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Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Thursday, May 16, 2002 - Vol. 37 N° 76

Consultations particulières sur le projet de loi n° 84 - Loi instituant l'union civile et établissant de nouvelles règles de filiation


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures vingt-trois minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je déclare la séance ouverte et je rappelle le mandat de la commission des institutions qui est de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi instituant l'union civile et établissant de nouvelles règles de filiation.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacements d'annoncés.

Auditions (suite)

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, je souhaite la bienvenue à tout le monde. Nous allons entendre tour à tour Mme Louise Vandelac, par la suite les représentantes du Centre d'orientation sexuelle de l'Université McGill et, enfin, pour terminer nos travaux cet avant-midi, la Coalition des gais et lesbiennes du Québec.

Alors, sans plus tarder, bienvenue, Mme Vandelac, vous êtes déjà installée à la table, et je vous indique que nous avons une enveloppe de temps maximum de 30 minutes, y compris votre présentation d'une durée prévue de 10 minutes. Vous pouvez y aller.

Mme Louise Vandelac

Mme Vandelac (Louise): Bonjour, M. le Président. Bonjour, MM. et Mmes les députées, les ministres. D'abord, un mot de présentation. Je suis professeur titulaire au Département de sociologie à l'UQAM, à l'Institut des sciences de l'environnement, chercheure au Cinbiose, Centre d'étude sur les interactions biologiques entre la santé et l'environnement. J'ai été membre, en 1988, de la Commission royale sur les technologies de reproduction et je suis membre actuellement du Comité sur...

M. Bégin: Excusez-moi, madame. Je ne sais pas si c'est moi qui ai un problème, mais j'entends mal.

Mme Vandelac (Louise): Vous n'entendez pas?

Une voix: ...

M. Bégin: Vous entendez mal aussi? Alors...

Mme Vandelac (Louise): C'est pour ça... Est-ce que, comme ça, vous entendez mieux?

M. Bégin: C'est le monsieur qui va vous aider, là. Ce n'est pas vous, ce n'est pas votre problème, c'est technique.

Mme Vandelac (Louise): Ah bon!

Le Président (M. Lachance): Alors, vous ne vous occupez pas de ça, madame. C'est le technicien du son qui va ajuster le système en conséquence. Alors, veuillez poursuivre, madame.

Mme Vandelac (Louise): Est-ce que je recommence ou si vous avez bien entendu?

M. Bégin: S'il vous plaît, parce que...

Mme Vandelac (Louise): Très bien. Alors, d'abord, bonjour, M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés. Merci de me recevoir. Je m'appelle Louise Vandelac. Je suis professeur titulaire au Département de sociologie à l'UQAM, également à l'Institut des sciences de l'environnement, chercheure au Cinbiose, qui est le Centre d'étude sur les interactions biologiques entre la santé et l'environnement, membre également de la Commission canadienne de l'UNESCO et plus particulièrement du comité sciences, sciences humaines et de leur comité d'éthique.

Mon intervention ce matin se situe, je dirais, en quelque sorte dans le prolongement d'un colloque que j'ai organisé hier à l'ACFAS sur la transgénèse, puisque je travaille sur les dispositifs d'appropriation et de mutation du vivant depuis une vingtaine d'années, et notamment sur les technologies de reproduction. J'introduisais ce colloque en disant: En quelques décennies à peine, les technosciences du vivant ont commencé à fissurer les frontières établies depuis des millions d'années entre les espèces et les règnes, entre le vivant et la matière, à effriter les paramètres biologiques et symboliques du vivant, voire nos repères psychiques et sociaux les plus profonds. Et je pense que ce projet de loi y participe, du moins dans sa partie sur la filiation des enfants, une procréation assistée, qui est le seul élément sur lequel j'interviendrai ce matin.

Fruit des théories de l'information, de la cybernétique et du néolibéralisme qui structurent et clôturent désormais nos horizons de pensée, ces applications s'imposent par faits accomplis successifs à une vitesse inversement proportionnelle malheureusement à ceux de l'analyse, de l'évaluation et du débat public, risquant alors d'éroder non seulement l'équilibre des écosystèmes, mais les fondements mêmes de l'identité et du lien social.

Je pense que le droit a généralement pour mission de penser globalement l'être et la société autrement qu'à travers le prisme des conceptions techniciennes et managériales réduites à spéculer sur les modalités de mise en marché de l'être et de son corps. Le droit ne doit-il pas résister à la soumission aux principes utilitaristes incompatibles avec les principes fondamentaux? Le droit ne doit-il pas éviter que la norme publique ne serve à privatiser nos potentiels descendants et les communions génétiques de la planète, voire à transformer ce qui est l'espèce humaine elle-même, ce que nous avons commencé à faire? Ne craignez pas, je vous parlerai bien du projet de loi, mais il me semble important de situer ça dans un contexte beaucoup plus large qui, manifestement, semble échapper actuellement.

Je pense qu'il faut prendre en effet la pleine mesure, comme le souligne le philosophe Dany-Robert Dufour, que, désormais, la permanence du corps accordée sans condition à chacun des 80 milliards d'humains qui nous ont précédés n'est absolument plus garantie à ceux qui vont venir. Un autre mode de sélection se met en place, une sélection artificielle, erratique mais voulue, commandée mais aveugle. L'être humain apprend chaque jour un peu mieux à intégrer dans le patrimoine génétique de telle espèce des traits importés de telle autre. Nous sommes entrés dans un fabuleux bricolage des formes et des conditions du vivant tellement incontrôlé que nul ne saurait en anticiper les effets. Il est donc évident que les humains, du moins certains d'entre eux, ne sont pas loin de s'échapper d'eux-mêmes et vont bientôt tenter de changer de corps.

En fait, il importe de voir qu'en moins de 25 ans, au niveau des technologies de reproduction, pour ne prendre que ce volet de la question, nous avons amorcé un bricolage assez particulier des paramètres et des repères psychiques les plus fondamentaux où même les notions de vie, de mort, de mère et d'altérité s'évanouissent. Cela est d'autant plus fondamental que ces technosciences ont commencé à transgresser et à effriter, jusqu'à les faire imploser parfois, les paramètres symboliques de la conception des êtres. Il faut savoir qu'en moins de 25 ans, pour la première fois de l'histoire de l'humanité, nous sommes devenus la première génération de l'histoire à concevoir des êtres en pièces détachées, parfois à des kilomètres et à des années de distance, sans se voir ni se toucher, commerce Internet et postal, institutionnel et marchand, de sperme et d'ovocytes, souvent par le biais de catalogues avec photos à la clé. Nous avons commencé à multiplier les contrats d'enfantement et même des contrats de gestation plurielle avec deux ou trois mères à la fois, faisant en sorte que des enfants puissent naître frères et soeurs de plusieurs mères.

n (10 h 30) n

Nous sommes les premiers humains à passer de l'engendrement d'un être à la production de vivants dont certains sont destinés à naître, à être éliminés in utero par réduction embryonnaire, à être donnés à un autre couple, à être réduits à du matériel de laboratoire, au nom, entre autres, des cellules souches, à être mis littéralement sur la glace. Des centaines de milliers d'embryons patientent ainsi dans l'azote, à moins qu'ils ne soient simplement jetés. Or, ces embryons sont des embryons iatrogènes d'une technique très mal maîtrisée, la fécondation in vitro, où on s'est autorisé à produire des embryons en surnombre parce que la technique était mal maîtrisée. Elle l'était notamment parce que les travaux sur des animaux qui auraient dû logiquement précéder ces expérimentations sur les femmes en 1968 n'ont pas été faits.

Nous sommes également devenus les tout premiers dans cette étrange lutte contre la montre et contre nous-mêmes à manipuler le génome des embryons pour les juger, les jauger, les trier, ce qu'on appelle le DPI et le tri embryonnaire, alors que certains envisagent même d'en corriger les défauts, voire d'en modifier certaines caractéristiques, en vue, disent-ils, d'améliorer l'espèce humaine. Watson, prix Nobel de génétique.

Nous sommes la première génération qui, tout en reconnaissant la complexité et la fragilité de la constitution psychique des individus, commence à soumettre ses descendants aux plus folles acrobaties de la filiation: maternité scindée entre plusieurs mères, mères accouchant de ses petits-enfants ou l'inverse, grossesses à 60 ans, conception à partir des gamètes d'une conjointe décédée, amnésie institutionnelle du commerce des gamètes rendant le géniteur inconnaissable à son enfant et sa mère méconnaissable et inconnaissable. Bref, alors que les humains n'avaient en commun que deux certitudes absolues, celle d'être né d'une mère et celle de mourir, voilà que certains peuvent être le fruit de plusieurs mères et bientôt peut-être être même l'incarnation clonée de leur père.

...y compris dans l'intimité de la transmission de la vie, sont décelés d'eux-mêmes et de leurs descendants pour devenir source de matière première, incubateurs vivants, vecteurs de vie et de vivants, ne glissons-nous pas étrangement de nous-mêmes? En fait, dans l'univers réductionniste et binaire de l'imaginaire cybernétique, tout désormais, des plantes à l'embryon, des animaux transgéniques à l'intelligence, ne serait plus que flux d'informations à déchiffrer ou, comme vous le dites dans le projet de loi, forces génétiques... Donc, ne serait plus que flux d'informations à déchiffrer, et cette nouvelle monnaie vivante soumise au jeu de combinatoires, de numéraires, de la génétique et de l'informatique permettrait à certains de bricoler des êtres et les espèces et de recoder le monde.

Nous commençons à modifier radicalement la façon même de concevoir l'espèce humaine. Or, il faut bien voir qu'une espèce se définit d'abord et avant tout par sa façon de se reproduire, et les quelques éléments que j'ai apportés montrent bien la rapidité et, je dirais, l'insouciance avec laquelle on s'est engagé dans ce mouvement technicien qui nous emporte aux confins de nous-mêmes.

