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Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Thursday, November 14, 2002 - Vol. 37 N° 97

Consultations particulières sur la réforme du mode de scrutin au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! s'il vous plaît. À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des institutions ouverte.

Je rappelle le mandat de la commission: c'est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative sur la réforme du mode de scrutin au Québec.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Pelletier (Chapleau) est remplacé par M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, je souhaite la bienvenue à tous les membres de la commission, en vous disant qu'avec la qualité des personnes que nous allons accueillir il n'y a pas de doute que ça va être une très bonne journée.

Alors, je donne un aperçu de l'ordre du jour. D'abord, les...

M. Gautrin: ...au Sommet des régions.

Le Président (M. Lachance): D'abord, les remarques préliminaires de part et d'autre des parlementaires. Quinze minutes qui sont prévues pour les députés ministériels, 15 minutes pour les députés de l'opposition officielle. Et je sais que le député de Vimont, comme membre de l'ADQ, veut intervenir également.

Il y aura ensuite notre premier invité, M. Vincent Lemieux. Par la suite, pour terminer nos travaux cet avant-midi, M. André Blais, lui, qui est de l'Université de Montréal. Nous allons suspendre nos travaux vers 12 h 30 et nous allons ensuite revenir avec M. Henry Milner, de l'Université Laval, et finalement M. Louis Massicotte, de l'Université de Montréal. Et nous terminerons avec les remarques finales des députés.

M. le député de Westmount?Saint-Louis, vous voulez intervenir?

M. Chagnon: Voulez-vous que je commence les remarques préliminaires?

Remarques préliminaires

M. Claude Lachance, président

Le Président (M. Lachance): Si vous permettez, on va y aller du côté ministériel et, par la suite, vous pourrez y aller à votre tour.

Alors, écoutez, je pense que tout le monde se souvient qu'il y a 11 mois ? ça peut avoir paru long pour certains et court pour d'autres ? c'était le 19 décembre 2001, la commission des institutions, qui était alors présidée par notre collègue Roger Bertrand, député de Portneuf, s'était donné un mandat d'initiative concernant la réforme du mode de scrutin.

Et ce mandat se lisait comme suit: D'abord, évaluer le mode de scrutin en vigueur au Québec et étudier les différentes avenues de réforme du mode de représentation, en mesurer les impacts sur la représentation, celle des régions notamment, sur le rôle et le fonctionnement des institutions parlementaires, sur la formation et la stabilité des gouvernements et, de façon plus générale, sur le système politique québécois.

Cette décision de décembre 2001 n'est pas le fruit du hasard. C'est que, depuis quelque temps, le mode de scrutin fait régulièrement les manchettes des médias, surtout les médias écrits. Et le système actuel, le scrutin majoritaire uninominal à un tour, même s'il a ses défenseurs, a reçu de nombreuses critiques concernant surtout son inaptitude à bien traduire les intentions des électeurs en nombre adéquat de sièges à l'Assemblée nationale. Les partisans d'une réforme font remarquer que le mode actuel est peu représentatif des choix électoraux, comme en témoignent les distorsions entre le pourcentage de votes exprimés pour un parti politique et le nombre de sièges qu'il obtient au Parlement québécois. On sait que ce déséquilibre s'est manifesté au Québec à trois reprises au XXe siècle, plus récemment en 1998 mais aussi en 1944 et surtout, surtout en 1966, le 5 juin 1966. D'ailleurs, la seule élection qui s'est tenue un dimanche au Québec où, on s'en rappellera, l'Union Nationale, contre toute attente, avait remporté l'élection vis-à-vis du Parti libéral de M. Lesage, comme résultat que le parti qui avait reçu le plus de votes lors des élections s'est retrouvé dans l'opposition. Notre mode de scrutin actuel est donc présenté par de nombreuses personnes, tant au Québec qu'au Canada et dans d'autres pays qui ont un système semblable au nôtre, comme inéquitable par rapport aux choix des électeurs.

Au Québec, notre mode de scrutin est analysé sous plusieurs angles depuis plusieurs années, mais cette question ne doit pas rester entre les mains des spécialistes. Il est donc temps de donner la parole à la population et d'obtenir l'avis des citoyens, ce qui constitue une condition essentielle à la prise d'une décision touchant l'opportunité d'une réforme. Et un des buts du document de consultation, d'ailleurs qu'on peut se procurer, que vous avez entre les mains ou qui est disponible sur Internet, eh bien c'est justement d'informer le public et de lui donner des éléments lui permettant de réfléchir à cette question.

La commission invite donc la population, dans le cadre de la consultation générale que ce document vient appuyer, à donner son avis sur cette question cruciale pour l'état de la démocratie québécoise. Et je voudrais terminer ici mon intervention, avant de céder la parole à mon collègue de Saint-Hyacinthe, en indiquant que nous avions manifesté le désir de nous rendre dans certaines villes, dans une dizaine de villes, et je les nomme de nouveau: Rouyn-Noranda, Saguenay, Baie-Comeau, Gaspé, Rimouski, Montmagny, Trois-Rivières, Sherbrooke, Montréal et Gatineau.

n (9 h 40) n

Mais il y a une condition à ça, et elle est très importante. Toujours faut-il qu'on nous indique qu'il y a de l'intérêt dans ces lieux pour pouvoir s'y rendre. Parce que sinon, s'il n'y a pas d'intérêt ou s'il y a une ou deux personnes, je pense que c'est assez évident qu'on ne se déplacera pas pour faire simplement du tourisme au Québec; il y a d'autres façons de le faire, à d'autres moments.

Une voix: ...

Le Président (M. Lachance): Ha, ha, ha! Du missionnariat. Alors, là-dessus, je cède la parole à notre collègue le député de Saint-Hyacinthe.

M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. Je serai bref parce qu'il y a très peu de temps disponible, et je sais que mes collègues ont sans doute des choses très importantes à dire. Mais je veux quand même dire quelques mots pour rappeler nos objectifs fondamentaux. Que l'on soit d'un parti politique ou de l'autre, ce qui nous intéresse dans le cadre de cet exercice-là, c'est la démocratie, c'est: Comment peut-on... Est-ce qu'il est possible et, si oui, comment peut-on améliorer la démocratie qui est la nôtre?

Alors, qu'est-ce que c'est que la démocratie? Qu'est-ce que c'est que la démocratie? Évidemment, vous allez dire, je vais chercher ça un peu loin, ce n'est pas de ça dont il s'agit, il s'agit du système électoral. Mais, le système électoral, c'est pour servir la voix du peuple. Alors, pour moi, la démocratie, je dirais que la démocratie, c'est la fille de la liberté. La liberté, c'est quoi? C'est la capacité pour une personne de choisir pour elle-même ? la capacité au sens concret ? le pouvoir de choisir pour elle-même ce qui lui convient. Quand on applique ça à un peuple, la démocratie: La démocratie, c'est la capacité pour le peuple de choisir pour lui-même ce qui lui convient.

On connaît tous la vieille formule: la démocratie, c'est le gouvernement du peuple, pour le peuple, par le peuple. Donc, ça a du bon sens. C'est vite dit, mais ça se fait comment? Dans un État comme celui du Québec, 7 millions de personnes, on est pas mal à avoir envie de peser de tout notre poids ? relatif, bien entendu ? sur les décisions gouvernementales. Mais en fait comment peut-on y arriver? Évidemment, dans les systèmes occidentaux de démocratie, on a choisi la démocratie par représentation. Alors donc, on choisit des représentants, on les choisit par mode électoral ? c'est un vieux, vieux, vieux, vieux système qui a été consacré pour la première fois chez nous en 1791. Alors, on élit quelqu'un. Alors, comment est-ce qu'on fait pour élire quelqu'un? Alors, évidemment, on a tous une expérience des systèmes électoraux. On a vu tout à l'heure, et M. le président nous a rappelé certaines critiques qui existent autour de notre système: système uninominal, on vote pour une personne, quelle qu'elle soit, mais on vote pour une personne. On ne vote pas pour un groupe de personnes, dans notre système, on vote pour une personne que l'on reconnaît comme étant plus représentative de ce qu'on est et de ce qu'on cherche, ou bien qu'on reconnaît comme étant sinon la meilleure, du moins celle qui convient le mieux dans les circonstances. Mais comment on exprime ça? Donc, dans le vote uninominal, on vote pour une personne en particulier. Dans d'autres systèmes, on va voter pour un groupe de personnes.

En soi, les systèmes sont tous bons et sont tous équivalents. Dans le nôtre, on dit que le problème fondamental sur lequel on bute à tous les 10, 12 ou 15 ans, c'est qu'il y a une distorsion entre le nombre de votes exprimés et le nombre de députés élus, comme aux dernières élections par exemple. Et ça, on dit: Ce n'est pas acceptable. Bon, si c'était une distorsion minime, peut-être qu'on ne dirait rien, mais, quand ça rejoint plusieurs dizaines de milliers de personnes, bien on dit: Ce n'est pas acceptable, il faut changer ça.

Alors, d'un côté, on cherche le fait qu'un vote ait le même poids qu'un autre vote, par rapport à l'élection de représentants. C'est ça, la question fondamentale. D'autres vont dire: Non, ce n'est pas ça, la question fondamentale, parce que, au fond, ça n'a qu'une importance relative par rapport au poids des gens sur les décisions du gouvernement. Parce qu'il y a aussi des gens qui disent: C'est important d'avoir plus de stabilité, pour s'assurer que les élus aient plus de poids face à l'appareil de l'État. C'est un autre point de vue.

Quoi qu'il en soit, ce qui est important dans la démocratie, c'est ce que les gens veulent. C'est ça qui est important. Alors, je pense que personne ne devrait dire: Ah! Moi, je ne connais pas bien, bien, je ne dirai pas ce que je pense. La démocratie, c'est pour tout le monde. C'est pour tout le monde, donc tout le monde a le droit de dire ce qu'il pense. Et, nous, notre raison d'être dans cette commission-là, c'est d'écouter ce que les gens ont à dire. Ce que nous cherchons, c'est savoir ce que le peuple veut par rapport à son système électoral, ce que les gens veulent par rapport à leur système électoral. Nous cherchons à voir: Est-il possible de dégager un consensus dans la population sur ce qu'on veut eu égard à ce qu'on a été, à ce qu'on est et ce qu'on projette pour le futur, qu'est-ce qu'on veut au plan de la représentation électorale, comment est-ce qu'on veut s'exprimer pour pouvoir participer davantage, si possible, aux grands enjeux de la politique? Je pense que c'est ça, la question fondamentale, et, nous, en ce qui me concerne, pour ma part, je suis ici pour écouter. On aura la chance d'avoir des grands spécialistes, comme M. Lemieux, qui est connu sur le plan international, et on aura l'occasion de voir des gens qui sont moins des spécialistes du système mais qui sont des gens qui ont droit de parole parce qu'ils sont des citoyens. Alors, on voudra écouter les deux et parfois, ma foi, je pense qu'on ne se privera pas de prendre le contre-pied, ne serait-ce que pour approfondir la réflexion.

Alors, pour ma part, j'attends beaucoup de cette commission et je remercie tous ceux qui se sont donné la peine de nous parvenir les magnifiques documents qu'on a reçus et qui viendront nous parler. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député de Champlain, est-ce que vous désirez intervenir?

M. Yves Beaumier

M. Beaumier: Oui, rapidement, M. le Président, et sous réserve que vous ne calculerez pas les années auxquelles je fais allusion, mais j'ai eu ce privilège, moi, au début des années quatre-vingt, étant à ce moment-là président du caucus, j'avais été référé sur un comité comme représentant du caucus ministériel, dans le temps, avec M. Lévesque, sur une première réflexion sur le mode de scrutin. Et les circonstances ? je pense que chacun s'en rappelle un peu ? les circonstances ont fait en sorte que ça n'a pas pu se développer comme certains le souhaitaient. J'étais de ceux-là, et c'est un juste retour des choses que ça nous revient, ça me revient, et j'entreprends cette fois-ci avec mémoire et avec beaucoup aussi de passion. Et, dans ce cadre-là, la journée, aujourd'hui, elle est cruciale, parce que nous avons avec nous des experts qui vont nous permettre à la fois de clarifier les faits et les enjeux, et peut-être aussi ? là je le dis très simplement ? peut-être aussi qu'il faut avoir en esprit, en environnement intérieur l'impact qu'une réforme du mode de scrutin peut avoir sur la vie parlementaire, sur aussi la carte électorale et surtout sur la représentation et la participation des citoyens à leur démocratie. Alors, c'est dans ce cadre-là que je suis très heureux d'être à cette commission et à ce mandat d'initiative. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. Est-ce que d'autres, du côté ministériel, veulent intervenir? Mme la députée de Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Peut-être quelques mots seulement pour dire, parce qu'il y a peut-être des gens qui nous écoutent aujourd'hui, pour expliquer que finalement, moi, ce que je trouve intéressant, c'est qu'on parle d'un mandat d'un mandat d'initiative. Souvent, on nous voit, les citoyens nous voient en commission parlementaire sur des mandats qu'on a eus de la Chambre, entre autres, la plupart du temps. On rencontre des groupes, on rencontre des gens qui viennent s'exprimer par rapport à un projet de loi ou autre chose, et finalement ce sont toujours... en tout cas, à peu près 99,9 % du temps, on nous voit à l'action, en tant que députés, agir selon des mandats qui nous sont confiés par le gouvernement. Alors, moi, j'aime bien apporter cette précision-là ce matin...

Il y a quelqu'un qui me conteste...

Bon, excusez-moi, mais il y a du bruit de fond...

Alors...

Le Président (M. Lachance): ...de la compétition.

Mme Carrier-Perreault: C'est ça...

M. Gautrin: On va suspendre, le temps, M. le Président... de manière que notre collègue de... C'est ça, dès qu'on a bougé, ça s'est terminé.

Mme Carrier-Perreault: ...qui s'est suspendu, on n'aura donc pas besoin de suspendre nos travaux. Écoutez, tout simplement pour dire que, ce matin, les gens qui nous voient, on est dans une situation où ce sont les députés, les parlementaires qui ont décidé de cet exercice. Et, effectivement, on nous dit que c'est un débat qui fait surface occasionnellement, qui revient assez régulièrement au Québec, mais c'est souvent...

Ça n'a pas de bon sens!

(Suspension de la séance à 9 h 50)

 

(Reprise à 9 h 54)

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, nous allons reprendre. On s'excuse pour ce contretemps hors de notre volonté. Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, veuillez poursuivre s'il vous plaît.

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Pour me résumer, finalement, il s'agit d'un débat intéressant, parce qu'initié par des parlementaires de toutes les formations politiques, un débat que nous allons entreprendre avec un grand sens de l'écoute, comme le disait mon collègue, et essayer de produire, aussi, comme ça se fait dans les mandats d'initiatives, un rapport avec recommandations, sans partisanerie, en travaillant en équipe, tous partis confondus, sur les résultats des rencontres que nous aurons eues.

Alors, c'est vrai qu'on en entend parler souvent, et ça refait surface occasionnellement au Québec. Par contre, on a aussi parfois l'impression que c'est un peu un débat d'intellectuels, que les gens se sentent parfois plus ou moins concernés, alors, moi, j'espère qu'il y a des gens qui vont se sentir concernés. Il y a des gens qui en parlent, qui réfléchissent là-dessus et qui pourront finalement nous donner leur appréciation et aussi leurs commentaires, qu'on pourra les rencontrer et qu'on aura le plus possible de témoignages à ce sujet-là, pour qu'on puisse finaliser un rapport qui soit intéressant et qui rencontre les objectifs qu'on s'est fixés. Alors, merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Mille-Îles.

Mme Lyse Leduc

Mme Leduc: Mais rapidement. Je vous remercie, M. le Président, M. Lemieux, chers collègues. Je voulais tout simplement indiquer que, si j'ai un intérêt pour l'ensemble de la démarche, quant à moi, j'ai un intérêt particulier dans cette démarche-là, et j'avais demandé à la fois aux spécialistes et aux gens qui viendront témoigner, dans le fond, quel est, à leur avis... ou y a-t-il une façon, un mode de scrutin qui va permettre d'avoir une plus grande représentation des femmes dans les différentes Assemblées nationales. Parce que, même si le Québec est un de ceux qui a le taux plus élevé, à 27 % de femmes dans son Assemblée, c'est quand même le scrutin majoritaire et uninominal à un tour qu'on dit non favorable.

Alors, j'aimerais ça si les différentes personnes qui s'adressent à nous pouvaient aborder sous cet angle-là aussi le fait: Est-ce qu'on peut arriver plus rapidement à plus de femmes, selon les différents mode de scrutin? Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci. Le message est bien passé, ça a été bref et bien compris.

Alors, M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, chers collègues des trois partis politiques qui sont ici aujourd'hui. Je pense qu'effectivement il faut noter que cette commission parlementaire émerge de la volonté même des parlementaires. C'est-à-dire que c'est un mandat d'initiative que les parlementaires se sont donné pour regarder leur mode de scrutin. Je pense que la députée de Chutes-de-la-Chaudière avait tout à fait raison de le mentionner, comme vous l'avez fait d'ailleurs au début de votre présentation, M. le Président.

Toutefois, on vit dans une situation un petit peu curieuse, où les trois partis politiques qui sont représentés ici, à cette commission, ont tous et chacun dans leur programme électoral, parfois depuis longtemps, parfois depuis moins longtemps, peu importe, pris une certaine avance, je dirais, sur la population en général. Dans les trois cas des partis politiques, les trois cas, les partis politiques sont, je dirais, unanimes pour comprendre qu'une meilleure représentation des différentes opinions à l'intérieur de la société serait plus effective par le renforcement de notre démocratie d'une composante de proportionnelle. C'est à peu près, sans tomber dans les formules de l'une ou l'autre des partis, parce que, dans le fond, je ne pense pas qu'il y ait aucun parti politique qui se soit attardé sur une formule en tant que telle, mais généralement les partis politiques s'entendent pour dire que l'idée d'avoir une partie de proportionnelle dans notre mode de scrutin permettrait une plus juste représentativité des différentes opinions, des différents courants d'opinion dans notre société.

Toutefois, on est bien obligé de constater que c'est un débat, comme vous le souligniez d'ailleurs, qui est un peu éthéré. On n'est pas très nombreux à discuter de ces questions-là ailleurs. Il y a heureusement quelques mouvements qui viennent de partir depuis quelques années et qui semblent vouloir brasser un peu la situation dans cette galère; c'est une excellente chose en soi. Parce que je pense que notre commission parlementaire ? puis, entre autres, avec les conseils savants que nous aurons dans la journée d'aujourd'hui qui est la journée des spécialistes, au premier chef M. Lemieux, qui est peut-être le doyen des spécialistes dans ces questions-là et qui a dû former tous les autres qu'on va rencontrer à peu près plus tard, ha, ha, ha! ? je pense que le premier rôle de notre commission devra être un rôle de pédagogie. Sur cette question, on reçoit quelques mémoires, puis, au moment où on s'en parle, je pense que c'est une douzaine de mémoires, peut-être, mais on ne peut pas dire qu'on a été absolument assailli par le nombre de mémoires qui auraient pu nous parvenir.

M. Gautrin: Ça viendra.

M. Chagnon: Peut-être qu'ils viendront. Mais une chose est certaine, c'est que ce n'est pas un sujet qui fait battre les gens dans les autobus ni dans le métro, ni à Montréal ni ailleurs, et c'est un sujet qui est peut-être un peu complexe. Alors, c'est à nous de relever le défi, de le décomplexifier puis de le rendre plus facile de compréhension pour les gens.

Mais, en même temps, c'est un sujet qui est extrêmement important pour faire en sorte que notre démocratie soit, encore une fois, non seulement la plus représentative, mais la plus près, finalement, des volontés de chacun des citoyens au Québec, pour faire en sorte qu'il y ait de moins en moins de citoyennes et de citoyens au Québec qui pensent que leur vote n'est plus important parce qu'ils sont dans une situation où leur vote ou leurs idées ne sont pas nécessairement majoritaires. Et, dans ce cadre-là, je pense qu'il y a lieu de continuer à travailler comme nous le faisons et d'inviter les gens à venir nous rencontrer le plus possible. Mais je pense qu'au départ notre commission parlementaire aura, profondément et fondamentalement, un rôle pédagogique à jouer. Merci, M. le Président.

n (10 heures) n

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Verdun.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Deux points. Pour clarifier les choses par rapport à ceux qui nous écoutent, je voudrais préciser qu'il y a deux consultations en cours, une qui est une consultation menée par l'Exécutif... Et dans son pouvoir, qui est le propre de l'exécutif de réfléchir sur l'ensemble des institutions ? et, je parle, quand je dis l'«exécutif», c'est bien sûr le gouvernement ? sur l'ensemble de la question des institutions, et ceci va être soumis, disons, au débat contradictoire entre les formations politiques.

Nous sommes dans un cadre totalement différent, M. le Président, nous sommes ici un groupe de parlementaires qui par consensus ? et je tiens à insister, là, ma collègue de Chutes-de-la-Chaudière l'a dit tout à l'heure, par consensus ? parce que dans nos trois programmes politiques, et j'inclus mon collègue député de Vimont, représentant de l'ADQ, dans ce consensus, nous avons tous, dans chacun de nos partis politiques, été conscients que le mode de scrutin tel qu'il existe aujourd'hui crée des distorsions qui sont malsaines pour la démocratie. Et nous avons fonctionné non pas dans un cadre qui est souvent le cadre du Parlement qui est un cadre conflictuel, M. le Président, mais nous avons fonctionné dans un cadre dans lequel, de part et d'autre, nous défendons à peu près les mêmes idées, c'est-à-dire être en mesure d'écouter la population.

Il est important de comprendre que notre système que nous avons actuellement, c'est-à-dire le scrutin nominal à un tour où chaque député représente une partie du territoire québécois, hérité de l'Angleterre, qui date de plusieurs siècles, au moment où les communications étaient différentes, difficiles et bien différentes... Rappelez-vous, ceux qui ont lu, il y a... au moment où le Parlement a publié, en 1992, ce qui s'était passé il y a deux cents ans, les gens qui venaient à Québec étaient obligés de rester les six mois pendant que la session siégeait, il y avait des difficultés pour venir siéger parfois parce que les rivières, on ne pouvait pas les passer, on avait des parlementaires qui arrivaient en retard parce qu'ils n'avaient pas pu passer telle ou telle rivière à gué parce qu'il y avait des inondations.

Donc, on a changé complètement aujourd'hui. D'une part, les moyens de transports sont beaucoup plus faciles et, depuis maintenant trois à quatre ans, les moyens de communication électroniques que représente l'Internet, qui est en train de s'étendre à chacun de nos concitoyens, va modifier en profondeur les rapports entre le citoyen et ses élus. Et c'est dans ce cadre-là que nous devons faire notre réflexion à savoir qu'est-ce que le groupe de personnes qui sont réunies ici, au parlement, pour représenter la population québécoise, comment les choisir de manière à faire en sorte que chacun se sente le mieux représenté par ces parlementaires.

Donc, c'est le travail que l'on fait. Comme mon collègue de Westmount?Saint-Louis l'a rappelé, il y a beaucoup d'écoute, mais aussi beaucoup d'éducation, que nous devons faire, et nous entreprenons cette commission avec un esprit d'ouverture.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Verdun et vice-président de la commission. M. le député de Vimont.

M. François Gaudreau

M. Gaudreau: Merci, M. le Président. Bien, écoutez, tout d'abord, je dois dire qu'on est tout en accord avec le choix de la commission, un mandat d'initiative qui devait être pris, et on félicite le choix. Maintenant, on parle de révision du mode de scrutin, et on peut parler du fait que M. Lévesque a été un précurseur en son temps de cette volonté de changement. On parle beaucoup du fait que la députation se doit d'être le reflet d'un choix démocratique des citoyens électeurs, et on est en accord avec ça.

La seule problématique présentement, c'est qu'on ne peut pas que toucher le mode de scrutin, il faut y aller avec une réforme plus en profondeur, c'est-à-dire toucher au fait que le premier ministre doit être élu par suffrage universel, que les élections générales doivent se tenir à date fixe, alors c'est tous des éléments qu'on devrait regarder en plus de regarder une nouvelle façon pour un mode de scrutin qui va vraiment représenter le choix des citoyens. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Vimont. Alors, ceci met... Oui, Mme la députée de Viger?

Mme Anna Mancuso

Mme Mancuso: Oui, merci, M. le Président. Moi, à mon tour aussi, je voudrais participer à ce débat. Et, comme élue récemment dans un comté qui se voit à disparaître, c'est une autre perspective que j'amène, parce qu'on se doit de se poser la question: Comment est-ce que les citoyens et citoyennes du Québec sont représentés? et si notre mode de scrutin présentement est le mode qui le plus apte à le faire.

Deuxièmement, j'aimerais aussi espérer que pendant cette consultation on aura aussi l'opportunité de considérer la représentation des femmes au sein du Parlement, et aussi la représentation des communautés culturelles. Ce sont deux groupes de personnes qui pourraient être en sorte avantagées, s'il y a un mode de scrutin proportionnel qui est ajouté à notre présent mode de scrutin. Donc, ce sont des questions que j'aimerais aborder au courant de cette séance aujourd'hui, mais au courant de la consultation générale qui aura lieu à travers le Québec dans les prochains mois. Donc, merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme la députée de Viger. Alors, ceci met fin à l'étape de nos remarques préliminaires, et nous allons maintenant entreprendre l'audition avec notre premier invité, M. Vincent Lemieux, professeur émérite à l'Université Laval, au Département de science politique. Alors, bienvenue à M. Lemieux et merci d'avoir accepté notre invitation de venir nous rencontrer ce matin.

Et, selon les règles qu'on s'est données, mais je vais faire preuve de passablement de souplesse, vous auriez, si vous le désirez, 25 minutes pour nous faire part de vos commentaires, et par la suite il y aurait deux blocs de 25 minutes, un du côté ministériel et l'autre du côté de l'opposition.

Auditions

M. Vincent Lemieux, Université Laval

M. Lemieux (Vincent): Merci, M. le Président. Alors, je suis très heureux de venir témoigner devant votre commission. Ça me rappelle d'ailleurs des souvenirs. Vous avez dit que j'étais le plus ancien, pour ne pas dire que j'étais le plus vieux des experts que vous alliez rencontrer aujourd'hui. Alors, j'avais participé en 1972, c'est-à-dire il y a 30 ans, aux débats de la commission ? je ne me souviens plus du nom qu'elle avait à ce moment-là ? qui avait été formée après l'élection de 1970 pour examiner la réforme de la carte électorale mais aussi celle du mode de scrutin.

Alors, je vais faire quatre choses dans ma présentation, du moins j'ai divisé mon plan en quatre. Je vais d'abord vous faire part de quelques observations générales sur les modes de scrutin; ce sera relativement bref. À la demande du secrétaire de la commission, M. Breault, je vais aussi vous parler un petit peu de l'histoire, des tentatives de réforme du mode de scrutin au Québec, tentatives auxquelles j'ai participé en fait dans tous les cas, de façon à tirer peut-être des leçons en vue de l'exercice que vous faites actuellement.

Deuxièmement, c'est-à-dire troisièmement, plutôt, je vais vous faire part des évolutions récentes qui se sont produites à travers le monde et dans certains pays qui ont modifié leur mode de scrutin, dans les années quatre-vingt-dix, encore là pour tirer peut-être quelques leçons. Et, finalement, bien je vais proposer le mode de scrutin qui me semblerait le plus approprié, à supposer qu'on change le mode de scrutin actuel, c'est-à-dire un mode de scrutin mixte qui soit correctif, dont la composante proportionnelle, si on peut dire, soit corrective des résultats obtenus dans l'élection des députés locaux. Parce qu'il y aurait toujours évidemment, dans ce mode mixte, des députés locaux et avec, à côté, des députés régionaux.

Alors, quelques observations générales d'ailleurs pour commencer. Je commencerai par vous dire qu'il n'y a pas de mode de scrutin parfait, hein? C'est-à-dire, s'il y avait un mode de scrutin parfait, on l'aurait sans doute remarqué et on l'aurait choisi pour le Québec.

André Blais, qui va vous parler tout à l'heure, a présenté dans une de ses publications récentes une espèce de tableau qui montre les différents ? c'est un peu petit, là ? modes de scrutin qui existent à travers le monde. Alors, vous voyez, il y a toutes sortes d'embranchements, de petites boîtes. Donc, il y a une très grande variété. Il y a une très grande variété, et quand je dis qu'il n'y a pas de mode de scrutin parfait, c'est que... Je reprendrais d'ailleurs à ce sujet ce que disait un spécialiste anglais des modes de scrutin, il disait: Si vous insistez sur une des conséquences positives ou négatives de tel ou tel mode de scrutin, je peux facilement trouver ailleurs le même mode de scrutin qui a des conséquences tout à fait opposées, disons, à celles sur lesquelles vous insistez.

n (10 h 10) n

Donc, non seulement il n'y a pas de mode de scrutin parfait, il y a une très grande variété de modes de scrutin, mais les conséquences d'un même mode de scrutin selon qu'on les applique dans une... c'est-à-dire selon que ce mode de scrutin est pratiqué dans une société plutôt que dans une autre, les conséquences sont aussi très variables.

Les changements, je dirais en m'inspirant un peu d'ailleurs de ce qui a été fait au Québec et puis de ce qui a été fait ailleurs, les changements qu'on apporte généralement à un mode de scrutin existant, ce n'est pas pour arriver à un mode de scrutin qui n'aurait que des avantages et à peu près pas d'inconvénients. Ce qu'on fait généralement, c'est qu'on essaie de corriger les défauts les plus apparents dans le mode de scrutin existant. D'ailleurs, je pense qu'on peut dire que c'est souvent un petit peu comme ça dans les politiques publiques. On cherche à éviter le mal peut-être davantage ou tout autant qu'à poursuivre le bien, du moins si on voit les choses d'une façon un peu pragmatique.

Il y a quand même, je pense que je peux dire, chez la plupart des experts, du moins chez ceux que vous allez entendre aujourd'hui, une espèce de principe de base, d'ailleurs que vous avez exprimé, certains d'entre vous, dans vos interventions, c'est que bien sûr les élections servent à former un gouvernement, comme on dit souvent, qu'il soit minoritaire, parce qu'il y a des gouvernements minoritaires qui existent et qui se maintiennent assez longtemps, qu'il soit majoritaire, comme ça a été à peu près toujours le cas au Québec, ou de coalition. Mais ces gouvernements doivent être formés sur la base des choix électoraux qui ont été exprimés par les électeurs. Et on doit s'arranger, du moins d'après moi et d'après d'autres, pour que le mode de scrutin ne fausse pas trop la traduction des pourcentages de vote en pourcentages de sièges, c'est-à-dire avoir des gouvernements, comme c'est souvent le cas, qui ont 40 % qui forment un gouvernement majoritaire ? c'est le cas à Ottawa, c'est aussi le cas à Québec actuellement ? des gouvernements qui ont obtenu à peu près 40 % du vote ou un peu plus et qui n'en ont pas moins quelque chose comme 65 ou 70 % des sièges. Ce n'est pas tout à fait normal. Autrement dit, la formation du gouvernement doit composer avec, doit se plier aux exigences de ce qui a été exprimé par les électeurs, au lieu de vouloir former, sans trop tenir compte de ces choix électoraux, des gouvernements qu'on dit forts, stables, et ainsi de suite.

Passons rapidement à l'histoire. Je ne vous parlerai pas de 1944. On a signalé que, déjà en 1944, même si les libéraux avaient obtenu 4 % de plus... On peut dire qu'en 1944 les libéraux ont obtenu 4 % de plus que l'Union Nationale, et c'est pourtant l'Union Nationale qui a formé le gouvernement. Alors, évidemment, il y avait à ce moment-là le Bloc populaire qui a mêlé un petit peu les cartes. Et, quand on remonte à cette période-là, on voit qu'on attribuait ça surtout à la carte électorale et assez peu au mode de scrutin.

Ça a été le cas en 1966 aussi. Je pense que le cas qu'on peut dire le plus scandaleux, entre guillemets, au Québec, ça a été en effet celui de 1966, où l'Union Nationale a eu 41 % des votes, les libéraux, 47 %, et pourtant l'Union Nationale a formé le gouvernement, avec une petite, une petite majorité, 56 contre 50 sièges. Encore là, on attribuait ces résultats à la carte électorale, et puis on disait que l'Union Nationale avait profité du fait qu'elle avait gagné beaucoup de petits comtés peu populeux alors que les libéraux, eux, comme c'est encore le cas aujourd'hui, avaient gagné dans des comtés beaucoup plus populeux.

Et d'ailleurs, je me souviens que Daniel Johnson père disait ? c'est tout à fait faux: L'Union Nationale a gagné, en 1966, les deux comtés les plus populeux du Québec. Il y avait Laval, à ce moment-là, qui n'était pas subdivisé, qui était un immense comté, et puis un autre que j'oublie. Il y a eu les... Comment?

Une voix: Terrebonne.

M. Lemieux (Vincent): Terrebonne. Et les libéraux, eux, ont gagné les deux plus petits comtés du Québec, qui étaient Brome et un autre. Comment?

M. Dion: Les Îles-de-la-Madeleine?

M. Lemieux (Vincent): Probablement les îles aussi, oui. Alors, vous voyez, ils disaient: Non, ce n'est pas la carte électorale. De toute façon, on cherchait à remédier aux choses. Il y a eu une réforme partielle de la carte électorale, et pourtant on a eu les résultats de 1970 qui, eux aussi, sont des résultats très aberrants, non pas parce que le parti qui a eu le plus de votes n'a pas eu plus de sièges mais parce que le Parti québécois, bon, avec 23 % des votes, a eu moins de sièges que l'Union nationale, qui en avait 20 %, et que les créditistes, qui en avaient 12 %.

Alors, c'est là que pour la première fois on s'est penché sur la Réforme du mode de scrutin, parce qu'on se rendait compte que la carte électorale, ça n'arrangeait pas tout. Il y a eu une commission parlementaire où les experts sur le mode de scrutin étaient divisés entre eux, hein. D'ailleurs, il est possible qu'aujourd'hui vous assistiez à moins de divisions, non pas parce qu'on s'est donné le mot mais parce qu'il se trouve qu'on pense un petit peu la même chose. Et de toute façon, il y a un comité qui a été formé à cette époque, le comité Drouin, du nom de ce qu'on appelait président des élections, dont je faisais partie avec deux autres collègues, qui sont décédés, comme le juge Drouin, d'ailleurs, donc je suis l'unique survivant de cela... Et c'est un rapport qui a été un peu oublié. J'ai essayé de le retrouver hier dans mes archives et je n'ai pas réussi. Mais je me souviens très bien qu'on avait proposé à la réflexion des députés, sans se prononcer, trois modes de scrutin, la représentation proportionnelle modérée, qui était populaire dans le temps, le système allemand, et le vote unique transférable. Bon. Mais ça n'a pas fait beaucoup de chemin. D'ailleurs, à la première... On avait été convoqué au bureau du premier ministre Bourassa avant notre première réunion, et Robert Bourassa, dont vous savez qu'il n'était pas très favorable à modifier le mode de scrutin, nous avait dit: Écoutez, si vous proposez un mode de scrutin proportionnel, je vous dis tout de suite que, moi, je vais m'opposer à ça. Donc, ça avait pas mal modéré nos travaux.

