailleurs, le tribunal a déjà entière discrétion pour réduire les frais réclamés en raison du mot «légitimement» apparaissant à l'article 2667 qu'il y aurait lieu d'harmoniser avec 2762. À la rigueur, si une modification doit être adoptée, elle devrait quand même tenir compte du caractère consensuel des relations entre les copropriétaires, c'est-à-dire d'ajouter «sauf si le débiteur y a consenti par écrit, sont exclus des frais légitimement engagés les honoraires extrajudiciaires dus». Si, par ailleurs... On n'était pas là ce matin, mais, si, par ailleurs, était envisagée la possibilité que l'hypothèque légale soit remplacée par une priorité, bien, évidemment, sur ce dernier aspect, on n'aurait plus de problèmes puisqu'on n'aurait plus à exercer d'hypothèques légales.

Alors, c'étaient nos commentaires sur les aspects légaux des trois articles.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.

M. Bégin: Merci beaucoup, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre présentation. Et je voudrais dire, M. le Président, qu'on a une situation que je qualifierais un peu de cocasse dans le sens suivant. C'est qu'on a deux groupes qui se suivent et qui se disent un favorable à 1069, un défavorable à 1069, mais ils ont des intérêts qui sont identiques. C'est assez intéressant, parce que le banquier veut être payé, le syndicat de copropriété veut être payé. Alors, voyez-vous, avec tous les deux le même objectif, vous êtes en complet désaccord l'un avec l'autre sur le moyen à utiliser. C'est assez intéressant comme phénomène. Mais je pense qu'on est capable de concilier les deux parce que, si je comprends bien, quand le syndicat de copropriété ne se voit pas payer les charges communes, il a un problème, quand le créancier hypothécaire arrive pour prendre l'immeuble et qu'il doit assumer les charges communes, il a un problème. Est-il possible de réconcilier le tout? Il me semble que oui.

Si, comme on a dit avec l'autre groupe, il y avait possibilité ? et là vous ne vous entendez pas, mais on pourrait arriver à vous faire entendre ? ...si le créancier hypothécaire est en mesure d'obtenir du syndicat qui serait obligé de fournir l'état de situation concernant les charges communes de leur débiteur, à ce moment-là le banquier, qui verrait s'accumuler des retards relativement aux charges communes, serait certainement incité à agir plus rapidement pour dire: ma créance risque d'être mise en péril, et, à ce moment-là, agirait ? il peut le mettre d'une manière ou d'une autre dans son contrat ? il agirait auprès de son débiteur ou de son emprunteur. Ce faisant, il obtiendrait rapidement que le client paie au syndicat les charges communes. Vous seriez satisfaits et le banquier serait satisfait aussi, puisque sa créance serait protégée. Il serait certain que, si jamais il reprenait l'immeuble, il n'aurait pas à payer cette chose-là.

Donc, on voit, il me semble, là, que ça serait possible. La nuance, et elle n'est pas petite, puisque vous avez dit, Me Paradis, que c'était un faux problème, mais les banquiers ne semblent pas le voir comme ça, que souvent ils demandaient... Et là-dessus, aussi bien les banquiers canadiens que les caisses populaires ont dit que, quand ils voulaient obtenir les renseignements concernant l'état de la situation quant aux charges communes, ils se butaient souvent à des refus. Que ce soit vrai ou faux, à quel degré, m'apparaît peu intéressant parce que ce qui compte, c'est: Est-ce qu'ils pourraient l'exercer? Auraient-ils le pouvoir de le faire? La réponse, c'est non. C'est un renseignement de nature privée et le syndicat, me semble-t-il, pourrait refuser. Donc, à moins que nous changions la loi à l'effet que le syndicat devrait, sur demande du créancier hypothécaire, fournir l'état de situation, à ce moment-là, je crois que nous aurions contourné l'ensemble des difficultés. Et, si ça ne pose pas de problème au syndicat de fournir ces renseignements-là, au contraire, je ne vois pas pourquoi on ne le prévoirait pas.

Donc, dans cette hypothèse, le débiteur défaillant, bien, comme il est défaillant, il est normal que quelqu'un exerce des recours contre lui, que ce soit le syndicat de copropriété ou le banquier, donc il n'y a pas de problème. Et, si vous êtes mieux informés, l'un ou l'autre, vous allez obtenir paiement plus rapidement et tous les deux vous allez être satisfaits. Est-ce que c'est un raisonnement qui se tient par rapport à la situation?

M. Paradis (Michel): C'est d'ailleurs déjà une stratégie de paiement, par les syndicats, des charges communes que d'appeler le créancier hypothécaire d'un copropriétaire qui est en défaut pour lui dire: Écoute, là, ton copropriétaire, il ne paie pas les charges communes, il est en retard de trois mois, vérifie ça, hein, il y a quelque chose qui ne marche pas de ce côté-là. Alors, déjà, pour les syndicats de communiquer avec les créanciers hypothécaires, c'est un moyen d'obtenir le paiement des charges. Alors, c'est évident que la relation entre les créanciers hypothécaires et les syndicats ne pose aucun problème.

M. Bégin: Parfait. Concernant les frais encourus ? je pense que ma collègue tout à l'heure en a parlé longuement avec ceux qui nous ont précédés ? vous dites: Cette disparité est, au contraire, justifiée par le fait qu'un contrat est intervenu entre les créanciers et les débiteurs qui prévoient à l'avance que le non-paiement entraînera une responsabilité. Mais, si je suis un vendeur de choses mobilières, je vends un bien meuble, 6 000 $, j'ai intérêt à être payé. Si je ne le suis pas, je peux parfois reprendre le bien mais déprécié, donc je n'ai peut-être pas la valeur complète. Je veux réclamer la différence. Mais, dans notre système de lois, vous allez devoir assumer les frais judiciaires, chaque partie payant ses frais. Est-ce que ce n'est pas là demander quelque chose de particulier que l'on retrouve actuellement, à ma connaissance?

Je ne fais état... J'exclus volontairement l'évolution jurisprudentielle qui s'est produite depuis 1994, mais le seul cas, à ma connaissance, où une partie se retrouve exactement dans la même situation qu'avant, c'est en expropriation où le propriétaire exproprié est payé non seulement de la valeur à 100 $... totalement, et, en plus, le tribunal condamne la partie expropriante à payer les frais d'avocat, les frais d'expert. À ma connaissance, c'est le seul cas qui existe où la partie demanderesse n'assume pas ces frais extrajudiciaires.

M. Paradis (Michel): Si un copropriétaire a le choix d'acheter dans un immeuble plutôt qu'un autre et que dans un immeuble la déclaration de copropriété prévoit que, si les copropriétaires doivent entreprendre des procédures pour percevoir les charges, publier une hypothèque légale, ce copropriétaire aura aussi à sa charge de payer les frais extrajudiciaires encourus par la copropriété, il nous apparaît que, dès le départ, il y avait une possibilité de ne pas acheter dans cet immeuble et, donc, que le fait qu'il y ait un achat dans cet immeuble, c'est une acceptation des termes de la déclaration de copropriété qui prévoit cet engagement consensuel.

Alors, dans la mesure où il serait possible de convenir que, consensuellement, une personne accepte de payer les frais extrajudiciaires parce que c'est prévu dans la déclaration de copropriété, à ce moment-là, la situation nous apparaîtrait beaucoup plus juste. Ça nous apparaît déraisonnable de faire payer à des gens qui sont au même niveau économique les frais encourus par un d'entre eux qui est en défaut.

M. Bégin: Est-ce que, à votre connaissance... Honnêtement, mes connaissances sont défaillantes là-dessus. Est-ce que c'est une disposition d'ordre public qui vous empêcherait d'inclure dans vos contrats cette clause-là?

M. Paradis (Michel): Bien, ça va être, j'imagine, le prochain débat devant les tribunaux. Si le texte de loi est modifié, il est fort possible que les cours déterminent, comme il s'agit d'un changement législatif de nature économique, que ce soit considéré comme une disposition d'ordre public et que ce soit considéré qu'on ne puisse pas y déroger par convention. Alors, si le texte de loi prévoyait qu'on puisse y déroger par convention, déjà, ce serait plus juste.

M. Bégin: Mais, excusez, je veux vraiment bien vous saisir. Je pense l'avoir fait, mais pour tout le monde également. Vous dites que, même s'il n'y a pas de disposition à l'effet que c'est une disposition d'ordre public, vous pensez que, compte tenu du changement que nous faisons, les tribunaux pourraient interpréter la clause comme étant une disposition d'ordre public à laquelle on ne peut pas, par une convention particulière, consensuelle, déroger. C'est ça que vous nous dites?

M. Charlebois (Michel): C'est notre crainte.

M. Paradis (Michel): Absolument. J'ai tendance à croire, dans le contexte dans lequel se fait le changement, qu'il y a des fortes chances que ça influence les cours à déterminer que c'est une question d'ordre public.

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour et merci à vous trois de venir participer aux travaux de la commission. Si vous me permettez, en ouverture, j'aimerais revenir... je ne suis pas certaine d'avoir bien compris. Vous avez dit que la connaissance des charges communes, c'était un faux problème, et vous avez même ajouté que vous n'avez jamais recommandé à l'un de vos clients de ne pas divulguer les informations nécessaires. Dois-je comprendre qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait une modification qui soit apportée pour obliger le syndicat à communiquer les informations ou pas? Quelle est...

n(16 h 20)n

M. Paradis (Michel): Bien, la position de l'Association, lorsqu'un syndicat nous consulte, moi, comme avocat, ou l'Association, c'est de révéler aux créanciers... que le syndicat a nécessairement un intérêt à révéler aux créanciers hypothécaires quelles sont les charges communes impayées, et on a vu beaucoup de déclarations de copropriété qui prévoyaient des dispositions en ce sens-là.

M. Charlebois (Michel): Il faut comprendre aussi l'article 1069 et les créanciers hypothécaires. Les créanciers hypothécaires, ce sont des futurs propriétaires, quand ils font le préavis d'exercice de la prise en paiement, et le créancier hypothécaire, comme n'importe quel acheteur, «peut demander», c'est ça que l'article 1069 dit, «peut demander». S'il le fait, le syndicat a 10 jours pour répondre. Si le syndicat ne répond pas, l'acheteur ou le créancier hypothécaire ne doit pas la dette. Ça, c'est ce que l'article 1069 dit.

Maintenant, les banquiers tout à l'heure disaient: On ne peut pas savoir. Je m'excuse infiniment, mais quand on fait le préavis d'exercice, c'est l'annonce publique qu'on veut acquérir le bien. Ce n'est pas une cachette, c'est public. Ils ont même 60 jours de délai avant de procéder à l'étape suivante, et, moi, j'en ai 10 pour répondre. Donc, dans les 60 jours, ils peuvent très bien demander l'état des charges, et, si le syndicat de copropriété ne répond pas, le futur propriétaire ne doit rien. Il y a un faux problème ici.

M. Paradis (Michel): D'ailleurs, excusez-moi, j'avais ici, devant moi, une déclaration de copropriété récente, faite sous les nouvelles dispositions après 1994, qui prévaut. Le créancier hypothécaire s'est conservé le droit d'être informé de tout défaut de paiement des frais communs de la part de son débiteur, de la part du syndicat, puis il y a beaucoup de déclarations de copropriété comme ça. Un notaire bien avisé pourrait faire ses déclarations de copropriété dans ce sens-là actuellement.