Dans l'article 538: «Le projet parental avec assistance à la procréation ? il est intéressant ici de voir à quel point on a gommé facilement le mot "médical" ? existe dès lors qu'une personne ou des conjoints d'un commun accord ont décidé, afin de donner naissance à un enfant, d'avoir recours à la contribution d'un tiers pour un apport de forces génétiques.» J'avoue comme sociologue être pour le moins étonnée de ces glissements de sens. Parler de projet parental d'une personne, c'est confondre le désir d'enfant avec un projet parental. Ce n'est pas du même ordre. Parler d'un projet parental d'une seule personne, c'est d'accepter cet imaginaire clonique dans lequel s'est enfoncé depuis quelques années ce qu'on peut appeler l'espoir de reproduction narcissique, c'est-à-dire se faire un enfant à soi.

Je me souviens d'avoir filmé, pour le film Clonage ou l'art de se faire doubler, il y a deux ans, à Montréal, le représentant américain d'un organisme qui veut faire en sorte que le clonage d'êtres humains soit reconnu par les plus hauts... dans la Constitution américaine, en fait. C'est ce qu'il souhaite. Et il disait en montrant sa photo à l'écran: «Ce sont des monstres, ceux qui refusent le droit... de permettre à cet enfant de renaître.» C'était une photo de lui-même. On voit dans ce cas-là le délire total. Mais, si ce délire peut s'exprimer devant une salle pleine, à Montréal, il y a deux ans, la salle du Gesù ? c'est quand même assez paradoxal ? c'est bien parce que nous sommes dans ce genre d'imaginaire. Or, le projet de loi actuel cautionne complètement cette idée d'une part qu'il y a un droit absolu à l'enfant au détriment, aux dépens des droits de l'enfant.

Le Président (M. Lachance): Je vous prie de conclure, Mme Vandelac, le temps passe vite et votre temps est déjà écoulé.

Mme Vandelac (Louise): Merci. Je pense que ce projet de loi instaure la primauté actuellement d'avoir un enfant sans relations sexuelles quitte à mettre en place un dispositif extrêmement complexe au plan juridique, au plan biomédical pour donner la primauté de ce droit de concevoir un enfant sans relations hétérosexuelles. Cela me semble d'une grave légèreté, si je peux employer cette expression, dans la mesure où on sait déjà très bien, dans le cas du Québec, à quel point il y a une crise de la transmission. On sait à quel point, on l'a vu il y a quelques années avec des gens qui cherchaient à retrouver leurs origines dans des associations, notamment d'enfants adoptés, on sait qu'au niveau des enfants issus de conceptions artificielles, la littérature le montre amplement, il y a un malaise extrêmement grand. Et je pense que ces articles-là sont extrêmement graves. Et cette primauté du droit individuel à l'enfant nous conduit, dans le cas de l'évolution très rapide des techniques, à un droit qui bientôt s'adaptera de la même façon au droit à avoir tel ou tel type d'enfant. Nous sommes, je pense, en pleine dérive, et je souhaite véritablement qu'il y ait un temps de réflexion beaucoup plus grand.

Vous savez, le Québec mène des débats depuis près de 40 ans pour tenter de voir quel sera son statut politique et s'il sera ou non indépendant ou souverain. Là, ce dont il est question, c'est d'une mutation qui, instaurée ou, en tout cas, que la technique a permis de commencer à instaurer... mais, à partir du moment où le droit le sanctionne, c'est toute une société qui porte...

Le Président (M. Lachance): Je vais devoir vous interrompre et je n'aime pas ça être...

Mme Vandelac (Louise): Voilà, je termine.

Le Président (M. Lachance): Voilà, merci. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, Mme Vandelac. J'ai retenu deux points, qui sont le clonage et que le projet de loi permettrait ou autoriserait... voyons, les techniques de reproduction, l'insémination artificielle, et sur un fond que vous avez présenté que j'ai plutôt attribué à l'évolution de la science dans ce domaine-là et peut-être du manque de précautions... que les sociétés en général n'accordent pas à cette question-là. Ça me fait penser au projet de loi C-56 qui a été déposé il y a quelques jours à la Chambre des communes qui porte sur la procréation assistée ? c'est le titre du projet de loi ? où on va en long et en large sur ces questions-là.

Mais, revenant sur la technique de reproduction médicalement assistée, vous semblez dire que le projet de loi l'autorise. Est-ce que vous ne croyez pas plutôt que le projet de loi vise à tenir compte d'une situation qui existe et de faire en sorte que les enfants qui naissent de cette technique puissent être des citoyens à part entière, des citoyens protégés, comme n'importe quel autre enfant qui serait venu, né d'une procréation naturelle? Est-ce que, dans un certain sens, vous ne niez pas l'existence de ces enfants-là, qui sont là, et que vous ne niez pas la capacité ou l'obligation, je dirais même, du législateur à s'assurer que ces enfants qui naissent aient les mêmes droits que les autres?

n (10 h 40) n

Mme Vandelac (Louise): M. le ministre, si j'ai commencé en parlant des risques que le droit s'aligne sur les faits, c'est bien parce que, comme vous l'avez souligné, le manque de précautions qui a caractérisé nos sociétés, un des rares endroits où on peut, je pense, exercer une certaine régulation, c'est au niveau même du droit. Si vous me parlez d'une situation qui existe, je pense que là, avec ces articles-là, on accélère un phénomène. On ne fait pas que rendre compte d'une situation qui existe, on l'accélère et on l'encourage, et on l'encourage d'autant plus qu'effectivement il y a ce projet de loi fédéral au même moment. On l'accélère en considérant formellement ce qui, dans la pratique médicale, s'est imposé par faits accomplis successifs comme allant de soi. La reproduction que j'appelle narcissique, c'est-à-dire le recours à des technologies dont le mandat, dont la finalité était d'ordre médical, à ma connaissance, ce n'est pas un problème de santé de ne pas avoir de partenaire ou de ne pas en vouloir, un partenaire de l'autre sexe. Or, il y a un travestissement ici des technologies médicales pour d'autres finalités qui sont des finalités purement sociales. Et ça, je pense que le législateur devrait prendre acte de ça parce qu'il s'agit véritablement, à mon avis, d'une dérive.

Par ailleurs, de le reconnaître pour des personnes du même sexe dans la loi et donc de faire en sorte que ça puisse non seulement s'élargir, mais que, avec la reconnaissance au fédéral des mères porteuses... on risque fort, même si les contrats sont de nullité absolue au Québec, de se retrouver dans la situation ou, par glissements successifs, on aura recours à des mères porteuses pour pouvoir avoir son enfant, quitte à utiliser le jeu des frontières nationales ou entre... soit des frontières avec l'Ontario et d'autres provinces, soit des frontières avec les États-Unis pour pouvoir avoir son enfant.

En fait, je pense que là le droit entérine et cautionne et élargit cette logique d'un droit individuel absolu à l'enfant et d'un droit à l'enfant qui se fait en remettant en question certains des paramètres biologiques qui ont marqué l'histoire de l'humanité jusqu'à présent. Un enfant se concevait jusqu'alors au coeur des sexes, des sexualités, des générations. Je pense que ce glissement-là risque de nous entraîner dans une série de d'autres glissements. Et je pense que c'est extrêmement sérieux et qu'il faudrait à tout le moins mettre cette partie-là du projet de loi sur la glace pour avoir le temps d'y penser, d'autant plus que vous le savez fort bien... j'ai été assez frappée de voir l'attitude d'un certain nombre de juristes et d'un certain nombre de personnes par rapport à cette commission, craindre d'intervenir à cette commission. Et des journalistes m'ont dit exactement la même chose en disant: Oui, mais c'est très mal vu d'être contre parce qu'on risque d'être taxé d'homophobe. Je pense que mon propos ne tient pas de ce registre-là d'aucune espèce de façon. Une bonne partie du projet de loi me semble tout à fait justifiée, mais cette partie qui consiste à entériner par le droit ce que la technologie s'est permise d'imposer à la société par faits accomplis successifs, je dirais, dans un silence relativement complice des institutions publiques, me semble fort problématique, et je pense qu'il faut se poser la question: Jusqu'où nous amène-t-on?

M. Bégin: Mais, si je suis le raisonnement que vous développez, que je comprends très bien par ailleurs, de dire que nous ne devrions pas, comme société, permettre que des choses se produisent à moins que nous ayons épuisé les connaissances scientifiques requises pour voir le pour et le contre ? c'est un peu ce que vous nous dites... Quand je suis cette logique, je dis, par exemple: Je vais attendre, mettons ? un chiffre tiré au hasard ? 15 ans à partir d'aujourd'hui parce que, à ce moment-là, nous devrions être en mesure de nous assurer que, sur le plan scientifique, il n'y ait aucun problème, alors qu'au même moment, en toute légalité, il existe des banques de spermes, il existe des personnes désireuses de porter un enfant, que, techniquement, c'est possible de le faire et que, bon, il y a des enfants qui, excusez-moi, mais courent dans les rues après avoir bénéficié de ces technologies-là. Si j'attends donc 15 ans à nouveau, je dis à ceux qui existent comme à ceux à naître, qui vont venir au monde, et ce n'est pas le projet de loi qui va les faire venir au monde, mais ils vont exister, je leur dis donc: Vous savez, parce que nous n'avons pas une connaissance scientifique, nous faisons comme si vous n'existiez pas et nous ne vous donnons pas les droits que les autres enfants ont. Et je pense que c'est là la démarcation entre ce que vous dites et ce qu'il y a dans le projet de loi.

Mme Vandelac (Louise): Peut-être n'ai-je pas été suffisamment claire, mais je ne parle pas de l'ensemble des technologies qui existent et des enfants qui en sont issus, je parle ici essentiellement d'une chose, c'est le recours à ces technologies pour des personnes seules ou des personnes de même sexe dans la mesure où ce n'est pas un problème médical que de ne pas avoir ou de ne pas vouloir un partenaire de l'autre sexe pour concevoir un enfant.

M. Bégin: Ça revient au même. C'est une question qui est de la nature de la morale et non pas de la science, ce que vous me dites là.