Il y a ensuite évidemment le livre vert de 1979, de Robert Burns, qui, du temps du gouvernement du Parti québécois, qui proposait, lui aussi, la représentation proportionnelle régionale modérée, le système allemand, comme l'avait fait le comité Drouin... Mais, le système allemand, on disait: Oui. On pourrait avoir ? il y avait 110 députés à ce moment-là ? 110 députés locaux, 110 députés régionaux, pour un total de 220. Vous voyez qu'à cette époque-là augmenter le nombre de députés, ça ne semblait pas poser de problème, alors qu'aujourd'hui... De toute façon, 125, ça a été fixé dans la loi, puis je ne sais pas si c'est votre expérience, mais, quand on parle autour de nous de la possibilité d'augmenter le nombre de députés, chez le monde ordinaire, souvent ils nous disent: Ah, il y en a déjà trop, hein, alors pourquoi augmenter? Mais disons, à cette époque, le «sky» était la limite, là. D'ailleurs, on proposait un système mixte déjà ? d'ailleurs, c'est assez intéressant ? mais non correctif. Là, c'était deux tiers, un tiers, on prenait les 110 députés actuels, qui continueraient d'être élus au mode de scrutin actuel, donc des députés locaux, et on ajoutait un tiers de députés régionaux, pour un total de 160. Alors, là aussi, il n'y avait pas de limite. Alors, vous savez que, bon, je ne vous conte pas l'histoire de la suite, il y a eu référendum, le Parti québécois est revenu là-dessus au début des années quatre-vingt, comme ça a été rappelé par un des membres de la commission, et finalement le Parti québécois a opté, du moins le ministère d'État de la réforme électorale du temps, a opté pour la représentation, la proportionnelle régionale. Dans un petit livre, ici ? vous en avez peut-être pris connaissance ? il y a eu à l'intérieur de la députation du Parti québécois beaucoup de résistance à ça, si bien que la réforme ne s'est pas faite, même si M. Lévesque en effet était très favorable à la réforme.

Et puis, bon, ça a reparti. Il y a eu une espèce de période d'apaisement, si on peut dire, ou du moins on a moins parlé du mode de scrutin. Mais, suite aux élections de 1998, évidemment, le débat a repris. Finalement, je pense que les défauts qu'on a cherché à corriger dans toutes ces tentatives, qui jusqu'à maintenant n'ont pas réussi, c'était, premièrement, on voulait éviter qu'un parti qui a obtenu plus de votes qu'un autre obtienne moins de sièges que lui, hein, et non seulement dans le cas des principaux partis, mais en 1970, comme je l'ai dit, les deuxième, troisième et quatrième partis pour ce qui est des votes obtenus, c'est-à-dire PQ, Union nationale, Ralliement créditiste, n'obtenaient pas... C'est-à-dire que le deuxième parti en votes obtenus avait obtenu moins de sièges que les deux autres. On voulait aussi favoriser les petits partis, mais disons, je pense, ça, ça a toujours été un petit peu second dans les préoccupations des réformateurs. Ça revient aujourd'hui, on dit: Bon, il faut que les communautés culturelles soient mieux représentées; il faut que les petits partis... Je vais vous montrer tout à l'heure, c'est-à-dire dans un moment, qu'il est très difficile, à moins de faire une réforme radicale, là, d'atteindre les deux objectifs. Je pense qu'on peut arriver assez bien, avec une réforme du mode de scrutin, à faire en sorte qu'entre les principaux partis, là, il y ait un petit peu plus d'équité, là, hein, pour ce qui est de la traduction de leur pourcentage de votes en leur pourcentage de sièges. Favoriser les petits partis, à moins de prendre des mesures un petit peu radicales qui me semblent peut-être pas tout à fait appropriées, je pense que ça devra nécessairement demeurer un peu limité, du moins avec les modes de scrutin de remplacement dont on parle actuellement.

n (10 h 20) n

L'évolution récente. Dans les années soixante-dix, dans les années quatre-vingt, si les réformateurs parlaient surtout de représentation proportionnelle, régionale, comme dans le cas du PQ, territoriale dans le cas du rapport que le Directeur général des élections, Pierre F. Côté, avait produit dans ces années-là, c'est que, à ce moment-là, il n'y avait pas beaucoup de mouvement, disons, en faveur des modes de scrutin mixtes. Il y avait le système allemand, qui était un système mixte, hein, avec nombre égal de députés élus, de députés locaux et de députés régionaux, et les députés régionaux, la distribution des députés régionaux venant corriger les distorsions de l'autre, mais ça n'avait pas été repris, ce mode de scrutin, par les réformateurs, alors que, dans les années quatre-vingt-dix, il y a eu certains mouvements dans les réformes, qui ne sont pas tous allés, ces mouvements, en direction d'un système mixte, mais dans certains cas c'est arrivé. Bon.

L'Italie. Quand je dis qu'on cherche à modifier le mode de scrutin pour éviter les défauts les plus apparents ou les plus perçus par la population, c'est le cas de l'Italie. L'Italie est passée de la représentation proportionnelle à un mode de scrutin mixte, mais avec 475 députés élus, députés locaux ? appelons ça locaux versus régionaux pour simplifier les choses ? et 155 députés régionaux seulement, pour un total de 630; mais c'est un mode de scrutin mixte qui vient corriger, du moins dont la composante régionale vient corriger les distorsions créées par l'élection des députés locaux. Mais vous voyez que, 475-155, ça penchait très, très fort en faveur de la partie majoritaire du mode de scrutin. C'est qu'en Italie... D'ailleurs, Robert Bourassa parlait toujours du cas de l'Italie, hein, quand on lui parlait de la représentation proportionnelle: Ah, il ne faut pas qu'on ait une situation semblable à celle... l'Italie, où les gouvernements étaient à peu près toujours de coalition, duraient quelques mois ou quelques années, étaient remplacés par d'autres coalitions. Alors, eux, parce qu'ils trouvaient que la proportionnelle avait eu des effets nocifs, ont ajouté une composante très, très forte, là, du scrutin majoritaire.

Le Japon a fait une réforme aussi. En 1996, le Japon, il avait un mode de scrutin spécial, unique au monde, là, des circonscriptions à trois, quatre, cinq sièges. Les partis présentaient le nombre de candidats qu'ils voulaient bien présenter, puis c'étaient les candidats qui obtenaient le plus de votes qui étaient élus. Alors là, dans un parti, on disait: On en présente-tu trois, avec plus de chances de les faire élire chacun, ou quatre? Bon, ça donnait lieu à des calculs puis à des magouilles à l'intérieur des partis, qui sont assez courantes d'ailleurs au Japon. Si bien que là on est passé à un mode mixte, lui aussi, avec 300 députés locaux, 200 régionaux, mais les 200 régionaux ne sont pas correctifs.

Et finalement, les deux cas dont on pourrait peut-être s'inspirer au Québec, là, si on pense à instaurer un système mixte, c'est celui de la Nouvelle-Zélande, dont vous avez peut-être entendu parler. La Nouvelle-Zélande, c'est intéressant parce que c'est suite justement à des résultats aberrants ? je pense à deux élections consécutives, là, où le parti qui avait le plus de votes n'a pas formé le gouvernement ? qu'on est arrivé à modifier le mode scrutin. Alors, actuellement, en Nouvelle-Zélande, c'est un système mixte: 65 députés locaux, 55 députés régionaux, et système mixte correctif.

Et en Écosse. L'Écosse a un cas dont on parle moins, suite à la dévolution, là, du pouvoir à l'intérieur du Royaume-Uni en faveur de l'Écosse et le pays de Galles. On a changé, on a abandonné le mode de scrutin britannique, «First Past The Post», majoritaire à un tour, et on a créé un mode de scrutin où il y a 75 députés locaux et 56 députés régionaux, donc une proportion de 57 %, 43 %, et qui est correctif. Alors, moi, il me semble que, si on veut changer, améliorer le mode de scrutin, disons, même si on n'atteindra pas la perfection au Québec, ces modes de scrutin qu'on dit mixtes et qui sont correctifs, ce serait une option intéressante. Je pense que dans le programme de l'ADQ il y a la proposition de 75 députés locaux, 50 régionaux. Bon. Ça pourrait être 85 locaux, 40 régionaux; 65 locaux, 60 régionaux. C'est des systèmes correctifs. Je vais essayer de vous expliquer ça par un exemple simple.

Supposons qu'on choisirait un mode de scrutin 75-50 pour le Québec. Dans la région de Québec, ici, là, on aurait à peu près 10 sièges à pourvoir. Dans Québec, d'après les dernières statistiques, je pense que c'est 9 % de la population du Québec... la région de Québec, je veux dire, administrative, 9 % de 125, ça fait à peu près 10, hein, 10 sièges. Alors, à l'intérieur de la région de Québec, il y aurait six députés élus, comme actuellement, dans des circonscriptions plus grandes, bien sûr, qui correspondraient à peu près aux circonscriptions fédérales, et il y aurait quatre députés régionaux. Supposons que les trois partis ? je ne dirai pas lequel a obtenu lequel ? obtiennent 45, 33 et 22 % du vote ? un exemple fictif, là, je pourrais en prendre d'autres. Donc, 45, plus 33, plus 22, ça fait 55... ça fait 100, oui, 100 % du vote. On peut penser que, pour l'élection des six députés locaux, hein, la façon dont fonctionne notre système actuel, le parti qui aurait eu 45 % du vote serait allé chercher cinq, disons, cinq députés locaux sur six; celui qui a 33 % en aurait un; puis le 22 % n'en aurait pas. Je pense que c'est un résultat assez vraisemblable. Les quatre sièges régionaux qui seraient alloués par une proportionnelle corrective, dans une situation comme celle-là, iraient probablement, quelle que soit la technique qu'on utilise pour ces calculs-là, il y en a deux qui iraient au parti qui a 33 % des votes et qui n'a qu'un siège, et deux autres au parti qui n'a que 22 % des votes et aucun siège. Donc, au total, ça ferait cinq, trois, deux: cinq au parti qui a 45 %, trois au parti qui a 33 % et deux au parti qui a eu 22 %. Donc, quelque chose qui n'est pas parfaitement proportionnel, parce qu'il faut dire que, dans la plupart des systèmes proportionnels, des systèmes mixtes, il y a toujours une prime, quand même, qui est accordée au parti le plus fort. Et là vous voyez qu'il y aurait quand même une prime, hein: le parti avec 45 % a 50 % des sièges, celui qui a 33 % aurait 30 %. Mais ce serait quand même moins disproportionnel que c'est le cas actuellement.

Bon. Alors, bulletins de vote. Évidemment, vous avez dû voir ça, là, dans votre documentation, il y aurait deux parties, on voterait pour un député local et on voterait aussi pour un parti, avec sa liste de candidats à être élus, sur le plan régional. Moi, je proposerais, comme ça se fait ailleurs, qu'il y ait possibilité, d'ailleurs, pour un candidat d'être candidat à une élection locale mais à être aussi sur la liste, hein, du parti, de façon à réchapper ou à récupérer un candidat intéressant. Supposons que le parti qui a eu 22 % des votes dans Québec, là, aurait un candidat qu'il considère le meilleur d'entre eux, là, pour être élu, mais que malheureusement il n'est pas élu sur le plan local, comme ce serait le cas dans mon exemple fictif, bien, il pourrait venir en tête de la liste pour l'élection de député régional et être élu député régional.

n (10 h 30) n

Et ce que nous apprend... Quand on parle... Le problème, deux types de députés, régionaux, locaux, Louis Massicotte, qui a beaucoup étudié cette question, pourra vous en parler, mais ce qu'on constate, c'est que là où il existe ces deux types de députés, ça ne pose pas de problème, du moins on ne trouve pas. Oui, j'arrive à la fin. C'est pour dire... Parce que le député qui se fait élire sur le plan régional, qui n'a pas été élu sur le plan local, bien, souvent il s'arrange, pour la prochaine fois, être à nouveau député local, il peut le devenir, des régionaux deviennent locaux et des locaux deviennent régionaux.

Et, en terminant, je pense ? j'aurais voulu vous parler des conséquences de cela, mais je pourrai le faire en répondant à des questions ? je dirais: Bon, bien sûr qu'avec un tel mode de scrutin on aurait peut-être plus souvent qu'actuellement des gouvernements de coalition ou des gouvernements minoritaires. On pourra discuter des mérites et des avantages de ces types de gouvernement, mais il ne faut quand même pas exagérer, hein. Si on prend les résultats des élections au Québec, là, depuis 1973, bon, à supposer que les gens auraient voté un peu de la même façon avec un autre mode de scrutin, c'est bien sûr qu'en 1973, 1981, 1985, 1989 on aurait eu des gouvernements majoritaires de toute façon, mais, aux autres élections, peut-être des gouvernements minoritaires de coalition.

Bon, sur les femmes, André pourra vous en parler ce matin, et je pense que tous les calculs ou à peu près montrent que, dans les systèmes proportionnels ou mixtes, il y a plus de chances, en effet, pour des raisons bien fondées, de faire élire les femmes. Bon, alors, voilà, la participation est généralement aussi plus élevée, un peu plus élevée, avec ces modes de scrutin qu'avec le mode de scrutin actuel.

Vous savez qu'au Canada... Je ne sais pas si vous avez reçu, d'ailleurs, je termine là-dessus, là, la Commission du droit du Canada vient de publier un cahier sur Le renouvellement de la démocratie: Les enjeux de la réforme électorale au Canada, et c'est un document très intéressant. Vous l'avez? Oui? Très bien, je vois que vous êtes tout à fait à jour. Alors, je termine là-dessus, et il me fera plaisir de répondre à vos questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Lemieux.

M. Gautrin: M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Oui?

M. Gautrin: Est-ce qu'on pourrait demander que soit déposé ce document sur la Commission du droit? Pas nécessairement votre copie, M. Lemieux, mais que la commission se...

M. Lemieux (Vincent): J'en ai deux copies, je pourrais vous en donner au moins une.

M. Gautrin: Alors, peut-être en déposer formellement ici, à la commission, d'une manière qu'il puisse y avoir des photocopies pour tous les parlementaires?

Le Président (M. Lachance): Oui, d'accord, ce sera fait. Merci. M. Lemieux...

M. Lemieux (Vincent): ...d'accompagnement, parce qu'ils annoncent des consultations, hein, dont une à Montréal, alors ça peut avoir un intérêt pour vous.

Le Président (M. Lachance): La vraie question pour les citoyens et les citoyennes, là, qui nous observent, ça va être, dans le fond, de se demander: Est-ce que la population va être consultée, là, sur la réforme du mode de scrutin, dans la mesure où il y aurait une volonté d'aller de l'avant? Ou bien si, de façon un peu cynique, les gens vont dire: Bon, bien, c'est des politiciens qui vont décider ça entre eux? Je pense que c'est une question importante.

Et, relié à ça, j'aimerais avoir votre opinion, M. Lemieux, sur la façon dont un éventuel mode de scrutin pourrait être soumis, un changement au mode de scrutin pourrait être soumis. Est-ce que, par exemple, selon vous, c'est quelque chose qui devrait se faire par un vote des deux tiers des membres de l'Assemblée nationale ou bien si on devrait aller jusqu'à un référendum là-dessus?

M. Lemieux (Vincent): Alors, justement, j'ai oublié de vous le dire, mais, en Nouvelle-Zélande, comme vous le savez peut-être, il y a eu référendum sur la modification du mode de scrutin, et le référendum a donné une majorité au mode de scrutin mixte proposé, même si beaucoup d'élites, là, dans les partis politiques néo-zélandais y étaient opposées.

Et, dans les échanges que j'ai eus avec d'autres experts, d'autres personnes, je pense qu'il se dégageait que ce serait peut-être intéressant d'utiliser, d'ailleurs pour la première fois et du moins pour une des premières fois, le deuxième volet, là, hein, de la Loi sur la consultation populaire, qui permet finalement de tels référendums. Quand on parle de ça, autour de nous, on dit: Ah, on pensait que c'étaient seulement des référendums constitutionnels, là, qui étaient rendus possibles par cette loi-là. Ce n'est pas le cas.

Alors, moi, personnellement, à supposer que le prochain gouvernement, disons, aille de l'avant avec la réforme et puis adopte un projet, bien sûr que si on se limite à ? si on se limite, une façon de parler ? à l'approbation de l'Assemblée, il faudrait sans doute, comme vous le proposez, une majorité qualifiée.

Mais, peut-être mieux, pourquoi on n'essaierait pas de faire un référendum là-dessus? Ce qui serait l'occasion d'ailleurs de faire de l'éducation, hein? On sait bien qu'un référendum, ça a peut-être des aspects négatifs, mais un aspect qui pourrait être positif, ce serait d'informer un peu mieux, de façon pédagogique, là, la population, peut-être par des simulations. Du temps du ministère d'État à la Réforme électorale, on avait pensé organiser des choses comme ça. Et, bon, je sais bien qu'organiser un référendum, c'est un peu lourd, mais c'est une option, je pense, à la quelle vous pourriez réfléchir, donc à la possibilité qu'un nouveau mode de scrutin soit approuvé par voie référendaire.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun, est-ce que c'est là-dessus que vous voulez intervenir?

M. Gautrin: Non, j'ai deux autres questions, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: M. le Président, merci. Alors, merci, M. Lemieux, de votre présentation qui est extrêmement intéressante. Je voudrais vous poser une question bien précise, sur un point particulier, mais tout en étant bien conscient qu'après ce que vous avez dit la réponse ne peut pas être absolue. Vous avez dit vous-mêmes en citant un auteur anglais qu'un système qui donne le résultat x à un endroit va donner un résultat tout à fait différent ailleurs. Alors, toutes choses étant égales par ailleurs, mais ce n'est jamais égal.

Alors, ma question est la suivante. Ça doit exister probablement, une étude comparative des systèmes électoraux, d'une part, le niveau de satisfaction de la population, d'autre part, par rapport à ce système-là, et le taux de participation aux élections par rapport aux différents systèmes. Est-ce qu'il existe des constantes?

M. Lemieux (Vincent): Oui. Peut-être que vous pourriez reposer la question à André Blais, qui est peut-être plus compétent que moi. Mais je dirai quand même qu'il y a des... Sur le niveau de satisfaction, généralement, quand un mode de scrutin n'est pas remis en question ou encore quand il est remis en question et qu'il est approuvé par la population...

On n'a pas parlé beaucoup ici du vote unitransférable, bon, ce serait un peu compliqué, mais qui est pratiqué en République indépendante d'Irlande, pas l'Irlande du Nord mais celle du Sud. Si je me souviens bien, à deux occasions on a consulté la population là-dessus pour savoir s'ils ne voulaient pas changer ce mode de scrutin pour le remplacer par un autre, parce que, évidemment, dans l'univers britannique, là, les Irlandais du Sud ont été les premiers à établir une brèche avec ce mode de scrutin. Et, à ces deux occasions, la population, je pense que c'est par voie de référendum, s'est prononcée en faveur du mode de scrutin.

Il y a des sondages qui ont porté là-dessus, vous en avez vu passer récemment. Sauf que vous savez comme moi que les modes de scrutin, c'est quelque chose d'assez compliqué. Interroger les gens là-dessus, M. Côté l'avait fait de son temps, c'est-à-dire dans les années quatre-vingt, le ministère d'État à la réforme l'avait fait également, les gens qui disent qu'ils ne savent pas ou qui ne veulent pas répondre sont très, très nombreux, hein. Parce que c'est un domaine un petit peu technique.

Vous avez vu des résultats récents de sondages qui semblent indiquer que les Québécois sont en faveur d'une modification du mode de scrutin. M. Béland, qui a fait un rapport d'étape il y a quelques jours, disait lui aussi ? bien, évidemment, ce n'est pas vraiment un sondage de la population ? mais que, suite aux consultations qu'il avait eues jusqu'à maintenant, il y avait un assez fort mouvement en faveur de la réforme du mode de scrutin. Mais c'est sur des éléments comme ceux-là sur lesquels on peut se fonder pour dire: Oui, les gens sont pour un changement, ou ils sont contre un changement.

Il y avait un deuxième volet à votre question, que j'ai oublié, c'est?

M. Dion: La relation entre le taux de participation aux élections...

M. Lemieux (Vincent): Oui. O.K. Et un mode de scrutin donné, oui.

Oui, ça, je pense qu'André l'a écrit, il pourra vous en parler tout à l'heure, je pense que, statistiquement, la participation est plus élevée, n'est-ce pas, dans les pays qui ont un système proportionnel, ou proportionnalisant. Parce que le mode de scrutin mixte correctif, c'est un système qui vient proportionnaliser les résultats globaux. Le taux de participation est généralement en effet plus élevé, hein? Vous allez trouver, d'ailleurs en passant, dans le cahier que je vous ai transmis des réflections sur le taux de participation aux élections fédérales, les dernières, celles de 2000, qui a été le plus bas, je pense, dans toute l'histoire du Canada ou du moins dans l'histoire récente.

n (10 h 40) n

Il faut dire à ce sujet quand même qu'il y a des courants, là, qui viennent un petit peu fausser ça. Vous savez qu'on est dans une époque de dépolitisation où les traditions partisanes, bien sûr, sont moins grandes, il y a, un petit peu partout à travers le monde, une baisse de la crédibilité des politiciens, bon, et ça, ça fait en sorte... ce n'est pas tout à fait généralisé, mais il y a quand même une espèce de tendance à ce que les taux de participations, à cause de cela, décroissent. On l'a observé en France récemment, vous savez, au Canada, on l'observe aussi ailleurs, si bien qu'il est difficile de démêler tout ça.

Mais je pense qu'on peut dire de façon assez ferme que la participation, statistiquement et en moyenne, là, est plus élevée lorsqu'on n'a pas un mode de scrutin majoritaire. Il est dit majoritaire, mais qui est en fait pluralitaire, parce que c'est la majorité simple, hein. Moi, je me bats toujours pour dire: Bien, n'appelons pas ça majoritaire; du moins, si on parle de scrutin majoritaire, ajoutons «majorité simple», parce que, comme vous le savez, plusieurs d'entre vous ont été élus avec une majorité simple, et c'est quelque chose qui est très répandu avec ce mode de scrutin.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci. Je me permets, j'ai deux questions à vous poser. Première question, et je vais revenir sur ce qui touche le modèle que vous mettez, c'est-à-dire un modèle de correction: Est-ce que, dans les pays où s'est pratiqué ce type de modèle là, au niveau de la formation du gouvernement, y a-t-il eu des éléments différents quant aux... puis qu'il y a deux types de députés, quant aux députés dits locaux et aux députés régionaux, ça, c'est ma première question.

Ma deuxième question est de nature différente. Pour pouvoir s'appliquer, vous avez donné l'exemple de Québec, il faut qu'il y ait un certain nombre de députés sur une région. Quel est, pour vous, le nombre minimal pour lequel un tel modèle puisse s'appliquer? Je pense qu'il existe certaines régions, je penserais, par exemple, au Bas-Saint-Laurent ou l'Abitibi, qui n'ont seulement que trois circonscriptions, où un modèle de correction aurait de la difficulté, d'après moi, à pouvoir s'appliquer?

M. Lemieux (Vincent): Je vais commencer par votre dernière question, parce qu'en fait je voulais en parler mais, comme j'ai été un peu bousculé à la fin, vous avez tout à fait raison, hein. C'est pour ça que certains d'ailleurs qui sont en faveur d'une correction qui serait favorable aux petits partis nous disent: Bien, pourquoi les députés régionaux ne seraient pas plutôt des députés provinciaux ou nationaux, c'est-à-dire qu'ils auraient une grande circonscription qui correspondrait à l'ensemble du Québec, là, aux fins de l'élection, disons, des 50 députés, là, faisant partie de la composante proportionnalisante?

Bon, ça, ça ne me semble pas tout à fait réaliste, mais, si on défend l'idée des régions... En Écosse, par exemple, évidemment, il y a moins de population qu'ici, mais je crois qu'ils ont sept ou huit régions à l'intérieur desquelles se fait la distribution. Ici, bien sûr, vous avez tout à fait raison, on ne pourrait pas, aux fins de l'exercice, maintenir les 17 ou 18 régions actuelles. Il faudrait qu'on ait... parce qu'à ce moment-là, vous voyez, si c'est 18, ça fait une moyenne de quoi?, divisez 18, 50, une moyenne de trois députés régionaux par région, et ce n'est pas suffisant pour proportionnaliser les résultats d'ensemble.

Moi, personnellement, je pense qu'il faudrait ramener, pour les fins de ces élections, la carte à une dizaine de régions. Il faudrait, comme vous dites, les mettre ensemble, c'est le cas le plus facile, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie et les Îles; il faudrait probablement aussi, dans la région de Montréal... peut-être bien que ce n'est pas tellement dans la région de Montréal que se posent des problèmes; Mauricie et Bois-Francs, là, on a séparé la Mauricie et les Bois-Francs, ça s'appelle maintenant...

Une voix: Le Centre-du-Québec.

M. Lemieux (Vincent): ...le Centre-du-Québec, oui. Alors, pour les fins d'élection, il faudrait les regrouper à nouveau. L'Abitibi peut-être avec l'Outaouais, je ne sais pas trop; ça, je laisse ça à votre réflexion. Mais, avec 10 grandes régions, ça ferait cinq députés, en moyenne. Bien sûr, il y en a qui en auraient sept, huit puis d'autres qui en auraient quatre; le minimum devrait être de trois, parce qu'en bas de trois on ne peut plus proportionnaliser tellement.

Alors là il se pose un problème technique, évidemment, à régler. Je pense qu'il y a des attentes dans la population voulant qu'avec un mode de scrutin mixte les régions seraient davantage représentées. Il faudrait tempérer les attentes, bien que, même dans ces régions regroupées, je suppose que les partis s'arrangeraient, par exemple dans des listes qu'ils construiraient, pour avoir à la fois des candidats du Bas-Saint-Laurent et d'autres de Gaspésie?Les Îles, et ainsi de suite. Mais, oui, ça, c'est un point qu'il faut souligner et dont il faut être bien conscient.

M. Chagnon: Est-ce que le dénominateur commun pour faire en sorte que la compensatoire soit véritablement de la meilleure qualité possible, qu'il y ait le moins grand nombre d'unités régionales ou de fractions... Parce que plus vous fractionnez, plus votre compensatoire marche moins.

M. Lemieux (Vincent): Absolument.

M. Gautrin: Donc, l'idéal, c'est une seule circonscription, même si elle est hypothétique.

M. Lemieux (Vincent): Bien oui, c'est l'idéal.

M. Chagnon: Bien pas hypothétique. C'est le Québec.

M. Lemieux (Vincent): Mais là est-ce que vous êtes prêts à aller jusque là? Moi, je pense... oui. C'est l'idéal, en effet. C'est l'idéal et là...

Parce que, vous voyez, comme je disais tout à l'heure, je pense qu'avec un mode de scrutin comme celui-là on est plus équitable envers les principaux partis. Ce qui est arrivé au Québec en 1944, en 1966, en 1970, en 1973, à certains égards, avec l'écart excessif, tout ça ? ou même qui est arrivé en 1998 ? ça aurait moins de chances de se reproduire ou du moins ça atténuerait beaucoup les distorsions.

Par contre, dans le cas des petits partis, reprenons mon cas de la région de Québec. Pour qu'un parti ait une chance d'avoir un député, avec le système, il faut qu'il obtienne à peu près 10 % du vote et même un peu plus, parce que c'est 10 circonscriptions, chacun des 10 députés se partageant le 100 %, si on peut dire, ils se partageraient des tranches d'environ 10 % de votes. Donc, un petit parti, un parti qui obtiendrait moins de 10 % dans la région de Québec aurait peu de chances de faire élire un député.

Maintenant, c'est bien sûr qu'on... Moi, je dirais qu'on ne peut quand même pas aller trop loin sur cette voie-là non plus, espérer que tous les petits partis, les petits groupes, les petites communautés puissent être représentées dans une assemblée de 125 députés. C'est irréaliste. Mais, si déjà les partis qui ont à peu près 10 % du vote ou un peu plus avaient une chance d'être représentés, dans des régions, avec plus... Évidemment, dans le Bas-Saint-Laurent et Gaspésie, même si vous les mettez ensemble, ça ne fera pas 10 députés. Mais, dans Montréal, dans Laval, dans la Montérégie, les Laurentides, la région de Québec, Chaudière-Appalaches, à certains égards...

M. Chagnon: Si votre région, pour faire la compensatoire, est la plus grande possible, ça peut vous permettre d'avoir des candidats régionaux élus par la compensatoire, nommés par la compensatoire, qui viennent faire en sorte de représenter non pas nécessairement la région d'où ils viennent, mais une région dans laquelle il y a, par exemple, un nombre plus grand que 10 %. Il peut y avoir une concentration de votes dans un endroit qui fasse en sorte que, par le biais de la compensatoire, on puisse avoir des candidats élus dans différentes régions.

M. Lemieux (Vincent): Oui. Et puis il y a aussi un effet de la réforme qui pourrait faire en sorte que ces petits rassemblements, ces petits groupes, se disant: Bien là, dans telle région, avec 10 % des votes, on a peut-être des chances d'avoir un député, se coalisent ou se réunissent entre eux. C'est qu'il est difficile de prévoir quel serait le comportement des électeurs et aussi des partis, dans un nouveau mode de scrutin. Mais ça pourrait aller dans ce sens-là en effet.

Mais là vous avez tout à fait raison. Plus on a de régions, moins on compense. Moins on a de régions, plus on a de chances de compenser. Vous aviez un premier volet, M. Gautrin. Oui.

M. Gautrin: Ma question, c'est: Puisque vous avez deux types, maintenant, de députés et que nous fonctionnons dans un parlementarisme de type britannique, donc où les membres du gouvernement, du Conseil exécutif sont aussi députés, est-ce qu'à la pratique il y a, disons, des participations différentes entre les députés de type régionaux et les députés de type locaux, quant à leur participation au gouvernement?

n (10 h 50) n

M. Lemieux (Vincent): Je pense pouvoir affirmer que, dans les gouvernements formés dans ces pays qui adoptent un régime à type mixte, il y a les deux types de députés. D'ailleurs, à moins que je me trompe, je crois que Helmut Kohl a été élu, non seulement une fois mais plus d'une fois, comme député régional parce qu'il n'avait pas réussi à se faire élire comme député local. Donc, il y a, en Allemagne... Vous pouvez poser la question à Milner, qui est allé observer les élections en Allemagne récemment, et je suis à peu près sûr ? d'ailleurs, le contraire serait étonnant ? que, dans le gouvernement social-démocrate actuel, avec appui des Verts qui, à la fois des députés régionaux et locaux... Et, encore une fois, étant donné que j'ai signalé... Il semble que cette distinction un petit peu abstraite, parce qu'on n'a pas fait l'expérience d'un tel mode de scrutin, entre députés régionaux, députés locaux. Ce n'est pas évident, dans ces pays-là, en bonne partie parce que, comme je vous le disais, on peut être sur les deux listes, on peut être député local, devenir régional, régional, devenir local.

Mais reprenons mon exemple de la région de Québec, et le parti qui a 22 % des votes, qui obtient deux sièges grâce au fait que le mode est mixte et correctif. Évidemment, on peut penser que ces deux députés vont se partager le territoire de Québec, il y en a un qui va travailler plutôt à l'ouest, l'autre à l'est; comme ils ont l'intention, la prochaine fois, de se reprendre et de se faire élire comme député local, ils vont quand même avoir des assises un peu plus fortes dans certaines parties de la région que dans l'autre, mais ils sont un peu des espèces de maraudeurs, hein, c'est-à-dire qu'ils vont couvrir, pour le parti qui n'a pas de député local, l'ensemble de la région. Je pense que tout ça... du moins c'est ce que nous disent les quelques auteurs. Louis Massicotte me disait ? il pourra vous le confirmer ? que, lui, suite a une recherche là-dessus, il n'avait trouvé à peu près rien d'écrit, parce qu'il semblait bien que, dans ces pays-là, ça ne pose pas de problème. Mais, tant qu'on n'a pas fait l'expérience, on ne le sait pas, bien sûr.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Vimont.

M. Gaudreau: Oui. Merci, M. Lemieux. Écoutez, j'aimerais vous poser une petite question. Comme on veut, avec une modification au mode de scrutin, vraiment représenter le choix des électeurs, n'y aurait-il pas d'autres éléments qu'il faudrait instaurer en même temps qu'un changement du mode de scrutin, tels qu'une date fixe, une élection à date fixe ou...

M. Lemieux (Vincent): Moi, personnellement, je suis en faveur, je sais que c'est très débattu, puis, encore une fois, c'est peut-être plutôt du mandat de l'autre commission, même si... vous allez vous intéresser à cela. Personnellement, je suis favorable à des élections à date fixe, mais là ce serait un peu long de vous expliquer ça. Parce que, bon, on sait à quoi s'attendre. On dit... La grande objection qu'on fait... Ouais, une des principales objections qu'on fait aux élections à une date fixe, c'est qu'on dit: Bon, là, six mois avant sinon un mois, une année avant l'élection, les partis sont en campagne électorale. Bon. Peut-être, mais là, est-ce que, même dans notre système, ce n'est pas un peu le cas? C'est-à-dire, le gouvernement actuel, bon, ayant franchi, je pense, ou étant sur le point de franchir la période de quatre années... Et d'autant plus que le premier ministre a annoncé qu'il y aurait des élections, dans combien de jours, maintenant? Je ne sais pas si vous faites le compte.

Une voix: ...