M. Charlebois (Michel): J'aimerais juste rajouter un petit quelque chose sur une note qui a été donnée avant nous sur la question des priorités. J'aimerais juste rappeler à la commission que, sous le Code civil du Bas-Canada, nous étions dans les priorités, on appelait ça des «privilèges» dans le temps. Nous l'avions. Là, nous l'avons perdu, et, comme consommateurs, nous avons très peu d'outils pour revoir notre argent parce que, veut, veut pas, nous sommes tous des particuliers ordinaires, ce n'est pas un métier d'être copropriétaire. Ça fait que, quand je suis obligé de payer, comme Me Paradis l'a dit, ce que l'autre ne paie pas, bien, ça devient très difficile. Alors, c'est sûr que, si on avait une priorité, appelons ça «privilège de l'ancien Code», tout ce qu'on vient de discuter ici disparaîtrait de lui-même.

Mme Gauthier: Je reviens à l'article 1069, Me Paradis. Objectivement parlant, quelle est votre position à vous? Vous dites que c'est un faux problème eu égard au fait que, dans les déclarations que vous donnez aux gens à remplir, on prévoit la situation. Mais par rapport à l'article 1069, c'est quoi, votre position?

M. Paradis (Michel): On n'en a pas, on est d'accord. Nous, on dit que... On trouve que ceux qui sont contre cette mesure-là posent un faux problème, mais, nous, on est fortement d'accord avec cette mesure-là évidemment.

Mme Gauthier: Et j'aimerais ça... Est-ce que vous avez des statistiques par rapport au fait que sous l'ancien Code civil ? c'est le Code civil du Bas-Canada ? lorsqu'on parlait que vous aviez une créance privilégiée, maintenant qu'on appelle créance prioritaire... Est-ce que, à ce moment-là, vos clients, Me Paradis, avaient moins à débourser pour la réclamation des frais communs?

M. Paradis (Michel): Oui, c'est évident que l'exercice d'une priorité coûte beaucoup moins cher que la réalisation d'une hypothèque.

Mme Gauthier: Et je comprends aussi de vos propos que c'est ce que vous réclamez, que votre créance devienne une créance prioritaire.

M. Paradis (Michel): Ce n'est pas ce qui est envisagé par le projet de loi évidemment. On n'a pas été questionnés principalement là-dessus, mais ça nous apparaît que, pour nous, cette solution-là réglerait beaucoup de problèmes, réglerait le problème de 1069, réglerait le problème des frais engagés, pour les copropriétés en tout cas.

M. Charlebois (Michel): Nous, ce qu'on veut, c'est notre argent. Les charges de la copropriété...

M. Bégin: Tout le monde est d'accord avec vous, tout le monde. Ha, ha, ha!

M. Charlebois (Michel): Bien, voilà! Vous êtes peut-être même, pour la majorité ici, des copropriétaires et vous êtes peut-être même membres de l'Association. Tout ce qu'on veut, c'est votre bonheur.

Mme Gauthier: Combien avez-vous dit ? je pense que j'ai mal entendu ? qu'il y a de personnes au Québec qui vivent en copropriété?

M. Charlebois (Michel): Bon, la statistique n'existe pas parce qu'il n'y a pas de registre central sûr. Mais, de commune mesure, ça fait quand même 26 ans maintenant que l'Association existe, et on se connaît soi-même, il y aurait entre 300 et 350 000 personnes qui demeureraient...

Mme Gauthier: O.K. C'est le 1 000 qu'il nous manquait.

M. Charlebois (Michel): ...en copropriété, c'est à peu près 5 % de la population.

Mme Gauthier: C'est ça, c'est le 1 000 qu'il nous...

M. Charlebois (Michel): 300 à 350, c'est ça que j'ai dit?

(Consultation)

M. Charlebois (Michel): 1 000, oh, excusez-moi, 300 à 350 000. Et là on nous a dit que ça représenterait quelque chose comme, bon, 15 à 20 000 syndicats de copropriété. L'inspecteur des institutions financières en a peut-être 7 000 dans ses livres. Maintenant, personne n'est sûr de ces chiffres-là. La Société d'habitation du Québec est supposée sortir des statistiques bientôt sur une recherche, et ce qu'on a su au préalable, c'est que les chiffres seraient probablement corrects, mais quand on regarde l'ampleur des grosses copropriétés au Québec face au nombre de copropriétaires, ça voudrait dire que plus que la moitié des copropriétaires vivent en petites copropriétés, c'est-à-dire des copropriétés de deux, trois, cinq, huit unités, ce qui est désastreux quand quelqu'un ne paie pas. On n'a pas la situation de copropriétés de très grande envergure, de centaines d'unités, où une seule mauvaise créance, ce n'est pas trop grave. Quand vous avez trois, quatre unités, huit unités, 12 unités et qu'il y en a un ou deux, pour toutes sortes de raisons, qui ne paie pas, bien, la charge peut devenir très, très lourde pour les autres.

Et il y a plein d'outils pour les créanciers hypothécaires, ils peuvent se protéger par leur propre créance hypothécaire, ils peuvent prendre le droit de vote du copropriétaire, ils peuvent assister à nos assemblées de copropriétaires, ils peuvent recevoir tous les documents. Je pense qu'il y a tout ce qu'il faut pour qu'on n'ait pas le problème de collecter des charges. Bon. Il s'agit juste de s'entendre, comme M. le ministre a dit.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, il vous reste deux minutes.

M. Bégin: Il y a quelque chose qui me chicote encore. L'accès à l'information n'est pas un domaine très facile, mais quand je lis 1069, j'y vois là comme une indication ? vous me corrigerez si ma perception n'est pas bonne ? que si ce n'était de cette disposition vous ne pourriez pas donner accès à l'information à l'acheteur.

Je lis pour tout le monde: «Celui qui achète une fraction de copropriété divise peut demander au syndicat des copropriétaires un état des charges communes dues par le copropriétaire vendeur; il ne peut être tenu au paiement de ces charges s'il n'a pas obtenu l'état dans les dix jours de la demande.» C'est comme s'il n'y avait pas droit, mais que le texte lui donne droit. Ce qui fait dire que, si vous n'avez pas une disposition qui serait semblable à celle-ci à l'égard du créancier bancaire, il ne pourrait pas avoir accès à cette information-là, et c'est pour ça que ce n'est peut-être pas tant un faux problème.

Si vous êtes en train de donner de l'information à votre banquier qui concerne un de vos copropriétaires, peut-être êtes-vous en train de donner de l'information que vous n'avez pas le droit de donner. Je ne vous blâme pas de le faire, mais peut-être êtes-vous en train de le faire. Et, si je veux corriger la situation, peut-être qu'il faudrait que je mette une disposition qui permette ou même qui oblige la copropriété, de la même manière qu'elle l'oblige à fournir à l'acheteur, de fournir au banquier. Parce que dans ce que vous disiez tantôt, M. Charlebois, à l'effet que le banquier avait le préavis, etc., oui, mais quand il donne son préavis, des fois il ne sait pas que ça fait un an et demi que les charges communes n'ont pas été payées. Vous, vous le savez, mais peut-être que le créancier bancaire ne le sait pas, lui. Quand il l'apprend...

M. Charlebois (Michel): Mais s'il le demande, il va le savoir tout de suite.

M. Bégin: Oui, s'il pouvait connaître au fur et à mesure, à ce moment-là, il pourrait voir monter la charge, et là il pourrait dire: Un instant, mon débiteur, viens ici un peu, là, j'ai un problème; regarde, tu ne paies pas tes frais, là, moi, je vais exercer ma clause parce que tu mets ma créance en péril et je vais être obligé de payer à ta place. Il me semble qu'il y a quelque chose là-dedans qui se comprend quand on se met dans les bottes du banquier, par exemple.

n(16 h 30)n

M. Paradis (Michel): Mais c'est parce qu'il faut distinguer l'article... L'acheteur, évidemment, n'a pas de relation, l'acheteur éventuel n'a pas aucune relation avec le syndicat, alors que les créanciers hypothécaires, parce que les notaires ont ainsi rédigé les déclarations de copropriété, ils se sont réservé des droits relatifs à l'exercice des droits de leurs copropriétaires.

Alors, à partir du moment où le créancier hypothécaire s'est réservé des droits, entre autres de droit ? comme M. Charlebois dit ? droit de vote, droit de participer à l'assemblée, droit d'obtenir ce qui est dû comme charge, les syndicats n'étaient pas en mesure de refuser aux créanciers hypothécaires de révéler les charges, que des charges étaient dues aux copropriétaires. Peut-être que les syndicats ne téléphonent pas, à chaque fois qu'un copropriétaire est en retard, à son créancier hypothécaire. Mais, par contre, tout créancier hypothécaire qui appelle, à notre connaissance à nous, ne se voit pas refuser par le syndicat de dire c'est quoi, les charges.

M. Bégin: En tout cas, les banquiers n'ont pas le même point de vue.

M. Paradis (Michel): Bien, je le sais. C'est ça qui est étonnant, parce que ça... Moi, je n'ai jamais vu une... Ça ne s'est jamais produit une situation où un créancier s'est vu refuser.

M. Bégin: O.K. Alors, on voit qu'il y a quelque chose, là, à fouiller.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Relativement à ce sujet-là, est-ce qu'à votre connaissance il y a déjà eu des décisions de la Commission d'accès à l'information?

Une voix: Non, non.

Le Président (M. Lachance): Ça va? Alors, merci, messieurs, pour votre présentation ici cet après-midi.

M. Charlebois (Michel): C'est nous qui vous remercions.

Le Président (M. Lachance): J'invite maintenant les porte-parole, les représentants de l'Association des consommateurs pour la qualité de la construction.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. Je demande au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que l'autre personne qui l'accompagne.

Association des consommateurs
pour la qualité dans la construction

M. LeBlanc (Daniel): Merci, M. le Président. Alors, je me nomme Daniel LeBlanc. Je suis le représentant pour l'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction. Je suis accompagné par M. Majella Lafontaine, qui est du Regroupement des comités des victimes de la pyrite.

Pour commencer, j'aimerais vous remercier, membres de la commission, M. le Président, M. le ministre, afin... de nous recevoir en commission afin de présenter nos commentaires concernant le projet de loi n° 50.

Le Président (M. Lachance): ...je comprends que vous n'avez pas déposé de mémoire écrit. C'est bien le cas?

M. LeBlanc (Daniel): Oui.

Le Président (M. Lachance): Oui, vous en avez un? O.K.

M. LeBlanc (Daniel): Tout à fait.

Le Président (M. Lachance): 10M. Merci. Très bien, vous pouvez continuer.

M. LeBlanc (Daniel): Alors, c'est un mémoire qui a été produit par l'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction. C'est un mémoire qui a été fait en collaboration avec les regroupements de comités de victimes sur la pyrite, Regroupement des victimes de la pyrite eux-mêmes ainsi que le Regroupement des victimes judiciaires relié à la problématique pyrite. Notre mémoire a été aussi fait en collaboration avec notre conseiller juridique, qui, malheureusement, ne pouvait pas être présent aujourd'hui, ainsi qu'un ingénieur qui travaille avec nous dans ce genre de dossiers.

Comme Association, nous nous sommes consacrés à présenter ici nos commentaires concernant seulement l'article 1726 du Code civil. Sans plus tarder, quelques mots pour vous situer sur ce qu'est l'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction. C'est un organisme sans but lucratif qui a été fondé en 1994. C'est la seule association de consommateurs au Québec qui consacre des énergies à la qualité de la construction. Elle défend des intérêts tant privés que collectifs. Elle a comme mission d'aider des consommateurs aux prises avec des problèmes reliés avec une problématique quelconque de l'habitation telle que la pyrite, telle que des défauts de matériaux, et ainsi de suite. L'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction est une Association sans but lucratif reconnue par l'Office de la protection des consommateurs ainsi que par la Société d'habitation du Québec.

