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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Tuesday, June 14, 2005 - Vol. 38 N° 81

Consultations particulières sur le projet de loi n° 103 - Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures quinze minutes)

Le Président (M. Simard): Nous allons commencer nos travaux. Je rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives.

Je rappelle que j'ai un peu l'impression, aujourd'hui, de rejouer dans un film où nous avons joué il y a un an et demi, avec à peu près la même liste d'invités, mais autour d'un projet sensiblement différent, et j'imagine que la journée sera très intéressante.

Je vais demander au secrétaire, à ce moment-ci, de nous indiquer s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Valois (Joliette) sera remplacé, aujourd'hui, par M. Bédard (Chicoutimi).

Le Président (M. Simard): Très bien. Merci.

Une voix: ...

Remarques préliminaires

Le Président (M. Simard): Voilà. Alors, écoutez, je vais d'abord inviter, dans un premier temps, le ministre à nous faire part de ses remarques préliminaires. Ce sera suivi du porte-parole de l'opposition officielle et critique, le député de Chicoutimi. S'il est là, à ce moment-là, je demanderai au député indépendant de faire de brèves remarques, mais pour l'instant ça va se limiter, je pense, à l'opposition officielle et au gouvernement. M. le ministre, nous vous écoutons.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. D'abord, je veux vous souhaiter la bienvenue, et, comme vous avez déjà de l'expérience non pas seulement pour présider une commission, mais celle qui a examiné des projets de loi antérieurs sur ce sujet, nous sommes privilégiés de pouvoir compter sur votre expertise.

Je veux évidemment remercier le personnel de la commission et également les membres de la commission, autant du côté gouvernemental, et également de l'opposition officielle, et du critique en matière de justice. Et aussi j'aurai l'occasion de vous présenter, un peu plus tard, les légistes du ministère de la Justice qui seront ici également et que vous avez donc déjà dû rencontrer ou avoir l'occasion peut-être d'entendre.

Alors, M. le Président, brièvement, pour les remarques préliminaires, ce projet de loi important, je pense, attendu par beaucoup de personnes et notamment par les citoyens du Québec, vise à rendre la justice administrative plus accessible, plus efficace, vraiment indépendante et impartiale.

Le projet de loi comporte, je dirais, deux objectifs fondamentaux: assurer l'indépendance et l'impartialité des membres du Tribunal administratif du Québec, premièrement; deuxièmement, encadrer le processus de révision administrative afin de réduire les délais qui entourent la contestation d'une décision de l'administration par un citoyen, donc accélérer le processus. Je vous dirais que ce sont les deux objectifs fondamentaux, M. le Président.

Je vous rappellerai, comme vous l'avez souligné, que deux projets de loi antérieurs, le projet de loi n° 4 qui avait été déposé, je pense, en juin 2003 et le projet de loi n° 35 qui avait été déposé en novembre 2003, étaient sur justement la justice administrative. Beaucoup de groupes ont été entendus en commission parlementaire, beaucoup de séances de la Commission des institutions, pour entendre ces groupes, et je pense que le projet de loi reprend essentiellement, dans le cas des principes et certains enjeux importants, les consensus qui avaient émergé lors des auditions devant la Commission des institutions à ce moment-là.

Donc, je vais vous parler un petit peu du statut des membres du Tribunal administratif du Québec, la composition des formations de bancs, également du Conseil de la magistrature, puis aussi de l'aspect de l'encadrement du processus de révision administrative.

n (11 h 20) n

Donc, le statut des membres du Tribunal administratif. Avec le projet de loi, les membres du Tribunal administratif du Québec seraient nommés durant bonne conduite. Donc, ils auront l'inamovibilité. Auparavant, ou actuellement, avant l'approbation et l'adoption du projet de loi, ce sont des mandats de cinq ans renouvelables. Il y a eu des améliorations d'apportées, je pense que c'était en 2002, pour assurer quand même une meilleure indépendance des membres du Tribunal administratif, avec notamment une évaluation, un comité de sélection maintenant qui recommande soit de nouveaux membres ou le renouvellement de membres, avec des personnes qui sont de l'externe.

Cependant, la nomination durant bonne conduite renforcit ce critère d'indépendance des membres du Tribunal administratif qui, vous savez... Et c'est ce qui était mentionné par la Cour d'appel, je pense que c'est M. le juge René Dussault, notamment, dans la cause du Barreau de Montréal, où il disait: Dans le cas du Tribunal administratif, les membres entendent évidemment des situations qui impliquent un citoyen versus l'État, que ce soit un organisme de l'État ? souvent, ce sont des organismes ? mais d'où l'importance d'avoir l'indépendance et l'impartialité requises parce que constamment les litiges impliquent un citoyen versus l'État.

Alors, je pense que c'est un changement extrêmement important en ce qui a trait, je dirais, à la crédibilité puis aussi à la confiance additionnelle que peut procurer pour le citoyen le fait que les membres du Tribunal administratif soient maintenant nommés durant bonne conduite après un processus, là, qui assure la nomination de membres qui sont bien qualifiés et dont les expertises sont variées, M. le Président, au Tribunal administratif du Québec, vous le savez.

Évidemment, les formations seraient présidées par une personne qui a une formation juridique, que ce soit avocat, avocate ou notaire, mais les formations de bancs seraient composées également de d'autres personnes qui ont des expertises différentes selon la nature des sujets qui sont abordés. Donc, dans un cas, ça pourrait être un médecin, un psychiatre, un travailleur social, un psychologue. Alors ça, donc, nous maintenons, dans le projet de loi actuel, la formation de bancs présidés par un juriste, mais avec un expert qui a une... Donc, c'est multidisciplinaire, mais le président du tribunal pourra, le cas échéant, s'il le juge utile, prévoir la formation à une personne seulement, un banc d'une personne seulement, mais ce sera davantage l'exception. Donc, la règle, c'est maintenu: formation à deux bancs.

Je voudrais également vous mentionner, M. le Président, lorsqu'on parle d'encadrement du processus de révision... C'est qu'actuellement, pour plusieurs organismes de l'État, si un citoyen reçoit, dans un premier temps, une décision qu'il juge insatisfaisante, il peut faire une demande de révision administrative. Par ailleurs, dans la plupart des cas, il n'y a pas de délai où l'organisme est tenu de rendre une décision, donc une décision en révision pourrait aller jusqu'à six, huit mois. Je pense que, durant la commission parlementaire, au cours des audiences, vous avez eu des exemples, semble-t-il, que des groupes ont soulevés, ont indiqués et selon lesquels des délais de révision pouvaient varier puis aller peut-être jusqu'à six ou huit mois, ce qui pour le citoyen à mon avis doit être corrigé. Donc, ce que le projet de loi prévoit, c'est que, si le citoyen fait une demande de révision administrative parce qu'il est insatisfait de la première décision qui est rendue, il pourra, après un délai de 90 jours suivant sa demande de révision, si l'organisme n'a pas rendu de décision à l'intérieur de ce délai-là, il pourra inscrire en appel au Tribunal administratif du Québec. C'est certainement de nature à accélérer le processus. Et il n'est pas du tout d'ailleurs dans les intérêts des organismes de laisser traîner, à ce moment-là, et d'aller devant le Tribunal administratif du Québec.

Un dernier point... deux derniers points importants, M. le Président. Les projets de loi antérieurs, si ma mémoire est bonne, prévoyaient l'abolition du Conseil de la justice administrative. Suite aux groupes qui ont été entendus, on prévoit, dans ce projet de loi n° 103, le maintien du Conseil de la justice administrative, dans un rôle cependant qui serait limité à celui de recevoir des plaintes à l'égard de l'application du code de déontologie pour l'un ou l'autre des membres, de faire enquête, s'il y a lieu, et donc, conséquemment, de recommander le correctif approprié si c'est justifié.

Un autre aspect qui a été discuté, M. le Président, lors de séances de la Commission des institutions a été celui d'une meilleure régionalisation des services qui sont offerts par le Tribunal administratif du Québec, et je voudrais vous dire, à cet égard-là ? et nous pourrons entendre d'ailleurs, tout à l'heure, le président du Tribunal administratif du Québec qui déjà en avait parlé lors de l'étude des crédits; je ne sais pas si vous étiez là à ce moment-là; le député de Chicoutimi et le député de Dubuc y étaient ? les efforts actuellement faits par le Tribunal administratif du Québec pour pouvoir rendre davantage, en région, les services qui sont offerts aux citoyens. Et il y a deux éléments que je veux vous souligner à cet égard-là.

Premièrement, il y a une entente qui a été signée avec la Commission des lésions professionnelles, qui a 15 bureaux régionaux à travers la province, qui a cinq autres points de services, donc 20 en tout, pour pouvoir utiliser leurs facilités. Donc, c'est déjà signé et c'est en marche.

Deuxièmement, vous savez que les palais de justice aussi ont beaucoup de salles d'audience, puis ça varie évidemment selon les régions, et, aussi surprenant que ça puisse être, la constatation a été faite qu'il y avait peu ou pas de collaboration ou d'échange d'information entre les disponibilités qui pouvaient exister dans les palais de justice pour accueillir les membres du TAQ pour tenir leurs séances. Donc, il y a aussi une entente qui a été faite avec le ministère de la Justice et le Tribunal administratif du Québec, et dorénavant il y aura un échange d'information qui permettra au Tribunal administratif de pouvoir planifier ses séances et permettra également que nous puissions utiliser, de façon encore beaucoup plus rationnelle, toutes les salles d'audience que vous avez dans les palais de justice ? et c'est probablement peut-être le cas à Sorel également, donc ? alors avoir une meilleure collaboration, et ça permettra de bénéficier aux contribuables et aux citoyens qui font des demandes, là, qui viennent devant le Tribunal administratif du Québec.

Donc, M. le Président, je pense que j'ai couvert, là, les principaux éléments. Nous pourrons en rediscuter au cours des consultations et au cours de l'étude article par article. Donc, je rappelle, deux principes importants: garantir l'indépendance et l'impartialité des membres du Tribunal administratif du Québec; également, encadrer le processus de révision administrative afin de pouvoir accélérer et de pouvoir avoir une justice qui est plus équitable pour les citoyens; troisièmement ? évidemment, ce n'est pas comme tel dans le projet de loi, mais c'est une préoccupation importante ? par les ententes conclues par le Tribunal administratif du Québec, offrir de meilleurs services en région à l'ensemble des citoyens et maintenir le Conseil de la justice administrative pour appliquer les règles en matière de déontologie. Alors, merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard): Je vous remercie, M. le ministre, pour vos remarques préliminaires et j'invite maintenant le député de Chicoutimi à nous faire part des siennes.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer et de solliciter votre compétence, puisque vous l'avez développée, au cours des deux dernières années, dans trois projets de loi bien différents, il faut le dire. Je salue le ministre, ceux qui l'accompagnent, les fonctionnaires du ministère ainsi que mes distingués collègues du côté ministériel et aussi de l'opposition qui m'ont secondé, à chacune des étapes des trois projets de loi, avec beaucoup de compétence, qui ont porté chacun d'eux, député de Mercier et député de Dubuc, des propositions très concrètes dont certaines se retrouvent actuellement dans le projet de loi, et d'autres malheureusement n'ont pas été retenues, M. le Président.

Donc, je ne rappellerai jamais assez l'importance que comporte une législation en matière de droit administratif et de processus administratif, tant au niveau de la quasi-judiciarisation que du processus administratif de révision, qui, vous le savez, sont des éléments importants en ce qui concerne la confiance du public envers ses institutions, d'autant plus que, dans tous les cas, ce sont les citoyens qui se retrouvent face à un appareil beaucoup plus imposant qu'eux, avec des compétences aussi beaucoup plus importantes.

n (11 h 30) n

Il y a un déséquilibre des forces qui fait en sorte qu'il est important que le gouvernement, lorsqu'il réforme ses lois, ait ce souci de rétablir une forme d'équilibre entre les parties et de s'assurer que les citoyens soient respectés dans le processus, mais en même temps puissent bénéficier d'un processus qui respecte tant les règles de l'indépendance mais aussi lors du processus d'adjudication, mais en même temps que le gouvernement se soucie de faire en sorte que, lors du processus de révision, les gens aient des attentes raisonnables, que leurs dossiers soient révisés en toute transparence mais en même temps avec un regard neuf et sans que ce processus soit de la même nature... dans la même recherche plutôt de l'indépendance institutionnelle qu'on peut avoir... les mêmes attentes plutôt qu'on peut avoir par rapport au Tribunal administratif du Québec. Il reste que, pour avoir un processus de révision équitable, il faut s'assurer d'une certaine indépendance des réviseurs, et ce sera un des sujets que nous aurons à aborder dans le projet de loi, dans les consultations, mais aussi dans l'étude détaillée qui s'ensuivra.

Vous dire que ce projet de loi eut un processus de gestation quand même assez difficile. Souvenons-nous, M. le Président, du projet de loi n° 4 où l'opposition avait mené un combat tous azimuts pour faire reculer le gouvernement quant aux demandes qu'il avait au projet de loi, à l'effet de ramener à un seul membre, de façon générale, un seul membre qui entendrait les causes qui sont portées devant le Tribunal administratif. Ce combat fut de longue lutte. Plusieurs heures, plus d'une dizaine d'heures ont permis, il faut le dire ? ont été fort utiles ? permis d'éclairer les membres de cette commission sur l'importance de conserver le caractère spécialisé du Tribunal administratif du Québec par l'ajout de ce deuxième membre et... par l'ajout... plutôt par le maintien de ce deuxième membre. Dans ce cas-ci, ce n'était pas de l'entêtement, M. le Président, mais c'était, je pense, de la clairvoyance, et les événements nous ont donné raison. Donc, le gouvernement a reculé, dans une première étape, donc a changé la règle dans le projet de loi n° 35, et maintenant on revient finalement à la règle générale qui fait en sorte que le travail de l'opposition, je dois le dire... et sans nous donner tous les mérites, parce que nous avons été secondés, dans ce travail, par tous ceux et celles qui ont à coeur la justice administrative.

Et je tiens à souligner particulièrement le travail d'une personne qu'on a découverte lors de nos consultations, une personne qu'on a...

Une voix: France Houle.

M. Bédard: ...oui, France Houle, Me France Houle, que je ne connaissais pas mais que mon collègue le député de Mercier connaissait et qui vient aujourd'hui...

Une voix: Elle vient?

M. Bédard: ...oui, et qui a eu, je pense, un mémoire saisissant. Elle n'a pas pu venir témoigner, dû aux délais et aux circonstances des consultations, mais, avec son mémoire, je pense, elle a mis la table sur les écueils que comporterait une modification du banc du Tribunal administratif. Donc, fort heureux de pouvoir à nouveau l'avoir aujourd'hui et pouvoir bénéficier de cette grande juriste, de cette excellente juriste qui est une administrativiste ? je pense que ça se dit, effectivement; d'ailleurs, on a fait même une évolution au niveau du vocable pour l'appellation des spécialités ? et qui a permis à la commission d'avoir un regard, pas équitable, mais avec un certain recul et avec la précision que peut avoir quelqu'un qui, à tous les jours, écrit, et fait des recherches dans le domaine, et enseigne aussi dans le domaine du droit administratif. Mais elle n'est pas la seule, plusieurs autres étaient venus nous faire part de leurs craintes par rapport à une telle modification. Et heureusement le travail combiné de ces gens avec celui de l'opposition a permis d'en arriver à une solution qui est beaucoup plus équitable et qui respecte la spécialisation du Tribunal administratif du Québec. Donc, j'en suis fort heureux.

Quant à l'annulation selon bonne conduite, vous le savez, dès le départ, j'avais indiqué aux membres de cette commission et au ministre à l'époque, Me Marc Bellemare, de mon accord quant aux modifications du mandat confié aux membres du tribunal afin de correspondre à un idéal beaucoup plus grand d'indépendance institutionnelle, et pas d'impartialité, parce que l'impartialité, elle, je pense, elle ne faisait pas de doute, M. le Président. Mais, quant au critère d'indépendance institutionnelle, bien que le tribunal actuel rencontre ces conditions, c'est évident qu'il faut viser toujours cet idéal d'indépendance, puisque se posait toujours la question du renouvellement. Il était encadré selon les règles jurisprudentielles, mais encore là, avec les commentaires que nous avons eus des juges administratifs de la Conférence des juges, il était, je pense, très à propos de modifier la règle et de nommer ces membres du tribunal selon bonne conduite. Et nous avons donné notre accord dès les auditions d'ailleurs du projet de loi n° 4 afin d'aller de l'avant pour une nomination selon bonne conduite.

Par contre, plusieurs éléments restent encore, je vous dirais, en questionnement et méritent, je pense, d'être améliorés. Le ministre a fait part de la régionalisation. Je peux vous dire qu'à l'heure où on se parle j'ai des doutes et j'ai des réserves quant au chemin qui est proposé actuellement. Et le ministre de l'époque, Marc Bellemare, avait cette volonté de régionalisation, je dois le reconnaître. Et nous avions même discuté, à l'époque... Il était très ouvert au fait d'enchâsser, de façon législative ou réglementaire, cette régionalisation de façon à ce qu'elle ne repose pas strictement sur des ententes administratives, qui, elles, peuvent être défaites au gré des situations ou en même temps qui peuvent se justifier à l'intérieur d'un cadre administratif, mais qui, dans une vision de la justice, une qualité de justice sur l'ensemble du territoire du Québec, peut être... Et je pense qu'à ce moment-là elle relève beaucoup plus du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Donc, j'aurai tendance à proposer au ministre un meilleur encadrement de cette régionalisation pour s'assurer qu'elle se fasse... bien que je dois avouer que la justice administrative est en partie régionalisée, mais qu'elle soit mieux enchâssée dans nos règlements ou même peut-être dans la loi.

Nous avons aussi des questions au niveau déontologique qui rejoignent d'ailleurs le mémoire que je viens d'avoir sous les yeux du Conseil de la justice administrative, et d'où l'importance d'avoir à nouveau les groupes qui sont devant nous, puisque, le projet de loi, il faut le dire, la facture est bien différente, beaucoup des objectifs ont été révisés, soit changés ou modifiés, donc ce qui nous amène à avoir cet éclairage utile de ceux et celles qui vont venir témoigner aujourd'hui.

D'autres éléments aussi vont demander une attention particulière de l'opposition, particulièrement en ce qui concerne les avocats radiés... ou plutôt ceux et celles qui se présentent. Vous le savez, on a eu plusieurs témoignages de gens qui sont venus nous faire part de la problématique de la représentation devant les tribunaux administratifs, où plusieurs ont tendance malheureusement... certains vont avoir tendance à s'improviser dans ce domaine, et il fallait baliser cette intervention pour s'assurer de la compétence des gens. Mais nous avions toute la problématique reliée aux standards professionnels qui empêchent... On ne peut pas créer un ordre qui a le mandat de représenter les gens, et on sait que le Barreau du Québec, les membres du Barreau n'ont pas cette exclusivité. Donc, à partir de là, de prévoir un processus qui va s'assurer de la compétence des gens... Et ce qui est proposé actuellement rencontre seulement une partie de la problématique, soit des avocats radiés, mais ne concerne pas l'autre problématique, ceux et celles qui n'ont pas fait l'objet de sanction de la part de leur ordre professionnel. Donc, nous avions même proposé peut-être la création d'une liste, strictement une liste d'accréditation, avec un processus léger qui s'assurerait d'une compétence minimale et surtout qui éviterait aux citoyens et aux citoyennes du Québec parfois de payer à grands frais une représentation qui est de très pauvre qualité, M. le Président. Donc, nous serons très vigilants sur cette question.

D'autres questions plus techniques concernent l'accessibilité aux décisions aussi. Nous avons changé en partie... permis de changer la vision qu'avait le ministre de l'époque, Marc Bellemare, sur la disponibilité, mais je pense qu'on peut faire un pas supplémentaire pour s'assurer d'une véritable démocratisation, donc une accessibilité plus grande aux décisions.

n (11 h 40) n

Nous porterons un point très sensible sur le délai de transmission entre les différents ministères et le Tribunal administratif. À l'époque du projet de loi n° 4, souvenez-vous, M. le Président, nous avions demandé d'entendre ceux et celles qui avaient produit le rapport sur la justice administrative. Malheureusement, nous avions dû attendre à l'hiver avant de les entendre, pour démontrer, suite à la lecture de ce rapport, qu'une partie des délais reposait sur les différents ministères, qui ne transmettaient pas les dossiers dans les délais requis, hein, soit le délai de 30 jours. Cette tendance a été inversée en partie, actuellement, mais on la retrouve, cette année, dans les statistiques que nous avons eues lors de l'étude des crédits.

Et je pense qu'il est maintenant assez clair que je pense que le législateur doit être un peu plus directif sur cette transmission administrative. Rien ne peut justifier de doubler ou même parfois de presque tripler les délais de transmission des dossiers au Tribunal administratif. Évidemment, M. le Président, lorsqu'on incite et lorsqu'on demande la bonne foi et la collaboration des organismes, lorsqu'on constate malheureusement, à travers les années, que cette collaboration ne vient pas, malgré les appels qui ont été faits, et que certains travers se corrigent pendant une année mais reviennent l'année d'après, eh bien, à ce moment-là, il faut donner une direction beaucoup plus précise, et peut-être même... que ces indications puissent comporter certaines sanctions. Et nous aurons peut-être, sur ce sujet, nous aurons des questions sûrement à ceux et celles qui viendront ? au Barreau, à Me Houle ? mais nous sommes à réfléchir sur une proposition concrète au ministre afin de s'assurer que les délais de transmission soient respectés.

Le processus de révision ? j'en ai parlé lors de mes premières remarques ? des ministères et organismes. On sait que le processus de la CLP était beaucoup plus soucieux d'une indépendance du réviseur que les autres organismes, ou du moins plusieurs autres organismes, et je pense que le projet de loi ne fait pas beaucoup d'améliorations ou très peu d'améliorations à ce sujet. On sait que la qualité de la révision provient souvent de la qualité du processus de révision, M. le Président, et de la qualité de ceux et celles qui sont amenés à réviser ces décisions. Donc, cela comporte de la formation mais en même temps un certain degré d'indépendance pour que le citoyen puisse avoir un regard neuf sur son dossier et donc éviter de se retrouver devant le Tribunal administratif, qui, bien que, il faut le dire, comporte beaucoup moins de frais, est beaucoup moins lourd, beaucoup plus accessible que nos tribunaux de droit communs, comporte quand même, lui aussi, des délais inhérents à la justice et aussi des coûts pour les citoyens qui sont souvent représentés par avocat. Donc, je pense qu'il va falloir améliorer cet aspect, M. le Président.

En terminant, vous dire aussi que malheureusement l'Association de défense des droits des personnes en santé mentale n'a pu être présente. C'est des organismes, vous le savez, qui ont peu de personnel. Donc, lorsqu'on leur dit de venir faire des représentations dans des délais relativement courts, eh bien, c'est plus difficile pour eux de se déplacer. Mais souvenez-vous de leur point, comment il était important, M. le Président, et comment les membres de la commission avaient été touchés par l'importance qu'il y avait de types de dossiers qui ne sont pas nombreux, M. le Président, mais qui comportent ce souci d'accorder une juste représentation à ces gens. Et à l'époque même certains groupes... Et le député de Marguerite-D'Youville avait d'ailleurs fait siennes ces propositions afin de créer une présomption de qualification à l'aide juridique pour ces gens, afin qu'ils puissent se qualifier en tout temps et bénéficier d'une représentation juste et équitable devant le Tribunal administratif. Alors, j'aurais souhaité, dans le projet de loi, qu'on retrouve une telle disposition. Malheureusement, elle ne s'y retrouve pas. Donc, nous reviendrons à la charge sur cette question et sur bien d'autres, M. le Président.

Alors, je vous remercie de votre intérêt et je peux vous assurer de notre collaboration. Nous avons d'ailleurs voté en faveur encore une fois du principe du projet de loi, comme c'était le cas aux projets de loi nos 4, 35 et maintenant le projet de loi n° 103. Pourquoi? Parce que nous sommes en faveur d'une amélioration, d'une bonification de notre régime de droit administratif, mais en même temps soucieux que cette amélioration se fasse pour une meilleure justice pour nos concitoyens et concitoyennes. Et nous assurons le ministre de cette même vigilance lors des consultations que nous aurons aujourd'hui.

Auditions

Le Président (M. Simard): Ce que vous venez de définir, c'est notre rôle de parlementaires, et nous allons, avant de prendre ces décisions, avant d'étudier le projet de loi, effectivement nous remettre à l'écoute, nous permettre d'interroger à nouveau un certain nombre de personnalités qui peuvent éclairer la commission.

Et j'invite tout de suite, s'il n'y a pas d'autres remarques préliminaires de la part de députés, j'invite tout de suite le premier témoin de la commission aujourd'hui, le président du Tribunal administratif du Québec, Me Jacques Forgues.

Alors, Me Forgues, je ne vous rappelle pas comment se passent les choses ici, vous le savez très bien, vous êtes venu devant cette commission déjà pour des projets de loi antérieurs. Alors, vous avez donc 15, 20 minutes au départ pour nous donner l'essentiel de vos commentaires, et nous aurons ensuite des questions à votre égard.

M. Jacques Forgues, président
du Tribunal administratif du Québec

M. Forgues (Jacques): Bonjour, M. le Président. Je salue les membres de cette commission. Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité. Réflexion faite, j'ai décidé, hier, de ne vous entretenir que d'un seul point sur ce projet de loi, quitte par la suite, à la période de questions, à compléter les informations.

D'abord, je dois vous dire que, depuis le début du processus de ce projet de loi, nos 4, 35 et 103, le Tribunal administratif a évolué en termes d'évaluation de rendement, d'évaluation formative de ses membres. Cette réflexion-là a commencé à partir de l'arrêt de la Cour d'appel rendu le 5 septembre 2001. Et on voit que, dans le projet de loi qu'on étudie actuellement, à l'article 11, on suggère un amendement à l'article 75 de la Loi sur la justice administrative pour ajouter le paragraphe 5°. Notre processus de réflexion, qui a commencé après que la Cour suprême du Canada eut refusé la permission d'en appeler de cet arrêt de la Cour d'appel, nous a conduits à l'aboutissement d'un processus qui a connu une évolution plus intense au cours de la dernière année.

La semaine dernière, c'était l'assemblée générale des membres du tribunal, et nous avons fait un consensus très large sur le fait de se doter d'une évaluation formative, comme, on pense, le suggère la Cour d'appel du Québec. Ce processus-là a débuté l'an dernier, au moment de notre assemblée générale annuelle, et je dois vous dire que je suis surpris et agréablement surpris et fier des membres du tribunal, qui ont convenu de se donner un système d'évaluation vraiment formative pour améliorer leurs compétences, maintenir leurs qualités professionnelles et donner, de plus en plus, une confiance absolue aux citoyens qui se présentent devant le TAQ.

Qu'est-ce qui nous a conduits là? C'est l'idée du législateur de nommer les membres du tribunal durant bonne conduite. On s'est dit qu'une nomination durant bonne conduite impliquait qu'on se prenne en main et qu'on se donne des outils pour devenir de plus en plus compétents et de plus en plus performants. Alors, on ne pouvait pas faire ça seuls. On a eu recours à une ressource extérieure, qui est M. Marcel Proulx, directeur général de l'ENAP, qui est un spécialiste de l'évaluation, qui a travaillé, dans ces systèmes-là, pour différents tribunaux européens et qui nous a guidés dans notre démarche. Alors, quand je lis l'article 11 tel qu'il nous est suggéré, je ne peux pas faire autrement que de penser que je dois, si je veux que le Tribunal administratif continue de bien performer, continue d'avoir des membres qui sont très compétents et qui font un excellent travail, suggérer des modifications à cet article-là.

Qu'est-ce qu'on lit actuellement, dans le projet de loi, à l'article 11? Je décortique cet article-là, ce paragraphe 5° là en trois temps. Dans la première partie, on définit très bien ce qu'est une évaluation formative. On dit que le président doit «évaluer périodiquement les connaissances et habiletés des membres dans l'exercice de leurs fonctions [par] leur contribution dans le traitement des dossiers du tribunal et l'atteinte des objectifs visés par la présente loi». Dans un deuxième temps, on dit «en tenant compte notamment de la clarté, de la précision, de la concision dans la rédaction de leurs décisions, de leur disponibilité et de leur intérêt au travail». Je vais vous commenter brièvement ces deux passages-là.

Le premier correspond véritablement à la définition d'une évaluation formative, tel que nous invite à le faire la Cour d'appel. J'ai lu des représentations qui ont été faites, notamment le mémoire du Barreau où on suggère de remplacer «périodiquement» par «annuellement» ou de préciser la période. Ça me semble être une suggestion qui pourrait être retenue. D'autres ont suggéré d'utiliser les mots «évaluation à des fins formatives» plutôt qu'«évaluation formative». Ce sont les mots qu'emploie la Cour d'appel. Ça me paraît aussi intéressant. Mais la deuxième partie du texte m'inquiète, en ce sens que vous savez que l'indépendance des membres est primordiale, primordiale dans l'apparence d'impartialité, primordiale pour les citoyens qui se présentent devant le tribunal et qui ont toujours devant eux une partie adverse qui est un organisme gouvernemental.

n (11 h 50) n

Si je continue de lire le texte proposé au paragraphe 5°, on y lit ceci: «...en tenant compte [...] du nombre et de la nature des dossiers traités, y compris en conciliation, et du nombre de décisions rendues.» Quand je lis cette dernière phrase, je me dis qu'on vient de tomber dans un système d'évaluation sommative ou quantitative et je ne peux que constater que les membres du tribunal n'ont absolument aucun contrôle sur la nature et le nombre de décisions qu'ils rendent. Pourquoi? C'est très simple, c'est parce qu'il revient au vice-président du tribunal d'assigner les membres pour chacun des dossiers et que ce sont les vice-présidents qui, par voie de conséquence, déterminent la nature des dossiers dont les membres sont saisis et le nombre de décisions qu'ils rendent, par voie de conséquence. Donc, je me dis, en référant tout simplement à la première partie de l'article et en disant que le tribunal doit procéder périodiquement à une évaluation formative des membres dans le cadre des objectifs fixés par la loi, on répond à tout ça dans un langage qui est beaucoup plus près de la réalité qu'on doit envisager. Pourquoi? Parce que l'article 1 de la Loi sur la justice administrative nous dit que le tribunal doit favoriser la qualité, la célérité et l'accessibilité dans le respect des droits fondamentaux. Donc, on vient de couvrir l'aspect quantitatif, l'aspect performance là-dedans.

L'article 13 nous dit que le tribunal doit rendre des décisions écrites et motivées, rendues en termes clairs et concis. Donc, encore là, c'est un objectif clairement exprimé dans la loi, qui n'a pas besoin d'être répété, en d'autres termes, au paragraphe 5° de l'article 75. Qu'est-ce que nous dit l'article 146 de la Loi sur la justice administrative? Que les membres ont trois mois pour rendre leur décision. Encore là, on vient encadrer le travail des membres dans un aspect de productivité. Alors, je me dis, la loi actuellement nous donne ce qu'il faut, si on ajoute la première partie du paragraphe 5° suggéré, qui nous oblige à faire une évaluation formative des membres.

J'entends souvent dire: Les membres du tribunal ne veulent pas d'évaluation. Sans doute qu'on associe cette remarque-là au passé. On sait que, le Barreau de Montréal, le recours qui a été initié avant même l'entrée en vigueur du TAQ, en février 1998, a reçu l'appui des membres, qui n'étaient pas heureux du système d'évaluation qui existait à ce moment-là. Bien, je dois vous dire qu'aujourd'hui je suis très heureux de constater que les membres du tribunal veulent une évaluation, veulent une évaluation formative qui va leur permettre de maintenir leurs connaissances à jour.

Et le sérieux de la démarche est tellement bien engagé que les membres, en assemblée générale, ont défini ce que c'est qu'un bon membre du tribunal, se sont donné des critères d'évaluation, ont défini des sources, ont défini des moyens de vérifier leur cheminement vers leur performance mieux accomplie, et tout ça en allant chercher ce qu'on appelle en français des feed-back ou de la rétroaction des utilisateurs de services par des questionnaires qui leur seront acheminés ? aux avocats, aux citoyens et à leurs collègues ? parce qu'on sait que, chez nous, on travaille en collégialité.

Ça me dit que les membres du tribunal, qui sont des décideurs, font également preuve d'humilité, et ça me réjouit. Ça me fait dire que ces gens-là sont vraiment responsables. Ils sont prêts à accepter de recevoir des feed-back des utilisateurs de leurs services et de voir si ces gens-là sont contents ou jusqu'à quel point ils peuvent améliorer telle et telle performance. Je ne vous donnerai pas le détail, le document est déjà constitué, qui dit, par exemple: Pour la tenue d'audiences, on va demander aux gens: Êtes-vous contents de la façon dont vous avez été reçus? êtes-vous contents de la façon dont on a disposé des objections?, et ainsi de suite. Et on va demander ça aux utilisateurs. Qu'est-ce qu'on peut demander de mieux?

Alors, moi, ce que je suggère... Et j'ai un texte ici que je pourrai vous distribuer et dont vous pourrez prendre connaissance, qui conclut que ce paragraphe 5° de l'article 11, là, qu'on veut ajouter à l'article 75 devrait dire tout simplement «de procéder périodiquement à l'évaluation formative des membres dans l'exercice de leurs fonctions par leur contribution dans le traitement des dossiers du tribunal et l'atteinte des objectifs visés par la présente loi».

Ça termine ma présentation. Je suis ouvert à répondre à vos questions sur quelque sujet que ce soit, dans la mesure de mes moyens.

Le Président (M. Simard): Je vous remercie, Me Forgues. Nous allons effectivement entreprendre un débat avec vous.

M. Bédard: Est-ce qu'on peut demander le dépôt, M. le Président, du texte?

Document déposé

Le Président (M. Simard): Est-ce que votre texte peut être déposé devant la commission, M. Forgues? Voilà, je pense que ça se fera maintenant. Et nous le tiendrons à la disposition de tous les membres dès que possible. Alors, j'invite le ministre à poser la première question.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Donc, de combien de temps disposons-nous? Je pense que c'est...

Le Président (M. Simard): Écoutez, la présentation a été relativement courte, donc, si je me réfère à l'ordre du jour, nous avons 40 minutes devant nous.

M. Marcoux: Donc, chacun 20 minutes.

Le Président (M. Simard): Oui.

M. Marcoux: Alors, merci, M. Forgues, de votre présentation. Bienvenue. Et d'ailleurs je voudrais souligner que M. Forgues, qui a été président par intérim pendant une certaine période, est maintenant président permanent, je pense, depuis trois semaines à peu près, je pense, M. le Président. Donc, félicitations!

Vous avez parlé évidemment de la question de l'évaluation, et je voudrais essayer de bien comprendre, M. Forgues. Présentement, il existe un règlement qui touche l'évaluation. Je pense que c'est le règlement qui s'intitule, là, Règlement sur la rémunération et les autres conditions de travail des membres du Tribunal administratif du Québec. Et donc on prévoit qu'il y a une évaluation avec certains critères qui sont prévus dans le règlement comme tel. Ce genre d'évaluation est à peu près le même, je dois comprendre, pour les membres de la Commission des lésions professionnelles, Régie du logement, Commission des relations du travail. Donc, c'est à peu près la même chose pour d'autres organismes juridictionnels.

Pourquoi le fait maintenant de nommer durant bonne conduite doit changer le mode d'évaluation qui existe présentement? Parce que selon le règlement, de toute façon, si vous référez, par exemple, à la rémunération, la rémunération, là, est la même pour tous, selon les... C'est-à-dire, l'article 9, là, c'est mathématique, donc ce n'est pas relié, je comprends, à l'évaluation comme telle. Ça, ça pourrait poser un problème, c'est bien évident. Mais selon le règlement, actuellement, là, la rémunération est la même, donc c'est uniforme, sauf pour ceux et celles qui exercent des fonctions administratives. Alors, je me dis, pourquoi ce qui était bon dans le cas d'une nomination pour cinq ans renouvelable n'est pas souhaitable quand quelqu'un est nommé durant bonne conduite, d'autant plus que ça n'a pas d'impact de toute façon sur sa rémunération, si j'interprète correctement le texte du règlement?