M. Lemieux (Vincent): Oui. Les journalistes disent tous: Ah! bien, là, on est déjà en campagne électorale, campagne électorale permanente, alors... Et c'est toujours le cas. Je pense que, quand, dans notre système, un gouvernement dépasse ou arrive à quatre ans, on est à toutes fins pratiques en campagne électorale. Alors, qu'est-ce que ça changerait? Ce que ça changerait, c'est que ça permettrait... Bien, là, on peut prendre le cas du gouvernement fédéral, ça ferait en sorte que Jean Chrétien n'aurait pas pu faire, si la réforme s'appliquait aussi au Canada, le coup qu'il nous a fait la dernière fois. Bon. Robert Bourassa était aussi un peu un expert dans ce domaine-là. Je pense que ça éviterait que pour des fins, des calculs électoraux qui sont d'ailleurs plus ou moins exacts, les gouvernements ou bien aillent en élection avant quatre ans ou se prolongent au-delà de quatre ans. Et souvent, d'ailleurs, ces calculs-là, hein, je dirais que, peut-être trois fois sur quatre ou deux fois sur trois, un gouvernement comme ça qui essaie d'aller au-delà de son mandat parce qu'il essaie de se reprendre, d'augmenter ses appuis dans la population ? c'est toujours pour ça qu'on le fait ? ne réussit pas, disons.

Alors, moi, cet élément de la réforme, j'y serais favorable. D'ailleurs, dans beaucoup de pays qui ont des systèmes proportionnels ou mixtes, c'est le cas. Vous savez que même aux États-Unis c'est le cas. Donc, je pense qu'on peut dire que des élections à dates qui ne sont pas fixes, c'est un phénomène qui est minoritaire, là, du moins en Occident.

Le Président (M. Lachance): Avec un mandat de quatre ou cinq ans, M. Lemieux?

M. Lemieux (Vincent): Dans la plupart des pays qui ont des élections à date fixe, c'est quatre ans, hein. Je connais un peu les... Je pense que c'est le cas en Allemagne, dans les pays scandinaves. Généralement, c'est quatre ans. Je dirais quatre ans.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de... Vous, ça va, M. le député de Vimont?

M. Gaudreau: ...

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Viger.

Mme Mancuso: Oui, merci. Donc, professeur Lemieux, vous n'avez eu la chance de parler trop du vote unique transférable. Donc, je voulais vous entendre sur cette idée. Et est-ce que ce serait envisageable pour le Québec?

M. Lemieux (Vincent): Moi, c'est un mode de scrutin dont j'ai vanté les mérites, là, dans un article. Je le proposais pour le Canada, d'ailleurs... Mais, pour le Québec, je pense que... Vous l'avez sans doute constaté, il y a moins de résistance, je pense, à un changement du mode de scrutin depuis qu'on propose plutôt un mode de scrutin mixte où une majorité des députés continuent d'être des députés locaux, parce que, bon, pour les députés mais aussi pour les électeurs, c'est une transition qui est moins abrupte, là, vers autre chose que si on a un mode de scrutin proportionnel ou même du type du vote unique transférable. Vote unique transférable, ça consiste en quoi? En Irlande, par exemple, vous avez des circonscriptions de trois à cinq députés ? trois à cinq députés ? les partis, un peu comme au Japon, présentent le nombre de candidats qu'ils estiment avoir, bon, une meilleure chance de faire élire, hein ? puis, encore là, si c'est une circonscription à cinq, est-ce qu'on en présente trois, on en présente deux? ? et les sièges sont attribués selon une espèce de méthode de quota, hein, c'est-à-dire, bon, supposons qu'il y a cinq sièges, le quota, à ce moment-là, est un peu supérieur à 20 %, les candidats qui ont obtenu 20 % ou un peu plus des votes sont élus. Et pour ce qui est des élections des autres, bien, là on élimine les plus faibles, et puis on va voir quels sont... parce que les partis doivent... on va voir quels sont les... c'est-à-dire que les électeurs doivent exprimer aussi un ordre de préférence. En fait, par des calculs un petit peu compliqués, on arrive à en faire élire cinq, c'est-à-dire ceux qui, en tenant compte des premiers choix et des deuxièmes choix et possiblement troisièmes choix, ont reçu le plus d'appuis.

Bon, c'est un changement, disons, peut-être moins abrupt que dans le cas de la proportionnelle, parce que là il n'y a pas deux bulletins de vote, hein, on vote pour des candidats, on continue de voter pour des candidats, sauf que ces candidats-là ne représentent pas des circonscriptions locales mais de, petites circonscriptions régionales de trois à cinq députés. Et ça donne des résultats qui généralement sont assez proportionnels, pas tout à fait proportionnels, parce qu'il y a une prime, dans ce système-là comme dans d'autres, pour le parti le plus fort. Je n'ai pas apporté copie de mon article où je donnais les résultats en République d'Irlande aux deux ou trois dernières élections, et on voit que l'ordre des partis pour ce qui est des votes obtenus est le même que l'ordre des partis pour ce qui est des sièges obtenus. Les partis les plus forts sont favorisés, les plus faibles le sont moins. Donc, ça a le désavantage, si on peut dire, qu'il y a plus de députés locaux, mais c'est quand même des députés de petites régions, et les électeurs... ? et c'est ce qui distingue ce mode de scrutin d'un mode de scrutin proportionnel classique ? les électeurs votent pour des candidats et non pas pour des listes.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Saint-Hyacinthe.

n (11 heures) n

M. Dion: Merci, M. le Président. C'est extrêmement intéressant, cet échange que nous avons. J'ai le goût de prendre un peu le contre-pied de ce qu'on développe actuellement, ne serait-ce que pour approfondir la réflexion. C'est qu'on parle beaucoup de la proportionnelle mixte, du vote mixte. Donc, on prend pour acquis que le vote uninominal à un tour serait pour la majorité des députés ? plus ou moins, là, mais c'est ce que je déduis de ce que j'ai entendu ? et que pour une minorité de députés ça serait proportionnel. Donc, on aurait des députés qui représenteraient plus ou moins, théoriquement, 80 000 électeurs, et d'autres députés qui représenteraient plus ou moins 1 million d'électeurs, selon les régions et les comtés, tout ça. Donc, le problème qu'on voulait corriger, d'une représentation égale ou d'une valeur égale du vote, je ne le sais pas s'il est corrigé par ça. Première chose, première question.

Deuxième question. On ne se pose pas du tout la question, on n'en parle pas du tout, et j'aimerais que vous nous en parliez, de la possibilité de corriger la distorsion actuelle, que tout le monde reconnaît et que tout le monde reconnaît qu'il faut corriger. C'est-à-dire, ce n'est pas normal qu'il y ait une telle différence entre le vote global pour un parti et le nombre de députés pour le même parti. Alors, ça, il faut corriger ça. Mais que pensez-vous du système uninominal à deux tours? Donc, le vote porterait toujours sur une personne en particulier que l'on reconnaît, mais que, pour tout candidat qui n'a pas obtenu plus de 50 % du vote au premier tour, bien, qu'il y ait un deuxième tour pour dégager un candidat qui aurait plus de la moitié, que ce soit en éliminant ceux qui ne sont pas les deux premiers ou par d'autres systèmes qui peuvent exister.

Alors, j'aimerais avoir votre commentaire là-dessus. Mon objectif, au fond, dans tout ça, je me dis: Dans quelle mesure il est important que la majorité des gens ou le plus grand nombre possible des électeurs comprennent exactement ce qu'ils font, donc est-il possible d'avoir un système relativement simple mais en même temps aussi juste que possible du point de vue démocratique?

M. Lemieux (Vincent): Oui. Premier volet de votre question. Je corrigerais, en fait, les députés régionaux ne représenteraient pas 1 million d'électeurs. Enfin, vous voyez, s'il y avait 10 régions, à supposer... Il y a 4 millions d'électeurs, à peu près, au Québec?

Le Président (M. Lachance): 5 millions.

M. Lemieux (Vincent): On est rendu à 5, là, oui? Bon, disons 5 millions. On divise ça par 10, ça fait 500 000. Mais ça, c'est une moyenne, hein. Dans plusieurs régions qui n'auraient pas cinq sièges, partis-proportionnelle, ça serait un peu moins. Puis, encore une fois, comme je vous dis, généralement dans ces situations-là, les députés de partis, à moins qu'ils soient seuls dans la région, s'ils sont deux ou trois, bien, ils se partagent quand même à toutes fins pratiques le territoire. Bon.

Le mode de scrutin majoritaire à deux tours, qui est le mode de scrutin français, hein ? parce que la France est un des seuls à pratiquer cela ? d'après... encore là je renvoie un peu la balle à André ? André Blais s'était penché là-dessus il y a quelques années ? c'est un système finalement qui est aussi disproportionnel que le nôtre, hein, de façon générale, ça donne une très grande prime aux partis les plus forts parce que, du moins dans le système français, avec le jeu des désistements puis des apparentements, souvent ça...

M. Chagnon: On l'a vu aux dernières législatives françaises, de toute façon, c'était évident.

M. Lemieux (Vincent): ...oui, c'est l'affrontement entre deux grands partis, puis les petits partis prennent leur trou. Le Front national n'a eu aucun député; on peut peut-être s'en féliciter, mais disons... Donc, ce n'est pas... Je ne pense pas que ce soit... Ça correspond beaucoup d'ailleurs ? comment dire? ? à la culture politique française. Je me demande si c'est exportable, et, si on l'exportait, moi, personnellement, tant qu'à adopter ce mode de scrutin, je pense qu'on serait mieux de garder le mode de scrutin actuel. Donc, je ne pense pas que ce soit une solution de remplacement intéressante. Et une des preuves de cela, c'est que ça ne semble pas avoir été très exportable, parce que je vois, dans le tableau d'André, là, que le Mali a adopté ça, l'Ukraine, mais qu'au-delà de ça il n'y a rien d'autre. Donc, je pense qu'il serait plus intéressant, si vous voulez avoir autre chose que le mode de scrutin mixte, d'explorer plutôt le vote unique transférable ou certains modes proportionnels.

Vous avez fait allusion à la capacité, là, qu'ont les gens de comprendre ça. Moi, je pense que, si on revient encore au mode de scrutin mixte, que ce ne serait pas très compliqué, hein. On a, bon, ce n'est pas tout à fait comparable, mais quand j'ai voté, là, l'automne dernier, là, dans le cadre de la nouvelle ville de Québec ? bon, puis c'était le cas avant, si on vote pour le maire, on vote pour les échevins ? alors là, il y aurait deux parties du bulletin; évidemment, ce ne serait pas maire et échevins, mais il y aurait les candidats... dans votre circonscription locale élargie, bien sûr, vous voteriez pour un candidat, comme c'est le cas actuellement, et il y aurait aussi une deuxième partie du bulletin de vote où là vous voteriez pour un parti et la liste de candidats qu'ils présentent.

Bon, certains... vous savez que dans certains systèmes, en Finlande, je pense, en particulier, on peut exprimer un choix pour un candidat dans la liste. Personnellement, je penserais que pour commencer on serait mieux de s'en tenir à la liste, sans donner la possibilité aux gens d'aller pointer des noms sur la liste, mais ça, c'est débattable, comme on dit.

Mais, en fait, ce n'est pas très compliqué. Ce que j'ai essayé de vous expliquer simplement en prenant l'exemple de la région de Québec, je pense que ça peut s'expliquer de façon toute aussi simple aux électeurs en faisant un peu d'éducation politique. Donc, je ne pense pas que ce soit un système excessivement compliqué, je pense que les gens... Si, à travers le monde, les... pas les Scandinaves, mais, je veux dire, les Néo-Zélandais, les Écossais et les Japonais s'y sont faits, bien, on devrait pouvoir y arriver également.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Vimont.

M. Gaudreau: Oui, merci. Écoutez, vous avez sûrement dû suivre les changements dans certains pays. La question que je me posais, c'est: Lors de l'instauration d'un nouveau système, d'un nouveau mode de scrutin, on peut évaluer combien de temps? Ou est-ce qu'il y a eu des études qui se sont faites à savoir, l'éducation qu'on doit faire auprès des concitoyens, on peut évaluer ça sur combien de temps? S'il y a des choses...

M. Lemieux (Vincent): Je ne peux pas vous faire part d'études qui ont porté là-dessus, et encore une fois, c'est... Je sais que Henry Milner a suivi d'assez près le cas de la Nouvelle-Zélande, et je pense qu'il y est allé, d'ailleurs, au moment des dernières élections, il sera peut-être plus apte à répondre à cette question. Mais, encore une fois, comme je viens de le dire, je ne pense pas que ce soit extrêmement compliqué, difficile à comprendre. Bien sûr que c'est un petit peu plus compliqué que le système de mode de scrutin actuel, mais pas au point où on doit faire de longues campagnes d'éducation.

Et, encore une fois, je me répète, mais, comme je le disais, si on retenait l'idée de faire approuver ça par la population par voie de consultation populaire, de référendum, bien ce serait l'occasion évidemment d'éduquer la population à ce mode de scrutin pour qu'elle donne un vote référendaire éclairé là-dessus.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Oui, bon. Alors, comme je l'avais dit tantôt dans mon intervention préalable, et vous avez répondu, M. Lemieux: Il semblerait que la proportionnelle favoriserait l'accession de plus de femmes dans les Assemblées. Et même dans le document, notre propre document, ici, c'est ce qu'on dit aussi, on dit: «La représentation proportionnelle ne garantit pas l'augmentation du nombre de candidates». Cependant, dans les faits, actuellement, le mouvement des femmes au Québec se prononce pour la représentation proportionnelle, dans le sens qu'elles ont des espoirs d'augmenter la représentation des femmes. Est-ce que, dans le fond, à votre avis, selon ce qui est donné là, est-ce qu'on... et on devrait plutôt demander, comme en France où ils ont, à ce moment-là, adopté une loi des quotas, essayer de mettre plutôt nos énergies sur d'autres modes que sur la proportionnelle, qui peut-être ne nous donnera pas les résultats escomptés après s'être... après y avoir mis beaucoup d'espoir? Je sais que vous avez dit qu'il y a un autre de vos collègues qui peut-être a plus étudié ce sujet à fond, mais j'aimerais quand même vous entendre là-dessus.

n (11 h 10) n

M. Lemieux (Vincent): Oui. En fait, avant d'arriver à la méthode française, je pense qu'il faudrait, à supposer qu'on change de mode de scrutin, faire l'expérience de ce mode de scrutin mixte. Et pourquoi les femmes sont mieux représentées avec ces modes de scrutin? C'est que, dans la partie... Évidemment, pour ce qui est de la partie du vote, ou du moins du vote qui continuerait d'être donné à des candidats locaux, on peut penser que là il n'y aurait pas de changement, et les circonscriptions étant un peu plus grandes, bon... Je ne sais pas si vous avez comparé... je n'ai pas ça à l'esprit, mais, sur le plan fédéral, au Québec, est-ce que la proportion de femmes actuelle, ou sur une certaine période...

Mme Leduc: ...28, et au fédéral, je crois que c'est 23.

Une voix: C'est 20.

Mme Leduc: 20? 20.

M. Lemieux (Vincent): 20, c'est un peu moins?

Mme Leduc: Un peu moins au fédéral.

M. Lemieux (Vincent): Bon, de toute façon, ce n'est pas sur cette partie ou cette dimension du vote qu'il faut compter, mais sur l'autre, hein, c'est-à-dire, où là, prenons mon exemple de la région de Québec, il y a quatre sièges. Bon, si j'ai dit six-quatre, parce que c'est 60 %-40 %, là, comme dans le cas de la proposition de l'ADQ, à 75-50. Là les partis présenteraient une liste, disons, de quatre candidats, ou peut-être un peu moins s'ils n'ont pas beaucoup d'espoir de faire élire les quatre, et généralement ce qui se produit, c'est que, dans cette liste pour l'élection de députés régionaux, la proportion des femmes, c'est-à-dire les femmes qui sont en bonne position dans la liste, là, est assez élevée, parce que là on dit... bien sûr, il y a peut-être moins de contraintes, disons, à les placer sur cette liste-là qu'à les choisir comme candidates locales. Et donc, c'est cette partie proportionnalisante, comme je l'appelais, là, du bulletin de vote, c'est-à-dire, ce serait dans les 50... il y a de bonnes chances que les 50 députés élus selon ce système-là, bon, au lieu... ? vous dites qu'actuellement au Québec c'est 28?

Mme Leduc: 28.

M. Lemieux (Vincent): 28 ? qu'il pourrait y avoir là-dedans plus de 28 % de femmes, mais ça, on ne le sait, hein, tant qu'on n'a pas l'expérience. Tout ce qu'on sait, c'est que, dans les systèmes proportionnels et proportionnalisants, bon, statistiquement, là, à quelques exceptions près, la proportion de députés qui sont des femmes est plus élevée que dans les autres.

Mme Leduc: Bien, si je comprends, c'est que les partis corrigeraient eux-mêmes en mettant des femmes sur leur liste. La trop forte proportion de candidats élus, là, ce serait une façon pour les partis de corriger.

M. Lemieux (Vincent): Oui, c'est ça. Supposons qu'un des trois partis, dans le choix de ses six candidats locaux ? je reprends toujours mon exemple de Québec ? constaterait que, pour toutes sortes de raisons, il y a seulement qu'une femme, ou qu'il n'y en a pas du tout, alors évidemment la pression, je pense, serait assez forte sur eux pour corriger cette situation-là dans la deuxième partie du bulletins où là, dans la liste de quatre personnes, il y en avait peut-être deux, peut-être même trois avant.

Mme Leduc: Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Lemieux, pour votre contribution aux travaux de cette commission. Et je vous lance l'invitation: Si, au cours des prochains jours, des prochaines semaines, vous avez des idées intéressantes à nous soumettre ? elles sont toujours intéressantes, vos idées ? soyez bien à l'aise pour pouvoir le faire en passant par le secrétariat de la commission. Alors, merci pour votre présence ici aujourd'hui.

M. Lemieux (Vincent): Merci, M. le Président.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite maintenant notre prochain invité, M. André Blais, professeur titulaire à l'Université de Montréal, au Département des sciences politiques, qui va à son tour nous faire part de ses commentaires sur ce sujet important, la réforme du mode de scrutin au Québec.

Alors, bienvenue, M. Blais. Et vous avez vu un peu comment se déroulaient nos travaux, dans une harmonie qu'on ne retrouve pas toujours en ces lieux. Et je vous invite à nous faire part de vos remarques. Vous avez une période de 25 minutes.

M. André Blais, Université de Montréal

M. Blais (André): Alors, j'aimerais d'abord vous remercier de m'avoir invité à venir vous parler aujourd'hui d'une de mes marottes ou d'un de mes sujets de prédilection, c'est-à-dire les modes de scrutin.

Je vais faire une présentation en trois points. Le premier, qui sera très bref, traitera des options, c'est-à-dire de la typologie des modes de scrutin. J'ai un mot à dire à ce sujet. La deuxième partie, la plus importante, traitera du débat sur le mode de scrutin. Je ferai le point sur les principaux avantages et désavantages qui sont imputés aux différents mode de scrutin, et là vous ne serez pas surpris de voir que, moi aussi, je vais dire: Il n'y a aucun mode de scrutin parfait, chacun a ses avantages et ses désavantages. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut être indifférent, qu'il n'y en a aucun qui, au total, peut être plus intéressant qu'un autre. Et, dans la dernière partie, je vous ferai part de mes préférences personnelles.

Alors, premier point, la typologie des modes de scrutin. Le document de consultation préparé par la commission distingue, comme on le fait généralement dans la littérature francophone, les scrutins majoritaires, proportionnels et mixtes, donc trois grandes familles. J'aimerais indiquer que je ne suis pas d'accord avec cette typologie, pour une seule raison. Selon moi, il y a un problème avec cette typologie, c'est qu'elle met ensemble les scrutins fondés sur la règle de la pluralité. Le principe est: celui qui a le plus de votes est déclaré élu. Donc, on confond ce principe-là avec l'autre, qu'il faut distinguer, qui est le principe de la majorité, c'est-à-dire qu'il faut avoir plus de 50 % des votes pour être élu.

Et notre scrutin, c'est un scrutin donc qui est pluralitaire et non majoritaire. Le système majoritaire, c'est le système français. Ce sont deux logiques tout à fait différentes. La logique du scrutin majoritaire à la française, c'est une logique, par exemple, qui conduit à la formation d'un grand nombre de partis et à la formation de coalitions électorales entre ces partis. Nous n'en sommes pas là du tout. Et donc, il m'apparaît important de parler d'un scrutin pluralitaire qui est le nôtre et d'un scrutin majoritaire pour parler entre autres du vote en France.

Évidemment, on contourne souvent ce problème en faisant la distinction entre le principe de la majorité relative par opposition à la majorité absolue. Mais, quand on fait cela, bien souvent on l'oublie, on le fait une première fois puis on oublie cette distinction par la suite, et je crois qu'on confond facilement les choses. Et donc, il me semble que c'est beaucoup plus clair de parler de scrutin pluralitaire, d'une part, comme le font les anglophones, et de scrutin majoritaire, d'autre part. Et donc, je serai curieux de voir quelle sera la terminologie que la commission adoptera en bout de piste; évidemment, je regarderai cela avec beaucoup d'intérêt. Mais, pour le moment, je vais vous imposer ma typologie, qui est celle où il y a carrément quatre modes de scrutin: pluralitaire, majoritaire, proportionnel et mixte.

Alors, maintenant, deuxième section, les avantages et désavantages des différents modes de scrutin. On peut évaluer les modes de scrutin en fonction de plusieurs critères différents, parce que ces critères sont non seulement différents mais en partie contradictoires, aucun mode de scrutin n'est meilleur que les autres sur chacun des critères. Et, par conséquent, le choix d'un mode de scrutin dépend en partie d'un jugement de valeur subjectif sur l'importance relative des différents critères. Ce jugement subjectif, il doit être fait par les députés. Donc, ça veut dire aussi qu'il y a des limites à ce que les experts peuvent donner comme recommandations.

Voici donc quels sont à mes yeux les principaux arguments avancés en faveur et contre les différents modes de scrutin. Je vais me limiter ici aux scrutins pluralitaire, proportionnel et mixte. Je vais laisser de côté donc le scrutin majoritaire à deux tours à la française, qui ne me semble pas faire partie de l'agenda politique. Mais je serais heureux de répondre à toute question sur ce mode de scrutin, puisque je travaille présentement sur les élections françaises, que je trouve fascinantes à plus d'un égard.

n (11 h 20) n

Étant donné le peu de temps dont je dispose, je ne parlerai que des arguments qui m'apparaissent les plus importants. Et parce que j'aime bien insister sur le côté plus positif des choses, je ne traiterai que des avantages de chaque mode de scrutin, qui correspondent évidemment aux désavantages des autres. Un avantage du mode de scrutin pluralitaire correspond en bonne partie à un désavantage d'un scrutin proportionnel, et vice et versa.

Donc, commençons par le mode de scrutin actuel, le scrutin pluralitaire. Quels sont ses principaux avantages? J'en vois deux: le premier, c'est que le scrutin pluralitaire produit des gouvernements majoritaires, des gouvernements où il y a un parti qui a une majorité absolue des sièges en Chambre.

Première question: Est-ce vrai? Réponse: Oui, en bonne partie. Dans une analyse que j'avais faite il y a quelques années et portant sur les élections tenues dans les démocraties électorales depuis la fin du XIXe siècle, je constatais qu'un scrutin pluralitaire produisait un gouvernement avec un seul parti ayant une majorité des sièges à peu près 70 % des fois. Donc une tendance nette, mais quand même avec certaines exceptions non négligeables. Et on a parfois des gouvernements avec un seul parti majoritaire, dans des scrutins proportionnels ? en Autriche en particulier ? à peu près 10 % des fois. Donc, il y a une différence assez claire entre scrutin pluralitaire et scrutin proportionnel, pour ce qui est de la formation d'un gouvernement avec un parti majoritaire en Chambre. Et donc, si on veut avoir un gouvernement avec un seul parti majoritaire, je crois qu'il faut choisir le scrutin pluralitaire. Et, là-dessus, en passant, ce serait le seul point avec lequel je suis en léger désaccord avec la présentation de M. Lemieux. Moi, je crois que, si on passait à un scrutin proportionnel ou mixte, on doit s'attendre à ce qu'on ait des gouvernements qui ne soient pas majoritaires. Nous n'aurions pas trois partis, selon moi, nous aurions probablement quatre, cinq ou six partis. La situation, je crois, serait différente, et donc je crois qu'il faut le reconnaître.

Deuxième question: Pourquoi est-ce mieux d'avoir un gouvernement avec un parti majoritaire en Chambre? La réponse classique était: Pour avoir une plus grande stabilité. Cet argument, selon moi, ne tient pas. Il est tout à fait possible d'avoir une grande stabilité gouvernementale dans un système proportionnel ou mixte. Par exemple, les gouvernements, en moyenne, durent tout aussi longtemps en Allemagne et dans les pays scandinaves qu'au Canada. Donc, l'argument de la stabilité ne m'apparaît pas vraiment convaincant.

Mais il y a une autre raison, plus valable selon moi, pour préférer les gouvernements avec un seul parti majoritaire; cette raison, c'est que, quand il y a un seul parti qui contrôle le pouvoir, la responsabilité gouvernementale et politique est plus claire. Au Québec présentement, on sait très bien pour quel parti voter si on est satisfait du gouvernement actuel et on sait très bien pour quel parti ne pas voter si on est insatisfait; c'est très clair. S'il y a une coalition de deux partis, ce n'est pas tout à fait aussi clair; lequel des deux partis devrait être tenu responsable si on est insatisfait? À quel degré l'un ou l'autre est responsable? Il ne faut pas exagérer non plus la différence, une différence de degré seulement. Mais il reste que le scrutin pluralitaire produit généralement une responsabilité plus claire, et c'est un avantage qu'il a.

Deuxième avantage: le scrutin pluralitaire produit des liens plus personnels entre les électeurs et les élus. Votre question: Est-ce que c'est vrai? Encore une fois, oui, en bonne partie. Il existe une nette différence entre le scrutin pluralitaire, d'une part, et le scrutin proportionnel de listes bloquées, d'autre part. Deuxième système dans lequel les électeurs ne se prononcent que sur les partis et ne sont pas du tout invités à exprimer leurs préférences envers les candidats. Donc, dans les scrutins pluralitaires, les députés ont des liens beaucoup plus étroits, plus personnalisés avec leurs électeurs.

Par ailleurs cependant, il est possible d'avoir un système mixte à l'allemande dans lequel les électeurs sont appelés à se prononcer directement sur des candidats locaux. En somme, il est possible d'introduire le principe de la proportionnalité tout en permettant aux électeurs de se prononcer sur des candidats. Ceci étant dit, il reste que le scrutin pluralitaire, dans lequel tous les candidats sont élus dans des circonscriptions locales, produit dans l'ensemble des liens plus personnels entre les électeurs et les élus.

Deuxième question: est-ce que c'est important de conserver des liens personnels entre des électeurs et les élus? Cela relève évidemment d'un jugement subjectif et personnel. Mais, si j'en juge d'après le comportement des électeurs, la plupart d'entre eux ou beaucoup d'entre eux diraient que ce n'est pas une considération cruciale mais que ce n'est pas une considération négligeable. Donc, c'est assez important, je crois, pour les électeurs, pas très important, mais pas négligeable non plus. Un indice de ce que j'avance. Lors de la dernière élection canadienne, on a demandé, dans l'enquête sur l'élection canadienne, donc on a demandé aux électeurs s'il y avait un candidat qu'ils aimaient tout particulièrement dans leur circonscription. La moitié a répondu oui, l'autre moitié, non. Ensuite, on a tenté de déterminer pour combien d'électeurs le candidat local a été une considération décisive dans le vote. Notre estimation a été 5 %, c'est-à-dire que 5 % des électeurs auraient voté différemment n'eût été du candidat: ça a été une décision cruciale. Donc, beaucoup d'électeurs ne se préoccupent pas vraiment de savoir qui est leur candidat local, mais, pour une fraction non négligeable, c'est une considération parmi d'autres, d'où mon bilan qui est que d'avoir des liens personnels, c'est une considération qui n'est ni cruciale ni négligeable, je pense, pour beaucoup d'électeurs.

Donc, les deux avantages du scrutin qu'on a, scrutin pluralitaire actuel, d'abord, les gouvernements majoritaires avec responsabilités plus claires, et ensuite des liens plus personnels entre les électeurs et les élus.

Maintenant, les scrutins proportionnels. Je vois essentiellement trois avantages principaux. Le premier, le scrutin proportionnel produit un Parlement et un gouvernement plus représentatifs. Première question: Est-ce vrai? Réponse, encore une fois, oui, en bonne partie. D'abord, au niveau du Parlement, on a généralement cinq ou six partis plutôt que trois ou quatre, plus de courants de pensée différents sont représentés et, oui, la représentation des femmes est plus élevée, dans les scrutins proportionnels ? j'y reviendrai peut-être dans la période de questions. Pourquoi elle est plus élevée? Essentiellement, parce qu'il y a des pressions qui sont faites par les femmes pour qu'il y ait une représentation équitable sur la liste de parti. Et, s'il n'y a pas de pression de femmes, ça ne changera rien, il faut bien s'entendre là-dessus. Mais, généralement, c'est fait, c'est plus facile de le faire, c'est plus facile de faire en sorte qu'il y ait la moitié des candidats de la liste qui soient des femmes et l'autre moitié, des hommes.

Ensuite, au gouvernement, on a généralement une coalition gouvernementale de deux, généralement deux, parfois trois partis. Cette coalition est évidemment obligée de tenir compte de différents courants de pensée. Donc, on peut dire, selon moi, que, oui, au niveau du Parlement et du gouvernement, il y a une plus forte gamme de points de vue qui sont représentés dans les gouvernements qui découlent d'un scrutin proportionnel. Deuxième question: Est-ce que les gouvernements de coalition adoptent des politiques qui correspondent mieux à ce que les gens veulent? Question beaucoup plus difficile. Un argument des tenants du scrutin pluralitaire actuel, c'est que les grands partis, dans un système comme le nôtre, sont obligés d'être sensibles à l'opinion s'ils veulent être réélus, et donc ils se rapprochent de l'électeur médian, du milieu de la distribution de l'opinion. Il y a beaucoup de vrai dans cet argument. Mais cette tendance prévaut également dans un scrutin proportionnel, et il y a un garde-fou additionnel: toute politique doit avoir l'accord de l'autre partenaire de la coalition, ou des autres, mais généralement c'est seulement un autre.

n (11 h 30) n

Une étude importante d'un auteur américain, Bingham Powell, publiée tout récemment, indique qu'au total les gouvernements de coalition, dans les scrutins proportionnels, tendent à être un peu plus près de l'électeur médian que les gouvernements issus des scrutins non proportionnels; une différence qui n'est pas énorme, une différence qui n'est pas négligeable non plus. Donc, bilan: oui, selon moi, les gouvernements de coalition tendent à être un peu plus représentatifs, sur le plan idéologique, que les gouvernements issus des scrutins pluralitaires.

Deuxième argument en faveur du scrutin proportionnel: il produit des résultats plus justes, plus équitables. Est-ce vrai? Encore une fois, oui, en bonne partie. Par définition, le scrutin proportionnel fait en sorte que le pourcentage de sièges est similaire au pourcentage de votes, qu'on n'a pas, comme lors de la dernière élection québécoise, un parti qui a 11 % des votes et seulement 1 % des sièges. Il faut garder à l'esprit cependant qu'aucune des propositions actuellement considérées ne garantit une proportionnalité parfaite. On parle d'une proportionnelle régionale modérée ou avec un seuil, et il reste donc que les scrutins proportionnels sont des miroirs déformants eux aussi mais moins déformants que les scrutins pluralitaires et que, pour cette raison, ils sont perçus comme étant plus justes par les citoyens.

Est-ce que cette perception d'équité ou de justice est importante, et dans quelle mesure ça rend les gens plus satisfaits? ? la question qui a été posée tantôt vis-à-vis des modes de scrutin ? c'est extrêmement difficile à dire. En fait, aucune étude n'a vraiment encore démontré à ce jour que les institutions politiques jouissent d'une plus grande estime dans les pays qui ont un scrutin proportionnel. Ce que je peux dire cependant, c'est qu'il y a une étude qui a porté sur, je crois, une vingtaine de pays, par un Américain, Christopher Anderson, et qui a montré que les perdants sont moins insatisfaits dans les scrutins proportionnels que dans les scrutins pluralitaires. Et donc, si on soucie de la perspective des perdants, je crois que là il y a raison de croire que c'est beaucoup plus facile de perdre dans un scrutin proportionnel que dans un scrutin pluralitaire.

Et j'ajouterai que j'ai beaucoup de difficultés à croire que les électeurs qui voteront libéral lors de la prochaine élection accepteront la défaite avec autant de sérénité si, pour une seconde élection successive, ils ont moins de sièges que leur principal adversaire tout en ayant plus de votes. Si ça se produit deux fois, je crois que ça va être un cas assez intéressant à examiner, d'autant plus que, moi, je travaille sur un livre qui s'appelle Loosers' consent, qu'est-ce qui fait que les perdants acceptent, et je crois ce serait un cas intéressant à ajouter à notre analyse.

M. Chagnon: C'est intéressant pour vous mais un peu moins pour nous!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Espérons qu'il soit hypothétique.

M. Blais (André): Troisième argument. Le scrutin proportionnel limite le pouvoir du premier ministre. Ce troisième argument n'est pas aussi souvent avancé, mais il m'apparaît tout aussi important. Pourquoi le pouvoir du premier ministre est-il moins grand dans un système proportionnel? Tout simplement parce que le gouvernement est formé d'une coalition et que les grandes orientations et décisions doivent faire l'objet d'un accord avec l'autre partenaire. Cela ne veut pas dire que le chancelier allemand ou le premier ministre suédois n'a pas de pouvoir; tout au contraire, le premier ministre suédois demeure la personne la plus influente, en Suède, sur le plan politique, mais ce pouvoir n'est pas aussi grand qu'au Canada ou qu'au Québec. De cette façon, le scrutin proportionnel contribue à une certaine déconcentration du pouvoir. Il ne faut pas non plus exagérer les choses, mais une certaine déconcentration. Donc, trois arguments principaux pour le scrutin proportionnel: une meilleure représentation, des résultats plus justes et un pouvoir un peu plus déconcentré, ou un peu moins concentré.