Mme Vandelac (Louise): Ce n'est pas du tout de nature de la morale, c'est tout simplement que nous sommes en train d'opérer une fracture anthropologique majeure. Ce n'est pas un hasard si les êtres humains se sont inscrits dans la généalogie, dans l'ordre des générations à partir d'alliances entre les sexes. Ce qu'on remet en question ici, non seulement en autorisant, mais en légitimant par la loi ce qui s'est imposé certes en partie par état de fait, c'est extrêmement problématique et c'est extrêmement lourd de sens. Et je ne suis pas certaine qu'on en mesure toute la portée.

M. Bégin: Je conclus là-dessus parce que mon temps est épuisé, mais il m'apparaît très clairement maintenant que ce n'est pas une raison scientifique mais plutôt une raison philosophique, morale, anthropologique, sociologique ? je ne connais pas tout l'ensemble des professions, des sciences ? mais ça m'apparaît de cette nature. Et, à ce compte-là, je suis prêt à respecter ce que vous pensez, mais je ne me sens pas obligé de le partager.

Mme Vandelac (Louise): J'aimerais simplement souligner que, dans le cas qui nous préoccupe, M. Bégin, il s'agit d'une pratique cache-sexe qui est au coeur de cette histoire. Il s'agit de l'insémination artificielle par donneur, qui n'est pas une pratique scientifique, pas du tout. Il s'agit de substituer à un pénis une canule de sperme. Et le caractère médical, c'est tout simplement que c'est le médecin qui la manipule. Je veux dire, au départ, c'est essentiellement ça. Or, cette pratique, c'est celle qui autorise avec de l'argent, et un contrat dans le cas des mères porteuses, à défaire la mère et à défaire la maternité telle qu'on l'a conçue jusqu'à présent pour instaurer un règne avec deux ou trois mères. Ce sont des fractures anthropologiques majeures. Dans le cas du recours à l'insémination artificielle, c'est de considérer un homme strictement comme un étalon et de le choisir en tant que tel de cette façon-là. Je pense que, dans une société où on commence à questionner le réductionnisme, le caractère instrumental, l'utilisation des êtres strictement pour leurs matériaux, pour leurs gamètes, c'est une question qui mérite d'être prise dans un sens beaucoup plus global. Et ce n'est pas de l'ordre de la morale. Mais je vous avoue que la science ne se limite pas à des technologies qui souvent n'ont que le nom de technologies, puisque, dans cette pratique-là, il s'agit d'abord et avant tout d'une pratique sociale en ce qui concerne l'insémination artificielle.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Bourassa et porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Vandelac. Mme Vandelac, vous avez dans un premier temps parlé de l'importance du mot «médicalement» en faisant référence à l'article 538 du projet de loi où il est question de la filiation des enfants. Actuellement, le texte parle d'une procréation assistée sans inclure le terme «médicalement assistée». Donc, vous nous parlez de l'importance du terme «médicalement assistée». Pouvez-vous expliciter davantage et nous parler de situations qui sont susceptibles de naître à défaut, évidemment là, du terme «médicalement» inscrit dans le texte? Qu'est-ce que ça peut causer comme problèmes? Qu'est-ce que vous voyez comme problèmes?

Mme Vandelac (Louise): En fait, il s'agit surtout d'un glissement de sens, à mon avis, dans ce cas-là, puisque... En fait, on assiste là à un glissement qui s'est opéré au fil des années. L'insémination artificielle, je l'ai dit un peu plus tôt, dans sa forme élémentaire n'a rien de médical. Là où entre la médecine, c'est progressivement dans tous ces atours, je dirais, c'est-à-dire dans le travail diagnostic des problèmes de fertilité, dans un travail de stimulation ovarienne parfois qui accompagne l'insémination artificielle, etc. Mais, dans le cas qui nous préoccupe, le recours à ces technologies-là, ce n'est pas d'abord et avant tout pour des problèmes de santé. C'est d'abord et avant tout parce qu'on ne veut pas ou on n'a pas de partenaire. Il s'agit d'une pratique essentiellement sociale. Il s'agit d'autre chose. Et il s'agit de considérer qu'il y a un droit absolu de chaque individu à l'enfant. Jusqu'à présent, avoir un enfant, c'était une potentialité, une potentialité d'un homme et d'une femme et qui était relative à l'histoire de vie personnelle ou trajectoire socioprofessionnelle, à la culture d'un pays, etc. Là, on est en train d'en faire un droit absolu. Je pense que, socialement, ça risque de nous entraîner vers de drôles d'histoires.

n (10 h 50) n

Je pense par ailleurs qu'il ne s'agit pas de rajouter le mot «médical», hein, qu'on me comprenne bien, parce que ça ne changerait rien au fond de l'affaire, puisque le fond de l'affaire, c'est de faire prévaloir le refus d'avoir une relation sexuelle de conception, dans ce cas-là, sur tout le reste et de mettre en place des dispositifs économiques, sociaux, juridiques assez alambiqués et assez coûteux pour tout le monde et dont le sens est extrêmement important pour la suite du monde, je dirais, et la suite de nos enfants.

Mme Lamquin-Éthier: Une deuxième question. Merci, Mme Vandelac. Comment, selon vous, dans le cadre du projet de loi, peut-on assurer les droits de l'enfant ou, autrement dit, qu'envisageriez-vous ou qu'est-ce que vous avez comme solution en tête pour être... parce qu'il y a des enfants qui existent, pour qu'on ait l'assurance que les droits de ces enfants-là puissent être reconnus et surtout respectés?

Mme Vandelac (Louise): Peut-être pourriez-vous préciser les cas précis où ça pose problème actuellement.

Mme Lamquin-Éthier: Est-ce que vous avez fait l'examen du projet de loi?

Mme Vandelac (Louise): Oui.

Mme Lamquin-Éthier: O.K. Et, selon vous, est-ce que celui-ci assure le droit des enfants qui existent déjà?

Mme Vandelac (Louise): Je pense que, fondamentalement, en autorisant la possibilité par exemple que les enfants puissent être privés de la connaissance de leurs origines, puissent... Vous savez, nous sommes parmi les rares sociétés, depuis l'Allemagne nazie, à effacer délibérément les traces généalogiques des enfants. Je pense que c'est extrêmement sérieux et extrêmement grave et que les questions d'origines sont lancinantes dans l'histoire individuelle et dans l'histoire collective.

Je pense également qu'on fait prévaloir le droit d'adultes et d'individus sur la possibilité pour des enfants d'avoir deux parents et d'avoir éventuellement un père et une mère. On fait éclater les représentations de la parentalité en encourageant indirectement... Et, vous savez, l'enfer est toujours pavé de bonnes intentions, donc je peux comprendre les intentions qui sont bonnes, mais je ne suis pas certaine du tout que la façon de procéder permette de résoudre ces questions. Et, en ce sens-là, je ne suis pas certaine qu'actuellement les problèmes soient tels qu'il faille prendre des mesures qui accélèrent paradoxalement cet état de fait, et l'encouragent, et le multiplient. Et je pense que c'est à ça que nous mènent certains des articles qui sont là, dans le cadre de la filiation des enfants nés d'une procréation assistée, malheureusement.

Mme Lamquin-Éthier: Pouvez-vous pointer, s'il vous plaît, ces articles qui, plus particulièrement, accélèrent ou posent problème? Au-delà de 538, là, au niveau de la filiation, quels sont les autres articles?

Mme Vandelac (Louise): Écoutez, je pense que c'est toute la série du 538. On pourrait les prendre un par un, je ne sais pas si j'en ai le temps. Mais tous ces articles-là, quand on les analyse, quand on les regarde, on se dit: C'est quand même assez étonnant.

Mme Lamquin-Éthier: Vous dites finalement que, en ce qui a trait à 538, ce que vous dites là, ce n'est pas simplement de rajouter le terme «médicalement». Dois-je conclure...

Mme Vandelac (Louise): D'aucune façon. Pour moi, c'est de retirer 538 tout simplement.

Mme Lamquin-Éthier: Complètement.

Mme Vandelac (Louise): Oui.

Mme Lamquin-Éthier: O.K. Le retirer pour permettre une réflexion plus approfondie.

Mme Vandelac (Louise): Tout à fait et...

Mme Lamquin-Éthier: Pour éviter les dérives...

Mme Vandelac (Louise): Vous savez, on a cette habitude maintenant, dans les questions environnementales que connaît très bien le ministre de la Justice, quand il y a des transformations majeures, de faire en sorte qu'il puisse y avoir des audiences publiques du BAPE de façon à ce que l'ensemble des citoyens puissent s'exprimer sur une question et avec les outils nécessaires et avec le temps de réflexion véritablement nécessaire. Vous allez me dire: Il y avait déjà un avant-projet de loi. Vous allez me dire: Il y a cette commission parlementaire. Mais je pense néanmoins que, dans ce dossier, les choses sont encore plus complexes et que, si on est prêt à faire un travail aussi imposant pour un barrage sur une rivière, on devrait bien le faire quand il s'agit de modifier des paramètres aussi fondamentaux de l'existence humaine. Et je pense qu'il est tout à fait anormal dans cette société que les questions de technoscience ne soient pas davantage soumises à des instances larges, démocratiques de débats beaucoup plus approfondis qui permettent de comprendre et de repérer l'ensemble des enjeux. Et je ne pense pas que l'ensemble des enjeux, ici, aient eu le temps d'être exploré. Et je vous avoue que je comparais aujourd'hui devant vous simplement parce que j'ai été interpellée au dernier moment, je le fais très rapidement, mais je sais fort bien que bon nombre de juristes sont assez étonnés ? c'est le moins qu'on puisse dire et c'est vraiment une formule polie ? de ce qui est en train de se passer en termes de mise en pièce des règles de la filiation avec, notamment, cet article-là.

Mme Lamquin-Éthier: Et les juristes dont vous parlez estiment ne pas avoir eu l'occasion d'être entendus, ils n'ont pas... est-ce qu'ils ont... Qu'est-ce que vous leur avez dit? Joignez-vous à moi ou écrivez? Ils n'ont donc pas participé à un débat ou ils estiment ne pas avoir participé à un débat?