M. Forgues (Jacques): Je vais vous répondre à cette question-là qui m'est posée souvent. C'est que ce qui pouvait être bon ou moins bon, disons ? parce qu'on sait que ça a fait l'objet de contestation jusqu'à la Cour suprême ? dans le système d'évaluation qu'on a actuellement doit être remplacé par le système qu'on suggère, pour deux raisons. D'abord, ce n'est pas nécessairement parce qu'il y a bonne conduite, comparativement à des mandats renouvelables, c'est que la bonne conduite était l'occasion pour moi de convaincre mes collègues du tribunal, de dire: Regardez, aujourd'hui, le gouvernement, ou le législateur, reconnaît que les membres du tribunal doivent être nommés durant bonne conduite, il faut absolument s'organiser pour ne pas que les citoyens pensent qu'à partir de ça on va s'asseoir sur nos lauriers puis on va dire: Wo! on a nos jobs puis on ne fait plus rien. Alors, j'ai dit: Qu'est-ce qui est important pour nous autres en tant que membres du tribunal? C'est de maintenir et d'améliorer nos compétences et la qualité des services qu'on donne. Alors je savais, pour avoir vécu dans ce tribunal-là depuis 1998, que ce qui agressait mes collèges, c'était d'être évalué sur le nombre de décisions et sur la qualité des décisions, et ainsi de suite.

Si je voulais aller chercher un consensus, dégager un consensus là-dessus, il fallait que je me dise: Qu'est-ce que c'est qu'une évaluation formative? Je suis allé chercher ça, je ne connaissais pas ça. Je me suis rendu compte que ça existait vraiment et que c'était utilisé ailleurs. Parce que la Cour d'appel, dans son arrêt écrit par le juge Dussault, nous laissait croire que celui qui avait écrit l'arrêt connaissait ce que c'était que l'évaluation formative. On connaît son cheminement. Et, à partir de ça, je suis allé chercher une motivation des membres du tribunal pour maintenir et améliorer leurs compétences. Alors, je me suis dit: Il faut absolument maintenir cet entrain-là, cet enthousiasme-là, au tribunal, et décrocher de notre esprit, je vous dirais, contestataire du système d'évaluation antérieur, qui était agressant parce que relié aux salaires, parce que ci, parce que ça.

Ce n'est pas parce que ces irritants-là sont disparus qu'il faut penser qu'on doit conserver le système tel qu'il est. Si on peut l'améliorer, M. le ministre, je pense qu'il faut saisir l'occasion, et l'occasion nous est présentée au moment de la bonne conduite et au moment aussi où l'esprit des troupes est ouvert à ça. Trouvez-moi des juges qui vont se donner la peine de se trouver un système qui va leur permettre de recevoir les critiques positives ou négatives des gens qui se présentent devant eux régulièrement, parce qu'on est dans un tribunal spécialisé. Les mêmes personnes reviennent périodiquement chez nous, devant le tribunal. Je vous assure que je tiens à maintenir cet esprit-là, cette ouverture d'esprit des collègues du tribunal, qui sont prêts à recevoir ça et à travailler à améliorer...

n (12 heures) n

Parallèlement à ça, je travaille avec l'exécutif et d'autres intervenants pour établir un système de formation permanente. Si on veut avoir une formation permanente adaptée, je pense qu'avant de trouver le remède il faut trouver le bobo. Alors, pour trouver le bobo, on se dit: Que nos utilisateurs viennent nous dire ce qui fonctionne moins bien chez nous, puis on va permettre, avec la formation permanente, d'améliorer et de régler ces problèmes-là. C'est tout simplement ça.

Les irritants que je souhaite voir enlever dans la loi, c'est tout simplement pour moi un relent du passé qui réveille, chez les membres du tribunal, des luttes passées qu'il faut éliminer. Aujourd'hui, je pense que c'est le temps de tourner la page et de dire: On envisage une évaluation qui est vraiment en accord avec les objectifs de la loi.

M. Marcoux: Oui. M. le président, M. Forgues, quand vous dites: Bon, on ne veut pas donner l'impression aux citoyens que les membres du tribunal s'assoient sur leurs lauriers, ce n'est pas ça que je dis, au contraire. Je pense que les membres du tribunal travaillent et rendent une excellente performance. Cependant, si c'est ça qu'on ne veut pas, c'est-à-dire que les citoyens aient l'impression que... faussement, d'ailleurs, mauvaise perception, est-ce que ce n'est pas de confirmer un peu ces appréhensions-là ou cette perception appréhendée, que de dire: Bien, dorénavant, là, dans l'évaluation, ce qu'on fait actuellement, tenir compte de la qualité des jugements et des décisions, on ne le fera plus? A contrario, de dire aux citoyens: Bien, écoutez, les membres du tribunal, là, ils ne sont pas d'accord pour qu'une telle évaluation, qui existe un peu partout, puis tout en respectant bien l'indépendance... Je pense que ça n'a rien à voir avec l'indépendance et ça n'a aucun impact sur la rémunération. Ça, c'est majeur.

Alors, je comprends mal, je dois vous dire, là, tout en la respectant, cette réticence, votre réticence et celle des membres, de dire: Écoutez, là, on ne veut pas que ce soit une évaluation qui soit trop approfondie. Peut-être que j'exagère un peu. Puis on enlève de la loi des dispositions qui existent déjà, de toute façon, dans le règlement. Alors, je dois vous dire que ça me surprend.

M. Forgues (Jacques): M. le ministre, j'ai avec moi le document que les membres ont préparé. Si vous pensez que les membres du tribunal ne veulent pas d'évaluation, je m'excuse de vous dire ça aussi crûment, vous vous trompez lourdement. Les membres en veulent, mais veulent une évaluation qui va servir à quelque chose. Des papiers qu'on fait pour tenir des statistiques puis mettre dans des tiroirs, on n'en veut pas, de ça. On veut avoir des papiers qui disent quelque chose aux intéressés, qui leur donnent des indications sur ce qu'ils doivent améliorer puis sur ce qu'ils font bien. Il ne faut pas oublier que ce n'est pas parce qu'un système existait dans le passé, qu'il a été toléré, qu'il a été critiqué, qu'il a été modifié par les arrêts de la Cour d'appel et qu'il existe ailleurs que c'est l'objet parfait. On vise à améliorer notre système. Je vous assure qu'un jour on présentera ce système-là. Si la loi nous permet de le mettre en place, ce système-là fera des jaloux.

J'ai eu l'occasion de parler, à notre assemblée annuelle, avec un juge d'une cour supérieure, un juge qui a des charges administratives, qui me disait que même la Cour supérieure va chercher des feed-back des utilisateurs au moment où elle fait de la conciliation. Alors, ce qu'on veut aller chercher, nous, c'est ça. Et, pour être capable d'aller chercher ça, il faut donner confiance aux membres du tribunal, leur donner confiance que c'est vraiment ça qu'on veut aller chercher. Alors, dépouillons l'article de ce qui nous donne des pouvoirs théoriques, qui n'ont d'ailleurs à peu près aucun effet parce qu'il n'y a pas de sanction à ça.

Avez-vous pensé que, si on n'a pas de sanction, d'une part, et si on ne va pas chercher la conviction ou le consensus des gens, d'autre part, ça va être une évaluation complètement théorique? Alors, pour que ce soit valable, il faut aller chercher le consensus des gens, il faut que les gens s'approprient ce système-là. Ils veulent une évaluation, ils veulent une évaluation qui dit quelque chose. Avez-vous pensé que l'avocat qui répond au questionnaire cette année, qui revient devant le tribunal le mois suivant, six mois plus tard, l'année suivante, va être en mesure de dire: Coudon, la critique que j'ai faite l'année passée, est-ce que ça a donné quelque chose? Est-ce que le comportement a changé? Est-ce que l'audience est mieux tenue? C'est tout un défi, pour les membres du tribunal, d'accepter ça. Alors, moi, je refuse qu'on dise: Ces gens-là ne veulent pas d'évaluation; au contraire, ils en veulent une, ils en veulent une à la mode de 2005, une évaluation qui a vraiment un effet positif.

M. Marcoux: Je reconnais ce que vous faites, et ça, je l'apprécie. J'ai seulement une dernière question à cet égard-là. Ça me surprend, je dois vous dire, que, dans une évaluation ? puis je comprends qu'il ne faut pas que ce soit mécanique, ça, je suis tout à fait d'accord avec vous ? mais qu'on ne considère pas, par exemple, la qualité des décisions qui sont rendues. Je vous dis, pour moi, comme citoyen qui regarde ça, il me semble que ça va de soi que, dans une évaluation d'un membre du Tribunal administratif, celui ou celle qui fait l'évaluation regarde un peu la qualité des décisions qui sont rendues par le membre. Il me semble que ce n'est pas menaçant, ce n'est pas agressant ni irritant.

M. Forgues (Jacques): Au contraire, M. le ministre. Je ne veux pas abuser du temps de la commission, mais je peux vous lire le document que les membres ont accepté, qui dit ceci. Il y a un des critères d'évaluation qui est: prendre une décision. Alors, le critère, c'est quoi? Décider collectivement, à la lumière de la preuve et du droit. On dit: De quelle façon on va aller mesurer ça? On va se donner des indicateurs pour ça. L'indicateur, c'est quoi? Résumer clairement la preuve pertinente, appliquer les principes de droit pertinents. On va aller voir par quel moyen on va aller vérifier si on fait ça comme il faut. Il y a une fiche à remplir après la décision, une fiche à remplir annuellement par le collègue. Alors, qui va remplir la fiche après la décision? Les procureurs qui sont venus plaider l'affaire. Je vous dis, M. le ministre, que des gens qui sont capables d'accepter ça... Et je pourrais vous défiler le document que j'ai devant moi, ici. Ça vaut pour la tenue de l'audience, ça vaut pour tout. C'est vraiment une évaluation axée sur notre travail, le travail qu'on fait en termes de résultats face aux utilisateurs. Moi, je pense qu'on ne peut pas trouver mieux que ça.

L'inconvénient de l'article qu'on propose actuellement, c'est qu'il nous donne trop de pouvoirs, des pouvoirs qui sont inutiles et puis qui font craindre toutes sortes d'évaluations disparates ou qui mettent en cause les critères sur lesquels les membres n'ont pas de contrôle, comme la quantité de décisions. Avez-vous pensé de rendre quelqu'un imputable d'une chose pour laquelle il n'a aucune responsabilité? Je vais dire à un collègue, moi: Écoute, je te reçois, cette année, pour faire ton évaluation du rendement. Tu as rendu seulement que 50 décisions, tel collègue en a rendu 150. Je te blâme. Il va dire: Tu m'as assigné dans 50 dossiers. Écoute, ne viens pas me reprocher de ne pas avoir rendu 150 décisions. Alors, c'est ça vraiment, d'avoir une loi qui correspond à notre réalité d'aujourd'hui, au désir de ce tribunal-là de donner un service de qualité. Je ne peux pas plaider plus que ça parce que, plus que ça, je me lèverais, puis je ne peux pas faire ça. Écoutez, ça fait un an qu'on travaille là-dessus, d'arrache-pied, comme une équipe unie, et puis ça me fait de la peine de voir que la loi ne définit pas clairement ce que doit être une véritable évaluation formative.

M. Marcoux: Bien, écoutez, merci. Je vais vous poser des questions sur un autre sujet. Remarquez que peut-être que j'interprète mal, mais j'ai l'impression que ce qu'on mentionne dans l'article de loi, ça va un peu dans le sens de ce que vous mentionnez, mais là nous avons des divergences à cet égard-là. Donc, moi, je respecte beaucoup votre point de vue et je vous remercie.

Un autre élément important, en termes de services aux citoyens, c'est celui de la régionalisation. Vous en avez parlé brièvement à la commission parlementaire, lors de l'étude des crédits. Moi, ça me tient à coeur, je pense que tous les citoyens également, les membres de la commission l'ont déjà mentionné, l'opposition également. Pourriez-vous nous indiquer ce qui se fait actuellement et comment on peut le mieux réaliser, à la fois pour le tribunal, sur le plan administratif, et également pour les citoyens, en termes d'accès à la justice, cette régionalisation d'une façon réaliste? Alors, je pense que c'est important. Alors, j'aimerais pouvoir vous entendre là-dessus, M. Forgues.

M. Forgues (Jacques): Depuis la commission parlementaire sur le projet de loi n° 35, on a travaillé énormément sur l'amélioration des services en région. On le faisait déjà très bien, à mon point de vue. On a essayé de l'améliorer. Je pense qu'on a réussi.

Pour donner des exemples concrets, comment ça procède, quelqu'un qui veut introduire un recours au tribunal, il peut d'abord introduire son recours dans n'importe quel greffe de la Cour des petites créances à travers le Québec. Donc, c'est déjà une facilité d'accès encore plus grande que d'autres organisations qui peuvent avoir 20 ou 22 bureaux régionaux. On peut communiquer, au tribunal, avec une ligne téléphonique sans frais pour avoir de l'information. Vous allez me dire: Ce n'est pas tellement original. Mais c'est quand même pratique, parce qu'on reçoit beaucoup d'appels. On peut aller voir le site Internet du tribunal, qu'on a refait, il y a deux ans, complètement, qui est un site qui donne beaucoup d'information et pour lequel, cette année, on a un projet, celui d'introduire, sur notre site Internet, ce que c'est qu'une audience au tribunal, pour que les gens qui arrivent en salle sachent à quoi s'attendre. On a des dépliants dans toutes les régions, tous les présentoirs des palais de justice qui donnent aussi de l'information aux citoyens. Et par-dessus tout on se rend dans toutes les régions du Québec régulièrement, à longueur d'année.

n (12 h 10) n

À l'occasion de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 35, on s'était fait poser la question: Oui, mais vous allez aux Îles-de-la-Madeleine, l'été, l'hiver, vous n'y allez pas, ta, ta, ta. On va regarder ça. J'ai fait faire un beau tableau ? je ne l'ai pas mis à jour pour 2003-2004, mais je l'ai pour 2002-2003 ? et on constate, M. le ministre, que ça varie de 48 % à 52 % dans une région, 53 % à 47 % dans l'autre, pour les six mois d'été et les six mois d'hiver. Ça révèle qu'on va à travers tout le Québec, autant l'été que l'hiver, dans toutes les régions.

Il y a des gens qui pensent qu'on devrait avoir un bureau sur place ou des juges administratifs sur place, des membres du tribunal sur place, dans les régions. Vous savez d'abord que le Tribunal administratif est composé de quatre sections qui ont des champs de compétence très diversifiés, et, à l'intérieur de ces quatre sections-là, il y a une centaine de lois qui sont traitées. Pour moi, il apparaît beaucoup plus réaliste d'avoir des spécialistes du tribunal, des gens qui sont multidisciplinaires, qui sont des spécialistes de la médecine, du droit, du génie, et ainsi de suite, qui peuvent être dépêchés en région rapidement et facilement pour donner le service en région.

On me dit: Oui, mais, le pouls des régions, la mentalité de la région, est-ce que les membres du tribunal peuvent vraiment la développer ou l'avoir quand leur bureau est à Québec ou à Montréal? Si je vous disais qu'un membre du tribunal voyage en moyenne de deux semaines et demie à trois semaines par mois et qu'il retourne périodiquement dans chaque région, et qu'on est habitués évidemment à s'adapter et à prendre contact avec les gens des régions, je pense qu'on vient déjà de répondre en bonne partie à ça. La distinction du tribunal, c'est sa spécialisation, le nombre étendu des lois ? une centaine ? qu'il touche. Alors, comment pourrait-on avoir, en région, un spécialiste ou une spécialiste de ces matières-là? Ça m'apparaît impossible. Donc, la méthode qu'on a actuellement est déjà bonne.

Qu'est-ce qu'on a fait pour l'améliorer depuis le n° 35? J'ai dit: On va nommer des coordonnateurs régionaux, des gens qui vont être en contact chacun avec leur région, qui vont être encore plus en mesure d'aller prendre le pouls, qui vont rencontrer les bâtonniers, qui vont savoir quand est-ce que les palais de justice sont libres pour qu'on puisse y avoir accès, quand est-ce que les avocats sont disponibles parce que la Cour supérieure ne siège pas cette semaine-là, la Cour du Québec ne siège pas cette semaine-là, et ainsi de suite, et on est à mettre ça en place. À partir du début de septembre, les coordonnateurs régionaux sont déjà en fonction. À partir du début de septembre, les rôles d'audience et de conciliation vont être faits avec l'aide de ces coordonnateurs-là qui vont véritablement avoir le pouls de la région.

On peut prétendre ? et je ne suis pas en désaccord avec ça ? que l'idéal serait d'avoir une succursale du tribunal dans les différentes régions du Québec. Mais, compte tenu du nombre de matières qu'on traite, de la spécialisation du tribunal, de la multidisciplinarité, je pense que ce n'est pas réalisable au moment où on se parle.

M. Marcoux: Et, en ce qui a trait à l'utilisation des locaux soit de la Commission des lésions professionnelles soit des palais de justice...

M. Forgues (Jacques): Au mois de décembre, il y a un protocole d'entente qui a été signé entre le ministère de la Justice, la CLP et le TAQ. À partir de ce protocole d'entente là, je considère qu'on a marqué des points importants. D'abord, on écrit dans le protocole que le TAQ est premier prenant dans les locaux du palais de justice et, après, la Cour supérieure et la Cour du Québec. Deuxième point, on prévoit que ces cours-là doivent nous acheminer leurs rôles aussitôt qu'ils sont faits, et les planifications sont faites six mois, des fois un an d'avance pour qu'on sache quand est-ce que ces cours-là ne siègent pas dans les locaux, pour qu'on puisse y avoir accès. Et je peux vous dire que c'est fait, ça, actuellement. On les reçoit, les rôles, donc c'est déjà en marche. Ce n'est pas pour demain, c'est une réalité d'aujourd'hui.

Troisième point, les lieux des palais de justice, les salles d'audience ne sont pas toujours aménagées pour recevoir le tribunal, pour une raison très simple, c'est que plusieurs tribunes sont faites pour un juge seul, alors qu'on arrive toujours deux. Alors, à plusieurs endroits, j'ai autorisé de refaire des tribunes pour permettre d'asseoir deux personnes pour éviter des locations d'hôtel, éviter les inconvénients que ça comporte d'être à l'extérieur des palais de justice et permettre de donner accès à nos citoyens ? les palais de justice sont là pour les citoyens ? à des locaux qui sont raisonnables. Je me fais dire: Oui, les membres du tribunal veulent avoir du confort. Les membres veulent avoir du confort, mais le citoyen en veut aussi. Recevoir un citoyen avec son avocat dans un hôtel, ça peut se faire; le recevoir dans un palais de justice où il aura un cubicule pour parler avec son procureur en dehors des espaces communs, je pense que ça, c'est important pour les citoyens. Alors, on travaille là-dessus. On est en mesure de dégager certains fonds. C'est que nos budgets sont quand même serrés, mais des fois on peut faire des travaux dans différents palais de justice pour améliorer l'accessibilité aux citoyens.

Alors, en termes de régionalisation, je pense qu'avec les coordonnateurs régionaux, une meilleure planification des rôles en collaboration avec les cours, avec des réaménagements de salles, on va être en mesure de donner un service qui va être de plus en plus meilleur. Et notre objectif, c'est que les citoyens n'aient pas plus que 100 kilomètres à faire ? idéalement, c'est 50 kilomètres ? pour avoir accès à une audience au tribunal. C'est l'objectif qu'on vise, et on l'atteint à plusieurs endroits.

Le Président (M. Simard): Alors, je dois vous interrompre à ce moment-ci. Je pense que nous aurons l'occasion de poursuivre, puisque je passe immédiatement la parole au député de Chicoutimi qui est critique de l'opposition officielle en matière de justice.

M. Bédard: Merci, M. le Président. D'abord, merci, M. Forgues, d'être venu et félicitations pour votre nouvelle fonction qui n'est plus par intérim. Donc, bien heureux.

J'aborderai la question de la régionalisation et je vous avouerais... Vous savez, là-dessus, en commission, on avait eu quelques points de désaccord avec vous et certains membres du tribunal, et je constate que nos visées et notre façon de voir la régionalisation sont assez différentes, en tout respect pour l'opinion contraire.

Deux éléments, tout d'abord sur la radiation, et là vous voulez évoquer un seul... mais je vais me permettre quand même de solliciter votre opinion quant à la modification qui est apportée quant à la qualité des gens qui se retrouvent devant le TAQ, devant le Tribunal administratif. Nous avons, à l'article 13, et vous le savez, bon, toute la problématique qui concerne bon les représentations, je pense, déficientes de plusieurs qui s'improvisent... Et c'est souvent les mêmes, là, qui reviennent et qui font des représentations qui ne sont pas, je pense, à la hauteur de la qualité que devraient avoir de tels types de représentations, tout en ne souhaitant pas, M. Forgues, que ce soit une spécificité qui soit gardée aux membres du Barreau du Québec. Je pense que le fait que vous soyez un tribunal spécialisé accessible aux gens commande effectivement cette représentation autre.

Par contre, on doit avoir quand même un souci de la qualité. Nous avons, à l'article 13, une modification qui prévoit ce qui suit: on modifie l'article 102 qui prévoit: «néanmoins le professionnel suspendu ou radié en application du Code des professions ou d'une loi professionnelle ne peut agir comme représentant». Donc, on évite une partie de ceux et celles qui souvent ont été radiés de leur ordre et qui continuent à pratiquer par la bande, si on veut. Mais est-ce que vous pensez que ça règle l'ensemble de la problématique ? et là je ne vous dis pas que c'est majoritaire ? mais de la mauvaise... ou de la malreprésentation, là, qui se fait devant le Tribunal administratif du Québec?

M. Forgues (Jacques): Ça règle en partie. La représentation par avocat pour les citoyens devrait être conforme à la Loi du Barreau. Je n'ai pas l'intention de demander une modification à la Loi du Barreau là-dessus, là.

M. Bédard: Sûrement pas.

M. Forgues (Jacques): Je pense que les avocats rendent généralement des bons services... on pourrait dire tout le temps des bons services aux citoyens, puis il faut que ça fonctionne comme c'est prévu dans la Loi du Barreau.

M. Bédard: Oui, mais vous savez aussi que les gens peuvent venir faire des... devant le tribunal et que cette disposition a pour effet d'empêcher finalement ceux et celles qui ont été radiés donc de continuer à pratiquer malgré leur radiation. On avait évoqué la possibilité même d'avoir une certaine liste accréditée de gens pour s'assurer d'une condition minimale de connaissances et de compétences pour faire des représentations devant le tribunal, aussi devant la Commission des lésions professionnelles. Est-ce que vous pensez que cette possibilité serait envisageable?

M. Forgues (Jacques): Ça peut être envisagé, mais ça ne m'apparaît pas comme étant l'idéal. Les avocats sont formés pour ça, pour représenter les gens. Je pense qu'il faudrait plutôt favoriser l'accès plus facile aux avocats. Mais, écoutez, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des gens qui ne sont pas avocats qui peuvent donner certains conseils. Mais, de là à représenter devant le tribunal, je pense qu'idéalement ça doit être les avocats qui représentent.

M. Bédard: Mais ça arrive souvent, devant les ordres ? je regarde particulièrement devant la CLP ? qu'effectivement il y ait des non-avocats qui...

M. Forgues (Jacques): Oui, il y a des associations. Oui, il y a des gens. Oui.

M. Bédard: Et voilà. Bon. Puis il y a des gens très compétents là-dedans. Par contre, il y en a qui s'improvisent totalement puis qui, à grands frais, là, pour le client ou pour la personne qui, elle, ne connaît absolument rien de l'application des lois ? c'est la même chose au niveau de l'Assurance automobile ? vont utiliser des gens qui n'ont pas cette qualité minimale. Là, je ne vous parle pas des membres du Barreau, je vous parle des autres. Est-ce que vous pensez qu'il y a lieu d'améliorer le texte actuel?

M. Forgues (Jacques): Ce serait sûrement une mesure de protection du public que d'avoir une certaine liste de qualifications pour ces associations-là ou ces gens-là. Mais, à mon point de vue, ça ne peut pas remplacer un avocat.

n (12 h 20) n

M. Bédard: Merci. Au niveau de la déontologie, le Barreau, dans son mémoire, a des commentaires où il a plusieurs réticences quant à la formule qui est adoptée actuellement... qui est proposée par le projet de loi. Je vais vous lire le texte. Peut-être que vous ne l'avez pas devant vous, M. Forgues, là. Bon, ce qu'il dit, c'est qu'«on introduit des dispositions déontologiques à l'article 179.1 proposé. On introduit [...] ailleurs à l'article 181 un nouvel alinéa prévoyant que le code de déontologie énonce les règles concernant le maintien des compétences des membres dans l'exercice de leurs fonctions. Cependant, avec le nouvel article 180, amené par l'article [122] du projet de loi, ce n'est plus le Conseil de la justice administrative qui édicte par règlement le code de déontologie des membres du Tribunal administratif du Québec, mais plutôt le gouvernement lui-même.» Il complète en disant: «Par respect pour l'indépendance du tribunal, il n'est pas approprié que le gouvernement édicte par règlement le code de déontologie qui serait applicable aux membres du tribunal. Ceux-ci devraient avoir ce pouvoir, sujet à approbation du gouvernement.»

Êtes-vous d'accord avec cette proposition faite par le Conseil de la justice administrative?

M. Forgues (Jacques): Je suis d'accord avec ça dans la mesure où ça met une distance entre le gouvernement et le tribunal, parce qu'il y a toujours un organisme gouvernemental devant le tribunal. Mais disons que ce n'est pas un cheval de bataille que j'enfourcherais avec autant d'enthousiasme que celui de l'évaluation formative. Parce que, quand on regarde...

M. Bédard: Nous allons y revenir.

M. Forgues (Jacques): ...l'article 180 tel qu'il existe actuellement, on dit: «Le conseil édicte par règlement, après consultation[...] ? ta, ta. Ce code est soumis à l'approbation du gouvernement.» Maintenant, on dit: C'est le gouvernement qui édicte le code, après consultation des membres. Ça exclut le conseil. Je pense qu'à partir du moment où le conseil conserve compétence en déontologie il devrait être associé à la démarche du code de déontologie, d'autant plus que ce code-là, si je peux me permettre, a déjà été travaillé pendant plusieurs semaines, pour ne pas dire des années, et qu'il était, à toutes fins pratiques, prêt, puis qu'il est en suspens, disons.

M. Bédard: Oui, il est en suspens depuis 2003, là, février 2003.

M. Forgues (Jacques): Alors, peut-être qu'avant de repartir la roue il faudrait regarder ce qu'on a.

M. Bédard: Je suis d'accord avec vous, mais, comme la procédure change... Et, vous savez, bon, les juges de la Cour du Québec établissent leur code de déontologie, et c'est le gouvernement qui ne fait qu'approuver, et on est soucieux de la règle d'indépendance, et d'introduire votre nomination selon bonne conduite, je pense, rehausse les standards au niveau de l'indépendance institutionnelle. Mais il ne faudrait pas, d'un côté, ajouter, ce qui est quand même important, mais, de l'autre côté, en retirer.

Est-ce que vous ne pensez pas que cela peut avoir un effet sur cette indépendance institutionnelle lorsque maintenant on change cette règle et que c'est le gouvernement qui ne fait plus seulement approuver, mais qu'il propose?

M. Forgues (Jacques): Dans un monde idéal, je pense que ce qu'on devrait viser, c'est un code qui vient du Conseil de la justice administrative, composé d'une majorité de pairs. Ça, ce serait vraiment l'idéal. Maintenant, je pense qu'on ne peut pas atteindre tous les idéaux en même temps, hein? Alors, il y a une progression à faire, et puis, moi, écoutez, j'aimerais mieux un code de déontologie qui passe par le Conseil de la justice avec une majorité de pairs, mais je me satisfais de l'amendement à la loi. Peut-être trop terre à terre, mais je ne pense pas que ça mette en péril vraiment l'application de la déontologie, tel que c'est suggéré dans le projet de loi n° 103.

M. Bédard: Mon collègue aurait une question sur ce point précis. Je reviendrai après.

Le Président (M. Simard): Oui. Maintenant, je vais passer la parole au député de Mercier.

M. Turp: J'aimerais revenir là-dessus. Pourquoi une règle différente des juges judiciaires que des juges administratifs, maintenant qu'ils sont nommés durant bonne conduite? Il serait logique à mon avis que le code soit préparé par le Conseil de la justice administrative. Il y a quelque chose qui m'échappe, si vous ne souhaitez pas une formule analogue, maintenant que les juges administratifs sont nommés, à bien des égards, comme les juges judiciaires.

M. Forgues (Jacques): C'est vraiment l'idéal. C'est vraiment l'idéal. C'est ça qui devrait être, un conseil formé d'une majorité de pairs. Parce qu'il faut faire attention. Si le code est adopté par le conseil et que le conseil ne comporte pas une majorité de pairs, on s'éloigne, là aussi, de la formule des juges. Alors, il faut regarder ça dans l'ensemble. Édicté par le gouvernement après consultation des membres, ça donne un code en tout cas qui est susceptible de répondre à certaines attentes des membres. Par contre, à un moment donné, tu l'échappes, c'est le gouvernement qui décide seul. Ça, ça peut être un problème.

L'autre façon, c'est de le confier à un conseil qui n'est pas composé d'une majorité de membres et qui de toute façon va aboutir au gouvernement quand même. Alors, l'idéal... Si vous me demandez qu'est-ce que j'écrirais si j'avais à partir de zéro, bien j'écrirais: un code préparé par le conseil avec une majorité de membres.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Il faut viser l'idéal, d'autant plus qu'on parle d'indépendance. Je pense que ça ne fait pas plus mal, là, le fait d'introduire... Et je comprends que vous avez une visée particulière et que, dans la balance, vous souhaitez que cette attente soit rencontrée plutôt que toute autre, et je la comprends, d'autant plus que, quand j'ai entendu le ministre parler de qualité des décisions, là... C'est un peu surprenant, là, le terme «la qualité des décisions». Et c'est pour ça que le texte prévoit plutôt des appellations beaucoup plus neutres ? «clarté», «précision», «concision» ? que «qualité», parce que la qualité réfère beaucoup à la justesse de la décision, et ça, ce n'est pas... C'est dur d'évaluer la qualité, hein? On a eu des jugements de la Cour suprême cette semaine. Si on évalue la qualité, on pourrait se poser la question. Donc, le domaine judiciaire souffre beaucoup... ou est plutôt très réticent à l'idée d'évaluer une qualité de décision.

M. Marcoux: Je suis d'accord avec le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Vous êtes d'accord avec moi, M. le ministre? Bien, c'est bien.

M. Marcoux: Oui. Ça m'a échappé.

M. Bédard: Bien, ça commence bien. Ça commence bien notre étude. Ha, ha, ha! Mais je comprends aussi votre réticence ? et il y a les miennes aussi ? celle du nombre, comme si le nombre de décisions... Quand on sait que bon, souvent, des dossiers complexes... Certains vont même développer une compétence dans les... Je regarde la Cour supérieure, dans des procès longue durée, par guise de... pas par guise mais par réflexe d'expertise, ces gens vont avoir tendance à les envoyer sur des dossiers plus complexes ou sur lesquels ils ont vraiment acquis une compétence encore plus précise, et je me demande en quoi le nombre, la nature des dossiers traités peut ajouter à cette vérification quant à la qualité du travail, quant à... pas à la qualité mais à cette recherche d'une meilleure justice, là.

M. Forgues (Jacques): En fait, ce dont on veut s'assurer avec ça, du moins ce que j'en comprends, c'est qu'on veut s'assurer que les gens travaillent.

M. Bédard: Ha, ha, ha! Ce n'est pas votre travail, ça, vous?

M. Forgues (Jacques): Alors ça, je dis: C'est le travail des vice-présidents...

M. Bédard: C'est ce que je pense aussi.

M. Forgues (Jacques): ...de donner une charge de travail qui est répartie équitablement puis qui fait en sorte que les gens gagnent leur salaire honorablement, qu'ils travaillent, qu'il y a une bonne prestation de travail. Alors, je me dis, on peut faire ça par tout autre moyen.

Pour revenir à votre prémisse sur la qualité des décisions, quand je lis l'article 13 qui nous dit qu'on doit rendre des décisions écrites et motivées, rédigées en termes clairs et concis, je me dis: J'ai ce qu'il faut, moi, en tant que président. Écoute, la loi nous impose déjà ça. Pourquoi j'irais répéter ça en d'autres mots, dans un autre article, quand je sais que tout ce que ça peut faire, c'est de mettre le feu aux poudres parce que ça devient litigieux? Je l'ai déjà, l'outil. Je l'ai pour le délibéré. Si quelqu'un se traîne les pieds en délibéré, j'ai déjà un article qui me dit: Au bout de trois mois, sonne une cloche, fais quelque chose. Puis, même avant trois mois, sonne-la pour que ça fonctionne. Alors, j'ai déjà tous ces outils-là dans la loi.

Quand on est venus sur le projet de loi n° 35, on avait demandé d'enlever l'aspect réglementaire de ça, d'inclure ça dans la loi, ce qui concernait l'évaluation. Ça a été fait. Je suis très heureux de ça. Ça, c'est vraiment une décision du législateur qui me réjouit beaucoup. Alors, on est sur la bonne voie. Alors, ce qu'il faut faire, c'est de continuer notre travail et de faire le tour de la loi, dire: Est-ce qu'on a tout ce qu'il faut? J'ai énuméré les articles tantôt peut-être trop brièvement. Mais, avec l'article 1, j'ai déjà plusieurs outils, avec 13, j'en ai d'autres et puis, avec 146, j'en ai d'autres. Puis, quand je mets tout ça, je me dis: Coudon, j'ai tout ce qu'il faut pour voir si mes gens travaillent puis s'ils travaillent bien, puis c'est ça qu'on veut. Alors, pourquoi chercher à être, disons, trop perfectionniste en allant répéter ailleurs, dans des mots qui sont peut-être moins appropriés, ce qu'on a déjà dans une loi qui a été éprouvée quand même, qui dure depuis 1998 et qui donne satisfaction quand on regarde les résultats du tribunal, en tout cas?

M. Bédard: Non, non, je suis d'accord avec vous, il y a un élément qui est problématique dans... En même temps, même en termes d'indépendance, là, il y a quelque chose d'un peu surprenant. C'est comme donner des directives sur... Il y a un nombre minimal de dossiers, alors que bon les...

M. Forgues (Jacques): Bien, écoutez, il faut tenir compte de la réalité de chaque tribunal. Si on était dans un tribunal où on faisait des dossiers qui sont analogues presque tout le temps, des dossiers du même type, on pourrait arriver, tenir des statistiques quantitatives.

M. Bédard: Commission municipale de taxation, par exemple.

M. Forgues (Jacques): Mais là on est dans un tribunal où la variété est très grande: quelqu'un qui va siéger en expropriation, dans un dossier qui va durer six semaines; l'autre qui va faire de la fiscalité municipale dans un dossier qui va durer une demi-heure; l'autre qui va faire de l'assurance auto, ça va durer quatre jours, avec des rapports complexes; l'autre va faire de la commission d'examen des troubles mentaux, il va se promener à travers... Comment voulez-vous que je puisse, à partir de statistiques, regarder un volume de travail puis dire... Non. Moi, ce qui m'intéresse d'un membre du tribunal, c'est quand je lui demande d'aller siéger, de prendre tel dossier, et qu'il me dit oui. À ce moment-là, c'est parfait. À partir de là, je regarde. Il fait-u bien son travail? Il fait bien son travail? Oup! la note est excellente. Tu as accepté le mandat, tu as bien fait la job. Ce n'est pas d'aller comparer avec d'autres, de dire: Écoute, tu en as fait deux pendant que l'autre en a fait cinq, parce que c'est trop différent, ce n'est pas dans d'autres tribunaux dont on déjà parlé, puis je ne veux pas faire trop de comparaisons avec d'autres parce que je ne connais pas les autres boîtes. Je pense que je connais bien la mienne, par exemple.