Passons maintenant au scrutin mixte. Il existe une grande variété de scrutins mixtes. En fait, mon collègue Massicotte et moi avons écrit un texte qui propose une typologie assez complexe des systèmes mixtes et qui indique dans quels pays ils sont utilisés. Donc, on a passé une cinquante de pages à décrire toutes les variétés. Je vais me limiter ici à un seul type, le scrutin mixte compensatoire, dont M. Lemieux a parlé tantôt, qui est défini dans votre document de consultation comme un système mixte à finalité proportionnelle. Donc, c'est le système utilisé en Allemagne et en Nouvelle-Zélande, et c'est le système proposé par plusieurs, y compris, je crois comprendre, par les trois principaux partis politiques. Il faut préciser en quoi ce système est et n'est pas mixte. Au niveau du vote, le système est clairement mixte, puisque l'électeur dispose de deux bulletins de vote, un sur lequel il vote pour un candidat dans sa circonscription locale et un sur lequel il vote pour un parti, soit au niveau régional ou au niveau national. Sur ce plan, le scrutin est mixte et il est nettement supérieur et au scrutin proportionnel de listes et au scrutin pluralitaire, puisqu'il permet à l'électeur d'évaluer séparément les partis et les candidats, ce que le scrutin proportionnel de listes ne permet pas, ni le scrutin actuel, où on ne peut pas distinguer des préférences qu'on peut avoir pour un parti ou pour un candidat. Donc, au niveau du vote lui-même, il est clairement mixte.

Cependant, le système n'est pas mixte au niveau de la distribution des sièges entre les partis. Sur ce plan, le scrutin mixte compensatoire est identique au scrutin proportionnel. Le système allemand donne une adéquation presque parfaite en votes et sièges pour tous les partis qui franchissent le seuil minimal de 5 %. Cela veut dire que le système partage tous les avantages du scrutin proportionnel, un Parlement et un gouvernement plus représentatifs, des résultats plus justes et un pouvoir plus limité pour le premier ministre; cela veut dire également que le système ne partage pas un avantage du scrutin pluralitaire: parce que les gouvernements sont généralement formés de coalitions, la responsabilité politique n'est pas aussi claire.

Troisièmement, le système est mixte au niveau de la désignation des élus. Plus spécifiquement, la moitié des élus sont des élus au scrutin pluralitaire, dans les circonscriptions, et l'autre moitié provient des listes mises de l'avant par les partis. Cela veut dire deux choses: d'abord, les circonscriptions locales sont deux fois plus grandes que ce qu'elles seraient dans un scrutin pluralitaire; ensuite, seulement la moitié des élus est élue dans une circonscription locale. Notons cependant, comme M. Lemieux l'a mentionné tantôt, qu'en pratique presque tous les élus ? en fait, c'est plus de 90 % des élus ? à la proportionnelle, tant en Allemagne qu'en Nouvelle-Zélande, sont candidats dans une circonscription locale, et que même ceux qui sont élus dans le bulletin national ou régional disent accorder beaucoup d'importance au travail dans les circonscriptions, dans les enquêtes qui ont été faites. Le «bottom line», cependant, il faut le reconnaître, c'est que, sur le plan des liens personnels entre électeurs et élus, le scrutin mixte, quoique supérieur au scrutin proportionnel de listes bloquées, est inférieur au scrutin pluralitaire.

Conclusions? Alors, selon cette analyse, il y aurait cinq critères principaux en fonction desquels on peut évaluer des modes de scrutin: le principe de la responsabilité claire, qui découle de la présence d'un gouvernement avec un parti majoritaire en Chambre; des liens personnalisés entre les électeurs et les élus; un Parlement et un gouvernement représentatifs; des résultats justes; et une déconcentration du pouvoir.

Sur les deux premiers critères, le scrutin pluralitaire donne de meilleurs résultats que les scrutins proportionnel et mixte, et sur les trois derniers, c'est l'inverse. La question est donc de déterminer quels critères sont les plus importants. Cela est évidemment une question de jugement personnel et subjectif, une question que l'expert que je suis ne peut trancher. Ce que je peux ajouter, cependant, c'est que chacun des critères me semble tout à fait valable et qu'il est illusoire de croire qu'on peut tous les respecter en même temps. Et l'expert prudent que je suis est porté à recommander de viser à ce qu'aucun des critères ne soit complètement escamoté. De ce point de vue, il me semble qu'il faille éviter une situation de responsabilité gouvernementale très ambiguë, qui fait en sorte que les électeurs ne savent guère quelles sont les coalitions gouvernementales possibles et que leur vote n'a aucun poids minime dans la formation du gouvernement. C'est pourquoi je ne recommanderais pas la proportionnelle intégrale, comme aux Pays-Bas ou en Israël, et c'est pourquoi je suis favorable à un seuil, dans le cas d'un scrutin proportionnel, de façon à ce qu'il y ait un nombre relativement limité de partis. Je pense que c'est bien d'en avoir cinq ou six, je ne suis pas sûr que c'est bien d'en avoir 12 ou 13, comme aux Pays-Bas.

Toujours dans la même perspective, il faut aussi éviter, je crois, une situation dans laquelle les électeurs sont appelés à se prononcer sur les partis mais n'ont rien à dire sur les candidats qui vont les représenter. C'est pourquoi je ne recommanderais pas le scrutin proportionnel de listes bloquées. Toujours dans la même perspective, il faut également éviter, selon moi, les résultats qui apparaissent systématiquement biaisés contre un groupe et/ou un parti. Ici, le mot «systématiquement» est crucial. Je crois qu'on peut accepter que le scrutin pluralitaire avantage de façon conjoncturelle tel ou tel parti. Mais il me semble qu'il faille éviter une situation où, élection après élection, le même parti, le Parti libéral, pour ne pas le nommer, ne parvient pas à former le gouvernement même s'il a une pluralité des votes.

n (11 h 40) n

Ces considérations font en sorte que le citoyen expert prudent que je suis a une préférence pour le scrutin mixte compensatoire avec un seuil, comme en Allemagne, de 5 % des votes, un système qui assure une bonne représentativité, une bonne adéquation entre votes et sièges, qui permet des liens personnalisés entre électeurs et élus, tout au moins en partie, et qui évite aussi l'éparpillement des sièges, comme on le retrouve aux Pays-Bas ou en Israël.

Je terminerai cette présentation par ? excusez, j'avais quatre, mais cinq... j'ajouterai un mot sur le taux de participation ? par cinq observations. Premièrement, d'aucuns pourront faire remarquer qu'on peut, dans un scrutin proportionnel, avoir un vote préférentiel pour des candidats. Je préfère le scrutin mixte parce qu'il présente l'avantage, contrairement au vote préférentiel, de ne pas mettre en compétition les candidats d'un même parti les uns contre les autres, ce qui peut être malsain pour la cohésion des partis. Et donc, lorsqu'on a un vote préférentiel, vous avez les candidats d'un même parti qui sont en lutte potentiellement les uns contre les autres, ça ne m'apparaît pas être tout à fait souhaitable, ce que vous n'avez pas dans le système allemand.

Deuxièmement, j'aime particulièrement, dans le scrutin mixte, la possibilité qu'il donne à l'électeur de se prononcer séparément sur le parti et le candidat local qu'il préfère. Le fait d'avoir deux votes permet à l'électeur de distinguer son appréciation des partis et son appréciation des candidats, ce qui n'est pas possible ni dans le scrutin pluralitaire ni dans le scrutin proportionnel de listes.

Troisièmement, il n'est pas du tout nécessaire, dans un système mixte compensatoire, que des sièges compensatoires soient aussi nombreux que les sièges de circonscription. On pourrait facilement assurer une bonne proportionnalité globale avec moins de la moitié des sièges compensatoires. Tantôt, on a parlé du ratio, par exemple, 75-50.

Quatrièmement, il faut souligner le caractère excessivement brutal, de mon point de vue, du système actuel. Le Parti québécois risque d'être complètement balayé à la prochaine élection, tout comme il y a dix ans le Parti conservateur au niveau fédéral, s'il obtient moins de 25 % des votes. Même les adversaires les plus féroces du Parti québécois voudront reconnaître que le parti représente un courant d'opinion important et qu'il serait extrêmement regrettable que ce courant ne soit pas représenté à l'Assemblée nationale.

Dernière remarque sur le taux de participation, puisqu'il y avait une question là-dessus, je vais le dire tout de suite, parce que j'ai fait des travaux sur cette question-là. La situation est la suivante: Tout étant égal par ailleurs, le taux de participation est de trois à cinq points plus élevé dans les scrutins proportionnels que dans les scrutins non proportionnels, une différence qui n'est pas énorme mais qui existe. Ce qu'on note, par ailleurs, c'est que le taux de participation est en général moins élevé lorsqu'il y a beaucoup de partis. Plus il y a de partis, tout étant égal par ailleurs, moins le taux de participation est élevé. Un cas typique, le cas des Pays-Bas, un scrutin proportionnel, taux de participation relativement faible, autour de 70 %. Une des raisons, c'est qu'il y a énormément de partis, les électeurs néerlandais savent très bien qu'ils vont voter le jour des élections puis que, après cela, qui va faire partie du gouvernement, c'est des discussions qui se font dans les «back room politics», et donc ils ont conclu que leur vote ne valait pas grand chose. Et donc, la recette, c'est de faire en sorte qu'on ait un scrutin qui soit relativement juste, donc proportionnel, mais en même temps qu'il n'y ait pas trop de partis en même temps à la Chambre.

Troisième remarque sur le taux de participation. Le déclin qu'on observe présentement du taux de participation dans la très grande majorité des démocraties est généralisé et s'applique autant aux scrutins proportionnels qu'aux scrutins non proportionnels, et donc ce déclin-là, on l'observe partout, mais il reste un écart, comme je vous le mentionnais tantôt, de trois à cinq points entre le taux de participation dans les scrutins proportionnels, y compris mixtes compensatoires, et les scrutins non proportionnels. C'est tout, merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Blais, pour cet exposé extrêmement intéressant. Vous avez dépassé de quelques brèves minutes votre exposé, c'est-à-dire le temps imparti, mais j'ai senti une telle unanimité à vous laisser poursuivre qu'il n'y avait pas de problème. Alors, oui, M. le député de Saint-Hyacinthe, pour débuter cet échange.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je vous remercie, M. Blais, d'avoir exprimé aussi clairement que vous ne voulez pas nous perdre. Ha, ha, ha! Mais sans doute ce n'était pas votre objectif premier.

Une voix: ...

M. Dion: Ha, ha, ha! M. le député de ? oui, c'est ça, Saint-Louis ? n'est pas d'accord. Lui, il voudrait bien nous perdre.

Une voix: Non, non, non...

M. Dion: Ah! Vous voulez ne pas nous perdre non plus. Ah bon! Alors, vous voyez, il y a quand même des consensus qui se font autour de la table.

Mais, parlant sérieusement, je voudrais avoir votre commentaire sur quelque chose qui m'interroge depuis un bon bout de temps. Et je vous le pose aussi... peut-être très maladroitement, mais je sais que vous allez comprendre ma préoccupation.

Dans la société, les partis politiques sont importants, expriment des courants de pensée ou des façons de voir comment on peut le mieux s'entendre ou le moins mal s'entendre dans la société. Bon. Mais les partis politiques ne sont pas tout, ils sont une toute petite partie ou une partie de la vie politique. La vie politique, c'est aussi les corporations, c'est aussi les associations, c'est aussi les municipalités, c'est aussi les commissions scolaires, et, à travers toute cette vie politique où on agit plus ou moins à la périphérie du système politique pour l'améliorer ou le changer ou améliorer le fonctionnement social, la voix politique s'exprime. Dans le système qu'on a actuellement ici, cette option... ou les courants de pensée atteignent un niveau que je dirais politique quand ils atteignent un niveau partisan. Ils s'expriment dans un parti politique. Mais ils existaient avant. Ils s'exprimaient autrement, mais ils existaient avant.

Faut-il absolument que tous les courants de pensée naissants dans la société s'expriment nécessairement par un parti politique? Ou est-ce que le fait de passer par le filtre de faire atteindre à son idée un certain niveau de consensus social n'est pas sain aussi au plan politique? Alors, la question donc: La réalité, l'importance de l'existence des petits partis est-elle si grande, par rapport à l'objectif final qui est de faire en sorte que le peuple ait vraiment son mot à dire dans les décisions qui le concernent?

M. Blais (André): Peut-être deux éléments de réponse. Je crois que c'est souhaitable que les petits courants aient voix au chapitre et puissent être entendus, et donc qu'ils participent au débat politique.

Par contre, je suis d'accord avec vous qu'il n'est pas nécessaire que tous les petits courants soient représentés, et c'est pour cela que personnellement je suis plutôt favorable à un seuil de 5 %, qui fait en sorte que ce serait à cause de ce seuil-là que ce serait nécessairement plus difficile à certains courants plus marginaux de se représenter.

Mais, en même temps, les petits courants sont aussi valables, et donc il faut leur donner une chance. Et lorsque, dans un système où il y a un seuil de 5 %, c'est qu'on leur dit que pour être représentés formellement à l'Assemblée nationale il faut qu'ils aient atteint un certain niveau minimal en tant que tel. Et ça m'apparaît être un message intéressant.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vais rentrer sur le même sujet. Je vais parler après, mais puisqu'on aborde cette question-là...

Est-ce que... Actuellement, nos partis politiques sont essentiellement des partis qui sont des partis de consensus, qui ont des spectres idéologiques extrêmement larges et qui font les débats à l'intérieur même de leur structure de parti. Si on prenait, disons, proportionnel ou le système mixte, ça n'entraînerait pas à ce moment-là éventuellement à un bris des partis dits traditionnels actuellement, et d'amener un réalignement sur des positions idéologiques beaucoup, beaucoup plus claires et pointues éventuellement?

M. Blais (André): Oui et non. Je pense vous avez mis le doigt sur un point tout à fait valable. C'est que, lorsqu'on a un scrutin dans lequel il va y avoir cinq ou six partis ? entre quatre et six, je crois ? ça devient plus intéressant pour chaque parti de se démarquer les uns des autres, et donc ça peut amener à des partis qui sont au départ plus «programmatiques», plus idéologiques, d'une part.

n (11 h 50) n

Mais, d'autre part, ces mêmes partis sont obligés de former des coalitions, et ils savent qu'ils sont obligés de le faire. Ils sont, dans un deuxième temps, obligés de faire des compromis, et plus que ça, ils savent, ils anticipent qu'ils auront à faire des compromis, donc ils doivent faire attention. Et donc ils sont, comme présentement des partis, déchirés. D'une part, ils aimeraient bien être beaucoup plus clairs et plus idéologiques, mais en même temps ils savent que... ? pour les Verts allemands, ils doivent aussi composer avec les sociodémocrates ? ...et qu'ils auront à faire des compromis. Et donc il y a ce tiraillement-là qui existe aussi présentement.

Et donc, dans les deux systèmes, il y a des mêmes tendances qui existent. Ce que l'étude de Powell semble indiquer, c'est que les écarts qu'on peut retrouver sont plus susceptibles de se représenter dans les systèmes où il n'y a pas un gouvernement de coalition, que c'est plus facile pour une madame Thatcher, par exemple, d'avoir des positions très fortes, de rester au pouvoir, pour toutes sortes de raisons, et que les cas exceptionnels de gouvernements qui ont des positions très fortes et assez éloignées d'ailleurs des... ces cas exceptionnels se produisent un peu plus souvent dans les scrutins pluralitaires que dans les scrutins proportionnels. Mais la différence n'est pas énorme.

M. Dion: ...de poser la question d'une façon mathématique, si vous me permettez. Vous dites: Moi, je souhaite un seuil de 5 %... Mais, pour revenir au coeur de ma question, je dis: Les courants de pensée doivent s'exprimer, mais de toute façon ils s'expriment. Ils s'expriment, que ce soit à l'intérieur des partis ou par toutes sortes de pressions sociales. Alors, pourquoi pas un seuil de 10 %? Alors, je pose la question autrement, mais c'est la même question.

M. Blais (André): Parce qu'il me semble... ma préoccupation, c'est qu'il y ait quand même un assez grand nombre de partis. Si vous le mettez à 10 %, ce qui existe en Turquie présentement, vous allez avoir à la Chambre deux partis, ce qui m'apparaît vraiment...

M. Gautrin: En Turquie.

M. Blais (André): En Turquie, c'est deux partis qui ont franchi le seuil du 10 %; ça m'apparaît dangereux. On se demandait même s'il y avait un risque que ce soit seulement un parti qui obtienne le seuil de 10 %.

Si on veut faire en sorte qu'il n'y ait pas trop de partis et qu'il y ait en même temps des coalitions gouvernementales relativement limitées, de deux partis, par exemple, deux ou trois partis au maximum, le cas allemand suggère qu'avec un seuil de 5 % on arrive assez facilement à cet objectif-là. Bon. Est-ce que ça pourrait être quatre, comme en Suède, par exemple, ça ne me pose pas de problème non plus. Mais, d'aller plus haut que ça, je pense que ça peut être dangereux de fermer vraiment la porte à des courants quand même assez importants.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Une question qu'on a déjà posée à M. Lemieux, c'était: Lorsqu'on va changer, si jamais on doit changer de mode de scrutin, qu'est-ce qu'il faut pour que ce soit acceptable par la population? Est-ce que nous, parlementaires, avons la légitimité suffisante pour changer le mode de scrutin ou faut-il aller à un mode référendaire ou à une consultation de la population?

M. Blais (André): Là, je pense que vous parlez plus au citoyen qu'à l'expert. C'est quand même une question plus normative...

M. Gautrin: Bien, attendez. Ma question était à deux niveaux, et bien sûr au citoyen puisque vous êtes aussi un citoyen, un expert aussi... Lorsqu'il y a eu changement, je crois qu'on a toujours fait un référendum, mais je n'en suis pas sûr, donc je me pose la question. Je sais qu'en Italie ça a été par voie référendaire, je crois qu'en Nouvelle-Zélande ça a été par voie référendaire, mais je ne connais pas une...

M. Blais (André): Oui, mais pas au Japon. Dans la majorité des cas, en France, M. Mitterrand a changé le mode de scrutin en 1986, la droite est revenue au pouvoir le rechanger; en France, on les change continuellement. Dans la majorité des pays, ce n'est pas par des référendums.

Je crois qu'il y a quand même une tendance à ce que ce soit... le référendum commence à être un peu plus important et plus utilisé. Personnellement, et là c'est vraiment comme citoyen, je crois que ça devrait être un référendum parce que c'est une question fondamentale. Je crois que le public devrait être consulté. Je préciserais que, selon moi, ça devrait être un référendum sur une proposition concrète, avec un oui ou un non. Mais là je dois dire que c'est plus comme citoyen que je réponds que comme expert.

Le Président (M. Lachance): M. Blais, vous avez parlé du déclin de la participation des citoyens à travers le monde dans le processus électoral. Est-ce que le Québec est une exception, à travers le monde, à cet égard en raison de son fort taux de participation? Par exemple, en 1998, ça a été 78,3 %, je pense, le taux de participation au Québec, et en 1994 il était encore plus élevé: 81,6.

Et, si oui, qu'est-ce qui pourrait expliquer ça, là, par rapport à ce qui existe ailleurs?

M. Blais (André): Je n'ai pas assez examiné cette question-là. Je n'ai pas les données suffisantes pour me prononcer.

Ce que je peux vous dire, c'est que, au niveau fédéral, le taux de participation, Québec suit la même tendance qu'ailleurs. Et donc, il y a eu un déclin, même un peu plus important à la dernière élection, qu'ailleurs. Moi, je m'attends à un déclin du taux de participation à la prochaine élection. Et donc, je n'ai pas de raison de croire que ce soit très différent, pour la raison suivante. On observe que le taux de participation décline essentiellement chez les jeunes générations. Et donc, ça semble être vraiment... Parce que, chez les générations plus âgées, le taux de participation reste essentiellement le même. Et donc, le déclin de la participation, il est vraiment complètement concentré chez les plus jeunes, pour des raisons très complexes qui sont reliées à des changements de valeurs, je crois, chez les nouvelles générations. Je ne crois pas que ces changements... J'ai toutes les raisons de croire que ces changements ont affecté aussi les nouvelles générations au Québec. Et donc, de ce point de vue là, je ne suis pas très optimiste pour la prochaine élection.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: ...question. Est-ce que la journée dans la semaine pour faire un mode de scrutin peut avoir un effet sur la participation?

M. Blais (André): Les données là-dessus ne sont pas claires. On a au moins une étude qui a suggéré, sur la question du dimanche surtout par rapport... aux jours fériés par rapport aux jours non fériés, une étude a suggéré qu'il y avait, qu'il pourrait y avoir un petit effet positif. Dans une autre étude, que j'ai faite avec Louis Massicotte, sur le taux de participation dans les pays... faite pour Élections Canada, on a tenté de vérifier si on était, avec un modèle beaucoup plus complexe, en tenant compte de toutes sortes d'autres variables, on n'a trouvé aucun effet. Et donc, moi, ma position pour le moment, c'est que je ne crois pas que ça ait un effet positif. Mais je dois reconnaître qu'il y a au moins une autre étude qui semble suggérer que possiblement ça pourrait avoir cet effet-là. Et je vous rappellerai évidemment qu'en 1966, au Québec, on a fait l'expérience et que le taux de participation évidemment avait été faible, peut-être aussi dû au fait qu'on avait aussi en même temps accordé le droit de vote aux 18 ans.

Le Président (M. Lachance): Ça dépend aussi de la période de l'année où l'élection a lieu.

M. Blais (André): Oui.

Le Président (M. Lachance): Un des facteurs peut-être importants. M. le député de Vimont.

M. Gaudreau: Oui. Merci, M. le Président. M. Blais, je me demandais, par la même occasion, étant donné qu'il va possiblement y avoir des changements au mode de scrutin, s'il n'y avait pas autre chose qu'on pouvait ajouter au prochain mode de scrutin. J'entends parler que, dans certains pays, ils font des référendums, ils posent un paquet de questions en même temps. Alors, est-ce qu'il y a des choses qui pourraient nous être applicables? Des choses qu'on pourrait faire ici, au Québec?

M. Blais (André): Certainement. On a tantôt parlé des mandats fixes, les élections à date fixe, je suis, comme M. Lemieux, très favorable à cela, pour deux raisons. La plus importante, je crois que, présentement, ça donne un avantage indu au parti qui forme le gouvernement. Deuxième raison, marginale pour vous mais cruciale pour moi, c'est que, lors de la dernière élection canadienne, je dirigeais une étude sur l'élection canadienne, qui était extrêmement bien planifiée, pour une élection qui devait avoir lieu au printemps, et elle a eu lieu à l'automne, et ça a été pour moi un désastre. On a été obligé de faire l'étude à la dernière minute, et j'en voudrai toujours au premier ministre Chrétien pour cela.

Une voix: ...

M. Blais (André): J'espère!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais (André): Et pour ce qui est des référendums et des initiatives populaires, etc., encore là, c'est plus comme citoyen, je dirais, que comme expert, je suis personnellement bien favorable à ce qu'il y en ait. Je crois que c'est important de donner la chance aux gens... même à l'occasion de proposer des questions, et en même temps qu'il n'y en ait pas trop.

On voit que, dans un pays comme la Suisse, où il y a énormément d'initiatives populaires et de référendums, le taux de participation est excessivement faible; qu'aux États-Unis une des raisons pour lesquelles le taux de participation est faible, c'est qu'il y a, on l'oublie, énormément de consultations électorales; qu'une des raisons pour lesquelles, en France, le taux de participation n'est pas très élevé, c'est qu'il y en a aussi beaucoup, avec leurs deux tours, et que donc il faut aussi s'assurer qu'il n'y a pas un effet de lassitude et qu'on ne consulte... S'il y a des référendums, qu'il y en ait un nombre relativement limité.

n (12 heures) n

M. Chagnon: Puisqu'on est sur ce sujet-là, pour faire la suite des choses, vous avez suggéré, tout comme votre prédécesseur, M. Lemieux, que le mode référendaire soit celui qui soit le plus approprié pour éventuellement changer de mode de scrutin, compte tenu de l'importance que ça a dans une société. Mais, dans notre cas particulier, au Québec, notre Loi sur les consultations populaires prévoit, par exemple, qu'il est impossible de faire en sorte que la consultation populaire ait lieu en même temps qu'une élection générale. Est-ce que ce ne serait pas, pour cette raison-là, une raison suffisante pour modifier la Loi sur les consultations populaires? Est-ce que ce ne serait pas le meilleur moment pour faire le référendum dont vous avez parlé ? c'est-à-dire: Êtes-vous d'accord pour changer le mode de scrutin A en mode de scrutin B? ? en profiter pendant une élection générale pour le faire?

Le Président (M. Lachance): Excellente question!

M. Blais (André): Encore là, j'ai l'impression que ma réponse... En tout cas, je trouve l'idée très intéressante et je suis porté à dire oui, mais je vais soulever un problème, je crois, avec cette procédure-là. D'abord, si je comprends bien, c'est ce qui se fait en Colombie-Britannique. Si je comprends bien, M. Gibson va faire un rapport bientôt, proposer...

M. Chagnon: ...midi.

M. Blais (André): ...

M. Chagnon: Ha, ha, ha!

M. Blais (André): ...et donc qu'il y aura une constituante qui proposera un mode de scrutin qui sera soumis au référendum à la prochaine élection provinciale, si je comprends bien. J'aime bien cette démarche-là. Si je comprends bien, ça pose un problème important, au Québec, dans la mesure où, pour tout référendum, il y a un comité du oui et du non, il y a une réglementation du financement, des deux côtés, et comment on ferait pour distinguer les dépenses référendaires et les dépenses électorales? Je suppose que ça pose des problèmes, là, il faudrait voir.

M. Chagnon: La loi comme telle pose un problème puisqu'elle interdit le fait que les deux événements se passent en même temps. Alors, si la loi était changée, on pourrait faire en sorte que ces problèmes que vous soulevez soient aussi réglés en même temps.

M. Blais (André): Si c'est possible de les régler... je n'ai pas suffisamment réfléchi à la question, je n'ai pas les connaissances juridiques pour voir toutes les implications, si c'était possible de régler ce problème-là, ça m'apparaîtrait vraiment souhaitable, oui.

M. Chagnon: Il ne s'agit pas d'un dossier... Enfin, c'est un dossier un peu non partisan, dans le sens que ce n'est pas comme le dossier constitutionnel, où tu as justement un clivage clair entre le oui, le non. Il y a des gens qui peuvent bien dire: Oui, je suis pour une proportionnelle, mais, au lieu d'être à 75-50, j'aimerais mieux peut-être à 68-32 ou... Alors c'est...

M. Blais (André): En tout cas, je trouve l'idée intéressante, moi. Ça m'apparaît être une idée à explorer. Et donc, s'il n'y a pas trop de problèmes juridiques par ailleurs, ce que je ne sais pas, là, je pense que ça serait très intéressant.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Merci, M. le Président. J'aurais deux questions. Je voudrais que vous m'éclaircissiez. Vous avez parlé que le système mixte et le système proportionnel amènent des gouvernements de coalition et que les partis, bon, déjà, avant de se lancer en campagne, tiennent compte qu'ils vont devoir possiblement avoir des tractations ? pour utiliser un mot français et ne pas dire «dealer», là ? avoir des tractations. Puis, on entend souvent... Moi, je me demande si vous avez une idée de l'impact de ça sur le désabusement. Parce que souvent on entend des gens: C'est du pareil au même, quel que soit l'un ou l'autre, c'est du pareil au même. Puis, même dans le système que nous avons actuellement, on entend ça. Alors, quand il y a déjà... dans un autre système où ça amènerait encore plus, si vous voulez, les partis à ne pas se démarquer nécessairement des autres, parce qu'ils vont devoir peut-être reculer trop loin, là, est-ce que ça n'amène pas un désabusement?

Et la deuxième partie de ma question va évidemment aller du côté de la représentativité des femmes. Et je me demandais, vous avez dit que, oui, la proportionnelle semble favoriser... est-ce que vous avez des exemples où la proportionnelle ou le système mixte, que vous favorisez, n'a absolument aucun effet, là ? ça fait quand même quelques années ? et que la proportion des femmes n'est pas plus élevée ou est peut-être moins élevée qu'ici, au Québec ou au Canada, même si le système mixte est là, ou la proportionnelle, qui n'est pas nécessairement celui que vous préconisez? Mais est-ce que vous avez des exemples de ce type-là, ou bien donc où ça a vraiment eu un effet bénéfique?

M. Blais (André): Il y a seulement un pays, là, qui est passé à la proportionnelle mixte, c'est la Nouvelle-Zélande, et je n'ai pas les chiffres ici. Je ne sais pas si... peut-être Henry Milner les aurait. L'impression que j'ai eue, c'est que ça a aidé marginalement, un peu. Et c'est le verdict que je comprends de la littérature sur la question, c'est qu'il y a beaucoup de facteurs qui jouent. Exemple, en général, on voit que c'est dans les pays scandinaves, dans les pays plus protestants, aussi, il y a des facteurs culturels qui font en sorte qu'il y a une plus forte représentation des femmes. Donc, il y a une myriade de facteurs qui jouent, dont les pressions des groupes féministes. Et le mode de scrutin en est un, mais seulement un parmi ceux-là. Et donc, je ne crois pas qu'on puisse s'attendre à des changements énormes, mais je crois qu'on a toutes les raisons de croire que ça devait aider à la marge.

Pour le premier point, la question de la tractation, du désabusement, je n'ai pas beaucoup d'information là-dessus, mais je suis sûr que ça se produit un peu, qu'il y a ces tiraillements-là, et que donc, par exemple, les électeurs qui ont voté pour les Verts en Allemagne et qui sont, par exemple, qui sont les plus... les militants en particulier qui sont peut-être plus radicaux, qu'en voyant toutes les concessions que les Verts sont obligés de faire pour faire partie de la coalition gouvernementale avec les sociaux-démocrates sont désabusés. Et donc, je suis convaincu que ça joue, mais ça joue ici aussi. Parce que je suis certain que, dans les deux grands partis, il y a des écologistes aussi qui, bon, disent: On va voter pour tel ou tel parti puis on va essayer de faire bouger les choses, et qui sont un peu désabusés. Donc, ce type d'espoir non rempli, on le retrouve dans les deux systèmes. Et donc, je ne pense pas qu'il faut croire que le système mixte ou le système proportionnel va régler tous ces problèmes-là. Et même, dans certains cas, il peut y avoir des problèmes énormes. Peut-être que Henry pourrait vous parler plus du premier gouvernement qui a été formé sous le nouveau mode de scrutin en Nouvelle-Zélande. Il y a un des partis qui s'était détaché du Parti travailliste ? nous autres, on pensait qu'il ferait une coalition avec les travaillistes ? qui a eu un bon pourcentage des votes et qui détenait la balance du pouvoir après la première élection. Ce parti-là a décidé de former une coalition avec celui qui lui offrait le plus. Et, comme par hasard, ça a été le parti de droite qui lui a offert le plus. Alors, ce parti-là a décidé de faire une alliance avec le parti de droite. Alors, vous pouvez être sûrs qu'il y avait beaucoup des électeurs de ce parti-là qui étaient très mécontents.

Et donc, ce problème-là, il existe, mais il y a un correctif. L'appui à ce parti a chuté par la suite, et ce parti-là a été puni par ses propres électeurs. Et donc, le système ne garantit pas qu'il n'y aura pas ce type de tractation là, et que parfois il y a des partis qui font faire des coups de passe-passe à leurs électeurs, mais ils vont se faire punir par la suite. Et je crois que maintenant les partis ont appris qu'il fallait tenir compte des réactions potentielles de leurs électeurs. Mais, ce problème des tractations, il pose des frictions, comme dans notre scrutin présentement.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Oui. Merci, M. le Président. La base du système de la démocratie, c'est une personne, un vote, bien sûr, et c'est de faire en sorte que, à la Chambre, on retrouve à l'Assemblée nationale, on retrouve, au niveau des partis, la proportion, la même proportion de partis... de gens représentant un parti que le vote de la population comme tel. Bon. Ça, je crois que c'est à la base. Ce que j'aimerais apporter comme réflexion ? je n'ai pas de position sur ça ? c'est que cette représentation-là qui est une représentation, quasiment, personne physique, au fond... il y a de la diversité, aussi, dans une population.

On a tantôt fait référence à la problématique féminine, la présence des femmes, plus précisément; les communautés culturelles, c'est un autre volet. Moi, j'aimerais en ajouter deux. La question des nations autochtones, par exemple. Dans un système fondamentalement où le citoyen est égal à l'autre, il y a quand même une réalité qui est les nations autochtones, c'est une réalité dont on doit tenir compte. De quelle façon, à quel point, je ne le sais pas. Puis, deuxièmement, sur la question de la diversité dans la densification des régions, qui fait que, en principe, une population moins nombreuse devrait avoir moins de poids politique, toujours sur le principe d'une personne, un vote, alors qu'on voit très bien que l'inverse pourrait peut-être être plus justifié par moment. C'est que, plus une région est moins densifiée, pour toutes sortes de raisons, pourquoi elle se retrouverait, à ce moment-là, moins... Elle aurait besoin, en principe... Si on prend comme principe que les députés sont des éléments positifs de développement d'une région, ou de défense d'une région, qu'à ce moment-là, bien, on pourrait avoir une prime, comme ça existe un peu... Mais est-ce que ça se traite, ces deux problématiques de nations autochtones et régions moins denses, est-ce que ça se traite uniquement, dans un cas, par la carte électorale, ou bien non si, à l'intérieur même de notre système de scrutin, il y a quelque chose à faire?

Une voix: ...

n (12 h 10) n

M. Beaumier: Pour les régions, c'est le poids électoral des électeurs, et pour ce qui est des nations autochtones, ce sont des citoyens comme tous nous autres, mais qui ont quand même leurs particularités, qui ont leurs droits d'ailleurs reconnus, etc. Alors, comment... réflexion. Je n'ai pas de position, mais réflexion.

M. Blais (André): Sur la question des autochtones, pour moi, c'est une question extrêmement complexe à laquelle j'admets ne pas avoir suffisamment réfléchi. Donc, je n'ai pas vraiment de position claire. La question, c'est de savoir s'il devrait y avoir un siège réservé aux autochtones, comme ça se fait en Nouvelle-Zélande. Je n'ai pas suffisamment examiné la littérature, les arguments de part et d'autre là-dessus, et donc malheureusement je ne me sens pas capable de donner un avis là-dessus.

Sur la question, en fait, certainement des régions les moins peuplées, est-ce qu'on doit ou non les surreprésenter relativement, un commentaire là-dessus. Présentement, évidemment, avec la carte électorale, on peut faire en sorte que les circonscriptions, les endroits les moins peuplés, sont légèrement surreprésentées. Dans un scrutin proportionnel mixte, on peut faire la même chose. Il n'y a rien qui interdit de faire nettement la même chose, au niveau soit de la confection des circonscriptions locales et même des régions; donc, on peut appliquer le même principe. Et donc, je crois qu'il est possible d'accorder le même soin à la représentation des secteurs les moins peuplés, dans un scrutin mixte proportionnel compensatoire, comme dans un scrutin actuel. Et donc, je ne crois pas que, là-dessus, ça vienne vraiment affecter la décision de changer ou non de mode de scrutin.