Mme Vandelac (Louise): Voilà, et je dirais de façon beaucoup plus large: Nous sommes actuellement et vous êtes placés dans une situation où, faute d'intervention large, appropriée par l'ensemble des citoyens, de façon beaucoup plus hâtive sur les grandes orientations technologiques, hein... le Québec a décidé de certaines orientations technologiques par rapport au nucléaire, par exemple, il y a des années. Là, ces orientations qui nous concernent aussi intimement, elles nous sont imposées par faits accomplis successifs, et nous tentons de remédier en faisant d'autres bricolages sur d'autres bricolages. Je pense qu'il faudrait être très attentif à ça.

M. Gautrin: Moi, j'ai une question.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Verdun, rapidement.

M. Gautrin: Je comprends que vous intervenez essentiellement sur ce qu'on appelle les techniques de reproduction différentes des techniques normales. Mais je vais revenir sur le projet de loi. Est-ce que vous auriez les mêmes préoccupations dans le cas d'un couple de lesbiennes qui ont donc été unies en fonction de l'union civile qui existe et qui auraient été chercher ce que le ministre avait qualifié la dernière fois de «l'insémination amicalement assistée», c'est-à-dire d'avoir un géniteur qui n'est pas du tout dans le projet de parentalité, mais qui se fait d'une manière naturelle, mais pas dans le projet de parentalité qui est un projet de parentalité porté quand même par les deux, le couple de lesbiennes qui veulent élever cet enfant-là et l'élever dans un milieu normal, d'amour, etc., le géniteur étant simplement quelqu'un qui a participé à la conception de l'enfant, qui peut être connu, et ça, je n'ai pas de problème... Mais est-ce que vous auriez les mêmes objections à ce moment-là?

Mme Vandelac (Louise): Il y a une gradation dans tout ça, et, effectivement, je n'ai pas les mêmes objections dans ce cas-là même si je sais qu'au plan à la fois humain et à la fois juridique il y a là une série de problèmes qui peuvent en résulter. Mais ça reste à ce moment-là des pratiques qui sont relativement plus marginales et qui ne sont pas encouragées, qui ne deviennent pas une politique d'État. Je pense qu'il y a une différence absolument majeure dans ces cas-là.

D'autre part, le géniteur n'est pas gommé complètement, c'est un être humain qui a une histoire, cet enfant-là s'inscrit dans une généalogie. C'est légèrement différent. Ce qui m'apparaît clair, c'est ce qu'on est en train de faire actuellement et avec cette réduction des êtres à du strict matériel pour des finalités fort discutables.

Donc, je sais qu'il faudrait que je vous réponde en escalier, hein: Ça, c'est mieux que ça, et ça, c'est moins pire que ça, etc., c'est le genre de problématique dans laquelle nous sommes posés. Mais, je pense que ce que je disais un peu plus tôt sur la nécessité de faire entrer les technosciences en démocratie, c'est une urgence dans cette société.

M. Gautrin: Je vous remercie.

n (11 heures) n

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Mme Vandelac, pour votre participation aux travaux de cette commission parlementaire. Et j'invite sans plus tarder les représentants du Centre d'orientation sexuelle de l'Université McGill à bien vouloir prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Bienvenue, mesdames, et j'invite la porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que la personne qui l'accompagne, en vous indiquant que vous avez droit à une présentation de 15 minutes.

Centre d'orientation sexuelle
de l'Université McGill (COSUM)

Mme Igartua (Karine J.): Bonjour. Je me présente, je suis le Dr Karine Igartua. Je suis psychiatre et je suis cofondatrice et directrice du Centre d'orientation sexuelle de l'Université McGill. Je suis accompagnée ce matin par ma collègue Me Marie-France Bureau qui est avocate consultante pour notre centre.

D'abord, le Centre d'orientation sexuelle de l'Université McGill voudrait tout d'abord remercier le gouvernement d'avoir tenu compte de ses recommandations et de celles de nombreux experts qui sont venus témoigner devant la commission parlementaire qui s'est tenue en février dernier concernant l'avant-projet de loi sur l'union civile.

COSUM se réjouit du contenu du projet de loi n° 84 reconnaissant aux homosexuels l'égalité en ce qui a trait à la parentalité. Il est selon nous indéniable que les modifications aux règles de la filiation favorisent le sain développement des enfants issus de familles homoparentales et contribueront à améliorer la santé mentale des gais et lesbiennes du Québec.

COSUM appuie le projet de loi n° 84 tel que déposé par le ministre de la Justice et souhaite le voir adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais afin de mettre fin à la discrimination qui existe toujours dans le Code civil à l'égard des homosexuels et de leurs enfants.

COSUM est d'avis que la reconnaissance de la parentalité homosexuelle, qui permettra à tout enfant d'avoir une filiation reconnue à l'égard de ses deux parents, aura un impact bénéfique sur la santé mentale et l'équilibre des individus au sein des familles homoparentales.

COSUM a déposé trois mémoires à cette commission parlementaire, et donc la position de notre Centre a été déjà clairement exposée. Nous allons alors profiter de cette séance pour revenir sur certains points soulevés lors des audiences sur le projet de loi n° 84.

Un représentant de l'Assemblée des évêques disait avoir consulté ses collègues psychologues, pédiatres et psychiatres et qu'il n'y avait pas d'idées claires sur la question d'homoparentalité. Il est vrai que l'Ordre des psychologues du Québec, l'Association des médecins psychiatres du Québec et l'Association des pédiatres du Québec n'ont pas d'énoncé de principe sur l'homoparentalité; c'est qu'ils ne se sont pas encore penchés sur la question.

En effet, la formation sur l'homosexualité dans le curriculum en médecine et dans la spécialisation en psychiatrie n'existe que depuis quelques années. C'est d'ailleurs les membres de notre Centre qui ont été sollicités pour faire cet enseignement à l'Université McGill et à l'Université de Montréal. Il est donc normal que des cliniciens déjà en pratique depuis quelques années n'aient pas pris connaissance de la littérature sur la parentalité homosexuelle. Il est en effet difficile, comme scientifique sérieux, de prendre position sans avoir consulté la littérature.

Par ailleurs, les grandes associations professionnelles américaines, telles que l'American Association of Pediatricians, l'American Psychological Association et l'American Psychiatric Association, elles, ont revu la littérature et se sont toutes prononcées en faveur d'une législation qui protège les familles homoparentales. D'ailleurs ? M. le ministre parlait hier de synchronisme ? l'American Psychoanalytic Association vote aujourd'hui même un énoncé de principe en faveur de l'homoparentalité. Permettez-moi maintenant d'élaborer sur cette littérature probante qui a incité toutes ces organisations professionnelles à prendre position. D'abord, le nombre de familles étudiées. Il faut se rappeler qu'il n'est jamais facile de recruter des sujets d'une minorité sans protection légale pour des protocoles de recherche. Malgré cela, différents chercheurs ont obtenu des échantillons allant de 20 à 200 familles. Ces nombres sont dans la norme et largement suffisants pour avoir des résultats statistiquement valables en recherche psychosociale, recherche dont les méthodes et les nombres de participants requis diffèrent des recherches sur les médicaments.

Ensuite, les études s'accumulent depuis 30 ans, et donc l'échantillon total de familles étudiées est de plusieurs centaines, chiffre considérable en recherche psychosociale. Et, rappelons-le, aucune recherche n'a obtenu des résultats qui allaient à l'encontre des autres, c'est-à-dire aucune recherche n'a démontré que l'homosexualité d'un parent était préjudiciable au développement des enfants. Il y a eu d'ailleurs tellement d'études que j'ai pu recenser sept articles de synthèse qui revoient l'ensemble de la littérature. Je vous les ai cités en annexe de notre mémoire, et d'ailleurs plusieurs de ces articles vous ont déjà été déposés devant la commission par la psychologue Mme Danielle Julien.

Pour illustrer aux membres de la commission le nombre d'études sérieuses dont on parle, j'ai fait une recherche dans PsycINFO, la base de données qui répertorie les articles de psychologie publiés dans des revues scientifiques évalués par comité de pairs. Depuis 1984, on répertorie 125 articles qui traitent de l'homoparentalité.

Document déposé

Je vous dépose la liste pour que les membres de la commission puissent en prendre connaissance. Alors, j'ai la liste ici à déposer.

J'aimerais maintenant élaborer sur les commentaires de mon collègue le Dr Masse. Le Dr Masse s'est prononcé en faveur du projet de loi disant, en parlant des personnes homosexuelles, qu'il faut encourager le projet parental. Il a énuméré une série de problèmes que peuvent rencontrer les familles, qu'elles soient homos ou hétéroparentales. Par contre, certains de ces problèmes sont plus spécifiques aux familles homoparentales: les moqueries de cour d'école, l'exclusion affective du sexe opposé et l'isolement des familles. Nous croyons que le projet de loi apporte un remède au moins partiel à ces problèmes. Je m'explique.

En instituant un traitement égalitaire envers les homosexuels, l'État refuse d'entériner toute discrimination ou stigmatisation. Ceci peu à peu changera les attitudes dans la société, dans la cour d'école et dans la famille élargie. L'homosexualité des parents deviendra une banalité qui ne sera plus matière à moquerie. Les familles étant plus acceptées, elles seront du coup moins isolées. Il sera plus facile d'assurer des modèles des deux sexes pour les enfants et plus probable que la famille élargie garde contact et offre du support à la famille. En effet, la filiation ne lie pas simplement l'enfant à ses parents, mais aussi à ses grands-parents, oncles et tantes. Avec un lien juridique et donc une inscription symbolique au sein d'une famille, on favorise les liens entre l'enfant et sa famille élargie et la solidarité entre ceux-ci. Une ethnologue française, travaillant au CNRS, en France, a d'ailleurs trouvé que la reconnaissance de l'enfant par les familles élargies des deux parents, donc le parent légal et le parent non légal, était associée à un développement favorable de l'enfant.