M. Bédard: Vous avez bien plaidé votre dossier, M. le président.

Un élément sur lequel j'ai un désaccord avec vous concernant la régionalisation... Puis, quand on s'était parlé sur le projet de loi n° 35, je pense qu'on avait établi quand même la différence entre le fait de se promener en région puis le fait d'y être, et on avait même conclu ensemble ? c'était vous, et il y avait d'autres membres du tribunal ? qu'il n'y a pas de jurisprudence régionale, là. Ça n'existe pas plus à la Cour du Québec ni à la Cour supérieure. Parce qu'au début c'était une des réticences des membres du tribunal, comme si bon c'était un bloc fermé, puis les gens avaient leur propre lecture de la loi qui était différente, et là on avait éliminé cet aspect-là.

n(12 h 30)n

Mais je sens quand même de votre part une réticence à avoir un statut plus permanent en région, et j'avais proposé l'idée peut-être même de joindre certains districts, par exemple, certaines compétences pour s'assurer vraiment qu'on n'aille pas se promener en région mais qu'on y soit. Et pas parce que je veux que vous y soyez ou que j'ai le goût... parce que je pense qu'il y a comme un souci de cette qualité de la justice et que je pense que c'est une attente raisonnable des gens qui sont en région, de pouvoir avoir un statut plus permanent aux membres et que ce ne soient pas les gens bon qui se déplacent, on arrange les agendas... Oui, les gens se déplacent, aux Îles-de-la-Madeleine, en pleine tempête de neige, là, mais je peux vous dire que ça amène des problématiques et qu'au-delà de tout ça, moi, je pense que c'est une attente raisonnable des gens. C'est vrai pour la Cour du Québec, c'est vrai pour la Cour supérieure. Je me dis: Pourquoi ce ne serait pas vrai pour le Tribunal administratif du Québec?

M. Forgues (Jacques): Et c'est une attente très raisonnable. D'ailleurs, on travaille dans ce sens-là. Avec le coordonnateur régional, vous avez déjà quelqu'un qui, sans avoir sa résidence en région, est vraiment attaché à cette région-là pour x mois ou x années. C'est déjà un pas dans votre direction.

Ce pourquoi on ne peut pas le faire peut-être aussi rapidement que vous le souhaitez, comparativement à d'autres tribunaux, c'est qu'une cour de justice est un tribunal de compétence générale. On a un juge qui est de compétence générale. Chez nous, ce sont des compétences spécifiquement attribuées à des types de quorum différents. Ça pose une problématique importante. On a le choix entre deux réalités: on va continuer de donner une justice spécialisée avec des membres de disciplines différentes, multidisciplinaires, le plus rapidement possible, le plus près possible des citoyens, ou encore on va négliger cette dimension-là pour favoriser l'autre, dire: On va avoir quelqu'un de plus polyvalent dans une région, auquel cas on va aller un petit peu au détriment de ce qui est, je pense, une des caractéristiques importantes du tribunal, sa spécialisation et sa multidisciplinarité, qui aide aussi les citoyens. On leur prête assistance. Les gens, quand ils arrivent chez nous, s'attendent d'être devant un tribunal spécialisé. Ils n'ont pas la même attente que quand ils se présentent devant une cour.

M. Bédard: C'est pour ça que je proposais... Je comprends cette spécialisation. Je la comprends d'autant plus que j'y ai plaidé, et je comprends que le nombre, des fois, peut porter problème, même de dossiers, d'où l'idée de faire preuve d'imagination un peu et de dire: Pourquoi on garderait la formule actuelle? Pourquoi ne pas aller plus loin? Pourquoi ne pas joindre même des districts et des régions, deux régions ensemble, et assurer cette permanence? Parce que, la spécialisation, vous savez autant que moi que, même les tribunaux de droit commun, les juges ont certaines spécialisations. Quelqu'un qui est en chambre criminelle n'ira pas faire un dossier de congédiement la journée du lendemain, là. Et, sans dire que cette spécialisation est telle que, dans le tribunal spécialisé... il reste qu'on s'assure que le juge qui est devant a traité un dossier de telle nature, donc lui-même, de façon inhérente, a des compétences dans ce domaine.

Et j'aimerais avoir de votre part des... j'aurais souhaité plutôt de votre part des propositions pour l'améliorer. Effectivement, avoir un membre coordonnateur, c'est bien. Moi, je pense qu'on aurait pu aller plus loin. On aurait pu carrément s'assurer, en traitant, bon... Et, vous savez, il y a des domaines qui ont un plus grand volume. Ceux-là, là, sont plus facilement réglables. Des domaines qui ont moins de volume, maintenant, comment on s'assure qu'ils n'aient pas toujours le même décideur, qu'il ait moins de dossiers? Mais il y a une petite gymnastique qu'on aurait pu faire puis que je n'ai pas eue... en tout cas que j'aurais souhaité avoir de votre part, M. Forgues.

M. Forgues (Jacques): ...entendre que vous pensez que j'ai des réticences.

Le Président (M. Simard): Vous devrez être très, très bref, le temps est écoulé, M. Forgues.

M. Forgues (Jacques): C'est une impression, parce que je n'en ai pas. Mais je peux vous dire que c'est déjà commencé, le regroupement, j'en ai parlé à l'étude des crédits. On a regroupé six régions en trois justement pour ça. On est en démarche vers cette situation-là. Et il ne faut pas que vous oubliiez non plus qu'avant on avait 23 000 ou 24 000 dossiers en inventaire et qu'on en a 13 000. On est peut-être victimes de notre succès. À partir du moment où tu as moins de dossiers en région, ça se justifie moins, monétairement parlant, ce qui ne veut pas dire qu'il faut diminuer notre présence en région. Je pense qu'on poursuit le même objectif, mais je le vois peut-être un petit peu plus à long terme que vous.

Le Président (M. Simard): M. le président Forgues, je vous remercie infiniment de votre participation. Nous allons suspendre nos travaux à 15 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

 

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Descoteaux): Donc, puisque je constate que nous avons quorum, nous allons donc poursuivre les consultations particulières sur le projet de loi n° 103. Nous recevons, comme prochain invité, donc le Conseil de la justice administrative. Bienvenue, Me McCutcheon et Me Vaillancourt. C'est bien ça? Merci.

Selon les règles, vous avez approximativement 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, ensuite une période de discussion d'une part avec le parti ministériel, d'une quinzaine de minutes, et tout autant avec l'opposition officielle. Donc, si vous voulez bien commencer.

Conseil de la justice administrative

M. McCutcheon (Laurent): Merci. D'abord, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de l'Assemblée nationale, merci beaucoup de permettre au Conseil de la justice administrative de faire ses représentations.

Peut-être juste quelques petits mots pour mettre un peu en contexte le Conseil de la justice administrative dont la vocation première est d'appliquer la déontologie de quatre tribunaux, non pas uniquement le Tribunal administratif du Québec, mais aussi la Commission des lésions professionnelles, la Régie du logement et la Commission des relations de travail. Essentiellement, notre mission est de participer à la confiance du public envers la justice administrative.

Donc, le conseil existe depuis 1998. J'en suis le président à temps partiel depuis 1998. Et j'apporte juste un petit correctif pour vous dire que je ne suis pas maître parce que je ne suis pas avocat. Je suis président issu des tribunaux administratifs, puisque j'ai siégé moi-même comme commissaire, pendant plusieurs années, dans un tribunal. Mais, comme représentant des citoyens, je préside le conseil.

n(15 h 10)n

Le conseil a une composition originale, je dirais. Le législateur a voulu lui donner une sagesse dans sa composition, puisqu'il y a des représentants des membres des tribunaux administratifs, de la direction des tribunaux administratifs, les présidents y sont, des représentants du Barreau, de la Chambre des notaires, des représentants du public. Donc, 17 membres composent le Conseil de la justice administrative.

La dernière fois que je suis venu ici faire des représentations, c'était un peu dans un autre contexte. C'était pour essayer de convaincre cette commission de la nécessité de maintenir en place le Conseil de la justice administrative. Et, aujourd'hui, je viens vous dire merci, puisqu'on a été entendus et qu'on a décidé de maintenir le Conseil de la justice administrative. Donc, c'est beaucoup plus agréable pour moi, aujourd'hui, de faire des représentations que ça pouvait l'être la dernière fois.

Je me permettrai uniquement quelques commentaires sur le projet de loi n° 103. Il y a à notre sens une difficulté dans la composition des comités qui doivent assurer la recevabilité des plaintes. La dernière fois qu'on est venus ici, on a proposé, pour alléger... Vous vous souvenez, la structure du conseil étant de 17 personnes, pour alléger la recevabilité des plaintes, on a proposé la mise sur pied d'un comité pour assurer la recevabilité des plaintes. Mais ce qui a été retenu finalement, c'est une autre formule où il y a un comité composé de trois personnes, et à notre sens ce comité ne sera pas fonctionnel. Ça ne pourrait pas fonctionner avec trois personnes. Le but étant évidemment d'alléger le processus, il faut aussi assurer l'expertise et, je dirais, principalement la cohérence des décisions dans un comité composé de trois personnes, lequel comité sera différent pour chacune des plaintes, parce qu'il faudra refaire les comités, dépendant d'où la plainte est issue, parce qu'on a quatre tribunaux. Et il faut, je rappelle encore ici, considérer qu'il n'y a pas que le Tribunal administratif du Québec, mais il y a aussi les autres tribunaux. Donc, si on devait à chaque fois... Il faudrait comme réunir le conseil pour composer un comité pour faire la recevabilité. Donc, le processus serait plus lourd que si le conseil le décide lui-même à 17 membres.

Notre proposition, c'est d'alléger et de former un comité de sept personnes où il y aurait un représentant de chacun des tribunaux ? donc, ça ferait quatre personnes ? et trois représentants des citoyens issus du Conseil de la justice administrative. Donc, à ce moment-là, on atteindrait l'objectif, là, de la représentation des pairs, qui seraient majoritaires au sein du comité sur la recevabilité. Les citoyens y seraient aussi représentés en ayant trois personnes, et ce comité serait semi-permanent, ce qui assurerait la cohérence. Je pense que c'est important, entre chacune des décisions, qu'on assure cette cohérence. Donc, on propose que le comité ? c'est l'article 184.2 ? devrait plutôt être composé de sept personnes, et, de cette façon, je pense que ça rencontrerait l'objectif qui était visé par notre proposition. Et, si nécessaire, on pourra vous proposer une petite rédaction pour cet article de loi.

Deuxième observation maintenant. Je voudrais vous parler un petit peu de l'adoption des codes de déontologie. Dans la procédure actuelle, le Conseil de la justice administrative édicte le code de déontologie applicable aux membres du Tribunal administratif du Québec. Ici, il est proposé de ramener au gouvernement cette responsabilité. Nous croyons ? et là-dessus je pense que d'autres intervenants vous le diront, si ce n'est pas fait ? nous croyons que ce serait préférable que le conseil conserve cette compétence d'édicter le code de déontologie, qu'il soit par la suite approuvé par le gouvernement, et ceci, de façon à assurer une totale indépendance en regard des membres du Tribunal administratif du Québec.

Je ne peux pas passer sous silence le fait que le conseil est aussi responsable de la déontologie des autres tribunaux, et on est dans un contexte où le conseil doit faire la déontologie de quatre tribunaux où il y aura quatre codes de déontologie différents qui seront adoptés de différentes manières. J'attire votre attention là-dessus parce que, dans le projet de loi actuel, évidemment on discute, là, de la déontologie du Tribunal administratif du Québec, mais il y a aussi trois autres tribunaux qui sont concernés. Donc, le conseil se retrouve à faire la déontologie de quatre tribunaux, appliquant probablement quatre codes de déontologie différents, alors que la déontologie, c'est un système de valeurs.

Et ici je vous donne mon opinion personnelle, non pas nécessairement celle du conseil. Je crois qu'un citoyen qui se présente devant un juge, qu'il soit administratif ou tout autre juge, doit s'attendre à une conduite identique et que le système de valeurs d'un juge, qui est impartial et indépendant, devrait être le même système de valeurs. Donc, en ce sens-là, nous proposons, à tout le moins pour le Tribunal administratif du Québec, de maintenir la procédure actuelle pour que le conseil puisse édicter le code de déontologie, code d'ailleurs qui a été approuvé par le conseil chez nous et qui est en attente, là, d'approbation de la part du gouvernement.

L'article 178, ici, on propose, là, l'abolition pure et simple de cette liste. À quoi elle sert? Elle sert à une chose, c'est que la Loi sur la justice administrative, dans son préambule, détermine les instances administratives et juridictionnelles. La loi nous dit de quelle manière les ministères et les organismes doivent rendre des décisions s'ils sont dans un cadre administratif ou juridictionnel. Donc, si c'est administratif, c'est sous la juridiction de l'article 3, si c'est juridictionnel, ce sera sous l'article 9.

Donc, une fois que la loi détermine qu'il y a deux types de décisions, il faut que quelqu'un à quelque part dise: Tel organisme ou tel ministère doit se comporter de façon administrative ou juridictionnelle. Voilà le but de l'article 178. Et, dans le projet de loi, l'article 178 n'y sera pas. Ce n'est peut-être pas la fin de monde qu'il n'y soit pas, mais je pense qu'il faudra quand même une instance ou quelqu'un à l'intérieur du gouvernement qui devra maintenir cet inventaire pour que l'on sache... Et le but, c'est d'informer les citoyens, de savoir quelle est la conduite de l'organisme ou du ministère, s'il doit agir de manière administrative ou juridictionnelle. Et, si c'est juridictionnel, évidemment ça nécessite le droit d'être entendu.

Le conseil fait cet exercice depuis quelques années. Je pense qu'il le fait bien, sans trop de grandes exigences. Donc, nous vous proposons tout simplement de maintenir cet article-là de façon à ce que le conseil puisse continuer de le faire. Et, si vous décidez de ne pas le maintenir, bien je pense qu'il faudrait penser à confier cette responsabilité à quelqu'un d'autre à l'intérieur de l'appareil gouvernemental.

Je termine en attirant votre attention sur le fait que, le Conseil de la justice administrative, composé de 17 membres, la grande majorité des membres, le mandat est terminé, d'autres se termineront bientôt, et il faudrait procéder au renouvellement des mandats des membres ou nommer de nouveaux membres, ce qui est tout à fait normal. Mon mandat personnel est terminé. Il est non renouvelable. Je ne viens pas solliciter de renouvellement, c'est prévu dans la loi que je ne peux pas être renouvelé, de toute façon. Ce que je vous suggère, c'est de prévoir tout simplement qu'il y ait une rotation, de manière à ce que tout le monde ne soit pas nommé ensemble et que tout le monde parte ensemble. Il faut développer des expertises, il faut conserver cette expertise et la transmettre aux autres membres. Donc, dans la nomination des membres, je voulais juste attirer votre attention et vous proposer de faire des nominations pour assurer une certaine forme de rotation.

Ce sont les observations que j'avais à vous faire. S'il y a des questions, je suis à votre disposition.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. M. le ministre.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. M. McCutcheon, bienvenue. Merci d'avoir accepté notre invitation. Bienvenue, Me Vaillancourt. Et je vous remercie également des points que vous avez soulignés. Je n'ai pas eu moi-même l'avantage de participer aux séances de consultation de la Commission des institutions à l'automne 2003, c'est-à-dire une partie de l'été puis à l'automne 2003.

n(15 h 20)n

Je voudrais d'abord aborder le premier point que vous mentionnez. Le projet de loi n° 103 prévoit la formation d'un comité de recevabilité, disons, à chaque fois, ponctuellement. Ce que vous suggérez, c'est plutôt d'avoir un comité permanent composé de sept membres. Sept, ça paraît beaucoup de personnes, il me semble. Je comprends que c'est peut-être justifié.

M. McCutcheon (Laurent): On passe de 17 à sept. C'est déjà une bonne diminution.

M. Marcoux: Oui, je comprends, mais... Oui, puis je vous en sais gré, mais il me semble quand même que c'est beaucoup, c'est pas mal de personnes. Est-ce que c'est nécessaire d'avoir... Et je comprends l'importance, là, des plaintes, et l'importance de bien les analyser, et l'importance du rôle joué par le conseil à cet égard-là, mais est-ce que c'est nécessaire d'avoir autant de personnes, sept personnes, sur un comité permanent?

M. McCutcheon (Laurent): En termes de nombre, je vous donne raison. En termes de fonctionnalité, c'est là que ça ne marche pas. Prenons un exemple. Actuellement, on a une séance du conseil. Si on a huit ou 10 plaintes, le conseil, dans sa journée, il va regarder la recevabilité des 10 plaintes. Dans la proposition actuelle, ça va prendre, s'il y a des plaintes qui viennent de quatre tribunaux, ça va prendre au moins quatre comités parce que la composition fait en sorte qu'il doit y avoir un représentant de chacun des comités. Donc, en termes de mécanique et de fonctionnement, ça devient plus complexe que réunir le conseil et de décider finalement à grand nombre. Donc, pour éviter ça, on propose un mécanisme semi-permanent où il y aurait un représentant de chacun des quatre tribunaux, qui sont toujours là. Donc, la plainte, qu'elle vienne de l'un ou de l'autre des tribunaux, il y aura toujours le représentant parce qu'il doit toujours y avoir un représentant issu du même tribunal. Cette recommandation est fonction de la réalité des quatre tribunaux.

M. Marcoux: Et c'est un comité donc qui serait nommé par le conseil et dont la durée du mandat correspondrait à une période précise?

M. McCutcheon (Laurent): On n'en a pas mis et on propose, nous, dans ce qu'on vous amène ici, de dire que le conseil peut ? que ce ne soit pas une obligation ? mais que le conseil pourra le faire, dans l'exercice de ses fonctions, au besoin, de créer le comité et de renouveler les membres au besoin. On peut très bien partir en disant que ce sera pour une période de un an ou deux ans, mais tout ça devrait faire partie de nos règles de procédure, parce que le conseil fait ses propres règles de procédure. Une fois qu'on mettrait cette mécanique en place, évidemment il faudrait que ce soit encadré. Il ne faudrait pas que ce soit laissé au bon gré, là, des événements, mais que ce soit déjà prévu dans les règles de procédure, de quelle manière on forme nos comités et de quelle durée.

M. Marcoux: Dites donc, est-ce que vous recevez plusieurs plaintes? Vous avez quatre tribunaux administratifs, là. Simplement, disons, pour information, est-ce que vous avez régulièrement un nombre assez élevé de plaintes, ou si c'est plutôt, là...

M. McCutcheon (Laurent): Ce n'est pas un gros volume, vous avez raison, et notre objectif, ce serait qu'il n'y en ait pas du tout, hein? On travaille vraiment à ce niveau-là.

M. Marcoux: Ah! ça, je suis bien d'accord, bien d'accord avec vous.

M. McCutcheon (Laurent): Donc, plus c'est bas pour nous, plus on est performants, selon notre analyse.

On en reçoit... Voyez-vous, dans la dernière année, il y a eu 37 plaintes, et, depuis le début du conseil, c'est 190. Et le nombre de dossiers qui ont été fermés par comité d'enquête, ce n'est pas très nombreux non plus. On a formé 12 comités d'enquête, et sur ça il y en a six qui se sont fermés par perte de compétence. Ça veut dire qu'à la formation du comité d'enquête les personnes en question ont soit quitté, n'ont pas été renouvelées, etc.

M. Marcoux: D'accord. Pour ce qui est du code de déontologie, en ce qui a trait à la Régie du logement, à la Commission des lésions professionnelles, à la Commission des relations du travail, actuellement est-ce qu'il y a des codes de déontologie qui existent, qui ont été approuvés par le gouvernement pour ces trois organismes-là?

M. McCutcheon (Laurent): Pour la Régie du logement seulement. Les autres ne sont pas encore approuvés. C'est le seul qui a été approuvé.

M. Marcoux: Et, pour ce qui est en fait de ces trois-là ? pour un, ça a été approuvé ? quel est le processus d'approbation du code de déontologie dans le cas de la Commission des relations du travail, de la Commission des lésions professionnelles?

M. McCutcheon (Laurent): C'est par le gouvernement, approuvé par le gouvernement dans les trois cas, sauf pour le Tribunal administratif du Québec, qui est édicté par le conseil.

M. Marcoux: Et qu'est-ce qui justifierait un processus différent en ce qui a trait au Tribunal administratif du Québec? Je comprends, vous dites que ça existe déjà, là, bien que le code n'ait pas été approuvé encore par le gouvernement, ce que je comprends, là, mais donc qu'est-ce qui justifie un processus différent pour les membres du Tribunal administratif du Québec?

M. McCutcheon (Laurent): Ça me fait sourire parce que vous dites ce que je dis depuis sept ans que je suis là: il devrait y avoir un processus et un code de déontologie applicables aux quatre tribunaux. J'ai toujours préconisé un code de déontologie qui devrait être à peu près la réplique, là, de ce qui est applicable aux juges de la Cour du Québec. Il y a 10 articles qui énoncent un système de valeurs, et, quand je dis que les citoyens devraient s'attendre à la même conduite devant tous les juges administratifs ? qu'ils soient des juges administratifs ou judiciaires, peu importe, ils devraient toujours s'attendre à la même conduite ? j'ai préconisé ça depuis le début.

Dans le dernier rapport annuel, j'avoue mon échec. Comme président du tribunal, j'ai cherché à faire ça pendant toutes ces années et je n'ai jamais réussi à amener tout le monde à adhérer à cet objectif-là. Donc, on est actuellement dans le contexte de l'approbation du code de déontologie du Tribunal administratif du Québec, qui est édicté par le conseil. Moi, je pense que la meilleure procédure, ça aurait pu être que le conseil fasse un code de déontologie unique, applicable aux quatre tribunaux. Si c'est moi qui devais le faire, c'est ce que je préconiserais.

M. Marcoux: Mais, si je comprends, ce n'est pas nécessairement l'opinion de chacun des organismes ? est-ce que c'est ça? ? d'avoir un code qui s'appliquerait aux quatre.

M. McCutcheon (Laurent): Vous avez raison, vous avez raison.

M. Marcoux: Donc, il y a des divergences d'opinions, si je comprends, entre les organismes mêmes qui sont visés.

M. McCutcheon (Laurent): Oui, c'est ça. Les différents tribunaux n'ont pas les mêmes approches à ce niveau-là, et chacun voit le code de déontologie à sa façon. Moi, j'étais plutôt partisan d'un code de déontologie général, comme celui des juges de la Cour du Québec, qui s'applique à tout le monde, mais la tendance de chacun des tribunaux a été de dire: On va plutôt faire un code de déontologie qui s'applique davantage à la réalité de chacun des tribunaux. C'est sûr que, même si on voulait faire ça, il faudrait qu'il y ait des particularités. Il y aurait un tronc commun, applicable aux quatre tribunaux, qui énonce les valeurs générales, mais on se retrouve avec des membres à temps partiel. Il y en a qui sont des assesseurs, des conseillers, etc., qui sont soumis au code de déontologie, donc ça nécessiterait...

À la Commission des lésions professionnelles, ils siègent de façon paritaire. Donc, c'est une autre réalité. Ça nécessiterait des applications à ce niveau-là, effectivement.

M. Marcoux: Est-ce que pour vous ce n'est même pas un aspect positif, que ce ne soit pas nécessairement le conseil qui l'édicte? Parce qu'il a à l'appliquer subséquemment. Même, lorsqu'on regarde en termes de rôle du conseil, oui, il y a un code de déontologie, et c'est important. Je pense que c'est d'ordre administratif. Et donc le gouvernement l'approuve. Que le conseil, lui, dise: Bon, voici, il y a un code de déontologie, mon rôle maintenant, moi, c'est de l'appliquer... Est-ce que, le fait à la fois de l'édicter et de l'appliquer, il n'y a pas en tout cas un rôle, là, où c'est un peu juge et jugé?

M. McCutcheon (Laurent): Remarquez qu'on s'inspire, dans le domaine, de ce qui se fait au Conseil de la magistrature du Québec, qui édicte son code. Le Conseil canadien, je pense qu'ils n'en ont jamais adopté. Il n'y a pas de code, ils ont un système de valeurs. Ce qui fait loi dans le domaine de la déontologie des tribunaux, c'est la justice des pairs. Donc, on sait que les membres des tribunaux administratifs tiennent à ce que la justice soit celle des pairs et que ce soient les pairs qui énoncent les valeurs auxquelles ils doivent adhérer. C'est le système de valeurs, la réalité, en matière de déontologie. Le fait de confier ça à une instance indépendante comme le Conseil de la justice administrative, ça donne, je pense, un caractère d'indépendance, puisque ce conseil est composé de pairs des tribunaux, de la direction des tribunaux, de représentants des citoyens, du Barreau et de la Chambre des notaires. Je pense que ça lui confère une indépendance où les citoyens peuvent adhérer, et, en ce sens-là, c'est probablement préférable que ce soit fait par une instance indépendante comme celle-là que par le gouvernement, toujours dans le concept, là, de la réalité de la déontologie du monde judiciaire.

n(15 h 30)n

M. Marcoux: Et, tout en ayant beaucoup d'analogies, je comprends, avec le monde judiciaire et avec toute garantie d'indépendance, est-ce que nous sommes dans l'ordre judiciaire ou l'ordre juridictionnel et administratif?

M. McCutcheon (Laurent): Ça, les tribunaux administratifs s'inspirent beaucoup des tribunaux judiciaires dans toute la jurisprudence, dans toutes leurs façons de faire parce qu'ils sont soumis au contrôle judiciaire. Et, s'ils s'en écartent trop, c'est les tribunaux judiciaires qui vont les ramener à l'ordre, hein? Je pense que c'est la réalité du droit administratif qui fait en sorte qu'on ne peut pas s'écarter beaucoup des règles judiciaires, parce que c'est un autre tribunal judiciaire qui va faire le contrôle.

M. Marcoux: Vous parlez évidemment de la liste des ministères et organismes où, en vertu de l'article 178 actuel, le Conseil de la justice administrative a la responsabilité de publier cette liste-là. Vous dites deux choses: si ce n'est pas le conseil qui la publie, il devrait y avoir un organisme au gouvernement qui en serait responsable. Et, si c'était le cas, je ne sais pas si vous avez songé à un de ces organismes-là ou à une des institutions gouvernementales, d'une part. D'autre part, je comprends, d'après l'article actuel, que c'est publié à chaque année. Donc, ma question, une fois que vous aurez répondu à la première, c'est: Est-ce que c'est nécessaire de publier ça à chaque année, ou si ça pourrait être fait à tous les trois ans, par exemple?

M. McCutcheon (Laurent): Bien, à chaque année, finalement on fait une révision de la liste de l'année précédente. À chaque année, il y a des changements dans l'appareil gouvernemental, il y a des structures qui changent. Vous faites partie d'un gouvernement qui propose des changements aussi à ce niveau-là. Donc, à chaque année, je pense qu'il y a nécessité d'une révision. Et il y a quelqu'un qui doit suivre la législation, la réglementation, et, chaque fois qu'il y a une modification, bien il faut voir si ça apporte un changement de classification soit sous l'article 3 ou sous l'article 9 de la loi, de façon à informer les citoyens.

À cet égard-là, je vérifiais tout à l'heure, avant de partir, et je pense qu'il y avait 1 200 personnes, au cours de la dernière année, qui sont allées consulter cette liste pour savoir la classification des différents ministères et organismes. Donc, j'imagine que ça a servi à quelqu'un. On sait qu'il y a eu déjà aussi des décisions de tribunaux qui se sont référées à cette liste-là. Nous, c'est sûr qu'on n'en a pas besoin, hein? Ça ne nous sert à rien, à nous, hein? On tient l'inventaire pour le mettre à la disposition. C'est comme un document de référence finalement, hein, qui est là. Au besoin, les gens vont s'y référer. Mais on n'en fait pas une lecture assidue.

M. Marcoux: Mais est-ce que vous avez songé, par exemple, à quel autre organisme ou à quelle autre instance gouvernementale ça pourrait être confié, cette responsabilité-là?

M. McCutcheon (Laurent): Bien, on s'était dit qu'on faisait un bon boulot, qu'on pouvait continuer de le faire, donc on n'a pas cherché d'autres sources. Ha, ha, ha! Mais effectivement ça pourrait être fait ailleurs. La seule chose, c'est: il faut s'assurer probablement que les gens qui vont le faire ont une certaine indépendance par rapport à l'administration, parce qu'il s'agit de déterminer des règles de fonctionnement par rapport à l'administration: Est-ce qu'on doit avoir une conduite administrative ou juridictionnelle? Donc, il faut que les gens qui vont le faire aient cette indépendance-là pour assurer la crédibilité du processus, je crois.

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre, nous allons devoir passer du côté... Ça va?

M. Marcoux: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Descoteaux): Merci, M. le ministre. Du côté du député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, merci à vous deux de vous être déplacés, M. le président, Me Vaillancourt.

Pour finir où le ministre... pour commencer, plutôt, le ministre a fini... Et là rentrons dans le technique, parce qu'on veut changer quelque chose qui fonctionne et fonctionne bien. D'ailleurs, on est dans les gens qui consultent la fameuse liste. Sur les 1 000 quelques, on est intervenus à quelques reprises. Et d'ailleurs, lors de la commission aussi, on avait demandé à ce que cette liste demeure. J'imagine que ça ne prend pas, là, quatre personnes à temps plein pour réaliser cette liste-là pendant un an, là, c'est quelque chose qui est dans...

M. McCutcheon (Laurent): Non, c'est léger.

M. Bédard: C'est très léger, là.

M. McCutcheon (Laurent): Ça a été du boulot la première année, mais, une fois que la liste est faite... D'ailleurs, même dans la publication, on a adopté une procédure pour alléger, on publie le minimum dans la Gazette officielle et on a une version plus détaillée qu'on met sur le site Internet, avec références. Donc, c'est de moins d'une personne-année, là, qu'on parle.

M. Bédard: C'est parce que je me souviens du contexte où le ministre Bellemare à l'époque proposait l'abolition du Conseil de la justice administrative. C'était aussi dans un souci d'économie des sous, parce qu'il y avait bon les budgets. Il y avait même eu presque une entente sur la table, lors de la commission, sur comment on peut, par rapport au budget actuel, diminuer... tout en ayant le même service, et il m'avait semblé à l'époque que le ministre semblait très ouvert à conserver, dû aux efforts consentis par le conseil, à maintenir un budget adéquat en rendant à peu près les mêmes services. Donc, je me pose la même question que vous, d'autant plus...

Je faisais la réflexion en même temps que le ministre posait la question, mais j'ai de la misère à voir qui pourrait effectivement effectuer cette fonction-là alors que vous le faites avec le personnel que vous avez actuellement, là, dans un souci de bien faire les choses. Parce que quelqu'un qui le reprendrait devrait refaire ce que vous avez fait, là, actuellement. Donc, je ne vois pas d'économie.

M. McCutcheon (Laurent): Je partage votre opinion, dans le sens que ceci est arrivé dans un contexte où on abolissait le conseil et on cherchait vraiment à diminuer les ressources et tout, puis on cherchait par tous les moyens. Mais, à partir du moment où le conseil est maintenu et qu'il a ses ressources qui sont capables de faire le travail, c'est dans ce sens-là qu'on proposait le maintien.

M. Bédard: Merci. Sur les codes, vous m'avez éveillé à quelque chose. Là, vous me dites: Actuellement, il y a seulement la régie qui a un code qui est applicable, qui a été approuvé par le gouvernement.

M. McCutcheon (Laurent): Oui. Les autres ont des dispositions transitoires. C'est des anciens codes qui s'appliquent ou d'autres dispositions.

M. Bédard: Mais, sans tomber dans le secret des dieux, là, qu'est-ce qui justifie des délais aussi grands? Là, on parle de tout près de deux ans entre l'approbation et votre rédaction. Est-ce qu'il y a un terrain de litige? Est-ce qu'il y a une insatisfaction par rapport aux propositions sur le code de déontologie? Est-ce que c'est une mésentente, ou c'est purement de la...

M. McCutcheon (Laurent): Non.

M. Bédard: ...sans parler de négligence, mais de...

M. McCutcheon (Laurent): Au contraire, le code de déontologie applicable aux membres du Tribunal administratif du Québec a fait un consensus, je veux dire, avec les membres du tribunal, et le conseil a été approuvé et il a... là-dessus. Je pense que c'est la réforme, là, de la Loi sur la justice administrative, dont on débat actuellement, qui a mis un petit peu sur la glace le code de déontologie et qu'on a dit: Bon, bien, attendons voir ce qui va se passer. C'est l'explication que je peux donner, là.

M. Bédard: O.K. À votre connaissance... Ça fait combien d'années que vous êtes président, déjà?

M. McCutcheon (Laurent): Sept ans.

M. Bédard: Sept ans. À votre connaissance, est-ce qu'il est déjà arrivé qu'il y ait, par rapport à l'approbation de ce code, une incapacité de s'entendre ou un désaccord sur des dispositions du code, entre ce que vous proposez et ce que le gouvernement souhaite approuver?

M. McCutcheon (Laurent): Je ne sais pas ce que le gouvernement souhaite approuver, il n'y a pas eu d'autre version. Nous, on a transmis la nôtre, qui a été faite avec consultation des membres du Tribunal administratif du Québec, on l'a transmise au ministre de la Justice, et à ma connaissance il n'y a pas eu d'autre version. Donc, il n'y a sûrement pas de contradiction.

M. Bédard: Vous n'avez pas eu d'autres représentations qui ont été faites.

M. McCutcheon (Laurent): Non.

M. Bédard: Est-ce que vous voyez effectivement d'un mauvais oeil de perdre... Actuellement, le gouvernement est soumis à son approbation. Le fait d'inverser les rôles, vous avez une réticence quant à cette inversion des rôles?

M. McCutcheon (Laurent): Bien, nous, on croit qu'en termes d'indépendance, pour assurer la confiance du public dans la justice administrative, on pense que c'est préférable que ce soit fait par une instance comme la nôtre, qui est constituée de représentants du milieu. Il y a les pairs, il y a quatre représentants des tribunaux qui sont des membres, il y a quatre présidents, il y a le Barreau, il y a la Chambre des notaires, il y a les citoyens qui sont là. Donc, je pense que ça, ça confère une indépendance. Et, le fait de faire le code de déontologie, bien je pense que ça contribue...

Vous savez, tous nos efforts et tout ce qu'on fait chez nous n'ont qu'un seul et unique but, c'est d'assurer la confiance du public, hein, parce qu'on n'est pas un ordre disciplinaire, là, ce n'est pas notre objectif de faire de la discipline. On est là pour participer à la confiance du public. Et, chaque fois qu'on met des choses en place ou qu'on agit, c'est toujours dans cet objectif, tout simplement.

n(15 h 40)n

M. Bédard: Oui. Et, si j'ajoutais en vous disant que cette façon de faire va aussi dans le sens d'une réserve par rapport au pouvoir judiciaire, un respect de l'indépendance, vous auriez tendance à être d'accord aussi, puisque le domaine judiciaire opère sur les mêmes règles, et je verrais très... le gouvernement imposer un code aux juges.

M. McCutcheon (Laurent): On propose la même chose que le Conseil québécois de la magistrature.

M. Bédard: Même raisonnement. On est dans le domaine quasi judiciaire, donc...

Dernière question. On parlait du nombre de personnes sur le comité pour la recevabilité. Vous êtes ouverts au fait qu'il y ait une personne autre qu'un membre du conseil qui puisse participer aux travaux? C'est ce que j'ai compris.

M. McCutcheon (Laurent): À la recevabilité?

M. Bédard: À la recevabilité.

M. McCutcheon (Laurent): Bien, il y aurait trois représentants de citoyens, oui.

M. Bédard: Exactement. C'est ce que vous avez proposé. Bon. Et le ministre semble... Sept, il trouve ça élevé. Si on établissait cinq, est-ce que vous souhaitez... S'il était proposé cinq, vous, ce que vous souhaitez, c'est que la majorité soit quand même détenue par les membres de la conférence... pas de la conférence mais des membres du conseil.