M. Chagnon: La question, c'est plutôt la suivante: Est-ce que vous êtes plutôt favorable à une carte qui soit plus égalitaire ou moins égalitaire?

M. Blais (André): Personnellement, plus égalitaire. mais là c'est vraiment encore le citoyen. C'est une décision, là: quelle est l'importance à accorder au poids relatif des citoyens dans les plus grands centres et dans les plus petits centres? Mais ça, c'est comme citoyen et non comme expert.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Oui, en faisant une distinction qu'il faudrait faire entre le terme «égalitaire» et le terme, aussi, un peu, «équitable». Alors, c'est des pondérations auxquelles il faudrait réfléchir.

M. Blais (André): Tout à fait. C'est une question de valeurs et de principes.

Le Président (M. Lachance): M. Blais, malgré tous les inconvénients qu'on lui impute, le système électoral en vigueur au Québec depuis toujours, il y a un gros avantage: il est simple, facile à comprendre, et les gens sont habitués. Est-ce que, d'après vos recherches, vous avez des données sur la perception des électeurs québécois concernant le système électoral, le mode de scrutin? Et, dans le même sens, pensez-vous, vous, spécialiste, que les Québécois sont prêts pour une telle réforme?

M. Blais (André): Je n'ai pas parlé de l'argument de la simplicité, parce que je ne le trouve pas très important, mais il revient souvent, et là je pense que la question est très pertinente, et je voudrais en parler un petit peu. Peut-être la question de la perception, au départ. On a très peu de données d'enquête. Et on pourra tenter de formuler des questions; c'est extrêmement difficile parce que, évidemment, les gens sont très peu informés sur les autres modes de scrutin, et puis ça devient très, très difficile de voir comment ils peuvent réagir à d'autres modes de scrutin. On peut leur demander comment ils réagissent au système actuel, et là on a certaines informations, qui est qu'il y a un mécontentement, peut-être pas aussi généralisé qu'on le croit, mais qu'il y a un mécontentement, mais qui n'est pas énorme, non plus.

Mais sur la question de la simplicité. Présentement, c'est très simple de voter. On sait très bien, on a une croix à mettre quelque part, c'est très, très simple. Mais ce n'est pas nécessairement simple de comprendre les résultats. Vous ferez le test; moi, je l'ai fait avec plusieurs personnes peu politisées, puis je leur ai dit tout simplement: Est-ce que vous comprenez comment ça se fait que les libéraux ont eu 44 % du vote, le Parti québécois, 43 %, et que c'est le Parti québécois qui a eu plus de sièges? Personne qui était capable de me l'expliquer. On ne comprenait pas, on ne comprenait pas du tout. Là on se disait: on essaie de... La première réaction des gens, c'était: Il doit y avoir eu quelque chose de pas catholique là-dedans. C'est la première réaction des gens. Et là il faut vraiment prendre un papier, donner l'exemple concret puis leur dire: Voyez-vous comment... c'est comme ça que ça se produit. Le Parti libéral, il remporte avec 80 % des votes dans certaines circonscriptions, puis le Parti québécois, il remporte avec une... Là ils finissent par comprendre. Mais, au départ, ils ne comprennent pas le résultat. Là, quand on dit: Simple... Mais, le système mixte, c'est exactement comme le système actuel, sauf qu'on fait deux votes: pour le candidat puis pour le parti. C'est très simple.

Est-ce qu'on va comprendre comment on arrive au résultat? Non, pas plus qu'ici. Ça va être très difficile à expliquer, sauf qu'on va voir qu'en gros les partis qui ont plus de votes ont plus de sièges et que ceux qui n'ont pas 5 %, par exemple, ils n'ont pas de sièges. Il y a des choses qui vont comprendre, d'autres qu'ils ne comprendront pas très bien. Mais ça, l'information sur le mode de scrutin, c'est difficile. Je le sais parce que je l'enseigne, puis, même en l'expliquant aux étudiants, il y a beaucoup de choses qu'ils ont beaucoup de difficultés à saisir.

Mais, notre mode de scrutin, il est simple au niveau du vote, il n'est pas nécessairement simple au niveau de la compréhension du mécanisme. Donc, l'argument de la simplicité ne m'apparaît pas convaincant.

Le Président (M. Lachance): Intéressant comme réponse. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Avant de poser ma question, je voudrais faire une première observation, M. Blais. J'apprécie beaucoup votre façon de distinguer ce qui est clair de ce qui n'est pas clair et de dire clairement ce qui est clair. Alors, je veux vous en remercier.

J'ai une première observation à faire, à laquelle j'espère que vous allez réagir. Vous avez parlé de la balance du pouvoir. Au fond, la balance du pouvoir, c'est ce qui fait balancer le pouvoir, hein? Alors, mais ce n'est pas une tautologie, là. C'est qu'en fait la balance du pouvoir, c'est le pouvoir. Alors, j'ai des problèmes avec un système qui favoriserait le fait de donner le pouvoir au parti qui a eu le moins de votes. Vous comprendrez? J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

Mais, l'autre chose, j'aimerais savoir, vous avez parlé de déclin de la participation aux élections; est-ce que, depuis 50 ans ou depuis 40 ans ou depuis 30 ans, il y a moins de monde qui vote? Bon, qu'il y en ait un peu moins à une élection qu'à une autre, ça, tout le monde s'entend, mais il y a toutes sortes de raisons. Par exemple, on vote moins quand il s'agit de conserver le même gouvernement que quand il s'agit de le changer, généralement. Ou peut-être que ce n'est pas vrai non plus. Mais il y a toutes sortes de facteurs qui peuvent jouer là-dessus. Est-ce qu'il y a vraiment des tendances lourdes quant à la participation au Québec qui nous permettent d'affirmer péremptoirement qu'il y a un déclin de la participation des gens au processus électoral?

M. Blais (André): J'ai précisé, le déclin de la participation, c'est au niveau des démocraties libérales en général. Et donc, mes données ne proviennent que des élections nationales dans toutes les démocraties. Et ce n'est pas vrai, ce n'est pas tous, tous les pays; il y a quelques exceptions. L'Australie, le vote est obligatoire, ça ne baisse pas. Mais il y a une tendance très généralisée, qui prévaut chez presque tous les pays, démocraties libérales, depuis 1990 seulement. Très récent. Et donc, on ne sait pas encore combien de temps ça va durer.

Et donc, à savoir s'il peut y avoir d'autres cas différents... Et, le Québec, ce n'est pas clair encore, ce qui se passe au Québec, donc il se pourrait que le Québec soit aussi une exception. Donc, je m'excuse si je n'ai pas été clair, c'est vraiment au niveau de tendances générales qui, disons, caractérisent l'ensemble des démocraties. Au Québec, j'ai relativement peu de données, et comme il y a peu de cas encore, c'est difficile à voir ce qu'il en est.

Pour la balance du pouvoir, ce qui arrive généralement, c'est que pour faire partie d'une coalition, généralement c'est préférable d'être au centre de l'échiquier politique. Donc, en Allemagne, par exemple, traditionnellement, le parti qui était favorisé, c'était le Parti libéral, qui était le parti du centre, qui était plus petit, qui ne dictait pas ce qu'il pouvait mais qui obtenait des concessions et qui forçait le parti de gauche et le parti de droite à bouger vers le centre.

n (12 h 20) n

Et c'est ce qui arrive la plupart du temps, pas toujours. Donc, le fait qu'un petit parti ait un certain pouvoir de négociation n'est pas mauvais, entre guillemets, s'il est centriste. Et, pour former des coalitions, généralement, les partis ne veulent pas faire des coalitions avec des partis qui sont jugés comme étant trop extrémistes. Et donc, ça, c'est un autre facteur qui fait en sorte que la logique même des coalitions fait en sorte qu'on va chercher des alliés qui sont relativement centristes. Ces alliés-là ont un certain pouvoir de négociation, c'est clair, un pouvoir de négociation qui est relatif quand même, mais ça fait partie de la joute.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Deux questions.

M. Chagnon: Juste une seconde. Un effet corollaire de cela, c'est que les députés prennent beaucoup plus d'importance dans ces conditions-là.

M. Blais (André): Les députés prennent énormément de... oui, oui, parce que, au niveau de la formation de la coalition, si vous êtes un... si, comme, par exemple, les sociaux-démocrates et les Verts, si ça prend, je ne sais pas combien ça prenait exactement de députés pour former le gouvernement la dernière fois, s'il y avait eu trois, quatre députés verts qui auraient dit: Non, non, non merci, ça aurait compliqué les choses énormément.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Un contre-exemple de ce que vous dites, c'est ce qui s'est passé en Belgique, où le parti du centre, qui était les chrétiens démocrates, a été évacué, et les deux grands partis, les socialistes et les libéraux, ont gouverné ensemble, mais c'est pour des raisons qui n'invalident pas du tout votre argument, c'était vraiment circonstanciel à ce moment-là.

M. Blais (André): Ça arrive à l'occasion.

M. Gautrin: Mais ma question est reliée à la responsabilité du gouvernement devant la Chambre. Est-ce que, à ce moment-là, il ne faut pas mieux préciser quand un gouvernement a perdu la confiance de la Chambre? C'est-à-dire, sur des grandes questions comme le budget, par exemple, ou les questions qui sont les votes de confiance, mais tandis qu'on puisse accepter qu'un gouvernement puisse être défait sur des questions qui sont de moindre importance, c'est-à-dire des projets de loi qui puissent être présentés.

M. Blais (André): C'est une question fort intéressante et importante, et je vous suggérerais de la reposer à M. Louis Massicotte, qui va certainement donner une meilleure réponse que moi.

M. Gautrin: Je vais la poser.

M. Blais (André): Mais juste pour dire, je crois que c'est ce qui se passe en Allemagne en particulier, donc il faut vraiment un vote positif pour renverser le gouvernement. Je crois aussi que c'est ce qui se passe en Israël. Donc, ça m'apparaît effectivement être important, dans ces cas-là, de faire en sorte que le gouvernement ne puisse pas être renversé pour des raisons mineures. Mais...

M. Chagnon: Il y a un texte de Brun, ce matin, dans La Presse, qui touche et traite cette question-là. En fait, il y a deux, dans le modèle de parlementarisme britannique d'ordre constitutionnel du type du nôtre, il y a deux motifs qui peuvent faire en sorte qu'un gouvernement soit défait: un, un gouvernement se fait défaire sur son budget ou, deux, se fait défaire sur une motion de non-confiance. À part ça, il n'y a pas de raison.

M. Gautrin: Mais, c'est vrai, mais il y a une tradition qui est...

M. Chagnon: Mais c'est une tradition qui ne repose sur rien.

M. Gautrin: Sur ce qui est une acceptation pour une population. Enfin, on pourrait clarifier cette question-là, je pense.

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Ça va? Alors, merci, M. Blais, pour avoir accepté notre invitation de nous éclairer davantage sur cette question importante. Et, là-dessus, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 24)

 

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative sur la réforme du mode de scrutin au Québec.

Nous entendrons tour à tour cet après-midi M. Henry Milner, professeur associé à l'Université Laval, au Département de science politique; et, par la suite, M. Louis Massicotte, professeur agrégé de l'Université de Montréal, au Département de science politique également.

Alors, je vois que M. Milner est déjà bien présent et je veux, au nom des membres de la commission, vous remercier d'avoir accepté notre invitation de venir nous éclairer et de nous faire part de vos commentaires sur la réforme du mode de scrutin au Québec, en vous rappelant que vous avez une période de temps de 25 minutes; et, par la suite, nous ferons les échanges avec les parlementaires.

M. Henry Milner, Université Laval

M. Milner (Henry): Merci, M. Lachance. Est-ce qu'on m'entend assez bien? Oui? Bon. Alors, merci de m'avoir invité, et je pense que... et je vous félicite de votre intérêt pour un sujet assez compliqué mais quand même assez important. Et, par les questions que j'ai vues, par les discussions ce matin, je n'ai pas pu assister à toute la discussion ce matin, mais, à ce que j'ai entendu, je vois que vous avez un esprit très ouvert aux questions fondamentales. Parce que souvent on peut dire que les élus voient que le système qui a été assez sage pour les élire doit être le meilleur, par définition, et je pense que, ça, c'est quelque chose de normal, de naturel. Mais je pense que, entre nous, on peut peut-être aller un peu plus loin et voir quels sont les inconvénients de notre système, et peut-être est-ce que c'est possible de faire mieux et si oui, comment.

Ce que je trouve, un peu à ma surprise, c'est que, chez au moins les collègues ici, il y a un certain consensus qui se dégage, un consensus qui se dégage autour de... entre les systèmes, et nous sommes tous d'accord comme politologues qu'il n'y a aucun système qui est parfait, mais, entre les systèmes possibles pour le Québec, le modèle allemand, le modèle mixte allemand, fait aux mesures du Québec, serait préférable.

On peut dire que c'est le modèle écossais, ou au moins le plus semblable, c'est ce qu'ils ont choisi en Écosse. En Écosse, ils avaient le choix, ils avaient un nouveau Parlement, il y a cinq ans, et ils ont regardé un peu partout et ils ont décidé qu'ils commencent avec le modèle allemand et ils le changent, ils le modifient selon la propre situation en Écosse. Et je pense qu'il y a un certain consensus qui se dégage parmi les spécialistes, que ce sera, que pour le Québec ce sera la meilleure façon d'agir.

Alors, je ne veux pas répéter ce qui a été dit ce matin par mes collègues, nous sommes grosso modo d'accord, M. Massicotte aussi est d'accord. Je dois dire qu'il y a 10 ans, quand j'ai commencé à parler du modèle allemand, j'étais un peu plus minoritaire, je pense, chez les politologues, alors je ne sais pas si c'est moi qui avais convaincu mes collègues ou plutôt c'est les circonstances, je pense, qui ont eu effet que ça devient maintenant quelque chose de plus consensuel. Je ne veux pas... je ne prétends pas qu'on est unanimes, mais j'ai l'impression qu'il y a un certain consensus qui se dégage.

Alors, pourquoi? Moi, je vais parler, je vais essayer de ne pas répéter ce qui a été déjà dit ni d'aller dans les aspects plutôt techniques. Je pourrai, dans mes réponses, vous parler des éléments plutôt techniques, mais je pense que M. Massicotte, par exemple, est même plus spécialiste dans ces éléments que moi-même, donc je lui laisserais le faire, en principe.

Alors, ce que je prétends, c'est que le système actuel, la grande valeur du système actuel, pour ceux qui sont... qui pensent que c'est quelque chose qu'il faut retenir, et ça a été déjà mentionné, c'est qu'on a des meilleurs chances d'avoir un gouvernement majoritaire dans notre système que dans des systèmes plus proportionnels. Et donc, moi, je suis quelqu'un qui a étudié souvent les systèmes proportionnels. Comme ça a été mentionné, j'étais en Nouvelle-Zélande quand ils ont adapté le système allemand, je suis souvent en Allemagne pour suivre les élections et j'enseigne en Suède, qui ont un système proportionnel différent du système allemand mais avec des résultats semblables. Alors, ce que je dirais, c'est que l'expérience dans les pays démocratiques, c'est que ça va normalement assez bien sans un gouvernement majoritaire. Des gouvernements de coalition ou des gouvernements minoritaires appuyés par des petits partis, normalement, fonctionnent assez bien. Parfois, ils fonctionnent mieux, pas nécessairement.

Mais je pense que le fardeau de preuve est chez les gens ici qui vont nous dire que, sans un gouvernement majoritaire comme quelque chose de normal, le Québec va fonctionner de façon... que ce sera pire pour le Québec. D'après moi, l'expérience dans les petites sociétés, presque dans toutes les sociétés... Parce que, vous le savez, la grande majorité des pays démocratiques ont des systèmes proportionnels; ça veut dire qu'ils n'ont pas de gouvernement majoritaire, normalement, et ils ont quand même des gouvernements efficaces. Alors, sur le plan de l'efficacité, c'est une question à discuter, mais, à mon avis, avec l'expérience qu'on voit dans les autres pays dont j'en connais quelques-uns, le fardeau de preuve est chez ceux qui vont dire qu'un gouvernement majoritaire est nécessaire, que ça va aller pire au Québec à cause de quelque chose qui est particulier au Québec, que c'est le cas dans les autres pays. Donc, ça, c'est le grand argument pour le statu quo.

Il y a plusieurs arguments contre le statu quo qui ont été déjà soulevés. Alors, moi, je veux juste dire quelque chose sur lequel mes propres recherches m'ont éclairé, et peut-être des choses dont je peux vous parler. On a déjà mentionné la plus grande représentativité dans les Assemblées quand vous avez un système proportionnel. C'est assez évident. Si on regarde les élections en Nouvelle-Zélande, ils ont eu une élection au mois de juillet, en Allemagne, ils ont eu une élection au mois de septembre, moi, j'étais là. Ce que vous voyez, c'est que ce qui est dans l'Assemblée, dans la Législature, reflète mieux ce qui est dans la population; c'est bien simple.

Vous savez, si on regarde un peu la population, si on se divise dans des regroupements plutôt idéologiques, etc., par exemple, vous allez avoir normalement ? tu sais, chaque pays est différent ? mais, normalement, comme vous avez en Nouvelle-Zélande, vous avez maintenant un parti de gauche, un parti vert et un parti de centre-gauche; ça, c'est le gouvernement. L'opposition, c'est un parti de centre-droite, un grand parti de centre-droite, un parti plutôt libertaire, un autre pays ? j'ai voulu dire «parti» ? un parti plutôt populiste et un parti plutôt moraliste chrétien, etc. Vous avez, si vous voulez, sept tendances idéologiques. Je ne dis pas que c'est très clair nécessairement pour la population, mais, ces sept positions, on peut les identifier. Ce n'est pas très compliqué de dire: Oui, moi, je suis plutôt de tendance moraliste, je trouve que l'avortement, je trouve que ce n'est pas très, très bon, je pense que la famille, il faut la protéger, etc. Ces gens-là qui ne représentent pas peut-être plus que 4 ou 5 % sont quand même représentés. Il y a un autre parti, un parti vert, où les gens disent: Regarde, les priorités doivent être pour l'environnement. Et, encore une fois, c'est un parti qui ne représente pas 5, 6 % de la population, mais ils sont quand même là.

n (15 h 20) n

Alors, ces tendances réelles dans la population se trouvent représentées dans l'Assemblée, et je pense que ça, c'est le principe le plus important, et c'est très sain. Je vais revenir, dans la dernière partie de ma présentation, je vais parler un peu du Québec et de la réalité québécoise et comment ça peut changer si on avait un système plus proportionnel.

Alors, ça, c'est l'élément. On a parlé aussi de la représentation... pas idéologique, mais des regroupements de la population, les hommes, les femmes, les minorités visibles, etc. Il est bien clair, par exemple, si on parle de la représentation des femmes, un changement de mode de scrutin n'est pas le seul... Ce n'est pas une question de simplement changer le mode de scrutin et que vous allez avoir tout de suite plus de femmes. Par contre, ce qu'il dit, c'est: si vous n'avez pas des listes, c'est beaucoup plus difficile d'avoir plus de femmes, O.K.? Les listes, c'est un moyen nécessaire mais pas suffisant. On a vu ça en France. Les Français ont décidé... Ce n'était pas la meilleure façon, mais ils ont décidé: on va obliger les partis à nommer la moitié des femmes. Mais vous savez aussi que c'était fait au niveau municipal. Pourquoi au niveau municipal? Parce que, au niveau municipal, il y a des listes. Dans le système français, il y a des listes, dans les élections municipales; il n'y en a pas dans les élections nationales, avec les deux tours; alors, ils n'ont pas touché ça au niveau national, et il y a très peu de femmes à l'Assemblée nationale; c'est toujours le cas.

Alors, si on veut changer ça, il faut des listes. En Nouvelle-Zélande, la grande majorité des femmes qui sont dans l'Assemblée sont là à cause des listes, mais pas à cause des circonscriptions directes. Et donc, dans une société comme le Québec, où les femmes sont mobilisées, ça sera beaucoup plus facile d'augmenter la participation des femmes avec la proportionnelle, quand il y a des listes. Si on était dans une société comme la Grèce, disons, qui n'est pas très mobilisée pour la participation des femmes... bon, ils ont la proportionnelle, et ils n'ont pas beaucoup de femmes. Mais, normalement, la proportionnelle est liée avec une plus grande participation des femmes, et je dirais la même chose pour les minorités visibles, par exemple.

Moi, je voudrais parler surtout, si on reste sur les arguments généraux, je voudrais parler surtout sur mes propres recherches, qui sont sur la participation politique, et surtout sur les connaissances politiques. C'est ce que j'appelle "a civic literacy", ou les compétences politiques. Et, moi, j'ai étudié les pays démocratiques pour voir comment expliquer les différences en ce qui concerne la participation politique.

Et, pour moi, ce que j'ai trouvé, c'est un des éléments ? pas le seul élément, il y a d'autres éléments ? mais un des éléments importants, c'est les institutions politiques. À l'intérieur des institutions proportionnelles, vous avez une plus grande participation. Ça veut dire: le taux de votation en général est plus grand. Et, moi, j'ai même fait des études à l'intérieur des mêmes pays. Par exemple, en Suisse et en Australie, il y a des municipalités proportionnelles dans certains États et des municipalités non proportionnelles dans d'autres. Et, même à l'intérieur du même État, la participation est plus grande quand vous avez la proportionnelle. Et c'est un peu difficile d'évaluer exactement combien, mais au moins 5 % de différence. Alors, comment expliquer ça? Je pense que peut-être avec la discussion de M. Blais vous avez déjà eu ça, donc je ne vais pas répéter beaucoup. Mais ce n'est pas simplement la question que chaque voteur voit que son vote compte, ce qui n'est pas le cas, comme vous le savez, dans certains comtés. Ils sont des comtés perdus d'avance parmi tous les partis sauf un. Donc, pour le voteur, dans ces comtés-là, on peut dire que son vote ne compte pas. Donc, le voteur ne vote pas. À mon avis, c'est un effet, mais ce n'est pas l'aspect le plus important. Parce que, si le voteur pense au fait que son vote compte, que son vote compte, probablement qu'il ou elle ne voterait pas, parce qu'en effet c'est très rare qu'un vote change les résultats.

Mais ce qui est le plus important, c'est que ça change les incitations pour les partis politiques. Dans un système proportionnel, chaque parti politique a des incitations pour chercher chaque vote; pas simplement les votes dans les comtés que le parti peut gagner, mais chaque vote. Le Parti québécois aurait des intérêts à venir dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, où je réside, parce que les votes que nous représentons, potentiels, sont aussi importants que les votes au Saguenay, à la ville de Québec ou à l'Est de Montréal. Chaque vote compte également, donc le part a des intérêts à mobiliser, à chercher des appuis partout, pas uniquement dans certains comtés.

Et donc, le résultat de ça, c'est que le voteur moyen, le citoyen moyen est mieux renseigné politiquement dans un système de mode de scrutin proportionnel que dans un système comme le nôtre où, comme j'ai dit, les partis ont des ressources limitées, donc ils ne vont pas gaspiller les ressources dans des comtés perdus d'avance. Et cela augmente le vote, le pourcentage de participation, parce que, on le sait très bien, pour augmenter le pourcentage de participation, il faut mobiliser les électeurs. Donc, les partis doivent avoir des incitations pour mobiliser.

Mais ce n'est simplement la quantité ? et c'est ça que je prétends, dans mes recherches, dans mon livre qui sera, je dois le dire, traduit en français l'année prochaine ? mais je prétends que c'est la qualité du vote. Ça veut dire que les voteurs sont plus attentifs et plus renseignés, que dans les pays avec des modes de scrutin proportionnel, en moyenne, le voteur est plus renseigné, plus attentif que dans des pays avec des systèmes de mode de scrutin comme le nôtre. Et c'est ça que je prétends, et je pourrai vous en parler, je fais ça souvent dans mes conférences académiques, mais à mon avis c'est assez évident.

Et une autre raison, ou l'autre dimension de l'explication pour ça, c'est que, dans un mode de scrutin avec des résultats proportionnels, vous n'avez pas des grands changements. Ça veut dire que, si un parti cherche 25 % de votes, il va chercher 25 % des sièges, et si le parti cherche 35 % de votes, la prochaine fois, il va chercher 35 % des sièges. Dans notre cas, le parti qui cherche 20 % de votes peut se trouver avec 5 % des sièges, facilement, mais, s'il augmente le vote à 35 %, soudainement il se trouve avec 60 % des sièges. Et ça veut dire que notre système exagère les faiblesses et les puissances des partis politiques, et ça crée une situation de volatilité potentielle dans laquelle l'électeur moyen a de la difficulté à se trouver.

Maintenant, je ne parle pas du Québec en particulier, je parle en général. Quand vous avez une plus grande stabilité, le voteur moyen, surtout le voteur qui n'a pas beaucoup de ressources, qui n'a pas beaucoup d'éducation, qui a des limites de connaissances, s'il y a une plus grande stabilité, si les partis ne changent pas tellement souvent mais qu'ils représentent quelque chose de stable, c'est plus facile pour le voteur de se trouver à l'intérieur de la carte politique. Alors, ça augmente la capacité du voteur moyen, de l'électeur moyen, d'être renseigné suffisamment ? c'est ce que j'appelle la compétence civique ? pour voter d'une façon efficace et utile. Et, à mon avis, ça, c'est un des éléments, une des choses les plus utiles, les plus importantes, qui séparent, qui distinguent un système proportionnel et un système comme le nôtre.

Quand je parle d'un système proportionnel, moi aussi, je parle du système allemand ou écossais ou néo-zélandais, qui garde le lien direct député et électeur. C'est possible d'avoir la proportionnelle, plus ou moins proportionnelle, sans briser ce lien, et moi, comme mes collègues, je suis d'accord avec ça. Mais je parle du résultat... qui permet quand même un résultat plus ou moins proportionnel.

n (15 h 30) n

Alors, je veux maintenant un peu parler du Québec, des effets du système de mode de scrutin ici, chez nous. Quand j'ai parlé des effets de notre... Bon. Commençons peut-être avec les autres provinces. Vous savez qu'un des effets de notre système... On n'a pas vécu ça chez nous, mais, dans d'autres provinces, vous pouvez vous retrouver sans opposition. Ça veut dire un parti peut gagner 55 % des votes et presque tous les sièges. Alors, c'est le cas aujourd'hui en Colombie-Britannique. C'est une des raisons pour lesquelles, eux, ils se penchent ? ils sont comme nous ? ils regardent aussi le mode de scrutin. Dans d'autres circonstances, comme le Parlement canadien, vous pouvez avoir un système où il n'y a qu'un parti qui peut former le gouvernement; les autres partis sont par définition des partis régionaux. Donc, en effet, les électeurs n'ont pas vraiment de choix. Les grands débats politiques au Canada, ces jours-ci, se font à l'intérieur d'un parti ? ça veut dire entre le clan Chrétien et le clan Martin ? au lieu de se faire entre les partis. Et ça, c'est loin d'être idéal. Au Québec, on a vu des exemples de partis qui ont gagné, qui ont eu plus de votes mais qui ont perdu des... ils ont eu moins de sièges, on le sait très bien.

Alors, passons à la situation actuelle au Québec. J'ai mentionné le cas d'un parti qui, à 15, 20 %, peut gagner très peu de sièges et soudainement, à 30, 35 %, peut gagner la grande majorité des sièges. Peut-être on se trouve dans une telle situation chez nous, au Québec. Ça veut dire que, pendant des années, le système avait un effet: il a exagéré la faiblesse du troisième parti. Maintenant, à un certain moment, ça peut avoir exactement l'autre effet, l'effet contraire, d'exagérer sa puissance. Est-ce que ça, c'est quelque chose de très positif? Bon, je suis sûr que vous connaissez tous les résultats, mais je veux parler d'une dimension importante. Je pense que ce qui s'est passé ? et c'était le mode de scrutin qui était responsable ? c'est que, pendant des années, il y avait beaucoup de voteurs au Québec qui n'ont pas voulu, dans une élection, être obligés de trancher. Ça veut dire: si je vote pour un parti fédéraliste, ça veut dire que je veux affaiblir la cause nationale, ou, si je vote pour un parti souverainiste, par définition, je veux qu'on devienne indépendants. Je pense qu'il y avait pas mal des électeurs au Québec qui n'ont pas voulu être obligés de faire ce choix-là. Mais le système électoral leur a dit: si vous essayez de voter pour un tiers parti qui ne veut pas imposer ce choix-là, vous allez gaspiller, ce sera quelque chose de pas utile. Alors, beaucoup d'électeurs, pendant 10 ans, 15 ans, étaient obligés en effet de faire un choix qu'ils n'ont pas voulu faire. À un certain moment, ils étaient assez nombreux pour permettre à l'ADQ de sortir, et comme vous voyez les résultats dans les sondages maintenant.

Donc, ça, c'est une dimension de l'effet du mode de scrutin. Mais regardons l'autre aspect. Imaginons donc... Jusqu'ici, l'effet, c'était pour ne pas permettre à l'ADQ, à cette tendance-là d'être représentée proportionnellement. Maintenant, l'effet peut être le contraire; ça veut dire que ça va être trop représenté. Alors, imaginons le suivant, que l'ADQ, avec 35 ou 38 %, se trouve un gouvernement majoritaire, ce qui est quand même possible. Bien, ce sera à cause de notre système électoral, ce n'est pas à cause du fait que l'ADQ peut chercher plus que 50 % de votes. Je sais qu'il n'y a pas de représentant d'ADQ, mais c'est ce que je prédis, et on a vu ça, on sera dans la situation où était l'Ontario il y a 10 ans. Ça veut dire, l'Ontario se trouvait avec un gouvernement NPD élu avec 37, 38 % de votes, qui en effet s'est dit: Bon, on a le mandat pour réaliser notre programme, qui en effet était plutôt pas mal plus à gauche que l'électeur moyen d'Ontario, mais ils étaient la majorité et ils avaient dit: bon, c'est ça. Alors, on a vu les résultats pour l'Ontario et pour le parti NPD. Je pense que l'ADQ pourrait se trouver exactement dans la même situation. Avec une grande majorité des sièges, avec un programme assez radical, ils vont dire: bon, on a le mandat, on a la majorité, allons-y. Sauf que ce n'est pas ça que les électeurs québécois, que la majorité des Québécois auront choisi. Mais le système électoral, à cause de l'exagération qui est là, aura cet effet-là, et ce ne sera pas nécessairement très idéal pour le Québec.

Alors, je ne prétends pas qu'on peut le changer avant les élections prochaines. Si vous aviez commencé vos travaux il y a deux ans, peut-être, ou même il y a un an; probablement, maintenant c'est trop tard. Mais j'espère qu'on sera dans une situation comme était la Nouvelle-Zélande il y a sept, huit ans. Après l'élection de 1993, il y a eu un référendum, et l'élection de 1996, le référendum a appuyé le modèle allemand, et ils ont créé une agence publique pour préparer le terrain, pour renseigner la population. J'ai rencontré ces gens-là, j'étais là pour l'élection, ils ont fait une très bonne job. La population a très bien compris le système. Même, le taux de participation, qui était déjà haut ? la Nouvelle-Zélande, c'est un des pays où le taux de participation est haut ? a même augmenté de 3 %. En 1996, ils ont eu une élection utilisant le système allemand. Au début, ce n'était pas facile, les gens n'étaient pas habitués, mais récemment, d'après mes collègues en Nouvelle-Zélande, il y a un certain consensus qui ça va assez bien; et je parle d'un pays qui était très anglais, très britannique, très parlementaire, deux partis, etc. Maintenant, ils ont le système allemand, ils ont six à sept partis qui sont représentés dans la Chambre. C'est un gouvernement de coalition, et il y a un certain consensus qui se dégage. Je ne suis pas encore sûr que c'est une amélioration. Alors, je vous propose de réfléchir au moins, et, si vous avez des questions, je serai content de répondre. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Milner. Précisément, concernant le référendum en Nouvelle-Zélande, est-ce que c'était une consultation avec un bulletin et des choix multiples ou bien si c'était un choix qui était proposé, et puis il fallait voter oui ou non?

M. Milner (Henry): Bon. J'essaie de me rappeler. Il y avait deux référendums, en effet. Peut-être, je me rappelle, un c'était... Une minute. Le premier, c'était... Attends une minute, c'est dans mon livre. Mais ce que je peux vous dire, je vais revenir sur les précisions, mais il y en avait deux, un entre les systèmes différents, proportionnel et autres, et le deuxième, entre le système proportionnel qui était retenu, celui de l'Allemagne, et le statu quo. Donc, en effet, ils ont utilisé deux référendums. C'est quand même ambitieux, mais c'est faisable.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Puisque... On aura d'autres questions, mais restons sur l'exemple néo-zélandais. Si je ne me trompe pas, il y avait des sièges qui étaient réservés aux Maoris, est-ce que c'est exact?

M. Milner (Henry): Oui.

M. Gautrin: Est-ce que vous êtes en faveur de cette approche ethnique, en quelque sorte, de réserver des sièges à des minorités ou... à l'intérieur d'un système de type allemand? Parce que, dans votre approche, vous ne l'avez pas introduit.

M. Milner (Henry): Mais ce sont deux choses différentes, parce que les sièges réservés existaient avant. C'était le cas en Nouvelle-Zélande, il y avait 100 sièges et il y en avait cinq réservés, ça veut dire 95 sièges de district. Et puis le pays était réparti encore une fois, une deuxième fois, en cinq grands districts régionaux où les seuls électeurs, c'étaient les Maoris. Donc, 95 % étaient élus dans les districts ? c'est normal ? et 5 étaient élus par les districts réservés. Quand ils ont réduit le nombre de districts pour ajouter des listes, ils ont quand même gardé à peu près le même nombre de districts réservés pour les Maoris. C'était...