Le Dr Masse, enfin, soulève le besoin de faire de l'éducation à la tolérance dans les écoles et d'offrir de l'aide psychologique appropriée aux familles homoparentales qui pourraient en avoir besoin. Je seconde entièrement ses suggestions. Comme codirectrice du seul centre spécialisé au Québec, je vois tous les jours le manque de ressources destinées à ces familles et aux personnes homosexuelles en général. Juste pour vous éclaircir, notre Centre ne bénéficie d'aucune subvention spéciale. On est trois personnes à travailler à temps partiel plus les stagiaires et on n'arrive jamais à fournir à la demande qui ne va qu'en s'accroissant depuis que le Centre est ouvert.

Je vais passer la parole à ma collègue et on pourra peut-être revenir ensuite aux commentaires de Mme Vandelac.

Mme Bureau (Marie-France): Oui. Alors, comme vous savez, on est déjà venu présenter. Je suis membre du Barreau, spécialiste des droits de la personne. J'ai discuté du projet de loi avec nombre de mes collègues, mes confrères, spécialistes en droit de la personne également ou professeurs de droit. Plusieurs d'entre eux ne sont pas venus témoigner devant cette commission, je ne crois pas qu'ils étaient nécessairement apeurés, mais beaucoup d'entre eux approuvent ce projet de loi. Alors, je crois que c'est facile de dire que certaines personnes ont été intimidées, mais il y en a beaucoup d'autres avec lesquelles j'ai discuté, qui n'ont pas cru bon de venir témoigner, mais qui supportent ce projet de loi. Je pense qu'il faut le mentionner.

J'aurais aussi voulu revenir sur quelques points qui ont été mentionnés lors des derniers jours dans les débats. Alors, premièrement, pour revenir à la présentation qui vient d'être faite par Mme Vandelac, je crois que la question du débat sur les origines, donc le principe d'anonymat des donneurs, lorsqu'il est question de procréation médicalement assistée ou si on parle de confidentialité des dossiers ? ce qui est le cas ici, ce qui est la règle avec l'adoption plénière ? c'est un débat qui est intéressant, auquel il va peut-être falloir s'attarder, mais je crois que ça dépasse largement le cadre de cette consultation et de ce projet de loi. C'est un débat qui concerne la société dans son ensemble, donc c'est certain qu'il faut se poser des questions, mais ça ne concerne vraiment pas spécifiquement les parents homosexuels ou ce projet de loi en particulier. Donc, il faut replacer ça dans son contexte.

n (11 h 10) n

Je voudrais refaire quelques points. Hier, on a fait état de la constitutionnalité discutable du projet de loi s'il était ouvert aux hétérosexuels. Et, évidemment, je crois qu'un argument peut être plaidé a contrario. D'ailleurs, je l'ai fait devant cette commission déjà. Donc, la constitutionnalité du projet de loi tel qu'il est, je crois qu'on peut être confiant que, même en le rendant accessible aux hétérosexuels, dans la mesure où le mariage est pour l'instant réservé aux hétérosexuels et qu'on peut certainement y voir une discrimination, donc les provinces peuvent et sentent, comme le Québec, qu'elles doivent remédier à cette discrimination. D'autres l'ont fait, comme la Nouvelle-Écosse, en offrant un partenariat pour les conjoints de même sexe et de sexe opposé. Le fait que l'institution qu'on crée actuellement est très proche du mariage, est assez normal, compte tenu du fait qu'on veut remédier à une discrimination. Je crois qu'on peut très bien en faire une institution ouverte, qui ne stigmatise pas, qui ne crée pas un état civil homosexuel qui, on l'a déjà mentionné, pourrait créer des problèmes, et garder un projet qui est quand même constitutionnel. D'ailleurs, comme vous l'avez mentionné, la plaidoirie écrite du Procureur général du Canada dans l'affaire Hendricks va tout à fait dans ce sens.

En ce qui concerne l'argument de la dangerosité de ce projet de loi s'il était ouvert aux hétérosexuels, on a mentionné qu'il pouvait être dangereux pour les conjoints, puisque la Loi sur le divorce évidemment ne s'appliquera pas, puisqu'il ne s'agit pas d'un mariage, donc les conjoints, en cas de séparation, ne bénéficieraient pas de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, qui a été développée depuis de nombreuses années, notamment en ce qui concerne le caractère compensatoire des obligations alimentaires, etc. Et, d'autre part, ce projet d'union pourrait être aussi dangereux pour les enfants, puisqu'on n'a pas de doctrine de in loco parentis ou de parents psychologiques en droit civil québécois.

Alors, je crois que ces arguments, d'une part, montrent très clairement que tout régime parallèle a des faiblesses. À partir du moment où on réserve le mariage aux couples hétérosexuels, il va y avoir des difficultés; il y a donc des différences entre l'union civile et le mariage. Peut-être qu'un jour on révisera toute la conjugalité dans notre droit mais, pour l'instant, c'est un constat.

Par ailleurs, je crois que, par rapport aux hétérosexuels, on a maintenant au Québec, avec l'adoption de ce projet de loi si elle se fait, trois régimes: l'union de fait, l'union civile ou le mariage. Les hétérosexuels auront toujours la possibilité de se prévaloir du mariage, s'ils le veulent, pour bénéficier des protections additionnelles, par exemple, de la jurisprudence de la Cour suprême, etc. Mais, d'autre part, je crois que notre droit va évoluer aussi, on va développer une jurisprudence ici, au Québec, en vertu de cette institution de l'union civile. Et, d'autre part, la question de la doctrine in loco parentis est très intéressante et il faut certainement qu'on se penche... La plupart des provinces de «common law» et des États américains ont introduit ces notions dans leur droit. Alors, il n'y a rien qui exclut la possibilité pour le Québec de considérer cette possibilité.

Et le professeur Goubau a aussi mentionné d'autres inégalités entre les conjoints de fait et les conjoints mariés, par exemple, en ce qui concerne la protection de la résidence familiale ou l'extension possible, la présomption de parentalité à l'extérieur d'un projet d'union légale. Je crois que c'est des points intéressants mais dont il va falloir débattre à une autre occasion probablement parce que c'est important, et ça concerne la question des conjoints de fait vis-à-vis des régimes légaux. Alors, c'est certainement de très bons points dont il va falloir discuter et qui concernent tout le monde. C'est la même chose pour la notion de «in loco parentis», ça concerne aussi les familles recomposées. Comme toute la question sur le débat des origines concerne tout le monde, donc ça peut se faire dans un autre temps.

Alors, là, le temps file. J'avais des points sur la question des rôles parentaux, dans les articles 577.1, 538.4. J'approuve tout à fait mes confrères du Barreau et de la Coalition des conjoints de même sexe aussi ont mentionné que la question des rôles parentaux est assez boiteuse. Et je comprends que le législateur a choisi de garder les dispositions sur l'autorité parentale et la filiation comme elles sont en parlant du père et de la mère. Certainement qu'il aurait pu, d'un point de vue de rédaction législative, être plus simple de rendre les dispositions neutres et de faire référence aux parents, comme la plupart des juridictions de «common law» font ? donc, l'autorité parentale est exercée par les parents ? plutôt que de faire des dispositions à part, un peu alambiquées, un peu compliquées, où on associe les parents, par exemple de même sexe, à un père et une mère. Donc, il y aurait eu moyen de faire plus simple, j'ai l'impression, mais, bon, ça a été déjà mentionné.

Pour ce qui est de l'adoption, Me Vadboncoeur a fait état d'un cas où un père, par exemple, serait déchu de l'autorité parentale ou serait décédé et là la mère se remet en mariage ou en union civile, et là il y aurait une question d'adoption: Que fait-on de cet enfant qui a déjà une filiation établie, une famille? Je crois que la question ne se pose absolument pas plus dans ce cas-ci que dans le cas de: Monsieur et madame ont un enfant. Monsieur n'est plus là. Est-ce que le nouveau conjoint de madame va adopter l'enfant? La réponse est simple, l'adoption se fait dans l'intérêt de l'enfant, et c'est pour ça qu'il y a un contrôle judiciaire. Et si on veut considérer l'adoption simple ou l'adoption ouverte, qui est de plus en plus populaire en Amérique du Nord, où il peut y avoir des filiations multiples, encore une fois, c'est comme le débat sur la confidentialité des origines: très intéressant, mais ça devrait faire l'objet d'un autre débat. On reste dans la biparentalité.

Oui. Alors donc, ce projet-là, je crois... Oui, j'avais des arguments à vous faire sur l'arrêt Fretté parce que beaucoup de gens... l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a été rendu le 26 février dernier à l'issu de la consultation. Donc, je crois qu'on a fait référence à cet arrêt-là avec un peu de confusion. Vous avez sept points qui remettent cet arrêt dans son contexte, dans le mémoire. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. ministre de la Justice, pour ce premier bloc d'échanges.

M. Bégin: Je voudrais remercier Me Igartua et maître ? excusez-moi, j'oublie tout le temps les noms ? Me Bureau parce que vous avez repris ce qui s'est dit devant nous. Et je vous remercie d'avoir été là hier, donc de parler en connaissance de cause. D'ailleurs, plusieurs des points, vous avez retourné l'argumentation. Et je ne prends que seulement les derniers points, sur 577, par exemple, qui disait: changer le vocabulaire, les rôles. Il est évident qu'on devra le changer. Est-ce qu'on prendra la suggestion que vous faites au niveau du parent? Point d'interrogation, parce qu'il va falloir avoir une cohérence avec les autres dispositions. Je ne réponds pas d'une manière finale, mais le message est entendu.

Vous avez également... Pour la Cour internationale des droits de l'homme, c'est évident que c'est une incompréhension de ce qui a été dit parce que la Cour a dit finalement: Nous référons à la loi du pays. La loi du pays dit que ce n'est pas possible, donc on maintient, mais ce n'est pas le choix qu'elle a elle-même exprimé de son cru, c'est un respect de la loi nationale qui a été fait. Et, même là, ça a été fait à 4.3 et non pas à 7.0, par exemple. Alors, tout ça doit être...