M. McCutcheon (Laurent): Bien, si c'était cinq, ça veut dire qu'il y aurait un seul citoyen sur cinq. Ça ferait un citoyen sur... Il y aurait quatre représentants des tribunaux et un seul citoyen à la recevabilité.

M. Bédard: Est-ce que ça pourrait être trois?

M. McCutcheon (Laurent): Pardon?

M. Bédard: Est-ce que ça pourrait être trois membres du conseil?

M. McCutcheon (Laurent): Bien, c'est parce qu'on a quatre tribunaux. Il faut revoir la mécanique à chaque fois.

M. Bédard: 3-2?

M. McCutcheon (Laurent): C'est parce qu'à chaque fois, s'il y a une plainte qui vient d'un tribunal, il faut qu'il y ait un représentant de ce tribunal-là. Donc, on pourrait siéger avec des comités de trois, mais, si on a 10 plaintes à traiter, il faudrait former quatre comités, là, O.K., au lieu d'amener ça... L'idée, c'est qu'on ne ferait pas d'économie en faisant ça. L'objectif, c'est de faire une économie d'échelle. Mais, si on ramène ça à trois, on fait l'inverse, on n'est plus dans le processus d'économie. C'est mieux que le conseil le fasse avec ses 17 membres.

M. Bédard: Merci.

Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Mercier.

M. Turp: M. McCutcheon, je suis content de vous retrouver ici. On se retrouve souvent, l'été, mais dans d'autres lieux, dans d'autres événements très importants.

Moi, ce matin, j'ai posé une question ? et vous venez de donner la réponse ? sur la logique. Il n'est pas normal, il me semble, que l'on crée une situation différente de juges administratifs qui ont un mode de nomination analogue aux juges judiciaires, s'agissant du code de déontologie. Ils sont exactement dans la même situation. Alors, ils devraient avoir la même autonomie, s'agissant de l'adoption du code de déontologie.

Mais est-ce que la logique ne devrait même pas aller plus loin? Est-ce que le gouvernement devrait même approuver... Si on voulait pousser la logique de l'indépendance, est-ce qu'on devrait tout simplement donner finalement aux juges ou au conseil, au Conseil de la magistrature, le pouvoir de finalement adopter un code dont prendrait acte le gouvernement? Est-ce que ce n'est pas jusque-là où on devrait aller?

M. McCutcheon (Laurent): Bien, actuellement, au Conseil de la magistrature, à moins que je me trompe, c'est approuvé par le... Le Conseil de la magistrature va l'édicter, il va le publier dans la Gazette officielle, et le gouvernement va l'approuver. Donc, c'est ce que, nous, on propose aussi de faire.

M. Turp: O.K. J'ai hâte de savoir ce que le gouvernement pense de ça, là.

Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Dubuc.

M. Côté: Oui. Merci. Toujours en relation avec le code de déontologie, dans une petite note que vous avez à votre mémoire, à la note 23, vous dites que le code de déontologie des membres de la Commission des lésions professionnelles a été publié dans la Gazette officielle en l'année 2001 et qu'il n'a pas encore été, là, approuvé par le gouvernement. Alors, est-ce que c'est la même réponse que vous nous donnez? C'est: suite à la réforme administrative, on a préféré mettre ça sur la glace en attendant ou...

M. McCutcheon (Laurent): Je ne peux pas vous répondre à cette question pour la Commission des lésions professionnelles, je ne le sais pas.

M. Côté: Merci.

Le Président (M. Descoteaux): Oui. M. le ministre.

M. Marcoux: Oui. Bien, est-ce que Mme Vaillancourt peut compléter la réponse?

Mme Vaillancourt (Sophie): Le projet de déontologie applicable aux membres de la Commission des lésions professionnelles a été prépublié à la Gazette officielle, en 2002, mais il n'y a pas eu de développement depuis ce temps-là. De même, celui de la Commission des relations du travail n'a pas été prépublié non plus, il n'est pas adopté non plus. Alors, on n'a pas la réponse à savoir pourquoi, là, ces codes-là n'ont pas été adoptés, à ce jour, par le gouvernement.

Le Président (M. Descoteaux): Ça va? Oui, M. le ministre.

M. Marcoux: Peut-être que l'opposition me permettra, c'est vraiment de poser une question reliée au comité de... Je poursuis, là.

M. Bédard: Si le ministre fait preuve de la même ouverture, il n'y a aucun problème.

Le Président (M. Descoteaux): Parfait.

M. Marcoux: Oui. Bien, écoutez, là, c'est parce que vous avez parlé d'un comité de sept, d'un comité de trois, et, pour certainement poursuivre, là, une question que le député de Chicoutimi vous a demandée, est-ce qu'on pourrait prévoir... Puis je n'y ai pas réfléchi plus que ça, là. Mais vous dites que, pour chacun des organismes, il faut un membre, dans le fond, d'un de ces organismes-là, et je comprends que c'est peut-être compliqué de dire: On le constitue à chaque fois, là, ce qui semble être le cas avec la proposition ici. Mais de dire: Pour chacun des organismes, ce sera un comité de trois, mais qui sera nommé de façon permanente... En d'autres termes, le conseil dit: Écoutez, pour la Commission des lésions professionnelles, s'il y a des plaintes, voici, on forme un comité pour un mandat de un an, deux ans, comme ce serait pour le comité de sept, et, s'il y a une plainte, par exemple, venant relativement à un commissaire de la Commission des lésions professionnelles, c'est ce comité de trois là, qui est permanent, qui en prend acte et qui fait le suivi. Si c'est pour le TAQ, ce sera l'autre comité. Donc, oui, il y a une permanence, vous n'êtes pas obligés de le constituer à chaque fois. Et puis c'est un comité de trois, au lieu d'en avoir sept, pour juger l'ensemble des plaintes.

M. McCutcheon (Laurent): Dans l'objectif de la permanence, là, ce n'est pas strictement au niveau fonctionnel, il faut que... La recevabilité des plaintes, c'est le seul moment où les membres des tribunaux ont un regard sur les plaintes qui rentrent. Donc, s'il rentre une plainte qui vient d'un tribunal, l'autre tribunal présent est capable d'assurer la cohésion de tout ça, revenir dans son tribunal, et ça sert beaucoup à des fins éducatives et de formation. Parce que, s'il y a un membre, par exemple, qui a un type de conduite, il faut que ce soit repris après ça. Puis, dans le même tribunal, il faut que quelqu'un à l'intérieur du tribunal, que la direction, le membre représentant soit capable de travailler après ça au niveau de la formation de ses collègues pour ne pas que ça se répète. Et le but ultime, comme je disais au début, pour nous, c'est d'éviter qu'il y ait des plaintes, et on travaille beaucoup à ce niveau-là.

Il y a des programmes de formation. Me Vaillancourt fait le tour des tribunaux pour voir: voici ce qui s'est passé, le type de plaintes. Actuellement, c'est étudié par le conseil. Donc, les quatre présidents sont là avec les représentants, ils voient une situation, ils disent: Bon, je pense que, ça, il faudrait le corriger. Je vous donne un exemple. Récemment, il y avait une plainte, quelqu'un qui dit: Le membre ne s'est pas présenté, on ne sait pas devant qui on a plaidé. Moi, ça me semble essentiel que, quand on est membre d'un tribunal, on se présente. Bien, là, on dit: Il faut corriger ça, il faut que ce soit corrigé pour l'ensemble du monde, pas juste pour une personne. Donc, ça sert à des fins aussi pédagogiques, éducatives.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien.

M. Marcoux: O.K. Merci.

Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Chicoutimi, quelque chose découle de ça? Question additionnelle?

M. Bédard: Non, non.

Le Président (M. Descoteaux): Merci, M. McCutcheon, merci, Me Vaillancourt, de votre présence devant la commission. Nous allons suspendre quelques instants pour recevoir nos prochains invités.

(Suspension de la séance à 15 h 49)

 

(Reprise à 15 h 51)

Le Président (M. Descoteaux): Nous allons poursuivre. Bienvenue au Barreau du Québec devant la Commission des institutions. Mme la bâtonnière, bienvenue à vous. Si vous voulez nous présenter les membres de votre panel. Vous aurez par la suite 15 minutes pour la présentation du mémoire, suivies de deux périodes respectives de 15 minutes.

Barreau du Québec

Mme Lemieux (Madeleine): Bonjour, M. le Président. Merci de nous avoir invités à la commission parlementaire sur le projet de loi modifiant la Loi sur la justice administrative. Je suis accompagnée de Me Marc Sauvé, à ma droite, du Service de recherche et de législation du Barreau, et, à ma gauche, de Me Janick Perreault et de Me Louis Masson, qui sont tous deux avocats spécialistes en droit administratif. Ça va?

Le Président (M. Descoteaux): Si vous voulez débuter.

Mme Lemieux (Madeleine): Alors, M. le ministre, nous avons accueilli avec beaucoup de plaisir et de satisfaction le dépôt du projet de loi n° 103 parce que, comme nous l'avons indiqué dans notre lettre, ça fait 30 ans que le Barreau réclame que les membres du Tribunal administratif soient nommés durant bonne conduite. L'inamovibilité est hautement souhaitable pour que la confiance du public dans des décideurs indépendants et impartiaux soit présente dans notre système de justice. Nous rappelons, dans notre lettre, les garanties constitutionnelles de l'article 23 de la charte, dont je ne ferai pas lecture.

La question du renouvellement des mandats aux cinq ans n'était pas suffisamment transparente, n'est pas suffisamment transparente et laisse encore trop de discrétion à l'exécutif, surtout si le renouvellement des mandats dépend de l'évaluation des membres et des besoins du tribunal. Il y a des questionnements qui sont soulevés quant au respect des garanties requises. Alors, il faut toujours garder à l'esprit que, pour le citoyen, le régisseur, le commissaire, le membre d'un tribunal, c'est un juge qui a le pouvoir de décider de ses droits.

Les mécanismes d'évaluation nous apparaissent tout à fait acceptables dans la mesure où ils n'affectent pas justement cette indépendance et cette impartialité. Donc, une évaluation qui a comme qualité d'être une évaluation formative et qui n'est pas reliée à la rémunération et au travail comme tel dans le tribunal ne soulève pas de problème.

Je vais aborder plus précisément certaines dispositions de la loi pour... En fait, je vais traiter dès maintenant, là, de la question des professionnels qui sont suspendus ou radiés.

L'article 13 du projet de loi prévoit que le professionnel suspendu ou radié en application du Code des professions ne peut agir comme représentant devant le Tribunal administratif. Il est bien évident que le Barreau appuie, sous réserve de certains commentaires, cette proposition qui va définitivement dans le sens de la protection du public. Cependant, il n'y a pas que la suspension et la radiation, et nous croyons qu'une formulation plus générique, si je puis dire, serait plus susceptible de protéger le public. Nous tenons à rappeler également que le Barreau ou les autres ordres professionnels n'ont aucun pouvoir de contrôle à l'égard des non-membres, qui n'offrent aucune garantie de compétence, de déontologie, d'assurance et d'indemnisation qui viennent avec l'appartenance à un ordre professionnel.

Avec les années, des exceptions au droit exclusif des avocats de représenter autrui devant les tribunaux se sont multipliées. Il serait opportun pour le ministère de la Justice, en collaboration avec le Barreau, d'examiner les impacts de ces exceptions prévues à 128.2 de la Loi sur le Barreau, toujours en regard de la protection du public.

Si je reviens un peu sur la question de l'évaluation, nous nous sommes interrogés ? je parle de l'article 11 qui vient modifier l'article 75 ? nous nous sommes interrogés sur les conséquences d'une mauvaise évaluation pour un membre et quels seraient ses recours s'il n'est pas d'accord avec une telle évaluation. Nous sommes d'avis également qu'il y aurait lieu de baliser un peu plus les périodes auxquelles une personne peut être évaluée, toujours pour éviter un climat de tutelle qui serait incompatible avec des valeurs d'indépendance.

Les critères de l'intérêt au travail et de la disponibilité paraissent de nature plutôt subjective et pourraient à la limite mener à une évaluation arbitraire, tout comme les critères du nombre de dossiers traités, du nombre de décisions rendues peuvent rendre à une évaluation qui cette fois-ci est trompeuse. Alors, le Barreau est d'avis qu'il faut préciser, dans la loi elle-même, la finalité de l'évaluation, c'est-à-dire une évaluation formative, et faire en sorte que l'inamovibilité et la rémunération des membres ne dépendent pas de critères de performance et de rendement. Si les membres sont nommés durant bonne conduite, la notion de bonne conduite doit demeurer de nature disciplinaire. Nous référons le législateur à la proposition du Tribunal administratif du Québec de prévoir que l'évaluation des membres doit s'effectuer en fonction de leur contribution dans le traitement des dossiers du tribunal et l'atteinte des objectifs visés par la Loi sur la justice administrative.

Nous avons pris connaissance du programme de formation continue et d'évaluation proposé par le TAQ, dans un contexte d'inamovibilité, et nous sommes d'avis que cette approche est tout à fait louable pour atteindre les objectifs prévus. Nous sommes d'accord également avec les pouvoirs discrétionnaires élargis accordés au président du tribunal concernant le nombre de membres par formation qui sont appelés à instruire et décider des recours. Cependant, nous souhaitons que demeurent publiées les décisions du président à cet égard dans le rapport annuel du tribunal. Nous souhaitons une transparence à cet égard et nous réitérons que l'avocat est celui qui répond le mieux aux exigences de la fonction judiciaire ou quasi judiciaire. L'avocat connaît les règles de preuve, connaît les règles de procédure et connaît par son expérience le droit propre au litige.

Le Barreau a toujours insisté pour que les bancs de décideurs comptent au moins un avocat. L'absence d'un décideur juriste sur le banc serait de nature à placer un citoyen dans une situation défavorable face à l'État, puisque ce dernier est, la plupart du temps, représenté par un avocat et, j'ajouterais, par surcroît un avocat spécialisé.

Nous attirons, à l'article 13, l'attention du législateur sur le fait que les cas donnant ouverture à la suspension et la radiation d'un professionnel ne sont pas les seuls à comporter un risque. Alors, toute sanction, limitation ou inhabilité ayant un lien avec l'aptitude ou la capacité d'un professionnel à représenter autrui devant le tribunal devrait être considérée.

Nous nous opposons à l'abolition de l'article 178 de la loi, qui prévoit que le Conseil de la justice administrative publie la liste des ministères et des organismes qui constituent l'administration gouvernementale au sens de l'article 3 de cette même loi, de même que les organismes et autorités décentralisés visés à l'article 9. Une telle publication est utile et elle est même nécessaire pour que les citoyens puissent bien connaître les rôles des ministères et organismes qui constituent l'administration. Finalement, nous nous sommes interrogés sur l'idée que le code de déontologie des membres du tribunal soit non pas adopté par le Conseil de la justice administrative, mais plutôt par le gouvernement. À notre avis, par respect pour l'indépendance du tribunal, il serait préférable que ce soit le conseil, et non pas le gouvernement, qui édicte par règlement le code de déontologie applicable aux membres du tribunal. Ceux-ci devraient avoir ce pouvoir, sujet à l'approbation du gouvernement.

En conclusion, le Barreau est d'avis que le projet de loi n° 103 doit être adopté dans les meilleurs délais. La nomination des membres du Tribunal administratif selon bonne conduite constitue un pas très important vers une justice administrative davantage indépendante et impartiale. Les dispositions concernant l'évaluation des membres suscitent cependant certaines interrogations qui peuvent aisément être corrigées. En conclusion également, il n'est pas souhaitable que le gouvernement se garde le pouvoir d'édicter le code de déontologie, qui ne devrait pas être retiré du monde de la justice administrative.

Ça termine mes propos, et mes collègues qui sont présents avec moi pourront répondre aux questions que M. le ministre et l'opposition souhaitent nous poser.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien, Me Lemieux. M. le ministre.

M. Marcoux: Oui. Merci, M. le Président. Merci, Mme la bâtonnière, Me Sauvé, Me Perreault et Me Masson, et merci pour votre présentation. Et je suis certainement heureux de voir que globalement c'est un projet de loi auquel le Barreau souscrit.

n(16 heures)n

Il y a certains éléments que vous soulevez dans votre lettre et votre présentation, donc je vais vous poser quelques questions à cet égard-là. Le premier commentaire que vous faites est relatif à l'évaluation, et, moi, enfin il m'apparaît qu'il est souhaitable en tout cas qu'il y ait une évaluation. Nous en avons discuté, ce matin, avec le président d'ailleurs du Tribunal administratif du Québec. Je comprends que c'est peut-être un peu subjectif, là, puis je suis très sensible à ça. Quand vous soulignez de tenir compte du nombre, de la nature des dossiers, etc., je reconnais que les dossiers peuvent être plus ou moins longs, ça peut dépendre de la nature justement des dossiers qui sont traités ou qui sont devant le banc du TAQ. Mais, si on parle des connaissances, des habilités, même de la... pas de la qualité de la décision, mais de la qualité de la justice administrative, en référant à la clarté, à la précision, à la concision dans la rédaction des décisions, est-ce que ce ne sont pas des critères normalement qui sont tout à fait acceptables dans le cadre d'une évaluation?

Le Président (M. Descoteaux): Me Lemieux.

Mme Lemieux (Madeleine): Je vais me permettre une courte réponse et je verrai si mes confrères veulent ajouter... L'évaluation des membres des tribunaux est souhaitable, nous sommes d'accord avec cette idée. Les critères énumérés à l'article 11 du projet de loi apparaissent à première vue comme les bons critères sur lesquels évaluer mais contiennent tous aussi une part de subjectivité telle qu'en l'absence d'une finalité indiquée à l'article de loi... Et c'est la recommandation que nous faisons, de tout simplement indiquer la finalité de l'évaluation, de sorte qu'ils ne serviront qu'à diriger quelqu'un vers le type de formation dont il a besoin ou à apporter des correctifs bien précis à ce sujet-là. Ce n'est pas d'éliminer les critères dans l'article de loi mais plutôt d'indiquer la finalité. Je ne sais pas si vous souhaitez...

M. Sauvé (Marc): Et, peut-être pour ajouter, la question de la finalité à des fins formatives, ça a fait l'objet, pensons-nous, d'un certain consensus lorsqu'il y a eu des consultations publiques sur le projet de loi n° 35, et ça nous apparaît d'autant plus important qu'on ne voudrait pas voir se développer un double standard de la notion de bonne conduite: une bonne conduite pour les tribunaux judiciaires et une bonne conduite pour les tribunaux administratifs. Pour nous, c'est le même critère, c'est la même norme qui doit s'appliquer pour ces deux niveaux de...

M. Marcoux: Vous permettez? Parce que tantôt vous avez référé, Me Lemieux, et à bon droit, que ça ne doit pas être relié à la rémunération ? j'en conviens ? et ça, c'est déjà clair dans le Règlement sur la rémunération et les autres conditions de travail des membres du Tribunal administratif du Québec. Donc, la rémunération, là, elle est la même pour tout le monde, et c'est mathématique. Donc, l'évaluation ne peut pas influer sur la rémunération. Donc, regardez l'article 9 ? à moins que je me trompe ? du règlement, c'est clair Et ça existe aussi, ce que je voudrais... ça existe déjà, dans le fond, l'évaluation, en vertu du règlement actuel. Si on va à l'annexe IV, et tout ça, de ce que je comprends, ça existe également pour les autres organismes, comme la Commission des lésions professionnelles, la Régie du logement, la Commission des relations de travail. Alors, pourquoi doit-il y avoir une différence, là, importante entre les membres du Tribunal administratif du Québec et les autres organismes, d'autant plus qu'actuellement, si je comprends, c'est à peu près la même chose?

Mme Lemieux (Madeleine): Ça fait de nombreuses années... Vas-y.

Le Président (M. Descoteaux): Me Masson.

M. Marcoux: Pardonnez-moi si je suis dans le champ gauche, là, évidemment.

M. Masson (Louis): Écoutez, nos propos évidemment n'ont pas porté sur les autres tribunaux, nous nous sommes arrêtés à la préoccupation de ce tribunal qui se dote maintenant de très hauts standards en termes de valeurs démocratiques. Quand on parle d'une réelle indépendance quasi judiciaire, eh bien, nous formons un tribunal dont le Québec peut être très fier dans la communauté internationale. Et, dans cette mesure-là, les critères qui correspondent bien sûr à la clarté, et à la précision, et à la concision sont déjà dans la loi. Donc, il nous est apparu, je ne dirais pas inutile, mais enfin, oui, peut-être, pas nécessairement en tout cas utile de les reproduire ici. Et, les autres critères ayant un aspect qui pouvait à nos yeux revêtir un aspect non pas formatif, mais peut-être sommatif, voire même disciplinaire, il nous est apparu opportun d'attirer l'attention du législateur sur ce que j'appellerai peut-être une espèce de distorsion dans les normes qui doivent régir les membres du Tribunal administratif.

Donc, maintenant, je n'ai pas de réponse pour les autres. Il est vrai qu'à l'époque on n'a pas fait de représentation à cet égard-là. Ici, nous avons l'occasion de le faire, le législateur nous écoute, et nous avons cru opportun de le suggérer.

M. Marcoux: Merci. Vous avez également souligné l'aspect de l'article 13, là, où on modifie l'article 102 concernant le professionnel suspendu ou radié en vertu du Code des professions ou d'une loi professionnelle, qui ne peut agir comme représentant. Actuellement, évidemment, et vous l'avez souligné, des parties, dans certains nombres de cas, peuvent se faire représenter par une personne de leur choix, notamment devant la Section des affaires sociales et d'autres. Donc, d'éliminer les professionnels...

Un professionnel qui serait suspendu ou radié, vous dites: Nous sommes d'accord avec ça. Ça s'appliquerait également à la Commission des lésions professionnelles. Maintenant, vous dites: Nous devrions l'élargir davantage. Pourriez-vous peut-être expliciter un peu plus l'impact de votre proposition quand vous dites: On devrait l'élargir davantage et considérer toute sanction, limitation ou inhabilité ayant un lien avec l'aptitude ou la capacité d'un professionnel à représenter autrui devant un tribunal? Qu'est-ce que vous proposez?

Le Président (M. Descoteaux): Me Lemieux.

Mme Lemieux (Madeleine): Nous faisons référence à l'ensemble des pouvoirs qui sont donnés par le Code des professions aux ordres professionnels pour limiter la pratique. Par exemple, le code a été amendé récemment de façon à ce qu'un ordre puisse, lorsqu'il considère que l'état de santé d'un professionnel est incompatible avec l'exercice de ses fonctions, limiter ou suspendre carrément son droit de pratique jusqu'à ce que les rapports médicaux nous soient fournis. Autrefois, nous étions forcés d'attendre le résultat des rapports. Alors, nous pouvons en situation d'urgence. Il est possible aussi de limiter, non pas suspendre et non pas radier un professionnel, mais de limiter son droit de pratique en raison de problèmes particuliers de compétence.

Alors, ces pouvoirs-là, qui sont donnés aux ordres professionnels, d'encadrer l'exercice de la profession quand c'est relié à la compétence ou à la capacité du professionnel d'exercer son métier devraient avoir leurs pendants lorsqu'on veut reconnaître, dans une autre loi, les effets de telles décisions prises par un ordre professionnel. C'est ce à quoi nous faisons référence tout particulièrement.

M. Marcoux: Maintenant, dans le premier cas que vous mentionnez, là, qui fait suite à une modification en 2004, est-ce qu'à ce moment-là c'est une suspension? Et, si oui, est-ce que...

Mme Lemieux (Madeleine): On parle de 52.1.

M. Marcoux: ...si, oui, si c'est une suspension, est-ce que ce n'est pas déjà couvert par le texte qui est proposé dans le projet de loi n° 103?

Mme Lemieux (Madeleine): On parle de le radier du tableau ou limiter ou suspendre son droit d'exercice. Alors, il y a trois possibilités, là. On parle de radiation, on parle de limitation ou de suspension. Et, dans le projet de loi que nous regardons, on parle de suspension ou de radiation. Alors, la limitation qui vise directement la compétence ou l'état de santé pourrait échapper. Alors, quelqu'un que nous jugeons trop malade pour exercer sa profession pourrait quand même représenter des gens devant le TAQ. Les cas de l'article 122 sont des cas d'inhabilité. Ça, c'est la Loi sur le Barreau.

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre.

M. Marcoux: Et l'article du Code des professions, c'est?

Mme Lemieux (Madeleine): 52.1. Ce que je vous lisais, là, c'était 52.1.

M. Marcoux: Donc, vous dites: Ça devrait être étendu non pas seulement à la suspension ou radiation, mais également...

Mme Lemieux (Madeleine): Limitation.

M. Marcoux: ...à la limitation. Limitation. Et c'est suffisamment clair, ça, pour vraiment...

Mme Lemieux (Madeleine): Ou inhabilité. Ce que nous pensons, là, sanction, limitation ou inhabilité. «Sanction» va être compris comme «radiation», là.

n(16 h 10)n

M. Marcoux: Suspension, limitation ou inhabilité, là, vous faites le tour, à ce moment-là.

Mme Lemieux (Madeleine): Oui, tout à fait. Et c'est simplement pour ajuster ce langage-là au langage de l'autre loi, qui est la loi-cadre, pour ces situations-là.

M. Marcoux: O.K. Relativement au code de déontologie, ce que vous suggérez, c'est de maintenir en quelque sorte la situation actuelle où le Conseil de la justice administrative peut édicter, subséquemment soumis à l'approbation du gouvernement. Pour les autres organismes, que ce soit la Régie du logement, la Commission des lésions professionnelles, la Commission des relations du travail, si je comprends, c'est le gouvernement qui adopte le code. Est-ce que c'est exact?

Le Président (M. Descoteaux): Me Masson ou Me Lemieux?

Mme Lemieux (Madeleine): Dans le cas des régisseurs de la Régie du logement, ce sont les régisseurs, en assemblée, qui ont adopté leur code, qui a été subséquemment approuvé par le gouvernement. Pour ce qui est des deux autres organismes, j'ignore, pour la CLP et la CRT, quel a été le procédé utilisé pour adopter ce code.

M. Masson (Louis): Il n'y en a pas, de toute façon.

Mme Lemieux (Madeleine): Il n'y en a pas? Bon.

M. Marcoux: Est-ce que ce n'est pas aussi souhaitable que ce soit le gouvernement, sur consultation évidemment, là, des membres du tribunal, du vice-président, et tout ça, qui l'adopte et que le conseil subséquemment applique évidemment ? et ça, c'est bien important ? les règles déontologiques? Est-ce que c'est nécessaire que ce soit le Conseil de la justice administrative qui édicte lui-même le code de déontologie? Parce que le conseil évidemment est assez varié comme composition.

M. Masson (Louis): Bien, à cet égard-là, il nous est apparu que le code de déontologie était une matière qui relevait de l'indépendance quasi judiciaire. C'est la raison pour laquelle, à l'instar de ce qui se produit devant nos tribunaux judiciaires québécois... Bien sûr, il n'y a pas de code de déontologie pour les juges fédéraux. Il y a un code de déontologie pour les juges nommés par l'autorité provinciale, les juges de la Cour du Québec et les juges municipaux. Donc, participant à cette indépendance quasi judiciaire, il nous est apparu que le conseil est un organisme qui participait à cette indépendance quasi judiciaire, et c'est la raison pour laquelle il devait être l'initiateur du code de déontologie, quitte à ce que le gouvernement en soit l'organisme qui l'approuve. Cela nous apparaît correspondre à l'équilibre entre la recherche de la préservation de ce dit standard d'indépendance et en même temps les attentes du public envers ce type de code de déontologie dont l'approbation par le gouvernement peut être le reflet. Donc, il nous apparaît que c'est là le maintien d'un sain équilibre.

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre, une minute.

M. Marcoux: Oui, rapidement. Ce que vous avez mentionné, c'est que le code évidemment a été édicté par le conseil. Mais je pense que ça avait été mis sur la glace, parce qu'il y a eu des projets de modification, de révision de la Loi sur la justice administrative, là. Mais est-ce qu'à ce moment-là, s'il est édicté par le Conseil de la justice administrative, soumis à l'approbation du gouvernement, ça implique que le gouvernement peut le modifier, s'il est soumis, ou si simplement il l'adopte? Oui ou non?

M. Masson (Louis): Nous ne le croyons... c'est-à-dire nous croyons qu'il ne serait pas opportun que le gouvernement se préserve un pouvoir de modification, compte tenu du fait qu'il s'agit là d'une matière qui touche l'indépendance quasi judiciaire. Évidemment, nous connaissons les débats qu'il y a eu à l'égard du Code des professions, il y a plusieurs années maintenant. Le gouvernement n'avait pas le pouvoir de le modifier. Maintenant, on a amendé la loi. Mais, lorsque nous traitons de principes fondamentaux comme l'indépendance quasi judiciaire, il nous apparaît souhaitable que le gouvernement soit limité à un pouvoir d'approbation.

M. Marcoux: Merci.

Le Président (M. Descoteaux): Merci, M. le ministre. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci. Bonjour à Mme la bâtonnière et à ceux qui vous accompagnent, Me Sauvé, Me Masson, maître... J'oublie votre nom, j'avais Janick Tremblay, parce que ma femme s'appelle Janick Tremblay, mais...

Mme Perreault (Janick): Janick Perreault.

M. Bédard: O.K. Excusez-moi. Merci.

Tout d'abord, un commentaire sur la déontologie. Je ne veux pas faire une grande bataille là-dessus, mais il y a une question de cohérence. C'est simplement cela, là. Tu ne peux pas nommer selon bonne conduite, il y a comme un souci d'assurer cette indépendance, une meilleure indépendance. Mais en même temps de retirer quelque chose qui n'est pas fondamental mais qui va avec l'indépendance, qui est celui que les juges font leur propre code et que le gouvernement approuve... Et c'est simplement ça. Il y a une cohérence à avoir. C'est comme si on pigeait dans les deux talles, dans les deux plats actuellement alors que tout va vers cette reconnaissance d'un plus haut standard d'indépendance des juges administratifs. Là, je vais arrêter, c'est plus un commentaire, je vous dirais, parce qu'on pourrait en parler pendant des heures. Mais en vrai il y a comme une cohérence à avoir. Alors, ce n'est pas que ce n'est pas bon, ce qu'il y a, c'est que ce n'est pas cohérent avec celui d'assurer une plus grande indépendance.

Deux choses. Votre mémoire n'aborde pas la question de la régionalisation. Vous savez à quel point ça me tient à coeur et je sais à quel point cela vous tient à coeur. Et je me souviens des représentations du Barreau sur le projet de loi n° 35, où le Barreau s'était montré très sensible à notre proposition ? le ministre aussi d'ailleurs était d'accord ? à celle d'attacher la régionalisation avec bon des précautions particulières au niveau de la réglementation afin de s'assurer d'une stabilité justement de cette régionalisation. Vous avez le projet de loi devant vous, et là on laisse ça un peu... Et en toute confiance, moi, je pense que le président actuel, M. Forgues, est quelqu'un qui a ce souci d'une grande régionalisation, sauf que c'est une discrétion quasi... discrétion qui est laissée au président du tribunal.

Est-ce que vous pensez qu'il serait nécessaire, si on a vraiment cette volonté de régionaliser, de l'inclure et de l'enchâsser dans une réglementation?

Mme Lemieux (Madeleine): Me Perreault va compléter ma réponse. Je n'utiliserais peut-être pas le terme «nécessaire», mais il serait hautement souhaitable qu'il y ait une indication législative de cette volonté d'assurer la justice en région. Et le Barreau et les avocats de province, nous l'avions dit en salon rouge, il y a un an, en examinant le projet, et nous avions relaté des événements, des incidents qui faisaient en sorte que ça militait en faveur de cette...

Vous savez, la loi parle aux citoyens, puis elle parle aux tribunaux, puis elle parle à tout le monde. Elle dit: Ah! bien, voici comment vous devriez vous comporter. Alors, c'est la position du Barreau, et Me Perreault pourrait sûrement compléter avec sa propre expérience.

Le Président (M. Descoteaux): Oui, Me Perreault.

Mme Perreault (Janick): J'abonde dans le même sens, là, qu'il faudrait que la loi oblige à cette régionalisation et qu'il y ait des modalités, que ce soit par règlement ou dans la loi, mais qu'il y ait des précisions sur cette régionalisation. J'étais venue en commission parlementaire sur les autres projets de loi et j'avais soulevé quelques problématiques. Alors, pour les citoyens, c'est un sérieux problème. Il y a eu d'autres personnes aussi qui ont fait des représentations, qui mentionnaient non seulement qu'il y avait des problèmes au niveau de l'endroit où les audiences étaient tenues, mais même du délai que ça pouvait prendre dans certaines régions pour avoir la tenue d'une audience. Alors, je pense que c'est clair qu'on ne peut pas laisser ça au bon vouloir actuel du président, qui effectivement fait des efforts en ce sens-là, mais je pense que ça doit être enchâssé dans la loi ou dans un règlement, là. C'est un point très important, d'autant plus qu'il n'y a pas la fusion avec la... La CLP n'a pas été reprise dans le projet de loi, ce qui aurait permis, là, que les greffes soient utilisés. Alors, je pense qu'il faut d'autant plus prévoir dans la loi des dispositions à cet égard.

M. Bédard: Je suis entièrement d'accord avec vous, d'autant plus justement qu'on a perdu ce côté de fusion de la CLP. Donc, elle est encore plus précaire, en vrai. Les justifications pour aller à l'encontre risquent d'augmenter. Donc, il faut créer ce mouvement. Et parfois on peut donner des indications. Il vient un moment où il faut donner des intentions très claires, et le gouvernement, à ce que je me souvienne, parle par lois et par règlements, et par décrets aussi. Dans ce cas-ci, je pense que ce serait justifié, et c'est en cohérence avec les représentations que vous aviez faites lors du projet de loi n° 35.

Autre élément plus technique un peu, je regarde à l'article 16 du projet de loi, on y prévoit ? et je sais votre souci par rapport aux délais, là ? on y prévoit que le tribunal, «lorsqu'une preuve portant sur un élément essentiel lui est présentée sans avoir été préalablement fournie à l'autorité administrative en cause, [il peut suspendre] l'instance pour la période qu'il fixe afin que cette autorité puisse l'examiner et, le cas échéant, modifier sa décision. [Et,] si, à l'expiration de ce délai, la contestation est maintenue, le tribunal l'entend comme s'il s'agissait d'un recours sur la décision originale.» Est-ce que vous pensez qu'une telle modification est utile?

n(16 h 20)n

Mme Perreault (Janick): Je crois même qu'elle risque d'entraîner des délais. Je pense que le souci d'accélérer la justice administrative fait partie des objectifs de ce projet de loi. Alors ça, ça va allonger les délais. Et c'est d'autant plus inutile que l'article 142 de la Loi sur la justice administrative prévoit déjà l'obligation en fait pour le tribunal de laisser la chance à toutes les parties de commenter et de prendre connaissance des éléments de preuve qui sont soumis au tribunal. Donc, il m'apparaît superflu d'ajouter une disposition en ce sens-là.

Et cette disposition va permettre à une partie de demander des délais supplémentaires, et là on va prolonger, prolonger, prolonger encore les fameux délais, qui sont un problème. Alors, je pense qu'avec l'article 142, qui prévoit qu'il n'y a aucune décision qui peut être rendue sans que chacune des parties ait pu prendre connaissance de tous les éléments de preuve, 116.1 devrait être enlevé du projet de loi.

M. Bédard: Parce que c'est très large. C'est ça? Une preuve, c'est un élément essentiel, ça peut être une expertise, ça peut être un nouveau...

Mme Perreault (Janick): C'est ça, et d'autant plus qu'il y a des problèmes avec les révisions administratives et il y a plusieurs citoyens qui vont compléter leur preuve lorsqu'ils sont rendus devant le Tribunal administratif. Alors, il est évident que la grande majorité des documents qui vont être produits au tribunal sont des éléments essentiels de preuve, là. Alors, ça va permettre trop de délais...