M. Gautrin: Qui sont élus uniquement par les Maoris.

M. Milner (Henry): Uniquement par les Maoris. Et c'est ce qui est intéressant chez eux ? je ne sais pas si c'est applicable ailleurs ? il n'y a pas de critère officiel. Quelqu'un est Maori s'il se dit Maori, ça veut dire qu'en effet c'est une question d'individu. Sauf... Donc, vous décidez si vous êtes sur la liste maorie, donc vous votez dans une de ces cinq-là ou, si vous êtes dans une... Et on vous accepte. Vous n'avez pas deux votes, c'est un ou l'autre. Donc, ce n'était pas très compliqué. Ce n'était pas une question de dire: Est-ce que vous êtes 3/4 ou 80 %, ou 50 %, tu sais? C'est comme ça qu'ils ont réglé ça.

n (15 h 40) n

Est-ce qu'on est capable de faire la même chose? Est-ce que nos aborigènes vont accepter ça? Regarde, moi, je n'ai pas de parti pris comme tel nécessairement, mais c'est une autre question, et, si on le faisait, il y a des questions à poser de tel type.

M. Gautrin: Je comprends. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Une petite question, M. Milner. On a eu des parlementaires ici, des collègues qui ont rencontré d'autres collègues du Parlement écossais, du nouveau Parlement écossais ? et je sais que c'est une question qui a été soulevée ce matin ? mais ces derniers, les parlementaires écossais, disaient à nos collègues, qui nous ont répété la même chose, qu'il y a un problème qui se posait dans leur nouveau modèle de scrutin, c'était le fait que les parlementaires élus sur les listes et les parlementaires élus dans les quartiers, dans les comtés ne se sentaient pas du même niveau. Il y avait un problème à ce niveau-là, semble-t-il.

M. Milner (Henry): M. Massicotte va vous parler de ça, de l'Allemagne, parce qu'eux ils ont 50 ans et plus d'expérience avec ce modèle-là et...

M. Chagnon: La réforme en Écosse a cinq ans, et c'est de ceux-là dont on parlait.

M. Milner (Henry): Non, non. Mais la question, c'est: Est-ce que ça, c'est simplement une question de transition? Il est bien clair que si vous êtes habitués à n'avoir que des députés de comté, le statut des députés de liste, au début, risque d'être peut-être pas égal. Mais ce qu'on a vu en Allemagne, c'est que, avec les années, on ne fait aucune distinction réelle, un député est un député.

M. Chagnon: En Allemagne, ça semble être le cas, oui.

M. Milner (Henry): ...En Nouvelle-Zélande, moi, j'ai posé la question, et on me dit que ce n'est pas quelque chose de très important. C'est très rare que c'est soulevé, que quelqu'un, on lui dit: Vous n'êtes pas vraiment légitime parce que vous n'avez pas votre propre comté, etc. Et, moi, pas très souvent, mais je lis les journaux néo-zélandais, etc., et je n'ai pas vraiment remarqué que c'est une question qui est soulevée souvent. La légitimité des députés, les responsabilités des députés sont plus ou moins égales.

Et, vous savez, dans la loi néo-zélandaise, c'était préconisé qu'après deux élections il y a une commission parlementaire, semblable à vous autres, qui était responsable de faire une évaluation de tout le système, après deux élections. Et donc ils ont... et c'était vraiment parce qu'ils ont consulté les politologues, comme vous, etc., et le rapport, en effet, il a posé des questions, mais en effet ils ont dit que... on n'a pas vraiment trouvé des choses assez sérieuses pour qu'il faut changer ces choses-là. Je n'ai pas parlé avec les Écossais, donc je ne conteste pas ce que vous avez...

M. Chagnon: ...arrivé hier, moi. Des collègues qui ont rencontré des collègues écossais. Yvan Bordeleau, qui était sur une commission, qui était, je ne sais pas quoi, en rencontre avec des députés écossais, puis il me disait ça, que les députés écossais se plaignaient de ça. Et ça fait peut-être quelques semaines, là, mais ils se plaignaient de cette histoire-là.

M. Gautrin: M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Est-ce que je peux rentrer, M. Milner, sur la même dimension? Les fonctions remplies par un député ici, à l'Assemblée nationale, moi, je les caractérise sur trois grandes fonctions. Il y a une fonction de législateur, c'est-à-dire le débat qu'on fait ici, en commission parlementaire, sur des lois qui sont présentées par le gouvernement; et là il est clair que la manière dont vous êtes sélectionnés à peu d'effet sur votre travail de législateur. Il y a une fonction de surveillance, d'être ceux vers qui le gouvernement est imputable dans la gestion des fonds publics; et, encore là, la manière dont vous êtes sélectionné a peu d'effet sur la manière dont vous pouvez remplir votre fonction.

Mais il y a une troisième fonction que nous avons, qui est en quelque sorte... je qualifierais ça d'être l'ombudsman de nos électeurs auprès de la fonction publique, voire le représentant de nos électeurs auprès de la fonction publique; et là ça présuppose qu'il y a un lien territorial, il y a un lien direct entre l'électeur et le député.

Je vois mal comment, dans un système mixte, il y a identification de fonctions, parce que, sur cette troisième fonction, celui qui est choisi à même les listes n'a pas nécessairement ce lien avec une fonction d'ombudsman, autrement dit ce qu'on appelle traiter les cas de comté, dans notre langage, c'est-à-dire les cas d'aide sociale, d'Hydro-Québec, les cas... Je pourrais vous en faire une liste de ce qui fait et ce qui constitue la majeure partie du temps de notre travail lorsque nous sommes dans nos comtés. Vous n'aurez pas cette responsabilité.

Une voix: ...

M. Gautrin: D'agriculture, d'immigration... Enfin, ça dépend...

M. Milner (Henry): M. Massicotte va vous en parler plus parce qu'il a fait des... Il a regardé vraiment ce qui se passe sur le terrain en Allemagne. Mais je vais le dire d'une façon générale.

En Allemagne, ce qui se produit, c'est le suivant, pour ce troisième aspect. Ceux qui sont élus, les petits partis, les trois petits partis sont des élus de liste, par définition, et c'est la seule façon vraiment que les petits partis peuvent se faire élire. Bon. Alors, eux, ils ne sont pas vraiment... le troisième élément est moins important. Mais, par contre, normalement, eux, ils sont des écologistes, etc., donc ils voient leur mandat d'une façon un peu plus large. Pour les grands partis, ce qui se passe, c'est le suivant ? ça c'est le cas, je pense, dans 80 ou 85 % des cas. Ça veut dire, qui est sur les listes pour les grands partis, c'est les candidats dans les comtés. Alors, ce qui se produit souvent, c'est que, disons que le candidat SPD est élu du comté, mais le candidat conservateur est élu de la liste, du même comté. Et donc, parce qu'il a une base dans le comté, il se voit comme une sorte de député local virtuel. Et ceux qui s'identifient plutôt avec le Parti conservateur vont souvent utiliser les services de cette personne-là, qui est quand même députée avec tous les droits, comme leur ombudsman, avec la fonction publique, comme le député officiel. Ils ne sont pas obligés, ils peuvent aller dans les deux. Et M. Massicotte aura les chiffres pour vous dire si c'est souvent le cas. Et, pour les Allemands, c'est tout à fait normal, il n'y a aucune illégitimité dans ça. Le contraire, ça veut dire, les électeurs sont contents, ils ont leur député, mais ils ont quelqu'un de l'autre bord que peut-être vraiment ils trouvent plus facile de parler avec, de communiquer avec, etc. Ce n'est pas 100 %, mais c'est quelque chose comme 80 %. C'est comme ça que ça se produit, et je pense que ce serait la même chose ici.

M. Gautrin: Alors donc, il y a des circonscriptions qui ont virtuellement deux députés, un réel et un virtuel, et d'autres qui en ont qu'un seul, et il y a quelques députés virtuels qui flottent...

M. Milner (Henry): Regardez. Le député virtuel n'est pas officiellement d'un comté.

M. Gautrin: D'une circonscription... d'un comté...

M. Milner (Henry): Mais, en effet, c'est le cas. Et c'est la plupart des comtés. C'est le cas dans la plupart des comtés, je pense.

M. Gautrin: Je comprends.

Peut-être qu'on pourra poser la même question à votre collègue, M. Massicotte, dans un instant. Mais ça ne pose pas... Parce que je vous ai posé la question suite à l'intervention de mon collègue de Westmount?Saint-Louis, lorsqu'il disait qu'il pouvait y avoir une perception différente de leur rôle et de leur statut dans la Législature, compte tenu de la manière dont vous êtes sélectionné. Vous nous dites que ça n'a pas cet effet-là.

M. Milner (Henry): Ça veut dire qu'on ne fait pas vraiment la distinction. Mais, normalement, les candidats sont des candidats aux deux, ça veut dire...

M. Gautrin: Et ça veut dire... Excusez-moi. Est-ce que je peux poursuivre avec vous parce que l'information... On est rendu à entrer peut-être sur des détails. Il y a donc la possibilité pour un député virtuel d'avoir un bureau de circonscription. C'est-à-dire, nous avons, nous, des bureaux dans nos circonscriptions, nous avons du personnel de circonscription, donc il y aurait le député qui serait élu sur une liste, il pourrait avoir aussi du personnel et un bureau de circonscription de cette manière-là?

M. Milner (Henry): Il peut sûrement avoir un bureau où est-ce qu'il aurait le même...

M. Gautrin: Non, mais dans la pratique, ce que vous avez regardé comme... Dans la pratique, je ne dis pas...

M. Milner (Henry): Oh, mais ils ont des bureaux. Peut-être le personnel n'est pas aussi large, question de budget, je ne le sais pas. Mais ils ont leur bureau, normalement, dans le comté où...

M. Gautrin: Ils ont aussi un bureau, etc.

M. Milner (Henry): Oui, oui, absolument.

M. Gautrin: Ah bon.

Le Président (M. Lachance): Un bureau virtuel.

M. Gautrin: Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): M. Milner, en 1994, je crois, vous avez écrit qu'il y avait probablement plus de chances d'avoir une réforme de mode de scrutin au Québec qu'ailleurs au Canada. Est-ce qu'aujourd'hui, en 2002, vous pensez toujours la même chose?

n (15 h 50) n

M. Milner (Henry): Oui. En effet, je trouve que vos actions et d'autres actions me le confirment. En 1994, il y avaient très peu de discussions à ce moment-là. Mais, moi, j'étais un peu impliqué il y a 20 ans, quand on a eu une discussion assez profonde.

Et une des raisons pour lesquelles je pense qu'ici, au Québec, on a des meilleures chances, c'est que les partis politiques sont plus légitimes. Au Canada anglais, dans la culture politique anglo-saxonne un peu plus, on voit ça dans les municipalités. Dans les municipalités, à l'extérieur de Québec, les partis politiques sont très malvenus. Tu sais, on dit: Les partis politiques n'ont rien à faire, ce n'est pas acceptable.

L'idée, c'est que le fait qu'on est membre d'un parti politique est d'une certaine façon quelque chose de douteux, tu sais. Un vrai politicien doit être tout à fait indépendant, etc. Au Québec, on a moins de tendance à penser comme ça, et à mon avis c'est évident, parce que, pour le voteur moyen, un parti politique est un court-circuit absolument nécessaire. On ne peut pas connaître tous les députés, tous les candidats. Dans un petit village, oui. mais, dans une société moderne, ça prend des partis politiques pour nous aider à identifier, voir les différences, etc. Je ne parle pas peut-être des gens très renseignés, mais c'est une minorité.

Alors, au Canada anglais, le fait que les partis sont un peu moins légitimes rend un mode de scrutin... Parce que le mode de scrutin proportionnel, l'importance des partis, tu sais, vraiment, c'est basé sur le vote de parti. On met plus d'importance sur le vote de parti. Dans le système allemand, un peu moins que dans les autres systèmes proportionnels, mais, quand même, l'identification avec les partis est très importante. Alors, au Québec, on est plus sensible à ça, à mon avis, qu'au Canada anglais, où les partis politiques sont moins légitimes. En Colombie-Britannique, par exemple, même s'ils discutent de changement de mode de scrutin, la culture politique est un peu différente et ça peut avoir des effets différents. Mais c'est pour ça que je...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun, est-ce que c'est là-dessus ou...

M. Gautrin: Oui, c'est sur ça. Enfin, vous me permettez de diverger d'opinions avec vous, M. Milner...

M. Chagnon: Ce n'est pas la première fois d'ailleurs!

M. Gautrin: Non, sans difficulté. Je crois néanmoins qu'un parti comme le NPD a des racines et une implication, dans le reste du Canada anglais, et une structure politique. Mais je...

M. Chagnon: Mais ils n'en ont pas au Québec.

M. Milner (Henry): ...municipalités?

M. Gautrin: Pas dans les municipalités.

M. Milner (Henry): Non. J'ai parlé dans les municipalités.

M. Gautrin: Ah, vous parliez uniquement des municipalités?

M. Milner (Henry): Mais c'est un exemple.

M. Gautrin: Parce que je croyais que la question qui vous avait été posée avait été la question... Vous avez écrit, en 1984, qu'il y avait plus de chances que les réformes du mode de scrutin se fassent au Québec plus qu'ailleurs, et je crois que votre analyse était basée sur le degré et l'implication, la démocratie à l'intérieur des partis politiques.

M. Milner (Henry): Non, non, non. Ce n'est pas ça que j'ai... La légitimité des partis politiques...

M. Gautrin: Non, ce n'est pas ça. Alors, je m'excuse. Je ne voudrais pas rentrer dans un débat avec vous à cet effet-là, mais je voudrais vous poser une question que... Vous connaissez évidemment l'effort que fait actuellement la Colombie-Britannique. Nous avons eu la chance de manger avec M. Gibson ce midi, qui est responsable du processus en Colombie-Britannique. J'aimerais avoir vos commentaires sur ce que tente actuellement la Colombie-Britannique, autrement dit d'avoir ce mécanisme où il va y avoir une assemblée constituante formée de citoyens, sélectionnés sur une base un peu aléatoire, et qui va réfléchir sur une modification ou non-modification du mode de scrutin et faire éventuellement une recommandation au gouvernement. Quel est votre commentaire sur ce qui se passe en...

M. Milner (Henry): Je pense que c'est une bonne idée, mais j'ai certaines craintes. Ce sera trop compliqué. Vous savez, ils l'ont fait surtout par le fait qu'aux dernières élections... il n'y a plus d'opposition et il n'y a qu'un parti en effet à l'Assemblée.

Mais le problème, à mon avis, c'est qu'ils vont sortir avec d'autres réformes qui ne touchent pas le mode de scrutin mais qui touchent, par exemple, "recall", le rappel ? est-ce qu'on dit «le rappel»? Ça veut dire des choses qui vont d'une certaine façon affaiblir la cohérence partisane. Parce que c'est ça que je pense. Il y a une idée, que les partis sont néfastes: si on avait des Législatures qui n'avaient pas de partis politiques, qui faisaient les meilleures choses, qui étaient indépendantes des partis politiques, ça serait beaucoup mieux. Et ça, c'est une pensée qui est assez... Ça existe ici, au Québec, mais je pense qu'au Canada anglais, en Colombie-Britannique, c'est assez répandu. Et, quand vous avez cet événement public, avec la participation de la population, c'est ça que je crains, qu'au lieu de parler des réformes de mode de scrutin, les gens qui vraiment sont là pour affaiblir les partis politiques... Et le résultat de ces réformes, vous pouvez les affaiblir aussi par dire: Bon, les grands votes, c'est fini, dans la Législature, on aura des référendums sur toutes les questions importantes. L'idée, c'est que la politique partisane, c'est mauvais.

Mais le problème avec tout ça, et on voit ça aux États-Unis, etc., c'est que ça va diminuer la participation politique. Vous allez avoir... au lieu d'avoir 70 % des gens qui participent de façon régulière, vous allez avoir 30 et 40 %. Parce que, pour les gens avec... Tu sais, où la participation est minime, c'est très important d'avoir des partis politiques.

Au niveau municipal, on a une plus grande participation, au Québec, dans les villes où il y a des partis politiques, même s'ils ne sont pas liés avec les partis nationaux, en comparaison avec Toronto, Vancouver, Ottawa, etc., où il n'y a pas de partis politiques. Et ça, c'est normal. Alors, peut-être que les partis ne sont pas des institutions idéales, mais ils sont nécessaires. Et c'est ça que je crains qu'il va se produire en Colombie-Britannique. Je ne sais pas si M. Gibson a parlé de ça?

M. Gautrin: ...plus positif que vous, parce qu'il est en plein dans le processus actuellement. Et, disons, l'avenir dira ce qui arrivera, hein.

M. Milner (Henry): C'est ça.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Je vous remercie, M. le Président. Alors, M. Milner, je pense que, sur la question que j'ai posée, vous avez été assez clair sur le fait que la proportionnelle, ou système mixte, aiderait une plus grande représentativité des femmes, à condition qu'on se serve de cet outil-là. Et on peut penser qu'au Québec le mouvement des femmes a été assez actif pour monter à 28 %; ça va accélérer la participation.

Je voudrais que vous clarifiiez quelque chose d'autre, à moins que mes... J'ai noté ici ? je me demande si je l'ai noté à la bonne place ? que le système mixte ou proportionnel augmentait le degré d'information des électeurs. Est-ce que c'est bien ça que vous avez dit? Parce qu'on nous a dit ce matin que le système pluralitaire ou uni...

M. Milner (Henry): Uninominal.

Mme Leduc: ...en tout cas, comme nous l'avons, dans le fond, ça établissait une responsabilité plus claire, les gens savaient plus qui était responsable. Alors, pour moi, il y avait comme une contradiction un peu. Si ce n'est pas clair qui est responsable, comment ça se fait que les électeurs sont mieux informés, etc.? Alors, j'aimerais ça que vous me parliez un peu de ça.

M. Milner (Henry): Oui. C'est une discussion assez compliquée. À court terme, ça veut dire, si on parle... Imaginons que le monde n'existait que pour un jour, je pense que le deuxième argument aurait... Ça veut dire, c'est plus facile, si j'arrive dans un pays aujourd'hui, de dire: Bon, je ne suis pas content, donc je vais voter contre le gouvernement actuel et pour le parti qui a les meilleures chances de gagner. O.K.? Et, si je suis content, j'appuie le gouvernement. Ça, c'est bien facile.

Et, pour quelqu'un qui n'a aucun renseignement, c'est peut-être... ça augmente la possibilité que cette personne-là participe. Mais, ça, ce n'est pas typique. Typiquement, on est là depuis longtemps; on a voté dans le passé, on va peut-être voter dans l'avenir. On a des connaissances. Et c'est ce que je propose, c'est que, quand vous avez un système proportionnel, on peut... les connaissances qu'on a eues il y a 10 ans, cinq ans, vont nous permettre quand même de faire des jugements plus facilement aujourd'hui, parce que les partis, les programmes vont être plus ou moins stables, plus ou moins consistants.

Dans notre système, ça invite, comme j'ai dit, des exagérations et c'est plus difficile pour le citoyen de prendre les connaissances qu'il ou elle avait dans le passé et de les appliquer dans le présent.

Un autre élément de ça, qui est lointain, ce n'est pas quelque chose qui se fait tout de suite, mais, dans les systèmes proportionnels, quand vous avez la proportionnelle au niveau national, provincial, municipal, c'est les mêmes partis politiques qui contestent toutes les élections. C'est dans leur intérêt. Ils vont présenter des candidats à tous les niveaux. Et cela aussi augmente la participation, parce que le citoyen ordinaire peut dire: Oui, O.K., je m'identifie avec ce parti-là à un niveau, je peux appliquer les mêmes sentiments à un autre niveau.

n (16 heures) n

Chez nous, surtout au Canada anglais, il n'y a pas de partis politiques; chez nous, les partis provinciaux sont différents du parti fédéral, etc., donc c'est, encore une fois, plus difficile d'appliquer d'une façon géographique les connaissances d'un niveau à un autre.

Donc, c'est pour ça que, si on regarde d'une façon très large, je pense que le citoyen moyen est plus capable de prendre des décisions, se renseigner, dans le système proportionnel que dans notre système. Mais, ça, comme je dis, c'est un processus plus large.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: M. le Président. Je voudrais juste revenir rapidement, parce que je ne suis pas tout à fait... je pense qu'on n'est pas allé jusqu'au bout tantôt sur ce qu'on pourrait appeler peut-être les députés locaux versus les députés de liste. Je ne crois pas qu'on puisse parler des députés de liste, à moins qu'on en donne une autre compréhension que j'en ai, comme étant des députés virtuels. Et je vais illustrer un exemple bien concret.

Dans la région Mauricie-Bois-Francs, M. le Président, dans le temps, on était huit comtés, huit comtés, Rive-Nord, Rive-Sud ? nous sommes toujours huit, mais il y a deux régions, à présent, mais sur le fond de la problématique, ça ne change pas: de 1976 à 1985, il y avait sept députés du Parti québécois puis un libéral; de 1985 à 1994, ça a été l'inverse: un Parti québécois et sept libéral; de 1994 à 2000, c'était huit sur huit Parti québécois.

M. Milner (Henry): Huit sur huit?

M. Beaumier: Huit sur huit.

M. Milner (Henry): De Parti québécois.

M. Beaumier: Oui. Alors, voyez-vous, c'est vrai qu'une fois qu'on est élu comme député, c'est vrai d'un côté comme de l'autre, on est élu pour toute la population. Mais on ne peut pas nier quand même, on ne peut pas nier quand même qu'il y a des gens qui préféreraient avoir, à un moment donné, plutôt avoir des gens qui les représentent mieux en étant libéral ou mieux en étant péquiste. Et, en ce sens-là, si on parlait de députés de liste mais sur une base régionale, de la façon dont on le ferait, la région, c'est plus grand qu'un comté, mais ce n'est quand même pas l'ensemble du Québec, hein, ce n'est quand même pas virtuel, ce n'est pas informe, comme tel. Et en ce sens-là, je comprendrais... C'est pour ça que je voulais juste clarifier la notion de «député virtuel»; je ne crois pas que ça existe, en autant qu'il y ait un enracinement qui soit un enracinement régional. On pourrait très bien imaginer que, dans toutes les années et les situations que je viens de décrire, qu'il puisse y avoir cinq-trois, six-deux, ou trois-cinq, deux-six, ce qui serait beaucoup plus conforme, si on croit que les partis doivent exister, beaucoup plus conforme, un plus grand respect, comme représentants de l'ensemble de la population, qu'il y ait ce mixte-là.

Alors, dans ce sens-là, je crois comprendre... Quand vous parliez, tantôt, que, les votes, il ne faut pas qu'ils soient perdus, je crois que c'est... Je pense que c'est une bonne idée de faire en sorte que, par une forme de proportionnelle, par une forme de députés de liste qui peuvent avoir, sous condition qu'ils ont les mêmes conditions de travail, qu'ils ont les mêmes masses salariales ? pas des salaires seulement, j'imagine que tout est égal, mais les mêmes masses salariales ? pour pouvoir desservir l'ensemble de la population, en respectant davantage les gens qui jusqu'à nouvel ordre, les gens qui vivent bien dans un système de partis... Est-ce que c'est... Je voulais juste éliminer la notion de «député virtuel»; il y a moyen d'éviter ça.

M. Milner (Henry): Non, ce n'est peut-être pas l'expression la plus...

M. Beaumier: Non. Non, non, mais c'était...

M. Milner (Henry): Non, mais, votre région, c'est un bon exemple. Il y avait des grandes fluctuations de la députation, mais en effet c'était quoi? C'était 10, 15 % de différence, les libéraux... C'est ça? Ça veut dire, les libéraux ont monté par 15 %, ou les péquistes ont descendu par 15 %, ou vice-versa. Ça veut dire d'aller de sept à un, vis-à-vis zéro-huit, c'était quoi? C'était 20 % de votes qui sont changés...

M. Beaumier: Ah, c'était... Je ne me souviens pas de tous les détails, mais ça pouvait être autour de 40 % qui représentaient à peu près... les deux dernières élections, 40 % qui représentaient 100 %.

M. Milner (Henry): Oui.

M. Beaumier: 40 % qui votaient pour un parti, qui représentaient 100 % de la députation.

M. Milner (Henry): Oui. Non, non, mais je dis que la fluctuation n'était pas très grande, mais le résultat était très, très grand. Et...

M. Beaumier: De 40 à 100 %. C'est ça que ça veut dire.

M. Milner (Henry): C'est ça. Et je pense qu'il y a plusieurs régions qui sont semblables. Alors, si c'est huit-zéro, basé sur 40 % ou 45 %, c'est impossible de faire tout à fait une rectification totale avec le système écossais, mais sûrement vous allez... disons c'est cinq à trois, donc vous allez faire cinq... dans ce cas-là, ce sera cinq péquistes, deux libéraux, un ADQ, je pense, dans votre région, qui n'est pas tout à fait proportionnel. Mais on ne peut pas enlever des sièges déjà gagnés.

Alors, on entre ici dans les questions techniques, etc., mais c'est bien clair que 5-2-1, c'est beaucoup mieux que 8-0, y compris les résultats. Alors, ça, il m'apparaît que c'était assez évident, et, non ce n'est pas virtuel; tout le monde aime bien sûrement des représentants régionaux et une équipe régionale qui est plus représentative de la population, des sentiments de la population qu'est le cas maintenant.

M. Beaumier: Je voulais illustrer, merci bien.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Oui, merci, M. le Président. Non, c'est que je trouve ça intéressant, cette discussion-là sur la tâche des députés, là, élus de différentes façons. Par contre, je suis un petit peu étonnée, je ne m'y connais pas beaucoup, là, mais, par rapport au peu de définitions qui existent. Parce que, moi, je regarde de la façon dont on vit notre tâche de député et notre quotidien ici. Puis ça fait quand même 13 ans, là, que, moi, je suis députée des Chutes-de-la-Chaudière, et je pense que les gens, en tout cas en mon sens, là, je pense que la population est très consciente que son député est élu... à partir du moment où il a été élu, peu importe s'il était d'accord avec son élection ou pas, il sait que son député est là pour le représenter, et les gens s'attendent à ça et viennent nous voir. En tout cas, moi, j'ai des gens de toutes allégeances qui viennent nous rencontrer.

Alors, je pense qu'il y a quelque chose qui me... en tout cas, que j'ai de la misère à visualiser personnellement, dans ce genre de travail, là, là, à double niveau comme ça. Je me dis: il n'y a pas un endroit au monde où c'est un petit peu plus défini, un peu mieux balisé, sur l'ensemble de la tâche? Parce que, je regarde ce qui se passe chez nous, je serais prête à parier que probablement que, par rapport au travail qu'on a avec les électeurs, bien, dans la majorité des cas, ça s'arrêtera là ou, dans d'autres cas, les gens iraient en voir un puis, si ça ne se règle pas bien avec un, ils iraient voir chez l'autre, il y aurait une espèce de jeu à cet effet-là. Il n'y a nulle part, dans ces endroits-là où on a ce mode de scrutin là, où la tâche est mieux définie, c'est ce que je comprends? Il n'y a pas de... Parce qu'on parle des dossiers avec les électeurs, mais on pourrait parler aussi bien des représentations par rapport aux autres instances régionales, que ce soient les CRCD, les CLD, en fait, la panoplie d'organismes sur lesquels on a à prendre position, à siéger, à écouter, être attentif et à ramener.

M. Milner (Henry): Mais, même dans notre cas, je pense que les tâches de député local ne sont pas... peut-être elles sont claires, mais elles ne sont pas définies d'une façon écrite. C'est des conventions que les gens connaissent très bien, les responsabilités des députés vis-à-vis leurs électeurs.

Dans un autre système, normalement, chaque député a des responsabilités vis-à-vis les électeurs. Les électeurs ont des attentes vis-à-vis les députés. La seule différence, c'est qu'ils ont plus de choix. Mais, vous avez raison, je ne sais pas exactement comment l'électeur moyen l'utilise. Il y a aussi le fait que parfois c'est mieux d'avoir un représentant du côté gouvernemental, parfois c'est mieux d'avoir un représentant du côté opposition. Ça peut aussi aider l'électeur. Je parle de la situation de l'électeur. Alors, si l'électeur a un député de comté comme tel et une autre personne de l'opposition, qui était quand même... qui a son bureau de comté et qui était le candidat de comté, qui vient du comté, etc., il me paraît que, oui, il y a des ajustements, etc., mais ça devient plus ou moins normal, c'est, au moins... Encore une fois, M. Massicotte avait posé des questions à plusieurs personnes en Allemagne, dans les provinces, etc., pour essayer de voir: est-ce qu'il y a vraiment des problèmes pour les députés, pour les électeurs? Il paraît qu'il y a des conventions qui se sont faites à l'intérieur desquelles les gens se comportent assez bien. Mais ce n'est pas défini par écrit, ce n'est pas comme si... Il y a la possibilité de dire qu'un député de comté aurait moins de tâches... tu sais, peut-être moins de comités, ou quelque chose. C'est toujours possible de faire ça, c'est-à-dire que, je ne sais pas, vous êtes membre à deux commissions, ou quelque chose, on peut dire que, bon, le député de comté doit être membre d'une commission, un député de liste, deux commissions. Mais j'ai l'impression que ce n'est pas nécessaire, de telles choses. C'est possible, mais ce n'est pas nécessaire.

n (16 h 10) n

Le Président (M. Lachance): Une dernière question que nous avons également posée à vos collègues qui vous ont précédé: Que pensez-vous des élections à date fixe?

M. Milner (Henry): Normalement, avec un système proportionnel, c'est plus ou moins évident que les deux vont ensemble. En général, je trouve que l'idée est une bonne idée, mais je connais très peu de pays où il y a une aussi grande flexibilité qu'on a chez nous.

Une élection à date fixe, ce n'est pas absolument nécessaire que ce soit comme les Américains: le deuxième mardi après... le premier lundi de chaque quatrième année, ou quelque chose comme ça, ça peut être dans les... ça doit être, disons, dans les derniers trois mois de la quatrième année, ou quelque chose comme ça. Ça veut dire que ça laisse quand même une certaine marge, mais tout le monde sait qu'il y aurait une élection dans cette période-là.

À mon avis... Je n'ai pas encore rencontré des arguments convaincants contre une telle idée. Je sais que le parti au pouvoir aime garder la plus grande marge de manoeuvre dans ce cas-là, mais ce n'est pas un argument qui va convaincre les scientifiques.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci beaucoup, M. Milner, pour avoir accepté de participer à nos travaux.

M. Milner (Henry): Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, M. Massicotte, pour votre présence ici, en commission parlementaire des institutions, et vous êtes en quelque sorte notre dessert aujourd'hui. Vous avez à quelques reprises été cité comme étant quelqu'un qui pouvait nous amener un éclairage plus particulier à des questions qui ont été posées.

Alors, vous avez la parole pour les 25 prochaines minutes et même davantage si vous le souhaitez.

M. Louis Massicotte, Université de Montréal

M. Massicotte (Louis): Je vous remercie, M. le Président. Je suis d'abord très heureux, je dois dire, non seulement de pouvoir participer à vos travaux, mais également de faire partie d'un panel aussi distingué ? et là je me mets de côté pour quelques instants ? mais de faire partie d'un panel aussi distingué que celui que vous avez réussi à rassembler cette journée. Je crois réellement que vous avez pu réunir parmi les personnes qui s'y connaissaient très, très bien. Ces personnes qui m'ont précédé ont eu l'amabilité de référer plusieurs fois à mes travaux, et j'avoue franchement que c'est avec une certaine angoisse que je me présente devant vous, dans la mesure où je me demande parfois s'ils n'ont pas fait naître des attentes excessives que, bien sûr, je ne suis pas certain de pouvoir exaucer.

Sauf erreur de ma part, c'est la troisième fois en un peu plus de 30 ans qu'une commission de l'Assemblée nationale est saisie du dossier du mode de scrutin. La première fois, c'était en 1971. À l'époque, un seul des partis politiques représentés à l'Assemblée était clairement favorable à une réforme, les trois autres y étaient opposés. Par la suite, en 1984, votre commission a entendu le Directeur général des élections défendre une proposition que le premier ministre aimait bien mais que beaucoup de députés aimaient moins bien. Le débat, si je me souviens bien, fut assez vif et il s'est terminé comme vous le savez et comme le Directeur général des élections s'en souvient peut-être encore.

L'exercice en cours cette année se déroule dans un contexte différent. Les programmes des trois partis représentés à l'Assemblée prévoient maintenant tous un changement du mode de scrutin comportant l'ajout d'un élément de proportionnelle. C'est une première et il faut le souligner.

Autre différence, il semble exclu cette fois-ci qu'une telle réforme puisse être réalisée avant la prochaine élection; en tout cas, à ce que je comprends, ce fut la première chose sur laquelle vous vous êtes tous et toutes entendus entre vous dès décembre de l'an dernier. Certains pourraient peut-être dire que, dans ces conditions, vos travaux sont un peu académiques, mais ce n'est pas du tout mon avis, en fait j'y vois un élément positif. Malgré un contexte qu'on pourrait peut-être qualifier de préélectoral, il sera possible de discuter de la question avec un minimum de sérénité, dans une optique à plus long terme.

Autre remarque. Il faut garder à l'esprit que juridiquement la décision appartient aux députés. Pour ma part, je n'ai aucun goût pour les stratégies visant à contourner la représentation parlementaire ou à l'intimider sous prétexte que les députés seraient en conflit d'intérêts sur la question. Il n'y a absolument pas de pratique constante à l'échelle internationale visant à exclure les députés de la prise de décision en ce domaine. Au contraire, les référendums en de telles matières sont l'exception plus que la règle. C'est vous, en d'autres termes, qui déciderez, à moins que les tribunaux n'interviennent dans ce dossier et ne rétrécissent quelque peu votre marge de manoeuvre.

Dernier commentaire préliminaire, et là je vais réitérer certains des points qui ont été mentionnés par les intervenants précédents, la question du mode de scrutin est vraiment une de ces questions sur lesquelles à l'heure actuelle il n'y a pas de consensus vraiment à l'échelle internationale, du moins à ce moment-ci. Certaines choses qui autrefois étaient contestées, comme le vote des femmes ou le suffrage universel ou le vote secret, maintenant, elles font l'unanimité. Ce n'était pas le cas il y a un siècle. Mais, en matière de système électoral, en matière de mode de scrutin, chacune des principales formules existe dans trop de pays démocratiques pour dire qu'une seule est acceptable ou qu'une autre est démocratiquement infecte.

J'ai eu l'occasion plusieurs fois dans ma carrière de réaliser des missions de développement démocratique. Lorsqu'on arrive dans un pays en développement démocratique et qu'on nous demande conseil sur différents aspects, on ne se gênera pas pour être directif sur des éléments comme le secret du vote ou le caractère universel du suffrage. Quand la question sera posée: Quel mode de scrutin vous paraît acceptable ou quel autre inacceptable? on dira: c'est à vous d'en juger. Tant qu'il s'agit d'un mode de scrutin honnête, il y a beaucoup trop de pays démocratiques exemplaires, dans l'un ou l'autre cas, pour qu'on puisse vous dire ex cathedra que tel mode de scrutin est acceptable ou tel autre ne l'est pas. Donc, il s'agit à mes yeux d'une question qui relève du jugement politique.