Concernant tout ce qui nous amène ici, c'est surtout une problématique qui, chez nous, s'appelle pyrite. J'ai cru bon de venir avec M. Majella, qui est représentant des comités de victimes, afin de vous expliquer un peu en mise en situation qu'est-ce qu'il en était des problématiques qui ont été soulevées en matière de poursuites en vices cachés eu égard à cette problématique pyriteuse.

Alors, sans plus tarder, M. Lafontaine.

M. Lafontaine (Majella): Bonjour. Je vous ferai grâce du texte. Je vais vous livrer un message comme ça à froid, là. Je suis président des victimes de la pyrite. On est des bénévoles qui se sont regroupés à partir du problème que vous connaissez probablement tous. Et, à partir de là, on a fait des analyses sur les problématiques qui touchaient le monde de la construction. Et nous avons fait part à de nombreuses occasions au premier ministre, notamment dans une lettre datée du 18 novembre, du résumé de toute cette problématique-là. Nous avons également envoyé à M. le ministre Bégin des informations à ce sujet-là, également au mois de novembre.

Le vice caché, selon le Code civil, implique... on va chercher à identifier le responsable du problème, mais ce qui arrive dans ça, c'est qu'il y a une foule de recours en cascade qui se produisent et qui enrichissent davantage les avocats que ceux qui ont besoin de se faire compenser pour ces dommages-là. Ce qui arrive dans ça, c'est que, finalement, il y a des problèmes qui surgissent quand un vice caché survient. C'est souvent à cause de problèmes de qualité de construction. Ça peut être un problème même au niveau de normes de la construction, des problèmes d'inspection au moment de la construction, et il y a toute une panoplie d'experts qui entrent en ligne de jeu et qui viennent jouer un rôle, ou qui ne viennent pas jouer le rôle qu'ils devraient jouer.

La même analyse qu'on a faite pour la pyrite, on peut facilement l'étendre à une foule de cas: la MIUF, les maisons lézardées de la fin des années quatre-vingt, plus récemment, les pellicules isolantes dans les toits qui mettaient le feu aux maisons, et je vous fais grâce des prévisions qu'on pourrait faire sur les prochains qui nous attendent. Dans bien des cas, la seule façon pour un propriétaire lésé de se faire compenser, c'est d'engager des recours judiciaires, et ça, ça implique une foule d'intermédiaires, comme je vous mentionnais, qui souvent ne permet pas d'atteindre celui qui est imputable en bout de compte des vices qui sont présents là, parce que... sûrement que je ne vous apprendrai rien en disant qu'il existe un moyen légal pour un entrepreneur de mettre fin à ses opérations légalement et de repartir sous un autre nom, et c'est fini pour la responsabilité de cet entrepreneur-là.

Donc, les responsables, c'est qui? C'est des consommateurs, comme vous et moi, qui avez sûrement aussi des propriétés à entretenir et à faire vivre. Et, au bout du compte ? je vais paraphraser ceux qui étaient avant nous ? ce sont des propriétaires qui sont consommateurs et qui doivent supporter les risques après taxes, donc après les impôts payés, alors que ceux qui sont la cause de ces vices-là, ils font de l'argent avant taxes. Donc, les problèmes qu'ils auraient et qu'ils pourraient éviter, eux, ils pourraient les déduire de leur rapport d'impôts alors que les propriétaires, on fait ça après taxes.

Cela dit, le Comité regroupe les victimes judiciaires, comme expliquait... Aux dernières nouvelles, il y avait 57 victimes judiciaires d'identifiées, précisément en regard avec la pyrite, et je ne vous cache pas que ce n'est pas tout le monde qui s'identifie dans ça. Souvent, c'est des personnes âgées qui reçoivent un avis légal alors qu'ils pensent profiter de leurs économies à un moment de leur vie où ils en ont bien besoin. Cela dit, je passe la parole, pour les recommandations que l'on a faites à cet égard-là, à M. LeBlanc.

M. LeBlanc (Daniel): Alors, vous aurez l'occasion de nous lire dans nos commentaires concernant une kyrielle de modifications qu'on a soumises à l'Assemblée. On pense que ni le statu quo ni les modifications proposées vont être en mesure de répondre à la commande initiale, soit arrêter les fameuses chaînes de poursuite qui font en sorte qu'on aurait été capables, si l'entrepreneur était encore en affaires, de le pointer du doigt comme grand responsable. Dans les faits, c'est toujours lui qui est capable de s'en sauver puis c'est des consommateurs qui sont pris avec la patate chaude. Alors, vous en trouverez un kyrielle de mesures, parce que, en soi, on pense que la protection contre les vices cachés, ça devrait être quelque chose envisageable comme garantie qui commence à compter dès la construction pour une période que, nous, on a qualifiée comme étant acceptable d'une couverture de 30 ans.

On pense, autrement dit, que la garantie des vices cachés devrait être comparable à la garantie qu'on retrouve sur plusieurs biens, c'est-à-dire commence à naître avec le bien qui est neuf puis qui va s'éteindre dans le temps. Alors, vous en retrouverez un ensemble de mesures dans notre mémoire, parce que, en 10 minutes, on n'avait pas le temps de toutes les énumérer. Alors, ça met fin à notre petite présentation.

Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs. M. le ministre de la Justice, pour débuter cette période d'échange.

n(16 h 40)n

M. Bégin: Merci, M. le Président. Merci, messieurs. Le moins qu'on puisse dire... que ce n'est pas un problème facile. Que vous disiez que la solution proposée... la situation actuelle ne peut pas durer, que celle proposée ne soit pas acceptable, je pense que je ne vous tirerai pas la pierre là-dessus parce que c'est un problème qui n'est pas facile. Les victimes de vices semblables à ceux que vous connaissez remontent au moment de la construction. Le constructeur, qui était probablement le vendeur aussi à l'époque, prenons l'hypothèse 5, il était de bonne foi. Personne ne savait que la pyrite aurait l'effet qu'elle a eu.

Prenons un cas où il y a eu sur l'immeuble, depuis 30 ans, huit acheteurs et, conséquemment, au moins huit vendeurs ou sept vendeurs, qui, par hypothèse, étaient tous de bonne foi, hein, ils ne savaient pas, personne. Alors, l'acheteur puis le vendeur, l'acheteur qui devient vendeur, puis le vendeur qui devient... etc., ils ne savaient pas. Arrive en bout de piste quelqu'un qui ? oh! ? a un problème. Sur le plan légal, de remonter 30 ans en arrière, ça n'a quasiment aucun sens parce que ça veut dire que, dans une société comme la nôtre, l'insécurité juridique s'instaure parce qu'on va remonter à l'origine, dans notre hypothèse, puisque c'est ça. Et, si on prend pour point de vue qu'il n'y a pas de mauvaise foi mais il y a une situation, puis c'est le cas, je pense, dans le cas de la pyrite, il y a un problème sérieux, là, pour les gens qui vont être obligés d'être impliqués judiciairement à sept ou huit procédures ? appel en garantie, appel en garantie, appel en garantie ? c'est vrai que, au bout de la ligne, il y a peut-être quelqu'un qui va payer. Mais le temps que vous êtes dans l'appel en garantie pour dire que ce n'est pas vous, là, ça va coûter... il faut engager un avocat, il faut qu'il fasse une mesure puis, bien, il y a des frais qui roulent, puis on veut s'assurer que, en bout de piste, il y a quelqu'un.

Donc, on surveille la procédure et un jour, quelque part, on arrive puis on dit: Oups! il n'y a personne au bout de la ligne. L'entrepreneur est disparu, puis on n'a plus de responsable. Donc, le requérant n'a rien, et tous les autres n'ont rien, mais ils ont payé des frais d'avocat considérables. C'est un problème. Dans une société, demeurer 30 ans avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, ce n'est pas normal, d'où l'idée de dire: Y a-t-il un temps pendant lequel on peut être responsable de ce qu'on a fait?

Reprenons même notre chaîne, mais que, au lieu de partir... c'est la pyrite qui a un problème, on part avec un immeuble qui n'a pas de problème. Il a été bien construit, il n'y a pas de vices apparents ni cachés, vraiment l'immeuble est là, et tout à coup après usage, pendant 15 ans, il y a quelqu'un quelque part qui n'a pas tellement surveillé la ventilation et que, tout à coup, il se développe un problème qui devient majeur. Il y a un vendeur, bien sûr il y a un vendeur, un jour, puis ça a commencé à se produire sous lui, mais il ne l'a pas vu, il est quand même de bonne foi. Mais l'acheteur, lui, il achète puis il ne voit pas non plus, mais, au bout de quatre ans, après avoir acheté, là, il a un problème. On se dit: Est-ce que c'est logique que le vice, qui n'était pas apparent et qui était un vice caché, puisse être poursuivi? On va dire oui, mais, à ce moment-là, on va remonter au vendeur précédent. On est encore dans le délai. Celui qui était propriétaire et qui était le vendeur, il va dire: J'étais de bonne foi. Mais oui, mais on va dire: Écoute, l'immeuble était sous ta charge, et ça s'est passé dans les cinq dernières années, tu es responsable.

Mais, si ça prend trois générations ou 20 ans avant que ça se trouve, est-ce qu'on va être capable de remonter au quatrième? Ça pose des gros problèmes, alors d'où l'hypothèse de mettre cinq ans. Ça ne vous convainc pas, hein? Ha, ha, ha!

M. LeBlanc (Daniel): Non. Non, parce que... C'est vrai que c'est compliqué, M. le ministre, c'est vrai que c'est compliqué, la situation des poursuites en cascade puis des vices cachés, mais je ne pense pas que, par un changement comme il est proposé à l'article 1726, on va régler quelque chose. M. le ministre, le vrai problème, il est né au moment de la construction. Au Québec, l'Association, on le crie depuis 1996, il devrait y avoir des normes régissant la construction résidentielle, obligatoires et uniformes à toutes les municipalités du Québec. Ce n'est pas encore fait. Il est là, le vrai problème.

Le vice caché est trop souventes fois un défaut de construction, un défaut de construction qui n'est pas vu par personne. Imaginez le consommateur qui est pris avec la responsabilité, lui, à l'autre bout. Il est là, le problème. Si on amenait demain matin un règlement de construction unique qui régit le domaine résidentiel, vous régleriez, à mon avis, le problème à la source. Si on contrôle ce qui se passe comme qualité, on n'en aura pas de vices cachés à défendre ou à peu près pas.

M. Bégin: Aujourd'hui, il existe... c'est le Code national du bâtiment, et à peu près, je dirais, 99 % des municipalités du Québec ont adopté une clause dans leur règlement de construction à l'effet que le Code national du bâtiment s'applique. Et non seulement ça, mais ils ont résolu un problème, c'est que, au fur et à mesure que le Code national du bâtiment est modifié, leurs propres règlements sont modifiés pour tenir compte des amendements. C'est un système automatique de mise à jour. Donc, en principe, on a ce Code du bâtiment. Il n'est pas québécois, là, je le déplore, mais il est canadien, mais les gens l'ont incorporé.

LeBlanc (Daniel): M. le ministre, l'adoption du Code national de bâtiment en matière de construction résidentielle est laissée aux bons soins des municipalités qui vont adopter ce qu'elles veulent du Code. Demain matin, moi, je suis maire d'une petite ville et je décide d'adopter le code de construction de Tombouctou en matière résidentielle, ça va être ce code-là qui va s'appliquer et rien d'autre. Ce n'est pas obligatoire.