M. Bédard: Il y a peu de modifications. Comme vous parlez de la révision administrative, là, ça fait un bon moment que j'ai arrêté de pratiquer, mais la qualité de la révision évidemment est essentielle, et, je me souviens, sur le projet de loi n° 35, la CLP, la révision semblait mieux aller. En ce qui concerne les décisions des autres instances administratives, Assurance automobile, et autres, là, on semblait déçu de cette révision, dû, entre autres, au fait qu'il n'y avait pas réellement de véritable révision. Autrement dit, on n'assurait pas une certaine indépendance, un regard neuf du décideur en révision.

Je n'ai pas eu de commentaire là-dessus, mais vous avez regardé le projet de loi actuellement. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait lieu... Parce que, lorsqu'il y a une bonne révision, une vraie révision, autrement dit lorsque quelqu'un regarde ? ce n'est pas le décideur mais vraiment quelqu'un d'autre qui n'est pas dans le bureau à côté de lui, finalement ? et, lui, il dit: Bon, je constate effectivement qu'il y a un problème d'appréciation et je renverse la décision, donc ça évite de faire appel au TAQ, des délais normaux et habituels. Est-ce que vous pensez que le projet de loi aurait dû contenir certaines améliorations à apporter au processus de révision des instances administratives?

Mme Perreault (Janick): En fait, non seulement au processus de révision, mais ce que le projet de loi devrait prévoir... Je pense que, de tous les projets de loi sur la justice administrative qui ont été présentés, il y a toujours eu cette problématique de délai. On veut que la justice administrative soit rapide et efficace. Il y a un problème actuellement au sein des administrations, c'est qu'il n'y a pas de délai pour rendre une première décision. Alors, c'est beau qu'on prévoie des délais pour accélérer la prise de décision lorsqu'il y a une contestation, comme par exemple le délai, là, où on oblige, à l'intérieur d'un délai de 90 jours, à la révision de rendre sa décision, il n'en demeure pas moins que, tant et aussi longtemps qu'on n'a pas la décision sur laquelle on peut prétendre qu'elle est injuste, on ne peut pas contester, et donc les délais courent, et c'est une problématique qui est importante à l'égard de plusieurs administrations. Donc, dans la mesure où on modifie la Loi sur la justice administrative, il y a les articles 1, 2 et 4 de la loi qui font des énoncés de principe, que les administrations doivent rendre des décisions dans un délai... avec célérité, avec diligence, etc., mais je pense qu'il faut aller au-delà de ça et imposer clairement un délai.

Comme par exemple, l'exemple du 90 jours pour la révision administrative si la décision n'est pas rendue, où, là, le citoyen peut s'adresser directement au Tribunal administratif, je pense que ce délai-là devrait aussi être imposé lors d'une réclamation d'un citoyen, pour qu'il y ait une première décision, parce que sinon on a beau régler les délais lorsqu'on est en contestation, si on ne règle pas les délais au départ, les citoyens vont être encore aux prises avec d'énormes délais.

M. Bédard: Comme on est sur ces délais, il y avait une autre petite problématique qui concernait la transmission des dossiers de l'instance administrative vers le Tribunal administratif du Québec, et j'ai vu... Bien, il faut la nommer, là. La Société de l'assurance automobile du Québec a un passé pas très reluisant à ce niveau-là, et ce que j'ai vu, c'est que, l'année passée... l'autre année... plutôt il y a deux ans, les délais de transmission sont redevenus à peu près normaux. On sait que c'est 30 jours normalement quand la décision est prise. Donc, le dossier est fermé dans l'instance administrative, on renvoie le dossier. Cette année, comme par hasard, et sans vouloir imputer de motifs à personne, on a doublé, presque triplé à nouveau les délais.

Est-ce que vous pensez que, cette indication du délai de 30 jours, on devrait l'assortir d'une pénalité quelconque ou de quelque chose d'un peu plus coercitif pour obliger l'administration à faire le minimum, à respecter un délai qui est simplement: Transmettez votre dossier au Tribunal administratif pour qu'on raccourcisse... Parce que le TAQ n'a aucun contrôle sur la réception de ces dossiers-là. Est-ce que vous pensez qu'il y a lieu de serrer, de donner un petit tour de vis un petit peu plus fort?

Mme Perreault (Janick): En fait, si le passé est garant du futur, les dernières années ont été désastreuses à l'égard des délais de transmission des dossiers, et tout le processus est retardé en raison de ça. Alors, que ce soit pour la conciliation, les conférences de gestion, etc., on demande toujours que le dossier soit complet et que le dossier, entre autres, de l'administration soit transmis avant de fixer de telles séances. Alors, c'est une problématique. Effectivement, le délai de 30 jours ne semble qu'être une indication actuellement plutôt qu'une obligation. Alors, oui, ce serait une bonne idée de l'assortir d'une pénalité, là.

M. Bédard: Un peu plus coercitif.

Mme Perreault (Janick): Oui.

M. Bédard: Rapidement ? et là je regardais ma liste de choses ? sur les frais d'expertise, je me souviens qu'il y avait eu des représentations. À la CLP, actuellement, il y a un remboursement des frais d'expertise? Non? O.K. Et, à l'Assurance automobile, est-ce qu'il y en a?

Mme Perreault (Janick): À l'Assurance automobile, il y en a, et en fait c'est même une exception comparativement aux autres régimes. Cependant, c'est limité à 600 $, et pour trois expertises seulement, et on sait que les coûts d'expertise dépassent largement les 600 $ pour la grande majorité des spécialités. Donc, pour le citoyen, c'est un coût que de contester la décision, et, même s'il obtient gain de cause, il aura quand même engagé des frais qui ne lui seront jamais remboursés.

M. Bédard: Merci. Je sais que mon collègue a une question.

Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Mercier.

M. Bédard: Merci, hein? Merci.

M. Turp: Mme la bâtonnière, chers consoeurs et confrères, moi, je voudrais revenir sur l'article 11 du projet de loi, là, qui... ou 13, pardon, qui modifie l'article 102. J'ai compris les propositions que vous faites pour couvrir tous les cas. Mais ce qui pourrait poser problème, puis je veux savoir si ça pose problème, c'est la représentation par des groupes, là, des organismes sans but lucratif.

Est-ce que vous avez eu connaissance de problèmes qui supposeraient qu'on puisse vouloir faire l'équivalent lorsqu'une personne est représentée par un groupe sans but lucratif qui est voué à la défense et aux intérêts des immigrants, dans ce cas-ci, auquel on fait référence, là, dans le paragraphe trois de l'article 102, qu'il y aurait aussi des cas d'abus, des cas de gens qui ne sont pas représentés convenablement et qui devraient faire l'objet d'une limitation analogue à celle qu'on fait pour les professionnels?

Mme Lemieux (Madeleine): C'est très difficile pour le Barreau de répondre des comportements de gens qui ne sont pas ses membres. Nous avons 21 000 membres dont nous surveillons l'exercice de la profession, et on ne déborde pas. On ne peut pas faire autrement que de déplorer un petit peu l'érosion des champs de pratique en termes de protection du public. Il n'y en a pas, d'encadrement. Et je pense que la voie de solution privilégiée serait plutôt de se poser la question à l'origine, réexaminer 128 de la Loi sur le Barreau, voir ce que ça a donné.

Historiquement, c'est avec l'arbitrage de griefs en droit du travail qu'on a permis la représentation par des non-avocats dans un tout petit milieu où les gens se connaissaient, où les gens s'autodisciplinaient beaucoup plus, et ça s'est élargi à de nombreux secteurs d'activité. Quand vous me demandez: Avez-vous connaissance de problèmes particuliers?, pas précisément, parce que justement on ne gère pas, on ne peut pas surveiller les gens qui posent des gestes, autres que les avocats. Alors, je pense que c'est plutôt ça, le chemin, que de commencer à imposer à des non-avocats des règles qui ressemblent aux règles des avocats, pour faire du travail d'avocat, entre nous, là, qui n'en est pas, et à qui on va confier la surveillance de ce genre de groupes. J'ai beaucoup plus de questions de cette nature-là que de réponses à ce genre de situation.

M. Turp: En tout cas, moi, je voulais signaler au ministre, là, puis à ses collègues qu'il faut se poser la question aussi. S'il y a des problèmes de représentation, tu sais, s'il y a des charlatans, pas seulement dans ceux qui font de la représentation du type avocat, là, peut-être qu'il faut se poser la question et qu'un article comme l'article 13 pourrait avoir son équivalent pour le paragraphe trois de l'article 102.

Là, j'ai une autre question sur l'article...

Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Mercier, on est à bout de temps. C'est terminé. Je m'excuse. Merci aux représentants du Barreau, Mme la bâtonnière, Me Perreault, Me Masson, maître... Sauvé. Je m'excuse. Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 30)

(Reprise à 16 h 43)

Le Président (M. Descoteaux): Donc, nous recevons maintenant le Regroupement des accidentés de la route du Québec. Bienvenue, M. Domenico Scalise. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, suivies de deux périodes, respectivement du côté ministériel et de l'opposition, de 15 minutes. Donc, la parole est à vous.

Regroupement des accidentés
de la route du Québec (RARQ)

M. Scalise (Domenico): Bonjour. Alors, c'est sûr que, du côté de la réforme sur la justice administrative, en ce qui nous concerne, nous, c'est plutôt les régimes d'indemnisation, parce que nous représentons les victimes d'accidents. Alors, on ne pourra pas parler des autres aspects du Tribunal administratif.

Alors, il est dans l'intérêt du Québec de réunir les responsables ministériels et de porter une attention minutieuse au problème des victimes d'accidents du Québec. Ces victimes, soit de la route, soit du travail, soit de la commission d'un acte criminel, sont des citoyens à parts égales du Québec. Ils ont les mêmes besoins, les mêmes services que tout autre Québécois. Malheureusement, ce n'est pas le cas, et beaucoup d'histoires d'horreur sont portées à notre attention presque à tous les jours.

Par la présente allocution, nous exprimons en résumé les différents points que notre regroupement aimerait voir améliorés. Nous croyons fortement que nos institutions gouvernementales souhaitent une réforme exhaustive des régimes publics d'indemnisation au Québec. Les organismes gouvernementaux que nous avons observés durant les 10 dernières années sont la Société d'assurance automobile, la Commission de la santé et sécurité au travail, l'Indemnisation des victimes d'actes criminels, le Régime des rentes ? d'invalidité ? du Québec, la demande de révision à la SAAQ, à la CSST, à l'IVAC et à la Régie des rentes, et l'appel, en matière d'accidents, soit au Tribunal administratif ou à la Commission des lésions professionnelles.

En ricochet, ces ministères responsables de l'application des lois pour ces filiales de l'État sont affectés par la réforme exhaustive proposée par notre association, soit le ministère du Transport, le ministère du Travail, le ministère de la Santé, le ministère de la Justice et le ministère de la Solidarité sociale. Il est très recommandé de se poser la question, aujourd'hui, sur ces régimes et la raison de leur existence.

Sans énumérer les recommandations qui seront soumises lors des prochaines discussions, en suggérant des façons équitables, justiciables pour les réformes tant attendues... Certaines lois et certains règlements sont désuets, périmés ou non applicables, et ce, dans la vision du développement durable pour le Québec.

Référez-vous au dernier jugement de la Cour suprême, Chaoulli contre Québec ou le Procureur général. Ça donne une idée. Les points les plus flagrants... Et c'est là qu'on va discuter de la problématique, la disparité dans le processus d'indemnisation des régimes du Québec.

Le déficit anatomophysiologique, le remplacement du revenu, les dépenses médicales, le remplacement des pertes morales et connexes subies sont différents d'un régime à l'autre. Les chartes des droits et libertés mentionnent cette interdiction du fait de l'inégalité. La porte est maintenant ouverte sur la possibilité, en temps opportun, de la contestation de ces régimes d'assurance collective. Ces régimes, quand même légiférés différemment et sous l'autorité de divers ministères, indemnisent les mêmes Québécois différemment selon la loi qui régit la cause de la survenance de l'accident. Selon notre étude exhaustive, cette anomalie peut avoir la conséquence de rendre la loi concernée inopérante, inconstitutionnelle ou inapplicable.

Le deuxième point qu'on retrouve soit au Tribunal administratif... c'est: dans quelques cas, nous avons pu constater que certains juges ou membres, au Tribunal administratif, ont un lien de parenté avec un médecin ou des gens qui font du travail pour les organismes de l'État. Maintenant, on se pose la question. Nous avons deux tribunaux, le Tribunal administratif et la Commission des lésions professionnelles. On ne voit pas pourquoi on devrait avoir deux tribunaux qui vont légiférer en matière d'indemnisation d'un Québécois et on se pose la question: Pourquoi avoir les deux tribunaux? Oui, on le voit, qu'il y a le privé impliqué avec le ministère du Travail, avec la CSST. Par contre, quand un accidenté a subi une séquelle ou une perte, c'est la même décision qui devrait se rendre soit au Tribunal administratif ou à la Commission des lésions professionnelles. Par contre, il y a quelque chose, à la Commission des lésions professionnelles, qui semble être bien, c'est qu'on va prendre la décision du médecin traitant, tandis que, dans d'autres régimes, on doit faire une contre-expertise, et tout le tralala, qui coûte du temps et de l'argent. Alors, nous, on se pose la question.

Selon notre observation, l'accidenté du travail a les mêmes droits que tout autre accidenté, et nous croyons que l'objectif d'avoir un seul membre d'un tribunal impartial et nommé pour un laps de temps raisonnable et constant pour ces deux organismes... Ces économies, probablement ? vous verrez avec le calcul ? peut-être que l'État en profiterait, et peut-être aussi que la victime d'accident en profiterait: moins de coûts.

n(16 h 50)n

Maintenant, l'expertise ? on appelle ça le processus d'expertise, d'évaluation médicale ? qui est souvent utilisée comme référence au Tribunal administratif ou à la Commission des lésions professionnelles. Certaines évaluations, nous avons constaté, sont biffées d'erreurs. Les questions demandées aux spécialistes ne sont pas toujours des questions qui visent directement la problématique de l'accidenté. Des fois, il arrive une séquelle par la suite, et bon, bien, ça, ce n'est pas arrivé, donc on n'évalue pas ça, là, ce n'était pas connu auparavant. Mais sauf que c'est une séquelle, c'est une rechute. Alors, il faudrait revoir le système d'évaluation médicale.

L'impartialité, bien c'est de ça qu'on parle aujourd'hui, ici, l'impartialité de nommer des juges. Si j'ai pu bien comprendre, les membres vont être nommés pour une durée indéterminée. Est-ce que je me trompe? C'est ça? Alors, l'accidenté aura 90 jours pour contester une décision, au lieu de 60 jours. C'est les améliorations qu'on amène à ce moment-ci? Je vois 90 jours pour rendre une décision...

Le Président (M. Descoteaux): Est-ce que vous voulez débuter peut-être la période...

M. Scalise (Domenico): ...au lieu de 60. C'est ça?

M. Marcoux: C'est-à-dire que, lorsqu'il y a une demande de révision, à l'expiration des 90 jours de la demande de révision, si la décision en révision n'a pas été rendue par l'organisme, à ce moment-là, le citoyen aura le droit d'appeler immédiatement au Tribunal administratif du Québec.

M. Scalise (Domenico): Directement au Tribunal, sans passer par le bureau de révision de l'organisme primaire.

M. Marcoux: C'est-à-dire qu'il aura fait une demande de révision avant, mais, si le délai de 90 jours est expiré et que la décision en révision n'est pas rendue, il pourra y avoir un appel immédiatement au Tribunal administratif du Québec.

M. Scalise (Domenico): On est d'accord avec le processus, alors, si c'est bien ça. Et la bonne conduite et l'impartialité que je vois, qui a été aussi surnommée, alors c'est très bien. Je ferai plus tard les recommandations pour autre chose. Alors, l'impartialité, avec ces points-là, je crois qu'on va la résoudre. Alors, je mets un point là.

Maintenant, il y a un facteur qu'on trouve un peu bizarre, c'est la discrimination selon l'âge qui est dans la loi de la CSST. Un travailleur de 21 ans reçoit une indemnité déficit anatomophysiologique basée sur 75 000 $, son 100 % d'incapacité, indexée au coût de la vie depuis 1985, versus un travailleur de 61 ans qui, lui, est évalué alentour de 45 000 $, indexé au coût de la vie depuis 1985. Le calcul effectué pour le déficit d'une personne accidentée varie selon l'âge. À notre meilleure connaissance, le bras ou un quelconque membre de la personne mutilée est de la même valeur et utilisation, soit du côté psychique, ou physique, ou moral, pour une personne de 21 ans ou de 61 ans. Il n'y a pas de différence pour une partie qui a une différence de valeur. On trouve ça un peu discriminatoire.

Pire que ça, un travailleur de 21 ans, avec le biais de son employeur, a cotisé probablement rien que quelques mois ou quelques années en primes, tandis que, le travailleur de 61 ans, c'est toute sa vie qu'il paie, là. Puis là on le pénalise. On trouve ça un peu discriminatoire. Alors, on aimerait ça qu'éventuellement les tribunaux peuvent regarder ces points-là, O.K.? Parce que des fois, la loi qui existe, il peut y avoir des problématiques, la loi. Et le tribunal qui cause une jurisprudence en regardant un article de la loi qui peut... Parce que, si ça va dans les tribunaux plus haut, bien c'est des sous puis c'est plus tard qu'on paie. On ne paie pas tout de suite, mais on va payer plus tard. Ça fait qu'il faut éviter ces coûts-là pour rien. Alors, c'est ça qu'on parle de ce côté-là.

Maintenant, souvent, quand on va devant un tribunal, on appelle ça le dossier intégral. Souvent, beaucoup de documents ne sont pas inclus dans le dossier. Autrement dit, l'organisme primaire, que ce soit la SAAQ, la CSST, ils n'ont pas intérêt des fois à mettre un document dans le dossier parce que ça peut... Alors, ce n'est pas fair, ce n'est pas du fair-play. On essaie de voir ça, qu'est-ce que ça fait, hein?

Surtout, surtout, surtout, là, et ça, beaucoup de... l'inexistence de sanction aux négligents et causeurs volontaires d'accidents. Vous savez, ce n'est pas toujours des accidents qu'on voit, là. Il y en a qui auraient pu être évités, hein, pour une raison ou une autre, là. Il y a certains accidents qui auraient pu être évités. Alors, ces causeurs d'accidents là ou négligents, bien certaines familles d'accidentés considèrent quelques régimes d'indemnisation discriminatoires et une atteinte à des droits fondamentaux. Même le Code civil du Québec statue ceci: «Quiconque cause [...] dommage à autrui est tenu [à] réparer.» Ça fait que, si quelqu'un volontairement fait... il doit être mis à contribution.

Le Président (M. Descoteaux): M. Scalise, en deux minutes pour conclure, s'il vous plaît.

Scalise (Domenico): Oui. C'est fini. C'est fini presque.

Le Président (M. Descoteaux): Ça va.

Scalise (Domenico): Bon, il y a les contraintes budgétaires qu'on a vues dans beaucoup de départements. Ça, c'est un petit problème. Le problème des statistiques. Les accidentés, là, 74 % n'ont pas gain de cause. On trouve ça pas normal. Mais la dernière constatation que nous avions faite dernièrement pour l'an passé, pour les données de 2004: les gens qui recevaient des prestations d'indemnisation, ils ont reçu un relevé 5 pour payer leur... Apparemment, leur indemnité était non imposable, mais là on s'aperçoit qu'on veut aller chercher un 2 500 $ par accidenté par année par un relevé 5. Ça fait qu'on trouve que déjà il a contribué à être affaibli par un accident. Bien, on dit: Maintenant, on met lui à contribution. Bien, ça, on trouve ça pas logique.

Mais il ne faut pas oublier que les accidents sont la cause numéro un de mortalité ici, là, au Québec. Même si d'autres, ils parlent ailleurs, ils disent que c'est les cancers, et tout ça, nous, c'est les accidents qui seraient la cause numéro un de mortalité. Si on les met tous ensemble, CSST, SAAQ, IVAC, vous allez voir que c'est la cause numéro un, au Québec, de mortalité.

Puis, quand certains organismes évoquent que c'est les meilleurs régimes au monde, bien, oui, c'est un bon régime au monde, mais on est le plus haut taux d'imposition de revenus, on est le plus bas versement d'indemnisation. Même que, depuis les dernières années, les primes de cotisation de différents régimes n'ont jamais augmenté. Par contre, par contre, le problème est que nous payons doublement et triplement les primes d'assurance privée au Québec. Les compagnies d'assurance privée ont réalisé des affaires excessivement rentables, et nous dirions même démesurées, depuis la législation des régimes d'assurance collective. Donc, le compte à rebours est commencé, là.

Afin de protéger les droits et libertés des Québécoises et Québécois, nous souhaitons que le gouvernement du Québec, en faisant la promotion d'une qualité de vie plus durable et sanitaire, remédie aux séquelles subies par les blessés en plus de leur reconnaître les problèmes réels que les membres de la famille de l'accidenté ou du défunt envisagent lors d'une épreuve ou d'un accident. Alors ça c'est toujours...

Le Président (M. Descoteaux): M. Scalise. M. Scalise.

Scalise (Domenico): Le plus coûteux, à une société, c'est la prévention.

Le Président (M. Descoteaux): M. Scalise, c'est tout le temps que nous avons. Vous pourrez continuer dans les échanges avec M. le ministre.

Scalise (Domenico): Juste un dernier paragraphe, et vous... Alors, nous, on parle quand même de dignité, liberté, droits, égalité et protection, hein? Tout être humain possède des droits et libertés destinés à assurer sa protection et son épanouissement, et tous sont égaux en valeur et en dignité. N'attendez pas que vous ayez un accident pour savoir ce que c'est de vivre dans l'angoisse ou sous la tutelle d'agents d'indemnisation. Notre regroupement a observé que le régime d'assurance collective n'a pas la vocation d'indemnisation totalement compensatoire, voire même à 50 % de la perte réelle, pour les dommages corporels subis. Je ne souscrirais certainement pas à un régime d'assurance si on me disait clairement que je ne suis assuré qu'à 50 %. Assurez-vous votre maison à 50 %?

Alors, en souhaitant que notre organisme vous ait sensibilisés aux doléances justifiées des accidentés, je vous remercie d'avoir écouté.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien, M. Scalise. M. le ministre.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Merci, M. Scalise, d'avoir accepté de venir devant la Commission des institutions pour faire valoir votre point de vue, là, à l'occasion de ce projet de loi modifiant la Loi sur la justice administrative.

n(17 heures)n

De ce que je comprends, le Regroupement des accidentés de la route du Québec comprend... Pouvez-vous me parler un petit peu de votre organisme? Je pense que c'est important pour pouvoir bien le connaître.

M. Scalise (Domenico): Ça a été formé par tout hasard. Ça n'existait pas. Je pense qu'on a été inspirés par le FATA, c'est-à-dire le Fonds d'aide aux travailleuses et travailleurs, parce qu'un de ses médecins nous a suivis, nous a donné des traitements, et, à cette époque-là, je crois qu'il n'y avait rien qui représentait les victimes d'accidents de la route. Il y avait quelqu'un qui représentait les victimes d'accidents de travail, on le voit déjà. À la CLP, vous avez des membres de chaque côté et vous avez le syndicat, vous avez le représentant patronal. Par contre, les victimes d'accidents de la route, ils n'ont pas aucune représentation, il n'y a pas personne qui les représente.

Et c'est arrivé par hasard. Une journée, on s'est levés, dans notre coin, dans les Laurentides, puis on a dit: Comment ça se fait? Est-ce qu'il y a d'autre monde qui vit le même problème que nous autres? Et c'est là qu'un dimanche on a regroupé 40 personnes qui venaient un peu partout des Laurentides, qui avaient le même problème. Je m'attendais à deux, trois personnes, il est en arrivé 40. Et c'est là qu'on a vu qu'il y avait un problème.

Tout le monde, on pouvait voir... Si on regardait une évaluation médicale, là, le médecin disait... Et tout ce qui changeait, c'est la date et le nom de l'accidenté. Le reste, c'était toujours la même chose sur une évaluation médicale. Ça fait qu'on s'est dit: Il y a un problème, là. Et c'est là qu'on a commencé, depuis les années quatre-vingt-douze, quatre-vingt-treize, je crois, quatre-vingt-quatorze, quelque chose comme ça, et on a participé à une table de travail avec votre prédécesseur, qui était à l'époque M. Cherry, qui a formé une table de travail. On a travaillé pendant six mois et on a amélioré beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses dans le régime d'indemnisation, c'est-à-dire la Société de l'assurance automobile à l'époque. Et nous continuons encore, parce que notre rôle n'est pas, là, de détruire les régimes, hein? Parce que, si c'était ça, ça ferait longtemps qu'on aurait fait ça. Au contraire, on agit en intermédiaires, c'est-à-dire pas officiels, mais, quand on parle à un accidenté, là, on essaie de lui enlever le tracas, le souci qu'il a, la problématique. Il ne connaît pas la loi. Puis surtout les accidentés qui viennent nous voir, c'est qui? Ce n'est pas des gens qui sont des professionnels; c'est des personnes âgées, des étudiants, des gens à faibles revenus, c'est des gens qui ne peuvent pas se payer une assurance secondaire.

Le régime, il est bon, on le croit. Mais qu'on le dise aux gens, que c'est rien que 50 % de l'indemnisation réelle, tu sais, si on calcule vraiment, là. Alors, si on disait ça, je crois que tout le monde serait d'accord pour dire: Oui, on peut continuer avec un régime universel, oui, on peut faire ça, et en même temps, ceux qui veulent s'assurer, qu'on leur donne une chance aussi si quelqu'un veut... comme un travailleur autonome. Moi, je n'en connais pas beaucoup, de travailleurs autonomes qui vont prendre une assurance groupe ou assurance extra. Écoutez, le coût de ces assurances-là, il faut bien voir qu'il y a un coût attitré à ça, là. Le dernier jugement qu'on a eu de la Cour d'appel, attendez-vous à des augmentations quelque part, là, hein? Il y a des coûts toujours attribués à ça. Vous n'avez rien pour rien, là.

Alors, ces victimes-là, elles veulent avoir un réconfort. Nous autres, qu'est-ce qu'on leur explique: écoute, la loi est là, on ne peut pas faire autrement. C'est écrit. Un bras vaut 30 000 $? C'est 30 000 $. On ne peut pas demander de donner plus. Mais, vous savez, moi, je préfère avoir mon bras qu'avoir 30 000 $ parce que, tu sais... Mais, lui, il ne l'a plus son bras. Qu'est-ce qu'on fait, hein? Ça fait que c'est le réconfort qu'on lui donne en même temps en lui expliquant les rouages de la loi, tout ça.

Et d'ailleurs je remercie certains organismes d'État qui... Ces gens-là qui n'ont pas beaucoup de sous, ils me donnent l'opportunité de les accompagner devant les bureaux de révision et essayer de régler ça en première instance, pas traîner ça pendant 10 ans, là. Tu sais, le 10 ans, c'est de trop. À un moment donné, il faut arrêter ça, là. Tu sais, il faut mettre un point quelque part, hein? Ça fait que c'est ça. C'est ça qu'on fait, comme organisme.

C'est sûr qu'on s'est reformé d'autres noms plus tard. Au début, on était dans les Laurentides. Plus tard, bien, on a eu le Québec, parce qu'à cause de notre site Web bien il y a beaucoup de gens d'ailleurs, partout, Gaspésie, Lac-Saint-Jean... On communique par l'Internet. Alors, c'est que maintenant ça élargit à une plus grande population, tu sais, là.

Le Président (M. Descoteaux): M. le ministre.

M. Marcoux: Oui. M. Scalise, donc vous accompagnez, dites-vous, à l'occasion des personnes donc devant, j'imagine, le Tribunal administratif du Québec.

M. Scalise (Domenico): Les premières instances.

M. Marcoux: Devant la première instance.

M. Scalise (Domenico): Au Tribunal administratif, on est tolérés. On va me poser une question, mais, vous savez, on n'est pas avocats, hein, ça fait qu'on va agir comme témoins.

M. Marcoux: Tu sais, ce n'est pas un défaut, là, de ne pas être avocat, vous savez, hein?

M. Scalise (Domenico): J'aurais aimé ça, mais je n'ai pas pu arriver là.

M. Marcoux: Et, compte tenu de votre expérience justement en accompagnant des personnes pour les aider, donc vous voyez d'un bon oeil, un aspect positif, la nomination des membres du Tribunal administratif du Québec durant bonne conduite...

M. Scalise (Domenico): Oui, oui, on en rencontre.

M. Marcoux: ...pour assurer leur indépendance.

M. Scalise (Domenico): Mais on essaie d'éviter le tribunal. J'ai une formation de courtier en immeubles. Un courtier en immeubles, qu'est-ce qu'il fait? Bien, il réunit deux parties pour les mettre en entente puis avoir... C'est deux «win-win» ? excusez le mot ? deux qui gagnent en même temps. Ça fait qu'il faut que ça fasse l'affaire des deux. Alors, c'est la même chose quand j'agis avec les victimes d'accidents. J'essaie, avec des documents à l'appui, de régler ça d'une façon que tout le monde est satisfait. Et on ne traîne pas à la SAAQ toutes ces années-là comme, moi, j'ai fait.

M. Marcoux: C'est certainement une façon d'accélérer le processus pour les victimes. Je pense que d'ailleurs, même dans les tribunaux, on voit, de plus en plus souvent, la médiation ou la conciliation, où les gens vont tenter...

M. Scalise (Domenico): Bien, là, je le vois, là, oui.

M. Marcoux: ...de trouver des solutions alternatives au règlement de conflits.

M. Scalise (Domenico): J'aimerais par contre la conciliation en première instance. Avec la CSST, là, on peut le faire. Il y a un département qui, à un certain moment, avant la révision... un département qui... Et on l'a fait à quelques reprises. Je représente l'accidenté à son lieu de travail, avec son employeur et un représentant de la Commission de la santé et sécurité au travail, et on regarde le lieu de travail ensemble, puis: Regarde, là, bien, il a rien que 50 livres de poids à lever. La personne ne peut pas lever 50 poids. Ça fait que déjà là on a réglé... Parce que souvent il faut voir.

J'ai une personne qui est malentendante et muette. Son médecin, le médecin évaluateur lui a dit: Bon, tu peux retourner travailler. Bien, c'est quoi, l'outil de travail? Elle travaille avec les doigts, pour apprendre aux jeunes les signes de langage. Parce qu'elle ne parle pas. Et les doigts doivent rester toujours... et son problème est au niveau d'eux. Et on lui a dit: Tu es capable de retourner travailler. C'est des choses qui... Quand on ne voit pas, là, quand on ne vous a pas touché, vous ne le savez pas, hein? Puis le barème est comme ça? Bien, c'est ça. On retourne travailler. Ça fait que c'est tout des choses qu'on doit discuter auparavant, parce que, si vous ne le savez pas, la définition de tâche de votre travail exactement, qu'est-ce que vous faites exactement, il faut tout sortir ces affaires-là. Alors, c'est ça qu'on fait. On essaie de régler ça avant d'aller dans le tribunal. Parce que, c'est sûr, dans le tribunal, à date, je vais vous dire, là, je pense qu'on n'a pas eu beaucoup de pertes de... On a eu toujours gain de cause avec les accidentés. On n'a jamais eu de problème.

Le Président (M. Descoteaux): Votre temps est écoulé, M. le ministre.

M. Marcoux: Merci, M. Scalise. Merci beaucoup.

Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Merci, M. Scalise, de vous être déplacé. Quand j'ai vu votre nom, j'ai pensé à un autre groupe, je ne pensais pas que c'était vous, mais je vais profiter de votre présence pour peut-être faire la démonstration de deux, trois choses. La première, c'était: Votre organisme, est-ce qu'il agit à titre bénévole ou...

M. Scalise (Domenico): Ah non, ça, c'est bénévole. Écoutez, c'est moi qui finance ça moi-même.

M. Bédard: Vous êtes un organisme communautaire... Est-ce que vous êtes un organisme communautaire sans but lucratif mais qui soutient donc ? j'imagine ? les gens qui ne sont pas syndiqués, les travailleurs non syndiqués? Parce que ceux qui sont syndiqués ont leur...

M. Scalise (Domenico): Oui, ils ont un représentant.

M. Bédard: O.K. Donc, vous, vous intervenez plus comme soutien, quoi, moral ou vous allez plus loin dans vos représentations?

M. Scalise (Domenico): Bien, le moral, il faut le faire. Des fois, là, il y a des soirs que je ne me couche pas bien, bien content, parce qu'il faut le travailler. Quand on voit des choses, des gens... Hier, la madame, là, qui m'appelle, elle est en fauteuil. C'est 37 opérations qu'elle a eues. Apparemment, maintenant, la régie régionale...

n(17 h 10)n

M. Bédard: M. Scalise, je dois vous dire, j'ai pratiqué aussi dans le domaine. C'est un domaine que je connais bien, puis effectivement il y a des cas assez pathétiques qui demandent du soutien. Ce que je voulais savoir de votre part, c'est: Donc, vous intervenez comme soutien moral, mais est-ce que ce j'ai compris aussi, c'est que vous intervenez auprès de l'employeur aussi pour faire des représentations pour le travailleur qui n'est pas syndiqué?

M. Scalise (Domenico): Oui. On approche tout ce qui peut arriver et mettre la... régler... On touche tout. J'ai déjà été jusqu'au ministère du Revenu pour régler un cas, et ça s'est réglé. Parce que le ministère du Revenu voulait reprendre un dû de la Régie des rentes qui était imposable à ce moment-là. Et on a même fait changer la loi de la Régie des rentes, la rente d'invalidité n'est plus imposable. Alors, on va aller à n'importe... Parce que, nous, on n'est pas limités comme le Protecteur du citoyen.

M. Bédard: Non, non, non, je le comprends. Et là ce que vous me dites: là, à ce moment-là, la personne vous verse un montant, tout dépendant si vous réussissez ou pas, j'imagine. Ça doit ressembler à peu près à ça.

M. Scalise (Domenico): Pardon?

M. Bédard: Non? Vous êtes entièrement bénévoles, vous le faites de façon...

M. Scalise (Domenico): Oui, bénévole. Les seuls frais qu'on demande ? puis on ne le demande pas tout de suite parce que la personne ne l'a pas ? c'est les frais de paperasse. Écoute, ça peut aller jusqu'à 100 $, téléphone, tous les équipements, 100 $ si on le représente.

M. Bédard: Est-ce que c'est vous qui le faites personnellement, ou ce sont des gens que vous mandatez?

M. Scalise (Domenico): Bien, on a un groupe. On appelle ça un conseil, là. On a un autre projet qui voudrait s'en venir. Parce que, c'est sûr, si on demande au gouvernement de nous financer, d'après moi aucun gouvernement ne va financer si on est contre une loi, ou tel règlement de loi, ou... Alors, c'est sûr qu'on n'aura pas de financement.

M. Bédard: C'est quoi, votre financement?

M. Scalise (Domenico): La manière de financement?

M. Bédard: Oui.

M. Scalise (Domenico): Bien, j'assemble des pièces informatiques, j'assemble et je revends, et...

M. Bédard: O.K. Non, mais pas vous personnellement, je parle de l'organisation. Comme elle n'est pas financée par l'État puis elle est peu financée par ceux qui utilisent les services...

M. Scalise (Domenico): Bien, c'est parce que l'informatique, c'est ça qui... Ça m'a donné le... Une personne accidentée, là, pour se réadapter, l'informatique, c'est l'outil le meilleur qui existe. On peut faire beaucoup de choses avec l'informatique.

M. Bédard: Et là je veux bien comprendre vos interventions, M. Scalise. Donc, vous intervenez auprès de l'employeur, vous intervenez plus dans le domaine des accidents d'automobile, donc plus aussi contre... pas contre mais avec l'autorité administrative pour interagir, arriver à une conciliation, à des accords avec l'Assurance automobile, et vous me dites qu'accessoirement, à l'occasion, vous allez aussi, devant le TAQ, accompagner la personne pour faire des représentations devant le Tribunal administratif du Québec. C'est ça?