Mme Bureau (Marie-France): L'arrêt est toujours susceptible d'appel.

M. Bégin: Pardon?

Mme Bureau (Marie-France): L'arrêt est toujours susceptible d'appel. Ce n'est pas un arrêt final.

M. Bégin: Oui, oui. Mais, même là ? arrêt en plus ? donc il faut placer les choses à leur bonne place. Alors, merci d'apporter ces précisions-là parce qu'il y a des questions de droit. Vous avez, par exemple, loco parentis. Vous avez parlé également de l'adoption dans le cas que vous avez soulevé ou dont Me Vadboncoeur avait parlé. Dans le cas qui a été soulevé, ça existe dans un couple marié où le père ? un homme et une femme ? le père perd son autorité parentale. La question se pose de la même manière exactement. On peut choisir une réponse au l'autre, mais ce n'est pas dans l'adoption qu'elle se trouve, la réponse... pardon, dans le projet de loi, c'est que c'est une situation qui est à trancher, qu'on favorise une ou l'autre décision.

Loco parentis, oui, c'est bon, mais ça pose des problèmes. Comme la résidence familiale aussi pose des problèmes. Est-ce qu'on va donner à la personne en question la résidence à toutes fins pratiques ou bien si on va la donner pendant un certain temps, on va lui donner un droit de préférence? Tout ça, ça nécessite des choix. Et, encore là, il faudra peut-être baliser ça ultérieurement pour donner suite à ces recommandations. Mais je suis d'accord avec vous que ce n'est pas nécessaire d'y répondre spécifiquement aujourd'hui, mais être bien conscient qu'il y aura encore d'autres modifications apportées, pas simplement dans le cas ici, mais également dans les unions de fait. Les gens qui en subissent les préjudices actuellement, de ne pas avoir le loco parentis ou de ne pas penser qu'elle existe, bon, bien, ils sont déjà privés de ça. Alors, il va falloir qu'on le corrige.

Alors, je vous remercie donc de remettre les choses dans leur perspective exacte. Moi, en tout cas, ça me conforte dans le sens que les choix qui ont été faits peuvent être critiqués bien sûr, mais ils ne sont pas erronés, hein, ils ne sont pas fautifs. Alors, chacun peut y apporter un grain de sel, mais on voit que la ligne qui a été choisie semble, en tout cas, être correcte.

Alors, je voudrais vous remercier pour ces précisions, vous avez été d'un grand apport pour la compréhension, et juridique et sociologique. Ce que vous avez repris, Me Igartua, concernant ce que disait le psychiatre hier, M. Masse ? c'est Masse ou Massé, je ne sais pas, là ? c'était très pertinent parce que vous avez remis en évidence que le message qu'il livrait hier, c'est que les préjudices que les gens subissent actuellement sont dus non pas au projet de loi, mais au fait que justement le projet de loi n'existait pas. Les mentalités n'évoluent pas nécessairement autant qu'elles le devraient.

n (11 h 20) n

Je lisais dans la revue de presse aujourd'hui que Ludovic parlait de ce qu'il avait vécu. Bien, peut-être que si le projet de loi existe, les gens vont savoir qu'on ne peut pas discriminer, qu'on doit se comporter d'une certaine manière, que l'école va se comporter d'une manière différente, et ainsi de suite. Donc, à plus ou moins long terme, les mentalités vont changer. C'est ça qu'on nous dit, et ça m'apparaît fondamental. Donc, le droit reflète un peu la société, mais des fois la devance un peu pour qu'elle évolue dans ce sens-là. Et je voudrais vous remercier toutes les deux de l'apport considérable que vous avez eu pour les travaux de cette commission.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Bourassa et porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Je n'aurai pas de question. Je pense que vous avez fait une revue complète, et votre mémoire est très explicite. Mais je tiens à vous remercier également pour la contribution que vous avez apportée aux travaux de cette commission. C'est très, très apprécié. Merci beaucoup.

Mme Bureau (Marie-France): Peut-être un point... Excusez-moi.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Non, non, mais peut-être...

Le Président (M. Lachance): Oui, si vous voulez...

Mme Bureau (Marie-France): On a passé très vite sur la question de la procréation assistée, cette nouvelle section 538. J'aurais voulu juste faire un point. La section, la nouvelle section, le chapitre concerne la filiation née d'une procréation assistée. Je comprends que la procréation assistée, on le prend dans son sens générique, à ce stade-là. Puis je crois qu'il n'est pas question au droit absolu, à l'enfant, on ne change rien. Je crois qu'on fait simplement adapter ce qui est déjà dans notre droit, qui est déjà dans notre droit civil, le principe de l'anonymat des donneurs lorsque c'est une procréation médicalement assistée. Et ça, c'est un choix qui pourrait aussi être réévalué dans le futur. Mais, pour l'instant, on ne remet pas ce principe en question, et je crois qu'il est à l'article 538.2: «L'auteur de la contribution ne peut fonder aucun lien de filiation avec l'enfant issu de la procréation.»

Donc, on aurait pu ici ajouter «de la procréation médicalement assistée» pour faire la différence peut-être, pour dire que c'est la règle de l'anonymat du donneur dans ce cas-là. C'est la règle qu'on a actuellement. Lorsqu'il y a des banques de sperme, etc., on a fait comme choix pour l'instant, dans notre société, que le donneur était anonyme. Quand on revient à l'article 539 alinéa 3, on dit: La personne qui est mariée ou unie civilement pendant...

Le Président (M. Lachance): Excusez-moi. M. le ministre.

M. Bégin: Le point deux, juste dans la suite de ce qui a été dit, est-ce que vous recommandez qu'on le mette ou vous dites: On aurait pu le mettre? Et j'aimerais que vous fassiez un choix là-dessus, s'il vous plaît.

Mme Bureau (Marie-France): Moi, je crois que, lorsqu'on parle de procréation médicalement assistée, on resterait avec la règle qu'on avait, générale, c'est l'anonymat du donneur. Par exemple, le donneur de sperme ou de gamètes anonyme via une banque reste anonyme. Bon. Si on veut garder le droit tel qu'il est, on pourrait choisir ça. Puis, lorsqu'on parle de l'article 539, au troisième alinéa, lorsqu'on mentionne «lorsque la procréation n'est pas médicalement assistée», donc à ce moment-là, ça pourrait être un projet de coparentalité. L'enfant peut réclamer une filiation ? c'est ce qu'on dit ? avec l'auteur de la contribution dans la mesure où il n'y a pas déjà une double filiation d'établie. Et, moi, je crois que c'est normal, puisque, lorsqu'il y a... Puis il faut aussi replacer ça avec le quatrième alinéa où on dit: Les règles d'affiliation s'appliquent compte tenu des adaptations nécessaires.

Donc, dans toute situation, lorsqu'un couple marié ? madame, monsieur ? a un enfant, si monsieur n'est pas le père biologique, une fois que les délais sont passés, qu'il y a une possession d'état constante, qu'il y a deux filiations d'établies, un tiers ne peut pas arriver pour remettre en question la filiation. Je crois que c'est normal, c'est une question de stabilité des filiations. Mais on peut prévoir que l'auteur... On va revenir à notre terme, notre «procréation amicalement assistée». Il pourrait y avoir une situation où la mère décide qu'il y aura un père connu, présent. Pourquoi pas? Mais on peut mettre une limite à ça lorsque les filiations sont établies et la possession d'état est conforme. Je pense que, si on dit que c'est les mêmes règles que nos règles communes de filiation qui s'appliquent, ça peut être une solution viable.

Et je ne crois pas qu'il est question de droit absolu à l'enfant ou de mettre en place ? d'ailleurs, le Dr Igartua a des points à faire là-dessus ? des situations ou d'encourager des situations qui n'existent pas déjà. Le glissement auquel on fait référence, il n'y a pas de... La communauté ? enfin, ils sont venus se prononcer sur ce projet de loi là ? personne ne réclame de pluriparentalité, à ce que j'ai pu entendre ? tous les groupes qui sont venus présenter ? ni de légaliser le concept de mère porteuse qui est nul en droit civil. Et je crois qu'il n'y a personne qui remet ça en question.

Mme Igartua (Karine J.): Oui. C'est un point que je voudrais rendre très clair, c'est que, ni COSUM ni même la Coalition pour les conjoints de même sexe, avec qui j'ai discuté tantôt, ne demandent la triparentalité et personne ne cautionne l'utilisation des mères porteuses. Donc, ça, c'est un point que je voulais préciser.

Le projet de loi n'autorise pas l'insémination artificielle ou la procréation assistée, elle est déjà permise et les enfants existent déjà. Donc, le projet de loi est simplement là pour encadrer et protéger les enfants qui naissent.

Ensuite, je pense qu'il y a eu une certaine confusion entre la capacité de procréation, le désir d'enfant, le projet parental et le droit à l'enfant. J'ai entendu souvent ces quatre termes là utilisés et je pense qu'on ne fait pas une distinction assez claire. Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'on n'est pas capable de procréer que le désir d'enfant devient un désir narcissique. Et ça, je pense que c'est un glissement aussi de sens où il faut faire attention. D'ailleurs, le fait d'avoir eu une relation sexuelle hétérosexuelle et la capacité de reproduction n'est pas une garantie de capacité parentale. D'ailleurs, on le voit, les enfants qui sont donnés en adoption, ils naissent comme ça, ils ne naissent pas de procréation médicalement assistée en général, ils naissent d'une relation hétérosexuelle entre deux personnes hétérosexuelles qui, pour des raisons ou d'autres, n'ont pas les capacités parentales pour élever cet enfant-là.

Et donc, simplement de réitérer ce que Me Bureau a dit: Le débat sur dévoiler les origines dans les cas de donneurs de gamètes ou même dans le cas de l'adoption, c'est un débat de société qui est plus large que l'homoparentalité comme telle et qui fait l'objet d'une étude au fédéral en ce moment et qui continuera à être débattu et approfondi. Je pense que ça dépasse le cadre de ce qu'on veut faire ici.