M. Bégin: Théoriquement, vous avez raison, mais, dans les faits, pour avoir représenté au-delà d'une couple de 100 municipalités dans ma vie professionnelle et d'avoir fait les premiers règlements de zonage, de construction et de lotissement, je peux vous dire que ce n'est pas exact et d'autant plus que maintenant il y a des schémas d'aménagement. Et, dans les cas des schémas d'aménagement, les municipalités ont une application à peu près analogue sur les clauses qui sont propres à une municipalité mais qui sont d'application générale. Alors, c'est vrai que, il y a 25 ans, il y avait des municipalités, des très, très, très, très petites, et ce n'est pas généralement là que vous avez des problèmes, parce que ce n'est pas là qu'il se fait beaucoup de construction, mais, là où il s'en fait beaucoup, c'est dans des grands centres et elles ont toutes, les municipalités, je dirais à 99 %, le Code national du bâtiment. Il m'apparaît que ce ne soit pas la solution, parce que, même si j'ai le Code national du bâtiment, même si j'ai même un surveillant de travaux, il peut se faire une cochonnerie, hein, dans la construction, qui va être cachée, et qu'on ne verra pas, et qu'on va découvrir huit ans, 10 ans plus tard, parce que, par hypothèse, c'est un vice caché.

Dans le domaine de la construction, vous le savez, il y a des poursuites considérables pour des malfaçons, mais il y a aussi des poursuites considérables pour des vices cachés dans des domaines de la construction qui ne sont pas résidentiels. Pourquoi? Parce que vous avez des gens ? vous savez comment ça s'appelle, des couillons, hein ? il y a des gens qui font des saloperies dans la construction. Ils profitent de l'absence de l'architecte ou de l'ingénieur pour faire une petite passe vite, hein, sauver 200 $. Ils mettent en péril tout l'immeuble puis ça ne paraît pas, c'est caché derrière une membrane qui a été posée: Ah, c'est beau, c'est beau, c'est beau. Vous avez vu ça?

LeBlanc (Daniel): Oui.

M. Bégin: Bon. Alors, on voit que, là, il y a la nature humaine qui est en cause. Ce n'est pas les règles.

Mais vous nous dites aussi: La solution, c'est qu'on devrait faire assumer, un peu comme une assurance, tous les cas semblables. Ça, ça veut dire que la société doit choisir d'agir différemment de ce qu'elle a fait jusqu'à aujourd'hui. Notre société est basée, avec notre Code civil, sur la responsabilité individuelle de l'acheteur, du vendeur, du constructeur, et les règles sont dans un code. Là, vous sortez, dans votre solution, de ces règles-là. Vous dites: Ce n'est plus une question entre individus, c'est une question sociale, et on devrait avoir une assurance collective. Vous comprenez que c'est tout un virage que vous proposez, c'est tout un changement. Et je dirais, à la limite, que ce n'est pas tellement de la nature d'un projet de loi comme celui que nous avons aujourd'hui d'apporter ce type de solution, mais c'est un problème que vous soulevez comme étant un problème de société. Je vous comprends, mais je pense qu'on n'est pas prêt pour adopter ça aujourd'hui. Oui?

M. Lafontaine (Majella): Mais je voudrais faire un commentaire, mais ce n'est pas un problème de société qu'on veut régler, c'est un problème d'industrie, et l'assurance en question serait supportée dans l'industrie. Quand j'achète une automobile, j'ai une garantie de 7 ans. J'achète une automobile de 20 000 $, j'ai une garantie de 7 ans. Je veux acheter une maison de 100 ou 200 000 $ puis je vais avoir une garantie de 5 ans? Ça ne fait pas de bon sens, tout simplement, c'est sans bon sens.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Saint-Hyacinthe, très rapidement, puisqu'il reste deux minutes.

M. Dion: Je pense que j'ai amplement le temps. Bonjour. Ce qui se passe présentement est extrêmement intéressant. Une maison, c'est souvent la seule chose qu'on a dans sa vie, pour la plupart des citoyens, hein? Puis on regarde la chose du point de vue du consommateur qui doit se protéger. Mais le consommateur qui achète une maison, c'est aussi le consommateur qui vend la maison, au bout de trois ans, au bout de quatre ans, parce qu'il est obligé de déménager, puis tout ça. Puis, dans la vie, des fois on a juste une maison, mais on l'a... En même temps, on n'a rien qu'une maison, mais on en a peut-être eu 10, on en a peut-être eu cinq, on en a peut-être eu trois. Voir que, à chaque maison qu'on a vendue puis qui semblait bien correcte pendant 30 ans, cette chose-là va nous suivre, peut-être qu'on serait mieux d'être locataire. Qu'est-ce que vous en pensez?

LeBlanc (Daniel): C'est pour ça que, dans nos recommandations, on a fait en sorte de présenter quelque chose qui ferait que la garantie devrait compter à partir de la date d'achat et être supportée par l'entrepreneur ou sa caution, pour le nombre de temps égal à ce qu'on vous a présenté, là.

M. Dion: Et non pas les propriétaires successifs?

n(16 h 50)n

M. LeBlanc (Daniel): Non, parce que le défaut caché est souventefois originaire de l'entrepreneur qui l'a bâtie. Vous savez, un deuxième grand défaut qu'on a en construction au Québec, c'est que nos constructeurs ont appris de leurs parents comment construire, et les techniques de construction ont malheureusement changé puis évolué au fil du temps. Alors, à répétition, on a des entrepreneurs québécois qui, de bonne foi, font plein d'erreurs. Et c'est ça qu'on commence à voir pointer aujourd'hui.

Vous savez, le consommateur qui a peu de réserves dans son budget, là, qui fait face à une réparation de x ou à des poursuites de x, pour lui, c'est le montant x qui est de trop. La marge de manoeuvre d'une famille québécoise, elle s'est rétrécie au fil des ans, et, à notre avis, c'est pour ça qu'on vous a recommandé de faire un changement majeur pour aller régler le problème à sa source, faire des règlements de construction, rendre imputables les gens qui construisent en habitation résidentielle au Québec puis régler à la source les problèmes. Et on n'aura pas besoin après ça de se poursuivre en justice, ça va être réglé à la source. C'est simple, simple, simple pour nous.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci beaucoup. Ça vous apparaît effectivement simple, simple, simple.

Une voix: ...

Mme Lamquin-Éthier: Oui, oui. Je lisais dans votre mémoire que, bon, pour vous, ni le statu quo ni la modification proposée dans le cadre du projet de loi ne vous satisfont. Par ailleurs, je me reportais à vos recommandations n° 1, 2 ou 3 et est-ce que... Bon, je partage que la garantie légale commence à compter de la prise de possession, et ça, pour une période de 30 ans. Effectivement, je crois que c'est une opinion émise par la Chambre des notaires, que ça peut constituer... 30 ans, là, c'est une très longue période.

M. Lafontaine (Majella): Habituellement, c'est jusque dans la tombe.

Mme Lamquin-Éthier: Comment vous dites ça, là? Jusque dans la... tombe?

M. Lafontaine (Majella): Tombe.

Mme Lamquin-Éthier: Pouvez-vous...

M. Lafontaine (Majella): Le vice caché, vous êtes imputable... votre succession est imputable des vices cachés qu'il y avait dans les maisons que vous avez vendues.

Mme Lamquin-Éthier: O.K. Et que, en regard des vices cachés, les 10 premières années de la prise de possession par le premier acheteur, ou consécutives à une rénovation, soient garanties par le constructeur et couvertes par une caution, un plan d'assurance ou de garantie obligatoire, ou un plan privé d'assurance, ou une combinaison de plusieurs de ces types de protection. Est-ce que c'est... Ai-je tort de penser qu'a priori... Je sais que, pour vous, vous l'avez dit, c'était simple, simple, simple, mais est-ce que ça permettrait vraiment de régler le problème et d'aller à la source comme vous le souhaitez?

M. LeBlanc (Daniel): Ce qu'on a dit dans notre mémoire, dans nos recommandations, c'est que le temps de garantie devra compter à partir de la première transaction immobilière, pour une période de 30 ans, afin d'alléger le fardeau de la responsabilité sur les épaules, qu'on fait porter par l'entrepreneur. On le fait supporter par un plan de caution pour les 10 premières années et, comme consommateurs, on serait prêts à cotiser pour créer un fonds qui pourrait agir de la onzième jusqu'à la trentième année. C'est pour nous une façon de rendre le fardeau moins lourd que d'une façon complète et totale sur le dos de l'entrepreneur, là, parce que, en bout de ligne, on comprend bien que, que ce soit nous qui cotisent dedans ou l'entrepreneur qui cotise dedans, c'est toujours le consommateur qui le cotise, là. Simplement, c'est que, afin de s'assurer qu'il y aura un meilleur contrôle puis une meilleure qualité de construction, on dit que, si durant les premières 10 années, c'est lui ou sa caution qui est imputable de régler les problématiques des vices cachés, c'est-à-dire régler financièrement, bien, ça va nous assurer d'une meilleure qualité de construction. Puis c'est tout notre parc immobilier québécois qui va en regagner, là.

Mme Lamquin-Éthier: Merci. J'aimerais que vous m'éclairiez quant à votre recommandation 5: «Que le gouvernement adopte ? me donniez plus détails, là ? dans les plus brefs délais l'application d'une norme uniforme à tous les bâtiments à caractère familial tel que défini dans le Code de construction...»

Qu'est-ce que vous entendez... L'application d'une norme uniforme, pourquoi?

M. LeBlanc (Daniel): Au mois de novembre dernier, il a été adopté ce qui s'appelle le Code québécois de construction, et les articles qui n'étaient pas adoptés dans ce Code-là, c'étaient les articles qui concernent les bâtiments à vocation familiale. Oui, on a un code québécois, mais il n'est pas applicable au résidentiel au niveau provincial. C'est encore à chacune des municipalités de choisir et d'adopter sa norme ou sa partie de norme en construction. À titre d'exemple, pas plus tard que voilà 15 jours, on écrivait à M. Prescott, chez nous, pour lui demander de revoir sa décision d'adopter le Code 95 sans les articles concernant la ventilation en habitation.

Alors, oui, la ville est prête à adopter le Code 95, qui est l'équivalent du code québécois, mais sans les articles qui vont régir les systèmes de ventilation en habitation. Or, on a fait pression auprès de M. Prescott, responsable de l'habitation, afin de le faire revenir sur sa décision. Et ça ne fait que confirmer que les villes adoptent ce qu'ils veulent.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Bonjour, messieurs. Merci, M. le Président. Est-ce que je comprends de votre intervention que, dans le fond, vous souhaiteriez avoir un lien de droit direct avec l'entrepreneur de construction?

M. LeBlanc (Daniel): Oui.

Mme Gauthier: De la même façon que le fabricant d'automobiles?

M. LeBlanc (Daniel): Tout à fait. Ça se fait en automobile, ça se fait dans la majorité des biens qu'on achète, pourquoi pas en habitation? Pourquoi pas?

Mme Gauthier: J'aimerais avoir... je voudrais que vous me donniez des explications sur votre recommandation n° 6... 6, 7 et 8?

M. LeBlanc (Daniel): O.K.

Mme Gauthier: Vous voyez ça comment? Est-ce que ce serait une nouvelle responsabilité des municipalités?