M. Scalise (Domenico): Oui.

M. Bédard: O.K. Bon, dernière chose, sur la conciliation, vous me dites que vous participez à la conciliation, entre autres, à l'Assurance automobile du Québec. Qu'est-ce que vous...

M. Scalise (Domenico): ...

M. Bédard: Je n'ai pas encore posé ma question. Attendez, M. Scalise. Qu'est-ce que vous pensez de la conciliation des administrés avec l'Assurance automobile du Québec?

M. Scalise (Domenico): Qu'est-ce que je pense?

M. Bédard: Est-ce que vous pensez que c'est un processus qui répond aux standards de conciliation? Est-ce qu'il y a un conciliateur nommé, dûment formé, qui vient faire de la conciliation?

M. Scalise (Domenico): Ça a déjà été sur le plancher lors de M. Cherry, là, à l'époque. Il avait déjà fait des appels d'offres et... avoir un qui chapeaute la conciliation dans toutes les régions. O.K.? Mais malheureusement ce projet de loi est tombé parce que tout de suite après il y a eu des élections, et ça a été une autre administration. Mais il avait déjà été mis sur appel d'offres, et justement c'était quelque chose que j'aurais voulu, j'aurais aimé participer à l'élaboration de ce projet-là.

M. Bédard: O.K. En général, avec votre expérience personnelle, est-ce que vous considérez le processus de révision de l'assurance automobile comme un processus, sans dire qui vous enthousiasme, mais qui correspond à vos attentes, là? Parce que vous avez donné des statistiques sur les décisions rendues par le TAQ, mais, moi, je m'intéresse plus à l'étape de la révision. Est-ce que vous considérez que la révision... En général, est-ce que vous sentez une écoute? Est-ce que c'est une décision vraiment... Sans la qualifier d'indépendante, comme la décision du TAQ, est-ce que vous vous sentez écoutés, représentés puis dûment...

M. Scalise (Domenico): Il y a un imbroglio à la révision. Je vais vous l'expliquer. Lorsqu'un dossier de la SAAQ se retrouve en révision, l'agent d'indemnisation qui traitait au départ cette réclamation-là, O.K., dès qu'il y a eu une demande de révision faite par l'accidenté, toute, toute, toute la paperasse, tous les nouveaux documents, tout ça, ça va directement à la révision. L'agent d'indemnisation de la première instance n'a rien, ne touche aucun document, n'a même pas accès... Ça fait que, même si l'accidenté appelle son agent: Aïe, il est arrivé quelque chose de nouveau, il ne peut pas l'avoir, c'est rendu à la révision. Il faut qu'il communique avec la révision.

M. Bédard: Vous ne pensez pas que c'est normal?

M. Scalise (Domenico): Non.

M. Bédard: O.K.

M. Scalise (Domenico): Parce que l'agent d'indemnisation, c'est lui, la première instance, c'est toujours avec lui qu'on fait affaire, ou avec elle, là, et ça a toujours... parce que c'est la personne qui a pris votre réclamation, qui connaît exactement tous les... D'ailleurs, il y en a...

M. Bédard: Oui, je le sais, mais il a pris une décision. S'il a pris une décision, sa décision est prise, là. Même si vous communiquez avec lui... Si vous demandez une révision, c'est que vous n'êtes pas content de sa décision, j'imagine. On ne demande pas une révision parce qu'on est content de la décision. Quand vous demandez une révision d'une décision, c'est que vous n'êtes pas content de la décision.

M. Scalise (Domenico): Si je demande une révision?

M. Bédard: Oui.

M. Scalise (Domenico): Je n'ai pas compris.

M. Bédard: O.K. Lorsque vous demandez une révision d'une décision administrative rendue par l'agent, c'est que vous êtes insatisfait de la décision qui a été rendue.

M. Scalise (Domenico): La décision par l'agent...

M. Bédard: Par l'agent, c'est ça.

M. Scalise (Domenico): ...c'est sûr, parce qu'on est insatisfaits. Oui, bien sûr.

M. Bédard: O.K. Donc, c'est au bout du processus de l'agent qui constate que vous avez tort ou que vous n'avez pas entièrement raison ? souvent, vous n'avez pas entièrement raison ? qui dit: Voici ma décision maintenant: votre demande est rejetée ou en partie rejetée, et, vous, vous avez le droit de porter cette décision en révision. Vous ne pensez pas que...

M. Scalise (Domenico): Souvent, qu'est-ce qu'on fait? On règle avant la révision. On règle un peu avant la révision. Quand on a un cas qui... Comment je peux vous dire? Un mécanicien, tiens, c'est un cas, là. Juste avant d'aller en révision, tout le monde est d'accord qu'il ne peut pas lever le cou comme ça à cause de l'accident. O.K. Sauf que qu'est-ce qu'il fait, le mécanicien? Il est toujours en dessous d'une... Même si on va en révision, on est obligé de nous donner raison. Ça fait que, là, on l'a indemnisé en fonction de son travail de mécanicien, pas vendeur d'automobiles, là. Tu sais, c'est...

M. Bédard: Ça complète mon questionnement. Merci, M. Scalise.

Le Président (M. Descoteaux): Ça va? Merci, M. Scalise, d'avoir été présent devant la commission. Nous allons suspendre quelques instants pour permettre à Me France Houle de se préparer et de s'installer.

(Suspension de la séance à 17 h 17)

 

(Reprise à 17 h 18)

Le Président (M. Descoteaux): Bienvenue, Me Houle, devant la Commission des institutions. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, suivies de deux périodes respectives de questions et d'échange de 15 minutes chacune.

Mme France Houle

Mme Houle (France): Merci, M. le Président. Alors, je vais essayer d'être le plus brève possible.

D'une part, je suis contente de constater l'abandon de certaines propositions qui étaient dans le projet de loi n° 35, quand on parlait de la fusion du TAQ et de la CLP, du démantèlement des formations bidisciplinaires, du contrôle du tribunal par des juristes et de l'abolition du Conseil de la justice administrative. Alors, je suis heureuse de voir que ces propositions-là ont été délaissées dans le projet de loi n° 103.

En revanche, sur le Conseil de la justice administrative, il faut s'interroger sur la réduction du mandat du conseil. À toutes fins pratiques, c'est devenu un organisme d'enquête, et ce que je trouve dommage, c'est qu'on lui enlève la compétence de donner son avis au président sur l'efficacité des règles de procédure. C'est utile d'avoir une entité indépendante qui puisse faire l'évaluation du fonctionnement des organismes du gouvernement, notamment parce que vous avez aussi modifié certaines questions relatives à la conciliation et à la formation d'un membre du tribunal pour entendre des causes. Alors, pour savoir si ça fonctionne bien, ces choses-là, il faudrait que ce soit évalué éventuellement, et l'évaluation par le Conseil de la justice administrative me semble une meilleure idée qu'une évaluation faite par le tribunal lui-même ou encore par le gouvernement.

n(17 h 20)n

Pour mettre ça dans un contexte aussi un petit peu plus large, tous les gouvernements maintenant, que ce soit du Canada, de l'OCDE de l'APEC, visent les réformes réglementaires en vue d'établir des systèmes de réglementation intelligente, et ça, ça comprend la révision et l'évaluation des systèmes réglementaires. Donc, de prévoir des systèmes d'évaluation dans des lois, c'est nettement progressiste. Alors, ce serait bien si on revoyait cette question-là.

D'autre part, il y a d'autres propositions qui n'ont pas été retenues dans le projet de loi n° 35 et que je trouve particulièrement dommage, notamment celle relative... En tout cas, il y avait eu des discussions, lors du projet de loi n° 35, sur la question de la régionalisation du TAQ, et sur la révision administrative, et le resserrement des délais, ce qui aurait permis d'atteindre un meilleur équilibre entre l'accessibilité et l'efficacité en matière de justice administrative.

Donc, au coeur de la proposition, ce qu'on a, ce sont les mandats des membres, qui seront dorénavant nommés pour bonne conduite, et l'évaluation de leurs compétences, et c'est sur ces deux points que je vais maintenant concentrer mes propos. Alors, j'ai quelques commentaires et quelques critiques à formuler.

Sur la nomination des membres durant bonne conduite, je suis d'accord avec la proposition, mais j'aimerais qu'on ajoute quelques sauvegardes à l'article 38, de manière à garantir la légitimité et la crédibilité du TAQ à plus long terme. La première concernerait un ajout clair dans la loi que seules des personnes ayant des connaissances et des habiletés nécessaires à l'exercice des fonctions peuvent être nommées au TAQ.

La deuxième concernerait une garantie portant sur le renouvellement des ressources humaines, donc le renouvellement des décideurs au TAQ. Il faudrait que le gouvernement s'abstienne de nommer des personnes qui sont soit trop jeunes ou encore trop âgées, surtout si elles sont trop jeunes. Elles vont siéger trop longtemps au TAQ, et, à un moment donné, ça crée une certaine sclérose dans les institutions. Donc, il faut faire attention à cette question.

Et la troisième sauvegarde que j'apporterais en serait une qui porterait sur le maintien du caractère multidisciplinaire du TAQ, et ce, dans des proportions signifiantes. Pour le moment, on garantit peut-être un tiers des membres qui seront de disciplines autres que le droit, et les autres peuvent provenir d'autres disciplines. Mais ce qu'on peut constater, c'est qu'il y aurait une tendance vers la nomination de membres ayant des compétences juridiques. Ce n'est pas que je suis contre le fait qu'on nomme des avocats et des notaires, mais la justice administrative ne doit pas être contrôlée par des juristes, comme je l'ai déjà dit et redit à plusieurs reprises. Ce n'est pas une façon de prévoir l'évolution équilibrée de la justice administrative en accord avec l'évolution des idées économiques, sociales et politiques.

D'ailleurs, le juge en chef de la Cour d'appel du Québec, dans un de ses discours, il y a un an ou il y a deux ans environ, parlait de la nomination des juges des cours de justice et il disait qu'à l'avenir on devrait nommer des juristes, bien sûr, puisqu'on n'a pas le choix, mais il faudrait favoriser la nomination de personnes qui ont une double compétence, donc un juge qui est compétent en droit et en environnement, un juge compétent en droit et en économie, etc. Pourquoi? Parce que le droit est devenu extrêmement complexe, et ça régit toutes les sphères de l'activité économique, sociale et politique. Donc, si la multidisciplinarité, c'est l'option d'avenir pour les cours de justice, il faut la maintenir pour les tribunaux administratifs, d'autant plus que ça a toujours été là pour les tribunaux... c'était une force des tribunaux administratifs. Donc, il serait navrant d'en arriver à un démantèlement de facto du caractère multidisciplinaire du TAQ en ne faisant que nommer des juristes au sein du tribunal, mis à part, là, la vingtaine qui doivent provenir de disciplines autres.

Sur le mécanisme d'évaluation des compétences des membres, alors j'appuie la proposition portant sur le devoir des décideurs de maintenir leurs compétences, d'évaluer périodiquement ces compétences et au besoin de déclencher un processus disciplinaire pour sanctionner ce manquement. Toutefois, j'ai des réserves très sérieuses à formuler à l'égard de la mécanique qui a été mise en place. Elle laisse présager à mon avis un avenir assez sombre pour tous les décideurs qui ne seraient pas pleinement appréciés par le gouvernement ou par le président. Alors, dans tout cet arrangement administratif, il est possible de harceler les personnes, les décideurs qui seraient jugés indésirables, et ce serait une façon assez simple d'obtenir éventuellement des démissions. Notamment, le libellé actuel de la proposition confère un pouvoir discrétionnaire très large au président pour déterminer la fréquence des évaluations. Cela ne doit pas être, absolument pas. Et avec ça je suis d'accord avec le Barreau.

Le problème avec la proposition qui est dans le projet de loi porte... et mes commentaires vont porter sur qui devrait évaluer et à quelle fréquence. Alors, pour ce qui est de qui doit évaluer, compte tenu du fait que la proposition en ce moment fait en sorte que la compétence fait dorénavant partie des questions, je dirais, d'ordre disciplinaire ? donc, on n'évaluerait pas seulement qu'à des fins informatives, mais à des fins performatives ? il est totalement inadéquat, voire très fragile, sur le plan de la validité constitutionnelle, de confier le pouvoir au président d'évaluer les membres. Le président, puisqu'il doit sa nomination au gouvernement, c'est suffisant pour lui enlever toute légitimité pour exercer cette fonction d'évaluateur des compétences des membres.

À mon avis, il devrait y avoir un comité indépendant, qui pourrait inclure le président, qui devrait se charger de la tâche d'évaluer les décideurs, et ce comité devrait comprendre au moins un spécialiste dans le secteur des ressources humaines, parce que, pour effectuer une bonne évaluation donc qui sera signifiante pour la personne évaluée, ça ne doit pas être laissé entre les mains d'un profane, et surtout lorsqu'on va mettre ce mécanisme en place au tout début afin d'instituer des bonnes pratiques, des pratiques exemplaires d'évaluation au sein du TAQ.

Deuxième point, à quelle fréquence doit-on évaluer? Alors, bon, premièrement, je pense qu'une évaluation annuelle est totalement à proscrire, ne serait-ce que le nombre de membres du TAQ. Il y en a 85. Que ce soit un président ou un comité qui évalue, il faudrait au moins une journée pour évaluer chaque membre, pour que ce soit fait comme il faut. Alors, on pense à 80 jours, 85 jours, dans une année, d'évaluation. Ça n'a aucun sens.

Et ce qui est à proscrire aussi, c'est de laisser entière discrétion, que ce soit à un comité ou à un président, de déterminer la fréquence des évaluations. Les périodes d'évaluation doivent être prescrites dans la loi. Par exemple, une première évaluation pourra être faite au terme des six premiers mois ou des 12 premiers mois. Par la suite, il pourrait y avoir une deuxième évaluation au bout de deux ans d'exercice, cinq ans, sept ans. On choisit le nombre. Mais l'important, c'est que l'évaluation prenne fin à un moment donné. Les décideurs n'ont pas à justifier de leur compétence jusqu'à temps qu'ils laissent leur poste. Quand ça fait cinq, six fois qu'on s'est fait évaluer et que les évaluations sont toujours bonnes, je pense qu'il y a un moyen d'y mettre un terme.

Finalement, un mot sur le pouvoir du gouvernement de prescrire les règles relatives au maintien des compétences et au code de déontologie en général. Sur la question du code de déontologie, je suis d'accord avec le Barreau que le gouvernement ne devrait pas avoir quoi que ce soit à dire sur le contenu de ces règles. L'approbation seule suffit. Par ailleurs, pour ce qui est de définir ce que ça signifie, maintenir les compétences, donc le devoir des membres de maintenir leurs compétences, je pense que cette fois-ci c'est le législateur qui devrait le dire clairement dans la loi, parce que c'est du droit nouveau. On ne connaît rien sur cette question-là, puis, dans la façon dont c'est formulé en ce moment, c'est extrêmement vague. Étant donné qu'il n'y a pas de paramètre prescrit pour le moment, dans la jurisprudence sur cette question, ce type de formulation même pourrait souffrir du vice d'imprécision inconstitutionnelle.

Et par ailleurs, donc, ce devrait être le législateur qui le dit exactement, explicitement, c'est quoi, qu'est-ce que ça signifie, ce devoir de maintenir les compétences. Comme ça, il pourrait y avoir un débat public sur cette question. Et la raison encore une fois, c'est que l'état du droit est trop embryonnaire sur cette question, sur ce point-là, pour le laisser entre les mains du gouvernement ou même du Conseil de la justice administrative. Merci.

Le Président (M. Descoteaux): Merci, Me Houle. M. le ministre.

n(17 h 30)n

M. Marcoux: Oui. Merci, M. le Président. Alors, merci, Me Houle, d'autant plus, me dit-on, que vous avez été une élève du réputé Pr Daniel Turp.

Une voix: ...

M. Marcoux: Certainement. Avec raison, d'ailleurs. Donc, on vous souhaite la bienvenue et on vous remercie d'avoir présenté vos commentaires et vos suggestions.

Vous parlez du mode de nomination, et évidemment le projet de loi, à l'article 2, ou l'article 38, là, prévoit qu'il est composé de membres indépendants et impartiaux nommés durant bonne conduite... qui en détermine le nombre en tenant compte des besoins du tribunal. Vous dites: On devrait aller plus loin et ajouter notamment «en tenant compte du nombre de dossiers à traiter et du temps requis pour chacun d'eux», afin de maintenir une justice de qualité.

Est-ce que ça ne va pas un peu de soi? Si vous évaluez les besoins, bien il me semble que ça varie et c'est relatif au nombre de dossiers. Si parfois il y avait de nouveaux secteurs qui étaient ajoutés au Tribunal administratif du Québec, il me semble que ça va de soi qu'il devrait y avoir, à ce moment-là, un nombre additionnel de membres du Tribunal administratif. Alors, est-ce que vraiment ça ajoute beaucoup, et je le dis en tout respect, à la fin, en ajoutant, là, «notamment du nombre de dossiers à traiter»? Si on tient compte des besoins, il me semble que ça va de soi.

Mme Houle (France): Ça va de soi, mais c'est pour éviter de justifier les coupures au nombre des membres du tribunal uniquement en fonction des finances publiques. C'est dans cet esprit-là que je fais cette recommandation. Donc, il y aurait un critère pour déterminer c'est quoi, les besoins du tribunal. Bon, c'est le nombre de dossiers à traiter et le temps requis pour chacun d'eux, et non pas le fait que le gouvernement estime qu'il faut faire des coupures de 10 %, 15 %, 20 % dans tous les organismes et qu'on le fasse de façon un peu sauvage. Donc, c'est dans cet esprit-là que j'ai fait la recommandation.

M. Marcoux: Oui, bien, disons qu'en tout respect, quand vous parlez de coupures sauvages, là, j'ai un peu de nuances à apporter quant à moi là-dessus. Je pense que, dans le domaine de la justice, ça se fait avec beaucoup de respect. C'est sûr qu'il peut y avoir des discussions dans le cadre des finances publiques, mais je ne pense pas qu'on ait assisté, en tout cas au niveau des tribunaux, là, à ce qu'on peut appeler des coupures sauvages.

Mais est-ce qu'inversement, s'il y a une diminution du nombre de dossiers, nous devrions réduire le nombre de membres du Tribunal administratif? Est-ce que ça marche des deux côtés?

Mme Houle (France): Bien évidemment. Donc, le nombre de dossiers et le temps requis pour les traiter aussi, c'est les deux facteurs qu'il faut considérer. Et de fait, si, à un moment donné, il y a beaucoup moins de dossiers, pour toutes sortes de raisons, à traiter et que ça prend moins de temps de traiter aussi les dossiers, parce que les membres ont acquis une compétence telle dans un domaine x que ce n'est plus nécessaire de passer quatre jours sur chaque dossier, bien sûr que c'est justifié.

M. Marcoux: O.K. Et, en ce qui a trait... Parce qu'il y a une bonne proportion de membres à temps partiel, et ça va de soi avec la multidisciplinarité, puis je pense que ça, c'est important. Et d'ailleurs on maintient la formation des bancs avec des personnes qui ont des formations autres que juridiques, malgré tout le respect qu'on peut avoir pour la formation juridique.

Mais vous parliez tantôt... Je ne sais pas si j'ai bien compris. Vous avez dit: Il faut éviter de nommer des trop jeunes ou des trop âgés. Est-ce que ce n'est pas un peu relatif, premièrement? Et, deuxièmement, j'aimerais peut-être que vous en parliez un peu plus, parce qu'il y a certains membres à temps partiel du Tribunal administratif du Québec qui sont des personnes, et pas parmi les juristes, je pense, mais parmi les autres personnes, que ce soient des médecins ou des psychiatres, qui ont pris leur retraite et qui sont prêts à consacrer partiellement leurs énergies comme membres du Tribunal administratif du Québec, et, je me dis, comment vous évaluez ça, trop âgé? Je ne suis pas sûr si ce n'est pas un peu relatif, ça. Vous pouvez avoir des personnes de 65 ans qui fonctionnent assez bien. Alors, ça me surprend un peu, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Houle (France): Je n'en ai pas fait une recommandation. Je ne veux pas que ce soit dans la loi. Tout ce que je dis, c'est que le gouvernement doit toujours avoir en tête, et vous au premier chef, comme ministre de la Justice, lorsque vous nommez des personnes, de vous assurer qu'il y a un bon renouvellement des ressources humaines au sein du tribunal. Le changement des idées, c'est drôlement important pour maintenir les institutions en accord avec l'évolution des idées. Donc, c'est uniquement dans cet esprit-là. Des personnes trop jeunes, évitez de les nommer parce que, si elles sont nommées durant bonne conduite, elles seront là très, très, très longtemps, et on sait ce que ça fait, des institutions qui vieillissent avec le même monde: à un moment donné, il y a une espèce de... Comment je pourrais dire? Bon, le mot ne me vient pas à l'esprit pour le moment, là. Mais ça, c'est important, puis je pense qu'on comprend tous et toutes intuitivement l'importance du renouvellement des idées au sein des institutions.

Évidemment, si on a des personnes à temps partiel ? et là je ne sais pas si ces personnes-là seront nommées durant bonne conduite ou si elles seront nommées pour un mandat à durée fixe; là, vous pourriez m'éclairer sur cette question ? mais si elles sont uniquement nommées pour un terme dont la durée est fixe, donc qu'elles aient 20 ans ou qu'elles aient 40 ans ou 60 ans, ça n'a pas d'importance. Maintenant, si elles sont nommées durant bonne conduite, encore là il faudra faire attention pour assurer un bon équilibre, au sein du tribunal, de personnes plus jeunes, de personnes plus âgées, de personnes d'âge moyen, etc.

M. Marcoux: Et est-ce qu'il y a certaines qualifications en particulier que vous verriez comme devant servir de critères pour justement la nomination?

Mme Houle (France): Les compétences pures et simples, les connaissances et les habiletés, qu'est-ce qu'une personne peut apporter à ce tribunal-là, tout simplement.

M. Marcoux: Parce que, comme dans certains cas, on va demander un certain nombre d'années de pratique. Dans le cas de la magistrature, par exemple, on dit: Ça prend 10 ans, 15 ans de pratique. Est-ce qu'on devrait également exiger, pour les membres du Tribunal administratif du Québec, selon la discipline dans laquelle ils pratiquent, un certain nombre d'années d'expérience minimal?

Mme Houle (France): C'est difficile de répondre à cette question. En ce moment, dans la loi, il y a une règle de 10 ans d'expérience, hein? Ça m'apparaît normal de demander au moins un minimum de 10 ans d'expérience dans un champ de pratique pour avoir fait le tour de plusieurs questions et de plusieurs situations et développé son jugement. Mais je pense que c'est ça qui est le critère, en fait, c'est: on veut des personnes qui ont du jugement, qui sont capables de prendre des décisions, qui ont des connaissances particulières, des habiletés, aussi des habiletés pour conduire une audience correctement, des habiletés d'écoute.

Bon, il y a des habiletés générales, il y a des habiletés spécifiques aussi pour être un bon membre. Pour ce qui est de la liste de ce qui pourrait être bien comme habiletés et connaissances, pour ce qui est des habiletés générales, tu sais, les habiletés, là, d'écoute, de jugement, et tout ça, il y a des listes qui ont déjà été faites. Probablement qu'il y en a au sein du gouvernement du Québec. Je connais plus le fonctionnement du gouvernement fédéral. On en a, on a des examens, on a établi toutes sortes de systèmes pour essayer d'évaluer ces questions-là. Et, pour ce qui est des habiletés et des connaissances spécifiques du monde, bien, là, évidemment ça dépend de la section à laquelle on veut une...

M. Marcoux: Oui. En ce qui a trait à l'évaluation, et vous en faites état, là, le Barreau en avait parlé également, en ce qui a trait à la périodicité des évaluations, vous dites: Ça peut varier. J'ai vu dans votre mémoire que vous faites état, par exemple, d'une évaluation initiale après un an, et après ça je ne sais pas si j'ai bien retenu, là, ça pourrait être après trois ans ou sept ans. Est-ce qu'on ne peut pas laisser au président du tribunal la latitude de déterminer la périodicité? J'imagine qu'il va le faire d'une façon qu'il voit comme étant la meilleure, pas trop souvent, mais non plus pas à des périodes qui sont trop éloignées. Alors, je me dis, est-ce qu'on ne peut pas laisser ça, il me semble, au bon jugement de celui qui assume la présidence, là, du tribunal?

n(17 h 40)n

Mme Houle (France): Non, parce que, de la manière dont les choses sont pensées en ce moment, c'est que les évaluations ne seront pas uniquement formatives mais performatives. Donc, elles pourraient à la limite être utilisées dans un dossier disciplinaire. Donc, c'est pour ça que le président ne peut pas avoir quoi que ce soit à dire sur ces questions, et ça doit être prescrit dans la loi pour garantir encore une fois l'indépendance. Et le juge Dussault avait fait des remarques intéressantes, dans son jugement, sur l'importance d'inscrire certains principes fondamentaux pour garantir l'indépendance et les inscrire dans la loi. À cet égard, je pense qu'il a tout à fait raison de dire qu'il faut que ce soit dans la loi. Et, non, je ne le laisserais pas au président.

Évidemment, si vous dites dans la loi... vous allez dans le sens du Barreau ? le Barreau suggère une évaluation uniquement formative, donc ces dossiers-là n'iraient jamais dans le dossier disciplinaire, jamais, jamais, jamais, et ça sert uniquement à établir les besoins de formation d'un membre ? là c'est une tout autre histoire et là on pourrait de fait dire au président: Oui, vous pouvez déterminer quel est le meilleur temps pour évaluer les membres. On pourrait également lui laisser la possibilité de faire lui-même des évaluations, avec l'aide peut-être d'une personne pour que ce soit fait correctement. Mais là on n'est pas dans ce contexte-là, on est dans un contexte où l'évaluation insatisfaisante pourrait éventuellement, lors d'une plainte, être déposée dans le dossier disciplinaire. Donc, ça a une fonction performative. C'est pour ça que le président ne peut pas s'en charger.

M. Marcoux: Mais, s'il était précisé que c'est à des fins formatives, à ce moment-là, vous dites: Oui, ça passe...

Mme Houle (France): Oui. Si on spécifie dans la loi que l'évaluation a uniquement pour fins d'établir les besoins de formation des membres, uniquement pour ça, là le président peut gérer, peut gérer tout le processus.

M. Marcoux: En ce qui a trait au code de déontologie, ce que vous suggérez, c'est de maintenir... Ça existe actuellement dans la Loi sur la justice administrative, c'est-à-dire que le code est édicté par le Conseil de la justice administrative et soumis pour approbation au gouvernement. Est-ce que c'est ça que vous suggérez?

Mme Houle (France): Je n'ai pas fait de proposition spécifique, dans le mémoire, là-dessus, mais ce qui me semble important, c'est qu'un code de déontologie, ça doit être fait par les pairs. C'est eux qui savent d'abord et avant tout comment ça devrait fonctionner correctement, un tribunal, comment eux doivent se comporter pour que le tribunal conserve sa crédibilité et sa légitimité. Tous les codes de déontologie sont généralement faits par les pairs. Ce n'est pas le gouvernement qui fait le code de déontologie des avocats, etc. Donc, c'est fait par les pairs parce qu'ils ont cette connaissance.

Par ailleurs, le Barreau a soulevé un argument qui me semble tout à fait pertinent aussi, c'est que le gouvernement ne devrait pas être en mesure de modifier, selon son bon vouloir, le contenu du code de déontologie.

M. Marcoux: Donc, ce qui est soumis, par hypothèse, par le Conseil de la justice administrative: que le gouvernement n'ait qu'une formalité d'approbation, sans aucune discussion.

Quand vous parlez du maintien des compétences, l'article 181, je pense, où on ajoute ? dans le fond, c'est le code de déontologie, je comprends, là: «Il énonce en outre des règles concernant le maintien des compétences des membres dans l'exercice de leurs fonctions», est-ce que ce n'est pas de donner une indication de l'importance justement de la formation pour les membres, c'est-à-dire de maintenir leurs compétences, de les actualiser, afin de pouvoir être capables de rendre des décisions? Et parfois ça peut varier aussi parce que, dans certains secteurs, il peut y avoir des développements qui font que des membres doivent acquérir de la formation. Alors, vous dites: Bien, ça nous apparaît trop vague. Mais c'est peut-être difficile de préciser davantage si on veut donner une certaine orientation et indiquer une préoccupation. Alors, vous dites: Bien, ce n'est pas suffisamment ? je pense que c'est ça ? ce n'est pas suffisamment précis. Mais comment vous le formuleriez si vous aviez à suggérer quelque chose?

Mme Houle (France): Je me fais lancer la balle, hein?

Le Président (M. Descoteaux): Me Houle, en une seule minute.

Mme Houle (France): Une seule minute? Je n'ai pas de suggestion à vous faire, mais je peux y réfléchir et, si j'en ai une, je vous l'envoie par courriel.

M. Marcoux: Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Descoteaux): Une minute bien utilisée. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Merci, Me Houle, d'être à nouveau parmi nous puis aussi de le faire dans un délai aussi court.

J'avouerais que, même en vous écoutant, j'ai eu à peine l'occasion, là, de lire en diagonale votre mémoire, donc je vais prendre une partie de la soirée pour prendre bien attention, parce que, lors des premières consultations, je me souviens, lors du projet de loi n° 4, votre mémoire avait, si on veut, sonné la charge sur le maintien de la multidisciplinarité du tribunal, qui est maintenant, là, chose faite, et c'est bien, mais c'est vous qui aviez amené tous ces commentaires et en même temps sur sa structure au niveau juridique qui ont bien servi les membres de cette commission.

Peut-être sur quelques points, lorsque je vous entendais parler du processus de nomination, ça m'a rappelé... Des consultations sur le projet de loi n° 35 datent de l'an passé, donc ça fait un an presque et demi, et j'ai révisé plus tôt mes notes, mais là je me souviens des commentaires du président et de certains membres de la commission où on souhaitait en même temps... Comme on nomme les juges administratifs, les membres du tribunal selon bonne conduite donc pour un temps parfois fort long, plusieurs des membres, entre autres le président, avaient suggéré que le processus de nomination revête la qualité apparente ou du moins un processus qui s'apparenterait au processus de nomination des juges à la Cour du Québec. Et là je relisais les dispositions sur le processus de nomination, on parlait de la qualité des gens, mais en même temps il y a une discrétion presque entière, là, de nomination.

Comme on les nomme selon bonne conduite, est-ce que vous ne pensez pas, et en même temps dans un souci de tendre vers une justice plus indépendante, je vous dirais, plus indépendante et moins près du pouvoir exécutif, mais donc de s'assurer de tendre vers cette plus grande indépendance, est-ce que vous ne pensez pas qu'il y aurait lieu de modifier le processus de nomination et de s'assurer d'un processus de sélection vraiment similaire, là, à ce qui existe pour les juges de la Cour du Québec?

Mme Houle (France): Ça pourrait être une bonne idée, mais je n'ai pas en tête le processus à la Cour du Québec, c'est trop vague, là, pour pouvoir vous répondre de façon précise. Mais plus on aura un processus de sélection qui sera sérieux, avec des gens qui connaissent bien le fonctionnement du tribunal comme ils connaissent bien les compétences et les connaissances requises pour effectuer le travail correctement, évidemment mieux ce sera.

M. Bédard: Je suis de votre avis. Sur la régionalisation, bien sur l'absence, et avec égard pour le ministre, effectivement nous avions eu... Le ministre Bellemare avait des qualités et des défauts ? et là c'est un jugement de valeur que je porte, alors je le fais avec beaucoup de réserves ? mais quand même il avait une volonté réelle de régionaliser, et le Barreau d'ailleurs s'est montré fortement encouragé par cette volonté de régionalisation. Et même tantôt, d'ailleurs, la bâtonnière et surtout Me Perreault sont venues nous montrer leur accord à cette régionalisation donc par l'enchâssement de dispositions particulières dans la loi ou dans la réglementation, visant à s'assurer une présence permanente, donc d'assurer cette permanence, quitte à trouver des aménagements pour éviter, là, une concentration trop grande de décideurs, vu le peu de nombre de décideurs, donc d'un trop grand nombre de décisions d'une même région entre les mains de quelques personnes, donc de s'assurer une diversité des décideurs mais en même temps vraiment d'une résidence aussi.

Est-ce que vous pensez qu'il est normal d'espérer pour les gens des régions une plus grande décentralisation, comme nous avons d'ailleurs pour la CLP et comme nous avons pour les tribunaux de droit commun?

n(17 h 50)n

Mme Houle (France): Le problème de la régionalisation me porte particulièrement à coeur, et ce n'est pas juste pour les citoyens, pour leur donner accès à la justice. C'est sûr que ça, c'est une question fort importante. Mais l'autre question qui m'apparaît tout aussi importante, c'est une vision globale du développement des régions, et, quand on peut mettre, dans les régions, des institutions permanentes, ça aide à développer les capacités des personnes dans la région et à stabiliser les régions, et ça, bon, c'est mon point de vue personnel, j'y crois profondément. Je pense qu'on a juste à regarder ce qu'on a fait aux autochtones pour avoir la réponse à la question de la régionalisation. Donc, si on va vers l'idée de gouvernance pour les autochtones, bien il faut aussi créer, peut-être pas nécessairement les mêmes mécanismes, mais les idées doivent être les mêmes derrière ça, c'est-à-dire de donner les possibilités aux personnes dans les régions de développer leurs capacités, de développer leurs compétences pour pouvoir éventuellement acquérir un pool assez important de connaissances et de compétences pour se prendre en main et se développer eux-mêmes. Mais ça, c'est mon point de vue, disons, de développement régional et général.

Mais alors, pour répondre à votre question brièvement, oui, je suis tout à fait d'accord avec l'idée que ce soit dans la loi qu'on régionalise pour assurer la permanence des institutions dans les régions.

M. Bédard: Merci. Alors, je suis entièrement d'accord, parce qu'on avait le président qui était... plus tôt cet après-midi et qui, lui, personnellement, avait cette volonté, sauf qu'elle est suspendue à la réalité du personnage, et on sait que le titre de président est pour un temps déterminé. Si un autre président est moins soucieux de cette réalité, eh bien, la tendance générale est la centralisation, et, on le sait, c'est une lutte continuelle des organismes. Donc, quand le législateur prévoit que cette régionalisation, elle est enchâssée, bien, on est sûr qu'elle n'est pas dépendante des priorités du président. Je vous remercie. Merci de votre appui. Pour quelqu'un qui demeure à Montréal, je trouve que vous avez une belle, belle vision de la justice administrative. J'en suis fort heureux.

Une voix: Et le Barreau aussi tout à l'heure.

M. Bédard: Effectivement, et le Barreau aussi, il faut le dire, le Barreau partage votre façon de voir.

Quant au processus de révision, il y a des pans qui ont été éliminés, de ce qu'on retrouvait dans 35, mais en même temps le processus était complexe. Est-ce que vous pensez qu'on sauverait bien du temps? Parce qu'il faut augmenter la célérité, mais en même temps sans sacrifier la qualité. Si on empêche les gens de... pas on empêche, mais, si les décisions en révision sont plus indépendantes du décideur, j'ai tendance à croire que cette façon de faire là va s'assurer d'une meilleure prise en compte des intérêts des citoyens, donc en même temps moins de décisions devant le Tribunal administratif du Québec quand le tribunal... pas le tribunal mais le réviseur a vraiment, là, cette indépendance vis-à-vis le premier décideur, l'agent, finalement, dans les cas de l'assurance automobile. Est-ce que vous pensez que le processus de révision, qui est peu encadré actuellement et qui n'est pas touché dans le projet de loi, mériterait d'être vu pour s'assurer d'un processus plus respectueux de l'indépendance du décideur vis-à-vis l'instance en révision? Est-ce que vous pensez qu'on y gagnerait en termes de célérité, en même temps que ça empêcherait les gens de se retrouver devant le TAQ pour se voir donner raison, finalement?

Mme Houle (France): Très candidement, je ne comprends pas votre question.