Mme Bureau (Marie-France): Est-ce que je peux juste ajouter quelque chose? Je ne sais pas si j'ai du temps ou...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun?

M. Gautrin: Oui. Enfin, je pense que je veux rester toujours sur le sujet du «médicalement assistée» ou... Est-ce que les mots «médicalement assistée», au point de vue juridique, sont clairement définis? Le Barreau est venu nous dire, bon, qu'il n'aimait pas «procréation assistée», il aurait voulu avoir un autre terme ajouté à «médicalement assistée». Ensuite, dans les échanges qu'on a pu avoir, il n'est pas clair exactement ce que ça veut dire. Vous, comme spécialiste, est-ce que vous pouvez me dire qu'est-ce que ça veut dire «médicalement assistée» par rapport à «non médicalement assistée»? Enfin, je comprends, à l'extrême limite, ce que ça veut dire «non médicalement assistée», c'est-à-dire par voie naturelle; ça, je suis capable quand même de le comprendre. Mais, «médicalement assistée» veut dire quoi par rapport à....

Mme Igartua (Karine J.): Il y a plusieurs façons de concevoir un enfant, hein? Il y a la méthode très simple de pénis dans vagin, là; ça, c'est la méthode très simple. Ensuite, on a différents niveaux d'intervention...

M. Gautrin: ...plus simple que ça, mais, enfin...

Mme Igartua (Karine J.): On a différents niveaux d'intervention. On peut avoir quelqu'un qui fait un don de sperme, qui l'amène chez ses amies et ensuite les deux femmes s'inséminent l'une et l'autre. Donc, il n'y a pas un médecin comme tel mais il y a une assistance sans qu'il y ait eu de relation sexuelle homme femme.

Ensuite, ça peut se faire dans le bureau d'un médecin où le médecin montre à la conjointe comment inséminer sa conjointe, et donc ça se fait dans un cadre médical, avec le médecin. Mais, au fait, le médecin fait très peu, sauf éduquer sur les techniques. Ou ça peut se faire à l'inverse avec le médecin qui fait tout.

M. Gautrin: C'est ce que je comprenais.

Mme Igartua (Karine J.): Je pense qu'il y a un glissement qui est là et je pense que ce n'est clair qu'est-ce qui est médicalement assisté. Bon. Quand le sperme vient d'une banque de sperme, c'est plus clair, il y a des règles d'éthique en médecine là-dessus. Mais, quand le sperme vient d'ailleurs, le médecin a très peu de contrôle sur ce qui se passe.

M. Gautrin: Je vous remercie, ça clarifie ce que... Donc, ce que vous nous dites essentiellement, c'est que mettre les mots «médicalement assistée» en soi n'ajouterait ou créerait plus de confusion à l'intérieur du projet de loi.

Mme Igartua (Karine J.): J'ai l'impression que si on ajoute ce terme, il faudrait le définir.

M. Gautrin: Parfait. Merci.

n(11 h 30)n

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, mesdames, pour votre participation aux travaux de cette commission ce matin.

J'invite la représentante de la Coalition des gais et lesbiennes du Québec à prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, s'il vous plaît, mesdames. Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 31)

 

(Reprise à 11 h 34)

Le Président (M. Lachance): Alors, nous allons reprendre nos travaux, et je vois que Me Ouellet est déjà prête. Alors, Me Ouellet, pour la Coalition gaie et lesbienne du Québec, je vous cède la parole, et vous avez 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur ce projet de loi.

Coalition gaie et lesbienne du Québec (CGLQ)

Mme Ouellet (Claudine): Alors, bonjour, tout le monde. Au nom de la Coalition gaie et lesbienne du Québec, ça me fait plaisir d'être ici, devant vous. Pour la présentation de mon organisme, je vous réfère au mémoire qui a été déposé en février, et les réalisations, et ainsi de suite, c'est tout là-dedans. Je vais essayer d'être droit au but et prendre peut-être le moins de temps possible. Et, en plus, je dois souligner le fait qu'une présentation aussi éloquente que celle qui a été faite par collègues et consoeurs, juste avant la mienne, même la personne la plus aguerrie s'en trouverait impressionnée.

Il y a certaines choses qui ont à la fois écorché mes oreilles depuis hier, mais je vais pas vous en faire la liste, c'est pas nécessaire. Je vais simplement peut-être ramener les principes directeurs puis ce qui a inspiré ce que le gouvernement veut faire avec le projet de loi n° 84. Mais, avant de faire ça, j'aimerais juste souligner une chose. Il n'y a personne qui est venu ici vous demander de faire un film à la Spielberg en voulant inventer du clonage humain ou quoi que ce soit. Il n'y a personne de nous qui vous a demandé quoi que ce soit, de changer quoi que ce soit là-dedans. Ce qu'on vous demande depuis le début, et ce, depuis 1977, c'est d'avoir les mêmes choix, les mêmes droits, les mêmes responsabilités et dans les mêmes modalités autant que faire se peut. Et c'est dans cet esprit que le gouvernement du Québec a répondu à l'appel et qu'il, dans une démarche cohérente, présente aujourd'hui le projet de loi n° 84.

Bien sûr que la Coalition, on est d'accord avec les recommandations qui ont été faites concernant le jeu de rôles. Ça me fait toujours drôle quand je me fais demander, en conférence ou en atelier, qui fait le gars chez nous. Bien, ça dépend, celle qui est plus proche de la tondeuse ou des poubelles. Alors, je n'aimerais pas retrouver cette même allégation dans le Code civil, à savoir, c'est celle qui est la plus proche de la tondeuse ou de la poubelle qui va faire le gars, ou du lave-vaisselle aussi, bon. Alors, les rôles, si c'est possible, d'être capable de regarder ça d'un oeil nouveau, avec une attitude novatrice, qui est notre caractéristique ici, au Québec. Si ça existe pas, on va l'inventer, s'il le faut, mais peut-être essayer de briser le cycle du stéréotype, s'il vous plaît.

Ensuite, une autre remarque, c'est que, en fait, le droit à l'égalité, c'est inspiré, bien sûr, dans notre charte et dans la Déclaration universelle, mais ça s'applique aussi aux enfants. Alors, si dans la démarche qu'on entreprend, on garde à l'esprit que cette charte-là s'applique aussi aux plus petits humains d'entre nous, alors il n'y a pas de crainte à y avoir si, à un moment donné... Concernant l'application de certaines dispositions concernant les enfants des unions de fait, je pense que notre jurisprudence est capable aussi de pallier à cette lacune en ce qui a trait à l'application de la résidence familiale et instituer certains bénéfices. Il y a aussi des dispositions qui existent également dans le Code civil pour pallier à ça. Il ne restera plus rien que, à un moment donné, à voir peut-être à clarifier, mais ça peut être aussi un autre débat.

La filiation, bien sûr que ça s'établit par déclaration à l'acte de naissance par jugement d'adoption et ça vise à rendre les parents responsables de leurs enfants, quel que soit le statut civil ou matrimonial, mais aussi quelles que soient les circonstances de la naissance des enfants. Il en va de même finalement avec les grands principes qui nous ont amenés ici. En fait, c'est qu'on ne veut pas que les enfants puissent subir quelque discrimination que ce soit de par les circonstances de leur naissance, ou de par les choix de leurs parents, ou de par l'état civil, la composition de genre de la famille comme telle.

Concernant le mariage, c'est, à notre avis, une institution civile qui est soumise à la charte. D'un autre côté, on a la liberté de religion qui ne s'en trouve absolument pas entravée, d'aucune façon, puisque le mariage religieux continue d'exister. Et il n'y a personne encore ici qui est venu revendiquer le droit au mariage religieux. Chaque personne est libre d'exercer la foi qu'elle pense être la sienne et que cette liberté de religion là ne doit pas être exercée non plus en contravention des droits qui sont inhérents à la personne. Tu sais, si le fait d'avoir les cheveux gris, ou les yeux verts, ou le fait d'être handicapée est inhérent à la personne, toute autre liberté, finalement, ne doit pas venir entraver le fait qu'une personne détient des droits qui sont inhérents et rattachés à sa personne.

n(11 h 40)n

Concernant la famille et la crainte apocalyptique exprimée des fois, on a juste à regarder ce qui s'est passé ailleurs. On a fait état de ce qui se passe dans d'autres pays, entre autres les Pays-Bas. Mais regardons la Scandinavie et les autres provinces canadiennes où des dispositions similaires existent déjà depuis un bout de temps. Éric Moreau, dans Le Soleil du 13 mai, a conclu son article avec beaucoup d'éloquence en disant qu'il n'y a personne qui a déchiré sa chemise sur la place publique. Il n'y a pas moins de couples hétérosexuels, il n'y a pas moins d'enfants qu'il y en avait, il n'y a pas moins de mariages qu'il y en avait chez les... Bref, la famille n'a pas explosé autrement que les explosions qui ont eu lieu avant, et ce n'était pas dû au fait que le mariage civil était maintenant... incluait les conjoints de même sexe, ou que l'adoption était permise, ou encore que les liens de filiation avaient été reconnus, ou soit pour des techniques de reproduction.

Alors, il faut avoir le recul nécessaire pour regarder ce qui s'est fait ailleurs, mais regarder aussi ce que ça a changé ou ce que ça a fait. Et je pense que, sans prêcher par excès d'optimisme ni trop de prudence de l'autre côté, il faut regarder comment notre société, à nous, a évolué, il faut regarder comment... Tu sais, c'est... Les femmes se sont battues pour le droit de vote contre les mêmes institutions qu'aujourd'hui, nous, on vient en confrontation pour des choses, des droits qui vont faire évoluer notre société.

Le Québec a continué à évoluer, depuis la Révolution tranquille, à un rythme effréné. On s'étourdit soi-même des fois. Mais il faut regarder aussi avec quelle sagesse cette évolution a été reçue par la population. Le gouvernement, en fait, aujourd'hui, est le reflet de la modernité de la société québécoise, et, en fait, est fidèle au souhait de sa population, et respectueux aussi de sa charte. Le projet de loi n° 84 s'inscrit dans une démarche qui est cohérente de l'évolution. Les droits humains ne doivent jamais faire l'objet de marchandage. Ils sont indissociables.