M. LeBlanc (Daniel): Actuellement... Je ne sais pas qui devrait la chapeauter. On a des responsables à l'habitation maintenant, c'est peut-être eux qui pourraient prendre le relais de cette recommandation-là. On a actuellement des visites puis des inspections qui sont faites sur des chantiers de construction par la Régie du bâtiment du Québec, la Commission de la construction du Québec, la CSST, l'Agence d'efficacité énergétique. Personne ne se parle de un à l'autre. Quatre inspecteurs vont sur votre chantier pour inspecter chacun un petit bout de quelque chose, puis personne ne se parle pour faire une politique qui permettrait qu'il y ait une politique d'inspection qui serait, selon nous, plus adéquate. C'était ça, l'objet de la recommandation.

Mme Gauthier: O.K. Je comprends ce que vous voulez, dans le fond, c'est qu'il y ait, parmi tous les intervenants, qu'il y ait quelqu'un qui fasse un rapport puis qui voie au respect des normes applicables.

M. LeBlanc (Daniel): Vous savez, si chacun des organismes délègue des inspecteurs pour aller voir chacun un bout, s'ils se parleraient pour faire quelque chose de cohérent comme politique, ce serait peut-être mieux aussi. Ça aussi, c'est simple pour nous, étant donné que ça se fait. Ça se fait déjà.

Mme Gauthier: Mais est-ce que vous croyez sincèrement que l'inspecteur de la CSST, il est là pour vérifier si la norme de bâtiment est respectée ou il est là pour vérifier si effectivement les normes de la Loi sur la santé et sécurité au travail sont respectées?

M. LeBlanc (Daniel): Oui, vous savez, si le monsieur, il a un peu d'expérience pour regarder l'échafaud de l'ouvrier, il peut peut-être regarder la tenue un petit peu plus large du chantier aussi. Il est souventefois spécialiste de la construction, cet inspecteur-là, mais il a juste un mandat, c'est d'aller voir l'échafaud. Celui-là de la CCQ, il regarde si le gars, dans sa poche, a sa carte. Il ne regarde pas s'il a la bonne carte pour faire le bon travail, c'est un autre gars qui passe pour ça, puis ils passent tous comme ça à tour de rôle. Il n'y en a pas de politique de cohérence là-dedans.

Mme Gauthier: Mais qui verrait, d'après vos recommandations, qui verrait effectivement à assurer une certaine cohérence?

M. LeBlanc (Daniel): Bien, je pense qu'il y a toujours quelqu'un qui prend la pole, qui prend le «lead» dans une chose comme ça. Nous, on le met en recommandation en disant qu'on n'a pas à le structurer, là.

Mme Gauthier: Votre recommandation n° 8, vous recommandez qu'«un rapport d'inspection par un professionnel soit exigé lorsqu'une vente d'immeuble est faite sans garantie légale».

M. LeBlanc (Daniel): Oui. Bon nombre de cas sont rapportés à l'Association, dans une année, concernant des gens qui s'achètent une maison de reprise hypothécaire bancaire, O.K., et ne prennent pas soin d'être accompagnés par un expert, et ceci, au trop peu d'information qui est véhiculé à ce moment-là. Puis, à un moment donné, ils emménagent dans la maison puis ils découvrent une maison qui est pleine de problèmes, et, dans certains cas, assez pleine de problèmes que ça fait une deuxième vente en reprise hypothécaire. Alors, on dit: Dans le but de limiter ça, là, on pourrait peut-être, dans le cas de ces ventes-là, forcer qu'un inspecteur compétent... on dit, nous, membre d'une corporation professionnelle, qu'il soit technologue, architecte ou ingénieur, afin d'accompagner le consommateur dans son choix, qui paie les frais qui vont en découler...

Mme Gauthier: Le consommateur, ça?

M. LeBlanc (Daniel): ...mais qui, au moins, ne s'achète pas un paquet de troubles.

Mme Gauthier: O.K. Dans le fond, ce que vous dites, c'est que le consommateur devrait assumer les honoraires d'un inspecteur professionnel lors...

n(17 heures)n

M. LeBlanc (Daniel): Ça devrait être obligatoire dans ces cas-là, parce que le banquier n'a pas d'information ou peu d'information. Ça coûte 300 $. Pour 100 000 $ d'investissement, je ne crois pas que c'est trop cher, moi.

Mme Gauthier: Mais, généralement, monsieur... L'expérience que j'ai, c'est que généralement le consommateur va faire inspecter une maison qu'il reprend en reprise.

M. LeBlanc (Daniel): C'est ce qu'on recommande, mais ce n'est pas tous les consommateurs. Puis vous seriez surpris du nombre dans une année...

Mme Gauthier: Avez-vous des statistiques sur ça?

M. LeBlanc (Daniel): Non, je n'ai pas apporté avec moi de données là-dessus, là, mais ça aurait assez d'importance pour qu'on en fasse un point de recommandation. Vous savez, l'acheteur, dans ces cas-là, pense acheter le deal du siècle, puis, dans les faits, là, c'est peut-être la catastrophe du siècle qu'il est en train d'acheter, puis il ne la voit pas, la différence.

Mme Gauthier: ...là, dans le fond, c'est quasi la même chose, là.

M. LeBlanc (Daniel): Si vous voulez, oui. C'est que dans la recommandation 9 on allait plus loin en disant que les renseignements qui pourraient être accumulés lors de l'inspection pourraient être annexés au contrat de vente pour être gardés et amenés à constituer un registre qui permettrait à tous les acheteurs d'être capables de le consulter. On a déjà, au bureau d'enregistrement, un paquet de documents concernant des propriétés qui sont là, pourquoi pas ça? On a déjà des dossiers d'ouverts au bureau d'enregistrement là-dessus, c'est déjà là.

Mme Gauthier: Merci, monsieur.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Frontenac, une petite vite?

M. Boulianne: Oui, une très rapide. Moi, je trouve ça intéressant, la recommandation n° 3, parce que, quand vous parlez du Fonds d'indemnisation, il faut tenir compte... parce qu'elle tient compte des personnes qui sont propriétaires puis qui ont des vices cachés, puis qui les réparent, puis ça recommence, puis c'est toujours comme ça, puis ça se passe... Puis il n'y a pas de recours, puis il n'y a pas rien.

Mais j'aimerais savoir comment ça pourrait fonctionner, un fonds d'indemnisation? Combien ça pourrait coûter? Qui pourrait cotiser là-dedans? Est-ce qu'il y aurait des montants fixés, etc., pour...

M. LeBlanc (Daniel): Vous savez, bon an, mal an, le gouvernement du Québec a, par ses programmes en place par le biais de la Société d'habitation du Québec, des millions consacrés à soutenir des propriétaires face à des problèmes aussi importants que ceux de la pyrite ou ceux de l'instabilité des maisons à cause des problèmes d'argile. C'est déjà des millions qui sont là. On pense que, si chacun des propriétaires pouvait cotiser à chaque fois qu'il y a une vente, mais cotiser tenant compte de la partie qu'il reste à couvrir dans le 30 ans, que ça pourrait assurer que le fonds va, un, partir avec l'apport gouvernemental puis assurer une pérennité avec tout l'argent qui va être perçu à chaque transaction par un pourcentage de x.

Vous savez, si les municipalités ont un droit de mutation, la taxe de bienvenue à chaque fois qu'il y a une transaction, pourquoi qu'il n'y aurait pas de l'argent pour s'en aller dans le fonds pour couvrir les vices cachés? Si on l'a fait pour supporter les municipalités, pourquoi est-ce qu'on ne le fait pas pour le monde? Ça aussi, pour nous autres, c'est simple.

M. Boulianne: Ça serait peut-être une suggestion au ministre de l'Habitation.

M. LeBlanc (Daniel): Il y a beaucoup de choses. On savait que notre mémoire débordait la commande de M. le ministre. Ça, on le savait, ça, on l'avait compris, parce qu'on savait que, en soi, juste de modifier le 1726, ça ne réglait pas la situation. Elle est trop problématique, la situation, elle est trop grande, on le savait. C'est pour ça que je n'ai pas pris du temps pour tout énumérer chacune des recommandations, on n'en serait pas sorti. On le savait que c'était gros, ce qu'on amenait.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, merci, MM. LeBlanc et Lafontaine, pour votre participation aux travaux de la commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît. Nous allons reprendre nos travaux pour accueillir le dernier groupe, l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.

n(17 h 10)n

Alors, bienvenue. J'invite le ou la porte-parole à s'identifier et à identifier l'autre personne qui l'accompagne. En vous indiquant, comme vous avez pu le constater, que vous avez 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires.

Association des courtiers et agents
immobiliers du Québec (ACAIQ)

M. Nadeau (Robert): Parfait. Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission, à ma droite, vous retrouverez Mme Claudie Tremblay, chef des services juridiques de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec. Et moi-même, Robert Nadeau, président-directeur général de la même Association.

La raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, au départ, c'était une réponse à M. Yves Pleau, du ministère de la Justice, qui nous demandait de commenter le projet de loi qui est discuté ici aujourd'hui. En répondant à M. Pleau, nous avons répondu, comme vous l'avez probablement dans vos dossiers, de façon simple. C'était une lettre de deux pages, et vous ne l'avez pas...

M. Bégin: ...un éclaircissement, parce que mes collègues, ça fait deux ou trois fois aujourd'hui que ça arrive, là, ils sont intrigués. C'est que souvent, lorsqu'un projet de loi est en voie de préparation, le ministère consulte confidentiellement certaines personnes pour voir ce qu'elles pensent, et la réponse est donnée confidentiellement, et ça permet de mieux cibler la mesure, voir si elle répond correctement à un problème ou bien si on est complètement à côté. Ces documents-là, généralement, ne sortent jamais, ils ne sont pas publics, ils ne sont pas connus, parce que souvent ? et ce n'est pas un reproche ? les gens font un mémoire qui reprend substantiellement ce qu'ils ont écrit. Ce qui est particulier aujourd'hui, c'est que ça fait deux ou trois groupes qui n'ont pas produit de mémoire, mais qu'on sait qu'il y a une lettre. Alors, c'est pour ça qu'on est dans une situation qui peut paraître bizarre. Mais, ce n'est pas de la cachotterie, mes collègues ne le savent pas non plus. Même, je vous dis honnêtement, il ne les montrent pas d'habitude parce que ça ne fait pas partie de ce que je dois savoir, c'est la construction du projet. Alors, vous l'avez fait, et j'ai vu tantôt une lettre qui était là sur l'Association des... Je pense que c'étaient les caisses populaires, et tout le monde travaillait sur une base confidentielle. Alors, qu'on soit bien à l'aise de dire ce qu'il en est, il n'y a pas de problème.

M. Nadeau (Robert): Parfait.

M. Bégin: Non. On n'a pas de document, ni moi ni vous autres.

Le Président (M. Lachance): Alors, la mise au point étant faite, vous pouvez poursuivre, M. Nadeau.

M. Nadeau (Robert): Parfait. Merci, M. le Président. Alors, en l'absence de ce document-là, ce que je peux vous dire, c'est que je vais, premièrement, présenter l'Association, puisque c'est suite à cette lettre-là que nous avons été invités aujourd'hui, mais qui ne contenait pas justement la présentation.

L'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec existe en vertu de la Loi sur le courtage immobilier, et, à l'instar des ordres professionnels, nous avons comme principale mission la protection du public. Donc, nous régissons... Même si nous ne sommes pas sous l'égide du Code des professions, nous régissons la profession de courtier, agent immobilier au Québec. Donc, à l'intérieur des murs de l'Association, il y a un service du syndic pour les demandes d'enquête des consommateurs, il y a un service d'inspection professionnelle, nous avons les mêmes attributs qu'un ordre professionnel.

Le contact, je vous l'ai expliqué, c'est suite à cette lettre-là que vous avons reçu l'invitation d'être devant vous aujourd'hui.