M. Bédard: J'avouerais qu'à cette heure elle commence à être compliquée, ma question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bédard: Ce que je veux m'assurer, c'est que le processus de révision soit plus indépendant dans l'instance administrative. Donc, où on a une véritable révision, on est sûr d'avoir moins de contestations devant le Tribunal administratif du Québec. Pourquoi? Pas parce que les gens ont toujours raison, parce que, quand effectivement ils ont raison, si on a une plus grande indépendance, on s'assure qu'il soit plus imperméable, si on veut, à la décision de l'agent.

Est-ce que vous pensez que ce processus mérite d'être amélioré? Est-ce que ça a fait l'objet de votre questionnement? Parce que, là, on n'est pas dans le quasi-judiciaire, on est vraiment plus à l'étape de la révision, dans le processus administratif.

Mme Houle (France): Écoutez, les praticiens pourront mieux répondre que moi à cette question. Ce que je sais ? et je ne sais pas si l'information que je connais est exacte ? c'est que les processus de révision, bien souvent ça ne donne pas grand-chose. Donc, si ça ne donne pas grand-chose, est-ce qu'il ne serait pas mieux de tout simplement les abolir et réinvestir ces sommes-là dans la conciliation, des bons systèmes de conciliation au sein du TAQ? Ça pourrait être une solution. Mais je n'ose pas trop m'avancer sur ces questions-là parce que pour moi elles relèvent plus du praticien.

M. Bédard: Du praticien.

Dernière question en ce qui me concerne. Le Barreau avait beaucoup de réserves quant à l'introduction de l'article 116.1 qui prévoyait, lorsqu'une preuve portant sur un élément essentiel lui est présentée, que le tribunal peut suspendre l'instance pour la période qu'il fixe afin que l'autorité puisse l'examiner à nouveau et modifier sa décision. Est-ce que vous pensez que c'est de nature à augmenter les délais? Parce que le Barreau avait beaucoup de réserves quant à cette disposition, parce que, sur des éléments essentiels, à peu près toute preuve qui est présentée, souvent elle vient compléter et modifier... et on risque de se retrouver à quelques reprises à retourner la décision devant l'instance, et on revient devant le tribunal. Est-ce que vous pensez que ça correspond à un idéal de célérité, sans sacrifier la qualité?

Mme Houle (France): Je retournerais le problème d'une autre façon. La question que je me pose, c'est: Est-ce que ce n'est pas favoriser le fait qu'on ne dévoile pas toute sa preuve devant le décideur administratif parce qu'on sait que de toute façon la décision va être négative, puis on préfère garder quelques beaux lapins dans le chapeau, là, pour le Tribunal administratif? Moi, c'est la question que je me pose. Puis encore là je pense qu'un praticien serait mieux en mesure de répondre correctement à la question parce que ça, ça relève vraiment des questions de pratique quotidienne. Et voir aussi quelle est la réaction des membres du TAQ ou du président du TAQ par rapport à ça, parce que, eux, ils doivent le vivre quotidiennement, ce genre de problème. Et est-ce qu'il faut vraiment le régler, oui ou non? Est-ce qu'il faut le régler de cette manière? Je n'ai pas vraiment de réponse à vous donner là-dessus.

M. Bédard: Merci.

Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci, M. le Président. D'abord, je suis très fier à nouveau d'accueillir ma collègue, ancienne étudiante, devant cette commission, et je ferais remarquer au ministre que l'Université de Montréal contribue de façon importante aux travaux de cette commission. On avait notre doyenne la semaine dernière qui était là, avec Louise Viau, notre collègue. Là, on a Me France Houle. Ça fait partie du rayonnement des collègues. Et Me Houle, je crois, nous aide beaucoup. Le mémoire antérieur qu'elle avait préparé pour le projet de loi était remarquable. Alors, je suis très fier de mon université aussi. Et la vôtre?

M. Marcoux: Bien, avec raison, avec raison, M. le Président. Et le député de Dubuc et moi-même également, de notre université. Mais, vous savez, j'ai toujours reconnu les mérites de l'Université de Montréal, de la Faculté de droit.

M. Turp: Vous êtes fier, hein, de notre université? Vous transmettrez ça à notre doyenne, Me Houle.

Alors, moi, ma question, c'est: vous faites trois projets d'amendement, là, à l'article 38, et vos trois premières recommandations visent à ajouter quelque chose à l'article 38, qui sont en fait des critères ou en tout cas des facteurs dont on devrait tenir compte, là, dans la nomination. J'ai vérifié dans la Loi sur les tribunaux judiciaires. Pour ce qui s'agit de la Cour du Québec, ce n'est pas là. Alors, je voudrais savoir qu'est-ce qu'il y a derrière ça. C'est une inquiétude qui vous amène à dire: Il faut que ces choses-là soient dans la loi, sur le caractère multidisciplinaire, sur, je ne sais pas, le nombre de membres du tribunal qui devraient être nommés, alors... Comment pouvez-vous plaider ça pour convaincre le ministre qu'il faudrait qu'il ajoute quelque chose de ce type-là?

Et, pour ce qui est... c'est presque dire aussi: Je veux, dans la loi, les critères de nomination des membres, alors que les deux lois, celle sur la justice administrative et la Loi sur les tribunaux judiciaires, prévoient que c'est dans un règlement que se retrouvent ces critères. Alors, je veux comprendre pourquoi vous insistez tant, en faisant trois recommandations, pour que ce soit dans la loi qu'on retrouve ces éléments, ces critères qui concernent à la fois le tribunal et ses membres.

Mme Houle (France): C'est vraiment d'aller un peu plus loin dans tout le fonctionnement de notre système de justice. Un jour, à mon avis, il faudra le faire pour les juges des cours de justice et même évaluer leur compétence. Ça, c'est mon opinion personnelle. Et il va falloir, à un moment donné, déterminer de façon claire quelles sont les personnes qu'on veut pour être nos décideurs dans nos tribunaux administratifs ou dans nos tribunaux judiciaires. Il y a des personnes qui ne sont pas à leur place et il faut que ce problème se règle une fois pour toutes, un jour ou l'autre, et c'est ça qui est derrière ma préoccupation. Pour le moment, j'ai mis des critères extrêmement généraux, mais je pense qu'éventuellement il faudra en arriver à quelque chose de plus précis.

Évidemment, c'est difficile de le dire dans la loi, pour ce qui est du TAQ, parce que le TAQ gère énormément de litiges concernant à peu près l'application de toutes les lois, ou presque toutes les lois du Québec, ou en tout cas un très grand nombre. Donc, c'est difficile de dire précisément quelles sont toutes les connaissances et les habiletés dont on a besoin. Mais ce qui m'apparaît important pour le moment, c'est de vraiment le dire explicitement, que ces choses-là sont cruciales pour maintenir la crédibilité et la légitimité du tribunal.

M. Turp: Mais alors pourquoi dans la loi...

Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Mercier, non, nous n'avons plus de temps. Peut-être 15... 10 secondes.

n(18 heures)n

M. Turp: Juste ma question: Pourquoi dans la loi, alors que les... C'est votre recommandation 3, là. Pourquoi dans la loi? Vous voulez que le législateur le fasse et non pas le gouvernement? Parce que le gouvernement le fait par règlement. Pourquoi la loi?

Le Président (M. Descoteaux): Vous allez conclure en quelques secondes, Me Houle.

Mme Houle (France): Tout simplement pour qu'il y ait un débat là-dessus. Parce que, quand on fait des règlements et quand tout est dans le règlement, les débats ne se font pas, les débats sociaux ne se font pas ou se font très peu. La possibilité de contribuer pour le citoyen et pour les partenaires privilégiés, de contribuer à l'élaboration des normes réglementaires, est extrêmement limitée, et tout reste dans le giron administratif. Ce que je souhaite en tant que citoyenne, c'est qu'il y ait des débats législatifs sur ces questions.

Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. Merci de votre présence devant la commission. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 6)

Le Président (M. Simard): Alors, la Commission des institutions reprend ses travaux. Je vous rappelle que nous sommes ici pour tenir des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives.

Nous allons donc recevoir, ce soir, le dernier groupe de la journée, et j'allais dire et non les moindres, puisqu'il s'agit de la Conférence des juges administratifs du Québec. Je vais inviter le président de la conférence, le juge Jacques Prémont, à nous présenter les autres membres qui l'accompagnent.

Conférence des juges administratifs
du Québec (CJAQ)

M. Prémont (Jacques): D'accord. Merci, M. le Président. Alors, messieurs dames, membres du comité, pour placer un petit peu la conférence et vous expliquer un peu pourquoi on a une délégation aussi considérable, je vous dirais que la Conférence des juges administratifs du Québec est un large forum de membres de tribunaux administratifs et demeure le plus important interlocuteur en matière de justice administrative. Alors, évidemment qu'on va discuter sur une base un petit peu plus large que strictement le TAQ. On parle de l'ensemble des organismes juridictionnels, ça réunit 300 membres répartis dans 17 organismes ? et, tant que le projet de loi n° 76 n'est pas sanctionné, on parle bien de 17 organismes encore, j'ai vérifié ? qui exercent des fonctions juridictionnelles. Alors, c'est ce qui explique l'importance de la délégation qui est venue vous rencontrer, qui comprend, outre le président de la conférence, les présidents et présidentes de trois des associations sectorielles de nos quatre grands tribunaux qui sont sous le parapluie de la Loi sur la justice administrative.

Alors, d'abord, à ma droite, du Tribunal administratif du Québec, M. Mathieu L'Écuyer, qui est le président de l'Association des juges administratifs du tribunal.

M. L'Écuyer (Mathieu): Bonsoir.

M. Prémont (Jacques): À ma gauche, M. Gilles Robichaud, qui est président de l'Association des commissaires de la CLP; et, à mon extrême droite, M. Michel Marchand, qui est président de l'Association des commissaires de la Commission des relations du travail.

Le Président (M. Simard): Avant que vous n'alliez plus loin, est-ce que vous avez un texte écrit que la commission...

M. Prémont (Jacques): J'ai un texte écrit qui constitue plus une mise en situation que... que je peux vous remettre après en avoir disposé, là. Je n'ai pas véritablement toutes les copies.

Le Président (M. Simard): D'accord. Donc, vous n'avez pas prévu de distribuer...

M. Prémont (Jacques): Non, je n'ai pas prévu de mémoire. On n'a pas prévu de mémoire. Les délais étaient assez courts, et je pense que les sujets sont quand même assez circonscrits qu'on puisse...

Le Président (M. Simard): Ce n'était pas un reproche, hein, c'était une demande.

M. Prémont (Jacques): Non, mais je ferai parvenir au secrétaire le texte de ce que j'ai ici, résumé.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup.

M. Prémont (Jacques): Alors, d'abord, remercions la Commission des institutions. On est consultés quand même, la conférence, pour la troisième fois sur la réforme de la Loi sur la justice administrative. On doit évidemment vous avertir que le devoir de réserve qui nous incombe pose des limites à nos interventions. Mais cependant les préoccupations historiques de la conférence quant à la transparence absolue de la justice administrative nous font obligation de commenter le projet de loi n° 103, surtout quant au fonctionnement des tribunaux, au statut de ses membres puis à la spécificité multidisciplinaire de la justice administrative.

n(20 h 10)n

D'entrée de jeu, si on se place au niveau de la conférence, on doit exprimer la déception de la conférence lorsqu'on constate que le projet de loi, dans sa nouvelle facture, limite à peu d'entre eux la portée des garanties d'indépendance qu'il contient. Les garanties spécifiques d'indépendance prévues au projet de loi n° 35 avaient été acceptées par l'ensemble des membres de la conférence, même si elles ne s'appliquaient qu'aux deux tiers d'entre eux. Le projet de loi n° 103 ramène l'application de ces garanties d'indépendance à moins d'un tiers d'entre eux. Or, il a toujours été de la compréhension des membres de la conférence que son appui à la réforme reposait sur un consensus voulant que les tribunaux administratifs ayant le même mode de nomination, la même rémunération, mêmes règles d'évaluation, mêmes exigences déontologiques jouiraient éventuellement de garanties d'indépendance identiques. C'est un peu ce que vous disait le président du Conseil de la justice administrative lorsqu'il vous donnait comme exemple que le citoyen qui a un recours à exercer s'attend qu'un juge administratif, d'un organisme à l'autre, ait les mêmes valeurs.

Alors, plusieurs de nos remarques vont reprendre les consensus auxquels nous en étions arrivés lors de l'étude détaillée du projet de loi n° 35, et plusieurs des suggestions que nous avions faites à cette occasion avaient permis d'y apporter des amendements qui l'ont grandement amélioré. Nous nous attendons donc à la même ouverture cette fois-ci quant à certains éléments incontournables.

Alors, pour s'en tenir à l'essentiel, en rappelant les principes généraux auxquels nous souscrivons, nous reviendrons ensuite sur ce qui nous apparaît affaiblir sensiblement l'ensemble du projet.

Premièrement, sur la nomination selon bonne conduite, l'article 38, tel qu'amendé par le projet de loi, consacre le principe de la nomination selon bonne conduite, qui constitue selon nous une garantie d'indépendance correspondant aux critères énoncés par la Cour d'appel dans Barreau de Montréal. Cette mesure est d'autant justifiée que le processus de sélection des juges est transparent et efficace. Sur le même sujet, les dispositions transitoires proposées répondent, à peu de chose près, aux suggestions de la conférence. Comme les membres qui sont visés par ces mesures sont exclusivement des membres du TAQ, je laisserai tantôt le président de la l'AJATAQ proposer des améliorations à l'article 49.

Sur la déontologie et l'évaluation, d'abord la conférence applaudit au maintien du Conseil de la justice administrative. Mais, sur l'adoption par le gouvernement du code de déontologie, la conférence ne peut, en même temps que d'autres qui nous ont précédés ici, que souligner avec force le danger qu'elle y voit, de déroger au principe établi dans l'affaire Barreau de Montréal, surtout lorsque l'on fait un lien entre le processus d'évaluation des juges administratifs et le processus déontologique qui leur est applicable.

Alors, la conférence réitère ses recommandations antérieures à l'effet que ce que la Cour d'appel préconise, c'est une évaluation formative, transparente, et nous estimons qu'elle doit impérativement rester distincte des exigences déontologiques. En fait, le principe établi, c'est que le gouvernement ne devrait pas être le patron des juges ? ça s'applique à tous les niveaux de la justice ? et la transparence de la justice administrative exige donc que le gouvernement ne puisse dicter les règles déontologiques qui sont applicables aux juges. Dans le cadre des consultations sur le projet de loi n° 35, le Barreau du Québec, pour un, avait déclaré inacceptable cette intrusion du gouvernement. C'est d'ailleurs le sens de ce que disait la bâtonnière cet après-midi lorsqu'elle disait que le code de déontologie relève de l'indépendance judiciaire.

Sur la régionalisation, alors le TAQ a été très proactif, vous l'aurez constaté ? vous avez parlé au président ? a adopté comme orientation stratégique d'intervenir rapidement et de façon soutenue dans la conduite des dossiers pour optimiser les services rendus aux parties, réduire les délais de traitement des affaires. La mesure la plus significative est la désignation de juges coordonnateurs dans des régions regroupées. Alors, les appels de rôles, conférences de gestion, conférences opératoires, séances de conciliation... autant de modes de gestion des dossiers qui ont accéléré la mise au rôle. Alors, ces mesures proactives ont eu comme résultat une réduction significative des délais, comme l'a souligné le président du TAQ. Si l'on ajoute à ces mesures les bénéfices des ententes de services conclues avec les bureaux régionaux de la CLP ainsi qu'avec les palais de justice régionaux, il nous apparaît maintenant incontestable que, dans les cas où le dossier est en état, les parties peuvent obtenir une audience pratiquement sur demande. Lorsqu'on couple toutes ces mesures ensemble, la conférence estime que la régionalisation est une réalité, si l'on considère la proximité des services et la réduction dramatique des délais.

Alors, avant de passer la parole à mes confrères, je dirais que, malgré son application restreinte, la conférence estime que le projet de loi n° 103 rencontre les objectifs difficilement contestables énoncés en préambule. En ce sens, il constitue un premier pas indispensable vers une réforme qui ne peut qu'améliorer l'accessibilité, l'efficacité et la célérité de la justice administrative dorénavant rendue par des juges impartiaux et indépendants. Il ne reste qu'à souhaiter que l'application de ces mesures s'étende au plus tôt aux autres tribunaux administratifs.

Alors, il serait maintenant approprié, vu le temps qui nous est alloué, de laisser mes collègues des associations sectorielles, en commençant par le président de l'AJATAQ, M. Mathieu L'Écuyer, vous signaler, entre autres, le silence du projet de loi sur notamment le régime de retraite des juges administratifs.

M. L'Écuyer (Mathieu): Merci, M. le Président. M. le Président de la commission, M. le ministre, Mme la députée, MM. les membres de la commission, je compte sur votre indulgence. Si quelqu'un s'était présenté devant moi aussi peu préparé que je le suis, il devrait d'ailleurs compter sur la mienne. Alors, c'est à pied levé, j'ai été nommé président de l'association, en remplacement d'un de mes collègues, la semaine dernière et je vous confesse que je n'ai malheureusement pas passé la fin de semaine à préparer un mémoire. Quoi qu'il en soit, je compte sur mes 25 ans d'expérience comme juge administratif pour tenter de vous donner l'heure juste si c'est possible.

Malgré ce qu'a dit M. Prémont, je ne peux pas m'empêcher de vous dire que c'est un grand moment en justice administrative que la nomination durant bonne conduite des titulaires de ces charges. Écoutez, il y a 20 ans, un groupe de travail du gouvernement s'intéressait à ces questions-là, le groupe Ouellette, pour ne pas le nommer, devant lequel je comparaissais, et on en arrive, là, deux décennies plus tard, à examiner ça. C'est un élément essentiel en fait pour assurer la crédibilité du système, et je peux vous dire que ça suscite beaucoup d'enthousiasme chez mes collègues.

Je sais qu'il y a beaucoup d'éléments, je vais vous laisser le soin de poser des questions que vous jugerez qui peuvent vous intéresser plutôt que de discourir sur des choses qui sont possiblement déjà toutes harmonisées ou réglées.

Un simple point sur les dispositions transitoires. Il est prévu que des paiements de transition puissent se faire à l'échéance des mandats à durée déterminée. À présent, les dispositions, telles que rédigées, prévoient que cette possibilité de toucher des paiements de transition ne peut se faire qu'à l'échéance des mandats s'il n'y a pas le passage, là, vers la bonne conduite, si les gens ne poursuivent pas, là, leur carrière de juge administratif. Or, en fonction des régimes qui existaient, il s'agissait, nous semble-t-il en tout cas, d'une condition de travail qui était prévue, là, c'est-à-dire qu'on pouvait acquérir le droit d'obtenir un paiement de transition non seulement pour un changement vers une autre carrière, mais même pour un départ vers la retraite.

Et ça m'amène incidemment à vous dire que, dans la mesure où le régime de retraite qui est prévu pour les juges administratifs est le RRPE, ce n'est pas un régime, là, qui est manifestement approprié, quand on le compare à des gens qui sont titulaires de fonctions similaires, qui ne peuvent entrer en fonction qu'après au moins 10 années d'expérience pertinente et pour lesquels la carrière s'en trouve raccourcie. Alors, si notre lecture est la bonne, là, du deuxième alinéa de l'article 49, les dispositions transitoires, on comprend ? en tout cas, peut-être avons-nous mal compris, là, mais c'est ce que nous avons lu ? qu'il n'était possible d'obtenir ces paiements de transition là que si les gens ne poursuivaient pas un mandat durant bonne conduite à l'échéance du mandat à durée déterminée. Vous m'excuserez si on a mal saisi, là, ou si c'est la rédaction. C'est ce qu'on croyait, en toute bonne foi, avoir compris.

n(20 h 20)n

Écoutez, je vous soumets que, dans la mesure où le régime de retraite, pour les gens qui ont occupé ces charges-là, était relativement déficient et qu'entre autres, au moment des entrées en fonction, le secrétaire général associé aux emplois supérieurs conseillait aux gens de ne pas adhérer à des régimes de retraite ? parce qu'on ne considérait pas qu'on faisait carrière comme juges administratifs mais qu'on pouvait s'y retrouver ponctuellement pour un mandat de cinq ans ou deux mandats de cinq ans, une dizaine d'années ? on pense que vous devriez peut-être considérer l'opportunité que ces paiements de transition là puissent s'appliquer en rachat de périodes servies en tant que juge administratif. Il faut par ailleurs, évidemment, qu'il y ait ouverture législative pour ce faire.

Du côté du fonds de retraite, les gens du... en tout cas nos associations représentatives ne sont pas du tout allergiques à ce que les gens qui ont occupé la charge puissent éventuellement racheter du temps pendant lequel ils ont contribué. Il nous semble que ce ne serait que juste considération que les membres qui ont servi comme juges administratifs, pendant ces périodes-là, puissent voir leurs services reconnus en achetant, à même ces paiements de transition là, le droit d'obtenir une retraite décente, là, à la fin de leur mandat.

Alors, écoutez, il y a évidemment beaucoup d'autres questions, là, je pourrais vous entretenir fort longuement, mais je me limite bien précisément à ces dispositions transitoires là, et ça me fera plaisir de répondre à toute question qui pourrait intéresser la commission lors de la période de questions.

M. Prémont (Jacques): Alors, M. Robichaud, est-ce que...

M. Robichaud (Gilles): Alors, bonne soirée. Après un peu plus d'un an et quelques mois, l'association... pas l'association mais la Commission des lésions professionnelles était presque fusionnée avec le TAQ et avait tous les avantages inclus dans cette fusion, nommément le «selon bonne conduite», pour exercer dans une section dudit tribunal, exactement les mêmes fonctions qu'on va continuer d'exercer et qu'on exerce depuis, à tout le moins, 1985, du temps de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. Alors, parce qu'on n'est pas fusionnés, «selon bonne conduite» ne semble pas s'appliquer à nous, ce n'est pas dans le projet de loi. Pas fusionnés, pas selon bonne conduite, mêmes fonctions, même rôle, mais le tribunal ne mérite pas d'être élevé au même rang que le TAQ, et on est extrêmement déçus, parce que c'est très facile de bonifier le projet de loi et d'en faire l'aboutissement, comme en a parlé de toute façon mon collègue Mathieu L'Écuyer.

De 1987 jusqu'à aujourd'hui, avec la commission Ouellette, et ce qui a été fait par Gil Rémillard au début des années quatre-vingt-dix, par la suite changement de parti, poursuivi par le Parti québécois, et retour au Parti libéral, pour poursuivre encore, il y a une évolution, une volonté du législateur, au Québec, d'améliorer la... et manifeste de la justice administrative. On arrive au point le plus important, et il nous semble qu'il n'y a aucune raison ? puis je ne parle pas juste pour la CLP, pour la Commission des lésions professionnelles, mais pour aucun des tribunaux administratifs qui est couvert par la Loi sur la justice administrative, qui, depuis 1996, a défini qui était l'État... Et l'État, ce n'est pas nécessairement le gouvernement qui est devant nous chaque jour, c'est les différents organismes, que ce soit la CSST, la Société d'assurance automobile. C'est l'administration au sens large. Et les tribunaux qui exercent, de façon exclusivement juridictionnelle, leurs compétences pour décider si, oui ou non, ces organismes-là appliquent la loi comme il faut devraient, par rapport aux justiciables, présenter exactement les mêmes garanties d'indépendance et d'impartialité. Il n'y a aucune raison que ce soit différent.

Le ministre de la Justice, dans son projet de loi n° 103, aurait l'occasion très facilement d'entrer cette considération-là sans bousculer personne, parce qu'à tout le moins, lors de la commission parlementaire relativement au projet de loi n° 35, c'est un consensus qui n'était peut-être pas le cas pour la fusion, mais qui était le cas pour le «selon bonne conduite». Tous les intervenants, y compris ceux qui n'étaient pas d'accord avec la fusion, nommément le Conseil du patronat et la FTQ, n'avaient rien à dire sur la question du «selon bonne conduite». Alors, s'il y avait quelque chose à faire pour terminer cette réforme, à tout le moins sur le plan du statut des membres des tribunaux administratifs, il semblerait que, si le ministre voulait la bonifier, il le ferait sans que personne ne s'oppose ? à tout le moins, on n'a pas vu personne se lever ? accorder le même statut à tous les juges administratifs qui, en vertu de la Loi sur la justice administrative, rendent des décisions à l'encontre de décisions rendues par l'administration gouvernementale...

Le Président (M. Simard): Je suis obligé...

M. Robichaud (Gilles): ...à l'encontre ou en faveur.

Le Président (M. Simard): Je suis obligé de vous interrompre à ce moment-ci, votre temps est épuisé.

M. Robichaud (Gilles): Oui. Merci. J'ai terminé.

Le Président (M. Simard): Est-ce qu'il y avait un dernier intervenant dans votre équipe? Non? Ça va?

Une voix: Non, c'est complet.

Le Président (M. Simard): Alors, je vais demander tout de suite au ministre de réagir en premier et de vous poser les premières questions.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, Me Prémont, Me L'Écuyer, Me Robichaud et Me Marchand. Merci d'avoir été là. Comme vous dites, c'est la troisième fois, je pense, Me Prémont. Moi, c'est la première fois que j'ai l'occasion de vous voir comme groupe et d'entendre vos commentaires et vos suggestions.

D'une part, je prends acte de ce que vous mentionnez: selon vous, Me Prémont, le projet de loi n° 103 est un premier pas dans... est un pas dans la bonne direction, un grand pas dans la bonne direction. Vous avez dit ? d'ailleurs, je pense que c'est Me L'Écuyer qui le mentionnait: C'est un grand moment en justice administrative. Alors ça, j'en prends acte et je suis très heureux de vous l'entendre dire. C'est sûr qu'il n'y a jamais, je dirais, de projet de loi parfait, parfait, parfait, mais je pense qu'au moins, quand ça avance et que ça marque des étapes importantes, je pense, c'est dans l'intérêt des citoyens et ça va permettre à la fois de rendre une justice administrative encore plus efficace et aussi certainement de donner une meilleure confiance aux citoyens.

Vous avez parlé, Me Prémont, de l'aspect de la régionalisation, qui est un sujet qui a fait l'objet de discussions, je pense, au cours de l'été 2003 et également en novembre 2003 ou janvier 2004. Pourriez-vous peut-être nous parler un peu plus justement de l'impact des mesures qui ont été prises? Et est-ce qu'il y a d'autres mesures qui doivent être prises, qui vont permettre justement aux membres du Tribunal administratif d'être davantage accessibles et de pouvoir être plus près des citoyens?

M. Prémont (Jacques): Le président du TAQ, Me Forgues... En passant, c'est M. Prémont. Je suis un des spécialistes au TAQ. Alors, vous savez, la multidisciplinarité, on pratique ça, et, même à la table, ici, je ne suis pas le seul spécialiste, alors...

Donc, pour revenir à la régionalisation, le président du TAQ vous a exposé les mesures qui avaient été prises, les mesures administratives pour améliorer la mobilité et la proximité, et, le résultat, je crois qu'il est visible. On vous a démontré aussi que les affaires pendantes avaient diminué considérablement, qu'il y avait eu... Je pense qu'on a beaucoup amélioré le déplacement.

Mais le TAQ a toujours été un tribunal itinérant, présent, et j'irais jusqu'à dire qu'on répond aux demandes, aux dossiers qui sont en état pratiquement sur demande. Alors, c'est ce qu'on a pour l'instant. On a, par exemple, les juges régionaux, les juges coordonnateurs, qui ont été désignés dans des régions regroupées, qui gèrent tous les dossiers de la région, et je pense que ça accélère le processus de beaucoup et ça rapproche du citoyen. Pour l'instant, c'est ça.

Maintenant, ça dépend du choix du législateur. Il y a des coûts à ça. Je pense que le président du TAQ vous a souligné qu'il y avait des difficultés d'établir en région des juges de diverses spécialités. Il y a quand même quatre sections bien typées. Alors, les bureaux sur place devraient couvrir toutes ces spécialités-là, ou certaines, ou une, ou... Alors, il y a ces difficultés-là.

Et par ailleurs personne n'est contre la vertu, et je pense que tout le monde est disponible pour se déplacer en région. Par ailleurs, il y a également du recrutement qui se fait, puis je pense qu'il y a une préoccupation, là, régionale qui va présider à ce... Mon collègue veut ajouter quelque chose sur ce sujet.

n(20 h 30)n

M. L'Écuyer (Mathieu): Oui. Bien que ce soit encore en gestation... Et il y avait des éléments qui étaient déjà prévus à la Loi sur la justice administrative quant à savoir si le TAQ pourrait se servir, entre autres, des locaux des palais de justice en région. Alors, c'est un élément essentiel évidemment de notre prestation de services, ça se déroule toujours en audience.

Je vous passe rapidement les difficultés historiques qu'on a pu connaître à cet égard-là et je ne vous ferai pas la longue litanie de mes lamentations sur les palais de justice en région, mais on voit arriver des jours meilleurs. Je crois que vous êtes associés d'ailleurs à des changements administratifs. C'est pour nous essentiel, là, pour pouvoir assurer le service en région, d'avoir accès à des salles d'audience pour pouvoir... Parce que, vous savez, ça peut vous paraître folklorique, mais tenir des audiences dans des salles de réception d'hôtel, là... J'y étais aujourd'hui, dans une salle d'hôtel, j'en arrive, là, de Victoriaville. Je ne vous dis pas que ce n'est pas plaisant, mais évidemment, en termes d'accessibilité, ce n'est pas idéal, ce n'est pas la meilleure façon de travailler.

M. Marcoux: Et je pense que cette collaboration-là, elle est essentielle de toute façon. Il s'agit d'une saine gestion et d'une saine utilisation dans le fond de locaux qui appartiennent à l'État et qui peuvent être utilisés pas uniquement par la Cour du Québec ou la Cour supérieure, mais qu'il y a des disponibilités, donc qu'ils peuvent être utilisés par les membres du Tribunal administratif du Québec.

M. L'Écuyer (Mathieu): ...évidemment, je sais que ça ne régionalise pas le tribunal, là, mais je sais, pour en être assuré, qu'on a un accès à ligne directe dans tout le Québec, on a des préposés. Je comprends que ce ne sont peut-être pas des gens qui sont derrière des comptoirs en région, mais ce sont des gens qui ne sont pas moins accessibles, je crois. En tout cas, je vous soumets respectueusement que ça peut être considéré comme des éléments d'accessibilité sans aucun doute, là, pour quiconque au Québec.

M. Marcoux: Et, pour un citoyen, par exemple, je ne sais pas, moi, un accidenté de la route qui a une réclamation auprès de la Société d'assurance automobile du Québec et qui va en révision, qui après ça veut en appeler au TAQ, comment peut-il procéder? Est-ce qu'il y a différentes façons de procéder, de sorte qu'il peut le faire facilement sans être obligé de se déplacer et de parcourir plusieurs kilomètres?

M. L'Écuyer (Mathieu): Vous voulez parler des lieux d'audience, là?

M. Marcoux: Bien, si, moi, je demeure dans une région plus éloignée, que je veux aller en appel au TAQ parce que je ne suis pas satisfait de la décision en révision, comment je peux procéder? Je peux utiliser la Cour des petites créances pour pouvoir déposer, en fait inscrire mon appel?

M. L'Écuyer (Mathieu): Dans n'importe quel greffe de la Cour des petites créances, on peut déposer des recours. Il y a également, qui est en préparation, là, l'inscription par voie électronique, l'ouverture des dossiers par voie électronique. Il y a plusieurs façons de procéder. Les palais de justice sont régionalisés, puis on peut s'adresser à n'importe quel palais de justice pour initier un recours.

M. Marcoux: Me L'Écuyer, vous avez parlé de dispositions transitoires. Écoutez, honnêtement, on va le regarder. On ne voulait certainement pas réduire des droits acquis, on ne voulait pas non plus en donner plus que ce qui était prévu. Donc, on va l'examiner. Je ne peux pas vous répondre, là, ce soir, à cet égard-là, mais c'est clair que l'intention, ce n'était pas de réduire, mais ce n'était pas d'en donner plus non plus. Alors, je pense que... maintenir ce qui était les dispositions prévues dans ces cas-là.

En ce qui a trait à la déontologie, ce que vous souhaitez, c'est de maintenir, si je comprends, ce qui existe actuellement, c'est que c'est le Conseil de la justice administrative qui édicte les règles de déontologie, et elles sont soumises à l'approbation du gouvernement, premièrement. Et, deuxièmement, il a été question aussi de la recevabilité de plaintes par le Conseil de la justice administrative et aussi de la formation de comités pour examiner ces plaintes-là plutôt qu'elles soient examinées par l'ensemble des membres du Conseil de la justice administrative. Est-ce que vous avez des commentaires sur le projet de loi, à cet égard-là?

M. Prémont (Jacques): Bien, les commentaires d'ouverture que je vous faisais, c'est qu'effectivement le Conseil de la justice administrative a développé une crédibilité et une expertise. Il a quand même sept ans d'exercice. Il nous semble que, surtout depuis qu'il a été réformé, c'est-à-dire que les quatre présidents des quatre grands tribunaux siègent au conseil et qu'il y a une majorité, ou pratiquement, de pairs, on considère que c'est le forum tout à fait approprié pour disposer des problèmes de déontologie.

M. Marcoux: Et pour ce qui est de l'examen des plaintes?

M. Prémont (Jacques): Même chose. Ils ont commencé, ils ont déjà une expertise dans ce domaine-là. Le président du conseil en a parlé cet après-midi, ils ont déjà, je dirais, de la jurisprudence, si vous voulez, une pratique. Ça nous apparaît tout à fait approprié.

M. Marcoux: Mais que ce soient des comités, plutôt que l'ensemble du conseil, qui examinent et évaluent des plaintes qui peuvent être formulées? Oui, Me L'Écuyer.

M. L'Écuyer (Mathieu): Je ne voudrais pas vous... Tout simplement préciser que c'est M. L'Écuyer, moi également. Voyez-vous, on pratique la...

M. Marcoux: Ah bien, j'avais eu... Ah oui, bien, écoutez, là, si je comprends, il y a seulement Me Robichaud. Je veux dire, vous êtes tous des juges. Ça reflète la multidisciplinarité. Bravo!

M. L'Écuyer (Mathieu): La multidisciplinarité, c'est très exactement ce que vous avez devant vous, M. le ministre.

M. Marcoux: On devrait dire: M. le juge.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. L'Écuyer (Mathieu): Écoutez, en ce qui a trait à l'édiction du code de déontologie, j'ai eu à travailler longuement, au sein du tribunal, à un comité de travail pour préparer notre code de déontologie, qu'on devait soumettre au Conseil de la justice administrative puis qui devait être ultimement soumis au gouvernement. Ça a été un travail de longue haleine dans lequel les collègues et moi, on tentait de s'approprier véritablement la règle de déontologie pour se donner finalement, là, cette éthique-là collectivement, se l'approprier. Comme disait M. Prémont précédemment, ce n'est peut-être pas une bonne idée de tenter de l'imposer d'autorité. Bien que nous soyons des décideurs professionnels, nous sommes quand même convaincus que, quand les gens sont capables de trouver une solution eux-mêmes à leurs problèmes, c'est beaucoup mieux que de tenter de leur en trouver une d'autorité.

Je crois que mes collègues qui occupent cette charge-là sont des gens sérieux. Le travail qui a été fait... Je sais qu'ultimement le code de déontologie qui avait été préparé n'a pas été adopté par le gouvernement. Mais en tout cas, écoutez, s'il y avait des bonifications à faire... Il nous semblait en tout cas que c'était une bonne façon de se commettre en disant: Oui, nous allons nous donner ces règles-là et nous allons les respecter.

Sur l'autre question, quant aux amendements visant à scinder la recevabilité des plaintes au niveau du Conseil de la justice administrative, je crois que ça ne fait que codifier, en droit statutaire, une pratique existante au niveau du conseil. On pensait que c'était opportun, toujours dans une perspective de maintenir, là, la crédibilité du système, que, pour quelque plainte que ce soit, fût-elle futile, les juges ne doivent pas nécessairement parader publiquement avant de savoir si véritablement il y avait matière à ce qu'on reçoive une plainte. Et nous croyons que ça, ça devrait faire partie de ce qu'on cherche à obtenir comme confiance des justiciables.