Et de même, il ne faut pas s'imaginer que la proportionnelle est une sorte de panacée à tous les problèmes du Québec. Si on introduit la proportionnelle ou un mode de scrutin mixte, on ne réglera pas d'un coup tout le problème de la sous-représentation des femmes dans les Parlements. La proportionnelle ne donnera pas, comme je l'ai déjà entendu, droit de cité à la tendresse. La proportionnelle ne rétablira pas nécessairement la crédibilité des politiciens, la discipline de vote ne disparaîtra vraisemblablement pas. La participation électorale ne grimpera pas subitement dans la stratosphère, et la politique ne deviendra pas tout d'un coup subitement un exercice harmonieux et consensuel gouverné par la seule règle de l'amour infini.

Vous voyez que je serais un très mauvais vendeur. Je ne vous dis pas ça pour dire qu'il ne faut pas faire le changement, je vous le dis simplement parce que je pense qu'une des erreurs qui ont été commises ces dernières années ici et ailleurs ça a été de faire naître des attentes absolument démesurées, parfaitement fragiles, qui à l'examen critique se révèlent tout à fait illusoires et qui contribuent... On le fait pour des fins de mobilisation politique. Il faut exciter des électeurs, il faut mobiliser des gens. Sauf qu'une fois le changement réalisé il y a le lendemain de la veille, et là on s'aperçoit que beaucoup de choses qu'on nous avait racontées ne se sont pas nécessairement avérées. C'est le cas en particulier de la Nouvelle-Zélande, où on a eu recours vraiment à toutes les ressources du verbe, on a raconté énormément de choses aux gens. Les résultats ont été positifs dans l'ensemble et ils le paraissent de plus en plus. Mais je pense que la désillusion des électeurs a été à la mesure des attentes tout à fait excessives qu'on avait fait naître. Donc, je veux éviter autant que possible ce travers.

Vous nous avez invités à titre d'experts sur les modes de scrutin, c'est donc en professeur et en chercheur que je vais parler ici, avec la préoccupation de faire avancer le débat en attirant votre attention sur certains phénomènes qui ne vous sont peut-être pas familiers.

Mon exposé va comporter deux parties. Premièrement, je vais vous parler de certaines conséquences du système actuel, et ensuite je parlerai plus en détail de la formule mixte à la demande, que l'on évoque souvent.

n (16 h 20) n

Concernant le système électoral actuel, je voudrais faire écho à ce que André Blais vous disait plus tôt dans la journée. J'ai appris à l'expérience que la simplicité de ce mode de scrutin est un peu trompeuse. C'est vrai qu'il est simple à expliquer. C'est le rêve de tous les étudiants et le rêve des professeurs qui veulent communiquer efficacement: il s'explique très bien. Mais, quand il s'agit, par contre, d'expliquer ses effets sur la représentation parlementaire, alors là c'est très complexe à analyser. Et ce système-là ne donne pas le même type de résultats dans toutes les sociétés où il existe. J'aimerais en particulier attirer votre attention sur deux aspects du fonctionnement de ce système, dans les conditions québécoises actuelles et passées.

Alors, le premier aspect, c'est le fait que chez nous le scrutin pluralitaire a pour effet de produire des majorités parlementaires bien plus énormes qu'ailleurs. On se souvient tous, bien entendu, de 1973, 102 sur 110, mais ce n'était pas un cas, dans notre histoire, un cas si exceptionnel que ça. Je vous propose un critère très simple, un «benchmark», comme on dirait dans l'autre langue officielle: Pendant combien d'années, dans notre histoire, depuis 1867, pendant combien d'années le parti gouvernemental a détenu les deux-tiers des sièges? Et quel est le chiffre comparable pour d'autres sociétés utilisant le même mode de scrutin?

Alors, prenons ces Parlements un après l'autre. Chambre des représentants des États-Unis: 16 années seulement sur 135 où un parti a eu les deux-tiers des sièges. Un «veto-proof Congress», c'est quelque chose qui est assez rare, dans l'histoire américaine. Chambre des communes de Londres: 19 années; encore là, c'est plutôt rare. Chambre des communes d'Ottawa: 30 années. Assemblée législative de l'Ontario: 57 années. Assemblée législative, puis nationale, du Québec: 94 années sur 135, soit pas mal plus. Les distorsions sont plus fortes, démontrablement, chez nous qu'ailleurs, et ceci est dû au fait que le vote est moins régionalisé chez nous qu'ailleurs. Chez nous, là, le scrutin majoritaire, c'est vraiment le scrutin des émotions fortes.

Deuxième aspect, que certains ont déjà mentionné mais sur lequel je voudrais insister puisque c'est ma petite trouvaille dans le domaine. On cherche tous, dans un débat comme celui-là, à apporter un petit quelque chose que d'autres n'ont pas fouillé autant que nous. Deuxième aspect, c'est que chez nous le système ne fonctionne plus d'une façon équitable, même entre les deux principaux partis, et ce, depuis longtemps.

On l'a mentionné, il est arrivé à trois reprises depuis 1944 qu'un parti, toujours le même, soit relégué dans l'opposition tout en ayant obtenu plus de voix que son principal rival. On a observé la même chose incidemment lors du référendum de 1995, sans bien sûr que ça ait les mêmes conséquences, et même lors de l'élection fédérale de 2000, si on considère uniquement les résultats du Québec. Prenons maintenant les deux plus récents scrutins tenus à l'échelle du Québec, provinciaux. Comparez les élections de 1994 et de 1998: 1994, 13 000 voix d'avance dans l'ensemble du Québec donnent à un parti 30 sièges d'avance à l'Assemblée; dans le second cas, 27 000 voix d'avance à l'échelle du Québec, pour l'autre parti, lui donnent 28 sièges d'arrière. Vous savez que ça commence à ressembler un petit peu à la blague populaire: pile, je gagne; face, tu perds.

Les théoriciens, dans leurs manuels, nous disent souvent que le système pluralitaire favorise le parti le plus fort, quel qu'il soit. Et à ceux qui perdent, ont dit: Un jour, ce sera ton tour. Mais la réalité québécoise, elle est différente. Le système fonctionne d'une façon non symétrique, et des projections effectuées à partir des résultats de 1998 indiquent que le Parti libéral a besoin d'une avance d'à peu près 300 000 voix dans le suffrage populaire, c'est-à-dire environ 71/2 % du vote, pour obtenir simplement le même nombre de sièges que son principal rival ? ce qui veut dire, en passant, que la réédition de l'élection de 1998 est plus probable qu'on ne le croit parfois.

Écoutez, on peut trouver de bons arguments, je crois, en faveur d'un système électoral qui amplifie dans la représentation parlementaire une majorité qui existe déjà dans le suffrage populaire. Mais, pour ma part, je trouve difficilement défendable un système qui est biaisé contre un parti au point de transformer ses victoires en défaites. J'imagine facilement que cette... J'ai le sens de l'humour, comme tout le monde, j'imagine facilement que cette réalité sera appréciée différemment des deux côtés de la Chambre, possiblement.

Un jour, j'avais évoqué devant quelques personnes, j'avais évoqué le fait qu'en 1966 la carte électorale avait donné le pouvoir à l'Union nationale alors que le Parti libéral avait 150 000 voix d'avance dans le vote populaire. Un ancien député qui se trouvait dans la salle m'avait répondu, gentiment d'ailleurs, il dit: Oui, c'est ça qui m'a permis d'être ministre, fin de la citation. Alors, je comprends que certains trouveront cette situation tout à fait délectable, quelques-uns la trouveront peut-être gênante, mais, bon, ils vivront avec leur gêne, d'autres la jugeront scandaleuse, et puis il s'en trouvera même quelques-uns pour chanter les louanges d'un système qui les pénalise. Chacun, chacune aura sa réaction.

En tout cas, je pense qu'il est important que cette analyse que j'ai faite, qui a été élaborée il y a une vingtaine d'années, confirmée deux fois par l'expérience depuis, élection de 1998, référendum de 1995, je pense qu'il est important qu'elle soit portée à votre attention dans le cadre d'une discussion sur la réforme du système électoral, d'autant plus que par le passé on a eu tendance à l'en évacuer complètement.

Voilà au niveau des problèmes, donc deux problèmes: majorité excessive, toujours susceptible de se réaliser, et en même temps déséquilibre, ce que je pourrais appeler une sorte de déséquilibre électoral entre les deux partis.

Maintenant, au niveau de la solution, la solution n'est pas toujours apparue évidente, mais j'ai toujours eu une préférence, quant à moi ? je n'ai pas beaucoup changé d'avis sur ces questions-là ? pour moi, la formule idéale a toujours été un mode de scrutin mixte à l'allemande. Alors, j'ai exploré plusieurs autre formules, bien sûr, d'autres ont évoqué par le passé... ont avancé par le passé avec insistance, et je dirais même avec beaucoup d'insistance, la formule de représentation proportionnelle modérée, la RPRM, qui a été ensuite rebaptisée la RPT. Je pense qu'on a avancé à peu près tous les arguments imaginables, en 1982, 1984, pour cette formule. Apparemment, les députés n'ont pas été convaincus; moi non plus, je ne l'ai pas été.

Pour ma part, je ne suis pas ce qu'on appelle un proportionnaliste de doctrine, en tout respect pour ceux qui le sont. Et, en particulier, pour moi, à mes yeux, le système actuel comporte une caractéristique qui me paraît très valable, c'est-à-dire des circonscriptions relativement petites permettant des contacts plus étroits entre les élus et leurs commettants. Tout ça ne me paraît pas une vache sacrée intouchable, mais ça me paraît un acquis sur lequel on peut bâtir.

Et je voudrais souligner en passant une chose: il y a une différence entre moi et mes collègues qui m'ont précédé, c'est que mon parcours professionnel a comporté plusieurs années comme fonctionnaire parlementaire. Par conséquent, j'ai eu l'occasion de voir davantage les choses sous un angle auquel les universitaires sont habituellement moins sensibilisés, c'est-à-dire cette relation justement entre un député et une circonscription. Ça m'a toujours frappé d'entendre des députés dire: On sait très bien qu'on n'a pas toute la liberté d'action, sur le plan parlementaire, dont on pourrait rêver, mais, franchement, quand on rentre dans nos circonscriptions puis qu'on voit 30 personnes qui attendent pour nous rencontrer, là vraiment on réalise à quel point on peut faire la différence et rendre des services très concrets à des individus. Et, pour moi, il a toujours été inacceptable d'essayer de dévaloriser cette fonction-là en disant que ce n'était rien comparé aux nobles tâches parlementaires. Ça fait partie du quotidien parlementaire, ça fait partie du vécu, c'est quelque chose qui est apprécié et par les citoyens et par les députés. Ce n'est pas quelque chose que je voudrais voir balayé du revers de la main.

Alors, un système mixte compensateur, dans ces conditions, me paraît la voie à explorer, et c'est d'ailleurs la formule qui est avancée depuis plus longtemps ici, si vous vous rappelez ou si vous avez lu un peu sur les débats de 1970. C'est aussi la formule qui correspond le plus au programme des trois partis représentés à l'Assemblée. Dans ce système, chaque parti obtient à peu près un nombre de députés correspondant à son appui populaire, mais une partie des députés sont élus à la pluralité des voix dans le cadre de circonscriptions. Les autres sièges, sièges dits de liste, sont attribués au parti de façon à corriger les distorsions engendrées par le scrutin majoritaire. Ça, c'est le schéma fondamental du système qui fonctionne en Allemagne actuellement.n(16 h 30)n

J'ai entrepris il y a un an et demi, pendant et au retour d'un séjour en Allemagne, de me familiariser davantage avec les détails de cette formule. J'ai entrepris d'examiner en profondeur non seulement le système utilisé pour les élections fédérales, mais aussi les systèmes qui sont utilisés actuellement dans 13 des 16 provinces de l'Allemagne. L'Allemagne est un pays fédéral, le gouvernement de chaque province, qu'on appelle des länder, ce gouvernement de chaque province comporte non seulement un gouvernement, mais également un Parlement élu au suffrage universel. Et, dans 13 cas sur 16, on utilise une variante de la formule fédérale. J'ai trouvé ça fascinant non seulement parce que ces systèmes-là sont peu connus, sont mal connus, mais ils offrent en même temps des variantes très intéressantes par rapport à la formule fédérale, que l'on cite le plus souvent.

En plus, je mentionnerais que l'Internet nous permet maintenant d'avoir accès à une documentation immense et à peu de frais d'ailleurs. J'ai aussi scruté les expériences, plus jeunes, de la Nouvelle-Zélande, de l'Écosse et du pays de Galles. Lors de mon année sabbatique, j'ai eu l'occasion de passer une semaine à Wellington, en Nouvelle-Zélande, c'était en 1999, au lendemain de la deuxième élection tenue sous l'égide de ce régime. Il y a quelques mois, je conversais, en Suisse, lors d'une conférence internationale, j'ai eu la bonne fortune de rencontrer le président du Parlement écossais, Sir David Steel, et d'avoir avec lui une conversation assez poussée sur les aspects, le fonctionnement concret du système en Écosse. Et, la semaine dernière, j'ai profité d'un séjour en Belgique pour faire un petit crochet par Düsseldorf pour aller discuter avec les fonctionnaires électoraux de la province la plus importante en termes de population de l'Allemagne fédérale. Et ma conclusion provisoire, je vous le dis tout de suite, je pensais bien connaître le système allemand au départ, mais j'en ai appris énormément. Et j'en ai sans doute encore beaucoup à apprendre. Et, en particulier, il y a beaucoup de choses qui ne sont pas écrites dans la loi mais qui sont extrêmement importantes pour comprendre pourquoi et à quelles conditions ce système peut bien fonctionner. Chose certaine, ce n'est pas un système qui s'improvise en quelques semaines, et il y a encore beaucoup de réflexion à faire.

Voici, en vrac, quelques particularités qui devraient retenir votre attention, je pense, et qui pourraient toutes faire l'objet de discussion, mais je lance la discussion là-dessus. Premièrement, le nombre total de sièges. Est-ce qu'il est sage d'aller au-delà de 125 députés? Est-ce que, au contraire, on devrait profiter d'une réforme pour réduire substantiellement ce nombre? Ma conclusion provisoire serait probablement qu'il vaut mieux pour le moment laisser les choses en l'état. Deuxième point crucial, le rapport entre les deux catégories de sièges, sièges de circonscription et sièges de liste. On sait que l'Allemagne fédérale a opté pour un ratio 50-50, mais il est intéressant de constater qu'en bien des endroits on est beaucoup plus proche d'un ratio de 60-40, qui a été évoqué par les intervenants précédents, 60-40, c'est-à-dire plus de sièges de circonscription que de sièges de liste. L'expérience, en fait, indique que le principe de compensation est un principe très fort et que les distorsions peuvent être éliminées même si les sièges de liste ne représentent que 40 % du total. En fait, justement, dans le land le plus important des länder de l'Allemagne fédérale, on avait un ratio de 75-25.

Troisième point, est-ce que l'électeur aura un vote ou deux votes? Je voudrais souligner que ce type de système, système à l'allemande, est parfaitement opérable avec un seul vote. C'est un vote bien sûr qui est déposé en faveur d'un candidat de circonscription mais qui est compté une deuxième fois pour répartir les sièges entre les partis à un échelon supérieur; on agglomère, tout simplement, les suffrages exprimés en faveur des candidats des différents partis et on effectue le calcul proportionnel. Beaucoup aiment l'idée d'un deuxième vote parce qu'il permet à l'électeur ou à l'électrice de moduler ses préférences de façon plus subtile, et les petits partis adorent le deuxième vote parce qu'il leur permet de faire le plein de leurs voix.

Par contre, la plus récente élection italienne a révélé que les deux votes peuvent permettre des manoeuvres qui pourraient chambouler complètement le fonctionnement du système. C'est une question pour laquelle, je pense, beaucoup de réflexion est à faire. Personnellement, je trouve très séduisante l'idée de deux votes. J'avoue que, lorsqu'on m'a expliqué en détail la dernière élection italienne, 2001, et ce qui s'est produit là, je serais un petit peu inquiet. Il semble que les Allemands aient fait fonctionner leur système pendant 50 ans sans avoir de problème, mais que, dans d'autres contextes, un petit détail auquel on ne pense pas ? je pourrai élaborer là-dessus ? pourrait avoir des conséquences. En tout cas, avec un seul vote, le système est parfaitement opérable. On ne se demandera qu'est-ce qui reflète le plus l'opinion populaire, le premier vote ou le deuxième vote, et le système a l'avantage de la simplicité, du point de vue de l'électeur. Moi, je pense que la simplicité, c'est important. Un système comme celui-là, soit dit en passant, là, c'est un système qui, du point de vue de l'électeur, s'il y a un seul vote, il n'y a rigoureusement aucun changement par rapport aux méthodes de votation actuelles. Vous remplissez un bulletin en faveur d'un candidat de circonscription, les complications qui restent seront pour les ingénieurs qui devront préparer le système, pour les fonctionnaires électoraux qui devront faire les calculs, mais, du point de vue de l'électeur, ce n'est pas plus compliqué que ce que vous avez à l'heure actuelle.

Quatrième point. À quel niveau, maintenant, sera calculée la répartition globale des sièges? Là, il y a deux options qui sont ouvertes. On pourrait effectuer le calcul à l'échelle du Québec tout entier; les députés de liste, à ce moment-là, ne seraient pas rattachés à une subdivision territoriale régionale particulière. Ou encore, on peut effectuer le calcul à l'échelle de régions, forcément plus petites; alors, par exemple, le Saguenay?Lac-Saint-Jean, dans ces conditions, aurait trois sièges de circonscription et deux sièges de liste, pour un total de cinq, c'est-à-dire exactement ce qu'il a actuellement. On répartira les cinq sièges de la région en fonction du vote exprimé, calcul fictif, et ensuite on va soustraire, pour chaque parti, le nombre de sièges de circonscription qu'il a obtenus du nombre de sièges total auquel il a droit selon le calcul. Il faut garder à l'esprit que plus les régions seront nombreuses et petites, moins le résultat global sera proportionnel, moins les petits partis auront de chance de percer.

Cinquième point, la technique de répartition des sièges. Alors là, je n'ai pas du tout envie de vous embêter avec certains détails, qui feront peut-être le délice des techniciens mais qui finalement ne sont pas si décisifs que ça. Mais je mentionnerais simplement que, selon le degré de proportionnalité recherché, on optera pour la technique de la plus forte moyenne, qui avantage légèrement les grands partis, ou bien on optera pour la technique de Sainte-Laguë ou du «plus fort reste» qui, elles deux, produisent des résultats plus proportionnels. Si le calcul est effectué à l'échelle provinciale, à l'échelle du Québec tout entier, le choix d'une méthode ou l'autre importe peu. Par contre, si vous effectuez le calcul au niveau de petites régions et que là vous mettez la plus forte moyenne là-dedans, les distorsions seront un petit peu élevées que pour l'autre méthode.

Question 6, le seuil. Est-ce qu'il faut imposer une sorte de barrière, est-ce qu'il faut exiger un pourcentage minimum de voix pour qu'un parti puisse obtenir des sièges de liste? On peut penser que la chose est souhaitable pour éviter la multiplication des partis et l'émiettement éventuel de la représentation parlementaire. Personnellement, je suis favorable à un seuil qui serait de l'ordre de 5 %. Il peut être séduisant pour plusieurs d'entre nous d'envisager un seuil de 10 %, mais là-dessus je dois vous avertir d'une chose, c'est qu'on peut avoir des surprises avec un seuil trop élevé. André Blais évoquait un peu plus tôt le seuil de 10 % qui existe en Turquie. En Turquie, on a un mode de scrutin nominalement proportionnel, mais un seuil de 10 %. Seulement deux partis ont réussi à franchir le seuil, ce qui a permis à l'un d'entre eux, avec 341/2 % des voix, d'avoir 60 % des sièges; et officiellement c'est un système proportionnel. Nous avons bien rigolé entre nous autour de la table de notre convivial département lorsqu'on a évoqué la possibilité que un seul parti réussisse à franchir le seuil des 10 % et, encore pire, que aucun d'entre eux ne réussisse à le franchir. Il faut donc faire attention avant d'arriver avec un seuil trop élevé, mais je crois qu'avec 5 % vous ne courez pas un risque trop élevé.

Septième point, comment choisir les députés élus grâce à la proportionnelle? Deux options s'offrent, et elles sont inégalement populaires ? je vous le dis tout de suite. La première option, qui a peut-être été envisagée par certains d'entre vous, c'est d'allouer les sièges de liste aux candidats défaits dans les circonscriptions qui ont obtenu le meilleur score. On fait la liste des candidats du parti défait, disons, à l'échelle du Québec, on identifie les personnes qui ont obtenu soit le nombre de voix le plus élevé, soit le pourcentage de votes valides le plus élevé et, en quelque sorte, s'établit une liste d'éligibilité, les sièges de liste iront aux personnes les plus hautement classées sur cette liste. Alors, cette solution n'existe que dans une seule province allemande, il s'agit du Land Bade-Wurtemberg. Elle existe depuis un bon bout de temps d'ailleurs, et il est venu à ma connaissance que la coalition dans cette province qui a été reportée au pouvoir en 2001 se propose d'abolir ce système et de s'orienter vers le système qui, en fait, est presque universel dans les régimes de type proportionnel compensateur, c'est-à-dire utiliser des listes de parti.

n(16 h 40)n

Donc, l'option la plus courante, et de loin, c'est, pour les partis, de préparer une liste et d'allouer les sièges de liste auxquels ils ont droit aux candidats qui sont les mieux placés sur cette liste. Il y a donc un ordre d'éligibilité établi à l'avance par le parti, suivant des méthodes démocratiques, avant l'élection, et, dépendant du nombre de sièges, si on a droit à deux sièges, les deux sièges iront aux deux individus les plus hauts placés sur la liste.

Huitième point, et là je pense qu'on m'attend beaucoup sur celui-là: comment éviter qu'il y ait deux classes de députés? L'expérience allemande suggère que ce n'est pas véritablement un danger, mais à condition que l'on prenne certaines précautions. À mon avis, le secret, bien gardé d'ailleurs, le secret de l'efficacité de la formule allemande réside dans un détail qui est très souvent ignoré, même par des spécialistes, c'est que la loi allemande autorise la double candidature. On peut être candidat dans une circonscription et on peut également figurer sur une liste de parti.

Dans les faits, ce qui arrive, c'est que les partis ont généralisé cette pratique. De façon intéressante, ils ne le faisaient pas beaucoup dans les origines du système. En 1949, en 1953, par exemple, la double candidature est importante, mais ce n'est pas la règle. Aujourd'hui, comme par un phénomène d'apprentissage, la double candidature, elle est devenue généralisée. Et, de telle sorte, les personnes qui figurent sur la liste ne sont pas, comme beaucoup de gens semblent le prendre pour acquis, ce ne sont pas des parachutés depuis le sérail des favoris du chef, ce sont en fait des candidats de circonscription, des gens qui ont préalablement été choisis comme candidats de circonscription et qui ensuite ont pu obtenir une place sur la liste.

Les candidats de liste sont donc des personnes qui se sont battues dans une circonscription, comme les autres. Ils se sont battus d'abord pour être choisis comme candidats dans un comté ? et vous savez tous et toutes à quel point ce n'est pas une expérience nécessairement facile ? et en conséquence les députés élus qui se sont limités à figurer sur une liste sont très peu nombreux. Les chiffres, je les ai mis sur la place publique dans un article publié dans Le Devoir tout récemment: dernières élections allemandes, je crois, 22 sur 603, c'est-à-dire quelque chose comme 3,6 %, et c'est la moyenne à peu près des dernières élections. J'ai vérifié pour contrôler, au niveau des länder, la moyenne pour les 13 élections provinciales les plus récentes: 4,5 % seulement des députés sont ce qu'on pourrait appeler des députés de liste pure; tous les autres se sont présentés à titres divers dans une circonscription, ils ont été élus ou ils ont été battus. Mais, l'idée suivant laquelle des personnes vont se faire élire en ayant le privilège de passer toute la campagne électorale dans leur salon en regardant la campagne à la télévision, ça, je pense que c'est une image qui ne correspond pas à la réalité allemande vécue et je pense que c'est une excellente pratique, d'ailleurs, que les partis politiques non seulement allemands mais également néo-zélandais, écossais et gallois ont développé.

Bien. Alors donc, tout le monde est passé dans le même moule, et, en plus, les élus de liste ? et ça, c'est moins bien connu ? mais les élus de liste sont encouragés par le parti, pas forcés mais encouragés par le parti, à se montrer de temps à autre dans une circonscription, le plus souvent celle où ils ont été défaits, mais tout en évitant de se comporter ? ça, c'est essentiel ? tout en évitant de se comporter comme s'ils avaient été élus autant que celui qui a obtenu le suffrage d'une pluralité de ses concitoyens.

En conséquence, il n'y a démontrablement pas de castes dans les Parlements d'Allemagne. Le salaire des députés est le même, et tous ont les mêmes droits. La disposition des sièges dans l'enceinte parlementaire, la progression des carrières, la probabilité de devenir ministre ne sont pas conditionnés par l'appartenance à l'un ou l'autre groupe, et les députés font substantiellement le même travail.

M. Gautrin, je pense, ce matin, a posé des questions relativement à la présence de députés de liste ou de circonscription à l'intérieur des cabinets; il me fera plaisir plus tard dans la discussion de lui fournir les chiffres que j'ai colligés sur le sujet, ainsi que quelques détails sur certains politiciens allemands importants, qu'est-ce qu'ils ont comme background parlementaire, et vous allez constater que, député de liste ou député de circonscription, ça ne fait pas véritablement de différence dans vos chances de devenir ministre ou de ne pas le devenir.

On pourrait... En passant, là j'ai une petite idée personnelle: on pourrait aller encore plus loin que les Allemands. Les Allemands autorisent la double candidature, mais ils ne l'imposent pas. On pourrait exiger que les places les plus élevées sur une liste de parti ne puissent être occupées que par des candidats de circonscription. Et, même en l'absence d'une règle aussi stricte, de toute façon, mon impression personnelle, ayant scruté ces expériences, voyant se répéter d'une juridiction à l'autre exactement les mêmes types de comportements, mon impression, c'est que, de toute façon, la dynamique de ce système incite fortement les candidats à ne pas mettre tous leur oeufs dans le même panier. Naturellement, je m'empresse de le dire, si quelqu'un est élu à la fois dans une circonscription et sur une liste, il n'est pas question de lui permettre de cumuler les sièges, quand même. Il faudra, il y aura priorité au mandat de circonscription, et le mandat de liste ira au suivant sur la liste. C'est le bon sens, je pense, qui l'indique. On ne peut pas cumuler de sièges.

Alors, écoutez, je pourrais pousser la discussion beaucoup plus en profondeur et discuter, par exemple, du remplacement des députés démissionnaires ou décédés en cours de mandat, des sièges supplémentaires, qu'on appelle dans le jargon local des «Überhänge» ou des «Ausgleiche»; je pourrais parler de l'opportunité pour les électeurs d'indiquer des préférences pour un des candidats sur la liste, au lieu d'accepter l'ordre fixé par le parti. Je pourrai aborder ces questions lors de la discussion, si vous le désirez. J'espère ne pas avoir excédé le temps qui m'était alloué.

Le Président (M. Lachance): Vous l'avez excédé, M. Massicotte, mais nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt, et donc vous avez répondu à certaines des questions qu'on vous aurait de toute façon posées.

Alors, pour partir le bal, je dirais, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Évidemment, j'ai trouvé l'exposé extrêmement intéressant et un peu bousculant en même temps. Vous avez l'air très sûr de votre coup. J'espère bien que, dans la réalité, au Québec, ça pourrait se passer comme vous l'avez dit. Et pourquoi pas?

Cependant, il y a un point sur lequel vous êtes passé très, très rapidement et qui est très important. Pour vous, ça semblait évident, et probablement que pour mes collègues ça l'est aussi, mais, pour moi, ça ne l'est pas. Alors, je vais vous poser la question. Vous avez dit: Pour ce qui est des listes, c'est très simple, il suffit de les faire de façon démocratique. Alors, il y a le Parti libéral actuellement au Québec, il y a le parti de l'ADQ, il y a le Parti québécois; comment voyez-vous qu'ils peuvent faire des listes, sur une base démocratique, pour savoir qui va être le premier, le deuxième sur la liste? Comment ça se fait, ça?

M. Massicotte (Louis): Je pense qu'il faut se reporter... N'ayant pas de boule de cristal à ma disposition, je suis obligé pour stimuler mon imagination de regarder comment ça se fait dans les sociétés qui ont ce genre de système. Je me suis fait justement expliquer ça en grands détails à Dusseldorf. Les Allemands sont beaucoup plus stricts que nous quant à la question du caractère démocratique des candidatures.

Vous avez peut-être remarqué que, dans la loi électorale du Québec, il n'y a pas d'exigences relativement au caractère démocratique des conventions. Pour qu'une personne puisse porter les couleurs d'un parti politique dans une circonscription, si je ne m'abuse ? j'ai vérifié il y a quelque temps ? il suffit pour cette personne de se présenter chez le directeur du scrutin de la circonscription avec la recommandation de x nombre... l'appui de x nombre d'électeurs, avec également une lettre du chef de parti confirmant qu'il ou elle est le candidat officiel du parti dans la circonscription. Nulle part n'est-il exigé qu'il y ait eu une convention démocratique. Pour ces questions-là, il faut se reporter aux statuts des différents partis politiques.

Les Allemands, eux, sont beaucoup plus exigeants que nous. Ils le sont justement parce que leur expérience historique sous la république antérieure avait été plutôt négative à cet égard. Il y avait effectivement des listes de parti qui étaient préparées par les permanents des partis politiques, dans ce qu'on appellerait des «smoke filled rooms», c'est-à-dire des gens, des endroits où on fume beaucoup et où les caciques déterminent qui accédera à la représentation parlementaire et qui ne le fera pas. Et ils ont appris de leurs erreurs, parce que, dans la loi électorale allemande actuelle, vous avez, premièrement, pour le choix des candidats de circonscription, une exigence explicite suivant laquelle le candidat de circonscription doit avoir été choisi lors d'une assemblée de tous les membres de la circonscription; on exige en plus le vote secret et on exige que les gens dans la salle puissent faire des propositions. Donc, le choix n'est pas limité aux personnes déterminées par l'élite du parti.

n(16 h 50)n

Les listes, maintenant. Alors, les listes, on suit exactement le même principe. On exige une assemblée des représentants... des membres du parti, mais là il y a deux modalités différentes. Pour les petits partis, il est possible de demander que tous les membres du parti dans la juridiction dans son ensemble se réunissent et établissent la liste. Dans le cas des partis plus considérables, qui ont beaucoup plus de membres, ils ont tellement de membres que ce serait difficile, on procède donc à un principe de délégation, c'est-à-dire qu'à l'intérieur des régions les membres du parti choisissent des délégués qui, à leur tour par la suite, se réuniront dans la capitale pour déterminer quels seront les candidats.

Maintenant, comment sont préparées les listes en question? Là il y a tout un processus, qui n'est pas écrit dans la loi électorale mais dont on m'a dit à quel point il était très important. La première chose qu'on fait d'abord, c'est qu'on prépare les listes en ayant à l'esprit deux critères importants. Le premier critère, c'est l'identité des cinq premières personnes qui feront partie de la liste. Ces cinq personnes-là sont importantes tout simplement parce que leur nom figurera sur le bulletin de vote. Alors, si vous choisissez, vous essayez de mettre en tête de liste les personnes qui, pour le parti, sont les plus populaires, parce que ce sont eux et elles qui ont les chances d'attirer le plus de votes pour le parti.

Deuxième critère dont on tient scrupuleusement compte, c'est la question de l'équilibre régional. À Düsseldorf, il y a une chose qui m'a frappée, et je leur ai demandé, j'ai dit: Écoutez, votre land, votre juridiction a quelque chose comme 20 millions d'habitants, et pourtant les sièges de liste chez vous sont répartis à la grandeur du land et non pas dans des subdivisions régionales ? ils auraient au moins trois ou quatre subdivisions régionales qui pourraient faire office de circonscriptions régionales ? et je leur ai dit: Pourquoi vous n'avez pas fracturé le land pour avoir une relation plus étroite? Mais ils m'ont dit: Mon cher monsieur, ce n'est pas véritablement un problème, parce que les partis politiques, en préparant leurs listes de land, font tout ce qu'ils peuvent pour établir un équilibre régional rigoureux entre les différentes parties de la province. On en tient compte beaucoup.

Et en plus, autre détail pour favoriser l'acceptation de la liste, il y a beaucoup de ? comment dire? ? beaucoup de sondages qui sont effectués, pas les sondages auxquels on pense, là, mais beaucoup de téléphones, disons-le clairement. La liste est préparée au niveau central, mais beaucoup de coups de téléphone s'effectuent au niveau des instances locales, qui sont très fortes, pour vérifier si la liste proposée est susceptible de plaire à tout le monde. Et on le fait pour la raison suivante, c'est que, si les dirigeants du parti arrivent avec une liste et que la liste en question suscite une levée de boucliers, savez-vous que ce n'est pas bien du tout pour la publicité du parti à la veille de l'élection. C'est une très mauvaise note. On va donc s'efforcer de présenter une liste qui soit aussi honnête et démocratique que possible.

Maintenant, lors de cette réunion des délégués dans la capitale à laquelle je faisais allusion, c'est pas: vous prenez tout, «take it or leave it», c'est pas: vous acceptez ce qu'on a décidé ou vous le rejetez en entier, on vote distinctement sur chacune des places. Première position sur la liste, Mme Unetelle. Qui est pour? Qui est contre? Si la proposition est rejetée, quelqu'un d'autre pourra obtenir la première place. Et on fait ça, on fait un vote distinct pour chacune des places sur la liste. C'est une exigence de la loi, le vote secret est exigé. Et, par conséquent, la liste en question devient judiciairement justiciable. C'est-à-dire que, si un parti a coupé les coins un peu ronds dans la sélection des membres, des personnes qui figurent sur la liste, il est possible à ceux et celles qui se sont sentis floués d'aller devant les tribunaux éventuellement. Le parti a donc tout intérêt, considérant surtout les circonstances, de ne pas commencer à jouer de façon peu honnête là-dessus.