La définition de l'activité de courtage immobilier est peut-être importante avant de cibler notre propos. Les courtiers et agents ont un exercice exclusif. Donc, pour vendre une propriété au Québec, la louer, pour faire de la vente d'entreprises au Québec ou encore faire du courtage de prêts hypothécaires au Québec, ça prend un permis de courtier ou d'agent immobilier.

L'ensemble de ces transactions-là, c'est effectué par environ 10 500 personnes, 1 500 courtiers et 9 000 quelques agents immobiliers qui doivent travailler pour des courtiers. Ça représente aussi quelque 6 milliards de dollars de transactions annuellement qui passent par les mains des courtiers et des agents immobiliers. Donc, c'est un patrimoine important qui passe d'une main à l'autre par l'intermédiaire des courtiers et des agents immobiliers.

La Loi sur le courtage immobilier encadre donc très étroitement l'activité de courtage, l'activité d'intermédiaire entre, ce que vous connaissez généralement, un vendeur ou un acheteur d'un immeuble. Il est peut-être important de situer à ce moment-ci... Et, comme le disait le député de Saint-Hyacinthe précédemment, il ne faut jamais oublier que l'acheteur d'aujourd'hui, c'est le vendeur de demain et que, si un acheteur veut avoir une très bonne protection au moment où il achète, il aimerait bien voir les protections modifiées au moment où il vend. Pour nous, c'est un consommateur, on le définit... On ne fait pas un parti pris pour l'acheteur ou pour le vendeur, les courtiers et agents doivent rétablir l'équilibre entre les forces en présence, c'est-à-dire entre les forces du vendeur et de l'acheteur, pour arriver à faire une transaction juste et équitable.

Notre propos va aussi porter uniquement, comme nos prédécesseurs, sur l'article 1726 du Code civil concernant la garantie de qualité et la modification qui y est apportée. Dans la lettre, et je vous le réitère, nous nous disions en faveur de cette modification-là au nom de... en premier lieu, au nom de la stabilité des transactions immobilières au Québec. Il est important, nous croyons, tant pour l'acheteur que pour le vendeur, que la limitation de responsabilité soit, dans le temps, définie et claire pour tous les intervenants, ce qui n'est pas le cas actuellement. Vous savez, je ne ferai pas de leçon ce soir, que... Et cette responsabilité-là, pour un propriétaire-vendeur, elle est presque indéfinie dans le temps, et, comme on l'a mentionné ? je l'ai entendu tout à l'heure ? la succession des personnes qui ont eu en possession un immeuble sont aussi responsables.

La pyrite est pour moi, a été pour moi puis, je pense, pour vous aussi le point de départ d'une discussion concernant les vices cachés. La pyrite, c'est peut-être la pointe de l'iceberg jusqu'à un certain point, puisque les cas de pyrite ont démontré que la gymnastique juridique qu'il faut faire pour obtenir une personne responsable en bout de ligne était difficile, était ardue, et on pouvait remonter... en fait, la preuve jusqu'où on pouvait remonter dans le temps, bien qu'il y avait de la jurisprudence antérieure à ce problème-là.

La MIUF, c'était aussi un problème de vice caché, le radon, les sols argileux, la pyrite. Je vous dirais que, dans le milieu du courtage immobilier, ce qu'on voit à part ça, on voit les incendies qui ont été camouflés dans une maison, on voit les problèmes d'inondation, d'infiltration d'eau, et ça, ça touche le quotidien, ça touche, je vous dirais, peut-être l'information nécessaire sur la plupart des transactions.

Aujourd'hui, le service du syndic chez nous, le service d'inspection professionnelle à l'Association nous indiquent qu'il y a un nombre croissant et phénoménalement croissant, si je peux m'exprimer ainsi, de vendeurs qui veulent exclure toute garantie lors d'une transaction immobilière. On a peur. C'est certain que le dossier pyrite a allumé, là, certaines mèches, là, mais les propriétaires-vendeurs ont peur de vendre, ils ont peur que leur solidité financière soit remise en doute à un moment où eux ne peuvent pas prévoir. Parce que personne ne peut prévoir jusqu'à un certain point, à moins qu'il soit de mauvaise foi, et la mauvaise foi, de toute façon, dans votre suggestion, est exclue.

C'est donc dire que l'exclusion en matière de garantie de qualité est, je vous dirais, en forte croissance, et malgré que certains intervenants... On a eu l'occasion de lire le mémoire du Barreau, il dit: Peut-être qu'une exclusion de garantie vient diminuer le prix. C'est pas vrai, pas dans les marchés qu'on connaît aujourd'hui. Depuis deux ans, les marchés sont effervescents, les propriétaires-vendeurs demandent qu'il y ait une exclusion de garantie, et les acheteurs sont prêts à acheter à tout prix, ils achètent malgré ça.

Il est certain que l'exclusion de garantie était aussi une coutume chez les institutions financières qui ont repris un immeuble suite à un mauvais paiement et qui le revendent en disant: Je ne l'ai pas habité, je pense qu'on devrait être exclus, on devrait exclure toute garantie. Je reviendrai un petit peu plus tard sur ça.

n(17 h 20)n

Autre chose aussi, c'est que dans la jurisprudence... Même si elle est abondante en matière de vices cachés, elle est loin de représenter ce qui se passe réellement dans le marché, parce que, lorsqu'il y a une infiltration d'eau dans le sous-sol, on voit une fissure, on découvre une fissure qui était derrière un mur, et c'est vraiment un vice caché, qui était derrière le mur du sous-sol, ça se règle. Généralement, ça se règle. Ça se règle de gré à gré entre les gens. On accepte de faire réparer ça. On accepte aussi d'aller devant la Cour du Québec, division des Petites créances. Donc, ce sont souvent des réclamations qui sont en bas de 3 000 ou qu'on diminue à 3 000 pour éviter des frais juridiques qui pourraient s'ajouter aux charges. Donc, cette multitude de règlements là ne fait pas que, publiquement, on puisse voir vraiment l'étendue de la problématique.

Il y a une importance d'informer l'acheteur sur l'état de l'immeuble convoité. Les courtiers et agents ont des obligations déontologiques, entre autres de conseiller adéquatement le vendeur de l'importance de déclarer aux acheteurs tout facteur se rapportant à l'immeuble en vente. Les courtiers et agents ont même l'obligation, lorsqu'ils le savent et malgré la défense qu'un propriétaire-vendeur pourrait leur faire de ne pas divulguer... Ils ont l'obligation de divulguer tout ce qu'ils connaissent sur l'immeuble. Ils ont aussi l'obligation de faire suivre toutes les informations qui pourraient avoir lieu depuis qu'ils ont l'immeuble en vente et qui pourraient survenir et de le diffuser auprès des acheteurs potentiels.

Les courtiers ont aussi l'obligation déontologique de recommander une inspection en bâtiment à l'acheteur afin de s'assurer qu'il n'y ait pas de vice apparent qu'on n'ait pas vu. Et, là-dessus, l'inspection en bâtiment ne permet pas de découvrir des vices cachés. S'il est caché, il est caché même à un inspecteur en bâtiment. Donc, l'inspecteur est là pour assister l'acheteur afin de découvrir s'il y aurait des vices apparents qu'un acheteur raisonnable n'aurait peut-être pas pu voir. Si l'inspecteur ne l'a pas vu, il est peut-être encore plus caché que ce qu'on peut penser. De ce fait, nous croyons que de limiter dans le temps la garantie de qualité vient augmenter la stabilité... vient, disons, rassurer les propriétaires-vendeurs sur la stabilité des transactions.

Il y a aussi le fait que... Comment se protéger quand je suis un vendeur et que j'ai vendu mon immeuble, et qu'il pourrait y avoir des vices cachés? Actuellement, il n'y a pas grand-chose à faire. On a approché, nous, personnellement, deux compagnies d'assurances majeures au Québec en disant: Est-ce que c'est un produit que vous pourriez développer, l'assurance vices cachés, qu'un propriétaire-vendeur pourrait prendre lorsqu'il vend sa maison? Ce produit-là existe aux États-Unis. Dans beaucoup d'États, il est très populaire. C'est environ 1 500 $ par année pour les trois premières années, et on garantit les vices cachés presque... pour très longtemps. Aucune compagnie au Québec s'est dite intéressée après étude, puisque c'est trop long et c'est indéfini dans le temps. Donc, il y a certainement un marché pour ce type d'assurance là si on pouvait ramener ça à un temps limite dans le temps. Que ça soit cinq ans, ou sept ans, ou huit ans, je ne pense pas que, nous, on veuille faire un débat très long là-dessus. On ne pense pas que ça doit dépasser 10 ans puis on pense que cinq ans, c'est raisonnable. Maintenant, de quelle façon ça pourrait être articulé, là, entre le cinq et 10, là, je laisse ça à votre discrétion. Donc, on pourrait avoir des produits d'assurance qui ne peuvent pas exister aujourd'hui et qui pourraient conforter le propriétaire-vendeur.

Certaines personnes, devant vous, entre autres le Barreau, ont dit que de limiter ça augmenterait les poursuites contre les inspecteurs en bâtiment, contre les courtiers immobiliers. Contre les courtiers immobiliers, on a examiné la jurisprudence, jamais la jurisprudence n'a tenu les courtiers immobiliers responsables des vices cachés. Comme l'inspecteur en bâtiment, s'il est caché, ce n'est pas l'inspecteur qui en est responsable non plus. On va tenir l'inspecteur en bâtiment responsable de ne pas avoir vu, peut-être, des vices apparents qui auraient dû être vus en temps normal.

Par ailleurs, on sait très bien que l'inspection en bâtiment... Dans le cadre d'une transaction immobilière, l'inspecteur est le seul professionnel qui n'est pas encadré d'aucune façon par une réglementation ou une loi. Alors, il y a des inspecteurs qui n'ont pas d'assurances, il y a des inspecteurs qui n'ont aucune formation et qui inspectent des bâtiments. Et, là-dessus, je dois vous dire qu'on va probablement faire des recommandations beaucoup plus fortes de ce côté-là avant longtemps. Ça, on pense que, pour la protection du consommateur, il y a quelque chose à faire de ce côté-là.

Que ce soit cinq ans, 10 ans, nous, on vous le disait, ça ne nous cause pas trop de problème, mais pas plus que 10 ans. L'autre petite chose qu'on aimerait peut-être apporter, c'est que ce soit restreint aux immeubles à usage d'habitation. Comment va-t-on définir ce qu'est un immeuble à usage d'habitation? Et que visez-vous? On croit, puisque le courtage immobilier a aussi à encadrer une catégorie d'immeubles où les consommateurs auraient besoin d'un peu plus de protection... On croit que ce que vous voulez vraiment... Deux minutes? Parfait. On croit que ce que vous voulez vraiment viser, c'est ce consommateur-là qui est personne physique. Donc, on aurait peut-être une suggestion à vous faire à l'effet que l'immeuble d'usage d'habitation soit défini à peu près comme suit: principalement résidentiel, moins de cinq logements et qui appartient à une personne physique. C'est aussi une définition qui est connue dans la Loi sur le courtage immobilier, il y a des protections qui sont accordées aux personnes qui rentrent dans cette définition-là. On ne pense pas que les personnes morales... On ne pense pas que les promoteurs, constructeurs et institutions financières devraient être englobées dans cette restriction-là. On pense que ce sont des commerçants et qu'ils devraient avoir une meilleure connaissance du bâtiment, et ils devraient être capables de prendre une plus grande partie de cette responsabilité.