Alors, si, comme je le crois... Mais ce n'est pas mon domaine. Vous avez compris évidemment que je ne suis pas un légiste, là, ni un juriste. Mais, si cette législation-là vise à concrétiser cette pratique-là, ça nous semble tout à fait opportun.

M. Marcoux: Oui. M. Robichaud.

M. Robichaud (Gilles): Oui, M. le ministre.

M. Marcoux: M. le juge.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Robichaud (Gilles): M. le ministre, je croyais avoir compris que vous vous interrogiez sur le comité restreint par rapport au comité large. Et ce que j'ai compris de l'intervention de M. McCutcheon, ex-collègue de la CALP, c'est que le comité serait quand même restreint, mais pas un comité de quatre. Moi, je pense que ce qu'il faut rechercher, c'est d'éviter d'avoir des comités restreints différents qui fassent que les citoyens qui portent plainte contre l'attitude que peut avoir eue un commissaire, que ce soit sa partialité, que ce soit sur bon des règles déontologiques, doivent... Les citoyens qui portent plainte doivent être assurés qu'il n'y aura pas des comités faucons, puis des comités colombes, d'autres qui vont être plus difficiles.

n(20 h 40)n

L'idée, ce que j'ai compris de la pratique proposée par le Conseil de la justice administrative, c'est: d'accord, on va réduire le gros comité de 17 à 11, ou à sept peut-être, là, mais on veut s'assurer que c'est le même comité qui va, d'année en année... Mais on peut changer les gens en cours de route, là, à l'occasion, mais c'est les mêmes personnes qui vont recevoir les plaintes des différents citoyens qui se plaignent, de façon à ce que se développe ? c'est ce que disait Laurent McCutcheon cet après-midi ? à ce que se développe une jurisprudence qui vienne des mêmes personnes.

Alors, on sait, quand on passe devant le Conseil de la justice administrative et qu'on porte plainte, que, si c'est appuyé de telle façon, ça va être reçu, si ce n'est pas appuyé de telle autre façon, ce ne sera pas reçu. Je pense que c'était ça qui était l'idée principale du président du Conseil de la justice administrative, c'était d'éviter qu'on ait des comités formés uniquement de trois ou quatre personnes qui soient du même tribunal d'où origine la plainte et que, selon les individus qui sont là, se développe une pratique d'incohérence par rapport à la réceptivité des plaintes. Et, en ce sens-là, moi, je suis parfaitement d'accord avec ce qu'exprimait le président du Conseil de la justice administrative cet après-midi.

Le Président (M. Simard): Me Robichaud, merci. Cette fois-ci, je suis certain que c'est Me Robichaud. Je vais demander à... Je ne demanderai pas à maître, je vais demander au député de Chicoutimi de poser la prochaine question.

M. Bédard: Merci, M. le Président. M. Prémont, M. L'Écuyer, Me Robichaud, M. Marchand, alors merci d'être à nouveau devant nous, aujourd'hui, pour une nouvelle fois. Mais, vous voyez, on avance à petits pas, et je crois qu'à chaque fois le projet de loi s'en est trouvé bonifié. Donc, souhaitons...

Le Président (M. Simard): On les fera revenir encore deux ou trois fois si on y pense.

M. Bédard: Souhaitons que non, souhaitons que le dernier pas sera le bon.

Je vais aller avec des questions un peu en rafale, plus techniques mais qui... Vous voyez le temps, là, on est limités dans le temps.

Donc, tout d'abord, je vous référerais à l'article 16 du projet de loi qui prévoit que «le tribunal peut, lorsqu'une preuve portant sur un élément essentiel lui est présentée sans avoir été préalablement fournie à l'autorité administrative en cause, suspendre l'instance pour la période qu'il fixe afin que cette autorité puisse l'examiner et, le cas échéant, modifier sa décision». Lorsque les délais ne sont pas, bon... après ça on revient. Le Barreau a de sérieuses réserves quant à l'application d'une telle mesure parce qu'ils disent: Écoutez, là, on va se retrouver finalement à allonger les délais inutilement. Souvent, les preuves par expertise portent effectivement sur des éléments essentiels.

Est-ce vraiment utile d'ajouter une telle disposition? Est-ce que ça peut vraiment servir l'administré de retrouver une telle... alors que, moi, je pense que cet article a pour but de permettre à l'administration de s'amender, là? Mais l'administré là-dedans y trouve-t-il son compte?

M. Prémont (Jacques): Je dirais que non tout de go, là. Je ne crois pas que ça puisse servir l'administré que de le renvoyer à la première instance pour recommencer tout le procès, c'est le résultat net, là, de... alors que, dans la Loi sur la justice administrative, il y a déjà toutes les mesures pour pouvoir rendre une décision, la décision qui aurait dû être rendue, tout est là.

Dans le fond, il faut éviter un petit peu ce que la Cour d'appel appelait la plaie sociale des délais de cour. C'est simplement ça. Si on recommence le processus de nouveau à chaque fois qu'on... puis qu'on retourne en première instance, je pense que ça dessert le citoyen, le justiciable. C'est mon opinion.

M. Bédard: Je suis d'accord aussi avec cette vision-là. Je regardais l'article 181 concernant l'adoption du code de déontologie. C'est très technique, là, mais en même temps... Et vous êtes intervenus là-dessus. Mais, pour être clair, le statu quo actuel, celui de la proposition du code de déontologie de... plutôt qu'il soit simplement approuvé par le gouvernement, est-ce que ça vous semble un processus qui normalement devrait être suivi? Pourquoi apporter finalement une modification à la procédure actuelle?

M. L'Écuyer (Mathieu): Bien, j'ai abordé cette question-là tout à l'heure. Ça nous apparaissait bien important, au sein du tribunal, que les membres puissent s'approprier les règles déontologiques, se donner nous-mêmes, là, ce contrat social là. C'est très clair que les balises sont là. Il ne pourrait pas être édicté ni approuvé, là, si on croyait que ça n'aurait pas de bon sens. On a certainement, là, des... la piste est bien balisée. Peut-être que vous allez me trouver naïf, mais je crois fondamentalement que les titulaires d'une charge comme la nôtre sont certainement capables de se donner des règles de fonctionnement et se les approprier. C'est beaucoup plus facile, à ce moment-là, nous semble-t-il, plutôt que de regarder ça d'un point de vue disciplinaire, de regarder plutôt vers une recherche de l'excellence.

M. Bédard: Parfait. Merci.

Plus techniquement là, je regardais une des problématiques qui existent au niveau de la transmission des dossiers au TAQ. On avait vu, lors de l'étude du projet de loi n° 35 et même du projet de loi n° 4, que finalement, les délais que parlait le ministre à l'époque, une bonne partie des délais, au-delà, là, bon, du nombre de dossiers qui s'étaient accumulés, dû aux différentes modifications, mais qu'une partie était attribuable à l'Administration publique, qui ne transmettait pas les dossiers dans les délais indiqués, soit 30 jours. Bon, j'ai regardé les statistiques encore dernièrement, lors de l'étude des crédits entre autres, dans un secteur en particulier. Pendant une année, on s'est comme corrigé, et là on est revenu à peu près au même état qu'on était avant. Et là on parle de transmission administrative, là: je complète un dossier, je n'ai plus de juridiction et je l'envoie au tribunal qui, lui, prend sa juridiction et peut, à ce moment-là, appeler les rôles. Là, ce qu'on constate, c'est qu'il y a des gens qui ne s'amendent pas là-dedans. Alors là, tu sais, il y a la carotte, mais là il y a le bâton. Il vient un moment où tu te dis: Est-ce qu'il faut sortir le «big stick», là, pour que les gens comprennent?

Et là en même temps tu es dans le domaine où c'est assez... Comment on peut punir? On ne peut pas donner raison à l'administré quand il n'a pas raison. Je me demandais, je réfléchissais tout haut, un peu plus tôt, je me disais: Est-ce qu'on peut prévoir, par exemple, un mécanisme? Lorsque les délais n'ont pas été suivis ? et là bon on peut peut-être l'étendre à 35 jours, à la limite, là ? mais que, si le délai de transmission n'est pas respecté, à moins d'un motif raisonnable ou de motifs qui justifient une telle remise, là, par exemple, l'administration serait condamnée à payer les frais? J'avais pensé aux frais d'expertise parce que c'est dans le domaine, on ne se le cachera pas, beaucoup en ce qui concerne l'assurance automobile. Est-ce que vous pensez que ce serait une mesure qui serait de nature à inciter l'administration à respecter ses délais?

M. Prémont (Jacques): Sûrement, parce que c'est définitivement tout ce que l'administration comprend. S'ils sont forclos de réviser, puis que le dossier vient au TAQ pour décision, et qu'il y a des frais attachés à ça, il est évident qu'on va corriger rapidement une situation qui perdure.

M. Bédard: Merci.

M. L'Écuyer (Mathieu): Vous touchez là d'ailleurs quelque chose d'assez important. À l'une des sections du tribunal, il y a une compétence pour adjuger sur des frais d'expertise, alors que ce n'est pas le cas partout. Sans considérer ça comme une mesure punitive, il faut quand même comprendre que les gens qui s'adressent, là, à l'administration pour... et qui demandent des comptes sur les décisions qui ont été prises à leur égard ne sont définitivement pas à armes égales avec la machine.

M. Bédard: Bien, c'est ça. Dès le départ, en plus. O.K. Et peut-être même de laisser peut-être la discrétion au juge administratif en disant que, dans les motifs, il devra tenir compte des délais de transmission. Est-ce que vous pensez que ça pourrait être assez pour inciter fortement l'administration à respecter ses délais?

M. Prémont (Jacques): Absolument. Ça existe déjà, vous savez, en matière d'expropriation, il y a une indemnité additionnelle qui est souvent accordée pour des motifs semblables.

M. Bédard: À l'expropriation...

M. Prémont (Jacques): Délai indu, etc.

M. Bédard: Longueur du processus, oui, je...

M. Prémont (Jacques): Oui.

M. Bédard: Dernière... pas dernière, avant-dernière: le processus de destitution. Je n'ai pas eu le temps de prendre connaissance beaucoup de... Je me souviens du projet de loi n° 35, et là il me semble que ce sujet-là a été peu abordé. Est-ce que le processus de décision vous convient actuellement? Donc, on conserve, j'imagine, le statu quo. Est-ce qu'il vous convient?

M. Prémont (Jacques): Je n'ai même pas envisagé la destitution. Je ne sais pas si... Est-ce qu'il y a un article de ce projet de loi qui...

M. Bédard: Non, non. Dans la loi actuelle. Donc, le processus actuel de destitution vous convient. C'est ce que je comprends.

M. Prémont (Jacques): Est-ce que quelqu'un a une réaction là-dessus? Non.

M. L'Écuyer (Mathieu): Ça va. Remarquez que, si vous voulez l'enlever, il n'y a aucun problème, quant à nous, là. Mais on n'a pas réfléchi à ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bédard: Vous seriez aussi mal pris que nous, je pense. Parce que, quand on nomme selon bonne conduite, tu sais, il faut que tu prévoies en même temps un mécanisme qui rencontre les règles.

M. L'Écuyer (Mathieu): C'est qu'on avait déjà le mécanisme de décision sans avoir la bonne conduite. Là, l'équilibre, à cet égard-là, est peut-être meilleur qu'il ne l'était.

n(20 h 50)n

M. Bédard: O.K. En tout cas, ce sera un des éléments à vérifier un peu plus.

J'avais un autre élément. Là, je comprends, évidemment, sur la déontologie, vous avez été clairs. Sur les évaluations formatives qui ne sont pas liées à la déontologie, vos commentaires rejoignent ce qu'on a entendu du Barreau, à l'effet de bien circonscrire les deux et qu'ils ne doivent pas s'entremêler parce qu'on s'ingère presque dans l'indépendance, dans le processus.

Dernière chose. Et là, à ce moment-là, on a peut-être des sujets sur lesquels on est d'accord mais d'autres sur lesquels on est beaucoup moins d'accord. J'ai entendu vos remarques relativement à la régionalisation et j'ai été un peu déçu. Il faut que je vous l'avoue, là, je m'attendais à un peu plus. Je m'attendais à un peu plus parce qu'il faut faire preuve d'imagination là-dedans. Ce n'est pas avec la régionalisation... Un juge coordonnateur, c'est bien, mais c'est une volonté administrative d'un président de tribunal qui décide qu'on nomme un juge coordonnateur et qui peut changer. Je suis surpris de voir votre fermeture par rapport à l'idée d'une résidence des juges, comme nous avons pour les juges de paix actuellement ? on a nommé des juges de paix magistrats ? comme on a pour les juges de la Cour du Québec, comme on a pour l'ensemble des responsabilités, là, tant quasi judiciaires que judiciaires. Et là vous avez comme une, je vous dirais, résistance au fait que...

Je comprends que les gens peuvent se déplacer, mais la régionalisation, ce n'est pas ça. Se déplacer, c'est d'autre chose. Quand on fait vraiment de la régionalisation, c'est qu'on a des membres résidents qui sont là, comme la Cour du Québec. Bon. Et, moi, si vous me dites: Bon, dans tel type, par exemple l'expropriation, le volume qui existe dans le district du Saguenay?Lac-Saint-Jean, dans le district de Chicoutimi n'est pas suffisant pour justifier une nomination, on peut prévoir ? ou dans Roberval ? de s'assurer qu'on associe même des sous-régions à des régions ensemble ? Côte-Nord, Saguenay?Lac-Saint-Jean ? pour qu'il y ait un nombre suffisant de dossiers et qu'on puisse justifier un nombre x de responsables.

Et là ce qui me fait peur actuellement, c'est qu'on perd ce qu'on avait gagné. La véritable régionalisation, on l'avait évidemment parce que... Mais vous connaissez mes résistances quant à la fusion. Mais là je ne veux pas qu'on perde tout le poisson au complet ou qu'on jette le bébé avec l'eau du bain. Et là j'ai de la misère à comprendre une telle résistance de votre part. J'aurais souhaité finalement que vous nous proposiez des choses: dans tel secteur, c'est impossible; dans tel domaine, je ne sais pas. L'expropriation, regardez plutôt, avec le nombre de dossiers que nous avons, voici ce qu'on vous propose: comme régionalisation, il faudrait inclure, par exemple, quatre districts ou quatre régions ensemble, et là on pourrait avoir un juge résident, deux, trois. Je me serais attendu à des propositions un peu plus constructives, par rapport à cette régionalisation, que strictement: les gens se déplacent puis ils vont écouter les dossiers en région. Je vous avouerais que nos attentes sont plus grandes que ça.

M. Prémont (Jacques): Je suis bien heureux que ça ait été perçu comme ça. En fait, j'ai ajouté qu'on ne peut pas être contre la vertu. Il est évident que c'est quelque chose de désirable, d'avoir des juges résidents en région. Ça, c'est évident. Si c'est le souhait du législateur, si c'est le prix qu'on est prêt à payer pour la justice, il n'y a aucun problème, ça va se réaliser. Il y a des coûts attachés à ça.

Ce que je vous ai exposé, c'est qu'avec les outils actuels qu'on a en main ce qu'on a pu faire d'une façon proactive: regrouper des régions, justement, désigner des juges coordonnateurs dans ces régions-là alors pour accélérer localement les choses, pour se rapprocher, pour être plus à proximité. Mais il n'y a rien qui s'oppose, si c'est le souhait du législateur, à ce que...

M. Bédard: On s'est mal compris.

M. Prémont (Jacques): Puis surtout, écoutez, on est en période de très large attrition. Je vous entendais parler d'une prochaine fois. Mais, si vous vous adressez à moi, ce ne sera pas le cas, je serai à ma retraite. Puis c'est généralisé, là, il y a beaucoup de...

M. Bédard: On parle d'un renouvellement important.

M. Prémont (Jacques): Alors, il y a du recrutement puis il y a... Donc, c'est sûr que c'est une philosophie qui est à établir, qui est déjà ancrée, là. On voyage tellement puis on les connaît tellement, les régions. J'en fais trois par mois puis... Alors donc, ce n'est pas le sens de mon intervention. J'ai essayé de vous démontrer qu'avec les outils qu'on a dans le moment on s'est rapprochés. Puis là le président que vous venez de nommer, dont on salue la nomination d'ailleurs, est très proactif dans ce sens-là, puis comprend bien, là, la problématique, et fait l'impossible pour justement répondre à ces voeux-là. Mais, si le législateur va plus loin, c'est quelque chose que...

M. Bédard: C'est réalisable.

M. L'Écuyer (Mathieu): Si vous me permettez, juste un petit point là-dessus. Ce n'est pas pour vouloir s'en cacher, mais vous comprenez qu'en tant que membres il y a beaucoup de décisions d'opportunité qui peuvent être prises sur l'organisation des tribunaux, là. On pourrait vous en faire part, comment on verrait les choses. Mais vous comprenez qu'on est mal placés pour dire: Voici comment l'État devrait s'organiser, là, jusqu'à un certain point.

M. Bédard: Non, puis je suis d'accord sur le fait...

M. L'Écuyer (Mathieu): Ce n'est vraiment pas notre rôle. Puis je ne vous dis pas ça pour qu'on se soustraie à nos responsabilités, là, mais ça prend d'abord, nous semble-t-il, une volonté politique pour arriver là. Après ça, on est tout à fait disposés à en discuter, comment ça devrait se réaliser. Ce n'est pas un problème pour nous.

M. Bédard: Parfait. Merci. Merci beaucoup. On s'était effectivement mal compris. J'ai peut-être été plus... À cette heure-là, on devient un petit peu plus susceptible.

Le Président (M. Simard): Très, très rapidement, M. le député.

M. Bédard: Très rapidement, oui. Sur la conciliation, je profite... au niveau de la CLP. Est-ce que vous pensez qu'on doit obliger, vous qui êtes des spécialistes dans le domaine de la conciliation... Et je pense que la conciliation a fait ses preuves dans le domaine des lésions professionnelles. Est-ce qu'on doit obliger la conciliation? Finalement, est-ce qu'on doit l'obliger tout court? Parce que le projet de loi prévoit: si les circonstances d'une affaire le permettent, donc on revient un peu à la même règle. Est-ce qu'on doit forcer cette conciliation, finalement?

M. Prémont (Jacques): Dans le moment, elle est systématiquement offerte.

M. Bédard: Par le tribunal?

M. Prémont (Jacques): Pardon?

M. Bédard: À l'étape du tribunal?

M. Prémont (Jacques): Mais elle n'est pas forcée. Ce n'est pas obligé, mais elle est systématiquement offerte au justiciable.

M. Bédard: Systématiquement offerte? O.K.

M. Prémont (Jacques): Et souvent ça répond à un besoin. Encore là, il y a des questions de matière. Oui. Excusez, mais...

M. Marchand (Michel): ...je me permettrais... l'expérience à la CRT, on propose la conciliation, on ne l'impose pas. Ça ne donne rien si une partie ne veut pas aller en conciliation puis si on lui impose, ça n'aboutira pas. La preuve, c'est le taux de réussite chez nous. Je veux dire, les statistiques démontrent qu'au niveau de la Loi sur les normes du travail c'est près de 80 % des dossiers qui se résolvent au stade de la conciliation, et, au niveau du Code du travail, on ne tourne pas loin de 70 %, 65 %, dépendant, là, des matières.

M. Bédard: À peu près? O.K.

M. L'Écuyer (Mathieu): Par ailleurs, je peux vous préciser que, quand on dit que c'est en tout état de cause, il nous est arrivé de proposer une conciliation, même après deux ou trois jours d'enquête au mérite, là. Quand on voit que...

M. Bédard: Oui, oui. Oui, oui.

M. L'Écuyer (Mathieu): Alors, à tout moment, quand les parties semblent vouloir prendre en main leur litige, évidemment on ne tente pas de se l'approprier, nous, on essaie de régler un litige alors par le moyen le plus approprié.

M. Bédard: Dernier élément très, très, très succinctement, M. le Président, et là je ne veux pas que ça échappe aux membres de la commission. Vous l'avez soulevé au niveau de la CLP, parce qu'auparavant on a un projet de loi qui englobait tout le monde, et tout le monde était nommé selon bonne conduite. Et même au départ, à la première lecture, ça nous a échappé, ça, ce qui fait qu'actuellement l'application, ce que je comprends... Et là on relisait, on disait: Oui, effectivement, là, on est limités aux membres du tribunal du TAQ. Donc, les responsables de la CLP, à ce moment-là, ne sont plus touchés par cette mesure et devront attendre une nouvelle réforme de la justice administrative afin d'être nommés selon bonne conduite.

Le Président (M. Simard): Alors, très, très rapidement parce qu'on est au-delà du temps normalement autorisé.

M. Bédard: C'est ce que je comprends?

M. Robichaud (Gilles): Non. On pourrait très bien... des papillons, là. Il y a des dispositions qui touchent la Loi sur les accidents du travail...

Le Président (M. Simard): Est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous regrettez de vous être opposés à la fusion?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Robichaud (Gilles): Ah! non, non, on ne s'est pas opposés.

Le Président (M. Simard): M. le ministre, ça va? Alors, nous avons terminé. Je vous remercie beaucoup des lumières que vous nous avez apportées et je vais inviter maintenant le ministre... d'abord, dans un premier temps, le député de Chicoutimi à nous faire part...

Une voix: Est-ce qu'on peut suspendre?

Le Président (M. Simard): Oui, nous allons suspendre quelques instants. Je vous en prie.

(Suspension de la séance à 20 h 59)

 

(Reprise à 21 h 17)

Remarques finales

Le Président (M. Simard): Nous reprenons donc nos travaux et nous en sommes à la phase des remarques finales, et j'invite en premier lieu le député de Chicoutimi et critique en matière de justice à nous faire part de ses remarques finales. M. le député.

M. Bédard: Nous sommes à l'étape des remarques finales, M. le Président?

Le Président (M. Simard): Je le croirais.

M. Bédard: Alors, je vais laisser au ministre le soin de terminer, évidemment. Donc, je vais reprendre les notes qui m'avaient été prises par celles qui m'accompagnent, au pluriel. Vous avez vu, aujourd'hui, d'ailleurs, j'ai été bien entouré lors de l'étude du projet de loi.

Le Président (M. Simard): Non, non, vous êtes toujours très accompagné, je vous reconnais bien, là, M. le député.

M. Turp: Quelle chance!

M. Bédard: J'ai eu la chance de bénéficier de trois recherchistes pour le même projet de loi, alors je les remercie de leurs bons soins, de leur pensée et en même temps de leur compétence.

M. Turp: Il est populaire. Il est populaire, notre porte-parole à la justice.

Une voix: Accessoirement, leur compétence.

Une voix: ...

M. Bédard: Exactement.

M. Turp: Il est capable.

M. Bédard: Et vous le savez, à quel point le travail de l'opposition est ingrat par sa nature. Même quand on fait de belles choses, on en a rarement les mérites, alors, au moins, je vais me permettre... le crédit plutôt, alors je vais au moins féliciter... Et, si, nous, nous l'avons peu, nos recherchistes l'ont encore moins, et vous savez qu'avec eux ça nous permet de faire du meilleur travail, d'autant plus quand on est en session intensive, avec les fonctions que nous avons à travers les...

Le Président (M. Simard): Les horaires.

M. Bédard: ...les horaires, voilà, en même temps avec la réalité du parti, donc ce qui fait que cet accompagnement est nécessaire. Donc, je tiens à les remercier, Sandra qui est en arrière, Catherine qui a participé...

Le Président (M. Simard): Mais notre vie de parti est si paisible, M. le député, que...

M. Bédard: Bien oui, mais... Ha, ha, ha! Et Mélanie qui est à mes côtés actuellement.

M. Turp: Elle le sera jusqu'au 15 novembre.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Je tiens à remercier mes collègues ? je le fais au début parce que des fois on l'oublie lorsque vient le temps de compléter; on est pris dans la mécanique, qui est importante, on le sait ? mais en même temps souligner le travail de mes collègues le député de Mercier et le député de Dubuc qui ont participé à chacune des étapes, 4, qui a été plutôt douloureuse, il faut le dire, 35, qui est maintenant le projet de loi actuel, et d'où leurs conseils. Vous savez à quel point ce sont d'éminents juristes, très méticuleux dans leur approche du travail, donc je les remercie.

Je tiens à remercier le ministre aussi de sa collaboration, du fait que... Je sais que j'ai été insistant quant au fait d'avoir des groupes qui viennent partager leurs commentaires avec nous sur le projet de loi, mais je le croyais nécessaire, et je pense qu'il peut convenir avec moi maintenant que les témoignages que nous avons eus, sauf exception, ont été dans l'ensemble fort pertinents et utiles à l'amélioration du projet de loi actuel et que ma voix, portée à d'autres, et peut-être la sienne, dans plusieurs des cas, vont faire en sorte de bonifier le projet de loi qui nous a été présenté.

n(21 h 20)n

Ces bonifications, vous l'avez compris, M. le Président, dans le cours de nos débats, vont porter, je le souhaite, sur l'évaluation, la déontologie, le processus de régionalisation, concernant la liste prévue à l'article 20, qui actuellement est enlevée, et je souhaite qu'on retrouve... Et je pense que le ministre a pu constater l'utilité de ces listes et le peu de frais que ça entraîne pour quiconque, et même que le fait de l'enlever risque justement d'occasionner plus de frais que d'autre chose et plus de complications. L'article 16 aussi du projet de loi, qui vise à retourner devant l'ordre administratif un dossier qui est judiciarisé ou quasi judiciarisé... Donc, je ne pense pas que cela est de nature à améliorer le processus quasi judiciaire, au contraire. Cela pourrait l'alourdir, compliquer la tâche de l'administré.

Il ne faut pas l'oublier, je pense que ce qui ressort de nos discussions, c'est: lorsqu'on est en justice administrative, les modifications visent à assurer la qualité de la justice mais surtout à rétablir le rapport de force. Parce que, l'administré face à l'administration, il est évident qu'il y a un déséquilibre. Dans la plupart des cas, sinon la presque totalité, c'est l'individu contre les organismes, qui, eux, ont, à grands frais, les moyens de se défendre. Donc, il faut s'assurer de cet équilibre. Bien qu'il ne peut être atteint, il faut tendre vers cet équilibre. Donc, c'est pour ça que, bien que ça semblait technique, je croyais que l'ajout de cet article pourrait s'en trouver... l'administré s'en trouverait désavantagé. Je crois que c'est le critère utile pour déterminer si on doit ou non adopter un tel amendement.

J'ai insisté aussi concernant la santé mentale. Malheureusement, le groupe n'a pas pu venir, M. le Président, mais je demande au ministre ? évidemment, il aura peu de temps ? mais de regarder cette question, si ce n'est pas maintenant, à court terme pour s'assurer que les préoccupations de l'Association en santé mentale... donc qu'il y ait une juste représentation des gens. Et ce n'est pas des milliers de dossiers, c'est quelques dossiers, quelques dizaines de dossiers, mais qui font en sorte que des gens, je pense, souffrent d'une mauvaise... ou de ne pas avoir de représentation. Je pense que ce qu'on avait proposé et ce que le député de Marguerite-D'Youville avait proposé à l'époque me semble rencontrer les conditions d'une saine administration de la justice.

La transmission des dossiers, j'ai proposé des éléments. J'espère que le ministre y réfléchira pour s'assurer que l'administration respecte ces délais. Quant aux membres de la CLP, il est évident que, dans le projet de loi actuel ? et on l'a constaté, on l'avait constaté avant, mais on l'a comme oublié dans le cadre des témoignages ? effectivement ils se trouvent exclus, là, pas de la décision mais de la nomination selon bonne conduite et de tout le processus de nomination, mais j'ai eu les assurances nécessaires à l'effet que le processus allait s'apparenter au processus de nomination des juges, donc avec un comité qui s'apparente, quant à la déclaration d'habilité... donc qui respecte, je pense, cette transparence nécessaire à la nomination de tels juges, surtout maintenant qu'ils sont nommés selon bonne conduite.

Restent aussi des questions plus techniques. Je pense qu'on a eu une démonstration un peu par l'absurde, là, que la modification sur les avocats radiés ne règle pas tout non plus, que certains vont avoir tendance à continuer à s'improviser dans ce domaine. Je crois que la solution n'est pas évidente mais qu'il faut continuer à réfléchir pour éviter que des gens qui sont sans moyens se trouvent à être exploités finalement de l'état de dépendance et en même temps, comme ils subissent souvent soit un accident de travail ou soit un accident automobile, donc qu'ils sont déjà éprouvés moralement et physiquement, qu'on empêche finalement certains individus de profiter de cet état pour mal les représenter, aux frais d'ailleurs du citoyen. Ça, ce n'est pas un idéal souhaitable. Donc, peut-être accorder plus de pouvoir aux tribunaux administratifs parce qu'il faut garder ce cadre-là léger et accessible, des tribunaux administratifs. Mais en même temps peut-être qu'il y a là matière à réflexion pour ajouter à la discrétion et à l'évaluation ou établir des listes. Et là je continue à réfléchir, je vous avouerais. Peut-être que j'aurai d'autres solutions à apporter au ministre dans le cadre de nos débats futurs.

Donc, on m'a demandé d'être assez court, alors je le serai, M. le Président. Je vous remercie évidemment de votre collaboration aussi, de votre patience. Trois fois avoir la chance d'entendre des groupes... Mais, il faut le dire, le projet de loi est modifié à chaque fois. Donc, je vous remercie des commentaires que vous apportez au fur et à mesure de nos débats. Aussi, aux autres membres de la commission, les employés et la direction du ministère de la Justice qui ont collaboré à améliorer le projet de loi... Alors, souhaitons que les commentaires que nous avons faits... Et je pense qu'il y a sûrement matière à trouver un terrain d'entente pour procéder le plus rapidement possible, parce que dans l'ensemble les mesures, lorsqu'elles seront bonifiées, je pense, serviront la justice administrative mais surtout ceux et celles qui y font appel, nos concitoyens et concitoyennes, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, M. le député de Chicoutimi. J'invite maintenant, pour ses remarques finales, le ministre à nous faire part de ses propos.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. D'abord, je voudrais évidemment remercier les groupes et les personnes qui se sont présentés devant la Commission des institutions. Je pense que ça a été une tournée qui a été productive et qui va permettre à certains égards de bonifier le projet de loi, et je suis toujours ouvert à ça. Je pense que je l'avais déjà mentionné d'ailleurs au député de Chicoutimi.

Je veux remercier évidemment tous les membres de la commission, mes collègues députés de Roberval, Groulx, Trois-Rivières, Hull, également le député de Montmorency qui est venu, la députée de Matane, qui est l'adjointe parlementaire, et également les membres de la commission du côté de l'opposition, le député de Dubuc, le député de Mercier et le député de Chicoutimi qui est le critique officiel de l'opposition en matière de justice.

Je veux aussi remercier, c'est bien sûr, le personnel du ministère de la Justice qui est présent: Me Dominique Langis, qui est sous-ministre associée à la Direction des affaires législatives et juridiques. C'est bien ça? Je ne veux pas me tromper. Il y a Me Gaston Pelletier qui était ici...

Une voix: Il est toujours ici.

M. Marcoux: Ah bon! Je ne le voyais pas. Et je lis qu'il a suivi le projet, je pense, depuis le début. Et Me Pierre Reid aussi et Hélène Ménard, de mon cabinet. Également, je veux remercier les membres, le personnel de la commission, remercier aussi les recherchistes de l'opposition pour le travail que vous faites et également l'assiduité avec laquelle vous êtes là.

Et, M. le Président, bien, évidemment, je connais bien votre compétence en matière de présidence de commission, mais, dans ce cas-ci, c'est comme si vous aviez en plus une connaissance approfondie du sujet. Alors, je comprends que les séances antérieures vous ont permis de bien comprendre le sujet et je pense que... donc on vous remercie de votre présidence, également le personnel des commissions qui sont avec nous, là, qui ont passé toute la journée avec nous.

M. le Président, quelques mots. Je ne penserais pas être très, très long. Je pense que ce que je vous mentionnais au point de départ... en deuxième lecture et, aujourd'hui, dans mes notes préliminaires, l'objectif du projet de loi, c'est de rendre la justice administrative plus accessible, plus efficace, plus indépendante également à ceux qui sont appelés à rendre la justice administrative ? donc, ce sont les objectifs que le projet de loi vise à mettre en oeuvre, donc une plus grande indépendance, de la part des personnes qui sont appelées à rendre cette justice administrative, parce que toujours c'est un citoyen versus l'État, et c'est bien sûr que le citoyen ne part pas avantagé par rapport à l'ampleur de l'État et souvent les moyens également; donc, on doit lui faciliter les choses, lui donner également toutes les garanties d'indépendance quand son cas est entendu ? deuxièmement, d'accélérer aussi le processus, et, à cet égard-là, les dispositions qui permettront à un citoyen, si l'organisme n'a pas rendu sa décision, en matière de révision, dans un délai de 90 jours, de pouvoir inscrire sa cause au Tribunal administratif vont permettre d'accélérer le processus.

n(21 h 30)n

Nous avons abordé toute la question du code de déontologie ? pour moi, c'est très important aussi; on pourra y revenir ? l'aspect de la formation qui est également essentiel, l'article 116, c'est-à-dire de retourner à l'organisme s'il y a un élément nouveau de preuve, l'aspect de la régionalisation dont nous avions déjà discuté, et je pense que le président du tribunal ainsi que le président de la Conférence des juges administratifs nous ont indiqué que c'est une orientation, qui est prise par le Tribunal administratif du Québec, qui se matérialise aussi par des meilleures collaborations, qui n'existaient pas, qui auraient sans doute dû exister ? mais ça, il faut tenter de changer les choses lorsqu'on le peut ? dont notamment avec la Commission des lésions professionnelles et aussi avec le ministère de la Justice quant à l'utilisation des palais de justice.

Le député de Chicoutimi a évoqué sa préoccupation pour les personnes dans le domaine de la santé mentale. Je suis également très sensible à ça et je vais la regarder. La question de l'élimination des avocats radiés, c'est un pas en avant, on pourra réfléchir un peu davantage à cet égard-là. Maintenant, je pense qu'au moins... Et peut-être ajouter les inhabiletés ou ceux qui ont des limites, là, compte tenu des commentaires qu'a faits la bâtonnière.

Alors, globalement, M. le Président, je pense qu'on a eu de bonnes discussions. Moi, je suis tout à fait ouvert à bonifier le projet de loi, je pense que tous les collègues également. Ce que je retiens, c'est que, comme tout projet de loi, ce n'est pas la perfection, je pense qu'on ne peut pas demander la perfection ? en tout cas, ce serait idéal à atteindre, et tant mieux ? mais c'est un pas en avant. Et ce que M. Prémont mentionnait, je pense ? je ne veux pas prendre ses paroles ? mais ce qu'il a dit, il dit: D'une part, c'est un grand pas en avant et c'est un grand moment en justice administrative. Alors, je pense que c'est un objectif que nous pouvons ensemble, comme membres de la commission, atteindre, et je souhaite évidemment que la discussion article par article soit des plus fructueuses et en arriver avec une bonification qui permettra à l'Assemblée nationale de pouvoir accomplir ce pas en avant pour la justice administrative. Merci.

Le Président (M. Simard): Merci, M. le ministre. Vous n'avez même pas précisé de délai temporel pour y arriver. Je vous ai trouvé une grande retenue.

Je veux à mon tour remercier les membres de la commission pour cette journée, particulièrement le vice-président, le député de Groulx, qui a passé tout l'après-midi... et qui régulièrement prend le relais comme ça, et qui le fait avec beaucoup de doigté. Je pense que tout le monde apprécie son travail. C'est une nouvelle recrue à la CI, et je pense que son travail est très apprécié. Je vous remercie. Nous allons ajourner sine die, puisqu'il faudra un nouvel ordre de la Chambre pour nous réunir. Merci infiniment.

(Fin de la séance à 21 h 33)


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