Comment ça se passerait, maintenant, ici? Je ne sais pas trop, mais je pense que vous auriez probablement intérêt à mettre les points sur les i dans la Loi électorale, de façon justement à ce que les ? comment dire? ? le droit soit du côté de la justice, c'est-à-dire que vraiment ceux et celles qui veulent un processus de désignation des candidats honnête puissent prendre appui sur des textes de loi, des exigences légales et éventuellement chercher recours auprès des tribunaux.

Un autre élément, aussi, je pense que le fait que, si vous exigez que tous ou presque tous, toutes les personnes figurant sur la liste soient déjà des candidats de circonscription, là vous limitez l'arbitraire des dirigeants, parce que déjà les individus sont choisis. Il s'agit de déterminer l'ordre de priorité sur la liste. Et, comme je vous dis, encore une fois, je vous fais une sorte de raisonnement par inférence, je regarde ce qui s'est passé ailleurs, c'est comme ça que l'on procède. Est-ce que ce serait comme ça ici? Est-ce que... Là, vous êtes probablement mieux placés que moi. Mais, si vous mettez les chances de votre côté, si vous mettez dans un texte de loi un certain nombre d'exigences, vous serez probablement en mesure d'éviter que les listes ne soient quelque chose de perçu... préparé et perçu suivant des façons antidémocratiques.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Deux questions. Une que j'ai déjà posée ce matin et qui était sur: Y a-t-il une différence quant aux participations, en Allemagne, des députés de liste ou des députés de circonscription dans la formation du Conseil exécutif, c'est-à-dire du gouvernement? Et deuxième question, vous l'avez évoqué aussi, donc vous m'avez tendu la perche: En cas de démission ou de décès, c'est-à-dire, où un siège devient vacant, un siège de liste ou un siège de circonscription, est-ce qu'il y a un mécanisme automatique de reprendre le subséquent sur la liste pour remplir le poste, s'il est intéressé, bien sûr ? parce qu'après une année ou deux, les intérêts d'une personne ne sont pas nécessairement les mêmes ? dans le cas d'un scrutin de liste et dans le cas d'un scrutin de circonscription? Alors, comment remplace-t-on les députés en cas de démission?

M. Massicotte (Louis): Vous avez deux très bonnes questions, je vais essayer d'y répondre le plus rapidement possible. Si vous prenez, actuellement, les 13 provinces allemandes, qui utilisent le genre de système dont on parle, si vous regardez, à l'heure actuelle, la liste des ministres et le statut parlementaire de chacun... je vais vous donner les chiffres globaux. Je pourrai vous donner les chiffres plus en détail par la suite, mais ce qui est importe: Nombre de ministres détenant des sièges directs, c'est-à-dire des sièges de circonscription: 57; nombre de ministres détenant des sièges de liste: 23. Et il y a un bon nombre de ministres qui, en fait, ne détiennent pas de mandat parlementaire, parce que le parlementarisme allemand est plus souple que le nôtre à cet égard. Mais vous voyez qu'entre députés de liste...

M. Gautrin: ...parce que, comme c'est un gouvernement de coalition, il y a automatiquement des gens qui ne peuvent pas être autrement que par... de liste.

M. Massicotte (Louis): Vous avez tout compris, c'est exactement ça. Autrement dit, on n'observe pas... mais, même au niveau du ministre président, qui forcément est issu du parti le plus fort, il arrive que le ministre président ? l'équivalent de notre premier ministre ? choisisse d'être un député de liste. Ce sont des choses qui arrivent. Et il n'est pas infériorisé ou, au contraire, sublimé à cause de ça. Autrement dit, je pense que ce que beaucoup de gens craignent ? et c'est pour ça que je suis content que vous me fournissiez l'occasion de donner les chiffres ? beaucoup de gens se disent: Bien, c'est ça, le député de liste, ça va être le super député qui lève le nez sur les minables élus des mares stagnantes, là; lui ou elle était occupé à vaquer aux nobles tâches, ou de ne vaquer à rien du tout, et puis voilà quelqu'un donc qui est assuré par ailleurs d'occuper un poste de ministre, et puis le travail de comté, bien, on laissera ça à d'autres. Ce n'est pas comme ça du tout que ça fonctionne. Et j'ai toujours été frappé... Quand vous regardez les documents officiels parlementaires, on met une véritable... presque un acharnement à ne pas souligner, justement, à ne pas creuser l'écart entre les deux catégories de députés.

Si vous regardez au niveau des chanceliers... Au niveau fédéral, en passant, les tendances sont à peu près les mêmes que celles que je viens de vous mentionner; malheureusement, je n'ai pas les chiffres sous les yeux. Mais, si vous regardez les chanceliers, depuis 1949 ? soit dit en passant, il y en a eu seulement sept, alors on n'a pas beaucoup à craindre de ce côté-là, de l'instabilité ? bien, M. Adenauer, M. Erhard, M. Schmidt représentaient des circonscriptions particulières. Le chancelier Schroder, à l'heure actuelle, détient plutôt un siège de liste, et quant au chancelier Kohl, il a obtenu, il a eu les deux situations, c'est-à-dire qu'il représentait Ludwigshafen, qui est la ville principale de son land, de Rhénanie-Palatinat, et par la suite il a détenu un mandat de liste, comme, je pense, vous l'aviez mentionné. Donc, il a connu les deux situations, mais son autorité personnelle ne s'est jamais ressentie de façon particulière du fait qu'il détienne l'un ou l'autre mandat. Pardon?

Une voix: ...

n(17 heures)n

M. Massicotte (Louis): Oui, Brandt a eu mandat de liste, oui, c'était sa situation. Quant à Kiesinger, c'est le seul... K-i-e ? par l'autre auquel on pense ? Kiesinger, lui, n'était pas membre du Parlement, à cause d'une très mauvaise particularité de... ? et ça va me permettre de faire le lien avec votre deuxième question ? une mauvaise particularité du système allemand, c'est que, si vous êtes choisi chancelier, par exemple, en milieu de Législature et que vous n'avez pas de mandat parlementaire, vous ne pouvez pas avoir de mandat parlementaire, c'est-à-dire qu'il était chancelier sans être membre du Parlement.

Et ce qui m'amène à votre deuxième question, le remplacement des députés en cours de mandat. Alors là, la situation qui est... Il y a des pratiques différentes, d'un côté, en Allemagne et, de l'autre côté, en Nouvelle-Écosse, pays de Galles et Nouvelle-Zélande.

M. Gautrin: En Écosse.

M. Massicotte (Louis): En Écosse, pardon, excusez-moi. Oui, peut-être que ça viendra un jour.

Dans le cas des Allemands, le remplacement, les élections partielles n'existent pas. C'est-à-dire que, même pour remplacer un député de liste qui décède ou qui démissionne, naturellement, on va prendre le suivant de liste, mais c'est également ce que l'on fait pour remplacer un député de circonscription. Je pense que la raison pour laquelle on fait ça, c'est qu'on veut à tout prix figer les équilibres partisans qui ont été acquis le soir du scrutin.

En Nouvelle-Zélande, en Écosse et au pays de Galles, on suit une pratique différente, c'est-à-dire que, naturellement, c'est la liste qui est utilisée pour le remplacement des députés de liste, mais, pour les députés de circonscription, procédure qui vous est familière, c'est l'élection partielle. Et, en passant, l'avantage que je vois à ça justement ? je reviens à l'exemple du chancelier Kiesinger ? c'est que vous savez que, si on veut remplacer un chef de parti en cours de mandat et qu'on va chercher le nouveau chef à l'extérieur du Parlement, si on a un mécanisme à l'allemande, on ne peut pas le faire entrer au Parlement; si on a un mécanisme plus souple, comme celui qui existe dans les autres juridictions que j'ai mentionnées, là vous pouvez le faire entrer au Parlement, il peut faire démissionner quelqu'un et prendre sa place, si bien sûr les électeurs sont d'accord avec l'opération.

Je recommanderais davantage cette deuxième procédure. Je reconnais cependant qu'elle pourrait fragiliser un peu des gouvernements qui au départ reposeraient des majorités plus courtes et qui verraient leur pérennité remise en cause à l'occasion d'une succession d'élections partielles. C'est à bien réfléchir.

M. Gautrin: Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Vous avez évoqué tout à l'heure la façon dont on bâtissait des listes pour les élections allemandes, tant dans les Länder que au Bundestag. Est-ce que c'est la même... Est-ce qu'on utilise la méthode semblable pour établir la liste, par exemple, au Parlement de Wellington ou au Parlement de Édimbourg?

M. Massicotte (Louis): Je les ai étudié moins en détail. À ce que je comprends, c'est substantiellement la même chose, mais je n'ai pas eu l'occasion, sur ce point, de les scruter autant que les autres, mais c'est en effet ce que je comprends. Et la double candidature est extrêmement poussée également là-bas comme pratique.

M. Chagnon: Est-ce qu'on a utilisé cette méthode-là depuis la Deuxième Guerre mondiale, c'est-à-dire depuis la création de la république... depuis l'accès de Konrad Adenauer comme premier chancelier? C'est la même méthode de fabrication des listes?

M. Massicotte (Louis): Oui... Bien il faut d'abord... Un des aspects fascinants dans l'expérience allemande, et ça, il faut fouiller un peu en détail, mais c'est ceci. Vous connaissez l'expression anglaise «trial and error», c'est-à-dire, on essaie des choses, on peut-être manquer notre coup, on va... Autrement dit, lorsqu'il y a plusieurs formules en compétition, les mauvaises formules sont chassées par les bonnes.

Vous savez que le système qui est actuellement utilisé au niveau fédéral et dans 13 provinces sur 16, aux origines de la république fédérale, c'est-à-dire les premières élections dans les länder, en 1946-1947 ? parce qu'elles ont eu lieu bien avant que la république fédérale ne fut mise sur pied ? il y avait en tout, je pense, seulement deux provinces, Basse-Saxe et Rhénanie-du-Nord?Westphalie, deux grosses provinces par ailleurs, mais il n'y en avait seulement deux qui utilisaient le système de proportionnelle personnalisée, qui est aujourd'hui le système dit allemand. Tous les autres länder utilisaient des formules un peu différentes. Certains utilisaient une formule mixte, mais une formule mixte pas mal majoritaire, puis d'autres utilisaient la proportionnelle conventionnelle. Et, graduellement, c'est fascinant d'observer que la proportionnelle personnalisée est utilisée et est acceptée au niveau fédéral depuis 1949 et qu'elle s'étend aussi, qu'elle se répand dans des länder qui au départ avaient d'autres formules.

La formule est acceptée en Bavière en 1950, en Hesse en 1954, à Berlin en 1958, en Rhénanie-Palatinat, je pense, en 1989, et dans les cinq länder, les nouveaux länder de l'Est, à compter de 1990. C'est comme si vous aviez une formule, là, qui fait ses preuves, une formule qui est inédite, en passant, hein, c'est vraiment un des beaux cas d'invention politique. Puis, comme spécialiste des institutions politiques, je peux vous dire que l'imagination n'est pas toujours nécessairement au pouvoir dans ces domaines-là. Mais ça, c'est vraiment une formule inventée, inventée d'ailleurs, je dois le dire, pas par des professeurs, c'est inventé par des politiciens travaillant dans des contextes particuliers, essayant de concilier des exigences contradictoires et arrivant avec une formule qui fait ses preuves tranquillement, et qui s'étend dans d'autres juridictions et qui maintenant, je pense que c'est peut-être le phénomène le plus fascinant, qui s'étend dans des juridictions où on avait toujours été amené à considérer, depuis toute éternité, le mode de scrutin majoritaire à un tour britannique comme étant, par définition ou presque, le meilleur au monde.

Alors, à ma connaissance, effectivement, dans les länder, c'est le même procédé qui existe depuis les débuts. Et ça, ça a été très clairement mis dans les lois électorales dès le début: insistance sur le caractère démocratique de la confection des listes. Et encore une fois, c'était la leçon de l'histoire de la république précédente qui avait porté.

M. Chagnon: Comment fait-on le calcul du modèle compensatoire, dans la formule allemande?

M. Massicotte (Louis): Très simple, c'est qu'on... Bien ? très simple ? je ne devrais pas dire que c'est très simple, parce que... Non. Il y a des variantes, mais disons, le schéma essentiel est celui-ci. C'est que, si vous avez 600 sièges ? je vais arrondir les chiffres ? vous avez un total de 600 sièges à répartir, vous avez 300 circonscriptions uninominales, 300 sièges de liste; vous faites un calcul fictif portant sur les 600 ? d'accord? ? et ensuite vous regardez le résultat dans les 300 circonscriptions et vous faites, pour chaque parti, la soustraction. Alors, il y a un des partis, probablement, qui va obtenir beaucoup plus de sièges que les autres, mais la deuxième série de sièges est attribuée... la soustraction a pour effet de compenser et de faire en sorte que chaque parti va avoir un pourcentage des 600 sièges correspondant à son total de sièges. Ça veut dire, là, que... Oui?

M. Chagnon: Bon, alors, la précision que je demanderais à ce stade-ci, c'est... Et le calcul se fait sur une base territoriale de l'ensemble du pays, ou d'une partie, d'une région, ou d'une...

M. Massicotte (Louis): Oui. Bon. Les pratiques diffèrent selon les juridictions. Le système le plus compliqué... Oui?

M. Chagnon: Parce qu'on a dit tout à l'heure... vous avez mentionné que plus on diminue le niveau de... le nombre de circonscriptions qui sont affectées, moins la compensation est importante.

M. Massicotte (Louis): Oui. Alors là, les Allemands ont trouvé un certain moyen de réduire, de réaliser la quadrature du cercle, c'est-à-dire de faire en sorte que les députés aient une assise régionale, représentent un land en particulier, un des 16 länder, mais en même temps faire en sorte que les distorsions soient minimisées. Ils ont donc mis au point ? ça s'est imposé, ça, à compter de la loi de 1956, parce qu'avant on faisait le calcul séparément dans chacune des provinces. Depuis 1956, on a la formule suivante... je ne suis pas sûr, en passant, que je vous la recommanderais, vu sa complexité, mais on répartit les sièges... on fait le calcul global, au niveau du pays dans son ensemble, ce qui donne un résultat très proportionnel et, une fois qu'on a déterminé que 300 sièges iront au parti social-démocrate, on réalloue à l'intérieur du parti social-démocrate, entre les différentes listes régionales, on réalloue les sièges en fonction du nombre de voix exprimées pour le parti social-démocrate dans chacun de ces land.

M. Chagnon: En fonction de la démographie régionale ou en fonction...

M. Massicotte (Louis): En fonction du nombre ? et là j'ai peur d'être technique, mais je vais essayer de faire de mon mieux pour simplifier des choses complexes...

M. Chagnon: Remarquez qu'on profite de votre érudition, là, c'est clair.

M. Massicotte (Louis): Non, mais je vais faire de mon mieux. Mais le calcul est effectué en fonction du nombre de votes exprimés et de votes valides exprimés en faveur du parti. Et une des conséquences, qu'on peut juger désirable ou pas désirable, de cette formule extrêmement compliquée ? que je ne mettrais pas de l'avant, honnêtement, dans le cas québécois ? c'est celle-ci: c'est que, si la participation électorale a été très faible dans une des provinces, la représentation totale de cette province au sein du Parlement va être réduite d'autant.

J'avais observé, par exemple, s'il y en a quelques-uns parmi vous qui ont pu lire l'article que j'ai commis dans Le Devoir il y a quelques semaines, j'avais noté que les länder de l'Est, par exemple, ont obtenu un nombre de sièges de liste inférieur à celui... au pourcentage de leur population. Je crois, de mémoire, qu'avec 22 % de la population ils avaient seulement 18 % du total des sièges, et l'explication tient au fait que leur participation électorale est nettement plus faible qu'elle ne l'est dans ce qu'on appelle maintenant les vieux länder, par les länder de l'Ouest.

n(17 h 10)n

Au niveau, maintenant... dans les différents länder, au niveau des provinces, et là peut-être que c'est quelque chose qui nous est un petit peu plus familier, alors là, dans la plupart des länder, le calcul se fait au niveau du land dans son ensemble. Il n'y a de subdivision régionale qu'en Bavière, dans le Bade-Wurtemberg et, en partie, à Berlin et, je pense, en Rhénanie-Palatinat. Mais, partout ailleurs, la répartition se fait dans l'ensemble du land. Sauf que je vous rappelle ? et c'est ça que j'ai appris à Düsseldorf ? que, même si ça se fait pour l'ensemble du land, en pratique, on fait toujours en sorte qu'il y ait un équilibre régional au niveau de la composition des listes, de telle sorte que toutes les parties du land se sentiront représentées.

M. Gautrin: Mais, simplement sur cette question. Chaque land, länder, à ce moment-là, est donc libre de choisir virtuellement son mode de représentation. J'en déduis ça de votre intervention.

M. Massicotte (Louis): Vous avez tout à fait raison. En fait, d'ailleurs, c'est la souplesse qui règne dans ce domaine-là à tous les niveaux, c'est-à-dire que la loi fondamentale, la constitution de la République fédérale allemande n'impose aucun mode de scrutin. Autrement dit, vers la fin des années soixante, certains ont envisagé le passage au mode de scrutin majoritaire à un tour; il n'y avait pas d'obstacle constitutionnel, aucun. Et, au niveau de la constitution fédérale, on n'impose aucune limitation aux länder dans le choix de leur mode de scrutin, c'est leur affaire. Si eux, dans leur constitution respective, veulent se mettre des balises, et certains leur font, bien leur en fasse, sauf qu'il n'y a pas de limitation, il n'y a pas de clause d'homogénéité fédérale, si on peut dire. C'est la loi de l'autonomie qui prévaut.

Le Président (M. Lachance): À la lumière de vos recherches, est-ce qu'on peut dire que la proportionnelle a donné des meilleurs résultats dans les pays scandinaves ou d'Europe du Nord, comme l'Allemagne? Ou, bref, en Scandinavie, par rapport à l'Europe australe?

M. Massicotte (Louis): Sans aucun doute. Et je vais vous dire très franchement là-dessus... Je vous ai dit que je ne n'étais pas un proportionnaliste de doctrine et je vais vous le prouver. Si j'avais la certitude, là, que le genre de mode de scrutin que je vous propose et que mes collègues vous ont proposé, si j'avais personnellement la certitude que tout cela vous conduit à quelque chose qui ressemble au parlementarisme à l'italienne ou à l'israélienne, je serais le premier à dire: Un instant! Peut-être que vous êtes mieux de vivre avec les inconvénients de votre système.

J'observe d'ailleurs que les Italiens ont opéré une correction dans un sens plus majoritaire en 1992-1993, et je les comprends parfaitement. Je constate simplement qu'il faut se démarquer d'une certaine vision caricaturale de la proportionnelle, s'imaginer que la proportionnelle, c'est forcément Israël ou l'Italie. Dire ça, c'est à peu près aussi ridicule que de dire: Ah! en Alberta existe le scrutin majoritaire. Horreur! Les gouvernements sont toujours appuyés par 80 % des députés, et ils n'ont connu que trois changements de gouvernement en 100 ans. Donc, voilà l'univers du scrutin majoritaire. Il y a des fonctionnements particuliers dans différents contextes, et je pense personnellement que, quand je regarde le fonctionnement du système, effectivement, en Europe scandinave, en Allemagne, c'est relativement exemplaire, ça m'incite à beaucoup d'optimisme. Il y aura un danger, mais le danger m'apparaît moins prononcé qu'on le croyait.

Et, sur ce point, je voudrais rendre hommage à Henry Milner, qui m'a fait réaliser un très grand pas dans ma propre réflexion, parce que personnellement j'avais toujours été très craintif vis-à-vis la proportionnelle justement parce que je craignais que ça ouvre la voie au phénomène qu'on vient de mentionner. Et Henry a attiré mon attention sur un article tout à fait remarquable, rédigé par un des meilleurs comparatistes que je connaisse, qui s'appelle Arend Lijphart. Lijphart a essayé de déterminer si... On est tous d'accord pour dire que les gouvernements seront un peu plus durables si le scrutin est majoritaire que s'il est proportionnel. La grande question fondamentale, c'est de savoir: Est-ce que les nations sont véritablement mieux gouvernées simplement parce que leurs gouvernements sont plus durables? Ça, c'est la vraie question. Et Lijphart a fait un travail extraordinaire mettant en relation quel est le taux de progression du PNB sur une longue période pour chaque pays, quel est le taux de chômage, quel est... à peu près tous les indicateurs de bonne gouverne qu'on peut trouver. Et, à sa grande surprise, et à la mienne, et j'en suis sûr à la vôtre, il s'est aperçu qu'en fin de compte il n'y avait pas de lien démontrable entre la durabilité des gouvernements et l'excellence de la gestion économique, sociale et budgétaire.

Dans le cas budgétaire, il ne l'avait pas mentionné; j'ai fait faire le calcul par Marie-Michèle Paul, qui est une de mes étudiantes de maîtrise, et elle a constaté que les pays, contrairement à un certain bon sens populaire qui dirait: Ah! Si c'est une coalition, c'est inévitable, ça va être la pagaille budgétaire, on va essayer de satisfaire Pierre, Jean, Jacques par l'allocation des dépenses budgétaires.. J'ai dit: Très bien, vérifions. Est-ce que les pays proportionnalistes sont moins bien gérés sur le plan budgétaire? Ça se mesure. Quelle est l'ampleur du déficit en pourcentage du PNB? Et, à notre grande surprise, on s'est aperçu qu'en moyenne il n'y avait pas de différence.

Donc, je vous dirais, en deux mots, l'instabilité, ce n'est pas une certitude, loin de là. Il y a beaucoup d'exemples très positifs qui peuvent être invoqués. Mais, même... Vous savez, je pense que, à un moment donné, il faut revenir à la vieille sagesse de Raymond Aron, dont on découvre presque à tous les détours qu'il avait vu juste: «Les nations peuvent être vigoureuses avec des gouvernements instables. Des gouvernements stables peuvent présider au déclin d'une nation.»

Le Président (M. Lachance): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Oui. Juste une petite question en terminant: Dans ces pays dont vous nous avez parlé, l'Allemagne et des pays nordiques, quel est le taux? Est-ce qu'il y a un taux de participation à peu près égal entre les pays, et quel est-il? La participation aux élections évidemment.

M. Massicotte (Louis): Je crois, là-dessus, que mes collègues, M. Lemieux, M. Blais, M. Milner, vous ont parfaitement exposé la situation. Le taux de participation électorale tend à être plus élevé dans les pays qui ont la proportionnelle, pour une raison très simple, c'est qu'il n'y a pas de votes perdus. Et ça, on peut établir un lien démontrable. Alors là, il y en a toujours un qui va dire: Oui, mais, en Suisse, le taux de participation est plus faible bien qu'ils aient la proportionnelle, mais dans l'ensemble l'équation tient très bien.

Et mes collègues vous ont très bien informés lorsqu'ils vous ont dit que, par ailleurs, le déclin de la participation électorale est un phénomène qui est quasi universel, c'est-à-dire que ça baisse, et ça baisse à peu près partout et à peu près dans les mêmes proportions. Je me permets ici de vous citer un mémoire de maîtrise réalisé sous ma direction par Mme Anne-Marie Grenier, qui a très bien établi ces faits-là. Mme Grenier était partie de l'hypothèse, vraisemblable, suivant laquelle la baisse était plus prononcée dans les pays à scrutin majoritaire qu'à proportionnel, et, dans la meilleure tradition scientifique, elle a constaté que tel n'était pas le cas. Et je lui ai dit: C'est un progrès pour la science que de réaliser qu'une hypothèse n'est pas nécessairement la bonne.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Oui. Merci, M. le Président. Juste pour clarifier. Mon collègue, tantôt, de Verdun signalait fort justement que le député a un rôle de législateur, il a un rôle de contrôleur du gouvernement, de l'exécutif, mais il a aussi un rôle de représentant de sa population. Alors, pour bien situer cette dimension-là qui peut avoir un effet sur une éventuelle réforme de mode de scrutin, est-ce que, dans vos connaissances, qui me semblent immenses, est-ce que le rôle de député, par exemple, en Allemagne, sur le volet représentation, là, de son milieu, là, de ses concitoyens et de ses concitoyennes, est-ce qu'il est aussi quotidien que le nôtre puisse l'être?

Et, comme... sans nommer le pays, parce que ça date un peu de loin, mon expérience, mais j'avais eu l'occasion d'aller dans un pays où il me semblait que le rôle du député était beaucoup plus grand comme législateur que comme représentant de ceux et celles qui l'ont élu, parce qu'effectivement les responsabilités de services aux citoyens étaient beaucoup plus décentralisées par des instances régionales ou des instances locales, ce qui fait que les députés étaient davantage législateurs ou contrôleurs que représentants comme tels d'une circonscription ou d'une population précise.

M. Massicotte (Louis): Il n'est pas facile de répondre à votre question, qui est tout à fait pertinente, simplement parce que... Je pense que, même à l'intérieur de cette Assemblée, en fait, on pourrait observer une certaine modulation des rôles. Je ne suis pas certain, par exemple, que les députés de l'île de Montréal aient exactement le même rôle de représentation, c'est-à-dire je ne suis pas sûr qu'il y ait autant de contacts directs avec les électeurs, je veux dire des gens qui viennent vous voir pour faire régler des problèmes, que, par exemple, un député qui demeure en région ou en milieu rural.

n(17 h 20)n

D'après ce que j'ai pu voir, cependant, on disait souvent, dans le cas de la littérature allemande: C'est vrai, effectivement, le député n'a pas beaucoup de contacts avec sa circonscription. Et j'ai vu... Malheureusement, je n'ai pas apporté l'article avec moi, mais on fait des sondages puis on demande aux gens: Êtes-vous entré en contact avec votre député? Et, dans le cas de l'Allemagne, j'ai eu la surprise de constater que c'était à peu près 14 % ? aux alentours de ça, de mémoire ? et que c'était à peu près, donc, du même ordre que ce que l'on observe ici, c'est-à-dire, si je me souviens bien... Là, je pense que Vincent Lemieux devrait être réinvité à vous préciser ces choses, parce que c'est lui qui avait fait le travail, mais je me souviens qu'un sondage effectué sous sa direction ou sous ses auspices il y a quelques années avait trouvé à peu près le même chiffre au Québec, c'est-à-dire à peu près 14 % des gens qui, à l'occasion ou l'autre, allaient rencontrer leur député.

Si bien que j'ai l'impression, en d'autres mots, que le rôle de circonscription du député allemand est un rôle également important. D'après ce qu'on peut voir, par exemple, 87 %... J'ai ici quelques chiffres qui pourraient vous intéresser, c'est des chiffres... Il y a des gens qui vont faire des enquêtes auprès des parlementaires, qui leur posent des questions, et ils aboutissent avec un certain nombre de choses: 87 % des députés de circonscription allemands accordent beaucoup d'importance au travail de circonscription; 72 % des députés de liste en disent autant, ils accordent également beaucoup d'importance au travail de circonscription. J'ai donc l'impression que ce n'est pas marginal dans leurs préoccupations, loin de là.

Le Président (M. Lachance): J'aurais une dernière question, M. Massicotte, comme je l'ai posée à quelqu'un avant vous: Dans l'état actuel de vos observations de la scène politique québécoise, est-ce que vous pensez que maintenant, en 2002, 2003, ou en tout cas à proximité, nous sommes, comme Québécois, mûrs pour une réforme du mode de scrutin au Québec? Et, si oui, de quelle façon ça devrait se faire? Est-ce que ce serait par référendum ou par un vote de l'Assemblée nationale?

M. Massicotte (Louis): Là-dessus, je crains que je vais un peu briser le consensus qui se dégageait ? et je vais le faire en toute déférence ? des présentations de mes collègues. Je ne suis pas certain personnellement qu'un référendum soit indispensable dans ce domaine. On invoque beaucoup les cas de l'Italie et de Nouvelle-Zélande. Il faudrait ajouter un petit détail. C'est que, dans l'un et l'autre cas, les référendums ont été clairement des façons de contourner la représentation parlementaire. Ça, c'est des détails qu'on oublie des fois de mentionner.

Prenons le cas de l'Italie, par exemple. Dans le cas de l'Italie, on a utilisé la technique du référendum abrogatif pour faire annuler certaines dispositions de la loi électorale existante, et on a utilisé cette technique-là parce qu'on jugeait la députation en place tellement corrompue qu'on disait: Il n'y a rien à attendre de ces gens-là, il faut absolument utiliser les procédures référendaires. Par ailleurs, ces députés, eux-mêmes, en Italie, après ces référendums, qui ont élaboré le système ? je dois le dire ? horriblement complexe qui existe actuellement... il n'y a pas eu de référendum par la suite pour décider si ce système-là... les députés ont exercé leur marge de choix là-dessus.

Même scénario, en passant, en Nouvelle-Zélande. Au départ, il n'était pas question de référendum, sauf que ? et là, on rentre vraiment dans le domaine de l'accident politique ? apparemment, le premier ministre, lors d'un débat télévisé, on lui avait... Vous savez que les chefs de parti ont des «briefing notes», des notes qui leur disent, leur suggèrent des réponses. Il était censé dire, si on lui posait la question «Faut-il qu'il y ait un référendum sur le mode de scrutin?», il était censé dire non, et apparemment il a lu ses notes un peu trop vite, il a dit: Oui, il faut qu'il y ait un référendum, et c'est comme ça qu'il y a eu un; et c'était un débat télévisé, c'est difficile de revenir. Mais, les deux référendums ont été très clairement dirigés contre la représentation parlementaire. Et, pour moi personnellement, j'ai tendance à penser... Écoutez, si vous êtes capables de trouver un consensus raisonnable, entre partis politiques, sur une formule, personnellement, et là je parle... je vais vous dire, comme expert, je vous dirai simplement: Vous ne serez certainement pas hors normes, internationalement, si vous ne faites pas un référendum là-dessus. Et comme citoyen, personnellement, je ne ferais pas une syncope s'il n'y a pas de référendum là-dessus. C'est la réponse la plus prudente que je peux vous donner.

Le Président (M. Lachance): Alors, très bien. Merci beaucoup pour votre présence ici aujourd'hui et d'avoir répondu positivement à notre invitation. Merci, M. Massicotte.

...maintenant amorcer l'étape finale de nos travaux, et j'invite le porte-parole de l'opposition officielle et député de Westmount?Saint-Louis pour ses remarques.

Remarques finales

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Oui, M. le Président. Fort brièvement, je voudrais d'abord remercier les quatre représentants, les quatre spécialistes, dis-je, de ces questions électorales que nous avons reçus. Dans les quatre cas, ça a été éminemment intéressant pour la commission. C'est le début d'une commission, en fait c'est la partie dite la plus... presque théorique, où nous recevons... Nous avons reçu les spécialistes qui sont venus nous dire comment ils voyaient la réorganisation d'un mode de scrutin particulièrement appliqué et applicable à notre situation politique. Et maintenant, bien, M. le Président, puisque c'est parti, c'est maintenant au public à se faire entendre, et c'est à nous d'écouter le public dans les semaines ou les mois qui viendront.

J'espère, comme vous l'avez souligné au début, que les gens vont en grand nombre faire valoir leur intérêt à participer à cette commission parlementaire pour que nous puissions justement tirer les conclusions qui soient les plus aptes à représenter, à bien représenter l'esprit et la volonté populaire dans un sujet qui est aussi important pour l'avenir d'une démocratie qui, même si elle a 200 ans comme la nôtre, mérite toujours d'être améliorée. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. Je dois vous dire que, pour moi, ce fut une grande journée. J'ai trouvé les quatre exposés, les quatre rencontres extrêmement intéressantes. Et, s'il est vrai que la nature a horreur du vide, l'intelligence humaine ne peut pas supporter l'ignorance. Alors, comme il est parfois difficile d'en sortir, il lui arrive de remplacer son ignorance par des préjugés, mais, d'autres fois, il a la chance de remplacer son ignorance par la connaissance. Et je pense qu'aujourd'hui vous nous avez donné une chance d'améliorer notre connaissance des conditionnements dans lesquels s'exerce la démocratie réelle et que tout cela va nous aider à trouver des solutions qui nous permettront d'améliorer la situation que nous connaissons présentement. Je vous en remercie très sincèrement.

M. Claude Lachance, président

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Alors, à mon tour ? j'entérine tout à fait les propos que je viens d'entendre ? et j'ai noté la grande qualité des présentations de nos quatre experts invités, MM. Lemieux, Blais, Milner et Massicotte. Et également j'ai beaucoup appris. Je signale que l'atmosphère conviviale et non partisane a aidé à ces travaux. Je pense que tout le monde comprend que c'est un sujet tellement important que la partisanerie doit être évacuée de nos discussions.

Je vois aussi que, chez les experts, nous avons pu dégager quelques consensus, dont l'un qui est évident, c'est qu'il n'y a pas de mode de scrutin idéal dans le monde; deux, que, oui, ça prend une réforme, même s'il peut y avoir des variantes ou des variables sur cette réforme, et qu'on devrait inciter nos concitoyens à tirer avantage ou profit de cette consultation que nous menons présentement pour exprimer leur opinion.

Et, là-dessus, j'indique que nous avions demandé à ce que les mémoires nous soient expédiés pour le 21 novembre. Le 21 novembre, c'est dans une semaine. On pourra toujours accepter quelques délais de quelques jours, mais c'est ce qui va nous déterminer, à savoir si, oui ou non, il y aura une consultation qui se fera à l'extérieur de l'Assemblée nationale. Alors, c'est pour ça que je lance un appel encore une fois à ceux et celles qui auraient des opinions à exprimer aux membres de la commission. Nous attendons avec impatience l'expression de ces opinions. Et, vous savez, je dirais quasiment: le train passe, il faudrait le prendre, parce que c'est un sujet de discussion que nous entendons depuis des années, et ça a souvent tourné en queue de poisson, et il ne faudrait pas que, cette fois-ci, étant donné qu'il y a un certain consensus chez chacun des partis politiques représentés à l'Assemblée nationale, ça se termine de la même façon que pour les années antérieures.

n(17 h 30)n

En terminant, avant d'ajourner, je voudrais signaler deux anniversaires. Aujourd'hui, c'est le 14 novembre, il y a 40 ans aujourd'hui, c'était un grand anniversaire pour ceux qui avaient fait une campagne pour le Maîtres chez nous, le 14 novembre 1962. Et il y en a un, un autre anniversaire, qui est plus près de nous, c'est le vingt-sixième anniversaire de l'élection de notre doyen, demain, 15 novembre, le député d'Abitibi-Ouest, François Gendron. Alors, là-dessus, j'ajourne les travaux de la commission sine die. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 31)


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