Enfin ? et je termine là-dessus ? si la responsabilité est limitée à cinq ans, il devrait être important qu'on ne puisse l'exclure. On la limite dans le temps, mais on ne devrait pas avoir le droit de l'exclure lors d'une transaction et pour qui que ce soit. Et on termine là-dessus nos propos, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, mesdames et messieurs. Je pense que c'est extrêmement intéressant que vous soyez immédiatement après ceux qu'on a entendus tout à l'heure parce que ça nous permet d'avoir une vision plus complète de cette situation-là. Et nous l'avions regardée un peu plus, je dirais, légalement, sur une base légale, mais là vous nous l'amenez un peu sur le plan sociologique, là, et ce n'est pas du tout à dédaigner parce qu'il y a vraiment des deux dimensions dans ce que nous regardons.

Je commencerai par le dernier point qui est très technique. Et je ne sais pas si je miserai juste, là, mais définir ce qu'est un immeuble d'habitation ne me semble pas poser tant de problèmes, parce que c'est un problème que tous les évaluateurs municipaux résolvent régulièrement dans le classement des bâtiments qu'ils font aux fins d'évaluation. Et ce n'est pas sans importance, parce que, si vous êtes dans une classe ou dans une autre, ça détermine un peu ce qui va arriver de l'évaluation de votre immeuble. Alors, à moins qu'on veuille faire des exclusions, auquel cas je partage votre point de vue... Mais là il faut faire des critères pour permettre de faire la distinction.

Mais, ce n'est pas de ça que je voudrais discuter, c'est surtout de l'autre volet. Vous avez entendu, j'imagine, ceux qui vous ont précédé et qui ont parlé d'une garantie, cautionnement, assurance, là, le... Ce n'était pas tellement clair en soi, mais ce n'est pas important, ce qui comptait, c'était l'idée première. C'est qu'une contribution serait payée par l'acheteur et possiblement par le vendeur-constructeur au moment d'une première transaction, et, si j'ai bien compris, les sommes recueillies ainsi serviraient, sur une base trentenaire, à payer, avec un roulement parce qu'il y a des ventes continuelles... à payer les réclamations qui proviendraient de vices cachés dans les 30 années de chacun des bâtiments.

Je présume que, sans l'avoir dit, ça serait de rattacher le paiement de cette prime, un peu comme on le rachète à la... à ce qu'on appelle la prime de bienvenue, là, la taxe de bienvenue...

M. Nadeau (Robert): La taxe sur les droits de mutation.

M. Bégin: C'est le droit de mutation, bien sûr, mais mieux connu sous taxe de bienvenue: Je suis bienvenu chez nous, payez-nous tant. Je présume que ça pourrait être à rattacher. On a une preuve tangible. L'enregistrement des immeubles est obligatoire, donc je ne vois pas de problème, on est capable de suivre.

Par rapport à ce que vous proposez... Et j'ai compris qu'aux États-Unis ? excusez ? 1 500 $ par année pendant trois ans... On parle d'argent américain?

M. Nadeau (Robert): Oui.

M. Bégin: Ça fait du gros argent. Je comprends que ça assure une bonne garantie, mais comment celui qui paierait ça... qui vendrait sa maison, au bout de trois, quatre ans, mettons, pourrait récupérer un petit peu et demander de son futur acheteur de rembourser un peu ce qu'il a payé, là? Alors, c'est global, mon affaire, là, mais comment vous comparez ça avec ce que proposaient ceux qui vous ont précédé?

M. Nadeau (Robert): Bien, premièrement, l'expérience américaine qu'on a pu lire, c'est 1 500 $ par année payés par le propriétaire-vendeur après qu'il eut vendu sa maison. Il s'achète une garantie en cas de poursuite.

M. Bégin: Ah! C'est le vendeur. O.K. Excusez, j'avais compris ça à l'inverse.

n(17 h 30)n

M. Nadeau (Robert): Oui. On dit 1 500 américains. Puis je m'excuse si je ne l'ai pas... Alors, c'est 1 500 $ américains, mais c'est une cotisation ou une prime, je voudrais dire, moyenne. Dépendamment de la valeur de l'immeuble, là, bon, il y a le rationnel, l'actuariel qui vient se placer derrière ça. Non, c'est une protection que le propriétaire vendeur s'offre lorsqu'il vend sa propriété.

M. Bégin: En fait, au moment où il vend, il dit: Mettons que ma valeur, c'est 70 000. Je mets 4 500 de plus, c'est le minimum; je vends 74 500. C'est ça?

M. Nadeau (Robert): Ça pourrait être ça.

M. Bégin: Et, en fait, c'est lui qui le paie, mais c'est son acheteur qui le paie dans le coût de vente. Mais, lui, il peut le mettre sur hypothèque pendant 20 ans, alors que l'autre n'a pas besoin de le débourser de sa poche. En tout cas, là...

M. Nadeau (Robert): Bien, écoutez, là, les modalités, effectivement... Regardez comme la garantie des maisons neuves, c'est toujours inclus dans le prix ou on va la charger à part, un 250 $. Qui le paie? C'est le premier acheteur effectivement, dans ce cas-là. Est-ce que... C'est le même modèle, ça serait un 250 $. Est-ce que ça serait plus parce que ça serait pour 30 ans, cependant? Ça, il faudrait... Il y a tous les actuaires qui pourraient nous éclairer là-dessus. Moi, écoutez, pour cinq ans, on semble dire, pour la garantie des maisons neuves, ça coûte environ entre 250, 300 $, puis, encore là, il y a une question de valeur de l'immeuble. Ça serait quoi pour une garantie de 30 ans? Est-ce que ça ressemblerait au 4 500 américains? Est-ce que... ça ressemblerait à quoi? C'est difficile pour moi de vous dire. Moi, ce que j'ai cru comprendre lorsqu'on a interviewé les assureurs, c'est que, si c'était limité dans le temps, ça serait intéressant. Mais, étant donné qu'il faut que j'assure, que j'assure puis que j'assure peut-être des successions que je ne connais pas, on n'a aucun intérêt. C'est un risque incalculable.

M. Bégin: C'est pour ça que l'hypothèse qu'ils soulèvent, eux, n'est pas une assurance, c'est plutôt un fonds qui est constitué et dont les intérêts, j'imagine, pourraient servir à maintenir en vie, avec les primes payées à chaque vente, pourraient servir à indemniser quelqu'un. Donc, ce n'est pas une assurance mais c'est un fonds d'indemnisation, je dirais.

M. Nadeau (Robert): Oui, mais, si vous me permettez, M. le Président, un fonds comme ça va probablement être régularisé ou être régi par des normes d'assurance, c'est-à-dire qu'on va payer une réclamation quelque part.

M. Bégin: C'est sûr.

M. Nadeau (Robert): Donc, pour établir la prime de ce fonds-là, on va probablement aller de la même façon dont si c'était une compagnie d'assurances.

M. Bégin: Exact. Ça va être des actuaires qui vont nous dire ça.

M. Nadeau (Robert): En d'autres mots, c'est de savoir s'il faut que ça soit étatique ou il faut que ça reste privé. Nous, notre première solution, on dit: Il faudrait peut-être que ça reste dans l'entreprise privée ? je ne suis pas sûr que l'État doit, en premier lieu, s'occuper de ça ? ou encore, tout en étant privé, peut-être l'obliger jusqu'à un certain point. Et là, bien, il y a une différence entre la construction neuve: comment on réglerait tout le parc immobilier actuel par rapport aux maisons neuves pour donner une garantie similaire. Ça serait peut-être bon pour les projets puis ça va être bon pour les 30 prochaines années, mais qu'est-ce qu'on fait en attendant avec tout le parc immobilier qui existe actuellement? Là-dessus, j'aurais du questionnement.

M. Bégin: Est-ce que je résume bien votre témoignage en disant que vous ne pensez pas ? et je l'accepterais très bien ? que la solution législative proposée n'est pas la solution souhaitable aux problèmes que l'on rencontre?

M. Nadeau (Robert): Je vous répondrais que ce qui est proposé serait mieux que le statu quo. Je m'interroge entre cinq et 10 ans. Ça, c'est une interrogation sur laquelle on ne s'est pas arrêté, mais certainement mieux que le statu quo et qu'est-ce qui existe actuellement.

M. Bégin: Mais?

M. Nadeau (Robert): Pour nous, c'est clair.

M. Bégin: O.K. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Vous avez mentionné en ouverture qu'il y avait un nombre croissant de vendeurs qui veulent exclure la garantie. Est-ce que vous pouvez expliciter davantage?

M. Nadeau (Robert): Bien, c'est lorsque...

Mme Lamquin-Éthier: En termes de nombres, là.

M. Nadeau (Robert): En termes de normes, ah! écoutez, moi, c'est les conversations que j'ai eues avec le service du syndic puis l'inspection professionnelle. L'inspection le voit dans les dossiers qu'ils ont eus en inspection. Quant au syndic, c'est que le propriétaire vendeur ou l'acheteur se croit lésé après, en fin de compte, fait des demandes d'enquête partout où il peut dont auprès des courtiers et des agents immobiliers, à savoir est-ce que l'agent immobilier a quelque chose à voir là-dedans.

On parlait du devoir de conseil plus tôt qu'un courtier ou un agent a envers le propriétaire vendeur et aussi envers l'acheteur. Lorsqu'un propriétaire vendeur s'interroge, à savoir si j'ai de la pyrite, s'il y a... Écoutez, les gens sont informés, là. Ils lisent les journaux, ils voient qu'ils peuvent être responsables pour à peu près tout puis pendant une longue période, ce qui n'était peut-être pas le cas il y a 20 ans, là; les gens n'étaient peut-être pas aussi informés.

Ils demandent au courtier: Comment puis-je me protéger? La seule réponse que le courtier peut apporter, c'est d'exclure ta garantie, puis, habituellement, il va lui dire: Si tu exclus, il y a peut-être, là, des tenants et aboutissants à ça; peut-être que l'acheteur va te demander de réduire le prix. Ils essaient ? ils doivent le faire ? de donner tous les paramètres possibles à une telle décision. Mais, naturellement, le vendeur le sait, il dit: Bien, écoutez, moi, je vais l'exclure, soit que je vais perdre de l'argent...

Mais, comme je vous dis, les marchés actuels font qu'ils n'en perdent pas, d'argent. Ils peuvent vendre à des prix... même beaucoup plus cher que ce qu'ils avaient prévu vendre leur maison, et puis ils vont exclure leur garantie. Les acheteurs sont voraces actuellement, ils veulent absolument acheter, à n'importe quel prix, je le répète, et ils sont prêts à accepter ça, malgré, souvent, le conseil d'un courtier ou d'un agent.

Mme Lamquin-Éthier: Vous avez aussi parlé... Je pense que vous avez fait un examen de la jurisprudence. Est-ce que votre examen a porté sur les vices cachés qui sont survenus de nombreuses années après la vente? Ça a donné quoi, là, cet exercice au niveau de la jurisprudence?

M. Nadeau (Robert): Je demanderais peut-être, si vous permettez, M. le Président, à Me Tremblay de répondre.

Le Président (M. Lachance): Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Claudie): Je vous remercie. Merci. Écoutez, la recherche qui a été faite, c'est sur l'ensemble de la jurisprudence en matière de vices cachés, pas nécessairement si le vice a été découvert longtemps après ou peu après la signature de l'acte de vente. Par ailleurs, ce qui découle de la jurisprudence, c'est que les courtiers et agents immobiliers ne sont généralement pas ou ne sont pas reconnus responsables d'un vice caché portant sur l'immeuble. Il faut différencier le vice caché évidemment de l'information portant sur un immeuble qui existe, qui est là, qui est réel et qui...