La véritable survie de la société québécoise repose sur sa volonté de respecter les droits de la personne et dans le respect aussi de ses institutions démocratiques. Et je pense que tout le cheminement autour du projet de loi n° 84 est une illustration tout à fait éloquente de ce processus démocratique. Toute personne qui voulait venir se faire entendre est venue ici, et je pense qu'il n'y a personne qui s'est fait battre en sortant d'ici en ayant des propos auxquels... qu'on n'endossait pas nécessairement. La liberté d'expression, c'est quelque chose qui est sacré au Québec, et je pense que tout le monde a pu respecter les opinions, même confrontantes, des fois.

Et je tiens à vous remercier grandement d'avoir mis autant d'énergie et d'ouverture à nous entendre. Et, de notre côté, ça a été un plaisir de travailler en collaboration avec vous toutes et tous. Et j'espère simplement avoir la possibilité de, très bientôt, avoir la joie de célébrer cette nouvelle législation qui va faire encore une fois l'histoire du Québec. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, Me Ouellet, au nom de la Coalition des gaies et lesbiennes du Québec. M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: Merci, Mme Ouellet. Je pense que c'est assez significatif que vous soyez en conclusion des travaux de la commission et que, dans les faits, vous avez non pas pointé spécifiquement telle ou telle mesure, mais tenté de faire un tour de piste en montrant ce qu'était le projet de loi, mais surtout peut-être ce que les gens demandaient, ce qui n'est pas l'exception, ni d'avoir plus, ni d'avoir différent, mais d'avoir les mêmes droits.

Ce qui est peut-être la marque de la commission, c'est d'être partie initialement ? surtout à compter de la commission... la première qui a eu lieu au mois de février ? c'est d'être partie sur une institution qui était l'union civile et d'avoir découvert que, même si on le savait ? on l'avait mis de côté pour justement entendre les gens là-dessus... c'est que les gens sont venus se prononcer sur ce qu'il manquait dans l'avant-projet de loi et que la société réclamait et que les gens réclamaient, mais, surtout, et c'est là le point fort, je pense, de tous nos travaux, c'est que les enfants du Québec voulaient, avaient le droit d'avoir. Et c'est assez particulier comme phénomène.

Certains pourraient dire, si ça n'avait pas été voulu comme approche, qu'il y a eu dérive de la commission, qu'on est parti de l'union d'adultes et nous avons parlé des enfants de ces adultes-là. Alors, c'est assez particulier. Mais je pense que, par le choix que nous avions fait, de consulter sur ça a fait en sorte qu'on est passé de l'un à l'autre, mais, à la fin, on a un produit qui est complet, je m'excuse de vous parler du projet de loi comme étant un produit, mais un résultat qui est complet, et toutes les facettes de la problématique ont été abordées, sondées.

Et, comme vous dites, on n'est pas tous du même avis et toutes du même avis, et c'est ça, une société. Ce n'est pas l'uniformisation, l'unanimité, c'est la divergence, mais la divergence dans l'écoute, dans la compréhension et dans le respect des autres. Et je pense que cette commission a bien démontré cela. Et je voudrais vous remercier, vous, pour tout le monde qui ont comparu devant nous depuis le mois de février. Merci.

Mme Ouellet (Claudine): C'est moi qui vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre.

Mme Ouellet (Claudine): Si vous me permettez un petit, petit commentaire là-dessus, c'est que le souci de la famille et des enfants, ce n'est pas quelque chose qui est nouveau. On n'est pas désincarné. On est très, très Québécois et Québécoises, élevés dans la même culture que tout le monde. On a été élevés, la majeure partie de nous, par un père et une mère. En ce qui me concerne, ça fait déjà plusieurs années que je ne suis plus aussi toute petite que l'étais, mais on sait très bien que la mère était le centre de la maison, avec les enfants autour. Alors, c'est ces valeurs-là qui se sont transportées. Et ce n'est pas parce qu'on est d'une orientation sexuelle différente qu'on est des humains si différents que ça dans le fond. On partage les mêmes inquiétudes, les mêmes aspirations, on a les mêmes rêves, on achète aussi des 6/49 comme tout le monde, on a aussi les mêmes préoccupations concernant l'éducation de nos enfants et la fin de la discrimination sous toutes ses formes. Alors, c'est les générations qui nous ont précédées qui nous ont transmis en fait ces valeurs-là, qui ont été modernisées, bien évidemment, mais on est partie intégrante de cette société-là. Et, merci, aujourd'hui, de reconnaître qu'on est là aussi.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée... Oui?

M. Gautrin: Mais je vous suggère de ne pas acheter de 6/49, la probabilité de gagner est très faible.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Une chance sur 14 millions.

Mme Ouellet (Claudine): Oui, mais entre zéro et... c'est déjà beaucoup.

Mme Lamquin-Éthier: ...les gens vont en acheter.

M. Gautrin: Oui, oui, je sais, mais...

Mme Lamquin-Éthier: On partage votre espoir, Mme Ouellet.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée, vous avez la parole. Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: On vous souhaite...

Mme Ouellet (Claudine): ...

Mme Lamquin-Éthier: Oui, oui, on vous souhaite même de gagner.

Mme Ouellet (Claude): Merci.

Mme Lamquin-Éthier: Ça nous ferait extrêmement plaisir. Vous êtes intervenue en dernier lieu et vous avez, comme disait le ministre, bien résumé, vous avez fait un tour de piste très éloquent. Vous avez rappelé ce qui était important, ce que vous aviez exprimé. Alors, moi, je voulais vous remercier encore une fois de votre participation aux travaux de la commission.

Mme Ouellet (Claudine): Je tiens à vous remercier, puis...

M. Gautrin: On pourrait rajouter... On vous invite aussi ? parce qu'on n'a pas terminé notre travail, nous ? si vous voulez... Vous avez suivi et vous avez été notre public assidu. Maintenant, on commence l'étude article par article. Alors...

Mme Ouellet (Claudine): On va certainement avoir l'occasion de se revoir, et je vais mettre mon chapeau plus légaliste à ce moment-là. Mais il y a peut-être un dernier souhait, mis à part la Super 7 ? la 6/49, c'était hier je pense...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: ...je suis la question.

Mme Ouellet (Claudine): Tant qu'à faire la liste d'épicerie, c'est aussi bien de la donner au complet.

Mme Lamquin-Éthier: Ça, c'est pour vos espoirs de gagner.

Mme Ouellet (Claudine): C'est ça. J'ai peut-être un dernier souhait à exprimer. Tous autant qu'on est, bien sûr qu'il y a bien des gens qui ont exprimé le désir d'être présents. J'aimerais seulement vous rappeler peut-être que tous les gens qui ont ces... Et, ensuite, que ça puisse se faire dans un délai raisonnable pour qu'on puisse...

M. Bégin: Écoutez, personne ne peut s'engager au nom de l'Assemblée nationale. Cependant, ce que l'on peut dire ici, c'est que mardi prochain, nous entreprendrons l'étude article par article. Le projet de loi est volumineux en apparence, mais les articles de fond sont relativement limités, 24, 27. Une fois que ce travail sera fait, on aura plutôt des articles qui vont être introduits un peu partout dans les lois pour être en conformité au principe qu'on vient d'adopter. Donc, on l'entreprendra mardi. Le temps qu'il faudra, on le verra, c'est selon, mais on peut penser que l'on pourrait peut-être au cours de la semaine prochaine avoir terminé les travaux d'étude article par article.

Par la suite, normalement il y a un rapport qui est fait par le président ici, à l'Assemblée nationale, dans les jours qui suivent. Et, par la suite, selon ce que leader du gouvernement décide, un vote est appelé en troisième lecture, et ça, c'est connu quelques jours à l'avance.

Donc, pour reprendre ce que vient de dire le député de Verdun, on pourra informer les gens qui sont concernés. On sent bien que ce projet de loi intéresse plus que d'habitude des gens dans la société. Vous voulez être présents. Je pense que, de part et d'autre, on pourra partager les galeries et s'assurer que vous ayez une place pour être présents et présentes au moment où ça se fera. Je pense qu'on apprécie, nous aussi, que vous soyez là. Ça montre à quel point nos travaux vous concernent et qu'ils ont une valeur... Pardon?

Mme Lamquin-Éthier: ...nombre de place dans les galeries...

n(11 h 50)n

M. Bégin: Oui, c'est ça, il y a un nombre de places limité, quand même. Alors, faites-les savoir. Vous pouvez communiquer avec mon cabinet, peut-être avec l'opposition aussi, pour avoir des places, et faire ça le plus tôt possible. Mais c'est une place, en principe, est-ce qu'il faut connaître la date avant la réservation?

Mme Lamquin-Éthier: L'identité de la personne.

M. Gautrin: Excusez-moi, il faut savoir la date, tu ne peux pas réserver les galeries pour tout le temps, pour toute la session.

M. Bégin: Alors, c'est à vous de suivre comme vous l'avez fait jusqu'à présent.

Mme Lamquin-Éthier: Il aimerait bien ça.

M. Bégin: Quand est-ce que ça s'en viendra, on le saura au moins quelques jours à l'avance. Alors, le bouche à oreille fonctionnera, puis on donnera suite.

Mme Ouellet (Claudine): Mais je ne pense pas me tromper en même... en traduisant peut-être la pensée de mes collègues, c'est que, en fait, ça s'est commencé ensemble, et je pense que ça va se terminer ensemble. Et, tant et aussi longtemps que vous garderez dans la mire que la discrimination sur orientation sexuelle ce sera quelque chose du passé bientôt, vous aurez certainement les communautés pour vous soutenir et ainsi que nos familles, nos alliés et une grande partie de la communauté hétérosexuelle aussi.

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci. Ceci met fin aux auditions publiques sur le projet de loi n° 84. Et, là-dessus, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 11 h 51)


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