Par exemple, un propriétaire vendeur aurait mentionné un certain élément, un facteur sur son immeuble, et le courtier immobilier omettrait de transmettre l'information à un acheteur. Ça, c'est un cas, mais on ne parle pas ici de vices cachés. Les cas de vices cachés ont été exclus en matière de responsabilité face aux courtiers et agents.

Mme Lamquin-Éthier: O.K.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Oui. On a entendu les intervenants qui vous ont précédés parler d'un fonds d'indemnisation, et on les a entendus aussi demander d'avoir un lien de droit direct avec les constructeurs de maisons, les constructeurs de bâtiments. Avez-vous une opinion sur ça?

M. Nadeau (Robert): Non. Écoutez, je viens d'entendre cet énoncé-là de la part des gens de l'ACQC, l'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction. Écoutez, moi, ce que j'ai élaboré et ce que nous avons élaboré, c'est de dire: De réduire aiderait à mettre une assurance responsabilité, c'est-à-dire qu'on mettrait en place des produits d'assurances pour tous les types d'habitations existantes ou peut-être même pour celles qui sont en construction. Qu'il y ait un fonds pour les immeubles en construction seulement pourrait peut-être apporter une certaine sécurité aux propriétaires vendeurs. Là, je pense, dans le cadre de ce que j'en sais, de ce que j'ai entendu tout à l'heure, j'arrêterais mon propos. Ça apporterait une sécurité.

Moi, j'ai un peu de difficulté avec la création de fonds, puisque c'est toute l'administration qu'il y a derrière qui m'inquiète un peu. C'est quoi, quel genre de défauts? Est-ce que ça peut juste être des défauts cachés? Si on les répertorie, est-ce que ça fait un nombre suffisant pour supporter les fonds qui seraient demandés? Pour l'instant, je me dis: C'est un début, c'est certainement quelque chose à examiner, mais ça ne règle pas le marché existant de la propriété existante. Ça, moi, j'ai une inquiétude vis-à-vis de ça.

Mme Gauthier: Mais concernant le lien de droit que pourrait avoir un acheteur avec le constructeur, ça éviterait effectivement d'aller chercher son vendeur qui, lui, appellera en garantie son constructeur de maison. Si le propriétaire qui découvre un vice de construction pouvait poursuivre directement l'entrepreneur de construction, ça peut être une solution qui pourrait effectivement empêcher qu'on fasse une chaîne devant les tribunaux.

M. Nadeau (Robert): Oui, bien, certainement. Écoutez, c'est sûr que, s'il pouvait poursuivre directement le constructeur, en autant que le constructeur existe encore au moment...

Mme Gauthier: Oui, bien évidemment.

M. Nadeau (Robert): Et, ça, c'est l'autre gros problème auquel... Je ne sais pas si on doit discuter de ça ici, là. Mais on sait très bien qu'il y a beaucoup d'entrepreneurs qui se font une personne morale pour un projet, et, dès que le projet est terminé, on ferme tous les livres, on recommence ailleurs. Je ne voudrais pas que ça devienne un recours illusoire, un fonds qui n'aurait pas de dents vis-à-vis de ces constructeurs-là. Mais, ça, comme j'ai dit, là, c'est une réflexion très primaire à ce que vous nous demandez.

Mme Gauthier: C'est pour ça qu'ils voulaient assujettir ? je pense, les intervenants précédents ? qui voulaient assujettir un fonds d'indemnisation, si tant est qu'il y a un recours contre un constructeur insolvable.

M. Nadeau (Robert): C'est ça, un constructeur insolvable, effectivement.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Frontenac.

n(17 h 40)n

M. Boulianne: Oui, merci, M. le Président. Alors, je ne sais pas si j'ai bien compris, quand vous avez parlé d'un temps, d'un délai, cinq ans, vous n'avez pas de problème, vous êtes à l'aise avec ça, 10 ans aussi, puis vous avez mentionné que ça avait un effet stabilisateur. Est-ce que c'est ça? Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus?

M. Nadeau (Robert): Oui, certainement. Écoutez, j'ai dit entre cinq et dix mais ne doit pas dépasser 10 d'après nous, finalement, ce qu'on constate. Stabilisateur, puisque, à partir du moment où le propriétaire vendeur délaisse son immeuble, il connaît l'espace de temps pour lequel il est responsable. Il pourrait se dire qu'après cinq ans, bon: Il n'y a pas eu de réclamation, je me sens confortable vis-à-vis des autres achats que je vais faire, parce que lui-même est peut-être en train de payer une autre maison.

Le fait qu'il y ait une épée de Damoclès de façon indéfinie, et même s'il a revendu, je veux dire, même si la maison qu'il a vendue, elle a été revendue à plusieurs reprises, il n'a pas de contact, lui, avec le dernier acheteur de sa propriété. Il ne l'a pas choisi, il ne sait pas s'il est solvable, il ne sait pas si c'est quelqu'un qui cherche simplement à faire de l'argent, parce que des poursuites en matière de vices cachés, là, simplement pour essayer de payer les réparations récentes, là, on en a vu quelques-unes aussi.

Alors, il y aurait... pour lui, il y a une sécurité. Il pourrait dormir... à un moment donné un soir, dire: Bien, là, c'est fini. Dans cinq ans ou dans 10 ans encore, quelqu'un que je ne connais pas, à qui je n'ai pas vendu la maison ne rebondira pas contre moi nécessairement ou contre ma succession. À un moment donné, on parle de stabilité; ça génère de la confiance pour la vente d'une propriété, en ce qui nous concerne.

M. Boulianne: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, une dernière question?

M. Bégin: Oui, il m'est venu une question. Tous les constructeurs, on le sait, n'ont pas le même professionnalisme, bon. Si on instaure un régime comme celui-là, on crée la connaissance que, s'il arrive un problème, d'une certaine manière, ce n'est pas grave, puisqu'il y aura un fonds qui sera là. Mais, si on a 100 acheteurs de maisons du professionnel A et 100 maisons du professionnel B, deux constructeurs, un est un pas bon puis l'autre est un excellent constructeur, les acheteurs vont payer la même prime, hein? Mais dans huit ans, neuf ans, s'il y en a un qui a vraiment mal travaillé, il va y avoir des réclamations qui vont surgir.

Alors, est-ce que, en mettant un fonds comme ça, on ne crée pas une espèce d'incitation à être un petit peu négligent dans la construction en se disant: Ah! ce n'est pas grave; à la fin, il y aura une assurance pour couvrir tout ça? Est-ce que c'est une appréhension justifiée ou si je rêve?

M. Nadeau (Robert): Effectivement, c'est notre appréhension des fonds. Une autre raison derrière ça, c'est: Qu'est-ce que je vais pouvoir faire? Est-ce que le fonds va pouvoir exclure le constructeur qui n'est pas bon, en lui disant que, lui... Toi, tu ne peux plus construire de maisons, tu nous as amené trop de réclamations? Si c'est un fonds universel sans droit de regard là-dessus, j'ai de sérieuses réserves par rapport à ça.

Par contre, si on dit qu'après huit ou neuf réclamations ce constructeur-là devra payer des surprimes au fonds ou ne pourra peut-être plus construire ni sous personne morale ni directement, je serais peut-être un petit peu plus confortable, mais il faudrait faire l'analyse de ça. Les fonds universels, j'ai toujours une petite crainte avec ça.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Oui, Mme la députée de Jonquière.

Mme Gauthier: Je comprends mal votre position. Parce que vous savez, les corporations professionnelles, il y a des fonds d'indemnisation qui indemnisent là où le professionnel fautif n'exerce plus pour des raisons x ou encore est devenu insolvable. C'est là qu'on a recours au fonds. Le fonds n'existe pas pour le professionnel qui est solvable, on est assuré pour ça. À partir du moment où tu es en pratique, tu as une assurance, et si j'ai une faute professionnelle, l'assurance va m'indemniser. Mais le fonds d'indemnisation, lui, est là pour dédommager la victime d'une faute professionnelle lorsque le professionnel n'est plus là pour...

M. Nadeau (Robert): Non, madame. Effectivement, écoutez, les fonds d'indemnisation, on en a un. À l'Association des courtiers, il en existe un; c'est pour les fraudes, malversations et opérations malhonnêtes seulement. Donc, toutes les réclamations civiles, c'est les assurances de nature privée qui les règlent. Un courtier ou une...

Mme Gauthier: Je m'excuse, là, mais j'ai poursuivi des notaires qui étaient devenus... qui avaient été radiés de la Chambre des notaires, et ce sont les... fonds d'indemnisation qui a payé le jugement.

M. Nadeau (Robert): C'était le fonds, oui... Non, c'était le fonds de l'assureur...

Mme Gauthier: Bien, c'est une faute professionnelle.

M. Nadeau (Robert): Attendez, non, il faut distinguer entre un fonds d'indemnisation et un fonds d'assurance responsabilité, ce qui est...

Mme Gauthier: Bien, c'est ça. Mais je parle d'un fonds d'indemnisation.

M. Nadeau (Robert): O.K., bon, O.K., si vous parlez du fonds d'assurance responsabilité, parce que vous m'aviez parlé de fonds d'indemnisation, le fonds d'assurance responsabilité existe. Mais, bien souvent, l'ordre professionnel... Chez nous, on n'a pas de fonds mais il y a une coercition envers le professionnel, et c'est ce que je disais.

S'il y a une coercition envers un contracteur, j'ai moins de réserves. Mais, s'il n'y en a pas, si c'est un régime universel, en disant: Peu importe si ce contracteur-là peut continuer de construire ou pas après, j'ai une problématique.

M. Bégin: Si un constructeur n'est pas bon, mettons.

M. Nadeau (Robert): Puis qu'on peut l'éliminer.

M. Bégin: Il fait 100 maisons. Au bout de cinq ans, on a 30 réclamations. Il continue à fonctionner pareil, parce qu'on dit: Que tu sois bon ou pas bon, ce qui compte, c'est: tu as une réclamation, le citoyen a une réclamation, il est indemnisé. Il pourrait successivement pendant 20 ans, mettons au rythme de cinq ans, avoir toute une série de réclamations, il n'y a personne qui interviendrait, puis le fonds alimenterait ses défauts. C'est ça qu'on dit.

M. Nadeau (Robert): Exact. Bien, c'est ce que je dis, c'est ce que je ne veux pas cautionner.

M. Bégin: Exact. Je comprends bien.

M. Nadeau (Robert): Si un fonds...

M. Bégin: Est contrôlé.

M. Nadeau (Robert): ...et là, je pense que je vais dans la même direction que vous, madame, c'est que ? et aussi de vous, M. le ministre ? si on est capable d'empêcher les mauvais de continuer de construire ou de les punir d'une façon quelconque pour alimenter le fonds davantage, j'ai moins de réserves. Mais, à partir du moment où il est universel, où, peu importe, je ne peux pas qualifier le contracteur, il peut faire ce qu'il veut quand il veut, puis que c'est un fonds, c'est un fonds perdu, jusqu'à un certain point, ça, je suis contre. Je suis contre, parce que tous les bons constructeurs vont payer pour le mauvais puis ad nauseam, jusqu'à un certain point. Alors, celui qui est bon va arrêter de mettre de la qualité dans sa construction en disant: Qu'est-ce que ça me donne, moi, de mettre de la qualité? Il y a quelqu'un, en quelque part, en bout de ligne qui va payer, de toute façon.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci beaucoup pour votre participation aux travaux de cette commission en vertu du projet de loi n° 50.

Et là-dessus j'ajourne les travaux à jeudi matin, 28 mars 2002, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 47)


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